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Full text of "L'Art moderne [microform]"

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TABLE  DES  MATIÈRES 


\. 


CONTENUES  DANS  LA  DIXIÈME  ANNÉE  (1890)  DE  L'ART  MODERNE 


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ETUDES  ET  PORTRAITS 

F-iOngévilé  arlislique .     .     .' 

Un  nouveau  Moyen-ûge    ...     .- 

Notes  sur  riliade    .     .     .'     .     •■    •     •     •     ■     • 

Néophobes  ou  Mysoriéistes    .     .     .     .     .... 

Les  derniers  des  Mysonéisles-    . 

La  joie  du  livre  fait     .... 

Mélcmpsychose  do  romancier 

Prenez  vos  conclusions    .     .     . 

La  Belgique  jugée  par  Baudelairet  .     .     .     .     .     ,     .233, 

pROUDHON  et  la'Belgique,  pour  faire  suite  à  la  Belgique 
jugée  par  Baudelaire    .     .  ^.     .     .     ...     .  -  . 

Un  article  nçt  sur  Maeterlinck    .     .     .     ....     . 

Barl^ns  el  dislancés 

L'Evénement  Maeterlinck 

Admirateur  jusqu'à  l'imitation    .     .' 

Ecrivains  cl  journalistes 

Ce  que  vaut  la  littérature  belge 

Une  profession  de  foi  de  Camille  Lemonnier.     .     .     . 

Petites  chapelles 

Types  d'artistes 

Supplique  à  M.  Vanden  Pcereboom,  ministre  des  che- 
mins de  fer     .     .     ^   ..T ,.. 

Marine    .     .     .     .     .  •     •     •     •     •     •     •     •     • 

La  grande  Mystérieuse.     .     .     .     .     . 

Genck     .     , . 

Impressions  d'artibte  :  Au  Musée  de  Marseille      ... 

Id.  Nurcnribcrg.  —  Dresde.  —  Munich.     .     .     .77,  84,  92, 

La  sensation  artistique 

Evolution  adaptatrice 361, 

Eloquence  nouveau  siècle     ...,,..._.. 

Désillusions .     .     .     .     .  , _  .    -. 

Le  confortable  . ^     .     . 

Les  Marbres  du  Parllîénon ; 

Le  Théâtre  nouveau 

Le  Théâtre-Libre 97,469,177,185,. 

Le  Théâtre  vivant  .     ...     .     .   ,  .  ,    ■     .     •     .     .. 

Une  actrice  célèbre 

Jésus-Christ  en  Bavière 

Musique  russe  .- .     .    , 

Le  Café-Çonccrt     .     . . 

Un  optimiste  américain  (Emerson)  ....... 

Louis  Artan ......' 

john-Lewis  Brow^n     ..;........ 

Jules  Chéret .     .     .  ' 

Albert  Dubois-Pillet     .......... 

Auguste  Dupont    .     .         "    .     .     . 

Emerson 

César  Franck  .     .     .     . .  363, 

George  Minne 

HaNS  RlGHTER ''.      .... 

Paul  Signac 

Arthur  Stevens    .     .     .     .         .     .-    .  , 

Vincent  Van  Gogh      .     .     .     .     .    ■•     •     .     .     .     . 

Charles  Verl AT    ............ 

Villiers  DE  l'Isle  Adam  . .  59,67, 


275 
273 
281 
313 
309 
321 
315 
345 
289 
65 

241 

266 
257 
265 

19 
117 
385 
380 
401 
113 
355 
393 

33 
193 
353 
105 
268 
121 
337 
29  k. 
171 
379 
252 
270 
403 
217 
371 
307 
145 
284 
297 
243 
348 
137 


/ 


PEINTURE  ET  SCULPTURE 

La  mise  en  page    .     :     ...     .-    .     .     .     .   ' . 

Les  n(k)-impressionnisles.  —  Paul  Signac^ 

Les  afliches do  J.  Chéret   .....     ^    .  . 

A  propos  de  Félicien  Rops     .     .     .  .     . 

Le  mystère  de  la  rcsscnfiblance •   . 

A  propos  de  l'aquarelle  (correspondance) 


43 

284 

.     ."^     2*i2 

.     .     .  203 

148 

406 

Référendum  artistique 409 

Urie  œuvre  de  Vander  Stappen .  322 

Les  Tours  et  tourelles  hîsloriques  de  la  -Belgique,  par 
Jean  Baes.     .     .     .     .   -.  .   ■ .     .     ...  412 

Le  Musée  des  aris  décoratifs 235,  258 

Acquisitions  d'objets  d'art     .....     .     ...     .  57 

Récentes  acquisitions  du  Musée  de  peinture  .     .     .     .157,225 

r»c  nouveau  Rubens .     .     .     .  203 

Une.-commande  de  300,000  francs 166 

Le  nouveau  Musée  d'Anvers  .     .     .     .     .     .     .     .     .  229,  302 

Concours  de  l'Académie  d'Anvers. — Ateliers  libres.     .  235 

Musée  de  Marseille  :  Le  Jeune  homme  à  la  ganse  jaune  19 

Manel  au  Louvre    .     . '  .     .     .       46 

Fe«i  do.s',. pal*  Odilon  Redon 412 

Une  lettre  de  Théophile  Gautier  sur  les  peintres  fla- 
mands.  .'229 

■La  collection  Daupias  à  Lisbonne 155 

Commissions  officielles  (Incident  Rodin)   .  ,  .     .     .     .  261 

Les  Augures  (à  propos  du  Rembrandt  du  Pecq)  ...  78 

Collaboration  artistique  (id.).     .     ...     .     ....  140 

Que  deviennent  lesjiiUleaux? .  182 

Le  biUMac-KTntëyT    .  X,^   .     ...  .     .     .>         367 

Le  Salon  de  Bruxelles  .\m   .     .     .    -    ....  298 

Id.  Lc(coin  dos  négligés      .  '  .     .  330 

Id.  Acquisitions 372, 

Id.  Le  Salon  défunt  ..>•..,       369 

Id.  Recettes  du  Salon     ....  375 

Le  Salon  de  \%%,  par  Y.  \\:kge\ .,321 

Exposition  des  XX 25 

Id.  Acquisitions.     .     .     ...     ,     .      57,71 

Id.  Recettes  de  l'Exposition   ....  71 

Exposition  des  Portraits  de  Maîtres  du  siècle  ."  .     .     .  8f 

Exposition  de  rJÇ'^so?' 153 

Id.         du  Cercle  des  Femines  peintres    ....  196,  207 

...  395 


Id.        des  Aquarellistes     .     .* 

Expositions  du  Cercle  artistique  :  cii\)0slhC)nCr3ihcels  .  39 

.Id.          Meunier •    *  ^^ 

Id.          Chappel-Kuslohs      ........  174 

Id.          Vander  Hecht '  .     .     .  381 

Id.     '     Coenraets,  Van  Ûvcrbcko,  liagcmans     .     .  391 

Exposition  Wytsman  .......  V^  .     ...  404 

Id.         F.  Régamcy,  à  Anvers    .     .     .     .     .     .•    .  ^    -  167. 

Salon  DU  Champ  DE  Mars.     .........  161 

Au  Salon  DE  Paris.  Le  nu  est  mort     .     .     .              .  213 

Péladan  au  Salon.  La  décadence  esthétique    •.     .     .  189 

Les  médailles  du  Salon     .     .     .     ....     .     .     .  .    181 

E\i)os'n\on  des  Artistes  indépendants .•  '      100 

Le  Salon  libre  .     .' /......  227 

Exposition  des  peintres-graveurs ,   .111,151 


V 


:   y 


Exposition  de  V American  Charilable  Associalion    .     .'  374 

Id.         Raffaëlli     .    '.     .     .     .     .     .     *     .     .     .  179 

Id.         Pissarro     .     .     .     . 87 

Id.         Roy  bel.    ..           .     ;     .     .     .     .    ■,.     .     .  213 

I.  An  tM)  Anglelorre  depuis  1880,     ;  "  .-^  .     ."  .     .     .  "■■102 

E\\)()?>\\.\onéc  Va  Roxjnl  Academy    ..........  172 

\a\  GTOsvenor&[,\diNciv-Gallenj    ....     .     .•    .  187 

7'l.ie  Corpomlion  Art  Gallery  .     .     .■.•..     .     .  194 

La  Peinture  anglàUe,  par  Georges  YdvàAxdi'mne     .  20 

Exposition  des  maîtres  anciens  à  La  Ilayc.     .     . ,   ;     .  159 

Nécrologie  :  Artz .     .     .     .-    .  374 

Id.     J.-L.  Brown •.  .        379 

Id..    A.  DuiJois-PiJXET.     .     .     .       •■. ...     .     .     .       •    270 

,  Id.     JLi.Es  Gauniek      ....•..'.....  7 

Id.     Vincent  Van  Gogh    .     .     .     .'     .     ....  243 

Id.  ."Charles  Verlat .  348 

Vente  CarvaUio '183 

-  Id.     Crahbe.     .............  190 

,  Id.     Êlkan    .......; *       191  ' 

-  Id.     des  portraits  de  Landseer    .     .  .     . 

Id.     Mav.     .     .     .     .     .     ...     .     .'  .     .     .     .  207 

Id.     Pofto-Riclic     .     .     ...     .     .     .     .     .     .  175 

Id.     des  œuvres  de  Félicien  Rops    .     .     .     .     .     .  1.98 

Id.     de  la  collection  du  duc  de  Somerset  ....  .2-15 

RCcapitulalion  .des  ventes  Seillièrc,Piol,  Mav,  Rotlian, 

.  d'Armaillé,  Crabbe  .     ....-..'...,  223 

Mcmenio  des  expositions      22,  38,  70,  94',  150,  198,  230,  238,* 

295,  310,  366,  382,  398 


ARCHITECTURE 

Les  Palais  de  l'Exposition  de  Paris.     .     ...     .     .     .  11 

Le  lliéùtrc  de  la  Bourse 44 

L'Eden  ol  le  théâtre  de  la  Bourse     ..'.....  -125 

L'Hôlel-de-Ville  de  Borgerhoul 204 

Le  Steen  d'Anvers  cl  sa  restauration.    .     .'.     .     .     .  214 

L'Arcliiieciurc  au  Salon  de  Bruxelles   ....     .     .  317 

Le  concours  pour  une  nouvelle  Ecole  moyenne  ...  205 

L'Exposition  d'arcliiiecture  à  Liège.     .     .     .     .     .     .  166 

Société  centrale  d'architecture.  —  Fête  anniversaire     •  45 

Construction  d'un  Hôtel  des  Postes  à  Lisbonne  .     .     .  '47 

L'incendie  de  la  cathédrale  de  Sienne 339 

-^es  architectes  de  l'église  collégiale  dé  Sain  le- Wandnt 

À  M(;?i5,  par  J.  Hubert,    t    .     .     .     .     ."^.7.  135 


LITTÉRATURE 

Conférence   de   Stéphane  Mallarmé  sur  Villiers  de 

risle-Adam 53, 59,  67 

Confessions  de  poètes  (Maurice  Maeterlinck,  Ch.  Van 

Lerbeuohe,  Emile  Verhaeren) 61,  68,  76 

Profession  de  foi  de  Camille  Lemonmer  .....  345 

Confiance  en  soi-même,  traduction  inédile  d'EMERSON, 

par  une  Inconnue     ..    .     .     243,252,260,276,283,293,300 

Emile  A-MIEL.  —  Erasme. 244. 

[André  Antoine].  —  Le  Théâtre-Libre  .     .   169, 177, 185,  193 
Léon  Bi.oy.  —  Christophe  Colomb  devant  les  Taureaux  349 

Ernest  lîosiERS.  —  L^!  Vieille  fille.     ......  149 

II).  —  Les  Fraises 365 

H.  Carton  de  Wiaht.  —  Vieille,  très  vieille  histoire    .  365 

Léon  Cladèl.  —  Urbains  et  ruraux    .     .     .     .     .     .  357 

I)ou^vES  Dekker  (Multatuli).  —  Brieven  van  Muliatuli.  262 

Guillaume  Degreek.  —  Leçon  d'ouverture  du  cours  de 

Méthodologie  des  Sciences  sociales 4 

Auguste  Delbeke. — Les  Synergues   .     .     .     .     ...         342 

Louis  Oelmer. — L'Esclave.     .     .     .     .     .     .     .     .  149 

Eugène  Demolder.  —  Impressions  d'art  .     ....  83 

Célestin  Demblon.  —  Liège,  passé  et  futur  ....  60 

Olivier  Dessa.  —  Les  Aventures  de  Jean  d' Nivelles,  et 

fils  dé  s' père 140 


Albert  Dubois  et  Louis  Navez.  —  Guide  pratique  du 

promeneur  aux  ejivirons  de  Bruxelles  .  ■  .     .     .     '. 
Charles  Dumercy. — Paradoxes  d'un  bibliophile     . 

Louis  DuMUR.  — /4/^er/ .     . 

Georges   Eekhoud.    —    La    Nouvelle  Carthage  (Les 

Emiirranis. —  Contumace).     ........ 

Franz  Foulon.  —  Poèmes  fiavmnds  et  pçésies  diverses 
Alfred    Franklin.    —   La     Vie    privée    d'autrefois 

(L'hygiène)    ,     .     .     .     .     .     .     .    '.     .     .     .     . 

Arnold  Gofitn.  — Maxime.  .  .  .    '.     .     .     .     . 

Charles  Gommaire^  —  Les  monuments  mégalithiques 

de  SolWaster.     .     . 

Edmond  de  Concourt.  —  Mademoiselle  Clairon,  d'après 

ses   correspondances  et  les  rapports  de  police  du 

temps 

Jean  Gougnard.  —  Huy  pittoresque  (avec  une  préface 

de  M.  Edmond  Picard) 

Emile  Greyson.  —  Hier  et  aujourd'hui 

M.  Harroy.  ' — Les  Cromleais  et  Dolmens  de  Belgique. 
Charles  IIeniÏy.  —  Loi  générale  des  réactions  psycho- 
motrices ~.     .     .     .     .    .^.     .     •     .    i.  . .     . 

'J.-K.  HuYSMANS.  —  La  Biévre  ..-..'... 
Jacques  Isnardon.  —  Le  théâtre  de  la  Monnaie  depuis 

sa  fondation  jusqu'à  nos  jours     .     .     .     .     ^     .     . 

31.  kuKFERATH.  —  Parsifal  (drame,  légende,  partition) 
Jules  Laforgue.  —  Les  derniers  vers.     .     ....     . 

Maurice  Leblanc  —  Des  couples!    .     .     .     .     .     . 

Jules  Leclercq.  —  Du  Caucase  aux  monts  Alaï  .  . 
Charles  Le  Goffic.  —  Les  romanciers  d'aujourdhui. 
Camille  Lemonnier. — Le  Possédé    .     .     .     .    ,h     . 

A.  hExoT^]"'").  —  Emerson 

y-B.UxGRË.'—lLT-C.Houzeau    .     .     :     .     .     .     . 

Maurice  Maeterlinck. — Les  Aveugles  .     ...     .     . 

Stéphane  Mallarmé.   —  Conférence  sur   Villiers  de 

Vlsle-Adam  ..     .     .     \ 

Henry  Maubel.  —  Miette .     ;     . 

Id.  Max  Waller     ....... 

Louise  Michel.  —  Le  claque-dents .     ...  .'   . 

Milmaur.  ^ — Fin  d^  siècle 

E.MiNîiAEKT.  —  Au  Caire  .     .     .  .     ...     . 

Eugène  Monsen. —  Coups  d'éperon.     ...... 

J.  Péladan.  —  La  Décadence  esthétique  (Salon  de  1890) 

VicTORiô  PicA.  —  AlVavanguardia . 

PisEMSKY.  —  Théâtre 

Francis  PoicïeviN.  —  Double    ■     .     .     .     .     .     .     . 

Hugues  Rebelle. — Athlètes  et  psychologues     .     .     . 
Henri  de  Régnier.,  —  Poèmes  anciens  et  romanesques. 
Adrien  Rema'cle.  —  L'Absente.     ....... 

Jean  Robie. — Noies  d'un  frileux..     .     .'.     .     .     . 

Samuel  Rocheblave.  —  Essai  sur  le  comte  de  Caylus. 
J.-H.  Rosny.  —  Le  Termite.     .     .     .     .     .     .     .     . 

G.  Verdavainne. — La  peinture  anglaise.     ...     .     . 

D'' Schoenfeld. — 'L'Art  arabe  en  Espagne.     .     .     . 

Emile  Sigogne.  —  Essais  de  philosophie  et  de  littérature 
TcHENG-Ki-ToNG. —  Le  Eomqn  de  l'iiomme  jaune.     .     . 
Léon  Tolstoï. — La  Sonate  à  Kreutzer .     .     .     .-   . 

l)^' EmiEVxhE'sim.— Escales  et  abordages' .     .     . 
FiRMiN  Vanden  Bosch.  —  Autour  du  Journal  des  Gon- 
\ ■  court  . 

'    "^      Id.  .       Un  mort  d'hier:  MaxWaller 

James  Vandrunen.  —  A  l'aventure  (carnets  de  route)  . 
Emile  Verhaeren.  —  Au  bord  de  la  route     .... 

Villiers  DE  l'Isle-Adam. — Axel . 

Charles  Viremaitre.  —  Paris-Médaillé 

Id.  Paris-Cocu  . 

A  propos  du  livre  de  Viremaitre.     ...     .     .     .     . 

J.tMc.-Neill  Whistler.  —  The  gentle  Art  of  making 
.  Enemies  .     .     .     .     :     .     .,.'••     .     .     .     .  ;  . 

Emile  Zola.  -^  La  Bête  humaine  .  _  .     .     

Le  catalogue  du  jardin  de  Jean  Hermans  ....     . 
Livres  d'étrennes  (Bibliothèque  Hetzei)     .     .     .     .     . 

Id.  (Publications  Hachette)     .     .   -.  .     .     , 


133 
341 
'364 

3 

389 

113 
324 

Ho 


105. 


133 

158 

12,  134 

228 
329 


164 
331 
377 
391 
140 
149 
201 
291 
446 
248 


342 
324 
357 
333 
110 
20,  410 

92 
189 

36 
226 

35 
228. 
123 

91 
340 
211 

73 

20 
188 
205 
365 
305 
390 

205 
'  357 
204 
357 
137 
163 
'-  Il 
2{ 

263 
129 
91 
405 
413 


> 


Annuaire  du  Caveau  Verviétois     ...  ...  .  2(i2 

La  conférence  du  Livre    ...          120 

Exposition  de  la  librairie  à  Anvers  ,     .  .  '•.     .  2S5 

BijDliolhè^ue  Renier  Clialon '  .  ".     .     .327,333 

Conférences  de  M.  Emile  Sigogne    .     .    ,  .^  .  ..     . 

Conférence  de  M.  le  chevalier  Hynderick  .  . 

Conférence  de  M.  Charles  Tardieu  .     .  .  ;', 

Vente  d'autographes  à  Londres .     .     ;     .  .  .     . 

Nécrologie  :  Gaston  Dubedat     .     :     ,     .  ■  •   . . 


^ 


MUSIQUE 

Musique  russe  .     .  •    •     .     .     .     .     .     .     .  -   .     , 

La  partition  de  Ftd(?/îo    .     .     .     .."..•... 

Prtrsi'/fl/doJlichard  Wagner,  par  Maurice  Kufferath. 
CoNSERVATmRiE  DE  Drl'xefxes.  ^-Troisième  concert  (les 

Ruinés  cV  A  ihcnei:) .' 

Quatrième- concert  [Orphée).'     ..  ^  .     .     

lu.  Association  des  professeurs  d'instruments  à  vent.  — 

Musique  de  chambre.  Saison  1889-90  .     .     .     .37, 

,     Id.     1890-91.     .... 

iD.  Concours  . .*^   197,205,214, 

Id.  Disiribution  des  prix '.     .     .•  . 

Id.  Une  allocution  de  M.  Gevacrt  (Premier  concert  de 

.  1890-91) . 

Concerts  populaires.  —  Deuxième  concert  (Musique 

belge. — Edg.  Tinel,  E.  Mathieu)    .     .     ...     .     . 

Id.  Troisième    concert    (Musique    russe.   —    Rymsky- 

Korsakoff)  .     .     .     .     .     .     .     •     •     •     •     •     • 

Id.  Quatrième  concert  (Musique  allera^de.  ■—  Hans 

RiCHTEft)  . 

Les  Concerts  populaires . 

La  question  des  Concerts  populaires 

Association  des  Artistes-Musiciens 

Séances  musicales  des  XJC  —  Première  matinée^  (Mu- 
sique belge)  .     .     .     .     .     .     •  ■  .     .     .     .     .     . 

Id.  Deuxième  matinée  (Musiquc4rançaise).     •.     .     .     . 

Id.  Troisième  matinée        •    id^^.  .     .     .     .     . 

Concerts  classiques  .     .     .    -.     .     .     .     .     .   -365, 

Ecole  de  musique  de  Saint-Josse.  —  Concert  annuel     . 

Concerts  Lamoureuxr  . , 

.  Conchxi  du  Club  symphonique    .     .     .     .     .     .     .     . 

Société  de  musique  de  chambre  de  Bruxelles  .     .     .     . 

Concerts  du  Waux-ifall    .     .     .     .     .     .     .     ,     .    •. 

Concert  llouschling     .     . 

Conservatoire  de  Lif.ce.  —  Concerts  .     ...      30, 

Nouveaux  Concerts  liégeois. .37,93 

Concert  Strakosch  h  Liège ,    . 

Concert  L'amoureux  à  Liège 

^~TkoLE  de  musique  de  Verviers.  —  Concert  annuel  .     . 
EfOLE  de  musique  de  Mons.  —  Concert  annuel  .     . 

Concerl  de  \a  Société  de  inusique  de  Uons 

Rulh,  de  César  Franck,  à  Tournai 

Les  vieilles  chansons  à  la  Scala  d'Anvers  .     .     .     .  ♦  . 

Soirée  musicale  chez  M.  WOrUters  à  Anvers     :     .     ... 

Société  NAtiONALE  de  musique  de  Paris.  — Concerts  . 

5,30,70,86,111,125,134, 
Edw.  Grieg  chez  Colonne.     .....,,... 

T'mtow,  e^/i'ew/^  chez  M^'-'lIcllman     .     .     .^.     .     . 
Ml'*  Dyna  Bcumcr  à  Marseille.     .     .     .     .     .     .    ".     . 

M.  Eusebio  Daniel  à  Barcelone  ; 

Jubilé  d'Antoine  Rubinstein. 

Muséed'instrumcnts  de  musique  à  Berlin  .     .     .     . 
Bibliographie  musicale     .     .6,31,38,79,118,174, 

Nécrologie.  —  César  Franck 

Id.    °         Auguste  Dupont 

.  Id.  Le  luthier  OsTAP  Véressaï    .     .     ,     . 


2? 

,  69 

.39 

414 

2.55 

164 

121 

7 

331 

78 

108 

134, 

155 

382, 

407 

222, 

238 

365, 

373 

9 


414 


122 

145 

363 

379,  391 

134 

37 

45 

54,  62 

381,407 

4 

347 

94 

399 

199 

45 

108,  373 

,69,  396 

341 

â58 

125 

414 

157 

157 

79 

391 

142,  \m 

4 

«7 

374 

359 

15 

247 

206,  215 

363,  371 

403 

183 


THÉÂTRE 


Le  Théâtre  Nouveau 
Le  ThéAtre  Libre  . 


33 
97 


LeThéAtre  Vivant  .     .....     .'    .     ,     .     .     .     .  353 

Le  ThéûtnLibre  (analyse  de  la  brochure  de  M.  Antoine)  169, 

177,  185,  193 

La  pantomime  .....' .  141 

La  mise  en  scène  sous- Shakespeare.  (T.  de  Wyzewa):    .     •■     388 

Id.  (correspondance) .  395 

Le  ThrAtre  d&'fmïmsky  .     .     .     .     .     .    \    '.     .     .  226 

Correspondance  d'artiste  :  Les  représentations  wagné-  ^ 

rivnnes  en  Allemaigne  (Dresde,  Munich) 92,  117 

Les  représentations  d'Oberànimergau  .  .  .'  .  ...  183,268 
Les  rcprésenlalinns  wagnérionnes  en  Allemagne  .  .  .  23,151 
Théâtre  de  la  Monnaie.  —  Le  théâtre  de  la  Monnaie 

depuis  sa  fondation  jusqu''à  nos  jours,  par  Jacques    ;  • 

Isnardon 164 

Règlement  de  1781  pour  le  maintien  delà  police  et 

du  bon  ordre .     .     '      .  "'  .  164 

Articles  additionnels  à  ce  règlement.     .     .                .  173 

■     Le  théâtre  de  la  Monnaie  en'l827.    .     .     .     .-.".'         13 

Saison  1889-90  :fSalammbÔ  .........  41 

La  partition  de  iSrt/^mmZ^tî.     .     .     — ^    t-  •.     .' "   .  51 
La  mise  en  scène  de  Salammbô'  ....     52  (V.  aussi  p.  7) 

La  mise  en  scène  de  Salammbô,  par  M.  P.  Saintenoy.  .        111 

M""-"  Rose  Caron  dans  Salammbô .      '       49 

Le  Songe, d'une  Nuit  d'été  (re'pnsc) 78i 

Le  Vaisseau- Fantôme  i^xd.) 89 

Carmen  {\d.).     .     .     .     . '  .     .  126 

Le  Demi-Monde.    .     .     .     .     .     .  "  .     .     ...  108 

Saison  1890-91  :  Tableau  de  la  troupe  .     .     .     .     .  271 

Roméo  et  Juliette  (reprise). '  323 

La  Basoche  .     .     .  -.     .     ....    394  (V. -aussi  p.  196) 

M""  Richard  dans  la  Favorite     .......    / — -4'14  ' 

Théâtre  du  Pahc.  —  Représentations  du  Théâtre-Libre  : 

L'Ecole  des  veufs,  par  Georges  Ançey  .     .     .     .     .      27,  98 

'    i?o/rt?ide,  par  L.  de  Gramont  .     .     .     .     .     ...  28 

-En  Z)e7re5se,  par  Georges  Ancey .  28 

.L'Amante'du  Christ,  par  R.  Darzens  ....     .  28 

Le  Maître,  par  iean  iMïcn  ........  97 

Les  Inséparables,  par  Georges  Ancey   ..'...•       98 

Monsieur  Lamblin,  par  Georges  Ancey 99 

Deux  Tourtereaux,  par  P.  Ginisty  et  Guérin  .  100 

Les  frères  Zemganno,  par  E.  de  Concourt.     .     .     .  100 

Id.     —  Représentations  de  M.  Candeilh  : 

Belle- Maman,  \)îiv  y. 'èdivdoxii.    .     ■.     .     .     .     .     .  33 

FcM  yoHpMîd,  par  A.  Bisson.     .     .     .     ...     .  126 

L' Ami  des  Femmes ,  [YAT  S .  Dumas 310 

iI/o?î5ieHr-.fîe/sî/,.  par  P.  Alexis  et  0.  Méténier.    .     .  365 

La   Vie  à  deux,  pur  UM.   Bocage  et  De  Courcy     .  387 

Théâtre  des  Galeries  de  Saint-Hubert. —  La  Policière  45 

La  Fermière. 6.2 

L  A  r  lé  sienne 101 

Cendrillonnette .     .     .     . ":     .  118 

Fatiniiza.     .     :     .          .........  319 

Le  Petit  Faust ,    357 

La  Grande  Duchesse  de  Gérolstein.  ■  .     .     .     .     .  -407 

Théâtre  Molière.  —  A^«n«  .     ........  55 

La  Famille  Benoiton 101 

Cartouche     .     .     .  "' ■ 118 

Les  Microbes.    .     .     .     .     .     ......     .     .  .  •   132 

■'L'Esclave '...,..  149 

Lucrèce  Dorgia 155 

Vingt  ans  après 197 

Le  prisonnier  de  la  Bastille 213 

La  Fille  de  Roland.    .     .....     .     .    ..     .     .  •\358 

La  Dame  aux  Camélias :     .     .     .     366 

L'Enfant  prodigue  (ytpiTûomimc).     ...'...  372 
Théâtre  de  l'Alhambra.  —  Direction  Durieux  : 

L'Etudiant  pauvre.     .     .     .     .     .     .     .     ....  38 

Surcouf  , ■  .     .     .     •     •     •     •     .  85 

■  Boccace   ............     \     .  118 

Direction  Rose  Desnoyer  : 

Patrie! ."    .     .     .     .;  ' .     .     .     .  370' 

Le  Petit  Jacques    .     .     .     .     .     .     .     .     .     .    ■ .  398 


.-^ 


r 


418 


TABLE  DES  MA  TIÈfiES- 


A'LCAZÀR.  —  Èriixelies  Haul-Cango,  part.  Malperluis- 
Concours  dramaliquc  à  Liège      .     ...     .     .  '^    ■     • 

Au  Ilideau  !     .      .      .      .     .  ... 

ïiiKATUE  Néerlandais  d'Anvers  . \ 

Théâtre  LibrL*.  -a  Monsieur,  Bu  le,  par  M.  Biollaye    •. 
■L'Amanl  de  sa  femme,  par  M.  Sclioll    .     .     .     ..    . 

'  La  Belle  opèralion,\)2iV  ^\.'&Q.vm(i{  .    '  .'■    .  '  .    , .     . 
L'Honnein',]n\y  M.  \\Gnr\rVt\rc.     .     ...     .     . 

Les  Revenants  d'Ibsen  au  f  liéàlre  Libre  ...     .     . 

La  Princease  Maleine  au  Théûtre  Libre 

Théâtre  Libre  de  Bruxelles.  —  Jovial,  marchand  de 
cercueils  .     .     .     .     .     .     .     .     ...     .     .     . 

Opéra-Comique  de  Paris.  —  La  Basoche.     ...     . 

-Le  ihéàlre  de  Worms .     . 

Cléopâtre  de  V.  Sardou  . ,   .     ■'.■•■     ..]... 
Wagner  à  Berlin    .     .     ...    ' .     .  .  -. 

Id.     à  Paris.     .     :  ■  .;    .    •-:  "  .     .      .  '   J    ..     . 
Lohengrin  h  Genè\(t   ...     .     .  ..•    .     .     . 

Id.        à  Lisbonne     .     .  .     .     .... 

Id.        à  Carlsruhc    .     .     .     .     .     .     .     .     . 

200*^  ropi-éseulalion  de  Lohengrin  à  Berlin    .     ... 

Les^aUris-Chanleurs^W\\dn.     .     ...     .  '.     . 

Le  l(^'hor  Gayarre  à.  Madrid    .     .     .     .     .    «.     .     .    t 

.M.  Cossird  k -Bordeaiîx     .     .     ...     .     . 

M.  Frc^déricBoycr  h  Bordeaux    ...  .    '.     . 

M.  Seguin  à  Bordeaux.     .     .  •  .     .     .     .^  . . 

M"«  Lœwoiisohn  à.Paris ,     .  ^ .     •.     .     .     .     .     . 

M.  Ernest  Van  Dycii  à  Vienne     .     .     .     .     ...     . 

M.  Verdliurl  à  Paris     .     .     ,     .     ....     .     . 

Négrologie.  —  Victor  Bernard    .     .     .     ...     . 

Id.  Jeanne  Samar Y- 


351 
175- 

150 
;573 
387' 
387 
387 
356 
d79 
366 


/ 


4 
196 

43 

343 

237 

245 

7- 

.103 

303 

303 

■  7 

15,  207 

359 

15 
343 
367 
391 
350 
239 
303 


ARTICLES  DIVERS 

Le  Triomphe  de  la  Folie  ...     .     .     .     .     .     .     ;  308 

Critique  iillëraire  belge   .....    \"\          .     \  325 

Litiéralure-réclamc    ' ,     .     .     .  397 

L'crlhographc  .     ....     .     .     ...     .     .     .  332 

E\.di\.  c'wW  Ae  la  Jeune  Belgique  .     .     .     .     ....  381 

L'arien  Belgique    .     .    -  ..   .......  325 

La  fécondité  des  maîtres ^     .  22 

L'interview  ....;.     .-  - 13 

Albert  Wellï"  embêté  par  Antoine    .               .     .     .     .  180,190 

Siruggle  for  Médaillles 181 

Artistes  cl  marchands.     .     .     .     .           .     .     .     .     .  254 

Conseils  aux  collectionneurs.  quF  fréquentenl   l'Hôlel 

Drouot 277 

Une  lettre  de  M.  Georges  Lemmen  .......  173 

Société  d'archéologie.  —  Séances  générales  ....  22,  246 

Petite  chronique  7,  14,  22,  31,  39,  47,  55,'  63,  71,  79,  87,  95, 
103, 110,  119,  127,  135^,142,  151,  158,  167,  175,  183, 


191,  199,  207,  215,  223,  231,  ^39,  246,  254,  263   270 
279,  287,  295,  303,  311,  319,  326,  334,  342,  35o'  358 
367,374,383,390,398,406,413:  '        ' 

NÉGR01.0GIE,  —  Edouard  De  Wlnter  ....    \     :   ..  431 

11).  Victor  De  Smeth  .     ...  .     .    '.  334 

-     Id.  F.  Ewerbeok    .     .     .     .    -.     .     .\  . 

CHRONIQUE  JUDICIAIRE  DES  ARTS 


ce 


La  littérature  au  Palais.  Discours  prononcé  par  M.  le 
procureur  général  Van  Schoor 

La  propriété  artistique  aii  temps  de  Weber    .     . 

Une  campagne  contre  le  droit  d'auteur  •  .     .     . 

A  propos  de  La  Tosca.  (Sardou  c.  Gil  Blas).     . 

Van  Beers  c.  Sedelmayer.   '.     .     ,     .     .     . 

L'auteur  d'un  poème  peut-il  se  refuser  à  tirer  (l( 
dernier  un  livret  d'opéra?  (Sommer  c.  Wolfl). 

Basse  ou  baryton?  (Kieferx;-  Arnim  von  Bôhme). 

Slal-ues  contrefaites.  (M.  P.  c.  Gonella  et  Gasparini). 

Un  hax  Angélus   .     .     .     .    ' '. 

Artiste  et  critique.  (Terris  c.  The  Sunday  Times) 

La  Gavotte  Stéphanie.  (Czibulka  c.  Froehli^) 

Le  geni;e  et  l'emploi.  (M""^  Madeleine  Max  c.'^  Baliier)    .  150, 
-La  maison  de  V.icU)r  Hugo.  (Barrée.  Roche  et  Goudchaux) 

Faux  tableaux  de  Bastien-Lepage    .     .-    ; 

Peut-on    reproduire    sans   autorisation   les   traits   de 
quclc,..'un?    .     .     . ; 

Librairieei  orthodoxie.  (Taché  c.  Cadieux  et  Derome). 

L'affaire  Goufféou  la  malle  sanglante.  (Eyraud  c.  Demo- 
lins  et  Pompéi)  .     .     .     .     .     .     .   ".     .     .     .     .214, 

Commission  sur  les  engagements  de  théâtre  .     .     . 

Partitions   manuscrites.  'Contrefaçon.  (Editeurs  c.   Vi- 
lanou). 

Vente  d'éditions    musicales    prohibées    en    Belgique. 
(Breitkopff  et  Hârtel'c.  Scholl  frères)     .     ...     . 

Bronzes  contrefaits.  (Paul-  Dubois  c.  Pierre  Dubois  et 
Battendier)    .     .     .     .     .     ...     .     .     .     .     . 

Benvenuto  Céllini.  (Lilolff  c.  Choudéns)  ..... 

A  Monaco.  (Siecchi  c.  Société  des  Bains  de  mer)     .     . 

Marat  dans  sa  baignoire.  (Terme  c.  Durand.-Ruel)   .     . 

Encore  le  Rembrandt  du  Pccq.  (Bernard  c.  Bourgeois) . 

Schurmann  c.  Paulus.     .     .     .     .     .     .     .     .    >.     .   - 

Affièhes  de  théûtre.  Vedette.  (M">e  Gayet  c.  Coppée)  .     . 

M., Gounod  en' justice.  ^.     .........     . 

Jeanne  de  Oinain.  (De  Gangler  ç.  Meycr).     .... 

Tableau  détruit  dans  un  incendie.   Fixation    de   l'in- 
demnité. (Zmurko  c.  la  Foncière)     .     ...     .     . 

Les  œuvres  de  César  Franck.  {S''  C.  Franck  c.  Verduhrt) 

Madame  Bovary .  (Commanville  c.  Théûtre  indépendant) 

Un  mari  dans   les  coulisses.  (De   Ladrière  c.    Grand 
Théâtre  de  Lyon)     ........... 

-      .-,  .     7 


317 
,?47 
311 
-  5 

J4 

63 
110 
119 
150 
18.2. 
183 
198 
206 
214 

214  ^ 

222 

230 
230 

230 

246 

255 
262 
270 
278 
286 
294 

294  V 

325 

342 

342 

382 
397 

398 


BruxeUes.  —  Ijnp.  V<  MoNNOtf,  32,  rue  de  l'Industrie. 


Dixième  JA.NNÉE.  —  N"  1, 


Li;    MMKKO     :    25    CK.NÏIMICS. 


DiMANciiK  5-  Ja.nVikr  1890. 


PARAISSANT    hK     DIMANCHE 


/ 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Goiâité  de  rédaction  :  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS   :    Belgique,    un    an,    fr.    10.00  ;T;niou    ])o.stalo,    fr.    13.00.    —ANNONCES    :    On    traUc    à    forfait. 


Adresse)'  toutes  les  communications  à  i  . 

l'administration  gknkrale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  26,  Bruxelles. 


5 


? 


OMMAIRE 


Longévité  autistique.  —  Georgks  I^ekhoud.  La  Nouvelle  Cuv- 
thagc.  —  Université  de  Bruxelles.  —  Au  Théâtre  Liiîre  ue 
Bruxelles.  —  Notes  de  musique.  ~  L)ù.  concerts  parisiens.  — 
Société  nation.vle  de  musique    ■ — CIiiuonique  .lUDidiAïuH  des  ,\urs. 

BlliLIOGRAl'llIK  MUSICALE.    —   PeTITE  CHRONIQUE. 


LONGÉVITÉ  ARTISTIQUE 


u 


De  plus  en  plus  vite,  en  notre  race  européenne  'com- 
bien stagnantes  restent  les  autres!},  vont  les  transfor- 
mations. Sa  giration  s'accélère.  A  peine  une  nouveauté 
surgit-elle,  que  déjà  elle  s'atténue  et  fond  sous  l'action 
d'une  caducité  précoce.  Et  ce  n'est  pas,  pour  l'ensemble 
de  notre  civilisation  étrange,  arrêt  ou  décadence. 
Pareille  pensée  ne  peut  venir  qu'à  ceux  qui,  obsti- 
nément, fixent  les  yeux  sur  un  point  de  cette  kaléi- 
doscopie  immense  et  ne  voient  alors  que  le  dépérisse- 
ment d'un  détail,  unité  fragile  et  minuscule.  Pour  ceux, 
au  contraire,  qui  embrassent  dans  tout  son  horizon 
l'effervescence  moderne,  prodigieuse,  à  toute  bulle  qui 
s'évapore,  en  succède  une  autre,  inépuisablement,,  Et  le 
tÔiit  va,  va,*en  une  déconcertante  activité,  vers  uii  but 
invisible  par  une  série  de  transformations  vertigineuses. 
En  aucun  temps  les  événements  ne  se  sont  ainsi  pous- 
sés, bousculés,  non  pas  les  grands,  les  lourds  événe- 


•  ments  dits  «  historiques  ",  mais  la  multitude  des  choses 
en  quelque  sorte  cellulaires,  inventions,  découvertes, 

•systèmes,  théories,  écoles,  procédés  dont  est  fait  le  tissu 
de  l'existence  humanitaire.  Invinciblement,  à  ce  spec- 
tacle, dans  le  brouillard  de  l'imagination  apparaissent 
en  fantômes,  toutes  sortes  de  comparaisons  vagues 
prises  à  la  vie  mécanique  des  machines,  aux  rotations 
des  volants,  au  tournoiement  des  turbines,  au  va  et  vient 
fou  des  bielles,  à  l'emportement  des  trains,  avec  le  grand 
murmure  des  rouages  précipitant  leur  vie  bruyante, 
ininterrompue,  planant  sur  l'usine  des  peuples  inlas- 
sables. 
Dans  l'art,  désormais,  le  repos  est  devenu  impossible. 

.  Quiconque'  veut  seulement  reprendre  haleine  est  dis- 
tancé. Couche  sur  couche,  le  neuf  s'accumule..  Une  puis- 

"sance  irrésistible  et  inquiétante  tourne  les  feuillets  du 
livre  du.destin,  ne  permettant  aucun  arrêt,  même  aux' 
pages  les  plus  séduisantes.  Quel  parcours  depuis  le  com- 
mencement du  siècle!  Quelles  étapes  successives,  dont 
chacune  semblait  devoir  être  un. palier  où  longtemps 
les  artistes  pourraient  faire  halte^dans  le  calme  travail 
d'une  réforme  conquise!  Et  chaque  fois,  quel  vent  souf- 
flant sur  le  camp  victorieux,  d'abord'en  brise,  puis  en 
tempête,  renversant  les  tentes,  répandant  la  déroute, 
contraignant  l'armée  à  reprendre  sa  marche,  dans  les 
ténèbres,  vers  une  autre  région,  malgré  les  cris  et  les 
commandements  des  chefs  voulant  empêcher  le  départ, 


^ 


"    •''•*i'5s4 


■f' 


satisfaits  des  résultats,  prédisant  d'imaginaires  périls, 
invectivant  ces  impatients  tourmentés  du  besoin  d'aller 
plus  avant,  mais  délaissés  bientôt  par  ceux-ci,  et  restant 
seuls  en  traînards,  tandis  que  la  multitude,  .prise  d'une 
'fièvre  d'insomnie,  s'en  va,  s'en  va...  on  ne  sait  où? 

|li]t  ces  chefs,  ces  vieux,  ces  distancés  demeurent,  entre 
eux,  pareils  à  des  épaves  échouées  sur  la  route,  s'incrus- 
tant  en  bancs  de  corail  et  immuables,  et  continuent  ce 
qui  fut  un  temps  la  plus  haute  expression  artistique  de 
l'époque,  ce  (|ui  fut  leur  gloire  et  leur  force,,  ce  qu'ils 
aiment,  à  cause  de  cela,  d'un  irritable  amour.  De  loin  iJs 
regardent  ceux  qui  s'éloignent  et  déplorent  leur  témérité 
et  leur  infidélité.  Sans  bienveillance,  presque  toujours. 
]îien  plutôt  avec  l'hostilité  et  l'amertume  des  dédaignés 
et  des  incrévants.  Il  s'établit  alors  cette  lutte,  ces  résis- 
tances, ces  rappels  en  arrière,  mêlée  d'outrages,  qui 
foni  hésiter  parfois  les  avancés,  en  troublent  plusieurs, 
en  ramènent  quelquefois  par  un  brusque  et  lâche  rebrous- 
sement. 

Cet  endurcissement  dans  des  habitudes  d'art  acquises 
est  encore  de  nos  jours  le  commun  phénomène.  L'ensei- 
gnement a  eu  si  longtemps  pour  base  l'imitation  de  ce 
qu'on  nommait  "  les  modèles!  »  La  perfection  a  si  long- 
temps consisté  à  répéter  le  mieux  possible  ce  qu'on  signa- 
lait comme  le  Beau  absolu  ;  la  théorie  de  l'évolution 
dans  la  vie  artistique  est  encore  si  récente  et  si  peu 
visible,  si  ce  n'est  pour  un  petit  nombre,  que  la  plupart 
croient  pernicieuse  cette  turbulence  des  novateurs  sans 
cesse  occupés  à  déranger  la  belle  ordonnance  des  symé- 
tries académiques.  On  attache  à  leur  agitation  des  idées 
de  révolte  et  d'excentricité.  On  ne  les  accueille  pas,  ou 
oh  ne  les  accueille  qu'avec  défiance,  leur  faisant  la  vie 
dure,  multipliant  autour  de  ces  impatients  et  hardis 
voyageurs,  les  intempéries  de  la  mauvaise  grâce,  des 
méchants  propos,  des  découragements,  des  menaces. 

Rien  n'y  fait,  ils  vont  leur  train,  leur  grand  U^^n 
d'indomptables,  silencieux  pour  la  plupart  commèToî^ 
l'est  quand  on  fixe  un  but  invisible  à  la  foule,  dédai- 
gneux aussi  de. tous  les  bas  murmures,  ou,  mieux  encore, 
inconscients  des  malveillances  qui  bourdonnent  autour 
d'eux,  mouches  venimeuses.  Leur  bataillon  ne  décroît 
jamais.  Tout  qui  tombe  ou  déserte  est  remplacé  et  la 
flamme  ardente  qu'ils  emportent  avec  eux  brille,  inex- 
tinguible fanal.  De  ce  côté,  il  suffit  délaisser  faire  :  la 
troupe  est  héroïque,  connaît  son  devoir  et  l'accomplit 
inflexiblement. 

Mais  ce  qui  traîne  derrière^ux,  éparpillé  sur  la 
grand'route,  campé  en  des  mœurs  artistiques  démodées? 
Est-ce  que  vraiment  cela  ne  changera-  pas?  Ne  descen- 
dra-t-il  pas  sur  tout  ce  monde  vieillot  à  des  degrés  divers 
quelque  lumière  divine  qui  lui  révélera  où  est  la  vérité, 
où  est  le  devoir?  C'est  grandement  à  considérer,  car  le 
jhal  qui  en  sort  par  l'arrêt,  par  le  retardement  dans 
l'avancée  générale,  est  incalculable.  Si,  au  lieu  de  tirer 


en  arrière,  tous  ces  braves  éclopés  poussaient  en  avant, 
quelle  ruée,  quel  élan  pour  l'universel  progrès  !  Au  lieu 
de  crier  sans  cesse  :  halte!  ils  crieraient  :  en  marche, 
en  marche!  Au  lieu  d'abattre,  ils  exciteraieiit.  Au  lieu 
de  mettre,  aux  roues  le  sabot,  il§  fouetteraient  l'apoca- 
•Ijptique  attelage  galopant,  crinières  aiï  vent,  versi'art 
nouveau.  ' 

La  modification  est  opportune  ':  la  situation  a  pris 
une  gravité  particulière  par  le  fait  même  de  cette  rapi- 
dité d'évolution  dont  nous  parlions  tantôt.  Cela  apparaît 
très  clairement  quand  ()n  la  met  en  rapport  avec  l'allon- 
gement parallèle  obtenu  pour  la  durée  de  la  vie  humaine 
grâce  aiix  progrès  de  l'hygiène  et  de  la  médecine.  Le 
rapprochement  est  curieux  et,  certes,  imprévu.  Jadis, 
presque  toujours,  les  existences  étaient  brèves.  Elles 
suffisaient  à  une  mission  sociale  bien  déterminée.  Elles 
disparaissaient  avant  de  s'attarder.  Dans  l'art,  dans  la 
politique  on  régnait  peii.  On  vivait  son  temps,  le  temps 
nécessaire  à  une  réforme,  puis,  par  la  mort,  on  rentrait 
dans  la  coulisse.  Les  exemples  de  grands  hommes  qui 
ont  pesé  sur  leur  époque  plus  qu'il  n'était  raisonnable, 
sont  rares.  Ils  ont  disparu  avant  d'être  devenus  une 
gêne  pour  qui,  venant  après  eux,  avaient  à  reprendre 
Içurs  idées  au  point  où  ils  les  avaient  menées  sans  pou- 
voir aller  au  delà.  Les  périls  de  l'époque,  l'ignorance 
des  conditions  par  lesquelles  on  se  conserve,  les  hasards 
sans  nombre  de  civilisations  mal  assises,  accourcissaient 
la  moyenne  de  la  vie.  Les  longs  règnes  étaient  des  excep- 
tions, tandis  qu'aujourd'hui  les  souverains  poussent 
jusqu'à  l'inconvenance  la  permission  de  devenir  vieux 
et  ne  disparaissent  que  lorsque  leurs  successeurs  sont 
eux-mêmes  déjà  des  vieux,  c'est-à-dire  des  inutiles,  dès 
arriérés,  des  gêneurs. 

C'est  ainsi  également  dans  le  domaine  des  choses  pt'i- 
vées,  davantage  même^es  burgraves  abondent.  Nous 
en  avons  parlé  déjà  dans  un  article  intitulé  :  le  Gaxa- 
ciiiSME  (1).  Nous  avons  dépeint  ces  majorats  artistiques 
où  s'éternisent,  avec  leurs  idées  surannées,  de  vénérables 
amoindris,  momies,  fossiles,  incrustés  et  indémolissa- 
blés.  Ils  durent,  durent,  durent,  conservés  par  une 
hygiène  à  régime  sévère,  occupant  indéfiniment  toutes 
les  positions,  officieusement  plus  inamovibles  que  nos 
magistratures,  embaumés  et  sourds  ;  réfractaires  à  tout 
ce  qui  dérange  leurs  convictions  d'antan,  tournant  à  la 
rage  quand  on  insiste  trop  pour  obtenir  d'eux  soit  une 
retraite,  soit  une  bienveillante  concession  aux  nouveau- 
tés du  jour.        -  ^    ■ 

Ainsi  comprise,  leur  longévité  est  un  fléau.  Elle 
aboutit  à  maintenir  pendant  plusieurs  générations  ce 
qui  n'en  devrait  normalement  durer  qu'une.  Car  l'hu- 
manité procède  par  contingents  successifs,  destinés  à  se 
renouveler  les  uns  par  les  autres,  à  rafraîchir,  à  rajeu- 

(1)  An  moderne,  1888,  p.  139. 


f 


iiir  le  mouvement  général.  De  vingt  en  vingt  ans  on 
se  remplace.  La  coupe  des  idées  est  mûre.  Vingt  ans 
est  même  un  maximum  ;  il  serait  peut-être  convenable 
de  le  réduire.  Or,  nous  avons  des  particuliers  tenaces 
qui  restent  et  sont  laissés  debout  deux  fois,  trois  fois 
vingt  ans  avec  leur  bagage  intellectuel  d'origine.  Impos- 
sible de  les  déplanchier.  Impossible  de  les  décider :à 
modifier  la  vieille  garde-robe  de  leurs  opinions..  Ils 
accusent  d'injustice,  d'indiscipline  et  de  déraison  les 
jeunes  gardes  qui  se  présentent  à  la  porte  des  casernes 
où  ils  sont  logés,  portant  les  armes  nouvelles  et  depian- 
dant  à  changer  les  tactiques  usées. 

Oui,  c'est  un  fléau,  c'est  une  û^mité.  Un  homme 
sage  s'y  prendrait  autrement.  11  s'efforcerait  de  se 
rajeunir  cérébraleraent,  de  s'assimiler  les  idées  nou- 
velles, il  ne  s'arrêterait  -pas  en  bougonnant,  parce  que 
d'autres  le  devancent,  il  tâcherait  de  les  suivre.  Et 
quand  viendrait  enfin  l'époque  où,  malgré  tout,  on  est 
distancé,  il  s'assiérait  content,  regardant  passer  et  con- 
tinuer les  autres,  tambours  battants,  étendards  au  vent. 
Il  réaliserait  alors,  en  belle  figure,  le  vieillard  qui  ne 
mérite  pas  d'être  appelé  ganache,  et  sa  longévité 
ne  serait  plus  encombrante.  Sar  vie  apparaîtrait  bien 
remplie  :  il  aurait  eu  sa  période  où  lui-même  aurait  été 
un  novateur,  un  enseigneur  pour  les  autres;  il  aurait 
ensuite  celle  où,  passant  dans  une  première  réserve,  il 
assisterait  aux  découvertes  de  ses  successeurs  immé- 
diats, attentif  à  les  comprendre,  à  les  encourager,  à 
approprier  ses  conceptions  aux  leurs  ;  il  aurait  enfin  sa 
période  de  repos  ;  bref  une  vie  très  noble,  très  juste,  très 
respectable  à  chacun  de  ses  stades.  Il  éviterait  de  donner 
le  ridicule  spectacle  d'un  vieux  vaisseau  île  bois,  com- 
mandé par  un  amiral  de  18;}0,  prétendant  avoir  rang 
avant  les  cuirassés  et  conduire  une  bataille  navale  sui- 
vant la  tactique  de  Nelson.  • 

Car  Nelson  lui-même,  Nelson,  serait  grotesque 
n'est-ce  pas  ?  si,  renaissant,  il  allait  conduire  une 
flotte  anglaise  comme  il  le  fit  à  Trafalgar.  Eh  bien,  il  y 
a,  tlahs  les  arts,  chez 'nous  et  ailleurs,  de  ces  grands 
hommes  éteints,  et  déteints,  qui  furent  des  Nelson  de  la  * 
peinture,  de  la  musique,  de  la  littérature,  et  on  les  voit, 
cloués  à  leur  banc  de  quart,  indémontables,  dirigeant 
encore,  vieux  fantômes,  comme  en  le  lointain  autrefois 
où  ils  étaient  quelque  chose.  Et,  qui  pire  est,  on  en  voit 
aussi  d'autres,  qui  furent  toujours  des  impuissants  et 
des  sots,  rester  aux  postes  de  commandement  et  régeiV- 
ter  les  générations  nouvelles  dans  la  triple  incurable 
misère  de  leur  bêtise,  de  leur  vieillerie  et  de  leur  vani- 
teux entêtement. 


GEORGES  EEKHOUD 

La  Nouvelle  Carthage.  Les  E>nigyants .  ConiTumce.  ■ 
(le  100  pafjes.  RruxeUes,  Henry  Kistemaeckers. 


Ia-12 


Deux  chapilros  ajout(''s3à  la  (KjsQriplion  do  la  ttrandc  ché  mar- 
cliandc  de  rEscaul(i).  C'csl  d'ayjord  undéparl  d'émigraftls  Tpro- 
lélaires  de  la  ville,  cliass(?s  par  la  démolilion  des  quartiers  pau^ 
vfes;  paysans  de.  la  Campine,  séduils  par  los  récils  dorés  des 
ernbauchçurs,  tous  affcctanl  la  fcrnM>lé,  «  en  réalité,  s'elTorçanl 
de  se  donner  le  change. Ii  eux-mêmes,  de  se  déprendre  de  leur 
idée  fixe,  bouiTolantc  comme  un  remords  ».  L'embarquemonl  des 
paysans  a  quelque  chose  d'épique  :  «  Au  moins  uncTrBTrratne  de 
ménages  de  Willcghcm,  bourgade  de  l'extrême  frontière  septen- 
trionale, s'étaient  accordés  pour  quitter  ensemble  leur  misérable 
pays.  Ceux-là  n'avaient  point  pris  place  sur  les  camions,  mais  un 
peu  après  l'arrivée  du  gros  des  émigranls  flamands,  ils  se  présen- 
tèrent en  bon  ordre,  comme  dans  un  cortège  fesiif.  Soucieux  de  . 
faire  bonne  figure,  de  se  distinguci'  (Je  la  cohue,  désirant  qu'on 
dijse  aj)rès  leur  départ  :  «  les  plus  crimes  élaieht  ceux  de  Wille- 
ghcin  ».  ils  s'avancent  ainsi,  une  briatlille  de  bruyère  h  la  cas- 
q.ueUe,  «  les  plus  fcr-venls  emportant,  cousu  dans  des  sachets  en 
manière  de  scapulaircs,  une  poignée  du  sable  natal  !  ».  Et,  tandis  . 
que  le  vaisseau  démarre,  leur  fanfare,  qui  émigré  avec  eux,  jette 
au  rivage,  «  non  sans  couacs  et  sans  détonatrons,  commo  si  les 
instruments  s'étranglaient  de  sanglots,,  l'air  national  par  e.xccl-  ■ 
loncc  :  VOà  peiU-on  être  mieux  du  Liégeois  Grélry,  la  doupe  et 
simple  mélodie.....  ».  Cependant,  le  vieux  prêtre  de  la  bourgade, 
qui  a  voulu  conduire  ses  paroissiens  jusqu'à  bord,  suit  des  yeux 
le  vaisseau  qui  disparait  graduellement,  et,  «  qtiand  la  dernière 
banderole  de  fumée  se  confond  avec  la  désolation  de  Ja  brume  de 
janvier,deux  grosses  larmes  descendent  lentement  de  ces  Joues^cl 
il  trace  dans  l'air  un  lent  signe  de  croix  ». 

Le  chapitre  intitulé  :  Conlumnce  est  plus  complexe.  Il  com- 
mence par  une  série  de  paysages  de  banlieue,  d'esquisses  de 
ruraux,  de  personnages  déclassés,  de  réduits  suspects,  sans  autre 
lien  que  la  fantaisie  maladive  d'une  sorte  de  Des  Esseintcs  recher- 
chant des  sensations  artistiques  dans  les  m+sères  et  les  puru- 
lences sociales,  il  y  a  là  bien  des  traits  d'une  juste  observation, 
de  belles  attitudes  fixées  en  des  phrases  sculpturales,  des  souve- 
nirs hisloriqttrs  habilement  mis  en  oeuvre  pour  exprimer  la  ran- 
cune d'Anvers  contre  cette  enceinte  de  fortifications,  «  que  ses 
princes  ne  consentent  à  démolir  de  siècle  en  siècle  que  pour  les 
transporter  plus  loin  et  les  rendre  inexpugnables  ».  Mais  tout  cela 
est  relié  d'un  fil  trop  ténu,  et,  par  la  recherche  de  transitions 
insuffisantes,  appar^^it  en  un  papillotoment  qui  fatigue.  Mieux  eût 
valu,  ce  nous  semble^  aband^mer  ces  liaisons  imparfaites  et 
laisser  séparé  ce  qui  ne  présente  aucune  unité  de  composition. 
C'est  ainsi  que  ce  chapUre  se  tMmine  par  un  morceau  superbe  , 
qui  achève  de  lui  enlever  toute  proportion,  et  qui,  détaché,  forme' 
un  digne  pendant  aux  Emigrants.  C'est  l'envahissement  par  les 
riinners,  ces  écumeurs  de  l'Escaut,  d'un  vaisseau  venant  du  large. 

Ils  attendent  leur  proie  au  Doel,  «  couchés  sur  le  ventre, 
redressés  à  mj-corps  sur  les  coudes,  le  menton  dans  les  jiaumes  : 
position  de  sphynx  aposté  ou  de  vigie  malfaisante  »,  et,  dèstjue 
le  voilier  est  signalé,  tous  s'ébranlent,  se  démènent  à  la  fois,  pré- 
cipitant leurs  canots  au  risque  de  couler  quiconque  leur  fait 
obstacle,  et,  malgré  l'opposition  des  officiers,  ils  s'accrochent  au 

(1)  Voir  i'.4r(  )/)(yf7''/VicMlu  3  juin  lSï*8,  p.  177.  ' 


iiaviro,  se  sus|)Cii(lont  en  p'nijpc  îi  ses  flancs,  l'escalaclcnl  avec 
leurs  inarcliandises  avariées,  leurs  oiïres  de  service,  leurs  provo- 
cations malsaines  qu'accentue  la  présence  i)armi  eux  de  femmes 
iraveslics,  révélant  tout  à  coup  leur  sexe.  Ces  loiii)S  de  mer, 
apportant  toutes  les  convoitises  accumulées  par  les  privations 
d'un  long  cours",  ne  résistent  pas,  et  le  navire  n'est  pas  arr1v(';  au 
quai,  qu'ils  sont  enveloppés  dans  un  réseau  de  séductions  où  ils 
laisser.ont  leur  modiquepécule  et  leur  liberté  méme.Ces  tableaux, 
pleins  de  mouvement,  sont  décrits  en  un  stvle  imaçjé,  avec  des 
mots  en  relief  et  quiportcnl;  et,  du  livre  tout  entiei'  ressorlcnt.un 
sentiment  profond  des  choses  populaires,  une  forte  odeur  de  1er-' 
roir  qui  en  font  une  anivro  essentiellement  belge,-  bien  plus  par- 
lante à  nos  cœurs  que  ces  pastiches,  sans  cesse- recommencés, 
d'impressions  et  de  formes  qui  ne  sont  point  les  noires. 


Université  de  Bruxelles.  —  Leçon  d'ouverture  du  cours 
de-  méthodologie  des  sciences   sociales,   par  Guiii.aumi; 
Dkoheef,  agrégé  spécial  à  la  P\iculté  de  droit.  —  Brocli.  iu-8"  de 
:       40  p.  I^ruxelles,  Gustave  Mayolc/.     v 

M.  Guillaume  Ùegrecf  vient  de  faire  publier  la  bcllcjeçon  par 
laquelle  il  a  ouvert,  le  2!)  novembre  dernier,  son  cours.de  méliio- 
dologie  des  sciences  sociales  à  l'Université  de  Bruxelles.  Aj)rès 
avoir  montré  toute  l'importancQ  de  la  création  de  celle  école  des 
sciences  sociales,  par  laquelle  l'Université  vient  de  compléter  son 
haut  enseignement  encyclopédique,  M.  Degreef  a  indiiiué  à  grands 
traits  les  lents 'progrès  accomplis  en  sociologie  par  l'application 
de  la  méthode  cxperimcnlale,  déjà  entrevue  dans  l'anticiuilé  par 
Arislole,  subissant  ensuite  |)lusieurs  siècles  de  sui)eistnion  cl  de 
réaction  catlioliques,  réapparaissant  au  xiii''  siècle  avec  Roger 
Bacon- et  s'atlrancliissant  par  degrés  de  la  théologie  ei  de  la  méta- 
physique avcr  Machiavel,  François  Bacon,  Hobbes,  Spinoza  et 
Montesquieu,  pour  dégager,  enfin,  grâce  aux  progrès  des  sciences 
positives,  les  éléments  irréductibles  do  toute  société  et  appliquer 
à  leur  étude  les  méthodes  exclusivement  scientifiques  dont  les 
représentants  les  plus  complets,  dans  ces  derniers  temps,  sont 
Auguste  Comte,  Quctelet  et  Herbert  Spencer. 

Elevant  les  pensées  de  son  auditoire  à  la  liauleur  des  résultats 
que  doivent  avoir  ces  recherches  pour  riiumanilé,  M.  Degrecf  en 
a  maniué,  en  termes,  éloquents,  la  nécessité  et  la  grandeur  :  «-.H 
n'est  pas,  à  mon  sens,  disait-il  dans  sa  péroraison,  d'éludé  de 
nature  à  intéresser  davantage  tout  homme  qui  ne  fait  pas  de  son  , 
égoïsme  le  centre  du  monde;  elle  se  rattache  aux  jjréoccupalions 
les  plus  vives  de  notre  siècle;  elle  est,  par  conséquent,  indispen- 
sable îi  tous  les  citoyens  et  surtout  à  ceux  qui  ne  reculent  point 
devant  le  lourd  fardeau  et  la  responsabilité  d'intervenir  politique- 
ment dans  la  direction  de  leurs  semblables;  elle  est,  en  défini- 
tive, un  grand  devoir  do  conscience  et  deviendra  de  plus  en  plus 
un  commandement  moral.pour  quiconque  reconnaît  que  pour  un 
homme  de  cœur  et  de  science,  il  n'est  pas  de  bonheur  jjcrsonnel 
possible  tant  (|u'il  existe  des  malheureux  ». 


AU  THEATRE  LIBRE  DE  BRUXELLES 

Théâtre  libre?  Libre?  Dans  quel  sens?  Si  celte  libcrlé  implique 
le  drail  de  représenter,  sans  être  intiuiélé,  quantité  de  situations 
ignobles  et  de  jeter  au  public,  par  dessus  la  ram^ie.  le  plus  pos- 
sible de  polissonneries  cl  de  propos  de  mauvais  lieu,  d'accord. 


On  a  donc  représenté,  sôus  prétexte  de  Théâlre  libre,  une  j^ièce 

—  esl-cç.  une  pièce?  —  intitulée  Jovial,  marchand  de  cerçiicHs, 

r  dans  laquelle  il  y  a  foule  de  choses  basses  et  révoltantes,  mais 

qui  ne  contient  pas  .une  scène,  pas  une  siluarion,  pas  une  idée, 

pas  une  répartie,  pas  un  mot. 

On  a  visé  dans  cette  machine  à  une  sorte  d'esprit  marollien,  • 
en  mettant  dans  la  bouche  du  menuisier  Jovial  et  de  son  ouvrier 
une  soi  disant  philosophie  bourgeoise  sur  l'honifieur  et  dés  tirades 
dans  ■  lesquelles  on  es.sayc  de  ridiculiser  des  revendications 
sociales  avec,  les  lieux  communs  et  les  phrases  qui  ont  traîné  par- 
tout. 

Malgré  la   profonde   abjection  de  ce  Jovial,  une   nombreuse 
assistance  s'y  esl  bruyamment  amusé. 

Il  est  triste  de  conslaler  (jue,  depuis  dés  semaines,  on  se  dispu- 
tait hîs  invitations  à  celle  représentation,  dont  un  bul  de  bienfai- 
sance était  le  prétexte.  - 
<^\.  dire  que,  si  un  artiste  avait  convié  à  juger  une  (inivre  d'art 
ce  même  public,  son  œuvre  eût  ('■lé^lrccueillie  [lar  des  grognc- 
menls  et  des  sifllels.            ,,  K 


USTOTES    DE    l^XJSIQXJEl     .  .. 

A  Saint- Josse-ten-Noode. 

Samedi  dernier  a  eu  lieu,  dans  la  salle  des  fêles  du  marché 
'couvert  à  Sainl-Josse-ten-Noode,  le  concert  annuel  donné  à 
l'occasion  de  la  distribution  des  prix  de  l'Ecole  de  musique  de 
Sainl-Josse-ten-Noode-Schaerbcek.  Quatre  numéros  au  pro- 
gramme, toutes  œuvres  inédites.  A  signaler  :  Hymne  à  r Har- 
monie de  F.r.  Riga,  chœur  à  quatre  voix  mixtes,  sans  accom- 
pagnement, exécuté  par  300  élèves  sous  la  ferme  direction  de 
M.  Henry  Warnots:  Melka,  légende  fantasti([uedcM.  Ch.  Lefebvre, 
excellente  interprétation  d'une  œuvre  un  peu  banale.  La  partie  la 
plus  intéressante  du  programme  était,  sans  contredit,  l'Hymne  à 
r  Espérance  de  M.  Ch.  Flon,  mélodies  originale^,' harmonies 
curieuses,  pcuî>^lre  un  peu  cherchées  et  efi'ets  d'ensemble  habile- 
ment amenés.  Notons  tout  particulièrement  les  (|ualités  remar- 
quables de  cette  importante  masse  chorale.  11  est  rare  de  rencon- 
trer dans  un  aussi  grand  nombre  d'exécutants  l'unité,  l'homo- 
généité du  son  et  la  souplesse  dans  les  nuances  qui  caractérisent 
l'école  de  musique  de  Saint-Josse-lcn-Noodc.  Nos  félicitations  à 
son  éminent  directeur,  M.  Henrv  Warnots. 


LES  CONCERTS  PARISIENS 

.^  ^Grieg  chez  Colonne. 

[Correspondance  particulière  de   i.'Aut   Moderne.)      - 

M.  Colonne  avait,  dimanclie  dernier,  réservé,  pour  la  seconde 
fois,  la  deuxième  partie  de  son  programme  à  l'audition  d'œuvrcs 
d'Edvard  Grieg. 

Le  succès  du  compositeur  norvégien  a  été  très  grand  et  c'e.'-t 
par  de  longues  et  enlhousiaslcs  ovations  (lue  toute  la  salle, 
debout,  a  salué  les  dernières  mesures  de  Pecr  Gynl. 

Avant  Pecr  Gynl, on  avait  entendu  la  musique  descriptive  d'un 
poème  norvégien ,  7?çr(//(«/ ,  fort  dramatiquement  dit  par 
M"""  Marie  Laurent.  C'est  un  peu  haché,  un  peu  décousu  par  la 


t;* 


"> 


raison  que  la  musique  n'est  le  plus  sopvenl  qu'un  placardage 
d'accords,  fort  dissonants  d'ailleurs,  sur  le  texte  déclamé. 

Mais  lentement,  à  travers  les  brumes  d'un  paysage  lugubre,  se 
dessine  et  se  rapproche  une  marche  funèbre  qui  finalement 
éclate  dans  un  ensemble  superbe. 

l/œuvre  la  plus  attachante  était  le  concerto  pour  piano  et 
orchestre  exécuté,  pour  la  troisième  fois,' aux  concerts  Colonne, 
par  M.  Arthur  De  Greef,  le  jeune  et  déjà  célèbre  professeur  de 
votre  Conservatoire.  — 

L'interprétation  de  M.  De  Greef  a  été,  si  vigoureuse,  si  pas- 
sionnée, si  sincère  que  les  longs  applaudissements  qui  l'ont 
accueillie  allaient  tout  h  la  fois  à  l'artiste  et  h  l'œuvre. 

Tel  Joachim  quand  il  interprète  le  concerto; de  Deethoven.ll  ne 
viendra  à  l'idée  de  personne  dédire  qu'il  joue.  Ipion.  Mais  on 
murmure  tout  bas  :  que  c'est  beau!  M.  Arthur  De  Greef  est 
arrivé,  lui  aussi,  à  cette  complète  identification  avec  son  sujet.  Il 
ne  sacrifie  rien  au  détail,  à  la  virtuosité.  Ce  qui  apparaît,  c'est 
l'œuvre.  Et  c'était  vraiment  plaisir  d'entendre  son  exécution 
pleine  de  couleur  et  de  verve  flamandes,  après  l'interprétation 
sans  doute  très  propre,  mais  quelquefois  trop  propre  des  pre- 
miers morceaux  du  programme. 

Ces  morceaux  étaient  :  l'ouverture  de  Coriolan,  la<^Symphonie 
inachevée  de  Schubert,  ce  bijou  de  délicalessc  et  de  sentiment, 
cl,  pour  cl.orc  la  première  partie  du  programme,  la  Danse 
macabre  de  Saint-Saëns.  Exécution  très  soignée,  mais,  comme 
disait  Bull,  le  fils  du  célèbre  violoniste  norvégien  :  ça  ne  s-enlnit 
pas  le  bouc: 

Parclfln  pour  ce  mol  de  la  fin.  Il  est  brutal,  mais  juste. 

* 

SOCIÉTÉ  NATIONALE  DE  MUSIQUE 

{Correspondance   parliciilière  de   l'Art    Moder>-e) 

f'ari.s,  1"  Janvier  1890. 
Monsieur  le  Directeur. 

La  semaine  dernière,  comme  je  fiànais  sur  les  boulevards,  un 
grand  jeune  homme  m'aborda  et  me  dit  que  j'étais  choisi  pour 
vous  envoyer  des  corresp^ontlances"  sur  les  concerts  de  la  Société 
.nationale.  J'eus  beau  me  défendre,  affirmer  que  je  n'enlcndais 
rien  h  la  musique;  rien  ne  put  l'ébranler.  .l'élais  désigné,  par 
qui  ?  je  ne  sais,  mais  il  fallut  obéir. 

On  me  donna  rendez-vous  pour  un  soir  et  l'on  me  conduisit 
dans  une  salle  de  concert. où  l'on  s'écrasait,  ma'â  avec  bonne 
humeur.  U  paraît  qu'on  allait  entendre  la  KrausS.  On  devait 
entendre  aussi  un  compositeur  norvégien,  nommé  Grieg,  mais 
M.  Colonne  (du  Châtelel)  l'avait  empêché  de  venir  jouer  ses 
œuvres,  mémo  d'assister  au  concert.  Etrange. 

On  commença  par  un  morceau  en  qiialre  parties,  de  Grieg,  joué 
par  quatre  Messieurs.  Cela  d(ïvail  élre  fort  beau,  car  on  applaudit 
avec  enthousiasme.  Moi  aussi,  j'avais  commencé  à  y  prendre 
beaucoup  de  plaisir,  mais,  ensuite,  à  force  de  me  faire  toujours 
le  même  plaisir,  cela  finit  par  m'en  faire  moins.  Il  m'a  paru  que 
les  idées  des  différentes  parties  se  ressemblaient  un  peu  trop.  Un 
voisin  très  aimable,  h  qui  je  communiquais  mes.jmpressions,  me 
dit  que  je  ne  m'y  connaissais  pas  et  que  cela  était  un  chef- 
d'œuvre.  ■ 

Mais  voici  un  tonnerre  d'applaudissements  ;  M"'"  Krauss  paraît 
sur  l'esirade.'  Elle  chante  des  mélodies  de  Grieg  ravissantes,  sur-' 


ibut  la  seconde  :  \v/ Cyg)ie.  \oi\h  de  la  musique  q|ie  j'aime  tout  à 
fait,  il  paraît  que  je  ne  suis  pas  seul  de  mon  a-vis  car  toute  la  salle 
*•  trépigne  de  joie. 

Après  M""-  Krauss,  c'est  M.  Dicmer,  puis  M.  Dicmcr  et  un  de' 
ses  éFèves  qui  viennent  jouer  de  gracieuses  danses  de  Grieg,  tou- 
jours. Je  dis  gracieuses,  quoiqu'ils  aient  cogné  bien  fort.  'Enfin, 
c'était  très  joli,  mais,  comme  dans  le  ((ualuor,  ça  se  ressemblait 
toujours  un  [)eu. 

La  fin  du  concert  était  réservée  aux  '  compositeurs  français. 
D'abord,  des  pièces  i\our  quatuor  à  cordes  de  M.  Vinée,  puis  des 
mélodies  de  M.  Vidal  et  uno  admirable  élégie  de  M.  Fauré  pour 
piano  et  violoncelle,  émouvante  et  vraiment  humaine.  M.  Liégeois 
a  inlerpréié  cetie  belle  œu\Te-tl'une  m.anièrc  plus  que  reiiiar- 
quable. 

Pour  terminer,  M.  Vincent  d'Indy  vint  jouer  tout  seul,  1res 
crânement,  des  pièces  de  piano,  ihlilulées  <<  Tableaux  de 
voyage  »,  qu'il  a' composées,  me  dit  mon  voisin,  dans  le  courant 
de  l'été.  Je  ne  les  ai  pas-toutes  comprises,  je  l'avoue;  celles  que 
j'ai  comprises  me  j)laisent  beaucoup.  Il  y  a  surtout  un  certain 
Laciverl  vraiment  délicieux.  Cependant,  pour  un  telle  musique, 
une  salle  de  concert,  même  petite,  ne  convient  pas;  on  en  Jouirait 
mieux  dans  une  chambre,  assis  près  du  com|tositeur;  et  le  mieux 
de  tout  encore  serait  peut-être  d'être  absolument  seul  cl  de.jouer 
soi-même. 

Voici,  Monsieur,  tout  ce  (pie  je  puis  vous  dire  de  ce  premier 
concert.  Puisque,  sans  le  Toutoir,  je  suis  -devenu  crili(iue  de 
musique,  je  vais  compléter, (te  mon  mieux  mon  éducation  musi- 
cale; je  vais  assister  h  to.us  les  concerts  et  prendre  un  abonnement 
à  l'Opéra  pour  m'habiluer  h  la  musique  savante,  car.  depuis  lou"- 
tempa,  je  n'ai  entendu  que  des  cris  d'oiseaux  et  des  cliansons  de 
laboureurs.    • 

Veuillez  agréer.  Monsieur  le  Directeur 

L.\  FUral. 


Chronique- JUDICIAIRE   DEp^RT^  , 

A  propos  de  "  La  Tosca  •• 

Le  tribunal  de  la  Seine  vient  de  irancher  une  très  intéressante 
question  de  droit  relalive  aux  indiscrétions  de  la  presse  sut  les 
œuvres  dramali([ues  re[)résentées  au  théâtre.  Lors  de  la  première 
de  la  Tosca,  il  y  a  deux  ans,,  M.  Sardou  n'ayant  pas  jugé  à 
propos  d'inviter  la  criti(|ue  à  la  répétition  générale  de  sa  pièce, 
Gil  Dlas  se  vengea,  non  sans  es|)rit,  en  publiant,  maigre  cet 
ostracisme,  avant  la  première  représentation,  un(>  analyse  com- 
plète de  l'ouvrage,  scène  par  scène,  d'une  exactitude  absolue, 

Le  procédé  irrita  l'auteur,  (pii  fit  assigner  le  journal  en  dom- 
mo  ces- intérêts. 

fi  ' 

A  l'audience,  .M''Tézenas  exposa  les  grief'^  de  M.  Sardou  ;  a  Vous 
trouvez,  dit-il,  en  regard  dans  celte  afi'aire,  un  droit  et  un  intéi-êt. 

Le  droit?  C/esl  celui  des  autours  dramatiques  sur  leurs  (euvr(^ 
([ui  ne  se  discute  plus.  Ils  entendent  faire  réprimer  les  incursion^ 
sur  leur  propriété,  de  quelque  c(jté  qu'elles  viennent,  quelcfue 
forme  qu'elles  revêtent.  L'intérêt?  C'est  celui  de  quchpies  jour- 
naux, sans  cesse  aiguillonnés  par  le  goût  du  public  pour  les  pri- 
meurs, qui  prétendent  se  procurer  des  informations  rapides  per 
Jas  el  nefas.  .  " 

U  vous  appartient  de  préciser  ce  droit  et  cet  intérêt  et  d  >  déli- 
miter leur  cliamp  d'action.     "• 


r^ 


/^ 


:? 


< 


En  fait,  qu'e&t-cc  que  le  fùclum  de  Crj7  Blas  par  rapport  à 
la  Tosca?  C'en  est  l'analyse,  acte  par  acte,  scène  par>«;ènc,  aussi 
exacte,  aussi  complète  que  possible.  Rien  n'est  omW  ni  une 
situation,  ni  un  coup  de  Ihéaire,  ni  un.  geste  importa™.  On  a 
reproduit  des  phrases  entières  du  troisième  acte,  qui  est/capital. 
Qui^a  lu  cette  analyse  a  fait  mieux  que  lire  la  brocjiure,  qui 
n'existe  pas  encore,  fait  mieux  que  connaître  la  pièce?  il  connaît 
la  njise  en  scène,  les  jeux  de  théâtre,  il  peut  se  figurer  là  repré- 
sentation elle-même;  ce  qu'il  a  vu,  c'est  le  manuscrit  de  l'auteur 
avec  ses  indications,  je  dirai  sesintenliofis.  » 

Aussi,  d'après  le  conseil  du  demandeur,  Tarlicle  de  Gil  Blas 
est-il  une  contrefaçon,  qui  doit,  comme  telle,  être  réprimée,  et 
qui  est  d'autant  plus  préjudiciable  à  l'attleur  qu'elle  a  précédé 
la  première  représentation  de  son  œ^uvrc, 

M''  Carré'conteste  cette  thèse.  D'après  lui,  M.  Sardou  ne  serait 
pas  recevable  en  son  action,  tout  auteur  sollicitant  sans  cesse- 
la  presse  de  parler  de  lui  :  «  A  peine  un  directeur  de  théâtre 
a-l-il  accepté  une  pièce  que  les  journaux  en  sont  immédiatement 
informés,  pour  avoir  à  en  informer  immédiatement  le  public.  Du 
jour  où  la  pièce  est  reçue  jusqu'au  jour  où  elle  est  représentée, 
l'auteur  et  le  directeur  se  mettent  en  campagne;  ils  courent  après 
la  publicité,  après  la  réclame;  ils  envoient  aux  journaux  notes  sur 
notes,  informations  sur  informations,  et  les  journaux  ouvrent 
toutes  grandes  leurs  colonnes  aux  communications  qui  leur  sont 
ainsi  faites;  de  telle  Sorte  que  dès  la  première  heure  l'œuvre  en 
gestation  se  trouve  livrée  à  la  publicité  par  l'auteur  lui-même,  et, 
dès  lors,  elle  appartient  à  la  publicité,  non  par  un  contrat  tacite, 
mais  par  un  contrai  véritable. 

Qu'a  fait  Gil  Blas?  Il  a  compléfé  les  renseignements  mêmes 
que  M.  Sardou  et  son  directeur  n'avaient  été  que  trop  heureux  de 
lui  voy*  publier  depuis  longtemps;  le  malin  encore  de  la  première 
représentation,  Gil  Blas  avait  reçu  le  programme  de  la  pièce 
av^c  l'indication  du  nombre  d'actes  et  de  tableaux,  avec  l'indica- 
tion des  personnages  et  des  acteurs;  il  a  publié  ce  programme  et 
en  même  temps  l'analyse  qui  a  si  fort  irrité  l'irritable  auteur. 
Gil  Blas  n'a  point  outrepassé  son  droit  ;  l'auteur  et  le  directeur 
avaient  sollicité  la  publicité,  il  leur  faut  subir  la  publicité  :  Palere 
.  legem  quam  ipse  liilcris.  » 

Et  l'action  serait  d'ailleurs  sans  fondement  :  «  Sans  doute,  pour 
qu'il  y  ail  conlrcfnçon,  il  n'est  pas  nécessaire  que  la  contrefaçon 
pprte  sur  la  reproduction  complète  de  l'œuvre  ;  il  suffit  que  la  • 
partie  reproduite  constitue  une  portion  essentielle  de  cette  œuvre. 
Mais  encore  faut-il  que  cette  reproduction  partielle  puisse  faire 
concurrence  à  l'original,  puisse  remplacer  l'original,  puisse  dis- 
penser qu'on  achète  l'original.  Dès  lors,  une  question  de  principe 
se  pose,  et  c'est  dans  la  solution  de  cette  question  qu'est  la  solu- 
tion du  ;)rocès  lui-même  :  est-ce  que  l'analyse  incriminée  peut 
remplacer  Je  texte  de  la  Tosca?  La  réponse  ne  peut  êffc  que  néga- 
tive ;  un  drame,  une  ccmédie  valent  non  seulement  par  leur  plan, 
par  leur  charpente,  mais  encore  par  leur  style  cl  par  leur 
forme. 

D'ailleurs,  une  publication  du  genre  de  celle  qui  esl  déférée  à 
la  jdisiice  est-elle  de  nature  à  porter  préjudice  h  un  auteur?  En 
quoi  l'analyse  fidèle,  sommaire,  d'un  drame  ou  d'une  comédie 
peut-elle  nuire  à  l'auteur  de  cette  comédie  ou  de  ce  drame?  Est-ce  • 
.que  chaque  jour  des  drames,  des  comédies  tirées  d'un  roman,  ne 
sont  pas  représentés  sur  le  théâtre?  Le  sujet,  les  situations, 
l'intrigue,^  le  dénouement, "tout  en  esl  connu;  le  fait  même  que 
tout  cela  est  connu  ajoute  encore  à  la  curiosité  publique.  » 


Le -jugement,  pirononcé  le  20  novembre  dernier,  donne  «raison 
à  l'auteiy  dramatique  contré  le  journaliste. 
.  «  Une  œuvre  dramatique,  prononce  le  tribunal,  n'appartient  à 
la  publicitéqu'après  qu'elle  a  été  représentée  en  public^  de  même 
qu'une  œuvre  littéraire  ne  lui  appartient  que  par  le  fait  de  la 
publication  ;.  jusque-là  il  n'est  loisible  à  qui  'que  soit  de  se  livrer, 
sans  le  cousenlemenl  de  l'auteur,  à  une  divulgalionplûs  ou  moins 
complète  du  drame,  de  même  que  nul  ne  saurait,  de  sa* seule 
initiative,  avoir  le  droit  de  révéler  le  sujet,  le  plan  et  le  dévelop- 
pement d'un  ouvrage  littéraire  ou  scientifique  qui  ferait  encore  à 
l'étal  de  manuscrit  ou  d'épreuves.  S'il  en  était  autrement,  l'écri- 
vain serait  tout  au  moins  entravé  dans  l'exercice  du  droit  qui  lui 
appartient  sans  conteste,  d'apporter  à  son  œuvre  les  modifica- 
tions qu'il  jugerait  nécessaires,  et  même  d'en  arrêter  la  publicar 
lion  jusqu'au  moment  où  elle  est  livrée  à  la  publicité. 

Pliis  spécialement,  l'écrivain  dramatique  serait  exposé,  par  une 
diviilgai:ion  anticipée,  à  voir  s'affaiblir,  sinon  disparaître,  lors  de 
la  première  représentation,  les  effets  scéniques  pour  le  succès  des- 
quels il  compterait  sur  la  curiosit/5  vivement  éveillée  clés  specta- 
teurs ou  sur  le  jeu  particulier  d'une  artiste  en  renom.  Par  suite, 
l'impression  générale  du  public  pourrait  être  faussée  dès  la  pre- 
mière heure,  et  l'auteur  lui-même  pourrait  être  trompé  sur  la 
véritableporlée  de  sou  drahfie,  telle  que  la  première  représenta- 
tion devrait  la  lui  faire  apprécier. 

Le  défendeur  excipe  vainement  de  cette  circonstance  que  les 
représentanis  de  la  presse  n'avaient  pas  été  conviés  à  la  répétition 
générale  de  la  Tosca,  contrairement  à  un  usage  établi,  et  allègue 
quMl  était  en  droit  de  conjurer,  pour  leuravantflge  commun,  les 
inconvénients  que  leur  exclusion  devait  entraîner.  L'usage  dont 
s'agit  est  une  simple  tolérance  de  l'écrivain,  seul  juge  de  ce  que 
comporte  son  intérêt  et  à  aucun  titre  ne  peut  constituer  un  droit 
contraire  à  celui  de  l'auteur. 

Vainement,  le  défendeur  allègue  que  Sardou  ne  justifie  pas 
aussi  d'un  préjudice  appréciable.  Le  préjudice  résulie;ici  de  la 
violation  du  droit  qui  a  été  méconnu  et  il  appartient  sculerficiH 
au  jirge  de  mesurer  la  réparation  à  l'étendue  même  du  domma«-e 
éprouvé.  »  1  : 

En  conséquence,  Gil  Blas  esl  condamné,  conformément  aux 
conclusions  xlu  demandeur,  à  payer  à  celui-ci  un  franc  de  dom- 
mages-intérêts et  h  publier  le  jugement  à  la  même  place  que  l'ar- 
ticle incriminé. 


?' 


IBLIOQRAPHIE    MUSICALE 

Publications  Bruneau. 

Les  œuvres  instrumentales  récemment  éditées  par  MM.  Bruneau 
et  C'"  sont,  à  l'exception  du  quatuor  pour  piano  et  cordes  de 
Vincent  d'Indv,  dont  nous  parlerons  prochainement,  de  médiocre 
intérêt.  C'est,  d'abord,  un  Trio  (en  sol  mineur)  pour  piano,  vio- 
lon et  violoncelle,  signé  Sylvie  Lazzari,  et  catalogué  op.  13.  Les 
douze  premières  compositions  du  dit  Sylvie  Lazzari  sont  restées 
dans  une  ombre  discrète,  et  quant  au  trio  en  question,  ilne  décèle 
guère  d'originalité.  La  première  partie,  un  allegro  mendelssohnien 
précédé  de  quelques  mesures  adagio  qui  reparaissent,  vers  la  fin 
de  l'œuvre,  'en  grande  pompe,  est  seuîé  assez  bien  développée. 
Validante,  qui  suit  cette  partie,  un  allegretto  en  forme  de  valse 
et  Yallegro  final  sont  d'une  ingénuité  désarmante. 

Même  naïveté  d'écriture  dam  ÏAndante  et  intermezzo  \)0\ir 
piano,  violon  et  violoncelle,  de  M""*  C.  de  Grandval,  cl  vraiment 


"-^ 


\.  f 


rien  à  en  dfue.  Cela  coule,  coule,  en  filets  do  musique  claire,  lim- 
pide, incolore.  .  -^ 

De  la  mCmc  école,  M,  Emile  Râlez  qiw,  dans  sa  sonate  (en  ré 
majeur)  pour  piano  et  poloncelle  (op.  18)^  y  va  avec-  bonhomie 
de  ses  petits  thèmes  fanés  et  de  ses  harmonies  usées  aux  angles. 

Deux  pièces  pour  flûte  (ou  violon)  avoc  accompagnement  de 
piano,  par  M.  CH.  FJcfcbvre  (op^  72),  ont  du  moins  ce  mérite  d'être 
carrément  des  morceaux  de  concert  à  usage  de  virtuose,  tout  en 
restant  suliisammeni  intéressants,  musicaTcînent.  La  grifTe  du 
compositeu*»  de  méiîcr  apparaît  ici,  du  moins. 

C'est,  à  Bruxelles,  le  Comptoir  de  musique,  française,  rue  Henri 
Maus,  qui  a  le  dépôt  exclusif  des  publications  de  MM.  Bruneau 
ot  Cf.  - 

/^^  -  . 
La  partition  de  Fidelio,  nouvelle  version,  telle  qu'elle  a  été 
représentée  à  notre  théûlre  de  la  Monnaie,  avec  la  traduction 
française  de  M.  Antheunis  el  les  récitatifs  de  M.  Gevacrl,  vient 
de  paraître  au  Ménestrel,  'ibis,  rue  Vivienne,  à  Paris.  Fort  belle 
édition  faite  à  Bruxelles  par  les  soins  de  la  maison  A.  Vandcr 
(ihinstc  et  C'*^  et  revêtue  d'une  jolie  couverture  en  couleur. 


pETITE    CHROj^IQUP 


C'est  le  samedi  1.8- janvier  que  s'ouvrira,  au  Musée  ancien,  le 
Vil"  Salon  annuel  des  XX.  Par  le  nombre  et  l'intérêt  des  œuvres, 
il  promet  de  dépasser  tous  ceux  qui  l'ont  précédé.  On  cite  notam- 
ment, parmi,  les  tojJPfe  appelées  à  exciter  la  curiosité  artistique,  les 
attachantes  éludes  de  plein  air  de  Paul  Cézanne,  les  symphonies 
éclatantes  de  Vincent  Van  Gogh,  les  paysages  de  Sisley,  les  com- 
positions nouvelles  de  Renoir  et  l'envoi  du  groupe  néo-impres- 
sionniste, dont  la  technique  s'aftirmc  de  plus  en  plus. 


C'est  par  erreur  que  le  nom  de  M.  Schlobâch  a  été  omis  sur  la 
liste  des  artistes  qui  participeront  au  prochain  Salon  des  X'A'. 
M.  Schlobâch,  l'un  des  fondateurs  de  l'Association,  aura  un  envoi 
imporlani  el  dans  une  note  d'art  très  personnelle. 

L'Association  îles' professeurs  d'inslrumeiUs  à  iTiiÉ^donnera 
dimanche  prochain,  i"!  courant,  sa  première  séance  musicale  au 
Conservatoire,  avec  le  concours  de  M"*^  Dyna  Beumcr.  Au  pro- 
gramme :  le  quiuleltc  de  Mozart  pour  piano,  hautbois,  clarinette, 
cor  el  basson,  la  sinfonielta  de  Raff,  etc. 


On  nous  écrit  de  Milan,  au  sujet  de  la  première  représentation 
des  Maîtres -Chanteur  s  : 

Premier  acte  :  Succès  mitigé  par  quelques  silïlels  assez  timides 
et  vile  éloufles.  Deuxième  acte  :  Succès  plus  accentué  el  grand 
enthousiasme  après  la  dispute  finale  dont  on  a  demandé  et  obtenu 
le  bis  par  dos  acclamations  très  chaleureuses.  Troisième  acte  : 
Succès  croissant  et  bis  pour  le  quintette.  Le  dernier  tableau  a  été 
acclamé.        ^ 

En  somme,  l'accueil  du  public  a  été  très  favorable  et  la  victoire 
n'est  pas  douteuse.  L'interprétation  est-elle  bien  telle  que  l'avait 
rêvée  le  Maître?  Probablement  non.  Il  y  a  eu,  par  moments,  quel- 
ques exagérations  de  style  italien.  Mais  le  public  milanais  n'a, 
naturellement,  eu  garde  de  protester.  On  a  souvent  fait  des  cou- 
pures, même  "dans  les  rôles  importants  comme  celui  de  Hans 
Sachs,  qui  n'est  au  premier  acte  qu'un  simple  coryphée.  Heureu- 
scmcnl  qu'on  lui  laisse,  aux  deijxième  et  troisième,  reprendre  son 


rang.  C'est  M.  Henri  Seguin,  l'ancien  Haus  Sachs  de  Bruxelles,  qui 
remplit  le  rôle  îi  Milan  el  qui  lui  prête  la  noblesse  do  son  jou  el 
la  puissance  de  sa  voix.  Le  public  et  la  presse  ont  accueilli  l'excel- 
lent artiste  par  les  plus  vives  louanges.  Il  est,  dès  à  présenl. 
question  de  monter  l'an  prochain  la  Valkyrie,  dans  laquelle 
M.  Soguin  créerait  en  italien.le  personnage  do  Wolan. 


Lohengrin  vient  do  remporter  à  Genève  un  éclatant  succès. 
Les  artistes  ont  été  très  apj)réGiés,  spécialcmeni  deux  chanteurs 
bien  connus  de  notre  public,  M.M.  Engêl  et  Dauphin. 

«  L'inlerprélalion  de  Lohengrin,  dit  la  Tribune  ik  Genève. 
est  remarquable  comme  ensemble.  Deu\  artistes  mérilonl  d'être 
placés  hors  de  pair.  M.  Engel  est  uu  ,Lohengi"in  splendide-:  hi 
voix  sonne  claire  et  vibrante  jusqu'au  .  registre  supérieur,  la  dic- 
tion eslexcellonlo  et  le  style  irréprochable.  Les  vieux  habitués  du 
théâtre  qui  se  souviennent  d'avoir  vu  M.  Euifcl  à  Genève  au  coni- 
mencement  de  sa  carrière  —  nous  devons  avouer  qu'il  n'avail  eu 
aucun  succès  —  n'ont  pas  dû  reconnaître  h;  jeune  ténor  d'anlan 
dans  le  chevalier  du  cygne,  éliuçclanl  sous  sa  cuirasse  d'argent. 
M.  Engel  a  souvent  chanté  le  rôle  de  Lohengrin  à  Bruxelles  et  il 
y  est  absolument  remarquable. 

Excellent  aussi  M.  Dauphin  dans  le  rôle  du  roi  Henri  :  il  est 
bien  supérieur,  paraît-il,  à  ce  qu'était  M.  Couturier  dans  l'unique 
représentation  sous  la  direction  de  M.  Lamoureux.  Un  Allemand 
nous  disait  hier  n'avoir  jamais  entendu  interpréter  comme  par 
M.  Dauphin  la  superbe  invocation  du  premier  acte.  C'est  un 
triomphe  do  plus  dans  la  carrière  de  cet  artiste.  » 

Le  peintre  Jules  Garnier  est  mort  à  Paris,  le  2.j  décembre,  à 
l'âge  de  -42  ans,  emporté  en  quelques  heures  par  une  congestion 
pulmonaire.  H  laisse  une  série  d'illustrations  pour  la  Vie  de 
•Rabelais,  pour  les  Contes  de  la  Reine  de  Navarre,  pour  les  Jeux 
du  cirque  (.Vïlugucs  le  Roux,  et  de  nombreux  tableaux  exposés  au 
Salon  depuis  1809,  nolammcni  :  le  Droit  du  Seigneur  (1872)  ou 
hors  du  Salon,  tel  :  V Adultère,  qui  fil  ((uelque  tapage. 

L'intéressante  étude  de  M.  J.  Brunfaul  sur  V Archéologie  au 
théâtre  {V Art  moderne,  1889,  pages  294  et  îJOl)  n'a  pas  la'ssé 
indifférente  l'administralion  communale  de  Bruxelles.  Nous  appre- 
nons, en  etTet,  que  M.  l'échevin  dos  beaux-arts  a  adressé  récem- 
monl  aux  directeurs  du  théâtre  de  la  Monnaie  un  rapport  leur 
signalani  l'article  en  question  el  leur  recommandant  de  tenir 
compte  des  observations  et  dos  critiques  qui  s'y  trouvent  consi- 
gnées. ^  , 

Nous  verrons  bien,  à  la  promière^dc  Salammbô, ?>\  les  décora- 
teurs el  los  costumiers,  sans  oublier  le  régissoui-.'ont  rompu  avec 
les  traditions  routinières  de  la  maison,  mais  nous  croyons  que, 
jusqu'ici,  il  n'y  a  pas  ou  do  grands  changenienls;  ou  a  bien  sou- 
mis les  maquettes  dos  décors  au  librclliste  qui,  d'après  un  com- 
muniqué des  journaux,  s'est  déclaré  enchanté  :  il  est  permis  (\i^ 
croire  que  si  l'on  avait  consulté  un  archéologue,  seul  compétent, 
ronchanlement  n'aurait  pas  été  aussi  vif  cl  (luo  des  criiiques  el 
dos  conseils  utiles  auraient  été  formulés. 


M.  Delacenscric,  architecte  do  la  ville  do  Bruges,  vient  d'être 
nommé  directeur  de  l'Académie  de  dessin;  c'est  à  cet  artiste  que 
l'oii  doit  l'intelligente  restauration  du  greffe,  do  riiôtel  Grulhuuso 
el  d'un  grand  nombre  de  maisons  historiques.  M.  Dehiconserio 
est  aussi  l'auteur  de  l'école  normale  et  de  l'hospice  construits  on 
style  brugcois.  ^ 


V 


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de  VÉtat,  à  Douvres  (voir  i)lus  haut),  et  à  M,  Arthur  Vrancken,  Domkloster,  n»  1,  à  Cologne. 


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Bruxelles.  —  Iinp.  V*  Monnom,  26,  rue  de  l'Industrie. 


Dixième  année.  —  N"  2. 


Le    numéro    :    25 'CENTIMES. 


Dimanche  12  Janvier  1890. 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DBS  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MÀUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,  ■  uu    an ,    fr.    10.00;   Union   po&tale,    fr.    13.00.    —ANNONCES    :    On    traite    à    forfait 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'admimstkation  gknékam:  di;  l'Art  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  26,  Bruxelles. 


=p 


^OMMAIRE 


Le  nouveau  .m^yen-aiu:.  —  Les  palais  de  i.'I']xi'Osiiion  de  Pari.s. 
-7-  Cueillette  de  livres.  —  Le  tiiéatue  de  ^\'l)UMs.  —  L'interview. 
—  Le  Tiiéatkk  de  la  Monnaik  ex  1827.  —  Ciikonkjue  .lUDir.iAiRi-: 
DES  Arts.  —  Mémento  des  l'^xrosnioNs.  —  Petite  c.iironkjue. 


UN  NOUVEAU  MOYEN-AGE 

L  art  à  pris,  de  notre  teiïi^s,  un  caractère  aristocra- 
tique. II  est  sorti  peu  a  peu  de  L\ma&«é^  Il  l'a  quittée, 
pompé  vers  le  haut.  Il  s'est  accumulé  là,  congestionnant 
une  région  minime  du  vaste  organisme  humain.  Il 
n'existe  que  pour  quelques-uns,  se  qualifiant  «  l'élite  ». 
Pour  cette  armée  dite  élite,  petit  groupe,  l'universalité 
des  artistes  travaille,  les  vrais,  les  grands,  et  aussi  les 
pseudo  en  nombre  indéfini.  Là  ils  encombrent  les  gale- 
ries et  s'entassent  aux  portes.  Ailleurs,  rien  de  l'art, 
ou  presque  rien,  des  traces  informes  ;  et  aussi,  dans  les 
âmes,  une  inaptitude  navrante  à  le  saisir.  Comme  con- 
séquence, cet  aphorisme,  issu  de  la  vue  restreinte  de  cet 
anormal  phénomène  contemporain  :  l'art  n'est  pas  fait 
pour  les  foules.  Un  mot  d'ordre  dédaigneux  circule, 
surgi  de  la  colère  à  n'être  pas  compris,  si  ce  n'est  de 
très  rares  esprits  :  l'artiste  ne  doit  produire  que  pour 
les  lettrés,  espèce  rare.  Et  d'auti'es  ajoutent  :  l'artiste 


n'a  pas  à  rechercher  la  popularité;  elle  n'existe  plus,  à 
moins  d'être  impure.  On  répète  les  paroles  de  Flaubert  : 
"  Etre  sifflé  n'est  rien,  mais  être  applaudi  est  trè.s 
amer  -.  Et  le  bon  ton,  cette  toujours  renaissante  expres- 
sion des  erreurs  passagères  s'en  mêlant,  on  choie,  on 
admire  les  artistes  qui  font  fi  de  la  renommée  et  afi'ec- 
tent  de  ne  priser  que  les  succès  du  bel  air.  Et  par  bel 
air  il  faut  entendre  ce  monde  odieux  qui,  ayant  soutiré 
à  lui  les  grandes  fortunes,  prétend  avoir,  par  surcroît, 
le  monopole  des  belles  choses,  et  en  son  .puissant  syndi- 
cat, concentre  l'art  comme  il  a  concentré  l'argent. 
Partout,  si  ce  n'est  dans  ce  paradis  artificiel,  l'appau- 
vfi^ement  esthétique  parallèle  à  l'appauvrissement 
pécuniaire.   "^ 

Ce  phénomène  coïncide /aTiee-4ine  transformation  de 
l'art,  très  sensible.  lî^^guise  en  des  subtilités  de  plus 
^en  plus  graciles^  Il  prend  des  raffinements  analogues  à 
ceux  du  cabinet  de  toilette  des  hicii-lifardes  per- 
sonnes pour  lesquelles  il  se  met  en  frais.  Ses  ressources, 
ses  procédés,  ses  visées,  sont  aussi  compliqués  et. vont  à 
des  buts  .aussi  délicats  en  nuances,  que  l'attirail  de 
brosses,  d'épingles,  d'épongés,'  de  parfums,  de  f;u\ls 
d'une  femme'en  bonne  posture,  c'est-à-dire,  sdlidenieht 
dressée  sur  le  piédestal  du  coff're-fort  marital.  Il  n'a  plus 
la  saine  allure  d'un  art  se  mettant  en  mouvement  pour 
l'humanité,  cherchant  les  hautes  et  héroïques  généra- 
lités qui  sont  un  aliment  pour  tous.  Il  se  rapetisse  en 


< 


des  conce])tions  étroites,  compréhensibles  seulement 
pour  les.  castes,  conceptions  profondes  et  séduisantes 
souvent,  soit  par  la  substance,  soit  par  la  forme,  mais 
énigniatiques  pour  d'autres  que  les  coteries.  lîlxtraordi- 
naire,  (îertes,  est  le  degré  d'élancement  atteint  par  ces 
écoles  raflfinées,  mais  ja  minceur  des  îilons  projetés  est 
étonnante.  Ils  perdent  en  diamètre  ce'q'ù'ils  gagnent  en 
pénétration.  Ce  sont  des  trous  de  vrille,  des  galeries  de 
termites  et  non  .pas  les  larges  et  indestruetihl,es  coulées 
de  l'art  aux- bel  les  époques  où  il  s'agitait  pour  dès  peu- 
ples entiers  en  des  poèmes  épiques. 

Cette  situation  est  irrationnelle.  Un  tel  accaparement 
ne  saurait  durer.  Il  est  doublement  vicié,  et  doit,  par- 
tant, doublement  périr.  Ici  il  y  a  .trop  :  dont;  péril  de 
mort.  Là  il  y  a  trop  peu  :  encore  péril  de  mort.  Ou,  plu- 
tôt que  la  mort,. besoin  de  changement,  de  révolution. 
L^  marée  a  monté  avec  excès  sur  un  point  :  il  y  aura 
reflux,  abaissement,  chute,  et  étalement,  en  arrière, 
dés  eaux.  La  prévision  du  phénomène  réparateur  peut 
porter  à  la  fois  sur  l'argent  et.sur  l'art.  Ils  retourneront 
l'un  et  l'auti'e  vers  une  plus  juste  répartition.  Néces- 
saires aliments  de  l'activité  humaine,-  il  les  faut  à  tous 
et  dans  une  juste  mesure.  Transitoirement,  et  sous  l'ef- 
fet d'attractions  particulières,  ils  peuvent,  comme  les 
dépressions  atmosphériques,  produire  des  accumula- 
tions et  surcharger  certaines  régions.  Mais  la  balance 
repi'end  tôt  ou  tard  l'équilibre,  jusqu'au  jour  d'une  nou- 
velle rupture.  Les  phases  de  l'instable  histoire  de  l'art 
s'expliquent,  pour  une  bonne  partie,  par  ces  variations. 

Notre  époque  oti  l'art  apparaît  tel  qu'un  abcès  qui 
s'est  gontlé  dans  le  coin  des  privilégiés  de  la  fortune,  est 
donc  proche  d'une  transformation.  Que  sera  C(?l]e-ci?Il 
ne  faut  pas  être  très  pénétrant  pour  comprendre  qu'elle 
accompagnera  la  révolution  démocratique  et  sera 
influencée  par  elle.  Le  malaise  et  les  convulsions  qui. 
tourmentent  le  corps  social  partout  oti  la  race  aryenne 
subit  la  série  de  ses  dures  métamorphoses,  n'est  que  l'ef- 
fort persi.stant  et  incompressible  pour  conquérir  l'éga- 
lité matérielle  et,  plus  àprement  encore,  l'égalité  intel- 
lectuelle. Assurément  ce  second  besoin  est  moins  con- 
scient :  le  ventre,  dans  tous  ces  troubles  chaque  an  plus 
redoutables,  semble  réclamer  pJus  que  le  cerveau.  Mais 
ce  n'est  qu'apparence;  l'âme  crie  justice,  elle  aussi, 
indistincte  en  ses  revendications,  mais  au  fond  avide, 
d'unefaim  insatiable.  Et  au  surplus  qu'importe  !  Quand 
on  aura  détruit  l'iniquité  du  monopole  argent,  on  aura 
brisé  du  même  coup  l'iniquité  du  monopole  art. 

Et  c'est  là  que  se  pose  immédiatement  cet  autre  pro- 
blème :  Quel  art  remplacera  l'art  aboli  ?  Quelle  forme 
revêtira,  en  démocratie,  ce  qui  aujourd'hui  s'épanouit," 
floraison  rare  et  morbide,  en  aristocratie.  L'atmosphère, 
la  lumière  inspiratrice,  la  climatérie  générale,  chan- 
geant, la  végétation  infailliblement  sera  autre.  Laquelle? 
laquelle? 


Chaque  fois  qu'en  un  grand  bras.sage,  des  idées,  des- 
tendances  nouvelles  ont  été  mêlées  A  une  civilisation  ; 
chaque  fois  que  l'édifice  d'une  époque  s'écroulant,  ses 
matériaux  ont  été  entraînés  dans  le  tourbillon  d'une 
révolution,  roulés,  broyés  avec  les 'matériaux  d'au  des- 
sous en  quantité  plus  grande,  la  pâte,  résultante  de  cette 
cuisine  de  cataclysme,  est  apparue  d'abord  comme  de 
qualité  inférieure.  Mais,  plus  tard,  c'est  elle  dont  sortent 
les  monuments  plus  beaux. des  temps  nouvealix.  Aussi, 
cette  période  transitoire  d'incertitude  et  d'obscurité 
masquant  la  fécondité,  a-t-elle  reçu  un  nom  significatif: 

LE  MOYEN-AGE. 

Moyen-âge  fut  la  situation  de  l'Europe  après  la  chute 
de  l'empire  romain  éparpillant  ses  débris  sur  les  multi- 
tudes barbares.  Moyen-âge  sera  la  situation  de  l'art 
après  la  chute  dej  la  féodalité  d'argent  émiettant  ses 
richesses  restituées,  §ur  les  multitudes  ouvrières.  Un 
Nouveau  moyen- âge  ! 

Oui,  on  peut  s'attendre  à  un  recul  momentané^  -^ou s 
ces  raffinements,!" toute  cette  manie,  cette  folie' de 
nuances,  ces  amincissements,  ces  aiguisements  que  nous 
rappelions  tantôt,  disparaîtront  dans  la  fournaise.  Quel 
sens  ont-ils  pour  ces  masses  depuis  si  longtemps  sevrées 
(et  de  plus  en  plus)  de  l'art  accaparé  par  d'autres.  Et 
comment  ce  monde  d'artistes,  accoutumé  à  ne  plus 
s'occuper  d'elles,  ayant  désappris  la  langue  artistique 
compréhensible  pour  elles,  aurait-il  l'aptitude  nécessaire 
pour  changer  brusquement  son  orientation.  Le  cour- 
tisan du  riche  désapprend  de  parler  au  pauvre.  L'esprit 
habitué  trcalculer  ce  que  peut  rapporter  une  oeuvre, 
sera  stérile  quand  une  toile  préoccupation  deviendra 
sans  objet.  La  crise  sociale  qui  s'annonce,  «n  même 
temps  qu'elle  mettra  la  déroute  chez  les  financiers,  la 
mettra  dans  le  bataillon  des^artistes  qui  les  servent.  Ce 
sera  une  universelle  mise-à-pied  et  un  recrutement  sur 
nouveaux  frais. 

Il  y  aura  alors  des  jours  d'impuissance  et  de  stagna 
tion.  L'art  apparaîtra  mort,  ou  tout  au  moins  déchu. 
Les  lamentations  sur  «  cette  fin  de  siècle  »  redoubleront 
et  des  voix  gémissantes  ou  colères  accuseront  la  démo- 
cratie stérilisa^nte,  qui  détruit  sans  remplacer.  Mais 
en  vérité,  elle  sera  comme  la  dévastatrice  Athènè,  qui 
ne  '  ravageait  que  pour  mieux  féconder,  la  Minerve 
arméa  de  la  lance  meurtrière  et  du  bouclier  à  tête  de 
Gorgone  effrayante,  'mais  qui  était  la  déesse  aux  yeux 
clairs,  enseignant  à  planter  l'olivier  et  inspiratrice  de 
toute  justice.  L'art  démocratique  aura  ce  caractère  de 
viser  aux  jouissances  psychiques  de  tous  au  lieu  de  ne 
penser  qu'aux  jouissances  blasées  de  quelques-uns.  Sans 
cesse  il  grandira  avec  cette  préoccupation  plus  géné- 
reuse, plus  saine  et  plus  noble.  On  le  verra,  redes- 
cendant comme .  autrefois,  dans  les  détails  de  la  vie, 
embellir  l'outil  du  travailleur,  le  nxobilier  des  demeures 
simples,  les  costumes  nationaux.   L'assiette,  le   pot. 


'  ^ 


T 


^ 


l'enseigne,  la  porte,  la  serrure  redeviendront  des  objets 
que  l'artiste  croira  dignes  de  l'occuper.  Et  en  même 
temps,  dans  l'âme  des  poètes,, au  lieu  des  énigmes  en 
honneur,  s'adressant  aux  initiés,  reverdiront  ces  beaux 
chants  d'universelle  humanité  qui  nous  font,  encore 
aujourd'hui,  préférer  les"  œuvres  mortes  aux  œuvres 
récentes.  Le  sculpteur  ne  travaillera  plus  pour  le  bou- 
doir, mais  pour  la  place  ou  le  monument  publics.  En 
architecture,  on  aura  a\ître  chose  que  l'architecte  des 
maisons  bourgeoises,  égoïstes  et"  cossues.  L'art  rede- 
viendra la  langue  commune,  et  ne  sera  plus  on  ne  sait 
quel  dialecte  hermétique  destiné  à  un  collège  de  brah- 
mines. 

Lentement  il  montera  ainsi  durant  ce  nouveau 
moyen-âge,  universel  et  populaire.  Populaire,  oui,  et 
ce  -nonobstant,  non  moindre  finalement  qu'il  ne  l'est 
aujourd'hui.  Car,  lui  aussi,  procède  par^  cet  alternatif 
mouvement  qui,  suivant  Pascal,  est  celui  de  l'évolution 
de  tout  progrès  et  de  toute  vérité  :  En  avant;  —  puis, 
un  peu  en  arrière;  —  ensuite,  encore  en  avant;  — 
puis,  un  arrêt;  —  et  alors  plus  loin  d'une  poussée 
nouvelle;  —  mais  un  ralentissement;  —  enfin,  en  avant 
d'un  élan  irrésistible! 

Amen  !  '  '       . 


LES  PARAIS  DE  L'EXPOSITION  DE  PARIS 

Nos  voisins  de  France,  qui  ont  si  souvcti'  (rcxccllcnles  idées 
qu'ils  réalisent  de  merveilleuse  façon,  viennent  celle  fois  d'en 
avoir  une  de  forte  dimension  que  les  artistes  dçvraienl'conspuer 
sans  t(^[jtrd  :  n'cst-il  pas  qlieslion,  en  effel,  de  conserver  le 
palais  des  machines,  le  Uôme  central  et  les  palais  des  Beaux-Aris 
et  des  Arts  libéraux  ? 

C'est  au  nom  de  l'Art  qu'une  coterie  d'arcliilcctcs,  soutenue  par 
quelques  journalistes  absolument  incompétents,  réclame  la  con.- 
servation  de  ces  monuments,  tandis  qu'il  serait  infiniment  plus 
juste  d'en  demander  la  démolition.  En  effet,  ces  construcliï»ns 
destinées  h  ne  durer  que  six  mois  ont  été  conçues  et  étudiées 
assez  sommairement  et  exécutées  avec  des  éléments  médiocres  ; 
de  même,  les  critiques  et  Ics'louanges  qui  leur  ont  été  adressées 
n'<jttt~aUmi^eur  pa'roxvsmc. 

Si  l'on  considère  les  palais  de  l'Exposition  cdmme  des  monu- 
ments définiti^y,  il  convient  de  les  examiner  pkn  sévèrement,  de 
discuter  lé  point  de  départ  de  leurs  dispositions  r'  .fi-xaminer  de 
près  les  motifs  décoratifs  produits  par  la  virtuosité  ci  haute  ten- 
sion des  architectes  :  or,  rien  n'a  résisté,  à  noire  avis,  à  celle 
étude  attentive. 

Que  signifie  ce  palais  des  machines,  auquel  on  a  fait  l'honneur 
exagéré  de  décerner  le  prix  Osrris,  et  quel  mérite  de  composition 
a;t-il?  —  Aucun.  —  Cette  halle,  fort  large,  c'est  entendu,  n'a  ni 
commencement,  ni  fin;  c'est  une  tranche  d'une  halle  ijidéfinie  et 
jl  n'y  a  aucune  raison  pour  qu'au  lieu  de  450  mètres,  elle  n'en 
ail  pas  300  ou  900.  On  a  fait  gf^nd  étal  de  la'^courbe  élégante  des 
fermes  et  de  l'ingénieux  dispositif  de  leur  base  pouvant  oscillor 

librement  autour  d'une  sorte  de  rotule;  or,  ce  movcn  est  connu 

"?  '  '■■■■■-  "      .        ■  ■  . 


el  appliqué  depuis  longtemps,  cl  la  courbe  est  le  résultat  de' 
cîilouls  rigoureux  qui  ne  permettent  pas  d'en  faire  une  autre. 
Quiinl  à  la  décoration,  elle  était  étrangère  "à  toulte  préoccapation 
anistique  :  les  trophées'  en  slaft  cl  les  cartouches  d'Epinal  qui 
ccuraient  le  long  des  charpentes,  doivent  avoir  encore  laissé  leur 
im|)rcssion  horripilante  sur  la  rétine  des  visiteurs,  intelligents. 

Pa.ssons  au  dôme  central  qui,  au  point  de  vue  du  goût,  a  fait 
appel  aux  instincts  les  plus  bas  el  les  plus  vulgaires  des  foules  : 
ce  >;imiIi-balIon  surchargé  de  g^uirlandes^^mascarons,  cartouches, 
griffons  ailés,  etc....  el  l'ardii voile  d'entrée,  plaquée  d'innombra- 
bles écussons^el  flanquée  d'incohérents  pylônes,  formaient  un 
ensemble  grouillant  que  les  rehauts  d'or  el  de  couleurs  criardes 
jcndaienl  encore  plus  insupportable  aux  raffinés,  isolés  au  milieu 
des  bataillons  moulonnièrcment  admirateurs.  Si,  pour  racheter 
ces  défauts,  les  grandes  lignes  étaient  au  moins  bien  comprises. 
Mais  non':  l'autelir  a  reproduit  en  fer  les  coupoles  des  Invalides 
et  du  Val-de-Crâce  qui  existent  en  pierre,  el  il  a  même  imaginé 
d'absurdes  conlrtfdrîs  ayant  pour  mission  de  résister  h  la  poussée 
de  voûtés...  qui  n'existent  pas!  Combien  navrant  est  ce  résultat  : 
imitation  de  formes  connues,  utilisation  de  motifs  surannés;  en 
somme,  un  saut  en  arrière  de  2o  ans  au  lieu  d'une  manifestation 
franchement  mocicrne.  _      .  ^_ 

Pour  les  palais  des  Bcjiuj(;Arts  el  des  Arts  lib(5raux  nous  nous 
sentons  la. plume  plus  indulgente  :  si  nous  notons  des  lûtonno- 
menls  el  des  défaillances,  npus  devons  reconnaître  que  l'archi- 
tccte  s'est  imposécomme  programme  l'emploi*  artistique  du  fer, 
tâche  des  plus  ardues,  çt  qu'en  plus  d'un  endroit  il  a  à  peu  près 
réussi.  Quelques  cnlhousiastes  sont  partis  de  Ih  pour  proclamer  la 
création  d'une  architecture  noiivelie;  c'est  aller  un  pou  vile  en 
lu^sogn£,  car-l'auleur  s'est  servi,  pour  ses  piliers, ses  architraves, 
SOS  corniches,  etc..  d'éléments  absolument  classiques  qu.'il  a 
interprétés  au  moyen  de  fers  cornières,  'de  terres  cuites  et  de 
faïences,  au  lieu  de  rocherchor  des  formes  nouvelles,  rationnelles, 
s'appliquiinl  aux  éléments  qu'il  a  essayé  d'introduire  dans  l'archi- 
tocture  moderne.  Les  coupoles,  dont  l'ovoïde  oriental  est  si 
discrètement  et  si-fraîchemcnt  décoré  d'azuU'jos,  no  se  rattachent 
nullement  aux  façades;  de  plus  l'aspect,  vu  de  l'intérieur,  n'est 
û[uère  satisfaisant  :  les  retombées  des  arcs  se  résolvent  en  un 
encorbellement  d'une  brutalité  toute  industrielle,  qui  n'est  guère 
dissimulée  par  des  têtes  de  bœufs  bien  intempestives,  et  la  déco- 
ration picturale,  avec  sa  disposition  caissonnnnte,  ne  lient  aucun 
compte,  des  divisions  données  par  l'ossature  générale.  Il  nous 
reste  à  signaler  une  anomalie  autrement  grave  :  les  immenses 
fenêtres  du  premier  étage,  qui  semblent  devoir  éclairer  Ics' salles 
d'exposition,  ne  sont  d'aucune  utilité-;  elles  ont  été  toutes  bûiichces 
par  des  cloisons  destinées  à  recevoir  des  tableaux,  et  l'éclairage 
sf^-fait  par  les  lantcrneaux  de  la  toiture!  Le  mensonge  architec- 
tural est  ici  indéniable  'et  l'on  peut  reprocher  h  rarchilecie  une 
solution  a"iissi  peu  confoime  à  la  vérité  cl  à  là  raison  r^ômbieh 
moderne  aurait  été,  à  l'étage,  un  mur  plein  dont  on  pouvait  tirer 
un  parti  excellenl  en  L'ornant  de  panneaux  décoratifs  retraçant, 
en  mosaïque  ou  en  sgralVito,  les  diverses  phases  de  l'histoire  tie 
l'art  :  il  y  purait  eu  ainsi,  pour  les  artistes,  un  spectacle  autre- 
ment récréatif  que  celui  des  banales. draperies  rouges  jetant  leur 
ci'iarde  note  Louvre  ou  Bon  Mqj-ehé  dans  un  ensemble  harmo- 
nieusement polychrome.  '. 

Nous  croyons  avoir  montré,  en  ne  parlant  que  des  |)oints  prin- 
cipaux, que  les  palais,  du  Chamii  de  Mars  ne  possèdent  pas  un 
ensemble  de  qualités  suffisant  pour  en  motiver  la  conservation 


^^e 


^T-— i. 


dV-finitivo.  Nous  ajouterons  môme  que  le  maiiilion  de  ces  cojislruô- 
lions  amônerail  un  découragement  certain  chez  lc§  aixliilectes  et 
les  iriftcnieurs,  et  un  recul  ou  un  arrêt  dans  la  reclierclie  de  solu- 
tions dos  prol)lèmes  tcclini'qucs  ou  artistiques  ;  la  perspective  de 
pouvoir  produire  une  œuvre  originale  lors  d'une  Exposition  uni- 
verselle est  un  stimulfint  des  plus  puissants,  et  l'on'aurail  tort 
de  négliger  €C  facteur  important  au  point  de  vue  de  lu  réussite  de 
la  future  Exposition  de  1900. 

Il  est  certain  que  le  fer  n'a  pas  prononcée  son  dernier  mot  :  qui 
nous  dit  qu'en  dix  ans  les  ingéuTl-urs  n'arriveront  pas  h  faire  un 
Palais  des  machines  d'une  disposition  absolument  nouvelle  en  y 
appliquant  des  procédés,  des  combinaisons,  des  inventions  les 
plus  d.éconcerlantcs?  Voyez-vous  l'eirel  démodé  que'  produira  le 
dôme  central  en  dOOO,  et  ne  vaut-il  pas  mieux  laisser  aux  artistes 
l'occasion  de  créer  une  œuvre  qui  marque,  sans  qu'il  puisse  y 
avoirde  doute,  la  conclusion  du  Mx*"  siècle  et  le  prélude  du  xx""? 
—  Enfin,  ne  pensez-vous  pas  que  si  M.  Formigé  était  chargé, 
dans  dix  ans^  de  refaire  des  palais  pour  les  Bcaux-Arts'et  les  Arts 
libéraux,  il  aurait  eu  le  temps  de  méditer  et  de  s'assimiler  les  élé- 
ments qu'il  a  mis  pour  la  première  fois  en  œuvre  celle  année,  et 
qu'avec  le  goût  sobre  et  l'esprit  chercheur  qui  sont  sa  caractéris- 
tique, il  composerait  des  monuments  de  tout  premier  ordre? 

Une  considération  qui  .ne  peut  être  négligée,  cVst<la  réussite 
pécuniaire  d'une  Exposition  :  or,  on  peut  prédire,  h  coup  sûr, 
que  si  l'on  n'exhibe  au  public"  de  1900  que  la  tour  Eiflel  et  tous 
les  monuments  qu'il  aura  vus  en  1889,  le  nombre  des  visiteurs 
tombera  de  2o  à  12  ou  méme-10  millions  :  csl-cecela  que  l'on  désire? 
Il  avait  été  question  d'installé»'  tous  les  ans,  dans  ce  palais,  le 
Salon  de  peinture  et  une  nouvelV  institution,  la  Foire  de  Paris; 
or,  il  n'est  plus  question  de  foire  et  les  artistes,  refusant  les  pré- 
sents de  j>I.  Alphand,  resteront  au  Palais  de  l'Industrie.  Si  ces 
monuments  ne  sont  pas  utilisés,  h  quoi  bon  les  conserver? 

Nous  disons  donc  î»  nos  voisins  de  France  :  n'imitez  pas  ce  que 
nous  avons  fait  h  Bruxelles  après  les  Expositions  de  1880  et  1888, 
et  démolissez  les  palais  du  Champ  de  Mars  qui  n'ont,  du  reste, 
pas  été  élevés  à  litre  définitif;  ne  barrez  pas  la  route  aux  généra- 
lions  futures,  et  laissez  la  porte  de  l'avenir  largemcnf~iouverte  à 
toutes  Jcs  initiatives. 


fuEai-ETTE     DE    J-lVREp' 

Cromlechs  et  Dolmens  de  Belgique.  —  Notes  de  préhistoire 
par  E.  Harroy,  directeur  de  l'école  uormnle  de  l'État  à  Verviers^ 
—  In-12  de  xvi-182  pages  avec  figures,   Namur,   imp.   et  iith. 
Lambert-De  Roisin. 

Lorsque,  decnièremcnt,  M.  Harroy  retrouvait,  sur  les  bords  de 
la  Xei^drc,' Y Adiiadica  Castellum  de  César,  cl,  le  texte  en  main, 
établissait  que  les  environs  de  Limbourg  répondent  seuls  aux  exi- 
gences du  récit  des  Commentaires,  il  indiquait  déjà  quQ  c'est  sur 
le  plateau  de  Sohvasler  qu'avaient  du  se  réunir  les  Éburons  pour 
fondre  sur  les  légions  romaines  et  les  surprendre  au  sortir  de  leur 
camp  (i).  Le  nouveau  livre  que  nous  signalons  à  nos  lecteurs  est 
le  développement  de  cette  idée.  M.  Harroy  est  un  infatigable  tou- 
riste qu'attirent  les  lieux  hauts.  Dès  qu'il  peut  s'échapper  de  son 
école,  il  parcourt  les  sommets,  avec  la  volonté  d'y  trouver  quel- 
,  que  trace  de  ce  passé  qui  hante  son  souvenir,  et  il  trouve  en  effet. 

fli  Voir  l'A7-t  moderne  du  3  novembre  dernier,  p.  349. 


A  force  d'interroger  les  grandes  pierres  gisani  sur  les  coteaux  de 
la  Hoïgne,  il  y  a  découvert  je  ne  sais  quelle  géométrie  mysté- 
rieuse qui  tout  à  coup  a  illuminé  son  esprit.  Là  où  l'on  n'avait  vu 
jusqu'alors  que  des  blocs  épars,  il  a  reconstitué  un  arrangement 
religieux  et  savant,  disposé  par  les  ancêtres  à. la  fois  pour  glori- 
lier  les  dieux  et  pour  calculer  la  marche  du  temps,  pour  marquer 
les  divisions  de  l'année  et  le  commencement  des  saisons.  Au  lieu 
de  roches  dispersées  au  hasard  par  les  éboulcments  préhistori- 
ques, nous  avons  sous  les  yeux  des  ob.'^ervatoires  et  des  temples, 
des  calcndric'rs  et  des  horloges  et  ce  n'est  piis  tout.  A  l'heure  du 
danger,  ces  groupes  de  pierres  deviennent  le  point  de  ralliement 
des  guerriers.  Chaque  division  du  cadran  sacré  répond  à  une 
division  de  l'armée,  à  une  peuplade,  à  un  clan,  et,  dès  que  les 
feux  allumés  sur  les  monts  ont  fait  connaître  à  tous  le  péril  de  la 
nation,  chacun  saisit  ses  armes  et  se  hûte  à  son  poste  avec  d'au- 
tant plus  d'empressement  qu'il  est  d'usage,  dit  César,  de  faire 
périr,  au  milieu  des  plus  cruels  supplices,  sous  les  yeux  mêmes 
de  la  fqiile,  celui  qui  arrive  le  dernier.  Et,  en  effet,  non  loin  de 
VHirmcnsul,  ou  grande  pierre  du  soleil,  qui  domine  le  plateau 
et  est  au  centre  du  Cromlech,  ou  pierres  en  rond,  comme  l'ai- 
guille au  milieu  du  cadran,  on  découvre  presque  toujours,  mais 
un  peu  à  l'écart,  dissimulée  dans  un  pli  de  terrain  comme  en  uii 
sanctuaire,  la  pierre  du  sacrifice,  le  Z)o/jne?^.aycç,ses  çrçijx.çpr-;. 
respondant  à  la  formed'un  corps  étendu,  ses  rigoles  pour  l'écou- 
lement du  sang  des  victimes  et  ses  réservoirs  pour  le  recueillir. 
Les  mêmes  dispositions  observées  à  Sokvaslcr,  M.  Harroy  les  a 
recherchées  partout  où  des  monuments  mégalithiques  ont  été 
signalés  en  Belgique,  partout  où  la  situation  dos  lieux  peut  en 
faire  présumer  l'existence  :  à  Dou'rbes-Fagnollcs,  à  Sinsin,  à 
Velaine-Balâtre,  à  Wéris,  à  Mousny-Laroche  :  partout  il  a  trouvé 
des  indices  à  l'appui  de  son  système  et  si  quelquefois  l'un  des  élé- 
ments essentiels  en  a  échappé  à  ses  investigations,  le  doute  n'a 
pas  pu  s'insinuer  dans  son  cœur;  il  affihne  que  ces  éléments  ne 
"peuvent  faire  défaut  ;  que,  par  une  étude  plus  minutieuse,  iLsaura 
les  faire  apparaître  ;  et  déjà,  par  la  pensée^  il  relie  les  unes  aux 
autres  toutes  ces  stations  saintes  en  un  vaste  ensemble,  couvrant 
la  Gaule  entière  d'une  sorte  de  lriangti4ation  idéale,  pour  aboutir 
à  Carnac,  le  quartier-général  des  mégalithes  ! 

Ingénieuse  fantaisie,  a-t-on  dit,  el  le  mot  a  froissé  M.  Harrov, 
en  ses  convictions  les  plus  intimes,  comme  un  blasphème.  De 
l'ingéniosité,  certes,  il  y  en  a,  et  beaucoup,  dans  l'observation  des 
choses,  dans  là  recherche  et  la  combinaison  des  textes,  où  l'on 
voit,  entre  beaucoup  d'autres,  la  Salammbô  de  Flaubert  saluant 
lentement  les  quatre  points  du  ciel,  à  côté  de  Jean  d'Oulre-Meuse, 
l'Hérodote  liégeois,  signalant  au^~xiv«  siècle  les  Croliqhes  des 
Ardcnhes,  et  du  premier  président  Schuermans  retrouvant,  sous 
les  voip  romaines  des  hautes  fagnes,H^trace  de  pérégrinations 
plus  anciennes. 

Y  a-l-il  aussi  de  la  fantaisie?  Eh!  n'y  en  a-t-il  pas  toujours 
quelque  peu  en  toute  conjecture  scientifique?  L'Art  moderne, 
qui  n'est  pas  une  revue  d'archéologie,  peut  se  dispenser  de 
prendre  parti  sur  ce  point;  mais,,parmi  les  manifestations  de  l'art, 
il  à'toujours  montré  sa  prédilection  pour  celles  qui  s'attachent  à 
célébrer  les  beautés  du  sol  natal,  qui  en  font  ressortir,  sous 
quelque  aspect  nouveau,  les  multiples  el  fécondes  richesses  et,  à 
ce  litre,  il  salue,  en  M.  Harroy,  le  chercheur  qui,  s'il  sait  se 
pencher  sur  les  pierres  pour  tirer  des  inductions  de  leurs  stries, 
de  leurs  mousses  et  de  leurs  moindres  fissures,  sait  aussi  relever 
la  tête  vers  les  grands  horizons,  el  célébrer  d'autaijt  mieux  leur 


■1^ 


-n 


^ 


IJART  MODERNE 


13 


poésie  qu'il  invoque  en  témoignage  le  scniimenl  des  vieux  âges, 
atlcslé  par  la  situation  môme  des  monuments  qu'il  décrit.  Ses 
petits  livres,  dont  il  écarte  avec  soin  toute  affectation  scientifique, 
seront  d'excellents  guides  pour  les  promeneurs  vers  les  points 
du  pays  que  semblent  avoir  marqués  les  premières  aspirations  de 
l'homme  vers  les  cieux.  . 


LE  THIATRE  DE  LA  MONNAIE  EN  1827 

Une  aïeule  a  retrouvé  le  bulletin  que  le  directeur  de  la  Monnaie 
envoyait,  chaque  jour,  h  ses  abonnés,  en  1827^  . 
I.c  voici  dans  son  archaïque  étrangeté  :    ' 

Tlll-'ATRK  HOYAL, 

j;_ 5 ; *  

• p^ ^ . __ '    -■  • 

Continuation  dos  débuts  de  Mlle.  Bernardin. 

LES  COMIÏDIENS  OUDINAIRES  DU  ROI 

Donneront  aujourd'hui   Vendredi,   2   Février    1827, 

(1.'^''  abonnement  courant  )., 

(  entrées  de  faveur  généralement  supprimées  ), 


la  Vestale, 


Grand -opéra  on  3  actes,  de  l'Académie  Royale  de  musique, 
de  Mr.  Jouy,  musique  de  Mr.  Sponlini.      ' 

CHANT  :  M''^  Damoreaiiy  Eiicjèner  Cnssel,  Leroux,   DnpuLs, 
Mosd.  Rousselois,  Lemesle. 

DANSE. 

Pas  guerrier,  par  M.  Slroyaver.  .  " 

Pas  de  deux,  par  M.  Poulou  et  Mad.  Ragaine. 
Pas  de  deux,  par  M.  Rngaine  et  Mile.  Bernardin. 
Tina!  général  par  les  premiers  sujeis  cl  le  corps  de 
Le  speciacle  commencera  par 


lallel. 


LE    MARI   ET   L'AMANT^ 

Comédie  en  un  actcy  de  J.-C.  Vial. 
Artistes  :  Mrs.    Charles,    LemoUjne ,    BcrIhauU ,    Perceval, 
Mesd.  Lcm oigne ,  Lebrun. 

Les  bureaux  seront  ouverjs  à  5  heures  et  demie. 

On  cûmmencora  à  6  heures  et  demie. 

THEATRE  DU  PARC. 

Demain  -3,   ki    1'"''    represenlalion.de   Recelte    pour   marier 

sa  fille,   vaudeville    nouveau    en    l(act'e;    le   Charlatanisme; 

l'Auvergnate,  etc. 


? 


Le  théâtre  de  Warms 


Une  correspondance  adressée  à  un  journal  ^français  donne 
d'intéressants  déiails  sur  la  prochainé^'  inauguration  h  Worms, 
d'un  théâtre  récemment  construit  sur  un  plan  très  particulier. 

Wagner,  on   le  sait,'*  n'admettait  que  deux  formes  possibles' 
pour  le  tliéâtre  de  l'avenir  :  le  «  théâtre  idéal  "■■>  qu'if  a  voulu 
réaliser,  el  le  «  ihéâlrc  populaire  »,  à  grands  spectacles  histo- 
riques, avec  la  participation  du  public  lui-même. 

C'est  ce  théâtre  populaire  que  M.  de  Schœn  a  créé. 

Encouragé  par  le  succès  de  son  fesUval  de  f/u+h€r,  en  l'hon- 


neur du  quatrième  centenaire,  en  1883,  dans  la  cathédrale  même 
de  Worms,  M.  de  Schœn  profila  de  ce  que  le  théâtre  de  Worms 
fut  incendié,  pour  proposer  la  création  du  VolLwheater  (ll)éâlre 
populaire). ;L'administralion  municipale  comprit  qu'au  lieu  d'aVoir 
un  théâtre  de  dixième  ordre,  il  valait  mieux  élaWir  une  scène 
d'un  nouveau  genre,  où  les  représenlations  n'auraient  lieu  que 
quelques  semaines  chaque  année,  mais  seraient  un  événement 
■pour  toute  l'Allemagne  ;  et  le  grand  duc  de  Hesse  accepta  le  pro- 
tectorat de  l'œuvre.  •      >- 

Le  ihéâire  est  un  mélange  du  iliéâtre  wagnérien  xle  Bayrculh  et 
du  théâtre  anglais  de  Shakespeare;  d'abord  une  avant-scène 
empiétant  sur  le  parterre,  puis  une  scène,  puis,  plus  élevée,  une 
seconde  scène.  Les  drames  populaires  et  les  traductions  de  Sha- 
kespeare sont  joués  dans  toute  la  profondeur  de  la  scène,  avec 
une  simple  toile,  unicolore  pour  décor  du  fond.  Pour  d'autres 
pièces,  on  peut  organiseï'^  la  scène  sur  le  modèle  habituel,  avec 
coulisses,  décors,  etc.  Derrière  les  spectateurs,  au  fond  de  la 
salle,  en  face.de  la  scène,  tout  ou  haut,  est  une  so/le  de  vaslo  loi^e 
d'où  parle  Dieu  (par  exemple  dans  Fausl),  d'où  surgissent  1rs 
revenants.. On  peut  aussi  y  placer  un  orchesire. 

Sur  les  côlés  il  y  a  aussi  des  aménagements  pour  des  chosun^s. 
Il  arrive  qu'on  veut  faire  chanter  le  public  tout  entier,  comme 
dans  la  Kaisermarsch  de~Wagncr,  dans  ce  cas,  on  rentraînc  en 
faisant  partir  de  petits  chœurs  simultanément  des  quatre  côlés. 
On  se  promet  un  très  grand  effet  de  ces  ensembles. 

La  pièce  d'ouverture  est  de  M.llans  Hcrrig,  l'auteur  du  Lulhcr- 
Festspiel.  C'est  un  drame  historique  à  grand  spectacle,  intitulé  : 
Drei  Jnhrhunderte  am  Rhein;  il  met  en  scène  la  prise  et  lu 
destruction  de  Worms,  en  1680,  par  les  Français.   . 

Les  représentations  auront  lieu  tous  les  deux  ou  trois  jours  et 
dureront  jusque  vers  Noël.  L'empereur  Guillaume  a  promis  de 
venir  y  assister. 

Ajoutons  que  le  drame  de"  M.  Hans  Herrig  est  joué  par  deux 
acteurs  de  profession  el  deux  cents  personnes  de  la  ville,  impro- 
visées acienrs  pour  la  circonstance.  , 


L'INTERVIEW 


j- 


L'Erho  de   Paris,  par  la  plume  de  M.   Maxime   lîoucJioron, 
blague  les  reporters.  Très  drôle,  cet  interview  au  sujet  de  la  rcvo-    ^~  ^ 
lulion  du  Brésil  : 

Le  diplomate.  —  J'aime  beaucoup  votre  excellent  journal  ;  je 
n'en  lis  pas  d"autre  et  je  suis  prêt  à  répondre  îi  vos  questions,  en 
me  renfermant  toutefois  dans  certaines  limites  que  l'état  actuel  de 
l'Europe  impose  à  ma  discrétion. 

Le  reporter.  —  Il  s'agit,  Excellence,  de  la  Révolution  du 
Brésil.  „        ■ 

Ij:  DIPLOMATE.  —  Hum  !  hum! 

Lé  reports.  — Certains  bons  esprits,  j'avoue  être  du  nonihîv, 
estiment  quPces  faits  semblaient  être  prévus. 

Le  DIPLOMATE.  —  Oh  !  oh  ! 

Le  REPORTER.  —  Quel  est,  Excellence,  voire  avis  pt^rsuiinel  ? 

Le  DIPLOMATE.  —  Hou  !  liou  !  ■  , 

Le  REPORTER.  —  Cependant,  on  peut  admeiire  (pie  l\)boliiion 
de  l'esclavage  aura  précipité  les  choses. 
■■   Le  DIPLOMATE. — -Ah!  ah!  > 

Le  reporter.  —  L'armée  était  prèle  au  proiroi'.riaincnlo. 

Le  diplomate.  —  Plan,  ra  la  plan! 


^fmk^ 


IV 


^ 


J.E  REPOiiTER.  —  Aussi,  Kxcellence,  devez-vous  penser,  comiiK; 
nous,  qu'il  est  heureux,  pour  la  sùinle  cause  de  riuimanité,  que 
la  guerre" civile  ait  pu  être  évitée,  il  y  a  bien  eu  un  ministre  de  la 
.marine  blessé...  . 

Le  uiPi.OMATE.  —  Euh!  euh! 

Le  reporter.  — C'est  déjà  trop,  j'en  conviens;  mais  enfin, 
c'est  tout.  On  n'a  pas  tiré  un  coup  de  canon.  . 

Le  DIPLOMATE.  —  Boum  !  boum  ! 

Le  reporter.  —  Que  dites-vous.  Excellence,  du  président  de 
ce  gouvernement  provisoire,  le  général  Doodoro  da  Fonseca?  il  a 
la  répuialion  d'un  bon  militaire. 

Le  diplomate.  —  D'zim  lai  la!  D'zim  laï  la  ! 

Le  reporter.  —  Comment  les  chancelleries  vont-elles  accueil- 
lir la  disgrûce  de  l'empereur  Pedro? 

Le  DIPLOMATE.  —  Hé!  hé!... 

Le  reporter.  —  Vous  n'êtes  pas.  Excellence,  sans.avoir  songé 
aux  conséquences  que  vont  avoir,  dans  les  provinces,  de  tels  bou- 
loversemenls  constitutionnels.*    -  ,-"- 

Le  diplomate:  —  Hi!  hi!  Han!  han  ! 

Le  reporter.  —  N'est-il  pas  à  craindre  que  des  f>eàples  amis 
de  la  dynastie  tombée,  par  exemple  les  Portugais... 
•   Le  DIPLOMATE.  —  Gais,  gais,  gais! 

Le  reporter.  —  ...  Ne  veuillent  armer  les  nations  du  vieux 
Monde... 
-    Le  diplomate.  —  Ga,  ga,  ga! 

Le  reporter.  —  ...  En  faisant  appel  aux  principaux  éléments 
du  Concert  europiéen?  • 

Le  diplomate.  —  Do,  ré,  mi,  fa,  sol,  la,  si,  do  ! 

Le  reporter.  —  Il  me  reste  à  vous  remercier.  Excellence,  de 
ces  précieux  éclaircissements  ;  publiés  dans  notre  journal,  ils  jet- 
teront une  lumière  nouvelle  sur  ces  grands  problèmes  internatio- 
naux... "  .  " 


fHRONlQUE    JUDICIAIRE     DEg^RT^ 
-  Van  Beers  contre  Sedelmayer. 

.  On  se  souvient  du  procès  intenté  par  le  peintre  Van  Beers  à 
M.  Sedelmayer  qui,  après  avoir  loué  sa  galerie  aii^eintre  pour  y 
faire  une  exposition  de  tableaux,  avait  refusé  à  M.  Van  Beers  le 
droit  d'y  installer  ses  toiles  h  cause  du  retentissement  des  débats 
judiciaires  auxquels  ce  dernier  avait  donné  lieu  à  Bruges. 
M.  Van  Beers  a  gagné  son  procès. 

«  Attendu,  dit  le  jugement,  prononcé  le  16  décembre,  que  le 
contrat  intervenu  entre  les  parties  n'était  autre  que  le  bail  à  loyer 
d'une  galerie  aménagée  pour  les  exposilionl'aîtistiques,  opération 
à  laquelle  se  livre  habituellement  Sedehiiayrr;  que  le  prix  élevé 
de  la  location  (4,000  francs)  indique  suffisamment  qu'il  a  agi 
comme  bailleur  en  vue  de  tirer  de  sa  chose  un  bénéfice  pécuniaire 
bien  plutôt  quV'comme  exerçant  un  patronage  sur  l'exposition 
projetée  et  en  considération  de  la  personnalité  de  l'artiste  ou  de 
la  valeur  de  ses  œuvres; 

<(  Que,  dans  cetle.silualion,  le  retentissement  des  débats  judi- 
ciaires auxquels  Van  Beers  avait  été  mêlé  et  les  contestations  sou- 
levées au  sujet  de  ses  procédés  artistiques,  ainsi  que  de  l'authen- 
ticité de  certaines' œuvres  signées  de  sonnom,  ne  pouvaient  com- 
promettre les  intérêts  de  Sedelmayer  ni  engagersa  responsabilité 


.  vis-à-vis  du  public; 


^ 


:  ■     .-  .. .       ;  /  ■;  -    -    ,  ■ 

«  Que  ces  faits,  survenus  depuis  le  contrat,"  n'étaient  pas  de 
nature'  à  l'atteindre  dans  son  essence  et  à  vicier  le  consentement 
librement  donné  de  part  et  d'autre;  qu'ils  ne  i)ermérû^ent  donc» 
point  à  Sedelmayer  de  rompre  de  son  autorité  privée  le  bail  passé 
îjvec  Van  Beers.  » 

En  conséquence,  M.  Sedelmayer  est  condamné  à  payer  à  l'ar- 
tiste 4,200  francs  de  dommages-intérêts  (M.  Van  Beers  en  récla- 
mait 20,0001)..  11  est  condamné,  en  outre,  aux  dépens, 

Mémento  des  Expositions 

Bruxelles,  p-^  VU"  exposition  des  XX  (limitée  auji^embres 
de  l'association  et°  à  leurs  invités).  Ouverture  :  18  ja'^ier  1890. 
Réception  des  œuvres  :  13-15  janvier  (délai  de  rigueur). 

Paris.  —  IX"  exposition  des  femmes  peintres,  et  -sculpteurs. 
Février  iSQO.  Renseignements  et  demandes  d'adhésion  :  M"'" Léon 
Berlaux,  avenue  de  Villiers  147  (par  lettre  ou  en  pe];^nne  les 
vendredis  de  3  à  6  heures) 

Pau.  —  XXVl«  exposition  de  la  Société  des  Amis  dej  Arts, 
ir)janvier-15  mars  1890.  Délai  d'envoi  expifS^^nseignemenis  : 
Secrétariat  de  la  Société,  au  Musée  de  Pau. 

Madrid.  —  l'^  Exposition  (internationale).  Mai  1890.  —  Envois: 
I^'-IO  avril. 

Bordeaux.-—  XXXVIII«  exposition  des  Amis  des  Arts. 
l*"-  mars  1890.  Envois  :  1"-10  février.  ÏVenseignemcnts  :  Pfl?w, 
M.  Olivier  Merson,  boulevard  Saint-Michel,  117. 


Petite  chrojmique         ^ 

De  môme  que  l'an  dernier,  et  afin  d'éviter  l'encombrement  qui 
rendait  impossible  l'examen  sérieux  des  œuvres  exposées,  aucune 
invitation  ne  sera  adressée  pour  l'ouverture  du  Salon  des  XX, 
fixée  à  Samedi  prochain,  si  ce  n'est  aux  notabilités  artistiques. 
Les  cartes  envoyées  à  celles-ci  seront  strictement  personnelles. 
Les  porteurs  de  cartes  permanentes  auront  accès  à  l'ouverture. 
Ces  cartes,  qui  assurent  une  place  numérotée  aux  matinées  musi- 
cales et  littéraires,  sont,  dès  ce  jour,  mises  à  la  disposition  du 
public  au  prix  de  10  francs.  Adresseras  demandes  au  secrétariat 
des  XX,  rue  du  Berger,  27. 

Le  premier  concert  de  l'Association  des  professeurs  d'instru- 
ments à  vent  du  Conservatoire,  qui  devait  avoir  lieu  aujourd'hui, 
est  remis  à  dimanche  prochain,  plusieurs  des  interprètes  étant 
indisposés.  , 

La  fête  organisée  à  leur  bénéfice  par  les  artistes  et  le  personnel 
du  théâtre  de  la  Bourse,  primitivement  fixée  au  samedi  H,  a  été 
remise  au  lundi  13  courant. 

Le  spectacle,  qui  dura  lieu  à  l'Alhambra,  se  composera  du 
Baron  de  Fourchevif,  joué  par  les  artistes  du  théa'lre  du  Parc, 
d'un  acte  des  Cloches  de  Corneville  ioné  par  ceux  du  théâtre  de 
la  Bourse^  et  dans  lequel  les  corps  de  ballet  réunis  des  théâtres  de 
l'Alhambra  et  de  la  Bourse  danseront  un  ballet-divertissement 
avec  une  variation  par  M"^  Legnani. 

Un  intermède  dans  lequel  se  produiront  des  artistes  des  autres 
théâtres  de  la  capitale  complétera  cette  soirée  de  haute  attrac- 
tion. Le  bureau  de  location  est  ouvert  au  théâtre  de  l'Alhambra. 


e^ 


F'armi  les  info(rlu|ics  provociuées  par  l'incendie  cl»  iliéùlre  de  la 
IJourse,  il  en  est  une  sur  laquelle  nous  appelons  spccialcineiil 
rallention  :  c'est  le  d(isastre  qui  a  altoinl  les  musiciens  de  l'or- 
clioslrc  qui  ont  prcs(iuc  tous  perdu  leur  inslrument  dans  la  calas- 
iroplic. 

In  concert  sera  donné  à  leur  profit,  au  Palais  de  la  Bourse,  le 
lundi  20  courant.  M""  Dyna  BeumçrcliM.  Henri  llcuschling,  qu'on 
trouve  toujours  prêts  à  venir' en  aide  aux  malhourcux,  ont  bien 
voulu  promettre  lenr'concours  pour  cette  soirée,  digne  de  toute 
sympathie. 


La  Société  centrale  (t Architecture  de  Belgique  a  fêté,  le. 
\\\  décembre  dernier,  le  dix-septième  anniversaire  de  sa  fonda- 
tion. Une  assemblée  générale,  qui  a  eu  lieu  au  palais  de  la 
Bourse,  sous  la  présidence  de  M.cAckcr,  a  réuni,  outre  les  arcbi- 
lèctes  de  Bruxelles,  un  grand  nombre  de  délégués  de  Gand,  Liège, 
Anvers,  Charlcroi,  Mons,  Louvain,  Bruges,  Nivelles  et  Spa.  Des 
discussions  fort  intéressantes  se  sont  produites  au  sujet  des  con- 
cours publics, de  la  création  d'une  caisse  de  défense  mutuelle  des 
archilebles,  de  Iq  révision  de  l'arrêté  des  bâtiments  civils  du 
\  2  pluviôse  an  VIII,  etc. . .  ;  les  vœux  qui  ont  été  émis  et  les  réso- 
lutions qui  ont  été  prises  témoignent  de  l'entente  et  de  l'esprit 
d'union  dont  sont  animés  les  membres  de  cette  artistique  corpora- 
tion. '<^ 

L'assemblée  avait  été  précédée  d'une  visite  au  jardin  d'hiver  et 
aux  serres  du  palais  royal  deLaeken. 


La  ville  d-'Aix-la-ChapelIc  a  perdu,  il  y  a  quelques  mois,  un  de 
ses  architectes  les  plus  estimés  :  M.  F.  Ewerbeck,  professeur  à 
lEcole  polytechnique.  Si  nous  tenons  à  rappeler  son  nom  dans 
cette  revue,  c'est  que  M.  Ewerbeck  a  consacré  dix  des  meilleures 
années  de  sa  vie  à  la  publication  d'un  ouvrage  des  plus  impor- 
tants sur  7«  Renaissance  en  Belgique  et  en  Hollande.  Durant  les 
'  instants  de  loisirs  que  lui  laissait  le  professoral,  il  parcouniii 
incessamment  les  deux  pays  et  s'arrêtait  dans  les  plus  petites 
villes  du  Zuidjerzee,  de  la  Zélande  ou  des  Flandres  pour  y  relever 
un  monument  ou  y  dessiner  un  objet  d'arl  digne  d'intérêt.  Son 
recueil  est  donc  fortement  documenté  et  a  le  mérite  de  reproduire 
les  dessins  originaux  en  (ac  simile;  les  artistes  peuvent  ainsi  se 
rendre  compte  de  la  haute  valeur  et  du  talent  rare  de  dessinateur 
de  l'auteur.  Ewerbeck  est  mort  peu  de  temps  avant  l'apparition 
de  la  dernière  livraison  de  son  ouvrage. 


Il  est  question,  paraît-il,  d'élever,  dans  l'enceinte  du  Waux-Hall, 
un  grand  local  vitré  pour  y  donner  les  concerts  en  cas  de  mauvais 
temps,  et  servir  d'annexé  au  Cercle  Artistique  pour  les  fêtes 
d'hiver.  Nous  ne  voyons  guère  d'utilité  à  celte  construction  qui 
sera  ou  trop  chaude  ou  trop  froide,  encombrera  le  jardin  du 
Waux-Hall,  pour  laquelle  il  faudra  abattre  des  arbres,  et  restera 
sans  emploi  pour  le  Cercle  dont  les  salons  actuels  sont  amplement 
suffisants  pour  les  réunions  qui  s'y  tiennent.  Ce  projet  n'est  guère 
une  amélioration  du  Waux-Hall  :  il  y  a  mieux  à  faire. 


La" pioche  a  déjà  mis  par  terre  bon  nombre  de  constructions  de 
l'Exposition  universelle.  Dans  le  compartiment  belge,  le  bâtiment 
du  commissariat,  par  M.  Janlet,  va  être  Iransporlé  aux  environs 
de  Paris  et  sera  reconstruit  et  approprié  pour  servir  d'habitation 
de  campagne.  Le  pavillon  Solvay,  de  M.  Brunfaut,  sera  réédifié 
aux  usines  Solvav  à  DombasIe-sur-Meurlho. 


On  nous  écrit  de  Madrid  :  '   '        ■  \    ■ 

«  Le  faUTeùx  ténor  Gayarre  obtient  uif  succès  énorme  au  théâtre 
royal  dans  les  Pescatori  di  Perle;  tous  ses  morceaux  sont 
redemandés  par  le  public  très  élégant  qui  remplit  la  salle  jusqu'aux 
dernières  loges.  Cet  engouement  est  justifié  par  les  qualité^  excep- 
tionnelles de  l'artiste'  ;  voix  d'un  timbre  exquis  61  d'une  étendue 
rare,  art  de  phraser  ol  de  nuancer  à  linlini,  et  sentiment  drama- 
tique d'une  |;rande  justesse.  C'est  certes  un  chanteur  plus  com- 
plet et  plu^ï-raffuié  que  Ma'-iui,  proclairu'  proniiorlénor  du  moiul^ 
par  ses  compatriotes-. 

A  Madrid,  excellente  représentation  de  Don  Juan  ol  d'Orphée, 
en  attendant  les  Noces  de  Figaro,  Otello  de  Verdi,  la  Reine  de 
iS'fli'a  de  Goldmark,'irt  Jolie  fille  de  Perth,  etc » 


Au  Grand-Théâtre  de  Bordeaux,  M.  Frédéric  Boyer  vient  de 
jouer,  une  quinzaine  de  fois,  avec  un  succès  croissant,  TOoit/'c 
de  Flotow;  l'excellent  baryton,  qui  est  ccsté  trop  peu  de  temps  â 
Bruxelles,  fait  valoir  dans  le  rôle  de  Mironei,  sa  voix  veloutée  ol 
souple.  A  signaler,  à  ses  côtés, .M"i'^  Rose  Delaunay,  une  aimable  ^ 
et  fine  chanteuse  de  l'Opéra-Comique  de  Paris. 

L'enthousiasme  avec  lequel  les  Russes  viennent  de  célébrer  le 
jubilé  d'Antoine  Rubinslein  dépasse,  dit  le  Guide,  tout  ce  qui  , 
s'est  fait  jusqu'ici  en  ce  genre  en  l'honnenr  d'un  artiste. 

Après  les  congratulations  officielles  et  le  concert  qui  a  eu  lieu 
k  la  Salle  de  la  Noblesse,  sous  la  direction  du  maître,  il  y  a  eu, 
au  Théâtre  impérial,  une  représentation  de  son  opéra  Goruscha. 
Cette  représentation  a  mis  fin  à  la  célébration  officielle  du-jubilo. 
Mais,  c'est  maintenant  aux  sociétés  privées  à  exploiter  la  popu- 
larité du  grand  artiste.  On  organise  de  toutes  parts,  en  soii  hon- 
neur, des  concerts,  des  soirées,  des  bals.  Il  y  a  eu,  au  profit  de  la 
caisse  des  artistes  musiciens,  un- grand  bal  dont  le  clou  a  été  une 
série  de  tableaux  vivants,  représentant  des  épisodes  de  sa  vie  (t 
de  ses  principales  œuvres,  Feraiiwrs,  Agar  au  Désert,  Néron, 
le  Marchand  Kalashnikoff,  le  Démon  et  les  Enfants  de  la  Steppe. 
L'Opéra  Fusse  privé  a  représente  des  fragments  du  Marchand 
Kalashnikoff.  ■  ^ 

A  Moscou,  le  Conservatoire  a  donné  un  grand  concert  consacré 
aux  œuvres  de  Rubinslein,  el  toutes  les  Sociétés  musicales  de  la 
ville  ont  imité  cet  exemple.  A  Odessa,  les  journaux  onl  paru  ornés 
de  portraits  du  jubilaire,  et  l'on  a  donné  une  exécution  de  sa 
Tour  de  Babel  et  de  sa  symphonie  l'Océan'.  Dans  un  entr'act-, 
M.  Coquelin,  qui  était  encore  en  ce  moment  à  Odessa,  a  récité 
en  l'honneur  de  Rubinstéin  une  poésie  de  Paul  Delair. 

Kiew,  Kharkow,  Varsovie,  Nijni-Novgorod,  même  des  petites 
villes  comme  Squvalki,  ont  eu  leur  cycle  de  fêles. 
*~-  Parmi  les  adresses  présentées  à  Rubinstéin,  il  y  en  a  une  de 
Varsovie  qui  est  une  véritable  œuvre  d'arl,  peinte  par-les  meilleurs 
artistes  varsovicns.  Rubinslein  y  est  représenté  méditant  au  piano, 
autour  duquel  se  pressent  les  principaux  épisodes  de  ses  œuvres  ; 
l'Océan,  Néron,  le  Démon,  etc.  L'adresse  de  Kiew  est  déposée 
dans  un  splendide  et  grand  coffret,  style  vieux  russe;  colle 
d'une  Société  moscovite  est  .enveloppée,  dans  une  bande  de 
brocart  d'or.  ■■  ■,■ 


'^^c  Courrier  de  la  Presse,  19,  boulevard  Montmartre,  A.  Gal- 
lois, directeur,  communique  les  extraits  de  tous  les  journaux  sur 
n'importe  quel  sujet.  j 


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Par  I\\^A]Sr  aiLKIN 

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RECUEIL  DE  LIEDER         _ 
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l''- ro/.  (No  1.  Cœur  fidèle.  —  N»  ?.  A  la  Violette.  —  N"  3.  Mon 
amour  est  pareil  aux  buissons.  —  N»  4.  Vieil  amour.  — 
N'o  5.  Au  Rossignol.  ^-  N»  6.  Solitude  champêtre) 
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I 


Dixième  année.  —  N°  3. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


DIMANCHE  19  Janvier  1890. 


PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,    un    an,    fr.   10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES   :    On   traite   à    forfait. 

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Adresser^  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  2B,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


r 


Notes  suh  l'Iliaue.  —  Impressions  d'artiste.  " —  Cueillette  de 
LIVRES.  —  Vincent  Van  Gogh.  —  La  fécondité  des  maîtres.  — 
Mémento  des  Expositions'.  —  Petite  chronique.     '  ' 


Notes  sur  l'Iliade 

L'Iliade  !  Oh  !  l'admirable  inaltérable  bouquet  de 
nobles  fleurs  poétiques,  gâté,  flétri,  déshonoré,  défiguré 
par  ces  trois  choses  odieuses  :  les  professeurs  d'athénées, 
les  traducteurs  du  bel  air,  les  rimailleurs  de  tragédies. 
Il  n'en  reste  qu'ennui  et  rancœur  ;  à  peine  quelque  res- 
pect humain  empêchant  l'expression  sincère  et  brutale 
du  dégoût.  Et  plus  jamais,  plus  jamais,  depuis  ces 
années  d'école  où  quelque  pédant  nous  -a  retenus  rechi- 
gnant sur  un  chant  du  noble  poème,  sali  par  ses  pédan- 
tesques  déjections,  nous  ne  pensons  à  relire  l'œuvre 
"vieille,  de  trois  mille  ans  bientôt,  à  moins  qu'un,  hasard, 
(ce  fut  le  cas  pour  nous)  ne  nous  induise,  au  fond  de 
quelque  solitude,  par  pénurie  d'autre  livre,  à  parcourir 
distraitement  une  traduction,  trouvée  là  par  hasard, 
belle  enfin  !  comme  celle  de  Leconte  de  Lisle.  ^ 

Alors,  quel  éblouissement  !  Quelle  compréhension 
enfin  de  l'amour  des  hommes,  persistant  à  travers  les 


siècles,  pour  cette  antique  héroïque  histoire!  Quel  éveil 
au  plus  profond  de  notre  âme  aryenne  des  sentiments 
simples,  fiers,  élevés  qui  en  sont  la  principale  substance 
malgré  tous  les  abâtardissements  accomplis  et  subis  au 
cours  de  l'avancée  de  notre  race  à  travers  les  humanités 
inférieures  qu'elle  a  rencontrées  dans  cette  Europe  où 
elle  s'est  d'abord  établie,  avant  sa  poussée  maintenaiit 
accomplie,  sur  les  deux  Amériques,  sa  poussée  en  traiiK 
de  se  faire  sur  l'Afrique  !  Quel  cri  dans  l'obscurité  muette 
de  notre  intimité  quand  parle  l'écho  de  ce  si  lointain 
passé  avec  son  accent  fraternel,  plus  près  de  ce  que 
nous  voudrions  être  que  les  plus  contemporains  événe- 
ments! Et  quel  étonnement  à  constater  qjie  nos  senti- 
ments les  plus  forts  et  les  plus  tendres  trouvent  là,  dans 
ce  si  lointain  lointain  littéraire,  une  expression  plus 
touchante  que  dans  les  œuvres  les  plus  émouvantes  de 
nos  jours  présents,  avec  l'impossibilité,  invinciblement 
C(?mpi4se,  de  recommencer,  de  renouveler  ces  puissan- 
tes et  sobres  poésies,  qui  disent  tout,  par  les  mots  les 
moins  cherchés,  par  les  images  les  plus  quotidiennes  ! 
Car  nous  sommes  foits  désormais  de  complications 
inouïes;  nous  sommes,  dans  nos  cerveaux,  surchargés 
de  détails  ;  1  emiettement  des  facteurs  qui  agissent  sur 
notre  psychologie  est  éff'rayant,  et  quand,  soumis  à  cette 
loi  de  fragmentation  infinie,  nous  essayons  de  résumer 
quelq^u'une  de  nos  sensibilités  en  une  formule  plane  et 
sonore,  comme  l'Iliade  en  donne  à  tout  coup  de  ses 


V 


vingt  quatre  rapsodies,  nous  ne  le  pouvons  plus,  nous 
ne  le  pouvons  plus  ! 

L'étude,  la  lecture,  la  compagnie  assidue  du  merveil- 
leux poème  sont' à  reprendre.  On  s'y  baigne  dans  la 
pureté  et  l'héroïsme.  On  y  baigne  et  on  s'y  retrempe. 
Oh!,  salutaire  et  réconfortante  médecine  pour  l'âme,  qui 
nous  rajeunit  et  nous  guérit  par  ce  double  remède  :  la 
solitude  retrouvée  dans  l'envol  vers  ce  passé  matérielle- 
ment si  différent  du  nôtre;  la  sérénité  retrouvée,  elle 
aussi,  dans  le  séjour  parmi  les  douces  et  viriles  origines 
de  notre  race.  • 

-  Car  cette  guerre  de  Troie  fut  une  guerre  entre  peu-" 
plades  aryennes,  de  même  sang,  séparées  seulement  par 
les  nuances  qui  sont-si  promptement  et  si  légèrement 
.  transformées  en  radicales  différences  et  incurables  ini- 
mitiés .par  ceux  qui  grattent  l'histoire  à  la  surface.  Les 
fouilles  célèbres  de  Henri  Schliemann,  prodigieusement 
révélatrices,  achevées  en  1873  après  trois  an&-de  gigan- 
"  tesques  travaux,  presque  ignorées  en  Belgique,  patrie 
si  lente  à  attraper  l'alignement  dans  les  sciences,  n'ont 
pas  laissé  de  doute  à  cet  égard.  La  Troie  d'Homère, 
dégagée  par  lui  à  trente  pieds  au  dessous  du  sol  actuel, 
enfouie  sous  l'épaisse  couche  de  cendre  rouge  que  laissa 
l'incendie  de  ses  constructions  en  bois  par  les  compa- 
gnons de  l'Atréide  Agamemnon,  pullule  de  terres  cuites 
où    se   volent  les  symboles  religieux  des   Aryens,   le 
double^Z  entrelacé.  Et  Ton  peut  même  dire,  comme  l'a 
observé  naguère  Marius  Fontanes,  que  la  population  de 
Troie  était  une  expression  plus  pure  de  la  grande  race 
indo-européenne,  moins.cruelle,  moins  barbare  que  les 
Achaïens  qui  assiégeaient  la  ville.  Priam  est  plu§  tou- 
chant qu'Agamemnon,  plus  humain.   Celui-^  a  déjà 
l'orgueil  barbare,  la  morgue.  Celui-là  ne  dément  jamais 
sa  nature  héroïquement  tendre.  Il  en  est  de  même  des 
^  deux  héros,  des  deux  rivaux  qui  personnifiaient  les 
.  peuples  adversaires.   Achille,  »  le  plus  effrayant  des 
hommes  «,  que  l'Iliade  nomme  souvent  «  le  féroce  »,  a 
-Jes  brutalités  du  Scandinave,  et  fait  penser  aux  guer- 
riers des  Niebelungen  ;  il  est  invincible,  mais  sangui- 
naire, impitokjable  ;  il  est  blond  aussi,  comme  Siegmund 
et  comme  Siegfried.  Hector  «-vau  casque  mouvant  «  est 
un  chevalier,  l'âme  toujours  émue,  généreux  en  sa  bra- 
voure, respectant  l'ennemi  à  l'égal  de  ses  dieux.  Dans 
toute  l'Iliade,  il  n'est  parlé  qu'une  seule  fois  d'un  sacri- 
fice humain  :  c'est  le  Péléide  Achilleus  qui  le  perpètre 
sur  le  bûcher  dûJ^atrocle  :  il  y  jette,  après  les  avoir 
égorgés  de  ses  nVains,  douze  jeunes  Troyens;  il  y  jette 
aussi  deux  des  chiens  fidèles  qui  habitaient  et   gar- 
daient sa  tente.  Quand  il  combat  et  tue,  il  le  fait  avec 
.  une  ivresse  joyeuse.  Hector  ne  frappe  qu'en  soldat,  pour 
"défendre  «  la  haute  tour  d'Ilion  e^  les  femmes  troyen- 
nes  ". 

Elle  était  petits  cette  Troie,  qui  fut  l'occasion  de  ces 
récits  immortels.  Homère  et  les  autres  rapsodes,  qui 


composèrent  les  chants  populaires  réunis  en  une  seule 
épopée  au  temps  de  Pisistrate,  l'ont  décrite  avec  les  agran- 
dissements et  les  illusions  dont  la  tradition  auréole  les 
faits  historiques  arrivant  d'un  passé  obscur.  Ils.  ont 
prêté  les  mœurs,  déjà  ralativement  raffinées,  de  leur 
temps  aux  peuplades  venues  de  la  Grèce  pour  détruire 
la  ville,  aux  peuplades  de  l'Asie-Mineure  réunies  pour  la 
sauver.  Les  ruines  mises  au  jour  par  Schliemann,  les 
innombrables  découvertes  d'ustensiles  ménagers  qu'il  a 
faites,  ont  remis  les  ctjx)ses  au  point.  Les  trois  quarts  de 
la  Troie  de  Priam  sont  maintenant  à  la  lumière,  nou- 
velle Pompéï.  Son  enceinte  entière  est  reconnue,  celle 
qu'avaient  bâtie  Apollon  et  Neptune,  «  le  dieu  à  l'arc  , 
d'argent  "et  «  l'illustre  qui  ébranle  la  Terre  >».   Ce 
n'était  qu'une  acropole  restreinte,  ayant  quatre  cents 
mètres  de  circuit,  et  l'Iliade  dit  vrai  quand  elle  dépeint 
Hector,  poursuivi  par  Achille,  faisant  trois  fois  le  tour 
de  la  ville  avant  de  s'arrêter  pour  liver  le  suprême  com- 
bat et  mourii%  Les  Portes  Scées  sont  désormais  visibles, 
les  uniques  portes  de  Tantiquecité  qui  s'élevait  es  cita- 
delle sur  un  massif  calcaire  en  saillie,  bombant  la  plaine. 
La  «  haute  tour  d'Ilion  «  qui  surmontait  leur  double 
entrée  en  tuÀnel,  n'avait  que  six  mètres  de  haut,  et  on 
.y  voit  encore  les  bancs  sur  lesquels  Priam  et  les  vieil- 
lards, «  excellents  agorètes  «,  assis  et  causant  «  comme 
des  cigales  »,  voyant  Hélène,  «  la  divine  femme  au  long 
peplos  «  s'avancer,  disaient  entre  eux  que  certes  il  se  com- 
prenait que  pour  sa  beauté  incomparable,  ce  n'était  pas 
trop  d'avoir  supporté  dix  ans  de  combats  et  de  maux 
sans  nombre.  .Le  temple  de  Minerve,  «  l'Athénée  aux 
yeux  de  chouette  »,  n'était  qu'une  pierre  en  demi-lune 
sur  laquelle  on  sacrifiait  le  bétail.  Les  remparts  étaient 
faits  de  pierres  frustes  reliées  par  de  la  boue.  Quant  aux 
maisons,   «  on  peut  conclure  de  l'épaisseur  de  leurs 
murs,  dit  Schliemann,  et  de  la  couche  profonde  de  leurs 
décombres,  qu'elles  étaient  »très  hautes  et  à' plusieurs 
àtages;  si  l'on  admet  trois  étages,  en  les  supposant  con- 
tigues,  la  ville  n'a  pu  contenir  plus  de  cinq  mille  habi- 
tants et  fournir  plus  de  cinq  cents  soldats  ;  mais  elle 
peut  avoir  formé  une  troupe  considérable  de  ses  alliés, 
et  comme  elle  était  riche  et  puissante,  elle  aura  embau- 
ché des  auxiliaires  ». 

Ce  n'était  donc  qu'un  grand  château  fort  et  son  siège 
rappelle  ceux  des  forteresses  isolées  du  moyen-âge,  avec 
des  sorties  nombreuses  et  meurtrières.  On  se  battait 
alors  dans  la  plaine  que  bornaient  à  angle  droit  l'Hel- 
lespont  au  nord,  la  mer  Egée  à  l'ouest,  taijtôt  en  deçà, 
tantôt  au  delà  du  Scamaudre,  qui  séparait  la  ville  du 
camp  des  Achaïens  établi  au  cap  Sigée  où  ils  avaient 
tiré  sur  le  sable  de  la  plage  les  onze  cents  pirogues  à 
proues,  noires  recourbées  qui  les  avaient  amenés  de 
l'Auiide,  dont  les  plus  grandes  portaient  cent  vingt  ■ 
rameurs  et  la  plupart  une  trentaine  seulement.  Là 
étaient  les  tentes  des  chefs.  Là  était  le  long  mur  qu'ils 


{> 


y 


/ 


bâtirent  en  une  nuit  pour  se  protéger  contre  les  Troyens 
.victorieux  pendant  la  grande  bouderie  d'Achille  après 
que  l'atréïde  Agamemno.n  «  prince  des  peuples  »  lui  eut 
enlevé  Briséis"'-  aux  belles  joues  ».  Il  y  avait  aussi  un 
hêtre,  sous  lequel  Junon  et  Minerve  venaient  se  poser, 
descendues  deTOlympos,  «  comme  des  vautours  «,  pour 
regarder  la  bataille.  Et  un  figuier.  Et  une  fontaine  où 
les  Troyennes  faisaient  la  lessive- 
L'Iliade  ne  raconte  pîis  toute  la  guerre  de  dix  ans. 
^lle  n'embrasse  que  trente  jours!  et  n'en  raconte  que 
huit!  Les  vingt- deux  autres  sont  indiqués  comme  inter- 
valles. Pendant  douze  d'entre  eux,  Achille  laisse  sans 
sépulture  le  corps  d'Hector,  qu'Apollcîîi  préserve  de 
toute  corruption.  Pendant"  les  dix  autres,  les  Troyens - 
vont,  dans  les  forêts  de  l'Ida,  chercher  le  bois  poui;  le 
bûcher  d'Hector  dont  le  cadavre  a  enfin  été  rendu  à 
Priam  suppliant.  Il  y  a  ensuite  quatre  jours  de  bataille,, 
dont  trois  sans  Achille  et  alors  les  Troyens  l'emportent. 
Au  déclin  du  dernier,  Patrocle  est  tué  par  Hector.  Alors 
Achille  se  décide  à  retourner  au  combat,  le  quatrième, 
pour  venger  son  ami  et  tuer  Hector.  Le  sixième,  il  brûle 
le  corps  de  Patrocle.  Le  septième  il  donne,  en  Thonnenr 
du  mort,  des  jeux  funèbres.  Le  huitième  on  mène  le 
grand  deuil,  le  deuil  désespéré  du  divin*  héros  troyen. 

•Dans  ces  huit  journées,  la  civilisation  grecque  de 
l'époque  est  décrite  tout  entière,  sur  la  terre  et  dans  le 
ciel  "  le  vaste  Ouranos  »  dont  les, habitants  ne  se  désin- 
téressant pas  une  heure  dé  la  lutte.  Ni  l'attention,  ni  la 
joie  de  savourer  l'ambroisie  poétique,  ne  s'interrompent. 
On  lit,  on  revient  sur  ses  pas  pour  relire,  on  se  surprend 
à  lire  tout  haut,  à  ajouter  àrla  vue  par  les  yeux,  la  sen- 
sation plus  héroïque  par  la  parole.  Le  drame  prodigieux 
saisit,  ravit,  emporte.  Et,  chose  singulière,  sur  ces  vers 
sonores,  insensiblement  s'adapte  une  musique  sublime, 
en  équation  avec  eux,  digne  d'eux,  qui  semble  faite 
pour  eux  :  la  musique  de  Wagner!  Oui,  à  travers  le 
temps,  il  est  venu  compléter  Homère.  Et  dans  l'imagi- 
nation surgit  cette  fantastique  pensée  de  métempsy- 
chose  :  que  c'est  peut-être  la  même  âme,  revenue  de 
l'invisible  et  de  l'obscur,  pour  compléter  par  la  force 
d'un  art  nouveau,  la  plus  grande  œuvre,' double  désor- 
mais, qui  aura  jamais  été  exécutée  par  la  race  humaine 
«  née  pour  la  joio  et  aussi  pour  la  douleur!  » 


IMPRESSIONS  D'ARTISTE 

A  Dario  de  KE5oyos. 

El  mainlcnant  que  me  Voici  depuis  des  jours  revenus,  certes, 
me  poursuit-il  encore  de  sa  hantise  le  merveilleux  Jeune  homme 
à  la  ganse  jaune  du  Musée  de  Marseille.  Si,  ajii  delà,  dans  son 
cadre  banal  pourtani,  de  toute  conjecture  de  savant  acharné  à  le 
classer  parmi  des  «  personnages  illustres  >■>  et  si  bien  portant  et 
si  en  sanlé  de  son  mvstèrc.  ■     '  ^ 


Beau  et  d'une  grâce  levanlinc  fièrc,  avec  quelque  mollesse 
et  comme  avec  insouciance.  Lui,  —  ou  le  catalogue  —  un  Molière 
jeune?  impossible.  ** 

Mais  bien  un  débarqué  en  des  ports  du  Nord,  probablement  en 
Hollande,  et  consentant  devant  quelqu'élève  de  Ilembrandt,  un 
Fictoor,  un  Muas  ou  un  Bol  k  cabrer  son  allure  et  sa  tioblosse.  f  été 
de  belle-aventure  à  travers  les  pays  et  hm  mers,  bellement  souS  sa 
perruque  de  boucles  noires  ;  l'œil  mouillé,  mais  non  pas  d'un 
regret,  et  fixe  et  d'un  jais  doux  el  brave  et  simplement  et  volup- 
tueusement devinateur.  La  bouche  ?  un  peu  grasse  el  les  joues  el 
le  cou  également.  Le  nez  épanoui  et  de  race.  Et  la  ganse  jaune 
flotte  à  l'épaule.  ' 

Assurément,  aucune  notation  ne  donne  de  l'homme  le  millième 
du  loul  h  coup  rêve,  vers  lequel,  en  une  simple  visite  qu'on  lui 
fait,  il  entraîne  despoliquemenl.  En  celle  grande  galerie  du 
Musée,  non,  qu'il  ne  fait  point  partie  des  œuvres  étalées!  11  n'est 
pas  un  tableau,  il  est  une  survivance  de  quelqu'un;  il  est  ce  qu'il 
y  a  d'immorlcl  dans  l'ari,  vivifiant  un  très  rare  type  humain  qui 
,en  est  digne.  Le  jeune  homme  à  la  ganse  jaune  reçoit  ^scs  admi- 
rateur^, comme  un  grand  seigneur  reçoit  ses  clients.  Il  s'est 
retiré  de  la  réalité  qui  fait  agir,  pour,' dans  son  cadre  d'or, 
ne  pens,ôf^t  n'élonner  qu'à  l'aise^  11  n'a  jamais  voulu  qu'on  sût 
([uel  il  était,  ni  par  quel  artiste  il  avait  été  peint,  ces  choses  étant 
banales  dès  qu'on  est  entré  dans  l'existence  spirituelle  d'un  sou- 
venir. Il  est  chez  lui  dans  l'air  rare  qui  flotte  autour  des  chefs- 
d'œuvre;  il  est  superbe  el  fier  non  plus  mainlenanl  parce» qu'il  a 
vécu,  mais  parce  qu'il  se  sent  devoir  indéfiniment  vivre.  Tout  son^ 
orgueil  s'est  froidi  en  calme  inbougeable  el  qui  commande. 

Et  c'est  alors  que'le  silence  des  choses  profondcfs  — ^  ce  silence 
de  tout  ce  quiest  au  delà,  que  ce  soit  un  Dieu,  un  firmament, 
une  genèse  obscure,  un  grand  ■  passé  mort  ou  tout  simplement 
une  toile  ou  une  statue  —  devient  d'une  attirance  incessante  el 
pour  ainsi  dire  persécute.  Que  d'heures  à  l'examiner,  lui,  le  beau 
jeune  homme  "cn  velours  el  en  dentelles,  ai-je  passé  et  que 
d'heures,  apr^s,  plus  nombreuses  encore,  à  songer  et  à  resonger  à 
lui.  II.  est  entré  si  intimement  en  mon  souci,  qu'à  présent  il  vit 
en  moi  et  que  je  lui  refais  une  destinée,  très  fantaisiste  peut-être, 
mais  toute  arrangée  pour  mes  goûts  seuls.  Lentement,  il^^  me 
représente  ce  xvn^  siècle  dontjl  est,  comme  une  époque  qu'il 
s'est  choisie  el  qu'il  a  faite  telle  pour  que  je  comprenne  moi,  le 
faste  sévère,  lasvbelle  aventure  d'une  existence  heureuse  et  forte, 
la  joie  dans  la  'oravoure  et  la  vaillance,  même  une  certaine  pose 
et  surtout  la  cordiale  franchise  d'un  bonheur  sain.  Mélancolique 
et  tristement  penche  sur  la  réalité  désillusionnante,  non,  qu'il  ne 
l'a  point  été  et  ce  n'est  pas  même  une  nostalgie  dos  climats 
chers  un  jour  quittés  que  son  regard  confesse. 

Tl  était  très  loin  de  Versailles.  Il  cn  suivit  néanmoins  les  modes. 
Parti  des  vallées  méditerranéennes  où  il  est  actuellement  revenu, 
il  ne  devait  se  plaire  qu'en  des  villes  de  mâts  el  de  fanaux  où  des 
pignons  grêles  et  des  arbres  au  long  des  quais  dardent  symboli- 
quement toute  la  vie  vers  l'espace.  Son  costume  m'indique  la 
'maison  ornementée  d'art  qu'il  habitait.  Les  meubles  solides  el 
riches,  les  lambris  profonds  illuminés  par  jles  cassements  de 
rayons  d'or  des  vitraux,  les  cuivres,  les  bronzes  et  les  étains  et 
les  statues  noires  devaieni  solliciter  ses  Ifaltes  et  ses  repos  entre 
deux  voyages. -Célibataire,  oui.  Bien  qu'on' lui  rêve  à  ce  certes 
doux  caresseur  de  chevelures  .dénouées,  la  rousse  tendresse 
aimante  el  enflammée  d'une  silencieuse  femme  du  Nord  et  que 
tout  à  coup  rapproché  d'une  fenêtre  de  soleil,  un  renversement  de 


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1 


-> 


bienheureuse  léle  vaincue  se  devine  soutenue  entre  ses  bras 
(l'amant. 

Mais  quel  fond  de  cœur  indifférent  néanmôhis.  Il  devait  se 
laisser  aimer  sans  refpuer  le,  petit  doigt  pour  retenir  celle  qui 
s'en  serait  ailé.  Point  le  passionné,  mais  le  beau  manieur  d'épée  à 
l'occasion  pour  souligner  d'une  blessure  une  heure" sentimentale. 
Il  ne  devait  adorer  que  le  hasard  et  se  laisser  distraire  par  l'im- 
prévu. Au  fond,  un  bohème  de  grande  marque. 

Voyageur  et  dégusteur  de  climats  comme  on  déguste  des  vins. 
Le  navire!  ce  seul  mot  devait  lui  sonner  aux  orei-lles  et  passer 
dans  h\  mer  et  dans  la  tempête  en  tout  à  coup  deVànt  ses  yeux,  — 
splertdide  !  Capitaine  de  frégale,  commandant  de  galère,  roi  d'une 
corvette  guerrière,,  il  aurait  été  dans  sonYôle,  ob  !  superbement. 
Et  sur  des  plages  et  des  plages,  parmi  des  gens  fous  de  péril 
et  d'inconnu,  calmement  et  pçesque  voluptueusement  il  se  serait 
imposé  :  celui  qui  se  fait  obéir,  sans  que  les  autres  jamais 
ne  regimbent  et  sans  que  lui-même  y  tienne.  En  quelles  victoires 
son  nom  a-t-il  flotté  plus  Iraut  que  les  drapeaux?  Quels  soirs 
marins  découpèrent  sa  silhouette  sur  fond  de  bronze  et  d'amiante? 
Vers  quelles  Mes  de  gloire  volcanique  ou  de  jardins  bleus  et  roses, 
là-bas,  eu  des  lointains  emparadisés  a-t-il  pousse  J.a  proue  de 
l'aventure  ?-Dites?. 

Et  telle  si  merveilleusement  se  dessine  sa  vie,  qu'il  n'est  rien, 
si  ce  n'est  sa  mort,  qui  soit  plus  hautain.  Non,  pas  même  sa  mort 
matérielle,  peut-être  en  un  naufrage,  peut-être  en  une  bataille, 
mais  celle  qui  est  son  effacement  d'homme  parmi  les  hommes, 
en  échange  de  sa  prise  de  possession  de  son  éternité  esthétique. 

A  cette  minute  où  le  peintre,  l'œuvre  finie,  a  délaissé  sa  palette, 
cette  mort  de  la  chose  réelle  et  son  remplacement  par  la  vérité  a 
eu  lieu.  ;*epuis  cet  instant,  le  .nom  pouvait  se  perdre,  le  corps 
tomber  dans  l'oubli,  la  décomposition  se  faire  :  le  jeune  homme 
à  la  ganse  jaune  :  était.  Et  comme  tous  les  vrais  chefs-d'œuvre  qui 
se  savent  tels,  il  s'en  est  allé  non  pas  en  des  palais  inaugurer  son 
immortalité,  mais  en  la  froideur  d'un  bâtiment  public,  d'un  neutre 
catalogue  gris,  d'un  hall  quelconque  et  anonyme.  Et  c'est  raison. 
En  les  salons  bourgeois  ou  princiers,  tout  portrait  a  l'air  de  poser 
pour  l'ancêtre.  Il  se  spécialise  et  se  laisse  mesurer  à  l'aune  des 
gens  qui  rhébé^enl.jU  se  diminue  par  ce  seul  fait. 
•  Quand,  par  contfe^  une  œuvre  entre  en  un  Musée,  l'imperson- 
nalièé  suprême  la  couvre;  elle  esta  elle  seule,  puisqu'elle  appar- 
tient à  tous.  Elle  vit  dans  l'universalité  de  l'admiration,  dégagée 
le  plus  possible  dos  contingences,  elle  ne  commente  rien  et  luit  de 
son  unique  splendeur  personnelle. 

Au  Musée  de  Marseille,  Y  Homme  à  la  ganse  jaune  est  en 
superbe  compagnie  :  la  petite  dogaresse  de  Véronèse  et  les  mar- 
quises de  Largillière,  toutes  en  fierté  et  en  grâce,  lui  font  la  cour, 
à  lui,  le  beau  revenu  des  cités  de  la  mer.  Elles  aussi,  inconnues 
et  droites,  sévèrement  ou  fardeusement  sourieuses.  Il  est  de  leur 
race;  elles  le  savent.  Et  leur  effacement  d'œuvre  moindre  devant 
la  merveille  de  leur  vainqueur,  on  le  dirait  volontaire. 

Par  l'escalierdouble  du  vestibule  où  les  fresques  de  Ptm^de 
Chavanncs  déploient  la  louange  de  la  ville  au  grand  port  ^leu  et 
blanc,  qui  n'a  senti,  en  descendant,  la  ganse  jaun^se  dérouler 
mystérieusement  et  attacher  à  tout  jamais  son  rêve  h  la  merveille 
qu'il  dgit  malheureusement  abandonner  "derrière  lui. 


f  UElLLETTE   DE  LIVF(ES    " 

Au  Caire,  par  E.  Minnaert.  —  Extrait  de  la  Revue  dA  Belgique, 
birochurcrde  22  pages. 

lin  Caire  popote' et  bourgeois  :  ce  qu'on  y  boit,  ce  qu'on  y 
mange,  avec  des  descriptions  d'Anglais  et  d'Anglaises  et  des 
considérations  touchant  la  supériorité  des  Arabes  siir  les  Euro- 
péens. "  ^ 

Au  surplus,  quelques  lurqueries  :  une  visite  à  un  pacha,  les 
gaffirs,  les  chiens  errants  et  les  pyramides  à  l'horizon,  sous  lequel 
le  soleil  «  descend  îi  petites  secousses,  comme  un  grand  ballon 
d'or  », 

Tout  cela  ne  doit  pas  rappeler  grand'  chose  à  ceux  qui  con- 
naissent le  Caire  et  n'apprend  pas  davantage  à  ceux  qui  n'y  ont 
pas  été.  .  ,     ' 


(T 


La  peinture  anglaise  (Exposition  de  Paris  1889),  par  Georges 
Verdavainne.  —  Brochure,  in-8°  de  48  pages.  Bruxelles,  B-  Knœ- 
,tig,  1889.      ^  . 

Dans  cette  étude  consciencieuse,  M.  Verdavainne  ne  se  borne 
pas  à  apprécier  la  peinture  anglaise  à  la  dernière  exposition. 
Remontant  h  son  origine,  |l.£n  indique  les  évolutions  successives 
depuis  le  commencementxlu  xvin'^  siècle,  et  il  compare  l'Exposi- 
tion de  1889  à  celle  de  1878  pour  marquer  le  chemin  parcouru 
en  ces  onze  années,  chemin  quelquefois  rétrograde,  puisque  l'au- 
teur constate  que  les  peintres  anglais  ont  perdu  en  audace  et  en 
témérité  ce  qu'ils  on  reconquis  en  érudition  et  en  sagesse.  Pour 
décider  s'il  y  a  progrès,  il  faudrait  s'entendre  sur  les  qualités 
maîtresses.  Quoi  qu'il  en  soit,  31.  Verdavainne  conclut  que  la 
Grande-Bretagne  a  le  droit  d'être  fière  de  ses  peintres  qui,  tous 
animes  du  même  désir  irrésistible  de  la  personnalité,  ont  main- 
tenu à  l'école  son  originalité,  son  caractère  britannique  si  nette- 
ment tranché. 

Liiége,  passé  et  futur,  par  Célestin  Dembi.on.- 

Un  numéro  spécial  du  journal  le  Wallon,  du  20  octobre-ven- 
démiaire 1889,  est  consacré  tout  entier,  sous  ce  titre,  au  déve- 
loppement, par-M.  Demblon,  d'un  discoiu-s  prononcé  à  Seraing 
le  29  novembre  1886.  Eu  un  style  ardent,  où  il  n'a  pas  su  éviter 
la  déclamation,  il  retrace  à  grands  traits  les  efforts  vers  l'émanci- 
pation du  peuple  liégeois  qui,  dès  le  moyen-âge,  présenta,  dit 
Michelet,  l'image  de  la  plus  complète  égalité  qui  se  soit  peut-être 
rencontrée  jamais.  A  noter,  une  évocation  descriptive  du  vieux 
Liège  à  ses  diverses  époques,  transparaissant  sous  le  Liège  actuel 
et  donnant,  dans  une  vision  unique,  les  âges  étages  de  l'antique 
cité  wallonne.  Un  programme  des  revendications  socialistes'qui 
termine  ce  discours  en  fait  une  œuvre  de  polémique  plus  qu'une 
œuvre  d'art. 


VINCENT  VAN  GOGH 

L'un  des  artistes  qui  seront  les  plus  drscutés  au  ^lon  des  XX, 
celui  devant  lequel  s'accumuleront  en  tas  les  ignorances  et  les 
inepties,  Vincent  Van  Gogh,  vient\d'être  étudié  de  très  près  par 
M.  G:  Albert  Aurier,  dans  un  subtil  et  très  intéressant  article 
publié  par  le  Mercure  de  France  (ancienne  Pléiade),  numéro  de 
janvier  1890. 
n    Ne  pouvant   reproduire  l'élude  complète,  en  raison  de  son 


-A 


/■ 


I 


V 


étendue,  nous  croyons  ulile  d'en  donner  dos  extraits.  Ils  caraclé- 
risenl  avec  précision  l'art  synlhéliquc  de  Vincent  Van  Gogh.    ■ 

«  Malgré  la  parfois  déroutante  étrangelé  de  ses  œuvres,  il  est 
difficile,  pour  qui  veut  être  in]j)arlial  et  pour  qui  sait  «regarder, 
de  nier  ou  de  contester  la  véracité  [naïve  de  sop  art,  l'ingénuité 
de  sa  vision.  Indépendamment,  en  effet,  de' cet  indéfinissable 
parfum  de  bonne  foi  et  de  vraiment-vu  qu'exhalent  tous  ses 
tableaux,  le  choix  des  sujets,  le  rapport  constant  des  plus  exces- 
sives notes,  la  conscience  d'étude  des  caractères,  la  continuelle 
recherche  du  signe  essentiel  de  chaque  chose,  mille  significatifs 
détails  nou's  affirment  irrécusablenient  sa  profonde  et  presqu'en- 
fantine  sincérité',  son  grand  amour  de  la  nature  et  du  vrai  —  dé 
son  vrai,  à  lui.  - 

Il  nous  est  donc  permis,  ceci  admis,  de  légitimement  induire 
des  œuvres  même  de  Vincent  Van  Gogh,  à  son  tempérament 
d'homme  ou  plutôt  d'artiste — '.induction  qu'il  me  serait  possible, 
si  je  le  voulais,  de  corroborer  par  des  faits  biographiques.  Ce 
qui  'particularise  son  œuvre  entière,  c'est  l'excès,  l'excès  en  la 
force,"~rexcès  en  la  nervosité,  la  violence  en  l'expression.  Dans  sa 
catégorique  affirmation  du  caractère  des  choses,  dans  sa  souvent 
téméraire  simplificaiioij.des  formes,  dans  son  insolence  à  fixer  le 
soleil  face  à  face,  dans  la  fougue  véhémente  de  son  dessin  et  de  sa 
couleur,  jusque  dans  les  moindres  particularités  de  sa  technique, 
se  révèle  un  puissant,  un  mule,  un  oseur,  très  souvent  brutal  et 
parfois  ingénument  délicat.  Et,  d(;  plus,  cela  se  devine,  aux 
outrances  quasiment  orgiaques  de  tout  ce  qu'il  a  peint,  c'est  îin 
exalté,  ençemi  des  sobriétés  bourgeoises  et  des  minuties,  une  . 
sorte  de  géant  ivre,  plus  apte  à  des  remuemenls-[cle  montagnes 
qu'à  manier  des  bibelots  d'étagères,  un  cerveau  en  ébullition, 
"déversant  sa  lave  dans  tciisles  ravins  de  l'art,  irrésistiblement, 
un  terrible  et  aff'olé  génie,  sublime  souvent,  grotesque  quelquefois, 
toujours  relevant  presque  de  la  pathologie.  Enfin,  et  surtout,  c'est 
un  hypcresihésique,  nettement  symptômatisé,  percevant  avec  des 
intensités  anormales,  peut-être  même,  douloureuses,  les  imper- 
ceptibles et  secrets  caractères  des  lignes  et  des  formes,  mais  plus 
encore  les  couleurs,  les  lumières,  les  nuances  invisibles  aux  pru- 
nelles saines,  les  magiques  irisations  des  ombres.  El  voilà  pour- 
quoi son  réalisme,  à  lui,  le  névrosé,  et  voilà  pourquoi  sa  sincérité 
et  sa  vérité  sont  si  diff'érentes  du  réalisme,  de  la  sincérité  et  de  la 
vérité  de  ces  grands  petits  bourgeois  de  Hollande,  si  sains  de 
corps,  eux,  si  bien  équilibrés  d'âme,  qui  furent  ses  ancêtres  et 
ses  maîtres. 

Au  reste,  ce  respect  et  cet  amour  de  la  réalité  des  choses  ne 
suffisent  point,  seuls,  à  expliquer  et  à  caractériser  l'art  profond, 
complexe,  très-à-part,  de  Viilcent  Van  Gogh.  Sans  douK?,  comme 
tous  les  peintres  de  sa  race,  il  est  très  conscient  de  la  matière,  de 
son  importance  et  de  sa  beauté,  mais  aussi,  le  plus  soijvenl  cette 
enchanteresse  matière,  il  ne  la  considère  que  comme  une  sorte  de 
merveilleux  langage  destiné  à  traduire  l'Idée.  C'est,  presque  tou- 
jours, un  symboliste.  Non  point,  je  le  sais,  un  symboliste  àJa 
manière  des  primitifs  italiens,  ces  mystiques  qui  éprouvaient  à 
peine  le  bcsoiji  de  désimmalérialiser  leurs  rêves,  mais  un  symbo- 
liste seiftant  la  continuelle  nécessité  de  revêtir  ses  idées  de  formes 
précises,  pondérables,  tangibles,  d'enveloppes  intensément  char- 
nelles et  matérielles.  Dans  presque  toutes  ses  toiles,  sous  celle 
enveloppe  morphique,  sous  cette  chair  très  chair,  sous  cette  ma- 
tière très  matière,  gît,  pour  l'esprit  qui  sail  l'y  voir,  une  pensée, 
une  Idée,  et  celte  Idée,  essentiel  substralum  de  l'œuvre,  en  eist, 
en  même  leinps,  la  cause  efficiente  et  finale.  Quant  aux  brillantes 


et  éclatantes  symphonies  de  couleurs  et  de  lignes,  quelle  que  soit 
leur  importance  pour  le  peintre,  elles  ne  sont  dans  son  travail  que 
de  simples  moyens  expressifs,  que  de  simples  procédés  de  symbo- 
li.salion.  Si  l'on  refusait,  en  eff'et,  d'admettre  sous  cet  art  natura- 
liste l'existence  de  ces  tendances  idéalistes,  une  grande  part  de 
l'œuvre  que  nous  étudions  demeurerait  fort  incompréhensible. 

Vincent  Van  Gogh,  en  effet,  n'est  pas  seulement  un  grand  pein- 
IrÇi  enthousiaste  de  son  art,  de  sa  palette  et  de' la  nature.,  c'est 
encore  un  rêveur,  un  croyant  exalté,  un  dévoreur  de  belles 
utopies,  vivant  d'idées  et  de  songes.' 

Xonglemps,  il  s'est  complu  à  imaginer'une  rénovation  d'arl, 
possible  par  un  déplacement  de  civilisation  :  un  art  des  cégions 
tropicales;  les  peuples  réclamant  impérieusement  des  œuvres 
correspondant  aux  notïveaux  milieux  habités;  les  peintres  se 
trouvant"  face  à  face  avec  une  nature  jusqu'alors  inconnue,  formi- 
dablemer^  lumineuse,  s'avouant  enfin  l'impuissance  des  vieux 
trucs  d'école,  et  se  mettant  à  chercher,  naïvement,  la  candide 
traduction  de  toutes  ces  ncuvfs  sensations  !..  N'eùl-il  pas  été,  en 
eff'et,  lui,  l'intense  et  fantastique  coloriste- broyeur  d'ors  et  de 
pierreries,  le  1res  digne  pcinire,  plutôt  que  les  Cuillaumet,  que 
les  fadasses  Fromentin  et  que  les  boueux  Gérôme,  de  ces  pays 
des  resplendissances,  des  fulgurants  soleils  et  des' couleurs  qu,i 
aveuglent?... 

Toutes  ces  théories,  toutes  ces  espérances  de  Vincent  Van  Gogh 
sont-elles  pratiques?  Ne,sont-elles  pas  de  vaines  et  belles  chimè- 
res? Qui  le  sait?  En  tous  cas,  je  n'ai  point  à  l'examiner  ici.  Il  me 
suffira,  pour  terminer  d'à  peu  près  caractériser  ce  curieux  esprit 
si  en  dehors  de  tous  banaux  seniiers,  de  dire  quelques  mots  sur 
sa  technique. 

Le  côté  externe  et  matériel  de  sa  peinture  est  en  absolue  cor- 
rélation avec  son  tempérament  d'artiste.  Dans  toutes  ses  œuvres, 
l'exécution  est  vigoureuse,  exaltée,  brutale,  intensive.  Son  des- 
sin, rageur,  puissani,  souvent  maladroit  et  quelque  pea  lourd, 
exagère  le  caractère,  simplifie,  saute  en  jnaîire,  en  vainqueur,  yir 
dessus  le  détail,,  atteint  la  magistrale  synihèso,  le  grand  style 
quelquefois,  mais  non  point  toujours.         • 

Sa  couleur,  nous  la  connaissons  dc-jà.  Elle  est  invraisemblable- 
ment éblouissante.  Il  est,  que  je  sache,  le  seul  peintrO' qui  per- 
çoive le  chromalisme  des  choses  avec  celte  intensité,  avec  celle 
qualité  métallique,  gommique.  Ses  recherches  de  colorations 
d'ombres,  d'inffuenccs  de  tons  sur  tons,  de  pleins  ensoleillements 
sont  dos  plus  curieuses.  Il  ne  sail  pas  toujours  éviter,  pouriani, 
certaines  crudftés  désagréables,  certaines  inharmonies,  certaines 
dissonances...  Quant  à  sa  facture  proprement  dite,  à  ses  imjpé- 
dials  procédés  d'enluminer  la.  toile,  ils  sont,  ainsi  que  tout  le 
reste  de  ce  qui  est  lui,  fougueux,  très  puissants  etv très  nerveux. 
Sa  brosse  opère  par  énormes  empalements  de  tons  très  purs,  par 
traînées  incurvées,  rompues  de  touches  rectilignes...,  par  enlas- 
semenis,  parfois  maladroiis,  d'une  1res  rutilante  maçonnerie,  et 
tout  cela  donne  à  certaines  de  ses  toiles  l'apparence  solide 
d*5blouissantes  murailles  faites  de  cristaux  et  de  soleil. 

Ce  robuste  et:  vrai  artiste,  très  de  race,  aux  mains  bruialos  de 
géant,  aux  nervosités  de  femme  hystérique,  à  l'âme  d'+lluminé,  si 
original  et  si  à-part  au  milieu  de  notre  piteux  art  d'aujourd'hui. 
connaîlra4-il  un  jour  —  tout  est  possible  —  les  joies  de  la  réha- 
bilitation, les  cajoleries  repenties  de  la  vogue?  Peut-êire.  .Mais 
quoi  qu'il  arrive,  quand  bien  même  la  mode  viendrait  de  payer 
ses  toiles  —  ce  qui  est  peu  probable  —  au  prix  des  petites  infa- 
mies de  M.  Meissonier,  je  ne  pense  pas  que  beaucoupi'de  sincé- 


V 


r 


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^-^  7 


ritd  puisse  jamais  ciiircr  en  celte  tardive  admiration ,  du  gros 
public.  Vincent  Van  Gogh  est,  à  la  fois,  trop  simple  et  trop  subtil 
pour  l'esprit  bourgeois  contemporain.  11  ne  sera  jamais  pleine- 
ment compris  que  de  ses  frères,  les  artistes  très  artistes.;,  et  des 
heureux  du  petit  peuple,  du  tout  petit  peuple,  qui  auront, 
par  hasard,  (échappé  aux  bienfaisants  enseignements  de  la 
Laïque  !...  » 


LA  FÉCONDITÉ  DES  MAITRES 

Nous  lisions  récemment  dans  le  Guide  de  l'.Amateur  d'Œuvres 
d'Art,  au  dessus  de  la  signature  de  son  directeur  M.  Henri 
Garnier  : 

u  Ou  raconte  qu'à  l'époque  de'David,  les  rapins  pour  qui  ce 
maître  représentait  le  vrai  Dieu  de  la  Peinture,  profilant  de  l'oubli 
et  du  dédain  dans  lesquels  étaient  tombées  les  œuvres  des  Watteau, 
des  Greuze,  des  Lancrci,  des  Pater,  dés  Boucher  et  des  Frago- 
nard,  achetaient  à  vil  prix  chez  les  marchands  de  bric-à-brac  les 
toiles  aujourd'hui  si  recherchées  de  ces  maîtres  charmants,  et 
qu'ils  s'epi pressaient  de  couvrir  d'études  de  Romains  les  ravis- 
santes compositions  de  ces  décorateurs  sans  rivaux. 

Ce  vandalisme  des  adeptes  du  «  genre  noble  »  contre  les 
œuvres  des  peintres  de  la  grûce  et  de  l'élégance  françaises  au 
xviii''  siècle  sutTii  à  expliquer  jusi^u'à  un  certain  point  leur 
rareté.    ' 

Mais  il  n'en  est  pas  de  môme  pour  les  maîtres  de  l'Ecole 
de  1830  qui  tendent  cependant  à  devenir  tout  aussi  introuvables. 

Et  Dieu  sait,  pourtant!  si  les  représentants  de  cette  glorieuse 
Ecole  ont  été  féconds,  puisqu'on  estime  généralement  leur  produc- 
^lion  respective  aux  chiffres  suivants  : 

Corot,  environ  6,000  toiles  ou  panneaux. 

Daubigny,  environ  4,000. 

Decamps,  3,500. 

Delacroix,  5,000.   ^ 

Diaz,  3,500. 

Jules  Dupré,  3,000. 

Isabey.  4,000. 

Fromentin,  2,000. 

Théodore  Rousseau,  2,000. 

Troyon.  4,000. 

Ziem,  4,500.  ». 

Voilà  un  chiffrage  qui  nous  paraît  exagéi'é; 

Coroi.  six  mille  œuvres  peintes!.  En  supposant  cliquante 
années  de  travail,  cela  fait  cent-vingt  tableaux  par  an,  ou  dix  par 
mois,  ou  deux  par  semaine.  Mais  il  faut  supposer  tin  labeur  inin- 
terrompu, allant  comme  une  mécanique,  sans  maladie,,  sans 
voyage,  sans  les  mille  et  un  déchets  de  l'exisienco. 

Corot  a  vécu  vieux,  Dupré  aussi,  mais  les  autres  !  En  fixant  à 
trente  ans,  y  quarante  ans  au  maximum  leur  vie  utile,  la  même 
proportion  se  maintiendrait.  - 

C'est  de  la  fanlaisie  pure,  à  moins  de  compter  comme  «  toiles 
ET  PANNEAUX  »  toules  Ics  rognures  d'atelier,  et  encore  ! 

En  prenant  deux  tableaux  tous  les  mois  pendant  trente  années, 
on  est  plus  raisonnable.  Cela  ferait  sept  cent  vingt  œuvres!  C'est 
déj5  fort  bien,  et  explique  la  rareté  relative  tout  naturellement. 


Mémento  des  Expositions 

Musée  koval  de  peinture.  —  V1I«  exposition  annuelle  deè  XX 
(peinture,  sculpture,  gravure,  dessin).  De  40  à  5  .Jieùres. — 
Entrée  :  50  ccntnnes.  Aux  auditions  musicales  et  conférences  : 
2  francs.  Cartes  permîRientes  :  10  francs. 

Paris.  — ,  IX"  exi)Osition  dès  femmes  peintres  et  sculpteurs. 
23  février- 14  mars  1890.  Renseignements  et  demandes- d'nifhésion: 
M'"«  Léon  Rcrtaux,  avenue  de  Villiers  147  (par  lettre  ou  en  per- 
sonne les  vendredis  de  3  à  G  heures). 

Pau.  —  XXVl"  (exposition  do  la  Société  des  Amis  des  Arts, 
15  janvicr-15  mars  1890.  Délai  d'envoi  expiré.  Renseignements  : 
Secrétariat  de  In  Société,  nu  Musée  de  Pau.    ^ 

Madrid.  —  1™  Exposition  (internationale).  Mai  1890.  —  Envois: 
lef-iO  avFilr--  .  ""     '      "       • 

Bordeaux.  —  XXXVlll"  exposition  des  Amis  des-  Arts. 
l»''  mars  1890.  Envois  :  l'^'-lO  février.  Renseignements  :  Paris, 
M.  Olivier  Merson,  boulevard  Saint-Michel,  117. 


\ 


Petite   CHROf^llQUE 


Le  concert  que  donnera  demain,  au  Conservatoire,  VAssocia- 
tion  (les  professeurs  .d'instruments  à  vent,  avec  le  concours  de 
Mi"«  Dyna  Beumer  et  de  MM.  Merloo,  Arm.  Fontaine,  Pirotte,' 
Nahon,  Heirwegh,  Bayart  et  Leroux,  promet  d'être  très  intéres- 
sant. Indépendamment  des  œuvres  instrumentales  que  nous 
avons  mentionnées,  on  entendra  l'air  de  Doua  Anna,  de  Don  Juan, 
et  la  Sérénade  de  Soubre,  chantés  par  M"''  Dyna  Beumér,  qui 
modifie  peu  à  peu  son  répertoire  pour  aborder  les  œuvres  classi- 
ques et  la  musique  moderne  de  valeur. 

M.  Emile  Sigogne reprendra,  à  partir  du  7  février,  à  3  1/2  heures, 
à  la  salle  Kevers,  8,  rue  du  Parchemin,  le  cours  supérieur  de  lilté-_ 
rature,  inauguré  l'année  dernière.   11   traitera   celte  année  de 
Leconte  de  Lisle,  Musset,  Flaubert,  laine,  de  Banville. 

La  Société  d'archéologie  de  Bruxelles  a  tenu  dimanche  dernier, 
à  l'Hôtel  de  ville,  sa  séance  générale  annuelle. 

M.  Paul  Saintenov,  secrétaire  général^^n  donnant  lecture  du 
rapport  de  la  commission  administrative,  a  constaté  l'état  pros- 
pè»-^  de  la  Société.  Fondée  il  y  a  trois  ans,  elle  compte  actuelle- 
ment plus  de  trois  cents  membres.  Aux  termes  de-scs  statuts,  la 
présidence  de  la  Société  est  annuelle.  C'est  ainsi  que  Jl.  Alphonse 
Wauters  en  a  été  le  fondateur  et  le  premier  président.  Il  a  eu  pour 
continuateur  M.  le  comte  Maurinxle  Nahuys. 

Le  bureau  est  composé  comme  suit  pour  1890  :  Président,  M.  le 
comte  F.  vandcr  Siraten-Ponthoz;  vice-président,  M.  G.  Cumont; 
conseillers,  MM.  P.  Combaz  et  J.  Destrée;  secrétaire-général, 
M.  Paul  Sainlenoy  ;  secrétaires,  MM.  le  baron  Alfred  de  Loë,  E.  de 
Munck  et  Th.  de  Raadl  ;  bibliothécaire,  M.  L.  Paris;  conserva- 
teur des  collections.  M,  De  Schryvcr,  et  trésorier,  M.  Pierre  Plis- 
nier. 

M.  Je  comte  vander  Straten-Ponljioz  est  un  des  vétérans  de  la 
science  archéologique  en  Belgique  et  son  choix  sera  unanime- 
ment approuvé,  ainsi  que  celuiidc  M.  G.  Cumont,  vice-prési- 
dent, qui  a  publié  de  si  intércssântsHravaux  sur  la  numismatique 
belge. 

Les  autres  membres,  du  bureau,  nommés  hier,  faisaient  déjà 
pallie  de  la  commission  administrative. 


"C 


V 


La  lecliiro  de  inémoires  dus  à'  MM.   II.   .M;diy,  i'.;t\>.  V;im  dfii 
.Giieyn,  baron  Josej)!)  de  Baye  (>l  .1.  Désirée  a  terininé'la  S('aiice. 

L'hospice  (les  vieillards  du  Vieiix-MarcJKÎ-an.x-Criiins  (h.'vant 
disparaUrc  par  suite  du  prolonneuieulde  la  rue  Oris,  la  Commis- 
sion des  Hospices  va  installer  u'n  nouvel  élablissemenl  liospilalier 
dans  le  ([ùarlier  Noi'd-Esl;  l'arcliilecle  cl)ari,'(!  deAcltc  conslruc- 
lion  csl  M.  Ernest  Aeker.  . 

La  Commission  rovale.  des  monuments  a  chargé  récemmcnl 
M.  Van  Ysendvck  de  la direclion  cl  de  l'exécution  (tes  travaux  de 
restauration  de  l'éçtlise  du  SaMori  'a  Bruxelles;  il  succède,  dans 
celle  mission,  à  feu  Sclioy.  

Auteur  des  hôtels  communaux  de  (^ureghem-AndiMiéclil  el  de 
Schaerbeek,  M.  Van  Ysendvck  a  restauré  avec  infiniment  de  talent 
rétçlise  d'Anderleclil;  nous  sommes  persuadés  ([u'il  tiendra  ^i 
honneur'  de  rétablir  dans  son  élat  i)rimilif,  en  y  apportant  la 
science  cl  le  goùl  qu'on  retrouve  dans  ses  œuvres,  celte  intéres- 
sante église  el,  notamment,  rimi)0rtnnl  [)oriail  latéral  qui  com- 
B;)èlcra,  de  la  façon  la  pl^iis  heureuse,  l'aspect  original  de  là  place 
(lu  Petil  Sablon. 

Après  V Esclnrmonde  de  Massenet,el  Manon  de  .■\lassonol,lîous 
aurons  sans  doute, à  la  Monnaie,  une  reprise  iV IJérodiaile  (h;  .Mas- 
scnét,  qui  semble  tout  indiquée  pour  vai'ier  le  répertoire;  on 
pourrait  aussi  donner  le  liui  de  Lnlwrc  de  Massenel  el  exécuter, 
pendant  la  Semaine-Sainte,  la  Vierge  de  Massenel,  el  Marie-Mag- 
dcleinc  de  Massenel.  Ce  serait  répondre  avec  esprit  aux  aspirations 
des  wagnéristcs  ;  depuis  que  ceux-ci  onl  constaté  le  parti  excel- 
lent'tiré  dans  Esdnrmonde  du  motif  d'entrée  de  Wallher  des 
Maitrcs-Chanteiirs,  cl  d'autres  encore,  ils  brûlenldu  désir  de 
faire  des  découvertes  analogues  dans  les  autrcs^  partitions  du 
même  auteur.         ,,      ■  •  .     , 

Le  Calendrier  de  Bayreulh  (G""'  année;  publie  rintéressanle 
statistique  des  représentations  wagnf'riennes  données  en  Allemagne 
pendant  la  saison  tJK'âtrale  1888-89.  . 

11  y  a  eu  DtiO  reftrésentations,   alors   (pie  peadanl  la  période 
correspondante  de  1887-88  ce  chiffre  n'était  que  de  ti-il.    • 
Le  total  se  Fi'parlit  ainsi  ([u'il  suit  : 

■  ■  _       ,  '  1888-80.        1887-88 

Les  Fées  ^    .     .     .     .     .     .     ...        130  —    \ 

Rienù     ..........         35  ii8 

Le  Vaisseau  fantôme  .     .....        il(j  08 

Tannhduser .     ,  18t)  '  IGo 

Lokengrin    .     .     .    ■•     .     .  .       251  -251 

Les  Maîtres- Chante ur.s   .     .     .'   .     .   -     8ti  69    * 

Tristan  et  Yseult  .     .     .     .     .     .    -.        40  -    -io 

Lor  du  Rhin 50  '         ■2-1 

'La  Walkyrie  ...     .  .  117  71 

Siegfried ^        2t)  28 

Le  Crépuscule  des  dieux  .     .     .     .  38  '34. 
Dans  cettn  nomenclature  ne  sont  pas  comprises  les  représenta- 
tions modèles  de  Bayreulh,  ainsi  divisées rLcrMïulres-Chan- 

leurs,  5  représentations;  Tristan  et  Yseull,  4;  Parsifal,  \h 

Rappelons,  pour  mémoire,  qu'à  Brux'ellos  Lokciujrin  a  eu 
()  représentations  à  la  fin  de  la  saison,  la  M^alkyrie,  3;  les 
Maîtres-Chanteurs,  15. 


Le  monument  élevé  a  Paul  Baudrv  est  situé  dans  la  crrande 
allée  centrale  du  cimetière  du  Père-Lachaise,  un  peu;au  dessus  du 


tombeau  d'Alfred  de  Musset,  à  droite  (bi  monnmcnl  éb'vé  ii  la 
iTiémoire  des  généraux  Leconite  et  Clémoiil  Thomas.  Il  a  environ 
5  mètres  de  haut,  est  tout  en  mai'bre  noir  ei  repose  sur  un  socle 
•^leu  élevé  eu  marbre  gris.  La  Itenouimée,  statue  en  bronze,  dtiposf 
une  couronne  de  laurier  d'or  sur  1^  téle'de  liandry,  dont  le  buste 
repose  sur  une  petite  pyramid;.  en  marbre  noir,  au'  pied  de 
hupiclle- sont  diiposi's  une  palette,  des  pinceaux  fl  des  palmes 
reliés  en  trophée,  el  (jui  i»orlrnl  les  deux  dales  suivantes,  en 
chiffres  (For  et  sé[)ar(;es,par  une  étoile  : 

.     ■  ,   1828-1880.* 

Sur  la  stèle  de  marbrt;  noii',  ou   lit   les  deux  ii)scri[)iions  s,iii- 
.vant(îs  :       ■      ■ 

A    l'ACL    (!Ai:i4tV,    SKS    ADMIKATI.CIl.S    ET    SE.S    A.MIS    . 

Au  dessous  :     ,  "  , 

II.    KLT    l'aME    VAII.I.ANTK 

ET  i.E  coiaii  Délicat! 


Il  e>l  rarement  intéressant,  ce  glabre  sémite  pru.ssii'p  qui  a  nom 
Albert  Woliï,  remplissant  au  Figaro  le  r(jle  boiirdamrfknl  et  inn- 
lile  que  le  gros  Francisque  Sareey  remplit  dans  (pielque  autre- 
journal  fongiblo.  Voici  pourtant,  pnr  hasard,  quelques  ligni.'s, 
filandréçs  |)ar  sa  idunie,  f[ui  nu'ritenl  notice  :      .    ' 

c(  On  peul  0C';iip(M-  une  |)lace  très  lionorabh)  dans  la  criii(jue 
dramali(pi(!  sans  être  ini  malire.  .le  s:iis  iju'on  jOr)gb>;si:fàcnemenl 
avec  ce  mot,  ([ue  jadis  on  réservait  aux  hommes  hors  de  pair, 
que  cela  ne  lire  plus  à  conséquence  :  c'est  de^enu  une  qluilifica- 
tion  banale  dont  jouit  à  l'heure  présente  tout  citoyen  qui  dans  les* 
arts  el  les  lettres  atteint  l'âge  où  il  devient  m'alséanl  de  lui-tai^er 
sur  le  ventre.  Cj^mme  je  deviens  moi-même  un  peu  trop  vieux' 
pour  changer  les  opinions  de  toute  ma  vie.  j'ai  du  maître  une 
autre  conception.  C'est  l'homme  qui  ouvre  une  voie  nouvelle  f[ 
qui,  au  lieu  de  suivre  la  foule  dan<  ses  goûts,  lui-montre  la  ronii- 
.(piVîlle  ignore,  et  (pii  l'entraim.'  à  sa  suite  dans  h;  mouvemenl  des 
idées.  En  critique,  notamment,  on  n'e>l  un  mn'Ure  ipie  lors(pron 
a  (juelque  ciiose  (](>  nouveau  à  dire.  Tlioré,  par  exemiile,  que  !e 
grand  public  eonnail  peu,  fui  un  maiTr'e  d.e  la  critique  d'art  parce 
([ue,  dédaigneux  d'une  iiopularité  facile,  il  a  remonléaous  li>s 
courants; , il  a  e'ié  lepionnierde  toute  une  éjioipie  d'a/t,  if-a  révo- 
lutionné, réforme  le'  goût  publie.  Tandis  ([u^  les  grands  peintns. 
dits  de  ISoO.  tenus  à  l'icarl,  peiuaiiMit  ihwis  lei;r  atelier,  le  ai-and 
,  criii([ue  leur  a  fiayé  la  route  jusqu'au  cu-ur  de' :;t  nation.  C'e^t 
pour  cela  que  son  nom  reste  rivé  a  jamais  à  l'twplosion  d'une  des 
]>lus  maguifuiues  manifestations  d'iin  art  nouveau  dont  un  pays 
puisse  s'enorgueiliii'.  Dans  la  criliqiio.  de  quelque  nature  qu'elle 
soit,  on  n'csl  un  maître  qu'à  cinte  condition 


Le  19"  numéro  du /(//je»  arti-mque  publie  !a- [première  partie- 
d'une  élude-  d»^  M.  P.i'inckmanu  s'er  la  Trndinon  poclhin'e  d,r;-^ 
l'Art  au  ./iifK'):.  L'ante;::'  iivuilre  les  'ieus  qui  unissent,  au  ..lap()i?. 
Ii2s  anciens  poètes  et  les  anisies  de  toutes  le<  é|inqu,>s.  reux-ei 
puisant  leur  iuspiratinn  dans  les  a-uvresde  ciHiN-là... 

Parmi  les   planches   en  coL;leu!'s.  un   acteur  .ju    prépare    ;;r, 
combat  de  coqs,  de-s  études  d'oiseaux,  de  poissuiis  e;  ,ie  t'eur-s 
A  noter  une  admirabie  couverture  re[)roduisanl  une  ileur  de  pave; 
blanche  sur  fond  rouge.  .  .^ 

Le  Japon  artistique  met  en  vente  ses  douze  premières  livrai- 
sons,-richement  reliées,   au  prix   de   25  francs.   Le  volume  s 
trouve  chez  tous  les  libraires  et  aux  bureaux  du  journal,  22,  rue 
de  Provence,  à  Parp/  - 


.<^v 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ETAT-BELGE 


/ 


LIGNE   D'OSTENDE-DOUVRES 


La  plus  courte  et  la  nwms  coûteuse  des  voies  extra-rapides  entre  le  Continent  et  /'Angleterre 


Bl*uxelles  à  Londres  on  . 
Cologne  à  Londres  en  . 
Berlin  à  Londres  en  . 


8  heures. 
13       " 
24       - 


Vienne  à  Londres  en. 
Bâle  à  Londres  en; 
Milan  à  Londres  en  . 


30  heures. 
.24       » 
33       "' 


tROlS  SERVICES  PAR  JOUR 
D'Ostende  à  6  h.  matin,  lOii.  15  matin  et  8  h.  40  soir.  —  De  Douvres  à  11  h.  59  matin,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

xr/%ve:ri^ée:  Ei%r  trois  he:ure:s  . 

PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS 

Princesse  Joséphine,  Princesse  Henriette,  Prince  Albert  et  La  Flandre 

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Malles-Poste  de  l'État-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n»  53,  à  Londres,  à  Y  Agence  de  Chemins  de  fer 
de  l'État,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vranckeu,  Domkloster,  no  1,  à  Cologne. 


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EXPOSITIOIS  ÂISTERDAI  1883,  ANVERS  1885  DIPLOIE  D'HONNEUR. 

JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 
—  Bibliographie.  —«Législation.  —Notariat. 

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Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 

Vient  de  paraître  chez  Edm.  DEMAN,  éditeur  à  Bruxelles 

LA  DAMNATION  DE  L'ARTISTE 

Par  IWAN  QI^LKIN 

AVEC  UN   FONTISPICE  PAR  ODILON   REDON 

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REVUE  INTERNATIONALE  (5«  anni^e) 


Directeurs  :  Fernan»  Brouez  et  Arthur  Jamks. 
(  Bruxelles,  rue  de  Tlnduslrie,  26 
Paris,  rue  Drouot,  18 

Belgique,  10  francs  par  an. 
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Dixième  année. —  N°  4. 


Le  NUMERO  :  25  centimes. 


Dimanche  2G  Janvier  1890f 


PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


1 


Comité  de  rédaction  :  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN  o 


ABONNEMENTS  :    Belgique,    un   an,    fr.   10.00;  Union   postale,    fr.  43.00.    —ANNONCES 


:    On    traire   à    forfait. 


<i 


■  Adresser  toutes  les  communications  à         '_ 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne, .riie  de  Tlndustrie,  26,  Bruxelles. 


^OMMAIRB 


L'Exposition  des  XX.  —  Les  représentations  du  Tiiii.vrKE-LiimE. 
—  Conférence  de  M.  Emile  Sigogne.  —  Concerts  liégeois.  —  Con- 
certs parisiens.  —  Bibliographie  musicale.  —  Petite  chronique. 


L'EXPOSITION  DES  XX 

Trente-deux  artistes,  belges  et  étrangers,  peintres, 
sculpteurs,  graveurs,  des  vaillants,  persécutés  mais 
invincibles,  ont  recommencé  à  Bruxelles,  il  y  a  huit 
jours,  la  lutte  pour  l'indépendance  de  l'art.  Spartiates 
occupant  les  Thermopiles  qui  séparent  la  terre  libre  oti 
l'art  neuf  veut  vivre  et  grandir,  des  régions  oti  campent 
les  troupes  de  l'art  usé  innombrables  et  barbares 
comme  l'armée  de  Xerxès,  ils  se  mettent  en  travers  du 
défilé  par  lequel  les  arriérés  rêvent  de  faire  passer  les 
préjugés  pour  en  inonder  l'avenir.  Chaque  an,  depuis 
sept  ans,  à  la  saison  propice,  ils  prennent  les  armes, 
défendent  le  territoire  natal  de  leur,s  jeunes  audaces.  Et 
l'ennemi,  moins  sûr  de  lui-même,  maigri  les  excitations 
des  misérables  chiennes  d'enfer  mordant  aux  jambes,  les 
légions  des  badauds,  impuissant  à  submerger  ces  quel- 
ques-uns, faiblit,  recule,  doute  et  se  décourage.  Un 
jour,  prochain  peut-être,  troupeau  en  révolte,  détruira- 


t-ilà  coups  de  pieds,  cette  meute  qui,  par  ses  dents  et  ses 
abois,  le  pousse  aux  mauvaises  besognes. 

Parmi  les  jeunes,  et  les  soutenant,  c'est  un  réconfort 
dé  voir  les  anciens,  venus  à  la  rescousse,  dédaigneux, 
eux  aussi,  des  banals  outrages,  témoignant  par  leur 
superbe  indifférence  quelle  force  est  le  mépris  et  quel 
bouclier  le  silence.  Ils  n'ignorent  pas,  pourtant,  ensei- 
gnés par  la  vie,  ce  que  peut,  non  pour  arrêter  l'art  incom- 
pressible, mais  pour  les  persécutions  viles,  l'alliance  des 
envieux  et  des  médiocres.  Ils  savent  qu'on  se, compro- 
met et  qu'on  s'expose  à  se  ranger  avec  les  bousculeurs 
des  plates  habitudes  des  foules.  Plusieurs  d'entre  eux 
pourraient  dresser  les  factures  des  misères  qu'on  leur  a 
faites,  sans  parvenir,  toutefois,  à  strier  le  pur  diamant 
dejeur  fierté  d'artiste.  Mais  ayant  été  témoins  de  quel- 
ques désertions  honteuses,  conseillées  par  l'intérêt  ou  la 
pusillanimité,  qui  ont  rejeté  dans  le  commun  marécage 
des  individualités  qu'on  avait  cru  suffisamment  trem- 
pées pour  les  grandes  aventures  où  se  risquent  les 
novateurs,  les  conquérants,  les  aj^gonautes,  ils  ont  pensé 
que  leur  exemple  était  nécessaire,  sinon  pour  raffermir 
le  courage  des  téméraires,  au  moins  pour  contrebalan- 
cer la  retraite  des  peureux.  * 

Elle  est  héroïque  et  touchante  cette  nouvelle  exposi- 
tion où  nul,  devant  la  foule  hostile  et  la  presse  hurlante, 
ne  s'est  laissé  aller  à  la  faiblesse  d'une  concession,  au 
déshonneur  d'une  cajolerje  pour  amadouer  la  bête  aux 


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20 


L ART  MODERNE 


s. 


cent  gueules.  Simplement,  froidement,  sanîi  l'habituel 
tintamarre  de  foire  dont  la  camaraderie  du  journaliste 
précède  et  accompagne  la  parade  du  soi-disant  artiste, 
cette  avant-garde  montre  les  œuvres  issues  du  ti'avail 
opiniâtre  d'une  année.  Non  pas  a^vec  l'espoir  d'entendre 
des  bravos  et  de  renifler  l'encens  ft^elaté  du  reportage  : 
elle  a  tout  fait,  avec  l'âpre  joie  que  ressentent  les  âmes 
d'exception  à  braver  Les  sots,  pour  irriter  Iqs  rancunes 
et  déchaîner  les  inimitiés  incurables.  Mais  avec  la  foi 
dans  l'eflicacité  des  jtentatives  hardies,  jamais  découra- 
gées, pour  transformer  malgré  eux  les  récalcitrants, 
susciter  les  doutes  dans  la  conscience  des  adversaires, 
leur  inoculer  les  hésitations  sur  ce  qu'ils  persistent  à. 
défendre  plus  par  orgueil  qui  refuse  de  se  rendre  que 
par  conviction,  et  arriver  peu  à  peu,  par  la  lente  mor- 
sure d'un  engrenage,  sinon  à  leur  faire  aimer  le  nou- 
veau, au  moins  à  les  dégoûter  du  suranné?  Cette  pha- 
lange, toujours  en  avance,  en  pointé  prussienne, 
éclairant  l'avancée  de  Tart,  compte  pour  rien  les  périls 
et  les  coups.  C'est  elle  qui  ouvre  la  marche  et  recon- 
naît les  chemins  par  lesquels,  derrière  elle,  tôt  ou  tard 
passera  l'armée  tout  entière.  Elle  a  poui"  mot  d'ordre 
la  devise  du  grand  et  noble  Flaubert,  l'architype  du 
solitaire  et  du  méprisant  :  Etre  sifflé  m'est  rien.' 
Etre  applaudi  est  très  amer. 

Et  dire  qu'il  y  a  une  nuée  de  moucherons  qui,  ce 
nonobstant,  moucheronnant  autour  de  cette  élite,  s'ima- 
ginent que  leurs  dards  peuvent  percer  l'épais  uniforme 
de  dédain  silencieux  dont  ces  intraitables  sont  couverts. 
Et  que  leurs  bourdonnants  comriiérages  peuvent  trou- 
bler, ou  seulemen^distraire,  les  impassibles  qui  ont  pris 
rang  dans  le  groupe  de  ces  fiers  déclassés  parce  qu'ils 
sont  lîés  insensibles  aux  injures  et  sont  trempés  dans  le 
Styx  d'un  entêtement  farouche. 

L'avant-garde  de  l'art!  oui.  Partis  à  la  découverte 
des  îles  !  Rapportant  de  leurs  p_éi:égrinations  des  fruits 
étranges,  des  fleurs  rares,  des  métaux  inconnus,  des 
animaux  chimériques,  et  pour  cela  traités  d'extrava- 
gants pair  la  séquelle  des  immobiles,  s'encolérant  parce 
qu'on  dérange  les  séries  formulaires  auxquelles  ils 
s'étaient  accoutumées  et  qu'ils  proclamaient  définitive- 
ment closes.  Fureurs  semblables  à  celles  des  vieux  astro- 
nomes dont  Galilée,  d'une  seule  aflSrmation,  culbutait 
les  systèmes. 

Voici  d'abord  le  groupe  de  ceux  qui,  à  la  suite  de  Seurat 
et  de  son  œuvre  célèbre,  puissant  manifeste,  la  Grande- 
Jatte,  tant  ridiculisée  par  les  ganaches,  s'appliquent  à 
ce  merveilleux  procédé  pour  faire  la  lumière  et  l'atmo- 
sphère en  peinture  :  la  division  et  la  juxtaposition  des 
tons  primitifs.  C'est  Albert  Dubois-Pillet,  A.-W.  Finch, 
Lucien  Pissarro,  Paul  Signac,  Henry  Vande  Velde, 
Théo  Van  Rysselberghe.  Leur  œil  clair,  ébloui  de  plein 
---air,' amoureux  <J«  la  joie  qu'apporte  la  clarté,  a  senti 
l'horreur  de  la  terne  couleur,  grise  et  morne,  brune  et 


morne,  fille  de  la  suie  et  du  bitume,  qui,  de  plus  en  plus 
attristait  la  peinture,  mettant  sur  la  toile  on  ne  sait 
quelle  nature  sombrement  créjjusculaire,  noyée  dans  uiï 
jour  souterrain  fait  d'une  lumière  ayaré  arrivant  par 
des  crevasses,  glacé  dans  la  mort  des  régions  lunairesi^ 
dépouillée'  de  toute  atmosphère  sous  l'action  pneuma- 
tique du  vide.  Et  cherchant  comment  rendre  ces  mys- 
tères, ces  miracles  :  la  vibration  de  l'air,  l'ivresse. de  la 
clarté,  ils  s'essaient;persévérants,  à  la  magie  que  Seurat 
a  inaugurée.  Regardez  leurs  œuvres,  étranges  à  première 
vue,  non  par  elles-mêmes  (elles  sont  vraies  d'une  réalité 
saisissante),  mais  par  notre  inaptitude  à  comprendre  ce 
qui  n'est  pas  le  quotidien  aliment  de  nos  yeux.  Regai-- 
dez-les  patiemment,  longuement,  elles  vous  captiveront. 
Les  œuvres  d'art  sont  comme  les  personnes  royales  :  il 
faut  attendre  qu'elles  vous  parlent. 
.  Ce  sont  des  réalistes,  ceux-là,  dans  toute  la  rigueur 
du"  terme.  Ils  ne  veulent,  eux  aussi,  comme  les  réalistes 
noirs  d'antan,  exprimer  que  la  nature^,  telle  qu'elle  est, 
telle  qu'ils  la  voient,  mais  dans  la  splendeur  claire 
qu'elle  revêt  au  dehors,-  et  avec  la  vibration  du  plein 
air.  Regardez,  regardez  longuement,  patiemment,  leurs 
marines,  leurs  paysages,  avec  cette  impartiale  pensée 
que  peut-être  ils  ont  raison,  que  peut-être  c'est  mieux 
la  champêtre  ou  maritime  nature  que  les  représenta- 
tions enfumées  qu'en  font  les  peintres  de  l'école  qui 
s'en  va,  lourds  et  brumeux.  Ah!  vous  sentirez  bientôt 
le  voile  se  déchirer,  et  votre  âme-  séduite  s'émouvra"  à 
la  douceur  des  impressions  retrouvées  d'un  .clair  et  déli- 
cat jour  de  printemps,  d'une  claire  et  chaude  journée 
d'été. 

Des  réalistes  donc,  ceux-là,  les  yeux  fixés  sur  le 
dehors,  opiniâtrement.  En  voici  d'autres,  chez  qui  l'âme 
se  mêl§,» aux -choses,  avec  ses  rêves,  ses  fantaisies,  ses 
envolées,  ses  girations  littéraires  :  Fernand  Khnopfl', 
Georges  Minne,  Robert  Picard,  Odilon  Redon,  A.  Rodin, 
Willy  Schlobach,  Jan  Toorop.  Pour  exprimer  leurs 
conceptions  dans  lesquelles  la  vie  intérieure,  ténébreuse 
ou  joyeuse,  sentimentale  ou  pensive,  pénètre  profondé- 
ment, peu  importe  la  peintureyou  le  dessin,  et  peu  im- 
porte le  procédé  :  tout  est  bon  pour  adapter  la  matéria- 
lité de  leur  œuvre  à  la  fugace  complexité  de  leur  cér,é- 
bralité.  L'équation  s'établit  avec  une  ingéniosité  etlÉfe' 
diversité  singulières.  Daïjs  le  groupe  précédent,  l'ana- 
logie du  procédé  est  frappante  ;  vulgairement  le  public 
l'exprime  en  les  nommant  :  les  pointilleurs.  Ici,  l'analo- 
gie est  dans  le  fond  même  de  l'œuvre  :  elle  est  surtout 
de  pensée.  Et  étant. de  pensée,  elle  fait  penser,  et  c'est 
son  charme  incomparable.  La  réalité  n'est  plus  qu'un 
prétexte.  Elle  n'est  pourtant  jamais  désertée  :  elle  reste 
la  base,  l'autel,  au  dessus  duquel  fume  l'idéalité.  Ses 
contours  précis  se -déforment  mystérieusement  pour  sus- 
citer en  notre  intimité  des  au-delà  séducteurs  ou  terri- 
bles. On  ne  sait  quel  fantastique  flotte,  pénétrant  par- 


'  « 


^ 


toui/j  mais  si  léger,  si  impalpable  que  jamais  le  pied  ne 
quitte  la -terre,  quoiqu'on  se  sente  soutevé  par  des 
attractions  invisibles. 

Cette  école  mystico-réaliste  est  peut-être  celle  qui  fait 
le  mieux  entrevoir  l'avenir  prochain  de  l'art.  Elle  cor- 
respond à  un  mouvement  identique  dans  la  littérature 
et  la  musique.  Sa  généralité  mènie  dénonce  sa  force. 
Elle  suscite  moins  la  réprobation  du  vulgaire.  Elle  a, 
dès  à  présent,  ses  admirateurs  convaincus,  tous  parmi 
les  lettrés  délicats,  les  âmes  affinées,  les  esprits^de  haut 
goût.  C'est  elle  qui,  au  jugement  d'un  grand  nombre, 
fait  surtout  l'intérêt  et  le  succès  du  Sal«n  des  XX. 

Il  est  un  artiste  bizarre  qui  a  essayé  deréàliser  cette 
même  vue  symbolique  des  choses,  aii  moyen  de  la  cou- 
leur. C'est  Vincent  Van  Gogh.-  Surmonte,  ù  visiteyr,  la 
première  commotion  devant  ces  bruyantes,  sonores  et 
désordonnées  peintures  que  sont  les  Tournesols,  le 
lÂerre,  et  surtout  la  Vigne  rouge  au  Mont-Major. 
Rappelle-toi  l'effet  rutilant  dans  un  plein  soleil  des  tour-^ 
nesdls  d'or  par  un  temps  de  canicule;  fais  renaître 
en  toi  ce  souvenir  de  la  lourde  et  splendide  tieur. 
Rappelle-toi  les  sèrpentaisona  vivantes  du  lierre  grim- 
pant en  reptiles  contre  une  muraille.  Rappelle-toi  les 
pampres  en  automne,  au  penchant  d'un  mont,  étalant  le 
lapis  éblouissant  et  multicolore  de  leurs  feuilles  de 
cuivre  et  de  pourpre.  Et,  rouvrant  les  yeux,  fixe  ces 
trois  tableaux  extraordinaires  et  demande-toi  si  leur 
fougueux  désordre,  leur  opulence  de  tons  vifs,  crus,  sai- 
gnants, sonnants,  ne  rend  pas  avQC  une  intensité  mira- 
culeuse ce  que  la  vue  des  réalités  a  laissé  en  toi  de  plus 
profondément  empreint,  en  cicatrices. 

Au  dessus  de  ces  artistes  dont  seules  la  bêtise,  la  fiel- 
leuse rancune,  l'impuissance  qui  ne  pardonne  pas, 
l'envie  aux  yeux  troubles,  peuvent  méconnaître  le 
généreux  effort  et  la  libre  noblesse,  plane  cette  âme 
parfaite  désormais  :  Xavier  Mellery!  Entre  eux  circu- 
lent, servant  de  liens,  Anna  Boch,  Eugène  Boch,  Paul 
Cézanne,  Guillaume  Charlier,  Alexandre  Charpentier, 
Fâiil  Dubois,  James  Ensor,  Louis  Hayet,  Georges  Lem- 
men,  Dario  de  Regoyos,  P. -A.  Renoir,  G.  Segantini, 
Ch.  Storm  de  s' Gravesande,  George-William  Thornley, 
Henri  de  Toulouse-Lautrec,  G. -S.  ^^in  Strydonck, 
Guillaume  Vogels,  moins  aisément  classables,  quelques- 
uns  admirables,  tous  animés  de  la  même  flamme,  aucun 
ne  voulant  rester  parmi  les'stationnaires  qui,  aux  car- 
refours, s'attardent  à  écouter  les  sermons  des  patriar- 
ches de  l'art,  tandis  que  les  cigales  du  journalisme 
strident  aux  espaliers  des  gazettes  leur  intarissable  cri- 
cri. 

Courage,  amis,  et  toujours  en  avant  !  Votre  histoire 
est  l'éternelle  histoire.  Vous  êtes  parmi  ceux  qui  mènent 
les  mouvements  glorieux  et  que  les  bâtards  conspuent. 
C'est  bmi  signe.  Où  est  le  mur  qui  arrêterait  l'art?  Il 
est  infini  comme  la  pensée,  il  trace  les  idéals  de^fa  vie. 


il  songe  à  l'apothéose  de  tout  ce  que  nous  sommes.  Ce 
n'est  plus  moi  qui  parle,  c'est  Alexandre  Herzen,  dans 
ce  livre  héroïque  «  Sur  une  autre  rive!  "  L'art  ne  doit 
pas  être  une  édition  perfectionnée  des  vieilles  écoles; 
l'art  ai  nie  le  nouveau,  et  le  nouveau  se  réalise  par  les 
persécutés.  La  civilisation  romaine  paraissait  beaucoup 
plus  élevée  et  plus  humaine  que  l'ordre  barbare;  mais 
dans  les  incohérences  mêmes  de  celui-ci  il^  avait  des 
germes  pour  des  développements  immenses  qui  n'exis- 
taient pas  dans  l'autre,  et  ce  prétendu  barbarisme  a 
triomphé  malgré  l'apparente  sagesse  des  philosophes 
romains.  Vous  êtes  ainsi.  La  nature  se  réjouit  de  ce 
qu'elle  a,  atteint,  mais  cherche  sans  cesse  à  atteindre 
quelque  chose  de  plus  élevé.  Elle  ne  veut  pas  off'enser  ce 
qui  existe  ;  elle  le  laisse  vivre  tant  que  lés  forces  suffi- 
sent, jusqu'à  cequeles  formes  nouvelles  s'épanouissent. 
La  nature  déteste  l'alignement,  elle  s'élance  de  tous 
côtés,  elle  ne  va  jamais  en  marche  régulière.  C'est  jus- 
tement, ajouté  le  grand  Russe,  la  nature  primesautière 
des  sauvages  Germains  qui  les  à  placés  au  dessus  des 
civilisés  Romains  (vieillis;  usés,  vantiés,  comme  vos 
détracteurs),  qui  s'imaginaient- avoir  mis  des  bornes  au 
Tnonde. 

■  Allez  donc,  pleins  de  confiance  !  N'entendez  pas  les 
aboiements  de  ceux  dont  vous  dérangez  les  préjugés  et 
qui  voudraient  immobiliser  l'Art.  Gœthe  a  enseigné 
que  la  beauté,  passe,  parce  que  seulement  ce  qui  est 
passagei'  peut  être  beau.  Cela  off'ense  les  ganaches  qui 
ontrà  la  bouche,  un  éternel  et  inutile  défi  aux  lutteurs, 
d'essayer  leur  force,  d'aller  au  loin,  plus  loin,  où  ils  veu- 
lent, partout  où  il  y  a  un  chemin;  et  ils  ignorent  que  là 
où  il  n'y  a  pas  de  chemin,  le  génie  en  tracera.  L'homme 
a  un  amour  instinctif  pour  la  conservation  de  tout  ce 
qui  lui  plaît.  Il  se  courrou(Te  quand  on  lui  parle  de 
changer.  Mais  cette  immobilité  inaltérable  est  contraire 
au  génie  de  la  vie  qui  jamais  ne  rend  immuable  ce  qui 
est  individueU  qui  toujours  s'épanouit  tout  entière  dans 
le  présent.  Par  cette  continuelle  évolution  la  nature  se 
renouvelle,  vit  et  se  maintient  éternellement  jeune. 

Vous  avez  compris  cela,  par  instinct  ou  par  raison. 
Vous  êtes  dans  la  vérité.  Votre  vie  artistique  est 
fraîche  et  remplie  de  nobles  espérances.  .Cela  vous 
donTie  plus  de  bonheur  que  ne  saurait  en  ternir  les 
vilenies  dei^im^ciles.  Vous  êtes' «  sur  l'autre  rive  ", 
heureux  que  vous  êtes  ! 


JiE?    REPRÉSENTATION?    DU   JhÉ ATRE-JilBRE 

Il  élait  (Je  mode,  naguère,  dans  le  monde  chic,  de  sitllor  le 
Théâtre-Libre.  Qui  ne  se  souvient  des  lumullueuscs  soirées  de  la 
Puissance  des  Ténèbres!  Aujourd'hui,  le  vent  a  logrné,  la 
girouette  mondaine  a  évolue,  on  applaudit  à  gants  craquOs 
V École  des  Veufs;  Rolande  mùme,  malgré  les  brutalités  d'exprès- 


"fe 


sion,  ne  soulève  (lue  des  protestations  timides,  et  cliaque  soir  le 
tliéAtrc  du  Parc  réunit  les  grandes  chambrées  que  seule,  autrefois, 
la  Comédie-Française  avait  le  maç;nctiquo  pouvoir  de  rassembler. 
La  sincérité,  la  conviction;  la  foi  aiilisliquc  d'Antoine  et  de  ses 
camarades  ont  vaincu  tous  les  préjugés.  On  cdm|)tc  avec  lui, 
désormais.  On  daigne  l'apprécier  comme  l'unique  promoteur  de 
l'art  dramatique  nouveau.  El  ceux-là  même  que  déconcertent  les 
tendances  dos  auteurs  qu'audacieusemcnt  il  met  en  scène  rendent 
hommage,  ainsi  qu'il  sied,  à  son  esprit  d'initiative  et  h  sa 
loyauté. 

C'est  Antoine  qui  nous  a  révélé  Georges  Ancey,  l'auteur  de 
cciiù  Ecole  (le^Veiifs  qu\^  du  premier  coup,  s'est  imposée  vio- 
lemment avec  la  véhémence  d'une  volée  de  coups  de  cravaclic 
cinglant  les  hypocrisies  et  les  vices  bourgeois.  A  ce  titre  seul,  il 
mérite  le  respect  de  tous  ceux  qui  ont  le  souci  des  fortes  impresr 
•sions  d'art. 

V Ecole  des   Veufs,  en  effet,  —  les  myopes  seuls  le  conteste- 
ront — ;  est  l'un  des^îs  rares  chefs-d'œuvre  de  l'art  dramatique 
contemporain.  Avec  la  Parisienne  d'Henri  Becque,  la  comédie  de 
M.  Ancey  constitue  la  satire  la  plus  mordante  et  la  plus  vive  qu'on 
ait  écrite.  C'est  cruellement  observé,  mais  avec  quelle  vérité  cl 
quel  œil  implacable!  Nul  n'a  été  pJus  loin  dans  l'analyse  des 
lâchetés  humaines,  çft  ce  Mirclet,  condescendant  peu  à  peu  à 
toutes  les  infamies,  jusqu'à  partager  sa  maîtresse  avec  son  fils,  se 
""galvaudant  dans  les  boues  pour  garder  la  TerKme  h  laquelle  il  est 
eramponné,  n'cst-il  pas  l'effrayante  synthèse  de  toute  une  classe 
d'êtres  produite  par  l'absence  de  préjugés,  la  bassesse  d'instincts, 
l'égoïsme  et  le   besoin  de  jouissance  sensuelle  qui  marquent 
effroyablement  notije  société.  On  tremble  de  regarder  autour  de 
soi,  et  d'y  voir  pulluler  des  Mirclet.  Et  cet  Henri,  à  qui  la  mort  de 
sa  mère  cause  «  beaucoup  de  tracas,  beaucoup  d'embêtements... 
et  beaucoup  de  tristesse  ».  Le  mot  est  terrible,  et.il  n'est,  hélas! 
pas  exagéré. 
'^ —  La  puissance  de  M.  .4ncey,  ce   qui  donne  à  sa  comédie  une 
précision  d'eau-fôrle,  c'est  qu'en   aucune   scène  n'apparaît  la 
virtuosité  de  l'écrivain.  Les  tristes  héros  de  VEc<}le  des  Veufs  par- 
lent leur  langue,  sans  faire  assaut  d'esprit,  sans  laisser  soup- 
.  çonncr  «  la  thèse  »,  chère  au  mélodramatique  et  conventionnel 
théâtre  de  jadis.  Les  mots  partent  comme  des  balles  et  frappent 
impitoyablement  le  but.  Les  scènes  se  succèdent  rapides„clichécs 
en  instantanés  photographiques.  Au  spectateur  h  démêler  l'amère, , 
la. désespérante  portée  de  l'œuvre.  Et  le  spectateur  l'a  comprise. 
Il  en  a  été  épouvanté,  mais  il  a  s^riti  la  flagellante  leçon  de 
morale  qui  se  dégage  de  ses  actes  brefg,  en  axiomes  médullaires, 
«  Votre  public  m'a  deviné  mieux  q^e  nos  spectateurs  parisiens, 
nous  disait,  après  le  spectacle,  M.  Georges  Ancey.  Je  suis  touché 
de  son  accueil,  et  heureux  de  constater  que  certaines  scènes  oat 
porté,  qui,  à  Paris,  avaient  laissé  indifférent  ». 

La  scène  capitale  de  l'œuvre,  d'après  nous  :  celle  où  la  femme, 
humble,  en  larmes,  suppliante  devant  le  fils  qu'elle  craint  de 
perdre,  se  redresse  devant  le  p&re,  qui  la  dégoûte,  et  se  montre 
telle  qu'elle  est  :  arrogante,  accapareusc,  cynique,  férocement 
exigeante,  sans  cœur  et  sans  pitié,  justifiant  l'aphorisme  décou- 
rageant que  vient,  d'émettre  un  des  personnages  au  sujet  des 
femmes  :  «  La  meilleure  ne  vaut  pas  tripette  ». 

Le  succès  de  31.  Georges  Ancey  s'est  accentué,  vendredi,  à  la 
première  de  Rolande,  la  pièce  de  M.  Louis  de  Gramont,  dans 
laquelle  on  n'a  vu,  et  à  juste  litre,  qu'un  drame  du  vieux  théâtre, 
ingénieusement  construit,  soit!  mais  d'après  les  procédés  connus. 


et  vainement  rajeuni  par  des  mots  d'argot  et  des  l^pulalités de  lan- 
gage qui  résonnent  comme  des  coups  de  cymbales  dans  un 
concerto  de  violon.  Ce  n'est  pas  parce  qu'on  dit  sur  la  scène 
«  Nom  de  Dieu!  »  et  «  Foutez^iioi  le  camp  !  »  qu'une  pièce 
fleurant  des  values  Mystères  de  Paris  change  de  caractère  et 
prend  rang  dans  le  théâtre  nouveau.  L'aventure  d'un  vieux 
débauché  qui  se  laisse  prendre  dans  un  traquenard  à  l'appât  d'un 
fruit  vert  de  quatorze  ans  ôtqui  finit,  gâteux  et  épuisé,  par  se 
suicider  sur  les  conseils  de  sa  fille,  farouche  gardienne  de  l'hon- 
neur du  nom,  n'est  p-as  faite  pour  nous  intéresser  plus  que  de 
raison.  Pas  plus  qye  le  Père  Lebo^mar d,  cc\lo  émollienlo  et 
laborieuse  conception  de  /éan'Aicard,  ou  l'invraisemblable  Pater 
de  François  Coppéc,  que  se  disputent  en  ce  moment  les  théâtres 
bruxellois.  C'est  très  peu  Théâtre-Libre,  tout  cela,  et  au  fond  âe 
sa  conscience  d'artiste,  Antoine  ne  doit  pas'êlre  fâché  de  voir  le 
succès  aller  droit  h  l'art  que  seul  M  doit  aimer,  à  l'art  neuf,  tout 
d'observation  et  d'analyse  dont  V Ecole  des  Veufs  de  Georges 
Ancey  est  la  haute  expression. 

^  Mais,  quoi?  Les  chefs-d'œuvre  ne  tombent  pas  en  gfèle  dans 
les  cabinets  directoriaux.  Et  le  public  aura  vite  fait  de  trier  le  bon 
grain. 

Pour  mémoire  :  deux  pièces  en  un  acte,  l'une  en  prose,  En 
détresse,  de  M.  Georges  Ancey,  l'autre  en  ver?,  V Amante  du 
Christ,  de  M.  Rodolphe  Darzcns,  complétaient  les  spectacles 
analysés  ci-dessus.  L'une  et  l'autre  ont  remporté  un  succès  hono- 
rable. 

Comme  inlerprôtcs,  signalons  particulièrement  M.  Antoine, 
dont  le  jeu  sobre,  aisé,  dénué  de  tout  cabotinage,  a  tîté  hautement 
apprécié  ;  M"'"  France,  remarquable  dans  le  rôle  de  la  nounou  du 
PèrefLebonnavd  et  dans  celui  de...  l'intermédiaire  galante  de 
Rolande;  M.  Grand,  qui  a  repris  dans  VEcole  des  veufs,  le  rôle 
joué  à  Paris  par  M.  Mayer  et  qui  s'y  est  montré  artiste  de  sérieux 
talent  ;  31"'^  Henriot,  comédienne  excellente  dans  T Ecole  des  veufs 
et  dans  V Amante  du  Christ. 


CONF^RENCE'DE  M.  ÉfflILE  SIGOGNE 

Au  Cercle  artistique,  ces  jours  derniers,  M.  Emile  Sigogne  a 
fait  une  conférence  intéressante,  réfiéchic  et  bien  dite.  Beaucoup 
de  bon  sens;  des  opinions  parfois  discutables,  mais  sincèrement 
exprimées,  ep  termes  courtois.  Au  hasard  des  souvenirs,recon- 
stituons  quelques  aperçus  caractéristiques  : 

La  plupart  des  poètes  contemporains  n'ayant  point  pris  part  a 
la  vie  publique,  soit  dans  la  politique,  soit  dans  le  journal,  sont 
restés  ignorés  du  public,  et  peu  à  peu  une  scission  s'est  faite.  On 
est  loin  de  se  douter  du  nombre  devrais  talents  ignorés  ou  éteints 
dans  l'atmosphère  hostile  de  leur  temps. 

On  reproche  aux  poètes  de  se  voiler  de  parti-pris  d'obscurité, 
de  se  retrancher  dans  un  dédain  de  la  foule,  de  se  complaire  dans 
l'isolement.  On  a  tort.  Les  poètes  n'ont  point  h  aller  à  la  foule, 
c'est  à  elle  à  aller  vers  eux  si  elle  en  ressent  le  désir,  chose 
improbable;  car  elle  est  portée  à  considérer  l'art  comme  un  amu-, 
sèment,  tandis  que  pour  le  poète  l'art  est  une  religion.  i 
•     •% • 

Les  deux  grandes  personnalités  qui  dominent  le  commence- 
ment de  ce  siècle  sont  Chateaubriand  et  Gœlhe.  Du  premier  vient 
l'esprit,  mystique  qui  s'est  continué  dans  des  écrivains  tels  que 
Barbey  d'Aurevilly,  Villiers  de  l'Islc-Adam  et  Paul  Verlaine.  Dii 


^ 


second,  l'esprit  scienlifique  qui  a  la  plus  grande  lit^méc  cl  qui 
-domine  tout  le  siècle  reprdsfînlé  par  Slendiial,  Balzac,  Tainc, 
Renan  et,  h  des  dcgrciî  moindres,  par  Zola  cl  les  GoncourU 

Ces  deux  grands  courants,  vers  la  moitié  du  siùcle,  viennent  se 
rejoindre  en  un  seul  esprit  cl  produisent  le  génie  créateur  qui 
domine  le  siècle  :  Balzac. 


> 


Au  XVII"  siècle  on  sacrifiait  le  milieu  à  l'esprit  cl  l'homme  appa- 
raissait comme  une  Ubre  inlolligence  dégagée  des  liens  de  la 
matière.  Aujourd'hui,  la  tendance  contraire  domine  avec  la  même 
exagération  et  l'homme  disparaît  sous  l'accumulation  des  détails 
matériels.  "  _ 

ta  vérité  est  entre  ces  deux  extrêmes.  Il  est  vrai  que  l'homme 
est  sous  l'empire  des  circonstances  extérieures  qui  déterminent  ' 
fatalement  son  action,  mais  il  çst  vrai  aussi  qu'il  y  a  e.nJjUèun 
principe  supérieur  capaljlc,  sousde  certaines  cl  rarcs^cmidilions 
de  révolte  et  d'indépendance.  Ce  sera  Ih  la  nouvelle  synthèse 
qu'aura  à  former  le  xx«  siècle. 

Nous  no  parlons  pas  ici  de  Victor  Hugo  comme  initiateur.  Il  a 
é  éun  réflecteur,  extrêmement  fouissant,  des  pensées  de  son  temps, 
et  il  n'a  été  initiateur  que  pour  la  forme  seulement.  Pour  le  lan- 
gage il  a  été  ce  que  Balzac  a  été  pour  l'idée:  Il  a  manqué  à  notre 
époque  un  génie  assez  puissant  pour  réunir  dans  une  haute  per- 
fection-les  deux  éléments.  Ce  sera  .sans  doute  le  produit  d'une 
époque  future,  moins  analytique,  transitive  et  éhranlée.  Déjà  des 
efforts  superbes  ont  été  tentés  dont  le  plus  énergique  et  le  plus 
accompli  vient  de  ce  grand  Flaubert,  si  noblement  révélé  par  sa 
correspondance.  Il  voua  sa  vie  à  donner  h  son  siècle  la  forme  lit- 
téraire parfaite,  souple,  variée,  profonde  comme  la  pensée  nou- 
vellement éclose.  Tâche  de  géant  qu'il  a  menée  à  bien  dans  la 
solitude  ou  plutôt  dans  l'isolement.  Grand  poète  qui  a  donné  à  la 
prose  le  nombre  et  l'harmonie  de  la  poésie,  incomparable  écrivain 
(pii  pour  toute  pensée  a  le  «  mol  propre  »  et  dont  la  Beauté  est  la 
consolation,  car  do  toutes  ses  œuvres  sort  une  plainte  profonde  et 
sourde  d'une  intensité  poignante,  quoique  étouffée,  qui  fait  sentir 
l'intime  tourment  de  l'artiste.  Se  roporlarlt  aux  origines,  comme 
l'a  fail  Leconte  de  Lisle,  il  fuit  la  vision  de  son  siècle,  qu'il  a 
pourtant  vu  mieux  que  personne.  Au  besoin,  il  se  réfugierait  dans  le 
néant.  Mais  ce  n'est  Ih  qu'un  cas  particulier  et  maladif,  spécial  h 
quelques  grands  esprits  malheureux,  dont  l'influence  ne  peut  pas 
détourner  l'Art  du  chemin  qui  le  conduit  à  la  réalisation  la  plus 
complète  de  la  joie.  ■ 

Parlant  de  hi  jeune  littérature,  de  celle,  dit  l'orateur,  qui  tra- 
vaille, qui  vit  loin  du  public,  ([ui  a  prescjuG  renoncé  au  succès, 
qui  cultive  l'exception,  le  rare,  l'exquis,  tout  ce  que  hait  la  foule, 
M.  Sigogne  rappelle  qu'au  lieu  de  l'élément  scientitique,  c'est 
l'élément  mystique,  pessimiste,  avec  une  gaieté  étrange,  qui 
domine.  La  jeune  littérature  a  lu  Auguste  Comte,  Darwin,  Stuarl 
Mill,  Spencer,  Schopenhaucr  aussi  bien  que  Taine  et  Renan. 
Frivole,  elle  abuse  de  la  sonorité  des  mots,  et  cache  le  vide  sous 
des  enjolivements  de  phrases,  mai^  grave,, elle  a  un  savoir  pro- 
fond, très  étendu,  très  serré,  puissamment  logique,  formé  de 
substances  fermes  et  condensées  et  avant  tout  et  par  dessus  tout, 
elle  a  l'esprit  philosophique.  Elle  se  divise  d(inc  en  deux  camps, 
les  artisans  de  la  phrase  et  ceux  de  la  pensé?;  les  seconds  sont 
les  moins  connus,  étant  les  moins  bruyants,  ms  plus  laborieux.' 

Elle  est  aussi  amoureuse  clc  musique.  La  musique,  en  effet, 
semble  donner  le  ton  h  la  littérature  et  quelques  poètes  sont 
musiciens  excellents.  Wagner  les  domine,  le  JJjailre  a  posé  sur  ce 


siècle  sa  féconde  pensée;  le  plus  synthétique  des  génies  mo- 
dernes, il  fait  tout  converger  :  musiqui  poésie,  art  scéniquo, 
vers  un  même, but.  Il  a  en  lui  tous  les  (.uractèrcs  de- l'art  nou- 
veau, IjC  retour  a,ux  origines  qui- nous  donne  comme  une  résurrec- 
tion du  théâtre  grec-,  la  combinaison  parfaite  de  l'esprit  mysli(|ue 
et  de  l'élément  scientifique,  et  ce  haut  caractère  philosophique  qui 
domine  toute  l'ocnvre.  Poète  presque  autant  que  miTsicicn,  ou  si 
l'on  veut  poète  qui^  s'est  servi  de  ,1a  musique  comme  moyen 
d'expression,  car  nous  ne  pensons  pas  qu'on  puisse  être  -plus 
poète  que  .Wagner,  if  est  naturel  qu'il  règne  ainsi  sur  HTlittéra- 
ture  nouvelle.  Dans  ce  grand  génie,  le  poète  et  le  musicien  ont 
une  toile  équivalence,  que  la  prédominance  de  l'un  tient  sans 
doute  à  ce  que  Wagner  est  né  en  Allemagne,  pays  ou  la  pensée 
trouve  sa  plus  naturelle;- expression  dans  la^musiqne;  venu  dans 
tout  autre  pays,  il  eût  été  avant  tout  poète  et  [)eut-élrc  avons 
nous  à  le  regretter,  car  la  poésie  où  l'élément  musical  est  souniis 
h  la  pensée  nous  parait  la  plus  merveilleuse  et  la  plus  parfaite 
manifestation  de  l'art. 
^  La  poésie  et  la  musique  se  sont  rapprochées  et  le  vers  clir^z  le 
vrai  poète,  sans  perdre  de  Sa  précision,  a  revêtu  une  sonorité 
musicale  inconnue  h  Lamartine  ou  ^  Hugo  et  la  musique  a  atteint 
une  plus  grande  expression.  Mais  il  n'en  faudrait  pas  conclure 
que  les  deux  arts  tendent  à  se  fondre.  Tout  en  s'imprégnanl  l'un 
l'autre,  ils  ne  perdront  rien  de  leur  indépendance.  A  y  rcgardi.T  de 
,plus  près,  on  découvrirait,  agissant  sur  la  littérature  et  à  peu  près 
de  la  même  façon,  quoique  h  un  degré  moindre,  la  peinture. 

Quoi  art  de  peintre  chez  quelques-uns  de  nos  grands  roman- 
ciers, Zola  par  exemple,  et  n'y  a-t-il  pas  un  grand  poète  dans 
Pu  vis  de  Chavanncs? 

Mais  quel  est  donc  celte  rénovation  artistique,  attendue  et  pré- 
vue et  h  laquelle  travaillent  consciemment  ou  non  la  jeune 
littérature  éprise _de  nouveau?  Celte -rénovation  est  la  même  que 
celle  accomplie  par  Wagner  dans  l'opéra.  Elle  doit  mainlcnant 
s'accomplir  dans  le  théâtre  par  la  poésie.  Le  grand  poète  est  à 
venir  qui  nettoiera  lethéâtre,  qui  fora  de  l'art  dramatique  ce  qu'il 
est  véritablement,  le  plus  complet,  le  plus  élevé,  le  plus  synilié- 
liquc  de  tous  les  ans,  car  il  1rs  contient  tous,  multiple  et  varié 
comme  la  vie  avec  rarchiteclure  de  la  scène,  la  peinture  de  ses 
décors,  la  sculpture  de'ses  groupes,  la  musique  de  ses  paroles, 
l'analyse  des  passions,  la  représcnialion  vivante  de  la  penser 
humaine  en  action,  de  la  pensée  humaine  intègre,  mysli(|ue, 
scientifique,  religieuse.  Et  nous  percevons  le  jour,  ali!  bien  lointain 
encore,  bien  indiscernable  où  une  représentation  scénique  fera 
naître  chez  les  auditeurs  une  si  iranscendaiile  impression  de 
noblesse,  de  pureté  et  de  grandeur,  et  si  religieuse  que  l'âme 
humaine  y  trouvera  la  plénitude  sacrée  que.  lorsqu'elle  est 
^croyante,  elle  éprouve  sous  les  voûtes  mystiques  des  cathédrales 
et  alors  sera  faite  la  grande  synthèse  qui  réunira  l'Art,  la  Scionc 
et  la  Religion. 

Ceux  qui  ont  été  à  Bayrouth  ont  ressenti  queli]uo  chose  d'ap|iro- 
chanl. 

Seulement  le  théâtre  est  de  tous  les  aris  contemporains  le  plus 
bas.  Il  n'existe  guère.  Le  théâtre  s'est  ti'ainé  dans  l'  n';ilisni(\ 
est  devenu  arme  de  combat,  de  morale,  s'est  enfoncé  dans  le 
métier,  une  sorte  de  "métier  entre  le  machiniste  et  le  décorateiir  : 
Ordinairement  le  décorateur  l'enqturlo.  il  faudra  un  rude  oliort  tlo 
■génie  pour  le  lirw"  du  bourbier. 


V 


^ 


CONCERTS  LIÉGEOIS 

Au  Conservatoire  / 

,'    '  [C(»\)'cspon/l/(iirr  pa)-tîiuilièrc  de  i.'AïKT  Moi)[:i\SE.) 

Le  Conservatoire  donnait  samedi  dernier  une  première  exécu- 
tion de  l'œuvre  nouvelle  d'Emile  Mathieu  :  Le  Sorbier,  que  vous 
entendrez  lundi  au  premier  Concert  des  XX 

l/auteur  a  été  aecjWé.  La  musique  de  ce 'poème  lyiùqué  est 
simple,  facile  et  biep  venue.  Elle  a  de  l'éléganceet  de  la  distinc- 
tion. 

il  faut  remarquer  spécialement  le  preniier  solo-  du  baryton, 
■  d'une  inspiration  plus  élevée  que  le  reste  de  l'œuvre.  Jf.  Demesl, 
sorti  l'an  dernier  de  notre  Conservatoire,  l'a  clianlé  d'une  jolie 
voix,  avec  une  rare  correction,  que  des  applaudisscnicnls^mérités 
ont  soulignée.  Inlejprélalion  soignée  de  l'orchestre,  mais  insuffi- 
sante des  chœurs.  ''--^ 

-  i^l^i'o  Thérésa^Cïïîfï'no  est,  certes,  une  pianiste  de  granîl  talent. 

Elle  possède  un  merveilleux  mécanisme,  de  la  vigueur  et  oc  la 
délicatesse.  Une  sorlede  fébrilité,  qui  ne  l'abandonne  pas  un 
instant,  peut  passer  pour  de  la  passion;  l'énergie  de  son  jeu  pour 
de  la  puissance. 

M"""  Carreno  a   remarquablement   exécuté  le  concerto  pomr 
piano  et  orchestre  de  Griog,  la  Polonaise  de  Wcbcr  orcheslrc(^ 
par  Liszt,  \c^ Sincrato-Cnpricioso  de  Vogrich  et  la  Campandla  i\m 
Liszt. 

M.  Radoux  a  eu  l'heureuse  idée  de  reprendre  des  fragments  du 
Prince  Igor,  l'opéra  inachevé  de  Borodine.  L'ouverture,  où  se 
rcnconiront  des  pages  superbes  aux  rythmes  d'une  étonnante 
richesse  cl  d'autres  as?ez  faibles,  un  peu  vulgaires,  est  une  œuvre 
de  maître  d'une  grande  puissance  dramatique. 

Dans  la  marche  et  les  danses  polovtsiennes,  quelle  vigoureuse 
.couleur,  quelles  étranges  harmonies,  quelle  saisissante  âpreté! 

Il  court  ilans  cette  musique,  déconcertante  parfois,  un  souflle 
génial. 

[-a  lâciie  de  l'orchestre  était  rude.  Il  n'a  pas  failli.  Le  même 
éloge  ne  peut  être  adressé  aux  chœurs;  les  basses,  particulière- 
ment, étaient  insuffisantes. 

M.  Radoux  se  propose,  parait-il,  de  monter,  pour  le  prochain 
concert,  la  Damnation  de  Faust  de  Berlioz.  Nous  souhaitons  vive- 
ment ((u'îl  réalise  ce  projet.  ' 


/-^  ■ 


CONCERTS  PARISIENS 

Société  Nationale  de  Musique. 

Monsieur  i.e  DiuECTEin,  -  ,^ 

.l'ai  été  bien  surpris  au  dernier  concert  de  la  Société  nationale. 
On  y  jouait  un  quintette  de  A.  de  Castillon.  Je  pensais  m'ennuyer, 
car  je  n'avais  jamais  entendu  citer  ce  nom  parmi  les  futurs  grands 
maîires  de  l'Eco'e  française. Tout  au  contraire,  dès  le  commence- 
ment, je  me  sentis  entraîné  par  une  inspiration  virile  et  magni- 
fique. Ce  n'est  pas  que  je  puisse  me  vanter  d'avoir  toujours  saisi 
la  forme  des  morceaux.  .\  certains  moments  un  contre-point  trop 
--^•anl  pour  moi  faisait  faiblir  mori%tlention.  Mais  cela  dure  si 
peu;  au  contraire,  il  y  a  de  si  belles  phrases, — principiilenhent  dans 


Vadagio,  —  si  généreuses,  et  cfui  durent  si  longtemps!  Je  sais  Jji'iu 
que  les  belles  phrases  ont  faitleur  temps  et  qu'il  n'en  faut  plus. 
Excusez-nioi;  c'est,  un  goût  de  provincial  dont  je  ne  puis  me 
défaire,  '  .  . 

Très  classique  et  très  moderne  h  la  fois,  voilà  le  trait  saillant 
du  quintette  d»-€astillon.  Il -porte  1  comme  numéro  d'œuvré; 
c'est  le. début  d'un  grand  musicien. 

A  ce  propos,  ne^vous  sembic-t-il  pas  que  l'influence  classique,, 
ce  qu'on  appelait  autrefois  la  tradition,  ladsse  de  moins  cri  moins 
de  traces  dans  les  œuvues  des  jeunes  compositeurs?  La  rechcrehe 
de  la  personnalité  —  condition  essentielle  de  l'œuvre  d'art  —  les 
trompe.  Ils  ont  peur  qu'on  leur  reproclic  des  ressemblances  clas- 
siques; en  réalité,  ils  n'échappent  pas,  du  moins  en  commençant 
et  pour  la  plupart,  à  des  ressemblances  avec  tel  ou  tel  maître 
préféré,  et  cette  influence  unique  est  mille  fois  plus  dangereuse 
que  riniluencc  presque  anonyme  de  tous  les  grands  ancêtres. 

Comme  je  m'élonnais  qu'un  musicien  tel  que  Castillon  fût  si 
peu  connu,  je  m'adressai  h  mon  voisin  de  l'autre  jour-.  C'est  lin 
homme  aimable  et  qui  paraît  fort  au  courant  des  cho^cS  musi- 
cales. Il  m'apprit  .que  le  principal  défaut  de' Castillon  est  d'être 
mort  depuis  quinze  ans  (il  avait  32  ou  33  ans). 

Sauf  h  la  Société  nationale,  donl  il  fut  l'un  des  fondateurs  et  le 
premier  secrétaire,  on  ne  le  joue  guère  nulle  part. 

C'est  dommage,  mais  on  y  viendra. 

j'ai  commencé  par  vous  parler  du  quintette  de  Castillon 
parce  que  j'étais  pressé  d'en  dire  tout  le  bien  que  j'en  pense.  Le 
programme  contenait  d'autres  œuvres  intéressantes,  avant  tout  le 
quatuor  de  M.  Vincerit  d'Indy. 

Ce  qui  me  frappa  d'abord  lorsque  j'entendis  d'Indy  pour  la 
première  fois,  ce  fut  sa  musicalité,  sa  puissance  de  rythme  et  de 
combinaisons  polyphoniques.  Depuis,  en  écoutant  la  Cloche,  la 
Symplwnie  et  la  trilogie  de  Wallenstein^  j'ai  bien  vu  qu'il  avait 
d'autres  qualités  encore.  Dans  l'œuvre  en  question,  il  me  semble 
que  c'est  principalement  les  premières  qu'il  nous  montre. 

La  partie  qui  me  plaît  le  plus  est  la  seconde,  intitulée  : 
Ballade.  Les  quatre  instruments  font  entre  eux  des  frais  de 
coquetterie.  C'est  à  celui  qui  exécutera  les  plus  gracieuses 
culbutes  en  doubles  croches,  autour  d'une  phrase  expressive  et 
plaintive,  en  qui  semble  incarné  le  type  de  la  ballade  musicale. 

J'aurais  encore  bien  des  choses  à  vous  dire,  et  sur  ce  quatuor 
et  sur  le  reste  du  concert.  Mais  Castillon  m'a  retenu  longtemps; 
j^ne  veux  pas  abuser  de  votre  hospitalité.  Je  ne  ferai  que  citer  les 


mélodies  de  M.  Marty,  les  chœurs  de  femmes  de  MM.  Lazzari  et 
de  Serres  et  je  termine  par  l'Hymne  à  Vénus  de  M.  Pierre  de 
Brévillc,  chant  grec  dans  le  mode  phrygien,  dit  le  programmé, 
en  tout  cas  chant  délicieux.  L'auteur  l'a  écrit  pour  deux  voix  de 
femmes;  il  vaudrait  mieux  dire  déjeunes  filles,  car  il  y  a  dans  la 
musique  un  peu  de  cette  retenue  pudique  des  jeunes  filles, 
d'ailleurs  charmante. 

Mais  les  artistes,  tout  le  monde  le  sait",  sont  des  gens  sans 
pudeur.  11  faut  qu'ils  dévoilent  au  public  leurs  pensées  les  plus 
chèrement  secrètes.  M.  de  Bréville  n'a  pas  encore  pris  son  parti 
d'affronter  les  indifférences  ci  les  railleries  des  écouteurs.  Il  ne  se 
livre  ms  tout  entier.  « 

Veuillez  agréer,'*Monsieur  ra^iirecteur,  etc.  ^ 

In  rural. 


\ 


\ 


pIEJ^lOpRAPHlE     MUSICALE 

Dans  une,  nol(!  insérée  dans  doux  journaux  parisicMis,  on  nous 
prend  i»  partie  aif  sujet  d_è  notre  derniei'bùllclui. bibliographique 
,j.Ut  on  lious  signilie  (juc  M.  Laz/ari,  dont  nous  avons  trouvé  le 
h'io  médiocre,  a  énormément  de  talent,  qu'il  csl  président  de 
l'Association  wagnériennc  de  Paris  el  que  ses  œuvres  ont  été 
publiées  chez  llamclle,  Durdilly,  Bruneau,  etc.  (Le  prix  est  omis). 

Le  ])jaisanl  de  l'histoire,  c'est  ([u'il  n'est  fait  nulle  mention,  en 
cetic  aigre  riposte,  des  autres  compositeurs  dont  nôiis"  nous' 
sommes  permis  de  critiquer,  au  mémo 'chef,  les  œuvres.  C'est 
nialadroil,  et  la  mauvaise  humeur  de  l'auteur  irascible  {genus 
irritabilc...  musicorum)  paraît  trop  visrhlemcnt  avoir  inspiré  la 
note  en  question  pour  que  nous  jugions  utile  de  répliquer  :  il 
serait  oiseux  de  discuter  avec  un  auteur  sur  le  mérite  de  ce  qu'il 
a  produit. 

La  réponse  la  plus  spirituelle  de  M.  bazzari  serait  d'écrire  une 
(l'uvre  de  valeur.  Cette  œuvrc-!à,  nous  l'attendons,  sans  impatience. 


Au, , programme  consarcé,  aux  œuvres  nouvelles  de  l'Ecole 
belge,  iigurcnl  :  la  Sorbier,  poème  lyrique  et  symplioniiiue 
d'Emile  Mathieu,  avec  soli  de  soprano  et  de  baryton  (première 
audition  àBruxelles);  deux  œuvres  instrumentales  de  PaulGilson, 
exécutées  poyr  la.  première  foisr:  un  Scherzo  [iouv  quatre  cors  et 

^unc  Hinnoreske  pour  flûte,  hauthois,  clarit^ctles,  cor  et  bassons  ; 
les  Rondes  ardennaises  pour  piano  à  quatre  mains,  d'Auguste 
Dupont  ;^  La  Clumsons  du  Dimanche  da' Léon  Jourct;  deux 
pièces  pour  hautbois  de  .Joseph  Jacob;  des  mélodies  de  Gustave 
Kefer,  Léon  Soubre,  Gustave  Huhei'ti. 

■""  EmiTe  MathlëÏÏllîrigëïd  réxécùlîôn  du  Sorbier,  dont  les  chœurs 
seront  interprétés  par  quarante  jeunes  filles,  élèves  des  classes 
d'ensemble  vocal  duXonservaloire,  et  les  soli  par  M'"<^  Cornélis- 
Servais  et  M.  Renaud.  — 

'  Le  prix  d'entrée  reste,  comme  les  années  précédentes,  fixé  à 
2  francs.  (Entrée  par  l'escaber  de  marbre). 


Il  est  un  autre  compositeur,  appartenant  au  groupe  de  la  jeune 
école  française,  sur  lequel  nous  attirons  spécialement  l'altention 
dos  artistes  :  c'est  M.  Ernest  Chausson,  dont  une  mélodie,  Nanny, 
sur  un  texte  de  Leconlc  de  Lisle,  a  été  très  remarquée,  l'an  der- 
nier, aux  séances  musicales  des  XX.  Quelques  mélodies,  por- 
tant les  n"'*  8,  9,  10,  11,  12  de  la  série  publiée  par  M.  Hamello, 
viennent  de  nous  être  envoyées.  .Ce  sont  :  Apaisement  (P.  Ver- 
laine), Sérénade  (J.  Lahor),  L'aveu  (Villiers  de  l'Isle  Adam),  la 
Ciple  (Leconte  de  Lisle),  'la  Caravane  (Th.  Gautier),  celte 
dernière  avec  accompagnement  d'orchestre.  Elles  sont  toutes  em- 
preintes de  la  distinction  qui  caractérise  les  œuvres  du  jeune 
.jiiaître.  La  plus  belle  est,  pensons-nous,  la  Caravane,  qui  forme 
un  tableau  superhemenl  coloré. 

MM.  Bruneau  el  C'"  ont  publié,  du  même  auteur,  cinq  mor- 
ceaux insjjirés  de  la  Tempête  de  Shakespeare  et  exécutés  lors  des 
représenlalions  de  ce  drame  données  au  Petit-Théâtre  de  M.  Henri 
Signorel.  Deux  Chants  d'Ariel,  d'un  dessin  poétique',  deux  Airs 
de  danse  et  un  duo  de  Junon  el  Cérès  composent  cette  suite, 
écrite  avec  un  sentiment  délicat,  en  de  jolies  harmonies  non 
déflorées. 

l'ri  clrneur  mixie  avec  accompagnement  d'orchestre  :  Hymne 
v('di(jue{\)06s\c.  de  Leconte  de  Lisle),  d'un  style  soutenu  et  d'une 
belle  allure,  récemment  édité  par  M.  llamclle,  complète  la  série, 
déj;i  riche,  des  récentes  productions  de  M.  Eriiesl  Chausson. 


pETlTE    CHROJ^^IQUE 


La  première  des  auditions  musicales  organisées  par  les  XX 
dans  les  locaux  de  leur  Exposition  aura  lieu  demain  lundi,  27  jan- 
vier, à  2  heures  précises,  avec  le  concours  de  M""=  Cornélis-Scr- 
vais,  professeur  au  Conservatoire;  M'"'  Morîamé-Lefebvre  et 
M'"^  Hélène  Schmidt  ;  M.  Renaud,  du  théâtre  de  la  Monnaie; 
M.  Emile  Mathieu,  directeur  de  l'Ecole  de  musique  de  Louvain  ; 
MM.  Anthoni,  Guidé,  Jouret,  Merck,  Poncclet,  Sou  lire,  profes- 
seurs au  Conservatoire;  M.  G.  Kefer;  MM.  Devos,  Gcraerts,  Heir- 
\vegli,  Lemal,  Leroux,  Maby,  Ruelle,  Stevens,  et  un  groupe 
d'élèves  des  classes  d'ensemble  vocal  du  Conservatoire. 


Une  bonne  nouvelle  :  en  raison  du  succès  qu'obtiennent  l6s 
représentations  du  Théâtre-Libre  au  théâtre  dj.i  Parc,  M.  Candeilh, 
vientTle  traiter  avec  M.  Antoine  pour  deux  représentations  sup- 
plémentaires qui  auront  lieu  lundi  çt  mardi. 

Le  speclîjcle  se  composera  de  YEcole  des  Veufs  de  Georges 
Ancey  et'  de  Jacques  Damour  do  Léon  Hennique. 


Le  théâtre  de  l'Alhambra,  s<ius  la  direction  de  M.  Durieux,  fera 
mardi  prochain  sa  réouverture. 

On  jouera  r£'/«(/ia?i/  pauvre  de  Millocker,  avec  un  grand  luxe 
de  mise  en  scène. 


Une  très  iniércssànlc  séance  de  musique  de  chambre  a  élé 
donnée  dimanche  dernier  au  Conservatoire  de  Bruxelles. 

Le  manque  d'espace  nous  oblige  à  en  ajourner  le  compte- 
rendu. 


M™«  Marion,  directrice  du  Théâtre  de  Gand,  va  faire  représenter 
le  Capitaine  noir,  opéra  en  quatre  actes  de  noire  compatriote 
Joseph  Mertens.  L'œuvre  vient  d'entrer  en  répétitions.  On  sait  que 
le  Capitaine  noir  a  été  joué  en  langue  allemande  à  Hambour^g 
en  1883.  11  avait  élé  représenté  précédemment,  en  flamand,  syr 
le  théâtre  de  La  Haye,  en  4877.  C'est  en  allemand  qu'il  sera  donné 
à  Gand. 


Mercredi  prochain,  29  janvier,  h  8  1/2  heures  du  soir,  une 
conférence  sera  donnée  dans  la  salle  gothique  dé  l'Hôlel-de-ville 
de  Bruxelles,  sur  Les  premiers  remparts  de  Bruxelles  et  la  res- 
tauration de  la  Tour  noire,  par  M.  P.  Combaz,  major  du  génie, 
conseiller  de  la  Société  d' Archéologie  de  Bruxelles. 


On  nous  prie  d'annoncer  le  concert  qui  sera  donné  par 
M.  lUînri-'lleuschling,  baryton,  avec  le  concours  de  M""^  Dyna 
Beumer,  cantatrice,  el  de  M'"«  Moriamé-Lefebvre,  pianiste;  il  aura 
lieu  h  la  Grande-Harmonie,  le  jeudi  6  février  1890,  à  8  heures  du 
soir. 


Plusieurs  artistes  viennent  de  se  constituer  en  sociélé  pour 
interprétera  Bruxelles  et  en  province  les  pièces  inédiles  d'auteurs 
belges.  Le  litre  de  Théâtre  moderne  a  été  adopté.  L'administration 
prie  les  auteurs  d'envoyer  leur  manuscrit  avant  le  15  février  pro- 
chain, 40,  galerie  du  Commerce,  h  Bruxelles. 

Le  Théâtre  moderne,  n'apparlenani  à  aucune  école,  a  pour  but 
de  vulgariser  les  productions  nationales.  (Communigué.) 


f 


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tl  u 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


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8  heures. 

Vienne  à  Londres  en.     . 

.     .       30  heures 

13       " 

Bâle  à  Londres  en.     .  i  . 

.     .       24       " 

24       " 

Milan  à  Londres  en  . 

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A  bord  des  malles  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette 
Spécial  cabine,  28  francs  ;  Cabine  de  luxe,  75  fniac»vO>. 
Pour  la  location  à  l'avance  s'adresser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  (Quai)  'ou  à  l'Agel^e  des  Chemins  de  fer  de  V Êtat-Belge 
Notthiimberland  HovsCi  Strond  Street,  n"  il ,  à  Douvres. 

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fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  exi^-ess  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits), —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  -   Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  l Ecrploitaticn  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  V Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l' Ètat-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  u°  53,  à  Londres,  à  V Agence  de  Chemins  de  fer 
de  l'État,  à  Douvres  (voir  i)lus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vraitcken,  Domkloster,  no  1,  à  Cologne. 


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Dixième  année.  —  N°  5. 

M. . . 


Le  numéro  :  25  centimes 


Dimanche  2  Février  1890. 


MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


PVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTERATURE 

Comité  de  rédaction  »  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,    un    an,    fr.    10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES-:    Ou   traite   à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à      "  - 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  Tlndustrie,  26,  Bri^xelles. 


? 


OMMAIRE 


Le  Tiiéatrk  nouvkau.  —  Double.-  —  Allavanquardia.  —   Au 

CONSERVATOIRK.     AuX      A'A'.     ViNCEXT      d'InDY     A     LlWiK.     

L'Étudiant  pauvre.   —  Biui.khjRai'iiie  musicale.  —  Mémento  des 

EXPOSITIONS.  PkTITE  CHRONIQUE.  ^ 


Le  Théâtre  nouveau 

Au  lendemain  de  la  dernière  représentation  de  l Ecole 
des  Veufs,  j'ai  été  écouter  et  voir  Bêîle-Mamcm,  en  ce 
même  théâtre  du  Parc,  à  Bruxelles,  et  comparer  Sar- 
dou  à  Ancey,  la  veille  et  le  lendemain,  par  besoin  dô 
mieux  comprendre,  d'avoir  des  points  .de  contraste  ou 
de  contact.  Ah!  la  manie  critique  qu'on  finit  par  prati- 
quer comme  le  chien  de  chasse  qui  chasse  trop,  pratique 
la  chasse,  ne  chassant  plus  que  pour  lui-même!  Singu- 
lier plaisir  obsédant,  qui  n'e&t  plus  dans  la  jouissance 
saine  et  simple  de  l'œuvre  d'art  possédée  par  l'esprit, 
sensuellement  et  sentimentalement  jouisseur,  mais  dans 
la  curiosité  du  déshabillage  suivi  d'inventaire,  dans  le 
pointage  des  perfections  et  des  défauts;  maladie  d'expert 
et  de  prîseur,  aunant,  pesant,  taxant  et  mettaik  tout 
au  plus  juste  chifï're  du  tarif  intellectuel. 

A  la  première  de  Belle-Maman,  le  même  monde  qu'à 
la  première  de  l'Ecole  des  Veufs,  le  même  monde  tou- 
jours, le  TOUT- Bruxelles  !  qui  est  le  tout  Bruxelles 
comme  l'opérette  est  toute  la  musique.  Le  Bel-Air! 


auquel  on  applique  mentalement  et  si  inévitablement 
cette  phrase  du  Masque  de  la  Mort  rouge  d'Edgard 
Poë,  commentée  par  Odilon  Redon  d'un  crayon  formi- 
dable :  «  C'était  des  figures  étrangement  équipées,  des 
fantaisies  grotesques  comme  la  folie  «. 

Tout  le  bataillon  des  fantoches  était  de  garde  mon- 
tante !  Mais  combien  admissible  et  normal  comparé  aux 
fantoches  de  la  pièce!  Sardou  s'était  surpassé.  Une  pan- 
talonnade rapprochée,  à  se  confondre  avec  elles,  des  pan- 
tomimes anglaises,  où  des  messieurs  en  habit  noir,  très 
corrects,  s'agitarit  en  compagnie  de  dames  variées 
représentées  par  des  hommes  travestis  en  femmes, 
échangent  des  soufflets  et  des  coups  de  pied  enguirlan- 
dés de  culbutes  et  de  cabrioles.  Au  moins  dans  la  pan- 
tomime le  grand  soulagement  du  silence.  Ici  des  ciga- 
liers  et  des  cigalières  n'interrompant  pas  le  bruyant 
cri-cri  d'un  dialogue  bruyamment  monotone.  Et  pour 
ces  rôles,  quels  acteurs  !  quelles  actrices  !  aux  défauts 
peu  visibles  d'ordinaire,  mais  combien  visibles  après  les 
acteurs  et  les  actrice^g  de  la  veille!  Toutes  les  vieilles 
rengaines  de  conservatoire  :  la  bonne  diction,  oh  !  à  quel 
point  insipidement  mécanique  et  formulaire,  et  sentant 
la  leçon  pédagogique  !  La  bonne  tenue,  ainsi  que  l'ensei- 
gnent les  professeurs  de  maintien  théâtral,  la  bonne 
tenue,  dont  la  base  essentielle  est  de  ne  jamais,  au 
grand  jamais,  tourner  le  derrière  à  la  salle.  Les  tirades 
débitées  à  on  ne  sait  quel  mystique  spectateur  des 


\ 


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s 


deuxième»  loges  ofi  vont  les  regards  des  premiers  rôles 
comme  attirés  par  une  apparition.  Les  salons  du  grand 
monde  de  Monsieur  Sardou  ofi  l'on  se  range  cinq  de 
front,  à  la  rampe,  pour  se  lAcher  des  mots  "  ruisselants 
d'esprit  "  sans  se  regarder.  Tous,  tous,  jusqu'aux  domes- 
tiques, accourant  du  fond  pour  se  camper  près  du  souf- 
fleur, attirés  comme  des  mouches  par  la  clarté  d'une 
grande  fenêtre.  Les  vieilles  rengaines  !  les  vieilles 
rengaines!  Ainsi  nommées,  sans  doute,  parce  qu'on 
V     ne  le^  rengaine  jamais. 

Je  dois  dire  que  cette  fois  -  les  figures  étrangement 
équipées  "  ont  été  sévères.  Pourquoi  1  Certes,  point 
parce  que  leur  compétence  a  augmenté.  Le  même  trou- 
peau -aJoujours  les  mêmes  bergejs  qui  les  paisent  soi- 
gneusement sur  les  pâturages  natals.  J'aime  à  supposer 
que  les  auditions  si  peu  conventionnelles  et  si  tant  har- 
dies des  soirées  précédentes,  avaient  dans  une  certaine 
mesure,  quoique  passagèrement,  désinfecté  la  cave  de 
leurs  préjugés.  Un  vent  avait  soufflé  dissipant  des 
miasmes.  Et,  en  eff'et,  bizarre  et  inattendu  phénomène, 
cetteEcolc  des  Veufs,  jouée  par  cette  troupe  du  Théâtre 
Libre,  avait  fait  recette  jusqu'au  dernier  jour,  après 
avoir  induit  la  prudente  et  défiante  direction  Candeilh 
h  en  prolonger  les  représentations.  ,0n  y  est  allé,  non 
par  goût  des  téméHtés,  mais  par  goût,  inconscient,  il  est 
vrai,  de  la  nouveauté,  de  cette  nouveauté  salutaire  qui 
remplace  les  quadragénaires  bêtises  du  théâtre  contem- 
porain par  les  nouveau-nées,  encore  vagissantes,  pro- 
ductions du  THÉÂTRE  NOUVEAU. 

Même  les  plus  encroûtés  des  générations  qui  s'achè- 
vent, commencent  à  en  avoir  assez  des  calembredaines, 
tantôt  solennelles,  tantôt  faribolesques,  des  pièces  dont 
M.  Alexandre  Dumas  fils,  du  côté  grave,  et  M.  Victo- 
rien Sardou,  du  côté  farce,  sont  les  Pontifices  maximi. 
Cette  excellente  bourgeoisie  corrompue  démêle  trop 
elle-même  l'élément  Pot-Boùille  qui  la  caractérise, pour 
supporter  davantage  l'hypocrisie  des  amuseurs  qui  lui 
montraient  ses  vices  en  les  masquant  d'élégance  ou  de 
joyeuseté.  Elle  commence  à  aimer,  comme  les  prosti- 
tuées, qu'on  lui  donne  brutalement  les  noms  canailles 
qu'elle  mérite,  et  qu'on  lui  exhibe  avec  cruauté  les 
tableaux  de  sa  vie  vraie.  Elle  trouve  jouissance  à  cette 
âpre  flagellation.  Plus  de  oh  !  ni  de  ah!  comme  l'an  der- 
nier encore,  où  l'on  eut,  vraisemblablement,  sifflé  et 
hué  YEcole  des  Veufs.  Le  public  du  Bel-Air  supporte 
très  servilement  les  bravos  des  fervents,  et  parfois  y 
prend  part.  Il  ne  trouve  rien  à  redire  aux  soufflets  à 
pleine  volée  que  lui  envoient  les  dramaturges  de  la  nou- 
velle école.  Il  n'écoute  plu^  que  distraitement  les  «  cri- 
tiques influents  i  qui  lui /prêchent,  avec  la  monotonie 
navrée  des  vieilles  orgues,  les  leçons  de  pure  morale 
mondaine  tartufienne  dont  ils  ont  vécu  depuis  un  demi- 
siècle.  Il   s'émancipe,   qu  plutôt  il   se  résigne.  Car, 


O 


à  l'inévitable,  il  faut  se  i 


ébigner.  Et  l'inévitable  c'est  la 


destruction  de  l'ordrez-pourgeois  par  le  propre  dégoût 
de  ce  qu'U  est,  par  la  vue  de  plus  en  plus  claire  et  décou- 
rageante de  ce<^u'il  est.  Car  il  est,  lui,  nous  l'écrivions 
dernièrement,  et  lui  seul,  la  vraie  décadence  et  la  vraje 
■^11)  de- siècle,  ''.  ':  .     .     '_ 

AJais  si  le  théâtre  nouveau  n'avait  d'autre  visée  et 
d'autre  portée  que  de  contribuer  à  l'insurmontable  révo- 
lution qui  nous  gagne,  gros  et  noir  nuage  qui  pousse 
devant  lui  son  ombre,  il  ne  serait  artistiquement  qu'un 
événement  incomplet.  On  y  entrevoit  davantage.  Des 
novateurs  comme  Antoine  et  Ancey  vont  au  delà  des 
interviews  qu'ils  ont,  de  scène  à  salle,  avec  l'habituel 
public.  Que  ces  esprits  hardis,  distingués  et  combatifs 
le  discernent  ou  l'ignorent,  ils  accomplissent,  au 
théâtre,  la  transformation  qui  affecte,  en  ofes  dernières 
annéps,  l'art  entier,  fait  craquer  les  surfaces  et  présage 
l'invisible  attendu. 

Nous  expliquions  ici  même,  il  y  a  huit  jours,  à  pro- 
pos de  cette  si  curieuse  exposition  des  XX,  que  les 
imbéciles  qui  marchent  le  dos  tourné  à  l'avenir  et  qui, 
dans  le  morne  hiver  de  leurs  idées  surannées,  entrent 
en  fureur  quand  on  leur' annonce  un  printemps  nou- 
veau, indistinct- encore  et  à  peine  bourgeonnant,  que 
dans  la  peinture,  entre  autres,  les  tâtonnants  effbrts  des 
précurseurs  autour  de  nous  pullulant,  conspués  mais 
indécourageables,  s'appliquent  à  deux  tendances  très 
nettes  :  un  réalisme,  ajoutant  au  vieux  réalisme  la 
lumière  et  l'atmosphère;  un  mysticisme  prolongeant  la 
réalité  par  le  symbole;  l'un  et  l'autre  demandant  à  une 
technique  neuve  les  moyens  de  conquérir  les  terrœ 
incognitœ.  Et  dans  la  littérature,  spécialement  dans  la 
poésie,  cette  même  dualité  s'affirme  avec  la  mênie  carac- 
téristique quant  aux  procédés  :  il  y  a  ceux  qui  décrivent 
la  vie  vécue;  il  }'  a  ceux  qui  décrivent  la  vie  du  rêve; 
les  deux  groupes  cherchant  avec  passion  dans  les  res- 
sources du  mot,  du  rythme,  dans  les  infinis  secrets  de  la 
langue,  les  outils,  les  armes  indispensables  pour  accom- 
plir l'œuvre. 

Analysez  l'évolution  musicale,  vous  y  découvrirez 
sans  peine  le  même  processus.  Sa  dynamique  aff'ecte  là 
même  allure.  Le  théâtre  seul  était  resté  en  arrière,  sans 
doute  par  l'énorme  difficulté  de  persuader  l'ignominieuse 
routine  des  directeurs  et  l'incommensurable  bêtise  de  la 
foule.  Car  là,  toujours  ce  double  obstacle  d'une  censure 
directoriale,  et  de  la  nécessité  d'avoir  pour  juge,  non 
pas  le  lettré,  l'esthète,  mais  le  public,  en  paquet,  en 
bande. 

Voici  que  le  théâtre  se  dégage,  par  explosions  isolées, 
rares,  mais  fortement  craquantes.  Il  y  a  deux  ans  à 
peine  !  Ce  fut  Becque  et  sa  Parisienne.  Puis  Méténier 
et  En  Famille.  Maintenant  Ancey  et  V École  des  Veufs, 
et  aussi  En  détresse^  cet  acte  joué  au  Parc  en  lever  de 
rideau,  mal  ai)erçu  et  pourtant  si  fort.  Toute  cette  série 
est  éminemment  réaliste,  mettant  en  scène  la  'vie  qu'on 


^ 


cache,  par  des  accents  nets,  frappant  en  balles,  à  tir 
pressé  et  précis,  au  moyen  d'une  langue  singulièrement 
vive,  claire,  pinçante.  C'est  une  tranche  d'existence, 
coupée  net,  presque  n'importe  où,  sans  préoccupation 
de  début  et  de  fin,  typant  en  très  haute  comédie  les 
psychologies  modernes,  se  manifestant  en  des  scènes 
modernes,  prouvant  cette  chose,  à  première  pensée 
paradoxale,  que  tel  épisode  qui,  dans  la  quotidienneté, 
serait  d'intérêt  médiocre  sf  l'on  y  était  acteur  ou*  spec- 
tateur, prend  un  étonnant  relief  et  excité  puissamment 
l'attention  quand  on  le  met  au  théâtre,  débarrassé  des 
braussailleuses  complications  qui  enveloppent  tout  fait 
de  la  vie.^  '     ' 

Il  faut,  certes,  un  perçant  coup  d'œil  et  une  main 
experte  pour  l'émondage.  C'est  affaire  d'aptitude  artis- 
tique, en  laquelle  Becque,  Méténier,  Ancey  sont  maî- 
tres. C'est  affaire  aussi  d'un  metteur  en  scène'comme 
Antoine,  qui  avive  avec  une  étonnante  dextérité  le  vrai, 
le  simple,  le  saisissant  de  la  pièce,  par  son  jeu,  d'une 
école  puissamment  familière,  et  par  la  destruction  sans 
merci  des  odieuses  rengaines  de  Conservatoire,  que  je 
maudissais  tantôt. 

Mais  ce  théâtre  néo-réaliste,  si,  bieli  aligné  en  paral- 
lèle avec  la  peinture  néo-réaliste,  avec  la  poésie,  la 
,  prose,  la  musique  néo-réalistes,  sera  suivi,  ou  plutôt 
accompagné,  comme  ces  autres  arts,  d'une  évolution 
symbolique.  Je  dis  «  symbolique^  à  défaut  d'autre  mot, 
pour  exprimer  un  théâtre  où  l'au-delà,  toujours  présent 
en  nos  cerveaux,  avec  ses  inquiétudes'  et  ses  rêves, 
viendra  '•  fumer)  autour  et  au  dessus  de  la  réalité". 
Nous  en  avoiïsC-Pn  Belgique,  deux  récents  exemples, 
dont  j'ai  parlé,  plus  d'une  fois,  avec  prédilection  et 
joie  :  les  Flaireurs  de  Charles  van  Lerberghe,  la  Prin- 
cesse Maleine-ée  Maurice  Maeterlinck.  Ceux-là  che- 
vauchent déjà  la  chimère!  Ils  parcourent,  pensifs,  les 
dessus  et  les  dessous,  joyeux  ou  tristes,  selon  qu'ils  sont 
dans  la  clarté  ou  les  ténèbres.  Soyez  certains  qu'ils 
marquent,  ces  jeunes,  ces  ignorés,  l'étape  nouvelle. 
Soyez  certains  que,  dans  un  temps  proche,  vous  verrez 
au  théâtre  ces  œuvres;  ou,  si  elles  sont  dédaignées  en 
ce  pays  parce  qu'elles  sont  du  pays,  vous  en  verrez  au 
théâtre  d'analogues.  Parler  ainsi  n'est  pas  se  poser  en 
prophète,  ni  en  amoureux  quand  même  des  nouveautés, 
c'est,  je  le  crois,  tirer  une  conclusion  nécessaire  du 
mouvement  général  de  l'art,  si  logique  et  universel. 
Comment  ne  pas  s'apercevoir  qu'il  y  a  là,  non  pas 
l'énoncé  d'une  pensée  personnelle  paradoxale,  mais  la 
constatation  simple  d'un  phénomène?  C'est  june  loi  qui 
fonctionne,  sans  bruit  mais  très  visible,  une  loi  natu- 
♦relle  irrésistible.  Cela  va,  avec  la  ténacité  et  l'ininter- 
rompu d'une  évolution  historique,  d'une  de  ces  évolu- 
tions si  clairement  fatales  quand  on  les  dégage  dans  le 
passé,  et  si  constamment  méconnues  quand  elles  agis- 
sent à  côté  des  contemporains,  pour  préparer  l'aVenir. 


DOUni^EI 


par  FRANcisi  PoicTEVix.  — Paris,  Lemerre,  éditeur. 

A  maintes  fois,  M.  Francis  Poiclevin  a  été  d(5fini  par  nous  l'âr- 
liste  sincère  et  subtil  qu'il  est.  Los  avougles-nés  delà  critique 
n'ont  lâlrî,  en  ses  diff(k"cnls  livres,  que  des  lignes  de  faits-divers, 
inoinsjnlércssaflls  que  la  chronique  d'e  chats  bpilés  par  un  incen- 
die ou  de  vieilles  femmes  accostées  par  une  roue  d'omnibus, 
certes.  Cette  injustice,  faite  de  bôtise,  se  prolonge  au  delà  de  la 
décence  :  M.  Poictevin  est  un  écrivain  nettement  hors  pair.  On  a 
mis  en  relief  sa  filiation  avec  les  frères  de  Concourt,  et  celte 
parenté  a  été  affirmée  par  M.  Poictevin  lui-même.  C'est  parfait. 
Pourtant  combien  plus  simple,  plus  vraies,  moins  brillantes  cl 
plus  consciencieuses  paraissent  ces  notations  de  choses.  Ses  livres 
sont  comme  des  calepins  d'art  intime,  silencieux,  pour  lui-même. 
Il  ne  se  préoccupe  guère  si  ce  qu'il  dit  iniéressera  violemment  un 
quelconque  lecteur,  il  s'émeut,  se  confesse,  s'écrit  pour  le  seul 
à  seul,  et  le  lecteur  le  plus  assidu  de  M.  Poictevin,  doit  éire 
M.  Poictevin  lui-même. 

Chez  les  frères  de  Goncourt,  au  contraire,  une  continuelle 
préoccupation  à  faire  de  l'esprit,  une  mise  un  peu  ostentatoire  en 
lumière  de  leur  prodigieuse  faculté  de  voir  curieux  et  vif,  et 
vivant,  ébrèche  le  plaisir  qu'on  éprouve  à  sentir  derrière  un  livre 
l'auteur  qui  ne  pose  pas,  qui  ne  fait  aucun  moulinet  avec  sa 
plume  pour  attirer  l'attention,  et  qui,  malgré  le  rafiinemenl  de 
son  sljle,  conserve  un  fond  ingénu  et  primitif. 

M.  Poictevin  consigne  en  prose  parfaite  et  très  à  lui,  ses  ren- 
contres de  chaque  jour  d'un  paysage,  d'un  objet  d'an,  d'une  idée, 
d'un  sentiment, 'd'un  rêve  ou  d'un  fuit;  Et  lentement,  ainsi,  s'éla- 
borent ses  livres.  Sans  cesse  deux  personnages  :  elle  et  lui,  quel- 
quefois eux,  sont  les  récepiacles  des  impressions.  Un  môme  évé- 
nement est  analysé  à  travers  elle,  puis  à  travers  lui,  quelquefois 
à  travers  eux.  Aussi  l'examine-t-il  en  ses  nuances  et  ses  cotés 
divers..  El  les  choses  les  plus  banales  comme  les  plus  rares  le 
tentent  tour  à  tour  —  seulement  rien  n'est  banal  dès  que  l'auttur 
lé  dissèque  à  la  plume.  Souvent,  presque  toujours,  «//<?  et  i«i, 
s'impressionnent  de  voyage.  C'est  en  pays  lointains  qa'il  cultive 
son  âme  de  lettres. 

Avant  ces  quelques  derniers  dix  ans,  le  monsieur  littéraire  qui 
courait  les  rouleS  faisait  le  récit  de  sa  course,  il  se  grisait  d'encre 
mêlée  à  ce  qu'il  appelait  de  la  couleur  locale,  il  écrivait  sur,  tout, 
n'importe  oii,  avait  le  toupet  de  faire  connaître  les  mœurs,  les 
sites,  les  gens  et  le  pays  qu'il  prétendait  connaître  à  fond,  lui,  un 
passant.  Il  aboutissait  fatalement  à  des  viriuosiiés  de  style,  à  des 
emballements  à  côté,  à  des  chutes,  nez  cassé,  dans  le  parti-pris  et 
la  boutade.  Parfois  il  se  calembourisaii  et  jugeait  les  peuples  (!) 
au  petit  bonheur  des  mots  drôles  qui  lui  venaient. 

Rien  de  lel  chez  M.  Poictevin.  Allemagne,  Belgique,  France, 
tous  les  pays  rencorilrés  ne  lui  sont  que  des  prétextes  à  émotion 
artiste.  Ses  livres  sont  essentiellement  subjectifs;  ils  sont  la 
mémoire  écrite  de  ses  yeux,  de  ses  oreilles,  de  sou  toucher  et  do 
son  cerveau.  Parfois  certes  une  note  locale  pique  sa  cocarde  dans 
les  phrases.  Mais  combien  rarement,  et  encore  avec  quelle  persis- 
tante préoccupation  de  ne  l'insérer  dans  le  livre  que  pour  l'atta- 
cher à  une  rétlexion  iniimc. 

Le  voyage  devient  tout  simplement  un  élément  d'art  dans  la 
littérature  contemporaine,  et  peut-être  que  bientôt  le  rêve  rem- 
placera tout  voyage.  Le  i<  Sans  avoir  été,  revenu  »,  deviendra 


P 


Vf 


vrai,  à  loul  point  de  vue.  El  l'on  se  bâlira  des  villes  d'illusion,  et 
l'on  se  brassera  dès  cataclysmes  en  des  pays  de  tourmente  et  de 
volcans,  et  l'on  se  sculptera  des  sites  de  f6r,  de  marbre  et  d'or  et 
'  des  soleils  en  joyaux  de  joie,  et  des  lunes  en  argent  triste,  et  toute 
une  nature  impossible  sera  le  seul  monde  où  mener  en  voyage  de 
noces  littéraires  lui  et  elle. 

Voici  quelques  extraits  àe  Double  :  analyse  de  chefs-d'œuvrcs, 
rôve  :        . 

«  Dans  la  physionomie  de  la  Joconde,  c'est,  ce^emble  un  sou- 
rire de  souvenir.  Le  présent  de  la  femme  se  pacifie  dans  presque 
une  indifférence.  Si  elle  se  jugeait  elle-même,  sans  doute  elle 
serait  impartiale.  El' elle  ne  laisse  pas  de  faire  entendre,  en  je  ne 
sais  quelle  murmuralion  vague,  que  les  choses  en  vérîTé  ne  valent 
que  hors  de  prise. 

«  Il  semble  impossible  non  seulement  de  s'explicjuer,  mais  de 
s'entendre,  même  entre  intimes  ;  ce  qu'on  rend  par  la  parole  n'a 
déjà  plus  sa  fleur.  » 

«  Ce  malin,  à  marée  refluenle,  à  l'cstacade,  un  peu  au  dessus 

des  eaux  et  beaucoup  sous  le  ciel  — .eaux  et  ciel  adoucis,  allégés 

en  leur  impénétrable,  on  n'entendait  dans  cette  vue  sans  bornes 

.  que  les  eaux  inutilement  fuyantes,  susurrer  d'une  voix  peut-être 

plus  mollette  que  soyeuse. 

•  «  Aux  crépuscules,  dans  les  déclivités  de  l'extrême  ciel,  on 
songe,  devant  des  jaunes  crémeux  se  glaçant  d'une  viridilé  citrine, 
aux  seules  mémorables  joies,  si  rapidement  fondantes  que  déjà 
elles  s'acidulenl  d'un  regret. 

,«  Celle  fin  d'après-midi,  sur  la  côte,  en  un  insensible  embru- 
mement  de  l'horizon  où  perdurait  une  délicate  fonle  des  nues  et 
du  végétal,  des  lueurs  ensanglanlcrenl  l'en  dedans  des  cimes  de 
pins  d'un  sombre  attendri,  et  d'adorables  gris  lilas  semblaient 
craindre  de  confier  d'inviolées  amours.  » 

«Ha  rêvé  qu'il  devenait  fon,  elle  surveillait  anxieusement  ce 
malheur.  11  senlail  se  consommer  en  lui  l'aliénation,  il  s'achar- 
nait à  se  ressaisir,  ce  mal  d'âme  se  forlongeait  en  des  incertitudes 
poignantes.  Cela  de  pari  et  d'autre  ne  se  supportait  plus.  El  il  se 
terrifiait  de  sombrer  dans  un  autre  que  lui,  tout  en  gardant  sa 
même  forme  maintenant  vaine.  Son  identité  achevait  de  se 
détruire,  mais  il  n'était  pas  posilivemeni  encore  le  nouveau  per- 
sonnage faussé,  à  la  fois  mentant  à  sa  dénomination  et  impuis- 
sant à  la  rejeter.  Son  vrai  moi  en  irain  de  passer  perdurait  dans 
le  corps,  l'apparente  figure  semblait  peut-être  la  même,  tandis 
que  la  misérable  neuve  expression  s'égarait  dans  le  visage,  ne 
parvenait  à  s'y  loger.  Et  ainsi  le  visible  et  l'invisible  de  lui- 
même  ne  cadrant  plus,  il  éprouvait  un  ahurissement  affolé  de  son  ' 
mélange  dédoublé.  » 


All'avanguardia 

Studi    sulla  letteratura  contcmporanca,  par  Vittorio  Pica.  — 
Napoli,  Luigi  Pierro  editore,  1890. 

En  un  mélange  que  peut  faire  paraître  confus  et  bizarre  le 
simple  rapprochement  des  noms,  mais  que  le  texte  éclaire,  ils 
sont  là,  non  pas  tous,  mais  imposants  et  nombreux,  les  avant- 
coureurs  de  la  littérature,  ceux  qui  ont  eu  l'horreur  du  bétail  pié- 
tinant les  sentiers  battus,  qui  se  sont  élancés  dans  les  déserts, 
qui  ont  voulu  du  neuf,  et  qui  en  ont  apporté  souvent  :  Flaubert, 


Jes  de  Concourt,  Zola,  Daudet,  Duranty,  Fabre,  Bourgel,  T^Iau- 
passant,  Iluysmans,  Péladan,  Poictevin,  de  Saînte-Croix,  Edouard 
Rod,  Haraucourl,  Courmes,  Margueritte,  GlalignV,  Verlaine,  Ber- 
trand, Baudelaire,  Mallarmé,  Camille  Lemonnier,  et  les  roman- 
ciers russes,  et  des  Italiens  aussi  que  nous  ignorons,  nous  qui  ne 
savons  pas  sortir  de  notre  langue,  alors  que  les  Italiens  se  mon- 
trent si  attenlifs  à  ce  qu'il  y  a  de  meilleur  dans-4a  nôtre. 

Ils  sont  là,  appréciés  par  un  littérateur  extiaordinairement  bien 
informé,  qui  connaît  non  seulement  les  œuvres,  mais  les  per- 
sonnes, qui  sait  leur  histoire,  qui,  dans  cettC»»Fevue  de  quelques- 
uns,  parle  de  tous,  rattachant  les  modernes  aux  anciens,  les  célè- 
bres aux  inconnus,  les  artistes  de  la  plume  à  ceux  des  arts  plasti- 
ques, comme  le  montrent  les  quatre  cents  nofhs  de  la  table 
alphabétique,  et  ce  n'est  là  qu'un  début.  Un  autre  volume  est 
annoncé  sur  la  littérature  d'exception,  sur  ceux  que,  en  un 
mélange  aussi  hétéroclite  que  le  premier,  mais  où  l'on  peut 
compter  que  ce  fin  critique  saura  marquer  les  distances,  M.  Pica 
confond  sous  le  nom  de  modernes  byzantins  ■•  Mallarmé, Verlaine, 
Villicrs  de  l'Isle-Adam,  Huysmans,  Péladan,  Loti,  Poictevin,  Rim- 
baud, Corbière,  Laforgue,  Dujardin,  etc. 

Confime  nous  l'indiquions  plus  haut,  ce  qui  surprend  dans  celle 
œuvre  critique  d'un  étranger  que  noire  particularisme  nous  fait 
paraître  si  lointain,  c'est  la  précision  du  détail.  Ainsi,  pour  notre 
Lemonnier,  dont  il  rapporte  exactement  les  débuts  dans  la  vie 
litlérairo,il  dit  le  banquet  qui  lui  fut  offert,  en  1883, lorsque  l'Aca- 
démie lui  préféra  «  deux  écrivains  moins  que  médiocres  et  sans 
aucune  originalité  »  ;  il  rappelle  les  loasls  qui  lui  furent  portés; 
il  sait  les  vers  dits  à  sa  gloire;  il  nous  montre  la  qpuronne  de 
roses  blanches  qui  marquait  la  place  d'Octave  Pirmcz,  présent  au 
delà  de  la  mort.  Et  s'il  ne  parle  ni  de  la  réparation  éclatante 
qu'obtint  plus  tard  Lemonnier  pour  son  beau  livre  national  :  La 
Belgique^  ni  du  procès  célèbre  qui  consacra  naguère  sa  notoriété, 
c'est  que  son  article,  paru  vraisemblablement  dans  quelque  revue 
de  là-bas,  est  daté  de  juillet  1886. 

El  voyez  comme,  expliquant  l'un'  par  rantrc,  ptttoresquement 
il  pose  à  la  fois  l'homme  et  le  caractère  et  le  talent  en  celte  belle 
langue  sonore,  dont  nous  effacerions  les  couleurs  en  essayant  de 
la  traduire  : 

«  Camille  Lemonnier  ha  adesso  circa  40  anni  ed  è  un  bell' 
uomo  robusto,  sanguigno,  dai  capclli  e  dai  baffi  di  un  biondo 
infocato,  dagli  occhi  azzurri  e  scinlillanli  diclro  le  Icnli.  Eher- 
gico,  audace,  balta'gliero,  egli  ha  il  talento  dcl  suo  tcmperamcnto, 
e  nei  suoi  libri,  chè  forse  a  voile  hanno  pagine  non  di  prima, 
mano,  ma  sapientemente  assimilate  dagli  illustri  romanzieri  natu- 
ralisli  francesi,  che  egli  ha  con  grande  amore  studiati,  vi  è  ripro- 
dotla  la  vita  con  una  robusta  sicurezza  di  lono,  con  un'  opulenza 
di  colore,  con  un  intense  senso  del  realo,  che  ricordano  i  forti 
pitlori  délia  sua  patria.  » 

L'article  se  termine  par  une  intéressante  comparaison  entre  le 
Germinal  de  Zola  et  le  Happe-Chair  de  Lemonnier, dans  laquelle, 
en  faisant  ressortir  l'originalilé  propre  à  chacune  de  ces  œuvres, 
l'auteur  atténue  le  reproche  d'imitation  qu'il  avait  fait  d'abord, 
et  qui,  injuste,  ne  nous  déplaît,  du  reste,  pas,  car  il  démontre 
l'indépendance  de  l'appréciation  et  lui  enlève  toute  apparence 
même  de  ce  caractère  de  camaraderie  el  de  réclame  qui  rend 
souvent  si  déplaisante  la  critique  française. 


Au  Conservatoire 

A  noter  pour  mémoire  un  premier  concert  de  musique  de 
chambre,  bien  composé  el  bien  exécuté,  ouvrant  brillamment  la 
série  des  auditions  données  périodiquement  par  les  professeurs 
d'instruments  à  vent.  Le  Quintette  (ic  Mozart,  dont  la  partie  de 
piano  a  été  exécutée  avec  une  délicatesse  et  une  sûrelé  remarqua- 
bles par  M.  De  Greef  et  la  Sinfonietta  de  Raff  en  constituaient  les 
œuvres  maîtresses.  Comme  soliste,  M"*  Dyna  Beumer,  dont  la 
voix  cristalline,  merveilleusement  pure,_a  donné  un  très  grand 
charme  à  l'air  de  Dona  .Anna  de  Do)i~  Juan,  à  la  Sérénade 
d'Etienne  Soubrc,  composée  avec  un  joli  sentiment  «  à  la  Schu- 
bert »,  et  au  Madrigal  de  M""  Chaminade,  ajouté  au  programme^ 
en  raison  de  l'insistance  du  public.  ■     ■  , 


AUX  XX 

—  Première  audition  musicale.  \ 

Ce  premier  concert  des  XX,  consacré  exclusivement  aux  com- 
positeurs nationaux,  a  rencontré  de  vives  sympathies  ^  réuhi 
beaucoup  de  bonnes  volontés.  Surchargés  de  besogne,  accaparés 
à  la  fois  par  le  Ibéâlre  de  la  Monnaie,  le  Conservatoire,  les  leçons 
h  donner,  les  répétitions  à  faire,  les  concerts  en  province,  etc., 
les  musiciens  auxquels  on  s'est  adressé  ou  qui,  sponlanémcnl, 
ont  offert  leur  concours,  se  sont  montrés  dignes  de  leur  réputation 
d'artistes  désintéressés  et  dévoués  à  leur  art.  Dans  ces  auditions 
d'un  caractère  spécial  où  l'exécutant,  quel  que  soit  son  talent  de 
virtuose,  j^'efface  pouf^ie  laisser  parler  que  l'œuvre,  il  est  vrai- 
ment beau  de  voir  des  chanteurs  et  des  instrumentistes  dc^rc- 
mier  ordre  tenir  à  honneur  de  figurer,  afin  de  donner  aux  compo- 
sitions tout  le  relief  possible.  Les  auteurs  el  le  public  leur  en 
sauront  gré,  au  môme  titre  que  les  organisateurs  de  tfès  auditions 
de  choix. 

C'étaient-,  ces  interprètes  respectueux  et  attentifs,  pour  les 
oeuvres  vocales  :  M™":  Cornélis-Scrvais  el  M.  Renaud  ;  pourHcs 
compositions  instrumentales  :  M"""  Moriamé-Lefèbvre,  Mi'c  Hélène 
Schmidl,  MM.  Guidé,  Poncelet,  Merck,  professeurs  au  Conserva- 
toire, MM.  Jourél,  Kefer,  Soubrc,  à  la  fois  compii^iteurs  et  exécu- 
tants, M.  Fontaine  —  qui  a  bien  voulu  remplacer,  au  dernier 
moment,  M.  Anthony  empêché,  —  MM.  Devos,  Geraerls,  Ileir- 
wegh,  Lemal,  Leroux,  Mahy,  Ruelle,  bref  tout  un  orchestre.  El 
quant  aux  chœurs,  dirigés  par  M.  Emile  Mathieu  et  accompagnés 
par  M.  A.  Slevens,  les  classes  d'ensemble  vocal  du  Conservatoire 
avaient  fourni  le  contingent  nécessaire  :  quarante  jeunes  voix  qui 
ont  donné  de  l'œuvre  principale  du  programme  :  le  Sorbier,  une 
interprétation  correcte  et  nuancée. 

L'auditoire,  exceptionnellement  nombreux,  a  paru  goûter  le 
charme  de  la  musique  fraîche,  distinguée  el  aimable  de  31.  Emile 
Mathieu.  Le  petit  poème  rustique  de  l'auteur  de  Richilde  est  très 
ingénieusement  transposé  en  langue  musicale.  Il  se  compose  de 
trois  chœurs,  variés  de  rythme  et  de  couleur,  et  de  soli  d'un  joli 
caractère,  empreints  de  la  mélancolie  qui  donne  à  la  terre  arden- 
naisc  son  âpre  saveur.  L'auteur  et  ses  excellents  interprètes  ont 
remporté  un  gros  succès,  et  il  en  a  été  de  même  pour  les  Rondes 
ardennaises,  puisées  à  la  même  source  d'inspiration  et  écrites 
pour  piano  à  quatre  mains  par  Auguste  Dupont. 

Les  deux  œuvres  instrumentales  de  Paul  Gilson,  un  scherzo 


pour  quatre  cors  et  une  Humoreske  pour  sept  inslrumenls 
à  vl?nt,,sonl  de  tendances  plus  modernes  et  d'allures  plus 
batailleuses.  Exécutées  pour  la  première  fois,  elles  onl  surpris  le 
puplic,  mais  vivement  intéressé  les  artistes  par  leurs  recherches 
d'harmonies  neu\cs  et  de  timbres  rares.  Pas  faciles  %  exécuter, 
par  exemple,  et  d'une  coupe  inusitée.  Musique  vingiisl«,  a-l-on 
dit.  Le  mot  est  flatteur  et  peut-être  juste.  C'était  évidemment  dans 
ce  milieu  des  XX,  animé  et  vivant,  que  M.  Paul  Gilson  devait  se 
produire.  Nous  connaissons  de  la  musique  «  vinglisle  »  qui  com- 
mence à  faire  joliment  son  chemin  et  nous  souhaitons  ai)x  œ.uvres 
du  jeune  compositeur  Ja  même  fortune. 

Parmi  les  mélodies  de  Soubre,  de  Jourct,  d'Hubcrli  et  de  Kofcr 
inscrites  au  programme,  la  Chanson  de  Matelot  el  le  Deuxième 
soir  religieux,  de  ce  dernier,  nous  ont  paru  impressionner  parti- 
culièrement les  auditeurs,  qui  n'ont  d'ailleurs  marchandé  à  aucun 
des  auteurs  leurs  applaudissements. 


VINCENT  D'INDY  À  LIÈGE 

LES  itot:jve.^tjx:  coistoei^ts  . 

(deuxième  matinée) 

Grâce  à  l'initiative  de  MM.   Sylvain  Dupuis  et  Vandenschikie.  - 
Liège  a  eu  —  avant  Bruxelles  —  la  primeur  des  deux  grandes 
œuvres  orchestrales  de  Vjncent  d'Indy  :  la  trilogie  de  Wnlienstein 
et  la  Symphonie  sur  un  thème  montagnard  français. 

Les  directeurs  des  Nouveaux  concerts  onl  donné  de  ces  deux 
maîtresses  pages  du  jeune  maître  une  exéculion""colorée,  précise, 
vraiment  remarquable.  L'orchestre  de  Liège  osl  singulièrement 
compréhensif  et  son  aptitude  à  saisir  et  à  exprimer  le  caractère 
de  la  musique  moderne  a  frappé  le  compositeur  lui-même,  qui 
^  ne  nous  a  pas  caché  la  vive  satisfaction  qu'il  avait  éprouvée  en 
dirigeant  l'exécution  de  ses  d.'uvres. 

L'accueil  fait  h  Vincent  d'Indy  par  l'auditoire  a  été  triomphal. 
Il  y  a  eu,  tant  après  Wnlienstein  qu'après  la  symphonie,  de  véri- 
tables tempêtes  d'applaudissements  et  de  bravos,  répercutés  le 
lendemain,  en  éloges  enthousiastes,  dans  tous  los  journaux  de  la 
ville.  El  ce  qui  dénote  un  degré  d'initiation  peu  commun,  c'est 
que  ce  sont  précisément  les  œuvres  les  plus  ^udaciousemonl 
novatrices,  la  Mort  de  Wallenstein,  par  exemple,  el  le  final  de 
la  symphonie,  qui  onl  produit  la  plus  ])rofonde  impression. 
>  Ine  composition  d'allures  infiniment  plus  légère?',  la  Sérénade 
.  et  Valse,  qui  vaiil  surtout  par  le  charme  d'une  inslrumenlation 
piquante,  a  été  loin  de  provoquer  les  mêmes  ovations. 

Le  public  liégeois  a  compris  tout  ce  qu'il  y  a  de  poignant  et 
d'4«]main  dans  celte  merveilleuse  trilogie  qui  suit,  scène  par 
scène,  la  tragédie,  çt  s'adapte  si  étroitement  à  elle  qu'on  ne 
conçoit  désormais  plus  les  héros  du  poète  sans  entendre  aussitôt 
les  thèmes  caractéristiques  par  lescjuels  le  musicien  los  exprime. 
Les  ardeurs  belliqueuses  des  soldats  do  Wallenstein,  la  tendresse 
de  Thécla,  les  déchirements  de  Max.  partagé  entre  son  amour  oi 
son  devoir,  la  fatalité  qui  pèse  sur  la  dostinoo  du  Ik'tos,  tout  osl 
noté,  en  un  flot  de  dessins  mélodi(]ues  soutenus  par  dos  harmo- 
nies d'une  richesse  et  d'une  saveur  rares. 

Vincent  d'Indy  s'est  afiirmc,  en  cette  œuvré  superbe,  en  très 
grand  et  très  noble  artiste.  Quant  à  son  orchestre,  il  le  pianio 
avec  une  aisance  et  une  sûreté  déconcertantes.  Tout  v  est  d'une 
lucidité  remarquable.  Aucun  instrument  n'étouffe  les  autres.  Cha-, 


r-; 


-=«?**■*- -'Ç'^à: 


/... 


^.•*- 


cun  d'eux  se  meut  dans  les  sonorités  qui  lui  sont  propres,  et  le 
choix  est  fait  si  judicieusement  que,  môme  dans  l'cnchevôlrement 
polyphonique  le  plus  touffu,  toutes  les  phrases  ressprtent  et  par- 
lent dislinctenrueot  à  l'oreille. 

■  A  cet  égard,  Wallenstei7i,  dont  nous  ne  connaissions  que  la 
réduction  pour  piano,  a  dépassé  notre  attente  cl  a  fortifié  la  sin- 
cère admiration  que  nous  inspire  Vincent  d'Indy.  On  ne  peut 
guère  se  figurer,  à  la  lecture  de  l'excellent  arrangement  fait  de  la 
trilogie  par  son  auteur,  l'effet  que  produiront. à  l'orcheslre  les 

'trois  parties  de  l'œuvre  et  spécialement  la  troisième. 

Même  observation  au  sujet  de  la  symphonie,  dont  une  très 
bonne  réduction  pour  deux  pianos  fait  apprécier  le  charme  poé- 
tique, les  développements  ingénjeux  et  l'extrême  distinction  de 
rythmes  et  d'harmonies,  rnais  à  laquelle  une  exécution  à  l'of-ches- 
ire  donne  seule  l'ampleur  et  le  coloris.  M"'*  Bordes-Pène,  l'Hine 
des  plus  remarquables  pimistes  de  l'époque,  a  donné  de  la  partie 
de  piano  une  exécution  brillante,  h  la  fois  très  ferme  et  très  sou- 
ple. Elle  a,  dans  le  concerto  en  sol  de  Beethoven,  fait  valoir,  de 
même,  de  sérieuses  qualités  de  mécanisme  et  de  sentiment  qui 
ont  été  liaulemenl  appréciées. 

La  veille,  une  séance  de  musique  de  chambre  avait  réuni  dans 
la  coquette  salle  de  la  Légia  l'élite  des  musiciens  et  des  critiqiiës 
et,  sur  lé  programme,  quelques  œuvres  d'un  grand  intérêt  artis- 
tique parmi  lesquelles,  en  première  ligne,  le  trio  de  Vincent 
d'Indy  pour  piano,  clarinelie  et  violoncelle,  l'une  de  ses  plus 
belles  composiiions;  le  deuxième  trio  de.Castillon,  qu'on  enten- 
dra mardi  au  concert  des  XX;  lai-éduction  pour  deux  pianos  de 
Léonore,  la  ballade  fantastique  d'Henri  Duparc,  d'après  Burger  ; 
un  extrait  des  Tableaux  de  Voyage  de  Vincent  d'Indy  et  son  Lied 
pour  violoncelle.  /  ' 

.  C'est  M.  Edouard  Jacobs  qui  donnait  à  ce  concert  l'appui  de 
son  talent,  secondé  par  MM.  Hasoneier,  clarineitisle,  et  Dessin, 
violoniste,  tous  deux  professeurs  au  Conservatoire  de  Liège.  Au 
piano,  tout  nalurellcment,  le  héros  de  la  fêle,  Vincent  d'Indy,  et 
M""*  Bordes-Pone. 
-  Nous  avons  rapporté  de  ces  deux  séances  l'impression  recueillie 

,  et  sereine  que  laissent  seules  les  audiuons  musicales  vraimenl 
artistiques,  dégagées  de  tout  mercantilisme  et  du  moindre  cabo- 
tinage. 


y 


L  ÉTUDIANT  PAUVRE 


Le  théûire  de  l'Alhambra,  après  deux  tentatives  non  couronnées 
de  succès,  vient  de  faire  sa  réouverture,  sous  la  direction  de 
M.  C.  Durieux,  le  chef  d'orchestre  delà  Bourse. 

L'Etudiant  Pauvre  de  Millôcker  a  servi  de  pièce  d'ouverture. 
Cette  pièce,  dont  nous  avons  parlé  à  l'occasion  de  la  création  à 
lAlcazar  (1),  est  trop  connue  —  ses  rythmes  sautillants  ont  fait 
tourbillonner  d'innombrables  couples  enlacés  et  ses  marches  ont 
fait  défiler  d'incalculables  régiments,  —  pour  que  nous  soyons 
dispensés  d'en  faire  la  descripiion. 

Constatons  simplement  que  la  reprise  a  été  une  véritable 
solennité  —  une  vraie  première  —  tant  était  grande  l'affluence  et 
vivante  l'animation  que  présentait  l'Alhambra  mardi  dernier. 

Les  nombreux  assistants  ont  applaudi  avec  enthousiasme.  II  est 
vrai  que  M.  Durieux  n'a  rien  épargné  pour  assurer  le  succès  qui 

(\)  L'Arl  }>wdeme,  iéS5,  n°  S.  '    v 


est  venu  couronner  ses  efforts(  Un  orchestre,  nombreux  et  choisi, 
a  joué  galmenl  la' musique  vive  et  joyeuse  du  compositeur 
viennois;  des  chœurs  bien  stylés,  une  figuratif  et  un  ballet  où 
nombre  de  jolis  minois  évoluent  avec  ensemble,  des  décors 
superbes,  des  costumes  taillés  dans  des  étoffes  aux  couleurs 
harnionieuses  et  choisies,  tels  sont  les  éléments  que  M.  Durieux 
a  mis  en  ligne  et' qui  ont  décidé  du  résultat  de  la  journée,  sans 
compter  une  interprétation  irréprochable  par  des  artistes  do 
mérite.  C'est,  en  effet.  M""*»  Clara  Lardinois,  Blanche  Joly  et 
Jane  Saulier  —  qui  forment  un  trTô  ravissant,  —  -et  puis 
MM.  Larbaudière,  Guffroy,  Devilliers,  Druart  et  Castelain;  et 
nombre  de  petits  rôles  féminins  et  masculins,  tous"tenus  avec  la 
justesse  et  la  discrétion  qui  convient  pour  que  rien  ne  détonne 
dans  l'ensemble. 


f 


pIBjLIOQRAPHIE    MU^ICAJ-E 

La  mort  de  Cléop&tre,  scène  dramatique  pour  soprano  et 
orôhestre,  poème  en  prose  rythmée  et  musique  de  Camille  Benoit, 
clrantëé  aux  Concerts  Lamoureux  par  M"»»  Fursch-Madier.  — 
Réduction  pour  piano  et  chant  par  Vincent  J'Indy.  —  Paris, 
Bruneau  et  C'«. 

C'est  le  dernier  épisode  d'un  grand  poème  dramatique  conçu, 
texte  et  musique,  il -y  a  une  dizaine  d'années,  que  M.  Camille 
Benoit  vient  de  nous  faire  entendre  en  l'un  des  derniers  Concerts 
Lamoureux.  Simplement,  sans  vains  artifices,  ces  quelques  pages 
se  sont  imposées  à  un  public  peu  prévenu,  par  la  seule  vertu  de 
la  haute  sincériié  qu'elles  inspirent  et  par  la  noblesse  d'aspira- 
tions qu'elles  font  pressentir.  Sans  vouloir  porter  un  jugement  sur 
une  œuvre  d'aussi  longue  haleine  d'après  le  trop  court  fragment 
exécuté,  notons  dans  celte  dernière  scène  de  viriles  qualités 
d'expression  dramatique,  un  sentiment  supérieur  de  la  grande 
déclamation  lyrique;  louons  enfin, sans  réserve, une  instrumenta- 
tion très  sûre,  d'une  sobriété  peu  commune  et  d'un  tact  infini. 
D'autres  compositions  d'un  sens  plus  rare  et  plus  pénétrant,  plus 
personnel  aussi,  oni  depuis  appelé  l'âltentiorTsûr  M.  Camille 
Benoit;  il  était  intéressant  de  voir  le  point  de  départ  de  cet 
artiste,  un  des  plus  éclairés  et  des  mieux  nés  de  notre  jeune 
école,  et  nous  ne  saurions  assez  féliciter  M.  Lamoureux  de 
l'iniliâlive  qu'il  a  prise  ;  rendons  aussi  hommage  au  talent  puis- 
sant de  M"»*  Fursch-Madier  qui  a  su  donner  en  plus  d'un  passage 
des  accords  de  vraie  tragédienne. 


Mémento  des  Expositions 

» 

Musée  royal  de  peinture.  —  VU*  exposition  annuelle  des  Ji^X 
(peinture,  sculpture,  gravure,  dessin).  De  10  à  5  heures.  — 
Entrée  :  50  centimesT  Aux  auditions  musicales  et  conférences  ; 
2  francs.  Cartes  permanentes  :  10  francs.  ., 

Paris.  —  IX*  exposition  des  femmes  peintres  et  sculpteurs. 
23  février-14  mal-s  1890.  RenseignemeiUs  et  demandes  d'adhésion: 
M™«  Léon  Berlaux,  avenue  de  Villiers  147  (par  lettre  ou  en  per- 
sonne les  vendredis  de  3  à  6  heures)  ^  * 

Madrid.  —  l'«  Exposition  (internationale).  Mai  1890.  —Envois: 
1«M0  avril.    -         _^ 


f- 


1 


■•^7, 


Lyon.  —  Salon  de  1890.  —  Ouverture  le  28  février  1890.  — 
Envoi  à  Lyon,  Pavillon  dos  Arle,  pince  Relleccur,  du  5  au 
9  février.  Rcnseignemenis  :  Jacques  Berger,  secrétaire. 

Périgueux.  — 31  mai-30.juin.  Délais  d'envoi  :  Noliros,  l^mai. 
OEuvres,  10  mai.  —  Renseignements  ■■  M.  Pertuletti,  secrétaire 
(le  la  Société  des  Beaux- Arts,  Périgueux.  -  ■ 


Petite  chroj^ique 


Un  journal  français  de  haul  bord  commence  ainsi  un  articulet  : 

jiJLier,  a  eu  lieu  l'exposition  de  l'atelier  Jules  Dupré,  à  la  galerie 
jçorges  Petit,  8,  rue  de  Sèze.  »  * 

Suit  une  énuméralion.  Celle  des  œuvres  de  feu  le  grand  paysa-"" 
gisle,   l'indication   des  plus  belles,   l'expression  des  émotions 
qu'elles  donnent.  ^\\  que  non.  De  telles  expositions  ne  sont  pas 
pour  ce  qu'on  y  voit,  mais  pour  ceux  qui  y  vont  voir. 

«  Remarqué  parmi  la  foule  :  le  prince  de  Joinville,  Jules 
Clarctie,  Victorien  Sardou,  Alexandre  Dumas,  baronne  Natlianiel 
et  baronne  Gustave  de  Roibscliild,  baron  Edmond  de  Rolbschild, 
Donnât,  Béraud,  Philippe  Burty,  Coquolin,  baron  et  baronne  de 
Vaufreland, comte  et  comicssede  Rancy,  Schauss(de  New-York), 
Millerand,  Chauchard,  etc.  »  ,  .. 

Pourquoi  les  journalistes  encensent-ils  tels  artistes  et  en  érein- 
tenl-ils  d'autres?  Pour  des  raisons  variées.  Cette  réflexion  nous 
vient  à  la  lecture  do  celle  anecdote  du  Guide  de  l'Amateur  : 

«  On  connaît  le,  mot  de  Courbet  à  qui  un  de  ses  amis  annon- 
çait un  soir,  au  café  de  Madrid,  que  Casiagnary  venait  de  lui 
consacrer  un  article  important  dans  le  Courrier  franchis  : 

—  Ça  lui  fera  bwjgrement  du  bien! 

Et  de  fait  ce  gros  lèurdaud  de  Courbet  fut  bon  prophète,  puis- 
que Casiagnary  devint  successivement  conseiller  d'Etat,  puis 
directeur  des  Beaux-Arts,  sans  qu'avec  la  meilleure  volonté  du 
monde,  on  pqisSe  attribuer  ces  faveurs  à  son  mérite  personnel, 
qui  n'excédait  certainement  pas  celui  du  commun  des  mortels.  » 

Du  même  Guide  de  l'Amateur,  cité  pour  le  mot  de  la  fin  sur 
le  suave  Bougucreau.  Oh  !  le  vilain  nom  pour  un  peintre  si  suave, 
quoiqu'il  vicnn'"  bien  après  le  bougrement  de  Courbet  : 

«  Une  scission  s'est  opérée  dans  la  société  dos  Arlistes  fran- 
çais. Les  uns  se  sont  enrôlés  sous  la  bannière  de  M.  Bouguereau 
et  les  autres  ont  suivi  le  drapeau  de  M.  Meissonier.  Résultat  :  deux 
Salons  au  lieu  d'un.  Il  ne  faut  pas  être  grand  clerc  pour  affirmer 
que,  très  probablement,  nous  ne  nous  en  porterons  pas  plus  mal, 
si  la  peinture  elle-même  ne  s'en  porte  pas  mieux,  mais  peut-être 
y  gagnerons-nous  d'apprendre  de  quel  côlé  se  rangeront  les  véri- 
tables artistes,  ceuj  qui  font  passer  les  questions  d'art  avant  les 
questions  de  gros  sous  et  de  médailles  en  chocolat. 

«  Et  je  serais  bien  surpris  que  ces  artistes-là  suivissent 
,M.  Bouguereau  qu'on  a  si  justenienl  ai>pc\(k\G  Raphaël  de  l'expor- 
tation !  » 


Il  est,  du  reste,  assez  bizarre  et  contradictoire  ce  Guide  de 
l'Amateur,  sous  la  direction  de  M.  Henri  Garnicr  s'il  daube 
Bouguereau,  il  daube  aussi  Manet  et  Monef. 

A  propos  de  M.  Antonin  Proust,  il  écrit  force  des  mélodieuseiés 
comme  celle-ci  : 

«  Le  fait  *î'avoir  réservé  la  place  d'honneur,  à  l'Exposiiion 
cenlennale,  aux  oeuvres  de  Manel,el  d'avoir  toléré  que  les  fantai- 


sies chromatiques  de  M.  Claude  Monel  y  fussent  admises,  ne 
dénotent  pas,  do  la  part  de  M.  Antonin  Proust,  un  goût  très  pur, 
ni  même  un  tact  très  subtil,  mais  il  prouve,  de  la  part  (le  son 
autour,  une  certaine  persistance  îi  attirer  l'attention  sur  soi,  fût-. 
ce  en  tirant  dos  coups  de  pistolet  par  les  fenêtres,  qui  n'est  pas 
faite  pour  lui  concilier  les  sympathies  des  gens  sérieux  et  dés 
collectionneurs  éclairés.  » 


Une  séance  musicale  de  haute  attraction  est-  organisé  pour 
mardi  prochain,  4  février,  à  2  heures  précises  par  le  quatuor 
Ysaye  (.MM.  Eugène  Ysaye,  Crickboom,  Van  Houl.et  J.  Jacob), 
avec  le  concours  de  M"«  Dyna,  "Beumer,  de  M.M.  Anthony  et 
yîncenl  d'Indy. 

Le  programmé  est  composé  d'oeuvres  françaises  modernes, 
parmi  lesquelles  le  2*  trio  (ré  mineur)  pour  piano,  violon  et  vio- 
loncelle de  A.  de  Caslillon,  la  Suite  Basque  pour  flûte  et  quatuor 
à  cordes  de  Ch.  Bordes,  \e  Lied  i)0ur  violoncelle  et  \csTableaux 
de  Voyage  i>oar  piano  de  Vincent  d'Indy,  l'Air  de  l'Archange  de 
Rédemption  et  un©  mélodie  :  Les  cloches  du  soir,  de  César 
Franck,  la  Fée  aux  chansons  ih  G.  Fauré  eic,  toutes  œuvres 
exécutées  pour  la  première  fois  à  Bruxelles.  i  -.-' 

Le  prix  d'entrée  est  fixé  à  2  francs.  '.  '  > 

Les  œuvres  ci-après  ont  éié  acquises  au  salon  des  XX  :  ' 
J.  Ensor,  Jardin  en  plein  soleil;  W.  Finch,  le  Chenal  de  Nieu- 
port;  F.  Khnopff,  étude  pour  «  Une  Sphinge  »;  Id.,  avec  Gré- 
goire le  Roy;  X.  Mellory,  la  Vie  des  choses,  n"  2  ;  Id.,  /«  Vie  des 
choses,  n°6:  I«l.,  la  Vie  des  choses,  n"  7;  P.  Siç^nac,-  Cassis 
(Bouches-du-Rhône),-  iOp.  196;  IL  de  Toulouse-Lautrec,  Etude. 
no  5;  G.  VanStrydOnok,  J/rtrme.  '         ,      . 


Au  Cercle  ïirtistique,  parmi  d'autres  exposants,  M.  CrabeoJs 
marque.  Il  appartient  à  l'école  des  peiriires  de  ions  délicats  ei 
fins,  qui  cherchent  en  des  harmoniçs  à  fond  gris  l'enchanlemeni 
de  la  couleur. 

M.  Crabeels,  par  plusieurs  de  ses  toiles,  apparaît 'un  artiste 
oonsciencieux,  travailleur  et  de  mérite  net. 

M.  le  chevalier  G.  Hynderick  a  donné  le  24  janvier,  dans  les 
salonTdu  Cercle  d'Escrime  de  Bruxelles,  une  fort  intéressante- 
conférence  sur  Mahomet  et  les  Arabes.  Par  sa  façon  charmante  ot 
spirituelle  de  dire,  il  a  captivé  complètement  l'auditoire,  qui  a 
fort  applaudi  cette  savante  causerie. 

M.  Fierlants,  président  du  cercle,  qui  faisait  les  honneurs  de  la 
réunion,  s'est  montré  une  fois  de  plus,  en  organisant  cettiî  soirée, 
l'homme  de  goût  que  nous  connaissons. 

La  Société  d'archéologie  de  Bruxelles  a  fait,  le  23  janvier  der- 
nier, une  visite  au  Musée  instrumental  ancien  du  Conservatoire 
royal  de  musique,  sous  la  direction  de  M.  Victor  Mahillon. 

Une  surprise  était  ménagée  aux  visiteurs  :  une  toute  jeuno. 
élève  (lu  Conservatoire,  M"«  Marie  Ghalio,  a  joué  avec  talent  du 
clavecin  et  de  l'orgue  de  régale. 

La  visite  a  duré  près  de  trois  heures,  laissant  dans  le  souvenir 
de  chacun  une  impression  des  plus  agréables. 


La  Société  des  Artistes  indépendants  a  reçu  l'avis  otlioiel  que 
le  pavillon  de  la  ville  de  Paris  aux  Champs-Elysées  lui  est  accorde 
aans  son  en!ier,<!u  19  mars  au  30  avril,  pour  faire  son  exposition 
de  1890. 


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80  heures. 
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D'Ostende  à  6  h.  matin,  10  h.  15  matin  et  8  h.  40  soir.  —  De  Douvres  à  11  h.  59  matin,  3 Ji.  soir  et  10  h.  15  soir. 

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CABINJCS  PARTICL'LIÈRES.  —  Prix  :  (en  sus  du  prix  de  la  U^  classe),  Petite  cabine,  7  francs;  Grande  cabine,  14  franc^. 
0^  A  bord  des  malles  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette 

Spécial  cabine,  28  francs;  Cabine  de  luxe,  75  francs.. 
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Noithumberland  Hovse,  Strond  Street,  n"  17,  à  Douvres. 

AVIS.  —  Buffet  restaurant  abord.  —  Soin^aux  dames  par  un  personnel  féminin.  — Accostage  à  quai  vis-à  vis  des  stations  de  chemin  de 
fer.  —  CorrespoLdouce  directe  avec  les  gral.ds  express  internationaux  (voiluies  directes  et  wagons-lits). —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  TranspoJt  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  -   Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  l?i  Direction  de  lEcrploitaticn  des  Chemins  de  ""cr  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  VAgcnce  générale  des 
Malles-Poste  de  l' Étal-  Belge,  Moniagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Str.et,  n<"  j3,  à  Londres,  à  l'Agence  de  Chemins  de  fer 
de  l'État,  à  Douvres  (voirplus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vrancken,  Domkloster,  nil,  à  Cologne. 


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JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 
—  bibliographe.  —  Législation.  —  Notariat.  '  ,. 

HUTIJaiE  ANNEE. 

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Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 

Vient  de  paraître  chez  Edm.  DBMAN,  éditeur  à  Bruxelles 

LA  DAMNATIÔNBE  L'ARTISTE 

Par  IWAlSr  aiLKIN 

AVEC  UN   FONUSPICE  PAR  ODILON   REDON 

Tirage  unique  :  150  exemplaires.         ^ 

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interprétation  par  Odilon  Redon,  album  de  8  planches  in-folio 
avec  couverture  illustrée,  tiré  à  50  exemplaires,  en  souscription  au 
prix  de  35  francs  (40  francs  à  partir  du  jour  de  la  mise  en  vente). 
Les  dessins  originaux  sont  actuellement  exposés  au  Salon  des  XX. 

Bi>eitkopf  et  Hartel,  éditeurs,,Leipzig-Bruxelles 


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TRAITE  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  i*aîsonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-G.  Lobe. 

Traduit   de   l'allemand   (d'après   la   b^  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8".  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  a 
même  d'apprécier  un  des  rares  ouvrages  d'enseignement  musical  les 
plus  estimés  en  Allemagne.       • 


J 


Bruxelles.  —  Iiiip.  V*  MonNoh^  20,  rue  de  l'Industiie. 


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Dixième  année.  —  N"  C. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  9  Février  1890. 


MODERNE 


•^ 


PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


REVUE  GRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaëtion  :  Octave  MÀUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

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\  .  ..... 


ABONNEMENTS  :    Belgique,    un    an,    fr.    10.00;  Union   postale,   fi-.    13.00.    —ANNONCES   :    On   traite   à   forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Tlndustrle,  26,  Bruxelles. 


Sommaire 


Salammbô.  —  La  mise  ex  I'aue.  —  Le  Théâtre  de  la  Bourse.  — 
Manet  au  LouvRi;.  —  Aux  A'A'.  —  Concert  Heu.schling.  —  La 
Policière.  —  Petite  chronique.  X 


,       Salammbô. 

Il  paraît  que  Salammbô),  vous  savez,  Salammbô,  ce 
roman  de  Gustave  Flaubert,  paru  il  y  a  quelque  trente 
ans,  et  que  des  gens  traités  de  détraqués  admiraient, 
osaient  même  qualifier  chef-d'œuvre,  il  paraît  que 
Salammbô  est,  en  eflët,  un  assez  beau  livre.  Les  criti- 
ques influents  commencent  à  s'en  apercevoir,  ont  attiré 
là-dessus  l'attention  du  Bel- Air,  et  le  Bel-Air  commence 
à  se  douter  de  quelque  chose.  Tout  comme  le  sire  de 
Roc-à-Pic,  dans  la  G^^nde-Duchesse  de  Gérolstein, 
dont  le  général  Boum  visitait  la  dame  la  nuit,  tous 
les  samedis  depuis  dix  ans,  commençait  à  se  douter  de 
quelque  chose. 

Pourquoi  ce  dérangement  de  l'aiguille  dans  la  bous- 
sole des  préjugés  bourgeois?  Le  dictionnaire  de  l'im- 
mortel Larousse  qui  résume  si  bien  les  opinions  chères 
au  commun  des  hommes  (au  commun,  oh!  oui),  ne  con- 
tient-il plu&ce  superbe  jugement  sur  l'œuvre  maîtresse 


du  méprisant  solitaire  de  Croisset  :  "  Cette  résurrection 
de  Cai'thage  et  de  sa  civilisation,  sur  laquelle  on  a  si 
peu  de  données,  a  quelque  chose  d'étrange  et  de  mon-, 
strueux  ;  en  suivant  à  travers  toutes  sortes  d'horreurs, 
celui  qui  s'en  est  fait  l'historien,  on  est  moins  ému  que 
fasciné  ;  mais  ce  qu'on  ne  peut  lui  refuser,  c'est  le  don 
dépeindre;....  un  reproche,  mieux  fondé  peut-être  que 
l'on  peut  faire  à  l'auteur  de  Salammbô,  c'est  de  donner 
à  tous  ses  tableaux,  dans  cette  œuvre  si  oriainale,  une 
importance  égale  ;  la  perspective  fait  défaut;  toutes  les 
scènes  et  tous  les  personnages,  à  l'exception  de  deux  ou 
trois,  sont  au  même  point  et  pour  ainsi  dire  sur  le  même 
plan  ». 

Est-ce  que  ces  belles  choses!  dites  en  si  beau  fran- 
çais! ne  comptent  plus?  Les  particuliers  et  les  particu- 
lières du  monde  élégant  qui  sortaient  d'un  chapitre  de 
Salammbô  en  pouffant  de  rire,  comme  s'ils  sortaient  du 
Salon  des-XX,  ont-ils  la  berlue  ?  Eux  qui  se  sont  moqués 
de  Courbet'  et  de  Millet,  comme  ils  se  moquent  présen- 
tement de  Manet  et  de  Monet,  ont-ils  des  raisons  graves 
de  donner  ce  nouvel  exemple  de  leur  incurable  et  sotte 
étourderie?  Ne  serait-il  pas,  pour  eux,  plus  convenant 
et,  pour  les  admirateurs  isolés  des  grands  hommes,  plus 
confortable,  qu'ils  continuassent  leurs  bavardages  déri- 
soires, frappant,  de  leurs  becs  de  perruches,  les  belles 
choses  dans  la  volière  de  \eur  hicheli/f'erie?  Il  est  bien 
inutile  vraiment  que  leur  soudain  engouement  trouble 


CV 


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dans  Téternel  sommeil,  le  grand  écrivain  qui  a  formulé 
son  dédain  pour  eux  en  cette  maxime  :  -  Etre  sifflé  n'est 
rien.  Etre  applaudi  est  bien  amer  ».  Et  qui,  jugeant  un 
livre  que  la  même  basse-cour  de  pintades  et  d'oisons 
mettait  en  pièces,  écrivait  :  «  Si  j'avais  eu  quelque 
doute  sur  la  valeur  de  l'œuvre  et  de  l'homme,  je  île  les 
aurais  plus.  Cette  consécration  lui  manquait  :  être  renié 
de  sa  famille  et  de  son  pays!  »  Et  ajoutait  :  «  C'est  très 
sérieusement  que  je  parle.  Il  y  a  des  outrages  qui  vous 
vengent  dé  tous  les  triomphes,  des  sifflets  qui  sont  plus 
doux  pour  l'orgueil  que  les  bravos.  Le  voilà  classé 
grand  homme,  ce  conspué,  d'après  toutes  les  règles  de 
l'histoire!  " 

Bref,  ça  y  est.  Le  Bel-Air  s'assied  impudiquement 
sur  ses  appréciations  d'antan.  Il  a  suffi  pour  cela  qu'à 
l'instar  d'Ambroise  Thomas  décrochant  Ilamlet  pour 
l'opéra,  M.  Reyejt^se  soit  avisé  de  mettre  Salammbô  en 
musique,  et"que,  durant  cet  hiver,  si  emmorosé  prar  l'in- 
iiuenza,  la  représentation  de  cette  adaptation  appa- 
raisse la  seule  distraction  mondaine  persistant  au 
milieu  de  la  débâcle  des  bals  de  cour  et  des  sauteries  de 
la  financôrSur  cette  matière,  le  reportage  fonctionne  à 
toute  vapeur,  les  five  o'clock  tea,  grogs,  sherry,  etc., 
bourdon^ient  comme  une  filaturç,  les  feuilletonistes, 
les  reporters  et  les  conférenciers  grincent  de  la  plume, 
garulentdu  gosier  infatîgablement,  l'essaim  des  cabotins 
de  tous  genres  zigzague,  salammbôlisant  sans  avoir 
conscience  de  sa  clownesque  palinodie. 

Ainsi  donc,  l'épopée  carthaginoise  bénéficie  de  l'or- 
chestration qu'on  a  daigné  lui  accorder.  Ses  quinze 
chants,  mutilés  en  sept  tableaux,  vont  lui  donner  tardi- 
vement la  renommée.  Préférable  était  poui*  elle  la 
gloire  que  lui  dispensait  l'élite,  flamme  ardente  brûlant 
presque  ignorée,  au  fond  du  sanctuaire.  C'est  M.  Reyer 
qui  introduit  Salammbô  dans  le  monde.  Grâce  à 
M""*  Rose  Caron,  elle  sera  reçue.  Grâce  aussi  à  un 
habillage  et  à  un  maquillage  à  la  mode  des  salons. 

Tu  nous  quittes,  grande  figure!  nous  les  hôtes  des 
retraites  laborieuses  et  rêveuses,  nous  les  amants  des 
beautés  dédaignées,  qui  passions  à  t'adorer  les  heures 
nocturnes  solitaires.  Tu  te  banalises!  et  ce  ne  serait 
rien  si  cette  admiration  du  vulgaire  ne  donnait  pas  le 
soupçon  que  peut-être  tu  ne  méritais  pas  nos  hommages. 
Mais  nous  pressentons  que  cela  ne  durera  pas,,  que 
c'est  un  coup  de  mode,  et  que  ta  corrosive  saveur,  ton 
âpre  parfum,  ta  grandeur  brutale  et  mystique,  fatigue- 
ront bientôt  ces  cervelles  qui  ne  supportent  pas  les 
aliments  héroïques. 

Pour  l'instant  donc,  on  en  jacasse.  On  jacasse  sur  le 
festin  dans  1^  jardins  d'Hamilear,  à  Mègara,  faubourg 
de  Carthage;  sur  la  marche  des  mercenaires,  vers 
Sicca,  par  le  chemin  des  lions  crucifiés,  vers  Sicca,  la 
ville  sacrée,  à  l'entrée  du  désert;  sur  Salammbô  invo- 
quant du  haut  de  la  terrasse  de  son  palais,  Tanit,  la 


déesse  lunaire  :  •«  Que  tu  tournes  légèrement,  soutenue 
par  l'éther  impalpable!  Quand  tu  parais,  il  s'étend  une 
quiétude  sur  la  terre!  »  Puis  c'est  le  retour  des  barba- 
res, revenus  de  Sicca  à  "Carthage,  en  trois  jours,  pour 
tout  exterminer,  et  campant  sous  les  murs.  C'est  l'expé- 
dition nocturne  de  Mâtho,  leur  chef,  et  de  son  ami 
Spendius,  pénétrant  dans  la  ville,  par  les  égouts,  dans  le 
temple  de  Tanit  et  dérobant  le  grand  zaïmph,  le  voile 
de  la  déesse.  C'est  Hannon,  leivainqueur  d'Hécatom- 
pyle,  désigné  pour  combattre  l'armée  des  mercenaires, 
Hannon  le  suffète  dévot,  rusé,  impitoyable.  C'est  Hamil- 
car-Barca,  le  sufi'ète  de  la  mer,  le  père  de  Salammbô  et 
d'Hannibal,  revenant  sur  sa  trirème  ayant  à  la  proue 
un  cheval  sculpté,  pour  remplacer  Hannon  dans  là  con- 
duite de  la  guerre.  Il  commande  à  la  bataille  de  Macar, 
lançant  sur  l'ennemi  ses  soixante-douze  éléphants  à  la 
trompe  barbouillée  de  minium,  pareilles  à  des  serpents 
rouges,  les  défenses  allongées  par  des  lames  de  fer 
courbes  comme  des  sabres;  et,  victorieux,  se  dérobant 
"et  s'enfonçant  dans  le  Sud  pour  une  campagne  qui  se 
termine  par  sa  défaite.  Sur  tout  cela,  on  jacasse, 
jacasse,  jacasse,  comme  si  c'était  la  familière  pâture 
d^assidus  aux  five  o'clock  tea,  grogs,  sherry,  etc. 

0n  jacasse,  et  encore,  et  toujours,-car  enfin  ils  ont  lu 
le  livre,  et  c'est  à  qui  paraîtra  le  mieux  le  connaître. 
Carthage  apprend  le  désastre.  C'est  le  vol  du  zaïmph 
qui  cause  ces  malheurs.  Salammbô  consulte  son  serpent 
sacré.  Elle  part,  la  nuit,  pour  le  camp  des  barbares 
revenus  assiéger  Carthage,  pénètre  sous  la  tente  de 
Mâtho,  se  livre  à  lui  et  remporte  le  voile  prix  de 
sa  prostitution  patriotique,  nouvelle  Judith  qui  regret- 
terait de  couper  la  tète  d'Holopherne.  Pais  c'est  le 
siège  de  Carthage  qui  débute  par  la  rupture  de  l'aqueduc 
qui  amenait  les  eaux  à  la  métropole  punique  :  les  bar- 
bares dansant  en  délire  autour  de  la  grande  chute 
d'eau,  une  cataracte,  un  fleuve  entier  tombant  du. ciel 
dans  la  plaine,  et  dans  l'extravagance  de  leur  joie, 
venant  s'y  mouiller  la  tête.  Et  pour  conjurer  la  prise 
prochaine,  une  grande  brûlerie  d'enfants  dans  le  ventre 
rouge  du  Moloch  sémitique,  dont  Hannibal,  le  frère  de 
Salammbô,  alors  tout  petit,  n'échappe  que  parce  qu'on 
lui  substitue  un  jeune  esclave. 

De  tout  cela,  ils  parlent  ces  hicheliffeurs,  comme  de 
choses  qui  désormais  leur  sont  familières.  Et  les  repor- 
ters, et  les  feuilletoiti§tes,  et  les  critiques  influents,  et 
l'essaim  des  cabotins  de  tout  poil,  leur  donnent  la 
réplique.  Ils  ont  lu,  ils  ont  lu  enfin,  ceiie  Salammbô  qui 
date  de  1862,  presque  six  lustres  !  et  les  voilà  emballés 
parce  qu'on  a  plaqué  de  la  musique  sur  le  chef-d'œuvre, 
et  que  les  bals  de  couret  les  sauteries  financières  ratant, 
on  a  promulgué  que  cé''^wait  l'événement  mondain  de 
ce  triste  hiver  emmorosé  par  l'influenza.  C'est  de 
Narr'Havas  maintenant  qu'ils  s'entretiennent,  le  roi 
numide  venu  au  secours  de  Carthage  et  à  qui  on  a  pro- 


"^ 


N 


T 


L ART  MODERNE 


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■  / 


mis  Salammbô  en  récompense.  Les  mercenaires  lassés 
lèvent  le  siège.  Ils  s'en  vont,  on  ne  sait  où.  Enfin,  un 
soir  entre  la  Montagne-d' Argent  et  la  Montagne-de- 
Plomb,  se  laissent  bloquer  dans  le  Défilé  de  la  Hache, 
où  tous  meurent  de  faim.  Et  Mâtho  est  pris,  dans  un 
large  filet  à  capturer  les  bêtes  farouches  :  on  l'attache 
sur  un  éléphant,  les,quatre  membres, en; croix. 

Oui,  ils  parlent  de  tout  cet  héroïsme,  les  /iec/ieZï^ewrs. 
On  dirait  qu'ils  comprennent.  Ils  ont  devant  ces  pages  la 
componction  qu'on  leur  a  vue  devant  TA npe/M5  de  Millet 
le  jour  où  on  ne  sait  quels  fous  ou  quels  spéculateurs  le 
poussèrent  à  six  cent  mille  francs.  Ils  vous  confondent  par 
leur  admiration  débordante.  On  se- sent  tiède  et  décou- 
ragé devant  leur  enthousiasme  subit.  Qu'est-ce  qui  leur 
prend?  Les  voici  au  dernier  chant.  Ils  l'ont  lu  comme  les 
autres  et  leur  érudition  ne  tarit  pas.  C'est  le  supplice  et 
la  mort  de  Mâtho,  auquel  Salammbô  préside  et  dont 
elle  meurt.  Ils  connaissent  tous  les  détails,  s'extasient 
de  toutes  les  péripéties.  Ce  qui  les  horripilait  jadis,  les 
pâme.  Ils  s'exclament  devant  l'horrible  grandeur  du 
dénouement  quand  un  prêtre  du  Moloch  cannibale,  d'un 
seul  coup  de  couteau  à  dépecer  les  viandes  sacrées,  fend 
la  poitrine  de'^Mâtho,  en  arrache  le  cœur,  le  pose  sur 
une  cuiller  et  l'offre  au  Soleil  ! 

Sainte-Beuve,  un  critique  influent  in  illo  tem^ore, 
qui  a  rejoint  dans  les  Champs-Elysées  de  la  sottise 
humaine  les  légionsiélues  des  médiocres,  s'est  aussi  mêlé, 
en  son  temps,  de  formuler  un  jugement  sur  Salammbô. 
Comme,  il  n'était  pas  encore  venu  à  un  musicien  l'idée 
de  mettre  des  airs  sur  le  colossal  poème,  Sainte-Beuve 
le  trouva  contestable  et  promena  sur  lui  la  charrue  de 
sa  critique.  Il  appela  Salammbô  une  Héloïse  sentimen- 
tale! Il  déclara  que  les  Martyrs  de  M.  de  Chateau- 
briand étaient  bien  préférables!  Il  poi>a  cette  question 
vertigineuse  :  Mais  pourquoi  donc  les  Carthaginois 
ont-ils  massacré  les  barbares?  et  assura  que  ce  n'était 
pas  logique.  Il  s'attacha  à  démontrer  que  Flaubert 
avait  eu  tort  d'alléguer  que  le  lard  de  chienne  était  un 
remède  contre  la  lèpre.  Il  dit  avec  mépris  que  la  cham- 
bre de  Salamns^bè  était  tpie  chinoiserie.  Il  blâma  le 
goût  «d'opéra,  de  pompe  et  d'emphase  "  qui,  d'après 
lui,  déparaît  l'œuvre.  Comme  Flaubej-t  avait  dénombré 
l'armée  d'Hamilcar  à  onze  mille  trois  cent  quatre-vingt- 
seize  hommes,  il  l'interpella  en  ces  termes  :  Qui  vous 
l'a  dit?  Il  finit  par  l'accuser  d'obscénité  qX  d'imagina- 
tion sadique! 

Le  puissant_et  sarcastique  Flaubert,  aujourd'hui 
dominant  tel  qu'u^  dieu  littéraire,  n'en  voulut  point  à 
ce  pauvre  Sainte-Bfeuve,  doift  la  bêtise  seule  fut  puis- 
sante, et  dont  la  renommée  déteint  si  lamentablement. 
Il  lui  dit,  très  doucement  :  Ne  vous  fùchez  donc  pas, 
mon  brave  homme.  Et  ne  craignez  rien  :  mon  exemple 
ne  sera  pas  suivi.  Dans  ce  doux  pays  le  superficiel  est 
uAe  qualité,  le  banal,  le  facile  et 'le  niais  sont  toujours 


applaudis,  adoptés,  adorés.  On  ne  risque  de  corrompre 
personne  quand  on  aspire  à  la  grandeur. 

Et  probablement  qu'à  parf  lui,  songeant  à  ce  monde 
de  mondains  pour  lequel  I9  courtisan  écrivait,  il  songea 
alors,  ce  brufàl  génie,  comme  il  le  dit  dans  sa  correspon- 
dance :  En  voit=^n  là  des  balles  !  C'est  la  haufe  société! 
Quelles  têtes  que  celles  de  mes  compatriotes! 

Vous  verrous  cela  lundi  soir. 


LA  MISE  EN  PAGE       ~ 

^  Depuis  que  les  nouvelles  el  tléconcerlantespour  plusieurs  ten- 
dances en  ai't  se  sont  manifostdes  par  des  expositions  de  plus  en. 
plus  liardios  à  chaque  Février,  depuis  sept  ans,  on  s'est  acharné 
soit  à  expliquer  el  à  admettre,  soit  îi  démolir  maint  procédé  el 
mainte  technîque,  sans  toutefois  s'arrêter  à  suivre  la  radicale 
transformation  réalisée  aussi  dans  la  conception  el  la  présen- 
tation des^>ijieis  et  des  œuvres.  On  s'est  bataillé  autour  des  modes 
d'expression  Vîolorée  Ql  l'on  a  trop  négligé  d'examiner  la  compo- 
sition elle-mome. 

Le  mol  «  composition  »,  je  le  sais,  esl  un  mot  rance.  11  était  de 
mode,  aux  temps  préhistoriques,  à  l'heure  des  Ijigres  el  des  David. 
Chaque  école  s'y  attaqua  pour  la  supprimer  et  ne  parvint  qu'à  la 
transformer.  Il  en  esl  ainsi  pour  chaque  règle.  Les  nouveaux 
venus  la  nient,  l'ébrèchent,  la  suppriment  en  théorie.  L'évolution 
faite,  on  la  surprend  changée,  mais  jamais  complètement  abolie. 
Les  néo-impressionnistes  ne  font  acluellement  aucun  état  de  la 
facture.  Pour  eux,  elle  n'existe  guère.  Et  pourtant,  certes,  n'est- 
elle  détruite,  puisque  dans  la  façon  même  de  diviser  pigmenlai- 
remenl  elle  se  retrouve.  - 

Notre  mot  «  mise  en  page  »  est  donc  très  voisin  de  l'ancienne 
loi  :  la  composition.  Seulement,  il  exprime  mieux  l'idée  même 
qu'il  définit,  puisqu'il  n'est  guère  «ynonyme  d'  «  arrangement  ». 
-J.a  composition  en  son  sens  académique  est  surtout  décorative, 
la  mise  en  page  nouvelle  se  lie  si  noueusement  à  la  pensée  el  à 
la  logique,  qu'on  la  pourrait  qualifier  d'idéale. 

A  voir  comment  les  différentes  écoles  du  passé  l'ont  entendue, 
on  est  tenté  d'assigner  aux  gothiques  la  plus  succincte  compréhen- 
sion du  but  à  atteindre.  Certains  Giolto,  et  surtout  quelques 
œuvres  des  vieilles  écoles  de  Sienne,  en  '.émoignent  pjr  de 
superbes  exemples.  Crucifixions,  Ensevelisseme)its,  Résurrec- 
tions, Légendes  de  la  vie  de  la"  Vierge  ou  de  Noé,  quels  tableaux 
de  Simone  Memmi,  de  Tadeo  Gaddi,  de  Giotiino,  de  Gozzoli  et 
d'Orcagna  ne  point  presque  exclusivement  admettre?  Par  leur 
naïveté  même,  ils  se  sont  sauvés  de  l'erreur  fondamentale  des 
peintres  de  la  Renaissance,  qui  eux,  se  sont  mis  immédiatement 
à  codifier,  à  ensymélriser,  à  traduire  en  formules  et  î»  vinculor  la 
spontanéité  et  la  liberté  en  art.  Tout  sujet  devait,  dorénavant, 
entrer  dans  le  moule  raphaëlesque  ou  dans  la  camisole  de  force, 
des  Bolonais.  On  ajoutait  ou  l'on  retranchait  des  personnages, 
suivant  que  la  décoration  et  l'ordonnance  l'exigeaionl.  Ou  n.^ 
donna  plus  rien  à  l'idée  et  tout  fut  sacrifié  à  la  forme  el  au  plaisir? 
de  l'œil,  charrié  par  un  ensemble  de  figures  se  faisant  pondant 
comme  des  tableaux  en  un  salon.  Les  Flamands  et  les  Hollandais 
ruèrenl  certes  à  travers  ces  latines  préoccupations,  mais  n'y  substi- 
tuèrent que  d'amusantes  tendances  de  faire  soudain,  vif  et 
joyeux.    Les   Teniers,  les  Steen,  les  Ostade  éveillent   gaieniont 


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y 


'    l'allcnlion  vors  leurs  bonshommes,   l(îtc  penchée  à  travers  des 
lucarne*  el  leurs  chiens  mouillant  un  pas  de  porte.  C'est  font. 

î.a  riHoluiion  la  plus  nette  amenée  dans  les  œuvres  contcmpo- 
rain(*s  de  ces  quelques  derniers  vingt  ans  fut  le  fait  des  Japonais. 
Etudiés  el  compris,  d'abord  parties  artistes  d'avanl-posle,  ensuite 
•  par  les  écouteurs  d'où  \ient  !e"veni,  puis  enfin  parles  ni  chair 
ni  poisson  qui  s'indécisent  b  manger  lanlôl  un  cuissot  de  chèvre, 
tantôt  une  feuille  de  chou,  l'élrangeté  de  l'art  extréme-oricnlal 
s'infiltrlSjtisque  parmi  les  élèves  de  l'Académie  des  beaux-arts. 
L'annuel  Salon  de  Paris  qui,  pour  causé,  s'ouvre  au  Palais  do 
l'Iudiistrie,  prouve  presque  de  tableau  à  tableau,  l'indéniabl^ 
influence. 

A  première  expérience  ce  fut  une  bousculade  des  idées  les  plus 
reçues.  Des  paysages  pris  de  haut,  des  vues  do  ville  pointes  du 
premier  étage,  effarouchèrent.  On  déclara  les  lois  de  la  perspec- 
tive abolies,  alors  qu'elles  n'étaient  qu'appliquées  différemment.. 
Certains  osèrent  couper  des  personnages  par  la  ligne  terminale  des 
cadres,  d'autres  recherchèrent  une  bizarre  disymétrie,  quelques- 
uns,  plus  audacieux,  établirent  des  ombres  sur  le  sol,  alors  que 
les  arbres  pu  les  maisons  qui  les  produisent,  n'étaient  pas  dessi- 
nés sur  la  toile. 

Les  paysages  d'Iliro-Scliigé,  les  estampes  du  vieux  Toyo-Kun 
et  du  décoratif  Kmii-Sada  inspirèrent  des  admirations  hautes  et  les 
ateliers  se  fleurirent  de  crépons  et  d'éventails.  Plus  encore  atti- 
rèrent les  kakémonos  si  prestement  et  si  fugitivement  parfaits,  si 
miraculeusement  artistiques.  Le  dessin  à  la  plume  de  Hoku-Saï 
~  fut  acclimaté  en  France  par  les  quasi  imitations  de  Manet  et  de 
.  Braq.uçmond.  On  étudia  sa  facture,  son  dessin  électrique,  son 
trait.  On  le  hissa  au  rang  des  grands  maîtres  cl  J.  N.  Whistler 
le  mit  à  côté  de  Phidias...  et  de  Velasquez.  Toute  une  école  de 
décoration  originale  gravita  autour  du  nouveau  soleil,  fig\iré  soit 
par  un  plat  de  Tokio,  soit  par  une  soucoupe  en  Satzuma.  Même 
les  couleurs  audacieuses  et  pleines,  les  rouges  crus  et  les  violets 
nets  apprivoisèrent  l'œil  sali  de  bitumes  et  de  terres  de  Sienne 
à  voir  éclatant  et  clairet  l'on  rechercha  dans  la  franche  lumière 
vraie  l'impression  reçue  *par  la  simple  contemplation  d'une  œuvre 
japonaise.  On  l'y  vérifia. 

Cette  d'aplomb  et  tranchante  influence  eut  le  décisif  résultai 
de  couper  les  vieilleS*formules,mais  n'était  et  ne  pouvait  être  qu'un 
accident.  Notre  art,  certes  plus  profond  que  l'art  presque  tou- 
jours extérieur  des  Orientaux,  s'en  dégage  de  jour  en  jour.  Il  n'y 
a  puisé  qu'une  audace  et  puis  encore  l'éveil  vers  une  formule  — 
la  sienne  —  définitive,  de  mise  en  page.  La  bizarrerie  el  l'élran- 
geté de  la  présentation  d'un  sujet  par  un  kakémono  ou  un  crépon 
lui  ont  fait  sacrifier  tout  l'inessenlicl  au  but.  Il  a  appris  à  conden- 
ser davantage  en  éliminant  :  tout  accessoire  ou  toute  partie 
d'accessoire  trop  parlant  est  négligé.  Dans  le  tableau  de  M.  Fer- 
nand  Khnopff  :  «  En  écoutant  du  Schumann  »,  l'attention  est  con- 
centrée sur  la  personne  qui  écoute  —  et  pour  figurer  qu'elle 
écoute  de  la  musique,  une  simple  main  frôlant  un  bout  de  piano, 
à  peine  visible,  dans  un  coin  du  cadre,  voilà. 

On  aboutit  parfois  5  des  drôleries  el  les  journaux  humoristiques 
les  soulignent.  Deux  jambes,  toutes  deux  coupées  par  l'encadre- 
ment, l'une,  la  semelle  en  l'air,  l'autre  la  pointe  du  pied  à  peine 
appuyée  au  sol,  ne  figurent  une  course  que  carie jturalemeni. 
Mais  de  quelle  innovation,  dhes,  n'est-il  pas  aisé  de  rire^ 

Le  principe  de  la  mise  en  page  devrait  être,  non  pas  la  Symé- 
trie, comme  l'entendirent  les  Italiens,  non  pas  la  pondération  <los 
-mouvements  el  des  gestes,  comme  l'exprima  Poussin,  non  pas  le 


pittoresque,  comme  le  recherchèrent  les  peintres  hollandais  et 
ftamands,  mais  bien  l'expression,  peu  importe  comment  —  pourvu 
qu'elle  soit  logique,  ou  mieux  encore  nécessaire  et  fatale  —  de 
l'idée  et  du  fond  de  l'œuvre.  La  composition  ainsi  admise  est  si 
inhérente  à  la  pensée  •elle-même,  qu'elle  devrait  être  une  étude 
maîtresse  el  que  la  grandeur  et  la  largeur  et  la  dimension  d'une 
toile  un  problème  primordîâl  à  résoudre.  L'arfiste  doit  voir  son 
tableau  fait  avant  de  donner  le  premier  coup  de  brosse,  il  doit 
le  voir  net  et  invariable  dans  son  cerveau,  sinon  il  s'embarque  à 
l'aveuglette  vers  un  tûtonnement,  heureux  peut-être,  mais  en  tout 
cas  indigne  de  l'art  réfléchi  et  voulu  des  modernes. 

Aux  soins  à  donnctL  à  la  mise  en  page  se  doit  joindre  l'atten- 
tion à  préparer  le  cadre,  qui  n'est  autre  qu'une  délimitation  entre 
la  fiction  et  la  réalité.  Après  avoir  étudié  la  présentation  de  l'œu- 
vre el  la  proportion  h  donner  i  chacun  de  ses  éléments,  un  point 
capital,  c'est  de  n'en  détruire  l'effet  et  la  mesure  par  la  brutalité 
des  ors  ou  le  fouillis  dos  ornemenlatlons,  ou  là  couleur  même  du 
bois  d'cnguirlandemenl.  Un  cadre  doit  souligner  et  non  rompre, 
il  doit  être  sympalhiquc  au  tableau,  lui  être  uni  mvstérieusement 
et  en  prolongerMa  signification  mêm*  Les  encadreurs  devraient 
être  de  parfaits  artistes.  La  bordure  blanche,  adoptée  pres- 
qu'invariablement  par  telle  école  prête  à  d'aussi  grands  incon- 
vénients que  la  séculaire  et  inchangée  bande  noire  it  filet  or.  Pour 
une  question  de  goût,  c'en  est  une. 

Ceux  des"  modernes  qui  se  sont  le  plus  acharnés  à  la  mise 
logique  en  page  sont  :  Degas,  Monet,  Seurat.  L'élude  de  leurs 
dessins  et  de  leurs  pointures  apprend  plus  sur  ce  sujet  que  n'im- 
porte quel  même  à  fond  traité  —  assurément  plus  que  ces  courtes 
réflexiôns~liûtives.         -  «  . 


Le  Théâtre  de  la  Bourse 

Puisque  voilà  le  théâtre  de  la  Bourse  brûlé  et  bien  brûlé,  c'est- 
à-dire  sans  mort  d'homme,  et  que  l'on  parle  déjà  de  -sa  prochaine 
reconstruclton,  le  moment  nous  semble  venu  de  faire  prendre 
l'air  à  quelques  observations  de  sincère  critique  notées  dès  le  jour 
de  l'inauguration  et  provisoirement  tues  :  tout  étant  à  refaire,  la 
situation  devient  nette  et  nous  pouvons  parler  franchement  sans 
que  l'on  soit  tenté  de  découvrir  dénigrement  systématique  et 
abaiagc  forcené  dans  ces  lignes  de  raisonnante  analyse. 

Dans  cette  jolie  salle  où  l'œil  était  amusé  en  plus  d'un  coin  par 
de  curieux  détails  d'ornementation,  figurines  hiératiques  ou  ali- 
calados  délicatement  ajourés,  rien  n'avait  été  prévu  ou  agencé 
en  vue  de  la  circulation  du  publrc  el  d'une  rapide  évacuation  en_^ 
^as  de  panique  ou  d'accident  :  tout,  au  contraire, semblait  com- 
biné pour  accumuler  les  obstacles  et  provoquer  de^collisionr,,  et 
terrible  aurait  été  la  catastrophe  si  un  incendie  s'était  produit 
pendant  une  représentation  :  la  confluence  des  courants  de  spec- 
tateurs venant  du  rez-de-chaussée  et  descendant  le  grand  escalier 
se  serait  résolue,  dans  le  vestibule,  en  un  écrasement  impitoyable 
auquel  peu  de  personnes  auraient  pu 'échapper. 

Il  faut  certes  du  talent  pour  trouver  une  décoration  nouvelle  de 
foyer  ou  d'escalier,  où  s'accumulent  les  rutilences  de  rornemen- 
tation,  exaspérées  par  les  azurs  et  les  pourpres  environnants  ; 
mais  ce  nous  est  une  plus  sérieuse  preuve  de  maîtrise  de  voir 
vaincues  les  difficultés  inhérentes  à  des  aménagements  intérieurs 
judicieusement  raisonnes.  Or,  point  n'est  le  cas  ici.  Un  seul  esca- 
lier desservant  le  balcon,  le  promenoir  et  les  galeries  du  second 


^_ 


élagc csl (l'une insuffisance  tangible;  de  môme,  les  étroites, portes 
que  l'on  a  eu  le  ton  de  placer  contre  l'orcliestrc  ne  sont  guère 
calculées  en  proportion  des  iOO  spectateurs  des  fauteuils  qui  y 
doivent  passer.  C'est  de  l'Antiquité  que  devraient  s'inspirer  les 
architectes  pour  résoudre  de- pareils  problèmes,  et  nuls  mieux" que 
les  Grecs  et  les  Romains  n'ont  réussi  îi  canaliser  le  rapide  écoule- 
ment des  foules  dans  les  anrtpliilhéiitrcs  et  les  théâtres  au  moyen 
de  nombreux  Vomitoria.  Aussi  est-ce  la  multiplicité  des  issues 
que  la  Ville  de  Bruxelles  devrait  imposer  pour  la  reconstruction 
du  théâtre  de  la  Bourse.  Que  l'on  maintienne  l'escalier  actuel, 
d'un  joli  effet  décoratif  au  centre  du  foyer,  soit,  mais  qu'on  l'ar- 
rête au  premier  étage;  il  est  indispensable,  comme  corollaire, 
que  l'on  crée  deux  cscalicrsr«péciaux,  communiquant  directenitnt 
avec  la  voie  publique,  pour  les  spectateurs  des  secondes  galeries, 
et  que  pareille  disposition  soit  adoptée,  vers  la  scène,  pour  le 
premier  étage  et  le  rez-de-chaussée  ;  en  résumé,  six  escaliers  sup- 
plémentaires sont  nécessaii'es  pour  assurer  la  sécurité  du  public. 
Nous  voudrions  aussi  voir  porter  h  quatre  le  nombre  des  issues- 
pour  les  fauteuils  d'orchestre  en  adoptnni  le  dispositif  du  théâtre 
de  la  Monnaie;  où  les  portes  du  rez-de-chaussée,  au.  lieu  d'être 
contre  la  scène,  s'ouvrent  sur  les  couloirs  vers  le  centre  de  la 
salle.  Ces  améliorations  cl  ces  modifications  au  plan  primitif  né- 
cessiteront inévitablement  l'annexion  de  quelcjucs  maisons  de  la 
rue  Paul  Devaux  :  le  propriétaire  du  théâtre  devra  se  résoudre  à 
ce  sacrifice. 

Nous  signalons,  en  passant,  h  l'attention  des  intéressés,  l'acous- 
tique absolument  défectueuse  de  l'ancienne  salle,  causée  par  la 
coupole  triplement  lourde  et  peu  élégante  qui  la  surplombait  ; 
que  l'on  adopte  sans  hésiter  le  p/an  des  théûtres  italiens^  où  les 
plafonds  plats  donnent  d'excellents  résultats,  même  à^irs  des 
salles  énormes  comme  la  Scala.  de  Milan  et  le  San-Carlo  de 
Naples  :  c'est  une  réforme  qui  s'impose. 

La  question  des  balcons  de  sauvetage  sera  peut-éire  agitée; 
avant  de  prendre  une  décision  à  cet  égard,  nous  engageons  les 
membres  du  Collège  à  prendre  connaissance  des  études  de  haut 
intérêt  auxquelles  se  sont  livrés,  en  France,  ingénieurs  et  archi- 
tectes depuis  l'incendie  de  l'Opéra-Comique  Tarlistes  et  techni- 
ciens ont  constaté,  par  expérience  et  après  enquête,  que  les  bal- 
cons dos  façades  de  théâtres  poussent  au  suicide  et  les  ont 
formellement  condamnés  comme  moyen  de  sauvetage  en  cas  d'in- 
cendie. 


> 


AUX  A'J 

Deuxième  séance  musicale 

La  deuxième  séance  musicale  des  XX  a  eu  un  retentissement 
énorme  et  le  succès  qu'elle  a  obtenu  a  dépassé  toute  attente. 

Nous  avons  pris  à  son  organisation  une  part  trop  directe  pour 
qu'il  nous  soit  possible  d'en  faire  un  compte  rendu  détaillé,  qu'on 
pourrait  ne  pas  croire  impartial.  Bornons-nous  à  remercier  les 
excellonts  interprètes  qui  nous  ontjxrêté  leur  concours  dévoué  : 
M.  Vincent  d'Indy,  qui  n'hésite  jamais  à  faire  le  voyage  de 
Bruxelles  et  à  nous  donner  le  meilleur  de  son  temps  quand  il 
s'agit  dé  faire  entendre  les  compositions  des  musiciens  qu'il  aime; 
M.  Eugène  Ysaye,  l'admirable  musicien  qui  pénètre  l'intensité  dos 
œuvres  et  leur  donne  un  rdief  saisissant;  M.  Joseph  Jacob,  un 
violoncelliste  qui,  s'il  couscniait  à  voyager  à  rélranger,  serait 


bientôt  célèbre  ;  MJ'*  Dyna  Beumer,  l'aimable  chanteuse  à  la  voix 
de  cristal,  qui  a  consenti,  avec  une  bonne  volonté  et  une  sou- 
plesse de  talent  rares,  h  abandonner  le  répertoire  de  chansons  î» 
vocalises  dans  lequel  elle  excelle  pour  mettre  en  lumière  les  com- 
positions sérieuses  do- maîtres  tels  que  César  Franck  et  Gabriel 
Fauré.  Il  y  a  dans  ce  fait  tant  d'abnégation,  de  goût  et  de  véri- 
table sentiment  artistique  qu'on  ne  saurait  assez  en  louer  la 
cantatrice. 

Dans  une  étude  dont  la  séance  de  demain  provoquera  l'oppor- 
tunité^  nous  apprécierons  l'ensemble  des  œuvres  exécutées  îi  ces 
deux  concerts  de  musique  pure  et  de  tendances  nettes. 


Concert  Heuschling 


M.  Henri  Heuschling  a  donné  jeudi  so^  concert  annuel,  devant- 
un  auditoire  nombreux  et  élégant.  11  a  fai/  applaudir  de  médiocre 
musique,  mais  si  bien  dite  et  si  bien  chantée  que  le  public  en  a 
paru  ravi  et,  qu'Ji  partir  de  la  deuxième  partie,  les  bis  se  sont 
succédés,  sans  interruption,  à  cliac(uo  numéro  du  prdgramme. 

Massenct,  Godard,  Delibcs  et  .Meyer-Holmund,  hélas!  tenaient 
dans  celui-ci  une  large  place.  Il  a  été  beaucoup  question  de  roses, 
de  printemps,  de  rosée,  de  chérubins  et  autres  chose^  charmantes 
qui  ont  enthousiasmé  les  jeunes  filles  présente».  L'air  de  Joseph 
et  un  duo  de  Cimarosa  apportaient  dans  ce  débordement  de  cou- 
leurs tendres  un  ton  un  peu  plus  grave. 

C'est,  dans  ce  duo  et  dans  les  Papillolles' de  M.  Benoit,  de 
Reber,  que  .M"^  Dyna  Beumer  servait  de  partenaire  à  M.  Heusch- 
ling. La  très  jolie  voix,  toujours  irréprochablement  juste  et  tou- 
jours harmonieuse,  do  la  cantatrice  a  fait,  en  ouljt,  valoir  à  mer- 
veille quelques  mélodies  et  l'air  de  Lnkmé. 

Enfin,  M"'"  Moriamé  apportait  au  concert  l'appoint  de  son 
sérieux  talent  de  pianiste,  virtuose  et  musicienne,  —  deux  termes 
qu'il  n'est  pas  fréquent  de  trouver  'réunis.  Elle  a  joué  avec  beau- 
coup de  cha^rmo  un  nocturne  et  la  ballade  do  Chopin  et,  pour 
finir,  une  valse  do  .Mqszkowski.- 


LA  POLICIÈRE 

On  prend  l'habitude,  au  théâtre  des  (Calories,  do  représenler 
les  noires  histoires  qui  balafrent  do  crimes  le  rez-de-chaussée 
du  Petit-Journal.  El  tout  un  public  suit  avec  avidité,  les  péripé- 
li<'S  des  poursuites  compli<iuéos  auxquelles  doimenl  lieu  les  assas- 
sinats, les  vols,  les  viols,  les  chourinades  nombreuses  et  variées 
que  l'imagination,  fertile  en  horreurs  de  tous  genres,  de  M.  \.  d(^ 
Montépin  met  au  jour. 'Cela  se  corse  généralement  d'un  u  iruc  '> 
quelconque,  comme  celui  de  la  maison  où  l'on  assassine,  vue  do 
"cTu  haut  en  bas,  coupée  par  le  milieu. ""A  Paris,  le  truc  était  plus 
complet.:  la  maison  l'enfonçait  dans  les  dessous,  le  crime  com- ■ 
mis,  ot  l'on  assistait  il  la  poursuite  de  l'assassin  sur  les  toits.  — 
une  variété  du  répertoire  des  Lauris's  Lauri's.  A  Bruxelles,  la  toile 
tombe  au  moment  où  la  chasse  commence,  et  c'est  grand  dom- 
mage. '' 

Au  fait,  tout  cela  est  si  loin  d'un  art  quelconque  ([u'il  est  super- 
tlu  d'insister.  Et  nous  n'en  avons  parlé  que  pour  signaler  la  bonne 
interprétation  que  donnent  à  celte  laborieuse  n  machine  »  les 
comédiens  ordinaires  do  M.  Bahier,  M'"*  Berly,  M.M.  Valbret, 
Robert,  Garnier,  Darmand,  etc.,  sans  oublier  >l.  Bahier  lui-même, 
toujours  amusant  dans  les  rôles  comiques,  où  ii  excelle. 


&'-■ 


Manet  au  Louvre 

Il  csl  beaucoup  question,  depuis  quoique  temps,  de  l'cnlfée 
(l'Edouard.  Manel  au  Louvre,  el  la  nouvelle  a  fail  quelque  tapage. 
Il  y  a  toujours  des  esprits  qu'étonne  ce  qui 'n'est  que  la  logique 
nécessaire,  infaillible  des  événements.       -    ' 

Dans  une  lettre  adressée  à  la  République  française,  M.  Anlonia 
Proust  annonce  que  le  projet  est  prémaijUré,  et  confirme  en  ces 
termes  le  démenti  dans  une  conversation  avec  un  rédacteur  du 
Figaro  ;  "^-^  ^ 

«  On  a  tort,  a  dit  M.  Antoine  Prousl,  de  me  prêter  une 
démarche  quelconque  auprès  de  l'Éiat  pour  faire  placer  VOlpttpia 
de  Manct  au  Louvre.  Je-  n'ai  point  fait  el  je  ne  Jerai  pas  une  sem- 
blable démarche. 

Je  crois  que  l'heure  n'est  pas  venue  encore  pour  les  tentatives 
de  ce  genre.  J'ajoute  que,  dans  tous  les  cas,  ce  n'est  pas  l'Olym- 
pia que  je  voudrais  voir  dans  noire  grand  musée  ;  il  y  a  beaucoup 
d'autres  toiles  du  môme  maître  qui  le  représenteraient  plus  com- 
plètement et  plus  glorieusement. - 

Ce  qui  s'est  passé  est  tout  autre,  et  je  crois  qu'aucun  journal 
ne  Ta  raconté. 

Plusieurs  collectionneurs  m'ont  demandé  de  m'associèr  à  eux 
pour  acheter  V Olympia,  qui  appartient  à  M™»  Mahet;  ils  ne 
^'inquiétaient  pas  du  sort  du  tableau,  ils  voulaient  tout  simple- 
ment secourir  la  veuve  du  grand  peintre.  La  situation  de 
M'"»  Manet  est,  en  effet,  des  plus  tristes  et  des  plus  lamen- 
tables. 

Je  me  suis  empressé  de  souscrire,  et  mes  amis  ont  ainsi  réuni 
de  divers  côtés  une  somme  de  i7,000  francs,  que  Clagde  Monet, 
l'instigateur  dévoué  de  cette  souscription  intime,  va  remettre 
dans  quelques  jours  à  la  veuve. 

Voilà  toute  l'histoire  d'O/ym/jia  /  «►         . 

El  mainteant  que  deviendra  le  tableau?  Je  l'ignore,  nous 
l'ignorons  tous,  nous  ne  nous  en  préoccupons  pas  en  ce  moment. 

Mais,  ce  qui  est  à  peu  près  certain,  c'est  qu'il  n'ira  pas  au 
Louvre  ;  et  ce  qui  est  encore  plus  certain,  c'est  que  je  ne  deman- 
derai pas  pour  lui  l'entrée  du  Louvre.  ' 

L'honneur  de  Manet,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  est  d'avoir  déter- 
miné ses  contemporains  à  regarder  dans  la  rue  où  il  fait  plus  clair 
que  dans  l'atelier.  11  a  rendu  ainsi  des  services  que  reconnaissent 
tous  les  artistes.  ' 

Là  est  sa  gloire.  '^ 

il  n'a  jamais  rien  sollicité  de  l'Etal,  et  j'ai  trop  le  respect  de  sa 
mémoire  pour  associer  son  nom  à  une  requête  qu'il  eût  réprou- 
vée. »  

Actuellemenî,  la  souscription  est  close. 

Vingt  mille  francs  ont  été  réunis.  Et  de  fait,  fflalgré  la  lettre  de 
M.  Proust,  on  parle  plus  que  jamais  de  l'entrée  d'Olympia  au 
Louvre.  C'est  évidemment  dans  l'intention  de  l'offrir  à  l'Étal  que 
les  souscriptions  ont  été  recueillies. 

Il  est  curieux,  à  ce  propos,  de  rappeler  les  appréciations 
émises,  lors  de  la  première  apparition  de  la  toile,  en  1865,  par 
la  CRITIQUE,  la  sacro-sainte  critique  journalistique  qui  ne  se 
dément  jamais  lorsqu'il  s'agit  de  juger  une  œuvre  qui  sort  des 
moules  connus. 

Voici  quelques  échantillons  amusants  à  rappeler  : 


Devant  cette  Olympia  faisandée,  le  public  se  presse  comme  à 
la  M)Orgue.  ,     , 

Paul  DE  Saint-Victor. 
La  Presse  du  28  mai  4865.  '\  ■ 

Ce  n'est  pas-à  M.  Manet  qu'on  reprochera  d'idéaliser  ses  vierges 
folles  quand  il  peint  des  vierges  sales. 

*  ,  Jules  Çlaretie. 


*  * 


C'est  la  Vénus  au  chat  noir. 


Le  mène. 


Tous  les  hommes  devraient  se  faire  chartreux  si  les  femmes 
ressemblaient  à  Olympia.  >.-    J^egouvé. 


*  * 


Dans  les  plus  déplorables  ouvrages  de  M.  Manet,  on  découvre 
des  facultés  qui  manquent  à  plus  d'un  académicien.      Ed.  About. 
Petit  Journal,  27  juin  1885.     , 


*  * 


-Les  ombres  s'indiquent  par  des  raies  de  cirage  plus  ou  moins 
larges.  Le  chat  laisse  l'impression  de  ses  pattes  crottées  sur  le 
lit.  Il  n'y  a  dans  ce  tableau  que  la  volonté  d'attirer  le  regard  à 
tout  prix.  -    Th.  Gautier. 

Moniteur  universel,  24  juin  1865. 

Comme  toujours  aussi,  et  c'est  la  compensation  nécessâire,1t'y 
cul  quelques  clairs  jugements  portés  sur  Olympia.  D'abord,  celui 
d'Emile  Zola  : 


Cette  toile  est  véritablement  la  chair  et  le  sang  du  peintre.  Le 
destin  a  marqué  sa  place  au  Louvre. 

Zola  écrivit  plus  tard  : 

Les  maîtres,  à  la  vérité,  se  jugent  autant  à  leur  influence  qu'à 
leurs  œuvres,  et  c'est  surtout  sur  cette  influence  que  j'insisterai  .11 
faudrait,  écrire  l'hisloii"!  de  noire  école  de  peinture  pendant  ces 
vingt  dernières  années  pour  montrer  le  rôle  tout  puissant  que 
Manet  y  a  joué.  Il  a  été  l'urTSesTnsfigateurs  les  plus  énergiques 
de  la  peinture  claire  étudiée  sur  nature,  prise  dans  le  plein-jour  du 
milieu  contemporain,  qui  peu  à  peu  a  tiré  nos  Salons  de  leur  noire 
cuisine  an  bitume  el  les  a  égayés  d'un  coup  de  vrai  soleil.  C'est 
cette  exquise  Olympia  qui,  au  Salon  de  1865,  avait  achevé 
d'exaspérer  Paris  contre  l'artiste. 

Puis,  M.  Théodore  Duret,  dont  nous  avons  signalé  l'excellent 
volume  intitulé  Critique  d'avant -garde  •• 

Pour  qu'un  artiste  soit  définitivement  accepté  comme  peintre 
parmi  les  connaisseurs,  il  faut  que  ses  toiles,  placées  à  côté  de 
celles  des  grands  parmi  ses  devanciers,  aient  pu  soutenir  la  com- 
paraison. 11  faut  qu'en  somme,  elles  tiemienT'à  côté  de  celles  des 
maîtres.  Or,  les  tableaux  de  Manet  tiennent  à  côté  de  ceux  de 
n'importe  quel  peintre.  Aucune  peinture  n'est  d'une  facture  plus 
ferme  et  de  tons  plus  justes  que  la  sienne,  aucune  peinture  n'est 
plus  lumineuse,  plus  transparente,  ne  possède  plus  d'air,  plus  de 
profondeur  dans  les  fonds,  n'accuse  plus  de  vie  dans  les  yeux  el 
sur  la  physionomie.  Mettez  un  Manet  au  milieu  des  Delacroix,  des 
Corot,  des  Courbet  et  vous  l'y  laisserez  comme  à  sa  place  natu- 
relle entre  ses  congénères.  Dans  tous  les  musées  où  l'on  voudra 
posséder  des  spécimens  de  tous  les  maîtres  français,  et  représenter 
l'écolç  moderne  dans  son  entier  développement,  Manet  doit  avoir 
sa  place,  car  il  a  été  autant  que  qui  que  ce  soit  original  el  pcr- 


C^ 


■■*?' 


X 


sonncl,  et  il  a  ^pnné,  avec  un  éclat  qui  ne^^sera  jamais  dépassé, 
une  note  spéciale  de  la  peinture,  celle  des  tons  clairs  du  plein  air  ; 
de  la  pleine  lumière.  - 


Petite  CHRO^iiquE 

La  troisième  matinée  musicale  des  XX  aura  lieu  demain, 
lundi,  10  février,  à  2  heures  précises. 

Elle  osi  organisée  par  le  quatuor  Ysaye  (MMv  Eugène  Ysaye, 
Crickboom,  Van  Houi  et  J.  Jacob),  avec  le  concoor-s  de  M"«Alexa.n- 
dra  David,  de  M"'^  Moriamé-Lcfcbvre  et  de  M.  Anthony,  professeur 
au  Conservatoire. 

Les  chœurs,  composés  de  quarante  jeunes  filles,  élèves  des 
classes  d'ensemble  vocal  du  Conservatoire,  seront  dirigés  pur 
M.  Vincent  d'Indy  et  accompagnés  par  M.  A.  Slcvens. 

Au  programme,  composé  d'oeuvres  françaises  modernes,  sont 
inscrits  :  le  Quatuor  pour  pianaet  inslrunicnls  à  cordes  et  la  Sym- 
phonie sur  un  chant  montagnard  français  de  Vincent  d'Indy;  un 
chœur  extrait  de  Rédemption,  par  César  Franck;  une  scène 
A' Hélène,  pour  voix  de  femmes,  avec  accompagnement  de  qua- 
tuor à  cordes,  piano  et  harpe,  par  Ernest  Chausson;  des  frag- 
ments de  la  Stiite  b(\mie  pour  flûte  et  quaiuo~r  à  cortles,  par 
Charles  Bordes;  V Hymne  à  Véniis  de  Pierre  de  Dréville,  des 
mélodies  de  Gabriel  Fauré  et  d'Albéric  Magnard,  etc.,  toutes 
œuvres  exécutées  pour  la  première  fois  à  Bruxelles. 

En  raiso.n  de  l'aflluence  du  public  aux  deux  premières  séances, 
le  concert  du  "10* lévrier  sera  donné  dans  la  grande  salle  de 
l'Exposition  de  peinture.  •  _ 

Le  prix  d'entrée  reste  fixé  à  2  francs. 

A  enjuger  par  les  répétitions,  cetjé  séance  ne  le\:èdera  en  rien, 
comme  intérêt  artistique  et  comme  exécution,  aux  séances  précé- 
dentes.- 


Les  négociations  engagées  entre  la  direction  du  Théâtre 
moderne  et  celle,  des  différents  théâtres  de 'Bruxelles  viennent 
d'aboutir. 

La  scène  des  Galeries  a  été  adoptée  pour  l'interprétation  des 
pièces  du  nouveau  théâtre. 

Les  représehiations  auront  lieu  les  mercredis  et  les  samedis  de 
chaque  semaine,  les  autres  jours  étant  réservés  pour  des  tournées 
en  province.  Le  Théâtre  moderne,  spécialement  institué  pour 
mettre  en  lumière  les  œuvres  de  jeunes,  aura  une  troupe  spé- 
ciale, composée  d'artistes  des  différentes  scènes  de  Bruxelles  et 
des  meilleurs  inierprèles  des  principales  sociétés  d'amateurs. 
C'est  un  artiste  du  théâtre  de  la  Bourse  qui,  a  été  chargé  des 
fonctions  de  régisseur. 

Les  manuscrits  d'œuvres  inédiles  sont  reçus  provisoirement 
40,  Galerie  du  Commerce.- 

■     ,  ■    ^ 

L'Académie  royale  de  Belgique  ayant  mis  à  l'étude  les  «  Causes 
de  la  décadence  de  la  Gravure  en  Belgique  et  les  moyens  d'amé- 
liorer &a  situation  actuelle  »,  la  Société  des  Aquafortistes  belges, 
qui  attribue  aux  procédés  de  reproduction  mécanique  le  peu  do^ 
recherche  des  œuvçcs  gravées,  propose,  pour  le  relèvement  de 
cet  art,  les  moyens  suivants  :  4»  L'établissement  dans  la  capitale 
d'un  atelier  officiel  et  complet  d'impression  et  de  travail  pour  la 
gravure;  2"^  Un  encouragement  sérieux  au  développement  des 
Sociétés  de  graveurs  teUes  que  celle  des  Aquafortistes;  3»  Des 
primes  à  instituer  pour  la  gravure  d'œuvres  déterminées  ; 
4"  L'annexion  au  Musée  royal  d'une  salle  de  gravures. 


M.  Jules  Bordier  vient  de  faire  exécuter,  à  la  Société  des 
concerts  de  Reims,  sa  scène  lyrique  :  Un  Rêve  d'Ossian,  qu'il 
avait  déjà  fait  applaudir,  à  Paris,  il  y  a  quelques  années. 

La  mémo  œuvre  sera  montée,  dans  le  courant  de  février,  au 
Havre  et  à  Rouen. 


oVnous  écrit  dé  Lisbonne  :  ..     i 

Le  gouvernement  portugais  va  construire  un  nouvel  hôtel  des 
postes,  télégraphes  et  phares,  à  Lisbonne,  et  devra  choisir  pro- 
chainement entre  les  projets  envoyés  au  concours,  celui  (jui  sera 
exécuté.  ""^    . 

Le  jugement  ne  sera  guère  difficile,  car  un  des  projets  répond 
si  bien  à  tous  les  desiderata  du  programme  qu'il  n'est  guère  pro- 
bable qu'on  lui  en  préfère  un  autre.  L'auteur  de  ce  projet,  portant 
'pour  devise  un  croissant,  a  compris  son  œuvre  dans  une  note  à 
la  fois  pratique  et  bien'moderne;  au  lieu  de  composer  une  façade 
monumentale  do  palais,  avec  colonnades  et  groupes  de  sculpture, 
comme  à  Bruxelles,  et  de  chercher  ensuite  à  iuslaller  péniblement 
des  bureaux  d'employés  derrière  de  massifs  trumeaux,  il  a  com- 
mencé par  composer  son  plan  en  disposant  les  divers  &e<^ices  de  " 
la  manière  la  plus  claire  et  la  plus  commode  possible.  Pour  le 
public,  galerie  en  façade  donnant  accès,  par  un  grand  nombre  do 
portes, à  une  saHc  de  78  x  iO  mètres;  les  employés  se  trouvent 
derrière  un  comptoir  de  100  mètres  de  périmètre.  Une  salle 
immense  de  78  x  47  mètres,  parcourue  en  tous  sens  par  des 
wagonnets,  doit  servir  à  660  fadeurs  pour  la  manipulation  dé  la 
correspondance;  240  télégraphistes  trouvent  place  dans  une  salle 
de  47  X  24  mètres.  Outre  ces  éléments  principaux,  il  va  sans 
dire  qu'il  existe  une  foule  de  locaux  accessoires  pour  les  \élé- 
graphos,  les  téléphones,  les  phares,  ainsi  que  des  écuries  pour 
64  chevaux  et  des  remises  pour  16  voitures.  Le  terrain  nécessaire 
à  la  construction  est  de  160  X  100  mètres. 

Les  façades  sont  simples,  d'une  architecture  bien  raisonnée, 
exempte  de  détails  parasites;  aux  angles,  quatre  pavillons  avd; 
terminaisons  en  forme  de  phares  trapus  où  viendront  converger 
les  fils  télégraphiques  et  téléphoniques. 

Eu  résumé  :  un  monument  étudié  à  fond,  ayant  du  caractère, 
ne  pastichant  aucun  autre,  et  qui  indiquera  bien,  pour  les  géné- 
rations futures,  l'époque  îi  laquelle  il  aura  été  construit. 

Le  premie'r  concours  musical  international  fondé  par  Rubin- 
stein  aura  lieu  à  Saint-Pétersbourg  le  1.^  (27)  août  1890. 

Deux  prix,  chacun  de  cinq  mille  francs,  seront  décernés- —  un 
prix  à  un  compositeur,  un  autre  à  un  pianiste.  Les  deux  prix 
4)Ourront  être  adjugés  à  une  seule  personne, 
(-te  programme 4n  concours  est  :  ,  

A.  Pour  les  compositeurs. 

Présenter  les  compositions  suivantes  ;  " 

1"  Un  Concertstiick  pour  piano  et  orchestre  (deux  exemplaires 
delà  partition),-*  transcription  de  b  partie  d'orchestre  pour  un 
second  piano,  parties  d'orchestre  (trois  parties  du  premier  violon, 
trois  du  deuxième  violon,  deux  d'alto,  deux  de  violoncelle,  deux 
de  contrebasse). 

2°  Sonate  pour  piano  seul  ou  pour  piano  et  un  instrument  à 
cordes  quelconque  (deux  exemplaires  et  la  partie  de  l'instrument 
à  cordes). 

3°  Plusieurs  petits  morceaux  pour  le  piano  (pas  moins  de  deux 
exemplaires  chacun). 

Les  compositeurs  doivent  exécuter  eux-mêmes  leurs  œuvres. 

Les  œuvres  présentées  au  concours  doivent  être  inédites. 

B.  Pour  les  pianistes 

Exécution  des  morceaux  que  voici  : 

1"  J.-S.  .fîflc/i.  Prélude  et  fugue  à  quatre  voix.         •- 

2'»  Haydn  ou  Mozart  —  un  andante  ou  un  adagio. 

3°  Beethoven  —  l'une  des  sonates,  op.  78,  81,  90,  101,  106, 
"109,110,111. 

4"  Chopin  —  mazurka,  nocturne  et  ballade. 

5°  Schumann  —  un  ou  deux  morceaux  des  Phantasiesiiicke  ou 
de  la  Kreisleriana.  '.     "  . 

6°  Liszt  —  une  étude.  ^- 

Les  personnes  qui  désirent  concourir  doivent  le  notifier  par 
écrit  %u  Conservatoire  de  Saint-Pétersbourg,  rue  du  Théâtre,  3, 
au  plus  tard  le  14  (26)  août,  en  y  ajoutant  les  documents  originaux 
ou  des  copies  certifiées  constatant  leur  identité  et  leur  âge.  Les 
concurrents  doivent  être  âgés  de  20  à  26  ans. 


I."  .^ 


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^-^  •- 


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LIGNE   D'OSTENDEzDOUVRES 


La  plus  courte  et  la  moins  coûteuse  des  voies  extra-rapides  entre  le  Continent  et  /'Angleterre 


Bruxelles  à  Londres  en  . 
Cologne  à  Londres  en  . 
Berlin  à  Londres  en  .    . 


8  heures. 
13  .    ■'• 
24       " . 


Vienne  à  Londres  en. 
B&le  ù  Londres  en. 
MiïÀn  à  Londres  on 


30  heures. 
24       - 
33 


• 


^' 


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D'Ostende  à  6  h.  matin,  10  h.  15  matin  et  8  h.  40  soir.  —  De  Douvres  à  11  h.  59  matin,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

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Ut erpooh^&ncllester  et  toutes  les  grandes  villes  de  la  Belgique  ^' ;^ 
/  et   entre  LONDRES    oa  DOUVRES  .et  toutes  les  grandes  villes  de  l'Europe.  '     < 

BILLETS  CIRCULAIRES  \__       .     '"'• 

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A^bord  des  malles  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette 
'''   '''•  *  .  Sp<$oial  cabine,  28  francs;  Cabine  de  luxe,  75  francs. 

Pour  la  location  à  l'avance  s'adresser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  {Quai)%ou  à  l'Agence  des  Chemins  de  fer  de  V État-Belge 
Northumberland  House,  Slrond  Street,  n"  17,  à  Douvres.  'j  -         w        » 

AVIS.  —  Buffet  restaurant  à  bord.  —  Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  —  Accostage  à  quai  vis-à  vis  des  stations  de  chemin  de 
fer.  —  CorrespondaLcè  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voilures  directes  et  wagons-lits). —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
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Pour  tous  renseigneiiîï^^  ^'adresser  a  la  Direction  de  l'Esrploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelleis,  à  V Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l'État -Belge',  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Oracechurch-Street,  n»  53,  à  Londres,  à  V  Agence  de  Chemins  de  fer 
de  l'État,  H  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vranàkeii,  Domkldster,  n*»  1,  à  Cologne. 


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JÇI^ANAL  DES  TRIBUNAUX 

^  paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche.         j  ^  ^^^  ,^^\^\) 

F^ts  et  débats  Judiciaires.  —  Jurisprudence.   ' 
''V  Bibliographie.  —  Législation.  —  Notariat. 


I.  t 


W' 


lui.' 


HuTifCHB  ANNBR. 

^        Abonnements  i  Belgique,  18  francs  par  an.         '   . 
ABONNEMENTS  |  étranger,  23  id. 

Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 

Vient  de  paraître  chez  Edm.  DEMAN,  éditeur  à  Bruxelles"'"^ 

LA  DAMNATION  DE  L'ARTISTE 

Par  I"WAN  ailAfe^Ilï^ 

AVEC  UN  FOMTI^PiCE  PAR  ODILON  REDON      • 

Tirage  unique  :  150  exemplaires. 

N°'  1  à  10  sur  papier  Japon  impérial;  n°*  li'âM^«sur  papier  de 
Hollande  Van  Oelder.    [Les  n°»  ïll  à  150  en  sont  pas  mis  dans  le 


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POUR  PARAITRE  EN  FÉVRIER 

CHEZ  Edmond  Deman,  éditeçr 

LES  FLEURS  DU  MAL 


DE 


u-'"J, 


j-i  *  Ohstrles   Baudelaire 

interprétation  p^r  Odilon  Redon,  albuni  de  8  planches  in-folio 
avec  couverture  illustrée,  tiré  à  50  exemplaires,  en  souscription  au 
prix  de  35  francs  (40  frîtncs  à  partir  du  jour^tle  là  mi.se  en  vente). 
Les  dessins  originaux  »ont  actuellement  exposés  au  Salon  des  XX. 

Breitkopf  etHàrtel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 


^  TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

1^  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-G.  Lobe. 

Traduit   de   l'allemand   (d'apFès   la   5®  édition)   par 

Gustave  Sai^dré. 

VIJI  et  379  p.  gr.  in-8«.  Prix  :.|f^ché,  10  fr.;  relié,  12,fr.  i'* 
Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  letuà'e  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fui  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
favètir  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  rares  ouvrages  d'enseignement  musical  les 
plus  estimés  en  Allemagne.         ^ 


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^      BruxeUes.  —  Imp.  V*  MonimU|,'26,  rue  d«  l'Industrie. 


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Dixième  année.  —  N"  7. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  10  Février  1890. 


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L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  »  Octave  MAUS  —  Edmond  PÏCARD  —  Emile  VERHAEREN       -     "~ 

(        ..  .  ■  .  ■  ' 

ABONNEMENTS  :    Belgique,    un    au,    ir.    10.00;  Union   postale,    fr.    13.00     —ANNONCES   :    On    traite   à    forfait. 

]  .     •  *  Adresser  totUcs  les  communications  à  .     . 

l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rué  dé  Tlndustrie,  26,  Bruxelles. 


Sommaire 


Miue  Cauon  u.\ns  Salammbù  — :  La  pautitiox  ue  Salammbô.  —  l.\ 

MISE  EN  ^CÈXE  DE  SaLAM.MBÙ.  -r-  CoXKKKENCE  DE  STÉPHANE  MaI.I.AUMÉ, 
—  AlX  A.Y    TlIKATUE  MdUÉKK.  PETITE  l.llROXiyiE. 


M"''  Rose  Caron  dans  «  Salammbô  » 

Les  appréciations  sur  la  Salammbô  de  Reyer  se 
classent.  On  arrive  à  cette  formule  :  Sans  M"™*  Rose 
Caron  l'œuvre  ne  paraîtrait  qu'estimable.  Groot  lawijt' 
in  een  Idein  straatje,  dirait  un  loustic  flamand.  De  la 
Salammbô  de  Flaubert,  de  la  Carthage  de  Flaubert^ 
barbarement  étranges,  plus  rien  !  Ge  n'est  pas  Carthage, 
c'est  Carthbnnage.  Le  librettiste  y  a  été  de  son  petit 
roman  sentimental,  enfilade  de  banalités.  Les  décora- 
teurs ont  brossé  d'aimables  perspectives  de  villas  en 
style  exotiqtfe.  Les  costiîmiers  ont  très  proprement 
habillé  la  figuration  d'une  macédoine  d'oripeaux  de  fan- 
taisie. M.  Reyer  acçoin pagne  ce  carnaval  d'une  musique 
mal  définie.  Les  chanteurs  et  les  danseuses  développent 
convenablement  les  gesticulations  réglementaires.  Bref, 
tout  est  de  semaine  et  vraiment  on  reviendrait  de  là 
sans  secousse,  — T,st  M"»*  jftose  Caron  ne  se  dressait  ! 

Nous  fûmes  les  premiers,  il  y  a  des'ftns  déjà!  à  signa- 
ler avec  insistance,  ici  même^  la  nature  extraordinaire 


de  l'artiste  que  nous  nobamions  alors  la  Rachel  du 
chant,  quand,  nouvelle -venue  à  neuf  cents  francs  par 
mois,  sous  cette  même  direction  Stoumon  et  Calabrési, 
on  hésitait  à  accorder  de  grands  mérites  à  une  chan- 
teuse si  peu  payée.  C'était  l'époque  où  le  public,  et^par- 
ticulièremen^  les  abonnés,  ces  grincheux  débomiaires, 
ne  voyaieiuque  les  voix  et  n'entendaient  pas  les  atti- 
tudes. Ils  aimaient  l'acteur  arrivant  du  fond  de  la  scène 
au  trou  du  souffleur,  machine  amenée  sur  dés  rou- 
lettes évacuant  son  air  à  la  salle,  en  pleine  figure, 
pour  se  retirer  ensuite  et  fair«  place  à  un  autre.  Ils 
n'avaient  aucune  notion  d'artistesjo^a/?^  les  rôles  d'un 
grand  opéra,  complétant  le  chant  par  la  pliysionomie 
tourmentée. de  vie  et  par  la  mimique;  plus  fort  que 
cela,  subordonnant  le  chant  par  l'intensité  poignante  de 
leur  jeu.  .  --     . 

M'"®  Rose  Caron  les  a  initiés  à  ces  sensations  nou- 
velles. 

Au  fur  et  à  mesure  qu'elle  avance  dans  sa  carrière 
artistique,  subjuguée  par  les  forces  mystérieuses  de  son 
individualité,  elle  se  livre  davantage  à  son  instinct  de 
tpagédienne.  Le  chant  se  subalternise  et  la  voix,  comme 
découragée  de  perdre  son  rang,  diminue  et  s'aflàisse. 
Les  belles  notes  pures  du  registre  éleyé  qui  jadis  poin- 
taient en  crûnerie  triomphale,  sont  devenues  grelot- 
tantes, aigrement  secouées  par  une  bise.  La  demi-teinte 
seule  a  conservé  l'exquisité  d'un  charme  incomparable 


ri 


'•  1 


■f 


en  ses  murmures.  Mais  l'expression  du  hauiain  visage 
et  le  geste  d'une  héroïque  et.  majestueuse  amplitude 
s'imposent  irrésisfîbles.  Au  milieu  des  banalités  du  jar- 
din de  la.  scène,  oui  elle  se  dresse  en  fleur  hiératique 
splendide,  '  '  . 

Et  pourtant  !  Et  pourtant!  Par  ce  besoin  de  perfec- 
tion qui  triture  toute  âme  artiste  avide  de  l'éternel  obsé- 
dant mieux,  malgré  le  désir  de  ne  diminuer  en  rien  le 
culte,  il  nous  vient  le  besoin  de  signaler  à  ce  rare 
échantillon  de  féminité  Irantée  de  grandeur  artistique, 
les  singulii^es  faiblesses,  inaperçues  sans  doute  de  sa 
conscience,  et  non  signalées  par  les  courtisans  qui  lui 
font  cortège. 

Salammbô?  Certes  elle  l'est  dans  l'âme.  Elle  a  pénétré 
la  vierge  carthaginoise  de  Flaubert,  la  Walkyi'ie  sénii- 
tique,  k  prêtresse  inquiète  de  la  mythologie  phéni- 
cienne sanglante,  l'amante  de  la  lune  soupirant  vers  la 
froide  déesse,  tandis  que  l'atroce  Moloch  ronfle,  rouge 
-des  flammes  qui  brûlent  les  nouveau-nés  qu^on  lui 
sacrifie.  Elle  en  a  Ténigmatique  visage,  aux  profonds 
jeux  immobiles,  tapis  sous  les  sourcils,  le  profil  droit, 
la  bouche  entrouverte  vers  le  mystère,  le  menton  ingénu 
et  cruel,  le  silence  de  sanctuaire  disant  plus  que  la  voix. 
Car,  bizarre  antinomie,  cett^  cantatrice  parle  par  tout 
le  corps  et  surtout  quand  elle  se  tait,  menaçante, 
eff'rayante  ou  tendre.  Lorsque  les  sons  vibrent  sur  l'arc 
tendu  de  ses  lèvres,  il  semble  maintenant  que  quelque 
chose  de  sa  magie  s'adoucit  et  diminue. 

Mais  puisqu'elle  peut  tant  par  le  clavier  aux  touches 
blanches  du  geste,  aux  touches  noires  de  la  physio- 
nomie, pourquoi  de  puériles  concessions  auxTiabitùdes 
du  théâtre  où  aux  inquiétudes  de  toilette  de  la  feinmel 
Est-il  digne  d'elle,  est-il  digne  de  sa  puissance,  de 
chausser  Salammbô  de  chaussures  à  taFons,  d'empri- 
sonner la  nudité  antique  du  pied,  et  d'oublier  ce  détail 
charmant  de  Flaubert,ia  chaînette  d'or,  rivée  aux  che- 
villes, gémhVant  les  Jambes,  gage  de  chasteté  de  la 
vestale  de  Tanit,  contraignant  la  vierge  à  marcher 
à  pas  courts,  et  qui  breloque  brisée  quand,  femme 
enfin,  elle  revient  de  la  tente  de  Mâtho  avec  le  zaïmph 
argenté,  prix  de  sa  prostitution  sacrée? 

Et  ces  deux  robes  de  miss  anglaise.Tune  ros@,4"autre 
jaune,  à  taille  en  pointe!  avec  dessous  le  corset,  le  répul- 
sif cofset  visible  en  son  buse,  ses  baleines,  sa  raide 
carcasse  !  Le  corset  à  Carthagc  !  le  corset  armurant  le 
buste  de  Salammbô!  Quel  outrage!  D'où  vient  que 
-M'"'- Rose  Caron  n'a  pas  en' cela  la  belle  témérité  de 
Sarâh  Bernhardt,qui,même-au  temps  dé  sa  plus  ostéo- 
logique  maigreur,  quand  on  disait  d'elle  qu'elle  était 
maigre  à  prendre  un  bain  dans  un  canon  de  fusil, 
entrait  bravement  en  scène  sans  cet  appareil  moderne 
qui  a  pour  mission  d^^reïïlplacer  les  absents,  de  com- 
primer les  forts,  de  soutenir  les  faibles  et  de  ramener 
les  égarés.     - 


■^  Cet  anachronisme  injustifiable  se  complète  jusqu'à 
l'exaspération  par  une  coiff'ure  Directoire,  â  chignon 
grec,  avec  un  ruban  de  soie  en  bandeleljte  circulaire, 
qu'on  est  stupéfait  de  voir  se  détacher  sur  l'horizon 
punique.  La^cène  de  la  terrasse,  qui  seîinble,  du  reste^ 
une  terrasse  à  Nice  tant  les  brosseurs  du  décor  ont  su 
désafricaniser  le  s\te\  en  prend  une  sentimentalité 
contemporaine  affadie,  et  comme  l'eût  ditSainte-Beuve, 
Salammbô^en  devient  Elvire.  D'autant  plus,  qu'en  cette 
scène,  et  parfois  en  d'autres,  M""*  Rose  Caron  se  laisse 
aller,  alors  que  Carthage  et  la  mer  attirante  sont  au 
fond,  à  leur  tourner  le  dos  pour  venir  soupH'eret  parlée 
de  colombes  aux  vacillants  spectateurs  /des  fauteuils 
d'orchestre,  tout  près  du  chef  rythmant  sa  plainte  avec 
son  bâton. 

Croyez,  Madape,  que  nulle  part  vous  n'avez  de  plus 
fervents  et  de  plus  constants  admirateurs  qu'en  ce 
journal,  Que  nulle  part  on  n'a,  dès  l'origine  de  votre 
vie  au  théâtre,  plus  constamment  fait  fumer  en  votre 
honneur  le  bois  de  Santal  des  sincères  éloges.  Mais 
une  artiste  telle  que  vous  a  le  devoir  et  la  possibilité 
de  jeter  les  préjugés  par  les  fenêtres.  Nous  ne  vous 
admirerons  tout  à  fait  que  lorsque  vous  aurez  cassé  le 
miroir  [qui  tous  suggère  des  pusillanimités  de  toilette, 
et  mis  à  la  p^rte  les  farauds  qui  vous  entretiennent  des 
convenances,  de  la  mode  et  des  poupineries.de  la  jolie 
femme,  au  lieu  de  vous  crier,  jusqu'à  la  violence  :  l'art 
avant  tout!  Vous  êtes  en  passe  de  conquérir  le  rang 
suprême  et  le  titre,  si  rarement  obtenu,  de  première 
tragédienne  lyrique  de  l'époque.  Faites  les  sacrifices 
nécessaires.  Pareil  titre  vaut  bien  un  corset.  La  beauté 
qu'aiment  les  esthètes,  c'est-à-dire  ceux  qui  décernenjb 
pareille  royauté,  n'est  pas  de  celles  que  composent  les 
couturières.  Elle  n'est  pas  faite  d'artifices  mais  de 
vérité  brutale  et  grandiose.  Ni  Salammbô,  ni  M"'"  Rose 
Caron  ne  doivent  subir  la  misère  de  pareilles  faiblesses. 
Lisez  le  livre  des  Goncourt  où  est  le  récit  de  la  vie 
d'une  de  vos  ancêtres,  la  Saint-Huberty;  vous  y  verrez 
comment  une  âme  de'^fi^'e  artiste  sait  être  téméraire  r 
dans  son  pourchas  de  la  vérité  scénique,  a!u  point  de 
s'attirer  même  la  prison.  ^ 

Deux  jours  après  vous  avoir  revue  à  la  première 
représentation  de  la  diminuée  Salammbô  de  Reyer  où, 
grâce  à  vous,  revenait,  mais  en  apparition  seulement, 
la  Salammbô  sublime  de  Flaubert,  j'assistais  à  cette 
conférence  de  Stéphane  Mallarmé,  que  le  public  ahuri 
du  Cercle  ariistique  et  liitévaire  de  Bruxelles,  déçu  en 
ses  bas  besoins  d'anecdotes  et  de  cabôtineries,  écoutait 
en  proie  à  une  stupéfaite  et  rageuse  défiance.  Au  cours_ 
de  ce  beau  rêve  vague  et  hermétique  sur  Villiers  de 
risle-Adam,  l'auteur  du  Pître  châtié,  dans  son  vol  ' 
planant  qui  allait  d'une  œuvre  à  l'autre  du  grand  mort, 
a  touché  cevpoèrae  :  Akédysséril.  Et  il  a  lu  ce  passage, 
célèbre  parmi  un  très  petit  nombre.  Ecoutez,  c'est  pour 


^ 


1t— 


vous  un  plus  pur  et  plus  profond  miroir  que  celui  de 
votre  psyché.  Regardez-vous  dans  les  œuvres,  vous 
vous  y  verrez  mieux.  Vous  y  apprendrez  mieux  ce  que 
vous  êtes,  ce  que  vous  pouvez  être,  ce  qu'il  est  de  votre 
devoir  d'être,  ô  grande  artiste. 

"  Cette  neigeuse  fille  de  la  race  solaire  était  de  taille 
élevée.  La  pourpre  mauve,  intreillée  de  longs  diamants, 
d'un  bandeau  fané,  cerclait,  espacé  de  hautes  pointes 
d'or,  la  pâleur  de  son  front.  Le  flottement  de  ses  che- 
.veux,  au  long  de  son  dos  svelte  et  musclé,  emmêlait  ses 
bleuâtres  ombres  "^ur  le  tissu  de  sa  robe,  aux  bande- 
lettes de  son  diadème.  Ses  traits  étaient  d'un  charme 
oppressif  qui,  d'abord,  inspirait  plutôt  1^  trouble  que 
l'amour.  Une  lueur  d'ambre  pâle,  épandue  eu^  chair, 
avivait  les  contours  de  son  corps  :  telles  ces  transparences 
dont  l'aube,  voilée  par  les  cimes  hymalaïennes,  en  pénètre 
les  blancheurs  comme  intérieurement.  Sou.s  l'horizon- 
tale immobilité  des  longs  «sourcilSi  deux  clartés  gris 
sombre,  en  de  languides  paupières,  deux  magnifiques 
yeux,  surchargés  de  rêves,  dispensaient  autour  d'elle  une 
magie  transfiguratrice  sur  toutes  les  choses  de  la  terre 
et  du  ciel.  Ils  saturaient  d'inconnus  enchantements 
l'étrangeté  fatale  de  ce  visage,  dont  la  beauté  ne  s'ou- 
bliait plus.  Et  le  saillant  des  tempes  altières,  l'ovale 
subtil  des  joues,  les  cruelles  narines  déliées  qui  frémis- 
saient au  vent  du  péril,  la  bouche  touchée  d'une Jueur 
de  sang,  le  menton  de  spoliatrice  taciturne,  ce  sourire 
toujour^ràve  où  brillaient  des  dents  de  panthère,  tout 
cet  ensemble,  ainsi  voilé  de  lointains  sombres,  devenait 
de  la  magnétique  séduction  lorsqu'on  avait  subi  le  rayon- 
nement de  ses  yeux  étoiles.  Une  énigme  inaccessible 
était  cachée  en  sa  grâce. 

«  Oh  !  posséder,  boire,  comme  un  vin  sacré,  les  bar- 
bares et  délicieuses  mélancolies  de  cette  femme,  le  son 
d'or  de  son  rire,  —  mordre,  presser  idéalement,  sur 
cette  bouche,  les  rêves  de  ce  cœur,  en  des  baisers  par- 
tagés! —  étreindre,  sans  parole,  les  fluides  et  ondu- 
leuses  plénitudes  de  ce  corps  enchanté,  respirer  sa 
dureté-s^ave,  s'y  perdre —  en  l'abîme  de  ses  yeux,  sur- 
tout!... Pensées  à  briser  les  sens,  d'ofi  se  réfléchissait 
un  vertige^ que  ses  augustes  i*egards  de  veuve,  aux  chas- 
tetés désespérées,  ne  refléteraient  pas.  Son  être,  d'où 
sortait  cette  certitude  désolatrice,  inspirait,  au  fort  des 
assauts  et  des  chocs  d'armées,  aux  jeunes  combattants, 
des  soifs  de  blessures  reçues  là,  sous  ses  prunelles  !  - 


La  partition  de  Salammbô. 

A  ne  l'onvisager  qu'au  poinl  de  ^ue  exclusivement  musical, 
Salammbô  ne  mérite  pas,  à  notre  avis,  les  éloges  hyperboliques 
que  lui  ont  déeornés  ceux  dont  la  pcrsonnaliic  sympalliique  de 
M.Reyer et peul-ôirc  le  prestige  dune  inierprète  remarquable  ont 
émoussô  le  sens  critique. 

Il  y  a,  cerles,  dans  l'art  du  compositeur,  une  probiié  iticonies- 


■      ,.  .  .     7       •-■--■ 

'•  ■    '  '     ^     ■.'•-■-■    I  ■  ■      . 

table.  La  pariilion  de  Salammbô  décèle  le  souci  consianl  d'échap- 
per k  la  banale  et  frivole  notation  musicale  de  jadis.  Les  cadences,  ' 
la  vulgnrilé  des  airs  à  l'ilalicnne,  nts  abominables  taches  qui 
souillaient  telles  œuvres  acclamées  (qui  ne  se  souvient  du  Peuple, 
fais  retentir  les  airs!  do  Sigtird)  sont  soigneusement  évitées.  Le 
lissu  mélodique'  est  de  bonne  et  loyale  qualité.  Et  pourtant 
l'œuvre,  dans  son  ensemble,  laisse  l'impression  mélancolique 
d'un  grand  eft'orl  mal  récompensé.  Dans  la  tempiMé  des  cuivres, 
dans  le' vacarme  inusil'édc  la  batterie,  dans  les  frôlements  mono- 
tones des  cordes,  l'oreille  ne  perçoit  guère  de  phrases  caracléris- 
tiques,  médullaircment  moulées,  ni  de  rythmes  incisifs.  l>eux  ou 
trois  thèmes,  dont  l'un,  en  triolets,  évoque  le  vague  souvenir  d'un 
moûï  àèMation,  servent  seuls  de  points. de. rejpère.  Ils  apparaissent 
et  reparaissent  sous  la  même  forme,  avec  le  même  vétcmeni  har- 
monique, dans  leur  conception  primiliyo.  malgré  les  différences 
amenées  par  la  marche  des  événements  dans  la  situation  des  héros. 
On  souhaiterait  les  voir  développés,  symphoniqucment  présentés 
à  l'auditeur  avide  de  musique.  Mais  impitoyablement  ils  reviennent 
dans  leur  nudité  originaire  el  s'évanouissent  aussitôt.  Nous  osons 
à  peine  qualifier  thème  mélodique  les  trois  notes  de  cor  qu^,sym- 
bolisent  la  déesse  Asioreth  ,  la  divine  Tanil  dont  l'apparition 
amène  «  une  quiétude  sur  la  terre  ».  L'auteur  insiste  sur  l'eftei 
de  ces  trois  notes.  11  y  revient  sans  cesse,  el  -malgré  le  parti  qu'il 
prétend  en  tirer  nous  avouons  n'y  trouver  qu'un  jeu  d'orchestre 
assez  puéril.  L'influence  lunaire  de  la  protectrice  de  Carthage 
méritait,  semble-t-il ,  une  transposition*  musicale  autrement 
importante. 

Ainsi  en  est-il  —  que  ceci  soit  dit  à  litre  exemplaire  —  de  la 
plupart,  osons  dire  de  toutes  les  phrases  destinées  k  caractériser 
les  persopnages  ou  les  idées  du  drame.  Le  pâle  livret  de. 
M.  Dulocle  a  trop  visiblement  déprimé  le  musicien,  que  les  fas- 
tueuses descriptions  de  Flaubert  eussent  dii,  du  moins  on  le  croi- 
rait, éperonner  el  exciter.  Le  deuxième  acfe  lui-même,  le  plus 
heureusement  venu,  qui  contient  de  jolies  choses,  et  la  scène  de 
la  terrasse,  où  revit  le  Reyer  de  la  Statue,  le  meilleur  Reyer  qui 
soit,  ne  paraissent  intéressants  que  si  on  oublie  la  grandeur 
farouche  et  la  perversité  cruelle  que  Flaubert  a  données  k  son 
héroïne. 

Nais  il  est  entendu  que  nous  faisons  abstraction  du  livre  cl  ne 
voulons  juger  que  la  musique,  bien  que  dans  le  drame  lyrique 
l'élément  musical  soit  si  inlimément  lié  à  la  poésie  qu'on  ne 
puisse  séparer  l'un  de  l'autre.  Ce  qui  nous  frappe  particulière- 
ment dans  ce  laborieux  ouvrage,  c'est  que  la  polyphonie  y  csl  à 
peu  près  nulle  et  que  les  combinaisons  harmoniques^oni,  en 
général,  de  peu  d'altrail.  Nous  avons  entendu  parler  avec  quelque 
étonnemenl  de  la  science  de  M.  Reyer,  de  la  riche.*se  el  du  colo- 
^  ris  des  harmonies  qu'il  emp'oie,el  l'on  a,  je  crois,  employé  même 
le  terme:  génie,  à  propos  de  sa  façon  d'instrumenter.  N'épuisor\s 
pas  les  épiihèles  laudaiives  au  sujet  d'une  œuvre  estimable,  sans 
^oule!  mais  simplement  estimable.  S'ils  n'étaient  pas  liés  par  la 
crainte  de  paraître  envieux  ou  «  bêcheurs  »,  les  musiciens  n'hé^i-  , 
leraient  pas-à  dire  ce  que  nous  pensoriS  :  Salammbô  ne  révèle  poinl 
de  science  musicale,  du  moins  dans  le  sens  que  nous  attribuons  îi  ce 
terme.  C'est,  d'un  bout  à  l'autre  des  cinq  actes  da  la  partition,  une 
déclamation  notée  en  récils,  en  airs  et  en  ensembles  parfoijj  heu- 
reux, souvent  malatTroils,  soulignés  par  un  accompagnement 
d'orchestre  qui,  pour  élre  plus  touffu  que  celui  des  opéras 
d'autrefois,  n'en  est  pas  moins  vide.  On  cherche  vainement  les. 
voix  intermédiaires  dans  celle  prétendue  polyphonie.  Seules,  les 


V 


/ 


parlies  élevées  s'écliappenl  par  inlervallcs,  siridcnles  et  aigiiëa, 
de  l'enscmbîe  monoclirome,  ou,  parfois,  les  basses,  auxquelles 
l'emploi  abusif  des  trombones  donne  une  lourdeur  faiiganKj. 
Non,  vraiment,  rorchosire  de  M.  Reyer  ne  sonne  pas.  Dansée 
jardin  merveilleux  où  les  maîtres  font  épanouir,  au  gré  de  leur 
inspiration,  les  fleurs  mélodiqiies  radieuses,  il  y  a  de  malencon- 
treux empiétements.  Les  plantes  s'étouffent  l'une  l'autre,  encom- 
brent les  parterres,  et  les  parasites  se  mêlent  aux  végétations  de 
choix.  Nous  en  avons  fait  l'observation  lors  des  représenlaiioris  de 
Sigurd.  Ici,  le  vice  de  l'instrumentation  de  M.  Reyer  apparaît  plus 
flagrant  encore'T  Cette  régie  élémentaire  d'orchestration  :  faire 
mouvoir  dans  le  regislre~de  ses  sons  forts  l'instrument  auquel 
est  momentanément  confié  le  chant,  le  compositeur  ne  l'observe 
guère.  De  là,  un  assourdissement,  des  frottages,  un  écrasement 
de  sonorités  ioumanl  à  la  bouillie  musicale. 

En  résumé  :  pou  de  nouveauté.  Beaucoup  de  bruit.  Un  abus  de 
la  musique  de  scènCi  échitant  soudainement  en  fanfares  au 
moment  oh  l'on  espère  un  peu  de  musique  symphoniquc.  Des 
.chœurs  d'orphéon  en  profusion,  Des  phrases  bien  commencées, 
mal  finies.  Une  monotonie  lassante  dans  les  effets  d'orchestre, 
lourdement  traité.  Du  charme  dans  lés  parties  chantées  du 
deuxième  et  du  troisième  actes,  mais  un  naufrage  dans  les  qua- 
trième et  cinquième,  absolument  nuls,  ceux-ci,  et  sans  portée 
musicale. 

Tout  cela  n1;st  pas  amusant  b-dire,  mais  combien  le  pensent, 
qui  n'osent  s'en  exprimer  franchement!  L'attitude  des  composi- 
teurs était  curieuse  à  observer,  à  cette  première  «  sensationnelle  ». 
On  cite  l'un  d'eux,  et,  des  plus  notables,  qui,  dans  les  entr'acles, 
chaque  fois  qu'on  l'abordait  pour  lui  demander  son  avis,  s'échap- 
pait par  celte  ingénieuse  tangente  :  «  Charmante,  la  matinée 
musicale  des  XX  de  cette  après-dyiée.  Le  quatuor  de  Vincent 
d'Indyest  une  œuvre  absolument  remarquable ». 

Si  l'on  trouve  notre  appréciation  sévère,  qu'on  veuille  bien  se 
placer  au  point  de  vue  élevé  auquel  nous  nous  sommes  placés 
nous-mêmes.  M.  Reyer  est  un  musicien  de  valeur  pour  lequel  les 
compliments  banals,  les  tournures  de  ptyases  ambiguës,  les 
dorages  de  pillules  doivent  être  parfaitement  antipathiques.  Il  est 
de  ceux  auxquels  il  convient  de  dire  franchement,  ouvertement, 
son  opinion,  bonne  ou  mauvaise,  justifiée  ou  condamnable.  La 
conscience  de  sou  œuvre  nous  a  plu.  Le  résultat  presque  négatif 
qu'il  a  atteint  nous  a  peiné.  Ce  qui  restera  de  ce  grand  travail, 
le  premier  engouement  passé,  n'est  pas  de  nature  à  compenser 
les  pa^-Ues  faibles  de  l'ouvrage.  Et  Salammbô  sera  oubliée  depuis 
longtemps  lorsqu'on  songera  encore  avec  plaisir  à  la  Statue  et  au 
quatrième  acte  de  Sigurd. 


La  mise  en  scène  de  Salammltô. 

Tout  a  été  dit,  redit^  prédit,  maudit,  depuis  quelques  semaines, 
dans  les  champaliûques  boniments  que  la  quotidienne  presse  a 
servis  au  naïvement  bon  public  à  propos  de  Salammbô,  et 
VArl  moderne  se  devait  à  lui-même  l'élude  de  hautaine  revendi- 
cation prônant  Tintangibilité,  par  de  non-initiés,  de  la  colossale 
œuvre  de  Flaubert  (1). 

A  l'heure  qu'il  est,  consummatum  est  :  l'iddarle  Salanimbô  a  été 

(1)  Salammbô,  Art  moderne,  n»  6,  1890. 


livrée  aux  bétes,  et  ce  nous  est  une  navrance'de  conàidérer  com-  • 
bien  cruellement  elle  a  été  mise  en  pièces.    •  ■>  '  ■ 

Malgré  eux,  les  comptes-rendus  laissent  percer,  entre  les 
lignes,  un  mérité  sus  aux  bourreaux!  dans  les  critiques  adres- 
sées au  librettiste  et  au  musicien,  mais  n'ont  que  des  .considéra- 
tions vagues  en  parlant  dfc  la  .mise  ^n  scène.  C'est  ce  point  spécial- 
que  nous  voulons  examiner  on  quelques  lignes,  pour  lesquelles 
nous  espérons  avoir  Tanit.  favorable.  x  

Dans  sa  première  lettre  h  M.  Frœhncr,  en  des  termes  d'hono- 
rable franchise,  Flaubert  avoue  q"u'il.  n'a  nulle  prétention  à 
l'archéologie  ;  "et,  en  eft'cl,  il  risque  rarement  la  description  d'un  - 
détail  architectural,  chapiteau  ou  fronton,  mais  son  merveilleux 
talent  d'imaginalive  assimilation  lui  a  fait  reconstituer,  dans  ses 
grandes  masses,  la  Carlhage  détruite  que  le  lecteur  revoit  avec 
ses  marbres,  ses  ors  et  sa  vibrante  et  lumineuse  coloration.  Trans- 
portant Salammbô  au  théûtre,  les  décorateurs,  le  costumier,  le 
régisseur  avaient  pour  premier  devoir  de  serrer  de  près  les 
indications  données  par  FlaubcrF,  quitte  à  en  fouiller  les  détails, 
les  profils,  l'ornementation  et  à  tenter  leur  restitution  par  de  judi- 
cieuses analogies;  or,  il  n'y  a  pas  trace  de  semblables  préoccupa- 
tions à. la  Monnaie  où,  vraie  gageure  d'anti^^  on  semble  avoir 
pris  pour  ligne  de  conduite  l'écart  voulufcfu  LiVre.       — "  "^  " 

Le  décor  du  premier  acte  nous  laisse  loin,  mais  en  deçà,  de  la 
prestigieuse  description  des  palais  et  des  jardins  d'Hamilcar;  où 
voit-on  l'opulence  farouche  de  cette  palatine  demeure  qui,  «  bâtie 
en  marbre  numidique  tacheté  de  jaune,  superposait  tout  au  fond, 
sur  de  larges  assises,  ses  quatre  étages  de  terrasses  »  ?  Où  sont 
les  escaliers  extérieurs  longeant  obliquement  les  divers  étages  et 
aboutissant  à  l'escalier  d'ébène  orné  de  galères?  Nous  n'avons  vu, 
au  fond  de  la  scène,  qu'une  construction  cubique  donnant  la  sen- 
sation d'une  vraie  boîte  de  carton  et  qui  paraît  avoir  6  mètres 
de  façade;  les  fameux  escaliers  se  réduisent  à  une  douzaine  de 
marches,  et  les  terrasses  supérieures  ne  seraient  guère  accessibles'"" 
qu'à  des  enfants.  Reconnaissons  toutefois  que  l'architecture, 
inspirée  de  certains  monuments  de  la  Snsiane^  ne  manque 
pas  d'habileté  et  qu'un  goût  relatif  a  présidé  au  choix  des  motifs 
décoratifs  rappelant  la  frise  des  archers  de  la  salle  du  trône  de 
Darius  l^^^  et  le  couronnement  des  pilones  du  palais  d'Artaxerxès- 
Mnémoiv  :  'notiâ  aimons  moins  les  «olonnes  triomphales,  ceintu- 
rées de  rostres,  d'un  dessin  dépourvu  de  fermeté.  Le  grave  défaut 
de  composition  de  ce  décor  réside  dans  la  praticabilité  donnée  à 
la  fameuse  porte  rouge;  cette  condition  a  obligé  d'avancer  le 
palais  et  de  réduire  ses  dimensions,  tandis  qu'en  l'indiquant  sur 
la  toile  du  fond  on  aurait  pu  laisser  à  ses  terrasses  l'ampleur  " 
qu'elles  comportent.  La  flore  du  jardin  manque  d'exubérance  et 
rappelle  maigrement  les  lis,  les  grenades,  les  champs  de  roses  se 
mêlant  aux  vignes,  aux  figuiers  entourant  «  l'avenue  de  cyprès 
qui  faisait  comme  une  double  colonnade  d'obélisques  verts  ». 

A  première  vue,  le  temple  de  Tanit  parait  séduisant,  et  un 
charme  particulier  se  dégage  de  celle  espèce  d'atrium  qu'enlou. 
rent  des  portiques  légers  rappelant  ceux  du  temple  d'Ankor-Vaht; 
en  y  regardant  de  plus  près,  on  déplore  le  fronton  avec  remplis- 
sage à  l'italienne  surmontant  la  porte  égyptiaque  du  temple,  et 
l'on  regrette  la  surabondance  de  la  non-stylée  sculpture  qui 
léprose  les  piliers  et  les  architraves  des  portiques  :  en  un  mot, 
trop  de  détails  mal  soudés  et  manque  de  simplicité  dans  la  com- 
position générale.  Nous  aurions  souhaité  voir  ici  une  adaptation 
de  l'architecture  si  simple  et  si  grandiose  du  temple  de  Jérusalem, 
dont  M.  Chipiezffy)^  une  suite  d'admirables  dessins  exposés  l'an 


<i 


J 


dernier  à  Paris,  a  cnlrepris  une  1res  savante  reslilution  d'après 
Ezécliiel,  ou  une  ornemenlalion  rappelant  celle  du  lombeau  du 
roi  Midas,  à  Nacoloia.  '  ' 

Un  décor  franchement  mauvais  de  composition  et  déplorable 
de  facture,^c'csl  celui  du  Sanctuaire  de  Molocli.  A  la  demande  des 
auteurs,  il  devait  figurer  la  Salle  du  conseil  des  anciens,  ei  ce 
n'est  que  tardivement  que  Jes  décorateurs  l'ont  transformé  en 
temple;  cela  les  excuse  un  peu  du  caractère  poupinardement 
bonbon  donné  au  terrible  dieu  à  tiroirs  grill  rooms  si  grandiosc- 
mcnt  décrit  dans  Flaubert,  mais  ne  pourrait  les  absoudre  des 
hérésies  walerzooïques  accumulées  dans  les  détails  architectu- 
raux :  une  arcade  en  plein  cintre  absolument  romaine,  des  portes 
égyptiennes, éonronnées  de  crêtes  et  d'anléfixes  grecques,  dans  le 
haut  des  colonnes  d'ordre  ionique,  dans  la  corniche  une  grecque 
et  un  globe  ailé  égyptien  courant  côte  à  côte,  enfin,  des' figures 
d'allure  byzantine  décoranila  voûte  !  ^  ^ 

A  la  terrasse  de  Salammbô,  le  panorama  de  Carthage  est  qgel- 
conque,  et  le  pavillon  à  gauche,  bizarrement  composé,  semble 
plutôt  destiné  à  un  Eden-lhéâtre  :  sur  des  piliers  d'qllure  égyp' 
tienne  vientrent  s'échafiuider  des  motifs  empruntés  au  célèbre  cha- 
piteau bicéphale  de  l'Apadana  de  Susc,  entourant  un  groupe  de 
serpents  d'une  facture  lûchéc.  Le  vélum  est  d'une  raideur  métal-  '^ 
lique  et  se  rattache  assez  maladroitement  aux  bandes  d'air  por- 
tant ombre  sur  les  suivantes. 

Sautons  la  Tente  et  le  Champ  de  bataille  anémiquement  repré- 
sentés, pour  arriver  au  Forum,  dont  la  coloration  carmineuse  est 
particulièrement  désagréable,  ici  nous  trouvons  un  peu  de  tout  : 
à  l'avant-plan,  un  temple  médiocre  avec  colonnes  pseudo-nini- 
vites;  dans  le  fond,  le  palais  de  Khorsabad  avec  des  dragons  ailés 
h  figures  d'hommes,  une  porte  égyptienne,  etc.,  et  quelques 
monuments  dé  peu  de  style.  Disons  en  passant  que  cette  toile  de 
fond  est  déplorablement  rendue  comme  effet  de  pcrspefiiiye  : 
tout  semble  être  au  premier  plan.  , 

Une  observation  à"'propos  de  tous  les  décors  :  nous  y  avons 
cherché  vainement  le  ciel  d'azur,  la  mer  d'un  bleu  velouté,  et  les 
monuments  d'une  lumière  éclatante  que  l'on  voit  sur  la  côte 
d'Afrique,  à  Alger  comme  à  Tanger;  les  décorateurs  ne  nous  ont 
montré  qu'un  ciel  du  nord  d'un  bleu  laiteux. 

Après  les  décors,  nous  voudrions  passer  en  revue  les  costumes 
et  montrer  combien  ils  laissent  à  désirer  au  point  de  vue  du  carac- 
tère, de  la  couleur  et  du  goût,  mais  cela  nous  entraînerait  un  peu 
loin  :  signalons  le  costume  de  Giscon,  où  des  draperies  lilas  et 
bleu  se  livrent  un  combat  dont  l'œil  du  spectaleuresi  la  victime, 
puis  le  costume  de  guerre  d'Hamilcar  dont  les  lourdes  jupes  s'al- 
lient mal  avec  la  cuirasse,  et,  en  général,  les  divers  costumes  des 
mercenaires:  les  Gaulois  ne  le  sont  guère,  les  Lydiens  devraient 
porter  des  robes  de  femmes  et  avoir  des  boucles  d'oreilles,  les 
Egyptiens  manquent  de  ligne,  et  nous  n'avons  pas  trouvé  ceuiT" 
qui  «  s'étant  barbouillés  de  vermillon,  ressemblaient  à  des  sta- 
tues de  corail  ».  Nous  avons  peu  goûté  le  costume  de  Salammbô 
au  premier  acte,  où  sa  robe  gris-bleu,  brodée  de  fleurs  absolument 
japonaises,  nous  a  fait  regretter  la  robe  noire  «  étoilée  de  fleurs 
rouges  »  dont  parle  Flaubert.  Quel  mépris  du  texte  dans  l'accou- 
trement blanc  et  bleu  et  les  grandes  barbes  des  eunuques,  alors 
que  Flaubert  décrit  leurs  robes  blanches  à  franges  rouges  et  leur 
absence  de  barbe,  de  cheveuj^el  de  sourcils  :  Shahabarim  est 
loin  de  là,  car  M.  Vergnel  se  montre  barbu  jusque  dans  les  yeux. 

Mais  c'est  la  mise  en  scèue  qui  nécessiterait  surtout  un  minu- 
tieux épluchage,  car  nous  n'y  avons  découvert  qu'une  absence 


complète  de  souci  d'art.  Le  banquet  des  mercenaires  est  absurde; 
les  choristes  sont  assis,  inertes,  îi  des  tables  (!)  (probablement- à 
la  même  place  qu'ils  occupent" chez  Nevers  dans  \q%  Huguenots), 
alors  que  Flaubert,  dans  une  magistrale  et  grandiose  fresque, 
les  montre  d'une  toute  autre  allure  :  «  Ils  s'allongeaient  sur 
les  coussins,  ils  mangeaient  accroupis  autour  de  grands  plateaux, 
ou  bien,  couchés  sur  le  ventre,  ils  tiraient  à  euxlcs  morceaux,  de 
viande  et  se  rassasiaient  appuyés. sur  les  coudes,  dans  la  pose 
pacifique  des  lions  lorsqu'ils  dépècent  leur  proie...  Des  nègres 
n'ayant  jamais  vu  de  langoustes  se  déchiraient  le  visage  à  leurs 
piquants  rouges...  Des  pâtres  du  Brutium  dévoraient  silencieuse- 
ment, le  visage  dans  leur  portion.  »       • 

Flaubert  cite  les  plats  qui  couvraient  les  tables  :  «  antilopes 
avec  leurs  cornes,  paons  avec  leurs  plumes,  moutons  entiers 
cuits  au  vin  doux,  gigots  do  chamelles  et  de  iKjflles,  etc....,  des 
petits  cliiens  à  gros  ventre  et  à  soies  roses,. yoe's  pyramides  de 
fruits...  »  Nous  n'avons  aperçu,  pour  tous  les  convives,  que  deux 
jambons,  et  au  lieu  d'employer  des  amphores,  des  outres  et  des 
tonneaux  pour  les  vins,  on  s'est  servi,  avec  une  candeur  imper- 
turbable, de  buires  italiennes  de  la  Renaissance.  Faut-il  parler 
de  la  bataille,  où  il  y  deux  morts  dans  le  fond  de  la  scène,  et  dont 
les  soMals  revienent  brillants  et  astiqués  comme  s'ils  avaient 
assisté  à  une  parade  l'héla  dépasse,  n'est-ce  pas,  les  limites  per- 
mises? 

Malgré  le  réquisitoire  que  M.  J.  Brunfaut  a  rédigé  en  écrivant 
son  étude  sur  Y  Archéologie  au  théâtre,  malgré  le  cri  d'alarme 
poussé  encore  récemment  par  VArt  ijfoderne,  on  semble  décidé 
à  la  Monnaie  à  ne  tenir  aucun  compte  des  justifiées  clameurs 
d'artistes  ici  notées,  car  Salammbô  est  un  recul  et  non  une  pous- 
sée en  avant  :  nous  continuerons  donc  notre  campagne,  e!  nous 
avons  la'conviction  que  le  public  indifférent,  ouvrant  les  yeux, 
finira  par  reconnaître  que  la  présence  d'un  archéologue  à  notre 
opéra  est  un  indispensable  élénr>ent  pour  assurer  de  futurs  succès. 


-k 


CONFÉRENCE  DE  STÉPHANE  MALURMÉ 

La  conférence  de  Stéphane  Mallarmé  a  passé  au  dessus  de  la 
tête  de  son  auditoire.  Ceux  qui  se  trouvent  de  l'autre  côté  de  la 
terre,  ne  peuvent  voir  un  serein  prodige  de  lumière  qui  s'accom- 
plirait sous  notre  midi.  «  Je  suis,  a  dii^'illustre  Conférencier,  un 
rêveur  venant  parler  d'un  rêveur  ». Et  cette  simple  phrase  de  début 
prédisait  tout  ce  qUi  devait  arriver. 

La  commission  du  Cercle  est-elle  irréprochable  d'exposer  ainsi 
un  pur  et  génial  poète  à  la  sottise  d'un  public?  Quel  que  soit  son 
bon  vouloir  à  oser,  ne  comprend-elle  pas,  qu'irrém^ablemenl, 
elle  est  condamnée  à  n'exhiber  que  des  anecdoUers  comme 
M.  Frédérix,  ou  des  choisisseurs  de  bons  mots  comme  M.  Drey- 
fus. 11  est  fatal  que  ces  deux  corrects  et  polis  valets  de  chambre  de 
l'arlà  la  mode,  que  ces  deux  épingleurs  de  traits  d'esprit,  trouvés 
comme  des  mites  dans  la  garde-robe  littéraire,  sur  laquelle  ils  ont 
droit  de  brosse  et  de  plumeau,  peuvent  seuls,  légitimement,  la 
besogne  faite,  faire  bomber  d'orgueil  leur  plastron  blanc  et  rece- 
voir 1rs  compliments  de  ces  dames,  —  de  la  ville  et  de  la  cour. 
D'autre  part,  il  est  certain  —  et  peut-être  serait-il  regrettable 
qu'il  en  fût  autrement  —  que  dès  que  l'on  sort  du  chemin  battu 
de  la  conférence  papotée  et  cancanière,  l'hostilité  des  auditeurs 
et  leur  incurable  veulerie  prétend  se  manifester. 

Stéphane  Mallarmé  nous  a  montré  Viliiers   de  TIsle-Adam, 


T 


^ 


comme  quclqu'im  d'apparu,  îi  la  fois  très  vivant  et  très  dans  la 
gloire  de  là  mort,  dc^jî». 

Il  nous  a  joué  le  Villiers  parlant,  gcsliculanl,  songeant  à  voix 
liautc;  nous- avons  récnlendu  la  voix  qui  pour  jamais  s'esl  tue, 
nous  a^ons  vu  romuer  les  doigts  qui,  depuis  quel  temps,  dites, 
sont  immobiles  —  et  mt'mc  l'impressjon  que  faisait  le  brusque 
visiteur  extraordinaire  en  apparaissant  quelque  part,  grâce  à  un 
miracle  de  parler  et  d'attitude,  nous  l'avons  éprouvée  à  tel 
instant,  tout  à  coup.  Villiers  a  été  ressuscité  en  un  superbe  por- 
trait où  jusqu'au  pli  des  vêlements,  jusqu'à  la  manière  de  camper 
le  chapeau  sur  la  télo  et  nouer  le  foulard  autoujLdu  cou,  tout 
était  exact. 

Et  pourtant,  sitôt  qu'il  s'esl  agi  de  l'œuvre,  de  cette  Eve 
Future  et  de  cet  Axel,  comme  immédiatement  le  Villiers  réel 
s'esl  mué  en  un  quelqu'un  d'au  delà,  en  un  vivant  d'une  autre 
existence  plus  haute  et  plus  spirituelle  dont  sa  vie  terrestre  n'a 
semblé  que  l'ombre  projetée  siir  la  toile  blanche  des  apparences. 
Le  vrai  Villiers,  c'est  le  Villiers  immortel  du  rêve,  c'est  celui  qui 
restera  écrit  et  expliqué  dans  le  livre,  c'est  celui  que  l'accidentel 
Villiers,  aujourd'hui  serre  dans  un  cercueil,  a  eu  le  temps  et  la 
gloire  de  créer  pour  quTl  durât  au  delà  des  conjectures  de  notre 
heure. 

De  ce  Villiers-là,  Stéphane  Mallarmé  a  parlé  comme  d'un  pro- 
dige et  il  a  eu  raison.  Il  l'a  suggéré  par  des  citations  qui  éton- 
naient cl  transportaient  si  loin  qu'on  devinait  le  surnaturel  au  tra- 
vers. Le  monde  où  se  meuvent  les  personnages  de  Villiers  :  Ada- 
lie,  Ewald,  Sara,  Axel  sont  au  delà  des  plus  hautes  montagnes  de 
la  réalité  quotidienne.  Peu  de  regards  les  aperçoivent. 

Quand  on  songe  que  VEve  Future  est  classée  parmi  les  romans 
de  la  maison  Brunhoff,  et  Axel  édité  par  la  maison  Quanlin  comme 
un  drame  quelconque,  une  poignance  saisit.  De  icfs  documents 
de  la  splendeur  humaine  devraient  rayonner  ailleurs — et  la  maté- 
rialité du  papier  et  le  prix  affiché  sur  le  volume  même,  au  dos, 
de  manière  qu'on  ne  peut  lire  le  titre  sans  immédiatement 
songera  une  pièce  de  monnaie,  froissent  indiciblement.  Eh  bien, 
il  nous  a  semblé  que  Villiers,  le  Villiers  d'au  delà,  ne  sera  jamais 
jnieux  exprimé  qu^il  ne  l'a  été  mardi  soir.  II  l'a^été,  certes,  mieux 
qu'il  ne  pouvait  le  f;cire  lui-môme,  il  l'a  été  mieux  que  ne  le 
font  ses  livres.  C'est  que  le  rêveur  qui  parlait  d'un  autre  rêveur 
commentait  quelqu'un  de  la  "tamille  el  que,  à  l'entendre  dénom- 
brer la  généalogie  dçs  de  l'Isle  d'Adam,  on  songeait  à  une  autre  : 
celle  des  penseurs  el  des  poètes  universels  et  suprêmes  parmi 
lesquels  Villiers  est  commandeur  el  Mallarmé  prince,  avec,  tous 
les  deux,  du  sang  royal  dans  le  cerveau. 

Au  cours  de  sa  conférence,  Stéphane  Mallarmé  a  louché  aux 
points  lilléraircs  el  philosophiques  les  plus  actuels;  il  disposait 
en  tremplin  les  en  apparence  minuscules  observations  pour  s'éle- 
ver d'un  bond  aux  paroles  définitives;  si  bien  qu'il  semblait 
cueillir  sans  effort  dans  l'air  les  lumineuses  sentences  el  les  véri- 
tés pures.  Au  reste,  cette  merveilleuse  aptitude  à  démêler  réterncl 
cl  le  primordialement  vrai  dans  le  réseau  des  complexités  acci- 
dentelles, est  la  marque  et  le  prestige  de  toute  son  œuvre.  Il  est 
le  poète  essentiel  par  excellence,  le  contemplateur  des  sources, 
il  est  le  total  d'où  se  décomposent  les  nombres  et  le  point  fixe  et 
central  d'infinies  rotations  par  à,  travers  la  vie.  Cette  géniale 
faculté  il  l'a  prouvée  également  en  son  entretien  au  Cercle. 
Et  distinguant  en  Villiers  de  l'Isle  Adam  et  le  rêveur  et  l'ironiste, 
il  a  voulu,  lui  aussi,  s'oifrir  à  nous  sous  ces  deux  aspects. 

La  fin  de  sa  conférence,  dite  debout  et  tout  entière  dardée  en 


fer  rotigc  vers  l'assistance,  cette  fois-ci  attentive,  à  la  façon  do 
quelqu'un  qu'on  insulte,  a  été  d'une  ironie  superbe.  Chaque  louange 
et  Bruxelles,  seconde  capitale  de  l'arl  ..  toujours  enclin  à  saluer  el  à 
célébrer  ce  qui  osl  beau  cl  hardi...  qui  renvoie  à  Paris  ses  pri- 
meurs... »  biûlail  a  cru,  on  pleine  chair  vive,  les  auditeurs. 

L'entretien  de  Stéjjhanc  Mallarmé  est,  certes,  le  plus  indiscu- 
tablement haut  et  grand  que  le  Cercle  ail  entendu.  Et  voilà  pour- 
quoi des  cuistres  d'une  bêtise  régulière  cl  lassée!  dans  les  plis  d^ii 
leur  fronl<  ont  taché  de  l'écraser  sous  leurs  craquements  de  botte 
en  s'en  allant  après  une  demi-heuce,  et  pourquoi  d'autres  telic- 
nient  lourds  après  leur  dîner,  qu'ils  semblent  digérer  du  cerveau 
et  non  de  l'estomac,  onl  éructé  à  l'aise  des  njflexionssi  grossières 
que  l'on  pouvait  croire  que  c'était  le  porc  aux  choux  avalé  vers 
les  sept  heures,  qui  appréciait.  v 

Quelques-uns  avaient   des   gifles    plein    les    poches    à    leur» 
servir  si  un  chut  !  s'était  fait  entendre,  malheureusement  celte 
détente  n'a  pu  se  produire.  El  maintcnani,  après  ces  quelques 
jours  passés,  les  gitles  sont  trop  froides  et  le-  dédain  a  eu  le  temps 
de  se  greffer  sur  la  colère.  Et  le  dédain,  après  tout,  a  raison. 


AUX  XX  ^ 

Deux  séances  de  musique  française. 

Musique  vinglisle  :  on  a  oublié  de  dire  le  mot,  et  il  eût  été 
amusant.  Pas  plus  que  pour  les  tableaux,  d'ailleurs,  il  n'y  a,  bien 
entendu,  de  vingtisme  musical,  dans  le  sens  d'  «  école  ».  —  Mais 
pourtant,  ce  groupement  de  noms  depuis  trois  ans  périodique- 
ment présenté  au  public,  avec  l'adjonction,  paifois,  de  recrues 
nouvelles?  —  Tout  simplement,  l'union  d'artistes  que  des  affi- 
nités artistiques  rassemble,  mais  non  l'identité  de  concept.  Des 
musiciens  qui  n'hésitent  pas  à  casser  les  vieux  moules  s'ils 
pensent  que  leur  pensée  sortira  plus  belle  el  plus  intense  d'une 
forme  nouvelle.  Des  gens  qui  aiment  l'art  pour  les  jouissances 
qu'il  procure  et  non  pour  les  profits  qu'il  donne.  Des  hommes, 
enfin,  qui  onl  l'horreur  des  vitlgariiés,  des  redites,  des  flatteries 
au  public,  des  transactions  avec  leur  conscience  d'artiste. 

Au  premier  rang,  dans  ce  groupe  qu'JI  importait  de  faire  con- 
naître à  Bruxelles,  César  Franck,  pour  qui  se  lève  lard  le  soleil 
de  g-oli-c.  Franck,  le  père  Franck  comme  l'appellent,  avec  une 
familiarité  non  exempte  de  déférence,  les  disciples  qui,  d'année 
en  année  plus  nombreux,  se  rangent  autour  de  lui,  a  aujourd'hui 
plus  de  soixante-cinq  ans.  El  tandis  que  ses  oratorios  :  Rébecca, 
Ruth,  Rédemption,  ses  Béatitudes,  ses  compositions  pour  orgue, 
qui  ont  l'ampleur  et  la  beauté  de  celles  de  Jean-Sébastien  Bach, 
ses  œuvres  de  musique  de  chambre,  ses  chœurs,  ses  mélodies, 
son  Choral, prélude  et  fuguc^our  piano  fonl  la  joie  des  artistes,  la 
foule  connaît  à  pQ,inc  son  nom.  On  a  entr'ouvert  j)Our  lui,  l'an 
dernier,  pour  la  première  fois,  la  porte  du  Conservatoire  où  il 
professe  depuis  trente  ans  :  et  la  Symptiouie^\  vieux  maître, 
apparue  radieuse  dans  sa  fraîcheur,  sa  for;nô^bre,  ses  harmonies 
neuves,  a  inquiété  les  bonzes  qui  déiiennent  le  gouvernement 
musical  de  la  France.  Ils  ont  compri.s  que  leur  règne  serait  fini  à 
l'avènement  de  cet  art  qui  est  l'aniiihèse  du  leur.  Et  depuis  lors 
la  guerre  a  repris,  avec  acharnement,  guerre  d'embûches,  d(! 
tactique  silencieuse,  de  coups  fourrés  dans  l'ombre 

De  César  Franck,  les  X..^  nous  onl  Çait  connaître  deux  frag- 
ments extraits  de  Rédemption  •  VAir  de  V Archange,  qui  a  la 
pureté  de  forme  el  l'élévation  de  pensées  des  plus  grands  maî- 


/ 


1. 


-        V 

1res,  cl  l'un  des  Chœurs  des  Anges,  d'une  douceur  et  d'un  scnli- 
ment  rares.  Puis  une  œuvre  toute  intime  pour  harmonium  et 
piano  :  Prélude,  fugue  cl  variation  qui  est  bien,  dans  sa  simpli- 
cité, l'une  des  compositions  les  plus  intenses  et  les  plus  expres- 
sives qui  soient.  Enfin,  une  mélodie  :  les  Cloches  du  Soir,  récem- 
ment éditée,  l'un  des  volets  du  dyptique  que  complète  la  Proces- 
sion, écrite,  celle-ci,  avec  accompagnement  d'orchestre. 

Au  nom  de  César  Franck  se  joint  tout  naturellement  celui  de 
yincent  d'indy,  son  élève  préféré,  aujourd'hui  un  maître,  et  classé 
comme  tel  depuis  que  l'exécution  du  Chant  de,  la  Cloche  et  de  la  , 
Trilogie  de  Wallenstein  aux  Concerts  Lamoureux  a  révélé  au 
public  les  exceptionnelles  qualités  d'un  tempérament  musical  de 
premier  ordre. 

Vincent  d'indy,  qui  est  désormais  à  Bruxelles  une  figure  popu- 
laire, —  et  combien  de  sympathies  n'a-l-il  pas  conquis  !  —  a  fait 
entendre  un  quatuor  pour  piano  et  cordes  qui  date  de  quelques 
années  déjà,  mais  qu'il  a  récemment  remanié  et  qui  vient  d'élre 
publié.  On  sait  l'impression  profonde  qu'il  a  produite  et  les  féli- 
citations dont  l'auteur  a  été  l'objet.  L'œuvre  est,  d'ailleurs, 
remarquable.  M.  d'indy  a  trouvé  moyen  de  rajeiyjjr,  en  des  phra- 
ses d'une  inspiration  constante,  symphoniquement  développées, 
la  vieille  forme  du  quatuor.  Deux  parties  surtout  portent  l'em- 
preinte d'un  art  original  et  élevé  :  Y  Allegro  du  début  et  la  Bal- 
lade, —  celle-ci  vraiment  superbe.  Un  lied  pour  violoncelle, 
transcrit,  en  vue  du  Concert  de^  XX,  pour  alto,  a  du  charme  el 
de  la  distinction.  Les  Tableaux  de  voyage,  distraction  d'un  musi- 
cien merveilleusement  habile  à  notcr^  en  de  rapides  esquisses, 
de  fugitives  impressions  de  nature  agreste,  de  plein  air,  de  pro- 
menades vagabondes,  ont  plu  par  leur  tournure  piquante  el  l'im- 
prévu de  leurs  modulations. 

De  toutes  les  œuvres  entendues,  il  en  est  deux  hors  pair  :  la 
Mort  de  Wallenstein,  péroraison  de  la  trilogie,  dans  laquelle 
reparaissent,  parmi  les  thèmes  caractéristiques  qui  se  rapportent 
spécialement  à  la  troisième-  partie  de  la  tragédie  de  Schiller, 
les  phrases  principales  des  dcu'x  œuvres  précédentes  :  le  Camp 
et  les  Piccolomini,  ev  la  Symphonie  pour  orchestre  et  piano  sur 
un  chant  montagwmt' français . 

L'une  et  l'auiie  de  ces  compositions  de  large  envergure  méri- 
lenl  d'élre  citées  parmi  les  œuvres  les  plus  puissantes  et  les  plus 
personnelles  de  la  lilléralure  musicale.  F^e  génie  très  spécial  de 
Vincent  d'indy,  la  poésie  de  son  inspiration,  la  fougue  de  son 
tempérament,  le  raffinement  de  son  écriture,  éclatent  plus  encore 
dans  la  Symphoiiie  que  dans  la  Mort  de  Wallenstein. 

Il  faut  avoir  entendu  l'œuvre  interprétée  par  l'orchestre  (récem- 
ment nous  l'applaudîmes  à  Liège)  pour  en  apprécier  le  coloris,  le 
mouvement,  la  vie  endiablée.  Tandis  que  le  piano,  traité  comme 
s'il  faisait  une  partie  symphoniquc,  au  même  titre  qu'une  clari- 
nette ou  une  flûte,  étend  sur  les  trois  parties  une  dentelle  de 
sonorités  claires,  l'orchestre  poursuit,  avec  une  variété  de 
rythmes,  de  modulations  et  de  timbres  vraiment  extraordinaire,, 
le  développement  logique  du  motif  originaire,  du  chant  monta- 
gnard exposé  au  début  par  le  cor  anglais  et  sur  lequel  sont  con- 
struites les  trois  parties  de  la  symphonie.  De  toutes  les  œuvres  de 
Vincent  dludy,  c'est,  avec  le  Trio  pour  piano,  clarinette  et  vio- 
loncelle, entendu  naguère 'aux  XX,  la  plus  ne^ve  do  forme,  la 
plus  ciselée,  cl  celle  qui  marque  L*  plus  grand  pas  en  avant.  Elle 
a  été  comprise,  bien  qu'une  réduction  pour  deux  pianos  (fort 
clairement  écrite  d'ailleurs,  par  l'auteur)  n'ait  pu  en  donner  qu'une 
idée  incomplète.  Et  c'est  justice  de  louer  M"'"  Moriamé-Lefebvre 


pour  son  interprétation  fidèle  et  respectueuse  d&  la  partie  de* 
piano  principal. 

Restent  à  examiner  le  trio  d'Alexis  de  Caslillon,  la  suite  basque 
do  Cliarles  Bordes  et  les  œuvres  vocales,  assez  nombreuses,  qui 
ont  complété  les  d^^ux  programmes.  Ce  sera  l'objet  d'un  prochain 
article.  .      .  • 


Théâtre  Molière. 

Nana  !  comme  jadis  ce  nom  se'ul  évoquait  toute  une  balaiHe 
d'école  liuéraire  contre  lès  sucreries  de  l'art  des  Feuillet  et  des 
Sandeau.  Aujourd'hui,  qu'on  a  coupé  l'œuvre  superbe  en  actes^ 
mélodramatiques  et  qu'un  Busnach  a  fait  des  choux  et  des  raves 
pod^rsa  cuisine  à  lui,  du  puissant  livre  naturaliste,' on  ne  se  peut 
défendre  d'un  regret.  Nana  n'aurait  jamais  dû  paraître  à  la  scène. 
Elle  est  essentiellement  un  personnage  de  livre,  elle  a  été  com- 
prise el  étudiée  ain^i  et  ne  peut  être  vivante  que  \h.  Si,  en  d'autres 
aris,jon  se  mettait  à  suivre  celte  manie  qu'ont  les  faiseurs  pari, 
siens  de  mettre  la  camisole  de  force  de  leur  théâtre  à  toute  œuvre 
marquante,  on  verrait  des  tableaux'  d'histoire  se  diminuer  en 
aquarelles  el  des  fresques  se  transmuer  en  panneaux  d'étagère. 
Le  sujet  conçu  tel  serait  immédiatement  déformé,  on  verrait  à  la 
loupe  ce  qui  devait  éclater  au  grand  soleil  sar  des  murailles  et 
rien  des  proportions  et  des  raisons  d'être  primitives  ne  subsis- 
terait. 

A^a?jfl  est  donc  fatalement  un  pièce  médiocre.  Les  actours  qui 
l'ont  interprétée  au  Molière  l'ont  jouée  très  convenablement. 


V 


Petite  chroj^ique 


M.  Edmond  Picard  fera  Samedi  prochain,  à  2  heures  très 
précises,  au  Salon  dès  XX,  une  conférence  surJTrois  poètes 
belges  d'exception  :  Emile  Verhaeren,  Mauric^  Maeterlinck, 
Charles  Van  Lcrberghe.  Cette  conférence  clôturera  la  série  des 
matinées  des  XX,  l'exposition  devant,  irrévocablement  être 
fermée  dimanche. 


A  la  liste,  précédemment  publiée,  des  acquisitions  faites  au^ 
Salon  des  XX,  il  faut  ajouter  : 

Alexandre  Charpcniicr,  cinq  médaillons;  Paul  Dubois,  buste 
(bronze);  James  Ensor,  Masques  raillant  la  mort;  A.-'W.  Tinch. 
Près  de  Mariakerke;  Georges  Lemmen-,  Études  d'éléphants 
(n'^*  3  et  4);  X.  Mellery,  La  vie  des  choses  (n"  o);  Paul  Signac, 
.Cassis  (Bouches  du  Rhône),  op.  200;  H.  Van  de  Velde,  Faits 
'^u  village  :  VII.  La  fille  qui  remaille:  Guillaume  Vogels,  Clair 
de  lune  el  Rue  des  Pigeons. 


Une  exposition  internationale  s'ouvrira  cette  année  à  Munich. 
La  date  de  l'ouvcrturo  de  ce  concours  artistique,  est  fixée  au 
lef  juillet  prochain. 

Ultérieurement,  des  renseignements  soronl  donnés  aux  artistes 
par  la  voie  de  la  presse  sur  le  mode  d'envoi,  sur  la  récepiion  ci 
sur  le  retour  deS  ouvrages  envoyés  à  celte  exposition. 

,  '  (Communiqué.) 


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I  Gliarles-^Baudelaire 

interprétation  par  Odilon   Redon,  albutn  de  8  planches  in-folio 
avec  couverture  illustrée,  tiré  à  50  exemplaires,  en  souscription  au 
prix  de  35  francs  (40  francs  à  partir  du  jour  de  la  mi.se  en  vente). 
Les  dessins  originaux  sont  actuellement  exposés  au  Salon  des  XX. 

Breitkopf  et  Hartel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 


TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers^^iénrents  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  coraposition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour, piano  par  J.-C.  Lobe. 

Traduit   dé   l'allemand    (d'après   la   5^   édition)    par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8".  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure-o 
ment  théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  \xn€ 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d"a|)précier  un  des  rares  ouvrages  d'enseignement  musical  les 
plus  estimés  en  Allemagne. 


Bruxelles.  —  Imp.  V'  Mon>om,  20,  rue  de  l' Industrie. 


.AÀ 


Dixième  an>'ée. —  N"  8. 


Le  Kîuméro  :  25  centimes. 


Dimanche  23  Février  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


^, 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

CODlité  de  rédaction  :  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAÈREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,    un   a'n,    fr.    10.00;  Union   postale,    fi-,    13.00.    —ANNONCES   :    On   traite   à   forfait. 

'  Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Tlndustrie,  26,  Bruxelles. 


^OMMAIRÉ 


Acquisitions  d'ob-ikts  d'art.  —  L.v  confkrence  i>k  Stkpii.vne 
Mallarmé  slr  ^'II.^.I^:ns  dk  l'IsleAram.  —  Confession  de  poète.  — 
Aux  XX.  —  La  Fkumiéue.  —  l'.nuoNiot.i;  .nititi.vriiE  des  auts.  — 
Petite  chronique. 


Ac(][iiisitions  d'objets  d'art 

Uni  reprocHe  brandi  en  pavé  destiné  à  pulvériser  le 
contradicteur  :*  "  Vendent-ils?  "  mérite  exame^i. 

C'est  de  la  peinture  nouvelle  qu'il  s'agit,  des  artistes 
que  nul  mercantilisme  n'avilit  et  qui  vivent  leur  art 
sans  se  soucier  des  marchands,  des  amateurs  de  Panurge 
que  la  vogue  seule  (ie  noms  haut  cotés  révèle  :  connais- 
seurs. 

"  Vendent-ils?  »  Encore  que  cette  question,  en  la 
supposant  néga|ît$nîent  résolue,  n'implique  aucun  dis- 
crédit pour  ceux  auxquels  elle  s'applique  (les  plus  grands 
peintres,  les  plus  fiers  sculpteurs  ont  passé  la  moitié, 
sinon  la  totalifé  de  leur  carrière  à  attendre  l'acheteur), 
il  convient  d'y  répondre  affirmativement,  car  d'année 
en  année  se  marque,  dans  les  dilections  du  public,  une 
tendance  à  s'émanciper  des  canons  promulgués  par  les 
financiers  attitrés  du  commerce  des  huiles  colorées,  et 
trop  na'ivement  observés  jadis  :  n'acheter  que  des  œuvres 


ayant 'cours  légal  à  la  bourse  audacieusement  fondée 
par  ces  messieurs,  des  œuvres  (la  plupart,  sin<5h  toutes, 
étrangères)  portant  une  étiquette  connue,  l'estampille 
authentique  des  docks  internationaux  qui,  seuls,  four- 
nissaient les  toiles  et  les  marbres  donnant  à  l'acquéreur 
la  réputation  d'un  homme  de  goût  et  de  fin  savoir. 

Combien  d'iiÊbéciles  se  sont  trouvés  ainsi,  par  la 
complicité  de  la  foule  toujours  aisée  à  leurrer,  au  rang 
envié  de  Mécènes  et  de  collectionneurs  célèbres  ! 

A  cel;te  classe  de  gens,  produit  factice  et  éphémère 
d'une  époque  où  le  cabotinage  de  l'art  a  pu  remplacer 
l'arî  véritable,  succède  unejcatégorie  nouvelle  :  celle  des 
esprits  sincères  qui  acquirent  une  œuvre  d'art  poîir 
l'unique  plaisir  que  sa  vue  leur  procure,  et  qui  éprou- 
vent à  la  placer  au  bon  endroit,  sous  le  jour  qui  la  ûiit 
valoir,  dans  le  cadre  qui  la  rehausse,  avec  l'entourage 
congru,  une  toute  autre  joie  que  le  chatouillement  de 
vanité  provoqué  par  cette  réflexion  :  «.  Je  possède  une 
toile  que  le  Louvre  m'a  disputée  -,  ou  -  Arthur  Stevens 
m'a  oflért  cinquante  mille  francs  de  cette  toile  pour  la 
galerie  de...  «      ^ 

Un  grand  artiste  à  qui,  récemment,  un' peintre  offrait 
une  œuvre,  en  témoignage  d'admirfition  et  d'amitié, 
répondait  naïvement  :  «  Non,  vraiment,  laissez-moi 
vous  l'acheter.  Je  vous  assure  qu'ainsi  votre  tableau 
me  fera  plus  de  plaisir  -. 

On  vient  aux  œuvres  des   nouveaux  arriva,  des 


-S 


-•■■"T-- 


ù-e' 


^  '• 


inconnus  même.  Simplement,  avec  l'intime  satisfaction 
de  l'indépendance  qui  vous  permet  de  choisir  ceci  de 
préférence  à  cela,  sans  être  conseillé  par  l'intermédiaire 
officieux  et  intéressé,  sans  être  obligé  de  subir  son  boni- 
ment, sans  devoir  se  raidir  contre  les  trucs  de  maqui- 
gnon usités. 

ISe  rappelle-t-on  les  galeries  de  jadis?  Vingt  ou  trente 
noms,  toujours  les  mêmes,  '  reparaissant  en  cortège  et 
défilant,  l'amateur  mort,  au  rythme  monotone  4u  naar- 
teau  d'ivoire,  pour  aller  emménager  en  quelque  a^tre 
lieu,  avec  le  cérémonial  accoutumé  et  le  même  accom- 
pagnement funèbre  de  comraisaires-priseurs,  d'experts 
et  de  marchands  menant  le  deuil.  Hormis  ces  vingt  ou 
trente  noms,  pour  lesquels,  si  l'amateur  faisait  défaut, 
on  en  inventait  un  au  •^besoin,  plus  rien  que  des  pros-^ 
crits,  des  bannis,  des  parias,  des  gens  dont  on  ne  parle 
pas,  qui  ne  sont  pas  de  bonne  compagnie. 

Ah  !  les  choses  ont  changé,  en  ces  dernières  années, 
et  voici  les  Claude  Monet,  les  Pissarro,  les  Degas,  les*^ 
Renoir,  les  Cézanne,  les  Guillaurainxles  Sisley  faisant 
joyeusement  irruption  dans  les  collections  particulières, 
en  attendant  leur  admision  dans  les  musées  de  l'État. 

Eh  !  mais  Edouard  Manet  ne  frappe-t-il  pas  déjà  à  la 
porte  du  Louvre  ?  Et  celle-ci  n'est-elle  pas  à  la  veille  de 
s'ouvrir  pour  lui  ?  Le  t^ps  n'est  plus  où  l'on  traitait 
Olympia  de  peinture  démente.  Il  est  vrai  qu'on  a  osé 
écrire,  jadis,  que  Delacroix  peignaitvv  avec  un  balai 

'<pn  se  lasse,  vraiment,  de  toujours  rappeler  ces 
topiques  exemples.  Chaque  lustre  écoulé'  apporte  un 
argument  de  plus  à  'èette  toujours  même  thèse  de  l'art 
le  plus  conspué  (songez  donc  k  SAvigelus  de  Millet) 
arrivant,  plus  tôt  que  ne  l'espèrent  ses  plus  ardents 
défenseurs,  à  se  faire  un  sillage  d'or  et  de  diamant  dans 
son  orgueilleuse  traversée  vers  la  gloire, 

Ceux-là  qui,  naïvement,  sans  arrière-pensée,  dans 
l'unique  désir  de  fixer  au  mur,  entre  les  quatre  raies 
blanches  on  dorées  du  cadre,  un  peu  de  joi^xt  de  soleil, 
acquièrent  quelque  panneau  où  se  mire  l'âme  d'un 
article,  voient  logiquement,  fatalement,  immanquable- 
ment, dans  les  ans  futurs,  la  fantaisie  du  moment  déve- 
lopper ses  ailes  et  devenir,  aux  yeux  des  benêts  ébahis, 
l'ŒuvRE  cotée,  classée,  4eyenue  solennelle,  et  l'invi- 
sible signature  de  jïRfis',  griffonnée  à  l'angle,  flamboyer 
en  lettres  de  feu.  On  a  dit  naguère  :  «  Ceci,  c'est  un 
Corot  !  Cela,  c'est  un  Millet  !  Ce  tableau  est  de  Rousseau  ! 
Cet  autre  dé  Troyon!  «  OirN|dit  désormais,  avec  non 
moins  d'orgueil  :  «  Voici  un  Manet  !  Voilà  un  Claude 
Monet!  Ce  paysage,  Monsieur,  est  de  Pissarro!  Ce 
pastel  est  signé  Degas  !  "  Tout  comme,  inéluctable- 
ment, on  dira  bientôt  :  «  Admirez  mon  Seurat  !  Con- 
naissez- vous  ma  marine  de  Signac?  Voyez  mon  Redon! 
Et  que  dites-vojus  de  ce  Lautrec?  »  A  ceux  qui  n'ont  pas 
craint  d'àfi'rontèr  les  périls  des  premiers  achats  va  le 


sourire  de  la  fortune  clémente.  Récompense?  Non, 
puisque  en  les  œuvres  mêmes  gît  la  satisfaction  pro- 
mise. Simple  ratification  par,  les  masses  du  goût  de 
l'acquéreur  assez  artiste  pour  ne  pas  se  préoccuper  de 
l'opinion  du  moment,  et  caresse  à  un  amour-propre 
excusable. 

En  Belgique,  la  génération  nouvelle  des  acquéreurs 
dont  nous  parlons  se  lève.  Et  régulièreinè^t  les  mois- 
sons se  font,  avec  l'engrangement,  dans  des  lieux  d'élec- 
tion, des  gerbes  mûres  coupées  dans  les  champs' fertiles 
de  l'art.  •        "       r 

Hésitants  au-klébut,  les  amateurs  s'affermissent.  Qui 
ne  sait  que  dans  les  expositions  des  Cercles,  dans  les 
Salons  pfï|ciels,  les  vieilles  peintures  rancjes  sont  irré- 
vocablement délaissées.  Les, œuvres  qui  marquent  une 
tendance  v,ers  le  neuf  aff'riandent  seules.  On  se  flatte  de 
posséder  un  Heymans,  un  Courtens,  un  Claus,  parce 
qu'en  eux  on  sent  sourdre  la  sève  du  renouveau. 

Et  quand  surgit  une  manifestation  d'art  intransigeant 
et  libre  comme  ce  Salon  des  XX\ aujourd'hui  même 
clos  (de  nulle  réclame,  dès  lors,  le  reproche  ne  pourra 
naître,  et  puis,  d'ailleurs,  qu'importe  ?)  les  acheteurs  se 
présentent,  d'année  enjinnée  plus  nombreux. 

«  Vendent-ils?  Ehr»  oui,  et  plus  peut-être  que  ne \ 
veulent  le  reconnaître  ceux  qui  inconsciemment  ou 
volontairement  (drus,  ceux-ci)  nient  le  progrès  accom-  ^ 
pli  par  lès  idées  artistiques  nouvelles.  Et  si  l'on  dresse 
le  tableau  des  œuvres  acquises  ou  commandées  avant  le 
Salon,  joint  à  celui  des  toiles,  des  marbres  et  des 
bronzes  choisis  par  les  visiteurs  durant  la  période 
d'exposition,  on  demeure  surpris  de  l'importance  des 
achats  faits. 

Ce  relevé,  nous  l'avons  spi|s  les  yeux  et  peut-être 
n'est-il  pas  inutile  de  le_faire  connaître  ^♦l»^^,^,„^, 

Œuvres  acquises  avant  l'Exposition  : 

Etude  (le  paysage.  ;    i 

Une  chaumière  à  Auvers-sui'rOise. 
Portrait  de  M.  H.  M.  (bronze).        *•  ' 
Japonaise  (mnrbrc). 
Portrait' de  M.  C.  M.  (bronze). 
Le  chenal  de  Nicuport. 
Dame  en  visite.  ~ 

Etude  pour  un  portrait. 
Titre  pour  h  Nouvelle  Carll>agc. 
Frontispice  pour  les?imdcc{esM'^es. 
La  vie  des  choses,  n°  3. 
Jd.  n°  4. 

Au  Béguinage,      n"  2. 
Forât  vue  par  les  cimes  à  l'aurore, 
^u  ciel. 
y^  t    ,%^Ije  barde.  ' 


ï 


Paul  Cézanne. 

Id. 
G.  Charlier. 

lo. 

ID. 

W.  Finch. 
Lemmen. 

Id. 

Id. 
Mellèry. 

Id. 

Id. 

Id. 
R.*  Picard. 
0.  REDqj^. 


A. 
G. 


X. 


i 


r 


Jd. 
Id. 
Id. 
Id. 


Le  printemps.      ^    ' 
Frontispice  pour  «  le  Juré  ». 
Figure    accoudée  (élude   pour 
Juré)  ». 


le 


l-bi.^ 


vl  .Vm»" 


•  1 


1 


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•    '1, 


i--         i 


0. 


Redon. 

iD. 
ID. 


Décapité. 

Christ. 

Drunnhilde. 

Série  de  neuf  dessins  pour  tes  Fleurs 
(lu  mal. 

Ruines  d'église. 

Portrait  de  H"'''  X. 

Richard  Wagner. 

Bouquet  de. fleur  s. 

Etud-i  (bronze). 

L'abreuvoir. 

Une  fleur  des  Alpes. 

Lhommc  au  fagot. 

Mai. 

Crépuscule. 
H.  DE  Toulouse-Lautrec.  Le  bal  du  moulin  de  la  Gnlcite. 
Théo  Van  Rysselberghe.  Denisetle. ,  ■" 

G.-S.  Van  Strydonck.    Portrait. 

Id.  Quatre  portraits  au  pasicl. 


-Û.  de  Regoïos 
P.-Â.  Renoir. 

Id. 

Id. 

A.    RODIN. 

Segantim. 
Id.' 
Id. 
Id, 
Id. 


\ 


Œuvres  acquises^  pendant  l'Exposition  : 

Cinq  médai lions. 

Buste  (bronze). 

Jardin  en  plein  soleil. 
.  Masques  raillant  la  mort. 

Près  de  Mariakerke. 

Etude  pour  «  une  Sphinge  ». 

Avec  Grégoire  Le  Roy. 

Wombwell's   Ménagerie   •   les-  Elé- 
^      phants,  n"*  3  cl  4. 

La  vie  des  choses,  n»  2. 
Jd.  .  no  ^. 

Id.  no6V^ 

Id.         '     n°  7. 

Au  Béguinage,      n°  1. 

Homme  et  femme  agenouillés. 

Appareillage  par  un  temps  calme. 

Pégase. 

Hantises,  u"  0. 

La  dame  en  noir. 

Cassis  (Bouches  du  Rhùno).  Op.  196. 


A.  Charpentier.. 
P.  Dubois. 
J.  Ensor. 

Id. 
A.-W.  Finch. 

F.  Khnopff. 

Id. 

G.  Lemmen. 
V*  ■  .     . 
X.  Mellery. 

Id. 

Id.   ;^, 

Id. 

Id. 

G.    MiNNE. 

R.  Picard. 
0.  Redon, 
w.  schloôach. 

Id.  ^  ' 

Paul  Signac. 

Id. 
H.  de  Toui.ouse-Lautrkc 

Id. 
11.  Van  de  Velde. 


Vincent  Van  Gogh. 
Théo  Van  Ryssei.berghe 

iD. 

Id. 
G.-S.  Van  Strydonck. 

G.    VOGELS. 

Id. 


M. 
Etude. 
Liseuse. 
Faits  du  village  :  VII. 

remaille. 
La  Vigne'%igap.^ 
A  Thuin,'^^ 


Op.  200. 


^ 


»  . 


Dessin. 

Le /''oj7  5^Py/ (Roscoff ). 
Klude.  I 

Clair  de  lune. 
Rue  des  Pigeons. 

Soit  au  total  :  soixante-quinze  œuvres,  tonnant  exac- 
tement le  tiers  des  tableaux  et  sculptures  exposés. 

De  cette  statistique,  deux  conséquences  à  tirer  :  c'est 
que  l'art  indépendant  s'affirme,  malgré  les  oppositions, 
les  éclats  de  rire  imbéciles,  la  guerre  à  outrance  que 


Fille  qui 


lui  ont  déclaré  les  ignorants  et  les  envieux  (jamais  expo- 
sition ne  fut,  plus  que  celle-ci,  attaquée  avec  furei>F). 
Et  c'est  aussi  que  le  goût  des  choses  d'art  se  propage, 
grâce  à  des  efforts  persévérants.  Car  les  artistes  n'ont 
point  fait  de  concession  :  et  ce  leur  sera  une  éternelle 
gloire  dr'avoir  contraint  le  public  à  venir  à  eux  sans 
faire  un  pas  pour  raccourcir  la  distance. 


LA  CONFÉRENCE  DE  SPÉPHANE  HIALLARIHÉ 

SUR  VILLlERS  DE  LTSLE-ADAM 

Avec  vive  curiosité,  sans  doute,  nos  lecteurs  liront  quelques 
lïagmcnis  de  celte  œuvre  si  diversemcnl  appréciée  par  nolrc 
public,  peu  au  courant  des  transformations  qui  affectent  la  lillé- 
rurc  comme  la  peinture,  et  ouvrent  les  voies  vers  l'arl  neuf  qui 
inaugurera,  vraisemblablement,  le  prochain  siècle. 

Voici  :  1.  Le  Préambule.  —  II.  L'Arrivée  de  Villicrs  de  l'Islo- 
Adam  à  Paris,  1863.  —  III.  Sa  Fin,  1889.  —  IV.  L'OEuvre.  — 
V.  L'admirable  Final  de  la  Conférence,  lu  debout  avec  une  solen- 
nité si  grave  et  si  pacifiante. 

Peut-être  l'étude  des  tronçons  de  ce  rêve  parlé,  dit  mysti- 
quement conime  un  rêve,  comme  une  cérémonie  pieuse  s'envo- 
lant  parfois  "dans  l'extase,  où  le  grand  mort  était  invoqué  en  fan- 
tôme, tantôt  précis,  tantôt  presque  invisible,  mais  présent  toujours, 
p;irviendra  à  redicsscr,  chez  quelques-uns,  l'appréciation  bizarre 
qiie  formulaient  deS^sprils  peu  accoutumés  à  la  séduction  des 
clioses  va^gucs  et  planantes.  L'art  est  aussi  varié,  que  les  intelli» 
gcnces.  C'est  manie  que  de  le  vouloir  réduire  aux  formules  uni- 
formes de  l'école  et  que  de  se  refuser  à  l'admettre  dès  qu'il  revêt 
une  forme  nouvelle. 


■^ 


I 


w  Un  homme  au  rêve]  habitué,  vient  ici  parler  d'un  autre,  qui 
est  mort. 

Mesdames,  Messieurs, 

Sait-on  ce  que  c'est  qu'écrire?  Une  ancienne  el  très  vague, 
mais  jalouse  pratique,  dont  gît  le  sens  au  mystère  du  cœur. 

Qui  l'accomplit,  intégralement,  se  relranch:*. 

Autrement,  si  ce  n'était  cela,  une  sommation  au  Monde  qu'il 
égale  sa  hantise  k  de  riches  postulats  —  chiffrés,  en  tant  que  sa 
loi,  sur  le  pâpîçr;  blême  de  celle  audace  —  oui  !  et  s'arroger,  à 
cause  de  quelque  doute,  —  la  goutte  d'encre,  apparentée  à  la 
-f-  nuit,  —  un  devoir  de  recréer  tout,  avec  des  réminiscences  : 
je  crois  vraiment  qu'il  y  aurait  duperie,  à  presque  ce  suicide. 

Il  est  des  actes^de  portée  absolue,  tremper  une  plume  notam- 
ment. 

Le  démon  littéraire  qui  inspira  Villicrs  cFe  Ilslo-Adam,  à  ce 
point  fut-il  conscient?  —  Par  éclairs,  pcut-êlro  ne  voulant 
effrayer,  avec  un  déploiement  de  ses  suprêmes  conséquences,  qui 
itmarque,  tout  de  suite;  mais,  je  sais  bien,  avec  mon  sens  de 
témoin  d'un  destin  extraordinaire,  que  personne  jamais  ne  pré- 
irenta,  approché,  ou  ici  raconté,  le  caractère  de  l'authentique 
écrivain,  à  part,  ne  sachant  que  soi,  ou  même  l'ignorant  afin  d'en 
tirer  pour  sa  propre  stupeur" superbement  le  secret,  co.iime  ce 
camarade.  1 


\j 


'V 


60 


U ART  MODERNE 


S 


f^ 


Nul,  que  je  me  rappelle,  ne  fût  par  un  vcnl  d'illusion,  engouf- 
fré dans  les  plis  mystérieux  tombant  de  son  geste  ouvert,  qui 
signifiait  «  Me  voici  )>,  avec  une  impulsion  aussi  véhémente  et 
surnaturelle  poussée,  que  jadis  est  adolesecifrt--^-du  ne  connut  à 
ce  moment  de  la  jeunesse,  o\x  par  elle  fulgure  le  destin  entier,  noa 
le  sien^  mais  celui  possible  de  l'Homme,  la  scintillation  monta  b; 
qui  dote  le  buste  lu  jamais  du  diamanf^l'un  ordre  solitaire,  ne 
serait-ce  qu'en  raison  du  regard  abdiqué  par  l^i  conscience  des 
autres.  Je  ne  sais  pas,  mais  je  crois  en  réveillant  ces  souvenirs  de 
primes  années  que  vraiment  l'arrivée  fut  extraordinaire  :  ou  que 
nous  étions  bien  fous!  les  deux  peut-être,  et  me  plais  k  l'affirmer. 
Il  agitait  aussi  des  drapeaux  de  victoires  très  anciens,  ou  futurs, 
<;eux-là  même  qui  laissent  de  l'oubli  des  piliers  choir  leur  flamme 
amortie,  brûlant  encore  :  je  jure  que  nous  les  vîmes. 

Ce  qu'il  voulait,  ce  survenu,  en  effet  japense  sérieusement  que 
c'était  :  régner.  Ne  s'avisa-t-il  pas,  les  gazettes  lui  indiquant  la 
"Vacance  d^n  trône,  celui  de  Grèce,  incontfncn;  d'y  faire  valoir 
ses  droits,  en  vertu  de  suzerainetés  ancesÉoriales,  aux  Tuileries  : 
réponse  :  qu'il  repassât,  le  cas  échéant;  -=- une  minute  auparavant 
^  on  en  avait  disposé.  La  légende,  vraisemblable,  ne  fut  jamais,  par 
l'intéressé,  démentie.  Wis^  ce  candidat  à  toute  majesté  survi- 
vante élut-il  d'abord  son  domicile,  chez  les  poètes  :  celte  fois 
décidé,  il  le  disait,  assagi  et  clairvoyant  «  avec  l'ambition 
d'ajouter  à  l'illustration  de  ma  race  la  seule  gloire  vraiment  noble 
de  nos  temps,  celle  d'un  grand  e'crivain  ».  La  devise  est  restée. 

En  génie!  nous  le  comprimes  tel. 

Dans  ce  louchant  conclave  qui,  au  début  de  chaque  génération, 
px)ur  entretenir  à  tout  le  moins  un  reflet  de  la  divîne'ftâmmc, 
assemble  des  jeunes  gens,  en  cas  qu'un  deux  se  décèle  l'élu,  on 
le  sentit  tout  de  suite  là  présent,  tous  subissant  la  même  com- 
motion. - 

Je  le  revois.  , 

Ses  aïeux,  étaient  dans  le  rejet,  par  un  mouvement  U  sa  tête 
habituel,  en  arrière,  dans  le  passé,  d'une  vaste  chevelure  cendrée 
indécise,  avec  un  air  de  «  Qu'ils  y  restent,  je  saurai  faire,  quoique  ' 
cela  soit  plus  difficile,  maintenant  »  ;  et  nous  ne  doutions  pas 
que  son  œil  bleu  pftle  emprunté  à  des  cieujT  autres  que  les 
visibles  ne  se  fixât  sur  l'exploit  idéal  prochain,  de  nous  irrêvé. 


Aussi   il  vint;  c'était  tout  pour  lui;  pour  nous,  la  surprise 
même  —  et  toujours  des  ans,  tant  que  traîna  le  simulacre  de  sa 

.vie,  et  des  ans,  jusqu'aux  précaires  récents  derniers,  quand,  chez 
l'un  de  nous,  le  timbre  de  la  porte  d'entrée  suscitait  l'attention 
par  quelque  son  pur,  obstiné,  solennel,  comme  d'nine  heure  fati- 
dique absente  aux  cadrans,  et  qui  voulait  demeurer,  imariable- 
ment  se  répétait  pour  les  amis  anciens,  eux-mêmes  vieillis,  et 
malgré  la  fatigue  à  présent  du  visiteur,  cassé,  lassé,  cette  obses- 
sion de  l'arrivée  d'autrefois. 

Villiers  de  l'isle  Adam  se  montrait.  Toujours,  il  apportait  une 
fête,  et  le  savait  ;  et  maintenant  ce  dev'énait  plus  beau,  peut-être, 

„plus  humblement  beau,  ou  poignant,  cette  apparition  des  antiques 
temps  irtcessoçimenl  ressassés,  que  la  première,  en  réalité;  mal- 
gré que  le  mystère  par  lui  quittéjadis,  la  vague  ruine  à  demi 
écroulée  sur  un  sol  de  feu,  s'y  fut  à  tout  jamais  tassée,  —  oi*,  on 
se  doutait  entre  soi  d'autres  secrets  pas  moing  noirs,  ni  sinistres, 
et  de  tout  ce  qui  assaillait  le  désespéré  Seigneur  perpétuellement 


échappé  à  l'abîme.  La  munificence!  dont  il  payait  le  refuge,  aussi- 
tôtJqpouillée  l'intempérie  du  dehors,  ainsi  qu'un  rude  pardessus. 

L'allégresse  de  reparaître,  lui,  très  correct  et  presque  élégant, 
nonobstant  des  difficultés,  et  de  se  mirer  en  la. certitude  que  dans 
le  logis,  cofhme  en  plusieurs,  sans  préoccupation  de  dates,  du 
jour,  fut-ce  de  l'an,  on  l'attendait--^  il  faut  l'avoir  ouï  si2  heures 
durant  quelquefois!  Il  se  sentait  en  retard  et,  pour  éviter  des 
explications  lointaines,  trouvait  des  raccourcis  éloquents,  des 
bonds  de  pensée  Qt  des  sursauts,  qui  inquiétaient  lelienïordial.  A 
mesure  que  danslé  corps  à  corps  avec  la  contrariété  s'amoindris- 
sait en  l'aspect" de  l'homme  devenu  cliétif,  quelque  trait  saillant 
de  l'appai'ition  de  jeunesse,  à  quoi  il  ne  voulut  jamais  être  infé- 
rieur, il  le  centuplait  par  son  jeu,  de  douloureux  sous-entendus; 
et  signifiait  pour  ceux  auxquels  pas  une  inflexion  de  cette  voix,  et 
même  le  silence,  ne  restait  étranger  :  «  J'avais  raison,  jadis,  de 
me  produire  ainsi,  dans  l'exagération,  causée  peut-être  par 
l'agrandissement  de  vos  yeux  ordinfiire^j,  amis  d'un  roi  spirituel, 
ou  ce  qui  ne  doit  pas  être  (ne  fjn-ce  que  pour  vous  en  donner 
l'idée)  Histrion  véridi4U£,-.©ufrje  le  fus  de  moi-même,  de  celui 
que  nul  n'atteint  en  soi,  excepté  à  des  moments  de  foudre,  et 
alors  on  l'expie  de  sa  durée,  comme  déjà;  et  vous  voyez  bien  que 
cela  est,  dont  vous  eûtes  par  moi  l'impression,  puisque  me  voici 
conscient  et  que  je  m'exprime  maintenant  en  le  même  langage  qui 
sert  à  autrui  à  se  duper,  à  converser,  à  se  saluer,  et  dorénavant 
vous  le  percevrez,  comme  si,  sous  chacun  de  mes  termes,  l'or 
convoité  et  lu  à  l'envers  de  toute  loquacité  humaine,  à  présent  ici 
s'en  dissolvait,  irradié,  dans  une  véracité  de  trompettes  inextin- 
guibles et  leur  supérieure  fanfare.  » 

Il  se  taisait;  merci,  toi,  d'avoir  parlé,  je  comprends. 

Minuits  réels  avec  indiff^étj^e  jetés  dans  cette  veillée  mortuaire 
d'un  homme  debout  âuprès^ii^soi,  le  temps  s'annulait,  ces  soirs; 
il  l'écartait  d'un  geste,  ainsi  qu'à  mesure  son  intarissable  parole, 
comme  on  efface,  quand  cela  a  servi;  et  dans  ce  manque  de 
sonnerie  ^instants  perçue  aux  authentiques  horloges,  il  paraissait 
—  toute  la  lucidité  de  cet  esprit  suprêmement  net  même  dans  des 
délibérations  peu  communes,  sur  quelque  chose  de  mystérieux 
fixée,  comme  serait  l'évanouisse^nent  tardif,  maintenant  jusqu'à 
l'espace  élargi,  du  timbre  annonciateur,  lequel  avait  fait  dire  à 
l'hôle  «  c'est  Villiers  ».  Avant,  affaiblie,  une  millième  fois,  son 
arrivée  de  jadis.  —  Discute?  anxieusement  avec  lui-même  un  point, 
énigmatique  et  dernier,  pourtant  à  ses  yeux  clair.  Une  question 
d'heure,  en  effet,  étrange  et  de  grand  intérêt,  mais  qu'ont  occa- 
sion de  SD  poser  peu  d'hommes  ici-bas,  à  savoir  que  peut-être  ne 
serait-il  point  venu  à  la  sienne,  pour  que  le  conflit  fût  tel.  Si  !  à 
considérer  l'Histoire,  il  avait  été  ponctuel,  devant  l'assignation 
du  sort,  nullement  intempestif,  ni  répréhensible':  car  ce  n'est 
pas  contemporainemenl  à  une  époque,  du  tout,  que  doivent  pour 
en  exalter  le  sens,  survenir  ceux  que  leur  destin  chargea  d'en 
être  à  nu  l'expression,  et  sont  projetés  à  des  siècles  au  delà, 
stupéfaits,  pour  témoigner  de  ce  qui  admirable  à  l'instant  même 
vit  tard  magnifiquement  par  le  regret,  et  trouvera  dans  l'exil  de 
leur  nostalgique  esprit  tourné  vers  le  passé,  sa  vision  pure. 

{La  lin  prochainement). 


CONFESSION  DE  POETE 

Atrois  poèties,  récemment,  nous  avions  posé  des  questions, 
comme  celles-ci,  sachant  comEien  les  appréciations  des  critiquçs, 


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d'après  les  œuvres,  est  différente,  souvent,  de  celle  que  fait  l'ar- 
tiste sur  soi-même  :  Comment  concevôz-vous  votre  art?  Qu'est, 
pour  vous,  l'Art  en  général?  Quel  rapport  voyez-vous  entre  votre 
art  èl  celui  du  voisin?  etc. 

Ils  nous  ont  répondu.  Voici  l'une  de  ces  confessions  : 

—  «  Je  veux  répondre  de  mon  mieux  aux  questions  que  vous 
m'avez  posées.  J'avoue  qu'elles  m'embarrassent  un  peu,  car  dles 
touchent  à  des  choses  profondes,  confuses  et  graves,  sur  lesquelles 
je  n'ai  jamais  aimé  à  m'inlerroger  directement,  et  vous  m'obligez  à 
descendre  ainsi  à  tâtons,  en  des  souterrains  peut-être  dangereux.- 
pour  moi,  et  où  la  pauvre  lumière  que  je  crois  y  apporter,  risque 
fort  de  vaciller  étrangement  aux  tournants  les  plus  noirs,  sous  je- 
ne  sais  quels  souffles  de  ténèbres. 

Il  est  difficile,  puisqu'elles  confluent  un  peu,  de  répondre  stric- 
tement et  séparément  à  chacune  des  questions  posées,  sans 
s'exposer  à  maintes  redites;  pardonnez  donc,  si,  par  moments 
les  solutions  s'emmêlent  un  peu  plus  que  de  raison. 

A  part  l'instinct  qui  m'y  pousse,  —  et  peut-être  pourrait-on 
dire  ici,  que  l'instinct  est  l'idée  générale  par  excellence,  mais  infor- 
mulée, et  pfplîgblement  informulable  ;  —  à  part  l'instinct  qui 
m'y  pousse,  je  n'ai  sur  l'art  et  ses  fonctions  aucune  idée  générale 
que  j'aie  le  droit  de  croire  mienne.  C'est  là  une  des  oubliettes  de 
mon  cerveau  où  j'aime  le  moins  à  pénétrer,  et  lorsque  je  m'y 
.  aventure,  j'en  sors  toujours  découragé  et  effrayé  pour  longtemps, 
au  souvenir  des  pullulalions  par  trop  embryonnaires  qtie  j'y  ai 
entrevues.  Il  y  a  là  quelque  mystère  probablement  aussi  inso- 
luble que  celui  de  nos  destinées,  et  en  attendant  mieux,  je  ferme 
les  yeux  avec  résignation,  en  rne  laissant  aller  aux  impulsions 
obscures  d'une  force  intérieure,  que  je  ne  connaîtrai  peut-être 
jamais.  , 

J'aime  moins  encore  à  examiner  la  question  d'un  côté  plus 
extérieur,  si  l'on  veut,  et  à  m'égarcr  dans  les  antiques  et  assez 
stériles  territoires  dés^  théories  esthétiques  ;  tous  les  chemins 
convergent  un  peu  trop  vers  les  mêmes  et  imnvêmorialcs  écuries 
d'Augias  des  littératures,  situées  au  milieu  de  forêts  sans  clai- 
rières et  sans  étoiles,  jusqu'ici.  Au  fond,  j'ai  de  l'art  une  idée  si' 
grande  qu'elle  se  confond  avec  cette  mer  de  mystères  que  nous 
portons  en  nous.  Je  pense  que  l'art  doit  être  à  l'homme  ce  que 
l'homme  est  à  Dieu  ;  —  èl  peut-être  Dieu  lui-même  a-t-il  peine, 
,  par  moments,  à  se  rendre  compte  de  l'homme.  Mais,  à  considérer 
'î  le  côté  moins  nocturne  des  choses,  il  me  semble  que  c'est  l'unique 
'  atmosphère  où  une  âme  puisse  se  développer  visiblement  et  nor- 
malement aujourd'hui;  et,  comme  l'affirme  l'admirable  Carlyle, 
^la  seule  forme  d'héroïsme  qui  nous  reste. 
'  Je  n'ai  donc  d'autre  étoile  ici,  qu'une  pauvre  petite  nébuleus^c 
irt(<îrieure,  infiniment  tremblottanle  au  fond  des  ténèbres  sans  fin; 
riiâli  inextinguible.  Je  ne  sais  où  je  vais  ni  ne  veux  le  savoir;  et 
c'est  là,  peut-être,  l'état  d'àme  des  meilleurs  d'entre  nous.  Je" 
crois  qu'il  vaut  mieux  ne  pas  trop  se  coiinaîire  soi-même  cl  je 
n'envie  pas  ceux  qui  se  parcourent  aisément.  J'ai,  avant  tout,  un 
immense  respect  pour  loul  ce  qui  est  inexprimable  dans  un  être, 
pour  tout  ce  qui  est  silencieux  dans  un  esprit,  pour  loul  ce  qui 
n'a  pas  de  voix  dans  une  âme,  et  je  plains  l'homme  qui  n'a  pas 
de  léKèbres  en  lui.  ' 

Vous  me  demandez  ensuite  de  quelle  façon  je  comprends  mon 
art  particulier  ;  et  ici  aussi,  il  faudra  me  pardonner  mes  mul- 
tiples éxasions.  Depuis  l'exemple  un  peu  fallacieux  d'Edgard  Poë, 
il  scmi)le  que  maints  artistes  tiennent  à  se  persuader  qu'ils  sont 
conscients  ;  que  leur  art  est  prémédité,  qu'ils  en  ont  fait  le  tour 


une  fois  pour  toutes,  qu'ils  ont  embrassé  d'un  coup  d'oeil  définitif 
leurs  champs  d'expériences  et  en  onl  vu  toutes  les  ressources. 
Ils  opèrent  au  milieu  d'un  système  d'alambics  multicolores  et  très 
savants,  l'éclairage  est  sagacement  réglé,  et  le  feu  est  placé  dans 
un  coin,  entouré  de  précautions.  Ils  se  font  gloire  de  pouvoir  dire 
exactement  ce  qu'ils  ont  voulu  et  où  ils  vont;  mais  je  crois  que  la 
conscience  ici  est  l'indice  du  mensonge  et  de  la  mort.  Je  crois 
que  tout  ce  qui  ne  sort  pas  des  profondeurs  les  plus  inconnues  et 
les  plus  secrètes  de  rhomme,.n'a  pas  jailli  de  sa  seule  source  légi- 
time. Je  crois  qu'alors,  ce  n'est  pas  la  verge  sainte  de  Moïse  qui 
a  frappé  le  rocher  mystérieux  dans  les  déserts  de  l'ame,  mais  la 
verge  mauvaise  de  celui  qu'il  ne  faut  pas  nommer.  Je  compare  - 
l'alchimie  du  cerveau  à  l'alchimie  ile  la  nuit;  et  le  cours  des 
étoiles  me  semble  moins  inexplicable  que  le  cours  des  pensées. 
J'ai  toujours  constaté  sur  moi-même,  que  toutes  les  parties  con- 
scientes de  mon  art  (pardonnez-moi  cette  expression  trop  orgueil- 
leuse, mais  je  l'emploie  uniquement  pour  abréger),  ont  varié  sans 
cesse  et  se  sont  inclinées  aux  souffles  divers  des  lectures  et  des 
autres  influences  ;  tandis  que  toutes  les  parties  instinctives,  tout 
ce  que  je  n'avais  pas  voulu,  tout  ce  dont  j'ignorais  l'origine,  tout 
ce  dont  je  ne  me  rendais  pas  compte,  demeurait  immuable  au 
milieu  de  mes  évolutions.  J'ai  remarqué  aussi  qu'à  mesure  que 
j'acquérais  la  pleine  conscience  de  quelque  élément  de  mon  art, 
c'était  l'infaillible  indice  de  la  mort  et  de  l'élimination  prochaine 
de  cet  élément.  On  pourrait  dire  que  désormais  trop  conscient,  il 
était  semblable  à  une  branche  qui  se  flétrissait  après  avoir  pro- 
'duit  son  fruit.  Il  y  en  a  d'innombrables  ainsi,  mortes  au  pied  de 
l'arbre;  de  quoi  faire  un  salutaire  feu  de  joie  où  je  voudrais  brûler 
les  formules,  les  apparences  et  les  procédés.  Il  me  semble  que 
ces  progrès  de  la  conscience  qui  montent  lentement  comme  une 
vie,  en  laissant  la  mort  derrière  elle,  n'offrent  d'intérêt,  et  ne 
doivent  être  accélérés,  à  travers  toutes  ces  morts  successives,  que 
parce  que,  les  premières  branches  disparues,  d'autres,  inconnues 
et  insoupçonnées  jusqu'alors,  entrent  immédiatement  en  sève 
vertes  et  féeondes  tant  qu'elles  restent  dans  l'ombre,  pour  se 
faner  à  leur  tour  quand  la  clarté  les  gagne,  et  ainsi  de  suite,  jus- 
qu'à, la  cime  des  feuillages,  que  j'espère  n'apercevoir  que  de 
l'autre  côté  du  tombeau. 

Je  ne  pourrais  donc  vous  parler  que  de  choses  mortes  dont  il 
vaut  mieux  ne  pas  remuer  le  silence;  et  quant  à  ce  qu'il  y  a  au 
dessus  d'elles,  j'aurais  peur  ici,  du  son  de  ma  propre  voix.  Il  y 
a  dans  notre  âme,  une  chambre  de  barbe-bleuf^,  qu'il  ne  faut 
pas  ouvrir.  Aujourd'hui,  vous  me  mettez  une  clef  d'or  dans  la 
main;  mais  ja  tremble  devant  la  porte,  et  je  sais  que  cette  clef 
tombera  dans  le  sang  si  je  désobéis  à  l'ordre  mystérieux.  Il  y  a 
dans  notre  âme  une  mer  intérieure,  une  effrayante  et  véritable 
mare  tenebrarumoh  sévissent  les  étranges  tempêtes  de  l'inanicnlé 
et  de  l'inexprimable,  et  ce  que  nous  parvenons  à  émettre  en 
allume  parfois  quelque  reflet  d'étoile  dans  l'ébullition  des  vagues 
sombres.  Est-ce  de  ces  uniques  eaux  muettes  que  nous  arrosons 
les  terres  mortes  de  l'art?  Je  no  sais  ;  mais  il  me  semble  que  l'on 
sent  leur  volume  s'accroître  en  soi,  à  mesure  qu'on  avance  dans 
la  vie,  sous  toutes  les  sources  de  la  nuit  qui  nous  entoure;  jusqu'à 
ce  que,  peut-être,  elles  nous  montent  à  la  gorge,  et  nous  imposent, 
ce  qui  doit  être  la  sagesse  suprême,  le  silence  qui  désormais  con- 
naît son  règne. 

Ef^c'est  ainsi  que  j'é<',oule,  avec  une  attention  et  un  recuoiilo- 
mcnt  de  plus  en  plus  profonds,  toutes  les  voix  indistinctes  de 
l'homme.  Je  me  sens  attiré,  avant  tout,  par  les  gestes  inconscients 


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(• 


02 


V ART  MODERNE 


de  l'ôlpc,  qui  passent  leurs  mains  lumineuseï  à  travers  les  cré- 
neaux de  celle  enceinte  d'arlifice  où  nous  somnrcs  enfermés.  Je 
voudrais  éludicr  toul  ce  qui  csl  informulé  dans  une  existence, 
tout  ce  qui  n*a  pas  d'expression  dans  la  mort  ou  dans  la  vie,  tout 
ce  qui  cherche  une  voix  dans  un  cœur.  Je  voudrais  me  pencher 
sur  l'insliflcl,  en  son  sens  de  lumière,  sur  les  pressentiments,  sur 
les  facultés  et  les  notions  inexpliquées,  négligées  ou  éteintes,  sur 
les  mobiles  irraisonnés,  sur  les  merveilles  de  la  mort,  sur  les 
mystères  du  sommeil,  oCi-malgré  la  trop  pujssantc  influencé  des 
souvenirs  diurnes^  il  nous  csl  donné  d'entrevoir,  par  moments, 
une  lueur  de  l'être  énigmatique,  réel  et  primitif;  sur  toutes  les 
puissances  inconnues  de  notre  âme;  sur  tous  les  moments  où 
l'homme  échappe  à  sa  propre  garde;  sur  les  secrets  de  l'enfance, 
si  olrangemcnt  spirilualisie  avec  sa  croyance  au  surnaturel,  et  si 
inquiétante  aVec  ses  rêves  de  terreur  spontanée,  comme  si  réelle- 
ment nous  venions  d'une  source  d'épouvante!  Je  voudrais 
guetter  ainsi,  paiiemment,  les  flammes  de  l'être  originel,  à  travers 
toutes  les  lézardes  de  ce  ténébreux  système  de  tromperie  el  de 
déception  au  milieu  duquel  nous  sommes  corfSamnés  à  mourir. 
Mais  il  m'est  impossible  d'expliquer  toul  cela  aujourd'hui  ;  je  ne 
suis  pas  sorti  des  limbes,  el  je  tâtonne  encore,  comme  un  enfant, 
aux  carrefours  bleus  de  la  naissance. 

Vous  compléterez  ma  pensée,  mietjx  que  je  ne  pourrais  le  faire, 
comme  vous  l'avez  fait  si  souvent,  c'est  noire  espoir,  cette  pré- 
sence attentive ,  el  c'est  une  de  nos  plus  saintes  joies.  » 

Admirable  el  ingénue  confession  !  Nous  publierons  successive- 
ment les  deux  autres. 


AUX  XX 


Deux  séances  de  musique  française.  (1) 

Alexis  de  Caslillon  esl  un  musicien  mort  à  trente-deux  ans, 
quelque  lemps  après  la  guerre,  en  4874,  croyons-nous,  et  dont 
l'œuvre,  en  partie  manuscrite,  révêle  un  tempérament  exception- 
nel. Dans  une  forme  classique,  avec  la  pondération  d'un  esprit 
clair  cl  iViélhodique,  il  s'épanouit  en  inspirations  d'une  élévation 
cl  d'une  noblesse  peu  communes. 

La  phrase,  toujours  élégante,  se  développe  avec  une  aisance  el 
une  ampleur  qui  entraînent  l'esprit  de  l'auditeur  vers  les  plus 
huiles  spécnlalions  de  la  pensée.  ^ 

On  s'est  étonné  (ju'une  œuvre  aussi  remarquable  que  le  trio 
pour  piano,  violon  el  vioJ,oncelle,  jouéiar  MM.  Vincent  d'Indy, 
E.  Ysaye  et  J.  Jacob  aux  JÏX,  fûi  ^etnearée  si  longtemps  incon- 
nue. Le  quintcUe  pour  piano  el  cordes,  lorsqu'il  sera  révélé,  pro- 
duira une  impression  analogue  el  classera  définitivement  Caslillon 
parmi  les  grands  musiciens  de  l'époque. 

Vallegretto  du  trio,  el  surtout  Yadagio  qui  précède  Yallegro 
final,  sont  des  morceaux  de  premier  ordre,  daps  lesquels  les 
beautés  sévères  du  style  classique  s'allient  à  la  liberté,  à  la  sou- 
plesse, h  la  fougue  d'une  nature  esseniiellemenl  moderne,  ouverte 
;iux  sensations  subtiles,  aux  impressions  complexes  cl  raffinées. 

Dans  la  Suite  basque  de  Charles  Bordes  pour  flûte  et  quatuor 
;i  cordes,  l'élémeni  pittoresque  domine,  le  ressouvenir  de  mélo- 
dies entendues  dans  les  montagnes ^n  leur  mélancolique  dévelop- 
pement, el  aussi  de  celte  danse  à  cinq  temps,  le  Zorlzico,  traitée 

;1)  Suite  et  fin,  —  Voir  notre  derniernuméro.  '    ' 


en  vitennczzo,  qui  forme  un  épisode  de  l'œuvre.  Mais  la  person- 
nalité du  jeune  compositeur  apparaît  ncltcnoent  dans  les  modula- 
tions neuves  par  lesquelles  il  fait  passer  ses  thèmes,  dans  la 
recherche  de  timbres  curieux  qui  donrienl  à  sa  musique  une 
saveur  rare.  Très  ingénieusement"  l'auteur  mêle  aux  motifs 
basques,  notés  au  cours  d'un  voyage  au  pays  pyrénéen,  un  chant 
de  S!)  composition,  nn  chant  triste  el  doux,  soupiré  par  la  flûte,, 
repris  par  les  cordes,  qui  évoque  l'image  du  voyageur  errant 
parmi  les  fêles  de  la  contrée,  dans  le  charme  d'une  nature 
agrcslc. 

Les  œuvres  vocales  entendues  cette  année  aux  XX  se  compo- 
saient, ouirc  celles  de  César  Franck,  précédemment  analysées, 
d'un  fragment  du  drame  d'Ernest  Chausson  :  Hélène,  sur  un  texte 
de  Leconle  de  Lisic.  C'est  la  troisième  scène  du  premier  acte,  un 
chœuf  pour  voix  de  femmes  avec  accompagnement  de  quatuor  à 
cordes,  piano  et  harpe.  La  musique  exprime  très  exactement  les 
vers  de  Leconle  de  Lislc,  en  leur  allure  un  peu  pompeuse  et  en 
leur  correction  classique.  11  nous  tarde  d'enlendre  dans  son  inté- 
gralité une  œuvre  qui  paraît  sérieusement  écrite  et  d'une  belle 
conception  artistique. 

Puis  encore  :  un  ffymne  à  Venus,  chœur  pour  voix  de  femmes 
dans  le  mode  phrygien  (îmm!  esl-ce  bien  phrygien?),  d'une  jolie 
inspiration,  par  Pierre  de  Bréville,  el  la  Chanson  des  Fées  de  Paul 
Vidal  pour  trio  de  voix  de  femmes  el  chœur  (b  bouches  fermées), 
avec  accompagnement  de  harpe,  intercalée  dans  le  Baiser  de 
Théodore  de  Banville. 

Deux  mélodies  de  Gabriel  Fauré  :  la  Fée  aux  chansons  el  les 
Berceaux,  et  un  Nocturne  A' \xvi  nouveau  venu,  Albéi-ic  Magnard, 
complétaient  ces  programmes,  qui  feront  date. 

Le  Nocturne  de  M.  Magnard,  écrit  sur  un  texte  en  prose,  décèle 
un  musicien  raffiné,  ayant  l'horreur  de  toute  banalité,  el  qui  puise 
ses  inspirations  aux  sources  pures  de  l'art.  La  scène  descriptive 
par  laquelle  il  a  débuté  aux  XX,  et  qui  porte  pour  épigraphe  la 
phrase  d'Isolde  au  deuxième  acte  de  Tristan  .-  «  lin  Schweigen 
der  Nachl  nur  lachl  mir  der  Quell  »,  csl  d'une  poésie  pénétrante 
el  d'une  intensité  d'expression  qui  permettent  de  fonder  sur 
l'ariisle  les  plus  sérieuses  espér-anccs.- 


La  Fermière. 

La  Fermière  est  une  pièce  qui  a  médiocrement  réussi  à  l'Am- 
bigu, mais  qui  s'est  joliment  rattrapée  au  théâtre  des  Galeries,  où 
elle  a  remporté,  avant-hier,  un  gros  succès.  Question  d'interpré- 
tation, me  dit-on,  et  de  farandole  :  celle-ci  manquait  à  Paris  ; 
elle  a  tout  sauvé  à  Bruxelles. 

Au  premier  acte,  la  belle  Catherine  (M™*  Berly)  est  dénuée  de 
pécule  cl  pourvue  d'un  nombre  considérable  de  créanciers.  Au 
dcBxièrtie,  elle  fait  un  héritage  el  ses  créanciers  se  transforment 
aussitôt  en  amoureux.  Les  .uns  se  batleni  entre  eux  à  coups  d'épée 
et  à  coups  de  poing.  Les  autres  font  un  pacte  par  lequel  ils  s'en- 
gagent à  se  soutenir  les  uns  les  autres,  —  pacte  qu'ils  s'empres- 
sent d'ailleurs  de  ne  pas  observer.  Mais  Càtbcrine  aime  Jean  Par- 
meniier(M.  Valbrel)  lequel  adoro  Brigitte  (M"«  Real),  sœur  de  la 
précédente.  Furieux  de  voir  son  fils  délaisser  les  prés,  fes  champs 
et  le  riche  béiail  de  la  fermière  pour  le  cœur  (el  la  chaumière)  de 
Brigitte,  le  vieux  Toussaint  Parmentier  (M.  Garnier)  lente  d'em- 
poisonner cette  dernière.  Son  fils  csl  très  rnécontcnl  el  le  lui  fait 
comprendre.  Mais  le  respect  filial  l'empêche  de  livrer  l'cmpoison- 


J^ 


^ 


^w 


A. 


ncur  aux  gendarmés.  Survient  un  assez  mauvais  sujet,  jadis  trahi 
par  le  vieux,  qui,  pour  se  venger,  nous  débarrasse  de  celle 
canaille.  Catherine  ne  sacrifie  naturellement,  puisque  le  rôle 
«  sympathique  »  lui  est  dévolu.  Elle  fait  cadeau. de  son  héritage 
il  sa  petite  sœur,  qui  épouse  Jean.  Quant  à  elle,  un  brave  garçon 
qui  avait  attrapé  au  deuxième  acte  un  coup  de  coukau  en  ^pre- 
nant sa  défense  reparaît  à  temps  pour  lui  demander  sa  main. 

La  Fermière  est.,  on  le  voit,  une  comédie  de  la  catégorie  des 
pièces  honnêtes  où  la  morale  ost  scrupuleusement  respectée.  Elle 
pourrait  être  jouée  au  Théûlre  Molière  sans  la  moindre  bande 
rouge  sur  l'affiche.  Quelques  finasseries  de  paysan  sont  drôles, 
d'une  drôlerie  moins  apprêtée  que  celle  de  Nos  bons  Villageois, 
et  plus  observée.  Et  puis,  il  y  a  sur  la  scène  de  vrais  bœufs,  des 
gerbes  authentiques,  un  chariot  indiscutable.  Il  y  a  aqssi  un 
berger,  mais  privé  de  son  troupeau  :  il  parait  qu'en  ce  moment 
le  mouton  est  hors  de  prix.. 

Quoi  qu'il  en  soii,  le  publie  d  paru  ravi  de  ce  drame  rustique, 
qui  va  le  distraire  des  lugubres  aventures  des  Mystères  de  Paris 
et  de  la  Policière.  L'interprétation  a  contribué  dans  une  large 
mesure  au  succès.  M.  Garnier,  surtout,  s'y  est  monlrd^comédien 
excellent.  -  _ 

«    • 

A  dimanche  le  compte-rendu  de  Marquise,  jouée  au  Parc  cette 
semaine,  et  dans  laquelle  U"^  Charlier,  engagée  spécialement, 
s'est  fait  un  joli  succès. 


Chronique  judiciaire  de^  ^rt^ 

Un  curieux  procès  de  propriété  littéraire,  dit  le  Ménestrel,  va 
se  plaider  à  Berlin.  Un  compositeur,  M.  Sommer,  avait  demandé 
à  M.  Wolff,  auteur  d'un  poème  épique  intitulé  Lîirley,  de  tirer  de 
ce  dernier  un  livret  d'opéra.  M.  Wolff  n'ayant  pas  cru  devoir  dont 
ner  l'autorisation  demandée,  M.  Sommer  a  passé  outre  et  s'est 
fait  confectionner  un  livret  par  un  autre  poète,  M.  Gurski,  qu'il  a 
mis  en  musique  et  fait  publier.  De  là  le  procès.  M.  Sommer  pré- 
tend qu'un  auteur  n'a  pas  le  droit  d'empêcher,  par  un  refus 
arbitraire,  comme  celui  de  M.  Wolff,  qu'on  lire  parti  d'une  œuvré 
publiée  pour  en  créer  un  nouvel  ouvrage  d'un  genre  différent. 
Ainsi,  \e  Lurley  de  M.  Wolff' étant  un  poème  épique,  il  serait 
permis  à  chacun  d'en  faire  un  drame,  un  opéra,  sans  autre  obliga- 
tion que  de  citer  sa  source.  M.  Jules  Wolff  proteste  énergique- 
menton  le  comprend.  Les  tribunauVjiécideront. 


pETITE    CÎHROj^IC^ 


L'Exposition  des  XX,  la  plus  vivante  et  la  plus  attachante  de 
toutes  celles  qui  ont  été  organisées  depuis  sept  ans,  sera  irrévo- 
cablement close,  aujourd'hui  dimanche,  à  5  heures.     , 


Un  grand  concert  organisé  par  la  Réunion  des  Arts  et  du  Tra- 
vail, sous  la  présidence  d'honneur  de  M.  Poriaels,  directeur  de 
l'Académie  des  Beaux-Arts,  de  M.  Gevaeri,  directeur  du  Conser- 
vatoire, et  la  présidence  effctive  de  M™*  Lemmens-Shcrrington, 
sera  donné  au  profit  de  VOEuvre  pîiilanthropique  du  Travail, 
le  lundi  24  courant,  au  local  de  l'OEuvre,  rue  Veydt,  avec  le  con- 
cours de  M""»  Vanden  Bcrghe,  Moriamé-Lefebvre,  Sarah  Kayser, 


do  MM.  0.  Drèze,  Carlô  Sansoni,  Deboeck  et  de  la  Société  royale 
l'Orphéon,  dirigée  par  M.  Bauvvens. 

On  peut  se  procurer  des  caries  chez  les  principaux  éditeurs  de 
musique  et  au  local  de  l'OEuvre,  rue  Veydt,  47,  au  prix  de  3  et 
de  b  francs.  (Communiqué.)  "-  ; 


A, la  suite  delà  conférence  de  M.  Stéphane  Mallarmé,  la  com- 
mission administrative  du  Cercle  artistique  et  littéraire  de 
Bruxelles  a  été  réunie  d'urgence  dimanche  dernier  à  deux  heures. 
Le  président  et  l'organisateur  des  soirées  ont  été  pris  à  pariic. 
Ils  ont  vainement  fait  remarquer  que  M.  Stéphane  Mallarmé  est 
une  illustration  de  la  lillérature  française,  un  novateur  hardi  uni- 
versellement admiré.  On  leur  a  répondu  qu'il  eût  siffi  de  le  mon- 
trer sur  l'estrade  pendant  un  quart  d'heure  comme  un  numéro  de 
concert,  et  de  consacrer  le  reste  de  la  séance  à  M.  Coquelin,  .à 
M.  Frédérix,  à  M.  Dreyfus  ou  à  M"«  Thénard.  Bref,  on  a  volé, 
à  l'unanimité  moins  deux  abstentions,  qu'à  l'avenir  on  imposerait 
aux  conférenciers,'  outre  une  épreuve  préalable  devant  la  com- 
mission réunie,  l'obligation  de  ne  traiter  que  des  sujets  à  la 
portée  du  public  habituel. 

M.  Stéphane  Mallarmé,  informé  de  cet  incident,  dès  lundi,  a 
tenu  ce  propos  :  «  La  prochaine  fois  j'apporterai  une  boîte  de 
physique  amusante,  et  dès  que  je  m'apercevrai  que  l'auditoire 
s'ennuie,  je  me  mettrai  à  faire  des  tours.  « 


Le  jury  chargé  d'apprécier  les  œuvres  dramatiques  envoyées  au 
concours  de  1889  a  décidé  à  l'unanimité  que  le  prix  est  mérité 
par  la  comédie  en  trois  actes  intitulée  :  Les  Microbes,  portant 
pour  devise  :  «  Rien  n'est  beau  que  le  vrai  »  et  due  à  la  colla- 
boration de  JIM.  Louis  Claes  et  Jules  Guilliaume.  Elle  sera  repré- 
sentée prochainement  sur  une  scène  bruxelloise. 

Le  jury  a  de  plus  signalé,  comme  méritant  une  mention  hono- 
rable, deux  pièces  dont  les  devises  sont  :  Les  petites  querelles 
ravivent  l'amour  et  La  vie  est  inextricable. 

Les  enveloppes  jointes  à  ces  œuvres  ne  seront  ouvertes  que  du 
consentement  écrit  des  auteurs. 

Les  auteurs  sont. donc  invités  à  remplir  cette  formalité,  en 
s'adressant  au  secrétaire  de  l'Union  littéraire,  24,  rue  du  Pépin, 
à  Bruxelles,  s'ils  désirent  que  leur  nom  soit  proclamé. 

L'assemblée  générale  du  9  courant  a  décidé  qu'un  concours  de 
romans  et  de  nouvelles  sera  ouvert  en  1890  :  le  règlement  sera 
voté  au  commencement  du  mois  de  mars. 

VAngrlus  de  Millet  poursuit  ses  pérégrinations.  Ce  tableau 
est  arrivé  à  Chicago.  Après  qu'il  aura  été  suffisamment  exposé 
dans  celte  ville,  on  l'expédiera,  paraît-il,  à  Londres.  Un  amateur 
anglais  aurait,  dit-on,  offert  de  l'acheter  au  prix  de  750,000  fr. 

Il    paraît    que    M.   Vanderbilt  a   fait  offrir-  100,000  livres. 
(2,300,600  francs)  à  la  reine  Victoria  pour  la  RLu  de  Mcissonier. 
L'offre  a  été  repousséc. 

jjme  Angusla  Holmes  vient  d'accepter  d'écrire  et  de  mettre  en 
musique  un  Hymne  à  la  Paix  qui  sera  chanlé  au  mois  de  mai 
prochain,  au  théâtre  du  Polftcama  de  Florence,  à  l'occasion  de 
l'Exposiiion  du  travail  des  femmes  qu'on  organise  en  ce  moment. 

VHymnc  à  la  Paix  sera  chanté  par  un  chœur  de  trois  cents 
voix.  - 


M'"*  Materna  se  fera  entendre  aux  concerts  Lamoureux,  à  Paris, 
aux  dix-huitième  et  dix-neuvième  concerts  de  la  série. 


V- 


/ 


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A  bord  des  malles  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette 
Spécial  cabine,  28  francs  ;  Cabine  de  luxe,  75  francs. 

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AVIS.  —  Buffet  restaurant  abord.  —  Soins  aux  dames  par  ua personnel  féminin.  —  Accostage  à  quai  vis-à  vis  des  stations  de  chemin  de 
fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits).  —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  —  Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  VEsrjploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  l'Agence  générale  des 
'  Malles-Poste  de  l'État-Belge,  Montagne  de  làCour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n»  53,  à  Londres,  à  Y  Agence  de  Chemins  de  fer 
de  VÉtat,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vranchen,  Domkloster,  n»  1,  à  Cologne. 


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Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 
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Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 

Vient  de  paraître  chez  Edm.  DEMAN,  éditeur  à  Bruxelles 

LA  DAMNATION  DE  L'ARTISTE 

Par  I^VAN  OILKIN 

AVEC  UN   FONTISPICE  PAR  ODILON  REDON 

Tirage  unique  :  150  exemplaires. 

No»  1  à  10  sur  papier  Japon  impérial;  n°»  11  à  150  sur  papier  de 
Hollande  Van  Gelder.  (Les  n»»  111  à  150  en  sont  pas  mis  dans  le 
commerce]. 


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CHEZ  Edmond  Deman,  éditeur 

LES  FLEURS  DU  MAL 

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—      _     Charles   Baudelaire 

interprétation  par  Odilon   Redon,  album  de  8  planches  in-folio 
avec  couverture  illustréci  tiré  à  50  exemplaires,  en  souscription  au 
prix  de  35  francs  (40  francs  à  partir  du  jour  de  la  mise  en  vente). 
Les  dessins  originaux  sont  actuellement  exposés  au  Salon  des  XX. 

_  Breitkopf  et  Hârtel,  éditeurs,  Leipzig-BruAelles 


TRAITÉ  PRATIQUE  DÉ 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  do  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour, piano  par  J.-G.  Lobe. 

Traduit   de   l'allemand   (d'après   la   5®  édition)   par 

GustaveHSandré. 

VIII  et  379  p.  g.r.  in-8".  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 
Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  ^pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  La  pr^ente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  rares  ouvrages  d'enseignement  musical  ies 
plus  estimés  en  Allemagne. 


Bruxelles.  —  Imp.  V*  Monmom,  26,  rue  de  l'Industrie. 


Dixième  année.  — ^  N"  9. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  2  Mars  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTERATURE 


/ 


Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


Ym 


ABONNEMENTS  :    Belgique,    un   an,    fr.    10.00;  Union   postale,-  fr.    13.00.    —ANNONCES   :    On.  traite   à   forfait. 

*  Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  26,  Bruxelles. 


? 


OMMAIRE 


\ 


Types  d'artistes.  —  La  oonfkrence  de  Stéphane  Mallarmé  scr 

ViLLIERS    DE    l'IsLE-ADAM.     —     CONFESSION    DE    POÈTE.      —     CoNCERTS 

PARISIENS.  —  Conférence  de  M.  Sigogne.  —  Mémento  des  Expo- 
sitions. —  Petite  chronique. 


TYPES  D'ARTISTES 

.  L'autre  soir,  après  un  dîner  d'artistes  où  l'on  avait 
réveillé  des  souvenirs  assoupis,  où  la  causerie  avait  dis- 
crètement effleuré  des  problèmes  d'art,  —  cettè^eauserie 
si  douce  quand  elle  émane  d'hommes  ayant  assez  d'idées 
communes  pour  se  comprendre  à  demi-mot,  —  le  hasard  - 
des  vadrouilles  nocturnes  nous  poussa  dans  un  de  ces 
cabarets  dont  le  Chat  noir,  jadis,  instaura  le  modèle  : 
bric-à-brac  suspect,  donnant  l'aspect  approximatif  d'un 
atelier  de  rapin,  murs  tapissés  d'études,  de  charges, 
de  pseudo-Willette,  de  toute  une  brocante  de  palettes, 
de  tambourins,  de  crépons  et  d'écrans  fraternisant  avec 
les  faïences  poly chromées,  les  plats  d'étain,  les  chande- 
liers de  cuivre  accrochant  des  paillettes  de  lumière.  Et, 
brusquement,  l'évocation  de  cette  friperie  romantique 
nous  afl'ecta,  comme  un  accord  faux  plaqué  en  pleine 
symphonie.  Notre  gaieté  tomba  devant  cette  grimace 


de  l'Art,  parodiant  ce  que  tous  nous  révérons,  et  le 
cabotinage  du  décor  nous  glaça. 

Pour  la  foule,  peu  au  coiirant  des  transformations  que 
chaque  génération  amène  dans  les  mondes  qu'elle  ne  fait 
qu'entrevoir,  les  cabarets  soi-disant  artistiques  représen- 
tent assez  exactement  l'yitérieur  des  peintres  d'aujour- 
d'hui. Ell^  figure,  et  la  détromper  ne  sera  peut-être  pas 
aisé,  les  peintres,  les  musiciens; "les  "poètes  embrigadés 
indistinctement  dans  ce  régiment  de  Bohême  dont  Henry 
Miirger  créa  jadis  les  uniformes  pittoresques.  Il  y  a, 
certes,  des  gens  convaincus  que  tous  les  artistes  sont 
vêtus  de  gilets  voyants,  passent  leurs  nuits  à  boire, 
mènent  une  vie  de  bâtons  de  chaise.  Et  cette  phrase  : 
«  On  ne  dirait  pas  que  c'est  un  artiste  »,  quintessencie 
l'ineffable  bêtise  des  bourgeois  persuadés  que  pour  être 
poète  il  faut  avoir  l'air  phtisique  et  porter  des  redin- 
gotes râpées;  que  les  musiciens  saniipncent  au  loin  par 
l'abondance  inusitée  de  leur  chevelure  ;  que  les  peintres 
se  manifestent  aux  profanes  par  des  vestons  en  velours, 
des  barbes  hirsutes,  et  lé  débraillé  de  leurs  gestes 
ponctuant  de  coups  de  pouce  en  zig-zag  des  dialogues 
émaillés  de-nnpts  d'argot. 

La  vérité  est  que  les  Schaunard,  les  Marcel  et  les 
Colline  deviennent,  en  cet  an  1890,  si  rares  que  pour 
n'en  pas  perdre  complètement  le  souvenir,  intéres- 
sant pour  l'histoire  documentaire  de  l'art,  il  sera  utile 
d'en  faire  placer  quelques  exemplaires  (réduction  Castan) 


V^ 


^ 


,1- 


i    ^^,1 


dans  les  Musées  archéologiques.  Et  que  les  malheureux 
(il  en  est  encore,  du  moins  on  l'afifirme)  qui  s'épuisent 
en  excentricités  pour  ne  pa^  être  «  confondus  "  avec 
les  ingénieurs,  les  avocats,  les  ministres  et  les  notaires, 
passent  à  l'état  de  phénomènes  isolés  dont  la  vue  dis- 
trait le  passant,  —  comme  jadis  ce  grand  seigneur  dont 
la  coquetterie  consistait  à  porter  dans  les  rues  des  pour- 
points à  crevés,  des  collerettes  tuyautées,  des  culottes 
d'un  xvii"  siècle  authentique  enfoncées  dans  des  bottes 
molles  i\  manchettes.  

Mais  la  toilçtte  est  d'observation  négligeable  en  pré- 
sence de  la  révolution  qui  s'est  faite  (Jans  les  idées,  dans 
la  mani^rQ  de  vivre,  dans  la  personnalité  tout  entière 
des  artistes.  Et  c'est  ici  que  la  remarque  est  impor- 
tante, car  elle  correspond  à  un  bouleversement  profond 
de  l'art  lui-même. 

Depuis  que  les  procédés,  d'instinctifs  qu'ils  étaient 
naguère,  sont  devenus  scientifiques,  que  les  méthodes 
d'investigation  se  sont  faites  rigoureuses,  que  la  tech- 
nique des  arts,  excluant  toute  complicité  du  hasard, 
exige  un  labeur  assidu  et  une  constante  concentration 
de  pensée,  un  changement  s'est  produit,  tout  natu- 
rellement, dans  la  personnalité  des  artistes,  nous 
entendons  parler  surtout  des  artistes  français.  La 
précision  de  l'expression  plastique  a  déterminé, 
semble-t-il,  la  correction  de  l'individualité.  La  somme 
effrayante  de  connaissances  qu'il  faut  acquérir  en 
peu  d'années,  au  risque  d'être  relégué  aux  arrière- 
gardes  du  bataillon  toujours  en  marche,  oblige  à  un 
travail  incessant,  entrepris  dès  l'adolescence  et  pour- 
suivi sans  relâche  si  l'on  entend  res.ter  parmi  les  milices 
actives  et  ne  point  passer  dans  les  réserves.  Jamais,  à 
aucune  époque,  les  évolutions  artistiques^n'ont  été  aussi 
rapides.  Il  est  presque  permis  de  dire  que  dix  années 
sont  le  maximum  d'épanouissement  qu'il  soit  donné  à 
un  artiste  d'atteindre,  et  qu'après  ces  dix  années,  le 
souvenir  seul  persiste  d'un  éclat  disparu.  Pour  arriver 
à  cette  gloire  temporaire,  quel  labeur  acharné,  quelle 
vie  de  concentration  intellectuelle,  de  solitaires  médita- 
tions, de  patientes  études  ! 

Les  exemples  foisonnent.  Georges  Seurat,  qui  le 
premier  appliqua  audacieusement  les  découvertes  de 
Maxwell,  de  Chevreul  et  les  théories  de  Rood  sur  la 
division  pigmentaire  des  tons,  tâcheronue,  les  six  jours 
de,la  semaine,  comme  un  ouvrier,  de  neuf  heures  du 
matin  à  sept  heures  du  soir,  en  ce  modeste  atelier  clair 
du  boulevard  de  Clichy  dénué  de  tout  bricà-brac,  où 
seules  rayonnent,  dans  la  blancheur  des  cadres,  les 
études  rapportées  d'un  séjour  à  la  mer  ou  aux  champs, 
—  séj-our  non  de  repos  et  de  vacances,  mais  d'acharné 
travail  et  d'emmagasinement  documentaire.  Au  phy- 
sique :  l'homme  simple,  correct,  réfléchi,  à  la  parole 
mesurée  et  précise  que  vous  aVez-piy;ertcontrer  parfois, 
vêtu  de  noir,  mêlé  à  la  foule  d'une  ouverture  d'exposi- 


tion, et  ne  se  distinguant  du  premier  passant  venu  que 
par  l'énergie  d'un  visage  placide  qu'anime  un  regard 
implacablement  décidé. 

La  bonhomie  et  la  bienveillance  d'Odilon.  Redon,  sa 
vie  laborieuse  partagée  entre  son  art,  sa  femme  et  son 
fils,  tantôt  dans  le  rustique  asile  d'une  maisonnette 
plantée  à  l'orée  de  la  forêt  de  Fontainebleau,  tantôt,  et 
durant  la  grande  partie  de  l'année,  en  ce  solitaire  appai^ 
tement  de  la  rive  gauche  d'où  l'artiste  ne  sort  guère 
que  pour  faire  une  promenade  méditative  —  presqu'une 
orai-son  !  —  sous  les  ombrages  du  Luxembourg,  étran- 
ger au  Paris  qui  bout  à  ses  pieds,  confiné  dans  son  rêve, 
et  de  si  loyales  et  courtoises  relations  avec  les  très  rares 
qu'il  honore  de  son  amitié,  —  en  quoi  cette  véridique 
évocation  de  «l'homme  modeste  et  bon.  que  nous  vîmes," 
parfois,  durant  les  trop  rapides  jours  d'un  pèlerinage 
d'art  en  Belgique,  intimement  ici,  s'accorde-t-elle  avec 
la  figure  inquiète,  excentrique,  tourmentée,  qu'imagi- 
nerait tel  ou  tel,  appréciant  selon  les  modèles  jadis  qua- 
lifiés :  types  d'artistes,  le  peintre  des  Fleurs  du  Mal  et 
du  Juré? 

Et  Claude  Monet,  ce  rustique  mâtiné  de  parisianisme, 
dont  pas  un  détail  de  toilette,  de  geste,  de  vocable  ne 
décèle  l'artiste  que  nous  admirons.  Et  Degas  !  Et  Puvis 
de  Chavannes!  Et  Rafi'aëlii!  Et  Besnard!  Je  les  cite  au 
hasard,  sans  souci  des  groupements  ni  des  âges. 

Si  l'on  songe  aux  hommes  de  lettres,  aux  musiciens, 
on  est  frappé  de  la  simplicité  d'allures,  de  l'absence  de 
"  pose  »,  de  l'aspect  "  comme  tout  le  monde  -  qu'ont 
désormais  tous  les  hommes  de  valeur  de  la  France 
nouvelle. 

Rappellez-vous  Stéphane  Mallarmé  montant  à  la  tri- 
|)une  du  Cetxle  artistique  et  des  XX  irréprochable- 
ment vêtu,  cravaté,  plastronné,  les  gants  au  gibus, 
comme  le  premier .  dandy  venu,  et  d'extérieur  si  peu 
farouche  avec  ses  cheveux  lustrés,  sa  courte  barbe  gri- 
sonnante, sa  moustache  poivre  et  sel  qui  lui  donne  une 
lointaine  ressemblance  avec  M.  Charles  Graux,  ancien 
ministre  des  finances.  Dans  l'intimité  :  l'homme  le  plus 
cordial,  le  phis  affable  qui  soit,  étincelant  dans  la  cau-- 
serie,  mais  ne  parlantjamais  pour  dire  des  riens;  conteur 
spirituel  et  charmant;  féministe  raffiné,  recherchant  la 
corapagni^es  femmes,  sachant  leur  plaire  par  une 
galanterie  pleine  de  déférence  et  par  des  attentions  res- 
pectueuses. 

Le  souvenir  nous  hante  de  Georgeâ"  Ancey,  l'auteur 
de  Y  École  des  veufs,  que  précisément  nous  reçûmes  à 
Bruxelles  quelques  jours  avant  Mallarmé.  Au  physique: 
le  visage  énergique,  calme,  réfléchi  deOeorges  Seurat. 
Même  taciturnité.  L'œil,  inquisitorial,  toujours  en  sai- 
sie d'observations  railleuses  et  de  documents  neufs. 
Puis,  la  conversation  amicalement  engagée,  des  aperçus 
très  fins,  très  nets,  très  personnels  énoncés  sans  aucune 
prétention,  sans  nul  désir  de  briller,  de  tirer  le  tradi- 


tionnel  feu  d'artifice  des  malheureux  qui  se  croient 
tenus  de  maintenir  une  réputation  d'homme  d'esprit 
laborieusement  acquise  dans  les  diners  en  ville  et  qu'on 
voit  encore  à  Bruxelles,  au  théâtre,  errant  d'un.e  loge  à 
l'autre,  colportant  une  anecdote  ou  un  «  mot  de  la  fin  ", 
en  quête  d'un  «  ah!  charmant!  que  d'esprit!  -  et  qui 
excitent,  en  somme,  plus  de  pitié  que  de  raillerie. 

Et  Vincent  d'Indy,  la  plus  haute  personnalité  musi- 
cale de  la  génération  actuelle,  désormais  presque  popu- 
*n^aire  à  Bruxelles,  quelle  totale  absence  de  puffisme, 
quelle  séduction  dans  l'absolue  simplicité  de  ses  manières 
et  dans  la  modestie  de  son  talent.  Vous  souvenez-vous  de 
la  bonhomie  avec  laquelle,  sur  l'estrade,  il  disposait  lés 
pupitres,  plaçait  les  choristes,,  s'installait  à  l'harmo- 
nieux, juché  sur  une  caisse  de  bois  !  Où  donc  la  pose  des 
musiciens  de  jadis,  les  entrées  savamment  ménagées,  la 
chasse  anxieuse  aux  applaudissements,  et,  comme 
plusieurs,  même  contemporains,  lès  mots  à  la  canton- 
nade  destinés  à  être  trompettes  par  des  reporters,  les 
allures  de  jeune  dieu  aux  regards  extatiques,  la  grande 
pose  que  Liszt,  notamment,  poussa  jusqu'au  vertige? 

César  Franck  serait  pris  pour  un  notaire  de  cam- 
pagne Gabriel  Fauré  pour  un  officier  en  congé.  Pierre 
de  Bréville  pour  un  secrétaire  de  légation.  Tous  les 
artistes  français  qui  prennent  part  à  la  merveilleuse 
rénovation  artistique  qui  mai'que  notre  époque  ont,  à 
fort  peu  d'exceptions  près,  rompu  définitivel^ent  a^ec 
la  tradition  des  «  tètes  ",  des  mises  bizarres,  des  effets 
d'  «  épatement  ",  de  même  qu'ils  ont  renoncé  aux 
mœurs  de  bohème  que  le  public  continue  à  leur  prêter. 

La  conclusion?  Il  n'y  en  a  pas.  On  peut  être  un  très 
grand  artiste  et  aimer  à  se  singulariser.  Mais  la  ten- 
dance à  supprimer  de  l'art,  cette  grande  force  sociale. 
jusqu'à  l'apparence  du  cabotinage,  nous  plaît  infiniment, 
et  peut-être  n'était-il  pas  inutile  de  noter,  en  ces  sil- 
houettes sommaires,  la  rentrée  dans  les  ranas  de  notre 
société  démocratique  de  tous  ecux  qu'on  se  plait 
à  traiter  d 'irréguliers.  Telle  est  la  pensée  qui-  nous 
obsédait  tandis  que  nous  marchions,  par  une  nuit 
étoilée,  dans  les  rues  solitaires,  après  ce  confraternel 
repas  où  nous  avions  réveillé  de  chers  souvenirs 
assoupis 

U  COHFÉRENGE  DE  STÉPHANE  MALLARUIIÉ 

SUR  VILLIERS  DE  LiSLE-ADAM  (1) 

III 

Atleslaicur  du  désastre  qni  suivra,  je  me  diMiiando  vis-h-vis  do 
cet  afflux  de  splendeur  en  dedans,  l^e  plus  grand  qui  fut  chez  un 
être,  indéniablomenl  que  des  circonstances  préparaient,  hérédité, 
éducation  sauvage  par  soi  et  les  grèves,  un  nom,  à  lancer  haut 
comme  sa  pensée,  si  Villiers  de  l'Isle  Adam  ne  resta  pas  inlé- 

(1)  Suite  et  fin.  —  Voir  notre  dernier  numéro. 


riouremcnt  et  îi  jamais  consumé  par  celte  jeunesse  qui  fut  —  son 
coup  do  foudre  pour  lui-même;  encore  jo  me  demande  cela  et  me 
demanderai  bientôt  d'autres  choses,  car  voici  de  ['rnailendu  — 
«Vous  savez.  Villiers  va  mal.  »  —  «  Bah!  un  rhume  >».  — 
.  «  Plus!  »  s'ahorda-t-on  :  Voici  l'invasion,  brusquée,  il  semble, 
du  tragique,  tant  sa  vie,  dans  des  redites  d'ennuis,  s'était  essouf- 
llc'e,  et  usée,  ou  supprimée  :  maintenant  gil  la  comme  un  fort 
ancien  vieillard,  dénué  d'âge,  ayant  beaucoup  bataillé,  l'homme 
qui  n'a  pas  été,  que  dans  ses  rêves. 

Tant  de  bravoure!  et  ne  survit  que  ce  visage  émacié  de  mori- 
bond avec  angoisse,  recherchant  en  soi  la  personnification  d'un 

dos  types  humains  absolus Consomption,  que  sais-jc?  désordre 

du  rœW,  mais  on  oublie  un  certain  virus  laissé  par  la  rage  d'avoir 
semblé  superflu  à  son  temps;  et  c'est  adossé  aux  oreillers  du 
malade,  la  rcconslltulion  de  Intime  tierlé  devant  une  évlclence 
que,  tout  ce  qu'il  y  avait  de  pos-sible,  dans  le  milieu,  il  le  tenta 
et  que  donc  sa  vie  si  dissémiiiée,  omise  presque,  existait.  Il  dis- 
cutait son  cas,  se  livrait  ^  des  règlements  de  compte  particuliers 
avec  le  ciel  :  «  Ce  ne  serait  pas  juste  »,  puis  un  soupir.  —  «  Tu 
assistes  »  je  vote  la  Visitation  funèbre  du  regret  «  sache-le  »  con- 
tinuait sa  face  au  crépuscule  qui  retombait  dans  la  propreté  de 
rideaux  blancs,  «  à  un  litige  c.rilre  Dieu  et  moi  »  :  ou,  un  malin, 
affolé;  el  comme  instruit,  par  quehiuc  sagace  cauchemar,  que 
grâce  ne  serait  pas  faite  :  «  J'ai  trouvé,  dans  la  nuil,  doux  blas- 
phèmes au  trois...  »  mais  il  n'achevait  pas,  hlial  ;  soit  qu'il  les 
tint  pour  le  moment  opportun. 

IV 


Tel,  dans  son  intégrité,  restituée  enfin,  durable,  tout  à  l'effigie 
d'un  homme  énigm.uique  de  qui  la  présence  en  ce  temps  est  un 
fait,  l'œuvre  qu'évoquera  le  .nom  de  Villiers  de  l'Iilc-Adam;  et 
dont  l'impression,  somme  toute,  no  ressemblant  à  autre  chose, 
choc  de  triomphes,  trislcsse  abstraite,  rire  éperdu  ou  pire  qoand 
il  se  lait,  et  le  gli.ssemoni  majestueux  d'ombres  el  do  soirs  avec 
une  inconnue  gravité  et  la  paix,  no  romcmore  ([uo  l'énigme  do 
l'orchestre  :  et  mon  suprême  avis,  le  voici.  Il  semble  que  par  un 
ordre  de  l'esprit  litiéraire,  et  par  prévoyance,  au  moment  exact 
où  la  Musique  parait  s'adapler  mieux  (^u'aacun  rite  "a  ce  qiio  do 
latent  recèle  ei  d'à  jamais  lénébroux  une  prcSi.^nco  do  foulo,  col 
écrivain  ait  été  montré  que  rion,  dans  l'inarliculation  ou  l'ano- 
nymat do  ces  cris,  jubilation,  orgueils,  ivresse  et  tous  transports, 
n'existe,  que  ne  puisse,  avec  une  magnificonce  it'j^i}.<^  et  do  plus 
notre  conscience,  cotl'e  clarté,  rendre  la  vieille  et  sainte  élocuiion  ; 
'bu  le  Verbe,  quand  c'est  quelqu'un  qui  lo  protore. 


MeSDA.MES,     -  ^ 

Messielrs, 

Tandis  qu'ici  venu  j'espcrais,  comme  fréquemment  nous  lo  fai- 
sons, quelques  tidèlos,"  entre  nous,  évoqijer  d'un  traiî.  ou  do  Ct'l 
autre,  une  figure,  qui  n'oiit  dans  le  siècle  et  n'aura  plus,  i  cause 
de  circonstances  spéciales,  sa  pareille  oxaclemcnt,  voici  que  jo 
me  suis  avisé  que  ces  riens  qu'à  part  soi  on  se  dit,  brusquemonl 
s'évanouiraient,  dans  la  solennité  que  rend  aujourd'hui  le  nom  de 
Villiers  de  l'Iste-Adam,  à  votre  attention  proposé;  et  que,  du  reste, 
celui  que  je  croyais  raconter  —  avaii  si  peu  vécu. 

Maintenant  l'espèce  de  silence,  immédiat  et  décent,  sur  les  inci- 


A 


/ 


68 


U ART  MODERNE 


-^ 


I 


i 


dents  de  sa  carrière  cl  même  rclativemenl  k  sa  pcrsonnej  qui  suit 
la  disparition  de  tout  contemporain,  a  déjà  lieu  pour  ce  grand 
homme;  oubli,  non,  mais  attente,  la  vraie  dalle  funéraire,  cela  : 
jusqu'à  ce, que  très  inopinément  et  soudain  une  conviction  se 
répande,  par  personne  et  d'autant  mieux,  établie.  Nous  ne  pou- 
vions, vous  ni  moi,  rompre  cette  trêve  auguste,  pnr  un  entretien 
facile;  et  vous  étiez,  j'en  demeurai  surpris,  du  coup  privés  de  ce 
qui,  je  le  sais,  fait  l'altrail  des  causeries  en  public,  l'anecdote; 
cette  j^xistence  d'un  pur  héros  des  lettres,  totalement,  ayant 
tourné  au  drame  :  irruption,  naguères,  de  précoce  enfant  de 
yictoires  et  de  songe,  dans  un  cénacle  expcclant  de  lettrés,  ou  la 
résignation  d'hier  acceptée  par  le  glorieux  défait. 

Vous  avez  bien  voulu  que  l'espace  qui  isole  d"une  assemblée 
celui  h  qui  elle  a  conféré  la  parole,  fût  comblé  par  quelque  chose 
que  j'ose  croire  de  la  sympathie,  ou  tout, au  moins  quelque 
intérêt,  pour  l'aventure.  Peut-être  reconnaîlrcz-vous  dans  cet 
accord,  entre  du  tact,  le  vôtre,  et  ma  sévère  intention,  un  motif 
de  plaisir  délicat,  autre  que  ne  l'eût  fourni  la  distraction  prise 
à  des  menus  faits,  et  même  quelque  contentement  secret  afférent 
à  une  justice  rendue  à  quelqu'un  qui  ne  sera  jamais  là  pour  en 
témoigner.  Je  le  lui  rapporte. 

J'ai  tâché  de  dérouler  devant  vous  celte  page  humaine,  en  sa 
virginité,  une  des  plus  belles,  encore  que  lacérée  en  maint 
endroit,  et  roulée,  par  de  bien  mauvaises  conjonctures  —  gardant, 
toutefois,  pour  vous,  un  charme,  autant  que  s'il  s'agissait  de  faits 
d'un  autre  âge,  ou  même  invraisemblables. 

Etonné  que  j'étais,  au  début,  devant  ce  manque  aussitôt  perçu 
d'aucun  amusement,  en  mémo  temps  que  je  m'en  expliquai  la 
fuite  futile  par  la  haute  atmosphère  à  l'avance  dégagée  de  votre 
auditoire,  je  me  remémorais  pourtant  que  si  !  dans  les  dernières 
années  de  mon  camarade,  il  exista  une  circonstance  vous  rappro- 
chant familièrement,  vous  et  lui. 

Oui  chez  celui  en  qui  toujours  sourdit  l'allégresse  sans  cause, 
prudemment  et  supérieurement  soustraite  à  l'aljliaïfe  des  bonheurs 
possibles,  un  fait,  le  seul,  depuis  d'infinis  jours,  qu'il  ait  con- 
-senti  b  associer  h  son  jaillissement  personnel  de  délice,  même  au 
milieu  de  tracas,  je  veux  dire  sa  venue  ici  dans  celte  bienveil- 
lante salle,  assis  qu'il  fut,  un  soir,  sur  ce  siège,  où  je  prends 
indûment  sa  place,  sans  en  rendre  l'équivalence,  n'était  que  j'ai, 
en  les  citant,  éveillé  plusieurs  de  ses  immortelles  pensées.  Il  se 
sentait  "las  déjà,  du  vieux  combat  :  et  dans  la  main,  très  proche 
de  sa  vue  anxieuse^  s'agitait-et  battait  d'une  blancheur  particu- 
lièrement fébrile  le  papier  de  tous  ses  instants  intimes  ou  d'ap- 
parat (du  moins  me  l'a-t-on  dit),  mais  il  crut  éprouver,  fut-ce  une 
illusion?  accordons  la  lui  rétrospectivement,  qu'il  n'avait  pas 
été  inaperçu.  Ah!  comme  il  nous  revint  transfiguré,  et  ceux, 
vous,  d'autres,  dont  la  poignée  de  main  distante  lui  suggéra  une 
foi  émue  en  un  enthousiaste  accueil,  ne  me  direz  pas  que  non  : 
il  le  savait  mieux  que  tous!  et  on  ne  peut  dénier  à  autrui  lui 
avoir  procuré  un  plaisir,  sans  que  ce  ne  soit  le  reconnaissant  qui 
a  raison,  — rappelez-vous,  il  dut  y  avoir,  ce  soir  de  1888,  comme 
aujourd'hui  pour  son  absence,  qui  déjà  l'accompagnait,  l'enve- 
loppait, de  votre  part  un  muet  encouragement  qui  lui  fil  du  bien. 
L'écho  vous  en  revient  avec  mo». 
Je  souris. 

Sachez  qu'il  arrêtait,  prolixe/  dans  son  sérieux  orgueil ,  les 
gens,  même  peu  au  fait,  sur  sa  route  :  «<  EJi!  eh!  —  Bruxelles,  » 
je  l'entendrai  toujours,  et  dans/celte  apostrophe  comme  un  aver- 
tissement gouailleur  de  :  Vous  n'avez  qu'à  vous  bien  tenir,  vous 


autres  ici,  —  il  reprenait  :  «  Bruxelles,  oui,  je  n'en  dis  pas 
plus.  »  Il  ne  disait  réellement  pas  autre  chose',  puis  passait  ;  mais 
revenu  bientôt  :  v.  lly  a  Liège  aussi,  Anvers,  Bruges,  Gand,  » 
au  rappel  de  cités,  qui  font  le  voyageur  attentif  et  ravi,  ajoutant  : 
«  Des  messieurs  que  cela  (il  parlait  du  Génie),  n'induit  pas  au 
bâillement,  et  des  dames  qui  ont  l'air,  je  —  m'y  connais  — ont 
l'air  de  prendre  goût;  et  quant  à  la  jeunesse...  là  le  terme 
d'  «  ovations  »  se  tempérait  de  cet  autre  seul  de  «  fraternelle 
bienvenue  ».  A  la  longue  c'était  un  récit  où,  sous  son  geste  de 
sculpteur  en  horizons,  vos  paysages  même,  tout  acquérait  une 
insolite  valeur,  et  sa  fixité  se  détendait  en  notre  conviction. 

Le  pavé  ordinaire  deParis,  quand  s'éloignait  lé  fêté  à  son  tour, 
sonnait  comme  sous  le  pas  de  qui,  mainlcnant,  peut  s'en  aller,  il 
connaît  quelque  part  une  autre  ville. 

L'exlage  longtemps  persista. 

Son  plus  tenace  espoir,  voici  jour  pour  jour  un  an,  fut  de 
revenir,  et  le  matin  qu'accablé  il  dit,  déshabiiuani  ses  yeux  de  la 
vision  d'un  cher  lointain  —  qui  était  ce  lieu  :  «  Je  n'irai  pas, 
apparemment,  en  Belgique,  »  moi,  je  compris  un  sens  plus  défi- 
nitif à  ses  paroles.  ^~     -  . 

Mon  dessein  se  forma  dès  ce  temps  de  vous  parler,  ici,  un 
jour,  de  lui;  et  ce  serait,  à  ma  présomption,  un  motif  suffisant, 
ou  plausible,  n'eussé-je  pas,  en  des  minutes  comptées,  à  souhait 
évoqué  un  si  lumineux  fantôme,  que  d'apporter  en  son  nom 
désoVmais  imprimé  seulement,  —  du  pays  prestigieux  toujours 
par  lui  habité  et  maintenant  surtout  (car  ce  pays  n'est  pas),  — 
comme  une  bouffée  unique  de  joie  et  une  exaltation  suprême,  — 
à  la  terre  amicale  qui,  un  moment,  se  mêla  à  ses  rêves,  —  ce 
Message.    ,  . 


CONFESSION  DE    POÈTE 

Voici  la  deuxième  confession  de  poète.  Voir  notre  dernier 
numéro.  Il  s'agit  encore  de  ces  questions  :  Que  pensez-vous  de 
l'Art  en  général?  Quel  est  votre  art?  etc.,  etc.  : 

Vous  désirez  que  je  vous  dise  quelques  mots  de  moi-même, 
de  mon  art  et  de  mes  tendances.  Je  ne  sais  trop  comment  m'y 
prendre  sans  une  certaine  fatuité.  El  d'abord,  il  faut  bien  que  je 
sois  bref  sur  ce  sujet,  n'ayant  presque  rien  publié,  ensuite  parce 
que  je  ne  pourrais  vous  caractériser  en  moi,  et  en  un  état  encore 
latent^  qu'une  des  forces  de  cet  art  byzantin  et  hermétique,  tout  de 

raffinement  de  nuances  d'aujourd'hui,  dont  une  conception  plus 

générale,  plus  synthétique,  vous  détourne  un  peu,  je  crois,  et 
dont,  dans  tous  les  cas,  il  ne  peut  être  question  ici.  Mes  écrits 
antérieurs,  en  effet,  sont  presque  une  exception  pour  moi.  Je  vis 
d'habitude  en  une  cité  de  nuages  d'un  bien  différent  caractère.  Je 
crois  cela  une  manifestation  isolée  et  réactive  du  Flamand  que  je 
suis,  une  combinaison  fortuite  des  éléments  flamands  et  anglais 
qui  font  ma  vie  intellectuelle,  du  fantastique  des  uns  avec  le  réel 
sensuel'dcs  autres. 

Du  reste,  je  me  définis  généralement  l'Art  que  j'aime  et  vers 
lequel  me  portent  mes  tendances  personnelles  :  une  expression 
particulière  du  surnaturel  ou  du  divin  dans  la  vie,  un  moyen  de 
communication  avec  la  beauté  absolue.  C'est  la  Beauté  célébrée 
par  Baudelaire  dans  le  Sonnet  XVIII  et  V Invitation  au  voyage. 
Cette  région  que  vous  nonyniez  un  jour,  très  justement,  le  fan- 
tastique imaginaire,  celui  de  Ligeia  et  de  Seraphila,   en  oppo- 


■  I 


^ 


VART  MODERNE 


69 


silion  avec  le  fantastique  réel.  Mais  la  distance  enlre  les  deux  csi 

aisément  franchissable,  d'autant  plus   que  l'esprit  flamand  me 

semble  assez  bien  le  sens  de  l'imprévu,  du  bizarre,  du  grotesque 

réel,  comme  dans  Uylenspiegel  et  Breughél-le- Drôle,  de  ce  que 

«vous  appeliez  le  bizarre  dans  l'effrayant,  (esprit  si  différent  de 

celui  des  Latins,  qui  me  paraît  plus  verbal  et  de  raison)  et  qu'il 

suffit,  en  somme,  de  divergences  accidentelles  pour  que  le  rêve 

»  évolue  tantôt  en  des  régions  plutôt  morvcilleuses,  imaginaires, 

presque  abstraites,  tantôt  en  d'autres  plutôt  fantastiques,  réelles 

'  et  concrètes. 

Celle-ci  est  celle  de  mes  proses,  l'autre  est  celle  de  mes 
vers,  et  c'est  celle  ofi  je  m'enfonce  de  plus  en  plus.  Je  la  conçois 
un  peu  comme  un  Eden,  un  jardin  fermé,  voilé  d'ombres  cl  sans 
frissons,  à  peine  encore  terrestre  et  où  vivrait  seule,  à  côté  de 
créatures  de  révc,  la  Nature  artificolle  et  lumineuse  en  elle-même, 
sans  réverbérations  de  G.  Morcau,  par  exemple,  de  Baudelaire  ou 
de  Mallarmé.  J'ajouterai,  pour  compléter  cette  définition  de  mon 
idéal,  que  j'en  bannirai  aussi  la  tristesse;  c'est  presque  dire 
l'humanité;  mais  je  ne  puis  comprendre  l'art  qu'aux  heures 
heureuses  (comme  les  chants  ou  les  fleurs  au  soleil),  que  comme 
un  contact  avec  la  beauté  absolue,  partant  avec  la  Joie.  Mais  c'est 
une  appréciation  personnelle,  et  chez  moi  plus  instinctive  que 
raisonnée.  Il  m'est  facile  d'admirer  des  expressions  d'art  plus 
général,  d'art  grec  enlre  autres;  cependant,  mon  éducation  litté- 
raire et  artistique  me  détermine  h  admirer  presque  exclusivement 
des  œuvres  signalées  comme  exceptionnelles  et  maladives,  même 
comme  produites  par  des  situations  anormales  d'esprit.  Je  ne  vois 
pas  bien,  dès  lors,  la  possibilité  d'une  communion  des  autres 
esprits  robustes  et  sains  avec  ce  qui  n'est,  dans  la  vie  qu'une 
exception.  C'est  dire  que  je  préfère  des  écrivains  d'exception 
comme  Barboy,  Baudelaire,  Mallarmé,  Laforgue,  à  des  écrivains 
d'un  caractère  plus  général  el  plus  grand  peut-être,  comme  Hugo 
et  Balzac. 

J'ajouterai,  pour  compléter  la  définition,  que  dans  cette  région 
déjà  particulière,  quelques  êtres,  particuliers  aussi,  seuls  me 
sollicitent. 

Ce  sont  des  jeunes  filles,  presque  des  enfants,  les  Camille,  les 
Alberto,  la  petite  Masque  de  Barbey,  certaines  de  Laforgue,  de 
Poictevin,  de  Kalc  Greenaway  et  des  primitifs  ;  d'auires  de  Botti- 
cclli,  de  Burne  Jones.  René  Ghil,  que  je  suis  loin  d'aimer,  les 
entrevoyait  aussi,  mais  en  naturaliste  :  «  Qui  nous  a  dit,  demande 
René  Ghil,  l'œuvre  sourde  et  mystérieuse  de  la  vie  prise  aux  ûges 
où  se  révèlent  les  éveils  de  sang  el  de  pensée  ;  de  dix  et  douze 
ans  à  vingt  ans  :  l'heure  des  Pubertés?  »  C'est  cette  puberté  mêlée 
de  perversité  et  d'ingénuités,  de  troubles  el  de  rêves,  de  précocité 
singulière  dont  les  suggestions  me  tentent  ;  c^cçt,  je  ne  me  le 
dissimule  pas,  une  tendance  maladive,  de  décadence.  3Iais  com- 
ment ne  pas  être  de  son  temps,  et  n'en  pas  subir  les  maladies  ? 

J'ai  essayé,  en  quelques  pièces  timides,  de  réaliser  cet  idéal 
britannique,  sans  trop  y  parvenir,  en  des  vers,  en  quelques 
contes  très  brefs  et  plutôt  résumés,  cl  peut-être  l'ai-je  plus  claire- 
ment encore  ébauché  en  quelques  petits  croquis,  hélas  bien 
gauches,  mais  qui  ont  le  mérite  de  résumer  mieux  par  leurs 
lignes  que  par  mes  paroles  encore  confuses  certains  côtés  de  l'art 
que  je  rêve.  Je  me  suis  permis  de  vous  en  offrir  un,  le  plus  carac- 
léristique,  à  titre  de  document  ou  de  figure  explicative  dans  cette 
courte  dissertation  sur  moi-même. 


Nouveaux  Concerts  de  Liège. 

TROISIÈME   SÉANCE 

Cette  fois  encore,  il  convient  de  louer  MM.  Sylvain  Dupuis  et 
Vandenschilde.  Ce  concert  a  été  des  meilleurs  qu'ils  nous  aient 
donnés. 

M.  Dupuis  compose  bien  ses  programmes.  A  côté  des  grands 
maîtres  :  Beethoven  cl  Wagner,  qu'il  ne  néglige  jamais,  il  réserve 
une  place  aux  lutteurs,  aux  compositeurs  jeunes  ou  peu  connus, 
qui  n'ont  pas  encore  conquis  la  gloire.  Au  dernier  concert, 
cette  place  était  attribuée  à  Edouard  Lalo. 

L'auteur  du  Roi  d'Vs,  s'est  par  cet  opéra  élevé  à  la  renommée; 
certains  même;  qui  tardivement  reconnurent  son  talent,  l'ont 
exagéré. 

La  musique  de  Lalo  ne  brille  pas,  quoiqu'on  en  ail  dit,  par 
l'originalité.  Elle  n'est  pas  marquée  d'une  personnalité  bien  nette, 
bien  qu'elle  ne  soit  jamais  banale.  Ce  qui  la  distingue,  c'est  une 
réelle  élégance  el  de  doux  chatoiements  de  couleurs  atténuées. 

Par  ces  qualités  nous  a  plu  la  svmphonie  en  sol  mineur,  pas 
empoignante,  mais  d'un  beau  style  et  d'un  tour  gracieux. 

De  Richard  Wagner  nous  avons  écouté  —  et  avec  quelle  reli- 
gieuse attention  —  les  Murmures  de-  la  Forêt  et  le  prélude  de 
Parsifal. 

Rien  ne  dépasse  en  grandeur  ce  merveilleux  prélude  de  Par- 
sifal. Quelles  mystérieuses  voix  montent  de  l'orchestre  chantant 
dans  nos  âmes  les  sentiments  les  plus  élevés! 

Pour  terminer  le  concert,  la  très  belle  ouverture  de  Tanii- 
hduser.  \ 

M.  Dupliis,  qui  ne  craint  pas  le  travail  et  qui  chaque  jour 
acquiert  plus  de  sûreté  et  de  précision,  a  obtenu  de  l'orchestre, 
surchargé  pourtant,  —  il  avait  encore  sa  partie  dans  le  concerto 
de  Beethoven,  —  une  interprétation,  correcte,  nuancée  et  vivante. 

Certes,  depuis  un  an  nous  avons  entendu  quantité  de  pianistes, 
et  sans  parler  du  maître,  Hans  de  Bulow,  combien  ont  de  talent 
cl  de  personnalité  :  Padcrewski,  D'Albert,  Pachman,  Scharwenka 
et  d'autres  !   ' 

M.  Bernhard  Stavenhagcn  nous  vient  après  eux  tous,  el  par 
son  talent  éminemment  personnel,  par  l'austérité  de  son  interpré- 
tation, il  se  place  au  premier  rang. 

Il  ne  joue  pas  seul,  à  côté  de  l'orchestre  ;  il  joue  avec  l'orches- 
tre. Ce  n'est  pas  une  œuvre  où  s'exhibe  son  «  moi  »,  où  parade 
une  savante  gymnastique  des  doigts,  c'est  l'œuvre  du  composi- 
teur, c'est  le  concerto  de  Beethoven  qu'il  exécute.  Il  enfonce,  il 
absorbe  sa  personnalité  dans  l'œuvre. 

Aussi  quelle  noble  interprétation/dU  concerto  en  ultnijiieur  il 
nous  a  donnée.  Quelle  étude  parffffte!  Quelle  admirable  compré- 
hension !  Les  détails  sont  finepjént  nuancés  et  la  synthèse  domine. 
C'est  du  plus  beau  style. 

Avec  une  chaleur  et  une  vigueur  rares,  il  a  joué  le  Prélude  en 
ré  bémol  de  Chopin,  et  la  XII^  Rapsodie  de  Liszt.  Et  pour  finir, 
son  mécanisme  a-fait  fureur  dans  une  des  Etudes-Caprices  do 
Paganini.  ,    


CONFÉRENCES  DE  M.  SIGOGNE 

M.  Emile  Sigogne  a  repris  ses  entretiens  sur  les  poètes  contem- 
porains. 
Nous  détachons  ces  réflexions  sur  l'œuvre  de  Leconlede  Lisle  ; 


70 


L'ART  MODERNE 


«  Il  y  a  dans  le  Cnin  tic  Lcconlc  do  Lisl<',  une  Irislessc  plus 
grande  cl  plus  liif;ubro  que  celle  de  V Ecclésinste  el  bien  supé- 
rieure cl  celle  de  Ilenéol-de  Werlher,  qui  peuvent  inspirer  le  sui- 
cide, cl,  .après  loul,  le  suicide  est  un  acte,  landis  que  les  magni- 
fiques vers  de  Leconte  de  Lisle  inspirent  un  dégoàt  complet,  une 
sincère  renonciation  h  la  vie  el  un  pessimisme  entier,  il  est  difli- 
cile  de  faire  entrer  ce  sentiment  dans  le  cœur  de  nos  races 
actives;  impossible  de  le  faire  même  comprendre  à  des  esprits  il 
demi  culiivés.  On  les  considère  comme  absurdes,  ou  dangereux, 
ou  malsains.  On  no  se  rend  point  compte  que  si  l'on  peut  suc- 
comber aux  douleurs  physiques,  h  un  membre  coupé,  à  une 
blessure  grave,  el  même  aux  douleurs  morales,  h  la  perle  sou- 
daine d'une  personne  aimée,  les  douleurs  inlcllectuellcs  sont 
plutôt  un  excitant  à  la  pensée;  elles  ont  en  elles-mêmes  une  sorte 
de  volupté  sublime  qui  exalte  et  console. 

Le  plaisir  de  connaître  est  si  grand  qu'il  triomphe  de  la  dou- 
leur que  peut  faire  naître  la  tristesse  do  la  découverte.  Au  dessus 
de  tout  il  y  a  une  curiosité  sereine,  impassible,  qui  interroge  la 
vie  et  qui  lui  est  supérieure. 

Remonter  vers  l'antiquité  grecque  ne  nous  sulVit  plus.  El,  on 
effoi,  nos  origines  sont  bien  au  de'îi.et  à  mesure  que  nous  appre- 
nons davanlage,  nous  élargissons  h  la  fois  l'horizon  qui  est 
devant  nous  et  celui  qui  est  derrière  nous.  Hcaucoup  d'esprits 
distingués  se  tournent  vers  ces  origines  lointaines,  et  les  travaux 
sur  l'Inde  n'ont  jam;Ms-trt^  si  noM)breux.  Leconte  de  l'islo  s'est 
épris  de  l'Inde,  de  sa  religion,  de  sa  grande  poésie.  Il  est  fait 
pour  les  hautes  synthèses  (|ui  résument  le  monde  dans  une  mys- 
térieuse pensée. 

(le  monde,  avec  ses  souillures  et  ses  politesses,  vous  effraie  el 
vous  ennuie,  n'ayez  ni  crainie  ni  ennui,  la  philosophie  bouddhiste 
vous  enseigne  que  ce  monde  n'existe  |)as,  c'est  le  rêve  d'un  rêve. 
Imprégnez-vous  de  cette  pensée  d  déiachez-vous  du  monde. 
Vous  avez  été  quehpiefois,  peut-ê;re  raremeiii,  sous  l'empire  de 
sensations  si  extrêmes  que  vous  semiez  voire  pensée  s'évaporer, 
votre  être  se  dissoudre,  comme  une  lenle  absorption  do  votre  vie 
par  la  vie  universelle.  \  ce  momenl-lîi,  volouliiirenïcnl  ou  non, 
vous  avez  aspiréau  néanl.  Cet  état  passager  do  l'àmo,  (jne  les  plus 
cultivés  (l'ont re  nous  ont  cerlainemcni  traversé,  peut  nous  donner 
une  idée  d'un  état  d'âme  constant,  immuable  pour  un  bouddhiste. 
Certes,  le  néanl  est  compréhensible,  mais  pas  plus  que  l'élcrnilé.» 


La  Société  nationale  de  musique. 

{Correspondance  particiilièf-e  de  /"Art  moderne). 

Vraiment,  la  Société  Nnlionale  n'est  moderne  que  par  ses 
tendances  ariistiqucs.  Pour  se  faire  connaiire,  pour  se  pousser 
dans  le  monde,  elle  n'est  point  dans  le  mouvement. 

Figurez-vous  que  samedi  dernier  elle  donnait  son  deux-cen- 
tième concert  d'œuvres  presque  toutes  françaises  et  presque 
toutes. jouées  en  première  auflition;  c'cstquclque  chose.  Vous 
imaginfï  fiicilemcnt  ce  que  crrlains  entrepreneurs  musicaux 
eussent  fait  en  pareille  occasion.  Ranlanpian  dans  les  journaux, 
Iransparents  lumineux  à  la  porte,  banquets,  toast«,  etc..  «  tonte 
la  lyre  »  de  la  réclame.  Les  organisateurs  des  concerts  de  la 
Société  nationale  n'y  avaient  seulement  pas  songé.  La  deux-cen- 
tième audition  fût  passée  complètemenl  inaperçue,  si  le  chef  de 


la  maison  Plcyel,  M.  Lyon,  n'avait  eu  la  gracieuse  idée  de  fairi^ 
distribuer  des  fleurs  h  tous  les  assistants.  '' 

Comme  de  coutume,  le  programme  contenait  plusieurs  œuvres 
nouvelles,  dos  Variations  pour  piniw  de  M.  Chevillard,  admi- 
rablement jouées  par  l'auteur;  des  pièces  pour  piano,  violon  et 
violoncelle  de  M""*  de  Grandval;  un  délicieux  Nocturne  en  mi 
bémol  de  M.  Fauré  et  deux  morceaux  do  piano,  fort  brillants,  de 
M.  Lacombe. 

Les  Variations  de  M.  Clievillard  m'ont  beaucoup  intéressé. 
Dans  un  morceau  de  ce  genre  la  virtuosité  tient  toujours  une 
grande  place;  trop  souvent  même  elle  y  est  prépondérante. 
M.  Chevillard  o»l  resté  dans  la  juste  mesure.  Les  formes  de  piano, 
très  neuves,  n'étouffent  pas  les  idées  musicales,  et  c'est  heureux, 
car  il  y  en  a  de  fort  jolies. 

Je  ne  puis  rien  vous  dire  de  VAndante  et  Intermezzo  de  M""*  de 
Grandval.  Il  est  probai)le  que  c'est  charmant.  Par  malheur,  des 
trois  instruments  on  n'entendait  que  le  piano,  que  M*""  Jaëll  fai- 
sait gémir  avec  habileté,  mais  trop  vigoureusement. 

M'"*  Bordes-Pène  —  il  y  avait  beaucoup  do  pianistes  h  ce  con- 
cert —  est  trop  connue  pour  que  j'aie  à  faire  ici  son  éloge.  Elle 
a  joué  avec  ses  qualités  habituelles,  el  si  rares,  le  Nocturne  do 
M.  Fauré.  C'est  une  œuvre  délicieuse  où  l'on  ne  sait  que  louer 
davantage,  le  charme  de  l'harmonie,  la  perfection  de  la  forme  ou 
la  grâce  émue  el  pénétrante  du  sonlimonl. 

Les  deux  mélodies  de  M.  Julien  Ticrsot,  chantées  el  accom- 
pagnées par  l'auteur,  sont  peu  parisiennes.  Ce  n'est  pas  un  défaut, 
loin  de  \h.  Ce  qui  en  est  un,  c'est  déchanter,  comme  l'a  fait 
M.  Tiersol,  à  la  façon  des  chansons  populaires,  des  mélodies  d'un 
style  tout  différent.  Le  Folkloriste  l'a  emporté  celle  fois  sur  le 
compositeur. 

Le  trio  on  sol  mineiir  de  M.  Erncsl  Chausson  terminait  le  con- 
cert. Ce  fut  le  début  de  l'autour  à  la  Société  Nationale,  il  y  a  dix 
ans.  J'ai  goûlé  principalement  l'Inlroduclion  et  l'Intermezzo.  Les 
qualités  me  paraissent  être  la  chaleur,  l'entrain,  la  recherche 
d'harmonies  et  de  sonorités  intéressantes  ;  les  défauts  :  un  peu 
d'indécision  dans  rarchiloclure  des  morcoalix,  de  mauvaises  rela- 
tions de  ions  et  surtout  un  manque  do  développement  sympho- 
nique.  ' 

»  • 
Une  audition  exceptionnelle,  avec  orchestre  et  chœurs,  iaura 
lieu  le  vendredi  21  mars,  à  la  salle  Erard.  CMi  y  entendra  VActus 
tragicus  de  J.-S.  Bach,  el  les  deux  premières  scènes  de  Gwen- 
doline  de  Chabricr. 


Mémento  des  Expositions 

Amiens.  —  31  mai-I6  juillet.  Envois  :  io-20  mai.  Renseigne- 
ments :  M.  L.  Dewailly,  président. 

Besançon.  —  13  mai-30  juin.  Envois  :  notices,  40  avril; 
œuvres,  10-20  avril.  Rensoignomor.ts  :  M.  Allard,  secrétaire  de 
la  Société  des  Amis  des  beaux-arts,  rue  de  In  Bouteille,  14, 
Besançon. 

huov.  —  Société  des  Amis  des  Arts.  1"  juin-15  juillet  1890. 
Envois  :  l-i5mai.  Renseignements  iiSfcr^/anVi^  Palais  des  Etals, 
Dijon. 

Madrid.  —  V'  Exposition  (internalionale).  Mai  1890.  — Envois: 
1"-10  avril. 

Milan.  —  Salon  annuel  :  15  avril-31  mai.  Envois  :  Notices, 


<o  mars  ;  œuvres,  31  mars.  Rpiisei},'iiomenls  :  Secrétariat,  Via 
■principe  Umberto,  Milan'. 

Munich.  —  Salon  annuel.  1"  juîlloi-15  ociobro  1890.  Envois  : 
4-20  mai. 

Nantes.  —  Sociéié  des  Amis  des  Arts.  \T)  mars-30  avril. 
Envois  :  5  mars,  lhînsei(înomonls  :  MM.  Flornoy  et  Maufre, 
secrétaires,  Galerie  Préauhert,  rue  Lekain,  12,  Nantes. 

Paris.  —  Société  des  Artistes  indépendants  (F'aviilon  de  la 
Ville  de  Paris).  20  mars-27  avril.  Envois  :  10-13  mars. 

Paris.  —  Société  des  Artistes  franç-ais (Pdh'is  des  Chamiis-Ely- 
s6cs).  I"  mai-30juin.  Envois  :  Peinture,  lO-lo  mars.  Dessins, 
aquarelles,  pastels,  miniatures,  porcelaines,  émaux,  carions  de 
vitraux  et  vitraux,  iO-12  mars.  Sculpture,  30  mars-îi  avril. 
Architecture, 'i-^  a\vi\.  Gravure,  "2-^  nwW.       .  -   ■ 

Paris.  —  Société  nationale  des  Beaux-Arts  (Palais  du  Champ- 
de-Mars).  15  mai-30  juin.  Envois  :  Peinture,  1-8  mars.  Sculp- 
ture, i-ÎO  msr?.  — 

Périgueux.  — 31  mai-30  juin.  Délais  d'envoi  :  noiices,  l"mai; 
œuvres,  10  mai.  —  Renseignements  :  M.  Pertolelli,  secrétaire 
de  la  Société  des  Beaux- Arts,  Périgueux. 


Petite   chrojsiique 


Voici  le  chiffre  des  recolles  réalisées  celte  année  par  le  Salon 
des  A'A'.  11  serait  ulilc  qu'à  l'exemple  de  ce  qui  se  fail  en  France 
pour  le  Salon  de  Paris,  on  publiât  régulièromenl  en  Belgique  les 
résultats  financiers  des  diverses  expositions  de  pointure  qui  se 
succèdent  au  Musée.  11  y  aurait  d'intéressantes  comparaisons  à 
faire  entre  elles  au  sujet  de  l'attrait  qu'elles  exercent  sur  le  publi 
ot  des  sympathies  qu'elles  excitent  : 

Cartes  permanentes  .     .     .     .     .  fr.        1,000  00 
Enlréos  à  2  francs    .     .     '.--.     .     .  978  00 

Entrécs.ù  50  centimes  .     .     .     .^    .       2,809  50 
Vcnlo  de  catalogues 560  00 

Total.     .     .  fr.       5,347  50  ..^ 
Ce  chiffre  dépasse  de  fr.  685-30  les  recelles  de  l'année  der- 
nière, lesquelles  étaient  de  4,662  francs. 

H  est  à  remarquer  que,  depuis  la  première  année  (1884).  les 
receltos  annuelles  onl  doublé.  Elles  ne  sY^evèrent,  pour  la  pre- 
mière exposition,  qu'à  fr.  2,466-50,  ce  qui  n'empêchera  pas  les 
imbéciles  d'aftîrmer  que  les  Salons  des  XX  n'intéressent  personne 
cl  que  le  public  n'y  va  pas. 

Liste  complémentaire  des  acquisitions  faites  au  Salon  des  XX  : 

.V.-W.  Finch    .  .  .     Les  meules. 

G.  Lemmen  ....     Études  d'éléphants,  n»'  2  et  5. 

G.  MiNNE Religieuse  (siuc). 

»  Figure  de  femme  assise  ipVdlre). 

.  Eau  dormante  dans  un  jardinde  sérénité. 
Visage  d'angoisse. 
Ecce  homo. 
La  morte. 
Hantises,  n»'  7  et  8. 


^u  programme  :  • 

1.  Trois  lableaux  symphoniqucs  pour  orchestre    tirés  de  la 
tragédie  Polyeucte,  de  P.  Corneille,  par  Edgar  Tinel.  N">  1  :  Ouver- 
ture; n»  2  :  Songe  de  Pauline;  n»  3  :  Fêle  dans  le  temple  de- 
Jupiter.  ■■ 

2.  Le  i'jiorbicr,    poème   lyrique  et   symphonique,  par  Emile 
Mathieu. 

3.  Le  Lac,  larghetto;  Sous  6ow,  allegretto  scherzando,  pat 
Emile  Mathieu.  /  ■         ' 

4.  /'Vet/Zar  fpremièrc  partie),  par  Emile  Mathieu.  i 
Samedi  8,  à  2  heures  cl  demie,  à  la  Grande  Harmonie,  Tè^it- 

lition  générale.  ~  - 

"Les  célèbres  représonlalions  de  la  Passion  commenceront, 
cette  année,  le  26  mai,  à  Oborammorgau,  on  Bavicie.  Elles  se 
poursuivront  jusqu'en  automne.  Elles  auront,  dil  177jrf<'peHdajJc«, 
plus  d'éclat  encore  qu'il  y  a  dix  ans.  Les  décors  et  tout  l'arrange- 
ment extérieur  seront  nrioins  primitifs.  Les  habitants  du  village 
et  les  hô'.eliors  se  sont  déjà  mis  en  frais  pour  offrir  aux  visiteurs 
une  hospitalité  moins  rudimeniaire. 


R.  Picard.  .  . 

» 
D.  DE  Regoyos 
W.  SChi.obach 


Le  deuxième  conceri  populaire  aura  lieu  dimanche  prochain, 
9  mars,  à  l  heure  et  demie,  au  théùlrc  de  la  Monnaie,  sous  la 
direction  de  MM.  Emile  Mathieu  el^dgarTincI,  avec  le  concours  ^ 
des  chœurs  de  l'École  de  musique  de  Louvain. 


Un  grand  congres  dramatique  aura  lieu  à  Liège,  en  mai,  sous 
les  auspices  du  gouvernement,  de  la  province  cl  de  la  ville.  A 
celte  occasion,  un  congrès  réunira,  le  25  mai,  toutes  les  personnes 
s'intérossanl  au  développement  de  l'art  dramatique,  tant  au  point 
de  vue  de  la  lilléralure  nalioniile  que  de  la  représentation  des 
pièces  d'auteurs  belges. 

Dans  le  but  do  circonscrire  le  plus  possible  les  débals,  voici, 
suivant  les  organisateurs,  les  doux  grands  points  qu'il  y  a  lieu  de 
mettre  en  discussion  : 

1.  Quels  sont  les  moyens  à  mettre  en  œuvre  pour  favoriser  la 
repc4?cntalion  des  pièces  d'auteurs  belges? 

2.  (a)  A  quoi  faut-il  aiiribuor  la  crise  sérieuse  que  iraversent  les 
sociétés  dramatiques  belges? 

{b)  Comment  pourrait-on  arriver  à  relever,  au  sein  de  ce*. 
sociétés,  le  niveau  du  mouvement  dramatique? 

Toutes  les  correspondances  relatives  au  congrès  doivent  être 
adressées  à  M.  Ch.  Philippi,  secrétaire  du  Cercle  royal  le  Lien 
belge,  rue  de  Waremme,  2,  à  Liège. 


La  place  de  professeur  de  tromp,'tte,  vacanie  au  Conservatoire 
royal  de  musique  de  Bruxelles,  est  mise  au  concours. 

Les  postulants  auront  à  se  faire  inscrire  au  secrétariat  de  l'éta- 
blissement, avant  le  1"  mai  1890.  L's  joindront  à  Içur  demande 
d'inscription  leur  extrait  de  naissance  et  tous  autres  ceriiticats  ou 
renseignements. 

Le  concours  aura  lieu  dans  la  première  quinzaine  dii  mois  de 
juillel  suivant. 

Pour  éire  admis  à  concourir,  il  faut  être  ilgé  de  vingt  ans  au 
moins  et  de  trente-cinq  ans  au  plus. 

L'enseignement  du  Conservatoire  se  donne  sur  la  trompette 
chromatique  en  fa  (sans/corps  de  rechange)  Le  professeur  est 
tenu,  en  outre,  d'initier  les  élèves  avancés  à  la  pratique  de  la 
trompette  haute  Cii  si  ^.  pour  l'usage  ordinaire  des  orchestres  de 
théâtre,  cl  de  la  petite  irompciie  octave  en  r^'pour  l'exécution  de 
la  musique  ancienne  et  notamment  des  œuvres  de  H*ndel  et  de 
Bach. 

Pour  tous  renseignements  complémentaires,  s'adresser  au 
secrétariat  du  Conservatoire. 


i 


V_i 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


LIGNE   D'OSTENDE-DOUVRES 


La  plus  courte  ei  la  moins  çMleuse  des  voies  exlra-rapides  entre  le  Continent  et  rANGLE-fERRE 


Vienne  à  Londres  en. 
Bftle  à  Londres  en. 
Milan  à  Londres  en 


36  heures. 
24       « 


Bruxelles  à  Londres  en  .  8  heures. 

Gologpie  à  Londres  en   .    .  13 

Berlin  à  Londres  en  .....     24     «^ 

TROIS  SERVICES  PAR  JOUR 

D'Ostende  à  6  h.  matin,  10  h.  15  matin  et  8  h.  40  soir.  —  De  Douvres  à  IL  h.  59  matijp,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

xraveri^ée:  eiv  XROii^  he:ure:is 

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Princesse  Joséphine,  Princesse  Henriette,  Prince  Albert  et  La  Flandre 

parlant  jouruellement  d'OSTENDE  à  6  h.  matki  e*  10  h.  15  matin;  de  DOUVRES  à  11  h.  59  matin  et  3  h.  après-midi. 

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Liverpool,  Manchester  et  toutes  les  grandes  villes  de  la  Belgique 
et   entre  LONDRES   ou   DOUVRES  et  toutes  les  grandes  villes  de  l'Europe. 

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Supplément  de  2»  en  l^e  classe  sur  le  bateau,  fr.  2-35 
CABINES  PARTICULIÈRES.  —  Prix  :  (en  sus  du  prix  de  la  l'e  classe),  Petite  cabine,  7  francs;  Grande  cabine,  14  francs. 

A  bord  des  malles  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette 
Spécial  cabine,  28  francs;  Cabine  de  luxe,  75  francs. 
Pour  la  location  à  l'avance  s'adresser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  {Quai)  ou  à  l'Agence  des  Chemins  de  fer  de  V État-Belge 
Northumberland  House,  Strond  Street,  n"  17,  à  Douvres. 

AVIS.  —  Buffet  restaurant  à  bord.  —  Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  —  Accostage  à  quai  vis-à  vis  des  stations  de  chemin  de 
fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits). —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  -   Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  l'Exploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  V Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l'État-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  a"  53,  à  Londres,  à  Y  Agence  de  Chemins  de  fer 
dc-i'^taf,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  Af.  yl»'//iMr  F»'ancAe»î,  Domkloster,  n»  1;  à  Cologne.  .      j 


BRUXELLES 
rue  Thérésienne,  6 


GUNTHER 


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Paris  1867, 1878,  1"  prix.  —  Sidney,  seuls  1"  et  2«  prix 

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JOURNAL  DES  TrTbUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  Judiciaires.  —  Jurisprudence. 
—  Bibliographie.  —  Législation.  —  Notariat. 

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Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 

Vient  de  paraître  chez  Edm.  DEMAN,  éditeur  à  Bruxelles 

LA  DAMNATIÔTdE  L'ARTISTE 

Par  IWAN  aiLKIN 

'      "        AVEC  UN   FONTISPICE  PAR  ODILON  REDON 

Tirage  unique  :  150  exemplaires. 

N°»  1  à  10  sur  papier  Japon  impérial;  n°»  11  à  150  sur  papier  de 
Hollande  Van  Oelder.  (Les  n°'  111  à  150  en  sont  pas  mis  dans  le 
commerce]. 


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CHEZ  Edmond  Deman,  éditeur    • 

LES  FLEURS  DU  MAL 

DE  ■ 

Charles   Baudelaire 

interprétation  par  Odilon   Redon,  album  de  8  planches  in-folio 
avec  couverture  illustrée,  tiré  à  50  exemplaires,  en  souscription  au 
prix  de  35  francs  (40  francs  à  partir  du  jour  de  la  mise  en  vente). 
Les  dessins  originaux  sont  actuellement  exposés  au  Salon  des  XX, 

Breitkopf  et  Hartel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 


•         TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnéc  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-C.  Lobe. 

Traduit   de   l'allemand    (d'après   la   5®   édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379- p.  gr.  in-8".  l'rix  :  broché,  10  fr.;  relié,,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  rares  ouvrages  d'enseignement  musical  les 
plus  estimés  en  Allemagne.  ! 


,  Bruxelles.  —  Imp.  V*  Monmom,  26,  rue  de  l'Industrie. 


Dixième  année.  —  N"  10. 


Le  numéro  :  26  centimes. 


Dimanche  9  Mars  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  »  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Émilb  VERHAEREN 

■  -  '       ..  I       -— -  .■  ■  ■■■  I—  I  ■  I  .1  .--i.    I  —  .  ^ iirf    I      I.     III, — 

ABONNEMENTS  :    Belgiijue,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES  :    Ou   traite  à  forfait. 

Adre&ser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  26,  Bruxelles. 


i 


^OMMAIRE 


Le  Termite.  —  Confession  de  poète.  ^ — Correspondance  d'artiste. 

-  Théâtre  de  la  Monnaie.  —  Au  Conservatoire.  —  Les  augures. 

-  Bibliographie  musicale.  —  Petite  chrojnique. 


) 


LE  TERMITE 

Roman  de  mœurs  littéraires,  par  J.-H.  Rosny.  —  Paris, 
Albert  Savine,  iii-12,  314  p.  et  tit.  —  1890  (1). 

A 

«  Courbé  funèbrement  sur  8on  aine,  sur  les  recoins 
intimes,  l'ignominie  et  la  candeur  des  arrière-fibres , 
l'inertie  des  phénomène,  il  eut  les  naïvetés  noires,  l'hor- 
reur directe  du  «  moi  »  dépouillée  d'aphorismes.  Il  y 
trouva  de  singulières  ressources  de  patience,  enfoncé 
dans  un  labeur  monotone,  ruminatif,  comme  celui  d'in- 
sectes vaquant  à  la  nourriture  des  générations  suivantes 
et  qui  agonisent  sur  la  tâche  accomplie...  L'injustice 
de  sa  naissance,  les  infirmités  du  sang,  son  grand  efibrt 
de  fourmi  gravissant  un  brin  d'herbe,  sa  laideur,  son 
appétition  de  gloire  injustifiée  par  la  menuité  de  son 
talent,  tout  cela  coula  par  la  mer  cérébrale,  passa  par 
les  rivières  nerveuses,  cependant  qu'une  voix  murmu- 
rait en  refrain,  continue,  omniprésente  «  qu'il  était 

(1)  Voir  sur  J.-H.  Rosny,  VAvt  modenie,  1888,  pp.  123  et  268. 


semblable  à  des  myriades  d'hommes,  aussi  intellectuels, 
aussi  déshérités,  aussi  lamentables.  » 

Ainsi  songe  tristement  sUr  soi-même  le  Termite,  un 
homme  de  lettres,  symbolisant  en  un  type  luguj3re, 
puissamment  buriné,  l'artiste  médiocre,  s'épuisant  à 
î'avant-garde,  y  poussant  l'obscur  et  mal  récompensé 
travail  du  mineur  qui  ouvre  les  voies  pour  l'avancée 
des  autres.  Sans  conquête  de  gloire,  sans  notoriété  dépas- 
sant les  petits  cénacles,  contesté  ou  passé  soas 
silence,  sans  confiance,  pris  dans  les  perpétuelles 
oscillations   des  doutes  et   des   découragements.   Sa 

'  psychologie  de  .littérateur  se  complique  des  misères 
d'une  maladie  de  foie  et  d'un  tremblant  amour.  Comme 
intermèdes,  démembrant  l'œuvre  plutôt  que  la  forti- 
fiant, des  séances  où,  sous  des  noms  d'emprunt  trans- 
parents, évoluent  ou  sont  jugés,  les  plus  en  vogue  des 

-romanciers  présentement  en  activité. 

Ce  livre  nous  paraît  absolument  remarquable,  non 
par  sa  construction  (M.  Rosny  en  a  le  dédain  ou  l'inap- 
titude) sommairement  établie,  mais  pas  la  notation 
étonnamment  neuve  et  pénétrante  des  phénomènes, 
Qu'il  s'agisse  des  fermentations  du  ce^v^eau  ou  des 
inlassables  agitations  de  la  nature,  l'œil  de  ce  très  ori- 
ginal artiste  voit  de  l'inaperçu.  Il  a  aussi,  à  un  degré 
extraordinaire,  le  don  de  l'image  saisissante  prise  aux 
rapprochements  imprévus ,  spécialement  à  ceux  que 
fournissent  les  sciefices. 


Ces  rares  qualités  qui,  à  notre  avis,  le  mettent  liors 
de  pair  et  permettent  de  dire  qu'il  est  l'initiateur  d'une 
nouvelle  évolution  du  roman  français,  se  manifestaient 
dans  ses  œuvres  antérieures,  si  curieuses  et  si  person- 
nelles :  Ni:li;  Horn,  mœurs  londoniennes,  Le  Bila- 
téral, mœurs  révolutionnaires  parisiennes,  Marc  Fane, 
roman  parisien,  I'Immolation,  les  Corneilles,  roman, 
les  XiPÉHUZ,  restitution  du  merveilleux  préhistorique, 
la  LÉGENDE  'SCEPTIQUE,  étude^  de  mysticisme  scienti- 
fique. Mais  elles  s'épanouissent  cette  fois  plus  largement 
et  dénoncent  l'artiste  de  premier  ordre.  Certes,  on  en 
ressent  l'espérance  et  la  jouissance  alors  que  le  vieillis- 
sement d'écrivains  naguère  encore  en  possession  de  la 
grande  vogue  apparaît  inéluctable.  Voici  celui  qifi  les 
remplacera  ! 

Assurément,  il  n'a  pas  encore  sur  les  épaules  la  pour- 
pre des  notoriétés  éclatantes.  Il  a  même,  par  sa  brutale 
franchise,  suscité  une  opposition  qui  retarde  pour  lui 
l'ouverture  des  avenues.  Il  dit  parfois  de  rudes  paroles, 
comme  celles-ci  :  «'  L'extraordinaire  de  cette  généra- 
tion, c'est  tous  ces  jeunes  gens  qui  commencent  par  la 
critique,  des  critiques  de  dix-huit,  vingt  ans,  un  débor- 
dement d'impuissance  à  tirer  de  son  propre  fond,  une 
sénilité  à  bavarder  sur  le  travail  des  autres.  Et  pas  un 
mâle!  un  principe  ieioelle,  lâche  et  odieux,  un  bavar- 
dage d'eunuques  philosophiques  et  de  pédérastes  arti- 
sans... Pour  être  un  grand  littérateur,  il  faut  non  seu- 

.  lement  le  don,  mais  le  caractère.  Il  est  matériellement 
impossible  que,  sans  désintéressement,  le  plus  haut 
cerveau  ne  descende  au  deuxième  rang  ».  Voilà  des 
mots  qui  font  le  silence  autour  du  téméraire 
qui  les  lâche.  Aussi  est -il  encore  dans  l'heu- 
reuse période  où  les  œuvres  ne  sont  comprises  et  goû- 
tées que  par  le  petit  nombre.  Il  lui  faudra  des  com- 
pagnes nouvelles,  celles  notamment  de  ses  œuvres  en 
préparation  :  le  Livre  étoile,  les  Nouvelles  londo- 
niennes, de  la  Critique,  Ceiicher  dame,  et  peut-être 
surtout  un  autre  voyage  dans  le  préhistorique  séduc- 
teur :  Vamireii.  Mais  on  peut  lui  prédire  le  sceptre,  — 
à  moins  d'un  des  arrêts  inquiétants  et  bizarres  qui  par- 
fois et  brusquement  supprime  la  suite  d'une  personna- 
lité évoluant  vers  la  gloire. 

Ci  et  là,  dans  le  Tennite,  on  saisit  des  confidences 
personnelles  sur  son  art,  révélatrices  des  phénomènes 
internes  de  cet  exceptionnel  cerveau  :  «  N'admettez- 
vous  pas  qu'à  de  nouveaux  ordres  de  sensations  corres- 
pondent des  torsions  nouvelles  de  la  forme,  des  atti- 
tudes de  phrases,  et  que  la  langue  qui  exprime,  en 
somme,  des  vies  d'époque,  qui  est  une  sécrétion  d'êtres 
organisés,  se  complique  avec  la  complication  même  de 
ceux  qui  s'en  servent  pour  transporter  leur  être  au 
dehors?  " 
Donc  une  volonté  de  tordre  la  forme  en  des  nouveau- 

;jé*r-Equr  M.  Rosiiy,-ces  nouveautés  ne  sont  ^as  les_ 


désarticulations  de  la  phrase.  Répétons-le  :  c'est  surtout 
l'image  et  une  adaptation  scientifique.  C'est  ici  qu'il  est 
dans  son  meilleur  empire.  Il  est  un  savant  marchant 
en  terre  do  littérature.  Impossible  de  bien  rendre  cette 
spéciale  aptitude  sans  citations.  Impossible  surtout  de 
faire  saisir  le  Panthéisme,  en  quelque  sorte,  de  son 
style,  ramenant  constamment  la  petite  individualité  de 
♦l'être  humain,  la  minutie  d'un  événement,  au  prodi- 
gieux ensemble  de  l'univers  dans  sa  présente  étendue 
d'espace  infini,  dans  son  historique  étendue  de  temps 
infini.  La  solidarité  énorme  et  moléculaire  des  choses, 
la  servitude  des  hérédités  innombrables  accumulant  impi- 
toyablement leurs  alluvions  dans  chaque  être,  accom- 
pagnent l'œuvre  d'une  résonance  profonde  et  sinistre. 
A  chaque  instant  on  pçnse  à  Lucrèce,  et  nous  osons  le 
dire,  à  Shakespeare,  dont  la  grandeui^^stfaite,  ponr  une 
bonne  part^.du  don  de  marquer  en  quelques  mots,  en 
quelques  couleurs,  l'indivisibilité  écrasantede  la  nature. 

Écoutez  : 

«  Un  soir,  ce  fut  le  cyclone,  une  fureur  de  l'Atlan- 
tique, le  broiement  des  navires  contre  les  mâchoires  du 
récif.  La  grande  éloquence  de  l'Elément  hurla  les  ori- 
gines, les  guerres  de  l'Espace,  les  cycles  nomades  et 
troglodytes,  l'hymne  chargé  de  l'encens  des  solitudes,  de 
l'âpreté  des  golfes,  de  la  semence  des  promontoires  et 
des  collines,  de  la  poudre  des  savanes  et  de  l'humus  des 
îles,  la  harpe  harmoniée  à  la  crête,  des  vagues,  aux 
embrasures  des  falaises,  aux  nels  des  clairières.  Luce 
et  Noël  écoutaient  les  voix  vastes.  Elles  accouraient, 
elles  se  ralliaient  contre  les  tilleuls  et  sur  les  toitures, 
comme  des  hordes  nécromanciennes,  tantôt  enfantines, 
troubles,  ébaucheuses  de  langage,  tantôt  sans  accent, 
minéralisées,  confuses,  fouettantes.  Eparses,  elles  sem- 
blaient dévorées  par  l'étendue,  faiblement  accrochées 
encore  à  quelque  branche,  à  quelque  girouette,  à  quel- 
que gouttière,  puis  reparaissaient  en  troupeaux  de 
buffles,  poursuivis  de  trompes  chasseresses,  de  meutes 
féroces,  anx  défilés  d'un  val.  " 

Et  ailleurs  :  «  Là-haut  la  nuit  rôdait  belliqueuse  !  Aux 
grandes  nues  surgies  de  l'horizon,  des  brasiers  blancs 
traînèrent  parmi  des  lacs  de  bitu-Jme.  Les  électricités 
denses  tordirent  chaque  molécule,  encore  hésitantes, 
amassées  pour  des  fureurs  prochaines.  Cette  ambiance 
de  terreurs  occultes,  les  haleines  spirales  du  vent,  la  sub- 
mersion des  constellations  harmonieuses,  les  murailles 
deû'ombre  sur  l'horizon,  l'embuscade  des  forces  mysté- 
rieuses, se  répercutaient  dans  la  chair  de  Servaise 
comme  dans  un  hyjnne  d'amour,  merveilleusement 
trouble  et  douloureux,  plein  des  instincts  du  «  quand 
même  ",  des  concordances  du  cataclysme  et  de  la  pas- 
sion. Au  cerveau  cotnme  aux  sens,  cette  nuit  était 
femme,  par  l'effleurement  des  robes  du  vent,  par  les 
chairs  du  nuage,  par  le  parfum,  par  la  moiteur  flottante 
et  féconde,  par  la  confidence  des  feuilles,  par  le  glisse- 


-mA 


T 


ment  des  formes  fluides  dans  la  ténèbre,  femme  comme 
ne  l'est  jamais  la  mâle  nuit  pure,  où  la  chaleur  du  sol 
rayonne  dans  fe  cristal  firmamentaire,  comme  ne  l'est 
jamais  la  nuit  d'ouragan  sans  orage.  » 

Et  maintenant  le  printemps!  Oh!  la  banale  matière 
à  description!  Oh!  l'ai'chi-usé  thème!  Et  quoi  dii*e  là 
dessus  qui  ne  soit  la  répétition  en  des  phrases  de  répé- 
tition! Voici,  comment  en  projette  la,^  sensation  au 
dehors  cet  esprit  libre  des  accoutumées  servitudes  : 

«  Le  caprice  des  jeunes  soleils  d'avril  pointant  après 
l'équinoxe.  Tout  hésitait.  Sur  les  torsades  du  rameau, 
à  peine  des  vert-de-gi'is,  des  pointules,  de  petits  poils 
or-émeraude.  L'éveil  à  tâtons,  la  terre  remuée,  des 
larmes  montées  vers  la  surface.  Au  cœur  des  hommes 
l'induction  de  la  racine  et  des  branches,  des  ])ulsations 
de  poème,  des  redites  du  grand  cantique.  Des  sorties  de 
lumière  dans  la  verrerie  dépolie  du  ciel,  de  petites 
citernes  de  lazulite  pâle,  tous  les  oiseaux  captifs  reten- 
tissants par  les  chambres  parisiennes.  Des  pluies  pâles 
et  féminines,  de  pauvres  éveils  de  plantules  dans  le  gra- 
vât des  terrains  à  bâtir,  dans  le  ciment  rongé,  pellicule 
de  poussière  féconde,  des  maisons  vieilles.  La  venue  de 
vêtements  à  peine  dépliés  et  qui  se  dérident  à  l'arr, 
l'envahissemeHt  de  fronts  rajeunis,  avec  un  peu  de 
migraine.  Des  trépas  nombreux,  des  convois  funéraires 
dans  la  gaminerie  du  soleil  et  les  larmes  brèves  de 
l'ondée.  La  fanfaronnade  d'écoliers  ivres  bondissant  de 
crêtes  de  murailles,  usant  leurs  semelles  à  grimper  des 
déclivités  dijres,  et  pleins  de  rudesse  barbare,  de  grands 
instincts  de  bataille,  de  voyage,  de  volupté  qui  leur 
pâlit  la  prunelle  et  les  rend  exécrables  aux  pédagogues. 
Des  cavernes  de  l'usine  et  du  bureau,  un.  jaillissement 
d'humains  émus  dje  l'antique  souvenir  des  jungles,  des 
plaines  de  chasse,  des  embuscades  où  l'homme  fauve 
surprend  la  femme,  reparu  sur  les  faces  esclaves,  dans 
les  recoins  de  l'organisme,  et  avivant  la  respiration, 
poignant  de  suffocations  angoisseuses,  adorables,  cent 
mille  poitrines  mâles.  » 

Nous  l'avons  déjà  écrit  : 

C'est  étrange  comme  dans  l'art,  maintenant,  dans  les 
arts,  se  lève  un  besoin  d'au  delà,  de  lointaines  et  mys- 
tiques idées,  évocatrices  de  rêves,  prolongeant  la  réa- 
lité, la  dure,  et  matérielle,  et  précise  réalité,  aux  fermes 
contours,  la  prolongeant  en  de  vaporeuses  chimères^ 
l'auréolant,  fumant  autour  d'elle,  au  dessus  d'elle  en  un 
encens  de  pensées.-  Cette  période  longue,  longue  déjà, 
dui-ant  laquelle  par  répulsion,  par  horreur  d'un  roman- 
tisme bruyant,  détraquant  l'innée  raison  qui  gite  en  nos 
âmes,  on  avait  chassé  la  dansante  fantaisie,  la  dansante 
et  voltigeante  fantaisie,  parce  que,  en  ses  voltiges  et  ses 
danses,  elle  poursuivait  de  charlataniques  visions  sans 
humanité,  cette  longue,  longue  période  où  les  esprits 
artistes  s'appliquèrent  à  ne  voir,  à  ne  rendi'e  que  la 
dure,  et  matérielle,  et  précise  réalité,  elle  est  finie! 


De  nouveau  cette  réalité  apparaît  morose,  lourdement 
froide  et  terne.  Si  elle  n'est  que  là,  la  vie  intellectuelle, 
combien  seïnblable  à  l'hiver,  à  l'hiver  gris,  plombé,  sans 
les  éblouissances  de  la  neige,  sans  les  profondeurs  stel- 
laires  du  gel.  Et  voici  que  "sous  les  pinceaux,  sous  les 
plumes,  sans  supprimer  cette  réalité  matérielle,  et  pré- 
cise, et  dure,  on  l'enveloppe,  on  la  pare_d'idéalités  qui 
lui  laissent  sa  vérité  solide  en  l'ornant  d'une  parure 
cérébrale  qui  double  son  intensité.  C'est  le  temps  des 
images,  le  temps  où  toute  chose  surgie,  vuç,  sentie, 
entendue,  venant  du  dehors,  appelle  du  fond  des  ténè- 
bres de  notre  intimité,  une  mystérieuse  conceptipn  qui 
glisse,  glisse,  approchant,  et  s'adapte  à  cette  chose 
comme  un  parfum,  une  grâce,  une  mélodie  murmu- 
rante, ou  bien  encore  cortime  une  physionomie  grave, 
songeuse,  sinistre.  Les  images!  analogies  symboliques 
douant  le  réel  d'un  fantastique  séducteur,  faisant  flotter 
autour  de  lui  les  draperies  psychiques  se  perdant  en 
ondulations  vers  l'infini  des  rêveries.  L'ambiance  n'est 
plus  qu'un  prétexte  à  idéal,  un  attouchement  qui  éveille 
les  cogitations  sans  nombre,  et,  désormais,  quiconque  se 
borne  à  la  reproduire  n'allume  point  le  feu  des  pensées, 
n'apporte  qu'un  froid  combustible  sans  la  flamme. 
Nous  voulons  qu'on  nous  fasse  rêver,  ou  plutôt,  plus 
viplement,  rêveusement  réfléchir,  monter  ou  descendre 
dans  un  au  delà  où  la  pensée  plane  ou  vole  ou  gire, 
pareille  au  phalène  dans  la  nuit. 

De  là 'cette  littérature  qui  ne  dit,  n'écrit,  ne  parle 
plus,  en  la  claire  simplicité  des  mots  usuels,  mais 
cherche,  cherche  âprement,  inépuisable  en  tropes,  la 
suscitante  nouveauté  des  images  si  étroitement  collant 
à  la  chose  exprimée  qu'elles  sont,  en  la  phrase,  indivi- 
sibles, et  que  l'une  et  l'autre  heurtent  et  troublent  l'âme 
en  même  temps.  Plus  rien  de  la  correcte  académique 
écriture  d'autrefois  alignant  les  mots  correctement 
uniformes,  élevant  la  fade  architecture  des  œu\;res  où 
les  mots  ne  sont  que  des  signes.  Une  langue  vivante,  où 
les  idées  ne  sont  plus  derrière  les  mots,  cachées  sous 
l'emballage  et  l'étiquette,  des  mots,  mais  où  les  mots 
eux-mêmes  sont  les  idées,  étalées  à  la  grande  lumière, 
Sorties  de  leurs  voiles,  colorées,  mises  à  nu,  écorchées. 
La  littérature  faisant  tableau,  faisant  harmonie,  et 
par  toutes  les  magies,  allumant  constamment  en  nous 
les  cassolettes  de  la  pensée:  à  chaque  fleur  montrée, 
ajoutant  une  éclosion  spontanée  d'autres  fleurs,  non 
dites  par  le  verbe  visible,  mais  suscitées  par  lui  invin- 
ciblement. De  telle  sorte  que  par  cet  art  à  prestiges,  il 
il  y  a  plus  autour  de  l'œuvre,  que  dans  l'œuvre,  qui  se 
déroule  constamment  enveloppée  de  ce  cortège  d'idées 
volantes,  comme  un  navire  de  l'écume, que  sa  vogue  fait 
mousser  sous  la  proue,  comme  un  coureur  de  Ijois 
éveillant  les  oiseaux  dans  les  taillis  où  il  fraie  sa  roule 
nocturne. 

0  art  cher!  art  qui  fait  penser!  art  fait  de  réalités 


T+ 


\ 


4  .> 


76 


VART  MODERNE 


'1 


et  d'images!  art  pictural  qui  est  une  littérature!  art 
littéraire  qui  est  une  peinture  !  art  cher,  trois  fois  cher, 
qui  nous  sort  de  nous-mêmes  et  nous  emporte  vers  les 
voyages  d'esprit  dont  nous  avons  tant  besoin,  car  là  est 
notre  refuge,  notre  asilç,  notre  dernier  paradis! 


CONFESSION  DE    POÈTE 

Voici  une  troisième  confession  de  poète.   Elle  répond  aux 
mêmes  questions  que  celles  formulées  dans  nos  deux  dcrnicr&, 
numéros 

«  En  des  soirs  de  seul  à  seul,  où  l'on  s'ausculie  après  un  livre 
publié,  qui  retombe  avec  une  désillusion  de  plus  sur  la  télé,  je 
me  suis  résumé,  voici  un  an,  —  et  c'est  ce  raccourci,  revu  mais 
non  corrigé,  que  je  vous  envoie  par  bribes,  raccourcies  encore. 

1"  Contrairement  à  ceux  qui  se  réfugient  dans  le  rêve  et  s'y 
bâtissent  des  maisons  d'or  et  de  nuées,  je  n'ai  jamais  cessé  de 
regarder  la  vie  réelle  et  de  me  laisser  tenter  par  elle.  Elle  m'inté- 
resse comme  un  ennemi  fort  et  subtil  ;  je  la  hais  avec  toute  ma 
haine,  mais  je  considère  comme  une  espèce  de  lâcheté  et  comme 
une  désertion  d'aller  loin  d'elle  se  bâtir  un  palais  imaginaire, 
qu'on  sait  faux,  et  qui,  par  conséquent,  ne  porte  aucun  remède  à 
la  morosité  de  l'existence.  Si  la  vie  n'est  pas  un  mal,  je  la  crois 
cependant  imprécisable  et  capricieuse  comme  un  hasard,  et  c'est 
la  lutte  de  ce  hasard  contre  la  règle  rectilignc  de  notre  raison, 
contre  la  monotone  et  symétrique  raison,  contre  la  raison  qui 
s'entête  dans  l'espoir  du  bien  et  du  juste  et  de  la  joie,  contre  cette 
raison  bien  cftiée  sur  des  roulettes,  pour  suivre  la  ligne  la  plus 
courte  et  la  plus  commode,  c'est  cette  lutte  1^  qui  me  poigne. 

L'idée  au  bbnheur,  je  l'ai  comme  le  premier  venu,  mais  je  l'ai 
surtout  parce  qu'on  me  l'a  fourrée  en  tête,  et  que  je  la  confonds 
,  avec  l'idée  d'un  Dieu  bon  et  protecteur  et  providentiel.  Si  je  sup- 
prime l'une,  l'autre  tombe.  Le  bonheur  est  une  notion  acquise, 
-  puisée  au  dessus,  mais  non  pas  dans  la  vie.  D'où  contradiction, 
heurt,  choc. 

Quelques-uns  se  résignent  et  vivent  comme  ils  peuvent;  d'au- 
tres inventent  des  cieux  et  lâchent  de  s'en  éblouir;  d'iaulres  —  et 
j'en  suis  —  après  s'être  persuadés  que  le  désaccord  existe,  s'em- 
portent contre  le  bonheur,  s'en  veulent  à  eux-mêmes  de  l'avoir 
collé  au  cerveau,  s'irritent  contre  la  bêtise  de  ceux  qui  le  croient 
humain  et  dû,  délestent  l'éducation  qu'ils  en  ont  reçue, et  paraissent, 
à  cause  de  leur  sagesse  même,  des  fous.  Tout  cela,  à  travers  des 
poussées  en  avant  et  des  reculs^  des  prostrations  cl  des  redresse- 
ments, des  pleurs  et  des  vaillances,  des  regrets  cl  des  fureurs, 
des  apaisements  et  des  sursauts.  Résultat  ?  une  existence  cérébrale 
excitée,  exaspérée  et  embrouillée  d'un  esprit  de  contradiction, 
toujours  ardent. 

De  reste,  —  et  ceci  paraîtra  bizarre  —  il  se  cache  dans  la  folie 
de  colère  que' le  mensonge  de  la  vie  amène,  une  joie  insoupçonnée 
une  joie  à  rebours,  une  joie  à  contre  lumière  qu'il  m'a  été  donné  de 
goûter  à  certaines  heures,  infiniment.  Un  mal  survient,  exagérez-le 
—  vous  en  êtes  le  maître;  une  peine  vous  plombe,  provoquez-la, 
intensifiez-la  —  vpus  en  seriez  trempé  et  fier.  Le  pessimisme 

/n'est  qu'une  étape  banale  vers  un  état  d'âme  plus  aigu.  Si  la  dou- 
leur était  considérée  et  apprise  comme  normale  ou  simplement 
comme  un  tremplin  vers  une  sorte  d'exallatign  héroïque  de  la 
pensée,  les  gammes  si  superficiellement  mineures  de  notre  poésie. 


qui  se  flue  aujourd'hui  bien  plus  qu'el>é  ne  se  vit,  ne  se  feraient 
point  aussi  bêtement  bêlantes. 

Si  je  m'explique  ainsi,  c'est  que  loule  cette  lutte  d'esprit  se  rat- 
tache à  une  très  foncière  propulsion  plus  profonde  que  je  me 
découvre  :  le  besoin  d'action.  Il  se  manifeste  en  moi,  sous  une 
forme  peut-être  étrange  et  mauvaise,  mais  indubitable,  à  chaque 
examen  de  conscience.  Je  me  démène  contre  moi,  puisque  tout 
autre  héroïsme  est  interdit.  J'aime  l'absurde,  l'inutile,  l'impos- 
sible, l'affolé,  l'excessif,  l'intense  parce  qu'ils  me  provoquent, 
parce  que  je  les  sens  comme  des  épines  en  moi,  et  parce  que  je 
veux  n'avoir  pas  peur  de  leurs  pointes.  La  maladie  qui  n'est  que 
physique,  je  l'ai  presque  cultivée,  parce  qu'elle  me  jetait  en  des 
situations  morales  que  je  recherchais  pour  ma  balaille. 

Ces  données  qui  me  sont  fondamentales  et  dont  il  est  aisé,  je 
l'avoue,  de  rire  et  de  faire  les  gorges  chaudes,  dominent  l'idée 
que  je  me  fais  de  l'art.  Mon  art,  à  mes  yeux,  n'est  que  l'expression 
de  cette  crispation  contre  l'hostilité  d'une  idée,  celle  du  bonheur, 
crispation  quotidienne,  profonde,  silencieuse,  contenue,  mais  qui 
se  rompt  en  des  livres  soudains.  Ne  jamais  permettre  qu'elle  fasse 
irruption,  sérail  peut-être  plus  sage.  Est-ce  possible?  Les  parnas- 
siens l'ont  tenté.  Les  rêveurs  et  les  illusionnés  d'aujourd'hui 
veulent  le  tenter  également.  Je  n'aime  ni  les  uns  ni  les  autres. 
Pour  moi,  on  ne  peut  se  scinder  et  même  ne  faut-il  l'essayer.  Je 
voudrais  que  l'art  grinçât  et  criât  la  vie  entre  chaque  deux  vers 
d'un  poème  et  non  pas  la  vie  de  tous,  —  comme  l'entendent  les 
naturalistes  —  mais  la  vie  subjective,  personnelle,  spéciale  —  cri 
de  joie  ou  cri  de  haine,  qu'importe  —  mais  cri  toujours  venu  du 
fond  de  l'être,  dût  le  cœur  en  éclater,  comme  une  chaudière  sur- 
chaufifée.  Je  songe  quelquefois  avec  envie  à  ces  flagellants  du 
moyen-âge,  à  ces  messes  nocturnes,  flammées  d'écume  aux  lèvres, 
à  ces  trépidations  folles  et  rouges,  pour  à  tout  jamais  là-bas,  dans 
le  passé  barbare.  - 

Mais  ceci  n'a  que  faire  en  celte  lettre. 

2»  Vous  me  demandez  (je  que  je  pense  de  la  forme  en  art. 

Dès  que  l'idée  s'éveille  dans  le  cerveau,  je  la  crois  armée  de 
pied  en  cap  —  de  couleur  et  de  rythme.  Je  parle  évidemment  de 
l'idée  poétique  —  le  mol,  je  le  sais,  est  vieux,  —  c'est-à-dire  de 
celle  qui  résulte  d'une  impression  personnelle,  émotionnante  et 
éclatante  par  à  travers  certains  cerveaux. 

Surprendre  celle  idée  en  sa  forme  primordiale  au  moment  juste 
où  elle  naît,  avec  ses  dehors  de  coloration  et  de  mouvement,  voilà 
tout  ce  que  je  désire. 

Facile!  dira-t-on.  Que  non. 

Grâce  à  tant  d'années  de  collège  où  l'on  apprend  à  faire  des 
vers,  grâce  à  tant  de  lectures  inutiles  et  qui  entraînent  par  leur 
séduction  même  l'originalité  et  se  dressent  comme  exemples  et 
modèles,  il  se  fait  que,  dans  notre  usine  à  sensations  et  à  images 
cérébrale,  l'idée  trop  souvent  se  coule  aussitôt  en  un  moule 
d'alexandrins,  de  huitains,  etc.  Elle  perd  presque  toujours  de  sa 
substance  soit  pour  se  raccourcir,  ou  bien  elle  se  délaie  pour 
s'allonger.  On  la  tripote,  on  la  dénature,  on  la  pare  suréroga- 
toirement  —  et  la  hideuse  chei'Itle  apparaît.  Elle  n'a  plus  ni  sa 
soudaineté,  ni  sa  virginité.  Elle  devient  une  forme  avant  d'être 
une  idée. 

Le  vers  existe  par  lui-même  :  il  a  sa  musique  — indépendamment 
des  mesurages  et  des  rimes  riches — qui  le  sépare  de  la  prose;  cl 
c'est  cette  musique  qu'il  s'agit  de  saisir  au  passage  en  éclair  dans 
le  cerveau. 

Les  premiers  poètes  avaient  cet  avantage  énorme  de  n'avoir 


V 


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personne  à  imilcr  et  de  ne  point  avoir  à  subir  le  pédanlisme  des 
grammairiens  ou  des  pescurs  de  diplbongues.  Alors,  les  gens 
habiles  s'employaient  à  autre  chose  qu'à  faire  de  beaux  vers  cor- 
rects. Aujourd'hui,  l'éducation  du  poète  devrait,  comme  celle  du 
peintre,  consister  à  oublier.  Il  serait  bon  de  n'écouter  que  sa 
voix  intérieure,  peu  importe  la  beauté  de  ce  qu'on  entend 
chanter  autour  de  soi.  Si  l'on  a  bonne  ouïe,  on  chantera  diflférem- 
ment,  mais  non  pas  faux. 

Je  m'insurge  donc  contre  toute  forme  réglementée.  Non  seule- 
ment je  veux  qu'on  puisse  choisir  pour  faire  une  pièce  enire 
l'alexandrin  et  le  vers  de  huit  pieds  ou  le  vers  de  quatre,  mais  je 
crois  bon  qu'on  permette  une  bien  plus  buissonnière  fantaisie. 
La  beauté  existe  surtout  dans  l'idée  qui  a  sa  forme  primordiale 
et  non  pas  une  forme  doctorale.  C'est  en  soi  qu'il  faut  la  trouver, 
en  soi  seul,  et  non  dans  un  livre. 

30  Votre  troisième  question  m'interroge  sur  l'avenir.  Vous  me 
questionnez  :  vers  quel  art  allez-vous? 

Je  n'en  sais  rien  et  n'en  désire  rien  savoir.  Je  crois,  d'ailleurs, 
qu'on  n'est  pas  maître  d'aller  où  l'on  veut,  et  que, les  mystérieux 
buissons  qui,  à  tel  instant,  se  feuillenl  en  nous,  sont  domina- 
trices inconsciemment.  Une  maladie  aggravée,  une  santé  recon- 
quise, un  voyage  vécu,  (|)uelqu'un  de  soudain  et  d'unique  rencontré 
en  des  matins  de  renaissance,  une  survenue  extraordinaire  de 
douceur  en  une  lumière  d'yeux,  tout  et  rien,  détermine  le  livre  à 
faire.  Ceux  qui,  au  début  de  leur  œuvre,  n'ayant  encore  produit 
que  de  rares  essais,. dressent  le  bilan  de  leur  vie,  me  semblent 
d'une  présomption  lourde.  Je  ne  voudrais  pour  rien  au  monde  me 
suspendre  ces  quartiers  de  roc  de  volumes  à  faire,  au  dessus  de 
la  tête  ». 

Et  nuintenant  voici  les  noms  des  trois  âmes  qui  ont  dinsi 
entrouvert  les  voiles  qui  les  cachent  :  Maurice  Maeterlinck, 
Charles  Van  Lerberghe,  Emile  Verhaeren,  les  trois  poètes  belges 
d'exception^  dont  Edmond  Picard  9  entretenu,  le  jour  de  la 
clôture,  la  petite  élite  assidue  aux  séances  des  XX. 


CORRESPONDANCE  D'ARTISTE  C) 


Nuremberg. 

Ah  !  vous  savez,  j'ai  vu  Nurnberg,  Nurnberg,  Niirnbcrg  !  Mais 
quelle  désolation,  quand  on  y  arrive  le  soir,  de  heurter  la  foule 
puante  de  bière  et  de  leberwurstî  II  y  avait  aussi  des  charrettes 
modernes,  des  affiches  peut-être  électorales,  de  grands  magasins 
ou\erls  à  toutes  vitrines,  et  la  lumière  électrique  entre  les  maisons 
des  vieux  âges!  Je  me  suis  sauvé  à  travers  les  petites  rues,  j'ai 
traversé  la  rivière  sur  son  vieux  pont  encombré  de  boutiques,  et 
le  marché  avec  sa  fontaine  sous  la  lune,  toute  noyée  dans  les"^ 
vagues  de  mille  échoppes  qui  grouillent.  Et  puis  encore  des 
petites  rues,  à  gauche,  à  droite,  au  hasard  dans  ces  merveilles, 
maintenant,  pour  déboucher  tout  à  coup  devant  le  solitaire  Rath- 
haus,  où  j'ai  pénétré.  Et  j'ai  passé  et  encore  passé  sous  les  voûtes 

(1)  l^u  de  nos  jeunes  écrivains,  actuellement  en  Allemagne,  nous 
envoie,  en  des  lettres  charmantes  nullement  destinées  à  la  publicité, 
des-  poignées  de  notes  et  d'observations.  Il  ne  nous  en  voudra  pas, 
nous  l'espérons,  s'il  trouve  dans  V Art  moderne  quelques  fragments 
de  cette  correspondance  à  butons  rompus,  qui  décèle  une  âme  d'ar- 
tiste. -  •     , 


aux  ogives  trapues,  et  j'ai  vu  Padorable  petite  cour  du  milieu, 
sa  fenêtre  aux  mihuscules  carreaux  tout  verdûlres,  si  doucement 
verts  sous  la  caresse  d'une  lampe  tranquille  :  c'est  la  petite  lampe 
d'Eva  l'ingénue,  qui  regarde  si  Walihcr  n'arrive  pas,  du  là-bas  des 
grandes  rues  en  montagnes,  et  si  le  bon  Hans  Sachs  ne  va  pas 
descendre  enfin  de  là  haut,  par  les  degrés  et  les  replis  del'escalier 
double  ajouré.  Mais  des  gnmins  bruyants  se  ruèrent  par  les  corri- 
dors, et  toute  cette  légende  cria  d'un  tel  mal,  que  je  me  sauvai 
dans  une  gasthaus  gothique,  pour  attendre  la  vraie  nuit.  Là,  pen- 
dant que  j'usais  mes  dents  sur  une  rindfleisch  du  xv«  siècle, 
j'observai  à  mon  aise  les  habitués.  Pogner  causait  gravement, 
à  longues  paroles,  avec  Albert  Durer  et  Adam  Kraft.  Tous  les 
autres  maîtres-chanteurs  étaient  déjà  partis,  sauf  Hans  Sachs, 
qu'on  entendait  frapper  à  grands  coups  sur  une  vieille  semelle, 
dans  la  cour.  La  conversation  entre  les  trois  artistes  était  calme  ; 
c'étaient  des  gens  posés,  aux  gestes  graves,  —  surtout  Pogner, 
qui  tâchait  de  paraître  très  sur  de  soi,  devant  Durer  plus  simple- 
ment bonhomme,  un  grand  regard  sous  le  haut  front  baigné  de 
cheveux  en  bouéles,  et  Adam  Kraft,  longuement  pris  d'un  profond 
penser  naïf,  dans  l'attitude  d'un  hercule  très  pieux.  Mais  soudain. 
Pogner  devenant  assommant  avec  sa  tablature.  Durer  ne  parla 
plus  qu'eaux-fortes,  Pogner  lui  conseilla  un  voyage  à  Colmar,  et 
lui  cria  que  Martin  Schongauer  était  cent  fois  plus  fort  que  lui, 
son  aîné, d'ailleurs,  et  autrement  dévot  que  l'auteur  A'Une  grande 
Fortune]  Adam  Kraft  intervint  pour  rappeler  Wohlgemuth  qu'on 
oubliait,  puis  s'emporta  pour  maintenir  les  droits  de  la  ronde- 
bosse.  Or,  ils  parlaient  tous  à  la  fois,  Hans  Sachs  ne  rapetassait  plus 
ses  vieux  souliers,  et,  au  lieu  de  sa  bonne  chanson,  je  n'enten- 
dais plus  qu'une  Wacht  am  Rhein  fredonnée  dans  la  cour  par 
quelque  David. _^ 

Je  sortis,  comme  on  allait  fermer.  Et  écoutez  bien!  C'était 
maintenant  la  vraie  nuit  tout  autour  de  moi,  la  nuit  sur  Nurem- 
berg, et  du  silence,  du  vrai  silence.  Il  me  semblait  voir  des  choses 
solennelles  s'établir  sur  les  rues,  tantôt  fourmillantes  de  foule,  et 
toute  cette  heure  avait  des  secrets  massifs  à  divulguer.  J'ai 
redescendu  et  remonté  la  ville,  toute  pensive  et  muette,  avec  ses 
grandes  pierres  qui  n'ont  osé  me  dire  ce  qu'elles  avaient  vu.  Et 
soudain  je  me  suis  rappelé  que  Georges  Khnopff  fit  comme  moi. 
jadis,  ce  pèlerinage  dans  la  nuit,  —  et  quel  bon  compagnon  que 
ce  souvenir?  —  Voilà,  j'ai  erré,  déambulé  toujours  au  hasard,  au 
gré  des  pentes  et  des  carrefours,  tenté  par  un  coin  mystérieux 
d'impasse  qui  tourne  sous  des  poivrières,  et  puis  les  regards  per- 
dus dans  les  petites  ruelles  naïves.  Il  y  a  des  ruelles  comme  des 
vierges,  qui  gardent  leur  pensée  sous  de  longs  cils  pétrifiés,  des 
venelles  qu'on  veut  déchiffrer,  et  toujours,  et  toujours  des  rues 
où  l'on  passerait  pendant  des  siècles  sans  connaître  leurs  secret* 
de  femmes.  Il  y  a  les  rues  prostituées,  celles  de  nos  villes  quoti- 
diennes, heureusement  lointaine*,  celles-là!  Il  y  a  les  rues  qui 
sont  des  épouses,  d'une  large  fidélité  presque  droites  avec  des 
airs  savants,  et  qu'un  seul  passant  foule  du  pied  du  maître.  El 
aussi,  conduit  par  madame  la  Lune  (elle  a  parfois  de  ces  audaces^. 
j'ai  vu  les  mâles  pour  ces  vierges,  les  grandes  tours  qui  domptent 
autour  d'elles  le  petit  harem  ingénu  ;  des  églises  comme  transpa- 
rentes dans  de  la  lune,  et  leurs  clochers  qui  ne  se  rendent  pas  : 
le  Burg,  au  haut  de  la  vieille  montagne,|et  les  arbres  qui  tromblont 
de  peur  à  ses  pieds;  et  le  mystère  de  ses  galeries  aux  angles 
sombres,  et  sa  masse,  toute  sa  masse  comme  heurtée  do  voir  là- 
bas  au  haut  d'une  tour,  cette  fenêtre  éclairée,  cette  toute  petite 
fenêtre  au  haut  de  la  grande  tour  et  les  murs  si  grands,  et  der- 


r 


rii'^rc  eux  lu  grt^c  jeune  tilU;  en  prières  aux  pieds  de  la  Vierge.  — 
Kn  bas,  les  petites  maisons  s'interrogent,  silencieuses  el  non  sans 
terreur,  el  c'est  très  au  loin  la  Lorcnzer-Kirclio,  avec  la  droite 
ascension  jumelle  do  grands  gestes  qui  portent  les  cloches. 


THÉÂTRE  DE  LA  MONNAIE 

Le  Songe  d'une  Nuit  d'été 

Nous  avons  eu,  dans  la  quinzaine,  deax  Songe  d'une  Nuit  d'élé 
à  Oruxcllcs":  l'un,  au  Conservatoire,  do  Mendolssohn;  l'aulrc,  à  la 
Monnaie,  de  M.  .\nibroise  Thomas.  Mais  tandis  que  le  premier 
évoqua  dans  d'imaginaires  décorsde  forêt  ilhiminée  de  lucioles  cl 
do  clairs  de  lune  la  fderic  du  menu  peuple  crée  par  le  poète,  Tila- 
ni:i,  l'uck,  Obéron,  le  second  nous  offrit  les  bizarres  gargouillades 
et  borborigmes  musicaux  par  lesquels  le  directeur  du  Conserva- 
toire de  Paris  a  traduit  le  non  moins  bizarre  livret  de  M^.  Rosier 
et  De  Leuven.  Oh  j  cette  musique  qui  a  l'air  4c  Hier  comme  un 
macaroni,  ce  dévidement  perpétuel  de  vocalises,  d'arpèges,  de 
gammes,  de  trilles,  çetégrènement  de  noies,  ce  rosaire  de  doubles 
croches  dont  les  points  d'orgue  ser^iient  les  paters! 

On  n'imagine  rien  de  moins  musical  que  cette  accumulation  de 
sons  et  l'on  se  demande  avec  stupéfaction  comment  des  œuvres 
d'une  pareille  vacuilé  d'art  ont  pu  donnera  leur  autour  une  si  haulc 
situation  artistique. 

MM.  Sloumon  et  Calabrési  ont  bien  fn\\  de  reprendre  ce  curieux 
échaniillon  d'une  époque  abolie.  Le  Songe  d'une  Nuit  d'été  csl 
une  borne  sur  la  route  suivie  par  la  musique  moderne.  Il  peut  ser- 
vir à  mesurer  la  distance  parcourue.  Et  puis  il  est. toujours  amu- 
sant de  voir  s'effondrer  des  f'êpulations  établies  sur  la  badaudcric 
des  uns  par  la  malice  des  autres. 

La  direction  de  la  Monnaie  a  monté  avec  soin  l'opéra-comique 
de  M.  Thomas,  dont  l'intcrprétaiion  est  confiée  k  M"^*  Merguillier 
ol  Noyl,  à  MM.  Badiali,  Isouard  cl  Sentein. 


A.TJ    aOITSEI^-V^u^TOIR,£] 
Troisième  concert.  - 

L'  «  altraclion  »  de  la  séance  (avez-vous  remarqué  qu'en  orga- 
nisateur habile,  connaissant  admirablement  son  public,  M.  Ge- 
vacrt  a  soin  de  ménager  ii  chacun  de  ses  concerts  un  «  effet  » 
à  sensation?)  l'atlraction,  c'était  M"»  Dudlay,  ex-élève  du  Conser- 
vatoire, qui  alors...  mais  depuis...  Bref,  la  voici  sociétaire  de  la 
Comédie  (C  majuscule),  après  de  retentissants  démêlés  avec  les 
chefs  de  la  Maison,  lesquels,  eux-mêmes,  ont  ensuite  cassé  quel- 
ques vitres...  Mais  ces  potins  et  cancans  sont  trop  connus  pour 
les  redire.  La  vérité,  c'est  que  M"«  Dudlay  est  une  très  intéres- 
sante artiste,  au  visage  mobile  et  expressif,,  au  geste  ample,  à  la 
diction  pure.  In  tanlinel  de  voix  en  plus,  ce  serait  une  grande 
tragédienne.  Son  apparition  sur  l'estrade  où,  jadis,  elle  vint 
concourir  parmi  les  élèves  de  M"''  Tordeus,  a  été  presque 
triomphale.  Et,  de  fait,  le  succès  qu'elle  a  remporté  était  parfai- 
tement mérité.  Avec  son  chignon  d'or,  sa  robe  d'un  rose  mourant, 
on  rein  prise  pour  une  figurine  de  Tanagra.  Immobile,  très  grave, 
(OnceiJtrée,sans  le  soupçon  d'un  «  me  voilà,  c'est  moi,  regardez- 


moi  ».,  durant  tout  le  prélude  symphonique  el  le  premier  chœur 
de  cette  1res  belle  œuvre  :  les  Ruines  d'Alhènes,  'elle  sortit 
lentement  de  son  rêve,  et  avec  des  intonations  solennelles,  une 
mimique  sobre,  de  beaux  mouvemenis  harmonieux,  elle  donna 
aux  récits  qui  composent  la  partition  une  remarquable  intensité, 
suivant  du  regard  et  de  la  pensée  visiblement  exprimée  les 
tableaux  tour  à  tour  sombres  et  glorieux  du  poème. 

Deux  pièces  :  Stella  el  Après  la  bataille,  de  Victor  Hugo,  — 
cette  dernière  en  manière  de  remerciements  au  public,  1res 
^'mballé,  —  lui  conquirent  définitivement  l'auditoire. 

L'orchestre  el  les  choeurs  ont  donné  des  Ruines  d'Athènes  une 
bonne  interprétation;  l'orchestre  s'est  particulièrement  distingué 
dans  la  scène  des  Derviches  el  de  la  Marche  des  Janissaires.  Le 
concert,  qui  comprenait,  en  oulre,  l'air  de  ballet  de  Promcthée, 
—  prétexte  à  faire  valoir  la  virtuosité  des  solistes  :  MM.  Jacobs, 
Anlhoni,  Poncelet,  Neumans  et  Mecrloo,  —  avait  débuté  par  la 
symphonie  Jupiter,  de  Mozart;  il  se  clôtura  par  l'ouverture  de 
Siruensée,  dont  le  caractère  superficiel,  toul  en  façade,  a  paru 
jurer  avec  les  œuvres  de  style  qui  forment  le  répertoire  habituel 
du  Conservatoire.  On  se  serait  cru  aux  beaux  soirs  de  fou  le  Jardin 
Zoologique  ou  du  plus  récent  Waux-Hall. 


LES   .A.XJ(3-XJR.ES 


Un  prétendu  Rembrandt  a  élé  découvert  au  Pecq,  par  M.  Bour- 
gc<ïîsërpar  M.  Henri  Ponon. 
/  Mais  est-ce  bien  lin  Rembrandt? 

Les  opinions  sont  très  partagées,  et  il  est  curieux  de  voir  ce 
que  disent  là-dessus  les  gens  les  plus  compétents.  Cola  donne  une 
Idée  de  leur  compétence  !  

M.  Bonoat  écrit  : 

«  Certaines  parties  sont  habiles  d'exécution,  je  le  veux  bien, 
mais  d'autres,  comme  les  lêtcs  de  l'ange  cl  des  deux  individus  de 
gnuclie,  sont  d'une  faiblesse  extrême: 

«  Ça  du  Rembrandt?  Jamais  !  » 

M.  Gérôme  ; 

«  Ce  tableau  est  cerlainement  l'œuvre  d'un  homme  de  talent  el 
la  tête  du  Christ  a  du  mérite,  comme  exécution  et  comme  carac- 
tère, mais  les  autres  personnages  sont  tout  à  fait  inférieurs  sous 
tous  les  rapports.  Lés  trois  autres  têles  des  disciples  sont  molle- 
ment peintes,  mal  construilcs  el  ne  rappellent  en  rien  la  manière 
vigoureuse  el  savante  de^Rembrandt.  En  somme,  cet  ouvrage  est 
d'un  homme  de  talent,  il  est  d'un  bon  effet,  d'une  bonne  tenue 
générale,  mais  il  n'est  pas  de  Rembrandt. 

Par  contre,  M.  Tony  Robert-Fleury  déclare  : 

«  L'œuvre  est  magnifique  :  sa  beauté  suffit  à  consliluer  le  plus 
éloquent  el  le  plus  indiscutable  témoignage  en  faveur  de  l'authen- 
ticité de  la  signature. 

«  Personne,  parnji  les  élèves  ou  les  émules  de  Rembrandt 
n'est  capable  d'avoir  peint  ce  tableau  merveilleux,  » 

MM.  Vollon  et  Alfred  Stovcns  ont  ilSservé  leur  opinion,  ce  qui 
est  le  meilleure  façon  d'être  expert. 

Et  dire  que  ce  sont  les  mêmes  gens  très  compétents  qui  sont 
chargés  de  dire  au  public  quand  un  tableau  moderne  est  bo:i  et 
quand  il  est  mauvais.  Et  le  public  les  suit!  ! 


iâÊÊÊt 


iPlBLIOQRAPHlE    MUSICALE 

Œuvres  belges 

Parmi  les  œuvres  rfîcemmenl  éditées  en  Belgique  cl  dont  les 
couverlures  cliamois,  fcuirc,  ardoise,  paille  marbrent  les  vitrines, 
signalons  la  partition  du  dernier  poème  symphoniquc  et  lyrique 
d'Emile  MalliieUj,/e  Sorbier,  exécuté  à  la  première  séance  musi- 
cale dos  XX  et  dont  les  Concerts  populaires  nous  donneront, 
aujourd'hui  même,  une  audition  k  l'orchestre.  La  partition,  très 
clairement  gravée,  a  paru  à  Louvain  chez  M.  G.  Daman.  Du  même 
auteur,  les  Fumeurs  de  /Ci^,  ballet  en  trois  tableaux  représenié 
pour'la  première  fois  en  i876  à  la  Monnaie  et  repris  celte  année. 
L'œuvre,  qui  comprend  une  inlroduclion  cl  douze  morceaux,  a 
été  réduite  par  l'auteur  pour  piano  à  deux  mains.  Elle  est  édiléo 
par  M""*  G.  Beycr,  à  Gand.  ■ 

M.  Bsrtram  a  mis  en  vente  le  petit  poème  musical  de  MM.  Léon 
Jourot  et  Louis  de  Casembrool  :  les  Chansons  du  dimanche,  on 
quatre  parties,  dont  M"""  Cornélis-Servais^a  fait  valoir,  aux 
concerts  des  XX,  les  qualités  gracieuses. 

Enfin,  la  maison  Scholt  frères  (Otto  Junné^  vient  de  faire 
paraître  deux  nouveaux  recueils  de  Chansons  et  mélodies  écrites 
par  M.  Gustave  Kefer  sur  des  poésies  de  Jean  .\icard,  Verlaine, 
Laforgue,  Verhaeren,  etc.  La  nouvelle  série  de  compositions  de 
M.  Kefer  est  plus  intéressante  encore  que  ses  œuvres  précédentes. 
Nulle  banalité.  Un  continuel  souci  de  la  forme,  au  service  d'une 
pensée  toujours  élevée  cl  pure.  Nos  préférences  vont  à  la  Chanson 
du  matelot,  à  la  Chanson  des  olives,  à  la  Chanson  du  mendiant,, 
au  Soir  religieux  11"^  2.  On  se  souvient  du  succè^remporlé  par 
M.  Renaud  dans  l'interprétation  de  deux  de  ces  mélodies,  bien  que 
la  musique  ne  fûl  nullement  sacrifiée  à  la  virtuosité  du  chanteur. 

On  trouvera  dans  les  douze  pièces  du  recueil  d'autres  œuvres 
d'un  égal  intérêt  d'art  et  d'un  même  raffinement  d'écriture. 


Petite  chroj^ique 

L'exposition  de  Portraits  des  maîtres  du  siècle  a  élé  inaugurée^ 
hier  avec  le  cérémonial  accoutumé  des  ouvertures  officielles  :  la 
Cour  et  la  Ville,  les  tapis  rouges,  les  cravates  blanches.  Elle  ren- 
ft^rme  quelques  belles  œuvres,  mêlées  à  un  déballage  effroyable  de 
vilains  bonshommes  et  de  laides  dames.  Est-ce  que  vraiment  le 
siècle  n'a,  plasliquemenl,  rien  produit  de  mieux  ?  Bon  nombre  de 
tableaux  annoncés  ne  sont  pas  arrivés.  On  attend  les  Mancl,  les 
haffaclli,  les'  Puvis  de  Chavanncs  qui  rajeuniront  un  peu  les 
panneaux  vétustés. 

Le  prix  d'entrée  esl  de  2  francs  dans  la  semaine,  de  0  francs 
le  samedi  et  d'un  franc  le  dimanche. 


Pour  rappel,  aujourd'hui  à  1  h.  1/2,  au  lliéâlrc  de  la  Monnaie, 
deuxième  Concert  populaire  consacré  aux  œuvres  de  MM.  Emile 
Mathieu  et  Edgard  Tinel,  dirigées  par  leurs  auteurs. 

Chaque  année,  un  Comité  de  dames  organise  une  soirée  artis- 
tique au  profit  des  enfanls  pauvres  de  Boitsfort.  Le  concert  de  celle 
année  aura  lieu  samedi  prochain  15  mars,  à  8  1/2  heures,  dans 
la  salle  Marugg.  Au  programme  sonl  inscrits  les  noms  de 
MM.  Henri  Heuschling,  Edouard  Jacobs,  Merck  et  dc'.M"*  Berthe 
Chainaye. 

Le  prix  des  places  réservéer'él'numérotées  est  fixé  à  5  francs. 

On  peut  se  procurer  des  caries  rue  de  la  Science,  1,  rue  de  la 
Loi,  61,  rue  Sainl-Josse,  51,  et  chez  les  éditeurs  <le  musique. 

Le  Club  symphonique,  fondé  l'automne  dernier  par  M.  Emile 
Agniez,  donneuason  premier  coticert  dimanche  prochain,  16  cou- 


rant, îi  2  h.  et  demie,  au  pal;iis  des  Académies,  au  bénéti.e  de  la 
Caisse  permanente  de  secours  aux  victimes  du  travail.  Le  pro-' 
gramme  promet  une  séance  très  atLravanli\»<'rix  d'entrée  :  ;)  francs 
et  fr.  2-50.       ■       :      l"  "         , 


^-^ 


Le  Cercle  musical  de  Namur,  organise  pour  mardi  prochain, 
H  mars,  à  7  1/2  heures,  un  grand  concert  exclusivement  con- 
sacré aux  œuvres  de  trois  compositeurs  belges  :  MM.  Emile 
Mathieu,  Edgar  Tinel  et  H.  Ballbasar-Florence.  On  entendra,  du 
'pYcm\cv,le  Hoyoux,\)Gi'.mc  lyrique  et  symphonique  fsoli,  chœurs 
et  orchestre),  une  marche  :  Noces  féodales,  un  air  extrait  de 
Richilde  et  le  Barde,  ballade  pour  baryton  et  orcheslr.';  du 
deuxième,  la  marche  triomphale  de  la  canlale  De  Klokke  Roelaml; 
du  Iroisième.  un  concerto  pour  violon  et  orchestre,  une  scène 
lyrique  des  Houilleiirs,  des  pièces  pour  violon  cl  une  mélodie 
pour  ténor,  violon  et  orchestre. 

M.  Candeilh,  directeur  du  théâlrc  dy  P;irc,  a  traité  avoT'Ie 
Théâtre-Libre  pour  une  nouvelle  série  de  représentations.  Celles-ci 
commenceront  le  20  mars.  Au  programme  :  IcJ!  Frères  Zemganno, 
trois  actes,  que  MM.  Paul  Alexis  et  Oscar  Méiénier  ont  tirés  du 
roma.n  de  M.  Edmond  de  Goncourt  ;  V Ecole  itis  Veufs,  de 
M.  G.  Ancey;  Deux  Tourtereaux,  un  arlede  MM.  Paul  Ginisty  et 
Jules  Guérin,  etc.,  etc. 

Dans  la  prcmièr.e  pièce,  qui  vient  dètre  jouée  avec  succès  au 
Théâtre-Libre,  nous  reverrons  M""  .Sylviac. 

Le  théâlrc  fl«s  Galeries  donnera  le  22  courant  une  représenl.i. 
lion  extraordinaire  au  bénéfice  d'une  de  ses  artistes  les  plus  syni. 
palhiques,M"'*=  Madeleine  Max.  On  jouera  Jean-Marie  ci  Monsieur 
Scapin. 

On  rïOus  écril.  d"Anvei"s  : 

Après  l'Alcazar  de  Bruxelles,  la  Scala  d'Anvers  a  eu  la  très 
louable  idée  de  convier  son  public  à  l'audition  de  vieilles  chan- 
sons, ^  interprétées,  celle  fois,  avec  un  goût  délicat,  par  une 
artiste  de  race.  M'"*  Marthe  Lys.  Sa  diction,  faite  de  finesse  et  de; 
grâce,  n'a  guère  ou  de  peine  à  vaincre  les  hésitations  du  public, 
toujours  défiant  des  efforts  dérogatoires  à  la  coutumière  banalili'-. 
Dessiné,  dès  le  début,  par  les  syfnpathies  de  quelques  lettrés,  le 
succès  est  allé  en  s'accenluant  de  jour  en  jour.  En  passant  par 
Murger,  Musset,  Déranger,  Desaugiers  et  Parny,  M"*  Marthe  Lys 
est  remontée  jusqu'à  des  époques  fort  éloignées,  et  l'on. a  vu  ce 
rare  spectacle  d'une  très  jolie  et  très  naïve  chanson  du  xti*  sièiK\ 
applaudie  à  l'égal  du  Bidu  bout  du  banc  et  du  Pi-re  In  Victoire. 

L'Académie  de  littéraW'e'yUimand^^  mis  au  concours  les 
questions  suivantes  :  ^"-^ 

Philologie.  — l^Hisloirc  de  l'infinitif  dans  les  anciens  dialectes 
germ^aniqîTcs^  2°  élude  sur  le  poète  Pr.  Van  Duyse,  considéré 
comme  linguiste  cl  littérateur. 

Histoire.'  —  1"  Quel  esl  le  rôle  attribué  dans  le  moyen-âge  au 
Principe  du  mal  .-  Lucifer,  SUanas,Sinnekens,  etc  ,  et  quels  en 
sonl  les  caractères  généraux  et,  dans  quelques  ouvrages,  les 
caractères  particuliers? 

2»  Faire  l'histoire  do  l'emploi  en  Belgique  de  la  langue  né''rlan- 
daise  dans  l'enseignement  supérieur,  moyen  et  primaire  de  18;!0 
à  nos  jours? 

L'auteur  aura  soin  de  citer  et  d'analyser  les  lois,  arrêtés  roynu.x 
et  ministériels,  circulaires,  programmes, enfin  tous  les  documents 
officiels  concernant  la  matière. 

Poésie.  —  Une  pièce  de  vers  célébrant  le  vingt-cinquième 
anniversaire  de  S.  M.  Léopold  II. 

Les  lauréats  recevront  une  médaille  d"or  dune  valeur  de 
600  francs.  - 

Sommaire  du  Japon  artistique,  n»  22  :  Les  animaux  dans  l'art 
aaJapon.  par  M.  Ary  Renan  (suite  et  fin). 

Planches  hors  texte  ••  Portrait  d'acteur.  —  Sarcelles.  —  Petits 
croquis.  —  Étude  de  corbeaux  (double  pagoi.  —  Èiude  de  pois- 
sons. —  Deuxfragments  d'étoffes.  —  Modèles  pour  ciseleurs^  — 
Trois  vases  de  bronze.  —  Modèles  indiistriels. 


7 


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Spécial  cabine,  28  francs  ;  Cabine  de  luxe,  75  francs. 
Pour  la  location  à  l'avance  s'adresser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  (Quai)  ou  à  l'Agence  des  Chemins  de  fn-  de  rÊtat-Belge 
Northumberland  House,  Strond  Street,  n°  17,  à  Douvres. 

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Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  lEcrploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  l'Agence  générale  des 
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Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 
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Revue  mensuelle  de  littérature  et  d'art 

5"  Année 

directeurs  :  MM.  A.  MOCKEL  et  P.-M.  OLIN. 

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Bureaux  !   ,  ^        ,,        .  ...       „,„ 

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V 


TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-C.  Lobe. 

Traduit   de   l'allemand   (d'après  la  5^  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

-        VIII  et  379  p.  gr.  iniSo.  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstrait*  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composi4ion  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition;  par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français' à 
même  d'apprécier  un  des  rares  ouvrages  d'enseignement  musical  les 
plus  estimés  en  Allemagne.  '  - 


— ^ 


Bruxelles.  —  Imp.  V  Monnoh,  26,  rue  de  l'Industrie. 


'À 


Dixième  année.  —  N"  11, 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  16  Mars  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  »  Octave  NTAtJS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

ABONNEMENTS':    Belgique^    un   an,    fr.   10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES   :    On   traite  à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  I^Art  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  26,  Bruxelles. 


Sommaire 


L'Exposition  de  portraits.  —  Impressions  d'.\rt,   par  Eugène 
Demolder.  —  Exposition  Meunier.  —  Correspondance  d'artiste  : 
Dresde.  —  Concerts  populaires  :  Deuxième  matinée.  —  Théâtre  ^ 
de  l'Alhambra  :  Surcouf.  —  Concerts  parisiens  :  Société  nationale 
DE  MUSIQUE.  —  Petite  chronique.  .  < 


L'EXPOSITION  DE  PORTRAITS 

Très  respectueusement,  avec  l'air  de  dire  :  '•  Hein! 
quel  honneur  pour  Bruxelles  d'avoir  réuni  tant  de 
Bonnat,  de  Munkacsy,  et  même  un  Chaplin,  et  même  un 
portrait  de  Monsieur  Cabanel  !  "  dévotement  presque,  les 
gens  défilent,  les  bonnes  gens  qui  ont  lu  dans  les  gazettes 
que  rien  n'est  plus  beau,  plus  artistique,  plus  émou- 
vant que  ce  déballage  de  portraits  parmi  lesquels  il  en 
est  qui  font  défaillir  les  chroniqueurs,  et  précipitent,  à 
leur  suite,  les  dames  du  monde  ^  chic  <>  en  des  pâmoisons 
imprévues. 

Très  irrespectueusement,  les  sceptiques  sourient  de 
cet  accès  subit  d'enthousiasme  suraigu,  et,  le  tour  des 
salons  fait,  le  triage  efi'ectué,  la  douzaine  de  toiles  de 
valeur  que  comprend  l'exposition  mise  à  part,  dans  le 
coin  des  souvenirs,  songent  à  la  médiocrité  effrayante 
des  portraitistes  célèbres  (ou  soi-disant  tels,  puisqu'on 
les  range  parmi  les  Maîtres  du  siècle),  à  la  pauvreté 


d'invention  qu'ils  attestent,  à  la  banalité  de  l'attitude  et 
du  geste,  à  la  puérilité  des  accessoires,  au  coloris  terne  et 
fumeux  dont  l'œil  s'attriste: 

«  Que  d'Herbo  !  que  d'Herbo  !  »  disait  hier,  avec  de 
petites  mines  amusantes,  une  jeune  tille  assez  artiste 
pour  se  permettre  le  luxe  d'une  opinion  individuelle  et 
assez  indépendante  pour  l'exprimer,  au  grand  scandale 
des  personnes  d'âge  mûr  et  d'idées  toutes  faites  qui 
l'entourent. 

C'est  l'impression  dominante  de  ^  l'art  du  portrait  ^ 
à  notre  époque.  Des  deux  ou  trois  cents  portraits  con- 
fectionnés depuis  cent  gins  en  France,  en  Belgique,  en 
Allemagne,  en  Hongrie,  en  Angleterre,  que  l'exposition 
actuelle  nous  convie  à  admirer  (et  c'est  une  sélection!). 
en  est-il  vraiment  douze  qui  s'élèvent  au  dessus  de  la 
représentation  immédiate  et  .matérielle  (ressemblance 
garantie)  du  Monsieur  ou  de  la  Dame  qui  a  consacré 
quelques  après-midi  à  parader  en  habit  de  gala  ou  dans 
un  négligé  savamment  éSmbiné  devant  une  palette  de 
peintre?  Pour  faire  pareille  besogne,  l'artiste  peut  être 
aboli.  Un  agent  mécanique  suffit.  Et  le  jour  où  la  photo- 
graphie en  couleurs  aura  fait  son  apparition,  on  pourra, 
sans  regrets,  supprimer  le  portrait  à  Ihuile  ou  au 
pastel,  —  le  portrait  tel  qu'on  l'entend  communément, 
et  qui  nest  qu'une  image.  Voyez  les  Bonnat,-  lès 
Gallait,  les  Dewinne  même,  dont  un  seul,  le  portrait  de 
M.  Sandford,  échappe  peut-être  au  naufrage;  voyez  les 


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Wauters,  les  Heniiebicq,  les  Portaels,  les  Delpérée,  les 
de  la  Laing;  voyez  les  Stevens;  voyez  aussi  tous  les 
illustres  inconnus  qui  peuplent  les  cinq  salles  de  l'expo- 
sition, accrochant  aux  panneaux  tout  un  jeu  de  massacre 
de  figures  historiques,  mondaines  ou  quelconques,  et 
dites,  dites  quelles  sont,  parmi  tant  de  rectangles  de 
toile  peinte,  soigneusement  bordés  d'or,' les  œuvres  qui 
font  penser,  qui  évoquent  l'âme  du  personnage  repré- 
senté, qui  donnent  à  celui-ci  le  catractère  définitif,  que 
seul  l'artiste  est  apte  à  exprimer  parce  que  seul  il 
découvre  la  synthèse  d'humanité  que  recèle  chacun  de 
nous. 

'  Il  est  permis  d'affirmer  que  le  portrait,  tel  que  l'ont 
conçu  les  Maîtres,  les  vrais  Maîtres,  est  au  sommet  de 
l'échelle  hiérarchique  de  l'Art,  parce  qu'en  lui  se  fixent 
toutes  les  sensations,  toutes  les  émotions,  toutes  l'es 
passions  humaines.  Quand  le  Titien  peint,  sur  un  cheval 
d'armes  caparaçonné  de  rouge,  dans  un,  paysage  ensan- 
glanté par  le  coucher  du  soleil,  l'Empereur  Charles- 
Quint  en  costume  de  tournoi,  la  lance  en  arrêt,  on  voit 
flotter  dans  les  yeux  aigus  du  souverain,  autour  de  sa 
bouche  hermétiquement  close  qu'encadre  une  .courte 
barbe  rude,  des  visions  de  batailles  et  de  conquêtes,  et 
toute  la  puissance  d'un  formidable  empire-  se  concentre 
sous  ce  heaume  de  métal  ^'où  jaillit  la  courbe  du  nez 
en  bec  d'aigle  et  la  proéminence  implacable  du  menton. 

Lorsqu'il  représente  en  son  invraisemblable  robe  à 
paniers  et  à  falbalas,  d'un  rose  éteint,  la  chevelure  si 
bizarrement  apprêtée  qu'elle  fait  songer  à  une  tête  de 
King  Charle's,  et  raide,  et  empesée,  et  solennelle,  mais 
juvénile  malgré  tout,  et  adorable ,  l'infante  Marie 
d'Autriche,  fille  de  Philippe,  IV,  Velasquez  fixe  inbu- 
bliablement  le  symbole  d'une  époque  de  faste  et  de 
grandeur,  et  sur  l'arc  des  lèvres  entrouvertes  ,  et 
dans  les  prunelles  largement  dilatées,  et  sur  la  grâce 
enfantile  des  narines  plane  l'aristocratie  de  toute  une 
dynastie  des  rois. 

De  cette  synthèse,  de  cet  agrandissement  du  portrait 
aux  proportions  d'une  page  d'histoire  définitivement 
écrite  ou  d'un  symbole  réalisé,  vainement  on  en  cherche 
la  trace  dans  la  plupart  des  bonshommes  et  des  belles 
dames  présentement  appendus  aux  parois  du  Musée, 
et  c'est  ce  qui  nous  empêche  de  ressentir  devant  ces 
toiles,  pas  malrancies,  plus' d'émotion  qu'on  n'en 
éprouve,  tous  les  ans,  aux  platanes  renaissants ,  sous 
les  vitrages  du  Palais  des  Champs-Elysées ,  en  contem- 
plant l'image  souriante  de  "  la  belle  Madame  X...,  ». 
ou  le  «  portrait  du  général  Bo\ilanger  ". 

Art  de  quatrième  ordre  ;  art  fait  pour  amuser  les 
bourgeois  et  chatouiller  leur  vanité;  art  mécanique,  en 
somme,  qui  n'exige  du  peintre  qu'un  œil  exercé  et  une 
main  habile^  art  d'où  la  pensée  est  absente.  Nous  nous 
faisons,  quant  à  nous,  du  Portrait  une  idée  si  haute 
que  les  trois  quarts  et  demi  de  la  collection  rassemblée 


au  Musée,  un  peu  au  has»rd  dé  la  fourchette,  il  faut 
en  convenir,  ne  nous  paraissent  nullement  mériter  les 
honneur8i»d'une  exposition  spéciale. 

Quelques  exceptions,  heureusement,  et  parmi  elles, 
au  premier  rang,  la  Marquise  de  Touimon,  peinte  par 
Ingres  avec  une  netteté  de  gothique.  L'œuvre  s'impose. 
La  précision  du  dessin,  le  modelé  des  chairs,  le  coloris 
(le  coloris  d'Ingres!)  d'une  fraîcheur  étonnante,  vrai- 
ment, oui,  avec  des  verts  à  la  Memling,  des  blancs,  des 
jaunes  superbes,  tout  est  attachant  en  cette  œuvre 
suggestive,  évocatrice  d'une  époque.  Puis  encore  i  un 
admirable  portrait  de  Delacroix  par  lui-même,  mysté- 
rieux, solennel,  qui  abrite  des  abîmes  de  méditations  et 
de  rêves;  quelques  Courbet,  noirs,  mais  hallucinants; 
un  petit  Portrait  du  général  Hugo,  par,  le  baron  Gros, 
qui  fait  revivre  l'ère  des  panaches,  des  uniformes  cha- 
marrés, et  aussi  de  la  bravoure  des  soldats  du  premier 
Empire;  et,  parmi  les  nôtres,  quelques  Agneessens, 
notamment  le  Portrait  d'Isidore  Verheyden,  qui 
demeure  une  œuvre  de  style,  d'une  intensité/  rare, 
plusieurs  Navez,  qui  grandit  singulièrement,  up  Mel-» 
lery,  trois  Khnopff",  fort  malmenés,  ceux-ci,  par  la 
commission  de  placement  qui  leur  a  octroyé  le  plus 
mauvais  coin  de  l'exposition.  / 

Les  portraits  de  Lenbach,  un  artiste  qui  jouit  en 
Allemagne  d'une  grande  autorité,  font  beaucoup  d'effet 
sur  le  public;  il  y  découvre  une  foule  de  qualités  que 
nous  avouons  avoir  vainement  cherchées  jusqu'ici.  Il  y 
a:^,  sans  doute,  une  certaine  allure  dans  son  Bismarck; 
son  Léon  Xïll  est  d'un  ascétique  étrange,  et  son 
AS/rossmayer  vous  poursuit  de  ses  regards  d'illuminé. 
Mais,  le  premier  étonnement  passé,  quand  on  analyse 
ces  peintures  au  jus  de  tabac  et  au  poiré,  elles  appa- 
raissent vides  et  mornes,  mal  construites,  brossées  à  la 
Biable,  et  d'une  coloration  horrible.  Et  l'on  retourne 
avec  joie  au  portrait  de  Delacroix  et  à  la  Marquise 
de  Toiirnon,  les  deux  œuvres  artistiques  du  Salon. 

Quant  aux  Kaulbach,  Vastagh,  Mackart,  Munckacsy 
et  autres,  on  nous  permettra  de  n'en 'rien  dire.  Ces 
choses-là  doivent  plaire  à  certaines  parties  du  public  : 
mais  ce  n'est  pas  celle  pour  laquelle  nous  écrivons. 

Au  demeurant,  ce  ne  sont  peut-être  pas  les  peintres 
qu'il  faut  critiquer,  en  ce  domaine  spécial  de  la 
*»  pourctraiture  "  qui  si  rarement  échappe  à  la  banalité, 
mais  leurs  modèles.  Le  portrait  a  été,  de  tous  temps,  et 
sauf  exception,  le  pot-au-feu  de  l'artiste,  un  travail 
manuel  destiné  à  donner  des  robes  à  l'épouse  et  des 
chemises  aux  mioches.  C'est  quelque  chose  d'analogue 
au  journalisme,  que  sont  obligés  d'exercer  certains  écri- 
vains, et  qui  ne  peut  être  confondu  avec  la  littérature. 
Une  réunion  de  chroniques  et  d'articles  n'a  jamais  pro- 
duit un  bon  livre.  Une  collection  de  portraits  ne  sera 
jamais  qu'une  exposition  médiocre,  à  moins  qu'on  ne 
fasse,  ce  qui  n'est  pratiquement /guère  possible,  parmi 


^ 


la  multitude  de  portraits  commerciaux,  le  triage  des 
quelques  œuvres  que  le  peintre  a  créées  dans  un  unique 
souci  d'art.  N'est-elle  pas  profondément  vraie,  cette 
réflexion  de  Louis  Dubois  (dont  aucune  œuvre  n'est 
exposée,  ô  ironie  !)  : 

«  Nous  pensons  qu'il  n'existe  pas  de  beaux  portraits 
dont  les  modèles  soient  nuls  ou  inconnus.  C'est  toujours 
le  résultat  d'un  sentiment  qui  a  profondément  ému  le 
peintre  ou  le  sculpteur.  C'est  soit  une  marque  de 
respect,  de  vénération  :  aussi  rencontre-t-on  parmi  1^ 
portraits  les  plus  remarquables  des  grands  peintres 
ceux  de  leur  père,  de  leur  mère,  d'un  intelligent  protec- 
teur, d'un  ami,  ou  d'un  homme  pour  les  facultés  duquel 
ils  avaient  une  profonde  admiration  ;  la  femme  qu'ils 
aiment  est  naturellement  le  motif  de  leurs  plus  belles 
productions;  donc,  la  raison  majeure  d'un  portrait  est 
d'être  « ■  commémoratif  ».  L'indifïérence  de  l'artiste 
envers  son  modèle  est  la  cause  première  de  sa  mauvaise 
exécution,  ce  qui  n'a  malheureusement  que  trop  souvent 
raison  d'être.  » 


Impressions    d'art 

par  Eugène  Demolder.  —  Des  presses  de  M""  V«  Monnom. 

Pour  juger  M.  Demolder,  il  faut  bien  s'imaginer  ce  qu'élail  pour 
le  public  belge  d'anlan  un  critique  modèle. 

Sensuel,  promenant  sur  la  peinture  plutôt  sa  langue  que  ses 
yeux,  jutant  d'aise  à  voir  de  beaux  tons  saucés,  aimant  les  pâtes 
et  encore  les  pâles,  comme  on  aime  les  confitures,  s'en  fourrant 
jusque-là  et  puis,  didactisant  :  il  n'y  a  que  le  tableau  solide,  sain, 
vigoureux  et  grassement  peint.  Tout  cela  en  ces  deux  mots,  qui,, 
chalouilleurs  de  vanité  nationale,  se  plantent  sur  toute  discussion 
comme  un  drapeau  tricolore  :  art  flamand.  El  l'inévitable  cortège 
des  Rubens,  des  Teniers,  des  Jordaens  sortait  des  coulisses  de  la 
mémoire  et  du  double  fond  de  l'Iiisloire  pour  dire  au  critique  : 
«  Brigadier  de  lettres,  vous  avez  raison  ».  Et  le  public  croyait  — 
j'allais  dire  gobait  —  car  on  ne  résiste  pas  à  des  arguments  où  les 
noms  de  Rubens,  Teniers,  Jordaens  passent  avec,  au  devant  d'eux, 
des  qualificatifs  illustres. 

Le  critique  exemplaire  est  d'ordinaire  un  monsieur  fori,  bien 
portant,  buveur  d'esthétique  et  de  bière,  ne  sortant  jamais  de  la 
cave  d'un  raisonnement  étroil,  se  tenant  appuyé  contre  des  mu- 
railles d'entêtement  et  des  piliers  de  préjugés.  Son  homme?  Cour- 
bel —  et  fort  probablement  l'a-t-il  entendu,  jadis,  gueuler  dans  les 
estaminets  :  Il  n'y  a  qu'un  art  au  monde  :  celui  qu'on  mange 
des  yeux,  qu'on  lappe  de  la  langue  et  qu'on  peut  affirmer  à  coups 
de  poings. 

Au  physique,  M.  Demolder  pourrait  être  pris  pour  un  critique 
belge  exemplaire.  11  est  trapu,  sanguin,  musculeux. 

A  lire  ses  articles,  celle  appréhension  immédiatement  dispa- 
raît. On  les  sent  compréhensifs,  intelligents,  relourneurs  en  tous 
sens  des  qirestijons  d'arl,  éveillés  vers  le  neuf,  fureleiirs  de  renom- 
mées à  naître,  curieux  de  dessous;  en  un  mol  :  modernes.  En  rien 
pédants  ni  dogmatiques.  M.  Demolder  fait  à  travers  les  Salons 
des  promenades  intelleclucUes,  il  cause  avec  son  moi  cl  consigne 


«  ce  qu'ils  se  sont  dit  ».  Il  sait  ce  qu'est  la  phrase  littéraire  et  le 
mol  juste  et  demeure  persuadéquc,  même  pour  faire  delà  critiqué 
sérieuse,  il  ne  faut  pas  nécessairement  écrire  comme  des  porte- 
faix; il  soigne  son  noir^r  blanc.  J'en  sais  qui  aftirment  :  «  Tels 
articles  ne  peuvent  être  profonds,  parce  qu'ils  sont  trop  parfaits, 
de  style.  Un  adjectif  fait  lâche  et  une  comparaison  trou.  El  l'ap- 
préciation pour  juger  une  critique  se  rt-sume  :  «  Oui,  pas  mal 
écrit  ». 

Les  teneurs  de  plume  au  rez-de-chaussée  des  journaux  calés, 
abondent  presque  tous  en  ce  sens.  Ils  écrivent  comme  des  com- 
mis de  l'enregisiremenl,  ils  parlent  d'art  comme  les  sacristains 
parlent  de  Dieu,  ils  font  des  livres  qui  sont  des  compilations  de 
lieux  communs  et  de  la  besogne  comme  des  pousse-cailloux  : 
manieurs  de  pelles,  de  piques  et  de  brouellcs  —  mais  artistes 
passifs  émus  par  les  artistes  actifs,  allons  donc! 

El  pourtant  c'est  bien  ce  que  devrait  être  le  critique.  D'une 
réceptivité  subtile  :  miroir  aux  mille  facettes  où  la  nuance  de  la 
nuance  s'arrêterait,  ne  iûl-ce  que  l'inslant^d'un  trait  de  plume  sur 
le  papier.  Avanl>toul,  aigu  cl  intelligent,  puis,  très  scnsiiif  et  pas 
néanmoins  impersonnel  tout  à  fait.  Partial,  —  comme  l'a  dit  Bau- 
delaire —  non  pas.  Partiale  c'est  se  mêler  aux  gens  qui  luttent 
sur  un  même  palier  d'art,  et  le  critique  doit  se  trouver  sur  le  pa- 
lier au  dessus,  là  où  il  peut  tout  voir,  tout  -juger,  et  rester  en 
dehors  et  dominer.  M.  Demolder  occupe  le  palier  supérieur  aux 
luttes  de  nos  écoles  en  Belgique.  Il  est  libre  de  toute  attache  ar- 
tistique et  son  impartialité  est  totale. 

Le  livre  :  Impressions  d'art  témoigne  de  celle  indépendance. 
Son  jugement  rencontre  sur  sa  route  les  tendances  les  plus  oppo- 
sées et  les  analyse  toutes  avec  persp.icacité.  .Aucun  effort,  aucune 
œuvre,  qui  ne  le  sollicite;  il  a  le  courage  de  salonner  encore  et 
jusqu'à  la  dernière  ligne  de  rester  calme,  patient,  sans  jamais  en- 
voyer le  catalague  au  diable  ni  bâcler  des  réflexions  sur  le  menu- 
fretin  des  exposants  secondaires'.  '  . 

Le  voici  enthousiaste  de  Meunier,  sévère  pour  Jef  Lambeaux, 
minutieux  examinateur  d'une  exposition  d'art  ancien  ou  d'un  Salon 
des  XX.  La  cenlcnnale  de  Paris  le  pousse  à  de  pittoresques  el 
vivantes  descriptions,  el  le  réceni  livre  :  Certains  de  Huysmans, 
à  l'hyperbole. 

En  insistant  sur  la  valeur  littéraire  de  M.  Demolder,  nous  avons' 
voulu  indiquer  que  rien  n'-élonne  moins  que  de  le  voir  s'acharner 
à  certaines  transpositions  d'art,  nombreuses  en  ce  Kvre,  et  dont 
nous  citons  celle-ci,  d'après  d'anciens  maîtres  flamandu  ■ 

«  Bethléhem  était  un  village  aux  huttes  maçonnées  de  glaise  et 
blotties  sous  des  chaumes  bronzés  par  les  chaleurs  Cl  rongés  par 
tes  mousses  aux  verts  d'émeraudc.  Des  moulins  y  battaient  le  ciel 
de  leurs  ailes  folles  par  les  temps  de  bise,  el,  durant  l'époque  des 
cueillettes,  des  coquelicots  y  saignaient  dans  l'opulence  des  mois- 
sons. Avec  la  tour  de  son  église,  sonnant  des  angélus  pieusement 
ouïs,  "son  Calvaire  où  notre  bon  Dieu  agonisait,  une  plaie  aux 
côtes,  et  ses  Notre  Dame  hissées  aux  ormes  et  idolâtrées,  les  nuits 
de  mai,  par  des  cires  brûlant  au  clair  des  étoiles,  —  c'était  un*vil- 
lage  très  dévot,  car  Jésus  l'élut  pour  lieu  de  sa  naissance. 

«  Ce  fut  un  soir  de  Noël.  Par  les  chemins,  des  rondes  de  mar- 
mols,  tignasse  au  vent,  tournaient,  malgré  la  neige  tombée.  Les 
cabarets  jetaient  leur  reflel  rouge  au  sol  blanchi.  Dans  les  inté- 
rieurs, piqués  de  points  ignés  par  les  pipes,  les  bières  gonflaient 
les  panses,  cl  des  baesincs,  les  seins  crevant  leurs  corsages  déla- 
cés en  la  beuverie,  caressaient  le  menton  à  des  gaillards  clignant 
de  l'oeil  sous  un  béret  crânement  orné  d'une  plume.  Tout  le  jour 


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UART  MODERNE 


avaient  résonné,  doux  comme  chants  de  rossignols.au  temps 
d'amour,  le  rissolemenl  des  beurrées  et  les  cris  des  boudins  en 
poclc.  Une  odeur  de  mangeaille  floUait  dans  la  nuitée  :  le  parfum 
des  crêpes  rondes  et  dorées,  rappelant  lesécus  d'or  où  l'on  frappe 
les  effigies  des  empereurs,  le  fumet  des  jambons  et  celui  des  ome- 
lettes, l'émanation  des  tartes  de  kermesse.  Aussi  des  manants  trop 
gavés  se  soulageaient,  brayettes  bas,  dans  les  coins;  et  le  long  des 
murs,  avec  des  gestes  lourdauds,  une  fumée  d'hydromel  au 
cerveau,  des  magots  en  veston  brun  titubaient,  saisis  par  la  sou- 
daine froidure.  » 

Quoi  conclure? 

M.  Demolder  est  un  peintre  de  plume  dont  l'encrier  renferme 
de  précieuses  encres  de  palette  et  qui  s'impose  excellent  critique. 


EXPOSITION  MEUNIER 

Que  d'expositions  se  sont  succédées  au  Cercle  et  dont  il  n'était 
guère  plus  utile  de  parler  que  de  feuilles  mortes  et  de  toiles 
goudronnées  pour  navires  marchands  —  mais  voici  que  la  série 
grise  s'interrompt  et  qu'au  moins  quelqu'un  invile  à  son  salon, 
vraiment  artistique  cette  fois,  notre  critique  indifférente  aux  Van 
Dyme-Sylva,  aux  Pion,  aux  La  Boulaye,  etc. 

Si  les  murs  de  la  petite  salle  du  Cercle  étaient  perfectionnés 
et  outillés  de  phonographes,  il  serait  joyeux  d'écouter,  après 
l'exposition,  toutes  les  âncries  qu'ils  recueilleront.  On  trouvera 
probablement  ces  toiles  trop  hardies,  trop  peu  agréables,  trop 
brutales,  que  sais-je?  On  n'en  surprendra  guère  la  haute  impres- 
sion de  pitié  forte  et  tragique  qu'elles  dégagent.  Meunier  est  un 
peintre  apitoyé  et  bon.  En  même  temps  rude-et  débuche  plé- 
bécnne.  En  même  temps,  attiré  vers  le  caractère  et  la  physionomie 
spéciale  de  ces  modèles.  En  même  temps  exécutant  plutôt  vigou- 
reux que  minutieux  et  improvisateur  que  méditateur.  On  peut,  à 
travers  l'œuvre  faite,  deviner  le  croquis.  Chez  des  peintres  plus 
lents  et  plus  tenaces,  cela  devient  difficile  et  même  impossible. 
Dites,  où  le  croquis  de  la  Muse  de  Mellery,  exposée  aux  aquarel- 
listes? 

Meunier  poursuit  avec  suite  le  plan  de  son  art.  11  s'est  assigné 
la  gloire  de  raconter  et  de  fixer  plastiquement  la  vie  d'une 
catégorie  d'hommes  vers  lesquels  tant  de  préoccupations  graves 
s'en  vont  à  celte  heure  et  que  tous  ceux,  hommes  de  lettres, 
hommes  de  sciences,  hommes  même  de  trône  et  d'Empire,  qui  se 
sentent  angoussés  par  l'avenir,  regardent. 

Ces  descentes  en  des  fosses,  ces  causeries  au  cabaret,  ces 
marches  vers  le  travail,  le  soir,  ces  puddleurs,  ces  porions,  ces 
femmes  en  culotte  et  en  blouse,  tout  le  monde  et  toute  l'activité 
ouvrière  sont  là,  .saisis  peut-être  un  peu  trop  en  anecdotes  et  en 
commentaires,  mais  en  tout  cas,  typiquement  et  quelquefois  défi- 
nitivement. 

Meunier  possède  en  art  une  province  h  lui  :  il  a  les  charbon- 
nages, comme  Mellery  a  Marken. 

Si  à  deux  reprises  le  nom  de  Mellery  nous  revient,  c'est  que 
ces  deux  peintres,  très  profondément  sérieux,  ont  des  affinités 
non  pas  tant  d'art  que  de  sentiment.  Ils  sont  tous  deux  tournés 
vers  les  humbles. 

Un  jour,  nous  poursuivrons  le  parallèle.  Disons,  dès  à  présent, 
qu'ils  sont  les  seuls  vivants  de  la  génération  de  peintres  immé- 
diatement nous  précédant,  qui  soient  dignes  d'admiration  nette. 

L'exposition  actuelle  de  Meunier,  ne  fût-ce  que  par  un  dessin. 


la  Lutte,  et  par  un  quadro,  le  Puddleur,  le  classe  parmi  ceux 
qui,  cherchant  toujours  plus  loin,  trouvent  toujours  mieux. 

Quant  aux  sculptures?  —  d'un  grand  artiste,  dont  les  bronies 
et  les  plâtres  crient  la  souffrance  et  la  mort  très  pénétramment. 
Le  groupe  du  Grisou  est  chef-d'œuvre,  le  Supplicié  également, 
et  V Homme  qui  boit  et  Celui  qui  fauche  ?  —  admirables  de  prise 
sur  le  fait  du  mouvement. 

On  reproche  h  Meunier  de  manquer  de  correction.  Correction 
veut  dire  souvent  académisme.  C'est,  croyons-nous,  le  cas.  Pas- 
sons. 


CORRESPONDANCE  D'ARTISTE  (') 


Dresde. 

Je  vous  ai  parlé  longuement  de  Nuremberg,  parce  que  j'avais 
peur  d'arriver  à  Dresde.  Quelle  horreur,  ce  Dresde  !  Une  ville  assu- 
rément carrée,  qui  s'efforce  d'être  convenablement  xviii*  siècle  et 
capitale,  et  qui  parvient  très  bien  à  n'être  que  prussienne. Dresde! 
et  ses  églises  en  rocaille  où  le  prêtre  parie  en  chaire  entre  de 
petits  amours;  et  ses  rues,  et  ses  statues,  et  le  Zwinger  qui  pleure 
fles  glaçons,  et  ses  Dresdois,  et  le"  «  souvenir  »  de  Maurice  de;  Saxe  ! 

Pendant  la  semaine,  de  même  qu'à  Munich,  les  ramoneurs  sont 
seuls  à  porter  le  chapeau  de  soie,  et  sont  d'un  fantastique  à  la 
Hoffmann.  Mais  le  dimanche  on  ne  voit  plus  de  ramoneurs,  et 
c'est  aux  bourgeois  d'exhiber  le  cylindre;  seulemeàt,  comme  ils 
n'en  ont  pas  l'habitude,  ils  le  pOKènt  sans  conviction,  et  comme 
ils  se  souviennent  de  la  landwehr,  ils  arrivent  parfaitement  à  se 
donner  l'air  d'épais  marguilliers  matamores.  Vous  devinez  l'élé- 
gance de  cette  foule! 

.4h  !  que  Dresde  ressemble  peu  à  ce  qu'on  imagine!  Ne  vous  êtes- 
vous  pas  figuré  comme  moi  Dresde  sous  l'aspect  d'une  ville  mi- 
gnonne, aux  cicux  de  soleil  lièd€,  aux  maisons  de  sucre  candi  rele- 
vées de  crespclcments  de  soie,  et  des  lunes  bleu  pâle,  un  soleil  pour 
rire,  les  pontonniers  arrosant  les  rues  de  poudre  d'iris,  un 
théâtre  où  l'on  joue  les  Jeux  de  VA  inour  et  du  Hasard,  le  Droit  du 
Seignettr,  la  Belle  Arsène,  le  Déserteur,  Armide,  voire  Zémire 
et  Azor?  Je  m'attendais  à  des  arbres  en  satin  mauve  à  grandes 
fleurs  en  ramages,  à  un  Zwinger  minuscule,  à  des  abbés  par  trop 
galants,  à  des  palais  en  biscuit  blanc  et  lilas  avec  corniches  en 
porcelaine  frisée;  des  pavés  recouverts  de  soies  mourantes,  par 
ci  par  là  quelque  son  grêle  de  clavecin  (Piccini,  le  père  Martini, 
à  peine  Haydn  et  Mozart),  et  partout,  toujours,  fourmillant  de 
mille  gestes  mignards  et  d'attitudes  penchées,  un  petit  peuple 
blanc  et  rose  d'un  xvin*  siècle  par  à  peu  près.  —  Mais  ce  n'est 
pas  cela  du  tout,  du  tout.  Nous  nous  trompions.  Il  y  a  des 
gendarmes,  des  officiers  à  hauts  paratonnerres,-.des  facteurs  à 
casquettes  larges,  des- gommeux  allemands  sans  bottes,  et  des 
brasseries  où  l'on  mange  des  saucisses.  Et  pourtant  nous  sommes 
bien  en  Saxe,  le  pays  des  Saxe!  C'est  à  n'y  rien  comprendre. 

S'il  n'y  avait  pas  l'Opéra,  le  Théâlre  Shakespearien,  les  musées 
(entre  autres  le  Musée  des  Porcelaines,  mais  plus  beau  comme 
anciens  Chine  que  comme  Saxe,  malgré  tout  !),  et  s'il  n'y  avait  pas 
quelques  jeunes  filles  anglaises  aux  longs  cheveux,  on  mourrait 
vite  à  Dresde.  ^ 

Le  musée,  je  ne  vous  en  parierai  guère,  ce  serait  trop  long,  et. 


(1)  Suite 


.-l 


oir  notre  dernier  numéro. 


•       T       J 


-*i 


^ 


pour  1res  beau  qu'il  soit,  il  me  plaît  beaucoup  moins  que  la  Pina 
coihèque.  Mais  vous  pouvez  noter  ce  délail,  que  les  rares  tableaux 
des  primitifs  allemands  et  ilalicns,  de  même  que  les  très  merveil- 
leux Walteàu  et  Claude  F-orrain  se  cachent  dans  les  cabinets, 
au  flanc  et  dans  les  ailes  du  musée,  tandis  que  Murillo,  Caravage 
et  tous  les  saucissons  de  Bologne  s'étalent  au  juste  centre.  Tant 
MIEUX,  certes!  Jamais  je  ne  me  suis  trou^uta  compagnon,  dans 
les  petits  réduits  des  primitifs,  et  quand  par  hasard  un  égaré  pas- 
sait, dès  le  premier  coup  d'œil  il  tournait  la  tête  et  fuyait. 

Mais  ce  qui  est  plus  fort,  c'est  qu'à  Dresde  il  soit  impossible  de 
se  procurer  les  photographies  de  ces  tableaux  !  Ni  les  merveilleux 
Van  der  Mcer  de  Delft  (1),  [ni  les  Lorchzo  di  Credi,'  Ghirlandajo, 
Botlicelli,  primitifs  inconnus  toscans,  allemands  et  flamands,  — 
ni  ce  curieux  panneau  byzantin,  étrange  et  chaud,  on  dirait  de 
l'émail  sur  toile,  cl  toile  sur  bois;  —  eh  bien  !  rien  de  tout  cela 
ne  peut  se  trouver  chez  les  marchands  d'estampes  :  on  vou«  offre 
toujours  la  Madone  au  saint  Sixte  {on  en  vend  aussi  des  photo- 
grapjiies  retouchées  selon  le  goût  allemand,  et  qui  la  complètent  à 
ravir).  Comment  n'être  pas  agacé  jusqu'à  la  nausée  qu^nd  on  voit 
des  chefs-d'œuvre  rester  inaperçus,  tandis  que  la  jolie  petite 
bourgeoise  de  Raphaël,  avec  les  deux  hagiographies  à  ses  côtés, 
et  sous  ses  pieds  les  petits  anges  si  jolis,  si  jolis,  si  jolis,  trône 
seule  dans  la  salle  qui  lui  est  exclusivement  réservée,  entre  ses 
lliéûlralcs  draperies,  et  devant  maints  sophas  préparés  avec  solli- 
citude pour  ses  admirateurs  fatigués...  Une  excursion  à  la  salle 
de  la  madone  est  une  partie  de  plaisir  pour  les  Dresdois  ;  il  y  fait 
bien  chaud,  on  peut  y  causer  (à  voix  basse  devant  le  chef-d'œuvre) 
et  faire  doucement  la  sieste  sur  les  sophas  en  se  disant  qu'on  est 
artiste  ;  —  malheureusement  on  n'y  vend  ni  bière  ni  saucisses,  et 
l'on  n'y  joue  pas  de  valses  ;  mais  cela  viendra  :  on  y  annexera  une 
ronditorei  et  une  brasserie,  on  y  donnera  des  redoutes  et  des  par- 
tics  de  café,  et  ce  sera  heureusement  complet. 

Eh  bien,  eh  bien  !  ne  vous  avais-je  pas  dit  que  je  ne  vous  don- 
nerais aucun  détail  sur  le  musée?  Ah  oui!  les  Anglaises...  Oui, 
j'en  ai  rencontré  de  sveltes,  aux  yeux  tout  éb|/ouis,  et  d'autres  aux 
longues  paupières  où  se  cachait  tant  d'inconnu  !  Elles  ne.  sont  pas 
bien  nombreuses,  mais  j'en  ai  vu  quelques-unes,  oh  !  quelques- 
unes  à  faire  tressaillir  Charles  Van  Lerberghe  jusqu^u  fond  des 
moelles.  J'ai  aperçu  la  Jeune  Fille  des  Flaireurs,  la  Pileuse,  la 
Fille  aux  dérives  de  ruisseaux,  et  celle  qui 

...  Daus  l'ombre  s'est  illuminée 
Du  réveil  d'une  chambre  d'or. 

J'ai  même  causé  longuement  avec  la  princesse  Maleine,  mais 
c'était  au  musée,  et  je  n'ai  pas  besoin  de  vous  dire  ^pi'^Ue  me 
regardait  étrangement  du  fond  d'un  Bolticelli. 


.,  deuxième  matinée. 

La  musique  belge,  qui  jadis  faisait  fuir  la  foule,  a  aujourd'hui 
le  don  de  l'attirer.  On  eût  inscrit  sur  les  affiches  le  nom  de  Richard 

(1)  J'ai  l'air  de  fourrer  Vermeei'  de  Delft  parmi  les  primitifs  ! 
Je  voulais  dire  seulement  que  dans  la  Renaissance,  on  peut  trou- 
ver la  photographie  des  Rubehs,  des  Véronèse,  de  quelques  splen- 
dides  Rembrandt  et  très  nobles  Van  Dyck,  mais  pas  du  rare  Van  der 
Meer  de  Delft,  l'un  des  joyaux  du  musée,  bien  certainement. 

^4 


Wagner  qu'il  n'y  eût  pas  eu,  dimanche,  plus  de  monde  au  Con- 
cert populaire.  Réjouissons-nous  de  cet  empressement,  et  félici- 
tons notre  public,  jadis  réfractaire  aux  productions  indigènes,  de 
faire  amende  honorable.  , 

Deux  noms  au  programme,  deux  noms  que  des  -œuvres  de 
valeur.  Saint- François  pour  l'un,  Richilde  pour  l'autre,  ont  rendu 
populaires,  Edgar  (est-ce  avec  un  d  ou  sans  d?  jamais  nous  ne  le 
saurons)  TincI  cl  Emile  Mathieu. 

Du  premier,  trois  pages  symphoniqueç-inspirées  de  Polyeucte ': 
une  ouverture,  le  «  Songe  de  Pauline  »  et  la  «  Fêle  dans  le  tem- 
ple de  Jupiter  »,  avec  cortège,  danses,  etc.  -* 

La  reprise  de  cet  ouvrage,  joué  autrefois,  à  l'époque  où  les 
Concerts  populaires  tenaient  leurs  assises  à  l'Alhambra,  n'a  pas 
été  aussi  heureuse  qu'on  l'espérait.  Si  l'on  y  découvre  certaines 
qualités  qui  onl  fait  de  M.  Tinel  un  de  nos  premiers  composi- 
teurs :  la  distinction  de  la  forme,  de  la  logique  dans  les  dévelop- 
pements, une  connaissance  non  superficielle  de  l'orchestre,  on 
rencontre,  par  contre,  des  réminiscences  d'œuvres  connues. 
L'influence  de  Schumann  et  de  Mendclssohn  5e  fait  trop  visi- 
blement sentir.  Des  trois  parties,  nous  préférons  l'ouverlure,  qui 
a  du  souffle.  Le  cortège  qui  ouvre  la  troisième  esl  coulé  dans  la 
forme  de  tous  les  cortèges  de  théâtre  et  les  danses  manquent 
d'intérêt. 

En  résumé,  une  partition  bien  écrite,  mais  que  l'oratorio  de 
Saint- François  et  certains  chœurs  composés  ultérieurement  par 
M.  Tinel  permettent  de  taxer:  œuvre  de  jeunesse,  essai  et  exer- 
cice d'élève. 

Le  Sorbier,  entendu  au  premier  concert  des  XX,  deux  frag- 
ments symphoniques  {Le  Lac,  larghetto  ;  Sous  Bois,  schcr- 
zando),-ct  la  première  partie  de  Freyhir  composaient  le  lot  de 
M.  Emile  Mathieu.  Nous  avons  parlé  déjà  du  petit  poème  rustique 
dans  lequel  l'auteur  exprime  en  langue  poétique  son  amour  pour 
la  terre  ardennaise,  et  nous  avons,  lors  de  la  première  exécution 
de  Freyhir,  dit  l'excellente  impression  produite  par  cette  œuvre 
d'une  belle  et  large  inspiration.  Les  deux  fragments  symphoni- 
ques (|ui  servaient  de  lien  entre  ces  deux  œuvres  ont  le  tort,  à 
nos  yeux,  d'être  trop  exactement  dans  le  même  caractère  et  de 
lasser  quelque  peu  l'attention  par  le  retour  trop  fréquent  des 
mêmes  idées,  lis  gagneraient  à  être  condensés,  ou  tout  au  moins 
est-ce  peut-être  une  erreur  de  les  jouer  l'un  h  la  suite  de  l'autre. 
Très  bien  écrits  d'ailleurs,  par  une  plume  experte,  ils  révèlent, 
comme  le  Sorbier,  comme  Freyhir,  une  nature  fine,  sensible, 
ouverte  aux  impressions  agrestes. 

L'orchestre  des  Concerts  populaires  a  donné  de  ces  diff'érentes 
œuvres  une  bonne  exécution;  les  chœurs  de^l'école  de  musique 
de  Louvain,  et,  comme  solistes,  M"''  Cornélis-Servais  et 
M.  S.  Byrom  onl  interprété  avec  talonl  les  parties  vocales  du 
Sorbier  et  de  Freyhir. 


THÉÂTRE  DE  L'ALHAMBRA 


Surcouf 


Le  Surcouf  de  MM.  Chivol  et  Duru  est  un  bon  petit  Breton  de 
Saint-Malo,  qui  se  fail  corsaire  pour  gagner  beaucoup  d'argent  et 
pour  épouser  la  gentille  Yvonne,  qu'on  ne  lui  donnera  que  s'il 
po.ssède  au  moins  trois  cent  mille  francs.  11  en  rapport(^ix  cent 
mille,  cl  bien  dav^antage,  car  le  métier  de  corsaire,  à  l'époque 


/ 


ofi.se  passe  la  véridiquc  liisloirc  qu'on  nous  raconlo^  csi  un. 
oxcellcnl  métier,  \\H  lucratif,  cl  qui  n'exigeait  ni  diplôme-,  ni  con- 
naissances spéciales. 

Ali!  le  bon  et  honnête  corsaire  que  Surcouf!  A  Sumatra,  il 
sauve  la  vie  à  une  belle  dame,  que  taquinait  un  caïman.  Délivrée 
de  ce  flirt  trop  entreprenant  (il  voulait  litiéialcmenl  la  manger  de 
caresses),  la  dame  épouse  l'oncle  d'Yvonne,  et  la  \oici,  fort  heu- 
("cusemenl  pour  leliénoi^emeul  nécessaire,  l'alliée  de  Surcoût' dans 
ses  amours.  Vainement  les  Anglais,  en  guerre  avec  la  Franco, 
s'emparent-ils  du  corsaire  pour  le  pendre  haut  et  court,  à  la  mode 
(lu  pays.  La  dame  le  sauve  ingénieusetneni  on  lui  substituant  son 
Jocrisse  de  mari.  El  voici  Surcouf  réintégré  sur  sa  belle  corvelte, 
et  coulant  bas  une  frégate  anglaise,  bijum  !  boum!  pif!  paf  !  pa- 
talra  !  ' 

Et  grâce  à  la  damo,  et  grâce  à  son  courage,  et  grâce  à  MM.  Clii- 
vol  et  Duru,  Surcouf  épouse  Yvonne  à  Saini-Malo,  et  tout  nous 
fait  espérer  que  le  ménage  sera  heureux  cl  qu'il  aura  beaucoup 
d'cnfanls.  ,  ,  v 

La  musique  que  M.  Robert  Flanqu'lie  a  écrite  sur  celte  idylle 
maritime  a  toule  la  banalité  et  la  niaiserie  senlimenlale  qui 
doivent  lui  assurer  le  plus  vif  succès  auprès  des  amateurs  d'opé- 
rette. El  la  direction  de  l'Alhambra  a  donné  à  la  mise  en  scène 
les  soins  que  réclamail  impérieusement  l'indigence  de  l'œuvretlc 
pour  attirer  la  foule  et  transformer  l'entreprise  en  un  gros  succès. 
Il  y  a  un  ballet  de  petits  horse-guards  ot  de  jeunes  higiilanders 
fort  bien  n^glé  el  très  agréablement  désliabillé.  Il  y  a  un  abordage 
à  sensation.  Il  y  a  uno  scène  réjouissante  où  los  matelots  de  l'équi- 
page du  cdfsaire,  travestis  en  seigneurs  siciliens,  font  mille  folies. 
En  faut-il  davantage  pour  amuser? 

Ajoutons  que  l'inierprétation,  confiée  à  M™*»  Zelo  Duran  el 
Blanche  Marie,  à  MM.  Favart,  Guffroy,  Devilliers,  Druart,  etc., 
est  excellente.  Et  dès  lors  personne  ne  s'étonnera  de  voir  la  salle 
de  l'Alhambra  pleine  comme  aux  beaux  soirs  d'antan. 


Société  nationale  de  inusique. 

{Correspondance  particulière  de  l'Art  modekne.) 

Le  dernier  concert  do  1j  Société  nationale  a  été  particulière- 
ment brillant.  Lue  première  audition  de  Saint-Saèns,  une  exécu- 
tion remarquable  de  la  sonate  pour  piano  et  violon  de  Fauré  et 
de  la  réduction  pour  deux  pianos  de  la  Symphonie  de  Vincent 
d'indy  sur  un  chant  montagnard,  dont  vous  avez  eu  la  primeur 
à  Bruxelles,  aux  concerts  des  A'A';  joignez  à  cela  de  ravissantes 
mélodies,  fort  bien  chantées;  voilà  de  quoi  satisfaire  les  plus 
difficiles. 

Le  Sckerzode  Saint-Saëns  pouV  deux  pianos  est  une  production 
toute  récente.  Le  titre  du  morceau,  avec  cette  5  majuscule  aux 
ailes  de  chauve-^otHTi^r-ful  dit-on,  dessiné  par  l'auteur  et  cnvové 
de  Cadix,  avant  d^^^H^cprendre  ce  voyage  à  destination  inconnue 
dont  les  chroniqueurs  sftanonlrenl  si  fort  intrigués. 

Une  œuvre  nouvelle  de  Sainl-Saëns  est  toujours  intéressanle. 
Celle-ci  ne.  changera  rien  à  sa  réputation., C'est  un  peu  une  Danse 
macabre,  moins  réussie.  Ce  qui  frappé  tout  d'abord,  c'est  le 
manque  d'unité  dans  les  idées.  Le  morceau  commence  dans  la 
fantaisie,  avec  des  accords  quelque  peu  réches,  puis  On  arrive  à 


un  scherzo  classique,  où  détonne  un  développement  en.  style 
fugué.  Ce  mélange  d'une  harmonisation  moderne  el  d'un  style 
scolastique  se  rencontre  si  fréquemment  dans  la  musique  de 
Saint-Saëns  que  c'en  est  presque  une  marque  distinctive. 
'  La  sonate  pour  piano  et  violon  est  une  œuvre  déjà  ancienne  de 
Fauré.  La  personnalité  de  l'auteur  n'y  est  pas  aussi  fortement 
caractérisée  que  dans  ses  admirables  quatuors,  ou,  plutôt,  elle 
y  est  différente.  Une  délicieuse  fluidité,  une  grâce  caressante  et 
languide  sont  des  qualités  qui  appartiennent  en  propre  à  Gabriel 
Fauré.  On  les  reirouve  moins  dans  la  sonate  pour  piano  el  violon. 
Par  contre,  on  y  rencontre  d'autres  qualités  de  vigueur  cl  de  rythme, 
plus  accusées  que  dans  le^ulres  compositions  du  même  auteur. 
C'est  en  loul  cas  une  œuvre  dé  premier  ordre  et  qui  peut  élro 
comparée  à  ce  que  l'on  a  écrit  de  plus  remarquable  dans  co 
genre. 

La  symphonie  de  Vincent  d'indy  est  peut-être  l'œuvre  la  plus 
parfaite  qu'il  ail  écrite  jusqu'à  présent.  On  peut  trouver  dans  le 
Chant  de  la  Cloche  ou  dans  la  Trilogie  de  Wallenstein  des  idées 
])lus  élevées,  des  aspirations  plus  grandes,  mais  la  symphonie  est 
incomparable  par  son  unité  de  composition  el  par  la  perfection 
de  sa  forme.  Elle  a  déjà  les  allures  d'une  œuvre  classique. 

Il  va  sans  dire  que  l'exécution  de  l'autre  soir,  à  la  Nationale, 
malgré  1  excellence  de  la  yanscription  et  le  talent  tout  à  fait  supé- 
rieur de  M"»"  Bordes-Pène,  qui  jouait  la  partie  de  piano  solo, 
ne  pouvait  remplacer  le  coloris  de  l'orchcslre.  Mais,  dans  celte 
œuvre  heureuse,  il  y  a  assez  de  qualités  musicales  proprement 
dites  pour  affronter  les  dangers  d'une  transcription.  L'effcl  pro- 
duit a  été  énorme  et  le  public  a  fait  une  véritable  ovation  à 
l'auteur. 

M.  Hue,  prix  de  Rome  d'il  y  a  quelques  années,  faisait  entendre 
au  même  concert  une  Cavatine  pour  piano  el  violoncelle.  On 
devine  que  le  compositeur  aime  la  musique  moderne;  il  a  du 
goût  pour  les  harmonies  compliquées,  les  notes  dissonantes  qui 
se  frôlent  el  se  résolvent  d'une  manière  inattendue.  Mallicurcuse- 
menl  son  goût  et  son  tempérament  ne  semblent  pas  d'accord.  Les 
harmonies  compliquées  ne  s'adaptent  pas  indifféremmenl  à 
toutes  les  phrases;  il  faut  qu'elles  naissent  avec  l'idée  musicale; 
si  elles  so'nt  rajoutées  après  coup,  comme  un  ornement,  elles  ne 
paraissent  plus  naturelles  el,  par  conséquent,  font  mal. 

Ce  don  de  l'harmonie  primcsautière,  M.  Charles  Bordes  le  pos- 
-^de  au  plus  haut  degré.  Ses  mélodies:  Tristesse,  Sérénade, 
Fantaiéie  Persane,  sont  d'un  senlimenl  exquis  et  d'une  élégance 
charmante.  M.  Bordes  est  un  des  jeunes  musiciens  sur  lesquels 
on  peut  le  plus  compter.  Il  a  des  dons  naturels  d'une  qualité 
rare.  Qu'il  se  défende  seulement  contre  une  trop  grande  et  dange- 
reuse facilité. 


M.  Lamourcux  a  donné,  dimanche  dernier,  une  très  belle 
exécution  de  la  trilogie  de  Wallenstein,  par  Vincent  d'indy.  Le 
programme,  admirablement  composé,  portail  entre  autres  le  final 
de  la  Gôtterdàmmerung  qui,  chanlé  par  M™*  Materna,  a  obtenu 
un  succès  prodigieux.  ". 


Le  programme  du  prochain  concert  de  la  Société  nationale, 
fixé  au  2i  courant,  porte,  outre  l'Actus  Iragicus  de  Bach  pour 
soli,  chœurs  el  orchestre  (deux  violes  de  gambe,  contrebasses, 
clavecin  et  quatre  flûtes)  que  nous  avons  annoncé,  le  Chant  élé- 
giaque  (op.  il8)   de    Beethoven   pour  chœurs  cl  quatuor,  un 


/ 


O  Saliitnris  de  P.  de  Brdville  el  les'dpux'  premières  scènes  de 
GwendoUiie  d'Emmanuel  Chabrier.  /^ 

Le  nouveau  quatuor  à  cordes  de  César  Franck  sera  joué  pour 
la  première  fois  à  la  séance  du  49  avril. 


Petite  chroj^ique 


La  deuxième  séance  de  musique  de  chambre  pour  inslrumenls 
à  venl  et  piano,  donnée  par  MM.  Anlhoni,  Guidé,  Poncelet, 
Merck,  Neumans  et  Dcgreef,  aura  lieu  aujourd'hui,  dimanche,  h 
2  heures  de  relevée,  au  Conservatoire,  avec  le  concours  de 
M"«  Julia  Milcamps. 

On  y  exécutera  des  œuvres  de  Grélry,  Bizel,  Chaminade, 
Brarans,  et  même  une  composition  de  Frédéric-le-Grand, 

En  même  temps,  au  Palais  des  Académies,',  premier  concert 
donné  par  le  Cercle  symphonique  sous  la  direction  de  M.  Agniez. 

Dans  sa  séance  du  6  mars,  M.  L.  Maeterlinck  a  été  nommé 
président  de  la  section  dos  Arts  plastiques  du  Cercle  Artistique  et 
littéraire  de  Gand.  " 


Nous  avons  reçu  au  sujet  de  la  conférence  de  M.. Stéphane 
Mallarmé  une  longue  lettre  qu'il  nous  est  malheureusement  im- 
possible de  publier,  noîre  correspondant  (l'écriture  paraît  être 
plutôt  d'une  correspondante?)  n'ayant  pas  signé  sa  communica- 
tion et  ne  s'étant  pas  fait  connaître  de  nous. 

Une  mondame  qui  est  en  même  temps  une  artiste  de  talent, 
M^^Hellman,  a  eu  l'idée  de  faire  représenter  dans  son  hôtel,  h 
Paris,  le  premier  acte  de  Tristan  et  Iseiilt.  La  maîtresse  de  la 
maison  remplissait  le  rôle  d'Iseuli.  M.  Bagès"celui  de  Trislan.  Le 
rôle  de  Brangaene  était  confié  à  M"'"  Grammacini  née  Soubre, 
sœur  de  noire  excellent  professeur  au  Conservatoire,  Léon 
Soubre.  ■        . 

L'exécution,  dirigée  par  M.  Vincent  d'Indy,  a  été  excellente,  à  ce 
qu'on  nous  écrit.  Chanteurs  et  choristes  ont  fort  bien  chanté  et 
joué,  dans  un  décor  superbe. 

Malgré  l'absence  de  l'orcheslrc,  remplacé  par  deux  pianos 
placés  sous  la  scène  el  joués  par  MM.  Chcvillard  cl  Luzzalo,  l'im- 
pression a  été  considérable. 

Camille  Pissarro,  dont  on  a,  l'an  dernier,  apprécié  quelques 
œuvres  limpides  et  sereines  au  Salon  des  A'.Y,  expose  en  ce 
moment  une  trentaine  de  toiles da»s  les  galeries  de  MM.  Boussod, 
Valadon  et  C'*.  «  L'heure  du  succès  venue,  dit  M.  Gustave 
Geffroy,  au  moment  où  les  hommes,  d'habitude,  ont  leur  siège 
fait,  et  se  contentent  de  récolter  poncluellemenl  ce  qu'ils  ont 
semé  dans  l'inquictudo,  à  une  époque  de  production  effrénée  ek: 
mécanique  où  tant  de  triomphateurs  se  contentent  d'être  les 
exploiteurs  d'un  genre,  les  fournisseurs  d'un  succès,  cl  répètent 
jusqu'à  satiété  une  formule,  une  manière  et  un  sujet,  lui,  le  sin- 
cère et  obstiné  travailleur,  décidait  une  halle,  et  un  départ  par  un 
nouveau  chemin.  Il  n'y  eut  pas  reniement  d'une  conception,  chan- 
gement de  vision,  radicale  révolution  dans  le  procédé.  H  y  eut  un 
désir  de  s'accroître,  un  instinctif  cl  logique  besoin  de  développe- 
ment. Camille  Pissarro  voulut  l'djservalion  plus  serrée  des  phéno- 
mènes, une  analyse  plus  exacte  "^es  influences  el  des  reflets.  Il 
était  doux  el  clair,  il  voulut  être  plus  doux  el  plus  clair  encore, 
il  exigea  de  sa  science  de  fin  coloriste  une  production  de  lumière 
d'une  fraîcheur  plus  intense  et  d'une  transparence  plus  vive. 


Il  n'est  pas  d'effort,  plus  honorablo  et  qui  mérite  mieux  la 
louange.  Il  n'est  pas  de  spectacle  plus  enseignant  que  celui  d'(m 
tel  peintre,  accepté  par  la  critique  el  par  les  amateurs,  el  qui 
lente  un  effort  de  plus,  et  qui  se  remet  de  bonne  foi  à  l'école  de 
l'art.  Ou  plutôt  il  crut  s'y  remettre.  La  vérité,  c'est  qu'il  en  était 
dé  lui  comme  de  tous  les  vrais  artistes.  Il  n'avait  jamais  cessé 
d'étudier  et  d'acquérir,  et  au  moment  où  il  croyait  réapprendre, 
if  réalisait  toute  une  vie  d'étude  acharnée,  de  science  amassée 
jour'par  jour.  » 

M        ■  m 

La  délégation  de  la  Société  nationale  des  beauk-ârts  a  nommé 
son  bureau.  Au  début  de  la  séance  M.  Meissonîer  a  annoncé  b  ses 
confrères  que  M.  le  président  du  conseil  des  ministres  avait 
définitivement  accordé  le  palais  des  beaux-arts,  du  Champ  de 
Mars,  à  la  société. 

Touîî  les  ariislcs,  français  ou  étrangers,  peuvent  exposer  au 
nouveau  Salon,  môme  s'ils  ne  sont  ni  sociétaires,  ni  associés  de  la 
nouvelle  Société. 

Voici  la  composition  du  bureau  : 

Président  :  M.  Meissonier;  Vice-Président  :  M.  Puvis  de 
Chava.nnes;  Présidents  de  section  ;  peinture,  M.  Carolus  Duran; 
sculpture,  M.  Daiou;  gravure,  M.  Braquemond;  secrétaires  : 
MM.  Billolle  el  J.  Béraud.  Sous-commission  :  peinture,  MM.  Dagnan- 
Bouveref,  Lhermiltc,  Cazin,  Gervex,  Renouard,  Baron.  Courtois, 
Guignard,Besnard,  Ducz;  sculpture,  MM.  Rodin,  Lenoir,  Desbois. 


Le  théAire  de  la  Porte  Saint-Martin  se  propose  de  monter 
pendant  la  semaine  sainte  l'adaptation  d'un  mystère  du  moyen- 
âge  faite  par  M.  Haraucouft. 

Le  Monde  artiste  publie  à  ce  sujet  les  lignes  suivantes  : 

«  Le 'grand  attrait  de  ce  projet  consiste  dans  la  distribution 
suivante  des  deux  principaux  rôles  : 

Jésus  .     .     .     .     .     .    V.      M.  Garnior. 

La  Vierge .M"'^  Sarah  Bcrnhardt. 

Le  tout  est  de  savoir  si  la  censure  autorisera  celle  rcprésénia- 
lion,  car  un  grand  ballet,  qui  met  en  scène  les  mêmes  person- 
nages, a  déjà  rencontré  une  vive  opposition  auprès  d'un  directeur 
parisien,  malgré  le  tact  el  le  talent  dont  avaient  fait  preuve  los 
auteurs  en  traitant  ce  sujet  délicat.  La  pièce  a  pour  litre  le  Juif 
Errant,  el  les  auteurs  sont,  pour  le  livret,  M.  Maurice  Lefèvn». 
et  pour  la  musique,  MM.  André  .Messager  et  Georges  Street.  » 

VExcursion  organise,  pour  le  lundi  de  Pâques,  7  avril,  un 
voyage  à  Venise  et  dans  le  Nord  de  l'Italie,  en  passant  par  la 
Forêt-Noire,  la  Chute  du  Rhin,  la  ligne  do  l'Arlberg,  le  Tyrol,  la 
Passe  du  Brenner  ;  on  visitera  Strasbourg,  Sihaffouse,  Constance, 
Innsprùck,  Vérone,  Venise,  Padouo,  Milan,  le  Lac  Majeur,  les 
Lacs  de  Lugano  el  de  Côme^  pour  revenir  par  la  ligne  du  Goihard, 
le  Lac  des  Quatre-Canlons  el  la  Suisse.  —  Durée  :  15  jours  ;  prix, 
-i95' francs,  tous  frais  compris. 

Au  i^  mars,  excursion  dans  toute  l'Italie,  y  compris  la  Sicile 
et  les  Lacs  du  Nord,  avec  séjour  îi  Rome  pendant  la  Semaine- 
Sainte.  ( 

A  la  même  époque,  excursion  de  la  Semaine-Sainle  à  Sévillo, 
et  voyages  divers  en  Espagne,  en  Portugal,  en  Algérie,  en  Tuni- 
sie, en  Egypte  et  en. Palestine. 

Le  programme  (|l  les  comliiions  de  tous  ces  voy  jges  seront 
envoyés  gratuitemcrii  aux  personnes  qui  en  feront  la  domaude  à 
M.  Ch.  Parmenlier,  directeur  do  VExcursion,  109,  boulevard 
Anspach,  î»  Bruxelles.  . 


\ 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


LIGNE   D'OSTENDE-DOUVRES 


La  plus  courte  et  la  moins  coûteuse  des  voies  extrq,-rapides  entre  le  Continent  et  /'Angleterre 


Bruxelles  à  Londres  en 
Cologne  à  Londres  en 
Berlin  à  Londres  en  . 


8  heures. 
13      - 
24'    -. 


Vienne  à  Londres  en. 
Bâle  à  Londres  en.  . 
Milan  à  Londres  en  . 


36  heures. 
24       - 
33       » 


TROIS  SERVICES  PAR  JOUR 
D'Ostende  à  6  h,  matin,  10  h.  15  matin  et  8  h.  40  soir.  —  De  Douvres  à  11  h.  59  matin,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

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PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS 

Princesse  Joséphine,  Princesse  Henriette,  Prince  Albert  et  La  Flandre 

partant  jouruellement  d'OSTENDE  à  6  h.  matin  et  10  h.  15  matin;  de  DOUVRES  à  11  h.  59  matin  et  3  ii.  après-midi. 

Salons  luxaenac.  —  Fumoirs.  —  Ventillation  perfectionnée.  —  Éclairage  électrique. 

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Liiverpool,  Manchester  et  toutes  les  grandes  villes  de  la  Belgique 
et  entre  LONDRES   ou   DOT7VRES  et  toutes  les  grandes  villes  de  l'Europe. 

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*  Supplément  de  2^  en  l'»  classe  sur  le  bateau,  fr.  2-35 

CABINES  PARTICULIÈRES.  —  Prix  :  (en  sus  du  prix  de  la  l"-»  classe).  Petite  cabine,  7  francs;  Grande  cabine,  14  francs. 
/    -  A  bord  des  malles  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette 

Spécial  cabine,  28  francs;  Cabine  de  luxe,  75  francs. 

Pour  la  location  à  l'avance  s'adresser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  (Quai)  ou  à  l'Agence  des  Chemins  de  fer  de  V État- Belge 
Northumberland  House,  Strond  Street,  n"  17,  à  Douvres.        _ 

AVIS.  —  Buffet  restaurant4-bord.  —  Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  —  Accostage  à  quai  vis-à  vis  des  stations  de  chemin  de 
fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits). —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  —  Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  l'Ecrploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  l'Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l'État-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n°  53,  à  Londres,  à  V Agence  de  Chemins  de  fer 
de  l'État,  à  Douvres  (voir  i)lus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vrancken,  Domkloster,  n»  1,  à  Cologne. 


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rue  Thérésienne,  6 


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LOCATION 
Paris  1867, 1878, 1"  prix.  —  Sidney,  seuls  !«'  et  2«  prix 

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JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraistant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 
—  Bibliographie.  —  Législation.  —  Notariat. 

HUTIKME  ANNÉE. 

•  (  Belgique;  18  francs  par  an. 

Abonnements  \  ^trlnger,  23  id 

Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 

L'Industrie  ]VIoderiie 

paraissant  deux  fois  par  mois. 
Inventions.  —  Brevets^—  Droit  industriel. 

Troisième  année. 

Administration  et  rédaction  :  Rtte  Royale,  15,  Bruxelles.  ■ 
•  Rue  Lafayette,  123,  Paris. 


LA     A\^ALLO]SriE 

Revue  mensuelle  de  littérature  et  d'art 

5"*  Année 

Directeurs  :  MM.  A.  MOCKEL  et  P.-M.  OLIN. 

*    „  (à  Liège,  rue  St-Adalbert,  8. 

Bureaux      .   „         ,,        .  j      .       oj-? 

(  a  Bruxelles,  Avenue  Louise,  317. 

ABONNEl^ENTS  :   5  francs  l'an;  Union  postale,  fr.  6-50 

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11- 

J^eitkopf  et  Hftrtel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 


TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICAL^ 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-G.  Lobe. 

Traduit   de   l'allemand   (d'après   la   5®  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8".  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livré,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  rares  ouvrages  d'enseignement  musical  les 
plus  estimés  en  Allemagne. 


BruxeUea.  —  Imp.  V*  Mommou,  28,  rue  de  l' Industrie. 


Dixième  année. 


—  N°^l 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  23  Mars  1S90. 


URT  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,    fr.   10.00;  Union  posjale,    fr.    13.00.    —ANNONCES  ;    On  traite  à   forfait. 


^  Adresser  toutes  les  communications  à 

l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Plndustrie,  26,  Bruxelles. 


? 


OMMAIRE 


Lb  Vaisseau-Fantôme.  —  Cueillettbt  de  livres.  —  Correspon- 
dance d'Artistes  :  Les  représentations  -wagnériennes  en  Alle- 
magne. —  Nouveaux  Concerts  liégeois.  —  Notes  de  musique.  — 
Mémento  des  Expositions.  — -  Petite  chronique. 


Le  Vaisseau-Fantôme 

—  Dix-huit  ans?  Vous  en  êtes  sûr? 

—  Oui,  mon  cher,  il  y  a  dix-huit  ans  que  le  Vaisseau- 
Fantôme  fut  représenté  à  la  Monnaie.  Cela  ne  nous 
rajeunit  pas!  C'était  en  avril  1872.  Je  me  souviens  par- 
faitement de  Brion  d'Orgeval,  un  baryton  bizarre,  qui 
créa  le  Hollandais,  de  M""*  Sternberg,  très  poétique 
dans  le  rôle  de  Senta,  de  Warot 

-^  C'était  alors  une  nouveauté? 

—  Ohl  très  relative  !  L'ouvrage  date  de  1843. 

—  Et  jamais  il  n'a  été  représenté  en  France? 

*  —  Jamais.  En  Allemagne,  il  est  au  répertoire  des 
grandes  scènes.  En  France,  on  a  laissé  passer  l'époque 
favorable.  Il  serait  maladroit  de  le  représenter  actuel- 
lement, en  supposant  qu'on  voulût  se  résoudre  à  mettre 
l'Art  au  dessus  du  chauvinisme. 

Le  V aisseau -Faniômé  e%i  l'une  de  ces  œuvres^  de 
transition  qui  contiennent  tout  juste  assez  de  nouveauté 


pour  qu'autour  d'elles  on  puisse  mener  la  bataille,  mais 
qui,  la  période  de  luttes  close,  ne  valent  que  par  le  sou- 
venir des  bagarres  dont  elles  ont  été  le  prétexte  ou  de 
l'évolution  dont  elles  ont  été  le  point  de  départ. 
-  —  Alors,  quel  intérêt  y  avait-il  de  la  reprendre  à 
Bruxelles? 

—  Précisément  cet  intérêt  archéologique,  très  vif 
pour  tous  ceux  qui  ont  eu  le  souci  de  suivre  l'Art  en  sa 
marche  historique  et  dans  toutes  ses  étapes.  Je  ne  sais 
si  c'est  bien  là  le  mobile  qui  a  guidé  les  directeurs  du 
théâtre,  mais  c'est  assurément  l'impression  que  la 
représentation  de  jeudi  a  fait  naître  au  cœur  de  tous^ 

Oh!  l'étonnante  soirée,  dont  le  début,  quand  l'ouver-"^ 
ture,  magistralement  jouée,  a  fait  routier  '  l'Océan  et 
mugir  la  tempête,  a  transporté  les  auditeurs  dans  le 
royaume  des  émotions  héroïques  et  qui,  petit  à  petit, 
s'est  rapetissée  au  très  lointain  art  lyrique  d'autrefois, 
en  ses  redondances  et  ses  déclamations  ampoulées,  en 
ses  fioritures  et  ses  cadences,  en  les  panaches  et  les 
aigrettes  de  ses  mélodies  à  l'italienne,  si  drôles  et  si 
mesquines  aujourd'hui  que  le  drame  wagnérien,  le 
vrai,  a  balayé  tous  ces  oripeaux  ! 

Il  y  a,  à  cet  égard,  une  contradiction  notable  entre  la 
musique  du  Vaisseau- Fantôme,  resserrée  en  grande 
partie  dans  les  formules  en  usage  à  l'époque  où  Wagner 
l'écrivit,  et  l'admirable  poème  dont  Catulle  Mendès  a 
dit  :  «  Nous  croyons  sincèrement  que  pour  rencontrer 


\. 


dans  une  tragédie  une  telle  hauteur  de  pensé<^,  une  telle 
simplicité  de  moyens,  une  telle  intensité  d'épouvante,  il 
faudrait  remonter  aux  plus  nobles  chefs-d'œuvre  des 
grands  tragiques  grecs  ». 

Pourtant  les  prodromes  de  l'art  qui  devait  produire 
les  Maîtres- Chanteur  s,  Tristan,  les  Nibelungen, 
Parsifaly  apparaissent  déjà,  ci  et  là,  dans  la  forme 
donnée  aux  récits,  dans  certaines  phrases  qui  élargissent 
singulièrement  l'horizon  restreint  de  l'opéra  romanti- 
que, et  aussi  dans  le  rôle  prépondérant  accordé,  déjà,  à 
l'orchestre,  dont  la  voix  tonnante  décrit,  avec  une  puis- 
sance extraordinaire,  la  poésie  de  la  mer. 

MaiS/Cn  général  le  drame  l'emporte  sur  la  musique,  et 
c'est  en  lui  que  réside  principalement  l'innovation  du 
Maître,  qui  s'en  est  ouvert  en  ces  termes-dans  sa  lettre 
à  Frédéric  Villot:  «  Dans  le  Vaisseau  Fantôme,  la  seule 
chose  que  je  me  fusse  proposée  principalement  était  de 
ne  pas  sortir  des  traits  les  plus  simples  de  l'action,  de 
bannir  tout  détail  superflu  et  toute  intrigue  empruntée 
à  la  vie  vulgaire,  et  en  revanche  de  développer  davan- 
tage les  traits  propres  à  mettre  dans  son  vrai  jour  le 
coloris  caractéristique  du  sujet  légendaire;  ce  coloris 
me  semblait,  en  eff'et,  complètement  approprié  aux 
motifs  intimes  de  l'action,  et  par  conséquent  s'identifier 
avec  l'action  même  ". 

Ce  qui  a  empêché  le  Maître  de  donner  à  son  poème 
toute  la  largeur  que  comportait  sa  merveilleuse  concep- 
tion, —  et  qu'il  a  atteinte  dans  la  suite,  spécialement 
dans  Tristan  et  Yseult  et  dans  Parsifal,  —  c'est,  et 
il  le  reconnaît,  la  nécessité  à  laquelle  il  se  croyait  asservi 
d'employer  les  formes  traditionnelles  de  la  musique 
d'opéra.  Avec  plus  d'indépendance  relative  que  dans 
Rienzi,  où  il  avait  accumulé  tous  les  poncifs  usités  r 
airs,  duos,  trios,  mais  avec  moins  de  liberté  que  dans 
Tan7ihduser,'et  surtout  que  dans  Lohengrin,  pour  ne 
citer  que  les  œuvres  de  la  première  époque,  il  a  donc 
composé  un  opéra  «  selon  la  formule  «,  amoindrissant 
forcément  le  poème  par  l'introduction  de  scènes  unique- 
ment destinées  au  ^  morceau  »,  et  par  des  répétitions 
de  paroles  rigoureusement  exclues  dans  les  œuvres 
subséquentes.  Et  déjà  s'agitait  en  lui  le  germe  des  for- 
midables Nil)elungen  !  ^ 

La  remarque  est  particulièrement  intéressante  pour 
ceux  que  préoccupe  la  question  de  savoir  si  l'artiste 
crée  son  œuvre  d'après  la  théorie  qu'il  a  émise,  ou  si, 
tout  au  contraire,  la  théorie  ne  naît  pas,  peu  à  peu,  de 
la  synthèse  des  productions  écloses  spontanément.  Pour 
Wagner;  il  n'est  pas  douteux  —  le  dégageinent  pro- 
gressif de  son  art  le  prouve  clairement  —  que  le  sys- 
tème qu'il  a  adopté  dans  les  dernières  années  n'est 
que  l'expression  abstraite  des  qualités  qui,  lentement, 
s'étaient  développées  en  lui. 

A  cet  égard,  le  Vaisseau-Fantôme  peut  donnerliiçu 
à  des  comparaisons  intéressantes  et  à  des  rapproche- 


ments piquants  avec  les  drames  qui  suivent,  chronolo- 
giquement, ce  premier  essai  de  drame  lyrique  ration- 
nel. C'est  là,  principalement,  que  gît  l'attrait  de  cette 
représentation  qui  a,  chose  singulière,  enthousiasmé 
les  uns  par  le  caractère  «  grand-opéi'a  *>  de  là  partition, 
déçu  les  autres  par  Ja  vétusté  de  certaines  pages  musi- 
cales. Le  pavillon  Wagner  couvrant  la  marchandise,  on 
s'est  cru  obligé,  dans  certains  groupes,  de  tout  louer,  et 
l'on  a  fait  grise  mine  à  ceux  qui  n'avaient  pas  l'air 
exultants.  Au  contraire,  de  fervents  wagnéristes  pleu- 
raient leurs  illusions  envolées.  Le  bon  sens  écarte 
péremptoirement  ces  deux  impressions  opposées.  Le 
Vaisseau- Fantôme  demeure,  en  son  romantisme  d'il  y 
a  cinquante  ans,  l'œuvre  attachante  et  émouvante  que 
pouvait  concevoir  un  artiste  supérieur  imbu  des  préju- 
gés de  son  époque,  subissant  l'influence  du  milieu  dans 
lequel  il  avait  vécu  et  de  l'éducation  qu'il  avait  reçue 
(l'Italie  et  la  France  tendent  fraternellement  la  main  à 
l'Allemagne, dans  cette  curieuse  partition).  Mieux  que 
cela,  elle  marque,  et  c'est  ce  qui  justifie  l'hostilité 
qu'elle  rencontra  (1),  une  tendance  nettement  accusée  à 
secouer  le  joug,  à  élargir  le  drame,  à  \e  hausser  à  ce 
que  magnifiquement  il  exprima  dans  la  su\te  :  le  heurt 
des  passions  qui  secouent  l'humanité,  au  rebours  des 
menus  faits  épisodiques  qui  seuls  avaient  été  trop  long- 
temps jugés  dignes  d'intérêt. 

Et  c'est  ce  qui  a  permis  à  Catulle  Mendès  d'écrire,  — 
nous  aimons  à  le  citer  parce  qu'il  a  nettement  discerné, 
à  une  époque  où  il  n'y  avait  point  de  wagnéristes  en 
France,  le  merveilleux  génie  qu'annonçaient  les  primes 
œuvres  du  Maître  :  «  Ce  drame  musical  est  enveloppé 
tout  entier  de  ténèbres  et  de  tempêtes;  il  est  lui-même 
comme  un  grand  vaisseau  battu  sans  fin  par  l'orage  ; 
tousjes  vents  de  l'abîme  soufflent,  toutes  les  voix  des 
profondeurs  mugiss'ent  dans  ses  sauvages  harmonies,  et 
l'âme  du  spectateur  se  sent  entraînée,  roulée,  dispersée 
dans  les  noires  vagues  de  la  mer.  Nous  n'ignorons  pas 

(1)  A  ce  propos,  quelques  dates.  C'est  le  15  février  1860  que  fut 
jouée  à  Paris  pour  la  première  fois,  et  sans  aucun  succès,  ,sous  la 
direction  de  Wagner,  l'ouverture  du  Vaisseau- Fantôme.  Elle  fut 
accueillie  comme  une  œuvre  banale,  vide,  confuse  et  bruyante. 

Lorsque  M.  Pasdeloup  la  fit  exécuter  le  25  décembre  1864,  puis  les 
25  janvier  et  29  décembre  18G8,  l'impression  fut  la  même.  Ce  n'est 
qu'en  1881,  le  6  février,  que  trois  fragments  du  Vaisseau- Fantôme  : 
l'air  de  basse  du  premier  acte,  le  chœur  des  fileuses  et  la  ballade  de 
Senta  (celle-ci  chantée  par  M"""  Caron)  furent  applaudis.  Le  22  jan- 
vier 1882,  sous  la  direction  de  M.  Lamoureux,  le  chœur  des  fileuses 
fut  bissé,  et  le  31  janvier  1886  on  l'exécuta  au  Conservatoire. 

Berlioz,  qui  avait  entendu  le  Vaisseau- Fantôme  à.  Dresde,  en  1843, 
écrivit  le  2  septembre  de  cotte  année  au  Journal  des  Débats  :  "  La 
partition  du  Vaisseau,  hollandais  m'a  semblé  remarquable  par  un 
coloris  sombre  et  certains  effets  orageux  parfaitement  motivés  par  le 
sujet;  mais  j'ai  dû  y  reconnaître  aussi  un  abus  du  trémolo  d'autant 
plus  fâcheux  qu'il  m'avait  déjà  frappé  dans  Rienzi  et  qu'il  indique 
chez  l'auteur  une  certaine  paresse  d'esprit  (!)  contre  laquelle  il  ne  se 
tient  pas  assez  en  garde  ».  .  " 


/ 
ir-. 


r; ART  MODERNE 


91 


que  depuis  l'époque  à  laquelle  il  écrivit  leVaisseaur 
Fantôme,  Richard  Wagner  a  produit  des  œuvres  plus 
parfaites,  plus  conformes  dans  toutes  teurs  parties  à 
l'idée  qui  gouverna  sa  vie  artistique  ;  mais  le  Hollandais 
et  Senta  sont  deux  conceptions  qui  n'ont  pas  été  sur- 
passées, et  tout  le  drame  se  résume  dans  ces  deux  types 
surnaturels,  l'un  à  force  d'ombre,  l'autre  à  force  de 
lumière,  et  cependant  si  humains  ".     ,! 

•  L'exécution  qu'a  donnée  du  Vaisseau-Fantôme  le 
théâtre  de  la  Monnaie  est  loin  d'être  parfaite.  M""®  Fie- 
rens,  chargée  du  rôle  de  Senta,  n'en  a  point  pénétré  la 

.  poésie  et  le  chante  d'une  voix  hésitante.  M.  Bourgeois 
remplit  convenablement  —  sans  plus  — celui  du  marin 

•  norvégien  Daland.  M.  Renaud  a  composé  un  Hollandais 
typique  qu'il  joue  avec  intelligence,  mais  on  le  sent 
mal  à  l'aise  dans  un  rôle  qui,  décidément,  n'est  pas  dans 
ses  moyens.  M.  Isouard  mérite  une  mention  pour  son 
interprétation  de  la  jolie  romance  du  premier  acte. 
M.  Delmas,  qui  remplit  le  rôle  d'Eric,  est  insignifiant. 
L'œuvre  méritait  mieux  que  la  mise  en  scène  de  paco- 
tille dont  on  l'a  gratifiée.  Quant  à  l'orchestre,  conduit 
pour  la  première  fois  par  la  main  souple  de  M.  Franz 
Servais,  il  a  été  remarquable,  surtout  dans  l'exécution 
de  l'ouverture  et  du  premier  acte. 


Cueillette   de  livrer 

L'Absente,  par  Adrien  Remacle.  —  Uu  vol.  in-lS  Jésus  de  354  p. 
Paris,  Albert  Savine,  1890. 

Dans  ce  livre,  M.  Remacle  dit,  quelque  part,  d'un  vieux  peintre 
paysagiste,  qu'il  aurait  été  peut-être  un  homme  de  génie  s'il 
n'avait  pas  trop  aimé  la  nature  pour  n'en  rien  omettre.  On  peut 
dire  aussi  de  M.  Remacle  qu'il  serait  peut-èlre  un  écrivain  alta- 
ciiant  s'il  ne  voulait  mettre  trop  de  choses  en  ses  livres.  Des  per- 
sonnages parlant  par  sentences  et  qui  n'interviennent  dans  le  récit 
qu'à  celle  fin  exposent  les  théories  de  l'auieursur  Dieu,  surles  mys- 
tères de  la  génération,  sur  la  musique,  sur  la  peinture,  sur  larl 
en  général,  sur  la  vie  mondaine,  sur  l'éducation  des  jeunes  filles, 
sur  cent  choses  encore.  D'action,  il  n'y  en  a  presque  point.  Tout 
jusie  les  incidents  nécessaires  pour  amener  de  perpétuels  rappro- 
chements entre  un  jeune  homme,  dont  les  obsédantes  préoccupa- 
tions artistiques  n'aboutissent  le  plus  souvent  qu'à  d'irritantes 
grossièretés,  et  une  jeune  femme  qui  traverse  le  livre,  glaciale  el^ 
muette,  poussée  par  une  fatalité  d'aiavisme,  du  lit  adultère  où  elle 
est  née  jusqu'en  u  une  de  ces  fastueuses  maisons  qui,  au  centre, 
desservent  les  ruts  riches,  suppléent  aux  impuissances  rat^inéos  ». 
Malgré  l'abondance  des  développemejUs,  la  psychologie  de  cet 
amour,  l'une  des  parties  les  plus  étudiées  du  livre,  déconcerte 
l'esprit.pac  uu, manque  évident  de  déduction  et  de  nuances.  Nous 
préférerions  la  partie  descriptive,  un  dimanche  dans  une  ville  de 
province,  tel  paysage  de  banlieue,  telle  silhouette  habilement  desr 
sinée,  si,  là  encore,  l'intérêt  n'était  noyé  souvent  dans  l'infini  dii 
détail.  Lisez,  dès  les  premières  pages,  la  description  du  pied  de 
Berthe  :  «  Le  pied  de  Berlhe  était  un  marbre  lisse,  tendre,  pur  et 
si  candide  que,  posé  nu,  les  herbes  d'alentour  s'assombrirent.  Il 


semblait  exsangue,  le  cou -de-pied  se  fuselait  en  corps  d'anguille, 
les  veines  bleuissaient  vers  la.  délicate  dépression  entre  la  carn- 
brurc  et  la  montée  des  doigts,  à  travers  le  derme  diaphanOj^^les 
doigts  allongés  s'arrondissaient,  se  modelaient,  s'étendaient,  pen- 
sifs, eût-on  dit,  entre  leurs  parallèles  commissures,  pour  s'achever 
sous  les  convexes  ovales  des  ongles  perles.  Aucune  roseur.  Les 
contours  inférieurs  du  lalon  cl  du  majeur  orteil  se  fonçaient  seuls 
en  une  lactescence  à  peine  ambrée.  Le  dess'ous  de  la  cambrure, 
d'un  blanc  mal,  se  creusait,  sans  plis,  montueux  d'imperceptibles 
monts;  l'attache  était  mince,  la  cheville  en  ronde  saillie  blanche, 
et  la  jambe  s'élevail  comme  la  lubuleusc  naissance  du  calice  de 
quelque  grande  tubéreuse  ».  ■ 

Pour  résumer  notre  impression,  nous  dirons  que  .M.  Remacle  a 
dépensé  beaucoup  de  talent  pour  écrire  cette  œuvre  d'une  lecture 
souvent  malaisée.  -V^ 

Le  catalogue  du  jardin  de  Jean  Hermans,  maître  apothicaire 
à  Bruxelles  au  xvir"  siècle.  —  Anvers,  établissement  typoç'raphique 
de  J.-E.  Buschma'nn,  1889. 

C'est  une  plaquette  de  4-2  pages,  petit  in-8'>,  tirée  sur  papier 
Van  Gelder  à  30  exemplaires  seulement;  titre  en  deux  couleurs; 
frontispice  représentant  une  boutique  d'apothicaire  avec  jardin 
apparaissant,  au  fond,  dans  une  baie  cintrée,  reproduction  d'une 
gravure  de  1631  ;  cul-de-lampQ  terminal  au  trait  rouge  représen- 
tant un  serpent  enroulant  un  mortier  avec  la  devise  Prudenier  ; 
couverture  en  papier  jaspé,  avec  étiquette  portant  :  «  Charle.-i 
Rigouts.  —  Jardin  de  Jean  Hermans  ». 

Cet  opuscule,  extrait  des  A  nnales  de  la  Société  de  'médecine 
d'A  mers,  est  souscrit  :  «  De  mon  officine,  à  .\nvers,  1889.  Charles 
Rigouts,' pharmacien  ». 

Le  début  en  indique  l'occasion  et  l'objet  : 

«  Il  y  a  quelques  années,  je  fis  à  .Anvers,  à  l'échopjje  on  plein, 
vent  d'un  bouquiniste,  l'acquisition  d'un  petit  livre  intitulé  : 

«  Recensio  plantariim  in  horlo  magistri  Joannis  Hermanni, 
a  Pharmacopœi  Bruxellensis,  exultanim.  BruxelUie ,  Typis 
«  Jonnnis  MommarLi.  Anno  16o-2  »,  in-4'>  de  8  pages  non  chif- 
frées et  de  64  pages  chiffrées;  suivi  de  «  Appendix  plintirum 
anni  1633  »,  de  8  pages  chiffrées. 

«  k  mon  insu  je  fis,  ce  jour-là,  une  précieuse  trouvaille.  Ma 
vieille  habitude  de  recueillir  tout  ce  qui,  à  première  vue,  mè 
paraît  pouvoir  être  utile  à  l'histoire  de  la  pharmacie,  me  servit 
cette  fois  à  merveille.  Sans  m'en  douter,  je  venais  de  mettre  la 
main  sur  une  rareté  bibliographique,  sur  un  écrit  unique  en  son 
genre  dans  notre  pays,  et  que  ni  Broeckx,  ni  Pasquier.  ces  collec- 
tionneurs infatigables  des  œuvres  de  nos  devanciers,  n'ont  connu. 
L'e:^emplaire  conservé  à  la  Bibliothèque  royale  à  Bruxelles  est  le 
seul,  outre  le  mien,  dont,  fort  récemment,  l'existence'  m'ait  été 
signalée.  »  .  . 

Et,  décrivant  avec  amour  ce  livre  précieux,  .M.  Rigou'.s  en  prend 
texte  pour  donner  sur  les  apothicaires  d'autrefois,  sur  l'exercice 
de  leur  profession  dont  la  base  était  alors  l'élude  des  plantes  et. 
de  là,  sur  la  culture  des  jardins  à  celte  époque,  les  rensoigne- 
mehts  les  plus  intéressants  et  les  pi  is  curieux. 

C'est  à  la  fois  œuvre  de  bibliophile  et  d'érudit  et  on  la  maniant. 
dans  sa  forme  très  artistique,  on  éprouve  quelqu.'  chose  des  jouis- 
sances intimes  que  procurèrent  à  l'auteur  les  tro^uvailles  et  l'eiudo 
du  livre  de  Jean  Hermans. 


^ 


92 


VART  MODERNE 


Coups  d'éperon,  par  Euoènb  Monsen.  Des  presses  de  H.  Vaillant- 
Carmanne,  à  Liège,  12  décembre  1889.  Brochure  in-l8,  de  46  p. 

«  Ulenspiegel  est  joyeux,  il  siffle  comme  i'alouclle,  de  tous 
côtés  répond  le  clairon  guerrier  du  coq.  Decoster,  Ulenspie- 
gel, 369.  »  Le  CCU3,  c'est  Eugène  Monsen.  A  propos  de  la  récente 
discussion  de  la  loi  sur  l'enseignement  supérieur,  il  pique 
gaiement  ses  coups  d'éperons  dans  les  vieux  programmes,  dans  les 
formules  surannées,  mais  officielles.  Cela  est  alerte,  jeune  et 
d'une  allure  batailleuse  anpusante,  au  surplus  très  précis.  Chaque 
piqûre  a  son  adresse  :  Pour  M.  Côllard,  professeur  à  l'université 
de  Louvain;  pour  M.  Bcgerem  ;  pour  M.  Bilaut;  pour  M.  Woestc; 
pour  M.  Devolder;  encore  pour  M.  Uevolder;  pourtou*  le 
monde,  etc.,  etc. 

Chacun  a  eu  sa  petite  parti;  beaucoup  n'ont  fait  semblant  de 
rien. 

Tout  cela  avait  paru  déjà  dans  la  Réforme  et  dans  la  Flandre 
libérale,  mais  un  journal,  ce  n'est  pas  commode  à  conserver.  Les 
amis  vous  tracassent  pour  obtenir  les  numéros  qui  manquent. 
Voilà  pourquoi  Eugène  Monsen  a  recousu  et  ravaudé  ses  articles 
en  une  plaquette. 


CORRESPONDANCE  D'ARTISTE  C) 

Les  représentations  viragnériennes  en  Allemagne. 

-M^ich. 

Cette  fois,  nous  causerons  un  peu  de  Wagner,  s'il  vous  plaît 
car  je  sors  de  Lohengrin  et  suis  encore  ébloui  de  ses  merveilles. 
J'ai  vu  aussi  du  Shakespeare,  à  Dresde  et  ici,  —  à  Dresde  avec 
des  coupures,  cela  va  de  soi  —  et  il  me  semble  que  la  compa- 
raison m'a  appris  bien  des  choses.  Ce  qui  fait  d'une  œuvre  un 
tout,  un  être  vivant  distinct  de  la  foule,  et  qui  s'impose  à  elle, — 
la  continuité,  —  m'a  conduit  à  des  réflexions  prodigieusement 
profondes,  qui  vous  ennuyeraient  ;  soyez  tranquille,  je  passe.  Je 
ne  vous  dis  rien  non  plus  d'un  petit  traité  d'esthétique  du 
patinage  que  j'ai  eu  vaguement  l'intention  dlécrire.  Tout  cela 
touche  pourtant  d'assez  près  à  Wagner,  je  vous  assure.  Enfin, 
m'y  voici.  A  Dresde,  je  n'ai  pu  entendre  que  la  Trilogie.  Mais 
Munich  nous  a  donné  Siegfried  et  la  Gùtterdàmmerung,  puis 
les  Fées,  Rienzi,  le  Vaisseau  Fantôme,  Tannhauser,  Lohen- 
grin. Je  n'ai  pas  à  analyser  la  musique,  n'est-ce  pas?  Il  y 
aurait  pourtant  encore  des  choses  curieuses  à  dire,  il  me  semble, 
sur  le  mystérieux  travail  de  puberté  intellectuelle  qu'on  perçoit 
dans  les  premiers  drames,  et  qui  reçoit  une  signification  mysté- 
rieuse lorsque,  d^s  Rienzi,  on  voit,  par  exemple,  s'ébaucher 
des  thèmes  d'œuvres  à  venir,  —  comme  le  thème  de  là  Fatalité 
de  la  Trilogie.  Et  puis,  connaissez-vous  les  Fées?  Bien  curieuse 
impression  d'opéra  de  Weber,  tout  à  fait  Weber,  avec  un  troi- 
sième acte  déjà  assez  intéressant,  mais  rien  de  plus. 

Mais  ce  qui  m'a  requis  plus  encore  que  je  ne  le  pensais,  c'est  la 
grandeur  des  poèmes.  A  les  relire  en  Allemagne,  l'ouïe  pleine  du 
souvenir  de  la  déclamation  orchestrale,  on  y  découvre  tous  les 
accords  captifs,  et  je  vous  assure  qu'on  en  devine  mieux  la  portée. 
Sauf  Goethe,  nul  poète  allemand  —  et  quel  poète  étranger 
—  n'arrive  aux  hautes  cimes  que  foule  Richard  Wagner.  Litté- 
rairement, oui,  sans  la  musique,  Tristan,  Parsifal,  Siegfriei., 

(I)  Suite,  —  voir  nos  deux  derniers  numéros. 


Oûtterdàmmerung  sont  d'une  ampleur  qui  écrase;  et  dans  le 
'Vaisseau  Fantôme,  le  poème  ne  vous  pàratl-ij  pas  dépasser  la 
musique?  Et  dans  TannhaiiserJVonr  Lohengrin,  je  n'ose  me 
prononcer;  il  me  paraît  y  avoir  éqnation.  Je  ne  parle  pas  du 
Rheîngold  ni  des  Maîtres  Chanteurs,  dont  le  drame  me  paraît 
très  inférieur.  j 

Dès  Lohengrin  aussi  la  géniale  compréhension  de  la  plastique: 
ce  par  quoi  Wagner  indique  peut-être  le  plus  prophétiquement  le 
Théâtre  à  venir,  elle  s'impose  à  rfous,  elle  nous  lie  en  nous 
ouvrant  tout  grands  les  yeux.  Voyez  :  c'est  le  roi  Henri  sur  son 
tertre,  —  et  le  récitatif  lui  indique  des  gestes  nobles,  —  c'est 
l'avenir  candide  d'Eisa,  parnii  les  vierges,  puis  les  fanfares  disant 
le  métal  des  armures,  et  enfin  Lohengrin 

Chevalier  grave  du  Saint-Graal. 

Les  chanteurs  allemands  sont  parfois  très  loin  de  comprendre 
cet  art^  et,  dans  l'harmonie  sonore,  nous  voyons  malheureuse- 
ment la  dissonance  de  la  forme  humaine  dont  l'accidentel,  geste 
ne  correspond  nullement  au  geste  nécessaire  contenu  dans  la 
musique.  A  Dresde  cependant,  Hagen,  Wolan,  Mime  et  presque 
toujours  Brûnnhilde  avaient  la  devination  du  mouvement  logique; 
ils  comprenaient  la  déclamation,  liée  absolument  à  la  voix 
silencieuse  des  corps,  si  (attendez-vous  à  de  longs  mots)  si,  dis-je, 
à  toute  musique  agitée  par  un  être  doit  correspondre  une... 
orchestrique  qui  en  est  non  seulement  le  complément,  mais  le 
résultat  rendu  soudain  visible.  C'est  ce  que  comprenait  si  bien 
M»*  Martiny,  épiant  dans  l'orchestre  le  soudain  modèle  qu'y 
sculptait  l'idée  formulée  par  sa  voix,  pour  le  faire  surgir  d'un 
imperceptible  geste.  —  Mais,  à  Dresde  déjà,  que  de  déconvenues  ! 
Gudehus,  qui  incarna  Walther  dans  les  Maîtres  Chanteurs  à 
Bayreulh,  semble  ici  dépaysé."  Pendant  les  premiers  drames  où 
je  l'entendis,  il  se  montra  beau  chanteur,  sans  plus  ;  imaginez 
Siegmund  tenant  Urgence  comme  un  fer  à  galettes,  ou  Siegfried 
oubliant  de  repousser  Mime,  oubliant  qu'il  est  jeune  et  trop  brave, 
et  grand  béta  de  héros  ingénu,  pour  ne  songer  qu'à  son  «  air  », 
oui,  bien  qu'il  n'y  eût  pas  d'air.  Evidemment  il  ne  faudrait  pas 
exagérer  :  quelques  scènes,  dès  Siegfried,  étaient  belles;  et 
soudain,  dans  la  Oôtterdâmmerung,  voici  qu'il  incarna  le  Siegfried- 
homme  mieux  que  tout  autre  ne  pourrait  le  faire,  je  pense  !  Oh, 
superbement.  Cette  soirée  de  la  Gôtterdammerung,  très  complète, 
serait  mon  plus  cher  souvenir  d'ici,  sans  les  coupures.  Cela  ne 
serait-il  pas  un  argument  pour  Stéphane  Mallarmé,  qui  veut 
séparer  le  déclamateur  du  mime? 

M™*  Malten,  de  qui  j'attendais  des  merveilles  en  Brûnnhilde, 
tomba  malheureusement  malade  après  Rheingold,  et  je  ne  pus  en 
juger.  Mais  M™*  Wiltich,  chanteuse  à  méthode  trop  allemande, 
hélas,  fut  une  Brûnnhilde  vive,  passionnée,  grande,  parfois 
mystérieusedans  la  scène  du  réveil,  par  exemple, et  très  femme,  très 
bellement  femme  dans  la  Gôtterdammerung  ;  sa  déclamation  est 
peut-être  plutôt  lyrique  que  toujours  dramatique,  —  ja  plastique 
en  devient  parfois  inégale,  —  mais  son  lyrisme  est  si  vrai,  il  est 
si  bien  celui  qu'on  peut  prêter  à  Brûnnhilde,  qu'il  émeut.  Je  crois 
bien  avoir  entendu  jadis  M""^  Wîttich  à  un  festival  rhénan,  où 
elle  chanta  odieusement  le  Messie  de  Hândel,  et  terriblement  et 
largement  le  final  de  la  Gôtterdammerung  :  n'est-ce  pas  à  rappro- 
cher de  M"*  Martiny,  révélée  seulement  par  Wagner  ? 

A  Munich,  la  plastique  fait  malheureusement  bien  défaut. 
M™*  Vogl  donne  à  Brûnnhilde  les  mouvements  désordonnés  de 
bras  qu'avait  aussi  la  Brûnnhilde  de  Bruxelles,  et,  de  plus,  lui 


Oc 


»■■■— A 


t) 


^ 


fait  faire  de  constants  ports  de  voix  qu'une  Walkûre  distinguée 
n'eût  jamais  commis. 

Mime,  dans  Siegfried,  c'est  M.  Gura  (le  Hans  Sachs  de  Bayreulh, 
l'année  dernière);  sans  être  mauvais,  il  ne  vaut  l'excellent  Kruis;  de 
Dresde,  ni  pour  la  déclamation  «  glapie  »  ni  pour  les  gestes,  et, 
dans  Giintlier,  ne  peut  faire  oublier  l'incarnation  noble  et  souf- 
frante de  M.  Scheidemanlel  de  Dresde,  qui,  dans  Wotan,  égalait 
au  moins  Seguin.  Hagcn  est  M.  Siehr  (Gurnemanz  de  Bayreulh), 
meilleur,  mais  trop  élégant  ici,  trop  mince,  pour  ce  terrible  héros 
des  Nijjelungen. 

Mais  il  y  a  une  véritable  artiste,  l'Eva  de  Bayreulh,  l'année 
dernière,' M"*  Dressier.  Non  seulement  elle  chante  mieux  que 
tous  ses  comparses,  mais  vous  ne  pouvez  imaginer  sa  grâce 
gothique  lorsqu'elle  joue  Tannhaûser.  D'un  clin  de?,  yeux, 
lorsqu'au  deuxième  acte  les  chanteurs  concourent,  d'une  incli- 
nation de  télc,  d'un  vague  mouvement  esquissé  par  la  main,  elle 
indique  profondément  la  signification  du  drame.  Dans  Lohengrin 
aussi  elle  fut  merveilleuse.  —  Au  physique  elle  est  peut-être  un 
peu  forte,  et  la  face  n'est  point  d'une  régulière  beauté  (irop  large 
surtout);  mais  elle  apparaît  comme  une  vierge  de  mailre  Stéphane 
Lochner  de  Cologne,  au  grand  front  qui  bombe  sous  les  cheveux 
un  peu  ardents,  oui,  une  vierge  de  Lochner  avec  les  spéciales  et 
décisives  gaucheries  d'un  Griinwald,  ou  les  altitudes  primitives  de 
quelque  Wohigemuth.  Plus  tard,  sous  la  couronne  large,  avec  ses 
gestes  allongés  très  lents  —  même  d'une  pureté  presque  lascive, 

—  son  innocence  et  des  grâces  infantiles,  elle  évoqua  précieuse- 
ment un  très  moderne  Martin  Schongauer,  le  maître  candide  aux  , 
vierges  enfants. 

Mais  je  serais  un  monstre  si  je  ne  vous  parlais  pas  d'Alvary. 
Ordinaire  dans  la  Gôtterdàmmerung  et  inégal  dans  Tannhaûser,  il 
me  révéla  dans  Siegfiied  le  vrai  Siegfried,  celui  que  Wagner  dut 
rêver  pour  traduire  son  merveilleux  poème.  Assez  bien  entouré, 

—  car,  en  somme,  toutes  mes  critiques  sont  relatives,  —  il  pou- 
vait d'ailleurs,  dans  Siegfried,  dépasser  tous  les  autres,  le  poème 
le  permet.  Et  Vous  n'imaginez  pas  son  espièglerie  ignorante  de 
héros  jeune,  ses  gestes  un  peu  gamins,  jamais  vulgaires,  l'enfan- 
tine volonté  d'entêtement  qui  le  crispe,  et  ses  bouderies,  et  ses. 
mouvements  de  corps  pour  railler  Mime,  guis,  soudain,  l'ii^génu 
des  désirs  guerriers,  et  c'est  avec  une  fougue  devenue  pr'èsque 
grave  qu'il  forge  Nothung,  le  glaive  magique.  Tous  ses  /gestes, 
toutes  ses  poses  sont  d'ailleurs  contenus  en  la  musique.  Beau 
comme  un  dieu,  il  méprise  toutes  laideurs  el  ne  peut  voir/que  soi, 
jusqu'au  moment  où,  dans  la  forêl,  il  se  découvre  un  cœur.  Et 
Briinnhilde,  quand  il  la  réveille,  ses  gestes  de  surprise,  son  émoi 
naïf,  l'interminable  baiser  qu'il  lente,  —  le  premier  !  —  et  ses 
terredH  d'enfant  des  bois,  désireux,  intrigué  aussi,  adorablement 
gauche  el  craintif  jusqu'à  ce  que  l'homme  parle  en  lui  plus  luut 
que  toute  voix! 

Ce  fut  un  beau  soir  et,  au  moins,  j'entendis  Siegfried.  A  Dresde, 
on  f^it  des  coupures  !  On  supprime  la  moitié  de  la  scène  de  Wotan 
au  premier  acte,  on  taille  dans  les  autres,  on  supprime  des  ques- 
tions naïves  du  jeune  WœlsUng  au  Wanderer,  on  retranche  même 
des  fragments  de  la  dernière  scïrie  !  Pour  la  Gotterdimmerinig, 
c'est  pis  encore  :  on  ampute  le  drame  de  toute  la  scène  des 
Nornes,  ce  qui  lui  enlève,  certes,  de  sa  signification,  vous  l'avoue- 
rez; le  titre  même  ne  se  comprendrait  plus  sans  la  scène  de 
Waltraute,  et  encore  le  spectateur  doit  se  demander  d'où  peut 
venir  ce  Crépuscule  des  dieux  !  Et  puis  vous  voyez  d'ici 
l'unité  du  drame  dans  l'orchcslre  :  du  thème  des  Nornes,  dont 


on  ne  saisit  pas  le  rappel,   on  passe   squ^:^^^^^  thème  de 


Siegfried,  au  thème  féminin  de  Briinnhilde,  etc.,  etc.,  etc.  On 
est,  du  reste,  fort  illogique  à  Dresde.  Si  l'on  supprime  la  scène 
des  Nornes,  c'est  donc  que  l'action  surhumaine  paraît  sans 
importance,  l'anneau  une  chétive  babiole,  etc.  Mais  si  l'on  ne 
veut  que  raconter  les  amours  d'une  certaine  Briinnhilde  avec  le 
nommé  Siegfried,  pourquoi  conserver  la  scène  de  Waltraute,  celle 
d'Albérich,  celle  des  Filles  du  Rhin  qui,  évidemment,  sont  super- 
flues? Pourquoi  même  faire/tuer  Siegfried  par  Hagen,  qui  n'a  plus 
de  motif  nécessaire  pour  cet  acte,  suivant  le  vrai  symbole  du 
drame?  Il  vaudrait  bien  mieux  réconcilier  tous  ces  ennemis,  et 
laisser  Briinnhilde  passer  des  jours  heureux  avec  Gùnther,  Sieg- 
fried avec  Gutrune.  On  y  arrivera,  j'espère.  A  Dresde  c'est,  du 
reste,  une  habitude;  on  taille  dans  Othello  (de  Shakespeare,  pas 
de  Verdi)  et  on  arrange  tout  cela  avec  plus  d'art,  Shakespeare  et 
Wagner  n'ayant,  en  somrajil',  jamais  su  faire  un  drame. 

Outre  des  acteurs  comme  la  Malten,  M""*  Wiltich,  Gudehus 
(dans  Gôtterdàmmerung),  Scheidemantel,  etc.,  ce  qui  console,  à- 
Dresde,  c'est  l'orchestre.  Je  ne  sais  s'il  se  rappelle  que  Wagner 
lui-même  le  dirigea  autrefois;  mais  il  a  une  cohésion,  une  unité 
tout  à  fait  remarquables.  Il  rappelle,  et  peut-être  en  mieux,  l'or- 
chestre de  Joseph  Dupont  dont  il  a  les  qualités  et  un  peu  les 
rares  défauts.  Certes,  il  n'y  a  pas  à  Dresde  un  hautboïste  comme 
Guidé,  mais  les  cuivres  sont  tout  ^l(mt  surprenants  el  les  cordes 
excellentes.  L'orchestre  marche  d'une  seule  masse,  avec  vigueur, 
sans  traînards,  très  décisivemeni  ;  la  qualité  du  son  rejette  toute 
idée  de  vulgarité,  et  c'est  bien,  ce  son,  un  seul  être  aux  mille 
voix,  comme  le  monde  extérieur  qu'il  symbolise  dans  le  drame. 
Malheureusement,  on  pourrait  lui  reprocher  un  manque  de  déli- 
catesse ;  il  n'a  pas  assez  de  sensibilité,  les  plans  ont  une  tendance 
à  se  confondre.  Je  ne  parle  pas  de  ces  plans  étages  qui  permettent 
à  chaque  ordre  d'instruments  de  faire  entendre  ce  qu'il  doit  dire, 
ce  serait  ici  très  faux,  mais  ces  pljns  de  l'idée,  qui  indiquent  par 
les  mille  nuances  d'un  vi.f.,  par  exemple,  qu'un  thème  va  s'enfuir 
en  réminiscences  vagues  ou  s'ériger  en  souvenir  qui  s'impose. 

L'orchestre  de  Lévy,  à  Munich,  m'a  fait  l'impression  contraire  : 
il  serait,  avec  de  meilleurs  éléments  pourtant,  plus  proche  de 
l'orchestre  de  Franz  Servais,  isolément,  les  musiciens  qui  le  com- 
posent paraissent  dç.yaleur  très  inégale;  de  plus,  chose  rare  en 
Allemagne,  les  cuivres  ne  sont  pas  tous  sans  reproche.  Mais  sous 
la  baguette  de  Lévy,  tout  s'anime,  des  lignes  se  tracent  nette- 
ment, des  contours  saillent,  un  peu  rudes,  une  teinte  s'accentue 
aux  premiers  plans,  s'accuse  encore,  puis  diminue  et  se  mêle  aux 
plus  vagues  linéaments  des  lointains  :  la  perspective  s'est  établie. 
Evidemment,  on  sent  moins  de  solidité  dans  les  traits,  la  trace  de 
mains  nerveuses  plus  que  sûres  de  leurs  forces;  l'ensemble  et  la 
cohésion  matériels  sont  très  loin  d'être  parfaits  :  pourtant,  il  y  a 
dans  tous  ces  gestes  sonores  un  inconscient  vouloir  de  dire  vrai, 
de  tout  dire,  de  bien  montrer,  qui  entraîne. —  Puis,  à  Munich,  on 
n'a  fait  de  coupures  que  AzmRienxi  —  que  je  sache, au  moins, 
—  et  cela  dispose  mieux  !  - 


<^Y 


Nou'^eaux  Concerts  liégeois. 

{Corres/pondance  pdrticulière  de  l'Art  moderne. )l 

Voici  close  la  série  des  Nouveaux  Concerts. 

Le  succès  artistique  en  a  été  non  moins  franc,  non  moins  solide 


U 


94 


VART  MODERNE 


■\; 


J^ 


et  non  moins  spontané  que  celui  remporté  dans  la  précédente 
campagne. 

Souhaitons  (^uc  MM.  Dupuis  et  Vandepscliildo,  non  découragés 
par  les  trop  nombreuses  abstentions,  reprennent,  l'hiver  prochain, 
la  lutte  avec  la  même  ardeur. 

Au  programme,  un  poème  symphonique  de  Tschaïkowski  : 
Françoise  de  lUmini,  composition  très  intéressante  où  de  belles 
choses' perdues  un  peu  dans  de  l'amplification.  De  l'inspiration, 
cependant  ;  cette  furieuse  description  de  l'enfer,  où  .grondent 
d'affreux  tourments,  ne  me  déplaît  pas;  un  andante  est  d'une 
touchante  beauté. 

Chez  nous,  plus  de  concert  sans  Wagner.  Certes,  nous  ne  nous 
en  i)laignons  pas,  et  le  publie  des  Nouveaux  Concerts  non  plus, 
il  l'applaudit  frénétiquement. 

Dimanche  encore  le  prélude  de  Lohengrin  et  l'ouverture  des 
Maîtres  Cliantctirs  ont  été  écoutés  avec  recueillement  et  chaude- 
ment applaudis. 

Mais  aussi  quelle  couleur,  quelle  richesse  de  mélodie,  quelle 
mâle  orchestration,  quelle  puissance! 

L'orchestre  a  été  très  inégal  ;  de  Françoise  de  Rimini  et  du 
prélude  de  Lohengrin  i\  nous  a  donné  de  bonnes  exécutions; 
dans  la  huitième  symphonie  de  Beethoven  et  surtout  dans  les 
Maîtres  Chanteurs,  il  s'est  montré  insuffisant.  Interprétation 
grossière,  pas  de  nuances,  un  lourd  vacarme  des  cuivres. 

Notre  orchestre  a  de  fûcheux  entêtements;  qu'il  soit  au  grand 
complet  et  dirigé  par  M.  Radoux,  ou  restreint  et  dirigé  par 
M.  Sylvain  Dupuis,  il  est  des  jours  où  il  résiste,  avec  une 
farouche  mauvaise  humeur,  à  toute  direction. 

Jean  Gerardy,  un  jeune  violoncelliste  d'une  douzaine  d'années, 
nous  a  fait  un  vif,  un  réel  plaisir. 

On  sent  une  nature  d'artiste  dans  ce  précoce  gamin.  Ce  n'est 
pas  seulement  un  petit  prodige  du  mécanisme.  11  n'y  a  rien  de 
l'élève  bien  stylé  qui  se  renferme  dans  sa  leçon  studieusement 
apprise.  Il  phrase  avec  aisance,  il  nuance  simplement,  avec  déli- 
e.itesse,  il  a  de  l'expression  :  une  expression  juste  et  louchante. 

Il  a  donné  d'un  concerto  de  Goltermann,  en  soi  assez  insigni- 
hani,  une  charmante  interprétation,  et  vraiment  avec  beaucoup 
d'allun'.  .  ■ 

L'exécution  avec  orchestre  de  Kol  Nidrei  de  Max  Bruch,  une 
tarentelle  de  Popper  et  un  andantino  de  Widor,  qu'il  a  joués 
ensuite,  ont  confirmé  notre  très  favorable  impi^ession. 


^     Notes  de  musique 

Le  Club  sywphonigue,  fondé  et  dirigé  par  M.  Emile  Agniez,  a 
fait,  dimanche,  au  Palais  des  Académies,  ses  débiits  dans  le 
monde.  Quaranle-cinq  membres,  tous  amateurs,  dit  l'affiche,  et 
parmi  eux  bofi  noml)re  d'«amatrices  ».  De  l'ensemble,  une  bonne, 
sonorité,  de  la  discipline.  Le  s\iccès  a  été  très  vif  et  l'attention 
religieusement  soutenue  jusqu'au  bout  d'un  programme  assez 
long  qui  comprenait  dos  mélodies  de  Svendsen,  une  Suite  en  style 
ancien  de  Crieg,  les  Xuveleltes  de  Gade,  une  composition  un  peu 
filandreuse  de  Grunewald,  etc. 

M"«  R.  Neyt,  MM.  Merck  et  Chômé  avaient  été  chargés  des  soli. 
A  noter,  parmi  ceux-ci,  la  Berceuse  ûq  M.  Agniez,  texte  de  L.  de 
Casembroodt.avec  accompagnement  d'orchestre,  et  deux  mélodies 
de  M.  De  Greef  :  f Etoile  et  Bonjour  Suzon. 


En  ménïe  temps  que  le  Club  symphonique  inaugurait  ses  con- 
certs au  Palais  des  Académies,  V Association  des  professeurs  d'in- 
struments à  vent  donnait,  au  Conservatoire,  sa  deuxième  matinée 
musicale.  On  a  écouté  avec  intérêt,  jouées  avec  le  soin  et  la  correc- 
tion habituels  aux  excellents  instrumentistes  qui  composent  l'Asso- 
ciatioa,  une  Suite  pour  fli'ile  et  quatuor  d'instruments  à  vent  par 
Charles  Lefebvre,  composition  de  facture  ingénieuse  et  d'idées 
distinguées,  écrite  peut-être  avec  trop  de  facilité  et  d'une  .plume 
qui  se  contente  trop  aisément  de  la  première  inspiration;  et  pour 
finir  la  séance,  la  Sérénade  de  Brahms  pour  petit  orchestre, 
cordes,  bois  et" cors,  pour  laquelle  on  avait  doublé  les  parties 
d'instruments  à  cordes.  Sérieuse  et  forte  composition,  un  peu 
massive,  un  peu  longue,  et  qui  sent  furieusement  son  professeur 
de  contrepoint.  .  , 

A  citer  encore"  une  très  jolie  composition  pour  flûte,  aVëc 
accompagnement  de  piano,  de  Frédéric-le-Grand,  oui  Monsieur! 
jouée  h  ravir  par  MM.  Anthony  et  Degreef.  M"*  Julia  Milcamps, 
premier  prix  de  chant  de  l'an  passé,  remplissait  assez  agréable- 
ment les  intermèdes  de  la  séance. 


Chez  un  amateur  de  musique  très  connu,  M.  Van  Hal,  dans 
l'intimité  d'une  soirée  essentiellement  artistique,  Jeno  Hubay 
l'excellent  violoniste  que  la  Hongrie  nous  a  repris,  a  fait  entendre 
quelques-unes  de  ses  plus  récentes  compositions  :  une  Sonate 
romantique  pour  piano  et  violon,  quatre  mélodies  sur  des  poésies 
de  Victor  Hugo,  Sully-Prudhomme,  Hélène  Vacaresco,  cl  des  frag- 
ments d'un  cycje  de  morceaux  de  violon  intitulé  :  /a  Vie  d'une 
peur,  inspiré  d'un  poème  du  comte  Zichy. 

La  fraîcheur  d'inspiration,  le  charme  délicat  et  la  distinction 
de  ces  diverses  œuvres  ont  été  très  appréciés.  Exécution  d'ail- 
leurs excellente  par  l'auteur  et,  pour  la  partie  vocale,  par 
M"«  Hélène  Brohez,  qui  a  dit  et  chanté  avec  beaucoup  de  goût 
les  mélodies  de  M.  Hubay. 

Deux  œuvres  d'ensemble  complétaient  ce  remarquable  pro- 
gramme :  le  quatuor  en  Ja  mineur,  n°  Ip,  de  Beethoven,  pour 
instruments  à  cordes  (MM.  Hubay,  M"^  H.  Sclimidt,  MM.  Agniez 
et  Jacobs),  l'irne  des  plus  belles  compositions  du  maître,  rare- 
ment exécutée  à  cause  de  sa  difficulté,  et  le  trio  en  ul  mineur  de 
Brahms,  îiuquel  MM.  Tonnelier,  Hubay  et  Jacobs  ont  donné  un 
relief  saisissant. 

Il  a  été  naturellement  question,  en  cette  soirée,  de  l'opéra  que. 
vient  d'achever  M.  Jenô  Hubay  sur  un  livret  d'Edniond  Harau- 
court  :  Merlin.  L'auteur  a  été  en  pourparlers  au  sujet  de  cette 
œuvre  avec  les  directeurs  de  la  Monnaie,  mais  il  ne  paraît  pas 
que  ceux-ci  soient  disposés  h  la  mettre  en  scène.  Une  audition 
intime  qui  a  eu  lieu  récemment  à  Boitsfort,  chez  M.  Charles  Tar- 
dieu,  a  produit  une  impression  des  plus  favorab'les,  malgré  l'in- 
terprétation un  peu  sommaire  que,  forcément,  l'auteur,  obligé  de 
chanter  tous  les  rôles  et  de  s'accompagner,  en  a  donnée. 


Mémento  des  Expositions 

Amiens.  —  31  mai-16  juillet.  Envois  :  45-20  mai.  Renseigne- 
ments :  M.  L.  Dewailly,  président. 

Arnhem  (Pays-Bas).  —  lo  juillet-i5  septembre.  Envois  : 
15  jum-i"  juillet.  Renseignements:  M.  A.-C.  Van  Daelen, 
secrétaire  delà  Comi^ission  directrice  de  l'exposition  des  Beaux- 
Arts,  à  Arnhem.  ' 

Besançon.  —  15   mai-30  juin.    Envois  :  neticcs,  10  avril; 


< 


^ 


œuvres,  10-20  avril.  Renseignements  :  M.  Allard,  secrétaire  de 
la  Société  des  Amis  des  beaux-arts,  rue  de  la  Bouteille,  iA, 
Besançon. 

Dijon.  —  Société  des  Amis  des  Arts,  l^juin-15  juillet  1890. 
Envois  :l-15mai.  Renseignements :5'fcre7anVï/,  Palaisdes  Etats, 
Itijon. 

Liège.  —  7  juin-10  août  1890.  Demandes  d'admission  :  avant 
le  30  mars,  au  Secrétariat  général,  rue  SaintLéonard,  214,  Liège. 

Madrid.  —  1«  ■Exposition^(inlernalionale).  Mai  1890.  —  Envois  : 
1"-10  avril. 

Milan.  —  Salon  annuel  :  15  avril-31  mai.  Envois  :  31  mars. 
Renseignements  :  Secrétariat,  Via  principe  Umberto,  Milan.. 

Munich.  —  Salon  annuel:  l«'juillel-15  octobre  1890.  Envois  : 
1-20  mai. 

Paris.  —  Société  des  Artistes  fraiiçais {Pah'is  des  Champs-Ely- 
sées), l"  mai-30juin.  Envois  :  Peinture,  ddhi  expiré.  Dessins, 
aquarelles,  pastels,  etc.,  idom.  Sculpture,  30  mars-o  avril. 
Architecture,  2-.*)  avril.  Gravure,  2-5  avril.  . 

Paris.  —  Société  nationale  des  Beaux- Arts  (Palais  du  Cfiamp- 
dc-Mar.s).  15  mai-30  juin.  Envois  :  Délai  expiré. 

Périglel'x.  — 31  mai-30  juin.  Délais  d'envoi  :  notices,  l"mai; 
œuvres^  10  mai.  —  Renseignements  :  M.  Pertoletti,  secrétaire 
de  la  Société  des  Beaux-Arts,  Périgueux. 

Rome.  —  26  avril-8  juin  1890.  Délai  d'envoi  :  1-5  .avril. 
Renseignements  :  Secrétariat  du  Comité  directeur.  Palais  des 
Beaux-Arts,  via  Nazionale,  Rome. 

Turin.  —1"  mai-1"  juin  1890.  — Délai  d'envoi  :  l«'"-20  avril. 
Renseignements  :  Secrétariat  de  la  Société  des  Beaux-Arts, 
Turin: 


Petite  chro;^ique 


Depuis  hier,  M.  .Vnloine  et  ses  camarades  du  Théûtre-Librc 
sont  installés,  pour  une  semaine  au  lliéâtrc  du  Parc.  Nous  ren- 
drons compte  dimanche  prochain  de  ces  représentations  de 
haute  attraction.  i. 


Le  Théâtre  des  Galeries  annonce  pour  mardi  prochain  la  pre- 
mière représentation  de  YArlésienne  avec  le  concours  de 
M""^  M.  Dcfresnes  et  de  M.  Bcrlon,  de  l'Odéon. 


Le  Théâtre  Molière  lient  un  sérieux  succès  avec  Don  César  de 
Bazan,  que  M.  d'Enncry  a  taillé  dans  le  manteau  d'Hugo,  cl 
Vinccncttc,  une  petite  pièce  en  un  acte  de  M.  Pierre  Barbier, 
applaudie  lous  les  soirs. 

Les  Soirées  populaires  de  Vcrvicrs  ouvrent  leur  troisième  Con- 
cours trimestriel  de  Littérature.  Le  sujet  imposé  est  une  pièce  en 
prose  intitulé}  La  Fleur. 

S'adresser  pour  tous  renseignements  à  M.  Léon  Lobct,  à 
Vervicrs,  Présidenl  de  l'OEuvrc. 


Inc  nouvelle  artistique  dont  le  Gaulois  garantit  l'aulhenticilé  : 

In  personnage  fort  riche  est  entré  en  pourparlers  avec  le 

Directeur  de  l'Union  Art  Association  de  New-York,  acquéreur,  on 

se  le  rappelle,  de  V Angélus,  pour  acheter  le  célèbre  tableau  de 

Millet. 

L'anivro,  ([ui  tigure  en  Ce  moment  à  une  Exposition  d'art  de 


Chicago,  à  côté  d'une  quantité  de  bronzes  de  Baj-ye,  pourrait, 
sous  peu,  réintégrer  le  sol  d  2  la  patrie. 


De  l'Eventail,  celle  correspondance  qui  nous  révèle  des  mœurs 
théâtrales  de  province  bien  amusantes  :  ■ 

«  Les  Anversois  ont  la  coutume  de  manifester  de  sérieu-e 
.façon  leur  sympathie  aux  artistes  qui-leur  plaisent,  à  l'occasion 
des  représentations  à  bénéfice  données  hebdomadairement  à  la  fin 
de  la  saison  du  Théâtre  Royal. 

A  ces  repr(?5enialions,  les  cadeaux  sont  exposés,  dès  le  com- 
mencement du  spectacle,  sur  une  table  près  du  contrôle,  puis,  au 
milieu  de  la  soirée,  le  tout  est  porté  sur  la  scène  et  le  régisseur, 
après  avoir  lu  un  discours,  fait  l'énumération  des  cadeaux. 

La  liste  en  esl  souvent  longue  et  elle  mentionne  les  objets  les. 
plus  hétéroclites. 

Il  nous  souvient  d'avoir  assisté,  la  saison  dernière,  à  la  soirée 
donnée  au  bénéfice  de  M.  Noté  el,  entre  autres  objets  qui  lui 
forent  offerts  au  cours  de  la  représentation  d'Hamlet,  nous  nous 
rappelons  toujours,  non  sans  gaieté,  deux  cannes  à  pèche  que  l'on 
présenta  le  plus  sérieusement  du  monde  au  prince  de  Danemark. 

A  M.  Duzas  on  a  offert  tout  récemment  des  monceaux  de  fleurs, 
de  couronnes,  une  chaîne  de  montre,  une  breloque,  une  canne, 
deux  photographies,  douze  cuillers,  d(?s  actions  de  la  ville 
d'Anvers,  un  portrait  à  l'huile,  un  service  à  ihé,  une  louche  en 
argent,  deux  moutardiers  et  un  char  à  quatre  chevaux  en  carton 
pour  le  fils  de  l'artiste.' 

Huit  jours  après,  pendant  l'acte  du  Cours-la-Reinc  de  Manon, 
on  a  offert  à  M™^  Vaillant,  la  bénéficiaire,  de  la  part  des  abonnés, 
un  cache-pot  avec  fleurs  artificielles,  deux  porle-bougies  en  fer 
forgé,*  un  vide-poche  en  argent,  u  3  chaîne  en  or,  trois  vases  du 
Japon,  une  amphore  en  cuivre  ciselé,  onze  cuillers  k  café  en 
argent,  une  pendule  et  une  couronne.  Des  amis  et  des  habitués 
ont  ajouté  à  ces  cadeaux  .-  des  fleurs,  des  vases  garnis  de  den- 
telles, des  éventails,  des  corbeilles,  des  écrins  avec  des  bijoux, 
des  actions  de  la  Ville  et  une  brosse  à  cheveux  (!!!!). 


En  souscription  :  Derniers  Vers  par  Jules  Laforgue.  (Di.s 
fleurs  de  bonne  volonté,  le  Concile  féerique,  Derniers  vers).  Edition 
définitive  avec  toutes  les  variantes  tirées  des  manuscrits  originaui 
et  classées  par  MM.  Edouard  Dujardin  et  Félix  Fénéon. 

Grand  volume  de  luxe*  lire  h  un  peiil  nombre  d'exemplaires 
numérotés  à  la  presse.  Prix  :  25  francs.  Le  volume,  exclusive-/' 
ment  réservé  aux  souscripteurs,  ne  sera  pas  mis  dans  le  commerce 
et  n'aura  pas  d'autre  édition.  Cet  ouvrage  est  publié  par  les  soins 
de  M.  Edouard  Dujardin,  à  t[ui  les  bull'lins  de  souscription 
devront  èl'-Q  adressés,  à  Paris,  11,  rue  lo  Pelolier,  avant  le 
31  mars  prochain. 


/>e  Japon  artistique.  —  Sommaire  du  n'  WIII  :  Elude  sur 
Kôrin,  peintre  el  laqueur,  par  M.  Louis  Gonse. 

Planches  hors  texte.  —  In  paysage  do  Hiroshighe.  —  L'no 
grande  planche  double  roproduisanl  un  Kalïêniono  poini  par 
Kôrin,  \cShoki.  —  Ino  étude  tie  jeunes  chiens  par  Kùrin.  —  Lu 
portrait  d'acteur,  pur  Massanobou.  —  Une  oie  au  vol.  par 
Morikonni.  —  Dos  oies  au  bord  d'un  marais,  très  ancienne  pein- 
ture, par  Sesson.  —  Deux  oiseaux  de  proie,  par  Tsho-Kwan.  — 
Deux  planches  de  modèles  industriels. 


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Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  l'Eirploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  l'Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l'État- Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90^,  à  Bruxelles  ou  Qracechurch-Street,  n»  53,  à  Londres,  à  V Agence  de  Chemins  de  fer 
de  VÉtat,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vranchen,  Domkloster,  n»  1,  à  Cologne. 


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Revue  mensuelle  de  littérature  et  d'art 

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Directeurs  :  MM.  A.  MOCKEL  et  P.-M.  OLIN. 

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TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-G.  Lobe. 

Traduit   de   l'allemand   (d'après  la  5®  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8».  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par 'une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  rares  ouvrages  d'enseignement  musical  les 
plus  estimés  en  Allemagne. 


BruzeUes.  —  Imp.  V*  Monnom,  26,  rue  de  l'Industrie. 


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Dixième  année.  —  N"  13. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  30  Mars  1890. 


L'ART  MDDERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  »  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   uu   an,   fr.   10.00;  Union  postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES   :    Ou   traite   à   foi-fait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  rindustrie,  26,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


Au  Thkatre-Liure  —  Sociétk  des  artistes  indépendants  : 
Sixième  exposition.  —  Théâtre  des  Galeries  :  L'Arlésienne.  — 
Théâtre  Molière.  —  L'Art  en  Angleterre  depuis  188o.  —  Petite 
chronique.  ; 


AU  THÉATRE-LIBRE 

«  En  composant  cette  paysannerie,  je  n'ai  point  cher- 
ché à  mettre  en  pratique  les  formules  de  telle  ou  telle 
école.  J'ai  fait  simplement  ce  qui  me  semblait  bon,  sans 
autre  contrôle  que  moi-même.  Parmi  les  nombreux 
paysans  chez  lesquels  j'ai  fréquenté,  j'ai  reconnu,  sous 
des  manifestations  diverses,  des  sentiments  similairesr- 
et  ainsi  je  suis  arrivé  à  constituer,  pour  chacun  de  ces 
personnages,  un  caractère  tranché  et  typique  qui  est 
comme  l'émanation  même  de  la  terre  et  le  fond  intime 
du  paysan.  Ils  parlent  leur  langue,  vivent  leur  vie  dans 
leur  inconscience  brutale  sans  que  j'aie  cherché  à  les 
charger  ou  à  les  blanchir. 

«  Ce  qui  domine  à  la  ferme,  c'est  encore  l'autorité  du 
pèrôi  Autrefois  tout  pliait  devant  elle,  aujourd'hui  on 
se  révolte,  les  jeunes  ont  des  désirs  de  bien-être  qui  se 
concilient  mal  avec  l'économie  paternelle  ;  de  là  une 
lutte  incessante  avec  les  enfants.  La. mère  générale- 


ment prend  parti  pour  le  fils,  et  la  fille  reste  à  l'écart 
des  combinaisons;  car  la  fille,  un  jour,  morcellera  le 
domaine  par  son  mariage,  tandis  que  le  fils,  lui,  peut 
l'accroître.  Cette  division  des  familles  campagnardes 
est  soigneusement  exploitée  par  les  agents  d'affaires  de 
villages,  hommes  véreux,  quelquefois  repris  de  justice, 
qui  peu  à  peu,  arrivent  à  s'enrichir  sur  la  bonne  foi  de 
ces  braves  gens.  "  ^  .  .      ■ 

En  ces  termes,  l'auteur  du  M.vître,  M.  Jean  JuUien, 
expose  lui-même  la  synthèse  de  son  œuvre,  l'une  des 
plus  fortes  et  des  plus  émouvantes  que  le  Théâtre-Libre 
ait  glorieusement  mises  au  jour,  la  plus  forte  peut-être 
et  la  plus  émouvante.  Et  retenez  ce  mot  -.V émanation 
même  de  la  terre  et  le  fond  intime  du  paysan.  C'est 
ce  qui  donne  au  petit  drame  rustique  de  M.  Jullien  sa 
haute  portée,  ce  qui  le  place  dans  la  hiérarchie  artis- 
tique au  sommet  de  l'échelle,  bien  au  dessus  des  œuvres 
épi'sodiques  et  fugitives  relatant  tels  personnages  d'excep- 
tion, tels  milieux  vrais  mais  spéciaux,  tels  événements 
contingents  et  passagers.  L'exactitude  d'observation  se 
combine  avec  la  condensation  que  seule  l'artiste  supé- 
rieur est  apte  à  réaliser.  Ce  que  l'auteur  met  en  scène, 
ce  n'est  pas  le  père  Fleutiot,  ce  n'est  pas  le  féroce 
^oïsme  du  maître  de  la  ferme  des  Ardillats,  qui  flanque 
à  la  porte,  lorsqu'il  se  sent  guéri,  le  brave  homme  de 
va-nu-pieds  qui  lui  a  sauvé  la  vie  :  c'est  le  paysan, 
l'extraordinaire  bipède  fruste  et  rusé,  féroce  et  làcheL, 


têtu-  et  faible  que  trois  actes,  trois  tableaux  plutôt, 
montrent  dans  des  manifestations  diverses  :  le  paysan 
malade,  le  paysan  méfiant,  le  paysan  rancunier  et  impi- 
toyable. L'intrigue  ?  Elle  est  de  mince  importance,  au 
rebours  du  théâtre  de  naguère,  qi^i  prenait  pour  devise  : 
«»  L'action,  l'action,  et  toujours  l'action  •».  Ici, — ^  en  ce 
théâtre  nouveau,  dont  l'expression  est  tantôt  un  réalisme 
qui  serre  de  plus  en  plus  la  vérité,  toutes  broussailles 
élaguées  des  anciennes  conventions,  tantôt  en  un  symbo- 
lisme destiné,  peu  à  peu,  à  transformer  l'art  scénique,  en 
ce  théâtre  qui  parfois  se  pénètre  des  deux  éléments 
en  apparence  contradictoires  —  l'intérêt  gît  dans  le 
développement  des  caractères,  nettement  établis  dès 
le  début  et  logiquement  menés  à  travers  le  déroulement 
du  récit.  Qu'on  é«oute  les  scènes  brèves,  incisives,  du 
Maître,  ei  cette  langue  sobre,  qui  n'emprunte  pas  un 
mot  au  répertoire  des  paysanneries  d'opéra-comique. 
Et  que  soudainement  l'esprit  évoque  les  copieuses 
intrigues  campagnardes  péniblement  échafaudées  par 
les  écrivains  du  théâtre  de  jadis,  les  sentiments  de  pala- 
dins prêtés  aux  rustres,  leurs  amours  enrubannées, 
leurs  expressions  fleuries  (oh  !  ce  n'est  pas  jusqu'à  l'abbé 
Delille  qu'il  faut  remonter  pour  en  trouver  de  réjouis- 
sants exemples!)  le  MaHre  de  M.  Jean  JuUien  appa- 
raîtra d'autant  plus  grand,  plus  ferme  sur  ses  assises 
d'art  neuf,  plus  inattaquable  en  son  architecture  de 
pierre  et  de  fer. 

•  Nous  croyons  que  personne,  avant  M.  Jullien,  ne 
s'est  livré  avec  le  Paysan  à  un  corps-à-corps  aussi  éner- 
gique. Nous  estimons  qu'il  n'est  guère  d'œuvre  d'où 
les  préjugés  soient  plus  strictement  exclus.  Nous  pen- 
sons qu'il  n'en  est  point  qui  exprime  avec  plus  de  force 
ce  «  fond  intime  du  paysan  »,  domaine  hermétiquement 
clos  jusqu'ici,  aussi  hermétiquement  que  demeure 
fermé,  malgré  d'innombrables  tentatives  pour  le  péné- 
trer, le  cœur  de  l'Ouvrier. 

Les  conventions  théâtrales,  le  vague  fleur  de  mélo 
qui  se  glisse  insidieusement  dans  la  plupart  des  essais 
de  littérature  naturaliste,  tant  est  persistante  l'habitude 
de  né  compter,  pour  le  succès  d'un  drame,  que  sur  les 
mouchoirs  du  public,  les  Frères  Zemganno  en  sont 
pénétrés.  Mettre  en  scène  ce  beau  livre,  qui  vaut  sur- 
tout par  la  confession  littéraire  qu'il  contient,  la  tenta- 
tive était,  certes,  curieuse,  et  les  adaptateurs,  MM.  Paul 
Alexis  et  Oscar  Méténier,  ont  fait  preuve  de  goût  et  de 
scrupule  en  respectant,  le  plus  possible,  le  dialogue 
même  de  M.  de  Goncourt.  Mais  du  meilleur  roman  on 
ne  fera  jamais  qu'un  drame  médiocre.  Les  Frères 
Zemganno,  au  théâtre,  malgré  l'intérêt  très  vif  qui 
s'attache  à  l'entreprise,  laissent  une  impression  de 
regret.  Le  public  des  salles  de  spectacle  est  inapte  à  dis- 
cerner, en  ce  touchant  récit  de  l'amitié  fraternelle  bri- 
sée par  une  catastrophe,  l'autobiographie  qu'il  recèle. 
Et  même  cette  autobiographie,  qui  transparaît  ingé- 


nieusement à  travers  les  chapitres  du  roman,  s'eff'ace 
à  la  scène,  où  les  faits  dominent  brutalement  la  délica- 
tesse des  souvenirs  évoqués.  Puis,  la  vérité  que  nous 
cherchons,  que  nous  exigeons  presque,,  s'accommode 
mal  du  désaccord  flagrant  qui  existe  entre  les  person- 
nages et  la  langue  châtiée  qu'ils  parlent,  entre  leur  état 
social  et  leurs  sentiments.  C'est  du  romantisme  pur, 
cela,  intéressant,  sans  doute,  mais  si  éloigné,  déjà,  du 
théâtre  nouveau,  auquel  les  écrivains  d'aujourd'hui 
nous  ont  accoutumés  ! 

Parmi  ceux-ci,  M.  Georges  Ancey  tient  incontestable- 
ment, le  premier  rang.  Nous  l'avons  dit  à  propos  de 
V Ecole  des  Veufs,  que  nous  avons  qualifiée  :  l'un  des 
très  rares  chefs-d'œuvre  du  théâtre  moderne  (1).  Deux 
pièces  du  même  auteur,  antérieures  en  date,  d'une 
observation  moins  cruelle,,  mais  d'un  art  raffiné  et 
d'une  intensité  rare  :  Les  Inséparables  et  Monsieur 
Lamblm,  ont  confirmé  l'impression  que  nous  avions 
ressentie  en  assistant  à  la  représentation  de  l'Ecole  des 
Veufs. 

Nous  ne  parlerons  des  Inséparables,  analysés  en 
détail  par  M.  Jean  Ajalbert  (2),  que  pour  rappeler,  le 
très  grand  éloge  que  nous  en  avons  fait.  Cette  duperie  de 
l'amitié,  réalisée  par  de  malignes  et  hypocrites  louanges 
qui  cachent  une  atroce  perfidie,  est  supérieurement 
exprimée*.  En  quelques  scènes  rapides,  dessinées  d'une 
pointe  ferme,  drôles  sans  charge,  spirituelles  sans  que 
l'esprit  s'y  affiche,  sans  que  l'unité  du  dialogue  soit 
rompue  par  l'intromission  des  «  traits  «  ou  des  «  mots  » 
chers  aux  Sardou  et  aux  Dumas,  et  qui  font  les  délices 
des  chroniqueurs,  M.  Ancey  décrit  avec  cette  amer- 
tume qui  lui  est  spéciale  les  petites  lâchetés,  les  petites 
trahisons,  les  petites  infamies  de  certaines  gens  de  bon 
ton  et  de  bonne  compagnie  dont  les  amabilités  recèlent 
des  lamefe  de  poignard.  C'est  d'un  pessimisme  tempéré 
d'humojjr  qui  n'a,  croyons-nous,  point  d'analogie  dans 
la  littérature  dramatique,  -«t  qui  donne  aux  Insépa- 
rables, comme  à  toutes  les  pièces  de  M.  Ancey,  une 
originalité  et  une  saveur  particulières.  Il  y  a  en  ces 
tableaux  croqués  sur  le  vif  bien  plus  que  de  l'ob- 
servation. Il  y  aNdes  coups  de  cravache  distribués 
d'une  main  nerveuse  et  le  sourire  aux  lèvres,  selon  la 
formule  classique  de  la  comédie  :  Castigat  ridendo 
mores.  A  cet  égard,  le  théâtre  de  M.  Ancey  se  rattache 
par  une  filiation  difecte  aux  maîtres  d'autrefois.  Mais 
combien  il  est  de  son  temps  par  la  vérité  des  situations , 
par  l'étude  patiente  et  l'exacte  reconstitution  du  méca- 
nisme des  hommes  d'aujourd'hui,  par  la  peinture  vivante 
de  nos  habitudes,  de  nos  travers,  de  notre  éducation  ! 

Le  type  de  Monsieur  Lamblin  demeurera  l'expression 
définitive  de  l'égoïste  inconscient.  Il  est  exprimé  avec 

(1)  Voir  FAtt  modn-ne  des  26  janvier  et  3  février  1890. 

(2)  Voir  lArt  moderne,  1889,  p.  164.     ' 


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tant  d'exactitude,  il  est  si  logique  dans  ses  actes  et  dans 
ses  paroles,  il  est  si  étonnamment  d'aplomb  qu'on 
pourrait  ne  pas  soupçonner  la  somme  considérable 
d'art  qu'atteste  cette  création.  Joué  en  lever  de  rideau, 
et  bien  à  tort,  car  l'œuvre  est  l'une  des  plus  attachantes 
que  le  théâtre  de  M.  Antoine  nous  ait  offertes,  Monsieur 
Lamblin  n'a  peut-être  pas  produit  tout  l'effet  qu'il 
aurait  dû  faire.  Pour  nous,  nous  considérons  cette 
pièce  de  début  de  M.  Ancey  —  elle  fut  jouée  pour  la 
première  fois  en  juin  1888,  —  comme  une  comédie  de 
haute  valeur,  qui  affirme  les  exceptionnelles  qualités  de 
son  auteur.  ^- 

A  l'appui  de  ce  dire,  une  citation,  prise  au"  hasard. 
C'est  le  dialogue  entre  Lamblin  et  sa  maîtresse,  l'élé- 
gante M'"*=  Cogé,  qui  est  venue  le  surprendre  cliez  lui, 
sous  un  prétexte  quelconque,  pour  l'emmener  au  théâtre. 
C'est  précis,  net,  médullaire  : 

Madame  Cogé.  — Comment,  lu  refuses!  Moi  qui  me  faisais  une 
joie... 

Lamblin.  —  Ecoule,  ma  chère  amie,  je  l'ai  dil  une  fois  pour 
toutes  que  je*n'élais  pas  un  cascadeur,  moi...  je  suis  très  loin 
d  elre  un  cascadeur...  j'aime  les  petites  choses  bien  réglées,  les 
bonnes  petites  habitudes  bien  assises,  les  petits  arrangements  bien 
convenus,  et  qu'une  boutade  ne  vient  pas  inopinément  renverser. 
Je  suis  très  famille,  moi,  très  famille;  je  té  l'ai  dit  souvent,  et  je 
suis  étonné  que  lu  ne  t'en  rendes  pas  compte.   . 

Madame  Cogé,  criqnt.  — Tu  m'ennuies!  là! 

Lamblin.  —  Ne  crie  donc  pas  si  fort...  Pour  rien  au  mondr, 

-pour  rien  au  monde,  je  ne  sortirais  ce  soir.  Hier,  Dieu  sait  si 

•  j'étais  heureux  d'aller  te  voir;  nous  avons  bien  ri,  nous  avons  fait 

une  bonne  petite  fête,  très  réussie,  je  n'en  disconviens  pas;  c'était 

charmant,  et  je  nejdemande  qu'à  recommencer;  seulement,  pas  ce 

soir...  domain.  Nous  avons  pris  le  lundi,  le  mercredi,  le  vendredi 

et  un  dimanche  de  temps  en  temps;  je  n'y  veux  rien  changer.  Je 

'  suis  réglé  comme  un  coucou,  moi  ;tu  n'as  pas  l'air  de  l'en  douter; 

et  je  ne  sonne  qu'à  l'heure  où  je  dois  sonner. 

Madame  Cogé.  —  C'est-à-dire  que  tu  m'aimes  trois  jours  sur 
six,  et  que  le  reste  du  temps  tu  te  soucies  de  moi  comme  du 
grand  Turc  !  Drôle  d'amour  que  celui-là  !... 

Lamblin.  —  Pas  du  tout  ;  je  pense  à  toi,  très  souvent,  et  si  tu 
venais  à  disparaître,  lu  me  manquerais  beaucoup.  Seulement  de 
là  à  déranger  l'équilibre  de  mon  existence... 

Madame  Cogé.  —  Et  puis  tu  aimes  ta  femme,  n'est-ce  pas? 

Lamblin. — Tu  es  jalouse? 
■"  Madame  Cogé.  —  Absolument,  et  j'en  ai  sujet... 

Lamblin.  —  Que  tu  es  bébéte,  va  !...  Tu  sais  bien  qu'il  n'y  a 
que  loi ,  voyons  ! . . .  seulement. . . 

Madame  Cogé.  -^  Ah  !  il  y  a  un  seulement! 

Lamblin.  —  Oui...  seulement  ce  n'est  pas  une  raison  parce 
que  je  t'aime,  pour  que  je  n'aie  aucune  affection  pour  ma  pauvre 
petite  Marthe,  que  lu  traites  trop  à  la  légère  et  qui  est  si  dévouée  ! 

Madame  Cogé.  —  Qu'est-ce  qu'elle  a  donc  de  si  extraordinaire? 

Lamblin.  —  Elle  a  d'extraordinaire,  qu'elle  fait  pour  moi  ce 
que  d'autres  ne  feraient  pas...  là...  toi,  la  première.  C'est  une 
affection  sûre,  que'j'ai  là,  en  réserve  pour  mes  mauvais  moments, 
une  affection  qui  ne  tourne  pas  à  tous  les  vents,  qui  n'a  pas  des 
hauts  et  des  bas!  11  faut  la  voir  douce,  résignée,  attentive,  se 


mettant  en  quatre  pour  me  faire  plaisir,  inquiète  quand  j'ai  seule- 
ment mal  à  la  tôle,  allant  me  chercher  mes  pantoufles  quand  je 
reviens  tout  crotté  et  tout  mouillé...  de  chez  toi!  {Très  ému.) 
Tout  à  l'heure  encore,  lu  vois  ce  verre  d'eau-de-vie  qui  est  là... 
c'est  le  second  que  je  me  préparais  à  boire,  et  au  moment  où  je 
me  le  versais,  j'ai  vu  sa  petite  main  s'avancer  et  me  le  retirer, 
sons  prétexte  que  je  n'étais  pas  raisonnable  et  que  j'allais  me  faire 
du  mal!...  {Il  pleure  à  moitié.)  D'ailleurs  je  n'en  avais  repris 
que  pour  qu'elle  me  dise  cela,  mais  voilà  de  ces  choses  qui  vous 
remuent  le  cœur...  {Un  temps.)  Et  maintenant  il  faut  t'en  aller!.. 

Madame  Cogé.  —  Oh!  ça  non!  je  t'aime,  moi,  et... 

Lamblin.  —  El  tu  es  égoïste...  Tu  sais  bien  que  je  ne  peux 
pas  souffrir  les  égoïstes,  moi!...  Tu  veux  me  priver  d'une  bonne 
soirée  bien  tranquille  et  bien  calme,  à  ton  profit,  à  toi  qui  n'es  ni 
tranquille,  ni  calme! 

Madame  Cogé.  —  Je  veux  que  tu  m'aimes,  que  tu  m'aimes 
exclusivement,  et  pour  cela  que  tu  quittes  ton  ménage,  s'il  le 
faut? 

Lamblin.  —  Oui!  et  puis  que  je  vienne  à  être  malade,  ce  qui 
peut  arriver,  quoique  j'ai  une  bonne  santé.  Dieu  merci  !  et  lu  nie 
planteras  là,  avec  ion  caractère  !...  je  le  connais...  tu  es  la 
meilleure  femme  du  monde,  mais  cela  ne  t'empêche  pas  d'élre 
superficielle... 

Madame  Cogé.  —  Superficielle!... 

Lamblin.  —  Tu  es  superficielle,  avoue-le...  Ta  façon  de  tomber 
i^i  comme  une  bombe,  en  est  la  preuve.  Quand  tu  te  mets  à 
parler  de  toi,  de  ics  robes,  de  tes  fantaisies,  ça  n'en  finit  pas  ;  lu 
ne  sais  pas  être  sérieuse^  lu  n'as  pas  celle  conversation  qui  plaîi  à 
un  homme,  qui  hi  flatte  et  qui  l'amuse... 

Madame  Cogé.  —  Oh  ! 

Lamblin.  — Tu  ne  lui  parles  jamais  de  lui!...  Un  soir  que 
j'avais  mal  à  l'estomac,  lu  m'as  presque  renvoyé  à  la  maison,  où 
l'on  m'a  fait  du  thé...  La  cuisinière  était  couchée...  Marthe  n'a 
pas  craint  d'aller  à  la  cuisiiie  et  de  se  çalir  les  mains  ! 

Madame  Cogé.  —  Quand  ça,  quand  donc  ça? 

Lamblin.  —  Pour  Dieu,  ne  crie  pas  si  fort!...  il  n'y  pas  plus 
de  quinze  jours. 

Madame  Cogé.  —  C'est  que  lu  ne  t'expliquais  pas,  voilà  tout! 

Lamblin.  — Je  me  plaignais  cependant  assez  pour  attirer  ton 
attention.  . 

Et  ce  rôle  de  la  belle-mère,  qui,  sans  rien  dire,  a  tout 
arrangé.  M*"*  Cogé  est  partie  furieuse  et  Lamblin  se 
désole  : 

Madame  Bail.  —  Ayez  donc  confiance  en  moi...  parlez! 

Lamblin.  —  Eh  bien  !  c'est  que  tout  à  l'heure,  celte  dame  qui 
esl  venue...  j'ai  peur  de  lui  avoir  parlé  trop  durement,  je  crains 
de  l'avoir  fâchée,  je  l'ai  presque  mise  à  la  porte. 

Madame  Bail.  —  Ne  vous  inquiétez  donc  pas  de  tout  cela,  vous 
vous  trompez  peut-être. 

Lamblin  {ennuyé).  —  Non,  je  ne  me  trompe  pas...  je  sais  bien 
que... 

Madame  Bail.  —  Je  vous  dis  que  vous  avez  tort  do  vous  inoir.or 
la  tête. 

'9 

Lamblin  {impatienté).  —  Enfin  qu'en  savoz-vous  ? 

Madame  Bail  {les  yeuj:  baissés).  —  Je  n'en  sais  rien, seulement... 
comme  je  me  suis  doutée  de  ce  qui  s'était  passé  ici,  comme  j'ai 
craint...  si  une  brouille...  survenait  avec  cette  dame...  que  vous 
ne  fissiez...    avec  d'autres...    des    sottises...   des   sottises  qui 


cnlratncraicnt  une  séparation...  je  l'ai  rcjoinlc  sur  le  palier...  cl 
je  lui  ai...  park^.  ' 

Ces  spectacles  de  choix  ont  été  complétés  par  une 
pièce  en  un  acte  de  MM.  Paul  Ginisty  et  Jules  Guérin  : 
Deux  Tourtereaux,,  dans  laquelle  deux  déportés, 
vieux  et  laids,  s  aiment,  se  querellent  et  se  raccommo- 
dent. Est-ce,  comme  l'ont  cru  quelques  spectateurs,  une 
simple  pochade,  un  vaudeville  amusant?  Il  est  possible 
que  les  auteurs  n'aient  pas  voulu  donner  à  leur  pièce 
d'autre  portée.  Mais  l'œuvre  dépasse,  en  ce  cas,  le 
cadre  qui  lui  a  été  assigné.  Elle  est  sinistre  et  terrible. 
La  dégradation  des  deux  êtres  qui  sont  les  héros  de  ce 
petit  drame  :  l'homme,  jadis  potard,  devenu  empôisoîi- 
neur  pour  se  débarrasser  de  sa  femme  qui  tardait  à 
mourir,  la  femme,  institutrice  au  Faubourg,  assassin 
de  sa  patronne  pour  lui  prendre  son  argent,  ne  nous 
fait  pas  rire  ;  elle  est  d'une  horreur  tragique  émouvante. 
■  Quand  nous  aurons  rappelé  que  toutes  ces  œuvres 
sont  jouées  avec  naturel,  avec  aisance,  sans  pose,  sans 
l'ombre  d'une  convention  quelconque  par  l'excellent 
acteur  Antoine  et  ses  camarades,  parmi  lesquels  il  faut 
•citer  surtout  M.  Grand,  M"^*  Sjlviac,  Barny,  Henriot, 
Luce  Colas  et  France,  quand  nous  aurons  dit  que  le 
directeur  du  Théâtre-Libre  a  réalisé  une  mise  en  scène 
tout  à  fait  saisissante  dans  le  tableau  du  cirque  des 
Frères  Zemganno,  nous  aurons  terminé  l'exposé  de  la 
semaine  artistique  qui  vient  de  s'achever.  Un  cycle  de 
représentations  comme  celles-là  console  de  l'universel: 
cabotinage  dans  ^lequel  nous  pataugeons.  Une  fois  de 
plus,  nous  adressons  aux  artistes  du  Théâtre-Libre 
un  fraternel  salut,  et  nous  exprimons  l'espoir  de  les 
revoir  souvent  parmi  nous. 


SIXIEME   EXPOSITION. 


Pavillon  de  la  Ville  de  Paris  (Champs-Elysées). 
Correspondance  particulière  de  I'Art  moderne. 


■^ 


Quatre  salles.  Les  trois  premières  constitueraient  un  supplé- 
ment posthume  de  l'enfer  du  Dante.  Les  ombces  du  Slyx  et  les 
déformations  des  corps  putréfiés  ont  envahi  les  toiles.  0  douceurs 
harmoniques  des  nuits,  combien  lumineuses  vous  êtes  à  côté  de 
ces  pollutions  enténébrées!  C'est  une  cacophonie  fuligineuse,  le 
poème  de  la  suie,  la  vendetta  des  noirs  et  des  bruns.  Un  Villette 
hurle  dans  cette  morose  ambiance  la  discordance  de  ses  tons 
grinçants.  Ses  antipodiques  accouplements  dfe  couleurs,  d'aspect 
malpropre,  apparaissent  comme  les  suppurations  de  pustules  à 
suintements  divers.  Le  dessinateur  du  Chat  noir  ne  craint  pas  de 
surplomber  cette  débâcle  d'un  métallique  arc-en-ciel  et  de  con- 
fronter ainsi  sa  terne  palette  avec  les  couleurs  primordiales. 

11  nous  incite  de.  la  sorte  à  visiter  l'exposition  des  artistes  qui 
ne  peignent  qu'avec  les  dites  couleurs  et  divisent  le  Ion.  Leur 
manifestation  est  fort  concluante. 


SOCIÉTÉ  DES  ARTISTES  INDÉPENDANTS.     ., 


Vos  compatriotes  d'abord  :  •  • 

De  M.  Théo  Van  Ryssclberghc,  le  Porlrait  de  Madame  D.  B. 
La  lumineuse  intensité  en  laquelle  sont  modelés  la  lôte  et  le  cou 
de .  la  gracieuse  jeune  femme  s'irradie  dans  une  glace  où  les 
splendeurs  d'une  nuque  fauve  se  reflètent.  C'est  une  fête  d'or  et 
de  tons  roux,  une  diffusion  de  soleil.  L'atmosphère  est  adéquate 
au  personnage  qui  vil  intensément.  Les  bras  pendent  en  une  non- 
chalance naturelle  et  souple  sur  la  robe  aux  plis  soyeux,  aux  cha- 
toyants reflets,  aux  cassures  où  jouent  les  rayons.  Mais  le  panneau 
de  jupe,  que  le"vioIenl  soleil  inonde,  semble  un  peu  décoloré. 

Le  Portrait  de  Madame  P.,  d'un  faire  moins  savoureux,  est 
légèrement  sacrifié  à  l'accessoire,  au  décor,  à  l'intimité  du  home 
qui  est  celui  d'une  femme  de  goût,  très  artiste  :  des  étoffes,  un 
bronze  d'un  galbe  verdâtre;  un  sopha  recouvert  d'une  somptueuse 
soie,  accrochant  largement  la  lumière.  A  côté,  un  Portrait  de 
^lletle,  sobre  de  tons  et  de  facture,  d'un  fort  beau  dessin. 

La  Forêt  vue  par  les  cimes  à  r aurore  de  M.  Robert  Picard, 
éjouit  par  le  frais  éveil  de  cette  aube  rosissanle  et  la  tendre  colo- 
ration des  cimes  qui  moutonnent  dans  la  gaie  diffusion  de 
l'astre. 

Les  Eléphants  dcM.  Lemmen  valent  par  un  dessin  très  carac- 
téristique de  leur  douce  résignation,  de  leur  massivité  patiente, 
de  leurs  lourds  efforts  d'équilibre. 

M.  Van  de  Velde  acquiert  l'harmonie  et  le  rayonnement  par 
des  procédés  vraiment  simples.  11  semble  qu'il  ait  disposé,  au 
centre  de  sa  toile,  un  prisme  décomposant  la  lumière  blanche  et 
qu'il  ail  appliqué  la  couleur  appropriée  à  la  place  de  chacun  des 
rayons  réfléchis  par  le  prisme.  Paysages  mondains  sont  d'un 
effet  agréable  mais  bien  aisément  obtenu.  La  Femme  assise  à  la 
fenêtre  requiert  par  la  chaude  lumière  du  plein  air,  encore  que 
l'intérieur  de  la  chambre  soit  d'une  lumière  trop  identique  à  celle 
de  la  rue. 

M""^  Anna  Boch  expose  les  Foins,  les  Sabotiers,  les  Pavots, 
Octobre. 

Les  diviseurs  français,  très  vaillants,  accentuent  leur  effort. 
M.  Georges  Sèurat  ne  se  soucie  plus  uniquement  d'irradier  ses 
toiles  de  luftiière  intense  et  delà  libre  harmonie  des  clartés 
astrales,  il  lâche  aussi  de  faire  concourir  les  directions  des  lignes 
et  leur  intersection  sous  certains  angles  à  l'idée  dominante  du 
tableau.  Une  sensation  de  gaieté  ne  sera  pas  seulement  exprimée 
par  des  vermillons,  des  oranges,  des  verts,  etc....  mais  par  des 
lignes  dirigées  de  bas  en  haut  et  par  des  angles  dont  le  sommet 
est  tourné  vers  le  bas.  Tout  sera  calculé  dans  ce  souci  :. inflexion 
des  paupières,  altitudes  des  bras  el  des  jambes,  port  de  la  léte, 
plis  des  vêlements.  ' 

SaN,loile  le  Chahut  est  en  ce  sens  une  première  réalisation  théo- 
rique très  concluante.  Fouettés  par  un  orchestre  précipitant  la 
mesure,  dans  un  tonnerre  de  cuivres  devinés,  que  scandent 
les  rapides  et  sourdes  vibrations  des  contre-basses,  les  deux 
couples  cabrés  à  la  rampe,  en  un  rayonnement  cru  du  gaz, 
marquent  par  une  voltige  de  jambes  élastiques,  la  cadence  d'un 
chahul  bien  réglé.  Dans  ce  désossemenl  de  leur  féminité,  les 
danseuses  maintiennent  la  rigidité  impeccable  de  leur  torse,  la 
tête  très  haute,  el  coulent  sous  leurs  paupières  de  conquérantes 
un  œil  sûr  des  lentalions  déchaînées  :  il  sourd  de  là  une  sensation 
de  gaieté,  réglementée  par  la  mesure,  une  molilité  de  cheval 
savant  que  stimule  un  orchestre,  toute  une  joie  de  commande. 
Celte  recherche  de  l'harmonie  des  lignes  el  des  couleurs,  pour 
l'expression  nette  jusqu'à  l'exagération  de  l'idée  dominante  du 


6 


lablcau,  a}»oulira  Ji  dos  effets  puissants  de  peinture  décorative, 
pour  pou  qu'on  arrive  à  dissimuler  le  trop  apparent  procédé. 

Les.  autres  toiles  de  M.  Seurat  attestent  sa  juste  vision,  sa 
science  du  dessin,  son  inlelligtenlc  synthèse.  Quatre  aspects  de 
Port-en-Bessin  rayonnent  des  joies  d'un  soloil  non  frauduleux.  La 
Gmnde-Jalle,  temps  fjrU,  prouve  que  môme  par  la  torpeur  d'un 
ciel  opaque,  le  soleil  opère  encore  une  diffusion,  sourde  et  latente. 
Une  jeune  femnne  de  la  bourgeoisie  moderne,  à  sa  table  de 
toilette  gracile,  légère,  fanfreluchante  de  mâwiuise  du  xviii» siècle, 
poudre  ses  chairs  épaisses  rendues  par  un  travail  et  un  modelé 
savoureux. 

.  M.  Paul  Signac  crée  de  la  lumière,  embellit  le  soleil,  capte  ses 
rayons.  Ses  toiles  resplendissent  des  magnificences  de  l'astre. 
Autour  d'elles  s'épa'nd  comme  un  halo  de  clarté.  C'i^st  un  envelop- 
pement d'immatérielles  et  harmoniques  transparences. 

Les  profondeurs  diaphanes  d'un  ciel  d'azur .  s'atténuent,  en  . 
décroissances  insensibles,  dans  un  infini  pâlissant;  la  mer,  d'une 
placidité  bleue,  se  perd,  immensément  épandue,  dans  un  lointain 
aux  colorations  pâles.  Ces  éléments  se  fondent  en  une  lumineuse 
jonction,  en  une  ligne  d'horizon  irradiée.  C'est,  au  loin,  un  baiser 
d'harmonies  somptueuses,  une  union  féconde  de  complémentaires 
et  de  transparences.  Entre  ciel  et  eau,  l'orangé  des  roches  sur- 
plombant la  mer,  toute  une  théorie  de  voiles  blanches.  VOp.  201 
{Un-  dimanche,  Pam  1889),  relate  le  morne  ennui  d'un  couple 
étirant  sa  spleenétique  nonchalance  dans  la  richesse  d'un  salon 
surchauffé. 

Voila  des  résultats  superbement  atteints. 

M.  Maximilien  Luce  restitue  en  violentes  harmonies  le  remue- 
ment des  foules  parisiennes,  le  grouillement  populeux  des 
chaussées.  La  rue  Mouffelard  s'emplit  de  passants  hâtifs,  circu- 
lant avec  l'alerte  et  bousculante  marche  de  gens  affairés.  Des 
ambulants  poussent  leurs  évenlaires  où  les  oranges  s'associent 
aux  verdeurs  des  légumes,  il  s'élève  de  cette  toile  toute  la  rumeur 
montante  du  Paris  matinal,  l'accélération  bruyante  de  notre  vie 
moderne.  Les  toits  s'illuminent  chaudement  des  rayons  du  pre- 
mier soleil.  L'Eglise  Sainl-Médard  vaut  par  une  lumière  intense 
irradiant  la  gajnme  savante  du  vert  des  arbres.  Une  Femme  à  sa 
toilelle,  pastel  d'un  modelé  exquis,  révèle  en  M.  Luce  un  âpre 
dessinateur  du  nu. 

Le  talent  de  M.  Lucien  Pissarro,  qui  évoluait  en  tâtonnements 
intéressants,  paraît  avoir  trouvé  son  expression  définitive.  Ses 
Prairies  à  Oisors,  bien  enveloppées  cependant  des  tristes 
harmonies  d'un  temps  gris,  semblent  de  dix  années  antérieures  à 
sdi  Rue  Saint- Vincent,  éblouissante  d'un  soleil  partout  épandu, 
qui  souffle  la  vie  au  paysage,  colore  les  ombres.  Ce  tableau,  d'une 
belle  composition,  charme  par  la  douceur  de  son  éclat. 

Le  Soir  d'été  de  M.  Gausson,  encore  qu'inachevé,  séduit^par 
de  joyeuses  colorations.  Sans  dos  rochers  aux  tloconnements  de 
grise  crème  fouettée,  le  A  ma  fenêtre  de*^.  Henri  Cross  serait 
d'une  belle  placidité. 

MM.  Dubois-Pillet,  Porrot,  Angrand  (qi/i  cejnt  une  modeste 
barque  d'une  surprenante  auréole)  et  Guillaumin,  complètent 
cette  manifestation.  VJvry  de  M.  Guillaumin  doit  aux  couleurs 
du  pastel  la  facile  harmonie  des  violets  et  des  bleus  de  son 
horizon.  Les  tons  clairs  de  VEnfant  dans  la  prairie  sont  exquis. 

M.  de  Toulouse-Lautrec  décarcasse  la  lourde  musculature  d'une 
fille,  en  ruades  chahuteuses  et  gauches,  en  caracolements  de 
cavale  débridée.  Sa  cuisse  épaisse  surgit  de  ses  dessous  crapuleux. 
Vis-à-vis,  le  nerveux  lircbouchonnement  des  jambes  désossées  de 


■  / 
Valeniin  :  Au  Moulitu-Rougs,  le  Dressage  des  nouvelles,  Ce 
labloau,  d'un  âpre  dessin,  restitue  la  furie  forcenée  de  ces 
iressauteuses  de  tétons  ot  leur  pénible  dégingandcmenl.  Autour  du 
couple,  des  silhouettes  de  gommeux  à  la  morne  imbécillité,  le 
dédain  curieux  des  filles  mieux  entretenues. 

Le  pastel  de  M.  de  Regoyos,  étiqueté  Fête  Basque,  exprime 
dûment  le  rytjimo  paresseux  d'une  danse,  après  dînor,  sur  l'herbe, 
la  passivité  de   luronnes   soumises   aux  volontés   de   sinistres" 
voyous.  '  '       ■     . 

Les  farouches  empâtements  de  .M.  Vincent  Van  Gogh  et  son 
emploi  exclusif  de  couleurs  aux  harmonies  aisées  aboutissent  k 
des  effets  puissants  :  les  fonds  violets  du  Cyprès  et  la  symphonie 
des  verls  d'un  sous-bois  impressionnent  vivement. 

Cette  poussée  de  talents  forts  a  provoqué  les  ricanements  de 
gens  imbéciles  et  les  moqueries  d'une  presse  abaissée  à  leur 
niveau.  .  ' 

Georoes  Lecomte. 


Théâtre  des  Galeries 

L'ARLÉSIENNE 

L'interprétation  que  donne  le  théâtre  des  Galeries  de  l'A  rlé- 
sienne,  le  drame  émouvant  d'Alphonse  Daudet,  et  certes  sa  plus 
belle  œuvre,  est  irréprochable.  .M.  Pierre  Berton  a  créé  un  Bal- 
thazar  insoupçonné,  tragique,  superbe  d'attitudes  et  do  gestes, 
très  artistement  costumé  cl  grimé.  M"""  Marie  Defrosnes,  tant 
applaudie  naguère  au  Parc  dans  la  Femme  de  Tabarin  et  au 
théâtre  Molière  dans  le  Pain  du  péché,  s'est  montrée,  dans  le  rôle 
de  Rose  Mamai,  —  la  mère  torturée  par  l'amour  de  son  fils  pour 
l'Arlésienne,  —  artiste  passionnée,  touchante  et  pathétique;  les 
cris  qu'elles  pousse  au  cinquième  acte  ont  secoué  toute  la  salle  du 
frisson  des  grandes  impressions  d'art.  A  côté  de  ces  deux  excel- 
lents comédiens,  .deux  débutants  qui  donnent  dfi-^sérieuses  pro- 
messes :  M.  Berton  fils, auquel  le  personnage  do  Frédéri  convient 
admirablement,  et  M"«  de  Byen,  qui  joue  celui  de  Vivelte.  Les 
artistes  de  la  troupe  des  Galeries  ;  MM.  Garnier,  Valbret,  etc.,  et 
M"*  Real,  complètent  ce  remarquable  ensemble,  que  ne  dépare 
pas  l'effet  du  petit  orchestre  et  des  chœurs  auxquels  est  confiée 
la  délicate  mission  de  ne  pas  massacrer  la  musique  de  Georges 
Bizet. 


Théâtre  Molière. 


y 


La  Famille  Benoilon,  représentée  p'^ur  la  première  fois  à 
Paris  sur  le  théâtre  du  Vaudeville,  le  4  novembre  lH6o. 

Dans  celle  Famille,  qui  remonte  aux  plus  beaux  jours  du 
second  empire  ot  de  Victorien  Sardou.  il  y  ace  qu'on  est  convenu 
d'appeler  de  l'esprit  ;  il  y  a  dos  Tirades  sontiinentales  et  pathé- 
tiques suscitant  les  bravos;  il  y  a  dos  lirados  sur  les  femmes,  sur 
la  morale,  sur  la  mode,  qu'on  trouve  ogalemoni  dans  telles 
comédies  de  M.  .\loxandre  Dumas  :  L'Ami  des  Femmes,  le  Demi- 
Monde.  Tout  cela  est  bien  long  et  dégage  un  vieux  parfum  do 
moisissure. 

Quaq,t  au  comique,  un  peu  pincé,  do  Victorien.  i,"a  ne  vaut  pas 
le  rire  aux  larmes  de  cet  exoilleni  Labiche. 

Cependant,  un  Benoilon  extraordinaire.  .M.  Charvet,  —  les 
invraisemblances  de  la-pièce,  —  une  sensationnelle  .Vdolphine  où 


A  (•* 


^ 


102 


UART  MODERNE 


la  hidcurde  M""-'  Pomineret  esl  une  Ijipnnc  forluno,  — les  cheveux 
roux  sanglants,  la  robe  rose  et  ceinture  vcrl-pommc  de  M""  Arscl, 
—  la  précoce  expérience  de  vieux  cabotin  du  petit  Henri  Desnoyer, 
Fanfan  Benoiton,  —  la  crànerie  gamine  de  M''*  Chesneau  en 
Tliéodule  •."c'est,  au  long  de  ces  cinq  actes,  de  suffisantes 
distractions. 

F.cs  autres  interprètes  sont  excellents  et  suffisants  :  traditions 
du  Conservatoire. 


L'ART  EN  ANGLETERRE  DEPUIS   1880 

L'Exposition  universelle  a  suggéré  à  un  rédacteur  du  Nineteenth 
Century,  M,  Huisli,  ridée  de  passer  en  revue  tout  ce  qui  s'est 
fait  depuis  dix  ans  en  Angleterre  dans  le  domaine  de  l'art.  Son 
étude  esl  pleine  de  renseignements  curieux  :  en  voici  quelques- 
uns  qui  ne  peuvent  manquer  d'intéresser  nos  lecteurs. 

L'ensemble  des  sommes  volées  par  le  Parlement  et  dépensées 
depuis  i 880  pour  les  besoins  artistiques  de  la  nation  s'élève  à 
fi  millions  453,000  livres  sterling,  dont  315,762  livres  sterling 
(environ  huit  millions  de  francs)  pour  la  National  Gallery.  Celte 
dernière  somme  elle-même  se  décompose  en  112,415  livres  pour 
l'administration,  64,500  pour  ouverture  de  nouvelles  salles,  et 
138,847  pour  achat  de  peintures. 

La  National  Gallery  possédait,  en  1880,  1,040  tableaux  :  elle 
en  possède  aujourd'hui  1,270.  Les  principaux  achats  de  ces  dix 
dernières  années  sont  ceux  de  la  Madone  Ansiciei  de  Raphaël 
(70,000  livres),  du  Cliarles  j"'  de  Van  Dyck  (17,500  livres),  du 
Philippe  /F  de  Velasquez  (6,300  livres),  de  V Assomption  de 
Bolticelli  (4,777  livres),  de  la  Vierge  avec  saint  François  du 
Pérugin  (3,200  livres)  et  de  la  Circoncision  de  Luca  Signorelli 
(3,150  livres).  En  outro,  de  nombreuses  innovations  ont  été 
réalisées  :  des  1,270  tableaux,  il  ne  reste  plus  aujourd'hui  que  80 
<iui  ne  soient  pas  sous  verre;  cinq  nou\elles  salles  ont  été  créées 
vl  ont  permis  un  classement  plus  suivi  ;  la  galerie,  au  lieu  détrc 
fermée  en  octobre  et  avril,  comme  autrefois,  esl  ouverte  toute 
l'aniiéi',  tous  les  jours,  sauf  le  dimanche;  elle  esl  ouverte  l'élé 
jus((u'à  sept  heures  et  demie. 

Les  Galeries  Nationales  d'Ecosse  et  d'Irlande  n'ont  reçu  que  peu 
(le  subventions  et  ne  se  sont  guère  agrandies. 

La  Galerie  Nationale  des  Portraits,  à  Londres,  fort  mal  installée 
jusqu'à  ces  dorniers  temps,  vient  d'être  mise  en  possession  par 
un  bienfaiteur  iinonyme,  de  100,000  livn  s,  qui  pernieliront  de 
la  transporter  dans  un  local  plus  convenable.  C'est  également  à 
la  générosité  d'un  particulier  qu'Edimbourg  est  redevable  d'une 
Galerie  Nationale  de  Portraits. 

Le  total  des  sommes  dépensées  depuis  1880  pour  le  British 
Muséum  est  de  1,138,000  livres,  dont  258,000  pour  acquisition 
d'objets  divers.  Les  collections  se  sont  énormément  enrichies; 
plus  de  7,500  gravures  sont  venues  s'ajouter^^u  fonds  ancien. 

Le  nombre  oes, écoles  d'art  a  également  augmenté:  au  lieu 
d'être,  comme  en  1880,  de  146  avec  29,000  élèves,  il  est  aujour- 
d'hui <lc  213  avec  42,000  élèves.  /* 

Au  contraire  des  deux  Musées  cités  plus  haut,  le  South  Ken- 
singlon  n'a  guère  fait  de  progrès  depuis  1880.  Les  acquisitions 
nouvelles  fl'objets  d'art  ont  monté  k  la  somme  de  100,009  livres, 
mais  plusieurs  ne  sont  pas  1res  heureuses;  et  un  très  grand 
nombre  .d'objets  de  valeur  ont  été  transportés  dans  des  Musées 
provinciaux.  11  faut  pourlant  ajouter  que  le  South  Kensinglon 
s'e&l  enrichi  d'une  bibliothèque  et  de  plusieurs  donations  impor- 


tantes, entre  autres  les  porcelaines,  miniatures,  etc.,-  de  M.  John 
Jones. 

M.  Huish  se  plaint  de  ce  que  les  commandes  officielles  aux 
artistes  soient,  en  Angleterre,  plus  rares  el  moins  largement 
payées  que  dans  les  autres  pays.  Pourtant  la  fresque  du  Souih 
Kensinglon  a  été  payée  à  Sir  F.  Leighton  3,000  livres 
(75,000  francs);  un  sculpteur  a  reçu  150,000  francs  pour  une 
statue  de  lord  Beaconsfield.  Dans  quel  autre  pays  M.  Huish  a-l-il 
vu  des  commandes  mieux  payées? 

Il  reconnaît,  <railleurs,  que  jamais  les  artistes  n'ont  reçu  autant 
de  distinctions  honorifiques  :  MM.  Leighton,  Millais,  Bœhm, 
Walker,  ont  été  créés  baronnets;  MM!  Douglas,  Linlon,  Blomfield, 
Robiûson,  Newion  el  Brierley,  chevaliéî^s. 

La  Royal  Academy  a  considérablement  agrandi  le  local  con- 
sacré h  ses  Expositions.  Le  nombre  total  des  œuvres  exposées 
depuis  1880  est  de  82,789.  Chaque  année,  le  nombre  des  tableaux 
exposés  augmente  :  le  nombre  des  visiteurs,  au  contraire,  tend 
sensiblement  à  diminuer,  ce  qui  s'explique  par  la  multiplicité 
croissante  des  Expositions  (;ivales.  Celles-ci  sont  nées  ces  temps 
derniers  en  telle  quantité,  qu'il  esl  impossible  de  les  citer  toutes  : 
nommons  seulement  l'Institut  des  Peintres  à  l'Huile,  les  Peintres- 
Graveurs,  le  Club  d'Art  Anglais  el  les  Pastellistes.  En  1880,  il  y 
a  eu  en  tout  6,000  tableaj^x  exposés  à  Londres;  en  4889,  il  y  en 
a  eu  plus  de  11,000. 

En  1880,  il/fffcxistait  guère  dans  les  provinces  anglaises  qu'un 
seul  Musée  important,  celui  ée  Liverpool  :  il  y  a  aujourd'hui,  dans 
la  plupart  des  gi^âml^  villesjde  remarquables  Musées,  au  premier 
rang  desquels  esl  venu  se  placer  le  Musée  Municipal  de  Birmin- 
gham, recevant  lous  les  ans  plus  d'un  million  de  visiteurs,  el 
possédant  une  collection  de  peintures  évaluée  à  deux  millions  de 
francs. 

Les  Expositions  de  Manchester  (en  1887)  et  de  Glasgow  (en 
1888),  ont  eu  l'imporlance  de  véritables  événements  artistiques. 

A  Sidney,  à  Melbourne,  à  Ottawa,  dans  le  Canada,  de  nouveaux 
Musées  ont  été  ouverts.  Des  sommes  considérables  leur  ont  été 
atfeciées.  La  galerie  de  Sidney  esl  dès  à  présent  en  possession  de 
nombreux  spécimens  de  toutes  les  écoles  de  peinture. 

Le  prix  des  œuvres  d'art,  dans  les  ventes,  esl  resté  fort  élevé. 
Voici  les  principaux  événements  dont  a  été  témoin  depuis  dii^ans 
le  marché  anglais  : 

En  1882,  la  collection  Hamilton  a  produit  la  somme  de 
397,562  livres  (près  de  dix  millions  de  francs);  une  paire  d'ar- 
moires Louis  XIV  y  a  été  vendue  12,075  livres;  une  commode 
Louis  XVJ,  9,450.  En  1883,  une  gravure  de  Rembrandt,  le 
Docteur  Van  Toi,  a  été  adjugée  1,500  livres  (37,500  francs), 
En  1884,  à  la  vente  Fontaine,  un  plat  de  Limoges  s'est  vendu 
7,303  livres  (182,625  francs).  En  1887,  à  la  vente  Lonsdale  un 
portrait  de  Madame  de  Pompadoitr,  par  Boucher,  s'esl  vendu 
239,875  francs.  Il  faut  ajoutera  cette  petite  liste  de  prix  maxima. 
la  vente  en  1884  de  trois  tableaux  de  la  collection  de  Blenheim  : 
la  Madone  Ansidei  {10, y)00  livres)  el  deux  Rubens  (50,000  livres). 

Il  resterait  une  dernière  question  à  trancher.  Depuis  dix  ans, 
l'art  anglais  a-t-il  été  en  progrès  ou  en  décadence?  Les  in^lrcs 
de  génie  se  sont-ils  faits,  plus  nombreux  ou  plus  rares.  Et  la 
somme  de  talent  chez  les  artistes  anglais  a-l-elle  grandi  ou  dimi- 
nué? Mais  c'est  un  point  sur  lequel  il  semble  que  la  statistique 
n'ait  pas  encore  statué,  car  M.  Huish  a  tout  à  fait  omis  d'en 
faire  mention  dans  son  intéressant  article  du  Nineteenth  Cenlury. 
T.  W.  [La  Chronique  des  Arts.) 


IJART  MODERNE 


103 


Petite  CHROf^iQUE 


Le  TlitVilrc-Librc  donnera  ce  soir,  au  iliéâtrc  du  Parc,  sa 
dernière  reprC'Sciilaiion.  Le  spectacle  se,  composera  de  l'Ecole  des 
Veufs  (irois  actes)  ot  des  Inséparables  (trois  actes),  de  M.  Georges 
Ancey. 

M.  Anloiiie  compte  mettre  \\  l'étude,  pour  ses  plus  prochains 
spectacles,  les  œuvres  suivantes  :  La  Tante  Léontine,  par 
M.  Maurice  Boiùface  ;  les  Revenants  d'Ibsen,  traduction  du 
comte  Prozor;  la  Fille  Elisa  de  J.  et  E.  de  Concourt,  adaptée 
par  M.  Jean  Ajalbert;  la  Pêche,  par  M.  Henry  Céard. 


Le  troisième  concert  du  Conservatoire  aura  lieu  aujourd'hui, 
dimanche,  à  2  heures.  On  yexécutera  Orphée,  tic  Gluck,  et  deux 
ouvertures,  l'une  de  Beethoven,  l'autre  de  Mendolssohn.  Les 
solistes  sont:  M"'^"  Desvignes  (Orphée),  Cornélis-Servais  (Eurydice), 
et  Dyna  Beumcr  (l'Amour). 

Samedi  passé  huit  jours  a  eu  lieu,  au  théâtre  des  Galeries  Saint- 
Hubert,  une  représentation  au  bénéfice  d'une  charmante  artiste 
dont  la  direction  de  M.  Bahier  eût  bien  fait  d'utiliser  davantage 
le  talent  sympathique,  simple  et  distingué  :  M"**  Madeleine  Max. 
Elle  a  joué  le  Pater  de  Coppée,  et  Jean-Marie  de  Theuriet,  et  a 
été  fort  applaudie  par  un  public  peu  nombreux  mais  d'amateurs. 
Nous  l'avions  entendue  précédemment  dans  \^  Porteuse  de  Pain 
où  elle  a  doublé  avec  succès  M"eRoybet.  Nous  sommes  convaincus 
que  si  on  lui  donnait  l'occasion  de  perdre  la  légère  timidité  qu'elle 
a  encore,  M*"*  Madeleine  Max  prendrait  une  fort  bonne  place  dans 
nos  troupes  de  comédie  el  de  drame. 


M™*  Materna,  qui  s'est  fait  entendre  récemment,  avec  un  très 
grand  succès,  aux  Concerts  Lamoureux,  a  été  l'objet  d'une  mani- 
festation artistique  à  l'hôtel  où  elle  était  descendue. 

Un  flacon,  en  jaspe,  monté  en  argent  délicatement  ciselé  et 
enrichi  de  pierres  précieuses,  lui  a  été  offert  ainsi  qu'un  carnet 
en  maroquin  du  Levant,  contenant,  avec  les  signatures  des  dona- 
taires, cette  adresse  : 

«  A  Madame  Materna, 
«  Quelques  Français,  admirateurs  de  voire  talent,  vous  prient, 
Madame,  d'accepter  ce  flacon  en  souvenir  de  vos  nouveaux  éuccès 
à  Paris. 

«  Ils  se  réunissent  pour  exprimer  à  l'interprète  inspirée  du 
Maître  le  désir  sincère  de  l'applaudir  souvent  encore  à  Bayreulh 
et  ici.  » 

Paris,  mars  1890. 
Le  flacon  à  parfum  est  enchâssé  dans  un  élégant  écrin,  sur 
lequel  on  a  gravé  cette  légende  en  lettres  d'or  :  ^ 

«  A  Madame  Materna  » 
Paris,  i890. 
«  L'Arabie  n'a  rien  de  meilleur  »  *" 

{Parsifal,  i^'^  acte). 
M""'  Materna  doit  se  faire  entendre  de  nouveau  à  Paris  l'an" 
prochain. 


Une  publication  nouvelle  vient  de  paraître  à  Liège,  à  la  librairie 
C.  Brandi.  La  Revue  des  Sciences  el  des  Arts  donne  tous  les  mois 
une  livraison  de  32  pages.  Parmi  les  collaborateurs  figurent  la 
plupart  des  professeurs  à  l'Université  de  Liège,  M^L,  ^ile 
de  Lavcleyc,  Delbœuf,  Hubert,  Thiry,  Dwelsauwers,  puis  MM.  le 


docteur  Jorissenne,  Dupont,  Mahaim,  Van  der  Maescn,  etc.  L*^ 
prix  d'abonnement  esl  de  8  francs  par  an.  Bureaux  :  46,  rue  de 
ri'niversité. 

Les  Hommes  d'aujourd'hui,  l'intéressante  publication  du 
libraire  Vanicr,  contiennent,  dans  les  derniers  numéros  parus, 
les  portraits  au  crayon  et  à  la  plume  de  CxMiLt.E  PrssAURO  (dessin 
de  Lucien  Pissarro,  Icxie  de  Georges  Lecomte),  Mëissonier  (dessin 
de  Luque,  texie  de  Pierre  et  Paul),  Lucien  Descaves  (dessin  de 
Rcboul,  texte  de  J.-K.  Huysmans). 

Il  vient  d'être  décidé  qu'une  exposition  internationale  d'instru- 
ments de  musique  de  toutes  sortes,  de  partitions  originales, 
d'autographes,'  lettres,  portraits,  photographies,  de  tous  les  musi- 
ciens célèbres,  aura  lieu  à  Vienne  dans  le  courant  du  mois 
d'aoïll.  —-,•-,,,_- — 

Celte  exposition  coïncidera  avec  le  festivaJ  du  Sangirbund,  qui 
réunira,  dit-on,  douze  mille  choristes. 

On  nous -écrit  de  Lisbonne  : 

Lohengrin  vient  de  remporter  au  San-Carlos  un  succès,  sinon 
bruyant, du  moins  d'une  portée  artistique  considérable  ;  le  public, 
trop  habitué  aux  guirlandes  des  opéras  italiens,  a  certes  dû  faire 
un  effort  pour  s'assimiler  les  beautés  dé  l'œuvre  de  Wagner,  mais 
il  esl,  au  fond,  trop  musicien  pour  ne  pas  accentuer  ses  marques 
d'admiration  aux  représentations  suivantes.  L'interprétation  esl 
de  premier  ordre  :  Brogi  a  fouillé  dans  tous  sos  détails  le  rôle  de 
Lohengrin,  la  Teir.izzini  a  chanté  Eisa  de  sa  plus  belle  voix,  et  la 
Pasqua  a  mis  en  pleine  lumière  les  phrases  de  haine  d'Ortrude.' 
Le  duo  des  deux  femmes  au  deuxième  acte  a  été  bissé,  et  l'on  a 
acclamé  l'arrivée  de  Lohengrin,  chantée  el  joude  surtout  en 
perfection  par  les  chœurs,  de  vrais  Meininger. 

A  sa  représentation  d'adieux,  M"«  Van  Zandl  s'esl  présentée  en 
scène  dans  le  même  étal  qu'à  sa  célèbre  représentation  de  Paris; 
elle  a  bredouillé  le  styriéhne  de  Mignon  et  esl  resté  en  plan 
dans  l'air  dos  bijoux  de  Faust;  aussi  a-t-clle  été  copieusement 
sifïlée. 

La  Tetrazzini,  qui  va  l'an  prochain  à  Madrid,  a  obtenu  un 
triomphe  dans  Othello  de  Verdi  ;  quand  donc  une  dirociion  intel- 
ligente vous  fera-t-elle  connaître  celle  belle  œuvre,  vingi  fois 
supérieure  à  Salammbô.  -^ 

M""*  Cosima  Wagner  a  arrêté  dès  à  présent  la  distribution  du 
Tannhduser  qui  figurera  parmi  les  œuvres  qui  seront  exécutées  en 
4891  au  théâtre  de  Bayreulh.  Le  rôle  de  Tannhâuscr  sera  tenu 
alternarivement  par  MM.  VanDyck,  Alvary,  el  Winckelmann.  Pour 
le  rôle  du  landgrave,  M.  Blauwaerl  esl  dès  à  présent-engagé  comme 
nous  l'avons  annoncé.  Wolfram,  ce  sera  M.  Reichmann,  de  Vienne  ; 
Elisabeth,  la  belle  M™*  Sucher,  de  Berlm,  el  M"'»  Mika  Termina, 
une  nouvelle  étoile,  paraît-il,  actuellement  à  Brème.  M""*  Wagner 
se  propose  de  suivre  exaclemenl  la  mise  en  scène  des  représen- 
tations de  1861  à  l'Opéra  de  Paris,  auxquelles  Wagner  avait 
présidé.  11  va  sans  dire  que  l'œuvre  sera  exécutée  en  entier, 
sans  une  suppression. 

Une  faute  de  typographie,  trois  fois  reproduite  avec  une  insis' 
lance  fâcheuse,  nous  fait  attribuer  à  Eugène  Monsen  l'alerte  petite 
brochure  intitulée  Coups  d'éperon  dont  nous  avons  rendu  compte 
dans  notre  dernier  numéro. 

Il  s'agit  de  M.  Eugène  Monseur,  professeur  de  litlératïire 
grecque  el  latine  el  d'histoire  comparée  des  litléralurts  modernes 
à  l'Université  de  Bruxelles. 


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la  composition  raisonnée  du  quatuor  et  c^es  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-G.  Lobe. 

Traduit   de   l'allemand   (d'après  la  5^  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8o.  Prix  :  broché,  10  fr.;  reli^^  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  .libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  rares  ouvrages  d'enseignement  musical  les 
plus  estimés  en  Allemagne. 


Bruxelles.  —  Irap.  V*  Monnom,  26,  rue  de  l'Industrie. 


Dixième  année.  —  N"  14. 


Le   numéro    :    25    CENTIMES. 


Dimanche  G  Avril  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  »  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,  ,fr.   10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES  :    On   traite  à  forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Tlndustrie,  26,  Bruxelles. 


Sommaire 


-  Une  actrice  célèbre.  —  Le  demi-monde.  —  Au  Conservatoire  : 
Quatrième  concert.  —  Conservatoire  de  Liéoe  :  Dernier  concert. 
—  Cueillette  de  livres.  —  Chronique  judiciaire  des  Arts.  — 
Petite  chronique. 


UNE  ACTRICE  CÉLÈBRE 

Les  actrices  du  xviu»  siècle.  —  Mademoiselle  Clairon,  d'après 
s€s  correspondances  et  les  rapports  de  police  du  temps,  par 
Edmond  de  Concourt.  Paris,  Charpentier,  1890,  in-S»  de  vi!i-5'.?4  [k 

Depuis  que  Jules  de  Concourt  est  mort,  Edmond  de 
Goncourt  ne  fait  plus  d'art,  en  littérature.  Souvenez- 
vous  de  la  scène  finale  des  Frères  Zemganno,  quand" 
le  cadet,  les  jambes  cassées,  fait  promettre  à  son  frère 
qu'il  ne  fera  plus,  plus  jamais,  le  bel  acrobatisme  pour 
lequel,  Bohémiens,  ils  étaient  nés.  Non  !  plus  jamais,  crie 
l'aîné;  je  ne  veux  plus  être  qu'un  râcleur  de  violon  !  Et 
le  cadet  s'endort  apaisé.  Cette  légende  symbolise  la 
vie  dtr'Goncourt  survivant. 

Plus  d'art  !  Des  recherches,  des  chasses  patientes  aux 
curiosités  historiques.  Des  archives  fouillées,  des  docu- 
ments mis  au  jour,  des  accumulations  de  fait«,  avec  le 
désir  de  démolir,  ou,  au  moins,  de  rectifier  les  idées 
reçues.  En  longues  séries,  des  révélations,  produites  sans 


entrain,  pour  tuer  le  temps,  dirait-on,  ce  temps  si  long, 
si  lent,  de  la  vie  si  courte,  si  rapide. 

Edmond  de  Goncourt  a  laminé  ainsi  Sophie  Arnould, 
puis  M^edeSaint-Huberty.  Il  vient  de  faire  de  même  pour 
M''^  Clairon.  Et  il  prépare  la  Guimard.  On  dirait  qu'il 
rabote  des  planches,  par  hygiène  intellectuelle,  par 
besoin  de  se  désœuvrer,  et  quand  une  est  achevée  à  son 
gré,  il  en  met  en  rabotage  une  autre,  résolu,  résigné  à 
aller  ainsi  jusqu'à  la  mort. 

Ces  livres  fluent  le  long  ennui  monotone,  la  page  écrite 
en  des  dispositions  moroses.  Maderaoiselle  Clairon  sur- 
tout. Plus  de  cinq  cents  pages,  également  ternes,  sans 
un  mot  plus  haut  que  l'autre,  tel  qu'un  rapport  acadé- 
mique, très  nourri,  très  érudit,  mais  gris,  gris,  gris. 
Et  dans  le  coloris  interminable  de  cette' grisaille,  on 
suit  l'auteur  vieilli  et  respecté,  l'écoutant  \  s'étonnant 
de  le  trouver  désormais  si  blasé  sur  les  merveilleux 
tours  de  force  qui  l'occupaient  aux  jours  lointains  de  sa 
virtuosité  littéraire,  mais  charmé  pourtant,  soit  par  le 
souvenir  de  ces  belles  fantaisies,  soit  par  l'intérêt  de 
son  récit. 

Car  ces  actrices  du  xviii«  siècle  sont  d'étranges,  cho- 
quantes et  séductrices  personnes.  Les  grandes,  s'entend. 
De  même  les  grandes  de  ce  siècle-ci.  Il  est<  en  eflét,  entre 
ces  femmes  de  théâtre  une  mystique  et  fantastique  pa- 
renté qui  vaguement  pousse  qui  les  connaît  ou  les  étudie 
à  des  idées  de  métempsycose.  Ne  renaissent-elles  pas 


J 


r 


ces  folles  de  génie,  ù  l'âme  inquiète,  tourmentées  sans 
cesse  et  sans  cesse  tourmentantes,  enivrant  et  martyri- 
sant qui  les  adore,  et  laissant  cette  impression  très  âpre 
à  toutes  les  admirations  et  à  toutes  les  passions,  de 
l'inachevé,  de  l'inassouvi,  avec  le  désir  de  recommencer, 
d'essayer  à  nouveau,  d'aller  enfin  jusqu'au  bout  des 
ténèbres  de  ces  mystérieuses  natures,  inconnues  d'elles 
surtout. 

Elle  se  révéla  double,  celle  dont  nous  parlons  aujour- 
d'hui, énigmatique  et  bi-frons.  Effroyablement  courti- 
sane sous  le  nom  de  Frétillon.  Prodigieusement  artiste 
sous  le  nom'de  Clairon.  Messaline  et  Melpomène  selon 
l'heure  et  l'occasion.  Déesse  par  le  haut  du  corps,  le 
visage  et  la  voix  divinement  doués  pour  rendre  tout  le 
clavier  de  l'âme.  Infernale  par  le  bas,  insatiable,  ignoble. 

Une  figure  expressive,  des  yeux  de  flamme  d'où  jail- 
lissait la  compréhension  passionnée  de  son  rôle,  une 
mobilité  de  traits  donnant  à  sa  physionomie  une  énergie 
fiévreuse,  de  la  noblesse,  de  la  fierté  dans  son  maintien, 
ses  attitudes,  sa  gesticulation,  ses  mouvements,  ses 
coups  de  tête.  Elle  avait  la  face  nerveuse  que  demande 
cette  profession  fatigante.  Hérault  de  Séchelles  raconte  : 
"  Un  jour,  M"^  Clairon  s'assit  dans  un  fauteuil  et  sans 
proférer  une  seule  parole,  elle  peignit  avec  le  visage 
seul,  toutes  les  passions,  la  haine,  la  colère,  l'indigna- 
tion, l'indifférence,  la  tristesse,  la  douleur,  l'amour, 
l'temanité,  la  gaieté,  la  joie...  Elle  peignit  non  seule- 
ment les  passions  elles-mêmes,  mais  encore  toutes  les 
nuances  qui  les  caractérisent  :  dans  la  crainte  elle 
exprima  la  frayeur,  la  peur,  l'émotion,  le  saisissement, 
l'inquiétude,  la  terreur  ". 

C'est  la  déesse  !  Voici  la  goule.  Un  rapport  de  police 
du  18  septembre  1748,  volume  XII  des  Archives  de  la 
'Bastille,  porte  :  «  Cette  fille  passe  pour  un  des  tempé- 
raments des  plus  forts,  des  plus  passionnés,  et  pour  la 
demoiselle  la  plus  lubrique.  Elle  crie  dans  l'action,  qu'il 
faut  fermer  les  fenêtres  [sic)  » .  C'est  à  ce  côté  nymphomane 
que  s'applique  le  nom  de  Frétillon,  «  la  trémoussante, 
l'active,  l'infatigable  Frétillon,  la  sensuelle  Clairon,  aux 
cris  indiscrets  dans  ses  ébats  amoureux  ».  Avide  aussi, 
gaspilleuse  en  ses  passades  et  ses  fantaisies,  ses  quitte- 
ries,  ses  festoiries  journalières  qui  eurent  un  temps 
pour  logis  orgiaque,  l'ancien  appartement  de  Racine, 
petite  rue  du  Marais,  où  il  avait  habité  quarante  ans. 
Dès  ses  débuts  au  Théâtre-Français,  elle  tourne  la  tête 
à  Grandval,  le  beau  des  beaux,  le  comédien  aimé  entre 
tous,  le  guerluchon  ayant  grugé  toutes  les  actrices  et 
toutes  les  filles  qui  lui  avaient  passé  par  les  mains.  Et 
elle,  la  Clairon,  en  sept  mois,  elle  savait  lui  tirer  assez 
d'argent  pour  qu'on  fût  obligé  de  lui  accorder  une 
représentation  à  bénéfice.  Puis,  ce  fut  un  gentilhomme 
breton,  M.  A.  Senan,  ruiné  en  moins  de  rien  et  qui  se 
rompt  une  veine.  Pul^,  un  Espagnol,  le  marquis  de 
Cortès.  Puis,  un  Polonais,  le  comte  Bratocki,  qui  en 


moins  de  quatre  mois  perdit  carrosse,  diamants,  taba- 
tières et  fut  obligé  de  prétexter  un  deuil  pour  pouvoir, 
sans  honte,  arborer  l'habit  noir.  Et  des  amants  qui 
échappent  aux  investigations  de  la  police!  Enfin,  un 
M.  de  Jaucourt,  un  charmant  officier  de  dragons,  dont 
il  est  ainsi  parlé  dans  les  Archives  de  la  Bastille  : 
a  Le  public  a  trouvé  un  vengeur  dans  ce  personnage. 
Il  l'a  vengé  des  rapines  de  cette  harpie,  et  il  a  trouvé 
le  secret  d'entretenir,  pendant  quelque  temps,  un  équi- 
page, en  faisant  rendre  gorge  à  cette  sangsue  ».  Tout 
cela  fut  interrompu  par  une  maladie  de  matrice. 

A  ces  divulgations  terrifiantes,  Edmond  de  Goncourt 
se  complaît.  Il  a  cette  justice  amère  des  vieillards  et  des 
désillusionnés  qui  lèvent  les  jupes  de  la  vie  pour  montrer 
ses  ulcères.  Il  débute  par  ceci  :  «  Voici  une  biographie 
écrite  au  moyen  du  secret  d€s  correspondances  intimes 
de  M""  Clairon,  à  l'aide  des  révélations  des  rapports  de 
police  du  temps  sur  sa  vie  privée  ;  voici  une  biographie 
qui  restitue  le  personnage  de  la  femme  dans  sa  réalité 
crue,  en  le  terre-à-terre  inconnu  de  son  existence  d'il- 
lustre  tragédienne  et  de  quasi-princesse  allemande,  qui 
la  peint,  cette  originale,  avec  les  jalousies,  les  intolé- 
rances, les  tyrannies  de  son  caractère,  et  les  faiblesses 
les  vices  et  les  côtés  terriblement  humains  de  la  femme, 
aux  lieu  et  place  de  l'être  conventionnel,  de  la  créature 
idéalement  accomplie  et  toujours  en  veiiette.,  que  nous 
rencontrons  dans  le  roman  de  ses  Mémoires.  " 

Car  elle  écrivit  ses  mémoires,  cette  détraquée  illustre, 
aux  jours,  affreusement  lourds,  de  sa  retraite,  de  sa- 
vieillesse,  de  ses  infirmités.  Et  ce  fut  une  apothéose! 
Dans  un  style  qui  semble  la  mise  en  prose  des  grands 
vers  cornéliens  dont  elle  avait  nourri  sa  mémoire.  Un 
très  beau  style  d'homme,  pompeux  et  fort,  profond  de 
tous  les' souvenirs  que  lui  avaient  laissés  les  grands 
hommes  de  son  temps  qu'elle  avait  tenus  tous,  oui  tous, 
dans  ces  conjonctures  intimes  si  révélatrices  que  Cham- 
fort  a  pu  dire,  qu'à  moins  d'y  avoir  été  à  deux,  on  ne  se 
connaît  pas.  De  longues  phrases  lapidaires,  auxquelles 
elle  s'était  à  ce  point  accoutumée  que  nàême,  dans  les 
minuties  de  la  vie  quotidienne,  elle  les  employait,  La 
recherche,  la  poursuite  psychologique  des  personnages 
du  passé,  le  travail  d'identification  avec  le"s  reines  et  les 
princesses  de  l'antiquité,  étaient  continuées  dans  les 
actes  les  plus  simples,  les  plus  plats,  dans  les  détails 
domestiques  de  la  chambre  à  coucher,  de  la  salle  à  man- 
ger, du  boudoir.  Elle  demandait  son  éventail  ou  son 
carrosse  dû  ton  d'Agrippine,  elle  parlait  à  son  laqueton 
comme^urJ^héâire  au  commandant  de  ses  gardes.  De 
la  digirire~^gu8te,  elle  en  mettait  partout  et  en  tout. 
On  raconte  qu'un  jour  la  princesse  Galitzin,  étant  allée 
la  voir  et  la  trouvant  malade  sur  sa  bergère,  lui  demanda 
plusieurs  fois  où  était  son  mal.  M"^  Clairon  de  ne  pas 
répondre.  La  princesse  d'insister.  A  la  fin,  impatientée, 
la  tragédienne  répond  :  «  Au  cul,  princesse  !  »  Et  cela, 


sur  un  ton  si  noble,  que  la  princesse  déclarait  que 
M"*  Clairon,  en  prononçant  cette  phrase»  lui  avait  éton- 
namment imposé. 

Cette  anecdote  héroïco-comique  est  de  celles  que  M.  de 
Goncourt  rappelle  volontiers.  Il  ressent  un  plaisir  rageur 
à  moijtrer  les  misères  de  ces  divinités  de  théâtre  si  ingé- 
nument grandies,  par  la  foule,  aux  proportions  olym- 
piques. C'est  ainsi  qu'il  ne  manque  pas  de  donner  en 
note,  certain  état  de  réparations  d'un  appartement 
qu'elle  prend  en  location,  rue  du  Bac,  au  pied  duquel 
on  trouve  sa  signature  de  femme  célèbre,  et  qui  con- 
tient des  mentions  comme  celles-ci  :  «  Premièrement 
supprimer  le  siège  d'aisance,  près  le  premier  étage  de 
l'appartement,  dont  l'odeur  incommode.  Ouvrir  une 
porte  sur  le  petit  escalier  pour  dégager  la  chaise  percée 
du  premier.  Rétablir  la  fosse  d'aisances  de  fond  en 
comble  "•  * 

Mais  dans  la  vie  complexe  et  cahotante  de  M"^  Clai- 
ron, il  y  a  aut^e  chose,  et  mieux.  Il  est  digne  d'elle,  et 
juste,  d'y  venir.    ; 

Tout  grand  artiste  dramatique  est  préoccupé  de  faire 
mieux  et  sa  cervelle  est  sans  cesse  à  la  recherche  d'un 
nouveau,  apportant  à  son  jeu  quelque  chose  de  plus 
original,  de  plus  personnel.  Il  lui  vient  l'ambition  de  se 
contenter  lui-même,  et  le  gros  succès  près  de  la  multi- 
tude, qu'il  sait  si  facilement  emporter,  au  moyen  de 
grands  éclate  de  voix  et  de  gestes  immenses,  ne  le  satis- 
fait que  médiocrement.  Il  arrivait  donc  que  ce  qu'ap- 
plaudissaient, chez  M"^  Clairon,  les  chefs  de  meute, 
ainssi  qu'elle  les  appelle,  ne  lui  paraissait  plus  mériter 
d'applaudissements  et  ces  applaudissements  ne  lui 
étaient  de  rien;  elle  les  eût  voulu  autres,  et  d'après 
une  certaine  vo\±  intérieure  qui  parlait  en  elle.  Et 
lorsqu'elle  jouait,  elle  cherchait  le  vrai  connaisseur 
qui  pouvait  être  dans  la  salle,  et  jouait  pour  lui, 
et  à  défaut  de  ce  connaisseur,  jouait  pour  elle-même. 
W^^  Clairon,  par  la  réflexion,  par  son  sens  d'artiste, 
était  tentée  par  la  diction  ordinaire  et  l'action  natu- 
relle. 

Cette  disposition  aventureuse  de  son  esprit,  cette  ten- 
dance à  la  découyerte  dans  le  domaine  tragique  furent 
peut-être  éveillées,  ou  au  moins  encouragées,  par  les 
remarques  et  les  observations  de  son  amant  Marmon- 
tel.  Il  était  en  dispute  réglée  avec  M"'"  Clairon,  à  propos 
de  son  jeu,  auquel  il  trouvait  trop  d'éclat,  trop  de 
fougue,  pas  assez  de  souplesse  et  de  variété,  reprochant 
surtout  à  l'actrice  une  force  qui,  faute  d'être  modérée, 
donnait  trop  à  l'emportement  et  pas  assez  à  la  sensibi- 
lité. 

Un  jour,  elle  se  décidait,  et  avec  sa  nouvelle  décla- 
mation, et  sonjeît  au  naturel,  comme  on  disait,  elle 
était  admirable  dans  V Electre  de  Crébillon,  et  plus 
sublime  encore,  quelque  temps  atj^ès,  dans  V Electre  de 
Voltaire,  que  l'auteur  avait  eu,  jusque-là,  la  malheu- 


reuse idée  de  lui  faire  déclamer  dans  une  lamentation 
continuelle  et  monotone. 

La  déclamation  simple  et  l'action  naturelle  devaient 
amener  forcément  la  réforme  du  costume  de  convention 
inventé  et  créé  pour  la  tragédie,  lorsqu'elle  était  une 
sorte  de  ballet,  une  espèce  d'opéra,  et  avec  cette  réforme 
.  la  mise  au  rancart  des  agréments  de  la  broderie,  des 
pompons,  du  clinquant  de  l'habit  de  théâtre.  Un  soir 
qu'elle  devait  jouer  Roxane,  sur  le  petit  théâtre  de 
Versailles,  Marmontel  allait  lui  faire  visite  à  sa  toilette, 
et  était  surpris  de  la  trouver  sans  panier,  les  bras  demi- 
nus,  presque  dans  la  vérité  d'un  costume  oriental.  Et 
Diderot  d'imprimer  :  Une  actrice  courageuse  vient  de 
se  défaire  du  panier  et  personne  ne  l'a  trouvé  mauvais. 

M"*  Clairon  eut  une  ambition  plus  haute  que  de  resti- 
tuer aux  figures  du  passé  leurs  vrais  habits,  elle  chercha 
à  les  faire  revivre,  ces  figures,  dans  la  particularité  de 
leur  temps,  de  leur  pays,  de  leur  nationalité.  L Amour, 
•  la  Haine,  l'Ambition,  ces  passions  sur  lesquelles 
s'exerce  l'Art  tragique,  elle  veut  que  l'acteur  ne  les 
représente  plus,  comme  des  mouvements  de  l'âme,  en 
tout  semblables,  sous  toutes  les  latitudes,  et  à  toutes  les 
époques  du  monde,  elle  veut  qu'il  apporte  à  les  rendre, 
un  tact,  une  science  rétrospectives,  et  ne  les  joue  plus 
dans  son  ignorance  de  l'histoire,  avec  ses  propres  senti- 
ments et  sa  façon  d'être  habituelle.  Pour  être  grand 
acteur  tragique,  il  ne  parait  plus  suffisant  à  M"*  Clairon 
d'avoir  le  don  d'une  vcJîi^onore,  d'accents  émotionnants, 
et  d'entrailles,  et  d'un  cœur,  et  d'une  intelligence  dra- 
loatiques.il  faut  que  l'acteur,  et  c'eiWacteur  des  temps 
Modernes,  touche  son  public  par  des  sentiments  teintés, 
des  mœurs,  des  milieux,  des  époques,  où  les  personnages 
ont  vécu. 

A  tenter  cette  réforme,  non  seulement  Clairon.faisait 
preuve  d'un  certain  courage,  mais  elle  montrait  encore 
un  désintéressement,  un  esprit  de  sacrifice  à  la  gloire 
de  son  art,  qu'on  ne  rencontre  pas  tous  les  jours. 
Comme  si  le  carnavalesque  de  l'ancien  habit  de 
théâtre  sautait,  tout  à  coup,  aux  yeux,  c'en  était  fait 
dès  lors  des  capitaines  grecs  ou  romains  apparaissant, 
au  retour  d'une  victoire,  dans  ce  fameux  tonnelet,  auquel 
était  adapté  un  petit  jupon,  c'en  était  fait,  pour  les 
femmes,  des  grands  paniers,  des  robes  de  cour,  des  dia- 
mants dans  les  cheveux,  des  fourreaux  garnis  de  bouil- 
lons et  de  dentelles,  des  retroussis  à  gordous  et  à  glands. 
Le  public  ne  voulut  plus  absolument  voir  Oreste  reve- 
nir poudré  et  frisé  du  temple,  oCi  il  a  fait  assassiner 
Pyrrhus,  voir  César  parader  en  belle  veste  blanche,  les 
cheveux  réunis  à  la  catogan  par  un  nœud  de  ruban, 
voir  Bayard  débiter  de  vertueux  hexamètres,  vêtu  d'un 
habit  chinois,  et  rasé  et  frisé  comme  un  petit-maitredu 
temps,  voir  Gustave-Adolphe  sortir  des  cavernes  de  la 
Dalécarlie,  en  surtout  bleu  céleste  à  parements  d'her- 
mine, voir  enfin,  Ariane  et  les  autres  figures  de  femmes 


A 


^ 


i . 


tragiques  de  l'antiquité,  sous  les  lambrequins  de  bro- 
cart, avec  lesquels  Largillière  habille  et  drape,  à  larges 
plis,  la  Duclos. 

Tel  fut  le  côté  social  et  vraiment  grand  de  cette  femme 
extraordinaire,  qui  ne  joua  que  vingt-deux  ans.  Née  en 
1723,  elle  quitta  la  scène  prématurément  en  1765. 

Elle  mourut  en  1803,  à  quatre-vingts  ans,  à  Paris. 
Elle  se  tua  en  tombant  de  son  lit. 

Elle  était  née  à  Condé,  fille  naturelle  d'une  ouvrière 
portant  ce  singulier  nom  :  Scanapiecq.  Son  père  était 
un  sergent,  François  Lerys.  Elle  avait  pour  prénom 
Claire,  dont  elle  fit  Clairon,  y  ajoutani^on  ne  sait  com- 
ment, ni  pourquoi  :  de  Latude.  Un  jugement  du  17  ven- 
démiaire an  XI,  ordonna  la  radiation  de  cette  appella- 
tion nobiliaire  dans  son  acte  de  décès.  Quand  elle  entra 
à  l'Opéra,  qu'elle  avait  d'abord  choisi,  elle  changea  son 
sobriquet  de  Frétillon  en  celui  de  Clairon,  et  signifia 
en  ces  termes  sa  volonté  de  ne  plus  être  autrement 
nommée  :  «  Quiconque  m'appellera  encore  Frétillon, 

peut  compter  que  je  lui  f. le  meilleur  soufflet  qu'il 

ait  peut-être  reçu  de  sa  vie  ». 

Elle  fut  enterrée  au  cimetière  de  Vaugirard. 

Dans  tout  cela  que  de  traits  qui  s'appliquent  aux 
actrices  célèbres  de  notre  temps.  Sublime  et  canaille  est 
une  devise  qui  siérait  à  jîlus  d'une. 


LE   DE3i/ri-M:01TDE 

La  comédie  un  peu  prêcheuse,  pas  mal  démodée,  et  longue  ! 
longue  !  malgré  les  coups  de  ciseaux  donnés  adroitement  dans  les 
tirades,  celte  comédie  qui  a  révolutionné  une  génération  et  qui 
apparaît  aujourd'hui  singulièrement  vieillie  et  lassante  par  le 
labeur  des  imbroglios  jugés  nécessaires  :  le  Demi-Monde,  a  élé 
jouée  cette  semaine,  avec  toutes  les  traditions,  par  les  chefs 
d'emploi  du  Théâtre-Français,  sur  la  scène  de  la  Monnaie,  trop 
grande  pour  les  spectacles  de  genre,  devant  un  auditoire  de 
Jeudi-Saint,  clairsemé  et  froid. 

Après  les  soirées  du  Théûlre-Libre,  après  le  bain  d'art  vrai, 
neuf,  vivifiant,  que  nous  ont  donné  MM.  Georges  Ancey  et  Jean 
Jullien,  les  paradoxales  combinaisons  d'Alexandre  Dumas  nous 
ont  laissé  limpression  de  choses  très  lointaines, entrevues  en  rôve, 
d'êtres  morts,  oubliés,  brusquement  évoqués,  et  gardant  à  travers 
leur  sourire  la  grimace  de  l'agonie.  Ce  péroreur  d'Olivier  deJalin, 
ce  benêt  de  Nanjac,  celte  baronne  d'Ange  chimérique,  tout  ce 
peuple  de  fantoches  mus  par  un  Holden  très  adroit,  çirfjBepv^îU^ 
leusemenl  adroit!  se  sont  agiles,  trémoussés,  sans  nous  faire  res/ 
sentir  le  frisson  sans  lequel  il  n'est  pas  d'émotion  artistique  t^ 
pyrotechnie  des  mois  amuse  ;  le  vernis  dont  reluisent  les  ^rson- 
nagcs  éblouit  par  instants;  l'intrigue  qui  marche  'd  travers  un 
labyrinthe  de  situations  inénarrables,  avec,  à  chaque  carrefour, 
des  lettres  interceptées  ou  qui  se  trompent  d'adresse,  l'inlriguc 
relient  par  le  casse-tête  de  son  mécanisme. 

Mais  l'humanité,  la  vérité,  l'observation,  la  logique  des  carac- 
tères, seuls  éléments  qui  requièrent  dans  une  comédie  qui  a  la 
prétention  d'exprimer  la  vie,  oè  les  trouver?  En  quels  coins 
obscurs  Dumas  les  a-t-il  rélégi^? 


L'interprétation  nous  paraît  en  parfait  accord  avec  ce  ihéftlrc 
faux  et  convenu.  MM.  Febvre,  Worms,  M"""  Marcy,  Barella, 
Céline  Monlaland  en  expriment  miraculeusement  le  côté  fac- 
tice, artificiel,  en  comédiens  impeccables.  Ils  savent  l'art  de 
détacher  le  «  mol  »,  de  décocher  le  «  trait  »,  sans  en  avoir  l'air, 
à  l'avant-scène,  de  souligner  avec  adresse  les  paillettes  qui  font 
dire  :  «  Oh!  ce  Dumas!  que  d'esprit  !  »  Ils  sont  superlalivement 
distingués,  bien  que  tous  les  hommes  entrent  avec  leur  canne 
dans  les  salons,  ce  qui,  même  en  4846,  date  de  l'action,  ne  nous 
paraît  pas  être  le  comble  du  chic.  Ils  ne  tournent  jamais  le  dos 
au  public.  Ils  oât  même  toujours  soin,  lorsqu'ils  parlent,  même  à 
un  personnage  qui  tient  le  fond  delà  scène,  de  se  tourner  k  demi 
vers  la  salle.  Ils  s'expriment  avec  une  correction  merveilleuse. 
Et  ils  sont  viètus  h  la  dernière  mode  de  1890,  bien  qu'il  y  a  cin- 
quante-quatre ans  le  costume  différât  quelque  peu,  sans  doute,  de 
celui  que  nous  portons.  Et  leurs  gestes  sont  toujours  nobles, 
savamment  calculés  en  vue  de  l'eifet  décoratif.  C'est  très  beau  de 
les  voir,  posilivemenl,  et  c'est  une  joie  de  les  entendre.  Ils  sont 
académiquemeni  parfaits,  Cabanellement  irçéprochables. 

Chose  bizarre  (ainsi  sommes  nous  faits,  hérésiarques  que  nous 
confessons  être)  tout  en  applaudissant  ces  merveilleux  acteurs, 
cl  énergiquement,  certes,  notre  pensée  s'en  allait  vers  un  théâtre 
où  des  artistes  rtioins  distingués  et  qui  ont  l'impertinence  de  tour- 
ner le  dos  au  spectateur  quand  la  situation  commande  celte 
inconvenance,  joyent  sans  aucune  pose,  parfois  très  bien,  parfois 
médiocrement,  des  pièces  où  il  y  a  moins  de  lettres  interceptées. 
Et  le  souvenir  nous  hantait  des  réconfortantes  soifées  qijc  ces 
comédiens  pas  sociétaires  ni  pensionnaires  nous  ont,  de  compli- 
cilé  avec  des  auteurs  subversifs,  offertes  tout  récemment,  en  une 
semaine  inoubliable - 


Au  Conservatoire. 

ORPHÉE 


^ 


Dans  le  cadre'  de  deux  ouvertures,  l'une,  limpide  et  sereine,  de 
Beethoven,  -^  l'ouverture  en  ut  majeur  composée  pour  l'anniver 
saire  de  l'empereur  François^t  fort  peu  connue,  —  l'autre, 
bruyante  et  emphatique,  imprégnée  d'un  romantisme  déjà  lointain, 
de  Nendeissohn,  —  la  Trompeten-Ouverlure  (op.  101)  —  l'ad- 
mirable partition  d^luck  a  rayonné  d'un  vif  éclat  en  ce  dernier 
concert  taquiné  par  les  chatteries  du  soleil  et  l'éclosion  des 
premiers  bourgeons. 

Les  quatre  actes  à' Orphée,  un  Orphée  en  toilette  de  ville, 
sans  décors,  sans  mise  en  scène,  en  rivalité  avec  les  attirances  du 
Bois!  l'entreprise  était  presque  hasardeuse.  Mais  telle  est  la  puis- 
sance fascinatrice  de  ce  drame  émouvant,  même  réduit  aux  seules 
nuances  de  la  musique,  que  personne  n'a  bougé.  On  est  venu,  on 
a  écouté,  on  est  resté.  El  il  y  avait  dans  la  salle  beaucoup  plus 
que  les  dix  personnes  que  le  directeur  du  Conservatoire  a  publi- 
quement déclaré,  à  la  répétition  du  jeudi,  seules  capables  de  com- 
prendre la  musique«qu'il  fait  entendre... 

L'architecture  pondérée  et  harmonieuse  A' Orphée,  le  style  sou- 
tenu de  ses  quatre  parties,  l'accent  tantôt  dramatique,  tantôt  inef- 
fablement  affectueux  de  ses  récils,  de  ses  srfM^de  ses  ensembles, 
^les  formes  souples  de  sa  structure  musioale  conservent  à  l'œuvre 
une  éternelle  jeunesse.  Malgré  la  longueur  relative  de  la  partition 

.     /  ■  .  . 


y 


l'audileur  demeufe  sous  le  charme  jusqu'au  bout.  El  c'est  avec  un 
intérêt  croissant  qu'on  suit  le  héros  dans  ses  pérégrinations'  au 
tombeau  d'Eurydice,  aux  Enfers,  aux  Champs-Elysées,  befcé 
par  une  inspiration  étonnamment  pure  et  toujours  élevée.  Et 
malgré  l'orchestralion  un  peu  uniforme,  si  magnifiquement  déve- 
loppée de  nos  jours,  telles  scènes  instrumentales,  le  ballet  des 
Furies,  entre  autres,  produisent  un  effet  considérable. 

L'interprétation  donnée  par  le  Conservatoire  à  l'œuvre  de  Gluck 
mérite  d'ailleurs  tous  éloges.  M"«  Carlotta  Desvignes,  chargée  du 
rôle  principal,  est  une  cantatrice  de  style,' dont  la  voix  timbrée  et 
vibrante,  spécialement  dans  les  registres  inférieurs,  a  fait  une 
excellente  ijnpression.  Sa  diction  est  irréprochable  :  on  n'a  pas 
perdu  une  syllabe.  M""=  Dyna  Beumer  a  chanté  le  rôle  de  l'Arpour 
de  sa  jolie  voix  flûtée,  merveilleusement  limpide.  Au  quatrième 
acte,  ses  trilles  lui  ont  valu  une  ovation  enthousiaste.  Dégagée, 
enfin  !  du  répertoire  bizarre  dans  lequel  elle  tirait  ses  trop  brillants 
feux  d'artifices,  voici  M'^"  Beumer  classée  parmi  nos  chanteuses  en 
vedette.  L'effort  est  sérieux  et  le  succès  le  récompense.  Dans  le 
personnage  d^Eurydice,  enfin.  M""*  Cornélis  a  fait  valoir  ses  qua- 
lités habituelles  de  chanteuse  de  bonne  école  et  de  musicienne 
accomplie,  et  M.  ^nlhony  mérite  une  mention  spéciale  pour  l'art 
délicat  avec  lequel  il  a  exécuté  le  solo  de  flûte  qui  ouvre  le  troi- 
sième acte. 

Chœurs  et  orchestre  ont  été,  selon  la  coutume,  excellents. 


CONSERVATOIRE  DE  LIÈGE 

Dernier  concert. 

{Correspondance  parlidulière  de  l'Art  moderne). 

Le  Conservatoire  vient  de  remporter  un  éclatant  succès  avec  la 
Damnation  de  Faust  de  Berlioz.  Cette  exécution  est  une  des  meil- 
leures qu'il  nous  ait  été  donné  d'entendre  à  Liège. 

Nous  félicitons  très  sincèrement  M.  Radoux.  Il  a  entouré  de 
soins  tout  spéciaux  l'étude  de  cette  œuvre  importante.  Longtemps 
-il  l'a  préparée,  y  consacrant  beaucoup  de  son  temps,  n'épargnant 
aucun  effort.  Aussi  a-l-il  obtenu  un  résultat  inespéré.  L'orchesire 
s'est  fait  docile,  il  s'est  plié  aux  rythmes  de  Berlioz,  les  nuances 
ne  lui  ont  pas  échappé;  pleinement  il  nous  a  satisfait.  Les  chopurs 
ont  marché  à  merveille,  les  voix  féminines  se  distinguant  parti- 
culièrement. 

Tout  à  fait  remarquables  les  solistes  :  M"«*  Lépine,  de  Paris, 
MM.  Bouhy  et  Vergnet. 

A  tort  dit-on  que  Wagner  a  tué  Berlioz.  Il  reste  à  ce  dernier 
une  imagination  riche,  une  vive» coloration,  de  la  puissance.  Sa 
musique  nerveuse  jette  du  trouble  dans  l'ûmc  et  dans  l'esprit. 
Son  orchestration  est  toujours  savante,  éion?N(mmenl.  "^ 

De  ces  hautes  qualités  est  marquée  la  Damnation  de  Faust. 
Non  qu'elle  soit  uniformément  belle.  Dans  la  troisième  partie,  le 
duo  de  Fausl  et  de  Marguerite  et  le  trio  qui  suit  m'impres- 
sionnent peu  ;  je  les  voudrais  d'émotion  plus  enveloppante.  Le 
Menuet  des  follets,  d'un  rythme  assez  banal,  fatigue  par  sa  lon- 
gueur; certaines  reprises  des  chœurs  sont  entachées  de  vulgarité; 
de  ci,  de  là,  quelques  fautes  de  goût.  Mais  quelle  inspiration, 
comme  elle  circule,  débordante,  dans  toute  l'œuvre!  Quelle 
variété  de  nuances!  Que.de  sensations,  que  de  sentiments  vive- 
ment exprimés!  Quelle  belle  analyse  cl  quelle  poignante  expres- 
sion ! 


Dès  le  début,  par  le  monologue  de  Faust  nous  sommes  péné- 
trés de  l'âme  tourmentée  du  héros,  et  plus  âprement  le  mono- 
logue de  la  seconde  partie  nous  dit  sa  noire  désespérance. 

M.  Vergnet  les  a  chantés  d'une  belle  voix  persuasive.  Et  plus 
intimement,  à  mesure  que  l'œuvre  se  développe,  la  cruelle  tor- 
ture et  la  complexité  des  sentiments  de  Faust  nous-  absorbent. 
L'Invocation  de  Faust,  dans  la  quatrième  partie,  est  une  page 
superbe,  d'une  étonnante  psychologie;  le  désespoir  de  Fausi 
éclate  en  un  cri  déchirant  d'une  prodigieuse  grandeur.  M.  Ver- 
gnet a  lancé  cette  invocation  avec  une  vigueur  cl  une  conviction 
qui  ont  empoigné.  ~  , 

L'hymne  pascal  ;  Christ  vient  de  ressusciter,  reportant  Faust 
aux  sentiments  religieux  de  son  jeune  âge,  est  d'une  grande  élé- 
vation; les  chœurs  l'ont  très  bien  chanté. 

La  chanson  de  Méphisto  :  «  Une  puce  gentille  chez  un  prince 
logeait  »,  dite  d'exquise  manière  par  M.  Bouhy,  est  d'une  ironie 
amusante  et  fine;  et  la  fugue,  si  bien  faite,  qui  la  précède 
est  d'une  drôlerie  quelque  peu  satanique. 

Presque  lotJtes  les  parties  d'orchestre  seraient  à  citer.  Remar- 
quons la  Scène  pastorale  et  ballet  des  sylphes,  parfaitcmerii  exé- 
cutés, les  chœurs  des  gnomes  et  des  sylphes,  pendant  le  rêve  d,- 
Faust;  de  quelle  douceur,  de  quelle  tendre  cl  imprégnante 
poésie! 

Bien  poétique  aussi  et  combien  brûlante  de  voluptueuses  sen- 
teurs, l'air  de  Méphisto  :  «  Voici  des  roses  ».  M.  Bouhy,  avec  sa 
belle  diction  et  d'une  voix  chaude,  le  chante  à  ravir. 

La  Marguerite  de  Berlioz,  bien  différente  de  celle  de  Gœthe, 
est  tout  entière  dans  la  chanson  :  «  Autrefois  !  un  roi  de  Thulé  », 
dans  la  très  mélancolique  romance  :  «  D'amour  lardente  flanune  », 
cl  les  deux  scènes  d'une  grande  intensité  dramatique  qui  les  pré- 
cèdent: û. 

D'une  originalité  grave,  la  ballade,  peu  légendaire,  s'impose 
par  la  parfaite  harmonie  qui  règne  entre  son  rythme  et  Tétai 
d'âme  de  la  jeune  fille.  M"«  Lépine  l'a  chantée  d'un  très  beau 
style.  ..^,  . 

Plus  contenue,  d'un  talent  plus  sévère  que  ses  partenaires, 
M"«  Lépine  arqve,  par  une  grande  simplicité  de  moyens  et  sans 
une  voix  bien  éclatante,  à  produire  une  impression  plus  poi- 
gnante. Elle  charme  par  sa  grâce  attendrie,  par  la  délicatesse  des 
mœurs  ;  elle  est  louchante  dans  la  mélancolie,  étreignanie  dans  la 
tristesse.  La  voix  sort  sans  effort.  L'expression,  pour  sobre  qu'elle 
soit,  est  toujours  puissante. 

Certaines  phrases  sont  dites  avec  un  tel  accent  de  sincérité  que, 
le  drame  continuant,  elles  vous  hauient  encore  et  que.  par  après, 
dominant  le  souvenir,  elles  reviennent  s'imposer  à  vous. 

11  semble  que  M"«  Lépine  ait  pénétré  l'œuvre  cl  que  l'émotion 
qu'elle  provoque  soit  celle  qui  l'a  troublée. 

Lorsque  Faust,  désabusé;  lassé  même  de  l'amour  de  Margue- 
rite, désespéré,  vend  son  âme  au  démon  pour  sauver,  pourtant, 
la'  pauvre  sacrifiée,  alors  commence  la  course  à  l'abime,  el  hale- 
tant, terrifié,  anéanti  presî^ue,  nous  suivons  l'infernal  et  fantas- 
tique galop  qui  gronde  magistralement  à  l'orchestre. 

Une  apothéose  termine  l'œuvre.  Après  l'effroyable  chevauchée 
c'est  d'un  brutal  contraste.  On  regretterait  que  Berlioz  n'eût  ter- 
miné paV  la  chute  de  Faust  dans  le  gouffre,  n'était  le  grandiose 
récil  :  «  Alors  l'Enfer  se  tut  »  .cl  .la  reposante  douceur  de  la 
musique  religieuse. 


Cueillette  de  livrer 

Au  Caire,  par  E.  Minnaert.  —  Extrait  de  la  Revue  de  Belgique  ; 
-  brochure  de  34  pages. 

M.  Minnaert,  qui  fut  conseiller  à  la  cour  d'appel  du  Caire,  con- 
tinue, dans  la  Rçvue  de  Belgique,  la  publication  de  ses  impres- 
sions de  là-bas.  La  troisième  partie,  que  nous  recevons,  contient 
d'intéressantes  descriptions  du  marché  et  du  bazar  du  Caire,  de 
sa  mosquée  et  de  sa  vie  religieuse,  de  sa  prison,  d'un  enterre- 
ment et  d'un  mariage.  M.  Minnaert  raconte  ce  qu'il  a  vu,  en 
homme  qu'ont  pénétré  profondément  la  simplicité  des  Arabes  et 
l'accueil  qu'il  a  reçu  chez  eux.  11  les  aime  et  rien  ne  l'impatiente 
comme  les  importations  anglaises  qui  tendent  à  façonner  le  pays 
à  leurs  modes.  «  Laissons,  dit-il,  laissons  l'Orient  à  l'Orient:  il  a 
sa  grandeur,  sa  poésie,  sa  raison  d'être  religieuse  et  politique.  Il 
représente  la  frugalité  dans  le  monde,  la  joie  faite  de  peu,  la 
croyance  en  de  sublimes  vérités?  »  Et  le  fait  est  que  tes  rappro- 
chemenls  qu'il  fait  sans  cesse  entre  leurs  mœurs,  leurs  croyances 
et  les  nôtres,  ne  sont  pas  toujours  à  noire  avantage. 


Fin  de  siècle.  —  Un  acte,  par  Miluaur. 

Fin  de  Siècle!  un  titre  trouv<5  ! 

Les  bonnes  mœurs,  représentées  par  le  bourgeois  lit  commun, 
opposées  aux  mœurs  de  canapé,  dont  une  damç  fait  la  théorie. 
Cela  amène  quelques  mots,  mais  si  peu  de  conviction  que  l'on  se 
demande  de  quel  côté  penchent  les  sympathies. 

Notez  que  les  personnages  vertueux  ont  vingt-cinq  ans  de  plus 
que  les  autres,  ce  qui  nuit  à  la  démonstration  dont  s'alourdit  cet 
acte  léger.  • 

Les  monuments  mégalltlkiques  de  Sol'wraster,  par  Charles 
O.  CoMHAiRE.  —  Liège,  H.  Vaillant-Carmanne,  mars  1889.  Bro- 
chure in-I2  de  20  pages,  avec  plans. 

A  ceux  qui  s'intéressent  au  dolmen  et  aux  cromlechs  de  Sol- 
waster,  signalons  cette  petite  brochure  qui  les  décrit  minutieuse- 
ment et  qui,  antérieure  au  livre  de  M.  Harroy  dont  nous  avons 
rendu  compte  (1),  a  le  mérite  d'avoir  abordé  un  sujet  que  d'autres 
ont,*  depuis,  plus  amplement  développé. 


f HRONiqUE    JUDICIAIRE    DE?    J\rT? 

Basse  ou  baryton? 

Le  tribunal  civil  de  Dresde  vient  d'être  appelé  à  se  prononcer 
sur  un  cas  assez  original.  Il  s'agissait  de  décider  sr -le  plaignant, 
un  chanteur  du  nom  de  Kiefer,  est  une  basse  ou  un  baryton  !  Voici 
les  faits  :  Il  y  a  quelques  années,  M.  Kiefer,  —  qui  depuis  s'est 
produit  avec  succès  dans  les  concerts  de  Dresde,  —  se  présenta 
chez  les  professeurs  Wullner  et  Stolzenberg  pour  connaître  leurs 
avis  sur  ses  facultés  vocales.  Des  deux  côtés,  on  lui  assura  qu'il 
disposait  de  moyens  suffisants  pour  tenir  l'emploi  des  basses. 
M.  Kiefer  ne  se  tint  pas  pour  suffisamment  édifié  et  s'adressa  à  un 
professeur  de  Dresde,  M.  Armin  von  Bohme,  qui  lui  déclara  que 
sa  voix  n'était  pas  celle  d'une  basse,  mais  bien  celle  d'un  barytt)n. 
Ce  témoignage  parut  à  M.  Kiefer  plus  digne  de  foi  et  il  suivit 

(1)  V.  notr&jjuméro  du  12  janvier  dernier. 


les  leçons  de  M.  von  Bohme,  s'engageant  à  les  lui  payer  à  raison 
de  dix  marks.  Il  y  eut  désaccord  au  sujet  du  règlement.  Un  pro- 
cès s'ensuivit,  et  M.  Kiefer  fut  condamné  à  payer  à  M.  von  Bohme 
800  marks  çn  tout  pour  prix  de  son  enseignement.  Pourtant 
M.  Kiefer  déclara  qu'il  était  prêt  à  ajouter  3,000  marks  à  celle 
somme,  s'il  réussissait,  avec  linstruction  que  lui  avait  donnée 
M.  von  Bohme,  à  obtenir  un  engagement  de  chanteur  dramatique. 
Ce  vœu  ne  se  réalisa  pas,  malgré  tous  les  efforts  de  M.  Kiefer. 
Partout  il  reçut  la  même  réponse  :  «  Vous  n'êtes  pas  un  baryton, 
mais  une  basse  ».  Au  comble  de  la  perplexité,  notre  chanteur  s'en 
fut  auprès  du  directeur  général  de  musique,  le  conseiller  royal 
Schuch,  qui,  sans  hésiter,  lui  certifia  qu'il  avait  une  voix  de 
basse,  nettement  caractérisée.  Cette  appréciation  reçut  la  confir- 
mation d'une  autre  autorité  musicale,  le  professeur  G.  Scharfe. 
M.  Kiefer  se  décida  alors  à  poursuivre  son  ex-professeur.  Il  fit 
valoir  que  par  suite  de  la  fausse  direction  donnée  à  ses  études 
vocales,  sa  voix  avait  élé  forcée  hors  de  son  registre  naturel,  et 
développée  à  l'aigu  alors  qu'elle  devait  l'être  au  grave.  En  consé- 
quence, il  demande  :  1°  l'annulation  de  son  contrat  envers  M.  von 
Bohme;  1°  le  paiement  par  celui-ci  de  4,500  marks  de  dom- 
mages-intérêts et  d'une  autre  somme  de  2,000  marks  comme 
compensation  pour  le  temps  perdu  pendant  vingt  mois,  qu'il  va 
lui  falloir  consacrer  k  de  nouvelles  éludes,  sans  pouvoir  rien 
gagner.  Avant  de  rendre  son  jugement,  le  tribunal  a  décidé  d'en- 
tendre des  avis  compétents  et  il  a  fait  appeler  les  professeurs 
D»  Wûllner,  Stolzenberg  et  Wermann.  L'affaire  en  est  là. 


Petite  CHROjsiiquE 


F^a  troisième  matinée  des  Concerts  populaires,  fixée  àdimanche 
prochain,  43  avril,  offrira  un  intérêt  exceptionnel. 

Le  programme  se  compose  d'un  ensemble  d'œuvres  sympho- 
niquesde  l'Ecole  russe  moderne,  exécutées  pour  la  première  fois  à 
Bruxelles,  en  partie  inédites,  et  choisies  de  manière  à  donner 
une  synthèse  tant  du  style  de  chacun'  des  compositeurs  russes 
contemporains  que  de  la  caractéristique  générale  du  groupe.  Ce 
sera,  pour  les inusicîens,  une  bonne/ortune  rare  que  d'entendre, 
sous  la  direction  d'un  artiste  de  haute  valeur,  M.  Rimsky-Korsa- 
kow,  cette  sélection  d'œuvres  d'un  art  neuf  et  vivant. 

M.  Rimsky-Korsakow,  arrivé  jeudi  de  Saint-Pétersbourg,  s'est 
imposé  du  premier  coup  comme  un  chef  d'orchestre  de  premier 
ordre  A  en  jugei  par  les  répétitions,  l'exécution  sera  irrépro- 
chable. • 

Ceci  dit,  voici  le  programme  de  Ceite  attrayante  séance  : 

Première  partie  :  I.  Grande  Pâque  russe,  ouverture  (N,  Rimsky- 
Korsakow).  —  2.  Symphonie  en  mi  b  majeur  (A.  Borodine), 
première  exécution. 

Deuxième^  partie  :  3.  Ouverture  sur  Trois  thèmes  russes 
(Balakirew)r —  4.  Fragments  symphoniques  de  l'opéra  Le  Fli- 
bustier, poème  xlc  Jean  Richepin  (César  Cui).  —  5.  Une  nuit  sur 
le  Mont  Chauve  (Kiew),  fantaisie  pour  orchesire  (M.  Moussorgski). 

—  6.  Poème  lyrique,  andantino  pour  orchestre  (A.  Glazounow). 

—  7.   Capriccio  espagnol  pour  gr^nd   orchestre  (M.   Rimsky- 
Korsakow).  *' 

La  répétition  générale  aura  lieu  samedi  prochain,  12  avril, 
à  2  1/2  heures  précises,  à  la  Grande  Harmonie. 


\ 


VART  MODERNE 


111 


M""  Suzanne  Riclimond,  qjjc  nous  avons  applaudie  au  théâtre 
du  Parc  dans  nombre  d(î  créations  auxquelles  elle  apportait  sa 
grâce  de  jolie  femme  et  son  raient  de  comédienne  intelligente  et 
fine,  vient  d'être  engagée  à  l'Odéon,  où  elle  débutera  au  début  de 
la  prochaine  campagne.  Nos  félicitations,  —  et  nos  regrets. 


M.  Paul  Saintenoy,  architecle,  secrétaire  général  de  la  Société 
d'archéologie  de  Bruxelles,  nous  a  adressé  dei'niôi'cment  une  bro- 
chure dans  laquelle  il  examine  et  critique  vivement  la  mise  en 
scène  de  Salammbô  au  point  de  vue  archéologique.  L'élude, 
imprimée  par  l'Alliance  typographique,  est  extraite  de  VEmula- 
tion,  organe  spécial  de  la  Société  centrale  TTarchileclure.  Sa  con- 
clusion, en  parfaite  harmonie  avec  les  observations  que  nous 
avons  présentées  lors  de  la  première  représentation  de  l'ouvrage, 
c'est  que  la  mise  en  scène  de  Salammbô  dénote  le  manque  de  cri"- 
tique  historique  de  l'art  décoratif  Ihéûtral  en  Belgique.' 


On  nous  écrit  de  Paris  : 

Samedi  dernier,  k  la  Société  nationale,  concert  avec  petit 
orchestre  et  choiurs.  Le  programme  comprenait  VActus  tra- 
gicus  de  J.-S.  Bach  (soli  par  M""'  Slorm,  MM.  Auguez  et  Mau- 
guière)  ;  des  fragments  d'une  messe  (offertoire  et  0  Salutaris!)  de 
M.  P.  de  Bréville,  un  air  de  Rédemption  de  César  Franck,  et  les 
deux  premières  scènes  de  Gwendoline  de  Chabrier  (soli  par 
M""  Hellman  et  M.  Mauguière). 

Le  concert  à  été  un  des  plus  brillanis  qu'ait  donnés  la  Société 
nationale. 

Assistance  nombreuse  et  enthousiaste. 

On  a  surtout  applaudi  l'admirable  solo  d'alto  dans  la  cantate 
de  Bach,  \'0  Salutaris!  de  M.  de  Bréville  et  la  ballade  de  Gweji- 
doline. 


L'Exposition  des  peintres-graveurs  qui  vient  d'avoir  lieu  dans 
les  galeries  Durand-Ruel,  k  Paris,  a  obtenu  un  vif  succès.  Nous 
apprenons  que  le  gouvernement  français,  par  l'intermédiaire  de  la 
Direction  des  beaux-arts,  a  acquis  les  œuvres  de  plusieurs  expo- 
sants pour  le  Musée  du  Luxembourg.  Parmi  ces  derniers  figurent 
M.  Ch.  Storm  de  s'Gravesande,  dont  on  a  vu  récemment,  au 
Salon  des  XX,  un  cycle  de  dessins  très  remarquables, 
J.  et  M.  Maris,  Ph.  Zilcken,  Van  der  Maarel,  Miss  Mary  Cassait  et 
M.  John  Lcwis-Brown.  Ce  dernier  avait  exposé  de  superbes 
lithographies. 

C'est  le  théâtre  du  Vaudeville  qui  montera,  k  Paris,  la  pièce 
nouvelle  d'Henri  Becque,  les  Polichinelles.  Aux  termes  du  contrat 
qui  vient  d'être  signé,  le  manuscrit  doit  être  livré  au  plus  lard  le 
!«■■  octobre.  .  "" 

Une  publication  mensuelle  nouvelle  :  Entretiens  politiques  et 
littéraires,  \\enl  de  paraître,  en  petits  fascicules  à  23  centimes.chez 
l'éditeur  Savine,  à  Paris.  Le  premier  numéro  (mars)  contient 
d'intéressantes  études  signées  F.  Viellé-Griflin,  Paul  Adam  et 
Henri  de.>Régnicr  (A  propos  du  vers  libre,  Lignominie  des  politi- 
ciens devant  la  question  juive.  Souvenirs  d'un  camarade  de  col- 
lège sur  le  duc  d'Orléans). 

Amèrcs,  mais  justes,  ces  réflexions  de  M.  E.  Lepelletier  dans 
l'Echo  de  Paris  ; 

M  La  grande  majorité  du  public  frïrtiçais,  qui  est  bien  le  public 


le  moins  esthétique,  le  plus  anti-artiste  qui  soit,  se  connaissant 
en  peinture  comme  un  chaudronnier  en  dentelles  do  Malines,  ne 
va  au  Salon  que  parce  que,  le.  printemps  venu,  il  faut  y  avoir 
été.  Le  vernissage  est  un  des  plus  tenaces  préjugés  de  notre 
temps.  Un  gentil  préjugé.  Les  femmes  y  sont  charmantes  en 
toilettes  claires,  et  fumer  un  cigare  dans  le  grand  jardin  d'en  bas 
vautencort)  mieux  que  d'aller  au  café.  Et  puis,  il  faut  se  montrer 
là.  C'est  de  rigueur,  ça  coupe  l'année.  Une  ère,  une  tradition.  La 
grande  coutume  de  Paris,  qui  est  moins  féroce  qu3  celle  du  Daho- 
mey. On  n'immole  que  des  réputations,  et  ron.ne  fait  saigner  que 
les  filets  de  chez  Ledoyen 

«  Il  n'y  a  pas  que  les  experts  qui  ne  se  connaissent  pas  en 
tableaux.  Quand  on  considère  combien  peu  de  gens  sont  ca^iablos 
de  distinguer  ufrdicf-d'œuvre  d'une  épouvantable  croûte,  et  com- 
bien, en  dehors  du  sujet,  ne  se  rendent  même  pas  compte  de  ce 
qu'ils  ont  sous  les  yeux,  on  se  demande  pourquoi  cette  tradition 
annuelle  du  Salon? 

«  Le  Salon  n'est  qu'une  représentation  parisienne,  Aine  revue, 
un  défilé,  qui  pourrait  presque  se  passer  de  toiles >>\ 


Le  manuscrit  de  Tannhiiuser,  qu'on  croyait  perdu,  vient  d'élre 
retiré  des  ruines  du  théâtre  de  Zurich. 

Le  directeur  fouillant  dans  les  décombres,  a  découvert  presque 
intact  un  petit  paquet  soigneusement  ficelé  cl  enveloppé,  dans 
lequel  se  trouvait  la  partition  entièrement  écrite  de  la  main  de 
Wagner.  Tous  les  feuillets  du  manuscrit  sont  en  bon  étal. 

Paraîtront  prochainement  chez  .Aug.  Bénard,  éditeur  k  Liège, 
13,  rue  Lambert-Ie-Bègue  :  Contes  et  nouvelles,  par  Alfred  Lava- 
chery,*avec  dessins  de  L.  Bauës,  E.  Berchmans.  E.De  Baré,  Emile 
Delperéc,  Adrien  De  Witte,  etc.  Un  beau  volume  de  300  pages, 
grand  in-8"  carré,  55  illustrations  dans  le  texte  et  hors  texte, 
frontispice,  culs-de-lampe,  etc.,  reproduits  en  simili-gravure". 

25  exemplaires  sur  japon  impérial,  au  prix  de  20  francs; 
100  exemplaires  sur  papier  crème,  à  7  francs;  123  exemplaires 
sur  papier  de  luxe,  à  3  francs. 

Les  souffrances  accompagnent  toujours  un  développement 
moral  supérieur;  une  nature  de  génie  peut  ne  pas  souffrir  quel- 
quefois, en  se  concentrant  sur  elle-même,  en  se  contentant  d'elle- 
même,  ou  dte  la  science,  ou  de  l'art  ;  mais,  dans  les  sphères  pra- 
tiques, elle  souff"rira  toujours.  El  c'est  fort  simple  :  de  telles 
natures,  lorsqu'elles  entrent  dans  l'engrenage  de  la  vie  ordinaire, 
dérangent  l'équilibre;  le  milieu  qui  les  entoure  est  trop  étroit, 
insupportable;  les  rapports,  calculés  pour  d'autres  dimensions, 
les  gênent,  ils  sont  faits  pour  d'autres  épaules,  auxquelles  ils  vont 
et  auxquelles  ils  sont  indispensables.  Tout  ce  qui,  pour  celui-ci 
ou  celui-là  est  une  gêne- légère,  tout  ce  sur  quoi  l'on  discute  tout 
doucement,  et  à  quoi  les  gens  ordinaires  se  soumettent,  '.oui  cela, 
dans  la  poitrine  d'une  individualité  puissante,  amène  une  douleur 
intolérable,  une  protestation  implacable,  une  haine  ouverte  et  une 
provocation  téméraire  au  combat  ;  de  là,  avec  les  contemporjins, 
un  inévitable  conflit.  La  foule  voit  le  mépris  professé  pour  ce 
qu'elle  adore,  et  lance  au  génie  des  pierres  et  de  la  boue,  jusqu'à 
ce  qu'elle  ait  compris  qu'il  avait  raison.  Le  génie  est-il  fautif 
d'être  supérieur  à  la  foule,  et  la  foule  est-elle  fautive  de  ne  pas 
comprendre? 

(Alexandre  Herzen.  Sur  l'autre  Rive,  p.  133.) 


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fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits). —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
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Malles-Poste  de  V  État- Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Qracechurch-Street,  n°  53,  à  Londres,  à  Y  Agence  de  Chemins  de  fer 
de  l'État,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vrancken,  Domkloster,  n»  1,  à  Cologne. 


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Directeurs  :  iMM.  A.  MOCKEL  et  P.-M.  OLIN. 

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TRAITE  PRATIQUE  DE  J 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  do  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-C.  Lobe. 

Traduit^  de   l'allemand   (d'après   la  5®  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8».  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  rares  ouvrages  d'enseignement  musical  les 
plus  estimés  en  Allemagne. 


BrujieUes.  —  tnip.  V*  Monnom,  26,  rue  de  l'Industiie. 


\ 


Dixième  année.  —  N"  15. 


J.E    NUMERO    :    25    CENTIMES. 


Dimanche  l',i  Avril  1890. 


MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Gdmité  de  rédaction  :  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,    un    an,    fr.   10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES   :  -On    traite   à    forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  rindustrie,  26,  Bruxelles. 


Sommaire 


Désillusions.  —  Correspond.\nce  d'artiste  :  Les  représentations 

wagnérienn'es    en    allemagne    —  theatres.   bibliographie 

MUSICALE.    —    Chronique  judiciaire   des  Arts.  —    Me.mento   des 
Expositions.  —  Petite  chronique. 


DÉSILLUSIONS 

La  Vie  privée  d'autrefois,  arts  et  métiers,  modes,  mœurs, 
usages  des  Parisiens  du  xW  au  xviii«  siècle,  d'après  des  docu- 
ments originaux  ou  inédits,  par  Alfred  Franklin. —  L'Hygiène. 
ia-80  de  iii-244-41  pp.  —  P;iris,  E.  Plon,  Nourrit  et  C'e.  1890. 

Nous  fûmes,  le  Samedi-Saint,  à  la  représentation  sur 
notre  théâtre  de  la  Monnaie,  de  la  naïve,  tragique, 
intéressante,  déclamatoire  et  saugrenue  pièce  en  cmq 
actes  d'Alexandre  Dumas,  le  grand,  le  père,  Henri  III 
ET  SA  Cour,  froidement,  sèchement,  traditionnellement 
interprétée  par  les  soi-disant  premiers  comédiens  du 
monde,  sociétaires  et  pensionnaires  de  la  Comédie- 
Française,  qui  semblent  avoir  pour  mission  sociale  de 
conserver  tous  les  vieux  gestes,  tous  les  poncifs  scéni- 
ques,  toutes  lesdéclamationsdeConservàtoire,  accumula- 
tion de  choses  aussi  vieilles  et  surannées  que  les  modes 
du  Directoire,  de  la  Restauration  ou  du  règne  grandio- 
sement  bourgeois  de  Louis-Philippe. 

Lé  public,  nonobstant  les  recommandations,  parues  la 


veille,  des  critiques  professionnels  et  leurs  signalétiques 
articles  sur  la  distinction,  la  correction,  la  bonne  pos- 
ture des  premiers  comédiens  du  monde,  fit  à  ceux-ci 
très  sèche  mine,  car  vraiment  les  routinières  conven- 
tions-ne  tiennent  plus,  quoi  que  fasse  l'entêtement  des 
bonshommes  qui,  ayant  cinquante  ans  durant  vanté  ces 
magnifiques  turlutaines,  ne  peuvent  se  résoudre  à  remi- 
ser. Malgré  son  entrain  de  drame  de  cape  et  d  epée,  ses 
iieres  hardiesses,  ses  aventurières  et  invraisemblables 
complications,  Henri  III  et  sa  Cour  fit  fiasco,  —  ce  fut 
un  four,  quoique  l'accueil  fût  glacial. 

Cette  solennité,  comme  ont  dit  les  poncifards  imper- 
turbables en  leurs  admirations  décrépites,  n'eût  pas 
mérité  ici  mention,  si  elle  n'eût  ramené  nos  esprits  sur 
un  très  curieux  volume  qui  vient  de  paraître,  un  volume 
documentairement  vrai,  c'est-à-dire  redoutable,  auquel 
nous  pensâmes  constamment  en  voyant,  entre  autres, 
évoluer  sur  la  scène,  à  grands  coups  de  pied  dans  la 
queue  de  sa  robe,  l'élégante  M^'^  Brandès,  cette  si  par- 
faite personne  à  physionomie  immobile  qui  jouait  la 
duchesse  de  Guise  comme  le  peut  comprendre  et  le  faire 
une  belle  dame  des  actuels  salons  parisiens.  Oui,  la 
comédienne  est  à  ce  point  supérieure  ^'elle  doit  l'être, 
puisqu'elle  fait  partie  des  premiers  comédiens  du 
monde),  qu-'elle  n'a  pas  "  pénétré  cette  historique 
duchesse  de  Guise  autrement  qu'en  lui  donnant  la 
robe  à  peine  déguisée,  l'allure  et  le  corset  d'une  mon- 


-^ 


daine  de  l'hiver  dernier.  Et  à  ce  point  elle  était  dans  sou 
rôle,  qu'au  cours  des  scènes  les  plus  tragiques,  tandis 
que  l'assassinat  bataillait  dans  la  coulisse,  et  qu'elle  se 
défendait  en  scène  contre  l'assaut  de  son  amant,  écou- 
tant sonne^la  mort  mais  voulant  aimer  en  ses  dernières 
minutes,  elle  n'oubliait  pas,  non  elle  n'oubliait  pas,  la 
grande  comédienne,  de  donner  juste  au  moment  voulu, 
le  grand  coup  de  pied  obligé  dans  la  queue,  de  sa  robe 
pour  la  renvoyer  ù  la  place  qu'elle  croyait  la  seule  cor- 
recte. 

Le  documentaire  volume  dont  nous  entendons  parler 
rapporte  d'historiques  détails  de  la  vie  privée  en  ces 
temps  de  Ligueurs  et  de  Ligueuses,  qui  crient  violem- 
ment le  ridicule  de  cette  belle  personne  salonnant  sur 
les  planches.  Et  vraiment  nous  ressentîmes  le  besoin 
brutal  de  révéler  ici  certaines  particularités  cruelles 
qui,  pour  cette  époque  des  Guise,  et  même  plus  tard, 
longtemps  plus  tard,  remettent  les  choses  au  point,  et 
en  disent  un  peu  plus  sur  ce  qu'était  le  beau  monde 
d'alors,  que  les  efforts  de  M'"^  Brandès,  qui  entend  res- 
ter une  femme  élégante  du  Paris  de  nos  jours,  quel  que 
soit  le  rôle  qu'un  auteur  ingénu  confie  k  ses  soins  de 
comédienne  faisant  partie  du  premier  théâtre  du 
monde.  \ 

M.  Alfred  Franklin  s'est  chargé  de  renseigner  ses 
contemporains  à  ce  sujet  et  de  nous  dire  ce  qu'était, 
à  certains  points  de  vue  intimes,  mais  certes  caracté- 
ristiques des  mœurs  et  des  psychologies ,  une  cour 
comme  celle  de  Henri  III,  ou  de  ses  successeurs,  ou  de 
ses  prédécesseurs.  La  matière  est  scatologique,  hâtons- 
nous  de  le  dire,  pour  éviter  déception  et  effarouche-, 
ment  au  lecteur.  Elle  est  scatologique  et  tout  à  fait 
"tlépourvue  de  décence,  mais  si  décisive  en  sa  vérité  ter- 
rible, que  c'est  un  devoir  de  s'y  arrêter. 

Il  s'agit  de  la  façon  dont  les  Français  (et  a  fortiori 
toute  l'européennité)  a  compris  \^  question  de  ce  qu'un 
trèsbète  euphémisme  a  qualifié  les  aisances,  et  ce  durant 
six  cents  années  finissant  au  commencement  de  ce 
siècle.  La  désillusion  est  navrante.  M.  Alfred  Franklin 
dit  ù  ce  sujet  :  «  Je  dois,  bien  qu'il  m'en  coûte,  aborder 
un  sujet  peu  attrayant,  et  que  j'ai  eu  un  moment  la 
pensée  de  négliger.  Après  réflexion,  il  m'a  paru 
indispensable  de  lui  consacrer  quelques  lignes.  D'abord, 
ce  sujet  répugnant  a  toujours  été  laissé  dans  l'ombre; 
ensuite,  il  est  impossible  d'en  rencontrer  aucun  qui 
s'impose  plus  directement  à  ces  petits  volumes,  qui  fasse 
plus  essentiellement  partie  de  la  vie  privée  » . 

Moyennant  cette  précaution  oratoire, l'auteur  aborde, 
et  non  sans  copiosité,  sa  matière. 

Longtemps,  à  Paris,  comme  partout,  la  population  ne 
connut  d'autre  système  que  celui  du  tout  à  la  rue.  Les 
plus  abominables  ordures  s'étalaient  au  coin  de  chaque 
porte,  et  elles  y  arrivaient  probablement  sans  intermé- 
diaire. Les  vignettes  .des  anciens  manuscrits  montrent. 


il  est  vrai,  placés  sous  les  lits  des  reines,  où  à  côté  d'eux, 
des  vases  de  nuit  i  peu  près  semblables  aux  nôtres. 
Isabeau  de  Bavière  en  possédait  deux,  dont  elle  ne 
voulait  pas  se  séparer,  car  le  21  mai  1387,  son  trésorier 
paya  trente-deux  sous  parisis  «  un  estuy  de  cuir  bouUy 
double,  î\  mettre  et  porter  les  orinaulx  de  la  royne, 
ycellui  poinçonné  et  armoié  des  armes  de  ladicte  dame, 
et  fermant  à  clef  ". 

Mais  c'était  Jà"un  raffinement  royal.  Les  plus  grandes 
maisons  en  étaient  dépourvues.  Le  luxe  dont  s'entou- 
raient leurs  propriétaires  s'alliait  à  une  malpropreté 
qui  avait  gagné  jusqu'aux  plus  hautes  classes.  Les 
grandes  dames  elles-mêmes  ne  prenaient  aucun  soin  de 
leur  personne,  et  la  population  tout  entière  paraissait 
ignorer  les  règles  les  plus  élémentaires  de  l'hygiène.  De 
ces'  vases  dont  il  est  parlé  plus  haut  il  n'en  existait  pas 
chez  la  comtesse  de  Chateaubriand,  au  grand  dam  de 
l'amiral  Bonnivet  qui,  caché  dans  la  cheminée,  y  fut 
inondé  par  le  galant  roi  François  r^"*,  i\  ^'en  existait  pas 
dans  les  chambres  des  hôtelleries,  comme  le  prouve  une 
anecdote  très  déplaisante  où  la  cheminée  joue  encore 
son  rôle,  et  qui  est  racontée  par  Béroalde  de  Verville. 
Il  n'en  existait  pas  dans  les  collèges  :  les  écoliers, 
aussitôt  habillés,  allaient  faire  une  station  dans  la  cour 
le  long  de  quelque  muraille.  Toutes  celles  de  la  ville 
avaient  cette  destination,  et  la  municipalité  ne  semble 
pas  s'en  être  préoccupée  le  moins  du  monde.  Dans  une 
circonstance  solennelle,  elle  donna  cependant  une 
preuve  de  galanterie.  En  1504,  le  jour  où  Anne  de 
Bretagne  fit  son  entrée  à  Paris,  les  échevins  avaient 
posté  de  distance  en  distance,  le  long  des"  rues  que 
la  reine  devait  parcourir,  des  personnes  chargées 
de  présenter  aux  dames  composant  le  cortège  tout  ce 
qu'il  fallait  pour  calmer  leur  faim  et  leur  soif,  et  aussi 
des  vases'destinés  à  un  autre  usage.  Cette  attention  est 
révélée  par  Sauvai.  F. -G.  d'Ierni,  un  Italien  attaché 
à  la  personne  du  légat  Alexandre  de  Médicis,  écrivait 
dans  ses  impressions  de  voyage  :  «  Il  circule  dans  toutes 
les  rues  un  ruisseau  d'eau  fétide,  où  se  déversent  les 
eaux  sales  de  chaque  maison,  et  qui  empeste  l'air  ;  aussi 
est-on  obligé  de  porter  à  la  main  des  fleurs  ou  quelque 
parfum  pour  chasser  cette  odeur  ". 

Dès  1507,  Charles  IX  avait  publié  une  ordonnance 
de  police  oîi  se  trouvent  quelques  «  articles  pour 
purger,  tenir  nettes  et  bien  pavées  la  ville  et  les  rues 
d'icelle  ".  Elle  insistait  sur  la  défense  «  de  jetter 
ou  faire  vuider  par  les  fenestres  des  maisons,  tant  de 
jour  que  de  nuict,  urines,  excrémens,  ni  autres  eaues 
quelconques.  »  Il  était  interdit  «  aux  vidangeurs, 
bizarrement  qualifiés  "  maistres  fify  »  de  ne  laisser 
épandre  par  les  rues  nulles  ordures  ou  excrémens,  en 
vuidant  les  basses  fosses  et  retraits  «.  Quelques  hahi-, 
tants  avaient  chez  eux,  non  des  cabinets,  mais  une 
fosse  commune,   qu'ils    faisaient  vider  de  temps  eu 


\^- 


\ 


temps  dans  le  jardin    de  la  maison.  A  part  l'odeur, 
tout  était  profit,  car  on  regardait  le  produit  des  fosses 
comme  le  plus  puissant  des  engrais  ;  les  voiries  étaient 
"^ans  cesse  dévalisées  par  les  cultivateurs  voisins. 

Un  voyageur  hollandais,  qui  vint  visiter  Paris  en  1057, 
laconte  qu'étant  arrivé  à  la  porte  Dauphine,  "  il  y  eut 
(juelqu'un  d'une  maison  voisine  qui  s'estant  levé  pour 
verser  son  pot  de  chambre,  le  lui  jetta  à  demi  sur  la 
teste  ".  On  n'était  à  peu  près  en  sûreté  dans  les  voies 
les  plus  larges,  qu'à  la  condition  de  ne  pas  quitter  le 
milieu  de  la  chaussée.  A  chaque  instant  une  fenêtre 
s'ouvrait,  et  une  inondation  nauséabonde  menaçait  le 
distrait  qui.  n'avait  pas  entendu  les  mots  sacramentels  : 
(jm'e  Veau '.Les,  comédies  du  temps  abondent  en  inci- 
dents de  ce  genre. 

Les  latrines  continuèrent  à  être  fort  rares  dans  Paris. 
•Les  commissaires  du  Chàtelet  déclarent,  le  24  ;  sep- 
tembre 1608,  "  qu'en  la  pluspart  des  quartiers,  les  pro- 
priétaires des  maisons  se  sont  dispensez  d'y  faire  des 
fosses  et  latrines,  quoy  qu'ils  ayent  logé  dans  aucunes 
desdites  maisons  jusques  à  vingt  et  vingt-cinq  familles, 
ce  qui  cause  en  la  pluspart  de  si  grandes  puanteurs 
qu'il  y  a  lieu  d'en  craindre  des  inconvéniens  fascheux  ». 

Pas  un  endroit  de  la  ville  qui  n'exhalât  une  odeur 
affreuse,  et  o(i  l'on  put  marcher  avec  sécurité.  Les  car- 
refours, les  alentours  des  églises,  les  voies  les  plus  fré- 
quentées étaient  bordées  de  puantes  déjections.  Dans  les 
grands  établissements,  au  Palais  de^joistice,  par  exemple, 
on  en  rencontrait  dans  tous  les  coins.  Le  Louvre  lui-même 
présentait  un  spectacle  repoussant  :  dans  les  cours,,  sur 
■  les  escaliers,  sur  les  balcons,  derrière  les  portes,  les 
visiteurs  se  mettaient  à  l'aise,  sans  que  les  hôtes  du 
palais  parussent  s'en  soucier.  Tout  s'y  faisait  au  grand 
'  jour,  et  on  ne  cherchait  pas  à  dissimuler.  L'éclabous- 
•sement  des  bassins  vidés  à  chaque  instant  entassait  des 
dépôts  fétides  sur  les  ornements  en  saillie,  et  laissait 
d'immondes  empreintes  le  long  des  murailles.  Il  en  était 
de  même  dans  les  châteaux  de  Saiiit-Germain,  de  Vin- 
cennes  et  de  Fontainebleau. 

On  nommait  à  cette  époque  garde-robe,  un  cabinet' 
qui  renfermait  les  vêtements,  les  étoffes  précieuses,  les 
armes  de  luxe,  les  bijoux  ;  c'était  donc  une  pièce  ordi- 
'^nairement  fermée,  où  l'on  ne  séjournait  guère,  et  oiii^n 
pouvait  se  retirer  si  l'on  cherchait,  soit  à  s'isoler,  .soit 
à  se  dérober  aux  regards.  Il  paraît  donc  tout  naturel 
que  l!on  ait  songé  à  y  installer  la  chaise  percée,  quand 
elle  commença  à  entrer  eA  usage.  Si  la  disposition 
des  heux  le  permettait,  on  la  reléguait  après  la  garde- 
robe.  Ecoutons  l'architecte  Savot  :  -  L'arrière  garde- 
robe  n'est  nécessaire  que  pour  y  retirer  une  chaise  per 
cée,  de  sorte  que  sa  capacité  sera  assez  grande  quand 
elle  ne  sera  que  de  quatre  pieds;  si  ce  n"»?st,  ajoute-t-il, 
en  celles  'des  princes,  où  il  est  besoin  de  plus' grande 
place  »: 


Laissons  parler  la  princesse  Palatine  :  "  Paris -est  un 
endroit  horrible,  puant  et  très  chaud.  Les  rues  y  ont 
une  si  mauvaise  odeur  qu'on  ne  peut  y  tenir  ;  l'extrême 
chaleur  y  fait  pourrir  beaucoup  de  viande  et  de  pois- 
son ;  et  cela  joint  à  la  foule  de  gens  qui  pissent  (jians  les 
rues,  cause  une  odeur  si  détestable  qu'il  n'y  a  pas  moyen 
d'y  tenir  »,  La  princesse,  ne  sortant  qu'en  carrosse,  ne 
redoutait  pas  les  averses  aromatiques  auxquelles  conti- 
nuaient à  être  expo.sés  les  passants.  Mais  Le  Sage,  qui 
dans  son  Gil-Blas  décrit  Paris  sous  le  nom  de 
Madrid,  n'a  garde  de  les  oublier.  Ecoutez  ce  qui  arriva 
au  pauvre  Diego  :  «  Je  ne  pus  sortir  de  chez  mon  maître 
avant  la  nuit,  qui,  pour  mes  péchés,  se  trouva  très 
obscure.  Je  marchois  à  tâtons  dans  la  rue,  et  j'avois  fait 
peut-être  la  moitié  de  mon  chemin,  lorsque  d'une  fenêtre 
.  on  me  coiffa  d'une  cassolette  qui  ne  chatouilloit  pas 
l'odorat.  Je  puis  même  dire  que  je  n'en  perdis  rien,  tant 
je  fus  bien  ajusté  «. 

Les  rois  de  France  trouvaient  dans  leurs  apparte- 
ments des  meubles  que  Ton  nommait  selle  nécessaire, 
selle  aisée,  cliaire  à  reirait,  etc.  L'intérieur  recelait 
un  grand  bassin  de  cuivre  ou  de  laiton,  et  le  siège  unis-" 
sait  le  luxe  au  confort.  La  «  chaière  de  retrait  »  que 
l'élégante  Isabeau  emportait  partout  avec  elle  était  gar- 
nie de  velours  bleu  garanti  bon  teint  :  «•  de  veloux  azur 
.sanz  destaindre  ».  Le  roi  dédaignait  ces  raffinements  : 
la  -  selle  aisée  »  de  Philippe  le  Long  avait  pour  garni- 
ture une  étoffé  de  laine  noire  appelée  brunette  ».  Le  roi 
Jean  possédait  deux  «  selles  nécessaires  feutrées  et  cou- 
vertes de  cuir  et  de  drap  »..  Charlotte  d'Albret  «  une 
chaize  percée  couverte  de  drap  vert  ».  Le  duc  et  la 
duchesse  de  Lorraine  avaient  fait  surmonter  d'un  dais 
leurs  -  selles  percées  »  et  leurs  <-  cheyres  à  pi.sser  » 
revêtues  de  velours  '^  aux  armes  de  monseigneur  et  de 
madame  ».  La  -  chayère  percée  ••  d'Elià^beth,  fille  de 
Henri  II,  reposait  également  sous  un  dais  où,  comme  pour 
l'entourage  du  siège,  on  avait  prodigué  le  velours  violet 
frangé  d'or.  Le  duc  de  Guise  avait  préféré  entourer  la 
sienne  d'un  double  rideau  en  toile  de  Hollande  et  satin 
cramoisi.  Catherine  de  Médicis  se  -contentait  d'  -  une 
chaise  d'affaires  •'  garnie  de  velours  bleu.  Lorsque 
Jacques  Clé^ient  fut  introduit  auprès  de  Henri  III, 
celui-ci  "  estoit  sur  sa  chaise  percée,  aiant  une  robbe  de 
chambre  sur  ses  espaules  -,  et  c'est  dans  cette  situation 
qu'il  fut  assassiné. 

Bussy-Habutin  raconte  que  vers  1075{  mesdames  de 
Saulx  et  de  la  Trémoille  se  trouvaient  un  jour  à  la 
comédie.  Prises  d'un  besoin,  elles  n'hésitèrent  pas  à  le 
satisfaire  dans  leur  loge;  -  puis,  pour  <"'ter  la  méchante 
odeur,  elles  jetèrent  tout  sur  le  parterre  -.  Ou  leur  dit 
-  tant  d'injures  qu'elles  furent  contraintes  de  partir  ». 

Dans  l'intérieur  des  appartements,  les  murs  n'étaient 
pas  plus  que  ceux  de  la  rue^ù  l'abri, des  plus  indignes 
souillures.  C'est  inouï,  mais  c'est  ainsi,   l'n  iirand  sei- 


"^\ 


110 


UART  MODERNE 


V 


^ 


gneur  se  levait  de  son  fauteuil,  et  allait  tranquillement 
se  satisfaire  contre  une  tapisserie,  dans  l'angle  de  la 
pièce,  dans  l'escalier,  dans -l'antichambre  ou  dans  la 
cheminée.  Furetière  racontait  que  le  comte  de  Brancas, 
chevalier  d'honneur  d'Anne  d'Autriche,  "  quitta  un  jour 
la  main  de  la  reine  pour  aller  pisser  contre  une  tapisse- 
rie n.  Voulez-vous  un  autre  exemple  de  ce  laisser-aller? 
La  scène  se  passe  dans  le  cabinet  du  ministre  des 
finances  et  c'est  Tallemant  des  Réaux  qui  raconte  : 
«  Le  comte  du  Lude  heurta  un  jour  assez  foi^t  au  cabinet 
de  M.  de  Schomberg,  surintendant  des  finances  :  il  étoit 
son  neveu.  Un  nouveau  suivant,  qui  ne  le  connoissoit, 
dit  :  «  Qui  heurte  comme  cela?  —  Ouvre!  —  Monsieur, 
on  ne  heurte  point  ainsy  céans  ».  Il  entre,  et  va  tout 
droit  pisser  dans  la  cheminée  :  «  Ne  pisse-t-on  point 
ainsy  céans?  M!  de  Schomberg  ne  fit  qu'en  rire  ". 
Louis  XIII  rit  aussi,  le  jour  où  mademoiselle  de 
Lafayette,  s'oubliant  devant  lui,  donna  naissance  à  "  une 
grande  mare  "  sur  le  parq^uet,  et  si  la  reine  y  trouva  à 
redire,  c'est  qu'elle  était  alors  jalouse  de  sa  fille  d'hon- 
neur. 

La  chaise  percée  est  en  plein  triomphe  au  dix-sep- 
tième siècle.  On  ne  la  dissimiile  pas.  Elle  est  admise 
dans  la  meilleure  société;  c est  un  siège  favori  sur 
lequel  on  s'oublie  pendant  longtemps.  On  y  médite,  on 
y  rêve,  on  y  cause,  on  y  écrit,  on  y  joue.  Les  ministres 
y  donnent  audience  à  des  ambassadeurs.  Les  grandes 
dames  n'ont  pas  honte  de  s'y  montrer,  ne  rougissent 
pas  de  voir  se  former  autour  de  ce  siège  empesté  le  " 
cercle  de  leurs  intimes. 

Voici,  par  exemple,  comment  faisait  Louis- Joseph, 
duc  de  Vendôme,  arrière-petit-fils  de  HeferDu  Saint- 
Simon  :  «  Il  se  levoit  assez  tard  à  l'armée,  se  mettoit 
sur  sa  chaise  percée,  y  faisoit  ses  lettres  et  y  donnoit 
désordres  du  matin.  Qui  avoit  afl'aire  à  lui,  c'est-à-dire 
les  officiers  généraux  et  les  gens  distingués,  c'étoit  le^ 
temps  de  lui  parler.  Là,  il  déjeunoit  à  fond,  et 
souvent  avec  deux  ou  trois  familiers,  rendoit  d'au- 
tant, soit  en  mangeant,  soit  en  écoutant  ou  en  don- 
'  nant  ses  ordres,  et  toujours  force  spectateurs  debout.  Il 
rendoit  beaucoup;  quand  le  bassin  étoit  plein  à  répan- 
dre, on  le  tiroit  et  on  le  passoit  sous  le  nez  de  toute  la 
compagnie  pour  l'aller  vider,  et  souvent  plus  d'une  fois. 
Les  jours  de  barbe,  le  même  bassin  dans  lequel  il  venoit 
de  se  soulager  servoit  à  lui  faire  la  barbe.  C'étoit  une 
simplicité  de  mœurs,  selon  lui,  digne  des  premiers 
Romains,  et  qui  condamnoit  tout  le  fasta  et  superflu 
des  autres.  Le  duc  de  Parme  eut  à  traiter  avec  M.  de 
Vendôme  :  il  envoya  l'évèque  de  Parme,  qui  se  trouva 
bien  surpris  d'être  reçu  par  lui  sur  sa  chaise  percée,  et 
plus  encore  de  le  voir  se  lever  au  milieu  de  la  confé- 
rence et  se  torcher  le  C.  devant  lui.  Il  en  fut  si  indi- 
gné que,  sans  mot  dire,  il  s'en  retourna  à  Parme.  Le 
duc  chargea  Alberoni,   un  aventurier,  d'aller  conti- 


nuer et  finir  ce  que  l'évèque  avoit  laissé  à  achever. 
Alberoni,  qui  n'avoit  point  de  morgue  à  garder,  et  qui 
savoit  très  bien  quel  étoit  Vendôme,  résolut  de  lui  plaire 
à  quelque  prix  que  ce  fût.  Il  traita  .donc  avec  M.  de 
Vendôme  sur  sa  chaise  percée,  égaya  son  affaire  par  des 
plaisanteries  qui  firent  d'autant  mieux  rire  le  général 
qu'il  l'avôit  préparé  par  force  louanges  et  hommages, 
Vendôme  en  usa  avec  lui  comme  il  avoit  fait  avec 
l'évèque.  Il  se  iorcha  le  c.  devant  lui.  A  cette  vue, 
Alberoni  :  0  ciilo  di  angelo  '.  et  courut  le  baiser.  Rien 
n'avança  plus  ses  affaires  que  cette  infâme  bouffon- 
nerie ». 

Le  meuble  en  question  n'éveillait  aucune  idée  déplai- 
sante. C'était  un  cadeau  que  l'on  n'hésitait  pas  à  faire, 
même  à  une  grande  dame,  pour  ses  étrennes  ou  pour  le 
jour  de  sa  fête.  Piron  en  envoya  une  à  Madame  de 
Tencin,  sœur  d'un  cardinal,  et  comme  il  poussait  la 
galanterie  jusqu'au  raffinement,  il  plaça  dans  le  bassin 
une  pièce  de  vers. 

Sous  Louis  XVI,  il  n'y  avait  encore  dans  Ip  palais  de 
Versailles  qu'un  seul  cabinet  d'aisances,  confortable 
d'ailleurs,  «  construit  à  l'anglaise,  en  marbre,  porce- 
laine et  acajou».  Il  était,  bien  entendu,  à  l'usage  exclu- 
sif de  Leurs  Majestés.  Rien  de  semblable  n'existait  aux 
Tuileries,  ni  à  Saint-Clpud.  Quand  le  roi  habitait  un  de 
ces  palais,  un  personnel  spécial  était  chargé  d'y  faire 
chaque  matin  une  vidange  générale.  «  Nous  nous  souve- 
nons, écrit  M.  Violtet4e-Duc,  de  l'odeur  qui  était  répan- 
due, du  temps  du  roi  Louis  XVIII,  dans  les  corridors 
de  Saint-Cloud,  car  les  traditions  de  Versailles  s'y 
étaient  conservées  scrupuleusement.  Un  jour  que  nous 
visitions,  étant  très  jeune,  le  palais  de  Versailles  avec 
une  respectable  dame  de  la  cour  de  Louis  XV,  passant 
dans  un  couloir  empesté,  elle  ne  put  retenir  cette  excla- 
mation de  regret  :  Cette  odeur  me  rappelle  un  bien  beau 
temps.  Parmi  les  meub^gs  expédiés  à  Strasbourg,  lors  de 
l'arrivée  en  France  de  Marie- Antoinette,  figurent  «  une 
table  de  nuit,  un  seau  pour  laver  les  pieds,  un  bidet 
tout  garni  et  une  chaise  d'affaires  ». 

Si  à  cette  époque,  si  proche  de  nous,  les  grandes 
rues  étaient  un  peu  plus  respectées  qu'aux  siècles  précé- 
dents, les  voies  étroites,  les  passages,  les  quais,  les 
jardins  publics  offraient  toujours  un  spectacle  repous- 
sant. Dès  que  le  jour  tombait,  une  pluie  d'abominables 
ordures  commençait  à  inonder  les  passants,  «  surtout 
dans  les  quartiers  des  halles,  dans  les  faubourgs  et  dans 
toutes  les  petites  rues  ;  les  plaintes  portées  journelle- 
ment chez  les  commissaires  à  ce  sujet  constatent 
l'étendue  du  mal.  "  Les  terrasses  des  Tuileries  étaient 
inabordables  et  répandaient  au  loin  une  odeur  révol- 
tante. A  l'abri  de  haies  d'ifs,  délicate  prévenance  d'un 
architecte  ami  du  public,  une  multitude  de  gens  se 
succédaient  sans  relâche,  trouvant  avec  peine  une  place 
pour  poser  les  pieds.  Le  comte  d'Angiyiller,  directeur 


général  des  bâtiments  du  roi,  fit  abattre  les  ifs  et  établir 
en  cet  endroit  des  latrines  dont  l'entrée  coûtait  deux 
sous.  Cette  mesure  fut  très  sévèrement  jugée.  Les  habi- 
tués des  Tuileries  trouvèrent  le  prix  exagéré  et  se  trans- 
portèrent au  Palais-Royal.  Le  duc  d'Orléans  se  hâta  d'y 
construire  douze  cabinets  d'aisances  qui  eurent  plus  de 
vogue  que  ceux  des  Tuileries,  et  dont  la  réputation 
dure  encore.  En  1798,  ils  rapportaient  douze  mille  livres 
par  an. 

Et  maintenant  tâchons  de  nous  rendre  compte  de 
toute  cette  société  que  de  plaisants  auteurs  et  de  non 
moins  plaisants  acteurs  habillent  à  la  moderne.  De  tels 
'  détails  révèlent  le  côté  brutal  et  sauvage  d'une  civilisa- 
tion et  montrent,  par  les  dessous,  qu'on  ne  saurait  être 
vrai,  quand  on  en  parle,  ou  qu'on  la  joue,  qu'à  la  condi- 
tion de  proscrire  les  modernes  conventions  et  en 
demeurant  quelque  peu  barbare. 


CORRESPONDANCE  D'ARTISTE  (') 

Les  représentations  Tvagnériennes  en  Allemagne. 

Munich. 

^  El  puis,  ce  qui  vous  console,  pour  l'art,  c'esl  la  mise  en  scène. 
A  Dresde  déjà,  sauf  les  Filles  du  Uliin,  c'éiaii  surprenant,  réali- 
sant parfois  l'énorme  qu'on  voudrait  pour  de  tels  drames. 

A  Munich,  c'est  mieu.x  encore,  peut-être.  Tous  les  décors,  la 
régie  des  chœurs,  les  degrés  de  lumière,  les  changements  de 
scène  sont  bien  près  de  satisfaire.  A  Dresde,  on  obtient  que  le 
chœur  des  hommes,  au  deuxième  acte  du  Crépuscule  des  Dieux, 
chante  en  tournant  le  dos  au  public  et  en  s'adressanl  à  Hagen.  A 
Munich,  il  y  a  compromis;  ils  arrivent  bien  isolément  et  par 
groupes,  comme  c'est  indiqué,  et  se  massent  en  foule  houleuse, 
mais  les  Munichois  sont  des  gens  trop  polis  pour  tourner  le  dos  à 
-^  un  public  dans  lequel  figure  le  prince-régent,  pensez  donc! 

Dans  les  deux  théâtres,  les  costumes,  les  gestes  dos  chœurs,  leurs 
mouvements  m'ont  étonné.  Ainsi,  dans  Lohengrin  et  dans  la 
Gôlterdammerung,  l'entrain  barbare  avec  lequel  ils  heurtent  leurs 
armes;  en  signe  de  joie.  Dans  le  Vflisseau  Fantôme,  à  Munich,  — 
j'y  ai  vu  pour  la  première  fois  de  vraies  vagues  au  théâtre  —  les 
navires  approchent,  évoluent,  tournent,  fouettés  par  des  lames 
et  tanguant.  Et,  vous  savez,  nous  sommes  loin  ici  du  pauvre  bidet 
d«  M"*"  Litvinne,  à  Bruxelles,  le  bidet  qui  n'osait  bouger  et 
dont  on  avait  cependant  si  peur  qu'on  le  renvoyait  tout  de  suiTe 
dans  les  coulisses;  à  Dresde,  M"'*  Wiliich  entraîne  le  cheval  au 
galop,  courant  h  côté,  vers  le  bûcher.  A  Munich,  nriinnhiide  saute 
sur  Grane,  saisit  sa  crinière,  et,  d'un  bond  de  galop  magnifique, 
s'emporte  vers  les  flammes.  Dans  Riemi,  Scholt  arrivait  à  cheval, 
couvert  de  son  armure,  et  chantait  ainsi  ;  le  cheval  virevoltait  dans 
l'éclatante  fanfare  d'or  et  de  fer  des  clairons,  il  se  cabrait,  voltait 
pour  revenir,  jusqu'à  ce  qu'un  furieux  galop  l'emportât  vers  la 
bataille. 

Il  y'aurait  pourtant  bien  des  critiques  a  faire  sur  les  détails,  mais 
ils  vous  importent  fort  peu;  et  j'aime  mieux  vous  donner  ici 

(1)  Suite  et  fin.  —  Voir  uôs  numéros  des  9,  16  et  23  mars. 


quelques  notes  prises  sur  la  Walkure  à  votre  intention  —  la  Wal-. 
ktire,  parce  qu'elle  est  devenue  une  «  pièce  du  répertoire  »  à 
Bruxelles! 

A  Dresde.  Kapellmeislcr  :  M.  Schuch.  Au  prélude,  peu  d'éclat  ; 
.en  effet,  ce  n'est  pas  de  la  musique  descri,i)iivc  comme  l'orage  de 
la  Symphonie  pastorale,  mais  l'orchestre  montre  bien  qu'il  énonce 
le  reflet  de  cet  orage  dans  le  cœur  de  Siegmund.  Les  mouvements 
sont  presque  entièrement  semblables  à  ceux  de  Bruxelles;  en 
général  peut-être  un  peu  plus  lents,  sauf  le  récit  de  Siegmund, 
pressé.  —  Le  pommeau  do  l'épée  Urgence  n'est  pas  éclaire 
sottement  en  rouge  comme  à  Bruxelles  (on  même  temps  on  étei- 
gnait le  feu,  à  Bruxelles  !),  mais  par  un  rayon  direct  émané  du 
foyer,  ce  qui  est  beaucoup  plus  vraisemblable.  Puis,  comme  vous 
le  devinez,  ce  n'est  plus  un  rideau  qui  tombe,  dans  la  scènï  sui- 
vante, pour  montrer  un  paysage  des  tropiques;  mais  la  porte 
s'ouvre  soudain,  laissant  pénétrer  un  vague  rayon  de  lune  dont  on 
aperçoit  la  fine  poussière  sur  les  lointains  d'un  bois  au  prin- 
temps. 

Enfin,  il  faut  voir  jouer  par  une  Allemande  la  fin  de  la  dernière 
scène;  M'"^  Marliny,  si  belle,  y  mettait  peut-être  trop  de  réserve, 
et  l'qn  ne  semait  pas  aussi  terriblement  qu'ici  combien,  en  celle 
scène,  l'amour  s'épanouit  jusqu'à  rester  le  type  de  l'amour  pendant 
toute  la  trilogie  (thème  de  Sieglinde  ^appclé  plusieurs  lois 
dans  les  autres  soirs),  cet  amour.qui.se  chante  en  partie  sur  les 
thèmes  de  la  Renonciation  à  l'amour  ci  de  la  Malédiction  de 
[^»J0W''(1).  Aux  actes  suivants,  j'ai  élé  tropdominé  parl'admiration 
pouNprendre  des  notes  ;  les  rares  qui  me  restent  sont  sans  inté- 
rêt pour  vous.  Je  me  rappelle  pourtant  que  Wotan  fait  son  récit  à 
Brûnnhiido  d'une  voix  très  basse,  après  la  scène  de  Fricka,  et 
qu'il  eh  surgit  un  mystère  de  vagues  terreurs  inconnues,  très  pro- 
fondément beau.  —  Quant  aux  fameuses  décalcomanies  des  Wal- 
kiires  qui  pussent  dans  le  ciel,  au  troisième  acte,  elles  étaient 
moins  drôles  qu'à  Bruxelles,  et  même,  dès  la  fin  de  la  scène,  et 
ensuite  pour  Gôtterdàmmerung,  on  les  remplaçait  par  un  éclat 
errant  des  nuages,  tl:è;^. merveilleux  vraiment,  et  rendant  la  scène 
plus  grandit)se  et  profonde.  — ^  J'ai  d'autant  plus  remarqué  l'etï'el, 
qu'avec  sa  recherche  de  la  plastique  et  les  admirables  suggestions 
qu'il  demande  à  la  mise  en  scène,  le  théâtre  wagnérien  m'a  paru 
en  général  d'une  couleur  désastreuse  ;  cela  tient  évidemment  à 
Tioil  allemand  des  peintres  qui  nuancèrent  les  décors;  mais  rappe- 
4cz-vous  la  couleur  de  la  scène,  à  Bruxelles,  aux  deuxième  el  troi- 
sième actes  de  la  Walklire.  Tout  cela  m'a  plus  vivement  enfoncé 
dans  mon  rêve  d'un  théâtre  où  les  acteurs  dessineraient  leurs 
gestes  sur  fond  d'or  et  sur  fond  d'argent;  théâtre  musical,  bien» 
entendu  ! 

Outre  la  couleur,  une  crispation  constante  est  celle  (|ue  cause 
le  public,  ce  public  allemand  qui  entre  à  grand  bruit  dans  les 
loges  et  au  balcon,  malgré  l'obscurité  (d'ailleurs  nx's  relative;  en 
revanche,  on  l'a  adoptée,  très  logiquement,  potir  Shakespeare  et 
les  autres  drames),  cause  presque  à  haute  voix  quand,  la  toile 
baissée,  l'orchestre  donne  la  transition  des  scènes,  etc.  Notez  que 
ce  public  est  poli,  trop  poli.  Il  ne  voudrait  pour  rien  au  monde 
interrompre  les  changeurs  par  des  mouchades  ou  des  loussaille- 
rios  ;  aussi,  dès  que  les  premiers  accords  résonnent,  tout  le  monde 

(1)  Avez-vous  remarqué  qu'en  (.et te  so-ne  dernière  du  premier  acte 
est  esquissé  déjà  le  thème  de  Brimnhilde  femme,  le  plus  décisif  pour 
marquer  la  puissance  de  l'amour,  si  l'on  songe  à  ce  qu'est  ce  résultat, 
et,  ici,  très  caractéristique?  Pourquoi  Wolzogen  n'en  parle-t-il  pasî 


(  ■ 


V, 


mouche  el  loiisso  en  cliœur,  poui^n'avoir  pas  à  le  faire  plus  larJ. 
(irûcc  à  cela,  je  n'ai  pu  cnloiidre.  un  seul  prélude. 

Ali  !  la  manière  dont  les  Allemands  aiment  la  nmsique!  Erasme 
Kaway  m'avait  promis  trop  de  joie,  cl,  itialpré  les  salutaires  aver- 
tissements de  Georges  Klinopff,  j'avais  gardé  bien  des  illusions. 
Sauf  aux  couceilsde  la  Musicalisclie  Akademie,  vrai,  cela  ne  vaut 
guère  mieux  qu.j  chez  nous.  On  cause  pendant  que  Siegfried  tra- 
vci'se  les  flammes  pour  trouver  Briinnhilde,  on  cause  pendant  le 
fragment  symplionique  qui  unit  le  prologue  du  crépuscule  au  pre- 
mier acte,  pendant  le  fragment  symphonique  suivant  aussi,  et 
pendant  la  marche  funèbre  encore  ;  je  vous  ai  dit  la  politesse  des 
rhumes  allemands,  rappelez-vous  de  plus  les  coupures  do  Dresde; 
on  trouve  la  Walkilre  supérieure  à  la  Gotlerdummeruug,  et  sans 
doute  Rienzi  k  Lohengrin...  On  irouve  aussi  très  souvent  que 
Wagner  fatigue  el  que  «  la  musique  ainsi  comprise  n'est  plus  un 
art  d'agrément  ».  —  Un. art  d'agrément!  —  C'est  le  public,  tou- 
jours le  même,  et  s'il  n'y  avait  pas  une  élite  prodigieusement 
ouverte  aux  sensations  de  la  musique  (je  l'ai  étudiée  aux  con- 
certs), on  ne  s'expliquerait  pas  la  possibilité  de  représentations 
cycliques  comme  celles  auxquelles  j'ai  assisté.  —  Les  pièces  de 
Wagner  sont  entrées  «  dans  le  répertoire  »  ici  ;  on  y  produit  les 
cabotins  en  vedette,  et  l'on  s'y  rend  en  foule  pour  applaudir  Mon- 
sieur un  tel 

A  Dresde,  pour  le  31  décembre,  des  tlons-tlons  tlonflonnaient 
partout  ;  il  y  en  avait  dans  les  rues,  dans  les  maisons  particulières, 
dans  tout  ce  qui  s'appelle  lieu  public,  et  j'ai  été  épouvanté 
d'enierjdre,  dans  un  restaurant  grand  comme  les  deux  tiers  du 
Sesino,  toute  une  musique  militaire  claironnant  valses  et  fanfares. 
—  Evidemment  cela  prouve  qu'on  aime  la  musique. 
.  Il  y  a  aussi,  à  Dresde,  la  Gewerbhaus;  j'y  fus  :  un  largo  de 
lliindel  et  le  finale  du  Rheiugold  de  Wagner  y  fraternisaient  avec 
les  plus  entraînantes  des  valses,  et  les  plus  salutaires  (antaisies 
pour  xylophone  et  cornet  à  piston  (textuel)....  ^Munich,  à  la 
Monachia,  on  écoute  un  pot-pourri  sur  le  Vaisseau  Fantôme, 
voire  des  «  souvenirs  des  Maîtres  Chanteurs  »,  puis  un  monsieur 
vient  montrer  des  oies  savantes,  et  un  autre  imite  tous  les  cris 
d'animaux,  depuis  le  rossignol  jusqu'à  là  truie  en  colère.  Alors, 
j'aime  encore  mieux  la  «  cave  à  bière  »  des  redoutes,  où  l'on  ne 
joue  au  moins  que  de  mauvaise  musique  pendant  que  tous  les 
danseurs,  la  voix  pleine  de  lourde  bière,  chantent  en  cœur  : 

Du  bist  moia  idéal, 
Du  bist  meih  idéal... 


L 


Théâtres. 

Le  théâtre  de  l'Alhambra  a  repris  Boccace  en  l'agrémentant 
d'un  ballet.  L'idée  n'est  peut-être  pas  très-heureuse.  L'opérette  de 
Suppé  a  été  jouée  si  souvent  aux  Galeries  que  le  succès  en  est 
(juelque  peu  usé,  et  le  ballet,  dansé  sur  une  musique  foraine, 
alourdit  inutilement  la  partition.  Le  publie  de  la  première  a  néan- 
moins fait  bon  accueil  à  la  musique  «  mousseuse»  du  petit  maître 
Viennois,  en  souvenir,  sans  doute,  des  joyeuses  soirées  de  jadis. 
L'interprétation  actuelle  est  faible.  M™"*  Zélo  Duran,  Noémi  Ver- 
non  e(  Blanche  .Monthy  se  donnent  beaucoup  de  peine  pour 
n'arriver  qu'à  un  médiocre  résultat.  A  part  M.  Gaffroy,  les  artistes 
masculins  sont  insuffisants.  Même  dans  la  bouffonnerie,  il  y  a  de 
l'art,  et  un  art  difficile  à  réaliser,  qui  exige  du  tact,  de  la  mesure, 
du  goût.  Puis,  .M.  Diirieux,  en  quels  mouvements  de  train  express 


lancez-vous  vos  musiciens?  On  ne  retrouve  plus  un  rythme,  plus 
un  accent  de  la  partitionnette  sautillante  et  dansante,  qui  ne  vaut 
que  par  la  légèreté,  le  tour  pimpant  de  ses  motifs  et  les  rythmes 
pafliculièremcnt  aux  valses  et  aux  mazourkes  des  bords  du  Danube. 
Nous  voici  loin,  bien  loin,  du  sémillant  J5occflce  aperçu  jadis,  en 
sa  grâce  de  jouvenceau,  dans  le  cadre  élégant  du  Cari  Theater. 


Le  théâtre  des  Galeries  a  abandonné  les  noirs  mélos  pour  inau- 
gurer un  genre  de  spectacle  nouveau. 

Cendrillonnttte,  qui  tient  du  vaudeville  et  de  l'opérette,  a  bien 
réussi  el  attire  chaque  jour  la  foule. 

Au  Parc,  la  Course  aux  jupons,  de  folâtre  mémoire,  a  fait  place 
sur  l'affiche,  depuis  hier,  à  Feu  Toupinel.  Nous  en  parlerons 
dimanche  prochain. 

Quant  au  théâtre  Molière,  il  bouleverse  la  paisible  population 
d'Ixelles  par  les  aventures,  de  Cartouche  et  des  Voleurs  de  Paris 
en  1721.  Les  serruriers  ixellois  sont  sur  les  dents  tant  ils  ont  eu 
à  faire  cette  semaine  de  verrous  de  sûreté. 


ÇlBLlOQRAPHlE    MUSICALE 

La  légende  de  Viviane  el  de  Merlin  a  inspiré  h  M.  Ernest  Chaus- 
son un  poème  symphonique  dont  nous  prisons  fort  le  charme 
poétique  et  l'extrême  distinction.  Nous  en  jugeons  par  laj-éduc- 
lion  pour  piano  k  quatre  mains'^qïTcn  a  faite  M.  Vincent  d'Indy  et 
que  l'éditeur  Bruneau  vient  de  mettre  en  vente. 

Viviane  est  proche  parente  dn  Saugefleurie.  Elle  évoque» 
comme  celle-ci,  des  fraîcheurs  de  foret,  des  lumières  de  clairières, 
toute  la  féerie  des  futaies  hantées  par  les  dryades.  Un  joli  dessin 
mélodique  tissé  dans  l'armure  d'une  harmonisation  'raffinée  mène 
l'auditeur  à  travers  les  enchantements  de  Brocéliande  emplie  de 
sonneries  lointaines.  Une  scène  d'amour  brève  et  intense,  la  ten- 
tative de  fuite  de  Merlin,  qui  veut  rejoindre  les  envoj'és  du  roi 
Arthus.le  sommeil  dans  lequel  le  tient  captif  le  pouvoir  magique 
deViviane,  tels  sont  les  épisodes  que  décrit,  en  une  langue  châ- 
tiée, ce  poème  que  nous  souhaitons  fort  entendre  exécuté  par 
l'orchestre. 

La  réduction  pour  piano,  très  bien  écrite,  en' donne  une  idée 
exacte.  Mais  on  pressent  que  les  timbres  des  insiruments  sympho- 
niques  doivent  lui  donner  une  toute  autre  saveur.  Viviane,  dans 
sa  forme  réduite,  figurait,  en  première  audition,  au  programme[du 
"âernier  concert  de  la  Société  nationale,  à  Paris. 

Chez  le  même  éditeur,  vient  de  paraître  :  Clair  de  lune,  élude 
dramatique  pour  chant  et  orchestre  par  Vincent  d'Indy  sur  les 
vers  d'Hugo  :  ' 


La  lune  était  sereine  et  jouait  sur  les  flots. 


L'inspiration  est  fort  belle  el  l'accompagnement  d'orcheslrc, 
transcrit  pour  piano,  est  d'un  raffinement  d'écriture  qui  donne  à 
l'œuvre  un  attrait  artistique  spécial. 

Chez  Bruneau  encore,  une  mélodie  avec  accompagnement  de 
flûte  ou  de  violon  par  M.  Lucien  Lambert,  fragment  d'un  drame 
antique  :  Hymnis  sur  des  vers  de  M.  André  Alexandre. 

Puisque  nous  en  sommes  aux  mélodies,  rappelons  aux  musi- 
ciens et  amateurs  q'iie  les  très  attachants  lieder  de  Brahms  sont 


acluellemenl,  grâce  k  là  traduction  de  M.  Wilder,  à  la  portée  dos 
chanteurs  cl  cantatrfces  de  langue  française.  La  maison  Brcitkopft" 
cl  Harlel  met  en  vente  un  choix  de  douze  des  plus  célèbres  inspi- 
rations du  maître  allemand,  réunies  en  deux,  cahiers?.  On  sait  que 
c'est  dans  les  lieder  surtout  que  Brahms  excolle.  Il  a  continué,  sans  . 
asservir  sa  pensée  aux  formes  déjii  employées,  la  tradition  de 
Schumann,  et  telles  de  ses  mélodies  :  Sérénade  inutile.  Mon 
amour  est  pareil  aux  buissons,  Soir  d'été,  la  Belle  fille  aux  yeux 
d'azur,  etc.,  ne  le  cùdenl  pas  aux  plus  belles  compositions  de 
l'auteur  de  Manfred.  Elles  ont  une  grandeur,  une  originalité,  une 
puissance  vraiment  remarquables. 

Rappelons  aussi  que  l'éditeur  Petors,  do  Leipzig,  publie  les  Ires 
jolis  lieder  de  Griog  avec  des  paroles  françaises  de  M.  Wilder 
d'après  des  poésies  norwégicnnes.  Le  premier  volume,  que  nous 
a  adressé  la  maison  Scholl  frères,  renferme  douze  chants,  parmi 
lesquels  il  on  est  de  déjà  populaires,  notamment  hi  Princesse  et 
le  Rêve  d'enfant,  sur  un  texte  d'Ibsen.  Dans  la  môraC  édition  a 
paru,  réduit  pour  piano,  le  mélodrame  Bcrgliol,  joué  au  premier 
Concert  populaire. 

Chronique  fuDiciAiRE   de^  ^rt^ 

Statues  contrefaites 

La  police  parisienne  continue  à  traquer  les  industriels  italiens 
qui  ont  infesté  le  marché  arlislicjuc  de  conlrofaçons  ou  d'imita- 
tions des  œuvres  principales  des  sculpteurs  les  plus  renommés. 
Sur  un  ordre  émané  du  parquet,  à  la  requête  de  MM.  Thiébaul 
frères,  agissant  au  nom  de  M.  Falguière,  M.  liuchanoy,  commis- 
saire de  police,  a  fait  une.perquisition  chez  un  nommé  Gasparini, 
habitant  Monlreuil,  et  y  a  saisi  huit  contrefaçons  de  la  Diane  et 
plusieurs  moules.  Les  saisies  d'objets  d'art  contrefaits  se  multi- 
plient dans  de  telles  conditions  que  le  greffe  en  est  encombré. 
On  a  dû  se  résigner  à  envoyer  les  objets  saisis  à  la  fourrière.  Dor- 
nieremcnt,  M.  du  Foussat,  agent  délégué  de  la  Société  des  ar- 
tiste? français, Nçepréscntanl  en  celte  occasion  MM.  Mercié,  Paul 
Dubois  et  René  de  Sainl-Marceaux,  a  fait  saisir  chez  les  mar- 
clrands  italiens  Gonella  et  Gasparïni,  deux  David  vainqueur  de 
Goliath,  six  Chanteur  /lorentin  et  deux  Arlequin  avec  les  moules 
de  ces  contrefaçons.  Décidément  les  lois  sur  les  droits  d'auteur 
commencent  à  sortir  leurs  effets  et  les  mœurs  y  seront  bientôt 
accoutumées.  On  avait  cru  si  longtemps  que  dans  ce  domaine 
loules  les  pirateries  étaient  licites. 


Mement^-  des  Expositions    . 

Amiens.  —  31  mai- 16  juill.'t.  Envois  :  l.")-'-20  mai.  Uenseigne"- 
ments  :  M.  Lr  DewailUj,  président. 

Arniiem  (Pays-Ras).  —  {W  juillol-lo  septembre.  Envois  : 
13  juin-i"  juiflel.  Renseignements:  M.  A.-C.  Van  Daelen, 
secrétaire  de  la  Commission  directrice  de  l'exposition  des  Beaux- 
Arts,  à  Arnhem. 

Resançon. —  t.">  mai-30  juin.  Envois  :  10-20  avril.  Renseigne- 
ments :  M.  Allard,  secrétaire  de  la  Société  des  Amis  des 
beaux-arts,   rue  de  la  Bouteille,   11,   Besançon. 

Dijon.  —  Société  des  Amis  des  Arts.  I*'''juin45  juillet  1890. 
Envois  :  l-lo mai.  Renseignements :.S'rtvr'/rtnV?/,  Palaisdes  Etats, 
Dijon. 

EvREL'x.  —  1'''  juiliet-3i  août.  Délai  d'envoi  :  lo  juin.  Ren- 
seignements :  M.  Ilérissay,  vice-président  de  la  Société  des 
Amis  des  arts,  atelier  Dcnet,  rue  Buzet,  Evreux.  ^ 

La  Haye.  —  12  mai-29  juin.  Délai  d'envoi  :  1-4-28  avril.  Rcn- 


seignemonls  :  M.  J.  Gram,  secrétaire  de  la  Commission  direc- 
trice à  l'exposition  des  Beaux-Arts,  La  Haye. 

Le  Havre.  —  l-^'  aoûl-DO  septembre.  Dépôt  chez  .M.  Poitier, 
rue  de  (Jaillon  16,  du  20  juin„au  l'""  juillet  (jusqu'au  8  pour  les 
œuvres  venant  du  Salon  de  Paris). 

LI.ÉGE.  —  7  juin-10  août  1890.  Renseignements  :  Secrétariat 
général,  rue  Saint  Léonard,  214,  Liège. 

Maurii).  —  l'"  Exposition  (internationale).  Mai  1890. 

Milan.  —  Salon  annuel  :  \^  avril-31  mai.  Renseignements  : 
Secrétariat,  Via  principe  Umberto,  Milan. 

Mulhouse. —  Société  des  Arts  (limitée  aux  artistes  invités). 
8  mai-22  juin.  Renseignements  :  M.  le  président  de  la  Société 
des  Arts,   au  secrétariat  de  la  Société  industrielle,  Mulhouse. 

Munich.  —  Salon  annuel:  1''  ju il lel-l.*)  octobre  1890.  Envois  : 
1-20  mai. 

Paris.  —  Société  des  Artistes  français {P;\\ùh  des  Cham[»s-Ely- 
sées).  l*"''  mai-30juin. 

Paris.  — Société  nationale  îles  Beaux-Arts  (Psihh  du  Cliamp- 
de-Màrs).  1")  mai-30  juin. 

Périgueux.  —  31  mai-30  Juin.  Délais  d'envoi  :  notices,'  1''  mai; 
œuvres,  10  mai.  —  Renseignements  .-  M.  Pertoletti,  secrétaire 
de  la  Société  des  Beaux- Arts,  Périgueux. 

Rome.  —  2G  avril-8  juin=1890.  Délai  d'envoi  expiré.  Renseigne- 
ments: Secrétariat  du  Comité  directeur,  Palaisdes  Beaux-Arts, 
via  Naùonale,  Rome. 

Turin.  —  l'""  mai-1"  juiii  1890.  — Délai  d'envoi  :  l''-20  avril. 
■Renseignements  :  Sccrétnriiit  de  ta  S(rriélé  des  Benu.v-Art^. 
Turin. 


fETlTE    CHROJMiqUE 

_Pour  r.ippel  :  aujourd'hui  dimanche,  à  1  t  2  heuies,  au  LIk-ûIi-i- 
de  la  Monnaie,  troisième  concert  populaire  consacré  iiux  (ouvres 
de  compositeurs  russes  sous  la  direction  de  .M.  Rimsky-Korsakow. 


A  l'occasion  de  la  distribution  îles  prix  aux  lauréiits  des  con- 
cours de  1889,  l'Ecole  de  musique  de  Verviers  donnera  aujour- 
d'hui, à  8  12  heures,  sous  la  direction  de  .M.  L.  Kefor,  un  tivs 
intéressant  concert,  exclusivement  consacré  aux  lenvres  d'auteurs 
belges,  avec  le  concours  de  M.  Eugène  Vsaye. et  de  M''*  M.  Roe- 
lants.  Le  programme  porte  :  le  Sorbier  d'Emile  Mathieu,  pour 
soli,  chœurs  et  orchestre,  la  Ballade  pour  instruinents  à  cordes 
sur  un  thème  flamand,  d'Arthur  Do  Greef,  la  Suiie  dans  le  style 
ancien  pour  violon,  de  Viouxtenins,  des  pièces  pour  violon  par 
Eugène  Ysaye,  des  mélodies  de  Gustave  Kefor  ;  enfin,  deux  pre- 
mières exécutions  :  la  Symphonie  à.jjraiid  orchestre  de  Louis 
Kefor,  couronnée  par  l'Académie  de  Rolgique  en  octobre  dcrnirr. 
et  une  étude  symphoni<iue  de  M.  G.  Lekeu  intitulée  :  Chant  de 
Iriomphal&ifélicrancc. 


Un  grand  concert  aura  lieu  demain  lundi,  à  huit  heures,  à  ht 
salle  Veydt,  avec  lo  concours  de  M"*"'  DavitI,  Pisart,  Rnybet,  Mal- 
vina,  Hélène  et  Henriette  Schmidt,  et  de  MM.  Houschiing,  Mau- 
rice Lefèvre,  Chômé  et  Massage,  au  profit  de  \' Œuvre  pliilan- 
thropique  du  Travail.  '  • 

Entrée  de  famillo  (trois  personnes)  :  5  francs;  entrée  person- 
nelle :  2  francs.  On  peut  se  procurer  dos  cartes  rue  Veydt,  I", 
au  local  de  l'œuvre.  ■ 


Du  21  au  26  avril,  ainsi  que  du  o  au  9  et  du  27  au  30  mai  pro- 
chain, une  vente  iniporlanto  aura  lieu  à  Amsterdam.  La  maison 
^Fréolérik  Muilor  cl  C''',  Doelenslraat,  10,  ofVrira  au  public  In 
bibliothèque  de  fou  M.  Alberdingk-Thym,  docteur  ès-lettres  et  pro- 
fesseur d'esthétique  à  PAcadémic  royale  d'Amsterdam. 

La  littérature  du  xviie  siècle  et  ,du  moyen-âge  y  est  fortemoui 
représentée. 

l'nc  collection  unique  de  gravures  anciennes,  do  manuscrits, 
blasons,  généalogies,  documents  du  xiv*,  xV  et  \vr'  siècles  y 
sera  vendue.  Les  catalogues  en  -4  volumes  sonl.cnvoyés  gratis 
sur  demande  par  la  maison  Frédérik  MuUer. 


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D'Ostende  à  6  h.  matin,  10  h.  15  matin  et  8  h.  40  soir.  —  De  Douvres  à  11  h.  59  matin,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

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A  bord  des  malk^s  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse*  Henriette 
Spécial  cabine,  28  francs;  Cabine  de  luxe,  75  francs. 

Pour  la  location  à  l'aiancc  s'adresser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  {Quai)  ou  a  l'Agence  des  Chemins  de  fer  de  l'Êtat-Belge 
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Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  l'Escploitaiion  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  V Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l'Êtat-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n»  53,  à  Lon(|rés,  à  Y  Agence  de  Chemins  de  fer 
de  l'État,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vrancken,  Domklosler,  n"  1,  à  Cologne.  ^- 


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Paris  1867,  4878,  1"  prix.  —  Sîdney,  seuls  !«'  et  2»  prix 

EIPOSITIOIS  ilSTERDil  1883,- AHTEBS  1885  DIPLOIE  D'HOIREDR. 


GUNTHER 


JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  h  dimanche. 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 
—  Bibliographie.  —  Législation.  —  Notariat:    -'  ~ 

HUTIKWE  ANNÉE. 

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Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 

L'Industrie  M^oderne 

paraissant  deux  fois  par  mois. 
Inventions.  —  Brevets.  —  Droit  industriel. 

Troisième  année. 

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Revue  mensuelle  de  littérature  et  d'art 
B"'  Année 
-   Directeurs  :  MM,  A.  MOCKEL  et  P.-M.  OLIN.      • 
(  à  Liège,  rue  St-Adalbert,  8. 


Bureaiur 


(  à  Bruxelles,  Avenue  Louise,  317. 


ABONNEMENTS  "5  francs  l'an;  Union  postale,  fr.  6-50 


Breitltopf  et  Hartel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 


TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-C.  LQbe. 

Traduit   de    l'allemand    (d'après   la   5®  édition)   par 

Gustave^andré. 

VIII  et  379  p.  gr.  iu-8».  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  dé  l'harmonie  par  des,  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  rares  ouvrages  d'enseignement  musical  les 
plus  estimés  en  Allemagne. 


Bruxelles.  —  Inip.  V'  Monmom,  12C,  rue  de  rindustrie. 


Dixième  année.  —  N**  16, 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  20  Avril  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


■   / 


u 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES  :    On   traite  à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  Tlndustrie,  26,  Bruxelles. 


Sommaire 


Musique  russe.  —  Poèmes  anciens  et  romanesques.  —  L'EIden 

ET  LE  THEATRE  DE  LA  BoUBSE.  ECOLE  DE  MCSIQUE  DE  VeRVIERS.  

Concerts  parisiens  :  Société  nationale  de  musique.  —  Théâtres  : 
Carmen.  Feu  Toupinel.  —  La  conférence  du  livre.  —  Petite 
chronique. 


MUSIQUE  RUSSE 

Descriptive,  presque  toujours  ;  dramatique,  souvent  ; 
teintée  d'orientalisme,  parfois  :  telle  nous  est  apparue, 
en  la  sélection  d'œuvres  qui  nous  a  été  présentée 
dimanche  par  M.  Rimsky-Korsakow,  la  musique  du 
groupe  néo-russe  qui,  après  les  inévitables  luttas  de^^ 
débuts,  est  arrivé  à  s'imposer. 

Comme  procédé  :  l'emploi  fréquent  de  thèmes  popu- 
laires dont  les  rythmes  curieux,  les  licences  d'expres- 
sion, les  modes  fluctuants  donnent  aux  œuvres  une 
saveur  particulière.  Comme  technique  :  une  instrumen- 
tation colorée,  vivante,  judicieusement  écrite  ,  poussée 
parfois  jusqu'à  l'exaspération  des  sonorités,  jusqu'au 
$  délire  des  timbres  bizarres  compliqués  de  carillons,  de 
sourdines,  de  sons  bouchés,  de  l'éclair  du  piccolo,  du 
tonnerre  des  gongs. 

Musique  attrayante  et  pittoresque,  fortement  épicée, 
plus  brillante  que  profonde,  d'un  exotisme  quelque  peu 


barbare,  attestant  plus  de  virtuosité  et  de  talent  que  de 
philosophie.  Musique  qui-  marque  une  étape,  peut-être, 
dans  l'évolution  des  concepts  artistiques  ,  entre  les 
formes  épuisées  de  la  symphonie  traditionnelle  et  une 
expression  houvelle,  inconnue,  dressée  en  point  d'inter- 
rogation dans  l'esprit  des  compositeurs. 

Comme  nous  l'avons  fait  remarquer  précédemment, 
et  quoi  qu'en  dise  M.  César  Cui,  le  porte-étendard  de  la 
Jeune  Russie  musicale,  les  œuvres  de  MM.  Borodine, 
Balakirev,  Rimsky-Korsakow,  Glazounow  (nous  ne 
parlons  que  de  ceux  qui,  à  nbtre  connaissance,  ont  écrit 
des  symphonies  ou  des  poèmes  symphoniques  )  s'écartent 
radicalement  des  voies  suivies  par  Beethoven  et  ses 
continuateurs.  Elles  ne  présentent  d'analogie  qu'avec 
les  compositions  de  Berlioz,  le  premier  qui  ait  affranchi 
la  symphonie  des  lisières  classiques.  Au  lieu  de  déve- 
loi^er,  dans  chacune  des  parties  de  l'œuvre,  un  thème 
initial,  les  musiciens  russes  exposent  et  reproduisent 
sous  différents  aspects,  avec  des  altérations  de  rythmes 
et  en  les  revêtant  d'une  livrée  instrumentale  différente, 
les  motifs  choisis  par  eux,  qui  tantôt  jaillissent  des 
broussailles  orchestrales  en  récits  dramatiques,  tantôt 
se  poursuivent,  disparaissent,  reparaissent,  avec  des 
intentions  d'ironierÂe  plaisanterie,  de  jeu,  en  tableaux 
symphoniques  attachants  et  curieux.  Comme  la  pupart 
des  thèmes  adoptés  sont  des  chants  populaires,  il  est 
permis  de  croire  que  le  fait  de  les  développer  selon  les 


^^ 


traditions  classiques  leur  enlèveraient  de  leur  saveur  et 
que  le  système  suivi  par  les  musiciens  dont  nous  nous 
occupons  est  rigoureusement  logique.  Dans  certaines 
œuvres,  par  exemple  dans  la  symphonie  en  fa  dièze 
mineur  Ae  Glazounow,  jouée  en  juin  dernier  au  Troca- 
déro  (et  qu'on  n'eût  pas  mal  fait  de  nous  faire  entendre 
à  Bruxelles,  au  lieu  de  Vandantino,  assez  pâle,  du  jeune 
maître),  on  découvre,  toutefois,  une  préoccupation  dif- 
férente :  celle  de  faire  reposer  les  quatre  parties  de  la 
symphonie  (traditionnellement  établies,  celles-ci),  surun 
thème  générateur  unique.  C'est,  on  s'en  souvient,  la 
même  idée  qui  a  guidé  M.  Vincent  d'Indy  dans  la  com- 
position de  sa  Sijmphonie  cévenole,  dont  les  trois 
-  parties  sont  construites  sur  le  même  chant,  diversement 
rythmé.  C'est  également  le  mode  adopté  par  M.  Erasme 
Raway  dans  sa  symphonie.  Mais cetexemple  est,  pen- 
sons-nous, isolé  dans  l'école  russe.  A  en  juger  par  le 
plus  puissant  de  ses  symphonistes,  Borodine,  l'intention 
de  ceux-ci  est  autre,,  et  c'est  à  la  façoh  des  rhapsodes 
qu'ils  écrivent  en  belle  langue  musicale  sonore  et  har- 
monieuse, les  impressions  qu'ils  ressentent. 

Cette  symphonie  en  m^  bémol  majeur,  la  première 
en  date,  classe  irréfutablement  Borodine  à  la  tête  du 
groupe  (1).  Nous  connaissions  de  lui  la  symphonie  en  si 
mineur,  jouée  pour  la  première  fois  en  1886  aux 
Concerts  populaires,  et  qui  fît,  on  s'en  souvient,  une 
profonde  impression.  Bien  que  nos  préférences  demeu- 
rent acquises  à  la  symphonie  en  si,  constatons  que 
l'autre  renferme  deux  morceaux  absolument  remar- 
quables :  la  première  partie  (adagio— allegro  moderato) 
et  le  scherzo,  d'une  finesse  et  d'une  intensité  rares.  La 
quatrième  partie  rappelle,  malheureusement  avec  trop 
\  d'évidence,  le  finale  d'une  symphonie  de  Schumann. 
L'élément  dramatique  domine  dans  la  conception  que 
se  font  les  Russes  de  la  symphonie.  Nous  l'avons  fait 
observer  à  propos  d'Antar,  la  superbe  composition  de 
Rimsky-Korsakow,  que  nous  entendîmes  en  février  1887 
et  qui  figura  au  programme  des  récents  concerts  du 
Trocadéro.  Cela  paraît  tout  Aturel,  quand  on  réfléchit 
que  c'est  par  le  théâtre  que  l'école  a  commencé  et  que 
les  symphonistes  ne  sont  nés  que  longtemps  après  que 
Glinka  et  Dargomijsky,  les  vétérans  de  la  cohorte, 
eurent  fait  représenter  la  Vie  pour  le  Tsar,  Rousslan 
et  Ludmila,  la  Roussalha.  Les  nouveaux-venus  eux- 
mêmes  (est-ce  parce  que  le  tempérament  russe  s'accom- 
mode mieux  du  drame  que  de  la  musique  purement 
symphonique?)  abordèrent  tous  le  théâtre  :  César  Cui  a 
écrit  cjnq  opéras,  Borodine,  un;  Rimsky-Korsakow, 
quatre.  Dans  les  fantaisies,  caprices,  suites  d'orchestre, 
c'est  l'élément  pittoresque  qui  l'emporte,  les  auteurs 
'puisant  leurs,  principaux  effets  dans    la  description, 


(1)  Elle  fut  exécutée,  pour  la  première  fois  en  Belgique,  à  Liège,  en 
mars  1885. 


de  la  nature.  On  se  souvient,  à  cet  égard,  de  là 
Tempête  de  Tschaïkowsky.  Une  nuit  sur  le  Mont- 
Chquve  de  Moussorgsky  et  le  Capriccio  espagnol 
de  Rimsky-Korsakow  sortent  de  la  même  veine. 
Chose  assez  curieuse,  il  y  a  dans  ces  œuvres  compli- 
quées (d'une  complication  purement  apparente,  d'ail- 
leurs), une  j^ertaine  ingénuité  que  révèle  le  souci 
d'exprimer  naïvement  tels  bruits,  de  rendre  telles 
impressions.  On  découvre  parfois  en  ces  musiciens 
raffinés  une  âme  d'enfant,  qui  se  plaît  à  des  jeux  puérils. 
Si  la  technique  de  l'orchestre  est  poussée  par  eux  jus- 
qu'à ses  dernières  limites,  le  fond  de  leur  art  est  sou- 
vent très  primitif.  On  dirait  d'un  Giotto  repeint  par 
Vincent  Van  Gogh.  Quel  croquemitaine  cocasse  que  ce 
dieu  Tchernobog,  qui  met  en  rumeur,  sur  le  sommet  du 
Mont-Chauve,  toute  la  chaudronnerie  des  classiques 
sabbats!  Et  de  quelle  naïveté  s'imprègnent  ces  soi-disant 
motifs  espagnols,  grattés  en  pizzicato  ou  hurlés  par  les 
trombones,  en  cet  étrange  Caprice  espagnol  ! 

Cet  art-là  a  des  affinités  avec  les  musiques  rudimen- 
taires  dont  les  expositions  déroulent  le  chatoyant 
panorama.  Oui,  telles  pensées  de  ces  Slaves  mâtinés 
d'orientalisme  évoquent  le  souvenir  des  anklangs 
javanais,  des  noubas  arabes,  des  mélopées  annamites. 
Nous  constatons,  sans  critiquer  :  la  compréhension,  à 
vrai  dire,  de  ces  musiques  exotiques  nous  échappe,  et  si 
notre  oreille  est  chatouillée  par  les  harmonies  inusitées 
qu'elles  recèlent,  nous  ne  sommes  guère  aptes  à  discer- 
ner le  fond,  l'essence  d'art  qu'elles  contiennent.  Peut- 
être  y  a-t-il  de  ce  côté  un  domaine  à  défricher,  dans 
lequel  les  Russes,  les  plus  rapprochés  des  pays  du 
soleil,  ont,  les  premiers,  mis  la  pioche.  Le  vieux  sol 
musical  est  si  appauvri,  on  en  a  tiré  tant  et  tant  de 
moissons,  que  l'émigration  serait  sans  doute  utile.  Déjà, 
en  France,  la  jeune  école' trouve  dans  la  mélodie  popu- 
laire l'occasion  de  sortir  la  musique  des  moules  usés . 
En  Russie,  où  tout  l'art  musical  vient  des  chansons  du 
peuple  (nous  ne  parlons  évidemment  pas  des  composi- 
teurs dont  l'internationalisme  n'a  rien  à  voir  ici,  Rubin- 
stein,  Davidoff'et  autres)  (1),  on  va  tout  naturellement 
un  peu  plus  loin,  et  c'est  l'Orieiit,  proche,  qui  s'ouvre 
aux  explorateurs. 

L'influence  est  visible  dans  bon  nombre  des  composi- 
tions exécutées  à  Liège,  à  Bruxelles  et  à  Paris.  Est-elle 
consciente?  Est-ce  vraiment  un  voy£^ge  de  découvertes 
qu'entreprennent  les  musiciens  russes?  Ou  faut-il  n'y 
voir  qu'un  reflet  éclairant  leur  musique  de  même  qu'il 
réchauff'e  l'architecture  du  pays? 

(1)  Il  est  juste  de  rappeler,  toutefois,  que  Rubinsteiii  est  le  pre- 
mier qui  ait  fait  connaître  à  l'étranger  les  œuvres  de  ses  compatriotes. 

Au  programme  du  concert  qu'il  dirigça  à  Paris  le  19  février  1882 
figuraient,  outre  plusieurs  de  ses  compositions  et  un  concerto  pour 
^  violoncelle  de  DavidolT,  l'ouverture  de  Roméo  et  Juliette  de  Tschaï- 
kowsky, Kasatchok  de  Dargomijsky  et  la  symphonie  Sadka  de 
Rimsky-Korsakow. 


-r 


LART  MODERNE 


123 


Un  autre  élément  se  glisse  dans  la  musique  russe  et  lui 
donne  une  couleur  particulière  :  ce  sont  les  chants  litur- 
giques déposés  aux  cartulaires  des  églises  grecques  et 
précieusement  conservés  dans  leur  forme  authentique, 
dans  la  virginité  des  modes  d'autrefois,  lydien  ou  dorien. 
Les  compositeurs  de  la  Jeune  Russie  y  ont  fait  ample 
cueillette  d'inspirations  fécondes.  La  Grande  Pâque 
tnisse  de  M.  Rimsky-Korsakow,  entendue  [dimanche, 
est  un  exemple  remarquable  de  ce  que  peut  faire  un 
homme  de  talent,  sensible  aux  beautés  de  ces  chants 
religieux  et  sachant  les  harmoniser,  les  enchâsser,  les 
mettre  en  lumière  en  respectant  la  pureté  de  leurs 
lignes  architecturales.  Nous  pensons  qu'avec  la  sympho" 
nie  de  Borodine,  la  Pâque  russe  constituait  l'œuvre  la 
plus  intense,  la  plus  caractéristique  de  toutes  celles  qui 
figuraient  au  programme.  Le  final  déclamé  par  les 
cuivres  dans  un  carillon  sonnant  à  toute  volée  est  d'un 
effet  grandiose. 

Quant  à  la  musique  théâtrale,  qui  forme,  nous  l'avons 
dit,  une  part  importante  du  bagage'  musical  accumulé 
en  Russie  dans  uux^ace  de  temps  très  restreint  (les 
premières  œuvres  datent  d'une  trentaine  d'années),  elle 
n'était  représentée  au  Concert  populaire  que  par  le  pré- 
lude et  les  danses  du  Flibustier,  un  opéra  encore 
inédit,  écrit  par  César  Cui  sur  un  texte  de  Jean  Riche- 
pin.  11  serait  téméraire  déjuger  le  théâtre  rus^  sur 
ces  fragments  d'un  ouvrage  dû  à  la  collaboration  olïn 
auteur  français  et  du  moins  national  des  musiciens  du 
groupe.  ", 

César  Cui,  dont  nous  avons  apprécié,  naguère,  le 
Prisonnier  du  Caucase,  pué  à  Liège  en  1886,  grâce  à 
l'influence  de  M"*®  la  comtesse  de  Mercy-Argenteau  (1), 
a  rendu  de  grands  services  à  la  cause  de  la  musique 
nationale  par  la  polémique  ardpnte  qu'il  soutint  en  sa 
faveur.  C'est  en  raison  de  cette  circonstance,  seinble-t-il, 
plutôt  que  par  le  caractère  de  ses  compositions,  qu'il 
figure  habituellement  sur  les  programmes  «  de  propa- 
gande »  qui  portent  les  noms  de'  Balakirev,  de 
Borodine,  de  Rimsky-Korsakow,  de  Moussorgsky, 
de  Liadow,  de  Glazounow.  Ses  œuvres  se  rattachent 
directement  à  l'école  allemande  (Schumann  parait 
être  son  auteur  préféré),  et  même  à  l'école  italienne.  Le 
prélude  du  Flibustier  est  une  bonne  page  symphoniq^ 
écrite  par  un  homme  connaissant  son  métier,  mais  elle 
ne  présente,  au  point  de  vue  spécial  qui  nous  occupe, 
aucun  intérêt  particulier.  Le  ballet  est  banal  et  de 
mince  valeur  musicale.  Souhaitons  qu'une  occasion  se 
présente  de  juger,  autrement  que  par  des  fragments  de 
ce  genre,  le  théâtre  lyrique  russe  que  M.  Cui,  dans  son 
livre,  la  Musique  en  Russie,  dit  avoir  beaucoup  d'affi- 
nités avec  celui  de  Wagner,  au  point  de  vue  de  l'esthé- 
tique, tout  au  moins,  la  technique  en  étant  essentielle- 
ment différente. 

(1)  V.  VAt't  moderne,  1886,  p.  21.  , 


Et  s'il  faut  une  conclusion  à  ces  observations,  disons 
que  les  Concerts  populaires,  en  nous  faisant  connaître 
un  ensemble  d'œuvres  d'une  école  peu  connue  et  réelle- 
ment intéressante,  tant  par  les  tendances  qu'elle  affirme 
que  par  la  réalisation  de  certaines  conceptions  neuves, 
a  bien  mérité  des  musiciens  et  des  esthètes.  A  la  direc- 
•tion  du  théâtre,  maintenant,  à  nous  mettre  à  même  de 
juger  ce  qui  est  la  véritable  force  de  l'école  russe  :  le 
drame  lyrique  (1). 


POÈMES  ANCIENS  ET  ROMANESQUES 

par  Henri  de  Régnier.  —  Paris,  librairie  de  l'Art  indépendant. 

C'est  un  monde  bien  à  lui,  que  M.  Henri  de  Régnier  inaugure 
en  ces  poèmes.  Il  a  parcouru  quelques  îles  —  celles  où  M.  de 
Hérédia,  eh  des  grands  arsenaux,  construisit  ses  navires,  celles 
où  M.  Mallarmé  édifia  ses  palais,  somptueux  des  miroirs  de  son 
rêve  —  avant  d'aborder  à  Ses  terres. 

L'y  voici  : 

Pour  les  créer  selon  ses  vœux,  il  y  a  fait  venir  d'un  passé 
très  lointain,  les  belles  qui  dorment  en  des  bois,  cent  ans  ;  les 
vierges  des  antiquités  helléniques;  les  chevaliers  des  contes  bla- 
sonnés  d'orgueil  et  de  bravoure;  les  pâtres  puérils  et  sacrés  des 
visions  bleues;  les  conquéreurs  de  toisons  et  de  peaux  de  lions; 
les  rouets  des  Elainc  et  des  Omphale;  les  pèlerins  lassés  des 
roules  légendaires;  les  Viviane  et  les  dames  merveilleuses,  les 
Armide  et  les  magiciennes;  et  puis  encore  des  paons,  des-- 
colombes,  des  chevaux  et  des  licornes.  En  sa  contrée,  il  a  bâti 
des  tours  et  des  manoirs,  il  a  créé  des  forêts  et  des  golfes,  et  des 
clairières  et  des  rades.  Une  brise  de  rêve  qui  donne  souffle  à  tout 
passe  sur  ce  monjde  et,  légèrement,  par  son  seul  mouvement, 
l'anime  d'une  vie  luxueusement  claire  et  gracieuse.  On  croit  assis- 
ter no»,  pas  à  des  éveils,  mais  à  des  réveils  qui  auraient  con- 
servé toute  leur  naïveté  de  candide  enfance,  bien  qu'ils  soient 
venus  après  de  vieux  et  coupables  sommeils.  Une  fraîcheur  pré- 
cieuse, une  aurore  de  flammes  rares  mais  nullement  primitives, 
un  lac  lustral  ou  se  mireraient  des  fleurs  de  serre,  voiiîu_____J 

.  Et  c'est  d'abord,  en  un  prélude  dans  «  l'ombre  d'or  d'un  vieux 
palais  »,  l'Omphale,  celle  pour  qui  «  le  glaive  rutile,  1' 

Hôtesse  du  seuil  morue  et  de  la  solitude, 
Seule  ombre  passagère  au  gel  des  purs  miroirs, 

qui  attend  celui  dont  elle  sera  «  l'âme  éternelle  à  son  âme  éphé- 
mère »,  celui  à  qui  la  quenouille  est  douce  parce  que,  et  non  pas; 
quoique  porteur  de  massues. 

La  Vigile  des  grèves?  —  l'attirance  par  trois  sœurs,  vers  bien- 
veilïrïl%mour.  Elles  lui  chantent  :        , 

Nous  t'aurons  rencontré  proche  de  la  fontaine 
Où  se  miraient  nos  yeux  et  la  première  étoile. 
Tu  demandais  à  boire  et  la  ville  prochaine. 
Nous  nous  sommes  aimés  à  cause  de  l'étoile. 


(1)  Pour  compléter  ces  renseignements,  on  trouvera,  dans  la  col- 
lection de  l'Art  moderne,  des  articles  ou  des  notes  sur  la  musique 
russe  au^  pages  ci-après  :  1882,  p.  69.  —  1885,  pp.  15,  20,  78.  — 
1886,  pp.  19,  21.  —  1887,  pp.  36,  85.  —  18S9,  p.  69. 


^ 


124 


U ART  MODERNE 


Le  blanc  palais  drapé  d'un  vieux  luxe  de  soie 
S'ouvre  en  colonnes  de  marbre  sur  la  mer  pâle. 
La  cire  en  l'argent  brûle  sans  pleur  qui  larmoie. 
Nous  mettrons  à  ton  doigt  la  plus  antique  opale. 

Nos  seins  aigus  seront  tes  montagnes  d'aurore,  . 

Doux  pâtre,  6  ùidissonneur,  tes  blés,  nos  chevelures, 
Où,  comme  aux  épis,  ondule  le  vent  sonore! 
Nos  yeux,  les  glauques  lacs,  pêcheur,  où  tu  captures. 

Elles  lui  seront  la  conquête,  la  joie,  la  beauté,  la  volupté,  la 
vie,  mais  lui,  viendra-l-il  et  enlrera-l-il  dans  «  la  barque  du  pas- 
seur d'âmes,  qui  par  la  mer  est  venu  vers  l'exil  des  pauvres 
âmes  »,  viendra-l-il  vers  les  trois  sœurs  qui  lui  seront  le  Miroir, 
l'Amphore  et  la  Lampe? 

Il  règne  en  ce  poème  une  impression  de  lointain  et  d'ineffable 
clarté  mélancolique.  Les  trois  sœurs,  à  la  fois  Madeleine  et 
Vénus,  ont  l'ambiguilé  de  mythes  contraires  fondus  ensemble. 
Elles  font  songer  à  certaines  créations  préraphaélites  oiî  les  trois 
vertus  théologales  semblent  se  muer  en  les  trois  Grâces  et  où  les 
sirènes  ne  se  sont  à  nouveau  enfoncées  dans  la  mer  qu'après  avoir 
passé  par  un  Jourdain  baptismal.  Cette  si  délicate  fusion  de  con- 
traires en  un  nouveau  type  de  pensée,  n'est-ce  pas  Léonard  qui  le 
prèrïiier  l'a  réalisé?  Et  les  glaciers  d'argent  bleu  de  ses  fonds  de 
paysages  n'ont-ils  pas  fait  réfléchir  M.  de  Régnier? 

Dans  la  Vigile  des  grèves  comme  dans  le  Prélude  et  dans 
quelques  poèmes  qui  vont  suivre,  le  héros,  le  pâtre,  l'attendu,  le 
bien — accueilli,  c'est  pas  tant  le  poète  que  son  rêve  lui-même,  son 
rêve  I  habillé  de  guerre  ou  de  repos,  vêtu  d'orgueil  ou  de  mélan- 
colie—  et  qui  s'en  va  à  la  conquête  de  lui-même- en  des  livres. 
C'est  là  une  caractéristique  de  notre  poésie,  que  cette  recherche 
de  soi-même  dans  soi-même,  et  ce  seul  souci  de  l'extérieur  pour  y 
puiser  uniquement  matière  à  se  voir.  Si  l'on  demandait  à  de  tels 
jeunes  écrivains  pourquoi  encore  ils  publient  des  vers,  combien 
d'entre  eux  pourraient  répondre  que  c'est  uniquement  pour  se 
rêver  de  la  moins  imparfaite  manière  possible. 

Le  Fol  automne  est  une  joie  de  nature  bue  sensuellement  aux 
coupes  siléniennes  et  dansée  au  pas  des  satyres  et  des  faunesses. 
Tout  un  ruissellement  de  couleurs  lie  de  vin  et  de  soleils  roux 
parmi  des  feuilles  éclatantes  le  décore,' et,  néanmoins,  la  vision 
reste  délicate  et,  au.  fond,  triste. 

^        La  flammé,  les  cris,  les  rires' sont  morts  et  nous  mêmes 

Terne  pierrerie  à  l'or  frontal  des  diadèmes, 

Mourez  selon  les  torches  noires  en  les  mains  blêmes. 

Et  là-bas,  aux  rampes  des  terrasses  merveilleuses, 
Comme  un  lis  se  fane  la  quenouille  des  fileuses 
i      D'attendre  encor  la  laine  des  toisons  fabuleuses. 

Le  Salut  à  l'étranger  se  proclame  ainsi  ; 

Etrangère,  fatale  en£ant,  espoir  des  fées. 

Le  geste  de  ta  main  où  luit  la  fieur  d'Endbr 

Destine  les  hécos  à  la  gloire  ou  la  mort,  ~~..  • 

Et  les  voue  au  travail  des  bêtes  étouffées.         <•        *      . 

.••■*'■ 

C'est  par  toi  que  de  sang  fe  parent  les  trophéev' ^ 

Et  se  crispe  la-chair  sous  la  dent  qui  U  mord, 

Et  qu'au  bois  noir  où  l'arc  de<frône  vibre  «ncoïs  -  ^ 

Une  odeur  de  tuecie  éclal^  par  .^ouffées. 

Si  le  pied  triomphal  parmi  Tache  et  la  flouve 
Foule  hors  de  l'antre  un  crin  de  laie  ou  de  louve 
Le  cri  de  l'olifant  qui  vocifère  au  soir 


L'angoisse  de  rubis  dont  s'orne  l'âpre  corne 
Du  fond  du  passé  fabuleux,  t'appelle  à  voir 
La  hure  bestiale  au  poing  du  tueur  morne. 

Les  Atotifs  de  légende  et  de  nj^tencoh>  pourraient  titrer  le 
volume  entier,  n'était  le  mot  «  motif  »,  un  peu  mince.  En  cette 
partie  du  livre,,  plusieurs  épisodes  féeriques  défilent,  les  uns  tirés 
de  vieux  contes,  d'autres  de  fables  périmées.  Teintes  fanées, 
rubans  pâles,  treillis  de  corbeilles  usées  or  et  blanc,  on  ne  sait 
quelle  désuétude  de  fleurs  et  de  ganses  invoquer  pour  noter  juste 
ces  exquis  quatrains.  Parfois,^  un  vent  froid  de  deuil  y  court  en 
frisson,  mais  la  dominante  n'en  reste  pas  moins  une  vieille  chose 
claire  et  sonore,  un  cristal  avec  des  étoffes  autour  qui  en  amor- 
tissent le  bruit,  si  l'on  y  touche.  Des  figurées  de  Geneviève  de  Brar 
bant  et  de  princesses  au  bois  seules,  et  de  Cendrillon  en  chau- 
mières vétustés,  tout  un  autrefois  fané,  mais  si  revécu  e»  esprit, 
y  passe  derrière  des  fenêtres  où  «  ne  brûle  plus  aucun  feu  de 
lampe  ». 

Les  fleurs  sont  mortes  sous  ses  pas, 
De  la  plaine  aux  collines  pâles, 
Et  le  ciel  est  d'un  rose  las 
Comme  les  roses  automnales. 

Les  fleurs  sont  mortes  en  ses  mains. 
De  la  maison  aux  jardins  pâles. 
Et  le  vent  chasse  à  pleins  chemins 
Un  tiède  sang  de  purs  pétales 

Au  delà  des  Scènes  du  crépuscule  où  quelques  pièces  encore  se 
marquent  du  sceau  mallarméen,  voici  le  Songe  de  la  forêt. 

En  les  premières  pièces  est  indiquée  l'histoire  de  la  Forêt  et  de 
la  Dame  qui  l'habite,  puis  le  Tannhauser  de  cette  dame  surgit 
à  son  tour,  et  c'est  leur  superbe  dialogue  qui  est  peut-être  la 
gloire  du  livre  entier.  Ce  dialogue,  c'est  l'antique  mais  toujours 
neuve  lutte  de  la  chair  et  de  la  vie  "haute  mais  adaptée  à  notre 
rêve  et  notre  idéal  à  nous.      / 

Quelqu'un  chantait  dans  la  forêt,  parmi  le  soir,    ' 
A  la  dame  de  sa  folie  et  de  son  espoir  : 

Quand  vous  prîtes  rnes  mains  entre  vos  mains  pâlies; 
En  le  lileu/mdrt 
°  De  leurs  opales 
Mon  âme  fascinée  a  vu  des  lacs  de  mort. 
Et  dai^s  le  bois  bleui  d'ombre  glauque,  aux  opales 
D'eau  morte,  d'eau  miraculeuse  et  végétale 
De  fleurs  flottantes  où  le  silence  dort, 
J'entends  sur  l'étang  chanter  notre  oiseau  d'or. 

El  plus  loin,  vers  la  fin':     (  " 

Le  millième  fou  de  l'anti'que  folie, 
Moi,  le  sage  éperdu  de  l'antique  sagesse, 
L'errant  qu'un  vœu  du  dur  destin  pourchasse  et  lie. 
Moi,  le  pauvre  affamé  de  toute  la  largesse, 
Je  suis  venu  vers  toi  pour  une  heure  éphémère 
Où  je  fus  l'hôte  de 'ta  niagie  éternelle, 
«  Toi  le  songe,  toi  l'opale,  toi  la  chimère      •' 
Vers  qui  d'autres  iront  comme  j'allais  vers  olte.  . 

Le  dialogue  tout  entier  est  orné  de  tels  vers  superbes.  Plus 
qu'ailleurs,  en  ce  Songe  de  la  forêt,  M.  de  Régnier  déploie  son 
don  —  le  plus  beau  -r-  de  transposer  au  delà  de  la  réalité,  quel- 
que part,  là  haut,  dans  un  monde  spirituel  de  figures,  d'allégories 
et  de  mythesi'la  conceptipn  qu'il  se  fait  de  ses  sensations  et  de  ses 
pensées., Bien  que  le  mot  agace  —  que  d'imbéciles  l'ont  employé 


~L 


à  tort  el  à  travers  —  nous  jugeons  M.  de  Régnier  :  le  plus 
nel  poète  symboliste-  qui  soit  en  France.  Naturellemenl,  sans 
qucun  effort,  ses  idées  s'incarnent  en  symboles,  et  c'est  merveille 
à  lui  de  nous  les  produire  toujours  quelque  peu  dans  le  vague  el 
l'indéfini,  pour  qu'on  soient  augmentées  la  simplification  el  la 
poésie.  "  '* 

Ce  n'est  pas  uniquement  chez  lui  comme  chez  bien  d'autres, 
une  question  de  lettres  majuscules  en  coefficient  devant  certains 
substantifs. 

Les  vers  de  M.  de  Régnier  —  de  la  technique  desquels  je  n'ai 
pas  le  temps  de  parler  —  sont  suscitaieurs  et  provocateurs  de 
visions  fières.  Ils  vont  souvent  loin  au  delà  des  mots.  Ses  images 
sont  pleines  de  grâce  héraldique  et  tels  tours  de  phrase  rythmés 
au  pas  de  l'idée. 

Certes,  les  Poèmes  anciens  et  romanesques  feront  date. 

L'ÉDEN  ET  LE  THÉÂTRE  DE  LA  BOURSE 


11  semble  que  l'administration  communale  de  Bruxelles  a  tenu 
compte  de  la  récente  étude  consacrée  par  VArt  moderne  à  la 
reconstruction  du  théâtre  de  la  Bourse  (I).  Nous  apprenons,  en 
effet,  que  le  collège  est  décidé  à  exiger  deux  escaliers  spéciaux 
desservant  chaque  étage  de  la  salle.  Tout  est  donc  bien  de  ce 
côté.  Ce  qui  est  plus  fâcheux,  c'est  qu'en  présence  d'autres 
exigences  de  la  ville  —  celle  ci  voudrait  notamment  que 
M.  De  Luyck  démolit  tous  les  magasins,  échoppes  et  cafés  établis 
au  rez  de  chaussée  du  théâtre — le  propriétaire  du  théâtre  prenne 
le  parti  de  ne  pas  le  reconstruire.  Coïncidence  bizarre,  le  collège 
propose  en  môme  temps  de  démolir  TEden.  C'est  aller  trop 
loin.  On  s'est  plaint  souvent  de  l'abondance  des  théâtres  à 
Bruxelle^,  mais  il  y  aurait  de  l'exagération  à  en  supprimer  deux 
d'un  coup  :  nous  serions  ainsi  ramenés  à  la  situation  ante  i880.  . 

Le  public  s'est  habitué  h  ce  nouveau  genre  de  théfflre  (créé  à 
l'Eden  d'une  manière  très  originale  par  l'architecte  W.Kuhnen),et 
ce  serait  le  priver  d'un  vif  plaisir  que  de  lui  enlever  ces  vastes 
promenoirs,  ces  bars,  ces  jardins  d'hiver,  etc.,  qui  sont  pour 
beaucoup  dans  l'agrément  d'une  soirée  joyeuse;  ce  serait  dur  de 
devoir  de  nouvenu  se  contenter  des  couloirs  et  des  foyers  exigus 
de  la  plupart  de  nos  salles  de  spectacles. 

Si,  bien  décidément,  la  ville  maintient  ses  exigences  el  si  le 
théâtre  de  la  Bourse  ne  doit  pas  être  reconstruit,  nous  insistons 
vivement  après  du  collège  pour  qu'il  nous  laisse  au  moins|l'Eden  ; 
k  défaut  de  Palais  des  féies,  il  y  aura,  à  Bruxelles,  au  moins 
une  salle  un  peu  vaste  et  où  l'on  n'étouffe  pas  l'été,  la  présence 
de  nombreux  étrangers  exige  absolument  qu'on  leur  donne  un 
lieu  de  réunion  où  ils  puissent  passer  une  soirée  ;  en  conservant- 
l'Eden  on  leur  donnera  satisfaction  et  on  laissera  subsister  la 
jolie  création  architecturale  qui  a  donné  naissance  à  tant  d'autres 
édifices  similaires> 


ÉCOLE  DE  MUSIQUE  DE  VERVIERS 

Concert  annuel. 

{Correspondance  particulière  de  l'Kkî  ^oviZ'K^i). 
Le  succès  du  concert  de  l'Ecole  de  musique  atteste  la  sincérité 
des  aspirations  artistiques  de  notre  population.  Y  méle-l-elle  un 

(1)  Voir  notre  n"  6,  1890,  page  44. 


grain  d'esprit  de  clocher?  C'est  possible, mais  où  est  le  mal?  Dans 
notre  pays  de  débinage  chronique  il  est  consolant  de  trouver  des 
sympathies  et  des  encouragements. 

Le  Sorbier  d'Emile  Mathieu  vous  est/connu.  C'était,  pour  la 
plupart  des  Verviéiois,  du  fruit  nouveau.  On  a  écoulé  avec  plaisir 
ce  peiit  poème  descriptif,  qui,  en  vives  couleurs,  dépeint  si  bien 
et  la  solitude  ardennaise  et  l'arbre  isolé  dan^  les  Fanges  et  sa 
capricieuse  habitante.  ^ 

M.  Lekeu  est  un  compatriote,  jeune  encore  (il  a  vingt  ans  â 
peine),  qui  travaille  à  Paris  sous  la  direction  de  César  Franck.  Son 
Chant  de  délivrance  cons\\{yi&  son  Opus.  i.  Peul-élre  révèle-t-il 
l'abus  de  la  formule,  qui  par  trop  se  répète  et  n'a  pas  le  carac- 
tère des /«7wo/it;c  de  Wagner.  Mais  l'inspiration  est  large,  la  mélo- 
die se  développe  franchement  el  l'impression  générale  n'a  rien  de 
mince  ni  de  vulgaire. 

Citons  aussi  deux  mélodies  de  Gustave  Kefcr  qui  ont  été  fort 
gentiment  dites  par  M"*  Roelanls,  une  jolie  voix  cl  une  jolie  dic- 
tion, et  des  pièces  pour  violon  de  M.  Eugène  Ysaye,  jouées  par 
l'auteur. 

Tous  nous  attendions  impatiemment  la  Symphonie  de  Louis 
Kefer,  qui,  au  concours  de. 1887,  a  été  couronnée  par  l'Académie 
de  Belgique.  Sur  la  conception  philosophique  de  la  lutte  de  la 
.  Force  et  de  la  Beauté  contre  le  Hlal,  Kcfer  a  créé  une  œuvre  qui, 
à  notre  avis,  réalise  adcpirablement  l'idée  inspiratrice.  Les  leit- 
mo/ifc  sont  très  caractéristiques,  très  vrais;  les  développements 
polyphoniques  dont  est  revêtue  la  pensée,  puissamment  colorés 
et  savamment  amenés;  les  harmonies,  larges  cl  neuves;  l'oiches- 
Iration  a  été  détaillée  et  soignée  de  près.  Le  thème  du  Mal,  par 
exemple,  dit  tantôt  par  les  trombones,  tantôt  en  sons  bouchés 
par  les  cuivres,  produit  un  effet  empoignant.  La  Force  éclate  en 
toute  sa  grandeur  dans  le  premier  allegro,  la  Beauté  s'affirme  dans 
toute  sa  splendeur  dans  Vandante,  et  nous  pourrions  ajouter  que 
la  Grâce  ne  perd  pas  ses  droits,  qu'ell&revendique  dans  le  délicat 
menuetto  et  dans  le  très  rythmique  et  H-ès  enlevant  finale  qui  cou- 
ronne l'œuvre.  v  ' 

Un  penseur,  un  philosophe,  un  artiste  l'ont  créée,  cette  sym- 
phonie qui  atteste  la  triple  compréhension  de  l'art  progressif. 
Notre  public  l'a  hautement  appréciée  el  parfaitement  comprise  ;  il 
eu  a  souligné  le  succès  par  ses  chaleureux  applaudissements. 


CONCERTS  PARISIENS 

SOCIÉTÉ    NATIONALE    DE    MUSIQUE 

{Co^Tespondayice  particulière  de  l'Art  moderne.) 

Paris,  17  avril  1890. 

On  accuse  volontiers  le  comité  de  la  Société  nationale  d'avoir 
des  idées  révolutionnaires  en  art  el  de  faire  jouer  de  préférence 
la  musique  qu'il  aime.  N'est-ce  donc  pas  fort  naturel?  L'Institut  et 
le  Conservatoire  ne  défendent-ils  pas,  eux  aussi,  les  idées  qu'ils 
croient  justes? 

En  tout  cas,  si  la  Société  nationale  est  à  la  tête  du  mouvement 
musical  français  moderne,  elle  n'est  pas  pour  cela  une  société 
fermée.  Le  concert  de  samedi  dernier  était  vraiment  peu  révolu- 
tionnaire. 

Un  allegro  et  andante  pour  piano,'\iolon  cl  flûte  de  M.  Meurani, 
un  débutant;  un  Quintette  de  M.  Chcviliard;  des  Variations 
artistiques  (singulier  litre!)  de  M.  Pfeiffer;   des  mélodies  de 


rs-^ 


126 


i:art  moderne 


^ 


M"'«»  Pfeiffer  cl  Marty  ;  la  siiile  de  yahos  Helvelia  de  V.  d'Iiidy, 
délicieusemcnl  jouées  par  M"*  Kara  Chalteloyn;  la  réduclion  à 
qiialre  mains,  par  M:  d'indy,  de  la  Viviane  de  M.  Eriicsl  Cliausson  ; 
tout  cela  ne, fait  pas  un  ensemble  de  musique  «  sulfureuse  », 
comme  on  dit  au  Ménestrel. 

Mais  peut-élrc  se  r^smail-on  pour  le  concert  de  samedi  pro- 
chain, pour  lequel  on  annonce  la  première  audition  du  Quatuor  à 
cordes  de  César  Franck.  On  peut  s'attendre  à  un  déchaînement  de 
colères  et  de  sottises,  car  le  génie  si  indéniable,  et  pourtant  si 
laissé  dans  l'ombre  de  César  Franck,  a  le  don  d'exaspérer  les 
défenseurs  des  traditions  dites  saines.  Malheureusement  pour  eux, 
le  public  commence  à  se  lasser  de  la  musique  bien  pensante,  et 
nous  parierions  volontiers  qu'il  y  aura  foule,  à  la  Nationale,  pour 
applaudir  le  nouveau  chef-d'œuvre  d'un  des  plus  grands  maîtres 
de  la  musique  moderne. 


CARMEN 

On  a  repris  Carmen,  la  semaine  dernière,  au  théâtre  de  la 
Monnaie,  et  cet  événement  a  donné  lieu  à  des  manifestations 
diverses,  d'un  goût  douteux.  Chuter  une  artiste  de  la  valeur  de 
M"'-  Samé  parce  qu'elle  instaure  une  interprétation  à  elle,  diffé- 
rente de  celle  des  titulaires  précédentes  du  rôle,  nous  paraît  assez 
déplacé.  Il  est  permis  de  discuter  l'artiste.  Il  est  grossier  d'ac- 
cueillir par  des  «  chuls  »  la  tentative  qu'elle  fait  d'être  origi- 
nale. Dans  Carmen,  M""  Samé  est,  jusqu'au  fond  des  moelles, 
provocante,  populacière,  gitana.  Elle  a  des  déhanchements 
canailles,  des  dins  d'oeil  aigus  comme  des  pointes  d'épée,  des 
gestes  non  équiji^oques.  Elle  joue  le  rôle  en  fille  des  rues,  en 
cigarièrc  amoureuse  d'un  soldat,  et  cette  prétention  d'être  la 
Carmen  de  Mérimée  nous  semble  tout  aussi  respectable  que 
celle  de  ne  pas  s'écarter  des  traditions...  Après  l'algarade  au 
cours  de  laquelle  elle  dessine,  avec  son  couteau,  une  croix  de 
-Saint-André  sur  le  visage  d'une  camarade,  elle  entre  en  scène  la 
manche  déchirée,  les  yeux  farouches.  Chez  Lilas  Pasiia,  elle  est 
merveilleusement  chatte,  sa  taille  s'assouplit  avec  grâce  aux 
rythmes  de  la  Sevillana.  Dans  la  montagne,  elle  redevient  la  bête 
mauvaise,  révoltée  et  sournoise,  qui  amène  logiquement  le  coup 
de  couteau  du  quatrième  acte,  lancé  par  Don  José  tandis  qu'écla- 
tent les  triomphales  fanfares  qui  exaltent  le  courage  d'Escamillo. 
Après  les  Carmen  plantureuses  et' mûres,  menant  tout  d'un  bloc 
leur  personnage  en  se  préoccupant  surtout  dfe  bien  chanter,  à  la 
rampe,  le  sourire  aux  lèvres,  les  «  airs  »  de  Bizel,  l'inlerpréta- 
lion  de  M"*  Samé  a  pu  paraître  étrange  à  ceux  qui  n'admettent 
pas  qu'on  les  contrarie  dans  leurs  habitudes.  Nous  l'avons  trouvée 
très  intéressante,  et  \raiment  artiste.  Comme  chanteuse,  M"^  Samé 
n'a  évidemment  pas  l'organe  de  M™^  Deschamps,  dont  les  notes 
graves  vibraient  comme  des  cloches.  Elle  rajjctisse  la  musique 
en  la  Autant  de  sa  petite  voix  fine.  Mais  elle  se  lire  fort  adroite- 
ment d'aft'aire,  et  mime  si  bien  son  rôle  qu'elle  fait  perdre 
l'envie  de  critiquer  la  manière  dont  elle  le  chante. 

En  M"*  Samé  résidait  l'intérêt  unique  de  la  représentation,  le 
cadre  dont  elle  est  entouré  étant  parfaitement  banal  et  insigni- 
fiant. Nous  n'exceptons  même  pas  l'orchestre,  qui  a  été  au  dessous 
de  lui-même.  Et  pourtant,  quelle  jolie  chose  que  cette  partition 
délicate,  el  quel  charme  il  y  aurait  à  lui  donner  tous  les  soins 
qu'elle  mérite  ! 


Feu  Toupinel 

■    Feu  Toupinel  continue  la  série  des  pièces  destinées,  par  la 

direction  du  Théâtre  du  Parc,  à  consoler  les  habitués  des  rigueurs 

duThéâlrc-Librc.Lrie  pochade  dérobée  au  réperloire  du  théâtre  du 

Vaudeville. 

.    Toupinel,  feu  Toupinel,  avait  une  femme  et  une  maîtresse. 

Duperron  a  épousé  la  veuve,  et  le  capitaine  Mathieu,  qui 
revient  du  Tonkin  après  trois  ans  d'absence,  a  été  l'amant  de  la 
maîtresse,  qu'il  croyait  être  la  véritable  M""=  Toupinel. 

L'histoire  de  celte  liaison,  qu'il  commet  la  gaffe  de  raconter  à 
son  vieil  ami^uperron,  met  celui-ci  en  émoi.  11  faut  à  tout  prix 
éviter  que  Mathieu  voie  sa  femme,  rex-M'"''Toupinel  que  Duperron 
s'imagine  avoir  été  l'amie  trop  intime  du  capitaine.  Ceci  a^nène 
des  incidents  burlesques  dont  le  plus  corsé  est  l'apparition  de^ 
Mathieu  coiffé  d'un  moule  à  pâtisserie  et  roulé  dans  une  couver- 
turc.  L'imbroglio  se  dénoue,  après  des  complications  insenséesy» 
et  l'on  applaudit  les  deux  ex-Mesdames  Toupinel,  celle  de  la 
main  droite  et  celle  de  la  main  gauche,  Mii«»Richmond  et  Besnier, 
très  élégantes  çn'^  leurs  robes  mauves  presque  identiques. 


La  Conférence  du  Livre. 

Le  programme  provisoire  des  travaux  de  la  Conférence  du 
Livre,  qui  se  réunira  â  Anvers  au  mois  d'août  prochain,  1»  l'occa- 
sion du  troisième  centenaire  de  Christophe  Plantin,  vient  d'être 
publié. 

On  verra,  par  renonciation  sommaire  des  questions  à  l'ordre 
du  jour,  l'importance  el  l'intérêt  de  celte  réunion. 

PREMIÈRE  SECTION 

Questions  relatives  à  l'objectivité  du  Livre  ;  sa  nature,  sa  com- 
position, sa  conservation,  etc. 

Adoption  d'un  système  général  de  détermination  des  formats. 

Classement  international  des  caractères  d'imprimerie. 

Règles  d'uniformité  à  proposer  en  ce  qui  concerne  la  tomaison, 
la  pagination,  les  titres  courants,  les  tables  des  matières,  etc. 

Questions  relatives  aux  procèdes  d'illustration,  au  meilleur  éta- 
blissement du  Livre  dans  les  divers  ordres  subjectifs  ;  livres  con- 
sacrés aux  sciences,  aux  lettres,  aux  arts,  à  la  liturgie,  etc. 

Reliure  :  moyens  à  proposer  pour  le  développement  de  cet  art; 
reliure  des  ouvrages  destinés  aux  bibliothèques  publiques  ;  entente 
internationale  concernant  la  reliure  des  ouvrages  échangés  entre 
les  gouvernements,  etc. 

DEUXIl^ME  SECTION 

Questions  relatives  à  l'expédition  du  Livre  et  à  la  librairie. 

Questions  relatives  au  taux  de  transport  et  aux  droits  de 
douane.      '^ 

Suppression  des  droits  de  douane  sur  le  Livre. 

Recherche  des  moyens  de  perfectionner  l'organisation  de  la 
librairie  en  Belgique  el  de  créer  une  fédération  inlernationale  des 
associations  de  libraires  établies  ou  à  établir. 

Examen  des  règles  suivies  dans  les  relations  des  libraires  et  des 
éditeurs  avec  les  auteurs,  concernant  les  tirages,  les  remises,  les 
droits  d'auteur,  etc. 

TROISIÈME  SECTION 

Usage  public  el  échange  international  officiel  du  Livre. 


V 


Organisation  dos  bibliothèques  publiques. 

Création  de  bibliog^raphies  nationales. 

Etude  d'un  syslônie  uniforme  de  catalogues  pour  les  grandes 
bibliothèques.  ' 

Communication  des  livres  imprimés  et  des  manuscrits  d'une 
bihiiothèque  publique;  projet  d'entente  internationale. 

Echange  officiel  du  Livre;  extension  k  donner  aux  traités  con- 
clus entre  divers  pays. 

Formule  de  garantie  muluelle,  légale,  entre  gouvernements,  de 
tous  les  objets  faisant  partie  du  domaine  public  spécial  des 
musées  et  des  bibliothèques. 

toute  personne  désireuse  de  prendre  part  à  la  Conférence  est 
priée  de  s'adresser  par  écril,  avant  le  i"  mai,  à  M.  Max  Rooses, 
conservateur  du  Musée  Planlin,  à  Anvers.  L'admission  est  gratuite. 
Toutefois,  les  membres  de  la  Conférence  qui  désirent  recevoir  le 
compte-rendu  des  travaux,  auront  à  acquitter  une  cotisation  de 
10  francs. 

Une  exposition  du  Livre  sera  organisée,  à  la  même  époque,  à 
Anvers,  dans  les  locaux  du  Palais  de  l'Industrie,  des  Arts  et  du 
Commerce.  /  .. 


Petite  chro|^ique 


La  troisième  des  séances  de  musique  classique  pour  instru- 
ments h  vent  et  piano  données  au  Conservatoire  par  MM.  Anthoni, 
Guidé,  Poncelet,  Merck,  Neumans  et  De  Greef  aura  lieu  aujour- 
d'hui dimanche. 

On  y  entendra  le  Quintette  de  Rubinslein,  lin  Caprice  de 
Saint-Saëns  et  un  Ottetlo  de  Lachner. 

En  outre,  M.  De  Greef  exécutera  plusieurs  pièces  de  Schumann 
pour  piano.  Nul  doute  que  le  public  dilettante  ne  se  porte  en 
foule  à  celle  intéressante  audition. 


M.  Joseph  Mcrlens  donnera  une  audition  musicale  à  la  salle 
Marugg,  le  mardi  29  avril  1890,  à  8  1  2  heures  du  soir. 

Celle  audition,  consacrée  aux  œuvres  de  l'auteur,  aura  lieu 
avec  le  concours  de  M"**  Dyna  Boumer,  Berthe  Chainaye,  Hélène 
et  Malvina  Schmidt,  Vandercammen,  et  de  MM.  Vandergoten  et 
Saey. 

Le  programme,  varié  et  intéressant,  qui  comprend  des  com- 
positions vocales  et  instrumcnlales,  promet  une  séance  des  plus 
attrayantes. 

Des  cartes  cTenlr^îe  (à  6  et  à  o  fr.)  sont  déposées  chez  les  édi- 
teurs de  musique  et  chez  M.  René  Devleeschouwer,  ol,  rue  Saint- 
Josse! 

Une  audition  d'œuvres  de  musiciens  belges  sera  donnée  le 
30  avril,  à  8  heures  du  soir,  à  la  salle  Marugg,  par  les  soins  des 
membres  de  l'Unie  club  qui,  l'an  dernier,  avaient  organisé  déjà 
une  séance  analogue. 


Par  jugement  en  date  d'hier,  le  tribunal  de  commerce  do 
Bruxelles  a  rapporté  la  faillite  q^ui-avait  été  prononcée  par  défaut, 
il  y  a  quinze  jours,  à  charge  de  M.  Victor  Silvestre,  ancien 
directeur  de  l'Alhambr^^cluellement  à  Paris. 


Le  comité  forhié  pour  l'organisation  de  celle  expositron  se 
compose  de  MM.  Edmond  de  Concourt,  Pli.  Burly,  Gonse, 
Monlefiore,  Anlonin  Proust,  E  Taigny,  Ch.  Gillotel  Bing. 

M.  Bing,  dont  on  sait  les  merveilleuses  collections,  a  été  l'ini- 
tiateur do  ce  projet  qui  est  assuré  d'un  grand  succès.  Celle  expo- 
slion  foni  connaître  au  public  parisien  les  merveilles  de  délica- 
tesse ci  de  coloris  que  jusqu'à  présent  quelques  amateurs  avaient 
seuls  pu  apprécier. 


La  quatrième  exposition  de  Blanc  et  Noir  aura  lieu  cetlc  année, 
en  octobre  et  novembre,  au  Pavillon  de  la  Ville  de  Paris. 

Pour  tous  renseignements,  s'adresser  à  M.  E.  Bernard,  direc- 
leur-adminislraleur,  7i,  rue  La  Condamine. 


Une  intéressante  exposition  de  l'Estampe  Japonaise  s'ouvrira 
le  22  de  ce  mois,  h  Paris,  à  l'Ecole  des  BeauxT,\ris. 


L'Exposition  musicale  qui  devait  s'ouvrir  à  Vienne  l'été  pro- 
chain, en  même  temps  que  le  grand  festival  des  chanteurs  alle- 
mands, sera  remise  au  printemps  de  l'année  1891.  Au  lieu  d'être 
circonscrite  à  l'élément  auslro-hongrois,  l'Exposiiîon  sera  inter- 
nationale et  toules  les  nations  du  monde  civilisé  seront  invitées  à 
y  participer. 

Madame_.Cosima  Wagner  vient,  dit  Gil  Bla.%,  d'accorder  à 
l'Opéra  royal  de  Milan  l'autorisation  de  donner  celle  année  quel- 
ques représentations  de  Parsifnl.  On  sait  que,  jusqu'ici,  le 
théâtre  de  Bayreulh  avait  conservé  le  monopole  de  la  dernière 
œuvre  de  Richard  Wagner. 


L'influence  d'Antoine  s'étend  jusqu'en  Allemagne,  dit  l'Echo  de 
Paris. 

La.tréalion  d'un  théâtre  libre  à  Berlin  est  assurée.  Les  repré- 
sentations  seront   données   les  dimanches  après-midi.  Le  prix 
d'entrée  unique   sera   très  .modique   et  se   montera  à"'  peine  à' 
2  francs.  .  ' 

Parmi  les  dift'érenles  villes  des  Etai^^^lai^  où  l' Angélus  de 
Millet  a  été  exposé,  il  s'en  trouve  quelques-unes  dont  les  habi- 
.tants  ont  plus  le  sentiment  dès  affaires  que  celui  des  f^eaux-arts. 

Dans  l'une  de  ces  dernières,  le  public  ne  semblant  pas  se  rendre 
compte  de  ce  que  voulait  dire  au  juste  le  tableau,  les  organisa- 
teurs de  la  tournée  d'exposition  eurent  l'idée  merveilleuse  do 
placer  au  dessous  une  pancarte  explicative  sur  laquelle  on  lisait  : 
«  Ils  enterrent  leur  enfant  »  ! 


Entretiens  politiques  et  littéraires.  —  Sommaire  du  numéro 
d'avril  :  Thomas  Carlyle,  Des  Symboles.  Paul  Adam,  Le  Socia- 
lisme européen.  Georges  Vanor,  Propos  de  Carême.  Francis 
Vielé-Grifïî'n,  Un  livre  nouveau.  Notes  ei  noiulos.  — Paris,  librai- 
riç  de  VArt  indépendant,  rue  de  la  Chaussée  d'Anlin,  \l.  — 
Prix  :  25  centimes. 


'  La  Wallonie.  —  Sommaire  des  n"»  2-3  :  Emije  Verhaoren, 
Soirs  de  jardin.  Charles  Van  Lerborghe,  Taie.  Francis  Vielé- 
Griffin,  Mon  rêve  de  ce  soir.  Charles  Delchevalerie.  i4i'n7  d'âme. 
Gabriel  fiourex,  Prélude.  M^rio  Varvara,  de  i  <■•■  Album  parisien  ». 
Jules  Bois,  Tes  Veux.  Au^usie  Vierset,  From  Home:  The  Tower 
I  Westminster-Abbey).  Charles  Sluyts,  Vers.  Henry  van  de  Vclde. 
Not^  d'Art.  Jean  Delville,  Saint-Jean,  le  Théoloqieji  :  l'Ame 
lies  foules.  P. -M.  01in,,Ch.  D..  etc.  Chronique  d'Art.  Hubert 
Krains,  Chroynque  littéraire.  Petite  Chronique. 


y 


^ 


i  . 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


LIGNE   D'OSTENDE-DOUVRES 


La  plus  courte  et  la  moi7i5  coûteuse  4cs  voies  extra-tapides  entre  le  Continent  et  TAngleterre 


Bruxelles  à  Londres  en 
GolognjB  à  Londres  en 


8  heures. 
13       - 


Berlin  à  Londres  en 24 


Vienne  à  Londres  en. 
B&le  à  Londres  en.  . 
Milan  à  Londres  en  . 


36  heures. 
'M      -, 
33      - 


XROis  i»e:rvice:is  k^^ilr  jour 


D'Ostende  à  6  h.  matin,  10  h.  15  matin  et  8  h.  20  soir.  —  De  Douvres  à  11  h.  59  matin,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

XR^^' érigée:  e:iw  xroii^  heures  ^ 

PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS 

Princesse  Joséphinejl^incâsse  Henriette,  Prince  AU^ert,  La  Flandre  et  Ville  de  Douvres 

partant  journellement  d'OS^ESiÇE/à  6  h.  matin  et  10  h.  15  matin;  d«  DOUVRES  à  11  h,  59  matin  et  3  h.  après-midi. 

Salons  luxueux.  —  Fumoirs.  —  VentUlation  perfectionnée.  —  Éclairage  électrique.  —  Restaurant. 

BILLETS  DIRECTS  (simples  ou  «lier  et  retour)  entre  LONDRES,  DOUVRBS.  Birmingham,  Dublin,  Edimbourg,  Glascow, 

Liverpool,  Manchester  et  toutes  les  grandes  villes  de  la  Belgique 
et  entre  LONDRES    ou   DOUVRES  et  toutes  les  grandes  villes  de  l'Europe. 


'  BILLETS  CIRCULAIRES 

Supplément  de  2»  en  l'^  classe  sur  le  bateau,  fr.  2-35 
CABINES  PARTICULIÈRES.  —  Prix  :  (en  sus  du  prix  de  la  i^  classe),  Petite  cabine,  7  francs;  Grande  cabine,  14  francs. 

A  bord  des  malles  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette 
Spécial  cabine,  28  francs;  Cabine  de  luxe,  75  francs. 

Pour  la  location  à  l'avance  s'adresser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  {Qvai)  ou  à  l'Agence  des  Chemins  de  fer  de  VÊtat-Belge 
Northuntberland  House,  Strond  Street,  n°  17,  à  Douvres. 

Excursions  à  prix  réduits  de  50  o/o,  entre  Ostende  et  Douvres,  tous  les  jours,  du  l*' juin  au  30  septembre. 
Entre  les  principales  villes  de  la  Belgique  et  Douvres,  aux  fêtes  de  Pentecôte  et  de  l'Assomption. 

AVIS.  —  Buffet  restaurant  à  bord.  —  Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  —  Accostage  à  quai  vis-à-vis  des  stations  de  chemin  de 
fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits).  —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  -  Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  l'Exploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  l'Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  V État- Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Qracechurch-Street,  n»  53,  à  Londres,  à  V Agence  de  Chemins  de  fer 
de  VÉtat,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vrancken,  Domkloster,  n»  1,  à  Cologne. 


p'TUDE  DU  NOTAIRE  DELVAULX,  A  MALIXES 


VENTE  PUBLIQUE 

DE  SPLENDIDES 


ANCIENNES  TAPISSERIES   FLAMANDES 


-A.  :m:-a.i_.iites 


Le  notaire  VAN .  MELCKEBEKE,  résidant  à  Maiiiics,  à  l'inter- 
vention de  son  collègue  maître  DEL  VAUX,  en  la  même  ville,  vendra 
publiquement  le  Vendredi  9  Mai,  ù  3  heures,  en  la  mortuaire  de 
M.  D'Avoine,  rue  des  Vaches,  n»  33,  à  Malines  : 

Les  magnifiques  TAPISSERIES  FLAMANDES  garnissant  le  grand 
salon,  représentant  :  paysages,  oiseaux  et  verdures  avec  larges  boi"- 
*dures  de  fleurs  et  comprenant  cinq  grands  panneaux,  mesurant  : 
l»  5«',45  sur  3'n,25  ;  2»  4">,86  sur  3'n,25  ;  3*  2'»,66  sur  3"',23  ;  4°  4'n,53 
sur  3", 25;  5°  3'°,40  sur  3", 25;  et  deux  petits  panneaux,  mesurant  le 
1"  0'n,82  sur  3", 25  et  le  2«  0'n,4û  sur  3"',25. 

Ces  tapisseries,  par  leur  ancienneté,*'le  fini  de  leur  exécution,  la 
délicatesse  des  couleurs  et  leur  parftiit  état  de  conservation,  méritent 
de  fixer  l'attention  de  tous  les  amateurs. 

Deux  magnifiques  MEUBLES  ANCIENS  avec  incrustations  et 
peintures  (scribans). 

On  peut  se  procurer  la  photographie  du  panneau  prin- 
cipal en  l'étude  du  dit  notaire  DELVAULX,  rue  Louise, 
35,  à  Malines,  moyennant  envoi  d'une  somme  de  2  francs. 


PIANOS 


BRUXELLES 
me  Thérésiénne,  6 


GUNTHER 


VENTE 

ÉCHANGE 

LOCATION 

Paris  1867, 1878,  1"  prix.  —  Sidney,  seuls  1"  et  2«  prix 
EIPOSITIOIS  ilSTERDil  1883,  ilTEBS  1885  DIPLOIE  D'IOmOl. 

Breitkopf  et  Hartel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 


TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-G.  Lobe. 

Traduit   de   l'allemand   (d'après   la  5^  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8f>.  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  con^pàsition  libri^,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  ube 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  metti^a  le  public  français  à 
'même  d'apprécier  un  des  rares  ouvrages  d'enseignement  musical  les 
plus  estimés  eh  Allemagne.  ' 


BruxeUes.  —  Iinp.  V*  Monnom,  26,  rue  d«  l'Industrie. 


Dixième  année.  —  N"  17. 


Le  numéro 


:  2^ 


centimes. 


Dimanche  27  Avuil  1890. 


PARAISSANT     LE     DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


/ 


/  Comité  de  rédaction  :  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgifiue,    un    an,    fr.   10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES   :    Qn    traite   à    forfait. 

_ 

Adresser  toutes  tes  communications  â  > 

l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  26,  Bruxelles. 


S  0  M  M 


AIRE 


La  Bête  humaine.  -^  Mort  d'Edouard  De  Winteb.  —  Les 
MicRoiiES.  —  Livres  de  i'romexades.  —  Les  Crcmlecus  tr  Dolmens 
DE  Belgique.  —  Note.s  de  musique  :  Au  Conservatoire.  Aux 
Artistes-Musiciens.  —  SociiiTÉ  nationale  de  musique  :  20ô<^  concert. 
—  Cueillette  de  livres.  —  Petite  chronique. 


LA  BÊTE  HUMAINE 

par  Emile  Zola.  -  Paris,  chez  Charpentier,  éditeur. 

Certes,  ce  roman,  vers  la  trois  cent  cinquantième 
page,  sent  la  fatigue.  L'instruction  de  l'aflaire  Cabuche- 
Roubaud  n'est  guère  aussi  magistralement  décrite.quft. 
celle  de  l'aff'alre  Grand-Morin  et  la  lutte  de  Pecqueux 
et  de  Jacques  L|intier,  trop  à  la  diable,  menée,  aurait 
précipité  le  dénouement  dans  la  chute  mortelle  des  deux 
hommes,  n'étaient  les  quelques  splendides  lignes  finales 
sur  le  "  train  fantôme  ".  Et,  au  surplusyci  et  là,  on  songe 
à  tels  romans-feuilletons  à  caisse  de  suspensions  brusques 
de  récit,  augmentant,  selon  les  vieilles  formules,  «  l'in- 
térêt du  récit  " .  Quand  Flore  amène  l'attelage  du  jcar- 
rier  Cabuche  sur  les  rails  du  passage  à  niveau  de  la 
Croix-Maufras  et  que  le  déraillement  de  l'express  du 
Havre  à  Paris  se  produit,  il  y  a  des  pages  et  des  pages 


d'arrêt  avant  que    l'auteur  ne    décrive  les  résultats 
angoisseux  de  la  catastrophe. 

Ajoutons  que  les  procédés  ne  changent  point  :  le^ 
personnages  se'  racontent  en  discours  indirects  tout 
au  long  du  livre;  les  bouts  de  conversations  coupent, 
•d  point  nommé,  les  récits;  les  caractéristiques  toujours 
identiques  sont  données  chaque  fois  que  tel  personnage 
entre  en  scène  ;  le  tout,  presqu'automatiquement. 

Mais  qu'importe  !  —  légères  tares  que  ceci.  L'œuvre 
n'en  demeure  guère  moins  :  une  qui  prend  place  à  côté 
des  Assomtnoir,  la  Terre  et  Geryainal. 

■  La  critique  a  été  prolixe  à  l'endroit  de  la  Bête 
humaine.  On  en  connaît  le  sujet;  tous  ceux  qui  se 
sentent  attirés  par  le^  aimants  du  génie  gros  et  vaste 
de  Zola  l'ont  lue.  Il  n'est  donc  nécessaire  de  raconter 
le  drame  ou  plutôt  les  drames  de  ces  quatre  cent  et 
quinze  pages.  Mieux  vaut,  crôyons-nous,  faire  la  cri- 
tique des  critiques  qu'on  en  a  faites  et  fixer  ainsi,  inci- 
demment, la  signification  et  la  valeup-diTtravail. 

Un  des  à  la  mode  greffiers,  enregistreurs  de  nouveautés 
littéraires,  parisiens,  atfirme  que^  pour  la  première  fois, 
l'auteur  n'a  pas  établi  ses  personnages  eu  rapport  avec 
leur  milieu.  Des  êtres  instinctifs  tels  que  Jacques, 
Flore,  Cabuche,  Séverine  poiiyaieut  se  mouvoir  et 
développer  leurs  vices  n'importe  où  ailleurs  que  dans 
des  centres  tels  que  Paris  et  lé  HAvre  et  en  d^s  halls,  des 
entrepôts,  magasins,  des  cabines  de. garde  et  des  tun- 


130 


VÂRT  MODERNE 


nels.  Ce  milieu  de  civilisation  leur  est  indifférent,  si 
pas  contraire. 

En  alignant  ce  reproche,  on  ne  sait  pas  l'étonnante 
atmosphère  de  fièvre  et  de  surexcitation  que  suscitent 
les  gares  et  les  ligne»jerrées.  La  soudaineté  des  signaux 
rouge-sang,  l'éclair  et  les  tonnerres  des  express  se  suc-* 
codant,  les  enfoncements  des  rapides  en  dçs  gouffres  de 
noir,  les  sinistres  appels  des  locomotives,  les  départs 
affolés,  les  foules,  les  cris  et  les  adieux,  tout  ne  se  fond-il 
pas  en  de  l'anxiété  et  de  la  trépidation?  Ceux  qui  tuent 
n'éprouvent  -  ils  pas  des  agitations  correspondantes 
ébranler  leur  cervèànTUn  meurtre  brusque,  longue- 
ment prémédité,  n'est-ce  pas  un  train  passant  comme  la 
foudre  à  travers  mille  périls  mathématiquement  con- 
jurés par  les  aiguilleurs  de  la  route.  La  perpétration 
du  désir  ne  fait-il  songer  à  des  affolements  de  cohue? 
La  tempête  d'une  arrivée  et  le  démarrage  lent  d'un  con- 
voi bondé,  n'ont-ils  pas  toujours  une  signification  sinistre 
de  victoire ouae  catastrophe  en  relation  avec  le  hasard. 
Et  puis,  comment  n'avoir  pas  compris  la  signification  du 
milieu  où  baignçnt  les  personnages,  quand,  dans  la  mai- 
sonnette des  Misard,  il  crie  à  chaque  ligne  l'opportunité 
de  son  choix?  Vraiment,  les  greffiers  de  la  critique 
parisienne  ont  des  distractions  graves. 

Ils  appuient  encore  :  Zola,  en  la  Bête  humaine,  n'a 
pas  entrepris  une  étude  unique;  il  a  étudié  deux  classes 
dé  gens  :  les  fonctionnaires  des  chemins  de  fer  et  ceux  de 
la  justice.  L'intérêt  bifurque,  le  roman  se  relâche  au 
lieu  de  se  serrer. 

Parfait  —  seulement  on  oublié  que  les  fonctionnaires 
des  chemins  de  fer  ne  sont  envisagés  que  comme  délin- 
quants :  joueurs  ou  assassins  —  ce  qui  ne  veut  pas  dire 
évidemment  qu'il  n'y  a  que  des  criminels  dans  la  Com- 
pagnie de  l'Ouest  français — et  qu'envisagés  tels,  ils  sont 
nécessairement  mis  en  présence  de  cette  autre  catégorie 
de  fonctionnaires,  les  juges.  Il  est  impossible  de  faire 
une  physiologie  d'assassin  ou  d'empoisonneur  se  mou- 
vant en  une  société  moderne,  sans  lui  donner  comme 
relation  une  physiologie  de  magistrat.  Le  monde  des 
filous  et  celui  des  cours  de  justice  entretiennent  de  trop 
nécessaires  rapports.  Il  était  donc  fatal  que,  dans  la 
Bêle  humaine,  les  deux  mondes  fussent  examinés 
coiTélativement. 
Et  maintenant,  un  mot  sur  les  protagonistes  du  livre. 
D'abord  Jacques  Lantier.  C'est  lui  l'assassin  né,  celui 
qui  tue  parce  qu'il  le  doit,  parce  qu'à  tel  instant  ses 
mains  n'obéissent  plus  à  sa  volonté  et  que  rien  au  monde 
ne  pourrait  retarder  ce  qui  doit,  à  tels  moments, 
arriver  malgré  tout.  C'est  le  type  !e  plus  net  de  bête 
humaine.  ^ 

yauteur  ne  le  fait  agir  que  sous  ce  mobile  général  ci  : 
venger  d'anciennes  injures  reçues  de  la  femme  par  les 
mâles,  ses  ancêtres,  là-bas,  très  loin  dans  les  temps,  au 
fond  des  cavernes.  Cette  raison  de  tuer  nous  paraît 


littéraire.  Et  surtout  n'admettons-nous  p?is  qu'elle 
vienne  à  l'esprit  d'un  mécanicien,  simple  employé, 
presqu'un  ouvrier.  Des  hommes  comme  Jacques  Lantier 
ne  se  font  pas  de  tels  raisonnements.  Mais  nous  admet- 
tons parfaitement  que  des  types  d'assassins,  tels  que 
Jacques  existent,  nombreux,  et  que,  dans  le  roman,  il 
vive  de  sa  vraie  vie  de  bête  incivilisable. 

Roubaud  n'est  qu'un  quelconque  brutal.  C'est  le 
jaloux,  un  Othello  bourgeois,  un  Othello  d'occasion, 
qui  obéit  plus  à  des  préjugés,  qu'à  de  la  vraie  passion. 
Le  président  Grandmorin  l'a  déshonoré  en  violant  sa 
femme.  C'est  leur  injure  qu'il  venge,  bien  plus  qu'autre 
chose.  Sa  femme  il  l'aime,  mais  non  pas  assez  pour 
continuer  à  l'aimer  à  travers  leur  crime. 

Misard  fait  songeràces  assassins  vieillots,  méticuleux, 
petits,  dont  l'arme  doit  nécessairement  être  sournoise 
comme  le  poison  est  lent.  Il  y  a  en  lui  du  putois  et  de  la 
souris.  C'est  un  rongeur  de  vie  et  non  pas  un  abatteur 
d'existences.  Il  est  terne,  d'un  ton  gris  et  jaune,  il  fait 
songer  à  des  types  comme  l'horloger  de  Montreuil.  C'est 
l'assassin  de  village,  des  chaumières,  des  petites  fermes 
au  loin  en  des  abandons  de  campagne.  Et  naturellement 
son  mobile  à  lui  doit  être  le  plus  bas  qui  soit  :  l'argent. 

Flore  tue  comme  une  femme,  étourdiment.  Que  lui 
importe  une  vingtaine  de  morts  inutiles,  pourvu  qu'elle 
arrive  au  but.  Elle  fait  dérailler  tout  un  train,  et 
occasionne  une  catastrophe  vaine  pour  elle.  Et  logique, 
toute >à  sa  passion,  elle  se  tue  après. 

Séverine,  c'est  la  complice.  Celle  qui  pourrait  avoir 
des  remords,  mais  dont  la  passion  violente  et  profonde 
étouff'e  toute  reddition  de  compte  de  conscience.  Son 
amour  pour  Jacques,  amour  net,  vrai,  total,  seul,  la 
jette  dans  la  lutte  humaine  et  logiquement  dans  la 
mort.  Assassiner  lui  paraît  naturel,  si  pas  légitime. 
Aussi,  quand  Jacques  venu  pour  abattre  Roubaud,.  la 
tue,  elle,  n'a-t-elle  qu'un  cri.  Elle  ne  proteste  pas  contre 
le  meurtre,  elle  ne  proteste  que  contre  l'erreur  sur  la 
personne.  —  «  Jacques,  Jacques.  .  moi!  mon  Dieu! 
pourquoi  ?  »  Zola  a  fouillé  assez  profondément  cette  pas- 
sion :  l'amour  sanglant.  Mais,  quoiqu'il  proteste,  il  ne 
la  distingue  guère  assez  du  sadisme  ;  l'idée  de  la  mort 
vient  à  Jacques  toujours  au  juste  moment  précis  où  lui 
vient  l'idée  de  volupté.  La  chair  l'aveugle  jusqu'au  sang. 
Certes,  lutte-t-il  contre  sa  sinistre  fatalité.  Il  s'en  défend 
—  victorieusement  souvent.  Ce  qui  n'empêche,  que  c'est 
au  récit  fait,  par  Séverine,  du  meurtre  du  président 
Grandmorin,  qu'il  se  renfiamme  à  sa  manie  et  que  c'est 
pour  sentir  des  tressants  d'agonie,  scander  leurs  baisers 
qu'il  ne  peut  retarder  de  l'abattre,  elle  aussi.  C'est  pas 
sadisme  pur  :  de  la  cruauté  pour  de  la  cruauté  ;  mais  : 
de  la  cruauté  çlour  de  l'amour. 

Il  suffit  d6"noter,  comme  nous  venons  de  le  faire,  ces 
quelques  caractères  et  d'ajouter  que  c'est  leur  dévelop- 
pementlogique  et  habile,  qui  seul  compte,  pour  faire 


Vc 


'^A 


.  .       .  ■) 

admettre,  croyons-nous,  qu'avant  d'être  n'importe  quoi, 
la  Bête  humaine  est  une  étude  sociale  du  crime.  Et 
puissante,  certes. 

Dans  V Assommoir,  Zola  documenta  la  passion  alcoo- 
lique; dans  Germinal,  l'agitation  révolutionnaire  ;  dans 
la  TetTe,  l'avarice  terrienne  ;  dans  la  Bêle  humaine, 
l'assassinat.  Tous  ces  livres,  au  premier  chef,  sont 
livresdémocratiques.Les  vices  étudiés? — ceuxdu  peuple. 
Les  protagoniste»?  —  gens  de  travail  manuel,  ouvriers, 
•  paysans,  ou  gens  à  peine  sortis  du  tâcheronat.  Et  pour 
mener  à  bien  ces  problèmes  d'une  signification  si  grande, 
certes,  a-t-il  été  permis  au  romancier  de  négliger  et,  au 
'^pis,  de  rater  telle  étude  précédemment  consacrée  aux 
mondes  bourgeois  ou  aristocratique.  Il  avait  les  doigts 
trop  gros  pour  tou^er  à  autre  chose  qu'au  peuple. 
Mais  à  celui-là,  il  a  atteint  avec  des  doigts  chargés  de 
génie.  C'est  là  sa  force,  toute.  Et  tel,  prend-il  rang 
parmi  les  hommes  littéraires  de  ce  siècle,  les  plus  ori- 
ginaux et  les /plus  superbes. 

Balzac?  C'étaient  des  marquises  et  des  ducs,  des 
canailles  huppées  et  des  aventurières  raffinées,  des 
bourgeoise^ dignes  d'être  princessesou  asàez  impatientes 
d'elles  pour  se  créer  courtisanes;  c'étaient  des  rasta- 
qouères  de  génie,  des  bandits  dandysés,  des  criminels 
plus  audacieux  et  plus  habiles  que  des  hommes  d'Etat; 
c'était,  en  un  mot,  l'individu-héros,  placé  dans  le  haut 
de  la  société,  ou  bien,  venu  du  bas,  mais  y  étant  grimpé  ; 
c'était  l'homme  seul  et  la  comédie  humaine  n'est  qu'une 
collection  de  spécimens,  tous  haussés  jusqu'au  type  — 
îiu  fond,  jusqu'à  Balzac-Protée. 

Stendhal?  C'était  la  volonté.  Une  étude  non  pas  tant 
de  personnages  que  de  facultés  d'âme.  Etudes  aussi  de 
l'habileté,  de  la  bravoure  à  froid,  de  la  diplomatique 
passion  d'amour.  Stendhal  disserte  avec  des  preuves  à 
l'appui  de  son  dire.  Il  était  trop  monsieur  cravaté  de 
blanc  et  habillé  de  noir  pour  descendre  en  dessous  d'un 
certain  pî^lier  de  l'escalier  social. 

Flaubert?  —  son  art  trop  parfait  pour  être  vaste.  Et 
les  Concourt?  —  mosaïstes  patients  et  curieux  et  aigus, 
plutôt  que  romanciers  nécessaires.  Livres  suprêmes, 
mais  œuvre,  ni  assez  large,  ni  assez  ramue. 

Hugo?  Celui  qui  n'a  jamais  été  un  regardeur  mais 
qui  toujours  fut  un  voyant.  Ses  Misérables  et  ^on 
Homme  qui  r<7etses  Travailleurs  delà  «îc'r  sont,  avant 
d'être  des  livres,  des  légendes.  Légendes  modernes  ou 
contemporaines,  comme  ses  poésies  sont  légendes  à  tra- 
vers les  temps.  Mais,  s'il  est  vrai  que  toujours  le  vague 
en  n'importe  quoi  précède  le  déterminé  et  le  positif,  et 
(juexde  lui  sort  le  certain  et  le  réel,  comment  ne  pas  sai- 
sir, presque  instantanément,  la  liaison  et  le  rapport  entre 
les  romans  fobuleux  de  Hugo  et  les  romans  précis  de  Zola. 

N'ont-ils  pas  le  rapport  de  l'astrologie  avec  l'astre- 
minie,  de  l'alchiniie  avec  la  chimie?  En  somme,  ne  sor- 
tent-ils pas  les  uns  des  autres? 


r 


Au  peuple,  Balzac  n'avait  guère  touché.  Hugo  avait 
imaginé  d'en  extraire  une  épopée.  Zola,  le  premier, 
en  tire  des  éludes,  qu'il  étiquiFtte  romans.  D'où  l'on  peut 
conclure,  que  si  le  chef  du  naturalisme  français  se 
réclame  de  Balzac,  il  n'est  certes  pas,  comme  il  l'écrit, 
indépendant  de  Hugo.  Il  les  réunit  en  lui,  et  peut  être 
tient-il  plus  de  celui-ci  que  de  celui-là.   ' 

La  Terre,  Germinal,  la  Bête  humaine  évoluent  au- 
tour des  Misérables  bien  plus  qu'autour  des  Paysans 
ou  de  Vautrin.  Ils  sortent  de  ce  livre  social,  lui  aussi, 
livre  aïeul,  livre  héroïque,  livre  plein  d'utopies  et  de 
rêves,  de  fables  et  de  merveilleux,  mais  livre  vaste  où 
—  ce  qu'on  ne  sent  pas  dans  Balzac  —  on  voit  passer  et 
penser  et  agir  des  foules  et  les  hommes  de  la  foule. 

Il  resterait  à  examiner  le  symbolisme  de  Zola,  ses 
attaches  romantiques,  sa  manie  de  personnification  des 
choses.  Il  grossit  comme  tels  autres  lyriques  grandissent. 

Aussi,  à  dire  pourquoi  il  arrive  à  son  heure  et  pour- 
quoi ses  livres,  criants  d'actualité,  inaugurent  —  psy- 
chologie ou  physiologie?  —  question  de  mots  !  —  l'étude 
de  l'humanité  de  demain,  celle-  non  plus  d'un  type 
humain,  mais  de  classes  humaines.  Dans  cet  avenir, 
qui,  suivant  nous,  Réparera  de  plus  en  plus  les  prosa- 
teurs des  poètes,  le  fait  du  romancier  sera  de  faire 
l'histoire  des  groupes  et  des  collectivités  en  une  langue 
très  plane  et  très  compréhensible. 

Le  reste  sera  aristocratie  et  poésiej  Et  la  prose  poé- 
tique mais  bâtarde  n'existera  plus, 

A  ce>Mtre\  les  derniers  livres  de  Zola  sont  précur- 
seur^ pour  notre  personnel  souhait. 


MORT  D'EDOUARD  DE  WINTER 

Inopinément,  Edouard  De  Winter,  directeur  de  l'im- 
primerie d'où  notre  journal  se  publie  depuis  deux 
lustres,  est  mort,  jeudi  dernier. 

Ceux  qui,  depuis  ces  quelques  ans,  ont  tâché,  en  Bel- 
gique, de  présenter  leurs  œuvres  en  des  éditions  déco- 
ratives et  belles  ont  trouvé  en  lui  l'auxiliaire  qu'il  fallait. 
Ouvrier  artiste,  il  l'était.  C'est  sous  sa  continuelle  sur- 
veillance qu'ont  paru  ces  éditions  dont  quelques-unes 
resteront  classées  comme  chefs-d'œuvre  de  typographie  : 
ia  Forge  Roussel,  le  Jwv,  la  dernière  édition  de  la 
Veillée  de  rhuissier,  les  Milices  de  SaiHt-Fra)içois, 
le  Parnasse  de  la  Jeune  Belgique,  les  Chi?nèrcs, 
Hors  du  Siècle,  Mon  C(CHr  pleure  d'autrefois,  les 
Soirs. 

Les  lettres  belges  lui  doivent  donc  d'être  sorties  du 
bouquin  et  d'être  entrées  dans  le  livre.       .  ^ 

L Art  moderne  SQ  souvient  aussi  :  c'était  grâce  à  lui 
(|ue  la  composition  des  articles  se  faisait  vite,  que 
is  mises  en  page  s'accéléraient  et  que,  le  dimanche 


î 


132 


L'ART  MODERNE 


matin,  toujours,  sans  jamais  une  omission,  le  journal 
paraissait. 

Edouard  De  Winter,  de  manières  rondes  et  bien  por- 
tantes, avait  l'accueil  bon,  ce  qui  ne  l'empêchait  d'avoir 
îœil  toiijours  vigilant  et  clair  en  afîiiires.  Il  était  aimé 
d^ceux  à  qui  il"  commandait.  Il  laisse  après  lui  le  sou- 
venir d'un  nom  qu'on  n'oubliera  pas  dans  la  biblio- 
philie de  sop^pays. 


i^KS  mieitORES 

l'ièco  en  lroisact(>s,  par  Jules  GiiilliSumo,  un  vélcran,  le  sccré- 

laire  du  Conscrvaloiiv  do  lîruxelics,  el  Louis  Clacs,  soldai  mûr 

de  l'an  dramatique,  irès  opiniâlro,  qui  n'a  recueilli  en  celle clière 

>     Belgique,  i)alri.e  de  la  Zwanzo,  qu'ennuis  el  ddboires,  et,  depuis 

quelques  mois,  gile  à  Paris.  \ 

Deux  Beljjj^!  Assurés  donc  do  trouver  la  presse  d'ici  hostile. 
Non  pas  jiislc  en  sa  sévérité  si  celle-ci  était  nécessaire,  mais 
hostile,  goguenarde,  zwanzeusc,,  c'est  obligé.  VA  on  l'a  vu  ces  jours 
derniers.  Dédain  ou  blague,  c'est  tout  ce  qu'ob;ienl  d'elle  l'efforl^ 
des  obstinés  de  chez  nous,  se  donnant  en  proie,  non  pas  L  des  cri- 
tiques d'art  (où  y  en  a-t-il?),  mais  à  de  vulgaires  reporters  d'art, 
ignorants  el  insolents  pour  la  plupart  cl,  par  dessus  le  marché, 
réclaïnanl  des  égards. 

Les  Microbes  sont  assurément,^  après  le  Mâle  de  Camille 
Lomonnier,  la  meilleure  des  œuvres  belges  de  lliéâire  qui  furent 
ici  jouées.  «  Qui  ftirent  jouées  »,  car  il  en  est  d'autre^que  leurs 
auleurs  avisés  ont  soustraites  au.x  bavardages  et  aux  bavages  des 
journalisles  employés  au  service  des  premières  cl  s'acquillanl  des 
Revoirs  de  celle  domesticité  comme  ils  fq^t  de  la  réception  d'un 
personnage  célèbre  djns  une  gare,  courant  devant,  courant  der- 
rière, et  montant,  s'ils  sont  adroits^  en  valets  de  pied  h  côté  du 
cocher.  '  ' 

MM.tjftlliaumc  el  Claes  ont  tenté,  à  propos  des  moeurs  bruxel- 
loises, les  descriptions  hardies  du  Théâtre-Libre.  Ils  avaient  pré- 
cédemment, chacun  de  son  côié,  broché  des  œuvres  théâtrales 
sur  les  vieux  patrons  des  comédies  el  des  drames,  soit  en  prose, 
soit  en  vers.  Qui,  même  parmi  les  plus  forts,  saurait  encore  faire 
accepter  cessempilernalités?  Très  bravement,  très  modesiemeni, 
ils  onL  lûché  le  culte  usé  pour  s'essayer  au  neuf  que  Bocque, 
Ancel  el  les  autres  ont  découvert  et  osé.  Les  Microbes  s'ingé- 
nient à  dépeindre  pai'  les  Ions  crus,  les  perspectives  courtes, 
l'action  brusque,  le?  procédés  concentrés  de  la  scène,  un  très 
vilain  côté  de  Texi^lcn^e  bourgeoise  :  les  domestiques  !  ceux  du 
beau  monde  s'entend;  et  surtout  la  lutte  constante,  hyprocrile, 
hideuse  du  domestique  contre  le  maître,  le  sabbat  de  l'oflice,  de 
la  cuisine,  de  la  mansarde  où  ce  monde  de  parasites  avilis  parla 
servitude,  se  livre  Ji  ses  vices,  imités  de  ceux  du  salon  el  à  ses 
haines  mé|)risantes,.  féroces,  sournoises. 

Au  premier  acte  on  les  voit  au  Bal  des  gens  de  maison,  insii- 
tulion  réelle  et  bizarre,  qui  a  le  Pelit-^Paris  du  boulevard  du 
Itégcnt  pour  champ  clos.  Ils  sont  là,  singeant  les  Hlaïïrïîs,  emprun- 
tant leurs  titres,  et  peut-être  aussi  leurs  babiurct  leurs  robes,  tra- 
vestis en  personnages  du  monde,  les^Temmcs  minaudant,  les 
hommes  paradant,  et  tous  crarhant  les  récils  des  malpropretés 


sans  nombre  auxquelles  ils  assistent,  ou  qu'ils  devinent  avec  la 
perspicacité  de  leur  affreuse  expérience.  Certes,  si  le' personnel 
scéniquc  chargé  d'exprimer  celle  mêlée  d'êtres  redoutables  se 
eommuniquant  le  bilan  de  ses  espionnages,  avait  moins  de  lour- 
deur et  plus  de  naturel,  cet  acte  apparaîtrait  valant  mieux,  beau- 
coup mieux  que  les  adaptations  gauches  qu'on  a  fuites  des 
romans  de  Zola.  Mais  qu'ils  sont  Lourds!  qu'ils  sont  lourds!  et 
composés! 

Les  doux  autres  actes  tiennent  du  drame.  Ils  développent  en 
incidents  rapides,  typiques,  souvent  saisissants,  celte  anecdote 
tragique  :  un  couple  de  ménagers,  intendants,  concierges,  circon- 
venanl  une  vieille  fille  1res  riche,  non  par  la  douceur  caressante, 
mais  par  celte  douceur  spéciale  et  terrible  sous  laquelle  on  sent 
la  menace,  la  violence  toujours  prêtes  h  éclater,  inspirant  la  ter- 
reur, une  terreur  muette,  fascinée,  qui  n'ose  pas  résister,  qui  se 
soumet  humblement,  avec,  pourtant,  l'ardent  désir  impuissant 
de  fuir,  de  se  libérer,  d'obtenir  du.  secours.  Psychologie  com- 
plexe-d'une  âme  féminine  timide,  désarmée  par  l'âge  et  l'isole- 
menl,  que  M"""  Marie  Georges  a  admirablement  exprimée  dans  ses 
multiples  nuances.         *- 

Celte  tragique  figure  de  l.i  vieille  M""  Englebert  est  ce  qu'il  y 
a  de  mieux  dans  l'œuvre,  et  l'inlerprètc  en  a  saisi  les  nuances  avec 
une  pénétrante  intelligence.  A  lui  ^eul  ce  type  d'hésitation  crain- 
tive, de  bonté  asservie,  d'âme  tremblante  dont  la  tendresse  est 
écrasée  par  l'effroi,  eût  mérité  les  éloges  d'une  presse  qui  n'eût  pas 
éié  pourrie  de  zwanze.  Il  va  sans  dire  que,  sauf  de  rares  unités, 
SOS  représentants  ont  écoulé  el  regardé  en  ne  songeant  qu'à  ceci  : 
Qu'est-ce  qu'il  y  a  là  dedans  qu'on  ])ourrail  blaguer  ? 

Los  deux  vampiriques  serviteurs  qui  volètent  autour  du  tou- 
chant principal  rôle,  sont  très  justes  de  dessin  :  avides,  incon- 
scients, horriblement  froids  et  destructeurs.  Les  auteurs  les  oni 
fortement  peints  pap-des  bribes  de  langage,  des  jeux  de  scène, 
des  mots  à  nette  effigie.  El  les  deux  acteurs  sont  bien  dans  la 
peau  de  ces  calmes  brigands,  qui  ne  représentent  plus  la  domes- 
ticité universelle  du  premier  acte,  s'agilant  en  foule  compacte  et 
fongible,  mais  des  lypes  de  la  domesticité  héroïquement  per- 
verse., i  ■ 

Les  Microbes  ont  éié  bien  accueillis  par  le  public  restreint  qui 
aime  l'effort  en  avant.  On  n'y  trouve  pas  la  persistante  aisance 
des  grands  faiseurs  :  de  cl  de  là,  des  défauts  d'adresse.  Mais 
l'œuvre  est  sincère  et  vaillante.  Elle  est  telle  qu'on  pressent 
''<iu'avec  quelque  encouragement  elle  sentiment  qu'il  y  a  chez  les 
auditeurs  certaine  bienveillance,  ceux  qui  l'ont  charpentée  feraient 
apparemment  mieux  sans  tarder.  Mais  comment  espérer  cettb 
bonne  volonté  de  noire  public  el  de  notre  presse?  Un  écrivain 
qui  court  la  piste  littéraire  en  Belgique,  ressemble  à  ces  chiens 
qui,  sur  les  champs  de  course,  se  risquent  entre  les  deux  rangées 
de  spectateurs  :  on  les  hue,  on  les  siffle,  on  les  épouvante,  on  leur 
j'ilc  dos  pierres  el  des  ordures;  les  pauvres  bêtes  effarées 
prennent  le  galop,  poussent  en  avant,  reviennent,  pointent, 
repartent,  et  finissent  par  disparaître,  fuyant  au  delà  des  fcûn- 
lières. 

Ah!  le  Belgico-morbus! 


TT 


VART  MODERNE 


133 


r^ 


JiIVRE?     DE    PROMENADE^ 

Guide  pratique  du  promeneur  aux  environs  de  Bruxelles, 

publié  sous  les  nuspicosdii  Club  alpin  belge  par  Albert  Dohois  el 
*       Louis  Navez.    lUuslrations  de    II.    Cassieus  el   A.  Roweh.    — 
Bruxelles,  J.  Lobè;^c  el  C''';  in-16  de -174. pages,  couvorlure  toile, 
avec  une  carte. 

Huy- Pittoresque.  — Guide  de  roxcursionniste|par  Jean  GouaVARu, 
avec  une  préface  de  M.  Edmond  Picaud,  —  Huy,  Charpentier  el 
Emond,  éditeurs,  1889;  petit  in-S"  de  20G  pages,  avec  une  carte  et 
un  plan. 

Voici  que  le  printemps  vcidil  les  campai:;n('s  ol  invilo  à  qiiiltor 
les  réclusions  ciiadinos.  Aussi  son!-ils  bien  vonus  les  livres  qui 
s'offrent  à  guider  ce  désir  de  promenade  el  nous  signalent  que  lii, 
il  nos  portes,  il  y  a  de  frais  p;rysiges,  de  belles  foréls,  d(!  pelilB 
chemins  ombreux  le  long  des  ruisseaux,  des  lieux  riches  de  sou- 
venirs, des  châteaux  qui  onl  en  leur  jour  dans  l'histoire,  des  églises 
attestant  encore  la  splendeur  d'abbayes  disparues,  cent  choses 
curieuses  ou  charmantes,  que  nous  ne  connaissons  pas  el  qui 
cependant  sont  plus  intéressantes  pour  nous,  que' bien  des  pays 
lointains  que  nous  allons  visiter  ^  grands  frais.  Dans  son  pelii 
espace,  notre  pays  offre  aux  excursions  une  remarquable  variété. 

En  son  ascension  conliAue  depuis  les  dunes  de  la  côte  jusqu'aux 
plateaux  des  hautes  fagnes",  le  dé^or  change  sans  cesse  el  îi  part 
ces  gigantesques  accidents  de  nature,  qui  ne  s;  rencon'rent  que 
dans  les  grandes  chaînes  de  montagnes,  on  p^ul  dire  que  l'on  y 
trouve  loul  ce  qui  peut  émou\7)ir  dans  la  nature,  tout  ce  qui  con- 
tribue à  la  rendre  tour  à  tour  gracieuse  ou  sauvage,  les  vastes 
horizons  et  les  vallées  obscures,  les  beautés  do  la  plaine  cl  celles 
du  mont. 

Ce  conlrast  >  est  bien  marqué  dans  les^  deux  pelils  livres 
que  nous  présentons  aujourd'hui  h  nos  lecteurs.  D'un  côté  le 
paysage  bruxellois,  qui  est  comme  une  première  transition  de  la 
plaine  aux  collines,  présentant  ici  ses  eaux  paresseuses,  ses 
grandes  prairies  aux  lointains  bleuâtr>'s  coupés  de  longues  lignes 
d'arbres  frissonnants,  là  ses  coteaux  boisés  ou  couveris  de  villas 
cl  de  culiures,  mais  offrant  toujours  aux  yeux  leurs  courbes 
molles  et  adoucies.  De  l'autre,  Huy,  dans  son  entonnoir  de  mpn- 
lign'^s  avec  ses  eaux  torrentueuses  resserrées  entre  des  rochers  ou 
coulant  au  fond  de  vallées  profondes;  les  courbes  molles  so'iil 
maintenant  d's  falaises  h  pic  ou  des  dégringolades  d  •  broussailles 
et  les  lointains  n'appiraissent  plus  que  pir  échapp.'es.  dans 
l'échancrurç  des  sommets.  El  que  de  roniraslcs  encon*.  si  nous 
voulions  poursuivre,  si"  nouv  passions  des  immenses  briiyèrçs 
et  des  sables  de  la  Campine  aux  gazons  mill '•tiaires  des  hautes 
fiigncs  où  l'on  a  pu  reircmver^a  ijaoe  de  passages  antérieurs  h 
ceux  des  armées  romaines;  diiVpaysage  boriin  loul  noirci  de 
fumée  aux  h  'rhages  du  pays  de  Hervé  que  des  liaie^  vives  divisent 
en  mille  enclos;  di'  la  grande  foret  ardennaise,  si  variée  elle- 
même  c^  son  étendue,  h  la  grasse  Hesbaye  débordante  de  culture* 
ds  bords  de  1 1  Lys  ou  de  l'Escaut  h  ceux  de  la  Semois  ou  de  la 
l.esse  si  difTéieiiles  entre  elles  et  si  différentes  aussi  de  la  Meuse 
dans  la  quelle  elles  se  pr^-denl.  Conçoil-on  qu'avec  une  pareille 
diversité  d  •  paysages  à  noire  portée,  nous  soyons  en  général  si 
sédentaires  el  (pie,  pour  la  p'upirt,  I -s  l)ourg<oisde  nos  villes  ne 
connaLssen!  (pie  leurs  murailles.  Bienvcaus  donc  encore  soient 
les  livres  qui  essaieul  de  nous  tirer  de  cell|j,^  inertie,  qui  nous 


appellent  îi  celle  fcle  des  sens,  qui  nous  convient  îi  rentrer  dans 
ce  que  la  préface  de  Huy-Atlraclions  appelle  si  bien  ce  paradis 
volontairement  perdu  :  la  campagne.  (Chaque  ville  devriilTiiro 
pour  ses  environs  ce  que  viennent  de  faire  Huy  el  Bruxelles  ;  elles 
d(!vraient  montrer  leurs  richesses,  attirer  a'nsi  le  touriste  indo- 
lent, le  prendre  par  la  main,  le  guider  pas  à  pas,  lui  apprendre  à 
voir,  et  bientôt  il  y  trouverait  tant  de  charme  qu'il  étendrait  do 
lui-même  le  cercle  de  ses  pérégrinations  et  arriverait  rapidement 
h  ce  raffmemeni,  de  trouver  lui-même  les  promenadi-s  à  fi  ire  el 
de  savoir  en  inventer.  Les  belles  cartes  du  dépoi  de  la. guerre  au 
20,000"'*  sont  le  meilleur  maître  en  cet  art.  Pour  qui  sait  les  lire-, 
elles  révfdeni,  par  des  indices  certains,  les  roules  ombreuses  ou 
ensoleillées,  les  coins  -de  fraîcheur,  les  fontaines  inconnues,  les 

I  udroils  d'où  la  vue  s'étend  au  loin  el  ceux  où  l'on  peut  trouver 
une  retraite  pour  se  re|)Oser  dans  la  chaleur  du  jojr.  Il  est  vrai 
(pi'il  peut  y  avoir  place  |>our  de  petits  ennuis,  surloul  aux  abords 
des  villes  où  sévit  la  clôture  el  où  s'est  muhip!i''  à  litifini, 
l'homme  de  Rousseau,  qui,  le  premier,  mil  une  borne  aux  champs 
el  dit  :  «  Ceci  est  \\  moi  «;  mais  ces  imprévus,  loin  de  rebuter  le 
touriste  digne  de  ce 'norp  ajoutent  du  piqua/il  îi  sa  promenade  en 
h;  forçant  à  développer  toute  son  ingéniosité  pour  tourner  les 
obstacles.  Que  ceux  qui  ne  comprennent  pas  celle  volupté, 
suivent  les  grandes  route>  ! 

Mais  non  :  qu'ils  se  procurent  les  petits  livres  doril  nous  par- 
lons :  celui  de  Druxelles  s'appelle  Guide  praliijtie  et  il  est  bien 
nommé.  En  un  loul  petit  format,  facile  à  mettre  en  poch?  comme 
un  porlef>.'uille,  il  indique,  tout -autour  de  la  ville,  dix-neiif  pro- 
menades en  marquant  avec  précision  les  chemins,  les  distances, 
les  bifurcations,  les  points  intéressants  el  les  lieux  de  repos  :  il 
note  les  renseignements' sommaires»,  suffisants  pour  aviv-cr  l'atten- 
tion, sur  les  chaicatlx,  les  églises  anciennes,  les  endroits  consacrés 
par  l'art  ou  par  l'histoire,  et  il  en  donne  môme  de  jolis  dessins. 

II  n'était  pas  possible  d'être  plus  complet,  <fn  un  si  peiii  volume. 
Le  guide  de  Huy-piltorcsque,  plus  développé,  est'aussh  plus 

fmtaisisle.  C'est  plutôt  une  anthologie  hulgise  qu'un  simple 
çuide.  Il  coniienl  sur  la  ville  et  s^  environsiTun  peu  dé  tout  :  des 
passades  des  anciennes  chroniques,  des  extraits  de  Victor  Hugo 
et  de  Camille  L'^monnier,' de  la  liltérature  el  de  l'histoire,  dos 
descriptions  cl  dc>  récits  du  cru,  tout  cela  un  peu  pêle-mêle, 
enchevêtré  comme  Is  riu^s  de  la  pelite  ville,  de  sorte  que  l'on 
revient  pfas  d'une  fois  au  même  endroit,  on  repasse  devant  la 
cntlégiale  et  devant  le  chriieau,  on  aperçoit  sous  un  nouveau  jour 
lin  paysage  qui  déjà  avait  attiré  raltenlion  el  l'on  ne  s'en  fami- 
liaris  ■  fpie  mieux  avec  les  lieux  que  l'on  parcourt  à  hi  suite  de  ce 
conducteur  vagabond.  Au  surjJus,  il  y  a  aussi  quelques  excursions 
très  nellemctit  indiquées  sur  le  bords  dû  Hoyoux  et  de  la 
Méhaigne,  aax  châteaux  de  Modave,  de  Palais,  de  Jehay , 
aux  ruines  de  Beaufort  et  de  Moha,  au  trou  Manlo  qui  a  les 
honneurs  d\in  plan  spécjal  et  qui,  dans  la  p'-nsée  de  l'auteur, 
rivalisera  un  jour  avec  la  grotte  de  Han,  car  le  livre  est  tout 
plein  d'espérances.  Il  annonce  que  l'oa  va  mettre  ici  la  main  "a 
des  travaux, importants;  qu'ailleurs  on  placera  des  bancs  pour 
([ue  le  touriste  fatigué  puisse,  tout  en  se  repo-aut,  admirer  le 
grandiose  panorama  que  l.a  nature  déploie  sous  ses  yeux,  et  il 
promet,  pour  sa  deuxième  édition,  une  quantiié  de  renseigne- 
ments nouveaux.  .  *' 


\/ 


Les  Cromlechs  et  Dolmens  de  Belgique 

M.  Harroy,  auteur  du  livre  sur  les  Cromlechii  et  Dolmens  de 
Belgique,  don!  nous  avons  rendu  complc  dans  noire  numéro  du 
12  janvier,  s'est  ému  des  quelques  lignes  que  nous  avons  consa- 
crées, dans  celui  du  6  avril,  à  une  brochure  sur  le  mémo  sujet  p:ir 
M.  Charies-J.  Comhaire.  Noys  avions  constaté  rantérioHlé  de 
celle  brochure  et  M.  Harroy  y  a  vu  pour  lui  un  reproche  d'imitation 
qui  n'élail  pas  dans  notre  pensée.  Il  nous  écrit  que  c'est  M.  Brille 
qui  a-découverl  et  signalé  le  Dolmen  de  Soiwasier;  qu'avant  do 
publier  sa  brochure,  M.  Comhaire  avait  assisté  à  plusieurs  contc- 
rences  et  démonstrations  faites  par  lui,  M.  Harroy,  sur  le  terrain, 
cl  avait  reçu  communication  des  croquis  qu'il  avait  dressés  ;  que 
M.  Comhaire  lui  offrit  sa  colLiboralion  en  mars  1888  et  qu'il  la 
refusa,  son  livre  ^lëtanl  alors  à  peu  près  terminé;  «  Enfin,  ajouie- 
l-il,  quand  M.  Comhaire  m'annonça  son  intention  de  publier  — 
prématurément  —  une  note  sur  la  découverte  de  M.  Briller/  sur 
les  miennes,  je  le  priai  —  sa  brochure  ayant  20  pages  et  mon 
livre  200  —  de  relarder  son  tirage  de  quinze  jours  afin  que  nous 
pussions  paraître  en  même  temps  et  que  toute  idée  de  plagiai 
fût  écartée.  Il  refusa.  Voilà  toute  l'affaire.  » 

Nous  en  donnons  acte  à  M.  Harroy  d'autant  plus  volontiers  que 
la  supériorité  de  son  livre  sur  la  brochure  concurrente  est  hors 
de  contestation. 


J^OTJEp    DE    ^U^IQUE 

Au  Conservatoire. 

La  troisième  séance  de  musique  de  chambre  pour  instruments 
à  vent  et  piano  a  eu  ^ieu  dimanete  dernier,  el-le  public  a  fait  bon 
accueil  au  Quintette  de  Rubinstcin,  à  VOctelt  de  Laciincr, 
œuvres  de  facture,  (récriture  habile,  mais  dénuées  d'inspiration 
cl  de  réel  intérêt  artistique.  y\n  caprice  écrit  par  Sainl-Saëns,  sur 
des  airs  danois  et  russes,  forl  joliment  joué  par  MM.  Anthoni, 
Guidé,  Poncclct  et  De  Greef,  a  la  saveur  des  thèmes  exotiques  et 
l'attrait  d'une  harmonisation  rafiinée.  Enfin,  M.  De  Greef  s'est  fail 
applaudir,  comme  soliste,  dans  l'exécUlion  de  deux  pages  de 
Schumann,  choisies  parmi  les  plus  pénétrantes  :  VArabeske  et  le 
final  du  Taschingschwank,  auxquelles  il  a  donné  l'acccnl  et  la 
couleur  voulus. 

Aux  Artistes-Musiciens. 

A  noter,  en  ce  troisième- concert  des  Artistes-Musiciens ,  voué 
presque  exclusivejfnenl  à  la  virtuosité  d^  quelques  artistes  en  vogue, 
l'apparition  d'une  petite  planiste-prodige  (14  ans,  dit  la  réclame) 
quia  très  crânement  joué,'comme  une  grande,  des  choses  difficiles  : 
la  première  partie  du  cl^icerto  en  ut  mineur  de  Beethoven,  la 
première  partie  du  concerh  italien  de  Bach,  el  d'aulres  œuvres 
que  les  pianistes  adultes  n'abordent  que  respectueusement.  Elle 
s'est  tiré  d'affaire  mieux  qu'un  enfant-phénomène.  Elle  a  mis  dans 
l'exécution  de  ces  œuvres  de  large  envergure  du  sentiment,  de 
l'aisance  cl  presque  du  style.  Son  nom?  M"e  Painparé.  Un  nom 
qui  marquera,  si  l'enfant  n'est  pas  gâtée  par  les  applaudissements 
avant  l'éclosion  définitive. 


Société  Nationale  de  Musique 

205''   Concert  avec   orchestre   et  chœurs. 

{Correspondance  particulière  (U  TArt  moderne). 

A  la  Société  Nationale  les  solennités  se  suivent  de  près;  deux 
jours  seulement  nous  séparent  des  joies  intimes  et  intenses  causées 
par  l'audition  du  quatuor  de  G.  Franck  et  voici  que  nous  sommes 
convoqués  à  un  concert  avec  orchestre  et  chœurs  composé , 
comme  d'habitude,  exclusivement  de  premières  auditions. 

C'est  d'abord  une  ouverture  de  Bncéliande  de  Lucien  Lambert, 
sagement  écrite  et  brillamment  instrumentée  k  la  façon  bizelo- 
mcyerbeorienne  ;  le  motif  de  Vamour  chevaleresque  ne  manque 
pas  d'une  certaine  élégance  raffinée,  on  y  verrait  assez  une 
Viviane  peinte  par  Natiier. 

Puis  le  prologue  d'Azacl,  cet  opéra  de  Léon  Husson  sur  un 
poème  de  M.  Kufferalh,  qui  eût  été  représenté  à  la  Monnaie  sans 
la  retraite  de  Dupont  el  Lapissida.  La  musique  de  ce  prologue  est 
d'une  belle  el  poétique  couleur  et  l'expression  dramatique,  bien 
que  manquant  quelquefois  de  régularité  prosodique,  est  exacte 
et  soignée  dans  son  ensemble. 

Pourquoi  M.  Husson  a-t-il  fait  inscrire  au  programme  la  date 
de  composition  de  son  œuvre?  bien  qu'âgée  de  cinq  ans,  sa 
musique  reste  absolument  moderne.  Serait-ce  pour  excuser  quel- 
ques influences  wagnériennes,-nolammenl  certains  dessins  un  p^" 
p:(r  \rop  Meistersinger? 

M"*  Lépinc  et  M.  Warmbroodi  ont  forl  bien  interprété  les  rôles 
de  Trilby  el  d'Azaël. 

Venaient  ensuite  une  Fiancée  de  /^nZ/iw/"  quelconque,  .de 
M"*  de  Grandval,  sur  une  poésie  (?!)  de  Grandmougin,  une 
Epiphanie  non  moins  quelconque  de  G.  Hue,  d'après  Lecontefle 
Lisle,  puis  le  Prologue  pour  chœurs  el  orchestre  écrit  parFauré 
en  vue  de  la  problématique  représentation  du  mystère  d'Harau- 
courl  :  la  Passion,  superbe  marche  au  Calvaire  où  se  déroule 
lenlemieni  une  de  ces  pénétrantes  phrases  musicales  dont  FjmfS^ 
est  coutumier. 

J'ai  gardé  pour  la  fin  la  mélodie  de  Charîes  Bordes  sur  Vaqua- 
relle  de  Verlaine  :  Dansons  la  gigue!  voilà  de  l'art  vraiment 
moderne  et  d'un  sentiment  vraiment  humain.  Ce  que  le  poète 
maudit  a  mis  dedouloureusemcnl  ironique  dans  celte  admirable 
pièce  est  exprimé  d'une  façon  encore  plus  intense  par  la  musique  ; 
aux  vers  : 

Je  me  souvleiis,  je  me  souviens       ■ 

Des  heures  et  des  entretiens 

Et  c'est  le  meilleur  de  mes  biens... 

rinffji*e«ion  est  telle  que  Upn  ne  peut  se  défendre  d'un  serrement 
de  cœur  fl'est  vrai  cl  c'est  beau.  Dansons  la  gigue!  est  sans  con- 
tredit (en  exceptant. certaines  mélodies  de  Fauré)  l'œuvre  expres- 
sive la  plus  remarqirable  qui  ait  paru  depuis  longtemps  el 
l'orchestre  finement  ciselé  en  rehausse  encore  le  sentiment  très 
personnel.  Quoique  chantée  par  un  opérateur  comique  phxs  habitué 
aux  Noces  de  Jeannette  qu'aux  œuvres  pensées,  celle  mélodie  a 
produit  une  grande  impression. 

Le  concert  s'est  terminé  par  un  Prélude  {pourquoi  pas  Postlude 
ou  Interlude?)  de  J.  Durand,  cuivrage  inconscient  du  thème  ini- 
t^ial  de  Siegfried- Idylle.  L'orchesircjît  les  chœurs  étaient  dirigés 
par  Vincenl  d'indy. 


>-.. 


s     •-■-f- 


V 


VAUT  MODERNE 


r 


Cueillette  de  livre? 

Des  architectes  de  l'église  CQ-llégiale  de  Sainte -TVaudru 
à,  Mons,  par  J.  Hubert,  ardiitecte  chargé  de  la  restfliuration  de 
la  dite  église,  membre  correspondant  do  la  Commission  royale  des 
monuments,  architecte-ingénieur  honoraire  de  la  ville  de  Mons,  etc. 
—  Bruxelles,  Vromanl  et  C'«,  1889.  -  ' 

Résumant  un  important  mémoire  paru  en  1889  dans  l'Enuilu- 
tion,  la  savante  revue  de  la  Société  centrale  d'arcliiteclure  de 
Belgique,  M.  J.  Hubert  vient  de  publier,  en  une  curieuse  bro- 
chure, le  résultat  de  longues  et  patientes  éludes  relatives  aux  ori- 
gines de  la  collégiale  monloise. 

W.  J.  Hubert  commence  par  rappeler  que,  durant  de  longues 
années,  Jehan  de  Thuin  le  père  passa  pour  avoir  fait  exécuter  les 
plans  de  l'église  de  Sainte-Waudru-;  or,  on  s'aperçut,  un  beau 
jour,  qu'à  l'époguc  de  sn  mort  l'édifice  était  commencé  depuis 
cent  sept  ans.  Des  historiographes  tels  que  Schayès,  Chalon, 
Wauiers,  Van  Even,  attribuèrent  ensuite  la  paternité  des  plans  à 
Mathieu  de  Layens,  le  célèbre  architecte  de  l'hôlcl-de-ville  de 
Louvain;  mais  cetle^ opinion  dut  être  abandonnée,  M.  Devillers 
ayant  acquis  la  preuve,  en  consultant  les  comp'.es  du  chapitre, 
que  les  projets  et  devis  étaient  terminés  lors  du  premier  voyage 
de  Mathieu  de  Layens  à  Mons. 

Vers  I80O,  Schayès  contribua  k  répandre  une  nouvelle  légende 
d'après  laquelle  Miehel  de  Raius,  maître  maçon  de  Valencienncs, 
pouvait  être  considéré  comme  l'architecte  de  Sainte-Waudru  ;  il 
en  trouvait  la  justification  dans  les  comptes  du  chapitre  de  i448, 
mentionnant  un  paiement  de  IJ  guiUarmus  de  IIJJ  livres  tour- 
nois fuit  à  Michel  de  Jiains  pour  avoir  mis  et  compassel  en  par- 
chemin IJ  patrons,  etc.  Ces  deux  patrons  ou  plans  du  chœur  sûnl 
conservés  aux  archives  de  l'Etal  à  Moiis  et  ont  figuré  à  l'Exposition 
rétrospective  d'architecture  organisée  à  Bruxelles,  en  1883,  par^ 
la  Société  centrale  d'architecture.  Personne,  jusqu'ici,  ne  s'était 
avisé  de  contrôler  les  dires  de  Schayès  en  étudiant  les  plans  et 
en  les  comparant  à  l'église  existante  ;  il  appartenait  k  M.  J.  Hubert 
de  se  livrer  k  ces  curieuses  investigations  quijui  démontrèrent 
qu'il  n'existait  aucun  rapport  entre  les  parchemins  de  Michel  de 
Rains  et  l'église  de  Sainte-Waudru.  En  effet,  les  piliers  de  cette 
dernière  sont  à  nervures  prismatiques,  tandis  que  ceux  du  patron 
sont  à  colonnes  cylindriques  cantonnées  de  demi-colonnes;  deux 
siècles  les  séparent  donc,  les  uns  étant  du  xv'  et  les  autres  du 
xiii'^  siècle.  Mais  que  pouvait  bien  représenter  le  fameux  par- 
chemin de  1448?  De  nouvelles  recherches  amenèrent  M.  J.  Hubert 
à  découvrir  qu'en  réalité  le  soi-disant  patron  de  Michiel  De  Rains 
est  un  tracé...  de  Robert  de  Luzanches  :  c'est  le  plan  de...  la 
cathédrale  d'Amiens!  (i). 

On  peut  donc  conclure  que  Mathieu  de  Layens  et  Michel  De 
Rains,  pas  plus  que  Jehan  de  Thuin,  ne  peuvent  être  regardés 
comme  les  architectes  de  Sainte-Waudru. 

Architectes  et  archéologues  seront  unanimes  à  féliciter  l'érudit 
auteur,  M.  Hubert,  de  l'intéressante  question  qu'il  a  élucidée  et 
de  l'ardeur  infatigable  qu'il  apporte  dans  ses  hautes  études  sur 
"notre  art  national.     :^ 

(i)  Voir  Viollet  le-Duc.  Dictionnaire  de  l'aixhiietture  française, 
tome  II,  page  327.  • 


pETlTE    CHRO^^IQUE 


W""-  Malerm,  l'artiste  viennoise,  vient  d'être  l'objet  d'ovations 
en'housiastes  en  chantant  le  rôle  de  Sélika,  dans  l'Africaine,  et 
celui  d'Elisabeth,  dans  Tannhduser,  au  théafk-o  de  Strasbourg. 


L'Economiste  français  donnejdc  curjeux  renseignements  sur  les 
receltes  des  théâtres  de  Paris  de  4848  à  1889.  Pendant  co  temps,' 
les  théâtres  ont  encaissé  environ  730  millions.  En  prélevant  seu- 
lement 10  p.  c,  on  arrive  à  73  millions  pour  les  auteurs.  Un 
chiffre  qui  laissera  rêveurs  blende  jeunes  dramaturges. 

Années.  Recettos  liruio.s. 

'     1848 fr.       5,ri53,4il 

1849.     ........       6,431,2;il 

18.^0 8,205,818 

•    1851 8,661,916 

1852 9,537,993 

1853. 11,352,222 

1854 10,738,078 

1855  (Exposition) 13,828,123 

1856. 12,186,125 

1857.  . ;  12,722,501 

1858 12,737,498 

1859 12,452,314 

1860 14,.532,944 

1861.  .  ,.- 13,704,501 

1862 14,506,603 

i«63.  ........  13,800,517 

1864 15,033,665 

1865 15,906,006 

•   1866 16,962,502- 

1867  (Exposition) 21,983,867 

1868.  ........  13,361,040 

1869.  .     .  ■  .     ;    .     .     .     .  15,198,000 

1870  (guerre) 8,107,285 

1871  (guerre)  ......       5,715,113 

1872 16,114,597 

1873. ■  .     .  16,503,379"^' 

1874.  . 18,368,279 

1875 20,907,391 

1876."        )f1,6fr3,662  1 

1877 ,  .  20,978,180 

1878  (Exposition).  " .  .  .  .  30,657,490 

1879.  .........  20.619,310 

1880 "^^  .  .  .  .  22,614,018 

1881 >J7,434,418 

1882 29,068,.592 

1883 29,144,600 

1884.  .  .  .  •  .  .  .  ."  .  29,984,051 

1885 '  25,590,077 

1886 .  .  •  .  25,074,4.58 

.    1887 12,062,440 

1888 23,007,975 

1889  (Exposition) 32,138,998 


Revue  des  sciences  et  des  arts.  —  Sommaire  du  n^'  3(15  avril)  : 
La  législation  internationale  du  travail  (Bogaert-Vaché).  —  Elude 
sur  les  écoles  symbolistes  et  décadentes  (G.  Jorissenne).  —  Des 
silos  et  de  la  conservation  du  grain  (J. -F.  Jovva).  —  Les  glyccridos 
ou  étliers  de  glycérine.  —  Curiosités  aéroslatiques. —  Revue 
horticole.  —  Bibliographie  musicale,  etc.  —  Bureaux  :  rue  do 
l'Université,  46,  à  Liège.  


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ETAT-BELGE 


LIGNE   D'OSTENDE-DOUVRES 


La  plus  courte  et  la  moins  coûteuse  des  voies  extrn-rnpides  entre  le  Continent  et  /'Ancl-eterre  • 


Bruxelles  à  Londres  en 
Cologne  à  Londres  en 
Berlin  à  Londres  en  . 


■  8  heiiros. 
13       " 
24       " 


Vienne  à  Londres  en. 
Bâle  à  Londres  en. 
Milan  à  Londres  en 


36  heures. 
24       - 
33       - 


XROIl^  I^IiiRVIt^EIB^  I*AR  JOUR 

D'Ostende  à  6  h.  matin,  10  h.  15  matin  et  8  h.  20  soir.  —  De  Douvres  à  11  h.  59  matin,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

XR^ VERGÉE]  EIV  XROIi^  HEURE:» 

PAH  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS  -        '■ 

Princesse  Joséphine,  Princesse  Henriette,  Prince  Albert,  La  Flandre  et  Ville  de  Douvres 

partant  journellement  d'OSTENDE  à  6  h.  malin  et  10  h.'lS  malin;  de  DOUVRES  à  11  h.  59  matin  et  3  h.  après  midi. 

Salons  luxueux.  —  Fumoirs.  —  Ventillation  perfectionnée,  —  Éclairage  électrique.  —  Restaurant. 

BILLETS  DIRECTS  (simples  ou  aller  et  retour)  entre  LONDRES,  DOUVRES,  Birmingham,  Dublin,  Edimbourg,  Glascow," 

Liiverpool,  Manchester  et  toutes  les  grandes  villes  de  la  Belgique 
et   entre  LONDRES    ou   DOUVRES  et  toutes   les  grandes   villes  de   l'Europe. 


BILLETS  CIRCULAIRES 

Supplément  de  2«  en  l^e  classe  sur  le  bateau,  fr.  2-35 
CABINES  PARTICULIÈRES.  -  Prix  :  (en  sus  du  prix  de  la  1"  classe),  Petite  cabine,  7  francs;  Grande  cabine,  14  francs. 

A  bord  des  malles  :  Princesse  Joséphifie  et  Princesse  Henriette 
Spécial  cabine,  2^rancs;  Cabine  de  luxe,  75  francs. 

Pour  la  location  à  l'avance  s'adresser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  [Qvai)  ou  à  l'Agence  des  Chemins  de  fer  de  l'État- Belge 
Northumberland  House,  Strond  Street,  n°  17,  a  3oiivres. 

Excursions  à  prix  réduits  de  50  (^/o,  entre  Ostende  et  Douvres,  tous  les  joufs,  du  1^'' juip  au  30  septembre. 
Entre  les  principales  villes  de  la  Belgique  et  Douvres,  aux  fêtes  de  Pentecôte  et  de  l'Assomption. 

AVIS  —  Buffet  restaurant  à  bord.  —  Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  —  Accostage  '■  quai  vis-à  vis  des  stations  de  chemin  de 
i^er.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voilures  directes  et  wagons-lu-).—  Voyages  à  prix  léduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  -   Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à'ia  direction  de  l'Ea^loitaticn  des  Chtmins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  Y  Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l'État-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Graccchurch-Street,  n°  53,  à  Londres,  à  V Agence  de  Chemins  de  fer 
de  VÉtat,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vranchen,  Domkloster,  n"  1,  à  Cologn^.    - — 


ÉTUDE  DU  NOTAIRE  DELVAULX,  A  MALINÉS 


VENTE  PUBLIQUE 

DE  SPLENDIDES 


ANCIENNES   TAPISSERIES 


Le  iio.kiire  VAN  MELGKEBEKE,  ro.sidant  à  Malines,  à  1  inler- 
venlioii  de  son  cotlèguc  ni«ître  DELVAUX,  on  la  mémo  ville,  vendra 
publiquement  le  Vendredi  9  Mai,  à  3  lieuros,  en  la  mortuaire  de 
M.  D'Avoine,  rue  des  Vaches,  ne  33,  à  Malines  : 

Los  magnifiques  TAPISSERIES  FLAMANDES  gariiLs.sant  le  grand 
salon,  représentant  :  jiaj'sages,  oiseaux  et  verdures  avec  larges  bor- 
dures de  (leurs  et  comproiiaiit  cinq  grands  panneaux,  mosuranl  : 
lo5'",45  sur  3m, 25;  2»  4™, 8G  sur  3'", 25;  3«  2"',6Gsur  3"',23;  4«4"',53 
.sur  3"», 25;  5°  3™, 40  sur  3'", 25;  et  deux  petits  panneaux,  mesurant  le 
pr  On',82  .sur  3«',25  et  le  2"  0"',45  sur  3'",25.  ' 

Ces  tapisseries,  par  leur  ancienneté,  le  fini  de  leur  exécution,  la 
délicatesse  des  couleurs  et  leur  parfait  état  de  con.servalion,  méritent 
de  fixer  l'î^ilontion  de  tous  les  amateurs. 

Deux  magnifiques  MEUBLES  ANCIENS  avec  incrustations  et 
peintures  (scribans). 

On  peut  se  procurer  la  photographie  du  panne^ài  prin- 
cipal en  l'étude  du  dit  notaire  DELVAULl^frueLouise, 
35,  à  Malines,  moyennant  envoi  d'une  somme  de  2  francs. 


PIANOS 


BRUXELLES 
rue  Thérésienne,  6 


^UNTHEI\ 


VENTE 

ÉCHANGE 

LOCATION 

Paris  1867, 1878,  1«'  prix.  —  Sjdney,  seuls  1"  et  2«  prix 
EIPOSITIOIS  AISTEBDil  1883,  ÂHTEBS  1885  DIPLOIE  D'IOnEBl. 

Breitkopf  et  Hftrtel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 


TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnée  dU  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-G.^obe. 

Traduit   de^ l'allemand   (d'après   la  5^  éditioD|-^par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8».  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 

jnent  théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 

de  composition  libre,   fut  accueilli,  dès  sou   apparition,   par  une 

Jfiveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 

même  d'apprécier  un  des  rares  ouvrages  d'enseignement  musical  les 

"  plus  estiifiés  en  Allemagne. 


a 


Uru.xelles.  —  liiip.  V*  Monnom,  2G,  rue  de  l'Industrip. 


r 


Dixième  année.  —  N**  18. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  4  Mai  1890. 


'^  /■ 


-7 


MODERNE 


\ 
PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUÉ  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

,    Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN  * 

' 

ABONNEMENTS  :    Belgique,    un   ai),    fr.    10.00;  Union   postale,    fi-.    13.00.    —ANNONCES*:    On   traite  à   forfait. 

'. . : ■ "^ 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  26,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


Axel.  —  Collaboration  artistique.  —  Littérature  wallonne. 
—  La  pantomime.  —  Concerts  parisiens  :  Société  nationale,  de 
MUSIQUE.  —  Petite  chronique. 


*  - 

par  Y*LLiERS  DE  l'Isle-Adam.  —  Paris,  Quantin,  éditeur. 

Une  œuvre  commçi  Axel,  clôt  une  vie.  Elle  est  ency- 
clopédique d'une  personnalité.  Ce  que  des  années  et  des 
années  de  réflexion,  d'étude,  de  divina^tic^n,  de  rêve,  de 
désir  et  de  vouloir  ont  fait  d'un  grand  cerveau '^^  est 
traduit  —  et  c'est  comme  un  testament  d'âme.  On  y 
peut  découvrir  le  Villiers  des  Premières  poésies,  le 
Villiers  d'/sis,  celui  des  Contes  crmts  :  Vera  et  Vlnter- 
signe,  celui  à' Akedysse^nl  et,  enfin,  le  Villiers  àeXEi'e 
future.  Axel  est  un  résumé  et  jiu  total. 

Et  tel  a  bien  été,  croyons-nous,  l'intention  de  l'écri- 
vain :  s'exprimer  totalement  dans  une  œuvre  suprême 
et  si  possible,  immortelle.  La  division  seule  du  livre  en 
titres  généraux  et  indéfiniment  larges  :  le  monde  reli- 
gieux,\q  inonde Jragique,  le  monde  occulte,  le  monde 
passionnel  ne  fait  surgir  nul  doute  sur  ce  point.  L'affa- 


bulation du  drame  est  excessivement  simple.  Deux  per- 
sonnages et  d'autres  pour  leur  permettre  de  se  mani- 
fester.       -  • . 

Et  le  décor?  , 

Celui-ci  très  important  —  trop.  Villiers  par  certains 
déploiements  de  luxe  et  d'or,  de  pierres  et  de  soleils, 
s'est  laissé  éblouir  toute  sa  vie.  Lui,  très  profond  d'in- 
tuition et  de  pensée,  n'a  jamais  compris,  néanmoins,  le 
nu  développement  d'une  passion  ou  d'une  doctrine.  Il  lui 
a  toujours  fallu  le  rêve  drapé,  taillé,  ciselé,  merveil- 
leux de  matière  grandiose.  Songez  à  Akedysseril. 

Et  disant  ({xx'Axël  est  un\testament  d'âme,  nous 
n'avons  garde  de  préciser  qu'il  sbU  complet.  Des  omis- 
sions :  défauts  de  suite  en  ses  développements';  mémo 
parfois  des  points  essentiels  presque  non  traités.  Vrai- 
ment, quelle  mort  blasphématoire  de  l'art  a  été  celle 
de  cet  écrivain .  Son  dernier  livre,  que  Villiers  retra- 
vaillait, a  dû  être  publié  à  moitié  terminé.  La  quatrième 
partie,  la  plus  importante  puisqu'elle  était  la  conclusion 
du  reste,  n'a  pas  sa  carrure  de  base  sur  laquelle  l'œuvro 
devait  s'asseoir.  La  troisième  ment  à  l'une  des  inten- 
tions du  poète  orthodoxe.  La  deuxième,  trop  longue 
maintenant,  aurait  peut-être  mieux  tenue  dans  l'en- 
semble, si  les  suivantes  avaient  reçu  le  coup  de  burin 
final.  •       ^  '  / 

a' parcourir  le  livre,  les  idées  de  Villiers  s!affîrment 
ainsi  ;  sur  la  religion  : 


r^ 


■) 


\ 


\. 


i:{8 


L'ART  MODERNE 


■k 


Illusion  pour  iliiLsion,  nous  ç^rAon^i,  celle  de  Dion,  qui  donno, 
seule,  h  SCS  Cleinols  éblouis,  la  joie,  la  lumière,  la  force  el  la 
paix.  NuIIq  créaUire,  nulle  vitalité  n'échappe  ïi  la  Foi.  L'homme 
prélère  une 'croyance  à  une  autre,  el,  pour  celui-qui  doute,  même 
à  l'iiîdéfmi  de  sa  pensée,  le  doule,  qu'il  admet  librement  en  son 
esprit,  n'est  encore  <iu'uiic  forme  de  la  FoF,  puisque,  en  principe, 
il  est  aussi  mystérieux  que  nos  mystères.  Seulement,  l'indécis 
demeure  avec  son  irrésolution,  qui  devient  la  somme  nulle  de  sa 
vie.  Il  croit  «  analyser»,  il  creuse  la  fosse  de  son  âme  cl  retourne 
vers  un  néant  qui  ne  |)eut  plus  s'appeler  que  l'Enfer,  —  car  il  est 
à  jamais  Iroj)  tard  pour  n'cirb  plus.  Nous  sommes  irrévocables. 

—  Oui,  la  Foi  nous  enveloppe!  L'univers  n'est  que  son  sym- 
bole. Il  faut  penser.  Il  faut  a§ir.  Nous  sommes  contraints  à  cet 
esclavage  :  penser.  En  douter,  c'esl  encore  y  obéir.  Pas  un  acte 
qui  ne  soit  créé  d'une  instinctive  pensée!  Pas  une  pensée  qui  ne 
soil  aveugle  en  sa  notion  primordiale!  lié  bien,  puisque  nous  ne 
pouvons  devenir  que  notre  pensée  unie  à  la  chair  occulte  de  nos 
actes,  pensons  cl  agissons  de  manière  h  ce  qu'un  Dieu  puisse 
devenir  en  nous!  —  cl  cela  tout  d'abord  !  si  nous  voulons  acqué- 
rir la  croyance,  c'est-à-dire  mériter  de  croire. 

Toutes  songeries  contraires  à  l'augmenlion  de  noire  âme  en 
Dieu,  sonl  du  temps  perdu,  que  le  Sauveur  seul  peut  racheter.  — 
Tout  S'EFFORCE  autour  de  nous!  Le  grain  de  blé,  qui  pourril 
dans  la  terre  cl  dans  la  nuit,  voit-il  donc  le  soleil?  Non,  mais  il  a 
la  foi.  C'est  pourquoi  il  monte,  par  et  à  travers  la  mort,  vers  la 
lumière.  Ainsi  ^es  germes  élus,  de  toute  chose,  excepté  des 
germes  incrédules,  où  dorment  le  Doute,  ses  impuretés  et  ses 
scandales,  et  qui  meurent,  indifférents,  tout  entiers.  Nous,  nous 
sommes  le  blé  de  Dieu  ;  nous  sentons  que  nous'ressuscitcrons  en 
Lui, —  qui  est,  suivant  la  parole  éclairée  et  magnifique  d'un 
théologien,  le  lieu  des  esprits,  comme  l'espace  est  celui  des 
corps.  '      I        .  '    / 

Croite,  dans  l'attende  et  la  prière!, et  le  coeur  plein  d'amour  ! 
telle  est  notre  doctrine.  El  quand  bien  même,  par  impossible, 
com'me  nous  en  prévient  le  Concile,  un  ange  du  Ciel  viendrait 
nous  en  enseigner  -une  autre,  nous  persisterions,  fermes  el 
inébranlables,  en  notre  foi.  k 


Sur  la  mort  vulgaire  —  du  Commandeur. 

Passant,  —  lu  es  passé.  Te  voici,  l'abîmant  dans  l'ImpcnsaMè: — 
En  ton  étroite  suffisance  ne  s'affinèrent,  durant  tes  jours,  que  les 
instincts  d'une  animalité  réfractaire  à  toute  sélection  divine!  Rien 
ne  {'appela,  jamais,  de  l'Au-delà  du  monde!  El  tu  l'es  accompli. 
Tu  tombes  au  profond  de  la  Mort  comme  une  pierre  dans  le  vide, 
—  sans  attirance. et  sans  but.  La  vitesse  d'une  telle  chule,  multi- 
pliée par  le  seul  poids  idéal,  csl  à  ce  point...  sans  mesure...  que 
cette  pierre,  en  réalité,  n'est  plus  nulle  part.  —  Disparais  donc! 
même  d'enlre  mes  deux  sour^ijs. 

Sur  la  perfection  de  soi-même. 

Les  xlieux  sont  ceux  qui  ne  doutent  jamais.  Échappe-toi, 
comme  eux,  par  la  foi,  dans  l'Incréé.  Accomplis-toi. dans  ta 
lumière  astrale  !  Sjurgis  !  Moissonne  !  Monle  !  Deviens  la  propre 
fleur!  Tu  n'es  que  ce  que  tu  penses  :  pense-loi  donc  éterhel.  Ne 
perds  pas  l'heure  à  douter  de  la  porte  qui  s'ouvre,  des  instants 
que  tu  l'es  dévolus  en  ton  germe,  et  qui  le  sont  laissés,  ç—  Ne 
sensUu  pas  ton  être  impérissable  briller  au  delà  des  doutes,  au 
delà  de  toutes  les  nuits!  ..-  -   .     - 


Sur  la  bliilosopliie  qui  mène  à  l'occultisme'. 

Sache  une  fois  pour  toujours,  qu'il  n'est  d'îlutrc»  univers  pour 
toi  que  la  conception  même  qui  s'en  réfléchit  au  fond  de  les 
pensées;  —  car  tu  ne  peux  le  voir  pleinemetit,  ni  le  connaître, 
en  distinguer  même  un  seul  point  tel  que  -ce  mystérieux  point 
doit  être  en  sq.  réalité.  Si, par  impossible,  lu  pouvais,  un  moment, 
embrasser  l'omnivision  du  monde,  ce  serait  encore  une  illusion 
l'instant  d'après,  puisque  l'univers  change  —  comme  lu  changes 
loi-même  —  à  chaque  l?altemenl  de  tes  veines,  —  et  qu'ainsi 
son  Apparaître,  quel  qu'il  puisse  être,  n'est,  en  principe,  que 
fictif,  mobile,  illusoire,  insaisissable.  tx 

Et  tu  en  fais  partie!  —  Où  ta  limite,  en  lui?  Où  la  sienne^  en 
toi  ?...  C'est  toi  qu'il  appellerait  1'  «  univers  «  s'il  n'était  aveugle 
et  sans  parole!  Il  s'agit  donc  de  l'en  isol»F  !  de  l'en  affrancîiic! 
■de  vaincre,  en  toi,  ses  fictions,  ses  mobilités,  son  illusoire,  — 
son  caractère!  Telle  est  la  vérité,  selon  l'absolu  que  lu.  peux 
pressentir,  car  la  Vérité  n'est,  elle-même,  qu'une  indécise  concep- 
tion de  l'espèce  où  tu  passes  el  qui  prête  à  la  Totalité  les  formes 
de  son  esprit.  Si  lu  veux  la  posséder,  crée-la  !  comme  tout  le 
reste!  Tu  n'emporteras,  lu  ne  seras  que  ta  création.  Le  monde 
n'aura  jamais,  pour  toi,  d'autre  sens  que  celui  que  tu  lui  atlri- 
'  hueras.  Grandis-toi  donc,  sous  ses  voiles,  en  lui  conférant  le  sens 
sublime  de  t'en  délivrer!  ne  t'amoindris  pas  en  t'asservissanl  aux 
sens  d'esclave  par  lesquels  il  t'enserre  et  l'enchaîne.  Puisque  tu 
ne  so^liras  pas  de  l'illusion  que  tu  te  feras  de  l'univers,  choisis  > 
la  plus  divine.  Ne  perds  pas  le  temps  à^iressaillir,  ni  à  somnoler 
dans  une  indolence  incrédule  x^u  indécise,  ni  à  disputer  avec  Ic^ 
langage  changeant  de  la  poudre  eï^^le  la  vermine.  Tu  es  ton  futur 
créateur.  Tu  ^s  un  Dieu  qui  ne  feint7d'oublier  sa  toute-essencq 
qu'afin  d'en  réaliser  lé  rayonnement.  Ce  que  lu  nommes  l'univers 
n'est  qqe  le  résullat  de  celte  feintise  jlonl  lu  contiens  le  secret. 
Reconnais-toi!  Profère-toi  dans  l'Être!  E*trais-toi  de  la  geôle  du 
monde,  enfant  des  prisonniers.  Évade-toi  du  Devenir!  Ta 
«  Vérité  >v  sera  ce  que  tu  l'auras  coi^ue  :  son  essence  n'est-elle 
pas  infinie,  comme  loi  !  Ose  donc  l'enfanter  la  plus  radieuse, 
c'est-à-dire  la  choisir  telle...  car  elle  aura,  déjà,  précédé  de  son 
être  les  pensées,  devant  ^'y  appeler  sous  celte  forme  où  tu  l'y 
reconnaîtras!...  —  Conclus,  enfin,  qu'il  est  difficile  de  redevenir 
un  Dieu  —  et  passe  outre  :  car  cette  pensée,  même,  si  tu  l'y 
arrêtes,  devient  inférieure  :  elle  contient  une  hésitation  stérile. 

Ceci  csl  la  Loi  de  l'Espérable  :  c'est  l'évidence  unique,  atleslée 
par  notre  infini  intérieur.  Le  devoir  csl  donc  d'essayer,  si  l'on  csl 
appelé  par  le  dieu  que  l'on  porte!  Et  j-^ioLque  ccux-lîi,qui  ont 
osé,  qui  ont  voulu,  qui  ont,  en  confiance  natale,  embrassé  la  loi 
du  radical  détachement  ^Bs  choses  et  confqrnjc  leur  vie,  tous 
leurs  actes,  cl  leurs  plus  intimes  pensées,  à  la  sublimité  de  cette 
doctrine,  affranchissant  leur  être  dans  l'ascétisme,  —  voici  que, 
tout  à  coup,  ces  élus  de  l'Esprit  sentent  eftluer  d'eux-mêmes  où  leur 
p^venir,  de  toutes  parts,  dans  la  vasiiiude,  mille  et  mille  invi- 
sibles fils  vibrants  en  lesquels  court  leur  Volonté  sur  les  événP' 
ments  du  monde,  sur  les  phases  des  destins,  des  empires,  sur 
l'influente  lueur  des  astres,  sur  les  forces  déchaînées  des 
éléments?  El,  de  plus  en  plus,  ils  grandissent/en  celte  puissance, 
à  chaque  degré-^de  pureté  conquise!  C'e^  la  sanction  de  l'Espé- 
rable. C'pst  là  le  seuil  da  monde  occulte. 

Sur  l'amour.  Nous  citons  une  partie  du  dialogue 
d'Axel  et  de  Sara. 

Sara  !  je  le  remercie^cr^^tteNravoir  vue.  {L'attirant  entre  ses 


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■■     K 


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/    bras.)  Je  suis  heureux,- ô  ma  liliale  épousée!  rha  maîlrcssc!  ma 
•   vierge!  ma  vie!  Je  suis  heureux  que  nous  soyons  ici,  ensemble, 
'  pleins  de  jeunesse  et  d'espérance,  pénétrés  d'un  sentiment  vrai- 
ment immortel,  seuls,  dominateurs  inconnus,'  et  tout  rayonnants 
de  cet  or  mystérieux,  —  perdus,  au  fond  de  ce  manoir,  pendant 

celte  effrayante  nuit. 

Sara,    i---  '       ■' 

Là-bas,  tout  nous  appelle,  Axel,  mon  unique  maîlre,  mon- 
amour!  La  jeunesse!  la  liberté  !  le  vertige  de  notre  puissance!  Et 
^^  qui  sait,  de  grandes  causes  à  défendre...  tous  les  rêves  U  réa- 
liser !  {Elle  va  vers  les  lueurs  de  l'aurore  et  tient  les  draperies 

soulevées). 

.  ^  Axel  {grave  et  impénétrable). 

A  quoi  bon  les  réaliser?...  ils  sont  si  beaux! 
Sara  {surprise  un  peu  —  se  i^etourne  vers  lui  en  le  regardant). 
Mon  bien-aimé,  que  veux-tu  dire? 

AxEi.  {toujours  tranquille  et  grave). 
Laisse  tomber  ces  draperies,  Sara  ;  j'ai  assez  vu  le  soleil.   Un 
silence.) 

Sara  {anxieuse,  à  elle-même  et. l'observant  encore). 
Pâle,  —  et  les  yeux  fixés  à  terre,  —  il  médite  quel([ue  projet. 

Axel  (à  demi-voix,  pensif  et  comme  à  lui-même).        j 

Sans  doute,  un  dieu  me  jalouse  en  cet  instant,  moi  qui  peux 

mourir. 

Sara. 

Axel,  Axel,  m'oublics-tu  déjà,  pour  des  pensées  divines?... 
Viens,  voici  la  terre!  viens  vivre! 

Axel  {froid,  souriant,  scandant  nettement  ses  paroles). 

Vivre?  Non!  —  Notre  existence  est  remplie,  :—  et  sa  coupe 
déborde!  —  Quel  sablier  comptera  les  heures  de  celte  nuit! 
L'avenir?...  Sara,  crois  en  cette  parole  ;  nous  venons  de  l'épui- 
ser. Toutes  les  réalités,  demain,  que  seraient-elles,  en  compa- 
raison des  mirages  que  nous  venons  de  vivre?  A  quoirbQn  mon- 
nayer, à  l'-exemple  des  lâches  humains,  nos  anciens  freres^tctte 
drachme  d'or  à  l'effigie  du  rêve,  —  obole  du  Styx  —  qul^intille 
entre  nos  mains  trionîiphales  ! 

J.a- qualité  de  notre  espoir  ne  tious  permet  plus  la  terre.  Que 
demander,  sinon  de  pâles  reflets  de  tels  instants,  à  celte  misérable 
étoile,  où  s'attarde  notre  mélancolie?  La  Terre,  dis-tu  ?  Qu'a-t-elle 
donc  jamais  réalisé,  celte  goutte  de  fange  glacée,  dont  l'Heure  ne 
sait  que  menlir  au  milieu  du  ciel?  C'est  elle,  ne  le  vois-tu  pas, 
qui  est  devenie  flllusion!  Reconnais-le,  Sara  :  nous  avons 
détruit,  dans  nos  étranges  cœurs,  l'amour  de  la  vie,  —  el  c'est 
bien  en  réalité  que  nous  sommes  devenus  nos  âmes!  Accepter, 
désormais,  .de  vivre  ne  serait  plus  qu'un  sacrilège  envers  fTrjus- 
même.  Vivre?  les  serviteurs  feront  cela  pour  nous. 

Nous  doutons"  que  jainaîs  lès  suprêmes  idées  émises 
en  ce  choix,  légèrement  trop  ample  de 'citations,  aient 
été  mieux  exprimées.  Pour  les  rendre  telles,  pour  leur 
faire  crever  le  bourgeon  du  vague  et  les  épanouir  en  si 
pures  fleurs,  il  les  fallait  sentir  et  presque  Jes  vivre. 
Cette  science  haute,  ces  conceptions  merveilleuses,  cette 
spiritualité  profonde,  Villiers  ne  les  avait  pas  acquises 
au  hasard  dans  les  livres,  il  les  avait  comme  créées,  il  se 
les  était'pensées  pour  lui  seul.  L'extériorité ^le  le  solli- 


1 


citait  que  par  la  simple  plume  qu'il  faut  pour  les  pro- 
clamer. Loin  de  tout  contrôle  expérimental,  loin  de 
toute  vérification,  loin  même  de  toute  possibilité 
humaine,  c'était  son  orgueil  d'esprit  de  les  croire  indu- 
bitables. Il  était  tour  à  tour  l'Archidiacre,  la  Sara, 
l'Axel,  le  Janus  de  son  livre.  Il  n'avait  bien  à  lui,  que 
leur  âme.  C'était  son  fond,  c'était  ce  qui  permanait  der- 
rière les  décors  et  les  coulisses  de  son  ironie,  derrière 
la  rampe  flamboyante  de  sa  mise  en  scène  d'acteui% 
toujours  attentif  à  tenir  son  rôle  de  parleur  étonnant 
et  soudain.  C'était  ce  qu'on  voyait  derrière  le  vague  de 
ses  yeux  et  la  vitre  de  sa  prunelle.  Il  en  venait  lui,  son 
regard  —  et  Villiers  tout  entier  n'était-il  psfs  son  regard 

—  des  cryptes  du  burg  d'Auersperg,  ébloui  par  l'or 
entrevu,  par  l'or  hallucinant  et  par  les  ombres  écla- 
tantes qui  peuplaient  les  rnurs  de  leurs  éblouissements?  . 

Villiers  de  l'Isle-Adam  donnait,  —  que  de  fois?—  l'im- 
pression d'iin  prodige  qui  passe.  Il  semblait  absent  du  lieu 
où  il  était,  il  écoutait  poliment  et  laissait  dire  ;  ^)uis  tout 
à  coup,  saisissait  la  parole  à  son  tour,  comme  quelqu'un 
qu'on,  prend  aux  cheveux,  et  c'était  alors  un  remue- 
.  ment  brusque  de  quelque  grande  chose  invisible  dans 
l'air  dont  il  semblait  le  porte-voix.  Il  nous  a  été  donné 
de  le  voir  tel  et  d'avoir  eu  à  nous  retrouver  nous-mêmes 
et  de  n'y  pas  trop  vitement  réussir,  après  que,  depuis 
des  instants  déjà,  le  miraculeux  évocateur  de  soi-même, 
s'était  tu.  ,  "        , 

L'influence  de  Villiers  sur  ses  auditeurs  a  été' peut- 
être  plus. puissante  encore  que  sur  ses  lecteurs.  Toute- 
fois, est-il  un  maitre;.et  certains  jeunes  écrivains,  entre 
autres  Charles  Morice,  l'ont  subi. 

Il  s'est  imposé  par  ces  qualités  d'aristocrate  et  de 
mystique.  Lui-même  prend  rang  parmi  les  poètes  de  ce 
temps.,  qui  forment  cycle  autour  de  Poë  et  de  Baude-, 
laire.  Il  estde  leur  lignée,  si  pas  de  leur  temps,  Barbey 
'd'Aurevilly  ne  lui  était  guèi%  étranger  non  plus.  Il  sera' 
placé  parmi  eux,  au  même  rang,  dans  l'avenir. 

Pour  ce  qui  est  d'Aϑl  on  peut  certes  en  discuter  les 
données.  On  a  déjà  fait  observer  que  la,nouveau  signe 
que  Sarah  et  Axel  devraient,  d'après  maître  Janus, 
créer,  existait  déjà  :  c'est  le  signe  de  la  croix,  qui 
symbolise  l^^enonôiation  à  la  chair  et  à  la  puissance. 
Mais  resta  une  question  préalable.  Ce  signe  —  ancien 
ou  nouveau,  qu'importe!  ■ —  les  deux  protagonistes font- 
••  ils  vraiment  en  sorte  pour  qu'il  soit  par  leur  fait.  L^ 
peuvent-ils?  Alors  que  déjà  —  .Janus  le  sait  —  Sara  a 
renoncé  à  la  vie  mystique,  séduite  par  le  rêve  de  l'or? 

Au  surplus,  que  dire  de  ces  soudages  de  philosophie 
allemande  —  Hegel  plus  que  Schopenhauer  —  avec  les 
théories  occultistes?  Et  ce  suicide  final  qui  est  une 
débâcle  de  toutes  les  précédentes  théories  émises  camme 
vraies?"  "^         . 

Mais  qu'importe!  Une  idée  demeure  superbe  et  gt-ande. 

—  est-elle   logique  dans   la   tête  '  d'Axj'l  nous  ne  le 


1. 


^ 


croyons  pas.  -r-  cette  idée  est  :  se  servir  de  la  mort 
pour  continuer  l'amour,  pour  le  maintenir  à  son  paro- 
xysme, éternellement,  ^xël  et  Sara  se  sont  —  le  temps 
d'un  éclair  —  si  au  delà  de  tout  aimés,  que  le  recom- 
mencement dans  la  vie  ne  leur  est  plus  possible.  Ils 
s'empoisonnent  —  et  s'il  y  a  quelque  part  renoncement 
c'est  bien  le  renoncement  à  la  vie,  mais  non  pas  au 
profit  de  la  perfection.  Tout  au  contraire  :  au  profit 
de  Tajnour.  C'est,  en  somme,  lui  qui  triomphe,  qui  fait 
de  ces  deux  créatures  choisie!?',  Sara  et  Axel,  des  types 
aussi  inoubliables  que  Tristan  et  Isolde.  Villiers  les  a 
grandis  si  puissamment  qu'ils  en  sont  légendaires  et 
que,  dans  cette  déjà  si- longue  théorie  d'amants,' qui 
marçhgjit  immortels  à  travers  les  siècles,  les  Dante  et 
les  Béatrice,  les  Roméo  et  Juliette,  les  Elvire  et  les  Joce- 
lyn,  les  Abeilard  et  les  Héloïse,  les  Lohengrin  et  les 
Eisa,  eux  les  derniers  venus,  mais  les  si  haut  et  les  si 
miraculeusement  créés,  peuvent  certes  prendre  rang. 
S'il  ne  restait  du  livre  que  cela,  qu'importeraient  les 
nombreux  trous  dans  son  ensemble  inachevé. 


ire 


COLLABORATION  ARTIStlQUE 

Quelques  détails  curieux  rapportés  par  un  chroniqueur  de 
VEcho  de.  Paris  à  propos  du  tableau  récemment  découvert  au 
Puy  et  qu'on  cVôit  avoir  été  peint  par  Rembrandt  aidé  d'un  colla- 
borateur. 

Il  s'agit  de  Rubens  et  du  travail  préparatoire  qu'il  faisfiit  fa 
à, ses  élèves  :  \ 

Le  procédé  employé  était  invariable.  Rubens  remettait  l'es 
quisse -de; son  tableau  à  l'un  do  ses  élèves;  et  cet  élève'  finissait 
le  tableau. en  le  poussant  si  loin  que  quelques  reloucnes  du 
maître  suffisaient  potfr  le  terminer. 

Les  choses  ne  marchaient  pas  toujours  facilement,  du  reste, 
'  —  et  maintes  fois  les  marchands  de  tableaux  qu'alimentait  Rubens 
s'insurgèrent  et  le  firent  s'engager  solennellement  à  peindre  lui- 
même  les  t.oilcs  qu'il  vendait  comme  siennes. 

L'ambassadeur  d'Angleterre  à  la  Haye,  sir  Dudiey  Carlctoti, 
avait  commandé  à  Rubens  un  tableau  représentant  Une  chasse 
au  lion.  Fidèle  à  son»  habitude,  le  maître  fil  faire  le  tableau  par 
ses  élèves  et  le  livra  comme  étant  de  lui.  Sir  Dudiey  Carleton 
soumit  l'œuvre  à  d^s  experts,  et  ceux-ci  déclarèrent  qu'  «  elle 
n'était  pas  de  Rubens  ou  tout  au  moins  n'était  pas  digne  de  lui  ». 
L'ambassadeur  renvoya  la  ioile,  —  et  voici  la  lettre  que  le 
célèbre  peintre  fil  en  réponse  ù  ce  retour  quelque  peu  désobli- 
geant : 

«  Je  m'engage  sur  l'honneur  à  faire  et  à  achever  entièrement 
de  ma  main  le  nouveau  tableau  sans  que  personne  autre  que  moi 
y  travaille." Je  regrette  que  le  précédent  tableau  ail  excité  le 
moindre  mécontentement  de  sir  Carleton.  Cependant,  ce  dernier 
ne  m'a  jamais  fait  comprendre  clairement,  bien  que  je  l'eusse  fré- 
quemment pressé  de  questions,  qu'il  voulût  que  le  tableau  fût 
complètement  original  ou  simplement  retouché  par  moi. 

«  Anvers,  le  13  septembre  1621  ».  • 

Autre  anecdote,  non  moins  piquante  :  . 

Le  chapitre  de  l'église  métropolitaine  de  Malincs  avail  com- 


mandé à  Rubens  son  fameux  tableau  la  Cène.  De  crainte  que  la 
toile  ne  fût  endommagée  dans  le  transport  d'Anvers  à  Malines,  le 
doyen  proposa  au  maître  de  l'exécuter  dans  sa  maison.  Ce  dernier 
accepta,  mais  au  lieu  de  venir  lui-même,  il  envoya  îi  sa  place  son 
élève  Van  Egmont,  avec  l'esquisse  habituelle.  L'œuvre  fut  poussée 
si  loin  par  Egmont,  que  le  chapitre  craignit  qu'elle  ne  lui  fût 
remise  sans  que  Rubens  y  eût  donne  un'scul  coup  de  pinceau. 
Aussi  lui  écrivit-il  «  qu'il  avait  commandé  le  tableau  au  maître  ej 
non  à  l'élève  ».  .  •  - 

Ûue  croyez-vous  que  Rubens  répondit  ?  Il  déclara  tout  bonne- 
ment au  chapitre  que  «  pour  pouvoir  satisfaire  à  toutes  les  com- 
mandes qui  lui  étaient  adressées,  il  avail  pris  J'habilude  de  ne  faire 
que  l'esquisse  de  ses  tableaux  cl  que  c'était  d'aprçs  celte  esquisse 
que  ses  élèves  meitaicnt  en  place  et  exécutaient  au  besoin  le 
tableau  entier  auquel  alors  il  donnait  l'éclat  de  son  talent  per- 
sonnel par  les  dernj/ers  coups  de  pinceau  (sic)  ». 

Les  pères  Jésuites  connaissaient  si  bien  les  habirudes  de  Rubens 
que,  le  29  mars  1620,  le  père  Jacques  Tirinus,  Iraiianl  en  leur 
nom  avec  Rubens,  stipula  que  «  trente-neuf  panneaux  de  lui 
devaient  cire  dessinés  par  lui,  mais  pourraient  être  peints  par  ses 
élèves,  à  la  condition  qu'ils  fussent  dignes  de  lui  ».  Le  rparché 
stipulait  que  le  prix  de  cette  eommandc  était  de  7,000  florins 
(14,000  francs)  «  lesquels  ne  seraient  payés  qu'autant  que  les 
quatre  côtés  du  maître-autel  seraient  non  seulement  dessinés 
mais  peints  par  le  maître.  ^^ 


LITTÉRATURE   WALLOME 

Les  Aventures  de  Jean  d'  Nivelles,  el  fils  de  s'père.  —  Poème 
épique,  rassauré,  erdoublé,  erlouï  à  l'histoire  du  pais,  avè  des 
imaches,  pa  Olivier  Dessa,  et  cor  in  ptit  dictionnaire  au  dsus  du 
marchi.  —  Toisième  édition,  in  .douze  chants,  pa  l'auteur  d§s 
deux  autes.  -^  Un  vol.  in-12  de  213  p.,  Bruxelles.  Ad.  Mer- 
tens,  1890. 

11  existe  en.  Belgique  une  Société  de  liiiérature  wallonne 
très  active,  qui  s'occujîe  avec  une  véritable  passion  de  tout 
ce  qui.se  rapporte  à  celte  vieille  langue  nationale?  Elle  en 
recherche  les  origines,  recueille  soigneusement  les  monuments 
laissés  aux  diverses  époques  de  l'histoire,  établit  les  règles  . 
de  son  orlhographc  el  de  sa  grammaire,  et  enrichit  ».  son 
dictionnaire  de  glossaires  technologiques  puisés  dans  les  annales 
des  métiers.  Chaque  année,  celle  société  organise  des  concours 
1res  suivis  dont  les  productions  sont  examinées  avec  le  plus  grand 
soin, et  ses  travaux,  ainsi  que  les  pièces  couronnées,  sont  publiés 
dans  un  Bulletin  qui  en  est  li  son  vingt-septième  volume,  et  qui 
constitue,  pour  l'élude  dupays  waltôn,  la  mine  la  plus  riche  que 
l'on  puisse  imaginer. 

Naturellement,  le  siège  de  la  Société  est  à  Liége,Tnais  ceux  qui 
s'occupent  des  dialectes  des  autres  parties  de  la  wallonnie  sonl 
venus  se  rattacher  h  ce  rameau  principal,  et  il  est  sorti  de  Ih  une 
liiiérature  vraiment  populaire,  qui  peint  les  petites  gens  sur  le 
vif  avec  leurs  allures,  leurs  mœurs,  leurs  préjugés  et  leurs  senti- 
ments, bien  mieux  que  ne  pourrait  le  faire  le  français,  au  travers 
duquel  ils  apparaissent  raides  et  gênés,  comme  en  un  hcTbîrv. 
d'emprunt.  .  '  ,  • 

Dans  cet  épanouissement  4iltéraire  du  vieux  langage,  M.  l'abbé 
Renard,  auteur  du  livre  dont  nous  avons  transcrit  le  litre,  repré- 
sente la  branche  nivelloise,  et,  d'un  vers  facile  et  léger,  il  chante 


V. 


l'dpopée  de  la  capitale  duBrabani  wallon.  Oyez,  comme  il  com- 
mence :  ,  . 

Apollon,  ô  grand  maiss  des  vers  et  des  chausonSj, 
Rawaitiz,  d'in  boun  ouie,  el  pu  laid  des  Wallons  ! 

Puis,  après  s'être  présenté  avec  celte  absence  dvidenic  de  pré- 
tention, il  nous  montre  Nivelles,  «  la  vilie  yuss  que  Gédru  »,  toute 

remplie  encore  du  souvenir  de  ses  abbfesscs  :     / 

/  /   ' 

C'esst  ènn  Dame,  à  Nivell,  qu'a  poùrté  les  maronnes 

Leu  trace  est  là  cougnée.  On  voit  cor,  de  nos  jous, 

Que  leu  gouvernèmint  n'astait  qu'aimâbe  et  doux. 

■ii      Dins  Is  allûrs,  les  rappourts,  dins  1  eglîche,  à  les  fiesses, 

0  recounnait  co  toudi  1'  bia  royaum  des  abbesses. 

Il  a  là  r  coquètrie,  avè  d'ell  propreté, 

In  ptit  pau  d'  coumairâche  et  branmin  d'cll  piété. 


Je  n'  tints  ni  ses  maisos'pou  les  palais  des  rois, 

C'est  ni  tant  l'or  qui  rlut.  A  m'  moûde  el  bia  Nivelle 
A  n'  saquet  d'  pu  madame,  a  pu  d'  grâce  :  ènn  dintelle  ! 

Suit  la  représentation  d'un  éventail,  car  le  livre  est  illustré,  cf 
la  gaie  naïveté  des  dessins  ne  le  cède  pas  h  celle  du  ipxlc. 

Et  le  poème  se  développe  ainsi  à  travers  douze  chants,  mêlant, 
dans  un  désordre  tout  pindarique,  les  légendes  locales,  le  chien 
de  Jean  de  Nivelles,  la  Dodaine,  etc.,  avec  des  morce  aux  d'his- 
tofre  :  Jean-le-Bon,  Châles  l'Estorné,  Louis  XI,  le  saccajmint 
d'  Dinant,  les  Franchimontois,  et  des  choses  plus  actuelles, 
comme  la  question  flamande,  el  aussi  de  l'amour,  sans  lequel  ij 
n'y  a  pas  de  poème,  et  du  merveilleux  à  foison,  tout  cela  abso- 
lument peuple,  par  la  manière  positive  do  l'exprimer,  et  qui 
forme  le  plus  souvent  un  amusant  contraste  avec  le  sujet. 

En  somme,  c'est  un  livre  de  bonne  santé  et  de  belle  humeur 
qui  sera  certainement  reçu  avec  enthousiasme  dans  le  pays  des 
Aclots.        '  -        .  . 


La  mode  est  aux  marjonneUes.. Tout  cet  hiver,  elles  ont  fait 
merveille;  on  a  presq'tïe  autant  parlé  d'elles  que  si  elles  étaient 
des  comédiens  et  des  comédiennes;  des  conférenciers  expliquaient 
encore  ces  jOurs-ci,  au  Théâtre  d'application,  copimont  leurs 
petits  gestes  automatiqties  el  leurs  évolutfons  naïves  pouvaient 
exprimer  les  passions  humaines,  et  rien  ne  transpose,  en  effet, 
et  ne  reflète  curieusement  la  vie  comme  ces  minuscules  et  mys- 
térieux personnages  d'où  nous  arrive  la  sensation  d'une  humanité* 
qui  nous  ressemble  sans  être  nous.  C'est  que  l'art  doit  peul-êire, 
avant  tout,  être  suggestif,  et  puisqu'il  y  a  un  endroit  de  Paris-ûù 
ïjIc^  l'on  s'occupe  ainsi  passionnément  de  tout  ce  qui  touche  à  l'art 

théâtral,  et  où  l'on  recherche  les  moyens  de  le  transformer  et  de 
le, perfectionner,  je  voudrais  y  voir  se  créer,  en  faveur  de  la  pan- 
tomime, le  mouvement  qui  se  dessine  déjà  si  bien  en  faveur  des 
. marionnettes.  "^  ■ 

Connaissez-vous  rren  de  comparable  h  la  pantomime?  Quelque 
chose  qui  vous  remue,  vous  secoue,  vous  affecte  davantage,  el 
qui  vous  laisse  dans  la  mémoire  des  images  plus  persistantes? 
Est-elle  l'Art  supérieur,  el  peul-on  dire,  d'ailleurs,  qu'il  y  ail  un 
Art  supérieur?  C'est  une  .question.  Mais  elle  est  bien  celui  dont 
un  artiste  pourra  tirer  les  effets  les  plus  surprenants,  el  dont  les 
souvenirs  seront  .toujours  le  plus\ faits  pour  frapper  et  hanter 


l'esprit.  Elle  est  la  musique  des  yeux.  De  la  musique,  elle  a  le 
vague,  l'étrangeléj  l'indéterminé  menaçant  ou  aimable,  le  charme 
ensorcelant,  la  profondeur  voilée.  Comme  la  musique,  et  bien 
que  silencieuse,  elle  vous  fait  signe  d'écouler;  elle  a  un  doigt  sur 
la  bouche.  i 

Vous  éles-vous  quelquefois  trouvé  dans  un  salon  qu'une,  glace 
sans  tain  séparait  d'un  autre  salon,  et  d'où  l'on  pouvait  voir*  causer 
les  personnes  sans  entendre  le  son  des  voix?  Vous  savez,  dans  ce 
cas,  l'espèce  de  fascination  qu'exerce  cette  conversation  dont  on 
voit  les  gestes  mais  dont  on  n'entend  pas  les  paroles.  Vous  av^z 
senli  l'impossibilité  qu'il  y  a  à  ne  pas  suivre,  malgré  soi,  par  une 
attirance  étrange,  ces  causeurs  qui  se  lèveni,  s'assoient,  avancent 
la  main,  secouent  la  tête,  arrondissent  les  yeux,  rient,  se  ren- 
versent, s'exclament,  sans  qu'aucun  bruit  vous  parvienne. 

Outre  la  curiosité  qu'on  éprouve,  l'intérêt  qu'on  met  à  deviner 
h  quel  enlrctien  peut  bien  correspondre  le  langage  visible  mais 
muet  qu'on  aperçoit,  à  quelles  finesses  ou  h  quels  sous-entendus 
dans  les  mots  pnuvent  bien  s'adapter  les  finesses  et  les  sous- 
entendus  de  la  mimique,  outre  celte  sensaiion  de  curiosité  très 
vive,  on  en  ressent  encore  une  aulrc,  plus  subtile,  mais  tout  aussi 
réelle,  et  qui  réside  dans  le  fait  singulier  de  voir  du  bruit,  comme 
si  le  bruit,  avec  le  son  qui  le  caractérise  cl  s'adresse  à  louïe, 
pouvait  aussi  avoir  une  figure  ignorée  et  rêvée  qui  s'adresserj 
aux  yeux.  Celle  dernière  sensation  du  bruit  quon  voit  est  si  par- 
ticulière, elle  existe  si  posilivemenl,  malgré  sa  bizarrerie,  el  son 
absurdité  apparente,  qu'au  fond,  lorsqu'on  voit  ainsi,  sans  les: 
entendre,  des  personnes  se  sourire  et  remuer  la  bouche,  on  ne 
larde  p:is,  pour  peu  que  le  spectacle  dure,  à  en  recevoir  une 
impression  d'hallucination,  et  même  h  en  souffrir  comme  d'une 
hallacinalîbn  véritable. 

,  Et  pourtant,  selon  toute  vraisemblance,  elle  e-tforl  banale, 
cette  conversation  qui  a  lieu  devant  nous,  derrière  cette  glace  de 
salon,  et  nous  savons,  nous  voyons  peut-être  même  qu'elle  esl 
banale,  mais  il  suffit  que  nous  n'en  entendions  pas  les  mois  pour  ^"^e-r 

qu'immédiatement  elle  nous  captive. -Nous  en  connaîtrions  mieux 
le  sujet,  quelque  chose  nous  aurait  prévenu  que  tous  ces  interlo- 
cuteurs parlent  de  la  pluie  et  du  beau  temps,  de  la  dernière  baisse  C 
ou  de  la  dernière  hausse  de  la  Bourse,  du  dernier  chien  écrasé, 
ou  des  prochaines  élections  municipales,que  nous  n'en  suivrions 
pas' moins  chaque  geste,,  chaque  mouvement  de  lêle,  cl  que  nous 
n'en  serions  pas  moins  pris  el  retenus  par  ces  mots  que  nous  n'en.- 
tendons  pas  et  par  ce  bruit  que  nous  voyons,  c'esl-à-ilire  par 
Vinconnu  d'ahovà,  par  k  mystérieux  cnsullc.    ,,      J 

Toute  l'explication  des  puissants  effets  qu'on "(5tMient  par  la 
pantomime  réside  effectivement  Ih.  Il  y  a,  dans  une  mimique 
qu'aucune  parole  n'accompagne,  un  mystère  permanent,  el  si 
transparente  qu'elle  soit,  si  netlemenl  que  les  gcs'.es  el  les  jeux 
de  la  physionomie  disent,  précisent  cl  expriment  une  passion  ou 
uii  sentiment,  une  pantomime  aura  toujours  une  uinte  et  ('omine 
une  gaze  de  mystère.  On  y  verra  bien  un  mari  jnloux,  mais  on  ne 
verra""  pas  ^jusqu'où  il  l'e^st,  ce  qu'on  verrait  s'il  parlait,  el  celle 
'  jalousie,  dont  on  ne  verra  pas  le  fond,  paraîtra  mille  fois  plus 
_, terrible,  et  sera  beaucoup  plus  terrifiante  que  les  jalousies  Ic^^  ' 
plus  féroces,  mais  dont  la  férocité  s'expliquerait. 

La  pantomime,  en  art,  esl  ce  que  sonl,  dans  la  nature.  Us 
gouffres  insondés  et  les  grandes  lignes  des  horizons.  Vous  avez 
beau  savoir  que  ces  gouffres  coniiennenl  la  mon  ;  personne  n'a 
jamais  pu  dire^comment  elle  y  élaii,  ce  qu'elle  y  était,  et  c'est 
précisément  ce  qui  en  fait  l'horreur.  Vous  avez  beau  connaître  le 


^ 


112 


VÀRT  MODERNE 


( 


pays  qui  se  trouve  là-bas,  au  loin,  dans  ces  grandes  monlagncs 
bleuâtres;  vous  n'y  sentez  pas  moins  loulc  une  vie  voilée,  incon- 
nue, toute  une  vie  que  vous  pourriez  regarder  éternellement  sans 
la  voir,  et  vous  éprouvez,  devant  ces  brumes  lointaines,  une 
impression  intense  et  subtile  que  ne  vous  donnera  jamais  le  plus 
beau  parc  dont  vous  compterez  les  pelouses  et  les  massifs,  ef 
dont  vous  verrez  remuer  les  lier|jcs. 

Le  génie  de  l'acteul",  dans  la  pantomime,  tout  en  exprimant 
certaines  nuances,  ne  fera  donc,  en  somme,  qu'étendre  et  agrandir 
encore  le  mystère  inséparable  de  toute  action  muette.  Plus  un 
acteur,  dans  une  pantomime,  aura  do  sourires  significatifs,  d'im- 
mobilités éloquentes,  plus  il  trouvera  de  détails  expressifs,  et  plus 
il  sera,  par  cela  même,  énigm^ati(iue.  Contrairement  à  ce  qui 
arrive  souvent  quand  on  parle,  plus  il  exprimera  el  plus  il  laiissera 
à  deviner;  plus  il  réalisera,  et  plus  il  fera  entrevoir  de  choses 
au  delà 'du  réel! 

N'esl-il  pas  singulier  que  la  pantomime  soit  née  de  simples 
basards?  Elle  paraît  être  la  conception  d'un  génie  étrange  et  pro- 
fond, cl  elle  n'est  que  l'effet  fortuit  de  difficultés  matérielles. 
Toute  sacrée  qu'elle  fût  dans  l'antiquité,  elle  n'en  avait  pas  moins 
été  d'abord,  le  résultai  peu  estliéiique,  de  l'impossibilité  de  faire* 
entendre  la  voix  bumaine  sur  les  vastes  théâlfcs  où  se  déroulaient 
alors  les  spectacles,  et  son  origine,  chez  nous,  est  tout  bonne- 
ment administrative.  Pour  sauvegarder,  à  un  moment,  les  privi- 
lèges de  l'Académie  de  musique  et  du  Théâtre  Français,  on  avait 
interdit  la  parole  à  tous  les  autres  théâtres,  et  cei^dcrniers  jouèrent 
alors  des  drames  el  des  comédies  mimés.  Quelques-uns  avaient 
même  imaginé  de  mettre  entre  les  mains  des  acteurs  des  bandes 
de  loile  sur  lesquelles  leurs  répliques  étaient  écrites,  et  qu'ils 
dépToyaienl  à  tour  de  rôle  pour  les  faire  lire  au  public.  Ils  rappe- 
.4aicnl  ainsi  ces  personnages  des  vieilles  peintures  primitives  dans 
la  bouche  desquels  on  voit  des  banderoles  où  se  déroulent  des 
phrases  naïves.  ,  •         . 


*    * 


En  loul,  en  ce  moment,  nous  clierchons«-cl  nous  tâtonnons.'  11 
semble  que  nous  ayons  tout  éprouvé,  que  tout  nous  ail  fatigués, 
et  l'art  qui,  aujourd'hui,  nous  saisira  avec  le  plus  de  force,  sera 
certainement  celui  qui  contiendra  le  plus  d'inconnu.  La  véritable 
folie  de  musique  qui  rem'plil  les  s;illcs  de  concert  n'a  pas  d'autre 
/  c.iùse,  el  la  pantomime  nous  attirerait  de  même,  pour  les  mêmes 
raisons,  el  avec  le  même  magnétisme.  Ce  qui  fait  la  magie  xle  la 
musique,  c'est  qu'elle  évoque  des  figures,  mais  qu'elle  est  elle- 
même  sans  figure  ;  ce  qui  fait  celle  de  la  pantomime,  c'est  qu'elle 
évoque  des  paroles,  mais  qu'elle  esl  elle-même  sans  parole  el 
avec  ce  que  nous  sommes,  ce  que  nous  voulons,  ce  que  nous  sen- 
tons, et  surtout  ce  que  nous  deviendrons,  l'avenir  n'est  pas  à  un 
autre  Frederick  Lemaîlre,  il  est  â  un  autre  Deburcau. 

Maurice  Tal-mevu  {Gxl  Blas), 


foNCERT?     PyVF(I31EN? 

SOCIÉTÉ    NATIONALE    DE    MUSIQUE 

(Correspondance  particulière  de  /'Art  moderne). 

Le  Qautuor  à  cordes  en  rc  majeur  de  César  Franck,  dont  la 
première  audition,  si  impatiemment  attendue,  vient  d'avoir  lieu  à 
la  Société  nationale,  esl  une  œuvre  de  loul  premier  ordre.  Force 


de  conception,  noblesse  et  générosité  des  idées,  architecture 
magistrale,  forme  admirable  el  nouvellr,  toutes  les  qualités  qui 
constituent  une  véritable  oeuvre  d'art  s'y  trouvent  réunies. 

Le  premier  morceau  commence  par  un  mouvement  Icnl  où 
s'expose,  sans  hâte,  la  phrase  principale  de  l'œuvre.  Comme  cela 
arrive  presque  toujours  dans  les  œuvres  symphoniques  du  mêiiïé 
auteur,  cette  phrase  se  retrouve,  modifiée,  dans  les  autres  parties. . 
Puis  vient  nw  allegro  en  ré  mineur.  Après  la  reprise  du  motif, 
en  fa^  la  phrase  de  l'introduction  réapparaît.  Celte  fois  elle  se 
développe  en  forme  de  fugue.  Ce  premier  morceau,  conçu  dans 
des  proportions  inusitées  (il  dure  près  de  dix-sept  minutes)  esl 
construit  el  conduit  avec  un&-&ûrelé  de  main  vraiment  merveil- 
leuse. Il  peut  être  comparé  h  tout  ce  qui  a  été  fait  de  plus  beau 
dans  ce  genre.  \ 

Le  scherzo,  où  l'on  retrouve  comme  un  ressouvenir  des  Eolides, 
el  Validante  sont  dé  moins  grandes  dimensions. 

Le  début  du  fmal  rappelle  par  sa  disposition,  el  nullement  par 
la  nature  des  idées  musicales,  le  début  du  final  de  la  9*  Synipho- 
nie.  Les  thèmes  des  trois  premiers  morceaux  y  sont  ramenés  tour 
à  lour,  encadrés  dans  une  phrase  vive,  qui -conduit  à  Y  allegro.  Les 
mêmes  thèmes  revien'nent  encore  àla  fin  du  morceau  el,  à  noire 
avis,  d'une  façon  plus  heureuse,  parce  qu'ils  se  mêlent  alors  à  la 
trame  musicale.  ,.      .       .\ 

Il  estévidemmenl  impossible  de  donner  avec  des  mois  une  idée, 
même  imparfaite,  d'une  œuvre  aussi  complexe  et  aussi  complète- 
ment feçUe.  Qu'il  nous  suffise  de  dire  qu'il  y  a  dans  la  musique  de 
chambre  un  chef-d'œuvre  de  plus. 

Le  programnic  comprenait  d'autres  œuvres  inléressanles.  Tout 
d'abord  le  beau  Poème  des  montagnes  de  M.  Vincent  d'Indy,  si 
personnel,  et  la  réduction  à  deux  pianos  de  la  Lénore  de 
M.  Henry  Duparc.    . 

M.  Ernest  Chausson  faisait  entendre  trois  nouvelles  mélodies, 
sur  des  paroles  de  Verlaine,  Villiers  de  l'Isle-Adam  et  Leconte  de 
Lisle.  Ces  mélodies,  d'un  sentimenf  contenfl,  r-éfléchies  et.  très 
enveloppées  d'harmonies  non  communes,  auraient  gagné  à  être 
entendues  dans  une  salle  moins  grande. 

Notons  encore  que  M.  Diémer  a  contribué  à  l'éclat  de  celle 
séance  en  exécutant,  avec  sa  virtuosité  impeccable,  de  gracieux 
morceaux  de  piano. 


pETlTE    CHROjvilQUE 


Le  quatrième  et^dernier  Concert  populaire  de  la  saison  aura 
lieu  au  ibéâtreuic  la  Monnaie,  mercredi  prochain,  à  8  h.  de  soir, 
sous  la  direction  du  capellmeister  Hans  Richler. 

Voici  le  programme  de  cette  audition  exceptionnelle  : 
A.' 0\i\er[[irû  dès  Maîtres  Chanteurs. 

2.  Prélude  de  Tristan  cl  Yseult.  Mort  d'Yseult. 

3.  Prélude  de  Parsifal. 

A.  Final  du  troisième  acte  delà  Va  Iky  rie  {tiàicux  de  Wolùu), 
chanté  par  M.  Blauwaert.  ' 

5.  Première  rhapsodie  hongroise  de  Liszt. 

6.  Symphonie  en  u*  mineur  de  Boeihoven. 

La  répétition  générale  aura  lieu,  au  Ihéâtre  de  la  Monnaie  éga- 
lement, mardi  soir,  à  8  h.    . 

Samedi  prochain  aura  lieu  à  l'A.lhambra  une  représentation 
extraordinaire  donnée  au  bénéfice  de  M.  Hubert  Van  Dijk,  in^pec- 


.^ 


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VART  MODERNE 


113 


leur-général -du  lliôàlrc  et  ancien  contrôleur  en  chef  du  théâtre  de 
la  Bourse. 

Le  programme  de  la  roprésenialion  est  composé  d'une  des 
pièces  montées  par  M.  Duricux  pendant  sa  campagne,  et  d'un 
intermède  auquel  prendront  part  plusieurs  artistes. 


La  place  de  professeur  de  gravure  à  l'Académie  d'Anvers  Ci-t 
devenue  vacante  par  la  mort  de  l'aquafortisle  Michicls.  Le  hruit 
court  qu'elle  csi  demandée  notamment  par  M.  Danse,  actuelle- 
ment à  Mons.  Le  choix  serait  cxcellenl.  Depuis  longtemps 
M.  Danse  est  au  premier  rang  de  nbs  graveurs  et  son  enseigne- 
ment est  parfait  au  point  de  vue  de  l'art  et  de  la  pratique.  C'est 
lui  qui  travaille  à  la  gravure  de  la  Kermesse  do  Hùbcns  (Musée 
du  Louvre),  dont  on  attend  l'apparilion  avec  une  impatiente  curio- 
sité. Quantité  d'autres  oeuvres  de  cet  artiste,  très  laborieux,  sont 
connues. 

)>I.  Alhaiza,  directeur  du  théâtre  Molière,  va,  en  juin  prochain, 
tenter  avec  sa  trpupc  une  campagne  à  Paris,  au  théâire  des  Nou- 
veautés. Il  débutera  par  le  Voyage  de  Chaudfontaine,  l'opéra- 
comique  de  Hamal,  qui  eut  cet  hiver  un  vif  succès  à  Ixollcs. 


A  l'occasion  des  fêtes  organisées  sous  ses  auspices  pour  célé- 
brer le  soixantième  anniversaire  de  la  proclamation  de  l'Indépen- 
dance nationale,  l'administration  communale  de  Bruxelles  ouvre 
un  concours  pour  la  composition^artislique  d'une  aflîchc  restrernl 
aux  artistes  belges.  ,  : 

La  composition  de  l'affiche  comprendra  notamment  :  le  pano- 
rama de  la  ville;  2»  une  vue  du  square  du  Petit-Sablon,  avec 
quelques  groupes  ou  chars  de  la  cavalcade  organisée  lors  des 
,  prochaines  fétcs  et  représentant  les  grands  faits  de  l'histoire  natio- 
nale au  xvi^  siècle  ;  3°  un  dessin  représcniant  la  revue  des  écoles; 
¥  un  schéma  de  la  carte  de  l'Europe  indiquant  les  grandes  voies 
de  communication  vers  Bruxelles. 

Les  concurrents  doivent  fournir  une  esquisse  peinte  ou  coloriée 
en  trois  teintes,  mesurant  32  centimètres  de  largeur  sur  7o  centi- 
mètres de  hauteur,  marge  comprise.  La  décoration,  y  compris 
l'espace  réservé  au  tilre,  ne  pourra  dépasser  la  moitié  de  la  sur- 
face, l'autre  moitié  étant  réservée  au  texte. 

Ces  esquisses  seront  adressées  sous  cachot  à  M.  l'échcvin  André, 
président  de  la  commission  communale  des  fêles  natiqnales,  à 
l'Hôtel  de  ville,  24,  rue  du  Lombard.  Il  en  sera  délivré  reçu.  Elles 
seront  déposées,  au  plus  lard,  le  mercredi  M  mai,  à  midi. 

Les  esquisses  porteront  une  devise  ou  marque  qui  sera  répétée 
sur  une  enveloppe  cachetée,  jointe  à  l'envoi,  et  qui  contiendra 
les  nom,  prénom  et  "adresse  du  concurrent.  ^.^ 

S'il  y  a  lieu,  la  commission  désignera  les  trois  meilleures 
csqursses  j)Oiir  éire  exécutées  par  leurs  auteurs  en  grandeur  d'exé- 
cution, soit  l'",25  de  largeur  sur  3  nicires  de  haut,  et  déposées 
à  l'Hôtel  de  ville,  le  26  mai,  avant  quatre  heures. 

L'auteur  du  projet  classé  premier  recevra"  une  prime  de 
1,000  francs,  offerte  par  la  Société  de  Bruxelles- Attractions.  Les 
auteurs  des  projets  classés  deuxième  et  troisième  recevront. res- 
pectivement une  prime  de  300  francs  et  de  200  francs. 


Voici  le  résultat  stupéfiant 'de  l'élection  (dite  ùc% 'Treix,e)  k 
l'Académie.  \ 

Nous  donnons  successivement  le  dépouillement  des  sept  scru- 
tins : 


\ 


V"       2"       3"       -i"       :;•■       <5'=     7- 

Thureau-Dangin     ..8  88  9        OlO  8 

Manuel  ..*...  0  8  9  7        8  7  -ii 

Lavissc  ......  n  r;  7  .8-9  9  10 

Bru'nctière  ....  4  43  0         4  3  3 

H.  Houssavc     ...  4  4  3  1         1  1  2 

Theurict.  \     .     .     .  4  3  0  0        0  0  1 

F.  Fabrc      ....  2  K  0  00  0  0 

Loti 2  2  5  4        3  .^.  G 

Zola 1  3  3  34  2  2 

Becque -1  0  0  0         0  0  0 

Barbier '    \  0  0  0         0.  0  0 

Charles  Naurov      .     .  0  0  0  0        0  0  0 

Begnaull     .    '.     .     .  0  0  0  0        0  0  0 

Votants.     .     .       38       38       38       38       38       37       38 
Après  le  septième  tour  de  scrutin,  l'Académie  a  remis  l'élection 
à  une  époque  indéterminée. 
Nous  comprenons  cela. 

M.  Hcnrv  Céard  vient  de  lire  aux  artistes  du  Théâtrc-iwibre 
La  Pêche,  pièce  en- un  acte. 

'     Les    foies    seront     tenus    par    MM.     Antoine    et    Pinsard, 
M™»*  Hcnriot  et  France. 

Il  reste  îi<listribucr  un  rôle  d'enfant,  —  qui,  le  soir  do  la  i)io- 
mière,  fora  sensation. 

La  Réunion  des  Arls  et  du  Travail  organise  pour  le  jeudi' 
8  mai,  à  7  h.  1/2,  une  représentation  dramatique  au  profit  do 
Y  Œuvre  philanthropique  du  Travail,  dans  son  local  de.  la  salle 
.  Veydt,  à  Saint-Gilles. 

La  spectacle  se  composera  des  Vivacités  du  capitaine  Tic,  et 
de  les  Espérances."   ' 

Le  prix  des  places  est  fixé  à  2  francs.  Carte  de  famille  (trois 
personnes)  5  francs.  '  - 

On  peut  se  procurer  des  caries  au  local  del'OEuvre,  rue  Voydi,  17. 

Le  Joif-rnal  des  Débats  raconte  qlie  l'administration  du  génie 
de  France  vient  de  fai^^e  une  jolie  gafl'e.  Elle  a  vcnTu  comme 
vieilles  planches,  à  un  prix  dérisoire,  des  boiseries  artistiques, 
sculptures,  provenant  de  l'hôtel  de  Sens,  qu'on  aménageait  pour 
divers  services  de  la  guerre.  L'un  do  ces  lot*,  après  quelques 
reventes  successives,  a  fini  par  être  payé  12,000  francs  par  un 
amateur  qui  s'y  connaissait;  mais  c'est  un  brocanteur  qui  a  Béné- 
ficié de  l'aubaine. 

L'orgue  de  Marie-Antoinette  est  h  Saint-Sulpice,  dans  la  c1i:h 
pelle  de  Notre-Damo-des-Eludiants;  il  porte  eniiore  le  chillro  do 
la  reine  et  se  dislingue  pan  l'élégance  de  ses  formes.  Cet  instru- 
ment, qui  a  été  l'objet  d'une  restauration  récente,  a  été  inauguré 
h  l'occasion  des  cérémonies  do  la  Somaine-Savnle.  Les  morceaux 
qui  avaient  été  choisis  sont  des  compositions  de  (lluck  et  de 
Mozart  que  ces  grands  artistes  ont  exécutés  autrefois  sur  le  mémo 
clavecin.  /    

Quelques  artistes  belges,  en  nombre  très  restreint,  ont  envoyô 
des  œu\res  h  la  vingt-neuvièmo  exposition  de  llnstitut  dos, 
Beaux-Arts  de  Glasgow,  qui  vient  de  s'ouvrir.  Ce  sont  M.M.  Charles  ^ 
Van  dcr  Stappen  {Saint-Michel  et  la  Pieuvre\,  Paid  do  Vigtfc 
{la  Foi,  l'Abbé,  la  Poverella,)  M"'*  Henriette  Ronnor  (les  Con- 
naisseurs, les  ï>eux  Amii),  M.  Alfred  Ronner  et  M"*"*  A.  et 
E.  Ronner.  L'école  française  est  représentée  par  dos  toiles  do 
Diaz,  de  Julien  Dupré,  d'Isaboy,  de  Léon  Lhermitte,  de  Tou- 
douze,  de  Comerre,  de  Damoye^  de  Pierre  Billet,  de  Borgeret,  etc. 
L'école  hollandaise,  par  des  œuvres  de  Mesdag  et  de  M"""  Mesdag, 
de  Gabriel, de  Vos,  de  Mauve,  de  Josef  Israëls,de  Storm  de  Grave- 
sande,  etc.  L'exposition  comprend  1,047  numéros. 


\    .. 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


LIGNE   D'OSTENDEDOUVRES 


La  plus  courte .el  la  moins  coûteuse  des  voies  extra-rapides  entre  le  Continent  et  /'Angleterre^ 


Bruxelles  à  Londres  en  .         .  8  heures. 

Cologne  à  Londres  en    .    .         .      13 
Berlin  à  Londres  en  ....    .      24 


Vienne  à  Londres  ei). 
Bftle  à  Londres  en.  . 
Milan  à  Londres  en  . 


36  heures. 
24      ^ 
33       - 


XROll»  SERVICES  I^i%R  «FOUR 

i)'Ostende  à  6  h.  matin,  10  h.  15  matin  et  8  h.  20  soir.  —  De  Douvres  à  11  h.  59  matin,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soif. 

XR  A  VERSÉE  EIV  XROIS  HEURES 

PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS 

Princesse  Joséphine,  Princesse  Henriette,  Prince  Albert,  La  Flandre  et  Ville  de  Douvres 

partant  jouniellemeiit  d'OSTENDE  à  6  h.  matin  et  10  h.  15  matjn:  de  DOUVRES  à  11  h,  59  matin  et  3  h.  après-midi. 

SalonM^InCFaedair»-  Fumoirs.  —  Ventlllation  perfectionnée.  —  Éclairage  électrique.  -^  Restaurant. 

BILLETS  DIRECT^simples  ou  aller  et  refour)  enlre  LONDRES,  DOUVRES,  Birmingliam,  Dublin,  Edimbourg,  Glascow, 


et 


Liverpool,  Manchester  et  toutes  les  grandes  villes  de  la  Belgique 
entre  LONDRES   ou   DOUVRES  et  toutes  les  grandes  villes  dé  l'Europe. 

__2 : 


BILLETS  CIRCULAIRES 

Supplément  de  2«  en  1"  classe  sur  le  bateau,  fr.  2-35 
CABINES  PARTICULIÈRES.  —  Prix  :  (en  sus  du  prix  de  la  1"  classe).  Petite  cabine,  7  francs;  Grande  cabine,  14  francs. 

A  bord  des  malles  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette 
Spécial  cabine,  28  francs;  Cabine  de  luxe,  75  francs. 

Pour  la  location  à  Vavayicc  s'adresser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  {Quai)  ou  à  l'Agence  des  Chemins  de  fer  de  l'Êtat-Belge 
Northumberland  House,  Strond  Street,  n"  17,  à  Douvres,' 

Excursions  à  pri z  réduits  de  50  o/o,  entre  Ostende  et  Douvres,  tous  les  jours,  du  l^i*  juin  au  30  septembre. 
Entre  les  principales  villes  de  la  Belgique  et  Douvres,  aux  fêtes  de  Pentecôte  et  de  l'Assomption. 

AVIS.  —  Buffet  restaurant  à  bord.  —  Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  —  Accostage  à  quai  vis-à  vis  des  stations  de  chexairi  de 
fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagon|d|ts).  —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  -  Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  VEcrploitation  dés  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  V Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l'Êtat-Belge,  Montagne  de  la.  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n»  53,  à  Londres,  à  V Agence  de  Chemins  de  fer 
de  VÊtat,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vrancken,  Domklofiter,  n»  l,  à  Cologne. 


KTUDE  DU  NOTAIRE  DELVAULX,  A  MALINES. 


VENTE  PUBLIQUE 

DE  SI'LENUIDES 


ANCIENNES  TAPISSERIES  FLANANDES 


Le  iiotmre  VANMELCKEBEKE,  résidant  à  Malines,  à  1  inter- 
vention de  son  collègue  maître  DEL  VAUX,  en  laméme  ville,  vendra 
publiquement  le  Vendredi  9  Mai,  à  3  lieures,  en  la  mortuaire  de 
M.  D'Avoine,  rue  des  Vaches,  ii»  33,  à  Malines  : 

Les  magnifîquc^TAPISSERlES  FLAMANDES  garnissant  le  grand 
salon,  représentant  :  j)aysnges,  oiseaux  et  verdures  avec  larges  bor- 
dures de  fleuiis  et  comi)rcnant  cinq  grands  panneaux,  mesurant  : . 
10  S"", 45  sur  311,25;  SMin.SB  sur  3<»,25;  3o2»',6C  sur  3'",23;  4°  4î",53 
sur  3™, 25;  5"  d'^AO  sur  3"", 25;  et  deux  petits  panneaux,  mesurant  le 
1er  Om32  .sur  3'",25  et  le  2»  On',45  sur  3'°,25. 

Ces  tapisseries,  par  leur  ancienneté,  le  fini  de  leur  exécution,  la 
délicatesse  des  couleurs  et  leur  parfait  état  de  conservation,  méritent 
de  fixer  l'attention  de  tous  les  amateurs. 

Deux  magnifiques  MEUBLES  ANCIENS  avec  incrustations  et 
peintures  (scribans).  ^-^-^  . 

On  peut  se  procm'èv  la  photographie  du  panneau  prin- 
cipal en  l'étude  du  dit  notaire  r^LVAULX,  rue  Louise, 
35,  &  Malines,  moyennant  envoi  d'une  somme  de  2  francs. 


PIANOS 


BRUXELLES 
rue  Thérésiennè,  6 


GUNTHER 


•  VENTE 
ÉCHANGE 
L  OCÂTION 

Paris  4867, 1878, 1"  prix.  —  Sidney,  seuls  l»""  el  2«  prix 
EIPOSITIOIS  ilSTERDil  1883,  ÂMTEIS  1885  OIPLOIE  S'IOIUDl. 

Breitkopf  et  Hartel,  éditeurs^  Leipzig-Bruxelles 


TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  compositiony  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de/a  m\isique  pour  pîano  par  J.-G.  LiObe> 

Traduit   de  l'allemand   (d'après   là  5^  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8».  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  rares  ouvrages  d'enseignement  musical  les 
plus  estimés  en  Allemagne. 


BruxeUes.  —  Inip.  V*  Monnoh,  26,  rue  de  l'Industrie. 


^ 


/^ 


^ 


Dixième  année.  —  N**  19. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  U  Mai  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  toiQUE  DES  ARTS. ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  :  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,    un   an,    fr.   10.00  ;  Union  postale,    fr.    13.00     —  ANNONCES  :    On   traite   à   forfait. 

, _-,^ — . — _ , ■ 

"^    Adresser  toutes  les  communications  à 

l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  rindustrie,  26,  BrusÉelles. 


Sommaire 


HaNS  RlCHTEH.  —  NÉOI'HOBES  OU  MySONÈISTES.   —  Le  MYSTÈRE  DE 

LA    RESSEMULANCE.     —     CUEIU.ETTE     DE    LIVRES.     —    Au     RiDEAU  !  

Chronique  JUDicLMUE  des  Arts.  —  Mémento  des  Expositions.  — 
Petite  chronique. 


/    HMS  RICHTER 

L'apparition  sur  l'estrade  des  Concerts  populaires  du 
capellmeister  Richter,  le  doux  colosse  germain  à  la 
barbe  couleur  de  Pilsener-bier,  a  été  révénement  de  la 
'y\  semaine.  Plus  qu'un  événement,  une  solennité.  Et  le 
succès  s'est  élevé  aux  vertigineuses  hauteurs  du  triom- , 
phe,  presque  de  l'affolement.  Richter  a  été  l'homme  du 
jour,  le  héros  dont  on  parlait  comme  s'il  eût  gagné  une 
bataille.  Mardi  et  mercredi,  en  ces  deux  inoubliables 
soirées  d'art  qui  ont  scellé  l'union  et  affirmé  la  parenté 
des  deux  musiciens  du  siècle,  Wagner  et  Beethoven, 
Bruxelles  a  été  secoué  de  la  torpeur  qui,  durant  tout 
l'hiver,  l'avait  engourdi.  Quel  réveil!  Quels  cris  de  joie 
et  de  reconnaissance!  Quel  salut  de  Brunnhilde  à  la 
lumière  restituée  par  le  Siegfried  de  Raab,  qui  dompte 
les  rafales  symphoniques  comme  le  fils  de  Sieglinde 
maîtrisait  les  ours  et  commandait  aux  flammes  ! 

En   ce  défilé  de  chefs  d'orchestre  exotiques  que 


/ 


\ 


M.  Joseph  Dupont  à  eu  la  coquetterie  de  nous  présenter, 
on  avait  applaudi  la  souple  direction  d'Edward  Grieg,  on 
avait  admiré  le  coup  de  bâton,  énergique  et  décidé  de 
Rimsky-Korsakow.  Pour  Hans  Richter,  c'a  été  de  la 
stupeur.  Jamais  on  n'avait  vu  réuni  dans  un  chef  d'or- 
chestre pareil  ensemble  de  mérites  divers  :  l'autorité,  la 
fermeté  unie  à  la  douceur,  le  sens  subtil  des  nuances  les 
plus  délicates,  le  sentiment  du  rythme,  la  clarté  et  la 
simplicité. 

Dès  les  premières  mesures  du  prélude  des  Maîtres- 
Chanteurs,  qui  ouvrait  le  concert,  le  courant  magné- 
tique &'est  établi  entre  le  magique  bâton  directorial  et  le 
public,  et  jusqu'à  la  fin  de  cette  extraordinaire  audi- 
tion, qui  comprenait  les  plus  belles  pages  symphoniques 
lie  Wagner  :  préludes  de  Tristan  et  de  Parsifal, 
Chevauchée  des  Walkyries,  Mort  d'Isolde,'  Adieux  dé 
Wotan  et  Conjuration  du  feu,  pour  se  clore  par  la  sym- 
phonie en  uî  mineur  àe  Beethoven,  l'enthousiasmé  a 
été  croissant,  manifesté  par  des  tempêtes  d'applaudisse- 
ments, par  des  tonnerres  d'acclamations. 

D'ordinaire  c'est  aux  virtuoses  que  vont  ces  triomphes 
inusités.  Notre  public  a  fait  preuve,  cette  fois,  d'un 
goût  musical  sérieux  en  faisant  fête  au  musicien  dont  la 
science  et  le  sentiment  artistique  provoquent  ces 
émotions  profondes  que  jamais  le  virtuose  le  plus 
impeccable  n'arrive  à  faire  naître.  Wagner  avait 
discerné  bien  -^ite,  en  lui  confiant  la  direction  de  ses 


A 


f--. 


V. 


^--\ 


œuvres,  Je  mérite  rare  de  Richter.  Et  ceux  qui  assis- 
tèrent avec  nous  aux  répétitions  des  Nibelungen 
doivent  se  souvenirde  la  surprise  qu'ils  éprouvèrent  en 
constatant  que  le  Maître,  si  pointilleux,  si  difficile,  si 
minutieux  dans  tout  ce  qui  concernait  la  mise  en  scène 
de  ses  drames,  n'adressait  jamais  à  son  chef  d'orchestre 
la  moindre  observation,  n'arrêtait  en  aucune  cir- 
constance le  fleuve  d'harmonie  qui  roulait  à  ses  pieds, 
toujours  immuablement  satisfait  des  mouvements  choisis 
et  des  nuances  adoptées.  C'est  que  Richter  s'était  si 
exactement  pénétré  de  la  pensée  de  Wagner  qu'il 
s'identifiait  en  quelque  sorte  avec  son  génie.  L'intermé- 
diaire, l'interprète,  était  effacé  :  c'était  Wagner  lui- 
même  qui  conduisait  l'orchestre  par  le  bras  et  le  cerveau 
de'son  cappelmeister. 

A  Londres,  quelques  années  plus  tard,  aux  festivals 
rhénans,  à  Bayreuth,  où  il  monta  et  dirigea  en  1887 
et  1888,les  Maîtres  Chanteurs  (Lévy  fut  chargé  de  la 
condtfite  de  Parsifal,  Mottl  de  celle  de  Tristan  et 
Isolde),  on  le  retrouva,  toujours  merveilleux,  dirigeant 
avec  la  plus  étonnante  sûreté,  électrisant  ses  musiciens 
par  l'ascendant  qu'il  exerçait  sur  eux,  les  menant  au 
triomphe  comme  un  général  qui  a  la  confiance  de  ses 
troupes.  Tel  il  nous  apparut  cette  semaine  à  Bruxelles, 
après  vingt  ans  d'absence,  depuis  l'époque  lointaine  où, 
sur  les  instances  de  Louis  Brassin,  il  consenti^t  à  mettre 
«  au  point  »•  les  répétitions  de  Lohengrin  sous  la  direc- 
tion Vachot.  Ce  qu'il  a  fait  de  l'orchestre,  d'ailleurs 
excellent  mais  parfois  indiscipliné,  des  Concerts  popu- 
laires, le  relief  saisissant  qu'il  a  donné,  dans  leurs  moin- 
dres détails,  aux' œuvres  qui  composaient  le  programme, 
la  cohésion  et  la  puissance  sonore  auxquelles  il  est 
arrivé  en  quelques  répétitions,  ceux-là  seuls  qui  ont 
assisté  aux  concerts  de  mardi  et  de  mercredi  peuvent 
l'apprécier.      \ 

Cette  fascination  du  chef  sur  les  musiciens  de  l'or- 
chestre est  un  phénomène  curieux.  Quel  que  soit  son 
mérite,  le  directeur  peut  n'obtenir  qu'un  médiocre 
résultat.  Il  faut  qu'il  s'impose  aux  instrumentistes,  qu'il 
les  dompte  comme  un  cavalier  habile  gouverne  sa  mon-' 
ture.  Ce  n'est  pas  seulement  une  aff'aire  de  talent,  c'est 
presque  une  question  de  «  fluide  ».  Lorsque  les  musi- 
ciens, qui  ne  sont  pas  aisés  à  mener,  aperçoivent  la 
moindre  hésitation,  découvrent  le  plus  minime  travers 
de  leur  chief  (et  rien  n'échappe  à  leur  malicieuse  clair- 
voyance), celui-ci  est  perdu,  irrévocablement.  Il  aura 
beau  s'agiter  et  beau  prêcher,  il  s'ingéniera  vainement 
à  prouver  sa  compétence.  Les  écoliers  mutins  ne  l'écou- 
teront  plus  que  d'une  oreille  distraite,  ils  inventeront 
mille  tours  pour  le  démonter,  multiplieront  les  couacs 
à  plaisiç.  Après  le  métier  de  maître  d'école,  celui  de 
chef  d'orchestf e  est  bien  le  plus  infernal  qui  se  puisse 
concevoir. 

En  Richter,  leâ  musiciens  ont  senti  leur  maître.  Ce 


fait  prodigieux  Jde  conduire  de  mémoire  les  partitions 
les  plus  compliquées  sans  jamais  oublier  d'indiquer  une 
entrée,  de  souligner  une  nuance,  les  a  littéralement 
«  matés  ».  Et  ils  n'ont  plus  eu  qu'une  seule  préoccupa- 
tion :  celle  de  se  montrer  dignes,  par  la  tension  de 
toutes  leurs  facultés,  par  l'énergfe  de  toutes  leurs  forces 
concentrées  sur  ce  seul  objet,  d'un  chef  aussi  remar- 
quable. Ils  ont  réussi  au  delà  de  toute  attente  et  ils  ont 
prouvé  qu'ils  savaient  être  (ce  qu'ils  devraient  être  tou- 
jours) un  orchestre  absolument  hors  de  pair,-vibrant  et 
nervQux,  passionné  et  emporté  tout  en  restant  précis 
et  clair.  _  -  \ 

L'admiration  que  nous  expriiûQns  ici  n'a  rien  d'exces- 
sif. Elle  a  été  partagée^croyons-nous,  par  tous  les  audi- 
teurs de  cet  extraordinaire  concert,  On  eût  dit  que 
Rich ter  jou4t  d'un  instrument  colossal,  d'un  instrument 
unique  aux  cent  voix  dont  il  mettait  le  mécanisme  en 
mouvement  par  des  fils  mystérieux  rattachés  à  son 
bâton  de  commandement.  Les  œuvres  animées,  violentes 
de  couleur,  il  les  interpréta  surtout  avec  un  coloris 
prestigieux  :  l'ouverture  des  Maîtres -Chanteurs  et  la 
Chevauchée  des  Walkyries.  S'il  était  possible  de  faire 
un  tri  dans  ces  exécutions  de  premier  ordre,  nous  place- 
rions la  compréhension  de  ces  œuvres  au  dessus  de  celle 
des  pages  mystiques,  peut-être  moins  en  harmonie  avec 
le  tempérament  sanguin  de  l'excellent  musicien.    - 

On  s'est  étonné  un  peu  de  l'intercalation  en  ce  magni- 
fique programme,  de  la  Fantaisie  hongroise  de  Liszt, 
qui  ne  vaut  que  par  le  pittoresque  et  l'exotisme.  Faut-il 
voir  dans  ce  choix  une  coquetterie  de  chef  d'orchestre 
désireux  de  conduire  une  œuvre  aux  rythmes  ondoyants, 
aux  mesures  heurtées,  coupées  de  repos,  scandées  d'alté- 
rations? Est-ce  un  hommage  au  compatriote  mort?  Un 
souvenir  à  celui  qui  résolument  s'institua  le  liéfenseur 
et  l'admirateur  du  Maître,,  à  une  époque  où  l'on  avait 
encore  l'impertinence  et  l'invraisemblable  sottise  de  dis- 
cuter de  pareilles  œuvres?  Peut-être  tout  cela  réuni.  Le 
fait  est  qu'elle  détonait  un  peu  entre  le  prélude  de  Par- 
sifal et  la  symphonie  en  id,  cette  fantaisie  déhanchée  et 
clinquante,  d'ailleurs  étrangement  enguii'landée  de 
fioritures,  follement  pomponnée  et  enrubannée. 

Un  seul  soliste  a  collaboré  à  ces  belles  soirées  : 
M.  Emile  Blauwaert,  l'excellent  Gurnemanz  de  Bay- 
reuth, dont  l'interprétation  artistique  a  donné  le  carac- 
tère et  la  grandeur  voulus  à  la  scène  finale  de  la  Wal- 
AyWe,  admirablement  jouée  par  l'orchestre. 


i 


X 


NEOPHOBES  OU  MYSONElSTES 

A  PROPOS  DÈ)J.-G.  HOUZEAU. 

Néos,  en  grec,  signifie  levNeuf.  Quant  à  la  désinence  phobe  et 
au  radical  myso,  c'est  aussi  au  grec,  du  grec  vulgaire;  il  suffit  de 


2. 


■  / 


i-appelcr  le  mot  hydrophobe,  qui  veut  dire  :  j'ai  horreur  de  l'ean, 
gl  le  mol  mysogyne,  qui  veut  dire  <  j'ai  horreur  des  femmes.  Un 
inielicct  (^veillé  eu  conclura  prestement  que  Néophobe,  correcle- 
mcnl  interprété,  équivaut  à  :  qui  hait  )e  Neuf,—  et  Mysonéiste  à  : 
qui  a  horreur  du  mônie  Neuf. 

C'est  LombrosOj'de  raseur  de  génie,  qui  a  inauguré  les  deux 
vocables.  : 

Et  ils  méritent  d'ôire  retenus,  ces  néolo^ismes  !  car  ils  expri- 
ment bien  ce  qu'on  veut  leur  faire  dire,  ils  comblent  une  lacune 
dont  souffrait  le  mépris,  désireux  de  se  manifester  en  quelque 
invective  bien  nette,  facile  à  lancer,  portant  coup.  Us  seront  d'un 
usage  fréquent  et  opportun. 

Honneur  donc  à  Lombrosp,  et  merci  !  C'est  lui  qui  a  inventé 
aussi  ce  superbe  subslanlif  :  Un  paranoïde!  xiéjà  acclimaté  dans 
lajangue,  au  "moins  chez  les  raffinés,  attentifs  aux  irouvîiilies 
expressives  et  hardies,  qui  qualifie  énergiquement  et  pittoresque- 
ment  l'innombrable  Iribii  des  demi-lôles,  des  côtoyants  de  l'esprit 
et  de  la  sottise,  des  gens  entre  deux  vagues,  flottant  dans  le  creux, 
qui  ne  sont  pas  assez  sots  pour  être  internés  et  qui  sont  pourtant 
assez  déprimés  pour  qu'on  les  tienne  à  dislance.     \ , 

11  va  de  soi  que  les  Paranoïdcs  sont  l'espèce,  et  les  Néophobes 
'  cf  Mysonéislcs  les  genres.  Le  tout  constitue  l'intéressante  famille 
des  dégénérés. 

Jusqu'ici  on  avait  dit  :  doctrinaires  —  ou  plus  poliment  :  con- 
servateurs, —  ou  moins  poliment  :  arriérés,  réactionnaires, 
retardataires,  eUci-oûtés.  Nous  avons  écrit  un  jour  :  Ganaches! 
Désormais  on  dira  :  Mysonéistes  ou  Néophobes!  C'eît  plus 
moderne  et  plus  subiil.  \ 

Une  brochure  vient  de  paraître,  intitulée  :  J.  C.  Houzeau,"^ par 
J.-B.-J.  Liagre.  Elle  est  enrégimentée  dans  le  vaste  régimenl  delà 
bibliothèque  Gilon  e|  eu. porte  l'uniforme  serin.  Elle  donne  la 
biographie  de  ce  grand  homme  hirsute,  et  peu  considéré  dans 
notre  hichelifferie,  qui  eut  le  bizarre  et  scandaleux  travers,  alors 
qu'il  se  nommait  Houzeao  de  Lehaie,  et  que  son  nom  figurait  sur 
la  liste  des  nobles  de  noire  almanach  royal  officiel,  de  s'obsiinerà 
se  nommer  Houzeau,  tout  court;  du  grand  homme  qui  eut  le  non- 
moins  scandaleux  et  bizarre  travers  de  *  s'obstiner  à  refuser  la 
décoration  de  l'ordre  de  Léopold  !  ! 

Comme  la  plupart  de  nos  compatriotes  se  dcmandroni  appa- 
remment qui  celui-ci  peut  être,  nous  ajoutons  :  que  c'est  un  cer- 
tain astronome,  auteur  de  la  Physique  du  Globe,  dos  Règles  île 
Climatologie,  de  la  Géographie  physique  de  ta  Belgique,  de 
l'Histoire  du  sol  de  l' Europe,  des  Etudes  sur  les  facultés  mentales 
des  aniinaux,  du  Ciel  mis  à  la  portée  de  tout  le  monde,  de 
y  Etude  de  la  nature,  ses  charmes  et  ses  dangers,  de  VUra7W- 
mélrie  générale,  du  Traité  élémentaire,  de  Météorologie,  et  de  cette 
œuvre  colossale,  aussi  ignorée  de  noire  public  que  le  recueil  des" 
hymnes  védiques  :  la  Bibliographie  générale  de  l'Astronomie. 

Et  comme  cette  énuméralion  laissera  apparemment  nos  excel- 
lents oompâtriotes  aussi  perplexes  que  si  nous  n'avions  rien  dit, 
nous  ajoutons  par  surcrbil  :  qu'en  Belgique  il  fut  outragé  lors 
de  ses  funérailles  par  le  directeur  de  l'Observatoire  de  Bruxelles, 
tandis  qu'à  l'étranger,  le  président  de  l'Académie  des  Sciences  de 
Paris,  annonçant  à  ses  collègues  la  mort  de  cet  Houzeau,  survenue 
lé  12  juillet  1888,  il  n'y  a  pas  doux  ans  (qui,  chez  nous,  se  doute 
que  ce  fut  un  événement?)  disait  :  «  Celait  une  âme  haute  el 
«  belle,  éprise  de  justice  afbsolue  el  de  vérité...  Rendons  un 
«  hommage  mérité  à  sa  mémoire.  Elle  honoçe  l'humanité,  elle 
«  glorifie  la  science,  elle  illustre  la  Belgique  !  ^ 


Vraiment  elle  nous  illustre!  Qui  l'eûl  jamais  cru  sur  les  rives 
de  l'Escaut  cl  de  la  Meuse,  où  nous  jouissons  de  tant  d'illustres 
inconnus,  comme  rallesienl  les  statues  el  les  bustes  de  nos  places 
publiques. 

Or,  cet  Houzeau  tout  court,  4oin  d'être  un  Néophobe,  était 
un  furieux  Néophile.  Pour  le  démontrer  il  suffira  de  dire  que  c'est 
^ous  sa  présidence  qu'eut  lieu,  le  23  marâ  1849,  te  fameux  ban- 
quet-meeting qui  réu"nil  au  Prfl</o,  à  Molenbeck-Sainl-Jean,  les 
partisans  du  mouvement  républicain.  En  ouvrant  la  séance  il 
donna  solennellement  lecture  de  l'article  19  de  la  Cotisiitulion,  qui 
reconnaîl  aux  Belges  le  droit  de  s'assen\bler  paisiblement  et  sans 
armes;  ce  qui  n'empêcha  pas\  une  troupe  , de  Lf'opoWw/w 
néophobes  de  disperser  les  càinviv'«s  à  coups  de  canne.  Il  était 
tellement  néophile  que  le  minh^tre'  de  l'inlérieur  de  l'époque, 
M.  Charles  Rogiep,  —  cet  homme  politique  si  libéral!  —  le 
révoqua  de  ses  fonctions  d'aide  astronome  à  l'Observaloife.       ^ 

Tellemeni  Néophile  ^u'il  écrivit  dan^  son  testament  celle  pres- 
cription stupéfiante  de  la  pari  d'un  monsieur  auihoniiqucment 
noble  et  muni  dç  la  particule  avec  adjonction  d'une  queue  genlil- 
hommesque  à  son  nojn  :  «  Je  serai  inhumé  dans  la  fosse  com- 
mune, sans  marque  disiinctive  sur  ma  tombe  ».  Tellenrtenl 
Néophile,  qu'il  osçf,  ce  sauvage!  donner  sa  démi|ssion  ile  direc- 
IcurderObscrv^ldire^où  il  était  entré  malgré  tout,  surtout  malgré 
ses  mérites  el  sa  gloire,  le  17  juin  1876,—  après  sept  ans  seule- 
mont  de  fonctions,  en  accompagnant  colle  déroulante  démission 
d'une  letlro  où  on  put.  lire  des  blasphèmes  comme  ceux-ci  :  «  Un 
«  homme  n'a  qu'un  nombre  borné  d'idées.  J'ai  eu  le  temps  d'ap- 
«  porter  mon  contingent.  Il  y  a  avantage  pour  un  établissement 
«  scientifique  à  mettre,  de  temps  à  aulre^  de  jiouvelles  sources  à 
«  contribution  ». 

Quoi  d'extraordinaire  après  ces  calmes  vitupérations  des  usages, 
que  la  multitude  des  Néophobes  et  des  Mysonéistes  ail  fait  un 
silence  de  ténèbres  autour  de  ce  mort  empêcheur  de  danser  en 
rond  et  à  perpétuité  dans  les  honneurs,  les  places  et  les  routines  ; 
de  ce  mort  qui  avait  eu  la  cocasse  idée,  lors  dp  son  installation 
comme  directeur  de  l'Observatoire  (ce  qui  fait  un  gros  personnage 
ofliciel),  de  renoncer  à  la  totalité  de  l'aile  du  bâtiment  qui  ser- 
vait d'habitation  à  son  prédécesseur,  de  la  consacrer  à  l'installa- 
tion des  services  astronomiques,  et  de  se  contenter,  pour  loge- 
gement,  d'un  polit  cabinet  attenant  à  son  bureau  de  travail.  11 
consomma  l'inconvenance  de  colle  altitude  en  déclarant  effronté- 
ment que  Je  nouvel  Observatoire  ne  pouvait  être  construit  sur  le 
plateau  de  Koekelberg  où  le  roi  voulait  le  ganter  pour  embellir 
le  quartier,  attendu,  disait  ce  paysan,  qu'un  lel  élablissemenl 
doit  être  non  au  Nord,  mais  au  Sud  de  la  ville,  parce  que  les 
observations  célestes  les  plus  nombreuses  et  les  plus  importantes 
se  faisant  dans  la  direction  du  sud,  il  faut  éviter  que  le  rayon 
visuel  doive  traverser  ratmosl>hèré  enfumée  qui  flotte  au  dessus 
d'une  grande  cité.    -  V 

On  ne  peut  s'imaginer  combien  ces  incartades  réitérées  firent 
(lu  tort  au  maladroit  ^rand  homme.  H  v  eut  contre  lui  une  ligue 
des  susdits  Mysonéi^tes  el  Néophobes  qui  le  déolarèrenl  oulragcu- . 
somenl  peu  sélect  el  gentleman like,  tout  à  fait  improper,  et  indigne 
àii  hichelijfe.  Le  Bel- Air  trouva. sa  posture  mauvaise. 

Il  était  très  fin,  très  pénétrant,  ce  rustique;  dans  la  leilre  que 
nous  mentionnions  plus  haut,  il  écrivit  :  u  II  aurait  fallu  que  le 
directeur  de  l'Observatoire  fùl  une  sorte  de  représentative  man, 
l^omme  du  monde  dans  les  corcle^.ofticicls  du  pays  et  personnifia^ 
cation  de  l'élablissement  dans  toutes  les  réunions  à  l'étranger. 


Sous  ces  deux  rapports,  vous  avez  pii  voir  (il  s'adressail  au  per- 
sonnel qu'il  quittait)  quelle  était  mon  insuflisartce  !  » 

Il  est  mort  !  Heureux  débarras  !  ont  pensé  Néopliobes  et  Myso- 
néistos.  A  pJus  d'un  autre-iK-Qû  souliaitcnt  autant,  certes,  dans  le 
for  de  leur  "belle  conscience.  C'est  si  bon  d'être  tranquille  dans  le 
marais  natal,  d'y  vivotôr  dans  la  bouc  et  au  soleil,  ainsi  qu'il  con 
vient  à  une  gi"cnouillèr|e  modèle,  sous  la  direction,  par  exemple 
d'un  ministre  éminemment  libéral,  tel  quÇ'  M.  Charks  Rogier 
C'est  si  bon,  quand  on  a  une  place  éminenté,  une  direction  d'éta 
bassement,  de  s'y  éterniser, 'malgré  l'ûgc,- malgré  la  décrépitude 
.jnalgré  le  poil  blanc,  malgré  le  recul  qu'on  subit  par  l'avancée  de 
toutes  choses,  dans  ses  idées,  ses  sentiments,  ses  théories  qu 
s'aigrissent  en  préjugés,  qui  se  raccornîssent  en  routines.  C'est  si 
confortable,   le  règne  paisible  du  Ganachisme,  où  l'on  voit  la 
Ganache  en  chef  trôner,  sommeillante,  entourée  d'une  cour  de 
Néophobcs,  soutenus  par  une  armée  de  Mysonéistes.  Pourquoi 
déranger  un  si  bel  ordre?  Sus  aux  fauteyrs  de  troubles!  Sus  aux 
meneurs!  Qu'on  nous  laisse  dans  notre  jus.  Nous  sommes  les 
iqoqs-en-pAtc.  Nous  sommes  les  officiels  dans  du  colon.  Au  diable 
les  turlupins  !  A  la  rescousse  la  bonne  police  !  Heureusement  qu'on 
a  la  presse  bien  pensante  et  bien  nourrie  pour  la  faire  ! 

C'est  si  ennuyeux  d'avoir  à  changer  tous  les  dix  ans,  si  pas  plus 
vite,  le  mobilier  de  sa  cervelle,  de  devoir  décrocher  les  vieux 
lambrequins,  changer  les  tentures  et  renouveler  les  bibelots. 
Mieux  vaut  laisser  tel  qu'il  est  l'appartement  intellectuel  avec  ses 
bahuts,  ses  dressoirs  chargés  d'antiquailles,  vases  fêlés,  assiettes 
ébréchés,  bagage  d'anciennetés  sur  l'art,  le  droit,  la  litl^ture,  la 
musique,  et  tout,  et  tout.  Cela  vous  a  un^air  si  rcsn^table  et  si 
qualifié!    /       .  -  .  ^^'^v 

.  H  s'écoulera  du  temps  encore  avant  que  les  médiocres  soient 
liquidés  chez  nous.  Ils  sont  le  nombrç,  ils  ont  l'argent  :  donc,  ils 
sont  la  force.  Le  Neuf  est  leur  cauchemar.  Il  ressemble  tant  à  la 
révolution,  ce  maudit  Neuf.  Il  est  toujours  en  train  de  marcher 
sur  les  plaTes-bandes  et  de  vouloir  renverser  la  table  du  festin. 
Il  faut  envoyer  paître  ces  turbulents  qui  veulent  empêcher  les 
sages  de  se  repaître.  * 

A  bas  les  Novateurs  !  A  bas  les  Néophiles. 

Et  vivent  les  Néophobcs,  ces  gens  très  corrects.  Vivent  les 
Mysonéistes,  ces  gens  très  sensés?  Les  seuls!  les  seuls! 

Hurrah  !  pour  le  Ganachisme!  Qu'il  vive  à  jamais  ! 


Le  mystère  de  la  ressemblance 

La  ressemblance  ne  consiste  pas,  dit  excellemment  Edmond 
Bonnafé,  dans  la  reproduction  exclusive  et  matérielle  des  traits. 
Cette  reproduction  n'pst  qu'un  des  éléments  de  la  ressemblance; 
bien  mieux,  réduite  à  elle-même,  elle  produit  une  dissemblance. 

Maggcsi,  le  sculpteur  bordelais,  disait  un  jour:  «Peignez 
votre  figure  en  blanc,  ou.  si  vous  le  voulez,  couvrez-la  de  farine 
bien  fine  et  soigneusement  étendue  ;  je  vous  réponds  que  personne 
ne  vous  reconnaîtra.  C'est  le  meilleur  masque  et  le  plus  sûr  que 
,  vous  puissiez'prendrc.  Pourtant,  tous  vos  traits  matériels  sont  con- 
servés. Quand  je  fais  votre  buste  en  marbre,  en  matière  blanche, 
il  faut  donc  que  je  fasse  une  interprétation,  que  je  vous  traduise 
en  blanc.  Voilà  en  quoi  consiste  mon  art;  autrement  je  n'aurais 
qu'à  prendre  un  moulage  de  votre  figure,  pour  le  donner  à  mon 
praticien.  Perso.nne  ne  vous  reconnaîtrait  ». 


I  La  ressemblance  est  la  reproduction  matértellc  des  traits  com- 
binés avec  ce  je  ne  sais  quoi  qui  est  la  vie,  l'expression.'la  physio- 
nomile  en  un  mot  ;  série  de  vibrations  imperceptibles  qui  se  suc- 
cèdeiil  avec  une  prodigieuse  rapidité. 

Coinment  procède  le  peintre  qui  fait  votre  portrait?  Sans  doute, 
il  rcpi;oduil  la  forme  extérieure  et  tangible,  l'enveloppe,  la  sur- 
face, les  dehors  ;  c'est  le  canevas  obligé  de  son  œurre.  Mais  il 
vous  regarde,  il  vous  pénètre  et  va  droit  à  l'âme  ;  il  étudie  lon- 
guement, attentivement  votre  physionomie;  il  en  suit  fous  les 
mouvements,  toutes  les  phases,  et  fait  une  moyenne  de  ces  phé- 
nomènes; et  celte  moyenne,, fixée  sur  la  toile,  détermine  la  res- 
semblance. ^ 

L'appareil  photographique,  appareil  passif  et  mécanique,  ne 
peut  pas  faire  de  moyennes;  il  ne  peut  même  pas,  quelle  que  soit 
sa  rapidité,  saisir  au  passage  une  des  phaSés  mobiles  de  la  phv- 
sionomie,  car  il  est  incapable  de  fixer  le  mouvement.  Il  ne  prend 
que  le  point  mort  entre  les  vibrations  successives.  Regardez  ces 
photographies  instanianées,  qui  sont  censées  représenter  le 
mouvement  des  mers  furieuses,  des  navires  sortant  du  port,  des 
rues  avec  les  voitures  qui  circulent,  les  passants  qui  courent  ; 
tout  cela  est  cristallisé,  ne  se  remue  pas,  ne  vit  pas.  La  vague 
est  figée,  le-  piéton  lient  la  jambe  en  l'air^  il  ne  marche  pas,  le 
navire  reste  en  place.  Comme  ces  malheureux  Pompéiens  qui  se 
sauvaient  par  la  ville  cl  que  l'on  retrouve  aujourd'hui,  surpris, 
asphyxiés  par  les.  cendres  «l  moulés  en  plein  mouvement,  le 
photographe  saisit  ses  personnages  et  les  étouffe;  il  en  fait  des 
cadavres. 


jjUElLLETTE    DE    LIVRE? 

Du  Caucase  aux  monts  Alaï.  —  Transcaspie.  —Boukharie. 
—  Fei'ganah,  —  par  Jules  Leclercq,  président  de  k  Société  royale 
belge  de  géographie.  —  1  vol.  iu-18  de  vin-270  pages,  avec  une 
carte.  —  Paris,  E.  Pion,  Nourrit  et  C'*,  1890. 


Pour  avfeir  umc  position  assise,  M.  le  juge  Leclercq  n'en  a  pas 
moins  une  remarquable  passion  de  locomotion.  Déjà  il  a  parcouru 
rislànde,  l'Amérique,  le  nord  de  l'Afrique,  sans  compter  la  vul- 
gaire Europe  et  d'innombrables  îles  de  l'Océan,  et,  pour  passer  ses 
dernières  vacances  judiciaires,  il  n'a  trouvé  rien  de  mieux  que 
d'aller  se  promener  à  Marghellane,  dans  le  Ferganah,.523  kilo- 
mètres au  delà  du  point  terminus  du  chemin  de  fer  Iranscaspien. 
ll^^sl  parti  le  21  juillet,  cl,  bien  qu'il  ait  musé  quelque  peu  dans 
le-  Caucgge  cl  qu'il  ail  élé  arrêté  par  des  obstacles  imprévus;  qu'il 
ait  trouvé  rompu  le  pont  de  l'Amou-Daria;  qu'il  ait  dû  attendre, 
durant  d'interminables  heures,  des  chevaux  de  poste  dans  de  misé- 
rables slantsia  du  Kokan;  qu'il  ail  stationné  quatre  jours  dans  son 
wagon  en  détresse,  au  milieu  du  désert,  pendant  que  des  soldats 
russes  rassemblaient  les  rails  dispersés  par  l'orage  comme  de 
simples  félus  de  paille,  il  est  rentré  à  Bruxelles  pour  la  date  légale 
du  l'^^'^octobre,  ei  a  pu  entendre  la  mercuriale  du  procureur  géné- 
ral et  reprendre  audience. 

Il  nous  conte  aujourd'hui  ce  voyage  en  un  style  simple  el 
rapide,  qui  note  les  choses  essentielles  el  ne  s'arrête  j)as  trop  aux 
détails,  cl  si,  pour  la  couleur  locale,  il  nous  décrit  les  incommo- 
dités de  ;la  roule,  les  soleils,  lorrides,  les  logis  infects  et  vermi- 
neux,  les  nourritures  problématiques,  les  nuages  opaques  d'im- 
palpables poussières  qui  se  mêlent  à  tout,  que  l'on  mange  et  que 
l'on  r^pire,  les  taratilass  sans  nissorts  dont  on  descend  bossue  cl 
meurtri,  il  lefail  en  homme  pour  qui  un  beau  spectacle  paie  lar- 


s. 


.'  \ 


.  / 


gemcnl  toutes  ces  misères;  et,  devant  le  pic  de  l'Elbrouz,  dans  le 
Caucase,  plus  haut  que  le  Mont  Blanc;  dievanl  la  mer  Caspienne, 
flambant,  la  nuit,  comme  un  bol  de  punch  par  l'inflammalion  du 
naphle  jailli  à  sa  surface  ;  devant  l'antique  Merv,  épave  de  ville 
émergeant  de  l'Océan  de  sable  qui  l'engloutit  au  siècle  dernier; 
devant  les  ruines  dé  Samarcande,  comparables  par  la  grandeur 
aux  seules  ruines  romaines,  on,  sent  que  la  pensée  de  ce  coureur 
du  monde  se  recueille  en  d'inoubliables  extases,  et  il  lui  vient,  pour 
les  décrire,  des  accents  lyriques,  comme  quand,  dans  son  impuis- 
sance à  peindre  le  verl  idéal  et  céleste  qui  décore  la'Coupole  d'une 
chapelle  du  palais  d'été  de  Tamerlan,  il  nous  dit  qu'on  voudrait 
en  emporter  un  morceau  pour  le  mettre  dans  un  écrin  à  côté  d'un 
morceau  de  l'azur  du  ciel  ! 

D'ailleurs,  M.  Leclercq  sait  redescendre  de  ces  hauteurs  pour 
nous  donner  des  renseignements  pratiques  sur  la  culture, 
l'industrie,  l'administration,  l'avenir  de  ce  pays  où,  il  y  a 
vingt  ans  à  peine,  un  Européen  ne  pouvait  s'aventurer  qu'au 
risque  de  sa  vie,  et  que  l'élément  russe  pénètre  si  profondément 
aujourd'hui,  grâce  à  l'habilclé  colonisatrice  des  conquérants,  —  et 
la  région  est  si  vastie  et  se  transforme  si  rapideme^P  que,  bien 
qu'elle  ait  été  plusieurs  fois  décrite  depuis  que  la  vapeur  l'a 
ouverte  aux  curiosités  des  voyageurs,  celui  qui  l'a  parcourue  le 
plus  récemment  peut  en  appoftcr  une  ample  moisson  de  docu- 
ments nouN^eaux. 


Les  romanciers  d'aujourd'hui  par  Caarles  Lk  Ooffic.  — 
In -18  Jésus  de  V-357  pages,  Pans.  —  Léon  Vanier,  1890. 

Dans  la  courte  introduction  de  ce  vo),ume,  l'auteur  nous 
apprend  qu'il  y  aurait  actuellement  six  mille  romanciers  vivants. 
Pour  la  seule  année  i887,  le  Journal  général  de  la  librairie 
fraji^îse  porté, environ  576  titres  de  romans  nouveaux,  sans 
compter  les  rééditions  et  les  li^ductions,  Quelle  intelligence 
humaine  seraitcapable  d'analyser  ce  (Toi  trouble!  M.  Le  Ooffic  ne 
l'a  point  tenté;  cependant  il-. a  voulu  pénétrer  au  delà  de  la 
surface  miroilanle  et,  dans  l'onde  choisie  qu'il  nous  olTre,  il  y  a 
bien  des  impuretés  encore,  bien  des  choses  molles  cl  flottantes. 

11  eût  été  curieux  de  voir  réunis  en  une  table  alphab<îlique 
tous  les  noms  cités.  Ils  sont  en  telle  multitude  que  certain 
chapitre,  celui  des  Nouvellistes,  est  comme  un  dénombrement 
homérique  où  ^chacun,  caractérisé  par  un  qualificatif  éclatant 
comme  une  aigrette  sur  un  casque,  apparaît  suivi  de  la  phalange 
ilo^ses  œuvres  cl  ne  fait  que  passer  pour  laisser  place  à  l'intermi- 
nable armée.  Interminable  vraiment,  cardepuis  que  le  chapitre esl 
écrit,  voici  qu'une  nouvelle  troupe  esl  née  à  la  VK^liiléraire  cl  il 
a  fallu  reprendre,  dans  une  note,  l'énuméralion  inl 

Pour  les  œuvres  qui  alleignenl  l'ampleur  d'un  {^\ 
lique  esl, un  peu  moins  sommaire,  bien  que  les 
aient  à  peine  quatre  pages.  Afin  d'apporter  iin  peu  de  mélTîôde 
dans  ce  fouillis,  M.  Le  Gofiic  a  fait  des  catégories  sans  y  attacher 
d'ailleurs  plus  d'importance  qu'il  ne  faut  cl,  tour  à  tour,  on  voit 
défiler  les  naturalisles,  les  impressionnistes,  les  symbolistes,  les 
philosophes,  les  rustiques,  les  mondains,  les  romantiques,  les 
éclectiques,  puis  ceux  qui  échappent  à  toute  dénominaiion. 

Au  milieu  de  ces  genres  divers,  l'auteur  penche  évidemment 
vers  les  philosophes.  C'est  affaire  de  lempéramenl.  Qu'il  glo- 
rifie lé"s  analyses  quiniessenciées  de  Paul  Bourgel  el  de  llarau- 
courl,  nous  n'y  contredirons  certes  pas;  mais  qu'il  étende  son 
enthousiasme  jusqu'au  bon  sens  de  Sarcey,  nous  craignons  que 


ce  ne  soit,  pour  les  choses  de  l'art,  un  instrumenljquelque  peu 
insuflîsanlel  en  effet,  en  poursuivant  noire  lecture,  nous  voyons 
qu'il  a  fait  de  la  raison  en  littérature  un  véritable  lil  de  Procusle. 
Impitoyablement,  il  retranche  tout  ce  qui  dépasse.  Après  avoir 
hésité  à  ranger  parmi  les  rustiques  Cladel,  qui  a  si  bien  rhagnifié 
les  terriens,  il  en  a  fait  simplement  un  créateur  de  monstres;  il 
ne  cite  que  par  dérision  Mallarmé,  cel  admirable  ciseleur  du 
verbe;  pour  lui  Villiers  de  l'Isle-Adam,  ce  candide  artiste  si 
dédaigneux  do  tout  le  resle,  n'est  qu'un  penseur  vide  el  Barbey 
d'Aurevilly  qu'un  dandy  prétentieux.  Ainsi  lui  échappent  ces 
raffinements  qui  sont  la  véritable^source  des  pures  jouissances 
littéraires.  Il  est  vrai  qu'il  semble  revenir  à  résipiscence.  Après  la 
mort  de  Barbey  d'Aurevilly,  il  a  ajouté  une  note  où  il  salue  écri- 
vain de  marque  ei  balleurde  style,  cmi  que,  dans  le  texte,  il 
avail  sr  étrangement  présenté  comme  n'élanl  qu'un  metteur  de 
belles  cravates. 

M.  Le  Goffic  a  été  bien  lent  à  apercevoir  cette  clarté,  mais 
enfin  il  confesse  son  erreur  el  l'on  pei  t  espérer  qu'il  (jn  recon- 
naîtra bien  5'aulres  car,  en  somme,  s6n  livre  est  l'œuvre  d'un 
espril  consciencieux  cl  libre  et,  telles  de  ses  pages  sur  Pierre 
Loti,  sur'^ichepin,  sur  Gyp  qui,  d'après  lui,  esl,  avec  Henri 
Monnier,  le  seul  écrivain  absolument  vrai  du  siècle,  sont  d'un 
tour  original  cl  d'une  critique  ingénieuse  qui  en  font  une  agréable 
lecture. 

L'Esclave,  drame  antiesclavagisle  et  national,  en. quatre  actes,  par 
Loui.-,  Delmer,  scf-rétairc  du  comité  antiesclavagisle  de  Bruxelles. 
-   In-8o  de  140  p.,  Bruxelles  et  Paris,  1800. 

C'est  le  comble  du  convenu.  Les  bons  blancs,  qui  chantcnl  des 
caniiquss  sur  le  bord  d'un  lac  quelconque,  nommé  Tanganika. 
empêchent  les  noirs  malheureux  d'être  livrés  par  leiir  roi  cruel  à 
un  marchand  d'esclaves  avide.  Pour  égayer  ce  sombre  tableau,.  ^ 
une  négresse,  qui  épouse  pitit  blanc,  paple  nègre,  alors  que  tous 
les  autres  nègres  parlent  comme^.'  Louis  Delmer  el  disent 
«  diableT»  quand  ils  sont  étomjés,  el  piiil  blanc  parle  marollien. 
Dénouement  :  il  faut  donn^de  l'argent  pour  le  Congo. 

C'est  une  pièce-torobola.  Elle  n'a  pas  fait  recette. 

La  Vieille  Fille,  drame  en  trois  actes  en  prose,  [>&r  Ernest 
BosiERS.  -^  In-8°  de  54  p.,  tiré  à  [100  exemplaires  numérotes  et 
hors  du  commerce,  Anvers,  imp.  O.-E.  Buschmann,  189i). 

La  vieille  fille,.,  pas  si  vieille.  Elle  est  aimée;  elle  aime,  à  en 
mourir,  vers  la  dernière  scène,  trouvant  b  point  pour  cela  de 
petites  fioles  de  poison  soi£;neusement  préparée*,  dès  la  première 
scène,  pour  une  conférence. 

LU  surplus,  toutes  les  femmes  de  la  pièce  poursuivent  l'amour, 
cherche  le  plaisir  simpleineni.  Lno  autre,  tr«s   proche 
'  de  la  sous-préfète  de  Pailleron,  embrassa  son  mari  dans  les 
coiirè,  el  une  enfant  demande  aux  échos  ce  que  c'est  que  ce  senti- 
ment doni  tout  le  monde  parle  autour  d'elle. 

Elle  le  demande  îi  la  vieille  ÎHle  dans  une  jolie  scène  pas- 
sionnée; et  puis...  El  puis,  il  y  a  d'autres  scènes  assez  mal  liées 
entre  elles,  et  de  longs  raisonnements  en  aparté,  qui  alanguissenl 
l'action,  et  un  dénouement  on  ne  peut  moins  satisfaisant,  et,  au  '^' 
milieu  de  lonles  ces  inexpériences,  je  ne  sais  quoi  de  juvénile  qui  . 
intéresse  à  ce  début.  - 


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AU  RIDEAU! 


La  saison  .ihéûirale  se  meurt,  la  saison  iliéàlrale  csl  morte.  La 
Monnaie  a  fermé  ses  porJcs  dimanche,  après  le  Iradilionncl  défilé 
de  bouquets,,  corbeilles,  couronnes,  gerbes,  triangles,  lyres  et 
autres  ^accessoires  qui  flatte  la  vaaité  des  artistes  mais  ravale 
le  théâtre  au  rang  des  scènes  de  Carpentras  et  de  Carcassonne. 
Les  objets  solides,  utiles,  en  métal  ou  en  bois,  commencent  à 
s'introduire  parmi  l'avalanche  des  fleurs  et  des  feuilles.  C'est 
ainsi  qu'on  a  offert  k  M.  Renaud,  dans  dos  brassées  de  roses,  un 
petit  buste  en  bronze.  Nous  ne  désespérons  pas  de  voir  bientôt  à 
Bruxelles  le  réjouissant  spectacle  qu'on  décrivait  récemment  à 
propos  du  théâtre  d'une  ville  de  province  :  les  abonnés  donnant 
aux  artistes  des  brosses  à  cheveux,  des  lots  de  ville,  des  usten- 
siles de  ménage  divers,  des  jouets  pour  leurs  gosses... 

Parmi  les  artistes  fleuris  à  la  Monnaie,  M""»  Rose  Caron  a  été 
triomphalenft^fêiée.  C'était  de  toute  justice,  ce  genre  d'ovations 
déparlemenlatés  étant  admis,  et  l'on  a  témoigné  à  Salammbô  la 
vive  et  sympaihique  admiration  qu'elle  excite  à  Bruxelles.  Mais 
c'es|!  égal,  quelles  drôles  de  mœurs!  La rcprésontatiqp  arrêtée  nef, 
loui  le  monde  criant  et  tapageant,  et  les  terrasses  de  Carihage 
sur  lesquelles  plane  la  blonde  Tanil  transformées  en  autel  du 
mois  de  mai  devant  lequel  trônait  une  madone  souriante,  remer- 
ciant du  geste,  la  main  sur  le  cœur. 

Au  Parc,  soirée  d'adieux^  mercredi,  dernier,  au  bénéfice  de 
M"*  Suzanne  Richmondqui,  malheureusement,' nous  quitte  aussi. 
Bouquets,  corbeilles,  gerbes  de  fleurs  ont  défilé  pendant  les  trois 
actes  de  Few  Toupinel,  affirmant  les  aniitiés  et  les  sympathies 
que  s'est  acquises  ii  Bruxelles  la  charmante  artiste.  Avant  ses 
débuts  à  rOdéon,  qui  auront  lieu  en  septembre,  Mi''  Richmond 
jouera  aux  Nouveautés,  sous  la  direction  Alhaiza,  une  pièce  nou- 
velle en  vers  :  la  Chanson  du  Tsigane. 

El  tandis  que  s'endorment  du  sommeil  des  mois  d'été  les  deux 
scènes  principales  de  Bruxelles ,  on  liitte  encore  vaillamment 
-ailleurs  contrç  la  tiédeur  des  belles  soirées  de  mai  et  les  attirances 
du  Waux-Hall.  Une  saison  d'été  commence  au  théâtre  Molière. 
M""^  Rose  Desnoyers  y  fait  jouer  Lucrèce  Borgia.  Au  théâtre  des 
Galeries,  la  Mascotte  sévit,  jouée  par  une  aimable  artiste  qui  a 
de  l'entrain  et  du  charme,  M"«  Andrée,  ce  qui  sert  d'excuse  à  cette 
reprise.  A  l'Alhambra,  .M.  Durieux  clôlurera  demain  une  campagne 
qu'on  assure  avoir  été  fructueuse.  Ce  théâtre  rouvrira  ses  portes  s 
vers  le  20;  on  y  donnera  le  drame  à  grand  spectacle.  Pièce 
d'ouverture  :  la  Reine  Margot. 


fHRONiqUE    JUDICIAIRE    DE?    ^RT? 

Le  genre  et  l'emploi 

La  cinquième  chambre  du  tribunal  civil  de  Bruxelles,  présidée 
par  M.  Jamar,  est  saisie  en  ce  moment  d'une  intéressante  question 
de  droit  théâtral.  Une  artiste  du  théâtre  des  Galeries,  M""*  Made- 
leine Max,  engagée  en  qualité  de  jeune  première  dans  le  drame  et 
la  comédie,  a  refusé  de  jouer  le  rôle  qu'on  voulait  lui  distribuer 
dans  Cendrilionnette,  l'opérette  représentée  dernièrement  par 
.M.  Bahier.  Elle  fonde  ce  refus  sur  ce  qu'étant  engagée  pour  la 
comédie  et  le  drame  elle  ne  peut  être  tenue  de  jouer  l'opérette, 
qui  constitue  un  genre  essentiellement  diffcr<!Jit,  et  ce  bien  que 


son  contrat  d'engagement  stipule  qu'elle  doit  au  besoin  accepte'' 
les  rôles  de  complaisance  qu'il  plaira  à  la  direction  de  lui  attribuer. 

On  pourrait,  dit-elle,  d'après  cette  clause,  l'obliger  à  changer 
d'emploi,  mais  il  est  inadmissible  qu'on  la  fasse  sortir  du  genre 
pour  lequel  elle  est  engagée. 

La  direction  plaide  que  sa  pensionnaire  eût  dû  tout  au  moins, 
répéter  et  jouer  provisoirement  le  rôle  jusqu'à  décision  de 
justice,  et  réclame  le  dédjit  de  5,000  francs  stipulé  dans  l'engage- 
ment. Mais,  d'après  l'artiste,  cette  demande  n'est  pas  recevable, 
l'engagement  spécifiant  qu'en  cas  d'infraction  aux  obligations 
résultant  du  contrat  l'artiste  encourt  non  la  résiliation  et  le  dédit 
mais  une  amende  réglementaire  laquelle  n'est  pas  réclamée  dans 
l'exploit  d'assignation.  De  plus,  il  est  de  jurisprudence  que 
l'artiste  ne  doit  jouer  par  provision  que  s'il  n'en  résulte  pour  lui 
aucun  préjudice  et  s'il  ne  s'expose  pas  par  là  à  subir  un  déclas- 
sement. L'action,  h  ce  point  de  vue,  serait  non  fondée. 

L(?s  plaidoiries,  commencées  merdredi  passé,  seront  continuées 
demain. 

L'Angelus. 

Un  industriel  peu  scrupuleux  a  exhibé,  ces  jours. derniers,  à 
Rouen,  un  faux /l?j^e/M5,  retour  d'Amérique. 

Le  Journal  de  Rouen  dit  à  ce  sujet  qu'à  la  suite  des  plaintes 
des  visiteurs,  le  procureur  de  la  République  ordonna  une  enquête 
ei,  hier  après-midi,  au  moment  où  le  barnum,  le  nommé  Charles 
Vandermaesen,  se  disposait  à  embaUpr  son  soi-disant  .4 Jijfc/j/is  et 
à  quitter  Rouen  pour  aller  chercher  fortune  ailleurs,  deux  agents 
se  présentèrent  chez  lui  et  le  prièrent. <le  se  rendre  chez  le  com- 
missaire de  police  du  2*  arrondissement,  pendant  que  le  tableau 
était  porté  au  cabinet  de  M.  Masquin,  commissaire  central. 

D'après  notre  homme,  le  tableau  dont  il  était  détenteur  et  qu'il 
avait  payé*40,000  francs  à  un  peintre  dans  le  malheur  {sic), 
n'était,  a-t-il  dit,  qu'une  copie  de  Y  Angélus,  et  il  ne  l'avait 
jamais  caché  à  personne.  Du  reste,  a-t-il  ajouté,  le  véritable 
Angélus  est  signé  J.-F.  Millet,  tand»  que  le  mien  est  signé  tout 
simplement  Millet. 

Malgré  cette  ingénieuse  explication,  M.  Vandermaesen  a  été 
mis  à  la  disposition  du  procureur  de  la  République. 


Mémento  des  Expositions 

Amiens.  —  31  mai-16  juillet.  Envois  :  13-20  mai.  Renseigne- 
ments :  M.  L.  Deivailly^  président. 

Arnhesi  (Pays-Bas).  —  IS  juillet-! 5  septembre.  Envois  : 
15  juin-1"  juillet.  Renseignements  :  M.  A.-C.  Van  Daelen, 
secrétaire  dê'la  Commission  directrice  de  Vexposition  dès  Beaux- 
Arts,  à  Arnhcm. 

Besançon.  —  15  mai-30^juiiï.  Renseignements  :  M.  AUard, 
secrétaire  de  la  Société  ds  Amis  des  beaux-arts,  rue  de  la  Bou- 
teille, a, ^Besançon. 

Dijon.  — -  Société  des  Amis  des  Arts.  l^'juin-IS  juillet  1890. 
Envois:  1-13 mai.  Rcnsc\gnemcnl;>: Secrétariat,  Palaisdes  Etats, 
Dijon. 

EvREux.  —  1"  juillet-31  août.  Délai  d'envoi  :  15  juin.  Ren- 
seignements :  M.  Hérissay,  vice-président  de  la  Société  des 
Amis  des  arts,  atelier  Denct,  rue  Buxet,  Evreux.  ^ 

Grenoble.  —  1"  juilIet-30  août.  Envoi  :  1-10  juin  (quatre 
œuvres  par  artiste).  Renseignemenis  :  Secrétaire  de  H  Société  des 
Amis  des  arts.  i 

La  Haye.  —  12  mai-29juin.  Délai  d'envoi  expiré.  Renseigne- 
ments :  M.  J.  Gram,  secrétaire  de  la  Commission  directrice  à 
l'exposition  dfs  Beaux- Arts,  La  Haye. 

Le  Havre.  —  I"  aoûl-30  septembre.  Dépôt  chez  M.  Potticr, 

'\  '       .       - 


■  \ 


\' 


•\ 


N: 


rue  de  Gaillon  i6,  du  20  juin  au  1"  juiHel  (jusqu'au  8  pour  les 
œuvres  venant  du  Salon  de  Paris).         . 

Liège.  ^-  7  juin-10  août  1890.  Rcnseignemcnls  :  Secrétariat 
général,  rue  $nint  Léonard,  214,  Liège. 

Munich. —  Salon  annuel:  l^juiliei-lS octobre  1890.  Envois  : 
1-20  mai. 

Paris,  -rr  Société  nationale  des  Beaux-Arts  {?^m?,  du  Champ- 
de-Mars).  15  mai-30  juin. 

PÉRiGUEux.  — 31  mai-30  juin.  Délai  d'envoi  expiré.  —  Rensei- 
gnements :  M.  Pertoletti,  secrétaire  de  la  Société  des  Beaux- 
A  rts,  Périgueux.  . 

Spa.  — 6  juillel-fin  septembre. 'Graluilé  de  transport  sur  le 

rriioire  belfije  pour   les   invités  expédiant   leurs  œuvres  par 
tarif  2;  pour  les  invités  étrangers,  exemplion  de  frais  à  l'aller. 
Frais  de  retour  (hors  du  territoire  belge)  à  charge  des  exposants. , 
Envoie  :  10  juin-1"  juillel.  Renseignemenis  :*M.  Louis.  Sossel, 
secrétaire  de  l'Exposition  dos  Beaux-Arts,'  Spa. 

Versailles.  —  6  juillei-5  octobre.  Envoi  :  2-lQ  juin.  Rensei- 
gnements :  Secrétaire  général  de  l'exposition  éÊs  Amis  des  arts 
de  Seine-et-Oisc,  Versailles. 


O 


^ETITE    CHRO;^IQUE 


Aujourd'hui,  dimanche,  au  Conservatoire,  quatrième  et  der- 
nière séance  de  musique  de  chambre  de  la  saison  donnée  par 
MM.  AnthonT,  Guidé,  Poncelet,  Merck,  Neurhans  et  De  Greef, 
professeurs  au  Conservatoire,  avec  le  concours  de  M*"*  De  Nuo- 
vina,  de  M'"*  De  Zarembska  et  de  MM.  Colyns,  Van  Slyvoorl, 
Agniez  et  Jacobs,  professeurs  au  Conservatoire.  Ces  derniers 
inlerpréleropt  avec  M™^  De  Zarembska  le  quintette  resté  inédit  de 
Jules  de  Zarembski. 

Un  Sextuor  de  Ludwig  Thuille  terminera  celle  intéressante 
audition. 

L'ouverture  officielle  de  l'Exposition  internationale  de  l'Even- 
tail, au  Musée  du  Nord,  est  fixée  au  l.'i  mai. 

Mercredi  dernier  a  été  prononcé,  à  Saint-Josse-ten-Noode,  le 
divorce  que  M"'^  Montaiba  a  obtenu  contre  son  mari,  M.  Arthur 
Renier,  ancien  consul  général  de  Belgique.  Souhaitons  que  la 
charmante  artiste,  débarrassée  des  ennuis  et  des  soucis  de  son 
procès,  reprenne  bientôt  la  carrière  lyrique  qu'elle  avait  été-forcée 
d'interrompre  momentanément  et  retrouve,  k  la  scène  et  au  con- 
cert, les  succès  dont  tout  le  monde  a- gardé  le  souvenir. 

Le  quatrième  Salon  des  Jeunes  Artistes  s'ouvrira  à  Namur 
aujourd'hui,  dimanche,  à  midi,  dans  les  salles  de  l'Hôtel  de  Ville, 
sous  les  auspices  du  Cercle  le  Progrès.  . 

Nous  avons  parlé  récemment  des  acquisitions  fuites  par  l'Étal 
français  k  l'Exposition  des  Peintres-Graveurs,  ouverte  che^ 
M.  Durand-Ruel. 

Voici  la  liste  complète  de  ces  achats,  qui  comprennent  plu- 
sieurs œuvres  connues  à  Bruxelles,  où  elles  ont  été  vues  aux 
Salons  dos  XX  : 

M.  Albert  Besnard.  —  Eaux-fortes  et  pointes  sèches  :  éludes  et 
portraits  d'enfants.  " 

M"*  Marie  Bracquemond.  —  Eaux-fortes  et  pointes  sèches  : 
études  et  portraits. 

M.  Félix  Bracquomiond.  — .  Eaux-fortes  d'après  J.-F.  Millel, 
plusietirs  étals.  I  ' 

M.  John-Lewis  Brown.  —  Eaux-fçrtes,  acqua-tinles  et  litho- 
graphies avec  couleurs  :  personnages,  éludes  d'après^ nature. 


Miss  Mary  Cassait.  —  Pointes  sèches  cl  aqua-tinles  :  études 
d'après  des  femmes  et  des  enfants. 

M.  Jules  Cli(érel.  —  Lithographies  imprimées  et  sanguines. 

M.  Dclauncy.  —  Eau-forte  :  Vue  de  Paris.  ' 

M.  Robert  Goff  (Anglais).  —  Pointes  sèches  :  Vues  d'Angleterre 
et  du  Japon,  d'après  nature. 

M.  H.  Guérard.  —  Eaux-fortes,  pointes  sèches,  manière  noire, 
a'qua-tintes,. gravures  en  couleurs. 

M.  Norbert  Gœneulle.  —  Eaux-fortes  et  pointes  sèches  :  per- 
sonnages d'après  nature. 

M.  A.  Lepère.  —  Gravures  sur  bois  :  Scènes  parisiennes  et 
paysages. 

M.  Henri  Rivière. —  Eaux-forles,  pointes  sèches,  aquà-tintes, 
lithographies  en  couleurs  :  éludes  d'après  nature,  paysages,  com- 
positions. 

M.  H.  Somm.  —  Pointes  sèches  :  compositions,  vues  d'après 
nature,  fantaisies. 

M.  Ph.  Zilcken  (Hollandais).  — '  Eaux-fortes  :  éludes  d'après 
nature. 

M.  G.  Jeanniot.  —  Eaux-fbrles  el  pointes  sèches  :  études  pari- 
siennt^s. 

M.  V.  Vignon. — Eaux-forles  :  accessoires,  natures  mortes. 

M.  Sioriï^  de  Gravesande  (Hollandais).— Eaux-forles  .-paysages, 
marines. 

M.  Camille  Pissarro.  —  Eaux-forles  : 'paysages  aux  environs  de 
Paris. 

M.  Van  der  Maarel  (Hollandais).  —  Eau-forte  et  pijinle  sèche  : 
étude  de  jeune  fille. 

M.  Ch.  Serrel.  -..-  Lithographies  en  noir  :  scènes  enfantines. 

M.  Fantin-Latour.  —  Lithographies  en  noir  :  scènes  d'opora 
allemand.  *  .  ^ 

L'un  de  nos  amis  nous  communique  la  durée  exacte  des 
diverses  représçnlaliQns  wagnériennes  auxquelles  il  a  assisté  en 
Allemagne.  Les  renseignements  qu'il  donne  sont  de  nal,ure,  pen- 
sons-nous, à  intéresser  les  musiciens.  Il  s'agit,  d'abord,  de  la 
Walk'ùre,  à  Munich.  '  .      , 

Vous  jugerez  des  mouvements  par  ces  chiffres  (authentiques), 
que  j'ai  eu  soin  de  prendre  moi-même,  les  yeux  sur  ma  montre  et 
sur  la  fameuse  horloge  (on  n'en  voit  plus,  de  ces  dévouements)  : 
Du  prélude  à  l'arrivée  de  Hunding,  14  1/2  minutes;  la  scène  sui- 
vante dure  20  minutes  juste;  le  monologue  de  Siegmund,  jusqu'à 
l'arrivée  de  Sieglinde,  7  minutes;  l.a  scène  suivante  (dernière', 
33  1,2  minutes;  l'acte  entier,  1  h.  15  minutes.  Deuxième  acte,-l  h. 
20  minutes.  (Annonciation  de  la  mort,  très  lente.)  Troisième  acte, 
j'ai  oublié  de  prendre,  au  tomber  de  la  toile. 

Dresde.  Siegfried,  premier  acte;  coupure  :  les  trois  dernières 
questions;  durée  :  1  h.  8  minutes.  Deuxième  acte  :  coupiu-e  insigni- 
fiante (déduisez  3  minutes  tout  au  plus),  1  h.  5  minutes.  Troisième  acte  : 
coupure  :  les  trois  boutades  de  Siegfried  à  propos  du  "chapeau,  etc., 
dans  sa  scène  avec  Wotan;  mris  la  description  du  feu  entourant 
Brùnnhilde,  dans  cette  scène;  quelques  mesures  dans  la  dernière 
scène  (d'autres  peut-être,  dont  je  ne  me  suis  pas  aperçu ,  je  n'avais  pas 
le  texte,  et  lue  le  connais  pas  entièrement  par  cœur,  mais  c'est  peu 
probable);  1  h.  15  minutes. 

Gôttei'dâmma'ung;  coupure  :  scène  des  Nomes .  Premier  acte  et  pro- 

.'ogue,  1  h.  25  minutes;  deuxième  acte,  52  minutes;  troisième  acte. 

*1  heure.  ^ 

Munich  (chef  d'orchestre  ïL^vy)/Pa8  découpures. 

SiegfHed  :  premier  acte.  Ih.  2a  minutes  (lenteur  excessive  pour 
Mime);  deuxième  acte.  1  h  5  minutes;  troisième  acte.  1  h.  20  mi- 
nutes. ' 

Gôtterdâmmenoig  'pas  de  (Coupures)  :  premier  acte  avec  prologue 
(pris  extrêmement  lentement/  1  h  50  minuff*.- deuxième  acte.  1  h. 
4  minutes;  troisième  acte.  1/h   10  minutes. 


\  ■ 


\- 


v 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


LIGNE   D'OSTENDE-DOUVRES 


La  plus  courte  et  la  moins  coûteuse  des  voies  extra-rapides  entre  le  Continent  et  i' Angleterre 


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13 
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Vienne  à  Londres  en. 
Bâle  à  Londres  en. 
Milan  à  Londi^s  en  . 


36  heures. 
24       " 
33       " 


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D'Ostende  à  6  h.  matin,  10  h.  15  matin  et  8  h.  20  soir.  —  De  Douvres  à  11  h.  59  matin,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

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1er.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits).  —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  -   Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  V Eorploitation  des  Chemins  de  fa-  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  V Agence  générale  des 
Malles-Poste  dç  l'État-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n"  53,  à  Londres,  à  V Agence  de  Chemins  de  fer 
de  VÈtati  à|Douvre^  (voir  i)lus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vranchen,  Domkloster,  n»  1,  à  Cologne. 


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•  V 


COLLECTION  DE  NEUFFORGE 


Le  Notaire  ELOY.  à  Bruxelles,  vendra  publiquement,  sous  la 
direction  de  M'  -Edm.  DEMAN,  les  22.  23,  24,  27,  -28,  29  et 
>3U  mai  18î)U,  à  2  heures  précises,  en  l'hôtel  de  Ravenstein,  rue  de 
Ravenstein,  11,  à  Bruxelles,  la  2*  partie  (1634  numéros,  de  linipor- 
t.lnte  collection  de  livres  anciens,  manuscrits,  concernant 
l'histoire  héraldique  et  généalogique  spécialement  des  familles 
nobles  de  Belgique,  des  livres  à  ligures,  des  voyages,  etc.,  etc., 
délaissés  par  feu  M.  le  chevalier  J.  de  Neufforge,  ainsi  que  des 
violons,  des  violoncelles  et  des  panneaux  décoratifs  anciens. 


JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 
—  Bibliographie.  —  Législation.  —  Notariat. 

HUTIKMB  ANNÉE. 


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Abonnements  \  Belgique,  18  francs  par  an. 
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Administration  et  rédaction  ;  Rue  des  Minimes,  10»  Bruxelles. 

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paraissant  deux  fois  par  mois.      ^ 
Inventions.  —  Brevets.  —  Droit  industriel. 

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Administration  et  rédaction  :  Rue  Royale,  15,  Bruxelles. 
'.,  \  Rue  Lafayette,  123,  Paris. 


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CXPOSITIOlS.ilSTEBDil  1883,  ilTERS  1885  DIPLOME  D'HOmDR. 

Breitkopf  et  îiartel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 


TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  do  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnëe  du  quatuor  et  des  principales 

*    formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-C.  Lobe. 

Traduit   de  l'allemand   (d'après   la  5®  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8".  Trix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
mont  théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  ouvrages  d'enseignement  musical  les  plus 
estimés  en  Allemagne. 


t.... 


Bruxelles.  —  Inip.  V*  Monnom,  26,  rue  de  l'Industrie. 


/ 


/    < 


Dixième  année.  —  N"  20. 


Le  NUMÉko  :  25  centimes. 


Dimanche  18  Mai  1890. 


MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


.    Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,    un   an,    fr.   10.00;  Union   postale,    fr,    13.00.    —ANNONCES  :    On  .traite  à   forfait. 

„  /  Adresser  toutes  les  communications  à  ""  . 

l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l^ndustrie,  26,  Bruxelles. 


Sommaire 


Le  quatrième  Salon  de  «l'Essor  ".  —  Ad  Conservatoire.  — 
La  collection  Daupias  a  Lisbonne.  —  Décentrausation.  — 
Récentes  acquisitions  du  Musée  de  peinture.  —  Théâtre  Molière. 
—  Bibliographie.  —  Petite  chronique. 


Le  quatorzième  SalUn  de  «  l'Essor» 

Ainsi  qu'il  suit  s'exprimait-on  dans  la  Réforme  de 
dimanche  dernier.  ... 

"  L'ouverture  de  l'Essor,  à  laquelle  le  déffl[é  final  du 
concours  hippique  faisait  une  concurrence  redoutable, 
a  néanmoins  attiré  au  Musée  de  peinture  une  foule  assez- 
considérable.  Dans  la  cohue  artistico-mondaine  qui  se 
pressait  à  l'exposition  de  l'Essor,  on  admirait  sans 
réserve  plusieurs  minois  charmants. 

«  Mais  tout  était  loin  d'être  aussi  agréable  dans  cette 
solennité  de  l'art  jeune;  il  ressort  de  l'impression  que 
nous  avons  emportée  de  notre  première  visite,  que  si  le 
Salon  des  Essoriens  renferme  quelques  envois  curieux, 
une  foule  d'œuvres  médiocres  s'étalent  à  sa  cimaise  : 
cett€!  exhibition  ne  constitue  évidemment  pas  un  progrès 
sur  les  treize  précédentes.  »' 

Tu  quoque! 


^ 


Les  bras  nous  en  tombent  !  ces  bras  dont  l'un  tenait 
déjà  la  plume  pour  plumer  escriptoirement  quelques- 
uns  des  petits  oiseaux  qui,  pour  la  quatorzième  fois, 
tentent  de  prendre  leur  essor! 

Et  voilà  qu'on  les  plume  avant  nous  !  ^^ 

Puisque,  même  les  critiques  brabançonneux  jettent 
leur  plume  aux  chiens;  qu'il  est  à  craindre  qneT Essor 
n'aura  plus,  entre  un  dithyram'be  en  l'hofeneur  des 
garçons-abatteurs  et  un  dithyrambe  en  l'honneur  des. 
musiciens-gagistes  des  pompiers,  ces  articles  aux  vacar- 
raeux  sous-titres  d'où  les  substantifs  «  chef-d'œuvre, 
génie,  maître,  talent  »  partent  en  volée,  mêlés  aux  adjec- 
tifs :  "  sublime,  admirabje,  émouvant,  renversant, 
impeccable,  incomparable,  indicible,  splendiose,  gigan- 
tique  »,  en  un  rçnflement  pareil  à  celui  des  catapultes, 
sous  les  murs  de  Carthage,  dans  la  Sàlamrabà  dii 
grand  Flaubert;  —  quand  une  aussi  retentissante  défec- 
tion se  manifeste  aux  regards  stupéfaits  des  mortels  ! 
qu'avons-nous  en&re  à  dire,  qu'avons-nous  encore  à 
faire,  nous,  les  humbles,  très  humbles,  infiniment  hum- 
bles critiques  qu'en  un  jour  dé  colère,  dans  un  de  ces 
intervalles  lucides  que  laisse  leclébordant,  l'encombrant 
et  toujours  remontant  enthousiasme,  on  a  qualifié  avec 
sérénité  et  justice  :  mauvais  Sphinx  ! 

Il  faut  pourtant  bégayer  ici  (quelque  chose.  Allons-y, 
quoique  moroses,  sans  nous  essouffler  davantage  en  un 
déi^ulement  de  phrases  kilométriques  et  euthousias* 


J54 


LART  MODERNE 


•V 


r^ 


tiques  dont  la  seule  pensée  des  suaves  reporters  donne 
la  démangeaison  et  communique  l'épidémie. 

Eli  bien,  la  I^fotmie  est  injuste.  Ce  quatorzième 
,.  Salon  àe  V Essor  vUesi  ni  au  dessous,  ni  au  dessus  des 
treize  autres...  ni  du  quinzième,  que  nous  connaissons 
déjà,  car  on  peut  appliquer  à  la  chose  ce  mot  de...  (non, 
ne  le  nommons  pas;  l'homme  est  fort  mais  n'aime  les 
mots  qu'en  a  parte)'  -.  «  Avez- vous  vu  le  Salon  de  Paris  ? 
Certes.  —  Et  quand?  —  Il  y  a  dix  ans  :  c'est  toujours 
le  même  ». 

Ainsi  pour  l'Essor.  C'est  toujours  le  même.  Le  même 
art  figé,  s'entêtant,  par  anaour-propre  ou  impuissance, 
dans  les  routines  exsangues.  Ne  comprehant  pas,  ne 
voulant  pas  comprendre  que  l'art  est  fatalement  évo- 
lutif; qu'il  n'y  a  pas  de  force  qui  puisse  le  comprimer  ; 
que  ceux  qui  s'obStinent  à  perpétuer  les  formules  en 
leur  temps  belles,  fécondes,  vivantes,  n'ont  bientôt 
^  plus  à  leur  disposition  que  des  gousses  flasques,  vides, 
raccornies;  qu'il  faut  marcher  ou  mourir;  qu'il  n'y  a 
pas  d'élixir  Brown-Sequard  qui  puisse  ragaillardir- 
cette  décrépitude;  qu'en  vain  l'illusion  personnelle, 
l'auxiliaire  des  camaraderies,  les  vanteries  d'une  presse 
aveugle  ou  complaisante,  se  coalisent  ;  que  tout  cela 
craque,  chancelle  et  vous  lâche  tôt  ou  tard.  Alors  les 
misères  sont  vues,  tout  à  coup,  en  pleine  lumière,  et 
même  les  amis,  les  fidèles  disent  :  c'est  fini  ! 

L'attitude  de  la  presse,  en  la  présente  conjoncture, 
est  curieuse.  Les  vitupérations  sont  voilées,  hésitantes. 
Mais  elles  marquent  un  raté.  On  dit  aussi  :  c'est  pour 
Ciette  fois.  On  ne  se  rend  pas  compte  que  c'est  pour 
toujours.  On  ne  se  rend  pas  compte  non  plus  que  le 
phénomène  de  glissement  s'opère  non  pas  dans  cet  art,, 
mais  dans  cette  presse.  Il  n'a  pas  changé,  lui.  C'est  elle 
qui  change,  qui  voit  mieux  tout  à  coup,  qui  progresse 
sans  s'en  douter,  qui  a  subi,  quoi  qu'elle  en  .ait,  l'in- 
fluence des  tentatives  nouvelles  dont  elle  s'est  moqué  ; 
qui,  pareilles  au  chien  qu'on  bat  mais  qui  vous  happe, 
l'ont  mordue  et  lui  ont  coulé  leur  virus  dans  le  sang. 

N'est-il  pas  curieux  aussi  de  voir  que,  malgré  les 
prédications,  les  haines  et  les  mots  d'ordre  des  pon- 
tifes, il  y  a,  accrochées  dans  ce  Salon^  des  toiles  où 
l'on  ?i  sacrifié  à  l'art  neuf,  à  l'art  de  lumière  et  d'atmo- 
sphère, à  l'art  qui  ne  sait  plus  se  résigner  à  employer, 
pour  peindre  la  transparente  et  vibrante  ambiance  en 
laquelle  tout  baigne,  le  jus  de  chique  étenda  de  suie. 
Il  y  en  a  deux  au  moins  :  Omer  Coppens  et  Léon  Dar- 
denne,  si  nous  nous  souvenons  bieh  (car  peu  importent 
les  noms  aux  œuvres)^^  qui  vont  ai;^  clair  du  mieux  qu'ils 
peuvent  et  semblent  des  moutons  gris  dahs  un  troupeau 
de  moutons^oirs.  Ils  font  brèche  cèjiwrlà  ;  peut-être  la 
brèche  par  laquelle  vont  sauter  un  à  un  tous  les  jeunes 
du  groupe,  enfin  libérés  ! 

Ils  sont  quarante-et-un  exposants,  exposant  deux- 
cent-treizè  œuvres,  dont  plusieurs  multiples  en  leurs 


panneaux.  Et  là  dedans  peu,  peu  de  chose  à  piquer.  Ce 
qui  reste  dans  la  mémoire,  c'est  surtout  l'impression 
générale  morne.  Il  l'a  bien  exprimé  dans  son  compte- 
rendu  terne  de  V Indépendance,  le  critique  vétéran  et 
placide  qui,  par  un  caprice  du  sort,  avait  adopté  dès 
longtemps  pour  marque  signaturale  les  XX^i,  depuis, 
sont  devenus  le  blfison  batailleur  des  Vingt.  Ce  Salon 
vous  est  une  vue  de  cimetière,  a  lugubres  pierres  tom- 
bales. Si  quelque  chose  détonne/,  c'est  en  sens  inverse, 
machine  en  arrière,  quand  un  médiocre  se  crispant 
pour  saisir  la  fuyante  originalité,  n'attrape  que  le 
grotesque.  L'art  qui  bat  dans  tout  cela  ne  marque 
certes  pas  plusieurs  atmosphères  au  manomètre. 

Que  de  forces  perdues!  car  certes,  de  la  bonne 
.volonté  s'accuse.  Et  de  l'opiniâtreté,  cette  qualité  des 
forts...  ou  des  imbéciles.  Ils  s'obstinent.  Mais  il  y  a 
pour  eux  l'honneur  du  régiment,  et  c'est  aux  traditions 
du  régiment  qu'ils  s'obstinent.  Jusqu'où  n'il'âit  pas  ce 
rêveur,  cet  artiste  vrai  :  Léon  Frédéric!  s'il  lâchait  la 
-règk  de  l'ordre  et  jetait  le  froc  aux  orties?  On  y  pense 
mélaïKjoliquement  en  regardant  ses  peintures,  ses  pas- 
tels, sesînsains.  Il  a,  au  moins,  cette  hardiesse  (la  seule," 
et  petite)  déployer  la  vitre,  parfois,  au  lieu  du  vernis. 

Amédée  Lynen  aussi,  avec  son  n°  1,  retient;  Blanche,! 
Claire,  Candide,  trois  vierges  gothiques,  charmantes  en| 
leurs  chevauchées  ingénues,  des  illustrations  de  missel 
pour  la  deuxième  des  légendes  flamandes  de  Ch.  De 
Coster,  depuis  si  longtemps  mort,  et  ainsi  renaissant 
par  admiration  pieuse  du  dessinateur  que  hanjte  le^an- 
tôme  de  l'écrivain.  Et  d'autres  noms,  quelques-uns  que 
nous  saluâmes  jadis' comme  des  espérances,  et  qui  mar- 
quent le  p|is,  le  pas,  le  pas,  qui  le  marquent  interminable- 
ment, domptés, dirait-on,  parun  enchantement  J;oujours 
là  à  le  cythmer,  à  le  battre,  sur  le  trottoir,  suscitant 
le  besoin  irritant  de  leur  crier  :  En  avant  î  allons  donc  ! 
en  avant  !  en  avant  !  Tels  Hubert  Bellis,  Omer  Dierickx, 
Georges  Fichefet,  Edouard  >Duyck,  Adolphe  Hamesse, 
Léon  Houyoux,  Jean  Mayné,  Eugène  Van  Gelder,  ce 
dernier,  notable  en  la  circonstance,  par  ses  types  nette- 
ment croqués  d'épaves  humaines  ramassées  dans  les 
rues  de  Bruxelles  et  de  sa  banlieue.  ' 

Voilà  les  souvenances  qui  flottent  quand  on  est  là  à 
écrire  pour  dire  ce  qu'on  pense  du  quatorzième  Salon 
dtQV Essor,  et  qu'on  a  l'ennui  de  devoir  le  dire  sincère- 
ment ainsi  qu'on  le  pense,  ingrat  devoir  dû  critique,' 
inévitablement  cruel  s'il  est  véridique,.  lanceur  de 
flèches  et  non  distributeur  de  banales  couronnes.  ïl  y  a 
aussi  des  souvenances  d'hommages  à  la  Garde  civique, 
à  la  Société  agricole,  à  la  Royale  Waterzoei.  Cela  tour- 
noie, tournoie  dans  le  cerveau,  avec  un  mauvais  goût, 
très  vulgaire.  Il  y  a  «ncore  un  portrait  de  M"®  Rose 
Caron,  qu  elle  reçut,  si  nous  rt'errons,  le  soir  de  cet  hiver 
où,  selon  l'usage,  elle  fut  conviée  à  s'asseoir  et  à  chanter 
au  banquet  de  cette  susdite  Royale  Zwanszoei.  Oh! 


/ 


l'amoindrissement,  en  cette  peinkire  funèbre  et  plu- 
vieuse", du  sauvage  visage  de  la  grande  tragique,  dont 
Villiers  de  Tlsle-Adam  eût  dit,  comme  Axel  à  Sara  : 
-  Ton  visage  est,  pour  moi,  tel  qu'une  forêt  frappée  par 
la  foudre  ».  Plus  rien  qu'une  figure  ronde,  avec  une 
lyre  dorée  au  col  (oh  !  les  emblèmes!).  Plus  rien  de  la 
double  trouée  en  abîmes  des  yeux  de  Brunehilde  et  de 
Salammbô  : 

Tes  yeux,  tes  grands  yeux  gris  nous  lianlont  sans  relàclie! 
La  Tristesse  et  la  Joie  y  passent  comme  au  ciol 
Les  nuages  ! 


AU  CONSERVATOIRE 

Quatrième  séance  de  musique  de  chambre. 

Le  grand  intérêt  de  celte  séance  qui  clôturai  dimanche  dernier, 
une  attrayante  série  de  concerts,  fut  l'exécution  du  Q  u  in  telle  pour 
piano  et  instruments  à  cordes  de  Jules  de  Zarembski,  que  la  mort 
a  prématurément  enlevé  à  l'art.  Chose  curieuse,  ce  quinletle, 
œuvre  de  sérieuse  valeur,  n'avait  été  joué  qu'une  seule  fois  en 
public,  à  une  audition  presque  intime  donnée  en  avril  1885  au 
Conservatoire,  et  il  est  resté  inédit,  bien  que  cette  unique  audi- 
tion en  eût  révélé  les  mérites  exceptionnels.  A  deux  reprises,  les 
XX  s'étaient  proposés  de  l'inscrire. au  programme  de  leurs  con- 
certs de  musique  de  chambre.  Des;  entpéchcments  étaient  survC" 
nus,  chaque  fois,  qui  en  avaient  retardé  l'exécution.  Si  bien  qu'un 
sort  semblait  attaché  à  l'ouvrage  et  que  M™»  de  Zarembska/ qui 
garde  un  culte  à  la  mémoire  de  l'artiste  et  brûlait  du  désir  de  faire 
connaîire  son  œuvre  capitale,  désespérgjt  de- réaliser  ce  pieux 
devoir.  • 

Voici  le  destin  conjuré,  enfin.  Le  Quintette  a  été  joué,  et  fort 
bien  joué  par  M™«  de  Zarembska,  assistée  de  MM.  Colyns,  Van 
Styvoori,  Agniez  et  Jacobs.  Les  interprètes  lui  ont  donné  la  cou- 
leur èl  le  relief  voulus,  avec  un  ensemble  et  une  entente  des 
nuances  remarquables.  El  la  composition  est  apparue  avec  son 
charme  et  sa  puissance,  très  personnelle  de  conception,  très  atta- 
chante de  style,  très  bien  écrite  au  point  de  vue  technique,  lais- 
sant l'auditeur  sous  le  charme  d'une  inspiration  mélodique  élevée, 
servie  par  un  travail  polyphonique  toujours  attrayant  et  sans 
sécheresse. 

Noire  impression  première, consignée  dans  l'Art  moderne  \ors 
de  la  première  audition,  est  demeurée  entière,  et  nous  ne  pou- 
vons que  répéter  ce  que  nous  écrivîmes  alors  :  «  Elles  se  dévelop- 
pent superbement,  les  quatre  parties  de  cette  composition"  vrai- 
ment personnelle  et  impressionnante,  tantôt  mystérieuse,  Iravefe. 
sée  d'harmonies  poignantes,  évocatrices  d'on  ne  sait  quel  cortège^ 
de  douleurs,  tantôt  fougueux,  rythmant  'sur  dès  mètres  inégaux 
(ips'mélôdies  aux  allures  emportées,  qui  passent  comme  une  tem- 
pête dans  le  déchaînement  des  instruments.  Le  premier  allegro, 
Vandante,  le  scherw  aux  contours  pimpants,  le  finale  qui  débute 
par  le  motif  sautillant  du  scherzo  et  s'élève  rapidement  à  des  hau- 
teurs d'inspiration  peu  communes,  graduent  logiquement  l'impres- 
sion qui,  dès  la  première  partie,  étreint  l'auditcar.  Depuis  long- 
temps on  n'a  écrit  pareille  page  ^e  musique  dcTchambre.  Pour  ses 
débuts  dans  ce  genre,  M.  Zarembski  a  fait  une  œuvre  magis- 
trale »(l). 

(1)  1885,  p.  14L  Le  Quintette  fut  interprété  alors  par  l'auteur  et 
par  MM.  Hubay,  Van  Styvoort,  Colyns  et  Servais. 

•      '     '_        •  ^-       •  \ 


Aujourd'hui  que  la  mort  a  passé,  emportant  les  espérances  que 
faisait  naître  la  personnalité  brillante  de  l'artiste,  combien  mélan- 
coliques revivent  ces  lignes!  ' 

Un  Quintette  assez  banal  de  Taflanel,  le^viriuose  de  la  flûte,  et 
une  filandreuse  composition  de  M.  Luaivig  Thuille,  pour  piano  et. 
instruments  à  vcnl,~  bourrée  de  souvenirs  de  Brahms  et  de  Men- 
delssohn,  complétaient  le  programme,  t—  1  une  cl  l'autre  exécutés 
avec  soin  el  avec  talent  par  les  membres  ^e  l'Association. 

Enfin,  .M"'^  de  Nuovina  a  rempli,  de  sa  v6ix  un  peu  métallique, 
les  intermèdes  vocaux,  cl  s'est  fait  applaudtr  ajjrès  l'air  d'Elisa- 
beth du  Tannltuuser  cl  wn  arioso  de  Léo  pelib^s. 

El  voici  close,  définitivcmcni,  la  saison  des  coViccrts. 


i7 


LA  COLLECTIODî  DAUPIAS  A  LISBO^E 

{Correspondance  particulière- de  /'Art  moderne). 

Bien  avisés  sont  les  'touristes  qui,  ayant  parcouru  l'Espagrtc, 
complètent  leur  voyage  par  une  excursion  en  Portugal  :  ils  y 
trouvent  un  pays  pittoresque,  verdoyant,  séduisant,  quelques 
villes  de  curieux  aspect,  et,  pour  peu  qu'ils  s'intéressent  aux 
choses  d'art,  des  collections  dé  tous  points  remarquables.  Parmi 
celles-ci,  la  collection  de  M.  le  comie  Daupias,  à  Lisbonne,  doit 
venir  en  première  ligne,  el  il  nous  a  paru  intéressant  de  noter, 
pour  les  lecteurs  de  VArt  moderne,  quelques-unes  des  richesses 
qu'elle  renferme. 

Quajxe  longues  galeries  el  plusieurs  salons,  dont  la  surface 
peut  être  comparée  à  celle  du  Musée  moderne  de  Bruxelles, 
suffisent  à  peiM  pour  exposer  lescinq  cents  tableaux,  les  meubles, 
les  bronzes,  Iffi  porcelaines,  les  bibelots  rarissimes  qu'avec  un 
goût  raffiné  M.  Je  comte  Daupias  a  patiemment  rassemblés  depuis 
de  longues  années;  tout  est  disposé  avec  une  entente  parfaite, 
'  l'éclairage  diurne  ou  nocturne  est  excellent,  et  il  règne  dans  ces 
salles  le  calme  indispensable  pour  la  contemplation  recueillie  des 
œuvres  d'art;  aussi  emporle-t-on,  des  longues  heures  qu'une 
gracieuse  hospitalité  vous  permet  d'y  passer,  le  souvenir  de 
jouissances  délicates,  point  banales  el  d'un  ordre  absolurticnl 
supérieur.  y  '  } 

Toutes  les  écoles  sont  représentées  dans  ce  que  nous  pouvons 
appeler  le  Musée  Daupias;  ouvrant  la  marche,  voici  d'abord  les 
gothiques,  d'un,jCOloris  profond  et  d'un  intérêt  archéologique  si 
puissant  :  à  noter  tout  particulièrement  une  Sainte-Famille  d'un 
incohnu,  bien  flamand  par  sa  robustesse  d'aUijres,  et  une  Descente 
de  croix,  où  l'on  peut  admii'er  h  vigueur  de  louche  de  l'espagnol 
(iallegos. 

Après  l'impression  d^stérité  et  de  sévère  grandeur  que  laissent 
les  œuvres  du  xv"  sièclë^quel  charme  ne  ressent-on  pas  devant 
celles  de  la  Renaissance  italienne  :.Çassan-le-Vicux  a  prodigué  les 
savoureù.ses  séductions  de  sa  rutilante  pafetle  dans  ses  superbes 
toiles  représentant  Rébecca  offrant  à  boire  à  Eliex^r  et  Eliezer 
chez'Laban,  Titien  a  rarement  été  aussi  magistral  que  tians  sa 
Madeleine  aux  cheveux  d'or,  d'une  virtuosité  incomparable,  êl 
Tiepolo  esl  élourdissanl  dan?  son  Triomphe  de  la  Vierge,  vaste  * 
composition,  aux  exquises  colorations  et  aux  envolées  de  corps 
enlacés  qui  rappellenl  le  Jugement  dernier  de  Rubens  à  la  Pina- 
cothèque de  Munich.  <. 

Dans  le  groupe  espagnol,  il  convient  de  tirer  de  pair  un  Coëllo 


y" 


,  / 
/ 


"-^ 


156 


LART  MODERNE 


_1 


/ 


;  des  plus  remarquables,  le  portrait  de  Jeanne  de  CastilU ^  fiWe  de 

^  Charles-Quinl  ;  oo  ne  sail  ce  qu'il  faut  le  plus  admirer,  du  visage 
si  finement  model<?,  de  la  robe  de  velours  moelleusement  rendue 
ou  des  orncmenls  d'or  d'une  ténuité  de  dessin  fort  curieusey 
c'est  là  une  œuvre  de  tout  xpremier  ordre.  \ 

il,  citer,  parmi  les  petits  maîtres  hollandais,  amusants  et  bien^ 
vivaÀts,  deux  toiles  de  Terburg  d'un  faire  des  plus  habiles  :  le 
Récihdu  combat  et  la  Lecture  de  la  lettre.  Passant  aux  flamands, 
Breugbei  attire  entre  tous  les  regards  avec  un  Paradis  terrestre 
supérieur,  il  n'y  a  pas  de  doute,  à  celui  tant  célébré  du  Musée  de 
La  Haye;  Van  Dyck,  toujours  élégaiit  et  séduisant,  a  ici  un 
portrait  de  Princesse  en  robe  de  velours  noir  qui  peut  rivaliser 
avec  ceux  du  palais  Brignole-Sale,  à  Géncs;  enfin  Rubens  occupe 
la  place  d'honneur  de  la  galerie  Renaissance  avec  une  Vierge 
couronnée,  d'une  majesté  indéniable. 

Le  dix-huitième  siècle  français  semble  être  une  des  périodes  de 
l'art  pour  laquelle  M.  le  comlc  Daupias  a  une  prédilection  parti- 
culière, car  il  a  réuni  dans  ses  galeries  tous  les  peintres  de  celle 
tant  séduisante  époque,  représentés  par  des  œuvres  d'une  grâce 
et  dTun  charme  adorables;  nous  voudrions  consacrer  des  pages 
entières  à  tel  portrait  ou  telle  composition  décorative,  et  c'^st  à 
regret  que  nous  devons  nous  borner  à  une  sèche  énuméralion 
de  cette  merveilleuse  réunion  de  chefs-d'œuvre.  Notons,  entre 
iiutres,  trois  portraits  de  Nattler,  dont  l'un,  celui  de  ^"e  Victoire 
de  France,  la  maîtresse  de  l'artiste  paraît-il;  est  un  tour  de  force 
de  finesse  dans  les  tons  gris  et  blanc;  deux  Van  Loo,  une  Joueuse 
de  guitare  et  une  Joueuse  Ae  Jiarpe,  marquises  ou  duchesses  à  la 
perruque  poudrée  et  à  l'œil  fripon  ;  des  Tournières  et  des  Drouais 
représeniant  d'aimables  grandes  dames  autour  desquelles  ce 
devait  être  une  joie  de  papillonner;  un  Fragonard,  panneau 
décoratif  spirituellement  enlevé;  une  Léda  fascinante  de  Boucher; 

9  deux  Greuze,  un  portrait  d'homme  palpitant  de  vie  et  une  tête 
de  jeune  fille,  Rêverie,  ()ui  fait  rêver  dans  sa  double  incarnation, 
pastel  et  sanguine;  un  Paier,^ Loisirs  champftres,  verveux  et 
pétillant  en  diable;  un  Prudhon,  jeune  femme  et  deux  enfants, 
d'un  naturalisme  étonnant;  des  sanguines  de  Charlier  et,  enfin, 
comme  apothéose  de  cette  pléiade,  une  énorme  tapisserie  de 
Boucher  (de  9»,00  X  3",00)  figurant  le'  Triomphe  de  Bacchus, 
dans  laquelle  les  personnages,  le  paysage,  les  panthères  de 
l'avant-plan,  sont  traités  avec  un^sûreté  de  dessin  et  une  science 
du  coloris  qui  déconcertent  :  c'est  une  merveille  dont  aucune 
description  ne  pourrait  donner  une  idée. 

I  La  plupart  de  ces  toiles  sont  groupées  dans  le  Salon  de  musique, 
-^et  c'est  un  régal  divin  que  d'entendre,  dans  ce  milieu,  une  gavotte 
de  Rameau  et  un  menuet  de  Lulli,  joués  au  piano  ou  sur  la  man- 
doline; les  grandes  dames  poudrées  semblent  revivre,  les  joueuses 
,de  guitare  et  de  harpe  font  leur  partie  dans  le  concert  et  les  mar- 
quises vous  décochent  leurs  sourires  capiteux  et  leurs  œillade^ 
assassines  :  la  résurrection  est  complète,  et  pour  peu  qu'on  lâcl; 
la  bride'à  la  folle  du  logis,  on  se  sent  \ivre  de  l'existence  musqi 
de  l'aristocratique  assistance  du  xvin*  siècle. 

Deux  œuvres  seulement  de  l'Ecole  anglaise,  mais  exquises  et 
dignes  de  figurer  à  côté  des  meilleures  de  la  Nattonai  Gallerj'. 
De  Reynolds,  un  portrait  de  femme  d'une  légèreté  de  touche  et 
d'dn  goût  parfaits  :  la  robe  blanche,  les  cheveux  poudrés  et  le 
ciel  gris  forment  un  ensemble  d'une  délicatesse  des  plus  harmo- 
nieuses. Le  portrait  de  deux  femmes  de  Lawrence,  dans  une  note 
plus  vigoureuse,  est  captivant  au  suprénr)e  degré:  la  femme  décol- 
letée avec  sa  robe  de  satin  noir  el  ses.  cheveux  aile  de  corbeau, 


donne  une  note  étrange  qu'accentue  l'allure  de  sa  toute  gracieuse 
'  compagne/ 

Une  large  place  est  faite  aux  modernes,  qui  n'occupent  pas 
moins  de  ^eux  galeries  de  la  collection  Daupias  ;  tous  les  grands 
noms  y  figurent  avec  des  œuvres  que  l'on  sent  avoir  été  choisies 
entre  toutes  par  un  amateur  de  goût  éclairé.:  aussi  éprouve-t-on 

\ici  une  jouissance  d'arl   peu    ordinaire   que    bon   nombre  de 
célèbres  Musées  modernes  seraient  impuissants  à  -dbnner. 

Saluons  d'abord  un  prestigieux  Courbet  de  la  meilleure  époque 
du  maître  ,d'Ornans  :  Effet  de  neige  sur  lequel  se  détache  en 
vigueur  une  femme  traînant  une  chèvre  et  portant  un  fagot; 
impression  puissante,  facture  grasse  en  pleine  pûte.  Près  de  là  un 
exquis  petit  Paysage  dé  Théodore  Rousseau,  tin  Etang,\ine  Rivière 
avec  bouquet  de  bouleaux  et  une  Lisière  de  bois  où  Corot  a  mis  le 
meilleur  de  sa  poésie  charmeresse,  un  Paysage  de  Jules  Dupré 
avec  des  arbres  et  un  ciel  bleu  d'un  coloris  corsé  et  savoureux, 
un  Matin  et  une  Mare  aux  canards  où  l'on  retrouve  les  effets  déco- 
ratifs qu'affectionnail  Daubigny,  deux  Paysages  éChiver  de  de 
Neuville,  des  Moulins  et  un  Troupeau  d£  vaches  deTroyon  de  tout 
premier  ordre  (deux  joyaux  de  la  collection),  enfin,  un  Sous  bois 
de  Diaz  absolument  féerique.  Si,  des  paysagistes,  nous  passons 
aux  peintres  de  genre,  nous  renfiarquons  notamment  :  un  magis- 
tral pastel  de  Millet  représentant  une  paysanne  versant  du  lait 
dans  des  cruches,  une  Femme  aux  champs  de  Bastion  Lepage, 
qui  s'est  surpassé  dans  cette  œuvre,  un  Hotnme  écrivant  de  Meis- 
sonier,  une  Fantasia  de  Fortuny,  d'une  moelleuse  coloration, 
de  voluptueuses  Nymphes  de  Diaz,  un  Chevalier  allumant  sa 
pipe  que  Roybet  a  superbement  campé,  un  mélancolique  Hamlet 
de  Jean-Paul  Laurens,  une  buire  et  des  oranges  de  Vollon,  une 
Hôtellerie  d'Isabey,  enlevée  avec  esprit,  une  lascive  Odalisque  au 
Cirque  de  Benjamin  Constant,  une  composition  décorative  Oio- 
venlu,  primavera.  délia  vita,  que  Baudry  a  caressée  avec  amour, 
une  Femme  au  piano  âk  Vollon,  d'un  fondu  étonnant,  un  Trou- 
peau de  moutons,  comme  Jacque  seul  sait  en  faire,  un  Petit  abbé 
dans  un  salon  Louis  XV,  par  Rossi,  Trois  Juifs  de  Decamps, 

Inorcéau  ^empoignant  donnant  presque  la  sensation  d'un  Rem- 
brandt, la  fameuse  Alerte  de  Détaille,  qui  a  figuré  à  l'Exposition 
centenale  de  Paris,  une  Porte  du  Sérail,  toile  de  LecOnte  du 
Nouy  dps  plus  suggestives  avec  ses  eunuques  couchés  et  son  déli- 
cieux fond  architectural  qu'éclaire  l'aube  matinale,  une  femme 
blanche  et  une  négresse  que  Cérome  a  accompagtiées  d'un  ara 
bleu  éblouissant,  un  mince  et  élégant  cavalier  de  John-I^wis 

-  Brown,  un  Combat  de  Fromentin,  qui  est  une  fête  pour  les  yeux. 
Deux  nègres  de  Bonnat,  un  Juif  lisant,  de  grand  caractère,  par 
Henri  Leys,  Deux  états-majors  de  l'espagnol  Domingo,  rival  heu- 
reux de  Meissonier,  qu'il  égale  s'il  ne  le  dépasse  pas,  enfin,  une 
prestigieuse  Bataille  de  Delacroix,  d'une  fougue  de  dessin  et  d'un" 
emportement  de  coloris  merveilleux.  —  Telles  sont  les  princi- 
pales œuvres  qui  nous  ont  particulièrement  impressionné;  ajou- 
tons-y, pour  ne  pas  les  oublier,  de  nombreuses  aquarelles  el  de 
curieux  dessins  parmi  lesquels  trois  cents  croquis  originaux  de 
Cham  cinglants  d'ironie  et  de  verve. 


Ce  qui  est  surtout  merveilleux  dans  le  Musée  Daupias,  et 
qui  donne  une  sensation  énorme,  c'est  de  voir  cette  longue  suite 
d'œuvres  picturales  accompagnée  de  meubles  anciens,  de  bronzes, 
de  porcelaines,  etc.,  4e  quoi  composer  un  njusée  historique. 


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comme  à  Cluny.  Nous  consignons  ici,  pour  les  collcclionneurs,  la 
présence  d'un  meuble  Henri  II  en  noyer  avec  appliques  de  mar- 
bre, un  pur  chef-d'œuvre,  un  meuble  Henri  IV  grassement  sculpté, 
une  table  authentique  d'Ândrouet  Ducerceau,  des  bahuts  flamands 
de  Vredeman  de  Vries,  un  somptueux  mobilier  de  salon  Louis  XIV 
dé  Boule,  un  autre  mobilier  de  salon,  Louis  XVI  celui-ci,  avec  de 
délicieuses  tapisseries  de  Beauvais,  des  meubles  indiens  en  teck, 
ébène  et  ivoire,  d'adorables  commodes  Louis  XV  de  Caffieri,  des 
guéridons  en  vernis  Martin,  etc..  Pui»  des  vases  étrusques  raris- 
simes, des  vases  d'Urbino  et  de  Gubbio,  des  potiches  de  Chine  et 
du  Japon  aux  décors  vertigineux,  des  plais  arabes  uniques,  des 
médaillons  en  faïence  polychromique  de  Luca  deJla  Robbia,  des 
pièces  exceptionnelles  de  Limoges,  notamment  un  grand  émail 
elliptique  représentant  la  guerre,  cinq  émaux  d'un  bleu  incompa- 
rable, faisant  partie  d'un  chemin  de  la  croix,  et  deux  délicieuses 
coupes;  un  coffret,  des  vases  et  de  délicates  figurines  en  ivoire  de 
la  Renaissance,  des  médaillons  en  cire  renversants,  des  bronzes 
de  Clodion,  un  idéal  petit  retable  de  la  Renaissance  en  albâtre, 
un  fier  buste  en  mirbre  de  la  princesse  de  Lamballe,  des  cartels 
Louis  XVI  eh  bronze  doré,  des  porcelaines  de  Sèvres  de  M"**  de 
Pompadour,  un  crucifix  en  cristal  de  roche,  une  pendule  et  de 
nombreux  groupes  et  statuettes'en  porcelaine  de  Saxe,  enfin  la 
précieuse  collection  de  bijoux,    éventails  -et  bonbonnières  de 

M"7  la  comtesse  Daupias. 

« 
•  ♦ 

Bien  des  choses  ont  été  oubliées  ou  laissées  de  côté  dans  cette 

rapide  esquisse,  et  il  faut  vraiment  avoir  vu  et  revu  la  collection 

Daupias  pour  apprécier  ses  richesses  artistiques,  que  l'on  peut 

évaluer  certainement  ^  huit  ou  neuf  millions.  Lisbonne  est  bien 

un  peu  loin  de  la  Belgique,  mais  s'il  arrivait  que  des  lecteurs  de 

l'Art  moderne  dussent  s'y  rendre,  qu'ils  n'oublient  pas  de  passer 

quelques  heures  au  milieu  des  œuv'res  d'art  dont  nous  les  avons 

entretenus;  en  apposant  leur  signature  sur  le  livre  des  visiteurs 

de  M.  le  comte  Daupias,  nous  ne  doutons  pas  qu'ils  ne  soient 

tentés  d'y  ajouter,  comme  la  grande  Sarah  Bemhardt  :  De  l'art 

plein  les  ^ux,  de  la  reconnaissance  plein  le  cœur!  "       / 

-    Lisbonne,  mars  1890. 


DÉCENTRALISATION  . 

Nous  avons  annoncé,  au  cours  de  l'hiver,  la  fondation  à  Mons 
d'une  Société  de  musique  dont  M.  Camille  Gurickx  a  accep^  la 
direction.  Cette  société  vient  de  faire  ses  débuts  en  public,  et  le 
succès,  à  ce  qu'on  nous  rapporte,  a  été  très  vif. 
Le  Journal  de  Mans  dit  entre  autres  :  7 

«  Le  programme,  composé  par  M.  Gurickx  avec  un  goût  artis- 
tique tout  particulier,  comportait  des  œuvres  d'auteurs  anciens  : 
Bach,  Rameau,  Haydri,  Grétry,  Cherubini,  et  quatre  chorals  d'au- 
teurs inconnus  très  anciens,  harmonisés  pour  quatre  voix  sans 
accompagnement  par  F. -A.  Gevaert.  C'est  dans  ces  quatre  petits 
chefs-d'œuvre  de  style  large  et  sévère  que  nous  avons  pu  appré- 
cier d'une  façon  absolue  les  qualités  vocales  des  chœurs  de  la 
Société.  Dans  ces  morceaux,  impossible  d'avoir  recours  à  n'im- 
porte quel  artifice  pour' cacher  les  défectuosités  des  interprèles; 
il  fiaut  chanter  juste,  nuancer  dans  la  perfection  et  arriver  à  une 
homogénéité  de  voix  telle  qu'elles  doivent  sembler  h'en  former 
qu'une.  De  l'avis  des  plus  compétents,  ce  beau  résultat  a  été 
obtenu 


Nous  devons  faire  remarquer  spécialement  le  grand  succès  du 
fragment  des  «  Indes  Galantes  »,  V Adoration  du  Soleil  de  Ra- 
meau. Celte  composition  splendide  a  été  enlevée  par  les  chœurs  . 
et  l'orchestre  de  la  façon  la  plus  brillante.  Notre  excellent  baryton 
Achille  Tondeur  chantait  le  solo  ;  comme  toujours,  sa  voix  mâle 
et  bien  timbrée  lui  a  valu  de  nombreux  applaudissements,  qui  ont 
redoublé  après  l'air  des  Saisons  de  Haydn,  qu'il  a  chanté  en  fai- 
sant montre  de  qualités  qui  dénotent  chez  lui  une  connaissance 
approfondie  du  chant  et  un  tempérament  musical  bien  développé. 

Nos  félicitations  les  plus  sincères  à  M.  Camille  Gurickx,  à  qui 
les  honneurs  de  cette  belle  soirée  reviennent  en  grande  partie. 
Son  dévouement  infatigable,  son  opiniâtreté  et  son  ardeur  ont 
reçu  une  éclatante  récompense.  Sa  direction  est  simple,  modeste, 
m.iis  pourtant  empreinte  de  cette  autorité  et  de  ce  sang-froid  qui 
inspirent  aux  exéculanls  la  confiance  dans  le  chef,  confiance  sans 
laquelle  il  n'y  a  pas  de  victoire  possible.  »  -, 


*  * 


Le  lendemain  du  concert  de  la  Société  de  musique  de  Mons, 
Tournai  offrait  à  un  nombreux  public  d'invités  l'exécution  de 
quelques  œuvrdç  de  César  Franck  et  notamment,  sous  la  direc- 
tion du  maître,  son  oratorio  biblique  Rulh,  qui  garde,  malgré  sa 
date  déjà  reculée,  une  grâce  et  une  saveur  rares. 

a  A  celle  exécution  tournaisienne  de  Ruth,  dit  M.  Maurice 
Kufferalh,  il  n'a  manqué  qu'un  ensemble  de  solistes  plus  maîtres 
de  leur  voix  et  de  leur  diction,  pour  avoir  été  très  distinguée.  Il 
faut  mettre  toutefois  hors  de  pair  les  chœurs,  qui  ont  eu  bonne 
sonorité,  et  une  jeune  cantatrice  du  Conservatoire  de  Bruxelles, 
M***  Gorlé,  qui  a  dit  d'une  voix  aimable  le  joli  rôle  de  Ruth.  La 
même  artiste,  accompagnée  au  piano  parole  maître,  a  chanté  avec 
une'^motion  communicative  deux  de  ses  plus  belles  mélodies  :  la 
Profession  et  les  Cloches.  ~ 

r-  Mais  le  triomphe  de  la  soirée  a  été,  en  somme,  pour  le  quin- 
tette on  fa  et  la  sonate  en  la  pour  piano  et  violon:  Vous  savez. à 
Bruxelles,  pour  les  y  avoir  entendues  au  Cercle  artistique  et  aux 
XX,  quelle  est  la  grapdeur  émouvante  ei  la  puissance  évocatrice 
de  ces  compositions  instrumentales  de  César  Franck. 

Sous  l'archet  d'Eugène  Ysaïe,  elles  oni  une  force  expressive  et 
un  entraînement  irrésistibles.  Le  célèbre  virtuose  était  accompa- 
gné de  son  quatuor  (MM.  Crickboom,  Van  Bout  et  Jacob);  au  piano 
a  pris  place  M.  Braud,  un  pianiste  parisien,  élève  de  Marmontel, 
qui  a  la  fermeté  de  rythme,  le  jeu  martelé  et  l'égalité  de  ioucher 
qui  sont  la  marque  di^tinctive  de  l'école.  Le  public  tournaisien 
n'est  pas  d'ordinaire  à  pareille  fêle.  Aussi  a-l-il  longuement  ova- 
tionné l'aulcur  et  ses  admirables  interprètes;  mais  ce  qui  est 
mieux  encore,  il  a  écouté  avec  une  attention  qui  fait  honneur  à 
son  goût  autant  qu'à  son  éducation  musicale.  » 


Réoentesi  acquisitions  du  Musée  de  Peinture . 

Un  De  Heem,  —oranges,  raisins,  roses,  homards,  cristaux, 
insectes,— ^  un  Willem  Van  Aeist, — oiseaux  occis  et  variés,  carnas- 
sière, fusil,  —  un  Abraham  Mignon,  —  coq  pendu  par  une  patte 
et  dont  on  compie  les  plume?^:  travaux  de  phoiograpbes. 

Pourquoi,  au  lieu  d'augmenter  lacohorie.de  ces  imbéciles 
peinturés,  ne  pas  nous  débarrasser,  au  contraire,  de  celles  qui, 
avec  les  Fleurs  de  l'odieuse  Rachel  Rujsch,  déshonorent  déjà  nos 
galeries? 

N'avons-nous  pas  un  débouch^  tout  kidiqué?  l'Afrique?.,. 


\J 


\ 


Le  RiibcniJ,  licurcuscmeiU,  est  extraordinaire  et  raclièlc  ces 
croûtes  :  c'est,  —  merveille  de  vie,  de  couleur,  de  dessin,  — 
(Iiialre  fois  répétée,  la  lôle  d'un  nùgre,  sérieux  en  sa  pose  ou 
étalant  dons  un  rire  les  blancheurs  de  sa  denture. 

Etude  pcut-C'tre  pour  un  mage  d'Ethiopie  ou  simple  délasse- 
ment, mais  peinte,  en  tous  cas,  dans  un  moment  d'absolue 
liberté  d'esprit,  celte  œuvre,  avec  le  Martyre  de  Sainte-Ursule, 
ce  joyau,  et  l'émouvante  Chasse  d'Alalante  et  de  Méléagre  dans 
le  mystère  et  le  murmure  profond  d'une  forêt,  est  ce  que  le 
Musée  possède  de  mieux  du  plus  grand  parmi  les  peintres,  ce 
Pierre-Paul  Rubcns! 


THÉÂTRE  MOLIÈRE 

LUCRÈCE  BORGIA 

Sans  nul  souci  de  la  haute  température  tout  à  l'heure  estivale 
et  du  désir  nalurct  de  respirer  un  air  plus  frais  ou  d'ouïr  des 
musiques  sans  importance  sous  les  verdures  du  Waux-Hall,  les 
d'Esté,  les  Borgja  conviaient  à  leurs  disputes  un  public  -plutôt 
ixellois.  Et  ce  furent  durant  cinq  actes,  oh  !  des  drames!  avec  des 
sbfres,  du  poison,  des  épées  luisant  dans  l'ombre,  —  une  femme, 
ensemble  criminelle,  adultère  et  incestueuse,  se  torturant  à  vou- 
loir sauver  son  amant,  cl  tour  à  tour  tendrement  séductrice  et 
véliémcntement  passionnée,  emportée,  hors  des  gonds,  en  un 
mot,  — "un'mari  froid  et  cruef,  vêtu  de  rouge  avec  de  la  fourrure, 
obstiné  à  ne  vouloir  rien  entendre,  vilainement  cocu  et  préten- 
dant en  somme  se  venger,  —  puis  celle  orgie  et  ces  moines, 
sinistres  clamant  des  psaumes,  cl  ce  final  coup  de  "couteau  à  la 
Pranzitii! 

M""»  Rose  Desnoyer,  M.  Jules  Mary  et  M.  Munie  furent  respec- 
tivement Lucrèce  Borgia,  Don  Alphonse  d'Esté  et  Gennaro  le 
bicn-aimé. 


?' 


ilBJ-IOQRAPHlE 

ACCUSÉS    DE    RÉCEPTION 

Hier,   aujourdh'ui,  par  Emile  Greyson.  —  L'n  vol,   in-16  de 
-  380  pagesr — J.  Lebègue  et  C'«,  Bruxelles. 

.  A  part  quelques  paysages  bruxellois,  accrochés  au  récit  comme 
des  tableaux  ù  la  muraille,  et  si  bien  traités  en  tableaux  que 
l'auteur  nous  y  montre  Yélonnaule  hardiesse  des  teintes  de  la 
nature,  ce  roman,  d'une  observation  très'raisonnable  assurément, 
mais  à  fleur  de  peau,  pourrait  se  placer  aussi  Jiien  en  Angleterre 
ou  en  France,  qu'en  Belgique.  Les  mœurs  d'aujourd'hui,  oppo- 
sées h  celles  d'hier,  y  sont  trop  retracées  dans  leur  banalité  cos- 
mopolite, pour  avoir  rien  qui  puisse  nous  loucher  particulière- 
ment, et  nous  croyons  que,  dans  tous  les  pays  du  monde,  on 
rencontre  de  ces  personnages  qui  réiissisent,  dit  M.  Greyson,  par 
les  ressources  de  la  cybisiique  (voir  le  supplément  de  Littré).  Au 
surplus,  le  manque  d'unilé  nuit  à  l'intérêt  du  livre.  En  l'ouvrant, 
on  s'imagine  que  l'on  va  lire  une  critique  de  nos  habitudes  poli- 
tiques, cl  le  sujet  a  des  côtés  assez  plaisants  pour  que  l'on  s'en 
promette  quelque  gaieté,  mais  à  peine  a-t-on  tourné  quelques 
pages,  que  l'on  se  trouve  en  plein  high-life,  vie  de  château,  des- 
criptions de  toilettes  et  de  voitures,  avec  l'altitude  des  cochers  ot 
le  bruit  des  rou?s  sur  le  sable,  saison  des  eaux,  hiver  mondain, 


bals,  spectacles,  et  le  manège,  pas  nouveau,  des  demoiselles  à 
marier.  On  n'a  pas  eu  le  temps  de  s'habituer  à  ce  changement  que 
la  narration  fail  encore  un  crochet  et  nous  transporte  en  un 
mélodrame  étranger,  et  ces  sujets  divers  se  poursuivent  parallèle- 
ment, n'ayant  d'autres  points  de  contacl  que  des  rencontVes  de 
voisinage,  sans  parler  des  épisodes  qui  ne  se  rattachent  h  rien, 
comme  celui  du  bonhomme  de  huit  ans  qui  apparaît  seulement 
pour  dire  «  canaille!  »  à  son  domestique,  et  qu'on  ne  revoit 
plus.  *  .  '  -^ 

Cette  absence  de  concentration-  des  effets  vers  un  but-commun 
leur  enlève  la  plus  grande.  p.yiîe  de  leur  portée,  et,  n'étant  pas 
empoignée  par  celte  action  trop  hlùltiple,  rallenlion  distraite  a 
le  temps  de  s'arrêter  aux.  petites  défaillances  du  style.  Ainsi,  nous 
avons  été  si  horripilés  d'un  «  On  a  beau  pu  être  solide...  »,  que 
nous  ne  résistons  pas  au  désir  de  le  consigner  ici  par  repré- 
sailles. 


Petite  chro^^ique 


Du  Figaro  (signature  Albert  VV^)  cette  appréciation  d'un  de 
nos  artistes  belges  les  plus  méritants,  dont  les  œuvres  figurent  au 
Salon  de  Paris  : 

«  J'insiste  sur  un  grand  succès  d'artiste,  les  statuettes  d'ouvriers 
d'un  tour  puissant,  malgré  les  petites  dimensions,  d'un  ^elge, 
M.  Constantin  Meunier  ». 

Et  sur  le  même  Constantin  Meunier,  dans  Gil  Blas,  sous  la 
signature  René  Maizeroy,  citant  quelques  rares  sculptures-  : 
Eugène  Rodin,  Dalou,  Desbois,  Baffier,  h  ces  quatre  le  chroni- 
queur ajoute  notre  corapairifltey.disanl  : 

«  A  côté,  en  une  sà^Ac  slaluelles,  M.  Baffier  et  M.  Conslan(in 
Meunier  onl  puissamment,  et  avec  une  pénétrante  et  saine  émo- 
tion, modelé  des  types  de  lâcherons  et  d'artisans.  C'est  tout  le 
poème  monotone,  triste,  toute  la  procession  des  pauvres  gens  qui 
se  déroule  ici,  comme  imprégné  dû  grand  souffle  de  la  glèbcydes 
puanteurs  acres  du  pays  noir,  des  arômes  delà  forêt....  que  les 
amaieur*se  disputeront  bientôt  autant  qu'un  lableau  de  Millet  ou 
un  bronze  de  Barye.  Leur  réalilé  intense,  prise  sur  le  vif,  m'inlé- 
resse  et  me  délecte,  éveille  en  moi  tout  un  flot  de  souvenirs  et  de 
sensations.  M,  Meunier,  se  révèle  comme  un  artiste  de  haute 
race  et  d'une"  originalité  peu  commune  », 


Une  des  plus  estimées  sociétés  savantes  françaises  est  venue 
récemment  faire  une  excursion  en  Belgique  :  nous  voulons  parler 
de  la  Société  régionale  des  architectes  du  Nord  de  la  France  donl 
le  siège  est  à  Lille. 

Après  leur  avoir  souhaité  la  bienvenue  à  leur  descente  du  train^ 
M.  Acker,  président  de  la  Société  centrale  d'architecture  de 
Belgique,  a  cpnduil  au  Palais  de  la  Bourse  les  architectes  fran- 
çais qui  ont  été  l'oCjét  d^ne  récepiion  des  plus  chaleureuses  de  la 
parlée  leurs  confrères  bruxellois.  Puis  a  commencé  la  visite  de 
divers  monuments  et  d'un  certain  nombre  d'hôtels  particuliers 
dont  nos  voisins  de  la  Flandre  Française  onl  hautement  apprécié 
les  mérites  divers.  _      v 

Les  membres  des  deux  sociétés  se  sont  rendus  le  lendemain  à 
Anvers  où,  accompagnés  de  leurs  confrères  de  la  Société  des 
archileAes  Aiiversois,  \is  onl  étudié  dans  tous  leurs  détails 
quelques-unes  des  plus  intéressantes  constructions  élevées  dans 
ces  dernières  années,  notamment  l'Hôlel-de-Ville,  les  églises  de 


^ 


Rorgcrhoul'la  basilique  du  Sacré-Cœur,  riiôpilaldu  Sluyvenberg, 
les  orphclinals  cl  hospices,  clc. 


"Le  gouvernement  vient  d'acheter,  pour  le  Musée  de  Bruxelles, 
une  toile  qui  a  figuré  au  dernier  Salon  des  XX,  et  même  une 
toile  dfe  tort  grandes  dimensions'. 

La  clef  de  cette  énigme?  La  toile  en  quoslioii,  qui  est  d'un  joli 
ton  vcrt-olivâtjc,  avait  été  placée  par  les  XX  en  manière  de  tapis- 
serie pour  masquer  les  abominables  murailles  éraflées  ei  sales  des 
galeries  destinées  aux  expositions  particulières.  On  se  souvient  de 
l'aspect  coquet  cl  élégant  que  celte  tenture  avait  donné  au  Salon 
des  XX,  dont  tout  le  monde  romanjua  l'inslallalion  arlistique. 
L'exposition  finie,  la  commission  de  l'Exposition  dos  Forlrails  de 
Maîtres  du  Siècle  proposa  aux  XX  le  rachat  de  la  toile  en  ques- 
tion, ce  qui  fut  accordé.  On  se  contenta  d "enlever  tant  bien  que 
mal  le  double  X  traditionnel  dont  l'or  ilamboyaii  sur  les  étoffes, 
cl  on  l'agrémenta  d'un  baldaquin  rouge,  assez  disgracieux,  soil 
dit  en  passant.  Très  ingénieusement,  les  «  Portraits  du  Siècle  » 
ont  repassé  à  l'Élit  la  tapisserie  vingliste,  qui  fait  actuellement 
partie  du  mobilier  du  Musée.  Il  est  permis  de  se  demander  ce  qui 
fût  advenu  si  les  XX  avaient  offert  eux-mêmes  au  gouvernement 
le  rachat  de  leur  tenture? 


Une  eiposiiion  d'oeuvres  de  MM.  Edouard  Cliappel  et  Paul 
Kustohs,/ariistes  peintres,  s'esl  ouverte  hier  au  Cercle  nrtistiqiK 
et  littérane.  L'exposition  sera  clôturée  le  26  courant. 


choix  artistique  des  ueuvres  exposées,  qui  a  primé  l'intérèl  histo- 
rique, chose  rare  à  de  semblables  exhibitions. 


Une  intéressante  exposition  d'archileclurc  et  d'art  décoratif 
s'^esl  ouverte  à  Liège,  le  45  mai,  dans  la  salle  do  .l'Emulation; 
elle  est  organisée  par  la  section  provinciale  liégeoise  de  la  Société 
centrale  d'architecture  de  Belgique.  Nous  en  reparlerons. 


■  Le  Cercle .4 /s  ik  Kan  vient  d'ouvrir  à  Anvers  sa  vingt-deuxième 
exposition  (Salle  Verlal).  Le  salonnet  restera  ouvert  jusqu'au 
25  courant. 


lîes  architectes  d'Aix-la-Chapelle  voulant  rendre  un  hommage 
posthume  à  leur  savant  et  regretlé  confrère  Franz  Ewerbeck,  ont. 
ouvert  le  12  courant  une  exposition'de  ses  œuvres  parmi  lesquelles 
figurent  notamment  ses  nombreux  dessins  sur  la  Renaissance  en 
Belgique  et  en  Hollande.  .  ' 


On  nous  écrit  de  La  Haye  :     7 

Le  Cercle  artistique  de  La  Haye  Pulchri-Studio  vient  d'ouvrir 
une  exposition  d'œuvrcs  de  maîtres  anciens  qui  est  particulière- 
ment remarriuable.  Grûce  à  l'espril-d'iniiiative  do  M.  Mesdag,  le 
président  de  la  Société,  et  aux  soins  de  MM.  Termoulen  et  Koster, 
un  choix  excellent  a  été  fait  dans  les  collections  particulières  de 
La  Haye,  d'Ulrechi,  d'Amsterdam  et  la  plupart  des  toiles 
exposées  n'ont  été  vuc^  que  fort  rarement  ;  quelques-unes  sont 
même  inconnues  du  public.  L'exposition,  qui  durera  deux  mois 
environ  (mai  et  juin),  compte  à  peu  près  cent  trente  numéros, 
parmi  lesquels  des  van  dcr  Meer  exquis,  trois  Rembrandt,  des 
Hais,  des  Jan  Steen,  Ter  Burch,  Wouwerman,  van  Everdingen, 
Cuyp,  van  de  Veldc,  hors  pair,  des  œuvres  de  derrière  les  fagols, 
rarissimes. 

L'excellente  salle,  au  jour  fin  et  puissant,  meilleure  que  la 
plupart  des  Musées,  fait  de  cette  réunion  d'œuvres  d'élite  une 
sélection  digne  d'être  visitée  par  les  amateurs  sérieux  de  tous  les 
pays  environnanlSj^jl  ce  qui  la  rend  surtout  intéressante,  c'est  le 


M.  Edouard  Dujardin  vient  de  terminer  une  pièce  .en  vers  qu'il 
doit  lire  au  Théâtre-Libre.  Titre  :  La  fin  d'Antonia,  tragédie 
moderne  en  trois  actes.  C'est  la  première  œuvre  décadente  qui 
■  ail  été  écrite  pour  le  théâtre. 


Un  théâtre  de  Berlin  vient  d'atteindre  le  dernier  degré  du 
réalisme,  dit  Gil  Blas,  en  engageant  Kranlz,  l'ex-bourreau  du 
royaume  de  Prusse,  pour  tenir  l'emploi  dos...  bourreaux. 

L'ancien  coupeur  de  têtes,  pris  de  la  nostalgie  du  métier  poul- 
êlre,  est  revenu  «  pour  Vire*»  â  son  ancienne  profession;  cela, 
dans  un  drame  des  plus  émouvants,  dont  la  scène  culminante 
montre  un  homme  sur  le  point  d'être  décapité.  Le  patient  est 
suivi  sur  la  scène  par  Krantz  qui  balance  la  hache  même  dont  il 
faisait  usage  du  temps  que  c'était  arrivé.  Brrrrr 


.    Du  Monde-Artiste  :  - 

Le  rénovateur  de  la  peinture  à  l'encaustique  des  ancien*. 
M.  Gabriel  Dericux,  a  deux  toiles  aux  Champs-Elysées,  exécutées 
d'après  son  nouveau  procédé.  Ilviehld'on  vendre  une  6,000  francs 
h  un  riche  collectionneur  américain,  M.  Donealson. 

Le  Pardon  de  Notre-Dame  de  C/ar/t;' partira  pour  Saint-Louis, 
dans  le  Missouri,  après  la  clôture  du  Salon. 

Il  i.''a  rejoindre  une  merveilleuse  collcclion  i\g  maîtres  français 
que  possède  dc^jà  M.  Doncalson. 

Une  Exposition  particulière  de  celle  nouvelle  peinture  à  l'en- 
caustique, ou  peinture  inaltérable^  la  cire-copal  au  feu,  aura  lieu 
prochainement  à  Paris. 

Les  peintres  nouvoHement  initiés,  les  sculpteurs  coloristes  à  la 
cire,  les  faïenciers  et  les  ciriers  de  tous  genres  sont  conviés  à 
celte  exhibition  qui  devra  contenir  tous  les  essais  de  ce  genre  (i). 

! ..  ,.-/•' 

Du  même  : 

On  a  beaucoup  parlé  de  l'essai  de  peinture  sur  marbre  tenté 
cot'.e  année  par  M.  Gérôme.  Ce  n'est  pas  le  membre  de  l'Institut 
qui  a  eu  l'idée  première  de  cette  application  de  la  couleur  à  la 
sculpture.  —  Il  y  a  cinq  ans,  Paris  artistique  visita,  rue  do 
Bruxelles,  l'atelier  de-  M.  Soldi  et  la  critique  s'occupa  de  cello 
innovation. 

M.  Soldi  trouva  un  défenseur  dans  M.  Hugues  Leroux  cl  un 

critique  dans  M.  Anatole  France.  Depuis  on  a  récemment  vu  cin(( 

bas-reliefs  du  même  artiste  qui  étaient  des  essais  moins  timides 

que  celui  de  M.  Gérôme  et  plus  décis^,  pros(iue  aussi  charmants, 

4que  ceux  de  M.  Gros  sur  le  verre. 


On  an-nonce  pour  la  fin  du  mois  lo  mariage  de  M.  Jean-Louis 
Forain  avec  M"*"  Bosch,  artiste  peinir',' 


Entretiens  politiques  et  littéraires,  V'  mai.  1800.  —  Sommaire  : 
I.  Paul  Adam,  Excitation  à  la  révolte.  —  II.  Henri  de  Régnier. 
Philosophie  du  pastel.  —  III.  Georges  Vanor,  le  Mandai  sacré. 
—  IV.  Francis  Vielé-Griftin,  A  l'Illettré.  —  V.  Notes  el  notules. 


(1)  Rapj)cloi)s  à  ce  propos  riiiléressauto  étude  sur  l'Encaustique  et 
les  autres  procédés  de  peinture  chez  les  aneien.^  liistoire  et  toth- 
niqiie)  publié  à  la  librairie  de  l'Art,  à  Paris,  par  MM.  Henry  CrosoI 
Charles  Hbnry,  et  dont  nous  avons  rendu  coni[)to  daus  notre  numéro 
du  24  mars  ISSU. 


-A 


■^ 


•  / 


f 


^-.. 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE  ' 

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fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits). —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  oiarchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  -   Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  rEa-ploitaiicn  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  l'Agence  générale  des 
■  Malles-Poste  de  l'Êtat-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n"  53,  à  Londres,  à  V Agence  de  Chemins.de  fer 
de  VÊtat,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  Jtf .  3t»-^«r  Vrancketi,  Domkloster,  n»  1»  à  Cologne.  r 


COLLECTION  DE  NEUFFORGE 


Le  Notaire  ELOT,  à  Bruxelles,  vendra  publiquement,  sous  la 
direction  de  M'  Edm.  DEMAN,  les  22,  23,  24,  .27,  28,  29  et 
30  mai  1890,  à  2  heures  précises,  en  l'hôtel  de  Ravenstein,  rue  de 
Ravenstein,  11,  à  Bruxelles,  la  2«  partie  (1634  numéros  de  l'impor- 
tante collection  de  livres  ancifns,  manuscrits,  concernant 
l'histoire  héraldique  et  généalogique  spécialement  des  familles 
nobles  de  Belgique,  des  livres  à  figures,  des  voyages,  etc.,  etc., 
délaissés  par  feu  M.  le  chevalier  J.  de  Neufforge,  ainsi  que  des 
violons,  des  violoncelles  et  des  panneaux  décoratifs  anciens. 


JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  Judiciaires.  —  Jurisprudence. 
—  Bibliographie.  —Législation.  —  Notaria,t. 

HuTIKlfF  ANNÉE.  ^ 

Abonnements  j  Bf'giq"*'  18  francs  par  an. 
(  étranger,  23  id. 

Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 

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L'Industrie  Moderne 

paraissant  deux  fois  par  mois. 
Inventions.  —  Brevets.  —  Droit  industriel. 

Troisiêmk'>annkb. 


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Administration  et  rédaction 


Rue  Royale,  15,  Bruxelles. 
Rue  Lafayette,  123,  Paris. 


PIANOS 


BRUXELLES 
me  Thérésienne,  6 


VENTE 


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Paris  1867, 1878,  1"  prix.  —  Sidney,  seuls  1"  et  2*  prix 
ElPOSmOIS  AlSTEBOil  1883,  ilTERS  1885  BIPLtR  D'IOimi. 


Breitkopf  et  Hartel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 


TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 
la  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 
formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-G.  Lobe.  "* 
Traduit  de   l'allemand   (d'aj^rès   la  5^  édition)   par  « 
Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr..in-8°.  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  I^  présente  traductioq  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  ouvrages  d'enseignement  musical  les  plus 
estimés  en  Allemagne.  • 


Bruxelles.  —  Imp.  V*  Monmom,  26,  rue  de  l'Industrie. 


V 


Dixième  année.  —  N"  21.  \ 


Lk    NUMKRO    :    25    CKNTÏSlES. 


Dimanche  25  Mai  1890) 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

qomité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,    un    an,    fr.    10.00;  Union   postale,-  fr.    13.00     —ANNONCES   :    On    traite   à   forfait. 


.,„...,j 


Adresser  taupes  les  communications  à  '  . 

l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  26,  Bruxelles. 


S 0  lv<N1  A  I  RE 


•^• 


^ 


Au  CiiAMi-  DE" Mars.  —  Paris  médaillé.  —  Gaston   Dlbedat.  -:- 
Lk  Theatuk  Dt  i.\  Monnaie  dki'LIj  sa  kundatkjn  jlsûl'a  no>  jours. 

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—   LNK  COMMANDE  DE  30i),Mi»0  FRANCS.  —    L  ^;X^uSITIO^■    D  ARCHITECTUBE 

A   LiÈrjE.    —   SuciKiK   NATIONALE   DE    Mi^iÇi.'E.    '20^    t'onccrt   a.ti<^ 
orrfies'rr  '■(  chii'ios.  —  Petite  chromqle.  ■ 


/ 


AU  CHAMP  DE  MARS 

Un  Salon  de  bonne  tenue,  que  régit  M.  Meissonier, 
et  auquel  collabora,  pour  les  fleurs  et  }a  décoration, 
-M.  Alphaud.  Un  Salon  où  il  y  a  bien  une  cinquantaine 
de  numéros  à  marquer  Jun  asiérisque.  Un  Salon  sans 
débandade,  à  deux  rangs  de  cadrés,  groupant  les  firmes 
Un  Salon  sympathique,  expurgé  des  horreurs  acides  qui 
font  crisser  ailleurs,  dépouiljé  des  basses  vinasses,  des 
crapuleux  mirotons,  des  pleutres  ratatouilles  qui  com- 
posent l'habituel  menu  des  Champs-Elysées,  cette  gar- 
gote monstrueuse.  Un  Salon  d'où  on  n'a  pas  l'air  de 
s'évader  comme  d'un  bordeau.  Malgré  cela,  des  alois 
douteux,  des  ragoûts  grossement  épicés,  des  relents 
f,  d'académie,  un  faisandage  de  talents  blets,  d'abusives 
"iplérances.  Deux  ^rrands  halls  seulement  et  un  petit 
nombre  de  réserves.  Au  îlaut  du  grand  escalier,  la 
sculpture. 


Sur  un  socle,  dès  Tentrée,  cinq'  Constant  Meunier, 
l'un  des  indubitables  succès  du  Salon  De  brusques  et 
nerveux  bronzesde  haut  style,  aux  mimiques  concrètes, 
aux  rnyologies  pui.>.«-amment  synthétisées,  le  campé 
d'un  étonnant  JJ/bai-deur,  la  minceur  élevée  d'un  Souf- 
fleur de  ven-e,  des  réductionuiu  Marteleur  et  du 
Piiddleur,  un  superbe  Pèeheur  boidonr/is,  criant  vers 
la  mer.  Il  fallait  voir,  au  vernissage,  l'artiste  entouré, 
fêté,  modestement  trii»mphaût.  En  face,  un  groupe  :  la 
Mort  de  Jules  Desbuis.  Deux  figures,  le  nu  d'un  vieil 
homme,  au  torse  raviné  et  cariqueux,  modelé  dans  les 
masses,  par  accents  vigoureux,  et  l'effroi  d'un  squalide 
détritus  humain  symbolisant  la  caraarde,  un  haillon  de 
chairs  putrides  et  dévastées,  un  horrifique  masque 
comme  surgi  des  liquiiles  désagrégations  du  sépulcre. 
Ce  morceau  tragique  fait  honneur  à  l'école  et  relègue 
les  niaises  plastiques,  les  commodes  attributs  des  veules 
morts  usuelles.  C'est  la  sculpture  Jiéroique  et  pitto- 
resque professée  par  ce  maître  inconîparable.  Rodin. 
Il  règne  en'six  envdis  d'un  art  définitif  :  l'écharnement 
cruel  d'un  nu  dé  vieille  femme,  un  tronc  calciné, 
rugueux,  abrupt,  fossile,  l'a  beauté  d</uIoureuse  d'une 
géhitrice  à  la  matrice  ravagée  par  les  races,  aux  mamelles^ 
comme  des  gousses  exténuées,  aux  membres>c4K'arLtiés 
d'ans  et  dé  travaux.  Je  ne  vois  pas  dans  tout  l'art  mo- 
derne un  paueil  cci  d'humanité.  Encore  :  des  esquisses, 
uu  maillis  de  formes  décelant  dés  stupres,  détrangea 


r' 


l 


-  r 


^ 


\ 


et  fatals  labeurs,  l'oppression  d'inexorables  chaos,  l'ad- 
■Jtérence  d'une  Andromède  ou  d'une  Niohé  qm  marbre 
qui-  la  tient  captive;  un  torse  vert,  comme  sorti  des 
exhurii^tio^s  d'une  ère  d'art  inconnue.  Dalou,  avec  son 
lisse  Victor  Noir  couché  sur  la  dàlî67son  Floquft  en 
stéarine,  et  son  fœtus  (tète  d'enfant)  déchoit,  par  com- 
paraison,aux  industries  innommables.  De  M'^^'Besnard,  | 
une  faïence"  d'un  onctueux  polychromisme,  des  études, 
et  cette  Mère  et  V enfant,  vue  aux  XX,  si  foncièrement 
maternelle.  De  M'"®  Cazin,  un  bas-relief  aux  figures 
aérisées,  inexprimablement  détachées  et  fondues  en 
manière  de  tableau  (Secours  aux  malades).  Divers 
Charpentier  (et  ses  délicats  médaillons), 'Devillez,  Bai- 
fier.    ,  "  ~       , 

(vhez  les  peintres  (il  est  entendu,  n'est-ce  pas,  que 
le  Meissonier  [1814),  le  Jean  Béraud  (Saieon  de  Monte- 
Carlo),  les  nobiliaires  Carolus  Duran  attestent  une  fois 
de  plus  la  valeur  monétaire  de  l'art  et  son  incontes- 
table-importance comme  branche  d'industrie),  à  un 
degré  moindre,  le's'Gervex,  les  Sargent,  les  Roll,  les 
Rixens,  sont  également  cotés.  Cependant ,  quelques 
peintres  naïfs  assument  encore  l'universelle  réprobation 
en  s'efïbrçant  à  une  pratique  d'art  moins  roublarde  et 
moins  fructueuse.  Le  Champ  de  Mars,  entre  autres  por- 
traits méprisés,  possède  un  Téodor  de  Wyzeva  de 
Blanche,  une  sabrade  à  grandes  touches,  qui  remet  un 
peu  des  nauséeux  caramels  étiquetés  sous  des  rappels 
de  noms  mondains.  Ce  même  Blanche,  il  est  vrai,  se 
propose  plus  loin,  sous  des  aspects  conformes  au  goût, 
pour  lés  oléagines  distinguées  et  poncives. 

Boldini,  au  contraire,  le  capillaire  Italien  d'antan, 
crûment  déroule  une  peinture  très  française,  d'un  tour 
de  main  et  d'esprit  qui  parisianise  les  violences  ruda- 
nières  du  vieux  Hais  et  condimente  ses  énergiques 
ragoûts,  ses  nerveux  coulis  de  diligentS'  et  modernes 
épices.  Un  déambulementde  là  tribu  John  Lewis  Brown, 
notamment  avec  ses  figures  de  femmes  balancées  comme 
dans  un  roulis  de  vent  et  son  étonnant  bopljorame  barbu, 
écarquant  un  rire  aux  dents  chevalines,  —  le  peintre 
Lewis  Brown  en  personne.  -—Des  dames  encore,  desÇ^ 
silhouettes  d'épaules  et  de  hanches  joliment  croquées 
en  peinture  claire,  grasse, actionnée  par  les  reflets,  avec 
tels  froutements  d'écharpes  etde  robes  qui  déshabillent 
les  sinuosités  de  la  forme  en  dessous. 

Carrière,  lui,  persévère  dans  son  rôle  de  la  vie  inti- 
miste et  pensive,  de  la  vie  qui  s'écoute  vivre  et  s'isole 
en  dehors  des  "sphères  d'action,  aux  sources  de  la  médi- 
tation et  du  songe.  Il  semble  qu'il  peigne  plutôt  la  sen- 
sation du  réel;  à  travers  le-vague  et  le  nébuleux  d'un 
mirage,  que  la  réalité  même.  C'est  un  art  musical  et 
suggestif  que  le  sien,  un  art  aux  fines  résonances 
intérieures,  aux  délicates  vibrations  cérébrales  et  où  des 
âmes  échangent  entre  elles,  dans  la  pénombre  des  aveux, 
des  rappels  d'autres  patries.  Après  l'avoir  longtemps 


discuté,'  voici  qu'on  s'aperçoit  qpe  les  six"  toiles  du 
CJiamp  de  Mars  sont  de  véritables  œuvres  d'art, 'î<ti  sens 
le  plus  intellectuel.  C'est  du  Michel-Ange,  disait  Rodin 
devant  son  Sommeil,  —"d'une  pâle  nuit  deux  chairs 
enlacées,  l'embrassement  des  bras  d'une  mère  aux  lys 
tl'une  joue  d'enfant.  Et  dans  cet  évanouissement  con- 
certé des  formes,  de  si  précises  indications,  une  si  mar- 
morale  structure  que  c'est,  en  efïet,  comme  un  marbre 
noctuaire.    • 

On  ne  se  bat  plus  aùtourde  Puvis  de  Chavannes.  IL 
est  permis  de  constater  seulement  qu'il  est  présent.  Art 
de  songe  aussi,  art  de  répercussion  d'un  autre  âge  à 
travers  le  symbole,  art  qui  mjtige  d'un  peu  d'hiératisme 
les' modernes  tumultes,  art  qui  oriente  à  des  sensations 
d'éternité  sur  des  rives  d'édens,  dans  des  paysages 
d'âmes  où,  njême  les  arbres,  les  eaux,  le  ciel,  se  sensibi- 
lisent. 

Douze  Alfred  Stevens  :  figures  et  paysages,  de  millé- 
simes-variés: Les  Ophélieei  les  Macbeth  qui,  depuis 
quelques  années,  requièrent  le  peintre,  mêlés  à  des  hori- 
zons de  mer,  à  des  vols  dé  mouettes  sur  des  plages,  à 
des  assomptions  de  lunes  sur  des  eaux  d'abîmes.  Deux 
joyaux  encore  :  la  Jeune  veuve  de  la  collection  Waroc- 
que,  et  la  Musicienne,  L'inutilité  des  controverses 
s'irrécuse  quand,  après  tîint  d'esthétiques,  il  est  encore 
possible  de  proclamer  un  pur  chef-d'œuvre  la  première 
de  ces  toiles.  Une  maturité  qui  s'éternise  semble  le  mot 
qui  résume  ces  voluptés  de  l'une  des  plus  belles  mains 
de  peintre  qu'ait  connues  ce  temps. 

Riber^. —  Ribot —  Ribotte,  jeu  de  mot  d'atelier  pour 
définir  ce  maître  aux  pralines  fuligineuses,  aux  cuisines 
ibériques  et  féroces,  —  ce  maître  hanté  de  crépuscu- 
laires phantasmes  et  qui  nous  apparaît  vénérable, 
comme  le  legs  d'une  époque  affligée  d'une  trop  rigou- 
reuse mémoire.  Mais  tout  de  même,  dix  Ribot,  c'est 
beaucoup,  quand  un  seul,  indéfiniment,  le  résume  et  le 
répète.  ^     . 

Et  ce  sont  d'ardentes  et  calcaires  échappées  d'Espagne 
du  Danois  K.  Willumsen,  des  éclairages  mordants  des 
Suédois  Zorn  et  Osterlind,  des  neiges  un  peu  frêles  du 
Norvégien  Thaulow,  un  paysage  de  Skredsvig,  d'émou- 
vantes figures  d'Israëls  etdeLiebermann.non  sans  simi- 
larité, les  réfractions  solaicfig^  du  Danois  Larsson  {le 
septentrion  donne  ferme),  un  Ave  Maria  de  Kuehl, 
une  somptueuse  marine  nocturne  de  l'Américain  Har- 
risson,  des  prismes  du  Chilien  Errazariz. 

Trois  paysagistes,  4oi|t  un  :  Sisléy,  hors  pair.  Ah  !  le 
radieux,  limpide  et  loyal  panneau  de  ces  six  Sisley 
aérisés  d'humides  effluves,  chauff'és  de  grand  soleil, 
fuyant  -aux  horizons  sous  des  ciels  qui  marchent,  à  tra- 
versées étés  et  les  printemps!  (On  dit  qu'il  fallut  peiner 
-pour  les  y  faire  entrer,  mais  ils  y  sont,  et  peut-être  l'an 
qui  viendra  :  Monet,  Pissarro.)  Ensuite,  Billotte  et  ses 
fines .  atmosphères    des    banlieues    parisiennes.    Huit 


^ 


X 


i:art  moderne 


103 


Harau,  parmi  lesquels  au  moins  doux,  du  plus  alerte 
impressionnisme.  Un  peu  en  arrière,  plus  débraillé, 
mais  intrépide,  copieux,  substantiel,  Lebourg. 

Des  Provences  crétacées,  aveuglantes,  supratorrides 
de  Montenard,  des  .bouts  de  route,  des  éteules,  dts 
vagues,  des  labours  et  un  placide  Vieux  ménafje  de 
Jeanniot,  toutes  notes  d'artiste  avisé  ;  d'aléatoires  Gœu- 
nette;  un  début  d'Engel;  une  résurrection  de  M™**  Des- 
bordes;  de  mélancoliques  et  douces  campagnes  de 
Cazin;  un  excellent  Breslau,  parmi  d'autres;  des  Mue- 
nier;  un  incendiaire  et vermilleux  A w^owMte de Besnard, 
dans  un  décor  de  fleurs  en  touffes,  sous  un  ciel  ful- 
gide,  le  nu  jaillissement  d'une  femme  aux  ttambois  (J^ 
peau  comme  d'un  feu  à  travers  les  versicolores  parois 
■'uno  lanterne.  Mais  flaireur  de  neuf,  ce  Besnard, 
chercheur  d'aventures,  coureur  diles  vers  un  plus  défi- 
nitif essor. 

Un  lot  de  Belges  :  les  joli  s  saynètes  de  M"*=  d'Ane- 
than,  les  Iris  de  M"*^  Meunier,  une  scène  militaire 
d'Abry.des  tamponnages  deCourtens,un  ciel  inhabituel 
de  Van  der  Hecht,  des  Verstraete,  des  Goethals,  .les 
Boëchelles  de  Frédéric. 

Aux  dessiné,  une  suite  d'ext^Jaxmiiflaires  Forain  aux 
légendes  lapidaires,  'deux  rudes  Meunier.  Et  des  pas- 
tels, des  pastels...  des  aquarelles,  des  aquarelles,  celles 
de  Binjé,  d'Anquetin,  d'Abry.  Un  Michelet  d'après 
Couture,  formelle  et  savante  gravure  de  Lenain  qu'on 
pourra  bientôt  juger  d'après  ses  Rubens;  des  eaux- 
fortes  de  Lewis  Brown,  de  prestigieux  bois  de  Florian, 
filigranes  comme  les  plus  déliées  intailles. 

Un  Salon  de  bonne  tenue,  un  Salon  d'où  on  n'a  pas 
l'air  de  s'évader  comme  d'un  43ordeau.  "    ■ 


PARIS  MÉDAILLÉ 

par  Cii.  ViREMAiTRE.  —  P;iri<,  OoiicnKeaux,  f(.lit<iu-. 

Grûcc  peul-êlrc  à  M.  Cli.  Viromailri.',  nui  vient  chez  l'édileur 
Genonceaux  de  publier  Paris  médaille,  l'Iiisloire  de  Li  scission  des 
arliïles  l'rançais  fera  dorénavant  parlic  des  t'.iiis  curieu.x  et  liislo- 
litiiies.  W.  Cil.  Viremaiire,  depuis  loii^temps  s'est  réservé  une 
spécipliié  d'anecdolier  el  colleclioniie'ir  de  curiosités.  Il  a  signé 
Pr'^^is  oublié,  Paris  escarpe,  Paris  impur,  Paris  paletie,  Paris 
Gavroelie,  Paris  ijalant,  Puhis  poliee,  Paris  qmard,  etiTr'Lo 
talent  de  M.  Viremaiire  y'esl  certes  celui  d'un  clironiiiiieur  spi- 
rituel et  vif;  mais  il  nar. .»  claireineiil,co  »iuil  trouve  intéressant  à 
diiv,  il  se  sert  .d'une  phrase  courante  propre  el  honnèie.  Sans 
style  îi  recherches  ni  à  trouvailles,  ses  livres  apparaissent  docu- 
mentaires et  nets. 

'  Sous  ba  couverture  couleur  chair,  oi.  une  fée  à  ailes  en  forme 
de  palettes  s'envole  avec  les  deux  médiillons  de  MM.  Uouguereau  et 
Meissonier  et  une  branche  de  palme  cri  main,  l'histoire  des  cor- 
porations,  des  jurandes  et  des  mailriscs,  celle  de  la  confrérie 
Saint-Viic,  celle  de  la  première  E.xposition  libro-etde  h  premilJre 
AcadéniTc^inaugurent  les  notes  arii>ii  .ues.  Ppuriant,  dès  ce  début 


on  sent  que  M.  Viremaiire  a  liàlo  d'arriver  à  la  question  .Mcisso- 
nier-Bouguercau  ou  plutôt,  comme  il  le  dil,  à  la  question 
Anlonin  Proust.  M,  Viremaiire  croit  que  le  vrai  -coupable (?)  de  la 
scission  est  cet  ancien  ministrO'  des  15eaux-.\rls  el  non  pas,  comnie 
on  l'affirme,  M.  Jullian,  le  célèbre  fondateur  des  .Vcadémies  libr's 
à  Paris,  i^ien  des  pièces  du  procès  sont  produites.  Oii  sait  qu'il 
s'agissait  de  décider  dans  l'assemblée  annuelle  des  artistes  français 
qui  préside  aux  destinées  des  Salons  de  mai,  si  oui  ou  non,  on 
tieudraii  compte  en  1890  pour  fixer  les  exempts  el  les  hors 
concours,  des  mentions  el  récompenses  accordées  j)ar  le  jury  de 
l'Exposition  universelle  de  1880.  Ce  jury  nommé  par  l'État  rie 
(levait,  pas,  suivant  M.  F)ouguereau,  imposer  ses  décisions  au  jury 
du  Salon  nommé  cjiaque  année  par  les  seuls  ai  listes  français,  au 
Palais  de  l'Industrie.  M.  Bouguereau  atlirmait  en  nuire  que  le 
chiffre  des  hors  concours  étant  déjà  de  1,.'»86,  si  Ton  y  ajoutait  les 
49H  récompensés  au  Champ  de  Mars  en  1889  ce  toial  de  2,079 
aurait  pu  empêcher  qu'aucune  œuvre  déjeune  artiste  irouvAi 
place  à  l'avenir  dans  le  Salon  annuel.  En  effet,  chaque  liors  , 
concours  peut  envoyer  deux  toiles  reçues  d'emblée.  Donc,  s'il 
arrive  que  4,1^>8  toiles  soient  envoyées  à  Paris,  avec  l'obligalion 
de  les  placer  —  alors  que  le  Salon  do  1888  ne  coniej;i^ii  en  tout 
que -^,.")86  envois, -r  comment  s'arrangerait-on'.' 

M.,  Meissonier  répliqlia  que  cette  hypothèse  d'abord  no  se  " 
présenterait  pas;  ensuite  (|ue,  puisque  les  artistes  éir.ingers 
avaient  été  désignés  hors  concours  en  France,  il  était  .île  la  pro- 
bité la  plus  élémentaire  de  tenir  compte  de  ce  fail  chaque  fois 
(|u'ils  exposeraient  en  France,  aussi  bien  au  Palais  de  l'Industrie 
(ju'au  Champ  de  .Mars. 

On  essaya  vainement  décoller  un  papier  sar  la  vitre  cessée  de 
l'union,  S'  ^-ôuvent  montrée  au  clair,  dos  artistes  parisiens,  cl  ceci 
arriva  que  Meissonier  entraîna  à  sa  suite  les  moins  poncifs  des 
peintres  ofticiels  :,  Puvis  de  Chavannes,  Desuard ,  Ryff.élli , 
Pioll,  Damoye,  Zacharian,  Oagnan-Iîouverel,  Gorvcx,  Cnrolus 
Duran,  etc.  Bouguereau,  lui,  rosia  avec  Donnai,  Lefèvre,  H-enncr 
el  Tonv  Koberi-Fleurv  sur  les  îrfsw:      ~" — ~ ^ —. 


Dé'sormais"  deux  Salons  adversaires  se  reaanloni  tout  commo 
frères  ennemis,  à  chaque  printemps  parisien.  Lequej  «les  deux 
tuera  l'autre"?  I.e  mieux  serait  qu'ils  s'enferrassent  niutuollemen'. 
Relouons  toutefois  que,  par  le  fail  même  de  celle  dispule,  l'in-ti- 
lulion  elle-même  esl^iulnérée.  Elle  était.  alla([uée  déjà  pap  le 
toujours  croissant  nombre  d'expositions  particulières  qui  s'inau- 
gurent tout  au  long  de  l'bivi^v-à  commencer  du  mois  de  novoiiî- 
bre  ;  la  voici  aujourd'hui  attaquée  non  plus  de  coté,  mais  parie 
milieu.  Pden  qu'elle  soit  profondément  enracinée  dans  le  uar  i 
prisât  l'habitude,  il  faudrait  qu'elle  eûi  en  elle  de  l'immorlaliié 
pour  y  survivre.   ■ 

Puisque  la.  question  des  médailles. et  des  récompenses  a  dohn  '• 
lieu  à  celte  scission, 'M.  Ch.  Viremaiire  s'est  enquis  de  l'opinion 
de  certains  artistes  non  pas.  seulement  sur  la  division  éclat  e 
entre  les  gens  du  Salon,  mais  sur  la  valeur  même  de  ces  distin- 
lions  qu'ils  accordent.  Les  opinions  de  MM.  Roll,  Laurens, 
Gérôme,  Garnier,  Dalou,  Meissonier.  Bouguereau,  RatîaêUi, 
Signac,  s'y  heurtent.  Voici  c?lle  de  ce  dernier  : 
.  «  Les  rythrties  mystérieux  dis  lignes  et  l 's  triomphantes  har- 
monies d'S  couleurs  tn  inq  liètent  b.Mucp-ip  plus  que  les  mes- 
([uincs  agitations  des  Messiours  peinîr  ij. 

«  Je  n'ai  jamais  envoyé  et  n'enverrai  jamais  au  Salon.  Je. me 
soucie  donc  fort  peu  d'  loléaginou-e  ei.trepri  e.  qui.,  chaque 
mai,  balaye  les  crotlins  du  coiico  !r>  !iipp\nii\ 


\ 


\- 


c 


164 


VART  MODERNE 


\f 


«  Mon  avis^ur  la  qucslioii  iln-^our,  vous  me  voulez  bion 
demander  :  on  désire  abolir  les  récompenses,  ces  scolaires  con- 

.  filures.  —  Parfait.  —  Mais  ne  reslerait-il  pas  plus  urgent  de 
supprimer  d'abord  cel  alrabihiire  sérateur,  le  jury!  » 

Le  livre  de  M,  Viremaitre  se  termine  par  une  justification  de 
l'atelier  Jullian.  C  est  la  partie  la  moins  intéressante  do  Paris 
médaillé.  Suivent  encore  des  notes  diverses  et  des  dorumenis  — 
entre  .autres,  le  livret  du  premier  Salon,  celni  de  1673,  dont  l'en- 
lélc  est  :  Liste  des  tableaux ^l  jiièces  de  sculpture  exposés  dans 
la  cour  du  Palais  royal  par  Messieurs  les  peintres  et  sculpteurs 
du  Palais  royal.  Très  intéressant  d'arcbaïsme  ce  naïf  caialogue 
qui  survit  en  exemplaire  unique  à  la  Bibliothèque  nationale  sous 
la  classification  :  4»  V.  2654  Aa  1.     . 

'  Paris  méd'iiilé sera  suivi  à  peu  de  distance  par  Paris  cocu.  On 
voit  que  l'auteur  aime  la  variété  dans  les  sujets  et  que  son  instinct 
de  fureteur  le  mène  indifféremment  en  tous  les  coins  -où  se  lave 
du  linge  sale.  Le  linge  sale  des  artistes,  il  pend  aux  Clramps- 
Élysées,  sous  drts  toits  de  verre,  au  long  de  combien  de  mètres 
de  frise  et  de  cimaise.  Il  est  acheté,  chaque  été,  par  des  Améri- 
cains bêtes  et  des  Anglais  pesants,  et  il  se  paie  plus  cher  que 
la  plus  piire  baùsie.  Celui  des  femmes  de  cocus  est  moins  sale  et 

^moins  déshonoré  somme  toute,  et  par  on  ne  sait  qui  lie  injustice 
les  policiers  seuls  le  recueillent  quelquefois  gratis.  Comme  tout 
est  mal  compris  en  ce  monde!... 


■     ■   ^ 

GASTON  DUBEBAT 


Nous  apprenons  la  mort  de  Gaston  Dubedat,  le  fondateur  des 
Écrits  pour  l'art.  L'éternelle. interrogation  :  est-ce  vrai?  nous 
vient  fatalement,  et  nous  nous  souvenons  d'une  rencontre,  voici 
deqx  ans,  à  Bordeaux,  et  d'une  bonne  journée  passée  ensemble  à 


causer  art. 

M.  Gaston  Dubodat  se  défendait  d'écrire,  et  nous  croyons  que 
son  intention  était  de  n'écrire  jamais.  Il  aimait,  certes,  la  littérature 
ou  plutôt  la  poésie  autant  que  n'importe  qui,  mais  il  trouvait 
qu'à  moips  de  se  sentir^  élu  .parmi  un  millier  d'appelés,  il  fal- 
lait l'aimer  platoniquemcni.  11  n'était  guère  riche,  matasse  peu 
qu'il  avait,  superbement  il  le  donnait  à  son  révc.  El  son  rêve, 
c'était  :  découvrir  des  hommes,  des  porteurs  en  avant  de  l'art,  des 
convaincus  et  des  innovateurs.  C'est  ainsi  qu'il  créa  les  Ecrits, 
qu'il  alla  droit  à  tels  poètes  et  qu'il  attacha  son  nom  à  une  sincère 
et  désintéressée  tentative  de  rénovation  poétique. 

En  tout  ceci  il  faut  voir  bien  moins  le  résultat  que  l'intention. 
Ce  qui  est  indéniable,  c'est  la  conviction  et  la  foi  en  eux  qu'avaient 
et  ont  encore  tous  les  rédacteurs  des  Ecrits  pour  l'art.  On  a  pu 
les  «  blaguer  »,  les  contester;  cela  n'importe.  Ils  ont  eu  et  ont 
•encore  l'indéniable  supériorité  de  l'homme  qui  croit.  Des  querelles 
sont  iniervenues,'des  gros  mots  et  des  gestes  inutiles.  Nous,  après 
tout  ce  qui  s'est  passé,  nOus  persistons  à  affirmer  qu'il  n'y  a 
jamai^  eu  un  vénal  ni  un  fumiste  parmi  ces  jeunes  aujourd'hui 
dispersés  et  ennemis. 
♦  M.  Gaston  Dubedat  s'est  peu  mêlé  k  ces  querelles. 

Il  reste  de  lui  l'intact  souvenir  d'un  ardent  et  d'un  fier,  qui  s'csi 
complu  i)  s'eff'acer  dans  le  bien  qu'il  faisait. 

■-  •   ..    7        ■  ■ 


LE  THÉÂTRE  DE  LA  MONNAIE    ' 

depuis  sa  fondation  jusqu/ài  nos  jours, 

pnr  Jacques  Isî*ardon;  préface  d'ÀRTnuR  Pougin;  illustrations  de 
Dardenne.  —  Bruxelles,  Scliott  frères. 

En  un  gros  volume  de  près  de  7S0  pages,  M.  Jacques  Isnardon, 
que  Bruxelles  a  fréquemment  applaudi  dans  des  créations  où 
l'artiste  apportait  beaucoup  de  verve  et  de  talent  (qui  ne  se 
rappelle  l'excellente  interprétation  qu'il  donna  du.^  Docteur 
Miracle  dans  Les  Coûtes d' Hoffmann?)  fait,  depuis  sa  fondation, 
l'histoire  documentée  du  ThéAtre  de  la  l^ionnaie.  Il  a  fureté  dans 
les  archives,  dépouillé  les  bibliothèques,  mis  à  sac  les  collections- 
particulières,  arraché  de  gré  ou  de  force  aux  abonnés  anté- 
diluviens le  meilleur  de  leurs  souvenirs.  Et  de  l'amas  des  maté- 
riaux qu'un  travail  long  et  consciencieux  lui  a  fourni,  il  a  édifié 
un  livre  vraiment  intéressant,  qui  montre  le  développement 
successif  d'une  scène,  autrefois  modeste,  qui  compte  aujourd'hui 
parmi  les  premières  de  l'Europe. 

La  partie  documentaire  :  tableaux  de  toutes  les  troupes  qui  se 
sont  succédées  au  théâtre,  affiches,  notes  biographiques  emprun- 
tées aux  livres  et  aux  journaux  de  l'épociuc,  portraits,  autogra- 
phes, occupent  naturellement  la  place  la  plus  importante  dans 
l'ouvrage.  Mais  le  travail  personnel  de  l'auteur  apparaît  constam- 
ment. Avec  beaucoup  de  goût  et  d'intelligence,  il  épingle  ces 
doi?uments  de  menus  faits,  d'anecdotes,  de  réflexions  humoris- 
tiques^ qui  rendent  la  lecture  de  son  livre  attrayante  cl  facile. 
L'écrivain  apparaît  plus  nettement  encore  dans  les  chapitres  de 
la  fin,  qui  contiennent  quelques  articles  lestement  écrits  sur 
Le  Théâtre  _eMABS8  et  une  série  de  profils  et  silhouettes  excel- 
lemment typés.  L'ouvrage  est  original,  certes,  il  plaira  à  tous  ceux 
qu'intéresse  le  théâtre. 


Pour  faire  un  peu  enrager  l'auteur,  nous  publions  ci-après  un 
document  qui  a  échappé  à  ses  investigations,  et  qui  eût  dû, 
logiquement,  prendre  place  d;ins  VHistoire  du  Théâtre  de  la 
Monnaie.  C'est  uii  curieux  règlemeni  édicié  en  1781  et  qu'un 
hasard  nDus  a  fait  découvrir  dans  une  morluaire.  Nous  l'offrons 
à  M.  Isnardon  pour  la  deuxième  édition  de  son  ouvrage,  et  lui 
souhaitons  qu'il  puisse  l'utiliser  à  bref  délai  : 

DE  PAR   LE  TRIBUNAL  AULTQUE   DE   SA   MAJESTÉ 
RÈGLEMENT 

pour  le  maintien  de  la  police  et  du  bon  ordre  au  théâtre 
de  Bruxelles 

I.  —  Aucune  personne  étrangère  au  spectacle  ne  pourra, 
sous  aucun  prétexte,  être  admise  aux  répétitions,  ni  assister  à  la 
formation  du  répertoire  qui  devra  se  faire  le  vendredi  de  chaque 
semaine,  à  dix  heures  du  malin  précises;  sauf,  cependant,  l'inter- 
vention des  personnes  qui  pourraient  se  rendre  soit  aux  répé- 
titions, soit  à  la  formation  du  répertoire,  par^jrdreou  par  com- 
mission du  Gouvernement. 

II.  — Tous  les  acteurs  et  actrices,  sans  disiinciion,  devront  se 
trouver  à  la  formation  du  répertoire,  et  ne  pourront  se  retirer 
avant  la  dislrihutiori  des  pièces,  h  peine  d'une  couronne  d'amende; 

III.  —  Les^  directeurs  devront  présenter  le  samedi  ou  le 
dimanche  au  maliri  leur  répertoire  au  Gouvernement,  et  ces 
répertoires  ne  pourront  ensuite  jamais  êirc  changés  sans  la  per- 
mission ou  sans  un  ordre  exprès  du  Gouvcrnemenl  ;  cl  en  cas  qu'il 


0^ 


VART  MODERNE 


165 


survienne  quelque  chaugcmenl  après  que  la  pièce  aura  déjà  été 
annoncée,  les  directeurs  devront  faire  annoncer  ce  changement  au 
théâtre  avant  de  commencer  la  représentation. 

IV.  —  Les  acteurs  et  actrices  ne  pourront  en  aucune  manière 
réaiamer  quelque  règle  ou  usage  de  théâtres  étrangers,  pour  se 
dispenser  de  jouer  aucuns  rôles,  sous  prétexte  qu'ils  ne  feraient 
pas  leur  emploi  ;  mais  ils  devront  se  conformera  ce  qui  sera  déter- 
miné, à  cet  égard,  par  la  direction. 

V.  —  La  direction  ne  Sera  tenue  de  fournir  les  pièces,  et  de 
faire  copier  les  rôles,  que  pour  l<'s  pièces  nouvelles. 

VI.  —  En  cas  de  changement  au  répertoire,  aucun  acteur  ou 
actrice  ne  pourra  refuser  les  pièces  qui  auront  été  jouées  pareiix 
dans  le  courant  du  mois,  ou  depx  fois  dans  l'année,  b  peine  de 
dix  couronnes  d'amende. 

» 

Vn.  —  Aucun  acteur  ou  actrice  m>  pourra  faire  doubler  son 
rôle  par  quelque  autre,  sans  l'aveu  et  le  consentement  exprès  de 
la  direction,  à  peine  de  quatre  couronnes  d'amende. 

VIII.  —  Tous  les  acteurs  et  actrices  qui  refuseront,  avec  obsti- 
palion,  déjouer  les  rôles  qui  leur  seront  distribués  par  la  direc- 
tion, y  seront  conl'raiuls  par  les  directeurs,  même  par  emp^-ison- 
nement,  et  en  faisant  conduire  de  la  prison  au  théâtre,  tant  pour 
les  répétitions  que  pour  les  représentations,  eux  entiers. 

S'ils  croient  avoir  à  se  plaindre  des  procédés  des  directeurs,  de 
se  pourvoir  devant  le  tribunal  aulique,  qui  y  disposera  sommaire- 
ment après  avoir  entendu  les  direc!eîh:s. 

IX.  —  Les  acteurs  et  les  actrices  devront  se  rendre  exactement 
aux  heures  indiquées,  à  toutes  les  répétitions,  de  quelque  nature 
qu'elles  soieiCt.  Celui  qui  n'arrivera  poinl  ï  sa  réplique,  payera 
une  amende  de  deux  escalins^  et  celui  qui  sera  totalement  en 
défaut  de  se  trouver  à  la  répétition?  encourra  une  amende  d'une 
demi-couronne.  , 

X.  —  Les  acteurs  et  les  actrices  ne  pourront  pas  répéter  leurs 
fôlps,  SQJt  de  ehanf  on  aiitrcA  «n  lisant  w»^  In  papier,  mai^4k 
devfpnl,  à  la  dernière  répétition,  être  en  état  de  le  jouer  par 
cœur. 

XI.  —  Tout  acteur  ou  actrice  qui  devra  paraître  au  premier  acte 
dés  représentations,  et  ne  se  trouvera  pas  au  théâtre  à  six  heures 
précises  à  la  pendule  du  foyer,  payera  une  ^emi-couronne 
d'amende,  et  deux  couronnes,  s'il  n'j  est  pas  au  quart  après 
six  heures. 

Xri.  -^  Pareillement  ceux  qui  devront  paraître  dans  les  actes 
suivants,  et  ne  seront  pas  prêts  à  la  fin  de  l'acte  précédent,  paye- 
ront une  demi-couronne  d'amende,  et  deux  couronnes  s'ils  occa- 
sionnent  un  retard  de  plus  de  dix  minutes^ 

XIII.  —  Les  représentations  et  les  entre-actes  devront  toujours 
être  arrangés  de  manière  que  le  speciacle  no  commence  jamais 
plus  tard  que  six  heures  et  quart.  "" 

XIV.  —  Il  ne  scra_,pormis  à  personne  de  complinienier  le 
public,  ni  d'ajouter  quoi  qiie  ce  puisse  être,  sojl  à  l'annonce,  soil 
aux  rôles,  ni  de  chanter  des  vaudevilles  ou  des  couplets,  n'étant 
pas  de  la  pièce,  â  moins  que  les  directeurs  n'eu  aient  demandé 
une  permission  au  Gouvernement. 

XV.  —  Les  personnes  attachées  au  spectacle,  sans  distinction, 
ne  pourront  occuper  d'autres,  places  dans  la  salle  que  celles  qui 
leur  sont  destinées;  en  conséquence,  il  est  défendu  aux  comé- 
diens, musiciens  et  autres  attachés  au  spectacle,  de  se  tenir  au 
parterre,  ni  même  à  rentrée  du  parterre,  sous  quelque  prétexte 
que  ce  soit,  h  peine  de  trois  escalins  d'amende,  du  double  en  cas 
de  récidive  et  de  punition  arbitraire  pour  la  troisième  fois. 


XVI.  —  Les  directeurs  pourront  interdire  l'entrée  du  speciacle, 
les  jours  qu'ils  n'y  seront  pas  nécessaires,  aux  comédiens  et  autres 
suppôts  de  la  troupe  qui  ne  se  comporteraient  pas  avec  la  décence 
requise  dans  les  loges  ou  autres  places  qui  leur  sont  assignées. 

XVII.  —  Toute  personne,  attachée, au  spectacle,  qui  cmployera 
des  termes  injurieux  envers  s'es  camarades,  paiera  deux  cou- 
ronnes d'amende,  sans  préjudice  à  l'action  ordinaire  de  la  perj 
sonne  lésée. 

XVIII.  —  Il  est  très  sévèrement  défendu  aux  comédiens,  cl  à 
tous  autres  attachés  au  spectacle,  de  se  permettre. au. 4héâ4fe,- 
soil  qu'il  s'y  IrQuvent  pour  les  répétitions,  représentations  ou  tout 
autrement,  des  propos  indécents  ou  quelque  excès  contraires  au 
bon  ordre  et  î»  la  discipline,  sous  peine -que  ceux  qui  sont  sup- 
pôts du  spectacle,  et  comme  soumis  à  la  juridiction  du  tribunal 
aulique,  pourront  être  sur  le  champ  et  en  flagrant,  arrêtés  et 
emprisonnés  à  la  porte  de  Laeken,  do  la  part  des  directeurs,  qui 
devront,  dans  ces  cas,  en  faire  rapport  incontinent  au  dit  tribu- 
nal, avec  un  détail^;  duement  vérifié,  du  fait  et  des  circonstances, 
pour  y  être  pourvu  ultérieurement  suivant  l'exigence  du  cas;  et 
qujnl  aux  musiciens  et  autres  qui  pourraient  être  attachés  au  spec- 
tacle, sans  en  ère  proprement  suppôts,  et  sans  ressortir,  comme 
tels,  au  dit  tribunal,  les  directeurs  pourront,  en  pareils  cas*  les 
faire  arrêter  par  la  garde  du  specl;irli»,  et  délivrer  aux  officiers  de 
justice  de  la  ville,  pour  être  poursuivis  et  punis  de  leurs  excès 
comme  il  appartiendra.        . 

XIX.  —  Personne  ne  pourra  emporter  aucun  effet  du  magasin, 
sous  peine  de  payer  la  valeur  d'un  pareil  eff"et  neiif,  qui  lui  sera 
retenu  sur  le  mois  courant. 

XX.  —  Les  directeurs,  comme  acteurs  de  la  troupe,  seront 
assujetfis  aux  mêmes  règles  de  discipline  et  de  police  que  les 
autres;  indépendamment  de  quoi,  ils  auront  à. s'acquitter  avec 
ponctualité  de  tous  les  devoirs  qui  leur  incojnbenl  comme  direc- 
tearsr^  peine,  en  cas  de  défaut  ou  de  négfigencg,^d'gtre  corriges, 
même  par  emprisonnement,  selon  les  circonstances. 

XXI.  —  II  y  aura  un  des  directeurs,  par  semaine  et  par  tour, 
qui  devra  se  tenir  constamment  au  théâtre  pendant  les  repn'sen- 
taiions,  pour  veiller  à  ce  que  tout  s'y  passe  dans  l'ordre,  et  que 
tout  ce  qui  devra  y  servir  soit  à  la  main  et  arrangé  au  moment, 

à  moins  que  les  dits  directeurs  ne  profôrenl  d'établir,  à  cet  eft'el,  y 
un  inspecteur  intelligent  et  exact,  dont  ils  devront  répondje. 

XXII.  —  Il  sera  tenu  une  caisse  particulière  des  amendes,  et 
les  directeurs  ne-  pourront  disposer  des  deniers  de  celte  caisse 
sans  l'aveu  et  la  participation  du  Gouvernement. 

XXIII.  Les  directeurs  t|^dront  un  registre  des  dites  amendes, 
dont  ils  devront  remettre,  à  la  fin  de  chaque  mois,  un  extrait  au 
greffier  du  tribunal  aulique. 

XXIV.  —  Les  amendes  seront  retenues,  en  vertu  du  présenl 
règlement  et  sans  autre  jugement,  sur  les  appointements  do  ceux 
quF  les  auront  encourues;  moyennant  que  les  directeurs  leur 
signifient  l'amende  dans  les  vingt-quatre  heures  qu'ils  auront  com- 
mis la  faute  pour  laquelle  ils  1  auront  encourue,  laquelle  siguifica- 
tron  devra  se  faire  par  écrit,  signé  de  l'un  des  dirccleurs,  qui  cou- 
chera sur  le  registre,  à  la  marge,  un  acle  de  la  signification  qu'il 
aura  faite;  sauf,  cependant,  que  ceux  qui  prétendraient  avoir  été 
amendés  k  tort^  pourront  se  pourvoir  devant  le  tribunal  aulique, 
qui,  après  avoir  ouï  sommairement  les  directeurs,  ildisposéra 
comme  il  sera  trouvé  convenir.  ^/^^ 

XXV.  —  Aucun  acteur  ou  actrice  ne  pourra  di>lribuer  des  bil- 
lets d'entrée  pour  aucune  représentation,  et  l'un  des  directeurs 


; 


// 
/■  :    ^ 


n'en  pourra  poiiil  accorder  gratis  à  l'insn  cl  sans  la.  parlicipalion 
(les  auires.        ' 

WVl.  —  Les  acteurs  ou  aclricos  qui,  par  leur  faute,  conlrac- 
teronl- quelque  cmpéçlicnienl  qui  les  mclle  hors  d'étal  de  jouei\ 
pq(ur  tout  le  temps  que  durera  cet  empêchement,  la  moitié  de 
leurs  appointements,  qui  sera  consignée  à  la  caisse  des  amendes. 

XXVII.  —  Les  musiciens  seront  obligés  de  se  conformer,  en 
tout,  aux  ordres  que  donnera  le  maître  de  musique  Aiour  la  police 
concernant  l'orcheslro.  -^  / 

XXVIIL  —  Il  est  défcifdu  à  tous^el  à  chacun,  n'étant  point 
attaché  au  spectacle,  de  s'arrêter  sur  le  théâtre  ou  dans  lc3  cou- 
lisses, depuis  six  heures  jusqu'à  la  fin  du  spectacle. 

\XI\.  —  11  est  pareillement  défendu  à  tout  comédien  ou  cc^é- 
dienne,  figurant  ou  figurante  qui  ne  sera  point  de  service  au  spec- 
.acle  du  jour,  ainsi  qu'à  tous  autres  suppôts  du  théâtre,  qui  ne 
doivent  pas  y  être  par  élal  de  se  tenir  dans  les  coulisses  pendant 
le  speclacle,  sous  quehiue  prétexte  que  ce  soil,  à  peine  d'une 
co«*o«flc  d'amende,  et  d'être  emprisonné  pendant  trois  jour.s,  en 
cas  de  récidive;. enjoint  au  suisse  de  faire  sortir  incontinent  ceux 
ou  celles  qui  oseraient  se  présenter  dans  les  coulisses  en  contra- 
vcnlion  à  cette  défense. 

Le  présent  règlement  sera  imprimé  et  publié  à  la  troupe,  et  res- 
tera constamment  affiché  au  foyer  de  la  comédie,  pour  que  per- 
sonne n'en  ignore. 

Fait  à  Bruxelles,  au  tribunal  aulique  de  Sa  Majesté,  le  27  mars 
1781. 

Paraphé,  pub.  v'.   '  ' 

{Signé)  G.-F.  i/Ortgyes. 


"  n 

'    Une  commande  de  300,000  francs. 

M.  Jef  Lambeaux  jcsl  l'auteur,  au-fusain,  d'une  plus  qu'énorme 
composition  qui,  ^aiW  l'esprit  de  l'artiste,  tendrait  simplement  à 
représenter  les  passions  humaines./ 

Ces  PASSIONS?  Un  amas  de  corps  le  plus  nus  possible  et 
coniorsionnés,des  musculatures  de  lutteurs  en  délire,  uneabsolue 
et  inégalable  puérilité  de  concept.  C'est  tout  à  la  fois  cahotique 
cl  vague,  boursoutté  et  préteniicux,  emphatique  cl  vid^  —  et 
moins  encore  du  Wierlztiuc  du  Léonard.       ' 

Et  voilà  ce  qu'il  s'agirait  de  transformer^en  un  spacieux  bas- 

jrlief,  sans  doute  e»  bronze,  on  -que  ^c  machinaux  praticiens 

tailleraient  dans  du  marbre,  el  même  uninutile  édifice  s'érigerait, 

destiné  à  ce  qu'on  se  plaîili  désigner  dès  à  présent  comme  «  le 

clief  d'œuvre  du  maître  ».  • 

Coûl:  300,000  francs. 

Les  hangars  à  plâtres  de  la  Plaine  des  Manœuvres  ne  renfer- 
r.^'^'H  donc  pas,  des  moins  sympathiques  Mich/'l-^lnge,  de  sufli- 
sanls  moulages?  .  ,  ' 

Pourquoi  encore  ce  volontaire  gâchage  d'onéreuses  «  matières 
premières  »  ?  ^  .,  , 

El  si  au  lieu  do  te  payer  pour  300,000  francs  de  «  passions  » 
le  couverncment  aclielaii  tout  bonnement  des  œuvres  d'art  ?... 

Qui  pi  court,  en  effet,  le  Musée  Moderne,  peut  à  bon  droit 
s'étpnner  de  l'aftligeante  pénurie  des  loyales  peintures.  Quelques 
De  Groux,  De  Brackelecr,  Dubois,  Artan,  cl  c'est  tout  ;  mais  on 
n'y  voit,  pour  ne  jîarler^-fei^îi  entendu,  ^ue  d'arlisles  belges, 
aucunp  toile,  par.  exemple,  de  Mellery,  qui  cependant  exposa,  en 
mainîs  salons,  sa  Vetile  à  l'e)u\ji,  des  Têtes  peintes  à  Rome,  des 


.Paysages  ardennais, —  dans  des  cercles  de  peintres  à  l'eau  sur- 
tout, des  aquarelles  admirables,  —  cl  récemment  encore,  à  l'Ex- 
position des  ^^Y,  de  précieux  dessins. 

Félicien  Uops  csl  Belge,  mais  habile  Paris.  Cet  artiste  extraor- 
dinaire ne  pourrait  trouver  dans  nos  collections  publiques  aucune 
œuvre, — peinture,  eau-lopte,  ou  dessin  —  griffée  de  son  nom. 
On  lui  préfère  les  réceiils  produits,  Veuves  et  Salomés,  de 
M.  Alfred  Slcvens,  le  «  peintre  de  la  modernité  »,  n'est-ce  pas? 
qui,  lui  aussi,  traîne  la  sepicllc  dans  la  Ville-Lumière. 

El  Constantin  Meunier,  un  sincère  arj.isle,  celui-là,  —  cl  qui 
justement  lente,  autre  Brown-Séquard,  un  rajeunissement  de  l'kn- 
tique  statuaire,  et  y  réussit,  —  nli,  en  ce  même  Musée,  qu'une 
toile  encore  indécise,  la  Guerre  des  Paysans,  et  pas  une  des 
sombres  pages  de  cet  âpre  poème  du  travail,  qui  csl  son  œuvre, 
et  que  lui  inspirèrent  les  fonderies  el  les  verreries  à  Liège, 
les  bassins  à  Anvers,  les  hauts-fourneaux  dans  le  Borinage,^ —  et 
parmi  ses  '.  «vrages  sculptés:  Hiercheuscs,  Mineurs,  Souffleurs 
ile  verre  ou  Marins,  seulement  le  Puddjetfr  en  bronze  qxposé  à 
Paris. 

En  omellant  volontairement  quelques  jeuiics  gens,  des  plus 
hardis,  mais  dont  les  œuvres  ne  seront  susceptibles  d'achat  offi- 
ciel que  uans  peul-êirc  cinquante  ans,  —  ces  (rois  sont  les  sCUis" 
artistes  qu'actuellement  possè(le  noire  heureux  i)ays. 

Mon  Dieu,  s'ils  étaient  un  peu  plus  intrigants,  qui  sait?... 


L'EXPOSITION  D'ARCHITECTURE  A  UBG^^ 

{Correspondance  particulière  de_  l'Art  moderne). 

Elle  est  vraiment  charmante  cl  d'un  attrait  absolument  nou- 
veau, la  première  exposition  organisée  parla  section  liégeoise  de 
\^  Spciêté  centrale  d'architecture  de  Belgique,  installée  dans  la 
grande  Salle  de  l'Émulaiion;  elle  développe  le  long  des  cymaises 
l'^s  châssis  des  archiieclcs  qu'entrecoupent;  diversion  heureuse, 
ûOa"' compositions  d'art  décoratif  des  peintres-décorateurs  et  des 
sculpteurs-ornemanistes.  Les  visiteurs  peuvent  ainsi,  sans  se  buter 
à  (fes  détails  trop  techniques,  s'initier  aux  diverses  phases  de 
l'histoire  d^i  honie  dans  ce  qu'elles  onl  de  tangible  et  de  séduisant 
pour  les  profanes."'  ' 

Dans  ïeur  ensemble,  les  œuvres  des  archiieclcs  liégeois  pré- 
sentent  des  qualités  de  pilloresque  el  de  rationalisme  qui  ne  sont 
pas  ordinaires  :  tels,  p.ir  exemple,  M.  Paul  Jaspai-  en  ses  nom- 
breuses maisons,  cliâicaux  et  châlcts,  composés  avec  esprit  ; 
m;  Charlier,  à  signaler  pour  ses  recherchcsde  motifs  silhouelianls, 
M.  HciiTC,  distingué  dans  son  mausolée  el  souriant  dans  sa  pim- 
pante aquarelle  du  château  de  la  Molle-en-Gée;  enfin,  le  très 
estimé  professeur  M.  Cli.  Soubrc,  dont  il  faut  louer  l'élégance  et 
la  correction  dans  les  divers  hôtels  qu'il  a  élevés  à  Liège.. 
D'autres  exposants,  MM.  Delhoz,  Gaspard,  Hanson,  Hauzeur, 
Hens,  Jamar,  Thirion,  Marissiaux,  Lousberg,  concourent  au 
succès  général  par  des  documenls  de  mérites  divers.  Nous 
retrouvons  iM.  P.  Jaspar  dans  la  section  rétrosprctive  où  il  a 
rassemblé  de  consciencieux  el  très  habiles  relevés  des  cheminées 
el  pavements  de  la  Renaissance  que  l'on  peut  admirer  à  l'ancien 
hôtel  Curlius,  le  Monl-de-Piélé  actuel  ;  notons  aussi  une  série  de 
.  curieuses  maisons  du  vieux  liège,  el  les  dessins  de  Marcelis  pour 
l'audacieuse  coupole  eu  fer  de  la  Bour.-e  d'Anvers  détruite  lors  do 
l'incendie  de  4834. 


..1 


LART  MODERNE 


IftT 


Beaucoup  (Je  choses  inlércssanics  dans  les  envois  des  décora- 
teurs :  M.  Berchmans  père,  avec  un  bagage  considérable, 
M.  E.  Jaspar,  avec  une  jolyc^suiie  do  panneaux  décoratifs  el  des 
éludes  de  rideaux  de  scène  d'harmonieuse  lonalilé.  Mais  nos  sym- 
pathies vont  aux  moileriiisles  et  aux  japonisants  :  les  es(}ui?scs  de 
vie  contemporaine  de  M.  Donijay  sont  (Jminemmonl  captivantes, 
le  pastel  de  M.  Berchmans  fds  est  une  séduisante  symphonie  en 
ultra-marin,  enfin  les  panneaux  en  bois  brûlé  que  M.  Rassenfosse 
égaie  de  délicats  lavis  constituent  un  suggestif  régal  pour  les,, 
yeux.  Dans  le  groupe  des  sculpteurs  se  signale  M.  Herman  qui 
continue  les  traditions  de  ses  ancêtres  en  nous  présentant  des 
compositions  de  spirituelle  ordonnance. 

N'oubliom  pas  le  catalogue,  illustré  de  nombreuses  pl'iolo- 
lypies,  et  émettons  le  vœu  que  la  présente  exliibiton,  si  réussie, 
soit  renouvelée  les  années  suivantes  parles  vaillants  organisateurs 
qui  en  ont  eu  l'idée. 


^OCIÉTÉi    NATIONALE     DE     ^U?IQUE 
2Ô6N^ncert  (avec  orchestre  et  chœurs) 

(Correspondahce   particulière    de    /'Aht    moderne). 

Au  programme  :  1*  Suite  d'orchestre  de  Léon  Boellmann. 
Signes  particuliers  :  néant.  2»  Chant  laotien  (laotien,  je  veux  bien, 
mais  pourquoi  :  chant?)  d^  Bourgault-Ducoudray  ;  puis  wna  Fan- 
taisie pour  piano  et  orchestre,  de  M.  de  la  Tombello,  morceau  qui 
a  laissé  un  terrible  doute  dans  l'esprit  des  auditeurs.  Etait-ce 
bien  pour  piano  et  orchestre?...  On  Qntendait  à  peu  près  l'or- 
chestre, mais  la  très  jolie  dame  qui  était  assise  devant  le  clavier 
avait  beau  brodiguer  ses  caresses  à  l'ivoire  (un  veinard,  l'ivoire), 
celui-ci  ne  savait  répondre  que  par  de  muets  ou  trop  discrets 
transports 

G.  Marty  nous  donnait  cnsuitCideux  petites  pièces  écrites  sur 
de  pseudo  airs  bretons  el  plus  que  probablement  destinés  au 
Café  des  Ambassadeurs,  dont  elles  rappelaient  parfaitement  le 
répertoire  ;  oh  !  ces  prix  de  Rome,  ça  a  beau  faire  semblant  de  se 
brouiller  avec  la  maison-mère,  ça  finit  toujours  par  y  revenir! 

l*nssim,itnf  Paysage  breton  de  J.-.G.  Rnpari/,  avec  quelques 
harmonies  un  peu  bien  parsifaliennes,  mais  joune  el  assez  poé- 
tique. —  Un  autre  Paysage  tout  court  (que  de  peinture  !)  d'après 
une  poésie  d'A.'Jhouney,  un  peu  tristanesque  cc\u\-\U,  mais  débu- 
tant d'une  façon  ravissante  comme  pensée  cl  comme.nuance  orches- 
trale. L'autour,  R.  Bonheur,  est  un  jeune;  c'est  son  premier  essai 
instrumcnlal,  il  faut  faire  attention  à  lui. 

J'ai  gardé  pour  la  fin  les  deux  pièces  principales,  d'abord  le 
Shylock  de  G.  Fauré  (musique  de  scène  pour  la  comédie  d'Edmon?! 
Haraucouri),  ensemble  de  six  p§jits  morceaux  absolument  char- 
mants, pleins  de  ces  trouvailles  mélodico-iiarmonicpies  propres  à 
la  fine  nature  de  Fauré  et  qui  rendent  sa  musique  si  personnelle; 
il  y  a  notamment,  à  la  fin  du  Nocturne  (bien  joué  par  Marsick) 
une  suspension  de  la  tonalité  qui  produit^utr  effet  de' fîélenle 
d'une  nouveauté  el  d'un  charme  étranges?^ 

Le  concerl  se  terminait  par  la  6«  Béatitude  de  César  Franck. 

Non  !  je  ne  connais  rien  en  musiquC\VOcalc  qui  approche  de  l'im- 
pression de  cà'mc  sérénité  produite j)ar  le  sublime  chœur  en  fa 
majeur  sur  l«s  paroles  :  Heureux  les  cœurs  purs,  c'est  de  l'art 
vraimcnl  haut  et  insoucieux  des  bravos  immédiats,  c'est  de  VArt 
enfin,  qui  console  de  tous  les  misérables  Dante  el  autres  Ascanio. 


Celle  admirable  Béatitude  a  dignement  clos  la  série  des  Con- 
certs de  1890,  où  la  Société  nationale  a  mis  au  jour  dix  sept 
œuvres  d'orchesire  inédites  cl  donné,  en  première  audition  à 
Paris,  huit  œuvres  avec  chœurs,  dont' les  deux  premières  scènes  , 
de  Gwendoline  de  Chabrier,  .sept  œuvres  nouvelles  de  musique 
de  chambre,  parmi  lesquelles  le  superbe  quatuor  à  cordes  de  r. 
•Franck  et  le  2«  quatuor  de  Clazounow,  el  une  quarantaine  de 
mélodies  ou  pièces  pour  piano. 

On  traite  communément,  dans  un  ccriaili'monde  artistique  (?), 
la  Sociélé  nationale  de  petite  chapelle  ;  je  voudrais  bien  que  l'on 
pût  me  citer  n'importe  quelle  grande  église  musicale  ayant  pré- 
senté au  publie,  dan«  ces  six  derniers  mois,  un  total  ôc  soixante- 
douze  œuvres  nouvelles  ou  non  ertcore  exécutées  à  Paris 


Petite  chroj^ique 


C'est  lo  2  juin  que  paraît  chez  Charpentier  Le  Possédé,  de 
Camille  LemonnicM-,  cette  œuvre  étrange  dont  Gil  Bios  uchv.yo, 
en  ce  moment,  la  publication  en  tVuiilelon.  A  la  suite  du  succès 
obtenu  par  le  roman,  GilBlas  a  fait  avec  l'écrivain  un  traité 
pour  trois  autres  romans  à  paraître  d'année  en  année.     - 

Camille  Lomonnior  reprendra  à  partir  do  mardi  prochain  la 
publication  de  ses  nouvelles. 

VUnion  littéraire  ouvre  un  concours  d(;  romans,  nouvelles, 
contes  ou  récits  en  langue  française,  exclusivement  réservé  aux 
écrivains  de  nationalité  belge.  Chaque  envoi  devra  comprendre 
la  matière  de  cent  à  trois  cent  cinquante  pages  format  Char- 
pentier. 

Un  prix  de  500  francs  sera  décerné  à  l'œuvre  couronnée. 
Dépôt  des  manuscrits  avant  le  {"'  mars  1891  chez  le  secrétaire 
de  VUnion  littéraire,  M.  F.  Descamps,  rue  du  Pépin,  2-i,  Bru- 
xelles," auquel  on  peut  s'adresser  ppur  tous  renseignements. 

Pour  fêter  l'achèvement  des  écoles  de  Saint-Josse-ten-Noode, 
le  conseil  communal  a  déridé  l'organisation  d  une  fêle  publique 
qui  aura  lieu  le  dimanche  1"  juin  4îrochain.  Lcsenfanls  des  écoles 
se  rendront  en  cortège  place  Sainl-Josse,  où  sera  chantée,  à 
cinq  heures,  une  cantate  «  Instruction-Liberté  »,  œuvre  de 
MM.  Lucien  Solvay  el  Henry  Warnols.  Elle  sera  exécutée  par 
4,200  enfants,  sout'^nus  par  un  orchestre  d'harmonie  composé 
des  meilleurs  éléments  des  diverses  sociétés  de  la  commune. 
Le  cortège  sera  formé  chausscode  Haeclit  et  rue  du  Méridien.  Il 
se  rendra  place  |Saint-Josse  par  l'avenue  de  l'Astronomie  et 
la  chaussée  de  Louvain.  Le  ^Collège  el  le  Conseil  passeront 
les  élèves  en  revue  à  la  Maison  communale,  à  4  12  heur>'s  de 

relevée.  

>^yménée!  M.  Paul  de  Vigne,  l'éminenl  sculpteur,  s'est  uni  le 
21  courant  SM""^  veuve  Coppieters,  née  Aline  Do  Nayeri\ 

On  nous  écrit  d'Anvers  : 

Nous  avons  eu  l'occasion  de  visiter  une  intéressante  exposition 
organisée  par  le  Cercle  d'escrime  d'Anvers.  Il  s'agit  d'une  collec- 
tion de  dessins,  aquarelles  et  pastels  de  M.  Frédéric  Régamey,  se 
rapporlanl  à  l'art  de  l'épée.  A  côléde  tharmanles  illustrations  de 
l'AImanach  de  l'escrime  de  Vigoant,  nous  avons  admiré  une 
importante  série  de  portraits  de  tireurs  parisiens,  bruxellois, 
gantois  et  anversois,  —  tous  d'une  élégance  de  facture  exlréme- 
mcnl  remarquable.  C'est  d'un  art  h  la  fois  très  mondain  et  très 
subtil. 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


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La  plus  eourle  et  la  moins  caûteuse  des  voies  exlra-rapides  entre  le  Continent  et  ^'Angleterre 


Bruxelles  à  Londres  en 
Cologne  à  Londres  en 
Berlin  à  Londres  en  . 


8  heures. 
13       - 
24 


Vienne  à  Londres  en. 
Bâle  à  Londres  en.  . 
Milan  à^ondres  en  . 


36  heures. 
24       - 
33       - 


D'Ostende  à  6  h.  matin,  10  h.  15  matin  et  8  h,  20  soir.  —  De  Douvres  à  11  h.  59  matin,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 


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PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS 

Princesse  Joséphine,  Princesse  Henriette,  Prince  Albert,  La  Flandre  et  Ville  de~  Douvres 

partant  journellement  d'OSTENDE  à  6  h.  matin  et  10  h.  15  matin:  de  DOUVRES  à  11  h.  59  matin  et  3  h.  après-midi. 

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fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits).—  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
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Pour  tous  renseignements  s'iidre&ser  à  la  Direction  dé  l'Esrpl  cita  lion  des  Chemintt  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  V  Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l'Êtat-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*?à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n°  53,  à  Londres,  à  l'Agence  de  Chemins  de  fer 
de  l'État,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vrancken,  Domkloster.  n»  1,  à  Cologne. 


<^ 


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FONDÉ  EN   1672 

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en  un  fascicule  de  32  pages  au  moins.  Il  formera  tous  les  ans  un  fort 
volume  i|,i-8°,  pour  lequel  il   sera   tiré  une  couverture  spéciale,  un 
titre,  une  table  des  matières  et  une  table  alphabétique  par  noms  d'au- 
teurs. 

Abonnements  :  Fi-ance.'5  francs  par  an. 

Id.              Union  postale,  6  francs  parian. 
Envoi  d'un  n»  spécimen  contre  fr.  0-40  en  timbres-poste  —  M.  A. 
Valletïe,  rédacteur  on  chef,  rue  de  l'Ecliaudé  St-Germain,  15,  Paris. 
—  Dépôts  à  Bruxelles.  V*  Rozez  et  Lacomblez. 

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Breitkopf  et  Hartel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 

JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanclie. 

Faits  "et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 

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HUTIhME'  ANNÉE. 

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Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Brtueelle».. 

L'Industrie  Moderne 

paraissant  deux  foi»  par  mois. 

Inventions.  —  Brevets.  —  Droit  industriel. 

Troisième  année.           .            ' 

Administration  et  rédaction  :  Rue  Royale,  15,  Bruxelles. 

Rue  La fayette,  123,  Paris. 

TRAITÉ  PRATIQUEE  DE 

COMfIBITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléntients  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-G.  Lobe. 

Traduit   de   l'allemand   (d'après  la  5®  édition)   par 

'           Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8».  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  coinposition  libre,   fut  accueilli,  dès  son  apparition,   par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier-un  des  ouvrages  d'enseignement  musical  les  plus 
.estimés  en  Allemagne.                                                                    - 

■  V 


Itriixelles,  —  Iinp.  V*  Monnom,  26,  rue  de  l'Iodustrie. 


</^ 


Dixième  année.  —  N"  22. 


Le  numéro  :  26  centimes. 


Dimanche  l^""  Juin  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

.      ■  '     '  ■  ■  -  ^     '  •■■■"■'         "  .  '     —'--- 

Comité  de  rédaction  »  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Émilb  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,   uu   an,   fr.  10.00;  Union  postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES  :    Ou  traite  à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l^Industrie,  26,  Bruxelles. 


^OMMAIRE.„ 


Le  Théâtre  Libre.  —  Louis  Artan.  —  La  Royal  Academy.  — 

L'AnCIE*  THEATRE  DE    LA    MoNNAIE.    UnE    LETTRE.   EXPOSITION 

Chappel-KOstohs.   —  Bibliographie  musicale.  —   Petite    chro- 
nique. 


LE  THEATRE-LIBRE 

ln-4o,  IV-186  p.  Titre,  Supplément  et  Table. 
Paris,   mai   1890.   —    Imp.   Eugène  Verneau. 

Sans'  nom  d'auteur,  mais  d'Antoine,  te  fondateur, 
Torganisateur,  le  propagateur  de  l'œuvre^^'Il  y  raconte, 
sobrement  mais  avec  l'éloquence  puissamment  démon- 
strative des  faits,  des  chitfres,  des  datés,  cet  événement 
artistique  extraordinaire  :  la  création  du  Théâtre  Libre, 
qui  commença  il  y  a  trois  ans,  et  achève  ce  triennal  après 
avoir  joué  cent  vingt-cinq  actes  inédits  constituant 
cinquante-six  ouvrages,  depuis  le  30  mars  1887,  jour 
de  la  première  représentation  où  fut  produit  notamment 
Jacques  Damour,  jusques  fin  mai  1889,  Sur  ses  pro- 
grammes avaient  été  inscrits  cinquante-neuf  noms,  dont 
trente  auteurs  dramatiques  n'ayant  jamais  été  repré- 
sentés et  quatorze  ayant  été  représentés  une  seule  fois. 
Telle  fut  la  trouée  faite  par  cet  effort  dans  la  routine  et 
les  injustes  refus  subis  par  cette  pléiade,  qu'en  peu  de 


temps  vingt-trois  de  ces  pièces,  jusqu'alors  dédaignées, 
furent  reprises  sur  ^d'autres  scènes.  Cette  campagne 
menée  tambours  battant,  clairons  claironnant  avec  un 
étonnant  succès,  eut-^ses  champs  de  bataille  successifs, 
d'abord  dans  la  petite  salle  du  passage  de  l'Elysée- 
des-Beaux-Arts,  puis  au  théâtre  Montparnasse,  puis 
au"x  Menus- Plaisirs.  Présentement,  les  ressources 
recueillies  sont  telles,  qu'il  s'agit  de  construire  un 
édifice  spécial  d'après  les  principes  de  Bayreuth. 
Antoine,  qui  n'était  qu'un  employé  de  la  Compagnie 
du  Gaz  aux  appointements  de  1,800  fr.  par  an,  qui 
n'avait  jamais  jouê^  devant  un  vrai  public,  qui  faisait 
-Seulement  partie  d'un  modeste  cercle  d'amateurs, ,  est 


dévenu  le  chef  incontesté  d'une  rénovation  dramatique 
à  laquelle  une  partie  considérable  du  public  et  de  la 
presse  de  Paris  donne  un  incessant  et  décisif  appui. 

Le  livre  dont  nous  rendons  compte  çjit  du  plus  haut 
intérêt  et  restera  une  des  curiosités  artistiques  et  biblio- 
graphiques de  l'époque. 

Après  un  bref  Avant-propos,  où  l'auteur  constate 
l'existence  d'une  nouvelle  génération  d'auteurs  drama- 
tiques et  la  nécessité  d'un  rajeunissement  des  formules 
théâtrales,  où  il  afiirme  aussi  que  son  œuvre  est  d'inté- 
rçt  général  et  ignore  les  bas  trafics  en  lesquels  s'enlise 
l'industrie  des  directeurs  vulgaires,  il- examine  succes- 
sivement l'historique  de  sa  tentative,  les  résultats  acquis, 
les  causes  de  la  crise  actuelle,  la  nécessité  d'uh  nouveau 


\ 


V 


théâtre,  la  nouvelle  salle  qu'il  compte  inaugurer,  le 
programme  qu'il  veut  suivre  pour  les  œuvres,  les  comé- 
diens, la  mise  en  scène,  le  régime  de  son  entreprise,  sa 
réalisation  financière.  Dans  des  annexes,  il  donne  des 
citations  de  journaux  sur  cette  période  de  trois  ans,  la 
liste  complète  de*  ouvrages  représentés,  les  budgets  des 

.  deux  dernières  saisons.  Tout  cela  est  curieux  et  instruc- 
tif au  suprême  degré  et  mérite  que  nous  le  résunaions. 
Rarement  on  aura  vu,  en  un  temps  si  court,  une  telle 
révolution  s'accomplir.  Elle  contraste,  sous  ce  rapport, 
avec  la  lenteur  des  transformations  dans  les  autres 
arts  :  la  musique,  lapeinture,  la  littérature.  Elle  mon- 
tre qu'il  faut  non  seulement  espérer,  mais  avoir  la  con- 
viction que,  malgré  toutes  les  résistances,  les  novateurs- 
sont  assurés  du  triomphe.  Que  les  hésitants  et  les  néo- 
phobes  se  le  tiennent  pour  dit. 

A  ce  point  de  vue,  il  importe  de  rappeler  d'abord  les 
prédictions,  grotesquement  démenties  par  l'événement, 
et  les  dédains  aujourd'hui  ridicules,  de  quelques  augures. 

<  Malicieusement,  Antoine  les  reproduit,  sans  commen- 

\  taires.  Avant  les  douze  mille  articles  que  les  journaux 
ont  consacrés  au  ThéâtrerLibre,  depuis  qu'il  est  devenu 

,  une  institution  au  sujet  de  laquelle  on  ne  peut  se  taire 
(ils  vous  étonnent,  n'est-ce  pas,  ô  Bruxellois,  mes  frères, 
tous  ces  chiffres  quasi-fabuleux?),  des  princes  de  la  cri- 
tique avaient  formulé  des  consultations,  notamment  sur 
la  Puissance  des  Ténèbres,  le  fameux  drame  en  six 
actes  et  en  prose  du  comte  Léon  Tolstoï.  Antoine  allait 
lé  jouer-  à  Paris  avec  un  succès  qui  restera  légendaire. 
M.  Alexandre  Dumas  fils,  M.  Victorien  Sardou, 
M.  Emile  Augier,  trois  experts  selon  la  routine,  en 
parlèrent  comme  suit  ayant  la  représentation  : 

Le  pnEMiER  :  Au  point  de  vue  de  noire  scène  française,  je  ne 
crois  pas  qiic  la  pièce  de  M.  Tolsloï  soit  possible.  Elle  est  trop 
sombre.  Aucun  des  personnages  n'est  sympathique,  et  le  langage 
que  parle  Akimj'^ar  exemple,  serait  toul-à-fait  incômpréhensîble 
chez  nous.  La  Nikila,  si  étrange  et  si  vraie,  ne  paraît  qu'ennuyeuse 
au  commencement  et  odieuse  à  la  fin. 

.  Le  deuxième  :  C'est  cruellement  vrai  et  très  beau  ;  mais  c'est 
fait  pour  être  lu  et  non  pour  être  viî,  et,  à  mon  avis,  injouable. 
Tout  ce  que  l'on  tentera  pour  le  rendre  possible  au  théâtre  ne 
réussira  qu'à  le  gûler  sans  profit.. 

Le  troisième  :  C'est  moijis  une  pièce  qu'un  roman  dialogué 
dont  la  longueur  serait  insupportable  sur  une  scène  française. 

C'est  cette  pièce  injouable,  impossible,  insupportable 
dans  laquelle  Antoine  se  lança  avec  sa  belle  témérité  de 
révolutionnaire,  et  qui  souleva  l'enthousiasme.  Le  len- 
demain toute  la  presse,  y  compris  le  Journal  des  Dé- 
bats et  M.  Jules  Lemaître,  y  compris  M.  Auguste  Vitu 
et  le  Figaro,  furent  forcés  d'en  convenir. 

Le  Figaro!  Il  est  réjouissant  de  voir  comment,  avec 
sa  suffisance  sémitique,  l'Albert  Wolfl'que  l'on  sait,  écri- 
vait à  Antoine,  avant  ses  succès  !  Antoine  avait  sollicité 
dix  lignes,,  rien  que  dix  lignes  (non  payées;  il  est  vrai  ; 


il  était  si  besogneux  alors  !),  rien  que  dix  lignes  dans  le 
Courrier  de  Paris  pour  signaler  ses  projets.  Il  lui  fut 
répondu  en  ces  termes  insolents  et  goguenards  : 

Saint-Germain-cn-Laye. 
Monsieur,        . 

Votre  lettre  m'a  singulièrement  intéressé,  mais  vous  vous  exa- 
gérez singulièrement  l'influence  que  je  pourrais  avoir  sur  les  des- 
tinées du  Théûtre-Libre. 

Il  vous  faut  7  ou  8,000  francs  et  vous  jugez  que  "rien  ne  sérail 
plus  facile  que  de  vous  procurer  celte  somme. 

Prenez  20,000  francs,  dit  une  femme  mariée  à  Thibousl,  el 
fuyons  à  l'étranger. 

Je  veux  bien  prendre  20,000  francs,  répondit  le  vaudevilliste, 
mais  dites-moi  oiï? 

Vous  pensez  que  dix  lignes  de  moi  feront  sortir  les  dits 
8,000  francs  des  caisses. 

Je  vous  dirai  d'abord  que  la  question  du  Théûlre-Librc  n'entre 
pas  dans  mes  atlribulions,  que  Vitu  est  au  Figaro  pour  cela. 

J'ajoute  que  le  pi<è/ic  ne  s'intéresse  pas  déinesurément  à  votre 
tentative  louable.  Théaire-Libre  ou  non,  que  lui  importe;  il  res- 
tera sourd  et  ne  donnera  pas  un  sou. 

Si  7  ou  8,000  francs  peuvent  faire  vivre  le  Théâtre-Libre,  Sar- 
ccy,  Vitu  et  tous  les  critiques  les  trouveront  plus  facilement  que 
moi.  lls'agirail  de  trouver  parmi  nous  70  ou  80  personnes  qui 
consentissent  chacune  à  donner  cent  francs.  Les  directeurs,  les 
auteurs  en  vue,  les  critiques  et  peut-être  quelques  journalistes. 
Si  un  pareil  mouvement  se  faisait  en  faveur  du  Théâtre-Libre, 
tout  irait  bien  ;  mais  je  ne  puis  et  ne  veux  en  prendre  Vinitiative 
et  j'ajoute  que  le  moment  est  peu  favorable;  on  n'est  pas  à  Paris 
et  je  vais  rejoindre  les  autres  dehors.  Venez  donc  me  voir  vers  le 
15  septembre,  nous  causerons  pli^s  utilement.  x 

Recevez,  Monsieur,  mes  salutations  empressées. 

■  .       Albert  WoLFF. 

Assez  sur  ces  préliminaires,  toujours  intéressants 
pourtant  à  signaler ,  malgré  l'inévitable  répétition 
des  incidents-.  Passons  à  l'exposé  rapide  du  mémoire 
explicatif  d'Antoine',  où  tout  est  si  simplement  narré, 
avec  une  confiance  de  jeune  vainqueur,  avec  une  séré- 
nité de  prédestiné.  ■  ■ 

Il  dit  d'abord  les  causes  de  la  crise  actuelle  qui  sévit 
dans  le  théâtre.  La  lassitude  du  public  en  présence  de 
spectacles  toujours  pareils,  la  production  dramatique 
étant  limitée  à  une  quinzaine  d'auteurs  qui  font  la 
navette  de  théâtre  en  théâtre,  monopolisent  l'affiche  et 
servent  toujours  au  spectateur  la  même  mixture,  dissi- 
mulée sous  un  .simple  changement  d'étiquette.  Chacun 
a  sa  «  marque  «  assez  semblable,  d'ailleurs,  à  celle  du 
voisin,  chacun  fait  constamment  la  même  pièce,  un 
peu  plus  mal  à  chaque  récidive  parce  que  l'âgé  vient  et 
que  le  tour  de  main  s'alourdit.  Les  directeurs  ne  se 
lassent  pas  d'offrir  au  public  ces  fruits  de  la  décrépitude^, 
mais  le  public,  saturé,  s'en  détourne  et  passe^son 
chemin. 

Donc,  cause  première    de  la  crise,  un  impérieux 

BESOIN  DE  NOUVEAU. 


Ensuite,  incommodité  des  salles  actuelles.  Sans 
rappeler  un  désastre  présent  à  toutes  les  mémoires, 
désastre  dû  surtout,  qu'on  veuille  bien  y  penser,  à  l'exi- 
guité  des  dégagements,  il  est  bien  permis  de  poser  en 
fait  que  tous  nos  théâtres,  —  disons  presque  tous  pour 
ne  décourager  personne^  —  sont  construits  et  aménagés 
dans  des  conditions  d'insécurité  et  d'inconfortable 
absolument  évidentes. 

Troisième  cause,  la  cherté  des  places.  Par  une 
marche  progressive  dont  l'illogisme  a  lieu  de  surprendre, 
par  un  étrange  renversement  de  la  transformation 
sociale  qui  s'opère  partout  sous  nos  yeux,  alors  que  «  le 
meilleur  marché  »  est,  depuis  cinquante  ans,  devenu  la 
loi  universelle,  que  le  prix  des  journaux  a  constamment 
diminué,  que  les  moyens  de  transport  sont  de  plus  en 
plus  faciles  et  de  moins  en  moins  coûteux,  que  l'indus- 
drie,  que  le  commerce  s'ingénient  à  fabriquer  et  à 
vendre  leurs  produits  meilleur  marché,  qu'on  va  pour 
trois  sous  de  Bercy  à.  Auteuil  et  qu'on  traverse  pour 
quelques  louis  la  France  d'un  bout  à  l'autre,  pourquoi 
les  théâtres,  se  butant  contre  une  irrésistible  force,  ont- 
ils  sans  cesse  augmenté  leurs  tarifs,  au  point  qu'un  fau- 
teuil coûte  trois  fois  plus  cher  qu'il  y  a  quarante  ans, 
qu'une  loge  est  inabordable  et,  qu'à  moins  d'un  fort 
budget,  le  spectateur,  chassé  de  l'orchestre  et  du  balcon, 
seules  places  tolérables,  est  forcé  de  grimper  au  second 
et  au  troisième  étages,  d^s  de  petites  cases  où  il  est 
aussi  mal  installé  que  sur  une  impériale  d'omnibus,  avec 
la  chaleur  en  plus  et  l'agrément  de  la  rue  en  moins? 

Le  résultat  d'une  telle  situation  est  qu'en  dehors  du 
billet  de  faveur,' —  cette  plaie  que  les  directeurs,  tenan- 
ciers avides  mais  maladroits,  ont  fait  naître,  qu'ils  ont 
complaisamment  développée  et  dont  ils  souffrent 
aujourd'hui  au  point  de  lui  attribuer  naïvement  to^tes 
leurs  infortunes,  —  en  dehors  du  billet  de  faveur,  le 
théâtre  qui  était  autrefois  un  plaisir  possible,  à  la  portée 
de  toutes  les  bourses,  est  devenu  un  véritable  «  luxe  », 
restreignant  ainsi  peu  à  peu  sa  clientèle,  diminuant  ses 
recettes  à  mesure  qu'il  augmentait  ses  prix,  et  chassant 
lentement  le  grand  public  vers  les  cafés-concerts  e't  les 
spectacles  acrobatiques. 

Quatrième  cause  de  décadence,  la  désorganisation 
DES  TROUPES  DE  COMÉDIENS.  Ici  cncore,  on  se  hturte  à 
une  maladresse  qui  désarmerait  toute  critique  si  elle 
n'avait  d'aussi  désastreuses  conséquences.    , 

Alors  que  l'interprétation  d'un  ouvrage  exige,  avant 
tout,  une  qualité  tellement  essentielle  qu'elle  dispense 
des  autres,  l'ensemble,  condition  sans  laquelle  l'œuvre 
littéraire  est  défigurée  et  massacrée  comme  le  serait 
une  œuvre  musicale  dont  les  exécutants  'ne  joue- 
raient pas  en  mesure,  les  directeurs,  substituant  au 
système  de  l'ensemble  le  système  des  étoiles,  mettent  en 
vedette  un  ou  deux  noms  connus  et  cotés,  pur-sangs 
dont  ils  paient  à  prix  d'or  la  course  plus  ou  moins  bril- 


lante, et  entourent  ces  grands  favoris  souvent  fatigués 
mais  tenant  toujours  la  corde,  de  malheureux  acteurs 
recrutés  au  hasard  pour  servir  de  repoussoirs  aux  têtes 
d'affiches.  De  cette  interprétation  hétéroclite  résulte 
une  absolue  déformation  de  l'œuvre,  d'où  nouvelle  et 
irrémédiable  cause  de  répulsion  pour  le  public  intel- 
ligent. .  • 

En  résumé,  le  théâtre  actuel  offre  au  spectateur  des 
pièces  sans  intérêt,  dans  des  salles  déploràblement 
agencées,  à  des  prix  exorbitants,  avec  des  troupes 
sans  cohésion. 

Tels  sont  les  principaux  vices  à  réformer,  tels  sont 
les  points  essentiels  sur  lesquels  il  faut  insister  de  façon 
à  conclure  que  les  quatre  réformes  suivantes  sont  indis- 
pensables :  Pièces  nouvelles,  —  Salle  confortable,  — 
Places  à  bon  marché,  —  Troupe  d'ensemble.  Là  est  le 
programme  de  la.  tentative  nouvelle.  Nous  le  dévelop- 
perons dans  la  suite  de  cette  étude.  Rien  n'est  plus 
digne,  pensons-nous,  d'intéresser  le  public  spécial  de 
l'Art  moderne,  composé  d'Esthètes  et  de  Néophiles. 


LOUIS  ART  AN 

La  dernière  fois  que  nous  le  vîmes,  c'était  à  l'automne,  à 
l'époque  où  les  fortes  marées  battent  comme  un  bélier  redoutable 
celte  côte  de  la  mer  du  Nord  où  il  passa  sa  vie.  Et  toujours  sa 
silhouette  amaigrie,  profilée  sur  les  clairs  horizons  de  septembre, 
demeurera  dans  nos  souvenirs,  unie  au  spectacle  des  vagues 
tumultueuses  qui  frappaient  la  digue  d'Oslende  et  couvraient 
d'embruns  les  villas,  avcc~dcs  détonations  d'artillerie. 

Un  dandysme  bizarre  lui  avait  fait  adopter  un  costume  stricte- 
monl  ajusté  qui  paraissait  le  fourreau  de  celte  lame  d'épée, 
droite  eLilexible,  en  laquelle  la  nature  avait  forgé  son  corps. 
Mince,  tout  en.  profil,  le  geste  nerveux,  le  visage  —  ce  brun 
visage  d'hidalgo  —  tanné  par  le  soleil  et  le  vent  du  large,  il  arpen- 
tait la  digue  d'un  pas 'souverainement  dédaigneux  des  rafales,  des 
bourrasques,  des  soudaines  inondations.  On  le  sentait  sur  ses 
domaines,  rivé  à  ces  grèves  dont  il  avait,  depuis  trente  ans  cl 
plus,  battu  le  territoire,  scruté  de  ses  yeuxjnquisitcurs  les  recoins 
les  plus  ignorés. 

La  mer,  il  1^  connaissait  dans  ses  infinies  transformations,  dans 
son  humeur  capricieuse,  dans  la  subiilité  de  ses  plus  délicates 
nuances.  Et  Icbouleverscmenl  amené  par  l'équinoxe  d'automne, 
ces  trohibes  pfojelées  sut:  les  cslacadcs  qui  arrachaient  les  balus- 
Iraijes  et  brisaient  les  éclitilies,  ces  lames  qui  balayaient  le  carre- 
lage de  la  digue,  ces  coups  de  vent  qui  faisaient  gémir  le  phare  et 
remuaient  les  cheminées  le  laissaienl  calme,  immuablement.  Il 
observait  d'un  rogardT?irnquille  la  bousculade  des  flots,  éludianl 
les  rythmes  heurtés  des  ligues  et  l'harmonie  raflinée  des  couleurs 
que  provoquaient  ces  prodigieux  phénomènes. 

Nous  passâmes  des  heures  ensemble  dans  une  hospilalière 
demeure  où  d'anciennes  amitiés  réveillèrent  chez  le  peintre  des 
souvenirs  de  jadis,  évoqués  en  anecdotes,  en  traits  incisifs,  en 
taquineries  sans  fiel. 

Et  bien  qu'il  fût  usé,  lui  aussi,  par  les  naufrages  de  la  vie, 
Artan  nous  apparut  tel  que  nous  l'avions  connu  de  tout  temps. 


depuis  ses  triomphâmes  bagarres  pour  la  défense  des  idées  géné- 
reuses el  indépendantes,  depuis  ses  querelles  en  faveur  de  l'Art 
libre  contre  l'académisante  routine.  Il  retrouva  sa  verve,  son 
hùnî,our,  son  esprit  railleur.  L'âge  était  venu,  toutefois,  qui  avait 
amené  en  ce  tempérament  batailleur  la  philosophie  de  la  rési- 
.  gnalion.  Et  rinclémençc  de  la  vie  (n'est-ce  pas  fatal  en  notre  pays 
de  bourgeoise  prospérité?)  avait,  sans  ébrçcho^r  l'esprit,  miné  et 
affaibli  le  corps."  ' 

En  cette  soirée  que  l'irrévocable  de  la  récente  catastrophe 
empreint  de  mélancolie,  l'art  eut  sa  large  part  :  c'était  la  grande, 
l'unique  absorption  d'Arlan.  Quelqu'un  h  qui,  contemporain  du 
peintre,  nous  demandions  ces  jours-cides  notes  pour  la  biographie 
de  l'artiste,  nous  répondit  :  «  A  quOi  bon?  Il  peignit  la  mer,  tou- 
jours-, toute  sa  vie.  Cela  suffît.  Que  voulez-vous  dire  de  plus?  » 

Ce  fut,  en  effet,  la  passion  dominante  d'Artan.  Il  se  voua  au  culte 
de  la  mer  avec  une  ferveur  qui  ne  faillit  jamais.  En  aucune  cir- 
constance il  ne  lui  fut  infidèle.  Et  l'on  peut  dire  que  si  l'hisloire 
de  l'art  relate  bon  nombre  d'artistes  qui  peignirent  des  bateaux, 
des  batailles  navales,  des  ports,  des  matelots,  il  n'en  est  pas  un 
qui,  à  l'exemple  d'Artan,  peignit  La  Mer,  exclusivement  la  mer, 
et  qui  sut  y  apporter  une  pareille  variété  d'expression. 'On  a  pu 
voir,  à  l'un  des  derniers  Salons  des  XX^  une  dizaine  de  toiles  du 
maître  attestant  cette  qualité  rare. 

Joignons  l'appréciation  que  fit  du  talent  d'Artan  Camille 
Lemonnier'dans  son  Histoire  des  Beaux-Arts,  au  salut  dont 
nous  avons  honoré  la  mémoire  de  l'artiste,  de  l'ami  que  la  mort 
vient  d'abattre. 

Louis  Artan  s'initie  aux  poésies  de  la  mer,  en  peintre  admira- 
blement doué  pour  saisir  les  jeux  fugitifs  de  la  lumière.  Colo- 
riste très  fin,  il  fit  miroiteries  prismes  des  vagues,  irrisa  de  reflets 
nacrés  les  flaques  déferlant  sur  la  plage,  donna  aux  sables  l'espèce 
de  chaleur  animée  qui  les  rend  pareils  à  du  satin.  On  remarquait 
chez  lui,  comme  on  l'avait  remarquée  chez  Boulengcr,  une  sensi- 
bilité de  l'oeil  plus  grande  que  celle  des  autres  peintres  belges; 
tous  deux  avaient  dans  les  veines  le  mélange  de  la  race  française 
et  de  la  race  flamande,  la  première  nerveuse  et  affinée,  la  seconde 
puissante  et  rassise,  et  celte  double  origine  leur  avait  composé 
une  physionomie  particulière,-  où  se  combinaient  la  force  et  la 
grâce. 

La  distinction  unie  à  la  vigueur  est,  en  effet  un  des  traits 
imporlanls  d'Arlan  ;  ses  tons  sont  déliés,  avec,  des  surfaces  de 
pûtes  résistantes  ;  il  a  des  audaces  d'exécution  tempérées  par  la 
délicatesse  du  coloris  ;  il  recherche  les  teintes  amorties  et  pâles, 
les  bleus  éteints,  les  verts  noyés,  les  roses  assoupis,  un  accord 
d'harmonies  en  sourdine.  Chez  lui,  comme  chez  les  beaux  pein- 
tres du  groupe  auquel  il  se  rattache,  l'exécution  prend  une  ani- 
mation de  vie;  les  touches  se  posent  comme  des  caresses;  une 
vibration  passe  sur  tout  le  champ  de  la  toile  et  lui  communique 
une  sorte  d'électricité.  Le  rôle  de  la  couleur,  en  effet,  s'est  élargi  ; 
elle  ne  sert  plus. à  revêtir  l'interprétation  d'un  prisme  vaguement 
chatovant  el  convcntionel  ;  elle  devient  le  mouvement  et  l'âme  du 
tableau.  Remarquez  avec  quelles  délicatesses  elle  exprime  les 
tons  les  plus  fugitifs  de  l'atmosphère,  avec  quelle  sûreté  elle  fixe 
les  fris  les  plus  tendres;  elle  fait  circuler  partout  la  lumière,  met 
sur  les  choses  une  palpitation,  donne  aux  arbres  aussi  bien 
qu'aux  vagues  le  frisson  profond  de  l'être. 

Au  Salon  de  1866,  une  première  toile  d'Artan,  les  Dunes  aux 
bords  de  la  Mer  du  Nord,  fait  déjà  pressentir  la  séduction  de  cet 
art  personnel.  Trois  ans  après,  sa   manière  s'aft'rme  dans  trois 


•    a?*  / 

notes  robustes  et  fines,  les  Côtes  de  la  mer  du  Nord,  le  Retour 

de  la  pêche,  \q  Souvenir  de  la  Manche.  Il  reparaît  en  1872  avec 
un  Ouragan  (côtes  de  la  mer  du  Nord)  et  un  Effet  de  lune  (sou- 
venir de  Bretagne).  Puis  successivement,  il  expose  la  Plage  de 
B^rcfc  (Pas-de-Calais),  en  1875,  et,  en  1878,  le  Ville  de  Fies- 
singueci\z  Jetée  dé  Flessingue.  Une  large  notoriété  lui  était 
venue  de  cette  vision  particulière  de  la  mer  qu'il  appporlaità 
chaque  Salon  nouveau,  non  seulement  aux  Salons  de  Bruxelles, 
mais  à  ceux  d'Anvers  el  de  Gand,  où  il  occupait  le  premier  rang 
parmi  les  peintres  de  marines.  On  lui  reprochait  avec  raison  une 
certaine  confusion  dans  la  trame,  un  manque  d'équilibre  dans 
l'assiette  des  plans,  l'absence  de  solidité  dans  le  dessin.  Il 
semblait,  en  effet,  que,  dans  le  feu  du  travail,  l'artiste  négligeât 
tout  ce  qui  ne  concourait  pas  immédiatement  à  l'effet.  II  était  à 
ce  point  préoccupé  de  saisir  le  ton  dans  sa  mobilité,  qu'il  oubliait 
d'assurer  ses  dessous  par  de  fortes  indications.  Et  il  se  montrait 
vif,  emporté,  plein  d'entrain,  avec  une  spontanéité  d'exécution 
presque  sans  égale,  au  détriment  des  qualités  moins  brillantes 
qui  constituent  le  fond  même  des  œuvres  d'art. 

Artan,  comme  Clays  avant  lui,  avait  nettement  rompu  avec  la 
tradition  des  grandes  mers  tourmentées.  Les  naufrages  et  les  tem- 
pêtes avaient  fait  leur  temps  :  on  en  était  venu  à  ne  plus  chercher 
exclusivement  le  drame  dans  le  mouvant  empire  des  eaux,  mais 
prineipalenïent  le  mystère,  l'émotion,  la  poésie.  De  même,  le 
paysage  avait  abandonné  la  recherche  des  aspects  tragiques  de  la 
terre  ;  un  champ  peint  dans  sa  vérité  de  vie  fermentante  semblait 
préférable  à  toutes  les  fantasmagories  des  ca^clysmes;  on  aimait 
finalement  la  nature,  comme  une  matrice  sacrée.  L'enchantement 
des  matins,  la  splendeur  des  crépuscules,  l'infinie  variété  des 
prismes  que  la  lumière  fait  jouer  dans  les  vagues  devinrent  l'idéal 
des  peintres  de  marine.  C'est  à  peine  si  Artan  abandonne  les 
côtes;  quand  il  se  lance  au  large,  il  n'oublie  pas  d'indiquer  la 
ligne  pâle  des  dunes  moutonnant  à  l'horizon;  au  milieu  de  ses 
contemplations  marines,  la  pensée  de  la  terre  le  poursuit  comme 
celle  d'un  observatoire  tranquille  d'où  il, peut  assister  avec  séré- 
nité à  la  bataille  des  flots.  - 


LA  ROYAL  ACADEMY 

Depuis  les  quelques  années  que  nous  voici  à  Londres  vers  la* 
même  époque,  celte  exposition  d'art  officielle  ne  nous  a  encore 
procuré  auctine  surprise. 

On  espère  voir  s'y  affirmer  les  deux  vraiment  belles,  quoique 
opposées,  tendances  dont  ces  deux  grands  artistes,  Whistler  et 
Burne-Jones  sont  les  représentants  à  Londres,  ou  se  lever 
quclqu'autne  qui  entr'ouvrirait  une  nouvelle  voie,  mais  rien.  Le 
Salon  de  Paris  seul,  ici,  fait  des  victimes.  Il  envahit  de  son  quel- 
conque art  d'habileté  et  d'apparat,  l'école  anglaise.  Les  jeiines 
regardent  vers  le  Palais  de  l'Industrie  pour  y  chercher  leur 
déroute.  Ils  font  des  efforts  vers  une  peinture  de  clarté  et  de  plein 
air.  Timidement,  toutefois,  comme  le  firent  et  le  font  tous  les 
suivants  de  Bastien  Lçpage. 

Scènes  d'intérieur  crayeuses,  au  lieu  d'être  atmosphérées;  vues 
de  ville  avec  des  opacités  de  fonds  bleus,  paysages  où  le  blanc  d'ar- 
gent domine,  toute  la  veulerie  de  la  fausse  jeune  peinture  s'étale  à 
VAcademy.  Voici  des  toiles  qu'on  croirait  démarquées,  tellement 
elles  rappellent  des  œuvres  françaises,  Whistler,  Burne-Jones, 
Watts  sont  comme  s'ils  n'existaient  pas.  Personne  ne  se  dit  qu'eux 


VART  MODERNE 


173 


seuls  font  à  celte  heure  l'originalité  de  demain,  qu'ils  sont  des 
leveurs  de  barrière.  On  en  parle  ici  comme  de  peintres  excen- 
triques, qui  ne  doivent  ôlre  écoutds,  dont  l'art  jamais  ne  sera 
compris.  ^ 

Seules  quelques  personnalités,  déjà  d'antan,  marquent  à  la 
rampe.  Mais  elles  non  plus,  quoique  très  officielles,  ne  font  école. 
La  tendance  jeune  est  ailleurs;  elle  est  continentale. 

Parmi  les  très  importants  représentants  de  l'art  ang^Iais,  voici  " 
Sir  F.  Leighton,  Bart.  P.  R.  A.  Après  tous  ces  titres,  le  moins  est 
qu'on  le  tienne  en  respect.  Le  peintre  est  à  la  peinture  natio- 
nale, ce  que  Tennyson  est  à  la  poésie.  Ils  sont  deux  lauréats 
dont  la  patrie  croit  avoir  besoin  pour  prétendre  qu'elle  n'est  infé- 
rieure à  aucun  pays  en  art  et  en  lettres.  Leurs  photographies  sont 
placées  aux  vitrines  parmi  celles  des  hommes  d'Etat.  11  est  d\ine 
bonne  administratif  n  d'avoir  ainsi  certains  noms  qui  font  figure. 
L'Angleterre  les  veut  avoir. 

Leighton,  en  réalité, cstunema'nièrc  de  Monsieur Bouguereau  très 
dédaigneux  de  la  couleur  et  très  attentif  à  dessiner  froidement  et 
correctement.  Il  adore  l'antiquité  et  sa  recherche  c'est  de  réaliser 
une  sorte  de  grâce  grecque  adaptée  à  une  sorte  de  mélancolie 
distinguée  moderne.  Ses  femmes  se  dévêtent  tristement,  s'assoient 
en  des  poses  pensives,  prennent  des  attitudes  longues  et  lentes. 
Il  étudie  précieusement  les  plis  des  voiles  et  des  robes  et  les 
enroulements  et  les  tresses  des  chevelures.  Ses  cadres  sont 
soignés. 

Pointer  et  Collier  peignent  des  marbres  aussi  bien  que  Benja- 
min Constant  et  jettent  des  corps  nus  de  femme'S  sur  des  tapis 
et  des  fleurs;  Pcltie  et  Lucas  font  des  scènes  de  genre,  parfois 
des  portraits,  et  tous  entourent  royalacadémiquement  Sir  F. 
Leighton. 

Un  peintre,  bien  qu'il  soit  de  la  R.  A.,  un  vrai  peintre  est 
W.  Q.  Orchardson.  Ses  sujets?  —  banals  souvent,  futiles  même. 
Mais  son  élégance  est  si  spéciale,  son  pbservation'parfois  si  réelle, 
la  vie  de  ses  acteurs  si  minuticusemVnt  .parlante  ou  silencieuse. 
Et  sa  couleur,  quoique  conventionnelle,  se  joue  en  des  harmo- 
nies dorées  si  complètes.  11  peint,  dirait-on,  comme  on  improvise; 
il  a  la  touche  fondante  et  toutefois  nerveuse;  il  aime  les  vieilles 
choses  pour  leur  éclat  assourdi  et  leur  ûme  de  gloire  triste.  On 
ihe  North  Forelandet  un  portrait  constituent  son  présent  envoi. 

Herkomer  s'impose  par  de  graves  portraits  et  un  paysage  soljde 
et  fort.  C'est  de  l'art  sérieux  et  méritant.  Trop  'de  mérite  — 
ordinaire. 

Heureusement  voici  Watts.  X  la  rampe  il  étale  un  chef- 
d'œuvre  ;  A  patient  life  of  mireivarded  toil.  Cette  idée  de 
fatigue  irrécompensée,  il(t'^\prime  en  se  servant  d'un  animal,  le 
cheval,  au  lieu  de  prendre  n'importe  quel  exemple  de  labeur 
humain.  L'art  de  ce  peintre  a  ceci  de  caractéristique, 'que  toujours 
il  s'approfondit  jusqu'à  la  pensée.  Tous  ces  tableaux  en  témoi- 
gnent. 

Le  pauvre  «:  horse  »  éreinté  qu'il  a  peint  cette  année, 
cette  pauvre  bêle  de  peine,  creusée  par  ses  années  de  sér-  ' 
vice  et  si  résignée  pourtant,  si  mélancolique  et  si  seule  et  si 
muette  de  toute  révolte  devant  un  bois  de  ronces  et  de  souches, 
devient  une  synthèse  de  douleur  tranquille.  L'impression  est 
très  intense. 

M.  Watts  a  la  couleur  vinaigrée  et  Alcoolisée,  le  dessin  fruste. 
Et  ces  moyens  d'expression  presque  d'un  barbare,  mais  d'un 
barbare  très  savant,  concourent  plus  que  nuls  autres  à  fortifier 
son  art  de  vrai  Anglo-Saxon.  / 


Restent  encore  à  signaler  les  Rcid,  les  Bougthon,  les  Aumô- 
nier, toute  cette  série  de  paysagistes  d'il  y  a  quinze  ans  dont 
aucun  ne  dégénère.  On  se  demande  vraiment,  pourquoi  lesjeunes 
ne  les  continuent  pas  au  lieu  de  s'encanailler  au  Salon  de  Paris. 

Puisxencore  voici  Williequi  torche  ses  marines  habituelles  et 
Moore  qui  les  hache  et  les  casse.  A  mçtlre  à  part  le  Davy  Jones's 
Locker  du  premier. 

Les  aquarellistes  se  tiennent  mieux  dans  la  tradition  anglaise, 
quelques-unes  vont  .même  vers  les  préraphaélites,  tels  que  Cham- 
bers  et  Henry  Holiday. 

Ain  bas-relief  en  [  lâtre  de  Harry  Baies,  nous  a  arrêté  un  ins- 
tant. C'est  un  Ensevelissement  conçu  à  la  façon  des  Italiens  du 
XV*  siècle  avec  draperies  et  personnages  symétriques  à  genoux 
des  deux  cotés  du  corps  gisant.  L'ordonnance  est  simple,  naïve 
et  belle.  L'exécution  amp!e,  quoique  discrète. 

L'exarçcn  de  la  Grosvenor,  de  la  New  G(iUery,c[û(i  la  légende 
of  Briar  Rose  par  Burne  Jones,  suivra  ce  premier  compte-rendu 
d'expositons  anglaises  durant  la  présente  saison. 


L'ANCIEN  THÉÂTRE  DE  LA  MONNAIE 

On  nous  communique  le  document  ci-après,  qui  complète  celui 
que  nous  avons  publié  dans  noire  dernier  numéro,  et  qui,  de 
même  que  le  premier,  manque  a^x  pièces  recueillies  par 
M.  'Jacques  Isnardon  dans  l'intéressante  publication  qu'il  a  con- 
sacrée au  7'heiUre  de  In  Monnaie  depuis  sa  fondation  jusqu'à  nos 
jours  (1). 

Dekpar  le  Tribunal  Auliqle  de  l' Empereur  et  Roi 

Articles  additionnels  au  règlement  pour  le  maintien  de  la 
police  et  du  bon  ordre  au  Thi'dtre  de  Bruxelles  du  -21  mars  ITSf. 

Article  Premier 
Les  acteurs,  actrices  et  autres  suppôts  du  "spectacle  ne  poutre  ni 
se  tenir  dans  la  salle  pour  voir  les  rep'-ésentations.  ailleurs  que 
dans  l'un  des  ampliilhécitrcs  au  fond  du  parterre. 

II 

Aucun  acteur,  actrice,  ni  auire  suppôt  de  la  troupe  ne  pourra, 
soit  qu'il  se  trouve  dans  cet  amphithéâtre  ou  dans  les  coulisse*. 
applaudir  quelque  acteur,  qcirice,  danseur  ou  danseuse  que  ce 
soit,  ni  faire  aucune  espèce  de  bruit  ou  de  rumeur,  à  peine  d'éire 
puni  sur  le  champ  soit  par  la  prison  ou  aulremint,  selon  lexir 
gence  du  cas. 

Les  présents  articles  seront  imprimés  et  publiés  h  la  troupe  et 
resteront  constamment  atîichés  avec  le  règlement  du  "27  mars 
dernier  au  foïer  de  la  Comédie,  pour  que  personne  n'en'Lgnore. 
^  Fait  à  Bruxelles,  au  Tribunal  Aulique  de  Sa  Majesté,  le  1  sep- 
tembre 1781.  Etoit  paraphé,  le  C*  v'.  Signé  J. -F.  l'Oriyo. 

A  Bruxelles,  de  l'Imprimerie  royale. 


Mox  Cher  Directeur, 
M.  Arthur  Stevens,  d'après  ce  que  vous  m'apprenez,  so  serait 
ému,  —  pour  son  frère,  —  d'une  phrase  de  l'artitulet  que  je 
\ous  avais  envoyé  et  qui  a  paru,  dans  l'Art  M-c-ilerne,  ce  dernier 
dimanche. 

'      (1)  Voir  r^/(  wo<ff;>if  du  25  mai  dernier. 


174 


L'ART  MODERNE 


Colle  oîi  j 'écrivais  : 

«  F(5licicn  Rops  osl  Belge,  mais  habile  Paris.  Cel  arlisle  extra- 
ordinaire ne  pourrait  trouver  dans  nos  collections  publiques 
aucune  œuvre,  —  peinture,  cau-forle  ou  dessin  —  griffée  de  son 
nom.  On  lui  préfère  tes  récents  produits,  Veuves  cl  Salomés,  de 
M.  Alfred  Stevens,  le  «  peintre  de  la  Modernité  »,  n'est-cc-pas? 
qui,  lui  aussi,  tratnc  la  semelle  dans  la  Ville-Lumière.  » 

«  Qui  traîne  la  semelle  dans  la  Ville-Lumière.  » 

Mon  intention  n'était  pas  d'attribuer  à  cette  expression  un  sens 
désobligeant,  —  qu'elle  a,  paraît-il,  —  mais,  seulement,  signi- 
fier :  que,  deux  artistes,  -:—  insuffisamment  appréciés  en  leur 
patrie  —  la  quittent,  et  traînent-dans  la  grande  ville  étrangère  le 
pesant  souci  d'exilés. 

S'il  vous  plaît  en  faire  pari  à  vos  lecteurs,  ce  serait  éviter  une 
équivoque  qui,  —  je  li*  vois,  —  a  pu  contrarier  ceux  que  j'ai 
rilés. 

Et  croyez,  mon  clier  Directeur,  à  mes  cor  baux  sentiments. 

Georges  LeMmen. 


Exposition  Chappel-Kûstohs 

Les  murs  du  Ccrch'.  artistique  sont  présentement  tapissés  : 
ceux  de  la  peliJe  salle^  de  natures  mortes  signées  A.  Cbappcl,  — 
l>oissons,  gibier,  fruits,  victuailles  de  tous  genres;  ceux  delà 
grande,  do  paysages  hollandais  et  de  marines  dus  h  M.  Paul 
Kùstobs. 

Le  premier  de  ces  peintres  est  Anversois.  La  couleur  sirupeuse 
■  (le  ses  toiles,  l'absolu  manque  de  giût  qu'elles  révèlent,  éloignent 
d'uno  fabrication  qui  paraît  abonlanle.  M.  Chappol  a  une  incon- 
l 'Stable  facilité  de  brosse,  une  habileté  de  décorateur  qui  doit 
plaire  à  telle  catégorie  de  personnes  pour  qui  les  expressions  : 
sens  arlisle,  distinction,  sont  choses  inconnues. 

Le  second  semble  s,e„râltacber  à  Courlens,  dont  il  a  le  coloris 
bruyant,  les  pftles  lourdes,  la  facture  maçonnée.  Une  gaucherie 
iTailieurs  absoluè^peu  d'observations  dans  les  valeurs,  un  dessin 
insuffisant  (voir  spéciah'inenl  In  Vache  blanche),  mais  de  ci,  de 
là,  une  pointe  de  sentiment  qui  annonce,  vnguement  encore,  un 
|ieu  plus  qu'un  broyeur  de  tons  approximatifs.       ^ 

Un  venl  frais  passe  sur  les  E.^t'icades  d'Oslende,  et  tels  champs 
de  jacinthes  et  de  tuli)»es  font  espérer  un  tempérament  de  peintre. 
M.  Kuslohs  en  est,  pensons-nous,  à  ses  débuts.  Son  exposition 
ost  cî^ihotanle,  pleine  de  s'ories  cl  de  tares  que  l'expérience,  peut- 
«êire,  corrigera.  Elle  marque  tout  au  moins  beaucoup  de  bonne 
volonté,  et  le  louable  désir  d'exprimer  loyalement  les  impressions 
fugaces  de  la  nature. 


Bibliogrnjihie  musicale 

Tra«litionnellemenl,  selon  les  formules  autorisées  par  les  plus 
doctes  facultés  musical'S,  M.  Auguste  Vaslersavendls,  professeur 
au  Conservatoire  de  Mons  et  pianiste  de  valeur,  a  écrit  un  con- 
certo pourpia7w  et  orchestre  (op.  12j,  que  vient  de  publier  l'édi- 
teur Cranz,  à  Bruxelles.  L'œuvre',  pour  n'apporter  point  de  nou- 
veauté, ni  comme  forme,  ni  comme  fond,v  n'en  est  pas  moins  une 
composition  de  sérieux  mérite,  remarquablement  écrite  pour  le 
piano  dont  c\h  fait  valoir  les  ressources  multiples,  et  d'un  intérêt 
soutenu  malgré  sa^  longueur.  Elle  se  divise  en  trois  parlies,''un 


Allegro,  un  Andante  et  un  final  Vivace,  comme  tout  concerto 
qui  se  respecte,  et  chacune  de  ces  parties  développe  deux  sujets 
choisis  avec  goût  autour  desquels  rinstrumont  concertant  enroule 
la  fantaisie  de  ses  arpèges,  de  ses  traits,  de  ses  trilles,  de  ses 
gammes.  OEuvre  de  virtuose,  et,  mieux  que  cela:  œuvre  de 
musicien  consciencieux  et  habile,  rompu  au  métier,  aimant  son 
art  et  le  connaissant  à  fond.  Nous  ne  parlons  pas  de  l'orchestre, 
la  transcription  pour  deux  pianos,  qui  seule  est  éditée,  ne  nous 
permettant  pas  de  le  juger.  Nous  pensons  qu'il  serait  intéressant 
d'inscrire  ce  concerto  de  M.  Vaslersavendls  au  programme  d'un 
de.  nos  concerts  symplioniqucs,  ofi  il  tiendrait  une  place  très 
honorable. 

Du  nième  auteur,  un  ./4>idan/e  (op.  3),  extrait  d'une  sonate 
pour  piano  et  transcrit  pour. violon  et  violoncelle  avec  accompa- 
gnement de  piano.     -^.^_J^ 

EnTrance,  la  littérature  musicale  ne  chôme  pas,  cl  chaque 
semaine  voit  éclore  chez  les  éditeurs,  tout  comme  les  peintures  à 
l'huile  et  à  l'eau  dans  les  ateliers,  toute  une  floraison  d'oeuvres  et. 
d'œuvretles.  C'est,  chez  MM.  Enoch  et  Costallat,  outre  les  très- 
intéressantes  compositions  d'Emmanuel  Chabrier  dont  nous  parle- 
rons spécialement,  un  printemps  de  choses  tendres  et  souriantes, 
des  gavottes,  des  pavanes,  des  rondes,  des  chansons,  des  madri- 
gaux, sur  lesquels  des  vignettes  imprimées  en  bleu  d'azur  et  en 
rose  d'aurore,  déroulent'  de  sémillantes  théories  d'amours,  de 
papilhns,  d'hirondelles,  dans  des  forêts  de  rêve  et  des  paysages 
^•liimériques.  Les  titres?  Ils  font  la  joie  des  pensionnaires  senti- 
mentales. Voici,  parmi  les  jikis  récemment  épanouies,  quelques- 
unes  de  ces  fleurs  fragiles  :  d'André  Messager,  Neige  rose  (Armand 
Silvestre),  Chanson  mélancolique  (Catulle  Mendès),  la  Chanson 
des  cerises  (Armand  Silvestre),  toutes  trois  pour  ténor  ou  soprano, 
baryton  ou  mezzo.  De  M"«  Chaminade,  le  Madrigal  (G.  van 
Ormelingen)  que  si  joliment  chante  M"''  Dyna  Beumer  de  sa  voix 
flûiée  et  Anwurs  d'automne  (Armand  Silvestre),'  toutes  deux  pour 
les  quatre  voix  susdites  ;  puis,  pour  ténor,  i^^rfl^j/i'/^  (M""* Hameau) 
*  et  pour  baryton  les  Deax  Ménétriers  (Richepin),  De  Lacome, 
Balancelle  (Armand  Silvestre)  et  J'ai  perdu  Myrtille  (M.  Drack), 
De  Ferraris,  J'ét<iis-là  (M™*  Blanchecotte),  De  Flégier ,  Au  temps 
des  moissons  (A.  Marin). 

Pour  le  piano,  môme  végétation  touffue,  même  répertoire  de 
titres  alléchants  :  Les  Willis,  Pierrette,  Gigue  (ChaminVie); 
Menuet  rose,  Pavane,  Marche  russe  (Louis  Gaune);  Le  Refrain 
des  Braconniers  (Paul  Waclis). 

-  -  I  .  *  * 

La  même  firme  Enoch  et  Costallat  abrite  des  œuvres  d'une 
visée  supérieure,  qui,  sous  leur  apparence  frivole,  recèlent  un 
sentiment  d'arl  intense.  Ce  sont  les  hilarantes  et  ulira-fantaisisles 
compositions  d'Emmanuel  Chabrier,  qui  a  prouvé,  en  écrivant 
Gtvendoline,  que  s'il  aime  à  rire,  il  est  capable  aussi  de  faire 
œuvre  sérieuse  el  forte.  Nous  avons  signalé  déjà  la  Joyeuse 
Maïrche  pour  orchestre,  présentée  au  public  par  la  Société 
nationale,  el  dans  laquelle  le  tempérament  gavroche  de 
Chabrier  éclate  avec  une  verve,  un  humour,  une  gaieté  irré- 
sistibles. Une  série  d'œuvretles  récemment  écloses  achève  de 
caractériser  cette  curieuse  personnalité  :  la  Vilanelle  des  petits 
Canards,  la  Ballade  des  gros  Dindons,  la  Pastorale  des  Cochons 
roses,  d'une  bouffonnerie  exprimée  avec  un  art  réel,  échappent 
à  toute  classification.  Poùf  la  première  fois  pcul-élrc,  la  musique 


,/ 


r 


,..a 


gain  se  dérobe  aux  vulgaril(''s  de  l'opc'-ra-bouffc  et  rit  d'un  large 
rire  aristopliancsque  qui  (:^tonncra  quelque  peu  ceux  qui  affirment 
que  la  génération  française  aclucllo  est  pleurarde  et  funèbre. 

F-es  Cigales  (R.  Gérard),  et  Vile  heureuse  (E.  Mikhaël),  deux 
mélodies  bien  venues,  complèlcnt  le  loi  de  M.  Chabrior.  M.  Che- 
ret  a,  pour  la  Joyeuse  Marche,  les  Pelils  Canards  el  les  Gros 
Dindons,  prêté  la  collaboration  de  son  crayon  d'humoriste. 


Petite   CHROfnquE 


M.  Louis  Obozinski,  secrétaire  du  Cercle  le  Progrès,  a  eu  une 
idée  originale  cl  amus-ante  :  c'est  d'ouvrir,  l'automne  prochain,  à 
Bruxelles,  une  exposition  générale  de-  poupées.  La  poupée  à 
travers  les  âges!  La  poupée  dan^  toiile^  les  nalions!  La  poupée 
au  Japon,  la  poupée  de  Nuremberg,  la  poupée  qui  dit  papa  et 
maman,  la  poupée  contem[)oraine,  attifée  comme  une  petite  dame. 
On  pressent  le  parti  qu'il  y  aura  à  tirer  d'une  idée  de  ce  genre, 
appelée  à  faire  la  joie  dos  onfmts,  le  bonheur  et  la  sécurité  des 
familles.  L'exposition  aura  lieu  au  bénéfice  de  Y  Assiette  de  soupe 
el  de  la  Colonie  scolaire,  les  deux  œuvres  patronées  par  le 
Progrés,  et,  pour  éviter  à  l'en!re|)rise  tout  caractère  polilifjue, 
au  bénéfice  aussi  de  \' Hospitalité  de  nuit  (irés  hospitalières, 
d'ailleurs,  les  petites  dames  que  ces  poupées  font  mine  de  repré- 
senter). 

Une  tombola  sera  jointe  à  l'exposition  (et  tirée,  n'est-ce  pas,  le 
jour  de  la  Saint-Nicolas?)  Dos  représentations  de  piipazzi  auront 
lieu,  au  cours  de  l'exhibition,  cela  va  sans  dire.  Et  d'ici  là,  que 
de  projets,  de  perfoclionnemenis,  de  surprises! 


On  nous  écrit  de  Liège  : 

Un  concours  dramatique  pour  le  prix  d'honneur  a  eu  lieu 
dimanche  dernier,  à  Liégo,  entre  diverses  sociétés  d'amateurs. 
C'est  le  Cercle  dramatique  de  Schaerheek  qui  a  décroché  la.  tim- 
bale, battant  YEuterpe,  de  Bruxelles.  Les  deux  comédies  jouées 
par  le  Cercle  dramatique,  —  Le  Homard  de  Gondiiiet,  et  Les 
Vieux  Poulets  (pièce  inédite  d'un  membre  du  Cercle,  M.  Mon- 
seur),  avaient  été  mises  en  scène  par  >I.  Gariner,  —  l'excellent 
acteur  des  Galeries.  Une  artiste  avait  pris  part  b  l'interprétation  : 
M""^  Madeleine  Max.  La  Société  rivale  avait  pour  metteur  en  scène 
M.  Vcrmandele,  professeur  au  Conservatoire  de  Bruxelles,  et 
entrait  en  ligne  avec  Le  Feu  au  Couvent  et  Par  devant  Xotaire. 
Une  artiste  faisait  ég;dement  partie  dei  la  troupe  :  M"*  Andrée 
Bourgeois,  du  théâtre  Molière.  Ce  concours,  qui  clôt  une  intéres- 
sante série,  a  obtenu  beaucoup  de  succès.  La  comédie  de  .M.j.Mon- 
scur.  Les  vieux  Poulets,  a  été  surtout  très  goûtée. 


La  Société  des  grandes  auditions  musicales  donnera,  le  3  juin, 
à  rOdéon,  la  première  représentation  de  Béatrice  et  Benédicl,  de 
Berlioz,  une  des  plus  belles  œuvres  du  maître,  maisaussi'une  des 
plus  ignorées  en  France;  elle  n'a  été  jouée  qu'en  Allemagne  et, 
il  y  a  (pielques  semaines  encore,  on  la  reprenait  h  Vienne  avec 
un  très  grand  succès. 

La  vente  de  la  collection  de  M.  Porto-Riche  à  la  galerie  Georges 
Petit  a  produit  310,310  francs. 

Le  «  1814  »  de  Meis-^onier  a  été  adjugé  131,000  fr.  h  MM.  Bous- 
sod  et  Valadon,  ainsi  que  Le  Hallebardier  du  même  peintre, 
29,000  fr.  De  Th.  Rousseau,  Pécheur  levant  ses  filets,  27,400  fr., 


à  M.  Antony  Roux.  Du  même,  Les  Marais,  16,200  fr.  à  M.  de 
Monlaignac.  Corot,  Courances,  6,600  fr.  ;  Après  l'orage, 
6,700  fr.;  Daubigny,  Bords  de  l'Oise,  9,500  fr.  ;  D  az,  Vile  des 
amours,  17,500  fr.;  Ophélie,  4,400  fr.  ;  Isabey,  Seigneurs  sur 
la  plage.  H, 500  fr.  ;  Y  Enlèvement,  7,500  fr.  ;  Ch.  Jacque,  Berger 
et  son  troupeau,  5,000  fr.  ;  Ziem,  F«)iis«,  6,000  fr. 

A  propos  de  cette  vente,  .M.  Georges  de  Porto-Riche,  l'auteur 
de  YInfidéle,  vient  d'adresser  à  un  journal  parisien  la  lettre  sui- 
vante : 

«  Cher  .Monsieur, 

«  Vous  vous  trompez.  ^^  n'est  pas  moi,  mais  .M.  Edgard 
de  Porto-Riche,  qui  vient  de  vendre  à  la  salle  P«iit  sa  col'ection 
de  tableaux.  On  est  en  général  si  peu  disposi-  à  la  bienveillance 
envers  les  auteurs  soupçonnés  de  richesse  que.  je  vous  serais 
obligé  de  ne  pas  m'ailribuer  plus  longtemps  la  qualité  de  million- 
naire, dont  je  ne  fais  pas  fi,  mais  que  je  n'ai  pas,  que  je  n'ai 
jamais  eue,  el  qu'hélas  !  je  n'aurai  probablement  jamais.. 

Je  suis  un  fils  de  famille  qui  a  mal  tourné,  je  fais  des  vors  el  ji^ 
n'ai  pas  le  sou. 

Agréez,  cher  Monsieur,  l'assurance  de  ma  parfaite  considé- 
rai ion. 

Georges  de  Porto-Riche. 

La  même  vertte  a  donné  lieu  à  un  incident  curieux.  Un  amateur 
qui  posséilail  un  «  !8I4  «  du  même  artiste,  fit  annoncer  par 
le  Figaro  que  son  «  1814  >■>  n'aviiil  rien  de  commun  avec  celui 
qui  venait  d'être  vendu  à  la  giderie  Petit  (ré:erne!>  histoire 
de  Jean-Marie  Farinai.  Aussitôt,  l'attention  étant  appelée  sur 
ce  tableau,  "un  ex[  ert  pari.-iien  en  offrit  300,000  t'rancs  au 
collectionneur,  qui  s'empressa  d'accepter  ce  prix  peu  usité. 
Mais  quelle  fut  sa  surprise  en  apprenant  que  l'expert  avait 
revendu,  dans  les  huit  jours,  le  même  tableau,  830,000  francs, 
réalisant  ainsi,  sans  coup  férir,  l.i  bagatelle  de  330,000  francs! 
Du  sémilisme  en  plein,  comme  on  voit. 

Victor  Nessler,  le  compositeur  très  appla^idi  du  Trompette  de 
Sdkkingen,  massacré  par  la  troupe  de  M"^«  Marion  au  théûlre  de 
l'Alhambra,  vient  de  mourir  en  Allemagne'. 

r^ 

■  Le  Figaro  établit  le  calcul  suivant: 
Le  Salon  des  Champs-Elysées  comprend  environ  cinq  mille 

numéros 3,000 

Celui  du  Camp  de  .Mars  en  compte  quatorze  cents    .  1,400 

Les  Aquarellistes,  en  moyenne          ._ 509, 

Les  Pastellistes,  idem 300 

^L'Union  »les  Femmes     ....._ 1,000 

Les  Indépendants 1,000 

Les  expositions  particulières  de  peintres  bon  an,  mal 

an. l.OOO 

Total  effrayant.     .     .     10,400 

Cela  fait  approximativement  trois  cents  objets  plus  ou  moins 
d'art  que  les  artistes  produisent  par  jour,  sans^ompter  ceux  qu'ils 
nous  cachent. 

On  se  demande  avec  effroi  où  l'on  pourra  caser  tout  cela  dans 
quelques  années. 


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Traduit   de  1  allemand   (d après  la  5®  édition)   par 
Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8°.  l'rix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteUr  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,   fut  accueilli,  dès  son   apparition,   par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  ouvrages  d'enseignement  musical  les  plus 
estimés  en  Allemagne. 

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Dixième  année.  —  N"  23. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  8  Juin  1890. 


ésl 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédactioA  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,    un   an,    fr.   10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES   :    On   traite   à   forfait. 

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l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  rindustrie,  26,  Bruxelles. 


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Le  Tiiéatre-Liure.  —  •  Les  Revenants  »  d'Ibsen  au  Théâtre- 
Libre.  —  L"exp(isition  Raffaëlli.  —  Albert  Wolf  embêté  par 
Antoine.   —  Struggle  for   médailles.   —   Que   deviennent   les 

TABLEAUX?  CHRONIQUE   JUDICIAIRE  DES  ARTS.  PeTITE   CHRONIQKR. 


LE  THEATRE -LIE RE 

Les  lecteurs  de  Z'Ar^  »îOC?erne,  Esthètes  et  Néophiles, 
comme  nous  le  disions,  se  seront  intéressés,  nous  n'en 
doutons  pas,  aux  premiers  renseignements  que  nous 
avons  donnés  sur  le  passé,  encore  si  court,  de  cette 
audacieuse  tentative,  si  promptement  réussie. 

Continuons  cette  analyse.  Elle  vaut,  beaucoup  comme 
étude  d'un  phénomène  d'éclosion  du  neuf  dans  un  art 
spécial,  comme  leçon  triomphante  aux  Néophobes  et 
aux  Mysonéistes,  comme  encouragement  puissant  à 
ceux  qui  ne  désespèrent  jamais  de  l'En  avant  ! 

Le  Théâtre- Libre  qui,  selon  la  prédiction  d'un  Pari- 
sien autorisé,  l'Albert  WolfF  du  Figaro,  devait  baisser 
le  public  indifl'érent,  ne  trouver  aucun  écho  et  faire 
fermer  les  caisses,  amenait,  en  trois  années,  cent  vingt 
mille  francs  entre  les  mains  de  l'organisateur.  Le  bruit 
et   l'influence   s-en   répandaient    victorieusement   en 


Europe  :  à  Londres,  Bruxelles,  Berlin,  Pétersbourg,etc. 
Un  théâtre,  avec  une  organisation  analogue,  s'installait 
fructueusement  à  Berlin,  une  tentative  semblable  s'éla- 
borait en  Angleterre  au  milieu  des  sympathies  de  la 
presse  londonienne. 

Et  qu'on  ne  parle  point  de  vogue,  de  succès-  éphé- 
mère. Paris  entier  est  monté  pendant  toute  une  saison 
vers  un  théâtre  de  banlieue.  Depuis  deux  hivers,  la 
salle  des  Menus-Plaisirs  est  trop  petite  et  ne  suffit 
plus  aux  demandes.  Pour  garder  à  ces  soirées  littéraires 
leur  caractère  artistique,  on  a  dû,  chaque  saison, 
refuser  plus  de  deux  cents  souscripteurs. 

En  même  temps  que  le  Théâtre-Libre  pro.spérait,  une 
crise  sévissait  sur  les  théâtres  parisiens.  Comment 
expliquer,  sinon  par  un  universel  besoin  de  nouveau, 
q*ie  le  public,  dont  le  goût  est  si  vif  pour  le  théâtre,  ait 
déserté  de  grandes  scènes,  à  tel  point  que  plusieurs  ont 
été,  cet  hiverj'  contraintes  à  des  relâches  de  quinze  jours 
et  d'un  mois  en  pleine  saison  ? 

L'heure  n'est  plus  où  le  Théâtre-Libre  doit  seulement 
donner  à  des  jeunes  gens  la  petite  célébrité,  le  pied  à 
l'étrier.  Puisque  l'influence  de  la  maison  parait  devoir 
s'exercer  dans  l'ordre  matériel,  après  avoir  produit 
quelques  résultats  intéressants  dans  l'ordre  purement 
théorique,  il  faut  que  la  pièce  apportée  par  un  inconnu 
ne  lui  donne  .pas  seulement  la  récompense  morale  de 
Tœuvre  faite;  il  faut  que  matériellement,  en  cas  de 


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UART  MOHERNE 


succès,  elle  le  mette  en  situation  de  produire  d'autres 
œuvres. 

Longtemps,  M.  Antoine  a  cru  que  son  œuvre  reste- 
rait, en  sa  forme  actuelle,  un  simple  laboratoire  d'essai 
d'où  les  jeunes  gens,  après  avoir  appris  leur  métier, 
perfectionné  leur  art,  élargi  leur  conception,  iraient 
agir  sur  d'autres  scènes  et  remplacer  leurs  aînés 
lorsque  ceux-ci  céderaient  la  place.  Il  a  fallu  renoncer 
à  cette  utopie,  car,  et  on  doit  le  proclamer,  toute  une 
coalition  s'est  formée,  dès  les  premiers  succès,  contre  la 
tentative  naissante,  pour  lui  barrer  la  route.  Les  direc- 
teurs de  scènes  littéraires,  pour  lesquels  le  Théiâtre- 
Libre  devait  être,  semblait-il,  une  pépinière  d'auteurs 
et  de  comédiens,  une  sorte  de  Conservatoire  pratique  et 
accessible,  se  sont  déclarés,  sournoisement  ou  ouverte- 
ment, les  adversaires  de  ces  nouveaux  venus  qui  ne 
demandaient  qu'à  aller  vers  eux. 

Toutes  les  portes  se  sont  fermées  plus  hermétique- 
ment! Les  rares  essais  tentés  l'ont  été  dans  des 
conditions  qui  ne  laissaient  aucun  doute  sur  la  bienveil- 
lance^et  la  bonne  foi  des  imprésarios  non  pas  intéressés, 
mais  seulement  agacés  par  les  succès  de  plusieurs  jeunes 
auteurs,  succès  que  la  presse  commençait  à  constater 
en  les  opposant  à  des  fours  de  plus  en  plus  nombreux. 
Et  le  joli  trafic  des  mœurs  théâtrales  d'à  présent  suit 
son  cours  :  auteurs  médiocres  admis  aux  honneurs  de 
la  rampe  moyennant  des  subventions  et  des  comman- 
dites secrètes,  nouveaux  venus  dévalisés  et  contraints 
pour  être  ji)ués  à  abandonner  leurs  droits  d'auteurs. 
Les.  menaçantes  inimitiés  se  sont  accrues  à  mesure 
que  le  succès  s'affirmait  ;  alors  que  lés  sympathies  de  la 
presse  et  des  littérateurs  allaient  grandissant,  tout  ce 
qui  vit  aux  dépens  des  auteurs,  des  artistes  et  du  public, 
poursuivait  une  guerre  sourde  et  sans  relâche  contre  la , 
maison. 

Il  n'y  a  ni  grâce  ni  merci  à  attendre.  Il  faut  porter 
le  débat  devant  le  grand  public.  Il  ne  faut  pas  que, 
comme  son  aînée,  cette  génération-ci  d'hommes  de 
lettres,  désespérant  de  surmonter  tant  d'obstacles,  aban- 
donne l'art  dramatique  pour  se  rejeter  dans  le  livre  ou 
le  journal.  Il  faut  que  les  jeunes  auteurs  soient  assurés 
en  écrivant  une  pièce,  qu'elle  sera  accueillie  sans  arrière- 
pensée  dans  une  maison  devenue  leur  et  où  ils  ne  seront 
ni  dévalisés  ni  étranglés. 

Mais  expliquons  ce  que  sera  la  Salle  nouvelle. 

Elle  est  fort  bien  expliquée  dans  la  brochure  militante 
de  M.  Antoine.Cinq  planches  en  montrent  tous  les  détails. 

Il  n'y  aurait,  assurément,  aucune  nécessité  d'édifier 
une  nouvelle  salle  et  le  projet  pourrait  être,  dès  l'abord, 
taxé  d'inutilité,  si  la  construction  ne  devait  s'effectuer 
dans  des  conditions  particulières  destinées  à  en  faire  la 
salle  modèle,  conçue  normalement  et  en  vue  des 
exigences  légitimes  du  spectateur  qui  veut  et  doit 
trouver  au  théâtre  le  confortable  et  la  sécurité. 


La  forme  circulaire,  adoptée  généralement  jusqu'ici, 
condamne  les  deux  tiers  des  spectateurs  des  étages 
supérieurs  à  être  placés  littéralemélit  les  uns  en  face 
des  autres.  L'action  dramatique  ne  peut  être  suivie 
par  eux  sur  la  scène,  qu'en  tournant  péniblement  la 
tête.  Si  à  la  rigueur,  toutes  les  personnes  placées 
au  premier  rang  d'un  étage  peuvent  jouir  du  spectacle, 
les  occupants  des  trois  ou  quatre  rangs  placés  en  arrière 
sont  obligés  de  se  tenir  debout,  de  s'arc-bouter,  de  se 
pencher  dans  le  vide  pour  apercevoir  une  très  petite 
partie  du  théâtre.  On  peut  affirmer  que  dans  tous  les 
théâtres  actuels,  il  existe,  aux  deux  derniers  étages, 
une  série  de  places  d'où  l'on  ne-  voit  absolument  rien. 

On  peut  avancer  sans  se  tromper  que  sur  douze  cents 
personnes,  il  y  en  a  six  cents,  trois  cents  à  droite,  trois 
cents  à  gauche,  qui  ne  voient  pas  le  spectacle  dans 
son  intégralité.  Tout  l'art  des  décorateurs,  toute  la 
partie  pittoresque  du  spectacle^est  perdue.  Un  tiers  de 
la  salle  n'entend  pas. 

•    La  forme  circulaire  d'une  salle  de^  théâtre  est  donc 
contraire  à  une  représentation  rationnelle. 

Le  spectateur  mal  placé  est  encore  plus  mal  installé , 
dans  "des  sièges  étroits,  chauds,  poussiéreux,  incom- 
modes, d'accès  difficile.  Les  couloirs  de  dégagement 
sont  encombrés  par  les  vestiaires,  desservis  par  un 
personnel  besoigneux,  âpre,  agaçant,  despotique.  Si, 
l'entr'acte  se  prolongeant,  on  éprouve  le  besoin  de 
remuer,  de  fumer,  de  se  rafraîchir,  il  faut  sortir,  piéti- 
ner sous  le  péristyle,  et  aller  faire,  dans  les  courants 
d'air,  provision  de  rhumes  et  de  bronchites. 

Ces  désagréments  se  paient  très  cher.  Les  bourgeois, 
les  petits  commerçants,  les  ouvriers,  sont  tout  à  fait 
exclus  du  théâtre.  Les  débours  actuels  d'une  soirée  au 
spectacle  représentent,  pour  la  grosse  moyenne  du 
public,  deux  ou  trois  journées  de  travail. 

Nous  irons  encore  longtemps  avec  les  immeubles 
actjiels  qu'il  faudrait  reconstruire  de  fond  en  comble. 
Un  directeur  bien  intentionné,  après  avoir  pris  posses- 
sion d'une  salle  existante,  ne  peut  réaliser  que  d'insi- 
gnifiantes améliorations,  Si  les  fauteuils  sont  mieux 
rembourrés,  il  ne  saurait  les  déplacer,  et  s'il  peut  poser 
de  meilleurs  tapis,  il  lui  est  impossible  d'élargir  les  cou- 
loire  ou  d'aérer  les  loges. 

Une  tentative  nouvelle  ne  sera  donc  absolue,  com- 
plète, satisfaisante,  qu'en  partant  tout  de  suite  et 
inexorablement  de  ce  principe  :  édifier  une  salle  de 
théâtre  pour  le  spectateur  le  plus  mal  placé  de  cette 
salle.  C'est  ce  millième  auditeur  qui  doit  nous  occuper. 
Et  non  seulement  il  faut  lui  donner  un  fauteuil  où 
il  puisse  s'asseoir,  où  il  lui  soit  possible  d'arriver  sans 
se  briser  les  rotules,  mais  il  faut  placer  le  spectacle 
qu'il  vient  voir,  en  face  de  lui,  et  nbn  à  sa  droite  ou 
à  sa  gauche.  Si  l'on  maintient  les  galeries  dans  la 
forme  actuelUe,  c'est-à-dire  si  Ion  place  l'auditeUr  au 


u 


dessus  du  tableau  qu'il  paie  pour  voir,  il  ne  pourra, 
même  placé  de  face,  que  contempler  le  plancher  du 
théâtre  ou,  s'il  est  aux  deux  derniers  étages,  le  crâne  et 
la  raccourci  des  acteurs.      •*™ 

On  a  donc  été  amené  à  supprimer  les  galeries  et 
toutes  les  places  de  côté,  loges,  baignoires  ou  pourtour. 
C'est  le  principe  même  du  théâtre  de  Bayreuth.  i^ 

On  a  fractionné  les  foyers,  de  manière  que  les  spec- 
tateurs de  la  partie  inférieure  aient  à  leur  disposition, 
les  uns  à  gauche,  les  autres  à  droite,  deux  vastes  pro- 
menoirs, d'accès  facile.  La  partie  supérieure  de  la  salle 
a  été  organisée  de  la  même  façon.  Ainsi  on  n'aura  plus  la 
cohue  formée  par  le  public  affluant  dans  un  unique  salon. 

Des  fumoirs  aérés,  une  salle  de  correspondance,  un 
salon  de  lecture  pour  les  journaux  du  soir,  sont  aména- 
gés ainsi  que  des  cafés.  On  pourra  se  rafraîchir,  écrire 
un  mot,  télégraphier  ou  téléphoner,  fumer,  sans  quitter 
le  théâtre,  sans  affronter  le  contrôle  et,  dans  la  saison 
rigoureuse,  sans  exposer  sa  vie  pour  un  mazagran. 

Un  local  particulier  sera  mis  à  la  disposition  de  la 
Presse.. 

La  suppression  des  vestiaires  actuels  s'imposait.  Le 
système  le  meilleur  consisterait  à  laisser  le  spectateur 
possesseur  de  ses  objets  de  toilette.  Le  fauteuil  même, 
aménagé  spécialement,  servirait  de  vestiaire.  On  pour- 
rait se  vêtir  et  se  dévêtir  dans  la  salle.  Le  modèle-type 
sera  mis  au  concours. 

Le  spectateur,  s'il  ne  s'est  pas  muni  d'un  billet  dans 
la  journée,  soit  par  correspondance,  soit  par  le  télé- 
phone, recevra,  en  se  présentant  au  guichet,  un  ticket 
numéroté.  Un  système  de  numérotage,  par  rang  et  non 
par  catégories  de  places,  permettra  à  chacun,  au  simple 
vu  du  ticket,  de  connaître  l'emplacement  exact  de  son 
fauteuil. 

M.  Antoine,  fidèle  à  son  programme,  a  voulu  que  le 
plan  de*  cette  salle  et  son  exécution  matérielle  fussent 
Confiés  à  un  jeune  architecte  désirant  faire  ses  preuves 
et  affirmer  les  tendances  nouvelles.  M.  Henri  Grand- 
pierre  s'est  chargé  de  ce  soin  et,  s'adjoignant 
MM.  Alexandre  Charpentier,  sculpteur,  et  ^Ibert  Vail- 
lant, pour  la  partie  mécanique,  il  a  établi,  rendu  pra- 
tiques et  scientifiquement  réalisables  les  projets  conçus. 

Les  plans  et  les  calculs  techniques,  soumis  à  l'appré- 
ciation de  M.  Eiffel,  ont  été  reconnus  absolument  réali- 
sables. 

Un  plafond  mobile  assurera  l'aération  de  la  salle  dans 
des  conditions  inconnues  jusqu'ici  et  permettra  d'ac- 
complir, au  soleil,  dans  la  lumière  et  l'air  respirable, 
le  long  travail  des  répétitions  journalières  qui  s'effectue, 
on  le  sait,  dans  les  théâtres  actuels,  au  milieu  d'une 
atmosphère  viciée,  dans  une  vague  et  fatigante  obscu- 
rité. 

Dans  notre  prochain  numéro,  nous  parlerons  de  la 
troupe  et  du  programme. 


((  LES  REVENANTS  »  D'IBSEN  AU  THEATRE  LIBRE 

Toute  la  presse  parisienne  constate  le  nouveau  et  éclalpnt  suc- 
cès de  M.  Antoine.  11  a  oaé  une  fois  de  plus.  11  a  osé  représenter 
les  Revenants  du  Norvégien  Ibsen,  qu'assurément  MM.  Alexandre 
Dunïfls  (le  fils),  Victorien  Sardou  et  Emile  Augier  ont  déclaré,  ou  dû. 
déclarer,  ou  auraient  déclaré  «  injouable,  impossible,  insuppor- 
table »  en  France.  Leur  fameuse  consultation  triple  sur  la'  Puis- 
sance des  Ténèbres  de  Léon  Tolstoï,  si  magistralement  camoufletée 
par  l'événement,  a  besoin  d'un  pendant. 

L'interprélat1t)n  des  Revenants  a  été  une  des  plus  belles  dont 
le  régalait  encore  été  donné  chez  M.Antoine.  Sans  entrer  dans  le 
détail,  on  peut  la  caractériser  par  un  mot  qu'a  dit  un  compatriote 
d'Ibsen  : 

«  J'ai  vu  la  pièce tf!openhague,  à  Londres,  à  Christiania.  Eh 
«  bien  !  on  ne  la  joue  ici  ni  comme  en  lîanemark,  ni  comme  en 
«  Angleterre...  On  la  joue  comme  la  jouent  en  Norvège  les 
«  artistes  norvégiens.  » 

N'est-ce  pas  le  plus  bel  éloge  qu'on  puisse  adressera  M"""''  Bar- 
ny,  Luce  Colas,  MM.  Antoine,  Arquillière  et  Janvier;  et  —  si  l'on 
considère  que  ces  vaillants  artistes  ont  créé  de.  toutes  pièces  des 
personnages  dont  ils  n'avaient  jamais  oui  parler  —  la  plus  écla- 
tante sanction  de  la  théorie  d'Ibsen  sur  les  revenants? 

Il  n'est  pas  inutile,  pour  marquer  que  désormais  le  Théûlre-Libre 
va  de  succès  en  succès,  d'ajouter  que  le  drame  norvégien  était 
accompagné  d'une  fantaisie  ultra-parisienne,  la  Pêche,  un  acte 
d'une  noire  et  féroce  ironie,  dont  le  comique,  suivant  la  pitto-. 
resque  expression  de  M.  Rodolphe  Darzens,  vous  arrache  le  rire 
avec  des  tenailles,  et  où  se  retrouvent  les  qualités  d'observation 
sagace,  la  rigoureuse  logique  et  l'esprit  à  l'emporle-pièce  do 
M.  Henry  Céard. 

C'est,  avec  la  fantaisie,  d'un  tour  analogue,  de  MM.  Paul  Ginisty 
et  Jules  Guérin,  les  Tourtereaux,  que  nous  avons  entendus  à 
Bruxelles,  ce  qui  a  été  joué  de  plus  intense,  conrnie  pièce  en  un 
acte,  au  Théâtre-Libre.  MM.  Antoine  et  Ponsard,  M""  Henrion, 
France  et  la  petite  Laùr'ence  la  rendent  admirablement. 


L'EXPOSITION  RAFFAÊLLI 

{Correspondance  spéciale  de  l'Art  .moderne). 

En  celte  même  salle  du  boulevard  Montmarlie,  où,  roT^iois  qui 
fut,  Camille  Pissarro  nous  livra  des  chefs-d'œuvre,  c'est,  depuis 
quelques  jours,  Raffaëlli. 

*"  Ces  deux  Frères  se  sont  retirés  là,  loin  des  profanes  cxi-Iama- 
lions,  pour  la  seule  joie  des  seuls  artistes.  ; 

El  tandis  que  les  expositions  eiffelesqucs  attirent  la  Mode  au 
Champ-de-Mars,  aux  Champs-Elysées,  voire  au  Palais  où  pas-a 
un  mois  ce  groupe  bizarre  dit  :  Indépendant,  les  quchiues  lo'les 
de  Raffaëlli  apparaissent  très  curieuses,  surtout  curicues. 

De  cet  artiste,  je  ne  dirai  pas  :  c'est  un  grand  ptintic!  car  il 
n'apporte  pas  une  de  ces  particularités  qui  classent  les  hommes 
très  haut  entre  tous,  mais  son  talent  est  intéressant  par  quc!(|uos 
façons  de  voir  spéciales.  Il  n'est  pas  un  chef  d'école,  mais  il  esl, 
certes!  un  des  triumvirs  de  l'impressionnisme  :  aux  côtés 
de  Camille  Pissarro  et  de  Claude  Monet,  il  conserve  quelque  pou 
la  tradition.  Est-ce  pour  cela  qu'il  me  semble  inférieur  à  ses  deux 


frères?  Cependant,  si  l'on  base  les  degrés  du  talent  des  hommes  ^ 
sur  ce  que  leur  personnalité  ajoute  aux  siècles  précédents,  on  doit 
convenir  que  les  novateurs  sont  Pissarro  et  Claude  Monel.  Supé- 
rieur, ceMonet  violent  et  âpre  et  ce  Pissarro  lumineux  et 
immense!  Raffaëlli  est  leur  trait  d'union  ;  il  les  a  subis  dans  leurs 
emporiemenls  et  s'est  efforcé  de  les  rendre  élastiques  par  son  pin- 
ceau. 

Je  ne  m'inquiète  pas  de  savoir  si,  Instoriquement,  l'un  a. pré- 
cédé l'autre  sur  le  chemin  de  l'impressionnisme  :  cela  importe 
peu!  Les  tableaux  de  Millcl,  en  effet,  ne  laissaient-ils  pas  entre- 
voir une  tendance  au  pointillé?  et  depuis  Corot,  la  recherche  du 
vrai  jour  ne  sourdait-elle  pas?  Eh  bien,  doit-on  considérer  ces 
doux  nobles  artistes  comme  les  créateurs  de  l'impressionnisme? 
—  La  réponse  est  dans  le  saisissement  que  l'on  éprouve  la  pre- 
mière fois  que  Pissarro  se  révèle.  Un  naïf  qui  voit  MilletyJ^k^t, 
Courbet,  même  Moreau,  trouvera  beau  ou  laid,  l)ien  ou  mal  ;  mais^ 
conduisez-le  devant  un  Puvis  de  Chavannes,  un  Manet,  un  Pis- 
sarro, il  s'écriera  :  «  Tiens!  je  n'ai  jamais  vu  ça!...  C'est  un  fou, 
n'est-ce  pas?  qui  l'a  peint?  ». 

Je  veux  bien  convenir  que  je  suis  comme  «e  naïf.  Je  n'ai  pas 
pensé  un  seul  moment  que  M.  Raffaëlli  soii  fou  et  je  conclus  à  son 
infériorité. 

D'autant  plus  dur  envers  ce  peintre  qu'il  me  semble  s'êire  assi- 
milé Monet  et  Pissarro,  en  tout  ce  que  ceux-ci  ont  de  fou,  pour 
faire  de  sa  personne  un  fou  trop  raisonnable. 

C'est  bien  la  confusion  crispée  des  rameaux  de  Monet  que  celle 
des  arbres  (paysage  8)  émergeant  d'un  talus  terne  en  un  temps 
sombre,  mais  la  crispation  des  taches  ne  se  recroqueville  pas 
comme  chet  Monet,  au  contraire  !  les  arbres  portent  droites  et 
longues  leurs  branches  sèches.  Cjest  bien  aussi  l'influence  de  Pis- 
sarro qui  incita  Raffaëlli  aux  incohérents  pointillés  de  cette  place 
de  bourgade  (n°  15)  où  passent  —combien  quoites!  — deux  cui- 
sinières... —  Oh  Pissarro!  vous  n'avez  pas  ces  cuisinières!  Elles 
sont  très  accortes  quoique  un  peu  indécises,  avec  de  la  vie  très 
confuse  sous  les  jupes.  Vous  ne  peindrez  pas  non  plus  ces 
ouvriers  solides,  ce  coupeur  de  bois  (n"  2)  aux  forme»  observées, 
précises,  ni  le  cordonnier  ambulant  qui  travaille,  celui-là,  tandis 
.que  tant  d'autres  feignirent  de  travailler. 

J'insiste  sur  celte  note-ci,  :  Raffaëlli  reste  le  peintre  des 
ouvriers.       ,  ' 

Avec  quelle  rudesse  il  les  campe  !  Son  crayon  cingle,  en  des 
hachis  serrés,  d'où  naît,  minutieusement  ressentie,  l'intimité  des 
pnolétaircs. 

Comme  tout  cela  est  aigu!  J.-K.  Huysmans  a  dû  rêver  ses 
œuvres  peintes  ainsi. 

Certes,  Raffaëlli  eût  mieux  illustré  A  Rebours  que  Lucrèce 
Borgia  :  car  je  les  trouve  très  quelconques,  simplement  gauches, 
les  dessins  qui  avoisinenl  des  toiles  étonnantes.  J'ai  eu  le  regret 
de  leur  préférer  Forain.  Néanmoins,  une  pochade  est  très  impres- 
sionnante :  c'est  une  brasserie  sinistre  où  titubent  deux  soldats 
près  de  la  catin  déhanchée  —  ce  fut  torché  avec  de  la  vomissure 
d'ivrogne;  l'atmosphère  en  est  empoisonnée,  blafarde. 

Non  loin  contrastent  les  deux  chefs-d'œuvre  de  cette  Exposi- 
tion :  fleurs  et  grappes  superbes,  riches  d'odeur  et  de  saveur  par 
l'intensité  troublante  des  couleurs.  Je  n'aime  guère  la  «  peinture 
de  fleur  »,  ce  ||<;nre  étant  resté  l'apanage  des  demoiselles  et  des 
commerçants,  mais  je  fais  une  enthousiaste  exception  pour  celles-ci 
et  pour  une  rose  (d'un  peintre  peu  connu)  restée,  malgré  le  temps, 
très  parfumée,  en  un  coin  du  musée  de  Lyon. 


Mais,  quel  que  soit  le  talent  qu'on  y  dépense,  la. peinture  de 
fleurs  ne  vaudra  jamais  le  paysage,  aussi  m'attarderai-je  sur  deux 
tableaux  où  Raffaëlli  a  mis  le  meilleur  de  son  art  :  or,  le  dessin  en 
est  impeccable,  l'exécution  profondément  fouillée,  mais!  la  clarté 
en  est  terne. 

M.  Raffaëlli  n'a  jamais  vu  le  soleil.  Quelle  vie  d'éternels  cré- 
puscules! 

Et  voici  —  encore  et  toujours  !  —  l'obsession  de  Pissarro  :  ce 
dernier  regorge  d'éclats  chauds  dont  les  lointains  fuient,  intermi- 
nables; des  taches  mises  en  harmonie  jaillissent  :  senteur,  fraî- 
cheur, rudesse,  sainteté  de  la  terre  sous  un  ciel  qui  est  le  ciel. 
Contre  lui  la  multiplicité  des  moyens  matériels  :  il  est  monotone. 
Ce  défaut  Raffaëlli  l'évite,  et  fort  naturellement,  d'ailleurs.  Je 
l'explique  :  Raffaëlli  voit  le  détail,  Pissarro  aperçoit  l'ensemble. 

Quelle  merveille,  ce  premier  plan  d'un  paysage  des  environs 
de  Paris  —  carrefour  de  routes  jaunâtres  ravagées  par  les  ornières  , 
où  s'enfonce  un  paysan  tranquille  (n°  12)!  —  Mais  comme  ce 
premier  plan  est  écrasé  par  le  lointain  !  Comme  le  jour  est  cré- 
pusculaire! C'est  à  ce  tableau  qu'il  faudrait  l'ampleur  rayonnante 
de  Camille  Pissarro! 

De  celui-ci,  je  regrette  encore  les  gouaches  dont  des  foules  se 
meuvent,  lorsque  je  considère  le  champ  de  course  où  Raffaëlli  a 
étalé  une  série  de  taches  ternes  sans  mouvements  et  d'une  obser- 
vation factice. 

C'est  là  un  reproche  qui  ne  naît  pas  souvent  lorsqu'on  étudie 
Raffaëlli;  cet  artiste  est  un  consciencieux,  un  chercheur,  un  tra- 
vailleur. D'un  talent  incontestable,  il  doit  plaire  davantage  aux 
«  gens  du  métier  »,  mais  pour  nous,  lettrés  préoccupés  simple- 
ment de  l'impression  et  de  la  suggestion  des  peintures,  enchantés 
plutôt  par  la  violence  des  procédés  et  des  sensations  que  par  la 
précision  et  la  science  du  peintre,  Raffaëlli  sera  le  peintre  esti- 
mable  

P.Marids  André. 


ALBERT  WOLFF  EIIBËTË  PAR  ANTOIIVË 

Danst?  brochure  rouge  du  Théâlre-Libreest  insérée  —  nous 
l'avons  reproduite  (1)  —  l'outrecuidante  réponse  de  M:  Albert  Wolff 
à  M.  Antoine,  qui  sollicitait  naïvement  de  ce  chroniqueur  sémite 
dix  lignes  de  publicité  gratuite  en  faveur  de  son  entreprise  artis- 
tique. La  publication  de  celle  lettre  irrite  le  journaliste,  qui  se 
venge  en  déversant  sur  la  têie  d'Antoine  une  hottée  d'insultes 
dans  un  Courrier  de  Paris  figarcsque  paru  le  28  mai  :  «  M.  Antoine 
veut  un  vrai  théâtre,  qui  ouvrirait  ses  portes  toutes  grandes 
vers  les  huit  heures  du  soir.  Le  malheureux  ne  pense  pas  que 
du  moment  où  4e  Théâlrc-Librc  cessera  d'être  une  sorte  de 
scène  secrète  où  l'on  peut  tout  se  pcrmeilrc,  il  perdra  du  coup 
ce  qui  a  fait  son  succès  ;  il  semble  qu'en  dehors  du  public  des 
raffinés  qui  pardonnent  tout  au  talent,  et  de  dépravés  qui,  pour 
cent  francs,  se  paient  le  malin  plaisir  de  voir  d'honnêies  femmes 
sourire  devant  des  mots  qui  souvent  feraient  rougir  un  régi- 
ment de  cuirassiers,  il  y  a  un  autre  public,  celui  qui  alimente  les 
autres  théâtres,  qui  sifflerait,  dans  sa  naïveté,  ce  qu'on  applaudit 
au  boulevard  de  Strasbourg,  et  qui  casserait  les  banquettes  si  on 
représentait  devant  lui  Lucie  Pellegrin  ou  la  Marmite.  »  Et 
ceci  :  «  Pour  les  quelques  soirées  intéressantes  où  le  talent  véri- 

(1)  Voir  notre  dernier  numéro. 


;  ■■ 


lable  s'est  produit  sur  son  ihéûlre,  on  lui  a  pardonné  d'en  avoir 
fait  si  souvent  une  simple  boîte  à  ordures  ». 

A  ces  phrases  qui  appellent  les  coups  de  bottes,  M.  Antoine 
s'est  contenté  de  répondre  en  rappelant,  dans .  un  interview, 
l'incurable  ignorance  du  vieux  chroniqueur,  qui  n'a  jamais  su 
prévoir  un  avenir  d'artiste  et  qui,  toute  sa  vie,  a  bavé  sur  les 
jeunes  gloires  qu'il  avait  mission  d'appi-écier. 

«  Je  comprends  qu'il  ne  soit  pas  content.  J'ai  prouvé,  en  effet, 
que  cet  homme  qui  a  eu  de  l'esprit  en  1860,  a,  il  y  a  trois  ans, 
manqué  non  seulement  de  flair,  —  ce  qui  n'est  pas  un  crime,  — 
mais  encore  de  cette  bonne  et  simple  bienveillance  qui  doit  être 
l'apanage  des  riches.  Le  Théâtre-Libre  avait  besoin,  pour  ouvrir, 
de  sept  à  huit  mille  francs.  J'avais  publié  une  petite  brochure 
bleue  où  j'exposai  mes  vues  et  mes  ambitions  désintéressées  ;  je 
demandai  à  M.  Wolff  dix  lignes  de  publicité  dans  une  de  ses  chro- 
niques pour  attirer  l'attention  s)jr  cette  brochure;  je  ne  souhai- 
tais qu'une  chose  :  qu'on  la  lût.  J'étais  très  jeune,  —  et  combien 
plus  naïf!  — je  me  figurais  niaisement  qu'il  suffirait  de  ces  dix 
lignes  signées  Wolff  pour  que  Tout-Paris  dévorât  mon  projet. 
M.  Wolff  n'a  pas  voulu  les  écrire...  Il  a  bien  fait,  sans  doute, 
puisque  j'ai  réussi  sans  lui,  —  cl  que  j'ai  pu,  il  y  a  un  mois  à 
peine,  monter  une  pièce  de  son  neveu,  M.  Pierre  Wolff.  Mais  j'ai 
bien  le  droit  de  rappeler  qu'il  a  refusé  de  ra'aider,  et  que,  pour 
éviter  un  conflit  d'attributions,  il  m'a  renvoyé  à  Vitu  et  à  Sarcey  ! 
Il  aurait  bien  pu,  alors,  pour  demeurer  logique,  et  gardant  jus- 
qu'aujourd'hui ce  scrupule  très  légitime,  ne  pas  me  consacrer,  à 
quatre  reprises  différentes,  deux  cent  cinquante  lignes  d'injures, 
moitié  pour  mon  compte,  moitié  à  mon  œuvre,  que  je  ne  lui 
demandais  plus... 

«  On  finira  par  croire  que  M.  Wolff  porte  bonheur  à  ceux  qu'il 
délaisse  et  à  ceux  qu'il  dénigre.  Masseuel  ne  va  pas  mal,  Manet, 
dit-on,  entrera  au  Louvre,  et  Zola  à  l'Académie,  —  n'en  déplaise 
^  son  vieux  adversaire.  Le  Théâtre-Libre  ne  peut  que  se  montrer 
flatté,  en  somme,  d'avoir  sa  place  dans  cette  <<  galerie  des  éreintés 
de  M.  Wolff  »;  la  compagnie  n'est  pas  pour  lui  déplaire...  » 

Et  celte  conclusion  : 

«  .M.  Wolff  a  manifesté  une  fois  de  plus  qu'il  est  ,fermé  k  la 
compréhension  de  certaines  choses  et  qu'il  est  irèp  «  vieux  »  pour 
les  apprendre. 

«  Je  suis  un  «  cabot  »,  c'est  vrai,  mais  un  cabot  qui  adore  le 
théâtre,  la  vérité,  la  nouveauté,  un  cabot  qui  n'a  pas  l'amour  du 
lucre,  et  qui  trouverait  plus  simple,  s'il  était  vraiment  intéressé, 
d'entrer  demain  dans  un  théâtre  où  il  gagnerait  le  triple  de  ce  que 
lui  rapporte  sa  modeste  direction  d'un  théâtre  sans  troupe,  sans 
salle,  hélas,  sans  capitaux  ! 

M  Le  Théâtre-Libre  ouvrira  en  plein  boulevard,  au  nez  et  à  la 
barbe  de  M.  Wolff,  malgré  lui,  malgré  de  tout-puissants  adver- 
saires, malgré  les  directeurs  jaloux,  les  vaudevillistes  aux  abois, 
les  «  maîtres  du  théâtre  »  qui  sourient  ou  qui  ragent;  il  ouvrira 
sans  subvention  de  l'Etat,  avec  le  million  de  souscriptions  dont  je 
suis  déjà  assuré,  et  avec  l'autre  million  tout  prêt;  il  ouvrira  parce 
qu'il  est  utile,  indispensable,  parce  que  le  public  l'attend,  l'exige, 
parce  qu'il  y  a  plus  de  jeunes  que  de  vieux,  et  parce  que  rien  ne 
peut  arrêter  la  poussée  des  jeunes  sèves;  il  ouvrira  et  il 
triomphera,  enfin,  juslemenu  parce  que  M.  Wofff  lui  a  jeté  un 
sort  !  » 

•    Et  sur  une  riposte  de  s»n  adversaire,  M.  Antoine  le  cloue  au 
mur  d'un  coup  droit,  en  exhumant  les  extraits  Suivants  qu'il" 
encarte  dans  une  lettre  adressée  à  l'Echo  de  Pans  .- 


«  M.  Albert  Wolff  a  écrit  ceci  : 

«  Ma  curiosité  a  glissé  ces  jours-ci  dans  une  flaque  de  boue  cl 
de  sang  qui  s'appelle  Thérèse  Raquin.  Enthousiaste  des  crudités, 
il  (M.  Zola)  a  publié  déjà  la  Cofifession  de  Claude,  qui  était  l'idylle 
d'un  étudiant  et  d'une  prostituée  :  il  voit  la  femme  comme 
M.  Manet  la  peint,  couleur  de  boue  avec  des  maquillages  roses. 
Je  ne  sais  si  M.  Zola  a  la  force  d'écrire  un  livre  fin,  délicat, 
substantiel  et  décent.  11  faut  de  la  volonté,  de  l'esprit,  des  idées 
et  du  style  pour  renoncer  aux  violences,  mais  je  puis  déjà  indi- 
quer à  l'auteur  de  Thérèse  Raquin  une  conversion...  »  {Figaro 
du  23  janvier  1868.) 

Dans  la  suite  de  l'article,  M.  Albert  Wolff  proposait  à  M.  Emile 
Zola  l'exemple  de  M.  Jules  Claretie,  qui  venait  de  publier  un 
volume... 

M.  Wolff  décocha  à  Massenel  une  grêle  de  traits  envenimés. 
Dans  le  Figaro  du  4  février  1868,  une  colonne  de  plaisanteries 
déplacées.  ,11  y  eut  une  réponse  de  M.  Massenel,  alors  débutant, 
et  tout  un  incident  de  presse  qui  se  termina  par  une  lettre  de 
M.  Théodore  Dubois,  dont  voici  la  conclusion  {Figaro  du  9  février 
1868)  : 

«  Le  public  qui  vous  lit  dit  en  se  frottant  les  mains  :  Ah  !  ah  I 
ce  Wolff  est  vraiment  très  drôle,  mais  il  n'est -nullement  rensei- 
gné sur  la  valeur  de  l'œuvre;  et  vous,  Monsieur,  vous  jetez,  de 
gaieté  de  cœur,  le  découragement  dans  l'esprit  d'un  jeune  compo- 
siteur qui  peut  avoir  du  talent  et  de  l'avenir.  » 

Lors  de  l'apparition  des  Troyens  de  Berlioz,  M.  Albert  Wolff 
écrivait  :  ' 

«  Ces  hommes-là  doivent  tomber  sous  le  ridicule,  et  si  le  ridi- 
cule lue  encore  en  France,  l'auteur  des  Troyens  n'a  plus  qu'à 
s'occuper  d'un  joli  petit  monument.  »(^flin;a«Jie  du  7  novembre 
1863.)    •  ■ 

El  encore,  lors  du  Vaisseau- Fan  tome  de  Wagner  : 

«  Tout  ceci  ressemble  furieusemenl  au  Compositeur  toqué,  une 
des  plus  délicieuses  folies  d'Hervé.  »  {Figaro  du  4  février  1868.) 

Après  cela,  M.  Albert  Wolff  n'a  plus  répliqué:  El  il  n'y  avait  rien 
à  répondre.  Il  est  bon  que  ces  choses  soient  connues  ;  car  en 
Belgique  nous  avons  aussi  nos  Albert  Wolff.  Puissie  la  cinglante 
leçon  que  vient  d'administrer  Antoine  à  leur  proto-type  leur 
être  salutaire  à  tous.  Ainsi-soil-il. 


i 
STRUGGLE  FOR  MEDAILLES 

La  distribution  des  médailles  aux  peintres  du  Sîlon  suggère  à 
Raoul  Ponchon,  de  Gil  Blas,  quelques  réflexions  vraiment  amu- 
santes : 

Au  Palais  de  l'Industrie,  on  va  décerner  des  médailles  aux 
rares  peintres  qui  n'en  ont  pas  encore.  On  fera  monter  d'une 
classe  ceux  qui  en  ont  déjà.  Ainsi  ceux  qui  ne  sont  que  mention- 
nés honorablement  auront  droit  à  la  troisième  classe.  Les  troi- 
sième classe  seront  médaillés  de  seconde  classe,  et  les  seconde 
classe  hurleront  après  la  première.  Tel  est  le  principe  de  la  pein- 
ture. Quand  un  peintre  n'a  plus  rien  à  souhaiter  comme  récom- 
pense, il  ne  veut  plus  entendre  parler  de  médailles  —  pour  les 
autres  —  et  va  au  Champ-de-Mars,  où  il  continue  son  commerce. 
Telle  est  la  règle. 

On  pourrait  croire  que  la  première  médaille  est  le  dernier  cri 
de  l'ambition  de  ces  messieurs?  Pas  du  tout.  Il  y  a  encore  la 
médaille  d'honneur,  qui  leur  est  une  sorte  de  bâton  de  maréchal. 


182 


L'ART  MODERNE 


Ils  n'y  arrivenl  pas  lous,  mais  tous  en  sonl  frappés.  Il  faut  bici) 
l'avouer,  on  peinture  comme  en  autre  cliose,  il  y  a  des  crétins. 
Ceux-là  n'arrivent  jamais  ([u'à  la  première  médaille.  Ainsi,  il  est 
probable  que  Meissonier  a  du  génie,  et  qu'il  a  eu  la  médaille 
d'honneur?  Oui.  Je  consulte  les  catalogues  de  n'importe  quel 
siècle,  et  je  vois  qu'il  l'a  eue!  Aussi  expose-t-i^au  C!'amp-de- 
'Marsel  vend-il  850,000  francs.  Tout  est  là. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  celte  barbe  qui  marche,  la  médaille  d'hon- 
neur resplendit  comme  un  astre,  et  quelques  vieux  présomptueux 
vont  tantôt  s'y  brûler.  11  y  a  comme  cela,  tous  les  ans,  quelques 
m'as-tu  vu  de  la  peinture,  qui  sonl  désignés  par  leurs  confrères 
comme  étant  mûrs  pour  affronter  leur  suffrage,  d'autres  qui  se 
désignent  eux-mêmes  pour  l'affronter  pareillement. 

Voici  déjà  plusieurs  années  que  M.  Benjamin  Constant  la  rate. 
11  est  certain  qu'il  l'aura  un  jour  ou  l'autre.  Il  suffit  de  le  vouloir 
ardemment.  Il  y  a  des  insectes,  dit  Michelct,  qui  n'ont  d'ailes  que 
parce  qu'ils  (/c'sù'CH/ voler! 

Quand  on  m'a  dit  que  M.  Henner  éiail  sur  les  rangs,  on  m'a 
beaucoup  surpris.  Je  pensais  qu'il  était  médaillé  d'honneur  depuis 
l'annexion.  Il  faut  la  lui  donner  aussi,  à  lui,  la  médaille,  puisqu'il 
n?  l'a  pas  et  avant  qu'il  ne  fasse  plus^mauvais.  Ah  bien  !  si  l'on 
l'accroche  à  un  de  ces  deux  navets,  elle  lui  ira  comme  un  faux-col 
h  un  canard,  je  vous  en  réponds.  Vous  les  avez  vues  les  deux 
blafardcurs  que  M.  Henner  expose  celte  année?  C'est  fichu  comme 
l'as  de  pique.  Ça  n'est  ni  dessiné,  ni  peint.  On  ne  sait  quelle 
margarine  il  emploie  pour  cuisiner  ses  portraits.  11  les  vend  pour- 
tant comme  du  beurre  aux  Américains.  Il  est  vrai  que  ce  sonl  des 
ânes  on  art  et  qu'ils  achètent  indifféremment  des  Millet  et  des 
Rosa  iîonheur,  la  vieille  chocolatière.  Si  l'on  doit  donner  la  mé- 
daille à  rancienneté,  M.  Henner  a  des  chances.  Il  a  de  nombreuses 
afinécs  de  service,  quinze  campagnes,  six  bfessures  el  une  cita- 
lion  à  l'ordre  du  jour. 

Deux  paysagistes,  MM.  P'rançais  et  /Jarbrep\gnKS,  concourent 
également.  Doit-on  donner  la  médaille  à  un  paysagiste?...  Telle 
est  la  question  surannée  que  l'on  va  vous  poser.  On  disait 
naguère  :  Doit-on  décorer  un  comédien?  Maintenant  que  la  déci- 
sion est  prise,  on  en  décore  un  par  jour.  Donnez  donc  également 
des  médailles  d'honneur  aux  paysagisteé.  Ce  sont  .des  hommes 
comme  les  autres.  Ils  boivent  davantage,  mais  c'est  le  grand  air 
qui  veut  ça.  A  qui  des  deux  faut-il  donner  la  médaille  d'honneur? 
Ils  sonl  mériianls  tous  les  deux.  Moi  je  dis  :  A  celui  qui  peut 
boire  le  plus  de  cognac. 

Le  chaudronnier  Vollon  aspire  de  même  à  celle  médaille.  Ça 
n'est  pas  moi  qui  contesterai  sa  batterie  de  cuisine.  Il  peint  une 
casserole  comme  père  et  mère,  et  vous  torche  une  citrouille  comme 
une  nourrice  fait  un  derrière  d'enfant.  Il  serait  pourtant  doulou- 
reux de  voir  accrocher  une  médaille  d'honneur  h  un  tableau  qui 
ne  représente  qu'une  terrine  cl  une  botte  de  poireaux,  quand  ils  - 
seraient  peints  avec  une  virtuosité  voisine  de  l'ivresse 


Ceci  dit,  voici,  pour  ceux  que  cela  peut  intéresser,  le  résultat 
de  la  distribution  des  prix  annuelle  au  Salon  des  Champs-Elysées  : 

Peinture.  —  Médaille  d'honneur  :  M..  Français. 

Médaille  de  l"^  classe  :  M.  Richemont. 

Médailles  de  2«  classe  :  MM.  Le  Licpvre,  Fournier,  Carpenlier, 
Dompart,  Gueldry,  Lamy,  Mcngin,  Yarz,  Chigol,  Beauvais,  PezanI, 
Lambert,  Bertrand  (P.). 

Sculpture.  —  Pas  de  médaille  d'honneur. 

Médailles  do  ii^^  classe  :  MM.  Charpentier  (F.-M.),  et  Puecli. 


Médailles  de  2"  classe  :  MM.  Gauquié,  Pech,  Dolivel,  Mathel, 
Rambaud,  Icard.  Tonnellier  et  Borrel  (ces  deux  derniers  graveurs 
en  médailles).  '  ^ 

Architecture.  —  Médaille  d'honneur  :  M.  Redon. 
,  Médailles  de  i'*  classe:  MM.  Fournereau  cl  Marcel. 

Médailles  de  2*  classe  :  MM.  Ridel,  Espony  cl  Laffillée. 

Gravure  et  lithographie.  —  Médaille  d'honneur  :  M. 
lermie. 

Médaille  de  l'«  classe  :  M.  Levy  (G.). 

Médaille  de  2"  classe  :  M.  Milius. 

11  a  été  distribué  en  pulre  une  soixantaine  de  médailles  de 
3"  classe  et  dix  douzaines  de  mentions  honorables. 


Laguil- 


Que  deviennent  les  tableau^? 

Hoeylaert,  !«■•  juin  1890. 

Monsieur  le  Directeur  de  l'Arl  Moderne.    ■ 

Vous  posez  cette  question  dans  votre  dernier  numéro,  à  l'occa- 
sion d'une  statistique  du  Figaro,  qui  démontre  que  l'on  produit 
en  France,  non  pas  trois  cents  comme  vous  dites,  mais  trente 
tableaux  par  jour,  soit  plus  de  dix  mille  par  an. 

J'habite  Hoeylaert,  le  pays  des  serres  à  raisin,  le  pays  des - 
miroitements  sans  nombre,  le  pays  où  des  myriades  d'alouettes 
(étrange  et  charmant  phénomène),  attirées  par  tous  ces  scintil- 
lements virent,  revirent  et  débobincnl  leurs  cris,  leurs  petits 
cris  égayeurs,  aussi  multiples  que  les  moucherons  dans  un  rayon 
de  soleil  au  dessiis  de  cent  hectares  de  vitrages. 

Or,  quand  ce  soleil  cuit  trop,   il  faut  masquer  celle  mer  de 

vitres  aux  vagues  immobiles.  Cola  se  faisait  jadis  au  moyen  de 

grandes  toiles.  Cela   se  fait  maintenant  par  un  procédé  moins 

cher,  au  moyen  des  tableaux  qui  n'ont  pas  trouvé  acheteurs. 

Après  chaque  grand  Salon,  il  en  arrive  des  tapissières;  pleines.  J'ai 

reconnu,  et  je  m'amuse  à  ces  découvertes,  nonjbre  de  toiles 

peintes 

Dont  on  eût  fait  de  bonnes  voiles, 
Ou  des  chemises  de  maçons. 

Voici  qu'on  en  fait  des  parasols. 

Il  doit  y  avoir  un  commerce  d'échange  entre  Hoeylaert  et  Paris. 
Hoeylaert  envoie  ses  raisins,  Paris  envoie  ses  peintures.  Je  m'in- 
formerai. 

Veuillez  agréer,  Monsieur  le  Directeur,  mes  salutations  très 
distinguées. 

Un    DE   vos  ABONNÉS. 

Voilà  une  curieuse  pratique.  Ne  fût-elle  pas  en  usage  qu'elle 
mériterait  de  l'être.  Avis  aux  viticulteurs. 


'  Chronique  judiciaire  de^  ^rt? 

Artiste  et  Critique. 

Les  journaux  anglais  rendent  compte  d'un  bien  curieux  procès. 

Le  Siinday  Times  avait  affirmé  qu'un  acteur,  nommé  Terris,  au 
cours  d'une  tournée  en  Amérique,  avait  été  plutôt  froidement 
accueilli  par  le  public  de  New-York. 

Terris  s'en  est  offensé.  Il  en  a  appelé  au  tribunal  ;  cl  comme  il 
a  pu,  au  contraire,  démontrer  qu'il  avait  été  rappelé  huit  ou  neuf 
fois,  la  cour  lui  a  alloué  200  livres  (5,000  francs)  de  dommages- 
intérêts.  » 


.J 


La  Gavotte  Stéphanie. 

M.  Czibulka  a  été  «  plagié  »  par  M.  Froehlicli,  et  voici  la 
GavoUe  Stéphanie  cl  la  Krolewna  Gayoot  aux  prises,  devant  le 
tribunal  de  Cracovie,  qui  envoie  les  plaideurs...  danser  ailleurs. 
Appel.  Et  devant  la  cour,  le  plaignant  fait  jouer  successivement 
les  deux  gavottes  sur  le  violon.  L'identité  apparaît,  et  les  conseil- 
lers fléirissent  le  compositeur  indélicat  d'une  amende  et  d'une 
condamnation  aux  dépens,  avec  saisie  des  exemplaires,  destruc- 
tion des  planches,  bref  :  le  grand  jeu.  , 


Petite  chrojmique 


J/ouverture  des  concours  publics  du  Conservatoire,  avec  le 
petit  concert  d'usage,  est  fixée  'au  lundi  i6  juin  à  3  heures.  Le 
lèîidemain  malin  commenceront  les  épreuves  qui,  durant  un 
mois,  font  battre  des  cœurs  ingénus  et  mouillent  de  larmes  les 
mouchoirs  des  mamans...  Voici  l'ordre  des  concours  : 

Mardi  17  juin,  à  9  heures,  Instruments  à  embouchure  (trom- 
bone, trompette,  cor).  —  Mercredi  48,  à  8  heures,  Instruments 
à  anche  (basson,  hautbois,  clarinette)  et  flûte.  —  Vendredi,  20,  à 

9  heures.  Musique  de  chambre  avec  piano;  à  2  heures,  id.  (cours 
supérieur).  —  Lundi  23,  à  3  heures,   Orgue.  —  Mercredi  23,  à  . 

10  heures,  Alto;  à  2  heures,  Violoncelle. —  Vendredi  27,  à 
2  heures,  Harpe  et  piano  (hommes).  —  Samedi  28,  à  2  heures, 
Pifljjo  (demoiselles).  Prix  Laure  Van  Cutsem.  —  Mardi  l*""  juillet, 
à  2  heures,  Violon.  —  Mercredi  2,  à  9  heures  et  à  2  heures. 
Violon, — Vendredi  4,  à  10  heures  (h  huis  clos),  C/jah/ (hommes)  ; 
à  2  heures,  Chant  (demoiselles).  —  Samedi  5,  à  10  heures. 
Chant  théâtral  (hommes);  k  2  heures,  id.  (demoiselles)  et  duos 
de  chambre.  —  Mardi  15,  à  9  heures  (à  huis  clos),  déclamation  ; 
ii  ^  heures,  tragédie  et  comédie. 


Le  lundi  de  la  Pentecôte  ont  commencé  les  représentations 
fameuses  d'Oberammergau. 

Oberammergau  est  un  petit  village  perdu  des  Alpes  Bavaroises, 
où,  tous  les  dix  ans,  on  donne  une  série  de  représentations  de  la 
Passion.  Ce  spectacle  n'est  pas  un  reste  des  mystères  du  moyen- 
âge  c'est  une  représentation  réaliste,  sui  geueris,  instituée 
en.  1633,  comme  les  loleHes  expiatoires  de  l'antiquité,  à  la  suite 
d'une  épidémie  de  peste  noire  qui  ravageait  lo  pays.  Pour 
conjurer  le  fléau  et  attendrir  le  ciel,  l'abbé  d'Eilal  et  les  moines 
de  l'abbaye  de  qui  relevait  le  pays  d'Oberammergau  firent  le  vœu 
solennel  de  représenter  tous  les  dix  ans  la  Passion  de  Noire- 
Seigneur.  Ils  tinrent  parole.  La  première  eut  lieu  en.  1634.  Mais 
ce  n'est  guère  qu'au  milieu  de  notre  siècle  que  celte  coutume  fut 
.connue  du  public  et  suivie. 

Le  grand  artiste  Edouard  De  Vrient,  en  18o0,  découvrit  ce 
spectacle  et  en  parla  avec  enthousiasme.  C'est  depuis  lors  qu'une 
sorte  de  pèlerinage  de  plus  en  plus  important  porte  à  Oberam- 
mergau dévots,  artistes  et  curieux. 

Les  représentations  ont  lieu  celte  année  aux  dates  ci-après  :  26 
mai,  1",  8,  15, 16, 22,  23  et  29  juin  ;  6,  13,  20,  23  el  27  juillet  ;  ' 
3,  6,  10,  17,  20,  24  et  31  août;  3,  7,  14,  21  et 28 septembre. 

.\joutons,  pour  ceux  de  nos  lecteurs  que  tenlerait  un  voyage 
de  vacances  dans  ces  parages,  quelques  renseignements  «  tou- 
ristiques ».  X 

En  usant  de  billets  circulaires  combinés,  le  prix  du  voyage, 


aller  el  retour,  n'est  que  de  157  francs  en  première  classe,  de 
118  francs  en  seconde  classe. 

Chaque  jour  de  représentation,  un  train  direct  part  de  Munich 
à  3  h.  10  du  malin  pour  arriver  k  6  h.  01  k  Oberau,  -d'où  les 
voyageurs  sont  transportés  en  voilure  el  arrivent  k  Oberammergau 
vers  7  heures  el  demie. 

Le  retour  peut  avoir  lieu  le  même  soir  par  le  train  direct  par- 
tant d'Oberau  k  7  h.  23  pour  arriver  k  Munich  k  10  h.  40  soir. 

Des  billets  circulaires  sont  délivrés  de  Munich  avec  le  parcours 
suivant  :  Munich,  Murnau,  Oberau,  Garmisch,  Parlenkirchen, 
Fussen,  Biessenhofen,  Munich,' et  peuvent  être  utilisés  pour  la 
visite  des  chûteaux  du  roi  de  Bavière.  • 


La  vente  de  M"'«  Carvalho  a  atteint  le  chiffre  de  88,000  francs. 

Le  prix  Je  plus  élevé  a  été  atteint  par  le  Chien  au  terrier  de 
Troyon.        

On  a  adjugé  :  le  ^oi//iM  de  Jules  Dupré,  4,500  francs;  le 
Pêcheur  de  Diaz,  8,100  francs  ;  la  Traite  des  vaches  de  Daubignv, 
2,500  francs. 

Une  aquarelle  d'Ingres  :  le  Cardinal  de  Dabiena  fiance  sa  nièce 
à  Raphaël,  3,800  francs. 

Une  rivale  de  la  Tour  Eiffel.  .       "'  ' 

Elle  s'appellera  Columbus  lower  (la  Tour  de  Clirislophe 
Colomb).  Elle  s'élèvera  k  Chicago,  où  aura  lieu  l'exposition  uni- 
verselle de  1893.  —  (Vous  voyez  qu'elle  a  été  reculée  d'un  an). 
La  lour  sera  permanente,  aura  1,500  pieds  de  haut  et  480  pieds 
de  diamètre  k  sa  base;  coût  2,000,000  de  dollars,  soit  plus  de 
50,000,000  de  francs.  Elle  sera  prête  six  mois  avant  l'ouverture 
de  l'exposition. 

MM.  Charles  Kinkie  et  R.  Pohl  de  Washington,  les  architectes 
qui  ont  fait  le  plan  de  l'Exposiiion  de  Philadelphie,  ont  préparc 
le  dessin  de  celte  lour,  et  des  capitalistes  de  Chicago  el  de  l'Est 
des  Etats-Unis  fourufronl  les  fonds. 


On  annonce  de  Saint-Pétersbourg  la  mort  d'Oslap  Véressaï, 
luthier  pclit-russienpius  qu'octogénaire  qui  était  considéré  comme 
le  dernier  survivant  des  «.bardes  »  populaires  de  l'Ukraine. 

On  doit  k  la  mémoire  exceptionnelle  de  ce  vieux  chantre  la 
conservation  d'une  foule  de  légendes  et  de  ch"knsons  de  la  Pelite- 
Russie.  Il  est  mort  k  l'âge  de  quatre-vingt-trois  ans. 

A  l'Union-Square-Theater  de  New-York,  dans  une  pièce  fin  de 
siècle,  les  auteurs  ont  introduit  une  course  de  chevaux.  On  voit 
les  chevaux  galoper  ventre  k  terre,  stimulés  par  de  véritables 
coups  d'éperon  et  de  cravache;  les  barrières,  les  arbres,  les 
feollines  disparaissent  derrière  eux  comme  s'ils  fendaient  réelle- 
ment l'espace. 

Un  moteur  enroule  uniformément  la  toile  sur  laquelle  est  peint 
"le  paysage  qui  doit  défiler  sous  l'œil  du  spectateur  pour  donner 
l'illusion  de  la  course.  Un  autre  fait  dérouler  dans  le  même  sens, 
e^  avec  une  vitesse  convenable,  un  plancher  sur  lequel  les  che- 
vaux courent.  Si  l'on  voit  les  chevaux  toujours  au  milieu  du 
théâtre,  c'est  que  tous  leurs  efforts  ne  parviennent  qu'k  les  main- 
tenir au  même  point,  tant  la  piste  se  déroule  vite  sous  leurs  pieds. 
Chaque  cheval  a  sa  piste  particulière  qui  est  animée  d'uno 
vitesse  que  l'on  peut  faire  varier  de  façon  k  ce  que  l'un  d'entre  eux 
finisse  par  dépasser  les  autres.  Un  troisième  moteur  fait  progres- 
ser la  palissade  qui  limite  la  piste.  C'est  la  combinaison -des 
diverses  vitesses  de  progression  du  plancher,  du  paysage,  etc  , 
qui  assure  l'illusion.  Un  quatrième  moteur  est  chargé  d'action- 
ner un  ventilateur  qui  envoie  un  courant  d'air  sur  la  télé  des 
chevaux  el  des  jockeys;  secoue  les  crinières,  enfle  les  casaques 
et  soulève  un  nuage  de  poussière.  C'est  M.  Neil  Burglcrs,  le 
machinisle  en  chef  du  théâtre,  qui  a  combiné  ce  dispositif. 


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13       " 
24       " 


Vienne  à  Londres  en. 
B&le  à  Londres  on. 
Milan  à  Londres  en  . 


36  heures. 
24       - 
33       " 


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D'Ostende  à  6  h.  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  20  soir.  —  De  Douvres  à  midi  15,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

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partant  journellement  d^OSTENDE  à  6  h.  matin  eMl  h.  10  matin;  de  DOUVRES  à  midi  15  et  3  h.  après-midi. 

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et   entre  LONDRES    ou   DOUVRES  et  toutes  les  grandes  villes  de  l'Europe. 


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Spécial  cabine,  28  francs;  Cabine  de  luxe,  75  francs.  \ 

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fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits).  —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
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Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  rEcrploitation  dès  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  V Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l'État-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  QO*,  à  Bruxelles  ou  Qracechurch-Street,  n»  53,  à  Londres,  à  Y  Agence  de  Chemins  de  fer 
de  l'État,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vranchen,  Domkloster,  n»  1,  à  Cologne. 


JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 
—  Bibliographie.  —  Législation.  —  Notariat. 

HUTIKMK  ANNÉE. 

Abonnements  i  S*'^g'<n«'  1^  francs  par  an. 
ABONNEMENTS   |   ^tj^ng^,,  23  id. 

Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 

ÉTUDE  DE  M-"  MARCHAND,  AVOUÉ  A  ARRAS. 

VILLE  D'ARRAS  (Pas  de-Calais) 

Par  suite  de  la  faillite  de  M.  Albert  Dehée,  fabricant  d'huiles,  à 
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et  73  tableaux  par  :  Victor  Gilbert,  De  Perme,  Jean  Béraud,  E.  Berue- 
Bellecour,  Edouard  Détaille,  Georges  Gain,  Benjamin  Constant, 
L.-G.  Brilloin,  Emile  Breton,  Edmond  You,  E.  Damerou,  Willems, 
Palizzi,  John  Levis  Brown,  J.  Mélin,  Char  les- Jacques,  E.  Foubert, 
E.  Damoye,  A.  Guillemet  et  autres. 

Jours  de  vente  :  Lundi,  23  juin,  à  2  heures,  Tableaux.  —  Mardi, 
24  juin,  à  2  heures.  Céramiques  et  objets  d'art. 

S'adresser  pour  Jes  catalogues  à  M*  Marchand,  syndic,  et  ftux 
commissaifcs-priseurs,  à  Arras. 

Pour  extrait  :  (Signé)  Marchand. 


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Breitkopf  et  Hartel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 


TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

la.  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-G.  Lobe. 

Traduit   de  l'allemand   (d'apr^  la  5®  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8".  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  (ut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  La  pr^ente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  ouvrages  d'enseignement  musical  les  plus 
estimés  en  Allemagne. ^j 


BruzeUefs.  —  Imp.  V*  Monnom,  26,  rue  de  l'Industrie. 


Al 

r 


Dixième  année.  —  N"  24. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  15  Juin  1890. 


MODERNE 


.   PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

.1  /  

Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,    un   an,    Ir.   10.00  ;  Union   postale,    fr.    13.00.    —  ANNONCES   :    On   traite   à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  Tlndustrie,  26,  Bruxelles. 


Sommaire  : 

-Le  TiiÉATRE-LiitRE.  —  La.  Grosvexor  et  la  New  Gai.leky.  — 
L'Art  Arajîk  kn  Es;pagne. —  Pelaua>  au  Sai.on,  —  Ai.ukrt  Woi.i f 
EMBÊTÉ  PAU  Antoine.  —  La  vi;nte  C.rauue  —  Petite  ciironique. 


LE  THEATRE -LIBRE 

'     '    Troisième  article  (1). 

Il  est  intéressant  de  jeter  un  coup  d'œil  sur  ce  qui 
s'est  passé  de  1887  à  1890,  sur  les  grandes  scènes  lit-té- 
raires  de  Paris. 

L'une,  la  Comédie-Française,  jouissant  de  préroga- 
tives inouïes,  de  toutes  les  facilités  pos.sibles,  servie 
encore  par  une  école  de  déclamation,  semblerait  devoir 
être,  pour  les  chefs-d'œuvre  de  la  langue  française,  une 
sorte  de  Musée  où  les  lettrés,  les  artistes,  les  dilettantes 
puissent  aller  chercher  des  jouissances  d'art  particu- 
lières. \, 

Elle  devrait  encore,  outre  la  tâche  de  maintenir  tou- 
jours au  point  les  grands  ^chefs-d'œuvre  classiques, 
s'occuper  de  recueillir  les  œuvres  contemporaines  con- 
sacrées après  une  série  de  reprises  décisives  sur  les 
autres  scènes. 

(1)  \^)ir  ni»s  deux  derniers  numéros. 


Or*,  voici  ce  qui  s'y  passe  :  Au  milieu  de  décors 
pénibles,  malpropres,  dans  une  mise  en  scène  négligée, 
une  incurie  qui  se  traduit  presque  chaque  fois  par  des 
absences  de  mémoire,  des  négligences  visibles  même 
pour  le  gros  public.  Aussi  en  est-on  réduit'  à  ne  plus 
i^etcouver  qu'à  de  trop  rares  intervalles  quelques  fortes 
sensations  d'art,  grâce  à  trois  ou  quatre  comédiens 
qui  luttent  pour  sauver  du  naufrage  leur  niaison. 

Si  la  Comédie -Française  ne  peut  recevoir  que  les 
auteurs  déjà  consacrés  par  le  succès,  l'Odéon  ne  doit-il 
pas  être,  de  par  son  passé  et  ses  traditions,  une  école 
d'apprentissage  pour  les  jeunes  écrivains?  ■ 

Or,  que  dire  d'un  directeur  subventionné,  ayant 
inission  et  mandat  de  jouer  les  jeunes  gens,  de  les 
accueillir,  de  les  réconforter  et  qui,  le  matin  d'une 
-première  représentation,  laisse  échapper  cette  phrase 
significative,  rapportée  dans  une  chronique  de  M.  Fran- 
cisque '  Sarcey  :  "  J'espère  qu'après  cette  épreuve,  on 
me  fichera  la  paix  avec  X...  ».  Que  penser  de  qui 
lâche  ainsi  un  conscrit,  le  matin  d'une  bataille?  — 
qui  ferme  la  porte  à  tout  débutant  assez  affermi  dans 
ses  convictions  pour  garder  le  respect  |de  son  œuvre  et 
ne  pas  la  laisser  tripatouiller? 

Il  y  a  donc  urgence,  urgence  absolue,  à  perfectionner 
une  tentative  dont  l'utilité  s'affirme  si  nettement,  car 
si  l'on  veut  des  auteurs,  il  faut  fournir  aux  écrivains 
dramatiques  la  possibilité  d'aborder  la  scène. 


18G 


VART  MODERNE 


Le  Théâtre-Libre,  dans  sa  forme  nouvelle,  rendra 
sur  ce  premier  point  d'importants  services.  Et  avec 
une  vraie  troupe,  une  base  solide  de  travail  journalier, 
ce  n'est  plus  quarante  actes  par  saison,  un  spectacle 
nouveau  par  mois,  qui  seront  donnés,  mais,  en  renou- 
velant l'affiche  tous  les  quinze  jours,  on  assurera  la 
production  de  quatre-vingts  actes  inédits  par  saison. 

Cette  proportion  paraîtrait  même  excessive  s'il  ne 
fallait  considérer  l'arriéré,  l'accumi^lation  énormes  qui 
existent.  Il  n'y  a  point,  on  peut  le  dire,  un  seul-éerivaïn 
célèbre  n'ayant  dans  ses  cartons  une  œuvre  datant  de 
plusieurs  années. 

Et  lors  même  que,  au  bout  de  quelques  saisons,  cette 
production  subirait  un  ralentissement,  n'y  a-t^il  pas 
toute  une  série  de  reprises  littéraires  à  effectuer,  de 
procès  à  faire  reviser,  pour  des  œuvres,  dont  le  sort,  a 
été  fâcheux  et  injuste  autrefois?  N'y  à-t-il  pas  aussi 
toute  une  série  d'originales  et  fortes  études  a  pour- 
suivre, parmi  les  œuvres  des  littératiH'es  étrangères^ 

Est-il  besoin  de  citer  le  drame  de  Tolstoi\  la  Puis- 
sance des  Ténèbres,  pour  se  convaincre  de  l'intérêt  et  de 
la  considérable  importance  de  ces  excursions  littéraires, 
sans  musique,  à'ffâvers  les  répertoires  étrangers? 

Venons  aux  comédiens.  Il  n'est  pas  exagéré  d'avancer 
que,  à  quelques  rares  exceptions  près,  toutes  les  œuvres 
représentées  au  Théâtre  Libre  ont  été  jouées  par  des 
amateurs,  par  des  comédiens  volontaires  n'exerçant  pas 
couramment  cette  profession  et  n'ayaut  jamais  paru 
sur  un  théâtre  public.  ■  ;  , 

A  la  soirée  du  10  février  1888,  les  divers  rôles  du 
drame  de  Tolstoï  furent  créés  par  un  employé  du 
ministère  des  finances,  un  secrétaire  de  commissariat 
de  police,  un  architecte,  un  chimiste,  un  voyageur  de 
commerce,  un  marchand  de  vin,  un  fabricant  de 
bronzes,  Mévisto,  chargé  du  rôle  de  Nikita  et  qui,  à  lia 
suite  de  cette  création,  entra  à  la  Porte-Saint-Martin, 
n'avait  paru  sur  aucun  théâtre.  Les  rôles  féminins, 
considérables,  furent  tenus  par  une  couturière,  une 
brocheusê'et  une  employée  des  po.stes.  Tous  ces  jeunes 
gens  avaient  répété  le  soir  seulement,  après  leurs  tra- 
vaux de  la  journée.  Il  serait  facile  de  citer  le  nom  de 
l'une  des  sommités  de  la  critique  française  qui,  en  face 
de  l'ensemble  et  de  la  tonalité  de  l'interprétatiop,  aflfir- 
mait  n'avoir  jamais  vu  une  pièce  de  théâtre  mieux 
jouée.  M.  de  Vogiié,  familier  des  mœurs  russes,  dans 
une  savante  étude  de  la  Revue  des  Deux-Mondes, 
s'étonnait  de  la  saisissante  vérité  avec  laquelle  avaient 
été  restitués  les  principaux  personnages.  Cet  exemple 
conduit  à  rechercher  s'il  ne  serait  point  possible  de 
constituer,  pour  un  véritable  théâtre,  upe  troupe 
spéciale,  unique,  de  laquelle,  en  faisant  abstraction  des 
personnalités  et  des  talents  de  premier  ordre,  on 
obtiendrait  des  exécutions  particulièrement  intéres- 
santes. 


Nous  devons  nous  demander  si,  de  ces  faits,  il  ne  se 
dégage  pas  simplement  ceci,  que  l'enseignement  officiel 
qui  leur  faisait  défaut,  est  peut-être  dangereux,  tout  au 
moins  inutile,  et  surtout  mal  réglementé?  Devant  les 
déplorables  résultats  des  concours  de  fin  d'année,  tout 
le  monde  se  récrie  et  demande  une  réforme.  Les  résul- 
tats sont  tels,  qu'à  l'heure  présente  quelques-uns  des 
lauréats  ne  sont  niême  pas  utilisés.  Il  y  a  sur  le  pavé 
de  Paris  dix  premiers  prix  dont  aucun  directeur  ne 
veut  et  qui  sont  absolument  incapables  d'exercer  un 
art  étudié  pendant  quatre  ans. 

Pourquoi  ne  pas  le  dire?  Les  professeurs  du  Conser- 
vatoire eux-mêmes  ne  croient  pas  aux  bienfaits  du 
régime  et  l'un  d'eux  envoie  ses  élèves  au  Théâtre-Libre 
pour  y  apprendre  leur  métier  à  la  meilleure  et  à  la  seule 
grande  école  :  le  public. 

En  présence  de  la  formation  espérée  d'une  génération 
nouvelle  d'écrivains  et  d'œuvres  dramatiques,  il  est  per- 
mis d'afiirmer  que  cette  renaissance  exigera  des 
moyens  d'expression  nouveaux.  A  des  ouvrages  tout 
d'observation  et  d'étude,  il  faudra  des  interprètes,  des 
comédiens  primesautiers  et  vrais,  imprégnés  de  réa- 
lité. Ces  œuvres  attendues,  conçues  dans  une  esthétique 
plus  souple,  plus  large,  ne  spécialisant  plus  les  person- 
nages, ce  théâtre  nouveau  ne  s'appuyant  plus,  comme  le 
précédent,  sur  cinq  ou  six  types,  convenus,  toujours  les 
mêmes,  sans  cesse  retrouvés  sous  des  noms,  dans  des 
actions  et  parmi  des  milieux  différents,  la  multiplicité, 
la  complexité  des  figures  mises  à  la  scène  feront  surgir, 
il  n'en  faut  point  douter,  une  génération  nouvelle  de^ 
comédiens  assouplis  à  tous  les  emplois  :  des  jeunes  pre- 
miers, par  exemple,  qui  cesseront  d'être  d'une  seule 
pièce  et  qui  deviendront  tour  à  tour  bons,  méchants, 
bêtes,  spirituels,  élégants,  communs,  forts,  faibles,  vail- 
lants et -lâches,  enfin  qui  seront  des  êtres  vivants, 
variables  et  divers.  L'art  du  comédien  ne  s'appuiera 
plus,  comme  dans  les  répertoires  précédents,  sur  des 
qualités  physiques,  des  dons  naturels;  il  vivra  de  vérité, 
d'observation,  d'étude  directe  de  la  nature.  On  retrou- 
vera là  ce  qui  a  été  observé  dans  les  autres  arts  d'inter- 
prétation, la  peinture,  par  exemple,  oti  le  paysagiste 
n'a  plus  tra\^illé  dans  son  atelier,  mais  en  pleine 
nature  et  en  pleine  vie.  On  ne  formera  plus  des  artistes 
dramatiques,  avec  quelques  rôles  ressassés,  commentés, 
établis  depuis  des  siècles  par  plusieurs  générations 
d'acteurs  illustres.  Le  talent  plus  cérébral  de  l'acteur 
sera  ramené  vers  la  vérité  et  l'exactitude. 

Ce  qu'on  désigne  actuellement  par  ces  mots  :  fart  de 
dire,  consiste  uniquement  à  doter  l'élève  d'une  articu- 
lation exagérée,  à  lui  confectionner  une  voix,  uiuorgane 
spécial  tout  différent  de  celui  qu'il  possède  en  réalité. 
Depuis  soixante  ans,  tous  les  comédiens  ont  uniformé- 
ment parlé  du  nez,  uniquement  parce  que  ce  mode 
d'élocution  est  nécessaire  pour  être  entendu  du  specta- 


1 1 


leur  dans  wos  salles  trop  vastes  ou  d\me  acoustique 
défectueuse,  et  aussi  parce  que  cette  voix  du  nez  ne 
vieillit  pas  et  résiste  aux  années. 

Tous  les  personnages  du  théâtre  actuel  gesticulent, 
s'expriment  techniquement  de  la  même  façon,  qu'ils 
soient  vieux,  jeunes,  souffrants  ou  bien  portants.  Tous 
les  artistes  disant  bien  renoncent  à  ces  infiniment 
nombreuses  nuances  qui  peuvent  éclairer  un  person- 
nage et  lui  donner  une  vie  plus  intense.  Les  élisions,  si 
fréquentes  dans  le  langage  courant,  sont  interdites, 
tous  les  e  sont  ouverts,  tout  le  monde  dramatique  vibre 
sans  raison,  alors  que  dans  la  vérité,  personne,  pariant 
normalement  la  langue  française,  n'a  souci  d'empêtrer 
son  discours  dans  cette  malencontreuse  et  assommante 
lettre  /?  qui  empâte  tout  Ife  jeu  de  nos  tragédiens  et  de 
nos  comédiens. 

Nous  avons,  il  y  a  plusieurs  années  déjà,  exprimé  ces 
vérités  dans  VArt  moderne.  Elles  ont  fait  l'objet  d'une 
étude  approfondie  publiée  dans  notre  numéro  du  24  juil- 
let 1881  (1).  Nous  enregistrons  avec  joie  le  chemin 
qu'elles  ont  fait.  Nous  avons  encore  à  nous  occuper  des 
décors,  de  la  mise  en  scène,  des  affiches.  Dans  toutes 
ces  parties  M.  Antoine  poursuit  sa  réforme.  Elle  est  si 
importante,  elle  touche  à  un  art  si  longtemps  en  dehors 
de  toute  transformation  et  de  tout  progrès,  que  nos  lec- 
teurs ne  nous  en  voudront  pas,  nous  l'espérons,  d'v 
consacrer  un  quatrième  et  dernier  article. 


é 


U  GROSVBNOR  ET  LA  NEW  GALLE 


{Correspondance  parliculière  de  l'Art  moderne). 

A  la  Grosvenor,  on  rencontre  encore  quelques  représentants 
du  paysage  anglais  de  ces  quelques  dernièr.^s  vingt  années. 
L'école  de.s  Walker,  des  Hook  est  vivante  dans  John  R.  Reid  cl 
dans  quelques  jeunes  venus  à  la  rescousse.  Reid  prouve  en  quatre 
tableautins  son  toujours  habile  et  spontané  talent  à  plaquer  des 
tons  crus  et  saignants  dans  des  rousseurs  de  bergesou  des  terrains 
d'orée.  Des  verts  et  des  rouges  gras  et  des  bleus  de  ciel  chimiques 
lui  constituent  une  palette  pour  paysages  à  sa  manière, 
qu'adop'.ent  également  les  Napicr  et  les  Hagues. 

A  suivre  ce  paysage  anglais  d'il  y  a  vingt  ans,  on  soupçonne 
Bastiea-Lepage  d'avoir  étudié  ces  fourrés  et  ces  halliers,  pour 
peindre  soit  les  fonds  de  la  Jeanne  dArc,  soit  celui  de  VAmour 
auvillage.  Seulement  le  peintre  français  atténuait  la  sonorité  rude 
des  couleurs,  raflfadissaii,  et  était  hanté,  d'un  autre  côté,  par  les 
miracles  des  soudains  impressionnistes.  C'est  ainsi  que,  parti  des 
Anglais,  il  leur  est  revenu.  Car  si  son  talent  de  compromis  et  do 
transactions  constantes  lui  a  assigné  cette  place  moyenne  qu'il 
tient  dans  l'art  de  son  pays,  toutefois  est-il  incontestable  qu'ici, 
en  Angleterre,  il  a  eu  et  a  encore  une  sjluaiion  forte  de  maître  et 
d'initiateur,  puisqu'à  VAcadetny  et  à  la  Grosvenor,  et  mémeàla 
New  Gallery,  son  influence  persiste,  multiple.  Les  Clausen  et  les 
James  Cutlnie  sortent  de  lui. 

(1)  Voir  aussi  l'Art  moda-nc  18S4,  iP  S,  p.  57. 


Aussi  est  il  h  .noter  que  J.  CpUier  fait  du  Bouguereau  pur,  que 
Forbes  cl  Thompson  et  Beach  transportent  au  delà  du  détroit  la 
mode  française  et  le  chic  dont  le  Palais  de  l'Industrie  ou  le 
Champ  de- Mars  sont  les  maisons  d'exportation  —  Carlos  Duran 
and  C"  —  les  plus  vastes  du  monde. 

Swan  tapisse  la  rampe  d'une  fade  et  molle  Maternily  :  une 
lionne  allaitant  ses  lionceaux  ;  Hubert  Vos  exhibe  son  Hospice  de 
vieilles  à  Bruxelles;  on  trouve  les  inévitables  portraits  de  Pettic 
el  de  Schannon,  dont  heureusement  un  excellent  et  très  fin  por- 
trait par  Orchardson  console. 

Deux  noms  relativement  frais  cl  intéressants  à  retenir:  ceux  de 
Hornel  el  de  Roche. 

Le  premier  maçonne,  abuse  des  couleurs  fortes  cl  saignantes, 
jette  de  la  pâte  à  larges  coups  de  brosse  sur  la  toile,  ne  semble 
jamais  pouvoir  assez  se  prouver  qu'il  faut  être  rude  et  violent. Mais 
derrière  cet  étalage  de  sauvagerie  saxonne,  on  sent  quelqu'un. 

L'autre  plus  calme,  est  tenté  vers  une  certaine  spiritualité.  Une 
scène  de  femmes  rassemblées  sous  des  arbres  fait  songer  au  rfelà 
des  simples  questions  de  couleur. 

El  puis?  —  Plus  guère.  On  rencontre  encore,  il  est  vrai,  des 
imitateurs  de  Corot  de  même  de  Courbet,  disséminés  en  des 
coins.  .     \ 

La  New  Gallery  est  la  plus  intéressante  des  nombreux  Salons 
d'art  actuellement  ouverts  k  Londres. 

Et  tout  d'abord,  voici  toute  une  poignée  d'esquisses  de  Burne 
Joncs  pour  sa  nouvelle  œuvre  :  The  Briar  Rose.  Des  casques, 
des  ailerons,  des  boucliers,  des  morceaux  d'armures,  faits  avec 
précision  et  avec  caractère.  Un  coup  de  crayon  nullement 
emporté,  mais  lent  et  calme  et  pourtant  très  expressif.  Puis  des 
têtes  de  femmes  et  de  jeunes  filles  —  celles  qui  dorment  sur  la 
fontaine  du  troisième  panneau  de  l'œuvre  totale  —  et  réssaî 
vers  celle  qui  s'est  assoupie,  le  bras  allongé,  sur  son  métier  à 
lisser.  Le  tout  traité  avec  grâce,  à  traits  longs  el  fins  comme  des 
cheveux,  et  enveloppé  de  ce  rêve  de  poésie  légendaire,  si  parti- 
culière à  ce  peintre,  mais  que  souvent  certaine  couleur  grinçante 
el  criarde  écarte  ou  du  moins  contrarie  dans  ses  tableaux.  Deux 
œuvres  séparées,  sur  fond  d'or,  font  songer  à  tels  nus  d'Andréa 
del.Castagno,  el  sont  d'une  sombre  el  poignante  signification. 
Dans  la  New  Gallery,  des  élèves  de  Burne-Jones  s'afllrment. 

En  premier  lieu,  une  femme.  M"*  Morgan,  qui  expose  ure 
Médée,  traitée  en  héroïne  de  maître  italien  du  xv*  siècle.  C'est 
plus  gothique  el  plus  florentin  que  le  Miroir  de  Vénus.  La 
Médée  foule  un  parvis  de  marbre  dans  un  vestibule  de  palais 
toscan  ;  ses  cheveux  sont  volants  comme  ceux  de  certains  ang(%- 
de  Bolticelli;  ses  yeux  ont  la  clarté  du  vice  irrcsponsible;  ses 
vêtements  sont  drapés  à  l'antique;  l'arohitecture  des  colonnes, 
les  marbres  el  les  dorures  sont  a.issi  nets  aux  derniers  plans 
qu'à  l'avanl-plan  el  la  perspective  n'est  que  géomi^trique. 

A  côté,  iine  œuvre  :  le  combat  de  la  Vérité  contre  l'erreur, 
signée  Sianhope.  Mêmes  Uniorics  appliquées,  même  art  tout  en 
recul,  avec  rien  de  moderne  dans  loxécution,  mais  avec  de  réels 
efforts  vers  une  expression  moderne  de  pensée. 

Enfin,  Slrudwick,  l'éièvi^  déjà  ancien,  de  runie  Jones,  ilont 
une  œuvre  orne  les  galeries  du  Kcnsington. 

La  m-^rvri'Ie  de  la  New  Gallery  est  un  Walis  :  Ariadue. 
Non  loin  de  là  se  trouve  Liltle  Red  riding  Hool,  mais  la  pre- 
mière œavre  est  d'une  l'Ile  supériorité  qu'elle  fait  oublier  la  sui- 
vante. 


t88 


UART  MODERNE 


"'  i 


Le  révcflc  celle  Grecque, affaissée  sur  des  rocs,  le  regard. nulle 
pari  si  ce  n'est  vers  son  désir,  l'atlilude  lasse  el  douce,  cl  tout  ce 
corps  cl  celte  pensée  qui  altendeni,  fonl  de  celle  oeuvre  un  chef- 
d'œuvre.  L'a  facture  et  la  couleur  sont  frustes  comme  à  l'ordi- 
naire', mais  pourtant  quelle  tout  à  coup  splendeur,  ci  et  là,  de 
métaux  el  de  minéraux  voilés!  Le  paysage  est  d'un  soir  doulou- 
reux et  triste;  les  montagnes  de  l'Iiorizon^et  la  mer  encadrent  et 
expliquent  le  songe  des  yeux  d'Ariadne.  Contrairement  à  toute 
donnée  académique,  Watts  a  vraiment  rendu,  en  ce  tableau,  la 
beauté  hellénique  telle  qu'elle  nous  est  révélée  par  la  Vénus  de 
Milo  etcerlaine  Cérèsdu  Brilish  Muséum,  c'est-à-dire  puissante, 
saine,  large  el  grande.  "  -^ 

A  signaler  encore  un  paysage  de  Millais,  un  Boughlon ,  un 
Richmond  el  un  bas-relief  de  Bâtes. 


L'AkT  ARABE  EN  ESPAGNE 

Sous  cet  intitulé,  au  retour  d'un  séjour  en  Espagne,  M.  le  docteur 
Schœiifeld  nous  donne  très  savamment,  très  sincèrement,  une 
énuméralion  descriptive  de  ce  qui  a  survécu  des  grands  monuments 
mauresques.  Sans  idée  préconçue  ni  Ihèse  à  défendre,  l'auteur 
arrive  à  celle  conclusion  :  «  Après  des  tâtonnements  successifs, 
et  en  s'imprégnant  des  idées  des  nations  vaincues,  l'archileclure 
mauresque  est  parvenue  à  une  certaine  originalité.  «  Mais, 
malgré  le  talent  des  artistes  arabes,  nous  admirons,  dans  les 
œuvres  qui  nous  restent  de  leur  plus  brillante  époque,  plutôt 
l'aspect  gracieux  et  l'habileté  pratique  que  la  grandeur  de  la 
conception,  l'artisan  chargé  de  l'exécution  plutôt  que  l'auteur 
de  l'idée  ». 

Voilà  bien,  dans  la  sphère  de  l'architecture,  et  élayée  de  faits, 
une  idée  très  confirmalive  de  cette  autre,  développée  ici  même  : 
l'absence  presque  complète  d'originalité  et  d'invention  dans  l'art 
sémite  en  général  (1).         .    - 

Il  faut  en  revenir  de  l'impression  première,  intense  et  dérou- 
tante, des  grands  Alcazars  et  des  Alharobra.  Quand  s'y  applique 
une  analyse  un  peu  érudiie,  l'architecture  arabe  dévoile  bien 
vite  l'origine  toujours  étrangère  de  ses  éléments. 

L'arc  en  fer  à  cheval^.-—  cintre  arrondi  ou  brisé  en  haut,  mais 
étranglé  à  la  base,  —  fut  directement  inspiré  après  la  conquête, 
par  la  section  verticale  de  la  coupole  bulbeuse  des  Persans  et  des 
Byzantins,  —  celte  coupole  dont  le  slyle  moscovite  fait  si  grand 
usage.  Les  azulejos,  plaques  de  faïences,  hautes  en  couleur  et 
masquant  la  nudité  des  soubassements,  étaient  déjà  connus  des 
contemporains  de  Qarius.  Les  bains  fameux  de  Grenade  et  de 
Cordoue  ont  des  dispositions  servilement  copiées  des  thermes 
romains.  Ce  sont  les  colonnes  enlevées  aux  temples  de  l'Espagne 
el  de  l'Afrique  romaine  qui  ont  décoré  par  milliers  les  palais  des 
Califes.  Quant  aux  arabesques,  —entre  tout,  ce  qu'il  va  peul-être 
de  plus  arabe,  —  ce  n'est  au  fond  qu'une  combinaison  de  formes 
géométriques  connues  depuis  longtemps  des  Egyptiens  el  des 
Grecs,  et  d'ornements  kufiques  employés  sur  les  monuments 
babyloniens.  Sans  doute  les  Arabes,  et  surtout  les  maures  d'Es- 
pagne, surent  rendre  plus  élégante  l'archileclure,  plus  légers 
les  matériaux,  plus  minutieusement  soignées  leurs  constructions. 
Mais  leur  génie  s'est  contenté  d'agrémenter  et  d'approprier  ce 

(1)  Vqir  l'Ai-l  modrrnc  du  24  mars  18S0. 


qu'il  empruntait  aux  autres.  Loin  de  découvrir  par  lui-ml^mc  des 
éléments  essentiels,  il  n'a  même  pas  utilisé  ceux  empruntés,  au 
profit  d'un  conception  vraiment  originale. 

Et  quand  on  songe  que  c'est  en  Espagne  que  se  développa  sur- 
tout leur  architecture,  et  qu'ils  ne  cultivèrent  jamais  d'autre  art, 
leur  religion  défendant  la  représentation  de  la  forme  humaine 
el  animale,  c'est-à-dire  la  peinture  et  la  sculpture,  on  sent  s'élever 
des  doules  sérieux  sur  leur  capacité  artistique. 

Chez  nous.  Aryens,  l'art  n'a  cessé  d'être  présent  à  tous  les 
stades  de  notre  développement.  Chez  les  Sémites  arabes,  ce  n'est 
qu'un  incident  dans  leur  ^histoire,  tout  comme  la  science  et  la 
civilisation.  Cela  leur  est  venu  par  d'autres,  quelque  jour.  Cela 
s'est  en  allé,  tout  seul,  peu  après  :  ils  n'en  ont  jamais  souffert. 
S'en  sont-ils  même  aperçus?  Avant  les  conquêtes  de  Mahomet, 
l'Arabie  est  stagnante,  immobile,  par  nature,  improgressive! 
Essaims  de  nomades  sans  cohésion,  de  contemplatifs,  n'ayant  que 
la  'religion  pour  seul  mobile,  comme  tout  le  théocraliquc  Orient. 
Naîl  le  Prophète.  En  quelques  années,  ils  chevauchent  victorieu- 
sement du  Gange  aux  Pyrénées.  Ils  rencontreîit  partout  un  état 
social  nouveau  organisé  par  Rome  elByzance  plus  compliqué  que 
le  leur,  el  le  subissent  malgré  eux.  Ils  se  civilisent,  mais  dans  la 
mesure  de  leur  réceptivité;  civilisation  d'emprunt  non  spon- 
tanée. Tradiiionnalisles  en  politique,  comme  en  sciences,  comme 
en  art,  ils  n'ajoutent  rien  à  la  grande  chaîne  du  progrès. 
Ils  se  contentent  de  n'en  pas  laisser  échapper  le  bout,  pour  la 
passer  aux  Barbares  du  Nord,  le  jour  où  ceux-ci  seront  de  taille 
à  lui  forger  quelques  nouveaux  chaînons.  Alors  commence  le 
refoulement  du  Sémite  par  l'Europe  dans  les  possessions  premières 
el  le  retour  de  l'Arabie  à  la  primitivité  absolue. 

Non  pas  cristallisée  comme  la  Chine,  dans  une  civilisation  trop 
bien  adaptée  au  milieu  pour  évoluer  encore.  Non  pas  contrainte  à 
disparaître  par  la  force  de  la  conquête  blanche,  comme  les  grands 
empires  mexicains  et  péruviens  mais  semblable  à  un  arc  tendu 
fortement  par  une  main  étrangère,  qui  revient  à  l'état  normal, 
sans  que  rien  dans  la  corde  débandée  puisse  faire  soupçonner 
l'effort  produit  jadis,  sans  même  avoir  conservé  une  aptitude  plus 
grande  à  un  nouvel  effort.  Car  le  contact  européen  du  xix*  siècle 
a  été  de  nul  effet. 

En  vérité,  voilà  des  faits  bien  bizarres.  On  peut  s'arrêter  au 
seuil  des  pourquoi,  en  disant  :  Cas  fortuit.  On  peut  tenter  une 
explication  en  interrogeant  elhnographiquemenl  la  race.  La  Race? 
produit  des  mille  facteurs  du  temps  el  de  l'espace,  qui  ont  donné 
à  tel  peuple  les  caractéristiques  refusées  à  tel  autre.  C'est  l'expé- 
rience inscrite  dans  les  replis  du  cerveau  qui  en  a  assis  les  strati- 
fications successives;  ce  sont  des  milieux  millénaires  qui  l'ont 
frappée  d'immalléabililé  absolue  ou  d'activité  infinie. 

Les  Arabes?  des  diminués  de  leur  histoire  ! 

Stagnants  parce  que  tels  les  ont  faits  de  longs  siècles,  ce  n'est 
pas  le  court  incident  de  la  conquête  qui  eût  pu  altérer,  encore 
moins  nover  les  caractéristiques  de  leur  race.  Aussi,  échappés 
aux  circonstances  qui  les  ont  extériorisés  un  temps  et  en  ont  fait 
savants  politiques,  artistes  improvisés,  ils  sont  redevenus  les  fana- 
tiques immobiles  qu'ils  étaient.  D'autrefois,  ils  n'ont  conservé  que 
la  r'eligion  et  la  langue,  ces  deux  manifestations  d'eux-mêmes. 
Mais  le  sentiment  artistique  ne  fut  qu'une  greffe  aryenne  que  ne 
sut  pas  alimenter  leur  sève  sémitique. 

Les  sentiments,  plus  profonds,  plus  fondamenlaux  à  la  race, 
que  les  idées,*  les  institutions  ou  les  formes  artistiques  qui  les 
incarnent,  sont  d'acquisition  infiniment  lente;  mais  une  foie  acquis, 


VART  MODERNE 


189 


^ 


ils  persistent,  essenlicllemcnl  môme.  Voyez,  chez  nous,  l'allruisrac 
n'avait  longlemips  d'autre  manteau  que  celui  du  Christ  et  portait 
nom  :  Charité.  Changent  les  mobiles,  les  raisons  d'être,  les 
conceptions,  mais  demeure  le  sentiment  :  il  est  aujourd'hui  phi- 
lanthropie et  justice  sociale.  ■'      . 

Et  notre  atavique  instinct  de  l'infini,  de  l'au  delà,  ne  subsisle-t-il 
pas  à  toutes  les  métamorphoses.  Moulé  successivement  par  les 
formes  religieuses  et  philosophiques,  depuis  que  soa^nanilé  est 
devenue  le  corollaire  de  tous  nos  raisonnements,  il  n'a  rien  perdu 
de  sa  vitalité  d'autrefois  :  c'est  lui  qui  trouve  une  troisième  incar- 
nation dans  l'art  nouveau,  cette  chose  chez  nous  toujours  chan- 
geante, tandis  que  chez  le  Sémite,  du  moins  sur  ses  terres  d'ori- 
gine et  d'occupation  actuelle,  il  n'existe  même  plus. 


PÉLADAN  AU  SALON 

La  décadence  esthétique  (Hiérophanie),  XIX,  LE  SALON  de 
Joséphin  Péladan  (neuvième  année).  Salon  national  et  Salon  Jiil- 
lian,  suivi  Se  trois  mandements  de  la  Rose  Croix  Catholique,  à 
l'Aristie.  —  Paris,  E.  Dentu,  éditeur,  14  mai  1890.  Brochure  in-12 
de  75  pages. 

Voir  adaptés  à  la  scène  anglaise  les  plus  beaux  romans  de 
Joséphin  Péladan,  serait  l'ardent  désir  de  Mislress  Anne  Payne. 
Elle  se  voue,  en  ce  sens,  à  une  traduction  d'Istar,  qui  lui  vaut  la 
dédicace  de  ce  neuvième  «  Salon  ». 

Quoique  l'art  n'y  ait  nul  intérêt,  une  «  Note  pour  l'Histoire  lit- 
téraire »  nous  apprend  que  le  Prince  de  Byzance  a  été  refusé  à 
rOdéon  (avril  1890),  et  une  lettre  de  M.  Porel  motive  ce  refus. 
Et  quant  au  Sar  Mérodack  Beladan,  l'auteur  nous  prévient  qu'il 
sera  refusé  en  novembre  1890  à  la  Comédie-Française. 

Puis  débute  la  sereine  et  limpide  critique  : 

Salon  I.  —  D'abord  le  plafond  de  Besnard,  «  gageure  d'un 
teinturier  devenu  fou  et  peintre  »,  l'ahurit;  «  ignoble  crépon  »  ; 
«  à  la  Chienlit!  » 

Salon  II.  —  Côtoyant  diverses  croûtes,  il  va  «  droit  à  la  fresque 
harmonieuse  »,  mais  regrette,  en  passant,  que  Troubetzkoy,  — 
un  Prince!  —  se  soit  compromis  en  peignant  une  femme,  k  car 
la  morale  princière  s'augmente  incroyablement,  tandis  que  tout  le 
reste  diminue  ».  A  ce  propos,  il  nous  révèle  que  la  princesse 
Mellernich,  qui  fit  représenter  TannMiiser,  en  fut  récompensée 
par  le  don  gracieux  de  la  Victoire  du  Mari. 

Quelques  pages,  ensuite,  s'emploient  à  glorifier  Pcvis  de  Cha- 
VANNES.  11  exalte  la  virilité  de  Constantin  Meunier,  la  subtilité 

de  Khnopff. 

Salon  III.  —  Ce  Besnard  est  «  inférieur  à  un  kakémono  de 
3  francs.  »  «  Il  doit  jouer  du  chromatisme  de  Chevreul  et  des 
/  théories  de  Charles  Henry  »  ;  «  il  copie,  en  couleur  de  papier- 
peinl,  Odilon  Redon,  ce  dessinateur  qui  ne  sait  pas  dessiner  ». — 
Cazin,  à  la  bonne  heure.  —  .\u  lieu  de  ce  bleu  dur,  le  Bitume  de 
Judée,  dans  le  portrait  d'Lllen  Therry  de  J.-S.  Sargent,  «  eût 
mis  l'ombre  même  de  l'ûme  de  Lady  Macbeth  dans  le  fond  du 
tableau  ». 

D'Eguzquiza,  il  dit  :  «  Il  prépare  dans  le  secret  une  œuvre 
splendide.  Son  grand  maître  désolé,  —  je  ne  m'exprime  pas  plus, 
h  dessein,  —  est  le  plus  beau  Christ  que  ce  siècle  m'ait  donné  à 
admirer.  Seul,  R.  de  Egisquiza  a  compris  comment  Wagner  cl 
ses  leitmotivs  pouvaient  compléter  l'art  passionné  de  Delacroix. 


C'est  un  des  rares  personna^ges  avec  qui  ma  rencontre  dans  une 
admiration  commune,  ait  été  harmonieuse  dès  l'abord.  Il  idolâtre 
Wagner  et  moi  je  l'adore,  et  malgré  qu'il  sera  mécontent  du  peu 
que  j'ai  dit,  je  veux  l'avoir  annoncé,  et  ce  sera  un  mérite  le  jour 
où  il  dévoilera  le  fruit  étonnant  de  son  labeur  mystérieux.  Son 
œuvre  de  grand  peintre  s'est  décidée  à  Bayreuth,  comme  mon 
œuvre  de  tragédisle  ». 

Salon  V.  —  Desboutin  n'est  pas  que  cet  excellent  graveur, 
il  est  marquis  italien. 

Salon  VI.  —  Berlioz,  Wagner,  Balakirew,  également  il  les 
admire.  —  L'harmonieux  Séon  est  un  maître.  —  Point  aussi,  etc. 
El  des  gros  mots,  miintenant,  à  propos  de  Carnot,  d'égalita- 
risme,  de  chapeau  haute-forme. 

Salon  VII.  —  Point  est  encore  un  maître.  Le  Point  du  jour, 
alors?  —  Cochon  de  Voltaire  ! 

Salon  VIII.  —  «  Qui  écrira  l'éloge  du  chat?...  »  Ici,  Péladan, 
je  suis,  —  comme  Baudelaire,  tout  à  fait  de  votre  avis.  Cette 
petite  poilue  et  douce  bête,  sensible  à  la  caresse,  j'aijpourelleun 
amour  véritable. 

Salon  X. —  Petite  réclaihe  pour  Vincent  d'Indy  :  «  Ne  pas 
confond^!  ce  musicien,  wagnérien  véritable,  avec  1  il.  Massenet 
qui  a  galvaudé  l'art  auguste  dans  Esclarmonde  »  (^lecteurs,  on 
vous  trompe!...) 

Salons  XI,  —  XII,  —  XIII,  —  XIV,  —  XV  —  «  Les  traits  hachés 
et  le  grotesque,  chez  Forain,  nuisent  à  l'intensité  de  l'effet  », 
et,  attrape,  Lhermitte  :  «  en  art  comme  en  amoiir,la  bonne 
volonté  ne  suffit  pas  ».  —  R.  de  Eguszquiza,  a  fait  un  portrait 
de  Schopenhauer,  et  un,  —  plus  sublime,  et  le  vrai,  le  seul,  — 
de  Richard  Wagner,  «  le  Karlemagne  de  la  musique  ». 

Salon  XVI  et  Sculpture.  —  Marquest  de  Vasselot  et  sa 
«  facilité  supérieure  à  rendre  visible  l'étincelle  ou  le  flambeau  que 
contient  une  tête  illustre  ».  Les  ceux,  en  un  mot,  qui  ont  un 
flambeau  dans  la  lanterne.  —  Un  Millet  sculpteur,  tel  Constantin 
Meunier  :  «  Quel  dommage  que  ce  puissant  modeleur  abaisse  sa 
main  au  Pêcheur  Boulonnais,  au  lieu  de  nous  donner  un  Saint- 
Pierre  ;  que  son  Débardeur  ne  soit  pas  un  Titan,  et  son  Marte- 
leur  Siegfried  forgeant.,  l'^pée,  et  son  Souffleur  un  alchi- 
miste !  »  etc. 

El  quelques  considérations  inutiles  sont  la  Conclusion. 

Le  salon  Jullian  (Champs-Elysées)  n'est  ici  que  pour  mémoire; 
l'auteur  s'en  étant  vu  refuser  l'entrée,  il  vitupère  et  complète  sa 
brochure  par  trois  mandements,  litres  :  Tiers-Ordre  inlellecluel 
de  la  Rose-Croix  catholique.  SYNCELLI  ACTA.  ,  , 

I.  —  Mandement  à  ceux  des  Arts  du  Dessin.  A  la  revision 
des  travaux  d'art  il  se  propose,  et  en  ce  style  : 

«  Stupéfait  de  ce  que  vos  œuvres  perdent  pour  des  erreurs 
qu'une  remarque  empêcherait  ;  persuadé  qu'il  ne  vous  manque 
qu'une  immense  lecture  et  son  assimilation,  il  nous  a  paru  con- 
forme et  à  noire  amour  de  l'Art  et  à  notre  maîtrise  de  la  Rose- 
Croix  catholique  de  paraître  en  légat  de  l'idée,  devant  vous, 
manieurs  des  couleurs  et  des  lignes  :  si  vous  nous  conviez  à 
l'examen  de  vos  esquisses  et  maquettes  (écrire  h  l'adrçsse  de  notre 
éditeur).  Accoutumé  à  voir  nos  plus  pures  intentions  vitupérées, 
nous  attendons  indiffîérent  l'accusation  d'orgueil  dont  on  nous 
remerciera  ».  -4         ' 

II.  — Au  cardinal  archevêque  île  Paris,  il  dénonce  comme 
«  lieu  poUulionnel  où  les  femmes  vont  chercher  le  spasme  cl  où 
elles  obtiennent  le  spasme»  la  Plaza  de  Toros  delà  rue  Pergoièse. 

III.  —  Excommunication  de  la  femme  Rothschild  pour  crime  de 


sacrilège  et  d'iconoclnstie.  Elle  détruisil  une  chapelle  de  slyle 
presque  Empire  el  fit  démolir  la  maison  de  Balzac.  Aussi  : 

«  Pour  CCS  crimes,  qui  écliappenl  aux  lois  du  pays,  Nous, 
)  Tribunal  Vehmique,  déclarons  infûme  celle  femme,  infâme  son 
nom,  à  moins  que  ceux  qui  le  portent  ne  désavonenl  publique- 
me;it  la  coupable.  .j 

«  La  R.  C.  objurgue  los  La  Rochefoucauld  comme  les  d'Uzès 
et  autres  gens  de  nom.^i^ils  ne  peuvent  plus'  recevoir  la  femme 
Rothschild.  ^^J 

«  La  R.  C.  objurguc  les  hommes  de  lellres  et  d'Art  qu'ils  nel 
peuvent  plus  saluer  même  la  femme  Rothschild. 

«  Si  elle  entre  dans  une  église,  une  bibliothèque,  un  musée, 
un  concert,  quiconque  à  le  droit  moral  de  la  chasser. 

«  Tout  artiste  qui  travaillera  pour  elle,  à  moins  de  faim,  est 
un  renégat  et  nous  engageons  même  les  pauvres  à  refuser  son  or 
qui  est  maudit.  » 

Espérons  que  les  peintres  et  la  prochaine  année  et  des  faits 
encore  curieux  nous  vaudront  le  iO'"  «  Salon  »  de  Joséphin 
Péladan. 


(1) 


ALBERT  WOLFF  ËIIIBËTË  PAR  Ai^TOlNE 

Comme  complément  aux  documents  curieux  que  nous  avons 
analysés  la  semaine  dernière  au  sujet  de  l'incident  dans  lequel 
Albert  Wolff  a  joué  un  rôle  si  piteux,  publions  l'amusante  faniai; 
sic  que  l'escarmouche  a  inspirée  à  Graindorgc,  le  spirituel  chro- 
niqueur de  r£'<;/to  de  Pam  ; 

TENTATIVE  INFRUCTUEUSE 

.    (M.  Antoine,   directeur  du  Théâtre-Libre,  est  assis   dans  le 

magnifique  cabinet  directorial  qu'il  ne  tardera  pas  à  posséder  sur 

le  boulevard  des  Italiens.  Un  valet  de  pied,  porlantMa  livrée  du 

•Théâtre-Libre,  annonce  M.  Albert  Wolffl) 

M.  Antoine.  —  Je  ne  connais  pas  ce  nom-là.  Faites  entrer  tout 
de  même.  Le  Théâtre-Libre  est  un  théâtre  ouvert. 

M.  Albert  Wolff  {timide  et  embarrassé).  —  Monsieur, je... 

M.  Antoine  {avec  boute']!.  —  Asseyez-vous.  Je  vous  écoule... 

M.  Albert  Wolff  {rougissant).  —  Monsieur,  j'ai  une  idée... 

M.  Antoine.  —  Une  idée  de  pièce?  Dites-la  vite. 

M.  Albert  Wolff.  —  Ce  n'est  pas  une  idée  de  pièce;  mais, 
.  puisque  vous  m'autorisez  à  parler  franchement,  voici  ce  dont  il 
sagit.  Avcz-vous  remarqué.  Monsieur,  que  le  journalisme  traverse 
une  crise;  que  les  directeurs  de  journaux  n'accueillent  que  diffi- 
cilement les  jeunes  écrivains,  et  que  le  besoin  d'un  journal  nou- 
.    veau  commence  à  se  faire  sentir?  Avcz-vous  remarqué  cela? 

M.  Antoine  {indifférent).  —  Je  l'ai  remarqué  vaguement. 

M.  Albert  Wolff.  —  J'ai  donc  eu  l'idée  de  fonder  un  journal 
ouvert  aux  débutants  et  dont  je  suis  le  directeur.  II  me  faudrait 
seulement  de  sept  à  huit  mille  francs,  et... 
~M.  Antoine  (froid).  —  C'est  peu. 

M.  Albert  Wolff.  —  Ça  me  suffit  pour  débuter. 

M.  Antoine.  —  Un  mot.  Je  ne  crois  pas  que  le  public  s'inté- 
resse démesurément  k  votre  lenlative  louche.  Il  restera  sourd  cl 
ne  donnera  pas  un  sou. 
I       M.  Albert  Wolff.  —  Je  réponds  du  public.  Avec  sepi  ou  huit 
mille  francs  et  de  la  réclame... 

M.  Antoine.  —  Je  n'ai  jamais  eu  sept  ou  huit  mille  francs, 

(1)  Voir  notre  dernier  numéro. 


Mais  je  vais  vous  donner  une  idée.  Fondéz-le  par  petites  parts  de 
cent  francs.  ^ 

M.  Albert  Wolff  {enthousiasmé).  —  Voilà  une  idée  admi- 
rable! Et  pourvu  que  vous  fassiez  prendre  de  ces  petites  parts 
aux  abonnés  du  Théâtre-Libre...  Ils  sont  très  riches  vos  abonnés 
et  cent  francs  de  plus  ou  de  moins!  C'est  entendu,  n'est-ce  pas? 

M.  Antoine  {glacial).  —  Je  réfléchirai.  Revenez  me  voir  en 
septembre. 


LA   VENTE   GRABBE 

On^ous  écrit  de  Paris  : 

Grand  tralala,  mardi,  mercredi  et  jeudi,  rue  de  La  Rochefou- 
cauld, chez  Sedelmcyer.';La  vente  de  la  collection  Prospcr  Crabbe, 
très  intelligemment  lancée,  claironnée  par  toute  la  presse,  était 
passée  au  rang  d'  «  événement  parisien  »,  et  malgré  la  concur- 
rence redoutable  des  steeples  d'Auteuil,  tout  Paris  a  défilé  devant 
les  cinquante  œuvres  qui  composaient  la  galerie  de  votre  compa- 
triote. Ron  nombre  de  Belges  dans  la  foule,  et,  parmi  eux, 
M.' Arthur  Slevens,  qui  était  venu  assister  M«  Paul  Chevallier, 
commissaire-priseur  chargé  de  la  vente. 

Le  produit  total  des  enchères  a  atteint,  avec  les  frais, 
1,669,395  francs.  L'Etat  belge  a  fait  deux  acquisitions,  et  son 
choix  a  été  très  heureux  :  il  a  acheté,  au  prix  de  32,200  francs, 
les  Pourceauoç  de  Paul  Potier,  une  des  plus  belles  œuvres  de 
l'arlisle,  et,  pour  10,500  francs,  le  Chien  au  miroir  de  Joseph 
Stevens,  l'une  de  ses  toiles  capitales. 

Ceci  dit,  voici,  en  suivant  l'ordre  du  catalogue,  le  résultat  com- 
plet de  la  vente. 

tableaux  modernes 

^  Corot,  le  Matin,  63,000  francs.  —  Id.,  le  Soir,  60,000.  — 
Decamps,  les  Mendiantes,  9,800.  —  Delacroix,  Chasse  au  tigre, 
76,000.  —  Diaz,  la  Meute  sous  bois,  27,500.  —  Dupré  (Jules),  la 
Forêt,  25,^0.  —  Fromentin,  Une  Halte  de  cavaliers  arabes, 
42,000.  —  Gallait,  Jeanne  la  Folle,  3,050.  —  Géricaull,  Une 
Charge  d'artillerie,  12,500.  —  Leys  (Henri),  Une  Ronde,  8^00. 

—  Maddu,  Intérieur  de  cabaret,  7,800.  —  Meissonier,  leGiiide, 
177,000.  —  Id.,  le  Billet  doux,  43,500.  —  Id.,  Molière  lisant, 
35,'000.  —  W\\\el{i.-¥.),  Une  Famille  de  paysans,  20,500.  — 
Ricard,  Buste  de  jeune  femme,  3,650.  —  Rousseau  (Th.),  Pay- 
sage, soleil  couchant,  30,500.  —  Id.,  les  Chênes,  34,000.  —  Id., 
La  plaine,  près  Barbizon,  13,600.  —  Slevens  (A).,  Ophélie, 
29,100.  —  Id.,  Fédora,  15,000.  —  Id.,  le  Masque  japonais, 
15,000.  —  Id.,  la  Rentrée,  9,600.  —  Stevens  (J.),  le  Chien  au 
miroir,  10,500.  —  Troyon,  le  Garde-chasse  et  .ses  chiens,  40,000. 

—  Id.,  Départ  pour  le  marché,  65,000.  — Id.,  la  Vache  blanche, 
85,000.  —  Willems,  le  Message,  6,800. 

aquarelles 
Meissonier,  Au  bord  du  Zuyderzce,  9,000.  —  Id.,  Jeune  Flo- 
rentin duw"  siècle,  3,550.  —  Id.,  le  Factionnaire,  3,500. 

tableaux  anciens 
Boucher,  Pastorale,  15,000.  —  Goyen  (Jan  van),  l'Hiver  en 
Hollande,  9,000.  —  Grehze,  Jeune  fille,  17,500.  —  Id.,  Buste 
de  petite  fille,  4,250.  —  Guardi,  la  Fête  du  Bucentaure,  16,000. 

—  Hais  (Frans),  le  Joueur  de  violon,  46,500.  —  Largillière  (N.  de) 
Bossuel  et  le  Grand  Dauphin  de  France,  28,000.  —   Macs 
(Nicolas),  le  Prince  d'Orange,  6,000.  —  Nattier,  Portrait  de 


-  1r 


A/™*  de  Flesselles,  75,000.  —  Osladc  (A.  vpn),  Buveur  et  fumeur, 
5,100.  —  Potier  (Paul),  /^s  Pourceaux,  32,200.  —  Rembrandt, 
Portrait  d'un  amiral,  106,500.  —  Rubans,  la -Sainte  Famille, 
112,000.  —  Portrait  d'un  recteur  de  l'Université  de  Louvain, 
15,000.  —  Id.,  Portrait  de  dame  Van  Parys,  25,000.  —  Id., 
Hygie,  14,500.  —  U.,  le  Martyre  de  saint  LiVt^m  (esquisse), 
25,500.  —  Id.,  /fl  Chasse  au  lion  (esquisse;),  15,000.  —  Ruisdacl 
(Jacob),  la  Tempête,  13,000.  —  Teniers  (D.),  Intérieur  de  cui- 
sine, 7,000.  —  Tcrburg,  Portrait  d'une  dame  hollandaise, 
10,100.  —  Toqué,  Portrait  de  jeune  femme,  12,800. 


Petite  chroj^ique 


II  y  a  quelques  semaines,  nous  avons  reçu  une  note  par  laquelle 
M.  Ch.-J.  Comhaire  réclame  sa  pari  d'invention  dans  les  crom- 
lechs el  dolmens  de  Solwasler.  Celle  note  détaillée  ayant  été  publiée 
et  discutée  dans  le  Journal  des  Soirées  populaires  de  Vcrviers, 
nous  nous  bornons  à  y  renvoyer  nos  lecteurs  qu'intéresserait  cette 
querelle,  dans  laquelle  l'Art  moderne  n'a  pas  à  prendre  parti. 


M.  Cornelis,  un  des  plus  brillanls  ariistes  belges  vient  d'at- 
teindre sa  cinquantième  année  de  professorat  au  Conservatoire 
royal  de  Bruxelles. 

Un  comité  s'esl  constitué  U  celte  occasion  dans  le  but  d'offrir 
h  l'éminent  professeur  un  souvenir  de  sympathie  el  de  reconnais- 
sance. 

En  conséquence,  le  comité  a  chargé  le  peintre  bien  connu 
M.  Alfred  Cluysenacr  de  faire  le  portrait  dii  vaillant  cinquante- 
naire, qui  lui  sera  remis  en  séance  solennelle  au  Conservatoire. 

Le  comité  organisateur  est  composé  de  : 

M"'*«  Lemmens  -  Shcrrington ,  van  Sousl  de  Borkenfeld  ; 
MM.  Henry  Warnols,  Aug.  Dupont,  Alph.  Mailly,  Léon  Jourel, 
Ed.  Bauwens,  Fcrnand  Raquez,  secrétaire. 

L'Exposition  des  femmes  peintres  s'ouvrira  le  19  courant,  îi 
3  heures,  dans  les  locaux  de  l'ancien  Musée  de  peinture. 


On  a  vendu  cette  semaine,  à  la  galerie  Saint-Luc,  les  tableaux, 
dessins,  aquarelles,  bijoux,  autographes,  etc.,  de  feu  M.  Edouard 
Elkan.  Les  enchères  n'ont  pas  été  très  animées,  b  en  juger  par  ces 
prix,  choisis  parmi  'les'  plus  élevés  :  F.  Willems,  Intérieur, 
4,600  francs.  —  A.Slevens,  la  Violoniste,  1,000  francs  (le  défunt 
avait  payé  ce  tableau  10,000  francs,  il  y  a  quelques  années).  — 
Clays,  Mer  calme,  1,000  francs.  —  Français,  Promenade  dans 
les  hautes  herbes^  875  francs.  —  Van  Dcers,  Berger  italien, 
600  francs.  —  Gervcx,L*e  coucher,  ^'io  francs.  —  Cazin,  In  Nuit, 
510  francs.  —  Col,  le  Marchand  de  lapins,  380  francs.  —  Dell' 
Acqua,  Retour  de  la  chasse,  340  francs.  —  Rops,  Bords  de  la 
mer,  325  francs,  etc. 

Quelques  artistes  de  la  Comédie-Française,  parmi  lesquels 
M.  Febvre  et  M"'"  Rcichenbcrg,  vont  entreprendre  une  tournée  en 
Russie,  en  Roumanie  el  en  Aulriche-Hongrie.  Le  départ  est  fixé 
au  25  courant  et  le  voyage  comprendra  :  Saint-Péiersbourg, 
Moscou,  Kief,  Odessa,  Bucarest,  Buda-Pesth,  Vienne,  où  seront 
données,  au  total,  vingt  représentations.. On  jouera  Pépa, Margot 
et  l'Ami  Fritz;  chacune  de  ces  pièces  sera  précédée  d'un  lever 
de  rideau. 

Le  mois  prochain,  M.  Mounel-Sully  entreprendra  à  son  tour  un 


voyage  à  l'élrangor.  Il  se  rendra  en  Espagne  avec  un  nombreux 
personnel  el  représcnlera  Ilamlet. 


M.  Philippe  Burty,  écrivain  cl  amateur  d'art,  vient  de  mourir 
à  Paris.  Un  des  premiers,  il  rechercha  les  épreuves  d'élal  ^|cs 
graveurs  contemporains  ;  un  des  premiers  également  il  rechercha 
les  premières  éditions  de  la  période  romantique,  les  livres  illus- 
trés- par  les  Célestin  Nanteuil,  les  frères  Johannof,  les  Boulanger, 
les  Rogier  cl  les  autres.  Un  des  premiers  aussi,  il  s'élail  épris  de 
l'art  Japonais  et  avait  amassé  les  bronzes,  les  porcelaines,  les 
armes,  les  albums  du  Nippon. 

Philippe  Burty  a  beaucoup  écril  sur  tout  ce  qui  éveillait  sa 
curiosité.  Il  a  publié  un  livre  :  Les  chefs  d'œuvre  des  arts  indus- 
triels qui  a  eu,  en  France,  plusieurs  éditions  el  a  été  traduit  en 
Angleterre.  A  Londres,  il  a  publié  :  Les  eaux-Bortes  de  Seymour- 
Haden;  en  1858,  il  a  publié  une  curieuse  étude  sur  Les  Emaux 
cloisonnés  anciens  et  modernes;  en  1869,  une  brochure  ?,\xv  Paul 
Huet;  en  1876,  il  a  publié  Les  eaux-fortes  de  Jules  de  Goncourt; 
en  1878,  sous  le  titre  de  Maîtres  et  Petits  Maîtres,  il  a  remis 
en  volume  des  éludes  J-ur  Delacroix,  Huet,  Th.  Rousseau,  Mille!. 
Gavarni  et  les  dessins  de  Victor  Hugo;  en  1880,  il  a  publié  la 
correspondance  de  Delacroix  sous  le  titre  :  Lettres  d'Eugène 
Delacroix  recueillies  et  publiées  par  Philippe  Burty;  il  a  fait 
paraître  en  1886,  à  la  librairie  de  l'Art,  une  étude  sur  Bernard 
Palissy. 

Depuis  deux  ans,  enfin,  dans  le  Japon  artistique  de  M.  Ding, 
M.  Burty  a  publié  de  très  curieux  cl  tiès  intéressants  arlich^s  sur 
les  armes,  la  céramique,  l'an  Japonais,  dont  les  manifestations 
rintéressaiept  tout  particulièrement. 


A  la  veft:e  des  portraits  de  Landseer  qui  vient  dêire  faite  h 
Londres,  Henri  Rochefort  s'est  rendu  acquéreur  du  portrait  de 
sir  Grant  pour  le  prix  de  150  giiincrs  (plus  de  4,000  francs). 

M.  Rocheforl  a  déclaré,  au  milieu  des  applaudissements  de 
l'assistance,  qu'il  faisait  don  de  cette  toile  à  la  Galerie  nationale 
en  reconnaissance  de  l'îiospiialiié  qu'il  reçoit  en  Angleterre. 


Une  Exposition  d'œuvr^îs  de  M.  Th.  Ribol,  vient  de  s'ouvrir 
chez  M.  Bernheim  jeune,  pour  se  continuer  jusqu'au  10  juillet. 

On  y  Irouvabon  nombre  d'œuvres  de  l'arliste,  des  toiles  déjà 
anciennes  ù  côté  de  ses  dernières  productions. 


M""'  Mell|a  va  quitter  l'Opéra  de  Paris.  On  lui  a  fait  d'Amé- 
rique de  telles  propositions  qu'elle  préfère  payer  le  dédit  de 
70,000  francs,  stipulé  dans  son  contra',  que  de  continuer  son 
engagement  h  Paris.  '     > 

-Voici  les  premiers  achats  de  l'Etat  au  Salon  des  Champs-Ely- 
sées : 

.Peimurk.  —  Danton  :  Une  serre  en  construction.  Daricn  :  Le 
quai  du  Louvre,  à  Paris.  Fouace  :  La  pêche.  Hareux  :  Ln  ren- 
trée du  troupeau.  Le  Quesne  :  La  légende  du  Kerdeck.  Marcc  :  La 
veillée.  Nozal  :  Matin  d'automne  aux  Andely-f.  Quignon  :  La 
Moisson.  .    ■    > 

Sculpture.  —  Carlicr  :  Gilliath  et  la  pieuvre  (Crgure  marbre). 

Gérôme  :  Tanagra  (figure  marbre). 

Marqueste  :  Persée  et  la  Gorgone  (groupe  marbre). 

?»cch  :  La  Sirène  (iii.). 

Roulleau  :  Léda  (id.).  .      .' 


PAQUEBOTS-POSTjB  DE, L'ÉTAT-BELGE  ,      . 

LIGNE   D'OSTENbE-DOUVRES 

La  plus  courte  et  la  moins  coûteuse  des  voies  extra-rapides  entre  le  Continent  et  TAngleterre 
Bruxelles  à  Londres  en  ...    .       8  heures. 
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24 


Vienne  à  Londres  en.         ...      36  heures. 
Bâle  à  Londres  en.    .         .    .    .      24      » 
Milan  à  Londres  en 33      » 


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D'Ostende  à  6  h.  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  20  soir.  -^  De  Douvres  à  midi  15,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

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fer." —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits). —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
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Pour  tous  repseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  l'Ecrploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  Y  Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l'État- Belge,  Montagne  de  la  CoUr,  90*,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  no  53,  à  Londres,  à  l'Agence  de  Chemins  de  fer 
de^'.É'ïar,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  Jlf.  .4r//iM»- FrancACTî,  Domkloster,no  1,  à  Cologne.  , 


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Eaux-fortes.  Desisins.  Lithographies 

FORMANT  LA  COLLECTION  DE"  FEU  M^  F.  0. 


La  vente  publique  aura  lieu  le  lundi  10  juin,  et  deux  jours  suivants, 
.sous  la  direction  et  au  domicile  <lo  A.  B^tlFF,  libraire,  10,  rue  du 
Gcntilljomme  (ancienne  petite  rue  de  l'Ecuyer),  à  Bruxelles.  On  peut 
s'y  proturer  pour  20  centimes,  le  catalogue  renfermant  802  numéros. 

ETUDE    DE    M''  MARCHAND,    AVOUÉ    A   ARRAS. 
VILLE  D' ARRAS  (Pa^  de  Calais) 

Par  suite  de  la  faillite  de  M.  Albert  Dehée,  fabricant  d'huiles,  à 
Arras,  par  le  ministère  de  MM.  HENRY  et  ADV'IELLE,  commissai- 
res-priseurs, 

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0'",85.  Deux  vases  en  porcelaine  de  Sèvres,  signés  A  Schilt,  h.  0'",95 
et  73  tableaux  par  :  Victor  Gilbert,  De  Perme,  Jean  péraud,  E.  Berue- 
Bcllecour,  Edouard  Détaille,  Georges  Cain,  Benjaniin  Constant, 
L.-O.  Brilloin,  Emile  Breton,  Edmond  You,  E.  Damerou,  Willems, 
Palizzi,  John  Levis  Brown,  J.  Mélin,  Charles-Jacques,  E.  Foubert, 
E.  Damoye,  A.  Guillemet  et  autres. 

Jours  de  vente  :  Lundi,  23  juin,  à  2  heures,  Tableaux.  —  Mardi, 
24  juin,  à  2  heures.  Céramiques  et  objets  d'art. 

S'adresser  pour  les  catalogues  à  M*  Marchand,  syndic,  et  aux 
commissaires- priseurs,  à  Arras. 

Pour  extrait  :  (Signé)  Marchand. 


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Paris  1867, 1878,  1"  prix.  —  Sidney,  seuls  1"  el  2«  prix 

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Breitkopf  et  Hartel,  éditeurs,  Leipzig-bruxelles 


TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisomiée  du  quatuor  et  des  principales 

forme^de  la  musique  pour  piano  par  J.-G.  Lol^ie. 

Traduit  de   l'allemand  (d'après   la  5®  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8".  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  sou  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  -Un  des  ouvrages  d'enseignement  musical  les  plus 
estimés  en  Allemagne. 


/ 


bruxelles.  — /Imp.  Y*  Monmom,  26,  rue  de  l'Industrie. 


Dixième  année.  —  N**  25. 


Le  NXJtiÉRo  :  25  centimes. 


Dimanche  22  Juin  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DESJIRTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

/  

Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.  10.00;  Union  postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES   :    On  traite  à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  26,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 

Lb  Théatre-Librk.   —  The  corporation  aht-«allery.  —   La 
Basoche.  —  L'Exposition  des  femmes  peintres.  —  Concours   du 

CONSERVATOIRE.     ThÉATRE    MoLIÈRE.     VeNTE     DES    ŒUVRES     DE 

F.  Rops.  —  Chronique  judiciaire  des  arts.  —  Mémento  des  expo- 
sitions. —  Petite  CHRONiQirE. 


LE  THEATRE-LIBRE 

Quatrième  et  deitiier  article  (1) 

La  transformation  que  poursuit  M.  Antoine  devra 
s'effectuer  dans  toutes  les  parties  de  l'art  dramatique  : 
les  décors  étant  ramenés  aux  dimensions  courantes  des 
milieux  de  la  vie  contemporaine,  les  pers'onnages  s'agi- 
teront dans  des  cadres  vraisemblables,  sans  le  souci  de 
faire  tableau.  Le  spectateur  goûtera  les  simples  gestes, 
les  justes  mouvements  d'un  homme  moderne,  vivant  de 
notre  vie  journalière. 

Les  mouvements  proprement  dits  de  mise  en  scèn^^. 
seront  modifiés  :  le  comédien  ne  sortira  plus  constam-     ^ 
ment  du  cadre  où  il  se  meut,  courant  à  la  rampe  pour 
poser  devant  la  salle;  il  évoluera  dans  les  meubles,  dans 
les  accessoires,    et,  son  jeu  s'élargira  de  ces  mille 
nuances  et  de  ces  mille  détails  devenus  indispensables 

(1)  Voir  nos  numéros  des  l""',  8  et  15  juin. 


pour  fixer  et  composer  logiquement  un  personnage. 
Le*  mouvement  purement  mécanique,  les  effets  de 
voix,  les  gestes  empiriques  et  redondants  disparaissant 
avec  la  simplification  et  le  retour  à  la  réalité  de  l'action 
théâtrale,  le  comédien  sera  ramené  aux  gestes  natu- 
rels; les  expressions  s'appuieront  sur  des  accessoires 
familiers  et  réels  ;  un  crayon  retourné,  une  tasse  ren- 
versée, seront  aussi  significatifs,  d'un  effet  aussi  intense 
sur  l'esprit  du  spectateur  que  les  exagérations  grandi- 
loques  du  théâtre  romantique. 

Cet  apparent  bouleversement  n'est  qu'un  retour 
vers  les  grands  exemples  de  la  tradition  et- les  plus 
renommés  comédiens  ont  dû  leurs  beaux  effets  à  des 
moyens  simples?  Chez  le  comédien,  le  métier  est  V en- 
nemi de  Vart*  Entendons  le  métier  envahissant  tout, 
l'habileté  et  le  tour  de  main  trop  constants  étouffant  la 
personnalité  et  dominant  la  suprême  qualité  de  l'exé- 
cutant dramatique  :  \ émotion ^  cette  sensibilité  dédou- 
blée et  spéciale  qui  pénètre  le  comédien  véritablement 
artiste. 

Là,  comme  dans  tous  les  arts,  la  sincérité,  l'élan, 
l'espèce  de  conviction,  la  fièvre  particulière  qui 
secouent  l'interprète,  sont  les  dons  les  plus  précieux. 
Les  plus  grands  acteurs  ont  été  des  élèves  médiocre- 
ment classés,  précisément  parce  que  leur  tempérament 
artistique  se  trouvait  réfractaire  aux  traditions  et  aux 
enseignements  étroitement  exclusifs. 


1 
194 


UART  MODERNE 


'N 


Stendhal  répondità  quelqu'un  lui  demandant  s'il  avait 
jamais  vu  une  pièce  de  théâtre  parfaitement  rendue  : 
Oui,  autrefois,  en  Italie,  par  des  acteurs  médiocres, 
dans  une  grange. 

Le  système  de  vedettes  a  fait  un  tort  énorme  à  l'art 
dramatique  :  un  ou  deux  artistes  de  premier  ordre 
autour  desquels  tout  gravite  et  pour  lesquels  tout  est 
réglé.  Avec  un  pareil  état  de  choses,  que  deviennent  la 
pondération,  l'équilibre,  l'harmonie  d'une  œuvre?  N'im- 
porte quel  comédien  de  l'heure  présente  ne  s'occupera 
dans  la  représentation  que  de  la  partie  qui  lui  incombe, 
ne  songera  qu'à  amplifier,  développer  son  rôle  et  l'eff'et 
de  ce  rôle,  quitte  à  déséquilibrer  tout  le  reste. 

Le  modèle  d'une  troupe  d'ensemble  serait  le  groupe- 
ment d'une  trentaine  d'acteurs  de  qualités  égales,  de 
talents  moyens,  de  personnalités  simples,  qui  se  plie- 
raient toujours  et  quand  même  à  cette  loi  fondamen- 
tale de  l'ensemble.  Et  ceci  implique  une  modification 
très  curieuse  signalée  par  M.  Antoine  :  Plus  de  noms 
dacteurs  et  d'actrices  sur  les  affiches.  Rien  que  le  titre 
de  la  pièce  et  de  ses  auteurs.  Les  sottes  vanités  de 
l'odieux  cabotinage  supprimées. 

On  ne  saurait  passer  sous  silence  une  très  grave 
question  :  celle  du  luxe  au  théâtre.  On  sait  l'impor-. 
tance  qu'a  prise  la  question  toilette  pour  les  femmes. 
Il  n'est  point  rare  de  voir  une  comédienne  dépenser 
douze  ou  quinze  mille  francs,  ses  appointements  d'une 
année,  pour  habiller  un  rôle.  La  question  de  moralité 
ne  peut  être  discutée  ici,  mais  nous  constatons  l'impos- 
sibilité absolue  où  se  trouve  une  femme  de  théâtre  de 
se  suffire  avec  ses  gains.  Certains  directeurs  ne  crai- 
gnent pas  d'exiger  àe  leurs  artistes  des  toilettes  tout  à 
-  fait  hors  de  proportion  avec  les  appointements  qu'ils 
leur  allouent;  l'industrie  théâtrale  côtoie  d'un  peu  trop 
près  l'exploitation  de  la  galanterie. 

Il  n'est  pas  rare  de  voir,  sur  les  premières  scènes,  des 
femmes  de  chambre  habillées  de  robes  de  cinquante 
louis  et  vêtues  comme  des  duchesses.  Si,  à  la  rigueur, 
une  pièce  mondaine  peut  servir  de  thème  aux  variations 
des  couturières  en  renom,  il  ne  serait  point  oiseux 
d'exiger  des  actrices  une  mise  appropriée  au  caractère 
des  rôles  interprétés  par  elles.  Est-il  rien  de  plus  faux, 
de  plus  déplaisant,  que  de  voir  une  comédienne  empê- 
trée dans  des  robes  trop  neuves,  obsédée  par  l'appré- 
hension de  détériorer  sa  toilette  et  circulant  dans  une 
action  dramatique  où  ces  considérations  de  dernier  ordre 
viennent  dénaturer  son  jeu  et  gêner  ses  mouvements? 
La  galanterie  ténale  et  le  proxénétisme,  soigneuse- 
ment maintenus  jusqu'ici  dans  les  milieux  spéciaux  et 
les  théâtres  à  exhibitions,  envahissent  de  plus  en  plus 
les  scènes  classées.  Or,  une  actrice  ne  peut  pas  travailler 
sérieusement  avec  des  préoccupations  de  cet  ordre. 

Autre  point.  Depuis  des  années,  le  public  semble  avoir 
pris  un  goût  très  vif  pour  la  partie  purement  décorative. 


Toute  une  pléiade  d'auteurs  dramatiques  s'est  évertuée 
à  ne  produire  que  des  ouvrages  se  réduisant  à  un  simple 
motif  de  décorations  originales!  ^. 

Or,  pour  quelle  raison  les  mises  en  scène  anglaises  et 
allemandes  laissent-elles  une  si  profonde  impl'ession 
d'art,  bien  supérieure  à  celle  éprouvée  devant  le  plus 
somptueux  décor  de  l'une  des  scènes  parisiennes?  Voici  : 
les  Allemands  ont  porté  l'éclairage  des  décors  et  les 
projections  lumineuses  à  un  degré  de  perfection  consi- 
dérable. Windham,  au  Criterion  de  Londres,  dispose 
d'un  plancher  mouvant  machiné  très  simplement  et 
très  commodément  pour  opérer  à  l'infini  et  sans  bruit 
les  changements  les  plus  compliqués.  Irving  a  fait 
mouvoir  les  figurations  avec  un  soin  patient  et  un 
ensemble  qui  émerveillent  les  voyageurs.  Presque  tous 
les  théâtres  anglais  emploient  avec  un  rare  bonheur 
les  objets  en  relief,  les  plantes  naturelles,  les  fleurs 
artificielles  dans  leur  décoraUon.  Les  Meininger,  au 
théâtre  Grand-Ducal  de  Saxe,  ont  poussé  fort  loin  l'art 
des  plantations  de  décors  curieuses  et  variées. 

Il  y  a  à  introduire  dans  les  pièces  modernes  les  instal- 
lations irrégulières,  diverses,  conformes  à  nos  apparte- 
ments, à  nos  intérieurs  actuels.  Il  faudrait  se  rendre 
compte  de  l'eff'et  que  produiraient  des  décors  en  boiserie 
pleine.  Il  y  aurait  lieu,  dans  les  tableaux  de  plein  air, 
de  tenter  la  suppression  complète  des  coulisses,  des 
bandes  d'air,  de  tout  l'encadrement  factice  qui  rétrécit 
le  tableau.  Des  décors  peints  avec  des  procédés  autres 
que  ceux  employés  actuellement,  prendraient  un  relief 
tout  nouveau,  une  impression  de  vie,  de  nature  et  de 
fraîcheur  particulière. 

Le  moment  est  venu  de  conclure.  Pour  expliquer, 
rendre  plausible  l'effort  nouveau  et  particulier  que  le 
Théâtre-Libre  va  tenter,  l'année  prochaine^,  il  a  fallu 
crier  la*  vérité  très  haut.  Le  mérite  du  livre  de 
M.  Antoine  sera  d'avoir  réuni,  condensé  et  rendu  public 
ce  qui  se  dit  actuellement  et  partout  sur  le  théâtre.  Il 
pousse  à  la  révolution  dramatique  et  tout  fait  espérer 
qu'il  triomphera. 


THE  CORPORATION  ART  GUIERY 

(Correspondance  particulière  de  VArt  modome). 

Celle  Exposition  qui  vienl'dc  s'ouvrir,  à  Londres,  est  éclatante 
d'œuvres  de  grande  marque.  Elle  prouve  les  maîtres  anciens  et 
les  maîtres  modernes,  péremptoirement. 

Parmi  ceux-là  s'iliuslrc,  liors  de  rang,  Genlilc  Bellini.  Le  por- 
trait d'un  doge  de  Venise,  plus  superbe  même  que  celui  de  la 
National,  est  une  œuvre  d'une  splendeur  et  aussi  d'une  profon- 
fondeur  larges.  Les  couleurs  les  plus  fastueuses  caractérisent  les 
insignes  et  les  vêlements  traditionnels,  tandis  que  le  dessin  le 
plus  synthétique  et  à  la  fois  le  plus  scrupuleux  d'exactitude 
marque  l'élude  de  la  figure.  A  côté  de  ce  merveilleux  fragment 
d'art,  voici  des  Francia,  un  Raphaël,  un  Fra  Barlolomeo,  négli- 


VART  MODERNE 


195 


/ 


geables.  Aussi  un  Jean  Van  Eyk  de  second  ordre  ou  plulôt  de 
seconde  main. 

Exquise  d'esprit,  de  finesse,  de  grâce  et  de  joie,  Madame  de 
Parabère,  par  Largillière.  La  spirituelle  opulence  de  la  toilette, 
le  goûl  de  la  coiffure  indiqtient  la  grande  dame  amoureuse  de  son 
luxe  plus  encore  que  de  ses  amants.  Et  presqu'en  face  les  trois 
comtesses  Elisabeth ,  CharloUe  et  Horatia  Waldegrave ,  par 
Reynolds,  toutes  avec  un  charme  de  rafiincmenl  mélancolique  et 
d  élégance  sans  apprôts  et  comme  matinale. 

Voici  un  paysage  de  jardins,  très  curieux,  d'Hogarih,  entendu 
en  ce  style  vénitien  du  xviii"  siècle  des  Guardi  et  de  Canaletto 
quand  ils  peignent  autre  chose  que  de  marines;  aussi  une  lêtë 
de  Romney  et  deux  Lawrence,  médiocres.  Un  Reynolds  sec  laisse 
deviner  la  parenté  ou  plulôt  l'imitation  de  la  peinture  française 
par  les  portraitistes  anglais  à.  leurs  débuts.  Restent  des  Van  Dyck 
quelconques,  des  Teniers,  dps  Steen,  des  Both,  des  Backhuysen, 
des  Cuyp.  De  ce  tas  émerge  un  remarquable  paysage  de  Jan  van 
Haegen  et  un  portrait  du  très  peu  notoire,  mais  très  artiste  Guil- 
laume Stretcs,  —  une  merveille.  ' 

Dans  la  salle  voisine,  les  modernes. 

Si  l'on  voulait  suivre  la  peinture  du  rêve  depuis  son  origine 
dans  l'école  anglaise,  certes,  faudrait-il  débuter  par  la  signaler 
puissante  et  très  personnelle  dans  William  Black.  L'Art  moderne 
a  publié  jadis  une  étude  sur  ce  peintre.  Puis  la  suivre  dans  Stot- 
tard  et  d'autres;  puis  la  caractériser  dans  Madox  Brown  oiï  elle 
devient  historique  et  dans  Patou  où  elle  s'émerveille  de  féerie. 

Celui  qui,  certes,  a  le  plus  influencé  les  préraphaélites  —  à 
part,  bien  entendu,  les  Italiens  —  c'est  Madox  Brown.  Holman 
Hunt  sort  de  lui.  Cela  est  notoire  en  ce  présent  Salon.  Egalement, 
dans  le'  Corps  de  Don  Juan  découvert  pur  Haydée,  une  figure  de. 
femme  est  comme  le  modèle  du  type  des  Proserpine,  des  Pia  et 
des  Véronique  adopté  prcsqu'invariablcment  par  Rossclti. 

Madox  Brown  est  un  grand  peintre  qui,  toujours,  croyons-nous, 
sera  mécoima.  Il  a  si  peu  d'aimant  pour  tenter  môme  certains 
artistes.  Mais  quand  par  réflexion,  par  pensée,  on  est  entré  dans 
son  an,  colui-ci  grandit  soudainement.  C'est  un  maître  rude  et 
barbare,  anglo-saxon  jusqu'au  fond  du  sang,  puissant  et  rouge. 
D'une  humanité  rudimcntaire  cl  populaire,  il  met  à  traduire  son 
art,  une  naïveté  et  une  réalité  étonnantes.  Son  :  Vous  mangerez 
votre  pnin  à  la  sueur  de  votre  front,  est  une  œuvre  (J|c  la  plus 
étrange  imj)rcssion.  La  scène  est  d'un  détail  tout  moderne  :  des 
ouvriers  paveurs,  des  mendiants,  des  enfants  qui  se  battent,  des 
hommes-sandwiches,  des  dames,  un  cavalier  et  une  amazone,  une 
marchande  d'oranges,  etc.  3/étrange  consiste  en  ce  que,  par  la  dis- 
position des  plans,  par  une  certaine  gaucherie  de  présentation, 
par  un  jeu  de  perspective  curieux,  par  la  couleur  et  la  distribu- 
lion  d'ombre  et  dé  lumière,  on  ne  songe  pas  un  instant  à  la' 
modernité  du  sujet.  Le  tableau  tient  si  bien  de  la  légende,  de  la 
mise  en  pratique  d'un  enseignement,  d'une  œuvre  allégorique  et 
symbolique,  qu'elle  déroute.  Elle  est  extraordinaire  de  contraste. 
On  sait  que  Madox  Brown  fut  un  disciple  de  Leys. 

Lui,  Holman  Hunt,  le  plus  sincère,  le  plus  scrupuleux,  le  plus 
probe  artiste  que  nous  sachions,  csl  certes  encore  plus  grand  par 
son  caractère  que  par  son  talent.  C'est  lui  surtout,  lui  et  Seddon 
—  dont  un  tableau,  récemment  acquit,  s'impose  à  la  National 
Oallery  —  qui  paraissent  les  représentants  les  plus  purs  des  aspi- 
rations préraphaélites.  Ils  sont,  pour  ainsi  dire,  des  ascétiques. 
Rossetli  est  un  grand  passionné,  un  souffrant  d'au  delà  du  monde. 
Eux,  comme  des  moines  patients,  comme  de  pieux  et  stricts 


adorateurs  de  la  nature  de  Dieu,  ils  témoignent,  par  leurs  œuvres, 
de  leur  àme  profonde,  vénérante  et  soumise.  Holman  Hunt  se 
prouve  en  trois  envois  :  Les  deux  gentilshommes  de  Vérone, 
Jsabella  et  le  Triomphe  des  innocents.  Ce  dernier,  le  plus  impor- 
tant du  peinire,  que  nous  connaissions,  a  toute  la  crudité  d'un 
Watts.  Même  dessin  à  cordes  et  à  nœuds,  même  lourdeur,  mêmes, 
aussi,  alcools  de  ions.  La  scène  indique  une  fuite  en  Egypte.  Le 
Jésus,  avec  des  épis  dans  les  mains,  sourit  k  une  multitude 
d'enfants  gras  qui  l'accompagnent,  couronnés  de  roses  et  tenant 
des  palmes.  L'œuvre,  quoique  ûpre  et  vinaigrée,  est  profondé- 
ment attirante  et  ne  rebute  qu'à  première  vue. 

Rossetli  est  représenté  par  deux  panneaux,  dont  l'un,  la  Fiancée, 
est  exquisement  charmeur  et  rêveusement  doux  et  triste.  Cet 
artiste,  le  plus  grand,  certes,  du  groupe  préraphaélite,  a  exprimé 
l'amour  comme  aucun  peintre  en  ce  siècle. 

Burne-Jones,  beaucoup  moins  original  et  bien  plus  italianisé, 
se  présente  à  la  rampe  avec  le  Chant  d'amour,  d'un  songe  char- 
mant de  légende.  Son  élève  Strudwich  expose  également,  en  des 
tons  fanés  de  poussière  et  de  feuilles  rousses  et  brunes,  l'histoire 
d'un  chevalier  endormi  dans  un  bois  fabuleux  et  le  tête-à-tête  de 
deux  jeunes  filles  lisant  un  livre  et  effeuillant  des  fleurs  en  un 
palais.  M.  Strudwich  reste,  en  ces  deux  œuvres,  personnel. 

Leigton,  Aima  Tadema,  Storey  ne  surprennent  guère.  On 
côtoie  également  les  lions  assez  inoffonsifs  de  Rivière  et  des  gens 
qui  font  grand  effort  de  biceps  et  de  poings  tendus,  sur  des  toiles 
de  minuscule  intérêt.  Quelques  scènes  d'intérieur  calmes,  très 
goûlées  par  le  public,  tranquilliseraient  d'ailleurs  les  plus  crain- 
tifs. 

Bien  que  déjà  nous  ayons  eu  l'occasion  de  caractériser,  à 
maintes 'reprises,  l'art  si  original  de  Watts,  nous  y  voulons  revenir 
encore.  11  y  a  des  messieurs  qui  confondraient  assez  facilement 
les  œuvres  de  Watts  avec  certaines  toiles  de  Wierlz.  Mais  de  ces 
messieurs,  il  ne  faut  pas  tenir  compte. 

Ce  peintre  range  au  présent  Salon,  côte  à  côte,  des  portraits  cl 
des  légendes  :  Fata  morgana,  le  Mal,  Ariadne  à  Naxvs  et  Miss 
Violet  Lundsay,  ainsi  que  le  poète-critique  William  Morris. 
Nous  avons  suffisamment,  en  des  articles  précédents,  parlé  de 
l'artiste  symboliste.  Le  portraitiste  est  attirant,  certes,  autant.  La 
tête  de  Miss  Violet  Lundsay,  sur  des  fonds  bleus  étouffés  comme 
des  lazuli  voilés,  se  délache  blonde,  émaciée  et  vaguement  son- 
geuse. Une  tristesse  frêle  comme  un  regret  d'on  ne  sait  quoi  flotte 
autour  de  ce  front  doucement  penché.  C'est  une  évocation  très 
féminine  et  —  quoique  cela  puisse  étonner  de  la  part  de  Watts 
—  gracieuse.  William  Morris  est  exprimé  dans  son  intelligence, 
dans  son  rêve  et  dans  sa  volonté  tranquille.  On  nous  disait,  der- 
nièrement, que  c'est  bien  de  parti-pris  que  Watts  adopte  sa 
manière  brutale  et  barbare  de  peindre.  Tout  comme  un  autre,  il 
lui  serait  facile  d'avoir  la  touche  élégante,  fine  cl  distinguée.  Des 
œuvres  tenues  cachées  le  prouvent.  Mais  rien  ne  le  laisse  plus 
froid  que  celte  joliesse  courante,  que  ce  faire  propre  et  banal  et 
que  toute  cette  mode  dé  correction  et  de  prestigieuse  habileté 
extérieure. 

Nous  reviendrons  encore  sur  l'art  de  ce  peintre. 


A 


196 


VART  MODERNE 


Opéra  comique  de  MM.  Albert  Carré  et  André  Messager, 

{Correspondance  ■particulière  de  l'Art  moderne). 

Moult  joyeusement  escholiers  cl  ribaudcs,  en  l'hoslellerie 
du  Plat  d'étain,  par  leurs  plaisants  propos  et  leurs  génies 
chansons,  ont  chassé  les  araignées  qui  lamentablement  commen- 
çaient de  tisser  leurs  toiles  dans  la  solitude  de  l'Opéra-Comique,  où 
traînait  l'ennui  du  Dante  de  Messire  Benjamin.  Et  le  public 
accourt,  et  claque  des  mains,  et  houpe  du  gosier,  et  fait  redire 
une  et  deux  et  trois  fois  les  jolis  couplels  cl  les  ingénieux  passe- 
pieds,  vilanelles,  rondos  et  rigodons  du  jeune  maître  ès-musique, 
André  Messager. 

En  langage  moins  sixcenliste,  la  Basoche  est  un  très  gros 
succès,  el  un  double  succès  dons  lequel  le  parolier  et  le  compo- 
siteur ont  chacun  leur  part.  Le  livret,  spirituellement  agencé, 
repose  sur  le  quiproquo  que  voici  :  Colette,  la  femme  de  Clément 
Marot,  vient  en  cachette,  et  malgré  la  défense  de  son  époux  (les 
statuts  de  la  Basoche  interdisaient  strictement  le  mariage  aux 
escholiers),  rejoindre  à  Paris  son  cher  petit  mari.  En  le  voyant 
couronner  par  ses  camarades,  caracoler  au  milieu  d'une  cour 
carnavalesque,  elle  est  convaincue  qu'elle  a  épousé  le  roi,  le  vrai 
roi  de  France,  que  des  raisons  d'Etat  ont  seules  empêché  de  se 
dévoiler  à  elle.  Mais  elle  se  heurte,  eji  l'hoslellerie  où  elle 
débarque,  à  la  reine  de  France  aulhenlique,  Marie  d'Angleterre, 
que  le  duc  de  Longueville  a  été  solennellement  quérir  à  la  cour 
d'Henri  Vlll  et  qui  a  l'étrange  fantaisie,  en  attendant  sa  présen- 
tation à  Louis  XII,  son  futur  époux,  de  courir  les  rues  de  Paris. 
Elle  prend  innocemment  Clément  Marot,  roi  de  la  Basoche,  pour 
son  fiance,  et  la  voilà  «  emballée  »  comme  on  dit  en  la  langue 
pittoresque  du  xix*  siècle,  pour  le  héros  de  la  folle  esiudiantfna. 

Si  loul  cela  n'est  pas  très  vraisemblable,  l'intrigue  a  le  mérite 
d'amener  d'extraordinaires  complications  el  des  scènes  vraiment 
gaJes  qui  ont  excité  la  verve  du  compositeur  et  lui  ont  fourni 
l'occasion  d'écrire  une  vingtaine  de  morceaux  charmants. 

M.  André  Messager  est,  comme  chacun  sait,  un  excellent  musi- 
cien, essentiellement  artiste  et  d'une  éducation  musicale  raffinée. 
S'il  a  écrit  François-les-Bas- Bleus  et  la  Fauvette  du  Temple, 
dont  le  genre  léger  contraste  quelque  peu  avec  le  sentiment  intense 
.  d'an  que  dix  minutes  de  conversation  révèlent  en  lui,  c'est,  sans 
doute,  qu'il  s'est  dit  :  «  On  joue  les  opérettes,  el  les  drames 
lyriques  sommeillent  dans  les  carions  des  directeurs.  Ecrivons 
d'abord  des  opérettes,  faisons-les  jouer,  et  rira  bien  qui  rira  le 
dernier.  »Nous  apprendrons  sarts 'aucune  surprise  que  l'auteur  de 
K^François-les-Bas-Bleus  travaille  à  une  œuvre  lyrique  de  la  plus 
large  envergure.  Et  peut-être  qu'en  ce  moment  même...  Mais 
chut  !  soyons  discret. 

La  Basoche  est,  dans  la  hiérarchie  des  œuvres  de  M.  Messager, 
d'un  degré  plus  élevé  que  les  partitions  que  nous  venons  de  citer- 
Ne  serait-ce  pas  l'échelon  qui  va  lui  servir  h  escalader  tout  à  coup 
l'étage  supérieur?  La  musique  en  est  pimpante  cl  gaie,  mais 
extrêmement  fine  et  toujours  distinguée.  Une  instrumentation 
piquante,  pleine  de  trouvailles  et  d'effets  amusants,  relève  le  tissu 
mélodique,    qui   côtoie  souvent  l'opéreite  sans  y  choir.  Les 

(1)  La  partition  de  la  Basoche,  réduite  par  l'auleur  pour  piano  et 
chtfnt,  vient  de  paraître  chez  Choudens,  à  Paris. 


ensembles  symphoniques  el  vocaux  sont  traités  par  un  musi- 
cien expert,  connaissant  son  métier  sur  le  bout  des  doigts, 
el  tout  à  fait  maître  de  sa  main.  Citons  notamment...  Mais  à  quoi 
bon  citer?  A  pari  l'air  d'entrée  de  Marie  d'Angleterre,  un  air  à 
cocottes  et  à  roulades  qui  jure  dans  ce  milieu  coquet,  tout  est  à 
son  plan  el  mériterait  une  mention.  On  en  jugera  d'ailleurs  à 
Bruxelles  l'an  prochain  sans  doute  :  le  succès  de  la  Basoche  à 
rOpéra-Comique  impose  à  la  direction  du  théâtre  de  la  Monnaie 
l'obligation  de  monter  l'œuvre  à  son  tour.  Et  précisément  la 
semaine  dernière,  pous  avons  aperçu  M.  Sloumon  qui  traversait 
résolument  la  place  du  Châtelet  au  moment  précis  où  la  toile 
allait  se  lever  sur  «  une  place  du  vieux  Paris  »... 

L'interprétation  de  la  Basoche  est  bonne,  même  très  bonne. 
M""*  Landouzy  égrène,  dans  le  joli  rôle  de  la  reine,  le  chapelet  de 
ses  notes  cristallines,  et  M"*  Molé-Truffier  joue  avec  beaucoup 
d'intelligence  et  de  grâce  celui  de  Colette,  qu'elle  chante  d'une 
voix  un  peu  métallique  mais  néanmoins  agréable.  M.  Soulacroix 
a  créé  un  Clément  Marot  plein  de  jeunesse,  de  verve,  de  séduction, 
et  les  mélodies  écrites  par  l'auteur  (quelques-unes  le  sont  sur  des 
vers  du  poète  lui-même)  tombent  fort  bien  dans  sa  voix.  Enfin,  la 
basse-bouffe,  M.  Fugère,  est  un  artiste  de  premier  ordre,  qui  joue 
en  comédien  de  race  et  chante  d'une  voix  superbe  le  personnage 
du  duc  de  Longueville.  Les  chœurs  et  l'orchestre,  sous  la  direc- 
tion de  M.  Danbé,  marchent  avec  ensemble  et  avec  précision.  Si 
la  Basoche  eût  été  donnée  quelques  mois  plus  tôt,  M.  Paravey 
eût  certes  fait  une  campagne  plus  brillante  que  celle  que  lui  a 
valu  ce  pauvre  Dante,  décédé  avant  l'âge,  et  ravi  inopinément  à 
l'affection  des  siens. 


L'Exposition  dps  Femmes  peintres. 

Les  «  femmes  peintres  »  ont  eu  l'amabilité  de  nous  convier  à 
l'ouverture  d'un  Salonnet  dans  lequel  elles  ont  réuni  une  centaine 
de  tableaux  peints  par  elles,  et  même  plusieurs  morceaux  de 
sculpture  qu'elles  ont  pris  la  peine  de  modeler  dans  la  cire  et  la 
terre  plastique,  au  risque  de  tacher  leurs  jolis  doigts.  Celte  ouver- 
ture était  très  coquette,  avec  son  joyeux  bourdonnement,  son 
froufrou  de  toilettes,  ses  bavettes  taillées  dans  les  coins,  son  flir- 
tage  discret,  l'effarement  des  gentilles  exposantes,  très  fières  de 
poser  au  rapin. 

A  part  M"«  Louise  Desbordes,  dont  on  connaît  les  œuvres  pour 
les  avoir  appréciées  dans  les  vrais  Salons  où  exposent  des  pein- 
tres barbus,  M"«  Pauline  Cuno,  dont  les  fleurs,  adroitement  cro- 
quées, ornent  parfois  telle  vitrine  de  marchand,  M"*  d'Espiennes, 
vouée  aux  chevaux,  et  M"*  Dupré,  qui  expose  souvent  avec  les 
aquarellistes,  tous  les  noms  (il  y  en  a  de  délicieux  :  Andaluzia, 
Fausline,  Angélique,  Cornélia)  qui  décorent  les  cadres  sont 
vierges,  croyons-nous,  de  toute  accoinlance  avec  les  catalogues 
officiels.  —  Du  moins,  les  catalogues  bruxellois  :  car  la  plupart 
de  ces  dames  ont  eu  des  médailles  de  bronze,  et  même  d'argent, 
à  Cologne  et  ailleurs.  L'une  d'elles  est  chevalier  de  Mélusine,  litre 
charmant,  argentin  et  frais  comme  un  conte  de  fées. 

Cet  ensemble  de  fleurs,  de  nalures-morles,  de  pajeages  el  de  por- 
traits paraît  être  un  peu  en  avance  sur  l'époque  des  distributions 
de  prix  où,  dans  les  pensionnats,  s'exhibent  aux  parents  émer- 
veillés les  travaux  des  élèves. 

Pour  la  seconde  fois,  le  Cercle  des  femmes  peintres  ouvre  son 
Salon,   qui  paraît  devoir  être  chronique.  La  mode  est  donc 


actuellement,  chez  ces  dames,  de  peindre  ei  de  sculpter.  Elles 
mettent  à  passer  le  peignoir  de  toile  grise  la  même  coquetterie 
que  jadis  à  nouer  le  tablier  pour  la  fabrication  des  confitures. 
Peinture  ou  confiture,  n'est-ce  pas  toujours  un  emploi  des  longues 
heures  de  la  journée  et  pour  nous,  les  maris,  les  frères,  les  amants, 
quelque  Illusion  de  sécurité? 

foNCOUR?    DU    foN^ZRYATOlRE 

Le  petit  concert  d'usage  a  commencé  la  fête.  Sous  la  dir.cctiou 
des  professeurs  des  classes  d'ensemble,  MM.  Warnots,  Soubre, 
Bauwens,  Colyns,  Agniez,  les  élèves  ont  fait  entendre  quelques 
choeurs  sans  accompagnement  :  des  Psaumes  harmonisés  par 
M.  Gevaerl,  un  Adoramus  dp  Palestrina,  plus  un  Surrcxit  pastor 
de  Mendelssohn  soutenu  par  l'orgue.  Au  résumé,  musique  aus- 
tère, décente,  appropriée  au  caractère  de  la  maison  et  à  la  solen- 
nité du  jour. 

Dans  la  seconde  partie,  outre  la  symphonie  en  la  de  Mozart 
destinée  à  mettre  en  relief  les  progrès  très  sensibles  de  la  classe 
d'ensemble  instrumental,  l'orchcslrc  a  fait  entendre  deux  œuvres 
nouvelles,  et,  mieux  encore,  deux  œuvres  belges. 

L'une  est  une  Symphonietta  de  M.  Edouard  Samuel,  dont  on 
n'a  malheureusement  exécuté  que  deux  fragments  :  VAndante  et 
le  Final.  Ces  deux  morceaux  sont  écrits  avec  talent  et  donnent 
l'envie  de  connaître  l'œuvre  entière.  Le  thème  de  VAndajite  est 
très  attachant,  et  si  les  développements  trahissent  encore  l'inexpé- 
rience, du  moins  l'œuvre  ne  manque  ni  de  distinction,  ni  de 
charme.  F^e  FUial  est  finement  écrit  et  habilement  instrumenté. 

L'autre  œuvre  nationale  est  la  Marche  nuptiale  composée  par 
M.  Auguste  Dupont  pour  le  mariage  de  sa  fille.  Exécutée  à 
l'orgue  de  l'église  Saint-Boniface  le  jour  des  noces,  puis,  avec 
orchestre,  au  Concert  populaire,  l'œuvre  est  apparue,  celte  fois, 
avec  son  véritable  caractère  et  dans  tout  son  éclat.  C'est  un  mor- 
ceau décoratif  d'un  grand  effet,  haut  en  couleurs  et  qui  sonne 
joyeusement  la  fête  des  épousailles.  L'impression  produite  a  été 
très  grande.    ' 

Le  lendemain  ont  commencé  les  épreuves  des  concours,  dont 
voici  les  résultats  : 


Instrlmexts  a  embouchlre 

Trompette  .-  chargé  de  cours,  M.  Goeyess.  —  Rappel  avec  dis- 
tinction du  2'  prix,  M.  Grillaert  ;  1"  accessit,  M.  Javarl  ;  2»  acces- 
sit, M.  Charlier. 

Cor  :  professeur  M.  Merck.  —  i"  prix,  M.  Geraerts  (avec  dis- 
tinction); 1"  prix,  M.  Dcgrom  ;  2»  prix  :  M.  Guekcrt. 

Trombone  ••  professeur  M.  Seha.  —  1"  prix  (avec  distinction), 
M.  A.  Scgers;  l^""  prix,  M.  Ghevy  ;  2'  prix,  M.  Cyprès;  3«^  prix, 
M.  A.  Lefcbvre  ;  1"  accessit,  M.  Dusch. 

INSTRU.MEXTS  A  ANCHE. 

Basson:  professeur,  M.  Neumans.  —  1"  prix,  M.  Pieltain; 
1"'  accessit,  MM.  Vandesscl,  Tassct,  Mondus  et  Provosl. 

Clarinette  .-  professeur,  M.  Poxcelet. —  l"prix,  MM.  Bouteca 
et  Otten;  2«  prix  avec  distinction,  M.  Tourneur;  2*  prix, 
MM.  Hubprt  et  Marcel  ;  1«'  accessit,  M.  Van  Altenhove  ;  2»  accessit, 
M.  AHart. 

Hautbois  :  professeur,  M.  Guidé.  —  i"  prix,  M.  Gorin;  2«  prix, 
M.  Bievelez;  i"  accessit,  M.  Carlier. 


Flite. 

Professeur,  M.  Anthoni.  —  i"  prix,  M.  Brocckaert;  2«  prix, 
MM.  Maeck  et  Strauwen;  i"'  accessit,  MM.  Gondry,  Borlée, 
Nawez  et  Frémy;  2*  accessil,  M.  Buyssens. 

Mu.SIQLE   de   chambre   AVEC   PIANO. 

•    Cours  inférieur  :  professeur,  M™*  de  Zarembska.  —  i"  prix, 
M""  Smit  et  Robyl. 

Cours  supérieur  :  professeur,  M.  A.  Dupont.  —  \"  prix, 
M"e  Parcus,  2"  prix,  M"«  Falkenstein  et  Bles;  i-'  accessit, 
M"«Lemaire. 


THÉÂTRE   MOLIÈRE 

D'Artagnan,  Athos,  Aramis  et  Porihos  remplissent,  mordious! 
de  clairs  cliquetis  d'épées  et  de  jurons  sonores  comme  des  crépi- 
tements de  mousqueterie,  la  petite  scène  ixelloise.  El  lous  les  soirs 
on  pleure  abondamment  au  supplice  de  Charles  \".  Des  envies 
planent  d'aller,  dans  les  coulisses,  gifler  Mordauni  et  étrangler 
Cromwell,  cl  les  mains  battent,  et  les  poitrines  oppressées  se 
dilatent  quand,  parmi  les  vagues  de  toile  consciencieusement  agi- 
tées par  d'honnêtes  tourlourous,  passe,  flottant  el  bedonné,  devant 
la  barque  qui  porte  les  mousquetaires  cl  leur  fortune,  l'infâme 
séide  du  Prétendant,  un  poignard  planté  dans  la  gorge. 

Cet  art  là,  malgré  le  Théâtre-Libre  et  les  innombrables  lenla- 
tives  de  réforme  dramatique,  aura  toujours  ses  fanatiques.  Il  a 
pris  racine  profondément  et  résistera  victorieusement  à  la  tour- 
mente. Ils  le  savent  bien,  les  directeurs  malins,  qui,  lorsque  la 
recette  baisse,  s'empressent  d'annoncer  le  Bossu  ou  les  Deux 
Orphelines  !  M""*  Rose  Desnoyer  s'est  dit  que  les  vieilles  pièces  à 
panaches  d'Alexandre  Dumas  avaient,  plus  encore  que  les  mélo- 
drames préciiés,  chance  de  plaire,  parce  qu'elles  sont  plus 
oubliées.  Elles  le  sont  à  loi  point  que  pour  quelques-uns  elles 
paraissent  toutes  neuves.  Aussi,  après  la  Jeunesse  des  Mousque- 
taires, représentée  sous  la  direction  Alhaiza,  voici  que  Vingt  ans 
après  attire  la  foule,  et  que  l'aftiche  va  se  vouer  k  la  Prise  de  la 
Bastille. 

Très  honnêtement  montés,  mis  en  scène  avec  le  souci  du 
mieux  possible,  les  drames  qui  passionnent  once  moment  Ixcllos 
trouvent  dans  les  artistes  qui  composent  la  troupe  de  M*"*  Des- 
noyer une  inlerprétation  congrue.  La  directrice  paie  de  sa  per- 
sonne, en  comédienne  inlolligenle,  ardente  el  expérimentée.  Du 
côié  masculin,  M.  Mary  incarne  un  d'Artagnan  chevaleresque, 
plein  de  bravoure  et  d'entrain.  M.  Venkcns  a  trouvé  dans  le  rôle 
de  Porihos  un  véritable  succès  :  chaque  mol  qu'il  laisse  tomber, 
de  sa  voix  traînante  de  soudard  bon  enfant,  soulève  les  rires  et 
les  applaudissements.  M.  Keppens  révèle,  dans  le  personnage 
d'Aramis,  de  sérieuses  qualités  de  diction  cl  de  tenue  qui  font 
présager  un  artiste  d'avenir.  MM.  Munie  et  Ileurion  remplissent 
avec  talent  les  personnages  de  Mordauni  cl  d'Alhos.  Bref,  on  se 
donne  beaucoup  de  peine,  sur  la  scène  ixelloise,  pour  obtenir  un 
bon  ensemble,  cl  l'on  y  arrive.  Ce  t}ue  doivent  rêver,  depuis 
quinze  jours,  exploits  héroïques,  duels,  enlèvements,  aventures 
extraordinaires  et  dévouements  surhumains,  les  jeunes  filles  de  |a 
Chaussée  et  de  la  Place  Communale!.... 


VENTE  DES  ŒUVRES  DE  F.  ROPS 

On  a  vendu  celle  semaine,  chez  M.  BItrff,  la  colleclion  des  gra- 
vures, liihograpliics  el  croquis  de  Félicien  Rops,  formée  par  feu 
M.  François  Olin.  Les  enchères,  1res  animées,  onl  produil,  pour 
802  numéros,  un  lolal  de  6112  francs,  prix  fort  élevé  quand  on 
remarque  qu'à  pari  quelques  dessins  (l'un,  exposé  en  1888  au 
salon  des  XX,  sous  le  lilre  :  Une  Gueuse,  a  alleinl  700  francs) 
la  collection  ne  se  composail  que  de  planches  gravées,  dont  un 
grand  nombre  de  lellrines,  de  vigncUcs,  cic,  el  de  lithographies 
ayani  servi,  pour  la  pluparl,  d'illustralions  à  V Uylenspùgel 
qu'il  élaii  aisé  de  se  procurer,  il  y  a  quelques  années,  ù  bon 
marché. 

Les  épreuves  d'éiai  des  caux-forles  sonl  montées,  en  général,  à 
20,  30  cl  40  francs. 

Voici,  pour  les  collectionneurs,  quelques  prix  :  Le  massage 
H"  état),  40  fr.  —  L'ariette  (avanl-projei,  1"  élat),  40  fr.  — 
Id.  (2«  état),  36  fr.  —  Pallns  {i"  élat),  38  fr.  —  Femme  au  cha- 
peau cabriolet  (l"  élat),  38  fr.  — Parisine  (1"  état)  36  fr.  — Le 
Vol  et  la  Prostitution  dominant  le  monde,  Z^  fr.  — Essuie- 
mains  réactifs  belges  (l"  élat),  32  fr.  —  M.  (2«  étal),  30  fr.  —  La 
diligence  d'Uccle  (sur  Chine),  32  fr.  —  Id.  (sur  vélin),  32  fr.  — 
Femme  à  Ja  toque  écossaise  (1"  état),  32  fr.  —  Id.  (3«  étal), 
32  fr.  —  Id.  (étal  spécial,  sur  Chine),  30  fr.  —  La  Norwégienne 
(2*  étal),  32  fr.  —  Les  mannequins  (IcUrine),  32  fr.  —  La  ques- 
tion d'Orient  (4^  élai),  30  fr.  —  La  foire  aux  amours  (petite 
planche),  30  fr.  —  En  prenant  le  thé,  30  fr.  —  Mon  grand  oncle 
(planche  d'ensemble,  l'^'  élat),  30  fr.  —  Les  Cythères  parisiennes 
30  fr. 

Onl  élé  adjugées  de  20  à  30  francs  les  planches  suivantes  : 

Orphée  (Whaiman,  1"  état).  —  Pêcheurs  napolitains  (Chine). 
-^  Le  démon  de  la  coquetterie  (Japon).  —  Le  gamin  à  la  pierre 
(Chine).  —  Id.  (Hollande,  2«  état).  —  Le  vieux  docteur  (l"élal). 
—  La  lecture  du  grimoire  (Chine).  —  L'Affûteur  (Hollande, 
1"  élat).  —  Id.  (Chine,  état  non  décrit).  —  Cuisine  à  Anseremme 
(1"  élat).  —  Id.  (dernier  élat).  —  Laitière  anversoise.  —  Prin- 
temps (l*""  état).  —  Laitière  flamande.  — Jeune  n\oiiste.  —  Chez 
de  Bériot.  —  La  Zélandaise.  —  Le  doigt  dans  /'û»j7(vernrs-mou, 
Hollande,  1"  étal).  —  Folies-Bergère  (veriiis-mou  et  pointe-sèche). 
Curieuse.  —  Don  Paes.  —  Le  Sphinx.  —  Le  dessous  des  cartes 
d'une  partie  de  tvhist.  —  Le  bonheur  dans  le  crime.  —  La  ven- 
geance d'une  femme.  —  La  Femme  et  la  Folie  dominant  le 
monde,  etc. 

On  le  voit,  les  collectionneurs  de  gravures  et  de  dessins  de 
Rops  ne  sonl  pas  volés.  Détail  caractéristique,  :  à  part  quelques 
planches  emportées  comme  souvenir  par  des  amis  de  Rops  et  de 
rares  fervents  d'art  attirés  à  la  vente,  tout  a  été  acquis  par  des 
marchands  :  M.  Sagoi,  de  Paris  ;  MM.  Edmond  Deman,  Vos  et  Meu- 
lenaerc,  de  Bruxelles.  Il  est  certain  que  les  prix  établis  par  celle 
première  vente  publique  d'une  colleclion  d'œuvres  de  Rops  ne 
feront  qu'augmenter. 


j^HRONlQUE    JUDICIAIRE     DE^    ^RT^ 

Le  genre  et  l'emploi. 

N"'«  Madeleine  Max,  la  jeune  artiste  dramatique  dont  nous 
avons  relaté  le  différend  avec  le  théâtre  des  Galeries  (1),  gagne 

(1)  Voir  Y  Art  moderne  du  11  mai  dernier. 


décidément  son  procès.  Un  premier  jugement,  j-endu  le.  21  mai 
par  le  tribunal  civil  de  Bruxelles,  a  établi  nettement  la  distinc- 
tion qu'il  convient  de  faire,  au  point  de  vue  de  la  distribution  des 
rôles,  entre  le  genre  pour  lequel  l'artiste  est  engagée  et  l'emploi 
qu'elle  a  à  remplir  dans  ce  genre.  Si  la  direction  d'un  théâtre 
s'est,  dans  un  contrat  d'engagement,  réservé  le  droit  de  faire 
jouer  à  une  artiste  lous  rôles  autres  que  ceux  désignés  spéciale- 
ment dans  le  dit  engagement,  celte  slipulalion  permet  à  la  direc- 
tion de  faire  sortir  l'artiste  de  Vemploi  pour  lequel  elle  est  enga- 
gée, mais  nullement  de  lui  faire  aborder  un  genre  différenl. 

Tel  est,  en  résumé,  la  décision  du  tribunal. 

M"'«  Madeleine  Max  a  donc  eu  raison  de  refuser  le  rôle  qu'on 
voulait  lui  attribuer  dans  Cendrillonnette,  cet  ouvrage,  qualifié 
«  opérette  »  par  ses  auteurs  eux-mêmes,  ne  rentrant  pas  dans  le 
genre  (drame  et  comédie)  pour  lequel  l'artiste  avait  élé  engagée. 
Et  le  jugement  ajoute  :  une  pièce  classée  par  ses  auteurs  dans  Ig 
genre  «  opéreltc  »,  et  présentée  comme  telle  au  public  par  la 
dircclion  du  théâtre,  conserve  ce  caractère,  bien  qu'elle  renferme 
des  scènes  où  la  musique  lient  peu  de  place  et  d'autres  où  le 
dialogue  est  tout. 

On  se  souvient  que  la  direction  prétendait  que  M"-*  Madeleine 
Max  eût  été  tenue  de  répéter,  néanmoins,  et  de  jouer  provisoire- 
„ment  le  rôle  jusqu'à  décision  de  justice.  Sur  ce  point,  le  juge- 
ment prononce  que  malgré  la  stipulation  obligeant  l'artiste  à 
remplir  son  service  par  provision,  la  résiliation  n'est  pas  encourue 
lorsqu'il  est  reconnu  que  l'artiste  avait  raison  en  soutenant  que  le 
rôle  ne  rentrait  pas  dans  son  genre  el  ne  pouvait  lui  être  imposé. 
La  demande  des  directeurs  tendant  à  la  résiliation  avec  dédit 
n'est  donc  pas  fondée. 

Mais  une  autre  contestation  vint  se  greffer  sur  celle-ci.  La 
direction  des  Galeries,  débitrice  envers  M™"  Madeleine  Max  du 
dernier  mois  de  ses  appointements,  refusa  de  les  payer,  prétex- 
tant que  les  amendes  encourues  par  l'ariislepour  avoir  refusé  de 
prendre  pari  aux  répétitions  el  représentations  de  Cendrillonnette 
compensaient  le  montant  des  dils  appointements.  Nouveau  pro- 
cès, à  la  requête,  celle  fois,  de  M"'<=  Max,  el  devant  le  tribunal  de 
commerce.  Par  jugement  rendu  le  10  juin,  ce  tribunal  a  condamné 
les  directeurs  "h  payer  les  appointements  réclamés  avec  les  iowêls 
el  les  frais,  et  s'est  déclaré  incompétent  à  l'égard  de  la  demande 
reconvcnlioraielle  introduite  par  MM.  Bahiei;,  Docquier  cl  Courtier 
au  sujet  des  amendes.  Il  s'agit,  en  effet,  d'une  action  dirigée 
conlrc  une  artiste  à  raison  d'un  acte  non  commercial  dans  son 
chef,  qui  échappe  à  la  compétence  du  juge  consulaire. 

Il  reste  aux  directeurs  la  ressource  d'un  troisième  procès  devant 
la  juridiction  compétente.  Mais  il  esl  vraisemblable  que  les  deux 
premières  expériences  les  décideront  à  en  rester  là. 


Mémento  des  Expositions 

Arnhem  (Pays-Bas).  —  15  juillel-15  septembre.  Envois  : 
15  juin-1"  juillet.  Renseignements  :  M.  A.-C.  Van  Daelen, 
secrétaire  de  la  Commission  directrice  de  l'exposition  des  Beaux- 
Arts,  à  Arnhem. 

Bruxelles.  —  Salon  triennal,  15  seplembre-15  novembre. 
Délai  d'envoi  :  11  août.  (Gratuité  de  transport,  aller  et  retour, 
surlg  territoire  belge,  pour  les  œuvres  expédiées  par  chemin 
de'ier,  grande  vitesse,  tarif  n»  2).  Renseignements  :  Commission 
directrice  de  l'Exposition  générale  des  Beaux- Arts,  Bruxelles. 
{Secrétaire  :  M.  Stiénon). 

Dresde.    —  Exposition   du  Cercle   arlistique  :  aquarelles. 


VART  MODERNE 


199 


pastels,  dessins  et  caux-forlos,  sous  le  protectorat  du  roi  de 
Saxe.  Les  invitations  et  prospectus  seront  envoyés  prochainement. 
EvREL'x.  —  i*'  juillet-31  août.  Délai  d'envoi  :  expiré.  Ren- 
seignements :  M.  Hérissay,  vice-président  de  la  Société  des 
Amis  des  arts  y  atelier  Deneï,  rue  Buut,  Evreux. 

Grenoble.  —  4"  juillcl-30  août.  Envois  :  délai  expiré.  Rensei- 
gncrtionis  :  Secrétaire  de  la  Société  des  Amis  des  arts. 

Le  Havre.  —  i".août-30  septembre.  Dépôt,  rue  de  Gaiilon  16, 
du  20  juin  au  i"'  juillet  (jusqu'au  8  pour  les  œuvres  venant  du 
Salon  de  Paris). 

Milan.  —  Exposition  triennale  des  Bcaux-.'Vrls.  —  l*'-30  juin 
1891.  —  Trois  prix  de  4,000  francs  chacun,  fondés  par  le 
roi  Humbert,  seront  décernés  h  la  peinture  et  à  la  sculpture.  Trois 
prix  de  4,000  francs  chacun,  fondés  par  Saverio  FumagalFi, 
seront  décernés  h  la  sculpture,  à  la  peinture  religieuse,  historique 
ou  de  genre.  L'n  prix  de  4,000  francs,  fondé  [lar  Antonio  Gavazzi, 
sera  décerné  à  la  peinture  historique.  Médailles  et  diplômes.  — 
Les  demandes  d'admission  devront  être  adressées  au  président, 
M.  Emile  Visconli-Venos^a,  à  l'Académie  des  Beaux- Arts 
de  Milan. 

Munich.  —  Salon  annuel  :  1"  juillel-15  octobre  1890.  Envois  : 
délai  expiré. 

Paris.  —  Exposition  de  Blanc  et  Noir  (au  pavillon  de  la  Ville 
de  Paris).  —  \"  octobre-30  novembre.  Envois  :  1-S  scpicmbro. 
Renseignements  :  M.  Bernard,  directeur. 

Spa.  —  6  juillet-fin  septembre.  Gratuité  de  transport  sur  le 
territoire  belge  pour  les  invités  expédiant  leurs  œuvres  par 
tarif  2;  pour  les  invités  étrangers,  exemption  de  frais  à  l'aller, 
frais  de  retour  (hors  du  territoire  belge)  à  charge  des  exposants. 
Envois  :  10  juin-1"  juillet.  Renseignements  :  M.  Louis  Sosset, 
secrétaire  de  l'Exposition  des  Beaux- Arts,  Spa. 

Versailles.  —  6  juillet-5  octobre.  Envoi  :  délai  expiré. 
Renseignements  -.Secrétaire  général  de  l'exposition  des  Amis 
des  arts  de  Seine-et- Oise,  Versailles. 


Petite  çHRo;>iiquE 


Les  concerts  du  Waux-Hall,  dirigés  par  M.M.  Philippe  Flon  et 
Alfred  Marchot,  sont  très  suivis  et  fort  inlérossanis.  La  semaine 
dernière,  le  programme  du  concert  extraordinaire  de  jeudi  était 
consacré,  exclusivement  aux  œuvres  de  Saint-Saëns  dont  l'or- 
chestre a  exécuté  avec  beaucoup  de  soin  la  Marche  héroïque,  la 
Jeunesse  d'Hercule,  Phaëlon,  la  Danse  macabre,  le  Rouet  d'Om- 
p/tflie,  des  fragments  d'Etienne  Marcel  el  de  Henri  VIII,  cl 
deux  compositions  nouvelles,  une  Suite  d'orchestre  et  une  Séré- 
nade. Dans  celte  dernière,  le  soliste,  M.  Guidé,  s'est  particulière- 
ment distingué. 

Diverses  œuvres  symphoniqucs  de  Wagner,  inscrites  au  pro- 
gramme de  jeudi  passé,  ont  produit  grand  effet. 

M""^  Marcy,  la  charmante  cantatrice  qu'on  a  eu  trop  rarement 
l'occasion  d'apprécier  cet  hiver  à  la  Monnaie,  a  ouvert  la  série  des 
concerts  avec  chant,  et  s'est  fail  chaleureusement  applaudir  en 
chantant  d'une  jolie  voix  fraîche  l'air  de  Mireille  et  une  valse  de 
Ricci.  

M.  Eugène  Ysaye,  l'éminent  professeur  au  Conservatoire  de 
Druxellcs,  vient  d'être  engagé  à  participer  au  concert  delà  Société 
Philharmonique  cje  Londres,  fixé  au  28  courant.  C'est  la  qua- 
trième fois,  en  deux  ans ,  que  M.  Ysaye  est  appelé  à  se  faire 
entendre  à  ces  concerts  où  seuls  ont  accès  les  virtuoses  les  plus 
célèbres.  L'artiste  jouera  le  9»  concerto  de  Spohr. 


siiion  par  l'Etat,  à  la  vente  Prosper  Crabbc,  de  l'Ophélie  d'Alfred 
Stevens.  Il  n'y  a  pas  eu  d'autre  achat  que  ceux  que  nous  avons 
annoncés  :  M.  Sliénon  s'est  fait  adjuger  pour  le  compte  du  gou- 
vernement les  Pourceaux  de  Paul  Potier,  et  le  Chien  au  miroir 
de  Joseph  Sievens. 

La  Fédération  des  sociétés  d'Histoire  et  d'Archéologie  de  Bel- 
•gique  organise  un  Congrès  historique  el  arcJiéologicjue,  qui  s'ou- 
vrira à  Liège  le  3  août  1890. 

Le  Congrès  durera  quatre  jours,  qui  seront  consacrés  aux 
séances,  à  l'étude  des  collections  des  Musées  el  aux  diverses 
excursions  organisées  dans  la  vallée  de  la  Meuse. 

La  souscription  est  de  5  francs  pour  les  membres  des  Sociétés 
fédérées,  et  de  10  francs  pour  les  autres  souscripteurs. 

Adresser  le  demandes  d'adhésion  à  M.  Julien  Fraipont,  secré- 
taire général  du  Congrès,  Mont-Saint-Marlin,  17,  à  Liège. 


M.  R.  de  Egusquiza  vient  de  graver  à  l'eau-forto,  dans  do 
grandes  dimensions  (38  cr;ntimèlres  de  hauteur  sur  43  de  largeur), 
deux  portraits,  l'un  de  Richard  Wagner,  l'autre  de  Schopcn- 
hauer,  tous  deux  d'après  des  documents  authentiques. 

Les  deux  planches  sont  aclueilemcal  exposées  au  Salon  du 
Champ  de  .Mars  et  présentent  un  réel  intérêt.  Un  tirage  restreint 
ajoute  une  rareté  bibliophilique  à  celte  œuvre  d'art  :  20  épreuves 
seulement  seront  tirées,  de  chacune  des  planches,  sur  parchemin, 
et  30  épreuves  sur  Japon. 

Le  prix  des  premières  est  de  100  francs;  des  secondes,  de 
30  francs.-  Les  souscriptions  sont  reçues  chez  l'auteur,  32,  rue 
Copernic,  à  Paris. 

M.  Verdhurt,  ancien  directeur  du  théâtre  de  la  Monnaie,  ouvrira 
au  mois  de  septembre  le  Théâtre  Lyrique  qu'il  est  occupé  à 
installer  dans  l'ancien  Eden  de  Paris. 

Les  œuvres  dont  la  représentation  est,  jusqu'à  présent,  décidée, 
sont  :  Sainson  et  Dalila,  le  Vénitien,  la  Coupe  et  les  Lèvres, 
le  PrinlempslGwendoline  ;  enfin  :  Chanson  nouvelle  de  MM.  Jules 
Bordier  et  Hehfi  Moreau. 


C'est  par  erreur  que  le  Journat  de  Bruxelles  a  annoncé  l'acqui- 


Le  prix  du  Salon  de  Paris  a  été  attribué  à  M.  Félix  Charpentier 
par  30  voix  dontre  6  à  M.  Gauquié. 

M.  Charpentier  exposait  le  groupe  en  plâtre  déjà  récompensé 
par  le  jury  du\Salon  :  Lutteurs.  , 

Trois  bourses  de  voyage  ont  été  accordées  aux  peintres,  trois 
aux  sculpteurs,  deux  aux  architectes,  une  aux  graveurs.  Voici  la 
liste  des  artistes  Ihvorisés  : 

Peinture.  —  MM.  Bourgonnier",  les  Ciseleurs;  Gueldry,  Un 
jour  de  régates;  Pierre  Poujol,  Dante  apercevant  Paolo  et  Fran- 
cesca  de  Rimini  dans  le  tourment  des  voluptueux. 

Sculpture.  — .M.M.  G.  Loiseau,  Adieu,  groupe  en  plaire;  Raoul 
Larche,  Jésus  enfant  devant  les  docteurs  el  le  buste  de  Thomas 
Corneille;  Désiré  Gosse,  la  Fin  d'un  héros  el  le  buste  du  Colonel 
Mouton. 

Architecture.  —  MM.  Alphonse  Conin,  Breffendille. 

Gravure.  —  M.  Franck  Baudoin. 

Le  prix  Marie  BashkirtsetT,  d'une  valeur  de  300  francs,  a  été 
décerné  à  M.  Paulin  Bertrand,  auteur  do  doux  paysages  .  le  Pra- 
don  et  Carqueiranne. 

Le  prix  Raigecourl-Goyon,  d'une  valeur  de  1,000  francs  i  récem- 
ment fondé),  est  échu  ù  M.  Armand  Guéry,  qui  exposait  un  tableau 
intitulée  :  les  Chardons  {Champagne). 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


LIGNE   D'OSTENDE-DOUVRES 


La  plus  courte  et  la  moins  coûteuse  des  vbies  extra-rapides  entre  le  Continent  et  TAngleterre 


Bruxelles  à  Londreâ  en 
Cologne,  à  Londres  en 
Berlin  à  Londres  en  . 


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heures. 

13 

n 

-  24 

n 

Vienne  à  Londres  en. 
Bâle  à  Londres  en.  . 
Milan  à  Londres  en  . 


36  heures. 
24       - 
33       » 


XROiis  i»e:rvice:is  i^ar  jour 


D'Ostende  à  6  h.  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h,  20  soir.  —  De  Douvres  à  midi  15,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

xr^i/e:risêe:  e:m  xroii^  he^ure:^ 

PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS 

Princesse  Joséphine,  Princesse  Henriette,  Prince  Albert,  La  Flandre  et  Ville  de  Douvres 

partant  journellement  d'OSTENDE  à  6  h.  matin  et  11  h.  10  matin;  de  DOUVRES  à  midi  15  et  3  h.  après-midi. 

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A  bord  des  malles  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette 
Spécial  cabine,  28  francs;  Cabine  de  luxe,  75  francs. 

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fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voilures  directes  et  wagons-lits).  —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  -  Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  V Exploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  l'Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l'Etat- Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90^,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n'»  53,  à  Londres,  à  V Agence  de  Chemins  de  fer 
d«.r£tef,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  ^r</iMr  FrancAen,  Domkloster,  n»  1,  à  Cologne. 


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L'OR  Dtr  RHIN 

RICHARD  WAGNER 

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JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 
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HUTIKME  ANNÉE. 

Abonnements  i  Belgique,  18  francs  par  an. 
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Administration  et  rédaction,:  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 

Revue  mensuelle  de  littérature  et  d'art 

5"  Année 

Directeurs  :  MM.  A.  MOCKEL  et  P. -M.  OLIN. 

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Breitkopf  et  Hartel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 


TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'haisnonie  jusqu'à 

la  composition  raisoniiée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-G.  Lobe. 

Traduit  de   l'allemand   (d'après  la  5®  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-S».  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  ouvrages  d'enseignement  musical  les  plus 
estimés  en  Allemagne. 


Bruxelles.  —  Iiup.  V  MoNNOii,  26,  rue  de  l'Industrie. 


Dixième  année.  —  N°  20. 


Le  numéro  :  25  centimi.s 


Dimanche  29  Juin  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


REVUE  OÎIITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  :  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,    uu   an,    fr.   10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —  ANNONCES   :    On*  traite   à    forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  26,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


Le  Possi;i)t;,/par  Camille  Lenionnier.  —  Le  Nouveau  Ruuens. 
—  A  PROPOS  DK  Félicien  Rops.  —  L'IIùtel-de-Ville  de  Borger- 
iiouT.  —   BiDLioGRAPHiE.    Accitsés   (Ic   réception.   —  Le  concours 

POUR    UNE    nouvelle    ÉCOLE     MOYENNE.     CONCOURS     DU     CONSERVA- 
TOIRE.   —     lîIIiLIOGllAPHIK      MUSICALE.    ClIRONKjUE     Jl  DICIAIRE^DES 

ARTS.  —  Petite  cjironique. 


LE  FOSSÉDÉ 

Etude  passionnelle,  par  Camille  Lumonnier,  1  vol.  dé  348  pages.  — 
Paris,  Charpentier,  1890. 

«  A  quoi  bon  vouloir,  puisqu'aussi  bien  l'acte  constam- 
ment dément  le  meilleur  calcul  ?  » 

A  cette  troublante  conclusion  aboutit  l'étude  doulou- 
reuse et  poignante  que  vient  de  publier  Camille  Lemon- 
nier.  Un  magistrat  honnête,  fils  d'un  honnête  homme, 
sous  l'œil  fascinateur  d'une  femme  perverse  —  «  œil 
obsessionnel  et  qui  toujours  plus  avant  descend  aux 
troubles  eaux  de  son  désir,  —  œil  nageant  avec  son 
regard,  comme  un  lumineux  poisson,  par  dessus  les 
limons  soulevés  de  la  concupiscence  »,  —  sent  remuer 
en  lui  les  ferments  de  débauche  transmis  à  son  sging  par 
un  aïeul  roulé  aux  basses  abjections.  A  cet  envahisse- 
ment des  mauvais  désirs  s'établit  dans  l'esprit  raison- 


neur et  déjà  irrémédiablement  perdu  du  magistrat,  non 
pas  une  lutte  en  tre^la  bonne  conscience  qui  le  guida  jus- 
qu'alors et  ce  personnage  de  désorcfre  apparaissant  en 
lui  par  un  dédoublement  de  sa  nature,  —  mais  une 
explication  pour  légitimer  chaque  fléchissement  de  la 
volonté,  une  constatation  que  tout  débat  est  vain  et  que 
le  "  chancre  de  l'hérédité  adhère  sans  remède  possible 
à  la  peau  ». 

«  La  torse  et  polypeuse  hérédité  ,  ramiculée  en 
l'homme,  vrillée  à  ses  fibres,  —  inaliénable  squelette 
adhérant  à  la  chair  des  races,  arbre  incrusté  dans  le 
limon  humain  et  portant  à  ses  rameaux  les  familles, 
spectre  bâtissant  la  maison  des  postéritésVavec  les 
pierres  sanglantes  et  pourries  du  tombeau  des  ancêtres, 
—  cette  revapche  des  courroux  de  Dieu  contre  la  créa- 
ture orgueilleiise  qui  le  blasphème  et  serige  souveraine 
en  le  niant,  ne  le  tourmentait  plus;  il  subissait  la  loi 
sans  récriminer,  à  présent  que  s'était  consommée  la 
transsubstantiation,  à  présent  que  le  louche  et  caute- 
leux conseiller  s'était  résorbé  en  lui.  •> 

Ainsi  portant  les  corruptions  et  les  vices  accumulés 
de  ses  ancêtres,  Thomine  descend  la  pente  infernale, 
consciemment,  faisant  mieux  ressortir,  par  chaque 
objection,  la  fatalité  de  sa  chute  et,  plus  profondément 
que  le  baron  Hulot  de  Balzac ,  il  s'enfonce  dans  la 
déchéance,  malgré  le  secours  aussi  d'une  épouse  dont  le 
dévouement  et    l'inaltérable  candeur    ne  sont   qu'un 


r\ 


202 


UART  MODERNE 


adjuvant  au  ragoût  de  la  dépravation,  par  son  lit  et  ses 
plus  saints  souvenirs  pollués,  et  il  en  arrive  aux  hoquets 
de  l'ivrogne,  agrippant,  dans  un  dernier  accès  d'éré- 
thisme,  la  religieuse  qui  le  soigne  et  finissant  par  l'ou- 
trage aux  mœurs  solitaire. 

Cependant  sa  fille  est  morte  de  l'aspect  d'une  souillure 
qui  ne  savait  plus  se  contraindre  assez  pour  échapper  à 
fccs  regards  d'ange  et  que  «  sa  douce  Ame  en  blanc  «  n'a 
pu  supporter,  — et  son  fils,  charriant  dans  ses  veines 
le  feu  empoisonné,  apparaît  voué  aux  mêmes  luxures. 

Tel  est  ce  livre  qui  est  comme  l'analyse  d'un  cauche- 
mar au  travers  duquel  l'homme,  jouet  de  passions  héré- 
ditaires, le  Possédé,  marche,  le  cerveau  vide,  la  volonté 
abolie,  vers  les  plus  écœurantes  réalités  : 

«  ...  la  sensation,  comme  en  un  autre  jour,  la  sensa- 
tion d'une  contrée  sans  espcîir,  la  sensation  d'une  immo- 
bile éternité  de  blanches  et  vides  ténèbres,  —  non,  pas 
même  la  seiisation  !  car  il  ne  sentait  plus,  il  était  couché 
sur  le  dos  dans  la  vide  horreur  de  ces  latitudes  sans 
commencement  ni  fin.  Et  de  son  flanc,  un  pic  (comme  en 
l'autre  jour)  jaillissait,  eflt'rayant,  pareil  à  la  colonne  sur 
laquelle  pesait  le  prodigieux  ennui  des  cieux  en  silence, 
des  rigides  cieux  aveugles  que  nulle  aile,  nul  souffle, 
nul  espoir  d'aurore  ne  décomprimaient.  Or,  dans  cette 
immobile  éternité  de  sommeil  ou  de  mort  (rien  n'aurait 
pu  l'en  avertir),  mais  les  yeux  ouverts  sur  le  vide  et  le 
silence,  les  yeux  comme  des  gouffres  ouverts  sur  ces 
gouffres  de  silence  et  de  vide,  avec  le  ver  vivant  d'un 
fixe  regard  au  fond  de  ses  orbites  gelées. 

-  Et  dans  ce  regard,  enfin,  enfin!  un  petit  point  se 
mettait  à  bouger,  comme  un  embryon  issu  de  la  décom-  . 
position  même  de  ce  regard;  et  une  vie  de  matières 
-grasses  et  visqueuses,  en  cercles  qui  lentement  s'éten- 
daient et  giroyaient,en  blanchâtres  cercles  d'opaques  et 
gélatineuses  nuées  (comme  l'autre  jour),  ensuite  fluait 
des  sécrétions  de  ce  même  regard  liquéfié  et  toutefois 
inexorablement  vivant.  Toujours  les  laiteuses  ondes 
s'élargissaient  :  c'était,  à  travers  l'espace,  comme  l'oscil- 
lation d'une  mer  pâle  ofi  tout  à  coup  un  vibriônnement 
de  larves,  sans  fo^'mes  définies  encore,  en  tournant  sur 
elles-mêmes,  rom 

initiales.  Elles  tourBillonnaient^d'une  vitesse  eff'royable, 
à  présent,  ces  larves  précipitées  à  travers  l'abîme  et 
comme  aspirées  par  la  bouche  d'un  vortex  qui  ensuite 
les  revomissait. 

"  Mais,  à  la  longue,  dans  le  vertigineux  vironnement 
commença  à  s'indiquer  le  dessin  de  confuses  agréga- 
tions. Une  ébauche  de  formes  nouait  et  dénouait  cette 
masse  rotatoire  qui,  après  un  petit  temps  (une  éternité 
dans  cette  éternité)  finissait  par  former  des  lianes  de 
viscères,  d'immenses  et  serpentaires  lianes  comme  de 
roses  et  vertes  fleurs  entortillées,  car  une  lumière  de 
diamants  et  de  cristaux  maintenant  prismatisait  le  peu- 
plement de  cette  ancienne  horreur  du  vide  paysage. 


-  C'était  bien  des  viscères,  d'humaines  viscères  que 
déroulaient  ces  lianes,  en  torses  guirlandes,  en  grappes 
de  fruits  vermeils,  en  bouquets  de  sanglantes  roses 
autour  desquels  soudaîn  deux  lèvres  sans  corps  (rien 
qu'une  bouche)  volutèrent,  agitées  du  souffle  léger  d'un 
vent  de  l'amoureux  été.  Et  à  mesure  que  cette  bouche 
frôlait  les  jantes  de  cette  roue  de  viscères,  une  pulpe  de 
chair  blonde  naissait,  sinuait,  se  gonflait  ;  un  ondoie- 
ment de  mois  seins  féminins  éclosait,  avec,  au  bout,  la 
palpitation  de  deux  papillons  roses,  —  les  pointes  mêmes 
de  toutes  ces  gorges.  Sous  le  tourbillon  du  vent  de  la 
bouche,  elles  fleurissaient  par  milliers,  les  divines  roses 
de  chair,  les  rafraîchissantes  et  neuves  mamelles,  comme 
un  jardin  de  fleurs-femmes. 

"  Mais  ces  gorges  à  leur  tour  grandissaient,  se  déve- 
loppaient en  le  rythme  de  beaux  corps  voluptueux  aux- 
quels seulement  manquait  le  sourire  des  lèvres;  et 
toutes,  par  dessus  leurs  bustes  flexibles  et  lascifs,  attes- 
taient les  béantes  orbites  et  les  caves  maxillaires  d'une 
tête  de  mort.  Comme  une  houle  de  ventres  et  de  seins, 
elles  ondulaient  par  flots  innombrables,  avec  le  balan- 
cement de  leurs  têtes  hideuses  sous  des  touffes  d'ironi- 
ques lys  et  de  flottantes  chevelures.  Et  maintenant 
qu'elles  se  rapprochaient,  il  voyait  que  leurs  ventres  et 
leurs  seins  s'ouvraient  à  une  blessure  de  lèvres  resti- 
tuant la  forme  de  cette  bouche  dont  se  dénuait  l'échar- 
nement  de  leurs  mâchoires.  Et  en  frauduleuses  bouches 
se  mouvaient  comme  autant  de  bêtes  voratoires,  en  des 
étirements  tentaculaires  et  succides. 

«  Mais  surtout  une  chose  l'étonnait  :  à  travers  les 
trous  de  ténèbres  de  leurs  orbites,  elles  dardaient  les 
regards  de  Rakma,et  leurs  corps  aussi,  aux  petits  seins 
irrités  et  aux  hanches  ambiguës,  étaient  moulés  à  la 
ressemblance  de  cette  fille.  Avec  des  baisers  au  bout  du 
geste  de  leur  bras  et  qu'elles  prenaient  à  leur  corps  (là 
où  s'ouvrait  le  mensonge  des  bouches),  ensuite  elles 
nouaient  une  orchestique,  arrivaient  en  dansant  jus- 
qu'à le  toucher;  et  chacune  à  son  tour  arrachait  un 
lambeau  de  l'étrange  pic  qui  lui  jaillissait  du  flanc,  le 
donnait  à  manger  aux  cruelles  lèvres  affamées  de  ses 
plaies.  Et  à  la  fin  il  ne  restait  plus,  à  la  place  de  son 
flanc,  qu'une  ouverture  caverneuse  par  où  son  vert 
intestin  dégorgeait  et  qui  laissait  béer  l'ossature  inté- 
rieure, dénudant  la  double  dalle  du  sternum,  comme  si 
des  nuées  de  rats  lui  avaient  foui  lès  entrailles.  « 

Et  à  côté  de  ces  rêves  symbolisant  la  réalité,  la  préci- 
sion des  détails  matériels,  l'observation  exacte  de  cer- 
tains gestes  familiers,  de  certains  mouvements  incon- 
scients, d'habitudes,  en  quelque  sorte,  professionnelles, 
concourent,  comme  dans  les  contes  d'Edgard  Poë,  à 
rendre  plus  saisissantes  les  impressions  mystérieuses  se 
dégageant  de  la  banalité  des  choses.  Ce  ne  sont  pas  les 
personnages  qui  agissent  ;  ce  sont  des  forces  aveugles 
qui  les  poussent.  En  leur  individualité  s'absorbe   la 


J. 


L'ART  MODERNE 


203 


légende  de  la  triste  humanité;  leurs  paroles  sont  comme 
des  formules  tracées  d'avance,  fixant,  au  moment 
voulu,  le  sort  de  rencontres  qui  devaient  arriver,  de  telle 
sorte  que  quand  elles  se  réalisent,  ce  sont  ces  mots  qui 
devaient  être  prononcés,  ces  mots  seulement  et  aucun 
autre.  Parfois,  le  récit  se  particularisant  davantage,  on 
a  quelque  crainte  de  voir  le  poème  se  transformer  en 
un  roman  d'aventures-,  mais  l'inquiétude  jamais  ne  se 
prolonge.  Une  brusque-  diversion  bientôt  rappelle  la  loi 
du  livre  qui  ne  fait,  non  l'histoire  honteuse  d'une  indivi- 
dualité pervertie,  mais  la  parabole  de  l'originelle  fata- 
lité. C'est  ce  qui  en  fait  l'ampleur  et  la  force.  L'auteur 
y  a  semé  la  profusion  des  images  et  cette  recherche  du 
style  qui  lui  est  habituelle,  et  si  l'art  avec  lequel  il  l'a 
réalisé  fait  éprouver  plus  fortement  tout  ce  que  sa  con- 
ception a  de  cruel,  il  apporte  avec  lui  sa  compensation 
par  le  sentiment  esthétique  satisfait. 

Ainsi  persévère,  en  une  œuvre  nouvelle,"  forte  et 
obsédante,  ce  grand  écrivain,  méconnu  des  siens,  fécond 
quand  même  et  toujours;  apportant  à  cette  ingrate 
Belgique  peuplée  de  sourds  et  d'aveugles,  les  puissantes 
productions  de  sa  fécondité.  Il  va,  il  va,  inépuisable 
en  sa  virilité,  donnant,  donnant  sans  arrêt,  se  modi- 
fiant, se  transformant  avec  une  flexibilité  singulière, 
distançant  quiconque,  la  poitrine  gonflée  du  souflle  égal 
de  sa  puissante  nature  artistique,  ne  connaissant  ni  la 
fatigue,  ni  le  halètement.  Ignorant  surtout  du  découra- 
gement des  faibles  qui,  dans  ce  pays  morose  de  la  bêtise 
doctrinaire,  désespèrent  de  jamais  fixer  l'attention.  Il 
s'en  moque,  ce  mâle,  et  il  va,  battant  les  chemins  de  ses 
fortes  semelles,  plus  allègre  et  plus  héroïque  chaque 
fois.  , 


I 


LE  NOUVEAU  RUBENS  • 

Ce  sont  quatre  lêios  de  nègres,  jetées  sur  la  toile  avec  l'inap- 
prété  du  premier  jet.  Elude,  peut-être,  de  quelque  morceau  plus 
gros,  premiers  essais  d'un  type  nouveau,  qui  n'avait  pas  encore 
trouvé  place  sur  les  grandes  toiles.  Peu  importe,  puisqu'on  sent 
que  le  peintre  s'est  délecté  à  cette  ébauche  et  qu'il  n'a  pas  lésiné 
avec  les  couleurs.  Lui,  le  grand  Pierre-Paul,  si  encombré  toujours 
de  commandes  «  décoratives  »  qu'on  a  peine,  dans  ses  œuvres,  à 
faire  la  part  du  sien  et  celle  de  ses  collaborateurs,  il  s'est  donne 
lui-même,  tout  entier,  dans  la  petite  toile  que  vient  d'acheter  le 
Musée  de  Bruxelles. 

Quand  on  lit  les  dates  qui  souscrivent  le  tableautin  (mot  justifie 
par  l'écrasement  quantitatif  d'une  Assomption  voisine)  on 
demeure  étonné  de  son  déj^  très  lointain  passé  :  deux  siècles  cl 
demi  !  Les  couleurs  sont  fraîches  d'hier,  l'absence  de  sujet  est 
toute  contemporaine  ctJ'ion  ne  choque  de  la  vision  picluralo  du 
maître. 

On  regarde  et  l'on  est  charmé,  sans  demander  plus.  Les  visages 
de  cuivre  rouge  et  de  bronze  ronronnent  comme  do  vieux  chau- 

(1)  A, rapprocher  de  notre  arlicle  sur  Les  NonvclU's  f'cqiiisilinn.i 
(lu  Musée,  numéro  du  18  mai  dt-rnier. 


drons  polis.  Les  bleus-Rubens,  comme  di;s  taches  de  palettes, 
azurenl  intensément  les  fonds.  Les  ors  des  pourpoints,  les  blancs 
sales  dos  cols,  sans  aucune  senteur  de  procédé  ni  de  bitume, 
chantonnent  à  l'unisson,  sans  la  moindre  défaillance...  depuis 
deux  siècles  et  demi!  C'est  chaud,  c'est  plein, c'est  vibrant  comme 
un  violoncelle  qui  exulte. 

Et  l'expression.  Oh!  le  bon  nègre  qui  rit  à  bouche  désossée  et 
sans  pouvoir  penser  à  mal,  montrant  sa  rutilante  gencive  au 
dessus  de  l'ivoire  des  dents.  Et  cet  autre  que  toriure  une  préoc- 
cupation, plus  encore  qu'une  souffrance  présente,  avec  son  front 
d'iniutcUigcnl,  aux  plissements  de  bas  en  haut.  Reproduite  aussi 
celle  atiilude  chez  le  troisième,  mais  moins  caractérisée,  et  chez 
le  quatrième  en  décroissant.  Ces  tôles  sont  superbes,  mélange  de 
bonasserie  et  de  barbarie.  Leur  proguatisme  sutVirait  à  les  rendre 
féroces.  Mais  la  douceur  mélancolique  du  gnind  o'il  blanc,  réyé- 
lalcur  de  l'incomplexilé  de  l'àme,  donne  à  ces  visages  l'cxpres- 
sibn  de  grands  enfants  noirs. 

Le  peintre  des  carnations  puissantes,  des  roses  et  des  rouges 
de  santé  est  intéressant  sous  cette  tonalité  sombre,  très  peu  habi- 
tuelle à  son  pinceau.  Intéressant  aussi  par  la  substiluliou  des 
ossatures  anguleuses  aux  formes  arrondies  et  pleines  de  ses  com- 
positions ordinaires. 


A  PROPOS  DE  FÉLICIEN  ROPS 

Nous  avons,  à  maintes  reprises,  critiqué  la  singulière  indiffé- 
rence de  l'Eial  à  l'égard  de  Félicien  Rops,  dont  nos  colleclions 
ne  possédaient,  jusqu'à  ces  derniers  jours,  que  deux  lithogra- 
phies (!). 

La  Bibliothèque  a  fait  acheter,  à  la  vente  de  la  collection  Fran- 
çois Olin  (1),  quelques  planches,  mais  en  nombre  strictement 
restreint,  et  encore  le  choix  eùl-il  pu  être  plus  judicieux.  Voici 
que  le  Journal  de  Bruxelles  lui-même  réclame  pour  le  grand 
artiste  l'honneur  de  figurer  dans  les  galeries  nationales.  Il 
demande,  tout  simplement,  dans  son  numéro  do  dimanche  der- 
nier, qu'on  fasse  l'acquisition  de  I'cucuvre  complet  du  maîlre  : 

«  Comme  Rops  est  destiné  k  êlre  l'une  des  plus  grandes  noto- 
riétés artistiques  de  noire  pays,  dit  le  Journal,  souhailons  que 
l'Etal  belge  songe  à  se  procurer  la  collection  complète  de  ses 
ouvrages,  avant  qu'ils  ne  soient  hors  de  prix.  Nous  nous  épargne- 
rons ainsi  le  ridicule  de  ces  enchères  démentes,  dont  la  vente 
récente  de  V Angélus  de  Millet  a  donné  un  si  slupéfionl 
exemple.  » 

A  la  bonne  heure!  Voilà  qui  est  bien  dit  et  inonirc,  de  la  part 
de  la  -rédaciion  du  .Tournai  de  Bruxelles,  une  indépendance 
d'appréciation  qui  lui  fait  honneur.  ^ 

L'article  consacré  par  notre  confrère  à  Félicien  Rops,  est 
d'ailleurs  des  plus  élogieux.  Nous  en  oxlrayons  ce  passige  cuiicux 
ett^aractérisliqùe  : 

«  .Si  Roi)s  est  le  premier  dc!>sinnt'^i:r  de  c  siècle,  il  no  f;iut 
pas  oublier  qu'il  a  porté  loulo  la  pénélrolion  do  son  analyse, 
toute  la  profondeur  do  sa  pensée,  irute  li  malice  do  son  prodi- 
gieux e^prit  dans  l'exclusive  pcinlurc  du  mal.  Le  m;d,  la  luxure, 
voilà  le  siiji'i  do  son  œuvre  inniicnse.  Voilà  pourquoi  son  œuvre 
n'est  accessible,  comme  les  traités  do  ni;rclialogio,  ([u'à  un.poiii 
nombre  do  personnes.  Et  cependant  il  ne  f.iut  pas  s'y  lrom)H»r.: 
Rops  n'a  point  Iridié  avec  la  nioral\  <hn>  -e<  pr.imles  (ihivits 


\ 


(1)  \'oir  noire  dernier  nnniéro. 


/ 


204 


UART  MODERNE 


loul  au  moins.  Il  ne  ment  pas  :  à  côlé  de  la  luxure  il  a  mis  con- 
stamment la  mort  et  l'effroyable  figure  de  Satan.  Il  ne  s'agit  point 
ici  de  petites  scônes  galantes,  faites  à  souhait  pour  la  diMectàtion 
des  vieux  liberlins.  C'est  la  vision  profonde,  terrifiante,  toute  spi- 
rilualiste,  de  -la  damnation  de  la  chair  coupable.  Au  fond  des 
désordres  charnels,  au  lieu  de  la  béatitude  mensongère  célébrée 
par  quelques  poètes  égarés,  il  y  a  la  mort,  il  y  a  Satan.  Et 
qu'elles  sont  effroyables,  les  têtes  de  mort  que  Rops  fait  rouler  h 
travers  ses  monstrueuses  débauches!  Jamais  artiste  chrétien  n'a 
peint  avec  plus  de  vigueur  les  ravages  produits  par  le  mal  jusqu'au 
fond  des  os;  jamais  non  plus  peintre  mystique  n'a  poussé  jusqu'à 
ce  degré  d'horreur  l'expression  des  tortures  que  subit  le  cerveau, 
l'organe  de  la  pensée,  dans  la  chute  bestiale.  Et  le  Salan  est  plus 
hideux,  plus  épouvantable  encore.  C'est  en  vain  qu'on  cherche- 
rait parmi  les  peintres  les  plus  célèbres  du  moyen-ftge  une  vision 
plus  atroce  de  l'esprit  du  mal. 

«  Et,  en  effet,  l'œuvre  de  Rops  c'est  bien  la  Mystique  noire 
dans  sa  parfaite  orthodoxie.  On  dirait,  si  ce  n'était  sa  puissante 
modernité,  qu'il  a  voulu  illustrer  les  œuvres  de  Bodin  ou  de 
Delrio.  Son  art  célèbre  la  messe  noire  et  dit  les  horreurs  de  la 
possession  démoniaque;  elle  est  la  théologie  de  Satan,  cl  Rops 
est  un  véritable  père  de  l'Eglise  infernale.  » 

Il  est  permis  de  reconnaître,  dans  ces  appréciations  piquantes, 
la  plume  du  rédacteur  en  chef  du  journal,  M.  de  Haulleville.  Qui 
ne  se  souvient  de  l'article  h  sensation  que  publia,  il  y  a  quatre  ou 
cinq  ans,  le  même  écrivain  lorsque  fut  exposée  au  Salon  des  XX 
la  Dame  au  cochon  (Pornocratès),  qui  fil  un  beau  tapage  dans 
notre  pudique  bourgeoisie.  M.  de  Haulleville,  comparant  la  nudité 
de  h  Dame  h  celle  des  bonshommes  en  bronze  et  en  marbre  dont 
on  décore  les  monuments  et  les  places  publiques  (les  deux 
groupes  qui  ornent  "extérieurement  le  Palais  des  beaux-arts 
venaient  d'être  placés),  démontra  victorieusement  que  l'art  de 
Félicien  Rops,  même  dans  ses  créations  les  plus  audacieuses, 
n'est  nullement  indécent,  et  que  s'il  est  permis  de  critiquer,  au 
point  de  vue  de  la  chasteté,  bon  nombre  de  figures  ostensible-  ' 
ment  placées  par  l'Etat  lui-même  ou  par  l'administration  commu- 
nale dans  les  rues  et  les  carrefours,  les  œuvres  du  maître,  en 
raison  de  leur  but  et  de  leur  haute  visée  artistique,  échappent  à 
loul  reproche  de  ce  genre. 

L'article  paru  dimanche  accentue  cette  appréciation  et  sa  con- 
clusion est  tout  à  fait  significative. 


L'hôtel-de-ville  de  Borgerhout. 

• 

Joyeux  d'aspect  avec  son  frais  mélange  de  briques  de  Boom  et 
de  pierre  d'Euville,  curieux  en  ses  multiples  détails  spirituelle- 
ment agencés,  pittoresque  et  pimpant  dans  ses  intéressantes  sil- 
houettes de  tourelles  et  de  pignons,  d'une  superbe  envolée,  enfin,* 
dans  son  hardi  campanile,  découpant  ses  amusants  motifs  sur  le 
ciel  :  tel  se  présente,  à  première  vue,  le  charmant  hôtel-de-ville 
dont  les  estimés  architectes  anversois,  MM.  Blomme  frères,  vien- 
nent de  dolcr  la  commune  de  Borgerhout. 

Un  examen  plus  attentif  ne  diminue  pas  J'exceilente  inîpression 
du  début  :  suivez  la  ligne  si  raisonnée  de  la  tour,  examinez 
l'encorbellement  et  la  brelèche  de  l'étage,  détaillez  les  lucarnes 
et  les  échauguettes  d'angle,  jetez  un  coup  d'œil  sur  les  pignons 
latéraux,  et  vous  serez  convaincu  de  la  haute  valeur  de  celte 


œuvre  architecturale.  L'intérieur,  lui,  est  une  véritable  sur- 
prise :  au  lieu  d'y  trouver,  comme  trop  souvent  ailleurs,  des 
vestibules  étroits  et  des  couloirs  mal  éclairés,  on  pénètre  dans 
un  vaste  hall,  entouré  de  galeries,  couvert  d'une  légère  charpente 
en  chêne,  en  partie  fencstrce  au  plomb,  et  où  tout  est  lumière, 
couleur  et  joie  pour  les  yeux.  Les  architecles,  en  vrais  néophiles 
flamands,  ont  tiré  un  excellent  parti  du  mélange  des  pierres 
bleues  et  blanches,  des  marbres  noirs  et  roses,  des  briquettes 
rouges,  des  cuivres  et  du  vieux  chêne  :  aussi  le  hall  et  le  grand 
escalier  valent,  non  seulement  par  le  savant  agencement  du  plan 
et  le  profilage  très  personnel  des  détails,  mais  aussi  par  une 
entente  de  l'allure  décorative  à  donner  aux  divers  éléments  mis  en 
œuvre.  Ces  qualités,  nous  les  trouvons  à  un  plus  haut  degré 
encore,  et  avec  des  trouvailles  de  régal  raffiné,  dans  la  salle  des 
mariages,  la  salle  du  conseil  et  surtout  dans  la  salle  des  fêtes, 
très  crûne  et  d'un  grand  caractère. 

L'espace  nous  fait  défaut  pour  décrire  par  le  menu  et  dire  le 
bien  que  nous  pensons  de  ce  qui  nous  a  le  plus  longuement 
retenu,  mais  nous  nous  en  voudrions  de  ne  pas  attirer  l'attention 
sur  les  cheminées  monumentales  en  marbre  noir,  les  vitraux,  déli- 
cieux de  composition  et  de  couleur,  et  toute  l'huisserie,  lambris, 
plafonds,  meubles,  que  MM.  Blomme  s'entendent  à  traiter  avec 
toutes  les  finesses  et  l'esprit  des  huchiers  de  la  Renaissance. 

Conseillons  aux  artistes  de  passage  à  Anvers  de  faire  un  crochet 
jusqu'au  nouvel  hôtel-de-ville  de  Borgerhout  :  ils  y  éprouveront 
une  intense  sensation  d'art. 


?' 


•  lBLIOqF(APHIE 

ACCUSÉS   DE   RÉCEPTION 

A  l'Aventure,  carnets  de  roule,  par  James  Vandrunen.  —  Pre- 
mier carnet  (gris),  1889,  171  pages.  —  Deuxième  (rose),  1890, 
139  pages.  ■^  "Troisième  (bleu),  1890,  138  pages, —  non  compris  les 
titres  et  les  tables  des  matières.  —  Petits  in-8°,  élégamment  édités 
par  M™«  veuve  Monnom,  à  Bruxelles,  et  tirés  ;'i  cent  exemplaires  qui 
ne  sont  pas  .mis  eu  vente. 

Aquarelles^  minuscules  en  trois  coups  de  phrase,  —  bons- 
hommes silhouettés  à  la  plume,  —  pastels  amourachés  de  cer- 
taines harmonies  de  Ions,  —  pages  entêtées  dans  une  subtilité  de 
notation,  —  nocturnes  rêvasseurs,  —  duos  de  hasard,  —  effets 
de  soleil  en  vingt  mois,  —  peintures  écrites,  —  instantanées  au 
crayon,  —  grands  riens  photographiés  à  l'encre,  —  portraits  de 
mes  souvenirs  :  c'est  ainsi  que  M.  Vandrunen  nomme,  en  les 
dédiant  à  sa  lampe,  ces  choses  écloses  dans  le  rond  lumineux  de 
sa  flamme  et  jetées  en  ces  carnels  dans  le  désordre  d'un  tiroir 
renversé.  "  — 

El  Ion  ne  peut  mieux  caractériser  que  par  ces  multiples  appel- 
lations, cette  œilivre  chatoyante  qui,  au  hasard  des  impressions  et 
des  souvenirs,  prqmène  le  lecteur  en  cent  lieux  divers  et  le  trans- 
porte, sans  transition,  d'un  coin  de  la  banlieue  bruxelloise  en 
iine  auberge  d'Italie,  de  la  Normandie  en  Allemagne,  du  Rhin  au 
Danube,  d'un  cabaret  à  une  église,  piquant  ici  un  paysage,  à  côté 
une  scène  de  mœurs,  plus  loin  un  portrait  de  femme,  décrivant 
une  place  ou  une  ville,  ,une  nuit  éloilée  ou  un  hôpilal,  avec,  tou- 
jours, la  préoccupation  du  mot  propre,  de  l'expression  qui  fait 
image,  de  l'art,  en  un  motqui,  dans  les  plus  infimes  choses  comme 
dans  les  plus  grandes,  trouve  matière  à  sensation  el  illumine  tout 
ce  qu'il  touche  de  son  rayon  d'or. 


f' 


Le  soin 'conslanl  de  la  forme  fait  de  ce  recueil  une  lecture 
aimable,  d'aulonl  plus  attirante  que,  par  l,a  concentration  de  ses 
petits  tableaux,  elle  présente  à  chaque  page  un  tout  complet  par 
lui-même;  qu'on  peut  la  laisser  et  la  reprendre  à  son  gré  et  qu'en 
l'ouvrant  a  l'aventure^  on  peut  se  réjouir  un  instant  à  l'aspect  de 
ses  vives  couleurs.  ^ 

Essais  de  philosophie  et  de  littérature,  par  Emile  Sigoone. 
—  Un  volume  in-12  de  232  pages.  Paris,  Georges  Carré,  éditeur, 
1890. 

C'est  ce  que  l'on  appelait  autrefois  un  livre  de  mélanges,  où 
sont  traités  des  objets  fort  divers  :  un  exposé  des  idées  de  Herbert 
Spencer  sur  VEducnlion,  sur  les  VénlaHes  (onctions  du  Gouver- 
nement et  sur  la  Philosophie  de  la  mode;  une  comparaison  de 
l'Esprit  français  à  l'Esprit  anglais  ;  des  biographies  de  William 
Pilt  et  de  Fox;  des  notes  fort  sommaires  sur  la  Méthode  expé- 
rimentale et  sur  la  Littérature  de  l'avenir;  et,  pour  terminer,  un 
recueil  de  pensées  et  d'aphorismes  qui,  pour  être  quelque  peu 
pessimistes,  n'en  présentent  pas  moins  du  La  Rochefoucauld  fort 
ddulcoré  comme  semble  l'indiquer  ceci,  qui  nous  a  rendu  rêveur  : 
«  En  moi,  l'animal  est  toujours  gai  et  la  pensée  toujours  triste  ». 

En  somme,  c'est  l'œuvre  d'un  honnête  homme,  comme  on 
disait  au  xvii''  siècle,  respectueux  de  sa  pansée  et  familiarisé  avec 
les  bons  auteurs,  dans  le  commerce  desquels  il  a  pris  une  cer- 
taine ampleur  de  style  qui  convient  au  professoral. 

Autour  du  Journal'des  Goncourt,  étude  littéraire  par  Firmix 
Vanden  Bosch.  —  Brochure  in-S»  de  48  pages.  Gand,  typographie 
A.  Siffer,  1890. 

«  Je  ne  connais  point  de  joie  littéraire  comparable  à  celle-ci  : 
avoir  lu  .une  à  une  les  œuvres  d'un  auteur,  et  par  cette  fréquenta- 
tion assidue,  s'être  formé  de  lui,  à  côté  d'un  portrait  de  l'artistiî 
net  et  précis,  une  silhouette  plus  incertaine  et  plus  vague  de 
l'homme  privé  —  et  alors,  plus  tard,  constater  sur  le  témoignage 
de  ceux  qui  ont  vécu  dans  l'intimiste  h  la  fois  de  l'artiste  et  de 
l'homme,  que  non  seulement  le  portrait  de  l'artiste  correspondait 
à  la  réalité  vraie,  mais  que  même  la  silhouette  de  l'homme  privé 
en  avait  déjà  les  éléments  confus.  » 

C'est  cette  satisfaction  de  dilettante  que  M.  Vanden  Bosch 
éprouva  en  feuilletant  le  Journal  des  Goncourt  «  h  tant  de  pages 
où  sont  éparpillées  en  traits  successifs,  glanés  au  caprice  irrégu- 
lier du  va-et-vi€nt  de  la  vie,  les  esquisses  fragmentaires  de  tous 
les  hommes  de  lettres,  qui  constituèrent  l'entourage  plus  ou  moins 
immédiat  des  Goncourt  ». 

11  s'est  plu  à  réunir  ces  traits  épars,  et  dans  une  étude  rapide, 
il  fait  passer  sous  nos  yeux  d'intéressants  portraits  des  de  Gon- 
court eux-mêmes,  «  ces  curieux,  d'une  curiosité  nerveuse  et 
remuante,  qui  papillonna  longtemps  autour  des  choses  de  l'art  Qt_^ 
du  xviii*  siècle,  et  se  posa  enfin  sur  les  modernes  réalités  »,  de 
Sainte-Beuve,  habile  à  «  tripoter  les  morts  »,  de  Flaubert,  ce 
«  grand  passionné  de  lettres,  désespérément  acharné  au  travail, 
fougueusement  méprisant  de  vulgarité  bourgeoise  »,  de  Théophile 
Gautier,  «*niarqué  de  ce  modernisme  fiévreux,  déséquilibré  et 
contradictoire  dont  tout  fils  de  ce  siècle  finissant  sent*  un  peu  la 
trace  en  lui  »,  de  Baudelaire,  «  sans  cravate,  le  col  nu,  la  tête 
rasée,  en  vr^ie  toilette  de  guillotiné,  et.^avec  cela,  une  voix  cou- 
pante comme  une  voix  d'acier,  une  élocution  visant  à  la  précision 
ornée  d'un  Saint-Just  et  l'attrapant  »,  de  bien  d'autres  encore, 
que  les  de  Goncourt  ont  fixés  d'un  trait,  dans  la  vérité  momen- 
tanée de  l'ondoyante  humanité,  si  bien  qu'un  critique  a  pu  dire 


qu'il  sera  désormais  impossible  d'écrire  l'histoire  littéraire,  des 
siècles  saris  recourir  à  leur  journal. 

L'étude  de  M.  Vanden  Bosch  est  comme  une  page  détachée  de 
cette  histoire,  puisée  à  cette  source  abondante,  avec  toute  la  fer- 
veur, mais  aussi  avec  le  discernement  d'un  lettré,  dont  les  admi- 
rations n'excluent  pas  l'indépendance. 


LE  GONCOIRS  POtJR  M  NOUVELLE  ÉCOLE  MUm 

La  Ville  de  Bruxelles  acharnée,  on  le  sait,  à  démolir  l'Eden, 
malgré  les  réclamations  du  public  et  les  raisons  développées  par 
l'Art  moderne  {n°  IG,  1890),  a  décidé  d'y  construire  une  école 
moyenne  et  vient  de  mettre  les  plans  au  concours. 

Alors  que  le  principe  du  concours  est  excellent  en  soi,  l'Admi- 
nistration a  tout  fait  pour  en  rendre  la  réalisation  impossible; 
le  programme  et  les  conditions  semblent  avoir  été  arrêtées  par 
des  personnes  incompétentes  ou  décidées  h  aboutir  à  un  échec. 

Aux  revendications  répétées  de  la  Société  centrale  d'architec- 
ture, denîandant  des  concours  à  deux  épreuves,  un  jury  composé 
en  majorité  d'architectes,  avec  des  délégués  des  concurrents,  des 
primes  aux  meilleurs  projets,  etc.,  l'Administration  décide  que  le 
Collège  choisira  le  projet  à  exécuter,  qu'il  n'y  aura  pas  de 
primes,  que  le  taux  des  honoraires  sera  abaissé  de  5  à  4  p.  c, 
que  les  architectes  fourniront  un  devis  sans  que  la  Ville  indique 
le  chiffre  consacré  à  la  construction. 

Organisé  dans  de  pareilles  conditions,  le  concours  est  une  vraie 
mystification  et  nous  mettons  les  architectes  en  garde,  surtout 
en  ce  qui  concerne  la  dernière  clause  ;  il  saute  aux  yeux  qu'il  y 
a  là  une  adjudication  déguisée,  et  que,  ne  tenant  pas  compte  des 
mérites  techniques,  la  Ville  choisira  certainement  un  projet 
médiocre  si  elle  peut  avoir  pour  300,000  francs  une  école  qui, 
bien  conçue,  en  coûterait  400,000. 

Nous  ne  pouvons  donc  qu'engager  les  architectes  à  répondre 
à  la  Ville  par  une  abstention  générale;  c'est  la  seule  façon  de 
l'obliger  à  suivre  l'exemple  du  Gouvernement,  de  la  province  du 
Brabant  et  d'un  grand  nombre  d'administrations  qui,  dans  ces 
dernières  années,  ont  organisé  des  concours  dont  la  réussite  a 
été  complète  parce  que  les  conditions  en  étaient  satisfaisantes,,  ., 


•pONCouR^  DU  Conservatoire 


(1) 


Orgue  :  professeur,  M.  Maii.i.y.  —  l*'  prix  (avec  distinction), 
M.  Deneufbourg;  2«  prix  (avec  distinction),  M.  Gortebeek  ; 
3*  prix,  MM.  Byl  et  Declercq. 

Alto  :  professeur,  M.  Firket.  —  1"  prix  (avec  distinction), 
M.  Luffin  ;  2*  prix  (avec  distinction)  (par  rappel),  M.  Seghers: 
2«'prix,  M.  Hélin;  l*'  accessit,  M.  Nagels. 

Violoncelle  •  professeur,  M.  Jacobs.  —  i'''  prix  (avec  la  plus 
grande  distinction),  M.  Rotondo;  l'^prix,  MM.  De  Lceuw  et  Miry; 
2«  prix  (avec  distinction),  M.  Van  Islerdacl;  1''  prix,  MM.  Gillet, 
Van  Meerbeek  etinslegers;  i'^'  accessit,  M.  Goffm. 

Harpe  •  professeur,  M.  Meeiiloo.  —  '\"  prix.  M""  Lunssens^ 
et  Keyzer  ;  2*  prix,  M"«  Césarion. 

Piajjo (hommes):  professeur,  M.  De  Greef.  — l^i^prix,  M.  Lîtta; 
2«prix  (avec  distinction),  M.  Sierck;  2*prix,  M.  Sevenants. 

(i)  SVtVr.  Voir  notre  deruier  numéro.  . 


& 


plBLlOQRAPHlE    MUSICALE 

Publications^Bruneau 

La  devise  :  Poi'R  l'Art,  des  édiieurs  Bruneau  el  C,  cslampille 
quelques  œuvres  nouvelles,  parmi  lesquelles  il  en  csl  qui  s'im- 
poseni. 

C'est,  d'abord,  la  parlilion  (réduite  par  l'auteur  pour  piano  à 
(|ualrc  mains  cl  cliani)  du  joli  poème  symphonique  de  César 
Franck  pour  orclicstrc  et  chœurs.  Psyché,  'exécuté  ce  printemps 
aux  concerts  Colonne.  En  trois  parties,  titrés  :  I.  Le  Sommeil  de 
Psyché.  —  II.  Les  Jardins  d'Eros.  —  III.  Le  Châtiment.  Souf- 
frances el  plaintes  de  Psyché.  Apothéose,  César  Franck  a  écrii, 
(L*  sa  fine  plume  d'harmoniste  raffiné  ei  de  mélodiste  subtil,  le 
poème  de  l'Amour  (jui  s'éveille,  grandit,  éclate,  souffre  el 
triomphe.  Les  thèmes,  dessinés  avec  la  plus  vaporeuse  délicatesse 
(le  contours,  sont  merveillcuscmenl  appropriés  à  la  légende.  Dire 
qu'ils  sont  de  la' plus  extrême  distinction  serait  banalité.  Ce  qui 
caractérise  cotte  œuvre  nouvelle  du  maître,  sorte  d'aquarelle 
toute  en  demi-teintes,  en  nuances  assourdies,  c'est  l'impression 
de  rêve  qu'elle  dégage.  La  musique  plane,  frôle  à  peine  la  terre 
d'une  aile  soyeuse,  se  fond  en  nuées  indécises,  renaît,  radieuse, 
pour  s'eifacer  encore.  L'amour  dont  elle  est  pénétrée,  c'est  le 
plus  chaste  amour  qui  se  puisse  concevoir,  la  mystique  tendresse 
que  respirent  les  toiles  des  maîtres  primitifs  en  des  enlacements 
d'une  angéliquc  et  pudique  douceur.  Comme  moyens  d'expres- 
sion :  l'orchestre,  ciselé  en  joyau  de  prix,  et  le  chœur  mixte, 
introduit  dans  la  deuxième  et  la  troisième  pjriie,  sans  aucun  solo. 

Citons  encore  :  Hymne  à  Vénus,  duo  ou  chœur  k  deux  voix 
de  femmes  en  mode  phrygien,  sur  une  poésie  de  Villiers  de  l'Isle- 
Adanj,  par  Pierre  de  Bréville.  Celle  composition  récente  d'un  des 
disciples  les  plus  distingués  de  César  Franck,  fut,  on  s'en  sou- 
vient, exécutée  avec  succès  à  l'un  des  concerts  des  XX  àe  cette 
année,  par  un  ensemble  vocal  formé  d'élèves  du  Conservatoire. 
—  Da.nsons  la  gigue!  ingénieuse  et  charmante  transposition  musi- 
cale (chant  el  orchestre)  du  poème  de  Verlaine,  par  Charles  Bordes. 
CÎiantée  pour  la  première  fois  à  la  Société  nationale  de  musique 
de  Paris,  le  21  avril  dernier,  celte  très  jolie  composition,  dans 
laquelle  se  mêle  au  rythme  canaille  de  la  gigue  la  douloureuse 
ironie  de  Verlaine,  a  eu  un  relent isscmeni  dont  nous  avons  apporté 
l'écho  à  nos  lecteurs  (1|. 

Les  dernières  publications,  d'une  visée  d'art  moins  haute  et 
d'un  intérêt  moindre,  sont  :  quatre  pièces  pour  piano  {Prélude, 
A dagiello.  Pavane,  Rigaudon),  pastiches  délicats  des  danses 
anciennes,  par  Joseph  Jeniain  ;  une  assez  banale  «  rêverie  »  pour 
orgue  ou  harmonium;  Chant  du  soir  (op.  122),  par  H. -P.  Toby; 
deux  pièces  pour  violoncelle  avec  accompagnement  de  piano 
(Romance,  Menuet),  par  E.  Bonnadicr,  et  une  Ronde  flamande 
(op.  25)  écrite  par  Emile  Ratez  sur  un  poème  de  Charles  Cros. 


^     fÎHRONlQUE    JUDlCiyVIRE    DE^    ^RT? 

La  maison  de  Victor  Hugo. 

Quel  merveilleux  miroir  de  la  vie  que  les  tribunaux  !  Tout  s'y 
roflète,  el  l'on  serait  au  courant  de  toutes  les  enircpriscs  conlem- 

{{)  Yoïv  l'Art  modertir  il\i  21  n\r'i\. 


poraines,  de  loules  les  inventions,  de  toutes  les  nouvelles,  rien 
qu'en  lisant  la  Gazette  des  Tribunaux.  ■ 

Celle  fois,  c'est  de  la  maison  du  Poète  qu'il  s'agit,  el  voici, 
d'après  la  dllc  Oauilc,  le  procès  auquel  elle  vient  de  donner 
lieu. 

«  Pèlerinage  national  à  la  maison  de  Victor  Hugo  »,  tel  était 
le  titre  sous  lequel  des  affiches  apposées,  l'éic  dernier,  sur  les 
murs  de  Paris,  conviaient  'le  public  à  visiter  l'exposition  du 
mobilier  du  grand  poète,  installée  dans  les  deux  hôtels  qu'il  avait 
habités,  avenue  Victor  Hugo,  126  et  128. 

Le  pèlerinage  n'était  pas  gratuit  ;  un  tourniquet  placé  à  l'entrée 
l'indiquait  de  reste  ;  il  n'éiait  pas  obligatoire  non  plus,  et  les 
organisateurs  de  l'entreprise  ont  pu  s'en  apercevoir  au  chiffre  de 
la  recelle. 

Dernièrement,  ils  se  trouvaient  assignés  par  un  de  leurs  em- 
ployés, M.  Barre,  en  payement  de  1,200  francs,  à  lui  dus  pour 
appointcmenis,  et  ils  opposaient  à  celle  demande  une  exception 
d'incompétence,  alléguant  qu'ils  n'avaient  pas  fait  acte  de  com- 
merce, et  que  si  leur  entreprise  avait  réussi,  ils  avaient  l'intention 
d'acquérir  les  immeubles  et  d'en  faire  don  à  l'Etat  ou  h  la  Ville, 
ce  qui,  suivant  eux,  excluait  toute  idée  de  spéculation. 

Et  voici  le  texte  du  jugement  intervenu  : 

Attendu  que  les  défendeurs  soutiennent  qu'ils  ne  seraient  pas 
commerçants; 

Que  le  bail  a  eux  consenti  et  passé  devant  M»  Renard,  notaire 
à  Paris,  stipulerait  l'obligation  de  n'occuper  les  lieux  que  «  bour- 
geoisement »  ; 

Que,  par  suite,  ils  n'ont  pu  y  installer  une  exploitation  com- 
merciale ; 

Attendu  que  les  défendeurs  soutiennent  enfeore  qu'ayant,  dès 
l'origine  de  l'entreprise,  exprimé  l'intention,  en  cas  de  succès 
de  leurs  efforts,  d'acquérir  les  immeubles  pour  en  faire  don  à 
l'Etat  ou  à  la  Ville  de  Paris,  ils  ne  sauraient  avoir  fait  œuvre  de 
spéculation; 

Que  la  cause  ne  serait  donc  pas  commerciale,,  et  que  ce 
Tribunal  serait  incompétent  pour  en  connaître; 

Mais  attendu  qu'il  appert  des  stipulations  mêmes  du  bail  dont 
il  est  excjpé,  que  Roche  et  Goudchaux  n'ont  loué  les  deux  hôtels 
précédemment  habités  par  Victor  Hugo,  avenue  Victor  Hugo, 
126  et  128,  que  «  pour  y  installer  des  expositions  et  y  donner 
«  des  fêles  accessibles  au  public,  moyennant  une  rétribution  à 
«  l'entrée  »  ;  ^ 

Qu'il  n'importe  que  ces  expositions  aient  eu  pour  objet  ou  pour 
prétexte  d'honorer  la  mémoire  de  Victor  Hugo; 

Qu'il  suffit  de  constater,  en  la  cause,  que  les  défendeurs  ont 
eu  en  vue  de  créer  une  entreprise  d'attraction  dont  ils  devaient 
tirer  profil  ; 

Qu'en  effet,  au  bail  précité,  ils  se  sont  réservé  le  droit,  non  de 
sous-loucr  les  lieux,  mais  de  céder  l'enlreprise; 

Attendu  qu'ils  ont  traité  de  celte  cession  avec  un  tiers,  moyen- 
nant un  prix  payable  comptant  cl  une  participation  dans  les  béné- 
fices, s'engageanl,  par  contre,  vis-à-vis  de  leurs  concessionnaires, 
h  supporter  notamment  les  frais  de  reconstitution,  d'entretien  et 
de  renouvellement  du  mobilier  de  Victor  Hugo; 

Qu'une  publicité  importante  devait  être  faite  aux  frais  de  Roche 
et  Goudchaux,  publicité  destinée  à  faire  naître  et  à  entretenir  la 
curiosité  du  public,  dont  la  faveur  était  l'élément  indispensable 
du  succès  financier  de  l'opération  ; 

Attendu  qu'il  n'y  a  lieu  de  rechercher  ni  de  s'arrêter  aux  inlen- 


7 


lions  que  pouvaient  avoir  les  défendeurs  en  cas  de  réussite  de 
leur  entreprise  ; 

Qu'il  suffit  de  constater  que  ces  intentions,  fussent-elles  réelles, 
fussent-elles  mêmes  réalisées,  ne  sauraient  modifier  le  caracière 
de  l'entreprise  au  cours  de  son  exploitation  ; 

Que  Roche  et  Goudcliaux  ont,  en  l'espèce,  fait  œuvre  de  spécu- . 
iation,  et  que  leur  entreprise  a  eu  un  caractère  commercial; 

Et  attendu  que  la  demande  a  pour  objet  le  payement  îi  un 
employé,  d'appointements  dus  par  Roche  et  Goudchaux; 

D'où  il  suit  que  la  cause  est  commerciale,  et  ce  Tribunal  com- 
pétent pour  en  connaître; 

Par  ces  motifs,  le  Tribunal  retient  la  cause; 

Condamne  les  défendeurs  solidairement  à  payer  au  demandeur 
la  somme  de  1,200  francs,  montant  de  la  demande  avec  les  inté- 
rêts suivant  la  loi  ;  - 

Et  les  condamne  aux  dépens. 


pETlTE    CHROj^IQUE 


Les  femmes  peintres  et  un  peu  sculpteurs  qui  exposent  en  ce 
moment,  collectivement,  au  31usée,  ont  un  (ou  une?)  secrétaire 
dont  le  dévouement  égale  l'amabilité.  11  (ou  elle?)  plaide  la  cause 
de  ses  amies  et  collègues  avec  un  zèle,  une  conviction,  une  ingé- 
niosité d'arguments  et  de  répliques  à  rendre  jalouse  M"^  Popelin 
elle-même.  Encore  sous  le  charme  de  sa  parole  insinuante,  nous 
sommes  tenté  de  Irouver  à  toutes  les  exposantes  un  talent  trans- 
cendant; et  au  moindre  bout  de  toile  décoré  de  peinture  par  ces 
dames,  au  Salon,  des  mérites  exceptionnels.  Mais  peut-être 
dépasserions-nous  le  désir  exprimé  par  la  gentille  secrétaire,  qui 
tient  surtout  à  ce  qu'on  sache  que  les  dames  peintres  sont  de 
vraies  peintres,  exposant,  pour  la  plupart,  dans  de  vrais  Salons 
et  y  recherchant,  avec  la  même  ûprelé  que  leurs  confrères  mascu- 
lins, les  médailles  et  les  récompenses.  Sur  quarante-huit  expo- 
santes, il  y  en  a  trente-deux  qui  se  sont  produites,  soit  dans  les 
Salons  triennaux  de  Belgique,  soit  à  Paris  ;  sept  ont  reçu  des 
médailles;  une  a  été  récompensée  d'une  mention,  et  cette  der- 
nière, qui  n'est  autre  que  la  pauvre  Marie  Bashkirisctf,  morte 
toute  jeune,  a  dos  œuvres  au  Luxembourg. 

Etes-vous  satisfaite,  ô  Mary  Gasparoli,  ange  protecteur  des 
femmes  peintres,  porle-bannièrc  décidé  et  charmant  de  l'éman- 
cipation féminine? 

L'intéressant  ouvrage  de  M.  Antoine  sur  le  Tliédire-Libre,  doul 
nous  avons  publié  une  analyse  détaillée  (1),  est  en  vente  à 
Bruxelles,  à  l'OfTice  de  publicité, 

A  la  vente  de  la  collection  E.  May,  qui  vient  d'avoir  lieu^à 
Paris  chez  Georges  Petit  (et  qui  a  produit  o00,060  francs),  quel- 
ques tableaux  modernes  ont  atteint  des  enchères  élevées,  ainsi 
qu'on  en  jugera  par  les  prix  suivants  : 

Degas.  Leçon  an  foijcr,  8,000  fr.  ;  kl.  Répétition  d'un  ballet 
sur  la  scène  (pastel),  8,400  fr,  ;  Id.*  Danseuses  à  leur  toilette 
(pastel),  2,5S0  fr.  ;  Manet.  Femme  à  la  guitare,  3,000  fr,  ;  Pis- 
sarro. Entrée  de  village,  2,100  fr.  ;  Raffaclli.  Le  Déjeuner, 
2,100  fr.  ;  Cazin.  La  Vieille  route,  o,900  fr.;  Id.  Efftt  de  hme, 
S,100  fr.;  Id.  LElang,  6,300  fr.  ;  id.  Théocrile,  3,900  fr.  ;  Id. 
Clair  de  lune,  3,200  fr,  ;  Id.  MaraU  en  Hollande,  3,1S0  fr.  ; 
Corot.  La  femme  du  pécheur,  13,700   fr.  ;   Id.    Ln  Rochelle, 

(1)  Voir  nos  quatre  derniers  numéros.  ' 


12,100  fr.  ;  Id.  Le  Cabaret,  l.'>,700  fr.  ;  Id.  Dunkerque,  6,600  fr.; 
Id.  Le  pont  Saint-Ange  à  Rome,  21,100  fr.  ;  Id.  Saint- Georges- 
Majeur^^^Venise,  5,100  fr.  ;  Id.  Gênes,  7,100  fr.  ;  Id.  Le  Palais 
des  Papes  à  Avignon,  7,100  fr.  ;  Id.  La  Seine  à  Rouen, 1,000  fr.  ; 
Id,  Saintry,  n, 000  fv.;  Id.  Le  lac  de  Genève,  10,000  fr.;  Id. 
Port  de  Bordeaux,  10,000  fr.  ;  Id.  Environs  de  Saivt-Malo, 
.n,&00k,;]d,  Grand  Canal  à  Venue,  10,200  fr.;  Id.  L'Entrée 
du  village,  16, .^00  fr.  ;  Id.  Marine,\0.000  fr.  ;  Troyon.  LaVallée 
de  la  Toucques,  3,8S0  fr.  ;  Fromentin.  Le  Grand  Canal  à 
Venise,  3,500  fr.  ;  Jongkind.  Un  canal  en  Hollande,  2,700  fr. 

La  tournée  de  concerts  que  le  violoniste  Sarasate  vient  d'efifoc- 
tucr  en  Amérique  comprenait  100  séances,  pour  chacune  des- 
quelles il  a  reçu  3,000  francs,  tons  ses  frais  de  transport  payés. 

Le  pianiste  Eugène  d'Albert,  engagé  avec  lui,  avait  1,000  francs 
par  séance,  -auxquels  il  faut  ajouter  une  somme  de  150,000  francs 
(nous  disons  :  cent  cinquante  mille)  qui  lui  était  payée  par  la  mai- 
son Stcinway  pour  jouer  exclusivement  sur  ses  pianos. 

Le  dernier  n"  (mai)  de  la  Wallonie  est  consacré  exclusivement 
à  notre  collaborateur  Emile  Verhacren.  \ 

En  voici  le  sommaire  :  Silencieusement.  —  Une  promenade. 

—  Un  soir.  —  Un  Réveil.  —  Sais-je  oii?  —  Une  Nuit.  — 
L'Aquarium.  —  Quelques-uns.  — En  Biscaye.  —  Le  Polder. 

—  Sonnet.  —  Les  Maîtres  du  Siècle. 


Ce  que  gagne  un  ténor. 

Voici  le  détail  de  ce  que  Julian  Gayarre  a  gagné  dans  sa  car-' 
rièrc.  Quatre  ou  cinq  jours  avant  de  mourir,  le  célèbre  chanteur 
remit  à  un  ami  la  liste  que  nous  publions  ci-dessous,  écrite  de  sa 
main. —  avec  une  petite  lacune  relative  à  la  season  de  Londres, 
en  1887  : 

A  Varase,  110  fr.  —  Como(I870),  110  fr.  —  Traversa,  30Q  fr. 

—  Milan,  300  fr.  —  Parme,  3,000  fr.  -  Crcmona  (1871), 
lo,000  fr.  —  Roma,-  1,500  fr.  —  Genova  (1872),  11,000  fr.  — 
Sevilla,  12,000  fr.  —  Bologna,  7,000  fr.  —  Roma  (1883), 
23,000  fr.  —  Padoua,  12,OOo"^fr.  —  San-Petersburgo,  500  fr.  — 
Vicnna  (1875),  74,000  fr.  —  Palermo,  8,000  fr.  —  Scala,  Milan, 
(1876),  32,000  fr.  —  Buenos- Ayres,  100,000  fr.  —  Milan  (1877), 
40,000  fr.  —  Londres  (1878),  40,000  fr.  —  Madrid,  80,000  fr. 

—  Londres  (1879),  40,000  fr.  --  Madrid,  100,000  fr,  —  Londres 
(1880),  40,000  fr.  —  Madrid,  123,000  fr.  —  Londres  (1881), 
4,000  fr.  -  Barcelona  y  Mallorca,  8,000  fr.  —  ValenGia(1882), 
40,000  fr.  —  Monlecarlo,  3,000  fr.  —  Roma,  20,000  fr.  — 
Bilbao,  60,000  fr.  —  Valladolid,  20,000  fr.  —  Lisboa,  90,000  fr. 

—  Napoles  (1883),  60,000  fr.  —  Zaragoza,  30,000  fr.—  Malaga, 
60,000  fr.  —  Granada,  30,000  fr.  —  Lisboa  (1884),  30,000  fr. 

—  Paris,  80,000  fr.  — Turin,  30,000  fr.—  Barcelona,  110.000  fr. 

—  Valencia  (188.5),  50,000  fr.  —  Sevilla,  10,000  fr.  —  Madrid 
(.1886),  110,000  fr.  —  P;iris,  20,000  fr.  —  Londres,  ne  se  accor- 
daba.  —  Milan  (1880),  110,000  iV.  —  Roma,  60,000  fr.  —  Bolo- 
gna, 20,000  fr— Barcelona,  60,000'fr.  — Barcelona,  520,000  fr. 

—  Napoles  (1887),  14,000  fr.  —  Madrid,  3,000  fr. 
Total  :  3,186,320  fr.  en  vingt  ans. 

La  Pléiade.  Sommaire  du  numéro  de  juin  :  Maurice  Dormal, 
Albert  Arnay.  —  Soir;  Automne,  Ch.  Flippcn.  —  TerxA  Rima, 
F,  Severin.  —  La  Nuit  de  nmi,  L.  Thiousl-Edgy.  —  Ecroule- 
ment, i.  Bo^Is.  —  Pour  l'infante  de  Velasquez-,  P.  Marins  Andié. 

—  Chevalier  fabuleux,  J.  Hcnncbicq.  —  Livres,  Ecbos.  (Lacom- 
blez,  éd.,  rue  des  Paroissiens,  33,  à  Bruxelles). 

i _ — 


L 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ETAT-BELGE 


LIGNE   D'OSTENDE-DOUVRES 


La  plus  courte  et  la  moins  coûteuse  des  voies  exlra-rajUdes  entre  le  Continent  et  TAngleterre 


Bruxelles  à  Londres  en 
Cologne  à  Londres  en 
Berlin  à  Londres  en  . 


8  heures. 
13       » 
24       « 


Vienne  à  Londres  en. 
Belle  à  Londres  en. 
Milan  à  Londres  en  . 


36  heures. 
24       "  , 
33       - 


XROiis  ise:rvice:is  x^^ilr  jour 


D'Ostende  à  6  h.  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  20  soir.  —  De  Douvres  à  midi  15,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

xra\^e:r6ée:  eiv  xroiis  he:ure:s 

PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS 

Princesse  Joséphine,  Princesse  Henriette,  Prince  Albert,  La  Flandre  et  Ville  de  Douvres 

partant  journellement  cVOSTENDE  à  6  h.  matin  et  11  h.  10  matir  ;  de  DOUVRES  à  midi  15  et  3  h.  après-midi. 

SaloQS  luxueux.  —  Fxunolrs.  —  Ventillation  perfectionnée.  —  Éclairage  électrique.  —  Restaurant. 

BILLETS  DIRECTS  (simples  ou  aller  et  retour)  enlre  LONDRES,  DOUVRES.  Birmingham,  Dublin,  Edimbourg,  Glascow, 

Liverpool,  Manchester  et  toutes  les  grandes  villes  de  la  Belgique 
et   entre  LONDRES   ou   DOUVRES  et  toutes  les  grandes  villes  de  l'Europe. 


BILLETS  CIRCULAIRES 

Supplément  de  2*  en  l"-»  classe  sur  le  bateau,  fr.  2-36 
CABINES  PARTICULIÈRES.  -  Prix  :  (en  sus  du  prix  de  la  i"-»  classe).  Petite  cabine,  7  francs;  Grande  cabine,  14  francs. 

A  bord  des  malles  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette 
Spécial  cabine,  28  francs;  Cabine  de  luxe,  75  francs. 

Pour  la  location  à  l'avance  s'adresser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  {Quai)  ou  à  l'Agence  des  Chemins  de  fer  de  VÊtat-Belge 
Northumhei'land  House,  Strond  Street,  n"  17,  à  Douvres. 

Excursions  à  prix  réduits  de  50  «/o,  entre  Ostende  et  Douvres,  tous  les  jours,  du  l^r  juin  au  30  septembre. 
Entre  les  principales  villes  de  la  Belgique  et  Douvres,  aux  fêtes  de  Pentecôte  et  de  l'Assomption. 

AVIS.  —  Buffet  restaurant  à  bord.  —  Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  —  Accostage  à  quai  vis-à  vis  des  stations  de  chemin  de 
fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits). —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  -   Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  VEorploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  V Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  V  Etat-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Graçechurch-Street,  n"  53,  à  Londres,  à  Y  Agence  de  Chemins  de  fer 
de  V'Êtat,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vrancken,  Domkloster,  n»  1,  à  Cologne. 


chez  MM."  SCHOTT  frères,  82,  Moiitngiie  de  la  Cour,  Bruxelles. 

L'OR  DU  RHIN 

DE 

RICHARD  WAGNER 

Version  firanpaise  de  Victor  "WILDER 

Partition    pour    chajit   et    piano,    réduite   j)ar   R.    Kleinmichel 
PRIX  NET  :  20  Francs 

JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisjprudence. 

—  Bibliographie.  —  Législation.  —  Notariat. 

HUTIKME  ANNÉE. 

Abonnements  i  Belgique,  18  francs  par  an. 
(  iitranger,  23  id. 

Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 

Revue  mensuelle  de  littérature  et  d'art 


Directeurs 

Bureaux 
ABONNEMENTS 


5"  Année 
MM,  A.  MOCKEL  et  P.-M.  .OLIN. 
à  Liège,  rue  St-Adalbert,  8. 
à  Bruxelles,  Avenue  Louise,  317. 
5  francs  l'an  ;  Union  postale,  fr.   6-50 


PIANOS 


BRUXELLES 
rue  Thérésienn'e,  6 


GUNTHER 


VENTE 

ÉCHANGE 
L  G  G  A  T-I G  N 
Paris  1867, 1878,  !•'  prix.  —  Sidney,  seuls  1"  el  2«  prix 

EIPOSITIOIS  ilSTERDAI  1883,  AITEIS  1885  BIPLOIE  D'IOllEn. 

Breitkopf  et  Hâ.rtel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 


TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-G.  Lobe. 

Traduit   de   l'allemand   (d'après  la  5®  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8".  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  rennplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  ouvrages  d'enseignement  musical  les  plus 
estimés  en  Allemagne, 


Bruxelles.  —  Imp.  V*  Monmom,  26,  rue  de  l'Industrie. 


•^ 


Dixième  année.  —  N"  27. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  6  Juillet  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,    un   an,    fr.   10.00;  Union  postale,    fr.    13.00.    —  ANNONCES  V   On   traite   à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Plndustrie,  26,  Bruxelles. 


Sommaire 


La  joie  du  Livre  fait.  —  Les  évolutions  de  l'Art.  —  Expo- 
sition RoYBET.  —  Les  derniers  des  Mysonéistes.  —  Au  théâtre 
Molière.  —  Au  Salon  de  Paris.  —  Le  Stekn  d'Anvers  et  sa 
restauration.  —  Chronique  judiciaire  des  Arts.  —  Concours  du 
Conservatoire.  —  Bibliographie  musicale.  —  Petite  chronique. 


U  JOIE  DU  LIVRE  FAIT 

II  est  banal  d'insister  sur  la  presque  toujours  désillu- 
sion de  l'œuvre.  Les  bras  ne  quittent  pas  le  travail  ; 
d'ordinaire,  ils  en  tombent.  Sitôt  le  mot  fin  écrit  au  bas 
des  pages,  le  supplice  commence,  sourd  d'abord,  quasi 
traître;  puis  aigu,  poignant,  sinistre.  La  tentation  se 
lève  de  détruire  toute  cette  preuve  de  labeur  et  dHn- 
quiétude  et  de  supprimer  cet  avorton  de  rêve  et  cette 
erreur  de  merveille.  Anéantir,  devient  comme  un  ordre. 
Une  publication  hâtive  ne  s'explique  souvent  que  par  la 
révolte  contre  l'obsédant  cauchemar. 

Rares  ceux-là  dont  le  livre  terminé  est  une  joie  de 
triomphe  et  comme  un  enivrement.  Nous  n'en  con- 
naissons guère  —  et  vraiment  nous  a-t-il  été  surprise 
de  constater,  dernièrement,  chez  un  poète,  aimé  s'il  en 
fut,  Edgar  Ppë,  l'attestation  de  cette  ivresse.  Et  son 
titre  d'abord  :  Eurêka  n'est-il  pas  à  lui  seul  le  cri  le 


plus  follement  audacieux  qu'il  soit  possible  de  jeter  vers 
le  triomphe?  Le  proférer  alors  que  toute  étude  ne  sert 
en  réalité  qu'à  se  construire  à  soi-même  son  propre 
labyrinthe,  ou  à  s'illusionner  d'une  étoile  morte,  depuis 
quel  temps?  Ou  encore  à  prendre  un  mirage  sur  la  mer 
pour  le  palais  d'or  d'un  miracle. 

On  comprend  l'emballement  d'une  heure  ou  d'un  jour 
—  et  même  qu'un  cri  de  certitude  soit  poussé  par  le  seul 
désir  de  martyriser  son  doute.  Mais  pour  Edgar  Poë  ce 
n'est  le  cas,  nullement.  C'est  après  mûr  examen, 
l'esprit  libre  et  à  froid,  c'est  en  pleine  conscience  qu'il 
se  célèbre. 

Ajoutons  que  la  joie  victorieuse  lui  vient  non  pas 
après  un  poème  fait  ou  un  conte  ou  une  nouvelle.  Bien 
plus.  Elle  lui  échoit  alors  que  torturé  comme  nous  tous 
par  la  grande  énigme  universelle,  par  le  sphinx  des  fir- 
maments, il  a  voulu  se  chercher  la  raison  d'être  de 
l'univers.  Le  plus  grand  problème,  le  seul  que  depuis 
des  siècles  et  des  siècles  chaque  suprême  cerveau  se 
pose,  il  a  eu  la  conviction  de  l'avoir  résolu.  Sa  joie  a 
dû  se  centupler  en  étendue  et  en  profondeur.  Il  a  dû  se 
sentir,  un  instant,  l'attendu  du  monde;^  l'auréolé  de 
Dieu,  la  fin  de  la  misère  spirituelle  des  âges  et  l'initiateur 
de  l'avenir  ôonquis  enfin  au  repos  et  à  la  paix.^n  se 
demande  comment  sa  tête  ne.  s'est  point  envolée,  dans 
une  gloire  soudaine  de  folie. 

Le  favorisé  d'une  telle  victoire  n'a  certes  pu  raison- 


«. . 


^ 


210 


VAUT  MODERNE 


nablement  se  plaindre  de  la  vie,  quelque  dure  qu'elle 
ait  pu  matériellement  être.  Car  la  joie  ne  doit  guère  se 
mesurer  de  long  en  large,  mais  de  bas  en  haut.  La  durée, 
toujours  amortie  par  la  veule  habitude,  la  vulgarise;  la 
joie  n'existe  grande  que  par  intensité  et  surprise.  Elle 
est  acérée  délicieusement  :  elle  est  une  électricité  qui 
s'attaque  au  cerveau  dans  sa  fébrilité  la  plus  délicate; 
elle  est  tressaillement  profond  et  par  sa  nature  même 
hostile  à  tout  séjour  à  perpétuelle  demeure.  Le  bonheur 
est  rassis,  régulier,  rente.  Il  a  foyer  et  fauteuil.  Il 
arrange,  il  songe,  il  s'accommode  de  précautions  et  de 
calculs.  Il  est  d'essence  bourgeoise.  Il  est  hebdomadaire. 
En  Amérique,  un  jour,  on  s'abonnera  peut  être  à  du 
bonheur. 

Elle,  la  joie  se  sentant  infinie,  se  manifeste  en  des 
•tout-à-coup  d'émotion  telle,  qu'il  serait  impossible  à  la 
constitution  du  cerveau  humain  de  l'éprouver  long- 
temps. Elle  est  extrême  et  d'essence  artiste.  Et  celui 
qui  l'a  connue  totale  et  profonde  en  garde  sa  vie  pleine, 
par  le  souvenir.  Cette  joie  là,  Poe  a  dû  la  ressentir. 

Quant  à  l'etïicacité  de  son  système  à  supprimer  le 
doute,  nous  n'y  croyons  guère.  Il  n'y  a  rien  de  plus 
simple  pour  expliquer  le  monde  que  d'affirmer  Dieu, 
mais  rien  de  plus  ardu  que  de  le  prouver,  péremptoire- 
ment. Dieu  restera  l'énigme  éternelle;  connu,  serait-il 
Dieu  encore?  Il  est  l'expression  la  plus  haute  du  mystère. 
S'il  est  une  inquiétude  pour  la  raison  et  l'intelligence  ; 
pour  l'art,  il  est  un  attrait  merveilleux.  Le  rêve  monte 
vers  son  crépuscule  plus  délicieusement  que  vers  son 
soleil.  Les  poètes,  si  sa  croyance  devait  s'éteindre, 
seraient  ses  derniers  fidèles.  Aussi  est-il  dans  l'ordre 
que  la  science  athée  combatte  la  poésie  telle  qu'elle  se 
prouve  aujourd'hui  :  sentimentale  et  mystique  — 
comme  une  ennemie.  C'est  de  guerre  logique. 

Le  système  de  Poë,  un  système  dont  la  science  astro- 
nomique et  mathématique  font  les  frais,  est  très  lucide- 
ment exposé  dans  Eurêka. 

Sa  méthode  n'est  pas  nouvelle,  mais  se  présente  avec 
de  belles  illusions  de  nouveauté.  L'intuition  lui  sert  de 
base  pour  établir  une  hypothèse  que  les  faits  et  le 
raisonnement  justifieront  après.  Laplace  et  même  les 
Darwinistes  ne  procèdent  autrement.  Leur  théorie  est 
une  affirmation,  qu'aucun  fait  n'est  sensé  démentir.  Le 
système  d'Edgar  Poë  n'est,  au  reste,  que  la  t^orie 
planétaire  de  Laplace  étendue  à  l'univers,  cette  «  quan- 
tité d'espace  la  plus  vaste  que  l'esprit  puisse  concevoir 
avec  tous  les  êtres  spirituels  et  matériels  qu'il  peut 
imaginer  existant  dans  la  limite  de  cet  espace  •» . 

Cet  univers  se  doit  à  un  acte  de  volition  divine, 
^exerçant  sur  la  molécule  absolue,  indépendante  et 
originellement  créée  d'elle  par  elle  pour  se  diffuser  dans 
l'espace.  La  diffusion  ayant  eu  lieu  par  répulsion, 
immédiatement  l'attraction  des  atomes  entre  eux  et  par 
suite  vers  la  molécule  primitive*  s'est  manifeste.  Les 


mondes  obéissent  à  ces  deux  lois  et  ces  deux  lois  sont 
toute  la  matière,  puisque  celui  qui  dit  matière  dit 
attraction  et  répulsion.  Quand  l'évolution  de  tous  les 
atomes  à  travers  les  âges  se  sera  accomplie,  c'est-à-dire 
quand  Véther  séparatif,  qui  tient  les  molécules  distan- 
cées l'une  de  l'autre,  ne  sera  plus  nécessaire  ou  encore 
quand  la  loi  de  répulsion  sera  morte  et  que  l'attraction 
seule  prédominera,  irrésistiblement,  la  matière,  excluant 
l'éther  séparatif,  sera  retournée  à  l'unité.  La  matière 
existera  alors  sans  attraction  ni  répulsion. 

«  En  d'autres  termes  ce  sera  la  matière  sans  la 
matière  ou  l'absence  de  matière.  En  plongeant  dans 
l'unité,  elle  plongera  en  même  temps  dans  ce  non-être 
qui,  pour  toute  perception  finie,  doit  être  identique  à 
l'unité  —  dans  ce  néant  matériel  du  fond  duquel  nous 
savons  qu'elle  a  été  évoquée  —  avec  lequel  seul  elle  a 
été  créée  par  la  volition  de  Dieu. 

«  Et  maintenant  efforçons-nous  de  comprendre  que  ce 
dernier  globe  fait  de  tous  les  globes  disparaîtra  instan- 
tanément, et  que  Dieu  seul  restera,  tout  entier,  suprême 
résidu  des  choses  '». 

Tel  est  en  raccourci  le  système  philosophique  d'Edgar 
Poë.  Aji  début  il  emploie  son  ironie  à  railler  les  parti- 
sans du  sens  commun  et  de  la  scolastique  axiomatique. 
Ce  sont  des  pages  de  verve  et  les  plus  agréables  du 
livre. 

Revenons  à  notre  point  de  départ.  Quelle  que  soit  la 
probance  de  l'œuvre,  un  fait  est  certain  :  c'est  qu'Edgar 
Poë  a  eu  l'illusion  qu'elle  était  décisive  et  que  ce  cas 
s'est  présenté  d'un  écrivain  enchanté  de  lui-même.  Cet 
enchantement  couve  sous  chaque  phrase.  On  voit  telle- 
ment que  l'auteur  est  heureux  d'avoir  raison  et  qu'il 
n'en  admet  jamais  le  moindre  doute  que,  malgré  la  froi- 
deur des  démonstrations  et  des  déductions,  on  sent  qu'il 
exulte.  Au  reste»  cette  phrase  en  italiques  est  péremp- 
toire. 

«  R  m'importe  peu  que  mon  ouwage  soit  lu 
maintenant  ou  parla  postérité.  Je  puis  bien  attendre 
un  siècle  pour  trouver  quelques  lecteurs,  puisque 
Dieu  lui-même  a  attendu  un  observateur  six  mille 
ans.  Je  triomphe  l  Jai  volé  le  secret  dor  des  Egyp- 
tiens! Je  veux  m'abandonner  à  mon  ivresse  saci-ée.  « 

On  a  peine  à  croire  que  ces  lignes  soient.  Elles 
témoignent  d'une  exaltation  d'intelligence  magnifique. 
C'est  du  soleil  d'or  sur  une  tête  et  dans  un  cœur.  C'est 
une  apothéose  que  le  poète  se  prépare,  qu'il  attend, 
qu'il  se  prédit.  C'est  de  l'orgueil  large  et  suprême. 
L'observateur  attendu  six  mille  ans  fait  songer  au 
Messie  attendu  également  pendant  des  siècles  de  géné- 
rations évoluantes. 

Fait  plus  curieux  encore.  Le  même  qui  publia  en  de 
tels  termes  sa  joie,  habite  la  Maison  Usher,  est 
l'adorateur  des  Ligeia  et  des MoreWa,  regarde  le  Masque 
de  la  mort  rouge  et  dialogue  avec  le  Corbeau.  Le  spleen 


V. 


morne  lui  bat  d'une  aile  nocturne  la  tête;  c'egt  l'homme 
qui  boit  par  rage  et  par  ennui. 

Certes  est-elle  ouverte  merveilleusement  à  toute 
l'immense  diversité  d'impression,  l'âme  des  poètes,  et 
vraiment  vivent-ils  toutes  les  vies  en  vivant  la  leur. 


I 


MS  ÉVOLUTIONS  DE  L'ART 

s. 

Essai  sur  le  comte  de  Caylus.  L'Homme.  L'Artiste.  L'Anti- 
quaire, par  Samuel  Rochebla^e  ;  1  vol.  de  382  pages.  —  Paris, 
Hachette,  1889. 

Etudiées  dans  leur  genèse  r^icroscopique  et  polymorphe,  les 
grandes  réformes  artistiques  du  passé  sont  bien  faites  pour 
ranimer  le  courage  des  lutteurs  ayant  foi  dans  l'éternel  rajeu- 
nissement de  l'art.  Suivre  pas  à  pas  la  lente  intégration  des  con- 
cepts nouveaux,  insoupçonnés  autrefois,  devenus  aujourd'hui  de 
banals  lieux  communs,  c'est  lire,  inscrite  dans  les  faits,  l'inéluc- 
tableloide  l'en  avant.  C'estconstaler expérimentalement  celle  autre 
loi,  inassimilable  pour  des  cerveaux  dogmatico-doctrinaires  :  la 
relativité  de  toutes  nos  idées,  même  et  surlout  artistiques. 

Certes,  s'ébaudiraient  encore  maints  nombreux  personnages, 
si  on  leur  apprenait  que  l'art  académique  —  ce  poseur  pour 
l'absolu  —  ne  plonge  pas  si  profondément  dans  le  passé  de  par- 
tout et  toujours  mêmes  racines,  qu'avec  évidence  on  en  doive 
conclure  son  absoluité. 

11  y  a  u»  siècle  et  demi,  aucune  de  ses  formules  favorites 
n'avait  vu  le  jour.  Pour  les  appeler  à  la  vie,  il  ne  fallait  rien 
moins  que  l'accouplement,  monstrueux  apparemment,  de  l'archéo- 
logie et  de  la  peinture.  ^^    -      - 

Ce  que  pouvait  être  la  fabrique  de  grande  peinture  en  France 
au  commencement  du  xviii^  siècle,  ce  fait  entre  mille  permet  d'en 
juger...  Deux  hommes,  entretenus  par  l'Académie  et  dont  l'un 
faisait  office  de  concierge,  posaient  alternativement  une  semaine 
chacun  à  l'Académie  et  aux  Gobelins,  —  excepté  le  samedi,  où 
on  les  réunissait  pour  le  groupe.  Ceci  pour  la  nature.  ^ Quant  à 
l'antique,  le  consuller,  même  de  loin,  comme  Poussin,  c'était 
vraiment  excès  de  coniscience  et  d'originalité.  Aucun  des  sujets 
ordinaires  de  la  grande  peinture,  les  compositions  de  la  Fable, 
de  l'Ecriture,  de  l'Histoire  ne  l'exigeaient  d'ailleurs.  On  se  con- 
tentait de  peindre  suivant  les  recettes  italiennes  de  si  immuables 
traditions  que  Caylus  crut  devoir  alimenter  l'imagination  de  ses 
contemporains  en  écrivant  ses  Nouveaux  sujets  de  peinture  et  de 
sculpture,  tirés  d'Homère  et  de  Virgile.  Quelques  étoffes  drapant, 
maniéreusement,  une  attitude  plus  ou  moins  pédante,  copiée  du 
Caravage  ou  du  Bernin,  suilisaient  à  l'esthétique  du  temps  comme 
morceau  de  résistance.  Le  goût  était  ailleurs,  dans  tout  cet  art 
mièvre  de  chiffons  et  de  mouches  qui  date  de  la  Pompadour.  Le 
b^u  antique  et  les  grandes  leçons  qu'il  aurait  pu  donner  restaient 
encore  insoupçonnés. 

Par  contre,  depuis  quelques  années  avait  surgi  par  toute  la 
France  une  pullulante  classe  nouvelle  d'amateurs  :  celle  des  anti- 
quaires. Un  type  des  plus  curieux,  dont  l'espèce  n'est  guère 
parvenue  intacte  jusqu'à  nous.  A  vrai  dire,  on  ne  démêle  pas 
trop  l'ardent  mobile  de  ses  recherches.  Peut-être  simple  curiosité 
qui  cherchait  dans  le  passé  le  contraire  du  présent.  Sans  visées 


artistiques  ni  scientifiques,  les  antiquaires  se  contentaient  d'aimer 
l'objet  antique  pour  lui-môme,  parce  que  antique,  peu  importe 
lequel,  pourvu  qu'il  vint  de  Rome,  —  l'antiquité,  dans  l'idée  de 
l'époque,  s'arrêtant  à  l'Italie,  et  l'Italie  se  résumant  en  Rome. 
L'antiquaire  n'était  peut-être  qu'un  historien  au  petit  pied,  à  la 
conception  singulièrement  étriquée.  Il  avait  découvert  dans  les 
monuments  un  moyen  nouveau  d'interpréter  les  auteurs,  et  comme 
ce  Bernard  de  Montfaucon,  il  publiait  «  dans  le  but  de  montrer 
au  lecteur  la  forme  des  objets  dont  parlent  les  écrivains  anciens 
et  rendre  par  là  celte  lecture  plus  vivante  ».  A  l'Académie  des 
Inscriptions,  sans  idées  générales,  sans  ombre  de  critique,  on 
citait  pour  citer,  faisant  défiler  à  propos  de  tout  et  de  rien  les 
longues  accumulations  de  détails  oiseux  et  insignifiants  entre 
deux  passages  d'auleur  fidèlement  retenus  de  mémoir<3. 

Peintres  d'attitudes  théâtrales,  méticuleux,  étiquetcurs  de  pots 
cassés,  voilà  pourtant  les  hommes  dont  les  efforts  communs  vont 
créer  la  seconde  Renaissance  et  jeter  les  fondements  du  «  grand 
art». 

Pour  ce  faire,  il  fallait  un  homme  assez  libre  de  prévention  et 
suffisamment  préparé  par  l'étude  pour  fusionner  en  lui  deux 
ordres  de  connaissances  jusque  là  sans  rapport.  Ce  fut  Caylus. 

Frappé  de  la  décadence  du  grand  art  conteihporain,  il  rêve  son 
rajeunissement  par  l'histoire,  par  celle  antiquité  surtout  dont  il 
n'avait  reconnu  qu'un  reflet  dans  la  Renaissance,  et  dont  ses 
éludes  sur  les  monuments  anciens  lui  révélèrent  toute  la  grandeur. 
Là  où  d'autres  n'avaient  vu  que  fragments  propres  à  éclairer  un 
texte,  son  âme  d'ariisle  sait  découvrir  œuvre  propre  à  émouvoir. 

Désormais  —  c'est  l'époque  des  premières  fouilles  d'Ilercula- 
num  —  touJes  les  antiquailles  vont  servir  à  un  but  :  «  Rapprocher 
de  nous  l'antiquité  vénérable,  la  mettre  à  portée  de  nos  yeux,  la 
mieux  juger  par  comparaison  avec  l'art  moderne,  bref,  la  faire 
vivre  et,  par  là,  la  faire  aimer  ».  Ceci  est  le  bul  assigné  par 
Caylus.  Mais  —  plus  positif  que  ce  raisonneur  de  AVinkelman, 
qui  sut  habilement  se  servir  des  vues  de  son  rival  pour  tenter 
d'expliquer  mélaphysiquement  la  beauté  antique  —  Caylus  s'ingé- 
nia surlout  à  découvrir  les  procédés  des  anciens,  persuadé  «  que 
chaque  procédé  nouveau  enrichit  l'art  d'un  effet  nouveau  ».  Aussi, 
l'action  sur  ses  contemporains  de  cet  arliste  antiquaire,  qui  avait 
un  pied  à  l'Académie  royale,  un  autre  à  celle  des  Inscriptions, 
fut-elle  considérable  et  immédiate.  A  sa  mort,  le  terrain  était 
théoriquement  préparé  à  l'éclosion  d'une  grande  école  nouvelle 
qui  aurait  accommodé  la  forme  antique  à  la  pensée  moderne  ». 

Les  Horaces  de  David  ne  tardèrent  pas  à  affirmer  l'existence  de 
cette  école. 

Ainsi  fut  engendré  le  «  grand  art  académique  »  qui  perdure 
-encore  chez  nous,  survivance  déplacée  d'un  autre  âge.  C'est  plai- 
sir d'en  rechercher  les  origines  avec  M.  de  Rocheblave,  dans  un 
livre  très  solidement  architecture  de  faits,  épingle  de  judicieuses 
réflexions  et  conclu  par  une  très  naturelle  envolée  vers  les  idées 
générales.  Livre  salutaire,  donnant  historiquement  raison  à  ceux 
qui  pensent  que  la  vie  de  l'art,  uniquement  sur  lui-même,  ne  peut 
suffire  à  son  progrès.  Des  incursions  dans  les  domaines  voisins 
peuvent  être  grandement  profitables  :  on  en  revient  avec  des 
points  de  vue  nouveaux,  nés  de  simples  rapprochements. 

A  preuve,  M.  de  Caylus,  retrouvé  à  une  certaine  bifurcation  de 
l'art  et  de  l'archéologie.  Etudiant  les  antiquités  en  artiste,  il  sut 
créer  une  science  nouvelle  :  l'archéologie;  et,  sachant  envisager 
les  problèmes  d'art  avec  les  yeux  d'un  antiquaire,  il  put  rêver  une 
seconde  Renaissance.  Depuis,  il  est  vrai,  les  temps  ont  marché. 


/ 


-»v 


212 


UART  MODERNE 


L'essentielle  révolution  que  nous  avons  consommée,  c'a  été  d'ex- 
clure définitivement  l'archéologie  de  noire  art  actif  et  de  n'en 
plus  vouloir  comme  source  vive  d'inspiration  pour  nos  produc- 
teurs. De  nos  jours,  il  est  vrai,  tout  artiste,  tout  amateur  est 
encore  archéologue.  'Nous  sommes  trop  poussés  vers  un  tolérant 
éclectisme  et  l'érudition  nous^st  trop  facile  pour  ne  pas  goûter 
dans  les  choses  du  passé  la  fine  et  particulière  sensation  d'art 
qu'elles  peuvent  donner. 

Mais  l'œuvre  d'art,  actuellement  produite,  se  modernise,  elle, 
par  la  pensée  et  par  le  procédé,  de  plus  en  plus.  Par  la  pensée, 
car  les  idées  et  les  sentiments  d'aujourd'hui  sont  trouvés  au 
moins  aussi  intéressants  à  rendre  que  ceux  d'autrefois,  relégués 
désormais  au  rang  de  poncifs  par  l'abus  qu'il  en  fut  fait.  Et  si 
pour  mettre  au  jour  un  monde  nouveau,  il  faut  des  procédés 
encore  inlrouvés,  point  n'est  besoin  de  les  aller  quérir  auprès  des 
Ages  scientifiquement  et  industriellement  inférieurs  aux  nôtres. 


EXPOSITION  ROYBET 

On  nous  écrit  de  Paris  : 

Une  gigantesque  toile  de  M.  Roybet  attire  en  ce  moment  les 
badauds  en  quôle  d'émotions  esthétiques  chez  M.  Georges  Petit. 
C'est,  en  un  fouillis  de  costumes  de  théâtre  que  portent  des  man- 
nequins d'atelier,  la  banale  représentation  d'un  Charles-le-Témé- 
raire  bardé  de  fer,  pénétrant  à  cheval  dans  la  cathédrale  de  Nesle 
et  y  faisant  massacrer  la  population  qui  s'y  était  réfugiée. 

M.  Roybet  a  transporté  dans  un  cadre  énorme  l'art  froid, 
minutieux,  propret  et  crispant  qu'il  exerce  d'ordinaire  sur  des 
toiles  de  proportions  plus  modestes,  en  des  Leçon  de  guitare,  des 
Partie  d'échecs,  des  Main-chaude  et  des  Hallebardier  en  senti- 
nelle qui  sentent  leur  sous  Meissonier.  (Et  justement,  les  murailles 
de  la  galerie  Petit  sont  tapissées  d'une  cinquantaine  de  ces  pro- 
duits haut  cotés  sur  le  marché  des  huiles  colorées,  accompagnant 
le  gros  morceau,  Charles -le- Téméraire,  comme  les  pommes  de 
terre  le  beefsleack). 

Vraiment,  on  désarme  devant  l'extraordinaire  naïveté  des  pein- 
tres qui  osent  encore,  en  l'an  i890,  pratiquer  l'art  conventionnel, 
figé,  l'art  de  zinc  et  dé  fer  blanc  qui  nous  vaut  «  un  chef  d'œuvre 
de  plus  »  ainsi  que  s'expriment  les  gazettes  qui  ne  veulent  pas 
chagriner  l'artiste,  ni,  surtout,  déplaire  à  son  imprésario.  C'est  si 
loin  de  nous,  ces  choses-là,  cela  s'enfonce  dans  un  si  profond 
recul,  alors  que  l'art  a  marché  et  pris  un  essor  merveilleux,  qu'on 
demeure  devant  elles  sans  impression  et  sans  pensées,  avec  le 
seul  étonnement  du  temps  perdu  et  de  la  vanité  du  labeur. 

Déjà  il  est  question  de  promener  le  Téméraire  dans  les  capi- 
tales, comme  on  a  fait  des  Munkacsy  et  des  Piloty.  La  France 
envie,  paraît-il,  la  gloire  vagabonde  de  la  Hongrie.  Le  montrera- 
t-on  avec  ou  sans  musique,  c'est  ce  que  nous  ne  pourrions  dire. 
Mais  qu'on  se  hâte  de  le  mettre  en  wagon,  puis  en  bateau,  et 
qu'un  très  riche  marchand  de  porc  salé  l'achète  en  Amérique  pour 
nous  débarrasser  de  cet  objet  encombrant  et  inutile. 


LES  DERNIERS  DES  MYSGNÉISTES 

lis  vont  bien,  les  doctrinaires  de  l'Art.  C'est  une  conversion 
générale,  au  moiqs  à  Paris. Avis  aux  «  vieilles  gardes  »  de  chez 
nous  qui  règlent  leurs  pas  et  leurs  chansons  sur  les  rythmes  ei 


les  airs  de  là-bas.  Nous  n'aurons  bientôt  plus  rien  à  faire  à 

VArt  Moderne.  Nous  pourrons  nous  retirer  à  la  campagne, 

après  fortune  faite. 

Voici  que  le  Figaro  lui-même,  par  la  prose  de  M.  Henry  Fou- 
quier,  un  poncifard,  attaque  les  institutions!  et  risque  des  mots 
sacrilèges  comme  celui-ci  r  Les  conservatoires,  ça  ne  sert  à  rien 
qu'à  conserver  leurs  conservateurs  ! 

Et  ailleurs,  il  continue  ses  blasphèmes  en  ces  termes  : 

«  J'avoue  que,  pour  ce  qui  touche  aux  Beaux-Arts,  je  m'aper- 
çois de  plus  en  plus  que  l'intervention  de  l'Etat  ne  sert  à  rien,  ni 
à  personne,  sinon  à  maintenir  des  abus,  dont  quelques-uns  ne 
sont  pas  sans  gravité,  et  à  satisfaire  des  ambitions  particulfères, 
qui  se  satisferont  autrement  sans  inconvénients.  Je  n'ai  pas  tou- 
jours ainsi  pensé.  Respectueux  de  ma  nature,  discipliné  d'esprit 
et  n'allant  aux  nouveautés  qu'en  jetant  un  regard  sur  les  tradi- 
tions qui  les  tempèrent,  j'ai  été  élevé  dans  le  culte  de  l'Institut, 
des  écoles  du  gouvernement,  croyant  à  la  nécessité  de  sa  protec- 
tion. Mais  j'ai  changé  d'avis,  je  n'hésite  pas  à  le  reconnaître,  à 
mesure  que  l'expérience  m'a  démontré,  tout  au  moins,  la  vanité 
et  l'inutilité  du  système  protecteur  de  l'Etat,  à  mesure  que  j'ai 
constaté  que  ce  «  père  nourricier  »  des  arts  employait  des  lisières 
à  la  fois  courtes  et  lâches,  n'empêchant  pas  les  chutes,  mais 
gênant  la  marche,  et  qu'avec  beaucoup  de  bonne  volonté  et  pas 
mal  d'argent  qu'il  nous  prend,  il  n'arrivait  qu'à  ne  satisfaire  per- 
sonne../. 

Et  l'éducation  de  l'Etat?  Ne  doit-elle  pas,  pour  rentrer  à  la  fois 
dans  les  nécessités  de  la  démocratie  et  dans  les  voies  de  l'art 
contemporain,  se  modifier  du  tout  au  tout?  On  envoie  les  musi- 
ciens à  Rome,  comme  au  temps  où  Chérubini  régnait  au  Conser- 
vatoire, à  Rome  où,  quand  ils  ont  entendu  une  messe  à  la  Cha- 
pelle Sixtine,  ils  ont  épuisé  ce  que  la  ville  sainte  peut  leur  fournir 
d'enseignements!  A  Rome!  alors  que  les  faiseurs  d'opérettes 
eux-mêmes  étudient  les  Allemands  et  que  la  mélodie  «wo/u/a, 
les  cabalettes  et  le  reste  excitent  des  cris  d'horreur  dans  le 
public!  Quant  aux  peintres,  quand  ils  descendent  des  hauteurs 
de  Montmartre  ou  arrivent  des  champs,  où  ils  ont  étudié  la 
nature,  on  les  encage  pour  le  concours  et  on  leur  demande  froi- 
dement de  représenter  Priam  allant  demander  le  corps  d'Hector  à 
Achille  aux  pieds  légers... 

Hé!  certes,  je  l'adore,  l'antiquité...  Mais  c'est  pour  cela  que 
la  parodie  de  l'Ecole  des  Beaux-Barts  finit  par  m'irriler  et  je  crie  : 
haro  sur  les  «  pompiers  »,  comme  un  rapin...  Enseignements, 
programmes,  concours,  il  faut  mettre  la  vie,  faire  entrer  la 
lumière  dans  tout  cela,  fût-ce  à  coups  de  hache,  comme  dans  les 
vieilles  maisons  sombres  et  fermées.  11  faut  surtout  que  les  pein- 
tres et  les  sculpteurs  ne  puissent  plus  dire  à  l'Etat  ce  qu'ils  lui 
disent  encore,  avec  raison  :  «  Vous  m'avez  appris  à  peindre,  ou  à 
sculpter  Priam...  Achetez-le  moi.  Vous  me  le  devez,  puisque  vous 
m'avez  fait  croire  qu'il  y  avait  un  art  officiel  que\ous  étiez  tenu 
d'encourager,  personne  ne  l'aimant  que  vous.  »  L'Etat  doit  rester, 
vis-à-vis  de  l'art,  un  consommateur  comme  les. autres,  achetant 
pour  nos  musées,  commandant  pour  nos  monuments,  mais  libre- 
ment, sans  s'engager  envers  les  artistes  par  le  caractère  particulier 
de  renseignement  qu'il  leur  donne.  J'aime  mieux  un  Etat  ayant 
mauvais  goût,  si  ce  goût  est  celui  de  ses  contemporains,  qu'un 
Etat  ayant  un  goût  qui  retarde.  J'aime  mieux  qu'il  se  trompe 
sur  le  talent  d'un  artiste  que  de  tuer  toute  originalité  dans  le 
talent. 

Quant  aux  théâtres,  on  peut  bien  dire  que  le  contrat  qui  les 


VART  MODERNE 


213 


lie  à  l'Etat,  en  échange  de  grosses  subventions,  est  le  comble  de 
l'incohérence!...  L'Odéon  louche  une  subvention  pour  «  encou- 
rager les  jeunes  auteurs  »,  qui  ne'sont  pas  mûrs  encore  pour  la 
Comédie.  Les  jeunes  au-teurs,  du  reste,  il  les  laisse  débuter  au 
Théâtre-Libre...  » 

Hein!  qu'en  dites-vous?  Je  parie  qu'avant  peu  on  verra  Vin- 
dépendance  belge  elle-même  se  mettre  b  l'unisson  et  chanter 
l'antienne  de  I'art  neuf.  A  moins  qu'une  consigne  sémitique  n'y 
fasse  obstacle. 


AU  THÉÂTRE  MOLIÈRE 

Pleurez,  mes  yeux!  Porthos  est  mort.  II  est  mort  à  Belle-Isle, 
écrasé  par  des  quartiers  de  rocs  en  toile,  aplati  sous  des  châssis 
mobiles,  et  voici,  tous  les  soirs,  Ixelles  en  larmes,  à  l'heure  pré- 
cise où  saute  le  baril  de  poudre  qui  opère  cette  catastrophe. 

Après  tout,  les  Mousquetaires  ne  pouvaient  pas  durer  toujours. 
Leur  jeunesse  a  excité  l'enthousiasme;  hommes  faits,  ils  ont  fait 
tourner  toutes  les  tôles  ixelloises;  vieux  et  concassés  par  des 
grottes  qui  s'effondrent,  ils  parviennent  encore  â  soulever  les 
populations.  Quel  autre  exemple  de  pareille  fortune!  Louis  XIV 
ctMarchiali,  Fouquet,  Colbcrt,  la  reine  Anne  et  M"^de  la  Vallière, 
Madame  Henriette  et  Madame  de  Chevreuse  ont  passionné  le 
public,  non  moins  que  s'il  s'agissait  de  Bibi-Ia-Grillade,  de  Mes 
Bottes  ou  de  quelque  autre  conception  «  fin  de  siècle  ».  L'his. 
loire  ne  fait  plus  peur  à  personne.  IxcUcs  la  regarde  en  face,  très 
fière  du  privilège  qu'on  lui  confère.  Car  c'est  chez  elle,  exclusi- 
vement, que  s'est  réfugié  le  drame  «  historique  »,  qui  instruit 
en  amusant.  Aussi,  gare  à  qui  oserait  insinuer  qu'Alexandre  Dumas 
s'est  agréablement  moqué  du  monde  en  écrivant  les  bizarres  feuil- 
letons dont  il  a  tiré  ses  invraisemblables  pièces! 

M™»  Desnoyer  a  monté  le  Prisonnier  de  la  Bastille  avec  les 
mêmes  soins  que  Vingt  ans  après.  11  y  a  même  un  «  clou  »,  indé- 
pendamment de  la  Mort  de'î^orlhos  :  c'est  le  Souper  du  roi,  qui 
excite  les  convoitises  de  toute  la  benoite  population  de  rex-«  fau- 
bourg de  Namur  ». 

Les  artistes  :  M'""  Desnoyer,  A.  Bourgeois,  Marie  Georges, 
Juliani,  MM.  Mary,  Munie,  Heurion,  Bolnay,  Venkens,  Kcppens, etc. . 
forment  un  ensemble  homogène  ;  ils  montrent  tous  de  la  bonne 
volonté  et  quelques-uns  du  talent. 


AU  SALON  DE  PARIS 

Le  Nu  est  mort 

Très  amusante,  l'humoristique  revue  des  Nus  du  Salon  passée 
par  Raoul  Ponchon.  Les  observations  contiennent  beaucoup  de 
vérité  en  leur  forme  plaisante  et  gamine  : 

La  plupart  des  peintres  ont  adopté  un  ton  particulier  pour 
peindre  le  nti,  sans  se  soucier  autrement  de  la  nature  de  leurs 
modèles.  Ce  ton  flotte  généralement  entre  le  rose  cru  et  le  bran 
numéro  un,  en  passant  par  des  intermédiaires  de  groseille,  lie  de 
vin,  café  au  lait,  jus  de  chique,  etc.  Quelques-uns  trouvent  plus 
simple  encore  de  n'opter  pour  aucune  couleur.  Ilsnecommencent 
à  peindre  leurs  femmes  nues  qu'après  avoir  sucé  tout  leur  sang, 
Henner  pinxiJ.  Benner  le  suit  à  une  lettre  près.  Pour  appuyer 
mon  dire,  regardons  au  hasard  quelques  morceaux  de  nu.  Le 


premier  qui  s'offre  à  nous  est  de  M.  Moreau  de  Tours  et  s'inti- 
tule «  Jeunesse  ».  Cela  hésite  entre  le  lie  de  vin  et  le  jus  de 
chique,  je  m'en  rapporte  à  vous. 

Sans  compter  que  cette  jeunesse  la  connaît  dan«s  les  coins,  je 
vous  en  flanque  mon  billet,'  Pourquoi  cette  créature  afîecte-t-elle 
de  se  passer  dans  un  olein  air?  On  peut  classer  dans  la  mémo 
gamme  de  tons  la  fenune  à  la  toilette  de  Mousset.  On  se  demande 
si  c'est  avant  ou  aprèsV_Si  elle  s'est  déjà  lavée,  elle  peut  se  payer 
une  autre  tournée  de  cuvette.  Jus  de  chique.  Flore  et  Zéphire,  de 
Parrot,  entre  comme  dans  du  beurre  dans  la  catégorie  des  inco- 
lores. La  Naissance  de  la  Perle  de  Maignan,  d'une  composition 
douteuse,  est  d'une  inconsistance  indubitable.  Absence  de  nu 
totale.  On  ne  saurait  faire  avec  cette  nacre  et  ces  perles  que  des 
boutons  de  chemise.  La  Sainte-Marthe  de  Pinta  est  incolore, 
flasque,  baudrucharde.  Plus  loin,  Gulliver  assiste  à  la  toilette 
d'une  femme  rose  dans  un  pays  de  géants.  Continuons.  Que 
vois-je?  Un  morceau  de  nu  signé  Apoil.  Parbleu,  M.  Apoii  se 
devait  à  lui-même  de  faire  du  nu.  Son  nu,  intitulé  VEté,  rentre 
dans  les  lie  de  vin.  Celui  de  M.  Marius  Vasselon  :  Sarah  la 
baigneuse,  est  particulièrement  rose,  d'un  rose  de  pommade  à 
soldats,  au  point  que,  au  lieu  de  ces  vers  de  Hugo  qui  scandent 
son  tableau,  on  voit  la  baigneuse  blanche  qui  se  penche,  il 
devrait  mettre  :  On  voit  la  baigneuse  rose  qui  s'arrose,  etc. 
V Expiation  de  M.  Bordes  appartient  à  l'école  du;«j  de  chique, 
de  même  que  M.  Ballavoine  se  réclame  du  rose,  sans  compter 
que  son  plein  air  se  passe  dans  un  atelier  et  qu'il  est  le  patron 
de  l'école  du  chic. 

Lz  Bacchanale  de  Fourié  participe  du  rose  et  du  lilas;  Le  lilas 
est  devenu  un  genre,  depuis  les  impressionnistes.  Ln  beau  jour 
quelqu'un  s'est  avisé  que  les  ombres  étaient  violettes,  lilas,  sui- 
vant l'intensité  et,  depuis,,  un  tas  de  peintres  en  délire  ont  ren- 
chéri là-dessus  et  ont  déclaré  que  'non  seulement...  mais  encore 
tout  était  violet.  Pierre  Bellet  est  un  de  ces  sombres  fantaisistes 
qui  éclairent  leurs  femmes  nues  avec  une  négresse.  Paul  Bou- 
chard, itou.  Ecole  du  rose,  Henri  Delacroix.  Plein  air  d'atelier. 
Femme  au  réveil,  s'étirant  les  bras,  en  lilas  clair  avec  des  appé- 
tits vers  le  bleu.  Benner,  une  petite  Folle  est  ternement  couchée 
dans  un  paysage  de  même.  Le  ton  hésite — mais  pas  longtemps  — 
entre  celui  d'Henner  et  le  néant.  La  Daphné  de  M.  Granier  est  en 
sirop  cruellement  Aq  groseille  ;  le  Lever  de  Marius  Borell,  en  lie 
de  vin;  la  A'amo«7m  de  Deihumeau,  en  pommade  à  la  rose;  La 
Légende  de  Kerdeck,  de  Lequesne,  serait  plutôt  en  café  au  lait; 
Après  le  Péché,  d'Eugène  Deuliy  aussi. 

M.  Comerre  nous  donne,  comme  il  .sied,  une  femme  blanche 
—  si  l'on  veut  —  dans  un  effet  de  négresse.  La  Libellule  de 
J^.  Landelle  —  comme  vous  pouvez  le  voir  —  est  rose,  c'est 
même  tout  ce  qu'elle  est;  l'Araignée  de  M.  Henri  Jacquet  est 
simplement  mouche  :  il  ne  me  doit  même  aucun  remerciement 
pour  lui  dire  ce  que  je  pense. 

Les  femmes  de  Laughard,  Hierle,  Hodebert,  Lenoir,  Dau- 
vergne  plongent  dans  l'incolore  jusqu'au  cou.  Sivori  nous  repré- 
sente, en  sirop  de  groseille,  une  femme  qui  a  un  arrière-train 
assez  important  et  qui  se  sèche  devant  le  feu  après  avoir  fait  ses 
misérables  ablutions.  M.  Poujol  prétend  purifier  tout  à  fait  les 
siennes —  de  femmes,  dans  le  feu  lui-même.  (Voir  Dante,  tour- 
ment des  voluptueux,  passim.)  Elles  sont  là  à  se  rôtir  les  fesses 
au  sein  d'un  brasier  de  groseille  coupé  de  bran  numéro  un.  Vous 
savez,  si  c'est  pour  moi,  pas  trop  cuit. 


214 


VART  MODERNE 


LE  STEEN  D'ANVERS  ET  SA  RESTAURATION 

Lorsqu'émergeant  des  ruines  accumulées  par  les  travaux  du 
port,  le  Slecn  montra,  en  de  récentes  années,  ses  tant  vénérables 
murailles  se  réflétanly  comme  aux  temps  abolis,  dans  les  eaux  du 
Scaldus,  nous  eûmes  la  vision  de  l'antique  castellum  ressuscité, 
buccinant  haut  et  clair  la  gloire  d'Antwerpia! 

Alas!  mille  fois  alas!  L'Anvers  contemporaine  qui,  parce  qu'elle 
le  clame  elle-même,  s'imagine  complaisamment  élre  la  métropole 
des  arts,  nécropolise,  au  contraire,  ce  qu'elle  élreint  et  vient  de 
perpétrer  la  plus  complète  des  profanations  :  ce  qui  ne  devait 
être  touché  qu'avec   une   respectueuse  crainte,   elle  l'a   livré 
h  des  mains  enfantines,  balourdes,  inconscientes,  cataplasmant 
le  Steen    de  choses   inouies,   où   l'art  ni   l'archéologie   n'ont 
rien  à'  voir.  Au  sud^  presque  intacts,  murs  et  tourelles,  aux 
pierres  frustes,  que  le  temps  a  patinées  de  ses  bavochures  noi- 
râtres, ont  un  aspect  farouche,  un  caractère  énorme  d'où  surgit 
brusquement  la  lugubre  épopée  de  ses  cîdiois  :  rempoignement 
vous  cloue  au  sol  au  souvenir  des  affres  dont  se  délectaient  nos 
niafircs  espagnols  du  xvi*  siècle,  et  il  n'est  pas  de  drame  plus 
sombre  que  celui  qu'évoque  la  suggestive  silhouette  du  Slecn. 
Passé  la  voûte,  la  boutique  U  treize  en  plein,  nous  reporlant  à 
noire  prime  enfance  où,  joyeux,  nous  voyions  sortir  pareille 
naïve  architecture  d'une  boîte  de  Nuremberg;  ici  l'on  se  sent  pris 
à  la  fois  de  rage  et  de  tristesse  k  la  vue  de  ce  déballage  de  motifs 
incohérents,  de  lucarnes  non  stylisées,  d'arcatures  mal  cncor- 
bellées,  de  tourelles  sentant  les  castels  épiciers  des  digues  de 
mer;  en  un  mot,  d'une  composition  dont  ni  l'ensemble  ni  les 
détails  ne  concordent  avec  l'austère  grandeur  du  monument  his- 
torique qu'il  fallait  religieusement  respecter.  Que  faire  maintenant 
en  présence  de  ce  tripatouillage  déshonorant?  Une  seule  solution 
est  possible  :  que  les  artistes  pétitionnent  et  lâchent  d'obtenir  de 
l'administration  communale  ou  de  la  commission  des  monuments 
la  revision  de  celle  grave  question  de  la  restauration  du  Steen. 
Il  ne  manque  pas  en  Belgique  d'architectes  de  talent  et  d'archéo- 
logues très  entendus;  que  l'on  s'adresse  à  eux  par  voie  de  con- 
cours, et  l'on  peut  être  certain  de  réunir,  en  quelques  mois,  des 
documents  absolument  sérieux  pour  entreprendre  une  restitution 
des  plus  scrupuleuses  du  vénérable  château  anversois.  VArt 
moderne  souhaite  que  ce  vœu  se  réalise  promptemenl  :  la  dispa- 
rition de  la  cauchcmardanie  verrue  actuelle  sera  saluée  avec  joie 
par  tous  ceux  que  les  choses  d'art  tiennent  au  cœur. 


Chronique  judiciaire  de^  J\rt3 

Faux  tableaux 

On  \icnt  de  découvrir  encore  de  faux  tableaux,  dit  VEcho  de 
Paris.  Celte  fois,  ils  sont  signés  Bastien  Lepage,  Une  plainte 
a  été  adressée  au  parquet  par  M.  Emile-Baslien  Lepage,  frère 
du  célèbre  peintre.  Voici  dans  quelles  circonstances  a  été  décou- 
verte l'existence  de  ces  faux  tableaux. 

M.  Emile-Baslien  Lepage  recevait,  le  12  mai  dernier,  la  visite 
de  deux  marchands  de  tableaux  qui  lui  annonçaient  qu'une  dame 
X...,  demeurant  rue  de  Presbourg,  avait  offert  de  leur  vendre 
deux  tableaux  de  son  frère  et  ils  lui  demandaient  —  doutant  de 
l'authenlicilé  de  ces  œuvres  —  de  les  accompagner  chez  la 
vendeuse  cl  de  leur  donner  son  avis. 


M.  Emilë-Baslien  Lepage  se  rendit  aux  désirs  des'  deux  mar- 
chands. M"!'*  X...  possède  une  nombreuse  collection  de  tableaux, 
signés  de  noms  célèbres  :  Courbet,  Corot,  Meissonier,  etc.  Cette 
dame  élait  absente  lorsque  se  présentèrent,  chez  elle,  le  frère  du 
regretté  peintre  et  les  deux  marchands  de  tableaux.  Néanmoins 
les  domestiques  les  firent  entrer  et  leur  firent  visiter  la  galerie. 

Mis  en  présence  de  ces  toiles  signées  du  nom  de  son  frère, 
M.  Emile-Baslien  Lepage  déclara  qu'elles  portaient  une  fausse 
signature  et  que  jamais  son  frère  ne  les  avait  peintes. 

L'un  de  ces  tableaux  représente  un  paysan  fumant  sa  pipe; 
l'autre,  une  paysanne  assise  sur  un  fagot- 
•  M.  Albanel,  juge  d'instruction,  a  été  désigné  pour  procéder  à 
une  enquête  et  M.  Goron,  chef  de  la  sûreté,  a  élé  chargé  d'opérer 
une  perquisition  chez  un  collectionneur  qui  a  été  signalé  comme 
possédant  plusieurs  de  ces  faux  tableaux. 

Le  frère  d'Eyraud  a  introduit  une  instance  en  référé  contre  les 
directeurs  du  Palajs  de  Cristal,  à  Marseille,  où  se  joue  actuelle- 
ment une  pantomime  intitulée  :  rAffaire  Gouffé,  et  dans  laquelle 
Michel  Eyraud  joue,  naturellement,  un  rôle  essentiel. 

Eyraud  (celui  de  Marseille)  demandait  l'interdiction  de  cette 
pièce.  Le  président  du  tribunal  a  prononcé  une  ordonnance  aux 
termes  de  laquelle  les  directeurs  du  Palais  de  Cristal  sont  tenus 
de  faire  disparaître  le  nom  d'Eyraud  de  leur  affiche. 

On  se  souvient  qu'un  procès  analogue  fut  plaidé  à  Bruxelles, 
à  propos  des  représentations  d'un  drame  tiré  de  l'affaire  Pellzer. 

La  conférence  du  Jeune  Barreau  de  Paris,  réunie  sous  la  prési- 
dence dé  M.  le  Bâtonnier,  a  discuté  la  question  suivante  : 

«  Un  artiste  peut-il,  en  dehors  de  toute  intention  diffamatoire, 
reproduire  les  traits  d'une  personne  sans  son  autorisation,  dans 
un  tableau  ou  dans  un  dessin?  » 

M«»  Gaston  Mercier  et  Faure  ont  soutenu  l'affirmative;  M«» 
Jauffret  et  Auteroche  ont  soutenu  la  négative.  M*  Frémard,  comme 
ministère  public,  a  conclu  dans  le  sens  de  la  négative.  La  Confé- 
rence a  adopté  lar  négative.  En  Belgique  le  cas  est  résolu  dans  le 
même  sens  par  la  loi  de  1886  et  la  Jurisprudence. 


foNCOUR^    DU    f ON^ERYATOIRE 


(1) 


Piano  (jeunes  filles)  :  professeur,  M.  Auguste  Dupont.  — 
!•■■  prix,  M"«  Lemaire;  2«  prix  (avec  distinction).  M""  Parcus  et 
Blés  ;  2«  prix.  M"*  Falkenslein. 

Prix  Laure  Van  Cutsem  :  M"«  Hoffmann. 

Viobn  :  professeurs,  MM.  Ysaye,  Colyns  et  A.  Cornélis.  — 
i"  prix  (avec  la  plus  grande  distinction),  M.  Hill  (classe  de 
M.  Ysaye),  M"«  Von  Stosch  (classe  de  M.  Cornélis);  4"  prix  (avec 
distinction),  MM.  Biermasz  (Ysaye)  et  Frank  (Colyns);  i"'  prix, 
M.  Huguenin  (Ysaye);  2«  prix  (avec  distinction),  MM.  Dupont 
(Ysaye)  et  Enderlé  (Colyns)  ;  i»  prix,  M"»  de  Wagslaffe  (Cornélis), 
MM.  Barthélémy  (Colyns),  Sartoni  (Ysaye),  Bosard  (idem),  Pirard 
(idem),  Hayet  (Cornélis),  Miry  (Ysaye),  Jahn  (Cornélis),  Goffin 
(idem),  Laurent  (idem),  Fontava  (Colyns).  —  1«  accessit, 
MM.  Fabrion,  Lambioite,  M»«  Nanney,  MM.  Barrachin  et  Valdes. 

Chant  monodique  (jeunes  filles),  professeurs:  M"»»  Lemmens- 

(1)  Suite.  Voir  nos  deux  derniers  numéros. 


(     ) 


UART  MODERNE 


215 


ScHENiNGTON,  M.  Warnots.  —  Chargée  de  cours  :  M'"«  Cornélis- 
Servais.  —  i™  menlion  avec  distinction  :  M""  Daugenel,  De 
Haene,  Hcndricx,  Van  Langendonck;  l"^"  menlion  :  M""'  Dclliaye, 
Ilobé,  De  Le  Coeiiilleric,  S.  Bolle,  Van  Damme  ;  2*  mention  : 
M"«»  Dewinler,  Coessens,  Artot,  Vranckx,  Hassclmans,  A.  de 
Kozoubsky,  Paye,  George;  3"  menlion  :  M"«  Dobbelaere. 

Chant  théâtral  (hommes)  :  professeurs,  MM.  Cornélis  et 
Bauwens.  —  1"  prix  (avec  distinction),  M.  Ficrens;  1"  prix, 
MM.  Smeesters  ctLefebvre;  2"  prix  (avec  distinction),  MM.  Saey 
cl  De  Baeker.  Rappel  de  2*  prix  (avec  distinction),  M.  Binard. 


,.    '■-■  !piBX.IOqRAPHlZ:    MUSICALE 

La  Chanson  et  le  Madrigal  écrits  par  Gabriel  Fauré  pour  le 
Shylock  d'Edmond  Haraucourl,  joue  ce  printemps  à  l'Odéon, 
viennent  de  paraître  chez  M.  Hamélle,  sous  une  jolie  couverture 
dessinée  par  Fremiet.  On  trouvera,  dans  l'une  et  l'autre  de  ces 
mélodies,  le  charme  délicat  et  l'inspiration  élev(hs,^qui  marquent 
chacune  des  compositions  du  jeune  maître. 

La  Chanson  est  éditée  en  quatre  tons  différents  {ut,  si  b.,  la  6., 
sol);  le  Madrigal,  en  fa  et  en  mi  b. 


Petite  chroj^ique 


L'Art  moderne,  qui  a  été  tout  le  premier  à  saluer  le  grand 
artiste  Constant  Meunier,  enregistre  avec  joie  le  nouveau  et  légi- 
time succès  qui,  après  trente  ans  de  luttes  ingrates,  le  paie  de 
l'indifférence  de  ses  compatriotes.   • 

Le  gouvernement  français  a  décidé  d'acquérir  pour  le  musée  du 
Luxembourg  deux  des  œuvres  exposées  au  Champ  de  Mars,  le 
Débardeur  et  le  Marteleur. 

Quand  le  talent  d'un  maître  comme  Meunier  est  encore  contesté 
et  ne  suffit  pas  à  lui  valoir  dans  son  propre  pays  la  situation 
artistique  à  laquelle  il  a  droit,  il  est  consolant  de  constater  qu'un 
pays  voisin  lui  fait,  parmi  ses  propres  maîtres,  une  place  qui  le 
range  parmi  les  artistes  universels. 

La  France,  en  nous  enlevant  l'une  après  l'autre  nos  vraies 
gloires  nationales,  aura  bientôt  fait  d'épuiser  les  dernières  forces 
de  noire  marâtre  patrie.  En  adoptant  cette  fois  le  rude  statuaire  à 
qui  l'Etal  marchande  encore  une  commande  digne  de  ses  mâles 
énergies,  elle  ravive  en  nous  les  amertumes  ressenties  devant  ce 
grand  labeur  méconnu  que  peut-être,  enfin,  de  réitérés  succès  vonl 
nous  forcer  à  esiimer. 

Du  Soir  :  Camille  Lemonnier,  qui  depuis  quelques  années 
passe  ses  hivers  à  Paris,  vient  de  rentrer  jusqu'à  l'automne  dans 
sa  retraite  de  La  Hulpe,  bien  connue  des  promeneurs  du 
dimanche. 

Notre  compatriote  n'entend  pas  se  reposer  sur  le  succès  du 
Possédé,  son  dernier  livre,  signalé  par  les  journaux  de  Paris 
comme  un  véritable  gvénemenl  littéraire." 

Il  réunit  en  ce  monieni  les  matériaux  d'une  nouvelle  œuvre  où 
il  compte  étudier  les  mœurs  artistes  et  les  dernières  évolutions 
d'art.  Puis  ce  sera  le  tour  d'un  autre  roman,  qui  s  appellera  Le 
Livre  et  sera  consacré  à  l'élude  des  milieux  et  des  plus  récentes 
écoles  littéraires. 

Dans  la  pensée  de  l'écrivain,  ces  deux  romans  compléteront 


l'un  l'autre  et  formeront  une  sorte  de  synthèse  des  activités  intel- 
lectuelles de  ce  temps. 

La  commune  de  Molpnbcek-Sainl-Jean  fêlera  dimanche  pro- 
chain le  25*  anniversaire  de  la  fondation  de  son  Ecole  de  dessin, 
de  peinture,  d'architecture  et  de  modelage. 

A  celle  occasion  l'administration  communale  organise,  dans 
les  locaux  de  la  rue  Mommaerls,  une  exposition  des  œuvres 
des  élèves  et  anciens  élèves  de  celle  école. 

Celle  exposition  permettra  au  public  d'apprécier  les  services 
que  les  études  pratiques  de  l'Ecole  de  Molenbeek-Saint-Jean 
ont  rendus  à  l'art  et  à  l'industrie.  Elle  démontrera  aussi  la  valeur 
de  la  méthode  qui  y  est  suivie  et  l'influence  que  son  enseignement 
a  exercée  sur  l'avenir  des  élèves  sortis  de  celle  institution. 

Le  public  sera  admis  à  visiter  gratuitement  celte  exposition, 
du  dimanche  13  au  dimanche  20  juillet  inclus,  de  1  à  5  heures. 

La  manifestation  qu'on  prépare  en  l'honneur  du  cinquante- 
naire professoral  de  M.  Cornélis,  cl  que  nous  avons  annoncée  der- 
nièrement, est  fixée  à  mardi  prochain,  8  juillet,  à  il  Jieures  du 
matin,  au  Conservatoire. 

A  la  vente  du  duc  de  Somerset,  qui  vient  d'avoir  lieu  à  Londres, 
un  paysage  de  Paul  Potier  a  atteint  152,000  francs.  Un  portrait 
de  femme,  par  Hoppner,  a  été  acquis  37,500  francs.  UnVanDyck, 
40,000  francs;  un  paysage  de  Ilobbema,  13,250  francs;  un 
Raphaël  ne  s'est  élevé  qu'à  2,625  francs.  En, revanche,  la  Vénus 
polychrome  de  John  Gebson,  un  morceau  de  sculnlure  qui  fil  il  y 
a  quarante  ans  quelque  bruit,  a  été  porté  à  45,1 7ft  francs. 

Les  deux  Salons  de  Paris  ont  fait,  nous  dit-on,  de  belles 
recettes.  Celui,  du  Champ-de-Mars,  qui  n'a  été  ouvert  que  six 
semaines,  a  encaissé  170,000  francs.  Celui  des  Champs-Elysées, 
dont  la  vie  habituelle  est  de  deux  mois,  a  reçu  240,000  francs. 

Au  Champ-de-Mars,  on  ne  décerné  pas  de  médailles,  mais  on 
jnomme  les  artistes  les  plus  méritants  sociétaires,  et  associés  s'ils 
sont  étrangers.  Voici  la  liste  des  élus  : 
^Sociétaires  ;  MM.  Muenier,  Picard,  Prinet,  Sislcy,  M"'*  Cazin. 

Associés  :  MM.  Anlhonissen,  Andra,  Griinwald,  Brétignier, 
Dulac,  Frédéric,  Gérald-Lafitte,  Hoecker,  Kuehl,  Leroy-Saini- 
Auberl,  Uhde,  Williamsen,  M™*  Rulh-Mercier,  peintres  ; 
MM.  Charpentier,  Ringet,  Devillez,  Vernier,  Grenet-Leduc, 
sculpteurs;  MM.  Michel  Cazin,  Leratei  Mordant,  graveurs. 

On  remarquera  que  dans  cette  liste  figurent  deux  artistes  belges  : 
MM.  Devillez  et  Frédéric. 

Enfin,  sept  bourses  de  voyage  de  3,000  francs  chacune  ont  été 
conférées  à  MM.  Tournés,  Couturier,  Andra  et  Picard,  peintres; 
à  MM.  Desbois  et  Baffier,  sculpteurs  ;  à  M.  Lepère,  graveur. 

"TW""»  Monlalba,  qui  s'est,  durant  ces  dernières  années,  tenue 
éloignée  du  théâtre,  a  fait  la  semaine  passée,  à  Paris,  une  bril- 
lante rentrée  en  interprétant,  avec  grand  succès,  le  rôle  principal 
de  la  Judith  de  M"*  Pauline  Thys. 

Les  Hommes  d'aujourd'hui,  l'intéressante  publication  du 
libraire  Vanier,  donne,  dans  ses  derniers  numéros,  les  porlrails 
des  néo-impressionnistes  Signac  et  Dubois-Pillei. 

La  ville  de  Leipzig  élève  à  Wagner  une  statue.  C'est  le  sculp- 
teur berlinois  Schapper  qui  est  chargé  de  l'exécuter.  L'œuvre 
sera  placée  devant  le  théâtre  municipal. 


*  •^ 


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La  plus  coitrie  et  la  moins  coûteuse  des  voies  extra-rapides  entre  le  Continent  et  /'Angleterre 


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Vienne  à  Londres  en.    .    . 

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Cologne  à  Londres  en   .    . 

13       " 

B&le  à  Londres  en.     .     .     . 

.     .       24       - 

Berlin  à  Londres  en  .    .    . 

.     .       24       - 

Milan  à  Londres  on  .    .    . 

.     .       33       - 

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D'Ostende  à  5  h.  29  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  31  soir.  —  De  Douvres  à  midi  15,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

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fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits). —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
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Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  l'Exploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  V Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l'État-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90^^,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n»  53,  à  Londres,  à  l'Agence  de  Chemins  de  fer 
de  l'État,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vrancken,  Domkloster,  u»  1,  à  Cologne. 


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L'OR  DÛ  RHIN 

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'   RICHARD  W.\GNER 

Version  française  de  Victor  "WILDER 

Partition    pour   chant    et    piano,    réduite    par    R.    Kleinmichel 
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JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  Judiciaires.  —  Jurisprudence. 

—  Bibliographie.  —  Législation.  —  Notariat. 

HUTliotE  ANNÉE. 

Abonnements  i  Belgique,  18  francs  par  an. 
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Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 

Revue  tnensitelle  de  littérature  et  d'art 

5"  Année 

Directeurs  :  MM    A.  MOCKEL  et  P. -M.  OLIN. 

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COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique'pour  piano  par  J.-G.  Lobe. 

Traduit   de   l'allemand   (d'après   la  5"  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8».  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  coiftposition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier,  un  des  ouvrages  d'enseignement  musical  les  plus 
estimés  en  Allemagne. 


Bruxelles.  —  Imp.  V*  Monnom,  26,  rue  de  l'Industrie. 


N 


Dixième  année.  —  N°  28. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  l.'i  .Tuii.let  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  -  Emile  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,    un    an,    fr.    10.00;  Union   postale,    fr.    13.00     —ANNONCES   :    (^n    traite   à    forfait. 

_ . __^ i > 

Adresser  toutes  les  communications  à 
i/administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  26,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


EmERSIoX.   —    PllKNKZ'  VOS    fiONCl-LSIONS.  —    CoNr.OUHS    DU    CONSER- 
VATOIRE.   —  CHHONIOUE   JLDICIAIRK    I>KS   ARTS.  —    PeTITK   THROXIQUE. 


EMERSON 

Emerson  dit  quelque  part  que  les  francs  campagnards 
de  l'Ouest  Américain  savent  reconnaître  si  l'homme 
civilisé  qui  vient  à  eux  est  un  homme  «  substantiel  - 
ou  si  «  la  main  peut  passer  à  travers  lui  ". 

Je  ne  peux  pas  me  targuer  de  plus  de  compétence 
(jue  ces  campagnards,  mais  celle-là  me  suffit  ;  et  c'est  de 
celle-là  seule  que  je  veux  me  servir,  parce  qu'elle  est 
universelle,  pour  parler  d'un  homme  qui  devrait  être 
universellement  connu.  Je  serais  honteuse  qu'un  Amé- 
ricain vît  cet  article,  qui  lui  semblerait  un  maladroit 
effort  pour  enfoncer  une  porte  ouverte,  car  Emerson 
est  aussi  connu  dans  son  pays  (et  aussi  peu  lu,  du  reste), 
que  Spinoza  ou  Schopenhauer,  dans  le  nôtre.  Il  faut 
être  dans  cette  Amérique  pour  juger  du  dédain  qu'on  y  a 
pour  l'Europe,  plus  savante,  plus  artiste  mais  moins 
bien  renseignée,  comme  ils  disent. 

Tout  le  monde,  il  e.st  vrai,  lîe  discerne  pas  instanta- 
nément les  êtres  superficiels  ou  même  faux,  de  ceux  qui, 


selon  la  pittoresque  expression  américaine,  sont  sub- 
stantiels; mais  nous  avons  tous' des  heures  où  nous  dis- 
cernons la  valeur  des  gens;  c'est  quand  nous  avons 
besoin  d'eux. 

Je  crois  que  cette  heure  est  arri^•ée  pour  Emerson. 
Nous  avons  entendu  parler  de  lui  comme  pasteur  uni- 
tairien  puis  comme  écrivain  et  penseur,  mais  nous  ne 
le  connaissons  pas,  et  aujourd'hui  que  cinquante  ans 
se  sont  écoulés  depuis  la  publication  de  son  prenfier 
livre,  aujourd'hui  seulement  nous  pouvons  bien  le 
comprendre,  car  nous  avons  besoin  de  son  vigoureux 
idéalisme. 

*    •       . 

Nous  avons  tous  renconti^é  des  hommes,  encore  à 
iiMÙtié  enfants  peut-être,  sortant  des  chaudes  illusions 
d'une  religion  positive  et  se  débattant  dans  les  '•  ténè- 
bres extérieures  -  de  la  pensée  moderne  pour  essayer 
d'y  retrouver  ce  qu'ils  viennent  de  perdre-,  se  débattant 
d'autant  plus  qu'ils  ont  cru  plus  fermement  ;  cherchant, 
aux  grands  jours  de  la  pensée,  un  enthousiasme  élevé, 
et  dans,  les  jours  de  lutte,  d'action,  une  force  qui  les 
soutienne.  . 

Ceux  qui  n'ont  pas  connu  le  nid  si  bien  clos  et  si 
commode  des  doctrines  infaillibles,  ne  se  plaignent  pas 
(îu  froid  ;  mais  ils  le  subissent  quand  même,,  sans  le 
savoir.  Vienne  un  pessimiste  de  génie  qui  du  Nord  nous 
envoie  l'antique  pensée  hindoue,  refroidie  en  passant 


>» 
I 


218 


UART  MODERNE 


par  son  cerveau,  — et  voilà  notre  époque  bloquée  dans 
la  glace  nour  longtemps. 

Les  indmérents  continuent  à  végéter  sans  se  douter 
du  couranKjUi  les  entraîne  ;  les  enthousiastes  se  jettent 
dans  la  lutte  pour  tous,  cette  religion  de  l'humanité,  et 
elle  les  nourrit  d'idéal  à  sa  manière;  les  penseurs,  les 
artistes,  les  hommes  d'action  se  résignent  à  douter,  à 
flotter  dans  ces  horizons  gris.  De  quoi  vivent-ils?  On 
s'en  aperçoit  à  ces  ardentes  et  fiévreuses  recherches  du 
vrai,  du  vrai  quand  même,  qui  s'enfoncent  dans  une 
intensité  noire,  n'en  pouvant  trouver  de  lumineuse. 

Et  dans  l'air  de  notre  siècle  si  remuant,  flotte  un  léger 
parfum  de  choses  empaillées  que  de  trop  rares  flammes 
fumigatrices  ne  parviennent  pas  à  dissiper. 

Quelque  chose  dans  notre  timide  conscience  bour- 
geoise proteste  cependant  contre  l'affirmation  absolue 
que  la  vie  est  une  souflrance,  un  mal.  Mais  nous  n'osons 
pas  nous  lever  dans  notre  orgueil  humain  et  crier  :  «  Je 
sens  le  contraire!  le  démenti  est  en  moi,  dans  ma 
nature,  dans  ma  santé  et  ma  gaieté,  et  si  je  peux  ren- 
verser en  moi  votre  théorie,  c'est  qu'elle  doit  avoir  poui\ 
tous  un  revers  positif  ". 

Voilà  l'attitude  d'Emerson. 


Il  combat  le  scepticisme,  le  pessimisme,  soit  qu'il  les 
rencontre  dans  les  interprétations  de  la  science  ou  dans 
les  dogmes  absolus  des  anciennes  croyances,  parce  qu'il 
les  trouve  choses  malsaines,  négatives,  débilitantes  pour 
l'humanité  qui,  selon  lui,  a  besoin  d'être  «  fortifiée  par 
d'incessantes  affirmations  ". 

«  L'homme  n'ose  pas  dire  :  je  pense,  je  suis;  il  cite 
quelque  saint  ou  sage  ",  dit-il  dans  son  magnifique  cha- 
pitre de  la  «  confiance  en  soi  ». 

«  Si  nous  considérons  le  présent  aspect  de  ce  qu'on 
appelle  par  distinction,  la  société,  nous  reconnaîtrons  la 
nécessité  de  cette  morale.  Nous  manquons  de  nerf  et  de 
cœur  ;  nous  sommes  devenus  des  pleurnicheurs  crain- 
tifs et  découragés;  4ious  avons  peur  de  la  vérité,  peur 
du  destin,  peur  de  la  mort  et  peur  les  uns  des  autres. 
La  plupart  des  natures  sont  insolvables,  ne  peuvent  pas 
satisfaire  leurs  propres  besoins,  ont  une  ambition  hors 
de  proportion  avec  leur  force  pratique,  s'appuient  et 
mendient  jour  et  nuit. 

«  Notre  ménage  trahit  cette  mendicité;  nous  n'avons 
pas  choisi  nos  arts,  nos  occupations,  nos  mariages,  nos 
religions.  La  société  les  a  choisis  pour  nous.  Nous 
sommes  des  soldats  de  salon.  Nous  nous  détournons  de 
la  rude  bataille  du  sort,  où  germe  la  force 

«  Qu'un  stoique  ouvre  les  ressources  des  hommes  et 
leur  dise  qu'ils  ne  sont  pas  des  saules  pleureurs  inclinés 
les  uns  sur  les  autres,  mais  qu'ils  peuvent  et  doivent  se 
détacher  ;  qu'avec  l'exercice  de  la  confiance  en  soi 
apparaîtront  de  nouveaux  pouvoirs;  qu'un  homme  est 


le  monde  fait  chair,  né  pour  apporter  un  remède  aux 
nations;  qu'il  devrait  être  honteux  de  notre  compassion; 
et  que  du  moment  où  il  agit  par  lui-même  et  jette  par 
la  fenêtre  les  vieilles  lois,  les  livres,  les  idolâtries  et  les 
coutumes,  nous  ne  le  plaignons  plus,  mais  nous  le 
remercions  et  le  révérons;  et  ce  maître  rendra  à  la 
vie  de  l'homme  sa  splendeur,  et  son  nom  sera  cher  à 
l'histoire  ". 

Notre  vieille  Europe  manquerait-elle  de  force  ?  Nous 
le  disons  sans  le  croire.  Mais  nous  devons  reconnaître 
dans  cette  jeune  Amérique,  qui  a  encore  tant  à  appren- 
dre de  nous,  Une  plus  grande  vigueur  d'action  et  de 
réaction. 

Emerson  est  la  condensation  consciente  et  philoso- 
phique de  cette  vie  intense,  positive,  à  la  fois  confiante 
et  circonspecte,  audacieuse  et  croyante,  du  nouveau 
continent. 

Si  vous  cherchez  des  traductions  françaises  de  ce 
philosophe,  vous  n'en  trouverez  pas.-  On  en  a  fait  quel- 
ques-unes pourtant,  mais  elles  sont  ou  épuisées,  ou  si 
mauvaises  qu'on  ne  peut  pas  reconnaître  Emerson  sous 
ces  travestissements.  Il  est  connu  dans  le  monde  de  la 
pensée,  on  en  cite  parfois  des  fragments  ;  mais  les  grands 
frères  de  la  famille  humaine,  entachés,  il  faut  bien  le 
dire,  d*un  peu  de  paresse  européenne,  ont  gardé  pour 
eux  la  découverte  de  cet  esprit  et  n'en  ont  guère  parlé  à 
leurs  cadets  qu'il  eût  tant  aidés. 

Quelques  écrivains  l'ont  timidement  analysé,  il  y  a 
longtemi)s,  alors  qu'ils  étaient  peut-être  trop  près  de 
lui  pour  bien  le  juger.  Il  me  souvient  même  que  l'un 
d'eux  trouvait  qu'Emerson  était  surtout  un  poète  plutôt 
qu'autre  chose.      \  >. 

Erreur.  Emerson  est,  dans  la  plus  large  acception  du 
mot,  un  penseur.  De  plus,  il  est  ce  que  les  philosophes 
ont  rarement  le  pouvoir  d'être,  un  Apôtre. 

Cette  mission  qu'il  a  sentie  en  lui,  fait  à  la  fois  le  fond 
de  son  être  et  la  base  de  son  génie.  C'est  elle  qui  l'a 
porté  à  creuser  toujours  plus  profondément  en  lui, 
jusqu'à  ce  qu'il  trouve  au  fond  de  sa  propre  person- 
nalité, ce  qu'il  y  a  là  d'universel,  cei:}u'il  pouvait  par 
conséquent  expliquer  à  tous  et  non  pas  seulement  à  une 
élite  d'auditeurs. 

Ses  livres  ne  traduisent  passa  pensée;  ils  le  tradui- 
sent, lui,  à  tel  point  que  lorsque  Marguerite  Fuller  se 
plaint  de  ne  pas  le  connaître  assez,  il  lui  répond  qu'il  ne 
peut  pas  se  faire  connaître  mieux  que  par  ses  livres,  où 
il  s'est  mis  tout  entier.  Il  le  fait  parce  qu'il  a  la  convic- 
tion, la  perception  intime  que  «  c'est  à  travers  la  lentille 
d'une  personnalité  que  nous  lisons  notre  propre  pen- 
sée ».  Et  son  œuvre  qui  n'est  qu'une  amplification  de 
son  journal  quotidien,  est  telle  pour  être  plus  sûrement 
un  long  appel  à  notre  volonté,  à  notre  énergie. 
■^  N'est-ce  pas  il'un  apôtre,  ce  cri  qui  lui  échappe  dans 
un  de  ses  plus  beaux  chapitres  (lois  morales,  ou  lois  de 


LART  MODERNE 


219 


l'esprit)  et  qui  sort  du  ton  habituel  de  ses  Essais  :  «  0 
mes  frètes.  Dieu  existe;  il  y  a  au  centre  du  inonde  une 
âme  qui  domine  toute  volonté  humaine  et  l'empêche  de 
faire  tort  à  l'univers  ". 

Emerson  est-il  spiritualiste,  matérialiste,  panthéiste, 
déiste,  athée?  Questions  vaines  et  presque  frivoles  devant 
un  esprit  de  cette  élévation.  «  Les  matérialistes  et  les 
spiritualistes ,  dit-il,  sont  comme  deux  moitiés  d'un , 
ensemble,  qui,  au  lieu  de  se  réunir,  s'obstinent  à  se 
tourner  le  dos  et  à  s'injurier  ". 

Emerson  est  surtout,  avant  tout,  un  esprit  original, 
un  homme  de  génie.  Son  érudition  peut  être  prise  en 
défaut;  sa  philosophie  peut  être  discutée,  mais  il  serait 
un  fidèle  Mahométan  au  lieu  d'être  un  Américain  du 
XIX''  siècle,  que  ses  œuvres  n'en  seraient  pas  moins 
le  reflet  d'un  grand  cœur  et  d'un  esprit  transcendant. 

En  le  lisant  bien,  on  découvre  qu'il  n'y  a  que  deux 
choses  dans  cet  homme,  et  peut-être  même  ces  deux 
pensées  ne  viennent-elles  que  d'une  seule  impulsion.  C'est 
d'abord  la  conviction  de  l'unité  universelle,  du  fait  un, 
divin,  principe  et  source  de  tout  être,  —  puis  cette  autre 
conviction  qui,  chez  lui,  dérive  directement  de  la  premiè- 
re, que  l'instinct  personnel  est  notre  plus  grande  force. 

'•  Le  magnétisme  qu'exerce  toute  action  originale 
s'explique  quand  nous  recherchons  la  raison  de  cette 
confiance  en  soi  qui  la  produit.  A  qui  s'est-on  fié? 
<|uel  est  ce  «  moi  «  intime  et  «  primitif  »  sur  lequel  on 
a  basé  une  confiance  universelle  ?  Quelle  est  la  nature  et 
le  pouvoir  de  cette  lumière  qui  défie  la  science,  de  cet 
astre  sans  parallaxe,  sans  élément  calculable  qui  darde 
un  rayon  de  beauté  jusque  sur  des  actions  triviales  et 
impures,  si  elles  renferment  la  moindre  trace  d'indé- 
pendance ?  —  Cette  recherche  nous  conduit  à  une  source 
qui  est  à  la  fois  l'essence  du  génie,  de  la  vertu  et  de  la 
vie,  et  que  nous  appelons  Spontanéité  ou  Instinct. 

«  Ce  que  l'instinct  nous  révèle  nous  l'appelons  intui- 
tion. Les  gens  superficiels  contredisent  aussi  bien  nos 
instincts  que  nos  opinions  parce  qu'ils  ne  distinguent 
pas  une  perception  d'une  notion.  Ils  croient  que  je  choi- 
sis de  voir  ceci  ou  cela  Mais  la  perception  n'est  pas  une 
fantaisie,  elle  est  fatale.  Nous  reposons  dans  le  sein 
d'une  vaste  intelligence  qui  nous  fait  receveurs  de  sa 
vérité  et  organes  de  son  activité.  Quand  nous  discer- 
nons le  vrai,  le  juste,  nous  ne  le  faisons  pas  de  nous- 
même,  nous  laissons  passer  la  lumière  de  cette  intel- 
ligence. Si  nous  cherchons  d'où  vient  cette  lumière  et 
essayons  de  l'analyser,  toutes  les  philosophies  sont  im- 
puissantes. " 

Je  me  le  demande  avec  impatience,  quand  secouerons- 
nous  cette  européenne  et  pédagogique  manie,  de  laisser 
passer  devant  nous  des  hommes  de  génie  en  nous  con- 
tentant de  les  étiqueter,  quelquefois  de  travers,  sans 
essayer  seulement  d'entrer  dans  leur  pensée  et  de  nous 
en  pénétrer. 


Qu'Émerson  ait  été  le  prince  des  transceudantalistes, 
que  sa  foi  soit  panthéiste,  ce  n'est  pas  là  ce  qui  surtout 
le  distingue  des  hommes  de  talent  et  de  zèle  ardent 
(comme  Parker,  Alcott,  Ripley,  etc.)  qui  se  sont,  pour 
la  plupart,  inspirés  de  lui. 

Emerson  n'est  pas  dévoré  de  ce  zèle  de  conversions 
immédiates  et  de  démonstrations  vulgarisatrices.  Il  est 
apùtrè,  mais  il  ne  s'adresse  pas  spécialement  aux 
hommes  de  son  temps.  Ce  qui,  chez  lui,  remplace  le 
zèle  de  plusieurs  de  ses  contemporains  et  amis,  c'est 
une  sereine  confiance  qui  luj  laisse  une  grande  liberté 
de  pensée. 

Tout  son  apostolat  consiste  dans  l'effort  qu'il  fait 
pour  traduire  dans  ses  œuvres  une  forte  personnalité;  - 
il  est  penseur,  il  est  poète,  enthousiaste,  ironique, 
rempli  de  dédalii  pour  les  [mesquineries  des  choses  et 
des  gens,  et  il  se  donne  tel  qu'il  est,  avec  cette  convic- 
tion qui  fait  son  génie,  que  ce  n'est  pas  une  opinion, 
une  théorie,  un  système  qui  rendent  service  à  l'huma- 
nité, mais  bien  un  homme,  une  force  vivante,  remuant 
"  les  vieux  blocs  de  bois  des  coutumes,  des  croyances 
routinières  "  et  affirmant  par  une  protestation  intime, 
l'insuffisance  des  vieilles  institutions,  la  nécessité  d'une 
nouvelle  conception  de  la  vie. 

On  ne  peut  pas  le  lire  sans  sentir  en  soi  grandir  cet 
orgueil  si  nécessaire  à  la  vie,  à  la  santé,  à  la  force,  et 
contre  lequel  tant  de  religions  successives  ont  vacciné 
nos  générations. 

Cet  individualisme,  qui  pourrait  effrayer  quelques 
tinîides,  est  contrebalancé  chez  Emers(m  par  sa  con- 
ception de  l'amour  de  l'humanité,  pour  lequel,  selon 
lui,  tous  les  autres  amours,  dans  l'histoire  de  l'homme 
comme  dans  sa  vie  individuelle,  ne  sont  que  des  initia- 
tions. «  Ainsi  tous  ces  amours  font  en  nous  l'éducation 
d'un  amour  qui  ne  connaît  ni  sexes  ni  partialités,  mais 
qui  cherche  partout  la  vertu  et  la  sagesse,  dans  le  but 
de  les  multiplier  •». 

Je  n'ai  pas  compétence,  moi  femme,  pour  parler  d'un 
tel  homme  comme  il  faudrait  le  faire.  J'ai  voulu  seule- 
ment dire,  je  voudrais  le  crier  si  je  pouvais,  le  bien  qu'il 
m'a  fait,  le  bien  qu'il  peut  rendre  û  d'autres  petits 
comme  moi. 

^      PRENEZ  VOS  CONCLUSIONS 

Il  est  arrivé  à  M"*'  Marguerilo  Vandc  Wielo,  noire  1res  sympa- 
thique nouvelliste,  une  petite  aventure  qui,  nous  ne  pouvons  le 
lui  dissimuler,  nous  paraît  méritée. 

Son  âme  impressionnable  d'artiste,  frappée  des  aspects  si  diffé- 
rents que  présente  la  misère,  selon  le  caractère  et  le  dejçré  de 
résistance  de  ceux  i|ui  la  supportent,  lui  a  inspiré  une  série  de 
petits  tableaux  où,  guidée  par  un  sens  liiléraire  très  juste,  elle  a 
laissé  l'émoiion  se  dégager  du  fond  même  du  sujet. 

r/csl  très  bien  cela  !  Mais  ne  voilîi-t-il  pas  qu'elle  s'est  avisée 
de  soumettre  son  oeuvre  à  l'Académie  ! 


/' 


f 


Il  csl  vrai  ([ue  l'Académie  lui  avait  fait  dos  agaceries.  Le 
4. '>  février  1887,  M.Je  sccrt'taire  perpétuel  lui  ccriva-il  :  «  Le  jury 
pour  les.  Prix  Ue  Kkyn,  à  décerner  cette  année,  m'a  signalé  voire, 
ouvrage  qui  pourrait  prendre  part  au  concours,  si  vous  lui  en 
soumettiez  un  exemplaire  ». 

Seulement,  il  y  avait  erreur.  Quatre  jours  aprùs,  le  manuscrit 
revenait  avec  une  lettre  disant  :  «  Le  concours  pour  les  prix  De 
Keyn,  h  décerner  cette  année,  ayant  pour  objet  l'enseignement 
primaire,  }e  voua  restitue  Votre  travail  intitulé  :  les  Misères,  qui, 
par  sa  nature,  rentre  (hns  l'enseignement  moyen!  Le  jury  espère. 
Mademoiselle,  voir  figurer  votre  (ouvre  dans  son  prochain  con- 
cours, dont  la  période  expire  IcHI  décembre  de  l'année  actuelle  ». 

On  le  voit,  la  piMile  agacerie  CTicourageaote  continuait,  et 
M""  Vande  Wiele  ne  sut  pas  y  résister  mieux  que  la  première 
t'ois.  Elle  envoya  de  nouveau  son  caliier  qui,  cette  t'ois,  lit  partie 
(lu  concours. 

Mallieureusenieni,  les  disposiiions  avaient  changé.  Le  jury  ({ui, 
apparemment,  d'après  le  titre,  avait  pensé  qu'il  s'agissait  d'une 
œuvre  jo\'iale  et  tout  à  fait  récréative,  s'avisa  que  c'était,  au  con- 
traire, chose  triste  et,  par  conséquent,  malsaine,  et  il  l'écaria,  en 
lieux  lignes  d'un  rapport  rédigé  par  Dieu  sait  quel  bélilre.  On  sait 
qu'il  n'en  manque  gtièros  dans  ces  solennelles  institutions  : 
«  On  retrouve  les  qualités  d'écrivain  de  M""  Vande  Wiele  dans 
quinze  historicités  désespérées  et  décourageantes,  peu  faites  pour 
la  jeunesse  ».- 

Et  le  manuscrit  fut  retourné  définitivement. 

Mais  il  ne  revenait  pas  dans  sa  nudité  première;  malgré  «  les 
qualités  d'écrivxiin  »  signalées  dans  le  rapport  comme  une  fleur 
consolatrice  jetée  sur  un  catafalque,  un  quidam  1res  soigneux 
l'avait  orné  de  corrections,  oh!  de  délicates  et  vraiment  minus- 
cules pelites  corrections,  mais  combien  précieuses  pour  avertir  le 
goût  égaré  et  le  ramener  dans  la  bonne  voie  :  des  virgules  habi- 
lement semées;  des  point-et-virgulc  remplaçant  des  c/ réellement 
trop  nombreux,  de  l'avis  du  mystérieux  et  pédantesqùe  person- 
nage ;  des  l'on  pour  des  on,  qui  sont  vocables  rocailleux,  ne  se 
pouvant  tolérer  dans  le  beau  style;  des  signes  algébriques 
comme  ceci  :  nia  thariié  incommensurable  (l^T)»,  et  des 
points  d'interrogation  !  et  dos  points  d'exclamation  !  se  dressant 
comme  une  barrière  autour  des  expressions  assez  audacieuses 
pour  faire  image  et  s'écarter  de  leur  sens  propre.  Exemples  : 

«  Son  avenir  muré  (?).  » 

<c  Lui  se  montrait  doux,  serviable  et  fidèle,  mais  très 
«  loque  »  (!!).  » 

«  On  no  remplace  pas  de  l'argent  sonnant  et  trébuchant  par 
des  noyaux  de  pêche  (!!!).  »  0  combien  sémitiques  ces  trois 
points  hérissés  contre  cette  image  peu  respectueuse  du  pecnniitm!!!! 

Mais  ce  qui  avait  surtout  offusqué  l'étrange  et  puérile  anno- 
tateur, c'est  que  l'écrivain,  presque  jamais,  n'avait  conclu.  Où 
irait  la  litiéValure,  bon  Dieu!  si  maintenant  les  auteurs  se  met- 
taient à  ne  pas  expliquer  leurs  conceptions  et  ne  prenaient  pas 
le  soin  de  dégager  eux-mêmes  la.  moralité  qui  doit  y  être  incluse. 
Jugez  plutôt  : 

Un  vagabond,  d'un  caractère  faible  et  lâche  (la  loque  de 
tantôt),  fatigué  de  chercher  inutilement  fortune  par  le  monde,  se 
réfugie  chez  des  parents  aisés  qui  le  reçoivent  en  rechignant. 
Peu  à  peu,  il  se  rend  utile,  se  charge  de  toutes  les  rudes  beso- 
gnes, fait  prospérer  le  commerce,  devient  indispensable,  sans 
cesser  d'être  IraUé  comme  un  parent  nécessiteux  que  l'on  héberge 
par  charité.  «  11  resta,  se  faisant  do  plus  en  plus  pelil,  de  plus  en 


plus  infime,  pesant  ses  actions,  ses  mots,  ses  gestes;  toujours 
anxieux  de  deviner  s'il  devait  se  taire  ou  parler,  se  lever  ou 
s'psseoir.  Il  en  arriva  à  se  dissimuler  dans  les  coins",  comme  un 
pauvre  chien  batlu  et  toléré,  iqui  craint  de  déplaire  à  ses  m;iîtres 
et  qui  n'ignore  pas  que  sa  place  csl  à  la  niche.  » 

L'n  point.  C'est  tout.  Pas  tle  conclusion,  dil  l'homme,  et, 
en  elf'et,  il  faut  bien  convenir  qu'il  n'y  a  pas  de  conclusion.  Il  n'y 
avait  pas  eu  d'exorde  non  plus.  Le  vagabond  était  tombé  chez  ses 
parents  un  beau  soir,  en  haillons,  -manquant  de  tout.  D'où 
venait-il?  on  ne  le  voit  qu'après  et  encore  cela  est  à  peine 
indiqué;  pour  ce  qu'il  deviendra  ensuite  et  ce  que  deviendront 
ces  parents  qui  l'cxploilcnt  si  indignement,  on  ne  le  saura  jamais. 
Voilà  ce  qui  arrive  quand  il  n'y  a  pas  de  conclusion. 

Autre  exemple  :  un  gueux,  poussé  par  le  désir  de  manger  \x  sa 
faim  ne  fût-ce  qu'un  seul  jour  en  sa  vie,  va  pour  voler  chez  une 
vieille  femme  qu'il  croit  absente.  Il  la  trouve  chez  elle,  et,  ainsi 
'  pris  b  l'improvisle,  l'élrangie  ;  mais  il  cherche  en  vain  de  l'argent 
et,  pour  ne'  pas  sortir  les  mains  vides  il  emporte  un  serin  dans  sa 
cage.  «  Le  calme  est  revenu  au  misérable;  il  sourit,  et  il  court, 
dans  le  vent,  ayant  froid,  ayant  faim,  crotté  et  hirsute,  cette 
cage  serrée  contre  lui.  L'oiseau,  comme  une  fleur  d'or  bousculée 
par  la  tempête,  saute  et  tourne  dans  sa  prison,  éperdùmeni, 
tandis  que  les  graines  de  sa  mangeoire  s'éparpillent  au  long  des 
rues  ». 

Ici,  du  moins,  il  y  a  une  conclusion  :  les  graines  de  la  man- 
geoire qui  tombent  dans  la  rue.  L'homme  académique  le  confesse, 
mais  cela  ne  le  satisfait  pas  et  il  écrit  d'un  crayon  indigné  :  Quelle 
conclusion!  C'est  affaire  de  sentiment  que  nous  ne  voulons  pas 
discuter.  Il  est  certain  que  quelques  grains  de  millet  comme  con- 
clusion du  meurtre  d'une  vieille  femme,  peuvent  sembler  insuHi- 
sanls. 

Mais  où  l'académicien  nous  paraît  sévère,  -véritablement  et 
cruellemenl  sévère,  c'est  lorsque,  à  la  suite  d'un  conte  de  M"*  Van' 
de  Wiele,  non  content  d'exprimer  qu'il  n'y  a  pas  Irouvé  de  con- 
clusion, il  indique  encore  qu'à  son  avis,  il  ne  peut  pas  y  en  avoir, 
par  cette  interrogation  désolante  :  Qu'est-ce  que  cela  prouve  ? 

Lorsqu'une  question  se  pose  avec  celle  autorité,  on  ne  peut 

recourir  à  trop  de  lumières  pour  la  résoudre.  Nous  voulons  la 

soumettre  à  nos-  lecteurs  et  nous   accueillerons  avec  une  vive 

reconnaissance  les  éclaircissements  qu'ils  voudront  bien  nous 

procurer.  Voici  l'énigme.   C'est  intitulé  :  Les   Funérailles  de 

Plévoot. 

I 

«  Il  avait  été  toute  sa  vie  un  pauvre  hère,  un  de  ces  humbles 
sans  ambition  et  sans  exigence,  qu'on  appellerait  martyrs  si  la 
Destinée  prévoyante  ne  leur  avait  adjugé  la  philosophie  sereine 
des  inconscients.  Lorsqu'il  mourut,  ses  enfants  qui,  depuis  qu'ils 
avaient  âge  d'hommes  et  de  femmes  s'en  préoccupaient  fort  peu, 
lui  firent  un  splendide  enielrement. 

Tous  avaient  prospéré,  étaient  parvenus  à  ce  que  la  petite 
bourgeoisie  considère  comme  de  «  bonnes  positions»  :  l'un  des 
fils  était  agent-voyer,  en  province;  le  second  tripotait,  je  ne  sais 
quoi,  dans  les  entreprises  de  démolition;  l'aînée  des  filles  était 
gouvernante  d'une  princesse,  à  l'étranger;  l'autre,  qui  était  jolie, 
avait  fait  un  brillant  mari^jge. 

Allez,  après  cela,  avouer  que  vous  avez  un  père,  vivant  en 
gueux  dans  une  bicoque  de  Saint-Gilles,  avec  quatre-vingts  francs 
par  mois,  de  rentes,  qu'on  li^servait  en  se  cotisant  ;  un  incorri- 
gible bohème  qui  avait  été  maître  de  danse  en  son  temps,  et  qui 


r 


le  disait;  qui,  los  jours  où  on  l'invilail  à  dîner,  et  y  cCil-il 
cinquante  convives  à  lablc,  ne  craignait  pas,  pourvu  qu'il  eût  un 
doigt  de  vin  dans  la  tête,  de  chanter,  en  flamand  des  Marollcs,  sa' 
romance  du  Sckeer-slijp  qu'il  scandait  d'un  accompagnement 
canaille,  en  faisant  sonner  la  lame  de  son  couteau  sur  le  bord  de 
son  verre! 

Depuis  des  années  on  ne  le  voyait  plus,  on  l'évitait;  et  il  était 
mort  là,  tout  seul,  dans  son  coin. 

Celte  catastrophe  arriva  inopinément  :  le  bonhomme  s'ét:iii 
éteint  un  beau  soir,  étiolé  et  las,  sans  souffrance.  Quand  les  voi- 
sins, étonnés  de  ne  l'avoir  pas  aperçu  durant  vingt-quatre  heures, 
forcèrent  sa  porte  et  entrèrent  chez  lui,  Gobe  Plevoot  avait  déjà 
la  rigidité  des  cadavres;  oh  le  trouva  en  son  lit,  très  maigre  cl 
très  pâle,  les  yeux  fixes,  la  bouche  crispée.  Il  n'y  avait  pas  nu 
centime  dans  son  secrétaire,  mais  le  nom  de  ses  enfants,  comme 
une  vanité  suprême  ou  une  vengeance  macabre,  attirait  le  regard 
à  chaque  pas;  en  marge  sur  ^on  calendrier,  au  fusain  sur  les 
murailles  blijnches  de  sa  cuisine,  tracées  au  crayon  malhabilemenl 
sur  une  ancienne  bande  de  journal,  qu'une  épingle  retenait  aux 
rideaux  de  son  alcôve,  apparaissaient  les  adresses  de  Plevool, 
agenl-voyer  ;  de  Plevool,  etitrepreneur;  de  Snykers-Pleiioot, 
banquier,  consul  honoraire. 

On  courut  les  avertir.  Ils  manifestèrent  une  violente  surprise. 
L'entrepreneur,  qui  était  en  affaire,  eut  un  mot  naïf  qui  résomail 
la  situation. 

—  Ah!  diable,, s'écria   ce    bon   fils,   fallait-il   qu'il   mourût, 

celui-là  ! 

II   — 

Renier  Plevoot  vivant,  c'était  simple  :  on  n^n  parlait  pas,  on 
lâchait  de  le  faire  oublier  aux  autres  comme  on  l'oubliait  soi- 
même.  Mort,  il  devenait  gênant. 

On  n'enterre  pas  une  créature  humaine  sans  remuer  quelque 
curiosité,  sans  que  l'entourage  observe  et  commente  :  les  lorts  de 
Cobc  Plevoot  s'aggravaient. 

Fallail-il,  devant  le  décès,  reconnaître  l'infortuné  si  bien 
enseveli  déjà  depuis  un  quart  de  siècle...,  etqui  sortait  de  la  vie, 
tout  au  rebours  des  autres,  pour  attirer  l'attention  sur  lui? 

Hélas!  sa  modestc*existence  était  si  méthodiquement  arrangée: 
on  lui  faisait  tenir  sa  pension  chaque  trimestre  et  il  dépensait  ses 
revenus  à  sa  guise;  son  fils  aîné,  qui  avait  même  taille  et  même 
corpulence,  lui  abandonnait  sa  garde- robe  aux  fins  de  saisons.  On 
lui  achetait  des  douceurs  :  un  pain  d'épiccs  et  des  oranges  pour 
son  anniversaire  ;  du  labac  à  priser,  aux  jours  de  grandes  fêtes. 
Enfin,  à  la  nouvelle  année,  exactement,  on  lui  envoyait  par  son 
unique  petitc-fillo,  vingt  francs  d'éircnnes,  en  deux  pièces  d'oi- 
pliées  dans  un  papier  de  soie.  ^- 

*I1  avait  vraiment  bien  besoin  de  mourir,  de  venir  bouleverse'r 
les  gens,  de  mettre  la  déroute  en  un  étal  de  choses  aussi  sage- 
ment réglées,  de  tomber  là,  avec  ses  guenilles  et  le  ridibule  de 
son  passé  impossible,  sans  égard  pour  le  décorum  que  sa  progé- 
niture gardait! 

Cependant,. ne  fallail-il  point  qu'il  finît  par  trépasser,  ce  lamen- 
table sire? 

Hélas!  il  approchait  des  quatre-vingts  ans,  c'était  à  croire  que 
l'ironique  3lort  eût  négligé  de  le  prendre.  On  s'habituait  à' cotte 
idée  que  s'il  eût  dû  quitter  ce  monde,  il  l'aurait  fait  dofiuis  long- 
temps. Cela  était  fou;  mais  il  semblait  ([ue,  puisqu'il  avait  son 
pain  assuré,  plus  rien  ne  dût  changer  en  lui,  qu'il  était  caché 
pour  jamais,  bien  caché,  cl  qu'on  ne  le  retrouverait  pas. 


A  l'annonce  de  la  perle  (ju'ellc  venait  de  faire,  la  famille  fut 
.   très  embarrassée.  Les  fils  et  le  gondiic  se  consultaient,  répétant, 
toute    leur   plate    bêlise    saisissabic    dans    l'accent    particulier 
de  leurs  voix,  dans   l'expression* stupéfaite  de   leurs   physio- 
nomies : 

—  C'est  drôle  qu'il  soU  parti  si  subitement...,  un  vieillard  de 
cet  âge  ! 

Ils  no  pouvaient  s'en  remettre. 

Cobe  Plevoot  étant  mort,  il  fallait  l'inhumer...  Commeiil 
ferait-on? 

Ici,  les  difficultés  surgirent.  On  balança  entre  diverses  alterna- 
tives :  donner  à  ce  pauvre  une  fin  de  pauvre,  le  mener  à  la  terre 
au  jKîtit  jour,  sans  tapage,  discrètement...,  ou  bien,  lui  accorder 
une  cérémonie  funèbre  en  rapport  avec  les  po.'^ilions  sociales  si 
bien  établies  de  sa  parenté. 

L'enfouissement  mystérieux  offrait  des  avantages.  On  s'y  arrê- 
tait, cpiand  la  fille  cadette,  celle  qui  s'était  si  bien  mariée,  risqua, 
d'un  air  d'inquiétude,  cette  exclamation  : 

—  Si  on  allait  apprendre! 
En  effet,  cela  ferait  scandale. 

La  famille  tomba  dans  rexirême  en  décidant  d'accorder  à  Ple- 
vool des  funérailles  superbes. 

On  commanda,  à  l'église,  un  service  de  première  classe,  avec 
volées  de  cloches  sanglotantes,  messe  en  musique,  corbillard  orné 
de  panaches;  les  voilures  auraient  leurs  lanternes  allumées  recou- 
vertes de  crêpe  et  des  chevaux  en  caparaçons.  Les  frais  furent 
considérables,  mais  on  avait  réfléchi  que  c'était  remplir  un  devoir 
et,  qu'après  cela,  on  en  aurait  fini  pour  jamais  de  ces  piteux 
restes  qu'on  n'avait  su  comment  traiter  d'abord. 

On  lança  des  lettres  de  faire-part,  mirades  de  lithographie,  où 
le  défunt  —  qui  avait  élé  pendant  une  dizaine  d'années  direcleu'- 
de  bals  publics  et  qui,  jadis,  avait  obtenu  une  médaille  de  sauve- 
tage pour  un  bambin  retiré  à*lemps  d'un  ruisseau  gelé  —  se  révé- 
lait sous  le  double  qualificatif  de  fonctionnaire  et  de  décore.  Au 
surplus,  les  invités  furent  avertis  de  ce  que,  dans  l'intimité,  feu 
Cobe  Plevoot  avait  toujours  été  un  original  de  la  plus  extrava- 
gante espèce,  vivant  en  grigou,  dans  une  masure,  pour  mieux.se 
singulariser  et  il  s'en  fallut  de  bien  peu  que  les  siens  ne  décla- 
rassent qu'ils  en  héritaient. 

On  s'habilla  de  noir  des  pieds,  à  la  tête.  On  se  munit  de  cou- 
ronnes d'immortelles.  On  fut  très  digne. 

111  1 

Dans  la  maison  du  vieux,  une  chapelle  ardente  avait  été  dressée 
tant  bien  que  mal,  d'innombrables  cierges  brûlaient.  A  côté  du 
cercueil,  un  bénitier  et  un  goupillon;  un  riche  crucifix  sur  le  drap 
mortuaire  ;  des  tentures  de  mérinos  roussfitre  prodiguées  au  long 
(T?s  murailles,  l'ne  légère,  délicate  et  suave  fumée  d'encens  par- 
tout. 

C'était  si  réussi,  si  correct  que  lorsque  les  fil;j|^ pénétrèrent, 
crêpe  au  chapeau,  des  gants  de  filoselle  tout  neufs  aux  doigts, 
chacun  tenant  sa  couronne,  ris  furent  profondément  impres- 
sionnés, en  même  temps  qu'ils  éprouvaient  une  certaine  satisfac- 
tion de  s'être  résolus  à  une  grosse  dépense  s.ins  lésinerie.  C'était 
comme  un  étrange  saisissement  qui  les  prenait  devant  tant  de 
pompe  déployée  en  un  logis  qu'ils  n'avaient  jamais  connu  que 
misérable,  un  coup  d'émotion  quiics  força  de  parler  à  voix  basse 
ei  les  rendil  très  graves,  les  yeux  soudain  obscurcis,  la  poitrine 
gonflée  d'une  vague  désespérance. 


■ —  C'csl  toul  k  l'ail  convenable,  n'ost-cc  pas?  murmuraienl-ils, 
on  se  serrant  les  mains. 

Puis,  brusquement,  ils  se  laissèrent  aller  à  leur  sensibililé,  une 
sorte  tic  sensibilité  fébrile,  contagieuse.  Un  immense  chagrin  les 
élreignail,  lîi,  devant  ce  ciitafalque  somptueux  où  reposait  une 
dépouille  si  intime;  le  gliis  qui  gémissait  au  loin,  la  lumière 
désolée  des  tlambeaux,  tout  ce  deuil  magnifique,  qu'ils  avaient 
payé,"  produisit  sur  eux  un  grand  effet.  De  leurs  nerfs  tendus, 
l'émotion  se  communi<|ua  irrésistiblement  à  leur  cœur,  ainsi  que 
par  une  secousse  galvanique  ;  d'indécis  souvenirs  d'enfance  leur 
traversaient  la  mémoire;  ils  ne  furent  plus  que  des  orphelins  se 
rapprochant  les  uns  des  autres,  d'un  mouvement  instinctif,  comme 
pour  refermer  le  cercle  de  la  famille  que  la  Mort  venait  de 
rompre. 

Ils  pleurèrent  le  trépassé,  sincèrement,  du  meilleur  de  leur 
àme.  Pendant  une  minute,  Plevool  fut  regretté  de  ses  enfants. 

Il  ne  le  sut  point  ;  il  ne  sut  pas  davantage  pour  combien  entrait, 
dans  ce  phénomène,  le  génie  décoratif  des  Pompes  funèbres,  le 
caractère  de  lugubre  solennité  qu'avait,  à  celle  minute,  sa  cliétive 
demeure.  » 


C'est  fini.  El  alors  le  bizarre  acadénii(iuc  rapporteur  du  jury, 
é'cril  : 

Ou  est-ce  que  cela  prouve? 

Mais,  à  noire  sens,  et  sans  préjudice  des  solutions  ingénieuses 
(|ui  ne  manqueront  pas  de  nous  parvenir,  cela  prouve  simplement 
que  lorsqu'on  a  fait  œuvre  d'artiste,  que,  sans  aucune  préoc- 
cupation utilitaire,  on  a  essayé  de  donner  une  forme  saisissante  à 
une  faiblesse  ou  à  une  passion  liumaine  et  qu'on  y  d,  réussi,  il  ne 
faut  pas  porter  cela  à  TAcadén^e;  ce  n'esl  pas  ce  qu'il  lui  faut. 
L'œuvre  littéraire  qui  a  emporté  ses  suffrages  est  un  livre  de 
M.  le  colonel  Kraus  intitulé  :  Echos  militaires,  souvenirs  d'un 
milicien.  Nous  devons  reconnaître  que  nous  ne  connaissons  pas 
col  ouvrage  et  nous  ne  pouvons  l'apprécier  que  par  le  rapport 
même  du  jury.  .Nous  y  voyons  qu'il  s'agit  de  la  mobilisation  de 
l'armée  belge  en  1870,  pour  proléger  nos  frontières  :  «  Les  pre- 
miers chapitres  nous  racontent  les  préparatifs  de  la  mobilisation, 
avec  force  détails  qui  doivent  faire  la  joie  des  soldais  :  équipe- 
ment, départ  pour  la  citadelle  de  Namur,  défilé,  exercices  de  tir, 
manœuvres,  inspections,  remplissent  une  bonne  centaine  de 
pages  ■>■>. 

«  La  compagnie  dont  le  héros  du  roman  fait  partie,  la  S™»  du 
:)"'*,  esl  envoyée  au  delà  de  Bouillon » 

«  Il  y  a  beaucoup  d'optimisme  dans  ce  volume.  Peut-être  un 
peu  trop.  Malgré  leur  diversité,  tous  les  personnages  inspirent  de 
la  sympathie.  Mais  de  tels  hommes  nous  reposent  au  moins  des 
bêles  humaines  :  la  littérature  actuelle  a  si  fort  l'habitude  de 
«  |»ousscr  au  noir  »,  qu'il  n'est  ]!ias  interdit,  de  temps  en  temps, 
do  pousser  un  peu  au  rose.  Pourquoi  d'ailleurs,  comme  l'a  dit 
un  tlo  nos  spirituels  confrères  (!),  pour  qui  la  critique  lilléraire  n'a 
pas  de  secrets,  pourquoi  cette  «  3"""  du  3"'*  »  n'aurait-ellç,'pas 
été  composée  à  souhait  pour  l'exemple  bienfaisant  des  miliciens 
à  venir. 

«  Le  style  est  clair  et  correct,  et  les  quelques  négligences 
((u'on  remarque  c'a  et  là  sont  peut-être  voulues,  puisqu'elles  don- 
nent plus  de  couleur  locale  à  celle  autobiographie  d'un  soldat.  » 
A  la  bonne  heure!  Voilà  qui  est  fait  pour  la  jeunesse!  El  pour 
les  jurys! 


«  Sans  doute  les  virtuoses  de  l'adverbe  ne  se  déclareraient 
point  satisfaits  :  tous  les  mots  sont  à  leur  place.  Nais  le  colonel 
Kraus  n'a  pas  recherché  leur  approbation.  » 

Et  puis,  il  y  a  une  conclusion  :  «  L'auteur  touche,  sans  y 
appuyer,  au  problème  militaire  cl  nous  fait  comprendre  qu'on 
ne  charge  personne  de  défendre  la  patrie  à  sa  place  ». 

Etaliez  donc!  En  avant  pour  le  service  personnel!  Voilà  qui 
couronne  dignement  une  œuvre  vraiment  lilléraire. 

On  voit  que  0*^081  tout  un  programme  et  voilà  M"*  Vande  Wiele 
bien  avertie.  Qu'elle  prenne  un  des  grands  desiderata  de  notre 
droit  public  (c'est  le  fonds  qui  manque  le  moins);  qu'elle  tisse  là 
dessus  un  récit  agréable  et  poussé  au  rose,  sans  trop  de  préoc- 
cupation du  style  et  sans  concessions  aux  virtuoses  de  l'adverbe  ; 
qu'elle  ait  soin  surtout  de  bien  dégager  la  conclusion  nationale 
et  patriotique,  et,  à  son  tour,  elle  pourra  cueillir  les  palmes. 
Et  un  bonhomme,  chargé  de  faire  rapport,  lui  dira  des  choses 
niaises  en  témoignage  de  sa  satisfaction  d'imbécile. 


foNCOUR^  DU  Conservatoire 


(i) 


Chant  monodique  (hommes)  :  professeurs,  MM.  Cornélis  et  ' 
Waiingts.  —  4"^  mention,  MM.  Verboomet  Ccuppens;  2*  men- 
tion, M.  Laulers. 

Chant  Ihàitral  (jeunes  filles)  :  professeurs,  M'"«  Lemmens-Sher- 
RiNGTON  et  M.  Warnots  —  !«'•  prix  (avec  la  plus  grande  distinc- 
tion), M""  lioelants  cl  Cuvelier;  i"''  prix  (avec  distinction), 
M'»<=  Langlois  ;  A"  prix,  M'i«  Gorié;  S*"  prix  (avec  distinction), 
M"*"  Flament,  Pafenlani,  Olivier,  Boauvais,  F.  Guilliaume; 
2e  prix,  M"«*  J.  Guilleaume  et  Gaelz;  rappel  (avec  distinction)  du 
2«  prix,  M'i"  Vincent. 

Duo  (prix  de  la  Reine)  :  M"""»  Langlois  cl  Flament. 

M"*  Hasselmans,  que  nous  avons  citée,  par  erreur,  parmi  les 
concurrentes  ayant  obtenu  la  seconde  mention  au  concours  de 
chant  monodique  à  huis  clos,  a  obtenu  la  première  mention.  ' 

Une  autre  erreur  s'est  glissée  dans  le  même  numéro.  Nous  avons 
nommé  M.  Bauwens  au  lieu  de  M.  Warnols  (hommes),  parmi  les 
professeurs  dont  les  élèves  concouraient  pour  le  chant  Ihéâlral. 


Chronique  juoiciyviRE  de?  ^rt? 

Librairie  et  Orthodoxie 

La  cour  suprême  d'Oltawa  (Canada)  vient  de  rendre  un  arrêt 
intéressant.  Il  s'agissait  d'une  action  intentée  par  M.  Taché, 
secrétaire  particulier  de  M.  Chapleau,  secrétaire  d'Etal,  contre 
MM.  Cadieux  et  Derome,  libraires  à  Montréal,  pour  refus  par 
ceux-ci  d'exécuter  un  contrat  par  lequel  ils  s'étaient  engagés  à 
importer  une  certaine  édition  des  œuvres  de  Victor  Hugo.  Le 
refas  des  défendeurs  était  basé  sur  la  prétendue  immoralité  des 
écrits  de  Victor  Hugo,  dont  divers  ouvrages,  notamment  Notre- 
Dame  de  Paris  et  les  Misérables,  ^ont  compris  dans  la  liste  des 
livres  condamnés  par  la  Congrégation  de  l'Index.  M.M.  Cadieux  et 
Derome  soutenaient  que,  se  faisant  une  spécialité  de  vendre  des 
livres  autorisés  par  l'Eglise,  ils  ne  pouvaient  pas  être  tenus  de 
livrer  une  édition  conlenant  des  ouvrages  spécialement  désignés 
dans  la  liste  des  livres  prohir)és. 

Le  juge  Davidson,  de  la  cour  suprême  d'Ottawa,  n'a  pas  admis 

(1)  Suite.  Voir  nos  trois  derniers  numéros. 


LART  MODERNE 


celle  théorie,  opposée  à  un  engagement  également  contracté. 
Etant  donné,  a-l-il  dit  dans  ses  considérants,  que  Notre-Dame  de 
Paris  et  les  Misérables  se  trouvent  dans  VIndex  des  livres 
prohibés,  cela  afleclc-l-il  un  contrat  civil?  Répondre  affirmative- 
ment serait  établir  le  principe  que  la  Congrégation  de  l'Index,  ou 
l'autorité  ecclésiasiique  d'une  Eglise  quelconque,  aurait  le 
pouvoir  d'interpréter,  de  confirmer,  ou  d'annuler  des  contrats. 


pETITE    CHROJ^IQUE 


Quelques  renseignements  pour  la  prochaine  campagne  théâlrtile 
de  la  Monnaie.  Les  rôles  de  Siegfried  sont  distribués,  h  part  celui 
de  Brunnhilde  qui  n'a  pas  encore  de  titulaire.  M.  L^ifarge,  le  nou- 
veau ténor,  chantera  Siegfried;  le  personnage  de  Wolan  est 
dévolu  à  M.  Bouvet,  qui  se  rtiontrc  très  enthousiaste  de  cotte 
création. 

Mime  sera  joué  par  un  jeune  comédien,  engagé  spécialement 
et  qui  débutera  par  ce  rôle  dans  le  théâtre  lyri(|ue.  l>es  répétitions 
commenceront  dès  le  début  de  la  saison,  cl  l'on  espère  être  prêt 
pour  la  fin  de  novembre. 

En  attendant,  on  reprendra  Snlammbû  cl  Esclar monde,  et  l'on 
jouera  Roméo  et  JiUictte  pour  les  débuts  de  M""  Sybill  Sanderson, 

On  reprendra,  en  outre,  Obéron  et  la  Flûte  enchantée.  Rien 
n'est  décidé  encore  au  sujet  de  la  Basoche. 

Une  exposition  locale  des  arts,  de  l'enseignement,  de  l'horti- 
culture et  de  l'industrie  s'ouvrira  au  mois  d'août  prochain,  à 
Schaerbcek,  dans  les  spacieux  bâtiments  de  l'Ecole  moyenne,  rue 
Royale-Saintc-Marie. 

Le  comité  organisateur  est  placé  sous  la  présidence  de 
M.  Drand,  échevin  de  l'instruction  publique  et  dos  beaux-arts. 

Nous  apprenons  que  le  succès  de  l'Exposition  rétrospective 
organisée  k  l'occasion  du  S.-J*  anniversaire  de  la  création  de  l'Ecole 
de  dessin,  de  peinture,  d'architeclure  et  de  modelage  de  Molen- 
bcek-Sainl-Jean  est  dès  à  présent  assuré. 

La  plupart  des  élèves  et  anciens  éjèvos  de  cette  institution  ont 
voulu  contribuer  à  sa  réussite.  Le  nombre  d'œuvres  envoyées 
jusqu'ici  dépasse  de  beaucoup  les  espérances  des  organisateurs. 

Nous  insistons  sui*  le  caractère  inlérossaniet  instructif  de  cette 
exposition,  dont  les  résultats  permettront  d'apprécier  les  services 
rendus  li  l'art  et  à  l'industrie  par  l'enseignement  pratique  donné 
dans  cette  écolo,  située  rue  Mommacrts. 

Le  public  sera  admis  à  la  visiter  gratuitement  le  dimanche 
13  juillet  1890,  à  partir  de  3  heures,  et  du  lundi  11  au  dimanche 
20  juillet  inclus,  de  1  à  o  heures  de  relevée. 

M.  Verdhurt  ouvrira  l'Edon-Tliéâtre  le  l"  octobre  avec  XflJH.vo» 
et  Dalila  de  Camille  Saint-Saëns  ;  le  lendemain  il  jouera  la 
Coupe  et  les  lèvres. 

Parmi  les  ouvrages  nouveaux  que  doit  monter  le  directeur  du 
Théâtre-Lyrique,  il  faut  citer  Lenick,  drame  lyri(pu>  de  M.  Raoul 
Pugno. 


En  cinq  semaines,  jour  pour  jour,  du  .'i  mai  au  l'i  juin,  les 
ventes  Seillière,  Piot,  May,  Roilian,  d'Armaillé  et  C.rabbc  ont 
versé  leurs  trésors  sur  le  marché  de  Paris.  Et  ces  cinq  semaines 
auront  eu  le  rare  privilège  de  voir  défiler  sous  le  marteau  du 
commissaire-priscur  toutes  les  variétés  chères  aux  amateurs, 
représentées  par  les  spécimens  les  plus  accomplis  :  avec  Seillière, 


les  émaux  limousins,  les  faïences  de  Palissy  et  les  plus  beaux 
meubles  de  la  Renaissance;  avec  Eugène  Piot,  les  plus  braiix 
exemplaires  du  mobilier  dos  doux  derniers  siècles;  enfin,  les 
ventes  Rolhan,  May  et  Crabbc  ont  jelé  en  pâture  aux  raffinés  un 
choix  de  peintures,  depuis  le  xvi"  siècle  jusqu'à  nos  jours. 

Voulez-vous  connaître  les  vain(iucurs  de  la  saison?  Los  voici 
dans  l'ordre  des  prix  obtenus  par  chacun.  La  macédoine  est 
curieuse  à  |)Ius  d'un  litre  et  pleine  de  rapprochements  imprévus: 

Meissonier,  le  Guide,  177,000  francs.  —  Rubens,  Sainte 
Famille,  112,000  francs.  —  Rembrandt,  Portrait  d'amiral, 
106,300  francs.  —  Léonard  Limosin,  Portrait  sur  émail, 
07,000  francs.  —  Troyon,  Vache  blanche,  8."),000  francs.  —  Eug. 
Delacroix,  Chasse  an  tigre,  76,000  francs.  —  Natlicr,  Madame 
de  Flessell(s,  75,000  francs.  — Adr.  Vricso,  Groupe  en  bronze, 
66,f)00  francs.  —  Corot,  le  Matin,  63,000  francs';  le  Soir, 
60,000  francs.  —  Jordaens,  Portrait  d'un  syndic,  ")8,000  francs. 
—  Donalello,  Enfants  de  bronze,  oO,000  francs.  —  Fr.  Iliils, 
Joueur  de  violon,  46,.-)00  francs.  —  Fromentin,  lîalte  de  cava- 
liers, -i2,d00  francs.  —  Inconnu,  Meuble  du  XVP  siccle, 
•40,000  francs.  —  Crcsscnt,  Régulateur,  36,000  francs.  —  Rous- 
seau, les  Chênes,  3i,000  francs,  —  Ponicaud,  Plaque  d'émail, 
33,000  francs.  —  Paul  Polter,  les  Pourceaux, ■Ai,{^Qi)  francs. 

A  la  suite  viennent  :  P.  Raymond,  Millet,  Boucher,  Jean  Cour- 
tois, Pater,  Ruysdael,  etc.,  etc. 

Ces  ventes  ont  produit  5,837,000  francs,  près  de  6  millions, 
soit  1,200,000  francs  par  semaine  versés  dans  la  circulation 
parisienne.  •    - 

Le  Dictionnaire  international  des  Ecrivains  du  jour  que  publie 
l'éditeur  NiCcolai,  de  Florence,  se  composera  de  dix-huit  livrai- 
sons, dont  la  dernière  formera  un  supplémerit  contenant  les 
modifications  et  les  corrections  remises  par  les  personnes  qu'inté- 
ressent les  notices  publiées,  ainsi  que  les  notices  originales 
venues  en  retard. 

Le  prix  d'abonnement  pour  les  dix-huit  livraisons  -est  de 
30  francs. 

Le  Dictionnaire  arrivé  au  terme  de  sa  "publication  (ociobro 
1890),  sera  mis  en  vente  aii  prix  de  36  francs  broché,  et  de 
iO  francs  relié  en  trois  volumes. 


La  fonte  du  monument  d'Eugène  Delacroix  est  terminée.  Le 
Comité  a  visité  samedi,  chez  Bingon,  les  dernières  figures^orties 
du  moule.  L'opération  a  parfaitomeni  réussi,  et  on  espère 
pouvoir  fixer  au  mois  de  septembre  prochain  l'inauguration  du 
monument  ï\u  jardin  du  Luxembourg. 


■^  Le  dernier  numéro  des  Hommes  du  jour,  du  libraire  Vanier. 
est  consacré  à  Jean  .\jalbcrt,  auteur  d'En  amour,  le  P'tit,  Sur 
les  talià.  Paysages  de  femmes,  etc.  Dessins  de  J.-F.  Rattaelli: 
texte  par  C.ustave  Gofîroy. 

On  annonce  l'entrée  au  Luxembourg  d'un  tableau  de  F.  Bons  in  : 
VAve  Maria,  légué  par  M.  Vinco.  Ce  tableau,  qui  représonto  une 
cour  du  couvent  d'Aramont  à  l'heure  où  l'Angolus  réunit  un  cer- 
tain nombre  de  sœurs  grises,  mesure  I  mètre  de  hauteur  sur 
83  centimètres  do  largeur;  il  a  figuré  au  Salon  de  1870  et  à 
l'Exposition  des  œuvres  de  Ronvin  en  mai  1886. 

Le  musée  du  Luxembourg  a  re(;u  en  don  de  M""'  veuve  Otto 
von  Thoren  et  de  son  fils  Maurice  un  tableau  :  Intérieur  d'étable 
de  feu  Otto  von  Thoren,  peintre  animalier. 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ETAT-BELGE 


LIGNE   D'OSTENDE-DOUVRES 


La  plus  courte  et  la  moi7i.<i  coûteuse  des  voies  extra-rapides  entre  le  Continent  et  /'Angleterre 


Bruxelles  n  X^ondres  en  . 
Cologne  à  Londres  en  . 
Berlin  à  Londres  on  . 


8 
13 
24 


lienres. 


Vienne  à  Londres  on; 
Bâle  à  Londres  en. 
Milan  à  Londres  en 


3G  lioures. 
24       " 
3:3       " 


XROIIS  ^KIl^^K 


Ï*AR  ,f OUR 


D'Ostende  àr)li.  20matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  31  soir.  —  De  Douvres  à  midi  15,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS  • 

Princesse  Joséphine,  Princesse  Henriette,  Prince  Albert,  La  Flandre  et  Ville  de  Douvres 

partant  jouruellemeiit  d'OSTKNDE  à  5  h.  29  matin  et  11  h.  10  matin:  de  DOUVRES  à  raidi  15  ei  10  h.  15  w>iiv  — 
Salons  luxueux.  —  Fumoirs.  —  Ventillation  perfectionnée.  —  Éclairage  électrique.  —  Restaurant. 
BILLETS  DIRECTS  (simples  ou  aller  et  retour)  entre  LONDRES,  DOUVRES,  Birmingham,  Dublin,  Edimbourg,  Glascow, 
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et   entre   LONDRES    ou    DOUVRES  et  toutes   les  grandes   villes  de   l'Europe. 


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A  bord  des  malles  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette 
Spécial  cabine,  28  francs;  Cabiue  de  luxe,  75  francs. 

Pour  la  location  à  l'avance  s'odrcsscr  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  {Qvai)  ou  à  l'Agence  des  Chemins  de  fer  de  V État- Belge 
Northumberland  House,  Strond  Street,  n"  17,  à  Douvres, 

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Entre  les  principales  villes  de  la  Belgique  et  Douvres,  aux  fêtes  de  Pentecôte  et  de  l'Assomption. 
AVIS.  —  Buffet  restaurant  à  bord.  —  Soins  aux  dames  ))ar  un  personnel  féminin.  —  Accostage  à  quai  vis-à  vis  des  stations  de  chemin  de 
for.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits). —  Voyages  à  ju-ix  léduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  -   Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  tfe  V  Ecrploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  Y  Agence*  générale  des 
Malles-Poste  de  V  Etat-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n»  53,  à  Londres,  à  Y  Agence  de  Chemins  de  fer 
de  VÊtat,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vrancken,  Domkloster,  u°  1,  à  Cologne. 


<-liez-  WM.  SCHOTT  frères,  82,  Montagne  de  la  Cour,  Bruxelles, 

L'OR  DU  RHIN 

DE 

RICHARD  WAGNER    " 

Version  firançaise  de  Victor  "W^ILDER 

Partition    jiour    chant    et    piano,    réduite    jiar    R.    Kleinmichkl 
PRIX  NET  :  20  Francs 

JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  te  jeudi  et  le  dimanche. 
Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisp 

—  Bibliographie.  —  Législation.  —  No 

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Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  l(\B^^ellet 

Revue  /naisuelle  de  littérature  et  d'art 

6"  Année 

Directeurs  :  .MM.  A.  MOCKEL  et  P. -M.  OLIN. 

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COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  riiai^monie  jusqu'à 

la  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  ])ar  J.-C.  Lobe. 

Traduit   de    l'allemand   (d'après   la   5"   édition)    par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8".  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
"hient  théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  .son  ajiparilion,  par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  |)ublic  français  a 
même  d'apprécier  un  des  ouvrages  d'enseignement  mu.sical  les  plu.s 
estimés  en  Allemagne. 


liruxelles.  —  Imp.  V«  Mo.nnom,  ^j,  rue  de  l'Industrie. 


Dixième  année.  —  N<*  29. 


Le  numéro  :  85  centimes. 


Dimanche  20  Juillet  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,    un   an,    fr.    10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —  ANNONCES   :    On    traite   à    forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Tlndustrie,  26,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


Les  acquisitions  ukcentes  du  Mlske.  —  Théâtre  faE  Pisemsky. 
—  Le  Salon  Libre.  —  Bibliographie.  —  Le  Muske  des  Beaux- 
Arts  A  A.NTERs.  —  Une  lettre  de  Thijophile  Gauthier.  —  Chro- 
nique uudiciaire  DES  Arts.  —  Mémento  des  /^x^o^ITIONS.  —  Petite 

CHRONIQUE. 


Les  acquisitions  récentes  du  Musée.  - 

^   - 

Les  occasions  d'approuver  les  Messieurs  des  bureaux 
et  des  sections  des  Beaux'Arts,  sont  trop  rares  pour  que 
nous  ne  mettions  pas  immédiatement  toute  notre  bonne 
volonté  à  saisir  la  moindre  d'elles.  On  vient  d'acquérir 
au  nom  de  l'État,  à  la  vente  Crabbe,  deux  tableaux,  l'un 
ancien,  l'autre  moderne,  d'une  nette  et  claire  valeur 
artistique.  Et  plus  encore  le  Chien  au  Miroir  de 
M.  Joseph  Stevens,  que  les  Porcs  de  Paul  Potter  nous 
induit  en  félicitations.  Main  heureuse  et  choix  excel- 
lent. 

Il  convient,  nous  semble-t-il,  de  dresser  en  lumière  et 
en  justice,  ce  nom  de  Joseph  Stevens,  trop  demeuré 
dans  la  demi-teinte  de  peintre  simplement  bien.  On 
croit  avoir  tout  dit  quand  on  s'est  acquitté  vis-à^vis  de 
lui  par  les  presque  banalités  de  «  coloriste  puissant  et 


d'animalier  robuste  j^  Je  l'entendais  nommer  l'autre 
jour  «  le  Vollon  belge  ». 

Est-ce  agaçant,  ces  toujours  mises  en  parallèle  de 
peintres  nationaux  avec  des  peintres  étrangers  et  même 
humiliant  !  Qu'on  dise  en  France  en  désignant  Vollon 
que  c'est  le  Stevens  français,  les  protestations  pleu- 
vront.  .     ^ 

M.  Joseph  Stevens  est  d'une  puissance  de  nature  telle 
qu'il  existe  de  par  lui  seul,  et  que,  pour  le  placer  au 
bon  rang,  on  ne  le  doit  ranger  sous  aucun  maître.  C'est 
lui  :  le  maître. 

Il  est  dans  la  tradition,  certes,  des  grands  animaliers, 
mais  ce  qui  le  sépare  d'eux  et  l'élève,  c'est  la  psycho- 
logie plus  profonde  qu'il  a  mise  à  caractériser  ses  bêtes 
Il  a  fait  de  son  art  plus  qu'une  question  de  métier  de 
brosse  et  de  palette.  On  ne  le  considère  d'ordinaire  que 
sous  ce  secondaire  rapport.  Et  l'on  croit  s'être  acquitté 
en  le  proclamant  «^  un  beau  peintre  ". 

Pour  nous  —  même  avant  de  connaître  les  toiles 
capitales  de  Joseph  Stevens  —  il  nous  avait  plus  qu'in- 
téressé, puisque,  par  une  dédicace  de  poème  en  prose. 
Charles  Baudelaire  l'avait  montré  et  expliqué  :  poète. 
On  sait  cette  si  tristement  tendre  histoire  des  Bons 
chiens,  où  tant  de  compassion  est  versée  avec  l'encre 
noire  mélancolique,  et  que  l'écrivain,  qui  fît  les  Petites 
vieilles,  voulut  adresser  à  quelque  chose  de  plus  lamen- 
table et  dl^  plus   bohème   encore   que   les    pauvres 


à' 


«  vestales  énamourées  de  Frascati  '».  Ce  poème,  dont  les 
Bons  chiens  sont  la  gloire  et  l'orgueil,  il  l'écrivit  — 
avec  le  nom  de  Joseph  Stevens  en  haut  et  le  sien  en  bas. 
Plus  tard,  Léon  Cladel  consacra  au  Marché  aux 
chieyis  du  Musée  moderne,  une  superbe  page  de  sa 
Kyrielle.  ■ 

Les  deux  écrivains  saisirent  donc  immédiatement  tout 
ce  qui  va,  dans  l'art  de  Stevens,  au  delà  de  la  technique 
même  de  la  peinture.  Ils  en  comprirent  l'observa- 
tion, non  seulement  des  yeux,  mais  de  l'esprit;  ils 
durent  penser  à  quelque  Esope  très  au  courant  des 
mœurs  canines,  mais  plus  compassionneux  et  plus  vrai. 

Joseph  Stevens  fait  du  chien  un  personnage.  Ce  qu'il 
exprime  le  mieux  c'est  sa  vivacité,  sa  malice,  son  intelli- 
gence. Il  lui  donne  l'intensité  de  la  vie  intérieure  ;  il  la 
détaille  en  ses  attitudes,  en  sa  nervosité  et  en  ses  yeux. 
Tels  chiens  apparaissent  vifs  comme  des  gamins,  curieux 
comme  des  tpuchè-à-tout  et  fiers  comme  des  maîtres. 
Le  peintre  divise  son  monde  en  oppresseurs  et  en  parias, 
en  grand?  seigneurs  et  en  bohèmes  et  son  attention  et 
sa  compassion  s'en  vont  plus  volontiers  vers  les  derniers 
que  vers  les  premiers. 

Les  autres  animaliers,  surtout  les  Flamands,  trai- 
taient leurs  sujets  presque  comme  des  natures-mortes  et 
la  plupart  d'entre  eux  étaient  même  natures-mortiers. 
Exemples?  Fyt  et  Snyders. 

Lui,  se  rapproche  plutôt  des  peintres  français,  soit 
d'un  Decamps.  Il  est  comme  lui,  en  peignant  ses  bêtes, 
à  la  fois  analyste  et  philosophe. 

La  toile  acquise  par  le  Musée  moderne  nous  le  montre 
tel.  Ce  Chien  au  miroir^est  non  seulement  un  magnifi.que 
morceau  de  belle  couleur  ancienne,  c'est  également 
une  page  de  vie  aiguë  et  nette.  C'est  un  chef-d'œuvre. 

Bien  que  l'affirmation  puisse  à  plusieurs  paraître 
blasphéàiatoire,  nous  ne  découvrons  pas  dans  les  Porcs 
de  Potter  d'aussi  claires  qualités  d'artiste.  Et  encore 
n'ignorons-nous  guère  que  parmi  les  œuvres  de  ce 
peintre, celle-ci,  quoique  de  dimensionsexiguës.esthau- 
tement  remarquable.  Le  si  célèbre  Taureau  de  la  Haye, 
découpé  sur  un  paysage  avec  lequel  il  n'a  aucune  rela- 
tion, n'est  que  décor  et  groupement.  Jamais  Joseph 
Stevens  n'a  sacrifié  aussi  uniquement  à  l'extérieur  et  à 
la  virtuosité. 

'  'Il  construit  fortement,  non  pas  seuls  ses  bêtes  et  ses 
sujets,  mais  encore  les  fait  mouvoir  en  des  apparte- 
ments réels,  peints  avec  autant  de  soin  que  ses  anato- 
mies  d'animaux  elles-mêmes  ,"^en  un  mot,  il  comprend 
que  pour  donner  vie  à  ses  chiens,  il  faut  qu'il  fasse 
vivant  aussi  leur  milieu.  Son  talent  est  un  talent  com- 
plet, sans  trous,  sans  cassure.  Toutes  ses  toiles  appa- 
raissent, non  pas  comme  des  morceaux,  mais  comme  des 
totalités;  non  pas  comme  des  fractions,  mais  comme  des 
sommes.  Il  ne  resterait  au  monde  qu'un  seul  tableau  de 
lui,  qu'il  apparaîtrait  par  ce  seul,  témoignage  grand 


peintre,  car  on  y  rencontrerait  une  science  très  sûre  et 
profondément  acquise  par  un  homme,  qui  semble  né 
pour  synthétiser  et  épurer  toutes  les  qualités  tradition- 
nelles de  sa  race.  '       , 


THEATRE  DE  PISEMSKY 

Paris,  Albert  Savine,  éditeur. 

La  rénovation  du  théâtre  moderne  étant  prochaine,  inévita- 
blement, il  convient  d'insister —  croyons-nous  —  sur  chacun 
des  facteurs  qui  amèneront  cet  attendu  résultat.  Certes,  M,  Henry 
Becque  est-il  celui  qui,  à  coups  de  maître,  a  imposé  la  nouvelle 
formule,  si  décisivement,  que  sa  Parisienne  demeure  la  plus 
éclatante  manifestation  d'art  dramatique  français  de  ces  derniers 
vingt  ans  de  siècle.  Mais  n'est-il  point  évident  aussi  que  certains 
étrangers  — je  ne  parle  ni  de  Tolstoï  ni  d'Ibsen,  dont  les  for- 
mules sont  éloignées  plus  même  qu'on  ne  le  croit  des  siennes 
—  ont  contribué  à  cette  merveilleuse  évolution. 

M.  Albert  Savine,  qui  fut  homme  de  lettres  avant  d'être  éditeur, 
a  réuni  en  son  catalogue  nombre  de  traductions  de  dramaturges 
russes,  anglais  et  méridionaux.  On  connaît  son  Théâtre  de 
Marlowe,  transposé  en  français  parRabbe  et  préfacé  par  Richepin. 
Le  vieux  maître  anglo-saxon,  fruste  et  magnifique,  rude  et 
sauvage  y  apparaît  incontestablement  :  celui  dont  Shakespeare  a 
élargi  et  approfondi  fes  moyens,  mais  continué  l'esprit.  Le  drame 
sanglant  et  farouche,  le  drame  rouge,  Marlowe  l'avait  superbe- 
ment paré  d&  génie,  avant  déjà  que  les  Richard  III  et  les 
Macbeth  ne  montassent  sur  les  planches. 

Ibsen  fut  également  édité  par  M.  Albert  Savine,  ainsi  que  le 
comte  Alexis  Tolstoï.  Aujourd'hui,  voici  Pisemsky. 

De  tous  les  auteurs  étrangers,  il  se  rapproche  le  plus  de 
l'actuelle  formule  réaliste  française.  Le  merveilleux  ou  plutôt  le 
mystérieux  sont  négligés  dans  ses  livres.  Avant  de  rechercher 
l'inquiétant,  il  veut  atteindre  le  réel,  le  palpable,  le  vrai  parmi 
le  quotidien'et  le  journalier.  Pisemsky,  tout  comme  MM.  Becque 
et  Ancey,  fait  des  comédies  plutôt  que  des  drames.  La  vie  s'y 
manifeste  menue,  terre  à  terre,  puissante  de  faits. 

Ses  œuvres  se  titrent  :  l'Hypocondriaque,  le  Partage,  les 
Mines,  Lieutenant  Gladkoff,  Une  amère  destinée,  Baal. 

Il  nous  semble  inutile  d'insister  sur  chacune  de  ces  oeuvres  ; 
un  écrivain  et  un  penseur- personnels  se  retrouvant  dans  toutes. 
Nous  essayerons  de  fixer  dans  l'unique  Baal,  le  système  drama- 
tique et  la  philosophie  de  Pisemsky. 

L'idée  qui  sort  de  toutes  les  pièces  de  l'auteur  russe  est  essen- 
tiellement misanthropique.  Les  axiomes  imposés  par  les  Hobbes 
et  les  Darwin,  d'où  se  dégagent  des  idées  de  lutte  et  de  bataille, 
régissent  les  cerveaux  et  les  cœurs  de  ses  personnages.  Le  type 
sympathique,  il  l'ignore.  Il  pourrait  se  réclamer  de  Balzac  ou  de 
Stendhal;  plutôt  encore  de  ce  dernier. Il  en  a  l'âpreté  et  la  conci- 
sion d'observation;  la  sécheresse  quelquefois.  L'amour,  il  le 
subordonne  toujours  à  l'ambition,  au  désir  du  gain,  à  la  magie  de 
l'or.  Si  bien,  —  la  remarqué  en  est  faite  par  M.  Derely  —  que 
l'argent  devient  le  moteur  colossal  de  son  monde  de  personnages 
à  travers  l'action,  et  l'objectif  et  le  but  de  tous  leurs  efforts.  L'hon- 
neur, la  fierté,  la  tendresse,  la  bonté,  la  vertu,  fleurs  très  frêles 


Z' 


V 


UART  MODERNE    . 


227 


et  de  hasard  que  le  moindre  coup  de  soleil  du  midi  d'or  ei 
d'argent  sèche  comme  féluset  brindilles.  Pisemsky  croit  l'homme 
méchant,  brutal,  soupçonneux,  irailre,  lâche,  abusant  de  sa  force 
et  ne  se  développant  magnifiquement  comme  un  bel  animal  per- 
vers qu'en  ce  monde  moderne  russe,  où  tout  est  à  point  pour 
qu'il  soit  à  la  fois  très  barbare  et  très  hypocritement  civilisé.  Les 
braves,  les  courageux  et  les  bons  qui  sont  tels,  gratuitement  et 
par  volonté,  ou  bien  parce  qu'ils  sont  des  rêveurs  d'impossible, 
immédiatement  apparaissent  comme  des  dupes  ou  des  inutiles. 
L'immense  roue  écarlatc,  à  dents  noires,  de  la  destinée  humaine 
les  déchire  et  les  broie  avec  une  lenteur  tragique,  mais  sûre  — 
et  l'idée  naît  que  c'est  bien  fait,  puisque  cela  devait  être. 

De  ceci  résulte  que  le  théâtre  de  Pysemski  se  prouve  :  la 
mise  en  scène  des  batailles  de  l'intérêt  plutôt  que  des  duels  de  la 
passion.  C'est  le  point,  au  reste,  qui  différencie  spécialement 
notre  théâtre  de  ceux  qui  l'ont  précédé.  Il  est  des  drames  ou  la 
passion  seule  d'amour  lutte  contre  une  passion  d'amour  rivale  ; 
,d'autrcs  où  les  passions  s'empoignent  avec  la  fatalité  ou  avec  le 
devoir  ou  môme  simplement  avec  le  préjugé  de  l'honneur.  Les 
modernes  —  au  moins  les  réalistes  —  ont  remisé  la  passion  et 
le  devoir  et  l'honneur  pour  ne  plus  faire  agir  que  l'intérêt  et 
l'égoïsme.  El  l'Ecole  des  Veufs  est  un  chef-d'œuvre  incontestable 
qui  affirme  cette  remarque  nette. 

Qu'on  déplore  cette  tendance  et  qu'on  juge  les  caractères  mon- 
trés, sévèrement,  avec  des  idées' de  moralité  haule  et  vaillante, 
libre  aux  spectateurs  de  le  faire.  Ces  appréciations  n'entament 
point  la  valeur  artistique  de  la  pièce.  Que  le  théâtre  doive  mora- 
liser, c'est  au  prédicateur  et  non  pas  au  critique  dele  dire. 

Baal  est  l'histoire  d'une  femme  russe,  mariée  à  quelque  riche 
entrepreneur '.Alexandre  Gregorievitch,  chez  qui  arrive  un  simple 
délégué  du  conseil  provincial  :  MikhaélovitchMirovitch.Ce  dernier 
aime  Cléopâtre  Sergueievna  ;  elle  quitte  son  mari  riche  et  fripon, 
industriel  voleur  et  fourbe,  mais  millionnaire,  pour  suivre  son 
amant  pauvre.  Gregorievilch  les  maintient  dans  la  misère,  con- 
vaincu que  l'axiome :«  Une  chaumière  et  un. cœur  »,  n'est  qu'une 
phrase  de  roman.  La  suite  des  péripéties  dramatiques  lui  donne 
raison.  Cléopâtre  Sergueievna  lui  revient,  vaincue. 

Mirovitch  quitte  la  Russie,  et  ces  derniers  mots  renferment 
l'enseignement  :  «  Reçois,  Baal,  ces  deux  nouvelles  victimes, 
tourmente  et  déchire  leur  cœur  et  leur  âme,  dieu  sanguinaire 
aux  ongles  de  feu.  Bientôt  tous  t'adoreront,  en  ce  siècle  sans  idéal 
et  sans  espérance,  dans  ce  siècle  des  roubles,  de  cuivre  et  des 
fau*  assignats  ». 

Ce  pauvre  squelette  raclé  d'expositiond'une  pièce  ne  peut  en  rien 
donner  l'idée  de  la  force  des  nœuds  et  des  muscles  de  l'action. 
Comment  les  événements  s'agrafent  lentement  et  nerveusement, 
la  lecture  seule  le  renseigne.  Des  scènes  comme  des  eaux-fortes 
s'incrustent  dans  la  mémoire — et  les  protagonistes.  Surtout  ce 
vieux  malin  de  Grcgorievitch,  tour  à  tour  humble,  bas,  sournois, 
corrupteur,  lâche,  cruel,  rusé,  implacable,  qui  grandit  non  pas 
jusqu'au  type,  mais  certes  jusqu'au  personnage  inoubliable. 
Cléopâtre  est  la  femme  généreuse,  passionnée,  sans  volonté; 
Mikhaélovitch,  l'écrasé  et  la  victime.  Dans  Baal,  Pisemsky  fait 
exception  à  sa  règle  de  ne  mettre  en  lutte  que  des  intérêts.  Si 
Gregorievilch  est  un  homme  de  proie,  un  vrai  et  spécial  animal, 
l'autre,  ce^ui  vers  lequel  sa  femme  s'en  est  allée  est  un  exemple 
de  probité  et  de  cœur  franc.  Cléopâtre,  elle  aussi,  obéit  plus  à  ses 
sentiments  qu'à  son  égoïsmc,  mais  elle  finit,  domptée  par  lui  cl 
séduite.  Les  comparses  du  livre,  ne  comptent  guère.  Le  drame 


comme  la  Parisienne  de  Becque  est  un  drame  à  trois.  Il  est 
curieux  de  rapprocher  les  deux  données.  On  y  découvre  certes  la 
supériorité  de  l'écrivain  parisien,  quoiqu'il  y  ait  dans  l'écrivain 
russe  je  ne  sais  quelle  pitié  en  plus.  Moins  de  malice,  moins 
d'ironie,  moins  d'osprit  —  mais  plus  de  résignation  à  se  soumettre 
au  sort,  quel  qu'il  soit,  à  exposer  crûment  les  événements,  quitte 
à  plaindre,  fut-ce  U  l'aide  de  sous-onlendus,  ceux  qui  les  teintent 
en  noir.  Par  réflexion  on  préfère  l'un  ;  par  instinct  on  s'en  va  vers 
l'autre.  • 

Une  remarque  dernière.  Les  modernes  suppriment  impitoyable- 
ment de  leurs, œuvres  les  protagonistes  caricaturais.  Ceux  du 
second  empire,  les  Sardou,  les  Dumas,  les  Meilnac  et  même  les 
Feuillet,  déformaient  certaines  figures  jusqu'à  nous  les  montrer 
en  des  rôles  faisant  office  de  miroirs  convexes  ou  concaves. 
L'opérette  faisait  tache  d'huile  sur  leurs  manuscrits  de  drames  et 
de  comédies.  Pisemsky,  du  moins  dans  ces  pièces  de  marque, 
biffe  toute  caricature.  Il  reste  l'analyste  des  vices;  il  ne  devient 
jamais  leur  barnum;  Il  ne  bat  point  la  grosse  caisse  devant  des 
mannequins;  il  ne  leur  fait  point  tirer  la  langue,  ni  ne  les  coiffe 
d'un  chapeau  de  pitre.  Ainsi  réalise-t-il  la  vie  et  non  la  mascarade 
humaine. 

Son  théâtre  est  fait  d'observation  stricte,  de  pensée  aiguë, 
d'exactitude  profonde.  C'est  un  maître. 


LE  SALOA  LIBRE 

Les  gazettes  d'art  font,  à  Paris,  quelque  tapage  au  sujet  de  la 
création  projetée  d'un  Salon  libre,  où  chacun  exposerait  sans 
aucune  restriction  ce  qu'il  voudrait.  La  liberté  dont  nous  jouis- 
sons en  Belgique,  l'Indépendance  avec  laquelle  nos  Cercles  el 
groupes  divers  organisent  leurs  exposiiions,  nous  font  regarder 
ce  projet  comme  peu  nouveau.  Il  y  a  belle  lurette,  en  effet,  qu'on 
ne  s'offusque  plus,  à  Bruxelles,  d'une  hardiesse  de  sujet,  d'une 
audace  de  procédé  artistique,  liais  en  France,  où  les  artistes 
subissent  encore,  bien  plus  que  chez  nous,  l'asservissement  des 
jurys,  des  commissions,  des  intlucnces  officielles,  l'organisation 
d'un  Salon  libre  peut  être  salutaire.  Voici  d'ailleurs  comment 
ceux  qui  en  ont  eu  l'idée,  présentent  leur  projet  : 

Le  Salon  libre,  dont  l'idée  est  due  naturellement  à  des  jeunçs 
peintres,  sera  un  Salon  où  la  censure  ne  s'exercera  jamais  que 
sur  la  forme.  L'artiste  sera  libre  de  traiter  tel  sujet  qui  lui  plaira 
et  comme  il  lui  plaira;  on  n'exigera  que  du  talent. 

Avec  le  système  d'un  Salon  public,  il  est  des  œuvres  qu'il  est 
iftconvenant  ou  que  l'on  croit  inconvenant  d'exposer.  Le  jury  est 
tenu  à  certaines  réserves  et  à  certaines  pudeurs.  Moins  fern^  que 
jadis  aux  -manifestations  hardies,  il  est  encore  l'esclave  de  quel- 
ques conventions.  Il  ne  refuserait  plus  la  femme  énamourée  de 
Clésinger,  la  Diane  de  Houdon  ou  telle  étude  de  Courbet;  dans 
un  ordre  plus  vulgaire,  il  se  montrerait  pèut-êlre  moins  effarouciié 
devant  des  scènes  à  tendances  comme  celles  que  peignait  trop 
volontiers  M.  Jules  Garnier.  Depuis  qu'il  refusait  une  Salammbô 
en  coquellerie  avec  son  serpent  bien-aimé  et  la  Rolla  do  Gervex,  - 
il  a  accueilli  une  certaine  femme  au  masque  du  même  Gervex  et 
autrement  lascive  que  la  i?o//<z.  Toutefois,  son  libéralisme  obéit 
encore  à  des  considérations  telles^  que  M  Raffaëlli  aurait  risqué 
de  voir  refuser  le  chaste  coin  de  maison  Tcllier,  qu'il  expose  en 


228 


UART  MODERNE 


privé  sur  le  boulevard  à  côlé  d'œuvres  si  puissammenl  originales, 
et  que  Degas  eûl  vu  expulser,  pour  outrage  aux  mœurs,  plusieurs 
de  ses  femmes  à  leur  loilelle. 

On  connaît  cespn5jugés  dans  le  monde  des  artistes,  'et  on  s'y 
soumet.  On  ne  s'expose  pas  de  gaîlé  de  cœur  à  un  blackboulage, 
toujours  pénible  lorsqu'on  a  la  discrétion  de  ne  pas  jouer  de  la 
réclanie.  Si  l'on  a  l'idée  d'une  œuvre  dont  l'action,  la  pensée 
pourraient  déplaire,  on  ne  l'exécute  point,  quelqu'intérêt  qu'on 
trouverait  à  son  exécution.  Ou  st  on  l'exécute,  on  triche,  on  se 
guindé.  Celte  contrainte  ne  s'exerce  que  dans  des  cas  déterminés, 
assez  rares,  mais  elle  s'exerce  et  cela  suffit  à  la  condamner.  Elle 
a  atteint  des  artistes  véritables  qui,  dominés  par  une  idée  d'art 
supérieur,  auraient  pu  donner  contre  toute  hypocrisie,  une  toile 
ou  un  marbre  dont  l'idéalisme  audacieux  aurait  été  acceptable 
sous  la  caution  du  talent. 

Ce  serait  une  erreur  de  s'imaginer  que  le  nu  seul  paie  son 
tribut  à  la  morale""  courante,  qui  va  tous  les  jours,  d'ailleurs,  se 
relâchant  un  peu  de  son  rigorisme.  On  a  expulsé  du  Salon  des 
toiles  militaires  de  Détaille  autrefois,  pour  des  raisons  diploma- 
tiques :  il  ne  fallait  pas  donner  à  l'Allemagne  motif  de  se  plaindre. 
On  a  mis  à  l'interdit  des  tableaux  politiques,  qui,  ainsi  expulsés 
ont  fait  un  tapage  hors  de  mesure.  Le  Salon  libre  les  admettrait. 
11  admettrait  le  Boutet  de  Monvel,  qui  est  une  satire  anti-répu- 
blicaine, la  nature  morte  anti-ministérielle  de  M.  Castellani,  et 
tous  les  Boulanger  de  ceux-ci  ou  de  ceux-là,  s'ils  étaient  bien 
peints.  Et  le  public  dirait  :  «  Penh  !  n'est-ce  que  cela  ?  »  Car  la 
liberté  ôte  au  scandale  son  piquant  et  le  rend  par  là>inoffensif. 

Sans  doute,  le  Salon  libre,  ainsi  entendu,  ne  devrait  qu'être 
entrebaillé  ;  on  y  entrerait  gratuitement,  par  invitation,  comme  on 
va  au  Théâtre- Libre.  On  serait  chez  soi  et  entre  soi.  Les  specta- 
teurs, prévenus,  n'auraient  pas  h  s'indigner  pour  quelques 
touches  un  peu  crues,  pour  quelques  vérités  franchementdites, 
pour  quelques  accents  crânement  poussés.  C'est  un  dangljj^qui 
n'est  pas  à  prévoir.  Les  organisateurs  qui  resteront  —  croient-ils 
—  disciples  du  beau,  sans  préoccupations  étrangères  à  l'art  pur, 
sans  provocation  à  la  curiosité  malsaine,  sont  certains  que  si  le 
public,  qui  se  disputera  les  invitations,  se  plaint,  ce  sera  de  leur 
trop  grande  retenue. 

La  pudeur  a  ses  saisons  et  s,es  latitudes;  elle  s'offusquerait 
d'un  déshabillé  le  matin  qu'elle  tolérerait  le  plus  outragcux 
décolletage  le  soir  ;  elle  trouverait  parfaitement  convenable  chez 
M.  Antoine  ce  qu'elle  ne  supporterait  pas  chez  M.  Koning. 
•  Mais  il  faut  appuyer  sur  ce  fait,  que  ces  artistes  ne  veulent  pas 
faire  une  exposition  d'arrière-boulique,  qu'ils  ne  veulent  pas 
montrer  une  Nana  ou  une  Danac  visible  pour  les  hommes  seule- 
ment. Ils  se  défendent  de  glisser  à  l'obscénité  et  évidemment  ils 
ne  seront  pas  obscènes  s'ils  ont  du  talent,  le  talent  n'étant  jamais 
obscène  —  pas  plus  chez  l'Eve,  si  naïvement  nue  du  Tintorct, 
que  cheWcs  filles  dévoilées  brutalement  par  le  crayon  sans 
hypocrisie  de  Rops;  pas  plus  dans  les  fresques  du  Vatican  que 
dans  les  gimblettes  des  gracieux  polissons  du  xviik  siècle. 

Le  Salon  libre  demande  à  faire  ce  qu'il  voit,  et  tout  ce  qu'il 
voit  —  simplement. 

On  prévoit  les  écueils.  «  Il  y  aura  la  première  année,  nous 
disait  M.  Bloch  (secrétaire  du  groupe  provisoire,  qui  reçoit  les 
adhésions  et  qui  en  a  déjà  plus  de  dSO),  il  y  aura  une  évidente 
exagération,  mais  cela  se  passera  ;  on  arrivera  à  une  conception 
très  franche,  mais  aussi  très  acceptable,  on  arrivera  à  une  bonne 
moyenne  d'audace,  que  tout  artiste  soucieux  de  sa  renommée  se 


refusera  à  franchir.  Ce  ne  sera  pas  le  musée  secret,  ce  ne  sera 
q^e  le  Salon  libre.  Vouloir  affranchir  l'art  des  quelques  conventions 
parfaitement  superflues  et  qu'on  sera  d'ailleurs  toujours  à  même 
d[observer,  ce  n'est  pas  élever  un  autel  à  la  pornographie  ». 


!PlBX.IOqï\y^PHIE 

Loi  générale  des  réactions  psychp-motriôes,  par  M.  Charles 
Henry,  bibliothécaire  de  lUniversité.  (Publication  de  l'Association 
française  pour  l'avancement  des  sciences.  —  Parjs,  au  secrétariat 
de  l'Association,  rue  Serpense,  28.  —  Broch.  de  37  p.,  petit  in-4°). 

Dans  un  mémoire  Sur  une  loi  générale  des  réactions  psycho- 
motrices, M.  Charles  Henry  présente  d'abord  une  classification 
des  sensations  fondée  sur  ses  nouveaux  principes.  Il  les  dislingue 
en  quatre  catégories  :  1°  sensations  de  son,  de  lumière,  de  poids, 
de  travail  musculaire  ;  2"  sensation  de  couleur-pigment,  d'odeur 
cl  de  saveur;  S"  sensation  de  forme;  4»  sensation  de  température. 
Pour  l'ensemble  de  ces  sensations,  mais  avec  des  modifications 
dans  la  forme  des  unités  suivant  la  catégorie  de  la  sensation,  il 
ressort  de  l'expérience  une  loi  générale  des  accroissements 
ou  des  diminutions  des  réactions  motrices,  corrélatifs  au 
plaisir  ou  à  la  peine  produits  chez  des  sujets  normaux  par  des 
variations  d'excitation.  Parfois,  ces  variations  des  réactions 
motrices  sont  trop  petites  pour  être  facilement  mesurées  :  dans 
ces  cas,  considérant  que  la  douleur  détermine  de  l'hyperes- 
thésie,  l'auteur  dose  l'anesthésie  ou  l'hyperesthésie  consécutive  à 
cette  variation  d'excitation,  en  recherchant  les  variations  soit  du 
minimum  perceptible,  soit  de  la  fraction  différentielle,  c'est-à- 
dire  de  la  quantité  d'excitation  nécessaire  à  un  nouveau  degré  de 
la  sensation.  Tous  les  degrés  du  plaisir  et  de  la  peine  en  présence 
d'objets  bien  définis  sont  ainsi  précisables  par  des  nombres  et  il 
sera  possible  d'en  prévoir  non  seulement  le  sens,  mais  les  quan- 
tités respectives.  Dans  ce  mémoire  l'auteur  nous  ofiFre  une  appli- 
cation curieuse  de  ses  méthodes  à  des  problèmes  d'ordre  phy- 
sique. Ayant  précisé  la  catégorie  des  réactions  subjectives 
correspondant  à  l'odorat  et  au  goût,  il  montre  comment,  en  pre- 
nant pour  guide  le  sens  de  ces  réactions  convenablement  précisées, 
on  pourra  sans  doute  arriver  par  un  grand  nombre  d'expériences 
sur  des  sujets  normaux  à  préciser  des  nombres  caractéristiques 
de  l'odorance  et  de  la  sapidité.  Ces  méthodes  peuvent  également 
conduire  à  des  résultats  mathématiques  puisqu'elles  consistent 
dans  la  délerminaliî)fl-^es  convenances  d'un  être  intelligent, 
mathématique,  doué  d'un  mécanisme  simple  qui  lui  sert  à  repré- 
senter des  nombres  par  une  symbolique  spéciale. 


Athlètes  et  Psychologues, 

par  Hugues  Rebell.  —  Paris,   Léon  Vanier,  1890. 

En  une  plaquette  de  quinze  pages,  M.  Hugues  Rebell  raille 
amèrement  l'optimisme  de  ceux  que  les  sports  athlétiques 
passionnent  et  qui  espèrent  y  trouver  la  régénérescence.  Guerre 
au  Lendit  !  Et  cette  conclusion  :  «  Laissez-nous  à  nos  analyses,  à 
nos  songes,  à  notre  pessimisme.  Notre  vie  intérieure  est  plus 
digne,  plus  calme,  peut-être  plus  utile  que  la  vie  toute  physique 
dés  hommes  faits  que  vous  nous  annoncez.  Ceux-là,^our  vouloir 


^  - 


.  ) 


réaliser  quelque  chose  sur  la  terre,  sont  condamnés  à  des  déboires 
continuels,  à  de  nonnbreux  ennuis. 

«  Nous,  au  moins,  demeurant  avec  nos  livres  eldans  la  solitude, 
nous  aurons  la  consolation  de  nous  dire  à  notre,  mort  que  nous 
avons  fait  moins  de  mal  que  d'autres  et  goûté  dans  l'Art  quelques 
moments  d'un  bonheur  pur  et  complet.  » 


Le  Musée  des  Beaux-Arts,  à  Anvers. 

Un  journal  français,  le  Moniteur  des  Arts,  donne  des  détails 
très  complets  sur  l'installation  du  nouveau  Musée  des  Beaux- 
Arts  d'Anvers,  qui  sera  inauguré  le  26  de  ce  mois  : 

Le  nouveau  musée  est  un  monument  de  vastes  proportions, 
dans  le  caractère  des  temples  néo-grecs;  il  a  été  construit  sur 
les  projets  combinés  de  MM.  Winders  et  Van  Dyck.  Un  square 
précède  l'édifice.  Dans  ce  square  seront  placés,  dans  quelque 
temps,  les  groupes  équestres  et  les  quadriges  commandés  à 
Thomas  Vinçotte. 

Sur  la  façade  principale,  les  sculpteurs  Dupuis,  Ducaju,  Fabri 
et  Pleyn,  achèvent  de  tailler  sur  place  les  quatre  statues  monu- 
mentales qui  leur  ont  été  demandées. 

•  Quelques  salles  sont  déjà  garnies.  On  n'a  établi  aucune  classe 
pour  le  placement  des  toiles.  On  avait  d'abord  songé  à  affecter 
un  compartiment  spécial  aux  académiciens.  Mais  on  a  renoncé  à 
celte  idée  pour  prévenir  la  monotonie  résultant  de  la  juxtaposi- 
tion d'œuvres  à  tendances  communes.  Les  tableaux  ont  donc  été 
répartis  un  peu  partout. 

Un  escalier  monumental,  dont  M.  Van  Beurden  a  sculpté  les 
quatre  cariatides  de  marbre  blanc  et  dont  les  murs  sont  ornés 
des  peintures  de  feu  De  Keyser,  conduit  aux  salles  de  peinture. 

Dans  la  première  salle,  la  plus  petite,  se  trou,vent  des  œuvres 
d'une  valeur  considérable.  C'est,  d'abord,  l'admirable  portrait  de 
Martin  Devos,  un  chef-d'œuvre  confié  en  dépôt  par  les  hospices 
d'Anvers.  Puis,  encore,  le  portrait  de  Gevartius,  par  Rubens,  la 
réduction  de  la  Descente  de  Croix;  les  esquisses  de  chars  et 
d'arcs  de  triomphe  brossées  par  lui  à  l'occasion  de  la  joyeuse 
entrée  d'Albert  et  d'Isabelle;  le  Christ  de  Van  Dyck.  Enfin, 
d'autres  Rubens,  le  triptyque  de  Saint-Thomas  au  Christ  gras, 
avec  les  admirables  portraits  du  bourgmestre  et  de  sa  femme  et 
le  tableau  de  la  famille  de  KnyfF  :  Vénus  et  l'Amour,  racheté 
très  cher  à  M.  Allard,  de  Bruxelles. 

Dans  une  autre  salle  se  trouvent  :  le  Christ  en  croix  et 
L'Adoration  des  Mages. 

Un  certain  nombre  de  salles  constituent  le  musée  moderne  qui 
vient  de  s'enrichir  de  cinq  tableaux  offerts  par  M.  Arthur  Van  der 
Nest,  échevin  des  Beaux-Arts  :  un  sujet  espagnol,  de  Van  Beers; 
une  vue  d'Anvers,  de  Piet  Verhaerl;  des  chiens,  de  Stobbaerts; 
un  tableau  moyen-âge  de  Cleynhens  et  un  portrait  par  Wiertz. 
Tout  récemment  la  ville  a  fait  l'acquisition  d'un  grand  paysage 
de  Keelhof.  Enfin,  M.  JanCVan  Beers,  vient  d'envoyer  au  musée 
son  beau  portrait  de  Peter  Benoit. 

Dans  les  salles  du  musée  ancien  doivent  prendre  place  le 
Saint  Fi'ançois  d'Assises  de  Rubens,  et  quatre  Jordaens. 

Dans  la  même  salle  sera  placé,  encadré  dans  un  entourage 
sculpté  d'après  les  dessins  de  M.  Backelmans,  r(i:tcur  de  l'Aca- 


démie des  Beaux-Arts,  le  fameux  Christ  au  Tombeau  de  Quentin 
Metsys,  flanqué  de  ses  volets  merveilleux. 

Puis,  dans  d'autres  salles  :  Le  Jugement  dernier  de  Van 
Orley;  des  triptyques  de  Kcyni,  De  Vos,  etc. 

Une  salle  a  ^té  spécialement  réservée  aux  maîtres  hollandais. 
On  y  mettra  les  Rembrandt,  les  Frans  Hais,  les  Micris,  les  Metsu, 
les  Terburg,  etc. 


UNE  LETTRE  DE  THÉOPHILE  GAUTIER, 

SUR  LES  PEINTRES  FLAMANDS   . 

La  voici  :  Elle  est  de  d838;  rien  que  ça  !  C'est  M.  Bonnaffé  qui 
la  rapporte  dans  sa  préface  du  catalogue  de  la  vente  Pioi.  Elle 
est  adressée  à  ce  Piqt  qui  allait  partir  pour  la  Belgique  et  l'Alle- 
magne. Elle  contient  de  très  exactes  pensées  j)Our  ce  temps  loin- 
tain et  qui  ressemblent  beaucoup  aux  trouvailles  d'aujourd'hui. 
Elle  contient  aussi  beaucoup  de  fautes  d'orthographe  dans  les 
noms;  mais  à  celle  époque  on  savait  encore  si  peu  sur  nos 
vieux  peintres.  C'est  ce  qui  rend  plus  curieuses  les  appréciations 
de  Gauiier,  qui,  vraiment  en  cela  précédait  son  temps. 

«  Mon  cher  Eugène,  tu  me  demandes  quelques  explications; 
je  te  dirai  ce  que  je  sais.  11  faut  voir  à  Cologne  beaucoup  d'.AIbert 
Diirer,  d'Hemlinck,  de  Quantin  Maisys,  de  Franz  Flore, d'Holbein, 
de  Lucas  de  Leyde,  de  Jean  de  Bruges  et  autres  de  l'école  alle- 
mande et  religieuse. 

M  Quant  au  Vander  Werf,  ne  t'en  préoccupe  pas  autrement  ; 
c'est  à  peu  prc"s  un  cuistre  qui  a  appliqué  h  l'histoire  la  manière 
de  Drolling  et  qui  recure  ses  personnages  comme  des  casseroles. 
Gérard  Dow  vaut  mieux  infiniment,  mais  si  tu  trouves  des  Mclzu 
et  des  Terburg,  regarde-les  ît  deux  fois.  Tâche  de  découvrir  des 
Adrien  Brawer  et  des  Craèsbeck,  je  ne  connais  rien  de  ces  maîtres. 
Si  tu  rencontres  un  Everdingen,  fais  m'en  deux  pages  de  descrip- 
tion ;  c'est  un  maître  dans  le  goût  de  Salvalor  Rosa.  J'ai  vu  une 
Cascade  de  lui,  à  la  vente  Jrard,  —  magnifique.  On  dit  aussi 
qu'il  y  a  par  là,  à  la  Haye,  Dordrechl  ou  je  ne  sais  où,  des  Rem- 
brandt clairs  et  blonds  comme  de  l'or  ;  attention  triple  sur 
ceux-là.  Le  portrait  de  l'amiral  Tromp  et  de  sa  femme  faisait 
l'effet  du  plus  beau  Paul  Véronèse. 

«  A  Dûsseldorf,  ouvre  les  yeux  comme  des  portes  cochères,  ou 
comme  des  arcs  de  triomphe,  pour  voir  (a  Précipitation  des  A  nges 
de  Rubens;  c'est  un  diamant  de  couleur.  Celte  immensité  n'a  que 
quatre  ou  cinq  pieds  de  haut.  Je  crois  que  le  Passage  du  Ther- 
madon  s'y  trouve  aussi. 

TTEn  peintures  modernes,  il  y  a  Schadow,  Bendemann.  Hubncr 
et  Sunderlapd,  ce  dernier  très  bizarre.  H  applique  le  style  de 
Michel-Ange  à  des  sujets  de  marchands  de  poissons  et  autres 
scènes  de  ce  genre.  • 

«  Quant  à  la  manière  de  prendre  des  notes  sur  ces  peintures,  il 
faut  décrire  exactement  et  insister  sur  les  côtés  singuliers  et  carac- 
téristiques de  chaque  peintre,  faire  à  peu  près  ce  que  je  fais  pour 
donner  idée  d'un  tableau  ^peu  de  réflexions, de  verbiage  et  d'idées 
synthétiques;  la  chose, la  chose  et  toujours  la  chose.  A  Anvers,  des 
Rubens,  des  Jordaens,  des  Van  Dick  ;  à  Bruxelles*  des  Rubens, 
des  Jordaens,  des  Van  Dick;  à.Gand,  des  Rubens,  des  Jordaens, 
des  Van  Dick  ;  et  partout  ainsi.  C'est  cfl'rayant.  Ou  les  trois  quarts 
de  ces  tableaux  sont  apocryphes,  qu  nous  sommes  devenus  de 


230 


LkRT  MODERNE 


fiers  lâches  ;  car  irente  peintres  modernes  ne  feraient  pas  dajjs 
toute  leur  vie  la  moitié  de  l'œuvre  d'un  de  ces.maitres.  Essaie  dé 
distinguer  les  plus  gros  et  d'établir  un  type  certain  de  ces  trois 
maîtres.  Voilà*  peu  près  le  plan  de  la  campagne  pittoresque. 
Excuse  mon  gribouillage,  je  n'ai  pas  encore  la  patte  bien  libre. 
— ■  Je  te  salue,  ô  Piot  plein  de  grâces.  »  / 


Chronique  judiciaire  de^  ^rt3 

L'affaire  GouiBré  ou  la  Malle  sanglante. 

Nous  avons  sommairement  relaté,  dans  notre  dernier  numéro, 
le  procès  intenté  à  Marseille  par  M.  Jcan-Bapiiste  Eyraud,  le  frère 
du  trop  célèbre  Michel.  Nous  croyons  utile  de  publier  intégrale- 
ment l'ordonnance  intervenue,  en  raison  du  vif  intérêt  juridique 
qu'elle  présente.  La  voici  : 
~^«  Nous,  Président  ; 

En  fait  : 

Attendu  que  depuis  quelques  jours  les  sieurs  Demolins  et 
Pompéi,  directeurs  du  «  Palais  de  Cristal  »,  font  jouer  sur  la 
scène  de  leur  établissement  une  pantomime  qui  a  pour  titre  : 
l'Affaire  Gouffé  ou  la  Malle  sanglante,  qui  expose  aux  regards 
du  public  un  drame  sanglant  dont  toute  la  presse  s'est  occupée; 
«lue,  parmi  les  personnages  mis  en  scène,  figure  Eyraud,  inculpé', 
comme  auteur  principal  du  meurtre  de  Gouffé; 

Attendu  que  J.-B.  Eyraud,  frère  de  Michel,  se  prétendant  lésé, 
aussi  bien  par  la  pantomime  que  par  l'exposition  d'un  tableau 
placé  à  l'entrée  du  «  Palais  de  Cristal  »,  demande  la  suppression 
dudit  tableau  et  l'interdiction  du  jeu  de  la  pantomime; 

Attendu  qu'aux  noms  de  Demolins  et  Pompéi  on  a  soutenu  : 
1°  que  le  juge  des  référés  n'était  pas  compétent  pour  connaître  de 
l'action  de  J.-B.  Eyraud;  2"  que  ce  dernier  n'était  pas  rccevable 
et  que,  dans  tous  les  cas^son  action  n'était  pas  fondée  ; 

Sûr  le  premier  point  : 

Attendu  que  le  juge  des  référés  est  toujours  compétent  quand 
il  s'agit  de  mettre  obstacle  à  un  dommage  qui  s'accomplit  à  toute 
heure  et  qui  lèse  les  intérêts  ou  l'honneur  de  quelqu'un  ;  que, 
dans  l'espèce,  les  exhibitions  malsaines  du  Palais  de  Cristal  ren- 
trent dans  cet  ordre  d'idées; 

Sur  le  deuxième  point  ■• 

Attendu  que  J.-B.  Eyraud  n'est  pas  nommément  mis  en  scène 
mais  qu'il  s'agit  du  nom  d'un  des  membres  de  sa  famille,  repré- 
senté comme  le  véritable  auteur  de  l'assassinat  de  l'huissier 
Gouffé;  que  c'est  le  nom  qu'il  porte  lui-même  qui  est  ainsi  jeté 
en  pâture  à  la  curiosité  du  public  et  qu'à 'ce  litre  il  est  fondé  à  se 
plaindre,  car  tout  fait  de  l'homme  qui  porte  préjudice  à  autrui 
donne  action  en  justice  à  celui  qui  en  est  victime; 

Sur  le  troisième  point  ;       > 

Attendu  que  le  demandeur  ne  peut  se  plaindre  que  du  dom- 
mage qu'il  éprouve  par  la  reproduction  de  son  nom  sur  les 
affiches  et  dans  1^  représentation  du  drame;  mais  qu'il  ne  saurait 
agir  au  nom  des  autres  personnages  qu'il  n'a  point  qualité  de 
représenter  ;  qu'il  ne  peut  pas  agir  non  plus  au  nom  de  la  morale 
publique  qui  a  ses  défenseurs  légaux  el  naturels; 
Par  ces  motifs. 

Statuant  en  référé  : 

Nous  déclarons  compétent  ;  n 


Et,  ayant  tel  égard  que  de  raison  aux  fins  el  conclusions  des 
parties; 

Ordonnons  que  les  sieurs  Demolins  et  Pompéi  seront  tenus  de 
supprimer  dans  la  représentation  de  la  pantomime  qui  a  pour 
titre  :  l'Affaire  Gouffé  ou  la  Malle  sanglante,  le  nom  de  Michel 
Eyraud,  de  supprimer  également  ce  nom  sur  leurs  affiches, 
tableaux,  ou  placards  et  programmes,  sous  peine  de  dommages- 
intérêts  que  nous  évaluons  à  20  francs  par  chaque  jour  de  relard  ; 

Les  condamne  aux  dépens  avec  exécution  sur  minute  ». 


Commissions  sur  les  engagements  de  thé&tre 

Le  tribunal  civil  de  Berlin  vient  de  rendre  un  jugement  qui 
intéresse  tout  .particulièrement  le  monde  des  agences  théûtrales. 
II  établit  la  nullité  de  certains  contrats  par  lesquels  une  jeune 
artiste,  nouvelle  dans  la  carrière,  s'oblige  à  verser  à  l'agent  qui 
lui  a  procuré  son  premier  engagement  une  commission,  non 
seulement  sur  le  bénéfice  de  cet  engagement,  mais  encore  sur 
tous  ceux  qu'elle  réalisera  dans  le  cours  de  sa  carrière.  Le 
tribunal  considère  une  pareille  convention  comme  «  contraire  à 
la  morale  »  et  indigne  d'une  sanction  légale. 


Partitions  manuscrites.  —  Contrefaçon. 

Le  tribunal  correctionnel  de  Reims  vient  de  juger  que  la  repro- 
duction manuscrite  d'une  partition  d'opéra  et,  en  général,  de 
toute  œuvre  littéraire. ou  artistique,  constitue  une  contrefaçon, 
el  que  le  directeur  qui  fait  exécuter  cet  opéra  sur  son  théâtre,  à 
l'aide  de  partitions  manuscrites,  se  rend  coupable  du  même  délit. 

Ce  jugement  est  intervenu  à  la  requête  d'un  certain  nombre 
d'éditeurs  de  musique  qui  avaient  fait  saisir  entre  les  mains  de 
M.  Vilanou,  directeur  du  Grand-Théâtre  de  Reims,  des  copies 
manuscrites  de  partitions  et  de  parties  d'orchestre. 

Le  tribunal  de  Reims  a  donc  condamné  le  prévenu  k  une 
amende  et  à  des  dommages-intérêts  enverâ  les  plaignants. 


Mémento  des  Expositions  " 

Arnhem  (Pays-Bas).  —  15  juilIet-15  septembre.  Délai  d'envoi 
expiré.  —  Renseignements  :  M.  A.-C.  Fan  Daelen,  secrétaire 
(le  la  Commission  directrice  de  l'exposition  des  Beaux- Arts,  à 
Arnhem. 

Bruxelles.  —  Salon  triennal,  15  septembre-15  novembre. 
Délai  d'envoi  :  il  août.  (Gratuité  de  tran.^ort,  aller  et  retour, 
sur  le  territoire  belge,  pour  les  œuvres  expédiées  par  chemin 
de  fer,  grande  vitesse,  tarif  n°  2).  Renseignements  :  Commission 
directrice  de  l'Exposition  générale  des  Èeaux-Arts,  Bruxelles. 
{Secrétaire  :  M.  Stiénon). 

Dresde.  —  Exposition  du  Cercle  artistique  :  aquarelles, 
pastels,  dessins  et  eaux-fortes,  sous  le  protectorat  du  roi  de 
Saxe.  Les  invitations  et  prospectus  seront  envoyés  prochainement. 

EvREUx.  —  1"  juillet-31  août.  Délai  d'envoi  expiré.  Ren- 
seignements :  M.  Bérissay,  vice-président  de  la  Société  des 
Amis  des  arts,  atelier  Denet,  rue  Buzet,  Evreux. 

Fontainebleau.  —  4*  exposition  annuelle.  1«'  aoûl-30  septem- 
bre; Délai  d'envoi  expiré.  -^  Renseignements  :  M.  Weber, 
secrétaire  général.  Grande  Rue,  Fontainebleau. 

Le  Havre.  —  1"  août-|}0  septembre.  Délai  de  dépôt,  rue  de 
Gaillon  16.  —  Expiré. 

Milan.  —  Exposition  triennale  des  Beaux-Arts.  —  l"-30  juin 
1891.  —  Trois  prix  de  4,000  francs  chacun,  fondés  par  le 
roi  Humbert,  décernés  à  la  peinture  et  à  la  sculpture.  Trois  prix  de 
4,000  francs  chaci'n,  fondés  par  Saverio  Fumagalli,  décernés  à  la 


< — 


'      . 


sculpture,  h  la  peinture  religieuse,  liistorique  ou  de  genre.  Un 
prix  dc4,000  francs,  fondé  par  Antonio  Gavazzi,  décerné  àla  pein- 
turé historique.  Médailles  et  diplômes.  —  Les  demandes  d'admis- 
sion devront  être  adressées  au  président,  M.  Emile  Visconii- 
Venosta,  à  l'Académie  des  Beaux-Arts  de  ^ilan. 

Paris.  ^ —  Quatrième  expositfon  internationale  de  Blanc  et  Noir 
(pavillon  de  la  ville  de  Paris).  Dessins  au  crayon,  à  la  plume,  au 
lavis,  sanguines,  fusains,  gravures  au  burin,  eaux-fortes,  gravures 
sur  bois,  lithograpliics,  etc.  —  i''''  octobrc-30  novembre  4890. — 
Envqis  :  1-5  septembre.  \-  Renseignements  :  M.  E.  Bernard, 
directeur,  71,  rue  de  la  Comamine,  Paris. 


fETITE    CHRO^IIQUE 

Le  n"  27  du  Japo7i  artistique  contient  une  étude  de  M.  H.  Tro- 
wcr  sur  les  Netsuké,  ces  charmants  'petilsl  objets  de  bois  ou 
d'ivoire  sculpté  qni  faisaient  partie  du  costume  des  Japonais  au 
siècle  dernier,  et  que  les  amateurs  admirent  et  recherchent  avec 
passion. 

Parmi  les  planches  hors  texte,  une  gracieuse  idylle  par  Haru- 
nobou,  un  paysage,  des  ivoires,  des  gardes  de  sabre  en  fer, 
etc.,  etc. 

On  vient  de  placer  au  Musée  du  Luxembourg,  qui  ne  contenait 
jusqu'ici  que  des  oyvragcs  de  peinture,  de  sculpture  et  des  des- 
sins, deux  cadres  de  médailles.  Les  unes  sont  gravées  par  M.  Cha- 
plain,  les  autres  par  M.  Roty.  Elles  ont  été  choisies,  originaux  et 
copies,  dans  le  meilleur  de  l'œuvre  de  ces  deux  maîtres. 

Chacun  de  ces  deux  cadres  renferme  une  cinquantaine  de  spé- 
cimens. 


Le  eorrespondarit  parisien  de  CEventail  donne  sur  M.'Mévisto 
(de  son  vrai  nom  Wistaux),  que  nous  avons  plusieurs  fois 
apprécié  à  Bruxelles,  lors  des  représentations  du  Théâtre-Libre, 
d'intéressants  détails  biographiques,  y 

Camarade  d'enfance  d'Antoine,  iFcréa  au  Théâtre-Libre  :  En 
famille  de  Méténier  (rôle  d'Auguste  Paradis),  l'Evasion  de  Villiers, 
la  Sérénade  de  Jean  Jullien  (rôle  de  M.  Cottin),  la  Puissance  des 
Ténèbres  de  Tolstoï  (rôle  de  Nikita),  l Amante  du  Christ  de 
Darzens  (rôle  de  Jésus),  la  Patrie  en  danger  de  Concourt  (rôle  de 
Perrin). 

A  la  Porte-Sainl-Marlin,  le  rôle  du  «  Roussot  >>  de  la  Grande 
Marnière  lui  valut  un  triomphe,  et  la  façon  dont  il  interpréta 
Clioppart  du  Courrier  de  Lyon  lui  concilia  la  sympathie  de 
quiconque  apprécie  l'effort,  la  volonté  de  bien  faire  et  la  lutte 
d'une  nature  contre  les^uvenirs  glorieux  ou  réputés  tels. 

De  la  Porlc-Sainl-Martin,  Mévisto  est  allé  à  l'Odéon,  sur  la 
prière  de  M.  Porel,  qui  est  venu  au  devant  de  lui  et  ne  lui  a  pas 
confié  uq  seul  rôle. 

L'artiste  qui  a  des  moyens  à  lui,  des  effets  à  lui,  une  esthétique 
théâtrale  à  lui,  —  il  l'a  prouvé  souvent  et  surtout  dans  Ravaillac 
à  la  Tour  de  Nesie,  sa  plus  belle  création  peut-être,  —  l'artiste 
n'a  pas  accepté  la  technique  classique  et  Porelienne  que  préten- 
dait lui  imposer  son  directeur. 

Aussi  a-t-il  lâché  l'Odéon. 

On  reverra  l'hiver  prochain  Mévisto  aux  Menus-Plaisirs  dans 
le  rôle  de  Coupeau  de  l'Assommoir. 

Eu  somme,  l'ami  d'Antoine  et  l'ennemi  de  Porel  est  un\garçon 
de  réel  avenir,  s'il  continue  à  se  montrer  toujours  indépendant  et 


si    son   talent    conserve    sa   marque    personnelle    de   vibrante 
originalité. 

Mévisto  n'a  pas  un  «  physique  m  déduisant;  sa  voix  est  rauque, 
voilée  et  ne  «  porte  »  pas,  sauf  dans  les  effets  contenus,  amortis, 
étouffés,  où  elle  acquiert  alors  une  intensité  d'expression  péné- 
trante.     '  ■      • 

Mévisto  joue  comme  il  voit,  comme  il  sent  ;  il  a  des  théories 
spéciales,  révolutionnaires,  très  intéressantes  sur  la  manière  de 
dire  le  vers. 

Il  est  l'ennemi  de  toute  concession  aux  préjugés,  aux  conven- 
tions du  théâtre,  il  a  l'horreur  du  Conservatoire  et  il  adore  le 
classique  qu'il  comprend  en  moderne. 

Signe  particulier  :  professe  la  plus  haute  estime  pour  le  taleht  - 
de  tragédien  de  M,  Mounct-Sully. 

Un  double  monument  commémoratif  du  peintre  Henri  Régnault 
vient  d'être  placé  simultanément  à  l'Ecole  des  Beaux-Arts,  à 
Paris,  et  à  la  villa  Médicis,  à  Rome.  Ce  monument  est  composé 
d'une  plaque  de  marbre  noir  sur  laquelle  est  fixé  le  masque  en 
bronze  de  l'artiste  ;  une  palme  et  une  branche  de  chêne,  égale- 
ment en  bronze,  encadrent  la  figure. 

Une  statue  de  Voltaire,  œuvre  du  sculpteur  Lambert,  sera 
inaugurée  très  prochainement  à  Ferney-Voltaire,  dans  le  pays 
de  Gex.  ^ 

M.  Le  Rover,  président  du  Sénat,  présidera  la  cérémonie 
d'inauguration.  "    . 

Deux  autographes  de  Beethoven,  exposés  actuellement  à 
Bonn  :  ' 

«  Le  public  est  un  souverain  qui  veut  être  adulé  si  l'on  veut 
se  le  rendre .favorablejj'art  vrai,  pourtant,  est  obstiné  et  ne  se. 
laisse  pas  imposer  l'adulation.  Les  ar^sles  de  valeur  sont  toujours 
inquiets;  leurs  premières  œuvres  sont  généralement  les  meil- 
leures, alors  qu'elles  sont  obscures.  On  dit  que  l'art  est  long  et 
que  la  vie  est  brève  ;  c'est  la.vie  qui  est  longue  et  l'art  qui  est 
bref.  » 

«  0  vous  qui  me  croyez  plein  de  fiel  et  de  haine,  vous  qui  me 
faites  passer  pour  un  misanthrope,  comme  vous  m'accusez  injus- 
tement! Mon  cœur  et  mon  esprit  m'ont  toujours  porté  à  la  bien- 
veillance depuis  ma  plus  tendre  enfance.  Le  désir  d'accomplir  de 
grandes  et  nobles  actions  m'a  toujours  possédé.  Rappelez-vous 
seulement  ceci,  que  depuis  six  ans  je  suis  affligé  d'un  mal  incu- 
rable, aggravé  encore  par  l'ignorance  des  médecins.  » 

Ce  second  autographe  appartient  à  la  Bibliothèque  de  Ham- 
bourg.   

Le  docteur  Mackenzie  vient  de  publier  un  traité  de  VHygiène 
des  organes  vocaux,  à  l'usage  des  chanteurs  et  des  orateurs. 

On  assure  que  M""*  Materna  est  décidée  à  se  retirer  dès  l'année 
prochaine,  ou  du  moins  à  ne  plus  paraître  sur  la  scène  de  l'Opéra 
impérial  de  Vienne  que  dans  certains  rôles  du  répertoire  wagné-     » 
rien,  dans  lesquels  elle  n'a  pas  trouvé  jusqu'ici  de  rivale. 

Entreliens  politiques  et  littéraires.  —  Sommaire  du  numéro  de 
juillet  :  Thomas  Carlyle,  Deux  hommes.  —  Paul  Adam,  Cente- 
naire. —  Henri  de  Régnier,  l'Eau.  —  Bernard  Lazare,  l'Eternel 
Fugitif.  —  Francis  Vielé-Grifïin,  Inulilisalions.  —  Georges 
Vanor,  Noies  et  notules.  {BaWW,  chaussée  d'Antin   11,  Paris)* 


«  V 


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Bâle  à  Londres  en.  . 
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D'Ostende  à  5  h.  29  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  31  soir.  —  De  Douvres  à  midi  15,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

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A  bord  des  malles  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette 
Spécial  cabine,  28  francs;  Cabine  de  luxe,  75  francs. 

Pour  la  location  à  l'avance  s'adresser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  (Quai)  ou  à  l'Agence  des  Chemins  de  fer  de  V État-Belge 
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AVIS.  —  Buffet  restaurant  à  bord.  —  Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  —  Accostage  à  quai  vis-à  vis  des  stations  de  chemin  de 
fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits). —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  -   Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  l'Ecrploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  l'Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l'État-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n°  53,  à  Londres,  à  V Agence  de  Chemins  de  fer 
de  l'État,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vrancken,  Domkloster,  n»  1,  à  Cologne. 


^ 


chez  MM.  SCHOTT  frère.s,  82,  Montagne  de  la  Cour,  Bruxelles. 

L'OR  DÛ  RHIN 

DB 

RICHARD  W.\GNER 

Version  firanpaise  de  Victor  'WILDER 

Partition    pour   chant   et    piano,    réduite    par    R.    Ki.einmichel 
PRIX  NET  :  20  Francs 

JOURNAL  DES  TRIBUItAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 
—  Bibliographie.  —  Législation.  —  Notariat. 

HuTUiME  ANNÉE. 

Abonnements  i  Belgique,  18  francs  par  an. 
(  étranger,  23  id. 

Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 

Revue  maisuèlle  de  littéi'ature  et  d'art 

5"  Année 

Directeurs  :  M.M.  A.  MOCKEL  et  P. -M.  OLIN. 

„  (à  Liège»  rue  St-Adalbert,  8. 

Bureaux  \    .    ^  T*  ' 

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Paris  1867,  tSTS,  !«'  prix.  —  Sidney,  seuls  i«'  et  2»  prix 

EIPOSITIOIS  AISTEBDAI  1883,  ANTERS  1885  DIPIOIE  D'IOIIEUR. 

Breitkopf  et  Hârtel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 


TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-C.  Lobe. 

Traduit   de   l'allemand   (d'après   la  5^  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8".  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  ouvrages  d'enseignement  musical  les  plus 
estimés  en  Allemagne. 


BruxeUes.  —  Inip.  V  Monnom,  2C,  rue  de  l'Industrie. 


Dixième  année.  —  N"  30. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  27  Juillet  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  ~  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAERÊN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,    un    an,    fr.    10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES   :    On    traite   à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  d  '        ■      ■ 

l'administration  génér!Ile  de  l'Art  Moderne,  rue  de  Tlndustrie,  26,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


La   Belgique  juoke   par   Baudelaire.   —   Le  Musée   des  Arts 

DÉCORATIFS.     EXPOSITION     DES    CONCOURS    DE     l'AcaDÉMIE     ROYALE 

d'Anvers.  Les  œuvres  d'élèves  drs  ateliers  libres-.  —  Wagner  a 
Berlin.  —  Concours  do  Conservatoire.  —  Mémento  des  P]xpo- 
siTiONS.  —  Petite  chronique. 


LA  BELGIQUE  JUGÉE  PAR  BAUDELAIRE 


En  1887 \  M.  Eugène  Crépet  a  publié  chez  Quantin 
des  Œuvresjioslhijmë^et  correspondaaces  médites 
de  Charles  Baudelaire.  Nous  en  avons  parlé  dans  notre 
numéro  du  3  juillet  1887.  Déjà  alors  nous  avons  signalé 
les  sévères  appréciàtïoi^  jde  l'illustre  poète  sur  notre 
pays.  Nous  avons  cité/ses  formules  redoutables  :  Les 
Belges  ne  pensent  qi/en  b.vnde,  et  d'autres.  Mais 
M.  Eugène  Crépet  n'avait  donné  qu«  des  fragments, 
effrayé  apparemnient  du  corrosif  de  l'œuvre. 

Voici  qu'une  revue  nouvelle,  la  Revue  d'aujou/vihui, 
dirigée  par  M.  Rodolph'e  Darzens,  n'a  pas  les  mêmes 
scrupules,  et  hardiment,  dès  son  troisième  numéro,  et 
en  tète,  publie  dix  pages  4es  notes  terribles  accumulées 
par  Baudelaire  sous  la  mention  :  Argument  d'un  livre 
SUR  LA  Belgique.  On  sait  que  l'auteur  des  Fleurs  du 
Mal  a  vécu  plusieurs  années  à  Bruxelles,  exilé  volon- 
taire pour  des  causes  mal  définies. 


Ces  notes  débutent  par  ces  mots  où  il  fixe  au  hasard 
de  ses  pensées,  les  titres,  parmi  lesquels  un  à  choisir, 
du  livre  futur,  que,  heureusement  pour  nous,  sa  mort 
prématurée  a  empêché;  car'  lorsque  le  génie  fixe  en 
une  forme  définitive  ses  jugements,  même  injustes  ou 
exagérés,  la  puissance  des  coups  frappés  peut  causer 
l'irréparable:  La  vraie  Belgique.  La  Belgique  toute 
nue.  Jjtt  Belgique  déshabillée.  Une  capitale  pour 
rire.  Une  capitale  de  singes. 

Viennent  ensuite  les  remarques,  dangereuses  comme 
des  gouttes.de  poison.  Et  pourtant  pas  inutiles  peut-être 
pour  qui,  Belge,  les  lira  et  les  méditera  :  elles  ont  par- 
fois un  fond  de  vérité  inquiétant  qui  peut  devenir  une 
leçon.  A  se  sentir  si  violemment  attaqué,  on  ressent  un 
besoin  d'examen  de  conscience  et  de  correction.  C'est 
bien  l'impression  que  nous  avions  éprouvée,  il  y  a  quel- 
-%ue  trente  ans,  quand  Proudhon,  lui  aussi,  eut  dit  sur 
la  Belgique  de  mortifiantes  vérités  qui  le  firent  sotte- 
ment chasser  de  chez  nous. 

De  ces  étranges  remarques  voici  les  principales  : 

1.  Préliminaires. —  La  France  a  l'air  bien  barbare, 
vue  de  près.  Mais  allez  Çq  Belgique,  et  vous  deviendrez 
moins  sévère  pour  votre  pays.  Grand  mérite  à  faire  un 
livre  sur  la  Belgique.  Il  s'agit  d'être  amusant  en  parlant 
de  l'ennui,  instructif  en  parlant  de  rien.  La  Belgique, 
amoui'euse  des  compliments,  les  prend  toujours  au 
sérieux.    . 


c- 


2.  Bruxelles.  — Premières  impressions.  On  dit  que 
chaque  ville,  chaque  pays  a  son  odeur  :  Bruxelles  sent 

N  le  savon  noir.  Les  chambres  d'hôtel  sentent  le  savon 
noir.  Lavage  des  façades  et  des  trottoirs,  même  quand 
il  pleut  à  flots.  Manie  nationale,  universelle.  Fadeur 
générale  de  la  vie»  Tout  est  fade^  tout  est  triste,  insi- 
pide, endormi.  La  physionomie  humaine,  vague,  sombre, 
endormie.  Bruxelles,  beaucoup  plus  bruyant  que  Paris; 
le  pourquoi.  La  fragilité. et  la  sonorité  des  maisons; 
l'étroitesse  des  rues  ;  l'accent  sauvage  et  immodéré  du 
peuple;  la  maladresse  universelle; \esifflement  national 
(ce  que  c'est).  Pas  de  vie  danslarue.  Beaucoup  de  balcons, 
personne  au  x  balcons.  Tristesse  d'une  ville  sans  fleuve  . 
La  flânerie,  si  chère  aux  peuples  doués  d'imagination, 
impossible  à  Bruxelles.  Le  visage  belge  ou  plutôt  bru- 
xellois, obspur,  informe,  blafard  ou  vineux.  Stupidité 
naenaçante.  La  démarche  des  Belges,  folle  et  lourde. 

3.  Bruxelles,  t-  La  vie  :  tabac,  cuisine,  vins. 
A  côté  du  fameux  mensonge  de  la  liberté  belge  et  de 
la  propreté  belge,  mettons  le  mensonge  de  la  vie  à 
bon  tnarché  en  Belgique.  Ici,  tout  est  cher,  excepté  le 
loyer.  Peinture  du  régime  et  de  l'hygiène  belges.  La 
question  des  vins.  Le  vin,  objet  de  curiosité  et  de  bric  à 
brac.  Merveilleuses  caves,  très  riches,  toutes  sem- 
blables. Les  Belges  montrent  leurs  vins.  Boissons  du 
peuple.  Le  faro  et  le  genièvre. 

4.  Les  femmes  et  l'amour.  —  Pas  de  galanterie 
chez  l'homnie,  pas  de  pudeur  chez  la  femme.  Por- 
trait général  de  la  flamande.  Type  général  de  physiono- 
mie, analogue  à  celui  du  mouton  et  du  bélier.  Les  che- 
veux jaunes.  Les  jambes,  les  gorges,  énormes,  pleines 
de  suif,  les  pieds,  horreur!!-!  En  général,  une  précocité 
d'embonpoint,  un  gonflement  marécageux.  Ici,  il  y  a 
des' femelles.  Il  n'y  a  pas  de  femmes.  ■ 

5.  Mœurs.  —  Grossièreté  belge.  Aménités  de  con- 
frères dans  les  journaux.  Ton  de  la  critique  et  du 
journalisme  belges.  Bassesse  et  domesticité. 

0.  Mœurs  (suite).  —  Le  cerveau  belge.  La  conversa- 
tion belge.  Caractère  sinistre  et  glacé.  Silence  lugubre. 
Toujours  l'esprit  de  conformité.  On  ne  s'amuse  qu'en 
bande. 

7.  M&URS  (suite).  —  Esprit  de  petite  ville.  Jalousies. 
Calomnies.  Diffamations.  Curiosités  des  aff'aires  d'au- 
trui.  Jouissance  du  malheur  d'autrui.  Résultats  de 
l'oisiveté  et  de  l'incapacité. 

8.  Mœurs  (suite).  ^  Esprit  d'obéissance  et  de  confor- 
"MiTÉ.  Esprit  d'association.  Dans  l'individu,  paressé  de 

penser.  En  s'associant,  les  individus  se  dispensent  de 
penser  individuellement.  La  Société  des  Joyeux. 

9..  Mœurs  (suite).  —  La  cordialité  belge.  Incomplai- 
sance. Le  pisseur  et  le  vomisseur,  statues  nationales 
que  je  trouve  symboliques.  Plaisanteries  excrémen- 
tielles. 

10.  Mœ.urs  (suite).  —  Lenteur  et  paresse  des  Belges  : 


dans  l'homme  du  monde,  dans  les  employés  et  dans  les 
ouvriers.  Torpeur  et  complication  des  administrations. 

11.  Mœurs  (suite) .  —  Moralité  belge.  Glorification  du 
succès.  Argent.  Défiance  universelle  et  réciproque.  A 
aucune  action,  même  a  une  belle,  un  Belge  ne 
SUPPOSE  UN  bon  motif.  Le  Belge  est  porté  à  se  réjouir 
du  malheur  d'autrui.  Passion  générale  de  la  calomnie. 
Grandes  fortunes.  Pas  de  charité.  On  dirait  qu'il  y  a 
conspiration  pour  maintenir  le  peuple  dans  la  misère  et 
l'abrutissement.  Haine  de  la  beauté,  pour  faire  pendant 
à  la  haine  de  Vesprit.  N'être  pas  conforme,  c'est  le 

GRAND  crime. 

12.  Mœurs  (suite).  . —  Le  préjugé  de  la  propreté 
belge.  En  quoi  elle  consiste.  Choses  propres  et  choses 
sales  en  Belgique.  Mauvais  métiers.  Maisons  de  bains. 
Quartiers  pauvres.  Moeurs  populaires.  Nudité.  Ivro- 
gnerie. Mendicité. 

13.  Divertissements  belges.  —  Bals  populaires.  Les 
jeux  de  balle.  Le  tir  à  l'arc. 

14.  Enseignement.  —  Haine  de  la  poésie.  Education 
pour  faire  des  ingénieurs  ou  des  banquiers.  M.  Alt- 
meyer,  celui  que  Proudhon  appelait  :  cette  vieille 
chouette!  Haine  générale  de  la  littérature. 

15.  La  langue  française  en  Belgique.  —  Style  des 
rares  livres  qu'on  écrit  ici.  On  ne  sait  pas  le  français, 
mais  tout  le  monde  affecte  de  ne  pas  savoir  le  flamand. 
C'est  de  bon  goût. 

16.  Journalistes  et  littérateurs.  —  Des  gens  qui 
ramassent  et  d'autres  qui  achètent  à  vil  prix  un  tas  de 
papiers  (entrées  de  princes,  comptes-rendus  des  séances 
des  conseils  communaux,  copies  d'archives)  et  puis 
revendent  tout  cela  en  bloc,  comme  un  livre  d'histoire. 
Le  ton  du  journalisme.  Correspondances  ridicules  de 
l'Office  de  publicité.  L'Indépendance  belge.  L'Etoile 
belge. 

17.  Impiété  belge.  Un  fameux  chapitre  celui-là.  — 
Insultes  contre  le  pape.  Propagande  d'impiété.  Il  est 
aussi  difficile  de  définir  le  caractère  belge  que  de  classer 
le  Belge  dans  l'échelle  des  êtres.  Il  est  singe,  mais  il 
est  mollusque.  Une  prodigieuse  étourderie,  une  éton- 
nante lourdeur.  Il  est  facile  de  l'opprimer,  comme  l'his- 
toire le  constate;  il  est  presque  impossible  de  l'écraser. 
Ne  sortons  pas,  pour  le  juger,  de  certaines  idées  :  sin- 
gerie, contrefaçon,  conformité,  impuissance  haineuse. 
Leurs  vices  sont  des  contrefaçons.  Le  gandin  belge.  Le 
libre-penseur  belge,  dont  la  principale  caractéristique 
est  de  crwre  que  vous  ne  croyez  pas  ce  que  vous. dites, 
puisqu'il  ne  le  comprend  pas.  Contrefaçon  de  l'impiété 
française.  L'obscénité  belge,  contrefaçon  de  la  gau- 
driole française.  Horreur  générale  et  absolue  de 
l'esprit.  Eclats  de.  rire  sans  motif.  On  conte  une  his- 
toire touchante;  le  Belge  éclate  de  rire.  Les  Belges  sont 
des  ruminants  qui  ne  digèrent  rien.  Et  cependant,  qui  le 
croirait?  La  Belgique  a  son  Carpentras,  sa  Béotie, 


'^ 


dont  Bruxelles  plaisante,  C'est  Poperinghe.  Enterre- 
ments civils.  Cadavres  disputés  ou  volés. 

18.  Prkïrophobie.  —  Funérailles  d'un  abbé  mort  en 
libre-penseur.  Jésuitophobie.  Ce  que  c'est  que  notre" 
brave  De  Buck,  persécuté  par  les  Jésuites.  Le  parti 
clérical  et  le  parti  libéral.  Également  bêtes.  Le  célèbre 
Boniface,  ou  De  Fré  (Paul-Louis  Courier  belge),  croit 
qu'il  mourra  tragiquement  comme  Courier  qt  se  fait 
accompagner  le  soir  pour  ne  pas  être  assassiné  par  les 
Jésuites.  Ma  première  entrevue  avec  cet  imbécile.  Il  a 
interrompu  le  piano,  pour  faire  un  discours  en  faveur 
du  Progrès,  et  contre  Rubens,  en  tant  que  peintre 
catholique.  Bigoterie  belge.  Laideur,  crapule,  méchan- 
ceté et  bêtise  du  clergé  flamand.  Les  dévots  belges  font 
penser  aux  chrétiens  anthroj^ophages  de  l'Amérique  du 
Sud. 

Pour  que  rien  ne  manque  à  ce  terrible  et  humiliant 
crayon,  la  rédaction  de  la  Revue  (T Aujourd'hui 
ajoute  : 

«  Dans  le  livre  inachevé,  dont  notre  manuscrit  donne 
le  canevas  complet,  qu'il  recopia  plusieurs  fois  de  sa 
main,  le  poète  des  Fleurs  du  mcd  attestait  avec  une 
franchise  poussée  à  l'outrance,  son-  horreur  de  l'esprit 
plat,  des  mœurs  mesquinement  bourgeoises,  du  peuple 
au  milieu  duquel  l'exil  le  condamnait  à  vivre.  Les  pos- 
sesseurs s  uccessifs  de  ce  manuscrit  n'avaient  pas  cru 
pouvoir  le  publier;  nous  n'hésitons  pas  à  le  faire,  con- 
vaincus que  la  pensée  d'une  si  rare  intelligence  est  tou- 
jours précieuse  a  connaître,  même  sous  sa  forme  incom- 
plète et  tronquée  par  la  mort  II  faut  voir,  dans  ces  très 
originales  notes,  que  nous  compléterons  par  des  déve- 
loppements^galemènts  inédits,  la  protestation  fière  et 
hardie  de  l'indépendance  de  la  pensée,  si  chère  au  grand 
poète  et  au  savant  critique,  mais  proscrite,  comme  un 
luxe  inutile  ou  dangereux  par  la  race  utilitaire,  posi- 
tive et  plagiaire  qu'il  étudiait  avec  autant  de  curiosité 
que  d'antipathie. 


Mt 


LE  MUSEE  DES  ARTS  DÉœRATIPS 

Les  f'cles  de  seplembre  commencèrenl,  celle  année,  le  "21  juillel. 
Divers  congrès,  des  régales,  une  cavalcade  historique,  une  pro- 
cession de  géanig,  des  illuminalions,  une  revue  dkj  troupes  à  jamais 
pacifiques  les  particularisèrent,  —  malgré  la  mauvaise  humeur 
de  nues  à  ces  allégresses  dédiantMeurs  ondes.  Et  (pavillon  de 
gauche  du  Palais  du  Cinquantenaire)  s'ouvrit  le  Musée  des  Arts 
décora  lik.  '^ 

On  traverse  la  haute,  claire  et  sidérurgique  salle  que  ses  impor- 
lants  gisements  do  plâtres  désignaient  déjà  sous  le  nom  de  Musée 
des  échanges,  cl  dans  les  locaux  où  fut  —  au  Grand  Concours 
internalional  de  1888  —  la  1res  belle  et  très  somptueuse  Exposi- 
tion de  l'An  ancien  et  des  Arts  décoratifs,  se  trouve  inslallé  le 
récent  Musée.  * 

Inslallé,  non.  Ce  verbe  évoque  l'idée  de  soins  précieux  elde 


confort.  El  il  est  évident  que  seuls  des  terrassiers  cl  des  ressemel- 
Icurs,  des  chiffonniers  et  des  nègres,  ont  élé  chargés  d'appendre 
à  ces  murs  lustrés  de  rose  l'hétérogène  totalité  des  cartons  et  des 
toiles.  C'est,  —  malgré  de  signifiantes  œuvres,  et  des  chefs- 
d'œuvre  même,  —  un  désastre  pour  l'œil. 

Des  toiles  aux  bitumes  insondables  sont  au  milieu  d'immenses 
et  blancs  papiers  qu'un  fusain  léger  zèbre,  —  un  Rembrandt 
s'environne  des  enluminures  douloureuses  dont  M.  J.-P.  Làurens 
n'est  que  le  trop  certain  auteur,  —  liTtristcsse  de  photographies 
trouble  la  joie  de  purs  kakémonos  égarés.  Des  toiles  sont  sans 
cadre,  et  quel  plancher  ! 

Ah  !  ce  Musée  n'est  pas,  certes,  malgré  son  immérité  et  triste 
carnaval,  comme  la  Belgique,  en  fête.  Vrai,  nous  pouvons  nous 
vanter  de  posséder,  mieux  qu'aucun  peuple,  le  culte  cl  l'amour 
du  mesïjuin,  du  grotesque  et  du  laid.  (La  scandaleuse  restaura- 
tion, à  Anvers,  du  Stecn,  le  maintien,  'a  Bruxelles,  de  cet 
absurde  cvlindre  coiffé  d'un  cône  el  dénommé  la  Tour  Noire,  le 
légendaire  kiosque  de  la  Grand'PIace,  n'en  sont-ils  pas  des 
exemples?)  "      /    ' 

Mais  ici,  l'arrangement  était  cependant  tout  indiqué  :  les  copies, 
les  huiles  se  devaient  réunir  .en  une  môme  salle,  les  carions,  les 
papiers  blancs  dans  une  autre,  et  par  écoles,  et  selon  un  aspect 
harmonieux.  Lne  troisième  eût  été  pour  l'épanouissement  de 
japonais,  etc.  Etait-ce  donc  vraiment  trop  simple? 

Charles  Mftriel,  Sainte  Geneviève,  Ludiis  proPatria  (carions) 
sont  de  Puvis;  des  épreuves  de  Braun  traduisent  de  ce  maître  les 
plus  ailiers  décors  :  Marseille,  la  Saône  et  le  Rhône,  Vision 
antique,  Inspiration  chrétienne,  Bois  sacré.  Par  Loils  Dubois 
(ce  grand  peintre  encore  dans  l'ombre)  se  dédoublent,  —  mais 
extraordinaires',  —  Hais  et  Rembrandt.  Précis  et  large,  Xavier 
Mellery  copie  les  Carpaccio  de  Venise.  Les  formes  graciles,  les 
alliances  les  plus  mélodiques  de  couleurs  éclosenl  aux  (>stampes 
du  Japon. 

A  ces  œuvres  de  prochaines  noies  seront  consacrées. 


EXPOSITION  DES  CONCOURS  DE  L\\CADÉMIE  ROYALE  D'ANVERS 

Les  œuvres  d'élèves  des  ateliers  libres. 

[Correspondance   particulière   dç    l'Art    moderne). 

Cohue  vraiment  étonnante,  pôpulacière  surtout  ;  du  bourgeois 
aussi,  nettoyé  des  poussières  de  l'arrière-bou tique;  d'inimagi- 
nables redingotes  convoyant  des  toilettes  sorties  d'hier  des  cuves 
du  teinturier;  lout  ça,  venu  par  groupe,  parlant  haut,  déambu- 
lant par  les  rues  pavoiséeg  en  l'honneur  des  «  primus  »  de  notre 
Académie,  s'écoulanl  le  long  des  trottoirs  vers  ces  salles  d'expo- 
sition, comme  les  eaux  sales  vers  un  égoul. 

La  maison  —  pompeusement  enseignée  déjà  —  travaillait  en 
petit,  el  voilà  qu'on  vient  d'agrandir  l'exploitation  en  y  accolant 
un  laboratoire  nouveau. 

Dans  le  public,  on  s'impatientait,  on  demandait  trop  «  d'artistes  » 
et  la  vieille  maison  ne  pouvait  répondre  efticacement  à  toutes  ces 
demandes.  Aus^i  le  gouvernement  décida-t-il  la  création  de  la 
nouvelle  otticine,  ci^^  «  Institut  supérieur  des  beaux-arts 
d'.invers!  »  J 

On  y  ferait  l'article  demandé  ^zt  un  procédé  plus  sûr,  plus 
perfectionné,  et  de  façon  à  contenter  les  plus  exigeants.  El  au 
fait,  lout  le  monde  semble  ravi.  On  s'assemble,  on  s'émeùl,  on 


applaudit  ^  loul  rompre.  C'est  la  sortie  Iriompliale  de  ce  trou- 
peau pelé,  conduit  par  les  bergers  choisis  parmi  les  plus 
illustres  de  nos  provinces,  cavalcadanl  pour  la  grande  joie  des 
badauds,  auréolés  de  leur  victorieuse  médiocrité,  de  leur  suffi- 
sance arrogante,  de  leur  inaltérable  dédain  de  l'art  qui  les  a  si 
sûrement  menés  aux  «  honneurs  »,  l'idéal  monnayable  où  ils 
sont  chargés  de  diriger  le  bétail  qui  se  confie  sans  défiance  b 
eux,  et  que,  pour  désencolércr  le  vrai  dieu  d'arl,  on  devrait  mener 
impitoyablement  à  la  boucherie! 

Se  prendrait-on  de  pitié  peut-être  pour  ces  crottées  victimes, 
si  elles  n'étaient  si  irrémédiablement  nulles,  si  lâchement 
dociles! 

Et  que  si,  vraiment,  un  vrai  tempérament  d'arlistc  se  trouve  en 
ce  répugnant  triage,  il  faut  qu'à  l'heure  de  la  virilité  —  si  elle  lui 
vient  aux  flasques  tétons  de  cette  mère  —  il  y  morde  jusqu'à  ce 
qu'elle  en  hurle! 

Qu'il  y  morde  jusqu'au  sang  ;  alors  verra-l-il  d'assez  près  sa 
couleur.  Sang  d'anémiée,  de  chlorotiquc  décolorée  en  l'atmo- 
sphère de  fa  «  maison  »  qu'elle  tient! 

Car  l'Académie  est  là,  à  ces  murs,  accrochée,  pantelante  ;  c'est 
l'exhibition  de  sa  nudité  nauséeuse,  qui  l'accuse. 

Qu'on  mette  donc,  une  fois  pour  toutes,  le  nez  de  celte  «  nour- 
ricière sur  èa  décrépitude,  qu'on  lui  fasse  tâler  sa  peau  desséchée 
sous  son  maquillage  de  vieille  catin.  Fait-elle  autre  métier  que 
celui-ci  :  polluer  ceux  qui  l'approchent,  inoculant  à  ces  jeunes 
ses  tricheries  d'art,  ses  roueries  dégradantes,  toutes  les  pratiques 
de  son  inépuisable  fond  d'expérience  de  vieille  garde? 

Et  les  fidèles  financiers  commis  à  son  exploitation,  —  les  a- 
t-elle  pas  lilevés  soigneusement  pour  cette  besogne?  —  pourront- 
ils  toujours  impunément  ainsi,  en  l'émolliente  tiédeur  de  leur 
enseignement,  corrompre  celte  jeunesse,  attachante  malgré  tout, 
en  raison,  pout-étre,  de  l'espoir  déçu  des  audaces  et  des  assauts 
que  nous  attendions  d'elle  et  en  prévision  desquels  ils  l'ont  si  hon- 
teusement énervée  et  abêtie  ! 

Plus  cyniquement  qu'en  le  tour  de  ces  salles,  en  la  contem- 
plation de  ce  chapelet  de  torses,  de  plâtres  grotesques,  de  pay- 
sages phtisiques,  de  tel  Job  sur  le  fumier,  de  la  légende  de 
sainte  une  telle,  de  cette  martyre  s'exposant  au  loin  et  de  plus 
innommables  choses  encore,  réjouissantes,  à  la  longue,  par  leur 
multiplicité  —  et  l'orgueil  m'est  venu  alors  d'être  seul,  ici,  à 
éprouver  ces  joies  !  —  plus  cyniquement  qu'en  cette  salle  réservée 
aux  concours  des  jeunes  filles,  évoquant  en  sa  propreté  de  bonne 
ménagère  qui  contraste  avec  ce  débraillé  des  autres  salles,  toutes 
les  basses  aménités,  toutes  les  avilisanles  complaisances,  les 
plaies  veuleries  qu'il  aura  fallu  au  professeur  qui  voudrait  s'attirer 
leurs  bonnes  grâces,  plus  cyniquement  se  proclame  dans  les 
cahiers  primés  renseignement  vrai  de  l'Académi?. 

Oyez  r'élève  qui  répond  à  cette  question  du  professeur  de  lilté- 
ralure  française,  le  gabelou  pensif  et  myope  qui  veille  si  atten- 
livcment  dans  les  colonnes  du  Précurseur  aux  littératures  dan- 
gereuses qu'on  tente  d'introduire  frauduleusement  dans  la  place  : 
«  Quel  sujet  de  comfosilion  pourrait-on  tirer  du  drame  Othello  ? 
—  On  pourrait  prendre  comme  sujet  de  composition  d'un 
tableau  le  moment  oii  Othello  a  souffleté  Desdémone,  devant  les 
envoyés  vénitiens  ! 

Desdémone,  triste  et  profondément  abattue  (on   le  serait  à 
moins)  se  retire  (cl  c^st  prudent).  Othello,  d'un  air  menaçant, 
la  suit  du  regard  et  lance  encore  un  reproche.  » 
Tout  cela  esl  très  pathétique,  en  efVety  cl  l'intensité  d'effet 


est  augmentée  encore  par  la  présence  de  ces  envoyés  qui,  avec 
différentes  expressions,  sont  groupés  autour  de  la  salle  ! 

Est-ce  à  croire  que  l'enseignement  de  quelque  autre  professeur 
découvre  de  la  puissance  chez  le  plus  exsangue  des  peintres  : 
Lesueur  !  fait  une  gloire  à  Greuze  d'avoir  eu  comme  ami  le  pre- 
mier et  grand  critique  d'art  ••  Diderot. 

Et  M.  le  professeur  doit  avoir  insisté  sur  ce  mérite,  puisque 
chez  tous  les  concurrents  je  retrouve  l'annotation  de  «-  ce 
mérite  ». 

Ce  résumé-ci  en  dît  plus  et  doil  synthétiser  le  cours  de  l'eslhé- 
tiqueur  : 

Greuze  :  Art  moral  —  fil  des  paysans  —  n'était  pas  colo- 
riste —  avait  cependant  tm  dessin  distingué  —  fut  l'ami  de 
Diderot,  qui  le  nommait  le  peintre  des  bonnes  mœurs. 

Il  est  bien  évident  que  l'amitié  d'un  critique  d'art  supplée 
amplement  aux  qualités  que  M.  le  professeur  refuse  â  Greuze;  el 
comme  cette  pensée  esl  rassurante  pour  tous  ces  jeunes  élèves  en 
qui  elle  doit  lever  le  ferment  des  couriisaneries  latentes,  des 
promiscuités  prochaines  ! 

Et  puis,  cueillies  en  une  trop  courte  visite,  des  âneries  : 

Louis  XIV est  ce  qu'on  appelle  un  roi  Soleil. 

D'un  autre  : 

Le  style  Louis  XV  est  tout  à  fait  le  contraire  :  celui  d'un  roi 
d'intérieur,  aux  mœurs  dissolues. 

D  un  autre,  cette  ineptie  pontifiante  et  soulignée  —  comme 
pour  attirer  l'attention  sur  cette  vocation  au  sermonnage  acadé- 
mique : 

Cet  amour  pour  la  symétrie  et  l'ordre  est  presque  une  nécessité 
à  cette  époque  de  grandeur  et  de  gloire. 

Puis  des  joyeusetés  :         . 

A  propos  de  Teniers  :  Enfant  d'Anvers,  il  entreprit  tous  les 
genres,  même  la  grande  histoire. 

Un  autre  concurrent  n'avoue-l-il  pas  que  David  Teniers  est  un 
peintre  essentiellement  anversois!  Car  voilà  le  bout  de  l'oreille 
qui  perce,  et  l'insistance  qu'on  met  à  attirer  l'attention,  à  chaque 
occasion,  sur  «  l'origine  anversoise  »,  n'est  pas  une  gloriole 
simple  de  clocher;  non,  en  l'esprit  des  magisters  de  l'officine,  il 
esl  un  type  de  peintre,  type  idéal  que  la  nwison  doit  créer  plus 
spécialement  :  peintre  anversois  ! 

N'est-ce  pas  le  même  lauréat  qui  trahit  ingénument  son  indomp- 
table appétit  en  inscrivant,  en  marge  de  l'énoncé  des  tableaux  de 
Rubens,  à  l'un  d'eux  :  lui  fut  payé  WO, 000  francs! 

Un  autre  affirme  que  Boucher  était  un  grand  travailleur,  et 
n'ajoute  pas  un  mot  de  plus,  cl  avec  raison,  puisque  cela  suffit 
pour  être  couronné  !• 

Tous  affirment,  en  plus,  —  le  mot  aura-l-il  assez  vivement 
frappé  leur  imagination  —  que  Madame  de  Pompadour  était 
l'âme  de  l'époque. 

Voyons,  Monsieur  le  professeur,  un  peu  plus  de  précision  dans 
les  mots  :  l'âme!  Cherchez  donc  plus  bas! 

...  El  d'autres,  d'autres  choses  encore  en  l'abondant  dégouli- 
nagc  de  celte  lessive  fétide,  de  détritus  visqueux  cl  de  vomis- 
sures de  ce  délétère  enseignement  d'Académie. 


-1 


-V 


WAGNER  A  BERLIN 

{Correspoudajice  ■particulière  de  l'Art  moderne). 

Projetant  récemment  un  voyage  d'éludé  en  Allemagne,  le  désir 
nous  vint  d'assisler  à  quelques  représentations  de  l'Opéra  de 
Berlin,  afin  d'en  lirer  des  conclusions  au  sujet  de  la  valeur  exacte 
du  théâtre  de  la  Monnaie  en  matière  artistique  ;  vous  vous  doutez 
aisément  que  c'est  surtout  Wagner  qui  piquait  notre  curiosité.  Le 
séjour  que  nous  pouvions  faire  dans  la  capitale  de  l'empire  étant 
limité,  nous  transmîmes  notre  vœu  à  la  General-Inlendantur  der 
Kôniglichen  Schaiispiele,  et  quelques  jours  après,  l'aimable  régis- 
seur en  chef,  M.  Ch.  Teiziaff,  nous  fil  savoir  qu'il  avait  pris  ses 
dispositions  pour  qu'aux  daies  indiquées  par  nous,  nous  pussions 
entendre  Lohengrin  et  la  Walkiire  :  agirait-on  avec  autant  de 
courtoisie  envers  des  étrangers  en  France  ou  en  Belgique?  Il  est 
permis  d'en  douter. 

Les  abonnés  de  l'Art  moderne  connaisscHt  assez  leur  Wagner 
pour  que  nous  n'ayons  pas  besoin  d'insister  sur  le  mérite  de  ces 
deux  partitions,  l'époque  de  leur  apparition,  et  les  manières  fort 
différentes  dont  sont  traitées  lés  voix  et  l'orchestre  ;  si  nous 
leur  remémorons  ces  divers  points,  c'est  pour  leur  faire  part  de 
l'impression  inattendue,  contraire  à  nos  prévisions,  que  nous 
avons  ressentie  à  Berlin  :  alors  que  nous  nous  attendions  à  avoir 
l'oreille  agréablement  caressée  par  les  suavités  de  Lohengrin  et. 
à  être  fortement  secoué  par  les  pages  géniales  de  la  Walkiire, 
c'est  Lohengrin  qui  nous  a  profondément  ému  et  nous  a  éic 
comme  une  révélalioniandis  que  la  Walkiire  ne  nous  apportait 
aucune  sensation  nouvelle.  A  quoi  cela  tient-il?  Uniquement  à 
l'interprétation,  et  voici  comment  nous  nous  l'expliquons.  Grûce 
à  Joseph  Dupont  qui  a  mis  toute  son  àme  dans  la  nerveuse  exécu- 
tion qu'il  nous  en  a  donnée,  la  Walkiire  a  été  représentée  h 
Bruxelles  dans  des  conditions  très  remarquables,  avec  un  Sigmund 
el  un  Wotan  qui  classent  Engel  et  Seguin  parmi  les  meilleurs 
chanteurs  wagnériens  ;  M""*"*  Martini  et  Cagniard  ont  donné  h 
Sieglinde  le  relief  voulu,  et  seuls  les  rôles  de  Briinhilde  et  de 
Fricka,  en  y  ajoutant  nos  miaulantes  Walkyries,  ont  fait  trou  dan.s 
le  tableau  qui  eut,  l'on  s'en  souvient,  un  succès  sensationnel. 
Pour  Lohengrin,  c'est  autre  chose  :  en  dehors  de  la  création  sim- 
plement convenable  de  i870,  cette  œuvre,  d'un  charme  incom- 
parable, a  été  reprise  en  1878,  en  1880  et  en  1889,  et,  voyez  la 
guigne,  chaque  fois  fin  avril  de  manière  à  n'avoir  que  trois  ou 
qtfirtre  représentations  :  ces  exécutions  ont  toujours  eu  un  relent 
de  liquidation  pour  fin  de  bail,  lorchcstre  raclant  et  soufflant  à 
la  diable,  el  même  des  artistes  de  haut  mérite  comme  Enctel  el  la 
grande  Caron  donnant  la  note  mais  jouant  à  côlc,  faute  du  temps 
nécessaire  pour  fouiller  les  rôles  en  leurs  moindres  replis  et 
camper  les  personnages  avec  leurs  passions,  leur  allure  et  lo 
caraclère  voulu. 

A  Berlin,  nous  le  répétons,  Lohengrin  a  été  une  révélation. 
Rendons  d'abord  hommage  à  l'orchestre  qui,  sous  la  direction 
attentive  du  kapcllmeister  Suchcr,  a  exécuté  la  partition  entière 
ayce  un  respect  et  un  souci  des  nuances  absolument  remarquables  ; 
on  sentait  se  dégager  de  celte  interprétation,  comme  une  ferveur 
d'art,  les  instrumentistes  jetant  en  un  idéal  creuset  leur  vibrante 
traduclioit  des  phrases  mélodiques  du  Maître  pour  aboutir  à  un 
ensemble  plein  d'Ame,  palpitant  d'émotion  et  d'une  harmonieuse 
religiosité.  Quand  vous  saurez  que  c'est  la  Sucher  qui  chantait 


Eisa,  vous  vous  figurerez,  sans  doute,  ce  que  cette  femme,  artiste, 
jusqu'aux  hioclles,  a  pu  faire  de  cette  délicate  création  de  Wagner; 
mais  ce  qui  est  impossible  h  rendre  par  des  mois,  c'est  l'impres- 
sion produite  par  celle  voix  veloutée,  aux  inflexions  caressantes, 
et  arrivant,  dans  le  rêve  et  la  prière  du  premier  acte,  à  celte 
intensité  d'émotion  qui  donne  le  frisson  et  vous  arrache  les 
larmes';  merveilleuse  aussi  dans  le  duo  avec  Orlrude  et  celui  du 
troisième  acte,  la  Sucher  a  réalisé  pour  nous  le  type  d'Eisa,  que 
nous  avions  souvent  cherché  dans  d'autres  clianleuscs,  et  le  cachet 
impressionnant  avec  lequel  elle  l'a  fixé  dans  noire  souvenir  ne 
nous  permet  pas  d'espérer  retrouver  jamais  semblable  sensation 
d'an...  Quel  partenaire  aussi,  pour  la- Sucher,  que  l'excellent 
ténor  Rothmiihl  qui,  outre  la  mysticité  exigée,  a  absolument  D^f» 
son  Lohengrin  en  y  apportant  une  jeunesse  et  une  fraîcheur  de 
voix  charmantes,  sans  oublier  une^diction  claire  el  un  senlimenl 
des  plus  justes  :  il  a  admirablement  détaillé  son  grand  récit  du 
dernier  tableau  et  a  mis  une  mélancolie  touchante  dans  ses  adieux 
A  Eisa.  Qui  donc  disait  qu'il  n'y  avait  plus  de  ténors  :  en  voici 
un,  el  de  tout  premier  ordre.  —  Vous  avez  encore  présentes  à  la 
mémoire  'es  diverses  Ortrudcs  que  nous  avons  eues  à  Bruxelles  (la 
dernière  surtout),  lançant  à  tort  et- à  travers  des  notes  de  la  force 
de  plusieurs  chevaux  et  étalant  une  indifférence  totale  pour  le  côté 
humain  et  passionnel  du  rôle  :  d'où  impression  bassinante  pour 
le  public,  qui  a  fini  par  prendre  Orlrude  en  grippe.  —  Ici,  la  Stau- 
digl  (la  Brangaene  de  Bayreuth),  a  non  seulement  chanlé,  mais  sur- 
tout joué  en  grande  artiste,  mettant  en  lumière  le  caractère  hai- 
neux, fourbe,  astucieux  de  son  personnage,  el  y  apportant  une  telle 
véritéd'attilude  et  d'expression  qu'elle  s'est  vu  acclamer  par  toute 
la  salle,  en  plejn  deuxième  acte,  malgré  la  consigne  wagnérienne. 
Compris  tel  qu'il  doit  l'être,  ce  rôle  d'Ortrude  apparaît  comme 
le  complément  indispensable  et  la  vigoureuse  antithèse  des  douces 
figures  d'Eisa  el  de  Lohengrin;  en  le  laissant  dans  l'ombre,  l'im- 
pression triplyquante  qui  doit  se  dégager  de  l'œuvre  disparaît  : 
c'est  ce  qu'a  compris  la  Slaudigl. 

El  les  chœurs,  nous  dircz-vous?  —  Là  encore  il  semble  que 
l'on  se  trouve  en  présence  de  gens  qui  ne  considèrent  pas  la 
musique  comme  une  corvée,  mais  y  mettent  de  leur  sentiment 
personnel  ;  l'arrivée  de  Lohengrin  et  les  chœurs  du  deuxième  acte 
ont  été  enlevés  en  perfection,  nolammcnlpar  les  premiers  dessus. 
L'influence  des  Meininger  se  retrouve  ici  aussi,  et  l'on  éprouve 
un  vrai  plaisir  b  voir  l'intelligent  groupement  des  choristes  et 
leurs  attitudes  variées,  naturelles,  concordant  avec  les  scènes  dont 
ils  sont  les  spectateurs,  au  lieu  du  rang  d'oignons  en  si  grand 
honneur  à  Bruxelles.  Les  décors  et  les  cosiumes  sont  ordinaires, 
mais  comme  jeux  de  scène  nous  tenons  à  noter  un  lever  de  soleil 
d^ne  lumière  intelligemment  colorée  et  graduée,  et  une  entrée 
du  Roi  d'un  grand  effet  :  les  divers  groupes  de  seigneurs  arrivant 
au  dernier  tableau  sont  précédés  chacun  de  quaire  trompettes,  de 
telle  façon  que  la  troisième  reprise  de  la  marche  est  claironnée 
en  scène  par  seize  instrumentistes  saluant  le  Roi  de  leurs  fanfares 
auxquelles  viennent  s'ajouter  les  acclamations  des  chevaliers  don- 
nant de  brirj'ants  coups  de  plats  d'épée  sur  leur  sculum  orné  de 
l'umbo  traditionnel. 

Nous  nous  faisions  une  fête  de  retrouver,  dans  la  Walkiire,  la 
voix  jeune  el  fraîche  du  ténor  Rothmùhl  ;  quelle  n'a  pas  élé  notre 
déconvenue  en  entendant  Siegmund  chanté  par  Herr  Sylva  !  La 
voix  et  la  façon  de  phraser  de  notre  compatriote  n'ont  guère 
changé  depuis  "sa  dernière  apparition  à  Bruxelles;  ce  sont  toujours 
ces  mêmes  notes  bary  tonnantes,  épaisses,  lourdes,  qui  ont  pris 


l'Iiabiludc  des  cffèls  d'éclal  et  ne  peuvent  s'assouplir  suffisam- 
inenl;  il  y  a  loin  du  «  Rtn  du  ciel...  »  du  Prophète  îi  V Hymne 
du  Printemps  de  la  Walkiire  :  ausi^i,  malgré  la  jolie  voix  el  la 
juvénile  ardeur  de  M""^  Piersou,  le  duo  d'amour  nous  a-l-il  pro- 
duit une  médiocre  impression,  Sieglinde  ayant  l'air  de  clianter 
avec  ronclc  de  Siegmund!...  ■ 

Le  reslc  de  la  soirée  a  effacé  la  pénible  impression  du  début, 
grâce  à  la  Suclier  lançant  son  Hojotnjo]  en  fanfare  joyeuse,  chan- 
tant sa  scène  avec  Siegmund  en  y  menant  un  sl^le  et  une  largeur 
de  déclamai  ion  remarquables,  el  se  montrant  absolument  tou- 
clinnle  dans  ses  supplications  à  VVoian  au  troisième  cctc.  La 
seule  chose  qui  a  fait  défaui,  par  moments,  c'est  le  volume  de  la 
voix,  et  par  suite,  quelques  phrases,  notamment  les  exhortations 
\i  Sieglinde,  n'ont  pas  eu  l'ampleur  et  la  fébrilité  que  lui  commu- 
niquaient la  grande  et  incomparable  Maierna.  La  puissance  n'est 
pas  non  plus  la  qualité  dominante  du  baryton  Krolop.  Mais  si  sa 
scène  de  fureur  du  troisième  acte  n'a  pas  eu  toute  la  vigueur 
voulue,  les  phrases  de  tendresse  de  Woian  pour  Briinhildc 
ont  été  dites  par  lui  en  excellent  chanteur,  et  il  a  trouvé  des 
accents  justes  et  convaincus  dans  sa  dispute  conjugale,  où 
la  Staudigl,  dans  Tricka,  a  remporté  un  succès  équivalent  à 
celui  d'Ortrudç. 

Ce  qui  nou»  a  causé  une  vraie  surprise,  c'est  \z  groupe  des 
W'alkyrics  ;  la  direction  a  réuni  là  ses  meilleures  chanteuses  dont 
les  voix  jeunes  et  habiles  ont  la  chevauchée  clamé  avec  une  sûreté 
d'attaque  et  un  éclat  merveilleux.  Quant  à  l'orchestre,  nous  ne 
pouvons  que  répéter  les  éloges  que  nous  en  avons  faits  dans 
Lohengrin  ;  ici  nous  avons  apprécié,  à  un  plus  haut  degré  encore, 
l'ensemble  des  instruments  de  cuivre  d'un  moelleux  et  d'un  fondu 
étonnants,  et  l'impeccabilité  du  quatuor. 

Diinsla  Walkiire  encore,  rien  de  supérieur,  dans  les  costumes 
et  les  décors,  à  ceux  du  iliéâtre  de  la  Monnaie;  nous  dirons 
même,  à  la  louange  de  M.  Lapissida,  que  son  incendie  était  bien 
plus  grandiose  el  effrayant  que  celui  de  Berlin.  Au  premier  acte 
notons  seulement  un  éclaira^'C  bien  plus  logique  :  au  moment  de 
la  chanson  du  printemps,  la  porte  s'ouvre  lentement  el  les  rayons 
de  la  lune  viennent  éclairer  la  hutte  de  Hunding,  tandis  qu'à 
Bruxelles  on  a  recours  à  un  grossier  troc  de  féerie -en  faisant 
tomber  brusquement,  on  ne  sait  pourquoi,  une  grande  draperie 
qui  découvre  le  paysage  piqué  de  fleurs  en  clinquant  (!)  et  éclairé 
en  pleine  nuit  {!!)  par  un  ardent  soleil. 

Espérons  qu'à  la  prochaine  reprise  de  la  Walkiire  à  la 
Monnaie  le  régisseur  voudra  bien  corriger  ce  choquant  détail  de 
mise  en  scène. 

En  résumé,  et  sans  vouloir  le  moins  du  monde  dénigrer  les 
directeurs  et  les  artistes  qui  se  sont  succédés  au  théâtre  de  la 
.Monnaie,  nous  trouvons  que  les  représentations  que  l'on  y  donne 
laissent  percer,  de  ci  de  là,  des  traces  d'entceprise  commerciale 
tandis  qu'à  Berlin,  le  souci  de  fa^e  de  l'an  est  patent  ;  on  nous 
objectera  sans  doute  qu'à  Bruxelles  le  principe  même  de  l'orga- 
nisation de  l'opéra  doit  amener  fatalement  les  directeurs  à  se 
montrer  commerçants,  plus  souvcfit  qu'ils  ne  voudraient  et  cela 
de  crainte  de  la  fuillite  que  des  subsides  iasuffisants  rendent  tou- 
jours menaçante,  tandis  qu'un  intendant  royal  gère  l'Opéra  de 
Berlin  et  sans  autre  souci  que  celui  de  représenter  les  œuvres 
musicales  dans  les  conditions  les  plus  parfaites  posibles.  Quoi 
qu'il  en  soit,  nous  pensons  que,  personnellemeut,  les  chanteurs 
et  plus  encore  les  instrumentistes  sont,  en  Allemagne,  plus 
artistes,  plus  sincèrement  amoureux  de  la  musique  qu'en  Bel- 


gique ou  en  France;  c'est  l'impression  finale  que  nous  ont  pro- 
duite les  soirées  que  nous  venons  de  passer  à  l'Opéra  de  Berlin. 
Cette  passion  vraie,  sans  pose,  se  retrouve  aussi  dans  le  public 
qui  va,  ici,  à  l'Opéra,  non  pour  se  montrer,  jacasser,  et  déranger 
les  voisins  erLarmaiil  trop  tard  et  en  parlant  trop  tôt  comme  le 
font  les  abonnés,  peu  i;pusiciens  au  fond,  du  théâtre  de  la  Monnaie, 
mais  bien  pour  écouler  une  œuvre  sans  en  perdre  une  noie;  aussi 
la  salle  esi-ellc  comble  quand  le  Kapellmeister  monte  au  pupitre, 
el  un  coup  de  timbre  est  le  signal  d'un  silence  profond  qui  s'éta- 
blit aussitôt  et  que  les  spectateurs  observcnl  religieusement  pen- 
dant les  actes.  Disons  enfin,  que  les  dames,  d'après  le  règlement, 
doivent  déposer  leurs'  chapeaux  au  vestiaire,  el  émettons  le  vœu 
que  pareille  mesure  soit  bientôt  édictée  par  notre  aimable  échevin 
des  Beaux-Arls. 


f0NC0UF(?    DU    -PON^ERVATOIRE 


(1) 


Déclamation  (hommes)  :  professeur,  M.  Monrosk.  —  i"  prix, 
MM.  Binard  et  Saye;  2«  prix,  M.  Rosseels. 

Déclamation  (jeunes  filles)  :  professeur,  M"«  J.  Tordeus.  — 
1"  prix  (avec  la  plus  grande  distinction),  M"«  Parys;  1""  prix, 
Mi'«  Jenny  Guilleaume;  2«  pri^.  M""  De  Haen  el  A.  Guilleaume. 

Harmonie  théorique  {hms-c]os)  :  professeur,  M.  G.  Huberti. — 
l*""  prix  (avec  distinction),  MM.  Biarenl  el  Marchand;  l*'  prix, 
MM.  Van  Overeem  et  Lambiolte,M""  Fichefel,  von  Slosch  ;  2"  prix 
(avec  distinction).  M""!*  Spierkél  et  Massun;  1"  accessit,  M.  Ste- 
vens;  2«  accessit,  M"«  Pardon,  MM.  Kuipers  el  Baize,  et  M»"  Pi- 
sart. 

Harmonie  écrite  (huis-clos)  :  professeur,  M.  Joseph  Dupont. 
—  l"  prix  (avec  distinction),  M"«  R.  Hoffmann  ;  rappel  (avec  dis- 
tinction) du  2eprix,M"eSmit;  2«  prix  (avec  distinction),  MM.Kips 
et  Thiébaut;  2«  prix,  M»«  Dupont;  l"  accessit,  MM.  Van  Oosl  el 
Byl  ;  2"*  accessit,  M.  Gorlebeek. 

Harmonie  pratique  (huis-clos)  :  professeur,  M.  Edouard 
Samuel.  —  l"  prix  (avec  la  plus  grande  distinction).  M""  R.  Hoff- 
mann ;  1"  prix  (avec  distinction),  Mi'«Docquier;  i^'  prix,  MM.Dc- 
neufbourg  et  Jonas;  rappel  (avec  distinction)  du  2«prix,  MM.  Gor- 
lebeek et  Bvl. 


Mémento  des  Expositions 

Bruxelles.  —  Salon  triennal,  io  septembre-15  novembre. 
Délai  d'envoi  :  H  août.  (Gratuité  de  transport,  aller  et  retour, 
sur  le  territoire  belge,  pour  les  œuvres  expédiées  par  chemin 
de  fer,  grande  vitesse,  tarif  n"  2).  Renseignements  :  Commission 
directrice  de  l'Exposition  générale  des  Beaux-Arts,  Bruxelles. 
(Secrétaire  :  M.  Stiénon). 

Dresde.  —  Exposition  du  Cercle  artistique  :  aquarelles, 
pastels,  dessins  et  eaUx-fories,  sous  le  protectorat  du  roi  de 
Saxe.  Les  invitations  et  prospectus  seront  envoyés  proch!?fnement. 

Fontainebleau.  —  A"  exposition  annuelle,  i"  aoûl-30  sepiem- 
bre.  Délai  d'envoi  expiré.  —  Renseignements  :  M.  Weber, 
secrétaire  général.  Grande  Rue,  Fontainebleau. 

Le  Havre.  —  1"  août-30  septembre.  Délai  de  dépôt,  ruç  de 
Gaillon  16.  —  Délai  d'envoi  expiré. 

Milan.  —  Exposition  triennale  des  Boaux-Arls.^  l*''"-30  juin 
1891.  —  Trois  prix  de  4,000  francs  chacun,  fo^ndés  par  le 
roi  Humbcrl,  décernés  à  la  peinture  et  à  la  sculpture.  Trois  prix  de 

(1)  Suite  et  fin.  Voir  nos  numéros  dos  29  juin,  0  ot  13  juillet. 


♦  . 


gt-^s=l. 


] 


4,000  francs  chacun,  fontlt-s  par  Saverio  Fumagalli,  décernés  à  la 
sculpture,  b  la  peinture  religieuse,  historique  ou  de  genre.  Un 
prix  de  4,000  francs,  fondé  par  Antonio  G^avâzzi,  décerné  à  la  pein- 
ture historique.  Médailles  et  diplômes. —  Les  demandes  d'admis 
sion  devront  être  adressées  au  président,  M.  Emile  Visconli-, 
Venosta,  à  l'Académie  des  Beaux- Arts  de  Milan. 

Paris.  —  Quatrième  exposition  internationale  de  Blanc  et  Noir 
(pavillon  de  la  ville  de  Paris).  Dessins  au  crayon,  à  la  plume,  au 
lavis,  sanguines,  fusains,  gravures  au  burin,  eau.\-forles,  gravures 
sur  bois,  lithographies,  etc.  —  1"  oclobre-30  novembre  1890. — 
Envois  :  i-5  septembre.  —  Renseignements  :  M.  E.  Bernard, 
directeur,  71,  rue  de  la  Condamine,  Paris.' 

Reims. —  Exposition  des  Amis  des  Arts.4octobre-i7  novembre. 
Délai  d'envoi  :  10  septembre.  —  Renseignements  :  Secrétaire 
de  la  Société  des  Amis  des  Ans,  Reims. 


-pETITE    CH^ROJ^IQUJE 

Quelques  nouvelles  des  anciens  artistes  du  théâtre  de  la  Mon- 
naie :  •  ■  ' 

M.  Seguin  a  traité  avec  le  directeur  du  théâtre  de  Bordeaux, 
qui  a  fait  à  rexcellenl  artiste  un  engagement  superbe. 

On  montera,  spécialement  pour  M.  Seguin  :  Siguj'd  et  la  Statue 
de  Reyer,  le  Roi  de  Lahore,  Hérodiade  et  le  Cid  de  Massenel. 

M""*  Marguerite  Martini  vient  de  traiter  à  de  très  belles  condi- 
tions avec  l'Opéra  Français  de  la  Nouvelle-Orléans  en  qualité  de 
falcon.^ 

M.  Renaud  fera  ses  débuis,  en  septembre,  à  l'Opéra-Comique, 
dans  le  rôle  de  Karnac,  du  Roi  d'Ys. 

M"«  Samé  débutera,  à  la  rentrée,  au  théâtre  de  la  Gaieté,  dans 
la  Fée  aux  Chèvres,  pièce  à  grand  spectacle  de  MM.  P.  Fcrrier  et 
Van  Loo,  musique  de  L.  Varney. 

La  nouvelle  de  l'engagement,  à  l'Opéra,  de  M"'*  Deschamps- 
Jehin  est  prématurée,  le  contrat  de  cette  artiste  avec  l'Opéra- 
Comique  n'expirant  que  dans  un  an. 

A  l'occasion  du  X.W"  anniversaire  de  l'ovènement  au  trône  de 
S.  M.  le  Roi  et  du  LX«  anniversaire  de  l'Indépendance  nationale 
la  Société  d'archéologie  de  Bruxelles  tiendra  line  assemblée  géné- 
rale extraordinaire  le  27  juillet,  à  10  1/2  heures,  dans  la  Salle  des 
.  Mariages,  h  l'hôtel  de  ville  de  Bruxelles. 

Voici  l'ordre  du  jour  de  cette  séance  : 

l»  Vote  d'une  adresse  à  S.  M.  le  Roi  ; 

2"  La  protection  des  monuments  historiques  et  dos  objets  d'art 
ancien  eu  Belgique.  * 

3»  Conférence  par  M.  Alphonse  Gossci,  architecte  à  Reims 
(France)  sur  les  coupoles  d'Orient  et  d'Occident. 

Rappelons  en  outre  que,  samedi  26  courant,  à  2  1/2  heures,  la 
Société  viisiiera,  au  Parc  du  Cinquantenaire,  les  nouveaux  musées 
royaux  d'art  ancien,  d'art  monumcnlal,  etc.,  sous  la  conduite  de 
MM.  Désirée,  conservateur  adjoint  du  Musée  et  conseiller  de  lu 
Société,  et  Vermeersch,  secrétaire  de  la  commission  de  surveil- 
lance de  ce  Musée. 

A  l'Exposition  du  Cercle  des  Femmes  peintres,  les  œuvres 
ci-après  ont  trouvé  amateur  : 

Fleurs,  parC.  Schouten;  Dévotion,  par  \.  Terlinden;  Pensées, 
par  Mary  Gasparoli  ;  trois  pastels  de  A.  Evans;  le  Départ  {ùqua- 
■  relie)  de  Fausline  Keym;  une  miniature  de  M""*  Donnct-Puraye; 
trois  terres  cuites  de  M.  Terlinden. 


Un  auteur  dramatique  qui  a  fait  jouer  plus  de  cinquante  vau- 
devilles et  comédies,  dont  plusieurs  ont  obtenu  beaucoup  de  suc- 
cès, M.  Victor  Bernard,  vient  de  mourir  à  Paris. 

Parmi  les  pièces  les  plus  connues  de  Victor  Bernard,  générale- 
ment faites  en  collaboration,  citons  :  Madameest  couchée,' On 
demande  des  ingénues,  le  Gendre  du^  Colonel,  le  Baptême  du  petit 
Oscar,  le  Moulin  du  Vert-Galant,  les  Vitriers,  la  Couronne 
nuptiale,  le  Petit  Ludovic,  etc. 

Victor  Bernard  a  été  substitut  du  procureur  impérial.  Il  mani- 
festa peu  de  goût  pour  les  choses  judiciaires  et  entra  au  ministère 
de  l'intérieur,  où  il  arriva  au  grade  de  sous-chef. 


Il  est  probable  que  le  théâtre  de  l'Odéon,  montera,  l'hiver  pro- 
chain, une  comédie  ^e  Molbeck,  un  des  poètes  les  plus  char- 
mants et  les  plus  virils  à  la  fois  du  Danemark,  mort  il  y  a  juste 
un  an.  Titre  :  Ambrosius. 

Cette  comédie,  représentée  sur  le  Théâtre-Royal  de  Copen- 
hague, a  obtenu  un  succès  considérable.  Les  théâtres  allemands 
en  ont  une  traduction  du  professeur  Slradlmann.  L'adaptation 
française  a  été  faite  par  une  dame  qui  gardera  l'anonyme  et  par 
M.  Morgère,  secrétaire  de  l'ambassade  de  France,  à  Copenhague. 

Voici  la  liste  complète  des  acquisitions  faites  par  J'Etal  français 
à  l'Exposition  du  Champ-de-Mars  : 

Peinture. 

René  Billotle.  La  Neige  à  la  porte  d'Asnières.  —  Victor  Binet. 
Le  Soir.  —  John-Lewis  Brown.  Before  the  start.  —  Carolus 
Duran.  Lilia.  —  Dauphin.  Un  coin  du  vieux  Toulon.  — 
M"*  C.  Dcsliens.  Au  printemps.  —  Girardot.  Terrasse  à  Tanger. 
—  G.  LaTouchû.  Les  Phlox.  —  L.-A.  Lepère.  A prè^  forage;  le 
Vieux  bachot.  —  Mesdag.  Avant  forage.  —  Armand  Point.  La 
Joie  des  choses.  —  Schuller.  Soleil;  Fin  d'été. —  Skredsvig.  Villa 
Baciocchi;  Jour  d'hiver  près  d'Ajacci'o.  —  Zakarian.  Prunes  et 
verre  de  vin.  — r  Prinet.  Lé  Petit  quadrille  (pastel).  —  Henri 
Saintin.  Soir  d'him^r.  —  A.  Harrison.  Paysage,  rivière.  — Jean- 
niol.  Vieux  ménage.  —  Parrot-Lecomte.  Un  coin  de  f atelier  rf« 
M.  Ch.  Meissonier. 


^ 


Sculpture. 


C.  Lefèvre.  Dans  la  n/^  (groupe  plâtre).  —  C.  Meunier.  Mar- 
teleur  (figurine  bronze).  —  C.  Meunier.  Débardeur  du  port 
(Anvers)  (figurine  bronze).  —  Michel-Malherbe.  La  dernière  ^ 
Nimphe  (plâtre).  —  Rodin.  Danaé  (marbre).  —  E.  S.  Varnier. 
Conférence  internationale  ouvrière  à  Berlin;  Délégation  fran- 
çaise (plaquette  plâtre). 

Le  monument  de  Flaubert,  par  M.  Chapu,  qui  figurait  au 
Salon  de  1889,  vient  d'être  expédié  à  Rouen,  où  il  sera  inauguré 
ou  octobre  prochain. 

La  veuve  de  Richard  Wagner  est  à  la  veille  de  quitter  Bayreuili 
pour  Londres  où  elle  se  propose  d'établir  sa  résidence  perma- 
nente.  

Les  journaux  turfs  signalent  la  récente  découverte  faite  à  Troie 
des  ruines  d'un  théâtre,  construit  en  forme  d'hémicycle  et  pou- 
vant contenir  environ  deux  cents  spectateurs.  Des  inscriptions 
nrocques  font  remonter  cette  construction  à  l'époque  de  l'empe- 
reur Tibère.  Les  dalles  et  les  gradins  sont  en  marbre.  Les  fouilles 
ont  amené  au  jour  deux  belles  statues  de  femmes,  également  en 
marbre. 


l 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


LIGNE   D'OSTENDE-DOUVRES 


La  plus  courte  et  la  moins  coûteuse  des  voies  extra-rapides  entre  le  Continent  et  /'Angleterre 


Bruxelles  à  Londres  en  ...    .       8  heures. 
Cologne  à  Londres  en   ...     .      13^» 
Berlin  à  Londres  en 24 


Vienne  à  Londres  en. 
B&le  à  Londres  en.  . 
Milan  à  Londres  en  . 


36  heures. 
24       » 
33       - 


XROii»  i»e:rvice:i^  v^awi  «four 


D'Ostende  à  5  h.  29  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  31  soir.  —  De  Douvres  à  midi  15,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

xra^i^ri^ée:  Erv  TROii^  he:ure:8 

PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS 

Princesse  Joséphine, (Princesse  Henriette,  Prince  Albert,  La  Flandre  et  Ville  de  Douvres^ 

partant  journellemÀit  d'OSTENDE  à  5  h.  29  matin  et  11  h.  10  matin  :  de  DOUVRES  à  midi  15  et  10  h.  15  soir. 

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Liverpool,  Manchester  et  toutes  les  grandes  villes  de  la  Belgique 
et  entre  LONDRES    ou   DOUVRES  et  toutes  les  grandes  villes  de  l'Europe. 


BILLETS  CIRCULAIRES 

Supplément  de  2«  en  1"  classe  sur  le  bateau,  fr.  2-35 
CABINES  PARTICULIÈRES.  -  Prix  :  (en  sus  du  prix  de  la  i""  classe).  Petite  cabine,  7  francs;  Grande  cabine,  14  francs. 

A  bord  des  malles  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette 
Spécial  cabine,  28  francs;  Cabine  de  luxe,  75  francs. 

Pour  la  location  à  l'avance  s'adresser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  {Qvai)  ou  à  l'Agence  des  Chemins  de  fer  de  FÊtat-Belge 
Northumberland  House,  Strond  Street,  n"  17,  à  Douvres. 

Excursions  &  prix  réduits  de  50  %,  entre  Ostende  et  Douvres,  tous  les  jours,  du  l«r  juin  au  30  septembre. 
Entre  les  principales  villes  de  la  Belgique  et  Douvres,  aux  fêtes  de  Pentecôte  et  de  l'Assomption. 
AVIS.  —  Buffet  restaurant  à  bord.  —  Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  —  Accostage  à  quai  vls-à  vis  des  stations  de  chemin  de 
fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits). —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Locatioa  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  -   Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  VEorploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  kV Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l'Etat-Belge,  Montagne  çle  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n»  53,  à  Londres,  à  V Agence  de  Chemins  de  fer 
de  VÊtat,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  été  M.  Arthur  Vraricken,  Domkloster,  n»  1,  à  Cologne.  **> 


diez  MM.  SCHOTT  frères ,  82,  Montagne  de  la  Cour,  Bruxelles. 


f 


L'OR  DU  RHIN 


DE 


RICHARD  WAGNER  . 

Version  française  de  Victor  'WIL.DER 

Partition    pour    chant   et   piano,    réduite    par   R.    Kleinmichel 

PRIX  NET  :  20  Francs 

<■ 


JOURNAL 


TRIBUNAUX 


paraissant  le  jeudi  et  le  dimanc?ie. 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jnrispindence. 

—  Bibliographie.  —  Législation.  —  Notariat. 

HUTIKHE  ANNÉE. 

Abonnements  i  Belgique,  18  francs  par  an. 
(  étranger,  23  id. 

Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 

IjA.     ^VTAIjIjONIE 

Revftc  mouuelle  de  littérature  et  d'art 

5"  Année  L 

Directeurs  :  MM.  A.  MOCKEL  etl  P.-M.  OLIN. 

„  ^^         (à  Liège,  rue  St-Adalbeit,  8. 
Bureaux  1   ,  ^        ,,       .  ^ 

[  a  Bruxelles,  Avenue  Louise,  317. 

ABONNEMENTS  :  5  franc8;^ran  ;  Union  postale,  fr.   6-50 


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BRUXELLES 
rue  Thérésienne,  6 


GUNTHER 


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ÉCHANGE 

LOCATION 

Paris  1867, 1878,  1"  prix.  —  Sidney,  seuls  1"  et  2«  prix 
EXPOSITIOIS  AISTERDil  1883,  ÂHTERS  1885  DIPLOIE  D'IOmUI. 

Breitkopf  et  Hartel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 


TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisorinée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-G.  Lobe. 

Traduit  de   l'allemand   (d'après   la  5®  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8o.  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment tBêDriquj^et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  sou  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  ouvrages  d'enseignement  musical  les  plus 
estimés  en  Allemagne. 


V 


Bruxelles.  —  Iiup.  V  Monnom,  26,  rue  da  l'Industrie. 


Dixième  ANNÉE.  —  K"  'M. 


Le  mmkro  :  25  cknti.mf.s. 


Dimanche  ;}  Août  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


dpmi 


mité  de  rédaction  »  Octave  M  AU  S  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,    uii   an,    fr.   10.00;  Union   iiostale,    fv.    13.00.    —ANNONCES':    On    traite   à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à  •  ■  ,     ■ 

LADMiMSTRATioN  GÉNKUALE  DE  l'Art  Modeme,  ruG  de  l'Industrie,  26,  Bruxelles. 


^OMMAlftE 


SUPPLIQUK  A  MONSIKL'R   VaNUEN   PeEREHOOM,  MiMSTRK   DES  CHEMINS 

DE  FEU.  —  Mort  m-:  M.  Vincent  Van  Gogh.  —  Confiance  en  soi- 
même.  Traduction  inédite-  de  l'cinglais  d'Emn-son  ,  par  une 
inconnue.  —  Bibliographie,  l'n  libre  poiseur  au  XVI''  siècle: 
Ér;t.sme.  —  Wagner  a  Paris.  —  La  Belgique  jugée  par  Baude- 
LAiRE.  —  Chronique  judiciaire  des  arts.  Voite  d'éditions  musi- 
cales prohibées  en  Belgique.  —  I'etite  chroniqiie. 


SUPPLIQUE 

A  Monsieur  VANDEN  PEEREBOOM 

Ministre  des  Chemins  de  Fer. 

'  Sans  nulle  intention,  Monsieur  le  Ministre,  de  vous 
adresser  des  zwanzeries,  ce  qui  doit  être  votre  impres- 
sion première,  vu  l'imbécile  injustice  de  vos  conci- 
toyens, quand,  dans  un  journal,  vous  voyez  votre  nom. 
Si,  dans  VArt  moderne  du  27  de  ce  mois  vous  avez  lu 
ce  que  pensait  Baudelaire  de  ces  concitoyens  et  de  leur 
journalisme  et  de  leur  zwanze  et  de  leurs  plaisanteries 
excrémentielles,  comme  il  dit,  vous  aurez  recueilli  de 
quoi  renforcer  votre  coutumière  impassibilité. 

Nous  voulons  vous  entretenir  d'un  olyet  fort  opportun 
en  ces  jours  de  vacances  commencées  :  les  gares,  les 


gares  champêtres  surtout,  dont  la  presque  totalité  sont, 
en  Belgique,  abominablement  moroses,  et  qui  pourraient 
aisément  devenir^^^antes. 

Certes,  sous  yiitre^administration,  il  a  été  fait  effort 
pour  réaliser  mieuxrons  les  bâtiments  des  gares  que  la 
lugubre,  monotone  et  économique  maison  de  jadis,  aussi 
platement  bête  que  les  maisons  d'école.  Ah  !  que  d'occa- 
sions perdues  d'embellir  le  village  par  des  constructions 
pittoresques  !  Grâce  à  vous,  de  ci  de  là  on  échappe  à  la 
vue  navrante  de  la  triste  casernette  qui  abrite  nos  chefs 
de  station.  Mais  sans  démolir  ces  glaciales  horreurs, 
vous  pourriez,  pour  l'été  au  moins,  pour  les  mois  de 
vacances,  ceux  où  l'on  regarde  beaucoup  au  dehors,  les 
cervelles  étant  vides  d'affaires,  obtenir  des  effets  qui 
étonneraient  nos  yeux  et  vous  feraient  honneur. 

La  Compagnie  du  Nord  donne  l'exemple  à  cet  égard. 
De  Namur  à  Dinant ,  de  Dinant  à  Heer-Agimont,  à 
chaque  étape,  les  petites  gares  sont  transformées  en 
jardins  charmants,  éblouissants  de  fleurs  ;  sur  les  murs, 
sur  les  palissades  grimpent  la  vigne  vierge,  la  glycine, 
l'aristoloche,  la  capucine,  la  clématite.  La  maisonnette 
de  Waulsort  est  le  chef-d'œuvre  de  ce  rustique  jardi- 
nage, qui  donne  envie  de  descendre,  qui  fait  rêver  d'un 
coin  de  pays  enchanteur,  qui  console  des  fumées  suf- 
focantes, dés  poussières  aff'reuses,  des  trépidations  mal- 
saines, des  coups  de  sifflet  déchirants  et  des  voisinages 
agaçants,  quintette  d'ennuis  et  de  douleurs  qui  symbo- 


lisent  ce  mode  de  voyager  perfectionné  inventé  par 
notre  civilisation  :  le  chemin  de  fer  ! 

On  dit  que  cette  ornementation  florale  a  été  obtenue 
des  chefs  de  station,  grâce  à  une  prime  modeste  qu'on 
attribue  tous  les  ans  à  celui  qui  la  réussit  le  mieux. 
Une  sorte  de  concours  auquel  aident  assurément  les 
compliments  que  nombre  de  touristes  font  à  l'auteur  en 
attendant  le  train.  Car  le  public  n'est  pas  insensible  à 
l'air  de  fête  qu'il  trouve  en  ces  lieux  d'arrivée  ou  de 
départ  fertiles  d'ordinaire  en  impressions  maussades  ou 
mélancoliques. 

Si  ce  système  de  prime  existe,  il  faudrait  l'imiter.  S'il 
n'existe  pas,  il  faudrait  l'appliquer.  N'est-il  pas  déplo- 
rable de  voir  succéder  aux  campagnes  dont  le  pano- 
rama se  déroule  pendant  l'avancée  du  train,  les  saletés 
accumulées  dès  qu'on  approche  des  gares?  Les  vieux 
wagons  sordides  utilisés  comme  aubettes,  les  amoncel- 
lements de  cendres,  les  hangars  lépreux,  et  surtout  les 
noires,  loifrdes,  affligeantes  palissades  des  billes  hors  de 
service?  Allons!  Des  fleurs  sur  tout  cela,  des  penderies 
sarmenteuses  de  lianes,  de  la  verdure,  des  couleurs,  des 
broderies  végétales. 

Et  aussi,  quand  on  le  pourra,  chaque  fois  qu'on  le 
pourra,  des  tons  variés,  à  la  hollandaise,  des  verts,  des 
rouges,  des  bruns,  des  jaunes  ;  des  châssis  se  détachant 
en  vif,  des  encadrements,  du  peinturlurage,  tout  ce  qui 
égaie  et  rend  propret  ;  plus  rien  "de  l'horrible  style  dit 
administratifs  qui  pue  la  mort,  la  prison,  l'hôpital. 
Des  chalets,  des  maisons  flamandes,  des  exemplaires  dé 
tous  les  genres,  appropriés  aux  sites,  une  succession  de 
jolies  bâtisses  corrigeant  l'âpreté  du  barbare  voyage 
dans  la  poussière,  la  fumée,  les  cahots,  le  vacarme  et 
les  voisins. 

Et  ce  vacarme!  Ce  tintamarre  effroyable  des  entrées 
en  gare.  Ces  sifflements  d'épouvante  et  de  désespoir, 
que  les  machines  furieuses  poussent  comme  si  des  cata- 
strophes allaient  fondre  sur  les  infortunés  voyageurs 
qui  garnissent  les  quais?  Vraiment,  ne  peut-on  lea  sup- 
primer, les  adoucir  ou  y  substituer  quelque  mode 
d'avertissement  moins  terrifiant?  A  l'étranger  cela 
n'existe  guère.  Un  train  arrive  sans  ces  démonstrations 
retentissantes,  et  s'en  va  de  même.  On  n'y  gaspille  pas 
ainsi  le  bruit.  Les  passagers  ner\'eux  ne  sont  pas  expo- 
sés à  des  syncopes.  Ceux  qui  sont  péniblement  parvenus 
à  s'endormir,  ne  sont  pas  réveillés  par  c€s  cauchemar- 
dantes  explosions  d'inutile  tintamarre.  Les  règlements 
y  sont  plus  humains.  Il  faudrait  étudier  cette  question 
par  comparaison  avec  les  administrations  où  plus  de 
retenue  et  de  décence  sont  pratiquées. 

L'industrie,  Monsieur  le  Ministre,  ne  s'est  préoccupée 
jusqu'ici  que  de  réaliser  promptement  ses  conquêtes.  Ce 
qui  touche  à  l'ornement  et  à  l'art,  elle  l'a  brutalement 
dédaigné.  Y  a-t-il  beaucoup  de  choses  plus  désolantes 
qu'un  district  de  fabriques?  N*a-t-il  pas  l'aspect  de  là 


dévastation,  de  la  ruine,  de  la  misère,  du  bagne?  Vos 
stations  de  chemins  de  fer,  et  tout  ce  qui  fonctionne 
pour  les  chemins  de  fer,  n'a-t-il  pas  ces  mêmes  appa- 
rences grossières  et  sordides?  Tout  n'y  est-il  pas  laid  et 
triste?  Et,  d'autre  part,  maintenant  qu'il  y  a  un  acquis 
si  considérable,  ne  convient-il  pas  de  songer  à  désaf- 
fliger  tout  cela  par  quelque  préoccupation  d'ornement 
et  d'art?  N'objectez  pas  la  dépense  :  le  bon  goût  a  cette 
aptitude  de  faire  charmant  avec  le  même  prix,  ce  que  le 
mauvais  goût  gâche  outrageusement.  Vos  wagons,  en 
dedans  et  en  dehors,  ^ont  hideux,  les  uniformes  de  vos 
employés  sont  nauséeux,  tout  est  à  reprendre,  tout  est 
à  améliorer.  Consultez  sur  ceci  non  plus  la  routine  des 
bureaux,  mais  quelques  artistes.  Provoquez  des  pro- 
jets :  il  en  surgira  d'heureux.  C'est  important,  on  vous 
l'assure,  que  d'avoir  des  chemins  de  fer  d'élégante  tenue  ; 
en  nulle  autre  chose  un  pays  n'est  plus  fréquenaraent 
jugé,  n'est  plus  fréquemment  regardé.  Là  sont,  en  efl'et, 
désormais  les  grandes  routes  où  tout  passe. 

Récemment,  on  nous  disait  que  la  gare  d'Herbesthal 
avait  été  singulièrement  agrandie  et  embellie  sur  les 
ordres  du  jeune  empereur  d'Allemagne,  et  qu'il  en  était 
de  même  de  toutes  les  gares- frontières  de  son  empire. 
—  «  Je  veux,  aurait-il  dit,  que  tout  étranger  arrivant 
chez  nous,  ait  l'impression  d'un  changement  en  notre 
honneur;  je  veux  que  tout  Allemand  rentrant  chez  lui, 
ait  l'impression  que  sa  patrie  est  la  plus  belle  ».  — ^. C'est 
très  profond  et  très  salutaire,  très  humain  et  très  artis- 
tique. Ce  n'est  assurément  pas  le  voyageur  qui  entre  en 
Belgique  par  l'abominable  lazaret  de  Quévy,  qui  ressen- 
tira quelque  impression  réjouissante  ou  quelque  orgueil 
national. 

Vous  pouvez  beaucoup,  Monsieur  le  Ministre,  car 
vous  êtes  à  la  fois  de  haute  intelligence  et  d'adroite  éco- 
nomie. Vous  avez  aussi  la  suprême  qualité  d'un  gouver- 
nant énerçique  :  l'opiniâtreté.  Votre  administration  de 
nos  chemins  de  fer  a  été  admirable,  quoiqu'en  disent 
les  zwanzeurs  imbéciles.  Il  y  manque  un  peu  d'art  pour 
qu'aux  sufl'rages  des  hommes  d'affaires  se  joignent  ceux 
des  artistes,  groupe  que  nul  ne  dédaigna  jamais  impu- 
nément, car  on  y  pense  juste  et  haut.  Il  y  a  chez  vous 
du  sentiment  artiste,  puisque  vous  êtes  amateur  de 
beaux  livres  et  de  reliures  raffinées.  Voyez  si,  dans  les 
pensées  sommairement  exprimées  ci-dessus,  il  n'y  aurait 
pas  pour  vous  une  application  plus  large  et  plus  sociale 
de  ces  aptitudes.  Dans  les  efforts  que  vous  tenterez  à  ce 
point  de  vue,  vous  rencontrerez  peut-être  les  gouaille- 
ries  de  cette  fille  publique  :  la  zwanze,  mais  vous  aurez 
le  très  cordial  appui  de  ceux  qui  aiment  le  goût  en 
toutes  choses  et  qui  aiment  assez  notre  Belgique  pour 
la  souhaiter  aussi  bien  que  possible;  car  ils  sont. d'avis 
que  c'est  un  très  beau  pays,  quoique  assez  mal  habité. 


LART  MODERNE 


243 


MORT  DE  M.  VINCENT  VAN  GOGH 

Vous  éles  prié  d'assisler  aux  Convoi,  Service  cl  Inhumalion  de 
Monsieur  Vincent  VAN  GOGH 

ARTISTE-PEINTRE  , 

Décédé  en  son  domicile,  à  Auvers-sur-Oise,  le  Mardi  29  Juillet  \  890, 
dans  sa  37*  année  ;  qui  so  feront  le  Mercredi  30  Juillet,  à 
2  1/2  heures  précises. 

On  se  réunira,  2,  place  de  la  Mairie,  b  Auvers-sur-Oiso. 

DE   PROFUNDIS. 

Celle  lettre  navrante,  nous  venons  do  la  recevoir,  et  immédiate- 
ment lout  le  passé  d'art  de  ce  jeune  grand  peintre  nous  traverse, 
en  éclairs,  l'esprit.  Depuis  les  cinq  ans  que  nous  avions  rencontré 
quelques-unes  de  ses  oeuvres,  chez  les  petits  marchands  modestes 
des  rues  Chauzal  et  Blanche,  nous  suivions  ses  coups  de  pinceau 
à  chaque  exposition  des  Indépendants.  Kt  toujours  sa  couleur 
violente,  broyée  de  lumière  et  de  force,  triomphait.  Dans  la 
mêlée  des  toiles,  les  siennes  étaient  comme  des  porte-drapeaux. 
On  les  voyait  de  loin  crier  leur  audace  de  tons.  C'étaient  des  exci- 
tations aux  révoltes,  des  folies  rouges  de  guerre.  On  eût  dit  qu'en 
des  pâtes  embrasées,  le  peintre  dessinait  ses  sujets  avec  des  burins 
implacables.  Toute  l'exaspération  de  l'art  actuel  s'y  prouvait. 

Ce  n'était  pas  la  réalité  qui  le  tentait,  c'était  la  vision  incendiée 
des  choses.  Quand  il  titrait  ses  envois  :  la  Vigne  rouge,  il  pei- 
gnait le  vin  enflammant  un  cerveau  ;  quand  il  titrait  :  le  Lierre, 
on  avait  la  sensation  d'une  force  myriadairetie  verdure  qui  mon- 
tait du  sol  vers  les  arbres  pour  étouffer  toute  une  forêt. 

Au  dernier  Salon  des  Indépendants,  des  paysages  cosmiques 
où  les  forces  de  la  terre  conflagraienl,  indiquaient  une  nouvelle 
voie  ouverte  —  que  la  mort,  lout  à  coup,  ferme. 


CONFIANCE  EN  SOI-MÊME 

TRADUCTION   INÉDITE   DE   l'aNGLAIS   d'EmERSON 

par  une  Inconnue  (1). 

J'ai  lu  l'autre  jour  des  vers,  écrits  par  un  grand  peintre;  ils 
étaient  pleins  d'originalité  et  n'avaient  rien  de  conventionnel.  Des 
lignes  écrites  de  ce  ton  contiennent  toujours  un  avertissement 
pour  l'âme,  quel  qu'en  soit  le  sujet.  Le  sentiment  qu'elles  inspi- 
rent a  plus  de  valeur  que  la  pensée  qu'elles  peuvent  contenir. 
Croire  en  notre  propre  pensée,  croire  que  ce  qui  est  vrai  pour 
nous  au  fond  de  notre  cœur,  est  vrai  pour  tous,  voilà  le  génie. 
Dites  voire  conviction  secrète,  et  elle  deviendra  l'opinion  univer- 
selle; —  car  le  temps  transforme  les  choses  intérieures  et  les  rend 
extérieures,  —  et  notre  première  pensée  nous  est  renvoyée  par 
les  trompettes  du  ju{;ement  %rnier.  Quelque  familière  que  puisse 
être  pour  chacun  de  nous  la  voix  de  l'esprit,  le  plus  grand  mérite 
que  nous  accordions  à  Moïse,  à  Platon,  à  Milton,  c'est  qu'ils 
réduisant  à  néant  les  livres  et  les  traditions,  et  nous  parlent,  non 
de  ce  que  les  hommes  pensaient  de  leur  temps,  mais  de  ce 

(1)  Voici  de  fortes  et  salutaires  pensées  sur  l'Originalité,  cette 
substance  suprême  de  l'art  véritable.  Vue  Inconnue  nous  les  adresse. 
Merci  au  nom  de  VArt  moderne.  C'est  Elle  qui  écrivit  larticle  sur 
Emerson  publié  dans  rArt  moderne,  i890,  p.  317. 


qu'eux-mêmes  pensaient.  L'homme  devrait  apprendre  à  recher- 
cher et  à  étudier  ce  rayon  de  lumière  qui,  parlant  du  plus  profond 
de  son  être,  traverse  son  esprit,  et  devrait  être  préféré  à  la  lueur 
de  tout  un  firmament  de  bardes  et  de  sages. 

Au  lieu  de  cela,  il  renonce  à  sa  pensée  et  la  dédaigne,  parce 
qu'elle  est  à  lui.  Dans  chaque  œuvre  de  génie,  nous  roirouvons 
nos,  propres  pensées  que  nous  avions  méprisées;  elles  nous 
revieniienl  avec  une  majeité  étrangère.  Les  grandes  œuvres 
d'art  n'ont  pas  dé  leçon  plus  impressionnante  que  celle-là.  Elles 
nous  apprennent  k  respecter,  à  garder  avec  une  inflexibilité  de 
bonnc^iumeur,  nos  impressions  spontanées,  surtout  quand  la 
clameur  des  voix  leur  est  opposée.  Sans  cela,  demain,  un 
étranger  dira  avec  l'autorité  du  bon  sens  ce  que  nous  avons  tou- 
jours pensé  et  senti,  et  nour?  serons  obligés  de  recevoir  honteu- 
sement notre  propre  opinion  des  mains  d'un  autre. 

Il  y  a  dans  l'éducation  de  tout  homme  une  époque  où  il  arrive 
à  la  conviction  que  l'envie  est  de  l'ignorance,  que  l'imitation  est 
un  suicide,  qu'il  doit  s^  prendre  tel.  qu'il  est,  bon  ou  mauvais; 
que,  bien  que  ce  vaste  univers  soit  rempli  de  bonnes  choses, 
aucune  semence  de  blé  ne  peut,  germer  pour  lui  et  le  nourrir  si 
ce  n'est  par  le  labeur  qu'il  répand  sur  l'espace  qu'il  lui  est  donné 
de  cultiver.  Le  pouvoir  qui  réside  en  lui  est  nouveau  dans  la 
nature  ;  nul  autre  que  lui  ne  sait  ce  qu'il  peut  en  faire,  et  lui  ne  le 
sait  qu'après  l'avoir  essayé.  Ce  n'est  pas  pour  rien  qu'une  figure, 
un  caractère,  un  fuit  l'impressionnent  vivement,  tandis  que  d'autres 
le  laissent  indifférent.  La  mémoire  qui  choisit  et  sculpte  ces  sou- 
venirs n'est  pas  sans  une  harmonie  préétablie.  L'œil  a  été  placé 
là  où  un  certain  rayon  pouvait  tomber,  afin  qu'il  puisse  renvoyer 
ce  rayon. 

Nous  ne  nous  exprimons  presque  jamais  qu'à  moitié.  On  dirait 
que  nous  sommes  honteux  de  cette  idée  divine  que  chacun  de 
nous  représente.  On  peut,  cependant,  s'y  fier  avec  sûreté,  comme 
à  une  chose  proportionnée  à  nos  forces  et  promettant  un  succès, 
pourvu  qu'elle  soit  fidèlement  interprétée.  Mais  Dieu  ne  veut  pas 
que  son  œuvre  soit  faite  par  des  lâches.  Un  homme  se  sent  sou- 
lagé et  content  quand  il  a  mis  tout  son  cœur  dans  son  œuvre  et 
qu'il  a  fait  de  son  mieux.  Mais,  ce  qu'il  a  dit  et  fait  autrement,  ne 
lui  procure  aucune  paix.  C'est  une  délivrance  qui  ne  délivre  pas. 
Dans  l'effort  qu'il  doit  faire,  son  génie  l'abandonne,  aucune  muse, 
aucune  invention,  aucun  espoir  ne  l'aide. 

Crois  en  toi-même  :  chaque  cœur  vibre  à  cette  corde  de  fer. 
Accepte  la  place  que  la  Providence  a  trouvée  pour  toi,  la  société 
de  les  contemporains,  l'enchaînement  ^s  événements.  l,es  grands 
hommes  l'ont  toujours  fait,  se  confiam  comme  des  enfants  au 
génie  de  leur  époque,  trahissant  dans  leurs  œuvres  cette  grande 
perception  :  que  cette  chose,  digne  d'une  confiance  absolue,  celle 
nnssion,  pénétrait  leur  cœur,  travaillait  par  leurs  mains,  domi- 
nait tout  leur  être.  Nous  sommes  aussi  des  hommes,  cl  nous 
devons  accepter,  dans  le  sens  le  plus  élevé,  celte  même  sublime 
destinée;  nous  ne  sommes  pas  des  mineurs  ni  des  invalides  abri- 
lés  dans  un  coin  protégé,  ni  des  lâches  fuyant  devant  une  révolu- 
lion,  mais  des  guides,  des  sauveurs,  des  bienfaiteurs  obéissant 
à  l'effort  tout-puissant  et  marchant  en  avant  dans  le  chaos  cl 
l'obscurité. 

Quels  jolis  oracles  la  nature  rend  à  ce  sujet  par  la  physionomie 
des  enfants,  par  leurs  manières,  par  celles  des  brutes  elles-mêmes. 
Eux  n'ont  pas  cet  esprit  hésitant,  divisé  et  rebelle,  celle  méfiance 
d'un  sentiment  dont  nos  calcul^  ont  supputé  le  fort  et  le^faible. 
Leur  esprit  étant  entier,  leur  œil  est  encore  indompté,  et  nous 


^^ 


r^ 


244 


VART  MODERNE 


déconcerte.  L'enfance  ne  se  conforme  à  personne,  loul  le  monde 
se  conforme  à  elle,  à  lel  point  qu'un  bébé  se  joue  ordinairement 
des  quatre  ou  cinq  grandes  personnes  qui  s'amusent  et  badinent 
avec  lui.  Dieu  a  armé  la  jeunesse,  l'adolescence  et  l'Age  mûr  do 
tout  autant  de  charmes  et  d'atiraits;  il  les  a  rendus  enviables, 
gracieux,  il  leur  a  donné  des  droits  indéniables,  pourvu  qu'ils 
gardent  bien  leur  caractère  propre.  Ne  croyez  pas  qbe  ce  jeune 
homme  n'a  pas  de  force  parce  qu'il  ne  peut  résister  i)i  à  vous  lii 
à  moi.  Ecoulez  sa  voix  dans  la  chambre  voisine,  elle  eBt  suffisam- 
ment claire  et  accentuée.  Il  sait  parler  à  ses  contemporains.  Qu'il 
soit  timide  ou  hardi,  sa  jeunesse  fera  de  nous  «  des  vTeux  >>  avant 
que.  nous  ne  le  désirions.  La  nonchalance  des  gamins  qui  sont 
sûrs  d'un  dîner  et  dédaignent  souverainement  de  dire  ou  faire 
quoi  que  ce  soit  pour  se  concilier  quelqu'un,  est  une  des  saines 
attitudes  de  la  nature  humaine.  Un  gamin  est  dans  un  salon  ce 
qu'un  croupier  est  dans  une  salle  de  jeu  :  indépendant,  irrespon- 
sable, regardant  de  son  coin  tous  les  gens  qui  passent,  les  jugeant, 
prononçant  leur  sentence  suivant  leur  mérite  et  les  qualifiant, 
suivant  la  coutume  vive  et  sommaire  des  gamins,  de  bons,  mau- 
vais, intéressants,  sots,  ennuyeux.  Ni  son  intérêt,  ni  les  consé- 
quences de  ses  paroles  ne  le  gênent,  il  rend  un  verdict  indépen- 
dant et  sincère.  A  vous  de  lui  faire  la  cour;  il  ne  vous  la  fera  pas. 
Tandis  que  l'homme,  lui,  est  pour  ainsi  dire  emprisonné  par  son 
expérience.  Aussitôt  qu'il  a  parlé  ou  agi  avec  quelque  éclat,  il  s'est 
commis;  il  est  surveillé  par  la  haine  ou  la  sympathie  de  plusieurs 
centaines  d'hommes  dont  les  appréciations  et  les  affections  entre- 
ront en  ligne  de  compte. 

Plus  de  Léthé  pour  remédier  à  cela.  Celui  qui  peut  éviter  de 
se  commettre  et  qui,  ayant  déjà  observé,  observe  encore,  du 
haut  de  cette  même  innocence  naturelle,  droite,  incorruptible, 
sans  peur,  doit  être  et  sera  toujours  une  personnalité  formidable. 
Il  pourrait  donner,  sur  les  affaires  courantes,  une  opinion  qu'on 
sentirait  être  l'opinion  nécessaire,  philosophique,  si  l'on  veut,  et 
non  une  opinion  simplement  personnelle.  Elle  entrerait  comme 
un  dard  dans  les  oreilles  des  hommes. 

Nous  entendons  ces  voix  dans  la  solitude,  mais  elles  s'affai- 
blissent et  nous  les  entendons  à  peine  quand  nous  rentrons  dans 
le  monde.  La  société  conspire  partout  contre  la  virilité  de  chacun 
de  ses  membres.  La  société  est  comme  une  «  société  par 
actions  »  dont  les  membres  s'entendent,  —  pour  le  plus  grand 
bien  de  la  masse  —  afin  de  sacrifier  la  liberté  et  l'excès  d'éduca- 
tion de  chacun,  La  vertu  qui  y  est  le  plus  désirée  est  la  con- 
formité (1);  on  y  prend  en  aversion  ceux  qui  se  fient  à  eux- 
mêmes.  Ce  n'est  pas  les  réalités,  les  créateurs  qu'on  aime  \\  mais 
les  renommées  et  les  coutumes. 

Celui  qui  veut  être  un  homme  doit  être  un  non-conformiste. 
Celui  qui  veut  acquérir  des  palmes  immortelles  ne  doit  pas  être 
arrêté  par  ce  qu'on  appelle  le  bien  ;  il  doit  s'enquérir  si  c'est  véri- 
tablement le  bien.  Rien  n'est  sacré  que  l'intégrité  de  votre  propre 
conscience.  Si  vous  pouvez  vous  absoudre  vous-même,  vous 
aurez  le  suffrage  du  monde. 

Je  me  rappelle  une  réponse  que  j'ai  faite  tout  jeune  à  un  émi- 
ncnt  donneur  de  conseils,  qui  avait  l'habitude  de  m'ennuyer  avec 
«  les  chères  vieilles  doctrines  de  l'Eglise  ».  Comme  je  lui  disais 
que  je  n'avais  que  faire  de  la  sainteté  des  traditions,  puisque  je 
vivais  d'une  vie  toute  inléri«ure,  mon  ami  répondit  :  «  Mais  ces 

A 

(i)  Quel  étrange  accord  de  pensée  avec  Baudelaire  :  voir  notre 

dernier  numéro  :  N'être  pas  conforme,  c'est  le  grand  crime  ! 


impulsions  intérieures  peuvent  venir  de  l'enfer  autant  que  du 
ciel  »,  Je  répliquai  :  «  Elles  ne  me  semblent  pas  venir  d'en  bas; 
mais  si  je  suis  l'enfant  du  diable,  je  vivrai  par  le  diable  !  »  Aucune 
loi  ne  peut  m'êtrc  sacrée  que  celle  de  mon  être.  Le  bien,  le  mal 
ne  sont  que  des  noms  qu'on  peut  appliquer  îi  des  choses  très 
différentes;  ce'qui  seul  est  pour  moi  le  bien,  la  voie  droite,  est  ce 
qui  est  selon  la  constitution  de  mon  être,  de  ma  conscience;  et  le 
mal,  ce  qui  est  contre.  L'homme  doit  se  conduire  en  face  de 
toute  opposition,  comme  si  tout,  excepté  lui,  était  éphémère, 
comme  si  tout  le  reste  n'était  qu'apparence.  —  Je  suis  honteux 
(le  voir  combien  facikmenl  nous  capitulons  devant  des  noms  et 
dos  étiquettes,  de  grandes  sociétés  ou  des  institutions  mortes-. 

(.4  suivre).  : 


!PlBI.IOqF(^PHlE 


Un  libre  penseur  au  XVI''  siècle.  —  Erasme,  p/ir  Emile 
Amiei..  —  Un  vol.  in-18 Jésus,  de  452  p.,  Paris,  Lemerre,  1889. 

Erasme  est  l'un  des  promoteurs  incontestés  de  la  Renaissance. 
Il  a  remis  en  honneur  les  lettres  grecques  et  latines;  il  a  porté  h 
la  scolastique  et  à  la  théologie  bêtes  de  son  temps  des  coups  dont 
elles  ne  se  sont  pas  relevées  et,  si  sa  gloire  n'est  pas  plus  popu- 
l;iire,  c'est  qu'il  n'a  écrit  que  dans  les  langues  mortes  et 
que  son  œuvre  immense,  enseveli  dans  des  in-foUo  accessibles 
aux  seuls  savants,  n'est  plus  guère  connu  que  par  ses  parties  les 
plus  légères  :  les  Colloques,  l'Eloge  de  la  Folie,  qui  contien- 
nent cependant  en  germe  tous  les  principes  au  service  desquels 
il  a  consacré  sa  vie.  C'est  aussi  que,  dans  un  siècle  de  luttes 
ardentes,  où  chacun  recourait  aux  armes  pour  faire  triompher  ses 
croyances  et  où  la  force  brutale  était  partout  invoquée  comme 
la  suprême  loi,  il  a  été,  au  physique,  un  être  souffreteux  et 
timide,  craignant  loul  ce  qui  pouvait  troubler  son  repos,  et 
louvoyant  entre  les  partis  pour  ne  pas  se  compromettre.  «  J'aime 
la  concorde,  écrivait-il  à  un  de  ses  amis,  au  point  d'abandonner 
une  partie  de  la  vérité  plutôt  que  de  me  brouiller,.»  Aussi  fut-il 
suspect  à  tous  en  un  temps  où  H  n'y  avait  plus  de  place  pour  les 
compromis.  Des  hommes  décidés  h  tout  braver  plutôt  qu'à  recu- 
ler dans  leur  foi  ne  pouvaient  tenir  en  haute  estime  un  savant 
timoré  qui  redoutait  la  lutte  et  craignait  de  mourir.  Les  proles- 
tants lui  ont  reproché  de  changer  à  tout  vent  pour  un  morceau  de 
pain  ;  les  catholiques  ne  l'ont  pas  ménagé  davantage,  et  la  Sor- 
bonne  a  condamné  solennellement  ses  écrits.  Jusqu'à  nos  jours,  il 
est  resté  attaché  à  son  nom  comme  un  reproche  de  pusillanimité  : 
on  l'a  représenté  comme  le  créateur  du  parti  politique  de  l'habileté 
et  de  l'intérêt,  comme  un  opportuniste,  uq  doctrinaire,  subor- 
donnant ses  principes  à  l'ulilité  du  moment  et  visant  surtout  à  sa 
tranquillité  personnelle. 

L'étude  consciencieuse  de  M.  Amiel  a  eu  principalement  pour 
but  de  dissiper  ces  ombres.  Sous  certaines  restrictions  de  forme, 
que  ne  justifiaient  que  trop  les  troubles  du  temps,  il  a  montré  en 
Erasme  un  véritable  libre  penseur,  non  peut:être  comme  on  le 
conçoit  aujourd'hui,  mais  comme  il  était  difficile  et  hardi  de  l'être 
au  xvi"  siècle,  faisant  peu  de  cas  du  dogme  au  point  d'abandon- 
ner à  la  controverse  la  divinité  même  du  Christ,  et  s'atlachant  sur- 
tout à  la  restauration,  par  les  lettres,  du  pur  esprit  chrétien.  De 
là  son  indifférence  pour  des  luttes  qui  né  portaient  en  réalité  que 
sur  des  institutions  de  l'Eglise;  de  là  aussi  son  effort  conslant 
pour  dégager  des  écritures  l'essence  même  de  la  morale,  en 


VART  MODERN. 


'ly 


245 


dehors  de  toute  pratique  et  de  toute  forme  consacrées.  Il  ne 
croyait  pas  à  l'efficacilé  de  ces  bouleversements  qui  déplacent  le 
mal  au  lieu  de  le  faire  disparaître  ;  sa  vie  a  été  la  lutte  d'un  scep- 
ticisme avisé  contre  les  deux  partis  extrêmes;  il  a  rêvé  le  progrès 
constant  de  l'humaniié  par  l'évolution,  et  à  ce  titre,  que  M.  Amiel 
s'est  appliqué  à  faire  ressortir,  il  doit  être  placé  au  rang  dos 
plus  illustres  ancêtres  de  la  science  moderne . 

En  le  suivant  pas  à  pas  dans  les  péripéties  de  son  existence 
agitée,  M.  Amiel  présente  encore  sous  un  autre  aspect, 
curieux  pour  nos  lecteurs,  cet  ami  de  Holbein  et  de  Durer,  traver- 
sant rilalie  sans  presque  jeter  un  regard,  ni  sur  ces  grandes 
ruines  toutes  remplies  du  passé,  dont  cependant  il  recherchait  si 
avidement  les  écrits,  ni  sur  les  monuments  de  la  Renaissance  au 
temps  même  où  Brunelleschi,  Michel-Ange  et  Raphaël  en  étaient 
les  architectes  et  les  décorateurs.  «  Les  humanistes  de  la  Renais- 
sance, dit  M.  Amiel,  s'occupent  exclusivement  de  leurs  éludes, 
sont  subjectifs,  comme  disent  les  Allemands,  négligent  la  nature 
et  ce  qui  s'agite  autour  d'eux...  Ils  n'aimaient  un  pays  qu'autant 
qu'ils  pouvaient  y  trouver  des  livres  et  des  savants  pour  accroître 
leurs  connaissances  et  y  puiser  des  sujets  littéraires  ». 

Aussi  leur  œuvre  a-l-elle  quelque  chose  de  glacé  et  d'immobile. 
Pour  puissante  qu'elle  soit,  elle  n'attire  pas.  Us  ont  retrouvé 
la  momie  de  l'antiquité,  mais  ils  n'ont  pas  su  lui  rendre  la  vie, 
la  remettre  dans  l'air  éthéré  et  dans  la  chaude  lumière  ;  et  cela 
explique,  mieux  encore  que  les  considérations  que  nous  expri- 
mions tout  à  l'heure,  leur  gloire  de  second  plan,  laissée  dans  la 
pénombre  par  celle  des  purs  artistes  qui  surent  rendre  ses  formes 
adorables  et  son  sourire,  à  la  déesse  reconquise. 


WAGNER  A  PARIS 

Où  allons-nous!  où  allons-nous!...  Voici  le  plus  parisiennarfl 
des  journaux  parisiens,  Gil  Bios  lui-même,  qui,  par  la  plume 
de  son  spirituel  rédacteur  Emile  Bergerat,  demande  tout  simple- 
ment... demande  (faut-il .le  dire?...)  qu'on  joue  la  Tétralogie  à 
l'Opéra.  Et  le  Premier-Paris  qu'il  consacre  à  cette  audacieuse  con- 
ception est  impératif.  Qu'on  en  juge  : 

Nous  sommes  en  République,  tout  le  proclame;  mais  il  ne 
me  sera  démontré  que  nous  y  sommes  absolument,  c'est-à-dire 
comme  on  doit  y  êtrç  quand  on  y  est  jusqu'au  cou,  que  lorsque 
l'on  pourra,  sans  être  hué,  lapidé,  taxé  de  prussianisme  et  dégradé 
de  la  Légion  d'honneur,  publier  dans  un  journal  français  la 
simple  et  inoffensive  vérité  suivante  :  «  L'Opéra  ne  peut  être 
sauvé  que  par  le  répertoire  de  Richard  Wagjier  •». 

Jusqu'au  jour  où  cette  phrase,  effrayante,  je  le  sais,  mais 
libérale,  sera  imprimable  et  n'ameutera  pas  devant  le  journal  qui 
l'aura  risquée  au  péril  de  ses  presses,  les  patriotes  d'élite  de 
notre  Ville-Phare,  nous  serons  en  France,  à  qui  le  dites-vous! 
mais  nous  ne  serons  pas  en  République. 

Je  vous  prie  d'ailleurs  d'observer  que  cette  vérité,  terrible,  mais 
éclatante,  éclate  de  plus  en  plus  terriblement  aux  yeux  de  tous 
les  gens  de  bonne  foi  et  fait  sauter  les  lunettes  des  autres.  Mais 
on  ne  se  sent  pas,  et  voilà  lout,  assez  en  République  pour  oser 
en  proclamer  l'honnête  évidence.  Comme  pour  lout  le  reste  et 
toujours,  on  attend  que  la  théorie  de  la  liberté  se  réconcilie  avec 
sa  pratt(i[ue  par  l'iniervenlion  d'une  initiative  individuelle. 

Le  monument  de  Charles  Garnier,  par  son  développement 
gigantesque  qu'aucun  génie  ne  peuple,  semble  avoir  été  fatidi- 


quement  conçu  pour  la  manifestation  de  ces  vastes  poèmes 
héroïques  où  chantent  les  légendes, originaire»' d'une  race,  do 
laquelle,  entre  parenthèses,  les  Welches  sont  issus.  Sous  peine 
de  vide  sonore,  il  faut  un  culle  à  ce  temple  de  l'harmonie 
moderne,  dont  l'optique  •  ne  se  prêle  qu'à  des  évocalicins 
d'êtres  et  de  choses  plus  grands  que  nature  et  dont  l'acoustique 
appelle  des  voix  surhumaines.  Ce  n'est  la  faute  de  personne, 
pas  même  de  l'architecte,  si  ce  Richard  Wagner  est  l'unique 
maître  de  son  art  qui  ail  taillé  des  personnages  de  mesure  pour 
notre  nouveau  dôme  musical,  et  si  Gluck  lui-même  s'y  étriqué,  si 
"Weber  s'y  recroqueville  et  si  le  seul  gros  mélodrame  des  Hugue- 
nots l'empli!  à  peu  près  de  ses  tumultes.  Il  est  donc  matérielle- 
ment évident  que  le  salùl  cje  l'Opéra  est  dans  la  tétralogie,  et  non 
ailleurs.  Mais  oser  le  dire,  c'est  courir  au  massacre,  d'aulanl  plus, 
encore  une  fois,  que  toul  le  monde  le  pense  cl  s'enrage  de  le 
penser. 

La  situation  est  donc  celle-ci  :  On  demande  à  la  direction  de 
l'Académie  nationale  dé  musique  un  fou  qur  veuille  bien  s'y  casser 
les  reins,  sans  garantie  du  gouvernement,  en  moulant  celte  tétra- 
logie salutaire,  afin  de  prouver  qu'il  ne  se  les  serait  point  cassés 
si  on  l'avait  voulu  et  de  convaincre  le  public,  par  sa  perle  même, 
de  l'impossibilité  où  l'on  est  de  s'en  tirer  autrement  et  mieux  que 
lui  !  Quel  problème  !  La  pratique  de  la  liberté  en  France  n'en 
propose  pas  d'autre,  et,  parmi  les  insolubles,  celui-ci  est  le  moins 
chinois.  Où  est  ce  directeur?  Bouc,  qui  dois  porter  la  bêtise 
immense  d'Israël,  montre-loi  !  Qui  veut  payer  de  sa  tête  héroïque 
la  réconciliation  du  peuple  français  avec  la  logique? 

La  République  cherche  cet  homme,  mais  elle  le  cherche  avec 
une  lanterne  sourde,  et  elle  a  peur  de  le  trouver.  Voilà,  belle 
Emilie! • 


La  Belgique  jugée  par  Baudelaire. 

Pour  compléter  l'article  publié,  dimanche  passé,  par  VArt 
moderne  :  la  Belgique  jugée  par  Baudelaire,  il  nous  a  paru  inté- 
ressant de  reproduire  trois  quatrains  que  composa  Baudelaire 
pendant  son  séjour  en  Belgique  ei  qui  se  rapportent  pariicalière- 
meni  au  paragraphe  4  :  les  Femmes  et  ï Amour.  Nous  lés 
extrayons  du  Nouveau  Parnasse  satyrique  (1864). 

Les  voici  : 

VENl'S    BELGA 

EN  FAISANT  l'ascension  DE  LA  rue  Montagne  de  la  Cour, 

A  Bruxelles. 

Ces  mollets  sur  ces  pieds  montas, 
^^  Qui  vont  sous  ces  cottes  peu  blanches. 

Ressemblent  à  des  troncs  plantés 
Dans  des  planches. 

Les  seins  des  moindres  femmelettes 
Ici  pèsent  plusieurs  quintaux, 
Et  leurs  membres  sont  des  poteaux 
Qui  dounent  le  goût  des  squelettes. 

Il  ne  me  sufifit  pas  qu'un  sein  soit  gros  et  doux  ; 
Il  le  faut  un  peu  ferme,  —  ou  je  tourne  casaque! 
Car,  sacré  nom  de  Dieu  !  je  ne  suis  pas  cosaque, 
Pour  me  soûler  avec  du  suif  et  du  saindoux.  - 


f^^RONIQUE    JUDICIAIRE    DE?    ^RT? 

Vento  d'éditions  musicales  prohibées  en  Belgique. 

Un  procès  qui  intéresse  au  plus  haut  point  les  éditeurs  do 
musique  et  les  compositeurs,  a  été  plaidé  récemment  devant  le 
tribunal  civil  de  Bruxelles  et  jugé  le  18  juin.  Il  s'agissait  de  pour- 
suites dirigées  parla  maison  Breitkopf  el  Hârtel  contre  la  maison 
Schoti  frères  —  les  deux  plus  importantes  maisons  d'édition  musi- 
cale de  Belgique  —  en  réparation  du  préjudice  causé  à  !a  pre- 
mière par  la  vente  d'œuvres  musicules  sur  lesquelles  celle-ci 
prétendait  avoir  un  droit  exclusif. 

Ce  droit  lui  avait  été  cédé  pour  l'Allemagne  et  toits  autres  pays, 
sauf  la  France.  C'est  à  propos  de  cette  clause,  qui  ne  paraît 
guère  ambiguë,  que  le  débat  s'engagea.  MM.  Schoti  frères  soule- 
naicnl  qu'à  l'époque  de  celte  convention,  la  Belgique  était  consi- 
dérée, comme  faisant  partie  de  la  France  au  point  de  vue  de  la 
propriété  artistique  et  littéraire,  et  que,  dans  l'usage,  les  cessions 
faites  pour  le  premier  de  ces  deux  pays  étaient  implicitement 
faites  pour  le  second  ;  d'où  la  conséquence  que  les  demandeurs 
n'ont  pas  acquis  le  droit  de  vendre  les  œuvres  susdites  en  Bel- 
gique. 

Les  défendeurs  invoquaient,  en  outre,  leur  bonne  foi.  Mais  le 
tribunal  n'a  pas  accueilli  leurs  conclusions.  La  Belgique  formait, 
dès  l'époque  de  la  cession,  un  pays  indépendant  et  distinct  de  la 
France.  Ce  qui  a  été  stipulé  pour  celle-ci  ne  peut  être  étendu  à 
celle-là.  Et  quant  à  la  question  de  bonne  foi,  voici  les  intéres- 
santes questions  juridiques  par  lesquelles  le  tribunal  motive  la 
condamnation  de  MM.  Schoti  frères  à  500  francs  de  dommages- 
intérêts  : 

*(  Attendu  qu'en  matière  de  propriété  artistique  et  littéraire,  pas 
plus  qu'en  aucune  autre  matière,  la  bonne  foi  n'est  un  obstacle  à 
l'action  en  dommages-intérêts  ; 

,  Attendu  que  la  loi  du  22  mars  1886  n'a  pas  dérogé,  par  son 
texte,  aux  principes  généraux  du  droit  en  vertu  desquels  il  suffit 
d'uii^  simple  faute  pour  être  tenu  à  la  réparation  du  dommage 
causé  ;  "^ 

Attendu  que  les  discussions  préliminaires  démontrent,  au  sur- 
plus, que  le  législateur,  toul  en  réglant  l'action  pénale  el  l'action 
civile  dérivant  des  altcinles  portées  méchamment  ou  frauduleuse- 
ment au  droit  d'auteur,  a  entendu  maintenir  l'obligation  de  répa- 
rer les  atteintes  portées  à  ce  droit  sans  intention  méchante,  ou, 
en  d'autres  termes,  à  laisser  subsister  le  quasi-délit  de  contre- 
façon artistique  ou  littéraire  à  côté  du  délit; 

Attendu  que  la  faute  des  défendeurs  résulte'  du  fait  d'avoir 
vendu  ou  exposé  en  vente,  en  Belgique,  des  éditions  françaises  de 
certaines  œuvres  musicales,  alors  que  les  demandeurs  avaient  le 
monopole  de  celte  vente  pour  la  Belgique; 

Attendu  que  les  défendeurs,  en  achetant  ces  œuvres  aux  édi- 
teurs français,  autorisés  à  les  imprimer  dans  leur  pays,  auraient 
dû  s'assurer  que  les  éditions  françaises  n'étaient  pas  prohibées  en 
Belgique;  qu'en  s'abstenanl  de  le  fuirc,  ils  ont  commis  une  faute 
et  engagé  leur  responsabilité; 

Attendu  que  l'on  ne  peut  pas  prétendre  que  la  vente  de  ces 
éditions  françaises  est  licite  en  Belgique,  par  le  motif  qu'elles  ne 
sont  pas  entachées  de  contrefaçon  en  France  ; 

Attendu  qu'elles  revêtent  le  caractère  d'œuvres  contrefaites  par 


leur  introduction  dans  un  pays  où  la  vente  en  est  prohibée,  sinon 
le  droit  de  l'auteur  ou  de  son  ayant-cause  serail'illuscirc.  » 

Restait  un  dernier  point  :  les  défendeurs  prétendaient  que  la 
convention  conclue  le  1"  mai  i888  entre  les  éditeurs  allemands 
leur  permettait  toul  au  moins  de  vendre  des  arrnugenwUs  cl 
transcnptions  de  celles  des  compositions  musicales  dont  ils 
n'avaient  pas  la  propriété  exclusive. 

Le  jugement  repousse  également  celte  affirmation  : 

«  Attendu,  en  ce  qui  concerne  les  arrangcmcols  el  les  tran- 
scriptions de  l'opéra  Lohengrin,  imprimés  par  la  maison  Schoti, 
de  Mayence,  que  les'  défendeurs  invoquent  la  convention  avenue 
le  1''  mai  1888  entre  les  éditeurs  de  musique  allemands; 

Attendu  que,  si  cette  convention  permet  à  d'autres  qu'à 
l'auteur  ou  ses  ayants-cause  de  publier  des  arrangements  sur  des 
motifs  d'une  œuvre  originale,  c'est  à  la  condition  que  ces  arran- 
gements présentent  le  caractère  d'une  nouvelle  œuvre  originale  ; 

Attendu  que  les  défendeurs  ne  prouvent  pas  et  n'offrent  pas  de 
prouver  que  les  arrangements  et  transcriptions  dont  s'agit  ren- 
trent dans  celte  catégorie.  »  \ 

Le  dernier  moyen  consistait  dans  l'absence  de  la  mention  : 
«  Edition  interdite  en  France  »  sur  les  œuvres  mises  en  vente 
pur  Mil,  Breitkopf  el  Ilârtel.  Le  jugement  répond  : 

«  Attjendu  que  les  défendeurs  invoquent  vainement  le  fait  que 
les  demandeurs  ne  font  pas  figurer  sur  les  œuvres  saisies  dont  ils 
ont  Me  droit  de  reproduction  pour  tous  les  pay.s,  à  l'exclusion  de 
la  France,  la  mention  :  «  Edition  interdite  eu  France  »,  alors  que 
celte  mention  est  prescrite  par  la  4M)nvenlion  avenue  entre  la 
France  el  l'Allemagne,  le  19  avril  i883; 

Attendu  que,  si  cette  omission  peut  créer  des  droits  au  profil 
des  éditeurs  français,  elle  ne  modifie  pas  la  situation  des  mar- 
chands de  musique  belges;  que  l'on  ne  conçoit  pas  comment  ce 
fait  pourrait  avoir  pour  conséquence  de  légitimer,  en  Belgique, 
la  vente  d'éditioiis  françaises  qui  y  sont  prohibées.  » 


pETITE    CHR0;4iqUE 

A  l'Exposition  de  Munich  sept  premières  médailles  étaient  à 
conquérir  :  quatre  pour  la  peinture,  deux  pour  la  gravure  et  l'ar- 
chitecture el  une  pour  la  sculpture. 

Celte  dernière  a  été  attribuée  à  M.  Ch.  Vander  Siappen,  qui 
avait  comme  concurrents  :  MM.  Delvigne,  Diilciis,  Lambeaux, 
Mignon.  Les  œuvres  victorieuses  sont  :  le  Saint-Michel  el  le 
David. 

L'importance  de  celte  nouvelle  distinction  est  d'autant  plus 
significative,  qu'outre  ses  concurrents  belges,  M.  Ch.  Vander 
Stappen  comptait  comme  rivaux  plusieurs  sculpteurs  de  marque 
français  el  allemands. 


La  Société  d'Archéologie  de  Bruxelles  a  tenu,  dimanche  der- 
nier, son  assemblée  générale  extraordinaire.  Deux  architectes 
français,  MM.  Alphonse  Gossctel  Charles  Lucas  avaient  répondu 
à  l'invitation  de  la  société  bruxelloise  el  ont  tenu  l'assemblée 
sous  le  charme  de  leur  parole. 

M.  Charles  Lucas,  architecte  à  Paris,  a  dit  à  l'assemblée  com- 
bien, en  France,  depuis  i830,  les  monumcnis  anciens  sont  sau- 
vegardés avec  zèle.  Des  comité»  et  di«8  sociétés,  des  hommes 
émincnts,  tels  que  Victor  Hugo,  de  Coumonl,  Mérimée,  Viollet- 
le-Duc,  etc.,  se  sonloccupés  de  sauver  de  la  pioche  de  nos 


VART  MODERNE 


247 


moJcrncs  vandales  ou  de  la  truelle  des  rcslauraleurs,  les  monu-    ' 
menls  «l'arl  dos  siècles  passés.  M.  Lucas  i  conclu  en  dcmandani 
que  les  éducaicurs  de  l'cnfunl  s'allaclicnt  à  lui  inculquer  le  res- 
pocl  du  mpnument. 

Voili  certes  une  réforme  à  faire  dans  les  programmes  d'études. 

C'est  une  législation  semblable  qu'a  rérlamée  pour  la  Belgique, 
M.  Paul  Sainicnoy,  secrétaire  général  de  la  Société. 

Une  conférence  de  M.  Gossel,  de  Reims,  sur  les  coupoles 
d'Orient  et  d'Occident,  a  clôturé  cette  séance.  L'arcliitecte  fran- 
çais a  fait  l'histoire  de  ce  genre  de  voûte,  en  partant  de  ses  exem- 
ples les  plus  anciens  :  les  coupoles  assyriennes.  Passant  ensuite 
par  les  coupoles  des  Perses,  des  Grecs  de  l«poque  pélasgique,des 
Elrusques,des  Romains,  des  Byzantins, des  Persans  et  des  Arabes, 
'il  est  arrivé  aux  coupoles  européennes  de  l'époque  romane  et  de 
la  Renaissance.  D«'S  considérai  ions  esthétiques  et  symboliques 
diverses  ont  terminé  cet  exposé  de  l'histoire  cl  de  la  théorie  des 
coupoles. 

Ha  Monde  artiste  : 

La  propriété  artistique  au  temps  de  Weber.  —  Voici  la 
circulaire  que  l'iinteur  du  FreyscUiiti  avait  cru  devoir  adresser  à 
toutes  les  directions  de  l'AIlcniagnc,  et  qui  prouve  que  la  question 
n'a  guère  éié  élucidée  depuis  plus  d'un  demi-siècle  : 

«  Attendu  qu'en  dehors  de  la  France  et  de  l'Angleterre,  la  pro- 
priété intelleciuelle  n'est  nullement  garantie  contre  les  entre- 
prises .«spoliatrices,  que  des  copistes  larrons,  des  éditeurs  de 
musique  sans  scrupules  et  mC'me  des  ihéâlros  de  premier  rang  se 
sont  approprié  mes  œuvres  par  des  voies,  illicites,  je  me  vois 
obligé  d'aviser  et  de  vous  importuner  de  la  présente  déclaration^ 
J'ai  donc  l'honneur  de  vous  informer  que  l'opéra  Obéron, 
que  j'pi  composé  pour  Londres  et  qui  sera  représenté  en  Alle- 
magne avec  une  excellente  adaptation  de  M.  le  conseiller  de  la 
cour  Winkler  (Théodore  Hell),  ne  pourra  être  légalement  acquis 
que  de  moi,  direciement.  Je  sollicite  de  votre  obligeance  deux 
mots  comme  accusé  de  réception  de  la  présonte  communication, 
que  veuilK^  bien  ne  pas  considérer  comme  une  invitation  à  acqué- 
rir mon  œuvre.  Je  s.ijs  fort  bien  que  chaque  scène  n'est  guidée, 
dans  l'établissement  de  son  rép«rloire,  que  par  ses  ressources  et 
sa  position  spéciale.  Je  ferai  publier  cette  communication,  avec 
la  liste  des  directions  théâtrales  auxquelles  elle  a  été  adressée, 
dans  les  journaux  les  plus  répandus,  atin  (|uc  le  public  en  ait 
connaissance  cl  que  les  escrocs  soient  avertis. 

«  Signé:  Carl  Maria  von  Weber. 

«  Dresde,  janvier  i 826.  » 


Un  Musée  dimtruments  de  musique  à  Berlin.  —  Le  fonds  de 
ce  Mubée  qui  vient  d'étje  ouvert,  et  qui  c^t  place  .<-ous  la  direction 
du  ministère  des  Beaux-Arts,  est  formé  par  la  collection  d'instru- 
ments anciens  que  l'Etat  prussien  a  rachetée  en  1889  à  N.  Paul  de 
WitI,  de  Leipzig. 

D'autres  colKctions  tirées  des  musées  de  l'E«nt  et  des  biblio- 
thèques-royales ont  rapidement  augmenté  l'imporlance  de  ce 
Musée  qui  est  déjà  le  plus  riche  de  l'Europe  après  ceux  de  Paris 
et  de  Bruxelles. 

Parmi  les  insiruments  précieux  qu'on  y  voit,  il  y  a  le  fameux 
quatuor  de  Beethoven  qui,  récemment,  a  été  exposé  à  Bonn,  et  le 
violon  d'étude  de  Mozart.  11  y  a  également  un  oichestre  complet 
des  vieux  instruments  à  vent  en  parfait  état  de  conservation. 

La  maison  Schotl  grave  actuellement  la  partition  française  du 


Crépuscule  des  Dieux,  qui  paraîtra  dans  le  courant  d'octobre. 
Parsifal,  dont  M.  Victor  Wilder  achève  en  ce  moment  la  traduc- 
tion, paraîtra  peu  de  temps  après  le  Crépuscule. 

Antoine  Rubinstein  vient  de  terminer  un  nouvel  opéra  intitulé  : 
Un  malheureux,  représentant  l'histoire  d'un  homme  amoureux 
sans  retour  d'une  princesse  au  douzième  siècle. 

L'oeuvre  est  remplie  d'anciens  airs  russes,  et  elle  sera  représen- 
tée d'abord  à  Saint-Pétersbourg. 

M.  César  Cui,  le  compositeur  russe,  termine  son  opéra,  le  Fli- 
bustier, tiré  de  la  pièce  que  M.  Richepin  a  fait  représenter  à  la 
Comédie  française. 

Thermidor  de  M.  Victorien  Sardou,  sera  lu  en  septembre  et 
représenté  en  décembre. 

La  pièce. est  en  quatre  actes  et  l'action  .se  passe  entre  six  heures 
du  matin  et  six  heures  du  soir,  le  9  Ihcrmidor  Mai.  • — -^ 

M.  Pierre  Berton  adapte  en  ce  moment  pour-  Paris  the  Middle- 
man,  quelque  chose  comme  V Intermédiaire,  un  des  gr^ds  suc- 
cès de  Londres.  » 

Londres  va  aussi  avoir  un  Théâtre-Libre.  M.  J.-T.  Grein  est  le 
directeur  du  Free  Théâtre. 

Le  célèbre  ténor  Tamagno  se  propose  de  se  retirer  du  théâtre 
el  de  passer  le  reste  de  ses  jours  dans  sa  belle  villa  de  Varese, 
cultivant  ses  fleurs  el  augmentant  sa  belle  collection  de  papillons. 
La  sienne  est  une  des  plus  belles  que  l'on  connaisse. 

M.  Paul  Delaroche,  mort  à  Alger  il  y  a  quelques  mois,  petit- 
fils  du  peintre  dont  il  portait  le  nom  et  arrière-petit-neveu  de 
Carie  Vernet,  a  légué  au  Louvre  deux  œuvres,  importantes. 
M"*  Delaroche  mère,  qui  en  avait  la  jouissance  viagère,  s'est 
empressée  de  les  remettre  à  l'administration  des  beaux-arts,  et  le 
comité  consultatif  des  musées  nationaux  a  voté  l'acceptation  de  ce 
don  dans  rfne  de  ses  dernières  séances. 

Les  deux  œuvres  léguées  sont  :  l'un  un  portrait  de  Carie  Ver- 
net,  l'autre  une  ébauche  du  portrait  de  M""*  Clialgrin,  par  Louis 
David. 

Le  hasard  des  excursions  dominicales  nous  conduisait  l'autre 
jour  en  Zélande,  dans  Pile  de  Walchcren.  Organisés  tous  les 
dimanches  par  la  Compagnie  du  chemin  de  fer  de  Malines-Ter- 
neuzen,  ces  petits  voyages  par  le  pays  de  Waes  el  la  traversée  du 
Bas-Escaut  sont  des  plus  intéressants,  el  nous  n'hésitons  pas  à  les 
recommander  aux  artistes  et  aux  amis  de  pittoresque  ;  ils  s'accom-^ 
plissent  dans  les  meilleures  conditions  de  célérité  el  de  confort  ; 
ils  ont  de  plus  le  mérite  d'élrc  peu  coûteux. 

Moyennant  fr.  7-70,  on  fait  le  trajet  (2*  classe  en  chemin  de  fer, 
de^ruxelles  à  Terneuzen,  et  1"=  classe  en  steamer,  de  Terneuzen 
à  Middelbourg).  Départ  de  Bruxelles  à  6  h.  27  matin,  relour  à 
10  h.  52  soir.  

Le  roi  du  Dahomey,  dit/e  Ménestrel,  fait  annoncer  dans  une 
feuille  coloniale  allemande,  la  West  africauische  Post,  qu'il  cher- 
che des  musiciens  pour  la  formation  d'une  chapelle  royale  des- 
tinée à  se  faire  entendre  pendant  les  repas  ainsi  qu'aux  fêtes 
données  par  les  amazones.  Instrumentistes  sans  emploi,  vogue/ 
bien  vile  vers  la  cour  du  Dahomey  !  Vous  y  serez  goûtés,  c'est 
certain. 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


I. 


LIGNE   D'OSTENDE-DOUVRES 


La  plus  courte  et  la  moins  coûteuse  des, voies  extra-rapides  entre  /e  Continent  et  /'Angleterre 


Bruxelles  à  Londres  en 
Cologne  à  Londres  en 
Berlin  à  Londres  en  . 


8  heures. 
13       « 
24 


Vienne  à  Londres  en. 
Bâle  à  Londres  en. 
Milan  à  Londres  en  . 


36  heures. 
24       " 
33       - 


D'Ostende  à  5  h.  29  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  31  soir.  —  DeDouvres  à  midi  15,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

XRA^'ERisÉE]  Eiv  XROiis  he:ure:is 

PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS 
Princesse  Joséphine,  Princesse  Henriette,  Prince  Albert,  La  Flandre  et  Ville  de  Douvres 

parlant  journellement  d'OSTENDE  à  5  h.  29  matin  et  11  h.  10  matin;  de  DOUVRES  à  midi  15  et  10  h.  15  soir. 

Salons  luxueux.—  Fumoirs. —  Ventillation  perfectionnée.—  Éclairage  électrique.  —  Restaurant. 

BILLETS  DIRECTS  (simples  ou  aller  et  retour)  entre  LONDRES,  DOUVRES,  Birmingham,  Dublin,  Edimbourg,  Glascow,- 

Liverpool,  Manchester  et  toutes  les  grandes  villes  de  la  Belgique 
et   entre   LONDRES    ou   DOUVRES  et  toutes   les  grandes  villes  de   l'Europe. 


BILLETS  CIRCULAIRES 

Supplément  de  2'^  en  1"  classe  sur  le  bateau,  fr.  2-35 
CABINES  PARTICULIÈRES.  -  Prix  :  (en  sus  du  prix  de  la  l»*  classe),  Petite  cabine,  7  francs;  Grande  cabine,  14  francs. 

A  bord  des  tnalles  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette  .  \^ 

Spécial  cabine,  28  francs;  Cabine  de  luxe,  75  francs. 

Pour  la  location  à  l'avance  s'adresser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  l^Quaï)  ou  à  l'Agence  des  Chemins  de  fer  de  PÊtat-Belge 
Northumberland  House,  Strond  Street,  n»  ^7,  à  Douvres. 

Excursions  à  prix  réduits  de  50  o/o,  entre  Ostende  et  Douvres,  tous  les  jours,  du  1«>- juin  au  30  septembre. 
Entre  les  principales  villes  de  la  Belgique  et  Douvres,  aux  fêtes  de  Pentecôte  et  de  l'Assomption. 

AVIS.  —  Buffet  restaurant  à  bord.  —  Soins  aux  dames  par  un  personnel,  féminin.  —  Accostage  à  quai  vis-à  vis  des  stations  de  chemin  de 
fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits). —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  -   Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  \à  Direction  de  VEorploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  l'Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l'Êtat-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90^,  à  Bruxelles  ou  Qracechurch-Street,  n»  53,  à  Londres,  à  l'Agence  de  Chemins  de  fer 
de  l'État,  à  Douvres  (voir  jjIus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vrancketi,  Domkloster,  n»  1,  à  Cologne. 


diez  MM.  SCIIOTT  frèré>s,  82,  Moiit.ignc  de  la  Cour,  Bruxelles. 

L'OR  DÛ  RHIN 

DE 

RICHARD  WAGNER 

Version  française  de  Victor  "WILDER 

Parlilioii    pour-  chant    el    j)inn(),    réduite    par    R.    Kleinmichei, 
PRIX  NET  :  20  Francs 

JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 

—  Bibliographie.  —  Législation.  —  Notariat. 

HdTIKME  ANNÉE. 

Abonnements  i  Belgique,  18  îrancs  par  an. 
(  iLtranger,  23  id. 

Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 


LA     ^\^AL,LO]SriE 

Revue  mensuelle  de  littérature  et  d'art 
5"  Année  > 

Directeurs  :  MM.  A.  MOCKEL  et  P. -M.  OLIN. 

Bureaux  \  "  ^''■^^'  '"^  !^t-Adalbert,  8. 

(  à  Bruxelles,' Avenue  Louise,  317. 
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Breitkopf  et  H&rtel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 


.  TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnéo  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-G.  Lobe. 

Traduit   de   l'allemand   (d'après   la   5®  édition)   par 

^  Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8".  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  ouvrages  d'enseignement  musical  les  plus 
estimés  en  Allemagne. 


BruxeUes.  —  Imp.  V«  Monnom,  26,  rue  de  l'Industrie. 


Dixième  année.  —  N"  32. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  10  Août  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  »  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Émilk  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :   Belgique,  un  an,   fr.  10.00;  Union  postale,   fr.   13.00.   —  ANNONCES  :   On  traite  à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  26,  Bruxelles. 


Sommaire 


Les  Aveuoles,  par  Maurice  Maeterlinck.  —  Paris-Cocu,  par 
Charles  Viremaître.  —  Chéret.  —  Confiance  en  soi-même.  Tra- 
duction inédite  de  Vanglais  d'Emerson,  par  une  inconnue  (suite). 
—  Artistes  et  Marchands.  —  Chronique  judiciaire  des  arts. 
Bronzes  contrefaits.  —  Petite  chronique. 


LES  AVEUGLES 

par  Maurice  Maeterlinck.  — >  Bruxelles,  Lacomblez. 

Il  nous  ennuie  de  devoir  parler  trop  hâtivement  du 
nouveau  volume  de  M.  Maurice  Maeterlinck.  Nous 
voudrions  n'inaugurer  en  ce  numéro,  qu'une  étude 
large  sur  ce  poète,  un  des  plus  personnels  d'entre 
les  jeunes.  M.  Maeterlinck,  fait  son  œuvre  silencieuse- 
ment et  continuement.  On  sent  celui  qui  toujours  tra- 
vaille. Chez  tels,  chaque  volume  s'égare  en  un  autre 
chemin.  Entre  les  vers  qu'ils  publient  et  ceux  parus 
avant,  la  route  a  fait  un  coude.  Certes,  foulent-ils  les 
mômes  pavés,  dans  le  même  pays.  Seulement  ils  chan- 
gent de  direction  et  l'horizon  diffère  de  teinte  et  de 
forme  de  l'immédiatement  précédent.  M.  Maeterlinck, 
par  contre,  suit  une  ligne  droite,  la  sienne,  celle  de  son 
regard.  % 

Non  seulement,  y  a-t-il  filiation  entre  ses  différents 


livres.  Il  y  à  creusement.  Les  mêmes  données  revien- 
nent, mais  plus  nettes,  plus  fortes,  plus  elles.  C'est  en 
profondeur  qu'il  évolue,  comme  les  flots  se  nouent 
entre  eux  dans  un  tourbillon  de  golfe. 

Il  a  imaginé  le  théâtre  inquiétant. 

Dans  les  drames  antiques,  on  voyait,  au  delà  de  la 
scène,  la  fatalité  ;  plus  tard  on  inventa  une  justice  rému- 
nératrice du  bien  et  vengeresse  du  mal  ;  puis  l'idée  de 
devoir  dans  un  sens  plus  restreint  s'affirma.  Fatalité, 
justice,  devoir  étaient  les  personnages  surnaturels  de 
toute  œuvre  dramatique.  Ils  agissaient  par  au  dessus 
de  la  tête  des  personnages,  comme  dans  les  récits 
d'Homère,  les  Dieux  agissent  parmi  les  nuages  et  sur 
les  montagnes. 

Une  impression  magnifique  de  grandeur  et  de  force 
eii^  résultait,  puisque  le  cerveau  de  l'homme  aime 
l'occulte.  La  fatalité  surtout,  dont  les  lois  étaient  même 
au  dessus- du  juste  et  de  l'injuste,  eff'rayait  par  son  irré- 
ductibilité. Telle  chose  devait  être  :  parce  que.  La  raison 
humaine,  la  puissance  divine  ne  valaient  guère  quand 
tel  signe  c^e^atï  apparaître.  De  cette  fatalité  profonde  et 
souveraine,  les  modernes  ont  fait  la  destinée  ;  une  pure 
figure  de  rhétorique  à  l'eau  de  rose.  A  moins  que,  sans 
le  vouloir,  leur  justice  ne  se  soit  souvenu  d'elle  en  se 
laissant  bander  les  yeux.  Mais  ce  n'est  évidemment  pas 
cette  ténébreuse  et  redoutable  signification  que  nos 
sculpteurs  de  frontons  de  portes  et  de  tympans  de 


f^' 


cours  d'assises  ont  instaurée  dans  leur  esprit.  Leurs  mor- 
ceaux de  bois  et  de  pierre,  par  ce  fait  seul,  seraient  plus 
grandement  éloquents. 

On  pourrait  poursuivre  cette  diminution  du  person- 
nage surnaturel  à  travers  les  théâtres  français,  espa- 
gnol, anglais  et  allemand  jusqu'aux  modernes  qui,  eux, 
l'ont,  par  réalisme,  presque  totalement  abandonné.  Pour 
plusieurs,  c'était  une  baudruche,  un  mannequin  d'osier, 
comme  certains  dieux  sauvages.  On  proclamait  toute 
croyance  finie  et  l'on  ajoutait  qu'il  fallait  souffler  coipme 
une  chandelle  cette  terrible  lueur  d'extraordinaire  qui 
sortait  jadis  jusque  des  fentes  des  planches  et  des  inter- 
stices des  décors. 

Maurice  Maeterlinck  installe  l'inquiétude  à  la  place 
de  la  fatalité,  de  la  justice  et  du  ciel.  Par  là  se  rat- 
tacjie-t-il  aux  génies  du  passé,  aux  plus  graiHis. 

A  l'apparition  de  la  Princesse  Maleine  quelques- 
uns  ont  soutenu  qu'il  imitait  Shakespeare.  C'était  des 
gens  à  vue  courte  qui  ne  faisaient  attention  qu'à  la 
coupe  des  scènes  et  au  perpétuel  changement  de  milieu. 
Cette  admirable  Princesse  Maleine  avait  sa  significa- 
tion personnelle  et  aujourd'hui  V Intruse  et  X^i  Aveugles, 
puisqu'ils  n'en  sont  que  l'accentuation  de  certaines  qua- 
lités, en  "fournissent  la  preuve  nette.  Qui  encore,  en  pré- 
sence de  ces  deux  actes,  soutiendra  qu'il  y  a  pastiche 
shakespearien?  C'est  bien  plus  désolé,  bien  plus 
lamentable  et  en  un  sens  bien  plus  irrémédiablement 
misérable.  Cela  sent  la  cave,  le  parloir  morne,  l'hôpital 
aux  fenêtres  à  petits  rideaux,  le  suaire  humide; 
Shakespeare,  quand  il  est  triste,  fait  songer  à  des 
ruines  de  palais;  il  déclame  de  la  douleur  et  l'étalé. 
L'impression  d^ensemble  est  toute  autre,  d'un  autre  ton, 
d'une  autre  mentalité.  Et  comme  tout  se  tient,  il  se  fait 
que  la  langue,  qui  elle  aussi  est  d'ensemble,  s'affirme 
totalement  différente.  La  rhétorique  Shakespearienne, 
ses  gestes  larges  de  phrase,  sa  sonorité  grandiloquente, 
rien  dans  la  Princesse  Maleine  ni  dans  Vlhtruse  ni 
dans  les  Aveugles  ne  la  rappelle. 

Il  serait  opportun  d'insister  plus  longuement  sur  ces 
dissemblances  parce  qu'il  est  admis  —  à  tort  suivant 
nous  —  que  notre  poète  ne  travaille  que  d'après  modèle 
et  par  décalques. 

L'inquiétude  vague  et  universelle  dont  il  se  sert  poui** 
intensifier  et  faire  participer  la  vie  de  ses  personnages 
à  la  vie  de  l'univers  total,  se  manifeste  non  uniquement 
dans  le  décor,  dans  le  milieu  et  l'extérieur.  Elle  est  au 
cœur  même  des  protagonistes.  Tous  sont  des  angoissés, 
des  superstitieux  et  souvent  des  visionnaires.  Certes  le 
vent,  les  feuilles,  le  jour  qui  tombe,  la  nuit  rôdeuse,  les 
paroles  des  sources,  les  oiseaux  nocturnes,  le  bruit 
frôleur  d'un  vol,  l'élan  d'une  bête  à  travers  les  fourrés 
influencent  de  leurs  présages  et  de  leur  voloûté,  le 
drame.  Mais  sans  tous  ces  moyens  d'appréhension, 
encore  serait-il  que  les  types  d'humanité  que  la  Prin- 


cesse Maleine,  V Intruse  et  les  Aveugles  font  surgir, 
sont,  de  par  eux-mêmes,  par  leur  fait  :  des  eff'rayés 
d'être.  Leur  nature  est  passive  —  active  jamais.  Ils 
subissent  le  monde  et  eux-mêmes.  Si  l'ont  veut  aller 
chercher  une  philosophie  au  fond  de  l'œuvre  de  Maurice 
Maeterlinck  il  faut  se  reporter  aux  idées  qui  surgissaient 
naturellement  dans  les  cerveaux  des  premiers  hommes, 
quand  ils  faisaient  connaissance  avec  leur  séjour  :  la 
terre.  Rien  pour  eux  ne  trouvait  d'explication  en  dehors 
d'un  motif  de  peur  et  de  terreur.  Tout  leur  était 
signe  —  et  eux-mêmes  étaient  le  signe  de  quoi  ? 

On  revient  donc,  aux  rudimentaires  sentiments,  à  la  o 
naïve  expression  des  pensées,  à  l'instinctivité.  Ce  théâtre 
est  non  seulement  différent,  mais  opposé  à  celui  que 
les  jeunes  auteurs  dramatiques  français  ont  inauguré 
récemmment.  Chez  eux,  les  personnages  sont  de  raison 
implacablement  égoïste  ;  ici,  les  protagonistes  sont  de 
nature  toute  élémentaire.  LIntruse  et  les  Aveugles, 
dont  il  nous  resterait  à  parler  si  notre  volonté  n'était 
de  n'émettre  ici  que  des  idées  générales,  nous  feraient 
constater  leur  parenté  avec  les  blocs  de  bois  primitifs 
que  le  sculpteur  Minne  exposa  jadis.  Les  personnages 
de  ces  deux  drames  et  les  rêves  de  pierre  du  sculpteur 
sortent  de  ce  monde  où  déjà  vivaient  les  béguines  de 
la  Princesse  Maleine. 


PARIS-COCU 

Accusé  de  réception  à  M.  Charles  Vireraaitre,  pour  son  in-12  de 
314  p.  et  tit.,  chez  L.  Genonceaux. —  Paris,  1890. 

Paris-Gocu!  Cocu,  écrivons-le,  comme  sur  le  liire  de  ce  livre 
d'anecdotes  quelconques,  d'anecdotes  de  table  d'hôtes  de  province, 
très  peu  littéraire  donc.  Cocu!  pourquoi  ne  pas  l'écrire  en  toutes 
lettres,  en  ses  quatre  lettres  mystérieuses  et  d'énigmatique  étymo- 
logie,  qui  n'effrayaient  ni  Molière,  ni  le  grand  siècle  d'alors,  moins 
grand,  et  de  combien,  que  le  nôtre.  Cocu!  nous  en  lisons  et  en 
entendons  bien  d'autres  dans  les  temps  erotiques  où  nous  vivofis. 
L'outrance  de  la  polissonerie  et  de  la  scatologie  s'apparie  à  toutes 
les  autres  outrances.  Cocu  !  vraiment,  c'est  désormais  un  vocable 
bien  anodin  et  dont  on  peut  user  en  toutes  circonstances  et''dans 
tous  les  mondes,  comme  de  la  chose. 

M.  Charles  Viremaitre,  qui  a  assemblé  Paris-Cocu,  car  ce  n'est 
que  travail  d'assemblage,  a  un  joli  nom  d'écrivain,  qui  fouette 
bien  l'atmosphère.  Mais  il  se  dépense  en  claquements  qui  font 
un  bruit  de  postillonnerie,  sans  rien  atteindre.  Cela  appelle 
l'attention,  cela  amuse  vaguement,  mais  n'a  nulle  conséquence. 
C'est  du  syphonisme  littéraire.  Et  on  peut  rendre  la  bouteille. 
M.  Viremaitre  la  remplit  de  nouveau  et  la  refonrnit  pleine. 

C'est  ainsi  que  pour  faire  pendant,  au  moins  par  l'assonance 
à  Paris-Cocu,  il  annonce  Paris-Tutu.  On  pourra  les  mettre  de 
chaque  côté  de  la  cheminée.  Il  avait  déjà  fait  :  Paris  oublié, 
Paris-Police,  Paris  qui  s'efface,  Paris-Escarpe,  Paris- Canard, 
Paris- Boursicotier ,  Paris  -  Galette ,  Paris -Impur,  Paris- 
Galant,  Paris -Médaillé  (1),  —  et  pour  paraître  successivement, 

(1)  Voir  notre  compte-rendu  dans  le  n»  21  de  VArt  moderne,  1890. 


vingl-qualre  autres  Paris  :  Paris-la- Nuit,  Paris-Ambulant, 
Paris-Dompteur,  Paris-Mastroquet,  Paris-Brasserie,  Paris- 
Bastringue,  Paris- Cabotin,  Paris-Palais,  Paris- Brocanteur, 
Paris-Gargantua,  Paris-Canotier,  Paris-Tripot,  Paris-à- 
Tahle,  Paris-Mendigo  (?),  Paris- Escrime,  Paris-qui-s'éveille, 
Paris-Toqué,  Paris-Musicien,  Paris- Plaideur,  Paris-Domes- 
tique, Paris-Oavroche,  Paris-Borgia,  Paris-Badaud!  Ouf!  on 
croirait  jouer  à  pigeon-voie. 

Quel  rayon  de  bocaux  étiquetés  par'un  apothicaire  !  Toute  la 
flore  médicinale  d'une  pharmacopée  de  contrebande.  De  quoi  amu- 
ser, sur  les  chemins  de  fer,  des  milliers  de  désœuvrés,  qu'excitent 
les  suggestives  et  rythmiques  secousses  des  trains  en  marche. 
Car  dans  la  mixture,  les  trois  grains  de  cantharide  ne  manquent 
jamais.  Ils  forment  la  base  de  ces  drogues  équivoques.  Tisane  de 
Champagne  cantharidée,  Messieurs  el  dames,  à  fr.  3-50  la  bou- 
teille avec  vignette  parlante  :  une  nymphe  de  musico,  décolletée 
et  retroussée  plus  haut  que  les  gerfoux,  bénissant  de  ses  mains 
levées  digitalcmenl  en  cornes,  deux  raffalés,  un  vieux,  un  jeune, 
le  mari,  l'amant,  se  saluant  symboliquement  et  mutueljement 
cocus,  absolument  comme  Wellington  et  Blucher,  le  soir  de 
Waterloo,  au  cabaret  de  la  Belle-Alliance,  se  saluèrent  mutuelle- 
ment vainqueurs. 

M.  yiremaitrc  doit  être  un  sceptique  gouailleur,  très  résolu  à  se 
moquer  des  lecteurs  spéciaux  qui  recherchent  ses  bouquins  sur 
le  titre  et  le  frontispice.  Il  n'y  a  là-dedans  que  des  riens,  recueil- 
lis au  hasard  des  rencontres,  et  les  rencontres  ne  furent,  en  géné- 
ral, guère  chanceuses.  La  verve  gauloise  des  inventeurs  de 
grivoiseries  n  désormais  des  trouvailles  autrement  encayennées. 
Le  choix  de  M.  Viremaitre  est  un  choix  de  commis- voyageurs 
Son  Paris-Cocu  est  quelconque.  Les  cocus  de  ce  temps  sont,  dans 
les  aventures  où  on  les  hérone,  devenus  épiques,  comme  toute  la 
Gaudriole.  Les  fabulations  où  on  leur  donne  le  premier  rôle,  font 
rire  et  frémir.  On  y  accouple  Satan  à  Polichinelle,  les  bonnes 
vieilles  histoires  racontées  au  dessert  des  dîners  de  4860  sont 
démodées  autant  que  les  vaudevilles.  Nous  sommes  aux  jours  des 
cocus  grandioses,  des  cocus  shakespeariens,  des  cocus  tragiques, 
non  parce  que  cette  affaire  tournerait  au  drame,  mais  parce  que 
les  proportions  du  froid  sarcasme  et  des  caractéristiques  épisodes 
du  cocuage  sont  devenues  colossales. 

M.  Viremaitre  se  contente  des  vieux  refrains.  On  dirait  presque 
Déranger.  Dans  le  défilé  de  ses  marionnettes,  un  tas  d'anciennes 
connaissances,  que  son  style,  honnêtement  banal,  ne  rajeunit 
guère.  Beaucoup  d'emprunts  aux  historiettes  du  second  Empire, 
cet  empire  déteint,  plus  lointain  que  le  premier. 

El  pour  ce  que  nous  nommerions  le  côté  historique  et  scienti- 
fique de  l'égrillanlc  matière,  si  Science  cl  Histoire  ne  dédai- 
gnaient pas  ce  que  les  savants  et  les  historiens  ne  dédaignent 
certes  pas,  les  polissons!  rien,  vraiment  rien  de  neuf.  Au  con- 
traire, toutes  les  guilarisantes  rengaines. 

Ainsi,  quant  à  l'origine  des  emblèmes  de  l'insiitution,  à  savoir 
les  cornes  el  la  couleur  jaune,  M.  Viremaitre  en  est  encoreà  expli- 
quer, très  puérilement,  que  c'est  parce, que  les  cocus  rient  jaune, 
et  qu'au  lieu  de  porter  les  culottes,  ils  portent  les  cornettes  de 
leurs  femmes.  Il  signale  aussi,  sans  l'approuver,  coucou,  le  nom 
du  sonore  oiseau  qui  a  l'ingénieuse  habitude  de  s'emparer  du  nid 
d'autrui,  comme  l'origine  du  substantif  cocu  ;  M.  Viremaitre 
observe,  avec  raison,  que  c'est  le  cocufiant  et  non  le  cocufié  qui, 
dans  ce  cas,  mériterait  le  litre.  Il  est  trop  superficiel  raconteur 
pour  avoir  creusé  la  question  au  point  de  discerner  le  rapport 


des  cornes  avec  les  prostitutions  antiques  du  sémitisme,  devant 
les  Molochs  cornus.  Aux  jours  solennels,  les  femmes  mariées 
se  couchaient  dans  les  temples,  ou  dans  les  bois  voisins 
des  temples,  et,  en  l'honneur  du  dieu  féroce  à  tète  de  taureau,  se 
livraient  aux  passants.  Impassible,  aveugle,  muette,  inconsciente, 
l'idole  monstrueuse  assistait  aux  fornications.  Ilfutaisémentélàbli 
un  rapport  entre  ces  adultères  sacrés  et  le  bon  petit  agréable 
adultère  courant. 

L'idole  n'y  était  plus,  mais  le  mari.  On  le  molochisail,  oh  le 
minautorisait,  comme  a  dit  Balzac,  par  une  très  curieuse  pres- 
cience de  l'explication  nouvelle  que  nous  donnons  ici.  Il  était  le 
dieu  à  cornes,  le  cornigère,  le  cornifex  maximus,  le  cornard,  le 
taureau,  le  bœuf,  le  cerf,  le  bouc.  Et  comme  le  Moloch  était  doré, 
comme  il  trônait  dans  sa  carapace  de  veau  d'or,  remplacée  plus 
tard  par  la  soie  jaune,  il  fut  naturel  aussi  d'affubler  le  mari  cocu- 
larisé  de  la  fameuse  couleur.  Dorer  son  époux,  lui  donner  la 
dorure,  sont  expressions  synonymes  de  l'encorner;  au  lieu  d'être 
venues  du  jaime  el  apr-ès  le  jaune,  elles  l'ont  apparemment  pré- 
cédé. Le  diable,  qui  est  l'expression  chrétienne  du  Moloch,  a 
souvent  été  nommé  le  roi  des  cocus,  ou  l'empereur  des  cocus. 
Au  Sabbat,  on  le  représentait  en  bouc  très  encorné  et  c'était 
devant  lui,  comme  à  Carthage,  qu'on  livrait  aux* initiés,  en  pré- 
sence du  mari  rendu  inerte  par  la  belladone,  la  femme  mariée 
néophyte.  Michelet  l'explique  superbement  et  tragiquement  dans 
la  Sorcière.  En  résumé,  c'est  au  sémitisme  que  nous  serions 
redevables  des  séculaires  emblèmes  de  l'insiitution. 

De  tout  cela,  M.  Viremaitre  n'a  pas  la  notion.  Mais,  par  contre, 
11  révèle  sur  le  ci-devant  Bruxelles,  une  particularité  qui  paraîtra 
singulière  à  nos  conciiadins.  C'est  en  note  de  la  page  76.  Il  s'agit 
des  hommes  de  compagnie,  pour  faire  pendant  aux  dames  de  com- 
pagnie. L'auteur  écrit  :  «  Une  tentative  de  ce  genre  fut  faite  à 
Bruxelles,  en  4866;  les  hommes,  assez  bien  faits  de  leur  per- 
sonne, étaient  d'une  extrême  recherche  dans  leur  tenue;  leur 
mission  consistait  à  accompagner  les  femmes  partout  où  il  n'était 
pas  admis  qu'elles  se  produisissent  seules.  Ces  guides  se  tenaient 
en  disponibilité  à  ceriains  endroits  de  la  ville.  La  dame  s'appro- 
chait du  groupe  et  prenait  sans  façon  le  bras  du  ciccrono  qui  lui 
agréait;  celui-ci  saluait  et  se  mettait  en  marche  après  avoir  con- 
féré avec  la  dame;  si  elle  ne  lui  indiquait  pas  un  itinéraire,  il 
commençait  sa  tournée  aux  monuments,  aux  promenades,  aux 
musées,  aux  cafés  célèbres.  Il  y  avait  un  tarif;  la  matinée  se 
payait  six  francs,  sans  pourboire,  car  ces  messieurs  étaient  trop 
bien  élevés  pour  en  accepter.  Ils  ne  buvaient  jamais,  étaient  polis, 
rangés,  d'autant  plus  que  les  bénéfices  étaient  en  raison  de  la 
réputation  de  convenance  et  de  vertu  dont  ils  jouissaient  sur  la 
place.  »!!! 

T^n  souviens-tu?...  disait  un  mystificateur. 

M.  Viremaitre  ne  mentionne  pas  une  vieille  chanson  que  nous 
entendîmes  on  notre  enfance  et  n'entendîmes  plus  depuis.  Son 
premier  couplet  chante  encore  en  notre  souvenir.  Le  voici  à  titre 
de  rareté.  Peut-être  quelqu'un  de  nos  contemporains  d'il  y  a  dix 
lustres  se  rappellera-t-il  les  autres. 


Les  coucous  sont  gras. 

Mais  on  n'en  veut  guère. 

Les  coucous  sont  grras, 

Mais  on  n'en  veut  pas. 
On  a  toujours  peur  de  manger  son  t'rere. 
Son  cousin  germain,  son  oncle,  ^ou  père. 

Donc  on  n'en  veut  guère. 

Donc  on  n'eu  veut  pas. 


252 


U ART  MODERNE 


CHERET 

.  Malgré  la  bruyante  liesse  d'une  foire  el  ces  chaleurs,  le  Musée 
du  Nord  convie  le  public  à  maints  spectacles  attrayants  :  manne- 
quins de  cire  ineffablement  grotesques  et  rigides,  galerie  crimi- 
nelle et  historique,  aimées  aux  mouvants  abdomens  lascifs.  Aussi, 
et  surtout,  une  exhibition  internationale  d'affiches. 

Mais  tant  d'ennui  est  aux  placards  coloriés  de  l'Allemagne,  aux 
annonces  mornes  des  hôtels  suisses!  Et  encore  que  lés  scènes  de 
cirques,  de  courses,  les  dessinateurs  anglais  —  par  d'outrées  et 
féroces  bariolures  —  excellent  à  les  restituer,  là  s'affirme,  immé- 
diate, incontestable,  sautant  aux  yeux,  la  supériorité  vraiment 
artiste  d'un  pays,  la  France,  d'un  artiste  plutôt  :  Jules *Chéret. 

Aux  murs  d'une  salle  entière,  en  effet,  s'épanouissent  —  vives 
el  odorantes  —  comme  fleurs!  une  centaine  environ,  choisies 
parmi  les  plus  lumineuses  images  de  cet  enchanteur. 

Art  tout  en  joie,  séduisant  et  gracieux,  —  fait  remarquable  en  ce 
temps  morose.  Nous  ne  voyons  en  France,  vraiment,  que  deux 
artistes  par  qui  quelque  gaieté  encore  soit  aux  peintures  :  Renoir 
et  Chéret.  Mais  tandis  que  l'œuvre  entier  du  plus  charmeur  des 
peintres,  P.-A.  Renoir,'  pourrait  se  définir  :  un  sourire  mélan- 
colique, —  c'est  en  un  clair,  frais,  pimpant  rire  enfantin  qu'écla- 
tent les  lumineuses  images  de  Chéret. 

Continuateur  de  Rubens,  et  comme  le  grand  Flamand,  abon- 
dant, sensuel,  lyrique,  il  passe  par  Boucher  et  le  wiii»  siècle,  se 
vét  d'élégance.  Et  un  sens  natif  du  décor  le  guide  vers  un  sys- 
tème de  couleurs  et  de  lignes  qui,  de  jour  en  jour,  va  s'affirmant, 
se  précisant  davantage. 

Et  parmi  les  plus  récentes  œuvres  du  maître  —  qui  sont  là 

—  on  voudrait  posséder  : 

Paris-Courses,  la  Fête  des  Fleurs,  le  Moulin-Rouge,  VAlca- 
zar  d'Eté,  le  Jardin  de  Paris,  émerveillantes  floraisons  de  féerie 
et  de  rêve.  • 

Une  femme  est  l'unique  thème,  une  Parisienne  exquise,  pas 
vraie,  adorable,  les  lèwes  saignant  dans  un  visage  peint. 

Elle  galope  dans  Paru-Course  snr  un  cheval  violacé,  —  et 
l'ordonnance  de  celle-là  est  admirable  et  la  splendeur  magnifique 
des  tons  unique.  Rousse,  chapeau  jaune  el  robe  rouge,  elle  est 
sur  du  bleu  dans  la  Fête  des  Fleurs,  —  el  nous  recommandons 
comme  une  chose  parfaitement  belle,  la  tête  du  monsieur  mode- 
lée dans  la  localité  du  fond.  Le  Moulin-Rouge  est  plus  ravissant 
encore,  où  la  petite  femme,  en  robe  jaune,  monte  un  minuscule 
mulçt  noir;  sur  le  fond  blanc  courent,  très  délibérées,  les  lettres 
rouges  autour  du  très  rouge  moulin,  et  un  bleu,  un  gris,  un  rose 
complètent  l'harmonie.  Pour  la  Revue  fin  de  siècle  de  l'Alcazar 
d'Eté,  c'est  une  Arlequine  —  bas  noirs,  gants  rouges  et  fourrure 

—  qu'un  monsieur  d'en  bas  regarde  ;  le  titre  se  détache  en  bou- 
ton d'or,  complémentaire  de  l'outre-mer  du  fond.  Munie  d'un 
éventail  bleu,  une  cocotte,  drapée  d'un  très  atténué  jaune  pâle, 
se  découpe  sur  un  fond  violemment  rouge  et  bleu  se  muant  en 
jaune  vers  le  bas  :  Jardin  de  Paris.  Encore,  le  Thééfrophone, 
qui,  par  la  septicité  quasi  rigide  des  lignes,  fait  songer  —  un 
peu  —  à  Seurat. 

Mais  évoquer,  par  la  plume,  les  radieuses  clartés  de  ces  chefs- 
d'œuvre  d'où  les  noirs  sont  bannis,  où  les  couleurs  innovent  des 
accords  subtils,  ce  serait  tentative  vaine. 

Citons  encore,  parmi  de  plus  anciennes  ou  les  déjà  vues,  le  rire 
gras  et  rouge  du  Rabelais,  les  nus  charmants  de  fEau  des  Sirènes 


(Rccoloralion  des  cheveux,  chez  tous  coiffeurs  et  parfumeurs), 
l'Arabe  de  Paris- Hippodrome,  qui  vaut,  pour  nous,  les  plus 
vantés  Fromentin,  la  capiteuse  manola  des  Montagnes  russes, 
l'élancée  ballerine  de  V Amant  des  Danseuses,  la  turbulente  jovia- 
lité de  mioches  dans  les  Magasins  des  Buttes-Chaumont. 

Deux,  très  particulières,  pour  le  Tivoli  et  Cendrillon,  beaucoup 
plus  linéaires,  où,  au  lieu  des  légères  couleurs  habituelles,  des 
bistres-rouille  et  des  noirs,  —  non  vulgaires  cependant,  — attris- 
tent la  composition. 

Et  tant  d'autres,  le  Pays  des  Fées,  VEcho  de  Paris,  la  Terre 
(un  peu  CoNST.  Meunier),  la  Gomme,  l'Exposition  Willette,  les 
Maquettes  animées,  tant  d'autres  sont  ravissantes  !... 

Nous  n'avons  pas  la  prétention  d'avoir  analysé,  au  courant  de 
ces  noies,  le  si  personnel  génie  d'un  fécond  artiste,  qui  a  pro- 
duit plus  de  mille  affiches,  sans  compter  une  foule  d'illustrations 
de  livres  et  de  musiques,  des  pastels  et  des  éventails  charmants. 

Nous  renvoyons  à  la  belle,  si  pas  définitive,  étude  que  lui  con- 
sacra J.-K.  HuusMANS,  dans  son  livre  Certains  (Tresse  et  Stock, 
1889),  et  les  curieux  de  détails  sur  l'artiste  lui-même  et  ses 
œuvres,  les  trou^ieront  dans  les  Hommes  d'aujourd'hui,  n*  275 
(Vanier,  éditeur),  dans  les  Graveurs  du  xix"  siècle,  de  M.  Henri 
Béraldi  (Conquet),  dans  les  Affiches  illustrées  de  M,  Ernest 
Maindron  (Launette).  Un  portrait  du  peintre  par  le  fantaisiste 
Besnard,  orne  la  couverture  de  la  Revue  illustrée  du  15  février 
4890,  laquelle  détient  encore  un  article  de  M.  Frantz  Jourdain 
et  de  sémillants  Chéret. 

Enfin,  le  Courrier  français  du  9  février  1890,  outre  de  docu- 
mentaires notes  de  M.  Jean  Lorrain,  contient  des  dessins  du 
maître,  comparables  aux  plus  beaux  de  l'école  française,  depuis 
le  de|;nier  siècle,  el  où  je  choisis  une  inappréciable  petite  mer- 
veille :  aux  feux  d'une  rampe,  surgit  d'entre  les  masques  de  la 
Comédie  et  du  Drame,  —  symbole  du  moderne  ballet  —  la  Dan- 
seuse ! 

Maintenant,  si  ce  n'était  présumer  de  rintelligence  de  notre 
Direction  des  Beauxf  Arts  —  (à  Paris  même,  les  affiches  de  Chéret 
s'abîment  Ia|nentablemenl  au  coin  des  rues,  au  lieu  de  glorifier 
un  Luxembourg!) — il  nous  plairait  émettre  ce  très  réalisable 
souhait  :         *  ,  * 

Puisque  nous  possédais  un  Musée  d'art  décoratif,  ne  pour- 
rait-on, parmi  les  nombreux  spécimegs  divers,  qui  déjà  s'y  trou- 
vent, appendre  quelques  dessins  de  Chëret,  quelques  affiches  en 
couleur? 

Ce  serait,  pour  un  œil  d'artiste,  ensemble  une  joie  et  un 
enseignement.  * 


.CONFIANCE  EN  SOI-MÊME 

TRADUCTION  INÉDITE   DE   l' ANGLAIS   d'EmERSON 

par  une  Inconnue  (l)i  <> 

Chaque  individu  bien  mis,  et  de  bonnes  manières,  m'en  impose 
plus  qu'il  ne  conviendrait.  Je  devrais  marcher  droit,  être  vivant  el 
dire  la  vérité  brutale  de  toutes  les  façons.  Si  la  vanité  et  l'astuce 
prennent  le  manteau  de  la  philanthropie,  puis-je  laisser  passer 
cela?  Si  un  bigot,  enflammé  de>zèle,  épouse  cette  belle  cause  de 
l'abolition  de  la  traite  des  noirs  et  m'arrive  avec  les  dernières  nou- 

(1)  Voir  notre  numéro  du  3  août. 
I 


VAUT  MODERNE 


253 


velles  des  esclavagistes,  pourquoi  ne  lui  dirais-je  pas  :  «  Va, 
aime  les  enfants,  aime  ton  plus  humble  prochain,  sois  bon  et 
modeste,  fais-moi  ce  plaisir;  et  ne  vernis  pas  ta  dure  et  peu  cha- 
ritable ambition  avec  cette  incroyable  tendresse  pour  des  négril- 
lons qui  sont  à  mille  lieues  d'ici.  Ton  zèle  lointain  est  du  dédain 
pour  ce  qui  t'entoure  ».  Cette  réception  serait  grossière  et  entiè- 
rement dépourvue  de  grâce,  mais  la  vérité  vaut  mieux  que  l'affec- 
tation et  un  faux  semblant  de  sympathie.  Votre  bonté  doit  avoir 
un  angle  quelconque,  ou  bien  elle  n'est  pas.  La  doctrine  de  la 
haine  doit  être  préchée  comme  celle  de  l'amour  quand  celui-ci 
devient  plaignant  et  pleurnicheur.  Quand  mon  génie  m'appelle, 
j'évite  père,  mère,  frères,  sœurs.  —  Je  voudrais  défendre  ma 
porte  en  écrivant  dessus  :  «  lubie  ».  J'espère  qu'en  fin  de  compte 
ce  qui  me  force  à  m'isoler  vaut  mieux  qu'une  lubie,  mais  on  ne 
peut  passer  sa  vie  en  explications. 

Ne  vous  attendez  pas  à  ce  que  je  vous  explique  pourquoi  j'évite 
ou  recherche  la  société.  Et  puis,  >pe  venez  pas  me  dire,  comme 
un  brave  homme  l'a  fait  aujourd'hui,  que  je  suis  obligé  d'aider 
tous  les  pauvres.  Sont-ils  mes  pauvres?  Je  te  dis,  sol  philan- 
thrope, que  je  regrette  le  dollar,  le  franc  et  le  centime  que  je  donne 
à  ces  gens  qui  ne  m'appartiennent  pas.  Il  ya  une  classe  de  gens  à 
laquelle  je  suis  lié,  vendu,  —  qui  m'a  acheté  et  à  laquelle  je 
tiens  par  toute  espèce  d'affinités  morales  et  intellectuelles.  Pour 
ces  gens-là  j'irai^^en  prison  si  c'était  nécessaire  ;  mais  vos  diverses 
charités  populaires,  comme  l'éducation  donnée  dans  un  asile 
d'aliénés,  l'établissement  de  sociétés  comme  il  y  en  a  tant,  —  les 
aumônes  à  des  sots  —  et  les  milliers  de  sociétés  de  secotirs,  non 
—  quoique  je  confesse  avec  honte  que  je  succombe  parfois  et 
que  je  donne  le  dollar;  mais  c'est  un  mauvais  dollar  que  j'aquerrai 
peu  à  peu  la  virilité  de  refuser. 

Dans  l'appréciation  populaire,  les  vertus  sont  plutôt  l'exception 
que  la  règle.  Il  y  a  l'homme,  et  ses  vertus.  Les  hommes  font  ce 
qu'ils  appellent  une  bonne  action,  un  acte  de  courage  ou  de  cha- 
rité, un  peu  comme  s'ils  payaient  ainsi  une  amende  pour  ne  s'être 
pas  montrés  journellement  à  la  parade.  Leurs  œuvres  sont  faites 
pour  excuser  ou  atténuer  la  vie  qu'ils  mènent  dans  le  monde,  — 
tels  des  invalides  ou  des  fous  qui  paient  une  pension  plus  forte 
que  les  autres.  Leurs  vertus  sont  des  pénitences.  Je  ne  désire 
pas  expier,  mais  vivre.  Ma  vie  existe  pour  elle-même  et  non  pour 
servir  de  spectacle.  J'aime  mieux  lui  laisser  un  cours  modeste 
mais  naturel  et  égal,  que  de  la  rendre  brillante  et  inégale. 

Je  la  veux  saine  et  doj^ce,  et  non  irrégulière,  nécessitant  la 
diète  et  la  saignée.  Je  demande  une  évidence  irréfutable,  primaire, 
que  vous  êtes  un  homme  et  je  refuse  d'en  appeler  de  l'homme  à 
ses  actions.  Je  sais  que  pour  moi  cela  ne  fait  aucune  différence  si 
je  fais  ou  si  j'évite  ces  actions  qu'on  dit  excellentes.  Je  ne  con- 
sens pas  à  payer  pour  un  privilège  là  où  j'ai  un  droit  intrinsèque. 
Si  petites,  si  infimes  que  soient  mes  facultés,  je  suis  tel,  et  n'ai 
besoin,  pour  m'en  assurer  ou  en  assurer  mes  semblables,  d'aucun 
témoignage  secondaire. 

Ce  que  je  dois  faire,  c'est  ce  qui  concerne  ma  personnalité,  et 
non  ce  que  les  gens  pensent  que  je  dois  faire.  Celte  règle,  aussi 
ardue  à  appliquer  dans  la  vie  pratique  que  dans  la  vie  intellec- 
tuelle, peut  tenir  lieu  de  toute  distinction  entre  la  grandeur  et  la 
bassesse. 

£lle  est  d'autant  plus  difficile  à  suivre  que  vous  trouverez 
toujours  des  gens  qui  croient  connaître  votre  devoir  mieux  que 
vous.  —  Il  est  facile,  dans  le  monde,  de  vivre  d'après  l'opinion 
du  monde  ;  il  est  facile  de  vivre  d'après  la  nôtre,  dans  la  solitude. 


y 


Mais  le  grand  homme  est  celui  qui  garde  dans  le  monde,  avec  une 
parfaite  douceur,  l'indépendance  de  la  solitude. 

L'objection  qu'on  peut  faire  à  ceux  qui  se  conforment. à  des 
usages  devenus  pour  eux  des  lettres  mortes,  c'est  que  cela  épar- 
pille leur  force.  Vous  perdez  du  temps  et  cela  ternit  l'impression 
que  fait  voire  caractère.  Si  vous  soutenez  une  église,  un  culte 
morts,  si  vous  contribuez  à  une  société  biblique  dont  l'influence 
est  éteinte,  si  vous  votez  avec  un  grand  parti  pour  ou  contre  le 
gouvernement,  si  vous  étendez  à  tous  votre  hospitalité  comme  le 
plus  misérable  aubergiste,  il  me  sera  difficile  de  discerner  exacte- 
ment, saus  ces  voiles,  quel  homme  vous  êtes. 

Et,  naturellement,  c'esi  autant  de"  force  perdue  pour  votre 
propre  vie.  Mais  faites  voire  œuvre  et  je  vous  reconnaîtrai.  Faites 
votre  œuvre  et  vous  vous  fortifierez.  Un  homme  doit  prendre 
pour  ce  qu'il  vaut  ce  jeu  de  Colin^Maillard,  qu'on  appelle  la  con- 
formité. Si  je  connais  votre  secte,  je  sais  votre  argument  d'avance. 
J'entends  un  prédicateur  annoncer  qu'il  prêchera  sur  l'examen  de 
telle  ou  jtelle  doctrine  de  son  église.  Ne  sais-je  pas  très  bien 
d'avance  qu'il  ne  dira  pas  un  mot  spontané  ou  neuf?  Ne  sais-je 
pas  qu'avec  toute  son  ostentation  de  vouloir  examiner  les  bases 
de  l'institution  en  litige,  il  ne  le  fera  pas?  Ne  sais-je  pas  qu'il 
s'est  engagé  envers  lui-même,  non  comme  homme  mais  comme 
pasteur,  à  ne  regarder  qu'un  côté  des  choses*  le  côté  permis? 
C'est  un  avocat  engagé  pour  la  cause,  et  ces  airs  qu'il  se  donne 
en  chaire  sont  de  la  plus  vide  affectation.  Eh!  bien,  la  plupart 
des  hommes  ont  bande  leurs  yeux  a^ec  un  mouchoir  ou  l'autre, 
et  se  sont  attachés  à  une  communauté  d'opinion  quelconque. Cette 
conformité  ne  les  rend  pas  seulement  faux  en  quelques  points, 
ne  leur  imposç  pas  seulement  quelques  mensonges,  mais  les 
rend  faux  dans  tous  les  points.  Chacune  de  leurs  vérités  n'est 
pas  tout  à  faîl  vraie.  Leur  deux  n'est  pas  le  vrai  deux,  leur 
quatre,  pas  le  vrai  quatre;  de  sorte  que  chaque  mot  qu'ils 
disent  nous  chagrine,  et  nous  ne  savons  par  où  commencer  pour 
les  remettre  d'aplomb. 

La  nature  ne  larde  à  nous  affubler  de  la  livrée  du  parti  auquel 
nous  tenons.  Nous  arrivons  à  acquérir  une  certaine  coupe  de 
figure,  une  certaine  forme  et,  petit  à  peiil  souvent,  la  plus  char- 
mante expression  asinine.  Il  y  a  surtout  un  fait  mortifiant  qui 
se  faufile  dans  celte  histoire  générale.  Je  veux  parler  de  «  la  sotte^^ 
mine  de  la  louange  »,  le  sourire  forcé  que  nous  arborons  dans 
une  société  où  nous  ne  nous  sentons  pas  à  notre  aise,  pour 
répondre  à  une  conversation  qui  ne  nous  intéresse  pas.  Les 
muscles,  qui  ne  sont  pas  mus  spontanément,  mais  par  une  vellétié 
inférieure,  se  figent  sur  les  contours  du  masque  avec  la  sensation 
la  plus  désagréable. 

Pour  un  défaut  de  conformité,  le  monde  vous  fouette  de  sa 
défaveur.  El  c'est  pour  cela  qu'un  homme  doit  s»voir  estimer  à  sa 
juste  valeur  une  figure  aigre.  On  le  regarde  de  travers  dans  la  rue 
ou  dans  un  salon  ami.  Si  cette  aversion  avait  pour  origine  une 
orgueilleuse  résistance  comme  la  sienne,  alors  il  pourrait  se 
retirer  chez  lui  avec  un  air  triste. 

Mais  les  figures  aigres  de  la  masse,  comme  ses  figures  douces, 
n'ont  pas  de  causes  profondes,  elles  changent  d'après  le  souffle 
du  vent  ou  l'influence  d'un  journal.  Malgré  cela,  le  mécontente- 
ment des  masses  est  plus  formidable  que  celui  du  sénat  ou  des 
universités.  Il  est  assez  facile  à  un  homme  ferme,  qui  connaît  le 
monde,  d'endurer  la  colère  des  classes  cultivées.  Leur  colère  est 
prudente,  elle  a  du  décorum,  car  ces  classes  sont  timides  étant 
très  vulnérables  elles-mêmes.  Mais  qi^and  l'indignation  du  peuple 


\ 


s'ajoulc  à  celle  colère  féminine,  quand  le  pauvre  et  l'ignorant 
sont  excités,  quand  on  remue  jusqu'à  la  faire  grogner  et  grincer 
des  dents  la  force  brute,  inintelligente  qui  gtt  au  bas  de  la  société, 
il  faut  alors  avoir  des  habitudes  de  magnanimité  et  de  religion, 
pour  la  traiter,  comme  le  ferait  un  dieu,  de'  bagatelle  sans  impor- 
tance (i).  {A  suivre). 


ARTISTES  ET  MMCHANDS 

De  Louis  Davyl,  ce  coup  droit  aux  marchands'  de  tableaux, 
destructifs  de  l'originalité  des  artistes  : 

«  A  mon  sens,  la  principale  cause  de  la  décadence  de  la  grande 
peinture  est  le  marchand  de  tableaux,  auquel  est  presque  fatale- 
ment forcé  de  se  livrer  le  jeune  peintre  harcelé  de  besoins  tou- 
jours nouveaux,  acculé  à  des  obligations  sans  cesse  renaissantes; 
l'industriel  devient  leur  maître,  leur  seigneur,  les  coupe,  les 
taille,  les  rogne  et  les  émascule  pour  la  facilité  de  la  vente  et  la 
réussite  de  ses  affaires,  à  lui. 

Le  tentateur  est  toujours  derrière  eux,  tirant  d'un  petit  porte- 
feuille de  maroquin  un  billet  violet  qu'il  froisse  délicatement 
entre  ses  doigts;  à  l'aide  de  cet  argument,  il  obtient  de  sa  victime 
tout  ce  qu'il  désire  et,  la  plupart  du  temps,  celui  qui,  à  l'école  de  { 
la  pauvreté,  serait  devenu  un  grand  peintre,  un  talent  à  large 
envergure,  est,  par  ce  Mécène  à  200  p.  c,  condamné  à  rester  à 
jamais  un  nain,  refaisant  pendant  vingt  ans  le  même  tableau. 

Si,  par  hasard,  l'artiste  s'éveille  un  malin  avec  une  idée 
lumineuse,  si  une  page  neuve  a  surgi  dans  son  esprit  et  qu'il 
essaye  de  la  mettre  à  exécution,  quand  son.  bienfaiteur  arrive,  ce 
sont  de  sa  part  des  noms  d'abord,  puis  des  colères  qui  vont  jus- 
qu'à l'indignation  : 

—  Je  vous  remercie!  Voilà  comment  vous  me  récompensez! 
Mais  que  voulez-vous  que  je  fasse  de  cette  toile?...  Contre  qui 
m'en  débarrasser?...  A  qui  l'offrir?...  Mais  vous  savez  tout  aussi 
bien  que  moi  que  ce  n'est  pas  de  vente,  et  qu'à  passer  votre  temps 
à  brosser  de  ces  machines-là,  vous  ne  vous  acquitterez  jamais 
envers  moi  !  J'avais  pourtant  bien  juré  de  ne  plus  désormais  me 
hisser  etnpor  1er  par  mo7i  cœur!... 

Ton  cœiir,  ô  Shylock!... 

Quand  l'artiste  n'est  pas  un  homme  vigoureusement  trempé, 
il  pose  le  châssis  le  long  du  mur  et  repique  le  petit  tableau  dit 
de  genre.  L'homme  consent  alors  à  s'adoucir,  el  la  poignée  de 
main  qu'il  lui  donne  en  sortant  est  le  bon  coup  de  poing  qui  le 
replonge  plus  av,anl  encore  dans  la  médiocrité.  » 


j^HRONIQUE    JUDICIAIRE    DE?    ^RT^ 
Bronzes  contrefaits. 

La  Gazelle  des  Tribunaux  rend  compte,  en  ces  termes,  d'un 
procès  en  contrefaçon  artistique  dont  vient  d'être  saisi  le  tribunal 
correctionnel  de  la  Seine  : 

Après  la  clôture  de  l'Exposition  des  Beaux-Arts  au  Palais  de 
llnduslrie  et  au  Palais  du  Champ-de-Mars,  allons-nous  assister  à 
une  exposition  nouvelle  au  Palais  de  Justice?  On  aurait  pu  le 

(1)  Oh!  les  belles  et  fortes  choses  à  méditer  par  l'artiste  qui  se  sent 
entraîné  vers  ce  péril  :  lb  Neuf  !  Dédain  des  foules,  rare  et  héroïque 
v«rtu  ! 


croire  en  pénétrant  dans  le  prétoire  de  la  onzième  chambre  cor- 
rectionnelle. 

Et  quelle  exposition  de  sculpture! 

Celle  de  maîtres  français  qui  ont  nom  Paul  Dubois,  Barrias, 
Mercié.  Leurs  statuettes  de  bronze  sont  là,  sur  le  bureau  du  Tri- 
bunal, toujours  nouvelles  et  toujours  vivantes.  Le  Chanteur  flo- 
rentin semble  plaider  sa  cause  en  musique,  Mozart  enfant 
accorde  son  violon  pour  conclure  en  si  bémol  et  quel  air 
fièrement  vainqueur  a  le  jeune  David  posant  le  pied  sur  la  léte 
de  Goliath  !  On  dirait  le  bon  droit  terrassant  le  monstre  de  la 
contrefaçon. 

Car  c'est  de  contrefaçon  qu'il  s'agit  au  procès.  A  c^iiidldes 
reproductions  de  Barbedienne,  ou  plutôt  de  l'autre  côlé  des  repto^' 
duciions  de  Barbedienne,  il  y  a  des  imitations  plus  ou  moins  mal- 
heureuses de  ces  chefs-d'œuvre. 

On  remarque  notamment,  un  autre  jeune  compatriote  du 
Dante,  qui  ouvre,  lui  aussi  la  bouche  en  s'accompagnant  de  la 
mandoline,  mais  qui  est  bien  étrange  avec  son  air  ahuri,  et  son 
petit  manteau  recouvrant  pudiquement  les  formes  trop  accentuées 
du  haut  de  chausses. 

MM.  Paul  Dubois,  Barrias  et  Mercié  onl,  de  concert  avec 
M.  Barbedienne,  poursuivi  pour  contrefaçon  M.  Pierre  Dubois, 
fabricant  de  bronzes  d'art,  et  pour  débit  des  objets  contrefaits 
M.  Batlendier,  marchand  de  meubles. 

Ce  dernier  a  excipé  de  sa  bonne  foi. 

Quant  à  M.  Pierre  Dubois,  il  a  fait  valoir  les  différences  très 
sensibles  qui  séparent  les  œuvres  éditées  par  lui  de  celles  dues 
aux  maîtres.  Il  a  ajouté  que  ces  derniers  se  reconnaîtraient  bien 
peu  de  valeur  personnelle  s'ils  eslimaient  ses  produits  capables 
de  nuire  à  la  vente  des  leurs.  Il  a  insisté  enfm  sur  cette  circon- 
stance particulière,  très  imporlanle,  suivant  lui,  que  non  seule- 
ment son  Florentin,  son  David,  son  Mozart,  son  Arlequin,  etc., 
ont  figuré  à  l'Exposition  de  1889,  mais  que  déjà,  en  1886,  ils  lui 
avaient  même  valu  à  l'Exposition  du  travail  des  Champs-Elysées 
une  médaille  de  bronze!  M.  Barbedienne,  disait-il,  n'avait  jamais 
réclamé,  parce  que  jamais  celte  vente  n'a  pu  lui  causer  réelle- 
ment de  préjudice,  et  comment  lui  et  les  auteurs  peuvent-ils 
poursuivre  une  prétendue  contrefaçon  si  longtemps  et  si  publi- 
quement toléréQ? 

A  l'appui  de  ses  obsg^vations  M.  Dubois  a  fait  citer  plusieurs 
témoins,  et  il  a  posé  aussi  différentes  questions  sur  ce  point  à 
M.  Barbedienne. 

Le  Tribunal,  après  avoir  entendu  M«  Pouillet  pour  M.  Barbe- 
dienne et  les  sculpteurs,  M«  Desjardin,  pour  Pierre  Dubois,  et 
M«  Forni  pour  M.  Baltendier,  a  rendu,  le  22  juillet  dernier,  un 
jugement  par  lequel  il  renvoie  Baltendier  des  fins  de  la  plainte, 
mais  déclare  Pierre  Dubois  coupable  du  délit  de  contrefaçon,  et 
le  condarr.ne  à  200  francs  d'amende  et  500  francs  de  dommages- 
intérêts. 


fETITE    CHROJSIIQUE 

Les  journaux  quotidiens  ont  annoncé  la  mort,  celle  semaine, 
du  docteur  Victor  Desmeth.'lls  ont  montré  en  lui  le  savant  et  le 
praticien,  Victor  Desmeth  joignait  à  ses  qualités  rares,  le  don  de 
s'intéresser  à  tout.  Aucune  manifestation  hardie  et  neuve  ne  lui 
était  quelconque.  Nous  lui  avons  entendu  émettre  les  plus  larges 
çt  les  plus  belles  théories  sociales.  Egalement  quand  il  se  préseh- 


tait  une  question  d'art,  son  attention  sympathique  tout  entière  se 
dardait  vers  ce  qu'elle  contenait  de  vrai  et  d'en  avant.  C'est  à  ce 
titre  que  nous  voulons  lui  rendre  ici  en  consignant,  avec  regret, 
sa  mort,  l'hommage  dû  à  toute  grande  et  belle  intelligence  qui 
disparaît  et  nous  souvenir  du  penseur  et  du  rêveur  fier  et  haut, 
qu'il  était. 

M""*  de  Zarembska,  qui  vient  d'obtenir  un  congé  au  Conserva- 
toire, a  été  engagée  pour  une  tournée  de  deux  mois  aux  Etats-Unis, 
La  sympathique  artiste  donnera  des  piano-récitals  dans  les  prin- 
cipales  villes  du  Nouveau-Monde  :  à  New-York,  Boston,  Philadel- 
phie, Chicago,  Washington,.etc. 

Nous  lui  souhaitons  grand  succès. 


A  l'occasion  de  la  Conférence  internationale  du  livre  qui  s'est 
réunie  à  Anvers  ces  jours-ci,  on  a  organisé  une  exposition  fort 
intéressante.  C'est  celle  de  la  Librairie  et  des  produits  de  tous  les 
arts  et  des  procédés  qui  se  rattachent  à  la  confection  du  Livre. 

Elle  est  divisée  en  neuf  classes  distinctes  et  comprend  tout 
ce  qui  se  rapporte  au  Livre  :  caractères,  machines  et  outils  de 
graveurs  et  de  fondeurs  de  caractères;  appareils  de  galvanoplastie 
et  de  stéréolypie;  machines  à  composer  et  à  distribuer;  presses 
typographiques,  lithographiques,  phototypiques,  zincographiques 
et  de  taille-douce;  applications  de  la  photographie  à  l'illustration 
du  livre;  reliures,  papiers,  encres,  outils  et  machines  de  tout 
genre,  etc.,  en  y  ajoutant,  bien  entendu,  le  Livre  lui-même,  mais 
seulement  en  tant  qu'il  donne  la  preuve  d'une  exécution  maté- 
rielle supérieure,  constate  un  sérieux  perfectionnement  ou  offre 
la  solution  de  quelque  problème  de  bon  marché. 

Voici,  au  surplus,  la  classification  générale  : 

Classe  L  Machines,  outils  et  matériaux  pour  la  gravure  et  la 
fonderie.  Produits  de  la  gravure  typographique  et  de  la  fon- 
derie. 

Classe  IL  Presses  à  imprimer  et  accessoires.  Machines  à  com- 
poser et  à  distribuer.  Moteurs  pour  imprimeries. 

Classe  IIL  Papier.  Machines  et  outils  pour  papetiers. 

Classe  1 V.  Encres,  vernis  et  couleurs. 

Classe  V.  Dessins  et  modèles. 

Classe  VL  Arts  graphiques  appliqués  à  l'illusiralion  du  livre. 
—  Gravures  et  estampes.  (Xylographie,  lithographie,  zincogra- 
phie,  photographie  et  ses  applications,  taille  douce,  eau 
forte,  etc.) 

Classe  VIL  Le  Livre.  (Editions  de  luxe  et  à  bon  marché; 
éditions  spéciales,  revues,  publications  périodiques  et  spéciales; 
livres  en  feuilles;  feuilles-spécimens  séparées  de  titres,  de 
tableaux  pour  ouvrages  scientifiques,  de  dispositions  de  texte 
avec  renvois  et  notes,  avec  encadrements  et  illustrations  typogra- 
phiques, avec  intercalalion  de  gravures,  vignettes  ou  portées 
musicales,  etc.  Cartes  géographiques,  atlas,  éditions  musicales.) 

Classe  VIIL  Reliure.  Machines  et  outils  pour  relieurs. 

Classe  IX.  Mobilier  du  Livre.  (Bibliothèques,  armoires,  casiers, 
rayons,  tables,  chaises,  lampes,  échelles,  escaliers,  pupitres, 
cadres  sculptés  ou  ciselés,  passe-parlout,  glaces  et  vitrines,  etc.) 


Nous  apprenons  la  mort,  à  Domène,  où  il  était  en  villégiature 
chez  sa  sœur,  de  M.  Charles  Laposiolel,  peintre  de  marines,  élève 
de  Léon  Cogniet.  Hors  concours  au  Salon,  médaillé  en  1870  et 
en  1882,  M.  Lapostolet  avait  obtenu  une  médaille  d'argent  à 
l'Exposition  universelle  de  1889.  Un  de  ses  tabijeaux,  le  Port  d$ 


Dunkerque,  ost  au  Musée  du  Luxembourg.  M.  Lapostolet  était  né 
à  Vêlas  (Côle-d'Or),  le  26  septembre  1824. 

On  vient  d'élever  sur  son  piédestal,  dans  la  cour  du  Musée 
Carnavalet,  la  belle  statue  de  Louis  XIV,  par  Antoine  Coysevox, 
qui  décorail  la  cour  d'honneur  de  l'ancien  Hôtel  de  Ville  de  Paris. 

Ce  monument  avait  été  érigé  le  14  juillet  1689,  en  mémoire  de 
la  réconciliation  du  roi  avec  la  ville  de  Paris,  après  trente-cinq 
ans  d'implacable  rancune. 

Pour  la  première  fois  depuis  les  troubles  de  la  Fronde, 
Louis  XIV  daigna  se  rendre  à  l'Hôtel  de  Ville  le  30  janvier  1687 
et  accepter  le  festin  solennel  que  lui  faisaient  humblement,  de 
leurs  propres  iîiains,  les  prévôts  des  marchands  et  les  échevins. 

Remarquant  tout  d'abord  l'ancienne  statue  de  Gilles  Gérin,  qui 
représentait  le  monarque  foulant  aux  pieds  le  frondeur  terrassé, 
le  roi  aurait  dit  :  «  Ceci  n'est  plus  de  saison  »  ;  et  les  édiles  s'em- 
pressèrent de  remplacer  le  monument  d'humiliation  par  le  monu- 
ment triomphal  h  la  gloire  de  Louis-le-Grand. 

Coupé  dans  un  récent  feuilleton  de  Jules  Lemaître  sur  les  gens 
de  théâtre  : 

M  Vivre  en  bourgeois,  c'était  autrefois  la  rarissime  exception 
chez  les  comédiens.  Cela  tend  à  devenir  la  règle  aujjourd'hui.  Les 
mœurs  de  nos  acteurs  ne  me  paraissent  pas  sensiblement  pires 
que  celles  de  nos  bourgeois.  Ce  qui  les  distingue  de  nous,  ce  n'est 
plus  leur  genre  de  vie,  c'est  seulement,  quelquefois,  l'azur  de 
leur  menton,  et  peut-être  dans  leur  geste  et  leur  accent,  un  res- 
souvenir de  la  diction  et  de  l'attitude  de  théâtre.  Leur  art  est 
devenu  chose  d'Etal  ;  il  est  officiellement  protégé  et  honoré.  La 
société  civile  et  la  société  religieuse,  en  leur  rendant  le  droit 
commiM),  les  onf  ramenés,  par  \h  même  â  la  morale  bourgeoise. 
Au  reste,  il  n'y  a  plus  guère  chez  nous  de  corporations  ni  de 
castes  originales  par  leurs  mœurs  :  il  y  a  seulement  encore  çà  et 
Ik,  des  individus  originaux. 

«  Tout  le  monde  a  rencontré  de  ces  comédiens,  plus  notaires 
que  les  notaires,  qui,  lorsqu'ils  entrent,  précédés  de  leur  femnne 
légitime,  dans  un  salon  oîi  on  les  a  fait  venir  à  prix  d'or  pour 
réciter  quelque  scène  de  comédie,  ont  l'air  si  profondément,  si 
démesurément  sérieux  et  convenable,  qu'on  les  dirait  fourvoyés 
parmi  l'immoralité  de  tous  ces  bourgeois,  et  qu'en  vérité  on  a 
envie  de  leur  faire  des  excuses.  Et  ces  artistes  ont  raison,  et  cela 
est  très  bien  ainsi.  » 


On  écrit  de  Londres  au  Ménestrel  de  Paris  : 

«  Nous  relevons  les  enchères  suivantes  dans  une  intéressante 
vente  de  manuscrits  et  d'autographes  qui  a  eu  lieu  la  semaine  der- 
nière à  Londres  :  Auber,  Benedictus,  dédié  à  M™»  Gueymard-Lau- 
ters,^5  francs;  Beethoven,  six  feuillets  au  crayon,  93  francs; 
Gœihe,  un  reçu  au  crayon  pour  le  Tartuffe,  de  Hohère,  lOfrancs; 
Haydn,  quelques  lignes  datées  de  Vienne,  1803,  136  francs,  et 
un  fragment,  Dona  7iobis,  pour  quatre  voix,  80  francs  ;  Liszt, 
deux  lettres  de  Weimar,  18S4,  32  francs;  Mendclssohn,  manus- 
crit d'un  morceau  pour  piano  à  quatre  mains,  daté  26  mars  184 1,- 
250  francs;  un  Volkslied,  155  francs;  huit  lettres,  1837-1844, 
380  francs;  Schiller,  cinq  lettres  très  importantes,  17931803, 
1,070  francs;  Schubert,  manuscrit  de  trois  romances,  180  francs; 
Schumann,  marche  n"  2  pour  piano,  100  francs;  Wagner,  frag- 
ment d'ouverture  inédite,  70  francs;  un  feuillet  de  la  partition  de 
Rienzi,  63  francs  ;  une  page  de  la  partition  allemande  de  Norma, 
62  francs.  » 


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13       ;. 
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Vienne  à  Londres  en. 
Bftle  à  Londres  en.  . 
Milan  à  Londres 


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36  heures. 
24       » 
33       » 


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D'Ostende  à  5  h.  29  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  31  soir.  —  De  Douvres  à  midi  15,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

xr^ve:r(Ȏe:  eiv  xroiis  he:ure:8 

PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS 

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partant  journellement  d'OSTENDE  à  5  h.  29  matin  et  11  h.  10  matin;  de  DOUVRES  à  midi  15  et  10  h.  15  soir. 

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et  entre  LONDRES   ou   DOUVRES  et  toutes  les  grandes  villes  de  l'Europe. 


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CABINES  PARTICULIÈRES.  -  Prix  :  (en  sus  du  prix  de  la  i"*  classe).  Petite  cabine,  7  francs;  Grande  cabine,  14  francs. 

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Northumberland  House,8trond  Street,  n<>  17 ,  à  Douvres. 

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Entrt  les  principales  villes  de  la  Belgique  et  Douvres,  aux  fêtes  de  Pentecôte  et  de  l'Assomption. 

AVIS.  —  Buffet  rastaurant  à  bord.  —  Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  —  Accostage  à  quai  vis-à-vis  des  stations  de  chemin  de 
fer.  —  Correspondance  direct»  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits). — Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  -  Assurance. 

Pour  tous  renseiniements  s'adresser  à  la  Direction  de  VEscploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  V Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l'Êlmt-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90^,  i  Bruxelles  ou  Oracechurch-Street,  n»  53,  à  Londres,  à  l'Agence  de  Chemins  de  fer 
de  FÊtat,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vrancken,  Domkloster,  no  1,  à  Cologne. 


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chez  MM.  SCHOTT  frères,  82,  Montagne  de  la  Cour,  Bruxelles. 

Li'OR  DÛ  RHIN 

-  DE 

RICHARD  WAGNER 

Version  firanpaise  de  Victor  "WILDER 

Partition    pour   chant   et   piano,    réduite   par   R.    Kleinmicbel 
PRi;^  NBT  :  20  Francs 

JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 

—  Bibliographie.  —Législation.  —Notariat. 

HUTI&UB  ANNÉE. 

Abonnements  |  Bel?i<ï"«.  l»  francs  par  an. 
(  Hitranger,  23  id. 

Administration  et  rédaction  :  Rue  des  iliâimes,  10,  Bruxelles. 

-^- 


Revue  mensuelle  de  littérature  et  d'art 


Directeurs 

Bureaux 
ABONNEMENTS 


6-  Année 
MM.  A.  MOCKEL  et  P.-M.  OLIN. 
à  Liège,  rue  St-Adalbert,  8. 
à  Brozelles,  Avenue  Louise,  317. 
5  francs^l'an  ;  Union  postale,  fr.  6-50 


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Paris  1867, 1878, 1"  prix.  —  Sidney,  seuls  1"  et  2«  prix 
EIPOSITIOIS  ilSniDil  1883,  AITEIS  1885  DIPLOME  D'IOnm. 

Breitkopf  et  Hârtel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 


TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  rharmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-G.  Lobe. 

Traduit  de  l'allemand  (d'après  la  5®  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-S».  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  ime 
faveur  marquée,  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  A 
même  d'apprécier  un  des  ouvrages  d'enseignement  musical  les  plus 
estimés  en  Allemagne. 


BruxaUes.  —  Imp.  V*  MoimoM,  26,  rue  de  l'Industrie. 


Dixième  année.  —  N"  [i'3. 


Le  nlmkuo  :  25  centimes. 


Dimanche  17  Août  1890. 


LART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUH  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comfté  de  rédaction  :  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   au,   fr.   10.00;  Union  postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES   :    On    traite- à   forfait. 

Adresser  toutes  tes  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  rindustrie,  26,  Bruxelles. 


Sommaire 


La  Gr.vnde  Mystêbiei'sk.  —  Lk  Mlske  de.s  Auts  DiicoR.xriKS. 
(Second  article).  —  Confiance  en  soi-même.  Traduction  inédite  de 
l'anglais  d'Emcrson,  par  une  inconiuuj  (suite).  —  A  niopos  du 
LIVRE  DE  Viuemaitue.  —  COMMISSIONS  OFKICIEI.LES.  L'tnddcnt  Jlodin. 
—  Cueillette  dk  livres.  —  Chronique  judiciaire  i>es  arts. 
IJenrcmtto  Ccllini.  —  Petite  chroniqiie. 


LA  GRANDE  MYSTÉRIEUSE 

D'Alycr,  9  août,  à  bord  du  bon  steamer 
danois  Léopold  II,  capitaine  Ingerslcv. 

Amiel  a  dit  :  un  paysage  est  un  état  d  ame.  Avant 
lui  Beyle,  dans  son  autobiographie  qui  vient  de  paraître  : 
Henri  Brulard,  avait  dit  quelque  chose  d'analogue 
pour  exprimer  cette  vérité  qu'en  tout  nous  nous  proje- 
tons au  dehors,  couvrant  la  réalité  des  mousselines  arti- 
ficielles de  nos  sensations,  et  spécialement  dans  l'art, 
n'exprimant  par  la  main,  par  la  parole,  par  le  corps 
que  l'intimité  de  notre  psychologie  personnelle.  L'exté- 
rieur n'est  qu'un  prétexte  à  nos  impressions;  sentir 
originalement  et  puissamment,  ces  impressions,  c'est 
tout  le  génie-,  les  exprimer  avec  grùce,  avec  force,  avec 
ingéniosité,  c'est  tout  l'art. 

Mais  alors,  les  rechercher,  ces  impressions,  les  sus- 


citer, ces  sensations,  c'est  recueillir  la  matière  première 
de  tous  les  arts,  c'est  fournir  à  la  machine  artistique 
son  combustible?  Oui.  Et  voilà  pourquoi  voyager,  tan- 
tôt sans  bouger,  dans  le  rêve,  tantôt  eu  courant  le 
monde,  dans  la  réalité,  fut  toujours  le  besoin,  la  fai- 
blesse, la  passion  de  l'artiste. 

Donnez-moi  de  quoi  sentir,  et  je  serai  heureux,  quand 
même  ce  serait  la  douleur. 

Voici  les  vacances!  Voici  les  jours  où  l'asservi  du 
social  esclavage  redevient  passagèrement  libre.  Les 
jours  où  il  peut  sortir  de  son  alvéole,  quitter  la  ruche 
et  butiner  au  hasard.  Où  aller?  Que  voir? 

Je  veux  voir  la  Mer.  Ou  plutôt  la  revoir. 

Balnéairement,  aux  plages  mondain^?  A  Ostende,  la 
reine,  à  Blankenberghe,  la  bourgeoise,  à  Heyst,  la 
dévûte,  à  Middelkerke,  la  gaie,  à  Knocke,  à  Wen- 
duyne,  à  d'autres,  les  familières,  les  débraillées?  Non. 

Non  !  non  !  chez  Elle.  En  pleins  flots.  Loin  des  terres, 
loin  des  digues,  loin  des  kursaals.  Pas  la  mer  élégante. 
Pas  la  mer  des  ombrelles  et  des  costumes  de  bains.  Pas 
la  mer  qu'on  regarde.  Il  me  faut  celle  qui  vous  porte, 
qui  vous  enlève,  qui  vous  caresse,  qui  vous  secoue. 
Celle  qui  n'est  pas  bornée  par  la  corde  des  rivages, 
incomplète  en  son  demi-cercle.  Celle  qu'on  voit  tout 
autour,  bornée  sans  bornes  par  le  circulaire  horizon  où 
l'indéfini  des  eaux  touche,  de  sa  lèvre,  la  lèvre  de  l'indé- 
fini du  ciel. 


Oh!  la  sereine  saveur,  goûtée  même  avant  le  départ, 
de  l'atmosphère  vide  et  pure,  maquillant  la  peau  de  la 
,  couche  légère  des  émanations  salines.  Les  longs  balan- 
cements bercéurs  du  roulis  et  du  tangage  vous  collant 
au  pont  par  les  pieds  à  la  descente,  et,  à  la  montée, 
vous  enlevant  comme  en  un  essor.  Plus  rien  de  l'hor- 
reur des  assommants  parcours  dans  les  trains  de  che- 
min de  fer,  dans  la  trombe  des  poussières  et  des  fumées, 
dans  le  tumultueux  vacarme  des  stridents  appels,  dans 
le  supplice  des  chaleurs  et  des  voisinages,  avec.  les 
humiliantes  besognes  des  attentes  aux  guichets  et  des 
pesées  de  bagages.  Plus  rien  des  persécutions  du  kellné- 
risme,  des  arrivées  en  omnibus,  des  ascensions  quoti- 
diennes aux  moroses  chambres  d'hôtel,  des  ouvertures 
et  des  fermetures  de  malles,  du  contrôle  arithmétique 
des  notes,  de  la  distribution  des  pourboires  aux  piteux 
personnages  apostés  dans  les  couloirs,  sur  les  escaliers,* 
sous  les  porches. 

La  vie  libre  et  rustique  du  bord.  La  couchette  où 
l'on  s'étend  tout  habillé.  Le  lavage  à  grande  eau,  sur  le 
pont,  à  l'aube,  dans  la  cuvelle  commune.  Le  compa- 
gnonnage avec  l'équipage.  Le  coup  de  main  donné  à  la 
manœuvre.  Le  sommeil  sur  le  pont,  tout  habillé,  aux 
brillantes  étoiles.  Le  retour  à  la  simplicité,  incompres- 
sible besoin  atavique  affirmant  en  nous  les  lointaines 
mœurs  primitives,  aux  temps  de  l'existence  dans  les 
cavernes  ou  dans  les  bois,  réveillant  au  profond  de  notre 
ancestralité,  le  chasseur,  le  coureur,  le  pécheur  que 
furent  ceux  dont  nous  descendons,  ceux  auxquels  nous 
relient  les  innombrables  chaînons  des  générations 
humaines. 

En  mer!  Que  le  chemin  soit  lui-même  le  but  du 
voyage.  Il  y  aura,  certes,  des  escales  à  suggestives 
nominalités  :  Alger,  Tunis,  Athènes,  Smyrne,  Salo- 
nique,  Constantinople,  Trébizonde,  Batoum,  Novo- 
rossik,Sébastopol, Odessa.  Qu'importe!  Nous  les  regar- 
derons du  bord,  en  leur  aspect  merveilleux  de  villes 
approchées,  non  point  par  l'ignoble  intestin  des  voies 
ferrées  entrant  pédérastiquement  dans  les  cités,  par  les 
voies  où  tout  est  vu  à  rebours,  avec  les  lèpres,  les  gue- 
nilles, les  saletés  des  choses  vues  à  rebours;  mais  des 
villes  aperçues  avec  l'avant^plan  féerique  des  eaux, 
vaguement  d'abord,  dans  les  voiles  des  lointains,  et  len- 
tement se  précisant  durant  les  heures  divines  de  Tarri- 

vée. 

Ne  touchons  pas  les  terres.  Contentons-nous  des 
panoramas  où  ce  sont  les  terres  qui  semblent  défiler 
devant  le  fuyant  navire.  Pourquoi  céder  à  la  désenchan- 
tante manie  de  courir  les  rues,  de  visiter  les  monu- 
ments? Qu'ajoute  aux  sensations  cette  manie  d'inven- 
taire? Non.  Qv£  le  chemin  soit  et  reste  le  but,  Qu'est-il 
de  plus  beau,  qu'est-il  de  plus  grand  à  connaître  que  la 
Mer? 

Constan^'inople  !  Oui,  Constantinople  est  au  long  de  ce 


trajet  rêvé.  Mais  que  le  dieu  des  voyageurs  nous  pré- 
serve de  rOrient-express  qui  nous  y  conduirait  en 
soixante-neuf  heures,  ticketé  et  casé  en  colis  humain. 
C'est  d'Anvers  que  nous  partons  et  nous  aurons,  quelle 
chance r  vingt-et-un  jours  de  mer!  Demain  matin,  nous 
partons,  à  trois  heures,  avec  la  marée,  sous  l'inondation 
de  clarté  d'une  pleine  lune  de  juillet.  Des  amis,  des 
confrères  nous  fêtent  des  adieux,  comme  si  nous  allions 
aff'ronter  des  périls,  tant  les  terriennes  habitudes  font 
soupçonner  de  maléfices  les  traversées  maritimes,  dans 
l'hospitalière  auberge  flottante  qu'est  un  navire.  On  a 
bu  à  l'amitié,  vieille  et  douce  coutume  ;  on  a  bu  au  Bar- 
reau. Ils  sont  là  une  trentaine  qui  rendent  témoignage 
de  la  fidélité  professionnelle,  et  quelques-uns  partent 
avec  nous,  jusqu'à  Flessingue,  par  besoin  de  ces  pro- 
longements d'afli3ction  et  d'attendrissement  qui  font 
partie  du  meilleur  de  la  vie. 

On  s'est  embrassé  en  frères  d'armes,  on  s'est  quitté, 
et  maintenant  nous  voici  dans  le  silence  de  la  grande 
vogue  maritime,  sur  notre  vapeur  danois,  car  cet  élé- 
ment de  la  traversée  sous  un  pavillon  étranger,  nous 
l'avons  ajouté  à  tout  ce  qui  déjà  devait  nous  séparer, 
pour  nous  affranchir  du  monotone  journalier  de  la  vie. 
Plus  d'affaires,  plus  de  lettres,  plus  de  journaux,  plus  de 
télégraphe,  plus  de  téléphone!  Nous  voici  cloîtrés,  et 
cette  claustration  nous  rend  l'indépendance.  A  cinq  : 
deux  avocats,  deux  artistes,  un  magistrat;  c'étaient  là 
nos  étiquettes  dans  la  foule  besoignante  des  civilisés. 
Nous  voici  redevenus  des  hommes,  fongibles,  rien  que 
des  hommes,  et  par  cela  même  presque  des  heureux. 

De  Flessingue  au  balancier  des  Wielingen,  puis  au 
balancier  du  West-Hinder,  puisau  phare  des  Goodwin- 
Sands,  puis  à  Dungeness,  à  Beachy-Head,  à  la  pointe 
Sainte-Catherine.  Les  côtes  de  la  mer  du  Nord,  les 
nôtres,  le  Pas-de-Calais,  où  nous  vîmes  la  mer  «  floris- 
sante de  voiles  «,  la  Manche,  débutant  par  la  falaise  de 
Shakespeare,  celle  dont  le  fou  explique  au  roi  Lear 
aveugle,  la  prodigieuse  hauteur.  Partout  la  transpa- 
rence, la  lumière,  l'affirmation  par  cette  grande  et 
salutaire  éducatrice,  la  Mer,  de  l'éblouissant  coloris  des 
écoles  nouvelles.  Une  ininterrompue  leçon  de  peinture, 
où  rien  ne  parle,  où  tout  est  dit.  Une  leçon  de  peinture 
avec  l'accompagnement  wagnérien  des  flots. 

Et  voici  qu'en  effet,  nous  mettons  le  cap  sur  Oues- 
sant,  pour  gagner  le  cap  Finisterre  de  France,  d'où 
nous  irons,  d'un  seul  sillage,  jusqu'au  cap  Finisterre 
d'Espagne,  se  regardant  à  deux  cents  lieues  à  travers 
le  golfe  de  Gascogne. 

Sur  ces  eaux  qui  baignent  la  Cornouaille,  Wagner  a 
fait  naviguer  Tristan  et  Isolde.  La  proue  du  vaisseau 
qui  [conduisait  l'héroïque  fiancée  et  son  gardien,  qui 
n'était  pas  encore  son  héroïque  amant,  s'élevait  et 
s'abaissait  sur  les  flots  blanchissants  comme  le  nôtre. 
La  même  brise  fraîche  soufflait,  le  même  profond  mur- 


LART  MODERNE 


250 


mure  berçait  le  rythme  de  leur  navigation  idéale. 

Comme  aisément  1  ume,  à  ces  spectacles  grandioses 
se  vide  des  coutumières  misères.  Et  comme  elle  est 
fausse  cette  pensée  qu'un  voyage  sur  mer  est  monotone. 
Chaque  jour  amène  un  acte  nouveau,  pour  la  pièce  à 
grand  spectacle  qu'on  peut  se  donner  en  s'embarquant 
sur  LA  GRANDE  MYSTÉRIEUSE.  Pas  Une  heuro  d'ennui. 
Un  dépliement  de  sensations  larges,  que  Texistence  à 
terre  tient  comprimées  et  ignorées  au  fond  des  armoires 
secrètes  de  notre  être.  Elles  se  déroulent  en  blanches 
draperies  au  souffle  vivifiant  des  très  pures  étendues. 

Vraiment,  ces  voyages  de  mer  entreront  dans  les 
mœurs  des  voyageurs  fatigués  du  tour  banal  à  billets 
circulaires.  On  parcourra  la  mer  comme  on  parcourt 
la  Suisse.  Certes,  on  incline  à^arder  pour  soi  ces  secrets 
de  haute  vie  psychique  par  un  besoin  d'aristocratie 
intellectuelle  et  un  désir  de  se  distinguer  de  la  tourbe 
qui  embourgeoise  tout.  Et  pourtant,  comment  se  taire 
dans  l'enivrement  de  ces  sensations  supérieures,  com- 
ment ne  pas  le  crier,  au  moins  aux  quelques-uns  qu'on 
aime?  Alors  que  depuis  tant  d'années  nous  avons  pris 
ici  l'affectueuse  habitude  de  communiquer  à  nos  lec- 
teurs, avec  le  charme  d'une  témérité  absolue,  nos 
impressions  sur  ce  que  nous  croyons  être  le  beau  de  la 
vie,  il  nous  plaît  de  leur  dire  où  leur  élite  peut,  en  sor- 
tant des  ornières,  trouver  de  quoi  satisfaire  noblement 
la  vagabonde  humeur  qui  pousse  l'homme  au  voyage, 
comme  les  oiseaux  migrateurs. 


LE  MUSEE  DES  ARTS  DECORATIFS  d) 

(Second  article) 

En  plâtre  blanc,  —  R.  Siemering,  sculptor,  —  un  équestre 
Prince  de  Bismarck  promène  sur  ce  chaos  un  regard  épouvanté. 

Les  Japonais .  —  Un  méli-mélo  d'estampes  en  couleur,  — aux 
murs,  —  dans  des  vitrines.  Auï  murs  aussi,  quelques  kakémonos, 
tous  étiquetés  Kakémono  comme  si  c'était  le  nom  de  l'auteur! 

—  On  découvre  cependant  quelques  Harolngbou  aux  allures 
calmes,  sereines  de  primitifs  (1730),  aux  tons  neutres  :  bistre- 
rouge,  violet  d'ardoise,  marron,  qu'éveillent  un  jaune  ou  un  vert. 
Et  ce  sont  des  jeunes  filles,  des  jeunes  femmes,  promeneuses, 
musiciennes  ou  rêvantes  du  très  doux  Souzouki  Harolnobou. 

—  Dos  Lavandières  de  Shuntsho  (1830),  —  des  couleurs  à  la 
fois  vives  et  amorties.  —  Un  gracieux  Koriolsa'i  :  enfunl  souf- 
flant en  l'air  des  bulles  de  savon.  —  Un  Outagava  Toyokouni 
(i82o)  est  splendide  :  une  femme  agenouillée  et  implorante  aux 
pieds  d'un  mari  visiblement  trompé,  inflexible  :  traits  décisifs, 
rigides.  —  Shl'NSAï  (1830)  :  Femmes  au  bord  d'un  fleuve.  —  De 
Yeïshi  (1790)  aux  harmonies  douces  :  s'élève,  noire,  la  proue 
immense  d'une  jonque  :  deux  femmes  passent  en  une  barque 
légère.  —  Des  Shunsho  (1765)  et  un  Tori-i-Kionaga  (1770)  : 
Devant  son  miroir  une  dame,  —  poitrine  nue  exquise!  —  soutient 
d'une  main  la  torsade  dénouée  de  ses  cheveux,  tandis  qu'une 

(t)  Voir  i"^r<  »Jorffr;jr  du  27  juillet.  •.. 


femme  lui  présente  un  makimono,  —  note,  probablement,  de 
quelque  fournisseur.  —  Mais  voici,  au  hasard  de  vitrines,  le 
«  glorieux  et  honnête  chevalier  »  Hokousaï  et  ses  Vues  du  Fou- 
ziynma  :  un  roc,  parmi  les  flots,  s'avance  en  membre  de  caïman; 
des  pécheurs,  k  son  sommet,  pochent;  des  vagues  jaillissent,  se 
croient  d'écumes,  bouillonnent;  une  bande  bleue, puis  une  portée 
de  fils  télégraphiques  indique  leur  galopante  fuite,  au  loin; 
tout  au  sommet,  une  autre  bande  bleue,  —  ciel,  et  un  cône,  — 
le  Fouzi.  Autre  :  des  nues  basses  se  déchirant  découvrent  les  toits 
d'un  village  ;  en  haut  le  pic  neigeux  du  volcan  ;  un  pignon  tour- 
menté bleu-potiche  remplit  la  droite  de  l'estampe,  et,  traversant 
les  nues,  un  échafaudage  s'élève,  un  cerf-volant  plane.  Encore  : 
le  lointain  Fouzi  vu  par  le  cercle  sans  fond  d'une  énorme  cuve 
que  radoube  un  bonhomme.  —  Plus  champêtre,  —  un  Claude 
MoNET  japonais,  —  tel  Hiroshighé  (1825):  des  paysages  d'hiver 
aux  arbres  flores  de  givre,  des  paysages  d'été  aux  sombres  ver- 
dures, aux  ciels  orangés,  aux  eaux  bleues,  composent  son  lot. 
—  Voici  les  rudes  portraits  masculins  de  l'étonnant  Sharakou, 
et  les  effigies,  la  plupart  féminines,  où  excella  le  tendre  Kitagava 
Outamaro  :  une  merveille  :  Homme  et  femme  'lans  la  pluie,  —  et 
la  Mère  et  son  enfant  est  divine. 

C'est  seulement  citer  les  principales  de  ces  estampes,  mais 
cent  autres  encore  sont  admirables,  et  parmi  le  fretin  des  souri- 
monos,  il  est  de  fines  merveilles. 

Observations  et  desiderata.  —  Ne  vaudrait-il  pas  mieux  classer 
les  images  que  de  les  éparpiller  sans  soucis  d'écoles  ni  même 
d'aspect  décoratif?  Et  puis,  nous  réclamons  une  orthographe 
moins  fantaisiste  des  noms  japonais.  Ensuite,  ne  trouvez-vous  pas 
que  ces  vitrines  peintes  en  noir  sont  d'un  effet  triste  et  lourd, 
déplorable?  Un  bois  blanc,  ciré  ou  verni,  —  le  sapin,  par 
exemple  —  eût  mieux  convenu,  et  même  le  chêne  naturel  (comme 
les  meubles  similaires  qui  contenaient,  au  Musée  ancien,  jadis, 
les  photographies,  et  qui  ont,  sans  raison,  disparu).  On  pourrait 
conseiller  encore  l'achat  du  Japon  artistique,  de  M.  Bing  (men- 
suel), dont  l'exhibition  des  principales  planches  serait  si  instruc- 
tive. 

Déambulons  :  Nous  avons  dit  la  belle  dignité  des  Puvis,  — 
carions  d'oeuvres  aimées,  —  mais  entourés  des  compositions 
subalternes  de  M.  Lévy  (décoration  d'une  mairie),  et  surtout  des 
kilomètres  carrés  d'héroïsme  munichois,  par  un  M.  Geselschap. 
A  signaler  aussi  l'atterrante  abjection  (V  une  Allégorie  de  l'A  ri  japo- 
nais par  M.  Luc-Olivier  Merson.  La  photographie  des  panneaux 
qui  ornent  son  hôtel,  à  Anvers,  attestent  quel  homme  fut  Leys. 
Deux  esquisses  dAGNEESSEXs  :  Réflexion  et  Indécision,  sans  grand 
charme.  Notons  enfin  les  dessins  de  Statuettes  de  Mellery,  à  qui 
et  auxquelles  se  devait  l'originale  et  discrète  tenue  du  square  du 
PetU-Sablon.que  de  lourdes  statues  en  marbre  blanc  ont,  récem- 
ment, détruite. 

Les  copiés.  —  Nous  les  avons  pour  la  plupart  citées  :  celles  de 
Mellery  (Venise,  1872),  d'après  Carpaccio,  sont  d'authentiques 
œuvres  d'art.  De  Louis  Dubois  :  les  Régents  et  les  Régentes  d'Hô- 
pital, d'après  les  Frans  Hals  de  Haarlem,  et  la  Ronde  de  Nuit 
cl  les  Syndics,  d'après  Rembrandt,  révèlent  riionnOio  et  grand 
artiste,  mort,  hélas,  trop  tôt.  Mais  une  admiration  doit  olre  solide 
pour  résister  à  un  pareil  désarroi  de  placement.  En  voici  une 
idée  : 

En  l'air,  les  Jeunes  Picards  de  Puvis,  —  contours  logers  sur 
une  blanche  toile.  S'alignent  dessous  :  copie  au  sirop  d'après  ' 
MuRiLLO;   Sainte-Radegonde,  carton   do   Puvis;    les  Régents, 


d';iprcs  Hai.s;  esquisse  décoralivc  de  M.  Lévy;  les  Ri'gentcs 
(IIai.s);  Charles  Martel  (Pivis),  cl  copie  d'après  Van  Dy<;k, 
Enfants  et  ehien.  El  loul  on  bas,  à  la  rampe,  s'ciale  l'obsct^tiiié 
ol  l'infamie  sans  bornes  dos  culs  nus  encadrés  d'or,  vomis  par 
M.  J.-P.  Lairens,  —  et  qu'on  devrait  brûler,  voyons!  puisque 
aucune  loi  ne  peut  cmpôclior  leur  auteur  de  les  ])roduire 

Restent  :  la  Descente  de  Croix,  d'après  le  Kempkneer  de 
Séville,  par  Constantin  Meunier,  le  grand  triptyque  de  Hico 
VAN  DER  GoES  {l'AdoratioH  des  Bergers,  de  Florence),  par  Meerts, 
et  un  fragment  de  la  Mort  de  Saint-François  de  Giorro,  par 
Théo  van  Uyssei.beugiie  (Florence,  1890). 

En  outre,  ce  Musde  détient  une  très  complète  collection  de 
pbotoj^Tapbies  d'après  les  malifes  italiens,  do  Cimarue  à  Raphaël, 
—  des  pbotograpliies  de  tapisseries  agréablement  tirées  en  cou- 
leurs, —  des  chromos  d'après  des  mosaùjues  byzantines  et  dos 
églises,  —  de  très  iniéressants  spécimens  cliromoliiliograpliiés 
d'an  pompéien  et  égyptien. 

Desideratum  :  un  catalogue. 

Nous  avons  récemment,  à  celte  même  place,  souliniié  au  Musée 
de  posséder  quelques  œuvres  de  Chéket;  nous  venons  de,  con- 
seiller l'achat  d'une  publication  artistique  mensuelle.  L;iissera-t-on 
que  nous  recommandions  maintenant  les  albums  pour  enfanis  de 
M.  Walter  Crâne?  la  plupart, 7t'5  Contes  de  Perrault,  les  Pan 
Pipes,  le  Dahys  own  ^Tùop,  sont  des  merveilles  d'imagination 
et  de  goût  décoratif,  doirt  la  place  est  là  toute  indiquée,  puis- 
qu'aucunc  collection,  aucun  Musée  —  à  notre  honte!  —  ne  los 
possède. 

.   CONFIANCE  EN  SOI-MÊME 

TRADUCTION    INÉDITE    DE    LANGLAIS    d'EmERSON 

par  une  Inconnue  (1). 

Une  autre  terreur,  qui  nous  éloigne  de  la  confiance  en  nous- 
mêmes,  c'est  notre  esprit  de  suite,  notre  désir  d'être  conséquent 
avec  nous-môme;  c'est  une  espèce  de  vénération  pour  nos  actes 
ou  nos  paroles  passées,  parce  que  nous  croyons  que  les  yeu.x  des 
autres  n'ont  pas  d'autre  point  de  repaire  pour  supputer  l'orbite  de 
notre  personnalité,  que  nos  actes  passés  ;  et  nous  sommes 
ennuyés  de  les  désappointer. 

Mais  pourquoi  vous  obligcricz-vous  à  retourner  la  tôle?  Pour- 
quoi traîner  avec  vous  ce  poids  de  la  mémoire  pour  éviter  de 
contredire  ce  que  vous  avez  dit  dans  telle  ou  telle  circonstance? 
Supposez  que  vous  vous  contredisiez;  —  et  puis,  après?  II 
semble  que  la  sagesse  nous  fasse  une  règle  de  ne  jamais  nous  en 
rapporter  h  notre  seule  mémoire,  même  dans  les  actes  de  pure 
mémoire,  mais  de  regarder  le  passé  h  la  lumière  du  présent  aux 
cent  yeux,  et  de  vivre  dans  un  jour  nouveau.  Dans  votre  méta- 
physique vous  n'avez  pas  reconnu  de  personnalité  à  la  Divinité. 
Cependant,  si  une  religieuse  impulsion  s'empare  de  vous,  cédez- 
lui  votre  cœur  et  votre  vie,  dussiez-vous  vous  figurer  Dieu 
on  formes  et  en  couleurs.  Abandonnez  votre  théorie,  comme 
Joseph  abandonna  son  manteau  aux  mains  de  la  femme  adultère, 
cl  fuyez. 

Une  sotte  persévérance  dans  la  même  pensée  est  la  manie  des 
petits  esprits,  adorée  par  les  petits  hommes  d'étal  et  d'église,  par 

(1]  Voir  nos  numéros  des  3  et  10  août. 


les  petits  philosophes,  par  les  petits  artistes.  Une  ûme  g;pande  ne 
s'en  inquiète  pas.  Elle  pourrait  aussi  bien  s'occuper  de  son  ombre 
sur  un  mur.  Dites  ce  que  vous  pensez  aujourd'hui  en  termes  forts; 
et  demain  faites  de  même,  quoique  vous  puissiez  vous  contredire 
d'un  jour  h  l'autre.  —  «  Mais  ainsi  vous  serez  sûr  d'être  mal  com- 
pris? n  —  Est-ce  si  mauvais  d'être  mal  compris?  Pythagore  ne 
fut  pas  compris,  ni  Socrate,  ni  Jésus,  ni  i.ulher,  ni  Cojicrnic,  ni 
Galilée,  ni  Newton,  ni  aucun  des  esprits  purs  et  sages  qui  furent 
jamais.  Etre  crand,  c'est  être  incompris. 

Je  crois  qu'aucun  homme  ne  peut  forcer  sa  nature.  Toutes  les 
saillies  de  sa  volonté  sont  nivelées  par  la  loi  de  son  être  comme 
les  inéc[alit(!'S  saillantes  des  .Andes  et  de  l'Ilimalava  sont  insicrni- 
liaules  dans  la  courbe  de  la  sphère.  La  manière  dont  vous  vous  y 
prenez  pour  le  juger  est  à  peu  près  indifterentc  ;  un  cqractère  est 
comme  un  acrostiche  on  une  slancc  alexandrine;  lisez-le  de  haul 
en  bas,  de  bas  en  haut,  de  gauche  à  droite  ou  de  droite  h  gauche, 
il  dit  toujours  la  même  chose.  Dans  cette  cliarmante  vie  dès  bois 
si  retirée  que  Dieu  m'accorde,  je  veux  consigner  sincèrement  jour 
par  jour  ma  pensée  sans  regarder  dans  le  passé  ni  dans  l'avenir, 
et  je  suis  sûr  qu'on  la  trouvera  semblable  à  elle-même  quoique  je 
no  m'en  aperçoive  pas  et  que  je  ne  le  fasse  pas  exprès.  Mon  livre 
devrait  évoquer  un  parfum  de  pins  et  un  bourdonnement  d'abeilles. 
Le  brin  de  fil  ou  de  paille  que  l'hirondelle  au  dessus  de  ma  fenêtre, 
apporte  dans  son  bec,  devrait  être  tissé  aussi  dans  le  liss'i  de 
mon  livre.  On  nous  prend  pour  ce  que  nous  sommes.  Notre 
caractère  se  révèle  malgré  nous.  Les  hommes  s'imaginent  qu'ils 
ne  communiquent  leurs  vertus  ou  leurs  vices  que  par  leurs  actions 
connues,  ouvertes,  cl  ils  ne  voient  pas  que  la  venu  et  le  vice  onl 
une  haleine  qui  leur  est  propre  et  qu'ils  ne  cessent  pas  un  instant 
d'émettre. 

Il  y  aura  de  la  ressemblance  entre  vos  actions  les  plus  dispa- 
rates, les  plus  opposées,  si  elles  sont  toutes  accomplies  à  leur 
heure,  honnêtement  et  naturellement.  Les  actions  seront  harmo- 
nieuses parce  qu'elles  panent  d'une  seule  volonté,  quelque  dis- 
semblables qu'elles  soient.  A  une  petite  dislance,  h  une  certaine 
hauteur  de  pensée  on  perd  de  vue  ces  divergences. 

Une  seule  tendance  les  unit.  Le  voyage  du  meilleur  bateau  est 
une  ligne  en  zfg-zag.  Vue  h  distance,  elle  se  réduit  k  une  moyenne. 
Votre  action  spontanée,  naturelle,  s'expliquera  d'elle-même  et 
expliquera  vos  autres  actions  spontanées.  Votre  conformité 
n'explique  rien.  Agissez  simplement  cl  voire  précédente  simplicité 
vous  justifiera.  Tout  ce  qui  est  grand  en  appelle  à  l'avenir.  Si 
aujourd'hui  j'ai  la  fermeté  de  fjire  le  bien  et  de  braver  l'opinion 
en  le  faisant,  le  bien  que  j'ai  fait  auparavant  peut  prendre  ma 
défense  maintenant.  Mais  que  cela  s'arrange  d'ailleurs  n'importe 
comment,  faites-le  bien  maintenant.  Dédaignez  les  apparences; 
c'est  toujours  possible.  La  force  de  caractère  est  une  force  accu- 
mulée. Tous  Ics.momenis  vertueux  de  voire  passé  apportent  leur 
énergie  au  moment  présent.  Qu'est-ce  qui  donne  aux  héros  des 
champs  de  bataille  ou  du  Sénat  cette  majesté  qui  frappe  l'imagi- 
nation? c'est  la  conscience  d'une  suite  de  grands  jours  el  de  vic- 
toires qu'ils  onl  derrière  eux. 

Ces  victoires  projettent  sur  eux  une  lumière  semblable  h  celle 
qui  éclaire  d'en  haul  licteur  qui  s'avance.  IL  est  entouré  d'une 
visible  escorte  d'anges.  C'est  cette  conscience,  ce  pouvoir  qui  mcl 
le  tonnerre  dans  la  voix  de  Chatham,  qui  donne  de  la  dignité  à 
Washington  cl  qui  met  toute  l'Amérique  dans  les  yeux  de 
J.-Q.  Adams.  Nous  vénérons  l'honneur  parce  qu'il  n'csl  pas  une 
chose  éphémère.  C'est  toujours  une  vcrlu  d'ancienne  date.  Nous 


VART  MODERNE 


261 


l'adorons  aujourd'liui  parce  qu'il  n'csl  pos  d'aiijourd'liui.  Nous 
l'aimons  et  lui  rendons  hommage  parce  qu'il  n'est  pns  un  piège 
tendu  h  notre  admiration,  mais  qu'il  ne  dépend  et  ne  dérive  que 
de  lui-môme  et  qu'il  a  de  ce  fait  une  longue  généalogie  intime, 
même  quand  on  le  rencontre  dans  une  personne  jeune. 

J'espère  qu'on  ne  parlera  plus,  de  nos  jours,  de  cette  vertu  de 
conformité  à  l'opinion  ou  de  conséquences  dans  ses  principes. 
J'espère  que  ces  mots  seront  ridiculises  dorénavant.  Au  lieu  de 
la  sonnette  du  dîner  ou  du  gong  japonais,  écoutons  le  sifllel 
Spartiate.  Ne  faisons  plus  tant  de  compliments  et  tant  d'excuses. 
Un  grand  homme  dîne  à  ma  tahlc.  Je  ne  désire  pas  lui  phiire,  je 
désire  qu'il  désire,  lui,  me  plaire.  En  celte  circonstance,  je  repré- 
sente l'humanité  et  si  je  veux  en  roprésenler  la  bonté,  je  veux 
aussi  en  représenter  la  sincérité,  la  vérité.  Affrontons  cl  répri- 
mandons cette  médiocrité  sucrée,  ce  vulgaire  optimisme  de 
l'époque;  hurlons  à  la  face  de  la  routine,  de  Tétai,  du  commerce 
ce  fait  qui  se  déduit  de  toute  l'Histoire  :  c'est  qu'un  grand  Penseur, 
un  grand  Acleur  responsable  agit  partout  où  «  un  homme  »  agit; 
c'est  qu'un  homme  sincère,  complet,  n'appartient  pas  à  une 
époque  à  un  endroit  quelconque,  autres  ou  indifférents,  de  celui 
où  il  est;  l;i  où  il  est,  est  pour  lui  le  centre  des  choses.  Où  il  est, 
est  la  nature  ;  il  vous  mesure,  vous,  tous  les  autres  hommes,  cl 
tous  les  événements.  Ordinairement  les  gens  que  nous  rencon- 
trons dans  le  monde  nous  en  rappellent  d'autres.  Le  vrai  carac- 
tère, l'homme  réel  ne  vous  rappelle  personne  d'autre;  il  repré- 
sente toute  la  création.  11  faut  que  l'homme  ait  tant  de  valeur  que 
les  circonstances  dans  lesquelles  il  se  trouve,  soient  indifférentes. 
Chaque  homme  véritable  est  une  cause,  un  pays,  une  époque.  Il 
faut  beaucoup  de  temps,  d'espace  et  d'hommes  pour  que  ses  des- 
seins soient  pleinement  accomplis;  et  la  postérité,  comme  une 
suite  de  clients,  semble  suivre  ses  pas.  César  naît  cl  pour  des 
siècles  entiers  nous  avons  un  empire  romain.  Le  Christ  naît  et  des 
millions  d'esprits  s'attachent  si  bien  à  son  génie  qu'on  le  confond 
avec  la  vcrlu  el  avec  les  plus  grandes  possibilités  humaines.  Une 
inslitulion  est  V ombre  allongée  d' un  homme.  Oui,  comme  le  Mona- 
chisme  de  l'hcrmite  Antoine,  la  Réforme  de  Luther,  le  Quake- 
risme  de  Fox,  le  Méthodism6.de  Wesle.y,  l'Abolition  de  Clarkson. 
Millon  appelle  Scipion  le  sommet  de  Rome;  et  toute  l'histoire  se 
résume  facilement  dans  la  biographie  de  quelques  personnalités 
fortes  el  graves  (i). 

{A  suivre.)  ^ 


A  PROPOS  DU  LIVRE  DE  VIREMAITRE 

Monsieur  le  Directeur  de  VA  rt  moderne. 

Dans  votre  compte-rendu  du  livre  de  M.  Viremailre,  Paris- 
Cocu  ("2),  vous  émettez  une  ingénieuse  explication  au  sujet  de 
l'emblème  des  Cornes,  d'origine  sémitique,  d'après  vous,  et  en 
rapport  avec  la  prostitution  obligatoire  des  femmes  mariées  dans 
le  temple  ou  les  bois  sacrés  du  dieu  cornu,  Moloch,  ou  Daal,  rap- 
pelée notamment  par  Hérodote,  non  sans  horreur. 

J'ajoute  quelques  renseignements,  ou  plutôt  quelques  réflexions, 

(1)  Vraiment,  n'est-ce  pas  lecteur?  cet  Emerson  si  peu  connu  chez 
nous  a  de  grandes  et  salutaires  pensées.  Et  nous  remercions  de  grand 
cœur  la  collaboratrice  inconnue  qui  nous  fait  connaître  cette  Con- 
fiance EN  SOI-MÊME,  si  suggostive.  Quel  bon  pain  pour  fartiste  ! 

(2)  Voir  CAjt  modcrtic  du  10 août  1890,  p.  250. 


à  celle  Ihèse,  qui  assurément  est  jdus  rationnelle  que  les  explica- 
tions niaises  qui  ordinairement  ont  cours. 

Le  polichinelle  musulman,  Karaghous,  célèbre  par  ses  gesticu- 
lations éroticpics  et  priapiques,  parle  fréquemment  des  copnes 
avec  la  même  signification.  Le  terme  cornard  (kcrata)  est  courant 
chez  les  peuples  islamiles.  Théophile  Gautier  le  signale  dans  .son 
voyage  à  Constaniinople,  au  chapitre  des  Femmes.  D'autre  part, 
quand,  dans  les  cultes  sémitiques,  le  taureau  cornu,  le  veau  d'or, 
disparut,  les  autels  conservèrent  les  cornes  comme  ornements. 
La  mitre  juive  des  prêtres,  devenue  la  mitre  de  nos  évêqucs,  était 
cornue.  Le  signe  favorable  dos  sémites,  qui  écartait  les  ma'éfices 
et  gardait  du  mauvais  œil,  comme  le  signe  de  croix  des  chrétiens, 
ce  sont  les  cornes,  usitées  aussi  avec  cette  signification  chez  les 
nations  européennes  méridionales,  où  la  conquête  arabe  a  péné- 
tré. L'emblème  national  des  mahométans,  c'est  le  croissant,  c'est- 
à-dire  les  cornes. 

N'y  a-l-il  pas  là  un  ensemble  de  circonstances  qui  font  croire, 
mieux  encore,  que  vous  avez  raison  en  rapportant  l'origine  de 
l'emblcmc  aux  rites  religieux  des  Sémites? 

Singulière  coïncidence,  qui  touche  à  l'élymologic  mystérieuse 
du  mot  cocu;  Aristophane,  dans  sa  comédie  les  Oiseaux,  dit 
textuellement  que  les  Phéniciens,  les  Sémites  par  excellence  dans 
l'anliquilé,  honoraient  spécialement  le  coucou.  N'y  a-l-il  pas  là 
un  rapport  nouveau  entre  celle  matière  et  les  adorateurs  du 
Moloch.  Pcul-êlrc  est-ce  depuis  les  croisades  que  les  emblèmes 
en  question  et  le  mol  ont  été  usiiés  en  Lurope. 

Enfin,  le  signe  des  cornes  est  considéré  comme  porte-bonheur 
en  Orient,  el  par  certains  européens  supcrslilicux.  Or,  on  dii  une 
chance,  un  bonheur  de  cocu. 

Veuillez  excuser.  Monsieur  je  Directeur,  ces  considérations 
badines.  Mais  le  sujet  est  si  général  el  la  matière  si  curieuse,  que 
j'ai  osé  m'y  risquer  après  votre  excellent  journal. 

In  lecteur  assidu. 


foMMl^^ION?     OFFICIELLE? 
L'incident  Rodin. 

Tandis  que  M.  Injalberl  voyait  accepter  à  l'unanimité,  par  la 
Commission  des  Beaux-Arts,  le  projet  de  monument  qui  lui  a  été 
commandé  pour  le  Panthéon  :  Mirabeau  à  la  tribune,  celte  même 
Commission  refusait  avec  sérénité  le  Victor  Hu(jo  de  Rodiri... 
Vous  avez  bien  lu,  de  Rodin,  l'un  des  plus  illustres  sculpteurs  de 
l'époque.  Le  projet,  d'après  elle,  n'était  pas  assez  «  décoratif  >>  ; 
c'était  à  refaire.  El,  tranquillement,  avec  sa  philosophie  paisible 
de  grand  arlisle  que  n'atteignent  nullement  les  oflicielles  iineries. 
Rodin  a  répondu  :  «  Eh  !  bien,  nous  le  referons  •>•>. 

Ce  qui  procure  à  la  Commission,  désormais  légendaire.  la  voloo 
de  bois  vert  que  voici,  administrée  magislralemenl  par  Caliban  : 

«  Est-elle  assez  documentaire,  l'aventure  de  ce  monument  do 
Victor  Hugo  refusé  à  son  auteur,  M.  Auguste  Rodin,  par  une  Com- 
mission dite  des  Beaux-Arts,  rcst-elle  assez! 

Pour  moi,  je  trouve  qu'elle  définit  à  miracle  el  résume  la 
belle  idée  que  nous  nous  faisons  de  l'artiste  et  de  son  rôle  dans 
les  sociétés  modernes.  Oui,  c'est  ça,  c'est  bien  ça!  Ce  jugement 
de  l'œuvre  d'un  maîlre  par  des  autorités  consliluéos,  il  mesure  à 
l'aune  platonicienne  le  droit  que  nous  avons  à  l'individualité  dans 
le  génie  :  ne  pas  dépasser  en  originalité  ce  qu'on  attend  d'un  prix 


de  Rome  dans  les  arls  plastiques,  d'un  prix  de  vcrlu  dans  les 
mœurs  cl  d'un  académicien  dans  les  Lcllres.  Le  lalon  du  poûtcsl 
h  la  Monnaie  avec  celui  du  mèlrc.  Pauvre  Rodin! 

Tout  y  est,, rien  ne  manque  îi  sa  disgrûce,  cl  nous  avons, 
d'une  part,  le  chef-d'œuvre,  dans  toute  son  évidence,  car  le  projet 
on  est  un,  et  son  créateur  hors  de  pair,  le  plus  beau  statuaire  de 
ce  temps;  puis,  d'autre  part,  s'oppose  la  bonne  cécité  tradition- 
nelle des  juges,  l'allental  naïf  de  l'envie  inconsciente  pcul-éirc, 
mais  oflicacc  b  l'individualité  cl  à  sa  liberté  d'être,  la  réserve  de 
la  sainte  critique,  et  la  turqueric,  que  dis-je,  la  lurqueleric  du 
gouvernement  qui  nous  subdivise  le  plus. 

Oh  !  la  la  !  Oh!  la  la  !  Oh!  la  la!...  Mais  comme  je  m'amuse. 

Or,  dans  tous  les  arts  il  en  est  ainsi,  et  il  faut  qu'il  en  soit 
ainsi.  Le  drapeau  l'exige!  Une  commission  ne  peut  pas  se  trom- 
per, d'abord,  parce  qu'elle  est  nommée  pour  ça,  étant  d'ailleurs 
composée  d'infaillibles  de  profession,  élus  eux-mêmes  par  des 
impeccables  officiels,  choisis  par  un  homme  dont  la  certitude  va 
jusqu'à  rincompétence  sans  appel,  et  remonte,  de  responsabilité 
en  responsabilité,  jusqu'au  chef  de  l'Etal,  successeur  de  ce  petit 
gnome  d'Adolphe  Thiers.  Ensuite,  celte  commission  est  «  plu- 
sieurs »,  tandis  que  l'artiste  n'est  qu'  «  un  »,  dans  un  pays  où 
le  Beau  c'est  la  Moyenne.  11  en  résulte  que  si  une  pareille  élite  dit 
à  un  Rude,  à  un  Carpcaux,  à  un  Frémiet  ou  à  un  Rodin  :  a  Tu 
l'es  trompé!  »  il  y  a  erreur,  évidemment. 

Mais  de  quel  côté,  vaniteux  imbéciles?  » 

Tous  les  journaux  se  sont  naturellement  occupés  de  l'incident, 
et  la  Commission  n'est  pas  épargnée,  comme  on  le  suppose. 

Le  Journal  des  artistes  demande  qu'on  passe  outre,  purement 
et  simplement,  sans  tenir  nul  compte  de  l'arrêt  rendu  par  les  pon- 
tifes en  question  :      ■  " 

«  Nous  disons  que  de  pareilles  hontes  ne  sauraient  se 
renouveler.  Tous  ceux  qui,  ayant  quelque  sens  du  beau,  ont  vu 
la  maquette  de  M.  Rodin,  s'accordent  à  déclarer  que  c'était  une  de 
ses  plus  belles  visions;  que  rien  n'évoquait  te  pensée  du  grand 
poète  comme  ces  trois  Voix,  venant  se  poser,  capricieuses  ei  fris- 
sonnantes, au  dessus  de  la  tête  du  vieillard  absorbé  dans  son  rêve. 
Tous  s'accordent  à  dire  que  la  transparente  complicité  du  marbre 
eut  fait  de  cette  œuvre  un  immortel  chef-d'œuvre.  Si  la  Commis- 
sion ne  l'a  pas  compris,  tant  pis  pour  elle. 

11  appartient  au  Ministre  et  au  Directeur  des  Beaux-Arts  d'infir- 
mer une  pareille  décision.  Nous  avons  trop  rarement  l'occasion 
de  louer  M.  Larroumet  pour  ne  pas  dire  aujourd'hui  qu'il  s'hono- 
rera grandement  en  confiant  à  Rodin  le  Victor  Hugo  du  Panthéon. 
C'est  également  lui  qui,  par  une  pensée  qui  sera  applaudie  par 
tous  les  vrais  artistes,  vient  de  demander  au  maître  statuaire  de 
faire  le  buste  de  Puvis  de  Chavannes. 

A  cet  éloge,  que  nous  faisons  bien  volontiers,  tout  en  réservant 
nos  appréciations  sur  les  antres  actes  et  tendances  du  Directeur 
des  Beaux-Arts,  nous  joindrons  un  appel  chaleureux  en  faveur  de 
l'œuvre  qu'on  veut  anéantir. 

Nous  comptons  sur  la  fermeté  de  M.  Bourgeois  et  de  M.  Larrou- 
met pour  que  la  ridicule  décision  de  celle  semaine  soit  nulle  et 
non  avenue,  quand  même  la  Commission  devrait  donner  sa  démis-^ 
sion  en  masse,  ce  qui  ne  serait  pas  déjà  si  bête.  » 


jjUEILLETTE    DE    LIVRE? 
Annuaire  du  Caveau  verviétois,  Verviers,  J.-P.  Mnssin,  1890. 

A  l'occasion  de  son  dixième  anniversaire,  le  CrtWrt«  décore  son 
annuaire  d'un  frontispice  dessiné  par  P.  de  Wil  et  qui  montre, 
sur  une  pierre  dressée  en  autel,  une  figure  de  femme  levant  fièrc- 
menl  un  (frapeau  tandis  que  la  main  gauche  porte  une  branche  de 
laurier.  Le  nouveau  volume  du  Caveau  atteste  la  vitalité  de  la 
Société  et  témoigne  d'un  sincère  attachement  aux  choses  de  l'Art. 
Cent  cinquante  pièces  (en  français  :  77  pièces  eu  vers,  24  pièces 
en  prose;  en  wallon  :  49  pièces,  toutes  en  vers)  forment  l'actif  de 
l'année  littéraire  4888-89.  Trois  conférences  ont  été  données  aux 
membres  de  la  Société  par  MM.  Karl  Grùn,  le  président  d'honneur 
toujours  actif  et  dévoué,  Emile  Lefobvre  et  Emile  Gens.  On  sait 
que  le  Caveau  est.  le  centre  d'un  mouvement  intellectuel  très 
intense  qui  a  singulièrement  propagé  et  développé  les  idées  artis- 
tiques à  Verviers. 

Ont  paru  : 

Brieven  van  Multaluli.  Het  Ontstaan  van  den  Havelaar,  par 
DoLWES  Dekker  (Multaluli).  (Amsterdam,  W.  Versluijs,  1  fl.  GO.) 

Maxime,  par  Arnold  Gofkin.  (Bruxelles,  Vos.  3-50  fr.) 

7'he  gentle  Art  of  making  Enemies,  par  James  Me  Neill 
Whistler.  (Londres,  William  Heinemann.  10  sh.  6.) 

Les  ^Aveugles,  par  Maurice  Maeterlinck.  (Bruxelles,  Paul 
Lacomblez.  3  fr.) 

La  Bièvre,  par  J.-K.  Hlysmans.  (Paris,  Genonceaux.  3-50  fr.) 

Villiers  de  VIsle-Adam,  par  S.  Mallarmé.  (Paris,  Comptoir 
d'Edition.)  ^ 

Lire  dans  la  Revue  des  Deux-Mondes  (1"  juillet  1890),  un 
intéressant  article  de  Teodor  de  Wyzewa  :  les  Peintres  Japonais; 

Dans  Art  et  Critique  (9  aoûl  1890),  le  Théâtre  Vivant,  pré- 
face à  V Echéance,  par  Jean  Jullien; 

Et, dans  la  Plume  (bi-mensuelle),  les  articles  de  Léon  Bloy. 


Chronique  judiciaire  de?  J\rt? 

Benvenuto  Cellini. 

L'opéra  Benvenuto  Cellini  de  Berlioz,  fut,  dit  la  Gazette  des 
Tribunaux,  représenté  pour  la  première  fois  en  1835. 

Cette  œuvre  n'eut  alors  aucun  succès.  Néanmoins  en  1838, 
l'éditeur  Brandus  obtint  de  Berlioz  le  droit  de  publier  l'ouver- 
ture et  certains  morceaux  détachés  de  cet  opéra. 

Sur  les  instances  de  Liszt,  Berlioz  concéda,  en  1835,  à  M.Litolff, 
éditeur  à  Brunswick  (Allemagne),  la  publication  de  la  partition 
pour  piano  de  Benvenuto  Cellini,  avec  paroles  en  français  el  en 
allemand. 

.Aucun  droit  d'auteur  ne  devait  être  payé  à  Berlioz  par  M.  Lilolfî. 
Berlioz  se  réservait  seulement  quelque^  exemplaires  sur  l'édition 
qui  allait  êire  faite  el  la  possibilité  de  publier  la  grande  partition 
pour  orchestre  ou  tout  autre  arrangement  qu'il  lui  conviendrait 
d'en  faire. 

MM.  Choudens  ayant  acquis  en  1864,  de  l^auleur,  Te  droit  de 
publier  la  partition  pour  orchestre  de  Benvenuto  Cellini,  fil 
paraître  postérieurement  une  partition  pour  piano. 

M.  Lilolfî,  en  vertu  de  la  concession  qui  lui  avait  été  faite  en 
1855,  pour  la  publication  de  la  partition  pour  piano,  assigna 


MM.  Choudons  devant  le  tribunal  civil  de  la  Seine,  pour  voir  dire 
fiu'il  leur  soit  fait  défense  de  continuer  la  publication  de  la  par- 
tition pour  piano. 

Devant  le  tribunal,  MM.  Choudens  soutinrent  rpie  l'autorisalion 
donnée  en  IH.^i.'»,  à  M.  Litoiff  de  publier  la  partition  pour  piano, 
n'était  pas  une  cession,  mais  nnc  simple  tolérance  à  titre  pure- 
ment gracieux;  qu'aucun  prix  comme  droits  d'auteur,  n'avait 
été  stipulé. 

Le  Ifi  novembre  1888,  le  tribunal  civil  de  la  Seine  rendit  un 
jugement,  décidant  que  l'autorisalion  donnée  k  M.  Litolff  par 
Berlioz,  constituait  bel  et  bien  une  rcssion,  et  ordonnant  aux 
éditeurs  Choudens  de  cesser  immédiatement  la  publication  de  la 
partition  pour  piano  et  chant  de  lienvenuto^  avec  textes  alle- 
mand et  français. 

MM.  Choiidciis,  inlerjetrrent  ap()el  de  cette  décision,  mais 
sans  succès,  carie  25  juin  dernier,  la  Cour  a  confirmé  la  sen- 
tence des  premiers  juges,  avec  amende  et  dépens. 


pETlTE    CHROJ^llQUE 


La  réouverture  de  la  Monnaie  aura  lieu,  comme  tous  les  ans, 
les  premiers  jours  de  septembre. 

Le  spectacle  de  réouverture  se  composera  de  Faust. 

Nous  publierons  le  tableau  de  la  troupe  dans  noire  prochain 
numéro. 

Nous  lisons  dans  la  Coitlisie  : 

«  La  direction  de  l'Opéra  n'est  pas  encore  vacante  ;  elle  a  seize 
mois  pour  elle  avant  d'atteindre  le  terme  de  son  privilège.  Ce  qui 
n'empêche  pas  de  nombreux  candidats  de  se  présenter  au  minis- 
tère pour  solliciter  le  privilège  de  ce  théâtre  si  difficile  à  conduire 
cl  objet  de  tant  de  convoitise. 

Voici  les  noms  en  vue,  sans  compter  ceux  qui  restent  dans 
l'obscurité  jusqu'au  moment  où  ils  se  produiront  publiquement  : , 

M.  Porel,  directeur  de  rOdéon; 

M.  Lamoureux,  chef  d'orchestre; 
ou  ces  deux  personnages  réunis  à  un  troisième,  dont  le  nom  est 
encore  un  mystère  ; 

M.  \yilder,  critique  musical  de  Gil  Blas  et  le  porie^drapeau  du 
parti  wagnérien  ; 

M.  Calabrési,  directeur  du  théâtre  de  la  Monnaie,  à  Bruxelles  ; 

M.  Ritt; 

M.  Gailhard, 
ou  les  deux  réunis,  la  probabilité  étant  pour  la  continuation  de 
leur  Société,  si  l'un  des  deux  est  nommé  ;  et  enfin  M.  Burg,  le 
président  des  sauveteurs  de  la  Seine. 

Pourquoi  M.  Burg? 

L'Opéra  est-il  en  détresse? 

Est-il  nécessaire  d'appeler  un  sauveteur,  quelle  que  soit 
son  honorabilité,  pour  remettre  à  flot  l'Académie  nationale  de 
musique  ?  »  


Pour  ceux  de  nos  lecteui-s  que  tenterait  un  voyage  à  Ober- 
Ammcrgau,  voici  trois  itinéraires  dressés  par  i Excursion,  a\cc  le 
prix  du  trajet  : 

Premier  itinéraire.  —  Bruxelles,  Luxembourg,  Strasbourg, 
Stuttgart,  Munich,  Murnau  {eii  voilure  aller  et  retour  pour  Ober- 
Ammergau),  Munich,  Mayence,  les  bords  du  Rhin,  Coblence, 
Cologne,  Liégé,  Bruxelles. 


Prix  :  l'"  (lasse,  1;;7  fr.;  2"  classe,  118  fr. 

Deuxième  itinéraire.  —  Bruxelles,  Luxembourg,  Strasbourg, 
la  Poréi-Noire,  la  chute  du  Rhin,  Zurich,  la  ligne  de  l'Aribcrg, 
Innsbriick  et  le  Tyrol,  Munich,  Murnau  (en  voilure  aller  él  retour 
pour  Obcr-Ammergau),  Munich,  Mayence,  1rs  bords  du  Rhin, 
Coblence,  Cologne,  Liège  et  Bruxelles. 

Prix  :  l'e  classe,  182  fr.;  "i"  classe,  13o  fr.i 

Troisième  itinéraire.  —  Bruxelles,  Liège,  Cologne,  les  Bords 
«lu  Rhin,  Mayence,  Nuremberg,  Linz,  les  bords  du  Tianube, 
Vienne,  Buda-Pest,  Vienne,  la  ligne  du  Semering,  la  ligne  de  la 
Carintliic,  Franzenfeste,  la  ligne  du  Brenner,  Innsbriick,  Rosen- 
heim,  Munich.  Murnau  {en  voilure  pour  Ober-Ammergau  et 
retour  par  les  montagnes  à  Innshriick)^  la  ligne  de  l'Arlberg,  le 
lac  de  Constance,  la  chute  du  Rhin,  la  Forét-.Voire,  Strasbourg, 
Luxembourg,  Bruxelles. 

Prix  :  1'"  classe,  302  fr.;  2"  classe,  222  ir. 


Voici,  d'après  VA7inuaire  de  In  Société  des  auteurs  et  composi- 
teurs dramatifjues,  les  recettes  encaissées  par  les  théâtres  de  Paris, 
du  l"'  mars  1889  au  28  février  1890  : 

Théâtres  R*>cettf^s 


Opéra  .... 
Français  .     .     . 
Opéra-Comique  . 
Odéon.     .     .     . 
Vaudeville 
Variétés    . 
Gymnase  .     .     . 
Palais-Royal  .     . 
Nouveautés.  . 
Porle-Saint-.Martin 
Gaité  .... 
Ambigu    .     .     . 
Châteiet   .     .     . 
Cluny.     .     .     . 
Château-d'Eau     . 
Renaissance  .     . 
Folies-Dramatiques 
Bouffes-Parisiens 
Menus-Plaisirs   . 
Déjazct     .     .     . 
Beaumarchais     . 
Bouffes-du-Nord. 
Eden-Théâtre 
Folies- Bergère    . 
Folies-Voliaire    . 
^.Théâtre  d'application  . 

Totaux     ....    25,408,996  48   2,.oo0,."}3l  tt6 
Grâce    à   l'Exposition,   les    théâtres    parisiens    ont  encaissé 

fr.  25,408,996-48. 

La    différence   est    donc,   en    faveur   de    cet    exoreico,    do 

fr.  7,218,548-37. 

Les  auteurs  et  compositeurs  dramatiques  ont  perçu  pour  leurs 

droits,  à  Paris  seulement,  la  jolie  somme  de  2, 550, 531  francs. 


fr.     4,015,224  16 

.     2,385,2.36  01 

.     1,982,590  .^0 

810,682  .10 

687, .H82  » 

.     1,4.54,612  » 

.     1,212,204  )]{) 

997,456  » 

828,726  » 

1,523,727  75 

•.     1,091,619  25 

715,748  .50 

.     1,927,788  25 

324,103  50 

78,443  » 

277,638  » 

700,860  » 

546,286  » 

4i6,.o65  85 

.     ^  194.445  25 

74,649  75 

109,. 354  25 

.     1,694,790  .50 

.     1,313,302  50 

47,243  05 


Droits  perçu.** 

321,215 

20 

300,695'' 

60 

240,645 

90 

80,976 

H 

82,.550 

25 

177,750 

35 

156,455 

35 

129,200 

.30 

99,487 

35 

108,465 

» 

107,929 

n 

71, .554 

7.5 

200,414 

10 

32,410 

30 

7,922  05 

33,316 

70 

•84,102 

65,564 

.so 

41,726 

.00 

19,443 

» 

7,462 

05 

6,441 

15 

83,188 

35 

26,256  45 

4,722 

OO 

672 

05 

Une  inauguration  en  pays  félibre  :  celle  du  buste  de  Théo- 
phile Gautier,  fait  par  sa  fille,  et  qui  sera  prochainement  placé  â 
Tarbes.  C'est  M.  Fernand  Mazade  qui  sera  chargé  de  l'allocution. 


i 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ETAT-BELGE 


LIGNE   D'OSTENDE-DOUVRES 


La  plus  courte  el  la  moins  coûteuse  des  voies  extra-rapides  entre  le  Continent  et  TAngleterre 


Bruxelles  à  Londres  en 
Cologne  à  Londres  en 
Berlin  à  Londres  en  . 


8  heures. 
13       " 
24        n 


Vienne  à  Londres  en. 
B&le  à  Londres  en. 
Milan  à  Londres  en  , 


30  heures. 
24       - 
33       - 


XROIS  SERVICES  l^AR  «lOUR 

D'Ostende  à  5  h.  29  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  31  soir.  —  De  Douvres  à  midi  15,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

XR^ VERSÉE  EIV  XROIS  HEURES 

PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS 

Princesse  Joséphine,  Princesse  Henriette,  Prince  Albert,  La  Flandre  et  Ville  de  Douvres 

partant  jouruellemeut  d'OSTENDE  à  5  h.  29  matia  et  11  h.  10  matin;  de  DOUVRES  à  midi  15  et  10  h.  15  soir. 

Salons  luxueux.  —  Fumoirs.  —  Ventillation  perfectionnée.  —  Éclairage  électrique.  —  Restaurant. 

BILLETS  DIRECTS  (simples  ou  aller  et  retour)  entre  LONDRES,  DOUVRES.  Birmingham,  Dublin,  Edimbourg,  Glascow, 

liiverpool,  Manchester  et  toutes  les  grandes  villes  de  la  Belgique 
et  entre  LONDRES    ou   DOUVRES  et  toutes  les  grandes  villes  de  l'Europe. 


BILLETS  CIRCULAIRES 

Supplément  de  2«  en  l""»  classe  sur  le  bateau,  fr.  2-35 
CABINES  PARTICULIÈRES.  —  Prix  :  (en  sus  du  prix  de  la  l"-»  classe).  Petite  cabine,  7  francs;  Grande  cabine,  14  francs. 

A  bord  des  tnalles  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette  \ 

Spécial  cabine,  28  francs;  Cabine  de  luxe,  75  francs. 

Pour  la  location  à  l'avance  s'adresser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  (Quai)  ou  à  l'Agence  des  Chemins  de  fer  de  V État- Belge 
Northumberland  House,  Strond  Street,  n°  17,  à  Douvres. 

Excursions  à  prix  réduits  de  50  «'o,  entre  Ostende  et  Douvres,  tous  les  jours,  du  l^r  juin  au  30  septembre. 
Entre  les  principales  villes  de  la  Belgique  et  Douvres,  aux  fêtes  de  Pentecôte  et  de  l'Assomption. 
AVIS.  —  Buffet  restaurant  à  bord.  -~  Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  —  Accostage  à-quai  vis-à  vis  des  stations  de  chemin  de 
fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits). —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  et«.  -   Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  l'Exploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  k  Bruxelles,  à  V Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l'État-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n°  53,  à  Londres,  à  l'Agence  de  Chemins  de  fer 
de  l'État,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vrancken,  Domkloster,  n»  1,  à  Cologne. 


:EIV    VEMXJE 

chez  MM.  SCIIOTT  frères,  82,  Montagne  de  la  Cour,  Bruxelles. 

L'OR  DÛ  RHIN 

DE 

RICHARD  WAGNER 

Version  française  de  Victor  'V^OLDER 

Partition    pour   chant   et    piano,    réduite    par   R.    Kleinmichel 
PRIX  NET  :  20  Francs 

JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 

—  Bibliographie.  —  Législation.  —  Notariat. 

HUTIÈME  ANNÉE. 

ABONNEMENTS  i  Belgique,  18  fraucs  par  an. 
(  iLtranger,  23  id. 

Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  BruxelUt. 

Retuc  mensuelle  de  littérature  et  d'art 

5"'  Année 

Directeurs  :  MM.  A.  MOCKEL  et  P.-M.  OLIN. 

„  (   à  Liège,  rue  St-Adalbert,  8. 

Bureaux  !   ,   „        ,,  r 

(  a  Bruxelles,  Avenue  LoUise,  317. 

ABONNEMENTS  :  5  ijrancs  l'an  ;  Union  postale,  fr.   6-50 


PIANOS 


BRUXELLES 
rue  Thérésienne,  6 


GUNTHER 


VENTE 

ÉCHANGE 

LOCATION 

Paris  1867, 1878,  1"  prix.  —  Sidney,  seuls  1«*  et  2«  prix 
EXPOSmOIS  AISTERDAI  1883,  ilTElS  1885  DIPLOIE  D'HOUini. 

Breitltopf  et  Hartel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 


TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  rharmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-G.  Lobe; 

Traduit   de   l'allemand   (d'après   la  5®  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr,  in-8».  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  aicherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques  * 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveur  niarquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  ouvrages  d'enseignement  musical  les  plus 
estimés  en  Allemagne. 


Bruxelles.  i-  Imp.  V  MomoM,  26,  rue  de  l'Industrie. 


Dixième  année.  —  N"  'M. 


Le  nlmkko  :  25  centimes. 


Dimanche  21  Aouf  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

^  — — ^^^^^-^       "^      \ 

Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

I 

— ^^         ■  IIM^H^i— ^«^  ■  '       '      '       _  ^^— ^— ■       ■■■■  ■— ■  I  l'-l  •  l.^— ^  Il  II  I       ■■ 

ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,    fr.    10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES   :    On   traite   à   forfait. 

'  Adresser  toutes  les  communications  à 

l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  Plndustrle,  26,  Bruxelles. 


? 


OMMAIRE 


Genck.  —  M.ARiNE.   —  Jésus-Christ  en   Bavikre.   —  Albert 

DuBOIS-PiLLET  MORT.  —  ChROMQUE  JfDICI.VlRE  DES  .\RTS.    A   MoitaCO. 

—  Petite  chronique. 


GENCK 

Nous  recevions  dernièrement  le  «  faire-part  »  annon- 
çant la  mort  de  Jean  Gilekens,  l'aubergiste  de  la  Cloche, 
à  Genck,—  Monsieur  Jean,  comme  on  l'appelait  là-bas, 
—  et  toute  une  bouffée  de  souvenirs,  par  ce  nom  évo- 
qués, nous  ramenait  à  des  temps  abolis,  déjà  si  lointains, 
ofi  Genck  joua  un  rôle  dans  l'art,  prit  une  place  dans  la 
géographie  pittoresque,  devint  presque  célèbre.  Oui,  il 
a  sa  renommée,  ce  village  perdu  au  milieu  des  bruyères, 
parmi  les  sommeillants  marais,  les  dunes  de  sable  et  les 
boqueteaux  de  pins.  Telle  place  forte  ignorée  s'illustre 
par  quelque  résistance  héroïque.  Des  chevalets  de  pein- 
tres plantés  le  long  d'une  route  suffisent  à  tirer  de  la 
nuit  un  bourg  inconnu.  En  France  :  Barbizon,  Mar- 
iette, Moret.  En  Belgique  :  Anseremme,  Tervueren, 
Knocke,  Genck. 

A  Genck  on  travailla  ferme  et  l'on  ne  se  dépensa 
jamais  en  farces  de  rapins.  A  l'époque  de  sa  splendeur, 
qui  réunit  dans  la  salle  à  manger  de  la  Cloche  :  Théo- 


dore Baron,  Tscharner,  Louise  Héger,  Jules  Raymae- 
kers ,  Joseph  Coosemans ,  Anna  et  Eugène  Boch , 
Lacomblé,  Delfosse,  Eugène  Maus,  enlevé  à  l'art  avant 
d'avoir  donné  sa  moisson,  Pierre  Oyens,  Montigny. 
Bouvier,  d'autres  encore,  on  était  debout  dès  l'aube,  et 
les  levers  de  soleil  irradiaient  d'impressions  joyeuses, 
fixées  par  quatre  clous,  les  murailles  de  l'auberge. 
Flambeau,  l'honnête  barbet  de  Monsieur  Jean,  avait 
fort  à  faire  pour  choisir,  parmi  tant  de  peintres  mati- 
naux et  laborieux,  celui  qu'il  présageait  devoir  l'em- 
mener le  plus  loin  dans  la  bruyère  odorante,  vers  les 
hameaux  de  Gelieren,  Camerloo,  Assche  ou  Niel  dont 
les  chauraines  branlantes,  aux  toitures  couronnées  de 
joubarbes,  zébrées  de  lichens,  écartelées  de  l'émeraude 
des  mousses,  off'raient  à  l'œil  de  séduisants  motifs  d'étude. 

J^e  grand  branle-bas  du  départ  quotidien  terminé,  le 
brouillard  refermé  sur  des  silhouettes  de  peintres  armés 
de  leur  boîte,  du  chevalet  de  campagne  et  du  parasol, 
l'auberge  retombait  dans  le  silence,  et  le  tic-tac  mono- 
tone de  l'horloge  de  la  cuisine  rythmait  les  occupations 
ménagères  d'Hubertine,  Ja  femme  de  l'hOttelier,  aidée 
dans  les  coups  de  feu  difficiles  par  sa  sœur  Rosalie, 
taudis  que  leur  père,  le  vieux  Reymans,  assis  dans  sou 
large  fauteuil  de  cuir,  fumait  sa  pipe  eu  surveillant  du 
coin  de  l'œil  le  miroton. 

L'heure  du  dîner  ramenait  tous  les  membres  du  pha- 
lanstère autour  de  la  table,  en  cette  chambre  basse, 


206 


UART  MODERNE 


-^ 


tapissée  d'études  et  de  tableaux  que  récemment  nous 
allâmes  revoir  avec  l'émotion  d'un  pèlerin.  Et  c'étaient, 
à  la  veillée,  de  longues  causeries,  des  discussions 
courtoises  entre  gens  qu'unissait  un  même  amour  de 
l'art.  Parfois,  le  vieux  piano  était  ouvert,  et  le  con- 
tralto superbe  de  Louise  Héger,  accompagné  par  les 
grêles  martèlements  de  l'instrument  rétif,  charmait  le 
recueillement  de  l'auditoire. 

Il  se  dégageait  de  cette  vie  calme  et  laborieuse,  de 
cette  intimité  d'artistes  sincères,  une  impression  inou- 
bliable pour  ceux  qui  y  ont  été  mêlés.  C'est,  croyons- 
nous,  la  caractéristique  de  Genck,  qui  échappa  au  car- 
naval implanté  en  jyermanence  dans  d'autres  localités 
—par  des  artistes  de  tempérament  plus  turbulent.  Peut- 
être  l'austérité  du  pays  exerca-t-elle  son  influence  sur  le 
moral  des  peintres  qui  s'y  installèrent.  Et  puis,  en  cette 
pudibonde  Campine,  l'existence  régulière  était  de  tra- 
dition. La  patriarcale  famille  Reymans  s'effarouchait 
vite  d'un  accroc  à  la  rigidité  des  principes,  et  il  nous 
souvient  encore  de  la  mésaventure  arrivée  à  un  jeune 
peintre  qui  avait  invité  une  amie  de  la  capitale  à  venir 
passer  à  Genck  quelques  jours  avec  lui.  Les  toilettes 
bruyantes  de  la  jeune  femme  ne  furent  pas  du  goût  de 
ces  braves  gens,  qui  prièrent  poliment,  mais  avec  fer- 
meté, l'artiste  de  renvoyer  la  demoiselle. 

Les  villages  de  peintres  ont  leur  décadence,  car  dans 
les  tableaux  même  il  y  a  une  mode.  Qui,  si  ce  n'est  les 
Américains,  songe  encore  à  planter  son  chevalet  à  Bar- 
bizon?  L'école  du  gris  sonna  pour  Genck  l'heure  glo- 
rieuse. Ce  coin  de  Campine,  tout  en  marécages,  en  landes 
plantées  de  pins  et  de  genévriers,  en  bossellements  de 
terre  noire  et  de  sable  argenté,  devait  enthousiasmer 
la  génération  d'artistes  qui,  pour  exprimer  la  nature 
dans  sa  vérité  (principe  déjà  fort  en  avance  sur  les 
théories  précédentes)  croyait  nécessaire  d'atténuer  la 
crudité  de  ses  colorations.  L'étude  directe  de  la  lumière 
pousse  la  génération  actuelle  vers  les  plages  étince- 
lantes,  vers  les  clairs  terrains  illuminés,  vers  les  fleuves 
qui  roulent  en  leurs  eaux  transparentes  l'or  et  les  rubis 
du  soleil.  C'est  la  fin  de  Genck,  de  ses  mélancoliques 
horizons,  de  ses  nappes  d'eau  stagnante  sur  lesquelles 
s'attardent  les  brouillards. 

Seuls,  quelques  obstinés,  cramponnés  aux  souvenirs 
de  jadis,  poursuivent  imperturbablement  l'étude  de  la 
chaumière  de  pisé,  du  chemin  sablonneux  fuyant  sous 
le  feuillage  sombre  des  pins,  du  vallonnement  taché  de 
genêts,  hérissé  de  pierres  noires.  Coosemans  et  Mon  • 
tigny  étaient,  à  Genck,  lorsque  nous  y  allâmes  cette 
année,  aux  feuilles  verdissantes,  les  derniers  survivants 
du  phalanstère  de  jadis.  Ermel  et  de  Baré,  qui,  durant 
dix  ans,  restèrent  fidèles  a  la  Cloche  du  pauvre  Jean, 
avaient  eux-mêmes  lâché  pied  et  s'en  étaient  allés  à  là 
découverte  d'une  contrée  moins  ravagée  d'obsédants 
souvenirs. 


Ainsi  passent  et  s'évanouissent  les  traditionnelles 
institutions.  Genck  deviendra  peut-être  une  villégiature 
bourgeoise,  comme  Anseremme,  comme  Knocke,  comme 
Tervueren,  qui  ont,  tous  trois,  eux  aussi,  joyeusement 
palpité  autrefois  de  la  vie  artistique.  Et  des  gens  dont 
le  po<age  et  le  rôti  sont  l'exclusive  préoccupation,  regar- 
deront avec  dédain  les  gaies  esquisses  que  tous  nous 
avons  peintes  sur  les  portes  des  chambres  à  coucher, 
en  mémoire  de  nos  séjours.  Ils  hausseront  les  épaules 
devant  les  croquades  qui  représentent  la  face  souriante 
de  Jean,  l'endimanchement  d'Hubertine,  et  tous  ces 
chers  coins  de  pays  oft  s'est  accroché  un  peu  de  notre 
jeunesse,  de  nos  espoirs,  de  notre  cœur. 

Jean  Gilekens,  qui  aimait  tous  les  peintres  et  qui  était 
un  peu  devenu  leur  ami,  présidant  à  leur  table  et  trin- 
quant avec  eux,  a  eu  raison  de  s'en  aller  avant  cette 
profanation.  Il  a  compris  que  c'en  était  fait  de  Genck, 
que  le  néo-impressionnisme  avait  amené  l'irrémédiable 
catastrophe,  le  Genksdcimmerwig ,  et  il  s'est  endormi 
avant  que  les  derniers  chevalets  de  campagne  aient  été 
portés  au  chemin  de  fer. 

Pour  nous,  nous  avons  tenu  à  saluer  d'un  cordial 
souvenir  ce  brave  homme  que  beaucoup  d'entre  nous 
ont  coudoyé,  et  à  faire  revivre  un  instant  la  physio- 
nomie caractéristique  d'une  station  d'artistes  qui  a,  pen- 
dant un  quart  de  siècle,  groupé  une  élite  de  gens  de 
cœur  et  de  talent,  aujourd'hui  dispersés  aux  quatre 
vents  de  la  vie  ou  déjà  abattus  par  la  mort. 


MARINE 

En  mer,  on  pense  à  la  mer. 

Et  on  la  voit.  J'entends  autrement  que  de  terre,  de  la 
rive.  Et  pour  l'art,  c'est  important,  l'art  de  l'exprimer, 
cette  mer,  par  le  pinceau,  par  la  plume. 

Tristan  Corbière,  'l.'auteur  brutal  des  Amours 
jaunes,  livre  inconnu  des  Bouvard  et  des  Pécuchet, 
honneur  de  notre  temps,  un  des  poètes  maudits  mis 
en  croix  par  Verlaine  sur  un  autel  de  gloire,  a  cliché 
impérissablement  cette  vérité  dans  la  Fin,  une  des 
pièces  de  ses  Gens  de  mer,  lues  et  relues  par  mes 
compagnons'de  traversée  et  moi,  ces  jours  derniers  : 

En  fumée,  la  voici  chassée 
L'éternité,  là  traversée, 
Qui  fit  de  vous  ma  sœur  d'un  jour. 
Ma  sœur  d'amour! 

Il  était  marin,  Corbière,  et  il  a  daté  nombre  de  ses 
vers  du  degré  de  latitude  et  du  degré  de  longitude  où, 
intrépide  corsaire,  il  le^  ravit  à  l'inspiration  fugitive, 
le  crayon  d'abordage,  à  la  main.  La  Fiji  est  une  ter- 
rible satire  de  YOceano  nox  de  Victor  Hugo,  poète  de 
la  mer  vue  de  terre,  vue,  il  est  vrai,  avec  les  yeux  d'un 
génie,  ces  yeux  qui,  pareils  à  de  noires  ailes,  emportent 


j^ 


l'âme  partout,  surtout  dans  le  mystère,  plus  loin,  peut- 
être  et  plus  profondément  dans  les  ténèbres  que  toute 
navigation  à  la  boussole,  et  dans  des  tempêtes  plus 
bousculantes  que  celles  subies  sur  le  pont  des  navires. 
Mais  à  la  condition  que  ce  soit  le  génie. 

N'importe  !  Voici  le  cas.  Il  est  curieux  comme  duel 
entre  deux  âmes  de  poète,  dont  l'une  fut  uniformément 
grande,  dont  l'autre  fut  grande  au  même  point,  mais 
à  certaines  heures  seulement.  Car,  il  est  tel  vers  de  Cor- 
bière qui  égale  Hugo  et  atteint  Shakespeare.  Et  le  cas 
a  cet  intérêt  de  poser  pour  le  lecteur,  toujours  ama- 
teur d'énigme,  le  problème  du  jugement  entre  ces  deux 
jouteurs.  Est-ce  le  puissant  sentimental,  au  rythme 
large,  à  la  langue  sonore  et  chantante?  est-ce  le  vigou- 
reux matelot-poète  plein  de^mots  sacrés  comme  des 
jurons,  amarrant  ses  images  comme  des  cordages,  qu'il 
faut  préférer?  Hugo  versifiait  chez  lui  sur  le  plancher 
des  vaches  ;  Corbière,  au  milieu  des  récifs  de  la  Bre- 
tagne, à  bord  de  son  cotre  le  Négrier,  son  rouleur 
de  cotre,  son  noceur  de  cotre,  ainsi  qu'il  le  nomme  dans 
la  pièce  qu'il  lui  dédia  le  jour  où  il  le  vendit,  sur  l'air 
de  :  Adieu  mon  beau  Navire. 

Les  beaux  vers  de  Oceano  nox  chantent  dans  plus 

d'une  mémoire  : 

Oh!  combien  de  marins,  combien  de  capitaines 
Qui  sont  partis  joyeux  pour  des  courses  lointaines 
Dans  ce  morne  horizon  se  sont  évanouis? 

Combien  de  patrons  morts  avec  leurs  équipages  ! 
•   L'Océan  de  leur  vie  a  pris  toutes  les  pages. 
Et  d'un  souftle  il  a  tout  dispersé  sur  les  flots. 
Nul  ne  saura  leur  fin  dans  l'abîme  plongée 

Nul  ne  saura  leurs  noms,  pas  même  l'humble  pierre 
Dans  l'étroit  cimetière  oii  l'écho  nous  répond. 
Pas  même  un  saule  vert  qui  s'effeuille  à  l'automne. 
Pas  même  la  chanson  plaintive  et  monotone 
^'un  aveugle  qui  chante  à  l'angle  d'un  vieux  pont. 

Et  l'élégie  va  ainsi.  Avec.d'autres  vers  encore,  char- 
gés de  pitié  et  d'angoisse  pour  les  marins  morts  en  mer, 
équipages  de  navires  péris  corps  et  biens.  Jamais  la 
compassion,  la  paternelle  compassion  humaine  ne  s'est 
épanchée  en  accents  plus  douloureux  et  plus  touchants. 

Corbière-le-Marin  ne  l'entend  pas  ainsi.  11^  ne  veut 
pas  qu'on  larmoie  sur  de  tels  morts.  Mourir  n'est  pour 
eux,  selon  lui,  qu'une  liquidation,  résolument  acceptée 
par  avance,  du  compte  hasardeux  de  leur  vie  aventu- 
reuse. Il  s'irrite  de  ces  larmes  trémolantes,  et,  brutale- 
ment, fait  chavirer  tout  ce  pavoisement  de  regrets  et 
de  deuil.  Ecoutez.  Voici  le  morceau  tout  entier.  Les 
Amours  Jaunes,  où  il  a  sa  place,  sont  un  livre  rare, 
trouyaille  de  bibliophile  et  joyau  pour  les  lettrés;  une 
reproduction  est  presque  de  l'inédit  : 

Eh  bien,  tous  ces  marins  —  matelots,  capitaines, 

Dans  leur  grand  Océan  à  jamais  engloutis 

Partis  insoucieux  pour  leurs  courses  lointaines. 
Sont  morls  —  absolument  comme  ils  étaient  partis. 


Allons!  c'est  leur  métier;  ils  sont  morts  dans  leurs  bottes! 

Leur  buujaron  au  cœgr,  tout  vifs  dans  leurs  capotes 

-—  Morts...  Ilerci  :  la  Camarde  a  pas  le  pied  marin; 

Qu'elle  couche  avec  vous;  c'est  votre  bonne  femme 

Eux,  allons  donc  :  Entiers!  enlevés  par  la  lame! 
Ou  perdus  dans  un  grain 

Un  grain...  est-ce  la  mort  ça?  la  basse  voilure 

Battant  à  travers  l'eau!  —  Ça  se  dit  encombrer 

Un  coup  de  mer  plombé,  puis  la  haute  mâture 
Fouettant  les  ttois  ras  —  et  ça  se  dit  sombrer. 

Sombrer.  —  Sondez  ce  mot.  Votre  mort  est  bien  pâle 

El  pas  grand'chose  à  bord,  sons  la  lourde  rafale 

Pas  grand'chose  devant  le  grand  sourire  amer 
Du  matelot  qui  lutte.  —  Allons  donc,  de  la  place!  — 
Vieux  fantôme  éventé,  la  mort  change  de  face  : 
La  mer! 

Noyés?  —  Eh  allons  donc!  Les  noyés  sont  d'eau  douce. 
—  Coulés!  Corps  et  biens!  Et,  jusqu'au  petit  mousse. 
Le  défi  dans  les  yeux,  dans  les  dents  le  juron  ! 


Buvant  sans  hauls-le-cœur  In  grand' tasse  salée.. 
—  Comme  ils  ont  bu  leur  boujaron.  — 


—  Pas  de  fond  de  six  pieds,  ni  rais  de  cimetière; 
Eux  ils  vont  aux  requins!  L'âme  d'un  malolot . 
Au  lieu  de  suinter  dans  vos  pommes  de  terre, 

Respire  à  chaque  flot. 

—  Voyez  à  l'horizon  se  soulever  la  houle  ; 

On  dirait  le  ventre  amoureux 

D'une  tille  de  joie  en  rut,  à  moitié  soûle 

Ils  sont  là  !  —  La  houle  a  du  creux.  — 

—  Écoutez,  écoutez  la  tourmente  qui  beugle! 

C'est  leur  anniversaire.  —  Il  revient  bien  souvent.  -— 
0  poète,  gardez  pour  vous  vos  chants  d'aveugle; 

—  Eux  :  le  De  pj'ofundis  que  leur  corne  le  vent. 

Qu'ils  roulent  infinis  dans  les  espaces  vierges! 

Qu'ils  roulent  verts  et  nus, 
Sans  clous  et  sans  sapin,  sans  couvercle,  sans  cierges 

—  Laissez  les  donc  rouler,  terriers  parvenus  ! 

Qu'en  dites-vous?  N'est-ce  pas  d'une  belle  insolence,  et 
vraiment  n'hésite-t-on  pas  entre  ces  strophes  heurtées 
et  violentes  comme  les  vagues,  déferlantes,  hurlant  les 
mots,  et  l'hymne  solennel  et  déprécatoire  du  poète  des 
Contemplations?  N'est-ce  pas  plus  marin  ?  plus  homme 
de  mer?  plus  fait  à  bord?  Et  c'est  là  ce  qui  est  surtout  à 
considérer  au  point  de  vue  artistique. 

J'en  reviens,  en  effet,  à  cette  idée,  émise  tantôt,  qu'on 
saurait  dithcilement  être  un  bon  peintre  de  marine  en 
se  contentant  d'aller  séjourner  à  Knocke  ou  à  La  Panne, 
dans-les  dunes,  voire  à  Ostende  sur  l'estacade,  même  en 
agrémentant  le  séjour  de  quelques  excursions  en  yacht 
et  de  quelques  nuits  en  mer  sur  les  bateaux  de  pèche 
On  n'a  ainsi  que  l'odeur  de  la  mer,  comme  on  a  l'odeur 
du  dîner  en  passant  sur  le  trottoir  qui  longe  les  cuisines 
d'un  gourmet.  La  vraie  mer  ne  se  voit  qu'en  mer,  chez 
elle.  Là  seulement  elle  se  livre  dans  sa  variété  infinie^ 
sa  grandeur  et  son  mystérieux  symbolisme. 

L'étude  des  marinistes  contemporains  confirme  cette 
observation.  Leurs  mers  sont  presque  toutes  des  mers  à 
rivages,  de  jour  ou  de  nuit,  monotones,  des  mers  policées, 
très  peu  suggestives,  manquant  des  miraculeux  colo- 


r 


268 


UART  MODERNE 


lis  du  large  se  lévèlant  avec  une  prodigieuse  fantaisie 
au  cours  d'une  longue  traversée;  écrasante  leçon  de  har- 
diesse pour  cçux  qui  croient  encore  au  gris,  au  terne,  et 
liésitent  devant  les ,  fulgurantes  luminosités  dont  la 
nature,  vue  de  près,  est  prodigué jusqu'ùréblouissement. 

Le  navire  aussi,  ce  héros  de  la  mer,  cet  habitant,  ce 
vivant  des  flots  ne  saurait  être  compris  que  par  Tinti- 
niité,  la  familiarité  d'une  navigation  prolongée,  où  on  le 
voit  agir  dans  la  gloire  des  beaux  jours  et  dans  les 
misères  et  les  luttes  du  gros  temps.  C'est  là  qu'il  prend 
cette  personnalité  que  les  Anglais,  ces  navigateurs  par 
excellence,  lui  ont  instinctivement  reconnue  en  lui  attri- 
buant un  sexe,  en  le  traitant  comme  un  être  liumain.  Il 
est  intéressant,  à  cet  égard,  de  réfléchir  combien  peu  le 
navire  a  de  place,  d'action  et  surtoutd'individualité agis- 
sante dans  les  marines  modernes.  Il  n'y  est  qu'un  acces- 
soire, un  étofîage,  un  figurant  sacrifié,  alors  qu'il  serait 
facile  et  exact  de  lui  donner  un  rôle  héroïque  ou  sédui- 
sant. Que  peut  dire  de  profond  à  l'Ame  un  navire  qu'on 
voit  passer  ?  Il  vous  parle,  au  contraire,  à  toute  heure, 
celui  qui  vous  porte  et  vous  emporte,  quand,  juché  sur 
sa  croupe,  on  se  sent  un  des  fils  Aymon  de  ce  coursier 
épique. 

Donc  navigue,  navigue,  artiste  qui  penses  à  dégager 
pour  ceux  qui  restent  à  terre  les  inconnues  àela grande 
mijsléricusc.  Navigue,  vis  à  bord,  laisse-toi  aller  aux 
chevauchées  du  monstre  sur  le  dos  du  monstre.  Sinon, 
ne  nous  en  parle  pas,  tu  ferais  de  la  simple  rhétorique. 

Décidément,  j'aime  mieux  la  mer  à  la  façon  de  Cor- 
bière qu'à  la  façon  de  Hugo. 


I 


JÉSLS-CIIIIIST  Ei\  BAVIEIIE 

Sous  co  lilro,  ^(7  Dlaii  a  public  une  intt^ressanic  dcscriplion 
dos  roprc'sciilalions  qui  allironl  la  foule  de  touristes  à  Obcr- 
A!iimcr£îau.  Jadis  nous  en  avons  déjà  entretenu  nos  lecteurs  (i)  : 

l'nler-Aninicrgau. 

Me  voilà  au  but  de  mon  voyage,  f/est  ici,  —  dans  un 

rc\\\'\  des  monts  tyroliens,  à  quelques  lieues  au  sud  du  Ijc  de 
Starnberg,  (jue  le  Clirisl  revient,  cliaque  dix  ans,  se  montrer 
l)armi  les  iiommes,  —  prêcher  la  bonne  nouvelle,  affronter 
les  pharisiens  et  les  prcires,  livrer  sa  cliair  à  la  tlagellaiion  cl 
à  la  croi.x.  Chaque  dix  ans,  les  pèlerins  d'Ammergau  peu- 
vent, durant  trois  mois,  vivre  en  pleine  épopée  chrétienne.  — 
Loger  chez  Caïphc,  dîner  chez  saint  Pierre,  converser  avec  la 
Vierge,  Judas  et  Jésus...  Puis,  septembre  s'aclievant,  la  divine 
illusion  s'évanouit.  Les  jwlerins  regagnent  leor  pays;  le  théâtre 
de  la  Passion  ferme  ses  portes;  Caïj)lic  redevient  serrurfer  ;  Jésus, 
aubergiste  ;  saint  Pierre,  forgeron  ou  boulanger.  El  le  petit  vil- 
lage d'Ammergau  se  rendort  pour  dix  ans. 

En  ce  moment,  il  est  en  plein  éveil  et  en  pleine  vie.  Depuis 
Obérai!  (la  plus  proche  station  de  chemin  de  fer),  jusquà  Ober- 

(1)  W'ir  noire  numéro  du  S  juin  dernier. 


Ammergau.  c'est,  par  la  roule  de  montagne,  une  fde  indisconti- 
nue de  voilures,  amenant  les  voyageurs  pour  la  représentation  de 
demain.  Dien  que  j'aie  écrit  quinze  jours  à. l'avance  au  bourgmes- 
ire,  je  ne  puis  trouver  de  logement  dans  le  village  même,  il  me 
faut  aller  chercher  un  gito  à  quatre  kilomètres  de  là;  à  Unler- 
Aiiimergau.  Ensemble,  les  deux  villaces'conlienncnl  actuellement 
plus  do  sept  mille  étrangers,  qui  seront  partis  après-demain,  cl 
tout  de  suite  remplacés  par  d'autres. 

...  Accoudé  à  la  petite  fenêtre  de  ma  chambre,  aux  murs 
écham|>is  de  chaux  blanche,  décorés  de  Vierges  et  de  Jésus  enca- 
drés, je  regarde  le  soir  descendre  sur  le  paysage  des  deux  Ammer- 
gau, noyé  de  pluie  tine.  Les  montagnes  enceignenl  en  ovale 
allongé  la  vallée  de  l'Ammer;  Inter-Ammergau  est  à  la  pointe 
nord-de  l'ovale,  —  Ober-Ammergau  à  la  pointe  sud;  deux  amas 
(le  maisons  pareilles,  deux  clochers  pareils,  en  forme  de  lour 
maigre  coiffée  d'un  oignon.  Entre  les  deux  villages,  un  lapis  de 
prairie  rase  (les  foins  sont  coupés),  presque  sans  arbres,  —  où 
serpente  la  route.  Le  verl  tapis  escalade  le  pied  des  montagnes 
environnantes;  il  cesse  où  commencent  les  forêts  de  sapins,  les 
innombrables  cônes  sombres,  iienchés,  tassés  l'un  contre  l'autre, 
(|ui  semblent  monter  à  l'assaut  des  cimes...  Certes,  le  site  est 
agréable,  mi-riant,  mi-sauvage  :  mais  presque  toute  la  contrée 
avoisinanle,  soit  à  l'ouesl,  vers  Constance,  soit  au  sud,  vers  le 
Tyrol  aulricliicn,  est  de  beaucoup  plus  pittoresque... 

Ce  n'est  donc  pas  le  sile  qu'on  vient  voir  l'ci  d'Allemagne, 
d'Angleterre,  de  France  et  même  d'Amérique.  C'est  le  spectacle 
auquel  j'assisterai  demain  :  la  Passion  du  Christ,  jouée  par  des 
villageois  sur  un  théâtre  de  planches. 

J'ai  comme  l'anxiélé  d'une  désillusion,  lue  fantaisie  de  souve- 
nir m'a  rappelé  certain  soir  de  vendredi-saint,  là-bas,  là-bas,  en 
Franco  —  au  Cirque  d'IIiver,  où  l'on  jouait  aussi  la  Passion, 

devant  beaucoup  de  spcclaleurs!... 

Le  maliu. 

On  m'a  réveillé  à  sixMieures  :  car  je  dormais  d'un  vrai  soiwmeil 
de  voyageur  dans  col  étrange  lit  qu'on  m'a  donné,  composé  de 
doux  édredons  séparés  par  un  drap  unique.  La  représentation 
commence  à  huit  heures.  Je  m'habille  et  je  déjeune  à  la  hât(\ 
Ine  bciline'ii  deux  chovaux\  grande  comme  un  wagon,  m'em- 
mène vers  Ober-Ammergau. 

Comme  hier,  il  pleut.  Le  fond  du  ciel  est  gris,  d'un  gris  de 
vitro  dépolie  ;  sur  ce  gris  uni  courent,  très  bas,  des  lambeaux  de 
nuages  blancs  qui  s'accrochent  aux  aspérités  dos  montagnes  et 
enveloppent  toutes  les  cimes  de  ouate  légère.  Trinqueballéc,  au 
trot  de  ses  deux  chevaux,  la  grande  berline  éclabousse  d'innom- 
brables piétons  qui,  eux  aussi,  vont  entendre  la  Passionspiel  à. 
Ober-Ammergau.  Dès  l'entrée  du  village,  il  faut  prendre  la  file,  ni 
plus  ni  moins  qu'un  jour  de  grande  première  à  l'Opéra.  Je  des- 
cends de  voilure;  je  donne  au  cocher  les  quatre  marcs  convenus, 
et  je  m'en  vais,  à  pied,  jusqu'au  théâtre. 

C'est,  en  somme,  un  immense,  solide  et  commode  ihéàiro 
forain.  In  plan  incliné  où  sonl  dos  rangées  parallèles  de  sièges; 
ce  plan  incliné  recouvert  à  peu  près  au\  trois  quarts  par  un 
hangar  ;  le  dernier  quart  (les  petites  places  qui  sonl,  d'ailleurs, 
les  plus  proches  de  la  scène),  à  ciel  ouvert.  Puis  le  proscenium, 
large  d'environ  trente-cinq  rtièlres,  aussi  à  ciel  ouvert;  à  droite, 
une  rue  de  Jérusalem,  ci  la  maison  d'Anne;  à  gauche,  une  rue  de 
Jérusalem  et  la  maison  dePilate;  au  contre,  la  scène  proprement 
dite,  la  scène  h  rideau  :  suivant  que  le  rideau  csl  levé  ou  baisse, 
elle  fait  ou  ne  fait  pas  corps  avec  le  décor  environnant. 


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/ 


VART  MODERNE 


2G9 


^ 


lî 


J'ai  enfin  £[agn(5  ma  place.  Je  jclic  un  coup  d'œil  sur  l'assis- 
lance.  Il  y  a  Oviilommcnl  deux  publics  distincts,  les  curieux  el  les 
pèlerins.  Les  curieux  sont  des  Anglais,  des  Amc^-ricains,  des  Alle- 
mands du  Nord,  quelques  Français.  Les  pèlerins  sont  de  modeslcs 
bourg(îois,  des  ))rèlres,  des  femmes,  beaucoup  de  gens  de 
Bavière  el  d'Aulriclic,  venus  là  comme  nos  Urctons  ou  nos  Fla- 
mands vont  en  dévotion  vénérer  la  Vierge  l\  Lourdes...  Les  plus 
pauvres  ou  les  moins  prévoyanls  ont  dû  se  contenter  des  places 
découvertes  :  ils  sont  là  environ  quinze  cents  qui,  sous  la  pluie 
fine,  empaquetés  dans  des  couverlurcs,  et,  naturelement,  sans 
parapluie,  vonljcsLer  assis  liuil  heures  en  tout. 

...  In  coup  de  mortier  annonce  le  commencement  de  la  repré-. 
senlalion.  L'orchestre  (invisible),  attaque  le  prélude.  Vingt  qi:alre 
choristes,  hommes  el  femmes,  qui  figurent  le  chœur  antique,  el 
sont,  paraît-il,  des  anges  gardiens,  viennenl  se  ranger  au  bord 
de  ravanl-scène.  Avec  leurs  grosses  barbes  d'Allemands,  ou  leurs 
minables  figures  d'Allemandes,  Ils  ont  Y  •dw'^  Air  bondieuseries' 
échappées  des  magasins  de  Saint-Sulpice...  Serait-ce  là  loul  le 
spectacle  ? 

Résolu  à  être  un  spectateur  impartial,  je  remise  iirovisoiremenl 
mes  tablettes,  que  je  reprendrai  à  l'entr'acle... 

Midi.  —  A  laubcrgc  Luitpokl. 

La  première  partie  de  la  représentation  est  aclievée  (de  l'entrée 
de  Jésus  à  Jérusalem  jusqu'au  baiser  de  Judas).  Tout  en  déjeunant 
à  la  hâte,  je  m'eftbrcc  de  mettre  en  ordre  mes  impressions.  Elles 
sont  complexes.  Ce  que  je  viens  de  voir  est,  suivant  les  moments, 
notoire  ou  vulgaire,  —  passionnant  ou  ennuyeux,  —  prestpie 
héroïque  ou  presque  puéril. 

Le  spectacle  se  compose,  en  somme  :  des  scènes  parlées  em- 
pruntées à  riiisloire  même  de  la  Passion  ;  de  tableaux  vivants 
empruntés  à  l'Ancien  Testament;  de  chœurs  chantés,  chargés 
d'interpréter  les  tableaux. 

Des  cha^urs,  je  ne  saurais  rien  dire,  sinon  qu'ils  m'ont  assommé 
par  leur  longueur  et  leur  monotonie.  La  musique  (sauf  en  trois 
endroits),  ne  s'élève  pas  au  dessus  de  la  moyenne  des  cantiques 
des  couvents.  Les  choristes  ont  une  voix  forte,  un  peu  rude,  avec 
(juelques  défaillances  :  mais  aussi,  pensez  que  ces  malheureux 
exécutent  leur  oratorio  debout,  sous  la  pluie!  On  souffre  pour 
eux  d'abord,  puis  on  s'habitue;  cl  l'on  finit  par  trouver  presque 
comique  le  spectacle  de  ces  vingt-quatre  individus  bariolés  qui 
chantent  h  tiic-tcie  sous  des  torrents  d'eau.  11  paraît  que  la  neige 
même  ne  les  arrête  pas. 

Les  tableaux  vivants,  disposés  sur  la  scène  couverte,  sont 
presque  tous  remarquables  ;  ceux  qui  représentent  l'aclion  d'une 
foule  sont  absolument  merveilleux  :  tels  les  deux  tableaux  de 
VExode  (la  manne  et  le  raisin  de  Chanaan).  Beauté  du  décor, 
harmonie  des  couleurs,  justesse  des  atlitudes,  rien  n'y  manque. 
Cela  vaudrait  le  vovage. 

Quant  h  la  pièce  parlée  et  jouée,  il  serait  absurde  d'en  critiquer 
le  livret  au  point  de  vue  littéraire  :  on  peut  dire  pourtant  que  ce 
livret  est  habilement  el  sincèrement  fait.  L'intérêt  du  spectacle  est 
surtout  dans  l'interprétation,  d'un  réalisme  et  d'une  conviction 
incomparables.  Pour  la  première  fois,  il  m'a  été  donné  de  voir 
une  œuvre  dramatique  que  des  cabotins  ne  gâtaient  pas  par  leur 
parler  el  leurs  gestes  absurdes,  appris  ailleurs  que  dans  la  vie 
vraie.  La  demi-impersonnalité  où  demeurent  les  acteurs  d'Ober- 
Ammergau  (il  n'y  ï  pas  d'aftiche),  les  a  jusqu'à  présent  garés  du 
cabotinage.  Ils  jouent,  non  pour  eux-mêmes,  mais  pour  la  pièce; 


ils  jouent  avec  simplicité  el  avec  foi.  Tous  sont  bons,  sauf,  à  mon 
avis,  la  Vierge,  qui  a  dû  aller  à  Munich  appreridre  à  gesticuler  en 
mélodrame  et  à  se  maquiller.  Quant  au  Christ,  il  est  admirable 
de  dignité,  d'onction,  de  divinité.  On  dit  que,  le  malin  de  chaque 
représentation,  il  communie.  « 

Jo  veux  noter  entre  tous,  dans  cette  première  partie,  la  scène 
de  l'entrée  h  Jérusalem  (les  Hameaux).  Je  ne  sais  pas  combien  il 
y  a  de  monde  alors  sur  le  théâtre  :  vraiment,  ils  paraissent  un 
peuple  —  hommes,  femmes,  vieillards,  petits  garçons  agitant 
des  palmes,  étendant  leurs  vêlements  sur  le  sol,  poussant  des 
bosannali...  Jésus  paraît  alors,  monté  sur  l'ânesse  (|uun  ânier 
conduit.  El  les  beaux  vers  de  la  Fin  de  Snlan  me  viennenl  au 
souvenir  ;  ■ 

Il  avfiil  les  cheveux  pai'l.ipï's  sur  le  front  : 

Des  femmes  qui  ehaiilaieiil  el  qui  (l.insaieiil  en  rond... 


etc. 


Deux  heures. 

La  représentation  recommence.  La  pluie  recommence  avec  elle  : 
elle  avait  cessé  durant  l'enlr'acle.  L'assistance  semble  légèremcnl 
alourdie  par  la  nourriture...  Quelques  spectateurs  sommeillent 
doucement...  A  côté  de  moi,  une  jeiine  Anglaise  croque  sur  son 
album  les  bonnes  têtes  des  choristes.  Je  tire  aussi*  mon  carnet,  et 
je  noie,  au  passage  les  sprclacles  ((ui  changent. 

Maintenant,  c'est,  sur  le  théâtre,  le  pj/ocès  de  Jésus,  sa  compa- 
rution devant  Aune,  devant  Caïpho,  devant  Pilale,  devant  ilérode. 
Toutes  ces  allées  et  venues,  beaucoup  plus  développées  dans  le 
livrel  qucdans  le  Nouveau-Testament, semblent  fatiguer  le  public. 
Le  nombre  des  dormeurs  augmente.  Seuls,  les  acteurs  jouent 
avec  le  même  entrain  que  le  matin;  et,  comme  le  malin,  ils  sont 
cxcellenls. 

Il  pleut  si  fort  que  tout  l'horizon  a  disparu.  Les  montagnes 
elles-mêmes  se  sont  comme  dissoutes  dans  le  brouillard  ;  on  ne 
voit  plus  que  la  scène,  fouettée  par  la  pluie. 

Voici  deux  tableaux  de  foule,  admirables,  comme  toujours  :  (le 
triomphe  de  Joseph  en  Egypte,  el  l'émeute  du  peuple,  réclamant 
Jésus  à  Pilate).  Aucune  troupe  au  monde,  sans  en  excepter  les 
Meiniuger,  n'esl  capable  de  rendre  une  |»areilie  scène  avec  cette 
intensité... 

...  Cependant  la  pluie  s'apaise,  l'horizon  reparaît;  la  perspec- 
tive des  vertes  montagnes  encadre  de  nouveau  le  théâtre.  C'est 
l'heure  où  le  drame  divin  va  se  dénouer.  Jésus,  charijé  de  sa 
croix,  apparaît,  au  milieu  des  soldats  et  du  peuple.  Tiès  belle,  la 
scvnc  où  le  cortège  rencontre  les  saintes  femmes.  Mais  décidé- 
ment, la  sainte  Vierge  est  mauvaise. 

El  maintenant,  à  partir  du  moment  où  l'on  dresse  les  croix  sur 
lû^Golgotha,  il  faut  admirer  sans  réserve,  el  se  laisser  toucher. 
L'auteur  du  «  Mystère  »  a  eu  le  tact  de  ne  mêler  presque  aucune 
parole  humaine  aux  événements;  le  crucifiement,  la  mort  de 
Jésus,  la  descente  de  croix  s'accomplissent  presque  en  silence. 
Mais  les  détails  sont  d'un  réalisme  saisissant  ;  l'effet  produit  est 
inimaginable.  L'intérêt  du  spectacle  a  eu  raison  de  la  fatigue  du 
public.  Autour  de  moi,  des  fi^înmes,  des  prêtres  pleurent.  Quand 
le  soldat  romain  perce  de  sa  lance  le  flanc  de  Jésus,  el  que  le  sang 
jaillit,  des  cris  sortent  des  poitrines... 

C'est  absolument  beau^  cl  les  deux  derniers  tableaux  (la  Béné- 
diction el  l'Assomption),  quoique  moins  remarquables,  n'empê- 
chent pas  celle  fin  de  drame  de  laisser  une  impression  d'intense 
émoiion... 


270 


VART  MODERNE 


Six  heures  du  soir.  —  En  voiture. 

Une  carriole,  Irouvée  à  grand'peine  à  l'issue  de  la  rcprésenla- 
lion,  m'emporte  vers  Murnau,où  je  prendrai  le  Irain  pour  Munich. 
Devant  et  derrière  la  mienne,  d'autres  voilures,  innombrables, 
suivent  le  môme  chemin,  tandis  qu'un  fourmillement  de  piétons 
s'dpai-pille  sur  la  roule  traversière,  plus  courte. 

J'évoque  le  souvenir  du  rare  spectacle  dont  je  viens  d'être 
témoin,  et  je  pense  que  vraiment,  tel  qu'il  est,  avec  ses  imperfec- 
tions inévitables,  il  vaut  bien  ce  concours  de  peuple.  Je  pense 
aussi  que  c'est  peut-éire  la  dernière  fois  qu'on  le  verra  lel  que  je 
Tai  vu,  car  on  entend  parler  ici  d'un  imprésario  proposant  aux 
naïfs  acl«ors  d'Obcr-Ammcrgau  des  rcprésenlations  dans  diverses 
villes  du  continent. 

Seigneur,  épargnez-leur  celle  aventure!  Epargnez-nous  ce 
mélancolique  spectacle  :  Jésus-Christ  en  tournée,  saint  Pierre 
errant  de  capitale  en  capitale,  —  et  la  sainte  Vierge  à  l'Hippo- 
drome! Marcel  Prévost. 


ALBERT  DUBOIS-PILLET  MORT 

Dubois-Pillel  est  monde  la  variole  à  l'hôpital  mixte  du  Puy,  le 
18  août  malin.  —  Vers  1886,  après  une  longue  période  de  colo- 
riages quelconques  et  un  court  stage  impressionniste,  il  adopta, 
après  MM.  Seurat,  Signac  et  Pissarro,  la  technique  néo-impres- 
sionniste, dont  il  adultéra  souvent  la  pureté,  cl  l'élégance  vaporeuse 
de  sa  manière  antérieure  devint  une  élégance  un  peu  roide.  Mais 
toujours,  à  défaut  d'un  style  vigoureux  et  expansif,  une  évidente 
sincérité,  l'habile  choix  des  thèmes  et  l'imprévu  des  dispositifs 
vivifiaient  son  art.  11  fut  l'un  des  fondateurs  de  la  Société  des 
Artistes  indépendants  (il  juin  1884),  et  figura  deux  fois  aux 
Salons  vingiistes,  comme  invité.  Cet  homme  lettré,  spirituel  et 
cordial  était  né,^e  2o  octobre  1845,  à  Paris,  où  il  vécut,  et  dont  il 
célébra  les  édificé's  et  le  fleuve.  Il  s'était  (fin  1889)  établi  au  Puy 
en  qualité  de  chef  d'escadron,  commandanl  la  gendarmerie  de  la 
Hautc-Loirc.  Au  surplus,  la  biographie  et  le  catalogue  de  Dubois 
sont  établis,  et  1res  précisément,  par  M.  Jules  Christophe,  dans  le 

n"  370  des  Hommes  d'aiijourd^hui: 

F.  Fénéon. 


-fHROmqUE    JUDICIAIRE    DE?    ^RT? 

A  Monaco. 

La  Société  des  bains  de  mer  de  Monaco,  après  avoir  commandé 
au  sculpteur  Slocchi  quatre  statues  destinées  à  orner  une  Ijaçade 
du  Casino  de  Monte-Carlo,  refuse  de  lui  remettre  les  monacos  sti- 
pulés, —  du  moins  ceux  de  la  quatrième  statue,  qu'elle  refuse 
avec  la  désinvoliure  d'une  simple  commission  des  Beaux-Arts. 

Quant  aux  deux  premières  statues,  elle  les  a  acceptées,  les  a 
payées,  puis  les  a  trouvées  i  nfecles  et  les  a  détruites.  Terrible- 
ment irrité  de  ges  procédés  barbares,  le  sculpteur  assigne  la 
Société.  Il  réclame  le  solde  de  son  élai,  soil  4,ti00  francs,  plus 
10,000  francs  de  dommages-inlérêis  pour  le  tort  que  lui  a  causé 
la  destruction  de  deux  de  ses  œuvres.  Et  voici,  en  résumé,  la  déci- 
sion du  tribunal  supérieur  de  Monaco,  rendue  le  14  mars  der- 
nier : 

Attendu  que  la  Sociéié  a  traité  ferme,  sans  aucune  réserve 
quant  aux  conditions  de  réception  des  œuvres;  qu'elle  savait,  en 


«'adressant  à  Stecchi,  que  jusqu'alors  le  talent  de  cet  artiste  ne 
s'était  jamais  affirmé  dans  la  grande  statuaire  ; 

Qu'elle  était  d'ailleurs  certaine  que,  guidé  par  son  intérêt 
et  soucieux  de  sa  réputation,  le  sculpteur  ferait  tous  ses  efforts 
pour  réussir; 

Qu'elle  a  suivi  sa  foi  que  la  Société  courait  ainsi  la  chance  d'être 
en  possession  d'un  chef-d'œuvre,  comme  aussi  de  n'obtenir 
qu'une  œuvre  médiocre,  peut-être  défectueuse  ;  que  le  prix  était 
fixé  en  conséquence;  qu'enfin,  avant  la  mise  en  place,  la  statue 
originairement  destinée  à  être  envoyée  à  l'usine  de  Vallauris  a 
pu  être  complètement  appréciée, ce  qui  équivalait  à  sa  réception; 

Attendu  que,  dans  ces  conditions,  le  refus  de  la  Société  est 
inadmissible,  et  qu'il  n'y  a  pas  fteu  de  recourir  à  une  expertise 
qui  manquerait  de  pertinence,  comme  les  termes  dans  lesquels  la 
demande  en  est  formulée  manquent  dVprécision  ;  d'où  il  suit  que 
les  4,500  francs  doivent  être  portés  à  l'actif  du  demandeur; 

En  ce  qui  touche  la  demande  de  10,000  francs  de  dommages- 
intérêts  pour  le  tort  causé  au  demandeur  par  la\^eslruction  des 
deux  statues  du  fronton  ; 

Attendu  que  Stecchi  avait  aliéné  et  livré  son  oeuvre  sans 
réserve;  que  la  Société  devenue  propriétaire  des  statues, avait  le 
droit  d'en  disposer  b  son  gré  ;  que,  sans  s'arrêter  à  leuryaleur 
artistique,  la  défenderesse  a  jugé  que  l'effet  ne  répondait  piks  à 
son  allonto  et  nuisait  à  l'harmonie  architecturale  de  son  édifices 
qu'à  son  propre  dommage  et  sans  nulle  intention  de  nuire  au 
demandeur,  elle  a  préféré  détruire  les  statues  ;  qu'il  faut  d'ailleurs 
reconnaître  que  leur  coulage  en  ciment  obligeait  à  les  briser  pour 
les  faire  disparaître  ; 

Qu'en  usant  de  son  droit  dans  la  mesure  indiquée,  la  Société 
n'a  encouru  aucune  responsabilité  qui  la  rende  passible  de  dom- 
mages-intérêts envers  le  demandeur  ; 

Par  ces  motifs. 

Condamne  la  Société  des  Bains  de  mer  à  payer  à  Stecchi  la 
somme  de  4,500  francs  ; 

Déclare  Stecchi  mal  fondé  en  sa  demande  en  10,000  francs  de 
dommages-intérêts. 


pETITE    CHROJ^IQUï: 


Les  concerts  Lamoureux  organisés  en  Hollande,  en  Belgique 
et  dans  le  nord  de  la  France  par  l'inSpresario  Schurmann,  auront 
lieu  dans  Tordre  suivant  : 

A  Rotterdam,  le  16  octobre;  à  Amsterdam  (trois  concerts),  les 
17,  18  et  19;  à  La  Haye  (deux  concerts),  les  20  et  21  ;  à  Haarlem, 
le  22  ;  à  Arnhem,  le  23;  à  LUrecht,  le  24  ;  à  Anvers,  le  25  ;  à 
Bruxelles  (deux  concerts),  les  26  et  29;  à  Liège,  le  27  ;  à  Gand, 
le  28;  à  Lille,  le  30;  à  Roubaix,  le  3l/. 

Les  concerts  auront  lieu  :  à  Roltçrdam,  au  Grand  Théâtre;  à 
Amsterdam,  dans  la  Grande  salle  de  Concert,  et  à  Itruxellcs,  au 
théâtre  de  l'Alhambra. 

M.  lamoureux  fera  entendre  à  Bruxelles  des  fragments  do 
Parsifal,  de  Lohengrin,  de  Tristan,  un  morceau  de  lArlésienuc 
et  une  composition  inédite  de  Delibcs,  etc. 


De  l'Eventail,  quelques  nouvelles  relatives  à  la  Monnaie.  La 
réouverture  se  fera  par  Faust,  dont  voici  la  distribution  : 
M.  Lafarge  (Faust);    M.  Vérin  (Méphislophélès) ;   M.   Bouvet 


(Valentin);  M.  Challel  (Wagner);  M"*"  De  Nuovina  (Marpiierile); 
BI"«  Paulain-Archaimbaud  (Siebel)  ;  M"*  Wallcr  (dame  Marllic). 

Le  lendemain,  spectacle  d'opéra-comique. 

Puis  viendront  les  reprises  d'^sc/rtnH07J(/c  avec  M"'"*  Sanderson 
et  Nardi  ;  do  Roméo  avec  M""  Sanderson  cl  M.  Dupeyron;  de 
Carmen  avec  M"*»  Nardi,  Carrère,  Paujain-Arcliaimbaud  el  Wolf, 
MM.  Dupeyron,  Badiali,  Isouard  ;  de  Manon  avec  M"*  Sanderson; 
de  Don  Juan  avec  M.  Bouvet  (don  Juan),  M.  Senlcin  (Leporello), 
M.  Vérin  (le  Commandeur),  M"*  f)e  Nuovina  (Anna),  M"«  Sybill 
Sanderson  (Zcrline). 

Siegfried  passera  du  8  au  4S  décembre.  Les  directeurs  comptent 
sur  M.  Lafarge  pour  chanter  le  rôle  du  héros.  Il  est  question,  pour 
les  représentations  de  cette  œuvre,  de  l'engagement  do  M"*'  Crcmer 
qui  chanta,  l'an  dernier,  à  Marseille. 


Voici  le  tableau  de  la  troupe  : 
Directeurs  :  MM.  Stoumon  et  Calabrési. 

Chefs  de  service. 

MM.  Barwolf  et  Franz  Servais,  premiers  chefs  d'orchestre; 
Léon  Dubois,  deuxième  chef;  Gravier,  régisseur  général;  Léon 
Herbaut,  régisseur;  Lafont,  maître  de  ballot;  Louis  Barwolf, 
bibliothécaire;  Bullens,  chef  de  la  comptabilité;  Charles  Lom- 
baerls, machiniste  en  chef;  Feignaerl, costumier;  Bardin, coiffeur; 
Colle,  armurier;  Jean  Cloelens,  préposé  à  la  location,  contrôleur 
en  chef;  Maillard,  percepteur  de  l'abonnement;  Devis  et  Lynen, 
peintres-décorateurs. 

Artistes  nu  chant. 

Ténors  .•  MM.  Lafarge,  Dupeyron,  Dclmas,  Isouard,  Froment. 

Barytons  :  MM.  Bouvet,  Badiali. 

Basses  :  MM.  Vérin,  Sentcin,  Challet  et  Chappuis. 

Cantatrices  :  M™»"  De  Nuovina,  Sybill  Sanderson,  Nardi, 
Carrère,  Paulain-Archaimbaud,  Langlois,  Wolf,  Wallcr. 

Artistes  de  la  danse.  ' 

Danseuses  .-  M"*^"  Tereslta  Riccio,  première  danseuse  ;  Ratcro, 
deuxième  danseuse;  Dierickx,  troisième  danseuse. 

Danseurs  :  MM.  Lafoni,  Duchamps,  Ph.  Ilansen  et  Dosmct. 

Huit  coryphées,  trente-deux  danseuses  et  douze  danseurs. 

Orchestre  :  Quatre-vingl-et-un  musiciens  ;  musique  de  scène, 
un  chef  el  vingt  musiciens;  chœurs  :  trente  femmes,  huit  enfants, 
(juaranle-quatre  hommes. 

Vingt  machinistes,  vingt  employés  placeurs  et  ouvreuses;  trente 
habilleurs  et  habilleuses. 

Le  ihcâlre  du  Parc  fora  sa  réouverture  entre  le  10  et  le 
\i  septembre. 

La  direction  du  théâtre  des  Galeries  Saint-Hubert  pa.sse  aux 
mains  de  M.  Camille  Durieux,  l'ancien  chef  d'orchestre  du  théûtre 
(le  la  Bourse  el  le  collaborateur  de  M.  De  Luyck. 

M.  Durit'ux  a  dirigé,  l'année  dernière,  le  théâtre  de  l'Alhanibra 
où  il  a  remporté  plus  d'un  succès. 

Le  Semeur  public  une  intéressante  étude  de  M.  Albert  Troude 
sur  Léon  Cladel.  Voici  la  description  de  la  demeure  de  l'artiste  : 

V  Lcnlcmcnt,  nous  nous  approchons  de  la  demeure  du  maître, 
sombre  maison  bâtie  au  fond  d'une  terrasse  plantée  de  grands 
arbres,  où  l'on  pénètre  par  un  étroit  escalier  de  pierre  creusé  dans 
le  mur  d'alignement.  C'est  sur  sa  terrasse  que  d'habitude,  Cladel 
fait  les  cent  pas  en  rêvant  h  quelque  œuvre  nouvelle. 

Nous  entrons;  le  vestibule  ou  plutôt  l'antichambre  du  roz-de- 


chaùsséc  possède  pour  tout  ameublement  une  Vénus  de  Milo  et) 
plâtre.  Dans  la  salle  à  manger  se  trouvent  des  meubles  fort 
simples  en  bois  sculpté;  aux  murs,  un  polichinelle  à  l'aquarello 
par  Manct,  avec  dédicace,  un  Baudelaire  gravé  h  l'eau-forle;  un 
portrait  de  Cladel  à  l'âge  de  dix-neuf  ans,  peint  dans  le  goût- do 
Flandrin  et...  c'est  tout. 

Dans  le  salon,  autre  ameublement  fort  modeste  aussi  :  très  beau 
portrait  du  maître,  par  Carolus  Duran;  portrait  de  Victor  Hugo, 
celui  de  fioncoiirt  par  Bracquemond,  et  une  magnifique  épreuve  do 
Cladel,  k  l'eau-forte,  par  le  célèbre  graveur  ;  puis  un^dessin  repré- 
sentant Monlauhan-Tu-Ne-Le-Sanras-Pas  couché  sous  un  arbro 
au  milieu  des  champs  pendant  un3  tempête  el  du  au  crayon  de 
Legros,  ainsi  qu'un  nouveau  portrait  du  fils  unique  de  ce  modèle 
des  Compagnons  du  Devoir,  tout  à  côté.  Puis,  sur  la  cheminée, 
buste  du  même,  par  Arthur  d'Echérac;  sur  un  meuble,  le  Baiser, 
par  Rodin,  et  au  dessus  du  piano,  tête  de  Damné  on  plâtre,  frag- 
ment de  la  fameuse  «  porte  »  dont  on  parle  tant  sans  l'avoir  vue; 
enfin,  un  portrait  de  famille,  le  conventionnel  Jean-Bon  Saint- 
André,  par  David,  datant  de  l'an  III  de  la  République,  avec  cette 
épitapho  latine  du  grand  peintre  de  la  Révolution  française  : 

Donum  amicitiœ  solatium  amoris,  David  faciebat  in  vincli.is, 
anno  R.  p.  3,  479.-).  —  Messidoris  20. 

Tout  cela  n'est,  certes,  pas  banal.  Rien  n'est  plus  beau,  à  mon 
avis,  que  le  Cladel  de  Bracquemond.  Vous  retrouverez  là  dans 
toute  sa  noblesse  le  Seigneur-Christ  fjtigué,  tendre,  compatis- 
sant, dont  je  vous  parlais  tout  à  l'heure,  le  Dieu  secourable  qui 
semble  gémir  sur  les  malheurs  du  monde  et  cherche  à  consoler. 
Cladel,  en  effet,  est  un  grand  consolateur.  Pas  un  jeune  débu- 
tant n'est  venu  le  trouver  qu'il  n'ait  reçu  conseils  et  encourage- 
ments salutaires.  Ses  œuvres  nombreuses  sont,  d'autre  pari,  on  le 
sait,'d'admirables  plaidoyers  en  faveur  dos  humbles,  dos  obscurs, 
des  opprimés,  ses  pères,  dit-il  avec  quelque  orgueil.  » 

Un  concours  vient  d'être  ouverlà  Vicnn?,  pour  l'exécution  du 
monument  â  la  mémoire  de  Mozart.  Dos  prix  de  8,000,  1,000  ol 
.^)00  florins  seront  décernés  aux  trois  moil leurs  projets. 


Il  paraît  que  Gœlhe  était  à  la  fois  poète  et  musicien. 

A  la  dernière  réunion  de  YJssofintion  Gœthe,  à°  Weimar. 
M.  le  conseiller  do  la  cour  Ruiand  a  lu  une  communication  qui 
produit  dans  le  monde  musical  une  véritable  sensation. 

Il  paraiirait  qu'en  opérant  récemment  le  classement  de  l,i 
bibliothèque  de  Gœlhe  au  musée  national  qui  porte  son  nom,  on 
a  trouvé,  au  fond  d'une  armoire  oubliée,  plusieurs  cahiers  de 
musique  écrits  de  la  main  de  Gœlhe,  entre  autres  dos  devoirs 
d'harmonie  et  des  arrangements  pour  quatuor  d'œuvres  do 
Bach. 

Toute  une  collection  d'ouvrages  de  musique  classique  était 
également  enfouie  dans  cette  armoire  :  pièces  religieuses  et  dra- 
matiques d'anciensinaîlros  italiens,  compositions  de  Bach  pour 
orgue,  etc.  La  plus  grande  partie  do  cette  musique  provient  do 
Leipzig.  Celle  découvx'rte  va  singulièrement  modifier  l'opinion 
que  les  biographes  ont  répanduo  dans  le  public  au  sujol  du  pou 
de  goût  musical  qu'avait  le  grand  poète  allemand. 

Œdipe  et  le  Sphyvx,  le  Jeune  homme  et  la  Mort,  DioméJ,- 
dévoré  par  ses  chevaux,  lEnlèvemeut  d'Europe.  Prométhee. 
Jason,  Orphée,  diverses  Sapho,  ta  Naissance  de  Vénus,  Mol-i,- 
exposé  sur  le  Nil,  Hercule  et  l'hydre  de  Lerne,  la  Chimère,  la 
Péri,  le  Bon  Samaritain,  wnc  Descente  d-i  croix,  xini^  Pifti,  bi 
Sainte  el  le  Poète,  Saint- Georges,  Salomé,  l'Apparition  :  do  ces 
peintures,  de  ces  aquarelles,  de  ces  dessins  de  M.  Gustave  Moreai 
on  trouve  un  choix  de  bonnes  photographies  chez  MM.  Dietrich 
et  Ce,  Montagne  de  la  Cour,  75. 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


LIGNE   D'OSTENDE-DOUVRES 


La  plus  courte  et  la  moins  coûteuse  des  voies  extra-rapides  entre  le  Continent  et  TAngleterre 


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Vienne  à  Londres  en. 
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Milan  à  Londres  en  . 


36  heures. 
24       » 
33       " 


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D'Ostende  à  5  h.  29  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  31  soir.  —  De  Douvres  à  midi  15,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

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PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS 

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partant  jouruellement  d'OSTENDE  à  5  h.  29  matin  et  11  h.  10  matin;  de  DOUVRES  à  midi  15  et  10  h.  15  soir. 

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et  entre  LONDRES    ou   DOUVRES  et  toutes  les  grandes  villes  de  l'Europe. 


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"  Spécial  cabine,  28  francs;  Cabine  de  luxe,  75  francs. 

Pour  la  location  à  l'avance  s'adresser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  (Quai)  ou  à  l'Agence  des  Cherfiins  de  fer  de  VÉtat'Belge 
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Entre  les  principales  villes  de  la  Belgique  et  Douvres,  aux  fêtes  de  Pentecôte  et  de  l'Assomption. 

AVIS.  —  Buffet  restaurant  à  bord.  —  Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  —  Accostage  à  quai  vis-à  vis  des  stations  de  chemin  de 
fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits).—  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  —   Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Directioti^  de  lEorploitation  des  Chemins  de  fci'  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  l'Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l'Êtat-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Qracechurch-Street,  n»  53,  à  Londres,  à  V Agence  de  Chemins  de  fer 
de  VÊiat,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vrancken,  Domkloster,  n»  i,  à  Cologne. 


chez  MM.  SCIIOTT  frères,  82,  Montagne  de  la  Cour,  Bruxelles. 

L'OR  DÛ  RHIN 

DE 

RICHARD  WAGNER 

Version  fi-ançalse  de  Victor  "WILDER 

Partition    pour   chant   et   piano,    réduite   par   R.    Kleinmichel 
PRIX  NET  :  20  Francs 

—  -    -  '  I  j 

JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 

—  Bibliographie.  —  Législation.  —  Notariat. 

HUTIJÎUF  ANNÉB. 

Abonnements  |  Belgique,  18  francs  par  an. 
(  étranger,  23  id. 

Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 


LA     ^V^A.LLONIE 

Revue  mensuelle  de  littéraire  et  d'art 
5"  Année  Q 
Directeurs  :  MM.  A.  MOCKEL  et  P. -M.  OLIN. 

Bureaux  \   '\  ^'^^*>  ''"*  S'A^^"''*'  ^• 

(  a  Bruxelles,  Aventie  Louise,  317. 

ABONNEMENTS  :   5  francs  l'an  ;  Union  postale,  fr.   6-50 


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Paris  1867, 1878, 1«'  prix.  —  Sidney,  seuls  1"  et  2«  prix 
CIPOSITIOIS  ÂISTEROil  1883,  ilTERS  188$  DIPLOME  D'HOnEUl. 

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Breitkopf  et  Hartel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 

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TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-G.  Lobe. 

Traduit   de   l'allemand   (d'après   la  5«  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8".  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  ouvrages  d'enseignement  musical  les  plus 
estimés  en  Allemagne. 


BruxeUes.  —  Imp.  V  Monkom,  26,  rue  de  Vlndu«trie. 


Dixième  année.  —  N"  liô. 


Lk  numéro  :  26  centimes. 


Dimanche  31  Août  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Émilb  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,    un   an,    fr.    10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES   :    On    traite  à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  rindustrie,  26,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


Un    article  net.  —   Prouduon   et   la   Belgique,  pour   faire 

SUITE  A  LA  BeLGIQUK  JUGÉE  PAR  BAUDELAIRE.  CoNKIANCE  EN  SOI- 
MÊME.  Traduction  inédite  de  l'anglais  d' Emerson,  par  une  incon- 
nue (suite).  —  Conseils  aux  collectionneurs  qui  fréquentent 
l'Hotel  Drouot.  —  Chronique  judiciaire  des  arts.  Marat  dans 
sa  baignoire.  —  Petite  chronique. 


UN  ARTICLE  NET 

L'article  d'Octave  Mirbeau,  dans  le  Figaro,  sur  Mau- 
rice Maeterlinck  nous  a  beaucoup,  mais  heureusement, 
surpris. 

D'ordinaire  ce  journal  ne  consacre  que  des  réputa- 
tions  consacrées,  si  toutefois  il  consacre.  Le  gros 

public  français  et  belge  prétend,  en  le  lisant,  se  tenir 
au  courant  des  choses  littéraires.  Dans  sa  revue  biblio- 
graphique M.  Philippe  Gille  cite  à  tort  et  à  travers 
quelques  extraits  des  romans,  ni  bons  ni  mauvais,  qui 
paraissent;  les  lecteurs  s'approvisionnent  la  mémoire 
de  quelques  noms  et  de  quelques  titres  de  volumes  à 
fr.  3-50,  et  voilà.  Quant  à  M.  Albert  Wolff'et  M.  Henry 
Fouquier,  ils  jettent  les  pots  à  eau  du  bon  sens  bour- 
geois, hebdomadairement,  à  la  tète  des  artistes.  Toute 
originalité,  tant  littéraire  que  picturale,  leur  déplaît. 


Leurs  articles  sont  des  délayages  d'axiomes  usés  et  de 
jugements  veules.  Ils  font  des  besognes  de  ménagères; 
ils  ont  des  recettes  pour  remplir- leurs  deujç  colonnes  de 
prose,  comme  Cross  et  Blackwell  ont  des  recettes  pour 
accommoder  leur  marmelade  au  goût  de  tous.  Ils  sont 
universels,  dans  le  sens  honteux  de  ce  mot. 

Or,  voici  que  tout  à  coup,  dans  ce  même  Figaro,  un 
premier-Paris,  enthousiaste,  sincère  et  hardi,  est  arboré, 
avec  le  nom  d'un  inconnu  comme  étiquette.  Rien  qui 
sente  la  réclame.  C'est  jeune,  vif,  généreux,  ardent  et 
clair.  On  aime  à  lire  et  à  relire  l'article,  ne  fût-ce  que 
pour  se  persuader  que  malgré  toute  la  misère  et  la  veu- 
lerie du  journalisme,  il  ekt  encore,  même  dans  les 
gazettes  boulevardières,  des.  gens  de  plume  chevale- 
resquç  et  de  fierté  nette.  DésigbeïLXstdmirable  drame  de 
laj*rincesse  Maleine,  le  marquer  chef-d'œuvre,  le 
mettre  à  sa  place,  très  haut  —  et  crier  tout  cela  sim- 
plement mais  fermement,  à  tous  les  facteurs  et  à  tous 
les  habiles  metteurs  en  actes  du  boulevard,  qui,  s'ils 
lisaient  le  drame,  n'en  comprendraient  rien  et  le  décla- 
reraient un  enfantillage,  c'est  une  action  bonne  et  belle. 
Cela  rachète. 

«  Lm  Princesse  Maleine  est  un  drame  écrit,  ainsi  que 
le  déclare  l'auteur,  pour  un  théâtre  de  fantoches. 
Raconter  ce  drame  dans  ses  détails  ?  Je  ne  le  puis.  Ce 
serait  en  gâter  le  charme  immense,  en  atténuer  l'im- 
mense terreur  où  il  jette  les  âmes.  Il  faut  le  lire,  et 


quand  on  l'a  lu,  le  relire  encore.  Je  crois  que,  pour  ma 
part,  je  le  relirai  toujours.  Jamais,  dans  aucun  ouvrage 
tragique,  le  tragique  n'atteignit  cette  hauteur  vertigi- 
neuse de  l'épouvante  et  de  la  pitié.  Depuis  la  première 
scène  jusqu'à  la  dernière,  c'est  un  crescendo  d'horreur 
qui  ne  se  ralentit  pas  une  seconde  et  se  renouvelle  sans 
cesse.  Et  le  livre  fermé,  cela  vous  hante,  vous  laisse 
effaré  et  pantelant,  et  charmé  aussi  par  la  grâce  infinie, 
par  la  suavité  triste  et  jolie  qui  circule  à  travers  cet  eff'roi. 
Pour  arriver  à  cette  impression  d'effroi  total,  M.  Maurice 
Maeterlinck  n'emploie  aucun  des  moyens  en  usage  dans 
le  théâtre.  Ses  personnages  nedébitentaucune  tirade.  Ils 
ne  sont  compliqués  en  rien,  ni  dans  le  crime,  ni  dans 
le  vice,  ni  dans  l'amour.  Ce  sont,  tous,  de  petites  âmes 
embryonnaires  qui  vagissent  de  petites  plaintes  et  pous- 
sent de  petits  cris.  Et  il  se  trouve  que  les  petites  plaintes 
et  les  petits  cris  de  ces  petites  âmes  sont  ce  que  je  con- 
nais de  plus  terrible,  de  plus  profond  et  de  plus  déli- 
cieux ,~au  delà  de  la  vie  et  au  delà  du  rêve.  C'est  en  cela 
que  je  crois  la  Princesse  Maleine  supérieure  à  n'im- 
porte lequel  des  immortels  ouvrages  de  Shakespeare. 
Plus  tragique  que  Macbeth,  plus  extraordinaire  de 
pensée  que  Hamlet,  elle  est  d'une  simplicité,  d'une 
familiarité  —  si  je  puis  dire  —  par  où  M.  Maurice 
Maeterlinck  se  montre  un  artiste  consommé,  sous  l'ad- 
mirable instinctif  qu'il  est  :  et  la  poésie  qui  encadre 
chacune  de  ces  scènes  d'horreur  en  est  tout  à  fait  ori- 
ginale et  nouvelle  ;  plus  que  cela  :  véritablement  vision- 
naire. 

«  Avant  la  Princesse  Maleine,  M.  Maurice  Maeter- 
linck avait  publié  (S^erres  chaudes,  d'étranges  et  souvent 
admirables  poèmes.  Tout  l'art  si  absolument  réalisé 
depuis  dans  la  Princesse  Maleine  s'y  troiiyj^  contenu, 
à  l'état  de  minerai,  pour  ainsi  dire,  mais  un  minerai 
d'une  abondance  incroyable  et  d'une  excessive  richesse. 
Il  y  a  là,  vraiment,  parmi  beaucoup  de  choses,  peut- 
être  inutiles  et  trop  touffues,  des  sensations  encore  iné- 
dites dans  la  littérature;  il  y  a  là,  vraiment,  de  l'inex- 
primé. Si  jamais  un  critique  s'avise  par  hasard  d'ouvrir 
ce  livre,  il  est  probable  qu'il  accusera  l'auteur  d'être 
obscur  et  même  décadent.  Et  il  se  livrera  à  de  très 
anciennes  plaisanteries  dont  là  facilité  vulgaire  réjouit 
toujours  les  sots  et  les  gens  de  bon  sens.  La  vérité  est 
que  personne  n'a  plus  de  clarté  dans  le  verbe  que 
M.  Maeterlinck.  Pour  le  comprendre  en  l'intimité  de  sa 
pensée  et  l'étrangeté  de  ses  analogies,  il  faut,  en  quelque 
sorte,  épouser  ses  états  d'âme  et  se  vivre  en  lui,  comme 
lui-même  se  vit  dans  les  choses.  Ce  n'est  qu'une  affaire 
d'intelligence  ;  une  affaire  d'âme  aussi,  noij  pas  même 
d'âme  sœur  de  la  sienne,  mais  d'âme  qui  à  senti  quel- 
quefois comme  la  sienne.  Alors,  ce  livre  s'illumine  et 
.  nous  illumine  de  clartés  éblouissantes.  Et  l'on  n'est  plus 
étonné  que  de  ceci  :  c'est  de  n'avoir  pas  su  soi-même, 
tant  elles  paraissent  familières  et  simples,  donner  à  ces 


pensées,  à  ces  visions,  à  ces  sensations,  la  forme  inat- 
tendue et  lumineuse  et  délicieuse  suprêmement  qu'elles 
revêtent,  sans  cesse,  sous  la  plume  de  ce  sensitif  vibrant 
qui  est,  en  même  temps,  un  merveilleux  et  unique 
artiste. 

«  Je  voudrais  pouvoir  citer,  pour  la  joie  d'un  lecteur 
lointain  et  inconnu,  beaucoup  de  poèmes  de  ces  Serres 
chaudes,  car  l'impression  de  trouble  et  de  délices  où 
ils  laissent  l'esprit,  se  ressent  mieux,  se  goûte  mieux 
qu'elle  ne  s'exprime  en  vaines  phrases.  Par  exemple,  je 
voudrais  citer  V Hôpital,  où  la  réalité  est  décrite,  évo- 
quée, ressuscitée  —  avec  quel  mystère,  avec  qu'elle  pré- 
cision mélancolique  et  tragique  !  —  par  les  cauchemars 
vagabonds  d'un  malade;  ou  bien  cet  autre  poème  : 
Cloche  à  plongeur,  qui  est,  en  ses  analogies  choisies  et 
douloureuses,  le  plus  poignant  cri  de  désespérance  de 
l'homme  enfermé  dans  la  prison  de  sa  matérialité,  alors 
qu'autour  de  lui  passent  les  rêves  qu'il  n'atteindra 
jamais.  Malheureusement,  je  n'ai  pas  la  place  qu'il  me 
faudrait.  C'est  surtout  dans  Regards  que  le  talent  de 
M.  Maeterlinck  se  présente  le  mieux,  avec  tous  ses 
caractères  de  sensibilité  intense,  profonde,  nouvelle.  » 

Toutefois,  M.  Octave  Mirbeau  se  trompe  s'il  croit 
^-  comme  il  l'affirme  —  qu'aucun  critique  ne  s'est  jus- 
qu'ici occupé  de  M.  Maurice  Maeterlinck.  Tous  les 
journaux  d'art,  en  Belgique,  ont  longuement  analysé 
et  loué  les  Setyes  chaudes  ^t  la  Princesse  Maleine. 
Ici,  même,  il  y  a  quinze  jours  à  peine,  on  exprimait  des 
idées  assez  semblables  aux  siennes,  en  mettant  en  paral- 
lèle avec  les  drames  shakespeariens,  le  drame  qu'il 
loue  aujourd'hui. 

Il  nous  plaît,  en  terminant,  de  rapprocher  l'article 
de  M.  Octave  Mirbeau  de  celui  de  M.  Paul  Adam,  paru 
dans  les  Entretiens  politiques  et  littéraires.  Celui-ci, 
également,' dans  une  de  ses  phrases,  semble  viser  «  la 
plume  gantoise  »  de  M.  Maurice  Maeterlinck.  Il  en  dit 
tant  de  mal  —  c'est,  de  reste,  son  droit  —  qu'il  nous 
fait  sourire  —  ceci,  c'est  notre  droit.  L'article  de 
M.  Paul  Adam  est  très  outré  et  d'une  abracadabrance 
réjouissante.  Nous  l'avons  lu  avec  indifférence  car  nous 
admettons  parfaitement  qu'on  soit  excessif  et  injuste 
contre  les  forts.  Cette  injustice  ne  fait  tort...  qu'aux 
autres,  un  jour.  Et  cela  nous  plaît.  '^ 

Au  reste,  que  les  jeunes  écrivains  parisiens  montrent 
les  dents  aux  jeunes  écrivains  belges,  c'est  si  bien  dans 
la  mesquine  logique  humaine.  L'esprit  de  clocher  règne 
autour  de  Notre-Dame,  aussi  bien  qu'à  Carpentras  ou 
à  Etampes. 

Passons.  Et  ne  voyons  dans  ces  deux  articles,  qui 
entrecroisent  leurs  attaques  et  leurs  louanges,  que  le 
triomphe  d'un  poète.  . 


J 


PROUDHON  ET  LA  BELGIQUE 

pour  faire  suite  à 
LA    BELGIQUE    JUGÉE    PAR   BAUDELAIRE. 

(Voir  l'Art  moderne,  1890,  p.  232  et  suivantes). 

A  propos  de  l'âpre  et  outrance  pamphlet  préparé  contre  la 
Belgique  par  Baudelaire,  et  resté  à  l'état  de  notes  de  police,  vio- 
lentes comme  des  dénonciations,  nous  avons  rappelé  que 
Proudhon,  lui  aussi,  avait  émis  à  notre  sujet  des  remarques  très 
dures. 

Nous  avons  eu  la  curiosité  de  rechercher  ces  vieilles  impré- 
cations. Elles  sont  de  1862.  L'illustre  socialiste,  le  fondateur  le 
plus  en  vue  de  l'évolution  ouvrière,  qui  lentement  roule  U  l'écrase- 
ment de  l'organisation  bourgeoise,  était  chez  nous  en  exil  pour 
son  livre  fameux,  et  resté  si  beau  dans  quelques-unes  de  ses 
parties  :  La  Justice  dans  la  Révolution  et  dans  l'Eglise.  A  ce 
propos,  disons  pour  compléter  un  détail  resté  indécis  dans  notre 
article  sur  Baudelaire,  que  celui-ci  était  en  Belgique  pour  prescrire 
les  mois  de  prison  qu'on  lui  avait  stupidement  infligés  pour  ce 
dominant  chef-d'œuvre  :  les  Fleurs  du  mal,  incriminé  d'outrage 
aux  moeurs  et  à  la  religion,  à  la  Gion  comme  dit  Stendhal  dans 
sa  curieuse  autobiographie  qui  vient  de  paraître  sous  le  titre  : 
f^ie  de  Henri  Brulard  (1).  Proudhon  collaborait  à  l'Office  de 
Publicité,  journal  hebdomadaire,  à  cette  époque  très  lu,  et,  ma 
foi,  souvent  très  intéressant.  Il  publia,  dans  le  numéro  du  7  sep- 
tembre, un  article  étendu  intitulé  :  Garibaldiet  V Unité  italienne, 
hautement  pensé  et  vigoureusement  écrit  en  excellent  style 
Proudhonien,  style  de  sculpteur  en  phrases.  Il  y  échappait  au 
brutal  polémiste  des  invectives  contre  diverses  de  nos  belles 
institutions,  des  invectives  d'assommeur,  dont  plus  d'une  bien 
appliquées.  Entre  autres  :  «  Braves  journalistes  belges  qui  ne 
savez  qu'emplir  vos  colonnes  de  tartines  parisiennes,  écrites  entre 
deux  chopes  ».  Puis,  dans  une  prosopopée,  où  il  s'adressait  à 
Napoléon  III,  le  conviant  à  une  annexion  de  la  Belgique,  dans 
une  forme  ironique  qui  fut  prise  au  sérieux  par  Louis  Defré, 
patriote  professionnel  comme  on  sait,  et  porte-parole  des  braban- 
çonneux,  Proudhon  disait,  terriblement  :  «  La  Belgique  vous 
attend,  il  faut  le  croire  :  là,  comme  chez  nous,  et  plus  encore 
que  chez  nous,  le  peuple  jeûne  et  rêve,  la  bourgeoisie  digère  cl 
ronfle,  la  jeunesse  fume  et  fait  l'amour,  le  militaire  s'ennuie, 
l'opinion  reste  vide  et  la  vie  politique  s'éteint.  Déjà  le  commerçant 
et  l'industriel  ont  supputé  ce  qu'ils  gagneraient  à  l'annexion  ». 

Adressées  à  des  Béotiens,  peu  versés  (à  cette  époque)  dans  les 
artifices  littéraires,  à  ceux  dont  peu  après  Baudelaire  devait  dire  : 
Ils  ont  la  haine  de  la  littérature,  ces  fusées  provoquèrent  une 
explosion.  Joseph  Boniface  se  réveilla  dans  Louis  Defré,  des 
manife^ions  eurent  lieu  devant  l'humble  logis  de  Proudhon,  le 
suave  et  doux  Van  Bcmmel  lui-même,  introducteur  en  un  temps 
lointain  des  poètes  timides  et  des  jeunes  écrivains  élégants,  se 
mit  en  colère,  et  le  grand  démocrate  français,  coupable  d'employer 
des  Iropes  trop  peu  à  la  portée  de  ses  lecteurs,  dut  quitter  le  pays 
comme  un  simple  Victor  Hugo.  Il  fut  expulsé  pour  crime  d'élo- 
quence incomprise. 

(1)  Voir  le  jugement  condamnant  Baudelaire,  cité  dans  notre 
numéro  du  4  novembre  1888,  à  f)ropos  du  procès  de  VEnfant  du 
Crapaud,  par  Camille  Lomonnier. 


Ce  ne  fut  pas,  on  le  pressent,  sans  que  le  sanglier  se  retournât 
et  envoyât  quelques  coups  de  boutoir  à  la  meute  qui  le  mordait 
aux  jambes.  Tous  les  documents  relatifs  à  cet  épisode  ont  été 
réunis  dans  une  grosse  brochure  publiée  par  Dentu,  à  Paris, 
en  4862,  sous  le  titre  :  la  Fédération  et  l'Unité  en  Italie,  par 
P. -J.  Proudhon;  quelques-uns  y  ont  été  tronqués  par  crainte  du 
gouvernement  impérial.  Dans  un  article  écrit  de  Paris,  le 
1*'  octobre  1862:  la  Presse  belge  et  l'Unité  italienne,  et  plus 
spécialement  dans  un  paragraphe  intitulé  :  la  Presse  libérale  belge, 
on  lisait  entre  autres  :  «  L'honorable  Boniface,  et  vous,  Messieurs 
delà  presse  libérale,  qui  vous  croyez  libres  parce  que  votre  sac 
est  vide  et  qui  n'êtes  que  des  maraudeurs  politiques  ».  — 
«  Boniface,  pamphlétaire  maladroit,  qui,  dans  votre  ardeur  de 
dénonciation,  ne  prenez  garde  ni  à  ce  que  dit  votre  adversaire,  ni 
à  ce  qu'il  est  ».  —  Et  plus  loin  :  «  Certes,  Boniface,  ce  n'est  pas 
trop  mal  raisonné  pour  un  ancien  élève  de  l'Université  catholique 
de  Louvain,  devenu  plus  tard  libéral,  déiste,  fourriériste  même, 
et  dont  le  mandat  législatif  devra  être  renouvelé  aux  prochaines 
élections.  Priez  le  nouveau  Dieu  que  vous  adorçz,  ce  Dieu  doctri- 
naire qui  ne  diffère  de  celui  des  cléricaux  que  parce  qu'il  n'y  a  en 
lui  ni  Esprit,  ni  Verbe  ».  —  Et  encore  :  «  Gardez-vous,  bourgeois 
de  Belgique,  de  ces  jeunes  doctrinaires  qui  s'arrogent  en  ce 
moment  le  privilège  du  patriotisme;  qui  vous  parlent,  comme 
Joseph  Boniface,  de  vous  ensevelir  dans  l'immortalité  de  la  mort, 
et  qui,  au  jour  des  catastrophes,  seraient  les  premiers  à  vous 
donner  le  signal  de  la  résignation  ».   . 

L'écrit  qui  valait  à  Louis  Defré  ces  violences  avait  pour  litre  : 
la  Belgique  calomniée.  Réponse  à  M.  Proudhon.  ' 

La  brochure  de  Dcntu  contient,  en  appendice,  diverses  noies, 
nolamrhent  une  note  C  où  Proudhon  apprécie  la  presse  belge.  En 
voici  quelques  curieux  extraits  qui  paraîtront  peut-être  comme 
vrais  aujourd'hui,  après  vingt-huit  ans  de  soi-disant  progrès  dans 
les  moeurs  journalistiques  : 

«  Une  des  plus  grandes  misères  de  la  presse  en  Belgique  :  les 
journaux  se  classant  tous  dans  l'une  ou  l'autre  de  ces  deux  caté- 
gories, libérale  ou  cléricale,  on  peut  parier  d'avance  et  presque  à 
coup  sûr,  que  si  une  idée  est  embrassée  par  un  des  principaux 
organes  de  l'un  ou  de  l'autre  parti,  tous  les  journaux  de  la  même 
opinion  se  rangeront  de  son  côté,  pendant  que  les  journaux  du 
parti  contraire  se  réuniront  contre  lui.  Le  libéral  et  le  clérical 
s'excommunient  réciproquement  :  rien  de  ce  que  dit  l'un  ne  peut 
être  vérité  pour  l'autre.  Les  rédacteurs  d'opinion  opposée  se 
lisent  les  uns  les  autres,  il  le  faut  bien  ;  le  public  est  inflexible 
dans  son  intolérance  :  il  ne  connaît  que  les  siens.  En  sorte  que^, 
dans  cette  Belgique  si  Iil)re,  la  liberté  des  opinions  est  plus  nomi- 
nale que  réelle.  C'est  un  exemple  qui  peut  servir  à  prouver  que, 
pour  asservir  la  pensée,  on  n'a  pas  rigoureusement  besoin  de  lois 
de  répression,  ni  de  cautionnement,  ni  de  timbre,  ni  de  censure 
préalable,  ni  d'avertissements. 

«  La  cause  de  celte  nullité,  à  quelques  exceptions  près  géné- 
rale, de  la  presse  en  Belgique,  lient,  selon  moi,  au  caractère 
même  de  la  nation.  J'ai  écrit  quelque  part,  dans  une  biographie 
qui  m'a  valu  force  compliments,  parce  que  diaque  Belge  en  la 
lisant  croyait  s'y  reconnaître,  que  la  Belgique  était  avant  tout 
bourgeoise.  C'est  la  bourgeoisie  qui  règne  et  gouverne,  qui  pense 
et  qui  agit,  comme  elle  entreprend,  trafique  cl  possède.  La  noblesse 
n'existe  plus  depuis  longtemps;  la  plèbe  donne  à  peine  signe  de 
vie.  Celte  bourgetoisie  a  conservé  de  ses  anciennes  mœurs  quelque 
chose  de  hautain,  qui  lui  fait  rejeter  sur  le  second  plan  les  tra- 
vaux de  rinlelligence,  notamment  la  littérature,  à  plus  forte 
raison  les  journaux.  Aujourd'hui,  comme  au  temps  de  Descaries, 
de  Spinosa,  de  Voltaire,  la  production  cl  la  circulation  des  idées 
sont,  pour  un  Belge  de  la  vieille  roche,  article  de  curiosité  et  de 
commerce,  mais  doni  il  ne  se  soucie  pas  autrement.  Le  journal 


./ 


n'est  pour  lui  qu'un  moyen  d'information,  dcpubliciK'',  dont  il  se 
sert  pour  défendre  ses  irlées  ei  ses  intérêts,  afaqucr  ses  ennemis, 
que  lui-même  inspire  par  con-^équenl,  el  qui  ne  le  gouverne  pas. 
Sans  doute,  il  existe  une  puissance  d'opinion  en  Belgique,  mais 
elle  vient  des  mœurs  el  ne  doit  rien  aux  journaux.  Il  en  résulte 
que  la  position  de  ceux-ci,  comme  fonction  sociale  el  comme 
expression  de  la  pensée  du  pays,  est  secondaire;  que  pas  un 
n'os»'rait  rompre  en  visière  avec  le  sentiment,  général,  el  que  la 
vérité  est  cODslumménl  subordonnée  par  eux  au  convenu. 

M  Ainsi  subalternisée,  la  presse  est  condamnée  à  se  mouvoir 
exclusivement  dans  le  cercle  qui  lui  est  tracé  d'en  haut  par  la 
bourgeoisie,  grande  et  petite,  à  peine  de  se  voir  imméfiialemeni 
abandonnée.  Les  gens  de  lettres  qui  se  livrent  à  la  profession  de 
journalistes  n'obtiennent  qu'une  considération  médiocre;  le  par- 
ticulier aisé  qui,  par  dévouement  k  une  opinion,  se  fait  rédacteur 
de  gazelle,  semble  déchoir;  et,  comme  la  conscience  chez  l'homme 
tend  toujours  à  se  mettre  de  niveau  avec  l'opinion  qu'on  a  de  lui, 
il  arrive  qu'en  Belgique,  parmi  des  journalistes  fort  honorables, 
se  rencontrent  des  induslritls  dont  la  vénalité,  les  habitudes  de 
chantage  el  l'insolence  atteignent  un  degré  qui  ne  s'observe  nulle 
pari. 

«  Le  journaliste  n'élaot  qu'un  instrument  aux  mains  d'une 
caste,  un  auxiliaire  du  crieur  public,  de  l'avocat,  du  recors,  un 
follicuhiire  gagne-pelit,  comme  nos  écrivains  publics,  se  façonne 
de  lui-même  à  son  triste  métier  :  il  faut  réellement  qu'il  soit  de 
vertu  robuste  pour  ne  pas  dégénérer  tout  à  fait  en  sbire  littéraire. 

«  On  n'est  pas  Thommè  d'une  idée,  on  ne  connaît  plus  d'amis 
quand  on  écrit  dans  une  feuille  belge  ;  on  esl  Flamand  ou  Wallon, 
libéral  ou  clérical,  Gantois,  Liégeois  ou  Anversois  par  dessus 
tout  ;  on  esl  bourgeois,  doctrinaire  même,  quitte  à  se  dédom- 
mager sur  la  politique  étrangère  du  jeûne  forcé  qu'impose  celle  de 
l'intérieur,  et  à  procurer  à  son  pays  le  plus  de  bien  possible  sans 
faire  ombrage  aux  préjugés  nationaux. 

«  La  vraie  vérité  esl  difficilement  accueillie  en  Belgique,  dès 
qu'elle  froisse  l'opinion  reçue  ou  qu'elle  parait  affliger  tant  soit 
peu  les  amours-propres.  La  vérité,  même  la  plus  dure,  dite  à  un 
Anglais,  le  fait  réfléchir,  cl,  si  l'observation  lui  paraît  juste,  il 
tâche,  sans  rien  dire,  de  se  corriger  :  c'est  sa  force.  Le  Français, 
eh  Cas  semblable,  se  met  à  rire,  enchérit  même  sur  la  critique, 
cl  n'en  fait  ni  plus  nTlnoins  :  c'est  sa  faiblesse.  Le  Belge  se  cabre, 
cl  c'est  sonlort.  Aussi  n'cst-il  pas  de  peuple  plus  avide  de  louange 
que  le  peuple  belge. 

«  Enfin,  quant  à  la  dignité  même  du  journaliste,  comment  la 
bourgeoisie  ne  s'apcrçoil-ello  pas  que  les  turpitudes  du  personnel 
chargé^  dans  une  certaine  mesure,  d'exprimer  ses  idées  et  de 
défendre  ses  intérêts,  rejaillissent  sur  elle;  que  le  journalisme 
avili  se  venge  en  corrompant  l'esprit  public  el  que  là  où  la  parole 
est  prostituée,  la  conscience  bientôt  le  sera?  » 

La  même  note  contient  une  appréciation  de  nos  principaux 
journaux,  nommés  un  à  un  et,  un  à  un,  magistralement  accom- 
modés. La  plupart  de  ces  journaux  vivent  encore. 

Ces  rétrospeclivilés  sont  amusantes.  Il  est  surtout  frappant  de 
noter  la  concordance  entre  certains  jugements  de  Proudhon  et  de 
Baudelaire,  et  spécialement  sur  celui-ci,  qui  nous  touche  de  plus 
près,  nous,  artistes,  qui  nous  cflForçons  de  donner  à  la  patrie  cette 
Heur  charmante,  à  la  fois  ornement  el  grâce  :  Une  littérature. 
Le  Belge  a  la  haine  de  la  Littérature. 

A  part  le  petit  groupe  des  esthètes,  comme  c'est  toujours  vrai  ! 


CONFIANCE  EN  SOI-MÊME     / 

TRADUCTION   INÉDITE    DE    L  ANGLAIS    d'EmERSON 

par  nne  Inconnue  (1). 

Que  l'homme  connaisse  sa  valeur  et  qu'il  sache  dominer 
les  choses.  Qu'il  ne  s'en  aille  pas  louchant,  volant,  rôdant  çà  et 
là  avec  l'apparence  d'un  mendiant,  d'un  bâtard  ou  d'un  intrus, 
dans  un  monde  qui  est  fait  pour  lui. 

Mais  l'homme  de  la  rue,  qui  ne  sent  pas  en  lui-même  une  force 
correspondante  à  celle  qui  a  bâti  celle  tour  ou  sculpté  ce  dieu  de 
marbre,  se  sent  pauvre  en  regardant  cela.  Pour  lui,  un  palais, 
une  statue,  un  livre  précieux  ont  un  air  étranger,  ont  l'air  de  lui 
interdire  quelque  chose,  tout  comme  ce  bel  équipage  qui  semble 
lui  dire  en  passant  :  «  Qui  êtes-vous,  monsieur  »?  El  cependant 
tout  cela  sollicite  son  attention,  tout  cela  est  fait  pour  être 
approuvé  par  lui,  tout  cela  s'adresse  à  lui  et  pétitionne  pour  que 
ses  facultés  viennent  en  prendre  possession. 

La  peinture  exposée  là  attend  mon  verdict;  elle  ne  doit  pas 
m'en  imposer,  c'est  moi  qui  dois  fixer  son  droit  à  la  louange. 

Celte  fable  populaire  du  paysan  imbécile  ramassé  ivre-mort 
dans  la  rue,  et  conduit  dans  le  palais  du  duc,  habillé,  couché 
dans  le  lit  de  celui-ci,  puis  traité,  quand  il  se  réveille,  comme  s'il 
était  duc  et  avait  fait  un  mauvais  rêve,  —  celle  fable  doit  sa 
popularité  à  ce  fait  qu'elle  symbolise  bien  l'état  de  l'homme; 
il  est  dans  le  monde  el  la  vie  ordinaire  une  manière  d'idiot,  mais 
il  s'éveille  de-temps  en  temps,  exerce  sa  raison  et  se  trouve  un 
vrai  prince. 

Nos  lectures  sont  pauvres  et  pleines  de  flagorneries.  En  his- 
toire, notre  imagination  nous  trompe.  «  Royaume,  domaine, 
pouvoir,  seigneurie  »,  tout  cela  forme  un  vocabulaire  plus  bril- 
lant que  le  «  Jean  »  et  le  «  Paul  »  des  particuliers  modestes  fai- 
sant, dans  une  petite  maison,  leur  ouvrage  journalier. 

Cependant  les  choses  de  la  vie  sont  les  mêmes  pour  tous,  la 
somme  totale  de  la  valeur  de  «es  deux  hommes  différents  est  la 
même.  Pourquoi  tant  de  déférence  envers  le  roi  Alfred,  Scaoder- 
berg  ou  Gustave-Adolphe?  Supposez  qu'ils  aient  été  vertueux; 
ont-ils  épuisé  la  vertu?  Un  aussi  grand  enjeu  que  celui  qui  dépen- 
dait de  leurs  actions  célèbres,  dépend  de  votre  simple  action 
d'aujourd'hui.  Quand  les''parliculiers  agiront  avec  des  vues  origi- 
nales, la  renommée,  l'éclat,  l'illustration  se  transféreront  des 
actions  des  rois  à  celles  des  simples  gentlemen. 

Le  monde  a  été  instruit  par  ses  rois,  qui  ont  si  longtemps 
magnétisé  les  yeux  des  nations.  11  a  appris  par  ce  symbole  colos- 
sal la  révérence  mutuelle  que  l'homme  doit  k  l'homme.  La  sou- 
mission joyeuse,  la  fidélité  généreuse  avec  laquelle  les  hommes 
ont  permis  aux  rois,  aux  nobles  et  aux  grands,  de  marcher  au 
milieu  d'eux  par  une  loi  qui  leur  fût  propre,  d'arranger  leur 
échelle  de  gens  et  de  choses  au  rebours  de  celle  de  la  généralité, 
de  payer,  non  en  argent,  mais  en  honneurs,  et  de  représenter  la 
loi  dans  leur  personne,  celte  généreuse  soumission  était  l'iriéro- 
glyphe,  te  symbole  obscur  qui  signifiait  la  conscience  qu'avaient 
les  hommes  de  leurs  propres  droits,  de  leur  propre  valeur;  cet 
hommage  à  quelques-uns  était  pour  eux  l'image  inconsciente  des 
droits  de  lous. 

Le  magnétisme  qu'exerce  chaque  action  originale  s'explique, 

(1)  Voir  nos  numéros  des  3,  10  et  17  août. 


quand  on  rccherclic  la  base,  la  raison  de  la  confiance  en  soi- 
môme.  Quel  ^st  celui  à  qui  on  se  fie?  Quel  est  ce  «  moi  »  primor- 
dial sur  lequel  on  peut  baser  une  confiance  aussi  universelle? 
Quelle  esl  la  nature  cl  le  pouvoir  de  celle  éloile  qui  se  joue  de  la 
science,  —  sans  parallaxe,  sans  élément  calculable,  —  qui  darde 
un  rayon  de  beauté  jusque  sur  des  artions  triviales  ou  mauvaises, 
pourvu  qu'on  y  trouve  la  moindre  trace  de  personnalité  indépen- 
dante? —  La  recherche  nous  conduit  à  celle  source,  qui  est  à  la 
fois  l'essence  du  génie,  de  la  vertu  et  de  la  vie,  et  que  nous  appe- 
lons spontanéité  ou  instinct. 

Nous  nommons  cette  sagesse  primitive  «  intuition  »,  tandis 
que  tout  ce  que  nous  déduisons  et  apprenons^ ensuite,  n'est  consi- 
déré que  comme  «  tuition  ».  ' 

C'est  dans  cette  force  profonde  —  dernier  fait  que  l'analyse  ne 
peut  scruter  —  que  toutes  les  choses  trouvent  leur  commune 
origine.  Car  le  sentiment  de  la  vie,  de  l'existence  qui  s'élève  dans 
l'âme  pendant  les  heures  calmes,  tious  ne  savons  comment,  n'est 
pas  différent  de  l'espace,  de  la  lumière,  du  temps,  de  l'homme, 
mais  il  ne  fait  qu'un  avec  eux  et  il  procède  manifestement  de 
cette  même  source,  d'où  procède  aussi  leur  vie.  Nous  partageons 
d'abord  la  vie  par  laquelle  les  choses  existent  ;  puis,  nous  rencon- 
trons ces  choses  comme  apparences,  dans  la  nature,  et  nous 
oublions  que  nous  avons  partagé  leur  cause. 

Voilà  la  fontaine,  la  source  de  l'action  et  de  la  pensée,  —  les 
poumons  dont  l'aspiration  donne  la  sagesse  à  l'homme,  la  source 
qui  ne  peut  être  niée  sans  impiété  et  athéisme. 

Nous  reposons  dans  le  sein  d'une  vaste  existence,  qui  nous 
fait  receveurs  de  son  activité  el  organes  de  sa  vérité.  Quand  nous 
discernons  la  justice  et  la  vérité,  nous  ne  faisons  rien  par  nous- 
même,  nous  livrons  passage  au  rayon  de  celte  intelligence.  Si 
nous  cherchons  d'où  cela  provient,  si  nous  voulons  épier  l'âme- 
cause,  toutes  nos  philosophies  sont  en  défaut;  sa  présence  ou 
son  absence  est  tout  ce  qu'on  peut  affirmer.  Chacun  peut  distin- 
guer les  actes  volontaires  de  son  esprit,  de  ses  perceptions  invo- 
lontaires, et  sait  qu'il  peut  ajouter  foi  entière  à  ses  perceptions 
involontaires. 

Il  peut  errer  dans  l'expression  ou  l'iriterprélalion  de  ces  per- 
ceptions, mais  il  sait  que  «  c'est  ainsi  »,  qu'on  ne, peut  pas  plus 
les  discuter  que  le  jour  et  la  nuit.  Mes  actions  et  mes  acquisitions 
volontaires  ne  sont  que  des  espèces  de  vagabondages,  des  essais 
errants;  —  tandis  que  la  plus  légère  rêverie,  la  moindre  émotion 
naturelle,  commandent  ma  curiosité  cl  mon  respect.  Les  étourdis 
contredisent  aussi  bien  le  rapport  ou  l'exposé  d'une  perception, 
que  celui  d'une  opinion  ;  —  aussi  bien,  el  peut-être  même  davan- 
tage, car  ils  ne  distinguent  pas  entre  une  perception  et  une 
notion.  Ils  croient  que  je  choisis  de  voir  telle  ou  telle  chose, 
mais  la  perception  n'est  pas  fantaisiste,  elle  est  fatale.  Si  je  vois 
un  fait,  mes  enfants  le  voient  après  moi  et  toute  l'humanité  le 
voit  ensuite,  quoiqu'il  soit  possible  que  personne  ne  l'ait  vu  avant 
moi.  Car  la  perceplion*que  j'en  ai,  est  autant  un  fait  que  le  soleil 
en  esl  un. 

Les  relations  de  l'âme  â  cet  esprit  divin  sont  si  pures  qu'on  les 
profane  en  essayant  de  les  interpréter.  Cela  doit  venir  de  ce  que, 
quand  Dieu  parle,  nous  nous  persuadons  qu'il  devrait  communi- 
quer non  pas  une  chose,  mais  toutes  choses,  qu'il  devrait  rem- 
plir le  monde  de  sa  voix,  qu'il  devrait,  par  une  seule  pensée, 
répandre  la  lumière  sur  la  nature,  le  temps  les  âmes,  qu'il  pour- 
rail  d'un  mot  recréer  et  recommencer  le  tout.  Quand  un  esprit 
esl  simple  et  qu'il  reçoit  celle  sagesse,  les  choses  du  passé  perdent 


leur  valeur;  moyens,  enseignements,  textesi  temples,  tout  tombe; 
il  vit  aujourd'hui, ol  iihsorhc  le  passé  et  l'avenir  dans  l'heure  pré- 
sente. Tout  ce  qui  se  rapporte  U  celle  conception,  de  quelque 
façon  que  ce  soit,  devient  sacré.  Toutes  les  choses  sont  dissoutes 
jusqu'au  centre  par  leur  cause,  el  dans  le  miracle  universel',  les 
miracles  particuliers  et  minuscules,  disparaissent. 

{A  suivre.) 


OOITSEILS 
aux  collectionneurs  qui  fréquentent  l'Hôtel  Drouot. 

Dans  son  volume  :  l'Hôtel  des  commissaires-priseurs,  Champ- 
fleury  donne  aux  collectionneurs  el  amateurs  des  conseils  très 
amusants. 

Nous  en  détachons  les  plus  caractéristiques  : 

Acheter  à  la  baisse,  revendre  à  la  hausse. 

Se  dépouiller  de  toute  illusion  en  entrant  â  l'hôtel  Drouol. 
Regarder  Raphaël,  Rembrandt,  Velasquez  avec  les  yeux  du 
doute. 

Etant  acheté  un  objet  de  cent  francs,  ne  pas  s'imaginer  qu'il 
vaut  mille  francs.  Dites  vous  :  il  ne  vaut  que  cent  sous. 

Apprendre  par  cœur  (avec  une  légère  variante)  |e  fameux  vers 
de  M.  Scribe  :  Pérugin  esl  une  chimère.  Le  chanter  constamment 
afin  que  la  valeuc. purement  idéale  des  objets  d'art  se  fixe  bien 
dans  l'esprit.  '  , 

Toute  signature  de  tableau  est  une  fausse  signature.  Tout  auto- 
graphe de  Molière  esl  un  faux  autographe. 

Seuls,  les  paysans  eroicnl  qu'en  se  grattant  le  bout  du  nex  ou 
en  secouanl  avec  acharnement  un  bouton  d'habit,  celte  façon 
mystérieuse  d'enchérir  soii  profitable. 

Ne  pas  causer  pendant  la  vente  avec  son  voisin.  Un  voisin  est 
un  adversaire. 

Peu  de  céramiques  sont  absolument  pures.  La  restauration  se 
trahit  par  une  odeur  de  vernis.  Toute  céramique  doit  être 
flairée. 

Etant  certain  qu'il  manque  une  estampe  à  un  ouvrage  de  prix, 
ief-laisser  monter  à  cent  francs,  avec  le  désir  d'en  devenir  proprié- 
taire pour  cent  sous.  D'une  voix  ferme,  mais  polie:  «  Ne  manque- 
l-il  pas,  direz-vous  à  l'expert,  une  planche  importante  à  la  page 
tant?»  L'expert  se  trouble,  répond  en  balbutiant;  les  enchères 
s'éteignent  comme  par  miracle.  L'ouvrage  vous  est  adjugé  à  cent 
sous. 

Tuer  l'enthousiasme.  Acquéir  l'œil  d'acier. 
Ne  pas  dénigrer  une  collection  de  mauvaises  peintures. 
Tout  fumier  donne  sa  fleur.  Peu  de  collections  médiocres  qui 
ne  renferment  une  perle. 

Ne  pas  s'affoler  de  la  perle.  L'estimer  au  même  prix  que  les 
crasses  qui  l'entourent. 

Tout  objet  d'art  doit  éirc  acheté  au  quart  de  sa  valeur  vénale. 
Payer  un  objet  d'art  sa  valeur  n'amène  au  cœur  aucun  con- 
leniement. 

Fréquenter  les  amateurs,  les  marchands  de  bric-à-brac,  les 
commissaires-priseurs,  les  experts,  dire  bonjour  au  crieur,  frap- 
per à  propos  sur  l'épaule  des  garçons. 

Pas  de  fierté,  pas  de  familiarité. 

Tout  amateur  doit  poser  ses  jalons  à  l'exposition.  —  J'achèterai 
tel  objet,  j'y  mettrai  tant. 

Se  laisser  entraîner  par  le  courant  des  enchères,  c'est  vouloir 
faire  sa  fortune  ù  la  roulette. 

Les  courants  fiévreux  sont  contagieux  à  riiôlcl  Drouol.  Il  esl 
bon  d'arriver  frais  el  dispos,  le  corps  en  parfait  équilibre. 
Immense  avfinlage  sur  les  collectionneurs  malingres,  faibles  de 
corps  et  d'esprit,  dont  les  nerfs  sont  attachés  au  bâton  d'ivoire 


1 


278 


LkRT  MODERNE 


du  chef  d'orchestre  de  la  vente,  comme  les  crins  à  l'archet  du 
violon. 

Une  tablette  de  chocolat,  une  conserve  sucrée  rétablissent 
l'estomac  vers  cinq  heures  du  soir,  au  moment  où  l'enchère 
devient  flamboyante. 

Un  flacon  d'odeurs  est  indispensable  pour  combattre  les  exha- 
laisons de  la  foule  entassée. 

Lh  lutteur  appelé  à  combattre  contre  un  redoutable  adversaire, 
Marseille  contre  Arpin,  pratique  la  chasteté  huit  jours  au  moins 
avant  la  lutte.  Un  acheteur  est  un  lutteur.  Donc,  modérer  ses 
passions. 

Un  collectionneur  marié  n'est  pas  un  collectionneur. 

Tout  collectionneur  qui  prend  femme  abdique.  11  sera  châtié 
dans  sa  collection,  ou  il  la  vendra. 

Un  chat  qui  saute  sur  une  console  couverte  de  verreries  de 
Venise  est  moins  dangereux  qu'une  femme,  au  lendemain  de  ses 
noces,  dans  une  galerie  de  tableaux. 

La  femme  ou  la  collection.  La  femme  et  la  collection,  deux 
rivales,  feraient  de  l'intérieur  conjugal  uij  enfer. 

Le  collectionneur  qui  ddnne  commission  et  n'achète  pas  lui- 
même,  ressemble  à  cet  Anglais  qui,  ayant  noté  sur  son  calepin  la 
vue  de  Paris  du  haut  du  Panthéon,  y  fit  monter  son  domes- 
tique. 

Collectionner  certains  objets,  les  regarder  sans  cesse,  ne  pou- 
voir s'en  séparer,  amène  une  calvitie  prématurée. 

Le  véritable  amateur  garde  un  tableau  huit  jours,  un  mois,  un 
an,  le  vend,  en  achète  un  autre  et  passe,  comme  on  dit,  de  la 
brune  à  la  blonde. 

Toute  collection  qui  n'offre  pas  une  sorte  de  Panorama  varié  et 
sans  cesse  renouvelé,  fatigue  comme  une  femnie  trop  fidèle. 

M.  Ingres,  qui  adorait  Raphaël,  le  trompait  et  lui  faisait 
quelques  infidélités  sans  conséquence  avec  Velasquez.  Il  en  reve- 
nait plus  épris  pour  Raphaël. 

Il  se  pourrait  qu'un  habit  noir,  une  cravate  blanche,  un  panta- 
lon irréprochable,  des  bottes  vernies  et  des  manchettes  impo- 
sassent aux  penailieux.  En  y  joignant  quelques  décorations,  un 
grand  cordon  quelconque,  la  plaque  du  Nicham,  peut-être  les 
marchands  se  laisseraient-ils  prendre  à  cet  apparat?  Je  ne  le  con- 
seille à  personne. 

Prendre  garde  aux  magasins  trop  propres.  Tout  y  est  cher.  Se  * 
défier  des  taudis  en  désordre.  Plus  cher  encore.  L'acheteur  a  affaire 
à  deuï  marchands  systématiques. 

Ne  pas  négliger  les  clercs  de  commissaires-priseurs.  Faire  de 
de  temps  à  autre  un  petit  cadeau  à  leurs  concubines. 

Toute  pensée  étrangère  doit  être  sacrifiée  à  la  collection.  Ne  pas 
s'occuper  de  politique,  n'aller  jamais  au  théAtre,  se  garder  d'ou- 
vrir un  livre,  dédaigner  les  joies  de  la  famille,  avoir  toujours  de 
l'argent  liquide  en  poche,  arriver  chaque  jour  à  l'hôtel  à  une  heure, 
-n  sortir  à  six,  retourner  le  soir  auv- ventes,  voilà  une  vie  bien 

mplie.  Vous  êtes  un  parfait  collectionneur. 

Au  bout  de  dix  ans,  vous  porterez  des  chapeaux  à  grandes  ailes; 
tout  Paris  vous  reconnaîtra  collectionneur. 

Au  bout  de  quinze  ans,  vous  aurez  mangé  les  deux  tiers  de 
votre  fortune. 

Et  un  jour,  sans  feu  ni  draps,  finissant  votre  vie  dans  un  gale- 
tas, reconnaissant  trop  lard  le  néant  de  la  brocante,  vous  maudi- 
rez tableaux,  majbliques,  émaux,  bronzes.  Et  la  mort  qui  entrera 
dans  la  mansarde  vous  apparaîtra  sous  les  traits  d'un  horrible  cra- 
paud chinois,  au  corps  vert,  aux  écailles  sanglantes,  aux  gros  yeux 
blancs.  El  de  sa  gueule  enir'ouverte,  le  crapaud  vous  crachera  à 
la  figure  toutes  sortes  d'ironies. 


fÎHRONIQUE    jaDICIAlRE    DE?    ^"RT? 
Marat  dans  sa  baignoire 

Le  légendaire  procès  du  tableau  de  Marat  dans  sa  baignoire, 
par  David,  commencé  en  1885  et  dont  nous  avons  relaté  les 
phases  diverses  (1),  vient  enfin  de  recevoir  une  solution  définitive. 
Il  s'agissait,  on  s'en  souvient,  de  savoir  si  la  toile  achetée  à 
M.  Durand-Ruel  par  M.  Terme,  et  exposée  par  celui-ci  à  l'Exposi- 
tion des  Portraits  du  siècle,  était  un  original  ou  une  copie. 

Mme  David-Chassagnolle,  veuve  du  petit-fils  de  l'artiste,  préten- 
dait être  en  possession  du  seul  Marat  authentique  peint  par 
David.  M.  Durand-Ruel,  appelé  en  garantie  par  M.  Terme,  affir- 
mait de  son  côté  que  le- tableau  vendu  par  lui  était  ce  qu'on 
appelle  une  «  répétition  »,  c'est-à-dire  un  second  exemplaire,  tout 
entier  de  la  main  du  peintre,  et  par  conséquent  aussi  authentique 
que  le  premier. 

L'expertise  ordonnée  par  le  tribunal  et  confiée  à  MM.  Cabanel, 
Caro  et  Lafenestre,  avait  été  défavorable  à  la  thèse  de  M.  Durand- 
Ruel.  D'après  ces  Messieurs,  le  Marat  vendu  à  M.  Terme  n'était 
qu'une  copie,  exécutée,  il  est  vrai,  sous  les  yeux  et  sous  la  direc- 
lion  de  David,  et  à  laquelle  ce  dernier  donna  peut-être  quelques 
retouches,  sans  que  ces  retouches  soient  toutefois  assez  impor- 
tantes pour  donner  à  l'œuvre  le  caractère  d'une  répétition. 

Celte  appréciation  fil  naître  immédiatement  une  série  de  décla- 
rations en  sens  contraire,  parmi  lesquelles  il  faut  citer  celles  de 
MM.  Donnât,  Gérôme,  Henner,  et  l'appréciation  signée  collective- 
ment par  MM.  Puvis  de  Chavannes,  Français,  Delaunay,  Leroux, 
J.-L.  Brown,  Roll,  Besnard,  Gustave  Morcau,  Gervex,  A.  Ste- 
vens,  etc. 

Le  jugement  entérina  le  rapport  des  experts,  malgré  l'ensemble 
imposant  des  déclarations  opposées.  Et,  devant  la  Cour,  l'avocat- 
général  Symonel  conclut  à  la  confirmation  de  la  première  déci- 
sion. Mais  la  Cour  n'a  pas  adopté  les  conclusions  du  ministère 
public.  Par  arrêt  rendu  le  16  mai  dernier,  elle  a  réformé  le  juge- 
ment et  déchargé  M.  Durand-Ruel  des  condamnations  prononcées 
contre  lui. 

Les  motifs  qui  ont  dicté  à  la  Cour  cet  arrêt  sont  assez  intéres- 
sants pour  que  nous  publiions  les  principaux  d'entre  eux  : 

«  Considérant  qu'il  résulte  des  documents  soumis  à  la  Cour  que 
David  exécuta,  immédiatement  après  la  mort  de  Marat,  le  tableau 
original  actuellement  en  la  possession  de  la  dame  veuve  David- 
Chassagnole,  et  portant  cette  mention  :  «  A  Marat,  David,  l'an  II  »  ; 

«  Que  par  ordre  de  la  Convention,  deux  reproductions  de  ce 
tableau,  qualifiées  dans  le  décret  du  10  mai  1794  de  «  copies  soi- 
gnées à  faire  sous  la  direction  de  David  »,  furent  exécutées  pour 
les  Gobelins,  et  que  l'une  d'elles,  après  avoir  fait  partie  de  la  col- 
lection du  prince  Napoléon,  a  été  vendue  en  1875  par  Durand- 
Ruel  à  Terme,  comme  étant  une  œuvre  de  David; 

«  Considérant  qu'il  a  été  généralement  admis  à  toutes  les 
époques  qu'une  œuvre  d'art  pouvait  légitimement  être  attribuée  à 
un  maître,  soit  comme  original,  soit  comme  répétition,  alors 
même  qu'il  était  notoire  que,  pour  son  exécution,  le  maître  s'était 
fait  assister  par  un  ou  plusieurs  de  ses  élèves; 

«  Que  les  termes  employés  dans  le  décret  comportent  une  indi- 
cation sur  le  but  et  les  conditions  de  la  commande,  mais  ne 

(1)  Voir  VArl  moderne,  1885,  pp.  158  et  194;  1887,  p.  23; 
1888,  pp.  93  et  150  ;  1889,  p.  174. 


^ 


VART  MODERNE 


270 


résolvent  pas  la  question  de*  savoir  si  l'œuvre  réalisée  constitue 
une  copie  allribuablo  au  maître,  c'esl-à-dire  une  répélilion,  ou 
une  copie  attribuabie  à  un  élève,  c'csl-à-dire  une  copie  véritable; 

«  Que  les  cliangcmenls  politiques  postérieurs  à  l'exécution  de 
l'œuvre  paraissent  avoir  déterminé  David  à  dissimuler  l'existence 
des  trois  tableaux  rentrés  en  sa  possession  et  demeurés  dans  son 
atelier  jusqu'à  sa  mort,  couverts  d'une  couche  de  chaux; 

«  Considérant  qu'il  est  établi  que  plusieurs  tableaux  de  David 
non  contestés,  originaux  ou  répétitions,  ne  portent  point  de  signa- 
ture, et  qu'il  n'y  a  lieu  de  s'arrêter  à  cette  circonstance  accessoire  ; 
qu'il  y  a  lieu,  au  contraire,  de  relever  l'incompatibilité  pouvant 
résulter  des  modifications  apportées  à  l'œuvre  primitive  avec  le 
caractère  de  copie  attribué  au  tableau  contesté; 

«  Que  la  conclusion  du  rapport  est  formellement  contredite, 
non  seulement  par  la  rétractation  di>  premier  des  experts  commis, 
M.  Cabanel,  mais  encore  par  les  attestations  d'un  grand  nombre 
d'artistes  et  d'experts,  considérables  par  leur  talent  ou  leur  expé- 
rience, lesquels  estiment  que  le  tableau  doit  être  considéré  comme 
l'œuvre  personnelle  de  David » 

Voici  donc  enfin  ce  conflit  apaisé  et  la  chronique  judiciaire 
débarrassée  d'un  procès  qui  tournait  à  la  scie.     . 


pETITE    CHROj^IQUE 


C'est  jeudi  prochain,  4  septembre,  que  se  rouvriront  les  portes 
de  la  Monnaie.  Samedi  6,  reprise  d'Esclarmonde. 

Les  noms  suivants  sont  à  ajouter  au  tableau  de  la  troupe  que 
nous  avons  publié  :  MM.  Slephan  et  Gillon,  troisièmes  ténors  ; 
MM.  Vallier  et  Bénard,  barytons  ;  M.  De  Mayer,  coryphée  basse  ; 
M"^*  Maurelli  et  Neyt,  dugazons;  M"«  Louisan,  troisième  dan- 
seuse. . 


Aujourd'hui,  à  3  heures,  aura  lieu  au  Cirque  Royal,  rue  de 
l'Enseignement,  un  grand  concert  au  bénéfice  des  victimes  de 
Ja  catastrophe  de  Saint-Etienne. 

Ce  concert  est  organisé  par  la  Société  royale  V Orphéon,  qui  y 
chantera,  sous  la  direction  de  M.  Edouard  Bauvvens,  plusieurs 
chœurs  de  son  riche  répertoire. 

VOryUéon  s'est  entouré,  au  surplus,  d'éléments  de  tout  pre- 
mier choix  :  M"*  Dyna  Beumer,  M.  De  Ruy,  premier  baryton  du 
théâtre  de  Grenoble,  et  la  Phalange  artistique. 

L'Opéra  de  Vienne  a  donné,  le  lundi  48  août,  la  200*  représen- 
tation de  Lohengrin.  La  première  représentation  de  l'œuvre  de 
Wagner  a  eu  lieu,  à  Vienne,  le  49  août  4858. 

Très  intéressant  numéro  de  la  Walbnie  (juin-juillet),  paru 
celle  semaine.  En  voici  le  sommaire  : 

Stéphanfe  Mallarmé,  Ballets.  —  Jean  Moréas,  le  Trophée, 
Galalée,  Chanson,  Elégie  première.  Elégie  deuxième,  Eglogue  à 
yEmilius.  —  Picrre-M.  Olin,  les  Petits  Enfanta.  —  Henri  de 
Régnier.  Odelettes.  —  A*,  Sous  les  yeux,  le  Vain  sourire.  — 
S.  Ml.,  Impressions  d'artiste.  —  Achille  Delaroche,  Vers.  — 
Grégoire  Le  Roy,  Laisse  tomber  les  roses.  —  Alb.  M.,  Chronique 
littéraire.  

Paru  chez  Lacomblez  (Bruxelles),  le  beau  drame  de  M.  Ch.  Van 
Lerberghe  :  les  Flaireurs.  Prtx  4  fr. 


Le  lendemain  d'un  concert  à  Leipzig,  raconte  la  Neuc  Musikzei- 
tung,  Paganini  était  allé  faire  une  promenade  dans  les  environs 
de  la  ville,  avec  son  accompagnateur.  Près  du  Rosenihnl,  ils  ren- 
contrèrent un  bon  vieux  boutiquier  qui  s'escrimait  sur  un  violon 
de  la  plus  lamentable  façon.  Mis  en  bonne  humeur  par  son  succès 
de  la  veille,  Paganini  demanda  au  vieillard  de  lui  confier  son 
instrunient  pendant  un  instant.  Dès  qu'il  l'eut  entre  les  mains,  il 
l'accorda'  rigoureusement,  l'épaula  et  en  fit  jaillir  les  traits,  les 
arpèges  el  les  trilles  les  plus  étourdissants.  L'accompagnateur 
était  dans  le  ravissement  :  «  Eh  bien?  dit  ce  dernier  au  vieux 
campagnard  qui  avait  écouté  sans  broncher,  sans  dire  une  parole, 
que  penscz-folâs  de  ce  jeu?  »  Et  le  vieux,  pour  qui  les  tours  de 
force  de  Paganini  n'étaient  sans  doute  que  des  coups  d'archet 
manques,  de  répondre  sur  un  ton  de  bienveillance  :  «  Voyez-vous, 
mon  bon  monsieur,  il  faut  encore  un  peu  étudier;  ensuite  cela 
viendra  ». 

L'année  qui  s'avance  —  4894  —  nous  amènera  les  centenaires 
de  quatre  grands  compositeurs  :  Ferdinand  Hérold,  le  composi- 
teur du  Pré-aux- Clercs,  né  à  Paris  le  28  janvier  4794;  Cari 
Czerny,  né  à  Vienne,  le  24  février  4794;  Giacomo  Meyerbeer  (de 
son  vrai  nom  Jacob  Meyer  Béer),  né  à  Berlin,  le  5  septembre  4794  ; 
el  de  Mozart,  né  à  Salzbourg  en  4756,  et  mort  à  Vienne  le 
5  décembre  4794,  à  l'âge  de  trente-cinq  ans. 


L'exemple  d'Antoine  el  du  Théâtre-Libre,  dit  l'Echo  de  Paris, 
fait  surgir  une  foule  de  concurrents. 

On  nous  apprend  que  le  Théâtre-Idéaliste  (?)  —  scène  pour 
jeunes  —  fusionne  avec  le  Théâtre-Mixte  —  autre  scène  pour 
jeunes. 

Nous  rappellerons  qu'il  y  a  aussi  le  Théâtre-Moderne,  toujours 
scène  pour  les  jeunes. 

Enfin,  au  moment  où  nous  achevons  celte  note,  nous  recevons 
un  avis  de  M.  P.  de  Riel,  40,  avenue  des  Gobelins,  qui  nous 
apprend  que  «  dans  le  courant  du  mois  d'octobre  prochain,  le 
Théâtre  des  Jeunes,  complètement  organisé,  fera  sa  réouverture 
sous  la  direction  artistique  de  M.  Paul  de  Riel. 

Un  «encours  est  ouvert,  dès  maintenant,  entre  tous  les  jeunes 
auteurs  désireux  de  faire  représenter  leurs  œuvres.  Tous  les  genres 
peuvent  y  prendre  part  j^péra,  opéra-cojnique,  opérette,  vaude- 
ville, comédie,  drame,-«tc.,  y  compris  le  monologue  et  la  chan- 
son. Les  œuvres  primées  seront  jouées  dans  les  soirées  données 
par  le  Théâtre  des  Jeunes. 

Nous  souhaitons  que  tous  ces  théâtres  réussissent;  mais, 
comme  dit  mon  concierge,  ah  !  monsieur,  qu'il  y  a  loin  de  la  croupe 
aux  lèvres. 

On  va  placer,  au  musée  du  Luxembourg,  le  Portrait  de  Varchi- 
tecte  Armand,  par  Alexandre  Cabanel,  offert  à  l'Eiat  par 
M.  Barlhéleiny  Cabanel,  frère  du  peintre  décédé. 

M.  J.  Maciet  vient  d'offrir  au  Louvre  un  petit  tableau  d'un  maître 
hollandais  :  Pieler  Codde,  qui  ne  figurait  pas  encore  dans  la 
galerie  du  Louvre.  Ce  tableau,  offert  par  M.J.  Maciei,  représente 
Une  Dame  à  sa  toilette. 

Le  Louvre  a  également  reçu  un  album  de  croquis  de  Carpeaux 
et  de  Soumy,  légué  par  le  regretté  Philippe  Buriy. 

Enfin,  M.  A.  de  Rothschild  et  M.  Paul  Leroi  ont  offert  à  la  direc- 
tion des  Beaux-Arts,  le  premier  une  loilc  d'Alfred  Guillou,  le 
second  un  cadre  de  médailles  d'AIphée  Dubois,  tous  deux  destinés 
au  musée  de  Roubaix. 


V. 


V 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


LIGNE   D'OSTENDE-DOUVRES 

La  plus  couru  et  la  moins  coûteuse  des  voies  extra-rapides  entre  le  Continent  et  /'Angleterre 


Bruxelles  à  Londres  en  .     .    . 

8  heures. 

Vienne  à  Londres  en.     .    . 

.     .       36  heures 

Cologne  à  Londres  em  .    . 

.       13       - 

B&le  à  Londres  en.    .     .    . 

.     .       24       - 

Berlin  à  Londres  en  .    .    .    . 

.       24       - 

Milan  à  Londres  en  .    .    : 

.     .       33       - 

XROiis  iSE:RViCE:is  r^Awt  jtour  ^ 

D'Ostende  à  5  h.  29  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  31  soir..—  De  Douvres  à  midi  15,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. , 


xraverisee:  em 


he]ure:s 


PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  Pj^OUEBOTS 

Princesse  Josépiiine,  Princesse  Henriette,  Prince  Albert,  La  Flandre  et  Ville  de  Douvres 

partant  journellement  d'OSTENDE  à  5  h.  29  matin  et  11  h.  10  matin;  de  DOUVRES  à  midi  15  et  10  h.  15  soir. 
Salons  luxueux.—  Fumoirs.  —  Ventillation  perfectionnée.—  Ëclai,irage  électrique.  —  Restaurant. 
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et   entre  LONDRES    ou   DOUVRES  et  toutes  les  grandes  villes  de  l'Europe. 


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A  bord  des  malles  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette      . 
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Pour  la  location  à  l'avance  s'adresser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  {Quai)  ou  à  l'Agence  des  Chemins  de  fer  de  VÉtat-Belge 
Northumberland  House,  Strond  Street,  n"  17,  à  Douvres. 

Excursions  à  prix  réduits  de  50  «/o,  entre  Ostende  et  Douvres,  tous  les  jours,  du  l*' juin  au  30  septembre. 
Entre  les  principales  villes  de  la  Belgique  et  Douvres,  aux  fêtes  de  Pentecôte  et  de  l'Assomption. 

AVIS.  —  Buffet  restaurant  à  bord.  —  Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  —  Accostage  à  quai  vis-à  vis  des  stations  de  chemin  de 
fer,  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits).  —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  -   Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  l'Eayloitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  a  Bruxelles,  à  VAgence générale  des 
Malles-Poste  de  l'Êtat-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*^,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n»  53,  à  Londres,  à  VAgence  de  Chemins  de  fer 
de  l'État,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vrancken,  Domkloster,  n°  1,  à  Cologne. 


chez  MM.  SCHOTT  frères,  82,  Montagne  de  la  Cour,  Bruxelles. 

.   L'OR  DÛ  RHIN 

^        DE 

.      RICHARD  WAGNER 

Version  ft-ançalse  de  Victor  "WILDER 

Partition    pour   chant   et   piano,    réduite    par   R.    Kleinmichel 
PRIX  NET  :  20  Francs 

JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche.  / 

Faits  et  débats  jadiclaires.  —  Jurisprudence. 
—  Bibliographie.  —  Législation.  —  Notariat. 

HUTIKME  ANNÉB. 

Abonnements  i  Belgique,  18  francs  par  an. 
(  iLtranger,  23  id. 

Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelià. 


I 


Revue  mensuelle  de  littérature  et  d'art 

h"  Année 

Directeurs  :  MM.  A.  MOCKEL  el  P.-M.  OLIN. 

Bureaux  [   "  ^*^®'  """^  St-Adalbert,  8. 

(à  Bruxelles,  Avenue  Louise,  317. 
ABONNEMENTS  :   5  francs  l'an  ;  Union  postale,  fr.   6-50 


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BRUXELLES 
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Paris  1867, 1878, 1"  prix.  —  Sidney,  seuls  !•'  et  î«  prix 

Eiposmois  AisnROii  1883,  iims  1885  DipLon  D'ionm. 

Breitkopf  et  H&rtel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 


TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  Tharmonie  jusqu'à 

la  compositioa  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-G.  Lobe. 

Traduit  de  l'allemand   (d'après  la  5*  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8".  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  «  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  ouvrages  d'enseignement  musical  les  plus 
estimés  en  Allemagne. 


BruxeUes.  —  Imp.  V  Mohmom,  26,  ma  de  l'Industrie. 


Dixième  année.  —  N"  30. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  7  SEPTEMimE  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES  :  -On   traite  à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  26,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


Baruons  kt  distancés.  ^-  CoNKiASCE  E.\  SOI-MÊME.  Trccdt'clioii 
médite  de  l'anglais  d'Eincrson,  par  wic  inconnue  (suite).  —  Li:s 
Néo-Impu'essiunnistes.  Signnc.  — •  CiinoMQUE  judiciaire  des  arts. 
Encore  le  licmbrcoidt  du  l'ccq.  —  Petite  ciiRfiNiQiE. 


BARBONS  ET  DISTANCÉS 

On  a  pu  lire  (ra-t-on  lu?)  dans  le  supplément  (qua- 
lifié littéraire)  d'un  de  nos  grands  journaux,  financier 
et  opportuniste,  qui  croit  décent  de  s'occuper  plus  ou 
moins  d'art,  les  ligues  suivantes  : 

«  Le  monde  de  nos  jeunes  lettres  belges  est  tout  glo- 
rieux du  foudroyant  éloge  que  l'éminent  paroxyste 
Octave  Mirabeau  vient  de  décerner  à  l'un  des  siens, 
M.  Maurice  Maeterlinck,  dont  nous  avons  signalé  les 
premiers  essais  poétiques.  Nos  lecteurs  nous  sauront 
gré  de  leur  donner  —  sinon  une  analyse  de  son  drame, 
la  Princesse  Maleine^  dont  «»  la  beauté  absolue  '•,  au 
dire  du  critique  du  Figaro,  est  surtout  dans  le  détail, 
dans  la  recherche  minutieuse  des  sensibilités  inexpri- 
mées —  du  moins  quelques  extraits  qui  les  initient  à  la 
manière  de  l'auteur,  et  leur  inspirent  la  curiosité  de 


l'ensemble.  Dans  cet  ouvrage, supérieur  à  n'importe  quel 
chef-d'œuvre  de  Shakespeare  (est-ce  un  pavé  ?),  «  plus  tra- 
gique que  Macbeth,  plus  extraordinaire  que  Ilamlel,  » 
nous  choisissons  les  trois  scènes  du  début  qui  indiquent 
le  mystère  de  l'action,  et  une  scène  du  second  acte  qui 
met  en  présence  les  deux  amants,  principaux  person- 
nages du  drame  », 

Suivent  les  citations  qui  tranchent,  comme  un  coup 
de  soleil  dans  le  brouillard  d'un  marécage,  sur  les  habi- 
tuelles productions  du  susdit  supplément  littéraire. 

.Les  barbons  qui  ont  commis  l'entrefiel-et-miel  que 
nous  venons  de  reproduire,  n'ont  pu  éviter  de  sacri- 
fier à  l'habituelle  manie*  de  leur  journal  qui  affirme 
incessamment  «  qu'il  a  été  le  premier  "  à  tout  faire. 
Voici  que  c'est  lui  qui  a  découvert  Maurice  Maeterlinck  : 
"  lien  a  signalé  les  premiers  essais  poétiques  «.  On  peut 
aisément,  par  le  ton  de  l'extrait  ci-dessus,  s'imaginer 
dans  quels  termes  il  a  dû  donner  ce  signal  ! 

Ces  critiques  distancés  fréquentent,  on  le  sait,  le 
monde  du  bel  air  dans  lequel  ils  s'etibrceut  de  se  main- 
tenir en  bonne  posture.  Ils  ont  là  une  cour  étrange  de 
femmes  distinguées,  (\\i  plus  haut  ton,  qui  leur  font 
des  succès  aussi  grands  et  aussi  sérieux  que  ceux  de 
Bellac  dans  le  Momie  où  Von  s'ennuie.  Et  ils  s'ima- 
ginent qu'ils  représentent  la  grande  littérature,  et  que 
leur  cacochymie  fixe  les  règles  de  l'art  d'écrire.  Ils 
nomment  les  écrivains  qui  ontescarboté  les  bafouilleries 


.    ^  ^     ^ 


de  leur  sénilité,  le  monde  de  nos  jeunes  lettres  belges , 
comme,  dans  les  Burgraves,  le  vieil  édenté  de  quatre 
vingts  ans  appelle  ^  jeune  homme  »  son  petit-fils  de 
quarante. 

Il  est  temps  d'en  finir  avec  ces  radotages  de  vieillards, 
qui  ont  eu  leur  temps,  sinon  leur  beau  temps,  et  pour 
qui  l'heure  d'aller  se  coucher  est  venue.  Ce  qu'ils  nom- 
ment «»  la  jeune  littérature  "  a  bientôt  vingt  ans  de 
date  quand  on  la  prend  au  moment  où  elle  a  commencé 
à  donner  des  coups  de  sabots  dans  la  giberne  de  ces 
vieilles  gardes.  Si  on  l'ignore,  c'est  à  cause  du  silence 
malveillant  et  voulu  entretenu  par  ces  roquentins,  qui, 
n'ont  touché  aux  œuvres  de  la  nouvelle  école,  désormais 
triomphante,  que  pour  tenter  de  la  faire  avorter  en  la 
dénigrant  et  en  la  décourageant.  Elle  n'a  jamais  obtenu 
d'eux  un  sincère  éloge.  Ils  ont  ameuté  contre  elle 
l'ignorance  des  belles  dames  et  des  financiers,  absolu- 
ment comme  ce  vieux  Sylène  de  Sarcey  ameute  contre 
le  Théâtre-Libre,  les  actrices  maniérées  de  la  Comédie- 
Française  et  les  messieurs  de  ces  dames.  Leurs  prédi- 
lections ont  toujours  été  aux  fadaises  des  Coppée,  des 
Theuriet,  des  Halévy,  des  Bourget,  des  Cherbuliez  et 
tutti  quanti.  Chaque  fois  qu'un  téméraire  a  affirmé 
chez  nous  l'invincible  évolution  de  l'art,  ils  se  sont  sentis 
atteints  dans  leur  incurable  et  doctrinaire  stagnation. 

Il  serait  à  souhaiter  que  ces  gens  fissent  silence  quand 
un  succès  impérieux  inflige  un  démenti  à  leurs  juge- 
ments et  à  leurs  pronostics.  On  s'irrite  de  les  voir  inter- 
venir alors,  en  vue  d'un  accaparement,  et  employer  un 
langage  à  double  face  qui  leur  permet  de  prétendre, 
à  l'occasion,  soit  qu'ils  ont,  dès  l'origine,  annoncé  ou 
défendu  un  artiste,  soit  de  le  conspuer  et  de  le  piétiner 
avec  upe  nouvelle  ardeur  si  la  chance  tourne.  L'art 
nouveau,  qui  est  un  art  mûr  et  fort,  ayant  déjà  ses 
aines  et  ses  indiscutés,  n'a  pas  besoin  de  leurs  suffrages 
et  dédaigne  leur  appui,  coniptomettant  tant  il  a  été 
aux  médiocres,  aux  nullités  et  aux  succès  de  coteries. 
Il  ne  chante  pas,  cet  art  sain,  pour  les  belles  dames  et 
les  critiques  du  bel-air.  Il  ne  tient  aucuii' compte  de 
pareils  facteurs.  Il  y  aura  toujours  assez  de  Bellac  au 
service  de  ces  quotités  négligeables.  Et,  certes,  ni 
Maurice  Maeterlinck  quand  il  a  écrit  la  Princesse 
Maleine  pour  les  vrais  esthètes,  ni  Octave  Mirbeau 
quand  il  a  publié  le  foudroyant  article  du  Figaro, 
n'ont  pensé  à  plaire  ou  à  déplaire  à  ces  groupes  et  à  ces 
jupes.  Qu'ils  laissçnt  en  repos  «  le  monde  de  nos  jeunes 
lettres  belges  » ,  dont  ils  ne  sont  pas  et  qui  n'en  veut 
pas;  qu'ils  continuent  à  patiner  de  leur  platitude 
bafouillante  les  Theuriet  et  autres  Cherbuliez  pour 
la  plus  grande  distraction  des  Tète-de -Linotte  qui  font 
bon  accueil  à  leur  gâtisme.  Et  qu'en  sa  rude  bataille, 
notre  art  les  tourne,  comme  on  tourne  les  citadelles 
dont  il  ne  vaut  plus  la  peine  de  faire  le  siège. 

Cet  hiver,  à  une  conférence  chez  les  Vingtistes  (ces 


autres  conspués  impassibles),  un  orateur  a  dit  tout  cela 
alors  qu'il  signalait,  sincèrement,  lui,  et  avec  une  foi 
profonde,  la  suprême  valeur  de  la  Princesse  Maleine 
qui  venait  de  paraître.  Mais  il  importe  de  le  répéter 
pour  marquer  nettement  la  ligne  de  démarcation  entre 
les  vieux  farceurs  qui  font  de  la  critique  à  la  ligne,  sui- 
vant la  faveur  du  moment,  et  le  véritable  art,  le  véri- 
table critique,  qui  n'écrit  que  par  besoin  d'écrire,  sans 
penser  ni  au  succès,  ni  au  salaire. 

N'est-il  pas  curieux  et  navrant,  de  voir  tout  ce  monde 
qui,  suivant  l'âpre  jugement  de  Baudelaire  a  ^a  haifie  de 
la  littérature,  ne  lever  le  rideau  sur  l'un  des  nôtres,  que 
lorsque  les  trois  coups  ont  été  frappés  à  Paris.  Voici 
plusieurs  mois  que  la  Princesse  Maleine  a  paru  :  la 
susdite  gazette  financière  et  opportuniste  n'en  avait 
soufflé  mot  et  continuait  à 'alimenter  son  supplément 
LITTÉRAIRE  dos  plus  incolores  nouvelles,  fragments  et 
morceaux  choisis.  Le  Figaro  parle!  sursum  corda  : 
ces  sentinelles  de  Gerolstein  qui  montent  la  .garde  le 
long  des  murs  de  l'art  commencent  à  se  douter  de  quel- 
que chose  ;  ces  critiques  vigilants  qui  racontaient  par 
le  menu,  en  les  clichant  dans  les  formules  invariables 
de  leur  chronique,  les  productions,  même  les  plus 
ineptes,  de  la  romancerie  parisienne,  vont  jusqu'à 
écrire  en  trente  lignes  un  salamis  de  louanges  et  de 
perfidies.  Nous  préférons  le  procédé  de  M.  Paul  Adam 
qui,  sans  y  mettre  tant  de  malice,  engueule  notre  litté- 
rature belge,  désormais  adulte  et  redoutable,  en  criant 
très  franchement  :  Ces  polissons  m'empêchent  de  gagner 
ma  journée;  ne  voilà-t-il  pas  qu'on  préfère  leur  façon  à 
la  mienne.  ^v„,^-n 

Ce  que  nous  admirons,  c'est  la  grande  indépendance 
de  ce  Figaro,  que  nous  n'aimons  guère.  Octave 
Mirbeau  lui  envoie  sur  un  inconnu,  un  étranger,  le 
foudroyant  atiîcle.  Cet  article  passe,  sans  correction  ! 
Que  n'importe  qui,  supposons  le  plus  grand  nom,  tente 
la  même  aventure  auprès  du  journal  financier,  cosmo- 
polite et  opportuniste  dont  nous  nous  occupons  :  il  subira 
une  mesquine  et  offensante  censure,  et,  très  probable- 
ment, s'il  s'agit  d'un  de  ces  auteurs  belges  dont  la 
défense  ne  peut  servir  à  rien,  l'article  sera  mis  à  la 
corbeille. 

Assez  sur  cela.  C'est  surtout  en  matière  journalis- 
tique que  s'applique  la  bonne  maxime  :  Sinere  mundum 
ire  qûomodo  vadit.  On  parle  pour  son  plaisir  et  non 
en  vue  d'amender  les  incurables.  L'Art  va  toujours,  de 
son  pas  écrasant,  engrenant  le  neuf  sur  le  neuf,  et 
broyant  les  pattes  des  barbons. 

Et  pour  ceux  de  nos  habituels  lecteurs  qui  voudront 
mieux  connaître  cette  Princesse  Maleine,  nous  rappe- 
lons :  et  l'article  paru  dans  notre  dernier  numéro,  — 
et  l'étude  que  nous  fûmes,  nous,  les  vrais  premiers,  à 
publier  le  17  novembre  1889,  —  et  la  Confession  que 
nous  demandâmes  à  l'auteur,  dans  lArt  moderne  du 


23  février  1890,  —  et  le  nouvel  article  que  nous  y  avons 
consacré  le  10  août  dernier. 

Quant  au  livre  lui-même,  tiré  à  très  petit  nombre,  il 
est  peu  trouvable.  L'auteur  a  désiré  qu'il  ne  subisse 
pas  la  profanation  d'être  lu  par  les  imbéciles.  Ceci  en 
prive  même  les  méritants. 


CONFIANCE  EN  SOI-MÊME 

TRADUCTION    INÉDITE    DE   l' ANGLAIS    d'EmERSON 

par  une  Inconnue  (1). 

Si  un  homme  qui  dit  connaître  Dieu,  qui  en  parle,  vous 
transporte  en  arrière  dans  la  vieille  phraséologie  d'une  ancienne 
nation,  d'un  autre  pays,  ne  le  croyez  pas.  Le  gland  vaut-il  mieu.\ 
que  le  chêne  dans  toute  sa  force?  le  père  vaut-il  mieux  que 
l'enfant  auquel  il  a  transmis  son  ôire  mûri?  Pourquoi  alors  cette 
adoration  du  passé?  Les  siècles  conspirent  contre  la  sainteté  et 
l'autorité  de  râmc.  Le  temps  et  l'espace  ne  sont  que  des  couleurs 
physiologiques  faites  par  l'oeil,  mais  l'âme  est  lumière  :  où  elle 
.  est,  il  fait  jour,  où  elle  n'est  plus,  nuit;  et  l'histoire  n'est  qu'une 
impertinence  et  une  injure^  si  elle  veut  être  plus  qu'un  agréable 
apologue,  ou  une  parabole  de  ce  que  je  suis  et  de  ce  que  je 
deviendrai. 

L'homme  est  timide,  il  va  s'cxcusant,  il  n'est  pas  droit,  il  n'ose 
pas  dire  :  «  Je  pense,  je  suis  »,  mais  il  cite  quelque  saint  ou 
sage;  il  est  honteux  devant  un  brin  d'herbe  ou  une  rose  fleurie. 
Ces  roses,  sous  ma  fenêtre,  n'en  appellent  pas  à  des  roses  plus 
anciennes  ou  meilleures;  elles  existent  au  grand  jour  du  Sei- 
gneur; il  n'y  a  pas  de  temps  pour  elles.  11  y  a  là  simplement 
une  rose;  elle  est  parfaite  U  chaque  moment  de  son  existence; 
avant  qu'un  bourgeon  ne  s'ouvre,  toute  sa  vie  agit.  Dans  la  fleur 
épanouie  il  n'y  a  rien  de  plus,  dans  la  racine  sans  feuilles,  il  n'y 
a  rien  de  moins;  sa  nature  est  satisfaite  et  elle  satisfait  la  nature 
k  tous  les  moments  de  son  existence.  L'homme,  lui,  remet, 
diffère  et  se  souvient;  il  ne  vit  pas  dans  le  présent,  mais,  les  yeux 
tournés  en  arrière,  il  se  lamente  sur  le  passé,  en  négligeant  les 
richesses  accumulées  autour  de  lui,  il  se  met  sur  la  pointe  des 
pieds  pour  apercevoir  l'avenir.  Il  ne  peut,  cependant,  être  heureux 
et  fort  que  si  lui  aussi  vit  avec  la  nature,  dans  le  présent,  au 
dessus  du  temps. 

Ceci  devrait  être  simple  h  comprendre.  Et  pourtant,  voyez  com- 
bien d'hommes  n'osent  écouter  Dieu  lui-même  qu'à  travers  la 
phraséologie  de  quelque  David  ou  Jérémieou  Paul.  Nous  n'ajou- 
terons pas  toujours  un  si  grand  prix  à  quelques  textes,  à  quelques 
lignes.  Nous  sommes  comme  des  enfants  qui  répètent  les  phrases 
qu'ils  ont  entendu  dire  aux  grandes  personnes,  ou,  plus  lard,  aux 
gens  célèbres  que  nous  avons  vus,  retenant  péniblement  les  mots 
exacts  qu'ils  ont  prononcés.  Lorsque,  dans  la  suite  de  notre  vie, 
nous  arrivons  au  point  de  vue  de  ceux  qui  ont  dit  ces  choses,  nous 
les  comprenons  et  nous  oublions  les  mots,  car  nous  pouvons  en 
employer  d'autres  tout  aussi  bons,  à  l'occasion.  Si  nous  vivons 
sincèrement,  nous  verrons  clairement,  11  est  aussi  facile  au  fort 
d'être  fort,  qu'au  faible  d'être  faible.  Quand  nous  aurons  une  per- 
ception nouvelle,  nous  déchargerons  notre  mémoire  des  trésors 

f 

(1)  Voir  nos  numéros  des  3,  10,  17  et  31  août. 


qu'elle  aura  amassés,  comme  s'ils  étaient  de  vieux  chiffons.  Si 
un  homme  vit  avec  Dieu,  sa  voix  sera  aussi  douce  que  le  murmure 
du  ruisseau  et  le  bruissement  du  blé.. 

Et  maintenant,  enfin,  la  plus  haute  vérité  sur  ce  sujet  n'est  pas 
dite,  probablement  ne  le  sera  jamais  ;  car  tout  ce  que  nous  disons 
n'est  qu'une  lointaine  réminiscence  de  l'intuition.  La  pensée  par 
laquelle  je  puis  en  approcher  davantage  est  celle-ci  :  Quand  le 
bien  est  près  de  vous,  quand  vous  avez  de  la  vie  en  vous,  ce  n'est 
pas  d'une  façon  connue  ni  ordinaire  ;  vous  ne  discernez  pas  les 
traces  des  autres,  vous  ne  voyez  pas  de  figures,  vous  n'entendez 
pas  de  noms  propres;  la  voie,  la  pensée,  le  bien  vous  semble 
étranger  et  nouveau.  11  excluera  l'exemple  et  l'expérience.  Vous 
sentirez  que  vous  parlez  de  l'homme,  vous  n'allez  pas  vers  lui. 
Tous  les  hommes  qui  ont  existé  sont  les  ministres  oubliés  de  cette 
pensée  ;  la  crainte  et  l'espoir  sont  en  dessous  d'elle.  II  y  a  quelque  -^ 
chose  de  bas  même  dans  l'espérance.  A  l'heure  de  la  vision,  rien  ne 
peut  être  appelé  joie  ou  satisfaction.  L'âme  élevée  au  dessus  de 
la  passion,  contemple  l'idenlilé  de  la  cause  éternelle,  perçoit 
l'existence  de  la  Vérité  et  du  Droit  et  se  calme  dans  la  pensée 
que  tout  est  bien.  De  grands  espaces  dans  la  nature,  l'océan,  de 
longs  inlervalles  de  temps,  des  années,  des  siècles,  ne  comptent 
plus.  Ceci,  que  je  pense  et  sens,  souligne  et  base  toutes  les  cir- 
constances de  ma  vie  passée,  comme  cela  forme  la"  base  de  mon 
étal  présent,  de  ce  qu'on  appelle  vie,  de  ce  qu'on  appelle  mort. 

C'est  la  vie  seulement  qui  compte,  et  nOn  pas  avoir  vécu.  Le 
pouvoir  cesse  à  l'instant  du  repos;  il  réside  dans  le  moment  de 
transition  d'un  état  à  l'autre,  pendant  qu'on  franchit  le  gouffre  ou 
qu'on  est  lancé  vers  le  but.  Le  monde  hait  ce  fait  de  l'âme  qui 
a  devient  »,  qui  change,  car  cela  dégrade  le  passé,  rend  toutes 
les  richesses  pauvres,  renverse  toutes  les  réputations,  confond  le 
saint  et  le  coquin,  et  met  de  côté  du  même  coup  Jésus  et  Judas. 

Pourquoi  nous  larguons-nous  alors  de  confiance  en  nous-mêmes? 
Pour  autant  que  l'âme  soit  présente,  il  y  aura  pouvoir,  non  pas 
seulement  désiré  et  espéré,  mais  agissant.  C'est  une  façon  de  par- 
ler pauvre  et  exlérieure  que  de  parler  de  confiance  en  soi.  Parlez 
plutôt  de  ce  à  quoi  on  se  confie,  car  cela  agit,  cela  est.  Celui  qui 
a  plus  de  confiance  et  d'obéissance  à  celte  cause  que  moi,  est  mon 
maître,  sans  qu'il  ait  besoin  do  lever  le  doigt;  je  dois  graviter 
autour  de  lui  par  la  loi  de  la  gravitation  des  esprits.  Nous  croyons 
faire  une  figure  de  rhétorique  quand  nous  parlons  d'une  a  émi- 
nente  »  vertu.  Mais  nous  n'avons  pas  vu  que  la  vertu  est  de  l'élé- 
vation, et  qu'un  homme  ou  une  sociéié  qui  sont  formés  par  ces 
principes  ou  plutôt  qui  les  laissent  passer  à  travers  eux-mêmes 
en  les  traduisant,  doivent,  par  la  loi  de  la  nature,  dominer  et  con- 
duire les  villes,  les  nations,  les  rois,  les  riches  et  les  poêles  qui 
ne  sont  pas  pétris  de  celte  même  force. 

Nûus  voici  au  fait  universel,  auquel  jious  arrivons  si  vite,  en 
ceci,  comme  en  tout  autre  sujei,  —  la  resolution  de  lout  dans 
celle  bienheifrcusc  Unilé.  —  L'existence,  la  vie  proprement  dite 
(self-existence)  est  l'atlribut  de  la  cause  suprême;  et  le  degré  où 
elle  entre  dans  les  formes  les  plus  infimes,  constitue  comme  une 
échelle  de  ce  qui  est  bien  :  toutes  les  choses  réelles  sont  telles  par 
la  portion  devenu  qu'elles  conlionncnt. 

Le  commerce,  le  travail,  la  chasse,  la  pêche,  la  guerre,  l'élo- 
quence, la  valeur  personnelle  sont  quelque  chose  et  attirent  mon 
respect,  parce  qu'elles  témoignent  de  la  présence  d'une  vertu  (1) 


/ 


(1)  Le  mot  vertu  semble  être  emi)loyé  ici  dans 
naient  les  Romains  :  virtus,  force. 


sens  que  lui  don- 


cl  de  son  action,  fàl-clle  imparfuilc;  Je  vois  la  même  loi  agissant 
dans  la  nature  pour  la  conservation  et  la  croissance  des  êtres. 

Le  Pouvoir,  dans  la  nature,  est  la  mesure  essentielle  du  Droit. 
La  nature  ne  permet  pas  b  ceux  qui  ne  peuvent  s'aider  eux-mêmes 
de  rester  dans  son  royaume.  La  genèse  et  la  maturité  d'une  pla- 
nète, son  poids  et  son  orbite,  l'arhrc  courbé  se  relevant  sous  l'ou- 
ragan, les  ressources  vitales  de  cliaque  animal,  de  chaque  végé- 
tal, sont  des  démonstrations  de  l'âme  se  suffisant  h  elle-même,  et 
à  cause  de  cela,  confiante  en  elle-même. 

Ainsi  tout  sr;  concentre;  ne  continuons  pas  h  errer  çb  et  là, 
restons  assis  avec  la  cause.  Stupéfions,  étourdissons  les  imperti- 
nents bavardages  des  hommes,  par  une  simple  déclaration  du 
fait  éternel.  Disons  aux  envahisseurs  d'ôler  chapeau  et  souliers, 
car  Dieu  habite  ici,  en  nous.  Que  notre  simi)Iicité  les  juge  et 
que  notre  docilité  îi  notre  loi  démontre  la  pauvreté  de  la  nature 
et  de  la  fortune,  comparée  h  nos  richesses  intérieures  et  person- 
nelles. 

—  Maisaujourd'hui,  nous  ne  sommes  qu'une  populace;  l'Iiomnnc 
n'inspire  aucune  respectueuse  terreur  à  ses  semblables,  il  ne 
force  pas  son  génie  îi  rester  chez  lui  ni  îi  se  mettre  en  communi- 
cation avec  l'océan  intérieur;  ce  génie,  au  conlraire,  se  promène 
et  va  çà  et  là  emprunter  une  tasse  d'eau  à  l'urne  des  autres 
hommes.  —  Nous  devons  marcher  seuls.  —  Je  préfère  à  n'im- 
porte quel  sermon,  l'église  viJe  avant  l'office.  Que  les  hommes 
sont  loin,  —  froids,  purs,  quand  nous  les  voyons  entourés  pour 
ainsi  dire  d'un  sanctuaire  qui  les  isole.  Soyons  toujours  ainsi. 
Pourquoi  nous  chargerions-nous  des  fautes  de  nos  amis,  de  notre 
femme,  de  no'.re  père  ou  de  nos  enfants,  parce  qu'ils  sont  à  notre 
foyer  ou  qu'ils  doivent  avoir  le  même  sang  que  nous?  Tous  les 
hommes  ont  le  même  sang  que  moi,  j'ai  le  même  sang  qu'eux. 
Ce  n'est  pas  pour  cela  que  j'adopterai  leur  pétulance  et  leur 
folie,  fût-ce  au  point  d'en  rougir  ïculemenl.  Mais  cet  isole- 
ment ne  doit  pas  être  mécanique,  extérieur,  il  doit  être  moral, 
c'esl-à-dirc  qu'il  doit  être  de  l'élévation.  Il  y  a  des  moments 
où  le  jnonde  entier  semble  conspirer  pour  vous  ennuyer 
pir  des  bagatelles  pompeuses.  Amis,  clients,  enfants,  maladie, 
peur,  besoin,  charité,  tout  cela  frapp^j  à  la  fois,  b  la  porte  de 
voire  bureau  en  disant  :  «  Sors,  viens  à  nous,  écoute-nous  ». 
Mais  loi,  reste  où  lu  es,  ne  sors  pas,  pour  te  trouver  au  milieu 
de  cette  confusion.  Le  pouvoir  que  les  hommes  ont  de  m'ennuyer, 
c'est  moi  qui  le  leur  ai  donné  par  ma  curiosité,  trop  faible. 
Personne  ne  peut  m'approcher  malgré  moi.  «  Ce  que  nous 
aimons,  nous  le  possédons,  mais  par  les  vains  désirs,  nous  nous 
privons  de  l'amour  ». 

Si  nous  ne  pouvons  pas  nous  élever  tout  d'un  coup  aux  sain- 
tetés de  l'obéissance  et  de  la  foi,  résistons  au  moins  à  nos  lenla- 
,  lions.  Entrons  en  guerre;  réveillons  Thor  et  Odin  dans  nos  cœurs 
saxons,  le  courage  et  la  constance  dans  notre  sein.  Ceci  peut 
s'accomplir  en  temps  de  paix,  en  disant  la  vérité.  Réprimez  cette 
hospitalité  et  ces  affections  menteuses,  ne  vivez  plus  pour  rem- 
plir l'attente  de  ces  gens  déçus  et  décevants  avec  lesquels  vous 
conversez.  Dites  leur  :  0  Parents,  frères,  femme,  amis,  j'ai  vécu 
avec  vous  d'après  les  apparences  jusqu'à  présent.  Dorénavant 
j'appartiens  à  la  vérité.  Sachez  que  je  neveux  plus  obéir  à  d'autres 
lois  que  la  loi  éternelle.  ietiQ  veux  pas  de  conventions,  mais 
des  rapprochements.  J'essayerai  d'entretenir  mes  parents  et  ma 
famille,  d'être  l'époux  fidèle  d'une  §eulc  femme,  mais  je  rem- 
plirai ces  devoirs  d'une  façon  nouvelle.  J'en  appelle  contre  vos 
coutumes.  Je  dois  être  moi-même.  Je  ne  peux  plus  me  briser,  me 


conljairidre  pour  vous  ou  pour  cet  autre.  Si  vous  pouvez  m'aimcr 
pour  ce  que  je  suis,  nous  en  serons  plus  heureux.  Si  vous  neie 
pouvez  pas,  j'essaierai  encore  de  mériter  que  vous  m'aimiez  ;  je 
ne  cacherai  pas  mes  goûts  ni  mes  aversions.  J'aurai  tant  de  con- 
fiance dan?  la  sainteté  do  tout  ce  qui  est  profond  que  j'accom- 
plirai avec  force,  à  la  face  du  soleil  et  de  la  lune,  tout  ce  qui  me 
réjouit,  tout  ce  que  le  cœur  me  dicte.  Si  votre  caractère  est 
noble,  je  vous  aimerai  ;  sinon  je  ne  vous  déshonorerai  pas  par 
des  attentions  hypocrites  qui  me  foraient  du  tort  à  moi-même. 
Si  vous  étés  sincère,  mais  si  vous  ne  voyez  pas  la  vérité  comme 
moi,  attachez-vous  à  vos  propres  compagnons;  je  chercherai  les 
mions.  Je  ne  fais  pas  cela  par  égoïsmc,  mais  pour  être  humble  et 
sincère,  il  est  de  votre  intérêt,  du  mien,  de  l'intérêt  de  tous,  do 
vivre  dans  la  vérité  même  si  nous  avons  vécu  longtemps  dans  le 
mensonge.  Cela  vous  semble-t-il  dur  aujourd'hui?  Vous  aimerez 
bientôt  ce  que  votre  nature  autant  que  la  mienne,  vous  dicte,  et 
si  nous  suivons  la  vérité,  elle  nous  fera  sortir  sains  et  saufs  de 
CCS  difficultés.  —  Mais  vous  pourriez  faire  de  la  peine  à  tels  et 
tels  amis?  Oui,  mais  je  ne  peux  pas  vendre  ma  liberté,  ma  force 
pour  épargner  leur  sensibilité.  D'ailleurs,  tous  les  hommes  ont 
leurs  moments  de  raison  pendant  lesquels  ils  reconnaissent  la 
religion  de  la  vérité  absolue;  dans  ces  moments-là  ils  m'approu- 
veront et  ils  m'imiteront. 

Le  vulgaire  pense  que  si  vous  rejetez  l'opinion  populaire  et 
générale,  vous  les  rejetez  toutes,  et  que  vous  ne  faites  que  de  lu 
contradiction,  et  le  sensualiste  le  plus  effronté  prendra  le  man- 
teau de  votre  philosophie  pour  dorer  ses  crimes.  Mais  la  loi  de 
la  conscience  reste  sur  nous.  Il  y  a  deux  espèces  de  confes- 
sionnaux, et  nous  pouvons  passer  devant  l'un  ou  devant  l'autre. 
On  peut  remplir  son  cercle  de  devoirs  de  deux  façons,  on  pçut 
os'cxaminer  à  ce  sujet  d'une  façon  directe  ou  d'une  façon  réflexe. 
Vous  pouvez ,  considérer  si  vous  avez  rempli  vos  obligations 
envers  vos  parents,  vos  cousins,  vos  voisins,  vos  concitoyens, 
envers  votre  chat  et  votre  chien»  çt  vous  demander  si  l'un  d'eux 
peut  vous  reprocher  quelque  chose.  Mais  vous  pouvez  aussi 
négliger  cette  méthode  d'examen  réflexe  et  vous  absoudre  à  votre 
propre  tribunal.  J'ai  mon  but  personnel,  mon  devoir  propre, 
mission  sévère,  ceccle  dont  je  suis  le  centre,  et  ai>  nom  duquel  je 
refuse  d'appeler  devoir  bien  des  choses  qui  en  portent  le  nom. 
Mais  si  je  puis  m'acquitter  des  obligations  qu'il  m'impose,  il  me 
permet  d'ignorer  le  code  ordinaire.  Si  quelqu'un  s'imagine  que 
celte  loi  est  facile,  qu'il  essaie  d'en  garder  les  coramandemenîs 
un  seul  jour. 

(.4  suivre.)  


LES  NÉO-IMPRESSIONNISTES 

SIGNAC 

M.  Félix  Fénéon  a  publié  dans  les  Hommes  d'aujourd'hui,  en 
marge  d'un  portrait  au  crayon  par  Seurat,  un  portrait  à  la  plume 
du  peintre  Signac,  dans  lequel  il  donne,  une  fois  de  plus,  la  théo- 
rie si  discutée,  bien  qu'ignorée,  des  néo-impressionnistes.  A  tous 
égards,  l'élude  est  attachante  et  mérite  d'être  reproduite  : 

Ce  peintre,  la  jeune  gloire  du  née  impressionnisme,  est  né  le 
41  novembre  4863,  à  Paris,  passage  des  Panoramas,  et  sa  vie 
regorge  d'événements  que  j'eusse  aimé  dire,  mais  quoi,  il  faut 
d'abord  calmer  par  des  patrocinalions,  l'étonnement  soupçon- 
neux, réprobateur  ou  hilare  d'un  public  sur  qui  se  vérifiera  celle 


VART  MQDERNE 


285 


observation  des  oplilhalmographes  :  la  disparition  de  la  percep- 
tion des  complémentaires  est  un  prodrome  de  l'alaxie. 

Sauf  en  des  cas  paradoxaux,  noire  appréciation  d'une  surface 
ne  dépend  évidemment  pas  de  la  seule  couleur  locale,  mais  de  sa 
coalition  avec  d'autres  contingents,  parmi  lesquels  lu  lumière 
éclairante  :  la  qualité  de  cette  lumière  —  pour  éviter  toute  com- 
plication, on  supposera  «les  effets  diurnes  — s'accuse  en  un  orangé 
plus  ou  moins  actif  au  gré  de  la  saison,  de  l'atmosphère  et  de 
l'heure,  jamais  absent,  même  à  l'ombre  ou  par  temps  gris. 

Celle  surface  n'étant  pas  isolée,  ses  primitifs  éléments  de  colo- 
ration —  couleur  locale  el  orangé  solaire  —  vont  être  perturbés 
par  des  phénomènes  de  con'raste, 

car 

Deux  couleurs  limitrophes  s'influencent  muluellemenl,  chacune 
imposant  à  l'autre  sa  propre  complémentaire,  le  vert  un  pourpre, 
le  rouge  un  vert  bleu,  le  jaune  un  outremer,  le  violet  un  jaune 
vcrdâtre,  l'orangé  un  bleu  cyané  :  contraste  de  teintes. 

La  plus  claire  devient  plus  claire  ;  la  plus  foncée,  plus  foncéa  : 
contraste  de  tons. 

Ce  contraste  est  le  régulateur  du  contraste  de  teintes  : 

avec  l'écart  des  tons  croît  l'influence,  par  voie  de  complémen- 
taires, de  la  région  la  plus  lun^ineuse  sur  la  plus  sombre,  tandis 
que  l'açlion  inverse  diminue  cl,  pour  un  puissant  contraste  de 
tons.  Ici  que  celui  d'ombre  à  lumière,  s'abolit  presque. 

Parfois  une  surface  luisante  réfléchit  sa  propre  couleur  sur  une 
surface  placée  angulairement,  —  el  il  arrivera  que  ces  reflets, 
presque  toujours  négligeables,  primeront  la  manifestation  des 
complémentaires;  mais  celle-ci  est  d'absolue  généralité,  et  ils 
restent  fortuits. 

Le  mélange  de  la  couleur  locale  d'un  objet  avec  les  diverses 
lumières  colorées  qui  y  afiluenl  (lumière  solaire,  normales  irra- 
diations de  complémentaires  cl  reflets  accidentels),  mélange  qui 
constitue  la  teinte  sous  laquelle  nous  percevons  cet  objet,  est  un 

MÉLANGE  OPTIQUE. 

Entrée  du  peintre  : 

Si  le  peintre  sur  son  subjeclile(ioile,  cuir,  bois,  carton,  mêlai, 
ivoire,  etc.)  jlixtaposc  d'exiguès  occllurcs  dont  les  séries  corres- 
pondent, qui  à  la  couleur  locale,  qui  î»  la  lumière  solaire,  qui  aux 
reflets,  ces  taches  pluricolorcs  ne  seront  pas  perçues  isolément  : 
au  recul  les  faisceaux  lumineux  cfai  en  émanent  se  composeront 
sur  la  rétine  en  un  mf'f.ange  optiqle.  —  L'artifice  du  peintre  aura 
rigoureusement  restitué  les  procédés  de  la  réalité  (1). 


(1)  Synopsis  : 
A 
dans  la  lumière  : 

1   Couleur  locale. 


Or€ini,'-é  solaire. 


B 

dans  ronil»re 


1.  Couleur  locale. 
1'''».  Réaction  de  la  couleur  locale  de  A, 

c'est-à-diie  sa  complémoutaire. 

2.  Orangé  solaire,  raréfié. 
2''''.  Réaction   de   l'orangé   solaire,   c'est- 
à-dire  sa  complémentaire,  le  bleu. 

et,  de  part  et  d'autre,  le  cas  échéant,  des  reflets  accidentels. 

Quelques  grossiers  parangons. 

Sur  un  ciel  lumineux,  un  arbre  aii  soleil  : 

rarl)re  s'affirmera  i)ar  des  touches  vertt>s  (localité)  el  orangées 
(soleil);  le  ciel,  par  des  touches  bleues  (localité)  et  orangées  (soleil)  ; 
le  contraste  de  tons  peul  être  faible;  loraugé  épars  dans  les  deux 
régions  reste  neutre;  un  commerce  s'établit  entre  le  vert  de  larbre, 
qui  caresse  de  rose  le  ciel,  et  le  bleu  du  ciel,  qui  i>oudre  de  jaune 
notre  arbre. 


L'Union" de  toutes  les  lumières  aboutissant  au  blanc  cl  l'union 
de  tous  les  pigments  au  noir,  —  tout  mélange  optique  tend  vers 
la  clarté,  tout  mélange  pigmcntaire  (i.  c.  mélange  de  couleurs- 
pigments,  mélange  des  pâtes,  mélange  sur  la  palette),  vers  les 
ténèbres.  Si  l'on  représente  par  100  la  laminosilé  du  mélange 
optique  de  deux  couleurs,  la  luminosité  du  mélarigc  pigmentaire 
des  mêmes  couleurs  varie,  suivant  que  le  couple  de  couleurs  est 
tel  ou  tel,-  entre  70  et  80,  tombe  à  47,  se  guindé  à  96,  chiffres  qui 
pour  un  mélange  plus  composite  s'afTaissenl  rapidement.  Mélange 
pigmcntaire  implique  toujours  obscurcissement  et  souvent  décolo- 
raMon.  Une  teinte  pigmentaire  est  veule  el  plate  au  prix  d'une 
teinte  issue  du  mélange  optique;  celle-ci,  myslérieusemenl  vivi- 
fiée par  un  perpétuel  travail  de  recomposition,  chatoie  élastique, 
opulente  el  lustrée.  —  C'est  par  des  considérations  de  cet  ordre 
que  s'expliquerait  la  décadence  du  vitrail.  Elle  est  consécutive  du 
progrès  de  l'industrie  verrière.  Les  vitraux  modernes,  si  purs, 
sont  de  glaciales  el  lisses  nappes.  Grâce  îi  leurs  ganglionnaires 
irrégularités  les  vitraux  anciens  se  pointillcnl  :  d'où  l'activité 
fourmillante  d'un  mélange  optique  —  el  leur  Ijeaulé. 

On  spéculera  donc  sur  les  prérogatives  du  mélange  optique. 
Tous  les  éléments  consiilutifs  de  la  coloration  interviendront  sans 
salissures.  —  Leur  polychrome  cohue  de  taches  minimes  s'or- 
donne selon  le  jeu  des  clairs  et  des  ombres  :  justifiant  les  per- 
spectives, fais:mi  palpiter  l'air  sur  les  spectacles.  Le  modelé  se 
configure  continûment  :  les  énergies  antagoniiiues  de  teintes  se 
calment  à  partir  des  lignes  de  collision,  el  mieux  que  dans  les 
bons  sourimonos,  le  nuanccment  de  ciels,  de  plages,  de  mers 
rivalise  avec  la  dégradation  délicieuse  d'une  feuille  de  rose.  L'es- 
sor de  chaque  couleur  est  libre  el  la  solidarité  de  toutes  stricte  : 
le  tableau  s'unifie  sous  leur  houle. 

Plus  que  tout  autre,  un  tel  procédé  permettra  au  peintre  d'ob- 
jectiver ses  sensations  dans  leur  complexité,  de  traduire,  avec 
l'emphase  licite,  son  originalité  foncière.  Mais,  indépendant  de  la 
dextérité  digitale  et  si  plein  d'alliciantes  embûches,  peut-être  ne 
sera-t-il  accessible  qu'à  un  artiste  doué  de  quelque  génie. 

Pour  légitimer  son  instauration  auprès  d'une  technique  orgueil- 
leuse de  siècles  cl  de  chefs-d'œuvre,  une  technique  nouvelle  doit 
correspondre  à  une  nouvelle  manière  de  voir.  Or,  la  peinture 
optique  dotait  l'impressionnisme  —  spécialisé  par  assez  de  carac- 
tères pour  prétendre  à  s'isoler  dans  la  série  des  formes  d'art  —  d'un 
langage  capable  d'exprimer  ses  vœux  confus.  L'accueil  n'importe 
que  lui  firent  les  vit'ux  maîtres  impressionnistes.  Elle  séduisit, 
—  c'était  vers  1883,  —  quelques  jeunes  peintres,  d'esprit  plus 
philosophique,  qui  la  devinèrent  apte  p  ir  excellence  à  promul- 
guer les  synchromies  qu'ils  rêvaient.  Entre  leurs  qualités  en 
latence  et  la  technique  neuve,  il  y  eut  intime  accord.  Ces  quali- 
tés, elle  les  dégagea  cl  somplueusemenl  les  exalta  :  cl  .M.  Paii. 
SignÀc  put  créer  les  exemplaires  spécimens  d'un  an  à  grand 
développement  décoratif,  qui  sacrifie  l'anecdote  à  l'arabesque,  la 
nomenclature  à  la  synthèse,  le  fugace  au  permanent,  et,  dans  les 
fêles  cl  les  prestiges,  confère  à  la  Nature,  que  lassait  îi  laNrfi  sa 

Sur  le  même  ciel,  larbre  dans  l'ombre  : 

le  voilà  vert  et  très  i)auvre  d orangé;  le  bleu  ambiant  lui  dcleiiue 
un  jaune  paisible;  mais,  follement  exaspérée  par  la  diflereme  dos  t«>iis. 
la  lumière  orangée  du  ciel  inonde  de  bleu  cyané  cet  arbre  misérable 
(pli  tente  en  vain  de  râler  le  moindre  rose. 

Reflets  accidentels  :  * 

un  pré  mouillé  et  solçillé,  exprimé  i)ar  du  vert  et  do  l'orangé, 
enverrait  un  peu  de  cet  orangé  et  de  ce  verl  ànIx  face  d'ombre  d'un 
mur,  sans  préjudice  des  réactions  normales. 


) 


réalité  précaire,  une  aulhenliquc  Réalité.  Comme  illustration  à 
trop  de  mots,  qu'on  voie  ses  œuvres  les  plus  récentes  et,  entre 
toutes  l'op.  196  (Cassis,  Cap  Lombard),  l'op.  200  (id.,  Cap 
Canaille),  l'op.  206  (la  Seine  au  Val  d'Herblay)  :  là  se  conjugue 
indissolublement  la  vigueur  de  la  forme  aux  délicates  cl  sereines 
magnificences  des  colorations,  et  l'espace  criblé  de  lumière  s'ac- 
cumule dans  les  ciels. 

M.  Paul  Signac  a  débuté  en  1881.  Ses  catalogues  de  Paris, 
Nantes,  Druxelles  et  New-York  distribuent  ainsi  ses  paysages  cl 
ses  marines  :  Port-en-Bcssin,  82,  83,  84  ;  Saint-Briac,  85,  90  ;  le 
Pctit-Andely  €t.  Fécamp,  86:  Comblat-le-Giateau  et  Collioure,  87; 
Anvers  et  Portrieux,  88;  Cassis  et  Herblay,  89;  et  enregistrent 
trois  vastes  intérieurs  avec  figures  :  «  Apprèteuse  et  garnisseuse 
(modes)  rue  du  Caire  »,  85-86;  «  la  Salle  à  manger  »,  87;  «  Un 
Dimanche  à  Paris  »,  89-90.  L'énumération  se  compléterait  par 
une  «  Chanteuse  de  café-concert  »,  aquatinte,  84;  une,  autre 
«  Chanteuse  de  café-concert  »  et  «  Portrait  de  mon  grand-père  », 
pointes-sèches,  87;  une  lithographie,  87;  quelques  crayons; 
(|uelques  dessins  piquetés  à  la  plume;  un  programme  chromo- 
lithographique pour  le  Théâtre-Libre,  89  ;  une  affiche  alphabéti- 
que à  l'aquarelle,  savamment  agencée,  pour  le  Cercle  chroma- 
tique de  Charles  Henry  ;  et.  des  notules  dans  le  «  Cri  du  Peuple  », 
signées  Néo,  dans  «  Art  cl  Critique  »,  90,  signées  S.  P.,  et  dans 
la  «  Cravache  »,  88-89. 

Bien  qu'il  sût  les  dénommer  agréablement  («  Un  peu  de  soleil 
au  pont  d'Auslerlitz  »  ou  «  Bonne  brise  de  N  JNO  »)  M.  Signac 
renonce  à  mettre  de  la  lillérature  sous  ses  tableaux.  Il  les  numérote. 
Signature,  millésime  et  numéro  sont  harmonies  aux  fonds,  — 
harmonies  de  sen^blables  pour  un  fond  clair,  de  contraires  pour 
un  fond  sombre.  Comme  décor  :  le  cadre  blanc  à  quatre  étroites 
raies  d'or  en  bordure  extérieure. 

Lorsque. M.  Charles  Henry  voulut  appliquer  à  l'art  industriel 
les  méthodes  d'étude  esthétique  de  la  forme  et  de  la  couleur  aux- 
(juelles  lavaient  conduit  une  théorie  générale  de  la  dynamogénie 
et  des  expériences  patientes,  M.  Signac  lui  apporta  son  concours  : 
son  analyse  du  prolil  (anses  déployées)  des  vases  de  Cnide,  de 
Tliasos  et  do  Rhodes  et  leur  définition  par  indicateurs  d'écart,  de 
dynamogénic,  d'inhibition,  de  contraste,  d'acuité,  de  diversité, 
de  variété  et  de  complication  sont  un  type  très  pur  de  critique 
scientifique  (1).  Eu  1890  sera  publiée  IÉdjcatioj*  du 'sens  des 
FORMES  (2)  dont  il  a  établi  les  planches  et  les  chiffres.  Dans  la 
première  partie  il  opère  sur  des  échantillons,  longuement  choisis, 
(le  coupes  grecques,  vases  persans,  kodzukas,  gardes  d'épée 
Louis  XVI,  piédouches  de  Deneuforge,  et  ses  supputations,  qui 
culminent  en  des  nombres  rythmiques,  sont  d'accord  avec  le  suf- 
frage spontané  des  artistes,  qui  jugent  satisfaisants  ces  objets. 
Dans  la  seconde  partie  de  l'album  il  reproduit,  aux  versos,  quel- 
(jues  ustensiles  usuels  (couteau,  cuiller,  cruche  marseillaise, 
carafe,  chaise),  un  volume  Charpentier,  le  titre  du  «  Figaro  »,  qui 
soumis  au  calcul,  abandonnent  un  résidu  non  rythmique;  et,  aux 
rectos,  il  astreint  ces  mêmes  figures  à  une  déformation  qui  les 
ronde  rythmiques  :  la  confronialion  des  deux  images  est  édifiante 
pour  tout  œil  normal  qui  sait  s'abstraire  de  convenances  utili- 
taires ou  logiques  et,  à  ce  poilit  de  vue,  les  planches  constituent 

ilj  Pages  20-.31d'AppLic  ATI  ON  |  de  :  nouveaux  ixstklments  de  pré- 

'    ISIOX   I  (cercle    CHROMATKJUE,    I   RAPPORTEUR     ET     TRIPLE-DÉCIMÈTRE 
ESTHETIQUES)  |  A  l'aRCHÉOLOOIE  j   PAU  |   M.  ClIARLES  HeNRY  |   PaRIS  ] 

Ernest  Leroux,  editeuh  |  28,  rue  Bonaparte,  28  |  1890. 
(2)  avec  préface  et  notes  scientifiques  de  M.  Charles  Henry. 


des  expériences  uniques  et  probantes.  Les  non  rythmiques  ne 
sonl  pas  seulement  des  exemples  à  éviter  dans  l'art  industriel; 
elles  sont  des  exemples  à  suivre  chaque  fois  qu'U- s'agit  d'obtenir 
avec  une  forme  plus  d'acuité  visuelle  (1),  ou  pour  parler  vague- 
ment, plus  d'utilité.  Le  désagréable  hyperesthésie  ;  l'agréable  anes- 
thésie.  Le  laid.est  pratique  :  il  y  a  dans  ces  expériences  la  carac- 
téristique et  la  justification  des  efforts  les  plus  généraux  de  cet  âge 
scientifique. 

Cette  méthode  permettrait  peut-être  l'étude  mathématique  de 
chromoxylographies  japonaises  aux  teintes  autonomes  dans  leurs 
confins  nettement  délinées.  Mais  il  serait  illusoire  que  M.  Signac 
cherchât  à  l'utiliser  pour  l'exécution  d'un  tableau  ou  M.  X.  pour 
l'analyse  ultérieure  de  ce  tableau.  Du  moins  semble-t-il,  d'après 
la  maîtrise  dont  témoignent  les  dernières  œuvres  de  ce  peintre, 
que,  parmi  tant  d'ardues  investigations,  sa  faculté  de  contrôle  sur 
ses  intuitions  d'harmonies  polychromes  et  linéaires  ail  acquis 
plus  de  décision  encore  et  de  lucidité. 

Dans  sa  bibliothèque,  les  peaux,  les  papiers  et  les  étoffes  des 
reliures  s'accointent  entre  eux  avec  les  textes  :  Léonard  de  Vinci, 
argent  bleu;  Rimbaud  et  Mallarmé,  parchemin  blanc  et  or; 
Baudelaire,  violet;  Kahn,  bleu  et  orangé;  Léon  Tolstoï,  pourpre 
et  noir;  Paul  Adam,  rose  glaceux.  II  feuillette  aussi  cartes  marines 
cl  portulans.  Une  flottille  est  au  service  de  sa  peinture  :  sun 
l'Océan,  le  Mage,  sloop  à  tape-cul  (7  tonneaux,  10  mètres  de 
l'étrave^  l'étambot,  2"', 80  au  maître-bau);  sur  la  Seine,  un  cat- 
boat,  LE  TuB,  et  une  norwégiennc,  la  Walkùre.  Au  hasard  de 
voyages,  il  sera  promu  le  paysagiste  officiel  des  lies  Blanches 
Ésotériqùes  par  le  télrarque  Émeraude  Archetypas. 


Chronique  judiciaire  de?  ^rt? 

Encore  le  Rembrandt  du  Pecq. 

L'odyssée  du  tableau  désormais  connu,  avant  même  son  attri- 
bution exacte,  sous  le  nom  de  «  Rembrandt  du  Pecq  »,  est  loin 
d'être  terminée,  et  nous  entendrons  sans  doute  encore  parler  de 
cette  toile  légendaire,  qui  finira  peut-être  par  rêvé  1er  son  secret. 

En  attendant,  elle  se  prépare  à  faire  son  tour  du  monde,  comme 
tout  bon  tableau  qui  se  respecte,  et  actuellement  le  fameux 
«Rembrandt  »  est  à  Londres,  où  son  heureux  propriétaire, 
M.  Bourgeois,  l'exhibe  en  bonne  lumière. 

C'est  même  ce  déplacement  qui  fait  l'objet  d'un  référé. 

On  se  rappelle,  en  effet,  qu'après  la  vente  qui  a  eu  lieu  de  cette 
curiosité,  dépendant  de  la  succession  d'une  dame  veuve  Legrand, 
moyennant  un  prix  relativement  peu  élevé  s'il  s'agissait  d'une 
œuvre  du  grand  artiste,  un  procès  fut  intenté  par  un  légataire 
de  M™^  Legrand  à  l'acq-iéreur,  M.  Bourgeois,  marchand  de 
tableaux,  à  M.  Gandouin,  expert,  et  à  M.  Haran,  greffier  de  la  jus- 
tice de  paix  de  Saint-Germain-en-Laye,  qui  avait  procédé  à  cette 
vente  après  décès. 

M.  Bernard,  le  légataire,  prétendait  que  la  vente  était  nulle  parce 
que  le  tableau  en  question  avait  été  vendu  comme  étant  de  l'école 
de  Rembrandt,  tandis  qu'il  était,  en  réalité,  du  maître  lui-même. 

II  avait,  en  effet,  été  mentionné  ainsi,  dans  le  catalogue  dressé 
en  vue  de  la  vente  :  «  Ecole  de  Rembrandt  :  Jésus  et  les  disciples 
d'Emmaûs.  » 

(1)  mesurée  par  la  distance  à  laquelle  la  forme  se  distingue  d'une 
tache  grise  amorphe. 


-^r,  il  se^rouvait  que  les  personnages  représentés  par  le  peintre 
étaient  un  beau  vieillard  à  longue  barbe  blanche,  impossible  à 
confondre  avec  le  Christ,  et  des  figures  ailées  qui  ne  pouvaient 
être  prises  pour  de  sinjples  disciples  :  qu'enfin  le  tableau  était 
bien  de  Rembrandt  lui-même  puisqu'il  portait  sa  signature. 

Le  2*2  mai  1890,  le  tribunal  civil  de  Versailles  a  rendu,  sur 
celte  contestation,  un  jugement  qui,  sans  annuler  la  vente  vis-k- 
vis  de  M.  Bourgeois,  a  réservé  la  question  des  dommages-intérêts 
en  ce  qui  concerne  l'expert,  qui  a  nui  à  la  vente  par  l'attribu- 
tion du  tableau  soit  à  un  peintre  du  nom  d'Arnold  Guelder, 
soit  à  l'école  de  Rembrandt  et  en  lui  donnant  la  dénomina- 
tion de  Jésus  et  les  disciples  d'Emmaiis,  et  il  a  nommé  trois 
experts  :  MM.  Paul  Dubois,  directeur  de  l'Ecole  des  Beaux-Arts, 
le  conservateur  du  Musée  de  peinture  du  Louvre  et  M.  Emile 
Michel,  critique  d'art,  pour  fixer  la  valeur  vénale  du  tableau  mis 
en  vente  dans  les  conditions  où  il  aurait  dû  l'élrc. 

M.  Bourgeois,  l'acquéreur,  se  prét\;ndanl  mis  hors  de  cause, 
par  ce  jugement,  a  disposé  du  tableau  et  l'a,  comme  nous  l'avons 
dit,  transporté  à  Londres  pour  y  être  exposé.  Il  doit  même,  dit-on, 
le  promener  dans  d'autres  pays,  en  Amérique,  naturellement,  oii 
l'on  paraît  friand  de  ces  sortes  d'exhibitions,  et  tâcher  de  le 
vendre. 

Mais  le  jugement  du  tribunal  de  Versailles  a  été  frappé  d'appel 
et  il  importe  pour  la  garantie  de  la  succession  de  M'""  veuve 
Legrand,  comme  pour  les  besoins  de  l'expertise  qui  doit  avoir 
lieu,  que  le  tableau  ne  disparaisse  pas  et  reste  à  la  disposition 
des  parties. 

En  conséquence,  M.  Bernard  a  assigné  en  référé,  MM.  Bour- 
geois, Gandouin  et  Haran,  pour  faire  nommer  un  séquestre,  chargé 
de  conserver  le  tableau. 

Sur  les  observations  de  M*  Herbet,  avoué  de  M.  Bernard,  et  de 
M«  de  Biéville,  avoué  de  M.  Bourgeois,  M.  le  président  a  nommé 
ce  dernier  séquestre  du  tableau,  qu'il  pourra  vendre,  mais  à 
charge  par  lui  d'imposer  à  l'acquéreur  la  condition  de  le  repré- 
senter aux  experts,  dans  le  cas  où  le  jugement  serait  confirmé, 
et  lorsqu'il  sera  procédé  à  l'expertise. 


pËTITE    CHROJMIQUfl 


Les  idées  de  l'Art  moderne  sur  la  décoration  des  gares  (voir 
dans  notre  numéro  du  3  août  l'article  intitulé  :  Supplique  à 
M.  Vandenpeereboom)  on>de  l'écho.  Voici  ce  que  publiait  la 
Réforme  de  mercredi  dernier  : 

«  On  est  en  train  de  repeindre  la  gare  du  Midi.  Vat-on  encore 
une  fois  lui  donner  celte  teinte  gris  blanc  uniforme  de  nos  bâti- 
ments ofliciels,  qui  ne  tarde  pas,  surtout  dans  les  gares,  à  devenir 
d'un  gris  sale  qui  les  rend  absolument  lugubres? 

«  Pourquoi  ne  paa  apporter  un  peu  de  couleur,  de  vie  et  de 
gaieté  dans  ces  constructions?  Pourquoi,  par  exemple,  ne  pas 
peindre  les  colonnes  et  les  fermes  métalliques  dans  ces  ions 
bleuâtres  ou  rougeâircs,  que  les  Anglais,  dans  leurs  gares, 
emploient  sans  beaucoup  de  goût,  mais  qui  donnaient  un  aspect 
si  gai  et  si  avenant  aux  constructions  métalliques  de  l'Exposition 
univorsellc  de  Paris? 

«  Ne  sommes-nous  pas  le  pays  de  la  couleur  el  noire  ciel  n'est- 
il  pas  déjà  assez  uniformément  gris  pour  que  nous  réagissions 
contre  le  spleen  qui  découle  de  l'uniformité  el  de  la  monochro- 
mie.  ». 


La  saison  du  Théâtre-Libre,  qui  ouvrira  avec  la  Double  con- 
science, quatre  actes  en  vers  de  M.  Jean  Aicard,  comprendra  huit 
spectacles.  - 

Antoine  se  propose  de  supprimer  sur  les  affiches  de  théâtre,  les 
noms  de  messieurs  les  Acteurs  el  de  mesdames  les  Actrices.  Cela 
ne  sert  qu'à  favoriser  leur  cabotjnagc  cl  leur  insupportable  et 
solfe  vanité,  dit-il.  Plus  de  vedette  hors  cadre,  ni  de  vedetle 
simple,  ni  de  grande,  ni  de  petite  vedette  :  voir  nos  articles  sur 
sa  fameuse  brochure  rouge  {A  rt  moderne  des  1",  8,  15  et  22  juin 
de  celle  année). 

Or,  sail-on  depuis  quelle  époque  les  noms  des  artistes  figurent 
sur  les  affiches  ? 

Depuis  le  21  juin  1791,  jour  où  le  titre  d'Académie  royale  de 
musique  fut  remplacé,  à  Paris,  par  le  mot  Opéra. 

Les  autres  théâtres  suivirent  l'exemple. 

La  formule  par  ordre  fut  inscrite  pour  la  première  fois  en  tête 
des  affiches  des  spectacles,  le  28  octobre  1768. 

En  1792,  elle  fut  remplacée  par  :  De  par  ci  pour  le  Peuple. 

En  voici  Un  échantillon  ;  c'est  l'affiche  de  l'Opéra,  du  21  janvier 
1794,  jour  où  fut  guillotiné  Louis  XVI  : 

De  par  el  pour  le. Peuple 

GRATIS 

En  réjouissance  de  la  mort  du  tyran 

L'OPÉRA  N.\TIONAL 

donnera  aujourd'hui,  6  pluviôse.  An  II  de  la  République 

Milliade  à  Marathon  —  Le  Siège  de  Thionville 

L'Offrande  à  la  Liberté 


Une  des  compositions  de  Weber  citées  par  le  biographe  Jalin 
comme  ayant  dis{îaru,  vient  d'être  retrouvée,  à  Berlin.  C'est  une 
canzonetta  pour  troix  voix  d'hommes,  sans  accompagnement, 
dont  le  texte  commence  ainsi  :  «  Son  troppo  innocente  ncH'arte 
d'amar  ».  Elle  fut  écrite  en  juillet  1811  à  Starnberg,  près 
Munich,  le  lieu  même  qui  fut  témoin,  plus  tard,  de  la  fin  tragique 
du  roi  Louis  II  de  Bavière. 


Le  musée  du  LoùVre  vient  de  recevoir  une  magnifique  collec- 
tion de  nombreuses. amiquiiés  provenant  des  ruines  de  Carihage 
et  achetées  aux  indigènçs^î^r  lé  commandant  Marchant,  de  l'armée 
d'Afrique.  Elles  daient,  la  plupart,  non  de  la  vieille  Carthage 
sémitique,  où  il  n'y  avait  pas  d'art,  quoi  qu'en  ait  pensé  Baude- 
laire, mais  de  la  Carihage  des  empereurs  romains. 

Cette  collection  se  compose  :  de  32  stèles  puniques,  prove- 
nant de  Carthage;  d'une  trentaine  d'inscriptions  grecques  cl 
latines;  d'environ  150  lampes  romaines,  dont  le  plus  grand  nom- 
bre ayec  inscriptions  el  sujets;  d'une  belle  série  de  médailles; 
d'un  certain  nombre  de  fragments  de  statues  cl  de  bas-reliefs,  et 
de  15  têtes  d'empereurs  ou  de  divinités,  parmi  lesquelles  il  faul 
surtout  signaler  une  magnifique  lêle  de  Jupiter  Serapis,  une  tête 
d'Hadrien,  lauré,  ainsi  qu'une  tête  d'impératrice  admirablement 
conservée.  Les  stèles  puniques,  qui  forment  une  série  particuliè- 
rement intéressante,  ont  été  communiquées  en  estampage  à  l'Aca- 
démie des  inscriptions  el  belles-lettres  par  M.  Renan. 

Les  inscriptions  latines,  qui  sont  au  nombre  d'une  trentaine, 
ont  été  presque  toutes  trouvées  ou  achetées  à  des  Arabes  par  le 
commandant  Marchant,  sur  l'emplacement  même  de  Carthage,  cl 
proviennent  principalement,  soit  de  l'endroil  où  M.  de  Sainte- 
Marie  fit  des  fouilles  et  découvrit  une  série  d'inscriptions  en 
l'honneur  de  Sérapis,  soit  de  l'un  des  importants  cimetières  dos 
«  oftkiales  »,  esclaves  et  aff'ranchis  de  la  famille  impériale, 
découverts  à  Carihage  el  qui  indiquent  les  fonctions  qu'ils  rem- 
plissaient. 

Cette  belle  collection  est  arrivée  à  Paris,  et  vient  d'être 
installée  provisoirement  dans  deux  vitrines  de  la  salle  des  «  pri- 
sonniers barbares  ». 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


LIGNE   D'OSTENDE-DOUVRES 

La  plus  courte  et  la  moins  coûteuse  cLu  voies  extra-rapides  entre  le  Continent  et  /'Angleterrb 


Bruxelles  à  Londres  en  .    .    . 

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Cologne  à  Londres  en   .    .    . 

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Berlin  à  Londres  en  .    .    .    . 

.       24       » 

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D'Ostende  à  5  h.  29  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  31  soir.  —  De  Douvres  à  midi  15,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

xr^veri^ée:  eiv  xroiis  he:ure:s 

PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS 

Princesse  Joséphine,  Princesse  Henriette,  Prince  Albert,  La  Flandre  et  Ville  de  Douvres 

partant  journellement  d'OSTENDE  à  5  h.  29  naatin  et  1 1  h.  10  matin  ;  de  DOUVRES  à  midi  15  et  10  h.  *15  soir. 

Salons  luxueux.  —  ^moirs.  —  Ventillation  perfectionnée.  —  Éclairage  électrique.  —  Restaurant. 

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Liverpool,  Manchester  et  toutes  les  grandes  villes  de  la  Belgique 
et  entre  LONDRES    ou   DOUVRES  et  toutes  les  grandes  villes' de  l'Europe. 


BILLETS  CIRCULAIRES 

Supplément  de  2^  en  l"  classe  sur  le  bateau,  fr.  2-35 
CABINES  PARTICULIÈRES.  —  Prix  :  (en  sus  du  prix  de  la  l'»  classe).  Petite  cabine,  7  francs;  Grande  cabine,  14  francs. 

A  bord  des  malles  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette 
Spécial  cabine,  28  francs;  Cabine  de  luxe,  75  francs. 

Pour  la  location  à  l'avance  s'adresser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  {fivai)  ou  à  l'Agence  des  Chemins  de  fer  de  VÉtat-Belge 
Northumbei'land  House,  Strond  Street,  n"  17,  à  Douvres. 

Excursions  à  prix  réduits  de  50  "/o,  entre  Ostende  et  Douvres,  tous  les  jours,  du  l^^  juin  au  30  septembre. 
Entre  les  principales  villes  de  la  Belgique  et  Douvres,  aux  fêtes  de  Pentecôte  et  de  l'Assomption. 
AVIS.  —  Buffet  restaurant  à  bord.  —  Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  —  Accostage  à  quai  vis-à  vis  des  stations  de  chemin  de 
fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits). —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
' —  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colia  postaux,  valeui-s,  finances,  etc.  —  Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  VEorploitation  des  Chemins  de  fa-  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  V Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  V Etat-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n»  53,  à  Londres,  à  V Agence  de  Chemins  de  fer 
de  r^ïaf,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  Jf.\4r/AMr  FrancA«2,  Domkloster,  n«>  1,  à  Cologne. 


chez  MM.  SCHOTT  frères,  82,  Montagne  de  la  Cour,  Bruxelles. 

L'OR  DÛ  RHIN 

DE 

RICHARD  WAGNER 

Version  firançaise  de  Victor  'WILDER 

Partition    pour   chant   et   piano,    réduite   par   R.    Kleinmichel 
PRIX  NET  :  20  Francs 

JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 

—  Bibliographie.  —  Législation.  —  Notariat. 

HUTIKME  ANNÉE. 

Abonnements  i  ^f'g^'ï"*' iV'^"*'-.^"*"- 
(  iitranger,  23  id. 

Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 


Revue  mensuelle  de  littérature  et  d'art 

5"*  Année 

Directeurs  :  MM.  A.  MOCKEL  et  P.-M.  OLIN. 

,  r,  (  à  Liège,  rue  Sl-Adalbert,  8. 

^  Bureaux  | 

f  à  Bruxelles,  Avenue  Louise,  317, 

ABONNEMENTS  :   5  francs  l'an  ;  Union  postale,  fr.   6-50 


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Paris  1867, 1878,  1"  prix.  —  Sidney,  seuls  1"  et  2«  prix 

EIPOSITIOIS  ilSTEROAl  1883,  AHTERS  1885  DIPLOIE  D'HOIHEUI. 

Breitkopf  et  Hartel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 


TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-G.  Lobe.  ^, 

Traduit   de  l'allemand   (d'après   la  5®  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8".  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  ouvrages  d'enseignement  musical  les  plus 
estimés  en  Allemagne.  _ 


Bruxelles.  —  Iiup.  V*  MoNNOii,  26,  rue  de  l'Inaustrie. 


Dixième  année.  —  N"  37. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  14  SEPTEMiiUE  1890. 


^ 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Émilb  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,,  un   an,    fr.    10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES   :'  On   traite   à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Tlndustrie,  26,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


PExrrES  CHAPELLES.  —   L'n  uptlmistk  AMÉuiCAix,  lùiicrsoii,   par 

.  M"'«  A.  Levez.  —  Confiance   en  soi-même.   Traduction  inédite  de 

l'anglais    d'Etncrso>i,    par    une    inconnue    (suite).    —  Chronique 

JUDICIAIRE  DES  ARTS.   Afpchcs  de   thé^'lrc.  Vedette.  —   Schurniann 

contre  Paulus.  —  Mémento  de?^  Expositions. —  Petite  chroniqie. 


PETITES  CHAPELLES 

En  un  mordant  article,  Emile  Goudeau  raille,  dans 
les  Entretiens  j)olitiques  et  littéraires,  les  écoles  — 
lisez  coteries  —  littéraires  qui,  ces  derniers  lustres,  se 
sont  entre-dévorées  avec  quelque  gloutonnerie.  Il  les 
dénombre,  pointe  leur  apogée  et  leur  décadence,  et  le 
kaléidoscope  qu'il  agite  est  amusant.  Il  suffit  de  rappe- 
ler, dit-il,  qu'après  son  triomphe  définitif,  le  roman- 
tisme se  dispersa  aussitôt  en  ordres  orthodoxes  et  en 
sectes  hérétiques,  que  la  grande  cathédrale  d'Hugo  se 
divisa  en  menues  chapelles  où  des  prêtres  convaincus 
durent  officier  devant  les  apôtres  et  les  saints  de  la 
récente  création.  Cela  dura  jusqu'à  la  fin  de  l'Empire. 
Vers  le  commencement  de  la  troisième  République, 
deux  grandes  églises  se  partageaient  le  domaine  artis- 
tique :  les  Parnassiens  et  les  Naturalistes,  les  uns  gar- 
dant la  poésie,  les  autres  tenant  la  prose.  Elles  se  cha- 


maillaient un  I)eu,  comme  le  font  les  Carmes  et  les 
Jésuites  ;  mais,  parce  que  leurs  terrains  étaient  parfai- 
tement distincts,  que  la  nature  de  leurs  offices  et  la 
qualité  de  leur  clientèle  devenaient  très  différentes, 
leurs  querelles  de  lutrin  n'aboutirent  point  à  la  guerre 
ouverte  ni  aux  excommunications  majeures. 

Seulement,  et  ainsi  se  démontre  la  fatale  étroitesse  de 
toutes  les  écoles,  de  toutes  les  confréries,  de  toutes  les 
chapelles,  le  Parnasse  et  le  Naturalisme  anathémati- 
saient  tout  ce  qui  n'était  pas  eux.  Hors  de  l'Eglise,  point 
de  salut  ! 

Cela  soit  dit  non  en  guise  de  blâme,  mais  pour  une 
constatation  dont  nous  voulons  ultérieurement  tirer 
quelques  corollaires. 

Or,  ces  écoles  disciplinées,  où  la  préalable  profession 
de  foi  et  une  ardeur  catéchuménale  apparaissaient 
nécessaires,  ne  tardèrent  pas  à  déplaire  à  une  généra- 
tion nouvelle,  révolutionnaire  par  tempérament,  que  les 
événements  de  70  et  les  luttes  subséquentes  douaient  de 
combativité. 

C'est  à  partir  de  cette  époque  que  les  drapeaux  litté- 
raires, soie,  laine  ou  coton,  apparurent  à  tous  les  coins 
de  rue,  au  dessus  de  tous  les  cabarets  dissertatoires,  et 
que  d'innombrables  journaux  éi)hémères  emportèrent 
ces  pavillons  multicolores  à  travers  l'espace,  à  l'instar 
de  mouches,  affolées  par  un  papier  sous-caudal,  qui  se 
prendraient  pour  des  camelots  célestes.    . 


Ici,  un  collectionneur  émérite  devrait  offrir  sa  nt^ces- 
saire  collaboration  à  l'historien  accablé.  Pendant  quinze 
années,  il  ne  se  passa  pas  de  semestre  sans  qu'apparût 
quelque  novateur. accompagné  de  quatre  ou  cinq  apôtres, 
fier  de  lancer  sur  les  foules  le  nom  d'une  école  adoles- 
cente, destinée  à  triompher  du  romantisme  récalcitrant, 
du  Parnasse  formel  et  du  Naturalisme  expérimental. 
-  Au  hasard  de  la  mémoire,  je  citerai  quelques  ban- 
nières entrevues  durant  cette  croisade.  \ 

Les  Vivants,  école  fondée  par  Maurice  Bouchor,  les 
Brutalistes,  par  Jean  Richepin,  les  Néo-Réalistes  ou 
Lyrico-Réalistes,  qui  tentaient  d'infuser  le  naturalisme 
dans  la  poésie;  d'autre  part,  le  Macabrisme,  paroles  et 
musique  de  M.  RoUinat,  effrayaient  les  peuples;  tandis 
que  l'Ironisme  comptait  encore  des  apôtres,  et  le  Pari- 
sianisme, des  martyrs, 

Je  ne  parle  pas  des  Hydropathes.  Dans  la  pensée  de 
ses  promoteurs,  cette  réunion  bariolée  ne  fut  point  une 
école,  mais  la  négation  même  des  écoles,  la  porte 
ouverte  au  lieu  du  huis-clos. 

Les  Hirsutes,  dont  la  gloire  surgit  peu  après,  rive 
gauche,  ne  tardèrent  pas  A  reconstituer  l'usine  à  dra- 
peaux littéraires,  et  à  trouver  des  moellons  pour  bâtir 
des  chapelles. 

Tandis  que  Félicien  Champsaur  innovait  le  Moder- 
nisme, on  voyait  l'influence  de  Verlaine  et  de  Mallarmé 
passer  décrétât  latent  à  l'état  concret  ;  cette  opération 
physique  donnait  le  jour  aux  Décadents.  Mais  ceux-ci, 
nombreux  dès  l'abord,  disparurent  vite,  dès  qu'une 
popularité  malsaine  s'attacha  à  leur  drapeau,  et  qu'on 
les  appela  Déliquescents,  après  l'apparition  d'une  bro- 
chure gaiement  tapageuse  (1).  Ils  semblaient  être  trente 
mille,  ils  ne  furent  que  quatre  ou  cinq.  Mais  les  ex- 
décadents surent,  des  cendres  de  la  décadence,  tirer  un 
phénix  bien-venu  qui  s'appela  le  Symbolisme,  et 
auquel  un  moment  fut  dévolue  la  grande  gloire. 

Malheureusement  la  discorde  veillait;  d'amères  scis- 
sions se  produisirent.  Il  y  eut  de  vrais  et  de  faux  Sym- 
bolistes; des  Symbolistes  voyants  et  des  Symbolistes 
sans  le  savoir. 

C'était  pourtant  un  superbe  titre  d'école,  car  poésie 
est  symbole,  comme  art,  plastique,  musique  sont  sym- 
boles. 

Malheureusement  quoiqu'un  apparut  qui  inventa  le 
symbolisme-instrumentiste.  Amer  trombonisme  ! 

Dès  lors,  ce  devint  une  orgie  dans  la  débandade.  Les 
vocables  les  plus  étranges  furent  hissés  comme  des 
pavillons  insurrectionnels.  Pendant  une  période  funeste, 
on  assista  au  débordement  des  ismes,  jusqu'au  Vérisme, 
jusqu'au  Zutisme,  jusqu'au  Jemenfichisme,  jusqu'à  cette 
merveille  que  Ton  fonda  l'Ecole  du  Chat  Noir  et  qu'elle 

(1)  Voir  nos  orticlcs  «^  Essai  de  Pathologie  littéraire  ",  An 
mfjdcrne,  1885.  \>i>.  22λ,  238,  245,  253,  201.  269,  278,  286,  301. 


put  s'appeler  le  Chatnoirisme.  Enfin,  par  antithèse, 
apparut  le  Magisme,sur  l'horizon  littéraire  voiié  au  pur 
chaos. 

Car,  entre  temps,  le  Naturalisme  lui-même  se  divisait 
en  sectes  rivales  :  le  Goncourtisme,  le  Daudétisme, 
s'insurgeaient  contre  le  Zolaïsme  pur.  D'un  autre  côté, 
Paul  Bourget  inaugurait  le  psychologisme,  dont  Mau- 
passant  lui  dispute  la  maîtrise.  Bien  d'autres  ismes  flo- 
rissaient  :  l'Exotisme  de  P.  Loti,  l'Intuitivisme  d'Edouard 
Rod,  le  Dilettantisme  de  Maurice  Barrés,  le  Scien ti- 
tisme de  celui-ci,  le  Métallurgisme  de  celui-là,  le  Préhis- 
torisme  de  cet  autre. 

Si  j'en  néglige  un  certain  nombre,  que  l'on  ne  mette 
point  cette  défaillance  numérale  sur  le  compte  d'un 
injuste  dédain  ;  seul  en  est  cause  l'abus  du  tabac,  qui 
diminue  la  mémoire. 

Parmi  tant  d'ismes  hérétiques,  les  chefs  d'Ecole  eux- 
mêmes,  les  grands  théologiens  littéraires,  arrivaient  à 
se  tromper,  si  bien  qu'un  certain  désarroi  se  manifesta 
dans  les  doctrines  les  mieux  établies  et  anciennes,  si 
bien  que  des  prêtres  affolés  couraient  officier  dans  des 
chapelles  d'un  rite  étranger  au  leur,  à  la  stupeur  des 
paroissiens.  Tandis  que  Catulle  Mendès  écrivait  d'exquis 
romans  parisiens  et  naturalistes,  Zola  rentrait  dans  le 
Romantisme  pur  et  glissait  au  Symbolisme,"^  l'on 
attendait,  de  minute  en  minute,  l'annonce  de  quelque 
roman  moderniste  et  boulevardier,  signé  :  Leconte  de 
Lisle. 

Il  n'y  avait  plus  d'écoles,  mais  seulement  des 
vacatures. 

La  conclusion  d'Emile  Goudeau,  c'est  que  l'indivi- 
dualisme enfin  régné  en  maître  souverain,  que  l'ère  des 
petites  chapelles  est  abolie,  que  l'écrivain  désormais 
trouvera  tout  seul  son  chemin  et  s'affirmera,  au  con- 
tact de  la  vie,  sans  passer  par  aucune  école,  sans  devoir 
s'enrôler  sous  nul  drapeau.  En  un  mot,  I'Originalité  ! 
Confiance  en  soi-même. 

On  connaît  notre  avis  sur  les  Ecoles  artistiques,  qui 
n'ont  jamais  produit  que  pastiche  et  contrefaçon.  Un 
artiste  doué  n'a  pas  besoin  de  maître.  S'il  a  en  lui  l'étin- 
celle, celle-ci  l'enflammera  nécessairement.  S'il  ne  l'a 
pas,  à  quoi  bon  suivre  un  cours?  L'art  ne  s'enseigne  pas. 
Les  professeurs  d'es+hétique  qui  exposent,  avec  un  air 
grave,  la  manière  de  composer  un  tableau,  commç  la 
Cuisi'hière  bourgeoise  donne  la  recette  d'un  entremets 
aux  pommes,  nous  ont  toujours  fait  rire.  Mais  les  cote-- 
ries  littéraires,  comme  toutes  les  coalitions,  ont  leur 
utilité,  et  certes  devons-nous  à  l'extraordinaire  multi- 
plicité des  cercles  rivaux,  l'explosion  artistique  puis- 
samment originale  qui  marque  notre  époque. 

Si  le  public  était  assez  coniipréhensif  pour  aller  trou- 
ver dans  l'ombre  dont  sa  modestie  l'enveloppe  l'artiste 
véritable,  écrivain,  peintre,  musicien, et  l'amener  triom- 
phalement à  la  lumière,  tous  ces  groupes  en  isme,  aux 


r»- 


LART  MODERNE 


291 


noms  bizarres,  aux  allures  quelque  peu  tapageuses, 
n'auraient  point  raison  d'être.  Peut-être  un  jour  (espoir 
flatteur  pour  la  foule),  en  un  âge  d'or  rêvé  par  tous,  les 
associations  seront  dissoutes,  l'artiste  triomphera  seul, 
par  le  seul  ascendant  de  son  mérite,  immédiatement 
reconnu  et  consacré.  En  attendant  cette  époque  bénie, 
une  providence  mystérieuse  supplée,  incarnée  en  ces 
groupes  divers  que  le  hasard  ou  une  camaraderie  d'ate- 
lier fait  naître,  aux  difficultés,  souvent  insurmontables, 
du  contact  entre  l'artiste  et  le  public.  Une  revue  fondée, 
dans  l'enthousiasme  d'une  discussion  littéraire  entre 
amis,  au  tintement  des  verres  choqués,  et  voici  un, 
deux,  trois  noms  inconnus  glissés  dans  la  vie  littéraire. 
Le  drapeau  nouveau  attire  les  regards  blasés  de  la 
foule.  A  bref  délai,  l'écrivain  de  valeur  prendra  rang. 
De  même  pour  les  cercles  de  peintres,  de  même  pour  les 
associations  de  musiciens.  Combien  d'artistes  ont  dû  à 
ces  unions  éphémères,  mais  fécondes  en  résultats  artis- 
tiques, la  notoriété  si  lente  à  acquérir  dans  l'isolement. 
Et  quel  encouragement  donne  le  coude-à-coude  des 
batailles  de  l'Art,  quel  enfièvrement,  productif  d  oeuvres 
âpres,  provoque  la  lutte  en  commun  pour  le  triomphe 
de  ridée  ! 

Le  caractère  fragile  et  transitoire  de  ces  groupements 
d'artistes  en  fait  le  mérite.  L'influence,  limitée  quant  au 
temps,  de  l'œuvre  d'art,  s'accommode  mal  des  institu- 
tions durables,  figées  dans  une  formule  bientôt  suran- 
née. Le  renouvellement  constant  des  idées,  des  prin- 
cipes et  des  techniques  artistiques  est  le  salut  de  l'art, 
spécialement  de  l'art  nerveux,  sensitif  et  merveilleuse- 
ment intuitif  de  notre  époque.  Applaudissons  donc  aux 
vaillants  qui  ont  jalonné  l'histoire  littéraire  de  petites 
chapelles,  ainsi  qu'un  chemin  de  la  croix  dans  la  cam- 
pagne, et  saluons,  en  un  pèlerinage  pieux,  les  stations 
qu'ils  ont  instaurées.  Les  plus  excentriques  même  ont 
droit  à  nos  respects  :  pour  trouver  l'équilibre  du  pen- 
dule, il^|ut  bien  le  pousser  avec  exagération  de  l'un  et 
l'autre  cwés. 


UN  OPTIMISTE  AMÉRICAIN 

Emerson,  par  M'"''  A.  Levoz,  iii-8''  ilo  125  p.  et  fab.  —  Bibliotlièquo 
Gilon,  1890,  Paris  ot  Verviers. 

«  Il  s'étonnait  toujours  de  rencontrer  tant  de  braves 
gens  ;  il  se  sentait  heureux  qu'il  y  eut  tant  de  bons  sur 
la  terre...  Il  croyait  qu'une  équité  parfaite  établit  sa 
balance  dans  toutes  les  conditions  de  la  vie,..,  que  c'est 
dans  ce  monde,  non  dans  l'autre,  que  nous  subirons  la 
conséquence  de  nos  aTHes.  » 

C'est  ainsi  que  la  femme  belge,  d'un  remarquable  esprit, 
qui  a  écrit  une  étude  sur  Emerson,  résume  la  domi- 
nante, naïve  hélas!  de  l'âme  de  son  héros.  «  Son 
héros  ",  car  elle  en  parle  avec  un  enthousiasme  qui 


échauffe  toutes  les  pages  de  ce  livre  sub.stantiel  et  court, 
double  qualité  dans  notre  temps  de  hâte.  Elle  n'est  pas 
la  seule  femme  à  admirer  le  penseur  américain,  prédi- 
cateur unitairien  d'abord,  plus  tard  simplement  philo- 
sophe, répandant  par  des  écrits,  des  conférences  et  des 
lectures,  non  pas  sa  doctrine  (il  semblç  qu'elle  n'ait 
jamais  eu  la  condensation  nécessaire),  mais  ses  idées 
sur  beaucoup  de  choses  :  la  Nature,  lès  Grands  hommes, 
le  Caractère  anglais,  la  Conduite  de  la  Vie,  la  Richesse, 
l'Education,  la  Beauté,  les  Illusions,  la  Société,  la 
Solitude,  la  Littérature,  l'Amour,  l'Amitié,  l'Art,  la 
Religion,  la  Morale  et  même  les  Bonnes  manières.  Ses 
œuvres  complètes,  publiées  dans  sa  ville  natale,  en  1884, 
comportent  onze  volumes.  Il  commença  la  vie,  à  Boston, 
en  1803,  et  l'acheva  à  Concord,  en  1882. 

M'"^  Levoz  n'est  pas  la  seule  femme,  disons-nous,  à 
ressentir  pour  lui  une  sympathie  brûlante.  EUe-même, 
en  eff'et,  signale  que  "  Miss  Martineau  reconnaissait 
pleinement  son  génie  et  proclamait  ses  louanges  ;  que 
miss  Bremer  fixait  sur  lui  son  œil  pénétrant  et  le  décla- 
rait un  noble  caractère;  que  Marguerite  Fuller,  qui 
collabora  au  même  journal  que  lui,  était  une  de  ses 
admiratrices  les  plus  ardentes.  » 

C'est  qu'Emerson  fut  un  moraliste  doux,  d'une 
bonté  toujours  transparaissante,  aimant  la  femme,  et 
le  disant  :  «  Dans  les  œuvres  de  la  nature  et  de  l'art, 
c'est  elle  qui.reali.se  \e  plus  complètement  la  beauté  «,  — 
aimant  la  femme,  et  le  prouvant  :  il  s'est  marié  deux 
fois.  Il  est  vrai  qu'il  caractérise  ce  penchant  par  une 
remarque  qui  étonne  M"""  Levoz  :  «  Ce  n'est  pas  sur 
l'objet  aimé  que  se  concentrent  nos  afl'ections,  c'est 
plutôt  l'idéal  rêvé  que  nous  aimons  à  travers  lui.  » 
Même  réflexion  que  celle  risquée  par  nous  jadis  dans 
VArt  moderne  :  les  femmes  ne  sont  que  des  prétextes 
à  idéal. 

Emerson  fut-il  un  génie,  comme  le  dit  miss  Marti- 
neau? La  fine  et  consciencieuse  étude  de  M"**  Levoz  en 
fait  douter.  Non  pas  qu'elle  ne  partage  point  l'avis  de 
miss  Martineau,  mais  inconsciemment,  par  les  détails 
qu'elle  donne  et  les  citations  qu'elle  fait,  Emerson  se 
trouve  réduit  à  des  proportions  moins  surhumaines. 
L'esquisse,  très  claire  en  ses  traits,  fort  intelligem- 
raeiit^  dessinée,  donne  l'impression  d'une  personnalité 
remarquable,  d'un  cœur  plein  de  bon  vouloir,  à  l'esprit 
ingénieux  plutôt  que  pénétrant,  d'un  trouveur  d'images 
et  de  mots  heureux  pour  exprimer  du  pour  résoudre 
quelques-uns  des  tourmentants  problèmes  de  la  vie  cou- 
rante, d'un  philosophe  serein,  au  visage  empreint  de 
majesté  académique,  faisant  la  clinique  des  difficultés 
habituelles  de  la  psychologie  bourgeoise,  mais  par  qui 
les  grandes  misères  de  l'enfer  social  n'ont  été  ni  vues, 
ni  entendues.  C'est  un  Christ  pour  la  classe  moyenne. 

Mais  là,  assurément,  on  s'explique  son  succès  et  son 
influence.  M'"*  Levoz  le  dit,  en  termes  excellents,  dans 


une  introduction  hautement  et  gt^n^reusement  pensée  : 
«  Aux  lieures  de  doute  décourageant,  alors  que  nos 
aspirations  se  dirigent  en  vain  vers  une  croyance  solide, 
si,  dans  notre  accablement,  nous  entendons  une  parole 
puissante,  capable  de  dissiper  nos  incertitudes  et 
d'asseoir  nos  convictions  sur  une  base  réelle,  combien 
ne  nous  sentons-nous  pas  réconfortés?  Une  force  inouïe 
nous  attire  vers  Tauteur  des  paroles  qui  ont  rendu  la 
sérénité  à  notre  ûmeet  la  fixité  à  nos  idées...  Ofi  trou- 
ver, mieux  caractérisée  que  chez  Emerson,  une  vue 
plus  lumineuse  de  toutes  choses,  une  plus  saine  et  plus 
vigoureuse  confiance  en  soi,  un  plus  triomphant  opti- 
misme? •' 

Oui.  Mais  tout  cela  n'est  vrai  que  pour  la  classe  que 
nous  mentionnions  tout  à  l'heure.  Il  manque  à  ce  Christ 
la  souverainegrandeur.de  misère  de  l'autre,  et  la  divine 
sympathie  qui  lui  fit  voir  que  de  tous  les  problèmes 
humains,  le  plus  poignant  et  le  plus  digne  d'émouvoir 
est  celui  des  sacrifiés  de  l'organisme  social.  Il  n'était  pas 
un  optimiste,  lui.  Il  ne  se  maria  ni  une,  ni  deux  fois.  Il 
ne  vécut  pas  de  ses  rentes  dans  une  confortable  maison. 
II  ne  mourut  pas  octogénaire  et  dans  son  lit.  Tout  cela 
à  la  bourgeoise.  Il  a  réalisé  le  symbole  du  pauvre  sans 
espérance,  en  ce  monde  d'injustice  incurable  pour  les 
faibles  et  les  opprimés.  Il  avait  oublié  de  vivre  son 
évangile  pour  la  bourgeoisie  et  de  le  parler  pour  elle. 
Emerson  a  comblé  la  lacune,  n'oubliant  pas  même  les 
Bonnes  manièi-es,  proclamant  que  la  culture  étant 
impuissante  à  les  inculquer  si  elle  n'a  pas  affaire  à  une 
nature  perfectionnée  déjà  par  l'hérédité,  cela  peut  jus- 
tifier le  privilège  du  sang  et  de  la  naissance  ! 

Nous  en  convenons,  dans  la  sphère  restreinte  où  il  est 
resté  confiné,  il  a  réalisé  presque  tous  les  desiderata,  et 
M'"^  Levoz  comme  miss  Fuller  s'étonnent  à  bon  droit 
que  son  influence  ne  s'étende  pas  encore  à  travers  un 
grand  espace.  A  part  quelques  lettrés,  dit-elle,  personne 
ne  soupçonne  l'existence  du  philosophe  américain.  Nous 
nous  félicitons  d'avoir  contribué  à  familiariser  nos  lec- 
teurs avec  ce  grand  nom,  grâce  à  la  collaboration  d'une 
Inconnue  que  nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de 
nommer  en  nous-mêmes  depuis  que  nous  avons  lu  la 
biographie  dont  nous  rendons  compte.  Inconnue  qui 
nous  a  mis  en  mesure  de  publier  la  parfaite  traduction 
de  Confiance  en  soi-même  que  nous  poursuivons 
aujourd'hui,  que  nous  achèverons  dans  notre  prochain 
numéro.  Certes  ce  curieux  écrit,  peut-être  le  plus 
impersonnel  et  le  meilleur  d'Emerson,  commande  l'ad- 
miration, mais  combien  là  aussi  il  parle  moins  pour 
l'universelle  humanité,  que  pour  une  caste  de  privilé- 
giés, abondant,  pour  elle,  en  maximes  profondes,  en 
conseils  virils,  en  aperçus  ingénieux. 

Peut-être  aussi  que  la  lenteur  et  la  difficulté  que 
subit  son  œuvre  à  s'infiltrer  en  Europe,  procède  de  ce 
qu'elle  n'est  pas  dépourvue  de  quelque  américanisme. 


Souvent  l'expression  ou  la  figure  ont  un  parfum  indus- 
triel et  mercantile  qui  ne  laisse  pas  que  de  choquer. 
«  , Payez  vos  dettes  de  toute  espèce  »,  dit-il  pour 
recommander  d'être  sincère.—  «  Vous  achetez  beaucoup 
de  choses  qui  ne  vous  sont  pas  portées  en  compte  ", 
dit-il  aux  inutiles.  —  «  DépensezVos  idées  avec  système  ", 
dit-il  aux  penseurs.  —  «  Accumulez  les  intérêts  avec 
une  sévère  économie  »,  dit-il  aux  créateurs.  Sa  para- 
bole se  ressent  de  la  même  inclination  :  «  La  société 
est  une  troupe  parmi  laquelle  les  mieux'  doués  prennent 
les  meilleures  places.  Un  homme  faible  peut  voir  les 
fermes  qui  sont  labourées  et  clôturées,  les  maisons  qui 
sont  bâties.  L'homme  fort  voit  les  fermes  et  les  maisons 
qui  peuvent  être  édifiées.  Son  œil  crée  les  propriétés 
aussi  vite  que  le  soleil  faitnaître  les  nuages.  »  —  Ilaaussi 
écrit  :  Soyons  riches,  possédons,  et,  surtout,  sachons 
jouir  des  richesses,  des  biens  accumulés  depuis  des 
siècles  par  le  talent  et  le  travail  d'autrui.  Nous  avons 
besoin  d'être  riches,  parce  que  c'est  la  fortune  qui, 
outre  l'abri  d'un  toit  et  la  nourriture  de  chaque  jour, 
nous  procure  les  jouissances  de  l'art  et  de  l'esprit,  et  ce 
sont  celles-là  qui  doivent  avoir  du  prix  à  nos  yeux  -. 

Singulier  mélange,  on  le  voit,  de  désintéressement  et 
d'amour  du  bien-être,  programme  nettement  affirmé 
d'une  existence  bourgeoise,  confortable  et  réglée,  fleu- 
rant assurément  ce  que  lui-même  nomme  :  la  grande, 
sensuelle  et  avare  Amérique.  II  pense,  du  reste,  que  le 
Beau  est  intimement  lié  à  l'Utile,  et,  dénonçant  une 
inconsciente  tendance  à  la  vulgarité  même  dans  les 
sujets  les  plus  sentimentaux,  il  exprime,  à  propos  de 
l'Amitié,  cette  pensée  que  ce  que  l'on  y  ressent  c'est 
l'affection  des  âmes  et  l'oubli  du  corps,  en  posant  cette 
étonnante  question  :  "  Etes-vous  l'ami  des  boutons  'de 
votre  ami,  ou  de  ses  pensées?  » 

r)ans  un  intéressant  passage  de  son  étude.  M""®  A.  Le- 
voz, préoccupée  d'établir  la  supériorité  d'Emerson,  fait 
cette  remarque  qu'en  beaucoup  de  points  il  s'est  rencon- 
tré avec  Victor  Hugo  et  met  en  parallèle  des  extraits 
de  leurs  œuvres.  En  eff'et,  le  rapport  est  frappant  ;  mais 
dans  la  forme,  quelle  différence!  Cette  comparaison 
achèvera  de  mettre  le  cerveau  d'Emerson  au  point  et  de 
juger  définitivement  s'il  faut  voir  en  lui  un  génie,  ou 
simplement  un  homm^j  de  grand  talent. 

Il  a  écrit  :  -  Dieu  offre  à  chaque  esprit  le  choix  entre 
la  vérité  et  le  repos.  Prenez  celui  que  vous  voulez,  vous 
ne  pouvez  avoir  l'un  et  l'autre.  Entre  les  deux,  l'homme 
oscille  comme  un  pendule.  Celui  chez  lequel  l'amour  du 
repos  prédomine,  acceptera  la  première  croyance,  la 
première  philosophie,  la  première  opinion  politique 
venue,  le  plus  probablement  celle  de  son  père.  Il  aura 
le  repos,  une  vie  commode,  une  bonne  réputation  ;  mais 
il  aura  fermé  devant  lui  la  porte  de  la  vérité.  Celui  en 
qui  l'amour  de  la  vérité  prédomine,  sera  comme  le 
navire  sur  les  flots,  libre  de  tojjite  amarre.  Il  s'abstien- 


♦  TS 


VAUT  MODERNE 


293 


(ira  de  dogmatisme  et  tolérera  toutes  les  négations  oppo-  ' 
sées  entre  lesquelles  son  être  moral  se  balance,  comme 
entre  des  murailles.  Il  se  soumet  à  l'inconvénient  de 
rester  dans  l'incertitude  et  d'av(>îr  une  opinion  impar- 
faite ;  mais  il  est  candidat  de  la  vérité,  tandis  que 
l'autre  ne  l'est  pas,  et  il  respecte  la  loi  la  plus  élevée  de 
son  être  ". 

Ces  mêmes  idées,  Victor  Hugo  les  a:  frappées  de  la 
superbe  empreinte  que  voici  :  «  Tout  homme  a  en  lui 
son  Pathmos.  Il  est  libre  d'aller  ou  de  ne  point  aller  sur 
cet  efl'rayant  promontoire  de  la  pensée  d'où  l'on  aper- 
çoit les  ténèbres.  S'il  n'y  va  point,  il  reste  dans  la  vie 
ordinaire,  dans  la  conscience  ordinaire,  dans  la  vertu 
ordinaire,  dans  la  foi  ordinaire,  ou  dans  le  doute  ordi- 
naire; et  c'est  bien.  Pour  le  repos  intérieur,  c'est  évi- 
demment le  mieux.  S'il  va  sur  cette  cime,  il  est  pris.  Les 
profondes  vagues  du  prodige  lui  ont  apparu.  Nul  ne 
voit,  impunément  cet  océan-là.  Désormais,  il  sera  le. 
penseur  dilaté,  agrandi,  mais  flottant,  c'est-à-dire  le 
songeur.  Il  touchera  par  un  point  au  poète  et  par 
l'autre  au  prophète.  Une  certaine  quantité  de  lui  appar- 
tient maintenant  à  l'ombre.  L'illimité  entre  dans  sa  vie, 
dans  sa  conscience,  dans  sa  vertu,  dans  sa  philosophie. 
Il  devient  extraordinaire  aux  autres  hommes,  ayant 
une  mesure  différente  de  la  leur.  Il  a  des  devoirs  qu'ils 
n'ont  pas.  Il  vit  dans  la  prière  diffuse,  se  rattachant, 
chose  étrange,  à  une  certitude  indéterminée  qu'il 
appelle  Dieu.  Il  distingue  dans  ce  crépuscule  assez  de  la 
vie  antérieure  et  assez  de  la  vie  ultérieure  pour  saisir 
ces  deux  bouts  de  fil  sombre  et  y  renouer  son  âme.  Qui 
a  bu,  boira:  qui  a  songé,  songera.  Il  s'obstine  à  cet 
abîme  attirant,  à  ce  sondage  de  l'inexploré,  à  ce  désin- 
téressement de  la  terre  et  de  la  vie,  à  cette  entrée  dans 
le  défendu,  à  cet  effort  pour  tenter  l'impossible,  à 
ce  regard  sur  l'invisible,  il  y  vient,  il  y  retourne,  il  s'y 
accoude,  il  s'y  penche,  il  y  fait  un  pas,  puis  deux,  et 
c'est  ainsi  qu'on  pénètre  dans  l'impénétrable,  et  c'est 
ainsi  qu'on  s'en  va  dans  les  élargissements  sans  bords 
de  la  méditation  infinie  ».  n, 


CONFIANCE  EN  SOI-MÊME 

TRADUCTION    INÉDITE    DE    l'aNGL.VFS    d'EmERSON 

par  une  Inconnue  (1). 

r 

Vraiment,  îi  celui  qui  a  n^jelé  les  mobiles  ordinaires  clos 
hommes  et  qui  a  ose  se  prendre  lui-même  pour  maiire,  il  faut 
un  force  divine.  Qu'il  ait  le  cœur  haut  placé,  la  volonté  fidèle,  la 
vue  claire,  qu'il  puisse  sérieusement  être  à  lui-même  doctrine, 
société,  loi,  et  qu'une  simple  résolution  devienne  pour  lui  aussi 
t'orie  que  la  loi  de  fer  de  la  nécessité  l'est  pour  les  auins! 

Si  on  considère  l'aspect  actuel  de  ce  qu'on  nomme  par  dislinc- 

(1)  Voir  nos  numéros  des  3,  10,  17,  31  août  et  7  soiiloniluv. 


lion  «  la  société  »,  on  roconnîiiira  la  nécessité  de  celte  morale. 
On  dirait  que  le  nerf,  la  vigueur,  le  cœur  de  l'homme  s'en  sont 
relirés  et  que  nous  sommes  devenus  des  pleurnicheurs  timorés 
et  découragés.  Nous  sommes  effrayés  de  la  vérité,  effrayés  de  la 
fortune,  effrayés  de  la  mort,  et  effrayés  les  uns  des  autres.  Notre 
époque  ne  produit  pas  de  |>ersoimagcs  grands  et  entiers.  Nous 
avons  besoin  d'hommes,  de  femmes,  f|ui  renouvellent  noire  vie  et 
noire  état  social;  mais  nous  voyons  que  la  plupart  des  nalures 
sont  insolvables,  qu'elles  ne  peuvent  suffire  k  leurs  propres 
besoins,  qu'elles  s'appuient  et  mendient  jour  et  nuit.  Notre 
ménage  mendie,  nos  arts,  nos  occupations,  nos  mariages,  noire 
religion  mendient,  nous  ne  les  avons  pas  choisis,  la  société  les  a 
dioisis  pour  nous.  Nous  sommes  des  soldats  de  salon;  nous 
désertons  la  rude  bataille  du  sort,  où  naît  la  force. 

Si  nos  jeunes  gens  réussissent  mal  k  leur  première  entreprise, 
ils  perdent  courage.  Si  un  jeune  commerçant  fait  de  mauvaises 
affaires,  on  dit  que  c'est  un  homme  à  la  mer.  Si  un  homme  de 
génie  étudie  dans  une  de  nos  universités  et  n'est  pas  «  installé  », 
un  an  après,  «  dans  une  bonne  position  »  à  Boston  ou  à  New- 
York,  il  semble  k  ses  amis  et  à  lui-même  qu'il  a  raison  d'êlrc 
découragé,  de  se  plaindre  le  restant  de  ses  jours.  Un  solide 
gaillard  du  New-Hampsliire  ou  du  Vcrmont,  qui  essaie  de  tout, 
de  la  ferme,  de  l'attelage,  du  colportage,  qui  prend  une  école, 
prêche,  édile  un  journal,  va  à  la  Chambre,  et  ainsi  de  suite,  et 
qui  retombe  toujours  sur  ses  patles,  comme  un  chai,  celui-là 
vaut  des  centaines  de  ces  mannequins  des  villes.  Il  marche  de 
front  avec  son  époque,  et  n'est  pas  honteux  parce  qu'il  n'a  pas 
étudié  une  profession,  car  il  ne  postpose  pas  sa  vie,  il  la  vit  déjà. 
Il  n'a  pas  une  chance,  il  en  a  cent. 

Qu'un  stoïquc  .ouvre  donc  toutes  grandes  les  ressources  des 
hommes  devant  eux  ;  qu'il  leur  dise  qu'ils  ne  sont  pas  des  saules 
pleureurs,  mais  qu'ils  peuvent  et  doivent  se  détacher  les  uns  des 
autres  pour  s'appuyer  sur  eUx-mêmes  ;  qu'avec  l'exercice  de  la 
confiance  en  soi  apparaîtront  de  nouvelles  forces  ;  que  l'homme 
est  le  verbe  fait  chair  né  pour  répandre  la  guérison  parmi  les 
nations;  qu'il  devrait  élre  hontcnx  de  noire  compassion;  que,  A\x^ 
moment  où  il  commence  à  agir  par  lui-même,  jetant  par  la 
fenêtre  les  lois,  les  livres,  les  idolâtries,  les  coutumes,  nous  ne  le 
plaignons  plus,  mais  nous  le  remercions  et  le  révérons;  ce  maîire 
rendrait  à  la  vie  de  l'homme  toute  sa  splendeur,  et  son  nom  serait 
cher  à  l'histoire. 

Il  est  facile  à  voir  qu'une  plus  grande  confiance  en  soi-même 
opérera  une  révolution  forcée  dans  li's  occupations  et  dans  les 
relations  des  hommes;  dans  leur  religion;  dans  leur  éducation: 
dans  leurs  entreprises;  dans  leur  manière  de  vivre;  dans' leurs 
associations;  dans  leurs  propriétés;  ei  dans  leurs  vues  spécola- 
tives^ 

I.  Quelles  prières  les  hommes  se  permellenl!  Ce  qu'ils 
appellent  une  occupation  siinle  n'est  pas  même  brave  ni  viril. 
Votre  prière  regarde  au  dohors  et  semble  demandrr  qu'une  addi- 
tion de  biens  étrangers  lui  soit  accordée,  par  des  moyens  étran- 
gers aussi  ;  elle  se  perd  dans  un  dédale  de  naturel  et  de  surnatu- 
rel, de  médiateurs  et  de  miracles.  La  prière  qui  demande  un  bien 
particulier  —  quoi  que  ce  soil  —  de  moins  que  «  tout  bien  »,  est 
vicieuse.  La  prière  est  la  conlemplaiion  des  faits  de  la  vie  prise 
du  plus  haut  point  de  vue.  C'est  le  monologue  d'une  âme  joyeuse, 
en  extase,  en  admiration.  C'est  l'esprit  de  f>ieu  prononçant  ses 
œuvres  bonnes.  Mais  la  prière  employée  comme  moyen  d'arriver 
à  un  but  particulier,  esl  une  bassesse,  un  vol;  elle  suppose  dans 


la  nature  et  dans  la  conscience  un  dualisme  el  non  une  unité. 
Quand  l'Iiommc  n'est  qu'un  avec  Dieu,  il  ne  demande  pas  ;  il  voit 
la  prière  dans  toutes  ses  actions  ;  la  prière  du  fermier  à  genoux 
dans  son  champ  pour  le  creuser,  celle  du  rameur  s'agcnouillant 
pour  faire  ployer  sa  rame,  sont  de  vraies  prières  entendues  de 
toute  la  nature,  quoiqu'elles  soient  faites  pour  des  tins  très  ordi- 
naires. 
■  -  Caiarach,  dans  le  Bondiica  de  Fletclier,  étant  obligé,  par  un 
ordre  sévère,  d'aller  consulter  l'opinion  du  dieu  Audate,  répond 
à  cet  ordre  : 

Le  socrel  do  sa  volonté  git  dans  nos  efforts, 

Nos  courages,  nos  vertus  sont  nos  meilleurs  dieux. 

Nos  regrets  sont  une  autre  espèce  de  fausse  prière.  Le  mécon-» 
lentement  est  un  manque  de  confiance  en  soi-même,  c'est  une 
infirmité  de  la  volonté.  Regrettez  les  calamités,  déplorez-les,  si 
vous  pouvez  par  là  aider  celui  qui  souft're; —  sinon,  travaillez  à 
votre  propre  besogne,  et  déjti  le  mal  commencera  à  se  réparer. 
Notre  sympathie  est  de  tout  aussi  mauvais  aloi.  Nous  allons  à 
ceux  qui  pleurent,  nous  nous  assoyons  près  d'eux,  el  nous  pleu- 
rons stupidement  de  concert,  au  lieu  de  leur  communiquer  la 
vérité  cl  la  santé  par  des  chocs  rudes  et  électriques,  on  les  mcl- 
tanl,  une  fois  de  plus,  en  communication  avec  leur  propre  raison. 
—  Le  secret  de  la  fortune,  c'est  la  joie  dont  nous  disposons. 
L'homme  qui  s'aide  lui-même  est  bienvenu  des  dieux  et  des 
hommes.  —  Pour  lui,  les  portes  s'ouvrent  toutes  grandes;  toutes 
los  langues  le  complimentent,  tous  les  honneurs  le  couronnent, 
tous  les  yeux  le  suivent  avec  envie.  Notre  amour  va  h  lui,  et  lui 
reste,  parce  qu'il  n'en  a  pas  besoin.  Nous  le  sollicitons,  nous  l'ex- 
cusons complaisamment,  nous  le  célébrons,  parce  qu'il  a  pour- 
suivi son  chemin  en  dédaignant  notre  désapprobation.  Les  dieux 
l'aiment  parce  que  les  hommes  le  haïssent.  «  Les  bienheureux 
immortels,  dit  Zoroastre,  aident  le  morlel  persévérant  ». 

Comme  les  prières  dos  hommes  sont  une  maladie  de  la  volonté, 
ainsi  leurs  credos  sont  une  maladie  de  l'esprit.  Ils  disent  avec  les 
israolitcs  insensés  :  «  Que  Dieu  ne  nous  parle  pas,  ou  nous  mour- 
rons. ,  Parlez-nous,  vous,  traduisez-nous  ses  paroles,  et  nous 
écouterons  >>.  Partout,  quelque  chose  m'empêche  de  rencontrer 
Dieu  dans  mon  frère,  parce  que  celui-ci  a  fermé  les  portes  de  son 
lemple  intime  et  qu'il  récite  des  fables  du  Dieu  de  son  frère  ou  du 
Dieu  du  frère  de  son  frère. —  Chaque  nouvel  esprit  est  une  nou- 
velle classification.  Si  c'est  un  esprit  d'une  activité  et  d'une  force 
peu  communes,  un  Locke,  un  Lavoisier,  un  Huiton,  un  Benlham, 
un  Fourrier,  il  Impose  sa  classification  aux  autres  hommes  et, 
las!  Toici  un  nouveau  système!  On  s'arrête  en  proportion  de  la 
profondeur  de  la  pensée  et  du  nombre  de  sujets  que  ces  systèmes 
traitent  ou  qu'ils  mettent  à  la  portée  de  leurs  adeptes.  Mais  ceci 
est  manifeste  surtout  dans  les  credos  et  les  églises,  —  qui  sont 
aussi  les  classifications  de  quelque  puissant  esprit,  agissant  sur  la 
pensée  élémentaire  du  devoir  et  sur  les  relations  de  Thomme  et 
du  Très-Haut.  Tels  sont  le  Calvinisme,  le  Quakerisme,  le  Sweden- 
borgisme.  L'adepte  prend,  à  subordonner  tout  à  la  nouvelle  ter- 
minologie, le  même  plaisir  qu'une  enfant  qui  vient  d'apprendre  la 
botanique  el  qui  y  voit  de  nouvelles  saisons,  un  nouveau  monde. 
11  arrivera  que,  pendant  un  certain  temps,  l'adepte  trouvera  ses 
facultés  intellectuelles  agrandies  par  l'étude  de  l'esprit  du  maître. 
Seulement,  dans  tous  les  cerveaux  mal  équilibrés,  la  classifica- 
tion passe  pour  le  but  cl  non  pour  un  moyen,  vite  épuisé  ;  de 
sorte  que  les  bornes  du  système  se  confondent  à  leurs  yeux,  dans 
le  lointain,  avec  les  bornes  de  l'univers, —  il  leur  semble  que  les 


lumières  du  ciel  sont  suspendues  à  l'arche  baiie  par  leur  maître. 
Ils  ne  peuvent  pas  s'imaginer  comment  vous,  un  étranger,' un 
intrus,  vous  ayez  le  droit  de  voir,  —  comment  il  se  fail  que  vous 
puissiez  voir;  «  cela  doit  être  parce  que  vous  avez  volé  notre 
lumière  ».  —  Us  ne  se  sont  pas  encore  aperçu  que  la  lumière, 
sans  système  indomptable,  perce  et  percera  toutes  les  portes, 
même  les  leurs.  —  Laissez-les  gazouiller  et  la  nommer  «  leur 
lumière  ».  S'ils  sont  honnêtes  et  qu'ils  font  le  bien,  leur  joli  petit 
bercail  neuf  leur  semblera  trop  étroit,  trop  bas,  il  craquera,  rouil- 
lera, penchera  cl  s'évanouira;  et  la  lumière  immortelle,  jeune  et 
joyeuse,  avec  ses  millions  d'orbes  et  de  couleurs,  rayonnera  sur 
l'univers  comme  au  premier  malin. 

{La  fin  au  prochain  numéro). 


j^HRONiqUE    JUDICIAIRE     DE?    ^RT? 

Affiches  de  thé&tre.  —  Vedette. 

Nous  avons  parlé,  dans  noire  dernier  numéro,  des  Vedettes,  ce 
procédé  destiné  à  favoriser  la  vanité  et  le  cabotinage  des  artistes 
du  théâtre,  rappelant  qu'An'toine  a  le  projet  de  les  supprimer,  de 
même  que  toutes  les  mentions  de  noms  sur  les  affiches. 

Le  tribunal  de  commerce  de  Bruxelles  a  rendu,  le  26  mars,  un 
jugement  assez  intéressant  au  sujet  de  ces  vedettes. 

Les  faits  sont  suffisamment  décrits  dans  les  motifs  du  juge- 
mcnl,  dont  voici  le  texte  : 

Attendu  que,  s'il  y  a  lieu,  comme  le  prétend  le  défendeur,  de 
distinguer  la  vedette  ordinaire  et  la  vedette  hors  cadre!  le  direc- 
teur, qui  s'engage  à  mettre  le  nom  d'un  artiste  en  vedette,  ne  peut 
le  confondre  avec  le  reste  de  la  troupe,  et  soutenir  qu'il  a  rempli 
ses  obligations  en  faisant  figurer  son  nom  sur  l'affiche  au  même 
rang  et  en  mêmes  caractères  que  ceux  des  autres  artistes  ; 

Attendu  qu'ainsi  a  incontestablement  agi  le  défendeur  :  l'affiche 
du  15  mars  et  les  programmes  du  -10  au  45  ne  font  aucune  diffé- 
rence entre  la  demanderesse  et  les  artistes  les  moins  favorisés  ; 

Attendu  toutefois  que,  sur  la  sommation  lui  adressée  le  15, 
le  défendeur  a  manifesté  la  volonté  de  faire  droit  à  la  réclama- 
tion de  la  demanderesse,  el,  effectivement,  aux  programmes 
des  16  et  17  mars,  son  nom  a  été  inscrit  en  caractères  apparents 
et  distinctifç; 

Attendu  que  la  gravité  et  l'intensité  de  l'infraction  du  défen- 
deur aux  obligations  résultant  du  contrai  d'engagement  du  7  mars 
ne  sont  pas  suffisantes  pour  justifier  la  demande  en  résiliation  ; 
qu'il  convient  d'allouer  à  la  demanderesse  une  indemnité  en  répa- 
ration du  préjudice  qui  lui  a  été  causé; 

Par  CCS  motifs,  le  Tribunal  condamne  le  défendeur  à  payer 
à  la  demanderesse  la  somme  de  100  francs  à  titre  de  dommages- 
intérêts;  le  condamne  aux  intérêts  judiciaires  et  aux  dépens. 

Le  débat  était  engagé  entre  M.  Coppée,  directeur  du  théâtre  de 
l'Alcazar,  el  l'une  de  ses  pensionnaires,  M"'^  Gayet. 

Schurmann  contre  Paulus. 

Au  mois  de  mars  1885,  M.  Schurmann  avait  organisé  une 
tournée  lyrique  et  dramatique  en  Espagne  et  en  Portugal,  pour 
laquelle  il  avait,  entre  autres,  engagé  le  chanteur  Paulus  aux 
appointements  de  12,000  francs  par  mois. 

A   Barcelone,  en  outre  d'une   dysenterie  incoercible,  Paulus 


<. 


T 


1 


i:art  moderne 


2i>r) 


fut  allcinl,  paraît-il,  d'un  panaris  au  doigl.  Dans  celte  situation, 
il  l'ut  ol)ligé  d'abandonner  la  tournée  et  de  ronlrcr  en  France. 

M.  Scliiirmann  partit  deux  jours  après,  annonçant  aux  artistes 
qu'il  avait  emmenés  que  la  «  fantaisie  »  {sic)  de  M.  Paulus  était 
cause  do  la  ruine  de  l'entreprise. 

Dès  son  retour  en  France,  Paulus  protesta  vivement,  par  la 
voie  de  la  presse,  contre  cette  accusation,  et  M.  Scliurmann  l'as- 
signa pour  injures  et  diffamation  en  police  correctionnelle,  lui 
réclamant  i(),000  francs  de  dommages-intérêts  ! 

Paulus  plaida  alors  que  M.  Schurmann  essayait  de  se  con- 
"solcr  des  insuccès  de  ses  tournées  par  des  procès,  mais  que  non 
seulement  ces  procès  étaient  insoutenables,  mais  encore  qu'il  y 
avait  dans  la  loi  française  une  petite  disposition  qui  obligeait  «  tout 
étranger  demandeur  à  donner  caution  pour  les  frais  cl  dommages- 
intérêts  résultant  du  procès  ». 

I.e  tribunal  correctionnel  rendit,  le  13  août  1885,  un  jugement 
condamnant  M.  Schurmann  à  verser  une  caution  de  2,000  francs, 
à  défaut  de  quoi  toute  audience  lui  serait  refusée. 

L'imprésario  ne  versa  pas  les  2,000  francs.  Comme  la  porte  du 
tribunal  correctionnel  lui  était  fermée,  il  alla  frapper  à  celle  du 
tribunal  civil. 

Ce  fut  donc  toujours  au  sujet  de  cette  fameuse  tournée  de  fJar- 
celone  qu'il  assigna  Paulus  devant  le  tribunal  civil;  mais,  cette 
fois,  ce  n'était  plus  10,000,  mais  50,000  francs  de  dommages- 
intérêts  qu'il  réclamait. 

L'affaire  est  venue  h  l'audience  d'hier.  M"  Leiliel  a  soutenu  la 
demande  de  M.  Schurmann. 

Me  Doumerc,  avocat  de  M.  Paulus,  a  soutenu  devant  le  tribunal 
civil  le  même  système  de  la  «  caution  des  étrangers  »  qui  avait 
déjà  été  admis  en  police  correctionnelle. 

Conformément  aux  conclusions  de  M.  l'avocat  de  la  République 
Jambois,  le  tribunal  a  donné  de  nouveau  gain  dé  cause  à  Paulus, 
et  a  condamné  M.  Scliurmann  à  payer  une  nouvelle  caution  de 
2,000  francs. 

{Echo  de  Paris.) 


Mémento  des  Expositions 

Bruxelles.  — :  Salon  triennal,  13  scpiembre-lo  novembre. 
Délai  d'envoi  "^expiré.  (Gratuité  de  transport,  aller'  et  retour, 
sur  le  territoire  TW?lgc,  pour  les  œuvres  expédiées  par  chemin 
de  fer,  grande  vitesse,  tarif  n**  2).  Renseignements  :  Commission 
direclrice  de  l'Exposition  générale  des  Beaux- Arts,  Bruxelles. 
{Secrétaire  :  M.  Stiéuon). 

Dresde.  —  Exposition  du  Cercle  artistique  :  aquarelles, 
pastels,  dessins  et  eaux-fortes,  sous  le  protectorat  du  roi  de 
Saxe.  Les  invitations  et  prospectus  seront  envoyés  prochainement. 

Milan.  —  Exposition  triennale  des  Beaux-Arts.  —  l"-30  juin 
1891.  —  Trois  prix  de  4,000  francs  chacun,  fondés  par  le 
roi  Humbcrt,  décernés  à  la  peinture  et  à  la  sculpture.  Trois  prix  de 
4,000  francs  chacun,  fondés  par  Saverio  Fumagalli,  décernés  îi  la 
sculpture,  à  la  peinture  religieuse,  historique  ou  de  genre.  Un 
.prix  de  4,000  francs,  fondé  par  Antonio  Gavazzi,  décorné  à  la  pein- 
ture historique.  Médailles  et  diplômes.  —  Les  demandes  d'admis- 
sion devront  être  adressées  au  président,  M.  Emile  Visconti- 
Venosla,  à  l'Académie  des  Beaux- Arts  de  Milan. 

Paris.  »^  Quatrième  exposition  internationale  de  Blanc  et  Noir 
(pavillon  de  la  ville  de  Paris).  Dessins  au  crayon,  à  là  plume,  au 
iavis,  sanguines,  fusains,  gravures  au  burin,  eaux-fortes,  gravures 
sur  bois,  lithographies,  etc.  —  1"  octobro-30  novembre  1890. — 
Délai  d'envoi  :  expiré.  —  Renseignements  :  M.  E.  Bernard, 
directeur,  71,  rue  de  la  Comiamine,  Paris. 


Reims. —  Exposition  des  Amis  des  Arts.  4oclobrc-17  novembre. 
Délai  d'envoi  :  expiré.  —  Renseignements  -.Secrétaire  de  la 
Société  des  Amis  des  Arts,  Reims. 

RoL'BAix-ToLRCoiNG.  —  Exposilion  (l(*  la  Société  artistique, 
12  octobre-17  novembre.  Envois  avant  le  1"  octobre.  Pour  être 
admis  k  exposer,  les  artistes  doivent  faire  partie  de  la  Société 
artistique  de  Roubaix,  moyennant  la  cotisation  annuelle  de  10  fr. 
Renseignements  :  M.  A.  Prouvost-Benaf,  secrétaire, à  Roubaix. 


Petite   chroj^ique 


C'est  aujourd'hui  dimanche  qu'a   lieu,  à  Tournai,  l'inaugura- 
tion solennelle  du  Musée  de  tableaux  et  du  Musée  arcliéolo^ifiiie. 


La  National  Gallery  de  Londres  est  entrée  récemment  eu  pos- 
session de  trois  chefs-d'œuvre  jjrovenant  du  cliâleau  de  Lonj;- 
ford,  grâce  à  rintcrvcnlion  du  chancelier  de  l'Echiquier;  ce  sont  : 
Les  Ambassadeurs  d'Holbein;  deux  portraits  d'homme  debout, 
côte  li  côte,  vus  en  pied  et  de  grandeur  presque  nature,  tableau 
daté  1;;33;  1;  portrait  de  V Amiral  Adrien  Palido  Pareja,  par 
Velasquoz,  et  le  portrait  d'un  Homme  noir  debout  près  d'une 
colonne,  par  Maroni.  Ces  trois  belles  peintures  sont  acquises  au 
prix  de  de  55,000  livres,  dont  25,000  livres  sont  données  par 
l'Etal.  La  National  Gallery  s'est  enrichie,  en  outre  d'un  Paysage 
d'hiver  avec  château-fort,  par  Beorestraaten;  d'une  Scène  de  vil- 
lage, par  Jean  Vicloor  ;  d'une  Vue  de  Macs,  par  A.  Storck,  ces 
trois  derniers  sont  placés  dans  la  salle  hollandaise;  puis  dans  la 
salle  espagnole,  un  Portrait  dhomme,  par  Del  Mazo,  élève  de 
Velasquez. 

On  commencera,  vers  hi  mois  de  novembre,  le  moulage  du 
monument  de  Dalou,  le  Triomphe  de  la  République,  qui  fut  inau- 
guré l'an  dernier  place  de  la  Nation,  à  Paris,  puis  démoli  pièce 
par  pièce  pour  êlrc  transporté  chez  lô  fondeur.  Le  moulage  ne 
sera  guère  terminé  qu'au  printemps  de  1801,  et  le  coulage,  qui 
se  fera -ensuite,  demandera  encore  huit  ou  dix  mois. 

Le  monument. ne  pourra  donc  être  définilivement  érigé  place 
de  la  Nation  qu'à  la  fin  de  l'année  1892. 


La  Société  Nouvelle.  Sommaire  du  numéro  du  31  août  IH'JU  : 
La  Criminalité,  S.  Merlino.  ^-  Notes  et  silhouettes,  Jules  Barbey 
d'Aurevillv,  Jules  Désirée.  —  Les  Fusillés  de  Malines,  Georses 
Eekhoud.  —  Les  Mystères  de  la  Bourse,  F.  Borde.  —  Lettres  de 
Paris  :  La  visite  de  Guillaume  II  à  Paris;  L'n  empereur  moder- 
niste; La  vieille  Allemagne  et  la  nouvelle;  La  lutte  pour  la  Vie, 
Francis  Nautet. —  Chronique  littéraire  :  Le  Possédé;  Les  Larrons; 
Maxime,  Hubert  Krains.  —  Bulletin  du  mouvement  social.  C.  De 
Pae.^.  —  Le  mois  :  La  «  Princesse  Maleine  »  et  le  «  Figaro  »  ; 
Le  prochain  roman  de  Tolstoï;  Nécrologie.  —  Livres  et  revues. 


Lire  dans  la  Plume  du  l"  septembre,  un  bel  article  de  M.  Léon 
Bloy  sur  les  Chants  de  Maldoror,  iniitulé  :  Le  Cabanon  de 
Prométhée. 

Le  n"  d'août  de  la  Wallonie  est  consacré  à  des  œuvres,  vers  et 
proses,  de  M.  Adolphe  Retti. 

Le  dernier  n"  des  Entreliens  politiques  et  littéraires  se  dédie 
presque  en  entier  aux  Belges,  —  mais  sans  sympathie. 

Vient  de  paraître  chez  Savine,  Miette,  de  M.  Henry  Maubel. 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


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La  plus  courte  et  la  moins  coûteuse  des  voies  extra-rapides  entre  le  Continent  et  /'Angleterre 


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12  V2    - 
22 


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Bâle  à  Londres  en.  . 
Milan  à  Londres  en  . 


36  heures. 
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D'OStende  à  5  h.  29  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  31  soir.  —  De  Douvres  à  midi  ^5,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

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Princesse  Joséphine,  Princesse  Henriette,  Prince  Albert,  La  Flandre  et  Ville  de  Douvres 

partant  journellement  d'OSTENDE  à  5  h.  29  matin  et  11  h.  10  matin;  de  DOUVRES  à  midi  15  et  10-h.  15  soir. 

Salons  luxueux.  —  Fumoirs.  —  Ventillation  perfectionnée.  —  Éclairage  électrique.  —  Restaurant. 

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Liiverpool,  Manchester  et  toutes  les  grandes  villes  de  la  Belgique  ' 

et   entre  LONDRES    ou   DOUVRES  et  toutes  les  grandes   villes  de  l'Europe. 


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A  bord  des  maÙ*ê  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette 
Spécial- cabine,  28  francs;  Cabine  de  luxe,  75  francs. 

Pour  la  location  à  l'avance  s'adresser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  {Quai)  ou  à  l'Agence  des  Chemins  de  fer  de  VÉtat-Belge 
Northumbei'land  House,  Strond  Street,  n"  i7,  à  Douvres. 

Excursions  à  prix  réduits  de  50  o/o,  entre  Ostende  et  Douvres,  tous  les  jours,  du  l^^  juin  au  30  septembre. 
Entre  les  principales  villes  de.  la  Belgique  et  Douvres,  aux  fêtes  de  Pentecôte  et  de  l'Assomption. 

AVIS-  —  Buffet  restaurant  à  bord.  —  Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  —  Accostage  à  quai  vis-à  vis  des  stations  de  chemin  de 
fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits).  —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  -   Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  l'Exploitation  des  Chemins  de  fa-  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  l'Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l'Êtat-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n°  53,  à  Londres,  à  l'Agence  de  Chemins  de  fer 
de  l'État,-  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vranchen,  Domkloster,  n»  1,  à  Cologne. 


L-hcz  MM.  SCIIOTT  frères,  82,  Mojit;igiic  de  la  Cour,  Bruxelles. 

L'OR  DÛ  RHIN 


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RICHARD  WAGNER 

Version  française  de  Victor  "W^ILDER    "■ 

Partition    jiour   cli.nnt   et    piano,    réduite    par   R.    Ki.einmichel 
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JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 

—  Bibliographie.  —  Législation.  —  Notariat. 

UVTlhME  ANNEX. 

Abonnements  \  Belgique,  18  francf  par  an. 
(  £,tranger,  23  id. 

Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 

Revue  maisuelle  de  littératttrert  d'art 

5"  Année 

Directeurs  :  MM.  A.  MOCKEL  et  P. -M.  OLIN. 

„  (  à  Liège,  rue  St-Adalbert,  8, 

Bureaux      .   ^     °    ,,        . 

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Rreitkopf  et  Hartel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 


TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-C.  Lobe. 

Traduit   de   l'allemand   (d'après   la  5®  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  370  p.  gr.  in-8".  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  ouvrages  d'enseignement  musical  les  plus 


estimés  en  Allemagne 


Bruxelles.  —  Iiup.  V«  Monnom,  26,  rue  de  l'Industrie. 


Dixième  année.  —  N**  38. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  21  Septembre  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


T 


Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,   fr.    13.00.    —  ANNONCES  :    Oo  traite  à.  forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 

l'administration  générale  de  l^Art  Moderne,  rue  de  Plndustrie,  26,  Bruxelles. 

J  • 


^OMMAIRE 


Arthur  Stevens.  —  L'Exhibition  triennale  a  Bruxelles.  — 
Confiance  en  soi-même.  Traduction  inédite  de  l'anglais  d'Emo'son, 
par  une  inconnue  (suite  et  fin).  —  Le  nouveau  musée  d'Anvers. 
—  Petite  chronique. 


ARTHUR  STEVENS  • 

Le  plus  jeune  des  trois  frères  d'une  belle  race.  Mort 
le  premier,  suivant  la  logique  ténébreuse  du  hasard. 

Un  marchand  de  tableaux?  Eh  !  non.  C'était  l'air  qui 
lui  était  venu  sous  les  doigts  quand  il  promenait  ses 
mains  d'artiste  sur  le  clavier  de  la  vie,  qui  lui  avait  plu 
pour  son  rythme  simple,  quoique  banal,  et  qu'il  allait 
sifflotant,  la  tête  pleine  de  hautes  pensées  d'art.  Il 
offrait  ses  tableaux  comme  on  off're  un  cigare.  C'était 
une  politesse  plutôt  qu'une  aff'aire.  Et  si  l'on  disait  : 
non,  merci,  il  remettait  l'étui  en  poche  et  continuait  la  con- 
versation sur  tout  ce  qu'il  vous  plaira.  Du  marchand  de 
tableaux,  il  n'avait  rien  :  ni  l'allure,  ni  l'extérieur,  ni 
le  magasin.  Les  toiles,  étaient  chez  lui,  aux  murs,  fai- 
sant partie  de  son  mobilier.  Il  ramenait,  pour  les  mon- 
trer, plus  souvent  un  ami  qu'un  amateur.  A  peine  révé- 
lait-il cette  profession  qui  allait  si  peu  à  sa  très  belle 
figure  d'officier  supérieur,  par  quelque  boniment,toujours 


composé  des  mêmes  phrases,  agencées  kaléidoscopique- 
ment  suivant  les  circonstances,  qu'il  débitait  d'une  voix 
spéciale,  profonde,  prenant  une  attitude  de  scène,  dessi- 
nant quelques  gestes  enveloppeurs.  C'était  une  incan- 
tation murmurée  en  prière,  une  oraison  de  rituel, 
devenue  chez  lui  machinale  et  que  les  nouveaux  venus 
prenaient  très  au  sérieux.  Il  semblait  qu'il  la  donnait 
par  dessus  le  marché  chaque  fois  qu'il  vendait  un 
tableau  à  quelque  bourgeois  enrichi,  car  il  nous  est 
arrivé  dix  fois,  chez  M.  Joseph  Prudhomme,  chez 
MM.  Bouvard  et  Pécuchet,  ou  chez  le  docteur  Tribulat 
Bonhomet,  dont  il  avait  formé  les  fameuses  collections, 
d'entendre  ces  illustrations,  devant  les  trésors  de  leur 
galerie,  réciter  les  belles  phrases  ronflantes,  de  la 
même  voix  profonde  accompagnée  des  mêmes  gestes 
enveloppeurs. 

Il  était,  lui,  un  pince-sans-rire.  Très  fin,  pénétrant 
comme  une  vrille,  ne  prenant  assurément  pas  le  change 
sur  les  ridicules  de  sa  clientèle,  et  sachant  mieux  que 
personne  qu'elle  ne  savait  d'art  que  les  leçons  qu'il  lui 
avait  serinées.  Mais  il  était  convaincu  que  c'est  folie  de 
se  mettre  en  travers  des  préjugés.  Il  s'était  donc  appli- 
qué à  apprivoiser  ce  bétail  et  à  le  corriger  de  l'habitude 
de  beugler  devant  les  chefs-d'œuvre.  Avec  des  précau- 
tions infinies,  il  avait  successivement  présenté  au  trou- 
peau des  Millet,  des  Corot,  des  Rousseau,  des  Delacroix, 
des  Troyon,  des  Dupré,  et  aussi  des  Arthur  et  des 


) 


298 


VAUT  MODERNE 


Joseph  Stevens,  voire  même,  sur  le  tard,  quelques 
Courbet.  Et,  merveilleux  dresseur,  il  avait  réussi  à  le 
faire  mugir  de  plaisir.  Il  vaguait  ainsi,  par  la  vie,  ayant 
une  bonne  demi-douzaine  d'étables  occupées  par  de  très 
gras  ruminants  quj  conservaient  pour  lui,  moyennant  de 
les  avoir  payées  richement,  les  œuvres  qui  le  délec- 
taient entre  toutes,  et  qu'il  allait  voir  périodiquement 
avec  ses  camarades  ou  des  étrangers  en  vue,  ce  que  les 
ruminants  en  question  considéraient  comme  un  grand 
honneur  à  eux  personnellement  décerné.  Parfois,  il  lui 
prenait  fantaisie  de  les  changer  de  place,  de  les  mettre 
en  un  meilleur  jour  ;  alors,  il  induisait  son  acquéreur  en 
vente.  On  liquidait  tout,  les  tableaux  passaient  chez  un 
autre  et  réciproquement.  Il  a  piloté  ainsi  pendant  qua- 
rante ans,  une  centaine  de  chefs^l'œuvre,  qu'il  avait 
découvert,  et  dont  oii  peut  dire  qu'ils  formaient  sa 
collection  particulière,  mise  en  dépôt  par  lui  chez 
quelques  imbéciles. 

Qu'il  fût  artiste,  au  moins  autant  que  ses^eux  frères 
dont  il  restera  tant  de  superbes  choses,  sa  prédilection 
pour  les  grands  hommes  cités  ci-dessus,  à  l'époque  où 
une  génération  de  crétins  les  méconnaissaient,  le  démon- 
tre avec  évidence.  Il  était  de  ceux  qui  vont  d'instinct  au 
génie,  quand  presque  personne  encore  ne  se  doute  qu'il 
y  a  génie.  Il  faisait  partie  du  groupe  des  téméraires,  mais 
eut  cette  habileté  malicieuse  de  ne  pas  prendre  des 
poses  de  bataille,  de  ne  pas  assommer  le  bourgeois  avec 
ses  propres  sottises.  Il  les  ramassait,  au  contraire, 
respectueusement,  les  flairait  avec  componction,  les 
manipulait  à  sa  manière  et  les  rendait  avec  une  forme 
décente.  Il  fit  de  ce  bourgeois  le  complice  de  ses  aven- 
tures. Il  l'associa  à  ses  escapades.  Il  l'entraîna  avec  lui 
dans  ces  ateliers  illustres  qui  passaient  pour  de  mauvais 
lieux.  Il  l'induisit  à  acheter  des  tableaux  refusés  au 
Salon  !  Il  le  décida  à  s'en  vanter,  comme  d'un  haut  fait. 
Il  fit  dire  à  des  marchands  de  papiers  et  à  des  chan- 
geurs :  C'est  moi  qui  ai  inventé  Millet!  Sans  moi,  Corot 
n'existerait  pas!  Quelle  chance  pour  Rousseau  de 
m'avoir  eu! 

En  réalité  Rousseau,  Corot,  Delacroix  et  les  autres, 
durent  à  Arthur  Stevens  d'être  arrivés  à  la  gloire  cent 
ans  plutôt  qu'il  ne  le  fallait  en  observant  les  étapes  de 
la  bêtise  humaine.  Millet,  oh!  miracle,  faillit  être 
célèbre  dès  son  vivant.  Toutes  les  grandes  ventes  de 
Paris,  depuis  vingt  ans,  s'alimentent  des  noms  qu'Arthur 
Stevens  a  taillés  en  éclatantes  facettes.  Tout  ce  qu'on 
dit  devant  les^toiles  fameuses  du  groupe  si  longtemps 
méprisé,  il  l'a  dit  «  de  sa  voix  profonde,  en  prenant  une 
attitude  scénique,  dessinant  des  gestes  enveloppeurs  » . 
Et  on  continuera  à  le  dire,  de  la  même  façon,  lui  don- 
nant ainsi  une  vie  posthume  et  fontômatique. 

C'est  là  son  honneur,  son  grand  honneur.  Son  tort, 
est  d'avoir  méconnu  quelques  grands  peintres,  ses  com- 
patriotes.   Etait-ce  jalousie  fraternelle?  secrète  p>é.- 


I 


férence  pour  cette  France,  dont  il  avait  beaucoup 
en  lui,  malgré  son  nom  flamand?  peu  importe.  Il  ne 
comprit  guère  Hippolyte  Boulanger,  guère  Louis 
Dubois,  j^t  qui  pire  est,  parfois  «  il  les  débinait  ».  Il  fut 
pour  quelque  chose  dans  ce  dédain  belge  qui  stérilisa 
partiellement  ces  beaux  tempéraments.  S'il  a  daigné 
parfois  s'occuper  des  œuvres  d'Artan,  d'Alfred  Verwée, 
de  quelques  autres,  c'était  en  sous-ordre  et  sans 
conviction.  . 

Dans  les  notices  consacrées,  ces  jours-ci,  à  cette  per- 
sonnalité belge  remarquable  et  qui,  certes,  laisse  vide  une 
grande  alvéole,  les  journaux  «  bien  posés  »  ont  insisté 
sur  le  service  qu'il  a  rendu  en  présentant,  avant4;ous 
autres,  quelques  peintres  désormais  illustres,  et  en  les 
défendant  quand  partout  on  les  conspuait.  Pour  eux, 
c'est  son  principal  titre  à  la  reconnaissance.  Est-il  per-  ■ 
mis  de  faire  remarquer,  à  ces  journaux  «  bien  posés  ",' 
que  c'est  là  une  parabole  qu'ils  pourraient  méditer,  eux 
qu'on  trouve  constamment  aux  premjers  rangs  de  la 
tourbe,  qui  insulte  toute  tentative  hardie  bousculant  les 
formules.  Les  artistes  novateurs  ne  seraient  pas  fâchés 
de  recevoir  quelquefois,  tant  qu'ils  sont  en  vie,  les  éloges 
qu'on  tient  en  réserve  pour  leurs  discours  funèbres. 
C'est  pour  eux  une  compensation  insuffisante  que  le 
ridicule  qui  atteint  les  palinodards  le  jour  où  leurs  vieux 
carrosses  prennent  la  file  des  admirations  légitimes. 


LlxUliitlon  triennale  à  Bruxelles 

La  mer  morte  de  la  peinture?  Certes,  car  ces  flots  de 
bitumes  et  de  mélasses,  ces  flaques  lourdes  d'huiles  et 
de  sirops  collés  aux  toiles  —  toute  la  salerie  des  couleurs 
—  évoquent  inévitablement  l'idée  de  telles  eaux  putrides 
et  lourdes,  là  bas,  en  des  Judées  maudites.  L'on  se  repète 
ces  deux  mots  :  «  mer  morte  '»,  appuyant  plus  encore 
sur  le  second  que  le  premier,  parce  que  dans  ce  mot  : 
mort,  est  contenu  la  vérité  sur  cet  art  veule,  destitué, 
fini,  irréinédiablement  raclé  de  toute  vie,  comme  un 
crâne  de  femme  chauve.  Le  néant  de  néant  de  la  presque 
totalité  des  numéros  inscrits  au  catalogue  est  si  évident 
qu'on  s'interroge  s'il  est  encore  possible  de  prononcer 
le  mot  :  art,  en  parlant  de  l'actuel  Salon.  Et  notez 
qu'on  a  tout  fait  pour  faire  reluire,  comme  une  vieille 
botte,  le  nom  de  cette  triennale  entreprise.  On  est  allé 
chercher^u  cirage  à  l'étranger,  si  bien  que  ce  sont  des 
noms  d'ailleurs  qui  s'imposent  avant  tout.  Mais  quant  à 
l'art  belge  —  et  non  seulement  l'art  académique,  mais 
l'art  admis,  calé,  médaillonné,  vendu  et  acheté  à  bon 
prix  —  il  accuse  une .  usure  de  casserolles  retapées, 
de  murs  lépreux,  de  chapeaux  gras,  de  vieilles  vestes 
trouées  et  de  pauvres  meubles  dont  les  vers  ont  fait  des 
écumoires.  Cela  est  du  raclage,  de  la  rinçure,  du  fond 


VART  MODERNE 


299 


de  bouteilles  —  et  surtout  du  fond  de  cerveaux.  Cela  ne 
grouille  plus,  cela  ne  bouge  plus  que  comme  une 
décomposition  à  six  pieds  sous  terre.  Si  la  hideur 
de  quelques  envois  de  Gand  et  d'Anvers  pouvait  se 
transposer  en  puanteur,  les  chiens  eux-mêmes  ne 
pourraient  résister  à  l'infectiQn  de  tant  de  détritus 
d'atelier  et  de  charognes  encadrées. 

On  peut  s'attarder,  en  ce  Salon,  soit  à  suivre  la 
dégringolade  de  certains  peintres,  jadis  marquants, 
dont  les  présents  envois  sont  déplorables  ;  soit  à  prendre 
en  pitié  tous  les  coureurs  du  stade  Godecharles,  qui 
taillent  et  découpent  de  la  viande  comme  un  boucher 
équarit  des  bêtes  à  cornes.  On  peut  encore  faire  quelques 
réflexions  sur  l'art  de  la  carricature  dans  la  peinture 
d'histoire  et  fixer  des  points^  archéologiques  à  propos 
de  tels  costumes.  Ceux  qui  ont  l'audace  de  se  réclamer 
de  Leys  ne  semblent  plus  avoir  souci  que  de  réparer 
la  lacune  de  la  non-existance  au  moyen-âge  de  ces  jour- 
naux de  mode  et  d'ameublement  dont  les  Emeline 
Raymond  ont  fait  leur  spécialité.  Puis,  ces  remarques 
terminées,  il  nous  sera  permis  de  plaindre  ce  beau 
lin  vert  aux  prunelles  de  fleurs  bleues,  que  l'on  met 
d'abord  pourrir  en  des  vases  et  des  mares  et  que  l'on 
enduit  ensuite,  quand  il  est  devenu  toile,  de  couleurs 
plus  excrémenteuses  encore  que  les  boues  les  plus 
opaques.  Pauvre  lin  bleu  et  vert,  lui,  qui  connut  le 
soleil! 

■  Nous  écrivons  cet  article,  fenêtres  ouvertes  sur  la 
campagne,  avec  du  vent  divin  dans  la  lumière  autour 
de  nous  —  et  la  haine  nous  vient  de  toute  cette  parade 
bariolée  à  laquelle  nous  avons  assisté  hier  à  Bruxelles. 
L'actuel  Salon  est  pire  que  mauvais,  il  est  profondément 
médiocre.  Quand  on  a  battu  le  plancher  de  toutes  ces 
salles  on  s'ensauve  avec  à  peine  quelques  souvenirs  dans 
la  mémoire;  mais,  somme  toute,  n'ayant  appris  rien  de 
neuf,  n'ayant  rien  vu  d'inédit.  On  n'a  pas  même  eu  l'oc- 
casion d'entendre  contester  un  vrai  artiste.  On  n'a  sur- 
pris aucun  emballement,  aucune  violence  ni  de  blâme  ni 
d'éloge.  Il  n'y  a  pas  de  quoi. 

Les  souvenirs  rares  emportés  de  notre  visite  s'adres- 
sent à  quelques  noms  que  voici  : 

WisTHLER.  Nous  conuaissious  ses  deux  portraits  de 
femme  —  élégance  déliée  et  haute  allure  —  jadis  expo- 
sés à  Paris  chez  Petit.  Ses  paysages  nous  ont  séduit 
parce  que  merveilleux  de  tons  rares  et  fins  —  et  peints, 
avec  l'apparente  négligence  d'un  maître  très  subtil  sur 
panneaux  ou  étofi'es  qui  paraissent  lisses  et  luisants* 
comme  des  pierres.  Ce  sont  des  riens  qui  renferment 
des  touts.  Cela  semble  si  prestigieusement  fait  qu'on  le 
dirait  volé  à  la  beauté  ou  plutôt  au  songe  des  belles 
choses  délicates.  Le  mot  fantaisie  est  trop  mince  pour 
qualifier  de  telles  images  délicieusement  vagues  et 
immatérielles  comme  de  bouclantes  fumées. 

Smits.  Egalepaent  un  paysage  de  rêve.  Atmosphère 


rose  empoussiérée  où  passeraient  des  légendes  très 
vieilles  de  marche  et  d'errance  à  travers  les  loins.  La 
Fuite  en  Egypte?  —  un  prétexte  à  la  fuite  de  l'imagi- 
nation vers  des  ciels  et  des  soirs  vaguement  désirés 
tels,  ou  plutôt,  un  prétexte  à  harmonies  de  tons  et  de 
couleurs  eff'acés  et  doux.  Cette  œuvre  est  d'un  artiste 
net. 

Pantin  Latour.  Toujours  sobre ,  consciencieux  , 
simple.  Nous  n'aimons  guère  le  portrait  de  M.  Adolphe 
Jullien  qui  nous  rappelle  les  Donnât  exécrés.  Mais  le 
portrait  de  M^'^  S.  Y.  nous  remet  en  présence  d'envois 
pareils  aux  anciens  du  maître,  d'une  technique  si  spé- 
ciale et  d'une  attirance  si  peu  tapageuse. 

WiLLY  ScHLOBACH.  Très  artiste  dans  les  arrange- 
ments de  décor,  et  d'une  calme  et  très  poussée  exécution 
dans  l'étude  des  chairs  et  des  traits  de  son  modèle.  Le 
peintre  s'est  comme  assagi.  Il  a  supprimé  tout  ce  qui 
pouvait  eff'aroucher  le  public  le  plus  timide  et  s'est  pré- 
senté avec  une  belle  somme  d'efforts,  tranquilles  et  vic- 
torieux, dépensés"  à  produire  une  toile  savante,  bien 
au  dessus  de  toute  habileté  courante.  Une  simplicité  de 
haut  goût,  une  gravité  presque  et  une  mélancolique 
impression  se  dégagent  de  ces  grandes  masses  de  nuances 
bleues-sombre  et  noires-mat,  que  des  ors  de  fauteuil  et 
des  roseurs  de  carnation  avivent  comme  des  lueurs  à 
travers  un  deuil. 

Henry  Degroux.  Non  pas  que  l'œuvre  soit  une 
des  plus  nettement  caractéristiques.  Elle  manque 
d'excès.  Et  puis,  son  unité  de  violence  est  rompue  par 
des  déchevèlements  de  chevelures  plutôt  flamboyantes 
de  richesse  rousse  que  de  terreur.  Toutefois,  la  couleur 
est  extraordinaire,  elle  est  soudaine,  tragique,  hur- 
lante. Elle  est  de  la  couleur  de  l'âme,  des  foules  en 
émeute  et  en  rage.  Le  Christ,  un  Christ  de  Calvaire 
rustique  ou  d'image  naïve,  est  tel  que  le  cerveau  de  ce 
peuple  doit  le  comprendre  et  l'ironie  demeure  totale  dès 
qu'on  songe  que  dans  ce  Jésus,  sorti  de  lui,  c'est  bien 
lui-même  qu'il  condamne  —  et  qu'il  crucifiera. 

M"*  Breslau.  Pas  bruyante  mais  pénétrante.  On 
se  souvient  du  succès  jadis  remporté  grâce  aux  Trois 
amies.  Cette  fois,  par  le  titre  donné  :  A  contre  jour, 
l'artiste  indique  elle-même  quel  a  été  la  finalité  de 
soûL^effort  :  l'étude  de  la  lumière.  Ce  n'est  pas  la  réussite 
de  cette  tentative  qui  nous  frappe  le  plus.  C'est  plutôt 
l'intimité  et  la  tranquillité  de  ce  coin,  où  deux  femmes 
causent  près  de  la  fenêtre  et  où  dans  un  angle  de  pan- 
neau quelques  menus  objets,  peints  largement,  mais 
avec  grande  justesse,  donnent  la  sensatioii  de  la  chambre 
entière. 

Van  der  Stappen.  Un  évêque  —  l'une  main  levée, 
l'autre  admirablement  traitée,  les  doigts  entre  les  feuil- 
lets d'un  livre  —  se  présente  non  pas  en  buste,  mais 
plutôt  à  demi-corps.  Une  dignité  et  une  gravité  en  tout 
point  sacerdotales  :  la  bouche  puissante,  tenace,  scellée 


300 


UART  MODERNE 


sur  des  paroles  hautes.  Œuvre  de  caractère  et  de 
vigueur.  Un  portrait?  nous  ne  le  croyons  pas.  En  tout 
cas,  si  modèle  d'atelier  il  y  a,  ce  capital  danger  de  le 
laisser  transparaître  au  travers,  a-t-il  été  conjuré. 
M.  Van  der  Stappen  est  en  pleine  maturité  forte  de 
talent. 

Meunier.  Le  Grisou.  Nous  avons  déjà  apprécié  ce 
magnifique  plâtre,  aujourd'hui  mué  en  bronze.  Nous  le 
préférions  avant  sa  métamorphose.  La  patine  verdâtre, 
sillonnée  de  poussière  cuivreuse,  ne  nous  évoque  guère 
la  mine,  le  charbon  et  l'atmosphère  du  pays  noir.  Il  y 
a  désaccordance,  et  mieux  valait,  certes,  le  ton  neutre 
et  blanc,  que  cette  enluminure  d'un  bronze  vert-de-grisé. 

Restent  encore  quelques  travailleurs  dont  les  efforts 
n'ont  pas  raté  :  Binjé,  qui  s'acharne  à  conquérir  de  la 
robustesse  ;  Maris,  qui  se  répète,  mais  intéresse  quand 
même;  Marie  Collart,  dont  les  tons  faux  et  vitreux 
produisent  parfois  d'étranges  éclairages  ;  Abry,  qui 
réussit  à  mouvementer  un  fait  divers  militaire  ;  Ver- 
haeren,  dont  les  natures  mortes  induisent  en  tentation 
les  gourmands  flamands  ;  Mertens,  qui  suit  la  tradition 
des  de  Braekeleer,  Frédéric  dont  la  conception  du 
Ruisseau  est  originale,  d'autres  encore,  mais  combien 
peu. 

A  quoi  bon  conclure  ?  Ce  qui  s'impose,  c'est  évidem- 
ment la  suppression  de  ces  marchés  annuels  en  des 
palais  soi-disant  des  beaux-arts.  Seulement,  ceci  n'est 
qu'un  rêve.  Un  autre  vœu  à  émettre  serait  que  les  pein- 
tres fussent  classés  par  écoles  ou  par  tendances  ou  par 
générations.  Ainsi  éviterait-on  la  tristesse  de  devoir 
chercher  les  quelques  tableaux  qui  intéressent,  parmi 
des  amoncellements  de  veuleries.  On  pourrait  aussi 
réunir  les  différents  envois  d'un  même  artiste,  et 
les  tableaux  hostiles  les  uns  aux  autres  ne  se  détrui- 
raient point  par  des  juxtapositions  absurdes. 

Pour  réaliser  ces  incontestables  améliorations,  il  suf- 
firait d'avoir  un  local  moins  restreint,  car  il  est  vrai- 
ment scandaleux  qu'il  faille  bâtir  des  granges  et  des 
hangars  à  chaque  exposition  triennale. 

Les  gens  mécanisés  pour  débiter  des  compliments 
monosyllabiques  feraient  seuls  des  salamalecs  devant 
chaque  peintre  montant  la  garde  devant  sa  toile,  les 
autres  laisseraient  moisir  dans  le  dédain  toutes  les 
quelconqueries  du  vieux  bazar. 


CONFIANCE  EN  SOI-MÊME 

TRADUCTION  INÉDITE    DE   l'aNGLAIS   d'EmERSON 

par  une  Inconnue  (1). 

II.  —  C'est  par  un  manque  de  culture  de  soi-même  que  la 
superstition  des  voyages,  —  dont  les  idoles  sont  Tlialie,  l'Angle- 
terre, l'Egypte  —  fascine  encore  tous  nos  Américains  bien  élevés. 

(1)  Voir  nos  numéros  des  3,  10,  17,  31  août  7.  et  14  septembre. 


Ceux  qui  nous  ont  rendu  l'Angleterre,  l'Italie,  l'Egypte,  vénéra- 
bles, l'ont  fait  en  se  tenant  fermement  où  ils  étaient,  conime  s'ils' 
étaient  l'axe  do  la  terre.  Dans  nos  moments  de  virilité,  nous  sen- 
tons que  le  devoir  est  notre  place.  L'âme  n'est  pas  voyageuse. 
L'homme  sage  reste  chez  lui;  et  quand  la  nécessité,  ses  besoins 
ou  ses  devoirs  l'appellent,  n'importe  à  quelle  heure,  hors  de  sa 
maison  ou  vers  des  pays  étrangers,  il  est  toujours  comme  chez 
lui  ;  et  par  son  attitude  il  fera  sentir  aux  hommes  qu'il  porte  avec 
lui  la  sagesse  Ot  la  vertu  ;  et  qu'il  visite  les  villes  et  les  hommes 
en  souverain,  non  en  fraudeur  intrus  ou  en  valet. 

Je  ne  veux  pas  objecter  grossièrement  à  la  circumnavigation 
du  globe,  faite  dans  un  but  d'art,  d'étude,  de  bienfaisance,  pourvu 
que  l'on  soit  d'abord  acclimaté  chez  soi  et  que  l'on  ne  s'en  aille 
pas  avec  l'espoir  de  trouver  du  plus  grand  que  ce  qu'on  connaît. 

^elui  qui  voyage  pour  être  amusé,  distrait,  ou  pour  acquérir 
une  chose  qu'il  n'a  pas  en  lui,  voyage  loin,  toujours  plus  loin  de 
lui-même  et  devient  vieux,  au  milieu  des  antiquités,  si  jeune  qu'il 
soit. 

A  Thèbes,  à  Palmyre,  sa  volonté,  son  esprit  deviennent  aussi 
vieux,  aussi  affaissés  que  ces  restes.  Il  apporte  des  ruines  à  des 
ruines. 

Voyager  est  le  paradis  des  fous.  Nos  premiers  voyages  nous 
démontrent  le  peu  d'importance  qu'il  y  a  à  être  ici  ou  là. 

Etant  chez  moi,  je  me  mets  à  rêver  qu'à  Naples  ou  à  Rome,  je 
serai  ivre  de  beauté  et  que  je  secouerai  ma  tristesse.  Je  fais  mes 
malles,  j'embrasse  mes  amis,  je  m'embarque,  je  m'éveille  enfin 
à  Naples,  et  là  devant  moi  se  trouve  le  même  fait  sévère,  le  triste 
moi,  identique,  inflexible,  dont  je  voulais  me  sauver.  Je  cherche 
le  Vatican,  les  palais.  J'affecte  de  m'enivrer  de  ce  que  je  vois  et 
des  idées  que  cela  me  suggère;  mais  je  ne  suis  pas  enivré. 

Partout  où  je  vais,  mon  géant  intime  est  avec  moi. 

IH.  —  Mais  la  rage  des  voyages  est  le  symptôme  d'un  mal  plus 
profond,  qui  affecté  notre  action  intellectuelle  tout  entière.  Notre 
esprit  est  vagabond  et  notre  système  d'éducation  engendre  cette 
agitation  fébrile. 

Nos  cerveaux  voyagent  quand  nos  corps  sont  forcés  de  rester 
tranquilles.  Nous  imitons.  Et  qu'est-ce  que  l'imitation  si  ce  n'est 
le  voyage  du  cerveati?  Nos  maisons  sont  bûlics  d'après  un  goût 
étranger  ;  nos  étagères  sont  garnies  d'objets  étrangers  ;  nos  opi- 
nions, nos  goûts,  nos  facultés  s'appuient  sur  le  Passé,  sur  des 
choses  éloignées,  et  les  suivent.  —  C'est  l'iime  qui  a  créé  les  arts, 
là  où  ils  ont  fleuri  ;  c'est  dans  son  propre  esprit  que  l'artiste 
chercha  son  modèle;  c'était  une  application  de  sa  propre  pensée 
à  la  chose  à  faire  et  aux  conditions  à  observer. 

Pourquoi  copier  le  gothique  ou  le  dorique?  La  beauté,  le  mode 
approprié,  la  grandeur  de  la  pensée,  l'expression  juste,  sont  à 
notre  portée  aussi  bien  qu'à  celle  des  autres;  si  l'artiste  améri- 
cain étudie  avec  confiance  et  amour  la  chose  précise  qui  doit  être 
faite  par  lui,  considérant  le  climat,,  le  sol,  la  longueur  du  jour,  les 
besoins  du  peuple,  les  coutumes  et  la  forme  du  gouvernement,  il 
créera  une  maison  où  tout  cela  se  trouvera  adapté,  et  le  goût  et 
le  sentiment  seront  satisfaits  aussi. 

Insistez  sur  votre  personnalité,  n'imitez  jamais.  Vous  pouvez  à 
toute  heure  montrer  votre  don  propre  renforcé  par  l'accumulation 
d'une  vie  entière  d'exercice  ;  —  mais  vous  n'avez  qu'une  posses- 
sion passagère,  qu'une  demi-possession  du  talent  adopté  d'un 
autre.  Ce  que  chacun  peut  faire  de  mieux,  son  auteur  seul  peut 
le  lui  enseigner.  Personne  ne  sait  ce  que  vous  êtes  ou  ce  que' vous 
pouvez  avant  que  vous  ne  l'avez  démontré.  Où  est  le  maître  qui 


1 


VART  MODERNE 


301 


aurait  donné  des  leçons  à  Shakespeare,  à  Franklin,  à  Washington, 
à  Bacon,  à  Newton?  Chaque  grand  homme  est  unique. 

Le  «  scipionisme  »  de  Scipion  était  justement  ce  qu'il  ne  pou- 
vait emprunter  à  autrui. 

■On  ne  produira  pas  un  Shakespeare  par  l'étude  de  Shakespeare. 
Faites  ce  qui  vous  est  assigné,  et  vous  ne  pouvez  ni  trop  espérer, 
ni  trop  oser. 

11  y  a  en  ce  moment,  pour  vous,  une  possibilité  d'action  aussi 
grande,  aussi  courageuse  que  celle  du  colossal  ciseau  de  Phidias, 
de  la  truelle  égyptienne,  de  la  plume  de  Moïse  ou  de  Dante,  — 
mais  différentes  de  toutes  celles-là.  il  n'est  pas  possible  que  l'âme 
riche,  puissamment  éloquente,  langue  aux  mille  pointes,  daigne 
se  répéter;  —  mais  si  vous  pouvez,  comprendre  ce  que  ces 
patriarches  ont  dit,  à  coup  sûr  vous  pouvez  répondre  du  même 
ton,  car  l'oreille  et"  la  langue  sont  deux  organes  d'une  même 
nature. 

Reste  dans  les  régions  simples  -et  nobles  de  ta  vie ,  obéis 
à  ton  cœur,  et  toi  aussi  tu  représenteras  une  partie  de  l'avenir. 

IV.  —  Comme  notre  religion,  noire  éducation  et  nos  arts,  qui 
.  ont  les  yeux  tournés  vers  l'étranger,  notre  esprit  de  société  imite 
et  copie.  Tout  le  monde  se  vante  de  ramélioralion  de  la  société, 
et  personne  ne  s'améliore. 

La  «  société  »  n'avance  jamais.  Elle  perd  d'un  côté  ce  qu'elle 
gagne  de  l'autre.  Elle  subit  de  perpétuels  changements;  elle  est 
barbare,  puis  civilisée,  chrétienne,  riche,  scientifique,  mais  ces 
changements  ne  sont  pas  des  améliorations.  Pour  une  chose 
acquise,  une  chose  perdue.  La  société  acquiert  de  nouveaux  arts 
et  perd  de  vieux  instincts.  Quel  contraste  entre  l'Américain  bien 
mis,  lisant,  écrivant,  pensant,  qui  a  en  poche  une  montre,  un 
crayon,  une  lettre  de  change,  et  le  Nouveau-Zélandais,  nu,  dont 
toute  la  propriété  s'étend  à  une  massue,  une  lance,  une  natte,  et 
le  vingtième,  —  indivis,  —  d'un  abri  pour  la  nuit! 

Mais  comparez  la  force  de  ces  deux  hommes,  et  vous  verrez 
que  le  blanc  a  perdu  de  sa  santé  primitive.  Si  les  voyageurs  disent 
vrai,  vous  pouvez  frapper  un  coup  de  hache  dans  la  chair  du  sau- 
vage, et,  en  un  jour  ou  deux,  la  plaie  se  refermera  comme  si  vous 
aviez  frappé  dans  de  la  poix,  —  tandis  que  le  même  coup  enver- 
rait le  blanc  dans  l'éternité. 

L'homme  civilisé  a  construit  des  carrosses,  mais  il  a  perdu 
l'usage  de  ses  pieds.  Il  s'appuie  sur  des  béquilles,  mais  il  se  sup- 
porte d'autant  moins  par  les  muscles  ;  il  a  une  bonne  montre  de 
Genève,  mais  il  ne  sait  pas  dire  l'heure  d'après  le  soleil.  11  a  un 
almanach,  —  et  ainsi,  sûr  de  trouver  des  renseignements  quand 
il  en  aura  besoin,  l'homme  de  la  rue  ne  connaît  pas  une  étoile  au 
ciel.  Il  ne  remarque  pas  le  solstice,  connaît  encore  moins  l'équi- 
noxe,  et  tout  le  brillant  calendrier  de  l'année  n'a  pas  de  cadran 
dans  son  esprit.  Son  carnet  invalide  sa  mémoire,  les  bibliothèques 
surchargent  son  esprit,  les  sociétés  d'assurance  augmentent  les 
accidents,  et  on  pourrait  se  demander  si  les  machines  n'encombrent 
pas,  si  nous  n'avons  pas  perdu  quelque  énergie  en  nous  ratfinant, 
quelque  vertu  et  vigueur  sauvage  par  une  chrislianisalion  implan- 
tée dans  les  formes  et  les  institutions.  Car  chaque  stoïque  était  un 
stoïque,  mais  dans  la  chrétienté  on  est  le  chrétien. 

Il  n'y  a  pas  plus  de  changement  dans  le  type  moral  que  dans  le 
^lype  de  hauteur  et  de  grosseur.  Il  n'y  a  pas  de  plus  grands 
hommes  qu'il  n'y  en  a  eu.  Il  y  a  une  singulière  égalité  entre  les 
grands  hommes  des  premiers  et  des  derniers  ûges  ;  et  la  science, 
l'art,  la  religion,  la  philosophie  du  xix*  siècle  ne  parviennent  pas 
à  faire  des  hommes  plus  grands  que  .les  héros  de  Plutarque,  vieux 


de  vingt-deux  ou  vingt-trois  siècles.  Ce  n'est  pas  en  raison  du 
temps  que  la  race  est  progressive  ;  Phocion,  Socrale,  Anaxagore, 
Diogène  sont  de  grands  hommes,  mais  ils  ne  laissent  pas  de 
classe.  Celui  qui  est  vraiment  de  leur  classe  ne  veut  pas  être  appelé 
de  leurs  noms,  il  veut  être  lui-même,  et  être  à  son  tour  le  fond-i- 
teur  d'une  secte.  Les  arts  et  les  inventions  d'une  époque  ne  sont 
que  son  costume  et  ne  fortifient  pas  les  hommes.  Le  tort  fait  par 
l'amélioration  des  machines  peut  compenser  le  bien  qu'elles  font. 
Hudson  et  Behring  ont  réussi  tant  de  choses  avec  leur  simple 
bateau  de  pêche,  qu'ils  étonnaient  Parry  et  Franklin,  dont  l'équi- 
pement épuisait  les  ressources  de  la  science  et  de  l'art.  Galilée, 
avec  une  vulgaire  lorgnette,  a  découvert  une  plus  belle  série  de 
phénomènes  célestes  que  personne  n'en  a  découvert  depuis.  Colomb 
a  trouvé  le^Nouveau-Mondeavec  un  bateau  sans  ponl.  11  est  curieux 
de  voir  périodiquement  dédaigner  et  détruire  les  moyens,  les 
machines  introduits  à  grands  renforts  de  louanges,  il  n'y  a  que 
quelques  années  ou  quelques  siècles.  Nous  plaçons  les  progrès  de 
l'art  de  la  guerre  parmi  les  triomphes  de  la  science,  et  cependant, 
Napoléon  conquit  l'Europe  par  le  bivouac,  ce  qui  consistait  à  s'ap- 
puyer sur  la  seule  valeur  et  à  la  débarrasser  de  toutes  ses  aides. 
M  L'(împereur  tenait  pour  impossible,  dit  Las  Casas,  de  faire 
une  armée  parfaite  sans  abolir  nos  armes,  nos  magasins,  nos 
commissaires,  nos  voitures;  jusqu'il  ce  que,  imitant. la  coutume 
romaine,  le  soldat  reçoive  sa  part  de  grain,  puisse  le  moudre  dans 
son  moulin  à  main,  et  cuise  son  pain  lui-même.  » 

La  société  est  une  vague.  La  vague  avance,-  mais  l'eau  dont  elle 
est  composée  n'avance  pais.  La  même  parcelle  ne  s'élève  pas  de  la 
vallée  creuse  au  sommet.  Son  unité  n'est  qu'un  phénomène.  — 
Les  personnes  qui  constituent  aujourd'hui  une  nation,  meurent 
demain,  et  leur  expérience  avec  elles. 

Ainsi,  la  confiance  dans  la  propriété,  qui  comprend  l'appui 
qu'on  attend  du  gouvernement,  protecteur  de  la  propriété,  celte 
confiance  est  un  manque  de  confiance  en  soi-même.  Les  hommes 
ont  si  longtemps  regardé  en  dehors  d'eux-mêmes,  —  du  côté  des 
choses  extérieures,  qu'ils  en  sont  venus  à  considérer  les  institu- 
tions religieuses,  savantes,  civiles,  comme  des  gardiennes  de  fa 
propriété;  et  ils  blâment  les  assauts  donnés  à  ces  choses  parce 
qu'ils  croient  que  ce  sont  des  assauts  à  la  propriété.  Ils  mesurent 
leur  estime  réciproque  non  à  ce  que  chacun  est,  mais  ÎJ  ce  que 
chacun  possède.  —  Tandis  qu'un  homme  cultivé,  au  contraire, 
devient  honteux  de  ce  qu'il  possède,  par  respect  pour  sa  naiure. 
Et,  spécialement,  il  déteste  ce  qu'il  a,  S^il  voit  que  cet  avoir  est 
accidentel,  que  cela  lui  est  venu  par  héritage,  par  donation,  par 
crime  ;  alors  il  sent  que  cela  n'est  pas  posséder  ;  cela  ne  lui 
appartient  pas,  n'a  pas  de  racines  en  lui,  cela  reste  chez  lui  seu- 
lement parce  que  ni  les  révolutions,  ni  les  voleurs  ne  l'ont  pris. 
—  Mais,  ce  qxCon  m/,  fait  acquérir;  et  alors,  nécessairement,  ce 
qu'oîTacquiert  est  une  propriété  vivante  qui  n'attend  pas.  pour 
être  confirmée  ou  détruite,  le  signe  du  législateur,  de  la  popu- 
lace, ou  les  révolutions,  le  feu,  l'orage,  la  banqueroute,  —  m;iis 
qui  se  renouvelle  partout  où  l'homme  respire.  «  Ton  lot  ou  ta 
portion  de  vie,  dit  le  Caliphe  Ali,  cherche  après  toi  ;  c'est  pour- 
quoi tu  peux  te  reposer  et  cesser  de  la  chercher  ». 

Notre  dépendance  de  ces  biens  extérieurs  nous  conJuit  à  un 
respect  servile  du  grand  nombre.  Les  partis  politiques  se 
retrouvent  à  des  réunions  nombreuses.  Plus  le  concours  de  monde 
est  grand,  et  à  chaque  nouvelle  bannière  annonçant  la  société 
d'une  autre  ville,  le  jeune  patriote  se  sent  plus  fort,  plus  fort  de 
ces  milliers  de  têtes  et  de  bras.  De  même,  les  réformateurs,  con- 


voquanl  des  réunions,  ne  concluant  que  devant  des  foules.  —  Ce 
n'est  pas  ainsi,  ô  mes  amis,  que  le  Dieu  entrera  en  vous,  —  mais 
d'une  façon  complètement  opposée.  C'est  seulement  quand 
l'homme  se  débarrasse  de  tout  support  étranger  et  se  tient  seul, 
que  je  le  vois  devenir  fort,  et  dominer.  Il  devient  plus  faible  à 
cliaque  recrue  sous  sa  bannière.  Un  homme  ne  vaut-il  pas  mieux 
qu'une  ville?  Ne  demande  rien  aux  hommes,  et,  dans  le  change- 
ment perpétuel,  loi,  seule  colonne  ferme,  tu  paraîtras  le  soutien, 
de  ceux  qui  t'entourent.  Celui  qui  sait  que  le  pouvoir  est  inné, 
qui  sait  qu'il  est  faible  parce  qu'il  a  cherché  le  bien  en  dehors 
de  liii-môme  et  qui,  en  s'apercevant  de  cela,  se  rejette  sans  hési- 
tation sur  sa  propre  pensée,  —  celui-là  se  redresse  immédiate- 
ment, se  tient  droit  et  commande  à  ses  membres  —  précisément 
comme  un  homme  se  tenant  sur  ses  pieds,  est  plus  fort  qu'un 
homme  se  tenant  sur  sa  tète. 

Use  ainsi  de  tout  ce  qu'on  appelle  Fortune.  La  plupart  des 
hommes  jouent  avec  elle,  perdant  et  gagnant  selon  que  sa  roue 
tourne.  Mais  toi,  abandonne  ces  gains  comme  illégitimes,  et  traite 
avec  la  Cause  et  l'Effet,  les  chanceliers  de  Dieu.  Travaille  et 
acquiers  par  la  volonté,  el  tu  enchaîneras  la  roue  de  la  Chance, 
et  lu  seras  à  l'abri  de  ses  rotations.  Une  victoire  politique,  la 
hausse  de  la  rente,  la  guérison  de  tes  malades  ou  quelqu'autre 
événement  favorable  te  rejouit,  el  tu  penses  que  de  bons  jours  se 
préparent  pour  loi.  —  Ne  le  crois  pas  :  rien  ne  peul  l'apporter 
la  paix  que  loi  même;  rien  ne  peut  te  donner  la  paix  que  le 
triomphe  des  principes.  R.  W.  Emerson. 

,  FIN. 

Ainsi  s'achève  ce  remarquable  catéchisme  résumant  les  articles  de 
foi  des  sincères  et  des  forts. 

Nous  adressons  de  tout  cœur,  pour  les  vrais  artistes  et  pour  nous, 
des  remerciements  à  l'aimable  et  intelligente  Femme  inconnue  à 
qui  nous  devons  cette  précieuse  aubaine.  Nous  ne  pouvons  nous 
empêcher  d'établir  une  corrélation  entre  l'auteur  de  la  biographie 
d'Emerson  dont  nous  avons  rendu  compte  dans  le  dernier  no  de 
l'Avt  moderne  et  cette  Inconnue. 


LE  NOUVEAU  MUSEE  D'ANVERS 

{Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne). 

En  un  quartier  niort-né,  en  plein  lorrains  vagues  si  lamenta- 
lilemcnt  clôturés,  en  un  quartier  ébauché  où  pèse  le  morne  silence 
(le  la  gêne;  quartier  des  misères. déguisées,  d'existences  accro- 
chées à  des  rémunérations  administratives,  groupées  autour  de 
cet  invraisemblable  et  raté  monument  pour  l'Affranchissement  de 
l'Escaut —  où  à  plaisir  on  a  entassé  les  plus  grotesques  amplifi- 
cations décoratives  —  loin,  —  moins  par  dédain  que  par  mouve- 
ment instinctif,  symbole  de  la  dislance  qui  sépare  les  préoccupa- 
tions pou  élevées  et  journalières  des  choses  de  l'Art,  —  on  a  érigé 
ce  nouveau  musée  d'Anvers.  Edifice  vaste;  d'une  reconstitution 
archilccluralc  soignée,  ce  semble,  de  choses  existantes;  copie 
sage,  d'un  néo-grec  probable,  partant  inutile  et  d'intérêl  nul. 

Façade  et  péristyle  visant  à  de  la  grandeur;  côtés  latéraux  et 
postérieur  casernants.  Autour,  comme  pour  la  montre  de  la  pièce, 
les  traditionnelles  plaies-bandes  de  persil.  Qu'on  sache  pourtant 
-qu'il  faudrait  au  lieu  du  square  rasé  et  puéril  qu'on  prépare,  une 
floraison  haute,  un  luxueux  envahissement  de  branches.  Qu'on 
lâche  toutes  les  grimpantes,  les  vignes  folles,  les  glycines,  les    1 


passiflores  le  long  de  ces  murs  et  qu'on  s'y  prenne  à  temps; 
nature  aura  raison  du  monument  et  nous  aurons  moin»  longtemps 
ainsi  à  en  supporter  l'ennui. 

Dès  l'entrée  du  musée,  à  gauche  et  à  droite,  les  galeries  de 
sculptures  et  de  gravures;  devant  soi,  la  salle  de  l'escalier,  d'une 
disposition  pareille  à  celle  de  l'ancien  local;  autour  sont  placar- 
dées les  pommadeuses  peintures  murales  de  De  Keyzer,  plus 
sourdes,  plus  inexistantes  que  jamais.  Cette  salle  en  marbre  tacheté, 
d'une  canaillerie  de  ton  avérée,  hors  de  ses  murs  c'est  une  exsu- 
dation malpropre  et  infectieuse.  Immaculées  pourtant  —  par  quel 
prodige?  —  et  maussades,  deux  cariatides  en  marbre  blanc 
supportent  le  palier  qui  donnera  accès  aux  salles  de  Peinture. 
Une  parfaite  ordonnance  de  la  lumière,  le  fond  d'un  rouge  éteint 
de  bon  aspect  sur  lequel,  par  un  système  importé  d'Allemagne  et 
à  imiter,  on  a  accroché  les  tableaux,  prédisposent  bien  et  augu- 
reraient de  quelque  bon  goût  qui  aurait  présidé  à  cette  nouvelle 
installation  —  riche  et  somptuçuse  en  tous  points  d'ailleurs,  et 
Irop!  — si  l'on  n'était  immédiatement  frappé  par  l'odieux  et  sacri- 
lège vernissage  qu'ont  subi  la  plupart  des  tableaux.  Non  content 
d'avoir  redoré  tous  les  cadres  —  appuyant  ainsi  sur  le  mauvais 
goût  de  ces  bordures  irrationnelles  —  n'a-t-on  pas  promené 
la  jarre  de  vernis  le  long  de  ces  salles,  vernissant  à  tour  de  bras. 
Je  sais  /des  toiles  perdues  :  le  merveilleux  Titien,  qui  après 
celte  souillure  n'a  conservé  aucune  des  infinies  délicatesses  grises 
qui  en  faisaient  le  charme.  Anéanties,  l'idéale  carnation  maie,  la 
fluidité  du  fond  ;  c'est  celte  rare  perle  et  inestimable  irrémédiable- 
ment détruite  !  Et  d'autres,  —  V Adoration  de  Van  Eyck  aussi, 
—  qu'une  hâlive  visite,  avant  l'ouverture  officielle  au  fort  du 
tumulte  de  la  dernière-main,  m'a  empêché  de  noter. 

Voici  une  salle  où  sont  rassemblés  les  Rubens;  le  regret  s'im- 
pose de  n'y  pas  trouvisr  ceux  de  noire  cathédrale  :  en  telle  autre, 
les  Van  Dyck,  et  puis  on  est  conduit  vers  cette  unique  el  rayon- 
nante et  parfaite  œuvre  :  le  triptyque  de  Quinten  Matzys  placé 
seul  en  une  salle,  dévotieusement,  je  le  reconnais,  sur  un  autel 
sculpté.  Même  religion  et  bon  goût  dans  la  salle  des  Gothiques. 
Ceux  de  format  moindre  rassemblés  par  groupe,  retenus  en  des 
châssis  de  Velours  vert  passé  et  protégés  par  des  glaces.  Pourtant 
une  ou  deux  défectuosités  de  placement;  entre  autres  ce  joyau  ;  la 
Sainte-Barbe,  de  Van  Eyck,  flanqué  d'un  lourd  Van  Orley  qui 
l'écrase  et  d'un  portrait  discutablement  attribué  à  un  gothique 
flamand.  En  belle  place,  dans  celte  salle,  le  triptique  de  Van  der 
Weyden.  Mode  adopté  d'ailleurs  pour  d'autres  triptyques  encore  : 
celui  de  Van  Orley  —  une  Résurrection,  —  attachant  et  sorti  de 
la  galerie  des  Hospices  comme  ce  chef-d'œuvre  presque  inconnu, 
le  portrait  de  Simon  de  Vos  par  lui-même. 

Voilà  un  morceau  d'Art  suprême,  qui  fait  crouler  toutes  les  pan- 
cartes vaines,  d'art  superficiel,  à  fleur  de  peau,  avec  lesquelles  il 
voisine.  Dépassant  en  intensité  de  vie  les  plus  beaux  Rembrandt, 
accomplissant  ce  miracle  par  les  moyens  les  plus  simples.  Montée 
à  ses  yeux,  comme  la  sève  du  mystère  qui  gire  tout  autour  de 
celte  superbe  tête  du  peintre,  la  Pensée  y  éclate  comme  une 
rayonnante  floraison,  impérieuse,  inoubliable. 

Surtout  trop,  beaucoup  trop  de  choses  qu'on  a  cru  devoir  ressus- 
citer; dos  salles  entières  sont  manifestement  inutiles,  sans  parler 
de  la  galerie  moderne  qu'on  eût  dû,  après  un  émondage  d'une 
dizaine  de  toiles,  livrer  à  l'encan.  N'a-l-on  pas  rassemblé  pour  ce 
nouveau  musée  toutes  toiles  documentaires  :  vues  de  fortifications 
démolies,  de  ruines  locales  ayant  un  exclusif  intérêt  historique, 
dénuées  de  toute  valeur  artistique.  Mais  ainsi  le  musée  changc- 


/ 


^ 


VART  MODERNE 


303 


,^  rail  de  destination.  Doit-il  être  autre  chose  que  le  Panthéon  où 
les  triomphateurs  seuls  de  l'Art  devraient  avoir  accès  et  où  pieu- 
sement nous  irons  vénérer  le  plus  pur  de  la  Pensée,  les  plus  hau- 
taines incarnations  de  l'Art? 

Une  salle  entière  y  est  réservée  aux  portraits  —  peints  par  eux- 
mêmes  !  des  membres  du  corps  académique  d'Anvers.  Elle  devien- 
dra la  salle  tortionnaire.  Imagine-t-on  un  supplice  plus  raffiné 
que  celui  d'être  lié  sur  les  fauteuils  de  cette  salle;  ce  sera  bien 
autrement  sûr  et  inhumain  que  le  fauteuil  électrique  !  Et  j'ai 
grand  tort  de  signaler  ce  nouveau  genre  de  mort.  N'en  vais-je  pas 
être  la  première  victime?  On  me  signale  de  toutes  parts  depuis 
ma  dernière  correspondance  à  VArt  moderne  et  les  mieux  dis- 
posés m'engagent  à  de  la  «  prudence  ».' 

Ce  que  c'est  que  d'avoir  le  caractère  mal  fait!  Mais  vous  autres, 
n'est-ce  pas,  si  vraiment  je  dois  périr  en  cette  oubliette,  prierez 
pour  moi? 


Petite  chroj^ique 

Le  comité  des  fêles  de  Bayreuth  vient  de  décider  qu'on  repren- 
dra l'an  prochain,  en  cette  ville,  Tristan  et  Yseult,  qui  alternera 
avec  Tannhâuser,  monté,  comme  on  sait,  pour  la  première  fois 
ti  Bayreuth,  elParsifal.  La  diversité  de  ce  spectable  de  premier 
ordre,  qui  embrassera  les  trois  périodes  de  l'art  de  Richard 
Wagner,  va  de  nouveau  faire  affluer  les  pèlerins  dans  la  petite 
cité  franconienne. 


De  la  chronique  berlinoise  du  Figaro  : 

11  y  a  eu  fête  dernièrement  à  l'Opéra  de  Berlin  :  on  donna  la 
deux  centième  de  Lohengrin.  Deux  cents  représentations,  dans  le 
cours  d'environ  vingt-cinq  ans,  c'est  un  gssez  joli  chiffre,  étant 
donnée  la  diversité  du  répertoire  de  la  maison. 

A  cette  occasion  on  se  rappelle  naturellement  les  commence- 
ments si  difficiles  de  Richard  Wagner.  Tannhâuser  et  Lohengrin, 
il  les  vendit  jadis  pour  une  aumône  à  l'Opéra  de  Vienne,  1,000  flo- 
rins l'un  dans  l'autre.  L'affaire  fut  excellente  pour  l'Opéra,  qui 
encaissait  les  plus  belles  recettes  du  monde  avec  les  deux  ouvrages, 
Wagner  essaya  à  plusieurs  reprises  de  faire  annuler  ce  traité 
léonin  toujours  sans  le  moindre  succès.  Un  jour  pourtant  on  lui 
demanda  son  opéra  Tristan  et  Yseull,  et  il  ne  le  donna  qu'à 
la  condition  que  l'ancien  contrat  serait  complètement  revisé.  I| 
fallait  bien  passer  par  là,  et  le  compositeur  fut  amplement  dédom- 
magé. 

Plus  lard,  après  1876,  il  fut  appelé  à  Vienne  pour  diriger  le  dit 
Tannhâuser  et  trois  autres  opéras  de  sa  composition,  quatre  soi- 
rées en  tout.  Il  demanda  20,000  florins  (40.000  francs),  frais 
d'hôlel  et  voyage  payés.  Tout  lui  fut  accordé.  L'hôtelier  présenta 
même  un  mémoire  pour  meubles  détériorés  par  le  jeune  Siegfried 
Wagner.  L'enfant  s'était  amusé  à  tracer  son  nom  sur  du  salin 
bleu  de  ciel  avec  ses  doigts  mouillés  d'encre  noire  —  total  : 
800  florins.  Le  caissier  paya  sans  broncher.  Morale  :  Rien  ne 
coûte  parfois  plus  cher  que  d'acheter  à  bon  marché  les  partitions 
d'un  débutant  de  génie. 

M.  Vincent  d'Indy,  qui  passlu^élé  dans  sa  propriété  des  Fangs, 
en  Ardèche,  achève  la  composilioï^d'un  quatuor  pour  instruments 
à  cordes  dédié  à  Eugène  Ysaye.  A  en  juger  d'après  les  fragments 
que  l'auteur  nous  en  a  joués,  l'œuvre  promet  d'égaler,  sinon  de 
dépasser,  les  plus  belles  compositions  du  jeune  maîlre. 


De  V Indépendance  : 

Lohengrin  vient  d'être  donné  à  Carlsruhe,  sous  la  direction  de 
M.  FélixMoltl,  avec  M.  Ernest  Van  Dyck  dans  le  rôle  principal, 
M'i«  Rcuss,  jouant  Eisa,  M"*  Meilhac  Ortrudc,  M.  Planck  Telra- 
mund,  W.  Relier  le  Roi.  L'ouvrage  est  donné  sans  une  seule  cou- 
pure. Un  amateur  de  nos  amis,  qui  assistait  à  la  représentation, 
nous  écrit  que,  loin  d'allonger  le  drame,  le  respect  du  texte, 
restituant  à  l'ensemble  l'équilibre  des  proportions,  laisse  à  l'audi- 
teur une  impression  plus  harmonieuse  et  allégeante.  L'intcrpréla- 
tion  est,  du  reste,  remarquable,  les  chœurs  et  l'orchestre  excel- 
lents, et  M.  Van  Dyck,  vaillamment  secondé  par  des  artistes  de 
valeur,  a  obtenu  un  immense  succès  justifié  par  son  talent  de 
chanteur  et  d'acteur. 

Voici  de  quelle  façon  seront  réparties  cette  année,  les  quinze 
représentations  de  l'abonnement  à  l'Odéon  : 

Pour  un  tiers  :  cinq  soirées  populaires  à  prix  réduits,  compo- 
sées chacune  de  deux  chefs-d'œ.uvre  du  répertoire  classique,  tra- 
gédie et  comédie,  prises  dans  les  pièces  de  Corneille,  Molière, 
Racine,  Regnard,  Marivaux,  Beaumarchais,  Voltaire,  etc. 

Pour  un  autre  tiers  :  cinq  soirées  composées  de  chefs-d'œuvre 
du  répertoire  étranger  remis  à  la  scène  spécialement  pour  les 
représeni allons  d'abonnement  avec  tout  le  luxe  de  mise  en  scène 
nécessaire  et  une  partie  musicale  importante  : 

1°  Alceste,  drame  lyrique  en  cinq  actes,  en  vers,  d'après  Euri- 
pide, par  M.  Alfred  Gassier,  avec  les  chœurs  «  originaux  »  et  la 
musique  d'orchestre  de  Gluck;  orchestre  et  chœurs  sous  la  direc- 
tion de  M.  Charles  Lamoureux; 

2"  Roméo  et  Juliette,  drame  en  neuf  tableaux,  en  vers,  traduit 
de  Shakespeare  par  M.  Georges  Lefevré,  musique  de  scène  et 
d'entr'actes  tirée  de  la  partition  de  Berlioz  ; 

30  Maison  de  Poupée,  drame  en  trois  actes,  en  prose,  traduit 
de  Henrik  Ibsen  par  le  comte  Prozor; 

4°  Don  Carlos,  drame  on  sept  tableaux,  en  prose,  traduit  de 
Schiller  par  M.  Ch.  Raymond; 

3°  Conte  d'avril,  comédie  héroïque  en  six  tableaux,  en  vers, 
d'après  la  Douzième  nuit,  de  Shakespeare,  par  M.  A.  Dorchain, 
avec  une  partition  nouvelle  de  M.  Ch.  Widor,  exécutée  par 
M.  Ch.  Lamoureux  et  son  orchestre  ; 

El  enfin,  pour  le  dernier  liers  :  cinq  représentations  choisies 
dans  les  grandes  pièces  nouvelles  qui  seront  représentées  dans  le 
courant  de  la  saison  d'hiver. 


Une  artiste  de  la  Comédie-Française,  souvent  applaudie  à 
Bruxelles,  M™  Jeanne  Samary,  vient  de  mourir  à  Paris  d'une 
fièvre  typhoïde  qui  l'avait  frappée,  au  cours  des  vacances,  à  Trou- 
ville  où  elle  était  allé  en  villégiature. 

M""  Samary  était  née  le  4  mars  1837  à  Neuilly  ;  elle  éiait  nièce 
de  M™"  Augusline  et  Madeleine  Brohan.  Elle  était  entrée  au  Con- 
servatoire en  1 871,  dans  la  classe  de  Bressant  où  elle  obtint  le 
prix  de  comédie  en  1874,  et  elle  débuta  avec  succès  à  la  Comédie- 
Française,  le  24  août  de  la  même  année,  dans  Dorine  de  Tar- 
tuffe. 

Sa  première  création  fut  le  rôle  de  Pulchérie  dans  Petite  pluie 
(fEdouard  Paiileron,  le  4  décembre  1873. 

LiArt  musical,  d'après  //  Mondo  Artistico,  nous  cite  les  habi- 
tudes de  quelques  compositeurs  illustres.  Cimarosa  ne  pouvait 
composer  s'il  n'entendait  à  ses  côtés  une  conversation  animée. 
Paisicllo,  au  contraire,  était  incapable  d'écrire  une  seule  note  s'il 
ne  s'étendait  sur  son  lil.  Haydn,  lui,  s'enfermait  dans  son  cabinet, 
se  rasait,  se  poudrait,  revêtait  un  coslume  de  grand  luxe,  se  ser- 
vant de  plumes  neuves,  et  n'oubliait  pas  de  mettre  à  son  doigt 
l'anneau  qui  lui  avait  été  donné  par  son  souverain.  Quanta  Haen- 
del,  il  aimait  à  voir  sur  son  instrument  et  près  de  lui  une  bou- 
teille de  bon  vin. 

Deux  pièces  religieuses  de  Schubert,  découvertes  tout  derniè- 
rement, ont  été  entendues,  pour  la  première  fois,  au  récent  fes- 
tival de  musique  d'Eisenach.  Ces  compositions  datent  de  1828, 
l'année  de  la  mort  du  maître  :  ce  sont  un  Tantum  argo  et  un 
Offertoire,  tous  deux  pour  chœurs  et  orchestre. 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


LIGNE   D'OSTENDE-DOUVRES 


La  plus  courte  et  la  moins  coûteuse  des  voies  txtra-rapides  entre  le  Continent  et  /'Angleterre 


Bruxelles  à  Londres  en 
Cologne  à  Londres  en 
Berlin  à  Londres  en  . 


8     heures. 
12  Va     " 
22 


Vienne  à  Londres  en. 
B&le  à  Londres  en.  . 
Milan  à  Londres  en  . 


36  heures. 
24       - 
33       » 


XROII»  l»E:RVICE:i^  l^i%R  «FOUR 


i 


.  i  ■ 
\ 


D'Ostende  à  5  h.  29  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  31  soir.  —  De  Douvres  à  midi  15,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir; 

XRi%VE:RisÊE:  Eiv  XROii^  hb:ure:s 

PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS 

Princesse  Joséphine,  Princesse  Henriette,  Prince  Albert,  La  Flandre  et  Ville  de  Douvres 

partant  journellement  d'OSTENDE  à  5  h.  29  matin  et  11  h.  10  matin;  de  DOUVRES  à  midi  15  et  10  h.  15  soir. 

Salons  luxueux.  —  Fumoirs.  —  Ventillation  perfectionnée.  —  Éclairage  électrique.  —  Restaurant. 

BILLETS  DIRECTS  (simples  ou  aller  et  retour)  entre  LONDRES,  DOUVRES,  Birmingham,  Dublin,  Edimbourg,  Glascow, 

Liiverpool,  Manchester  et  toutes  les  grandes  villes  de  la  Belgique 
et  entre  LONDRES   ou   DOUVRES  et  toutes  les  grandes  villes  de  l'Europe. 


BILLETS  CIRCULAIRES 

Supplément  de  2^  en  l™  classe  sur  le  bateau,  fr.  !8-35 
CABINES  PARTICULIÈRES.  -  Prix  :  (en  sus  du  prix  de  la  l'»  classe),  Petite  cabine,  7  francs;  Grande  cabine,  14  francs. 

A  bord  des  malles  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette 
Spécial  cabine,  28  francs  ;  Cabine  de  luxe,  75  francs. 

Pour  la  location  à  l'avance  s'adresser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  {Quai)  ou  à  l'Agence  des  Chemins  de  fer  de  VÊtat-Belge 
Northumberland  House,  Strond  Street,  n"  47,  à  Douvres. 

Excursions  à  prix  réduits  de  50  «/o,  entre  Ostende  et  Douvres,  tous  les  jours,  du  l«r  Juin  au  30  septembre. 
Entre  les  principales  villes  de  la  Belgique  et  Douvres,  aux  fêtes  de  Pentecôte  et  de  l'Assomption. 

AVIS.  —  Buffet  restaurant  à  bord.  —  Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  —  Accostage  à  quai  vis-à  vis  des  stations  de  chemin  de 
fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  intarnationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits).  —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  -  Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  VEccploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  V Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  V  État-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n»  53,  à  Londres,  à  Y  Agence  de  Chemins  de  fer 
de  VÊtat,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vrancken,  Domkloster,  no  1,  à  Cologne. 


chez  MM.  SCHOTT  frères,  82,  Montagne  de  la  Cour,  Bruxelles. 

L'OR  DÛ  RHIN 

DE 

RICHARD  WAGNER 

Version  française  de  Victor  VIOLDER 

Partition    pour   chant   et   piano,    réduite   par   R.    Kleinmichel 
PRIX  NET  :  20  Francs 

JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche.  . 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 

—  Bibliographie.  —  Législation.  —  Notariat. 

HUTIKME  ANNÉE. 

Abonnements  \  Belgique,  18  francs  par  an. 
(  iLtranger,  23  id. 

Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 

Bcvuc  mensuelle  de  littérature  et  d'art 

5"  Année 

Directeurs  :  MM.  A.  MOCKEL  et  P. -M.  OLIN. 

„  (  à  Liège,  rue  St-Adaibert,  8. 

Bureaux      .    ^        ,,        . 

(  a  Bruxelles,  Avenue  Louise,  317. 

ABONNEMENTS  :   5  francs  l'an  ;  Union  postale,  fr.    6-50 


PIANOS 


BRUXELLES 
me  Thérésienne,  ^ 


GUNTHER 


VENTE 

ÉCHANGE 
LOCATION 
Paris  1867, 1878,  1"  prix.  —  Sidney,  seuls  1"  et  2»  prix 

EXPOSITIOIS  ÂlSTERDil  1883,  ÂRTERS  1885  DIPLOIE  D'IOmni. 

Breitkopf  et  Hartel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 


TRAITÉ  PRATIQUE  DE  _ 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-G.  Lobe. 

Traduit   de   l'allemand   (d'après   la  5^   édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8".  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  ouvrages  d'enseignement  musical  les  plus 
estimés  en  Allemagne. 


Bruxelles.—  Imp.  V  Momnoii,  32,  ru^  de  l'Industrie. 


fl 


r-^ 


Dixième  année.  —  N**  39. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Ddianche  28  Septembiœ  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  :  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,    fr,    13.00.    —ANNONCES   :    On  traite  à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  26,  Bruxelles. 


? 


OMMAIRE 


La  Sonate  a  Kreutzer,  p^r  le  comte  Léon  Tolstoï.  —  George 
MiNNE.  —  Le  triomphe  de  la  folie.  —  Admirateur  jusqu'à  l'imi- 
tation. —  Dumas  au  Parc.  —  Mémento  des  Expositions.  — 
Petite  chroniqiie. 


LA  SONATE  A  KREUTZER 

par  le  comte  Léon  Tolstoï,  traduit  du  russe  par  E.  Halpérine- 
Kaminsky,  pet.  in-8o  de  249  p.  et  tit.  —  Paris,  Marpon  et  Flam- 
marion, sans  millésime. 

«  Mais  moi  je  vous  dis  que  quiconque  regarde  une 
femme  pour  la  convoiter  charnellement,  il  a  déjà  com- 
mis l'adultère  avec  elle  dans  son  cœur.  " 

Cette  parole  du  Christ,  rapportée  au  verset  28  de 
l'Evangile  selon  saint  Mathieu,  sert  de  première  épi- 
graphe au  livre  extraordinaire  qui  a  pour  titre  énigma- 
tique  :  La  Sonate^ Kreutzer. 

Et  ce  livre  finit  par  ces  mots  :  «  Il  faut  bien  saisir  le 
sens  exact  de  l'Evangile  selon  saint  Mathieu,  verset  28; 
il  faut  bien  comprendre  que  cette  phrase  :  «  Quiconque 
regarde  une  femme  avec  convoitise  a  déjà  commis  l'adul- 
tère '>  se  rapporte  aussi  à  la  sœur,  et  non  seulement  à  la 
femme  étrangère,  mais  aussi  et  surtout  a  sa  propre 

FEMME. 

Alors  commence  à  transparaître  le  motif  pour  lequel 


ce  Russe  à  àme  multiple  et  surhumaine,  le  comte  Léon 
Tolstoï,  populaire  dans  sa  vaste  patrie  parce  qu'il 
exprime  bien  les  mystères  de  l'âmé  russe,  multiple  et 
surhumaine,  et  y  démêle  l'action  circonvolutive  de  la 
puissance  des  ténèbres,  c'est-à-dire  de  l'inconnu  fatal 
de  la  race,  qu'il  vienne  du  passé  par  l'atavisme,  ou  qu'il 
vienne  de  l'avenirpar  la  pro-hérédité,  a  mis  pour  seconde 
épigraphe  à  son  livre  extraordinaire,  ces  autres  ver- 
sets de  saint  Mathieu,  les  10",  IP,  12^  :  «  Ses  disciples 
lui  dirent  :  Si  telle  est  la  condition  de  l'homme  avec  la 
femme,  il  ne  convient  pas  de  se  marier.  Mais  il  leur 
dit  :  Tous  ne  sont  pas  capables  de  cela,  mais  ceux-là 
seulement  à  qui  il  a  été  donné  ;  car  il  y  a  des  eunuques 
qui  sont  nés  tels  dès  le  ventre^de  leur  mère  ;  il  y  en  a 
qui  ont  été  faits  eunuques  par  les  hommes  ;  et  il  y  en  a 
qui  seront  faits  eunuques  eux-mêmes  pour  le  royaume 
des  cieux.  Que  celui  qui  peut  cojûjj rendre  ceci  le 
comprenne.  ^ 

Alors  se  déroule  le  livre,  court.  Du  style  nous  ne 
parlerons  pas  :  un  traducteur  quelconque  a  transvasé 
rœuvî*e  dans  le  récipient  banal  de  son  langage  quel- 
conque. Un  vulgaire  interprète  de  caravane.  Mais 
l'idée  !  ? 

L'idée  est  russe  quintessentiellement.  Pour  nous,  occi- 
dentaux, sinon  incompréhensible,  au  moins  inexplicable. 
La  voici  :  toute  union  sexuelle  entre  homme  et  femme 
est  bestiale,  partant  contre  nature  puisque  la  nature 


humaine  veut  l'idéal.  C'est  de  la  débauche.  Dès  lors  tout 
amour,  spécialement  l'amour  conjugal,  qui  s'accomplit 
en  fornication,  est  un  sacrilège,  et  engendre  chez,  les 
deux  complices  de  ce  crime,  une  haine,  incessamment 
croissante,  qui  est  l'explication  de  la  presque  universa- 
lité des  mauvais  ménages!  ! 

Théorie  étrange,  révélatrice,  répétons-le,  de  l'âme 
russe,  éprise  de  mysticisme,  venant  après  la  nôtre  dans 
l'évolution  de  l'âme  aryenne,  mais  plus  près  déjà, 
semble-t-il,  des  régions  idéales  où  peut-être  notre  race 
aboutira,  —  ou  moins  proche  des  régions  sensuelles  où, 
par  l'eflét  des  mélanges  avec  les  humanités  inférieures, 
cette  race  doit  peut-être  tomber. 

Pozdnychew,  l'acteur  dominant  du  drame,  le  mari  de 
la  femme  innommée.  Elle,  qu'il  tue  finalement  parce 
qu'ailleurs,  chez  un  violoniste,  Troukhatchewsky  (sans 
réel  accomplissement,  semble-t-il,  car  le  livre  se  perd 
souvent  en  ténèbres  qui  en  augmentent  l'effroi),  elle 
a  cherché  l'idéal  dont  avait  soif  son  âme  russe  et 
que  les  bestialités,  savourées  pourtant,  du  toit  con- 
jugal avaient  souillée,  —  Pozdnychew  raconte  tragique- 
ment l'histoire  terrible  de  son  mariage  qui  s'achève 
par  le  meurtre  de  cette  femme ,  innommée  parce 
qu'elle  doit  symboliser  la  femme- mariée  russe.  Il 
la  tue  (oh  !  quelle  épouvante  dans  le  long  analytique 
récit  des  angoisses  d'une  âme  russe  d'homme,  dans  ce 
qui  précède  le  meurtre,  et  ce  qui  le  perpètre,  et  ce  qui 
le  suit!),  il  la  tue,  avec  cette  sensation  :  «  la  résistance 
du  corset,  d'un  autre  objet  encore,  puis  le.  poignard 
s'enfonçant  dans  la  chair  molle.  »  Et  il  ajoute,  le  con- 
teur de  l'effroyable  forfait  :  «  Je  crois  me  rappeler  que 
je  retirai  tout  de  suite  le  poignard...  comme  pour 
réparer  ce  que  je  venais  de  faire.  " 

Mais  en  outre  du  dramatique  et  artistique  récit,  à 
côté,  au  dessus  peut-être,  il  y  a  l'émouvante  et  décon- 
certante confession  d'une  âme  russe  sur  le  mariage 
russe,  un  dépliage  de  bizarres  frémissements  qui  don- 
nent la  fièvre  et  infiltrent  l'inquiétude,  car  dans  cette 
psychologie  moscovite  saturée  d'exotisme,  aux  fils 
embrouillés,  il  se  trouve,  çà  et  là,  des  nœuds,  des  lacs 
où  nous  nous  reconnaissons,  occidentaux  si  proches,  par 
le  sang,  de  ces  Slaves  issus  de  la  même  souche,  diver- 
gents par  les  hasards  des  migrations,  des  siècles  et  des 
mélanges,  mais  fraternels  quand  même.  Et  parfois  sous 
le  cruel  déchirement  de  voiles  qu'accomplit  le  drama- 
turge impitoyable,  nous  découvrons  des  plaies  qui  sont 
les  nôtres,  des  ulcères  dont  nous  sommes  rongés. 

Connaître  la  Femme.  Certes,  il  le  faudrait  avant 
d'accomplir  cet  acte  de  mystère  et  d'abnégation  :  le 
mariage.  Certes,  on  pourrait  l'enseigner.  Mais,  fait 
dire,  avec  une  âpre  ironie,  Tolstoï  à  son  héros  farouche, 
"  elle  tenait  une  place  bien  moindre  dans  nos  études  que 
l'emploi  de  ut  dans  les  phrases  conditionnelles  ».  Et  se 
ruant  sur  tout  ce  qu'a  fait  la  science  pour  rendre  inof- 


fensive la  fornication,  c'est-à-dire,  à  son  sens,  la 
débauche,  il  ajoute  :  «  Si  on  avait  porté  à  la  guérison 
de  la  débauche,  la  millième  partie  des  efîbrts  employés 
pour  guérir  les  maladies  qu'elle  donne,  elle  aussi  serait 
passée;  mais  tous  ces  eflbrts  concourent,  au  contraire. 
à  l'extension  de  la  débauche  en  en  rendant  les  consé- 
quences inoffensives  ".  Et  Pozdnychew  qui  parle  ainsi, 
appelle  alors  les-médecins  :  Canailles!  Canailles! 

Un  homme  qui.  a  goûté  le  plaisir  avec  plusieurs 
femmes  n'est  plus  un  être  normal,  continue  ce  Russe. 
Quand  le  souvenir  de  toutes  mes  mauvaises  actions  (les 
fornications  variées)  me  revient,  je  frissonne  d'épou- 
vante... Quand  je  penseà  l'air  pur  que  nous  avons,  tous, 
viveurs  de  trente  ans,  la  conscience  pleine  de  mille 
crimes  terribles  (les  fornications),  lorsque  nous  péné- 
trons dans  une  salle  de  bal,  dans  un  salon,  rasés  de 
frais,  dans  la  blancheur  éclatante  de  notre  linge,  en 
habit  ou  en  uniforme!  Quel  idéal  de  pureté!  un  vrai 
rêve  ! 

Puis,  s'attaquant  par  la  femme,  au  côté  fatalement 
sensuel  des  rapports  entre  les  sexes  :  Les  femmes  savent 
fort  bien  que  l'amour  le  plus  pur,  le  plus  poétique, 
comme  on  dit,  ne  dépend  pas  essentiellement  des  qua- 
lités morales,  mais  de  rapprochements  physiques,  de  la 
manière  de  se  coiffer,  de  la  couleur  ou  de  la  coupe  des 
costumes.  Demandez  à  une  coquette  expérimentée  si 
elle  préfère,  en  présence  d'un  homme  dont  elle  a  entre- 
pris la  conquête,  être  convaincue  de  mensonge,  de 
cruauté,  voire  de  libertinage,  ou  bien  être  présentée  à 
lui  dans  une  robe  de  mauvais  goût  et  mal  taillée.  Toutes 
préféreront  la  première  alternative. 

Sensualité  !  Sensualité  des  sensualités  !  Tout  n'est  que 
sensualité  !  Dans  les  classes  jouisseuses  au  moins.  La 
nourriture  abondante  n'est-elle  pas  un  excitant  pour  les 
corps?  Les  hommes  de  notre  société  sont  nourris  comme 
des  étalons.  L'amour  et  le  mariage  proviennent  en 
grande  partie  de  la  nourriture.  Cela  vous  étonne?  Il  est 
bien  plus  étonnant,  s'écrie  Pozdnychew,  que  cette  chose 
ne  soit  pas  universellement  connue.  Aussi,  quand  il  voit 
pénétrer  dans  les  entours  de  sa  femme,  ï Homme,  le 
séducteur  possible,  le  Troukhatchewsky,  personnage 
qui  pratique  la  musique,  cet  art  qui  n'élève  ni  n'avilit 
l'âme,  mais  qui  l'excite,  qui  porte  à  oublier  tout,  qui 
fait  croire  à  ce  qu'on  ne  croit  pas,  comprendre  ce  qu'on 
ne  comprend  pas,  qui  donne  un  pouvoir  qu'on  n'a  pas, 
faisant  l'effet  du  bâillement  ou  du  rire  parce  qu'elle 
transporte  qui  l'écoute  dans  l'état  d'esprit  où  se  trouvait 
celui  qui  l'a  écrite,— quand  il  le  voit  arriver,  il  observe  : 
qu'il  est  célibataire,  robuste;  qu'il  brise  avec  les  dents 
l'os  d'une  côtelette,  qu'il  trempe  avidement  dans  le  vin 
ses  lèvres  rouges!. Bien  nourri  et  de  bonnes  manières, 
s'il  a  un  principe  c'est  évidemment  de  n'éviter  aucune 
jouissance!  Nous,  qui  avalons  deux  livres  de  viande,  du 
gibier,  toutes  sortes  de  boissons  et  de  mets  échauffants. 


UART  MODERNE 


307 


où  le  dépensons-nous?  Pareille  excitation  dévoyée  par 
les  romans,  les  nouvelles,  les  vers,  la  musique,  devient 
l'amour  le  plus  caractérisé. 

Dans  cette,  situation,  la  séduction  et  l'empire  de  la 
femme  sont  énormes.  En  vain  elles  se  plaignent  de  ne 
jouir  d'aucun  droit,  d'être  des  victimes.  La  sensualité 
est  justement  ce  qui  fait  qu'on  soutient  ces  deux  opi- 
nions en  apparence  contradictoires  :  d'une  part,  leur 
extrême  humiliation,  de  l'autre,  leur  souverain  pouvoir. 
C'est  comme  pour  les  juifs.  Ils  se  vengent  par  la  puis- 
sance de  leur  argent  de  l'avilissement  dans  lequel  nous 
les  tenons.  «  Vous  nous  permettez  seulement  de  nous 
livrer  au  commerce.  Entendu.  Mais  par  le  commerce, 
nous  deviendrons  vos  maîtres  »,  disent  les  juifs.  — 
«  Vous  ne  voulez  voir  en  nou^  qu'un  objet  sensuel? 
Soit.  Par  les  sens  nous  nous  emparerons  de  yous  », 
disent  les  femmes.  Pour  égaliser  les  chances,  elles 
tablent  sur  la  sensualité  de  l'homme,  elles  s'en  rendent 
maîtresses  absolues  par  les  sens.  Et  quand  elles  possè- 
dent à  fond  l'art  de  séduire,  elles  abusent  et  prennent  un 
empire  terrible  sur  l'humanité.  Visitez  les  grands  maga- 
sins, dans  les  villes  importantes.  Il  y  a  là  des  millions 
entassés,  un  travail  gigantesque,  presque  incalculable. 
Tout  le  luxe  de  la  vie  est  pour  les  femmes,  qui  le  recher- 
chent, qui  le  poussent  en  avant.  Des  générations 
entières  d'ouvriers  succombent  dans  des  travaux  de 
forçats  pour  des  fantaisies  de  femmes.  Et  Pozdnychew 
ajouté  :  «  J'ai  toujours  éprouvé  un  sentiment  d'effroi  en 
voyant  ma  femme  en  grande  toilette,  sous  les  armes,  ou 
une  fille  du  peuple  ornée  du  foulard  rouge  et  en  jupons 
bien  empesés,  ou  une  jeune  fille  du  monde  en  atours  de 
bal.  J'y  vois  un  danger  pour  les  hommes,  quelque  chose 
de  contraire  à  la  nature.  J'ai  envie  d'appeler  la  police  !  » 

Ainsi  va  cette  bizarre  philosophie.  D'après  elle,  le 
voyage  de  noce,  la  solitude  dans  laquelle  on  laisse  les 
nouveaux  mariés,  avec  la  permission  des  parents,  ne 
sont  qu'une  excitation  à  la  débauche.  L'amour  idéal, 
éthéré,  en  théorie,  est  en  pratique  quelque  chose  de 
misérable  et  de  malpropre  dont  on  ne  peut  parler  sans 
dégoût  et  sans  honte.  Nous  sommes  bien  obligés  de  le 
prendre  tel  et  nous  cherchons  à  nous  mettre  en  tête 
que  cette  horreur  est  d'une  beauté  sublime.  C'est  très 
près,  on  le  voit,  de  cette  fameuse  définition  de  l'amour  : 
Un  sentiment  ridicule  accompagné  de  gesticulations 
malpropres. 

Il  y  a,  à  certain  passage  du  livre,  un  interlocuteur  qui 
objecte  :  N'admettez-vous  pas  qu'il  est  un  amour  pro- 
venant de  la  conception  d'un  même  idéal,  d'un  état 
d'âme  identique?  Pozdnychew  répond  :  Je  veux  bien, 
mais  alors  pourquoi  coucher  ensemble?  Ce  n'est  pas  une 
raison  de  coucher  ensemble  parce  qu'on  a  un  seul  et 
même  idéal.  —  Mais  alors,  comment  perpétuer  le  genre 
humain  ?  —  Est-il  nécessaire  de  le  perpétuer,  reprend 
Pozdnychew  brusquement. —  Sans  doute,  nous  n'existe- 


rions pas.  —  Et  pourquoi  faut-il  que  nous  exis- 
tions? 

En  effet,  pourquoi  faut-il  que  nous  existions? 


Le  sculpteur  George  Minnc  n'a  pas  exposé  au  Salon.  C'est  peut- 
être  un  motif  pour  revenir  à  ce  jeune  et  profond  penseur.  On  se 
souvient  de  son  étrange  cl  poignante  exposition  aux  XX. 

Après  une  évolution  rapide,  hantée  de  la  sombre  et  nerveuse 
anxiété  de  Michel-Ange,  et  durant  laquelle  chaque  nouvelle  œuvre 
était  un  pas  de  fait  vers  un  art  insolite  et  plus  définitif;  après  une 
douloureuse  et  spasmodique  tourmente  de  formes  où  les  gestes 
tordus  se  nouaient  en  convulsions  qu'on  pressentait  passagères, 

—  les  êtres  de  révolte  et  de  passion  que  nous  fit  voir,  au  début, 
l'âme  toujours  angoissée,  de  cet  artiste,  soudain  comme  brisés, 
exténués  de  leurs  souffrances  séculaires,  détendirent  leurs  mus- 
cles dans  une  fatigue  cl  un  abattement  irréparables,  laissèrent 
retomber,  le  long  de  leurs  pitoyables  corps,  —  les  serrant  comme 
pour  les  reposer  un  peu,  —  leurs  mains  et  leurs  bras  amaigris 
trop  longtemps  tendus  vers  une  terre  stérile  et  qui  se  sont  enfin 
immobilisés  dans  le  désespoir  et  le  renoncement,  dans  une  néga- 
tion absolue  de  gestes  et  de  volonté,  devant  l'inutilité  de  se  tordre 
et  de  se  défendre  con,tre  la  Douleur. 

Enfants  dç  Caïn;  ils  ont  levé  le  poing  vers  Dieu,  mais  Dieu  les 
a  maudits  et  maintenant  les  châtiments  de  leurs  blasphèmes 
occultes  et  héréditaires  —  comme  de  sombres  maladies  de  race 

—  pèsent  sur  les  nuques  pliées,  sur  les  dos  qui,  jadis  fiers  et 
insoumis,  se  sont  voûtés  après  d'innombrables  et  durables  tor- 
tures, damnés,  oui!  lamentablement  damnés  de  la  damnation  du 
malheur. 

Et  alors,  une  commune  souffrance,  la  parité  d'un  désespoir  et 
d'une  affliction  immensément  mornes  et  éternels,  ont  rapproché 
ces  êtres,  comme  on  se  rapproche  dans  la  douleur;  ils  se  sont 
serrés  les  uns  contre  les  autres  en  des  attitudes  similaires  et, 
pitoyablement,  dans  des  affaissements  analogues,  ils  ont  incliné 
la  tête  vers  de  terrestres  et  inoubliables  souvenirs  ou  vers  l'hébé- 
tude d'une  désormais  fatale  et  irrémissible  prostration. 

Parfois  de  rares  et  ténébreuses  tendresses  passent  encore  dans 
leur  âme  et  si  la  passion  les  unit  alors  d'une  étreinte,  les  bras  ne 
s'enlacent  plus  mais  se  cramponnent  éperdûment  et  leur  baiser 
n'est  plus  qu'une  âpre  et  longue  morsure,  le  baiser  funèbre  et 
livide  qu'on  se  donne  dans  le  deuil  et  devant  la  mort. 

Oui,  toujours  la  fatalité  et  comme  la  malédiction  de  fautes 
ancestj;ales  et  impardonnécs  pèsent  sur  ces  êtres  qui,  par  leurs 
formes  trop  sommaires  mais  analomiquement  pures,  —  car  la 
science  de  l'artiste  est  visible,  —  ne  nous  paraissent  presque 
plus  humains  et  le  sont  pourtant  si  profondément  par  l'émotion 
qu'ils  suggèrent. 

De  là  cette  unité  et  cette  intensité  de  caractère  de  l'auvre,  qui 
est  grande  aussi  et  complète. 

Grande,  par  son  aspect  éternel  de  roc  et  de  pierre  à  travers 
les  âges,  —  et  c'est  une  de  ses  essentielles  beautés  que  ce  rappel 
de  la  sculpture  statique  et  primitive  de  l'Egypte;  —  complète, 
car  son  expression  matérielle,  en  ses  lignes  simples  et  sa  com- 
préhension naïve,  est  la  seule  correspondant  absolument  au  rêve 
de  suggestion  éclos  dans  l'imagination  de  ce  sculpteur-poète. 


Or,  son  art  csl  avant  icul  un  art  de  suggestion,  mais  l'impres- 
sion qu'il  fait  naître  est  surtout  générale.  Ce  n'est  pas  l'histoire  de 
tel  ou  tel  spntimenl,ni  de  tel  épisode  d'une  vie  quelconque  même, 
non,  c'est  la  légende  de  la  douleur  û  travers  les  temps,  la  jdoiî- 
Icur  de  l'homme  qui  peine  et  s'est  usé  dans  le  travail,  qui  souffre 
et  qui  désespère  devant  la  mort,  la  prostration  stagnantCN,dc 
l'humanilé  qui  s'est  rendue  après  tant  de  siècles,  qui  s'est  enfin 
courbée  et  renonce  h  repousser  encore  —  puisque  en  vain!  — 
l'acharnement  du  malheur  sur  elle. 

C'est  là  l'infini  et  l'éternel  de  la  souffrance  humaine  que 
M.  George  Minne  nous  a  fait  entrevoir  dans  un  symbole  et  fait 
sentir  tout  entiers  dans  une  impression  puissante;  aussi  la  foule 
doit-elle  passer  indignée  ou  moqueuse  devant  son  œuvre,  comme 
elle  se  révolte  contre  tout  ce  qui  ne  tombe  pas  brutalement  sous 
la  réalité  de  ses  sens  ou  dans  l'élroitessc  de  sa  compréhension  qui 
a  peur  et  rit  de  l'infini,  comme  les  lâches  sidlcnt  dans  l'ombre 
pour  se  donner  du  cœur, 

Grégoire  le  Roy. 


LE  TRIOMPHE  DE  LA  FOLIE 

Si  cela  continue,  bientôt  nous  pourrons  nous  retirer  à  la  cam- 
pagne, après  fortune  faite.  La  fortune  de  nos  idées,  s'cniend. 
-Après  dix  ans  seulement,  ce  ne  sera  pas  mal.  L'Art  moderne 
achève,  en  effet,  sa  dixième  année. 

Voici  que  les  graines  qu'il  a  semées,  ont  germé  partout  cl  que 
les  blés  sont  mûrs.  Ce  n'est  pas  nous,  naturellement,  qui  en 
engrangeons  la  moisson.  Il  ne  manquerait  plus  que  cela.  Elle 
revient  de  droit  à  ceux  qui  ont  attaqué,  raillé,  vilipendé  tout  ce 
que  nous  avons  osé.  Ils  vantent,  présentement,  comme  venant 
d'eux  les  principes  que  nous  avons  défendus,  ils  accaparent  insen- 
siblement les  artistes  que  nous  avons  prônés.  Ils  nous  rattrapent, 
Cl  disent  que  c'est  nous  qui  reculons.  Nous  avons  eu  celle  rare 
chance  de  n'avoir  pas,  au  cours  de  ces  deux  lustres,  signalé  une 
œuvre  ou  un  homme  qui  depuis  n'ait  été  accepté  ou  ne  soii 
en  passe  de  l'être.  Et  de  même  est  disparue,  ou  est  en  tr^  de 
disparaître,  la  gloire  fragile  de  ceux  que  nous  avons  refusé  d'ad- 
mettre. 

L'honneur  nous  en  revient-il?  non  pas.  C'est  dû  à  la  naturelle 
évolution  des  choses.  Tout  au  plus  avons-nous  eu  le  mérite  de 
voir  quelques  heures  plus  tôt.  Avoir  de  bons  yeux  n'est  pas  pour 
se  poser  en  devin  ou  en  créateur.  C'est  la  conséquence  de  celte 
maxime  de  critique  et  de  vie  :  Soyez  toujours  en  avant!  comme  le 
monde  marche,  ceux  qui  sont  en  avant  sont  aux  bonnes  places. 

Il  est  vrai  qu'un  poète  a  mis  en  garde  les  téméraires,  tout  en 
fustigeant  les  retardataires  . 

Vieux  «oidats  do  ploml)  que  nous  sommes. 
An  cordeau  nous  alignant  tous, 
Quand  des  rangs  sortent  quelques  hommes. 
Tous  nous  disons  :  ce  sont  des  fous! 

Mais  les  téméraires  sont  incorrigibles.  Ils  vont  toujours.  Ce 
sont  ceux  qui  crient:  Par  ici!  Et  ajirès  avoir  longtemps  laniiponné 
devant  la  brèche  qu'ils  ont  montrée,  et  parfois  faite,  toute  la 
tourbe  s'engouffre  derrière  eux.  Ils  sont  loin,  alors,  déjà  occupés 
à  une  témérité  nouvelle.  Ce  sont  des  éclaircurs,  avec  cette  carac- 
téristique que  les  gens  qu'ils  éclairent  tirent  sur  eux. 

Nos  folies  d'il  y  a  cinq  ans  ont,  paraîl-il,  assez  vieilli,  pour 
être  devenues  du  bon  sens.  MM.  Bouvard  et  Pécuchef,  passés  cri- 


tiques en  renom,  les  adoptent.  M.  Prudhommc  les  recommande 
aux  esprits  bien  pensants.  Le  célèbre  docteur  Tribulat  Donho- 
met  se  vante  d'en  avoir  été  toujoure  partisan. 

Allons,  tant  mieux!  Etonnons-nous,  mais  ne  nous  plaignons 
pas  de  ces  conversions  réjouissantes.  Résignons-nous  sahs  ron- 
chonner à  ce  sic  vos  nonvobis.  Réjouissons-nous  :  gaudeamiis! 

C'est  vraiment  miracle  :  les  sourds  entendent,  les  aveugles 
voient  comme  si  Goolam-Kader  leur  avait  donné  son  coup  de 
pinceau,  les  culs-de-jaite  courent,  les  boiteux  dansent  le  boslon 
en  brandissant  leurs  béquilles.  Les  comptes-rendus  du  Salon  qui 
vient  de  s'ouvrir  attestent  ces  phénomènes.  On  croirait  que 
messieurs  les  critiques  épuisés  ont  tous  pris  de  l'elixir  Godineau. 
Pourvu  que  cela  dure.  El  le  monde  officiel,  lui-même!  oui  le 
monde  officiel  commence  à  remuer. 

Voici  le  Roî,  d'abord.  Il  parle  h  M.  Dillens  qui  le  promène 
parmi  les  marbres  et  les  plâires.  Et  il  dit,  ou  plutôt  il  proclame, 
car  tout  ce  que  dit  unroieslune  proclamation:  «Ce  Salon  de  sculp- 
ture me  fait  très  bonne  impression.  Il  me  semble  que  les  jeunes 
statuaires  voient  plus  grand  et  font  un  art  plus  élevé  qu'autrefois. 
Ils  osent  plus,  et  quelquefois  cela  leur  réussit.» 

Que  le  Roi  ait  trouvé  bon  ce  Salon,  c'est  dans  l'ordre.  Un  roi 
constitutionnel  sortirait  de  son  rôle  en  trouvant  mauvaise  la  sculp- 
ture de  son  pays.  Mais  qu'il  ait  ajouté  :  «  J'applaudis  aux  ten- 
dances de  la  jeune  école,  »  —  qu'il  se  soit  surtout  douté  qu'il  y 
a  une  jeune  école,  voilà  ce  qui  est  prodigieusement  notable. 

On  se  souvient  des  coups  de  trique  qui  furent  souvent  distri- 
bués ici  aux  artistes  courtisans.  Ne  voilàl-il  pas  qu'un  journal 
nous  Ole  la  trique  de  la  main,  en  écrivant,  comme  le  premier 
rédacteur  venu  de  lArl  moderne  :  «  D'une  banalité  désespérante, 
la  cohue  de  l'ouverture  du  Sa!on,  toujours  aussi  quémandeuse  de 
préseulations  cl  de  compliments,  n'a  point  changé  depuis  l'insti- 
tution de  l'exposition  triennale.  Jamais  assouvie,  elle  se  retrou- 
vera évidemment  telle  quelle  en  1893.  » 

Alignons  maintenant  une  série  de  sentences,  observations, 
menus  propos,  déclarations,  recueillis  dans  le  feuilleton  majes- 
tueux d'un  grand  journal  doctrinaire,  qui  n'officie  qu'en  surplis  et 
avec  tout  le  chapitre.  Serait-ce  la  fin  du  monde,  ...  ou  de  la 
grande  critique  professorale? 

«  Le  temps  n'est  plus,  disons-le  à  l'hoiineur  de  la  génération 
actuelle,  où  l'on  fermait  les  portes  des  expositions  à  des  œuvres 
qui  n'avaient  d'autre  tort  que  de  n'être  pas  dans  le  courant  de 
certaines  idées,  de  certains  procédés,  de  certains  effets...  Toutes 
les  théories,  tous  les  systèmes,  toutes  les  fantaisies  picturales, 
même  celles  qui  vont  jusqu'au  paradoxe,  sont  représentés  à 
l'exposition  de  celte  année.  Tout  le  monde  approuvera  cet  éclec- 
tisme du  jury....  » 

Vous  entendez,  n'est-ce  pas.  Monsieur  Tout-le-monde  ?  donnez- 
en  avis  à  vos  .amis,  voisins  et  connaissances.  La  consigne  est  de 
ne  plus  meugler  devant  les  nouveautés.  Ce  que  cela  va  vous 
changer! 

«  Il  a  été  longtemps  d'usage  de  déplorer  ou  du  moins  de 
signaler,  dans  les  comptes-rendus  d'expositions,  l'absence  d'œuvres 
représentant  ce  qu'on  appelait  la  grande  peinture.  C'est  un  thème 
usé...  » 

Pauvre  grande  peinture!  Toi  aussi!  Te  voilà  traitée  dédaigneu- 
sement, en  vieille  garde.  Fais  tes  paquets.  Tes  adorateurs  te 
lâchent,  les  lâches!  ^ 

«  Est-il  nécessaire  de  dire  que  les  œuvres  d'une  qualité  supé- 
rieure sont  rares  au  Salon  de  celte  année?  » 


VART  MODERNE 


309 


El  nons  qui  le  disions  tous  les  ans,  au  grand  scandale  de  la 
galerie.  Ainsi,  vraiment,  le  Salon  est  raté?  I/éial-major  le  con- 
fesse, scrongnieugnieii. 

«  11  n'y  a  plus  de  sujets  imposés  comme  au  temps  de  la  faveur 
exclusive  des  Grecs,  des  Romains  cl  de  la  mythologie,  comme  à 
l'époque  plus  voisine  de  nous  où  florissail  le  moyen-âge.  Chacun 
fait  ce  qui  lui  plaît  et  comme  il  lui  plaît...  » 

Bon  !  Voici  que  l'on  daube  sur  le  moycn-ûgc  et  la  mythologie, 
maintenant.  Mais  alors  que  vont  devenir  les  concours  de  Roihe? 
Est-ce  fini  aussi,  ça?  Ce  critique  est  un  iconoclaste  :  il  ne  laisse 
debout  aucune  des  antiques  et  vénérées  idoles. 

«  L'estime  que  nous  avons  pour  dos  œuvres  fortement  conçues 
et  parlant  à  l'imagination  ne  nous  empêche  pas  de  rendre  hom- 
mage au  mérite  que  peut  avoir  une  seule  figure  traitée  d'une 
manière  remarquable...  Rien  n'empêche >qja'on  fasse,  si  l'on  est 
capable,  iin  excellent  morceau  de  peinture  sans  travailler  un 
sujet  déterminé.  >»  ^ 

Plus  de  sujet,  plus  d'épisode,  plus  d'anecdote.  L'art  pour  l'art! 
est-ce  bien  là  ce  que  vous  osez  énoncer,  ô  téméraire!  C'est  la 
suppression  h  bref  délai  du  cours  de  composition  à  l'Académie. 
Autant  la  révolution  tout  de  suite  !  Il  est  vrai  que  le  magisler  pose 
une  restriction,  fortement  lapalissadée,  à  sa  thèse  anarchiste  :  il 
n'admet  à  faire  d'excellent  morceau  que  celui  qui  en  est  capable! 

Vient  ensuite  la  grande  question  de  la  lumière  et  du  plein  air,' 
à  laquelle  ces  polissons  de  vinglistes  voulaient  qu'on  accordât 
quelque  importance.  On  l'accorde  :  «  La  peinture  traitée  large- 
ment, dans  les  meilleures  conditions  de  plein  air  et  de  lumière, 
suffît  à  donner  la  mesure  d'un  vif  instinct  de  coloriste  ».  Voilà 
une  phrase  qui  nous  paraît  avoir  été  empruntée  à  quelque  défen- 
seur des  luministes.  Au  fait,  on  peut  se  tromper  au  vestiaire  des 
phrases  comme  au  vestiaire  des  chapeaux,  et  partir  avec  celle 
d'un  autre. 

«  Un  large  éclectisme  règne  dans  les  galeries  de  l'exposition 
où  tous  les  ordres  d'idées  et  tous  les  systèmes  d'exécution  se  rcn- 
conlrcnl  et  font,  en  somme,  assez  bon  ménage.  » 

Ne  croirait-on  pas  entendre  un  membre  de  la  Ligue  libérale  se 
félicitant  de  l'unioii,  indissoluble,  avec  l'Association  libérale.  Il  y 
a  un  an  cet  éclectisme  eût  été  inconvenant,  autant  que  l'arrivée 
d'un  plat  de  slocklish  ou  de  moules  sur  la  table  de  la  cour. 

Notre  critique  accentue  : 

«  On  aime  à  voir  se  maintenir  les  talents  qui  font  honneur  au 
pays  et  doijt  la  renommée  fait  partie  du  patrimoine  national  ;  mais 
la  satisfaction  n'est  pas  moins  grande  lorsqu'on  assiste  à  la  révé- 
lation de  talents  nouveaux  qui  donnent  des  promesses  pour 
l'avenir.  » 

A  quand  l'embrassade  générale  et  publique?  Seulement  la  ques- 
tion est  de  savoir  si  les  jeunes  voudront  se  laisser  baiser,  sur  la 
bouche  par  les  vieilles  barbes,  devenues  tout  à  coup  si  galantes. 
On  a  beau  boire  du  Brown-Scquard,  si  cela  rend  de  la  vigueur, 
cela  ne  rajeunit  pas  la  cervelle. 


ADMIRATEUR  JUSQU'A  L'IMITATION 

L'article  de  M.  Octave  Mirboau  célébrant  dans  le  Figaro,  en 
première  page,  l'an  d'angoisse  et  de  caucluMuar  de  notre  compa- 
triote Maurice  Maeterlinck  —  article  que  nous  avons  signalé, 
avec  la  satisfaction  de  voir  consacrer  paf  un  écrivain  de  marque 
la  gloire  naissante  d'un  artisan  du  verbe  .lont  nous  avons,  depuis 


longtemps,  vanté  l'exceptionnel  mérite,  —  a  eu  une  conséquence 
inattendue. 

Non  content  d'avoir  proclamé  l'auteur  de  la  Princesse  Mnleiue 
et  des  Aveugles  un  dramaturge  de  premier  ordre,  voici  que 
M.  Mirbeau  entre  résolument  dans  le  sillage  du  jeune  écrivain  et 
s'ingénie  à  s'approprier  les  tournures  de  phrase,  les  dialogues,  les 
vocables,  en  un  mot,  tout  le  procédé  littéraire  de  M.  Maeterlinck. 
Les  deux  dernières  nouvelles  qu'il  a  publiées  dans  l'Echo  de  Paris 
et  qu'il  dénomme  l'une  le  Pauvre  pécheur,  l'autre  le  Poitrinaire, 
sont  des  adaptations,  aussi  ingénieuses  qu'ingénues,  des  formules 
créées  par  notre  compalriotc  et  dans  lesquelles  celui-ci  a  moulé 
l'originalité  puissante  de  son  esprit.  L'imitation  est  flagrante,  et 
de  telle  nature  qu'on  s'est  demandé  très  sérieusement  s'il  n'y 
avait  pas  dans  les  coulisses  du  journal  quelque  mystificateur  à 
froid,  capable  déjouer  à  M.  Octave  Mirbeau  le  tour  de  publier, 
avec  la  signature  de  ce  dernier,  un  démarquage  de  Maurice  Mae- 
terlinck, histoire  de  blaguer  un  peu  l'enthousiasme  ardent  que  le 
chroniqueur  parisien  avait  montré  pour  l'écrivain  hier  inconnu, 
aujourd'hui  brusquement  célèbre.  Aujourd'hui,  toute  hésitation 
est  impossible  et  les  sceptiques  en  sont  pour  leurs  frais  de  con- 
jectures. Le  Pauvre  pécheur  était  bel  et  bien  d'Octave  Mirbeau  , 
et  l'emballement  continue,  puisque  voici  un  Poitrinaire  découpé 
sur  le  mémo  patron. 

Sans  doute,  l'aventure  est  fort  honorable  pour  M.  Maeterlinck. 
M.  Mirbeau  est  un  écrivain  de  grand  talent  qui,  en  s'assimilanl 
avec  autant  de  soin  les  procédés  de  son  confrère  gantois,  affirme, 
mieux  encore  que  dans  l'article  à  sensation  qu'il  lui  a  consacré, 
la  supériorité  qu'il  lui  reconnaît.  Mais  il  y  a  quelque  chose  de 
fâcheux  dans  la  répétition,  si  fréquente  à  notre  époque,  et 
dans  tous  les  arts,  de  ce  phénomène  d'imitation.  A  peine  un 
artiste,  écrivain,  peintre,  musicien i  a-t-il  découvert  une  technique 
particulière,  une  formule  inédite,  une  manière  spéciale  d'exprimer 
l'émotion  artistique,  qu'aussitôt  se' lève  une  légion  d'artistes 
armés  des  mêmes  armés,  agitant  les  mêmes  drapeaux,  et  convain- 
cue que  cet  équipement  les  rend  exactement  pareils  au  chef  qui  a 
inventé  ces  armes,  arboré  le  premier  cet  étendard.  Ifs  ne  savent 
donc  pas,  que  chacun  s'outille  selon  son  tempérament,  selon 
■sa  force,  sclo.n  la  besogne  qu'il  se  taille,  et  que  la  massue  d'Her- 
cule n'est  pas  absolument  indispensable  lorsqu'il  s'agit  de  tuer 
une  mouche. 

Certes,  ce  n'est  pas  dans  une  technique  particulière  que  résida' 
l'individualité  d'un^rlisle.  Mais  souvent,  la  forme  se  lie  si  étroi- 
tement au  fond  qu'elle  n'en  peut  guère  êlre  séparée  et  qu'en 
s'appropriant  le  procédé,  on  contrefait  nécessairement  l'art  même 
exprimé  par  ce  procédé.  Telle  nous  paraît  êlre  l'écriture,  toute 
particulière,  puérile  parfois  en  ses  répétitions,  suggestive  toujours 
el-d'une  extraordinaire  hallucination,  de  Maurice  Maeterlinck.  Or, 
il  advient  que  toute  puérilité  s'efface,  que  toute  naïveté  disparaît 
sous  le  souffle  de  l'ardente  foi  artistique  qui  enflamme  le  poète. 
11  n'en  est  plus  de  même  pour  ses  imitateurs.  En  ceux-ci,  la  |)réoc- 
cupation  de  se  conformer  rigoureusement  îi  une  forme  déterminée 
est  trop  visible  pour  échapper  à  la  clairvoyance  du  lecteur.  Le 
procédé  l'emporle  sur  la  pensée.  Et  dès  lors  le  sourire  naît,  des- 
tructif de  l'impression  artistique.  N'a-t-ôn  pas  dit,  en  d'autres 
termes  :  chez  les  imitateurs,  les  défauts  du  maître  s'exagèrent  ? 
•  M.  Mirbeau  a  une  personnalité  littéraire  qui  devrait  le  déter- 
miner, plus  que  personne,  h  se  garder  de  tomber  dans  les  pièges 
que  tend  l'admiration  aux  artistes.  Au  surplus,  persistora-t-:l  dans 
la  voie  qu'il  a  prise  inopinément? -C'est  peu  probable. 


flîSC  u 


11  csl  possible  que  quelque  Paul  Adam  flîSc  un  jour,  parlant  de 
noire  compalriolc  :  «  Maeterlinck?  Ah!  oui,  celui  qui  a  imité 
Mirbcau  !  »  Mais  de  ceci  pou  nous  chaut,  et  nous  nous  contente- 
rons de  sourire.  Ce  que  nous  avons  eu  en  vue,  en  parlant  de  cet 
incident,  c'est  de  mettre  en  f[arde,  une  fois  de  plus,  les  artistes 
qui  nous  lisent,  contre  cette  désolante  manie  du  pastiche  et  leur 
rappeler  que  seule  l'ouiGiNAUTt'  fait  l'œuvre  d'art. 


DUMAS  AU    PARC 

Le  Parc  a  donné  sa  première,  samedi.  C'est  passable.  Pour  ne 
pas  rompre  avec  les  traditions,  on  est  allé  chercher  dans  les 
archives  de  la  maison,  un  vieux  Dumas  injoué  depuis  67.  A  vrai 
•dire,  VAmi  des  femmes  effrayait  plus  sur  l'affiche  que  sur  la  scène. 
Avec  leurs  vingt-trois  ans  derrière  elles,  les  théories  de  l'acadé- 
micien moraliste  n'ont  pas  paru  trop  défraîchies,  et  c'est  plus  la 
façon  de  poser  les  problèmes  que  les  problèmes  eux-mêpies  qui 
a  paru  d'un  aulrc  temps. 

Une  femme,  séparée  d'un  mari  qu'elle  adore,  parce  que  celui-ci 
n'a  pas  compris  les  délicatesses  de  sa  pudeur,  comme  passe-temps 
et  pour  se  persuader  qu'elle  n'aime  plus,  essayant  d'en  aimer  un 
autre  qu'elle  connaît  à  peine  et  qui  ne  la  comprendra  jamais,  et 
de  dépit  se  jetant  dans  les  bras  d'un  inconnu,  trop  brave  homme, 
heureusement,  pour  abuser  de  sa  situation  autrement  qu^n  fai- 
sant fuir  le  presque  amant  et  en  redonnant  au  mari,  ravi,  sa 
femme  qu'il  n'avait  jamais  perdue. 

C'est  le  thème,  un  peu  conventionnel  et  abstrait,  de  brillants 
développements.  Ce  n'est  pas  la  vie  reportée  sur  le  théâtre, 
avec  l'acculement  de  ses  situations  antinomiques,  sa  respira- 
tion de  cœurs  qui  souffrent  et  se  torturent,  ses  cris  d'âme  qui 
sont  aux  personnages  de  M.  Dumas,  ce  qu'est  le  babil  spontané 
des  jeunes  babys  aux  jolies  poupées  qui  récitent  «  papa  »  et 
«  maman  ».  Aussi,  nul  empoignement,  une  séduction  plutôt,  en 
écoutant  l'intarissable  verve  de  cette  pensée  unique  qui  se  déve- 
loppe alternalivemenl  par  la  voix  de  cinq  ou  six  personnages. 
C'est  une  abstraite  et  régulière  construction,  toute  intellectuelle, 
qu'on  sent  avoir  été  laborieusement  édifiée  dans  le  milieu  très 
calme  du  cabinet  de  travail,  là  où  ne  bruit  plus  le  tumulte  des 
passions.  Un  haut  désintéressement  de  la  vie  pour  la  vie,  n'aper- 
cevant plus  des  choses  —  espèce  de  savant  Renanisme  —  que 
leur  seule  intellectualilé.  Ressemblance  avec  ces  joueurs  d'échecs 
qui  préfèrent  solutionner  seuls  d'artificiels  problèmes,  plutôt  que 
s'émotionner  par  les  phases  vécues  d'une  vraie  partie  à  deux. 

Nous  écoulions  l'Ami  des  femmes  et  nous  pensions  tantôt  à 
Ibsen,  tantôt  à  ce  que  nous  avions  entendu  du  Théâtre-Libre. 

Ibsen,  ses  Revenants  surtout,  qui  parviennent,  en  quelques 
scènes,  à  soulever  une  légion  de  problèmes  et  de  sous-problèmes. 
Un  moraliste,  celui-là,  trempé  par  la  méditation  austère,  si 
naturelle  à  ceux  du  Nord,  pour  qui  l'homme  moral  grandit 
de  toute  l'absence  des  grandes  villes  boulevardières  et  de  leur 
raffinisme  matériel.  Ibsen  est  supérieur  à  Dumas.  En  ceci,  d'abord, 
qu'il  se  place  au  point  de  vue  humain  et  non  au  point  de  vue 
étroitement  mondain.  En  cela,  ensuite,  qu'il  met  en  conflit  des 
âmes  et  non  des  situations.  Ainsi  est  laissé  au  spectateur  lui- 
même  le  soin  d'abstraire.  Ibsen  se  contente  de  lé  troubler  et 
de  l'émouvoir  en  lui  montrant  des  réalités.  Car  il  sait  bien  que 


seules  sont  profondes  et  fructifient  les  idées  qui  sont  basées  sur 
des  sentiments  cl  qui  ont  coûté  à  élre  acquises. 

Dumas,  lui,  simplifie  le  rôle  de  ses  auditeurs.  Il  ne  les  émo- 
tionnera  pas —  dans  le  monde,  l'émotion  est  de  mauvais  ton  — 
mais  il  leur  donnera  à  emporter  quelques  idées  déjà  toutes  pen- 
sées en  brillantes  formules. 

Nous  pensions  aussi  à  l'académisme  de  Dumas  et  aux  efforts 
du  Modernisme.  Plutôt  que  de  condamner  absolument  l'un  au 
profit  de  l'autre,  nous  essayions  une  conciliation  sur  cette  idée  : 

Ceux  d'autrefois  n'ont  vu  qu'une  classe  de  la  société,  qu'une 
sorte  /l'esprit,  les  mondains,  gens  de  bon  Ion,  nobles  ou  gros 
bourgeois,  esprit  d'honn,:'te  médiocrité  affichant  et  pratiquant  les 
principes  de  la  «  conformité  au  bon  sens  ».  Ceux  d'aujourd'hui  se 
sont  aperçus  qu'il  y  avait,  en  outre,  plus  bas,  un  peuple  qui  peine, 
souffre  et  pense,  et  plus  haut  des  lettrés  cl  des  esthètes  dont  la 
complexité  d'âme  et  le  raftinisme  littéraire  devaient  donner  des 
solutions  nouvelles  aux  problèmes  du  bonheur,  de  la  souffrance 
et  du  devoir;  mais  quels  qu'ils  soient,  toujours  intéressants,  jeunes 
et  vieux,  quand  sincèrement  ils  étudient  une  manifestation  de 
l'homme". 


Mémento  des  Expositions 

Bruxelles.  —  Salon  triennal,  15  seplembre-15  novembre. 
—  Renseignements  :  Commission  directrice  de  l'Exposition 
générale  des  Beaux- Arts,  Bruxelles.  {Secrétaire  :  M.  Stiénon). 

Dresde.  —  Exposition  du  Cercle  artistique  :  aquarelles, 
pastels,  dessins  et  eaux-fortes,  sous  le  protectorat  du  roi  de 
Saxe.  Les  invitations  et  prospectus  seront  envoyés  prochainement. 

Milan.  —  Exposition  triennale  des  Beaux-Arts.  —  i"-30  juin 
1891.  —  trois  prix  de  4,000  francs  chacun,  fondés  par  le 
roi  Humbert,  décernés  à  la  peinture  et  à  la  sculpture.  Trois  prix  de 
4,000  francs  chacun,  fondés  par  Saverio  Fumagalli,  décernés  à  la 
sculpture,  à  la  peinture  religieuse,  historique  ou  de  genre.  Un 
prix  de  4,000  francs,  fondé  par  Antonio  Gavazzi,  décerné  à  la  pein- 
ture historique.  Médailles  et  diplômes.  —  Les  demandes  d'admis- 
sion devront  être  adressées  au  président,  M.  Emile  Visconti- 
Venosta,  à  l'Académie  dèis  Beaux- Arts  de  Milan. 

Paris.  —  Quatrième  exposition  internationale  de  Blanc" et  Noir 
(pavillon  de  la  ville  de  Paris).  Dessins  au  crayon,  à  la  plume,  au 
lavis,  sanguines,  fusains,  gravures  au  burin,  eaux-fortes,  gravures 
sur  bois,  lithographies,  etc.  —  l*'  octobre-30  novembre  1890. — 
Délai  d'envoi  :  expiré.  —  Renseignements  :  M.  E.  Bernard, 
directeur,  71,  rue  de  la  Condamine,  Paris. 

Reims. —  Exposition  des  Amis  des  Arts.  4  octobre-lt  novembre. 
Délai  d'envoi  :  expiré.  —  Renseignements  :  Secrétaire  de  la 
Société  des  Amis  des  Arts,  Reims. 

RouBAix-TouRCOiNG.  —  Exposiliou  de  la  Société  artistique, 
12  octobre-n  novembre.  Envois  avant  le  1"  octobre.  Pour  être 
admis  à  exposer,  les  artistes  doivent  faire  partie  de  la  Société 
artistique  de  Roubaix,  moyennant  la  cotisation  annuelle  de  10  fr. 
Renseignements  :  M.  A.  Prouvost-Benat,  secrétaire,  à  Roubaix, 


l 


:J!L 


L'ART  MODERNE 


311 


pETITE    CHROJMIQUï: 


Nous  avions  fail  erreur  en  supposant  que  M"'c  Levoz,  Tauleur 
de  hi  bibliographie  d'Emerson,  dont  nous  avons  rendu  compte 
dans  notre  numéro  du  14  septembre,  était  aussi  l'auteur  de  l'inlé- 
ressanic  traduction  de  Confiance  en  soi-même,  parue  dans  nos 
numéros  des  3,  40, 17,  31  août,  7, 14  et  21  septembre.  M"»"  Levoz 
insiste  pour  que  nous  le  disions  et  nous  le  faisons  1res  volon- 
tiers; au  lieu  d'une  femme  spiriluelfc  et  studieuse,  cela  en  fait 
deux. 

La  réouverture  des  cours  de  l'Ecole  de  musique  de  Sainl-Josse- 
tcn-Noode-Schacrbeek,  sous  la  direction  de  M.  Henry  Warnots, 
aura  lieu  le  lundi  0  octobre. 

Le  programme  d'enseignement  comprend  :  le  solfège  élémen- 
taire, le  solfège  approfondi,  l'harm'onie,  le  chant  individuel  et  le 
chant  d'ensemble.  Tous  les  cours  sont  gratuits.  L'inscription  des 
élèves  aura  lieu  à  partir  du  6  octobre  prochain,  dans  les  locaux 
de  l'Ecole,  savoir  : 

Pour  les  jeunes  filles  :  le  jeudi  après-midi  et  le  dimanclie 
matin,  lo2,  rue  Royale  Sainte-Marie,  à  Schaerbeek  ;  pour  les 
jeunes  garçons  :  le  lundi,  le  mercredi  et  le  vendredi,  à  6  heures 
du  soir,  11,  rue  Traversière,  à  Saint-Josse-tcn-Noode;  pour  les 
adultes  (hommes),  le  lundi  et  le  jeudi,  à  8  heures  du  soir,  11,  rue 
Traversière. 

Le  peintre  Albert  Do  Kcyser  est  mort  à  Anvers,  à  l'ûge  de 
61  ans.  . 

On  annonce  la  mort,  h  Sitlard  (Hollande),  de  M.  Charles 
Bclljens,  le  poète  bien  connu  dans  le  monde  de  la  littérature. 


Les  planches  et  les  épreuves  destinées  au  concours  ouvert 
par  la  Société  des  Aquafortistes  belges  pour  la  publication  de 
son  troisième  album  annuel  devront  lui  être  adressées  avant 
le  1"  décembre  prochain.  Passé  celte  date,  elles  ne  pourront 
plus  être  admises  pour  le  concours  de  cette  année.  La  Société 
attire  l'attention  des  intéressés  sur  le  résultat  du  deuxième  exercice 
qui  a  permis  de  distribuer  fr.  45-25  à  chacun  des  auteurs  des 
planches  publiées,  outre  la  distribution  diîs  primes  effcrtes  par 
M.  A.  Numans. 

En  plus  du  partage  dji  boni  h  résulter  des  cotisations,  les 
primes  suivantes  seront  affectées  au  concours  pour  le  troisième 
album  : 

1"  Une  prime  de  350  francs,  dont  300  francs  par  le  gouverne- 
ment et  50  francs  par  la  Société,  pour  le  dessin  d'un  diplôme  de 
membre  de  la  Société  des  Aquafortistes  belges;  sur  cette  somme, 
250  francs  seront  remis  à  l'auteur  du  dessin  que  le  jury  jugera 
digne  de  la  prime;  et  100  francs  seront  affectés  à  l'exécution  en 
gravure,  par  la  Société,  du  dessin  primé.  Le  dessin  devra  être 
exécuté  sur  papier  blanc,  de  n'importe  quelle  manière  (à  part 
qu'on  devra  pouvoir  y  reproduire  le  sceau  de  la  Société);  ses 
dimensions  ne  pourront  excéder  36  centimètres  sur  25; 
•  2"  Deux  primes,  respectivement  de  150  et  125  francs,  offertes 
par  M.  Numans,  seront  décernées  aux  auteurs  des  deux  meilleures 
planches  choisies  pour  l'album  ; 

3°  Une  prime  de  100  francs,  également  offerte  par  M.  Numans, 
sera,  sur  l'avis  favorable  de  la  majorité  des  membres  du  jury, 


partagée  à  litre  d'encouragement  entre  les  artistes  qui  enverront 
une  ou  plusieurs  planches  au  concours,  alors  même  que  celles-ci 
ne  seraient  pas  choisies  pour  l'album,  mais  h  condition  qu'aucune 
de  leurs  œuvres  n'ait  été  insérée  dans  le  jtremier  ou  le  deuxième 
album  de  la  Société. 

La  statue  de  Mendelssohn,  que  vient  de  terminer  lo  sculpteur 
Werner.  Stein  et  qui  est  destinée  à  Leipzig,  a  élé  expédiée  U 
Brunswick  pour  être  coulée  en  bronze.  Mendelssohn  est  représenté 
enveloppé  dans  sa  houppelande  légendaire.  La  main  droite,  ([ui 
tient  un  bâton  de  chef  d'orchestre,  est  appuyée  sur  un  pupitre; 
de  la  gauche,  il  lient  un  cahier  de  musique.  La  tête,  encadrée  par 
dé  légères  boucles,  est  d'une  grande  noblesse  d'expression.  La 
statue,  qui  mesure  2"',85,  reposera  sur  un  socle  de  granit  de 
Suède,  orné  de  différents  motifs  allégoriques.  Sur  le  devant,  une 
muse  est  assise,  attentive  aux  accents  de  quatre  petits  génies  qui 
chantent  et  jouent  à  ses  pieds.  F,e  monument  aura  une  hauteur 
totale  de  7  mètres  et  sera  érigé  devant  le  nouveau  Concérl-Haus. 
L'inauguration  auri  lieu  le  4  novembre  prochain,  pour  l'anniver- 
saire de  la  mort  de  Mendelssohn. 


C'est  le  15  octobre  que  M.  Lamoureux  cl  son  orchestre,  au 
nombre  de  100  exécutants,  partironl.de  Paris  pour  la  tournée  do 
concerts  qu'ils  doivent  f;iire  en  Hollande,  en  Belgique  et  dans  le 
nord  de  la  France.  Voici  l'itinéraire  du  voyage  :  le  16,  Rotter- 
dam; 17, 18  etlO,  Amsterdam;  20  et  21,  La  Haye;  22,  Hanrlem  ; 
23,  Rotterdam;  24,  Amsterdam;  25,  Anvers;  26,  Bruxelles;  27, 
Liège;  28,  Gand  ;  29,  Bruxelles;  30,  Lille;  31,  Roubaix. 

Une  grave  nouvelle  donnée  par  le  Guide  musical  et  qui  inté- 
resse également  auteurs,  éditeurs,  organisateurs  de  concerts  et 
directeurs  de  théâtres  : 

Il  se  prépare,  en  Suisse,  une  campagne  contre  le  droit  d'auteur. 
Le  comité  de  la  musique  municipale  de  Berne  vient  de  lancer  un 
appel  à  toutes  les  sociétés  musicales  helvétiques,  en  vue  d'orga- 
niser un  péiilionnement  en  masse  au  Conseil  fédéral  en  faveur  de 
la  dénonciation  de  la  convention  littéraire  franco-suisse  de  1882, 
et  la  conclusion  d'une  nouvelle  convention  qui  tiendrait  compte 
plus  efficacement  dts  intérêts  et  des  usages  traditionnels  des 
sociétés 'musicales  suisses.  Plus  de  soixante  sociétés  chorales  et 
harmonies^oni  déjî»  adhéré  à  la  pétition. 


Emile  Zola  a  donné  à  M.  Derenbourg,  directeur  des  Menus- 
Plaisirs,  l'autorisation  de  repi^senter  cet  hiver,  à  son  théâtre. 
Une  page  d'amour,  pièce  en  cinq  actes,  tirée  de  son  célèbre 
roman,  par  M.  Charles  Sanson. 

On  parle,  pour  les  deux  rôles  principaux,  de  M.  Pierre  Berlon 
eUle  M"«  Barety. 

Une  page  d'amour  sera  représentée  au  mois  de  janvier  pro- 
chain. 

Le  Japon  artistique.  —  Sommaire  du  n"  XXVllI  :  Netsuké  et 
Okimono  (suite  et  fin),  par  H.  Seymour  Trower.  —  Planches.  La 
Visite,  par  Oulamaro.  —  Six  netsuké.  —  Études  de  fleurs,  par 
Hokusaï.  —  Motifs  de  décor.  —  Coupe  à  fleurs.  —  Petits 
paysages,  par  Hiroshighé.  —  Esquisses  de  Hokusaï.  —  Narcisse 
et  Passereau.  —  Le  Sapin  Géant.  —  Motif  de  décor. 


Les  Hommes  d'aujourd'hui  (n°  378)  publient  la  biographie  de 
M.  Hippolyte  Buftcnoir  par  Pierre  et  Paul. 


r 


< 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


LIGNE   D'OSTENDEDOUVRES 

La  plus  courte  et  la  moitu  coûleuse  des  voies  eUlra-rapides  entre  le  Continent  et  T Angleterre 


Bruxelles  à  Londres  en  .    . 

.     .      8    heures. 

Vienne  à  Londres  en. 

.     .      36  heures. 

Cologne  à  Londres  en   .    . 

.     .     12  V2    - 

B&le  à  Londres  en.    .    .    . 

.     .      20      » 

Berlin  à  Londres  en  .    .    . 

.     .    20 

Milan  à  Londres  en  .    .    . 

.     .      32      - 

XROiis  (^e:rvice:is  i^i%R  «four 

D'Ostende  à  5  h.  15  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  31  soir.  —  De  Douvres  à  midi  05,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

XR^ VERi^ÉE]  Eiv  XROii»  he:ure:is 

PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS  "    ^ 

Princesse  Joséphine,  Princesse  Henriette,  Prince  Alliert,  La  Flandre  et  Ville  de  Douvres 

partant  journellement  d'OSTENDE  à  5  h.  15  matin  et  11  h.  10  matin;  de  DOUVRES  à  midi  05  et  10  h.  15  soir. 

Salons  luxueux.  —  Fumoirs.  —  Ventillation  perfectionnée.  —  Éclairage  électrique.  —  Restaurant. 

BILLETS  DIRECTS  (simples  ou  ailer  et  retour)  entre  LONDRES,  DOUVRES,  Birmingham,  Dublin,  Edimbourg,  Glascow, 

liiverpool,  Manchester  et  toutes  les  grandes  villes  de  la  Belgique 
et  entre  LONDRES   ou   DOUVRES  et  toutes  les  grandes  villes  de  l'Europe. 


BILLETS  CIRCULAIRES 

Supplément  de.  2."  en  l^»  classe  sur  le  bateau,  fr,  2-35 
CABINES  PARTICULIÈRES.  —  Prix  :  (en  sus  du  prix  de  la  1"  classe),  Petite  cabine,  7  francs;  Grande  cabine,  14  francs. 

A  bord  des  malles  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette 
Spécial  cabine,  28  francs;  Cabine  de  luxe,  75  francs. 

Pour  la  location  à  l'avance  s'adresser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  {Quai)  ou  à  l'Agence  des  Chemins  de  fer  de  VÊtat-Belge 
Northumberland  House,  Strond  Street,  n"  17,  à  Douvres. 

Excursions  à  prix  réduits  de  50  o/o,  entre  Ostende  et  Douvres,  tous  les  jours,  du  l^r  juin  au  30  septembre. 
Entre  les  principales  villes  de  la  Belgique  et  Douvres,  aux  fêtes  de  Pentecôte  et  de  l'Assomption. 

AVIS.  —  Buffet  restaurant  à  bord.  —  Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  —  Accostage  à  quai  vis-à  vis  des  stations  de  chemin  de 
fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  -wagons-lits).  —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,-  valeurs,  finances,  etc.  -   Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  rEsrploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  l'Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  VÊtat-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n»  53,  à  Londres,  à  V Agence  de  Chemins  de  fer 
de  l'État,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vranchen,  Domkloster,  n«  1,  à  Cologne. 


chez  MM.  SCIIOTT  frères,  82,  Montagne  de  la  Cour,  Bruxelles. 

li'OR  DÛ  RHIN 

DE 

RICHARD  WAGNER 

Version  firançalse  de  Victor  V^TILDER 

Parlilion    jiour    chant    et   piano,    réduite   par   R.    Kleinmichel 
PRIX  NET  :  20  Francs 

joùHnal  des  tribunaux 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 

—  Bibliographie.  —  Liégislation.  —  Notariat. 

HUTIJME  ANNÉE. 

Abonnements  i  Belgique,  18  francs  par  an. 
(  litranger,  23      -  id. 
Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 

LA     T\^AIjLOISriE 

Revue  mensuelle  de  littérature  et  d'art 

5"  Année 

Directeurs  :  MM.  A.  MOCKEL  et  P.-M.  OLIN. 

„  (  à  Liège,  rue  St-Adalbert,  8. 

Bureaux  !    .   ^        „        . 

(  a  Bruxelles,  Avenue  Louise,  317. 

ABONNEMENTS  :   5  francs  Tan  ;  Union  postale,  fr.   6-50 


PIANOS 


BRUXELLES 
rue  Thérésienne,  6 


GUNTHER 


VENTE 

ÉCHANGE 

LOCATION 

Paris  1867, 1878*  l*'  prix.  —  Sidney,  seuls  1"  et  2«  prix 
EXPOSITIOIS  AlSTEBDÂl  1883,  ARTERS  1885  DIPLOIE  D'HOIIEUR. 

Breltkopf  et  Hartel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 


TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-C.  Lobe. 

Traduit  de   l'allemand   (d'après  la  5^  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8".  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
menttbéerique  et  abstraite  de  l'hArmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveuç^m^quée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même"Trapprécier  un  des  ouvrages  d'enseignement  musical  les  plus 
esti<i^és  en  Allemagne. 


BruxeUes.  —  Imp.  V  Monmom,  32,  rue  de  T  Industrie. 


Dixième  année.  —  N"  39. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


PiMANCHE  5  Octobue  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE'  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  »  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,    fr.    10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES  :    On   traite   à    forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  géxéiule  de.  l'Art  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  26,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


L'kvknemënt  Maeterlinck.  —  Ce  que  vaiît  la  littérature. 
HELGE  Documents  à  conserver.  —  La  littérature  au  Palais.  — 
L'architecture  au  Salox.  —  Théâtre  des  Galeries.  Fatinitzà.  r—. 
Petite  chronique.  .    _ 


L'EVENEMENT  MAETERLINCK 

L'événement,  et  non  pas  l'incident,  entendez-vous. 
Malgré  les  dédains  de  nos  journaux  du  Bel- Air,  mettant 
le  monocle  pour  toiser  ce  poète,  prenant  son  œuvre 
d'une  main  négligée  et  daignant  ne  dire  à  son  sujet  que 
les  paroles  savamment  hypocrites  qui  permettront 
toutes  les  attitudes  ultérieures  selon  l'occurrence  de 
l'intérêt,  la  question  Maeterlinck  a  pris  des  propor- 
tions grandioses.  Elle  à  gagné  tout  le  journalisme 
comme  une. flambée  d'incendie. 

Mais  il  a  fallu  pour  cela  que  M.  Octave  Mirbeau  frottât 
une  allumette  et  mît  le  feu  dans  le  Figaro.  Jusque  là, 
ceux  qui,  en  Belgique,  et  depuis  longtemps,  avaient 
signalé  l'exceptionnelle  valeur  de  la  Princesse  Maleine, 
avaient  prêché  pour  les  sourds.  Nos  compatriotes  ne 
lisent  pas  leurs  écrivains  et  n'écoutent  pas  leurs  criti- 
ques, jusqu'au  jour  où  on  crie  de  l'étranger  :  Eh  !  là-bas, 
bons  Belges,  vous  savez,  il  y  a  chez  vous  une  littéra- 
ture, regardez  donc,  vous  marchez  dessus  !  —  Alors,  on 


se  réyeille>  on  regarde.  La  plupart  disent  :  Ah!  de  la 
littérature,  chez  nous,  —  et  ils  trépignent  dessus  un  peu 
plus  fort.  Quelques  autres  pensent  :  Ma  foi,  c'est  vrai, 
c'est  de  la  littérature.  —  Et,  la  ramassant,  la  flairant,  ils 
la  laissent  retomber,  avec  cette  réflexion  :  Ca  n'en  vaut 
pas  la  peine.  —  D'autres,  enfin,  s'emballent  parce  que 
l'étranger  admire,  s'épanchent  en  un  enthousiasme 
aussi  délirant  que  peu  durable.  Et,  finalement,  après 
son  sursaut,  cette  indécrottable  Belgique  retombe  dans 
sa  plate  indifférence,  et  l'écrivain  reste,  comme  devant, 
le  cher  et  discret  admiré  de  ceux  qui  le  comprirent  dès 
la  première  heure. 

Nous  écrivions,  le  17  novembre  1889,  à  cette  même 
place,  dans  un  article  de  fond  consacré  à  la  Princesse 
Maleine:  «  Certes,  si  nous  avions  un  autre  public  que 
celui  des  désœuvrés  et  des  doctrinaires  ;  si  nous  avions 
une  aîttre  critique  que  celle  des  reporters  et  des  cama- 
rades, une  œuvre  telle  que  la  Princesse  Maleine  serait 
un  événe  ment.  Impossible  de  jauger  arithmétiquement 
de  combien  elle  est  au  dessus  de  la  Lutte  pour  la  vie 
de  M  Daudet,  de  Révoltéede  M.  Lemaitre.  Pour  ces  pla- 
titudes où,  pour  la  millième  fois,  est  recuisiné  le  fade 
potage  du  théâtre  bourgeois,  le  journalisme,  le  noble 
journalisme,  a  laminé  des  articles  aussi  longs  que  des 
queues  de  comète.  Les  prairies  des  gazettes  ont  blanchi 
sous  les  bandes  de  cotonnade  qïii  sont  la  prose  de  ces 
messieurs.  Soyez  certains  que,  de  la  Princesse  MaLeine, 


/^ 


on  ne  parlera  pas,  on  he  parlera  guère.  Soyez  certains 
qu'à  Gand,  Maurice  Maeterlinck  est  tenu  pour  un  luna- 
tique, un  pauvre  lunatique.  » 

Et  dans  le  fait,  on  n'en  parla  pas,  on  n'en  parla  guère. 
Un  journal  vient  d'écrire  :  «  Comme  de  juste,  l'œuvre 
étant  d'un  jeune  auteur,  d'un  Jeune  Belgique  surtout, 
aucun  quotidien  ne  parla  de  l'éclosion  de  ce  nouveau 
talent  ;  hormis  l'Art  moderne  et  une  ou  deux  autres 
publications  littéraires,  aucune  feuille  ne  s'on  occupa  ». 
Elle  dormait  dans  son  sarcophage,  la  pauvre  princesse, 
quand  Octave  Mirbeau  a  interpellé  violemment  nos 
Belges,  critiques,  journalistes,  gens  de  la^oule,  les  trai- 
tant d'ignares  et  d'imbéciles.  Alors  il  en  est  qui  eurent 
honte,  s'expliquèrent  et  se  mirent  à  tartiner.  L'un 
d'eux  s'excusa,  et  entamant  un  long  élbgè  dé  l'ûeuvre,  il  ; 
y  intercala  cette  phrase  :  «  Je  m'étais  bien  proposé  [de 
relire  la  Princesse  Maleine  et  d'analyser  les  sensations 
à  tète  reposée.  En  attendant  l'image  de  l'héroïne  res- 
tait très  vivante  en  moi,  bien  que  je  ne  connusse  d'elle 
qu'un  détail,  c'est  qu'elle  avait  des  cils  blancs.  Elle  me 
charmait  ainsi  ..  Depuis,  elle  a  fait  son  chemin.  Des 
chroniqueurs  parisiens  l'ont  découverte  et  lui  ont  voué 
des  articles  enthousiastes.  M.  Octave  Mirbeau,  dans  le 
Figaro ,  a  mis  M .  Maeterlinck  au  dessus  de  Shakespeare . 
Elle  vient  d'être  éditée  à  Bruxelles  ;  c'est,  me  semble- 

T-IL,  LE  MOMENT  d'y  REVENIR  !!  » 

Y  revenir,  non.  Y  venir!  Cet  admirateur  n'en  avait 
rien  dit  dans  ses  chroniques  périodiques.. 

Et  il  y  vient,  enfin.  Non  pas  pour  louer  sans  réserve  ; 
ce  grand  effort,  qui  n'est  qu'une  belle  unité  dans  les 
efforts  de  tant  d'artistes  belges,  essayant  de  donner 
une  littérature  à  leur  petit  pays;  non  pas  pour  les 
souienir,  les  encourager,  comme  M.  Octave  Mirbeau  et 
M.  Barrés  le  font  dans  les  articles~que  nous  publions 
plus  loin  ;  ce  serait  méconnaître  la  prodigieuse  envie, 
le  fielleux  esprit  de  rivalité  de  ces.  personnages;  non, 
ils  en  partent  pour  éreinter  une  fois  de  plus  ces  vail- 
lants, comme  ils  auraient  éreinté  la  Princesse  Maleine 
(qu'ils  avaient  passée  sous  silence)  s'il  l'osaient  encore 
après  son  foudroyant  succès.  Le  bonhomme  ajoute, 
en  effet  :  «  J'ai  soutenu  parfois  cette  idée  quç  si  nous 
devions  voir  surgir  une  œuvre  vraiment  neuve  et 
originale,  elle  se  présenterait  sous  une  forme  simple, 
naïve,  et  que  tout  ce  tarabiscotage  et  toute  cette  compli- 
cation d'expressions,  dont  nous  sommes  si  épris,  était  un 
signe  certain  de  décrépitude  et  de  décadence.  Or,  cette 
Princesse  Maleine,  qui  nous  donne  l'impression  de 
nouveauté  littéraire  la  plus  franche  que  nous  ayons 
éprouvée  depuis  longtemps,  se  distingue  précisément 
par  sa  forme  véritablement  enfantine.  J'en  prends  acte.  » 

Acte  lui  est  donné  de. . .  de  son  incurable  malveillance. 
Le  succès  de  l'un  ne.  lui  sert  qu'à  injurier  les  autres. 
«*  Bien  humblement,  a  dit  V Opinion  d'Anvers,  pous 
devrions  rougir,  de  voir  reconnaître  par  autrui  ce  dont 


nous  devrions  être  si  fiers  nous-mêines.  C'est,  hélas! 
toujours  l'étranger  qui  sacre  les  petits  Belges;  grands 
hommes;  voyez  Camille  Lemonnier,  Félicien  Rops, 
Victor  Wilder,  ppur  ne  donner  qiie  ces  trois  et  inou- 
bliables exemples.  N'est-ce  pas  outrageant  que  de  voir 
ces  purs  artistes  nous  abandonner,  partir  pour  Paris  où 
là  gloire  les  attend,  et  regarder  de  loin  les  pauvres 
souff'reteux.  d'art  que  nous  sommes  et  qui  doivent 
végéter  en  un  pays  aussi  inhospitalier  que  brumeux  ;... 
en  Belgique  on  ne  semble  concevoir  que  le  pot-au-feu  de 
la  littérature  et  la  réclanae  du  «  Aap-Zeep  !  « 

En  analysant  les  éléments  de  l'eflervescence  qui 
mousse  autour  de  Maurice  Maeterlinck,  on  y  découvre 
plus  de  venin  que  de  miel.  Il  y  a,  chez  un  grand  nombre, 
un  bas  sentiment  de  regret  à  voir  monter  cette  gloire 
imprévue.  Cette  situation  a  été  résumée  par  Lucien  Solvay 
àdiù^leSoir,  au  sujet  de  Vlndépendancehelge  :  «  Un  cer- 
tain journal-coterie,  pour  qui  c'est  le  suprême  du  genre 
de  ne  trouver  vraiment  digiie  d'hommage  ou  d'attention 
que  ce  qui  rayonne  dans  son  orbite  et  ce  qui  vient  de 
l'étranger  ;  —  petite  chapelle,  plus  petite  chapelle  que 
les  petites  chapelles  qu'elle  prétend  parfois  régenter  ;  — ■ 
cercle  étroit  de  quelques  personnes  du  bel  air,  offrant 
^  en  famille  —  le  plaisant  spectacle  de  leur  provinciale 
affectation  à  être  partout,  bruyamment,  et  à  donner 
partout  «  le  signal  des  applaudissements  »»,  faisant  la 
roue,  étalant  leurs  grâces  encombrantes,  qu'elles  se 
flattent  de  faire  prendre  pour  la  fleur  du  bon  ton,  et 
leurs  camaraderies  protectrices  très  remuantes  avec  les 
personnalités  clinquantes  de  tous  les  mondes  où  l'on 
pose,  y  compris  le  monde  du  cabotinage  ». 

Dans  ce  même  Soir,  il  a  paru  un  superbe-  article 
disant  à  Maeterlinck  les  paroles  essentielles,  les  paroles 
réconfortantes  d'un  homme  à  un  homme,  quoiqu'il  soit 
signé^'un  p^udonyme  féminin  : 

«  Encore  sous  l'impression  qu'elles  m'ont  produite,  je 
laisse  aux  experts  en  littérature  le  soin  de  décider  quel 
rang  elles  vous  assignent,  au  dessus  ou  au  dessous  de 
Shakespeare,  et  je  veux  d'abord  vous  remercier  pour 
l'ivresse  délicieuse  et  les  émotions  poignantes  dont  je 
vous  sui&  redevable,  comme  chacun  de  ceux  qui  vous 

"  ,       ■  ■.   ,       .  -4.-'  .■.■'»■>  •         ■■■       -1—,        ••   ,- 

ont  lu.  Avec  quçUe  force  vous  éveillez  en  nous  la  pitié 
et  la  terreur!  Quel  dramaturge  nous  a  jamais  donné  des 
sensations  si  intenses  et  communiqué  si  vivement  le 
frisson  de  l'angoisse  universelle  devant  le  mystère  de  la 
vie?  Sunt  lacrymœ  rerum.  Qm  donc  avait  ainsi  noté 
les  sanglots  des  choses  et  trouvé  des  mots  pour  peindre 
l'invisible,  pour  traduire  ce  que  l'âiiie  seule  entend, 
depuis  la  vague  harmonie  des  étoiles  jusqu'aux  vibra- 
tions plaintives  d'esprits  errant  dans  l'éther  ?  » 

Comme  il  serait  curieux  de  savoir  l'impression  de  tout 
pe  tumulte  sur  l'âme  du  mystérieux  Gantois,  hôte  habi- 
tuel du  rêve,  voyageur  coutumier  des  ténèbres.  Il  se 
tait.  A-t-il  même  entendu?  Sait-il  ce  qui  se  passe?  Va- 


r 


"3 


t-il  revenir  des  polaires  régions  où  il  laisse  fluer  sa 
pensée,  pour  savourer  le  banal  breuvage  des  louanges, 
au  fond  d'amertume.  Reste,  reste  là-bas,  bien  loin,  bien 
seul,  cher  esprit  fraternel.  Ni  ceux  qui  te  vantent,  ni 
ceux  qui  t'insultent  ne  valent  la  peine  que  tu  déranges 
l'ordre  harmonieux  de  tes  rêveries.  Où  trouver  parmi 
eux  l'admirateur  fidèle?  On  se  sert  de  ton  nom,  de 
ton  œuvre,  pour  meurtrir  et  blesser.  Né  crois  pas  à  la 
durée  de  ces  rumeurs.  Crains  de  subir  le  sort  commun. 
L'engouement  pour  l'artiste  d'exception  que  tu  es  se 
métamorphose  bientôt,  chez  nous,  en  indifférence,  et  plus 
tard  en  haine.  Vois  l'histoire  de  notre  littérature  depuis 
vingt  ans.  Qui  a  résisté  aux  rivalités?  Ton  merveilleux 
succès  n'est  qu'un  motif  de  plus  de  t'en  vouloir.  Tu 
trouveras  un  jour  parmi  tes  Nplus  cruels  ennemis  ceux 
quil  lèvent  aujourd'hui  ton  nom  comme  un  étendard. 
Demeure  dans  ton  silence.  Regarde  de  loin  et  du  même 
regard  toute  cette  mêlée,  et  détourne-toi.  Si  tu  vaux,  tu 
n'auras  pas,  toi  vivant,  ta  juste  place  et  ta  récom- 
pense. Tel  que  tu  es,  ce  tapage  fanfarant  et  sërénadant 
autour  de  ta  soUtude  te  fait  peut-être  douter  de  toi- 
même. 

CE  m  VAUT  LA  LITTÉRATURE  BELGE 

DOCUMENTS  A  CONSERVER 

DÉDIÉ    A    «  l'indépendance    BELGE  »  / 

I  ■ 

L'arliclè  que  j'ai  publié,  sur  M.  Maurice  Maeterlinck,  m'a  valu 
beaucoup  de  lettres  et  aussi  beaucoup  d'articles  dans  les  petits 
journaux  et  les  petites  revues.  Il  y  en  a  eu  de  tous  les  genres.  La 
vérité  m'oblige  à  dire  que  ma  modeste  personnalité  n'y  était  pour 
rien,  que  le  grand  et  mystéi-ieux  talent  de  M.  Maeterlinck  en  fai- 
sait tous  les  frais.  Je  n'aurais  pas  imaginé,,  surtout  eu  ce  temps 
^'^-vil^in,  où  la  curiosité  publique  semble  courir  vers  d'autres  émo- 
tions, que  la  littérature  passionnât  encore  autant  les  esprits.  Et 
cette  surprise  de  voir  tant  de  gens,  si  différents]' s'intéresser  à  un 
art  si  haut  et  si  noble,  m'a  causé  une  vive  joie.  Pourtant,  quel- 
ques-unes de  ces  lettres  et  quelques-uns  de  ces  articles  n'ont  pas 
été  sans  me  troubler  profondément.  On  m'y  reproche,  avec  une 
courtoisie  amèrc  qui  ne  dissimule  pas  assez,  peuttôl^e,  l'impatient 
amour  de  la  réclame  dont  sont  atteints  la  plupart  de  nos  chers 
rêveurs  et  de  nos  plus  admirables  résignés,  on  m"y  reproche 
d'avoir,  pour  en  faire  l'éloge,  choisi  un  poète  belge,  alors  qu*il 
existe  en  France  tant  de  jeunes  —  et  si  merveilleux  —  dont  on  ne 
dit  jamais  rien. 

C'est  d'autant  plus  inconcevable  et  scandaleux  à  moi,  que 
j'aurais  dû  savoir  ce  que  tout  le  monde  sait,  ce  qae  l'Indépen- 
dance belge  sait  mieux  que  personne,  c'est-à-dire  qu'il  n'y  a  pas 
dé  poêtes'^n"  Belgique,  qu'il  n'y  a  rien  en  Belgique,  et  même  que 
la  Belgique  n'existe  pas.  Il  parait  que  j'ai  été  dupe  de  grossiers 
mirages  géographiques,  et  j'ai  pris  des  ombres  mortes,  des  appa- 
rences évanouies,  pour  des  réalités  vivantes.  La  Belgique  ne 
trompe  plus  personne  aujourd'hui.  La  Belgique — cela  est  prouvé 
de  toutes  les  maniérés  —  n'est  qu'une  plaisanterie  fnventée,  un 
jour  de  festin,  par  M.  Camille  Lemonnier  :  une  mauvaise  plaisan- 


terie,  comme  on  voit.  Incorrigible  et  paroxyste  gpbcur  que  je  suis, 
j'ai  donc  été,  une  fois  de  plus,  mystifié,  et  de  la  bonne  façon. 

Voilà  un  panneau  dans  lequel  ne  donneraient  pas  M.  Jules 
Lemaltre  et  M.  Bérardi.  Oh!  comme  on  a  dû  se  divertir  de  ma 
crédulité!  Mon  cas  est  humiliant,  je  l'avoue,  et  j'avoue  que  j'en  ai 
ressenti  un  peu  dé  honte  et  beaucoup  de  dépit. 

D'autres  moins  catégoriques  et  plus  judicieux  et  pareillement 
ironiques  —  et  ce  sont  des  jeunes  encore  :  les  jeunes  sont  terri- 
bles —r  pensent  que  la  Belgique  pourrait  exister,  à  la  rigueur, 
mais  qu'elle  aurait  le  plus  grand  tort  de  se  vanter  de  sa  problé- 
matique existence,  attendu  qu'iln'y  a  là,  vraiment,  rien  de  bien 
beau.  Au  dire  de  ces  derniers  qui  sont  de  fort  savantes  gens,  les 
Belges,  si  tant  est  qu'ils  existent,  au  sens  strictement  biologique 
du  mot,  ne  seraient,  à  proprement  parler,  qu'une  variété  de 
singes. 

Ce  n'est  pas  ce  qu'on  appelle  une  nation,  c'est  tout  au  plus  une 
espèce  zoologique,  assez  curieuse  en  soi,  totalement  dépourvue 
de  conscience  et  dé~ responsabilité  morale,  et  (louée  du  dangereux 
instinct  d^  l'imitation.  Les  Belges  imitent  ce  que  nous  autres, 
Français,  qui  avons  tout  inventé,  faisons  ou  rêvons  de  faire.  Non 
seulement  ils  imitent, mais  ils  contrefont;  non  seulement  ils  con- 
trefont, mais  ils  précontrefont.  Ils  font,  si  j'ose  m'exprimer  ainsi, 
de  la  contrefaçon  préventive.  C'est  par  là  que  ces  ^animaux  —  les 
Belges  ma  pardonnent  ce  terme  scientifique  !  —  se  montrent  réels 
et  redoutables,  en  tant  que  singes,  et  parfaitement  irréels  et 
négligeables  en  tant  qu'hommes.  , 

Aussi,  à  propos  de  la  Princesse  Haleine,  qu'avais-je 
besoin  de  crier  au  chef-d'œuvre?  Sans  doute,  la  Princesse 
Maleine  ept  un  chef-d'œuvre,  mais,  pourquoi  est-elle  un  chef- 
d'œuvre,  cette* fâcheuse  Princesse  Maleine  qui  semble,  au  pre- 
mier abord,  nous  arriver  de  Belgique,  de  cette  Belgique  idéale 
qui  n'existe  probablement  pas?  Parce  que  cinquante  jeunes,  cent 
jeunes,  tous  les  jeunes  ^se  disposaient  à  la  concevoir,  quand 
M.  Maurice  Maeterlinck  eut  l'étrange  audace  de  la  publier.  Avec 
ces  façons-là,  qui  sont  façons  ordinaires,  il  n'est  plus  de  littéra- 
ture possible.  Et  mieux  vaudrait  vendre  des  saumures,  surtout  si 
des  écrivains  français,  impoliliques  ou  malintentionnés,  se  mettent 
à  soutenir  cet  insoutenable  paradoxe  qu'il  existe  sur  le  globe  ter^ 
restre  une  Belgique,  dans  cette  Belgique,  des  Belges,  et,  parmi 
ces  Belges,  des  poètes,  et  des  poètes  de  talent!...  Où  donc 
avais-je  la  tête  quand  me  vint  cette  lubie  ? 

Donc,  je  ne  demanderais  pas  mieux  que  de  faire  amende  hono>- 
rable  et,  pour  rentrer  en  grâce  auprès  des  jeunes  de  mon  pays,  je 
serais  assez  aécidé  à  biffer,  publiquement,  d'un  trait  de  plume  — 
qu'est-ce  que  cela  me  coûterait?  ^  et  la  Belgique,  et  les  Belges. 
La  chose  est  facile.  Mais  —  telle  est  la  tournure  inquiète  de  mon 
esprit  —  j'y  ai  quelques  scrupules. 

Au  fond  du  révolté  que  je  suis,  il  y  a  un  réactionnaire  timide 
qui  sommeille.  Je  ne  puis  pas  oublier,  tout  à  fait,  ce  que  j'ai 
appris  autrefois,  ce  que  j'ai  vu,  ce  qui  m'a  ému,  ce  qui  m'a 
charmé.  Bruxelles,  Anvers,  Bruges,  Liège,  Gand,  toutes  ces 
merveilles  où  dort  tout  un  passé  de  gloire,  où  rayonne  encore 
l'âme  éternelle  et  protectrice  de  tant  de  génies  :  les  Van  Eyck, 
les  Rubens,  les  Van  Dyck,  etc.,  comment  admettre  que  tout 
cela  n'est  qu'un  rêve,  ou  qu'une  blague  de  Camille  Lemonnier? 
Comment  admettre  anssi  que  les  Belges,  si  hospitaliers,  si  pas- 
sionnés d'art,  les  premiers  toujours  à  bravement  accueillir  nos 
œuvres  libres,  à  les  défendre  contre  les  routines  de  la  critique 
asservie  ou  indifférente,  les  premiers  à  les  arracher  de  l'ombre  où. 


r 


A 


chez  nous,  loul  conspire,- tout  s'acharhe  à  les  ensevelir,  les  prc- 
imiers  à  les  acclamer,  lu  les  réaliser,  dans  leur  forme  vivante; 
comment  admellre  que  ces  Belges  ne  sont  que  des  singes,  ou 
qu'ils  ne  sOnl  pas?. 

Que  diraieni  M.  Léon  Cladeî,  M.  Emile' Bcrgerat,  M.  Chabrier, 
M,  Rêver? 

Que  diraient  tous  les  refusés  du  lliéâlre,  des  librairies,  des 
expositions  officielles,  tous  les  pas-de-chance  qui  ont  trouvé  là, 
pour  leurs  œuvres  méprisées  de  nous,  insultées  par  nous,  un 
asile  fralp.rnel  et  sûr? 

Que  dirait  l'ombre  de  Villiers,  ce  pauvre  et  grand  VilMers,  que 
nous  avons  laissé  mourir  de  faim,  et  qui  put  entrevoir,  auy  der- 
nières années  de  sa  vie,  en  celle  vaine  Belgique,  où  l'on  entoura 
de  respect  sa  douloureuse  pauvreté,  ce  qu'aurait^té  la  gloire  due 
h  son  exceptionnel  génie,  par  nous  méconnu  ou  nié? 

Que  dirait  M.  Stéphane  Mallarmé  qui,  hier  encore,  faisait 
entendre  son  éloquente  et  si  fidèle  parole  à  ces  Belges,  qui  non 
■  seulement  ne  ricanaient  pas,  mais  le  comprenaient,  ravis  de  la 
noblesse  de  ce  haut  et  rare  et  exqqis  esprit,  tant  de  fois  raillé  par 
les  plaisantins  de  la  chronique,  incapables  de  concevoir  qu'il  y 
ait  tant  d'an  dans  un  cerveau,  tant  de  simpliciié  dans  une  ûme? 

Où  donc  a-l-on  mieux  fêlé  qu'en  Belgique  les  inimitables  œuvres 
de  ces  êtres  de  luxe'l  Huysmans,  le  fastueux  et  dégoùlé  cher- 
cheur des  au-delà  ;  Verlaine,  le  douloureux  vagabond  de  la  pitié 
humaine;  Laforgue,  qui  sut  faire  battre,  dans  ses  phrases,  le 
songe  ailé  des  âmes  invisibles  et  donner  ajux  mots  ce  murmure  et 
ce  frisson  des  choses  que  seuls  entendent,  que  seuls  sentent  les 
précoces  élus  de  la  mort  ? 

£l-si  la  Belgique,  au  contraire,  élait  la  terre  unique  où  ceux-là 
d'entre  nous,  abreuvés  d'amertumes,  écœurés  d'injustices,  lassés 
des  luttes  stériles  et  sans  espoir,  ont  eu  celle  joie  si  délicieuse  et 
si  grave  de  se  savoir  enfin  compris,  de  se  sentir  enfin  aimés? 

C'est  que  je  me  souviens  de  Villiers,  lorsqu'il  revint  de  son 
dernier  voyage  en  Belgique.  11  élait  tout  transfiguré. 

Lui,  connu  chez  lui  de  quelques  amis  et  de  quelques  artistes 
seulement,  il  8'éionnail,avec  celle  outrance  naïVe  qui  le  rendait  si 
touchant,  d'avoir  rencontré,  Ik-bas,  tant  de  gens  familiers  avec 
son  œuvre.  - — 

IP  fallait  r"entendre  raconter  les  incidents  de  celle  promenade 
triomphale,. les  honneurs  amicaux  .qui  lui  avaient  été  rendus,  les 
marques  de  déférence  qui  s'atlachaient,  partout,  à  sa  pauvre  per- 
sonne, jusqu'alors  si  durement  sevrée  des  caresses  de  la  gloire, 
(les  douceurs  mêmes  de  la  louange.  Cela  lui  avait  redonné  con- 
fiance. , 

Il  faisait  des  projets,  des  projelsqu'il  expliquait  avec  de  grands 
gestes  d'enfant.  El  ce  souvenir,  qui  fut,  dans  sa  vie  toute  pleine 
de  rêves  avortés,  comme  une  courte  halle  de  bonheur,  l'accom- 
pagna jusqu'à  la  mort. 

Ces  souvenirs  du  passé,  et  ces  souvenirs  d'hier,  me  gênent  pour 
dire  tout  le  mal  que  pensent  de  la  Belgique  et  des  Belges  certains 
jeunes,  affamés  de  réclame,  et  qui  s'imaginent  qu'on  les  vole  quand 
on  parle  d'autres  écrivains  qu'eux. 

Parler  d'un  Belge,  c'esl-à-dire  de  quelqu'un  qui  se  sert  de  la 
même  langue  qu'eux,  dont  les  livres  peuvent  s'étaler  aux  mêmes 
devantures  à  côié  des  leurs,  n'est-ce  pas  une  odieuse  trahison?  ■ 
Et  puis,  quand  je  n'aurais,  pour  me  défendre  conire  celte  tenta- 
tion, qui  ne  me  tente  pas,  d'ailleiirs,  que  la  reconnaissance  intel- 
lectuelle que  je  dois  à  M.  Maurice  Maeterlinck,  cela  suffirait  à 
arrêter  ma  plume.  "-    .  "'-y 


En  citant,  l'autre  jour,  quelques  extuails  admirables  des  Serres 
chaudes  ci  de  \a  Princesse  Maleine,  je  n'avais  lu  les  Aveugles, 
qui  viennent  de  paraître  i"éccmment. 

Et  ces  Aveugles,  ces  merveilleux  Aveuijles,  ont  encore  fortifié 
mon  enthousiasme  .pour  ce  jeune  poète,  qui  est  véritablenfient  le 
poète  de  ce  temps,  qui  m'a. révélé  le  plus  de  choses  de  l'ûme,  et 
en  qui  s'incarnent,  le  plus  puissamment,  le  génie  de  sentir  la 
douleur  hùlnaine,  et  l'art  de. la  rendre  dans  son  infini  de  beauté 
triste  et  de  tendre  pitié.  .  - 

Et. puis,  et  puis,  il  y  a  autre  chose. 

Les  jeunes—  certains  jeunes  —  les  jeunes  dont  je  parle,  me 
font  rire  ayec  les  œmq^es  qu'ils  promettent  toujours  et  qu'ils  ne 
donnent  jamais. 

Ils  me  font  rire  avec  leurXjournaux  et  leurs  revues,  leurs  mani- 
festes et  leurs  programmes.  AMes  entendre,  ils  vont  tout  révolu- 
tionner. Assez  de  vieux  arts  morts  et  de  vieilles  littératures  pour- 
ries! Du  nouveau!  du  nouveau!  Deiluaccessible,  de l'inétraigna- 
ble,  de  l'inexprimé  ! 

Et  toute  cette  belle  ardeur,  tout  ce  brùtanl  tapage  se  réduisent 
à  ceci  :  appeler  «  pied  plat  »  M.  Edouard  Noël,  qui  leur  refuse 
des  billets  de  faveur  pour  l'Opéra-Comique.  «N^^us  à  M.  Edouard 
Noël!  »  tel  est  le  cri  de  guerre.  Et  ils  s'étonneiit  que  le  public 
indifférent  ne  se  demande  pas  :  •'      \ 

«  Mais  qui  est  donc  ce  M.  Edouard  Noël,  par  qui  la  Ijtlératurc 
est  serve,  el  qui  est  un  si  fâcheux  empêchement  à  l'évolution  de 
l'art  nouveau?  Et  quand  donc  sera-t-il  écrabouiUé  définitive- 
ment? » 

Cjîs  jeunes-là  me  feraient  presque  aimer  les  vieux  Sarcey. 

.     Octave  MiRBEAU  (1). 

Paris,  22  septembre  1890. 
Monsieur  et  cher  Confrère,  (2) 

Vous  me  dites  qtie  «  vous  procédez  à  une  consultation  des 
hommes  politiques  français,  sur  ce  qu'ils  pensant  de  la  situation 
politique  ei  intellectuelle  de  la  Belgique,  et  des  relations  de  votre 
pays  avec  la  France  ».  Je  suis  très  sensible  à  l'honneur  que  vous 
me  faites  de  vous  préoccuper  de  mon  opinion.   . 

Permettez-moi,  toutefois, de  laisser  le  soin  de  vous  parler  politique 
à  des  hommes  qui  auront  plus  d'autorité.  Si  nous  parlons  de  vos 
écrivains  contemporains,  nous  tombons  en  pleine  bataille.  Vous 
avez  dix  revues  uniquement  ardentes  pour  les  choses  d'art  :  ÏArt  ' 
Moderne,  \z  Jeune  Belgique,  la  Wallonie,  \à  Ple'iade,'\a  Revue 
belge  (nous  pourrions  continuer  encore).  On  les  exalte  et  on  les 
dédaigne,  du  moins  il  est  fort  difficile  de  les  ignorer.  Nous 
sommes  tous  d'accord  que  M.  Camille  Lemonnier  a  écrit  de  beaux 
livres.  Entre  divers  ouvrages  du  même  écrivain,  je  préfère  sans 
comparaison  Thérèse  Monique  que  lui-même  dédaignerait  peut- 
être.  Ces  brusques  lournantsdans  la  carrière  d'un  même  écrivain, 
comme  l'irascibilité  de  ces  revues  de  poètes,  prouvent  une  foric 
iniensjté  de  vie  intellectuelle.  , 

La  Société  nouvelle  et  votre  monde  socialiste  ont  une  attitude 
bien  particulière.  11  est  certain  que  des  penseurs  comme  M.  de 
Laveleye  ont  conquis  la  haute  estinae  de  toute  l'Europe. 

Vous  avez  une  merveilleuse  vigueur  de  pensées  et  une  vigueur 
toute  belge.  Comment  ne  vous  aimçrions-nous  pas,  nous  autres 

'  (i)  Extrait  du  FigffO'o.  . 

(SfEilrait  de  fa  Nation. 


Français,  qui  retrouvons  cliéz  vous  notre  grande  culture,  avec 
des  différences  d'appropriation  aii  milieu? 

Nous  vous  aimons  surtout  quand  vous  êtes  Belges,  car  nous 
n'avons  pas  cessé  de  souhaiter  une  ferle  décentralisation  de  la 
pensée  française,  devenue  trop  uniquemcni  parisienne. 

Permettez-moi  d'oublier  les  frontières  politiques  pour  ne  voir 
que  la  géographie  intellectuelle  de  l'Europe,  et  de  dire  que  vous 
faites  de  l'excellente  décentralisation  Française,  De  mon  point  de 
vue  de  Français,  j'y  vois  un  honneur  pour  la  France,  comme  de 
votre  point  de  vue  belge,  vous  devez  Irouver-là  uii  témoignage  de 
l'excellente  énergie  de  la  nation  et  du  sol  belges.  Vous  nous  faites 
voir  un  aspect  particulier  de  noire  pensée,  comme  le  Genevois 
Rousseau  est  indispensable  à  l'intégralité  de  la  pensée  française. 

Vos  penseurs  et  écrivains  font  partie  de  notre  courant  intellec- 
tuel. Vous  profilez  de  nous,  nous  profitons  de  vous  :  nous 
sommes  des  associés.  El  il  ne  peut  y  avoir  entre  les  deux  pays 
que  des  sentiments  de  haute  estime  et  d'alfection  qui  unissent  des 
collaborateurs. 

Veuillez  agréer,  Monsieur  êl  cher  Confrère,  l'expression  de  mes 
sentiments  très  distingués. 

Maurice  Barrés. 


veilles?  Autour  de  lui  sorit  des  livres  en  désordre,  fiévreusement 
parcourus;  sa  télé  repose  pensive  dans  sa  mîain,  la  plume  &cst 
alourdie  entre  ses  doigts,  l'inspiration  rébelle  se  rit  de  ses  efforts. 
Ames  compatissantes,  plaignez-le,  mais  abstenez-vous  de  le  dis- 
traire !  C'est  un  Procureur  Général  qui  prépare  son  discours  de 
rentrée.  Même  au  sein,  dés  vacances,  l'éternel  souci  du  devoir  à 
remplir  le  poursuit  et  l'obsède;  il  l'accompagne  dans  lés  brumes 
du  cap  Nord;  il  escorte  ses  pas  sous  le  ciel  lumineux  de  la 
Grèce  ou  de  l'Italie!  Laissons-le  à  ce  dur  souci  et  revenons  aux 
autres  ». 

M.  le  Procureur  général  Van  Schoor  a  heureusement  rompu 
avec  l€  préjugé  qui  voudrait  fermer  la  poriedu  Palais  à  la  litté- 
rature. 

A  l'exemple  de  quelques-uns  de  ses  collègues  de  France,  il  a 
rappelé  ainsi  que  l'art  ne  doit  jamais  être  écarté,  et  venant  de 
haut  le  conseil  sera,  nous  l'espérons,  conrtpris  ei  suivi. 


LA  LITTÉRATURE  AU  PALAIS 

11  s'est  passé  le  1"  octobre,  en  l'austère  demeure  de  Thémis, 
un  petit  événement  dont  la  littérature  a  le  droit  de  se  réjouir. 
Dans  la  mercuriale  qu'il  est  d'usage  de  prononcer  devant  les 
chambres  de  la  Cour  d'appel  solennellement  réunies,  en  présence 
d'un  auditoire  nombreux,  M.  le  Procureur  général  Van  Schoor, 
délaissant  les  arides  sujets  empruntés  à  la  rigidité  du  Droit,  a 
résolument  parlé  de  choses  souriantes.  Il  a  audacieusenient,  devant 
ces  magistrats  laborieux  et  graves,  fait  l'éloge  des  vacances,  et  il 
a,  poussé  la  témérité  jusqu'à  employer,  dans  son  discours,  une 
forme  élégante  et  harmonieuse,  des  images  pittoresques  et  choi- 
sies, en  un  mot,  une  langue  littéraire. 

«  Les  vacances!  Que  d'idées  souriantes  naissent  à  ce  mol.  Nos 
pères  en  ont  apprécié  le  mérite  et  les  charmes;  nos  successeurs, 
quand  depuis  longtemps  nous  dormirons  dans  l'oubli,  en  béniront 
encore  les  effets  bienfaisants.  Parmi  les  nombreux  sujets  de  dis- 
cours, convenables  à  la  circonstance,  qui  s'offrent  à  l'esprit,  il  en 
est  de  plus  doctes  et  de  plus  utiles;  je  n'en  connais  pas  dé  plus 
agréable.  Vous  me  pardonnerez  sans  peine  de  l'avoir  choisi  pour 
en  faire  le  texte  de  la  mercuriale  qu'une  loi  prévoyante  vous  con- 
damne à  entendre,  afin  de  vous  remettre  en  mémoire,  au  début  de 
chaque  année  judiciaire,  ces  deux  grandes  vertus  de  votre  étal  ; 
la  patience  et  l'attention;  « 

Durant  une  heure  et  demie,  l'orateur  a  charmé  l'auditoire  en 
évoquant  devant  lui  ces  semaines  de  repos  et  de  rafraîchissement 
intellectuel,  si  salutaires  quand  elles  sont,  «une  halte  sur  le 
chemin  du  travail  ».  11  Ta  fait  avec  tact,  avec  mesure,  avec 
infiniment  d'esprit  et  de  délicatesse,  semant  son  étude  de  cita- 
tions littéraires  et  de  souvenirs  personnels. 

El  lui-même  s'est  joliment  présente  à  l'auditoire  en  ce  croquis  : 
«  Quel  est  donc,  ce  touriste,  à  l'esprit  sérieux  cl  grave,  resté  seul 
dans  sa  chambre  d'hôtel  pendant  que  ses  compagnons  promènent 
au  dehors  leur  insouciance  et  leur  gaieté?  A  ses  yeux  se  déploient 
d'adorables spectacles,yucs  montagnes  aux  cîmes  neigeuses,  un  lac 
bleu  inondé  de  lumière.  Pourquoi  délourne-l-il  la  vue  de  ces  mer- 


LARCHITËGTIJUË  AU  SALOX 


/ 


Depuis  que  la  Société  centrale  d'architecture,  en  organisant  ses 
expositions  spéciales  de  1883  et  1886  donl  le  succès  artistique  fut 
si  vif,  a  prôné  l'abstention  aux  expositions  triennales  du  gouver- 
nement, les  Salonnels  d'archilccture  y  ont  perdu  une  grande 
partie  de  leur  intérêt,  en  ce  sens  qu'ils  ne  nous  offrent  plus  pério- 
diquement le  résgmé  de  l'activité  artistique  des  architcclesbelges  ; 
les  aînés,  les  arrivés  et  les  arrivants  réservant  leurs  œuvres  pour 
ailleurs,  il  ne  reste  plus  que  les  compositions  des  jeunes  concur- 
rents pour  la  fondation  Godecharle.  Sans  insister  davantage,  l'on 
voit. d'ici  l'allure  académique  et  écolière  qui  caractérise  le  Salon 
d'architecture  de  1890.   Bien  des  concurrents  ont,  certes,  fait 
preuve  de  talent  et  laissent  percer  celte  «  aptitude  spéciale  »  que 
Godecharle  a  exigée  pour   l'octroi  de  ses  bourses  de  voyage; 
l'ensemble  des  projets  ne  représente  néanmoins  que  l'expî-es- 
sion  d'efforts  juvéniles  très  honorables,  et  non  la  participation 
exacte  de  l'Archilecture  à  une  fêle  des  Beaux-Arts.  Sans  vouloir 
méconnaître  les  excellentes  raisons  qui  ont  décidé  la  Société  cen- 
trale d'architecture  à  créer  des  expositions  dont  la  peinture  et  la 
sculpture  soient  absentes,  nous  croyons  cependant  que  l'abslen- 
lion  dos  architectes  aux  Salons  triennaux  esl  rogVcttablo;  pcul- 
êlre*pourrail-on  les  y  ramener,  mais  en  les  engngéiint  (afin  de  ne 
pas  faire  tlouble  emploi  avec   leurs  expositions  techniques),  à 
présenter  lcur§  envois  d'une  façon  plus  mondaine  qui  puisse  arrê- 
ter et  captiver  le  public  incompétetvt  :  c'est  ainsi  qu'au  lieu  do 
plans,  de  faces  géométrales  et  de  Coupes  incompréhensibles  pour 
le  vulgaire  (et  qu'une  grosse  dame  qualifiait,  hier,  de  modélca 
•poiir  bâtir  l)y  il  serait  désirable  de  grouper  des  croquis  h  la  plume, 
des  aquarelles,  des  perspectives,  des  détails  de  mobilier,  des 
maquettes,  et  à  faire  ainsi  de  ce  Saloniict  d'archiiecturc  quelque 
chose  de  chatoyant,  de  vibrant,  de  pittoresque  qui   parvînt  à 
amuser  ce  grand  enfant  de  public,  loul  en  l'iniiiant  aux  mystères 
d'un  art  formé  et  hautain.  Il  y  a  là  le  germe  d'une  idée  que  no\\< 
soumettons,  aux   rédacteurs  de   la  savante   revue  d'arcliitt'cturo 
r.^mw/fl/ioîJ,  leur  laissant  le  soin,  en  leur  experte  compétence, 
de  la  faire  mûrir  et  fructifier. 

•  Passons  maintenant,  sans  plus  de  préambule,  à  l'examen  rapide 
des  œuvres  exposées,  en  étudiant  d'abord  celles  qui  semblent  dcs^- 
linécs  au  concours  Godecharle. 

L'ordre  a|[)habétiquc  nous  mène,  pour  commencer,  devant  le 


f 


Palais  des  Arts  de  M.  Lambot,  vasle  composition,  un  peu  trop 
élcnduc  peut-être,  mais  où  les  salles  d'expositions,  les  halls.de 
^-sculplure,  les  galeries  de  moulages,  etc.,  sont  groupés  avec  infini- 
ment d'habileté  et  ^e  goût.  La  façade,  à  part  la  coupole  trop 
lourde,  a  des  parties  de  belle  ordonnance,  et  la  coupe  présente 
une  variélé  tte -dispositions  qui  ne  détruit  pas  Thomogénéilé  de 
l'ensemble.  11  y  a  bien,  de  ci  de  là,  des  détails  parasites  et,  dans 
le  plan,  une  surabondance  de  motifs  qui  pousse  au  papillolage, 
mais  ce  sont  là  défauts  d'exubérance  à  mettre  sur  le  compte  de  la 
jeunesse  et  qui  passeront  vile,  ainsi  que  les  ans.  En  résumé, 
science  déjà  bien  marquée  et  grande  habileté  de  patte  avec  ten- 
dances défînies  vers  le  goûl  sûr  :  une  halure  d'artiste,  enfin. 

Envoi  archéologique  de  M.  Vaerwyck  :  una^Eglise  romane  el  une 
Eglise  du  X  F/«  siècle,  celte  dernière  dépoi^ue  d'intérêt  el  rap- 
pelant nos  grandes  églises  veules  des  Flandres.  En  revanche, 
l'église  romane  est  bien,  très-bien  :  de  matériau'x  alternés,  comme 
à  Sienne  el  à.  Spire,  elle  séduit  par  sa  composition  générale  et 
renferme  des  parties  heureusement  venues  :  telles  le  portail, 
le  pignon  avec  rudimentaires  et  basses  tourelles-pinacles  et 
l'abside  du  chœur,  d'un  sentiment  plein  d'imprévu  avec  ses  arca- 
lures  se  profilant  sur  un- arrière- fond  conique;  seule  la  grande 
tour,  avec  son  passage  assez  naïf  du  carré  à  l'ocloggne,  laisse  à 
désirer. 

De  MM.  Vaerwyck  cl  De  Beule,  un  médiocre  Jl/oni/wf 71/  de 
S.  G.  Mgr  Lambrechl,  évêqtte  de  Gand  ;  composition  générale 
asse^  banale  et  manque  de  simplicité  dans  les  détails  :  trop  de 
pinacles  et  de  dentelures  trilobées. 

M.  Vander  Hacghcn  nous  remontre  son  Phare  monumental  que 
laura,  en  1888,  l'Académie  de  Belgique;  pas  plus  qu'alors  ce 
phare,  à  la  ligne  manquant  de  jet,  et  qu'un  coup  de  poing  semble 
avoir  fait  rentrer  dans  sa  double  collerette  de  terrasses  balourdes, 
n'est  parvenu  à  nous  plaire  ;  il  nous  souvient  que  certain  autre 
phare,  classé  second,  et  qui  se  distinguait  par  une  grande 
élégance  de  formes,  fut  préféré  de  beaucoup,  par  les  artistes, 
au  projet  primé.  Nous  ne  trouvons  pas  non  plus  trace  de  goût 
dans  le, vasle  projet  de  Bourse  avec  tnbunal  de  commerce^  que 
M.  Vander  Haeghen  joint  à  son  phare  :  le  plan,  d'une  sécheresse  de 
lignes  extrême,  rappelle  ceux  des  grands  prix  de  Rome  du  premier 
empire;  quant  à  la  façade,  si  certaines  masses  tiennent,  en 
revanche  rorneinenlation  et  l'élude  de  divers  fragments  laisse 
beaucoup  à  désirer  à  plusieurs  points  de  vue. 

M.  Van  Dicvoet  a  eu  à  lutter  avec  les  difficultés  du  programme 
qu^il  s'est  imposé  ci  il  n'en  est  pas  sorti  victorieux  :  étudier  les 
dispositions  les  plus  favorables  à  donner  à  un  Cercle  militaire 
était,  certes,  intéressant,  mais  on  doit  reconnaître  que  le  parti 
adopté  par  M.  Van  Dievoei  n'a  pas  des  proportions  bien  harmo- 
nieuses :  de  plus  les  vestibules  sont  un  peu  vastes,  l'accès  des  grands 
escaliers  dans  le  soubassement  assez  étriqué-,  enfin  la  soudure  du 
grand  manège  avec  le  cercle  même  trop  visible.  La  façade  latérale 
a  des  parties  assez  bien  venues,  notamment  les  avant-corps  el  le 
manège  logiquement  exprimé,  mais  nous  ne  pouvons  admettre  la 
façade  principale  d'une  silhouette  cubique  désagréable  et  que  ne 
relève  guère  une  ornementation  monotone. 

Le  Palais  des  Arts  industriels  et  décoratifs  de  M.  Maurice  Van 
Ysendyck  semble  être  plutôt  une  étude  d'essai  qu'un  projet  mûri  ; 
il  y  a  de  la  naïveié  dans  l'arrangement  des  galeries  qui  contour- 
nent le  monument  principal,  et  la  profusion  de  colonnes  émaillant 
le  plan  est  l'indice  d'une  maladie  académique  dont  l'auteur  devra 
chercher  à  se  guérir,  La  façade,  bien  sage,  est  conçue  suivant  les 


bons  principes  de  l'école  des  quatre  colonnes  et  un  fronton;  au 
lieu  de  cette  non-subversivilé,  nous  eussions  préféré  quelques  gros 
défauts  avec,  dans  certains  coins,  des  indices  de  cette  fougue 
juvénile,  qui  permet  l'espoir  d'un  talent  futur. 

Celle  fougue  et  l'esprit  d'invention  nous  ne  les  retrouvons  pas 
davantage  dans  le  Théâtre  de  M.  Veroecken,  qui  s'est  borné  à 
reproduire,  avec  tous  leurs  défauts,  les  plans  de  nos  théâtres 
existants  :  couloirs  allant  en  se  rétrécissant,  escaliers  circulaires, 
locaux  de  l'administration  séparés  de  ceux  de  la  direction,  entrées 
spéciales  pour  les  artistes  el  pour  les  figurants  (!),  etc..  Que 
diable!  les  architectes  ont  fait  depuis  trente  ans  des  progrès  dans 
la  construction  des  théâtres,  léipoins  les  opéras  de  Vienne,  de 
Hanovre,  de  Francfort,  de  Paris,  etc.,  el  M.  Vereecken,  pour 
qui  l'architecture  étrangère  semble  lettre  morte,  en  est  encore  à 
copier  les  œuvres  constipées  de  1830.  La  mcHleur'e  pai'tie  de  ce 
projet  réside  dans  les  grands  escaliers,  trop  développés  toutefois 
aux  dépens  du  foyer  passablement  étriqué;  mais,  dans  ses  grandes 
dispositions,  le  plan  manque  d'ampleur  et  de  silhduette.  La  façade 
est  d'aspect  lourd  :  ce  qu'il  y  a  de  bon,  ce  sont  les  élémenls 
empruntés  aux  rotondes  du  Vaudeville  et  de  l'Opéra  de  Paris;  le 
mauvais,  c'est  la  sculpture  bien  anversoise  mise  un  peu  partout. 
En  coupe,  la  salle  est  absolument  nulle,  et  la  banalité  n'en  est 
guère  rachetée  par  une  avant-scène  sans  aucune  proportion. 

A  côté  des  projets  présentés  pour  le  «encours  Godecharle  vien- 
nent se  grouper  quelques  autres  œuvres. 

M.  Jean  Baes  n'a  pas  été  heureuiren  sortant  de  ses  cartons  deux 
œuvres  de  jeunesse,  un  Pont  monumental  et  uneEntrée  de  tunnel, 
et  en  les  présentant  peints  à  l'huile  :  ses  fonds  de  paysage  con- 
ventionnels, de  tons  douçâtres  et  flous,  et  les  patines  données  aux 
pierres  alourdissent  ses  compositions  et  en  accentuent  les  défauts. 
Que  M.  Baes  revienne  vite  à  ses  tvater-colours  qu' il  tr&ile  agréable- 
ment; l'expérience  qu'il  vient  de  tenter  est  concluante  :  l'aquarelle, 
avec  ses  touches  légères  et  sa  transparence,  peut  seule  convenir 
aux  rendus  architecturaux.  


Nous  ne  comprenons  pas  pourquoi  M.  Buysschaert  a  envoyé 
au  Salon  son  Projet  de  transformation  de  la  rue  de  Schaerbeek; 
l'idée,  excellente  en  soi,  ne  relève  nullement  des  Beaux-Arts  :' 
c'est  un  pur  tràvaH  d'édilité.  Le  plan  indiquant  clairement  la  voie 
nouvelle  à  créer,  l'auteur  a  bien  inutilement  consacré  un  tenips 
infini  à  une  laborieuse  vue  à  vol  d'oiseau  d'une  facture  peu 
réussie,  sans  dégradation  de  plans,  et  qui  eût  demandé  à  être 
traitée  par  un  aquarelliste  habile.  Une  erreur  de  perspective  :  les 
serres  du  Jardin  botanique  paraissent  être  établies  sur  un  plan 
incliné  parallèle  à  celui  du  boulevard.  ^-^ 

M.  Hauman  avec  son  Monument  aux  frères  Mascart,  et 
M.  Horta  avec  son  esquisse  de  façade  de  Palais  des  fêtes  ne 
sortent  pas  de  la  banalité. 

Deux  énormes  châssis  consacrés  par  M.  Kockerols  aux  relevés 
et  à  la  restauration  de  l'église  Saint-Paul  à  Anvers  sont  intéres- 
sants à  examiner;  les  dessins  à  la  plume,  dénotent  à  défaut 
d'habileté,  de  la  patience  el  du  soin.  Ce  sont  là  qualilés  appréciées 
dans  des  agences  d'architectes,  mais  elles  ne  peuvent  entrer  en 
ligne  de  compte  si,  comme  on  nous  l'assure,  M.  Kockerols  se  met 
sur  les  rangs  pour  le  prix  Godecharle  :  le  moindre  grain  de... 
talent  ferait  bien  mieux  noire  affairé!  A  en  juger  d'après  la  res- 
tauration du  pignon  follement  Renaissance  inspiré  de  Sanderus, 
ce  point  est  contestable. 

Après  avoir  été  présentées  au  Grand  Concours,  de  Bruxelles  et 
avoir  figuré  à  l'Exposition  universelle  de  Paris,  les  habitations 


V 


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■:-f.    iVi 


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^,')^  C^'î''i,r''''"Vr 


',";  •;■»'  "':t'   ^*v.?«''*')ifl 


archéologiques  de  M.  Paul  Sainlenoy  nous  reviennent  maisJàtk 
guées  et  alourdies  par  le  voyage  :  nous  ne  retrouvons  plus  les 
lavis,  pimpants  de  fraîcheur,  du  début,  mais  les  divers  élémeiits 
mis  en  œuvre  témoignent  toujours  du  culte  fervpnt  que  l'auteur 
professe  pour  les  styles  du  passé.  Un  gros  mauvais  point  $' 
M.  Saintenoy  pour  son  Hospice  d'Archennes  ;  compositiojni 
banale,  rendu  lourd  et  saucé  sauf  les  petits  buissons  roussie  et 
verdoyants  qui  sont  bien  gentils,  eux  !  «i 

Nous  reneonlrons  de  nouveau  M.  Van  Dievoet  avec  six  petites 
façades  que  nous  désirerions  voir  réduire  à  deux  :  la  Reiiafs- 
saiice  italienne  paraît  être  sa  noté  préférée;  qu'il  s'y  confine  cl 
n'essaie  plus  à  l'avenir  du  gothique  ou  de  l'égyptien. 

•  •         •         •  ••  ■         •  •  •         •  •  •         •  •  •  •  •  *        ^* 

Cy  finist  le  malQjnconlrcux  Salon  d'architecture  de  1890. 


Jhéatre  de?  -Qalerie? 
fatinitza 

Les  rythmes  sautillants  de  Fntmifza  ont,  depuis  1876,  fait 
polker,  valser,  galopper  l'Autriche,  l'Allemagne,  la  Belgique  et 
quelques  nations  voisines.  Première  en  date  de  la  série  d'œu- 
vreites  viennoises  qui  renouvelèrent  le  répertoire  un  peu  défraîchi 
d'Offenbach,  le  succès  qui  l'accueillit  au  Cari  Théâtre  (le  basa rd- 
des  voyages  nous  fit  assister  à  la  première  représentation),  fut 
énorme.  Et  durant  des  mois,  le  trio,  le  fameux  trio  bouffe  du 
troisième  acte,  propagé,  par  les  musiques  militaires  et  les  orgues 
h  manivelle,  devint  une  obsession. 

On  se  souvient  de  l'interprétation  entraînante  et  gaie  que  donna 
de  Fatinilza,  en  1878,  sous  la  direction  Humbert,  la  troupe  de 
l'Alcazar,  dans  laquelle  marquaient  M"^  Preciozi  d'Aulnay, 
MM.  Mario  Widmer,  Paul  Ginel,  Geraizer,  Castelain,  qui  Ht  du 
rôle  de  l'eunuque  une  inimitable  création.  Reprise  en  décembre 
1883  par  M™*  Olga  Léaut,  la  partition  de  M.  F.  de  Su ppé  res- 
suscita à  l'AlcazaV  les  brillantes  soirées  d'antan.  MM.  Mario 
Widmer,  Geraizer  et  Castelain  étaient  rentrés  en  possession  de 
leurs  rôles  respectifs,  et  M"*  Lacourrière  avait  succédé  à  Mi'"  Pre- 
ciozi d'Aulnay  dans  le  personnage  du  lieutenant  Vladimir. 

Voici,  pour  la  troisième  fois,  la  toile  levée  sur  le  blockhaus  des 
avant-postes  russes,  sur  le  défilé  des  cadets  icherkesses  et  des 
cosaques  barbus,  sur  le  harem  d'Izzct-Pacha,  sur  la  terrasse  du 
palais  de  l'invraisemblable  Tchitchatchef.  Et  cette  fois  encore,  la 
foule  a  paru  prendre  goût  à  la  fantaisie  du  livret  et  aux  caprices 
du  compositeur.  Le  trio  a  été  bissé, —  invariable  tradition.  Et  si 
quelques  faiblesses  des  Chœurs  et  des  rôles  épisodiques  ont  jeté 
une  ombre  sur  celte  soirée  d'ouverture,  la  représentation  a  néan- 
moins marché  à  la  satisfaction  de  raùdiloire. 

MM"»**  Morin  et  Dorange,  MM .  Larbaudière  et  Guffroy  ont  donné 
de  l'œuvrette  une  interprétation  consciencieuse,  qui  se  perfec- 
tionnera encore  lorsque  ces  artistes  se  «  sentiront  les  coudes  ». 
Quant  h  M.  Castelain,  il  a  retrouvé  son  succès  d'autrefois,  et  sa 
pantomime,  ses  grimaces,  son  grimage  extraordinaire  ont  excité 
la  plus  folle  gaieté. 


•fETITE    GHRO^iqUE 

Nous^onsacrons  dans  notre  prochain  numéro  un  article  à  la 
nouvelle  troupe  du  Théâtre  de  la  Monnaie,  qu'une  absence  de 
notre  critique  musical  nous  a  empêchés  d'apprécier  jusqu'ici, 

■  ■  < 

La  maquette  du  décor  de  la  iorêl  de  Siegfried  a  été,  d'il  l'Indé- 
pendance, transportée  au  grand  atelier  de  MM.  Devis  et  Lynen, 
quai  aux  Barqu.cs;  mi  n'a  pas  encore  vu  à  la  Monnaie  de  décor 
aussi  touffu  et  aussi  découpé  que  celui-là.  On  achève  la  maquette 
du  décor  du  premier  acte,  la  forge  de  Mime;  au  troisième  acte. 


MottI,  de 

r:,gùrî!i; 


dcuxi^felabloâu;  nous'reirptjvèVoa§  le  qljéc^''  du  trois|èmrc.cïe  i«  " 
Valkif rie ^. celui  dé  la  GhéVauehéç  àeè  Wàîkurfes  et  du  SâmoieÙ 
■■dQ''Brtihtihildeii;.i  ,U    :./■  ,.  ^•'•]'^-'.  y'  '■'' -'-'''i'--' ■■■■' ■■.).''   '■'  '  ■  y' 
'   :  Tous  «es  décops-àerofti  terffiinés  dans  un  bçn  niois.  Qn  èôinplë 
tptijpurs  passèjr^4«  2p  îuj  ^&  novembre'.     ]    \'y.t    V*:  :  ■"'}'■'■  ' 
.  .  ||ojiio|is  que  M.  La|iargèprorr|ei  d'être  ui\'^lgfried  de  preyoriier 
Qrdr^eét'q^ie  1^  débirt  (Je  M™*  Lànglajis  dans  le  rôle  de  vRriinirfiilde 
sera ,'  cfit^n",  une  TéV.é)jatîon . ,  M .  Fnanz  Sef vais,  qui  fait- répétei*,  >; 
. . assidun[ienf  rQuvragei'lpgjt'âlt  particulièrement  enchanté  de ^ès^  ;  , 
.deiix  rrrtefptètésJ'^;,.:,;.;-:',^.^:'^:':-''"^^' ^     -■■-■''  -"  (       <•>.'"'" 

'  C'est  le  19  jiiillet  quVft&niniencera  la  pnOnchaine  sëj-ie  des  rçpré:^ 
senlations'dé-  Bàyi'euih.On  jouera  dix  iôis  Parsifui,  çept  fois 
^ûrWihâHser  e\  IrQisfdis :^m/fln  et  JseuU.  Vpiéi  les  dat^s;  dëfi'ni: 
tiyementarrêtéespoitpçes  représentatipnVexflepiiorita^ 

Airsî/a/,  iWiO,  23^  26;  2&  lufllet  i^,  6,  ft,  12^16  et'-l&août^ 
Tm^an fi/ /«««'^^î,  lés  2a juillet/ :B^  :  !..  • 

Taiinhâiisir,  Jcs^^S;  27,-30  juillet  ;  3,^-10,;  13  èlAS  aôiïtr^ :.   " 
-  L'orchestre  «era,  tomme  les  années  «précédentes,  placé  soiis.la 
-  dtreolioiJn  de  MM.  ,Berman.ivLév.i,  de  Munich,  et  Félix  Mott 
Caflsruhe,  M.  Aiiiôrt  Fu'chs,  régisseur  dé  l'Opéra  de  Sjuniçh, 
la  direction  delà  scène.  •  ..  ••  •     '     - 

,    Quant  à-lfl  par^e  chojrégrffphiqiiô  do  Tnhnhau's'èr^' lidîreoi'xon^ 
ert.sara,-confiée,à  M""  Virginie  Zucchi,  de.Milap:.  ;  i'-  '': 

,  BT.  Jean|ulHeo,  rauleur  dfi  A^fl^^re,  que  la  Iroiipé  de  M.  Antoine' 
esivoiïue'reprèsenterau  i.héâtrc.du  .Pàrc  avec  un  succès  retè'niis-. 
sani;  Siçnt  de*terminer  unépantotnime  en  nnixçAC),  Itlusiom  pér<:  { 
*dMé!'s,,mûs^iquedcGà$to.nPauIiri.^- '    /  ■  .       \        ._    ,\ 

•  Celle  panicfmirtié^ra  prochainement  représentée  à,Pari5..    ^ 

Atijourd'hû}  .S'ouvréî  à  Paris,  saus  la  dircdtion  .<lc  MM.'P;  l^brt 
et  Ly .  Germain,  lé  thé.âtre  Mixle,.  par  .une.  matinée "xlonnée-;  au  •; 
iteâtpe  Beaumarchais.  Voici  le  programme  da  çeWe   première  ;/> 
repréSentJ^lioli ';.i:-"'^/-y  ■"    ■:•.';,■  f  ;:■•'' ..-i-i  ,.  '    ■•   '      '"■'■      ■i"C"'?-'V' 

Il  ipbnférm^  SVP  ie  ThéAtre  ■  h\oderk(i,  par  M .  L. 'Gerniaii^.; ^'  -^ 
\l,.CoAi^jé(^ii^l^\x^M^^^  vers,  par  M^h.  Gi-andmpu^iB^^^^^  .  ). 

(L'àutéur  ihlétprèiëi'^ie  rôle  de  C|iïn).  lll.'  La  p'etit'e  ^ête,  tèmé-' 
die  en  un  acte,  én;prdse',.p,îfn  M.,P.  Vo'tX.lX:,  Frai^çoia'Vûlàtn}.    ' 
drcn^é  ciijuniai?le,'en  vers,- pat^  m;  t,.  Germain.  (L'euieof  inter^;, 
prètelCa  ie  rdle  de  François  Villpn).  V.  Kaliisfo,  comédie  en  urii;* ^ 
acté,,éjîvçràj  par .  T..  Gàyda%  Une  innovation  à  signaler  iilascèncï; 
seule  sera  éclîTirée  pendant  là  représenlatioi^  ^^  ,. 

Le  ;huméro  d'pclobré  du, . Jl/aja:îfrtc  0/  ^r/ ^Londres,  Cassell 
et  Ce)v  qui  clôt  Wxin*volo'6ie/<ïe  CCI  important  périodique,^^  est. 
pariicUlièremeut  intéressanl."  A  npt^r  >  une  éludé  de; M;  Geprges  .-»■ . 
Moore-sUr  Pégase  alveeirpis illustr^lions reprodiiisanl  dès feuvres  /  ' 
du  maître;  iin  àriiçle  sur  Joseph.  Iscaëls,  .par  M.  David  Croâl 
Thomson,  illustré  de'  sept  dessins  et  d'pne.;pholpgravure;  une  j,, 
élude^  dé.M;- Claude  Philips  sur  quelques'  sculpiçurs  français. 
(BJarrias,  Daloû,  Lanson,  T6nx>JSoëI)..'    -  ■       ;  ■ 

Lxj  Mûgnzine  of  Àri ^xvapnCe  la  publicalion,.daHs  sa  proclwinc-  . 
j^ivraison,  d'une  gravure' d'âprèa  le  tableau  de  Watts  :  Fo/a  Mor- .  " 

gana.'f    ■       .    '""■■_ '      '  „        '  ■'[■ '7  ■    '■  ■'    .." 

M'^^Yan.  Zandt  est  engagée  pour  faire. une  ipunvée '4u  ftussïc, 
aux  appointements  de  150,000  francs  pour  trente' représentations, 
"^"e  Van  Zandt  paciirtL  à  \a  fin  de  décemb'ré.  .  •:    ' 

Le?  $ciiréés  Populaires  de  Verviers  viennent  d'insthuer  un    '• 
nouveau  concpiirs  de  liltéralure,  ouvert'  ù  lotis  les  élevés  d'une;  . 
école  officielle.  LesojeHmpbsé.esl  :  Le.  Professent.  Le. conçonrè  .  . . 
scra;clôtur,é;ié  if'japverlSâl.       '    '     ..    ";.      ^(;^'  •.;.;. 

Â^dresser,  pour  connaître  les  conditions  de  ce  concours,  •»?/ 
M.  Léon  Lôbet,  il  Verviers,  président  de  rôeuvre*   .      ^       ,-.     ',-< 

Sommaire  de  Èà  revue  blanchei.  {séplemhre  1890):'^vBoùr 
rOmbi-e,  Thadée  Nalaûson.  —  La  Ronife,  André  de  Càvors.  — 
En  Italie,  Ch.  Lecleréq^^f^J^a Pantomime,'  Masque;.—  Brusselis, 
Paul  LeclBrCq.  ^  La  Pfitrie  incpnnue,  Henry  Bérengér.  ^  Sur  un 
tableau,  du  a  Louvre,  'J.  Degeraisme.  —  Etudes  descriptives,  , 
P.-R^HirSch,r- Les tra(as.de  M.  Bourgeois,  X.  r,    . 


"ir^ 


^ 


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?'..'•. 


•1, 


'Sv 


A 


PAQUEBOTS-POSTE  DÉ  L'ÉTÀT-BELGE 


LIGNE   D'OSTENDEDOUVRES 


La  plus  courte  et  la  moins  coûteuse  des  voies  extra-rapides  entre  le  Continent  et  rANCLETÉRRE 


Bruxelles  h  Londres  en 
Cologne  à  Londres  en 
Berlin  à.  Londres  en  . 


8    heures. 

12  V2    » 
20 


Vienne  à  Londres  en. 
Bftle  à  Londres  en. 
Milan  à  Londres  en  , 


36  heures. 
20       - 
32       - 


XROi»  j^e:rvi(:e:i^  x^^IlR  «iour 


D'Ostende  à  5  h.  15  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  3rsoir.  —  De  Douvres  à  midi  05,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

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A  bord  des  malles  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette        •      - 

Spécial  cabine,  28  francs;  Cabine  de  luxe,  75  francs.  ■       ■ ' 


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fer.  —  Correspondance  directe  avec  l«»s  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits). —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  -  Assurance. 

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de  rÊtatfà  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vranchen,  Domkloster,  n»  1,  à  Cologne. 


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L'OR  DU  RHIN 

DE 

RICHARD  WAGNER 

Version  française  de  Victor  "WILiDiai 

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JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 

—  Bibliographie.  —  Lé^lation.  —Notariat. 

HDTlkuJ%  ANNÉE. 

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(  ii.tranger,  23  id.  ^ 

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MM.  A.  MOCKEL  et  P.-M.  OLIN. 
ji  Liège,  rue  St-Adalbert,  8, 
à  Bruxelles,  Avenue  Louise,  317. 
5  frajics  l'an  ;  Union  postale,  fr.   6-50 


PIANOS 


BRUXELLES 
rue  Thérésienne,  6. 


GUNTHER 


VENTE 

ÉCHANGE 

LOCATION 

Paris  4867,  4878,  4"  prix.  —  Sidney,  seuls  4"  et  a«  prix 
EIFOSmOIS  AISTEIDil  1883,  ÂHVZIS  1885  DIPLOIE  >'B6inUi; 

Breitkopf  et  H&rtel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 

TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPOSITION  MUSICALE 

dépuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-G.  Lobe. 

Traduit   de   l'allemand   (d'après   la  5«  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

Vlll  et  379  p.  gr.  in-8».  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  Tétude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
fareur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  ouvrages  d'enseignement  miusical  Jes  plus 
estimés  en  Allemagne. 


■   Bruxelles.  —  Imp.  V  Monnom,  32,  rue  de  l'Industrie. 


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Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  12  Octobre  1890. 


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MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


^..: 


DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


■■  •»«<•.. 


Comité  dé  rédactiou  »  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


-^' 


,.'  ^^    '■•'' i.ÇOiîNipMEN'TS  .:    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union   postale,   fr.    13.00.    —" ANNONCES   :    On   traite  à   forfait. 


•■  J 


■t  ,"''>•      "  Adresser  toutes  les  communications  à 

;l  ABMiNjsTiiATioN  GÉNÉRALE  DE  l'Art  Modemo,  Tuè  dc  Pliidustrie,  26,  Bruxelles. 


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MMAIRE 


:  Ecrivains  et  Journalistes.  —  Une  œuvre  de  Vander  StappeN. 
^,  ^I-A  Monnaie.-. — '  Deux  livres  récents.  A/tc//t',  \>av  Henry 
:Màubel  -^  Mclprkiftic.,^. \>a,r  Arnold  Gotïin.  —  L'art  en  Belgique.  — 
Critique  •  LiTTÉiiAiRtj,  belgj:  —  Chronique  judiciaire  "des  arts. 
M.  Golindd  en  justice.  —  Petite  chronique. 


ÉGRIVAINS  ET  JOURNALISTES 


.*/■ 


■   *  V 


■  «On.nous  a  beaucoup  abîmés,  nous,  les  journalistes  ; 
oïl  ttoiis'â  reçroclié  de  ne  jamais  nous  occuper  de  nos 
écrivaias,-^dè  lie  leur  décerner  jamais  un  encouragement 
et  de^uerl^urs  œuvres  sous  le  silence. 
.'«  II. faudrait  que  nous  fussions  aux  aguets  et  que  nous 
prissions  des  abdnnements  coûteux  chez  les  éditeurs  où 
ces  niessieurs  publient  leurs  œuvres  à  tirage  restreint, 
sans  daigner,  nous  en  faire  tenir  un  exemplaire.  En 
France,  les  >éferjvains  se  donnent  la  peine  d'envoyer 
leur^  livres  aux  Journaux  et  l'on  se  fait  un  plaisir  de 
lès  lireB.tde  les'étudier,  de  signaler  ceux  qui  le  méritent. 
Mftis,  nos!  écrhîtiins  affectent  de  nous  dédaigner,  sem- 
blent iguoi'ér'iiotre  existence.  Nous  avons  pourtant 
àutï'e  chose  à  faite  que  dB  guetter  les  livrés  qui  parais- 
sent et  au'oniio  daigne  ni  nous  envoyer  ni  nous  signaler, 
éli  ihjîe  noûj^'plàît  pas  de  consacrer  une  rente  à  l'achat 
desèdition^'dç  luxe  d'œuvres  belges.  Quand  on  voudra 
bien  sê^  souvenir  de  iious,  en  d'autres  occasions,  nous 


serons  très  heureux  de  nous  occuper  des  littérateurs 
belges.  Mais,  en  attendant,  onamauvaisegrâceà  nous 
feire  un  grief  de  notre  silence.  » 

Ainsi  s'exprime  dans  la  Nation  le  chroniqueur  qui 
a  pour  nom  de  guerre  Gramadoch.  Au  dessus  de  cette 
signature  souvent  de  bonnes  choses,  quoique  empreintes 
presque  toujours  de  la  grincherie  du  journaliste  belge 
à  l'égard  de  l'écrivain  belge. 

•  Gramadoch  reproche  donc  à  nos  auteurs  de  ne  pas 
envoyer  leurs  livres  aux  journaux.  Il  met  cette  coutume 
sur  le  compte  du  dédain.  Il  se  trompe.  Les  artistes  ne 
leur  adressenlyplus  les  deux  exemplaires  qui  donnent 
droit  au  compte-rendu,  parce  que  le  compte- rendu  ne 
se  faisait  pas,  ou  n'était  qu'éreintement  ou  gouaillerie. 

La  presse  belge  a  méconnu  tous  nos  écrivains  de 
valeur.  Elle  les  méconnaît  encore.  Elle  n'a  eu  pour  eux, 
ni  encouragement,  ni  justice.  Elle  est  pourrie  de  cama- 
raderie et  ne  parle  que  selon  ses  amitiés  ou  son  intérêt. 
C'est  pourquoi  on  lui  a  donné  cette  fière  leçon  de  la  tenir 
pour  valeur  négligeable  en  littérature. 

Dernièrement,  dans  VArt  moderne  du  31  aoilt,  nous 
avons  reproduit  le  sévère  jugement  de  ProudhOn  sur 
nos  journalistes.  Nous  avons,  nous-mêmes,  traité  cette 
question  dans  une  étude  intitulée  :  Tiraoe  a  petit 
NOMBRE,  parue  le  21  novembre  1886.  Nous  avons  expli- 
qué alors  ce  qu'était  chez  nous  la  critique  j(j>urnalis- 
tique,  nous  avons  rappelé  tout  ce  qu'on  a  dit  sur  ce 


y 


•,«vv     •  ■;■ 


bagne  et  l'inévitable  déchéance  que  les  facultés  artis- 
tiques y  subissent,  enlevant  à  l'esprit  ce  quil  faut  pour 
savoir  juger,  soutenir,  défendre  et  exercer  la  hau^e 
mission  d'aider  au  développement  de  la  littérature.  On 
l'a  nommé  le  trottoir  de  la  littérature,  le  putanisme  de 
l'art.  On  a  dit  qu'y  toucher,  c'était  plonger  dans  la  fosse 
à  purin.  Avec  moins  d'âpreté,  on  a  écrit  que  les  repor- 
ters étaient  des  chiflbnniers  de  lettres,  des  bonnes  atout 
faire.  Mettant  en  question  jusqu'à  leur  intégrité,  on  les 
a  comparés  à  des  bravi  trafiquant  de  leur  plume, 
comme  autrefois  on  trafiquait  de  sa  rapière. 

Tout  cela  est  empreint  d'exagération.  Mais  ce  qui 
certes,  est  exact,  c'est  qu'on  ne  peut  inàpunément  prati- 
quer quotidiennement  cette  fonction  littéraire  sùT)al- 
terne  sans  y  altérer  les  meilleures  qualités.  L'obligation 
d'écrire  à  heure  fixe,  le  drainage  nécessaire\et  constant 
des  idées  et  des  formules,  la  facilité  avec  laquelle  on  se 
laisse  aller  à  défendre  moins  ce  qu'on  pense  et  ce  qu'on 
aime  qiie  l'opinion  utile  à  la  feuille  qu'on  sert,  amènent 
l'épuisement  et  le  dégoût  de  soi-même.  On  tourne  à  la 
fonction  machinale  et  écœurante,  compliquée  de  longues 
et  moroses  stations  autour  des  tables  de  taverne,  avec 
des  dévotions  à  Sainte- Absinthe.  On  se  convainc  que  le 
style  le  plus  aisé  et  qui  plaît  le  mieux  est  le  plus  banal. 
On  s'accoutume  à  ce  vice  honteux  de  l'écrivaiif  :  la 
goguenardise  à  propos  de  tout.  On  ne  s'interrompt  plus 
de  gouailler.  On  ne  fait  plus  partie  du  bataillon  sacré 
des  artistes,  mais  de  la  garde  civique  des  écriyailleurs. 
On  se  sent  raté,  on  enrage  et  on  passe  son  hydrophobie 
à  mordre  les  autres.  La  plume  n'a  plus  ni  dignité,  ni 
autorité  et  on  finit  dans  le  gâtisme  des  Premiers- 
Brjuxelles  grotesques,  des  faits  divers  nauséabonds,  des 
feuilletons  littéraires  fonctionnant  à  la  manivelle. 

Le  corps  vit  alors  de  la  plume,  certes,  mais  l'iTltelii- 
gence  a  été  tuée  par  elle. 

Ce  spectacle  est  douloureux  et  pourtant  c'est  celui 
que  nous  oflf'rent  beaucoup  d'hommes  de  talent,  jadis, 
formant  les  équipes  de  dix,  de  vingt  journaux  qui  n'ont 
plus  sur  notre  public  la  moindre  influence  politique  ou 
artistique.  Il  est  vrai  que  quelques  exceptions  confir- 
ment l'universel  amoindrissement.  Mais  le  journalisme 
(je  risque  une  comparaison  quelque  peu  ambitieuse)  n'en 
est  pas  moins  un  Maelstrom  qui  suce,  absorbe,  résorbe 
quiconque  s'en  approche  et  ne  rend  à  la  surface  que 
des  malheureux  brisés,  défigurés,  émasculés. 

Voilà  pourquoi  la  critique  littéraire  de  nos  journaux 
est  nulle.  Voilà  pourquoi  on  la  dédaigne..,. 

Gramadoch  proclame  qu'il  ne  demande  pas  mieux 
que  de  changer.  Amen  !  Un  récent  événement  inspire 
ces  bonnes  intentions  parce  qu'il  a  permis  de  mesurer 
l'abîme  de  la  déchéance.  Soit,  qu'on  essaie.  Que  les 
deux  exemplaires  fatidiques  soient  désorniais  de  nou- 
veau envoyés,  l'un  pour  être  lu,  ra.utre  pour  être  vendu 
au  bouquiniste.  On  verra. 


Mais  après  que  messieurs  les  journalistes  auront  fait 
amende  honorable,  il  faudra  encore  apprivoiser  la  foule. 
Ah  !  sji  notre  public  pouvait  enfin  comprendre  que  son 
devoiiL  est  d'acheter  ces  livres  qui,  en  somme,  valent 
àutanf  et  mieux  que  les  Ohnet,  les  Bourget,  les  Theu- 
riet,  lei^  Daudet,  etqUi  attestent  un  si  persistant  courage 
pour  doter  d'une  littérature  la  Patrie  (grand  mot  qui 
ne  commence  à  paraître  bête  que  lorsque  la  patrie  ne 
fait  rien  pourl^  siens)  !  Oh!  si  sur  les  six  millions  de 
Belges  que  nous^sommes,  il  y  en  a  avait  seulement 
quatre  mille  se  décidant  à  payer  trois  francs  les  œuvres 
de  nos  compatriotes!  Il  y  aurait  moins  de  journalistes 
assurément,  mais  il  y  aurait  plus  d'artistes.  Quel  âge 
dor!  \ 


UNE  ŒUVRE  DE  VANDER  STAPPEN 

Sur  la  proposition  de  M.  Ch.  Buis,  l'édilité  braxclloise  a  com- 
mandé au  sculpteur  Vandcr  §tappen  un  surtout  de  table  pour 
l'Hôtel  de  ville.  Dans  la  désuétude  actuelle  de  l'art  décoratif  c'est 
presque  une  innovation  :  elle  nous  dédommage  des  vicinales  sta- 
tuaires au  moyen  desquelles  une  immuable  routine  empécl^it  le 
chômage  des  praticiens  et  imaginait  pousser  à  la  religion  ^es 
belles  choses.  Elle  restaure  un  art  pratiqué  par  les  devanciers  au^ 
même  titre  et  avec  les  mêmes  respects  que  la  grande  sculpture, 
un  art  moins  orgueilleux  mais  à  coup  sûr  aussi  foncier  et  que  la 
bizarre  notion  que  de  nos  jours  on  se. fait  des  conditions  dé 
l'œuvre  d'an,  semblait  avoir  relégué  parmi  les  besognes  infé- 
rieures. Le  stupide  mandarinisme  qui  a  fini  par  attribuera  cer- 
tains genres  une  noblesse  qu'il  refusait  à  d'autres,  est  cause- du 
malentendu  qui  obscurcit  la  perception  du  vrai  sens  de  l'œuvre 
d'art.  L'œuvre  d'art  pourtant  seule  subsiste  :  elle  persisleà  tra- 
vers la  variabilité  des  formée,  sans  subir,  du  fait  de  celle-ci,  nul 
déchet.  Quelle  que  soit  la  matière  utilisée,  quels  que  soient  les 
dimensions  et  le  revêlement  extérieur,  elle  porte  en  soi  une  beauté 
mystérieuse  que  nulle  contingence  ne  peut  lui  aliéner  et  qui  lui 
vient  d'elle-jnôme,  de  ses  vertus  propres,  dé  la  quantité  d'idéal 
qu'elle  dégage,  de  son  approximation  des  parfaites  splendeurs  de 
l'idée  précipitée,  cristallisée,  rendue  concrète  et  sensible  aux 
mains  de  l'ouvrier. 

L'édilité  bruxelloise,  en  se  soustrayant  aux  habituelles  canali- 
sations de  la  commande  d'art,  a  témoigné  tout,  à  la  fois  d'unbon 
sens  peu  commun  et  d'une  pénétration  du  sens  de  l'œuvi^é  d'art 
qui  mérite  qu'on  y  insiste.. Dans  un  pays  où  la  tradition  de  l'art 
ornemental  et  décoratif  devait  surtout  persuader  le  retour  à  une 
conception  d'art,  homogène,  réglée  par  le  sentiment  de  l'unité  et 
de  l'égalité  entre  toutes  les  formes  de  l'art,  elle  a  eu  le  généreux 
esprit  de  se  souvenir  des  maîtres  qui,  dans  le  passé,  ne  crurent 
pas  déchoir  en  utilisant  indifféremment  le  maillet  du  statuaire  cl 
le  ciselet  de  l'orfèvre.  L'oeuvre  de  Ch.  Vander  Slappen  attestera 
la  lucide  intelligence  de  ce  conseil  de  bourgeois  supérieurs  aux 
aristarques  professionnels  pour  avoir  fait  raison  des  injustifiables 
dédains  dont  souffrait  chez  nous  une  des  plus  radieuses  mani- 
fesiations  de  l'art.  i; 

Il  ^us.a  été  donné  de  sm  chez  l'artiste,  dans  le  studieux  ate- 
lier de  l'Avenue  de  la  Joyouse  Entrée,  l'ensemble  des  groupes  et 
des  architectures  qui  (comme  cela  se  pratiquait  autrefois)  vont 


bientôt  enrichir  le  Trésor  de  l'Hôtel  de  ville  de  Bruxelles.  Rien, 
disons-le  tout  de  suite,  ne  peut  moins  s'apparier  aux  industrielles 
fabrications  des  arg.entiers  et  des  bronzicrs.  Indépendamment  du 
métal  qui  lui  donnera  sa  beauté  définitive  —  puisque  le  sculpteur 
a  constamment  subordonné  le  détail  et  les  particularités  de  son 
exécution  aux  spéciales  exigences  de  la  patine  d'arf^ent  qui  doit 
le  revélrr;  —  le  surtbul,  tel  que  nous  levlmea  à  iwters  le  plâtre, 
est  une  oeuvre  d'art  au  sens  absolu;  dti  mot,  et  peut-être  la  plus 
cfaarmanle  et  la  mieux  ordonnée,  en  son  complexe  déroulement, 
de  toutes  celles  qui,  depuis  longtemps,  ont  été  déférées  à  la  fan- 
taisie et  à  l'ingéniosité  d\wi  vrai  artiste.  On  savait  la  science  très 
évidente  du  statuaire,  ses  pt'obes  pratiques  dans  le  bronze  et  le 
marbre,  son  art  de  culture  et  deSQlide  application.  Avec  un  effort 
méritoire  il  a  su  se  garder,  parmi  leS  initiateurs  de  la  période  qui 
suivit  l'art  démodé  et  lumulaire  des  G^cfs,  dos  Fraikin  et  des 
Simonis,  le  rang  que  lui  conquérirent  les  œuvres  de  son  début. 
Son  rôle  historique  dans  l'accession^de  l'idéal  statuaire  à  de  plus 
hautes  vertus  de  réalisation  ne  peut  plus  être  contesté.  Cependant 
ceux  qui  connaissaient  le  mieux  les  ressources  de  sQn  subtil  et 
imaginatif  talent  regrettaient  que  le  hasard  l'eût  souvent  mal 
servi  en  ne  lui  permettant  pas  de  s'affirmer  dans  cet  art  décoratif 
vers  lequel  son  esprit  le  portait  et  où  il  eût  fait  voir  une  maîtrise 
peut-être  supérieure.  La  nouvelle  œuVre  de  Ch.  Vander  Stappen 
ne  laisse  nul  doute  à  cet  égard. 

Le  surtout  de  l'Hôtel  de  ville  se  compose  d'une  pièce  cenirale 
et  de  deux  candélabres,  du  caprice  le  plus  riche  et  le  plus  varié. 
11  faut  d'abord  admirer  le  concept  auquel,  rigoureusement,  s'est 
soumis  l'artiste  dans  son  édification.»  Ayant  à  exécuter  un  travail 
en  quelque  manière  civique  et  qui,  à  travers  l'absolu  de  l'œuvre 
d'art,  se  particularisât  de  mémbrations  historiques  —  très  loua- 
blement  et  comme  le  sujet  l'y  incitait,  il  a  procédé  allégorique- 
ment  et  anecdotiquement.  Une  part  de  légende  avérant  de  natives 
vertus  de  la  race  s'y  mêle  à  la  glorification  des  grandes  indus- 
tries où  s'illustra  la  capitale  brabançonne.  Dans  la  pièce  centrale, 
formant  un  mojjf  d'architecture  divisé  en  deux  vasques,  et  k  sa 
partie  médiane  décorée  d'un  groupe  de  lions  couchés,  d'où  jaillit 
un  fût  enroulé  par  la  bannière  de.  la  ville  et  surmonté  par  le 
Saint-Michel,  —  deux  groupes  représentant  les  valets  des  ser- 
ments de  Bruxelles^  les  Grands  et  les  Petits  Arbalétriers,  les 
Archers,  les  Arquebusiers  et  les  Escrimeurs  arnisseni  les  bas 
côtés  de  la  colonne.  Deux  autres  groupe&^aux  extrémités  des 
vasques,  rappelant  des  légendes  où  la  femme  bruxelloise  s'héroïsa. 

L'une,  la  Veillée  des  Z)flme«,  est  caractérisée  par  une  juteuse 
commère  ployant  sous  le  chevauchement  de  l'époux,  —  un  guer- 
rier un  peu  bien  net,  toutefois,  en  ce  retour  de  caravanes  et 
d'aventures  et  qu'on  eût  voulu  plus  suggestif.  Un  enfançon,  parmi 
les  pas  diligents  de  la  femme,  porte  le  carquois,  et  avec  le  chat 
familial,  évoque  des  idées  heureuses,  la  rentrée  dans  la  paix  et 
l'amour.  L'autre  légende,  —  te  Translation  des  cendres  de  sainte 
Gudule  à  la  Sainte-Chapelle^  se  restitue  en  le  groupe  naïf  d'une 
dame  bruxelloise  à  la  poursuite  de  celui  des^gens  d'Albéric  qui 
s'est  emparé  du  sacré  reliquaire.  L'élan  des  figures  est  exquis  : 
cette  aïeule  des  actuelles  matrones,  pour  se  lancer  avec  furie,  les 
légendaires  roseaux  de  la  Senne  aux  poings,  sur  le  ravisseur, 
n'en  demeure  pas  moins  attentive  à  calculer  un  parfait  rythme  de 
grâce  féminine,  il  làudrait  insister  aussi  sur  l'élégance  et  l'esprit 
des  figures  des  serments,  la  caractérisation  des  diverses  indus- 
tries par  la  silhouette  et  le  geste^  les  lianes  de  motifs  où  s'cnca-. 
drent,  ainsi  que  des  tableaux,  les  scènes  représentatives  des 


métiers,  la  fine  projection  du  Saint-Michel  dardé  du  fût  central, 
la  décoration  fleurie,  généreuse,  touffue  sans,  prolixité,  des  sur- 
faces ct'dcs  profils.  L'artiste,  tout  en  s'abandonnant  k  son  caprice, 
évitait  le  danger  qui  eût  pu  résulter  de  l'encombrement  des  figures 
et  des  motifs  pour  la  table  dont  elle  est  destinée  k  occuper  le 
centre.  Pratiquement  il  l'ordonnançait  de  façon  à  ce  que  les 
convives  pussent  se  voir  et  converser  par  dessus  ses  déliées  archi- 
tectures. • 

Ce  sont  encore  des  allégories  que  les  deux  candélabres,  mais 
des  .allégories  vivantes,  humaines,  nullement  chimériques.  Les 
métaux  et  les  tissus  forment  ici  respectivement  les  thèmes  fonda- 
mentaux. D'une  part,  rarmuricr  forgeant  une  lame  et  à  ses  côtés 
l'apprenti  ployant  un  acier  fraîchement  trempé  ;  puis,  à  un  degré 
plus  élevé,  l'orfèvre  modelant  un  plat  et  près  de  lui  la  brunissèuse 
finissant  un  coffret  à  bijoux.  D'autre  part  la  dentellière  emmê- 
lant ses  bobines  et  une  jeune  apprentie  travaillant  au  point  de 
Bruxelles;  puis,  à  un  degré  plus  élevé,  le  tapissier  de  haute  lice 
éployant  un  tapis,  et  son  élève  s'appliquant  sur  un  dessin.  Cha- 
cun des  candélabres  élance  un  fût  auquel  s'embranchent  trois 
potences  allégorisant  le  pouvoir  communal  et  fleuronnées  d'iris 
en  volutes,  destinés  à  porter  les  luminaires.  Au  sommet,  pour 
couronnement,  le  métier  primordial  :  le  Fondeur  pour  les  métaux, 
la  Fileuse  pour  les  tissus.  C'est  ici,  d'ailleurs,  comme  pour  la 
pièce  centrale,  un  art  d'imagination  et  de  nature.souple,  gras, 
rythmique,  aux  harmonies  de  lignes  et  de  motifs  savamment 
assortis,  aux  coupes  et  aux  arêtes  concertés  pour  les  brillants  et 
les  matités  alternés  de  métal,  —  un  art  qui  se  délivre  des  préoc- 
cupations d'école  et  s'abandonne  à  ses  impulsions  personnelles, — 
un  art  de  style  à  la  fois  et  de  joli  caprice  où,  pour  un  ensemble 
éminemment  décoratif,  l'orfèvre  et  le  ciseleur  semblent  venir  en 
aide  au  statuaire.* 

L'œuvre  ne  comporte  pas  moins  de  vingt-quatre  figures. 

Elle  fait  honneur  à  l'artiste  qui  l'a  conçue  et  exécutée.  Une  part 
d'éloges  aussi  revient  k  l'architecte  Horta,  l'auteur  des  sobres  et 
élégants  profils  autour  desquels  le  sculpteur  a  jeté  à  profusion  la 
vie  de  ses  groupes  et  de  ses  motifs. 


>  A  LA  MONNAIE 

L'élément  «  province  »  qu'on  a  reproché  parfois  au  théâtre  de 
la  Monnaie,  s'il  sévit  encore,  c'est  en  deçà  de  la  rampe,  dans  la 
salle  qu'attristent  les  vestons  et  les  robes  sombres  des  derniers 
excursionnistes  en  tournée  de  .capitale  au  déclin  des  vacances 
scolaires.  Sur  la  scène,  —  nous  en  jugeons  par  une  représenta- 
tion de  Roméo  à  laquelle  nous  avons  assisté  avant-hier,  —  le 
spectacle  est  vraiment  digne  de  la  renommée  du  théâtre.  «  Est-il 
en  Europe,  nous  demandait,  en  réendossant  son  paletot,  un 
homme  très  compétent,  beaucoup  de  villes  où  l'on  trouve  aclultl- 
lement  un  ensemble  aussi  satisfaisant  ?» 

Cet  être  chimérique,  terreur  des  directeurs  en  gestation  de 
troupe,  le  Ténor,  personnage  coûteux,  encombrant  et  despote,  a 
trouvé  en  M.  Lafargc  une  incarnation  inattendue.  C'est,  chose  si 
rare  qu'elle  en  paraît  invraisemblable,  un  vrai  ténor  qui  n'est 
nullement  Le  Ténor.  Voix  supei*be,  payant  comptant,  jeunesse, 
expression  dramatique,  respect  de  la  musique  qu'il  interprète, 
absence  de  cabotinage,  instinct  du  théâtre,  M.  Lafarge  réunit  un 
ensemble  de  qualités  qui  pourraient  bien,  d'ici  à  peu  de  temps,  le 
mettre  fort  au  dessus  dé  Messieurs  ses  confrères  eu  ténorismc. 


li  y  a  parfois,  enirc  l'artiste  et  le  spcelalcur,  je  ne  sais  quel  cou- 
ranl  magnétique  qui  s'établit  de  prime  abord  et  qui  décide  dé 
l'impression.  Ce  phénomène,  nous  l'avons  constaté  en  écoulant 
M.  Lafarge.  11  n'est  pas  aisé  de  le  définir  et  de  discerner  les  invi- 
sibles liens,  les  fils  lérius  et  délicats  par  lesquels  l'artiste  entre 
ainsi  en  communication  directe  îPt  intime  avec  l'auditeur.  Cola 
lient  à  des  causes  mystérieuses,  qui  ne  sont  ni  le  timbre  excep- 
tionnel de  sa  voix,  ni  le  lajcnl  qu'il  déploie.  Cette  sensation,  on 
la  ressent  quand  se  décèle  en  l'artiste  une  compréhension  spéciale, 
quand  on  devine  sous  le  chanleur,  un  musicien  amoureux  de  son 
art  et  non  de  sa  personne. 

Ce  musicien,  nous  croyons  l'avoir  découvert  en  M.  Lafarge,  et 
nous  pensons  que,  rexpcrionce  scénique  lui  venant,  il  fera  un 
Siegfried  "de  premier  ordre.  De  mémo  que  M.  VanDyck,  avec  qui 
il  a  quelques  affinités  arlisliqncs,  M.  Lafarge  est  admirablement 
taillé  pour  personnifier  les  héros  germains  de  Richard  Wagner, 
les  Lohengrin  et  les  Tristan <  Attendons  et  espérons. 

Juliette,  c'est,  acluellémctot,  M'""'Sybill  Sandcrson,  que  sa  créa- 
lion  A'Esdarmonde  à  Paris  a  brusquement  fait  passer  au  rang 
d'étoile.  Jolie  femme,-  trop  jolie  même  pour  justifier  le  maquillage 
abusif  dont  elle  juge  à  propos  de  se  défigurer,  actrice  élégante, 
douée  d'une  voix  agréable  qu'elle  manie  avec  art,  M<"=  Sandcrson 
a  été  très  sympathiqucment  accueillie  à  Bruxelles.  El^a  daiïs  les 
traits  quelque  vague  ressouvenir  de  la  Patli,  — de  la  PaïTîjeune, 
en  ses  premières  années  de  triomphe  non  ternies  par  l'embon- 
point et  l'américanisme.  Les  yeux,  les  yeux  surtout  ont  une 
extrême  séduction  et  suffiraient,  n'était  le  charme  de  sa  voix,  à 
^fasciner  l'auditoire.  Pourtant,  à  parler  franchement,  le  côté  super- 
ficiel de  la  jolie  femme  l'emporte  sur  le  sentiment  artistique.  On 
sentM""^  Sandcrson  préoccupée  du  geste  à  faire,  on  la  devine  sou- 
cieuse de  la  direction  que  va  prendre  la  traîne  de  sa  robe,  on 
croit  l'entendre  causer  avec  son  partenaire  dans  les  moments  les  . 
plus  pathétiques,  en  attendant  le  moment  de  répliquer.    • 

L'Art  !  L'An  !  L'abnégation  de  soi-même  !  L'absorption  de 
l'artiste  dans  le  rôle!  L'effacement  de  soi-même!  Ce  n'est  guère 
qu'à  Bayreuth  qu'on  trouve  des  chanteuses  capables  de  com: 
prendre' que  le  plus  sûr  moyen  d'être  exaltée,  c'est  de  s'oublier  et 
de  ne  songer  qu'au  triomphe  de  l'œuvre. 

Le  talent  1res  réel  des  deux  interprètes  principaux  de  Roméo  et 
Julielle  paraK  avoir  donné  le  coup  de  fouet  salutaire  à  4ous 
leurs  camarades. 

M.  Badiali  chante  d'une  voix  charmante  le  rôle  de  Mercutio. 
M""*  Archaimbau^j  fait  un  très  joli  page,  élégant  d'allures,,  agréable 
à  écouter.  Frère  Laurent,  le  père  Capulet  ont  la  dignité  et  l'auto- 
rité congrues.  Tous  y  mettent  du  soin,  de  l'animation,  du  zèle. 
On  ferraille  avec  entrain,  on  chante  avec  goût,  et  les  chœurs  ont 
de  l'ensemble  et  de  la  justesse. 

.    Avec  ces  élémenls-lh,  le  théâtre  de  la  Monnaie  peut  compter 
sur  une  campagne  brillante. 


Jeux  i.ivre?  récent? 

Miette  (chez  Savine),  par  M.  Henry  Machel.  ^  Maxime 
(chez  Vos,\  par  M.  Arnold  Gokfix. 

M.  Henry  Maiibel  vient  de  faire  éditer  en  une  plaquette  de  bon 
cl  sobre  goût,  une  nouvelletie  d'un  charme  fin  et  vif.  Le  mol  joli 
pu  plutôt  joliel  serait  à  dire,  ri'élait  la  défavorable  acception  que 


certains  seraient  tentés  de  lui  donner.  Or,  à  voir  comme  M.  Henry 
Matibel  altifç.  son  style  et  le  soin  qu'il  prodigue  à  ne  tailler  quje 
des  phrases  nettes  et  |)restes,  il  ne  nous  conviendrait  pas  de  dimi- 
nuer d'un  adjectif  le  mérite  de  son  livre. 

Lé  taléhl  de  M.  Henry  Maubel  est  délicat,  mince  el  soiiple.  11 
s'attache  à  meiti-e  en  relief  les  menus  faits  de  la  vie,  les  scènes 
quotidiennes  et  vivantes  d'une  réalité  agréable.  Il  conçoit  menu^ 
ifnais  à  quoi  bon  demander  à  un  bibelot  de  se  faire  obélisque?  \\ 
faut  prendre  un  auteur. tel  qu'il  se  veut  el  se  désire  et  se  prouve. 
La  seule  chose  qu'on  puisse  exiger  c'est  le  talent.  M.  Maubel  en 
donne  der,  gages,  à  chaque  chapitre. 

Pour  caracléfiser  plus  nettement  ses.  goûts,  citons  un  passage 
(page  41)  de  son  livre. 

Miette  interroge  un  liebé  a  frêle  avec  ses  grands  yeux  soyeux, 
trop  expressifs  el  des  boucles  blondes  lui  roulant  jusqu'au  bord 
des  paupières  : 

—  Veux-tu  m'embrasser,  lui  dit-elle? 

L'enfanl  qui  ne  savait  pas  encore  bien  comment  faire,, avançait 
la  tête  et  lui  tenait  sur  la  joué  ses  lèvres  enlr'ouvertes. 

—  Qu'il  est  petit,  qu'il  est  mignon. 

—  "Vous  aimez  donc  bien  ce  qui  esl  petit?  demanda  Lucien. 

—  Oh  oui  !  C'csrijien  plus  gentil  el  puis,  comme  j'ai  de  très 
petits  bras  et  un  très,  petit  cœur,  moi,  il  n'y  a  que  les  petites 
choses  que  je  puisse  embrasser  et  aimer  tout  entières.  » 

M.  Maubel  doit  penser  comme  celle  qu'il  fait  parler  si  genti- 
ment. 

A  travers  la  notation  de  rencontres  et  do  promenades  le  récit 
se  poursuit  n'appuyanl  guère,  ne  se. perdant  jamais  en  détails 
inutiles,  les  choisissant  nets  et  typiques.  C'est  une  histoire  toute 
simple  d'amour  :  une  petite  bourgeoise  pas  banale  et  un  bon  mais 
intelligent  garçon  d'amoureux.  Le  lieu  descène?  Une  ville  d'eaux; 
Des  serrements  furtifs  de  mains,  des  mots  qui  font  douter,  des 
demi-aveux,  des  réticences  parfois,  deux  pas  en  avant,  un  en 
arrière;  el  puis  le  départ  sans  que.rien  de  définitif  ne  soit  conclu. 
Mais  un  mariage, esl  possible,  même  probable,  l'année  suivante. 
Cela  dépendra  des  parents,  d'un  oncle  qui  mourra,  des  examens. 
h  passer,  que  sais-je  ! 

M.  Maubel  s'est  proposé,  croyons-nous,  de  traiter  avec  pres- 
tesse et  esprit  la  première  histoire  venue.  Où  il  a  prétendu  s'indi- 
quer artiste,  c'est  dans  les  détails.  On  en  rencontre  de  nombreux 
d'une  prise  sur  le  vif  parfaite.  Exemple?  Dans  la  description  d'in- 
térieur où  des  femmes  travaillent  cl  causent,  il  noie  : 

«  Il  y  eut  un  silence  où  l'on  entendit  les  ciseaux  de  Julielle  qui 
coupait  un  brin  de  laine.  » 

De  telles  observations  minuscules,  mais  choisies,  abondent. 


*  * 


Le  livre  de  M.  Arnold  Goffin  est  aux  antipodes  du  précédent. 
Pensée,  style,  conceplion,  tout  dilTère. 

M.  Goffin,  au  rebours  de  M.  Maubel  qui  croit  au  moins  encore 
en  certaines  joies,  ne  fût-ce  que  celle  des  yeux,  au  bord  de  la 
mer,  ne  fût-ce  que  celle  des  paroles  vives  et  spirituelles  autour 
d'un  amour  joli  de  jeune  fille,  est  un  broyeur  de  noir  convaincu. 
Depuis  son  pfemier  livre,  il  a  tourné  au  Nord  son  art,  et  c'est  en 
des  brumes  et  en  des  froids  et  en  des  neiges  qu'il  le  mène  en 
avant.  Nous  rencontrons  en  M. , Arnold  Goffin  un  penseur  et  un 
artiste.  Tous  les  problèmes  graves  de  la  vie,  il  les  scrute  —  un 
peu  trop,  croyons-nous,  dans  les  livres  —  il  en  nourrit  sa 
réflexion  journalière,  ses  heures  de  soir  tristes  et  ses  jours  de 
voyage.  Il  s'aime  ainsi  :  malade,  morne,  hostile,  et  le  proclame 


l. 


toujours  en  un  même  Ion  mineur.  11  est  l'unique  personnage  de 
ses  œuvres.  André,  Dclzire  Moris,  Maxime  sont  lui.  Au  bout  de 
,  ("haque  chapitre  cl  de  presque  chaque  phrase,  sa  âilhouetlc  passe 
comme  une  ombre  portée  de  ligne  en  ligne. 

D'où  quelques-uns  accusent  i\I.  Goffm  d'élre  plus  encore  que 
triste  et  deuillant  :  monotone. 

Il  est  néanmoins  de  la  plus  stricte  équité  de  constater  que  si  le 
fond  de  ces  différentes  études  repose  sur  des  données  pessi- 
mistes, toujours  les  mêmes,  l'examen  de  conscience  que  dans 
chacune  d'elles  se  fait  M.  Goffîn  est,  de  recueil  en  recueil,  plus 
ûpre,  plus  désolant  et  plus  excessif.  Aussi,  la  manière  de  pré- 
senter le  récit,  l'analyse. mpme  du  personnage  deviennent  elles 
plus  profondes.  Les  détails  purement  ornemenlatifs  s'évanouissent 
pour  ne  laisser  surgir  que  des  chapitres  par  masses  et  par  blocs. 
Si  bien  que  Maxime  apparaît:  une  consiruclion  en  moellons  gris 
que  des  novembres  lourds  étoupont  de  leurs  brouillards. 

Le  personnage,  qui  s'apparente  ^aux  plus  mornes  promeneurs 
des  régions  noires,  à  ceux  qui  s'en  sont  allés  àla  recherche  d'eux- 
mêmes  au  fond  du  désespoir  et  n'y  ont  trouvé  que  des  lambeaux 
de  leur  corp«  suicidé  et  de  leur  ûme,  depuis  longtemps,  par  le 
f;iit  même  de  leur  curiosité,  moi  te  —  fait  songer  à  quelque  Ober- 
mann  plus  moderne  et  plus  silencieux.  Il  fait  partie  de  la  grande 
famille  dont  déjà  tant  de  hauts  types  sont  sortis. 


L'ART  EN  BELGIQUE 

Nous  avons  reçu,  à  l'occasion  de  notre  analyse  de  ce  douloureux 
chef-d'œuvre  de  Tolstoï  :  la  Sonate  à  Kreutzer,  la  stupéfiante  lettre 
que  voici,  dont  nous  garantissons  l'authenticilé.  .Et^l'on  s'éionnc 
jquc  la  Belgique  ne  fasse  pas  à  la  litléralure  la  place  qu'elle  mérite, 
et  que  l'on  discute  pour  savoir  si  Maeterlinck  est  un  grand  artiste 
ou  un  fou.  Vraimeni,  nous  sommes  aux  extrémités  des  terres  civi- 
lisées !  ' 
.  «  Anvers,  1«  octobre  1890. 

«   A  l'administration  GÉNÉRALE  DE  r^)7WJ0rfenj^, 

Bruxelles. 

«  J'ai  abonné  ma  fille,  M"«  ....,  artiste  peintre,  à  votre  publi- 
cation hebdomadaire.  Je  viens  vous  prier  d'en  supprimer  l'envoi, 
.  dès  à  présent. 

n  Votre  numéro  de  dimanche  dernier,  heureusement  reçu  par 
moi  en  l'absence  de  ma  femme  et  de  ma  fille,  contient  une  critique 
absolument  scandaleuse  sur  la  Sonate  à  Kreutzer.  Ne  vous  sem- 
ble-t-il  pas  que  l'analyse  des  œuvres  d'art  pornographiques  ne 
devrait  pas  trouver  place  dans  des  revues  destinées  h  être  lues 
par  des  dames  et  des  jeunes  filles? 

«  Qui  pourrait  se  douter  que,  sous  un  titre  en  apparence  aussi 
inoffen''if  que  le  vôtre,  de  pareils  articles  pussent  être  publiés! 
11  ne  faut  pas  être  collet-monté  pour  s'en  étonner  ! 

«  Agréez,  Messieurs,  mes  civilités  empressées.  ». 


C'est  une  série,  en  six  colonnes,  de  coups  traîtreusement  por- 
tés ;  et,  sur  la  plaie,  immédiatement,  la  même  main  colle  un  cata- 
plasme :  Vlan  !  —  Ploc  !  ^—  Exemples  : 

«  L'art  subtil  et  net  de  M.  Maurice  MaeterlincJi  est  d'jlvoir  prêté 
du  charme  'Hfdu  tragique  à  des  scènes  si  peu  vivantes,  à  des  êtres 
si  indistincts,  à  des  sentiments  si  peu  profonds.  » 

«  Ce  drante  embryonnaire,  de  réalité  nulle  et  d'humanité  vide, 
arrive  au  saisissant  et  au  délicieux  par  sa  naïveté  savante.  » 

«  C'est  saisissant  de  naïveté,  si  vous  voulez,  et  d'un  pathétique 
simple  et  terrible.  Mais  si  ce  n'était  pas  fait  avec  conviction,  et 
avec  des  intentions  profondes,  ce  pourrait  être  du  sublime  bien 
aisé,  et  un  moyen  bien  puéril.  » 

,  M  M.  Maeterlinck  évite  tout  le  poncif  des  réflexions  et  dos 
discours  des  gens  très  affligés.  11  ne  risque  pas  de  faire  des  phrases 
déclamatoires,  ni  dos  morceaux  fâcheusement  ('loqu.ents,  puisqu'il 
n'en  fait  pas  du  tout.  » 

«  C'est  un  mérite  assez  glorieux  d'avoir  animé  et  rendu  origi- 
nal, par  sa  forme  rare  et  ses  images  neuves,  un  drame  sans  huma- 
nité, sans  passion  et  sans  vie.  » 

Ne  diraii-on  pas  un  vieux  Bcllac  qui,  pour  tenter  de  masquer 
sa  mauvaise  haleine,  suce  des  pastilles  parfumées,  et  à  chaque 
parole,  vous  envoie  aux  narines  un  mélange  d'air  gâté  et  de 
patchouli.  . 

Récemment  quelqu'un  nous  écrivait  à  propos  de  Maurice  Mae- 
terlinck :  «  Il  paraît  que  V Indépendance  veut  lui  faire  amende 
honorable.  Je  soupçonne  un  repentir  spécial  et  une  amônde  hono-  . 
rable  dans  le  genre  de  celle  que  fit  Judas  en  jetant  les  trente 
deniers  au  milieu  du  Sanhédrin  ». 

Il  y  a  aussi  cette  phrase  épatante  à  propos  des  autres  œuvres  du 
poète  gantois  :  - 

«  Il  parait  q'ue  M.  Maurice  Maeterlinck  a  d'autres  drames,  les 
Aveugles,  l'Intruse  et  de  petits  poèmes  intitulés  :  Serres 
Chaudes  ».','/  s 

Et  des  observations  désopilantes  comme  celle-ci  : 

«  Tour  exprimer  l'horrenr  de  la  guerre,  on  nous  montra; 
Maleine  et  sa  nourrice  regardant,  de  la  tour  oC»  elles  sont  enfer- 
mées, tout  le  pays,  et  voici  ce  qu'elles  se  disent,  la  nourrice 
répétant  à  son  tour  les  trois  phrases  de  sa  maîtresse  :  «  Il  n'y  a 
plus  de  maisons  le  long  dos  routes!  — Il  n'y  a  plus  de  clochers 
dans  Ma  campagne! , —  11  n'y  a  plus  de  moulins  dans  les  prai- 
ries! »  —  Ce  n'est  pas  vrai,  car  il  n'y  a  pas  de  guerre  qui 
détruise  en  quelques  jours  toutes  les  maisons,  tous  les  clochers, 
tous  les  moulins  /.'.'  » 

C'est  à  des  critiques  de  celte  valeur  que  notre  littérature  natio- 
nale est  livrée.  Oh  !  pauvre  martyre  jetée  dans  le  cirque! 


GRITIQIË  LITTËRAIRE  BEL( 

A  voir  dans  l'Indépendance  belge  de  jeudi  dernier  un  feuilleton 

sur  la  Princesse  Maleine.  Un  chefd'œuvre  de  duplicité /itié- 

rairc  ! 

Je  suis  oiseau,  voyez  mes  ailes  ! 

Je  suis  soiiris,  vivent  les  rats! 


/■■  ■pHRONIQUE -JUDICIAIRE    DE^    ^RT? 

M.  Gounocl  en  justice. 

Un  assez  curieux  procès  doit  être  plaidé  ces  jours-ci  à  Paris. 
Un  imprésario  américain  avait  engagé  l'auteur  de  Faust  pour  une 
tournée  aux  Etats-Unis  aux  appointements  de  un  million  de 
francs,  plus  les  frais  de  voyage,  aller  et  retour,  frais  de  séjour  (t 
d'hôtel  pour  lui,  pour  une  autre  personne  à  désigner  et  pour  un 
domestique.  M.  Gounod  s'engageait  pour  celte  somme  à  diriger, 
eomme  chef  d'orchestre,  soixante  exécutions  de  ses  œuvre*!.  La 
tournée  devait  se  faire  en  quatre  mois  chi  26  octobre  1890  au 
25  février  1891.  r-  . 


326 


LART  MODERNE 


r 


Les  conditions  ainsi  arrêtées,  M.  Gounod  envoya  un  agent  en 
Amérique,  avec  une  autorisation  de  traiter  en  son  nom. 

L'agent  partit  dans  le  courant  de  mars  cl  revint  à  Paris  le 
{**  juin,  après  avoir  préparé  la  tournée  dans  les  principales  villes 
de  TAmérique  du  Nord. 

Le  2S  juin,  le  contrat  était  signé;  le  9  juillet,  l'imprésario 
s'emlMrquait  pour  venii'à  Paris  déposer,  à  titre  de  profvision,  une 
somme  de  500,000  francs  chez  un  banquier  désigné  par 
M.  Gounod  cl  pour  lui  remettre  k  lui-même  100,000  francs  à  titre 
d'avance,  plus  une  autre  somme  de  i  00,000  francs  pour  un 
orcheistre  à  engager. 

Le  14  juillet,  M.  Gounod  déclara  qu'il  se  désistait  pour  motifs 
de  santé;  le  4  août,  il  y  eut  sommation  d'huissier. 

L'imprésario,  tenant  pour  boiv  l'engagement  du  maître,  lui  en 
réclame  l'exécution  sous  peine  de  dommages-intérêts. 


^^^^TITÉ    CHROf^iqUE 


Un  de  nos  collaborateurs  a  reçu  hier  de  M.  Antoine,  directeur 
du  Théâlrc-Libre,  le  télégramme  suivant  :  «  Ami,  vous  qui  con- 
naissez Maeterlinck  dont  je  n'ai  pas  l'adresse,  voulez-vous  lui 
demander  de  ma  part  ses  Aveugles  pour  le  Théâtre-Libre.  Il  peut 
être  tranquille  comme  mise  en  scène,  Nous  jouerons  la  pièce  cet 
hiver  au  théâtre  du  Parc  après  la  première  de  Paris. 

«  Amitiés  à  loutile  monde.  ^    . 

«  Votre 
«  Antoine.  » 

Nous  félicitons  le  directeur  du  Théâtre-Libre  de  son  intelligente 
initiative  et  nous  réjouissons  de  voir  à  la  scène  le  superbe  drame 
de  notre  ami. 

Maurice  Maeterlinck,  que  le  reportage  assiège  danis  sa  paisible 
retraite  de  Gand,  et  qui  y  recevait  ces  jours-ci  deux  reporters  du 
Gaulois^  est  parti  chercher  un  abri  dans  un  coin  dé  l'Angleterre.  Il 
sait  ce  que  vaut  l'engouement  de  pacotille  en  lequel  la  chroni- 
quaille  nàonnoyc  les  loui:»  d'or  d'Octave  Mirbeau. 

Vendredi  dernier,  le  vingliste  Robert  Picard,  milicien  de  la 
levée  de  1890,  qui  avait  reçu  lundi  ordre  de  rejoindre  son  régi- 
ment, est  parti  pour  Malines  où  se  trouve  le  dépôt  dés  grenadiers. 
Après  équipement,  le  jeune  peintre,  ramené  avec  ses  camarades, 
les  autres  conscrits  de  cette  année,*>  Bruxelles,  caserne  Sainte- 
Elisabeth,  y  cojnmcncera  bravement  son  service  personnel  de 
trente  mois.  Avis  et  exemple  aux  gandins,  goAimeux,  grelolteux, 
cartonneux,  pschutteux,  beaux  fils  et  autres  «  jeunes  gens  d'ave- 
nir »  qui  se  font,  très  lâchement,  remplacer. 

Le  secrétariat  de  l'Opéra  de  Paris  informe  le  public  qu'il  ne 
reçoit  plus  de  demandes  pour  la  reprise  de  Sigurd  demain  lundi. 
On  devra  s'adresser  directement  au  bureau  de  location.  D'après  le 
nombre  des  demandes  reçues  depuis  un  mois,  on  peut  affirmer 
qu'elle  aura  tout  l'éclat  d'une  très  brillante  première.  C'est 
M"*  Bosman  et  la  grande  et  toujours  regrettée  Rose  Caron  qui^\. 
tiennent  les  principaux  rôles  de  femmes. 

i. 

M.  Aodré  Messager  est  venu  cette  semaine  k  Bruxelles,  pour 
prendre,  de  commun  accord  avec  la  direction  *du  théâtre  de  la 
Monnaie,  les  derhières  dispositions  au  sujet  des  représentations 
de  la  Basoche.  W*^  Nardi  chantera  le  rôle  de  Colette^  M.  Badiali 
celui  de  Clément  Marot,  rôles  quo  les  deux  artistes  ont  interprétés 


cet  été  &  Aix-les-Bains  avec  beaucoup  de  succès.  M"'  Carrère  est 
chargée  du  personnage  de  lahfieine  et  M.  Chappuis  personnifiera 
le  Duc  de  Longueville.  Nul  doute  qu'avec  cette  distribution,  com- 
posée des  meilleurs  éléments  de  la  troupe  d'opéra-comiquo, 
la  Basoche  reçoive  une  interprétation  de  premier  ordre. 

L'ouvrage,  dont  les  chœurs  et  la  partie  symphonique  ont  un 
assez  grand  développement  et  qui  exige  des  études  nombreuses, 
ne  passera  qu'eh  décembre. 

Léon  Bloy,  renvoyé  par  OU  Blas  pour  propos  blasphématoires 
contre  le  gros  Sarcey  et  autres  pontifes,  vient  de  publier  un  nou- 
veau livre  :  Christophe-Colomb  devant  les  taureaux.  Il  préparc 
également  Belluaires  et  Porchers,  pour  être  lancé  vers  la  fin  de 
Tannée,  et  Prostituée,  pour  l'an  prochain.  Les  esthètes  attendront 
impatiemment  ces  céuvres  de  l'homme  de  génie  qui»a  inventé 
les  plus  puissantes  formules  imprécatoires  dont  ait  jamais 
été  foudroyée  rimbécillité  humaine. 

Camille  Lemonnier  tr&vailie  à  un  roman  qui  décrit  les  stades 
de  la  famille  bourgeoise  belge  conteraporainé,  et^  peut-être  de 
toutes  les  familles  bourgeoises  de  ce  siècle  :  celui  qui  la  fonde, 
sorti  de  la  masse  populaire, —  celui  qui  l'enrichit,  il  moitié  pris  déjà 
dans  l'artificiel  des  habitudes  bourgeoises,  mais  encore  assez  rus- 
tique de  corps  et  d'âme  pour  résister,  —  celui  qui  la  ruine,  oisif 
et  prodigue,  —  celui  qui  l'achève  dans  la  décadence  du  luxe»  du 
vice  ou  de  la  maladie  :  phthisique,  alcoolique,  épileptique,  dia- 
bétique gâteux  ou  fripon.  Pareille  œuvre,  si  elle  est  réussie,  sera 
superbe  et  terrifiante.  Quel  miroir  pour  cette  bourgeoisie  qui  s'en 
va  !  A  remarquer  que  ce  n'est  pas  là  le  phénomène  d'hérédité,  un 
peu  usé  en  littérature,  mais  un  phénomène  autrement  neuf  dans 
son  observation  et  significatif  :  l'inévitable  décadence  des  souches, 
même  les  plus  fortes  et  les  plus  saines,  dans  la  vie  fausse,  égoïste 
et  inique  des  classes  dites  dirigeantes  parce  qu'elles  ne  dirigent 
rien  du  tout.  Cela  est  propre  à  notre  siècle.  Il  est  curieux  que 
lorsqu'on  observe  une  de  nos  familles  bourgeoises,  on  n'en  trouve 
pour  ainsi  dire  aucune  qui  remonte  à  plus  de  quatre  générations. 
On  l'avait  déjà  remarqué  pour  Paris.  Et  presque  toujours  celles 
qui  ert  sont  à  la  troisième,  donnent  les  signes  indiscutables  de 
leur  anéantissement  j)rochain  par  la  mort,  la  folie,  la  stérilité,  la 
maladie  ou  l'immoralité. 

A  admirer,  dans  tous  nos  journaux,  sans  exception,  les  beautés 
de  la  littérature  électorale.  Ce  qu'on  y  lessive  de  linge  sale,  ce 
qu'on  y  charrie  de  tombereaux  de  bêtises,  ce  qu'on  y  distille  d'or- 
dures, ce  qu'on  y  brasse  de  banalités,  confond  l'imagination.  Pré- 
sentement, les  esprits  les  plus  distingués  y  ratiocinent  en  mania- 
ques :  tel  notamment  ce  brillant,  ce  profond,  ce  superbe  écrivain 
Victor  Arnould,  qui,  après  .ses  admirables  articles  sur  le  Congo, 
le  Congrès  de  Liège,  le  mouvement  ouvrier,  évacue  d'horribles 
choses  sur  les  byzantinades  de  l'Association  libérale  et  de  la  Ligue. 
C'est  à  en  pleurer. 

Le  numéro  de  septembre  de  la  Wallonie,  cette  très  intéres- 
sante, très  vivante  et  très  artistique  revue  mensuelle  de  littéra- 
ture et  d'art,  règle  en  ces  termes  ce  qu'elle  nomme  itn  petit  compte 
avec  la  Jeune  Belgique  •*  «  Bien  que  nous  l'aimions  beaucoup 
malgré  certaines  algarades,  nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de 
trouver  un  peu...  exagérées  ses  prétentions  de  capitan  littéraire. 
Elle  sait  aussi  bien  que  nous  que  jamais  nous  n'avons  toléré  sa 
férule  et  que  si  elle  est  «  à  la  tête  du  mouvement  d'Art  en  Bel- 
gique »,  en  ce  cas  nous  n'en  faisons  pas  partie.  Nous  fûmes  tou- 


7 


.,■   / 


jours  et  nous  sommes  encore,  croyons-n'Ous,  parfuilement  indé- 
pendants. Ceci  sans  la  moindre  mauvaise  humeur,  maisrpour 
qu'il  ne  puisse  être  dit  que  par  notre  silence  nous  admettions 
comme  vérités  des  rodomontades  un  peu  surannées  ».  —  Quelle 
drôle  de  chose  que  cette  perpétuelle  querelle  pour  savoir  «  qui 
est  à  la  télé  du  mouvement  d'art  en  Belgique  ».      ' 

Ohé!  Rops,  Lemonnier,  Rodenbach,  Wiïder,  Stapleaux  et 
autres  !  Encore  un  exilé  volontaire  !  On  lit  dans  la  Nation  ;  «  On 
se  rappelle  le  bruit,  du  reste  flatteur,  fait  autour  de  M.  Georges 
Dwelshauvers,  lorsqu'il  y  a  quelque  temps  il  demanda  à  défendre 
^  l'Université  libre  de  Bruxelles  une  thèse  philosophique  qui  fut 
trouvée  trop  avancée.....  Il  vient  de  partir  pour  Leipzig,  où  il 
pourra  continuer  ses  études  et  poursuivre  ses  travaux  sans  être 
en  butte  aux  diificuUés  que  suscitent  ici  à  tout  esprit  scientifique 

les  préjugés  sectaires Nous  sommes  heureux  d'apprendre  à 

nos  lecteurs  que  M.  Georges  Dwelshauvers  sera  à  Leipzig  le  cor- 
respondant régulier  de  la  Nation.  Cet  esprit  si  net,  si  vif,  et 
d'une  observation  si  pénétrante,  nous  donnera  la  vérité  exacte  sur 
le  mouvement  social,  littéraire,  artistique,  scientifique  allemand 
qui  a,  à  Leipzig,  son  véritable  centre  ». 


A  propos  d'une  demande  adressée  au  ministère  par  le  jury  de 
l'Exposition,  à  l'effet  d'être  autorisé  h  fermer  le  Salon  pendant 
quelques  jours,  afin  d'opérer  un  remaniement  des  toiles,  un 
journal  écrit  :  «  11  est  de  toute  évidence  qu'on  ne  peut,  dans  un 
remaniement,  donner  de  meilleures  places  à  ceux  qui  en  ont  de 
mauvaises,  qu'en  donnant  de  mauvaises  places  à  ceux  qui  en  ont 
de  bonnes.  Nous  défions  qu'on  trouve  une  autre  solution  dë^la 
question.  La  place  qu'occupe  chaque  objet  admis  au  Salon  et 
placé  par  le  jury  en  fonctiouj  avant  d'être  réglementairement 
dissous,  constitue  un  droit  acquis,  une  possession  temporaire 
dont  la  clôture  du  Salon  amènera  seule  le  terme.  Non  seulement 
lcs(  artistes  dépossédés  des  places  occupées  par  leurs  œuvres 
feraient  entendre  de  vives  réclamations,  mais  il  pourrait  bien  s'en 
trouver  qu'un  sérieux  mécontentement  pousserait  à  intenter  une 
„  action  judiciaire  à  qui  de  droit,  à  la  commission  directrice  ou 
même  au  gouvernement  responsable  en  dernier  ressort  ». 

Allons  donc  !  Cela  n'a  aucune  importance.  Qui  s'occupe  encore 
de  ce  Salon  calafalquaire?  On  mettrait  toutes  les  toiles  le  bas  en 
haut,  que  personne  ne  s'en  apercevrait.  Il  n'y  va  plus  un  chat. 

Toujours  la  contrefaçon  belge.  C'est  la  Jeune  Belgique  qui  la 
}  dénOniuo  :  «  Une  cofticidence  curieuse  h  signaler  à  M.  Paiil  Adam. 
Dans  une  chronique  de  Gïl  Blas,  intitulée  Uji  cas  de  conscience, 
M.  Oscar  Mélénier,  un  de  ceux  dont  M.  Camille,  Lemonnier 
«  mange  la  brioche  »,  réédite  trait  pour  trait,  dans  ses  détails 
,  circonstanciels,  la  petite  aventure  conjugale  que  M.  Henry  Maubei 
a  mise  en  scène  et  publiée  sous  ce  titre  :  Une  mesure  pour  rien. 
Notre  ami  s'est  hâté  de  faire  connaître  cette  coïncidence  avec  les 
documents  à  l'appui  au  chroniqueur  intéressé  qui  jusqu'ici,  ne  lui 
à  pas  fait  parvenir  ses  remerciemcnis.  » 


Un  premier  volume  de  la  deuxième  série  du  «  Journal  des  Con- 
court »,  Mémoires  de  la  Vie  littéraire,  vient  de  paraître  chez 
Charpentier.  (Pour  la  première  série,  vQir  l'Ai't  moderne,  1887, 
page  361).  C'est  1870-'f871,  l'année  terrible,  contée  par  le 
frère  survivant,  Edmond.  La  guerre,  le  siège,  la  Commune,  dans 
leurs  infiniment  petits  événements,  ceux  que  perçoit  le  flâneur 


dans  80n  horizon  restreint.  Peu  de  grandeur,  beaucoup  de  raffi- 
nemenis.  Et  la  triste  impression  des  dîners  chez  Brébant,  où  l'au- 
teur et  quelques  roués,  s'obstinent.  Renan  en  était.  ,Un  soir  les 
passants  leur  crièrent  :  «  A  bas  le  lupanar!  Eteignez  le  gaz!» 
El  ces  gourmets  durent  l'éteindre.  On  sait,  qu'après  la  capitula- 
tion, ils  décernèrent  élourdimenl  au  marchand  de  fricots  qui  les 
avait  traités,  une  médaille  de  reconnaissance!  Oh!  le  défaut  de 
sens et  de  cœur  des  grands  hommes  ! 


Edmond  Déman,  l'érudit  bibliophile,  vient  de  dresser  le  cata- 
logue de  livres  rares  et  curieux  de  la  Bibliothèque  Renier  Chalon; 
2,455  numéros!  A  côté  dés  savantes  recherches  que  démontrent 
son  étude  sur  les  Testaments  de  Mons  et  ses  Nugœ  difficiles, 
rappelons  à  cette  occasion  ce  petit  chef-d'œuvre  de  fantaisie  et 
d'érudition  bibliographiques^  publié  pour  la  première  fois  en  1840 
et  resté  célèbre  dans  les  annales  de  la  bibliophilie  sous  ce  titre  : 
Catalogue  d'une  très  riche  mais  peu  nombreuse  collection  de  livres, 
provenant  dfi  la  bibliothèque  de  feu  M.  le  comte  J.-N.-A .  de 
Fortsas, — mystification  qui  fit  accourir  en  Belgique,  h  une  vente 
imaginaire,  les  savants  du  monde  aryen  tout  entier.  Nous  signa- 
lons (n«»  778  à  902)  les  Facéties,  et  les  Ouvrages  singuliers  et  dis- 
sertations singulières  ,  plaisantes  et  enjouées  sur  différents 
si/;e/s  (no»  903  à  967).  En  voici  quelques  échantillons  : 

898.  Mercier  de  Compiègne.  Eloge  du  pet.  —  Eloges  du  pou, 
de  la  boue  et  de  la  paille.  —  Eloge  de  quelque  chose,  suivi  de 
l'éloge  de  rien.  Paris,  an  VII,  trois  ouvrages  en  un  vol.  in-16, 
frontisp.,  rél.  v.,  dos  orné.  Ir.  jasp. 

902.  L'Art  DE  F...  Essai  théori-physique  et  méthodique.  En 
Wesiphalie, FI.  Q.*,  1775,  in-8»,  grav.,  broché,  etc.;  ens.  14  vok^ 
ouvr.  scatologiques,  inv8°  et  in-12,  rel.  et  cart. 

967.  Commode (B"").  Manuel  consolateuç  des  cocus.  Cornopolis, 
imprimerie  de  l'Encorné,  s.  d,,  in-12,  grav.  broché.  On  a  joint  : 
Dissertation  surles  origines  du  moi  cocu.  Blois,  1835., —  Le 
R.  P.  Cornutus  à  tous  les  cocus.  A  Cornevillc,  9781.  (Ex.  sur 
papier  jaune).  —  Sermon  pour  la  consolation  des  cocus.  Rouanne, 
1833;  ens.  4  \o\.,  in-12,  fig.,  brochés^' 

Les  vacations  se  tiendront  du  20  au  31  octobre,  à  2  1/2  heures, 
chez  Edmond  Deman,  14,  rue  d'Arenberg,  îi  Bruxelles. 

Par  VuRGEY  (F.).  Le  Salon  de  4890.  Exposition  triennale  des 
Beaux-Arts  de  Bruxelles.  Bruxelles,  Istace.  Brochure  in-8"  de 
80  pages.  Prix  :  1  fr.  50. 

L'auteur  dit  :  «  Si  la  torche  que  j'allume  â  la  rechetthe  d'un 
•  chef-d'œuvre  dans  l'obscurité  du  Saloin  brille  d'un  faible  espoir, 
son  feu  peut  être  purificateur.  C'est  sans  enthousiasme  comme 
sans  pegrel  que  j'obéis  à  la  traditionnelle  habitude  qu'invétcre  en 
moi,  en  dépit  des  productions  modernes,  la  certitude  d'une  réno- 
vation esthétique.  Ma  confiance  entretient  ma  patience  et  l'agonie 
du  Beau  m'est  garante  de  sa  résurrection...  Convaincu  de  la  puis- 
sance du  Verbe,  je  pre^fee  le  tube  de  l'Idée  sur  les  palettes  mortes. 
Si  ma  couleur  reste  inemployée,  au  moins  permet-elle  la  classifi- 
cation de  la  horde  des  peintres  par  l'élévation  des  artistes,  eu 
dehors  des  pàrquages  conventionnels  où  croupit  la  critique 
d'art.  »  (!?!),  '      .      " 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


LIGNE   D'OSTENDE-DOUVRES 


Ïm  plus  courte  et  la  moins  coûteuse  des  voies  extra-rapides  entre  le  Coatinent  et  TAj^gleterre 


Bruxelles  à  Xiondres  en  . 
Cologne  à  Londres  en  . 
Berlin  à  Londres  en  .    . 


S    heures. 
20 


Vienne  â  Londres  en. 
Bftle  à  Ladres  en.  . 
Milan  à  Londres  en  . 


36  heures. 
20      - 
32      » 


XROiis  ise:r vice:i^  i^Awt  jour 


D'Ostende  à  5  h.  15  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  31  soir.  —  De  Douvres  à  midi  05,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir.  . 

xr^Te:risêe:  e:iv  xroii^  heiureis 

PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS 

Princesse  Josépbine,  Princesse  Henriette,  Prince  AlJiert,  La  Flandre  et  Ville  de  Douvres 

partanrJOTtnwHement  tfOSTENDE  à  5  h.  15  matin  et  11  h.  10  matin;  de  DOUVRES  à  mi4i  05  et  10  h.  15  soir. 

Salons  luxueux.  —  Fumoirs.  —  Ventillation  perfectionnée.  —  Éclairage  électrique.  —  Restaurant. 

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et  eiitre  LONDRES   ou  DOUVRES  et  toutes  iea  grandes  villes  de  l'Europe. 


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Supplément  de  2«  en  l'"  classe  pur  le  bateau,  fr.  2-35 
CABINES  PARTICULIÈRES.  —  Prix  :  (en»sus  du  prix  de  la  l'"  classe).  Petite  cabine,  7  francs;  Grande  cabine,  14  francs. 

JL  6ord  des  ma//«s  :  Princesse  Joséphine  et  Pr^cesse- Henriette 
Spécial  cabine,  28  francs;  Cabine  de  luxe,  75  francs. 

Pour  la  location  à  l'avance  s'adre$ser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  (Quai)  ou  à  l'Agence  des  Chemins  de  fer  dé  V État-Belge 
Northumberland  House,  Strond  Street,  n"  17,  à  Douvres. 

Excursions  à  prix  réduits  de  50o/o,  entre  Ostende  et  Douvres,  tous  les  jours,  du  l«i^  juin  au  30  septembre. 
Entre  les  principales  villes  de  la  Belgique  et  Douvres,  aux  fêtes  de  Pentecôte  et  de  l'Assomption. 
AVIS,  —  Buffet  restaurant  à  bord.  —  Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  —  Accostage  à  quai  vis-à  vis  des  stations  de  chemin  de 
fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits).  —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  —  Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  VEscploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  l'Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  V Etat-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n°  53,  à' Londres,  à  V Agence  de  Chemins  de  fer 
de  VÉtat,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vranchen,  Dpmkloster,  no  1,  à  Cologne. 


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LIÏRES  ANCIENS  ET  MODERNES 

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provenant  do  la  succession  de  feu  M.  Renier  CIIALON.  La  vente 
auva  lieu  le  lundi  20  octobre  et  dix  jours  'suivants,  à  2  d/2  heures 
précises,  au  domicile  et  sous  la  direction  ^e  M.  E.  Deman,  libraire- 
expert,  rue  d'Arenbcrg,  n»  14,  à  Bruxelles,  chez  qui  le  catalogue  est 
en  distribution. 

Exposition  chaque  jour  de  vente,  de  9  heures  à  midi. 


JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 
;•—  Bibliographie.  ^ Législation.  —Notariat. 

HUTIKME  ANNÉE. 

Abonnements  1  ^r'e''ï"«'iV'^*"<=?P«'"«n- 
(  étranger,  23         id. 

Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 


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PIANOS 


BRUXELLES    . 
rue  Thérésienne,  6 


td^lL  GUNTHER 

Paris  1867, 1878, 1"  prix.  --  Sidney,  seuls  1"  et  2«  prix 
EZPOSITIOIS  ilSTERDil  1883,  ilTERS  1885  DIPLOIE  O'IOIIEVB. 

Breitkopf  et  Hftrtel,  éditeurs,  Leipzig-BruzelleNS 


TRAITÉ  PRATIQUE  DE 

COMPÛSITiON  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  l'harmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnéo  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pour  piano  par  J.-G.  Lobé. 

Traduit  de   l'allepaand  (d'après   la  5^  édition)   par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-S».  Prix  :  broché,  10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livras  dans  lequel  l'auteur  a  cherché  à  remplacer  l'étude  pure- 
ment théorique  et  abstraite  de  l'harmonie  par  des  exercices  pratiques 
de  composition  libre,  fut  accueilli,  dès  son  apparition,  par  une 
faveur  marquée.  La  présente  traduction  mettra  le  public  français  à 
même  d'apprécier  un  des  ouvrages  d'enseignement  musical  les  plus 
estimés  en  Allemagne. 


BruxeUes.  —  ïmp.  V  Wo.nnoji,  32,  rue  de  llndustiie. 


\ 


Dixième  année.  —  N°  -12. 


Le  numéro  :  25  çejstimes. 


Dimanche  10  Octobre  1890. 


MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DI  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  »  Octave  M^US  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un  an,   fr.   10.00  ;  Union  postale,    fr.    13.00.    —  ANNONCES  :    On  tr/ite"à   forfait 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de;  l'Art.  Moderne,  rue  de  Plndustrie,  26,.  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


MÉTEMPSXCUpSE     DE     ROMANCIER.     Ltt    BlèVrC.     —     Au    SaLON     DE 

Bruxelles.  Le  coin  des  négligés.  — ■*  Musicologie.  Parsifal.  — 
L'orthographie.  —  Le  Claque-Dents,^  par  Louise  Michel.  —  La 
VENTE  Renier  ChalonJ  -^  Petite  chronique. 


MÉTEPSÏCHOSE  DE  ROMANCIER 


A  propos  des  Vieux  quartiers  de  Paris.  —  La  Bièvre,  jwr 
J.-K.  HuYSMÀNS,  Paris,  L.  Genonceaux,  1890,  petit  ia- 4°,  43  p., 
avec  23  dessins  et  un  autographe  de  l'auteur.        ,     - 

J.  K.  Huysmansf  Que  de  souvenirs  littéraires!  et, 
parmi  eux,  surgissant  en  tour  aiguë,  ARebours!  (1). 

En  rade,  A  vau-l'eau.  En  ménage  :  études  tour- 
nantes, tranchantes,  cruelles,  comme  des  moulins  à 
rasoirs  dans  le  tube  ténébreux  des  oubliettes,  hachant, 
€n  leur  chute,  les  âmes  désillusionnées,  et  pourtant  amè- 
rement satisfaites  de  leur  pantelante  douleur. 

Le  voici  qui  délaisse  la  forme  romancière,  et  devient 
~^escriptif.  Les  vieux  quartiers  de  Paris!  D'abord  la 
Bièvre,  et  annoncé  :  Saint-Séverin.  La  Bièvre,  celle 
d'aujourd'hui,  écrouée  dans  les  inteisïiinables  geôles  des 
égouts,  dans  des  tunnels,  sortant,  juste  pour  respirer, 
de  terre,  au  milieu  des  pâtés  de  maisons  qui  l'écrasent  ; 

(1)  Voir  rAri  moderne  1884,  pages  225,  233  et  266. 


avec,  contre  elle,  une  recrudescencei  d'âpreté  au  gain, 
un  abus  de  rage  qui  opprime  l'agonie  de  ses  eaux,  la 
chassant,  la  traquant,  l'exterminant,  épuisant  ses  der- 
nières forces  pour  l'industrie  du  cuir  tanné,  étouffant 
ses  derniers  râles  jusqu'à  ce  que,  prise  de  pitié,  la  Ville 
intervienne  et  réclame  l^  morte,  qu'elle  ensevelit,  sous 
le  boulevard  de  l'Hôpital,  dans  la  clandestine  basilique 
d'un  gigantesque  collecteur. —  — 

Quels  coups  de  pinceau  descripteurs  !  Ainsi  parle  le 
grand  Imaginatif  artiste  qui,  même  quand  il  saisit  intel- 
lectuellement la  réalité  visible  et  tangible,  en  eîcprime 
des  sucs  qui  n'en  jailliraient  pas  sous  des  doigts  moins 
puissants.  Et  il  achève  par  cet  adorable  pastel,  matière 
de  l'autographe  de  lui  qui  orne  ce  livre,  d'une  petite 
écriture  droite,  active,  verraiculaire  en  ses  tortille- 
ments, à  ratures  et  reprises  rares,  courant,  courant 
telle  qu'ui^myriapode,  et  clôturée  par  la  signature  mon- 
tante (celle  des  orgueilleux)  par  laquelle  s'exprime  et  se 
révèle  aux  attentifs,  l'âme  compliquée  du  grand  artiste  : 

«  Et  pourtant,  combien  était  différente  de  cette 
humble  et  lamentable  esclave^  l'ancienne  Bièvre  !  Ecclé- 
siastique et  suzeraine,  elle  longeait  le  couvent  des  Cor- 
delières, traversait  la  grande  rue  Saint-Marceau,  puis 
filait  à  travers  prés  sous  des  saules,  se  brisait  soudain, 
et  devenue  parallèle  à  la  Seine,  descendait  dans  l'enclos 
de  l'abbaye  Saint- Victor,  lavait  les  pieds  du  vieux  cloî- 
tre, courait  au  travers  de  ses  vergers  et  de  ses  bois,  et 


se  prépipitait  dans  le  fleuve,  près  de  la  porte  de  la  Tour- 
nelle. 

«  Liserant  les  murs  et  les  tours  de  Paris  où  elle 
n'entrait  point,  elle  jouait,  çà  et  là,  sur  son  parcours, 
avec  de  petits  moulins  dont  elle  se  plaisait  à  tourner  Içs 
roues;  puis,  elle  s'amusait  à  piquer,  la  tête  en  bas,  le 
clocher  de  l'abbaye  dans  l'azur  tremblant  de  ses  eaux, 
accompagnant  de  son  murmure  les  oiticesiet  les  hymnes, 
réverbérait  les  entretiens  des  moines  qui  se  prome- 
naient sur  le  bord  gazonné  de  ses  rives.  Tout  a  disparu 
sous  la  bourrasque  des  siècles,  le  couvent  des  Corde- 
lières, l'abbaye  de  Saint-Victor,  les  moulins  et  les 
arbres.  Là  où  la  vie  humaine  se  recueillait  dans  la  con- 
templation et  la  prière,  là  où  la  rivière  coulait  sous 
l'allégresse  des  aubes  et  la  mélancolie  des  soirs,  des 
ouvriers  affaitent"  des  cuirs,  dans  une  ombre  sans 
heures,  et  plongent  des  peaux,  les  «  chipent  »,  comme 
ils  disent,  dans  les  ciîVes  où  marinent  l'alun  et  le  tan; 
là,. encore,  dans  de  noirs  soutei*rains  ou  dans  des  gorges 
resserrées  d'usine,  l'eau  exténuée,  putride. 

«  Symbole  de  la  misérable  condition  des  femmes  atti- 
rées dans  le  guet-apens  des  villes,  la  Bièvre  n'est-elle 
pas  aussUIemblématique  image  de  ces  races  abbatiales, 
de  ces  vieilles  familles,  deçes  castes,  de  dignitaires  qui 
sont  peu  à  peu  tombées  et  qui  ont  fini,  de.  chutes  en 
chutes,  par  s'interner  dans  l'inavouable  boue  d'un  fruc- 
tueux commerce?  "    i 

Voici  donc  J.-K.  Huysmans  assidu  aux  œuvres  de 
description,  et  s'y  appliquant  avec  amour,  prodiguant 
l'inépuisable  imprévu  de  ses  images.  Il  n'y  a  que 
quarantê-trdi»^pagesr^squeHerles  vingt-trois  illustra- 
tions  mangent  une  grosse  part.  Et  néanmoins  la  lecture, 
tôt  terminée  de  ce  court  récit,. laisse  le  souvenir  plein 
de  scintillements  et  de  prismatiques  colodages.  Ce  n'est 
pas  le  procès-verbal  d'une  descente  dans  quelqu'un  des 
reculés  déserts  parisiens,  exact  en  sa  sécheresse;  c'est 
un  perpétuel  tâtage  par  les  mains,  dirait-on,  par  les 
yeux  tentaculairement  projetés,  allant  toucher,  palper, 
caresser  le  dehors  et  lui  communiquant  on  ne  sait  quoi 
de  palpitant,  de  douloureux,  de  tendre,  de  vivant 
surtout. 

*  Le  roman,  abandonné!  Un  besoin  de  faire  autre  chose, 
de  se  détourner,  d'appliquer  à.  autre  chose  les  merveil- 
leux outils  artistiques,  souples  en  leurs  ressorts  et  leurs 
articulations,  si  effilés,  si  prestement  pénétrants  par 
leurs  fines  pointes  vrillées,  d'un  acier  luisant  et  froid, 
tenant  du  bijou,  de  l'horloge,  de  toutes  les  ingénieuses 
et  inquiétantes  mécaniques  modernes,  indéfinies  en  leurs 
surprenantes  complications,  en  leur  diversité  tour- 
mentée. C'est  qu'en  effet,  c'est  si  épuisé,  si  monotone- 
ment  fatigué,  ce  roman  dix-neuvième  siècle,  exténué  de 
pulluler,  troupeau  énorme,  myriadaire,  plus  obsédant 
que  les  vermines,  qui  a  proliférié  âiî'égal  des  lapins  aux 
générations  indestructibles  qui  dévorent  les  bois  et  les 


champs  australiens.  Oh!    la  satiété  de  qui  le  lit,  la 
satiété  plus  affadissante  de  qui  le  fait!  Comment  s'y" 
résigner  encore,  ayoir  le  courage  de  s'asseoir  devant 
le  métier  et  de  lahcer  machinalement  et  interminable-  - 
ment  la  navette  pour  tisser  cette  toile  banale  ? 

Voici  que  le  tisserand  déserte  son  échoppe  et  cherche 
un  autre  labeur.  Assez  d'analysée  de  nos  mœurs  con- 
temporaines et  de  nos  âmes  contemporaines.  L'homme 
ambiant  et  ubiquitaire  ne  tente  plus.  L'inventaire  de 
ses  passions  et  de  ses  aventures  est  achevé.  %i'on  en 
dresse  l'acte  de  clôture,  qu'on  le  signe  et)  qu'on  le 
paraphe.. Cette  immense  encyclopédie  est  arrivée  à  la 
dernière  lettre.  Si  l'on  s'occupait  maintenant  des 
choses? 

Et  l'on  va  aux  choses,  celles  d'autour  de  soi  et  celles 
du  lointain  et  des  voyages.  Ce  n'est  plus  le  quelconque 
écriyeur  qui  fait  cette  besogne,  c'est  l'artiste,  et  d'admi- 
rables œuvres  éclosent,  rares  encore,  mais  avant-cour- 
rières  et  présageant.  Un  glissement  s'accuse,  lentement 
une  métempsychpse  s'accomplit.  L'intérêt  n'est  plus  aux 
fabulations  insipides  en  lesqiielles  s'attardent,  tristement 
entêtée,  la  troupe  des  éreintés  qu'un  singulier  destin  aV 
estampillés  de  noms  uniformément  rimant  en  et  :  Ohnet, 
Theuriet,  Bourget,  Daudet.  Le  mal  de  mer  vous  prend 
à  être  tangué  et  roulé  dans .  la  chaloupe  de  l'éternel 
adultère,  ce  lien  commun  inextirpable  du  roman  fran- 
çais. On  hurle  au  changement.  On  l'attend,  on  .l'espère, 
et  alors  qu'une  première  colombe  de  l'arche  tournoie  au 
dessus  de  nous,  (telle  cette  Bièvre),  on  soupire  :  Enfin  ! 


AU  SALON  DE  BRUXELLES 

LE  COIN  DES  NÉGLIGÉS 

Il  nous  reste  à  examiner,  au  Salon  triennal^e  coin 
des  aquarelles,  des  médailles,  des  pastels  et  des  gravures 
qui  semble  à  plusieurs  une  ajoute  à  l'Exposition,  une 
chose  négligeable,  une  cédille  sous  une  lettre  :  mais. la 
cédille  pourtant  donne  sa  valeur  phonique  au  mot. 

C'est  après  tout  une  bêtise  que  de  donner  à  la  pein- 
ture à  l'huile  une  importance  plus  nette,  uniquement 
parce'qu'elle  est  à  l'huile.  Et  que  de  gens  n'ont  d'autre 
motif  de  leur  préférence  vers  telle  œuvre.  J'ai  entendu 
dire  du  portrait  de  M"*^  B.,  par  Renoir.  —  «  Ce  serait 
si  exquis  si  ce  n'était  un  pastel  ».  Le  triomphant,  c'est 
que  ce  n'était  pas  un  pastel,  mais  simplement  unej)ein- 
ture  à  tons  mats.  Et  la  bouche  à  bêtises  qijk  avait  sali 
et  troublé  l'air  dé  cette  phrase,  affirmait  ainsi  une 
double  erreur. 

On  s'arrête  volontiers,  cette  année,  devant  les  têtes 
déjeunes  filles,  par  M"®  Louise  Breslau.  Une  vivacité 
intense,  une  ardeur  tendue  impriment  la  vie  des  yeux  sur 
tel  visage;  sur  tel  autre,  c'est  la  grâce  preste  et  exotique 
qui  éclate.  Les  multicolores  crayons  sont  maniés,  on 


./ 


f 


dirait  d'une  manière  négligée,  mais  combien  artiste, 
Les  traits  serpentent  les  uns  noués  aux  autres,  ou  bien 
ce  sont  des  hachures  ou  plutôt  des  écritures  soudaines 
et  violentes.  Quelques  lignes  comme  d'une  allumette 
contre  le  papier  sablé.  Art  de  très  moderne  intérêt, 
exécution  de  femme  en  même  teiJips  que  nerveuse, 
triste.  ' 

Tout  près,  une  scène  en  un  jardin,  par  Larsson.  Con- 
.  trairement  à  M"*  Breslau,  quj  griff'e  et  burine,  cet 
artiste-ci  étend  ses  tons  avec  le  crayoi^  à  plat  :  l'en- 
semble, très  clair  et  très  chiffonné,  fait  songer  à  des 
poussières  d'ailes  de  papillon  juxtaposées.  Léger,  aérien, 
volatif,  toute  une  série  d'adjectifs  prestes  et  minces, 
vous  viennent  aux  lèvres  pour  juger  son  envoi. 

Aussi,  un  garçonnet  de  M.  Van  Camp.  Elégant  et 
d'une  juvénilité  de  belle  disthiction,  la  main  caressante 
au  chien  qui  l'accompagne  et  la  tête  tournée  légèrement 
et  presque  sou  rieuse.  Le  pastelliste  lui  a  donné  une  pose 
non  prétentieuse,  mais  une  pose"  cependant.' Avec  son 
harmonie  de  couleurs  apaisées,  l'œuvre  attire  ;  on  lui 
rêve  déjà.on  lui  rêve  trop,  la  pièce  bien  meublée  où, 
dans  quelques  semaines,  elle  —  selon  l'expression  iné- 
vitable—  «fera  bien».  -_. 

Et  voici  les  envois  de  M.  WoUes  tous  soignés,  étu- 
diés, tranquilles.  Et  les  eaux-fortes  de  M'"®  Jules  Des- 
.  trée,  caractéristiques  et  vigoureuses.  Et  celles  de 
M.  Storm  de  's  Gravesande,  dont  l'une,  les  Lagunes  de 
Venise  Q^i  d'impression  spécialement  choisie.  Certes  est- 
elle  de,  tous  les  cuivres  mordus  d'alcool  de  M.  Storm, 
la  plus  aérienne,  la  plus  vivante  d'eau  et  de  lumière, 
la  plus  large  et  la. plus  belle  que  nous  sachions.  La 
pointe  légère  et  sûre  a  fait  merveille  entre  les  mains 
(le  cet  artiste,  très  retiré  de  toute  coterie,  très  appliqué 
à  son  métier,  très,  parfois,  sobrement^  et  délicatement 
décoratif,  bien  que  la  vigueur  et  la  forcelui  soient  qua- 
lités dominantes.  -> 

Whistler.  Des  riens  ;  des  pattes  d'arai^ées  et  de 
mouches;  quelques  taches;  quelques  traits.  Les  blancs 
,  et  les  vides  jouent,  dans  les  envois  de  M.  Whistler,  un 
bien  plus  grand  rôle  que  les  noirs.  Ses  eaux-fortes  sont 
des  recherches  de  décoration  menue.  L'aspect  de  cer- 
taines choses  vieilles,  de  maisons  et  de  rues  d'où  les 
lignes  banales  sont  exclues,  le  sollicitent.  Et,  quoique 
l'émerveillement  devant  ces  preuves  d'art  indéniable 
soit  grand,  on  aime  à  se  figurer  le  peintre  n'yjtrouver 
qu'un  amusement  de  doigts  et  une  joie  de  regards  qui 
trouvent,  en  passant. 

Deux  dessins,  où  les  apparences  du  faire  de  M.  Mel- 
lory  se*  rencontrent,  signalent  le  nom  de  M"'"  Baldorf  a 
~  l'attention  visiteuse,  et,  tenant  le  milieu  de  la  salle,  un 
pastel  signé  Abry. 

Enfin,  les  médailles  de  M.  Chaplain,  d'une  invention 
habile,  mais  souvent  bourgeoise,  s'arrondissent  dans 
leur  grand  cadre  comme  de  larges  *monnaies.   Celle 


portraiturant  M.  Meissonier,  d'une  griff'e  si  nette,  nous 
séduit,  et  aussi  les  'quatre  têtes  d'enfants  encerclées 
en  un  même  nimbe  dé  métaL  M.  Vander  Stappen 
voisine  avec  M.  Chaplain.  Un  bas-relief  de  bronze,  dont 
le  placement,  en  oblique  rompt  l'unité,  s'impose  par 
dé  patents  mérites  de  goût  et  d'art. 

Nous  avons  voulu  détailler  ce  salonnet  parce  qu'il  est 
de  coutume  de  n'y  presque  point  entrer  et  de  décider 
volontiers  que  tout  ce  qu'on  y  expose  est  déchet  du 
grand  salon.  La  manie  de  la  pancarte  bellement  et  fas- 
tueusement  étalée  est  loin  d'être  chosfe  d'antan.  L'aqua- 
relle fraîche  et  min-juscule  ne  vaudra  jamais,  iaux  yeux 
à  lunettes  des  pédagogues  de  la  peinture,  un  empha- 
tique et  hôteldevillesqueBrozik. 


^U^ICOLOqiE 


PARSIF  AL  de  Richard  Wagner.  Légendr,  drame,  partition, 
par  Maurice  KuFFERA'rii.  —  Paris,  Fischbacher,  1890;  un  vol.  iii-S" 
de  290  pages. 

Les  vacances,  les  douces  vacances  qu'une  Mercuriale  récente 
a  solennollemenl  exallées,  les  vacances,  saison  de  voyages  et  de 
rêves,  de  repos  el  d'oubli,  ont  accumulé  les  livres,  les  brochures, 
les  revues,  sur  le  rayon  de  bibliothèque  destiné  aux  publications 
nouvelles.  Et  tardivement  (mais  vraiment  toute  vie  n'est  elle  pas 
arrêtée  en  ces  mois  d'août  et  de  septembre  ?)  nous  faisons  un 
choix,  parmi  les  alluvions  de  l'été,  pour  recommander  les 
meilleurs  aux  liseurs,  aux  penseurs,  aux  friands  de  neuf. 

Quelques  ouvrages  traitant  de  la  musique  ou  s'y  rattachant  : 
el  en  première  ligne,  -dominant  les  antres  par  l'intérêt  du  sujet, 
par  la  grande  allure  critique  du  livre,  par  la  conscience  des 
recherches,  par  la  clarté  et  l'élégance  de  l'écriture,  le  Parsifal 
de  M.  Maurice  Kufferaih. 

Ce  très  substantiel  volume,  qui  résume  en  300  pages  l'art 
poétique  et  musical  de  Wagner  arrivé  à  son  apogée,  est  fait  pour 
donner  h  ceux  qui  ne  connaissent  pas  le  drame  admirable  du 
Maître  (mais  en  est-il,  parmi  ceux  qui  nous  font  l'honneur  de 
nous  lire?)  l'impérieux  désir  de  s'en  pénétrer.  Il  est  pour  lés 
autres  plein  de  documents  attachants  et  de  révélations. 

M.  Kutfcrath  est  allé,  dans  les  brouillards  de  l'histoire  el  de 
la  légende,  découvrir  les  sources  auxquelles  Wagner  a  puisé  l'idée 
première  du  poème.  Est-ce  en  France,  au  xii«  siècle,  comme  on 
râ  prétendu,  qu'elle  a  pris  naissance  ?  Non  pas.  S'il  eslvrai  qu'à 
ceUe  époque  elle  a  revêtu  la  forrue  épique,  elle  existait  anté- 
rieurement. On  la  trouve,  vague  mais  déjà  perceptible,  dans  des 
poèmes  aniérieurs,  el  non  seulement  en  France,  mais  en  Alle- 
magne, en  .Angleterre.  Et  ces  poèmes  étaient  eux-mêmes  des 
reflets  de  poésies  plus  anciennes,  écloses  en  Orient,  en  Grèce,  en 
Italie 

Chrétien  de  Troies,  il  est  vrai,  tixa«lc  mythe,  qu'il  emprunta 
surtout  aux  légendes  de  Bretagne,,  et  son  Perceval,  dans  sa  philo- 
sophie naïve,  qui  était  celle  de  toute  la  chevalerie  de  l'époque, 
acquit  une  extraordinaire  popularité. 

.Mais  c'est  moins  de  Cliréticn  de  Troies,  le  Français,  que  de 
Wolfram- d'Eschcnbach,  le  Germain,  que  s'inspira  Wagner.  Elle 
Parzival  du  vieux  iniivies/'i)ig,er,  avec  le  mysticisme  dont  il  miligea 


A- 


le  caractère  clievaleresque  ei  la  louchante  simplicité  de  son  liéros, 
apparatl  bien  plus  dans  le  drame  du  maître  que  dans  les  rois  du 
'  Graal  imaginés  par  ses  prédécesseurs. 

Ce  qui  caractérise  ParsifaI,  incarnation  dernière  et  magnifique 
de  ce  personnage  qui  lient  une  si  grande  place  dans  la  poésie, 
c'est  le  sentiment  nouveau  que  lui  prôte  Wagner,  le  sentiment 
d'universelle  pitié  et  d'humaine  clémence,  propre  à  notre  époque, 
qui  transforme  le  traditionnel  un  roman  de  chevalerie  et  d'amour 
en  un  dt'ame  de  la  plus  haute  portée  morale. 

C'est  le  «  doute  »  qui  forme  le  pivot  sur  lequel  tourné  le  poème 
de  Wolfram.  «  Le  doute  est  proche  voisin  du  cœur,  et  fait  souf- 
frir l'âme  »,  dit-ij.  Wagner  a  substitué  à  ce  ressort  une  conception 
infiniment  plus  haute,  el  M.  Kufferath  l'expose  nettement  : 

«  Son  héros  n'est  pas  un  esprit  en  proie  à  rincertitude  reli- 
gieuse, ce  n'est  pas  une  sorte  de  Faust  du  xiie  siècle.  ParsifaI  ne 
connaît  aucune  espèce  de  doute;  il  passe  dans  le  monde,  c'estrà- 
dire  dans  le  drame,  sans  aucun  souci  des  croyances;  tout,  en 
revanche,  est  tourné  chez  lui  vers  la  vie  émotionnelle  :  c'est  une 
ûme  pure  et  simple  d'enfant  qui  entre  dans  l'existence  avec  la 
seule  notion  de  sa  jeune  force. et  la  véhémence  de  ses  désirs, 
inconsciente  d'abord  du  monde  de  sentiments  qui  sommeille  en 
elle,  mais  tout  disposée,  par  sa  pureté  et  sa  sincérité  mêmes,  à 
répondre  plus  vile  au  premier  appel  de  la  piiié.  Wagner  nous 
montre  cette  âme  s'éclairant  peu  à  peu,  se  développant  par 
l'épreuve  des  réalités  douloureuses,  el  s'élevant,  par  la  sympa- 
thie à  toute  douleur,  jusqu'au  sentiment  le  plus  purement  humain 
que  les  philosophies  et  les  religions  aient  proclamé  :  h  Piiié 
compatissante. 

Telle  est  l'idée  fondamentale.  Ce  que  Wagner  emprunte  à  la 
vieille  légende  se  trouve  ainsi  plus  rapproché  de  nous.  Car  il  est 
à  remarquer  que  celte  idée  de  pitié  dont  le  ParsifaI  est  la  plus 
haute  glorification  dans  la  poésie  moderne,  traverse  toute  la  litté- 
rature de  ce  siècle,  interprétée  par  les  poètes  les  plus  divers  dans 
le  même  sens  que  par  Wagner.  Tout  l'œuvre  de  Victor  Hugo, 
pour  ne  citer  que  lui,  est  imprégné  de  cette  idée;  et  le  poète  n'a 
jamais  été  plus  élevé,  plus  éloquent,  plus  persuasif  qu'en  lançant 
l'anathème  à  la  colère  et  à  la  haine,  en  priant  pour  les  humbles, 
en  évoquant,  au  milieu  des  grands  faits  du  passé  ou  du  présent, 
la  douce  image  de  la  Pitié. 

Ce  n'est  pas  dans  la  littérature  seulement,  mais  dans  les  mœurs, 
dans  les  relations  sociales,  jusque  dans  la  vie  politique  qu'un 
même  et  universel  mouvement  a  poussé  les  esprits  pendant  toute 
la  première  moitié  du  siècle  vers  une  sorte  d'apaisement  général. 
Des  querelles  séculaires  de  peuples  à  peuples  se  sont  subitement 
éteintes  ;  les  haines  de  classes  ont  disparu  ;  avec  un  généreux  élan, 
les  plus  grands  esprits  se  sont  passionnément  dépensés  à  la 
récherche  d'un  adoiicissement  aux  incompatibilités  sociales  ;  la 
guerre  même  s'est  humanisée;  c'a  été,  en  un  mol,  comme  un 
grand  souffle  de  charité  qui  a  passé  sur  le  vieux  monde,  el  qui, 
pour  un  moment  tout  au  moins,  nous  a  rapprochés  toul  à  coup 
de  l'idéal  du  christianisme  primitjf  proclamant  l'égalité  des  hom- 
mes en  face  du  monde  païen  et  instituant  la  loi  de  pardon  et 
d'amour. 

ParsifaI  n'est  autre  chose  qu'un  hymne  magnifique  à  ce  haut 
sentiment.  » 

Les  chapili*es  que  consacre  l'auteur  à  la  genèse  dé  l'œuvre,  à 
son  exécution;  à  l'analyse  du  poème  el  de  la  partition,  ne  sont  pas 
moins  attachants.  Bs  témoignent  tous,  non  d'une  érudi  lion  faci- 
lement acquise  au  prix  de  quelques  stations  dans  les  biblio 


thèques  publiques,  mais  d'une  compréhension  supérieure  et  de 
vraies  facultés  critiques.  Le  volume  de  M.  Kufferath.  est  de  eeux 
qui  demeurent,  elque  le  souvenir  unit,  définitivement,  h  l'œuvre 
d'art  qu'ils  commentent. 


L'ORTHOGRAPHE 

Voici  comment  quelques  grands  hommes  (el  quelques  grandes 
femmes)  traitaient  Telle  matière,  instrument  de  torture  de  notre 
enseignement  contemporain,  poussée  à  un  tel  point  de  pédan- 
tisme  qu'on  juge  de  la  valeur  des  gens  sur  une  faute  de  grammiaire. 
Il  est  juste  de  dire  que  sans  aller  jusqu'à  l'ultra  fantaisie  de 
Henri  IV  et  de  la  duchesse  de  Longueville,  quelques-uns  com- 
mencent, de  noire  temps,  à  peu  se  soucier  s'il  faut  deux  p  à 
apercevoir  el  si  essentiel  s'écrit  avec  un  c  ou  un  /.  Un  peu  de  jeu 
ci  de  détente  dans  les  ficelles  grammaticales  ne  fera  pas  de  mal 
cl  allégera  les  souffrances  scolaires  de  la  prime  jeuns^e. 

Voici  d'abord  un  échantillon  de  l'orthographe  del^lenri  IV. 
C'est  la  Nation  qui  le  reproduit  ainsi  que  les  suivants  : 

«  Despuys  le  partemant  de  M.  le  grand  constance  est  arryvé, 
don  jay  receu  un  extrême  eonlantemant,  pour  avoir  ceu  bien  par- 
tyculyèrement  par  lui  de  vos  nouvelles.  Je  vous  remercye  ma 
belle  mettresse  du  presanl  que  vous  mavès  envoyé.  Je  le  métré 
sur  mon  abyllemenl  de  teste  sy  nous  venons  à  un  combat,  el  don- 
neré  des  coups  despée  pour  l'amour  de  vous.  Je  croys  que  vous 
mexanteryès  bien  de  vous  randre  ce  lemoygnagc  de  mon  affec- 
lyon,  mais  an  ce  qui  est  des  actes  de  soldat  je  nan  demande  pas 
conseyl  aux  famés.  » 

La  duchesse  de  Longueville  écrivait  en  plein  xvii*  siècle  : 
«  Monsieur  feron  honorant  de  tout  mon  cœur  le  dessain  dcsla- 
blir  un  monastère  a  paris  en  Ihonneur  du  saint  sacrement  Je  me 
suis  résolue  d'en  eslre  la  fondatrice  et  pour  cet  affect  Je  vous  prie 
poursuivre  lafaire  en  mon  nom  et  den  informer  monsieur  le  car- 
dinal barbarin  et  monsieur  le  cardinal  bcntivoglio  et  monsieur  de 
betune  pour  lesquels  Je  vous  envoyé  des  lesires  que  vous  leurs 
présenterez  de  ma  part  si  vous  avez  besoin  d'une  procuration  de 
moyfaicle  sen  dresser  une  minute  et  Je  vous  la  feray  expédier 
Icy  cependant  cesire  lestre  vous  en  servira  el  vous  asseurera  que 
Je  vous  sauray  très  bon  gre  de  la  peine  el  du  soing  que  votre 
zelle  vous  faicte  apporter  en  un  cy  sainct  œuvre.  « 
Voici  un  morceau  de  lettre  de  M"»»  de  Sévigné  : 
«^Vous  me  permeltrés  de  souhartter  la  paix...  demlcurer 
dacort...  perle  iréparable...  je  suis  reduitle,  jay  soufert...  vous 
pourois  je...  augmanlalion  —  abcence  —  indiferenl  —  jonore  — 
raport  —  témperamment  —  les  febles  —  nous  avons  comancé  — 
tranquilité  —  avanture  —  contante  —  macoulumer  —  je  suis  sy 
plaine  de  vous  —  souffrir  ^^  suporlable,  etc.  » 
Voici  des  fragments  d'une  lettre  de  M""»  de  Montcspan  : 
«  Je  suis  bien  fâchée  que  les  soupsons  de  vostre  Altesse 
roiale  est  eu  de  sy  juste  fondeman  et  que  vous  soiies  an  nestat 
de  perdre  un  homme  quy  me  paresi  sy  nesaisere  au  personne 
ausquelle  il  est  attaché.  Je  puis  asesl  vous  dire  la  part  que  je 
prans  à  vostre  douleur.  Toulte  selle  que  vous  avest  me  sont  très 
sansiblé  et  selle  s'y  me  parest  si  resonable  que  je  la  sans  double- 

mant.  » 
Enfin  un  fragment  d'une  lettre  de  M™"  Racine  : 
«  Je  vous  escry  mon  chère  fils  auprès  de  votre  pérc  quy  le 

vouUail  faire  luy  mesme  je  l'en  el  empêché  ayant  un  remeide 


t 


L, 


dans  le  corps  et  iayanl  esté  fort  fatigué  hier  de  lemetique  qu'on 
luy  fit  prendre  lequelle  a  eue  tout  le  suces  qu'on  en  pou  voit 
espéré.  » 


LE  CLAQUE-DENTS 


par  Louise  Michel,  1 


vol.  in-l8  de  3i9  pages.  —  Paris,  Dentu, 
sans  millésime. 


Pauvre  femme  T  On  la  dit  folle,  à  celte  heure,  emportant  son 
rôve  de  charité  dans  quelque  Iristexasile.  A  Bruxelles,  on  se  sou- 
vient d'elle  :  il  y  a  quelques  années,  dans  cette  réunion  du  Cirque 
où  bourgeois  et  peuple  durent  capitulei;  de  leur  bruyante  hostilité, 
quand  la  voix  féminine  eut  fait  appel  àThospilaliié  et  à  la  galan- 
terie (!)  belges.  Nous  nous  souvenons  l'avoir  revue  depuis  à  Parip, 
dans  la  salle  Gaucher  de  la  Montagne-Saintè-Geneviève,  le  rendez- , 
vous  des  «  anarchisses.».  Celait  la  même  éiideuillée,  redisant  les 
lamentationspopulaires  sur  le  môme  ton  dolent  et  monotone. 
Etoquenc^e  sans  grand  apprêt,  faisant  oublier  les  écarts  de  pensée 
par  la  montre  d'une  sincérité  extrême  et  d'un  dé;vouement  absolu 
à  la  cause  des  malheureux. 

Cette  pitié  et  celte  sincérité,  jointes  à  la  conception  la  plus  sim- 
pliste possible  de  l'organisme  social,  c'est  tout  le  Claque-Dénis: 
Celui-ci,  de  forme  nulle,  d'imagination  nulle,  de  théorie  nulle. 
Pourtant  d'un  intérêt  suffisant  —  comme  tout  ce  qui  est  écrit  par 
des  gens  vus  à  l'œuvre  —  ne  fûl-ce  que  pour  répondre  h  celle 
question  :  Quelles  explications  de  la  sociélé  se  donne  à  lui-même 
un  cerveau  de  «  pétroleuse  »? 

Un  credo  politique  dans  l'enfance  ne  peut  s'harmoniser  qu'avec 
des  idées  enfantines.  En  place  du  dynamisme  social,  un  petit 
joujou  de.  mécanique,  qu'on  peut  décomposer  en  aussi  peu  de 
parties  qu'une  mignonne  machipe  chauffant  à  l'esprit  de  vin. 
D'abord,  les  humains  étiquetés  dans  la  classe  des  bons,  les  petits, 
ou  dans  celle  des  mauvais,  les  grands  —  à  l'inslar  du  moyen-âge 
qui  ne  distinguait  qu'entre  anges  et  démons.  Toutes  les  grandes 
forces,  aux  mains  de  quelques  rouages,  opprimant,  écrasant, 
triiurant  les  faibles,  de  gaieté  de  cœur  voulant  le  mal  :  la  Politique, 
un  tas  de  croisc-les-bras;  la  Finance,  une  pieuvre  qui  accumule 
sluprèusement  en  faisant  le  Vide  autour  d'elle;  la  Justice,  une 
redoutable  qui  trompe  infailliblement  les  assez  bonasses  pour 
croire  à  son  équité. 

Conception  enfantine  que  celle  qui  ne  perçoit  pas  l'organique 
fatalité  des  grands  crimes  sociaux  :  l'inévitable  économique  des 
accaparements,  même  par  les  bons;  robsltnaiion  absolue  de  ce 
qui  est  et  fonctionne  immémorialement,  contre  les  réformateurs 
de  la  meilleure  foiHù  monde;  l'invincible  de  l'erreur  chez  les 
plus  justes  appelés  à  formuler  des  jugements. 

Elle  redevient  plus  elle-même,  Louise  Michel,  et  vibre  son 
style  d'une  vérité  plus  sentie  quand  il  est  parlé  de  ce  sentiment  de 
terreur  quasi  mystérieux  qu'éprouvent  les  humbles  à  toute 
approche  du  monstre  social,  prêl  à  faire  d'eux  de  funèbres  holo- 
caustes. Et  l'espèce  d'inconscience  des  sacrifiés  par  rapport  aux 
causes  de  leur  e^ftcrmination  :  Comme  si  l'homme  n'avait  pas 
assez  à  lutter  avec  la  Nature,  cette  mère  à  rebours,  qui  le  pulvérise 
sans  qu'il  sache  pourquoi,  ni  qu'il  puisse  délourner  par  un  vou- 
loir assez  inleiligent,  les  coups  de  sa  nécessité!  Voilà  —  parachè- 
vement —  que  confinés  dans  le  même  territoire,  contraints  à  se 
mouvoir  au  milieu  du  même  réseau  entortillé  de  prescriptions 
juridiques,  doivent  vivre  côte  à  côle  des  êtres  qui  obéissciit  aux 


mobiles  les  plus  différents  :  les  malins  et  les  ignorants,  les  sim- 
ples et  les  retors.  N'esl-cc  pas  le  broyement  prévu  de  tous  les 
faibles  inadaptables  à  ces  rouages  créés  pour  les  forls  et  ceux  qui 
ont  la  science  nécessaire  pour  s'en  servir. 

Mieux  que  le  meilleur  outillage  de  lieux  communs  révolution- 
naires, la  mise  en  œuvre  de  ce  sentiment  plaide  la  cause  des 
«  claque-dents  ».  Les  appels  à  la  «  Sociale  »,  les  doléances  sur 
la  «  Nouvelle  »,  les  menaces  de  la  «  Grève  noire  »,  les  gros 
mots  et  l'injure  à  jet  continu,  rappellent  trop  les  réunions  de  la 
salle  Gaucher  et  pas  assez  les  virulents  pamphlets  des  Rochefori 
et  des  Bloy.  Quand  Louise  Michel  laisse  parler  son  cœur,  elle  est 
plus  éloquente,  car  elle  est  une  sincère.  Alors,  derrière  les  mois 
et  les  phrases  du  livre  circule  le  souffle  puissant  des  grands  jours 
de  la  justice  populaire.  ^ 

«  Ces  jours-là,  dans  une  vision  terrible,  le  souvenir  des  rues 
«  changées  en  abattoirs,  de  la^eine  roulant  sous  le  ciel  rouge 
«  deux  filets  sanglants,. de  catacombes  où,  aux  flambeaux,  avec 
«  des  chiens,  on  fit  la  chasse  à  l'homme,  toutes  ces  choses  dispa- 
«  rues  depuis  vingt  ans  et  plus,  se  dressent  vivantes, 

«  Pourrait-on  jamais  venger  tous  les  forfaits,  et  puis,  est-ce 
«  que  cela. servirait  à  quelque  chose  de  détruire  les  oppresseurs 
«  au  lieu  d'ôter  l'oppression  qui  en  ferait  d'autres? 

«  La  foule,  elle,  aux  heures  terribles,  ne  réfléchit  pas,  elle 
«  sent;  des  millions  de  bras  saisissent  n'imporic  qui  ayant  com- 
«  mis  un  crime  contre  elle  ;  dans  des  millions  de  poilrines  gronde 
«  la  même  haine,  les  tocsins  vibrent  d'eux-mêmes  cl  l'homme  est 
«  lynché  avant  que  ceux  qui  le  font  aient  eu  le  temps  de  penser 
«  à  ce  qu'ils  font. 

«  C'est  tous  et  ce  n'est  personne,  c'est  la  fatalité  des  repré- 
«  sailles.  ^ 

«  Qu'importe,  puisque  noire  temps  maudit  va  finir  avec  son 
«  enchaînement  de  tortures.  Les  douleurs  qu'on  éprouve,  n'est-ce 
«  pas  la  naissance  de  l'ère  nouvelle  où  l'homme  conscient  çl 
«  libre  remplacera  le  troupeau  humain?  » 


LA  VENTE  RENIER  GHALON 

Encore  quelques  jolis  titres  de  livres  de  la  vente  Chalon  qui 
commence  demain  chez  Edmond  Déman,  rue  d'Arenberg.  \op^ 
notre  dernier  numéro.  Rappelons  qu'à  côté  de  ces  badinages  il  y 
a  du  grave  et  du  sévère  à  foison,  et  du  savant,  et  de  l'artistique. 

897.  Ragot.  Sirop  au  cul  ou  l'heureuse  délivrance.  Tragédie 
heroïmerdifique.  Au  Temple  du  Goiil.  S.  .1.  n.  d.,  fn-S»,  rel.  v. 
—  Recueil  contenant  plusieurs  pièces  de  théâtre  assez  libres, 
quelques-unes  avec  musique  notée. 

899.  Martinus.  Oratio  pro  crepilu  venlris.  Cosnwpoli,  ex  typo- 
graphia  societaiis  Palrum  crepitantium,  1768,  in-24,  rel.  v., 
tr.  dor. 

ÔOO.  Swift  (D').  Le  grand  mistére  ou  l'art  de  méditer  sur  la 
garde-robe.  S.  1.  n.  d.,  in-8*,  rel.  vél.  —  Curieux  cl  rare 
ouvrage  scatologique. 

901.  Trompette  (C»«  de  la).  L'art  de  peler  ou  manuel  de  l'ar- 
tilleur sournois.  Moncuq,  Tournette,  s,  d.,  in-8».,  grav.,  broché. 
-^^.  sur  papier  de  couleur.  —  On  a  joint  :  La  France  constipée 
ou  paris  foiré,  suivi  de  la  chiropédie.  Foiropolis,  1861.  —  Les 
Francs-Péteurs.  Caen,  1854.  —  Chicourl  (D').- Description  de  six 
espèces  dé  pets.  Trôyes,  s.  d.  —  Lubert  {W^"  de).  Histoire 
sjcrèle  du  prince  Crocqu'élron  et  de  la  princesse  Foirelle.  Nice, 


Gay,  i873.i — (iras  el  maigre  ou  nouveau  merdia-Pissa-Foirillyajà. 
Elronopolis,  s.  d.  ;  ens.  6  vol.,  in-d2  cUi-8°i  grav.,  brochés.'  . 

92S.  Clairiau,  médecin,  Flccherches  et  considérations  médi' 
cales  sur  les  vêlements  des  hommes,  particulièrement  sur  les 
culottes.  Paris,  Aubry,  an  Xi  (1803),  in-8»,  grav.,  br. 

930.  L'art  de  metlre  sa  cravate,  enseigné  en  l6*leçons.  Paris, 
1827,  in-i2,  br.,  etc.;  ens.  7  vol.  in-12  et  iiL-J",  br.  et  dem.rcl. 
--r-  Histoire  de  la  cravate  et  du  col.  t—  L'art  de  relever  sa  robe. 
—  L'art  d'élever  les  lapins,  etc. 

954.  Mercier  de  Compiègne.  Éloge  du  Sein  des  femmes. 
Paris,  Barba,  1803,"  in-12,  cart.  —  On  a  joint  :  Clu  D.  Discours 
sur  la  nudité  des  mamelles  des  femmes  par  un  réyérend .  père 
capucin.  —  (Boileau).  De  l'abus  des  nudités  de  gorge.  Gand, 
181)7-1858,  2  vol.  in-S»,  pap.  de  lioll.,  brochés;  ens.  3  vol. 

962.  Brevis  instruclio  Sponsi  et  mcthodus  béne  consummandi 
malrimonii.  Hœc  non  sunt  scripta  pueris  sed  sponsis  et  marilis. 
Manuscrit  in  4»,  rcl.  v.  (xviii"  s.)  —  Volume  curieux,  dont  une 
partie  est  en  latin,  une  autre  en  llamand  et  une  troisième  en  fran- 
çais. —  On  a  joint  11  autres  volumes  traitant  du  même  sujet. 

Il  est  vraisemblable  que  le  Parquet  fera  une  descente  soil  pour 
saisir...,  soit  pour  acheter.  Car  s'il  y  a  des  magistrats  sévères,  il 
y  a  aussi  des  magistrats  spirituels. 


pETlTE    CHROj^IQUE 


>:  j« 


Notre  Petite  Chronique  est  ouverte  à  quiconque  désire 
communiquer  a]a  public  un  fait  intéressant  l'Art  ou  les 
artistes.  .  • 

Adresser  les  lettres  à  la  Direction  de  l'Art  Moderne,  32,  rue  de 
V Industrie,  Bruxelles. 

A  la  distribuliom  des  prix  qui  aura  lieu  le  mois  prochain  ^u' 
Conservatoire,  et  qui  comprendra  deux  matinées  musicales,  on 
entendra  deux  œuvres  nouvelles,  inédites,  d'auteurs  belges  de  la 
jeune  école:  une  Rhapsodie  de  M.  Paul  Gilson,  une  Sarabnnjle  et 
Bourrée  de  M.  Léon  Soub'ro.  Ces  deux  compositions  sont  écrites 
pour  orchestre  d'instruments  à  cordes.  Mises  en  répétition  dans 
la  classe  d'ensemble  instrumental  sous  la  direction  de  M.  Emile 
Agnicz,  elles  ont",  nous  dit-on,  produit  un  excellent  effet. 

L'an  dernier  ou  avait  déjà,  on  s'en  souvient,  rompu  en  faveur 
de  MM.  Degreef  et  Léon  Dubois  avec  la  tradition  qui  exige  qu'on 
n'interprète  au  Conservatoire  que  des  œuvres  momifiées.  A  la 
bonne  heure  !  Voilà  qui  est  fait  pour  donner  un  peu  de  courage 
aux  jeunes.  Le  Conservatoire  n'a  pas  voulu  se  laisser  distancer 
p'.ir  les  concerts  des  XX. 

Au  premier  concert  de  la  saison, ;^xé  au  21  décembre, 
M.  Geyacrt  fora  exécuter  la  cantate  Magnificat  de  J.-S.  Bach, 
pour  soli,  chœurs  et  orchestre. 

M.  Henry  de  Régnfer  fait  désormais,  avec  MM.  Pierre  Olin  el 
Albert  Mockel,  partie  de  la  direction  de  la  Wallonie.  Cette  revue, 
qui  a  inauguré  les  numéros  consacrés  tout  entiers  à  un  même 
écrivain,  lui  permettant  ainsi  de  produîre  des  suites  de  proses  et 
de  vers  formant  un  tout  étendu,  publiera  prochainement  des 
livraisons  dédiéL^s  aux  tilcnts  de  MM.  Quillard, Grégoire  le  Roy, 
Vielé-Grifïîn,  Henry  de  Régnier. 

Ce  dernier  vient  de  passer  quelque  jours  en  Belgique  où  la 
littérature  nouvelle  lui  a  fait  fête. 


Victor  Arnoui.d,  est  un  écrivain,  un  artiste...  et  un  homme. 
Nous  lui  demandions  dimanche  dernier  pourquoi  sa  plume,  sa 
forte  plume,  souple  et  effilée,  de  capitan  littéraire,  ferraillait  dons 
la  slupide  bataille  électorale  qui  '  présentement  tapage  dans 
Bruxelles.  —  C'est  à  en  pleurer,  disions-nous.  —  Un  autre  se  fût 
fâché  ct'eût  tourné  sur  nous  sa  rage,  ses  estocades  et  ses  taillades. 
Lui,  galamment  et  vaillamment,  répond  dans  frt  iVfl/ion  :    , 

«  L'Art  moderne  nous  demandait  comment  nous  avions  pu 
nous  occuper  pendant  une  minute  de  ces  luttes  sans  objet,  sans 
but  et  sans  issue,  où  tout  doit  périr  parce  que  tout  est  mutilé,  et 
de  ce  qu'il  appelait  ces.querelles  byzantines  ealrc  l'Association, 
la  Ligue  et  le  Parti  ouvrier,  où  tout  allait  à  vau-l'eau,  parce  que 
ce  n'est  plus  qu'uhe  submersion  d'un  jour  au  lieu  d'un  courant 
réglé  et  d'un  fleuve  !  Querelle  byzantine  est,  en  effet,  le  mot  exact.  ■ 
C'est  bien  Byzance,  ce  conflit  incessant,  bruyant,  vide,  où  rien 
n'est  déterminé,  rien  compris,  voulu,  suivi,  et  où  s'usent.sans 
profit,  sans  grandeur  et  sans  gloire,  les  uns  contre  les  autres,  et 
seulement  pour  se  diminuer  et  se  réduire,  les  hommes,  les  idées, 
les  tendanceSj  dans  un  frottement  perpétuel,  acharné  et  stérile! 
Byzance  vécut  mille  ans  dans  ces  querelles  ingrates,  el,  en  mille 
ans,  il  n'en  sortit  ni  un  Homme,  ni  une  Idée,  ni  une  OEuvre.  Rien  ! 
Là'  aussr,  pendant  mille  ans,  il  y  eut  des  politiques  qui  n'étaient 
que  des  femmes  de  ménage,  arrangeant,  combinant,  triturant, 
cuisinant,  fricassani,  fricotant,  liardant  et  qui  faisaient  de  i'èm- 
pire  un  immense  Pot-Bouille.  »  - 

Ah  !  il  est  peu  fait  pour  les  turlupinades,  cet  artiste  qui  seul  chez 
nous,  dans  le  journalisme,  et  au  dessus  certes  des  meil.leursjle 
la  presse  française,  sait  parler  ce  langage  élevé  de  l'âme  el  de 
l'afl  en  traitant  de  la  politique.  Qui,  chez  nous,  se  doute  decçttc 
supériorité?  Qui  pense  qu'il  y  a  là  un  écrivain  de  tout  premier 
ordre? 

Un  correspondant  de  la  Gazette  de  Liège,  relatant  une  visite 
aux  châteaux  de  Bavière,  évoque  le  souvenir  du  riiystérieux  roi  , 
Louis  :  .  ' 


«  Aulanl  Linderhof  déplaît  par  son  opulence  criarde,  autant 
Neuschwanslein  force  l'admiratiôa  par  son  admirable  disposition 
et  par  le  goûl  qui  a  présidé  à  sa  décoration.  Ici,  le  caractère  si 
t^nystérieux,  .si  étrange  et  si  peu  cOnnu  de  celui  qui  fut  Louis  II, 
apparaît  de  façon  curieuse,  singulièrement  saisissante.  Esl-cc 
bien  la  conception  d'un  fou  que  celte  salle  du  trône  où  la  mosaïque 
du  sol  symbolise  la  terre,  où  le  Christ  préside  dans  une  gloire 
d'or,  ayant  à  ses  pieds  les  rois  saints,  où  le  trône  d'or  gardé  par 
des  lions  devait  se  trouver  entre  le  Ciel  el  la  Terre? 

Elles  sont  innombrables  les  pensées  de  ce  genre  qui  ont  dicté 
au  roi  de  Bavière  certaines  dispositions  qui  étonnent  dans  ses 
palais.  Et  à  côté  de  beaucoup  de  fautes  de  goûl,  à  côté  de  beau- 
coup d'erreurs,  il  y  a  des  idées  si  grandes,  il  semble  y  avoir  un  si 
grand  soucL  du  rôle  imposé  aux  souverains,  qu'on  se  demande 
parfois  si  cet  orgueil  sans  bornes  qu'on  a  souvent  reproché  à 
Louis  II  était  bien  personnel  ou  si  ce  n'était  pas  seulement  le 
principe  delà  royauté  qu'il  voulait  garder  plus  grand  à  un  moment 
où  il  le  voyait  s'affaiblir? 

.  Certes,  les  moyens  qu'il  employait  étaient  mauvais,  el  ce  n'est 
pas  en  ruinant  son  peuple  qu'un  roi  devient  grand,  et  là  sera 
toujours  la  faute  de  Louis  11  qui,  niàlgré  tout,  fut,  je  jiense,  moins 
un  fou  qu'un  mystique  inquiet  el  un  rêveur  ins-alisfait.  »    ^ 

D'apl'ès  une  h'g.^nde  recueillie  dans  la  province  do  Séville,  dit 
l'Eclio  de  Paris,  Don  Juan  de  Marana,  le  héros  du  chef-d'œuvre 


N 


m. 


de  Mozarl,  n'aurait  pas  été  le  pécheur. impénilent  que  nous  ont 
montré  Molière  et  Da  Ponte.  Loin  de  mourir  le  blaspliôine  U  la 
bouche,  il  agrait  fini,  au  contraire,  dans  la  peau  d'un  pliilan- 
thropo. 

Certain  soir,  en  sortant  d'une  orgie,  —  ainsi  débute  le  réeil,  — 
Don  Juan  parcourt  la  ville  en  quête  d'une  nouvelle  aventure.  Vient, 
à  passer  un  enterrement.  Il  arrête  le  cortège  et,  railleusemenl. 
s'informe  du  défunt  :  «  Nous  enterrons  Don  Juan  de  Marana  », 
lui  fut-il  répondu. 

.  Un  peu  frappé  par  cette,  réplique,,  mais  toujours  gouailleur, 
noire  héros  se  mit  à  suivre  le  convoi  à  travers  les  ruelles  tor- 
tueuses. Enfin,  on  arriva  U  l'église.  Pendant  que  les  chants 
funèbres  ébranlaient  les  voûtes,  pareils  aux  voix  du  jugement 
dernier,  on  plaça  la  bière  devant  l'autel^  on  enleva  le  couvercle, 
et  Don  Juan,  en  se  penchant  pour  regarder,  se  reconnut  lui- 
même  au  fond  du. cercueil.  Terri(ié,  il  recule  et  tombe  sans  con- 
naissance. ■ 

Le  lendemain,  lorsqu'il  rouvrit  les  yeux  dans  l'égliso  déserte, 
il  lui  sembla  qu'il  scveillait  dans  une  vie  nouvelle  et  que  c'était 
son  existence  passée  qui  avait  élé  enterrée  par  les  esprits.  Il 
employa  toutes  ses  richesses  à  l'établissemoni  d'un  hôpital 
chrétien,  VHospicio  de  il  Cnridad,  et  se  consacra,  pour  le  reste 
de  sa  vie,  au  repentir  et  à  la  piété. 

M.  Auguste  Dupont,  qui  n'est  pas  complètement  rétabli  de 
l'indisposition  dont  il  souffre  depuis  quelques  semaines,  a  été  obligé 
de  prendre  un  congé  au  Conservatoire.  A  sa  demande,  M.  Gevaort 
a  chargé  M.  Camille  Gurickx,  professeur  au  Conservatoire  de, 
3Ions,  de  faire  rintérim  du  cours  de  piano  (classe  des  jeunes 
filles). 

Le  choix  est  excellent.  M.  Camille  Gurickx  est,  on  le  sait,  l'un 
des  plus  brillants  élèves  de  M.  Dupont.  Il  s'est  acquis,  tant  en 
Belgique  qu'à  l'étranger,  et  notamment  aux  Etals-Unis,  une  répu- 
tation de  pianiste  de  sérieuse  valeur  et  de  compositeur  dc-'méritc. 

Ajoutons  que  les  nouvelles  que  nous  venons  de  recevoir  de  la 
santé  de  M.  Dupont  sont  des  plus  rassurantes. 

On  vient  de  distribuer  le  catalogue  des  collections  de  feu  Léon 
Slaes,  l'expert  jiotable,  figure  bruxelloise  bien  connue,  d'une 
finesse  consommée  sous  son  apparence  un  peu  lourde  de  bour- 
geois tranquille.  Il  y  a  12S0  n""  :  porcelaines  de  tous  les  pays, 
faïences  de  tous  les  coins,  argenteries  anciennes  (devenues  si 
rares  depuis  la  formidable  extension  des  imitations  par  les  juifs 
d'Allemagne),  bijoux,  médailles,  monnaies,  bronzes,  cuivres, 
meubles,  vilraux,  verroteries,  cristaux,  ferronneries,  armes, 
terres  cuites,  marbres,  bois  et  ivoires  sculptés,  étains,  grès, 
miniatures,  étoff'es.  Un  pelit  musée  de  Cluny,  sjns  compter  les 
tableaux,  aquarelles,  livres,  gravures,  pour  lesquels  un  catalogue 
déposé.  Tout  cela  sera  vanné  au  vent  des  enchères,  en  la  salle 
Saint-Luc  à  Bruxelles,  10  et  12,  rue  des  Finances,  les  11,  12, 
13,  14,  17,  18,  19  et  20  novembre,  à-l  h.  1/2.  Il  y  aura  une 
exposition  particulière  le  8  novembre,  une  exposition  publique 
le  9,  de  10  à  4  heures.  C'est  M.  le  notaire  Crick  qui  présidera. 
MM.  J.  et  A.  Leroy  seront  experts. 

Le  baryton  Emile  Blauwaert  vient  d'être  engagé,  pour  une  tour- 
née de  concerts,  en  Allemagne,  où  il  a  obtenu  déjà  précédemment 
de  grands  succès.  L'artiste  sera  accompagné  d'une  pianiste, 
M""  Sanderson,  et  d'un  violoniste,  M.  Rummel. 

On  prépare,  en  outre,  à  Wiesbaden,à  Mannheim  et  h  Dusseldorf, 


dos  exécutions  de  la  Damnation  de  Faust  de  Berlioz,  dans  les- 
quelles M.  Blauwaert  chaulera  le.  rôle  de  Méphislo.  On  sait  que  ce. 
rôle,  qu'il  a  interprété  aux  concerts  Lamoureu.x  et  li  Bruxelles, 
est  un  des  meilleurs  de  son  répertoire. 

Plusieurs  acquisitions  ont  été  faites  à  l'exposition  des  Beaux- 
Arts  du  Cercle  artistique  de  Tournai.  On  nous  signale  entré 
autres  les  œuvres  suivantes  :  Une  Faneuse,  par  M.  Emile  Claus  ; 
Forge  en  Ardenne  et  Porteuse  d'eau,  par  M.  André  Colliii  ;  Clair 
de  lune,  par  M.  Th.  Verstraete;  un  pay.sage  de  M.  Nobillet  ;  des 
toiles  de  M.  Pion,  Van  Leemputlen,  de  M""'  Konner,  etc. 

L'exposition  obtient  un  réel  succès,  et  de  plus  en  plus  se  répand 
le  goût  des  arls  k  Tournai,  resté  pendant  de  longues  années 
réfractaire  à  toute  tentative  artistique. 

C'est  mercredi  prochain  que  s'ouvrira  la  saison  théûlrate  du 
Théâlre-Libre.  On  jouera  l'Honneur,  comédie  en  5  actes  de 
M.  Henry  Fèvrc.  Ce  spcclaclo  sera  donné  une  deuxième  fois  le  len- 
demain pôir  la  série  B  des  abonnements. 

Le  dçuxipme  spectacle  sera  donné  dans  la  première  quinzaine 
de  novembre. 


On  nous  prie  d'annoncer  que  les  .œuvres  acquises,  à  chacune 
de  ses  expositions,  par  la  Société  des  Aquarellistes.,  seront  désor- 
mais affectées  à  la  tombola  spéciale  exclusivement  réservée  aux 
membres  protecteurs  et  associés. 

Celte  mesure  entraîne  la  suppression  de  la  tombola  gén(Jrale  h 
laquelle  le  public  a  été  admis  jusqu'ici  à  participer. 

Élude  du  Notaire  GRICK,  rue  de  la  Chapelle,  $,  à  Bruxelles. 


M"  CRICk  procédera  aux  jours  ci-après  indiqués,  en  la  Galerie 
Saint-Luc,  rue  des  Finances,  10  et  12,  à  Bruxelles,  à  la  vente  publi- 
que des  • 

MAGNIFIQUES  COLLECTIONS 

délaissées  par  M.  Léon  SLAES,  expert 

A)  Antiquités  et  objets  d'art,  argenteries,  porcelaines,  meu- 
bles, etc.,  etc.,  les  11,  12,  13,,  14,  17,  18,  19  et  20  novembre  1890, 
à  1  1/2  heure  de  relevée.  .^ 

B)  Tableaux,  aquarelles,  livres,  gravures,  les  26,  27,  28 

et  29  novembre  1890,  à  1  1/2  heure  de  relevée. 

Ea-perts  :  MM.  J.  et  A.  Le  Roy  frères,  place  du  Musée,  12,  à 
Bruxelles,  chez  qui  se  distribuent  les  trois  catalogues  et  les  cartes 
d'entrée  aux  expositions  particulières. 

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BONNE  COLLECTION  DE  LIFRES 

Théologie,  Philosophie,  Philologie,  Littérature, 
Art  et  Science 

provenant  de  feu  Mgr  VAN  WEDDINOEN, .  aumônier  de  la  Cour 

et  de  feu  M.  J.  ROUSSEAU,  curé-doyen  de  Spa 

qui  aura  lieu 

le  MARDI  21  courant  et  quatre  jours  suivants 

à  2  1/2  heures 

au  domicile  de  M.  Emile  Fonteyn,  16,  rue  de  Namur,  à  Louvain. 
.  où  se  distribue  le  catalogue. 


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Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  VEccploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  V Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l'État-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n»  53,  à  Londres,  à  V Agence  de  Chemins  de  fer 
de  l'État,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vrancken,  Domkioster,  n«  1,  à  Cologne. 


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provenant  de  la  succession  de  feu  M.  Renier  CHALON.  La  vente 
aura  lieu  le  lundi  20  octobre  et  dix  jours  suivants,  à  2  1/2  heures 
précises,  au  domicile  et  sous  la  direction  de  M.  E.  Deman,  libraire- 
expert,  rue  d'Arenberg,  iio-14,.à  Bruxelles,  chez  qui  le  catalogue  est 
en  distribution. 

Exposition  chaque  jour  de  vente,  de  9  heures  à  midi. 


JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  Judiciaires.  —  Jurisprudence. 
—  Bibliographie. —Législation. —Notarii^t. 

HUTI^Ï  ANNÉE. 

Abonnements  I  ^f'Kique,  18  francs  par  an. 
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Administration  et  rédaction  :  Rue  deg  Minimes,  10,  Bruxelles. 


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Breitkopf  et  HArtel,  éditeurs,  Leipzig-Bruxelles 


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COMPOSITION  MUSICALE 

depuis  les  premiers  éléments  de  Tharmonie  jusqu'à 

la  composition  raisonnée  du  quatuor  et  des  principales 

formes  de  la  musique  pdur  piano  par  J.-G.  Lobe. 

Traduit  de  l'allemand   (d'après  la  5*  édition)  par 

Gustave  Sandre. 

VIII  et  379  p.  gr.  in-8».  Prix  :  broché, *10  fr.;  relié,  12  fr. 

Ce  livre,  dans  lequel  l'auteur  a  dherché  à  remplacer  Tétude  pure- 
~  ~~inent  théorique  et  abstraite  de  l'harmbnie  par  des  exercices  pratiques 

de    Comnosition    libre,     fut    ncr^llAÏlIi.    rl^a    ann     annnritinn      noi.    iim» 


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DlXIÊMB  ANNÉE.  —  N**  43. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  26  Octobre  1890. 


MODERNE 


PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


REVUE  GRITIQUE  DES  ARTS  ET^EÙ  LITTÉRATURE 


\ . 


Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Epmond  PICARD  —  Émii<b  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   lO.ÔO  ;  Union  postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES  :    On  traite  à   forfait. 

\     Adresser  toutes  les  communications  à      .  ' 

l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles.  ^ 


^OMMÂIRE 


Le  Café-Concert.  —    L'incendie  de  la  Cathédrale  de  Sienne. 

—  Littérature  vagabonde.  ,Nptes  d'un  frileux,  par  Jean  Robie. 

—  Paradoxes  d'un  bibliophile.  —  Concert  Strakosch  a  Liéoe.  — 
Chronique  judiciaire  des  arts.  Jeanne  de  Ginain.  —  Tableau  dé- 
truit dçins  un  incendie;  fixation  de  l'indemnité.  —  Petite  chro- 
nique. 


LE  CAFE-CONCERT 

Il  y  a  quelque  vingt  ans,  ce  que  sifflotait,  les  mains 
dans  les  poches,  la  casquette  sur  l'oreille,  le  pâle  voyou 
des  rues  lépreuses  et  ce  que  chantait  la  petite  piqueuse  de 
bottines  dans  lés  sous-sols  ou  les  greniers  des  quartiers 
commerçants,  Grande  Duchesse  de  Gérolstein,  Belle 
Hélène,  Mère  Angot,  Giroflé-Girofla,  c'étaient  vos  chan- 
sons«à  vous,  celles  que  vous  débitiez  par  la  bouche  des 
Schneider  et  des  Théo,  chaque  soir,  devant  les  rampes 
des  théâtres,  où  des  étages  de  spectateurs,  depuis  le  par- 
terre jusqu'au  paradis,  toutes  mains  claquantes,  vous 
faisaient  fête  et  s'enthousiasmaient  de  vos  audaces  de 
gestes,  de  vos  sous-entendus  de  sourires  et  d'œillades  et 
de  vos  costumes  de  chair  et  d'or.  Vous  étiez  l'expres- 
sion de  la  réjouissante  canaillerie  du  temps,  vous  satis- 
faisiez autant  qu'il  l'est  possible,  en  public,  la  fièvre 
d'abraoadabrantisme  et  d'érotisme  des  foules,  qui  ont 


leurs  vices  aus'si  exigeants  que  les  individus.  Et  vous 
étiez  des  «  fatalités  historiques  » .  Vous  les  premières, 
vous  avez  permis  à  certains  messieurs  de  noble  lignée  et  de 
haute  situation  de  rire,  franchement,  sans  se  gêner,  au 
vu  et  au  su  de  tous,  des  vieilles  choses  saintes,  mais  si 
caduques,  pour  lesquelles  leurs  pères  étaient  morts.  Le 
peuple  et  la  bourgeoisie  avaient  eu  beau  temps,  aux 
jours  révolutionnaires,  pour  se  moquer  des  rois,  des 
lois,  des  dieux;  Eux,  ces  aristocrates,  n'avaient  pu  se 
soulager  encore  ;  ils  restaient  raides,  dignes,  immobiles. 
Vous  leur  avez  cinglé  les  jambes  des  fouets  et  de  la  rage  ^ 
de  votre  musique  et  ils  ont  dansé  et  sauté  et  cancané 
tout  comme  les  autres. 

De  plus,  vous  avez  réveillé  un  genre  de  gaieté  mort 
en  France  depuis  deux  siècles  :  le  burlesque.  Rabelais 
s'était  dilué  en  Jean  de  la  Fontaine  et  Poquelin  de 
Molière  ;  mais  Cyrano  de  Bergerac  et  le  vieux  Scarron, 
le  goutteux- de  la  Maintenon,  où  donc  avaient-ils  fait 
regermer  leur  esprit?  ' 

L'opérette  n'est  pas  de  marque  gauloise;  elle  vient 
des  poèmes  héroïco-comiques  des  rimeurs  du  xvii*  siècle 
commençant,  alors  que  les  influences  italiennes  passaient 
les  Alpes.  L'opérette  est  avant  tout  la  parodie.  Certes, 
une  parodie  folle,  grimaçante,  épileptique,  jambes  en 
l'air.  Quand  le  brave  et  podagre  et  calaraiteuxet  joyeux, 
quand  même^arron  (boum!)  fait  réciter  le  benedicite 
par  Didon  (boum!)  au  moment  de  se  mettre  à  table  avec 


"Enée  et  ses  compagnons  (boum!  boum!.),  il  instaure  le 
comique  spécial  q;ii  nous  déride  ^  entendre  Hélène 
parler  l'argot  parisien  et  Ajax  et  Achille  et  Aga- 
memnon  et  tous  faire  des  calembourgs.  L'opérette 
n'a  pas  inventé  un  genre  tout  battant  neuf.  Elle  est 
allée  vers  ceux  d'avant  Louis  XIV,  les  amuseurs  de  ce 
temps-là,  les  gros  et  ricanants  poètes,  les  cornacs  d'un 
carnaval  à  travers  l'histoire,  les  écrivains-boufï'es,  aux- 
quels le  dindonné  Boileau  avait  emprunté  son  Lutrin. 
Nous  croyons  que  cette Xgénéalogie,  évidente  pour 
nous,  n'a  pas  encore  été  mise\iîettement  en  lumière. 

Mais,  aujourd'hui,  voici  l'opérette  morte  et  la  chan- 
son de  café-concert  vivante.  Et\ce  que  siffle,  les  mains 
dans  les  poches,  la  casquette  sur  Koreille,  le  pâle  voyou 
des  rues  lépreuses,  et  aussi  ce  que  chante  la  petite 
piqueuse  de  bottines  dans  les.  sous-sols  ou  les  greniers 
des  quartiers  commerçants,  et  ce  qufe  des  étages  — 
baignoires,  loges,  balcons,  galeries  — ^\le  mains  cla- 
quantes bissent  chaque  soir  en  des  Alcazàrket  des  Eldo- 
rados empâradisés  de  dorures  et  d'arabesquekmahomé- 
tanes,  c'est  la  chanson  multiforme,  éclose  dansée  Paris 
de  Montmartre  ou  du  Boulevard,  et  qui,  jupes  levées, 
déhanche  et  grand-écarte  son  quadrille  naturaliste^'un 
coin  du  monde...  à  l'autre.  La  chanson  a  succédé  à 
l'opérette,  elle  est  sa  fille,  certes,  niais  combien  illégi- 
time. L'opérette,  avant  de  la  mettre  au  monde,  a  couché 
avec  un  clown  anglais  et  s'est  désarticulée  pour  ce.  Dieu 
sait  en  quelle  voluptueuse  posture,  —  dirait  M.  Frédé- 
rix.  Certes,  les  refrains  en  relief  dans  les  œuvrettes  des 
Lecocq  et  des  Hervé,  qui  se  chantent,  aujourd'hui 
encore,  dans  certaines  Scalas,  représentent  l'ancienne 
chanson,  mais  ces  romances-là  ne  caractérisent  guère. 
Elles  ne  font  que  signaler  telles  et  telles  divettes  La 
vraiejihanson,  c'est  celle  de  Thérésa.  Celle  aussi  des 
Judic  et  des  Théo,  et  sitôt  naissent  la  vulgarité,  la  sca- 
tologie et  le  reste.  Seulement,  cela  est  supérieurement 
dit,  spirituellement  détaillé,  avec  des  gestes  de  mains  et 
de  doigts  amusants,  des  mouvements  de  buste  et  de 
croupe  vifs  et  prestes,  des  regards  ahuris,  des  hésita- 
tions naïves,  et  toute  la  variété  des  calembredaines 
ou  des  mots  de  sapeurs  logés  en  des  bouches  de  pre- 
'mière-communiantes.  Dès  cet  instant,  comme  s'il  y 
avait  entente  tacite  et  universelle,  des  noms  d'auteurs 
spéciaux,  de  musiciens  en  goguette,  et,  surtout,  un. 
sous-ordre  de  cabots,  les  chanteurs  de  café-concert, 
émergent  du  papier  pâle  des  entêtes  de  romances  vers  le 
rouge  sang-de-bœuf  et  le  jaune  obscène  de  l'alhche  tape 
à  l'œil. 

La  chanson  est  égrillarde,  caricaturale,  paysanesque, 
militaire.  Elle  est  patriotique  aussi,  et  joyeusement.  La 
revanche  est  au  bout  du  refrain,  toujours.  Elle  sonne 
et  claironne  les  morts  héroïques  et  familières,  en  képi  et 
en  pantalon  rouge.  Elle  s'est  faite  politique,  non  pas 
comme  l'ancienne  chanson,  mais  de  façon  soudaine  et 


nouvelle,  trouvant  son  coryphée  et  l'envoyant  de  ville 
en  ville  faire  de  là  propagande.  Elle  est  essentiellement 
vivante  et  moderne,  dans  l'air  de  ce  temps  et,  par  con- 
séquent, malléable,  transformable  et  camélépnesque. 
Echo  où  se  répercute  le  bruit  de  la  rue,  l'événement  du 
jour,  les  cris  de  rut  des  villes.  A  ce  titre,  plus  que 
n'importe  quel  livre,  puissante.  Un  jour,  le  socialisme 
's'emparera  d'elle,  certes. 

Tandis  qu'en  France  et  en  Belgique  les  théâtres  ont 
peine  à  vivre,  les  eafés-concerts  sont  bondés.  C'est  là  que 
les  originalités  les  plus  nombreuses  s'affirment.  L'un 
chanteur  à  succès  remplace  l'autre,  hâtivement.  La 
démode  y  galope.  Transformations  d'année  en  année, 
genres  nouveaux,  personnages  inédits,  attractions  vio- 
lentes, cayennes  de  plus  en  plus  rouges  :  la  table  où 
l'on  invite  le  public  est  grande  et  follement  servie  et, 
sitôt  le  dessert  fini,  la  nappe  ôtée,  une  carteTiouvellff  se 
tend  vers  la  gourmandise.  Il  faudrait  innover  quant  à 
l'aménagement  des  salles.  Tabagies  au  début,  elles 
devraient  jamais  perdre  ce  caractère.  Puisqu'on  y  vient, 
quelques-uns  afin  d'y  acheter  du  rire  à  cent  sous, 
d'autres  s'y  reposer  des  fièvres  du  chiffre  et  du  chèque, 
d'autres  en  dilettantes,  certains  en  artistes,  la  plupart 
en  rabatteurs  de  petite.s  femmes,  le  cigare  et  la  ciga- 
rette, qui  nimbent  de  leur  fumée  le  farniente  moderne, 
ne  devraient  jamais  s'éteindre  à  la  porte,  par  ordre. 
Dans  les  salles  on  servirait  bières,  limonades,  thés,  vins 
et  liqueurs.  Et  la  scène  aussi  s'originaliserait  Les  décors 
sont  ils  toujours  rnèmes  coins  de  jardin  ou  salons  à 
cheminée  crasseuse  et  à  panneaux  ocres  !  —  se  mue- 
raient plus  en  rapport  avec  le  refrain  chanté  :  places  de 
ville,  rues  de  faubourgs,  boulevards  extérieurs,  zincs 
d'assommoirs,  que  sais-je!  Tout  serait  à  créer  ou  du 
moins  à  perfectionner. 

Depuis 'côs  quelques  dernières  années. . .  que  d'étoiles 
soudaines,  apparaissantes,  disparaissantes;  quelles 
chutes  et  ascensions  en  ce  spécial  ciel-de-lit.  Quels  mou- 
vements, de  gravitation  et  de  répulsion,  et  comme  tout 
se  transforme,  se  fond  et  se  refond  d'hiver  en  hiver,  de 
saison  en  saison.  La  vie  afflue  —  vie  de  chanteurs, 
de  chanteuses  et  de  public  —  donc,  le  café-concert  nous 
est  nécessaire.  C'en  est  la  preuve  la  plus  nette  et  la  plus 
victorieuse.  On  le  combattrait  au  nom  de  n'importe 
quoi,  morale  ou  art,  que  rien  ne  serait  et  ne  pourrait 
être  changé. 

Bruxelles  —  voici  déjà  de  nombreux^i jours  — 
applaudit  les  plus  récentes  chanteuses  à  succès.  Avez- 
vous  entendu  Yvette  Gilbert,  Diamantine,  Pâquerette  ? 

A  songer  un  iiistant  que  c'est  l'ancestrale  Thérésa 
qui  sert  de  type  classique  à  la  chanteuse,  il  est  difficile 
de  justifier  la  filiafion  de  Diamantine  et  de  Pâquerette. 
On  ne  suit  pas  les  degrés  de  la  descendance  par  les  inter*- 
médiçiires  :  Judic,  Théo,  May,  Duparc,  Bonnaire.  Pour 
Yvette  Guilbert  la  déduction  est  possible,  mais  pour 


Ts^ 


\; 


•  Diamantine  et   Pâquerette   l'intervention^  du   clown 
anglais  s'impose. 

Déjà  les  chanteurs  s'étaient  décisivement  panfichés 
d'acrobates.  Les  entrechats  épileptiques,  les  chahuts 
invraisemblables,  \e  delirium  fremens  des  refrains 
sauteurs,  furent  de  plus  en  plus  goûtés.  Loin  de  les 
atténuer,  on  les  généralisa,  et  même  on  les  accentua. 
Et  le  faiseur  de  cumulets,  qui  dor|  en  tout  danseur 
comique,  apparut^  \ 

Puis  s'inaugurèrent  le  costume  spéci^yk  le  chapeau  de 
soie  havape,  les  cannes  superlicoquentieuses,  les  habits 
bleus  à  boutons  d'or.  Le  geste  des  mains  et  des  doigts 
longuement  gantés,  comme  les  clowns  sont  longuement 
chaussés,  instaurèrent  une  mimique  neuve,  folle,  inouïe, 
et  l'œil  et  la  bouche  et  même  Voreille,  bougeant  étran- 
gement, donnèrent  à  la  physionomie  sa  dislocation  fau- 
nesque.  Les  expressions  les  plus\oudaines  d'effroi  alter- 
nèrent avec  des  rires  et  des  riga\ades  de  regards,  et 
le  nèz  énorme,  goulu,  les  narines  ouvertes,  huma  toute\ 
la  puante  et  lutirique  fornication  du  visage. 

Diamantine  et  Pâquerette  se  '  sont  androgynées. 
Leur  jeu,  leur  mimique,  leurs  tours  de  forcelie  bras  et 
de  jambes?  —  d'un  homme.  Elles  exagèrent  leur  mascu- 
linité par  des  aplatissements  de  poitrine,  des  tapes  sur 
le  sein  et  parfois  des  arrangements  de  chevelure.  La 
voix  de  celle-là  est  rogommée  :  un  débardeur.  Et  fe^me 
et  homme  successivement  ou  pas  du  tout  ou  en  même 
temps,  elle  réalise  l'insexualité  curieuse,  l'artificielle 
création  des  blasés  et  des  raffinés,  l'attrait  des  races\ 
plus  cérébrales  que  sensuelles,  toutes  caractéristiques 
de  ce  temps-ci. 

Les  costumes  sont  spéciaux  :  pas  de  corset,  pas  de 
taille.  Des  bas  noirs  avec  des  dessous  noirs.  Des  jupes 
étranges,  irrévérencieuses,  belles. 

Son  jeu?  Invraisemblable.  Elle  parait  la  tête  inclinée 
comme  une  fleur  candide,  les  mains  sur  la  poitrine 
comme  une  vierge,  elle  file  des  sons  doux,  a  l'air  de 
confier  des  prières  à  un  ange  qui  passe  pour  qu'il  l'ap- 
porte à  Dieu,  puis  crac!  un  juron  ;  une  phrase  où  l'on 
surprend  le  mot  «  punaise  »;  un  grand  et  gauche  geste 
de  pied  bot  tapant  le  sol,  et  Igtout  se  termine  par  un 
grattement  d'ongles  sous  l'aisselle. 

Pâquerette  —  elle  conteste  à  Diamantine  l'invention 
du  genre  —  Qst  moins  vulgaire,  moins  voyoute,  moins 
sans  gêne  devant  le  public.  Elle  n'ose  point  autant  que 
l'autre.  Elle  est  gracile,  rieuse,  pas  mal.  Elle  innove  sur- 
tout par  l'acrobatie  de  ses  bras,  interminables  comme 
les  trompes  d'une  pieuvre.  Elle  caricature  les  Anglaises, 
les  balleripes  d'opéra,  que  sais-je?  Ses  entrées  seules  et 
ses  sorties  l'ir^diquent  :  fille  de  clown. 

Si  Diamantine  n'a  pas  créé  le  genre,^en  tous  cas 

l'expioite-t-elle  mieux  que  son  émule.  Chez  elle  on  sur- 

-prend  cette  odeur  de  bas-fonds  parisiens,  ces  manières 

de  barrière,  cette  joie  à  être  canaille  et  tentante,  et 


cette  ironie  cynique  et  bien  portante  de  jtout  envers  tout. 
Elle  n'est  guère  belle,  pas  même  jolie.  Elle  est  plus  que 
tout  cela,  puisqu'aux  yeux  de  plusieurs  la  joliesse  et  la 
beauté  sont  répulsives  à  cause  même  de  l'admiration 
générale  qu'elles  provoquent.  La  beauté  a  cours  par- 
tout comme  une  livre  sterling.  On  lui  fait  banalement 
fête,  les  imbéciles  autant  que  les  artistes. 

Le  souvenir  nous  restera  bien  plus  de  Diamantine  que 
de  Pâquerette,  bien  que  les  deux  noms  soient  merveil- 
leux de  pudeur  et  de  fraîcheur,  et  que  leur  à  rebours 
convient  si  adéquatement  aux  demoiselles  qui  les  iro- 
nisent. 

A  plus  tard  un  article  sur  la  musique  de  bastringue. 


L'INCENDIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  SIENNE 

Heureusement  le  loit  seul  a  brûlé.  Le  précieux  édifice,  avec  ses 
trésors  d'art,  subsiste.  Mais  c'a  été  une  alerte  chez  tous  les  artistes, 
chez  tous  les  intellectuels,  quand,  avec  le  laconisme  d'un  incident 
Àégligeabie,  les  journaux,  toujours  si  misérablement  décapités  de 
lodte  préoccupation  supérieure,  annoncèrent  la  funeste  nouvelle  : 
dos  plombiers  imprudents,  en  réparant  la  toiture,  y  avaient  mis 
le  feu.  L'incendie,  activé  par  le  vent,  grandit;  on  attend  des 
secours  de  Florence,  disaient  les  dépêches. 

Et  tout  le  jour  qui  suivit  cette  lecture,  je  fus  obsédé  par  le  sou- 
venir de  celte  cathédrale  magnifique,  naguère  visitée.  Je  la  voyais 
tout,  en  haut  de  h  petite  ville  moyenâgeuse  flamber,  flamber  irré- 
médiablement dans  la  nuit.  Ce  dût  être  un  tragique  spectacle, 
avec  l'angoisse  des  écroulemenis,  des  flammes  dévoralrices  de 
chefs-d'œuvre.  Un  des  plus  nobles  témoignages  de  l'eiforl  de 
l'homme  vers  l'idéal  s'anéantissait. 

Les  dépêches  du  lendemain  étaient  plus  rassurantes  :  lé  danger 
avait  disparu;  les  toitures  intérieures  avaient  résisté  et  tout  se 
bornait  à  des  dégâts  matériels  considérables,  mais,  en  définitive, 
réparnbles.  J'eus  une  vériiable  joie  à  apprendre  que  le  péril  était 
conjuré. 

C'est  qu'elle  est,  en  véi^té,  merveilleuse,  et  d'une  originalité 
enchanteresse,  cette  cathédrale,  l'une  des  plus  belles  de  cette 
Italie  qui,  pour  se  présenter  au  jugement  des  siècles,  a  su  se 
parer  de  tant  d'inestimables  monuments!  A  l'endroit  le  plus  élevé 
de  la  cité,  le  plus  près  du  ciel,  drossée,  au  dessus  de  la  pitto- 
resque et  fantasque  bourgade,  dont  les  rues  capricieuses,  bordées 
de  palais  massifs  comme  des  forteresses,  dégringolent  de  tous 
côlésv  elle  s'aperçoit  de  loin  dans  la  campagne,  dominant  les 
tours,  les  tourelles  et  les  créneaux  qui  font  à  Sienne  sa  caractéris- 
tique silhoueile,  accidentée,  imprévue  et  charmante. 

Lorsqu'on  arrive,  après  avoir  grimpé  ces  rues  tortueuses, 
devant  son  triple  portail,  c'est  un  éblouissement  de  marbres  mul- 
ticolores, noirs,  blaiics  et  roses,  scintillant  dans  le  soleil,  au 
dessus  des  toits,  dans  l'azur,  et  une  profusion  opulente  de  fleurs, 
de  figures  sculptées  en  la  pierre  fastueuse,  des  gerbes  de  fruits  et 
de  feuillages,  des  animaux  étranges,  des  gargouilles,  et  des  pro- 
phètes solennels  et  des  archanges  et  des  mosa'ù^ucs  sur  fond 
d'or,  le  tout  en  l'épanouissement  prestigieux  d'un  stvle  ogival 
particulier,  de  l'ogival  que  des  analogies  de  mains  jointes  prédes- 
tinent à  la  prière,  mais  spécialisé  ici  par  une  expansion  triom- 


phale,  une  alléf[ressc  d'élre  en  cet  air  frissonnant  de  lumière  et 
d'en  reriiercier  le  seigneur. 

Les  cathédrales  du  Nord  semblenl  élever  ver»  Dieu  leurs  lignes 
grises  comme  un,e  supplication  désespérée;  ici,  c'est' un  poème 
joyeux,  une  action  de  grâces,  un  cî^nlique  de  louange  que  l'exu- 
bérance de  la  vie  fait  jaillir,  avec  une  richesse  inouïe,  du  sol 
nataî.  A  droite,  on  aperçoit  la  ruine  d'un  autre  portail,  gigan- 
tesque vestige  d'un  projet  jadis  conçu  par  la  fière  bourgeoisie  de 
cette  République  vaillante  et  dont  la  grandeur  étonne  :  vers  la  fin 
du  xni*  siècle,  au  sortir  de  la  nuit  du  moyen-âge,  ainsi  que  disent 
lesesprits  éclairés  des  jours  modernes,  les  Siennois,  ayant  à  peu 
près  terminé  leur  église  superbe,  rêvèrent  d'en  faire  une  nouvelle 
dont  la  primitive  eût  été  le  transept.  Après  la  terrible  peste 
de  1348,  on  abandonna  ce  projet  grandiose  :  mais  quelle  idée  il 
^onnc,  non  seulement  de  la  ferveur  de  foi  de  ce  temps,  mais  de 
l'exaltation  de  sentiment  communal,  et  d44a-^assion  d'ornement 
et  d'art  de  ces  petites  villes  d'autrefois! 

On  entre.  Après  l'éclatant  soleil  du  dehors,  l'intérieur  apparaît 
sombre  et  sévère,  invitant  au  recueillement  et  au  silence.  Un  peu 
d'encens  bleuâtre  plane,  parfum  subtil;  un  jour  pâle,  très^oux 
glisse  à  travers  les  vitraux.  Et  la  somptuosité  discrète  des  marbres 
précieux,  aux  couleurs  diverses  veloutées  par  le  temps,  des  vieilles 
boiseries  noires,  des  autels  en  fêle  et  du  pavement  unique  au 
monde,  se  perçoit  par  degrés.  Les  colonnes  svelies,  groupées  en 
piliers  qui  soutiennent  la  coupole,  interrompent  la  régularité  des 
nefs,  et  les  grandes  ombres  qu'elles  projettent  font  des  perspec- 
tives sans  cesse  changeantes,  déroutant  toute  idée  du  plan  géné- 
ral. On  a  l'impression  d'un  monument  très  vaste,  très  mystérieux, 
avec  des  issues  et  des  détours  complexes,  perdus  dans  l'ombre, 
d'un  palais  souterrain  magnifique  et  pompeux,  tout  rempli  de  la 
majesté  d'un  maître  qu'on  ne  verrait,  distinctement,  nulle  part... 
Lieu  de  prière  et  sanctuaire  d'art  :  l'abondance  artistique  de 
cette  prodigieuse  Renaissance  italienne  s'atteste  ici  par  une  chaire 
de  Nicolas  et  Jean  de  Pise,  qui  retrouvèrent  la  sculpture  oubliée, 
et  par  des  bronzes  et  des  marbres  de  délia  Quercia,  Donatello, 
Michel-Ange,  par  des  fresques  et  des  tableaux,  entre  autres  la 
vénérable  Madone  de  Duccio  portée  processionnellement  à  l'autel 
et  que  lé  peintre  avait  signée  de  celte  jolie  inscription  d'orgueil 
naïf:  Mater Sancta  Dei,  sis  caussa  Sienis requid,sis  Duccio  vita, 
te  quia  pinxit  ita. 

Elle  s'atteste  encore  par  des  chefs-d'œuvre  en  ces  industries 
d'art  qu'elle  sut  porter  à  une  incomparable  perfection  :  ciselures, 
joailleries,  fers  forgés,  marqueteries,  etc.  Mais  la  plus  remar- 
quable conséquence  du  besoin  de  décor,  de  cette  soif  de  beauté 
qui  magnifia  cette  époque,  est  certes,  le  curieux,  l'extraordinaire 
pavement.  Lorsqu'ils  eurent  orné  les  murs  et  les  autels,  ne  sachant 
plus  où  mettre  les  images  dont  s'enivraient  leurs  yeux,  les  Sien- 
nois voulurent  les  étendre  sous  leurs  pieds.  Le  pavement  devint 
un  immense  tableau  de  marbre  blanc  et  noir  où,  pendant  près  de 
trois  siècles,  Iravaillèrenl  tous  ceux  dont  Sienne  s'enorgueillissait, 
depuis  Duccio,  l'ancêtre,  jusqu'à  Beccafumi  qui  les  termina.  Singu- 
lière manifestation  esthétique  que  ces  «  graffiti  »  :  lâche  où  il  y 
avait  œuvre  de  peintre,  de  sculpteur,  de  mosaïste.  Beaucoup  de 
ces  nielles  colossales,  au  dessin  noble  ou  délicat,  sont  admirables 
et  l'on  y  peut  suivI^Opute  riiisloire  de  l'art  siennois. 

Car,  il  y  eut  à  Sienoc/tfu  début  de  la  Renaissance,  une  école  de 
peinture  .qui  rivalisa  avec  celle  de  Florence.  Duccio  vaut  bien 
Cimabué  et  l'exquis  Simone  di  Martino  ou  Memmi,quilui  succéda, 
sut  garder  un  charme  original,  malgré  le  rayonnement  du  génie  de 


Giolto.  Parmi  les  imitateurs  du  grand  Florentin,  se  distinguèrent  les 
frères  L6i*énzelti  auxquels  on  s'accorde  généralement  aujourd'hui 
à  attribuer  la  fresque  du  Campo-Santo  de  Pise  :  le  Triomphe  de 
la  Mort  qui  avait  suffi  à  la  gloire  d'Orcagna.  Plus  tard,  durant 
tout  lexY*  siècle,  Sienne  demeura  fidèle  au  même  idéal,  indiffé- 
rente aux  innovations,  aux  recherches  fiévreuses,  et  l'exprima 
avec  éclat  par  Taddeo  di  Bartolo  dont  le  Palais  Public  a  gardé 
cette  miraculeuse  Mort  de  la  Vierge,  par  Matleo  di  Giovanni, 
Sanodi  Pietro,et  tant  d'autres  artistes  d'âme  mystique  et  rêveuse, 
d'un  incontestable  talent  pour  lesquels  personne  encore  n'a 
songé  à  réclamer  la  place  qui  leur  est  due. 

Les  touristes  sont  gmiflés  de  dédain  pour  ces  peintres  pri- 
mitifs aux  noms  dépourvus  de  consécrations  officielles  et  les 
artistes  eux-mêmes  ne  les  connaissent  guère.  La  merveilleuse 
bibliothèque  attenant  à  la  cathédrale  est  moins  ignorée.  C'est  là 
que  resplendissent,  en  une  salle  où  tout:  boiseries,  carrelage, 
plafond,  verrières,  litres  et  missels  est  harmonisé  pour  le  plaisir 
des  yeux,  les  dix  grandes  fresques  du  Pinturrichio,  l'œuvre  prin- 
cipale de  cet  adorable  représentant  ^e  la  grâce,  de  la  distinclion, 
de  l'élégance  ombrienne.         "        .    - 

Rien  qu'à  démontrer  ainsi  brièvement  tous  ces  trésors,  on 
conçoit  quel  désastre  eût  pu  devenir  cet  incendie.  Pour  tous  ceux 
qui  pensent  que  lés  œuvres  d'art  sont  le  meilleur  du  patrimoine 
de  l'Humanité  et  sa  plus  haute  justification  d'être,  c'est,  par  toute 
la  terre,  une  réelle  affliction  quand  s'efface  et  disparaît  quelqu'une 
des  traces  que  l'homme  avait  voulu  marquer  pour  l'ennoblisse- 
ment des  cœurs,  dans  la  poussière  insiable  de  sa  vie  éphémère. 
Réjouissons-nous  que  ce  deuil  nous  ait  été  épargné  ! 

Jules  Destrée. 

JaITTÉRATURE    VAQABONDE    ^ 

Notes  d'un  frileux,  par  Jean  Robie.  —  Bruxelles,  imp.  Pol- 
leuhis,  1890,  1  vol  in-4o  de  131  pp.,  orné  de  14  photo ty pies  de 
M.  Alexandre,  d'après  les  croquis  de  l'autèurr 

Frileusement,  l'auteur  s'est  dérobé  à  la  bise  et  au  gel.  El  durant 
tout  un  hiver  iLest  allé  respirer  du  soleil  dans  la  Haule-Egyple, 
qu'il  décrit  de  son  bon  pinceau  de  peintre  attentif  et  fidèle.  Les 
tableaux  qu'il  en  a  rapportés,  sous  forme  de  chapitres  alertes, 
sont  pittoresques  et  vivants.  Sans  prétention,  la  plume  trotte  sur 
le  papier  comme  l'écrivain  sur  sa  mule,  et  les  grelots  sonnent  le 
long  du  chemin  en  signe  de  joie  et  de  fête. 

Quelques  pages  du  récit  avaient  paru  en  1888  (1).  Celle  fois, 
c'est  une  relation  de  voyage  complète  que  l'auteur  publie, — 
qu'il  publie  à  petit  nombre,  selon  sa  coutume,  pour  les  siens, 
pour  ses  amis,  pour  les  friands  de  descriptions  artistes. 

Un  fragment  :  cette  Fantasia  Ghébir  des  aimées  de  Keneh, 
dont  la  rue  du  Caire  et  ses  succédanés  ne  nous  donnèrent  qu'une 
idée  fort  imparfaite  : 

«  A  ce  moment,  une  superbe  Nubienne,  couleur  marron, 

forte  comme  une  cavale  flamande  et  souple  comme  une  panthère, 
se  glisse  timidement  parmi  les  chanteuses.  Un  murmure  de  satis- 
faction circule  parmi  les  âniers  à  la  vue  de  cette  Vénus  callipyge 
qui,  paraît-il,  est  très  renommée,  pour  la  danse  du  vdhtre. 

Quelques  rasades  de  vermouth  la  mettent  au  diapason  de  ses 
compagnes,  qui  vont  s'accroupir  des  deux  côtés  de  la  salle,  sur 
une  sorte  de  banquette  en  limon  séché  qui  leur  sert  de  divan. 

(1)  V.  VArt  moderne,  1888,  p.  157. 


Rien  de  plus  bizarre  que  le  spectacle  de  celle  Phrynéé  noire, 
planlée  comme  une  slalue  devant  un  Aréopage  d'insulaires  fleg- 
matiques, tout  de  blanc  habillés.  La  lueur  vacillante  des  bougies 
met  des  luisants  sur  le  corps  bronzé  de  cette  créature  étrange  et 
farouche,  arcboutée  comme  une  béte  fauve  en  arrêt.  Immobile  au 
milieu  du  cercle  lumineux,  son  regard  fascinaleur  semble  cher- 
cher une  victime  parmi  les  Européens  alignés  comme  des  magots 
sur  les  cages  à  poulets.  Lentement  ses  membres  se  détendent  : 
elle  secoue  sa  noire  crinière,  qui  se  déroule  en  torsades  crépues  ; 
son  œil  sombre  s'allanguil;  elle  a  trouvé  son  idéal.  Cet  idéal, 
c'est  M.  Murray,  le  fulgurant  Ecossais  dont  la  face  apoplectique 
couronnée  de  cheveux  rouges  éclate  en  pleine  lumière  comme  un 
pompon  de  grenadier.  Le  pauvre  garçon  est  tout  décontenancé 
devant  les  agaceries  félines  de  sa.  noire  conquête.  Et  tandis  que 
les  aimées  entonnent  un  chant  d'ivresse  allant  crescendo,  là 
Nubienne  en  extase  se  cambre  et  frémit  des  pieds  à  la  tête  avec 
des  spasmes  de  poulpe;  la  poitrine  se  gonfle,  palpite;  les  mus- 
cles de  l'abdomen  et  leurs  congénères  postérieurs  se  tortillent  en 
ondulant  comme  un  paquet  d'anguilles. 

Terpsichore  n'a  absolument  rien  à  voir  dans  ces  contorsions  et 
ces  trémousements  musculaires  ;  c'est  une  démonstration  analo- 
mique  sur  le  vif. 

Le  public  —  je  parle  des  ûniers  —  au  comble  du  délire,  brait: 
àldane  !  aïdane  !  encore  !  encore  ! 

11  est  vrai  que  le  vermouth  et  lewisky,  en  dépit  du  Coran,  sont 
pour  beaucoup  dans  cette  explosion  d'enthousiasme,  car  nos  pro- 
visions s'épuisent  à  vue  d'œil.  Bientôt  la  fantasia  dégénère  en  une 
bacchanale  répugnante,  indescriptible;  les  visages  bronzés 
s'allument,  les  Arabes  trépignent  et  bondissent  parmi  les  aimées, 
ivres,  éohevelécs,  se  démenant  commes  des  furies  dans  la  pous- 
sière nauséabonde  qui  lourbillonue  et  vous  prend  li  la  gorge. 

Et  à  mesure  que  l'air  vicié  s'échauife,  la  frénésie  se  commu- 
nique de  proche  en  proche  ;  les  innombrables  insectes  enfermés 
dans  ce  chenil  exécutent  des  charges  à  fond  et  se  divertissent,  à 
leur  manière,  en  nous  criblant  de  ventouses  :  la  place  n'est 
pas  tenable.  Par  neuf  voix  contre  une  on  décide  de  lever  la 
séance » 

C'est  le  troisième  ouvrage  littéraire  de  M.  Robie.  Son  Voyage 
dansVInde,  en  deux  volumes,  parut  en  1883  et  en  188S  (4).  Ses 
Débuts  d'un  peintre  en  4886  (2).  Les  Noies  d'un  frileux  ont 
même  netteté  de  vision,  même  bonhomie,  même  agrément  dans 
le  récit.  Ce  sont,  réunis  par  un  homme  de  goût  et  un  artiste,  des 
croquis  sincères  dessinés  d'un  crayon  souple  et  léger. 


PARADOXES  D'UN  BIBLIOPHILE 

Les  livres  ne  sont  pas  faits  pour  être  lus. 

Celui  qui  coupe  ses  livres  est  capable  de  dépecer  sa  femme.  ' 

Il  y  a  des  bibliophiles  honnêtes,  comme  il  y  a  des  maris  heu- 
reux, o 

L'amitié  entre  deux  bibliophiles  n'est  jamais  qu'une  conspira- 
tion contre  un  libraira.  --        " 

Le  bibliophile  sera  célibataire  ou  il  ne  sera  pas.  r-. 

Les  hommes  ne  dilTôrcnl  que  par  la  nature  de  leurs  collections. 

{l)  \o\r  l'Art  moderne,  i883,  y).  208. 
(2)  Voir  l'Art  moderne,  1887,  p.  21.     • 


Acheter  un  livre  pour  sa  reliure,  c'est  épouser  une  femme  pour 
sa  toilette. 

Un  bibliothécaire  qui  aime  les  livres  est  un  garde-chasse  qui 
aime  le  gibier. 

Celui  qui  prête  un  livre  ne  mérite  pas  qu'on  le  lai  rende;  celui 
qui  l'emprunte  ne  mérite  pas  qu'on  le  lui  confie. 

La  conscience  humaine  est  un  exemplaire  à  grandes  marges. 

On  ne  ramasse  rien  sans  se  baisser.  , 

Les  enchères  sont  un  feu  çù  l'on  se  chauife  la  tête  et  oi3  l'on 
se  brûle  les  doigts.  \ 

Omar,  le  destructeur  de  la  bibliothèque  d'Alexandie,  était  un 
bibliophile  qui  spéculait  à  la  hausse. 

Selon  Pascal,  la  chasse  est  supérieure  à  la  poésie  ;  suivant  moi, 
le  bibliophile  est  l'égal  du  chasseur.  .  "\   • 

En  fait  de  livres,  la  possession  ne  vaut  rien  sans  le  titre. 

Beaucoup  d'épelés  et  peu  de  lus.  X 

La  ponctualité  et  la  ponctuation  sont  les  doux  choses  "les  plus 
difficiles  de  ce  monde. 

C'est  dans  l'obscurhé  qu'on  pêche  les  perles. 

Un  érudil  sans  talent  est  une  bibliothèque  sans  catalogue. 

Donner  commission  c'est  s'exposer  à  devenir,  à  la  fois,  victirtic 
et  complice  d'un  abus  de  confiance. 

Mieux  vaut  avoir  du  monde  à  sa  vente  qu'à  son  enterrement. 

'  Charles  Du.mercy. 

CONCERT  STRAKOSCH  A  LIÈGE 

{Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne) 

La  série  des  Concerts  d'hiver  s'est  ouverte  mercredi...  et  de 
façon  malheureuse.  C'était  une  tournée  Strakosch  qui  faisait  les 
frais  de  la  soirée,  mettant  très  en  vedette  lé  nom  de  M™*  Emma 
Nevada,  faisant  grand  étalage  de  photographies  et  de  réclames, 
faisant  grand  bruit  autour  des  étoiles  italiennes  qui  seraicni 
présentées  au  public. 

On  s'éiait  méfié;  la  salle  était  vide. 

Et  ,,ceiie  fois  —  par  cxtraoYdinaire  -^  le  public  liégeois,  ce 
désintéressé  des  questions  d'arl,  n'a  pas  ou  tort. 

Exceptons  le  signor  Rapp,  une  basse  majestueuse,  voix  pro- 
fonde qui  ne  manque  pas  de  souplesse,  un  chanteur  qui  ne 
s'abandonne  pas  au  dévergondage  d'ornemeniation  de  l'école 
italienne,  et  disons  que  tous  les  autres  nous  ont  fort  ennuyé. 

C'est  le  ténor  Del  Papa,  dont  la  grande  voix  froide  s'assombrît, 
puis  éclate,  se  fait  mielleuse,  puis  éclate  de  nouveau,  un  sigrior 
qui-jpime  les  effets  violents  et  affectionne,  la  variété  et  l'éblouisse- 
ment  des  couleurs, 

C'est  M"'"-Phœbé  Alexandra,  une  jolie  personne  dont  la  voix 
fraîche  rivalise  en  mobilité  d'expression  avec  la  physionomie. 

Passons  M.  Carbonnetli,  un  baryton  comique,  qui  rappelle  trop 
les  chanteurs  des  cafés-concerts,  où,  du  moins,  on  peut  fumer. 

Et  M"'e  Nevada!  Que  les  pauvres,  qui,  sur  la  foi  des  réclames, 
sont  venus  pour  entendre  une  étoile  de  première  grandeur,  ont  dû 
éprouver  une  cruelle  déception  ! 

11  lui  reste,  à  M™*  I^evada,  une  petite  voix  pure  qu'elle  manié 
très  ingénieusement,  si  ingénieusement  que,  formant  les  yeux, 
j'imaginais  entendre  la  douce  expression  d'une  savante  et  der- 
nière mécanique  d'Edison. 


r 


DCf^a  musique  qu'elle  chante  elle  ne  laisse  rien  ;  el  pourquor, 
au. lieu  de  Verdi,  de  Dèlibcs,  ne  pas  meltre  au  programme  ;  Air 
de  Violetta,  Légenie  du  Paria  de  M""  Nevada.  Ce  serait,  peui- 
élre,  une  nouvelle  réclame  qui  séduirait  le  public. qui  n'a  pas 
craint  de  faire  à  M"'«  Nevada  un  relatif  succès. 

Au  milieu  de  ces  étonnantes  fantaisies,  l'orchostre,  mais  incoin^ 
plel,  des  Nouveaux  Concerts,  dirigé  parJM.  Sylvain  Dupuis,  nous 
a  donné  une  satisfaisante  exécution  de  fragments  des  Maîtres- 
Chanteurs  ;  et  l'on  croyait  rêver  en  écoutant  cette  fois  de  la  vraie 
musique. 


—    Chronique  judiciaire   de?  ^rt? 

Jeanne  de  Ginain. 

Jeanne  de  Ginain  est  un  roman  que  son  auteur,  M.  de  Gan- 
gler,  a  vendu  à  M.  Arlhur  Meyor  pour  le  publier  en  feuilleton 
dans  le  Gaulois.  • 

Le  manuscrit  reçu,  le  prix  payé,  M,  Meyer  laissa  dormir  paisi- 
blement les  feuillets  dans  un  tiroir,  lorsqu'un  exploit  au  timbre 
officiel  de  hi  République  vint  inopinément  l'inviter  à  les  en  retirer. 
L'exploit  sommait  le  directeur  du  Gaulois  de  remettre  sans  relard 
la  copie  à  ses  compositeurs,  faute  do  quoi  il  serait  cqndamné  îi 
payer  à  l'auteur  50  francs  par  jour  de  relard,  et  2,000  francs  de 
dommages-intérêts.  «  Mais  j'ai  payé  votre  manuscrit.  Il  est  à  moi. 
J'en  fais  ce  que  je  veux  »,  riposte  M.  Meyer.  «  Vous  l'ayez  acheté 
pour  le  publier,  réplique  M.  de  Gangler,  et  non  pour  l'enfouir^ 
dans  un  tiroir.  Publiez-le,  ou  payez  moi  des  dommages-inléréts  ». 

Et  le  tribunal  de  commerce  de  la  Seine,  saisi  de  celle  question 
de  droit,  a  donné  r.iison  à  l'auleur.  L'intention  des  parties  con- 
tractantes est  évidente  :  c'est  bien  en  vue  d'une  publication  dans  fe 
Oatilois  t\ue  Jeanne  de  Ginain  a  été  cédée,  el  l'acheteur  du 
manuscrit  n'a  rempli  qu'une  piirlie  de  ses  obligations  en  acquit- 
tant le  montant  du  prix.  L'auleur  d'une  œuvrejilléraire  a  néces- 
sairement le  plus  grand  intérêt,  en  dehors  du  prix  qu'il  reçoit,  à 
la  voir  paraître  dans  un  journal  répandu. 

En  réparation  du  préjudice  causé,  M.  Meyer  offrait  de  restituer 
le  manuscrit.  Cette  offre,  jointe  au  prix  payé,  qui  demeure  acquis 
à  M.  de  Gangler,  est  jugée  salisfaçtoire  par  le  tribunal,  qui 
ordonne  la  restitution  et  déboule  l'auteur  du  surplus  de  sa 
demande. 

Tableau  détruit  dans  un  incendia .  —  Fixation  de 

l'indemnité. 

Le  tribunal  civil  de  la  Seine  a  fait  dernièrement  une  intéres- 
sante application,  à  propos  d'une  œuvre  d'art,  du  principe  que 
l'assurance  ne  peut  jamais  être  une  cause  de  bénéfice  pour 
l'assuré  el  que  l'indemnité  due  par  l'assureur  ne  doit,  en  aucun 
cas,  dépasser  la  valeur  réelle  qu'avait  l'objet  au  moment  de 
l'incendie. 

Un  peinlre  russe,  M.  Zmurko,  avait  exposé  à  l'Office  des  Théâ- 
tres du  boulevard  des  Italiens,  à  Paris,  une  grande  toile  rejpré- 
sentani  la  Moi  t  de  Marguerite  Gautier  (la  Dame  aux  Camélias). 
L'œuvre  était  assurée  à  la  Compagnie  la  Foncière  pour  la  somme 
dé  30,000  francs.  Survient  un  incendie  qui  détruit  le  tableau.  La 
compagnie  réclame  une  expertise;  l'expert  désigné  par  une 
ordonnance  de  référé  fixe  à  2,500  francs  seulement  la  valeur  de 
la  toile.  Le  peintre  protoslc,  naturellement,  et  voici  le  débat 
engagé. 

Faut-il,  comme  le  demande  la  Compagnie,  entériner  le  rapport 


de  l'expert?  Faut-il  au  contraire  admettre,  avec  l'artiste,  que  les 
œuvres  d'art  ont  une  valeur  de  convention  el  d'opini'on  résuUant 
de  circonstances  diverses,  et  échappant,  dès  lors,  aux  règles 
habituelles  des  expertises  en  matière  d'assurance?  Le  prix 
convenu, constituait-il  un  forfait  accepté  par  la  compagnie,  et 
ce  prix  doit-il  être  maintenu  en  l'absence  de  toute  fraude? 

Le  jugement  décide  que  l'estimation  dej'experl  était  réellement 
Irop^basse,  étant  donné  que  «  l'imprésario  »  du  tableau  avait  dû 
verser,  pour  l 'exposer  à  Paris,  une  garantie  de  40,000  francs  à 
l'auteur.  M.  Zmurko  a,  d'ailleurs,  vendu  plusieurs  de  ses  œuvres 
neuf  à  dix  mille  roubles  à  des  banquiers  sémites.  Mais  il  juge 
qu'une  indemnité  de  10,000  francs  est  suffisante  pour  dédom- 
mager l'artiste,  et  condamne,  en  conséquence,  la  Foncière  à  lui 
payer  cette  sonime. 

Le'  fâcheux  de  l'histoire,  c'est  qu'une  autre  compagnie,  la 
Clémentine,  inlervenanl  au  procès,  a  pratiqué  entre  les  mains  de 
la  Foncière  une  saisie-arrêt  jusqu'à  concurrence  de  fr.  19,100-25 
donl  elle  est  créancière  à  charge  de  M.  Zmurko.  Celui-ci  ne  lou- 
chera donc  rien,  si  la  saisie  est  validée. 


Petite  CHROf^iquE 

Notre  Petite  Chronique  est  ouverte  &  quiconque  désire 
communiquer  au  public  un  fait  intéressant  l'Art  ou  les 
artistes. 

Adresser  les  lettres  à  la  Direction  de  l'ArlJloderne,  32,  rue  de 
l'Industrie,  Bruxelles.  

Stéphane  Mallarmé  vient  de  publier  en  cinquante  exemplaires 
sa  superbe  Conférence  sur  Villiers  de  l'Isle^-Adam  :  Six  soirées 
en  Belgique,  dont  deux  à  Bruxelles,  puis  Anvers,  Gand,  Liège, 
Bruges,  et  une  à  Paris,  devant  un  auditoire  privé,  dans  le  salon 
de  Madame  Eugène  Manet,  février  1890. —  Paris,  librairie  de 
l'Art  Indépendant,  1890,  43  pages,  gr.  in-8».  —  On  se  souvient 
de  celle  Conférence  fameuse,  sujet  de  si  acharnées  et  si  étranges 
polémiques,  donl  nous  avons  rendu  compte  dans -nos  numéros 
des  16  et  23  février  et  2  mars  1890.  La  voici  en  sa  forme  défini- 
tive, monument  ile  cet  arl  incompréhensible  pour  la  plupart,  et 
qui  donne  à  d'autres  de  si  pénétrantes  sensations.  Mais  elle  res- 
tera avec  son  mystère.  Elle  est  tirée  à  très  petit  nombre  :  pour- 
"-quoi  la  livrer  aux  banales  injures  de  ceux  qui  n'onl  pas  la 
croyinîe<^nécessaire,  et  toujours  crient  :  Soyez  clair  !  Comme  si  la 
\rjie  clarté  n'était  pas  celle  qui  met  des  lueurs  aux  plis  les  plus 
profonds  dé  l'âme  el  dans  ses  labyrinthes  jusqu'ici  imparcourus. 

Trèsi  curieuse  et  très  artistique  plaquette,  à  tirage  unique  de 
cinquante  exemplaires,  tous  sur  Hollande  Van  Gelder,  publiée 
chez  la  V»^  Ferdinand  Larcier,  19  pages,  in-8°  carré,  1890  :  Les 
Synergues,  par  un  homme  de  beaucoup  d'esprit,  d'intelligence, 
de  haute  et. originale  pensée,  M.  Auguste  Delbeke,  avocat  du 
Barreau  d'Anvers.  C'est,  sous  couleur  antique,  une  ingénieuse 
satire  d'un  usage  quelque  peu  pratiqué  par  certains  de  ses  con- 
frères d'Anvers. 

Voici  l'entrée  en  matière,  adressée  à  l'un  des  nôtres  : 

«  Très  cher  MaItre^ 

Les  philologues  sont  dans  la  joie.  On  vient  de  découvrir  au 
couvent  du  Mont  Athos  plusieurs  fragments  de  comédies  dues  à 
la  plume  de  Çinésias,  collaborateur  d'Aristophane,  le  célèbre 
comique  d'Athènes. 


■-■■).    * 


Le  texle  de  celle  imporlante  Irouvaille  arrivera  bienlôt  au 
grand  public.  Mais,  en  allendanl,  je  vous  envoie,  pour  les  lec- 
teurs du  Journal  des  Tribunaux,  la  traduction  de  l'un  de  ces 
fragments,  tiré  de  la  vie  judiciaire  dans  la  République  athé- 
nienne. 

Nous  possédons  le  titre  de  la  pièce  :  Les  Synergues.  Ce  mot 
qui  ne  se  rencontre  nulle  part,  et^qui  signifie  littéralement  : 
«  Ceux  qui  travaillent  ensemble  »,  a  probablement  été  forgé  par 
le  poète. 

Malheureusement  les  deux  premières  scènes  manquent.  F.e  lieu 
de  l'action  n'est  donc  pas  indiqué.  Mais  le  contexte  montré  assez 
qu'elle  se  passe  au  Pirée,  la  ville  commerciale  et  maritime  de 
l'Attique.  ' 

Cordialement  îi  vous... 

M.  Georges  Lemmen  prépare  une  étude  sur  le  peintre  et  dessi- 
nateur anglais  Walter  Crâne. 

C'est  ce  soir,  à  8  heures,  qu'a  lieu,  au  théâtre  de  l'Alhambra,  le 
premier  des  doux  concerts  de  l'orchestre  Lamoureux,  qui  a  reçu 
en  Hollande  un  accueil  triomphal — 

Le  programme  de  cette  première  séance  porte  la  Symphonie 
en  vt  mineur  de  Beethoven,  la  Danse  macabre  de  Sainl-Saëns,  le 
Camp  de  Wallenstein  de  Vincent  d'Indy  (!'«  audition  à  Bruxelles), 
la  suite  poiir  orchestre  tirée  de  V^'^iésienne  àe  Bizet,  l'Espana 
de  Chabrier,  puis  une  seconde  partie  exclusivement  consacrée  à 
Wagner  :  Ouverture  de  Tannhâuser,  prélude  de  Tristan,  li  s 
Waldweben  ûeSiegfried  et  l'introduction  au  3«  acte  de  Lohengrin. 
Pour  finir,  la  Marche  de  Rakocsy  orchestrée  par  Berlioz. 

A  la  seconde  séance,  fixée  à  mercredi  prochain,  à  la  même 
heure,  on  entendra  des  œuvres  de  Schumann,  Haendel,  Sainl- 
Saëns,  Bizet,  Reyer  et  R.  Wagner. 

Les  trois  concerts  classiques  annuels  de  la  Maison  Schott 
auront  lieu  les  8  et  22  novembre  et  le  13  décembre. 

On  y  entendra   M™»"  Teresa   Carreno  (piano)  ;   Nora   Bergh 
(piano);  Marcy  (chnnt);  MM.  Jos.  Joachim  (violon-);  Ed.  Jacohs. 
(violoncelle);  L.  Diémer  (piano);  C.  Thomson  (violon). 

Les  audilions  musicales  destinées  à  faire  connaître  les  œuvres 
pour  instruments  à  vent  et  piano,  données  par  MM.  Anlhoni, 
Guidé,  Poncelel,  Merck,  Ncumans  et  De  Greef,  vont  prochai- 
nement recommencer. 

La  première  de  ces  séances  est  fixée  au  dimanche  23  novembre. 
Elle  aura  lieu  dans  la  grande  salle  du  Conservatoire.  Repétilion 
générale  la  veille,  à  3  heures. 

S'adresser  pour  les  abonnements  chez  M.  Florent,  aile  droite 
de  l'établissement.  

Le  catalogue  des  tableaux,  aquarelles  el  dessins  de  feu 
Léon  Slaes,  dont  nous  parlions  dans  notre  dernier  numéro, 
est  distribué.  Il  comprend  449  numéros.  Nos  lecteurs  trou- 
veront les  détails  de  la  vente  dans  nos  annonces.  Beaucoup  de 
tableaux  anciens.  Les  flamands  sont  en  majorité  ;•  parmi  eux 
Pouibus,  Quellin,  Snayers,  Tenicrs  le  vieux,  l'n  grand  nombre 
de  ces  «  Inconnu  »,  parmi  lesquels  l'amateur  à  coup  d'œil  sûr 
trouve  parfois  dos  authonliques  à  bas  prix.  Dans  la  liste  des 
modernes  :  De  Haas,  Den  Duyts,  Mayné,  Mollcry,  Constantin 
Meunier,  V;in  den  Eycken,  Van  Lcemputlen,  Eugène  Verbocck- 
hoven,  Verdyon  el  Verheydcn.  Des  aquarelles  el  dessins  de  Clays, 
Madou,  Marcctte. 


Place  aux  jeunes  !  Voici  que  la  petite  ville  de  Namur  elle-même 
s'émancipe.  Une  revue  littéraire  mensuelle  lui  est  née  ;  Namur- 
Jeunes,  qui  arbore  comme  devise  ce  révolutionnaire  vocable  : 
Ose!  Nos  meilleurs  souhaits  el  nos  félicitations.  Le  numéro  de 
septembre,  que  nous  venons  de  recevoir  (où  donc  est  resté  celui 
d'octobre?),  contient  des  vers  el  des  proses  de  MM.  Themet, 
Nader,  Clovis,  Mauvère,  Saint-Valery,  Grébér  et  Mainat.  S'adres- 
ser, 23,  boulevard  d'Heuvy,  à  Namur. 


l 


La  Cléopatre  de  Victorien  Sardou,  n'a  guère  réussi,  paraît-il. 
Voici  ce  qu'en  dit  Qil  Blas  :  «  Dans  les  six  tableaux  dont  se 
compose  Cléopatre,  je  n'ai  aperçu,  non  seulement  aucune  imce 
d'inspiration,  mais  encore  rien  qui  parût  avoir  le  moindre  sens. 
Ces  six  tableaux  n'ont  ni  lien,  ni  suite,  ni  clarté  et  ils  donnent  la 
désespérante  impression  d'une  chose  démesurément  incohérente 
el  obscure.  On  croit  assister  à  un  de  ces  spectacles  faits  pour  los 
tout  petits  enfants  et  d'où  est  à  dessein  banni  tout  ce  qui  pourrait 
solliciter  rintelligonce.  Spectacle  chargé  el  touffu  avec  cela,  toiii 
plein  d'incidents  énormes,  mais  dont  la  signification  reste  jus- 
qu'au bout  impénétrable.  Comment  l'esprit  avisé  d'un  dramaturge 
consommé,  le  goût  d'un  poète  de  tiilent  ont-ils  pu  se  Irornpcr  à 
ce  point?  »  —  De  son  côté,  l'Indépendance  belge,  quelque  cou- 
tume qu'elle  ail  de  soutenir  le  suranné  sous  toutes  ses  formes-et 
les  écrivains  du  Bel-Air,  s'exprime  ainsi  :  «  Ce  n'est  qu'un  dr.^me 
visiblement  destiné  à  l'exportation,  conduit  et  machiné  avec  une 
adresse  un  peu  grosse  par  un  «  habile  »  —  non  pas  au  sens  di'  la 
Bruyère,  mais  au  sens  le  plus  pratique  du  mol  —  mis  b  la  scène 
avec  la  richesse  convenable,  la  prodigalité  strictement  indisp-n- 
sable;  un  drame  qui,  en.  effet,  n'a  rion  do  Shakespearien,  sii.on 
les  passages  transcrits  de  Shakespeare  avec  plus  de  fidélité  que 
de  scrupule  ».. 

On  daube  aussi  plus  ou  moins  Sarah  Bernhardt,  à  propos  «le 
son  sempiternel  phrasé  chantant  qui  commence  à  agacer  le 
public,  elon  finit  par  s'apercevoir  qu'tine  comédienne  qui  n'a  piis 
\c;  talent  de  dissimuler  sa  personnalité  sous  celle  des  héroïtios 
qu'elle  représente  n'a  droit  qu'au  second  rang.  C'est  impaiieniani 
de  toujours  sentir  la  juive,  qu'il  s'agisse  de  Théodora  la  Byzan- 
tine, de  Jeanne  d'Arc  la  Française,  ou  de  CléopAtre  l'Egyptienne. 
Un  peu  d'illusion  s'il  vous  plaît. 

M.  Segain,  qui  a  laissé  îi  Bruxelles  le  souvenir  d'un  artiste  de 
premier  ordre  (qui  ne  se  souvient  de  son  interprétation  magistrale 
de  Hans  Sachs  el  de  Wolan?)  vient  de  débuter  à  Bordeaux  dîins 
l'Africaine,  avec  un  très  grand  succès.  «  Parmi  les  nouveaux 
venus,  dit  la  France,  M.  Seguin  s'est  placé,  dès  cette  représen- 
lalion,  au  premier  plan.  Il  s'est  montré  artiste  de  haule  valeur  cl 
de  grand  style.  Le  public  l'a  rappelé  deux  fois  et  lui  a  fait  bisser 
la  ballade.  »  L'appréciation  des  journaux  esi  d'ailleurs  unanime. 
Le  Nouvelliste  (ï\l  en're  autres:  «  Le  nouveau  baryton,  M.  Seguin, 
a  obtenu  un  succès  qui  s'est  accentué  jusqu'au  triomphe....  C'est 
un  magnifique  artiste,  plein  d'expérience  el  d'autorité.  Chez  lui, 
pas  une  distraction,  pas  une  banalité.  Il  est  tout  à  sori  personnage 
elen  exprime  les  passions  avec  une  expression  superbe,  une  rare 
•  variété  de  nuances.  Voilà  le  véritable  chant  dramatique,  la  véri- 
table éloquence  lyrique  ». 

Le  rôle  de  Sélika  était  tenu  par  une  autre  connaissance  du 
public  bruxellois,  M"'*  Monlalba,  engagée  à  Bordeaux  en  repré- 
lentations. 


■  -i 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ETAT-BELGE 


LIGNE   D'OSTENDE-DOUVRES 


La  plu9  courte  et  la  moins  coûteuse  des  voies  extra-rapides  entre  le  Continent  et  /'Angleterre 


Bruxelles  à  Londres  en 
Cologne  à  Londres  en 
Berlin  à  Londres  en  . 


8    heures. 

12  Vi,    -     ■ 
20 


Vienne  à  Londres  en. 
Bftle  à  Londres  en.  . 
Milan  à  Londres 


en 


36  heui^s. 
20       - 
32       » 


XROtis  jse:rvi€:]e:i^  i^i%R  «iour 


D'Ostende  à  5  h.  15  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  31  soir.  —  De  Douvres  à  midi  05,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

tr/^verisée:  eiv  xroiis  he:ure:s 

PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS 

Princesse  Joséphine,  Princesse  Henriette,  Prince  Albert,  La  Flandre  et  Ville  de  Douvres 

partant  journellement  d'OSTENDE  à  5  h.  15  matin  et  11  h.  10  matin  ;  de  DOUVRES  à  midi  05  et  10  h.  15  soir. 

Salons  luxueux.  —  Fumoirs.  —  Ventlllation  perfectionnée.  —  Éclairage  électrique.  —  Restaurant. 

BILLETS  DIRECTS  (simples  ou  aller  et  Détour)  entre  LONDRES,  DOUVRES,  Bârminghain,  Dublin,  Edimbourg,  Olascow, 

Liiverpool,  Manchester  et  toutes  les  grandes  villes  de  la  Belgique 
et  entre  LONDRES   ou  DOUVRES  et  toutes  les  grandes  villes  de  l'Europe.  '  - 


BILLETS  CIRCULAIRES 

Supplément  de  2«  en  1"  classe  sur  le  bateau,  fr.  2-35 
CABINES  PARTICULIÈRES.  -    Prix  :  (en  sus  du  prix  de  la  i"  classe),  Petite  cabine,  7  francs;  Grande  cabine,  14  francs. 
■        A  bord  des  malles  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette 
Spécial  cabine,  28  francs;  Cabine  de  luxe,  75  francs. 

•    Pour  la  location  à  l'avance  s'adresser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  (Qvai)  ou  à  l'Agence  des  Chemins  de  fer  dé  l' État-Belge 
Northumberland  House,  Strond  Street,  n°  17,  à  Douvres. 

Excursions  &  prix  réduits  de  50  o/o,  entre  Distende  et  Douvres,  tous  les  jours,  du  !«'  juin  au  30  septembre.      — 
Entre  les  principales  villes  de  la  Belgique  et  Douvres,  aux  fêtes  de  Pentecôte  et  de  T Assomption. 
AVIS.  —  Buffet  restaurant  abord.  —  Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  — ^'Accostage  à  quai  vis-à  vis  des  stations  de  chemin  de 
fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits).  —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  -  Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  VEarploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  l'Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l'État-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  a  Bruxelles  ou  Oracechurch-Street,  n»  53,  à  Londres,  k  l'Agence  de  Chemins  de  fer 
de  l'État,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  Arthur  Vranchen^  Domkloster,  n»  1,  à  Cologne. 


Étude  dii  Nulaire  CRICK,  rue  de  U  Chapelle,  8,  à  Bruxelles. 

M*  CRICK  procédera  aux  jours  ci-après  indiqués,  en  la  Galerie 
Saint-Luc,  rue  des  Finances,  10  et  12,  à  Bruxelles,  à  la  vente  publi- 
que des 

MAGNIFIQUES  COLLECTIONS 

délaissées  par  M.  Léon  SLAES,  expert 

■  A)  Antiquités  et  objets  d'art,  argenteries,  porcelaines,  meu- 
bles, etc.,  etc.,  les  11,  12,  13,  14,  17,  18,  19  et  20  novembre  1890, 
à  i  1/2  heure  de  relevée. 
B)  Tableaux,  aquarelles,  livres,  gravures,  les  26,  27,  20 

et  29  novembre  1890,  à  1  ifZ  heure  de  relevée. 

Experts  :  MM.  J.  et  A.  Le- Roy  frères,  place  du  Mjuiée,  12,  à 
Bruxelles,  chez  qui  se  distribuent,  les  trois  catalogue*  et  les  cartes 
d'entrée  aux  expositions  particulières. 


JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 
—  Bibliographie.  —  Législation.  —  Notariat. 

HuTlfiMH  ANNÉE. 

Abonnements  |  B«lgil"«.  18  francs  par  an. 
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Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bntxelles. 


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Paris  1867, 1878,  1"  prix.  —  Sidney,  seuls  1"  et  2«  prix 
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Camille  de  Saint-Saëns,  Liszt,  Ricnaf^cTWagHcr,  Rubinsfein,  Joa- 
chim,  Wilhelmj,  Ed.  Cfrieg,  Ole  Bull,  A.  Essipoff,  Sofie  Meuter, 
Désirée  Artôt,  Pauline  Lucca,  Pablo  de  Sarasate,  Ferd,  Hiller,  D. 
Popper,  sir  F.  Benedict,  Leschetitzky ,  Napraouih,  Joh.  Selmcr,  Joh. 
Svendsen,  K,  Rundnagel,  J.-G.-E.  Stehle,  Ignace  Brûll,  etc.,  etc. 

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Bruxelles.  —  Imp.  V*  Monnom,  32,  rue  de  l'Industrie. 


-..     ^ 


Dixième  année.  —  N"  44. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  2  Novembre  1890. 


MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCI^lE 


REVUE  CRITIQUE  DBS  ARTS  E?  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  »  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,   fr.    13.00.    —ANNONCES  :    Ou  traite  à  .forfait. 

Adresser  toutes  lés  communications  à 
l'administration  oénérale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  l'Industrie ,  32,  Bruxelles. 


\" 


Sommaire 


Une  profession  de  foi  de  Camille  Lemonnier.  —  Les  concerts 
Lamoureux.  —  Charles  VerLat.  —  Léon  Bloy.  Christophe  Colomb 
devant  les  taureaux.—  M.  Verdhurt  a  Paris.—  Petite  chronique. 


UNE  PROFESSION  DE  FOI 

IDE    0-A.I^ir-.LÈ    3L.EM:OIT3SriER 

Camille  Lemonnier  publiera  prochainement  un  volume 
de  Nouvelles.  Il  y  mettra,  comme  préface,  la  très  fière 
profession  de  Foi  (jue  voici.  C'est  sa  réponse  aux  Paul 
Adam  et  autres  qui  se  sont  plaints,  on  sait  en  quels 
termes  d'affamés,  de  la  concurrence  littéraire  belge. 
Elle  fixe  l'Esthétique  de  notre  glorieux  compatriote. 
Elle  revendique  des  droits,  elle  détermine  des  devoirs, 
elle  affirme  des  principes  et  des  volontés.  Elle  est  la 
confession  d'une  âme  artiste,  forte  et  sûre  d'elle-même, 
connaissant  ce  qu'elle  vaut,  sachant  où  elle  va.  Elle  est 
révélatrice,  comme  les  profonds,  ingénieux  et  touchants 
aveux  que  nous  avons  obtenus  de  ces  autres  nobles 
ouvriers  :  Emile  Verhaeren,  Maurice  Maeterlinck, 
Charles  Van  Lerberghe  (1).  Il  convient,  à  tous  ces  titres, 
de  l'enregistrer  et  de  la  méditer. 

(1)  Voir  lArt  moderne  des  23  février,  2  et  9  mars  1890. 


^-         A  D'AUCUNS 

— ^^  Ah  !  je  sais,  pnme  reproche  de  ne  me^fixer  en  nul 
fauteuil,  dans  nulle  académie.  Mes  confrères  mono- 
cordes, habiles  à  agacer  du  doigt  le  même  air  potir  un 
«  mon  ami  Pierrot  »  ou  «  le  bon  roi  Dagobert  "  t—  car 
n'est-ce  pas  d'ailleurs  une  spécialité  honorable?  — 
dénoncent  mon  rêve  ambitieux  de  moins  restrictives 
musiques.  Hors  le  galoubet,  en  effet,  et  le  mirliton, 
pour  lesquels  je  récuse  la  vocation,  j'ai  le  tort  de  ne 
dédaigner,  en  vue  des  polyphonies  vers  lesquelles  tend 
mon  élan,  non  plus  les  hautbois  et  les  flûtes  que  les 
cymbales  et  les  trompettes.  Même  je  professe  que  le 
style  aussi  est  un  orchestre  où  les  mots  assument  une 
valeur  de  timbres  et  qu'un  seul  le  manie  sagacement 
qui,  pour  des  suggestions  d'idées  et  de  tons,  sait  en 
nuancer,  comme  des  timbres,  à  travers  d'infinies  com- 
binaisons d'accords  —  (et  je  hé  suis  instrumentiste  ni 
dentiste)  —  les  vocables. 

Le  prodige  d'un  Paganini  ou  tel  autre  diligent  râcleur 
fioriturant  sur  une  unique  fibre  de  chat  les  voix  pro- 
fondes d'une  symphonie  de  Beethoven  —  quand  les 
hêtres  et  les  chênes  d'une  forêt,  à  peine  pinces  par  les 
doigts  de  l'ouragan,  s'égaleraient  aux  douleurs  de  .cette 
autre  forêt  d^une  âme),  oui,  ce  prodige  me  laisse  sans 
enthousiasme.  Mais  en  cette  ère  de  virtuoses,  ne  voit-on 
pas  exécuter  tous  les  jours,  sur  un  profane  instrument, 
le  Dies  irœ  et  des  marches  funèbres?  Et  n'est-ce  pas  le 


temps  où  un  simple  joueur  de  clarinette  s'apparie,  dans . 
la  réclame  des  journaux  et  pour  la  joie  pâmée  des  foules, 
aux  remueurs  de  foudres  et  de  tonnerres? 

Mon  cas,  d'ailleurs,  est  grave.  Je  me  refuse  à  planter 
uniquement  des  choux  dans  mon  jai  din  ;  je  n'entends 
pas  être  la  vache  broutant  sa  zone  d'herbe  autour  de 
son  piquet;  j'honore,  mais  sans  envier  de  lui  ressembler, 
le  casseur  de  pierres  voué  à  l'entretien  d'un  rayon 
départemental.  Bref,  quand  il  me  serait 'lucratif  et  com- 
mode de  me  cantonner,  à  l'exemple  d'autrui,  dans  un 
immuable  périmètre  —  (les  firmes  fructueuses  ne  sont 
qu'à  ce  prix),  — je  m'évade,  vers  de  variables  latitudes 
et  rechigne  à  me  laisser  cataloguer  sous  une  étiquette. 

Rien,  cependant,  n'aide  à  l'industrie  de  l'homme  de 
lettres  comme  une  rubrique  qui  l'assimile  aux  plénipo- 
tentiaires du  caoutchouc  vulcanisé,  des  prothèses  den- 
taires et  dii  clysopompe  hygiénique,  détenteurs  d'un 
indubitable  brevet.  «  Monsieur X...,V observateur  bien 
connu  des  mœurs  de  barrières  »,  ou  «  Monsieur  Y..., 
le  délicat  analyste  des  ménages  mal  assortis  »,  ou 

-  Monsieur  Z...,  le  psychologue  raffiné  à  qui  Von  doit 
tant  d'études  palpitantes  sur  Vétat  dame  des  mar- 
chands de  pains  d'épicè  et  de  saucissons  »,  sont  des 
adjuvants  sans  équivalent  pour  la  propagation  du  for- 
mat Charpentier  et  stimulent  copieusement  le  gain  d'un 
honnête  trafic,  si  peu  littéraire  qu'il  soit.  Outre  que 
l'attribution  d'un  domaine  défini,  pour  tout  scribe  intel- 
ligent, finit  par  lui  raccolerdes  catégories  intéressées 
au  monopole  qu'il  détient,  les  frictions  réitérées  avec 
lesquelles  opère  ce  système  ingénieux  de  publicité  sur- 
passent les  meilleurs  massages  pour  inculquer  aux 
crânes  les  plus  obturés  les  bienfaits  de  l'article  manu- 
facturé par  l'adroit  fabricant.  li  ne  s'agit  plus  alors, 
pour  aboutir  à  un  productif  sou  tirage  d'écus  et  de  renom- 
mée, que  de  sécréter  avec  ponctualité  une  encre  débile, 
d'où  préalablement  tout  principe  tonique  a  été  éliminé. 

Or,  j€  décline  le  parquement  en  un  district  limité  par 
les  géomètres  de  la  critique;  il  ne  me  plaît  pas  de  me 
clôturer  dans  les  circonscriptions  d'un  cadastre.  Je 
n'exerce  nul  mandat  de  député  littéraire,  représentatif 
des  beurres  et  des  fromages  d'un  arrondissement  prévu. 
Et  mes  terres  —  (car,  hélas  !  je  ne  suis  pas  même  le 
haut  seigneur  d'un  petit  domaine  dont  l'àfl'ouage  et  le 
cens  me  nourriraient)  —  s'étendent  à  tous  lieux  où  je 
chasse,  où  j'abats  mes  proies,  où  le  soleil  projette  mon 
ombre  devant  moi.  J'ai  chaussé,  pour  ingresser  les 
étables  et  les  purots,  les  lourds  sabots  terreux  du  pay- 
san. Pour  m'ingérer  parmi  les  efl'rois  de  l'usine,  j'ai 
endossé  le  bourgeron  suant  de  l'ouvrier.  J'ai,  jusqu'où 
pouvaient  plonger  mes  mains,  fouillé  le  viscère  animal. 
Et  ses  excrétions  (ne  va-t-on  p|is  jusqu'à  extraire  des 
potasses  de  l'égout  la  margarine  qui  teurre  notre  pain  ?) 

—  bravement  je  les  ai  mises  en  tas  au  pied  du  mur 
social. 


Alors,  toutefois^  car  il  faut  tout  dire,  j'échappais 
moins  à  la  classification;  j'étais,  par  les  entomologues, 
épingle  dâïis  la  famille  des  pétalocères,  avec  l'aimable 
renom  d'un  bousier  paisseur  d'excréments.  Nous  étions 
plusieurs  d'ailleurs  qui,  à  la  queue  d'un  plus  vorace 
coléoptère  de  la  même  série,  assumions  le  déblayage 
des  sentines  publiques;  Mais  généralement  on  convenait 
que  nous  nous  gavions  des  restes  de  la  putride  cuisine 
dont  se  regoulait  ce  puissant  scatophage. 

Par  malheur,  je  touchai  avec  des  mains  blanches  à 
ce  qu'il  y  a  de  l'ange  encore  sous  une  candeur  de  petit 
enfant.  Je  visitai,  comme  on  entre  en  une  paix  de  dor- 
toir, de  bonnes  âmes  ignorantes  du  péché.  Je  m'oignis 
de  charité  les  paumes  de  peur  d'endolorir  le  mal  de  cer- 
taines plaies  du  cœur.  Après  les  plantes  vénéneuses  je 
cultivai  dans  mon  jardin,  pour  les  collyres  et  les  dic- 
tâmes, les  herbes  secourables  —  (une  ironie  de  jeune 
cuistre  ajouterait  :  et  toutes  les  herbes  de  la  Saint- 
Jean!).  Dès  lors,  il  y  eut  un  notoire  désappointement. 
Je  déjouais  les  atrabilaires  pontifes  des  groupements 
congénères  ;  mon  ubiquité  décevait  l'obtus  labeur,  des 
chimistes  pour  m'agglutiner  en  leurs  mastics  ;  la  clef 
n'était  plus  sur  ma  porte  ou  du  moinsj'en  avais  changé 
la  serrure. 

Il  fuit  avéré  que  je  mê  soustrayais  à  la  cristallisation 
et  que  le  macérage  dans  l'alcool  d'un  inamovible  bocal 
—  (de  plus  gros  cornichons  pourtant  s'y  confisaient)  — - 
cadrait  mal  avec  les  poussées  de  mon  humeur.  Un  cen 
seur,  incrusté  en  d'austères  parti-pris,-  parmi  les  plus 
notables,  me  contamina  de  l'épithète  :  caméléon.  Un 
autre  (cette  image  hippique  m'agréa)  utilisa  la  compa- 
raison d'un  écuyer  de  cirque  chevauchant  plusieurs 
selles  à  la  fois. 

Ah!  mes  enfants,  jusque  dans  la  littérature,  la  pro- 
priété est  morcelée.  Un  Balzac  pouvait  étendre  ses  bras 
aux  quatre  horizons  et  prononcer  orgueilleusement  : 
Tout  ça  est  à  moi.'  Mais  aujourd'hui,  même  les  forts 
ne  sont  plus  les  colons  que  d'un  bref  arpent.  Ils  défri- 
chent juste  l'espace  compris  dans  le  cercle  de  leur  bêche. 
Leur  labour  n'excède  pas  un  sillon  qu'ils  versent  et 
reversent  jusqu'à  ce  que  la  terre  sous  le  soc  s'émiette  en 
poussière  filiforme. 

L'Œuvre,  au  temps  des  va,stes  périples,  était  un 
navire  larguant  ses  voiles  à  travers  les  atlantiques, 
vers  des  contrées  toujours  plus  loin  et  l'espoir  des  îles 
inconquises.  Aujourd'hui,  c'est  un  bac  de  passage  et 
qui,  de  l'une  rive  à  l'autre,  de  l'éditeur  au  public,  fait 
la  traversée. 

Mais  prenez-les  donc,  ces  livres  à  réclames  et  à 
tapages  ;  prenez-les  par  quinze  et  par  vingt  du  même 
moulin  ;  et  s'ils  sont  émulsifs,  après  là  décantation  iné- 
vitablement vous  recueillerez  les  mênies  sédiments,  le 
même  résidu  de  petite  humanité  éventée,  car  la  mou- 
ture en  fut  triturée  selon  d'inexorables  et  sûres  recettes 


p 


qui,  en  fin  de  compte,  constituent  pour  le  négociant  sa 
marque  de  fabrique  et  l'achalandent  sur  le  marché. 

Il  importe,  en  effet,  pour  l'écoulement  du  produit, 
que  le  client  soit  rassuré  quant  à  l'homogénéité  et  à  la 
perdu rabiUté  du  mode  du  fabricat.  On  se  fournit  chez 
un  auteur  pour  s'octroyer,  selon  une  hygiène  en  rap- 
port avec  le  tempérament,  un  sédatif  ou  un  cathérétique 
déjà  expérimentés.  Et  quel  déchet,  si«'d'abusifs  et  aléa- 
toires ingrédients  risquent  d'aliéner  la  vertu  des  habi- 
tuels dosages! 

Eh  bien  !  c'est  contre  cette  commerciale  notion  de  la 
personnalité  que  je  m'insurge  !  L'art  répugne  à  raédi- 
camenter  \es  gastralgiques  indolents  d'après  un  codex 
stimulateur  de  bonnes  digestions  et  nie  toute  analogie 
avec  les  débits  d'onguents  patentés.  L'hermétique  artiste 
toujours,  au  lieu  d'enfourner  pour  de  nouvelles  cuissons 
ses  scories,  visera  à  résigner  toute  connivence  avec 
l'antérieur  ouvrier  qu'il  fut,  et  en  décortiquant  le  vieil 
homme  —  et  ses  attitudes  de  pensée  —  pour  d'autres 
coiîjectures  idéales,  à  s'ingérer,  de  peur  d'un  cas  redhi- 
bitoire,  un  variable  et  volontaire  altruisme.  Sa  person- 
nalité itérative  et  routinière  (avec  telles  modalités  de 
formes  et  de  fond  déjà  exploitées),  il  l'abdiquera  pour 
se  déporter  hors  de  soi  dans  l'âme  et  les  sens  d'un 
vierge  artiste  requis  par  la  divergence  d'un  labeur. 

En  chaque  œuvre  pour  lui  recommence  la  genèse, 
chaque  est  l'effort  d'un  autre  homme  pour  lequel  il  lui 
faut  se  muer  dans  un  renouveau  de  personnalité  (car  il 
sait  que  tout  concept  est  régi  par  des  lois  spéciales);  et 
ces  complexes  personnalités,  modelées  sur  l'illimité  des 
choses  humaines,  finissent  par  se  fusionner  dans  une 
sorte  d'impersonnalité  grandiose. 

Non  seulement  la  substance  foncière,  mais  les 
matrices  dans  lesquelles  il  la  coule  ;  non  seulement  la 
dense  matière  intérieure,  mais  l'enveloppe  dont  il  la 
vêt,  se  modifient  selon  les  rites  du  thème.  Voit-on  que 
le  chêne  s'imbrique  de  la  mèmfe  écorcé  que  le  platane 
ou  le  peuplier  ?  Tout  terreau  ne  fermente-t-il  pas  pour 
des  arômes  et  dés  floraisons  distincts?  Le  glorieux  Eté 
n'accorde-t-il  pas  ses  décors  pour  le  triomphe  des  roses, 
et  l'aride  Hiver  ne  vide-t-il  pas  l'espace  afin  d'y  faire 
danser  jusqu'aux  étoiles,  sur  ses  tennis  de  givre,  le  vol 
des  neigeux  papillons  ? 

Ah  !  c'est  ici  que  le  symphoniste  se  révèle,  ici  que, 
pour  transférer  la  volupté  et  l'effi'oi  aux  âmes,  les  vio- 
lons et  les  cuivres  entrelacent  leurs  rameaux  d'harmo- 
nie, ici  qu'éclatent  et  planent  les  mélopées  du  chœur, 
ici  qu'à  l'infini,  sur  le  dessin  de  la  trame,  selon  les 
exigences  mystérieuses  du  Drame,  vont  se  nouer  et  se 
combiner  les  grandes  voix  de  la  polyphonie.  Car,  en 
vérité,  —  (seuls  s'y  opposent  les  bonzes^ssifiés  derrière 
leurs  châsses  de  vénérateurs  de  leurs  propres  reliques, 
—  un  rythme  essentiel  ne  régle-t-il  pas  la  variable  méca- 
niqtie  de  l'Idée?  Telle  n'exige-t-elle  pas  la  véhémence 


lyrique  et  les  plus  magnifiques  couleurs?  Telle  autre  le 
silence  des  nuances  comme  en  songe  et  d'assoupies 
musiques  pour  être  entendues  des  âmes  très  faibles  et 
convalescentes? 

J'ai  fait  de  mon  esprit  une  maison  dont  les  fenêtres 
s'ouvrent  sur  des  couchants  de  pourpres  et  de  métaux, 
dont  les  fenêtres  s'ouvrent  aussi  sur  de  mois  clairs  de 
luné.  Et  dites  que  je  suis  un  prince  sans  territoires  : 
ceux  que  je  convoite  se  reculent  toujours  plus  loin 
devant  mes  pas.  Je  suis  chez  moi  partout,  où  s'éveille 
une  sensation  d'inconnu,  partout  où  me  réclame  un  peu 
de  mystère.  Nulle  paternité'  ne  me  parle  plus  en  mes 
livres,  une  fois  leur  z;one  explorée. 

Le  jour  où,  résigné  à  me  confiner,  maître  d'un  lopin, 
âans  mon  enclos,  je  ne  regarderai  plus  Vers  l'horizon, 
là- bas,  qu'on  ferme  sur  moi  ma  bière  :  les  vers,  comme 
un  fromage,  auront  mangé  ma  cervelle.        \ 

Camille  Lemonnier. 


LES  ÔONCERTS  LAMOUREUX    ■ 

On  nous  montra,  l'an  dernier,  des  chefs  d'orchestre  réputés,  et 
leur  virtuosité  spéciale  passionna  l'opinion,  au  môme  titre, 
presque,  que  celle  d'un  maître  du  clavier  ou  de  l'archet.  Cette 
fois,  le  chef  n'est  pas  seul.  Il  a  amené  son  orchestre  au  complet, 
imprcsarié  comme  Coquelin  ou  Sarah  par  une  des  illustrations 
du  Barnumat. 

Vif  intérêt  de  curiosité  pour  cet  orchestre  nomade,  —  cet 
orchestre,  on  le  sait,  qui  est  à  Paris  quelque  chose. comme  la 
Comédie  Française  de  la  musique,  et  qui'  ne  s'est  jamais  déplacé. 
Vif  intérêt,  et  aussi,  empressons-nous  de  le  dire,  vif  succès. 
Ceux-là  même  qui  préfèrent  à  l'exécution  suporlativemoni  cor- 
recte, sagement  pondérée  que  nous  avons  applaudie  cette  semaine, 
en  deux  séances  qui  demeureront  fameuses,  une  interprétation 
plus  passionnée,  plus  chaude  et  plus  vivante,  —  fût-elle,  parfois 
moins  irréprochable,  —  ont  vanté  sans  .réserve  l'admirable  tenue 
des  musiciens,  l'ensemble  avec  lequel  ils  aitaquLint,  déploient, 
arrêtent  les  vibrations  sonores  et  cette  intime  et  si  rare  fusion  de 
tous  les  instrument»  en  un  tout  homogène  et  parfait  qui  est  une 
caresse  pour  l'oreille.  . 

«  Si  on  ramassait  toutes  mes  fausses  notes,  dirait  Rubinstein, 
on  en  ferait  un  concerto!  »  Pour  l'orchestre  de  M.  Lamoureux, 
celle  façon  originale  de  composer  un  ouvrage  musical  est  cliimé- 
rique^Ji  ne  fait  pas  de  fausse  noie.  Rien  ne  détonne,  rien  ne 
heurte  dans  celte  consciencieuse  mise  au  point  des  f,  des  sfz., 
des  rinforz.,  des  p,  des  pp,  des  dimiii.  et  dos  cresc.  indiqués 
dans  les  partitions. 

La  sonorité  est  d'une  pureté  et  d'une  distinction  remarquables. 
Les  instruments  à  vent,  spécialement,  — cuivres  et  bois, . —  ont 
une  qualité  de  son  superbe.  Peut-être  celte  supériorité  est-cIIe  en 
partie  déterminée  par  l'emploi  dos  trobones  h  coulisse,  qu'où  a  eu 
le  grand  tort,  en  Belgique,  d'abandonner. 
<■  Il  est  infiniment  agréable  de  penser  que  le  premier  cor  ne  va 
pas  lâcher  un  couac  à  son  entrée,  de  se  sentir  rassuré  quant  aux 
canards  adventices  des  clarinettes  et  aux  intempestives  gargouil- 
lades  des  bassons,  de  n'avoir  aucune  inquiétude  sur  le  taratata 


correct  de  la  trompette  et  de  ne  pas  avoir  à  redouter  la  distraclioa 
d'un  hautbois  s'insinuant  une  mesure  trop  tôt  dans  le  concert 
symplionique. 

C'est  agréable,  certes,  et  hautement  louable.  Mais  on  souhai- 
terait voir  cette  impeccable  exécution  mise  au  service  d'une  inter- 
prétation plus  mordante,  plus  animée,  plus —  tranchons  le  mot 
—  émue.  On/Voudrait  ressentir  quelque  chose  de  ce  frisson  que 
l'orchestre  des  Concerts  populaires  fit  passer  dans  la  salle  quand 
il  fut  magistralement  conduit  par  Hans  Richlcr.  On  pardonnerait 
quelques  défaillances  en  faveur  de  ce  frisson  Ib,  qu'on  attendait  de 
l'orchestre  Lamoureux  et  qui  n'est  pas  venu. 

Sans  nous  livrera  aucune  dissertation  sur  les  différences  de  races 
et  de  tempérament,  disons,  et  le  fait  a  été  remarqué  par  tous  les 
auditeurs,  que  la  vraie  supériorité  de  cet  excellent  orchestre  gît 
dans  l'exécution  des  œuvres  françaises  :  VEspana  de  Chabrier, 
VArlésienne  de  Bizet  et  surtout  le  Camp  de  Wallenstein  de  Vin- 
cent d'Indy  ont  été  joués  avec  une  précision  rarement  atteintes. 

Une  merveille  de  couleur,  de  pittoresque,  d'entrain,  de  mouve- 
ment endiablé,  ce  Camp,  l'un  des  volets  du  superbe  triptyque 
consacré  par  M.  d'Indy  au  Wallenstein  de  Schiller.  Il  a  été  la 
joie  du  concert,  dont  le  programme  ne  portait,  hormis  cette  œuvre 
séductrice,  que  des  ouvrages  connus  et  fréquemment  entendus. 
El  son  adaptation  au  drame  est  si  exacte  que  l'évocation  se  fai- 
sait, nette,  de  l'inoubliable  tableau  que  nous  offrirent,  l'an  der- 
nier, les  artistes  de  Meiningen^  Les  thèmes  s'enchevêtrent, 
paraissent,  disparaissent,  ainsi  que  sur  la  scène  se  mêlent,  en  un 
prodigieux  kaléidoscope,  les  uniformes  de  lansquenets,  de  reîtres 
et  de  paiidours,  càrnavarchûioyant  de  couleurs  vives.  On  n'ima- 
gine pas  de  description  symphonique  plus  brillante,  de  récit  plus 
incisif.  Et  ce  burlesque  sermon  du  Capucin,  confié  aux  bassons, 
merveille  d'humour  et  de  raillerie! 

Jusqu'à  la  fin,  l'œuvre  marche  au  pas  de  charge,  sans  un  arrêt, 
sans  une  faiblesse,  claire  et  pimpante,  instrumentée  avec  un  art 
exquis.  Et,  dessinée  sobrement,  la  silhouette  de  Wallenstein 
surgit,  couronnement  de  l'œuvre,  de  même  que,  dans  le  drame, 
pour  la  première  fois,  vers  les  dernières  scènes,  un  soldat  pro- 
nonce le  nom  du  Chef  et  en  trace  brièvement  le  portrait. 

On  a  regretté  que  M.  Lamoureux  eût  fait  la  part  si  restreinte 
aux  compositeurs  de  l'école  nouvelle.  Ce  seul  Camp  de  Wallen- 
stein et  VEspana,  dont  résonnent  encore  les  ormes  du  Waux- 
Hall,  c'était  peu  pour  les  représenter.  Le  fruit  était  savoureux, 
mais  il  n'a  pas  suffi  à  étancher  la  soif  de  neuf  qui  possède,  notre 
public.  Quelques  œuvres  de  César  Franck,  de  Gabriel  Fauré, 
d'Emile  Chausson,  de  Camille  Benoit,  de  Pierre  de  Bréville 
n'eussent  pas  nui  à  l'intérêt  ni  au  succès  des  deux  concerts,  que 
les  grands  noms  de  Beethoven,  de  Schumann,  de  Berlioz,  de 
Wagner  ont,  certes,  rendu  intéressants,  mais  sans  apporter  de 
sensations  nouvelles. 

L'esprit  d'initiative  de  M.  Lamoureux,  si  largement  ouvert  aux 
idées  neuves  (on  sait  l'admirable  persévérance  qu'il  a  mise  à 
imposer  les  œuvres  de  Wagner  au  public  parisien),  ne  lui  souffle- 
t-il  pas  qu'il  y  a  là  une  mission  à  remplir,-  dont  il  est  mieux  que 
personne  à  même  de  s'acquitter  avec  éclat? 


CHARLES  VERLAT 

(Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne). 

C'est  d'un  disparu  :  Charles  Verlal. 

Accessible  aux  flatteries  qui  le  rendaient  tendre  pour  les  jeunes, 
sA-J^nes,  plus  qu'aux  innovations  qu'il  prit  la  peine  de  railler 
souvent;  du  reste,  sur  le  retour,  enlisé  dans  une  reconiraandable 
stagnance.  . 

Et  pourtant, c'était  un  tempérament  prédestiné  à  la  révolte;  par 
quelle  veulerie  dévoyé,  poussé  sous  l'estampille  de  l'abattoir  aca- 
démique? Ses  yeux  le  disaient,  ses  durs  yeux  où,  sous  l'officielle 
surface  calme  de  commande,  transparaissaient  d'anciennes  turbu- 
lences. Ils  affirmaient  plus  en  Verlat  qu'une  incolore  recrue  de 
dogme!     "  , 

Et  ce  déballage,  ici,  de  ses  œuvres,  à  son  retour  d'Orient,  ne 
fut-il  pas  une  irrécusable  preuve  d'insoumission  ? 

C'est  loin,  cela,  mais  je  me  souviens  du  désarroi  pour  nos  yeux 
pâturant  aux  tristes  lumières  des  musées  ou  des  collections  pri- 
vées, et  du  haro  qu'on  cria  sur  le  peintre  dont  on  avait  aussi  sage 
ment  composé  la  palette  avant  son  départ  que  soigneusement 
empilé  dans  sa  malle  son  linge  de  rechange. 

Or,  en  ses  périgrinations,  Verlat  écrasa  des  tubes  qu'il -avait 
emportés  en  fraude,  et  la  stupéfaction  et  la  colère  furent  grandes, 
quand  il  eut  fixé  en  des  cadres,  ces  toiles  sèches  à  crever,  combi- 
nées en  ocre  et  en  bleu,  sans  liaison,  et  alourdies  encore  par  de 
dures  ombres  noires. 

On  ne  lui  pardonna  pas  facilement  ;  la  foule  doléa  assez  long- 
temps et  on  n'endormit  sa  mauvaise  humeur  qu'en  lui  contant  le 
réel  faste  de  ce  voyage  en  Palestine.  Puis,  elle  se  mit  à  regretter, 
à  haute  voix,  «  ses  Singes  »,  ces  pauvres  quincailleries  que  d'im- 
béciles admirateurs  ont  chargés  de  l'écrasante  mission  d'assurer 
sa  gloire  ! 

Verlat  laisse-t-il  assez,  dans  ce  cas,  de  vrais  singes,  de  son 
faire,  de  son  nom,  des  sujets  qu'il  traita,  en  ce  milieu  où i'imila- 
tion  et  la  docilité  sont  une  bourbe  où  lés  plus  vaillants  enfonce- 
ront jusqu'aux  genoux!  - 

Mais  il  se  fait  que  tous  ceux  qui  y  barbotlent  ont  la  panse  si 
démesurément  gonflée  de  vanité  et  de  mépris  pour  ce  qui  se  fait 
ailleurs  que  jamais  ils  n'ont  pu  voir  que  leurs  pieds  pataugaient 
dans  l'ordure. 

Verlat  canna  devant  l'opinion  publique.  Et  si  pourtant  il  eût 
donné  un  vigoureux  coup  d'épaule  vers  le  bût  qui  semblait 
l'avoir  séduit  un  instant,  la  Lumière,  il  eût  pu,  lui,  merveilleuse 
ment  doué,  par  une  œuvre  de  volonté  et  de  vaillance  et  fort  d'une 
position  acquise,  forcer  ce  public  à  avancer  d'une  semelle  au 
moins. 

Pour  ce,  portons  accusation  contre  ce  mort  —  comme  en  toute 
occasion  nous  l'aurions  fait  de  son  vivant  —  d'avoir  été  l'instru- 
ment de  recul  vers  le  passé.  Et,  dès  lors,  l'enseignant  sous  cette 
fallacieuse  rengaine  :  Ecole  flamande,  afficha-t-il  un  dédain  d'au- 
tant plus  féroce  qu'il  devait  être  mélangé  d'amertume  pour  toute 
tentative  d'art  libre  ne  se  fournissant  pas  des  formules  que,  cette 
école,  paraît-il,  monopolise  pour  la  rédemption  de  la  Peinture. 

Cette  attitude  prévalut  pour  sa  nomination  au  poste  de  direc- 
teur de  l'Académie  d'Anvers. 

A  la  tête  de  celte  clinique,  le  peintre  Verlal  est  mort  de  la  mala- 
die qu'il  y  enseignait. 


Combien  tristement! 

La  dernière  fois  qu'il  nous  mena  dans  son  atelier,  ce  fut  poui^ 
nous  monlrer  que  ses  pieds  go7i fiaient! 

Et  l'impression  de  celle  déchéance  d'un  homme  restera  inou- 
bliable et  poignante!  „ 

Fixer  le  rôleque  ce  peintre  aura  tenu  en  art, établir  impartiale- 
ment ses  responsabilités  nous  plaît  mieux,  îa  nous  qui  avons  été 
de  ses  élèves,  mais  qui  jamais  ne  vécûmes  de  son  talent  ni  de  sa 
poche,  qu'iin  silence  ou  des  rélicences  liypocritçs  ! 

D'ailleurs,  yena-t-il  assez  auxquels  leurs  obligations  envers  le 
mort  donnent  le  droit  de  venir  nous  en  demander  compte.  , 


LÉON  BLOY 

;  Christophe  Colomb  devant  les  Taureaux. 

Unbeau  vol.  in-18  raisin,  \ 

teinté  vergé. — Albert  Savine,  éditeur,  Paris.  \ 

Les  curieux  de  cette  génération  qui  observent  le  ciel  littéraire 
y  voient  paraître  et  disparaître  bien  des  étoiles  filantes. 

Tel  astre  semblait  destiné  à  culminer  dans  l'empyrée,  qui  choit 
piteusement  et  dégringole  aux  ténèbres. 

C'est  qu'en  ces  temps  cruels,  la  névrose  et  la  cupidité  ont  tôt 
raison  des  énergies  d'artistes. 

L'une  détruit  chez  l'artiste  les  conditions  de  la   maturité; 
J'autre  les  précipite. 

L'une  berce  dans^ses  brasendormeurs  le  Triomphant  d'un  jour 
et  ses  philtres  rendent  inféconde  l'inspiration  du  génie,  et 
d'ailleurs  trop  pénible  l'enfantement  d'une  œuvre.  L'autre,  prosti- 
tuant sa  victime  au  Veau  d'or,  la  condamne  irrémédiablement  à 
une  production  hâtive  et  inférieure  plus  stérile  que  la  stérilité  du 
névrosé. 

Certes,  Léon  Bloy  n'est  point  de  ces  artistes  félons  qui  faussent 
compagnie  à  leur  destin. 

Depuis  qu'il  s'est  manifesté  dans  les  Lettres,  son  génie  plane  à 
la  toujours  même  altitude  :  au  dessuV  de  la  banalité  et  de  la  véna- 
lité du  siècle,  au  dessus  des  horizons  inférieurs,  au  dessus  des 
courants  de  la  popularité  qui  élèvent,  mais  ne  portent  pas;  haut, 
si  haut  qu'un  naïf  expliquait  le  silence  concerté  autour  du  Milles 
naire  par  le  mutisme  qu'impose  impérieusement  à  l'admiration 
humaine  toute  aperccption  du  Sublime. 

Dans  le  présent  livre,  ce  génie  se  révèle  sous  un  aspect  généra- 
lement insoupçonné.  Et  pour  les  nombreux  qui  connaissent  seu- 
lement le  Léon  Bloy  de  la  légende,  le  démolisseur  attitré  de 
toutes  les  statues  de  boue  et  l'impénitent  tortionnaire  de  tous  les 
voleurs  de  renommée,  quelque  surprise  s'imposera  sans  doute  du 
spectacle  actuel  de  ce  Vociférateur  clamant  aux  quatre  vents  de 
l'Espace  la  sainteté  d'un  Héros  dont  il  s'est  constitué  l'historien, 
et  dont  il  a  juré,  —  violent  dans  ses  amours  comme  dans  ses 
colères,  —  d'arracher  la  canonisation  aux  potentats  de  l'Eglise. 

D'autres,  qui  ont  pénétré  plus  avant  aux  profondeurs  de  ce 
génie  d'enthousiasme  savent  que  ses  débordements  de  haine  ont 
leur  source  et  leur  dérivatif  dans  un  immense  besoin  de  Justice. 
Ils  ne  s'étonneront  donc  pas  de  voir  le  Désespéré  emboucher 
aujourd'hui,  en  môme  temps  que  le  buccin  des  analhèmes,  le 
clairon  des  hosannahs,  à  là  devination  d'un  excommunié  qu'il 
faut  promouvoir,  d'un  pauvre  qu'il  faut  exalter. 

Le  Pauvre,  élu  cette  fois  par  l'attentif  Samaritain  n'assume-t-il 


y. 


pas,  d'ailleurs,  la  grandeur  de  toute  la  Pauvreté,  et  le  cas  lamen- 
table du  grand  Christophe  Colomb,  l'Envoyé,  de  Dieu,  souillé 
maintenant  par  les  convoitises  déshonorantes  de  la  Seci:e  et  livré 
sans  merci  à  la  prodiloire  imbécillité  d'un  héritier  inutile,  misé- 
rable éleveur  de  taureaux  pour  la  populace,  surtype  des  ealami- 
têuxrf  jetons  de  la  noblesse,  ce  cas  n'ésl-il  point  tel  que  toute  âme 
chrétienne  doive  s'en  émouvoir  et  appeler  de  tous  ses  vœux  un 
défenseur  h  la  victime?  Léon  Bloy  surgit,  manifestement  désigné 
pour  cette  lâche  et  doué  d'une  merveilleuse  conception  de  l'his- 
toire à  entreprendre  : 

M  Les  plus  grands  livres  écrits  par  des  hommes,  dil-il,  sont  des 
livres  d'histoire.  On  les  appelle  les  Saints  Livres  et  ils  furent 
écrits  par  des  thaumaturges. 

A  soixante  atmosphères  au  dessous  d'eux,  les  historiens  dont 
l'inspiration  est  ou  paraît  être  seulement  humaine,  doivent,  eux 
aussi,  se  manifester  comme  des  thaumaturges  en  une  manière.  11 
faut  absolument  qu'ils  ressuscitent  les  morts  et  qu'ils  les  fassent 
marcher  devant  eux  et  devant  nous.  Ils  doivent  rallumer  les  lam- 
pes éteintes  dans  les  catacombes  du  Passé  où  ils  nous  font 
descendre. 

Pour  accomplir  un  tel  prodige,  l'intuition  de  l'esprit  n'est  pas 
assez,  il  faut  surtout  l'intuition  du  cœur. 

Il  faut  aimer  ce  que  l'on  raconte  et  l'aimer  éperdûment.  Il  falil 
vibrer  et  retentir  à  toutes  ces  rumeurs  lointaines  des  trépassés. 

Il  faut  les  généreuses  colères,  les  compassions  déchirantes,  les 
pluies  de  larmes,  les  allégresses  et  les  vociférations  de  l'amour. 
Il  faut  se  coucher  comme  le  Prophète  sur  l'enfant  mort,  poi- 
trine contre  poitrine,  bouche  contre  bouche,  et  lui  insuffler  sa 
propre  vie. 

Alors,  seulement, j  l'érudition  corpusculaire  adorée" des  biblio- 
graphes a  la  permission  d'apparaître.  Jusque-là,  les  documents  et 
les  pièces  écrites  ne  sont  que  les  bapdelettes.  égyptiennes  qui 
enfoncent  un  peu  plus  les  décédés  dans  la  mort. 

Si  cela  est  yrai  pour  de  pauvres  grands  hommes  comme  César 
..  ou  Napoléon,  par  exemple^  que  sera-ce  pour  un  saint  !  ». 

Cette  conception  de  l'histoire  avait  été  appliquée  déjà  dans  le 
Révélateur  dit  globe  :  leS  faits  y  sont  élevés  au  rôle  de  symboles, 
et  leur  mt-rveilleux  enchaînement,  déblayé  de  toute  la  poussière 
des  bibliothèques,  apparaît  comme  le  commentaire  de  la  Révéla- 
lion. 

Celle  méthode,  développée  dans  Christophe  Colomb  devant  les 
Taureaux,  éclaire  d'un  jour  isingulier  l'avilissement  des  races  et 
la  déchéance  des  individus. 

Esl-il  besoin  de  dire,  au  surplus,  que  la  véhémence  de  l'invec- 
tive ou  du  panégyrique  reste  au  diapason  de  l'imagination  de 
l'écrivain.  C'est  toujours  te  slyle  en  débâcle  et  innavigable,  qui  a 
l'airUe  tomber  d'une  alpe  et  qui  roule  dans  sa  fureur  des  impré- 
cations, des  épiihèles,  des  sanglots...  Mais,  le  torrent  passé, 
réapparaît  au  delà  d'un  continent  de  ténèbres,  dans  une  solitude 
lumineuse,  la  douce  figure  de  rAmiral,.du  Christophore,  dégagée 
désormais  de  l'opaque  buée  dont  on  voulait  Tensevelir. 

En  vérité,  la  Notification  préalable  aux  Spadassins  du  Silence 
l'affirme,  et  ce  livre  le  prouve  surabondamment  :  Léon  Bloy  n'est 
pas  mort  comme  d'aucuns  se  hasardaient  à  l'espérer.  Il  se  porte 
à  merveille  «  pour  le  désagrément  de  plusieurs  ».  El  la  clameur 
d'aujourd'hui  n'est  que  le  prélude  des  formidables  fanfares  que 
demain  nous  réserve.  ,    " 


^ 


M.  VERDHURT  A  PARIS 

Le  cpurl  passage  de  M.  Verdhurl  à  la  direction  du  (héâirc  de 
la  Monnaie  a  laissé  de  vifs  souveiiirs  à  bon  nombre  de  Bruxellois. 
Il  a  inauguré»  en  effet,  l'ère  des  nouveautés  ;  il  a  rompu,  le  pre- 
mier, avec  des  routines  qui  semblaient  indestructibles.  La  vie 
théâtrale  a  pris,  chez  nous,  depuis  cette  époque,  une  intensité  qui 
nous  mène  plus  rapidement,  à  chaque  saison,  vers  l'art  neuf  si 
longtemps  dédaigné.  Si  M.  Vcrdhurt  a  prématurément  succombé 
sous  les  hostilités  bétes  des  abonnés  et  autres  crustacés  qu'il 
dérangeait  sur  le  banc  natal,  il  est  parti  en  emportant  beaucoup 
de  sympathies  cl  de  reconnaissance.  A  ce  litre,  il  csl  intéressant 
de  connaître  ses  cfforls  et  ses  travaux,  à  Paris,  où  il  est  quelque 
peu  I'Antoine  de  la  jeiâie  niusjque.  Gil  Blas  et,  en  général,  la 
.presse  parisienne,  s'en  occupent  avec  un  grand  intérêt. 

C'est  vendredi  que  le  Théâtre-Lyrique,  avec  Samson  et  Dalila, 
a  donné  sa  soirée  d'inauguration  dans  la  salle  transformée  de 
l'Eden. 

Ce  n'est  point  simplement  une  nouvelle  exploitation  théâtrale 
qui  s'ouvre,  mais  une  scène' largement  offerte  à  toutes  les  tenta- 
tives artistiques,  à  celles  principalement  de  l'école  nouvelle, 
dont  M.  Vcrdhurt  est  un  chaud  partisan. 

Depuis  longtemps  il  rêvait  d'en  arriver  là.  Depuis  longtemps 
aussi,  on  réclamait,  un  théâtre  lyrique,  dirigé  par  un  artiste.  Si 
bien  que  M.  Verdhurt  se  trouve  avoir,  en  réalisant  son  rêve, 
réalisé  celui  d'une  foule  de  gens  aimant  l'art  lyrique  et  tout  dis- 
posés à  soutenir  une  semblable  tentative.   ' 

Mais  quelles  peines  pour  arriver  à  constituer  ce.lhéâtre!  On  ne 
s'imagine  pas  ce  que,  depuis  trois  mois,  M.  Verdhurt  a  fait  de 
pas,  de  démarches  et  de  courses  !  Depuis  le  matin,  dès  sept 
heures,  il  a  arpenté  la  capitale,  couru  les  architectes,  les  proprié- 
taires, les  artistes,  les  musiciens,  les  compositeurs,  discutant 
affaires,  chiffres,  plans,  musique  et  grand  art,  tout  à  la  fois! 

On  crie  généralement  :  «  Il  n'y  a  plus  de  chanteurs  !  »  Le  direc- 
teur du  Théâtre-Lyrique  en  a  trouvé.      ' 

Parmi  les  femmes  :  Rosine  Dloch,  Cécile  Mézeray,  Fursch- 
Madier,  Monialba,  Duval-Erard,  Haussmann,  Bossy,  Boucard. 
Parmi  les  ténors  :  Engel,  Taluzac,  Lubert,  Imbard  de  la  Tour, 
Portejoie,  Gogny.  Parmi  les  barytons  et  les  basses  :  Bouhy,  Fré- 
déric Boyer,  Dufriche,  Morlay,  Isnardon,  Arsandâux,  Dimitri. 
Bruxelles  a  entendu  plusieurs  d'entre  eux. 

Tandis  que  M.  Verdhurl  écoutait  d'une  oreille  ses  futurs  pen- 
sionnaires, de  l'autre  il  devait  écouler  l'exécution  des  partitions 
qu'on  lui  présentait. 

Samso7i,  puis  la  Jolie  fille  de  Perth,  les  deux  ouvrages  d'ouver- 
ture. Ensuite  viendront  :  le  Rêve,  tiré  du  roman  de  M.  Zola,  par 
M.  Louis  Gallel;  la  rnusique.|t,été  écrite  par  M.  Bruneau.  La  Coupe 
et  les  lèvres  de  Musset,  arrangé  par  M.  d'Hervilly.  Compositeur  : 
M.  Canoby.  Brocéliande  de  M.  André  Alexandre,  musique  de 
M.  Lucien  Lambert.  C7u;£;{do/i7{e  de  MM.  Catulle  Mendès  et  Emma- 
nuel Cbabrier.  Le  Duc  de  Ferrare  de  M.  Millet,  musique  de 
M.  Mariy.  Avec  cela,  deux  petits  ouvrages  en  un  acte  :  le  Prin- 
temps de  MM.  de  Roddaz,  Monijoyeuse,  et  A.  Georges,  et  Chanson 
nouvelle  de  MM.  Moreau  et  Jules  Bordier.  Enfin,  un  ballet  en  un 
acte  de  M.  Mendès. 

Dans  quel  ordre  seront  réglés  les  spectacles  ?  Jouera-t-on  tous 
les  jours  la  même  pièce  jusqu'à  épuisement  du  succès,  ou  alter- 
nora-t-on,  comme  à  l'Opéra  et  à  l'Opéra-Comique? 


«  C'est  ce  dernier  mode  que  je  suivrai,  a  dit  M.  Verdhurl.  Dès 
que  j'aurai  monté  une  pièce,  j'en  donnerai  la  première,  sans 
attendre  qu'un  succès  soit  ou  non  épuisé.  De  la  sorte,  j'arriverais 
à  jouer  un  ouvrage  deux  ou  trois  fois  au  plus  par  semaine;  et 
ainsi  j'aurai  toujours  de  la  place  pour  une  œuvre  nouvelle.  Car 
c'est  un  théâtre  de  production  que  je  veux  faire,  et  je  lâcherai 
qu'il  produise  beaucoup,  qu'il  révèle  des  noms  nouveaux;  qu'il 
serve,  en  un  mot,  les  intérêts  de  l'art  dans  la  plus  large  mesure 
possible.  » 


Petite  chro^iique 


Notre  Petite  Chronique  est  ouverte  &  quiconque  désire 
communiquer  au  public  un  fait  intéressant  l'Art  ou  les 
artistes. 

Adresser  les  lettres  à  la  Direction  de  l'Art  Moderne,  32,  rue  de 
l'Industrie,  Bruxelles. 


Nous  recevons  la  lettre  suivante 


Bruxelles,  le  29  octobre  1890. 

Monsieur  le  Directeur, 

Un  bout  de  réclamation.  Je  ne  sais  si  elle  sera  bien  accueillie,  mais 
je  me  riêquÈ.^ 

Les  abonnés,  les  habitués  du. théâtre  de  la  Monnaie  se  plaignent  et 
non  sans  raison  :  le  répertoire  manque  de  variété.  Voilà  bientôt  deux 
mois  que  la  réouverture  a  eu  lieu  et  il  y  a  seulement  neuf  ouvrages 
au  répertoire,  {Les  Huguenots  ne  comptent  plus.  M™»  Dufrane  étant 
en  congé  illimité!  !!)  Les  autres  années  il  y  en  avait  bien  le  double. 
Ainsi,  du  jeudi  16  au  dimanche  26  octobre,  on  a  donné  cinq  fois 
Carmen,  deux  fois  Mignon,  deux  relâches,  etc.  Cette  semaine,  reprise 
de  Salammbô,  quatre  fois  en  huit  jours,  et,  dès  la  deuxième  repré- 
sentation, demi-salle  seulement. 

Le  grand  opéra  est  impossible  :  il  manque  une  falcon  ;  l'opéra- 
coraique  également  :  pas  de  chanteuse  légère,  car  M"«  Carrère  est 
engagée  pour  le  grand-opéra. 

Le  choix  des  pièces  n'est  pas  heureux  non  plus  :  ce  sont  tous  opéras 
qui  ont  été  joués  l'an  derniei",  donc  pas  d'è  travail  pour  les  remettre  ' 
en  scène;  pas  de  nouveauté,  pas  même  de  reprise  nouvelle. 

C'est  désolant  de  voir  si  peu  d'énergie  de  la  part  d'une  Direction 
qui  promettait  beaucoup,  mais...  quig  doivent  dire  les  actionnaires? 

Un  Abonne. 

Le  hasard  (et  nul  dési.-)  nous  ayant  ramené  dans  les  galeries 
solitaires  du  Salon  triennal  {apparent  rari  nnntes  in  gurgite  vasto), 
'  nous  avons  remarqué  au  dernier  rang  des  sculptures,  derrière  les 
gesticulations  des  postures  gratifiées  d'une  pl-.ice  de  faveur,  et 
presque  derrière  les  arbustes  qui  furent  mis  là  dans  le  but  (non 
atteint)  d'égayer  ce  cimetière,  une  œuvre  vraiment  méritoire  d'un 
jeune,  que  tant  de  précautiqns  pour  la  dissimuler  avaient  réussi 
à  cacher  à  noire  atleniion,  — il  est  vrai  distraite  etdécouragée  par 
la  multiplicité  des  platitudes  de  cette  exposition  morose.  C'est  un 
aveugle,  tâtonnant  dans  ses  ténèbres,  descendant  inquiet  el  pré- 
cautionneux, exprimant  fortement  par  tout  son  être  nu^  par  sa 
physionomie  douloureusement  hésiianie,  par  la  contraction  de 
ses  pauvres  membres  tendus  à  la  recherche  de  l'invisible,  la  poi- 
gnante angoissé  du  misérable  qui,  derrière  ses  yeux  révulsés,  ne 
voit  plus  rien  que  l'enchevêtrement  de  ses  craintes  et  l'incurable 
regret  de  la  belle  lumière  à  jamais  perdue.  Oh!  nuit!  telle  est  le 
titre  emblématique  de  celte  belle  œuvre.  Elle  est  de  Puilemans, 
fils  d'une  double  souche  artistique  :  son  père  est  l'encadreur  qui 
sait  si  bien  ajuster  le  cadre  au  tableau,  le  fourreau  à  l'épée;  sa 
mère  est  fille  de  Bonnefoy,  qui  avait  précédé  son  gendre  dans 
l'industrie  artistique  qui,  avant  eux,  se  irafuail  dans  les  banalités 
de  la  moulure  au  mètre. 


Maurice  Maeterlinck  a,  décidément,  autorisé  M.  Antoine  à  jouer 
la  Princesse  Maleine  au  Théâtre-Libre.  L'œuvre  sera  représentée 
prochainement.  En  annonçant  celle  nouvelle,  l'Echo  de  Paris 
ajoute  : 


II- 


«  Nous  félicitons  grandement  M.  Antoine  de  cette  détermina- 
lion  qui  nous  permellra  d'enlehdre  prochainement  au  Théâtre- 
Libre  une  œuvre  des  plus  originales  et  des  plus  délicates  de  ce 
temps.  » 

A  ce  propos,  le  directeur  du  Théâtre-Mixte  ayant  vivement 
insisté  auprès  de  M.  Maeterlinck  pour  qu'il  lui  donnât  l'autorisa- 
tion de  jouer  son  drame,  des  journaux  ont  annoncé  que  celle-ci 
lui  était  accordée  et 'que  l'œuvre  de  nôtre  compatriote  serait  repré- 
sentée, non  seulement  au  Théâlre-Libre,  mais,  en  outre,  au 
Théâtre-Mixte. 

C'est  une  erreur  évidente  que  dissipe,  au  surplus,  la 'lellre  sui- 
vante adressée  par  M.  Maeterlinck  à  M,  Antoine  : 

«  Cher  Monsieur,  \ 

«•  Un  mol  en  hâte  pour  éviter  tout  malentendu. 

w  Je  reçois  à  l'instant  une  lettre  du  directeur  du  Théâtre-Mixte 
où  celui-ci  me  remercie  de  l'aulorisaiion  que  je  lui  aurais  donnée 
jle  jouer  la  Princesse  et  l'Intruse.  Cette  manœuvre  m'a  profon- 
dément étonné,  et  je  n'y  comprendl^  rien. 

«  Depuis  plus  d'une  semaine,  il  me  harcelait  de  lettres  et  de 
télégrammes,  et,  enfui,  dcMo;  jours  avant  votre  dépêche,  j'avais,  le 
plus  poliment  que  j'avais  pu,  d'ailleurs,  refusé  l'autorisation 
demandée. 

«  Ont-ils  mal  lu  ma  lettre?  N'oni-ils  pas  voulu  la  lireîOu  bien, 
qu'est-ce  !...  En  tout  cas,  je  serais  curieux  de  voir  par  quels  con- 
lournemenls  de  texte  ils  pourront  extraire  une  autorisation  d'un 
refus  formel.  Il  ne  faut  donc  pas  vous  préoccuper  de  cela  -.la 
Princesse  vous  appartient,  et,  dans  ma  pensée,  vous  a  toujours 
appartenu.  Il  ne  faut  même  pas  vous  croire  le  moins  du  monde  lié 
envers  moi.  Vous  jouerez  la  Princesse  cette  année-ci  ou  dans  dix 
ans,  ou  jamais,  comme  vous  voudrez;  elle  attendra  et  ne  sera 
qu'à  vous. 

«  Et  quoi  que  vous  en  fassiez,  je  vous  remercie  du  fond  du 
cœur  de  vos  bonnes  intentions.  Je  me  mets  tout  entier  à  votre 
disposition,  si  vous  avez  besoin  de  moi,  et  vous  prie  de  me  croire 
votre  bien  dévoué. 

«  Maurice  Maeterlinck. 
«  25  octobre  1890.  » 


Le  combat  sur  une  voie  ferrée,  d'après  de  Neuville,  a,  notam- 
ment, fait  sensation.  La  toile  sera  levée  sur  le  premier  acte  du 
drame  nouveau  quand  paraîtront  ces  lignes. 


L'Association  des  XX,  qui  devient  décidément  internationale, 
vient  d'élire  comme  membres  M.  Paul  Signac,  peintre  à  Paris,  et 
M.  Georges  Minne,.  sculpteur  à  Gand.  Ces  deux  artistes  ont  exposé, 
comme  invités,  au  dernier  Salon  des -XX  Désormais,  ils  pren- 
dront part  régulièrement  aux  expositions  de  ce  cercle. 


A  l'Alcazar  se  joue  la  revue  la  plus  distrayante  et  la  moins  vul- 
gaire qu'il  nous  ait  été  donné  de  voir  représentée  à  Bruxelles. 
L'auteur?  M.  Malperluis.  Joyeusement  se  succèdent  les  scènes, 
légèrement  dessinées.  , El  Paulus,  et  le  Bourgmestre  de  Bruxelles^ 
et  vin£;t  silhouettes  connues  se  profilent,  caricaturées  avec  esprit, 
sans  méchanceté,  dans  un  cadre  élégant  et  artiste. 


Le  Molière  s'attarde  à  jouer  du  Sardou  :  Nos  bons  Villageois. 
A  quand  les  victorieuses  matinées  littéraires  de  jadis?? 

Sardou  sera  joué,  en  outre,  et  très  prochainement, à  l'Alhambra. 
C'est  Patrie  !  son  grand  drame  historique,  qui  servira  de  pièce 
d'ouverture  pour  la  campagne  qu'entreprend  M ""^  Rose  Desnoyer. 
On  se  souvient  du  succès  de  l'inteiligenle  directrice  au  Théâtre 
Molière,  où  elle  fil,  deux  ans  de  suite,  une  brillante  saison  d'été. 
Elle  s'est  dit  que  le  meilleur  moyen  de  remplir  l'immense  salle  de 
l'Alhambra  était  de  fixer  le  prix  des  places  à  un  taux  modique  : 
les  fauteuils  d'orchestre  sont  à  3  el  à  2  francs,  les  fauteuils  de 
parquet  à  fr.  i-50. 

Si  la  troupe  qu'elle  a  réunie  est  bonne  —  nous  en  jugerons 
la  semaine  prochaine  —  nul  doute  que  la  foule  reprenne  le  chemin 
un  peu  délaissé  de  l'Alhannbra  et  que  les  émotions  de  mélodrame 
secouent  à  nouveau  Bruxelles. 

En  attendant  le  spectacle  d'ouverture,  l'Alhambra  donne  cinq 
représentations  du  drame  de  M.  Paul  Charlon,  Devant  Vennemi, 
qui  vient  d'avoir  à  l'Ambigu  un  gros  succès.  Un  décor  de  Rubé, 


Une  séance  musicale  exclusivement  composée  d'œuvres  de 
Schumiinn  sera  donnée  lundi  prochain,  à  8  heures,  au  Palais  de 
la  Bourse  (salle  de  la  Société  des  Ingénieurs),  par  M.  et  M™«  Blau- 
waeri  el  M.  Lerminiaux,  avec  le  concours  dé  MM.  Godenne  et 
Lapon.  Ony  entendra,  notamment,  le  Quatuor  pour  piano  et  instru- 
ments à  cordes,  le  Trio  en  fa  majeur,  la  Sonate  en  la  mineur  pour 
piano  et  violon,  et  une  série  de  mélodies  ;  toutes  œuvres 
attrayantes,  dont  le  talent  bien  connu  dés  exécutants  promet  une 
inlerprétation  de  choix. 

M.  Vincent  d'Indy  vient  décomposer  la  musiqne  de  scène  d'un 
drame  breton  de  M.  Alexandre,  qui  sera  joué  cet  hiver  au  Théâtre 
Moderne.  La  partition,  construite  sur  des  thèmes  bretons  authen- 
tiques, est  écrite  pour  petit  orchestré.  : 

On  sait  que  l'auteur  de  Wnllenstein  travaille  depuis  quelque 
temps  à  un  drame  lyrique  en  trois  actes  dont  il  écrit  le  (exto  et  la 
musique.  Le  livret  est  entièrement  terminé  et  met  en  scène,  de 
façon  très  dramatique,-  la  fin  de  la  religion  celtique  dans  les 
revenues.  Quant  à  la  partition,  le  plan  général  seul  en  c&t  défi- 
nitivement arrêté. 

A  propos  de  M.  Paul  Adam,  dpnt  il  a  été  beaucoup  question 
ces  jours-ci,  il  vient  de  paraître  dans  les  Entretiens  politiques  et 
littéraires,  avec  la  signature  «  Un  admirateur  de  la  Princesse 
Maleine  »,  un  nouvel  article  d'une  perfidie  qui  doit  réjouir  nos 
critiques  du  Bel-Air.  Il  accuse  tout  simplement  Maurice  Maeter- 
linck de  plagier  Pixérécourt.  Mais;  la- question  d'argent  domii^e; 
voici  une  phrase  de  l'article  en  question  :  «  Vous  voulez  que  nous 
lisions  tranquillement,  froidement,  Sos  enthousiasmes,  même 
sincères,  même  mérités!  pour  nos  pires  ennemis  de  la  maison 
(les  écrivains  belges),  pour  les  auxiliaires  domestiques  qui  inter- 
ceptent jusqu'aux  moindres  bénéfices  qui  nous  pourraient  juste- 
ment revenir  !  »  • 

L'inauguration  du  monument  de  Flairberl,  qui  devait  avoir  lieu 
dans  le  courant  du  mois  d'octobre,  a.  été  ajournée,  M.  Guy  de 
Maupassant,  président  du  comité,  ne  devant  rentrer  du  Midi  que 
le  10  novembre. 

Le  monument  de  Flaubert  est  l'œuvre  du  sculpteur  Chapu. 

Le  médaillon  de  l'auteur  de  Madame  Bovary  se  détache  sur  Un 
rocher  en  bas-relief,  entouré  d'une  palme  de  laurier.  En  dessous 
du  médaillon,  la  Vérité,  assise  sur  la  margelle  d'un  puits,  un 
miroir  à  ses  pieds,  tient  sur  ses  genoux  un  livre  ouvert  dans 
lequel  elle  semble  écrire  l'éloge  de  Flaubert. 

Le  monument  est  en  marbre  blanc.  La  figure  de  la  Vérité 
mesure  deux  mètres.  Le  monument  est  appliqué  en  bas-relief 
contre  une  fausse  porte  de  la  façade  du  musée  de  Rouen. 

«  Des  vers!  qui  est-ce  qui  n'a  pas  fait  des  vers!  c'est  si  peu  de 
chose,  qu'une  réputation  de  poète  ne  me  lente  guère;  mais  celle 
à  laquelle  je  tiens  infiniment  parce  que  je  sais  la  mériter,  c'est 
celle  d'être  un  homme  d'affaires,  et  je  vous  dirai  même  que  les 
fonctions  auxquelles  je  serais  le  plus  propre  seraient  celles  de 
miriTslre  des  financés  ou  de  l'intérieur...  »  Qui  a  dit  cela?  un  ban- 
quier? Non,  Lamartine.  On  trouve  cette  anecdote  parmi  celles, 
très  nombreuses,  que  les  journaux  français  rapportent  à  l'occa- 
sion des  grandes  fêtes  en  l'honneur  du  «  Chantre  d'Elvire  ». 

0  toi  qui  sais  aimer,  réponds  amant  d'Elvire, 
Comprends-tu  que  l'on  parte  et  qu'on  se  dise  adieu  ! 
Comprends-tu  que  ce  mot  la  main  puisse  récrire 
Et  le  coeur  le  signer,  et  les  lèvres  le  dire  ! 

La  seule  partition  que  Beethoven  eût  jamais  gardée  vient 
d'être  vendue  en  vente  publique  à  Berlin  ;  c'est  celle  de  sa  Grande 
fugue,  écrite  sur  quatre-vingts  grandes  pages.  Ce  manuscrit  a 
atteint  1,690  francs. 


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—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  fint^ifes,  etc.  -  Assurance. 

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Malles-Poste  de  V Etat-Belge,  Montagne  de  la  j^ur,  90*,  à  Bruxelles  ou  Oracechurch-Street,  n»  53,  à  Londres,  à  V Agence  de  Chemins  de  fer 
de  r.Ë<a;,  a  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M,  .<lf/Aur  FrancAeti,  Donikloster,  no  1,  à  Cologne.        -      ■ 


Élude  du  i\olaii-e  CRICK,  rue  de  la  Cha|>olle,\^^  à  ttfti;i^llcs. 

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M*  CRICK  procédera  aux  jours  ci-après  indiqués,  en  là  Galerie 
Saint-Luo,  nie  des  Finances,  10  et  12,  à  Bruxelles,  à  la  vente  publi- 
que des 

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A)  Antiquités  et  objets  d'art,  argenteries,  porcelaines,  meu- 
bles, etc.,  etc.,  les  Ù,  12,  13,  14,  17,  18,  19  et  20  novembre  1890, 
à  1  1/2  heure  de  relevée. 

B)  Tableaux,  aquarelles,  livres,  gravures,  les  26,  27,  28 

et  29  novembre  1890,  à  1  1/2  heure  de  relevée. 

Expei'ts  :  MM.  J.  et  A.  Le  Roy  frères,  place  du  Musée,  12,  à 
Bruxelles,  chez  qui  se  distribuent  les  trois  catalogues  et  les  cartes 
d'entrée  aux  expositions  particulières. 


JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche.    ■ 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 
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Le  numéro  :  S5  centimes. 


Dimanche  9  Novembre  1890. 


MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédai^tion  t  Octave  MAUS  —.Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,    fr.    13.00.    —  ANNONCES  :    On  traite  à  forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à  ■ 

l'administration  Gi^NÉRALE  DE  l'Art  Modome,  rue  de  Tlndustrie,  32,  Bruxelles. 


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OMMAIRE 


Le  Théâtre  vivant.  —  Le  Confortable.  —  Théatre-Libre. 
L'Honneur,  par  M.  Henry  Fèvre.  —  Cueillette  de  livres.  —  Le 
«  Petit  Faust  »  aux  Galeries.  —  Concert  Lamoureux  a  Liboe. 
—  Petite  chronique. 


Le  Théâtre  vivant 

C'est  le  nom  que  donne  à  sa  spéciale  compréhension 
dramatique  M.  Jean  Jullien,  l'auteur  de  la  Sérénade, 
de  V Échéance  et  du  Maître,  trois  œuvres  qui  ont  eu 
l'honneur  des  quolibets  et  de  la  blague  très  spirituelle  de 
Messieurs  les  critiques,  —  et  qui  s'imposent  aux  artistes 
avec  l'autorité  des  choses  originales  et  fortes.  Qui  ne  se 
souvient  de  l'impression  que  fit,  l'hiver  dernier,  au 
Parc,  le  Maître,  cet  épique  tableau  de  la  vie  des 
rustres,  où  l'on  sentait  l'émanation  même  de  la  terre  et 
le  fond  intime  du  paysan  ? 

Avec  V École  des  veufs  de  Georges  Ancey,  ce  fut  la 
révélation  d'un  théâtre  nouveau^  très  différent  des  essais 
de  théâtre  naturaliste  tentés  Jusqu'alors,  vrai,  néan- 
moins, dans  l'observation  amère  et  l'expression  des 
caractères,  dénué  —  faut-il  le  dire?  —  des  banalités 
ressassées,  en  un  mot  d'un  théâtre  vivant,  attachant  et 


neuf,  que  nous  saluâmes  d'un  fraternel  et  enthousiaste 
applaudissement  (1). 

Qu'est-ce  que  ce  théâtre?  En  qtioi  consiste- t-il?  Sur 
quels  points  difffere-t-il  du  théâtre  habituel  ?  Questions 
intéressantes,  en  ce  bouleversement  que  le  Théâtre- 
Libre  est  venu  joyeusement  apporter  parmi  les  routines 
et  les  plus  immuables  conventions.  M.  Jullien  y  répond, 
en  une  curieuse  plaquette  qui  demeurera  comme  la 
fameuse  brochure  rouge  d'Antoine  (2),  un  document  de 
la .  rénovation  de  l'art  dramatique  si  glorieusement 
entreprise. 

On  peut,  dit-il,  partager  en  trois  genres  les  ouvrages 
destinés  à  la  scène  : 

1°  la  farce,  le  vaudeville,  qui  est  la  forme  la  plus 
rudimentaire  du  théâtre,  une  invention  grossière  ou 
lubrique  destinée  à  provoquer  le  rire  ;  2**  la  comédie, 
le  drame,  qui  constituent  le  genre  sérieux  et  qui  sont 
une  émanation  de  la  philosophie  de  la  vie,  l'étude  de 
l'être  humain  dans  ses  rappbrts  avec  ses  semblables; 
3°  la  tragédie,  la  féerie,  expression  la  plus  haute  de 
notre  art  et  qui  est  à  la  comédie  ce  que  la  poésie  est  à  la 
prose. 

Or,  la  tragédie  n'est  plus  de  mode.  M.  Jules  Verne  et 
les  acrobates  se  sont  emparés  de  la  féerie  faite  pour  les 
poètes,  le  public  est  las  de  voir  toujours  la  même  comé- 

(1)  Voir  VArt  moderne  du  30  mars  dernier. 

(2)  Voir  VArt  moderne  des  Iw,  8,  15,  et  22  juin  dernier. 


die  et  le  même  drame,  le  même  mari  trompé,  le  même 
enfant  naturel,  la  lîiême  ingénue  épousant  à  la  fin 
l'amoureux  de  son  cœur,  et  le  même  traître  ;  le  vaude- 
Tille  règne  donc  sans  partage,  le  vaudeville,  genre  à  la 
portée  des  intelligences  les  plus  médiocres,  pièces  qui 
parlent  à  la  brute  et  non  à  l'esprit,  qui  réjouissent  les 
intestins  en  mal  de  digestion  au  détriment  du  cerveau. 

Mais  que  faire  pour  relever  le  théâtre  sérieux?  On  a 
essayé  de  créer  un  théâtre  naturaliste,  et  cette  évolu- 
tion est  logique,  puisque  la  littérature  subissait  la  même 
impulsion.  Ma^  —  et  ici  M.  Jullièn  se  rencontre  abso- 
lument avec  notre  correspondant  de  Paris,  appréciant 
ainsi  qu'on  le  verra  plus  loin  la  pièce  nouvelle  de 
M.  Fèftre,  r Honneur,  jouée  la  semaine  dernière  au 
.Théâtre-Libre,  — ces  essais  n'ont  obtenu  et  ne  pouvaient 
obtenir  aucun  résultat.. En  effet,  ce  théâtre  usait  de  la 
manière,  des  procédés  et  des  «  ficelles  »  de  la  conven- 
tion, non  seulement  dans  l'agencement  scénique  et  le 
dialogue,  mais  encore  dans  l'interprétation  et  la  mise  en 
scène  ;  c'est  comme  si  nos  ingénieurs  voulaient  se  servir 
des  canalisations  du  gaz  pour  conduire  l'électricité  ! 
Mettre  de  la  brutalité  dans  l'action  et  des  gros  mots  dans 
la  bouche  des  personnages,  employer  des  accessoires 
nature,  ne  peut  constituer  une  réforme.  Si  la  pièce  jouée 
par  des  acteurs  de  tradition  s'achemine,  après  une 
exposition  oiseuse,  vers  un  incident  quelconque  pour  se 
terminer  par  un  dénouement  heureux  ou  tragique,  en 
se  servant  de  tous  les  trucs,  subterfuges,  quiproquos  et 
invraisemblances  du  vieux  théâtre,  ce  n'est  vraiment 
pas  la  peine  de  changer.  A  un  genre  nouveau,  il  faut 
une  coupe  de  pièce  nouvelle,  une  mise  en  scène  nouvelle, 
des  comédiens  nouveaux,  et  les  jugements  critiques 
doivent  être  prononcés  d'après  une  optique  nouvelle. 

La  formule  de  M.  JuUien  est  autre  :  d'après  lui,  le 
Théâtre  doit  être  une  image  vivante  de  la  vie,  et  plus 
exactement  une  Tranche  de  la  vie  mise  sur  la  scène 
AVEC  ART.  Le  but  principal  du  théâtre  est,  dit- il,  d'inté- 
resser le  spectateur  et  surtout  de  l'émftuvoir  :  il  doit, 
pour  cette  raison,  serrer  la  vie  du  plus  près  possible. 

Les  personnages  seront  des  êtres  humains  et  non  des 
créatures  de  fantaisie,  .les  interprètes  de  simples  bon^-  \ 
hommes,  parlant  comme  ils  parlement  dans  la  vie] 
réelle,  en  haussant  toutefois  un  peu  le  ton  ;  et  non  des  \ 
acteurs  qui  exagèrent  dans  le  grotesque  ou  l'odieux,  des 
déclamateurs  qui  débitent  une  conférence  ou  dévelop- 
pent une  thèse  en  faisant  montre  de  prétentieuses  qua- 
lités de  diction.  Il  faut,  pour  que  le  théâtre  atteigne 
son  but,  que  tout  ce  qui  rappelle  le  métier  ou  la  bouti- 
que, tout  ce  qui  pourrait  déceler  le  travail  de  l'auteur 
ou  la  présence  d'un  acteur  disparaisse,  tant  pis  pour  le 
style  de  l'un, et  les  effets  de  l'autre,  tout  doit  se  fondre 
dans  le  personnage  :  un  comédien  peut  intéresser,  un 
homme  impressionne.  , 

Le  théâtre  est  Vaction  ;  c'est  bien  plus  ce  qu'il  voit 


que  ce  qu'il  entend  qui  frappe  le  spectateur,  le  dialogue 
d'action  l'etnpoigne,  le  récit  l'ennuie;  et  il  a  raison,  lô 
récit  est  fait  pour  le  livre.  L'action  doit  faire  vibrer  la 
pièce  du  commencement  à  la  fin,  elle  est  comme  sa  res- 
piration, la  pulsation  de  son  sang,  sa  vie.  Il  n'est  pas 
nécessaire,  bien  entendu,  d'avoir  tout  le  temps  une 
action  serrée,  intense,  violente  (on  n'a  pas  toujours  la 
respiration  haletante  et  le  pouls  ne  bat  pas  toujours 
la  chargé);  qu'il  y  ait  un  minimum  d'action',  si  vous 
voulez,  mais  qu'il  y  en  ait  à  chaque  réplique ,  et  que 
d'acte  en  acte  elle  croisse  en  intensité.  Quant  à  mettre 
d'avance  le  public  dans  la  confidence,  jamais  ;  le  public 
demandée  être  surpris,  car  la  vie  n'est  que  surprise; 
ne  déjoue-t-elle  pas,  comme  à  plaisir,  nos  prévisions? 
Je  crois  que  l'iatérêt  d'une  pièce  résidera  surtout  dans 
cette  inconnne  :  si  le  spectateur  dès  votre  premier  acte 
prévoit  ce  qui  va  se  passer  aux  suivants,  comment  diable 
voulez-voiis  retenir  son  attention  ?  Il  attendra  le  dénoue- 
ment comme  on  attend  la  rirpe  fatale  dans  les  vers  de 
M.  Coppée.  Je  dis  même  que,  sans  amener  les  scènes  à 
brûle-pourpoint  et  à  contre-sens,  il  faut  préparer  le 
moins  possible  à  la  succession  des  scènes  et  à  la  progres- 
sion de  l'inti-igue. 

Que  deviennent  alors  l'exposition  et  le  dénouement  ? 
-^  Deux  inutilités.  —  On  ne  s'intéresse  pas  aux  gens 
qu'on  ne  connaît  pas?  c'est  l'action  seule  qui  doit  vous 
intéresser  et  non  les  individus  en  eux-mêmes  par  ce 
qu'ils  ont  fait  avant  ou  feront  après.  Est-ce  que  Shake- 
speare,.qui  connaissait  son  théâtre,  perdait  son  temps 
en  expositions  et  préparations?  Est-ce  Othello  etHamlet 
qui  nous  émeuvent,  personnellement,  ou  la  jalousie  de 
l'un  et  la  philosophie  de  l'autre,  incarnées  dans  des 
êtres  humains?  Et  malgré  les  présentations  intermina- 
bles de  ses  personnages^  M.  Dumas  fils  afrive-t-il  à  nous 
donner  de  ses  héros  une  impression  autre  que  c^Ue  de 
mannequins  déclamatoires?  Du  moment  qu'un  person- 
nage est  vrai,  il  n'a  pas  besoin  d'être  présenté. 

D'un  autre  côté,  convenez  que  le  dénouement,  tel  que 
l'exigent  les  critiques  et  les  directeurs,  est  une  absur- 
dité ;  un  incident  de  l'existence  se  termine-t-  il  fatale- 
ment par  le  mariage  pu  la  mort  ?  La  vie  n'est  pas  aussi 
simple.  Ce  n'est  donc  qu'une  trancKê  de  là  vie  que  nous 
pouvons  mettre  à  la  scène,  l'exposition  en  sera  faite  par 
l'action  même  et  le  dénouement  ne  sera  qu'un  arrêt 
facultatif  de  l'action,  qui  laissera  par  delà  la  pièce,  le 
champ  libre  aux  réflexions  du  spectateur,  car  le  but 
n'est  pas  de  prêter  A  rire,  mais  surtout  de  donner  à 
penser.  ' 

Ici  se  place  l'élément  qui  distingue  spécialement  le 
théâtre  dont  M.  JuUien  expose  la  théorie,  —  et  qu'il  a 
mis  en  pratique  avec  infiniment  de  talent  —  du  théâtre 
naturaliste  :  la  synthèse  de  vie  qui  doit  ressortir  de  la 
pièce.  Une  pièce,  selon  l'auteur  du  Maître,  c'est  la 
synthèse  de  la  vie  par  l'art,  en  opposition  avec  le  livre. 


qui  n'en  est  que  l'analyse.  Les  conseils  qu'il  donne  à  ce 
sujet,  trop  longs  pour  les  répéter  ici,  sont  précis  et  logi- 
ques. .  , 
Et  ces  jolis  coups  de  patte  aux  comédiens  : 
L'acteur   fait  profession  de  comique,  d'amoureux, 
de  financier,  il  a  son  type  imprimé  dans  le  cerveau,  il 
n'en  démord  pas.  C'est  ce  type  qui  juge  le  rôle  et  veut 
bien,  s'il  lui  convient,  l'interpréter  selon  son  habitude; 
et  si,  par  malheur,  dans  votre  pièce  le  personnage 
comique  dans  une  scène,  devient  tragique  dans  une 
autre,  pour  finir  en  père  noble  ou  en  amoureux  (ce  qui 
est  rhumaine  vérité),  tant  pis  pour  vous,  il  faudra  opter 
pour  l'un  ou  l'autre,  parce  que  sans  cela  il  déclarera 
que  :  «  votre  bonhomme  ne  4ient  pas  debout!  »  du 
moment  qu'il  n'est  plus  conventionnel  :  «  iPèst  inad- 
missible, ce  n'est  plus  du  théâtre!  »  —  "  Ehifin,  Mon- 
sieur, s'écriait  en  me  menaçant,  une  comédienne  de  la 
carrière  qui  répétait  la  Sérénade,  suis-je  une  Marie 
Laurent  ou  une  Desclauzas,  oui  ou  non?  —  Vous  êtes 
Mme  Cottin,  »  lui  répondis-je;  elle  n'a  jamais  compris. 
Dame,  que  voulez-vous,  voilà  de  pauvres  diables  qui  se 
sont  appliqués  toute  leur  vie  à  se  déformer  dans  uiî  sens, 
ils  ne  peuvent  plus  revenir  au  naturel,  et  le  pourraient- 
ils  qu'ils  ne  le  voudraient  pas;  depuis  dix,  quinze,  vingt 
ans  on  leur  a  appris  à  dire  faux,  à  faire  des  gestes  ridir 
cules,  à  jouer  en  charge,  par  quels  moyens  persuaderez* 
vous  à  ces  braves  gens  qu'ils  ont  tort  et  que  ce  qu'ils 
composent  est  d'un  art  grossier  et  puéril,  indigne  de 
l'artiste  que  doit  êti-e  le  comédien? 

M.  Jullien,  on  le  voit,  sait  très  exactement  ce  qu'il 
veut,  et  il  va  résolument,  dans  ses  œuvres,  au  but  qu'Use 
propose.  Son  Bssai  sur  le  Théâtre  vivant,  on  en  jugera 
par  la  rapide  analyse  que  nous  en  donnons,  est  plus  qu'une 
suite  d'observations  individuelles.  C'est  presque  un 
manifeste.  Ce  que  l'auteur  déclare,  un  groupe  d'artistes 
qui  écrivent  pour  le  théâtre  le  pensent.  Et  rien  n'est 
plus  intéressant  que  ces  efforts,  concentrés  actuellement 
sur  la  scène  artistique  du  Théâtre-Libre,  pour  sortir  de 
l'ornière  le  char  embourbé  de  Thespis,  ainsi  qu'on  disait 
pompeusement  jadis,  et  faire  passer  sur  la  scène  glacée 
par  les  baroques  imaginations  des  Sardou,  des  Augier, 
des  Dumas,  le  frisson  de  vie  qui  seul  donne  l'émotion 
artistique. 

LE  €0]\FORTABLE 

Les  gens  bien,  donl  la  seule  préoccupation  csl  d'élrc  bien,  plus 
pour  autrui  que  pour  eux-mêmes,  le  digne  monsieur,  la  respec- 
table dame,  aussi  le  bourgeois  éclairé,  encore  mieux  le  bourgeois 
enrichi  et  sa  moitié,  el  surtout  mademoiselle  sa  fille,  pronon- 
cent :  «  keunf'rlèble  ».  D'autres  commencent  à  dire  :  «  con- 
fourtt...able  ».  ,  ; 

CeUe  simple  variante  sert  à  classer  des  gens. 

Gomme  tous  les  mots  prétentieux  et  exotiques,' celui-ci  est 
devenu  crispant  au  bout  de  quelques  années. 


Il  est  venu  d'Angleterre,  où  l'on  qualifie  de  confortable  jusqu'à 
la  canule  d'une  poire  à  lavements.  Les  Anglais,  qui  n'ont  pas  le 
sens  du  ridicule,  imposent  la  bélise  grave.  Ils  sont  pédants  de 
conduite:  Leur  respectabilité  si  lapidée,  par,  à  chaque  instant,  des 
éclats  de  procès,  reste  debout  néanmoins  sur  leur  hypocrisie  de 
granit.  La  vie  de  famille  ^  à  les  croire  —  n'existe  que  chez  eux, 
et  quant  au  mot  «  moral  »,  seule  une  bouche  anglaise  a  le  droit 
de  le  prononcer,  La  bouche  gnglaise,  ce  tabernacle  —  goddam! 

Le  mot  confortable,  on  veut  l'appliquer  à  l'art.  Dans  un  home 
bien  tenu,  quelques  toiles  pendues  au  mur,  où  les  joies  petites  de 
la  vie  se  trouvent  peintes,  font  ce  home  confortable.  Un  père  qui 
fait  sauter  des  enfants  sur  ses  genoux,  une  vieille  à  lunettes  qui 
joue  avec  son  chat,,  un  maître  d'école  qui  récompense  sa  mar- 
maille studieuse,  un  chien  qui  sauve  un  gosse  tombé  à  l'eau,  un 
oncle  qui  distribue  à  ses  neveux  et  nièces  des  trompettes  en  fer 
blanc,  sont  plus  que  dés  sujets  de  genre;  ce  sont  des  sujets  de 
réjouissance  et  des  causes  de  bien-être.  Ils  fpnt  songer  à  des 
choses  douces,  amusantes,  gimples  et  propres,  -^r  car  la  peinture 
est  lisse  et  correcte  —  on  les  regarde  volontiers,  on  les  montre 
aux  babys,  o^  les  leur  fera  copier  plus  tard.  Il  est  également 
confortable  de  voir  la  Rule  Brilannia  victorieuse  sur  les  champs 
de  bataille  et  les  mers.  Cela  flatte  le  chauvinisme.  Les  Anglais 
vivent  encore  de  et  sur  Waterloo.  De  Wellington  ils  ont  fait  une 
baudruche  énorme.  Ils  ne  soupçonnent  pas  combien  cet  honnête 
capitaine  est  diminué  par  le  seul  fait  d'avoir  été  l'accident  de  la 
chute  napoléonienne.  Mais  leur  ridicule,  ils  le  coulent  en  bronze; 
ils  en  font  de  gigantesques  dessus  de  pendule  en  face  de  Hyde- 
Park  et  de  Mansion-House,  el  puis,  ils  rêvent  à  leur  gloire,  con- 
fortablement: Si  cette  façon  de  comprendre  la  peinture  et  la 
sculpture  triomphait  décisivement,  on  arriverait  vite  à  un  mouve- 
ment d'art  dont  des  Webster,  des  Collins  el  des  Frilh  seraient  les 
Watts,  les  Burn-Jones  et  les  Madox-Brown. 

L'art  n'a  rien  de  confortable.  Il  est  fnconforlable  de  faire  de 
l'art  puisque  c'est  un  tourment  et  une  inquiétude  et  il  est  honteux 
de  faire  de  l'art  pour  le  confort  des  autres,  puisqu'un  tel  art  est 
nécessairement  uo  commerce.  Que  l'art  provoque  renlhoùsiasme 
ou  l'exaltation,  c'est  son  rôle,  mais  qu'il  fasse  en  sorte  que  grâce 
à  lui  un  bourgeois  se  sente  mieux  chez  soi,  plus  doucement  calé 
dans  SCS  fauteuils,  plus  tendre  d'esprit  el  de  pensée,  non.  Le 
bonheur  qui  se  chauffe  les  pieds  au  coin  du  feu  est  un  bonheur 
qui  donne  la  goutte;  il -peut  être  très  confortable,  mais  il  est 
aussi  très  ramollissant. 

Il  y  a  tendance  chez  certains  artistes  d'aujourd'hui  à  se  vouloir 
une  existence  qui,  àous  prétexte  de  se  passer  dans  un  milieu 
choisi,  aboutit  k  se  couler  une  vie  commode  et  trop  molle  el  trop 
voisine  de  l'existence  bourgeoise.  L'âpreté  au  travail,  le  sans  cesse 
embaUemeni  vers  l'œuvre,  on  les  mitigé  pnr  des  préoccupations 
d'aise  et  de  satisfaction.  On  s'entoure  de  choses  faciles,  agréables, 
superflues,  Labohême,  certes,  est-elle  démodée  et  mauvaise!  FiCS 
dettes,  certes,  vous  pincent- elles  de  leurs  tenailles  et  vous  cmpé- 
chenl-elles  de  travailler  à  pleine  ardeur  !  Mais  —  s'il  faut  choisir 
—  parbleu  !  qu'on  préfère  la  gêne  et  la  dette  el  l'imprévu  à  l'exis- 
tence symétrique,  trop  faite  à  souhait  pour  le  plaisir  des  yeux  cl 
de  l'estomac.  On  ne  fait  pas  de  l'art  aux  truffes. 

Le  confort  n'est  guère  digne  d'être  le  désir  d'un  homme,  vail- 
lant de  pensée  el  vivant  de  son  cerveau.  Celui-là,  au  contraire, 
rêve  d'une  sorte  d'ascétisme,  où  tout  ce  qu'il  se  refuserait  volon- 
tairement de  joie  vulgaire,  lui  serait  compté  pendant  les  heures 
de  travail.  Il  en  est  qui  se  condamnent  non  seulement  à  la  gêné. 


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mais  qui"  vont  au  delà.  J'en  sais  d'héroïques,  qui  méditent  le  mol 
de  Vallès  :  «  Voulez-vous  faire  un  beau  livre  —  vivez  chaste  ». 

Et  puis  pas  n'est  besoin  de  se^iaftl  raisonner  pour  prendre  en 
grippe  toute  la  queiconquerie  du  luxe  et  du  bien-élre.  Ne  fîi-clle 
point  de  mal  au  cerveau,  encore  serait-elle  haïssable  parce  qu'elle 
est  le  fait  des  parvenus  et  de  leurs  dames  et  de  leur  famille  et  de 
tous.  Les  goûts  moyens  de  ceux-ci,  leur  ambition  moyenne,  leur 
bonheur  moyen  ont  besoin  de  se  sentir  au  chaud  en  des  maisons 
et  des  chambres  banalement  bien.  Le  confortable  leur  fait  avoir 
bonne  opinion  d'eux-mêmes,  lis  se  sentent  supérieurs  quand  ils 
se  singent  mutuellement.  L'appartement  qu'on  sait,  avec  ses 
chaises  commodes,  ses  tableaux  payés  iO, 000  francs,  cloués  aux 
murs,  sa  lampe  à  grand  abat-jour  sur  un  piédouche,  son  étagère, 
pleine  de  vieilles  porcelaines  et  d'argenteries,  dans  un  coin,  ses 
lourds  tapis  d'Orient,  devant  la  cheminée,  ses  paravents  japonais, 
aux  fenêtres.  Dieu  !  quel  pillage  de  communards  sauveui-s  le  bou- 
leversera de  fond  en  comble? 

Oh  !  ces  logis  modernes  et  confortables,  que  Ton  brosse  et  que 
l'on  range,  que  l'on  égaie  et  que  l'on  chauffe  par  des  cheminées 
de  marbre  et  dont  le  chef-d'œuvre  est  le  water-closet  !  Ces  logis 
uniformes  avec  leur  suite  de  salons  cossus  et  leur  vestibule  blanc 
et  la  serre  dans  le  fond,  on  a  beau  y  entasser  des  velours,  des 
reps  et  des  soies,  ils  restent  froids.  Ils  n'ont  rien  de  ce  familier, 
rien  de  cet  intime,  rien  de  ce  doucement  attrayant,  qu'avaient, 
elles,  les  vieilles  chambres  meublées  un  peu  au  hasard,  dont  les 
tapis  n'étaient  pas  immaculés,  dont  les  chaises  portaient  des 
traces  d'usure,  mais  où,  du  moins,  on  sentait  la  vie  de  chaque 
jour,  le  coudoiement,  l'encombrement  même.  Les  enfants  ne 
devaient  pas  y  marcher  comme  sur  des  œufs  et  l'on  né  les  fessait 
pas  s'ils  renversaient  leur  pot  à  enluminer  des  images  sur  la  sacro- 
sainte  carpette. 

Et  piiis  ces  élres  qiii  habitent  de  tels  hôtels!  Us  sont  corrects 
toujours,  propres,  brossés,  gantés  ;  ils  font  la  journalière  prome- 
nade hygiénique,  la  mère  en  manteau  de  fourrure  flanquée  de  ses 
deux  jeunes  filles  comme  une  sainte  entre  deux  chandeliers.  On 
les  voit  avenue  Louise,  rue  de  la  Montagne  de  la  Cour,  rue  de  la 
Madeleine,  descendre  vers  les  deux  heures  et  remonter  à  l'heure 
du  gaz  flambant.  Le  jeune  homme?  il  sort,  son  chien  tenu  en 
laisse;  il  a^es  mains  patte  de  canard,  un  paletot  de  palefrenier 
chic,  il  fume  la  grosse  cigarette  et  disserte  avec  un  ami,  habillé 
d'un  costume  semblable,  sur  les  pouliches  et  les  jockeys  célèbres. 

Ils  professent  ne  point  aimer  le  luxe,  mais  le  confort.  Cela 
sufiSl. 

Aussi,  par  haine  d'eux  et  de  leurs  n  boites  »  toutes  les  mêmes,  la 
rusticité  lentement  s'introduit-elle  dans  les  mœurs.  On  commence 
h  réaliser  des  ameublements  agrestes,  simples,  naïfs  même.  Et 
symboles,  les  fleurs  paysannes  tentent  plus  que  les  fleurs  à  la 
mode  et  on  les  aime  tranquilles,  dans  un  vrai  pot  de  grès,  avec 
leurs  fraîches  couleurs  éclatantes.  Un  retour  se  fait  vers  la  primi- 
livilé  de  l'existence^  vers  un  labeur  ardent  que  le  confortable  ne 
resserre  pas  entre  les  bras  coussinés  de  ces  fauteuils  et  même 
l'âpreté  vis-à-vis  de  soi  pourrait  devenir  la  joie,  une  joie  à  rebours, 
des  hommes  de  demain. 


r 


PREMIÈRE  REPRÉSENTATION 
L'Honneur,  par  M.  Henry  Fèvre.        ■ 
{Correspondance   particulière   dé   l'Art   moderne). ^ 

Certes,  M.  Antoine  aura  beaucoup  fait  pouf  le  théâtre  natùra- 
If^tc.  Il  l'a  presque  inventé  et  lui  a  donné  lieu  par  l'aide  de  son 
parfait  talent. 

Avant  que  cet  habile  et  unique  comédien  lui  eût  trouvé  Une  rai" 
son  d'être,  le  théâtre  naturaliste  n'existait  qu'à  l'èlat  latent, 
comme  une  sorte  de  menacé  suspendue  sur  le  front  des  détrac- 
teurs de  sa  possibilité. 

Il  a  fallu,  du  reste,  assez  peu  de  temps  pour  s'apercevoir  qu'il 
n'était,  après  tout  (comme  les  vaudevilles  auxquels  il  succède,  et 
avec  des  moyens  un  peu  autres  et  en  remplaçant  la  bonhomie 
hilare  par  l'ironie  sarcastique),  qu'un  procédé  de  photographie 
'  scénique  destiné  à  divertir  les  bourgeois  par  des  simulacres  d'euxr 
mêmes,  moyennant  quoi  le  théâtre  naturaliste  se  croit  crtiel  et  '. 
véridique.  Être  cruel  est  surtout  sa  principale  prétention. 

Aujourd'hui,  il  forme  déjà  un  répertoire,  et  si,  comme  la  tra- 
gédie, il  a  de  vagues  Corneille,  on  y  voit  ailssi  desCocardeau..,  et 
des  Saurin. 

Il  est  un  répertoire,  au  sens  que  les  ouvrages  qui  le  composent 
forment  déjà  un  corps  de  doctrine,  qu'il  s'y  est  créée  une  sorte 
de  tradition,  et  que  des  poncifs  commencent  à  s'en  dégager  métho- 
diquement. 

Ainsi,  par  exemple,  le  poncif  de  la  Bonne  s'agrège  peu  à  peu, 
et  le  temps  est  proche  où  le  type  complété  sera  intercalé  en  bloc 
et  indéfiniment  dans  toutes  les  pièces,  jusqu'au  jour  où  triom- 
phera sur  la  scène  quelque  renouveau  simple,  pâle,  général,  de 
tragédie  moderne  ou  la  féerie. 

Ce  retour  à  la  convention  est  d'ailleurs  la  seule  issue  du  théâtre 
naturaliste  qui  pêche. par  un  particularisme  extrême,  et  le  jour. où 
il  arrivera  à  des  généralités  typéfiées,  il  aura  grandi  de  toute  la 
distance  qui  sépare  un  Pophilat  d'un  Bonhomet. 

»   • 

Quand  le  rideau  du  Théâtre-Libre  se  lève  sur  une  pièce,  fût-elle 
de  M.  Fèvre,  .on  se  demande  toujours  un  peu  si  ellç  n'est  pas  de 
M.  Descaves  ou  de  M.  Alexis,  et  celte  indéniable  identité  de  ion 
fait  naître  le  désir  de  voir  un  jour  s'établir  une  sorte  de  collabora- 
tion universelle  de  tous  les  médanistes  et  anti-médanistes  pour  la 
confection  d'une  œuvre  collective  qui  serait,  au  théâtre,  une 
manière,  enfin,  de  Rougon-Macquart. 

La  pièce  de  M.  Henry  Fèvre,  qur  a  prouvé  déjà,  et  ailleurs,  des 
qualités  de  logique  el  de  sarcasme,  n'est  point  dénuée  d'intérêt, 
selon  un  point  de  vue  d'art  anecdotique,  el  elle  met  en  relief 
quelques  particularités  de  l'âme  bourgeoise  et  une  certaine  repré- 
sentation méticuleuse  d'actes  de  vie.  Le  sujet  est  d'une  simplicité 
quotidienne. 

C'est  le  viol,  sans  précaution,  d'une  fillette  par  un  ami  de  la 
maison,  vieux  et  marié,  et,  à  travers  qu^ques  perlurbations 
qu'apporte,  en  un  milieu  honnête,  à  de  vieux  parents  sages,  ce 
fait  insolite  et  qui  nécessite  de  leur  prudence  un  prompt  mariage, 
avec  un  cousin,  de  leur  fille,  l'heureuse  célébration  de  celte  fruc- 
tueuse union. 

L'honneur  est  donc  sauf  étant  :  ce  que  les  autres  disent  de 
nous. 


M«B 


Cet  événement  de  famille,  par  sa  transe  inévitable,  met  enjeu 
divers  sentiments  et  ces  attitude^  : 

Chez  la  fille  :  un  dégoût  mêlé  du  regret  d'une  bévue,  avec  une 
peur  enfantine  des  gronderies  et  des  bousculades  qui  lui  sem^ 
blènt,  au  fond,  dépasser  bien  peu,  peut-être,  la  faute,  et  un  sen- 
tiraient très  net,  qu'il  faut  sortir  de  la,  et  une  facilité  bien  fémi- 
nine déjà  à  s'accommoder  des  moyens,  même  peu  loyaux 
d'arranger  les  choses.  En  somme,  un  mélange  de  fillette  légère, 
de  femme  retorse  et  un  joli  fond  de:  courtisane  que  dénote  l'idée 
vague  mais  sincère  que  le  fait  de  l'amour  n'est  en  lui-même  que 
peu  et  ne  doit  s'apprécier  que  selon  la  conséquence,  répréhen- 
sible,  au  cas  où  il  apporte  une  menacer  et  admissible  en  la 
mesure  de  son  utilité... 

Chez  la  mère  :  une  colère  violente  et  tatillonne,  des  instincts  de 
bourelle  et  une  sorte  d'héroïsme  aveugle  et  bas  qui  éclate  par  une 
volonté  de  rétablir  la  décence  de  la  situation  par  le  mariage  pré- 
servateur ou  de  simples  pratiques  aborlives. 

Chez  le  père  :  une  indignation  honnêteet  primesautière,  puis, 
devant  la  souffrance  de  sa  fille,  un  pardon  explicite  qui  s'oppose 
à  la  sévériié  peu  scrupuleuse  de  la  mère,  puis  une  lâcheté  d'homme 
faible  qui  permet  les  trafics  nécessaires  à  une  solution  matrimo- 
niale qu'il  réprouve  et  qu'un  dernier  sursaut  de  sa  conscience 
veut  empêcher,  tentative  incomprise  même  de  l'intéressé,  et 
qui  finit  en  une  sorte  d'ébahissement  stupéfait  devant  la  force  des 
choses. 

Autour  de  ce  trio  fondamental  évoluent  les  comparses  de  l'ac- 
tion que  renforcent,  soit  par  leur  ignominie,  leur  bêtise  ou  leur 
bon  sens  ancillaire,  l'impression  qu'on  a  d'un  fait  humain,  selon 
des  circonstances  particulières,  qui  s'est  passé,  en  quelque  lieu 
très  précis,  entre  des  gens  qui  ont  continué  à  vivre  autre  part 
que  sur  la  scène  où  ils  ont  eu  leur  heure. 

Le  dialogue  est  bien  un  exemple  de  la  convention  naturaliste, 
qui  consiste  à  faire  exprimer  à  chaque  personnage,  avec  tout  le 
naturel  possible,  sa  façon  de  voir  et  de  laisser  tirer  de  propos,  en 
apparence i}anals,  par  le  public,  une  signification  tout  autre  et 
perceptible  pour  lui  seul.  Si  ce  procédé  était  soutenu,  il  pourrait 
être  intéressant  et  manié  par  un  homme  supérieur,  aboutirait  en 
somme  à  du  Maeterlinck,  mais  il  est  là  démenti^^tôut  coup,  par 
le  fait  que  les  personnages  trouvent  à  chaque  instant  le  moyen 
d'exprimer,  par  des  raccourcis  tout  littéraires,  la  définition  de 
leur  égoïsme,  par  exemple,  ou  donnent  en  peu  de  mots  la  foi*, 
mule  de  leur  propre  ignominie. 

Il  est  indiscutable  que  la  pièce  de  M.  Fèvre  est  imprégnée 
d'une  sorte  do  gaieté  morose,  mais  le  souvenir  n'en  survit  guère 
à  l'audition  et  la  toile  chue  sur  l'événement,  en  reste-t-il  une  autre 
impression  que  celle  d'une  anecdote  bourgeoise  et  salée  ? 

Le  seul  résultat  est  de  prouver  que  M.  Antoine  est  bon  comé- 
dien et  qu'il  faut  écrire  en  vers.  R. 


fuEItJ-ETTE    DE    LIVRE? 

Un  mort  d'hier  :  Max  "Waller,  notes  littéraires,  par  Firhin 
Van  drn  Bosch,  in-8»  de  16  p.  —  Oand,  A.  Siffer,  1890.  —  BCax 
TVaUer,  par  Henry  Maubel,  in-8o  de  16  p.  —  Bruxelles, 
ye  Monnom,  1890. 

Deux  intéressantes  éludes  consacrées  h  la  carrière  littéraire,  si 
prématurément  inlerroinpue  et  cependant  si  remplie,  de  ce  jeune 
qui  apporta  dans  la  lutte  littéraire  une  si  belle  cr&nerie  et  mil  une 


verve  endiablée  à  pourfendre  les  vieux  poncifs.  Toujours  prêt  à 
aller,  de  l'avant  avec  une  vivacité  de  décision  et  une  confiance 
juvéniles  qui  ne  furent  pas  sans  courage,  s'il  se  trompa  quelque- 
fois, il  porta  aussi  bien  des  coups  droits  aux  solennelles  préten- 
tions des  académiques  personnages  qui  nous  avaient  fait  la  litté- 
rature officielle  que  l'on  sait,  et  sa  fantaisie  comique  fut  pour  la 
rénovation  des  lettres  une  arme  puissante.  Il  y  eut,  du  reste,  sous 
cette  raillerie  sans  pitié,  une  sensibilité  raffinée  qui  se  fait  jour 
surtout  dans  ses  dernières  œuvres  cl  les  marque  comme  d'un 
mélancolique  pressentiment  de  cette  mort  hâtive  qui  rend  son 
souvenir  si  touchant.  «  11  apparaît,  dit  excellemment  M.  Yan'den 
Bosch,  comme  un  joli  page,  ironique  et  sentimental,  en  toque  de 
velours,  mantelet  de  satin  el  bas  de  soie,  qui  s'en  va  au  son 
capricieux  el  mobile  de  ft  flûte,  risquer,  sous  les  balcons  de 
l'amour  et  devant  les  tréteaux  de  la  vie,  toutes  ses  fantaisistes 
ariettes,  tour  à  tour  moqueuses  et  attendrissantes,  émues  et  spiri- 
tuelles, mais  toujours  supérieurement  originales,  où  les  pétille- 
ments sonores  du  rire  s'entrecroisent  ^i  naturellement  à  l'âpre 
angoisse  des  larmes  ». 

Au  bord  de  la  route,  par  Emile  Verhaeren,  petit  in-8°  de  34  p., 
édité  par  Vaillant-Garraanne,  à  Liège. 
C'est  un  tiré  à  part  du  numéro  de  la  Wallonie  de  mai  1890, 
entièrement  consacré  à  notre  collaborateur,  selon  une  heureuse 
innovation  de  celle  artistique  revue  qui  permet  ainsi  à  ses  lec- 
teurs d'apprécier,  dans  ses  diverses  manifestations,  le -talent  de 
ses  écrivains  aimés. 

Dans  la  petite  bibliothèque  littéraire  de  A.  LeiHaire  :  Urbains  et 
ruraux,  par  Léon  Cladel.  —  1  vol.  de  xx-318  p.,  1890. 

Cette  nouvelle  édition  de  la  seconde  série  des  Va-nu-pieds, 
parue  chez  Ollendorf,  en  1884,  el  plusieurs  fois  réimprimée 
depuis  lors,  est  consacrée  par  l'auteur,  en  ces  termes,  au  Cente- 
naire que  Paris  fêla  si  brillamment  l'an  passé  : 

89 

«  Il  m'agrée,  on  ne  peut  plus,  que  celte  date  flamboie  en  tête 
des  pages  ci-contre  el  qui  n'existeraient  pas  si,  fils  d'émancipés 
de  l'autre  siècle,  je  n'avais  point  appris  d'eux,  mes  modèles,  dont 
le  souvenir  me  les  inspira,  l'histoire  de  leur  révolte  el  de  leur 
délivrance.  Elle  n'est  pas  encore  achevée,  aucun  ne  sait  où,  quand, 
ni  comment  elle  le  sera,  la  glorieuse  tâche  qu'ils  entreprirent  avec 
une  inlrépidilé  sans:.égale,  el  c'est  à  leurs  enfants  qu'il  incombe 
d'y  mettre  la  main  illico,  car  le  «  char  du  progrès  »  est  enrayé 
parles  jésuites  bleus,  blancs,  rouges  ou  tricolores,  qui  pullulent 
en  notre  pays,  où  jadis  s'épanouirent  el  fleurissenl  encore  aujour- 
d'hui les  gris  et  les  noirs,  ceux  du  candide  Ignace  de  Loyola, 
canonisé  par  le  suave  Grégoire  XV...  Ils  ne  failliront  pointa  leur 
devoir,  les  héritiers  des  croquants  qui  prirent  la  Bastille  et  chas- 
sèrent des  Tuileries  le  roi  très  chrétien  et  les  nobles,  au  seul  béné- 
fice de  la  bourgeoisie,  qui  depuis  lors  gouverne,  elle  aussi,  per 
fas  et  nefas;  el  tel  est  notre  ferme  espoir  que,  si  longtemps  dif- 
féré, l'affranchissement  intégral  du  peuple  suivra  de  fort  près  le 
centenaire  de  la  Révolution. 

«  24  février  1889.  L.  Cl.  » 


Le  «  Petit  Faust  »  aux  6-aleries 

Joué  déjà,  l'hiver  de  la  guerre,  à  Bruxelles.  Alors,  grand  succès, 
caria  parodie  des  opéras  n'avait  pas  encore  pris  l'abusif  déve- 
loppement de  nos  jours.  Aujourd'hui,  c'est  un  peu  l'impression 


^mi 


mmm 


des  reprises  d'Offenbach  :  la  musique  fait  toujours  plaisir,  les 
trouvailles  de  situation  font  encore  rire,  mais  le  dialogue,  hélas  ! 
et  les  calembours,  trois  fois  hélas  ! 

Pauvre  Gœthe  !  que  voilà  œuvrissimette  son  œuvre  et  comme 
dans  ses  déformations  successives  se  montrent  bien  les  divers 
points  de  vue  d'envisager  les  mêmes  choses,  tous  vrais  après  tout. 
Œuvre  puissante,  composite  comme  un  poème  épique  dont  les 
personnages  seraient  des  idées,  esquisse  de  profonds  symboles,  à 
la  (oiiMMMissaute  de  clarté  comme  le  scintil  des  étoiles  et  mys- 
^^érieusement  obscure  comme  les  trous  noirs  du  ciel.  Hais  le 
Faus^  allemand  n^Obtint  jamais  hospitalité  sur  la  scène  française. 
Peu  d'esprits  latins  l'ont  compris.  Le  seul  côté  sentimental  et 
frais  de  l'ouvrage  put  entrer  dans  la  composition  du  Faust  de 
Gounod.  On  dépeça  le  corps  du  géant,  après  l'avoir  étendu  sur  le 
lit  de  Procuste  des  trois  unités  :  tout  devint  simple,  limpide,  se 
réduisit  au  développement  joliet  d'une  passion  ordinaire,  précédé 
d'un  renouvelé  des  contes  de  fée  :  la  transformation  diabolique  du 
vieux  docteur  en  un  jeune  premier.  Et  jolietle  aussi,  mais  que 
cela,  s'y  adapta  la  musique  simpliste  et  douce  de  Gounod. 

En  vraie  parodie,  le  Petit  Faust  se  rit,  lui,  à  l'orchestre,  du 
Faust  français  et,  à  la  scène,  du  Faust  allemand  :  dans  les  deux 
partitions,  identiques  emboîtements  d'airs  se  parachevant  en 
ritournelles  burlesques,  succession  ininterrompue  de  motifs  à  la 
fois  sérieux  et  bouffons;  bref,  tout  le  truquage  des  charges  alors 
en  pleine  ébauche,  aujourd'hui  réduit  en  formules  utilisables  et 
malheureusement  très  utilisées.  La  donnée,  elle,  est  peut-être 
plus  philosophique  que  dans  maint  librctto  d'opérette.  Ce  n'est 
pas  qu'on  y  badine  plus  agréablement  de  choses  très  sérieuses, 
qu'on  y  mette  plus  de  modernisme  dans  la  façon  de  comprendre 
l'amour  facile,  égoïste,  aurophile,  mais  on  saisit  plus  aisément 
les  différences  énormes  entre  ces  deux  points  de  vue  contradic- 
toires d'envisager  les  choses  en  général,  le  côté  sérieux  oxigobeur, 
cl  le  côté  je  m'en  fichiste  ou  gouailleur,  quand  c'est  à  propos  des 
mômes  situations,  s'enchatnant  à  peu  près  de  la  même  manière, 
qu'on  les  met  en  opposition. 


CONCERT  LAMOURBUX  A  LIÈGE 

M.  Lamoureux  adonné  à  Liège  un  concert  dont  le  programme 
était  identique  à  celui  de  la  première  des  deux  séances  musicales 
de  l'Alhambra.  L'impression  produite  parait  avoir  été  la  même 
qu'à  Bruxelles. 

Voici  ce  que  nous  écrit  notre  correspondant  spécial  : . 

M.  Lamoureux  et  son  orchestre,  que  le  peu  d'empressement 
ot  l'apathie  du  public  liégeois  n'ont  heureusement  pas  arrêté,  ont 
été  l'objet  d'ovations  bruyantes  et  répétées.  Mais  aussi  quelle  par- 
faite exécution  ils  nous  ont  donnée  !  C'est  prodigieux  de  finesse, 
de  coloris,  d'élégance,  de  nuances  infinies,  de  délicatesse  d'obser- 
vation. Tous  les  instruments  donnent  également  bien,  avec  la 
même  pureté  de  son,  avec  la  même  grâce  et  la  même  volonté. 
Le  fondu  de  l'harmonie,  la  scrupuleuse  rectitude  des  rythmes 
surprennent  et  enchantent.  El  l'on  est  souriant  et  ravi  d'entendre 
d'aussi  délicieuses  choses! 

Cependant  on  reste  étonné  de  n'être  point  troublé.  L'esprit  et 
le  cœur  sont  paresses,  mais  pas  remués.  L'émotion,  la  grande 
émotion  d'art  ne  vous  poigne  pas.  C'est  que,  si  parfait,  cet 
orchestre  manque  d'ampleur  et  que  l'on  ne  sent  pas  «  d'emballe- 
ment »  en  lui. 


Celle  admirable  observation  des  nuj^nces  nuit  à  l'intensité  de 
l'impression.  •      .      ' 

f^Ous  n'aimons  pas  entendre  ainsi  jouer  du  Beethoven  ;  c'est 
l'élévation,  la  profondeur  de  sa  pensée  qui  nous  troublent.  C'est 
la  vie,  la  nervosité,  la  puissance,  l'irrésistible  passion  de  Wagner 
qui  nous  émeuvent.  Et  c'est  tout  cela  que  nous  n'avons  pas 
senti  dans  l'interprétation  que  nous  a  donnée  M.  Lamoureux 
de  la  symphonie  en  ut  de  Beethoven,  de  l'ouverture  de  Tann- 
hauser,  des  H^urniures  de  la  forêt,  du  prélude  de  Tristan  et 
Jseult  el  de  l'introduction  du  troisième  acte  de  Lohengrin. 

Les  qualités  de  perfection  el  de  coloris  de  l'orchestre  l'ont,  au 
contraire,  merveilleusement  servi  dans  l'exécution  de  V Arté- 
sienne, de  la  Danse  macabre  el  d'Espana. 

Disons  encore  la  vive  impression  que  nous  a  produit  la  réaudir 
lion  du  Camp  de  Wallenstein  de  Vincent  d'Indy,  exécuté  l'hiver 
dernier  sous  la  direction  de  l'auteur,  ^ïar  l'orchestre  de  M.  Syl- 
vain Dupuis,  et  le  grand  désir  que  cela  nous  a  donné  de  réen- 
tendre l'œuvre  majgislrale  en  son  entier. 


Petite  CHROj^iquE 


jtrr- 


Nos  compatriotes  vont  se  faire,  décidément,  à  l'étranger,  une 
réputation  de  chefs  d'orchestre  de  premier  ordre.  On  sait  le  suc- 
cès qu'obtient  depuis  deux  ans  M.  Jehin  à  Monaco.  M.  Léon 
Dubois  a  été  1res  apprécié  à  Nantes.  M.  Philippe  Flon  a  con- 
quis à  Rouen  toutes  les  sympathies.  Voici  que  M.  Jules  Lecocq, 
qui  est  depuis  sept  ans  à  la  tête  des  concerts  symphoniques  de 
Spa,  vieût  d'être  appelé  à  diriger  les  concerts  classiques  de  Mar- 
seille. Son  début  a  été  excellent,  el  le  nouveau  chef  d'orchestre  a, 
nous  écrit-on,  produit  la  meilleure  impression  sur  les  habitués  de 
ces  auditions  de  bonne  et  sérieuse  musique.  M.  Ch.-Ed.  Michel, 
l'un  des  principaux  critiques  marseillais,  dit  de  lui  :  «  M.  Lecocq 
s'est,  dans  l'interprétalion  de  la  symphonie  enjit  mineur  de  Beet- 
hoven, montré  poète  el  musicien.  Il  a  obtenu  chez  ses  musiciens 
l'exécution  fondue,  déUcate,  expressive,  juste,  dans  les  deux  sens 
du  mot,  des  instruments  à  cordes,  l'observation,  spirituelle  du 
texte,  dans  les  sons,  la  mesure,  les  mouvements,  ainsi  que  la 
mise  en  valeur  exacte  de  toutes  les  parties  intermédiaires;  tout 
cela  sans  tomber  dans  le  précieux  et  le  papillotant,  mais  au  con- 
traire, en  maintenant  toujours  l'unité  musicale  et  le  sens  poétique 
de  chaque  morceau.  Tout  en  recherchant  surtout  la  force  el 
l'ampleur  du  son,  le  nouveau  chef  est  arrivé,  par  l'habile  jeU  des 
contrastes,  à  des  effets  d'une  variété  el  d'une  puissance  extraor- 
dinaires, telle  la  transition  fameuse  dn  scherzo  b»  finale  de  la 
syinj)honie. 

La  même  maîtrise  d'inspiration  et  tfe  rendu  s'est  fait  voir 
dans  rouverturc  d'Obéron  ainsi  que  dans  la  pittoresque  Suite  de 
Grieg. 

Excellent  musicien,  esprit  compréhensif  el  délicat,  M.  Lecocq 
paraît  digne  des  hautes  fonctions  de  directeur  el  d'inspirateur 
artistique  qui  l'attendent  chez  nous  ». 


Au  théâtre  Molière,  M™*  Weber-Second  est  venue  avec  une 
troupe  médiocre  jouer  le  drame  de  Henri  de  Bornier  :  la  Fille  de 
Roland.  L'actrice  elle-même  et  tous  ses  partenaires  ont  voulu  pro- 
duire sur  le  public  une  impression,  croyons-nous,  brutale  et 
facile.  Rarement  on  a  plus  crié  et  gesticulé  à  faux  sur  une  scène 
bruxelloise.  Surtout  M.  Second.  Son  jeu,  il  ressemblait  à  celui  d'un 


\  * 


\^- 


lénor  médiocre.  Les  strophes  sur  les  épées,  assez  fièrement  écrites, 
ont  été,  par  lui,  plutôt  guéulées  que  déclamées.  Le  moins  mau- 
vais des  acteurs  ?  celui  qui  remplissait  le  rôle  de  Ganelou. 

Les  Plaideurs  de  Racine,  d'un  archaïsme  charmant,  ont  seuls 
légitimé  la  présence  d'un  public  nombreux  au  Molière. 

Au  Cirque  Piège,  le  forain  de  la  gare  du  Midi.  Tranchant  sur 
la  rassasiée  exhibition  de  voltiges,  haute  école^  danse  de  corde 
photographiqucment  mêmes,  la  misé  en  spectacle  avec  tentative 
pour  la  rendre  gaie,  de  deux  infirmes,  Ils  ont  l'un  et  l'autre. été 
amputés  de  la  jambe  droite.  Ils  entrent  béquillards  dans  l'arène 
et  accrobatiquent  avec  grand  succès  de  sympathie.  Ils  font  tout 
le  bruyant  de  l'orchestre,  tout  le  clownesque  'enfarinement  des 
têtes  pour  se  croire  ailleurs  que  dans  un  hôpital  quelque  jour  de 
délire.  Difficulté  surtout  de  se  convaincre  qu'il  s'agit  là  d'autre 
chose  que  d'une  imitation,  que  ces  gymnasiarques  unijambistes 
sont  de  vrais  malheureux  et  qu'ils  n'insultont  pas  aux  estropiés 
en  les  singeant.  ' 

Une  des  rarissimes  rencontres  d'émotion  dans  un  cirque. 

Une  revue  d'art  illustrée  vient  de  se  fonder  à  Bruxelles  sous  le 
titre  :  Les  Salons.  Elle  publiera  chaque  semaine  quatre  planches 
phototypiques,  réalisant,  k  un  très  bas  prix,  le  désir  si  souvent 
exprimé  par  les  artistes  et  les  dilettanli  d'avoir  enfin  un  périodique 
digne  de  l'Art  national.  La  première  livraison  des  Salons  est  con- 
sacrée aux  œuvres  exposées  au  Salon  triennal  de  Bruxelles,  de 
MM.  Juliaan  Dillens,  Georges  Hitchcock,  Nicolas  Vanden  Eéden 
et  L.-J.  Anlhonissen. 

Un  groupe  de  musiciens  des  orchestres  de  Bruxelles  et  de  la 
province,  vient  de  créer  une  Association  de  secours  mutuels. 
M.  L.  Randaxhe,  au  nom  du  comité  provisoire,  fait  appel,  par 
circulaire,  à  tous  ses  confrères,  et  espère  réunir  en  quelques 
années  des  fonds  suffisants  pour  améliorer  le  sort  des  artistes 
musiciens,  constituer  une  caisse  de  pension,  fonder  un  journal 
destiné  à  défendre  les  intérêts  de  l'Association,  former  des 
orchestres  d'été  dans  les  villes  importantes,  etc.  La  cotisation  des 
membres  est  d'un  franc  par  mois.  S'adresser,  pour  renseigne- 
ments, à  M.  Randaxhe,  rue  Verboeckhaven,  423,  Bruxelles. 

La  Wallonie  consacre  son  dernier  numéro  à  M.  Pierre  Quil- 
lard.  Des  vers  —  certains  —  très  nettement  d'un  artiste. 

La  Gironde  publie  un  fort  élogieux  article  ^ur  la  représen- 
tation des  Huguenots,  au  grand  théâtre  de  Bordeaux,  dans 
laquelle  M.  Cossira  de  l'Opéra  de  Paris,  autrefois  lénor  au  théâtre 
de  la  Monnaie,  à  Bruxelles,  a  chanté  le  rôle  de  Raoul  de  Nangis. 
En  voici  des  extraits,  signature  Paul  Lavigne  : 

«  Le  nom  de  M.  Cossira,  placé  en  vedette  sur  l'affiche,  avait 
iattiré  hier  soir  une  chambrée  absolument  exceptionnelle  :  la  loca- 
tion était  formidable  ;  tous  les  strapontins  avaient  été  envahis, 
les  moindres  places  à  tous  les  étages  avaient  été  prises  d'assaut. 
La  recette  a  été  exceptionnelle  (près  de  4,300  fr.)  et  on  a  dû 
refuser  beaucoup  de  monde.  On  juge  par  là  si  la  curiosité  était 
grande,  si  l'attente  était  fébrile.  Disons  de  suite  que  l'événement 
a  complètement  répondu  à  un  si  exceptionnel  empressement. 
M.  Cossira  est  bien  le  lénor  rêvé,  le  rara  avis,  le  chanteur  que 
l'on  ne  trouve  plus  !» 

Et  plus  loin  :  «  J'ai  cherché  à  être  exact  jusqu'au  scrupule  dans 
mon  appréciation  détaillée,  et  l'on  m'excusera,  je  l'espère,  d'être 
si  long.  C'est  chose  d'une  telle  importance  qu'un  bon  ténor 
sérieux  qui  nous  arrive,  et  qui  oblige  pour  ainsi  dire  une  salle 


houleuse  à  l'acclamer  et  à  le  fêter,  que  je  n'ai  pas  cru  devoir 
résumer  mes  impressions  seulement  en  une  dizaine  de  lignes. 
Il  était  bon,  il  était  utile  aussi  de  faire  ressortir  certaines  imper- 
fections. Personne  n'est  parfait  ici-bas;  l'idéal  n'est  nulle  part  sur 
notre  planète;  et  un  ténor,  quel  qu'il  soit,  se  troure  toujours 
plus  ou  moins  dans  le  cas  de  la  plus  belle  fille  du  monde. 

«  La  venue  de  M.  Cossira  a  été  un  véritable  événement  artistique 
pour  nôtre  cité.  A  la  bonne  heure!...  Une  représentation  qui  fait 
salle  comble  et  dont  tout  le  monde  sort  satisfait,  voilà  qui  n'a-pas 
lieu  tous  les  jours,  voilà  qui  n'est  pas  banal,  même  à  la  Monnaie, 
même  à  l'Opéra.  Nos  félicitations  à  l'administration  du  Grand- 
théâtre  de  nous  avoir  fait  entendre  un  ténor  de  cette  valeur.  » 

L'un  des  jeunes  artistes  espagnols  qui  firent,  il  y  a  quelques 
années,  leurs  éludes  au  Conservatoire  de  Brux-elles  et  la  joie  des 
maisons  aniie&où  carillonnait  leur  turbulente  gaieté,  M.  Eusebio 
Daniel,  est  devenu,  nous  disent  les  journaux  d'Espagne,  un  pia- 
niste distingué  et  un  professeur  sérieux.  Dans  un  concert  donné 
à  Barcelone  par  Sarasate,  il  s'est  fait  entendre  à  côté  de  cet 
éblouissant  virtuose,  et  a  réussi,  malgré  ce  voisinage  dangereux, 
à  se  faire  remarquer  et  applaudir.  . 

Le  premier  concert  du  Conservatoire  de  Liège  aura  lieu  le 
samedi  15  novembre.  Lesâolistés  seront  Joachim  et  M.  De  Grccf. 
L'orchestre  exécutera  la  septième  symphonie  de  Beethoven, 

La  livraison  de  novembre  du  Magazine  of  Art  instaure  un 
papier  nouveau,  satiné  et  souple,  spécialement  fabriqué  pour 
obtenir  de  parfaites  reproductions.  Elle  contient,  entre  autres,  une 
planche  gravée,  tirée  en  bistre,  d'après  la  Fata  Morgana  de 
G.-F.  Watts,  une  étude  de  M.  Claude  Phillips  sur  les  «  grands 
prix  »  obtenus  par  l'Ecole  belge  de  peinture  et  de  sculpture  à 
l'Exposition  universelle  de  Paris  :  MM.  Emile  Wauters,  Alfred 
Stevens,  Franz  Courlens,  Paul  de  Vigne,  Charles  Van  der  Stappen, 
Julien  Dillens,  Constantin  Meunier,  avec  illustrations  ;  une  étude, 
illustrée  de  nombreuses  gravures,  sur  M™«  Henriette  Ronner  par 
M-  H.  Spielmann  ;  un  article  sur  l'importante  collection  céra- 
mique de  M.  George  Salting,  avec  de  nombreuses  reprodùc- 
lion$,^c.  _  

Le  Comité  pour  l'érection  d'une  statue  à  Georges  Bizel  s'est 
réuni,  sous  la  présidence  d'honneur  de  M.  Ambroise  Thomas. 

11  a  été  décidé  que  le  monument  consisterait  en  un  socle  élevé, 
surmonté  d'un  busie  et  entouré  de  figures  allégoriques.  L'exécu- 
lion  en  est,  dès  maintenant,  confiée  à  MM.  Paul  Dubois  el  Charles 
Garnier,  qui  ont  immédiatement  accepté. 

Deux  commissions  ont  été  nommées  à  l'unanimité  :  l'une  pour 
s'occuper  de  l'exécution  de  la  statue  et  des  démarches  à  faire 
auprès  de  la  Ville  de  Paris  cl  de  l'administration  des  Beaux-Arts: 
l'avlre  pour  organiser  une  représentation  solennelle  au  bénéfice 
de  l'œuvre. 

La  commission  de  la  statué  comprend  :  MM.  Amb.  Thomas, 
Ch.  Gounod,  Ernest  Reyer,  C.  Bellaigue,  J.  Claretie,  Paul  Chou- 
dens,  Alphonse  Daudet,  Léon  de  Fourcaud,  Ph.  Gille,  E.  Gui- 
raud,  L.  flalévy,  V.  Joncières,  A.  Jullien,  J.  Massenet,  Albéric 
Magnard,  Victor  Wilder. 

La  commission  théâtrale  se  compose  de  :  MM.  Aderer,  Emile 
Blavet,  Henry  Bauër,  L.  Bessorï,  T.  Bourgeat,  Edouard  Colonne, 
Ch.  Lamoureux,  Rîtt,  Gailhard,  Paravey,  Porel,  Verdhurt,  Garcin, 
Danbé,  Victor  Roger,  Stoullig,  Ed.  Noël  el  Lionel  Meyer,  secré- 
laire  du  comité. 


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fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits).  —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
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Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  l'Escploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  l'Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l'État-Belge,  Montagne  de  la  Coiir,  90^,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n»  53,  à  Londres,  à  V Agence  de  Chemins  de  fer 
de  r^tof,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  Jtf.  ./IrtAm*  Francien,  Domklo8ter,no  i,  à  Cologne.  - 


Élude  da  Notaire  GRICK,  rue  de  fâ  Chapelle,  8,  à  Bruxelles. 

M*  CRICK  procédera  aux  jours  ci-après  indiqués,  en  la  Galerie 
Saint-Luc,  rue  des  Finances,  10  et  12,  à  Bruxelles,  à  la  vente  publi- 
que des 

MAGNIFIQUES  COLLECTIONS 

délaissées  par  M.  Léon  SLAES,  expert 

,  A)  Antiquités -et  objets  d'art,  argenteries,  porcelaines,  meu- 
bles, etc.,  etc.,  les  11,  12,  13,  14,  17,  18,  19^ et  20  novembre  1890, 
à  1  1/2  heure  de  relevée. 
B)  Tableaux,  aquarelles,  livres,  gravures,  les  26,  27,  28 

et  29  novembre  1890,  à  1 1/2  heure  de  relevée. 

Experts  ;  MM.  J.  et  A.  Le  Roy  frères,  place  du  Musée,  12,  â 
Bruxelles,  chez  qui  se  distribuent  les  trois  catalogues  et  les  cartes 
d'entrée  aux  expositions  particulières. 

JOURNALDES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dim,anche. 

Faits  et  débats  Judiciaires.  —  Jurispi^dence. 
—  Bibliographie.  —  Législation.  —  Notariat. 

HUTIÈICB  ANNÉE. 

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Désirée  Artôt,  Pauline  Lucca,  Pablo  de  Sarasate,  Ferd.  Hiller,  D. 
Popper,  sir  F.  Benedict,  Leschetitzhy ,  Napraouik,  Joh.  Selmer,  Joh. 
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/ 


Dixième  année.  —  N"  46. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  16  Novembre  1890. 

...    L.  i    ■ 


MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


é 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  »  Octave  MAUS  —  eVmond  PICARD  ^  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un  an,   fr.  10.00;  Union  postal«,   fr.\  13.00.   —  ANNONCES  :    On  traite  à  forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  Plndustrle,  32,  Bruxelles. 


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OMMAIRE 


ÉvOLUflON    ADAPTATRICE.     —     CÉSAR    FrANCK.    —    LeS    CÎONCERTS 

POPULAIRES.  —  Cueillette  de  livres.  —  Au  Conservatoire.  — 
Concert  Joachim.  —  »  Monsieur  Betsy  »  au  Parc.  —  Au  Théâtre 
Molière.  —  La  «  Princesse  Maleinb  ».  au  Théatre-Libre.  — 
Mémento  des  expositions.  —  Petite  chronique. 


ÉVOLUTION  ADAPTATRICE 

0  misère  des  compliqués  et  vertigineux  jours  où  nous 
vivons!  Sans  repos!  La  hâte  toujours  accrochée  à  nos 
flancs,  enfonçant  ses  dents,  enfonçant  ses  griffes  et  nous 
forçant  aux  galopades  effrénées.  Plus  jamais,  jamais  le 
loisir  paisible  de  commencer  et  de  terminer.  Un  ina- 
chevé perpétuel,  tout. finissant  dans  la  fièvre  et  l'a  peu 
près.  Un  incessant  enchevêtrement  de  ce  qu'on  fait  et  de 
ce  qu'on  va  faire.  Tout  moment  de  la  vie  transformé 
en  un  carrefour  où  aboutissent,  s'entassent  et  se  bous- 
culent mille  soucis,  mille  devoirs.  L'âme  sans  cesse 
haletante.  Les  confusions,  la  précipitation  d'un  départ, 
quand  on  arrive  tardivement  à  la  gare,  dans  l'encombre- 
ment des  colis,  de  la  foule,  que  la  machine,  prête  à 
démarrer,  souffle  et  ronfle,  que  les  formalités  s'accu- 
mulent et  que  le  coeur  bat  la  crainte  de  manquer  le 
train.  L'impression  quotidienne  ^ue  la  journée  est  trop 


courte,  qu'il  faut  empiler  sur  le  lendemain  un  arriéré, 
qu'uBô^  liquidation  nette  des  heures  courantes  est 
impossible,  et  que,  pareils  aux  gens  qui  se  sauvent  d'un 
incendie  ou  d'un  écroulement,  il  faut  abandonner 
derrière  soi  des  choses  qui  seront  à  jamais  perdues.  Le 
travail,  le  repos,  le  plaisir,  agités  sans  répit,  toujours 
trop  courts,  toujours  trop  étroits  pour  contenir  ce  qu'il 
y  faudrait  mettre  de  soins  méthodiques,  de  calme 
absolu,  d'insouciance  gaie  et  pacifiante.  Des  nuits  dans 
lesquelles  on  se  jette  comme  sur  le  lit  de  camp  d'un 
bivouac  de  guerre.  Des  journées  qu'on  commence  avec 
la  tristesse  et  les  pensées  moroses  du  vagabond  qui  se 
sent  chassé,  et  enfile  la  grande  route  d'un  pas  hâtif  et 
fatigué.  Le  besoin  de  s'arrêter  pour  souffler,  reprendre 
haleine,  calmer  les  palpitations  ;  et  la  nécessité  de  repar- 
tir, en  courant,  avant  que,  dans  les  artères,  les  vagues 
sagguines  soient  retombées.  La  course  du  cheval  de 
cirque  dans  la  ronde  arène,  enlevé,  excité  par  les  enve^^ 
loppants  coups  de  lanière  de  la  chambrière  claquante, 
des  tours  après  des  tours,  frénétiquement  et  sans  voir 
la  fin.  - 

0  misère  des  compliqués  et  vertigineux  jours  où  nous 
vivons  !  Causée  par  cette  civilisation  ensorcelée  qui  va, 
qui  va  se  ramifiant  à  l'infini,  poussant  ses  ramifications 
prodigieusement  proliférantes,  faisant  sortir  de  toute 
avancée  une  avancée  nouvelle,  s'agitant  dans  un 
grouillis,  un  fourmillement  de  découverte^,  d'inven- 


tions,  de  pensées,  de  systèmes,  de  transformations, 
formidable!  Eâervescence  infernale,  bouillonnement 
volcanique,  marée  sans  reflux,  toujours  montante, 
gagnante,  inondan^te,  qui  s'insinue,  s'infiltre,  sature  ici, 
rlà,  ailleurs,  pai'tout,  submerge,  secoue,  ballote  de  récif 
sur  récif. 

Et  le  labeur  intellectuel,  incessamment  plus  intense, 
rongeant  et  exténuant  la  corporelle  enveloppe,  épuisant 
les  muscles,  surexcitant  les  nerfs,  détraquant  l'estomac, 
fatiguant  les  yeux,  ces  pauvres  yeux  de  modernes,  hyp- 
notisés dans  les  lectures,  les  écritures  interminables, 
sur  des  textes  mauvais,  à  la  clarté  aveuglante  des  gaz. 
Le  surmenage  !  L'exercice  physique  salutaire  diminué, 
diminué  toujours  comme  la  peau  de  chagrin  du  fantas- 
tique conteur.  Les  champs  entrevus  en  de  courtes,  très 
courtes  promenades,  au  hasard  des  rares  congés,  par 
des  promeneurs  vite  éreintés  tant  ils  sont  déshabitués 
de  la  marche,  cette  souveraiùe  médecine  de  l'âme  et 
du  corps.  Là  vie  dans  Jes  villes,  sous  la  clocnfe  à  plon- 
geur des  fumées,  des  émanations  suspendues  en  dôme 
permanent  au  dessus  d'elles.  Et  le  malaise  somn^ent 
de  cette  existence  anti-rationnelle,  anti-hygiénique, 
anti-physique,  anti-tout!  Le  malaise  marasmeux,  la 
triste  conscience  de  n'être  jamais  complètement  soi- 
même,  de  subir,  en  sa  vaillance,  une  dépression 
incurable,  de  ne  ressentir  jamais  qu'amoindrie  cette 
allégresse  du  travail,  enivrante  comme  le  soleil,  inspi- 
ratrice des  nobles  choses,  chaude  et  entraînante 
boisson  psychique  qui  héroïse  et  cordialise. 

Va-t-elle  continuer  ainsi,  cette  humanité  que  nous 
sommes,  l'humanité  aryenne,  vouée  à  l'inquiétude,  au 
cuisant  besoin  de  s'agiter  toujours?  Souff'rira-t-elle 
indéfiniment  de  cette  inéquation  dans  sa  destinée  cher- 
cheuse? Souffrira-t-elle  indéfiniment  de  sa  fièvre  à  se 
tourmenter  par  l'esprit,  de  son  inaptitude  au  tranquille, 
à  la  contemplation,  par  laquelle  l'âme  devient  pla- 
nante, vaguement  bercée,  telle  qu'une  nue  à  peine  bou- 
geante, dans  l'atmosphère  des  rêves  où  l'on  ne  pense  à" 
rien  qu'à  se  sentir  suspendu  immobile,  à  égale  distance 
de  toutes  les  forces  attractives,  au  point  mort  où  l'action 
disparaît,  équilibrée  en  plein  centre  des  tourbillons? 

Non!  Il  faut  un  changement.  Qui  voudrait,  sinon^ 
continuer  le  supplice  de  vivre  ?  Notre  génération  est  en 
train  de  passer  dans  un  des  défilés  mimtants  qui  sépa- 
rent les  paliers  de  l'histoire.  Il  nous  a  fallu  quitter  la 
région  tranquille  où,  après  la  tragique  étape  que  fit 
notre  race  au  commencement  du  siècle,  elle  eut  passa- 
gèrement l'illusion  que  pour  longtemps  elle  allait  jouir 
du  bien-être  de  l'immutabilité.  Oh!  les  heureux  jours 
durant  lesquels  on  put  croire  que  tout  était  fixé  et  qu'on 
allait  jouir  de  l'inefiable  sérénité  des  choses  définitive- 
ment acquises.  Mais  ce  ne  fut  qu'une  vacance.  Il  fallut 
repartir,  alors  qu'à  peine  blanchissait  l'aube,  et  nous 
voici  de  nouveau  courant,   nous  éreintant  dans  une 


ascension  vers  un  autre  inconnu,  y  employant  nos 
forces  a,nciennes,  rien  que  nos  forces  anciennes  .mal 
adaptées  à  ces  efforts. 

Il  faut  un  changement!  Va!  tu  peux  y  compter, 
pauvre  être  humain  tourmenté,  sinon  pour  toi,  au 
moins  pour  ceux  qui  sortii-ont  de  toi.  Des  générations 
se  préparent,  aussi  différentes  de  toi  que  l'avenir  l'est  du 
passé.  Tu  as  encore,  dans  tes  fibres,  les  habitudes 
ancestrales  qui  rendent  nécessaires  à  ta  santé  la  vie  en 
plein  air  et  l'exercice  physique.  Tu  geins  de  leur  priva- 
tion :  1  immobilité  corporelle  te  déprime,  le  séjour  dans 
l'enfermé  des  chambres,  dansl'étuve  des  salles  publique^ 
t'indisposent  Rassure-toi.  A  force  d'y  être,  tu  prépares 
inconsciemment  en  tes  moelles,  des  semences  dont  naî- 
tront des  êtres  qui  s'y  trouveront  à  l'aise  et  pour  qui, 
peut-être,  les  champs  seront  aussi  délétères  que  le  sont 
aujourd'hui  pour  nous  les  villes.  Une  force  progressive 
irrésistible,  modelant  mystérieusement  la  matière  dont 
nous  sommes  pétris,  l'adapte  à  ce  qu'il  nous  faut  et  la 
met  en  équation  avec  le  milieu  où  le  hasard  nous  a  laissés 
tomber.  Les  poissons  qui  nagent  dans  les  eaux  noires 
des  lacs  de  cavernes  n'ont  pas  d'yeux.  Voués  que  nous 
sommes  à  des  travaux  psychiques  de  plus  en  plus 
intenses,  pourquoi  nos  corps  ne  se  réduiraient-ils  pas 
insensiblement  dans  leurs  proportions  et  dans  leurs 
besoins?  ïl  sé-prépare  une  espèce  d'hommes,  les  vr^^is 
INTELLECTUELS,  pour  qui  l'enveloppe  matérielle  ne  sera 
plus  qu'un  accessoire,  tout  juste  ce  qu'il  faudra  pour 
servir  de  support  à  l'âme,  et  dans  un  lointain,  très  loin- 
tain avenir,  il  ne  subsistera  peut-être  que  l'âme  avec 
on  ne  sait  quel  filamenteux  pédoncule,  la  rattachant  à 
la  terre,  pareille  à  une  fleur  splendide  balancée  sur  une 
tige  grêle,  orchidée  étonnante  se  nourrissant  deâ  impal- 
pables nutritions  q^i  flottent  dans  l'atmosphère.  Ils  sont 
peut-être  déjà  comme  cela  dans  Mars  et  dans  Jupiter. 
Tout  concourt  à  rendre  de  plus  en  plus  inutile  ce  luxe 
lourd  de  muscles  et  d'os,  héritage  d'une  ascendance 
animale,  que  nous  traînons  avec  nous,  sac  d'ordures 
soumis  à  toutes  les  ignominie^  de  l'ingestion  et  de  la 
déjection.  Même  dans  cette  brutale  fonction  de  la  guerre 
n'en  est-on  pas  à  dire  que  le  meilleur  soldat  c'est  le  plus 
petit  :  il  offre  moins  de  surface  aux  projectiles,  il  charge 
moins  son  cheval,  il  allège  les  ravitaillements  parce 
qu'il  mange  moins.  On  n'en  veut  plus  du  pesant  cuiras- 
sier d'antan.  Quel  indice!  Et  ce  mysticisme  qui  s'accuse 
notamment  dans  le  ténébreux  sentimentalisme  de  la 
Sonate  à  Kreutzer  de  Tolstoï,  ce  dégoût  des  amours 
charnelles  qui  va  grandissant,  n'en  est-il  pas  un  autre? 
Approchons-nous  du  millénaire  annoncé  par  Lacordaire  : 
Un  temps  viendra  où  il  n'y  aura  plus  que  raff"ection  des 
âmes! 

Evolution  !  Adaptagbn  !  Infatigable  travail  pour 
mettra  en  accord  nos  moyens  et  notre  rôle.  Une  étude 
constante,  instinctive  de  ce  qu'il  faut  modifier  en  nous, 


r 


et  la  conspiration  de  toutes  nos  activités  pour  nous  dis- 
cipliner aux  circonstances.  Considérez  encore  cette  uni- 
verselle tendance  à  faire  vite,  à  s'en  remettre  à  l'inspi- 
ration du  moment,  à  sacrifier  les  minuties,  à  marcher 
droit  au  but  en  quelques  enjambées.  Comparez  cet  esprit 
d'à  propos  auquel  de  plus  en  plus  on  se  confie,  cette 
tendance)  à  l'improvisation  des  paroles  et  des  actes, 
comparez-le  aux  lentes  méditations  d'autrefois,  aux" 
longues  tergiversations,  au  soin  des  détails,  aux  raison- 
nements méticuleux,  aux  temporisations.  Une  nouvelle 
dynamique  intellectuelle  s'instaure.  Là  aussi  on  va  en 

train express  et  les  vieilles  diligences  apparaissent 

grotesques.  L'empire  est  désormais  aux  prompts.  On  n'a 
plus  le  temps,  on  n'a  plus  le  temps  !  Certes,  cela  produit 
encore  le  superficiel,  l'insolidité  du  fait-viteT^ais^tten- 
dez  :  bientôt  yous  les  verrez  pulluler,  les  forts  esprits  à 
décision  nette,  vigoureuse,  immédiate,  pénétrant  du 
premier  coup  de  sonde,  jugeant  du  premier  coup  d'œil, 
frappant  en  plein  but  du  premier  coup  de  javelot. 

Et  qu'importeront  alors  à  ces  hommes  nouveaux 
nos  ennuis  d'aujourd'hui,  nos  soucis  inséparables  des 
périodes  évolutives  et  fœtales.  Ils  seront  libérés,  eux, 
de  nos  épuisements  nerveux  et  de  nos  gastrites  chro- 
niques. Ce  qui  nous  rend  la  santé,  les  rendra  malades. 
Ils  ne  seront  bien  portants  que  dans  l'atmosphère  séda- 
tive des  grandes  cités.  Leur  matérialité  réduite  prendra 
le  grand  air  dans  les  salles  de  spectacle  où  nous  attra- 
pons la  migraine,  la  campagne  les  indisposera,  la 
gymnastique  sera  un  périlleux  excès.  Il  y  aura  encore 
quelques  spécimens  à  forte  membrure,  éprouvant  le 
besoin  de  boire  et  de  manger  copieusement,  de  se  livrer 
aux  sports  divers  et  de  s'adonner  aux  copulations  pro- 
longées. Ce  seront  des  ataviques.  Et  les  professeurs  les 
exhiberont,  dans  leurs  cours,  comme  on  montre  présen- 
tement les  descendants,  parmi  nous,  des  troglodytes 
préhistoriques,  à  fortes  mâchoires  et  à  ventre  proémi- 
nent. Peut-être  les  appellera-t-on  Gorilles! 


CÉSAR  FRANCK 

César  Franck  est  énorl,  —  le  maître  autour  duquel  s'étaient 
groupés,  respectueusement,  les  Jeune-France  de  la  musique  : 
Vincent  d'Indy,  Gabriel  Fauré,  Emile  Chausson,  Camille  Benoît, 
Henri  Duparc,  Pierre  de  Bréville,  Charles  Bordes,  qui  lui  doivent 
tous  quelque  chose  de  leur  gloire  naissante.  Les  journaux  ont 
daigné  lui  consacrer  quelques  lignes.  Lui,  si  oublié  de  son 
vivant,  le  voici,  durant  quelques  jours,  cité  avec  un  semblant 
d'éloge,  entre  le  dernier  duel  et  les  faits  divers.  Mais  déjà  il 
dispài'att  dans  le  kaléidoscope  des  préoccupations  banales. 

Un  jour  viendra  où  le  génie  de  César  Franck  sera  célébré 
comme  il  convient,  où  l'on  comprendra,  enfin,  qu'il  a  été  l'initia- 
teur d'une  école,  le  créateur  d'un  cycle  de  chefs-d'œuvre,  le  mu- 
sicien le  plus  parfait  de  son  temps,  et  que  sa  place,  dans  l'histoire 
de  l'Art,  est  à  côté  des  plus  grands. 


On  lui  élèvera  alors  des  statues,  on  jouera  commémorativément 
ses  œuvres,  en  tapant  sur  ceux  de  son  éqoque  qui  ne  l'ont  pas 
compris.        . 

Ce  qui  n'empêchera  pas  le  public  d'alors  de  laisser  dédaigneu- 
sement en  quelque  coin  l'un  ou  l'autre  artiste  à  l'âme  fière,  ' 
dédaigiieux  des  coiirtisanerres  et  des  succès,  qui,  à  l'exemple  de 
Franck,  mourra  dénué  d'honneurs,  pleuré  de  rares  amis,  comme 
^rbey,  comme  Villiers  de  l'isle  Adam,  comme  tous  ceux  qui  se 
sont  élevés  trop  haut  pour  être  suivis  par  les  foules.   . 

Ces  morts  là  sont  les  plus  belles.  Nous,  saluons  respectueuse- 
ment celle  de  César  Franck,  et  nous  regrettons  l'abolition  de  c 
inspirations  pures  qui  ont  doté  l'art  des  Huit  Béatitudes,  de 
Rédemption,  de  Ruth  et  Booz,  de  la  Symphonie,  de  Psyché,  des 
Éolides,  du  Chasseur  maudit,  du  Quintette,  de  la  Sonate  pour 
piano  et  violon,  du  Prélude,  choral  et  fugue,  du  Quatuor  à  cordes. 

L'œuvre  de  Franck  suflfil  à  illustrer  une  époque.  El  quand  Gou- 
nod,  et  Massenel,  et  Reyer,  et  Saint- Saëns  seront  depuis  long- 
temps remisés  dans  les  cartons,  les  partitions  de  Franck  apparaî- 
tront, radieuses  de  jeunesse,  avec  leur  fraîcheur  et  leur  merveil- 
leuse distinction.  ' 

Peut-être  se  trouvera-t-il  même  quelque  directeur  disposé  à 
monter  Hulda,  son  drame  lyrique,  qu'on  refusa  brutalement  de 
représenter  jusqu'ici. 

Peut-être  aussi  les  sacro-saints  pontifes  du  Conservatoire  ver- 

,  ront-ils  en  Franck,  désormais  hors  d'état  de  leur  nuire  (il  n'y 

pensait  guère,  le  modeste  et  bienveillant  artiste!)  autre  chose 

qu'un  professeur  d'orgue,  et  (l'épithète  est  authentique)  qu'un... 

Prussien,  parce  qu'il  était  hé  à^-Liége  ! 

Pleurons  César  Franck  coftime  on  pleure  les  héros  morts,  avec 
la  douleur  de  la  s'éparalion  et  l'orgueil  des  exploits  accomplis. 


LES  CONCERTS  POPULAIRES 

L'existence  des  Concerts  populairesest,ae  nouveau,  remise  en 
question.  Tous  les  ans,  la  menace  de  leur  mor^  surgit,  burlesque 
et  sotte.  Il  est  temps  que  cela  finisse,  et  que,  pour  la  dignité  de 
l'art,  on  arrête  enfin  des  mesures  définitives  qui  sauvegardent  la 
meilleure,  —  la  presque  unique  institution  musicale  de  Bruxelles. 

Il  y  a  vingt-cinq  ans  que  les  Concerts  populaires  onKélé  fon- 
dés. Ils  ont  été  toujours,  non  une  entreprise  destinée  à  ehrichir 
qui  que  ce  soit,  mais  un  moyen  de  propagande  artistique,  soutenu 
par  le  dévouement  désintéressé  d'artistes  et  d'amateurs. 

Adolphe  Samuel,  puis  Henri  Vieuxtemps,  puis  Joseph  Dupont  les 
ont  dirigés  dans  l'exclusive  préoccupation  de  faire  connaître  à  nos 
concitoyens  les  œuvres  symphoniques  nouvelles.  Ils  ont  été  nos 
initiateurs  à  la  musique  de  Wagner,  de  Beriioz,  de  Schumann,  de 
Brahms.  Ils  ont  eu,  à  Bruxelles,  sur  notre  génération,  une 
influence  énorme.  Et  que  ceux  que  fait  plus  particulièrement 
vibrer  la  note  patriotique  aillent  demander  à  Vandcn  Eeden,  à 
EÎnile  Mathieu,  à  Peler  Benoit,  à  Gustave  Huberti,  à  Erasme 
Raway,  à  Edgar  Tinel,  à  tous  nos  auteurs  nationaux,  quels  ser- 
vices les  Concerts  populaires  leur  ont  rendus. 

Une  association  artistique  qui  a,  durant  un  quart  de  siècle, 
lutté  pour  l'art,  qui  a  affirmé  son  désintéressement  en  exécu- 
tant des  œuvres  avec  chœurs  et  solistes  dont  les  frais  devaient 
nécessairement  dépasser  les  recettes,  mais  qu'il  importait  d'inter- 
préter pour  achever  l'éducation  du  public,  a  droit  au  respect, 
aux  encouragements,  à  une  protection  efficace. 


J 


Or,  voici  comment  on  récompense  IMniliative  et  le  dévouement 
de  ceux  qui  consacrent  à  l'instilutibn  des  Concerts  Populaires 
leur  temps  et  leurs  «oins.  L'an  dernier,  la  Ville  supprima  bruta- 
lement le  léger  subside  qu'elle  allouait ^  sur  le  budget  des  beaux- 
arts,  à  la  société.  Celte  année,  elle  lui  relire  la  disposition  du 
théâtre  de  la  Monnaie.  11  ne  lui  reste  plus  qu'à  demander  la  tête 
du  directeur  des  concerts. 

La  raison?  MM.  Stoumon  et  Calabrési  auraient,  parait-il,  écrit 
au  collège  échevinal  que  si  on  continuait  à  prêter  le  théâtre  à  la 
Société  des  Concerts  populaires,  ils  renonceraient  au  renouvel- 
lement de  leur  privilège. 

Ah  ça,  en  quelles  régions  sauvages  vivons-nous?  C'est  donc 
pour  une  mesquine  et  basse  querelle  dans  laquelle  l'Art  n'a  rien 
à  voir,  qu'on  va  sacrifier  ce  qui,  depuis  vingi-cinq  ans,  a  été  le 
~pain  intellectuel  et  le  vin  réconfortant  d'une  partie  notable  de  la 
population?  C'est  pour  des  motifs  de  rancune  personnelle  qu'on 
va  priver  tout  un  orchestre,  composé  d'une  ceniaine  de  musi- 
ciens, du  minime. bénéfice  que  lui  procurait  l'exploitation  des 
Concerts?  Et  surtout  :  l'inlérêl  de  l'Art,  défendu  avec  tant  de 
dignité  par  la  direction  des  Concerts  populaires,  doit-il  souifrir 
de  ces  misères? 

Supprimer  les  Concerts  populaires  —  et  c'est  les  supprimer 
^ue  de  vouloir  les  obliger  à  grever  leur  budget  d'une  location 
coûteuse,  alors  que  dans  l'état  actuel  des  choses,  les  receiles 
balancent  à  peine  les  dépenses, — serait  scandaleux. 

Il  nous  paraît  invraisemblable  que  les  directeurs  de  la  Monnaie 
aient  fait  à  la  légère  une  démarche  qui  leur  enlèvera  les  sympa- 
thies de  tous  ceux  qui,  à  Bruxelles,  aimen(  la  musique  et  en  ont 
le  respect.  Il  est  plus  improbable  encore  qu'un  collège  échevinal 
se  laisse  intimider  par  des  ultimatums  de  ce  genre.  Mais  si  la  chose 
est  vraie,  il  faut  que  l'Art  passe  avant  toutes  discussions  indi- 
viduelles. Céder  devant  la  menace  des  directeurs  serait,  de  la 
part  du  collège,  une  lâcheté.  Qu'on  remplace  les  directeurs,  s'ils 
s'en  vofal,  mais  qu'on  maintienne  les  Concerts.  Ou,  si  l'on  per- 
siste; qu'on  vole  un  subside  pèrmellânt  aux  Concerts  de  prendre 
en  location  une  autre  salle,  bien  qu'aucune  d'elles  ne  vaille  celle 
de  la  Monnaie,  Depuis  les  changements  qui  y  ont  été  eflfectués, 
la  salle  de  l'Alhambra,  qui  ne  conlient  qu'un  petit  nombre  de 
loges  et  peut  être  excellente  pour  l'exploitation  d'un  théâtre 
populaire,  est,  en  effet,  pour  desConcerts,  beaucoup  moins 
favorable  que  le  théâtre  de  la  Monnaie. 


fuEILLETTE    DE    LIVRE? 

Albert,  par  Louis  D.omor.  Un  vol.  in- 16  de  222  p.  avec  un  portrait 
de  l'auteur,  tiré  à  500  exemplaires  numérotés,  et  édité  sous  le 
patronage  de  la  revue  la  Plume,  Paris,  1890. 

M.  Louis  Dumur  est  un  jeune  qui  se  veut  faire  une  place  dans 
là  littérature  et  dont  les  premières  œuvres  méritent  attention. 

Il  débuta,  il  y  a  un  an  à  peine,  par  un  petit  recueil  de  poésies 
intitulé  la  Neva,  édité  à  Saint-Pétersbourg,  et,  pour  sortir 
immédiatement  des  sentiers  battus,  il  imagina  de  rythmer  ses 
poèmes  d'après  les  lois  de  l'accent  tonique,  nous>«ifrant  ainsi,  à 
scander  comme  des  vers  latins,  des  Heptapodes  ïambiques,  des 
Tripodes  anapesliques,  des  Anapesto-ïambiques  et  toutes;  les 
combinaisons  du  genre.  Cela  ne  manquait  pas  de  certaine  allure, 
mais  ce  diable  d'accent  tonique  ressortait  difficilement  dans  une 
langue  accoutumée  aux  seules  cadences  des. sons  et  pour  laquelle 


les  intonations  chantantes  furent  jusqu'ici  comme  une  barbarie 
provinciale. 

C'était,  néanmoins,  œuvre  de  poète,  par  la  recherche  des 
images  et  l'arrangement,  souvent  heureux,  des  mots  pittoresques 
et  sonores. 

Mais  voici  que  dans  un  nouveau  livre,  en  prOse  cette  fois, 
M,  Dumur  nous  dit  ce  qu'il  pense  des  poètes  :  «  Aujourd'hui,  les 
simples  seuls  croient  encore  à_Dieu,  aux  allumettes  et  aux  poètes. 
Tout  autre  s'est  enfin  rendu  compte  du  vide  immense  qui  doit 
gonfler  une  âme  pour  qu'elle  en  vienne  à  faire  des  yers.  Tant 
qu'une  flamme  jaillit  en  elle,  nourrie  par  quelque  brindille  restée 
pure,  son  énergie  s'attache  à  la  matière,  la  vivifie  et  la  fait  servir 
aux  usages.  Le  laboureur  labourera,  le  cuisinier  cuisinera,  le  sou- 
teneur soutiendra.  Mais  de  la  minute  fatale  ou  l'avachissement 
rongeur  aura  éteint  les  sources  du  désir,  le  vers  naîtra  sur  la 
pourriture,  engendré  par  la  honte  de  n'élre  rien  et  par  un  dernier 
besoin  de  poser  devant  l'humanité.  Le  poète  est  vil  par  essence, 
par  nature,  par  définition.  Il  ne  peut  ni  cultiver  le  sol,  ni 
augmenter  la  prospérité  publique,  ni  contribuer  au  bien,  ni 
museler  le  mal,  ni  procréer  des  enfants  à  la  patrie;  il  s'affale 
dans  le  plus  inutile  des  métiers,  affiche  son  intime  vie  comme  une 
grosse  femme,  trafique  de  ce  que  les  hommes  ont  la  pudeur  de 
dérober  à  tous  les  regards;  il  ne  connaît  que  lui,  ne  voit  que  lui, 
ne  veut  que  lui;  son  orgueil  surpasise  encore  son  insuffisance,  et 
il  n'est  pas  loin  de  se  croire  le  premier  des  mortels,  pour 
employer  les  heures  du  jour  à  l'arrangement  méthodique  et 
puéril  des  mots  qui  ne  servent  à  rien  et  n'ont  d'autre  avantage 
que'  de  présenter  le  même  son.  C'est  un  dégoûté  tombé  dans 
l'enfance;  un  innocent  et  un  gâteux.  La  virilité  lui  fait  défaut: 
impuissant,  il  n'a  pas  même  le  courage  de  se  taire  ;  il  pousse  de 
vagues  plaintes,  qui  seraient  pitoyables  si  lé  ridicule  ne  les  ren- 
dait grotesques  ». 

Et,  passant  en -revue  les  principales  cogitations  de  l'esprit  :  la 
philosophie,  l'art,  la  science,  l'amour,  l'auteur  en  montre  succes- 
sivement l'inanité  en  un  récit,  volontairement  vide  de  toute  action, 
où  chaque  chapitre  n'apparaît  que  comme  l'efTondement  d'un 
nouvel  effort  pour  échappera  l'incurable  banalité  de  la  vie  et  qui 
se  dénoue  par  un  suicide  sans  passion,  comme  sans  empresse- 
ment ni  tristesse,  entrevu  uniq^ement  comme  moyen  de  produire 
«  un  changement  dans  la  'monotonie  immense  du  toujours  la 
môme  chojse  ». 

Le  sujet  n'est  pas  neuf  dans  notre  littérature  tourmentée.  Sans 
parler  de  bien  d'autres,  Leconle  de  l'Isle  l'a  plus  d'une  fois  for- 
mulé en  d'impassibles  poèmes  et,  plus  récemment  J.-K.  Huysmans 
l'a  comme  symbolisé  dans  ces  livres  étranges  :  A  vau  l'eau.  En 
ménage,  A  Rebours,  qui  semblaient  avoir  atteint  les  plus 
extrêmes  limites  de  cette  région  du  dédain  universel. 

M.  Dumur  a, essayé  de  les  surpasser.  Sans  oser  dire  qu'il  y  ail 
réussi,  nous  devons  reconnaître  qu'il  a  su  admirablement  se 
dégagor  des  formules  et  son  chapitre  sur  l'amour  où  sont  analysées 
parallèlement  la  réalité  de  l'opération  physique  et  la  vanité  de 
l'impression  psychique,  fait,  autant  que  \e Discours  sur  la  méthode, 
table  rase  des  idées  reçues  pour  instituer  la  philosophie  nouvelle. 
Mais,  par  certaines  recherches  bizarres  du  style,  par  des  allitéra- 
tions souvent  employées  sans  qu'elles  semblent  concourir  à 
l'effet  voulu,  surtout  par  des  expressions  gouailleuses,  comme  ces 
allumettes  placées  entre  Dieu  et  les  poêles  dans  le  passage  que 
nous  avons  cité,  on  est  comme  averti  que  l'on  se  trouve  plutôt 
devant  un  développement  littéraire  que  devant  la  peinture  réelle 


d'un  élal  d'âiïie,  et,  pour  inléressanl  qu'il  soit,  ce  pessimisme 
oulrancier  ne  pénètre  pas  bien  profondément. 

Aussi  accepte-t-tin  sans  surprise  la  nouvelle  que  M.  Dumur 
prépare  un  nouveau  livre  de  poésies  :  Lassitudes. 

Le  roman  de  rbomme  jaune.  —  Moeurs  chinoises,  par  le  géné- 
ral TcHENQ-Ki-ToNO.  —  Paris,  Gharpentien,  1  vol.  de  314  p.,  1891. 

Ce  roman  n'est  peul-étr^\pas  plus  mauvais  ni  plus  ennuyeux 
^e  beaucoup  d'autres,  mais  c*èst  une  véritable  décepiiou,  comme 
quâqd  on  arrive  dans  une  ville  trèsi<^ntaine  et  que  l'on  s'aperçoit 
que  totUv  est  à  peu  près  comme  chez^spi.  Un  monsieur  très  peu 
intéressant  (imaginez  un  jeune  fonclionnaîj'e  doctrinaire),  fiancé  h 
une  jeune  fille  qu'il  aime  et  qui  s'est  livrée,^ se  laisse  bêtement 
marier  à  une  autre  par  la  volonté  de  sa  mère  ;  puis,  il  ne  sait 
plus  que  faire.  La  jeune  fille  m<ïurt  de  cet  abandbih  et  il  en 
devient  fou.  Voilà  toute  Kaclion.  Ily  a  bien  çà  et  là  oe^agues 
paysages  chinois  et  des  détails  de  mœurs  qui  seraient  curieux, 
s'ils  n'apparaissaient  comme  de§  hors-d'oeuvre  dans  le  réfei 
d'événements  qui  pourraient  se  plaèer  n'importe  où. 

Et  cependant,  quels^olis  récits  poui'rait  nous  faire  ce  général 
chinois  s'il  ne  se  préoccupait  autant  de  les  nieitre  à  la  portée  des 
Français. 

Tieille,  très  vieille  histoire,  par  H.  Carton  de  Wiabt.  ~  Bro- 
chure in-8<*  de  30  p.,  typographie  de  A.  Siffer,  Oand,  1890, 

Comme  quoi  «  l'amour  peut  être  un  puissant  auxiliaire  du 
Bien,  et  inspirer  l'accomplissement  du  devoir...  à  condition 
toutefois  qu'il  soit  bien  dirigé  —  sans  quoi,  il  empêche  de  l'ac- 
complir». 

On  voit  que  la  thèse  n'est  pas  trop  audacieuse.  Elle  est  juvé- 
nîlement  mise  en  action  par  l'histoire  d'un  bon  jeune  homme, 
voué  à  la  prêtrise,  que  la  vue  d'une  noble  demoiselle,  immédia- 
tement aimée,  fait  hésiter  un  instant  dans  saTOcatjon,  mais  qui 
s'y  reporte  ensuite  avec  d'autant  plus  de  ferveur  «  que  Dieu  l'a 
éprouvé  et  qu'il  a  été  touché  de  l'aile  de  la  passion  ».  Devenu 
évéque,  il  retrouve,  dans  ses  vieux  jours,  la  noble  dame  «  veuve 
après  vingt  ans  d'un  mariage  très  heureux  »,  et  ces  respectables 
vieillards  s'émeuvent  à  l'évocation  de  leurs  jeunes  souvenirs. 

La  scène  se  passe  dans  un  vieil  hôtel  aristocratique  et  dans  un 
château  de  haut  style  décrits  avec  un  soin  littéraire  très  attentif. 

Les  Fraises,  saynète  en  prose,  par  Ernest  Bosiers,  brochure 
in-12  de  18  pàg.  avec  couverture  illustrée.  — ^^  Achevé  d'imprimer 
le  15  août  1890,  par  J.-E.  Buschmann,  à  Anvers, 

Une  jeune  femme  demande  une  robe  à  son  mari  et  finit  par 
l'obtenir  après  une  belle  défense. 

L'attaque  manque  de  siinplicité  :  a  Je  me  suis  consacrée  tout 
entière  à  ton  amour  comme  une  vestale  à  l'entretien  du  feu  sacré, 
et  les  frivolités  mondaines  ne  me  touchent  pas.  Mais  encore, 
faut-il,  tu  en  conviendras,  mon  Seigneur  et  Maître,  que  je  sois 
vêtue  pour  accomplir  cette  oeuvre  sainte,  et  je  ne  le  suis  pas.  »  Il 
est  possible  que  ces  mièvreries  réussissent  près  d'un  mari  ;  mais 
près  du  public!  M.  Bosiers  avait  montré  plus  de  naturel  dans  sa 
première  œuvre  :  la  Vieille  Fille,  dont  nous  avons  rendu  compte 
antérieurement. 


Au  Conservatoire. 

Le  Conservatoire,  sous  prétexte  de  distribulfon  des  prix  aux 
lauréats,  a  refait,  ou  à  peu  près,  le  programme  d'un  petit  concert 
donnéquelques  jours  ayant  au  Musée  du  Nord.         «^ 

Phrases  sucrées  débitées  par  M"«  Parys  avec  une  agaçante  affé- 
terie, Noces  de  Jeannette  vaguenrient  vocal isécs'^  par  M"«  Roe- 
landts,  Habaiiera  de  Sarasate  mollemeni  jouée  par  M"*  Von 
Stosch,  en  un  mouvement  ralenti  qui  lui  ôlait  tout  caractère,  solo- 
de  harpe,  tout  cela  était  d'intérêt  nul  et  d'exécution  médiocre. 

Les  morceaux  d'ensemble  :  un  Ave  Maria  de  Reinecke,  chœur 
à  trois  voix  de  femmes,  dirigé  par  M.  Soubre,  le  Chœur  des  Ber- 
gères de  Rosemonie  de  Schubert,  dirigé  par  M.  Warnols,  et  sur- 
tout la  Rapsodie  pour  orchestre  d'instruments  à  cordes,  de 
M.  Paul  Giison,  dirigé  par  M.  Agniez,  ont  produit  meilleur  eifet. 

11. y  a  dans  l'œuvre  nouvelle  du  jeune  maître  d'intéressantes 
harmonies  et  une  inspiration  soutenue.  Le  thème  original  du 
début  est  développé  avec  art,  en  un  tissu  chatoyant  et  chaud. 
A' rejouer,  la  Rapsodie,  devant  un  public  composé  d'autres  per- 
sonnes que  les  papas  et  les  mamans  d'élèves  sages. 

La  distribution  des  prix  et  la  présentation  des  lauréats  conti- 
nuera aujourd'hui,  à  deux  heures. 


"ï 


ONCERT 


JOACH 


IM 


Joachim  a  inauguré,  samedi,  la  série  de  concerts  de  musique 
de  chambre  que  donne  tous  les  ans  la- maison  Schoit.  Et  l'on  ne 
pouvait  mieux  opvrir  la  saison  musicale  qu'en  la  plaçant  sous  le 
patronage  de  l'impeccable  virtuose,  du  quartettiste  de  premier 
ordre. 

La  sonate  en  ré  mineur  de  Brahms,  la  dernière  du  maître, 
jouée  pour  la  première  fois  à  Bruxelles,  la  Fantaisie  de  Schu- 
mann,  —  tant  applaudie  qu^'elle  a  valu  au  public  la  bonne  fortune 
d'entendre  un  Aria  de  Bach  ajouté  au  programme,  —  enfin  le 
quintette  en  ut  de  Beethoven,  ont  été  tour  à  tour  pour  Joachim 
l'occasion  d'un  succès  triomphal.  On  connaît  l'art  profond,  le  sen- 
timent pénétrant  et  intense  de  l'artiste,  sa  scrupuleuse  interpré- 
tation, la  simplicité  de  son  jeu,  qui  triomphe  avec  la  plus  grande 
aisance  des  difficultés  les  plus  ardues.  Ces  qualités  ont  été,  une 
fois  de  plus,  mises  en  relief  en  cette  mémorable  séance,  qui  lais- 
sera un  vif  souvenir  à  tous  ceux  qui  y  ont  assisté. 

Quelques-uns  de  nos  artistes  belges  ont  —  et  ce  n'était  pas 
facile  —  intéressé  et  charmé  le  public,  malgré  le  redoutable  voi- 
sinage du  colosse.  En  première  ligne,  M"«  Nora  Bergb,  qui  a  joué 
a^ec^ùne  rare  conscience  et  une  grande  sûreté  de  mécanisme  la 
partie  de  piano  de  la  sonate,  de  la  fantaisie  et  du  quintette.  Puis 
MM.  Colyns,-  Agniez,  Ed.  Jacobs,  qui  ont  apporté  au  concert 
l'appoint  de  leur  talent  de  bon  aloi. 


«  Monsieur  ^tsy  >»,  au  Parc. 

Monsieur  Betsy?  Le  ménage  à  trois,  réglé,  sagement  ordonné, 
débarrassé  du  souci  des  surprises  désagréables  :  commissaire  de 
police  et  son  brutal  :  «  Ouvrez,  au  nom  de  la  loi  !  »  d'où  pour- 
suites correctionnelles,  procès  en  divorce,  etc. 

Un  gentil  adultère  admis,  consacré,  implanté  en  permanence 
dans  une  vie  «  confortable  »  et  douce. 


V 


Madame  csl  une  grande  éciiyère  du  cirque,  1res  dldgante,  1res 
admirée,  très  experle  en  affaires. 

Monsieur  esl  un  ancien  garçon  de  café  très  bon  enfant,  très 
complaisant,  au  fond,  très  sensible. 

Si  sensible  que  quand  Gilbert  Laroque,  le"  boursier  viveur 
associé  au  ménage,  meurt,  d'ailleurs  ruiné,  le  bon  Francis  uq 
peut  plus  supporter  la  vie,  tente  de  s'empoisonner,  tandis  que 
Madame  choisit  sans  hésiter  un nouvel  associé. 

Monsieur  Betsy  n'est  qu'un  rajeunissement  du  vieux  vaude- 
ville, écrit  de  verve,  en  nouvelle  d'abord,  puis  en  forme  de  pièce, 
par  deux  écrivains  da  talent,  MM.  Oscar  Méténier  et  Paul  Alexis, 
fournisseurs  ordinaires  ef  extraordinaires  du  Théâtre-Libre,  un 
vaudeville  un  peu  bien  long  (quatre  actes!)  pour  exposer  une 
situation  répugnante  qui  est  le  seul  ressort  de  la  pièce. 

Tant  d'insistance  sur  la  qualité  spéciale  du  mari  finit  par 
lasser,  malgré  le  comique  des  épisodes  introduits  dans  l'action, 
malgré  le  plaisant  des  silhoueitcs  qui  défilent  sur  la  scène. 

Inutile  d'ajouter  que  Monsieur  Belsy  n'a  pas  d'affmités  avec 
les  drames  intenses  que  nous  donna,  l'an  dernier,  M.  Antoine  : 
l  Ecole  des  Veufs,  le  Maître.  Il-  n'en  reste  que  le  souvenir,  vile 
évaporé,  d'une  drôlerie  scabreuse,  spirituelle  et , lestement  mise 
en  scène. 

Et  le  souvenir,  aussi,  de  l'acteur  Dupuis,  toujours  le  même, 
mais  toujours  amusant. 

Au  Théâtre  Molière  . 

La  Dame  aux  Camélias,  la  meilleure,  après  le  Demi-Monde, 
des  pièces  de  Dumas  fils.  Nous  en  aimons  le  deuxième  acte 
presque  en  entier.  Le  quatrième  —  celui  de  la  soirée  où  Armand, 
poussé  à  bout,  crispé,  hors  de  lui,  voulant  un  esclandre  comme 
dérivatif  à  sa  fièvre,  commet  la  lâcheté  d'insulter  Marguerite 
Gautier  en  face  de  tous,  —  est  un  acte  de  vraie  et  large  force 
dramatique. 

Ce  qui  entache  la  Dame  aux  Camélias,  c'est  qu'on  s'aperçoit 
qu'elle  est  un  roman  coupé  en  cinq  morceaux  —  qu'au  théâtre  on 
appelle  actes  —  et  que  ces  cinq  morceaux,  mis  ensemble,  ne 
forment  pas  un  tout.  Ensuite,  c'est  la  déplorable  manie  de 
l'auteur  à  homélier  dès  qu'il  en  a  l'occasion.  Que  de  dissertations 
par  Marguerite  sur  le  genre  de  femmes  auquel  elle  appartient,  et 
quelle  boîte  à  musique  morale  que  ce  correct  et  froid  et  déclama- 
toire père  Duval  ! 

La  pièce  est  très  convenablement  interprétée.  M™*  Sarah  Ram- 
bert  incarne  une  Marguerite  bonne  fille,  très  honnête,  trop  hon- 
nête. M.  Munie  récite  et  gesticule  à  faux,  excepté  au  quatrième 
acte.  Le  débutant,  M.  Dutertre,  a  été  déplorable.  Les  autres  per- 
sonnages caricaturaux  s'acquittent  de  leur  charge  —  convena- 
blement. ., 

LA  PRINCESSE  MiLEINE  AU  THÉATRE-LIBRE 

M.  Antoine  va  jouer  la  Princesse  Maleine  de  Maurice  Maeter- 
linck. D'intéressants  renseignements  sont  donnés  à  ce  sujet  par 
Georges  Rodenbach,  dans  sa  chronique  parisienne  du  Journal  de 
Bruxelles.  Il  raconte  son  interview  avec  Antoine  : 

«  Dès  le  début,  lui  a  dit  celui-ci,  cette  œuvre  m'avait  tenté,  mais 
je  n'osais  l'entreprendre  avec  mes  moyens  assez  resteinlsi..  Pour 
donner  une  idée  du  talent  de  l'auteur,  je  m'étais  décidé  à  jouer 
les  Aveugles,  qui  ne  comporlent  qu'un  tableau,  un  décor.  Mais, 


comme  aucun  autre  théâtre  ne  songeait  à  retenir  la  Princesse 
Maleine,  coitime  un  mouvement  se  créait  autour  de  moi.  : 
M.  Mirbeau,  ,  M.  Baiiér,  M.  Catulle  Mendès,  emballés  pour 
l'œuvre,  je  me  suis  décidé  à  donner  la  Princesse.  Ce  sera  pour 
la  nrji-janvier;  j'attends  en  déccnibre  M.  Maurice  Maeterlinck 
pour  causer  avec  lui  de  la.  mise  en  scène.  Je  compte  siniplifler 
les  choses  ;  impos.sible  de  songer  à  faire  brosser  des  décors  pour 
les  vingt  ou  trente  scènes  du  drame.  Je  vais  rechercher  comment 
on  jouait  les  pièces  de  Shakespeare.  L'article  que  vient  de  donner 
au  Figaro  Théodor  de  Wyzewa  (4),  sur  la  façon  dont  on  inter- 
prète Shakespeare  à  Berlin  et  en  Allemagne  est  une  indication 
précieuse;  l'idée  de  la  double  scène  est  à  méditer. 

L'exécution  aussi,  je  la  rêve  sobre,  atténuée,  comme  en  rêve, 
avec  des  gestes  vagues,  et  une  lumière  artificielle  (que  nous  obte- 
nons à  volonlé,  grâce  â  rélectriçiié),  une  façon  de  clair  de  lune 
où  palpitera  ce  drame  en  songe.  Pour  les  costumes,  des  formes 
imprécises  et  flottantes,  comme  des  tuniques  à  laMemling  ;  du 
primitif  et  du  flamand.' »  '  • 

C'est  très  artiste,  pas  banal,  et  révèle  chez  M.  Antoine,  un  sens 
subtil  et  profondément  compréhensif  de  cet  art  de  rêve  qui  a 
remplacé  le  naturalisme  où  il  débuta  et  où  il  s'altarde.  Sans  beau- 
coup de  préférence  peut-être,  car,  après  avoir  exposé  combien  la 
mise  en  scène  de  la  Princesse  Maleine  l'inléressail  et  le  passion- 
nait, il  a  conclu  en  disant  qu'il  aimait  autant  cet  art-là  que  tout 
autre,  mais  qu'il  jouait  ce  qu'on  lui  apportait,  et  que  la  plupart 
des  écrivains  de  théâtre  s'en  tenaient  maintenant  à  la  modernité 
des  études  de  mœurs  et  aux  enquêtes  sur  la  vie. 

Et  les  acteurs  ? 

«  Voici,  continua  M.  Antoine  :  je  jouerai  le  vieux  roi  ;  Maleine 
sera  joué  par  M"«  Meuris,  une  de  vos  compatriotes  qui  a  appar- 
tenu au  Conservatoire  de  Bruxelles,  puis  au  théâtre  du  Parc.  Je 
la  vois  très  bien  dans  ce  rôle^là,  dont  elle  a  la  silhouette,  l'allure 

t 

gothique,  la  forme  grêle  et  quasi-incorporelle.  Je  m'attends  à  une 
création  de  sa  part.  Les  autres  rôles  seront  tenus  par  des  débu- . 
tants  :  j'en  ai  d'intelligents,  de  doués.  La  reine  Anne,  ce  sera 
peut-être  Mi'*  Defresne. 

Quant  au  résultat,  j£  ne  sais  vraiment  rien  présager.  Si  nous 
arrivons  sans  encombre  jusqu'au  quatrième  acte,  ce  sera  un  très 
grand  succès  avec  les  tableaux  finals  de  l'assassinat  de  Maleine 
et  de  la  démence  du  roi.  En  tout  cas,  j'irai  le  jouer  à  Bruxelles, 
vers  la  mi-février,  en  même  lempsque  Madame  Lupar,  que  j'aurai 
donné  ici  quelques  jours  auparavant,  trois  actes  tirés  par  Camille 
Lemonnier  de  son  roman  du  même  nom, .ou  plutôt,  trois  tableaux, 
rapides  et  courts  :  pour  seuls  personnages  M.  Lupar,  M">«  Lupar 
et  leur  bonne,  dans  le  même  décor;  la  maison  conjugale.  C'est 
M"«  Defresne  et  moi  qui  tiendrons  les  deux  rôles.  » 


Mémento  des  fîxpositions 

Glasgow.  —  Trentième  Exposition  de  l'Institut  des  Beaux-Arts. 
—  4.5  décembre-15  mars.  —  Gratuité  de  transport  pour  les 
artistes  invités.  Délai  d'envoi  :  expiré.  —  Renseignements: 
Robert  Walker,  secrétaire. 

Milan.  —  Exposition  triennale  des  Beaux-Arts.  —  l«'-30  juin 
1891.  —  Trois  prix  de  4,000  francs  chacun,  fondés  par  le 
roi  Humbert,  décernés  à  la  peinture  et  à  la  sculpture.  Trois  prix  de 
4,000  francs  chacun,  fondés  par  Saverio  Fumagalli,  décernés  à  la 
sculpture,  à  la  peinture  religieuse,  historique  ou  de  genre.  Un 

(1)  Nous  le  reproduirons  dans  notre  prochain  numéro. 


prix  de  4,000  francs,  fondé  par  Antonio  Gavazzi,  décerné  ^h  pein- 
ture historique.  Médailles  et  dipl6:mes.  —  Les  demandes  d'admis- 
sion devront  être  adressées  au  président,  M.  Emile  Viscojiti- 
Venosta,  à  l'Académie  des  Beaux- Arts  de  Milan. 

Pau.  —  Vingt-sepiième  Exposition  de  la  Société  des  Amis  des 
Arts.  —  45  janvier-15  mars.  ^-  Deux  œuvres ïpar  exposant.  — ^ 
Gratuité  de  transport  pour  les  artistes  invités.  —  Délai  d'envoi  : 
Notices,  8  décembre.  OEuvrès  :  20  décenrtbrb.  —  Renseignc- 
metils  :  G.  Tardieu 3  secrétaire  général.         ; 


Petite  chroj^ique 


Parlant  d'Eugène  Delacroix,  dont  le  monument  vient  d'élre 
inauguré  à  Pari?,  Octave  Mirbcau  dit  dans  l'Echo  de  Paris  : 

«  Les  imprcssionnisles  ont  raison  de  le  revendiquer  comme  un 
ancéire.  C'est  Delacroix  qui,  le  premier,  dans  ce  siècle,  eut  la 
préoccupation  du  iJcin  air,  et  le  gentiment  des  contours  noyés, 
des  déformations  dans  la  lumière,  de  la  vie  magique 'des  reflets, 
du  rôle  souverain  de  l'atmosphère,  à  qui  un  œil  de  peintre  aigu 
et  sensible  doit  tout  subordonner,  pour  enlrevoir,  dans  sa  vérité 
réelle  et  dans  sa  poésie  infinie,  le  rêve  de  la  vie.  Delacroix  com- 
prit aussi  la  nécessité  de  la  séparation  des  couleurs;  peul-ôtre 
n'eut-il  ni  le  temps,  ni  le  pouvoir  de  fixer  par  une  loi,  aiiijourd'hui 
définie,  cette  technique,  mais  il  en  eut  l'instinctif  pressenifiment. 
"Certes,-  à  noire  époque*  les  recherches  dans  ce  sens  ont  été  pous- 
sées plus  loin;  chez  Delacroix  elles  ne  se  trouvent  qu'à  l'étal 
d'indication.  Mais  sans  lui  peut-ôlre  n'aurions-noùs  pas  M.  Claude 
Monel  et  M.  Camille  Pissarro.  Un  grand  artiste  n'est  pas  une  géné- 
ration spontanée.  II  est  le  résumé  et  le  metteur  en  œuvre  de  tous 
les  acquêts  du  passé,  de  toutes  les  découvertes,  de  toutes  les 
luttes,  de  toutes  les  idées  antérieures  à  lui,  à  cet  art^ui  nous 
charme,  qui  nous  émeut,  qui  nous  éblouit  dans  les  toiles  des 
Claude  Âlonet  et  des  Camille  Pissarro,  on  peut  en  sentir  le  balbu- 
tiement dans  l'œuvre  de  Delacroix.  » 


Une  intéressante  et  vive  polémique  s'engage  sur  le  point  de 
savoir  si  Maurice  Maeterlinck  a  raison  de  laisser  jouer  la  Prin- 
cesse Maleineei  les  Aveugles,  ce  que  plusieurs  contestent.  Atten- 
dons. En  art,  tout  est  imprévu,  mystère,  démenti,  fantaisie,  tant 
dans  le  caractère  des  hommes,  que  dans  leur  vie,  dans  leurs 
œuvres,  dans  leurs  succès,  dans  leurs  revers.  La  Nation  écrit  : 
«  M.  Maeterlinck  avait,  au  début,  publié  les  Aveugles  hors 
commerce;  il  vient  d'en  donner  une  nouvelle  édition,  abordable, 
cette  fois,  chez  l'éditeur  Lacomblez.  Aujourd'hui,  il  fait  jouer  sa 
pièce  en  môme  temps  que  la  Princesse  Maleine.  Il  y  a  un  an, 
1(  s  amis  de  M.  Maeterlinck  nous  disaient,  avec  dédtifn,  qu'il  ne 
voulait  pas  présenter  ses  oeuvres  au  public,  qu'il  en  faisait  faire 
des  tirages  restreints  pour  les  initiés  seulement.  Maintenant,  il 
tient  non  seulement  à  se  faire  lire  mais  même  à  se  faire  jouer  ». 

Il  faut  quoiqu'on  en  ail,  revenir  à  M.  Gustave  Frédérix.  Il  s'im- 
pose. Voici  par  quel  emberlificotage  de  siyle  il  décrit  Tète  de 
Linotte  au  théâtre  du  Parc  : 

«  Cela  fait  encore  une  assez  savoureuse  mixture,  et  le  fiévreux 
comique  de  la  pièce  ne  s'est  pas  trop  détendu  par  l'usage.  Le 
deuxième  acte,  avec  son  escalier  qu'on  monte  et  qu'on  descend, 
^ar  des  effrois  si  bien  accumulés,  est  d'un  bon  rire  convulsif.  Car 
il  est  convulsif,  par  toutes  ces  secousses  précipitées  de  l'action, 
et  il  est  bon,  par  la 'facilité  et  le  naturel  de  ces  erreurs  de  per- 
sonnes et  de  ces  enchevêtrements  de  faits^  Et  les  jolis  mots,  abon- 
damment piqués  dans  le  dialogue,  relèvent  très  agréablement  ces 
quiproquos  agités.  »  Et  plus  loin  :  «  La  verve  de  M.  Munie  est  plus 
de  procédé  et  d'expérience  de  métier  que  de  sincérité  de  jeu.  Et 
son  exécution  est  souvent  plus  tumultueuse  que  naturelle.  »  (!!!) 

On  nous  annonce  la  formation  d'un  nouveau  cercle  de  pein- 
tres, dont  l'organisation  serait  calquée  sur  celle  des  XX.  Le  nou- 
veau groupe  comprend,  entre  autres,  dit^on,  MM.  C.  Meunier, 
Marcotte,  Stacqucl,  Baertsoen.  Il  y  aura  des  expositions  annuelles. 


des  invitations  aux  étrangers,  etc.  A  la  bonne  heufe!  On  sent,  plus 
que  jamais,  l'inutilité  des  Salons  ofliciels  et  le  système  des  expo- 
sitions restreintes  et  «  fermées  »  apparaît  comme  le  meilleur  à 
adopter.  Souhaitons  que  l'exemple  des  XX  soit  suivi  le  plus  pos- 
sible et  qu'il  nous  débarrasse  définitivement  des  ennuyeuses 
expositions  telles  que  celle  qui  s'est  fermée  hier  —  le  saviez-vous? 
—  dans  l'indifférence  générale. 

Le  programme  du  concert  du  Cercle  artistique,  qui  aura  lieu 
ce  soir,  porte  :  la  Grande  sonate  op.  96  de  Beetlroveo,  pour  vio- 
lon et  piano,  par  MM.  Joachim  et  De  Grecf;  le  Concerto  de  Bach 
pour  deux  violons,  par  MM.  Joaehim  et  Colyns  ;  la  Romance  pour 
violon  de  Max  Bruch;  quatre  danses  hongroises  de  Brahms,  par 
MM.  Joachim  et  De  Greef,  etc. 


On  nous  adresse  la  communication  ci-après  : 

Paragraphes  cueillis  dans  la  liste  des  droits  d'entrée  imposés  par 
le  bill  Mac-Kinley  aux  Etats-Unis  : 

1°  Peintures  à  l'huile,  aquarelles,  sculptures  (staluary)  non 
mentionnées  ailleurs,  l.H  p.  c. 

Le  droit  d'entrée  sur  les  objets  d'art  était  jusqu'à  ce  jour  de 
30  p.  c.  Les  artistes  américains  se  sont  coalisés  pour  demander 
l'abolition  compiJte  dé  droits  d'entrée  sur  les  œuvres  d'art.  En 
vain.  On  les  protège  malgré  eux.  ^ 

En  même  temps,  on  maintient  le  droit  de  2S  p.  c.  sur  les^cou- 
leurs  importées.  ^ 

2o  Sur  les  livres,  pamphlets,  gravures,  photographies,  dessins, 
cartes,  fusains  et  tout  imprimé  non  mentionné  ailleurs,  2o  p.  c. 

Vt)ici  le  correctif  (?)  qu'y  apporte  la  F'ree  list:^  Peuvent  entrer 
librement  :  les  livres,  cartes,  imprimés  lithographiques,  d'im- 
portation spéciale  et  ne  comprenant  que  deux  exemplaires  par 
envoi,  adressés  de  bonne  foi(!)  à  une  société  reconnue  ou  établie 
pour  des  fins  d'éducation,  de  philosophie,  de  littérature  ou  de  reli- 
gion, d'encouragement  aux  beaux-arts,  ou  adressés  à  une  univer- 
sité, académie,  collège  ou  séminaire  des  Etats-Unis,  soit  pour  ces 
établissements,  soit  pour  leurs  professeurs.  Ces  choses  sont  sujettes 
aux  règles  que  prescrira  le  secrétaire  du  Trésor  ». 

Entrent  librement  aussi  :  les  livres  et  brochures  publiés  depuis 
vingt  ans,  et  ceux  qui  sont  imprimés  en  toute  autre  langue  que 
l'anglais.  . 

Les  musiques  sont  comprises  dans  la  dénominaiion  de  livres  et 
brochures,  donc,  25  p.  e.  de  droit.  Elles  n'entrent  librement  que 
si  l'on  peut  prouver  qu'elles -sont  /«5  instruments  professionnels 
du  destinataire. 

Particularité  amusante  :  les  instruments  de  musique  Mcjz/iélait'nt 
imposés.  Les  vieux  entraient  librement.  Vous  voyez  d'ici  un  Stra- 
divarius entrant  modestement  et  payant  le  pont  comme  «  les  juifs 
et  les  chiens  »  au  moyen-âge, ,  et  un  insolent  petit  violon  rouge, 
criard,  mauvais  et  neuf,  payant  bien  cher  et  recevant  tous  les  hon- 
neurs rendus  à  celui  qui  débourse  un  gros  droil^e  passage  ! 

,  I.    WiLL. 

M"*  Lœwensohn,  qui  avait  débuté  aux  concerts  des  XX  où  elle 
chanta,  d'uîhe  voix  charmante,  il  y  a  deux  ans,  le  solo  du  chœur 
de  Vincent  d'Indy  :  Sur  la  Mer,  ci\.  entrée  à  l'Opéra  de  Paris  sous 
le  nom  de  M"*  Loveniz.  Tous  les  journaux  cbnstatent  le  succès 
qu'elle  a  remporté  la  semaine  dernière  dans  le  rôle  de  la  Reine  de 
Navaire  des  Huguenots.  ^^ 

Une  édition  nouvelle  des  Chants  de  Maldoror  paraîtra  le 
20  courant,  chez  l'éditeur  L.  Genonceaux,  à  Paris. 

L'ouvrage,  tiré  à  150  exemplaires  sur  papier  du  Marais,  et 
10  sur  Japon,  contiendra  un  frontispice  de  José  Roy,  un  auto- 
graphe fac-similé  de  l'auteur  et  une  notice  de  l'éditeur. 

M.  Aurélien  Scholl  a  lu  aux  artistes  du  Théâtre-Libre  sa  comé- 
die l'Amant  de  sa  Femme,  qui  est  entrée  immédiatement  en  répé- 
titions et  passera  dans  le  prochain  spectacle  de  M.  Antoine. 

La  pièce  a  été  distribuée  à  M"*»  Régine  Martial  et  Sylviac,  et  à 
MM.  Antoine  et  Renard. 


rJ 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


■-*■•■ 


LIGNE   D'OSTENDE-DOUVRES 


La  plus  courte  et  la  moins  coûteuse  des  voies  extrarrapides  entre  le  Continent  et  Tângleterre 


Bruxelles  à  Londres  en 
Cologne  à  Londres  en 
Berlin  à  Londres  en  . 


8    heures. 
12  %    n 
20 


Vienne  à  Londres  en. 
Bâle  à  Londres  en.  . 
Milan  à  Londres  en  . 


36  heures. 
20      - 
32      - 


XROII»  lâER'l^ICE:!^  ]Pi%R  «f  OUR 


D'Ostende  à  5  h.  15  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  31  soir.  —  De  Douvres  à  midi  05,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir." 

xra>'e:risêe:  epv  xroim  he:ure:s 

-  PAR  LEiS  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS 

Princesse  Joséphine,  Princesse  Henriette,  Prince  Albert,  La  Flandre  et  Ville  de  Douvres 

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—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  réguliertlfi  marchandises,  colis  postaux;  valeurs,  finances,  etc.  -  Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresi^er  à  la  Direction  dei^^xploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles^  à  l'Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  l' Etat-Belge,  Montagne  de  la  Coxir,  90*,  à  Bra^U^  ou  Oracechurch-Street,  n»  53,  à  Londres,  à  l'Agence  de  Chemins  de  fer 
de  r^foï,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  .4WAur  FràncAen>NDomkloster,  no  1,  à  Cologne. 


Élude  du  -Notaire  CRICK,  rue  de  la  Chapelle,  8,  à  Bruxelles. 

M®  CiRICK  procédera  aux  jours  ci-après  indiqués,  en  la  Galerie 
Saint-Luc,  rue  des  Finances,  10  et  12,  à  Bruxelles,  à  la  vente  publi- 
que des 

MAGNIFIQUES  COLLECTIONS 

délaissées  par  M.  Léon  SLAES,  expert 

A)  Antiquités  et  objets  d'art,  argenteries,  porcelaines,  meu- 
bles, etc.,  etc.,  lés  11,  12,  13,  14,  17,  18,  19  et  20  novembre  1890, 
à  1  1/2  he^«de  relevéer  «^  -'  ? ---   '■?  -^  ^  .  -  i . 

B)  Tableaux,  aquarelles,  livres,  gravures,  les  26,  27,  28 

et  29  novembre  1890,  à  1 1/2  heure  de  relevée. 

Experts  :  MM.  J.  et  A.  Lb  Roy  frères,  place  du  Musée,  12,  à 
Bruxelles,  chez  qui  se  distribuent  les  trois  catalogues  et  les  cartes 
d'entrée  aux  expositions  particulières. 


JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudenca. 
—  Bibliographie.  —  Législation.  —  Notariat. 

HUTIÈUR  ANNÉE. 

Abonnsmbnts  {  Belgique,  18  francs  par  an. 
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Administration  et  rédactbn  :  Rtie  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 


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Camille  de  Saint-Saëns,  Liszt,  Richard  Wagner,  Rubinstein,  Joa- 
chim,  Wilhélmj,  Ed.  Grieg,  Ole  Bull,  A,  Essipoff,  So/îe  Meuter, 
Désirée  Artôt,  Pauline  Lucca,  PablO  de  Sarasate,  Ferd.  Hiller,  D: 
Popper,  sir  F.  Benedict,  Leschetitxhy ,  Napràouik,  Joh.  Selmer,  Joh. 
Svendsen,  K.  Rundnagel,  J.-G.-E.  Stehle,  Ignace  Brîlll,  etc.,  etc. 

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Bruxelles.  —  Imp.  V*  Monmom,  32,  rue  d«  l'Industrie. 


Dixième  année.  —  N°  47. 


Le  numéro  :  2^  centimes. 


Dimanche  23  Novembre  1890:- 


MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

•     Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  -^  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,   fr.    13.00.    —  ANNONCBS  :    On  traite  à  forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  a 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  rindustrie,  32,  Bruxelles. 


? 


OMMAIRE 


Le  Salon  défunt.  —  «  Patrie  »  au  Théâtre  de  l'Alhambra. 
—  Les  funérailles  de  César  Franck.  —  Acquisitions  au  Salon 
DE  peinture.  —  Pantomime  au  théâtre  Molière.  —  Au  Conser- 
vatoire. —  Premier  concert  du  Conservatoire  de  Liège.  —  A 
Anvers.  Le  théâtre  néerlandais.  —  Petite  chronique. 


LE  SALON  DEFUNT 

La  statistique  condamne  à  mort  le  Salon  officiel  des 
Beaux-Arts.  Les  chiffres  l'exécutent,  —  sans  phrases. 

Vainement  a-t-on  essayé  d'en  reculer  la  date,  dans 
l'espoir  que  les  visiteurs  seraient  plus  nombreux.  Les 
affiches  de  Bruxelles-Attractions  ont,  sans  succès, 
cligné  de  l'œil  aux  passants  dans  les  carrefours.  Le 
public  est  lassé,  définitivement  lassé  de  ces  encom- 
brantes et  prétentieuses  exhibitions,  qui  n'ont  jamais 
servi  qu'à  étouffer  le  développement  des  tempéraments 
originaux.  Il  le  prouve  en  s'en  désintéressant  de  plus 
en  plus.  Il  a  l'air  de  crier  :  Assez  !  assez  !  comme  au 
théâtre,  quand  la  pièce  embête.  Les  journaux  eux- 
mêmes,  après  avoir^  .au  début  du  Salon,  remonté, 
comme  à  l'ordinaire,  la  mécanique  aux  comptes-rendus, 
se  sont  vite  aperçus  que  leurs  chansons  n'étaient  plus 
écoutées.  Il  y  a  eu  un  moment  de  désarroi.  Bientôt 
tout  1«  monde  s'est  tu.  Et  voici  que,  rexpositit)n  finie, 
partent  encore,  comme  des  fusées  qui  ont  raté,  de  ci,  de 


là,  deé  articles,  tardifs,  avec  l'air  d'implorer  la  piti^. 

Les  chiffres?  Veut-on  les  chiffres?  Ils  sont  cruels. 
Nous  mettons  en  regard  ceux  des  trois  derniers  Salons  : 
1884,  1887,  1890.  Voyez  la  dégringolade  :      ' 

Le  Salon  de  1884  réalisa  des  recettes  de  fr.  38,504-10. 

En  1887,  on  tombe  à  fr.  28,839-10.  Près  de  dix  mïllb 

FRANCS  DE  moins! 

En  1890,  nouvelle  chute.  Le  résultat  officiel  est  de 
fr.  22,755-20,  soit  plus  de  six  mille  francs  de  moins 
qu'en  1887,  seize  mille  francs  de  moins  qu'en  1884  î 

Attendra-ton,  pour  supprimer  cette  foire  aux  huiles 
démodée,  qu'on  ne  fasse  plus  de  recettes  du  tout? 

Un  détail  caractéristique  :  en  1884,  on  vendit  176 
cartes  permanentes  à  10  francs.  En  1887,  ce  chiffre 
tomba  à  87.  En  1890,  on  ne  parvint  à  en  placer  que  62. 

M^me  diminution  dans  la  vente  des  catalogues  : 
7425  en  1884,  5061  en  1887,  4762  en  1890. 

Le  tableau  comparatif  des  trois  Salons  estjîurieuxet 
instructif:' 

Salon  de  1884    Salon  de  1887    Salon  de  1890 

.  24,297  20,019  14,929 
.  18,628  9,505  7,959 
.     11,800        0,671         8,457 


Entrées  à  1  franc. 
Id.  à  50  cent. 
Id.     à  10  cent. 


Total  des  visiteurs  . 

Cartes  permanentes. 

Catalogues  français . 

Id.        flamands 


54,731       36,195      31,345 


176 

7,225 

200 


87 

4,963 

98 


62 

4,613 

149 


L'écart  entre  le  nombre  des  visiteurs  dû  Salon  de 
1884  et  le  chiffre  des  entrées  en  1800  est  donc  de 
23,386,  soit  près  de  50  p.  c.  ! 

Si  la  progression  continue,  dans  six  ans  il  n'y  aura 
plus  personne. 

Et  qu'on  veuille  bien  remarquer,  comme  nous  le  rap- 
pelions plus  haut,  qu'on  a  choisi  cette  année  une 
époque  plus  favorable,  qu'on  a  multiplié  lés  réclames, 
qu'on  s'est  adressé,  pour  corser  l'intérât,  à  Dieu  et  à 
Diable. 

Or,  Bruxelles  compte  550,000 .  habitants,  et  en  sep- 
tembre il  y  a  une  moyenne  de  1,000  étrangers  par  jour 
dans  la  capitale.  ^ 

Qu'après  cela  on  vienne  soutenir  que  le  Salon  inté- 
resse encore,  qu'il  doit  être  maintenu,  soutenu,  encou- 
ragé, protégé,  louange,  et  subsidié! 

Est-ce  parce  que  le  Salon  de  cette  année  était  beau- 
coup plus  mauvais  que  les  précédents  ?  Il  n'était  pas  pire. 
Il  était  même.  Ce  qui  a  changé,  ce  n'est  pas  l'art  qu'on 
pratique  en  vue  de  ces  Grands  Magasins  de  peinture  et 
de  sculpture,  c'est  l'œil  du  public,  qui  commence  à  voir 
clair.  Il  distingue  les  artistes  des  fabricants  d'articles 
pour  expositions,  et  s'il  ne  les  comprend  pas  tous,  du 
moins  il  cherche  à  les  pénétrer. 

L'imagerie  multicolore  qu'on  append  du  haut  en  bas 
des  murs,  le  déballage  de  pains  de  sucre  tailles  en 
bustes,  en  figures,  en  groupes,  que  récèle  une  salle 
humide  et  triste  n'exercent  plus  sur  lui  qu'une  invin- 
cible répulsion.  Seules  l'attirent  les  expositions  res- 
treintes, bien  présentées,  offrant  un  choix  d'œuvres 
rares,  de  tendances  neuves.  Ces  expositions-là,  quoi 
qu'on  fasse,  quelle  que  soit  l'hostilité  de  certains  dont 
elles  sont  honorées,  triomphent  toujours.  Depuis  long- 
temps, elles  ont  pris  la  place  des  Salons  officiels  dans  les 
préoccupations  des  artistes.  Elles  commencent,  même 
au  point  de  vue  pécuniaire,  à  en  balancer  l'importance. 

Prenons  pour  exemple  l'iSxposition  des  XX,  dont 
nous  publions  tous  les  ans  la  recette.  Pour  une  période 
d'wn  mois,  celle-ci  est  actuellement,  en  moyenne,  de 
cinq  mille  francs.  Le  Salon  officiel  est  resté  ouyeri deux 
mois,  et  n'a  encaissé  que  vingt-deux  mille  sept  cents 
francs,  somme  dans  laquelle  la  vente  du  catalogue  entre 
seule  pour  deux  mille  trois  cents  quatre-vingt-un  francs. 
Ce  Salon,  dont  les  frais  sont  énormes,  qui  réunit  douze 
cents  tableaux  et  sculptures,  ne  réalise  donc,  pour  une 
période  de  temps  égale,  qiie  le  double  des  recettes  d'une 
exposition  restreinte  comme  celle  des  XX,  qui  com- 
prend en  tout  une  centaine  d'œuvres  tout  au  plus, 
répartie  entre  trente  ou  quarante  exposants. 

N'est-ce  pas  significatif? 

Particularité  à  noter  :  on  a  vendu  au  dernier  Salon 
des  XX  CENT  cartes  permanentes  à  10  francs.  Au  Salon 
officiel,  on  n'a  réussi  à  en  placer,  en  deux  mois,  que 
SOIXANTE-DEUX  au  même  prix.  Il  est  vrai  que  les  XX 


offrent  à  leurs  abonnés  une  intéressante  série  de  con- 
certs et  de  conférences.  Mais  le  Saloji  officiel  né  pour- 
rait-il suivre  cet  exemple? 

Pour  compléter  cette  statistique,  nous  publions  plus 
loin,  jour  par  jour,  le  tableau  général  des  recettes  du 
Salon  des  Beaux- Arts  de  1890.  Nous  avons  donné,  de 
même,  celui  de  1887  (1).  Une  conclusion?  A  quoi  bon? 
Elle  s'impose. 

PATRIE  au  Théâtre  de  l'Alhambra 

Une  image  pour  grandes  personnes,  n'est-ce  pas  là  ce  qu'est 
tout  bon  mélodrame  naïf,  tel  qu'on  le  jouait  jadis  au  théâtre  du 
boulevard  du  Crime.  Barbe-Bleue,  VOgrè  et  Poucet,  ne  revivent- 
ils  point  en  ces  histoires  coupées  en  tableaux^t  en  actes,  où  Caïn 
tue  Abel  au  premier  acte,  mais  où,  toujours;  vers  la  fin  Abel  finit 
par  écraser  Caïn. 

Le  mélodrame,  à  condition  qu'il  soit  foncièrement  simple  et 
qu'il  n'ait  aucuns  prétention  à  la  tragédie  ni  à  la  comédie  hautes, 
attire  surtout  en  ces  temps  d'habileté  sournoise,  faite  d'impuis- 
sance ou  de  légèreté  et  si  morne  après  tout,  si  irrémédiablement 
lassante  et  morne! 

Le  mélodrame?  est  presque  toujours  l'expression  de  l'instinct  : 
passions  rouges,  violences  crues,  châtiments  immédiats  et  justes, 
vengeances  légitimes,  traîtrises  monstrueuses  —  et  toujours  un 
gros  et  vulgaire  besoin  de  justice  satisfiiit  vers  la  fin  de  la  pièce. 
Barbe-Dlcué,  qu'il  soit  le  diable  pendant  quatre  actes,  qu'importe, 
si  au  cinquième  les  frères  sauveurs  arrivent  !  M.  de  PeyroUes  et 
tous  et  d'autres,  qu'ils  martyrisent  et  torturent  et  mentent  et 
fassent  dii  mal,  qu'importe,  puisqu'on  est  sûr  du  vaillant  et 
irréprochable  Lagardère. 

Oh  !  ce  bon  et  chaleureux  public  des  mélodrames,  est-il  assez 
violemment  balloté  de  transes  et  de  joies  à  chaque  coup  de  théâ- 
tre? Prend-il  fait  et  cause  dans  la  lutte,  approuve-t-il,  s'enco- 
lère-l-il,  croit-il  que  «  c'est  arrivé  »  !  Dans  le  midi  —  on  le 
rappelait  récemment  —  un  acteur  chargé  du  rôle  de  traître  n'ose 
rentrer  chez  lui  irflmédiatemeut,  le  rideau  tombé.  Il  attend  que 
les  foules  soient  parties  :  on  l'écharperait  dans  la  rue.  Nous  avons 
entendu  jadis,  au  théâtre  des  Nouveautés,  le  public,  à  une  repré- 
sentation du  Bossu  cxxQT  bis  au  moment  ou  le  bon  Monsieur  de 
Peyrolles  était  jeté  en  Seine.  Et  il  fallut  que  ce  bon  Monsieur  de 
Peyrolles  revînt,  quoique  noyé,  et  se  laissât  reprécipiter  au  delà 
du  parapet.  Une  autre  fois,  un  chevalier  «  loyal  comme  son  épée  » 
cherchant  parmi  \ii}e  forêt  le  manant  coupable  et  meurtrier,  qui 
s'était  caché  derrière  un  arbre  de  la  deuxième  coulisse,  quelqu'un 
au  paradis  se  leva  et  cria  à  l'acteur  la  cachette  du  traître.  La 
situation  devenait  grave,  puisque,  de  par  son  rôle,  il  était  défendu 
au  chevalier  «  loyal  comme  son  épée.  »  de  découvrir  celui  qu'il 
cherchait.  De  tels  exemples  fourmillent  dans  l'histoire  du  mélo- 
drame. 

Nous  aimons  le  mélodrame  pour  sa  rudimentalre  signification, 
pour  sa  force  tout  d'une  pièce,  —  nous  l'aimons  aussi  parce  qu'il 
permet  de  juger  de  la  conscience  de  la  foule.  Celle-ci  est  d'une 
honnêteté  modèle.  Elle  est  l'expression  de  la  somme  d'idées  héré- 
ditaires transmises  par  des  générations  et  des  générations  mys- 
tiqueset  chrétiennes  à  ce  peuple  d'aujourd'hui,  qui,  certes,  n'a  que 

(1)  Voir  VAt^t  iiwdeme,  1887,  p.  364. 


peu  d'intelligence  de  ce  qu'il  doit  faire  ou  ne  pas  faire  individuel- 
lement, mais  qui  n'hésite  jamais  quand  il  est  la  masse,  c'ésl-à-dire 
quand  il  se  donne  en  spectacle  à  lui-même.  Alors  toutes  les  vieilles 
idées  de  bien  et  de  mal  —  le  bien  et  le  mal  courants  —  s'impo^ 
sent.  Elles  passionnent  et  exaltent,  tous  ces  visages  hostiles  ou 
sympathiques  qu'on  voit  penchés  sur  les  rebords  des  loges  et  des 
galeries,  et  l'on  croirait  à  un  hypnotisme  général.  Il  n'y  a  pas 
place  pour  la  plus  légère  subtilité,  pour  le  moindre  rien  de  raison- 
nement, pour  le  plus  minime  brin  de  distinguo  —  le  public' 
approuve  ou  condamne  en  bloc,  applaudit  Ou  siffle  d'ensemble. 
De  situations  compliquées,  il  n'en  veut  pas  :  il  faut  qu'on  soit  ou 
bon  ou  mauvais  des  pieds  à  la  tête,  du  bout  des  doigts  jusqu'aux 
racines  des  cheveux. 

Tous  les  mélodramaturges  ont,  du  reste,  compris  cette  évi- 
dence. Les  meilleurs  d'entre  eux  ont  agi  par  larges  oppositions, 
par  coups  nets  et  clairs,  par  blanif  sur  noir  ou  noir  sur  blanc. 
Chaque  criminel  doit  avoir  un  innocent  pour  vis-à-vis;  chaque 
monstre  un  ange.  Et  alors  tout  marche  h  merveille.  11  importe  peu 
par  quelles,  impossibilités  de  situation  on  arrive  au  dénouement. 
Le  point  seul,  c'est  d'y  arriver  droit,  malgré  les  rocs  d'obstacles 
entassés  dans  chaque  acte.  Il  faut  jouer  franc  et  vaillant  jeuj  ne 
pas  lésiner  sur  les  moyei\s,  ne  pas  s'attarder  k  trop  expliquer  un 
caractère.  Les  caractères  que  le  public  ne  saisit  pas  de  suite  et 
comme  d'instinct  sont  des  caractères  à  réserver  pour  le  drame  et 
la  comédie.  Fualdès,  le  Courrier  de  Lyon,  le  Bossu,  les  Mous- 
quetaires sont  des  pièces  bâties  à  chaux  et  à  sable,  comme  des 
murailles,  il  les  faut  telles. 

El  voilà  pourquoi  Patrie,  qui  ne  s'élève  pas  jusqu'au  drame  ni 
jusqu'à  la  comédie,  est  une  pièce  bâtarde,  équivoque.  Il  y  a  là 
des  soucis  de  couleur  locale,  des  préoccupations  d'exactitude  — 
inutiles.  Les  caractères  ne  sont  pas  assez  entiers.  Celui  du  duc 
d'Albc  est  diminué  par  l'amour  que  ce  père  ressent  pour  sa  fille. 
Dolorès  n'est  pas  assez  cynique,  ni  Van  dcr  Noot  assez  franche- 
ment ou  amant  ou  soldat. 

Une  chose  était  curieuse  à  constater  :  le  degré  de  patriotisme  du 
public  bruxellois.  Il  y  a  des  tirades  contre  l'Espagnequi  n'ont  guère 
porté;  ces  événements  du  xvi«  siècle  sont  bien  lointains  et  le 
peuple  connaît  peu  son  histoire.  Seules,  celles  où  l'on  faisait 
retentir  le  :  «Je  suis  Flamand  et  je  ne  commettrai  jamais  cette 
lâcheté  »,  ont  été  célébrées  à  mains  battantes.  Dans  nos  pro- 
vinces, les  temps  de  domination  française  ont  remplacé  ceux  de  fa 
tyrannie  de  Philippe. 

Rendons  justice  à  la  direction  de  l'Alhambra,  qui  a' pris  grand 
soin  à  mettre  en  scène,  de  façon  irréprochable  et  pittoresque,  ie 
drame  de  M.  Sardou. 

Les  rôles  sont  tenus  aussi  bien  qu'on  le  peut  désirer,  vu  là 
troupe. 


LES  FUNERAILLES  DE  CESAR  FRANCK 

On  a  vivement  commenté,  à  Paris,  l'attitude  du  directeur  du 
Conservatoire,  qui  n'a  pas  jugé  à  propos  d'assister  aux  funérailles 
de  César  Franck,  ni  même  de  s'y  faire  représenter  par  le  moindre 
vice-sous-aspirant-sccrélaire  surnuméraire. 

César  Franck  faisait  au  Conservatoire  l'honneur  d'élre  profes- 
seur de  la  classe  d'orgue.  Il  était  même  le  doyen  des  professeurs. 
Or,  tandis  que  les  convenances  élémentaires  commandaient  à 
M.  Ambroise  Thomas  de   prononcer,   au  nom  du   corps'  pro- 


fessoral, les  paroles  d'adieu  sur  la  tombe  de  l'artiste,  les  disciples 
du  Maître^  stupéfaits,  n'ont  vu  prendre  place  dans  le  eonvoi 
funèbre,  ni  le  directeur  du  Conservatoire,  ni  aucun  professeur, 
pas  même  un  huissier  de  salle! 

Prié  d'assister  aux  obsèques  et  de  tenir  un  des  cordons  du 
poêle,  M.  Thomas  avait  fait  répondre  qu'il  était  indisposé  et  qu'on 
s'adressât  au  Secrétaire.  Celui-ci  prétexta  un  examen  de  piano  et 
s'abstint.- 

Et  c'est  Emmanuel  Cliabrier,  seul,  au  nom  des  élèves  de 
Franck,  qui,  au  cimetière,  a  rendu  hommage,  avec  la  dignité  et 
l'émotion  qui  convenaient,  à  la  mé.nnoire  du  mort. 

Il  est  bon  qu'on  sache  ces  choses,  et  qu'on  s'en  souvienne. 
Elles  édifient  sur  le  caractère  dé  certaines  genjs.  Elles  montrent 
l'infranchissable  abîme  qui  existera  toujours  entre  les  artistes  et 
ceux  qui  en  usurpent  le  litre. 

Au  surplus  (quelle  logique  dans  les  événements!),  les  funérailles 
de  César  Franck  ont  été  en  harmonie-parfaité-avec  sa  vie  :  tou- 
chantes, inlimes,  dénuées  de  tout  faste,  de  toute  banalité,  de  tout 
caractère  officiel.  N'étaient-ellcs  pas  plus  belles,  ainsi,  et  plus 
grandes,  que  si  la  lourde  éloquence  d'un  M.  Larroumet  fût  venue 
les  voiler  d'une  harangue?  ^_ 

César  Franck,  mort  pauvre,  comnie  il  a  vécu  toute  sa  vie,  a 
été  inhumé  dans  la  fosse  commune,  au  cimetière  de  Montrouge. 
Cela  fait  pleurer  et  cela  exalte  à  la  fois.  Quel  exemple  que  cette 
existence  de  labeur,  toute  consacrée  à  l'art,  sans  une  compromis- 
sioii,  sans  une  transaction  avec  la  mode  ou  le  mauvais  goût. 
Quelle  grandeur  dans  celle  mort  qui  couronne  la  carrière  d'un 
artiste  vraiment  libre,  dédaigneux  des  honneurs  et  de  la  fortune, 
qui-a  vécu  dans  le  rêve  dé  son  art,  heureux  des  seules  jouissances 
qu'il  lui  donnait,  et  qui  s'en  est  allétranquillement  avec  les  pauvres, 
confondu  dans  là  foule  des  misérables,  sans  nulle  société  de  gym- 
nastique ni  de  tir,  pleuré  par  un  groupe  de  jeunes  hommes  qui 
s'aimaient  en  lui,  regretté  par  quelques  autres,  ignoré  de  la  plu- 
part. 

L'es  réflexions  que  font  naîlre,  sur  l'au-delà  d'une  telle  vie,  ces 
simples  faits  ! 

Voici,  enfin,  là  liste  —  est-elle  complète?  —  des  compositions 
du  maître  : 

Trois  trios  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  dédiés  au  roi 
J^éopold  1",  composés  vers  l'année  4846. 

Quatrième  trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  dédié  à 
Liszt,  composé  également  vers  i846-i47. 

RuTH,  égloguc  biblique  pour  orchestre,  chœurs  et.  soli 
(de  1852-55). 

Messe  pour  soli,  chœur,  orgue  el  orchestre  (vers  1860). 

Six  pièces  pour  grand  orgue  (vers  4865). 

Paris,  chant  patriotique,  composé  pendant  le  siège  (1870). 

flËDEMPTiON,  oratorio  en  deux  parties,  soli,  chœur  et  orcheslre 
(1872). 

Les  Béatitudes,  oratorio  en  huit  parties,  soli,  chœur  el  orchestre 
(de  1872  h  1875).. 

Les  Eolides,  poème  symphonique  (vers  1876). 
.    Tro/s  pièces  pour  grand  orgue  (1877). 

Le  Chasseur  maudit,  poème  symphonique  (vers  1877). 

Quintette  pour  piano,  deux  violons,  allô  el  violoncelle,  com- 
posé en  1878. 

Rébecca,  oratorio,  soli,  chœur  et  orchestre  (vers  1879).      • 
Variations  symphoniqucs  pour  piano  et  orchestre  (vers  1879). 
HuLDA,  opéra  en  quatre  actes  (de  1878  à  1882)  (inédit). 


Prélude,  choral  et  fugue  pour  piano  (vers  4883). 

Sonate  pour  piano  el  violon,  dédiée  à  E.  Ysaye  (vers  1884). 

Prélude,  aria  et  piale  poarp'i&no  (iSè^). 

Psyché,  poème  mythologique,  pour  chœur  el  orchestré,  dédié 
à  Vincent  d'Indy,  composé  en  1887. 

fi'y/np/jonic  «ir^ pour  orchestre (1887-88). 

Chœurs  po\ir  voix  de  femmes  (1888)  :  La  Vierge  à  la  crèche. 
—  Aux  petits  enfants.  —  La  Chanson  du  vannier.  —  Soleil.  — 
Les  dansis  dé  Lormont. 

Quatuor  en  ré  maj.  pour  deux  violons,  alto  el  violoncelle 
(1889). 

Trois  grands  chorals  liour  or^ae  {\S%). 

Gisèle,  opéra  inachevé. 

Diverses  mélodies,  œuvres  de  jp,unesse. 

Pièces  de  musique  religieuse. 

Recueil  de  100  préludes  pour  harmonium  (1890). 


Acquisitions  au  Salon  de  Peinture    ,. 

Le  Gouvernement,  —  les  feuilles  l'annoncent, .—  va  choisir 
parmi  les  Irop  nombreuses  toiles  qui  ornèrent  le  récent  Salon 
celles  dignes  de  figurer  dans  nos  Musées. 

Nous  en  lisons  la  liste  : 

Le  Ruisseau  de  Frédéric;  la  Récolte  derBetteraves  deCLAUs; 
Sur  la  Tamise  de  Baertsoen;  VEpée  ûq  M"«  Meunier.  Et  aussi 
une  sculptyre./c  (rrawd /oî«' de  RpMBAUx. 

Parmi  ces  choses,  le  choix  du  Ruisseau  nous  paraît  le  seul 
justifiable,  non  pas  que  nous  professons  pour  l'œuvré  une  admi- 
ralion  absolue,  n>ais  elle  est  au  moins  d'un  chercheur,  d'un 
artiste  consciencieux  et  probe.  En  somme  M.  Frédéric  aurait  pu 
s'en  tenir  au  succès  de  ses  Marchands  de  Craie  el  répéter  tous 
les  ans  ce  tableau  célèbre.  Il  a  préféré,  quitte  à  faire  moins 
bien  parfois,  se  renouveler  constamment,  et  il  s'applique,  depuis 
tantôt  dix  ans,  à  son  volontaire  labeur,  sans  importuner  les 
huissiers  des  ministères  et  sans  faire  au  public,  —  qui  s'inquiète 
peu  de  lui,  du  reste,  — les  moindres  mamours.  Que  M.  Frédéric 
soit  représenté  au  Musée  de  Bruxelles,  point  trop  riche  en  chefs- 
d'œuvre,  ce  n'est  que  tardivement  justice,  el  à  défaut  de  ce  désolé 
triptyque  des  Marchands  de  Craie,  que  nous  eussions  aimé  y  voir, 
à  défaut  des  Boëchelles,  du  Blé,  du  Lin,  ou  de  toute  autre  de 
SCS  grandes  compositions,  cette  œuvre  d'un  artiste,  le  Ruisseau, 
nous  détournera  au  moins  des  plus  vomitifs  Evarisles  Carpenliers 
accrochés-là.  — 

Que  dire  des  autres? 

La  Récolte  des  betteraves  de  M.  Claus  est  ce  qu'on  appelle, 
croyons-nous,  «  un  grand  effort  »,  mais  nous  pensons  qu'un 
châssis  de  soixante-dix  centimètres  eût  été  un  format  plus  apte  au 
maçonnage  de  celte  scène  soi-disant  réaliste.  Quant  à  la  Tamise 
de  M.  Baertsoen,  nous  n'userons  d'aucun  détour  pour  la  déclarer 
horrible,  —  tout  à  la  fois  commune  el  lourde.  Mais  M.  Baertson 
est  trop  jeune  pour  qu'il  nous  semble  permis,  dès  à  présent,  de 
nier  l'arlislé  qui  est  peut-être  en  lui. 

El  c'est  ce  qu'ils  ont  trouvé  de  mieux,  les  infirmiers  de  l'Art, 
comme  si,  malgré  la  sordide  pauvreté  de  ces  vingt  corridors  où 
pendaient  des  loques  peintes  dans  des  moulures  dorées,  trois  ou 
quatre  toiles,  au  moins,  ne  s'imposaient  pas  par  des  qualités  uni- 
quement artistiques  ! 

N'y  avait-il  pas  la  Fuite  en  Egypte  d'EucÈNE  Smits,  avec  sa 


tremblante  lumière  de  crépuscule  el  cette  sensation  de  choses  qui 
doucement  s'éteignent,  avec  son  merveilleux  décor  loialain,  calme 
el  lassé,  où,- lassés  aussi,  vont  le  couple  el  l'Enfant? 

N'y  avait-il  pas  le  Christ  montré  au  peuple  de  Henry  Degroux, 
celle  furieuse  el  barbare  enluminure,  non  exempte  de  défauts,  ah! 
certes,  niais  des  défauts  qui  méritent  des  éloges,  plutôt,  mais 
oulrancière,  mais  fière,  mais  de  ï'arl,  enfin? 

El  si  l'on  voulait  bien  ne  pas  tenir  compte  de  la  nationalité  des 
artistes,  mais  de  la  valeur  des  œuvres,  n'y  avail-il  pas  aussi,  parmi 
les  pastels,  des  effigies  toutes  gracieuses  et  mélancoliques  de 
M"«  Breslau;  parmi  les  huiles,  de  stupéfiantes  improvisations  de 
Whistler?....  * 

Mais  s'occuper  de  telles  questions  n'est-ce  pas  perdre  bien  inu- 
tilement temps  el  paroles,  puisque  toute  la  vigilance  de  l'admi- 
nistration des  Beaux-Arts  n'a  pu  encore  doter  notre  Musée  moderne 
ni  d'un  Rops,  ni  d'un  Mellery,  hauts  et  notables,  cependant,  enlrc 
les  peintres  belges. 


PANTOMIME  AU  THEATRE  MOLIERE 

Ça  se  nomme  l'Enfant  prodigue.  Un  enfani  prodigue  auss 
banalement  bourgeois  moderne  qu'on  le  peut  rêver.  Il  vole  son 
père  dans  une  commode!  Il  entretient  une  blanchisseuse!  Il  triche 


au  jeu 


Le  premier  acte  est  gentil.  Le  deuxième  est  slupide.  Le  troi- 
sième, nous  l'avons  brûlé  :  c'est  peut-ôlre  le  meilleur!  on  a  de 
ces  chances. 

Ce  n'est  pas  cette  affaire-là  qui  ressuscitera  la  pantomime, 
dans  l'appréciation  dès  arlistes  du  moins.  Les  clichés  paniomi- 
inesques  d'il  y  a  cinquante  ans  :  les  visages  enfarinés,  les  gu  e 
nilles  du  Pierrot  classique,  des  gestes  qui  ressemblent  aux  effigies 
des  vieux  sous  :  Je  faimel  les  deux  mains  sur  le  cœur.  Je  veux 
de  Vargent!  le  pouce  el  l'index  de  la  main  droite  comptant  dan& 
la  main  gauche.  Sauvons-nous!  les  deux  bras  tendus  vers  la 
porte.  Mangez,  buvez!  les  doigts  s'agitanl  vers  la  bouche,  le 
coude  levé  au  dessus  de  la  tête  renversée.  Qu'il  fait  chaud!  on 
s'évente.  Qu'il  fait  froid!  on  frissonne. 

De  ci,  de  là,  une  jolie  scène,  vive,  remuante,  espiègle.  La 
mime  principale,  peu  importe  son  nom  (ah  !  qu'on  me  laisse!  tran- 
quille avec  les  noms  de  tous  ces  cabotins  gloutons  de  notoriété 
gazetière  !)  très  souple  el  mutine.  Son  entourage,  quelconque.  De 
la  musique  aussi  :  un  grand  diable  de  monsieur  noir  de  poils,  se 
dressant  au  dessus  des  banquettes,  et  gesticulant  avec  excès  pour 
diriger  des  flons-flons  très  maigriots  el  flûtants,  que  M.  Gevaerl 
applaudit  ostensiblement  de  sa  loge  pour  faire  souvenir  apparem- 
ment qu'il  dédaigne  la  musique  de  Wagner  el  ne  l'admet  à  ses 
concerts  qu'en  eritrebûi liant  la  porte. 

0  les  Ma.rlinetti  !  ces  grands  artistes  qui,  jadis,  devant  des  demi 
salles,  jouaient  en  chef-d'œuvre  :  Robert  Macaire  ! 

Celte  fois  la  salle  était  comble.  L'éternelle  floppée  de  mondains 
plus  ou  moins  authentiques  et  de  journalistes  qui,  depuis  vingt 
cinq  ans  se  transporte  en  Fanfaro-belge  partout  où  la  dirige  le 
reportage  anticipalif.  Un  mélancolique  sinistre  disait  dans  le  cou- 
loir de  l'étroit  théâtre  Molière,  encombré  à  n'y  plus  savoir  remuer 
les  coudes  :  «  Quel  coup  de  filet  poiir  la  Mort  si  le  feu  prenait,  un 
tel  soir,  ici  !  Quelle  asphyxie  d'illustres  médiocrilés  !» 

Cette  phalange  a  applaudi  et  bissé,  suivant  son  ordinaire,  aussi 
fort  ce  qui  ne  valait  rien  que  ce  qui  méritait  les  suffrages,  l& 


deuxième  acte  juste  autant  que  le  premier.  Il  y  a  une  scène,  où 
l'Enfant  prodigue  (pas  assez  pour  que  les  veaux  s'enfuient  à  son 
approche  :  au  contraire,  il  les  attire),  attrape  une  mouche  :  le 
monsieur  de  la  musique  a  fait  là  dessus  de  l'harmonie  imilative, 
bourdonnante.  Ce  qu'on  a  crié  :  bravo!  Très  applaudie  aussi  une 
scène  où  l'Enfant  fait  le  jockey,  galopant. 

En  somme,  une  pièce  suivant  son  titre  :  prodigue  d'enfantil- 
lages. Allez-y  voir!  Les  Parisiens  y  onL*6lé  trois  cents  fois,  et 
vous  savez,  les  Parisiens  :  nos  maîtres  !  ., 


Au  Conservatoire. 

Deux  éléments  d'intérêt,  dimanche,  dans  le  monotone  défilé  des 
élèves  remontés  par  leur  profésseur^n  vue  du  concert  :  une  très 
jolie  et  très  fine  composition  symphonique  de  M.  Léon  Soubre, 
Sarabande  et  Bourrée,  d'un  ton  archaïque  i*élcvé  par  des  harmo- 
nies savoureuses.  Distinguée,  bien  écrite,  l'œuvre  nouvelle  de 
M.  Soubre  a  produit  une  excellente  impression. 

Puis,  l'apparition  de  M.  Birmasz^  élève  de  M.  Ysaye,  qui, 
presque  ipu  pied  levé,  a  remplacé  son  camarade  Hill,  indisposé 
au  cours  des  répétitions,  et  a  joué  avec  une  crânerie,  une  sûreté, 
une  aisance  tout  à  fait  remarquables,  le  Concerto  de  Saint-Saëns, 
magistralement  dirigé  par  son'^maître.  Le  jeune  violoniste  promet 
beaucoup.  Au  rebours  des  autres"  lauréats  entendus,  c'est  une 
nature  d'artiste.  . 

On  avait  confié  l'exécution  de  la  première  symphonie  de 
Beethoven  à  la  classe  d'enscmbl'e  instrumental  qui,  sous  la  direc- 
tion de  M.  Colyns,  s'est  acquittée  mollement  de  sa  tâche. 

Ainsi  se  trouve  réduite  à  huit  la  série  des  symphonies  que 
M.  Gevaert  se  propose  de  faire  exécuter  cet  hiver,  Les  symphonies 
seront  réparties  en  cinq  concerts  dans  l'ordre  suivant  : 

1"  concert.  —  Symphonies  n»"  II  et  III. 

2<=      id.  Id.        nos  IV  et  V.  1-^ 

3"      id.  Id.         ri»'' VI  et  Vil. 

¥      id,       —  Symphonie  n"  VIll  et  Egmont. 

5"      id.  Id,-     no  IX  (avec  chœurs). 

Le  premier  concert  est  fixé  au  21  décembre. 


Premier  Concert  du  Conservatoire  de  Liège. 

{Correspondance   particulière   de   l'Art   moderne). 

Le  concours  de  Joachim  devait  assurer  le  succès  du  concert  de 
samedi.  On  ne  discute  plus  le  virtuose,  on  ne  discute  plus  l'ar- 
tiste ;  il  s'impose  par  sa  science  parfaite  et  plus  encore  par  l'élé- 
vation de  son  talent. 

Il  a  joué  de  grande  manière  un  concerto  de  Viotti.  Il  nous  y  a 
donné  —  avec  la  haute  simplicité  qui  est  une  de  ses  grandes  qua- 
lités —  la  preuve  de  sa  prodigieuse  virtuosité.  Quelle  sûreté 
d'attaque,  quelle  pureté  de  sop,  et  comme,  sous  son  archet,  la 
phrase  se  développe  grandement. 

Dans  l'interprétation  de  la  Sonate  à  Kreutzer,  c'est  l'austérité, 
l'ampleur  de  son  talent,  la  profonde  connaissance  de  l'œuvre  qui 
frappent.  L'intensité  du  sentiment,  exprimé  sans  emphase,  vous 
poigne.  Jamais  l'interprète  ne  se  rappelle  à  vous.  C'est  Beethoven 
qu'on  entend,  c'est  Beethoven  que  l'on  écoute. 

M.   De  Greef  accompagnait  Joachim  dans  la  sonate.  Certes  ce 


n'était  plus  là  haute  compréhension  de  Joacliim,  mais  c'était  sin- 
cère, correct  et  scrupuleux. 

Nous  avons  pu  nWèux  juger  du  talent  de  M.  De  Greef  dans  le 

concerto  de  Grieg;  il  n'avait  plus  à  ses  côtés  un  aussi  redoutable 

partenaire.  Nous  nous  plaindrions  de  la  fréquence  de  ce  morceau 

-*—  qui  perd  quelque  peu  à  être  souvent  entendu  —  au  programme 

des  concerts,  n'était  l'intérêt  des  différentes  interprétations. 

L'an  dernier  M""®  Thérésa  Careno  —  très  admirée,  des  audi- 
teurs, trop,  selon  nous  —  l'exécutait  avec  un  éclatant  brio.  Elle 
y  mettait  force  nuances,  vives  couleurs  et  grande  fébrilité.  Très' 
sobre,  au  contraire,  M.  De  Greef  le  joue  d'un  sentiment  contenu, 
intime.  Pas  d'éclat,  plus  de  teintes  violentes,  mais  une  poésie 
vague,  morne,  paisible,  plus  pénétrante. 

Nous  préférons  de  beaucoup  cette  interprétation  qui  nou^  paraît 
en  complète  harmonie  avec  l'œuvre,  marquée  du  caractère  sep- 
tentrional, inspirée  des  paysages  du  Nord. 

M.  De  Greef,  très  applaudi,  a  remporté  un  succès_^ieux, 

La  symphonie  en  la  mineur  de  Beethoven,  une  des  œuvres  les 
plus  puissantes  du  maître,  est  d'une  exécution  difficile.  L'inter- 
prétation, que  nous ena  donnée  l'orchestre,  dirigé  par  M,  Radoux, 
n'était  pas  homogène.  , 

Faible,  relâché  en  certaines  parties,  l'orchestre  a,  par  contre, 
bien  interprété  Vallegretto.  En  général,  il  manque  de  "cohésion  et 
de  précision  ;  les  mouvements  ne  sont  pas  assez  nettement  obser- 
vés, le  dessin  reste  indécis,  la  pensée  ne  se  dégage  pas  avec  la 
clarté  désirable.  Les  violons  manquent  pariiculièrcmenl  d'en- 
semble et  de  régularité. 

Mais  ne  nous  plaignons  U-op,  et  louons  M.  Radoux  de  la  com- 
position de  son  programme  —  un  peu  long,  —  de  ses  efforts  et 
de  son  travail.      . 

A  côté  de  l'œuvre  magistrale  de  Beethoven,  il  nous  a  fait 
entendre  l'ouverture  de  Faust  de  Wagner,  que  nous  demandons 
à  réenlendre,  et  \c  .Chasseur  Maudit  de  César  Franck. 

Le  Chasseur  Maudit  était  le  dernier  morceau  du  programme, 
et  c'esi  regrettable.  On  était  trop  faiigué  pour  jouir  complètement 
'de  l'audition  de  celle  savante  et  puissante  musique.  Nous  ne  pou- 
vons que  dire  la  profonde  impression  que  nous  a  produite  le  poème 
symphonique  et  prier  encore  M.  Radoux  de  le  reprepdre  à  un  pro- 
chain concert.  Il  est  heureux  que  l'on  se  décide  enfin  à  faire 
connaître  à  Liège  la  musique  de  César  Franck.  Mais  fallait-il 
attendre  pour  cela  qu'il  fût  mon! 


Le  Thé&tre  néerlandais. 

Le  Théâtre  néerlandais  d'Anvers  donne  le  «  drame  lyrique  » 
pour  ceux  qui.  sont  las  de  la  roue  des  œuvres  congrues  et  ordi- 
naires qu'on  sert,  depuis  quand  !  au  Théâtre  royal. 

Et  il  se  trouve  qu'ils  sont  nombreux. 

Ceux  qui  président  aux  destinées  de  ces  peu  coulumicres  soi- 
rées se  rendront  compte  —  et  les  recettes  ne  sont  pas  preuves 
sentimentales,  —  que  le  public  est  mûr,  ici,  pour  entendre  de  la 
bonne  musique,  et  ne  l'est  même  que  pour  cela! 

Le  fait  est  qu'on  a  subi  le  prestige  du  titre  :  Drame  lyrique  ! 
Le  mot  rayonne-l-il  assez  de  l'éclat  de,  tant  de  chefs-d'œuyre  et 
combien  nous  apporte-t-il  de  promesses. 

Qu'on  sache  que  tous  ceux  qui  applaudissent  aujourd'hui 


c 


tendent  surtout  à  la  réussite  d'une  entreprise  qui  comblerait  leurs 
plus  chères  espérances.  Enfin,  sortirait-on  de  l'ornière? 

Qu'uùe  interminable  suite  de  tombereaux  verse  ailleurs  un 
infini  nombre  de  notes  dans  le  puits  n'est  pas  un  malheur,  puis- 
que le  trou  se  comble  au  point  que  nous  voilà  désembourbés. 

Verrons-nous  réellement,  et  ce  à  Anvers,  réussir  un  Ihéûlre  qui 
se  respecterait  au  point  de  ne  jouer  que  des  œuvres  se  réclamant 
de  l'Art  ?  celles  que  nous  avons  entendues  :  Charlotte  Corday  de 
Peler  Benoit,  qui  ouvrit  le  feu  avec  un  succès  d'enthousiasme, 
Stella  de  Waelput,  Preciosa  de  Weber  —  dont  l'exécution  est 
vraiment  remarquable  —  et  celles  qu'on  annonce  :  Egmont  el 
Maufred?  ,       '  ;■  ■ 

^  pETITE    CHROjsriQUE 

Quelle  sera  la  date  du  premier  jour  du  siècle  prochain?  On  vous 
aura  posd  celte  devinette.  C'est  le  l»'  janvier  de  l'an  1900, 
répond-on  d'ordinaire.  Eh  bien,  non,  c'est  le  1er  janvier  de  l'an 
4904.  Pour  faire  dix-neuf  siècles  il  faut  dix-neuf  cents  ans  com- 
plets. Or,  les  dix-neuf  cents  ans  complels  ne  seront  achevés  que 
le  34  décembre  4900; 

Nous  rappelons  celte  arithmétique  parce  qu'une  erreur  ana- 
logue est  commise  par  ia  Jeu7ie  Belgique,  qui  annonce  le  Dixième 
anniversaire  de  sa  fondation,  èi  commence  un  article  enlhousiaste 
sur  ce  sujet  par  ces  mois  :  La  Jeune  Belgique  va  bientôt  accomplir 
sa  jiixième  année.  Or,  dans  la  computation  des  anniversaires  de 
naissance,  le  jour  de  la  naissance  né  compté  pas  :  il  ne  saurait 
fitre  l'anniversaire  de  lui-même  ;  on  commence  par  le  premier  de 
l'année  suivante.  C'est  donc  du  neuvième  anniversaire  el  de  l'ac- 
complissement de  la  neuvième  année  qu'il  s^agit. 

Celle  computation  inexacte  a,  sans  doute,  été  cause  de  celle 
autre  erreur  dans  l'article  en  question  :  «  Depuis  noire  début, 
noire  groupe  s'est  renforcé  de  nouvelles  recrues...  l'Art 
moderne,  »  etc.  La  vérité  est  que  VArt  moderne  existait  avant  la 
Jeune  Belgique.  C'est  comme  si  on  mettait  la  locomotive  derrière 
le  teuder. 

Le  directeur  actuel  de  la  Jeune  Belgique,  M.  Valère  Gille,  qui 
l'a  si  résolument  dirigée,  depuis  quelque  temps,  vers  les  nouvelles 
formes  poétiques  et  l'a  fait  participer  à  la  véritable  avancée  litié- 
rairc,  n'éiait  pas  aux  débuis  de  celte  intéressante  revue,  et  on 
s'explique,  dès  lors,  le  malentendu.  Si  nos  souvenirs  ne  nous 
trompent,  la  Jeune  Belgique  n'a  même  neuf  ans  qu'en  soudant 
sa  durée  à  celle  de  la  Jeune  Revue  qui  l'a  précédée. 

Courte  ou  longue,  âgée  ou  non  de  neuf' ans,  elle  n'en  a 
pas  moins  été  vaillante  combaltanle,  et  c'est  assez.  Celle  petite 
manie  de  priorité,  qu'elle  partage  avec  V Indépendance,  toujours 
première!  même  quand  il  s'agit  de  dire  une  béiisc,  ne  diminue 
pas  ses  mérites.,  ^ ^__^ 

L'Associalion  des  professeurs  d'inslrumcnls  à  vent  donne 
aujourd'hui,  au  Conservatoire,  son  premier  concert,  avec  le 
concours  de  M""  Elly  Warnols,  qui  inlerprélcra  des  chansons  du 
XVII®  siècle  el  les  Variations  de  Rode. 

Trois  œuvres  importantes  figurent  au  programme  :  la  Sérénade 
de  Richard  Strauss  (4'«  exécution),  le  Sextuor  de  Ludwjg  Tliuille 
el  rO/W/o  de  Th.  Gouvy. 

M.  Antoine  viendra,  avec  la  troupe  du  Théâtre-Libre,  donner 
vers  la  fin  de  janvier,  une  série  de  roprésentalions  au  Théâtre  du 
Parc. 


Le  programme  de  cette  campagne  comprendra  :  les  Revenants  ' 
dihsen,  la  Pêche  de  Henri  Céard,  T-ffonnewr  de  Henri  Fèvre, 
Myrane  d'Emile  Bergerat,  la  Tante  Léontine,  VAmant  de  «a* 
femme  d'Aurélien  Scholl,  Esther  ^mnd^j^CHennique  el  la  Pm- 
cws«  ili?fl/ewie  de  Maurice  Maeterlinck. 

M.  Julien  Scrmet  a  lu  au  Théâtre-Libre,  un  acte  intitulé  :  la 
Belle  opération.  Cette  pièce  sera  jouée  dans  le  spectacle  pro- 
chain.   

M"e  Dyna  Beumér  a  bouleversé  Marseille,  Iroun  de  l'air!  Le 
quatrième  concert  classique,  donné  sous  la  direction  de  notre 
compatriote  M.  Jules  Lecocq,  a  été  pour  la  cantatrice  un  succès 
si  triomphal  qu'elle  a  été  aussitôt  réengagée  pour  le  cinquième 
concert.  «  Le  talent  de  la  virtuose  défie  toute  comparaison  ;  depuis 
la  Palti  nous  n'avons  plus  entendu  une  vocalisation  aussi  aisée, 
aussi  souple  et  d'un  tel  fini  ^ip  dit  le  Petit  Provençal.  Et 
M.  L.  Gozlan  ajoute,  dans  le  Soleil  du  Midi  :  «  M»*  Dyna  Beumer 
n'aurait  pas  de  rivale  au  théâtre  en  tant  que  chanteuse  légère. 
Jamais,  on  peut  le  dire,  ca«lalrice  aussi  accomplie  ne  fut  enten- 
due dans  nos  concerts  classiques  et  le  succès  a  dépassé  toute 
atlenle.  La  remarquable  artiste  est  douée  d'une  merveilleuse  orga- 
nisation, vocale.  Les  plus  grandes  difficultés  sont  un  jeu  pour 
elle  :  gammes,  trilles,  arpèges,  intervalles  franchis  avec  la  plus 
grande  sûreté,  tout,  enfin,  est  à  la  disposition  de  M"*  Beumer  ». 

L'une  des  œuvres  interprétées  par  notre  compatriote  était  la 
valse  que  lui  a  dédiée  M.  Joseph  Mertens. 

Chez  Durand-Ruel,  se  clôture  aujourd'hui  une  exposition  au 
profit  de  la  American  Charitable  Association. 

Parmi  les  tableaux  anciens,  un  beau  portrait  de  femme  de 
Frans  Hais,  deux  Van  Goyen,  un  Jan  Steen,  un  Teniers. 

Parmi  les  modernes,  cinq  Corot  (trois  paysages,  deux  figures); 
l'Homme  à  la  Houe,  les  Dénicheurs,  la  Pileuse  de  Millet  ;  des 
Vues  de  Londres  de  Camille  Pissarro  ;  un  Champ  de  courses  de 
Edgar  Degas.  '     . 

A  la  vitrine  : 

Une  jeune  fille  à  la  gorge  nue,  avec,  sur  ses  genoux  un  chat, 
est  endormie  en  un  fauteuil  :  Renoir.  \jnc  Mademoiselle  Samary, 
du  même.  ' 

Des  Monticelli  traduits  en  lithographie,  par  Lauzet,  des  eaux- 
fortes  de  Mary  Cassait,  des  Sisley  et  des  récents  Claude  Monet  : 
paysages  au  soleil,  matinâ  argentés. 

La  Société  des  Artistes  indépendants  vient  de  procéder  au 
renouvellement  de  son  comité.  C'est  M.  Vallon  qui  a  été  nommé 
président.  La  Société  organisera,  dans  une  salle  spéciale  du  pro- 
chain Salon,  l'exposiiion  des  œuvres  de  ceux  de  ses  membres  qui 
sont  morts  dans  l'année  :  MM.  Vincent  Van  Gogh  et  Dubois-Pillet, 
M"»®  Salles- Wagner.  , 

Pour  rendre  un  hommage  iout  particulier  à  la  mémoire  de 
M.  Dubois-Pillet,  qui  a  tant  contribué  à  la  fondalion  elau  succès 
de  la  Société,  l'assemblée  décide  que  sou  nom  figurera  à  l'avenir 
à  la  première  page  du  catalogue. 

Le  peintre  Arlz,  qui  prit  part  à  plusieurs  Salons  de  Be'giquo, 
vient  de  mourir  à  La  Haye,  âgé  de  52  ans.  Artz  était  un  élève  de 
Joseph  Israëls.  Il  habita  Paris  de  4866  à  4874  et  prit  une  grande 
part  à  l'organisation  de  l'Exposition  de  4^889  où  il  fui  élu  prési- 
dent de  la  section  néerlandaise  des  Beaux-Arts  et  vice-président  du 
jury  général. 


4 

:-.» 


i:art  moderne 


375 


EXPOSITION  GENERALE  DES  BEAUX-ARTS 

État  de   la   recette   générale   au    16   novembre    1890,   date   de   la   clôture. 


JOURS. 

NOMBRE 

% 

PRODUIT                                 j 

MOIS 

H 

d'entrées  a- 

DE 

CATALOGUES 

il 

DES  ENTRÉES  A  ' 

DES  CATALOGUES    1 

TOTAL. 

ÔA 

^a 

ET  DATES. 

•     '  ■  ' 

c0  et 

V     - 

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1      " 

S 

Septembre  15 

Lundi.     .     . 

.     48 

218 

9 

480 

109  00 

4  50 

593  50 

—         16 

Mardi.     .•    . 

.       2 

654 





194 

6 

20 

654 



— 

97  00 

3  00 

774  00 

—         17 

Mercredi .     . 

.       1 

526 



— 

68 

13 

10 

526 

^ 

— 

34  00 

6  50 

576  50 

—      .   18 

Jeudi  .     .     . 

.       3 

583 







30 

30 

583 



— 

— 

15  00 

628  00 

—   :    19 

Vendredi .     . 

.       2 

494 



— ' 

144 

2 

20 

494 

— 

— 

72  00 

1  00 

587  00 

-  -—         20 

Samedi    .     . 



.     407 



,  — 

120 

2 

— 

407 

— 



60  00 

1  00 

468  00 

-—         21 

Dimancbe. 

.       1 

1,037 

- 

— 

272. 

8 

10 

1,037 

— 

— 

136  00 

4  00 

1,187  00 

—         22 

Lundi.     .     . 

.       1 

474 

.^ 

— 

150 

2 

10 

474 

— 



75  00 

1  00 

560  00 

—         23 

Mardi.     .    .. 



427 



..- 

91 

3 

— 

427 

— 

— 

45  50 

1  50 

474  00 

—         24 

Mercredi .     . 

'.       1 

519 



— 

153 

5 

10 

519 

— 

— 

76  50 

2  50 

608  00 

—         25 

Jeudi  .     .     . 

492 



— 

117 

1 

— 

492 

— 

— 

58  50 

0  50 

551  00 

-         26 

Vendredi.     . 

... 

343 

;_ 

— 

106 

6 



343 

— 

, — 

53  00 

3  00 

399  00 

—         27 

Samedi    .     . 

' 

300 

—^ 

— 

60 

2 

— 

300 

— 

.-  — ^ 

30  00 

1  00 

331  00 

—         28 

Dimanche . 

':  à 

.  907 

__ 

. — 

190 

4 

20 

907 

— 

-^ 

95  00 

2  00 

1,024  00 

—         29 

Lundi.     .     . 

^  391 

.._ 

—  . 

103 

1 

— 

391 

— 

■  — 

51  50 

0  50 

443  00 

30 

Mardi.     .     . 



373 



— 

100 

2 

— 

373 

—  ■ 

— 

50  00 

1  00 

424  00 

Octobre        l*' 

Mercredi .     . 



369 

._ 

— 

92 

2 

— 

369 

— 

— 

46  00 

1  00 

416  00 

-^           2 

Jeudi  .     .     . 



484 

.... 

— 

98 

,  2 

—  ,„ 

484 

— 

— 

49  00 

1  00 

534  00 

—           3 

Vendredi.     . 



311 



—  - 

78 



— 

311 

— 

— 

39  00 

— 

3.50  00 

—           4 

Samedi    .     . 

,^_ 

223 



— 

50 

2 

— 

223; 

— 

— 

25  00 

1  00 

249  00 

-           5 

Dimanche. 

: 

1,059 

1,007 

198 

8 

■ — 

— 

529  50 

100  70 

99  00 

4  00 

733  20 

—           C 

Lundi.     .  y. 

!    1 

280 

— 

— 

80 

— - 

10 

280 

— 

— 

40  00 

— ' 

330  00 

—           7 

Mardi.     .     . 

314 



— 

68 

2 

—^ 

314 

— 

— 

34  00 

1  00 

349  00 

—           8 

Mercredi.     . 



329 



— 

76 

— 

— 

329 

— 

■    ■ — 

38-00 

— 

367  00 

—           9 

Jeudi  .     .     . 

_^ 

545 

— 

110 

' 

. — 

— 

272  50 

— 

55  00 

'    ~~" 

327  50 

—         10 

Vendredi.    -. 

«.^ 

235 



— 

40 

2 

— ■ 

235 

— 

— 

20  00 

1  00 

2.56  00 

—         11 

Samedi    .     . 

; 

217 

_ 

— 

36 

2 

— 

217 

— 

— 

18  00 

1  00 

236  bo 

—         12 

Dimanche. 

.    ,. 

643 

1,450 

176 

6 

— 

— . 

321  50 

145  00 

88  00 

3  00 

557  50 

—         13 

Lundi.     .     . 

, 

234 

— 

— 

38 

2 

— 

234 

—  ■ 

— 

19  00 

1  00 

2.54  00 

—         14 

Mardis     .     . 



259 

— 

. — 

68 

2 

.  — 

259 

__ 

^ — 

34-00 

1  00 

294  00 

—         15 

Mercredi .     . 

243 



— 

46 

— 

— 

243 

— 

— 

23  00 

— 

266  00 

16 

Jeudi  .     .     . 

„ 

356 

■  — 

54 

— 

— 

_ 

,  178  00 

— 

27  00 

— 

205  00 

—         17 

Vendredi.     . 



163 

— 

— 

26 

— 

— 

163 

— 

— 

13  00 

— 

176  00 

18 

Samedi    .     . 

___ 

128 



■ — 

20 

— 

— 

128 

— 

— 

10  00 

— 

138  00   ■ 

—         19 

Dimanche. 

.            

1,143 

1,046 

156 

3 

^— 

— 

571  50 

104  60 

78  00 

1  50 

755  60 

—         20 

Lundi.     . 

_ 

198 

-— 

— 

38 

— 

~  • 

198 

. — 

— 

19  JOO 

— 

21 1  00 

—         21 

Mardi.     .     . 



172 



— 

40 

— 

— 

172 

— 

— 

20  00 

— 

192  00 

—         22 

Mercredi.     . 



196 



— 

37 

3 

•  — 

190 

— 

— 

18  50 

1  50 

216  00 

—         23 

Jeudi  .     . 

,. 



385 

— 

52 

-  _ 

— 

— 

192  50 

— 

26  00 

— 

218  50 

—         24 

Vendredi.     . 

_~ 

112 



— 

10 

— - 

— 

112 

(' 

■  — 

8  00 

— 

120  00 

—    •     25 

Samedi    . 



109 



— 

16 

—, 

— 

109 

— )■' 

— 

8  00 

— 

117  00 

—         26 

DimR,nche 



893 

1,305 

139. 

5 

— 

— 

446  50 

130  50 

69  50 

2  50 

649.  00 

—         27 

Lundi. 



107 

__ 

— 

16 



— ' 

107 

■^— 

— 

.8  00 

— 

115  00 

—         28 

Mardi.     . 

«_ 

131 



— 

21 

1 

— 

131 

— 

—  ■ 

10  50 

0  50 

142  00 

—         29 

Mercredi . 



118 



■  — 

26 



— 

118 

— 

13  00 

— 

131  00 

—         30 

Jeudi  . 

_ 

210 

— - 

21 

1 

— 



105  00 

— 

10  50 

0  50 

116  00 

—         31 

Vendredi . 



79 

^- 

11 

1 

— 

79 

— 

— 

5  50 

0  50 

85  00 

Novembre    l*' 

Samedi    . 

__, 

567 

_ 

1,70| 

72 



— 

567 

— 

— 

36  00 

— 

003  00 

—           2 

Dimanche 



617 

101 

1 

— 

— 

308  50 

170  30 

50  50 

0  50 

529  80 

—           3 

Lundi 

*   140 

^_ 

— 

22 



—^ 

.    140 

—  " 

— 

11  00 

— 

151  00 

—           4 

Mardi.     . 

80 



— 

13 

1 

— 

80 

— 

— 

6  .50 

0  50 

87  00 

—           5 

Mercredi . 

105 



— 

24 

— 

105. 

^- 

— 

12  00 

— 

117  00 

—   '       6 

Jeudi  . 

1 

301 

— 

28 

— 

, — 

_ 

150  50 

— 

14  00 

— 

164  50 

—          7 

Vendredi. 

^^ 

87 

^_ 

— 

16 



— 

87 

— 

— 

8  00 

— 

95  00 

—          8 

Samedi    . 

^^ 

.  ^  -<7 



— 

18 

— 

— 

77 

—  ■  " 

— 

9  00 

— 

86  OO- 

—           9 

Dimanche 

» 

829 

1,510 

94 

— 

— 

— 

414  50 

151  50 

47  00 

— 

612  50 

10 

Lundi. 



167 



— 

27 

1 

— 

167 

■    — : 

— 

13  50 

0  50 

181  00 

-  "                        A  V 

11 

Mardi. 

^p 

149 



— 

27 

1 

•  — 

149 

— 

— 

13  50 

0  50 

163  00 

12 

Mercredi . 

_^^ 

175 



— 

26 

— 

— 

175 

— 

— 

13  00 

— 

188  00 

-^         13 

Jeudi  .    . 

■ 

550 

^^ 

40 

3 

— 

•IÔ4 

275  00 

—  ■ 

20  00 

1  50 

296  50 

—         14 

Vendredi . 



204 



20 



;■ 

— 

■ — 

10  00 

— 

214  00 

—         15 

Samedi 



^  240 

^_ 



29 

1 

: 

240 

— 

— ' 

14  50 

0  50 

255  00 

—         16 

Dimanche 

ibre.     62 

428 

436 

27 

1 

— 

^-^ 

214  00 

43  60 

13  50 

0  50 

271  60 

Total  général  au  16  noveir 

14,929 

7,959 

8,457 

4,613 

149 

620 

14,929 

3,979  50 

845  70 

2.306  !)D 

74  50 

22,755  20  , 

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JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 
—  Bibliographie.  —  Législation.  —  Notariat. 

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Dixième  ANNÉE.  —  N**  48. 


Le   numéro    :    25    CENTIMES. 


PiMANCHB  30  Novembre  1890. 


L'ART 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DEOÉTS  ET  DE  LA  LITTERATURE 

Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,  ,un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,    fr.    13.00     —  ANNONCES  :    Ou  traite  à  jWiiit. 

,  Adresser  toutes  les  communications  à  _ 

l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


30MMAIRE 


Jules  Laforgue.  Les  derniers  vers,  —  John  Lewis  Brown.  —  La 

question  de3  concerts  populaires.   ^     evolution  adaptatrice.  

Exposition  Van  der  Hix.ht  au  "  Cercle  ».  —  Etat-civil  de  la 
«  Jeune  Belgique  ».  —  Notes  de  Musique.  —  Chronique  judiciaire 
DES  Arts.  Les  œm-res  da  César  Franck. —  Mémento  des  Exposi- 
tions. —  Petite  chhoniqtie. 


Les  derniers  vers 

édités   par  E.   Dujardin   et   F.   Fénéon.  —   Paris,    1890. 

Le  présent  volume  résume  Laforgue.  Sa  lecture 
achevée,  on  connaît,  autant  qu'il  est  possible  de  le  con- 
naître, un  poète  plus  ondoyant  et  divers,  certes,  que  ce 
sempiternel  féminin  dont  depuis  des  siècles  on  rabâche 
l'ondoyance  et  la  diversité  en  des  lieuv  communs  de 
livres  et  de  drames. 

Et,  tout  d'abord,  que  les  éditeurs  soient  remerciés, 
moins  pour  le  soin  matériel  que  pour  l'intellectuel 
qu'ils  ont  mis  à  résumer  en  ce  livre,  non  pas  seul  le 
résultat  du  travail  de  Laforgue,  mais  ce  travail  lui- 
même.  On  reconnaît  la  main  méticuleuse  et  précise  de 
M.  Fénéon  en  ce  scrupuleux  hommage  admiratif  et  fra- 
ternel. 

L'illusion  de.sentir  l'écrivain  lutter  avec  l'expression, 
avec  les  mots,  avec  les  rythmes  impropres,  avec  tous  les 


obstacles  barrant  la  trouvaille,  qui  ne  l'éprouve  au  long 
de  ces  pages?  Et  les  variantes  et  les  éliminations  et  les 
ajoutes  successives  et  tout  l'essai  !  avant  la  fixité  du  texte 
suprême.  Adjectifs  mis  â  différentes  places,  verbes 
synonymes  se  mangeant  l'un  l'autre,  mots  en  trop 
biffés,  mots  en  retrait  mis  en  avant,  idées  retournées 
sur  le  gril,  comparaisons  tout  â  coup  éclatantes  et 
tirées  de  la  brume,  épithètes  à  miroir  qui  jettent  leur 
éclat  bien  au  loin  sur  les  murs.  Tout  le  laboratoire 
montré  soit  aux  curieux,  soit  aux  artistes,  et  par  cela 
même  cher  à  ceux  que  hantent  les  formes  amples  du 
vers"  moderne,  qui  ne  sont  plus  gaines  '  à  bandelettes 
classiques,  mais  draperies  et  robes  serrant  à  volonté 
ou  laissant  libres  la  marche  et  l'attitude  de  ri4,ée.  Rare- 
ment -^  nous  oserions  dire  jamais  —  les  changements 
que  baforgue  fait  subir,  importants,  à  ses  vers,  les  dété- 
riorent. Ils  sortent  plus  purs  et  plus  nets  de  l'élabora- 
tion. Des  exemples? 
Pour  arriver  à  :  » 

Une  bouche  qui  rit  en  campanule 

on  passe  par  : 

1.  Une  bouche  qui  rit  et  capitule  ; 

2.  La  bouche  qui  s'avance  et  capitule  ;     * 

3.  La  bouche  offerte  eu  fraîche  campanule;    ■ 

4.  Une  bouche  en  déclose  campanule  ; 

5.  Une  bouche  en  prenez  ma  campanule; 

6.  Une  bouche  en  baisez  ma  campanule  ; 
,           7.  Une  bouche  déclose  en  campanule. 


Puis  tout  à  coup  un  revenez-y  à  la  première  version 
combinée  avec  la  partie  comparative  de  la  dernière  ;  et 
le  vers  est.  ' 

Encore? 

Pour  aboutir  à 

0  chairs  de  sœur,  ciboires  de  bonheur 

l'écrivain  côtoie  : 


c^ 


1.  0  chères  chairs  ciboires  de  bonheur; 

2.  0  chers  corps  purs... 

3.  0  tristes  corps... 


Le  livre  est  fourmillant  ainsi  de  trouvailles  après 
recherches  multiples  et  tâtonnantes. 

Le  vers  de  Laforgiie  n'est  donc  pas  allant  et  venant, 
primesautier  et  jaillissant  sans  repentirs;  s'il  est  im- 
provisé et  libre,  c'est  en  un  tout  autre  sens. 

Rimbaud,  le  premier,  et  après  lui  les  autres,  chacun 
suivant  son  penchant,  ont  démoli  le  vers  tel  qu'on  le 
concevait,  voici  vingt  ans.  Certes,  les  semences  révolu- 
tionnaires avaient  été  jetées  dans  le  champ  par  Hugo 
et  même  par  André  Chénier.  L'enjambement  —  ce  rien 
du  tout  —  cassait,  décisivement,  les  lois  classiques. 
Chaque  fois  qu'on  l'employait  les  invariables  points 
d'orgue  de  la  rime  étaient,  par  le  fait  même  du  rejet 
du  sens  complet  au  vers  suivant,  destitués  de  leur  pré- 
dominante sonorité.  Suivirent  le  déplacement  de  l'hémis- 
tiche, la  coupure  inédite  de  la  double  césure,  l'emploi 
des  mots  monumentaux  prenant  à  eux  seuls  la  moitié 
de  la  ligne,  les  rimes  entrecroisées  ou  souvent  féminines 
ou  masculines  tout  au  long  d'une  pièce  entière.  Si  bien 
que  grâce  à  ces  évolutions-,  si  l'édifice  de  la  prosodie 
tenait  encore  debout,  du  moins  les  colonnes,  toutes  les 
colonnes,  en  vacillaient. 

Les  modernes  se  sont  attaqués  aux  assises  mènae,  à 
la  rime  et  à  la  métrique.  Cela  n'a  l'air  de  rien  ;  c'est 
énorme.  Au  fur  et  à  mesure  que  les  romantiques  et  les 
parnassiens  transformaient  le  corps  du  vers,  lui  chan- 
geaient, pour  ainsi  dire,  la  position  des  bras  afin  qu'il 
fît"  d'autres  gestes,  soit  plus  audacieux ^  soit  plus  extra- 
vagants —  exemples  :  Banville  et  Bergerat  —  ils  lui 
fortifièrent  les  anpuis,  ils  lui  chaussèrent  solidement  les 
pieds  et  tel,  se  campa-t-il  debout  sur  ses  deux  rimes 
jumelles,  souple,  certes,  et  délié  comme  un  athlète, 
et  inrenversable  comme  lui.  La  rime  riche  fut  le 
brodequin  d'or  de  cet  Hercule  chez  Hugo,  de  ce  clown 
chez  Banville. 

Le  malheur  de  tous  ces  changements,  c'est  qu'ils 
furent  illogiques  et  qu'ils  s'arrêtèrent  à  mi-chemin.  Ou 
bien  faut-il  adopter  le  vers  classique  franchement,  tota- 
lement, avec  son  hémistiche  au  milieu,  ses  douze  syl- 
labes fixes,  sa  mélopée  monotone  et  majestueuse,  ou 
bien  faut-il  aller  droit  au  rythme  et  le  prendre  comme 
moule  unique  de  l'idée  lyrique. 
>  Les  romantiques  et  les  parnassiens  sentaient  si  bien 


que  leur  vers  était  équivoque  et  discorçlant  d'avec  ce 
qui  flottait.de  poésie  dans  l'air,  que  leurs  interprètes  — - 
sans  peut-être  se  rendre  compte  de  ce  qu'ils  avouaient 
ainsi  —  déclamaient  leurs  tirades,  uniquement  préoc- 
cupés de  faire  sentir  le  vers  le  moins  possible.  Ils  réali- 
saient un  acrobatisme  curieux  de  la  voix,  filant  avec 
une  vélocité  d'express,  escamotant  les  rimes,  bafouil- 
lant presque  ou  tout  à  coup  s'arrètant  sur  un  vocable  à 
l'hémistiche,  y  appuyant  longtemps  el  donnant  l'illusion 
que  la  phrase  finissait  à  mi-chemin.  Cela  seul,  mieux 
que  n'importe  quel  aveu  indiquait  l'en-retard  de  la 
versification  romantique  et  parnassienne. 

La  rime  fut  donc  détruite  comme  tout  le  reste,  la 
révolution  se  fit  totale  et  l'idée  prit  la  place  qui  lui  est 
due  en  poésie.  Elle  se  présente  chez  tout  vrai  poète,  pri- 
mordialement,  avec  son  l'ythme  et  sa  couleur.  C'est  ce 
rythme  et  cette  couleur  originelle,  l'un  s'exprimantdans 
la  coupure  et  la  structure  de  la  phrase,  l'autre  dans  le 
son  et  la  juxtaposition  des  vocables^  qu'il  faut  écrire. 

Les  batteurs  de  sons  pleins  dans  les  casseroles  de  la 
rime  riche  n'écoutaient  qu'un  beau  bruit  et  le  notaient 
dans  sa  futilité  et  son  agrément.  Certes,  n'est-il  point 
sensuellement  déplaisant  d'écouter  ces  cliquetis,  et 
même  est-ce  une  préoccupation  artiste  d'assembler  de 
belles  syllabes,  comme  un  joaillier  assemble  des  pierres 
rares  qui  s'harmonient,  —  mais  la  poésie?  c'est  tout 
autre  chose.  Quand  on  lit  dans  Banville  : 

Dans  tout  ce  que  l'Afrique  a  d'air 
Piloii  veut  prendre  Abd-El-Kader. 

On  a  beau  se  dire  qu'on  déchiff're  une  ode  funambu- 
lesque, on  ne  se  persuade  pas  que  dans  une  ode  non 
funambulesque  le  même  Banville  ne  commettrait  les 
mêmes  extravagances  au  nom  de  la  même  rime  riche. 

Laforgue  est,  de  tous  les  poètes  modernes,  celui  dont 
le  rythme  lyrique,  substitué  à  la  prosodie  dogmatique 
et  ault  canons  de  l'alexandrin,  s'étale  le  plus  spontané- 
ment et  le  plus  savamment  à  la  fois  en  des  chefs- 
d'œuvre. 

Et  de  grâce,  qu'on  ne  confonde  pas  le  rythme  avec 
l'harmonie  imitative.  C'est  une  vieille  rengaine.  Le 
rythme  enveloppe  l'ensemble,  et  chaque  partie  d'un 
livre  ou  d'un  fragment  de  livre,  d'une  pièce  ou  d'un 
fragment  de  pièce,  il  exprime  la  marche  et  l'attitude  de 
l'idée;  il  est,  par  conséquent,  tout  autre  chose  qu'une 
répétition  facile  de  sons.  Certes,  les  sons  donnent-ils  la 
couleur  à  l'idée,  mais  pas  petitement  et  enfantinement 
comme  un  ta-ra-ta-ta  ou  un  zim  boum!  Les  syllabes 
ont  une  signification  ou  plutôt  une  concordance  spiri- 
tuelle que  seuls  les  poètes  sentent  et  que  parfois  ils  par- 
viennent à  faire  sentir  à  d'autres.  La  manière  de  sentir 
et  de  fair«  sentir  diffère  de  poète  à  poète. 

La  pièce  la  plus  explicite  de  rythme  dans  le  présent 
volume  de  Laforgue  est  :  V Hiver  qui  vient. 

L'ennui  décourageant,  les  bras  retombants  d'ennui 


\ 


sur  de  l'ennui,  dites,  s'expriment-ils  adéquatement  en 
ces  vers? 

Oh!  tombée  de  la  pluie,  oh!  tombée  de  la  nuit. 
Oh!  le  vent! 

La  Toussaint,  la  N^ël  et  la  Nouvelle- Année. 
Oh!  dans  les  bruines  toutes  mes  cheminées!        • 
D'usines 

Et  la  grosse  et  redondante  importance  de  gloire  du 
soleil? 

Soleils  plénipotentiaires  des  travaux  en  blonds  Pactoles 
Des  spectacles  agricoles. 

Jlt  l'abandon  irrémédiable  et  sinistre  ? 

Et  il  gît  là,  comme  une  glande  arrachée  à  un  cou, 
Et  il  frissonne,  sans  personne.       ''  .  *  . 

Et  la  longueur,  la  toute  longueur  déserte  et  nue  de  la 
route  nioderne?  ^ 

La  rouille  ronge  en  leurs  spleens  kilométriques, 

Les  âls  télégraphiques  des  grand'routes  où  nul  ne  passe. 

Et  le  départ  sonnant  mélancolique  d'une  saison  vers 
l'hiver  stérile  et  tombal? 

Les  cors,  les  tors,  les  cors  —  mélancoliques!....  \.  ^ 

Mélancoliques!.... 

Ces  exemples  suifiseijt.  Tant  par  le  choix  des  mots, 
par  la  coupe  de  la  phrase,  par  la  tour  à  tour  sonorité 
profonde,  multiple,  lourde  ou  plane  des  vocables  que  par 
leur  fuite  ou  leur  insistance  ils  sont  probantes,  super- 
bement. La  pièce  entière  est  d'une  puissance  et  d'une 
unité  irréprochables.  Le  ton  général  d'une  tristesse 
étendue  infiniment  vers  des  loins  de  pluie  et  de  vent 
morne.  Il  s'anime  ou  se  refroidit  suivant  qu'il  souligne 
tel  objet  éclatant  ou- funèbre,  tel  sentiment  doux  pu 
morose.  Des  vers  de  l'ancienne  forme,  il  n'y  en  a  plus, 
ni  de  strophes.  Mais  les  phrases  sont  devenues  njélo- 
dieuses,  ductiles,  sonores,  elles  ont  pris  au  verslson 
esprit  et  son  âme,  à  la  strophe  sa -vie  de  partie  aans 
l'ensemble,  pour  en  faire  une  totalité  neuve. 

Je  ne  sais  si  ces  explications,  toutes  sommaires,  feront 
saisir  combien  en  Laforgue  on  rencontre  de  dons 
natifs,  fonciers,  nets  et  personnels.  Les  choses  d'art 
sont  tellement  subtiles  que  les  artistes  seuls  les  sai- 
sissent. Il  faut  déjà  les  comprendre  soi-même  pour  pou- 
voir en  saisir  l'explication.  Rien  ne  se  raisonne  moins 
et  rien  n*e;st  plus  aisé  à  être  mal  aperçu.  Leâ  non- 
artistes  interprètent  mal,  toujours  ;  c'est  à  quoi  on  les 
reconnaît.  Puis,  il  y  a  les  gens  qui  font  profession 
d'esprit;  ceux-ci,  auxquels  on  reconnaît  de  la  finesse, 
sont  le  plus  souvent  en  poésie  de  très  grossiers  mon- 
stres aveugles.  Ils  ne  sont  au  fait  de  rien  et  blaguent 
tout. 

Daiis  un  article  prochain  nous  examinerons  la  manière 
de  sentir  et  d'exprimer  laforgienne. 


John-Lewis  Brown. 

Un  peinlre  d'un  réel  laleni,  peu  apprécié  de  ses  contemporains 
(faul-il  s'en  éionner?),  John-Lewis  Brown,  vient  de  mourir  k 
Paris,  Il  s'était  consacré,  presque  exclusivement,  à  la  peinture 
sporlivé  :  chasses  à  courre,  cavaliers,  courses  de  chevaux,  can- 
lors  malinaux  dans  les  allées  du  Bois,  trotinements  sous  les 
ombrages  de  RoUen-Row.  C'est,  avec  Degas,  l'artiste  qui  comprit 
le  mieux  le  cheval,  qu'il  étudia  en  sportsman  accompli  et  en 
peinlre. 

Moins  heureux  qu'Alfred  de  Dreux,  et  certes  parce  qu'il  fut 
infiniment  plus  artiste  que  lui,  il  n'arriva  pas  à  réaliser  le  rêve 
qu'il  semblait  caresser  :  devenir  le  peintre  du  high-life,  voir  ses 
tableautins  installés,  aux  bonnes  places,  dans  les  salons  aristo- 
cratiques, être  le  poète  des  élégances  hippiques.       • 

Ce  qui  effaroucha  le  public  spécial  auquel  il  s'adressa,  ce  fut  la 
nuance  d'impressionnisme  dont  il  teinta  son  art,  influenc^  par  lia 
théorie  du  plein  air  triomphalement  instaurée  par  Manet.  On  ne 
lui  pardonna  point  tels  reflets  de  ciel  bleu  sur  des  luisants  de 
croupe,  telle  réaction  de  feuillée  verie  sur  un  poitrail  alezan,  sur 
l'écarlate  immaculé  d'un  hunting-drcss..  El  tandis  que  les  artistes 
se  réjouissaient  de  sa  fière  évolution,  il  était  dédaigné  d«  ceux  qui 
avaient  applaudi  aux  toiles  bitumeuses  et  sèches  qu'il  peignit,  à 
.  ses  débuts,  dans  la  manière  de  Meissonier  :  le  Comte  de  Saxe, 
Un  épisode  de  la  guerre  de  Cent  ans,  etc. 

John-Lewis  Brown  meurt  à  61  ans.  Il  était  Anglais  d'origine. 
Français  de  naissance.  Un  portrait  fort  intéressant  de  Boldini, 
exposé  au  Champ-de-Mars  en  li889,  le  représente,  en  pied,  sor- 
tant de  chez  lui,  avec  sa  femme  et  sa  fdie,  l'air  joyeux,  rieur,  sa 
grande  barbe  de  patriarche  en  coup  de  vent. 

Une  attaque  de  paralysie  survint,  qui  l'emporta. 

Il  laisse  dans  l'histoire  de  l'art  le  souvenir,  sinon  d'un  grand 
peintre,  du  moins  d'un  sincère  et  d'un  convaincu  dont  la  personha- 
lilé  .marque  suffisamment  l'œuvre  pour  que  celle-ci  demeure 
debout  dans  le  désarroi  des  banalités  ambiantes. 


La  question  des  Concerts  populaires 

Le  Collège  échevinal  ayant  officiellement  refusé  à  la  Société 
des  Concerts  populaires  la  disposition  de  la  salle  de  la  Monnaie 
pour  les  motifs  que  nous  avons  exposés  précédemment  (1),  la 
Société  en  appelle  de  cette  décision  au  Conseil  communal,  et,  dans 
une  IcUre  qui  lui  sera  communiquée  à  la  prochaine  séance, 
défend  avec  beaucoup  de  dignité  les  droits  acquis  par  une  insti- 
tution ai'listiquc  qui  a  vingt-cinq  ans  de  date  et  qui  a  rendu  à 
l'Art  des  services  que  nul  ne  peut  contester. 

Nous  souhaitons  vivement  que  les  membres  du  Conseil,  mieux 
avisés  que  le  Collège,  comprennent  le  tort  que  causerait  à  notre 
capitale  la  disparition  des  Concerts  populaires.  Nous  avons  dit, 
—  et  toute  la  presse  avec  nous,  —  tout  ce  qu'il  y  avait  à  dire  à 
ce  sujet.  L'cmotioii  causée  par  la  décision  inattendue  du  Collège 
est  loin  d'être  calmée,  et  partout  s'affirme  avec  énergie  le  désir 
de  la  voir  rapporter. 

D'autre  part,  M.  Joseph  Dupont  a  spontanément  écrit  à  la  Ville 
que  si  sa  direction  était  un  obstacle  au  maintien  des  Concerts  (et 

vraiment,  on  ne  découvre  dans  toute  cette  affaire  qu'une  fort 

'      .  .'"  ■ 

(4)  Voir  l'Art  moderne  du  16  novembre.) 


mesquine  rivalité  personnelle)  il  déposerait  sOn  bâton  de  chef 
d'orchestre  pour  sauver  Tinslitution. 

De  leur  côté,  les  compositeurs  belges,  reconnaissants  des  ser- 
vices que  leur  ont  rendus  les  Concerts,  se  sont  réunis  cette 
semaine,  sur  l'initiative  de  M.  Emile  Maihicu,  et  protestent  à  leur 
tour  contre  la  mesure  prise  par  le  Collège.  MM.  Vanden  Eeden, 
Huberti,  Tinel,  Raway,  sont  au  nombre  des  protestataires. 

Des  bruits  étranges  circulent.  On  assure  qne  l'ultimatum  des 
directeurs  de  la  Monnaie  cache  le  projet  de  créer,  au  Théâtre,  des 
concerts  nouveaux  et  que  c'est  en  vue  dfe  ces  concerts  qu'on  s'efforce 
de  tuer  les  Concerts  populaires  pour  reprendre  leur  clientèle. 

Il  nous  semble  que  Bruxelles,  avec  sa  population  de  550,000 
habitants,  compte  un  nombre  suffisant  d'amateurs  de  musique 
pour  alimenter  deux  institutions  artistiques,  étant  donné  surtout 
que  les  concerts  de  la  Monnaie,  pour  lesquels  on  utiliserait  natu- 
.  rellemenl  le  personnel  de  la  troupe  et  des  chœurs,  auraient  un 
•caractère  particulier,  très  différent  des  concerts  symphoniques  de 
M.  Dupont. 

•  Nous  avons  dit  pourquoi  le  Théâtre  de  l'Alhambra  convenait 
moins  bien  aux  Concerts  populaires  que  le  Théâtre  de  la  Monnaie. 
Mais  il  est  une  autre  salle,  fort  bien  située,  et  qui  réunit  toutes 
les  conditions  désirables  :  c'est  celle  du  Conservatoire.  Pourquoi- 
M.  Gevaert  ne  la  meltrait-il  pas  à  la  disposition  de  la  Société?  Ce 
serait  faire  preuve  d'initiative  artistique  et  de  bonne  confraternité. 

On  a  remarqué  qu'en  toute  occasion  il  autorise,  en  cette  salle 
liabituéci  à  la  musique  des  morts,  l'exéculiOn  d'oeuvres  des  auteurs 
vivants.  Aux  distributions  de  prix,  aux  auditions  d'élèves,  aux  ' 
séances  organisées  par  les  "pi'ofcsseurs  d'instruments  à  vent,  la 
musique  moderne  se  mêle  aux  œuvres  les  plus  solennellement 
classiques,  —  comme  l'Amour  profane  à  l'Amour  sacré.  Agrandir 
le  cadre  deccs  auditions,  en  confier  l'organisation  à  la  Société 
des  Concerts  populaires  —  qui-  a  fait  ses  preuves,  —  nié  serait-ce 
pas  assurer  au  Conservatoire  les  sympathies  de  tous  et  mériter 
dignement  de  l'Art? 

C'est  ce  que  M.  Radoux  a  fait  à  Liège,  avec  beaucoup  d'ama- 
bilité, en  faveur  des  Nouveaux  concerls  de  M.  Sylvain  Dupuis. 


ÉVOLUTION  ADAPTATRICE 

Certains  articles  ont  la  propriété  d'exciter  singulièrement  les 
admirations,  les  critiques,  les  réflexions  et  de  mettre  les  lecteurs 
en  effervescence.  Telle  celte  étude  de  notre  avant-dernier  numéro 
intitulée  :  Evolution  adaptatrice.  Les  communications  pleuvent 
alors,  toutes  très  bien  venues  car  elles  attestent  la  communion 
dés  sentiments  et  la  réciproque  confiance  dans  les  recherches 
pour  l'art  et  la  curiosité.  En  vcici  une,  doublement  intéressante, 
parce  qu'elle  est  originale  et  qu'elle  est  féminine  : 

«  Je  pense,  je  pense  et  je  vois  de  moins  en  moins  clair.  Pourquoi 
celte  misère  des  compliqués  et  vertigineux  jours  où  nous  vivons? 
Pourquoi  compliqués?  Nous  n'avons  donc  pas  soif  d'unité,  de 
simplicité,  de  quelque  chose  de  grand  et  de  fort  qui  nous  absorbe 
tout  oniicrs  et  nous  pacifie?  Et  nous  n'avons  pas  en  nous  la  force 
de  secouer  cette  diversité,  ce  multiple  éparpillement  de  nous- 
méme  que  nous  apporte  notre  situation  dans  le  «  défilé  montant», 
et  obscur?  Oh!  oui  obscur!  et  que  Maeterlinck  est  bien  venu  à 
son  heure,  peignant  la  lourde  terreur  d'êtres  qui  s'agitent  sans 
savoir  où  ils  vont,  éires  sans  foi,  sans  lumière,  sans  amour! 

«  Je  ne  vous  crois  pas  quand  vous  dressez  cette  funèbre  plai- 


santerie à  fond  sérieux,  des  pédoncules  filamenteux  (merci  !).  Elle 
peint  bien  la.  tendance  de  nos  esprits,  pourtant  !  Mais  nous  laisser 
rions  les  choses,  les  choses  inertes,  la  matière  amoncelée,  alam- 
biquée,  réagir  sur  nous,  et  continuera  détruire  le  corps?  Diriez- 
vôus  facilement  où  l'âme  commence  et  où  le  corps  finit.  Les  vrais 
INTELLECTUELS?..  Nou  n'est-co  pas?  C'est  naïf  de  ma  part  de  partir 
en  guerre  contre  ces.  filamenteux-là.  J'ai  tant  k  dire  que  ça 
m'étouffe.  \       * 

«  Nous  sommes  dans  l'obscurité  parce  que  notre  généralisation, 
notre  unité,  notre  religion,  s'est  trouvée  trop  petite  pour  conte- 
nir la  brassée  de  faits  nouveaux  apportés  par  les  siècles  ;  et  en 
attendant  une  synthèse  qui  les  renferme  tous,  —  encore  du  provi- 
soire sans  doute,  —  nous  sommes  dans  le  passage  pénible, 
tumultueux  de  l'attente.  Voilà  ce  qui  fait  le  compliqué  de  notre 
vie.  On  a  soif,  soif  à  mourir  «  d'exprimer  l'être  humain  en  sa 
totalité  »,  de  se  donner  corps  et  âme  à  ime  seule  chose.  On  est 
tellement  ballotté  que  parmi  ceux  qui  sentent  et  qui  pensent, 
beaucoup,  de  guerre  lasse,  se  rejetienl  dans  les  vieilles  religions 
pour  trouver  cette  unité  qui  leur  manque  ailleurs, —  niant 
l'aube  d'aujourd'hui,  parce  qu'elle  n'a  pas  l'éclat  du  jour  d'hier. 

«  Et  les  femmes,  les  malheureuses  femmes  qui  n'ont  qu'une 
grandeur,  elles,  celle  de  pouvoir  se  donner  tout, entières,  — 
elles  sont  rapetissées,  diminuées,  si  bien  que  vous  ne  les  recon- 
naissez plus,  et  que  vous  niez  qu'elles  aient  une  âme;  —  une 
âme  c'est  l'unité  dont  on  vit.  Elles  n'ont  plus  Dieu,  et  pour  le 
moment,  elles  n'ont  presque  plus  l'Homme,  qui  s'ôle  lui-même 
l'auréole  chimérique  que  lui  tissaient  nos  imaginations. Nous  admi- 
rions saforce,  c'était  encore  une  petite  lumière,  et,  l'esprit  som- 
meillant d'ailleurs,  nous  nous  contentions  de  diviniser  ces  affirma- 
teurs,  ces  confiants,  ces  lutteurs  riant  des  obstacles.  El  voilà  que, 
dans  l'obscurité,  ces  lutteurs  perdent  courage,  audace  et  se  met- 
tent à  avoir  pcwr  comme  nous. 

«  Allons,  prenez  votre  forte  massue  et  fendez  les  ténèbres  avec 
votre  volonté.  Dites-nous  q^ue  l'unité  est-là»  de  l'autre  côté,  que 
vous  la  découvrirez.  El  pour  commencer  n'essayez  pas  de  la  nier 
en  divisant  l'âme  et  le  corps  comme  le  moyen-âge.  Il  y  a  si  long- 
temps qu'on  les  oppose  l'un  à  l'autre,  qu'ils  ont  bien  mérité  un 
repos,  une  fusion,  une  réunion.  A  bas  Tolstoï,  qui  me  paraît  la 
dernière  négation  du  monde  aveugle,  derrière  la  porte  du  jour, 
qui  va  s'ouvrir  ! 

«  La  religion,  la  morale  de  l'avenir  ne  sera  pas  une  religion  ni 
une  morale  de  l'âme  seule,  elle  absorbera  l'homme  corps  et  âme. 
Ces  pauvres  sens!  en  a-t-on  médit!  qu'est-ce  qu'ils  faisaient  de 
mal  pourtant?  Rien,  sinon  de  n'être  pas  un  avec  l'âme,  et  l'âme 
faisait  l'aristocrate  et  ne  les  voulait  pas  entendre,  et  iio  se  ven- 
geaient en  se  gobergeant  tout  seuls. 

«  Quand  verrons-nous  celte  vérité  si  claire  que  nous  ne  sommes 
qu'j/n,  que  nos  sens  et  notre  âme  n'ont  qu'une  seule  tendance,  la 
même? 

«  Sur  ce  sujet,  on  se  perdrait  comme  en  pleine  mer. 

«  Non,  Vempire  ne  sera  pas  aux  prompts,  il  sera  aux  simples, 
à  ceux  qui  auront  pratiqué  la  «  purgaiion  des  superfluilés  »,  la 
concentration  de  tout  leur  être,  qui  fait  la  force. 

«  Ceci  c'est  la  conclusion  féminine.  J'aimerais  mieux  être  une 
vieille  guenon  (souhait  réalisé,  du  reste)  et  passer  ma  vie  à 
écraser  tendrement  là  vermine  de  mes  petits  gorilles,  à  leur 
donner  toute  ma  force,  toutes  «mes  malices^  tout  ce  que  j'ai,  me 
dépensant  corps  et  âme  pour  ces  chers  et  affreux  petits  singes, 
que  d'être  un  de  ces  vrais  intellectuels  qui  doivent  mourir 


■■■M 


L'ART  MODERNE 


381 


anémiques,  forcémenl,  faute  d'avoir  trouvé  une}  unité  qui  les 
nourrisse,  une  unités  une  simplicité,  une  li(;ne  qui  les  rende 
libres,  et  les  délivre  de  celte  maudite  complexité,  débauche 
inutile  du  cerveau,  de  tout  i'élre. 

«  Je  me  ronge  de  colère  de  ne  pouvoir  pas  m'exprimer.  Mais 
c'est  le  rôle  des  hommes  de  «  comprendre  ».  Nous  n'avons  que 
des  sensations  vagues.  Débrouillez-les,  car  elles  sont  en  général 
vraies. 

,  «  Un  Tpédonc^le  auquel  il riûmanqueqiCune  certaine 

ténuité  pour  êtreélamenteux.  » 


Exposition  Van  der  Hecht  au\Gerclo  ». 

Que  dire  de  l'Exposition  au  Cercle  artistique\es  toiles  de 
M.  Van  der  Hecht?  ^  \ 

Voilà,  certes,  du  labeur,  un  travail  considérable,  des\loiles  et 
des  toiles.  Mais  laquelle,  dites,  n'a  pas  été  vue?  laquelle  h'a  pas 
son  duplicata  chez  tant  d'autres  peintres  également  laborieux  et 
habiles  et  quelconques  ? 

On  connaît  ces  paysages,  leur  touche,  leur  facture,  leur  cou-^ 
leur.  Ils  ne  diffèrent  guère.  Seules,  les  mises  en  pages  de  M.  Van 
der  flechtont  quelque  personnalité.  El  nous  sommes  heureux  de 
pouvoir  signaler  ce  point,  surtout  en  sa  grande  toile  :  V Arc-en- 
ciel.  Tandis  que  nombreux  sont  ceux  qui  recherchent  à  fixer  le 
milieu  de  hletle  comme  le  centre  d'un  soi-disant  inlérôl  ou  que 
d'aulres'^veulenl  réaliser  de  pittoresques  dispositions,  celui-ci 
s'installe  plus  simplement  devant  la  nature,  n'a  guère  crainte 
de  rayer  ses  œuvres  de  rangées  d'arbres  allant  à  droite,  à  gauche, 
et  de  groupes  disséminés  au  hasard.  Il  évite  ainsi  la  monotonie, 
la  recette  et  la  convention,  et  ses  œuvres  avec  leurs  apparences 
de  négligence,  forment  néanmoins  en  ensemble. 

Mais,  hélas,  ces  tons  sales,  terreux,  sans  vraie  lumière  et  archi- 
vus? 


ETAT-CIVIL  DE  «  LA  JEUNE  BELGIQUE  » 

Bruxelles,  ce  26  novembre  1890. 

Messieurs  les  Directeurs  de  VA  rt  moderne,' 
i  ... 

Après  avoir  résolu,  dans  votre  dernier  numéro,  une  délicate 

opération   d'arithmétique  sur   le  commencement  du   prochain 

siècle,  vous  en  faites  une  fâcheuse  application  à  la  Jeune  Belgique. 

Vous  voulez  à  tout  prix  rajeunir  notre  revue.  La  tenlalive  est, 

certes,  louable,  mais  dans  l'ôccurence  nous  fûmes  assez  perplexe 

en  voulant  découvrir  les  raisons  qui  vous  firent  rectifier  notre 

état-civil.    L'hypothèse  de  l'éternel    besoin  de  vérité  qui  fait 

dénoncer  l'erreur  en  toute  chose  est  acceptable;  et,  de  fait,  notre 

prétendue  crreuFtlèvàit  d'aliTant  plus  facilement  vous  sauter  aux 

yeux  que,  dans  une  récente  circulaire,  envoyée  avec  discernement 

à  vos  abonnés,  vous  parliez  de  dix  ans  pour  VArt  moderne  qui 

vit  le  jour  l'année  de  l'apparition  de  notre  nouveau  titre  :  la  Jeune 

Belgique;  vous  pouviez  donc  facilement  juger  par  analogie.  Car 

notre  revue  ne  s'est  pisTfoujours  appelée  la  Jeune' Belgique  et 

comme  VElan  littéraire  qui  changea   son  titre  pour  celui  de 

Wallonie,  la  Jeune  Revue  changea  le  sien  potir  celui  de  Jeune 

Belgique. 

Quelques  dates  maintenant,  si  vous  le  voulez  bien  :  la  Jeune 

Revue  ïati  fondée  en  décembre  1880  et  pendant  sa  campagne 


littéraire  elle  vit  naître  l'Art  moderne  et  eut  l'occasion  de  lui 
faire  ses- souhaits  de  bienvenue  dans  son  numéro  de  mars  1881. 
Quelques  mois  après  avait  lieu  la  transformation  de  la  Jeune 
Revue  et  dans  cette  circonstance  voici  ce  qu'il  fut  écrit  en  téie  du 
fascicule  de  décembre  1881  :  k 

«  La  rédaction  de  la  Jeune  Revue  emporte  ses  lares  et  émigré. 
Elle  abandonne  son  titre.  Désormais  nous  nous  intitulons  :  Lk 
Jeune  Belgique.  » 

Conclusion  :  Jeune  Belgique  et  Jeune  Revue  ne  font  qu'un; 
date  de  fondation,  décembre  1880.  En  comptant  bien  les  années, 
on  a  comme  total  dix  ans  révolus. 

Excusez  cette  lettre,  déjà  trop  longue,  pour  une  pareille 
chicane,  mais  nous  sommes  bien  forcés,  sans  vouloir  toutefois 
réclamer  l'épithète  de  «  locomotive  »  d'avouer  notre  ûge  véri- 
table devant  votre  conseil  de  revision.  ' 

De  tout  ceci,  nous  ne  retiendrons  que  la  phrase  que  vous  écri- 
viez en  terminant  :  «  Courte  ou  longue,  âgée  ou  non  de  neuf  ans, 
la  Jeune  Belgique  n'en  a  pas  moins  été  vaillante  combattante,  et 
c'est  assez». 

Nous  luttons  souvent  tous  deux,  pour  la  même  cause;  nos  mêmes 
adversaires  auraient  trop  beau  jeu  si  nous  divisions  nos  propres 
forces.  Il  y  a  encore  de  la  besogne  à  faire,  de  la  bonne  besogne 
pour  fonder,  en  Belgique,  un  centre  vraiment  artistique  et,  si 
nous,  convions  tous  les  artistes  à  un  grand  banquet  pour  fêter 
notre  dixième  anniversaire,  c'est  avec  l'espoir  que  cette  fête  leur 
donnera  n^n  nouveau  courage  et  de  nouveaux  enthousiasmes. 

J'espère  de  votre  loyauté,  l'insertion  de  cette  lettre  dans  votre 
prochain  numéro  et  vous  prie  d'agréer  mes  salutations  confrater- 
nelles. 

\  Valère  GILLE, 

.\  H'irecleur  de  la  Jeiine  Belgique. 

Nous  insérons  avec  plaisir  cette  lettre  aimable.  Dès  que 
l'âge  des  ascendants  s'ajoute  à  celui  des  descendants  (le  mort 
saisit  le  vif),  ou,  plus  exactement  dès  qu'il  faut  compter  aux 
Revues  non  seulement  les  mois  de  nourrice,  mais  aussi  la  vie  intra- 
utérine,  nous  nous  avouons  convaincus.  Et  ce  d'autant  plus  volon- 
tiers que,  dans  ce  système  de  computalion  césarienne,  nous 
aurions,  à  notre  tour,  le  droit  d'ajouter  à  nos  ans  ceux  de 
l'Artiste  qui  nous  apporta  ses  lares,  qu'il  tenait  de  l'Art 
univet'sel,  qui  les  tenait  d'un  autre,  qui  les  tenait  d'un  auirc, 
et  ainsi  de  suite  jusqu'à  cette  Liberté,  insolemment  novatrice  qui 
fut  fondée  le  12  mars  1865  et  batailla  si  bien  liiiérairement  contre 
les  Géronle  du  temps.  Oh  !  les  généalogies  !  Nous  n'avions  été 
préoccupés  que  de  cette  phrase  :^  «  l'Art  moderne,  U7}e  de  7ios 
recrues  »  !!!  C'était  curieusement  hardi.  L'Art  moderne,  s'il  eut 
des  ancêtres  (on  est,  dit  Bridoison,  toujours  fils  de  quelqu'un)  a 
toujours  eu  sa  vie  propre  et  ne  fut  recruté  par  quiconque. 
Seulement,  il  faudra  que  la  Jeune  Belgique  change  la  tomaison 
de  ses  coUectipns  dont  le  1*'  volume  est  1881-1882  et  non 
1880-1881. 

Sur  ce  nous  souhaitons  grand  succès  au  banquet  des  Jeunes, 
qui  valent  mieux  que  nous,  déjà  par  cette  seule  raison  et  ce 
seul. devoir  qu'ils  viennent  après  nous.   - 


J^OTE?     DE    iJVluglQUE 


Le  Cercle  d'escrime  offrira  ce  soir  à  ses  membres  un  concert 
instrumental  et  vocal.  Au  programme  figurent  des  œuvres  de 


Messager,  Massenel,  Hillemacher,  Marty,  P.  Le  Borne,  Ph.  Flon, 
M.  Lefèvre,  etc.  On  sait  que  les  soirées  du  Cercle,  dues  à  Tintelli- 
genle  initiative  de  son  président,  M.  Albert  FierlantSi  sont  toujours 
très  intéressantes  et  très  suivies. 


* 


Signalons,  pour  mémoire,  —  un  empêchement  nous  ayant  pri- 
vés du  plaisir  d'y  assister,  -^  la  deuxième  séance  classique  de  la 
Maison  Schotl  à  la  Grande  Harmonie.  M™»  Teresa  Carreno  y  a 
remporté  un  sérieux  succès  de  pianiste  en  interprétant  avec  beau- 
coup de  goût  VApassionnata  de  Béeilioven  et  diverses  composi- 
tions de  Schubert  de  Chopin  et  de  Liszt.  . 

mme  Marcy  s'est  fait  également  applaudir  en  chantant  d'une 
jolie  voix  un  air  de  Hsendel,  \z  Sérénade  inutile  de  Brahms,  une 
mélodie  de  Boris  Schccl  et  deux  compositions  nouvelles  d'auteurs 
belges  :  Dis-moi,  d'Emile  Agnicz,  et  Le  temps  des  roses,  de 
Philippe  Flon. 

Ces  deux  œuvreltes., dont  la  première  comprend  deux  mélodies 
(l'une,  Berceuse,  fut  chantée,  ce  printemps,  avec  accompagnement 
d'orchestre,  au  concert  du  Club  symphonique),  viennent  d'ôlre 
publiées  par  la  Maison  Schott  et  seront  vraisemblablement,  cet 
hiver,  sur  tous  les  programmes  de  séances  musicales  intimes. 

Le  troisième  et  dernier  concert  aura  lieu  le  samedi  18  décetnbre 
avec  le  concours  de  MM.  Diémer,  Thomson  et  E.  Jacobs.      - 


*  * 


La  première  séance  de  musique  de  chambre  pour  instruments 
\\  vent  cl  piano  organisée  par  les  professeurs  du  Conservatoire,  a 
été  également  trèsbri liante.  Les  excellents  inlerprèles  ont  donné 
une  nouvelle  audition  du  Sextuor  de  Thuille(1)et  de  l'Ottettode 
Gouvy,  entendus  tous  deux  précédemment.  Une  pri?mière  exécu- 
tion :  âSer^Mflde  pour  deux  flûtes,  deux  hautbois,  deux  clari- 
nettes, quatre  cors,  deux  bassons  et  contre-basson,  —  tout  un 
petit  orchestre  d'instruments  à  vent,  —  de  Richard  Strauss,  l'un 
(les  plus  remarquables  compositeurs  delà  Jeu  ne- Allemagne. 

M'">  Elly  Warnots,  chargée  des  intermède?,  s'est  acquittée  avec 
succès  de  sa  tâche  en  interprétant  de  très  jolies  vieilles  chansons 
et  les  trop  souvent  entendues  Variations  de  Rode. 


*  * 


Le  premier  des  Nouveaux  concerts,  fondés  depuis  deux  ans,  à 
Liège,  par  MM.  Sylvain  Dupuis  et  Vandenschilde,  aura  lieu 
aujourd'hui,  dimanche. 

Il  sera,  en  partie,  consacré  aux  œuvres  de  César  Franck,  On  y 
entendra  sa  Symphonie,  un  Hymne  pour  voix  d'hommes  et  orchestre 
et  le  thœur  des  Chameliers  de  Rébecca.  Les  chœurs  seront  chantés 
par  la  Légia.  Le  soliste,  .M.  Cari  Hiilir,  jouera  le  Concerto  pour 
\iolon  et  orchestre  d'Edouard  Lassen. 


^HRONiqUE    JUDICIAIRE    DE?    J\rT^ 
Les  œuvres  de  César  Franck. 

Au  lendemain  de  la  mort  de  César  Franck,  M.  Verdhurt,  direc- 
teur du  ThéâtrcrLyrique,  annonça  une  audition  des  œuvres  du 
Maître.  Le  concert  devait  avoir  lieu  hier,  samedi;  la  répétition 
générale  la  veille. 

On  devait  entendre  les  Variations  symphoniques  pour  piano  et 
orchestre,  exécutées  pyr  M.  Diemer,  le  Chasseur  maudit,  des 
fragments  de  Rulli  et  Réilemplion,  dont  te  rôle  principal  devait 
être  chanté  par  M™*  Fursch-Madier. 

(1)  Voir  V Art  Moderne  du  18  mai  1890. 


M""»  V«  César  Franck  estima  que  cette  exécution  était  beaucoup 
trop  précipitée  et  que,  loin  d'être  favorable  à  la  mémoire  de 
l'artiste,  elle  ne  pourrait  que  donner  de  ses  œuvres  une  idée 
incomplète.  Elle  s'opposa  donc  formellement,  par  voie  de  référé, 
à  toute  exécution. 

M.  le  président  a  rendu  l'ordonnance  suivante  : 

«  Nous,  président,  etc..    . 

»  Attendu  que  les  demandeurs  sont  la  veuve  et  les  fils  de 
César  Franck,  récemment  décédé; 

«  Qu'aux  termes  des  lois  qui  régissent  la  propriété  artistique 
ils  ont  seuls,  en  ladite  qualité,  le  droit  d'autoriser  la  représenta* 
tion  des  œuvres  du  défunt.  | 

«  Que  la  répétition  générale  et  le  festival  annoncés  par  Ver- 
dhurt, comme  directeur  du  Théûire  Lyrique,  pour  ce  soir  et 
demain  soir,v'doivent  comprendre  l'audition  de,  plusieurs  œuvres 
de  César  Franck  ; 

«  Que  les  demandeurs  déclarent  qu'aucune  autorisation  n'a  été 
donnée  à  ce  sujet  ni  par  leur  auteur  avant  sa  mort,  ni  par  aucun 
d'eux  depuis  celte  mort; 

«  Que  Verdhurt,  assigné  régulièrement  pour  l'audience  d'hier, 
n'a  point  comparu,  malgré  la  remise  à  aujourd'hui,  prononcée 
pour  faciliter  la  production  de  ses  moyens  de  défense; 
—  «  Qu'il  n'apparaît  donc  point  qu'il  ait  aucun  droit  qui  puis^se^ 
contredire  celui  que  les  demandeurs  licnncni  de  la  loi; 

«  Que  ce  droit  les  autorise  à  interdire  toute  représentation  fuite 
sans  leur  consentement  ; 

«  Que  provision  est  due  à  leur  litre; 

«  Qu'i]  y  a  urgence  ;  \; 

«  Par  ces  motifs, 

«  Autorise  les  demandeurs  à  s'opposer  à  l'exécution  annoncée 
pour  ce  soir  et  pour  demain  sur  le  Théâtre-Lyrique  d'une  œuvre 
musicale  quelconque  de  César  Franck  ;  et  ce,  au  besoin  avec  l'as- 
sistance du  commissaire  de  police.  » 


Mémento  des  Expositions 

Glasgow.  —  Trentième  Exposition  de  l'Institut  des  Beaux-Artà 
—  1.^  décembre-! 5 -mars.  —  Gratuité  de  transport  pour  les 
artistes  invités.  Délai  d'envoi  :  expiré;  —  Renseignements  : 
Robert  Walker,  secrétaire. 

Milan.  —  Exposition  triennale  des  Beaux-Arts.  —  l^'-SO  juin 
1891.  -^  Trois  prix  de  4,000  francs  chacun,  fondés  par  le 
roi  Humberl,  décernés  à  laipeinture  et  à  la  sculpture.  Trois  prix  de 
4,000  francs  chacun,  fondés  par  SaverioFumagalli,  décernés  à  la 
sculpture,  à  la  peinture  religieuse,  historique  ou  de  genre.  Un 
prix  de4,000  francs,  fondé  par  Antonio  Gavazzi,  décerné  à  la  pein- 
ture historique.  Médailles  ei  diplômes. —  Les  demandes  d'admis- 
sion devront  être  adressées  au  président,  M.  Emile  Visconli- 
Venosta,  à  l'Académie  des  Beaux- Arts  de  Milan. 

Paris.  —  Union  artistique  des  dessinateurs.  Première  exposi- 
tion de  modèles  et  croquis  artistiques.  1-1^  décembre,  galerie 
Vivienne,  IS.  Imagéi-ie  pour  chromolithographier  enluminure, 
décoration,  pofiraii,  modèle^  pour  l'eji^eignemenl,  illustration  de 
volumes,  gravures  de  modes,  illustration  pour  musique,  modèles 
pour  bijouteries,  fantaisies,  etc.  Délai  d'envoi  :  5  décembre. 
Renseignements  :  M.  Bruyas,  galerie  Vivienne,  32,  Paris. 

Pau.  —  Vingt-septième  Exposition  de  la  Société  des  Amis  des 
Arts.  —  15janvier-i5  mars.  —  Deux  œuvres  par  exposant.  — 
Gratuité  de  transport  pour  les  artistes  invités.  —  Délai  d'envoi  : 
Notices,  8  décembre.  OEuvres  :  20  décembre.  —  Renseigne- 
ments :  G.  Tardieu,  secrétaire  général. 


Petite  chronique 


Nous  avons  reçu,  la  semaine  dernière,  les  premières  livraisons 
de  Irois  revues  fratchemenl  écloses.  El  l'on  dii  que  l'ârl  est  dans 
le  marasme!  L'une  de  ces  revues  est  publiée  à  Leyde  (Pays-Bas), 
Elle  est  inlilalée  :  Kunstkroniek,  lectutir  voor  de  huiskâmer. 
Elle  paraît  tous  les  mois  en  fascicules  in-folio  ornés  de  photo- 
gravures et  de  gravures  sur  bois.  Des  primes  compliquées  sont 
réparties  entre  les  abonnés  par  un  tirage  au  sort  ;  service  à  thé, 
piano,  couverts  en  argent..,  % 

Une  autre  nous  vient  de  Paris.  C'est  une  publication  hebdo- 
madaire du  format  de  VArt  moderne  et  que  ses  parrains, 
MM.  Camille  de  Roddazel  Yveling  Rambaud,  ont  baptisée  VArt 
dans  les  Deux-Mondes.  Le  journal  s'occupera  des  maître 
anciens  et  des  maîtres  modernes,  du  bibelot,  des  expositions,  des 
collections,  eic.  La. première  livraison  contient  un  joli  dessin  de 
Miss  Cassatt  et  un  croquis  de  J.-L.  Brown  par  Marcelin  Desboutin. 
Le  prix  d'abonnement  est  de  20  francs  pour  Paris,  de  24  francs 
pour  les  autres  pays. 

Enfin,  on  nous  adresse  la  Critique  encyclopédique  interna- 
tionale, mouvement  bibliographique  universel,  que  publie  tous  les 
mois  un  comité  anonyme  dont  le  rédacteur  en  chef  sigoe  : 
L'Ombre  d'Aristarque.  Cela  fait  frémir.  Il  ne  s'agit,  au  demeurant, 
que  d'un  bulletin  renseignant  l'apparition  de  tous  les  livres... 
qui  seront  envoyés  à  la  rédaction,  rue  de  Trêves,  38,  h  Bruxelles. 

Flaubert  et  le  noble  journalisme!  paroles  d'Edmond  de 
Concourt  :  «  Sait-on  à  l'heure  présente  que,  do  son  vivant,  la  cri- 
tique mettait  une  certaine  résistance  à  lui  accorder  môme  du 
talent.  Quedis-je,  résistance?  Celte  vie,  remplie  de  chefs-d'œuvre, 
lui  mérita  quoi  ?  la  négation,  l'insulte,  le  crucifiement  moral.  Ah! 
il  y  aurait  un  beau  livre  vengeur  à  faire  de  toutes  les  erreurs  elles 
injustices  de  la  critique,  depuis  Balzac  jusqu'à  Flaubert.  Je  me 
rappelle  un  article  d'un  journaliste  politique  affirmant  que  la  prose 
de  Flaubert  déshonorait  le  règne  de  Napoléon  III,  et  je  me  rap- 
pelle encore  un  article  d'un  journal  littéraire  où  on  lui  reprochait 
un  style  épileptique  ». 

Eh  bien,  c'est  odieux,  mais  ça  continue.  Après  Flaubert  un 
autre,  et  encore  un  autre,  et  encore  un  autre,  in  sœcula  sœculo- 
rum.  Le  journalisme  n'est-il  pas  chargé  de  donner  aux  ânes  leur 
demi-botte  de  foin  et  leur  picotin  de  fèves?  r 

M™»  Jndic  donnera  aujourd'hui,  pour  ses  adieux,  tieux  repré- 
sentations à  l'AIhambra,  l'une,  en  matinée,  à  une  heure  et  demie, 
l'autre  à  huit  heures  du  soir.  Le  premier  spectacle  se  composera  de 
la  Corde  sensible  (L.  Thibousl^el  Clairville),  Joséphine  (A.  Millaud 
et  Varney),  les  Charbonniers  (Ph..  Cille  et  Coste)  et  d'un  inter- 
mède. Le  soir.  M"™*  Judic  jouera  Lili  (A.  Hennequin  et  A.  Millaud). 

L'AIhambra  annonce  pour  jeudi  la  première  représentation  de 
le  Petit  Jacques,  drame  en  neuf  tableaux,  par  W.  Busnach, 
d'après  le  roman  de  J.  Claretie. 

Le  Magazine  o{  Art  consacre,  en  sa  livraison  de  décembre,  un 
article  de  fond  à  M.  Fernand  Khnopff.  L'étude  est  de  M.  Shaw- 
Sparrow.  Elle  est  illustrée  d'un  portrait  de  rarlisle  et  de  sept 
reproductions  de.  ses  œuvres  :  Mémories,  Portrait  de  Mademoi- 
selle M.  K.,  un  Ange,  Mon  coeur  pleure  d'autrefois  (frontispice 
par  Grégoire  Le  Roy),  exposés  au  Salon  des  XX  l'an  dernier,  la 
Tfintation  de  Saint-Antoine,^ Etude  pour  «  Mémories  »,  Elude 
pour  «  Une  Sphinge  ».      . 


Cette  livraison  contient,  en  outre,  la  suite  de  l'étude  de 
M.  Claude  Philipps  sur  les  grands  prix  de  l'Exposition  de  1889 
(Pays-Bas,  Allemagne  et  Scandinavie),  avec  des  reproductions 
d'œuvres  d'Edelfelt,  Kroyer,  Sinding;  un  article  de  M.  Tristram 
Ellis  sur  les  murs  de  Constantinople,  etc. 

L'Ecole  de  m.usiqùe  de  Louvain  exécutera  le  dimanche  21  dé- 
cembre, sous  la  direction  de  M.  Emile  Mathieu,  la  Damnation  dé 
Faust  de  Berlioz.  M.  Blauwaert  est  engagé  pour  le  rôle  de  Mé- 
phisto,  qui  est  un  de  ses  meilleurs. 

Les  directeurs  de  l'Opéra  de  Paris  ont  eu  une  entrevue  avec 
M.  Gevaert,  au  sujet  des  représentations  de  Fidélio  qu'ils 
projettent.  L'ouvrage  sera  jouée  en  janvier  dans  la  même  forme 
qu'il  fut  donné  à  Bruxelles. 

En  voici  la  distribution  : 

Léonore     .     .     .'—^    .    M"'««  Rose  Curon. 
Marceline Lowents  (Loewensohn). 


Florestan 
Pizarre. 
Rocco  . 
Jaquino 


MM.  Duc. 
Bérârdi. 
Piançon. 
Affre. 


Emile  Bergerat  rappelle  dans  OU  Blas  que  des  exotiques, 
avides  de  la  gloire  par  ricochet,  passèrent  jadis  traité  avec  un 
journal  pour  être  nommés  parmi  les  assistants  de  tous  les  dîners 
de  Victor  Hugo  !  Et  que  des  Américaines  venaient  prier  le  grand 
poêle  de  les  aider  à  penpIeri'Amérique  de  jeunes  êtres  lyriques, 
idylliques  et  dithyrambiques.  Si  jamais  preuves  de  célébrité 
furent  données  à  un  poète,  ce  sont  cell;s-là.  El  combien  agréa- 
bles!    " 

Pour  paraître  fin  décembre  prochain  chez  Aug.  Bénard,  impri- 
meur-éditeur à  Liège  :  Henri  Vieuxtemps,  sa  vie,  ses  œuvres,  par 
Jean-Théodore  Radoux,  dirocleitr  du  Conservatoire  royal  de 
musique,  h  Liège.  —  Un  volume  illustré  diî  nombreuses  repro- 
ductions en  photogravure  des  portraits  du  maître  depuis  ses  pre- 
miers débuis  jusqu'à  sa.mort*  ainsi  que  do  plusieurs  autographes. 

Les  souscripteurs  recevront  l'ouvrage  au  prix  de  2  francs. 

Le  prix  de  vente  après  la  souscription  sera  de  fr.  2-SO. 

Le  Japon  Artistique,  dans  sa  livraison  de  novembre,  publie 
Un  Drame  japonais  de  M.  A.Lequeux,  que  son  long  séjour  au 
Japon  a  mis  fort  au  courant  des  mœurs  du  pays. 

Parmi  les^planches  hors  texte,  le  Repos  dans  la  Rizière,  le 
Rêve  du  Chat,  où  l'animal  endormi  se  rappelle  une  .«sombre 
histoire  de  poisson  volé  et  de  coups  de  bâton,  un  masque  dont 
l'antiquité  remonte  à  plus  de  mille  ans,  une  siatuette  en  poterie 
de  l'anachorète  Dharma,  sujet  célèbre  de  cent  légendes,  etc.,  etc. 

A  propos  delà  pantomime,  cegrand  art  qui  se  réveille  et  dont  nous 
nous  sommes  parfois  occupés(voir  l'A  rt  moderne  Ap.?,^1  juin  4886 
2  el7  octobre  1889;  voir  aussi  notre  dernier  n»),  un  souvenir 
du  grand  Deburau,  par  Paul  Arène;  il  jouait  la  Pantomime  de 
l'Avocat  :  «  Je  le  vois  encore  à  la  barre,  je  le  vois  au  cours  d'un 
plaidoyer  véhément  et  silencieux,  jouer  de  la  manche,  pétrir  sa 
loque,  faire  exprimer  à  cette  toque,  tantôt  tragiquement  enfoncée 
sur  les  yeux,  laniôl  audacieusement  ri>jelée  en  arrière,  tantôt 
campéejur  le  côié  avec  un  air  de  goguénaP^ise  et  de  triomphe, 
tantôt  brandie  à  bout  de  bras  et  menaçant  le  jury  comme  un  chi- 
mérique oiseau  noir,  toutes  les  nuances  de  la  passion  humaine. 
Je  le  vois  encore,  d'un  geste  exagérément  passionné  renverser 
l'écriloire  sur  ses  dossiers,  ramasser  ainsi  que  font  les  écoliers, 
d'un  coup  de  langue  rapide  l'encre  répandue,  puis  de  blanc  qu'il 
était,  devenu  nègre,  plaider  quand  même,  plaider  toujours  ». 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


I^IGNE   D'OSTENDEDOXJVRES 

La  plus  courte  et  la  moins  coûleuse  des  voies  extra-rapides  entre  le  Continent  et  /'Angleterre 


Bruxelles  à  Londres  en 
Cologne  à  Londres  en 
Berlin  à  Londres  en\ 


8    heures. 

12  Ve    - 
20 


Vienne  à  Londres  en. 
Bàle  à  Londres  en.  . 
Milan  à  Londres  en  . 


36  heures. 
20       » 
32       - 


XROiis  ise:rvi€:e:i^  ]pi%R  «IQUR 


D'Ôstende  à  5  h.  15  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  31  soir.  —  De  Douvres  à  midi  05,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

XR/%  vergée:  KM  XROiis  héiljrie:» 

PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS 

Princesse  Joséphine,  Princesse  Henriette,  Prince  Albert,  La  Flandre  et  Ville  de  Douvres 

partant  journellement  d'OSTENDE  à  5  h.  15  matin  et  11  h.  10  matin?;  de  DOUVRES  à  midi  05  et  10  h.  15  soir. 

Salon^^vxueux.  —  Fumoirs.  —  Ventillation  perfectionnée.  —  Éclairage  électrique.  —  Restaurant. 

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et  .entre  LONDRES    ou   DOUVRES  et  toutes  lés  grandes  villes  de  TÉurope. 


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CABINES  PARTICU-LIÊRES.       Prix  :  (en  sus  du  prix  de  la  l^e  classe),  Petite  cabine,  7  francs;  Grande  cabine,  14  francs. 

A  bord  des  malles  :  Vrincesne  Joséphine  et  Princesse  Henriette 

Spécial  cabine,  38  francs;  Cabine  de  luxe,  75  francs. 

Pour  la  location  à  l'avance  s'adresser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostende  {Quai)  ou  à  l'Agence  des  Chemins  de  fer  lie  V État- Belge 
Northumberland  Hôuse,  Strond  Street,  n"  17,  à  Douvres. 

Excursions  à  prix  réduits  de  50  o/o,  entre  Ostende  et  Douvres,  tous  les  jours,  du  l^r  juin  au  30  septembre. 
Entre  les|  principales  villes  de  la-Brlgique  et  Douvres,  aux  fêtes  de  Pentecôtç  et  de  l'Assomption. 
AVIS.  —  Buffet  restaurant  à  bord.  —  Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  —  Accostage  à  quai  vis-à  vis  des  stations  de  chemin  de 
fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits).  —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  voleurs,  finances,  etc.  -   ^surance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  l'Ecrploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  \ Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  V État-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90^^,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n°  53,  à  Londres,  à  V Agence  de  Chemins  de  fer 
de  i'^tolî,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  Jlif.  .drr/i'M»- PVancAen,  Domkloster,no  1,  â  Cologne.         .  ^ 


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Popper,  sir  F.  Benedict,  Lcschetitzhy ,  Napraôuik.Joh.  Selmer,  Joh. 
Svendsen,  K.  Rundnagel,  J.-G.-E.  Stchle^  Ignace  Br ail,  etc.,  etc. 

N.  B.  On  envoie  gratuitement  les' prix-courants  et  les  certi- 
ficats à  toute  personne  qui  en  fera  la  demande. 


Bruxelles.  —  Imp.  Y*  Monnom,  32,  rue  de  l'Industrie. 


t.    ) 


Dixième  année.  —  N**  49.- 


Le   NUMÉRO    :    25    CENTIMES. 


Dimanche  7  Décembre  1890. 


L'ART  MODERHE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTERATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,   un  an,    fr.   10.00';  Union   postale,,  fr.    13.00.    —ANNONCES   :    On  traite  à  forfait. 

Adi'esser  toutes  les  communications  à 
l'administration  GÉNÉRALE  DE  TApt  Modemo,  puo  do  l'IndustHe ,  32,  Bruxelles. 


^M  M  AIRE 


La  Sensation  artistique.  —  Théâtre  du  parc.  La  Vie  à  deux, 
par  MM.  Bocage  et  De  Courcy.  —  Théatre-Libre.  Deuxième  soirée. 
—  Documents  a  conserver.  La  mise  en  scène  $ous  Shakespeare.  — 
Cueillette  de  livres.  —  La  musique  a  Anvers.  —  Petite 
chronique. 


■  LA  SENSATION  ARTISTIQUE 

Ces  jours  récents,  après  des  eflbrts  d'artiste,  en  des 
conférences,  efforts  pour  sortir  d'autres  artistes  de  l'ou- 
bli en  lequel  tant  d'imbécile  indifférence,  d'ignorance 
indurée  les  délaisse  chez  nous,  écoutant  les  propos  sor- 
tant de  la  cervelle  de  ceux  qui  avaient  écouté,  répercus- 
sion immédiate,  en  son  de  paroles,  des  paroles  qui  avaient 
martelé  leurs  oreilles,  un  étonnement  me  prit  de  l'inef- 
ficacité, sur  la  plupart,  de  ces  œuvres  d'équité,  de  curio- 
sitéjde  bon  conseil  par  lesquelles  on  tente  de  retirer  ses 
frères  des  marecages  où  les  maintient  l'inepte  direction 
littéraire  du  quotidien  journalisme.  Pourtant  un  évi- 
dent bon  vouloir  s'oflrant  au  bon  conseil,  un  entrevu  de 
la  bêtise  lamentablement  vide  et  de  l'uniforme  pauvreté 
du  feuilleton-critique,  une  conscience  grandissante  du 
guenilleux  de  ces  sempiternelles  dissertations  sur  la 


pièce  ou  le  roman  du  jour,  écrites  d'une  plume  qui  par- 
lerait en  cul-de-poule  si  elle  était  une  bouche,  évacuant 
ses  filandres  sous  les  préoccupations  déprimantes  d'un 
compagnonnage  de  couloirs,  de  salons,  de  tavernes  ou 
de  bureaux  de  rédaction. 

Eh  !  quoi,  de  belles  choses  lues,  tirées  de  l'armoire 
close  d'un  livre  édité  à  petit  nombre,  montrées  pieuse- 
ment, comme  des  joyaux  précieux,  des  costumes  rares, 
des  argenteries  superbes.  Les  regards  des  auditeurs 
fixés  sur  ces  merveilles,  regards  sortant  en  bienveil- 
lant cortège  d'yeux  agrandis  par  l'imprévu.  Une 
sympathie  fluant  et  s'épandant  d'un  cœur  tendu  vers 
d'autres  cœurs  qui  désirent  croire,  et  pour  cela  veulent 
comprendre,  malgré  l'enlisement  des  préjugés  qu'ils 
sentent  tout  à  coup  croulants,  de  la  vieille  crasse  d'édu- 
cation bougonnement  bête  dont  ils  discernent  enfin  la 
saleté.  Néanmoins,  à  l'heure  où,  l'expérience  finie,  on 
va  les  uns  aux  autres  pour  se  dire,  se  confier  les  sensa- 
tions, les  compter,  dresser  le  tableau  de  cette  chasse 
faite  ensemble  aux  halliers,  aux  guérets  de  l'art,...  rien! 
rien  (sauf  de  la  part  de  quelques-uns,  combien  fraternels 
et  séducteurs),  rien  que  les  banalités  cueillies  «  à  fleur 
de  l'inécios  »?,  et  cette  réflexion,  a  i^a^^è  morose  :  Ils 
n'ont  pas  compris! 

, ,  Oh  !  la  difficulté  de  sentir  artistiquement  !  Oh  !  l'uni- 
versel réfractalrè  des  foules  à  cette  émotion  spéciale, 
divinement  savoureuse  et  douce  de  l'art,  cet  archet,  siir 


une  corde  spéciale  de  l'âipe,  qui  manque  à  tant  d'âmes, 
luths  dépareillés  ! 

Entendre,  qu'est-ce  ?  Le  fonctionnement  d'un  sens, 
l'ouïe.  Une  perception,  mais  si  peu,  si  peu  en  sa  maté- 
rialité mécanique,  en  comparaison  de  cette  autre,  subsé- 
quente, plus  profonde,  au  plus  profond  de  nous,  dans 
les  fibres  ultimes,  dans  les  fibres  souterraines  centrales  : 
LA  SENSATION  ARTISTIQUE.  Entendre!  et  voir,  et  goûter, 
et  odorer,  et  toucher,  cette  quintuple  vie  vers  le  dehors, 
cette  tentaculaire  expansion  vers  le  dehors,  tâtonnant, 
caressant,  jouant  un  compliqué  côlin-maillard  pour 
deviner,  approximativement  toujours,  et  mal  si  souvent, 
l'ambiance  de  ténèbres  en  laquelle  nous  flottons.  Les 
cinq  sens,  que  c'est  peu,  que  c'est  peu  pour  qui  la  vie 
émotive  est  la  vraie  vie  qui  fait  vivre  !  Ce  sont  là  des 
facultés  d'inventaire,  emmagasinant  les^otions,  formant 
la  collection  des  idées,  faisant  le  trousseau  du  cerveau, 
l'équipant  pour  la  journalière  besogne.  Mais  sous,  et 
au  delà  de  cette  accumulation  mobilière,  derrière  ces 
premiers  appartements,  ces  antichambres,  plus  loin, 
plus  haut  peut-être,  cette  loge  (par  quels  circuits,  quels 
corridors,  quels  escaliers  descendants  et  montants)  où, 
quand  l'idée  arrive,  mystérieusement  transportée,  et 
qu'elle  touche  au  clavier  qui  est  là,  résonne  cet  inef- 
fable :  LA  SENSATION  ARTISTIQUE. 

Là,  il  y  a  autre  chose  que  ces  matérialités  baroques  : 
une  oreille,  un  riez,  un  œil,  une  langue,  une  peau. 
Quoi?  qtiel  organe?  de  quel  tissu,  de  quelle  forme, 
qu'on  limiterait  par  quel  dessin,  qu'on  montrerait  par 
quelles  couleurs?  Je  l'ignore.  Mais  à  l'effet,  je  le  sens. 
Il  est  !  Il  est  parce  qu'il  produit  un  ébranlement  qui  va 
se  répercutant  partout  dans  le  corps,  battant  au  cœur, 
éclairant  au  cerveau,  faisant  vibrer  les  nerfs,  ébranlant 
les  muscles,  infusant,  diffusant  partout  une  jouissance. 
Oh!  que  c'est  difficile  à  exprimer! 

Une  jouissance,  oui,  psychique  et  sensuelle.  Différente 
de  toute  autre.  Analogue  pourtant  à  cette  autre,  idéale 
et  brutale,  que  donne  l'amour  en  ses  fins  dernières. 
Analogue,  seulement,  à  cette  autre,  citée  ici  par  le 
besoin  de  trouver  quelque  image  rendant  distincte 
cette  nébulosité  du  phénomène  artistique  en  sa  sensa- 
tion, si  réelle  en  son  effet,  presque  insaisissable  en  sa 
description,  que  comprendront  tout  de  suite  (ah  !  quels 
souvenirs  !)  ceux  qui  l'ont  éprouvée,  qui  restera  téné- 
breuse pour  qui  n'en  a  jamais  été  secoué.  Que  sait 
l'impubère  de  la  jouissance  erotique?  Qu'en  sait  l'eu- 
nuque? 

Combien,  en  cela,  sont  eunuques.  Ils  verront,  ils 
entendront  l'œuvré  d'art,  poésie,  peinture,  musique.  Ils 
en  comprendront  les  mots,  les  couleurs,  les  sons.  Ils 
seront  là  en  curieux,  en  amateurs,  d'un  goût  très  sûr, 
parfois,  pour  dire  si  vraiment  c'est  beau;  d'une  compé- 
tence infinie,  d'une  érudition  despotique.  Et  peut-être 
que,  malgré  ces  aptitudes,  ils  resteront  inaptes  à  la 


SENSATION  ARTISTIQUE.  Lcur  situa^m)/  sera  celle  du 
curieux,  de  l'expert,  du  juge  disert  et  froid,  expliquant 
tout,  ne  sentant  pas.  Les  effluves  de  l'œuvre  vue, 
entendue,  les  envelopperont  à  la  surface,  leur  colleront 
à  la  peau,  lés  enroberont.  Mais  ce  ne  sera  qu'une  juxta- 
position et  non  une  pénétration.  L'intime  et  profond 
mélange  ne  se  produira  point.  Pas  d'entrée  délicieu- 
sement sournoise  par  tous  les  pores,  pas  de  circulation 
serpentine  et  capillaire  glissant  dans  la  ténuité  des 
veinules,  de  toute  part,  comme  un  glissementd'aiguilles, 
en  myriades,  aboutissant  à  cette  cible  unique  :  le  sens 
ARTISTIQUE,  cymbalo  frémissant,  résonnant,  s'exaltant 
sous  leurs  milliers  de  pointes. 

Pour  subir  cette  émotion  divine,  point  n'est  besoin 
d'érudition,  ni  de  compétence,  point  n'est  besoin  d'être 
expert.  Ah!  comme  l'expert,  quand  il  fonctionne,  met- 
tant en  mouvement  le  ronron  de  ses  phrases  et  les 
rouages  de  sa  technique,  apparaît  piteux  et  malheureux 
au  bienheureux  qui  vibre  encore  de  la  sensation 
ARTISTIQUE,  mollissaut  sous  le  spasme  en  son  plein,  ou 
brisé  (avec  quelle  douceur!)  sous  le  spasme  à  peine 
assoupi.  C*est  de  ces  impressions  surhumaines  que  vient 
à  quelques-uns  cette  fureur  pour  l'art,  germaine  de  la 
fureur  amoureuse.  Regardez-les,  écoutez-les  dans  leurs 
émotions  et  leurs  transports,  ce  sont  des  amants  d'une 
divinité  invisible;  ils  ont  le  trouble,  l'enthousiasme, 
l'aveuglement,  l'exaltation  de  ceux  qui  aiment.  11^  sont 
tels,  parce  qu'ils  ont  éprouvé,  pa,rce  qu'ils  ont  l'aptitude 
à  éprouver,  quand  ils  rencontrent  l'art,  n'importe  où, 
le  frisson  divin.  Ils  perçoivent  ce  qui  reste  impercep- 
tible pour  d'autres.  Ils  ont  un  sens  de  plus. 

Et  l'idée  ou  la  fantaisie,  leur  vient  parfois  de  décrire, 
de  raconter  ces  sensations.  L'idée  leur  vient,  en  appor- 
tant devant  des  foules  les  œuvres  qui  l^s  ont  fait  jouir, 
d'essayer  si  ces  foulés,  ou  quelques  uintés  de  ces  foules, 
ne  tomberont  pas,  séduites,  s 'abandonnant,  dans  ces 
mêmes  jouissances  ;  Ils  parlent,  et  peu  à  peu,  en  eux 
renaît  la  même  émotion.  Ils  parlent,  et  suivent  anxieu- 
sement sur  l'auditoire  la  manifestation  du  phénomène. 
Ah  !  c'est  vite  fait  quand  il  y  a  là  des  êtres  qui  ont 
l'organe  voulu.  Mais  s'il  n'y  a  que  des  castrats,  des 
amateurs  d'anecdotes,  des  feuilletonistes  rabâcheurs, 
des  poupées  du  bel  air,  des  bourgeois  digérateurs,  des 
compères  Je-veux- me -distraire,  pareille  entreprise 
n'aboutit  qu'à  un  immense  malentendu;  l'émotionné 
parle  à  des  inémotionnables,  et  il  enrage  de  voir  qu'il 
n'a  qu'amusé,  et  que  parmi  les  compliments  dont  on  le 
fleurit,  il  n'est  pas  une  de  ces  grandes  et  chaudes 
fleurs  dont  le  parfum  murmure  :  J'ai  été  ému  comme 
vous. 

Artistes,  pour  qui  j'essaie  d'exprimer  un  des  inexpri- 
mables de  notre  ténébreuse  nature,  vous  m'aurez  com- 
pris. Vous  m'aurez  compris,  ai?tistes,  qui  produisez  les 
œuvres  capables  d'agir  sur  le  sens  artistique,  comme  la 


^ 


lumière  sur  les  yeux,  les  parfums  sur  les  narines,  les 
sons,  ces  couleurs  qui  font  du  bruit,  sur  les  oreilles. 
Vous  aussi,  artistes,  qui  ne  produisez  rien,  mais  qui 
avez  le  don  de  tout  sentir,  esthètes.  Vos  deux  groupes, 
forment  le^  deux  sexes  de  cette  humanité  spéciale,  qui 
a  un  sens  dfe  plus  ;  vous  en  êtes,  leis  uns,  l'activité,  les 
autres,  la  passivité.  Vous  vous  complétez.  Vous  êtes 
faits  les  uns  pour  les  autres.  C'est  entre  vous  qu'il  faut 
vous  aimer.  Chaque  fois  que  vous  tenterez  de  vous 
mettre  en  union  avec  le  vulgaire,  craignez,  craignez 
que  l'accouplement  soitKridicule  et  stérile.  Et  soyez  cer- 
tains qu'il  y  aura  là  quelque  pédant  imbécile  ou  quelque 
gouailleur,,  zwanzeur  ou  goguenardeur,  pour  confondre 
sa  radicale  impuissance  à  comprendre  avec  votre  pré- 
tendue incapacité,  sa  misère  à  lui  avec  celle  qu'il  vous 
prête,  le  grotesque  polichinelle. 


THÉÂTRE  DU  PARC 

La  Vie  à,  deux,  comédie  nouvelle  en  3  actes,  par. MM.  Bocage 

et  De  Gourcy, 

Commencée  en  manière  de  vaudeville,  la  pièce  finit  en  mari- 
vaudage, après  quelques  tentatives  louables  de  se  hausser  au  rang 
d'une  comédie  de  mœurs.  L'impression  d'ensemble?  Celle  d'unie 
œuvre  un  peu  longuette,  semée  de  mots  spirituels  mal  pousus, 
invraisemblable,  certes,  et  paradoxale,  un  tantinet  péroreuse, 
traversée  de  scènes  plaisantes  laborieusement  amenées.  Au  d^ffleu- 
rant  :  les  vieux  clichés,  le  moule  traditionnel,  les  auteurs  parlant 
el  prêchant  par  la  bouche  de  leurs  personnages,  quelque  chose 
de  très  superficiel  et  de  très  faux,  écrit  pour  la  distraction  d'un 
instant  et  donl  le  résidu,  après  analyse  critique,  se  compose  de 
quelques  mots  amusants. 

Exemples  :  Labronchère,  qui  a  reçu  une  maîtresse  gifle  de  sa 
femme,  lui  dit  :  «  Tu  as  été  un  peu  vive...  Mais  tu  me  le  par- 
donnes?» 

Félicien,  le  valet  de  chambre  :  «  Plus  on  fréquente  les.maîtres, 
plus  on  est  fier  d'être  domestique  ». 

Tcssonnier,  un  type  d'égoïste  jouisseur,  est  complimenté  par 
son  gendre  sur  sa  bonne  santé  :  «  En  vérité,  vous  nous  enter- 
rerez tous  ».  El  lui  de  répondre  :  «  Vous  dites  cela  pour  mé  faire 
plaisir!  » 

Du  même  :  «  M.  de  la  Pa\isse,  Monsieur?,  c'était  un  homme 
d'expérience!  » 

Une  dame  :  «  Vous  êtes  Parisienne?  D'où?  » 

Et  ainsi  de  suite. 

Le  thème  qui  sert  de  canevas  à  ces  légères  broderies  est  le  sui- 
vant :  M.  et  M"**  Labronchère,  en  se  mariant,  ont  rêvé  chacun  une 
existence  tout  autre  que  celle  qui  leur  est  dévolue.  Le  mari  espé- 
rait le  repos,  le  foyer,  le  bien-être,  les  petits  tête-à-tête  avec  sa 
femme.  Elle?  Les  bals,  les  réceptions,  les  five  o'  clock,  les  mardis 
de  la  Comédie,  lés  samedis  de  l'Opéra,  «  à  perpétuité  le  mouve- 
ment perpétuel  perpétuellement  le  même  »  comnie  disent  les 
auteurs. 

De  là,  incompatibilité  d'humeur,  n'excluant  nullement  la  ten- 
dresse la  plus  vive.  Et  c'est  même  celte  affection  mutuelle  qui 
suggère  aux  époux  l'idée  de  divorcer,  —  et  à  MM.  Bocage  et 


De  Courcy  la  donnée  de  leur  pièce  :  Madame  s'efforce  de  trouver, 
pour  faire  le  bonheur  de  son  cher  pelil  mari,  une  petite  compagne 
dans  ses  goûts,  qu'il  épousera  après  la  séparation  définitive. 

Défilé  de  femmes  bizarres,  et  dégringolade  de  la  comédie  de 
mœurs  dans  les  farces  du  Palais-Royal.  Il  y  a,  notamment,  une 
Espagnole  volcanique  que  trois  maris  successifs  n'ont  pu  éteindre, 
une  Russe  plus  que  blette,  etc.,  etc.  Des  minois  jeunes,  agréables, 
il  ne  peut  êlre  question,  car  la  jalousie  de  M™*  Labronchère  se 
réveille  soudain  et  les  écarte  péremptoirement.  De  son  côté, 
M.  Labronchère,  en  apprenant  le  nom  de  son  successeur  pré- 
somptif, a  un  accès  de  fureur.  D'où  :  les  époux  s'aperçoivent 
qu'ils  s'adorent,  qu'ils  ne  peuvent  pas  se  passer  l'un  de  l'autre, 
el  toul  finit  par  une  réconciliation,  flanquée  de  deux  unions 
parallèlement  amenées  par  les  scènes  accessoires. 

Au  baisser  du  rideau  :  trois  couples  heureux,  et  un  beau-père  ° 
qui  a  le  veuvage  gai. 

C'est  à  Mlle  Besnier  qu'on  a  confié  le  rôle  principal  de  la  Vie 
à  deux,  joué  h  rOdéonparM"«Réjane.  L'intelligente  artiste  s'est 
acquittée  de  sa  tâche  avec  beaucoup  de  goût,  et  a  trouvé  dans 
telles  scènes  un  accent  personnel.  M.  Munie,  qui  lui  sert  de  par- 
tenaire, manque  essentiellement  de  distinction.  Il  met  du  moins 
dans  la  pièce,  de  l'enlrain,  de  la  bonne  volontë  et  de  la  gaieté. 


■    ■  .  i      .. 

Deuxième  soirée. 

{Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne) 

Monsieur  Bute,  3  act^s  par  M.  Biollay.  — L'Amant  de  sa 
Femme,  par  M.  Scholl.  —  La  Belle  Opération,  i  act«  par 
M.  Sermet.  . 

Le  cas  de  Monsieur  Bute  pourrait  peul-êlre',  à  un  spectateur 
ingénieux,  suggérer  celte  constataiion  discutable  et  en  somme-un 
peu  décourageante  :  11  n'y  a  des  criminels  —  le  crime  n'étant  à 
travers  des  circonstances  qui  le  favorisent  ou  l'imposent,  que 
l'expression  visible  et  le  prolongement  en  la  vie  d'un  instinct 
mentalement  préexistant  dans  le  passé  de  l'être  qui  le  commet  — 
il  n'y  a  des  criminels  que  parce  que  tous  ceux  qui  portent  en  eux 
le  tacite  ferment  du  crime  ne  peuvent  point  être  Bourreau,  c'est- 
à-dire  que  tout  homme  né  avec  une  prédisposition  à  l'homicide 
ne  peut  pas  donner  à  cet  instinct  un  exutoire  légitime  et  légal 
que  la  société  confisque  à  son  profil  el  donl  elle  ne  concède  la 
faveur  qu'à  un  petit  nombre  de  privilégiés. 

Dans  la  pièce  de  M.  Biollay,  Monsieur  Fraulin,^  exécuteur  ima- 
ginaire des  hautes  œuvres,  nous  apparaît  comme  un  homme  tran- 
quille, une  sgrle  de  fonctionnaire  intermittent,  un  peujmorose, 
qui  raisonne  son  art  tout  en  ayant  conscience  du  préjugé  qui 
l'environne.  Il  le  considère  un  peu  comme  un  sacerdoce  —  et  en 
cela  il  est  peut-être  hypocrite  envers  lui-même,  car  il  appert  de 
réticents  aveux  qu'il  confie  à  un  reporter  qui  l'interviewe,  qu'il  y 
prend  un  certain  plaisir  amer  et  comme  répondant  à  deâ  affinités 
natales,  plaisir  mélangé  de  doutes  sur  la  validité  de  sa^  mission 
—  et  le  regarde  comme  un  métier  difficile  et  méritDire,  exigeant 
une  aptitude  qu'il  se  reconnaît  et  unejexpérience  dont  il  est  fier 
et  qui  le  rassure  contre  certaines  ajfaques  dirigées  contre  lui  par 
suite  de  l'inévitable  concurrence(^t  auxquelles  il  est  en  butte, 
comme  toul  personnage  officiel  ;  aussi  est-ce  un  coup  cruel 
quand  une  lettre  lui  apporte  la  nouvelle  de  sa  révocation. 


Au  deuxième  acte,  M.  Fraulin,  sous  le  non)  de  Bute,  a  transporté 
vers  Saint-Mandé  ses  «  pénates  »,  car  il  en  a  qui  se  composent 
d'une  gracieuse  fille,  d'une  servante  dévouée  et  d'un  mobilier 
bourgeois  où  le  piano  sonne  sous  de  calmes  gravures  et  parmi  de 
larges  fauteuils.  • 

Mais  le  bonhomme  est  triste  et  malade,  en  proie  à  la  nostalgie 
de  son  ancien  privilège  et  abattu  par  la  violence  dont  se  confirme 
une  habitude  brusquement  contrecarrée,  en  proie  aii  désir  de 
revoir  une  exécution.  Un  collègue  amical  lui  promet  de  raVerlir, 
mai^  l'avertissement  arrive  un  soir  que,  malade  à  la  suite  de 
troubles  nerveux,  suspecté  de  démence  par  le  médecin,  il  est 
gardé  à  vue  par  la  vieille  bonne.  Quant,  il  la  croit  endormie,  il  se 
lève  et  s'habille,  mais,  voyant  la  porte  fermée  sur  son  désir  de 
maniaque,  rué  par  l'instinct  mystérieux  qui  avait  fait  son  destin 
et  qui  reparaît,  il  tue  sa  gardienne.,  mettant  à  profit,  pour  son 
compte,  l'innéilé  constitutionnelle  qu'un  sage  régime  d'occasions 
à  l'exercer  légalement  n'atténue  plus. 

L'intérêt  que  prend  le  spectateur  à  la  reconstitution  exacte  et 
scrupuleuse  comme  celle-ci  d'une  psychologie  exceptionnelle,  est 
de  sorte  assez  simple.  Il  se  rattaché  à  la  curiosité  qu'on  a  de  la  vie^ 
privée  des  êtres  inabordables  et  que  la  majesté  Ou  la  singularité 
d'une  fonction  nousempêche  d'imaginer  en  leur  quotidien. 

Ne  serait-on  point  ravi  d'apprendre  que  M.  Got  est  jardinier. 
N'aimons-nous  pas  à  pénétrer  par  l'anecdote  dans  les  particularités 
de  la  vie  d'un  Hugo  et  à  visiter  les  petits  appartements  de  Ver- 
sailles pour  y  ressaisir  quelques  traits  de  la  réelle  vie  des  grands 
ou  touchants  fantômes  évanouis  ? 

La  pièce  est  en  somme  assez  intéressante,  mais  il  y  manque  ces 
lueurs  ironiques  dont  quelque  génial  Villiers  aurait  su  illuminer 
ces  ténèbres  d'âme  et  ces  contradictions  et  que  ne  remplacent  que 
mal  et  imparfaitement  quelques  mots,  çà  et  là,  qui  portent  par 
allusioq  au  delà  du  moment  du  drame  et  éveillent  quelque  écho 
en  l'indéchiffrable  dé  l'être  en  jeu. 

La  pièce  de  ftl.  SchoU  est  d'une  si  douce  incohérence  qu'elle 
désarme  toute  mauvaise  humeur  et  amuse  un  instant,  d'indécences 
assez  gaies.  '  '  " 

C'est  un  simple  dialogue  ou  des  gens  Se  répartissent  un  certain 
nombre  de  bons  mots  qu'a  mis  à  leur  disposition  l'auteur. 

Ce  n'est  pas  qu'en  ce  genre  on  ne  puisse  faire  de  délicats  débats 
d'esprit  où  la  langue  française  fournirait  ses  éléments  d'éiincelle- 
ments,  ses  brisures,  son  froufrou  léger  et  que  M.  Antoine  excelle- 
rait à  mettre  en  valeur  de  sa  voix  brève,  qui  passe,  insiste. 

Quant  à  la  Belle  Opération,  j'ai  cru  pouvoir  me  dispenser  d'y 
assister,  me  croyant  autorisé  à  n'y  voir  que  le  développement 
logique  et  final  de  l'histoire  de  M.  Bute,  où  l'opérateur  serait  lui- 
même  opéré.  R. 


DOCUMENTS  A  CONSERVER 

LA  MISE  EN  SCÈNE  SOUS  SHAKESPEARE 

Toutes  les  pièces  de  Shakespeare  sont  injouables  dans  les  con- 
ditions présentes  des  théâtres  parisiens! 

Injouables  davantage  encore  que  la  Princesse  Maleine,  qui 
pourtant  va  donner  du  fil  à  retordre  à  M.  Antoine:  je  ne  vois 
guère,  par  exemple,  réalisant  sur  la  scène  du  Théâtre-Libre  le 
passage  important  du  drame  de  M.  Maeterlinck  où  des  cul-de- 
jatte  épouvantés  marchent  sur  leurs  mains  en  criant  :  «  Il  n'y  a 
rien!  Il  n'y  a  rien  !» 


Mais  c'est  bien  pis  avec  Shakespeare.  Couper  quelques-uns  des 
tableaux  de  Ses  pièces  ou  en  réunir  plusieurs  en  un  seul,  c'est 
défigurer  complètement  le  caractère  de  son  œuvre.  Shakespeare, 
n'a  d'originalité  que  par  cette  course  incessante,  heurtée,  fantas^ 
que,  de  petits  dialogues  saisis  au  passage.  Si  l'on  s'en  tient  aux 
péripéties  saillantes  de  ses  drames,  ce  sont  d'autres  drames  que 
l'on  fait  :  les  tirades  les  plus  passionnées  et  les  cris  les  plus  tra- 
giques n'ont  plus  absolument  la  portée  qu'il  leur  avait  donnée. 

Encore  le  plus  sage  dans  ce  cas  est-il  de  procéder  hardiment, 
comme,  faisait  Ducis,  et  de  nous  offrir,  au  lieu  du  drame  anglais, 
une  tragédie  ou  un  mélodrame  français  :  car  du  moment  que  ce 
n'est  pas  Shakespeare  qu'on  nous  fait  voir,  à  quoi  bon  effriter 
l'intrigue  et  nous  énerver  par  de  nombreux  changements  de  dé- 
cors? Reste  à  donner  des  pièces  anglaises  telles  qu'elles  sont, 
avec  leurs  petites  scènes  se  succédant  toutes  les  dix  minutes.  Or, 
c'est  cela  même  qui  est  impossible  chez  nous  :  songez  seulement 
à  l'argent  qu'il  y  faudrait  dépenser  ! 

Au  temps  de  Shakespeare,  la  chose  allait  de  soi.  11  y  avait  alors 
à  Londres  deux  sortes  de  théâtres  :  les  théâtres  publics,  où  les 
spectateur?  étaient  à  découvert,  et  les  théâtres  fermés,  où  l'on 
était  à  l'abri.  Mais  dans  les  uns,  comme  dans  les  autres,  tout 
l'appareil  scénique  consistait  en  des  tréteaux  que  l'auditoire  entou- 
rait de  trois  côtés,  tandis  que  le  quatrième  aboutissait  à  une  por- 
tière, unique  voie  d'entrée  et  de  sortie  des  personnages.  De  décors 
il  n'était  point  question  ;  les  acteurs  avertissaient  le  public  du  lieu 
où  ils  étaient  supposés  se  trouver.  «  Nous  transportons  mainte- 
nant rrotre  scène  à  Southampton  »,  dit  le  chœur  dans  la  pièce 
de  Henri  V. 

Quelques  années  plus  tard  Shakespeare  put  faire  jouer  ses  piè- 
ces sur  un  théâtre  déjà  très  perfectionné.  Dans  ce  fameux  théâtre 
du  .Globe,  construit  en  1596,  il  y  ^vait  deux  scènes  séparées  par 
un  rideau,  l'une,  plus  grande,  en  avant  de  l'autre.  Les  conversa- 
tions, confidences,  monologues,  etc.,  se  jouaient  sur  la  scène 
antérieure,  sans  décor,  le  rideau  baissé;  lorsque  devait  venir  un 
épisode  d'action,  le  rideau  s'écartait  et  l'on  apercevait  la  scène  du 
fond,  avec  parfois  une  toile  peinte  figurant  l'endroit.  Un  balcon 
situé  au  dessus  permettait  les  escalades,  sauts  par  dessus  les  murs, 
rendez-vous  à  la  fenêtre,  etc.  Mais,  en  somme,  le  public  conti- 
nuait à  se  figurer  les  décors,  au  lieu  d'exiger  qu'on  les  lui  fît  voir, 
et  ainsi  Shakespeare  pouvait  multiplier  les  changements  de  scène 
sans  crainte  d'appauvrir  la  caisse  du  théâtre.  Aujourd'hui  le  public 
et  M.  Sarcey  lui-même  se  fâcheraient  si  l'on  abusait  de  leur  ima- 
gination jusqu'à  leur  offrir  pour  tout  décor  un  programme  imprimé 
ou  un  avertissemciit  du  régisseur.  Et  voilà  comment  les  drames 

de  Shakespeare  sont  devenus  injouables  chez  nous. 

•  ■-* 

Chez  nous  et  dans  tous  les  autres  pays,  excepté  dans  la  patrie 
du  poète  :  c'est  naïufellement  l'Allemagne  que  je  veux  dire.  L'An- 
gleterre a  pris  Hsendel  aux  Allemands,  mais  ceux-ci  se  sont  rat- 
trapés en  s'appropriant  Shakespeare.  On  joue  bien  Macbeth  et 
Othello  dans  les  théâtres  de  Londres  :  on  les  y  joue  à  peu  près 
comme  les  pantomimes  de  Noël,  avec  des  coupures  pratiquées  au 
hasard,  un  grand  déploiement  de  mise  en  scène  et  l'exhibition 
d'acteurs  favoris.  L'autre  jour  encore  les  deux  grands  premiers 
rôles  shakespeariens  de  Londres  n'ont-ils  pas  soulevé  l'enthou- 
siasme de  la  salle  en  lançant  un  bonnet  et  une  fiole  sur  le  nez 
d'un  critique  influent,  au  lieu  de  faire  tranquillement  les  morts 
d&as  h  scène  da  tombe^iU  de  Roméo  et  Juliette! 

En  Allemagne,  au  contraire,  Shakespeare  est  l'auteur  national 


•î^as^ 


par  excellence.  Je  pourrais  ciier  comme  argument  le  nombre  infini 
d'ouvrages  allemands  qui  lui  sont  consacrés  :  mais  on  sait  qu'il 
n'y  a  pas  un  sujet  auquel  n'ait  été  consacré  un  nombre  infini 
d'ouvrages  allemands.  Vous  pouvez  lire  toute  une  bibliothèque 
sur  la  seule  question  de  savoir*  si  le  roi-Marke  était  jeune  ou  vieux 
lorsque  Wagner  l'a  fait  traiter  par  sa  femme  et  son  neveu  de  la 
façon  qu'on  connaît. 

Mais  il  n'en  est  pas  moins  certain  que  Shakespeare  est  autre- 
ment aimç  en  Allemagne  que  Gœthe  ou  Schiller.  C'est  lui  qui, 
pour  toute  âme  allemande,  représente  l'idéal  de  l'homme  de  génie. 
C'est  lui  que  lisent  et  apprennent  par  cœur  les  jeunes  filles  senti- 
mentales ;  j'en  ai  vu  qui  avaient  dans  leur  chambre  un  grand  buste 
de  Shakespeare  entre  un  petit  Schiller  et  un  petit  Mozart.  Sur  dix 
théâtres  de  drame  qu'il  y  a  à  Berlin,  il  arrive  souvent  que  huit 
jouent  le  même  soir  des  pièces  de  Shakespeare,  et  quelles  pièces! 
Les  tragédies  historiques  sur  les  rois  d'Angleterre,  les  comédies, 
les  féeries  les  plusextravagantes. 

Il  était  donc  naturel  que  l'Allemagne  se  décidât  la  première  à 
ressusciter  le  vrai  Shakespeare.  M.  Porel,  qui  aime  les  voyages, 
et  qui,  plus  consciencieux  que  Shakespeare,  est  allé  à  Venise 
pour  préparer  Shylock,  devrait  bien  aller  à  Munich  avant  de  mon- 
ter le  prochain  drame  shakespearien  qu'il  nous  tient  en  réserve. 
Sur  la  scène  de  l'Opéra  de  Munich,  il  verrait  jouer  les  pièces  de 
Shakespeare  exactement  telles  qu'elles  sont  écrites,  sans  la  moindre 
«oupure  ni  réunion  de  deux  tableaux  en  un  seul. 

Voici,  en  quelques  mots,  l'historique  de  cette  innovation.  En 
1887  un  des  critiques  les  plus  lettrés  et  les  plus  sagacesde  l'Alle- 
magne, M.  Rodolphe  Gênée,  fit  paraître,  dans  un  journal  de 
Munich,  deux  articles  où  il  se  plaignait  du  développement  non 
pas  exagéré,  mais  inintelligent  qu'on  avait  donné  aux  décors  dans 
les  théâtres  modernes.  11  réclamait  une  organisation  de  la  mise 
en  scène^mieux  appropriée  au  suj.et,  faisait  l'historique  du  théâtre 
depuis  lé  moyen-âge,  insistant  sur  les  avantages  de  la  double  scène 
du  théâtre  du  Globe,  et  citait  enfin  un  projet  de  l'architecte  ber- 
linois Schinkel,  projet  destiné  à  rendre  possible  la  représentation 
complète  des  drames  de  Shakespeare.  Ces  deux  articles  émurent 
l'intendant  des  théâtres  royaux  de  Munich,  M.  de  Perfall,  qui  mit 
résolument  à  l'étude  le  projet  de  Schinkel. 

Le  !*"■  juin  1889  l'Opéra  de  Munich  donna  la  première  repré- 
sentation du  Roi  Lear  sur  ce  qu'on  appelait  la  nouvelle  scène. 
La  méfiance  d'abord,  puis  la  surprise,  enfin  l'enthousiasme  furent, 
comme  tous  les  sentiments  en  Allemagne,  unanimes.  On  accourut 
départent  :  le  théâtre  de  drame  royal  de  Berlin  suivit  l'exemple 
de  l'Opéra  de  Munich,  et  il  n'est  pas  une  grande  ville  eu  il  ne  soit 
pas  question  aujourd'hui  d'imposer  l'heureuse  invention. 

Cette  invention  n'est  en  somme  que  le  retour  à  la  double  scène 
de  Shakespeare.  11  y  a  à  Munich  deux  scènes,  l'une  en  avant,  la 
scène  ordinaire  du  théâtre,  large  de  treize  mètres  et  demi; 
l'autre,  derrière,  large  seulement  de  huit  mètres  et  haut  de 
six  mètres.  La  scène  antérieure  est  séparée  de  l'autre  par  un 
rideau  :  lorsque  ce  rideau  est  fermé,  elle  a  l'aspect  d'une  grande 
salle  toute  de  couleurs  sombres  et  d'allures  sévères.  C'est  là  que 
se  jouent  tous  ces  courts  tableaux  qui  doivent  se  passer  dans  des 
salles  inâétérminéeâ,  tableaux  qui  tantôt  préparent,  tantôt  entre- 
coupent, pour  les  rendre  plus  saisissants,  les  tableaux  d'action 
dramatique.  Ces  tableaux  sitôt  finis,  le  rideau  s'ouvre. 

La  scène  antérieure,  maintenant,  n'est  plus  que  le  premier  plan 
de  la  scène  du  fond  :  celle-ci  apparaît  toute  claire  et  brillante, 
avec  un  décor  peint  que  l'effet  perspectif  du  rétrécissement  de  la 


scène  met  en  pleine  valeur.  Lorsque  le  lieu  de  l'action  change, 
ou  bien  on  baisse  le  rideau,  et  le  tableau  suivant  se  joue  sur  la 
scène  antérieure,  ou  bien  on  éteint  les  deux  lampes  électriques  qui 
éclairent  la  scène  du  fond.  Les  décors  sont  tous  peints  sur  un. 
rouleau,  comme,-  à  Bayreuth  les  fameux  décors  de  la  Marche  au 
Graal  ;  l'insiant  d'après  on  rallume-  les  lampes,  et  un  nouveau 
décor  apparaît.  • 

Telle  est,  en  résumé,  la  nouvelle  scène  de  Munich.  On  voit 
qu'elle  exige  peu  de  frais  et  peu  de  travail.  Deux  heures  suffisent 
pour  monter  et  démonter  l'appareil  complet.  Mais  ce  que  je  ne 
saurais  trop  affirmer,  c'est  la  supériorité  énorme  de  cette  scène 
simplifiée  sur  nos  mises  en  scène  les  plus  somptueuses  au  point 
de  vue  de  l'illusion  dramatique.  Est-ce  l'effet  de  la  perspective, 
ou  de  la  petitesse  du  cadre,  ou  de  ce  changement  incessant  qui 
empêche  de  réfléchir?  Toujours  est-il  que  le  trône  du  roi  Lear, 
les  murs  crénelés  du  palais  de  Goneril,  les  côtes  de  Douvres  sous 
la  tempête  apparaissent  aux  spectateurs  avec  une  réalité  poignante 
et  irrésistible. 

J'ajouterai  que  la  beauté  et  le  charme  des  yeux  y.  trouvent  leur 
compte.  Réduit  à  un  petit  espace,  le  décorateur  est  plus  libre  de 
mesurer,  de  varier  ses  efi"ets  :  chacun  des  tableaux  de  la  pièce  est 
pour  ainsi  dire  une  véritable  peinture  de  genre,  où  il  lui  est  pos- 
sible de  combiner  la  pose  des  personnages  avec  les  nuances  des 
costumes  et  les  tonalités  du  décor.  Aux  décors  des  trois  pièces 
que  j'ai  pu  voir  ainsi  jouées,  /g  Roi  Lear,  Henri  V  et  Goelzde 
Berlichingen,  il  manquait  seulement  un  peu  de  bon  goût  pour 
être  des  choses  très  belles. 

Après  cela,  j'ai  bien  peur  que  cette  impression  ne  soit  celle  d'un 
profond  agacement  et  d'un  terrible  ennui.  Car  la  nouvelle  scène 
de  Munich  est  curieuse  el  jolie,  mais  là  même  il  faut  être  Alle- 
mand pour  avoir  le  courage  d'entendre  telles  qu'elles  sont  les 
pièces  de  Shakespeare.  Tronquées  ou  arrangées,  ces  pièces  per- 
dent leur  sens;  jouées  sous  leur  vraie  forme,  elles  sont  insuppor- 
tables. Je  ne  sais  rien  de  plus  vexant  que  ces  dialogues  arrêtés, 
puis  repris,  ces  intrigues  se  croisant,  ces  monologues  6ù  l'on 
entend  répéter  une  heure  durant  la  même  plainte  ou  la  même 
imprécation. 

Shakespeare  était  un  homnr.e  de  génie,  mais  ses  pièces  ont  été 
écrites  pour  être  jouées  sur  des  tréteaux  et  pour  amuser  un  public 
sanguin  et  ignorant  de  grossiers  badauds  anglais  :  à  cela  les  plus 
beaux  raisonnements  ne  pourront  rien  faire.  Nous  ne  sommes 
plus  les  destinataires  de  ces  prodigieux  ouvrages. 

Téodor  DE  Wyzewa. 


fîUEaX-PTTE    DE    LIVRE? 

Poèmes  flamands  et  poésies  diverses,  par  Franz  Foulon.  — 
Un  vol.  in-12-de  114  p.,  Gand,  Ad.  Hoste,  1890. 

Il  y  a^dans  ces  poésies,  principalement  dans  les  Poèmes  fla- 
mands, une  très  louable  tendance  à  chercher  l'inspiration  dans 
les  choses  mêmes  du  pays,  dans  les  mœurs  et  les  paysages  fami- 
liers, dans  les  aspects  variés  de  cette  terre  flamande,  dont  les 
lointains  horizons,  ourlés  de  leur  dentelle  vaporeuse  d'arbres  et 
de  clochers,  ont  tant  de  charmes  pour  qui  sait  les  regarder  avec 
un  œil  d'artiste.  '^  .  ■'  ^ 

Cette  intime  communication  du  poète  avec  la  nature  el  les 
objets  connus  dès  l'enfance  l'a  bien  servi  et  a  mis,  dans  quelques- 
unes  .de  ses  pièces,  une  saveur  de  terroir  qui  leur  prête  l'attrait. 


toujours  soOvcrain,  des  impressions  personnelles  réveillées  dans 
le  souvenir.  Lç  Cordier,  les  Dentellières,  les  Géants,  Bannières 
sont  de  petits  tableaux  bien  flamands,  et  la  Vieille  ville,  en  dépit 
de  quelques  imperfections  faciles  à  corriger,  apporte  î«  la  pensée 
toute  la  mélancolie  des  grandeurs  perdues  : 

Assise  trist«ment  au  bord  du  morne  fleuve 
A  ses  pieds  déplié  comme  urr  coin  de  linceul,    ''' 
Pleurant  un  grand  passé  qui  l'emplissait  d'orgueil, 
La  ville  d'autrefois  meurt  solitaire  et  veuve. 

En  vain,  elle  a  voulu,  comme  sa  sœur  plus  neuve. 
Aux  siècles  qui  venaient  rouvrir  un  large  accueil  ; 
Elle  s'est  résignée  et  rentre  dans  son  deuil. 
Trop  faible  désormais  et  lâche  sous  l'épreuve. 


Elle  a  vu  ses  enfants  la  quitter  tour  à  tour; 
Elle  n'a  plus  de  foi,  plus  d'espoir,  plus  d^amour... 
Ses  toits  se  sont  voûtés  sous  un  ennui  Sans  cause. 

La  cloche  de  ses  tours  pleure  son  lent  trépas 

Et  son  beffroi  s'étire,  anxieux  et  morose, 

Vers  des  cieux  incléments  qu'il  ne  reconnaît  pas. 


,.(?) 


Escales  et  abordagfes,  poésies  par  le  docteur  Emile  Valbntin. 
—  Uii  joli  petit  volume  in-24  de  122  p.  numérotées.  Namur,  Jacques 
Godeime,  1890. 

Le  père  du  docteur  Valentin  fut  officier  de  marine  avant  d'ôtré 

syndic  des  huissiers  de  l'arrondissement  de  Namur.  Le  livre  lui 

est  dédié  : 

D'expéditions  périlleuses 
Sorti  sain  et  sauf.  Dieu  merci. 
Tu  fis  des  escales  joyeuses, 
Parfois  de  bien  tristes  aussi. 

C'est,  du  reste,  le  seul  aspect  marin  du  recueil.  Les  abordages 
sont  purement  terrestres  : 

A  un  directeur  de  pensionnat.  r 

Ernest,  ta  modestie  exquise 
T'g  fait  écrire  une  bêtise. 
Tu  pouvais  en  meilleur  français, 
Pour  l'honneur  de  «  ton  »  athénée. 
Clamer  bien  plus  haut  les  succès 
De  «  tes  »  élèves  cette  année!... 

Et  le  port  est  en  paradis  ; 

Oh  !  ne  prions  plus  pour  son  àme. 
Mais  bien  plutôt  demandons-lui  .    _ 

"^  D'intercéder  pour  nous,  Madame  : 

Elle  nous  protège  aujourd'hui  I 

Et  puisque  vous  fûtes  si  bpnne 

Pour  elle  en  ce  triste  montent, 

Au  port  suprême,  Dieu  vous  donne 

D'aborder  aussi  doucement  !  , 

Ainsi  soit-il! 


LA  MUSIQUE  A  ANVERS 

Concerts  populaires 

{Correspondance   particulière   de   l'Art   moderne). 

Après  le  Théâtre-Lyrique,  la  création  de.  Concerts  populaires. 
C'est  à  croire  que  nôïis  vivons  ailleurs  ! 

Additionnez  aux  concerts  existants  :  Concerts  du  Conservatoire, 
de  la  Société  des  Artistes  musiciens,  de  la  Vieille  Société  de 
musique,  de  la  Société  de  symphonie,  les  Concerts  de  l'Har- 
monie et  ceux  organisés  par  le  Cercle  artistique,  cela  fera  au 
total,  si  nous  ajoutons  les  diverses  soirées  de  musique  de  chambre, 
de  la  musique  tous  leë  soirs. 

Maintenant  défalquons  les  Concerts  de  l'Harmonie  et  du  Cercle 
arlistique  dont  il  n'y  a  rien  à  dire,  si  ce  n'est  qu'ils  sont  la  joie 


des  familles.  Au  moins,  on  y  poiine  librement  sans  s'exposer  aux 
récriminations  d'auditeurs.  Tout  le  monde  y  est  de  bon  ton.  • 

En  pluç,  les  autres  sociétés  nous  dispensent  trop  souvent  d'as- 
sister à  leurs  concerts  exclusivement  consacrés  à  des  gloires 
locales. ou  à  des  jŒ^Vres  archi-connues. 

D'où,  la  joie  que  nous  ne  cachons  pas  depuis  la  création  du 
Théâtre-Lyrique  el  des  Concerts  populaires.  ' 

Avec  cel  appoint  inespéré,  la  vie  musicale  de  cet  hiver  ne  peut 
manquer  d'être  exceptionnellement  attractive  et  intense. 

Nous  sommes  particulièrement  attirés  vers  ces  Concerts  popu- 
laires et,  si  tout  le  monde  fait  son  devoir,  ils  n'auront  pas  grand 
mal  à  se  préparer  une  brillante  existence.  L'orchestre  met  un  réel 
enthousiasme  à  aider  l'initiative  de  son  directeur,  M.  Arthur  Wil- 
ford.  El  lui,  de  son  côté,  nous  semble  animé  d'un  beau  zèle  et 
conscient  de  sa  responsabilité. 

Aux  deux  premiers  programmes,  on  pataugeait  un  peu.  Peiit- 
élre  influences  à  se  ménager,  critiques  locaux  à  bien  disposer  ? 
En  somme,  programme  envahi  plutôt  que  choisi.  Au  troisième,  il 
y  a  eu  revanche  et  toute  dignité  :  la  Symphonie  en  sol  de  Haydn, 
la  si  caractéristique  Sérénade  pour  instruments  à  cordes  de  Beet- 
hoven, du  Gluck  comme  principaux  numéros! 

Nous  mettons  toute  notre  confiance  en  la  pensée  qui  guidera  la 
composition  des  prochains  concerts. 

L'exemple  n'est  pas  loin  d'une  pensée  de  distinction  et  d'Art 
pur  qui  y  présiderait. 

Il  faut,  pour  que  ces  Concerts  populaire^  aient  leur  raison 
d'être,  qu'ils  se  vouent  à  ceux  qui  sont  des  inconnus,  ici,  quoique 
acclamés  et  classés  ailleurs  ;  aux  Jeunes,  aux  novateurs  surtout  ! 
Il  faut  qu'à  côté  des  suprêmes  œuvres  classiques,  les  modernes 
trouvent  belle  place.  Il  faut  surtout  aller  droit  aux  types,  aux 
générateurs  des  nouvelles  écoles  musicales. 

Faudra-t-il  passer  par  toute  la  suite  des  sous- Wagner  avant  de 
voir  Wagner  lui-même  au  programme?  El  de  quelle  complaisante 
musiquette  arrosera-t-on  notre  impatience  avant  de  nous  faire 
entendre  cette  troublante  musique  russe  el  Scandinave?  Celle  si 
vaillante  et  si  vitale  Jeune  École  française  dont  :  les  Vincent 
d'Indy,  les  Fauré,  les  Chabrier  et  les  autres  que  les  .STAT  ont  révé- 
lés en  Belgique,  devra-t-£lle  faire  le  pied  de  grue  devant  tous  les 
Masscnet  et  tous  les  Godard  de  France  et  de  Navarre  ? 

Avant  tous  noms  étrangers  que  je  cite,  qu'on  prenne  des  nôtres, 
je  veux  bien.  Peut-il  y  avoir  moment  plus  opportun  pour  faire  con- 
naître, à  Anvers,  un  certain  César  Franck  ;  après,  pourrait-on 
appeler  l'aitenlion  du  public  sur  l'existence,  parmi  nous,  de  Franz 
Servais. 

11  est  dévolu  à  M.  Wilford  cle  faire  une  belle  œuvre,  et  mieux 
vaudrait  la  voir  échouer,  après  l'avoir  glorieusement  tentée,  que 
de  la  voir  aboutir  et  perdurer,  comme  tout  ce  qui  nous  entoure, 
médiocrement. 


f  ETITE    CHROJVIIQUE 

Le  Théâtre  de  la  Monnaie  a  donné  jeudi  la  prcniière  nouveauté 
de  la  saison.  Et  elle  a  été  bien  inspirée  en  montant  la  Basoche 
d'André  Messager,  dont  nous  avons  dit  le  retentissant  et  légitime 
succès  à  Paris  (1).  L'ouvrage  a  beaucoup  plu  par  la  gaieté  du 
livret  et  le  vif  attrait  de  la  musique,  —  qui  est  d'un  compositeur 
maître  de  son  art.  Nous  reviendrons  dimanche  prochain  sur  celte 

{i)  Yoiv  FArt  moder}îe  dvL  22  juia  dernier. 


inl<^ressan(e  représcnlaiion,  dont  rinterprétalion  el  la  mise  en 
scène  n'ont  rien  laissé  à  désirer. 

Les  répétitions  de  Siegfried  font  espérer,  à  ce  qu'on  nous 
affirme,  une  très  bonne  interprétation,  spécialement  en  ce  qui 
concerne  les  deux  personnages  principaux,  Siegfried  (M.  Lafarge) 
el  Brunhilde  (Mi^^Langlois).  Tous  les  rôles  sont  sus  et  on  a  com- 
mencé à  les  répéleKsur  la  scène.  QuanXà  l'orchesire,  M.  Franz 
Servais  a  termine  les  r^étilions  partielles  au  quatuor  el  de  l'har- 
monie et  va  entreprendreJes  éludes  d'ensemoi^.  On  compte  être 
entièrement  prêt  pour  la  firKdu  mois. 

Voici  la  distribution  complète  de  l'ouvrage.  Ellè\n'a,  croyons- 
nous,  pas  encore  été  publiée  : 

Siegfried     ....     .     .   \    .     .     MM.  Lafar^ç^. 

Wolan  .     .     .     .   T    .     .  \.     .  ^        Bouvet.  \ 

Mime     .     ....     .     .     .     \  .  Isouard.    \ 

Alberich     .     .     .     .     .     .     .  \  .  Badiali. 

Fafner  . .     .\         Challet. 

Brunhilde  •     •  _ M"»"  Langlois.  \ 

Erda.     <     .     •     .     .     ...     •     .  Morelli. 

L'oiseau  de  la  forêt   .     .     .     .     .  Carrère. 

M'"^  Cosima  Wagner  a  promis  d'assister  h  l'une  des  premières 
représentations.  > 

Le  succès  de  noire  compatriote  Ernest  Van  Oyck  dans  Manon, 
à  Vienne,  a  élé,  nous  écrit-on,  triomphal.  L'artiste  abordait  pour 
la  première  fois  un  rôle  avec  dialogues  :  il  s'est  moniré  aussi  bon 
comédien  que  chanteur  excellent. 

Aux  revues  nouvelles  que  nous  avons  annoncées  dans  noire 
dernier  numéro,  s'ajoute  :  La  Revue  Belge  illustrée  (mensuelle) 
d'art,  de  lUtératurc,  de  musique,  publiée  sous  la  direction  de 
M.  A.  de  Nocée.  La  première  livraison  contient  un  dessin  de 
M.  de  Rassenfosse,  des  illuslrations  de  M.  Berchmans,  pour  une 
nouvelle  de  M.  Melmaur,  des  croquis  d'Am.  Lynen,  pour  un  conte 
dé  M.  Gheldre,  une  vignette  de  M.  Binjé  sur  des  vers  de 
M.  Giraud,  el,  en  supplément,  un  article  sur  le  Salon,  une  chro- 
nique littéraire,  etc.  Bureaux  :  rue  Siévin,  93.  Abonnement  : 
Safranes  par  série  de  dix  numéros. 

Lé  conseil  communal,  réformant  la  décision  du  collège,  a 
accordé  aux  Concerts  populaires  la  disposition  du  théâtre  de  la 
Monnaie.  Voici  donc  l'inslilulion  sauvée.  AU  ivell  that  ends  well. 

Les  membres  du  collège  se  sont  d'ailleurs,  sans  peine,  ralliés 
à  leurs  collègues  du  Conseil.  Jl  y  a  parmi  eux  des  hommes  qui 
ont  toujours  défendu  les  Concerts  et  que  seule  la  crainte  de  voir 
la  Monnaie  privée  brusquement,  au  milieu  de  la  saison,  de  sa 
direction,  avait  contraints  de  voter  comme  on  sait.  Et  parmi  eux, 
précisément,  M.  André,  échevin  des  Beaux-Arts,  qu'on  a  injuste- 
ment transformé  dans  cette  àff'aire  en  Croquemilaine  décidé  à 
détruire  l'œuvre  artistique  de  Joseph  Dupont. 

En  attendant  les  grandes  auditions  symphoniques  du  Conserva- 
toire et  des  Concerts  populaires,  les  séances  intimes  de  musique 
de  chambre  battent  leur  plein.  Chaque  jopr  fleurit  d'une  affiche 
nouvelle  les  vitrines  des  marchands  de  musique.    " 

Demain  soir,  première  séance  organisée  au  Palais  de  la  Bourse 
par  la  nouvelle  Société  de  musique  de  chambre  avec  le  concours 
de  M""  Julia  Milcamps.  Au  programme  :  un  quatuor  à  cordes  de 
Mendeissohn,  le  quintette  de  Schumann,  la  sonate  pour  piano  et 
.violoncelle  de  Grieg,  etc.  Interprètes  :  M"»*  Lefebvre-Moriamé, 
MM.  Laoureux,  Coëlho,  Hans  et  Sansoni. 


jeudi,  à  la  Grande-Harmonie,  soirée  musicale  el  littéraire 
organisée  par  M.  Maurice  Chômé,  chargé  de  cours  au  Conserva- 
toire. 

Samedi,  à  la  Grande-Harmonie  également,  troisième  et  der-     , 
nière  séance  classique  avec  le  concours  de  MM.  Diémer,  Thomson 
et.Ë,  Jacobs. 

Mercredi  17  courant,  concert  donné  dans  la  Salle  Marugg  par 
M"*  M.  BouRÉ,  cantatrice,  avec  le  concours  de  MM.  SmEesters, 
Vandenheuvel,  Van  Isterdael,  etc. 


Exposition  AU  «  Cerclé  artistique»,  -v  M.  Coenraets  —  non. 
J'ignore  si  l'on  a  déjà,  dans  l'Art  moderne^  parlé  de  ce  peintre 
nominalement,  mais  "que  de.  fois  on  a  cité  dè\ses  tableaux  signés 
par  Pierre  et  Paul  et  tous  si  lamentablement  les  mêmes. 

M.  Van  Overbeke.  Certes,  sur  un  échelon  supérieur  à  celui  où 
perche  M.  Coenraets.  Mais  que  dire  ?  Tout  cela  c'est  de  l'art  de 
Messieurs  X  frères  et  C'®. 

M.  Hagemans  a  serré  ses  aquarelles  en  des  cadres  de  chêne  el 
leur  a  donné  un  faux  air  de  tableaux.  Le  diable  c'est  que  ces 
carrés  dé  papier  paraissent,  grûce  à  ce  délimilage  trop  fort  et 
lourd,  incontestablement  creux  el  vides. 

Les  aquarelles  de  M.  Hagemans,  trop  sommaires  et  trop  habi- 
les, séduisent  néanmoins.  On  sent  une  main  exercée,  quelqu'un 
qui' sait  choisir  dextrement  un  sujet  lui  convenant,  un  artiste  d'en- 
semble pour  lequel  le  détail,  la  minutie  et  la  grâce  bibeloitière 
ne  sont  guère  de  valeur  en  cet  art  un  peu  joujou  de  l'aquarelle. 

A  Anvers.  —  Àprè^  une  conféreiice  donnée  au  Cercle  artisti- 
que, M.  Victor  Wouters,  président,  a  réuni  chez  lui  des  amis 
choisis  et  des  dileltantes  el  des  peintres  et  des  hommes  de  lettres. 
Réunion  nombreuse  à  laquelle  la  maîtresse  de  la  maison, 
j|me  Woulers,  a  fait  charmant  et  gracieux  accueil. 

On  a  enlfendu  un  phénomène,  la  petite  Paiirparé,  étonner  le 
piano  lui-même  sur  lequel  elle  jouait,  tant  étaient  agiles  et  sûrs 
ses  petits  doigts  tricotant  des  noies.  Celte  fillette  extraordinaire, 
tôle  assez  grosse,  bras  charnus,  corps  de  foraine,  tignasse  fruste, 
avait  l'âge  qu'on  voulait.  L'air  d'une  grande  personne  diminuée 
jusqu'à  la  taille  d'un  enfant.  C'était  un  gosse  de  trente  ans. 

M"*  Soutens-Flament,  qu'on  applaudissait  aux  XX,  jadis,  a 
chanté  d'une  voix  nette,  pleine  et  parfaite,  quelques  mélodies. 

M.  Blockx  l'accompagnait. 

Et  Milenka  s'est  mis  tout  à  coup  à  entrechoquer  ses  sabots,  fai- 
sant regretter  que  l'on  n'entendît  pas  un  vieil  air  de  carillon,  bien 
flamand,  lui  répondre,  au  loin,  dans  la  nuit. 

IPaul  GinistY,  très  attentif  critique  de  Gil-Blas,  écrit  :  «  J'avais 
oïlvert,  un  peu  au  hasard,  un  petit  livre,  intitulé  -.Des  couples  l 
signé  d'un  nom  qui  m'était  inconnu  :  celui  de  M.  Maurice  Leblanc. 
J'ai  pris  plaisir  à  le  lire.  Je  ne  prétends  pas  «  découvrir  »  un 
humoriste,  mai^s  je  constate  une  verve  assez  curieuse,  une  moque- 
rie h  froid  arrivant  à  des  effets  de  comique  particulier,  une  viva- 
cité'qui  est  caractéristique  chez  ce  nouveau  venu.  Il  y  a  là  quel- 
ques très  plaisantes  histoires.  C'est,  par  exemple,  celle  d'un 
petit  bourgeois  provincial  qui  a  été  oulrageusement  trompé  par 
sa  femme.  Sa  mésaventure  a  fait  grand  bruit  et  lui  a  valu  une 
sorte  de  célébrité.  Peu  à  peu,  on  oublie  la  cause  de  cette  célé- 
brité, qui  lui  demeure;  on  nese  souvient  plus  que  c'est  le  ridi- 
cule qui  a  vulgarisé  son  nom,  et  il  se  transforme  tout  doucement 
en  grand  homme  local  ;  il  peut  aspirer  aux  honneurs  municipaux, 
il  arrondit  ses  afiaircs  ;  il  est  écouté,  consulté,  respecté,  envié. 
Sa  fortune  est  faite...  C'est  aussi  l'histoire  d'un  veuf  qui,  avec 
attendrissement,  élève  la  fille  de  sa  maîtresse,  pour  que  celte 
gamine  soit,  quand  le  moment  sera  venu,  la  «  petite  amie  »  de 
son  fils,  à  lui.  De  celte  façon,  ce  sera  très  touchant,  on  restera 
«  en  famille  »...  On  dirait  des  scénarios  de  pièces  pour  le  Théâlrc- 
Libre.  »  i 


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D'Ostende  à  5  h.  15  matin,  IM.  10  matin  et  8  h.  31  soir.  —  De  Douvres  à  midi  05,  3  h.  soir  et  10  h.  15  soir. 

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AVIS.  —  Buffet  restaurant  à  bord.  —  Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  ^-  Accostage  à  quai  vis-à  vis  des  stations  de  chemin  de 
fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  vragons-lits).  ^  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  —  Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  l'Eorploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Bruxelles,  à  l'Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  V Etat-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90^,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  tfi  53,  à  Londres,  à  V Agence  de  Chemin*  de  fer 
d«  2' j^tof,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  If.  ^r/Am- FrancAen,  Domlcloster,  no  1,  à  Cologne. 


JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche.  . 

Faits  et  débats  judiciaires.  —  Jurisprudence. 
—  Bibliograpbie.  —  Législation.  —  Notariat. 

HUTIJEHS  ANNÉE. 

Abonnements  i  Belgique,  18  francs  par  an. 

ABONNEMENTS    |^^j,^jjggy    23  jj 

Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruccelles. 


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Camille  de  Saint-Saëns,  Liszt,  Richard  Wagner,  Rubinstein,  Joa- 
chim,  Wilhelmj,  Ed.Grieg,  Ole  Bull,  A.  Essipo/f^  Sofie  Meuter, 
Désirée  Artôt,  Pauline  Lticca;  Pablo  dé  Sarasate,  Ferd.  Hitler,  D. 
Popper,  sir  F.Benedict,  Leschetitzhy ,  Napraouik,  Joh.  Selmer,  Joh. 
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-v*-  "» 


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Dixième  année.  —  N*  50. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  14  Décembre  1890. 


MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

— — ^   .  ■  }■ 

Comité  de  rédaction  »  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,    fr.   1Q.00  ;  Union  postale,    fr.    13.00     —ANNONCES  :    On  traite  à  forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à  -         — 

l'administration  GÉNÉRALE  DE  l'Art  Modome,  ruo  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


.  I . 


Lbs  marbres  du  Parthénon.  —  La  Basoche. —  Salon  des  Aqua- 
rellistes. —  La  mise  en  scène  sous  Shakespeare.  —  Nouveaux 
Concerts  a  Liéok  —  LiTTiiRATURE  réclame.  —  Chronique  judi- 
aAiRE  DES  Arts.  Madame  Bovary.  Un  mari  dans  les  coulisses. 
—  Mémento  des  Expositions.  —  Petite  chronique. 


LES  MARBRES  DU  PARTHÉNON 

On  publie  qu'un  comité  s'est  formé,  à  Londres,  dans 
le  but  net  de  créer  une  agitation  pour  faire  rendre  par 
l'Angleterre  à  la  Grèce  les  marbres  du  Parthénon. 

Que  cela  soit,  nous  ne  lë"^  souhaiterons  jamais  avec 
assez  de  violence.  L'idée  en  est  haute  au  point  qu'on  a 
peine  à  y  croire.  Ce  peuple  de  marchands  et  d'accapa- 
reurs ne  serait  donc  pas  \e\  que  les  idées  toutes  faites 
l'ont  défini.  Il  serait  grand  jusqu'à  reconnaître  ses 
torts  et  restituer  ses  vols  qu'on  ne  lui  redemande  même 
pas.  Dans  ce  Londres,  que  parmi  nous  tant  d'artistes 
admirent  jusqu'à  lui  demander  la  maison  spirituelle  oiï 
ils  conçoivent  et  réalisent  leur  art,  il  se  rencontrerait 
des  gens  et  des  esthètes  assez  purs  pour  écraser  le  bour- 
geois intérêt  national  sous  un  rêve  de  soudaine  justice 
magnifique?  Un  progrès  décisif  dans  la  conscience 
publique,  certes.  Et  pour  celui  qui  l'examine  sous  tel 
angle,  ce  fait  est  de  ceux  qui  marquent  un  temps. 


On  sait,  qu'en  ce  siècle  commençant,  lord  Elgin  (1), 
profitant  de  son  crédit  là-bas  ot  usant  d'habileté  et  de 
ruse,  embarqua,  un  beau  matin,  les  blocs  de  génie  où 
Phidias  avait  taillé  son  immortalité  humaine.  Il  les 
dirigea  vers  le  Nord.  Le  droit  du  plus  fort  les  main- 
tient à  Londres.  Les  protestations  passèrent  comme  des 
vols  de  mouche.  'On  les  dissipa  avec  quelques  gestes  au 
bout  desquels  un  poing  était  tendu. 

Au  British  Muséum,  ces  débris  furent  alignés  sur 
des  socles  de  bois,  en  une  salle  morne.  Actuellement, 
on  les  a  piédestalés  de  granit.  L'effet  est  quelconque. 
Taillés  pour  être  vus  à  quinze  mètres  de  haut,  on  les 
présente  à  niveau  d'épaule,  et  les  copistes,  avec  leur 
crayon,  viennent  mesurer  les  orteils  de  Demeter  et  de 
Coré.  La  beauté  de  ces  groupes  est  tuée  net.  Le  rêve  qui 
habitait  leurs  plis  de  robe  en  fut.  chassé  par  la  brutalité 
même  de  la  montre.  Ce  sont  choses  hors  de  leur  milieu, 
hors  de  leur  cadre.  Là-bas,  sous  leur  ciel,  elles  étaient 
grandies  et  comme  apothéosées  et  même  elles  semblaient 
plus  belles  encore  parce  que  ruines;  ici,  elles  ne  sont 
qu%àves  sous  un  hangar. 

(1)  Chateaubriand  écrit  au  cours  de  son  voyage  en  lonie  :  «  Un 
moderne  vient  d'achever  par  amour  des  arts,  la  destruction  que  les 
Vénitiens  avaient  commencée  Lord  Elgin  a  perdu  le  mérite  de  ses 
louables  entreprises  (il  a  étudié  la  Grèce  et  fait  beaucoup  de  fouilles) 
en  ravageant  le  Parthénon.  Il  a  voulu  faire  enlever  les  bas-reliefs  de  la 
frise;  cour  y  parvenir,  dés  ouvriers  turcs  ont  d'abord  brisé  l'àroLi- 
trave,  jeté  bas  les  chapiteaux  et  rompu  la  corniche  ». 


wr 


Dernièrement,  au  Musée  des  échanges,  la  surprise, 
nous  est  tombée  dans  les  yeux  de  voir  la  restitution  du 
fronton  athénien  tout  à  coup  surgir.  On  a  reconstruit 
ce  couronnement  de  portique  tel  qu'il  est  là-bas,  en 
Grèce,  et  les  moulages  des  statues  ont  pris  place  à  leur 
place.  L'effet  est  énorme.  Le  grand  hall  où  sont  repré- 
sentés Verrochio,  Michel-Ange,  Kraft,  Goujon,  où 
s'épanouissent  des  chefs-d'œuvre  indous,  romains  et 
gothiques  ne  semble  glorifier  qu'un  homme  :  Phidias. 
Son  fragment  de  temple  domine  et  écrase  tout  de  sa 
beauté.  Le  reste  n'est  qu'accessoires  et  revêt  je  ne  sais 
quel  caractère  de  fantaisie  et  de  bibeloterie.  Il  faut  se 
reprendre  à  cette  admiration  trop  haute  pour  regarder 
lartombe  desMédicis  et  les  bas-reliefs  de  Nuremberg.  Il 
semble  que  l'art.pour  s'en  venir  chez  les  modernes  soit 
descendu  d'un  Thabor,  - 

Ceux  que  le  voyage  a  menés  vers  Athènes  et  sur  ce 
sommet  d'acropôJe  dévasté  par  les  Turcs  et  les  Véni- 
tiens en  ont  rapporté,  un  éblouissement  qui  leur  sera 
soleil,  leur  vie  durant.  Ces  ruines  de  Propylées,  ce 
temple  de  la  Victoire,  cet  Erecthéon  et,  surtout,  ce  Par- 
thénon  cassé,  fendu,  troué,  mais  debout  comme  une 
idée  qui  ne  peut  pas  mourir,  font  seuls  comprendre  la 
suprématie  de  l'art  grec.  Il  est  une  loi  de  régression 
constatée  en  science  qui  affirmé  :\certaines  adaptations 
et  certains  progrès  ne  peuvent  se  manifester  qu'en  un 
concours  de  circonstances  favorables  à  telle  heure. 
L'heure  passée,  ce  développement  ne  peut  se  reproduire 
semblable,  même  si  les  mêmes  besoins  d'adaptation  se 
nécessitaient.  Il  se  réalisei'a  autrement  peut-être,  mais 
jamais  similaire.  : -^^        :^  ^     — :_- l 

Il  semble  que  cette  loi  s'avère  en  art,  également.  Au 
v«  siècle  avant  le  Christ,  il  s'est  trouvé  en  un  pays 
choisi,  sous  un  climat  glorieux,  en  des  paysages  de 
montagnes  où  l'homme  se  lève  proportionnel  au  milieu, 
des  artistes  qui  ont  compris  toutes  ces  concordances. 
L'art  y  a  réalisé  un  progrès  que  plus  jamais  il  ne  réali- 
sera peut-être,  et  dussent  les  mêmes  circonstances  se 
présenter,  qu'il  ne  réalisera,  certes,  jamais  telles.  Donc, 
l'art  grec  reste  unique.  On  ne  doit  plus  et  ne  peut  plus 
le  recommencer.  Objet  d'admiration  totale,  il  serait 
'illogique  qu'il  devînt  objet  d'imitation  oU' qu'il  servît  de 
modèle.  Tel  est-il  et  tel  s'affirme-t-il  grand  plus  pure- 
ment, parce  que  pratiquement  inutile,  si  pas  nuisible. 

Mais,  précisément  à  cause  de  sa  signification  faut-il, 
pour  le  juger,  son  ciel  et  son  site.  Il  est  che^-  lui  à 
Athènes,  il  est  en  exil  ^'importe  où  ailleurs.  Il  y  a 
sacrilège  et  profanation  dès  qu'on  arrache  une  pierre 
d'un  monument,  fût-ce  pour  ]a  monter  en  or.  Certes,  les 
musées  conservent,  bien  qu'en  des  villes  où,  à  certaines 
époques,  lep  communes  sont  souhaitables,  on  s'inter- 
roge sur  leur  sécurité.  Toujours,  pourtant,  par  le  fait 
même  d'enfermer  les  chefs-d'œuvre  en  des  armoires  ou 
en  des  salles,  on  les  déshonore.  Qu'ils  restent  sur  place. 


Là,  du  moins,  si  la  mort  vient,  ils  mourront  de  le.ur 
mort  à  eux. 

Consolant  est-il,  au  point  qu'une  certaine  fierté  en 
rejaillit  sur  tout  homme  qui  pense,  de  voir  en  cette  fin 
de  siècle  une  nation  ou  du  nioins  quelques  citoyens  de 
cette  nation  comprendre  ce  respect  qu'on  doit  aux  choses 
d'art.  L'Anglais,  si  en  tout  à  coup  d'ombre  et  de  lumière, 
si  en-noir  et  clair  comme  une  eau-forte  de  Rembrandt 
ou  ^n  dessin  de  Redon^  s'impose  le  plus  surprenant 
des  peuples.  Les  contrastes  se  heurtent  chez  lui  en  de 
telles  cassures  de  haute  intelligence  et  de  bas  égoïsme 
qu'il  en  est  tragique,  normalement.  On  l'aime  et  on  le 
hait  en  même  temps.  Mais  il  passionne  quiconque  et 
toujours  à  travers  sa  toute  crasse  de  lucre  et  son 
fumier  d'hypocrisie,  des  fleurs  poussent  belles  et  naïves 
comme  s'il  sentait  se  lever  en  lui,  lui,  si  vieux,  une 
magnifique  âme  d'enfant. 


LA  BASOCHE. 

En  nionlanl  la  Basoche,  les  direcleurs  de  la  Monnaie  reclou- 
laieni,  dit-on,  «  l'opposiiion  des  wagnéristes  ».   \ 

Crainte  frivole,  inquiétude  folle, 

ainsi  qu'on  chante  dans  les  Noces  de  Figaro.  Ce  sont,  pré- 
cisémenl,  ces  farouches  wagnéristes  qui  ont  fait  à  l'œuvre  nou- 
velle d'André  Messager  l'accueil  le  plus  sympathique.  Et  s'il  est 
quelques  opposants  (oh!  fort  peu,  d'ailleurs!)  ce  sont  les  sempi- 
ternels grincheux  qui  croient  nécessaire  de  ronchonner  chaque 
fois  qu'on  leur  sert,  au  lieu  du  filet  Gbdard  traditionnel,  quelque 
relevé  assaisoniré  de  façon  nt)uvelle,  dont  s'accommode  mal  leur 
estomac  débile. 

N'augurez  pas  de  là  que  la  Basoche  recèle  une  révolution 
esthétique  ou  que,  nouvelle  Muette,  elle  incite  à  l'émeute.  Non! 
11  s'agit  d'un  retojjr  au  type  le  plus  pur  du  vieil  opéra-comique 
français,  au  patron  classique  des  œuvrettes  dont  le  librettiste 
fournit  an  compositeur  une  vingtaine  de  prétextes  à  airs,  k  duos, 
à  trios,  à  chœurs,  à  chansons  à  boire,  à  préludes  et  à  interludes, 
voire  à  quelques  pas  dansés.  Et  c'est  tout. 

Mais  ce  vieux  moule,  André  Messager  l'a  singulièrement 
rafraîchi  par  l'écriture  pimpante  de  sa  partition,  par  son  inspira- 
tion aisée,  par  le  soin  particulier  avec  lequel  il  a  fouillé,  buriné, 
ciselé  l'instrumentation. 

C'est,  pour  une  oreille  d'artiste,  un^musement  de  toute 
la  soirée  que  cet  orchestre  spirituel,  ironique  parfois,  distingué 
toujours,  soulignant  les  quiproquos,  les  situations  comiques, 
l'imbroglio  de  l'intrigue.  Et  fréquemment  la  muse  de  M,  Messager 
s'attendrit,  et  voici  qu'en  de  très  jolies  inspirations  d'un  tour 
archaïque  Clément  Marot  chante  des  vers  charmants,  accueillis 
par  toutes  mains  baUanles.    '  ^ 

L'impression  que  fil  sur  nous  /a  Basoche  à  Paris  (1)  n'a  point 
faibli  à  Bruxelles.  C'a  été,  en  cette  «  première  »  mémorable,  la 
seule  de  la  saison,  une  vraie  joie,  un  régal  aimable,  une  -saveur 
d'art  frais  traversant  inopinément  les  sauces  rances  et  les  miro- 
tons aigres  qui  composent  l'ordinaire  de  la  maison. 

(1)  Voir  VArt  moderne  du  22  juin  dernier. 


Il  y  eut  quelque  effroi.  Celle  Basoche  aux  allures  de  bonne  fille, 
enjouée  el  lesle,  scandalisa  quelque  peu  les  carialides  de  l'abon- 
nemént,  —  vieux  messieurs  à  l'air  grave,  ou  jeunes  messieurs  à 
l'air  1res  vieux.  S'imaginaient-ils  que  Messager  eûl  déchaîné  l'or- 
cheslre  de  Bayreulli  pour  accompagner  des  cortèges  d'éludiants 
cl  de  folles  chansons?  Croyaienl-ils  sérieusement  (loul  est  pos- 
sible) que  la  Basoche  fût  une  divinité  Scandinave,  sorte  de  Wal- 
kyiie  francisée,  qu'on  dût  nous  montrer  dans  des  nuages  de 
vapeur,  avec  récitatifs  austères,  prélude  mystique  et  chœurs 
religieux  ? 

Le  mot  de  la  soiréç^élé  dit  à  la  sortie  :  «  C'est  trop  amusant, 
cela  ne  plaira  pas  !  »  El  de  fait,  quand  il  s'agit  de  décider  les 
gens  à  s'amuser,  c'est,  chez  nous,  la  besogne  la  plus  laborieuse 
qui  soil. 

Les  musiciens,  toutefois,  l'ont  emporté  sur  les  messieurs  graves 
cl  sur  les  jeunes  petits  messieurs  très  vieux.  Et  on  leur  a  tant  dit 
que  la  Basoche  était  une  œuvretie  charmante,  qu'ils  ont  fini  par 
en  convenir.  Actuellement,  on  accumule  les  représentations.  Si 
on  pouvait  en  donner  deux  par  jour,  une  l'après-midi  et  une . 
autre  le  soir,  on  ne  manquerait  pas  de  le  faire.  Et  le  caissier  ne 
s'en  plaindrait  pas. 

Quant  à  ceux  qui,  avec  des  mines  dégoûtées,  insinuent  que 
«  notre  première  scène  lyrique  »  ne  devrait  pas  accueillir  des 
oeuvres  aussi  légères,  renvoyons-les,  sans  phrases,  au  Chien  du 
Jardinier,  au  Maçon,  à  le  Bouffe  et  le  Tailleur. 

L'interprétation?  Bonne  dans  l'ensemble^  M"«  Nardi,  la  plus 
délurée  et  la  plus  artiste  de  la  troupe,  donne  une  physionomie 
drôlichonne  au  rôle  de  Colette,  joué  -à  Paris  avec  quelque  senti- 
inentalité  par  M"®  Molé-Truflfier.  Jolie  voix,  gestes  espiègles, 
beaucoup  d'entrain  et  de  gaieté.  C'est  elle  qui  mène  la  pièce,  qui 
reposait  à  Paris  sur  M™«  Landouzy.  Ici,  la  reine,  c'est  M"«Carrère,. 
une  reine  distinguée,  de  prestance  élégante,  dont  malheureuse- 
ment la  voix  n'a  pas  toujours  autant  de  justesse  que  sa  personne 
a  de  charme.  M.  Badiali  est  un  Clément  Marot  bien  en  voix  et  bel 
acteur,  sympathique,  séduisant,  incarnant  à  merveille  son  person- 
nage et  balançant  à  cet  égard  la  création  qu'en  fit  M.  Soulacroix. 
Mais  ce  pauvre  duc  de  Longueville,  échu  en  partage  à  M.  Chap- 
puis,  a  éprouvé  un  cruel  revers.  Il  est  très  aniusant,  M.  Chappuis, 
il  est  drôlement  grimé,  il  fait  des  gestes  plaisants  et  (ies  mines 
parfaitement  comiques.  Mais  il  n'a  plus  de  voix,  plus  de  voix  du 
tout.  De  telle  sorte  que  tout  ce  que  chantait  à  Paris  M.  Fugère, 
de  sa, voix  tonitruante,  disparait  à  Bruxelles  et  s'absorbe  dans  les 
grimaces  du  titulaire.  Nous  aimerions  bien  d'entendre  ce  que 
M.  Messager  a  écrit  pour  le  vieux  duc.  Ne  pourrait-on  charger 
quelque  chanteur  de  nous  faire  cette  révélation?  M.  Isnardon, 
par  exemple,  n'a-t-il  pas  quelques  loisirs  depuis  la  fermeture  du 
Théâtre-Lyrique?  7' 

Quant  aux  chœurs,  à  l'orchestre,  tout  a  marché  très  convena- 
blement, et  nous  supposons  que  M.  Messager  n'aura  eu  qu'à  se 
louer  de  l'interprélatton. 


SALON  DES  AQUARELLISTES 

Ce  pelitévénement  artistico-mondain  annuel  :  l'ouverture  du  Salon 
des  Aquarellistes,  s'est  passé,  cette  fois,  sans  bruit.  La  Coiir,  empê- 
chée par  un  anniversaire  funèbre,  s'est  fait  excuser,  et  la  Ville  est 
restée  les  pieds  sur  l'âtre.  Aussi,  pourquoi  ces  changements  de 
saison?C'étail  joli,  jadis,  l'ouverture  du  Salon  aux  Pâques  fleu- 


ries, avec  le  sourire  du  soleil  d'avril  sur  les  toilettes  déjà  claires. 
Le  froid,  le  gel,  les  fourrures,  les  manchons,  les  paletots,  les 
ganis  de  laine  jurent  abominablement  avec  les  frôles  et  légers  el 
blancs  whalmans  teintés  de  couleurs  tendres. 

Car  c'est  vers  les  nuances  délicates  que  vont,  de  plus  en  plus, 
les  aquarellistes,  à  la  suite  des  Stacquct,  des  Uyltersehaut,  des 
Binjé,  qui  étalent  sur  de  souples  surfaces  des  tons  d'éventail  et 
d'écran.  C'est  une  imagerie  que  celte  exposition,  une  jolie  ima- 
gerie radieuse  de  colorations  gaies,  mais  dans  laquelle  on 
cherche  vainementl'œuvre  d'art,  l'œuvre  qui  donne  la  sensation 
artistique  dont  récemment  encore  nous  parlions,  et  sans  laquelle 
il  n'est  point  d'Art. 

Oui,  à  la  veille  des  éirennes,  le  salon  des  Aquarellistes  apparaît 
un  peu  comme  le  dépôt  de  tous  les  Figaros  illustrés,  de  tous  les 
Chrislmas  numbers,  de  tous  les  Paris-Noël  et  autres  albums  en 
couleurs. 

De  ci,  de  là,  une  note  émue  :  tel  Clair  de  lune  de  Binjé,  bai- 
gnant de  clartés  bleuâtres  des  futaies  reflétées  dans  le  miroir  d'un 
lac,  tel  Pêcheur  de  Meunier,  debout,  en  manière  de  s^inl  Georges, 
à  la  proue  de  sa  barque  rentrant  au  chenal,  voiles\ déployées. 
Mais  l'œuvre?  l'œuvre?  la  composition  longuement  méditée,  con- 
çue avec  amour,  jaillie  en  traits  définitifs,  jalonnant  la  route  de 
l'Art  d'un  point  de  repère  immuable?  — 

Nous  espérions  la  trouver  en  Mellery.  Mais  le  catalogue^  seul 
annonce  sa  présence,  et  les  murs  du  Salon  l'attendent  vainement, 
de  même  qu'ils  attendent  Fernand  Khnopff. 

Il  faut  se  raballre  sur  les  jolies  imageries,  et  caresser  de  l'œi^ 
au  passage,  quelques  intérieurs,  agréablement  colorés  (nous 
allions  écrire  coloriés),  de  Taelemans,  de  petites  scènes  militaires 
d'Abry  et  d'Hubert,  d'humoristiques  mais  un  peu  lourds  Coins 
d'atelier  des  frères  Oyens,  deux  Vues  dif.  Palais  de  Justice 
par  Jean  Bacs,  dans  lesquelles  la  précision  du  tire-ligne  de  l'ar- 
chitecte s'unit  à  la  liberté  du  pinceau  de  l'aquarelliste,  deux 
petites  études  d'Eugène  Smils,  un  lot  considérable  de  paysages 
signés  Den  Duyts  et  Hagemans.  Reste  la  série  des  sous-Staquet- 
Binjé-Uytterschaul,  déjà  nommés  :  les  Hermanus,  les  Thémon,  les 
Tilz,  les  Seghers,  qui  marchent  avec  une  ponctualité  désespérante 
dans  les  traces' de  leurs  aînéis. 

Tout  cela  est  peint  avec  facilité;  c'est  plein  de  ficelles  et  de 
trucs,  c'est  ingénieux,  habile,  même  parfois  amusant  à  regarder. 
Mais  ce  qu'il  en  reste  dans  la  mémoire?.... 

El  dehors,  aux  vitrines  où  le  gaz  s'allume,  aux  montres  des 
Dielrich,  des  Kiessling,  des  Rozez,  l'exposition  continue,  épar- 
pillée en  Christmas-Numhers,  en  Figaros  illustres,  en  Paris- 
Noël,  dans  la  débandade  des  livres  d'étrennes  en  maroquin  rouge, 
montrant-des  luisants  de  tranche  dorée.... 


LA  MISE  EN  SCENE  SOUS  SHAKESPEARE 

L'article  de  M.  de  Wyzewa  que  nous  avons  publié  dans  notre 
dernier,  numéro  nous  a  valu  plusieurs  communications  intéres- 
santes. Voici,  notamment,  une  lettre  qui  combat  quelques-unes 
des  appréciations  .dé  M.  de  Wyzewa.  Bien  qu'elle  n'ait  pas  été 
destinée  à  la  publicité,  nous  croyons  qu'elle  est  de  nature  à  inté- 
resser vivement  nos  lecteurs.  La  question  dont  elle  s'occupe  est 
importante  ;  elle  mérite  à  tous  égards  d'être  discutée. 

MOM  CHER  M..., 
Vous  reproduisez  un  article  de  M.  de  Wyzewa,  intéressant, 


certes,  à  bien  des  points  de  vu<%  mais  là,  vrai,  j*en  suis  révolté 
et  encore  révolté.  M.  de  Wyzewa  ne  se  croit  pas  «  destinataire  de 
l'art  de  Shakespeare  »,  vt  je  n'en  doute  pas  un  instant.  Mais  cet 
axiome  suffii-il  à  prouver  tant  et  tant  d'idées  qui  abasourdissent 
une  naïve  dévotion? 

Le  théâtre  de  Shakespeare  n'est  pas  à  mes  yeux  le  théâtre 
idéal,  mais  je  l'admire  avec  ferveur,  et,  comme  les  fervents  sont 
les  pciits-fîls  de  Don  Quichotte,  il  me  pla|t  assez  de  venir  discuter 
ici.  C'est  que,  voilà!  je  fus  aussi,  moi,  en  ce  brave  Munich  des 
Munichois,  et  j'y  vis  du  Shakespeare,  ou  du  moins  ce  qui  restait 
de  Shakespeare  après  le  massacre.  J'en  vis  aussi  à  Dresde  et, 
franchement,  la  comparaison  est  désastreuse  pour  Munich.  Je 
vous  le  dis  bien  vite  :  à  Dresde  on  fait  des  coupures  exaspé- 
rantes, mais  comme  on  en  fait  partout  (exemple  :  la  scène  des 
Nornes  dans  Gùtterdammerimg  !).  On  s'y  attend  un  peu  et  l'on  a 
.  maudit  longtemps  d'avance  les  cis^eaux  oificiels.  Au  moins  la  mise 
en  scène  esï-elle  remarquable,  l'illusion  quasi  parfaite,  les  acteurs 
souvent  excellents.  La  scène  du  Conseil  dans  0//tc//o,  par  exem- 
ple, est  d'une  merveilleuse  grandeur,  et  puis,  enfin,  en  général, 
ils  ont  le  souci  de  h\  plastique  et  du  geste  choisi  selon  le  décor, 
ces  Saxons  amputeurs  ! 

Tandis  qu'à  Munich!...  Ces  bonnes  gens  sont  adorables,  tant  il 
y  a  de  bonhomie  dans  leur  bêtise.  Les  portes  de  ville  peintes  à 
fresque,  la  grosse  Bavaria,  les  palais  romains  et  les  trois  ordres 
architecioniques  de  la  Grèce,  tout  cela  est  merveilleux  parce 
qu'on  est  dans  le  pays  delà  Hofbràuhaus-i  que  les  Munichois  ont 
l'air  de  grands  écoliers  en  vacances,  et  qu'ils  vous  laissent  en  paix 
cultiver  votre  belle  âme  en  vous  appelant  Herr  Professer.  Mais 
■  quand  ils  se  mêlent  d'art  plastique!  Et  c'est  bien  ici  d'art  plas- 
tique qu'il  s'agit.  Oui,  ils  s'en  vont  à  dada  sur  une  idée  (ah! 
nada,  nadada  !)  comme  un  bébé  sur  une  canne,  et  alors  ils  sont 
terribles,  car  un  Munichois  qui  a  l'idée  n'est  plus  un  Munichois. 

Ils  ont  donc  voulu  inventer  un  nouveau  Shakespeare,  avec  de 
beaux  habits  tout  neufs,  et  ont  réalisé  une  scène  dans  la  scène, 
une  sorte  de  grand  morceau  de  carton  percé  d'un  grand  trou  avec 
draperie;  et  d'autres  trous,  pareillement  drapés,  à  gauche,  à  droite, 
au  dessus,  partout  où  l'on  a  pu.  Devant  cela  règne  la  vraie  scène, 
et  la  plus  grande  trouvaille,  c'est  que,  entre  la  scène  et  le  mor- 
ceau de  carton,  il  y  a  un  escalier.  Là  dedans  sedénriènent  les  per- 
sonnages. On  soulève  la  draperie  du  fond,  un  bout  de  toile 
peinte  apparaît,  tandis  que  le  grand  carton  et  les  divers  petils 
troirs  restent  immuables.  Quand  la  scène  change,  on  change  la 
petite  toile,  et  tout  est  dit. 

Maintenant.,  imaginez-vous,  par  exemple,  la  scène  de  la  lande 
dans  King  L^-ar  (car  j'ai  vu  précisément  ce  Roi  Lear  dont  M.  de 
Wyzewa  admire  tant  l'ordonnance).  Le  roi  paraît  à  l'orée  du  grand 
trou,  dont  le  cadre  le  serre  de  trop  près  et  lue  toute  ligne;  puis, 
il  y'  a  un  personnage  sur  l'escalier,  qui  parle  du  vent  et  de  la 
tempête  ;  et  le  roi  descend  aussi  l'escalier,  grelottant  sous  la 
bourrasque,  dit-il,  tandis  qu'en  somme  il  est  entouré  par  le  con- 
fortable mur  de  carton  et  les  non  moins  confortables  draperies 
qui  bouchent  les  trous.  L'escalier  et  les  draperies,  dans  celte 
lande  solitaire,  sont  du  plus  merveilleux  elîel,  vous  le  devinez,  et 
la  scène,  ainsi  conçue,  est  saisissante...., 

il  est  aussi  très  instructif,  disons  hygiénique,  de  voir  ces  mal- 
heureux perdus  en  pleine  campagne  soulever  la  draperie  d'un  des 
petits  trous  du  grand  carton,  pour  fuir  encore  dans  la  nuit  et  le 
vent,, etc.,  etc.,  etc. 

Quant  à  la  scène  finale,  c'est  plus  salutaire  encore.  Il  y  a,  oui, 


une  assez  belle  lente,  décorée  de  motifs  imprévus.  Le  grand  trou 
a  l'air  bon  enfant  et  les  draperies  aussi  sont  bonnes  filles  ;  alors 
éclatent  des  accords  d'une  harmonie  toute  moderne,  cependant 
qu'apparaît  la  princesse,  reine  de  France,  escortée  de  drapeaux 
tricùlpres.  Or,  \inse\x\  roi  de  France,  que  je  sache,  adopta  les 
trois  couleurs,  et  il  en  appert  que  Cordélia  avait  épousé  Louis* 
Philippe  (qui,  du  reste,  fit  tant  pour  magnifier  la  majesté  royale!). 
Le  grand  carton  reste  impassible,-—  il  en  a  vu  bien  d'autres,  — 
mais  moi  pas,  et  je  n'ai  pas  trouvé  cela  «  d'une  réalité  poignante 
et  irrésistible  »,  comme  l'insinue  M.  de  Wyzewa  qui  fait  semblant 
de  ne  pas  rire. 

Non,  vraiment,  autant  la  mise  en  scène  est  surprenante  pour 
les  œuvres  de  Wagner,  à  Munich,  autant  elle  est  ratée,  ratée, 
ratée,  pour  ce  qui  concerne  Shakespeare.  Le  raisonnement  ne 
devrait-il  pas  montrer,  d'ailleurs,  l'inanité  d'innovations  comme 
celle-là?  Oui,  Shakespeare  la  conçut,  et  joua  des  pièces  dans  ce 
cadre  qui  était  un  progrès...  Mais  dans  quel  sens,  ce  progrès? 
Evidemment  dans  le  sens  du  décor  plus  adéquat  à  l'action,  d'un 
certain  réalisme  ■ —  vous  entendez  bien  ce  mot,  — •  d'un  pas  en 
avant  vers  l'illusion  scénique;  et,  s'il  voulut  un  décor,  même 
fragmentairemenl,  plus  parallèle  à  ses  actes,  il  est  logique  de 
conclure  qu'il  eût  préféré  la  mise  en  scène  complète  de  Dresde, 
par  exemple.  Les  spectateurs,  habitués  à  l'absence  du  décor, - 
trouvaient  en  l'inxlicaiion  partielle  de  celui-ci  un, plus  précis  res- 
sort de  rêve,  voilà  !  Mais  s'ils  avaient  connu  nos  théâtres  mo- 
dernes, ils  n'eussent  jamais  redemandé  le  grand  carton,  malgré 
ses  Irons  et  ses  draperies,  et  malgré  son  adorable  escalier. 

Si  l'on  voulait  restituer  aux  pièces  de  Shakespeare  leur  cadre 
archaïque,  il  fallait  y  aller  plus  rondement,  supprimer  toute  toile 
et  laisser  les  spectateurs  construire  Chacun  en  soi-même  le  ducal 
palais  ou  la  forteresse  de  toutes  pierres  en  lesquels  devait  se  mou- 
voir l'action.  Ici,  le  peu  de  décor  indiqué  empêche  d'en  créer 
idéalement  un  autre;  c'est  un  empêcheur  de  rêver  en  rond,  rien 
de  plus. 

Voilà,  m^on  cher  M...,  tout  ce  que  j'avais  à  vous  dire.  Peut- 
être  Irouverez-vous  en  ce.s  lignes  télégraphiques,  mais  longues! 
quelque  document  à  rencontre  de  ceux  que  vous  avez  conservés 
jusqu'ici;  mais,  bien  entendu,  ceci  n'est  pas  une  lettre  à  insérer, 
la  forme  en  fait  foi,  et  n'allez  plus  me  faire  de  vilains  tours!  (1) 

Bien  amicalement  à  vous. 


Nouveaux  Concerts  à  Liège. 

{Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne). 

Avec  une  ardeur  certes  méritoire,  MM.  Sylvain  Dupuis  et  Van- 
denschilde  luttent  contre  la  presque  unanime  indifférence  des 
Liégeois  en  matière  d'Urt.  Qu'importent  les  soins  apportés  dans  la 
composition  des  programmes  et  dans  l'exécution,  qu'importe  la 
présence  d'un  virtuose  de  talent,  encore  inconnu  chez  nous;  le 
public  liégeois  dort  de  son  léthargique  sommeil  ! 

pimanclic  encore,  c'est  devant  un  groupe  trop  restreint  d'audi- 
teurs que  l'orchestre,  dirigé  par  M.  Sylvain  Dupuis,  a  exécuté  la 
symphonie  en  l'é  de  César  Franck.  Déjà,  en  son  numéro  du  5  mai 
1889,  l'Art  moderne  a  analysé  cette'grande  œuvre,  exécutée  pour 
la  première  fois  à  Paris  le  28  avril  de  la  même  année. 

Faut-il  en  rappeler  le  haut  caractère?  Poignante  par  l'âpreté  et 

(1)  Pardon,  cher  ami,  votre  lettre  est  très  instructive,  et  c'est  à 
nos  lecteurs  que  nous  jouerions  un  tour  en  ne  la  publiant  pas. 


la  complexité  des  scnliments,  inspirée  des  aspirations  les  plus 
hautes,  elle  plane,  sans  jamais  descendre,  dans  les  régions  les( 
plus  élevées  de  l'art.  Rien  en  surface,  une  musique  toute  en  pro- 
fondeur, grande  d'austérité,  et,  nécessairement,  à  beaucoup  inac- 
cessible. 

L'orchestre  avait  été  bien  travaillé  par  M.  Dupuis.  Il  a  exécuté 
la  symphonie  avec  beaucoup  d'ensemble,  de  nuances  et  de  clarté. 
L'interprétation  du  Lento  nous  a  particulièrement  frappé. 

L'orchestre  s'est  d'ailleurs  distingué,  cette  fois.  11  a  joué  de 
maîtresse  façon  l'Introduction  du  troisième  acte  de  Lohengrin. 
Dans  VHymne,  d'une  grande  envergure,  dédiée  à  Sylvairi  Dupnis 
par  César  Franck,  il  a  parfaitement  soutenu  sa  partie  à  côté  des 
chœurs  de  la  Lëgià. 

Les  mêmes  chœurs  ont  chanté  avep  une  impeccable  mais  un 
peu  froitie  correction  le  chœur  des  Chameliers  de  Rébecca  [César 
Franck),  d'un  pittoresque  saisissant. 

Le  virtuose,  un  Tchèque,  M.  Cari  Halir,  a  joué  le  Concerto  pour 
violon  d'Edouard  Lassen,  qui,  après  la  symphonie  de  Franck,  a 
iparu  de  mince  valeur. 

M.  Halir  a  de  la  vigueur,  beaucoup  d'habileté,  une  vibrante 
animation.  Par  l'ampleur  et  la  pureté  du  son  il  rappelle  son 
maître,  Joachim.  Mais  il  n'a  de  lui  ni  l'imposante  sévérité,  ni  la 
pénétration.  C'est  par  la  chaleur,  par  l'exubérance  de  vie  qu'il 
brille  surtout  ;  aussi  a-t-il  plu  davantage  dans  son  interprétation 
d'une  rapsodie  de  Liszt  et  d'une  danse  de  Brahms. 


IITTÉRATURE  RÉCLAME 

DrumonI,  dans  sa  Dernière  bataille  ou  sa  France  Juive, 
raconte  que  les  Rothschild  ont  un  budget  de  la  presse  (trois  mil- 
lions, si  nous  nous  en  souvenons)  qui  sert  à  leurs  réclames  finan- 
cières et  à  leiffs  réclames  mondaines,  à  exalter  tantôt  la  charité 
de  celle  des  baronnes  qui  s'adonne  aux  hôpitaux,  tantôt  le  talent 
de  celle  qui  s'adonne  aux  aquarelles,  à  parler  des  hautes  qualités 
des  hommes  de  leur. tribu,  et  de  la  suprême  beauté  de  leurs 
femmes.  Sur  le  vaste  clavier  du  journalisme,  dans  le  monde  entier, 
retentissent  ainsi  de  temps  en  temps  des  nirs,  mis  en  train  par 
ces  prodigieux  virtuoses. 

D'autres  y  vont  par  simple  amour  du  reportage.  Voici  un 
curieux  exemple  de  l'art  littéraire  s'ingéniant  à  l'exaltation  du 
cabolino-sémilismc.  Vertu  el  finance,  Providence  et  coffre-fort, 
brillants  de  l'esprit  et  brillants  des  joailliers,  course  de  chevaux  el 
course  de  la  vie, —  un  méli-mélo  kaléidoscopique  invraisemblable 
C'est  extrait  de  l'Indépendance  belge  ; 

«  On  peut  compter  Shakespeare  parmi  les  morts  de  la  semaine 
à  côté  de  lady  Haonah  Rcsoborry,  enlevée  par  la  fièvre  typhoïde 
à  l'amour  de  son  mari  et  de  ses  quatre  enfants,  et  h  l'idolâtrie 
des  pauvres,  el  inhumée  loin  de  son,  magnifique  domaine  de 
Mentmore  qu'elle-même  avait  meublé  de  bibelots  tels  que  les 
tapisseries  du  cardinal  Mazarin  et  la  cheminée  de  la  maison  de 
Rubens.  Fille  unique  du  baron  Nalhaniel  Meycr  de  Rothschild, 
elle  était  la  quatrième  ou  la  cinquième  des  femmes  de  cette 
grande  maison  qui  eussent  épousé  des  chrétiens,  chose  assez 
gênante  pour  les  antisémites  et' leur  théorie  de  la  non  assimilation 
des  juifs.  Elle  meurt  en  pleine  jeunesse  el  en  pleine  beauté, 
avant  que  ne  soit  éteint, -dans  les  souvenirs  du  high  life,  le  sou- 
venir de  son  brillant  mariage  avec  le  jeune  et  populaire  lord 
Rosebcrry,  mariage  dont  aucune  «  saison  de  Londres  »  n'a  vu  le 


u- 


pendant  depuis  1878.  La  voilà  enveloppée  d'un  linceul,  quand 
on  n'a  pas  encore  cessé  de  parler  du  voile  de  dix-huit  mille  francs 
qu'elle  portait  le  jour  de  ses. noces,  et  des  cinquante  millions 
qu'elle  apportait  en  dot  à  son  mari.  Et  elle  mérite  bien  les  regrets 
qui  la  suivirent.  Car,  chose  rare,  chez  celle  femme  opulente,  le'* 
cœur  était  d'or  aussi  ;  elle  était  la  Providence  des  pauvres,  mais 
une  Providence  particulière  souvent  tout  à  fait  anonyme.  Comme 
maftresse  de  maison,  elle  poussait  la  gr&ce  hospitalière  jusqu'à 
contenir  les  brillants  de  son  esprit,  pour  laisser  se  faire  valoir, 
tout  à  leur  aise,  ses  invitées  el  invités,  de  même  qu'elle  n'humi- 
liait jamais  autrui  par  l'étalage  des  brillants  de  ses  oreilles,  de 
son  cou  ou  de  ses  poignets.  Ardemment  intéressée  à  la  fortune 
|)Olitique  de  son  mari,  elle  ne  sut  jannais  se  résoudre,  comme  lady 
Randolph  Churchill  el  d'autres  grandes  dames  du  monde  britan- 
nique, à  se  transformer  en  orateur  de  meeting  ou  en  agent  élec- 
toral, pour  faire  avancer  les  intérêts  de  l'époux.  C'était  la  vraie 
grande  dame,  de  charme  simple,  au  pur  et  discret  rayonnement, 
d'un  type  qui  se  perd  par  l'invasion  de  l'américanisme,  et  les 
multiples  alliances  de  la  haute  aristocratie  décavée  de  l'Angle- 
terre avec  les  filles  des  richissimes  fabricants  de  saucisses  de 
Chicago.  Son  père,  qui  possédait  une  grande  écurie  de  courses, 
avait  donné  son  nom  d'Hannah  à  une  de  ses  juments  qui  gagna 
les  Oaks  en  4871.  Un-prince"  du  Sang  télégraphia  au  baron 
de  Rothschild,  le  priant  de  féliciter  sa  fille.  Elle  eut  de  l'ennui 
el  du  chagrin  de  voir  son  nom  mis  en  évidence  sur  le  turf.  Et 
c'est  à  cause  de  cette  réserve,  de  celte  horreur  du  tapage  que, 
mariée,  et  la  plus  riche  des  quinze  ou  vingt  femmes  qui  font  les 
honneurs  des  grands  salons  anglais,  elle  est  arrivée  bonne  pre- 
mière dans  l'estime 'des  gens,  cotée  plus  haut  que  quiconque 
dans  la  course  de  la  vie.  »         --'''. 

Après  ce  chef-d'œuvre,  nous  ne  dirons  pas  :  tirons  l'échelle  ! 
car  il  s'agit  d'une  échelle  de  Jacob,  tellement  haute  qu'elle  semble 
imbougeable  el  monte  à  des  régions  si  proches  des  grands  cieux 
où  trône  la  Flagornerie,  que  des  derniers  échelons  «  on  entend 
péter  les  anges  »,  selon  un  vieux  dicton  flamand. 


pHRONiqUE    JUDICIAIRE    DEg    ^RT3 

Madame  Bovary. 

M.  Commanville  s'est,  on  le  sait,  au  nom  des  héritiers  de  Flau- 
bert, opposé  à  ce  qu'on  jouûi  au  théâtre  la  pièce  tirée  par 
M.  Taylor  de  Madame  Bovary. 

11  fut  question  de  représenter  cette  pièce  au  Théâtre-Indépen- 
dant dont  le  caractère  semi-privé,  à  l'instar  du  Théâtre-Libre,  fit 
croire  à  Kauteur  qu'il  était,  là  du  moins,  à  l'abri  de  toute  interdic- 
tion. 

Tel  n'a  pas  été  l'avis  du  tribunal  civil  de  la  Seine,  qui,  le 
4  juin  dernier,  décida  que  \\.  Taylor  n'avait  pas  plus  le  droit  de  se 
passer  d'autorisation  au  Théâtre-Indépendant  que  partout  ailleurs, 
et  la  Cour  vient  de  confirmer  celle  décision,  par  arrêt  rendu  le 
4  novembre. 

«  Attendu,  disait  entre  autres  le  jugement,  que,  sans  doute, 
un  écrivain  peut,  dans  l'intimité,  donner  communication  d'un 
travail  quelconque  à  sa  famille  et  à  ses  amis;  qu'une  semblable 
communication  ne  touche  à  aucun  intérêt  étranger  el  est  protégée 
d'ailleurs  par  l'inviolabilité  du  domicile;  mais  qu'il  en  est  autre- 
ment quand  la  production  d'une  œuvre  littéraire  se  fait  dans  une 
assemblée  où  l'on  appelle  des  étrangers,  des  personnes  qui  ne  se 


connaissent  pas,  des  représenlants  de  la  presse,  en  un  mol,  lors- 
qu'il s'agit  non  plus  d'une  distraction  domestique,  mais  d'une  véri- 
table épreuve  en  partie  publique  à  laquelle  une  œuvre  littéraire 
est  soumise,  qu'à  ce  moment  tous  les  droits  de  propriété  qui 
sont  attachés  à  l'œuvre  ainsi  produite  peuvent  se  faire  valoir; 

«Attendu  que  le  Théâtre-Indépendant  a  ses  abonnés;  que  la 
presse  est  convoquée  aux  représentations;  qu'un  certain  public  y 
est  admis;  qu'il  s'agit  dès  lors  de  représentations  publiques  aux- 
quelles les  auteurs  ou  coauteurs  des  pièces  jouées  peuvent  s'op- 
poser :  que  la  défense  faite  par  Commanvillii  est  donc  légitime.  » 

Un  mari  dans  les  coulisses. 

Le  mari  d'une  actrice  a-t-il  lo  droit  de  pénétrer,  contré- la 
volonté  du  directeur,  dans  les  coulisses  du  théâtre  et  dans  là  loge 
de  sa  femme? 

La  question  a  été  posée  devant  le  juge  des  référés  par  M.  de 
Ladrière,  mari  de  M"*  Verheyden,  première  chanteuse  légère  au 
Grand-Théâlre  di;  Lyon,  autrefois  aliaohée  au  théâtre  de  la  Mon- 
naie. 

M«  Chapuis,  avoué  du  mari,  a  simplement  fait  valoir  la  cou- 
tume. 

M«  Pondeveaux,  avoué  du  directeur,  a  soutenu  l'incompéience 
du  juge  dos  référés,  en  faisant  observer  qu'aux  termes  de  son 
eng,ngemont,  approuvé  par  son  mari,  M"«  Verheyden  s'était 
engagée  îi  respecter  toutes  les  clauses  du  cahier  des  charges 
imposé  par  la  ville  et,  par  suite,  celle  relative  à  la  police  générale 
du  théâtre,  qui  interdit  l'accès  de  la  scène  à  toute  personne  étran- 
gère. 

M.  Longchamp,  président  du  tribunal,  a  renvoyé  sa  décision. 


Mémento  des  Expositions 

Glasgow.  —  Trentième  Exposition  de  l'Institut  des  Beaux-Arts. 
— -  1.^  décémbre-dS  mars.  —  Gratuité  de  transport  pour  les 
artistes    invités.   Délai   d'envoi  :  expiré.    —   Renseignements: 
Hoheri  Walker,  secrétaire. 

Milan.  —  Exposition  triennale  des  Beaux-Arts:  —  l^f-SO  juin 
1891.  —  Trois  prix  de  4,000  francs  chacun,  fondés  par  le 
roi  Humberl,  décernés  à  la  peinture  et  à  la  sculpture.  Trois  prix  de 
4,000  francs  chacun,  fondés  par  Saverio  Fumagalli,  décernés  à  la 
sculpture,  à  la  peinture  religieuse,  historique  ou  de  genre.  Un 
prix  de  4,000  francs,  fondé  par  Antonio  Gavazzi,  décerné  à  la  pein- 
turé,historique.  Médailles  et  diplômes.  —  Les  demandes  d'admis- 
sion devront  être  adressées  au  président,  M.  Emile  Visconti- 
Venosta,  à  l'Académie  des  Beaux- A  ris  de  Âfila7i.^ 

Pau.  —  Vingt-septième  Exposition  de  la  Société  des  Amis  des 
Arts.  —  15  janvier-15  mars.  —  Deux  œuvres  par  exposant.  — 
Gratuité  de  transport  pour  les  artistes  invités.  —  Délai  d'envoi  : 
20  décembre.  —  Renseignements  :  G.  Tardieu]  secrétaire 
général. 


pETITE    CHROJ^iqUE 


La  direction  de  la  Monnaie  a  engagé,  pour  quelques  représen- 
tations, M"«  Richard,  qui  débutera  demain  dans  la  Favorite.  Il 
s'agit  d'apprécier  si  la  cantatrice,  qui  depuis  cinq  ans  s'est  tenue  ^ 
l'écart  du  théâtre,  produira  l'impression  qu'on  espère.  On  prépa- 
terait  alors,  expressément  pour  elle,  une  reprise  d'Aîda. 

Don  Juan  suivra.  Il  est  question  aussi  d'une  reprise  de  Lohen- 
grin,  réclamée  avec  insistance.  M™»  deNuovina  serait  chargée  du 
rôle  d'Eisa,  et  M.  Lafarge  ferait  un  superbe  Lohengrin.  La  façon 


9 

dont  il  a  chanté  les  Adieux  au  Cygne,  au  concert  des- Artistes 
musiciens,  donne  toute  sécurité  au  sujot  de  son  interprétatino 
du  héros. 

Quant  à  ,  Siegfried,  on  a  fixé  provisoirement  la  date  du 
27  décembre  pour  la  première  représentation. 

Terminons  par  une  grosse  indiscrétion  :  M.  Jean  de  Reszké 
viendra,  à  la  fin  de  la  saison,  donner  quelques  représèptations. 

La  chose  est  décidée,  mais,  chut  !  c'est  encore  un  secret. 

Le  Petit  Jacques,  après  avoir,  jadis,  mis  en  émoi  les  mouchoirs 
ixellois,  révolutionne  les  bas  quartiers  de  Bruxelles.  Et  c'est,  à 
l'Alhambra,  chaque  soir,  une  obstinée  recherche  du  véritable 
assissin,  à  travers  les  péripéties  judiciaires  les  plus  compliquées, 
Faut-il  ajouter  qu'on  découvre  l'auteur  dus  crime  au  moment 
précis  où  la  victime  (volontaire,  c'est  la  note  nouvelle),  d'une 
erreur  judiciaire  monte  à  l'échafaud,  —  à  temps  (merci  mon 
Diou!)  pour  suspendre  l'exécution  et  sauver  l'innocence.  Dans 
le  Petit  Jacques,  l'assassin,  c'est  le  juge  d'instruction.  Où  allons- 
nous!  où  allons-nous!  si  la  magistrature  elle-même  n'est  plus  à 
l'abri  des  soupçons 

UEnfant  prodigue  a  installé  pour  quelques  jours  ses  lares  au 
théâtre  des  Galeries.  Poussora-t-il  la  sincérité  de  son  rôle  jusqu'à 
rentrer,  repentant  et  contrit,  au  théâtre  Molière  qui  a  abrité  sa 
jeunesse? 

Il  interrompt  les  représenlalions  de  la  Grande-Duchesse,  doni 
la  reprise  a  été  brillante.  Sur  les  affiches  du  théâtre  Molière, 
lOgre  allonge  des  majuscules  énormes,  d'une  suggestion  pleine 
.d'effroi.  Et  le  cirque  Wulff  ratisse  impitoyablement  les  recettes  du 
théâtre  du  Parc,  subitement  descendues,  en  compagnie  de  la  Vie 
à  deux,  dans  les  régions  basses  dont  M.  Jourdan  seul  connaît  les 
mystères  glacés.  Le  député  Leveau,  présenté  hier  au  public,  les 
fera-t-il  remonter? 

Maurice  Maeterlinck  vient  de  terminer  un  nouveau  drame,  les 
Sept  Princesses,  qui  promet  d'égaler,  sinon  de  dépasser,  en 
intensité  et  en  charme  poétique  la  Princesse  Maleine  et  les 
Aveugles.  11  y  fait  application  d'une  théorie  particulière  sur  l,a 
mise  en  scène,  la  plantation  du  décor,  l'éclairage,  etc.  Et  l'élé- 
ment plastique  joue  dans  son  œuvre,  plus  encore  que  dans  les 
précédentes,  un  rôle  capital.  - 

La  «pousse  des  feuilles»  continue.  Deux  revues  nouvelles  nous 
sont  nées,  l'une  à  Paris,  l'autre  à  Bruxelles.  La  .première  prend 
pour  titre  :  La  vie  franco-russe.  Elle  paraît  tous  les  jeudis,  en 
livraisons  de  seize  pages.  On  y  trouve  des  articles  et  des  repro- 
ductions de  Paul  Adam,  Jules  Bernard,  Paul  Verlaine,  Léon 
Cladel,  Tolstoï,  M™»  Pachkof,  etc.,  et  des  dessins  signés  Willette, 
Forain,  Meurein,  HioUe.  Il  y  a  du  bon  et  du  médiocre,  du  mau- 
vais et  du  pire.  Deux  livraisons  ont  paru.  Attendons,  et  espérons. 
Les  bureaux?  Rue  Gréiry,  3,  Paris. 

La  seconde  n'a  d'autre  prétention  que  d'être  une  gazette  de 
théâtre  et  de  sport.  Elle  arbore  sur  une  manchette  copieusement 
illustrée  de  chevaux  de  courses,  de  vélocipèdes,  de  danseuses,  de 
figures  symboliques,  ces  mots  -.La  Coulisse  théâtrale  et  sportive. 
En  sous-titre  :  Moniteur  des  attractions  sportives  et  mondaines  de 
la  capitale  et  des  villes  d'eauxJ)elges  et  étrangères.  Son  domicile  : 
rue  Saint-Lazare,  3,  à  Bruxelles. 

L'Association  des  professeurs  d'instruments  à  vent  donne 
aujourd'hui,  à  2  heures,  sa  deuxième  séance  musicale.  Au  pro- 


gramme  :  Sérénade  pour  flûtej  violon  et  allô.  Trio  pour  deux 
hautbois  et  cor  anglais,  Qiiintelte  en,  mi  b  pour  piano  et  instru- 
ments à  vent,  —  le  tout  de  Beethoven.  M"»»  Cornélis-Servais 
interprétera  diverses  compositions  de  Mozart,  Schubert  et  Brahms. 


M™*  Moriamë-Lcfebvre  s'est,  au  premier  concert^e^ 4a  -S'od^/^ 
de  musique  de  chambre,  affirmée  pianiste  de  bonne  école,  respec- 
tueuse des  auteurs  qu'elle  interprète.  On  a  applaudi  son  jeu  ner- 
veux, l'expression  vraie  dont  elle  l'aninoe.  Un  quatuor  d'instru- 
mentistes, MM.  Laoureux,  Coëlho,  Hans  et  Sansoni,  l'a  médiocre- 
ment secondée.  L'ensemble,  et  même  la  justesse,  ont  laissé  à 
désirer.  M"«  Milcamps,  assez  mal  disposée,  n'a  guère  produit 
d'impression.  En  résumé,  la  séance  est  demeurée  dans  les  tons 
gris,  indécis,  et  fait  souhaiter  mieux. 


La  dislribution  des  prix  aux  élèves  de  l'Ecole  de  musique  de 
Sainl-Josse-len-Nôode-Schacrbeek  aura  lieu  le  samedi  27  décembre 
courant,  à,  T  1/2  heures  du  soir,  dans  la  salle  du  théâtre  Lyrique, 
place  du  Marché,  à  Schaerbeek. 

Cette  cérémonie  sera  suivie  d'un  grand  concert  vocal  exécuté 
par  400  élèves  des  cours  supérieurs,  sous  la  direction  de 
M.  Henry  VVarnols,  directeur  de  l'Ecole. 

Le  programme  comprendra  des  airs  et  des  duos  exécutés  par 

les  principaux  lauréats  des  classes  de  chant  individuel,  YHymne 

à  l'Être  suprême  de  Gosscc  et  la  Cantate  your  la  fête  de  la 

Réformation  de  i. -S.  ^ach. 

I        ■ 

La  Jeune  Belgique  vient  de  lancer  ses  bulletins  de  souscrip- 
tion pour  le  banquet  qu'elle  organise  à  l'occasion  du  dixième 
anniversaire  de  sa  fondation.  La  fête  est  fixée  au  15  janvier.  Le 
prix  est  de  cinq  francs  (vins  non  compris).  Adresser  les  souscrip- 
tions à  M.  Valère  Gille,  directeur  de  la  Jeune  Belgique,  55,  bou- 
levard d'Anderlcchi,  Bruxelles. 


Il  est  question,  paraît-il,  d'élever,  au  centre  de  la  Forêt  de 
Saint-Germain,  une  vaste  salle  toute  charpentée  de  fer  et  qui 
pourra  contenir  trente  mille  personnes. 

On  y  représenterait,  chaque  après-midi,  le  mystère  de  la  Pas- 
sion, et  un  service  spécial  de  voilures  serait  organisé,  à  cet  effet, 
pour  relier  Paris  et  Saint-Germain. 


M;  Massenet  a  épartché  son  cœur  dans  celui  de  Champal,  et  de 
ses  confidences  il  résulte  que  «  Werther  n'est  pas  un  ouvrage 
confectionné  en  vue  de  produire  un  nombre  déterminé  d'effets 
amenés  par  les  procédés  ordinaires,  mais  une  œuvre  de  prédilcc-  ' 
tion  où  l'auteur  s'est  exhalé  en  inspirations  intimes  dans  laquelle, 
vibrant  à  l'unisson  avec  ses  héros,  il  se  donne  corps  et  âme,  sub- 
jugué par  la  despotique  et  fatale  passion  exprimée  par  Goethe  dans 
son  poème  impérissable.  » 

Et  si  vous  en  doutez  (non!  on  n'invente  pas  ces  choses-là!), 
lisez  la  Réforme  du  10  décembre. 

Et  le  bon  Champal  ajoute  : 

«  Conçoit-on  avec  quelle  émotion  Masseuet  attend  le  verdict  du 
public?  Il  n'y  a  en  effet  rien  dans  ce  drame  empoignant  qui  puisse 
distraire  les  spectateurs,  s'ils  résistaient  à  la  suggestion  passion- 
nelle vers  laquelle  tout  converge  dans  cet  ouvrage  unique.  Un 
immense  chagrin  envahirait  le  cœur  de  l'artiste  si  ces  appels 
demeuraient  sans  écho,  si  son  exaltation  ne  rencontrait  qu'indif- 
férence. Toiisceux  qui  ont  entendu  des  fragments  de  cette  œuvre 
émue  ont  déclaré  que  M.  Massenet  avait  atteint  le  but,  et  malgré 


cela  l'auteur  de  «  Werther  »  se  prend  à  douter,  tant  son  ouvrage 
présente  d'aspects  nouveaux  ». 

Bon  Champal!  Bon  Monsieur  Massenet!  Bon    Werther! 

Spectateurs,  mes  frères,  n'attristez  pas,  de  grâce,  l'auteur  de. 
choses  qu'il  juge  lui-même  belles  et  si  passionnées,       * 

M"'"  Krauss  a  pleuré  en  chantant  Marie- Madeleirie.  C'est 
M.  Massenet- lui-même  qui  l'a  raconté  à  Champal.  El  «  une  autre 
artiste  lyrique  »  a  sangloté  en  chzui&ni  Werther.  C'est  également 
lui  qui  le  lui  a  révélé.  Nous  n'allons  pas,  n'est-ce  pas,  nous  mon- 
trer moins  sensibles  que  ces  belles  dames?  Pleurons,  mes  frères, 
mais  n'attristons  pas  ce  bon  M.  Massenet. 


Place,  aux  vivants  !  A'propos  de  la  staluomanie  qui  devient  vrai- 
ment redoutable,  M.  Edmond  Deschaumes  pousse,  dans  VEcho  de' 
Paris,  ce  cri  d'alarme  :    . 

«  J'admets  de  grand  cœur  les  statues  et  ne  suis  pas  iconoclaste. 
On  laisse  crever  de  faim,  sur  ce  noir  pavé  de  Paris,  assez  de  poètes 
et  de  musiciens  pour  que  l'on  peuple  les  ciirrefours  de  bons- 
hommes de  marbre  ou  de  bronze  qui,  dans  les  plis  de  leur  redin- 
gote, tiennent  du  moins  le  pain  de  quatre  livres  que  nos  Mécènes 
réservent  aux  statuaires  vivant  de  peu. 

Oui,  je  pense  que  nos  aînés,  nos  maîtres,  ceux  qui  sont  en  posi- 
tion de  nous  préparer  l'avenir,  se  cantonnent  trop  étroitement 
dans  leur  temps,  dans  les  souvenirs  du  pttssë,  et  ne  se  soucient 
point  asse?  de  ce  que  la  jeune  pensée  fait  étlore  ou  germer  de 
semences  nouvelles.  El  je  me  demande  alors  comment  on  dépense 
tant  d'activité,  de  zèle,  de  tendresse,  pour  des  morts  indifférents 
à  nos  erreurs  et  à  nos  faiblesses,  tandis  que  l'on  témoigne  à  peine 
la  politesse  d'un  intérêt  très  rogue  pour  les  tentatives,  les  efforts, 
les  idées  de  tant  de  jeunes  hommes  qui  cheminent  avec  une  per- 
sévérante ardeur  le  long  des  rudes  "sentiers  de  l'art. 

Ces  tapages. posthumes  sont  aussi  honorables  que  stériles, 
et,  si  nous  n'y  prenons  garde,  les  morls  étoufferont  les  vivants.  » 

On  va  mettre  à  l'étude  à  l'Opéra  de  Leipzig  toute  une  série 
d'œuvres  disparues  du  répertoire  depuis  longtemps  :  lé  Hans 
Sachs  de  Lôrtzing  (1840),  la  Chasse  d'Adam  Hiller  (1795),  la 
Sérva  padrona  de  Pergolèse  et  l'Etoile  du  Nord  de  Meyerbeer. 

Le  nopibre  des  tableaux  de  Rembrandt  restés  dans  sa  patrie 
diminue  rapidement,  dit  le  Journal  des  artistes.  Il  n'en  existe 
plus  que  vingl-et-un  en  Néerlande,  dont  treize  appartiennent  â 
des  musées  et  huit  h  des  particuliers.  Pendant  les  six  dernières 
années,  cinq  œuvres  de  Rembrandt  ont  été  vendues  à  l'étranger  et 
trois  ont  été  rachetées  par  des  Hollandais. 


La  Société  nouvelle.  —  Sommaire  du  numéro  LXXI  : 
Le  Journal  des  Goncouri,  Albert  Giraud.  —  Le  nocturne  de 
Malbertus.  (Conte  de  Noë^l),  Ë.  Demoldcr.  —  L'armée  du  salu'. 
Un  dimanche,  Emile  Verhaeren.  —  L'origine  de  l'humanité  sur 
un  monde  (Suite),  A.  Depolter.  —  Consolatrix.  (Nouvelle), 
Hubert  Krains.  —  Le  Félibrige,  sa  perlée  et  son  avenir,  L.  Van 
Keymeulen.  —  L'évolution  des  doctrines  politiques,  G.  De  Greef, 
Chronique  d'Allemagne,  Georges  Mesnil.  —  Chronique  mensuelle, 
Francis  Nautet. —  Chronique  littéraire:  Christophe  Colomb  devant 
les  taureaux,  Hubert  Krains;  A  l'Aventure,  E.  Demolder.  — 
Bulletin  du  mouvement  social,  F.  Brouez.  -— ,Le  mois.  —  Livres 
et  revues. 


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JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche.  ■ 

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Dixième  année.  —  N*  51. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  21  Décembre  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTERATURE 

Comité  de  rédaction  :  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 
ABONNEMSl^TS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —  ANNONOBS   :    On   traite  à   forfait. 

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),  Adresser  toutes  les  communications  à 

l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Plndustrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


Eloquence  nouveau  siècle.  —  Mort  de  M.  Auguste  Dupont.  — 
Exposition  Wyts  M  an:  —  Les  livres  d'étrenn'ès.  Bibliothèque 
Hetzel.  —  A  propos  de  l'aquarelle.  —  Petite  chronique. 


ELOQUENCE  NOUVEAU  SIECLE 

Je  hais  cette  formulej  qu'on  attache,  sacramentelle- 
meht,  machinalement,  à  tant  et  tant  de  choses,  cette 
mauvaise  formule  :  Fin  de  siècle.  Je  la  hais,  non  qu'elle 
ne  soit  pittoresque,  mais  pour  son  méchant  vouloir, 
pour  son  intention  d'injure  et  de  rabaissement,  pour 
son  abandon  découragé  et  son  cynique  aveu  d'impuis-' 
sance  et  de  dégénérescence  grandissantes  à  mesure  que 
se  parfait  le  nombre  enfantin  du  centenaire.  ^ 

Et  j'allais,  nonobstant,  l'employer  moi-même.  Mais 
avec  un  sens  bien  différent  de  ce  sens  de  lâcheté,  de 
désertion  consentie,  de  déchéance  morale  trop  évidente 
pour  qu'on  tente  de  la  nier.  Fin  de  siècle,  pour  qui 
démêle  les  ténèbres  de  l'avenir  approchant,  signifie 
moins  la  chute  des  formes  usées  dans  leur  accomplisse- 
ment, que  la  sanction  des  formes  rajeunies  qui  vont 
fleurir  ces  ruines.  C'est  le  soleil  levant  du  neuf,  l'aurore, 
—  et  non  le  soleil  couchant  du  vieux,  et  son  navré  crépus- 
cule. La  mort  de  mille  misères,  et  l'éclosion  de  dix  mille 
espérances.  La  marée  descendante  des  pourritures, 


suivie  d'un  reflux  amenant  sur  les  rivages  de  nos  âmes 
des  flots  purs,  balayant  le  passé  d'un  grand  nettoyage. 
Fin  de  siècle!  Disons  plutôt  Nouveau  siècle. 

Qu'ils  prennent  l'étiquette  Fin  de  siècle  pour  leurs 
décrépitudes,  leurs  abaissements,  leursderniers  hoquets, 
ceux  qui  s'en  vont,  vieux  soldes  qu'on  liquide  à  vil  prix 
dans  des  boutiques  qui  ne  vont  plus.  Les  jeunes  géné- 
rations en  veulent  un  autre  pour  leurs  aspirations  et 
leurs  prochains  triomphes.  Fin  de  siècle  leur  carnaval 
d'épuisés  et  d'éclopés.  Nouveau  siècle  la  jeune  armée 
qui  se  lève  dans  toutes  les  régions  de  l'art. 

Eloquence  nouveau  siècle,  c'est  l'Eloquence  qui  déjà 
verdoie,  vivante,  sur  les  rameaux  morts  de  ce  qui  fut 
longtemps-.J'éloquence,  l'éloquence  d'antan,  surannée, 
désormais,  et  surtout  désormais  impuissante.  Car, 
parmi  les  étranges  et  infiniment  multiples  transforma- 
tions en  lesquelles  se  fondent  tous  les  décors  de  la  civi- 
lisation aryenne  présente,  qu'est-ce  qui  se  transforme 
plus  étrangement  que  notre  pensée  humaine,  que  notre 
cervelle  humaine  et  sa  production  de  sentiments  et 
d'idées?  Tout  y  craque,  tout  y  casse,  et  du  fumant  rema- 
niement des  débris  sort  un  agencement,  sur  nouveaux 
frais,  prodigieux  en  ses  impréviis  et  ses  détails.  Un 
pullulement!  Un  fourmillementi 

Et  alors,  pour  satisfaire  à  l'incompressible  besoin  de 
dire  au  dehors  les  merveilles  et'  les  mystères  de  ce  pul- 
lulant phénomène,  l'irritante  conscience  de  l'insufli- 


sance  des  formes  jusqu'ici  usitées  pour  parler  et  pour 
,  écrire,  c'est-à-dire  pour  se  soulager  de  son  âme.  Tous 
les  mots,  ces  vêtements  psychiques,  trop  longs,  trop 
courts,  trop  étroits,  trop  largies.  Des  costumes  démodés  ! 
Friperies,  guenilles.  Plus  rien  à  la  mesure!  Plus  rien 
qui  aille  !  L'exaspération  de  ne  rien  trouver,  en  ce 
vieux  vestiaire,  qui  soit  l'habillement  revêtant,  juste, 
moulant,  en  ses  replis,  en  ses  formes,  l'idée  qu'on  fait 
sortir  des  coulisses  du  Moi  et  qu'on  pousse  en  scène. 

On  s'est  mis  à  travailler  la  langue,  à  mettre  en  pièces 
et  ses  règles  et  ses  lois,  à  en  faire  sauter  les  sceaux,  à 
bouleverser  ses  antiques  ordonnances.  Ses  symétriques 
arrangements  à  la  Lenôtre,  ont^té  déplantés,  arrachés, 
ses  parterres  piétines.  Et  voici  que  dans  l'écriture  et 
dans  la  parole,  hardiment,  témérairement,  follement 
parfois,  de  nouveaux  tracés  sont  risqués,  et  un  jardi- 
nage, d'aspect  bizarre  encore,  mais  combien  vivant  et 
jeune,  s'instaure. 

Elle  s'impose  et  se  familiarise,  par  la  vertu  d'un  opi- 
niâtre peu  à  peu,  cette  Prose  néologisante,  non  seule- 
ment dans  les  mots,  s'agglutinant  à  l'instar  des  alchi- 
mies  de  langues  voisines,  sous  l'action  ingénieuse  de  la 
fantaisie  et  de  l'à-propos,  mais  dans  les  phrases  aussi, 
«'assouplissant  en  dislocations,  s'élargissant  en  gestes 
que  réprimait  la  convenante  méthode  des  enseignements 
classiques.  Elle  s'impose  et  se  familiarise  cette;  Poésie 
qui,  fatiguée  du  code  prosodique  et  versificatoire,  basée 
sur  la  rime,  la  césure,  l'alignement  en  strophes  manœu- 
vrant avec  la  régularité  d'efléctifs  et  de  mouvements  des 
compagnies  et  des  régiments,  court  aventureusement  à 
là  recherche  du  rythme,  de  l'harmonie  des  sons  avec 
l'idée,'  et  ne  connaît  qu'une  loi  :  la  mise,  en  équation 
musicale  de  l'image  prisonnière  dans  l'âme  avec  le 
verbe  qui  la  lâche  sonore  au  dehors"  eii  bel  oiseau 
chantant. 

De  même  elle  s'impose  et  se  famiUarise,  cette  Elo- 
quence, qui  a  en  horreur  la  rhétorique  de  l'Ecole  et  tra- 
vaille âprement  à  moderniser  le  plus  difficile  et  le  plus 
merveilleux  des  phénomènes  artistiques  :  le  rendu 
instantané  des  générations  psychiques  par  la  parole,  en 
équation  nécessaire  aussi  (sinon,  quelle  misère  d'infério- 
rité!) entre  ce  qu'on  doit  dire,  ce  qu'on  veut  dire, 
et  ce  qu'on  dit.  , 

La  Rhétorique  de  l'Ecole  !  Bonne  jadis,  en  ses  primi- 
tives formules,  mais  valant  juste  autant,  désormais,  que 
les  armements  militaires  'd'il  y  a  vingt  lustres.  Oh!  le 
perruquéral  aspebt  qu'elle  a  donnant  ses  leçons  d'Athé- 
née ou  de  Conservatoire  !  Et  quand  se  déroule  un  de  ces 
discours  qu'elle  soutient  de  ses  béquilles,  quel  ennui  ou 
quelle  caricature  !  Cela  sonne  la  fêlure,  cela  nasille,  — 
cela  ment  surtout,  oui,  cela  ment  !  • 

Cela  ment  !  car  ce  n'est  plus  eh  accord  avec  la  vie  ger- 
mante ;  c'est  œuvre  de  vieillard.  Un  accouplement  mon- 
strueux entre  la  sénilité  et  la  jeunesse,  un  effort  d'épuisé 


'? 


pour  couvrir  et  féconder  une  nubilité  pleine  de  sève.  La 
décadence  embrassant  l'adolescence.  Fin  de  Siècle  acco- 
lant Nouveau  Siècle.  A  bas  I 

Tout  est  à  refaire  dans  l'art  de  parler,  et  se  refait.  A 
bas  la  grandilocité  !  Nos  âmes  ne  sont  plusgrandiloques. 
Elles  ne  se  contentent  plus  des  pomposités  d'autrefois 
qui  suffisaient  à  rendre  les  quelques  idées  simples  qui 
étaient  alors  leur  unique  mobilier.  Nous  les  sentons 
toutes  chargées,  encomblrées  d'idées,  effrayamment 
multiples,  comme  notre  vie  moderne,  comme  notre 
civilisation  aryenne  moderne,  se  dédoublant  à  l'infini, 
se  fendant  et  se  refendant  en  deux,  en  quatre,  en  huit 
par  une  inarrêtable  progression  géométrique,  pauvres 
et  admirables  êtres  que  nous  sommes  inlassablement 
progressifs  et  indéfiniment  éducables. 

Qui  parle,  qui  ose  parler  (oh  !  le  difficile  et  merveil- 
leux phénomène  artistique!)  doit  rendre  tout  cela, 
faire  couler  en  paroles  ce  bouillonnement  qui  chauffe 
en  lui,  exprimer  en  ses  phrases,  qu'on  veut  de' plus  en 
plus  brèves,  promptes,  concentrées,  ces  multiples  fac- 
teurs qui  se  forment  en  cristaux  autour  de  chacune  de 
ses  pensées,  dont  lui  voit,  en  son  for,  les  facettes,  avec 
ce  tourment  et  cet  effroi  :  comment,  là  tout  de  suite,  et 
sans  rien  omettre,  projeter  ces  scintillements  à  Texte-  . 
rieur,  en  darder  le  faisceau  sur  ces  cerveaux  qui 
m'écoutent,  en  foule,  là  dans  cet  auditoire  qui  fixe  sur 
moi  ses  regards,  trompes  tendues  pour  sucer  la  moelle 
de  mes  pensées  !  Là  tout  de  suite  !  tout  de  suite  !  et  sans 
rien  omettre.  Sans  rien  omettre,  car,  semblables  à  moi, 
ils  veulent  aussi  qu'on  les  nourrisse  à  la  moderne,  en 
éloquence  nouveau  siècle,  chargée  en  sa  brièveté 
obligée,  de  toutes  ces  substances  dont  des  myriades  de 
découvertes,^  des  myriades  de  notions  versées  en  pluie 
incessante  sur  les  esprits  par  un  universel  enseignement, 
ont  fait  un  besoin  pour  les  foules. 

Elle  s'en  tire  l'Eloquence  nouveau  siècle.  Elle  n'aca- 
démise  plus  :  elle  cause,— se  laissant  aller  aux  féconda- 
tions du  hasard  oratoire,  ce  hasard  qui  entre  en  fonc- 
tionnement, admirable  appareil  d'horlogerie  cervicale, 
dès  que  l'orateur,  le  vrai,  maître  d'un  sujet,  se  lève  pour 
le  traduire  par  la  parole.  Elle  cause.  Un  peu  plus  hautr 
certes,  un  peu  plus  gestueuse,  allumant  une  flamme 
plus  chaude;  mais  de  la  causerie  pourtant,  si  causer 
c'est  suivre  en  ses  méandres  une  travailleuse  pensée  qui 
va,  vient,  s'éloigne,  revient,  repart  encore,  butine, 
s'élève,  gire,  toujours  naturelle,  souple  en  ses  mouve- 
ments, libre  en  ses  oscillations,  attrapant  au  vol  les 
images,  happant  l'esprit  qui  lui  passe  à  portée  et  le 
rejetant  aux  auditeurs.  Et  surtout  sans  préparation 
antérieure  de  la  forme,  essentielle  condition  de  la  sim- 
plicité, dé  l'accent,  du  charme  et  delà  mise  en  com- 
inunion  de  qui  parle  et  de  qui  écoute. 

Oh  l  le  piteux  des  débitants  de  mots  préparés  !  Oh  ! 
l'ennuiversel  des  liseurs  de  discours,  des  anecdotiers 


déballant  conférencieusement  les  bibelots  dont  ils  ont 
été  se  pourvoir  dans  les  magasins  du  Louvre  du  bel- 
èsprit!  N'en  faut  plus!  n'en  faut  plus!  Parlez-nous, 
monsieur,  votre  naturel  langage.  Et  si  votre  naturel 
langage  est  banal,  taisez-vous,  et  laissez-nous  tran- 
quilles, monsieur  l'amateur,  qui  vous  avisez  de  jouer  de 
ce  difficile  violon  :  l'Eloquence. 

En  Belgique,  on  se  doute  très  peu  de  cette  évolution. 
On  se  croit  tenu  de  n'admirer  orateur  que  les  Prud- 
homme  qui  entonnent  encore  le  grand  discours  à  la 
Royer-Collard,  muni  d'exorde  et  de  péroraison,  et  utili- 
sant les  accessoires  académiques.  On  trouve  agréable 
«  l'orateur  causeur  »,  mais  on  n'y  voit  pas  un  orateur, 
un  artiste.  C'est  simplement  un  monsieur  qui  cause 
bien.  Et  plus  il  apparaît  naturel,  moins  on  lui  reconnaît 
d'art. 

C'est  que  nous  sommes  pourris  de  professoralité  et 
que  nous  en  sommes  encore  à  penser  que  l'Art  est  une 
chose  qu'on  enseigne  et  qui  se  conserve,  qui  est  obliga- 
toirement pompeuse  et  faiseuse  d'embarras.  De'malheu- 
reux  pédants,  toujours  en  arrière  parce  qu'ils  se  bornent 
à  recueillir  ce  qui  s'est  fait,  sans  se  douter  que  ce  qui 
s'est  fait  est  par  cela  même  fini  et  doit  être  abandonné, 
courent  derrière  les  montures  sur  lesquelles  galopent 
les  artistes  originaux,  les  seuls  artistes,  et  ramassent 
les  crottins  que  laisse  derrière  elle  cette  fougueuse  cava- 
lerie, toujours  en  charge  et  hennissante..  Ils  offrent  ces 
crottins  à  leurs  élèves  et  décernent  des  prix  à  ceux 
qui  les  gobent  le  mieux.  C'est  très  fin  de  siècle  ça. 
Mais  s'ils  apprenaient  à  ces  douloureux  élèves  à  monter 
.  à  cheval  à  leur  tour,  et  à  galoper  le  grand  galop  de 
'  l'Originalité  à  leur  manière,  ce  serait  très  nouveau 
siècle,  très,. très,  très  nouveau  siècle. 


MORT  DE  M.  AUGUSTE  DUPOMT 

C'est  avec  infiniment  de  regret  que  la  famille  musicale  a  appris 
ja  mort  de  M.  Auguste  Dupont,  qui  jouissait,  comme  compositeur 
et  comme  professeur,  d'une  haute  estime  et  dont  l'urbanité,  la 
bienveillance  et  l'esprit  étaient  appréciés  de  tous. 

Professeur  de  la  classe  de  piano  au  Conservatoire  de  Bruxelles 
depuis  4852,  il  forma  de  nombreux  élèves  parmi  lesquels,  notam- 
ment, M.  Camille  Gurickx  qu'il  désigna  pour  le  remplacer  provi- 
soirenaent,  au  cours  de  sa  dernière  maladie;  M"*  Moriamé- 
Lcfebvre;  M'J,«»  Gemma,  Hélène  Schmidt,  Ullmann,  Hoffmann,  etc. 

Auguste  Dupont  avait  la  passion  du  professorat.  Ses  élèves,  il 
les  aimait,  il  les  défendait  comme  s'ils  eussent  été  ses  enfant». 
Combien  de  fois,  lors  des  concours,  l'avons-nous  vu  inquiet, 
agité,  nerveux  à  l'excès,  plus  impressionné,  souvent,  que  le  jeune 
concurrent. lui-même. 

Celle  extrême  sensibilité  Tavait  obligé,  en  ces  dernières  années, 
k  renoncer  à  ses  succès  de  virtuose,  que  plusieurs  années  de 
tournées  artistiques  à  l'étranger  avaient  consacrés. 

Dupont  meurt  dans  sa  soixante-quatrième  année,  après  une 


existence  toute  consacrée  à  l'art  et  emplie  d'une  somriie  de  tra- 
vail énorme. 

Malgré  le  labeur  du  professorat,  il  fut  un  compositeur  fécond. 
Il  laisse  un  grand  nombre  d'œuyrcs  pour  piano,  de  chœurs,  de 
mélodies,  de  concertos  pour  piano  et  orchestre,  de  morceaux 
symphoniques,  parmi  lesquels  la  Marche  nuptiale  qu'il  écrivit 
pour  le  mariage  de  sa  fille  et  qui  fut'exécuiée  l'été  dernier  au 
Conservatoire.  On  se  souvient  des  Rondes  ardennaises  po^ur  piano 
à  quatre  mains,  qui  furent  jouées  à  l'un  des  derniers  concerts 
desZZ.  ' 

C'est  lui  aussi  qui  s'attela  avec  persévérance  à  ce  gros  travail 
de  revision,  de  doigté,  de  correclion,  qu'entreprit  la  maison 
Breitkopf  et  qui,  sous  le  nom  d'Ecole  classique  du  piano,  embrasse 
toute  "la  littérature  musicale  du  ptario  enseignée  au  Conservatoire. 

Nous  présentons  à  sa  famille,  et  particulièrement  à  M.  Joseph   - 
Dupont,  l'excellent  directeu^r  des~Concerts  populaires,  nos  plus 
sympathiques  compliments  de  condoléances. 

Les  funérailles  ont  été  célébrées,  hier,  en  présence  d'une  assis- 
tance nombreuse.  Le  corps  professoral  et  la  commission  adminis- 
trative du  Conservatoire,  une  foule  d'amis,  parmi  lesquels  la  plu- 
part des  compositeurs  et  des  musiciens  en  vue,  se  pressaient 
dans  l'église  Saini-Bonifaçe,  où  avait  lieu  le  service  funèbre. 
A  l'Offertoire,  MM.  Colyns  et  E.  Jacobs  ont  exécuté,  le  premier, 
un  Nocturne,  le  second,  la  Chanson  déjeune  fille,  transcrite  pour 
violoncelle,  du  compositeur  défunt. 

Au  moment  de  la  levée  du  corps,  M.  Gevaert,  directeur  du 
Conservatoire,  et  M.  Camille  Gurickx,  au  nom  des  élèves  d'Auguste 
Dupont,  ont  prononcé  les  paroles  d'adieu.  Voici  ces  deux  dis- 
cours, dits  avec  une  émotion  réelle  qui  a  vivement  impressionné 
l'auditoire.  • 

'.^       Discours  prononcé  par  M.  GE\AEKT. 

Devant  cet  appareil  funèbre,  au  milieu  d'une  assistance  qui  par 
son  aitendrissemenf  participe  au  deuil  d'une  famille  qui  nous  est 
chère  à  tous,  je  ne  puis  songer  tout  d'abord  à  la  perte  sensible 
—  peut-être  irréparable  —  que  le  Conservatoire  royal  de 
Bruxelles  vient  de  faire  dans  la  personne  du  doyen  de  son  corps 
professoral.  ■       . 

Un  sentiment  irrésistible  me  porte  avant  tout  ît  déposer  sur 
ce  cercueil  un  hommage  de  sincère  et  profonde  affection  pour 
celui  qui  fut  non  seulement  l'un  de  mes  plus  précieux  collabora- 
teurs, mais  encore  l'un  de  mes  amis  les  plus  chers  et  les  plus 
fidèles. 

Ayant  été  longtemps  le  ténupin  de  sa  vie,  le  confident  de  sa  pen- 
sée et  de  ses  sentiments,  je  n'éprouve  aucune  crainte,  aucune 
hésitation  à  soulever  les  voiles  qui  couvrent  la  dépouille  mortelle 
d'Auguste-  Dupont.  Car  dans  cette  carrière  si  noblement  remplie 
il  n'y  eut  jamais  de  défaillance  morale  ;  dans  cette  âme  généreuse 
il  ne  pouvait  y  avoir  place  pour  une  idée  étroite  ou  mesquine. 

Chez  Dupont  l'homme  ne  démentait  pas  l'artiste,  le  caractère 
était  à  la  hauteur  du  talent.  11  apportait  dans  les  relations  de  la 
vie  une  droiture  à  toute  épreuve. 

Je  ne  puis  m'étendre  longuement  aujourd'hui  sur  ses  mérites 
de  compositeur.  Ses  œuvres  symphoniques,  ses  concertos  de 
piano,  son  quatuor  pour  instruments  û  cordes  et  mainte  autre 
page  sortie  de  sa  plume  témoignent  de  ses  facultés  dans  le 
domaine  de  la  création  musicale  et  occupent  une  pMte  brillante 
parmi  les  productions  contemporaines.  Son  Poème  d'amour  et 
son  Roman  en  dix  pages  sont  entre  les  mains  de  tout  le  monde. 


Jusque  dans  SCS  pièces  les  moins  étendues  se  trahit  un  goût  déli- 
cat ei  raffiné,  l'aspiration  d'une  âme  d'artiste  assoiffée  de  perfec- 
tion, d'idéalité. 

La  valeur  artistique, d'Auguste  Dupont  était,  d'ailleurs,  univer- 
sellement appréciée  dans  tout  notre  pays. 

L'Académie  royale  de  Belgique  l'avait  nommé  membre  corres- 
pondant, il  y  a  deux  ans,  et,  naguère,  la  section  musicale  de  la 
classe  des  BedUX-Aris  l'avait  désigné,  à  l'unanimité,  pour  devenir 
membre  titulaire  au  commencement  de  l'année  prochaine.  Hélas  ! 
il  né  devait  pas  voir  liiire  ce  jour,  où  il  était  appelé  à  recevoir 
celte  consécration,  on  quelque  sorte  nationale,  de  sa  haute  situa- 
tion artistique. 

Ce  que  Dupont  fut  pour  !o  Conservatoire,  comment  il  accomplit 
la  tûche  à  laquelle  il  avait  voué  son  existence  entière,  toutes  ses 
facultés,  il  m'appartient,  plus  qu'à  personne,  de  le  proclamer  en 
ce  jour  de  deuil  et  de  regrets. 

Jusqu'à  son  dernier  soupir,  Dupont  se  préoccupait  du  Conser- 
vatoire, de  SCS  élèves,  de  sa  classe.  Couché  sur  son  lit  de  douleur, 
entoure  d'une  femme  dévouée  jusqu'à  l'héroïsme,  de  tendres 
enfants,  d'un  frère  qui  était  pour  lui  comme  un  fils  aîné,  il  repor- 
tait sans  cesse  sa  pensée  vers  cette  grande  famille  d'adoption 
ddnt  les  triomphes  l'enivraient*  de  joie  et  d'orgueil.  Dans  ces 
courts  moments  de  légitime  satisfaction,  il  oublait  que  les  succès 
de  ses  élèves  n'étaient  obtenus  qu'au  prix  d'une  déperdition  pro- 
gressive de  ses  propres  forces.  Comme  il  le  répétait  souvent,  sa 
lameXusait  le  fourreau,  et  la  fin  de  chaque  année  scolaire,  après 
la/besc)gne  épuisante  des  concours,  il  s'affaissait,  il  sentait  le 
/esoin  de  revoir  ses  chères  Ardennes,  de  retremper  ses  forces 
dans  l'air  vivifiant  du  pays  natal.  Il  revenait  parmi  nous  rétabli, 
en  apparence,  et  se  remettait  à  la  tâche  avec; une  nouvelle  sève, 
une  nouvelle' vigueur.     .  -, 

Les  derniers  \:onCours  du  Conservatoire  l'avaient  fatigué  outre 
mesuru.  Il  avait  voulu  y  faire  entendre  et  diriger  lui-môme  l'une 
de  ses  œuvres  de  prédilection  :  une  page  de  circonstance  une 
Marche  nuptiale,  inspirée  et  dictée  par  son  cœur  de  père  en  un 
jour.de  bonheur  familial.  ' 

Dans  l'état  de  faiblesse  où  il  se  trouvait  déjà,  cet  effort  suffit 
pour  l'exténuer.  Mais  il  avait  six  semaines  de  vacances  pour  se 
reposer,  et  il  partait  joyeux  en  emportant  l'espoir  de  reprendre 
bientôt  ses  occupations  ei  ses  travaux.  . 

Hélas!  le  repos  qui  l'attendait  celle  fois-ci  devait  être  éternel. 
Après  quatre  mois  de  souffrances  stoïquement  supportées  est 
venu  ce  soulagement  qui  annonce  les  approches  de  l'instant 
suprême. 

Noire  ami  s'est  éteint  sans  agonie.  Il  s'est  endormi  calme  et 
paisible,  comme  le  travailleur  à  la  fin  de  sa  journée,  avec  la  cer- 
titude de  ne  laisser  après  lui,  au  cœur  de  ses  amis,  de  ses  dis- 
ciples, de  ses  confrères,  de  tous  ceux  qui  l'ont  connu  et  approché, 
que  des  souvenirs  affectueux  et  sympathiques,  des  regrets  una- 
nimes et  durables. 

Discours  prononcé  par  M.  Camille  GLRICKX  au  nom  des 

élèves  du  Conservatoire  de  Bruxelles. 

Maître! 

.  Au  nom  de  vos  élèves  d'aujourd'hui  et  au  nom  de  ceux  d'autre- 
fois, je  viens  vous  saluer  et  vous  dire  :  Adieu!    ■ 

Nous  saluons  en  vous  le  Maître  qui  nous  a  donné  toute  sa  vie 
sans  considérer  ce  que  coûtait  ce  noble  dévouement  que  vous  ne 
pouviez  contenir. 


Nous  saluons  en  vous  celui  qui  a'giiidé  notre  esprit,  élevé  notre 
âme  vers  cet  Art  immortel  qui  embrasait  votre  être  et  dont  le  feu 
divin  vous  a  consumé. 

L'Ecole  que  vous  avez  fondée  dans  votre  pays,  vous  l'avez  fon- 
dée aussi  dans  le  cœur  de  vos  disciples. 

Ceux  qui  ont  eu  le  bonheur  de  recueillir  vos  préceptes  sentent 
bien  toui  ce  qu'ils  vous  doivent  :  votre  enseignement  était  celui 
d'un  missionnaire  inspiré.  Vous  nous  avez  légué  l'amour  du  tra- 
vail, la  conscience  dans  l'élude,  le  respect  de  la  pensée  créatrice; 
votre  parole  expressive  et  ardente  nous  a  pénélrës  d'admiration 
pour  les  œuvres  géniales.  Us  savent,  vos  élèves,  et  d'aucuns  ne 
l'oublieront  point,  ils  savent  Jque  vous  leur  avez  donné  la  vie 
artistique. 

La  mort  peut  vous  emporter  de  ce  mon^e,  mais  elle  ne  vous      ^ 
enlèvera  jamais  de  noire  souvenir';  et  dans  nos  cœurs  qui  vous 
aiment,  vous  restez  vivant,  car  bien  que  je  ne  voie  plus  vos  yeux 
me  regarder,  bien  que  voire  voix  ne  puisse  plus  me  répondre,  en 
moi-même  je  vous  vois  et  vous  entends  encore. 

Ad  jeu.  Maître  aimé!  Soyez  là  où  sont  les  Méritants,  là  où  sont 
les  Maîtres  glorieux!  \  . 


EXPOSITION  WYTSMAN 

M.  eH^I""*  Wytsman  reçoivent.  Et  vraiment  on  est  tout  étonné 
de  n'entendre  chez  eux  que  très  peu  de  banalités  et  très  peu  de 
lieux  conrununs.  H  est  vrai  qu'ils  ne  racontent  rien  et  qu'ils  ne 
parlent.  Ils  se  contentent  de  montrer  ce  qu'ils  ont  vu  durant  la 
saison  dernière,  installés  en  leur  maison  de  Jcnneval,  quand 
chaque  matin,  chaque  midi  et  chaque  coucher  de  soleil  les  invi- 
tait à  la  vision  artiste.  " 

Ce  sont  plutôt  les  tableaux  de  M.  et  M'"^  Wytsman  qui 
reçoivent. 

A  comparer  ces  œuvres  aux  précédentes,  signées  des  mérties 
noms,  on  trouve  banal  d'affirmer  qu'elles  témoignent  d'un  pro- 
grès, tellement  celui-ci  est  évident.  Il  nous  semble  que  M.Rodolphe 
Wytsman  était  ce  quelqu'un  d'enlizé  en  ces  vallées  de  pâte  que 
depuis  les  trois  siècles  de  peinture  flamande  et  autre,  toutes  hs 
raclures  de  palettes  noires  ont  dû  faire  «là-bas  en  un  pays  ima- 
ginaire, au  loin.  Imaginez  un  instant  ce  pays.  Au  bord  d'un 
grand  fleuve  d'huile,  qui  en  découle  comme  une  rivière  réelle 
prend  sa  source  dans  les  monts,  des  tumuli  nombreux  et  scoriaques 
s'élagent,  s'étagent.  Sur  chaque  tumulus,  se  trouve  inscrit  le  nom 
de  l'école  qui  l'a  produit.  Voici  le  tumulus  Otto  Vénius;  le 
tumulus  Rubens;  le  tumulus  de  Crayer,  etc..  jusqu'au  tumulus 
Dubois  et  Boulenger.  M.  Wytsman,  avec  tant  d'autres  peintres, 
séjournait  en  ces  parages,  jadis.  Aujourd'hui,  il  en  sort. 

Certes,  ne  nous  entre-t-il  point  dans  l'esprit  de  prétendre  mau- 
vaise toute  l'ancienne  peinture.  Elle  est,  au  contraire,  peuplée  de 
chefs-d'œuvre.  Et  qu'importe  comment  et  d'après  quelle  interpré- 
tation un  chef-d'œuvre  surgit  ? 

Mais  puisque  telle  a  été  l'évolution  des  formes  d'art,  qu'en 
peinture,  où  les  questions  de  couleur  sont  inhérentes  à  l'idée 
qu'on  se  fait  d'un  tableau,  la  poussée  en  avant  a  été  depuis  la 
Renaissance  jusqu'aujourd'hui  vers  ,1a  lumière,  nous  condamnons 
ceux  qui  s'attardent  en  un  métier  suranné  —  mais  nous  né  fai- 
sons que  condamuer  le  métier.  Aujourd'hui  encore  il  est  possible 
de  faire  des  chefs;d'œuvre  qui  n'ont  rien  d'impressionniste. 

M.  Wytsman  a  compris  cette  évolution  et  s'est  mis  en  son  cou- 


r 


rani.  Lenlcmenl,  presqu'à  lâlons  cl  se  défianl  de  toute  audace 
vraie  et  belle,  il  a  modifié  sa  manière  de  peindre.  Il  a  aussi  modifié 
sa  facture  devoniie  vibratile.  Le  soleil  et  les  ombres  avec  les  valeurs 
qu'ils  donnent  aux  tons  locaux  des  objets  ont  séduit  ses  yeux;  il 
s'est  mis  à  voir  plus  attentivement.  La  couleur  pour  la  couleur  et 
la  belle  pûtc,,  tout  l'ancien  bagage  il  l'a  jeté  par  dessus  bord.  Tant 
mieux! 

El  voici  sa  Mare  qui  s'affirme,  immatérielle.  Les  arbres  ne  sont 
plus  des  objets  sans  relations  avec  ce  qui  les  enveloppe  et  les 
entoure.  Ils  vivent  dans  l'atmosphère.  On  sent  qu'à  des  heures  dif- 
férentes de  jour  ils  perdront  l'aspect  momentané  qu'ils  revêtent 
sur  sa  toile.  De  même  le  fond  du  paysage,  emmailloté  de  vapeurs, 
se  lèvera  net  et  clair;  les  herbes  de  l'avanl-plan  se  déhumidifie- 
ront elles  aussi  et  la  gloire  des  tons  vifs  sortira  de  celte  éi^auche 
de  clarté.  ^\  ^ 

La  Mare  est,  à  notre  sensVJa  loileJâjiUiSi-significalive  de  la 
présente  exposition.  "       \ 

M*"*  Wytsman  dédie  son  pinceau  à  la  beauté  des  fleurs,  à  leur 
fragilité  ct.à  leur  charme.  Mais  les  flcui-s  ne  seront  guère  con- 
tentes à  se  sentir  parfois  traitées  avec  lourdeur  et  vulgarirë^Nous 
disons  :  parfois,  car  tel  coin  de  floraison  agfe^le  nous  requiert 
avec  insistance.  ^x^ 

fiO  local  où  ce  salonnet  s'est  ouvert  mérite  que  cettèvéxhibition 
de  toiles  ne  soit  pas  l'unique  qui  s'y  fasse. 


LES  LIVRES  D'ETRENNES 


_^  Bibliothèque  Hetzel. 

Il  y  a  donc  encore  une  enfance,  il  y  a  donc  encore  des  enfants, 
puisqu'il  y  a  des  livres  d'étrennes,  des  livres  couleur  des  petites 
âmes  de  l'enfance,  avec  des  étés  de  fleurs  et  de  feuillages  aux 
reliures,  avec  des  ors  et  des  tons  de  frambroises  et  d'abricots  mûrs 
aux  jardins  des  reliures.  Oui,  après  tant  de  nous  balayés  avec 
les  neiges  des  vieux  Noëls,  après  des  empires  et  des  races  et  des 
pans  entiers  de  siècles  en  allés  au  tourbillon  des  choses  mortes, 
subsiste  toujours,  comme  aux  ans  de  la  bonne  enfance  que  nous 
fûmes,  cette  chose  charmante  et  frêle,  ce  déjeuner  de  soleil  de  la 
candeur  des  ûmes  enfantiles,  —  le  livre  d'étrennes  !  Comme 
quand  nous  étions  petits,  comme  à  l'âge  de  B-A  BA  épclé  au  doigt 
sur  les  bestiaires  où  Hyène  figurait  à  la  lettre  H  et  Zèbre  à  la 
lettre  Z,  il  y  a  toujours  de  bons  papas  d'auteurs,  de  bons  grand'- 
papas  d'éditeurs  —  (qui  ne  s'est  pas  certifié  les  Helzel  père  et  fils 
avec  des  barbes  de  père  Chrislmas,  vieux  et  chenus  comme  les 
Himalayas?)  —  il  y  a  toujours  des  plumes  et  des  crayons  griffant 
et  barbouillant  du  papier  pour  l'amusement  des  soirs  de  famille, 
sous  la  lampe  qui  met  des  fils  d'or  dans  les  boucles  blondes  ou 
brunes. 

Et  voilà  que,  désabusés  souvent  nous-mêmes  des  vertus  du 
livre,  nous  sentons,  à  chaque  floraison  des  livres  b  images, 
reverdir,  dans  la  joie  des  petites  mains  à  feuilleter  les  tranches 
vermeilles  et  les  vélins  de  satin,  le  matin  de  nos  fraîches  sensa- 
tions et  les  printemps  où  comme  eux  nous  étions  les  enfants  de  la 
famille.  Toute  fin  d'an,  avec  ces  grappes  de  jolis  contes  aux 
treilles  du  libraire,  nous  rajeunit  de  la  part  d'humanité  que  le 
vieil  homme  et  nous  traîne  après  soi,  car  n'était-ce  pas  l'âge  des 
premiers  éveils  du  rêve  et  n'avons-nous  pas  tous  gardé,  dans  un 
coin  du  tiroir  à  secrets  des  souvenirs,  la  mémoire  d'un  livre 
comme  ceux-là  et  qui  nous  ouvrit  les  seuils  enchantés. de  la 


fiction?  C'est  pourquoi  même  un  grave  journal  d'esthètes  ne  croit 
pas  déroger  en  cueillant  dans  la  gerbée  et  mettant  à  part  quelques 
épis  dédiés  au  pain  des  petits. 

Au  pays  des  merveilles,  aux  Florides  de  la  fantaisie,  le 
patriarche  des  conteurs,  le  torrentiel  et  bon  Jules  Verne  nous 
mène  par  de  toujours  nouveaux  sentiers.  AÎk!  ni  ballons,  ni  tor- 
pilleurs, cette  fois,  mais,  la  maison  roulante  ou  saltimbanque,  la 
maringote  à  vau  les  routes  cl  la  vie,  la  Belle  roulotte  de  maître 
César  Cascabel.  Des  traversées  fabuleuses,  d'horriliques  aventures, 
le  recommencement.  Les  travaux  d'Hercule  d'un  herchie  de  foire 
h  qui  pousserait  J'essor  d'un  Colomb,  et  qui,  par  Ick  régions 
polaires,  à  travers  des  péripéties  inouies,  cherche  et  trouve  le 
passage  d'Amérique  en  Europe,  ce  conquistador  de  la  balle, 
révélé  aux  hordes  sauvages  tel  qu'un  Dieu  on  maillot.  Toutes  les 
herbes  de  la  Saint-Jean  de  l'imagination  la  plus  fahtasquo, 
l'extraordinaire  cuisinier  les  a  mises  bouillir  dans  le  chaudron 
de  son  histoire  et  qui  est  vraiment  le  chaudron  magique,  un  chau- 
dron qu'il  remue  avec  des  mains  et  une  baguette  de  sorcier. 
Rioux  s'est  chargé  de  mimer  en  gestes  dessinés,  en  vives  et  touf- 
fues arabesques  à  la  pointe  du  crayon,  les  fastes  du  héros  et  son 
cycle  prodigieux. 

Verne  et  sa  fortune,  depuis  vingt  ans  qu'il  assume  .la  vogue, 
ont  fait  école.  C'est  un  peu  de  son  billon  qui  s'émietle  dans  les 
Jeunes  aventuriers  de  la  Floride  de  M.  J.  Bru  net  et  le  Secret  du 
mage  de  }\.  André  Laurie,  deu«  récits  d'aventures  et -tjé  grosses 
émotions,  deux  épopées  de  fantoches  où  se  lève  le  soleil  des  pays 
inconnus,  où  ressuscitent  des  humanités  disparues  et  qui  ouvrent 
ne  porte  sur  le  mystère  de  la  terre,  la  meilleure,  celle  du  songe 
et  oe  la  conjecture.  Avec  Bennell  et  Meyer  pour  collaborateurs, 
vous  Vovez  quel'fouHlis  de  croquades,  et  les  .amusantes  images, 
et  le  dénié  d'ombres  chinoises  aux  verres  de  la  lanterne,  —  ces 
verres  de  toutes  les  couleurs  et  combinés  pour  faire  jouer  le 
prisme  dans  des  esprits  d'enfanis. 

Le  Petit  Gosse  de  M.  Busnach,  oui,  de  l'ogre  Busnach  lui-même 
(mais  revenu  à  de  si  honnêtes  sentiments)!  nous  confère  une  auiro 
note,  moralisante  el  tempérée,  de  la  famille  des  Petit  Chose  et 
des  Petit  Jack.  On  y  rit,  on  y  pleure,  c'est  encore  du  tliéâire, 
mais  à  travers  une  optique  plus  rose,  devant  une  rampe  de  quin- 
quels  d'illusion,  avec  des  personnages  qui  seraient  des  marion- 
nettes, si  on  n'entendait  derrière  le  petit  tic-tac  du  cœur.  El  le 
Petit  Gosse  de  M.  Busnach  en  a  si  bien  que  l'Académie  française, 
qui  couronne  toujours  les  bons  cœurs  el  les  bons  auteurs, 
n'a  pu  faire  autrement  que  de  couronner  le  bon  livre. 

Du  théâtre?  En  voici  avec  ses  tranches  d'actes  et  de  scènes  dans 
ce  Théâtre  à  la  maison  et  en  pension  de  M""*  Vadier,  —  un 
théâtre  de  vacances  et  de  galas  avec  une  leçon  à  chaque  dénoue- 
ment et4a  voix  du  régisseur  avertissant  si  c'est  bien  ou  mal,  — 
un  théâtre  dont  Geff'rOy  a  dessiné  les  costumes,  les  décors  el  l'af- 
fiche comme  pour  un  vrai  théâtre  où  joueraient  de  vrais  acteurs. 
Et  ce  n'est  ni  l'histoire  sacrée  ni  l'histoire  profane  qui  règne  sur 
ce  théâtre-là,  comme  au  temps  où  nous  jouions  les  grands  pfêires 
et  les  rois  aux  fêtes  du  collège,  mais  des  histoires  de  la  vie  de 
l'enfance  où  ce  sont  bien  des  petites  filles  et  des  petits  garçons 
qui  tiennent  les  rôles,  —  des  histoires  comme  en  content  M.  Ler- 
mont  dans  son  Histoire  des  deux  Bébés  Ketty  et  Bo,  le  vieux  bon 
maître  Stahl  dans  ses  Contes  de  la  Tante  Judith  et  Th.  Bentzon 
dans  sa  Yette., 

El  voici,  pour  finir,  le  livre  qu'un  spirituel  académicien  dédi- 
cace à  une  imaginaire  élève,  à  celle  qui  donne  son  nom  au  volume 


l-v 


et  qu'il  appelle  Une  élève  de  seize  ans.  Je  ne  sais  pas  si,  pour 
jouer  les  petites  pièces  de  M"'"  Vadier,  il  sera  nt^cossaire  de  lire 
avant  tout  M.  Logouv»?;  mais  certainement,  après  l'avoir  lu,  on» 
comprendra  mieux  Racine,  Molière  et  môme  Shakespeare.  Car  ce 
livre,  écrit  pour  les  jeunes  filles  de  seize  ans,  ce  livre  de  haute 
éducation  et  de  grandes  lettres  qui  est  à  la  fois  un  livre  d'art  et 
d'humanité,  semble  surtout  écrit  pour  des  intelligences  déjà 
mûres.  «  J'ai  supposé,  dit  M.  Legouvé,  une  jeune  fille  de  seize  à 
dix-sept  ans  qui  vient  d'achever  ses  cours,  et  à  côté  d'elle  un 
vieillard,  son  grand'père,  lui  donnant  quelques  leçons  propres  à 
éveiller  en  elle  deux  qualités  dont  on  ne  s'occupe  pas  assez  dans 
l'enseignement,  r/mAgiMn/ion  et  la  Réflexion  personnelle  ».  Or, 
il  est  permis  de  supposer  que  le  grand'père  lui-môme  n'est  pas 
^ans  apprendre  quelque  chose  dans  ce  livre  fait  pour  être  lu  par 
des  jrunes  filles.  Rien  ne  sent  moins  le  pédagogue  que  celte 
aimable  cl  ingénieuse  initiation  sur  un  ton  enjoué  de  causerie  fai- 
sinl  revivre  les  grandes  figures  des  âges  de  la  littérature  et  où 
c'^tcommc  un  ambassadeur  des  rois  de  l'Esprit  qui,  avec  sa  clef 
d'or,  vous  ouvrirait  les  portés  des  palais  et  par  les  escaliers  vous 
guiderait  jifeqii'à  la  majesté  des  Trônes. 

Le  nom  de  l'édrLmir  de  (ous  ces  beaux  livres  n'a  pas  encore  été 
dit.  Mais  à  la  nuanceHes  contes,  à  la  variété  si  spéciale  de  la  col- 
lection, à  la  gradation  deVlé^iures  qui  va  des  petits  ôges  de  l'en- 
f.nce  jusqu'à  l'adolescerice,  n'â-l-on  pas  compris  qu'il  s'agissait 
de  celle  grande  firme  des  «  Helz^  »,  créateurs  et  continuateurs 
des  Riblioihèques  de  la  Jeunesse. 


A  PROPOS   DE   L'AQUARÊÈLE 

(correspondance)  \^ 

Je  m'attendais  à  voir  mes  confrères  en  aquarelle  protester 
contre  votre  accusation  d'  «  art  un  peu  joujou  ».  —  Us  dorment, 
probablement,  et  ne  protestent  pas,  même  en  action,  puisqu'ils 
deviennent  si  «  jolis  »  ;  on  le  dit,  je  ne  l'ai  pas  vu. 

En  cette  occurrence,  voudriez-vous  bien  m'expliquer —  impri- 
mément,  pour  le  bénéfice  de  tous  —  à  quelle  place  de  l'art  vous 
asseyez  l'aquarelle? 

Moi,  je  l'aurais  crue  un  art  moderne,  «  vingiiste  »  par  excel- 
lence. Je  ne  l'entends  pas  faite  de  trùcs  et  de  ficelles  :  — une 
iolie  petite  maison  avec  un  joli  petit  reflet  dans  une  eau  coulée 
d'ut)  seul  coup  de  pinceau  adroit,  —  mais  bien  comme  un 
instrument  docile  et  rapide  pour  rendre  une  forte  et  courte, 
impression,  une  fusion  de  couleurs  :  —  Joie  de  mettre  dans  le 
ciel  tout  le  rouge  qu'on  y  voit,  puis  de  lui  restituer  instantané- 
ment son  reste  de  reflet  bleu,  —  jaiine,  —  en  laissant  au  grain 
du  papier  le  soin  de  faire  vibrer  ces  trois  choses,  les  laissant  cha- 
cune entières,  l'une  dans  l'autre;  —  joie  de  s'en  donner  du 
rouge,  du  bleu,  du  jaune  absolus,  éclatants,  jamais  trop  forts, 
comme  on  les  voit;  et  de  les  faire  devenir  des  tons  vivants,  doux, 
remuants,  qui  peignent  l'air  et  non  la  chose;  — *oie  de  l'audace 
permise  à  l'ébauche!  Et  la  transparence  de  toutes  ces  teintes, 
de  cet  arbre  sous  la  verdure  duquel  vous  sentez  l'ombre  rouge! 
El  le  charme  quand,  une  fois  sur  cent,  on  a  rendu  l'eflFet  d'un 
quart  d'heure  de  soleil!  Et  la  possibilité  de  faire  dire,  à  l'heure 
même  où  on  la  sent,  — sans  y  revenir,  —  à  un  horizon,  à  un  ciel, 
l'impression  d'ombre  ou  de  lumière  qu'on  a  en  soi  et  dont  on  voit 
le  pasvsager  reflet  ! 

On  s'en  va  de  côtés  tous  différents  quand  On  est  bien  ou  mal 


disposé.  On  attend  son  heure,  comme  le  chasseur,  puis,  quand 
elle  est  là,  on  la  «  tire  »,  comme  disent  nos  paysans. 

J'ai  beau  faire,  je  n'arMve  pas  à  voir  deux  jours  de  suite  la 
môme  chose  à  la  môme  place.  Quelques  grands  ont  cette  puis- 
sante faculté  de  concentrer  une  impression  au  fond  dç  leur  cer-- 
veau  et  de  la  rendre  dans  toute  sa  vivacité,  —  fût-ce  longtemps 
après.    • 

Mais  moi  et  d'autres  qui  ne  l'avons  pas,  cette  faculté,  il  nous 
arrive,  si  nous  nous  attardons  à  un  paysage,  de  peindre  ce  que 
nous  avons  vu  —  pas  ce  que  nous  avons  senti.  C'est  l'arbre,  la 
route,  ce  n'est  pas  l'heure,  m  l'air,  ni  la  manière  dont  nous  avons 
été  frappés.  Tout  cela  est  rendu  dans  le  faire.  Ah!  si  on  pouvait 
point^iller  à  la  minute!  Mais  l'aquarelle  est  un  pointillé  instantané. 
Essayez  un  peu  du  vermillon  dans  le  ciel  ou  dans  l'eau  —  ou  c'est 
égal  où  —  pour  voir  le  joli  petit  grain  qui  percera  à  travers 
tout! 

Et  vive  l'aquarelle  pour  les  gens  qui  n'ont  pas  une  forte  tôle  à 
leur  disposition,  qui  ne  savent  pas  abstraire,  quinlessencier  leur 
sentiment,  puis,  le  redélayer  laborieusement!  Savez-vous  que 
c'est  atrocement  pénible,  pour  les  gens  ordinaires,  ce  scalpel-là  ? 
On  s'en  aperçoit  au  manque  de  simplicité,  d'unité  d'impression 
de  tant  de  tableaux  à  l'huile. 

Et  puis,  l'aquarelle  est  bien  plus  l'idée,  le  sentiment  d'une 
chose,  que  la  chose  elle-même,  —  rendue  plus  exactement  par 
«  l'huile  ».  Etait-ce  une  aquarelle,  cette  tôte  de  supplicié,  par 
Henri  Régnault,  —  tête  qu'on  n'oublie  plus,  —  mais  qui  n'a  dans 
voire  souvenir  ni  dessin,  ni  couleur,  —  à  part  la  mémoire  de  ces 
taches  bleues,  rouges,  vertes  qui  la  rendaient  si  vibrante?  —  Ça 
n'avait  rien  de  joujou  !  —  Et  la  bonne,  la  charmante  Vente  de 
bois  en  hiver  de  Mauve?  Est-ce  que  l'huile  aurait  rendu  ça,  cet  air, 
«e  froid  —  enlevé,  simple,  croquant  comme  une  jeune  pomme, 
de  «  faire  »,  de  naïf? 

Je  vous  en  prie,  si  l'aquarelle  s'affadit  et  condescend  à  devenir 
un  ornement  «  agréable  »,  expliquez  ce  qu'elle  est,  ce  qu'elle 
peut  être. 

Expliquez,  expliquez,  expliquez! 

M.  M. 

P.  S.  Etait-ce  bien  une  tête  de  supplicié?  Il  y  a  si  longtemps 
que  je  ne  me  souviens  plus  que  de  l'impression  de  ce  «  faille  » 
sauvage.  Ah!  quel  bon  morceau  cru  !  Oubliées,  toutes  les  choses 
cuites  qui  étaient  à  côté,  c'est  égal  à  quelle  sauce  ! 

RÉPONSE 
Explications  au  prochain  numéro.  Ce  serait  Irop  long  pour 
aujourd'hui.  Notre  correspondant  (ou  notre  <:orrespondante?)  ne 
nous  paraît  pas  avoir  très  exactement  compris  l'article  que  nous 
avons  publié.  Mais  la  question  est  intéressante.  Elle  mérite  dis- 
cussion. 


«Petite  CHROf^iquE 

C'est  aujourd'hui,  à  deux  heures,  qu'aura  lieu  le  premier  con- 
cert du  Conservatoire,  consacré,  comme  nous  l'avons  annoncé, 
aux  symphonies  n»*  Il  et  III  dé  Beethoven.  M.  Gevaert  a  corsé  le 
programme_  4^n  intermède  vocal  :  M.  Giesscn,  chanteur  de  la 
chapelle  grand-ducale  de  Weimar,  interprétera  quelques  lieder, 
accompagnés  au  piano  par  M.  Edouard  Lassen. 

Le  Conservatoire  de  musique  de  Mons  donnera  aujourd'hui,  à 
l'occasion  de  la  distribution  des  prix,  une  matinée  musicale  sous 


i: ART  MODERNE 


407 


la  dircclion  de  M.  Jean  Vandcn  Ecdcn.  Le  programme  porte  la 
Fête  Bohême  de  Massencl,  la  Triumph-Mnrsch  de  Vanden 
Ecden,  des  fragments  du  cçnccrto  de  flûie  et  du  concerto  de  cor 
de  Mozart  et  un  air  de  la  Juive  A'ilaléwy.  Les  solistes  sont  trois 
prix  d'excellence  du  Conservatoire  de  Mons  :  MM.  A.  Dessart, 
E.  Dequcsne  et  V.  Gigounon. 

Au  troisième  concert  classicpic  de  la  maison  Scliott,  on  a 
applajidi  le  très  pur  violon  de  CéSar  Thomson,  dont  la  sonorité 
s'est  liarmonieusement  unie  aux  claifcs^  et  brillantes  interpréta- 
tions de  Louis  Diômer,  \ 

Le. jeu  essentiellement  correct  de  ce  pianiste  de  bonne  et 
sérieuse  école,  vraiment  respectueux  de  son  art  et  compréliensif, 
a  produit  une  grande  impression. 

F^e   violoncelle  connu  et  toujours  apprécié 
Jacobs  con^plélait  d'heiireusc  façon  ce  rc 

Et  voici  cloSc  la  série  de  ces  artistiques  s^ 
chambre,  dont  leXouvenir  restera  viVacc 


M.  Edouard 

io.     \ 
musiquede 


A  noter  aussi,  pouKmémoire,  une  bonne  séance  de  musique 
de  chambre  donnée  dimanche  au  Couservatoire  par  V Association 
des  professeurs  d'i7}strumenis^  vent.  L'exécution  des  œuvres  de 
Recthoven  qui  composaient  exclusivement  le  programme  instru- 
mental a  été  excellent.  Et  la  voixN^ympathique  de  M""*  Cornélis- 
Servais  a  rempli  agréablement  les  inlfermèdes. 


Le  dernier  numéro  de  la  Wallonie  où  se^nconlrent  les  noms- 
de  Mallarmé,  Sluar  Merill,  Vieillé-Griflin,  de  Régnier,  Swinburne, 
Retté,  Delaroche  et  Moekel  s'atteste  :  excellent.  »!■  le  numéro  de 
décerhbre  continue  la  série  des  livraisons  choisies  auxquelles  In 
Wallo7iie  nous  a  habitué,  l'année  4890  se  clora  pour  cfette  revue 
de  manière  à  satisfaire  les  plus  récalcitrants.  La  table  des  ma^^ièrer 
sera  manifique. 

D'un  autre  côté,  nous  avons  déjà  constaté  combien  la  directioî^ 
de  M.  Valère  Gille  a  relevé  la  Jeune  Belgique.  Elle  aussi,  s'affirme  : 
vivante. 

11  est  désormais  démontré  qu'en  Belgique  des  revues,  presque 
toutes  entières  consacrée^  à  l'art,  peuvent  non  seulement  exister, 
mais  se  développer  d'une  vie  abondante  et  claire. 

Le  théâtre  des  Galeries  a  fait  une  bonne  reprise  de  la  Grande 
Duchesse  de  Gérolstein,  cette  très  spirituelle  et  amusante  parodie, 
qui  vous  reporte  aux  temps  abolis  de  l'Empire,  à  Hortense 
Schneider,  à  l'Exposition  de  4867,  à  tout  le  clinquant  de  jadis. 
El  déjà  se  hausse,  par  un  phénomène  singulier,  cette  opérette  aux 
proportions  d'une  flagellante  satire. 

Elle  a,  certes,  son  rang  dans  l'histoire  musicale  contemporaine 
et  en  marque,  par  la  verve  endiablée  de  ses  rythmes  et  sa  bonne 
humeur,  une  phase  originale,  dont  la  bouffonnerie  n'a  guère 
vieilli. 

M™»  Morin  est  une  Grande-Duchesse  avenante,  élégante,  qui 
porte  allègrement  le  poids  de  la  partition. 


Le  président  du  comité  vient  de  répondre  par  une  lettre  adres- 
sée aux  journaux  locaux  qu'en  prenant  la  décision  critiquée  la, 
commission  avait  voulu  éviter  l'invasion  des  amateurs  et  des 
médiocrités,  fléau  habituel  des  expositions.  Elle  a  invité  soixante 
artistes  belges  et  vingt  artistes  étrangers,  ce  qui  écarte  péremp- 
toirement le  -reproche  de  partialité,  et  compte  exposer  les  œuvres 
de  chaque  artiste  par  panneaux  séparés. 

Tout  cela  est  parfait.  Mais  la  lettre  ajoute  que  «  si  le  nouveau 
genre  d'exposition  réussit  à  Bruges,  on  finira  peut-être  par  l'in- 
venter \)i  Anvers,  Bruxelles  ou  Gand  ».  On  paraît  ignorera  Bruges 
que  ce  «  nouveau  genre  d'exposition  «  existe  à  Bruxelles  depuis 
huit  ans,  et  qu'il  a  même  fait  parler  quelque  peu  de  lui  ! 

Samedi  prochain,  l'OdeMi  donnera  un  spectacle  des  plus  inlé- 
r^îssants  :  M.  Porel  fera  jouer  une  adaptation  A'Alcesle  d'Euri- 
pide, par  M.  Alfred  Gassier,  avec  les  chœurs  et  la  musique  d'or- 
chestre de  Gluck  exéculée^'par  l'orchestre  de  M.  Lamoureux. 

C'est  M""*  Segond'Wefcé'r,  applaudie  récemment  au  théâtre 
N^Ioliôrc,  qui  est  chargée  du  rôle  d'Alcesle.  Les  rôles  d'hommes 
seront  interprétés  par  MM.  Marquct,  Lambert,  Maury,  etc. 


Une  polémique  assez  vive  s'est  engagée  dans  les  Flandres  au 
sujet  d'une  Exposition  des  Beaux-Arts  organisée  à  Bruges  par  un 
comité  présidé  par  M.  Claeys,  avocat  en  celte  ville.  Le  comité 
ayant  décidé  que  les  artistes  invités  participeraient  seuls  au 
Salon,  il  y  eut,  de  la  part  de  certains  artistes,  des  résistances  et 
des  réclamations.  On  prétendit  que  le  comité  voulait  favoriser 
les  artistes  français  au  détrimenl  des  Belges. 


A  M'ié  M.  P.  —  Jamais,  dans  VArt  moderne,  nous  rie  parlons 
de  nous,  charmante  correspondante.  C'est  ailleurs  qu'on  a  celte 
mauvaise  habitude.  Comment  insérer  voire  très  intéressante  lettre 
où  l'un  de  nos  collaborateurs  est  constamment  mis  en  scène?  1! 
faudrait  répondre  et  alors  ce  serait  cette  chose  horrible  :  une 
polémique.  Faut-il  vous  renvoyer  le  manuscrit?  Mais  où  alors? 
Votre  signature  est-elle  vraie  ou  est-ce  un  nom  d'emprunt  ? 

Depuis  que  César  Franck  est  mort,' on  daigne  enfin  lui  recon- 
naître du  génie.  M.  Arthur  Coquard,  dans  une  brochure  distri- 
buée au  dernier  concert  Colonne,  dit  de  ses  œuvres  : 

«  De  cet  ensemble  imposant  il  convient  maintenant  de  dégager 
le  caractère  essentiel,  l'individualité.,  Certes,  la  grandeur  et  li 
force  éclatent  à  chaque  page  des  Béatitudes.  Où  trouver,  d'âutro 
part,  plus  d'ampleur  dans  le  développement  musical,  plus  d'au- 
dacë^heureuse  dans  les  combinaisons,  que  dans  le  Quintette  ei 
le  Quatuor  à  cordes,  plus  de  poésie  et  de  tendresse  que  dans 
Psyché,  plus  de  grâce  mystique  que  n'en  c\\\^\é'îiédemptioi\? 
Toutes  ces  qualités,  dont  le  maître  a  fait  prouve  à  un  éminont 
degré,  ne  sont  pourtant  pas  ce  qui  constitue  la  marque  essentielle 
et  spéciale  de  son  génie.  Si  chacune  d'elles  a  eu  son  heure  d'épa- 
nouissement, suivant  les  nécessités  de  l'œuvre,  il  en  est  une  autre 
qui  se  retrouve  partout,  dans  les  pages  ies  plus  simples  aussi  bien 
que  dans  les  compositions  les  plus  vastes,  dans  les  oratorios 
comme  jans  les  drames  lyriques  ou  les  œuvres  symphoniques, 
toujours  abondante,  naturelle  et  spontanée  :  c'est  l'originalité  har- 
monique. Contester  le  don  mélodique  à  un  pareil  maître  serait 
folie  et  nous  ne  nous  arrêterons  pas  à  prouver  que  son  œuvre 
abonde  en  beaux  chants;  mais  il  est  hors.de  doute  que  César 
Franck  a  manié  le  contre-point  comme  personne,  qu'il  a  jeté  dans 
le  monde  musical  une  incroyable  quantité  d'harmonies  nouvelles, 
se  présentant  sous  les  formes  les/j^us  imprévues  ei  consiiiuani 
un  riche  trésor,  où  puisera  l'avenir  pendant  de  longues  années. 
César  Franck  est  un  penseur.  Sa  place,  dans  l'histoire  de  la 
musique,  est  h  côté  de  Bach.  » 

Le  dernier  numéro  paru  des  Hommes  d'aujourd'hui  publie  un 
portrait  et  une  biographie  d'ttenry  Céard,  l'auteur  des  Résignés 
et  de /rt  P<'c/i^,  joués  au  Théâtre-Libre. 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ETAT-BELGE 


LIGNE   D'OSTENDE-DOUVRES 


La  plus  courte  et  la  moins  coûteuse  des  voies  extra-rapides  entre  le  Continent  et  TAngleterre 


Bruxelles  à  Londres  en 
Cologne  à  Londres  en 
Berlin  à  Londres  en  . 


8 
12 
20 


heures. 


% 


Vienne  à  Londres  en. 
Bâle  à  Londres  en. 
Milan  à  Londres 


en 


36  heures. 
20  ,    - 
32       »' 


XR01I§^  l»E:EtVI€:E:i^  W^AWt  «IOCJR 

D'Ostende  à  5  h.  15  noatin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  31  soir..  —  De  Douvres  à  midi  05,  3  h.  soir  et  10 h.  15  soir. 

^  y;-:  TRAVERSEE  EIV  XROIi^  HEURES 

\   '  .         PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS  1  .  :■ 

I^rineesse  Joséphine,  Princesse  HenrieU^,  Prince  Albert,  La  Flandre  et  Ville  de  Douvres 

\  partant  journellement  d'OSTENDE  à  5  h.  15  matin  et  11  h.  10  matin;  de  DOUVRES  à  midi  05  et  10  h.  15  soir. 

Salons  luxueux.—  Fumoirs.  —  Ventillation  perfetctionnée.  —  Éclairage  électrique.  —  Restaurant. 
BILLETS\DIRECTS  (simples  ou  aller  et  retour)  entre  LONDRES,  DOUVRES.  Birmingham,  Dublin,  Edimbourg,  Glascow, 

Liverpool,  Manchester  et  toutes  lés  grandes  villes  de  la  Belgique  .      , 

et  entre  LONDRES   ou   DOUVRES  et  toute^  les  grandes  villes  de  l'Europe. 


BILLETS  CIRCULAIRES  X 

Supplément  de  2«  en  1"  classe  sur  le  bateau,  fr.  2-35  X 

CABINES  PARl'ICULIÉRES.  -    Prix  :  (en  sus  du  prix  de  la  ir»  classe).  Petite  cabine,  7  francs;  Grande  cabine,  14  francs. 

A  bord  des.  malles  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette 

Spécial  cabine,  28  francs;  Cabine  de  luxe,  75  franc^  .  \ 

Pour  la  location  à  l'avancé  s'adresser  à  M.  le  Chef  de  Station  d'Ostendef^Qvai)  ou  à  V Agence  des  Chemins  de  fer  de  l'État- Belge 
Northumberland  House,  Strond  Street,  n' 17,  à  Douvres. 

Excursions  à  prix  réduits  de  60  o/o,  entre  Ostende  et  Douvres,  tous  les  jours,  du  l«r  juin  au  30  septembre. 
Entre  les  principales  villes  de  la  Belgique  et  Douvres,  aux  fêtes  de  Pentecôte  et  de  l'Assomption. 
AVIS.  —  Buffet  restaurant  à  bord.  — Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  —  Accostage  à  quai  vis-à  vis  des  stations  de  chemin  de 
fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits). —  Voyages  à  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transpol^i<ègulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  ânauces,  etc.  -  Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Èirection  de  l'Exploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  à  Ëruxelles,  à  Y  Agence  générale  des 
Malles-Poste  de  V État-Belgè,  Montagne  dé  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Street,  n»  53,  à  Londres,  à  V Agence  de  Chemins  de  fer 
d« /'.Ë'tof,  à  Douvres  (voir  plus  haut),  et  à  M.  ./IwAur  FrancAen,  Domkioster,  n»  1,  à  Cologne. 


! 


JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  Judiciaires.  —  Jurisprudence. 
-^  Bibliographie.  —  Législation.  —Notariat. 

HUTIKHE  ANNÉE. 

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(  étranger,  23  id. 

Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 

J.  SCHAVYE,   Relieur 

46,  rue  du  Nord,  Bruxelles 
RELIURES  ORDINAIRES  ET  RELIURES  DE  LUXE 

SDècialité  d'armoiries  belges  et  étrangères 

Revue  mensuelle  de  littérature  et  d'art  • 
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Directeurs  :  MM.  A.  MOCKËL,  P. -M.  OLIN  et  H.  db  RÉGNIER 

„  (  à  Liège,  rue  St-Adalbert,  8. 

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chim,  Wilhelmj,  Ed.  GtHeg,  Ole  Bull,  A.  Essipoff,  Sofie  Meuter, 
Désirée  Artôt,  Pauline  Lucca,  Pablo  de  Sarasate,  Ferd.  ffiller,  D. 
Popper,  sir  F.  Benedict,  Leschetitzhy ,  Napraouik,  Joh.  Selmer,  Joh. 
Svendsen,  K,  Rundnagel,  J.-O.-E.  Stehle,  Ignace  Brûll,  etc.,  etc. 

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Bruxelles.  —  Imp.  Y*  Moimo«f ,  3t,  rue  d«  l'Industrie. 


V 


y. m 


1  '■■^ï 


Dixième  ann^e.  —  N"*  52. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  28  Décembre  1890. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,    fr.    13.00.    -^  ANNONCES  ;    On  traite  à   forfait. 


— — Adresser  toutes  les  communications  à -7-      — -      . — 

l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  rindustrië,  32,  Bruxelles. 


?' 


lOMMAIRE 

Référendum  artistique.  —  Yeux  clos.  —  Une  allocution  de 
M.  Gevaert.  —  Tours  et  tourelles  historiques  de  la  Belgique. 

—  Livres  d  etrennes.  Publications  Hachette.  —  Petite  chronique. 

—  Table  des  matières. 


REFERENDUM  ARTISTIQUE 

Le  Salon  des  Aquarellistes,  actuellement  ouvert  au 
Musée,  ramène  l'attention  sur  ce  procédé  spécial  d'ex- 
pression artistique  :  l'aquarelle. 

Dans  le  compte-rendu  que  nous  avons  publié  (1)  nous 
avons  constaté,  —  en  même  temps  que  l'habileté  indé- 
niable des  exposants  et  leur  talent  à  croquer,  du  bout 
du  pinceau,  un  site,  une  figure,  un  intérieur  coquet,  — 
certain  glissement  vers  l'imagerie,  vers  un  art  tout  en 
surface  et  en  décor,  agréable  à  l'œil,  certes,  mais  exclu- 
sif de  la  pensée.  L'œuvre?  L'œuvre  ?  réclamions-nous 
avec  insistance,  ennuyé  de  n'avoir  guère  rencontré,  en 
ces  deux  cents  cadres,  que  joliesse,  improvisation,  cro- 
quis rapides  notés  au  cours  d'un  voyage,  —  au  résumé, 
la  causerie  brillante,  à  bâtons  rompus,  d'hommes 
d'esprit  bavardant  sur  toutes  choses,  et  non  l'élo- 
quence incisive  d'un  orateur  qui  fait  réfléchir,  qui 
émeut,  qui  emporte  l'âme  vers  les  hautes  sphères. 

(i)  Voirnolre  numéro  du  14  décembre. 


En  ce  renouveau  d'art,  qui  s'affirme  si  glorieuse- 
ment à  notre  époque^  l'aquarelle  n'a-t-elle  pas  un  rôle  à 
jouer?  N'est-elle  pas,  au  même  titre  que  la  peinture  à 
l'huile,  que  la  sculpture,  apte  à  exprimer  profondément 
les  sensations  neuves  que  provoquent  en  nous  quelques 
artistes  de  la  génération  nouvelle  ?  La  technique  dont 
usent  les  aquarellistes  ne  permet-elle  que  les  approxima- 
tions d'un  art  superficiel  ?  Ce  serait  assigner  à  l'aqua- 
relle un  rang  subalterne,  créer  une  distinction  en  con- 
tradiction avec  ce  principe,  plus  que  jamais  affirmé  : 
l'art  n'est  soumis  à  aucun  procédé  ;  il  s'exprime  libre- 
ment et  n'admet  ni  lisières,  ni  formules. 

Il  y  a  là  une  question  sérieuse  à  élucider.  Elle  est 
digne  de  préoccuper  ceux  que  passionne  l'étude  des  évo- 
lutions artistiques  et  qui  voient  dans  l'art  autre  chose 
qu'une,  distraction  passagère  et  un  amusement  des 
yeux. 

Il  est  bon  que  les  artistes  y  réfléchissent.  Aussi  avons- 
nous  jugé  utile  de  leur  demander  à  eux-mêmes  leur 
avis,  usant  du  moyen  d'enquête  à  la  mode  :  le  Référen- 
dum. 

Choisissant  une  dizaine  d'aquarellistes  les  plus  en  vue 
parmi  les  exposants  et  les  invités  du  Salon  actuel,  nous 
leur  avons  écrit  en  ces  termes  : 

Une  discussion  artistique  que  j'ai- eue,  ces  jours-ci,  avec  des 
amis,  au  sujet  de  raquarellè,  itie  donne  l'idée  de  demander  à 
quelques-uns  des  maîtres  du  genre  leur  avis. 


1 


^ 


410 


LART  MODERNE 


Quel  est  le  caractère  essentiel  de  l'aquarelle?  Doit-elle  néces- 
sairement être  spontanée,  primesautière?  Ou  peut-on,  au  con- 
traire, la  traiter  avec  la  lenteur,  le  soin,  la  perfection  d'une  pein- 
ture à  l'huile?  N'est-elle  qu'un-  moyen  d'exprimer  rapidement  et 
sommairement  un  cfFet  ?  Ou  peut-elle  réaliser  aussi  complètement 
que  les  autres  procédés  l'impression  artistique,  acquérir  le 
«  di5fiuitif  »  de  l'œuvre  d'art?  La  technique  elle-même  de  l'aqua- 
relle n'est-elle  pas  exclusive  de  certaines  impressions,  notamment 
delà  lumière  intense?  Faut-il,  en  conséquence,  classer  l'aqua- 
relle, dans  la  hiérarchie  des  arts,  à  un  degré  inférieur,  ou  a-t-elle 
la  môme  valeur  artistique  que  les  tableaux? 

Voici  les  réponses  que  nous  avons  reçues.  Elles  sont 
•  d'autant  plus  intéressantes  qu'elles  marquent  très  exac- 
.  tement,  ainsi  qu'on  le  verra,  la  personnalité  de  chacun 
de  nos  correspondants.  .Et  à  ce  propos,  qu'il  nous  soit 
permis  de  les  remercier  d'avoir  bien  voulu  se  prêter ,^ 
avec  tant  de  bonne  grâce  et  d'esprit,  à  notre  intei-roga- 
toire. 

CONSTANTIN  MEUNIER. 
Cher  ami. 
Définir  l'aquarelle?  C'est  pas  si  facile,  à  moins  d'avoir  beau- 
coup d'esprit  et  une  plume  à  son  crayon.  Pour  toi  cependant  je 

vais  essayer:  — — 

11  y  a  l'artiste,  d'abord.  A  celui-là,  n'importe  son  o\x{\\:éhauchoir, 
brosse,  crayon,  il  en  sortira  une  œuvre  d'art.  Que  lui  importe? 

Mais  à  côté  il  y  a  l'aquarelliste,  c'est-à-dire  celui  qui  est  avant 
tout  aquarelliste,  et  les  qualités  qui  lui  sont  nécessaires  sont 
l'esprit,  l'esprit  dans  la  touche,  l'enlevé  dans  l'exécution,  l'a  peu 
près  des  choses,  l'art  de  dire  des  riens,  mais  spiriluelleinent.  C'est 
encore  de  l'art,  cela,  cat  il  n'est  pas  donné  à  tout  le  monde 
à'^^'o\v  de  V esprit.  En  un  mot,  l'aquarelle  est  un  art  charmant, 
mais  fragile  comme  la  matière  ou  les  matières  employées  dans  ce 
genre.  , 

Je  crois  avoir  tout  dit,'  cher  ami,  très  mal,  mais  pourquoi  aussi 
demander  de  la  prose  à  un  peintre  ? 
Je  te  serre  la  main  très  cordialement. 

Meunier. 
FRANZ  BINJÉ; 

Mon  cher  Maus, 

Je  vais  tûcher  de  répondre,  point  par  point,  à  ton  petit 
.    référendum. 

A  mon  avis,  le  caractère  essentiel  de  l'aquarelle  est  de  ne  res- 
sembler à  aucun  autre  genre  de  peinture  :  il  faut  qu'elle  soit 
franchement  la  taché,  la  goutte  d'eau  colorée  ;  c'est  dire  que  je  la 
veux  primesautière,  spontanée;  seulement,  entendons-nous  sur 
le  sens  de  ces  mots  :  je  n'entends  pas  pai-  là  l'aquarelle  «au  petit 
bonheur  »,  la  tache  plus  ou  moins  harmonieuse.  Je  veux  l'aqua- 
relle réfléchie,  construite  d'avance  dans  le  cerveau,  en  tant  que 
grandes  lignes,  que  sentiment,  que  symphonie,  qu'impression 
-   d'ensemble,  en  un  mot.   ' 

C'est  dire  qu'on  peut  la  traiter  —  alors  —  avec  la  lenteur,  le 
soin  et  la  perfection  d'une  peinture  à  l'huile,  mais  en  ne  la 
poussant  pas  adssi  loin,  comme  on  dit  en  argot  d'atelier. 

On  peut  —  on  doit  même  —  lui  garder,  jusqu'à  un  certain 
point,  le  caractère  d'un  croquis,  mais  ce  caractère  doit  être  voulu  ; 
c'est  ce  qui  la  différencie  du  croquis  véritable. 

Pour  parler  d'expérience  personnelle,  mes  aquarelles  que  l'on 


trouvait  les  plus  réussies  ont  été  généralement  celles  qui  avaient 
l'air  d'être  venues  d'un  coup,  comme  au  hasard  de  la  coulée; 
pourtant  elles  avaient  presque  toujours  été  d'une  gestation  beau- 
coup plus  laborieuse  que  les  autres.  L'aquarelle  idéale  est  pour 
moi  celle  qui,  malgré  le  travail  du  cerveau,  de  l'œil  et  de  la  main, 
donne  l'impression  d'une  chose  ve7iue  sans  peine,  d'une  improvi- 
sation heureuse.  Elle  doit  exprimer  sommairement,  mais  nette- 
ment, un  effet;  elle  peut,  en  s'en  tenant  à  cette  concision,  réaliser 
aussi  complètement  que  les  autres  procédés  l'impression  artis- 
tique, acquérir  le  «  définitif  »,  comme  tu  dis.  Définitif  relatif, 
bien  entendu,  et  approprié  au  genre;  il  ne  faut  pas  demander  au 
Whatman  plus  qu'il  ne  peut  donner.  La  question  de  format  y 
est  d'ailleurs  pour  quelque  chose.  El  l'aquarelle  est  essentielle- 
ment un  art  de  portefeuille.  11  y  a  actuellement  une  tendance  chez 
aucuns  à  en  exagérer  les  dimensions;  c'est  un  tort,  à  mon  avis. 
Les  grands  formats  demandent  une  intensité  de  ton  que  l'aquarelle 
ne  peut  donner  sans  lourdeur  ;  ils  obligent  aussi  à  détailler  beau- 
coup plus,  chose  absolument  contraire  au  procédé  de  la  tache 
coulée,  et  ct)nduisent  —  si  l'on  finit  beaucoup,  à  l'image  coloriée 
—  si  l'on  ne  finit  pas,  ati  décor.  (Je  sais  bien  que  tu  me  citeras 
des  noms  de  peintres  dont,  autant  que  tor,  j'aime  les  œuvres. 
Mellery,  diras-tu,  ses  œuvres  ne  sont  certes  pas  sommaires?  Non, 
sans  doute,  mais  ce  sont  des  dessins,  d'admirables  dessins 
jeiM/^5j_etnjon  des  aquarelles.  Mellery  n^'a  jamais  fajt^d'aquarelles, 
et  l'ami  Khnopfï  n'en  fera  jamais  non  plus  —  malgré  ses  bonnes 
intentions!) 

La  technique  de  l'aquarelle  n'est  pas  exclusive  de  certaines 
impressions,  notamment  de  la  lumière  intense,  pas  plus,  d'ailleurs, 
que  ne  le  sont  le  fusain  et  l'eau-forle.  Aucun  procédé  d'art  ne 
donne  la  lumière  absolue,  pas  même  celui  des  divisionnistes 
du  ton,  qui  en  approchent  un  peu  plus  que  les  mélangistes,  mais 
combien  loin  encore  !  et  au  détriment  de  la  facture,  ce  charme  si 
personnel  de  l'œuvre  d'art!  (Pauvre  moi!...  Gare  la  férule  !) 

L'art  ne  donne  qu'une  lumière  relative,  un  à  peu  près,  un  arti- 
fice... Cette  sensation  de  lumière  résulte  non  pas  du  ton  en  lui- 
môme,  mais  des  relations  justes  et  du  clair-obscur  bien  compris. 
L'aquarelle  expririie  ces  choses  aussi  bien  que  n'importe  quel 
procédé  de  peinture  et  peut  donc  arriver  à  donner  une  impression 
relative  de  lumière,  comme  le  donne,  d'ailleurs,  le  simple  papier 
griffé  de  noir...  par  un  artiste.  Un  tableau  deMonet  est,  au  point 
de  vue  absolu,  plus  éclatant,  plus  clair,  qu'une  eau-forte,  ce  qui 
n'empêche  qu'au  point  de  vue  de  la  sensation  artistique  telle 
eau-forie  de  Rembrandt,  par  exemple,  dégagera  une  bien  plus 
vive  impression  de  lumière.  C'est  donc  chose  relative  que  l'im- 
pression de  lumière,  et,  pour  un  œil  d'artiste,  l'aquarelle  la  donne 
aussi  bien  que  n'importe  quel  procédé  :  simple  question  de  trans- 
position, comme  e'n  musique.  Les  tons  de  l'aquarelle,  pris  isolé^ 
mentrrsontTHoins  éclatants,  moins  lumineux  si  l'on  veut,  que  les 
tons  de  la  peinture  à  l'huile,  mais,  si  les  rapports  sont  justes,  la 
sensation  artistique  qu'ils  produisent  est  la  même  :  c'est  la  même 
harmonie,  dans  un  timbre  différent.  La  guimbarde  ne  doit  pas 
lutter  avec  le  violoncelle,  voilà  tout  ! 

A  mon  avis,  l'aquarelle  a  la  môme  valeur  artistique  que  le 
tableau;  il  y  a  de  bonnes  et  de  rhauvaises  aquarelles  (le  motifl 
ah,  l'horreur  !)  comme  il  y  a  de  bons  et  de  mauvais  tableaux. 

Le  tout  est  de  faire  œuvre  d'artiste;  le  style,  le  caractère, 
l'émotion,  la  pensée,  le  rêve  produisent  ce  rayonnement  indéfi- 
nissable, cette  communication  électrique  qui,  à  travers  l'œuvre, 
va  de  l'artiste  qui  crée  à  l'esthète  qui  regarde.  Le  procédé  ne  fait 


I  IMI 


UART  MODERNE 


411 


rien  à  l'affaire,  el  l'aquarelle  est  aussi  bon  conducteur  Aq  ce  cou- 

ranl  que  n'importe  quel  genre  de  peinture. 

Voilà,  mon  cher  Maus,  l'avis  bien  sincère  d'un  artiste  qui  s'est 

jusqu'à  présent  plus  occupé  de  faire  des  aquarelles  que  d'en 

analyser  le  pourquoi  et  le  comment.  ^         . 

Bien  à  toi.  - 

.  Fr.  Binjé. 

FERNAND  KHNOPFF. 

MON  CHER  AMI, 

Être  classé  maître  du  genre,  sans  avoir  jamais  exposé  d'aqua- 
relle et  après  en  avoir  à  peu  près  terminé  deux,  me  semble  trop 
flaljteur  pour  ne  pas  répondre  à  ton  quegtionnaire, 

'(«  Words,  wonds  »,  disait  Hamlet,  et  un  autre,  plus  d'aujour- 
d'hui, précisait  :  «  Se  taire,  se  taire  et  agir  en  conséquence  ».) 

Cela  posé  :  toutes  ces  «  considérations  »  ne  peuvèntr  aboutir 
qu'au  plus  étroit  maniérisme.  —       '  " 

Le  procédé  est  peu  ;  l'impression  est  tout. 

Le  plus  récemment,  sous  l'influence  japonaise  trop  rapide  et 
superficielle,  «  on  a  trouvé  »  que  l'aquarelle  devait  être  «  spon- 
tanée el  primesautière  »;  ce  que  défendirent  avec  acharnement, 
d'abord  les  artistes  de  nature  spontanée  et  primesautière  ;  ensuite, 
avec  plus  d'acharnement  encore,  ceux  à  qui  des  études  primesau- 
tières  ne  permettaient  que  le  spontané? 

C'était  à  prévoir. 
—  Mais,  ^^vail-on  pas  aussi  trouvé  déjà  que  le  pastel  ne  conve- 
nait qu'à  des  fadeurs  «  genre  xviii®  siècle  »,  l'eau-forte  à  des  grif- 
fonnages et  la  lithographie  à  des  «  entête  de  factures  »? 

On  (le  même,  toujours)  a  pu  voir  depuis,  dans  ces  trois  genres, 
des  œuvres  remarquables,  quoique  absolument  indépendantes  de 
ces  «  traditions  ». 

El,  pour  terminer  :  Gustave  Moi-eau  n'a-t-il  pas  exécuté  des 
aquarelles  aussi  «  définitives  »  que  ses  plus  belles  toiles? 
An  revoir. _ : 


FeRNAND  KHNOPfF, 

des  XX. 

HENRI  STACQUET 

Mon  cher  Maus, 

Je  préférerais  blaguer  que  d'écrire;  cela  me  va  mieux. 

Je  blague  beaucoup  el  j'écris  peu. 

El  puis,  les  contradictions  amènent  les  idées.  On  dit  vile  et 
mieux.  Même  une  bêlise. 

Souviens-toi  de  nos  bonnes  causeries  à  l'entresol  de  la  «  Chry- 
salide». Il  y  a  beau  temps  décela. 

Enfin,  puisque  lu  me  le  demandes,  voici  ce  que  j'aurais  pu 
dire,  si  j'avais  été  de  votre  discussion  artistique. 

Le  caractère  essentiel  de  l'aquarelle,  c'est  sa  personnalité.  Elle 
doit  être  le  portrait  vivant  du  peintre.  Rappelle-loi  nos  amis 
Boulcnger,  Huberti,  Heurteloup.  Vois,  aujourd'hui,  Mellery,  Smils, 
Meunier,  De  Vriendt,  Uytterschaul,  Den  Duyls,  Oyens,  ne  sont-ils 
pas  là  tout  entiers  bien  plus  que  dans  leur  peinture  à  l'huile  ? 

L'aquarelle  est  primesautière  et,  par  ce  mot,  je  ne  veux  pas  dire 
qjii'elle  doive  être  faite  vivement,  avec  habileté  ou  en  quelques 
louches.  J'entends  que  son  premier  jet  doit  être  spontané,  forte- 
ment senti  cl  hardiment  lancé  sur  le  papier. 

Plus  que  tout  autre  procédé,  elle  a  besoin  de  la  nature,  du 
modèle.  Il  lui  faut,  avant  loul,  l'émotion  vivement  ressentie.  — 
le  premier  coup  de  pinceau  étant  le  meilleur. 


Avec  de  la  gaieté,  de  la  joie  ou  de  la  tristesse  au  cœur,  il  faut 
que  l'artiste  traduise  en  quelques  touches  ce  qu'il  ressent. 

Après  cela,  qu'il  approfondisse  son  œuvre  en  la  travaillant 
avec  lenteur  ou  qu'il  la  laisse  à  l'état  d'ébauche,  suivant  l'impres- 
sion ressentie;  qu'elle  soit  légère  et  limpide  ou  loiirde  el  opaqu'e, 
elle  restera  primesautière  par  le  sentiment. 

Et  toujours,  il  faut  qu'elle  soit,  émue,  aussi  bien  devant  une 
plage  ensoleillée  que  devant  une  tragique  descente  de  mineurs. 

Elle  peut  donc  être  lavée  comme  certaines  aquarelles  de 
Jaquemart,  ou  bien  traitée  avec  la  perfection  d'une  peinture  à 
l'huile,  comme  celle  de  Degroux  ou  de  Rops,  laissant  cela  à 
l'impression  du  moment  el  au  tempérament  de  l'artiste,  ne 
demandant  surtout  pas  à  celui-ci  de  faire  comme  celui-là. 

Tu  me  demandes  si  la  technique  n'est  pas  exclusive  de  cer- 
taines impressions,  notamment  de  la  lumîère  intense. 

Non,  certainement  non.  Si  pour  arriver  à  l'intensité  de  la 
lumière,  il  n'y  avait  que  la  solution  cherchée  encore  par  quel- 
ques-uns de  nos  courageux  artistes,  je  dirais  :  oui,  le  système  des 
juxtapositions  étant  d'une  application  impossible  à  raquarellc. 
Mais  il  y  a  pour  celle-ci  ce  que  Manet  avait  si  bien  pour  la  pein- 
ture à  l'huile  :  la  simplicité  des  tons,  sans  mélange  fatiguant  sur 
la  palette,  et  leur  application  d'une  louche  franche  et  vibrante  sur 
le  papier.  ' 

Où  l'aquarelle  reste  dans  une  condition  d'infériorité  incontes- 
table, c'est  devant  ce  qui  s'appelle  le  beau  morceau  de  peinture  : 
un  rocher  de  Courbet,  par  exemple.  Elle  est  également  impuis- 
sante devant  la  reproduction  du  portrait  humain,  celui-ci  exigeant 
le  modelé  des  lumières  et  des  ombres,  la  fraîcheur  des  chairs  en 
celte  belle  pâle  vibrante  el  sonore  des  Velasquez,  des  Van  Dyck. 

Je  me  résume  eçi  disant  que  pour  toute  œuvre  d'impression  vive 
el  de  grande  émotion  devant  la  chose  vue  #u  sentie,  l'aquarelle 
est  l'égale  de  ses  sœurs  el  ne  peut  être  classée  à  un  degré  infé- 
rieur. 
Elle  peut  «  réalispr,  aussi  c(împlèlement  que  Irs  antres  pro- 


cédés,  l'impfession  artistique,  le  définitif  de  l'œuvre  d'art  ». 

La  question  que  lu  soulèves  est  bien  inléressanle. 

Il  y  aurait  encore  beaucoup  à  dire,  mais  pour  cela,  je  voudrais 
te  voir  attablé,  avec  nous,  chez  Deknoop,  à  Saint-Job,  après  une 
bonne  omelette.  Nous  causerions  de  cela,  el  de  bien  d'autres 
choses  encore,  el  en  chœur  lu  dirais  avec  nous  que 

La  peinture  à  l'huile. 

C'est  pas  difficile  : 

Mais  c'est  pas  si  beau 

<5ue  la  peinture  à  l'eau.  y 

•  Sur  ce,  bien  à  toi  el  de  loul  cœur 

Ton  vieux 


H.  Stacquet. 


MAURICE  HAGEMANS. 


Mon  CHER  AMI, 

Vous  voulez  bien  me  demander  mon  opinion  sur  le  caractère 
que  «  doit  »  présenter  l'aquarelle. 

Mon  avis  est  qu'il  convient  de  laisser  à  l'artiste  la  plus  grande 
latitude  sur  le  choix  des  moyens  à  employer  pour  arriver  à  pro- 
duire une  œuvre  «  d'artiste  ».  Que  m'importe  la  «  cuisine  »  du 
métier,  si  le  résultat  obtenu  me  séduit  et  m'émeut? 

Les  pimpantes  et  papillotantes  machi nettes  des  Italiens  nous 
horripilent,  en  dépit  ou  plutôt  à  cause  de  leur  habilelé  simiesque. 
C'est  ce  qu'un  Vinglisle  de  nos  amis  appelait  spirituellement  :  la 
patrouille  turque  de  l'Art. 


w 


Certes,  plus  gauches,  plus  irlpolées,  plus  faliguéçs,  les  aqua- 
relles des  maîtres  hollandais,  tels  que  Maris,  Mauve,  Isracls,  etc., 
nous  empoignent  61  nous  charment  délicieusement. 

Conclusion  :  nriieux  v,aul  fatiguer  son  papier  que  son  public. 

A  vous  bien  cordialement. 

M.  Hagemans. 

Nous  continuerons  dans  un  prochain  numéro  la 
publication  de  ces  documents  de  haut  intérêt,  et  nous 
conclurons. 


YEUX  CLOS 

Vous  vous  souvenez,  Esthètes,  d'un  tableau  [d'OoiLON  Redon, 
•le  mystérieux  qui  taniôt  descend  dans  les  ténèbres  des  noirs, 
tantôt  monte  et  flotte  dans  l'atmosphère  des  clairs,  —  un  tableau 
à  l'exposition  des  XX  :  une  très  douce  tête  de  femme,  pen- 
chante, au  visage  calme  comme  la  mort,  mais,  néanmoins,  avec 
iiri  appui  des  paupières  rabattues  sur  les  yeux  invisibles,  un  ser- 
rement des  lèvres,  imperceptible  presque,  qui  décelaient  la  vie 
sommeillante,  ou  plutôt  absorbée  dans  le  rêve;  les  cheveux'cou- 
lant  lentement  des  deux  côtés  d'un  front  pur,  ainsi  que  des  filets 
d'eau  parfumée  ;  une  épaule,  nue,  formant  socle,  peu  définie,  se 
perdant  derrière  la  clôture  du  cadr^;  les  oreilles  indistincties, 
mais  devinées  charmantes  par  l'harmonie  nécessaire  avec  les  des- 
sins cl  les  nuanceb  visibles,  ions  délicats  dans  leur  exquise 
ténuité,  leur  exquise  opalité.      . 

Voici  celle  œuvre,  aimée  pieusement,  image  de  sainte,  image 
de  vierge,  image  de  Féminité,  la  voici  en  lithographie,  avec  cette 
désignation  :  Yeux  clos.  En  cinquante  exemplaires,  pour  vous. 
Esthètes,  pour  vous  seuls.  Et  Je  très  doux  paysage  rêveur  de  cette 
image  de  femme  apparaît  plus  doux  encore,  vivginalemeht 
tendre,  et  si  bien  réalisateur  de  l'idéal  que  nous,  les  hommes 
"Chercheurs  d^ivresse~scntiTneTitalti:Brroqjours  induits  en  inauva 
placements  des  forces  brûlantes  de  notre  cœur,  nous  faisons  sur- 
gir des  enchantements  du  sexe.  Que  cache,  sous  ses  yeux  clos, 
cette  tête  penchante,  que  clot-elIe  sous  ces  yeux  clos,  sous  ces 
lèvres  closes  où  il  semble  qu'on  distingue  vaguement  l'empreinte 
d'un  scel?  Et  qu'interrogent  ces  fines  narines|baillant  vibratilement 
un  frémissement  léger  comme  les  souffles  de  brisé  qui  se  glissent 
sournoisement  par  les  joints  des  fenêtres,  les  soirs  d'avril,  quand 
on  regarde,  sans  regarder,  l'universelle  germination  du  printemps 
dans  la  forêt  autour  de  la  maison  des  champs? 

Art  qui  fait  penser!  Art  qui  fait  rêver!  Art  qui  mixture  la  réa- 
lité et  la  mysticité,  tantôt  dans  les  ténèbres,  tantôt  dans  l'atmo- 
sphère des  clairs,  mon  âme  te  bénit  de  lui  apporter  ce  lot  de  sen- 
sations !  Et  toi  artiste,  elle  le  reçoit  comme  un  ami  et  comme  un 
bienfaiteur,  ô  chasseur  du  morose,  ô  messager  d'idéal,  ô  pêcheur 
miraculeux  aux  filets  pleins  de  poissons  radieux,  péchés  dans  les 
eaux  et  dans  les  ciels  où  lu  lances  l'épervier  par  de  grands  gestes 
musicaux  de  roïfgicien. 


■       UNE  ALLOCUTION  DE  M.  GEVABRT    ' 

L'éminent  Directeur  du  Conservatoire  de  Bruxelles  a,  pour 
l'auditoire  de  ses  concerts,  une  sympathie  qui  n'a  rien  de  pas- 
sionné. On  le  voil  à  la  façon  froidement  impertinente  dont  il 
attend,  avant  chaque  morceau,  que   les  caillettes  mondaines 


fassent  silence,  aflpi  méprisant  dédain  avec  lequel,  chaque  morceau 
achevé,  il  descend  de  son  estrade  de  chef,  au  milieu  des'  bravos  ' 
qu'il  affecte  de  ne  pas  entendre. 

Vraiment  il  a,  en  ces  circonstances,  très  grand  air. 

Parfois  il  prend  la  parole,  et  alors  c'est,  sur  le  trouçeau,  un 
cinglant  coup  de  lanière.  Tel  ce  qu'il  a  fait,  dimanche  dernier,  au 
moment  de  donner  le  grand  vol  à  ce  chef-d'œuvre,  encore  pri- 
sonnier dans  l'ûrchestrei  la  Symphonie  héroïque  : 

«  J'aii  quèque  chose  à  dire  au  public  :  Que  ceux  ou  -celles  qui 
n'ont  pas  trois  quarts  d'heure  à  accorder  à  la  Symphonie  héroïque 
de  Beethoven,  s'en  aillent  tout  de  suite.  En  sortant,  suivant  leur 
mauvaise  habitude,  vers  la  fin  de  l'exécution,  ils  gênent  leurs 
voisins  qui  veulent  se  recueillir  dans  l'audition  d'un  admirable 
drame,  dont  toutes  les  parties  se  lient  intimement,  ils  troublent 
mes  musiciens,  et  me  mettent  en  colère  par  cette  profanation. 
Donc,  qu'ils  s'en  aillent  tout  de  suite  !» 

Une  petite  partie  de  la  salle  a  bruyamment  crié  bravo  !  bravo  ! 
La  méchante  humeur  du  surplus  était  visible.  Ce  surplus  venait 
de  se  laisser  jauger  en  applaudissant  à  plein  tapage,  dix  fois  plus 
que  la  deuxième  symphonie  du  pauvre  Beethoven  par  laquelle  le 
concert  avait  débuté,  un  sentimental  troubadour  allemand  qui 
avait  roucoulé,  pas  mal  mais  combien  de  la  gorge  !  quelques 
mélodies.  M.  Gevaert  avait  écouté  ce  brouhaha  de  claquements  et 
de  rappel  du  haut  de  sa  barbe  blanche  de  grand  faune,  énigma- 
tique  et  railleur.  C'est  immédiatement  après  que,  pensant  sans 
doule  à  ces  femmes  qui  mettent  deux  heures  à  s'habiller  et  qui 
marchandent  trois  quarts  d'heure  à  Beethoven,  il  a,  de  sa  voix 
calme  el-de  sa  dent  dure,  lâché  son  :  Que  ceux  qui  n'ont  pas  le 
temps,  f....  le  camp,  et  tout  de  suite,  n....  d....  D....  ! 

Fétis,  dans  son  Dictionnaire  des  musiciens,  raconte  que,  dans 
une  occasion  analogue,  le  grand  ancêtre  Beethoven  avait  dit  (en 
pleine  cour/  où  l'on  causait)  :  Je  ne  conlinùe  pas  à  jouer  pour  de 
pareils  cochons  ! 

-bien,  il  y  a -quand-même-unc-grue-q^ui  8'(^t  vailiammenl — 
levée  et  a  ostensiblement  décampé  avant  la  fin  ! 


TOURS  ET  TOURELLES  HISTORIQUES  DE  LA  BELGIQUE 

D'après  les  aquarelles  de  M.  Jean  Baes,  architecte,  sous-directeur  de 
l'Ecole  des  Arts  décoratifs.  —  Un  album  de  cinquante  planches  en 
couleurs,  in-folio,  en  un  cartonnage  artistique  illustré.  —  Publié 
par  M.  E.  Lyoïï-Claesen,  éditeur  à  Bruxelles.  —  Dès  presses  de 
M.  Goossens,  imprimeur. 

Nous  avons,  à  son  apparition,  salué  joyeusement  cette  jolie 
série  d'aquarelles  dans  lesquelles  M.  Jean  Baes,  l'habile  architecte, 
réunissait  un  choix  des  tours  et  des  tourelles  caractéristiques 
dont  le  Moyen -âge  a  fleuri  notre  pays.  «  C'est,  disions-nous,  d'une 
variété  ravissante.  Prises  tantôt  de  haut,  tantôt  de  bas,  tantôt  à 
hauteur,  avec  une  adresse  de  perspective  étonnante,  ces  tours  et 
tourelles  sont  du  coloris  le  plus  juste,  le  plus  harmonieux  et  le 
plus- flatteur,  d'une  dextérité  merveilleuse.  C'est  une  série  de 
bijoux.  Bruges,  Malines,  Gand,  Anvers  et  même  Dieghem  nous 
montrent  le  pittoresque  de  leurs  clochers  et  de  leurs  clochetons. 
La  vue  d'Anvers  prise  du  haut  dé  la  flèche  de  la  cathédrale  est 
particulièrement  séduisante  avec  sa  prairie  de  toits  bleus  et 
rouges,  pâles  et  lointains  :  on  dirait  des  papillons  posés  sur  un 
champ  de  trèfles  (1)  ». 

(1)  L'Art  Moderne,  18R2,  p.  147. 


Ces  lours,  ces  tourelles,  ces  clochetons^  ces  campaniles,  ces 
bc'frois,  gloire  de  l'architecture  de  notre  patrie,  dans  lesquels 
la  fantaisie  et  le  caprice  se  sont  donné  libre  carrière,  un  éditeur 
d'initiative,  M.  Lypn-Claesen,  connu  pour  la  lïiagnificenoe  de  ses 
publications  d'architecture,  a  eu  l'excellente  idée  de  les  repro- 
duire et  d'en  composer  un  album  de  luxe,  tiré  en  couleurs.  Ce 
qui  est  merveilleux,  c'est  que  ces  reproductions  imitent,  à  s'y 
méprendre,  les  originaux  :  les  nuances  Ips  plus  délicates,  les  lavis 
les  plus  fluides  et  jusqu'au  grain  du  papier  sont  rendus  avec  une 
perfection  qui  n'a,  croyoris-nous,  jamais  été  atteinte  en  Belgique 
jusqu'ici.  L'ouvrage  ne  laisse  pas  place  à  la  plus  légère  critique. 
C'est  le  coloris  même,  dans  tout  son  éclat,  des  aquarelles  de 
M.  Baes,  ce  sont  les  coups  de  pinceaux  de  l'artiste,  les  ductiles 
applications  de  la  «  goutte  colorée  »,  exprimant  avec  bonheur  une 
saillie,  un  détail  d'architecture,  une  silhouette,  un  ornement. 

A  tous  ceux  qui  prétendent  qu'il  faut  recourir  à  l'étranger  pour 
obtenir  de  parfaites  reproductions  des  oeuvres  d'art,  l'ouvrage 
répond  victorieusement.  Et  c'est  un  triomphe  pour  la  librairie 
nationale  en  môme  temps  que  pour  l'artiste  qui  a  conçu  l'idée 
originale^ de  réunir  toutes  ces  cages  où  chantent  les  carillons... 


Publications  Hachette. 

Des  publications  d'étrennes  de  la  maison  Hachette,  il  faut  mettre 
à  part,  cette  année,  la  nouvelle  édition  de  l'Enfer  et  l'édition 
diminuiive  de  Mireille.  L'une  et  l'autre,  en  leurs  formats  réduits, 
gardent  la  beauté  de  leurs  aînées^  puisque,  le  luxe  des  premiers 
tirages  en  moins,  elles  leur  restent  pareilles  par  les  dessins  et  le 
décor  extérieur. 

Cet  Enfer  du  Dante,  traduit  par  Fiorentino,  et  qu'on  a  fini  par 
appeler  VEnfer  de  Doré,  pour  les  transcriptions  touffues  où  il  en 
restitua  les  visions,  a  vraiment  été,  —  pour  l'extraordinaire  artiste 
que  Doré  fut  souvent  à  travers  l'inégaliié  de  ses  improvisations, 
—  une  source  de  tragiques  et  hautes  inspirations.  En  commentant 
ces  textes  farouches,  on  peut  dire  qu'il  s'est  retrouvé  dans  l'élé- 
ment intellectuel  qui  correspondait  le  mieux  à  ce  goût  du  surna- 
turel et  à  ce  sens  de  l'effroi  à  propos  desquels  il  a  été  écrit  qu'il 
était  lui-même  un  artiste  dantesque. 

Son  romantisme  turbulent  et  fiévreux  déborda  par  delà  les 
formes  classiques  du  poème  souverain  dont  peut-être  il  n'assuma 
pas  les  grands  rythmes,  mais  qu'H  s'assimila  en  ses  épouvantes 
et  ses  désolations.  Toutes  les  matérielles  terreurs  du  cycle  infernal, 
les  aspects  de  cataclysmes  figés  des  ténébreux  pays  où  passent 
Dante  et  son  guide,  l'horreur  pétrée  des  chaos  en  suspens  sur 
l'éternité  de  la  damnation,  il  les  restitua,  certes,  de  toute  la  force 
d'un  esprit  hanté  par  les  spectres  et  les  gouffres. 

C'est  que,  à  travers  ces  grappes  humaines  et  ces  figurations  de 
contrées  funèbres,  la  graphique  tourmentée  où  il  excellait  pouvait 
se  donner  carrière,  il  ne  sortait  pas  des  modes  plastiques  qui  per- 
mettent d'en  incorporer  le  sensible  et  le  tangible.  Son  merveilleux 
talent  toutefois  devait  échouer  à  exprima  ce  qui  n'était  expri- 
mable que  pour  un  artiste  plus  parfaitement  intellectuel,  le  ma- 
gnétisme de  l'eff'roi  circulant  parpnii  toute  l'œuvre,  les  suprêmes 
dérélictions  des  âmes  abandonnées  à  leur  destinée,  le  mystère 
sacré  et  les  significations  occultes  de  ce  livre  religieux,  de  celte 
bible  des  vengeances  divines.  Des  surhumaines  fatalités  qui  y 
planent,,  il  fit  une  sujte  de  cauchemars  monstrueux  où,  bien  plu- 


tôt que  les  Anges  d'exterminations  et  les  Esprits  des  ténèbres,  on 
s'attendrait  à  voir  surgir  des  Sanhédrins  de  sorcières. 

Et  pourtant,  telles  qu'elles  sont,  les  soixante-seize-planches  de 
son  Enfer  suffisent  à  l'associer  pour  une  part  à  la  gloire  du  Poète. 
Ce  qu'on  relient  surtout.de  ces  étonnantes  gloses,  c'est  la  colère 
et  l'implaçabilité  des  paysages,  le  cosmos  bouleversé  et  rigide 
dont  les  formes  s,emblent  revêtir  des  humanités  captives,  les  ver- 
tèbres et  les  os  de  la  Terre  devenue  le  simulacre  d'un  énorme 
cadavre  sur  des  croix. 

Doré,  à  travers  l'obscurcissement  livide  des  crépuscules,  à  tra- 
vers la  réverbération  des  soufres  et  des  poix  en  feu,  a  rendu 
perceptible  le  sens  du  vertige.  Une  hallucination  d'abîmes  sans 
bords,  parmi  l'illimité  des  espaces,  se  dégage  vraiment,  terrifiante 
de  quelques-unes  principalement  de  ces  évocations  affolantes. 
«  L'artiste,  a  dit  Th.  Gautier,  a  inventé^ le  climat  de  l'enfer».  Et 
c'est  pourquoi  les  pages  dont  nous  parlons  demeureront  comme 
la  caractéristique  de  celte  imagination  torrentielle,  de  cette 
faculté  inventive  qui  tenait  du  phénomène  et  faisait  tourbillonner 
dans  son  pléthorique  cerveau  un  vortex  de  formes  et  de  gestes. 

Le  fantastique,  —  ce  surnaturel  inférieur,  —  semble  avoir  été 
le  vrai  coup  d'archet  qui  faisait  vibrer  ce  cerveau  à  lui  seul  touffu 
et  pathétique  comme  tout  un  orchestre.  La  caricature,  dans  ses 
licences  épiques,  tenant  elle-même  du  fantastique,  il  y  apporta  la 
vivacité,  la  spontanéité,  la  verve  frénétique  et  imprévue  qu'il  con- 
servait dans  ses  compositions  plus  graves.  L'Histoire  du  Capi- 
taine Castagneite  qu'il  illustra  pour  Quatrelles  et  qui  sera  l'un 
des  succès  de  la  librairie  Hachette,  rappelle  par  sa  drôlerie  éiiormc 
et  son  comique  pincé-sans-rire  les  plus  bouffonnes  croquades  des 
contes  de  Balzac. 

De  la  nouvelle  édition*de  Mireille  il  n'y  a  plus  rien  à  dire  qui 
n'ait  été  dit  ici  lors  de  l'édition  première.  En  réduisant  le  prix  du 
volume,  les  éditeurs  ont  eu  le  souci  de  garder  à  ce  poème  de 
nature  et  d'amour,  à  celte  fleur  de  la  littérature  villageoise  au 
sujet  de  laquelle  Lamartine  écrivait  qu'un  «  grand  poète  épique 
était  né,  un  vrai  poète  homérique,  un  poète  né,  comme  les  hom^ 
mes  dé  Deucalion,  d'un  caillou  de  la  Crau  »,  les  prestiges  exté- 
rieurs et  le  luxe  typographique  de  la  publication  antérieure.  Il  n'y 
a,  pour  les  eaux-fortes  et  les  dessins,  que  la  différence  de  l'ori- 
ginal à  la  reproduction  par  le  procédé.  Mais  le  procédé  de  M.  Lu- 
mière est  lui-même  si  parfait  qu'on  a  l'illusion  du  mordant  et  du 
velouté  des  tirages  sur  cuivre  et  que  la  transcription  de  M.  Eug. 
Burnand,  avec  son  charme  de  paysages  et  de  figuVes,  apparaît 
intégrale,  sans  qu'on  ait  à  déplorer  la  moindre  altération.  Ce 
sera,  pour  les  artistes,  une  révélation  que  cette  réapparition  des 
plus  fugitifs  effets  et  jusque  des  nuances  de  l'œuvre  originale, 
grâce  â  ce  mode  si  immédiatement  adéquat  et  qui  conserve  toute 
la  fralcheuri&t  la  virginité  de  l'impression  après  la  morsure. 


Petite  chroj^ique 


Très  belle  ouverlurej  de  concerts  au  Conservatoire,  dimanche 
dernier.  L'orchestre,  admirablement  stylé,  a  montré,  dans  la 
Symphonie  hér&ique  surtout,  une  compréhension  supérieure. 
C'était  tout  autre  chose  qu'une  exécution  exacte  et  méthodique. 
On  sentait,  dans  ce  groupé  de  musiciens  de  talent  et  de  cœur,  une 
fusion;  un  ensemble,  un  enthousiasme  rarement  égalés. 

En  manière  d'intermède,  un  chanteur  allemand,  M.  Glessen, 
a  interprété  d'une  voix  gutturale,  s'enQanten  manière  d'accordéon. 


\/- 


mi  :*:  ' 


414 


L'ART  MODERNE 


■ort? 


\ 


mais  avec  une  parfaite  diolion  et  une  expression  juste,  un  cycle 
(le  licder  tic  Bcctiioven,  accompagnés  par  M.  Edouard  Lassen,  et 
entre  autres  i'-<4(ic/rtïde  bien  connue. 

Pour  finir,  le  petit  discours  traditionnel  de  M.  Gcvaert  au 
public  dont  nous  parlons  ci-dessusi    ' 

M""  Richard,  vers  qui.s'étaient  tendues  les  impatiences  à  débuté 
cette  semaine  dans  la  Favorite. 

La  majestueuse  Eléonore  a  fait  bonne  impression,  malgré  le 
développement  inusité  de  sa  personne.  Belle  voix  dans  le  registre 
grave,  organe  malheureusement  atteint,  dans  les  notes  hautes, 
par  le  ravage  des  années.  Gestes  convenus  d'opéra,  toute  la 
mimime  traditionnelle  des  mains  sur  le  cœur  et  des  yeux  au  ciel. 
11  est  vrai  que  pour  celte  chose  invraisemblable  qu'on  nomme 
la  Favorite  l 


M.  Charles  Tardieu  a  fait  au  Cercle  artistique,  samedi  dernier, 
'  une  intéressante  causerie  sur  Siegfried.  Il  en  a  exposé  le  poème, 
lardant  son  analyse' de  souvenirs  personnels  et  d'aperçus  origi- 
naux. Le  portrait  de  Louis  Brassin,  promoteur  du  mouvement 
wagnéricn  k  Bruxelles,  a  été  l'un  des  morceaux  littéraires  les  plus 
goûtés  de  celte  conférence,  dont  le  succès  a  été  de  bon  aloi. 

Un  joiirnsd  pontifard,  l' Indépendance  belge  {for.everl)  vient  de 
publier  ceci  : 

«  En  1849,  l'Académie  de  médecine  de  Paris,  réunie  en  concile 
solennel,  fulminait  contre  l'hypnotisme  qu'elle  déclarait  une 
simple  parade  de  charlatanisme,  indigne  de  figurer,  même  nomi- 
nalement, au  rôle  des  sciences  dûment  reconnues  comme  telles. 
—  En  1890,  M.  Brouardcl,  le  doyen  de  celle  même  Académie, 
discute,  en  pleine  cour  d'assises,  les  mystérieuses  manifestations 
de  la  force  psychique  inconnue  dans  son  essence,  mais  puis- 
sante, mais  indiscutable. 

«  L'antiihèçe  est  piquante.  C'est  un  peu  le  cas  de  la  microbio- 
logie actuelle.  Le  père  Raspail  prétendait  que  toutes  les  maladies 
provenaient  de  corpuscules  infiniment  petits  qui  se  glissent,  pour 
l'infecter,  dans  l'organisme.  Et  chacun  de  railler  le  père  Raspail. 
Les  corpuscules  d'antan  sont  revenus  sous  le  nom  de  microbes, 
admis  par  tous  les  savants,  étudiés,  traqués,  catalogués  dans  tous 
les  laboratoires. 

«  Et  voilà  comment  l'hérésie  du  jour  est  l'évangile  du  lende- 
main. » 

C'est  bien,  ça,  braxe  Pontifex  maxinuislUaiis  dans  l'Art,  c'est  la 
même  chose. Et  pourquoi  alors  tombez-vous,  avec  la  régularité  d'un 
mouton  battant  des  pilotis,  sur  les  tentatives  de  l'Art  neuf?  C'est 
aussi  bête  ça,  et  aussi  imprévoyant  que  les  gaffes  imperturbable- 
ment répétées  des  Académies.  Si  vous  faisiez  inoculer  un  peu  de. 
lymphe  Brown-Scquard  à  vos  radotagcis,  vous  guéririez  peut-être 
de  ce  macrobisme  et  de  ce  microbisme,  digne  vieillard. 

Toujours  la  «  pousse  des  feuilles  ».  Voici  deux  revues  fraîche- 
ment écloses,  l'une  en  Belgique,  l'autre  en  Italie.  Les  titres?  De 


PIANOS 


BRUXELLES 
rue  ThérésiennOi  6 


GUNTHER 


VENTE 

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LOCATION 

Paris  4867, 1878,  !«'  prix.  —  Sidney,  seuls  !•'  et  2«  prix 

EIPOSITlOMs'llSTEROil  1883,  ANTERS  1885  DIPLOME  D'HOIIEDl. 


l'une  :  la  Mosaïque,  hebdomadaire,  paraissant  le  jeudi,  rue  des 
Tr'ois-Têlçs,  12\  à  Bruxelles.  Oa  y  parle  de  tout,. d'économie 
domestique,  d'hygiène,  d'inventions,  de  sport,  de  cuisine,  d'art 
et  même  dé  bottes.  Le  journal  ne  manquera,  certes,  ni  de  variété 
ni  d'intérêt.  . 

De  l'autre  :  Cronaca  d'arte,  paraissant  tous  les  dirflanches  sous 
la  direction  de  M.  Valcarenghi,  Via  Guasialla,  9,  à  Milan.  La  revue 
se  présente  en  huit  pages  de  grand  format  et  déploie,  en  ligne  de 
bataille,  toute  une  armée  de  collaborateurs  :  écrivains,  peintres  et 
musiciens. 

Nous  souhaitons  aux- deux  nouveau-nés  une  existence  semée 
de  roses. 


Le  baryton  Henri  Heuschling  donnera  le  14  janvier,  à  8  1/2  h., 
son  Chant  récitai  annuel  dans  la  salle  de  la  Grande-Harmonie.  Il 
interprétera  le  Poème  d'amour,  écni  par  le  regretté  Auguste 
Dupont  sur  un  poème  de  Lucien  Solvay,  des  mélodies  de  César 
Cui,  les  Heures  de  Tristesse  du  comte  de  Kervéguen  et  un  cycle 
de  mélodies  de  Brahms.  On  sait  que  les  auditions  de  M.  Heusch- 
ling sont  toujours  très  intéi'essantes  et  très  suivies. 

Le  dernier  numéro  (novembre)  de  la  Société  nouvelle,  sous  la 
direction  de  MM,  F.  Brouez  et  A.  James,  nos  compatriotes,  est 
d'une  saveur  exceptionnelle. 

Nous  en  avons  publié  le  sommaire  dans  notre  numéro  du 
14  décembre. 

Nous  pouvons  dire  en  toute  sincérité  que  rarement  nous  avons 
trouvé,  réuni  en  un  seul  fascicule  de  Revue,  autant  de  choses 
excellentes.  Pour  ne  rien  dire  d'Emile  Verhaeren,  un  des  nôtres, 
nous  signalons  notamment  les  trois  articles  d'Albert  Giraud, 
d'Eugène  Demolder,  de  Hubert  Krains. 

Vraiment,  si  cet  ensemble  était  publié  en  France,  il  ferait  sen- 
sation! Toutes  les  espérances  se  réalisent.  La  Belgique  a,  désor- 
mais, son  bataillon  d'écrivains  accomplis. 

Est-ce  que  notre  presse  daignera  s'apercevoir  que  ce  nuniéro  de 
la  Société  nouvelle  commande  une  mention  spéciale  et  enthou- 
siaste? 

La  cérémonie  dg  la  distribution  des  prix  aux  élèves  du  Conser- 
vatoire de  musique  de  Mons  a  eu  lieu  dimanche^  au  théâtre. 

Celte  remise  de  récompenses  a  été  précédée  du  concert  habituel 
donné  par  les  élèves  du  Conservatoire.  L'orchestre  a  eu  les  hon- 
neurs de  la  séance  en  interprétant  admirablement  h  Fête  Bohême 
de  Massenet,  une  page  d'une  originalité  ravissante,  et  Triumph- 
J[/ar£c/t,  une  composition  du  plus  haut  mérite  de  AI.  Jean  Vanden 
Eeden,  le  savant  directeur  du  Conservatoire.  Il  règne  dans  cette 
œuvre  du  maître  l'inspiration  élevée  qui  se  remarque  dans  toutes 
ses  différentes  conceptions.  Le  motif  est  noble,  grandiose  et  conçu 
dans  un  style  d'une  ampleur  magistrale. 

Ces  deux  exécutions  ont  soulevé  les  bravos  les  plus  mérités. 

{Journal  de  Mons.) 


BREITKOPF  et  HARTEL,  Bruxelles 

.  45,   MONTAGNE  DE.  LA  COUR,   45 

SEUL  DÉPÔT  POUR  LA  BELGIQUE  DES 

Célèbres  Orgues-Harmoniums  (<  ES  TE  Y  » 

(BRATTLEBORO,  AMÉRIQUE) 

PLUS  DE   225,000   INSTRUMENTS   vendus 


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and  on  microfilm  which  meets  current  recommended  standards  of  guality. 


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4  JANVIER:  1891 


Onzième  année 


NUMERO  UN 


M  aïs  de  cr[ttin&4  riYant-Garle 

'i  ■  .      ■    •'      ■  '     .  '  '    '  '  I     • 

Un  très  petit  gitmpe  d'écrivains  fonda,  il  ta  dix  ans, 
cB]mTta\T Art  moderne,  et,  pendant  dix  ans,  l'ali- 
menta. Une  œuvre  de  CBm<)U£  pare.  Et  cette  critique, 
tnajoarsA  l'avant-oaedk.  ^ 

Hardiesse  dans  la  résolution,  opinifttreté  dans  Tioé' 
cation,  étranges  môme  pour  ceux  qui,  la  plupart, 
n'étaient  de  profession  ni  joomalistes,  ni  artistas.  Mah 
ce  besoin  les  poussait,  — emmi  la  {riatitude  earaaradan^ 
de  la  crique  journalistique  d'alors,  emmi  la  stagna- 
tion, cbes  nous,  de  l'art  d'alors  et  l'hostilité  contre 
toute  témérité  dans  le  dire  et  dans  le  fifure, — ce  besoin 
les  poussait  de  crier  aux  armes!  cratre  la  lAcbeté 
routinière,  et  d'acoontumer  le  publie  à  supporter  l'Ori- 
ginalité. 

Depuis,  ils- ne  se  sont  pas  intensompas  de  signaler 
et  de  ddfwdte  les  AppoRnHTRS  db  Nbof,  très  attentifs 
aux  taUeanx  décriés,  très  respectueux  pour  les  pièces 
sifflâes,  très  assidus  aux  livres  coaupés.  Bt  par  un 
beurenx  aort,  réeapUndant  leun  ji^iflÉàents  «t  passant 


exiftmen  de  conscience,  voici  qu'ils  proclament  (dites  que 
l'orgueil  rugit  en  leurs,  discours)  qu'à  de  très  rares 
exceptions  près  ce  qti'ils  ont  applaudi,  hommes  ou 
CBuvres,  a  triomphé  ob  marche  au  triomphe. 

Non  pas  grâce  à  eux.  Ils  ne  tiennent  pas  le  talis- 
man qui  donne  la  victoire.  L'art  évolue  <ie  lui-môme 
comme  toutes  les  grandes  forces  naturelles.  Il  ne 
dépend  ni  des  professeurs,  ni  des  critiques.  Il  est  fatal. 
Leur  seul  mérite  a  été  de  voir  plus  tôt  et  mieux. 

S'ils  le  rappellent  ce  n'est  point  pour  en  tirer  gloire. 
Ils  sont  de  ces  espritis  cuirassés  qu'on  a  habitués  au 
dàiigrament.  Hais  par  espoir  qu'il  y  a  en  cette  réussite 
de  tant  de  prétendues  témérités,  une  leçon  nouvelle 
pour  la  conversion  des  timorés  et  des  zwaazeurs. 

Au  moment  où  s'achève  cette  première  période,  ils 
ne  veuloat  décorer  le  succès  de  leurs  efforts  qu'en 
attachant  à  l'Art  moderne  la  symbolique  estampe  que 
les  lecteurs  fidèles,  ces  amis  psychiques,  ces" persévé- 
rants Esthètes,  voient  à  la  manchette  du  numéro  d'an- 
jounfhui,  en  blason  :  Une  figure  rustique,  nue, 
cheveux  au  tent  pousstmt  darrache-pied  le  soc 
dune  chtffrm  dans  un  s<d  chardonneux,  pendant 


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que  le  soleil  se  lève,  et  que  derrière  elle,  déjà,  monte 
une  moisson. 

C'est  l'image  de  cette  critique  d'Avant-Garde  dont 
quelques  rapides  études,  ci-après,  écrites  en  mémorial 
par  ceux  qui  furent,  comme  moi,  à  la  peine  et  à  l'hon- 
neur dans  ce  Journal,  résument  le  décennal  labeur,  le 

décennal  labour. 

-  Pour  VArt  moderne  », 

Camille  Lemonnieb. 


L'ÉVOLUTION  DE  LA  LANGUE 

En  ces  dernières  années,  une  des  plu»  curieuses  transforma- 
tions, ùvec  un  effel  immédial  sur  l'art  (et  des  résistances  de 
désespérés),  a  été  celle  de  la  Langue,  de  celle  langue  française, 
l'un  des  plus  parfait  dialecte  dans  l'admirable  famille  dei  langues 
diaprant  et  fleorissanl  l'Europe  de  leurs  variétés  superbes. 

Cette  langue  française  avait  été  décrétée  immobile.  Le  catalo- 
gue des  mots,  qu'on  lui  avait  attribués  en  définitif  majorât,  était 
dressé  nt  varietur.  Le  Dictionnaire  de  l'Académie  en  était  l'acte 
authentique.  Le  néologisme  était  tenu  pour  incongruité,  incon- 
gruité choquante.  El  non  seulement  les  mots  étaient  entérinés, 
mais  les  phrases  en  leur  consiruclion  :  des  règlements  en  avaient 
arrêté  l'alignement,  les  saillies,  les  hauteurs,  les  profondeurs, 
les  matériaux,  les  couleurs.  Tout  y  avait  un  air  municipal  d'ordre 
cl  de  régularité.  Les  grammairiens  y  avaient  pourvu-  C'était 
rectiligoe,  hygiénique,  !i  angles  droits  partout,  comme  dans  les 
villes  américaines. 

Cette  belle  ordonnance,  ne  donnant  la  clarté  qu'au  prix  de  la 
monotonie  et  de  l'ennui,  datait  de  ce  que  les  roqucntins  litté- 
raires avaient  nommé  le  grand  tiède:  Enfin  Malherbe  vint!  Oui. 
il  vint,  ce  dresseur  de  procès-verbaux,  pour  mettre  en  contraven- 
tion la  débordante  fantaisie  de  Rabelais  et  de  ses  continuateurs. 
Sons  prétexte  de  bon  goùl,  il  y  eut  un  impitoyable  triage,  une 
Saint-Barthélémy  de  vocables.  On  jeta  hors  de  la  banne  les  fruits 
prélendûmeot  médiocres,  et  on  prétendit  n'y  laisser  que  les 
pèches  il  trente  sous.  La  langue  fut  clichéc,  une  fois  pour  toutes. 

Une  fois  pour  toutes!  A  jamais!  Du  moins  l'cspérait-on.  Et 
durant  des  ans  et  des  ans  la  cohorte  des  pédants  moula  la°  garde 
autour  du  jardin  réservé.  Chaque  fois  qu'un  libre  esprit  -refusait 
de  se  contenter  des  denrées  limitées  qu'on  y  avait  emmagasinées 
ctqu'on  offrait  aux  consommateurs,  il  était  flétri,  par  messieurs 
les  professeurs  et  messieurs  les  académiciens  marchands  de 
diphtongues.  Les  jeunes  gens,  disciplinairement  émasculés  dans 
les  grandes  eunuqueries  officielles,  étaient  élevés  dans  celte  doc- 
trine que  l'incorrection  du  parler  se  mesurait  &  la  nouveauté 
qu'on  y  introduisait. 

Alors  que  les  autres  langues  sœurs  de  l'Europe  conservaient, 
les  sauvages!  l'aptitude  à  faire  des  mots  neufs  ou  ii  rajeunir  des 
mois  vieux,  laissant  k  tout  esprit  celte  noble  et  pittoresque  liberté 
de  mettre  en  harmonie  la  pensée  et  le  son,  de  modeler  sans  trêve 
le  langage  sur  l'incessammcnt  variable  idée,  par  des  agglutina- 
lions  de  racines  et  de  sons,  par  des  flexions  constantes  assouplis- 
sant et  le  verbe  et  la  phrase,  le  français  était  arrêté  net  sons  la 


pression  des  freins  leiieologiqvM.  La  vi^gMoilhuto  da  lanjgafe 
était  frappé  d'immobililé.  On  e«l  dit  «m  immeiM  etlnlaaUiié« 
gelée,  nidiisant,  glaçant  loua  les  brin  d'iwrbee,  lonias  letflenn» 
toute  la  végéUliOD. 

Par  milliers  les  pédagogues  admlraieoi. 

Mais  voiel  que  l'iine  n'avait  pas  été  gelée  avec  le  reste.  Elle 
vivait  loiqoors  elle,  d'une  vie  moderne  de  plus  en  plos  intense, 
nraltipliam  ses  sensations  sous  l'aelion  da  prodigieox  dévéloppe> 
ment  contemporain  des  nations  aryennes,  et  elle  eherebait  des 
formes,  des  mots  pour  dire  tout  ce  nouveau,  qui  la  gonflait  k  la 
faire  erever. 

Car  (récemment  nous  le  disions),  parmi  les  étranges  cl  infini- 
ment multiples  transformations  en  lesquelles  se  fondent  ions  les 
décors  de  notre  eivilisation,  qu'est-ce  qui  se  transforme  plus" 
étrangement  que  notre  pensée  humaine,  qm  notre  ecrvelle 
humaine  et  sa  production  de  sentiroenttetd.'iddsst-Tot  y  craque, 
tout  y  casse,  et  du  fumant  remaniement  it»  déttris  sort  un  agen- 
cement, sur  nouveaux  frais,  prodigieux  in  «ep  imprévus  et  ses 
détails.  Un  pullulement!  Un  fourmillement! 

Et  alors,  pour  satisfaire  ft  l'incompressible  besoin  de  dire  an 
dehors  les  merveilles  ci  les  mystères  de  ce  pnllolanl  phénomène, 
les  écrivains  se  cabrèrent  i  Tirritaote  conscience  de  l'insoffisanee 
des  formes  réglemenlaires  do  parler  et  d'écrire.  Ils  avaient  besoin 
de  se  soulager  de  leur  ftme.  Tons  les  mou,  ces  vétemeais  psychi- 
ques, trop  longs,  trop  courts,  trop  étroits,  trop  lurgcs.  Des  cos- 
tumes démodés!  Friperies,  guenilles.  Plus  rien  b  la  mesure! 
L'exaspération  de  ne  rien  trouver,  en  ce  vieux  vestiairo,  qui  fut 
l'habillement  revêtant  juste,  moulant  en  ses  replis,  en  ses  formes, 
ridée  qu'on  fuit  sortir  des  coulisses  du  Moi  et  qu'on  pousse  en 
scène. 

Alors,  et  c'est  un  des  phénomènes  artistiques  les  plus  étonnants 
de  la  récente  époque,  on  s'eat  mis  h  travailler  la  langue,  k  melire 
en  pièces  et  ses  règles  et  ses  lois,  b  en  faire  sauter  les  sceaux,  ii 
bouleverser  ses  antiques  ordonnanees.  Ses  symétriques  arrange- 
ments il  la  LenAire  ont  été  déplantés,  arrachés,  ses  parterres 
piétines.  Et  voici  que  dans  l'écriture,  hardiment,  témérairement, 
follement  parfois,  de  nouveaux  tracés  furent  risqués,  et  un  jardi- 
nage, d'aspect  bizarre  encore,  mais  combien  vivant  et  jeune, 
s'instaura.  Ce  qui  n'avait  été  qu'une  langue  k  cAté,  un  argot,  une 
langue  verte,  la  coulisse  du  langage,  devint  tont  k  coup  l'enri- 
chissement de  la  langue,  et  sa  vraie  force  en  nne  admirable  réno- 
vation. 

Elle  s'impose  et  se  familiarise,  par  la  verin  d'un  opiniâtre  peu 
k  peu,  celte  Prose  néologiasnle,  innovant  non  seufemeM  daris  les 
mois  qui  désormais  s'agglutinent  k  l'instar  des  alebimies  de  lan- 
gues européennes  voisines,  sous  l'action  ingénieuse  de  la  fantaisie 
et  de  l'k-propos,  mais  dans  les  phrases  aussi,  s'assonpiissant  en 
dislocations,  en  flexions,  s'élargissani  en  gestes  que  réprimait  la 
convenante  méthode  des  enseignements  classiques.  Elle  simpose 
et  se  familiarise  cette  Poésie  qiii,  fatiguée  du  code  prosodique  et 
versificaioire,  basée  sur  la  rime,  la  césure,  l'alignement  en  stro- 
phes manœuvrant  avec  la  régubriié  de  marehe  et  de  mouvements 
des  régiments,  court  afentorcusement  k  la  recherche  du  rythme, 
de  l'harmonie  des  sons  avec  l'idée,  et  ne  connaît  qu'une  loi  :  la 
mise  en  équation  musicale  de  l'image  prisonnière  dans  l'Ame  avec 
le  verbe  qui  la  l&che  sonore  au  dehors  en  bel  oiseau  chantant. 
Elle  s'impose  et  se  fomiliarise,  cette  éloquence,  qui  a  cii  horreur 
la  rhétorique  de  J'Bcole  et  travaille  ftprement  k  moderniser  le  pins 
difficile  et  le  pins  merveilleux  des  phénomènes  artistiques  :  le 


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readn  ioslinlanë  det  (tënëraliont  psychiques  par  la  parole,  en 
équation  néeMsaire  auui  (sinon,  quelle  misère  d'infériorilé  I) 
entre  ee  qu'on  doit  dire,  ce  qu'on  veut  dire,  et  ce  qu'on  dit. 

La  Rhétorique  de  l'Ecole  I  Bonne  jadis,  en  ses  primitives  fo^ 
mules,  mais  valant  juste  autant,  désormais,  que  les  armemenls 
militaires  dll  y  a  vingt  lustres.  Oh  I  le  pemiquéral  aspect  qu'elle 
adonnant  ses  leçons  d'Athénée  ou  de  Conservatoire!  El  quand 
se  déroule  un  do  ces  discours  qu'elle  soutient  de  ses  béquilles, 
quel  ennui  ob  quelle  caricature  I  Cela  sonne  la  flélurc,  cela 
nuille,  —  cela  ment  surtout,  oui,  cela  mont  ! 

Cela  ment  I  car  ee  n'est  plus  en  accord  avec  la  vie  germante; 
p'est  œuvre  de  vieillard.  Un  aeconplentcot  monslrucui;  entre  la 
sénilité  et  la  jeunease,  un  eilbrt  d'épuisé  pour  couvrir  et  féconder 
une  nubililé  pleine  de  sève.  La  décadence  embrassant  l'adoles- 
cntee^Pin  de  siècle  aeeetoM;Non?9l|u, siècle.  A  b^sl 

Ainsi  ne«s  nous  eyprintjQna  èe»  jpnrs  derniers.  Tout,  en  vérité, 
est  ii  refaire  dans  l'art  dO' parler». et  se  refait.  Des  mots  soot  tirés 
des  exils  ob  les  maintenaient  depuis  des  siècles,  les  janissaires 
institués  au  temps  où  :  Enfin  Malherbe  vinl.  D'autres  sont  créés 
de  toutes  pièces,  oh!  si  doux,  si  expressifs,  si  heureusement  com- 
posés :  endeuUUr,  envdouUr,  etuourdhur D'autres  plus 

rares,  sont  le  produit  d'ingénieuses  coniraclions  :  ennuivertel, 
pour  universel  ennui,  violupif,  pour  volupté  conquise  par  violence, 
nMalcoolùme ,  pour  la  mélancolie  spicenétique  du  buveur 
d'alcool 

Evolution  irrésistible  et  magique.  Combien  étrange  et  Inquié- 
tante i  ses  débuts.  Nons  nous  souvenons  de  nos  hésitations  et  de 
nos  scrupules.  Nais  comme  bientôt  la  fécondité  et  l'éclat  du  phé- 
nomène nous  frappèrent.  El  comme  depuis,  ici,  ailleurs,  partout 
où  battent  de  vrais  cœurs  d'écrivains,  cette  rénovation  fait  for- 
lune.  Elle  est  peut-être,  de  tout  ce  qui  se  passe  dans  le  royaume 
artistique,  l'événement  le  plus  imposant,  le  plus  curieux,  le  plus 
salutaire  et  c'est,  k  ce  titre  que  nous  le  signalons  lout  d'abord  en 
ce  rapide  résumé  de  nos  dix  années  de  Critique. 

Eugène  Robert. 


LA.  I>BI]SrTXJREl 

Il  y  a  dix  ans!  En  celte  Belgique?  Quoi  pour  la  Peinture? 

Une  mer -mono,  Avec,  au,  niOiiiillage.  dç  vieux  navires  et  de 
vieilles  barques.  Ao  mouillage,  oui,  en  pontons,  désemparés  la 
plupart,  verdissanl  dans  les  eaux  marécageuses.  Là  dessus,  Wa 
dedans  d'anciens  équipages,  des  capitaines  parlant  d'anciens 
voyages  à  des  mousses,  à  dos  novices  ii  qui  ils  expliquaient  les 
navigations. d'autrefois,  heureux  quand  ceux-ci,  démarrant  l'une 
de  ces  antiques  carènes,  parlaient  fjirc  un  tour  dans  les  parages 
volsinst  fastidieux  d'avoir  été  tant  parcourus.  Un  universel  demi- 
sommeil,  une  lassitude  d'épnisement,  et  un  épuisement  de  tant  de 
recommencement  de  choses  maniaqucrocnl  identiques.  De  temps 
à  autre,  sur  les  quais  de  ce  port  endormi,  quelque  rumeur  :  une 
cérémonie  avançant  en  un  Immémorial  cortège  ;  l'appel  nominal 
de  quelques  mousses  ou  novices  qui,  plus  assidûment  que  leurs 
compagnons  de  stagnatiod,  avaient  imité  les  gestes,  les  cris,  les 
discours,  ou  obéi  aux  chevrotants  commandements  des 
patriarches  ;  el  ii  ces  pitoyables  imitateurs  des  mourants  et  des 


morts,  un  déeemement  de  palmea  et  un  dérisoire  triomphe. 
Dans  la  foule,  apeclatrice,  un  ennui  grandissant,  un  biillement 
universel,  un  dégoût  montant  pour  cet  engonrdissement  éveillant 
l'idée  d'une  forêt  d'arbrea  desséchés  pourissant  avec  d'inuiilea 
gesticulations  de  branches  dégarnies,  siir  des  couches  de  feuilles 
mortes. 
■H  y  a  dix  ans,  en  cette  Belgique,  pour  la  Peinture,  voilà  ! 

Nais  là  bas,  dans  les  campagnes  circumvoisines,  au  delà  de 
cette  cité  sénile,  dans  la  liberté,  loin  des  académies,  loin  de  la 
gérontocratie,  loin  des  concours,  loin  des  Salons,  une  germination. 
Oh  !  très  lente,  presque  imperceptible,  s'annonçant  pourtant,  car 
déjà  dea  négations,  des  moqueries,  des  Insultes,  des  fureurs,  agi- 
taient l'officielle  multitude  qui  avait  décrété  que  l'art  ne  bougerait 
plus  et  qui  avait  codimomilié  les  règles  du  Beau. 

La  phalange  réaliste  qui,  par  haine  des  imitations  de  l'Ecole, 
ne  voulait  plus  imiter  que  la  Nature,  achevait  son  cycle.  C'est 
elle  qui,  léméramèrement  avait  commencé  la  périlleuse  révolte, 
cernée,  en  ses  labeurs,  par  llnnombrablc  et  ruante  et  bralllanie 
cavalerie  des  ânes.  Que  de  coups  de  pied  aux  lions  !  Toutefois,  si 
elle  avait  trouvé  ailleurs  son  modèle,  dans  la  réalité,  elle  n'avait 
pas  su  se  dégager  des  surannés  procédés  picturaux,  et  ses  œuvres 
étaient  attristées  par  le  noir,  ou  gris,  ou  sombre  coloris  d'autre- 
fois. Et,  d'autre  part,  en  s'asservissanl  étroitement  à  l'Imitation 
de  la  réalité  extérieure  et  tangible,  clic  avait  banni  de  l'œuvre 
toute  idéalité. 

Une  partie  de  la  besogne  était  faite,  mais  la  partie  lourde,  le 
premier  débarras.  La  terre  n'avait  subi  qu'un  primitif  et  grossier 
jardinage;  la  culture  délicate  et  finie,  nécessaire  pour  transformer 
le  sol  en  brillant  et  charmant  parterre,  manquait. 

C'est  alors  (en  quels  temps  encore  pou  lointains  I)  qu'on  vil 
arriver,  on  ne  sait  de  quel  pays  d'enchantement  et  de  révcs,  les 
OUVRIERS  DE  LA  LimifeRE  ET  DE  l'Idéalité.  Eux-mémes  ne  savaient 
dire  leur  origine  el  s'élonnaicnl  d'être  sans  antécédents  cl  sans 
outils,  proclamant  pourtant  avec  une  ingénue  et  opiniâtre  témé- 
rité, qu'ils  vcnaicnl  pour  mettre  dans  la  peinture  l'Idéalité  et  la 
Lumière.  La  nature  esl  claire,  disaicnl-ils,  par  son  atmosphère 
transparente  el  vibrante,  et  vos  tableaux  sonl  noirs  el  sans  air. 
Notre  âme  achève  toujours  la  nature  en  rêve,  ajoutaient-ils,  el 
dans  VOS  tableaux  il  n'y  a  plus  rien  que  la  dure  et  insensible  ma- 
térialité. Nous  sommes  envoyés  pour  un  nouvel  évangile. 

El  Ils  se  mircnl  à  l'ouvrage,  ces  ingénus,  ces  Inconnus,  au 
milieu  des  huées  el  des  rires,  des  outrages  et  des  colères.  Très 
impassibles,  très  froidcmciil,  très  héroïquement  impassibles, 
semblant  ne  pas  eotentire  les  vibrations  sauterellizantes  de  la 
zwanzc  zwanzanle.  Des  êtres  bizarres! 

Faire  la  lumière!  Oh!  le  difiicuilucux  problème.  Comment? 
Commenlt  Et  sans  traditions.  El  sans  leçons.  El  sans  outils.  Sans 
autres  outils  que  les  outils  connus.  Ces  mêmes  pinceaux  de  tou- 
jours, ces  mêmes  couleurs,  dont  les  efforts  de  milliers  de  doigts 
de  peintre  n'avaient  tiré  que  ces  noir?,  et  ces  gris,  et  ces  bitumes  : 
toujours  le  sombre,  le  fumeux,  le  bitumineux,  le  triste. 

Ils  ont  cherché.  Ils  cherchent  encore.  Des  théories  surgirent, 
analysant  chimiquement  le  mélange  des  tons  sur  la  paiclle,  ana- 
lysant physiquement  les  effets  oculaires  de  la  juxtaposition  des 
tons  sur  la  toile.  Il  y  eut  des  tentatives  variées,  singulières,  dé- 
roulant le  spectateur,  le  plaçant  devant"  des  énigmes,  rendant  les 
uns  l)éanls,  les  autres  furieux.  Le  varioleux  pointillage,  l'inlran- 
slgeanl  prlsmaliquc  coloriage  en  couleurs  primitives  pures.  On 
leur  a  donnée  Ils  se  sont  donnés  des  noms  néologiques  rimant  en 


isie,  avee  frénésie.  Pois  jaillirent  d'aotrrs  prorédét,  et  d'aaim 
cncorp,  0(1  le  publie  béiemenl  gonaillrnr  ne  voyait  qaerérrangeté, 
sans  s'apercevoir  qoe  m  exccniriqnrs  parvenaient  de  |^  en 
plus  il  transposer  dans  leurs  œuvres  cette  rD>-anle  Inmiôre  que  la 
nature  semblait  vouloir  garder  ponr  elle  seule,  la  méchante  avare, 
cette  fuyante  lumière  aérienne  avec  ses  miracles  de  légèreté  M  de 
joie,  d'alléfircsse  pour  les  yeux,  d'exquises  sensations  pour  l'ime. 

Nous  sommes  en  pleindanseelévoluantphénoanène.  Résoin? 
Oh  !  non,  certes.  Mais  approchant  de  la  solution  qvi  mettra  en 
hamiODieux  accord  le  procédé,  trop  visible  encore,  avec  le  but. 
Quelle  sottise  et  quel  aveuglement  de  ne  s'arrêter,  devant  ces 
vaillants  essais,  qu'aiix  maladresses  des  premiers  coups  de  sonde, 
des  premiers  tâtonnements  du  eolin-maillard  palpant  rioeonno 
nvant  de  le  reconnaître  et  de  le  nommer  enfin  en  arrachant  le 
bandeau  !  Imbéciles,  il  faudrait  encourager,  appiaodir.  Et  vou^ 
êtes  Ib,  sous  la  direction  d'un  journalisme  niais,  k  crier  ii  la 
chienlit.  Vous  vous  préparez  et  combien  d'humiliantes  palino- 
dies !  On  vous  l'a  crié  ici  depgis  longtemps,  depuis  longtemps. 

D'autres,  parmi  ces  calmes  et  entêtés  révolutionnaires  (et  les 
mieux  doués),  poursuivent  en  même  temps  dans  la  peinture.  In 
réalisation  de  cet  autre  phénomène,  interne  celui-ci,  mais  si  réel- 
lement réel  en  notre  Ame  :  le  prolongement  des  réalités  par  le 
rêve.  Nous  ne  voyons  rien  tel  que  c'est.  Il  faut  un  étrange  effort 
d'abstraction,  et  jamais  réussi,  pour  dépouiller  les  choses  de  ce 
qu'y  ajoute  notre  incompressible  imagination.  En  ces  jours  pré- 
sents surtout,  où  l'humanité  aryenne  semble  ne  plus  vouloir  pen- 
ser qu'en  images,  ajoutant  à  toute  réalité  un  dédoublement  com- 
paratif et  mystique,  une  flouante  auréole  de  mystère. 

Cette  inclination  de  nos  cerveaux,  séduisante  et  expressive  fai- 
blcssi\  les  artistes  nouveaux  veulent  y  faire  droit  :  l'art,  disent-ils, 
doit  l'exprimer,  puisqu'elle  est  en  nous  et  nous  charme.  L'art  qui 
la  néglige  est  un  art  mutilé.  La  nature  existe  ponr  nous  non  pas 
telle  qu'elle  est,  mais  telle  qu'elle  nous  apparaît,  telle  que  nous 
la  sentons,  que  nous  l'habillons  de  dos  fantaisies,  cruelles  ou 
douces,  fantastiques  surtout.  Le  peintre  doit  le  dire  par  son  pin- 
ceau. Il  doit,  diins  les  Ames  moins  actives  que  la  sienne,  moins 
fécondes,  susciter  par  la  dextérité  de  ses  rêves,  d'autres  rêves. 
Son  rôle  est  de  mettre  en  cServcscence,  au  plus  profond  des 
autres,  l'organe  où  s'épanouil,  en  sa  divine  jouissance,  u  sen- 
sation ARTISTIQUE.  Il  nc  saurjit  le  faire  pleinement  s'il  se  borne  à 
la  morne  et  sèche  réalité.    "  % 

Ainsi  parlent,  prêchent,  expliquent  ces  nouveaux.  C'est  eux  qui 
pnliquenl  l'art  qui  fait  rêver. 

En  notre  cheminement  hebdomadaire,  nous  avons  suivi  en 
pèlerins  ces  apétres.  Nous  avons  crié  i  nos  lecteurs,  ces  passants  : 
Regardez;  écoutez.  Assurément,  ceux  qui  ont  pris  la  peine  de 
regarder  et  d'écouler  ont,  dès  maintenant,  cette  double  joie  : 
Ressentir  des  jouissances  artistiques  jusqu'alors  inconnues,  avoir 
été  des  premiers  convertis  ii  une  foi  qui  bientAt  sera  celle  de  tous  : 

Ensemble  ils  sont  allés  vers  la  ville  des  cygnes, 
Parmi  des  oiseaux  fiera  qui  les  reconnaitroot. 

Edmond  Picard, 


LA  POÉSIE 

AvMi  loal,  qu'il  nom  soil  penai»  tfe  rapf^tier  WKra 
hommage  k  Hugo,  la  Mnaioe  de  n  mêH.  Cal  bomngt,  mu 
l'aTOo*  rendu  au  pett4  que  ee  génie  diwialt  m  ii^  tféUbéoie. 
Hug»  déborde  ai  wméuscmenl  sur  letwalree  poêla  de  soa  le«|N 
qu'il  est  plus  que  quelqu'on;  il  eel  lew.  Se  «ielnM*  lotsAw 
d'arbre  éaerme  w  eontoarne  en  nmnai  et  nmillee  MMwr  de  la 
futaie  entiètv, 

El  même,  k  le  eomprenifav  mifu,  tfptnUAlt  en  violMee,  |4m 
large  emsore  :  il  «(  la  feree  qui  s'ignore,  celle  immeued'i»  é!4- 
ment.  Sa  poésie  se  reewie,  k  wrtoin  Made  de  ma  dfobitien,  «a  ua 
lointain  tel  qu'elle  devient  lie  TenI,  Toragc,  la  fondre,  l'air,  1j 
soleil  eux-mêmes.  Plu  n'aii-f  Ile  ono  bouche  qui  parie,  «aia  le 
chéae  de  Dodone  ou  le  eoloase  de  Heawon.  Ccriaiw  Ilf rea  :  U$ 
Quatre  tmu  ds  FEsprù,  rangent  Hag»  parmi  l«  eoàstellatiens 
avee  lesquelles  il  s'entretient  d'égal  k  égal  : 

Je  vis  AlddNirltaB  dana  les  ci«B,  je  lai  dia 

Ou  bien  encore  l'identifiant  k  la  matière  : 

Je  suis  lait  d'ombra  et  dé  marbre. 
Comme  les  pieds  noirs  de  l'arbre 
Je  m'enfonce  dans  la  nuit. 

Alors,  durant  des  vers  it  des  vert,  l'im^ssioa  s'accroît  d'en- 
tendre les  ténèbres  vivre,  l'inconnu  toadameatal  revêtir  nne 
signification  précise  et,  tant  ae  fait  oublier  le  quelqu'uii  qui  écrit 
avee  plume  et  encre,  que  le  livre  lui-même  —  ee  livre  qoe  l'aa 
tient  en  main  et  dont  on  dêebilre  les  caractères  —  devrait  éise 
la  pierre  légendaire  où  se  fixent  les  biéreglyphca  dea  mimclcs  et 
des  prodiges. 

Hugo  mort,  il  a  paru  que  la  poésie  fût  morte.  Les  parnassiens 
purs  —  tels  que  Leeonte  de  Lisie  on  José  de  Hérédia  —  restaient 
dominateurs.  Mais  leur  an  n'avait  en  lui  assez  de  sève  pour  renou- 
veler les  flore». 

A  c6ié  d'eux,  quelqu'un  —  jusqu'alors  presque  inernnn  — 
Stéphane  Mallarmé,  régenta  l'alientioD.  Et  Verlaine,  son  contraire, 
surprit  par  tç»  formes  nouvelles,  par  ses  chansons  complexes  et 
simples  et  sa  musique.  Us  furent  presque  wuilAt  lea  vrais  direc- 
teurs de  la  conscience  esthétique. 

L'Art  moderne  s'est  oeenpé  dn  premier  plu  leagaement  que 
do  second.  Noas  avons  eonslsté  l'apport  de  neol  de  cea  deux 
grands  poètes;  nens  attardant  k  trier  lenrt  oewme dtoaaaates 
d'imprévu  et  peut-être  déconcertantes,  k  prime  atipeet.. 

On  se  souvient  du  brait  que  fit  :  <«  PUn  «kâtié. 

La  pièce  avec  ses  raccourcis  eontraeléa  vielemmeni,  avee  ses 
images  multipliées  aux  miroirs  d'nu  suite  de  lallea  polygonales, 
avec  sa  signification  toujoun  au  deik  de  sa  littéraliié,  tronbla  sour 
dain.  Occasion  k  lettres  nombreuses,  k  demandes  d'explieatioa,  k- 
surprise  profonde.  Certes,  bien  avant  ee  numéro  du  80  ortobre  1887 
le  nom  de  Mallarmé  ~avait-il  sonné  aux  oreilla  des  lertcnn. 
Qu'importe,  il  apparut  inédit.  Il  devint  dès  cet  ioatant synonyme 
de  nouveauté. 

Et  c'était  bien  Ik  ce  que  cet  uuiqm  et  divin  poète  appoitaii. 
Les  pàmaniens  s'étaienl  attachés  k  faire  définitif.  Levn  vera 
travaillés  avec  opiuiktrelé  se  proclamaient  :  parfaits  — grtee  k 
leur  attention  donnée  k  la  rime  et  k  la  gacrie  anx  ebeviiles.  Us 


■q^-^rv  f^T^.^    ;^»'-''' 


'<pi     I'. 


i/U«r  MODERNE 


flrenl  lurtoul  de  la  bexogne  prosodique.  Ce  même  houcï  de 
perfeetion  séduit  l'auteur  du  Pttre  ehâtii.  Mais  au  delà  de  la 
perfeclioD  de  forme,  il  poursuit  la  perfeclion  de  l'idée. 

Seules,  certaines  idées  le  requièrent.  L'anecdote  il  n'en  veut 
pas.  Son  art,  qui  vise  l'essence  en  tout  et  ne  considère  le  fait 
qu'en  tant  qu'illusion,  découvre  au  fond  des  choses  une  significa- 
tion spirituelle,  qu'il  déflnil  en  poèmes.  11  les  veut  exprimer 
impeccablement.  Chaque  mot  laisse  transparattre  et  s'c^tale  comme 
une  vitré  h  travers  laquelle  on  voit  les  idées  se  mouvoir  et  s'as- 
seoir en  maîtresses  dans  la  maison.  Pourquoi  ne  dirail-on  pas 
qu'un  sonnet  de  Mallarmé  est  un  palais  tout  en  verrières  glo- 
rieuses qui  reçoivent  leur  lumière  non  du  dehors,  mais  du  dedans? 
Art  de  symbole,  certes,  et  art  de  synthèse.  Et  déduisons  de  U 
qu'une  telle  conception  de  la  poésie  entraîne  nécessairement  une 
modidcation  dans  l'expression  poétique,  deux  qui  donnent  la 
vision  directe  des  choses  maiériellcs  —  tels  de  Hcredia,  Leconte 
de  Lisie,  Coppée,  Sul|y  Prudhomme  —  choisiront  \ei  mois  les 
plus  descriptifs.  Celui  qui  peint  l'idée,  c'esl-à-dire  ce  qui  ne  se 
voit  pas,  élira  le  terme  le  plut  évocatif.  Tel  Mallarmé.  El  celle 
évocation  se  fera  subtilement,  grâce  ii  des  juxl.'iposiiions  de  cer- 
tains vocables,  grice  à  des  sensations  de  mots  choisis,  grAceit  la 
sorcellerie  des  images,  grdce  à  des  fulgurances  de  vers.  Qu'on 
lise,  avec  celle  préconceptinn,  le  Cygne,  le  Sonnet  à  Wagner, 
le  Dm  du  poème. 

Le  PUre  châlit  élail  quasi  inédit  quand  l'An  moderne  le 
publia.  Lors  du  passage  de  M.  Mallarmé  à  Bruxelles  nous  eûmes 
la  curiosité  de  l'inlerroger  Sur  le  commentaire  que  nous  en  avions 
fait.  Le  poète  trouva  celui-ci  exact,  sauf  une  réflexion  sur  une 
incidente. 

Mallarmé  en  plusieurs  de  nos  articles  occupe  le  rang  des  poètes 
souverains.  Nous  avons  imprimé  :  «  Hugo,  Poë,  Baudelaire,  Mal- 
larmé »  rangeant  par  celte  nomenclature,  ce  dernier  et  glorieux 
venu,  au  rang  de  ses  vrais  pairs.  S'il  nous  est  permis  d'insister  sur 
ce  point  nous  constaterons,  qu'au  moment  où  cette  justice  lui 
étajt  rendue,  les  discussions  les  plus  vives  s'entremêlaient  sur  la 
question  de  savoir  s'il  fallait  voir  autre  chose  qu'un  fumiste  dans 
cet  écrivain  très  pur.  Dites,  qui  donc,  aujourd'hui,  si  pas  un  imbé- 
cile, oserait  soutenir  que  nous  avions  tort?  Mallarmé  et  Verlaine 
sont  le  pont  il  double  rampe,  qui  conduit  de  la  poésie  parnas- 
sienne à  celle)  de  cette  heure.  Au  moins  sont-ils  la  transition 
admise,  car  il  serait  injuste  d'oublier  Corbière  et  Rimbaud,  plus 
nettement  révolutionnaires  et  certes  aussi  grands.  Ceux-ci  sont 
Içs  «acnfiés  fatals,  ceux  que  le  public  ignorera  toujours,  mais 
que,  précisément  a  cause  de  cela,  les  artistes,  je  ne  dis  pas  admi- 
reront, mais  aimeront  par  dessus  tous.  Rimbaud  serait  à  Verlaine, 
ce  que  Monticelli  est  à  Diaz. 

C'est-en  Corbière  qu'il  faut  chercher  les  origines  de  Laforgue. 
De  celui-ci,  CArt  moderne  a  publié  une  centaine  de  lettres  iné- 
dites, très  explicites  sur  sa  manière  de  travailler,  sur  le  fond  de 
ses  pensées  d'où  naîtront  les  vers  de  l'Hiver  qui  vient,  dés 
Dimanche*  et  des  Fleure  de  bonne  volonté.  Aussi  deux  poésies, 
vierges,  jusqu'alors,  de  toute  typographie. 

Laforgue,  certes,  d'entre  les  poètes  admis,  est  celui  qui  sonne 
dans  ses  pages  le  plus  récent  réveillon  littéraire.  Oh  !  ses  adorables 
Moralités  légendaire»,  prose  égaie  à  toute  poésie.  Allant  au  delà 
de  Verlaine  et  de  Mallarmé,  il  a  inauguré  le  vers  rythmique,  dégagé 
de  prosodie,  individuel,  libre,  jeune  d'une  jeunesse  insatiable. 
Mallarmé,  d'une  personnalité  formelle  assurément  superbes  e, 
raccroche  pourtant  aux  rimes  riches  et  n'outrage  aucune  règle  tra- 


ditionnelle foncière.  Ses  sonnets  sont  réguliers  dans  le  sens  large 
du  mot. 

Laforgue  fait  sauter  tout  justaucorps  et  déchire  les  robes  empri- 
sonnantes. 

Et  sa  pensée  plus  vaguante  au  large-aller  des  musiques  infini- 
ment complexes  des  formes,  s'exprime  :  unissant  les  contraires, 
appuyant  sur  les  consonnances  significatives,  assoupli  et  ondoyant 
comme  une  fumée  ou  comme  un  nuage.  Ce  que  Laforgue  met  en 
une  mémç  pièce,  aucun  poêle  prédécesseur  ne  l'y  saurait  inclure, 
sans  casser  l'unité  de  ion  du  poème.  Les  setquipedalia  verba  s'y 
cognent  aux  monosyllabes  fluets  et  tout  à  coup  svcltes  comme 
des  i;  l'abracadabrance  y  détonne  à  côté  de  certains  alexan- 
drins graves  comme  des  papes  liarés;  les  plus  exressives  au- 
daces, bride  abattue,  y  prennent  le  mors  aux  dents  sans  se  casser 
les  reins  aux  barrières  fixes  des  césures  el  des  rimes.  Surtout  dans 
le  dernier  volume  récemment  paru. 

C'est  lui  surtout,  le  si  personnel  poète  de  l'Hiver  qui  vient, 
qui  peul  s'approprier  ce  précepte  de  Verlaine  : 

Que  ton  Ters  soit  la  bonne  aventure. 


Sans  rien  qui  pèse  ni  qui  pose, 

Laforgue,  tout  autant  que  Mallarmé,  fut  contesté  et  nié.  Nous 
avons  reçu  des  désabonnemenis  à  cause  de  la  publication  de  ses 
lettres.  On  ne  comprenait  point  qu'un  journal  d'art,  auquel  on 
accordait  quelque  sérieux,  s'amusât  à  distraire  ses  lecteurs  par 
«  ces  phrases  de  collégien  »  envoyées  d'Allemagne  à  des  gens  non 
célèbres. 

Et  pourtant,  c'est  en  publiant  et  en  défendant  de  tels  écrits  que 
nous  avons  cru  affirmer  celle  phrase  qu'il  y  a  dix  ans  nous  impri- 
mions en  programme  : 

«  C'est  à  la  toute  puissante  expansion  de  l'art  que  nous  vou- 
lons aider  dans  la  mesure  de  nos  forces.  Nous  ne  prétendons  pas 
le  diriger,  mais  nous  y  soumettre,  le  suivre,  le  faire  connaître 
dans  chacune  de  ses  manifestations  el  dans  son  besoin  perpétuel 
de  création  et  de  renouvellement.  » 

Ce  nous  était  d'autani  pins  aisé  el  encourageant,  que  chez  nous, 
en  Belgique,  el  pas  des  belges,  sur  ce  sol  d'orties  officielles  el 
de  chardons  académiques,  celte  créai  ion  et  ce  renouvellement 
jaillissaient  en  tout  à  coup  de  fleurs  larges  qui  se  tournent  vers 
le  solefil. 

Depuis  les  Rimes  de  Joie  de  Théodore  Hannon  jusqu'aux 
Serres  chaudes  de  Maeterlinck,  nous  avons  indiqué  les  routes 
parcourues  et  les  hauteurs  atteintes.  Les  noms  de  nos  artistes  : 
Gilkin,  Giraud,  Rodenbach,  Severin,  Grégoire  le  Roy,  nous  les 
avons  mis  en  tête  de  nos  études  et  de  nos  notes  sur  leurs  œuvres. 
Notre  poésie  date  d'eux.  Si  l'on  songe  à  ce  qu'était  l'art  belge 
avant  leur  venue,  ne  faut-il  point  conclure  que  jamais  peut-être, 
en  aucun  pays,  n'a  été  fait  si  vite,  nn  tel  défrichement  si  super- 
bement suivi  de  récoite.  La  plupart  de  nos  poètes  sont  d'origi- 
nalité nette.  Quelques-uns  ne  doivent  rien  aux  Français,  si  ce 
n'est  la  langue. 

D'autres  ont  réagi  contre  celle  veulerie  de  l'esprit  public,  qui 
confondait  un  journaliste  avec  un  écrivain.  Plus  scrupuleux  de  la 
tradition  fixée  par  les  maîtres,  ils  se  sont  sacrifiés  à  acclimater 
le  goftt  et  le  style  parmi  nous.  La  langue  artiste,  ils  l'ont  intro- 
duite en  Brabant.  Avant,  on  ne  la  connaissait  qu'à  Paris. 

En  sa  variété  grande,  le  mouvement  s'affirme  donc  non  plus 
seulement  en  espoir.  Si  les  poètes  cités  plus  haut  ont  étiqueté  à 


■f; .  •:  f- 


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leur  chiffre  des  volumes,  combien  d'aulres  ont  semé  de  poésies 
éparses  les  Revues  —  elles  aussi  venues  comme  des  prinlemps 
soudains  —  Georges  KhnoplF,  Valère  Gille,  Fontainas,  Moekel, 
Charles  van  Lerberghe. 

En  ces  lulles  de  dix  contre  mille,  notre  orgueil  s'est  affirmé  i 
défendre  les  audacieux,  et  parmi  les  audacieux  les  téméraires. 
Tempérament  peut-être,  mais  surtout  conviction.  La  hâte  des 
ariicles  cursifs  ne  nous  à  guère  induit  à  prdner  l'art  trop  com- 
modément assis,  trop  bien  calé  dans  un  fauteuil  dogmatique  — 
cet  art  fût-il  tout  de  perfection  et  d'impeccabilité.  Le  r^gne  des 
poètes  parfaits  qui  donc  y  croit  absolument.  A  peiiie  sont-ils 
morts,  que  les  tares  apparaissent  dads  leur  œuvre.  Gautier,  qui 
donc  le  confesserait  encore  avec  la  pieuse  humilité  de  Baudelaire 
en  sa  dédicace  des  Fleuri  du  Mal.  El  Baudelaire  lui-même, 
malgré  tous  les  soins  apportés  aux  poèmes, demeure-t-il  indemne 
El  Mallarmé,  dont  nous  constations  tantôt  la  miraculeuse  pureté 
artistique,  dites,  comme  déjà  les  regardeurs  â  la  loupe  lui  chi- 
canent certains  vers,  picotés  de  négligences.  H  nous  semble  que 
la  poésie  de  demain  sera  plus  de  prime  jet  et  de  piaffante  allure. 
Di!  plus  en  plus,  elle  vêtira  l'idée  de  sa  forme  rudimcntaire, 
celle  qui  ne  s'apprend  dans  aucun  livre,  dans  aucune  prosodie, 
colle  qui  ne  se  proclame  point  parfaite  dès  qu'elle  observe  toutes 
Ips  règles,  celle  qui  naît  avec  elle,  immédiate,  dans  chaque  cer- 
veau. Et  si  le  mol  perfection  survit,  on  l'appliquera  i  la  transcrip- 
tion adéquate  de  celte  venue  initiale  et  toute  vive  de  rythmes  et 
de  couleurs,  tout  à  coup. 

Peu  importe  la  direction  que  la  poésie  prenne  :  nous  en  célé- 
brerons le  fatal  et  triomphal  changement,  toujours.  Le  moulin, 
qai  se  repose  sur  sa  butte,  le  suir,  écoute  le  vent  de  l'aurore 
prochaine. 

Emile  Verhasrbn. 


LA  MUSIQUE 

Un  phare  inopinément  surgi  en  cette  petite  ville  de  Aavière 
éclaira  tout  à  coup  l'art  lyrique,  en  ce  temps-là,  il  y  a  dix  ans,  il 
y  a  une  éternité.  El  voici  que  les  coins  sombres  apparurent, 
jadis  inaperçus,  les  coins  sombres  dont  les  ombres  avaient  dissiy 
mule  jusque-là  la  misère.  Clairement  on  découvrit  le  dénuement  ae 
l'instrumentation  en  usage,  la  pauvreté  d'inspiration,  la  banalité, 
la  trivialité,  le  défaut  de  concordance  entre  la  musique  et  le 
poème,  tout  le  détraquement  de  l'opéra,  parti  de  Gluck,  tombé  à 
Mpyerbeer. 

Une  révolution  bouleversa  le  théâtre.  An  lieu  de  faire  de  la 
musique  le  but  à  atteindre,  l'exclusive  visée  de  l'oeuvre  lyrique, 
on  la  transforma  en  moyen  d'expression,  on  l'assouplit  ft  la  pen- 
s(e,  et  docilement,  désormais,  en  cavale  domptée,  elle  porte  le 
drame.  Qui  se  permettrait  aujourd'hui  d'aligner,  comme  jadis, 
les  kyrielles  de  mélodies,  les  duos,  les  trios,  et  les  chœurs,  et  les 
strcttes,  et  les  caderices?  El  qui  oserait  les  applaudir?  A  peine, 
(aitachemcnl  aux  traditions?  souvenirs  de  naguère?)  aceorde-t-on 
quelque  attention  aux  machines  autrefois  étiquetées  chefs- 
d'œuvre,  en  attendant  qu'elles  soient  ensevelies  dans  l'oubli 
définitif. 

Les  partitions  nouvelles,  on  les  veut  dans  la  forme  du  drame, 


non  de  l'opéra.  On  let  exige  poljrptaonlqaM,  Tiranlet,  iPkbeMMWl 
orchestrées,  on  souhaite  que  la  musiqae  et  TMlioa  loieiil  «i  Arei* 
temeni  unies,  si  complètement  fonduee  rume  dam  l'autre  qu'elle* 
ne  puissent  être  détachée*. 

Les  adversair^Ies  plus  résolus  de  la  rtfaovaiioa  lyrique  ■• 
sont  ralliés  aux  théories  nouvellea.  En  ces  deux  lustres,  eombicn 
do  résistances  vainoacs,  quel  eonslant  progrès,  amensM  leolc- 
ment  le  triomphe  ! 

En  deux  lustres,  —  certes.  Déjh  tout  cela  parait  prodigieus«v 
menl  reculé.  Nais  qu'on  se  souvienne  :  on  était,  en  1880,  en 
pleine  bagarre.  Celait  avant  Pajrtîfal.  Quatre  ann^  venaient  de 
passer  sur  les  Nibelungm,  quatre  années  durant  lesquellek  s'ein-- 
gngea  la  bataille.  Les  concerts  symphoniquies  enlamirent  les  hos- 
tilités. Il  y  eut  des  mahifestatiooS  tumultueuses,  —  et  quelles 
colères  dans  les  journaux  t 

Puis,  plus  récemment,  le  drame  lyrique  prit  possession  de  la 
scène.  Aujourd'hui,  il  a  délogé  l'opéra.  Songez  aux  œnrres  ré- 
cemment produites  en  France,  en  Belgique,  en  Allemagnié,  rap- 
pelez-vous ce  qu'écrivaient  les  compositeurs  dé  jàdjs,  et  comparez. 
Souvenez-vous  aussi  des  sifflets  d'un  Daniel  Roeh,  si  lolDlainii, 
déjà,  et  si  rapprochés  de  nous! 

Sur  le  terrain  purement  musical,  la  transformation  est  la  même. 
Dans  le  somptueux  manteau  dont  Wagner  enveloppa  ses  inspira- 
tions, les  symphonisles  se  taillèrent  des  vêtements  k  leur  mesure. 
Et  de  toutes  parts,  au  Nord,  au  Midi,  la  musique  onvre  ses  kiles, 
s'élève,  débarrassée  des  règles  strictes  qui  l'emprisoonaieni, 
échappée  au  servage  des  canons,  des  lois  immuables,  des  formes 
traditionnelles,  des  professeurs  d'harmonie.  Comme  la  poési4', 
comme  la  peinture,  comme  l'éloquence,  comme  la  langue,  elle 
s'affranchit  et  devient  l'expression  spontanée,  merveilleusement 
subtile,  de  la  conception  artistique,  la  réalisation  perceptible  dti 
rêve,  —  toutes  barrières  abolies  entre  l'esprit  créateur  et  l'œuvre 
créée. 

Ce  qui  pénètre  dans  la  musique,  c'est  la  psychologie  raffinée  de 
notre  &me  multiple.  C'est  la  complexité  des  sentitnents  qui  se 
heurtent  en  nous,  en  leur  infinie  variété,  avec  leurs  nuances  déli- 
cates. L'affinement  est  extraordinaire.  Je  n'en  citerai  pour  exem- 
ples que  l'école  russe  et  la  très  vivante  école  firao^aise  actuelle. 
Dans  l'une  et  dans  l'autre  les  influences  locales,  les  atavismes,  1rs 
[uestions  de  races  exercent  leur  empire.  Mais  nu  élément  deménre 
pi«dominani  :  la  liberté  de  l'écriture,  qui  permet  au  compositeur 
de  livrer,  sans  en  rien  retenir,  et  de  noter  en  traits  vibrants,  ses 
plus  secrètes  émotions. 

Les  musiciens  ont  aetnellemeni  b  leur  disposition  i^ne  langue 
d'une  extrême  souplesse,  ilébarrassée  de  l'inflexibilité  des  pério- 
des, de  la  stricte  ordonnance  du  discours.  Les  locutions  aga- 
çantes en  sont  sévèrement  bannies.  Qu'on  écrive  sons  forme  de 
symphonie,  de  quatuor  k  coides,  de  trio,  de  pièce  concertante  on 
de  monodie,  on  pcul'ioul  dire,  sans  être  astreint  k  enfermer  son 
inspiration  dans  un  cadre  imposé.  Les  classifiraiioDs  ont  disparu. 
Seule  demeure  l'idée  de  I'cedvu  d'akt  :  faire  passer  dsns  TAme 
de  l'auditoire  le  frisson  qui  a  secoué  l'artiste,  et  pour  arriver  k  ce 
résultat,  qu'importe  le  procédé?  Et  de  plus  en  plus  l'émsacipation 
se  complète.  Il  reste,  il  est  vrai,  k  réaliser  des  progrès  impor- 
tants, spécialement  su  point  de  vue  des  rythmes,  dont  Is  trans- 
formation doit  sttivre  la  révolôîîon  accomplie  dans  le  domaine  de 
l'harmonie. 

C'est  k  suivre,  avee  quelle  attention!  avee  qudie  Joiel  ces 
transformstions,  que,  depuis  dix  ans,  nous  non  sommes  sempu- 


l  *' T  w  4**'     "*  '  I" 


'M 


laweMM  ■lUd^.  Nm»  trom  sigMlé  k  enx  qol  odi  Mm  tmIo 
■•■•lii«lMMMiéé«nm«»p«rlMqiKllealar«volotim  mnirate 
•'CM  aceonpiie.  Nom  les  avant  MfeodiMi  contre  ^ia}Miea  atia* 
qwa,  «ow  avMw  conhaMa  eallet  aar  leaqitellea  s'ëgaraM  la  favrar 
dea  CMrica.  àftm  naua  ami  les  iiMiéU  de  l'Artr  Noat  obods  le 
erairo.  Bt^  daH  eelle  peoaée  réeenfonante,  ooiu  pouraahrrom 
•TM  frrmeW  la  caaBpagM  eatrepriae. 

OcTAVB  Maub. 


LA   SCULPTURE 

Noa  9M  leale  aMre  enlM  aitlstique,  u  ScuLmu  était  i«ni- 
latriee. 

IffliMriee  de  rMrtlqoe,  maiadroiia,  fiiiaant  eetieceatonioD  hor- 
rible d'naayer  de  répéter  on  art  mort  depuis  denx  mille  ans, 
etpamioB  de  notre  race  alors  qne  Ytmè  de  eelle-ei,  proche  de  an 
origines,  n'avait  pts  encore  soM  la  défomation  des  inélanget  avec 
les  races  inférieures  qu'elle  rencontra  dans  ses  séculaires  migra- 
tioRS  vert  foceident.  Efforts  touchants,  poortant,  car  c'était  un 
itMOnacient  bommsKe  k  la  belle  pureté  primitive,  un  regret  obscur 
de  l'svoir  perdoe,  nn  désir  irréalisable  de  la  reconquérir,  ineii- 
nsiions  incompressibles,  —  qui  sont  aussi  la  seule  raisonnable 
eipKeaiion  de  la  peraistanee  fétieheuse  des  études  grecques  et 
latines.  Une  race  aime  d'insiinet  son  passé,  et  cherche  ii  y  revenir, 
qtfand  ce  passé,  Mieux  qoe  le  présent,  exprime  sa  grandeur  et  ses 
plus  nobios  aplitudet,  déprimées  et  amoindries  au  coure  des 
tieews* 

Imitation  de  la  Renaisatnce  ensuite,  par  des  formes  mieux  en 
arcord  avec  la  fantaiaie  qui  désormsis  habite  nos  Ames,  plus  pitto- 
rttqnet,  suivant  un  mol  essenlieilement  moderne  et  qui  n'est 
érios  si  tard  que  pour  exprimer  un  état  intellectuel  réoent. 
Inconnu  alora  que  planait  la  sérénité  grecque.  Parallèlement  k  la 
Féric  grecque,  nous  eûmes  donc  la  série  italienne,  —  loin  de  notre 
vie  d'aujourd'hui,  l'une  comme  l'autre. 

Tout  sculpteur  avait  l'obsession  de  souvenirs  classiques.  Pas 
d'antre  alignent  dans  son  éducation.  Ici  encore  le  rôle  des  acadé- 
mies fut  lamentable.  Et  l'est  toojoura.  Dans  le  choix  du  snjet, 
dans  la  eoofeçtion  du  noreeou,  dans  la  ligne,  dans  l'allure,  inévi- 
lablement  des  réminfseencea. 

Parfois  aussi,  pour  satisfaire  à  des  commandes  officielles,  une 
treisiènN;  imitation,  celle  du  Gothique. 

Ah  I  ce  qu'il  y  a  d'œnvrcs  baroques  et  misérables  sorties  de 
fcile  triste  maison  établie  en  triangle  et,  avec  l'enseigM  :  An 
pastiche  gréco-ilalien-golhieo,  au  centre  de  la  Scnlptore  et  la 
«ommandanl. 

Il  y  a  peu  d'années  (ah!  la  place  est  vraiment  petite  pour  tout 
direl)  qoelqnea  aeulpteun,  b  l'instar  des  peintres,  se  mirent  k 
régarder  la  féalilé  et  ii  la  modeler.  Ils  firent  les  êtres  de  leir 
temps,  quel  scandale  I  L'onvrier  et  ses  souiTrauces  eut  ses  inter- 
prètes dans  la  atatuaire.  Noa  passions  contemporaines  y  or.t 
trouvé  lenn  aymbolisations  poignantes  et  rêveuses.  Notre  inii- 
midité  remaanle  et  Ironblée  a'épanehe  Ik,  comme  dan*  les 
ubieaux,  les  livres,  les  ven,  la  musique.  Une  décoration  surgit 
ansti  en  rapport  avee  nos  moeora,  nos  idées,  nos  lendanœs  t i  for- 
tement de  noire  temps.  < 


Nous  avons  enta  une  sculpture  du  jour. 

On  n'artil  jaunis  va  «al  Ignoble,  fut  d'abord  le  cri.  Ridicule. 
httrle4-on  encore.  El  d'antres  i^ontent  :  Ce  n'est  pas  difficile.  — 
En  eliet,  c'est  moins  difficile  que  Fimpossible,  et  Hmpostifole 
e'ett  de  Mre  beaii  en  imitant. 

Mais  h  Iranvaille  est  d'une  portée  immense.  La  nouvelle 
école  s'est  fiiit  admettre,  malgré  les  dédains  des  officiels  dont  la 
gloire  aopMstiqnée  va  ixminuenio,  diminuendo,  iiminuendo,  au 
cri  :  A  bit  Ira  paatiebeure!  En  vain  les  coteries  mondaines,  dont 
la  fréquentation  phrtt  k  leur  amour  du  lintioe,  leur  font  des  succès 
de  Faney^ir.  1^  déhisaement  les  gagne  de  son  ombre  et  de  son 
gel.  La  vie  va  où  est  la  vie.  La  vie  a  horreur  de  raccouplement 
avee  la  mort. 

EuMom)  Picard. 


Le  Théâtre 

Le  théftire  est  la  vie;  quand  la  vie  change,  le  théâtre  change. 
Chaque  époque  n'est  nulle  psrt  caractérisée  aussi  sincèrement  et 
aussi  intégralement  que  dans  son  théâtre  ;  toutes  ont  le  besoin 
intense  du  dédoublement  de  leur  vie  ;  il  ne  leur  suffit  pas  d'éire, 
il  leur  faut  ae  eonnatire,  et  elles  ne  te  connaissent  entièrement 
que  lorsque,  sur  des  tréteaux,  sur  une  scène  matérielle  qui  les 
domine,  elles  se  revoient  en  figuration  dans  le«ir  complexité, 
dans  leur  action,  dans  leurs  mœurs,  dans  leure  réveob  Toute  civi- 
lisaiion,  aussiiét  qu'elle  prend  conscience  d'elle-même  et  lors- 
qu'elle creit  avoir  quelque  chose  de  nouveau  k  faire  ou  k  dire, 
s'objective  et  veut  avoir  son  ihéStre  où  elle  se  donne  la  représen- 
tation publique  de  sa  propre  vie  ;  et  telles  sont  les  formes  de  sa 
sa  vie,  telles  tont  les  formes  de  son  théâtre,  qui  est  religieux, 
symbolique,  intime,  analytique,  suivant  que  la  vie  collective  revèl 
elle-même  l'une  ou  l'autre  de  ces  formes  principales,  et  au  môme 
degré.  Car  le  théâtre  est  le  premier  et  le  plus  complet  reflet 
direct  de  la  vie  collective.  C'rsl  lii  que  la  collectivité  sociale, 
c'est-à-dire  tout  le  monde,  la  foule  se  retrouve  et  se  rccon- 
nati,  et  une  foule  ne  peut  s'intéresser  qu'à  elle-même,  ne  voit  rien 
an  deik  d'elle-même;  pour  que  son  théâtre  lui  parle  et  qu'elle  le 
comprenne  tout  k  bit,  il  faut  que  ce  soit  elle-même  qui  s'y  parle, 
slnterroge  et  se  réponde,  ei,^n  figuration,  puisse  s'y  aimer  cl  se 
haTr  au  poinl  qu'elle  s'identifie  avec  son  propre  dédoublement 
acémqtie. 

Le  poème,  le  livre,'  le  tableau,  toute  œuvre  conçue  par  la  pen- 
sée individuelle  pour  être  repensée  et  comprise  par  l'individu, 
pcnvenl  devancer  leur  époque  ou  y  échapper,  rester  pour  des 
temps  l'iniliaiion  secrète  et  le  culte  intime  d'une  élite;  le 
théâtre  est  de  son  temps,  et  entièrement  de  son  temps  ou  il  n'est 
pas;  il  n'est  pas  l'oeuvre  de  quelqu'un  seulement:  il  est  l'œuvre 
de  la  foule  qui  prend  conscience  d'elle-même  dans  l'œuvre  d'un 
des  siens.  Elle  a  ceci  de  commun  avec  la  religion  qu'elle  doit 
donner  k  la  foale  la  compréhension  d'elle-même,  et  la  frapper 
jnaqa'an  plus  profond  par  l'instantanéité  foudroyiuie  d'une  rcvi!- 
lation,  devant  laquelle,  quelles  que  soient  se.-i  tcrreure  troublantes 
on  ses  impitoyables  et  lancinantes  clartés,  le  doute  lui-même  soit 
impossible. 

j  indique  cela  rapidement  pour  rechercher  la  loi  que  nois 


"S 


L'ART  MODBRNB 


.  pourrions  appliquer  à  noire  théâtre  moderne,  cl  le  plus  récenl,  pour 
le  pénétrer  cl  le  comprendre  :  car  les  lois  d'après  lesquelles  pro- 
cède l'humanilé  sont  parloul  el  dans  tous  les  lemps  identiques 
dans  les  grande^  el  les  peliles  choses,  de  même  que  les  lois 
physiques  qui  président  à  la  rotation  des  astres  agissent,  les 
mêmes  cl  non  autres  dans  la  chute  d'un  grain  de  sable.  Et 
quand  on  parle  d'un  art  et  d'un  art  universel  comme  le  tbéAtre, 
pour  en  avoir  la  notion  exacte,  même  pour  des  prodoelions  pas- 
sagères comme  celles  du  jour,  il  faut  avoir  le  courage  de  ne 
reporter  résolument  d'abord  à  la  notion  générale  que  ce  que  cet 
art  peu)  être  par  lui-même,  de  ce  qu'il  peut  et  doit  donner,  et  de 
ce  qu'on  peut  en  atiendre. 

Et  si  la  clef  que  je  donne  ki  comme  celle  de  l'arl  théiiral  est 
la  bonne,<b'il  faut  qu'elle  nous  serve  à  pénétrer  partout  où  l'art 
lliéftlral  existe  ou  est  en  formation,  mais  nous  saurons  aussi  sur 
quelles  portes  il  sera  inutile  de  l'essayer  parce  qu'elles  ne 
s'ouvriront  pas. 

Cette  équation  directe  entre  les  formes  de  l'an  scènique  el  celles 
de  la  vie  collective  d'une  époque  ou  d'un  peuple,  se  marque 
avec  précision  dans  le  théâtre  embryonnaire  des  demi-civili- 
sations :  Chine,  Japon,  Inde.  Elle  devint  l'évidence  même  dans 
le  ihéâlrc  antique  —  le  ihéâire  grec  —  où  la  première  civi- 
lisation tout  à  fait  humaine,  cl  si  complètement  humaine  mais 
nationale,  se  caractérise  si  intégralement  dans  ce  grand  et  unique 
théâtre,  resté  le  plus  haut  de  tous,  cl  construit  tout  entier  avec  les 
légendes  nationales,  les  traditions  héroïques,  toute  l'existence 
privée,  et  jusqu'avec  les  mœurs  politiques  immédiates,  jetées 
toutes  fumantes  sur  In  scène  dans  leur  violente  partialité  el  leurs 
passions  d'un  jour,  et  qui  sont  le  suprême  de  l'art  théâtral, 
parce  que  c'était  au  suprême  degré  le  peuple  d'Athènes  en 
représentation  vivante  devant  le  peuple  d'Athènes,  présent  cl 
jugeant. 

nome,  la  réaliste,  qui  n'eut  jamais  d'autre  pensée  ou  d'autre 
préoccupation  vraie  que  celle  de  son  droit,  de  sa  domination  cl 
de  sa  force,  n'eut  jamais  aussi  pour  Ihéiires  que  ses  tribunaux,  son 
forum  el  son  cirque,  où  tout  était  réel  jusque  dans  la  figuration 
mémo,  et  où  les  gladiateurs  moura'ienl  dans  leurs  combats  scéni- 
ques  aussi  réellement  qu'en  pleine  guerre  vraie.  El  lorsqu'un 
monde  nouveau  se  fui  réfugié  dans  un  rêve  extra-terrestre,  jus- 
qu'à la  fia  du  moyen-Âge  ces  longues  époques  mystiques  ne  con- 

'  nurcni  plus  pour  tout  art  théâtral  et  représentation  figurative  que 
la  Messe,  qui  était  le  symbolisme  scènique,  dans  le  merveilleux 
décor  des  calliédraies,  du  drame  mystique  el  divin  où  l'âme  naïve 
de  tant  de  peuples  se  rcirouvait  tout  entière  dans  la  seule  action 
qu'elle  crut  vraie  d'une  vérité  éternelle,  et  qui  lui  donnait  la 
représcnlaiion  visible  de  son  seul  sentiment  dominant,  la  foi. 
Mais  aussitôt  que  le  mysticisme  lui-même  s'humanise,  le  mystère 
naît,  et  déjà  l'iiummc  veut  su  reconnaître  dans  le  drame  de  son 
IJieu. 

Passons.  Ce  n'est  pas  un  exposé  rétrospectif  que  je  veux  faire, 
c'est  une  vérité,  une  lumière  que  nous  cherchons  et  qui  doit  se 
retrouver  la  même,  et  dans  les  temps  les  plus  dissemblables,  pour 
être  la  bonne.  Il  n'y  a  pas  à  insister  pour  qu'on  la  retrouve  dans 
tout  ce  qui  suit  :  l'Europe  à  peine  assise  et  réglée  par  la  monar- 
chie, la  société  monarchique  soriant  de  la  société  féodale,  el  en 
même  temps  ces  fulgurations  non  dépassées  jusqu'ici  dans  leur 
puissance,  et  d'où  surgissent  la  scène  de  Shakespeare  encore 
féodale,  la  scène  de  Calderon  et  de  Lopez  de  Vega  encore  féodale 
mais  presque  monarchique,  cl  la  scène  française  classique,  entière- 


ment monarchique  enfln,  où  la  France  udilaiif  el  dlsoipliiide 
de  Louis  XIV  se  donne  eu  speoMcle  h  clle-méiw  dans  tons  Im 
genres  calqué*  sur  un  même  patron. 

Le  diz-huiliinie  sidcle  n'est  que  la  décomposition  de  la  raonar» 
ehie  classique,  comme  son  ihétire  n'est  que  la  décomposition  du 
tbéftire  classique,  et  il  n'y  a  de  formca  nouvelles  «QlhéMre,  avec 
Glaek  el  Beaumarchais,  qne  lorsqu'il  y  a  une  société  aouvclle, 
mais  qui  ne  dure  pas  et  est  engloutie  dans  l'ablmo  révolution- 
naire. Et  après  vingt  ans  de  révolntions  et  de  guerres,  notre  siècle 
surgit  avec  la  bourgeoisie  victorieuse,  une  classe  nouvelle,  une 
société  nouvelle. 

El  quel  alors  sera  le  IhéflireT  El  Ui  nous  allons  voir  si  nous  nous 
trompions,  et  s'il  sera  en  équation  avec  la  société  apparente  el 
superficiellement  visible,  ou,  d'après  des  lois  plus  profoi/des,  avec 
la  collectivité  réelle',  inlimltei^vniie. 

C'est  la  bourgeoisie  qui  a  pris  possession  du  siècle,  el  son 
théâtre  scra-t-il  bourgeois  dans  le  sens  étroit  et  déplaisant 
de  l'épicier  eu  redingote  fuit  pour  une  vie  végétative  et  liardeose 
d'arrière-boutiqne?  Non!  ce  théâtre  sera  héroïque,  k  grandes 
clameurs,  â  romantisme  passionné,  et  avec  les  costumes  ft  ample 
envergure  moyeo-fkge,  propres  aux  larges;  scènes  vibrantes  el  ii 
l'emphase  des  sentiments  soufflant  en  tempête. 

Parée  qw  ces  boturgeois  en  cbapeaux-buse  et  redingoies  pas- 
sées sont  encoce  au  fond  ceux  de  93  et  d'Austerlitz,  qui  se  paient 
à  eux-mêmes,  sans  liarder  dn  tout  et  san»  en  avoir  besoin,  deux 
révolutions,  celles  de  1830  et  de  1848  et  que  ce  sont  ces  âmes  ^ 
bourgeoises  elles-mêmes  qui  eontinarni  à  souffler  en  lempéle  et 
ne  se  retrouvent  que  dads  Rug-Bbu  ou  Anlonjf.  —  A  moins  que  . 
ces  bourgeois  ne  se  moquent  d'eux-mêmes  dans  leiirs  vaudevillet. 
Hais  signe  caractéristique,  le  genre,  proprement  bourgeois,  la 
comédie,  est  absente  de  toute  la  période  bourgeoise,  qui  n'est  pas 
bourgeoise,  et  qui  n'est  que  le  lendemain  de  la  plus  formidable 
tragédie  des  temps  modernes  :  aussi  le  romantisme,  malgré  ses 
moyens  terribles,  n'est  pas  tragique  :  il  est  le  lendemain  d'une 
tragédie. 

C'est  l'empiraqui,  en  inaugurant  la  démocratie,  coupa  court 
au  romantisme,  mais  comme  sa  démocratie  était  fausse  cl  factice, 
il  fit  un  théâtre  factice  et  faux,  avec  Dumas  fils,  Augicr,  Sardou, 
des  vrais  bourgeois  ceux-lii,  roublards,  Iraqueurs,  hommes  il 
systèmes  cl  à  ficelles,  donnant  le  faux  semblant  d'une  époque 
qui  ne  se  connaissait  pas  elle-même  cl  se  délectait  ii  ce  théâtre 
vide  parce  que  elle-même  était  vide  ;  un  peu  ferme  seulement  par 
la  basse  raison  pratique,  maintenant  solidifiée  ci  résistant  au 
flot  de  décomposition  césariste.  El  c'est  1i  celle  raison  pratique, 
seule  en  travers  du  flot  comme  une  arèie,  que  répond  le  théâtre 
de  l'empire,  ce  squelette  d'un  art. 

Le  grand  art  théâtral  n'allaii  reparaître  que  là  où  surgissait  un 
pjuplo  nouveau  avec  des  volontés,  des  idées  el  des  rêves;  et  l'em- 
pire français  n'était  pas  en -ore  tombé  que  la  nouvelle  Allemagne 
se  trouvait,  cl  rajeunie  dans  le  théâtre  de  Wagner,  qui  retrem- 
pait l'âme  allemande  â  ses  propres  sources  légendaires  el  lui  don- 
nait â  elle-même  sa  complète  révélation,  avant  même  qne  par  les 
armes  elle  se  fut  reconquise  el  constituée.  El  depuis  Esebyle  et 
Sophocle,  ou  depuis  la  symbolique  religieuse  de  la  Messe  au 
moyen- fige,  il  n'y  a  pas  d'exemple  pareil  de  tout  nn  peuple,  s'objec- 
tivant  lui-même  dans  sou  théâtre  et  foisani  de  son  art  scènique  la 
religion  même  de  son  Moi.  Prenve  évidente  qne  notre  humanité 
est  toujours  identique  â  elle-même  et  que  les  plus  profondes 
racines  mystiques  d'une  race  peuvent,  en  plein  modernisme,  faire 


.-\«.".  ■^' 


remonter  les  lèves  aneieDiies  pour  l'épanouifsemeDt  de«  floraisons 
les  plus  récentes.  C'est  Wagner  qui  a  ramené  l'Allemagne  ii  ses 
sources  et  lai  a  refait  une  Ame,  et  c'est  dans,  son  Ihëftire  que 
l'Allemagne  a  repris  conscience  d'elle-même  et  s'est  reconnue.  Le 
resta  n'a  été  que  de*  l'ezécuiion  matérielle,  mais  l'idéal  était 
retrouvé.  C'est  peut-être  la  plus  hante  équation  historique  entre 
la  conscience  d'un  people  et  son  art  scéniqne. 

Maintenant  cette  époque  elle-même  est  passée,  et  le  cycle 
héroïque  de  l'Allemagne  ilnoderne  parait  clos,  comme  est  fermé  lu 
cycle  héroïque  du  peuple  français,  qui  s'étaient  tous  les  deux 
répereutés  (tans  une  forme  d'art  romantique,  mais  avec  celte  diffé- 
rence que  le  romantisme  français  venait  au  lendemain  de  la  tra- 
gédie déjk  accomplie,  et  Wagner  il  la  veille  de  l'épopée  b  accom- 
plir. Aussi  Wagner  s'est  identifié  avec  les  faits  qu'il  a  aidé  I 
évoquer,  et  il  vivra  tant  que  l'c^yro  demande  vivra  elle-méfne, 
mais  il  y  snffit,  et  nulle  forme  nouvelle  de  J'art  théâtral,  ou  seule- 
ment différente,  n'est  apparue  après  hii.  L'Allemagne  se  recueille 
et  se  répète  :  depuis  vingt  ans  pas  même  un  souffle  n'a  troublé 
l'hymne  qu'elle  se  chante  ii  elle-même. 

Pourquoi  au  contraire  aujourd'hui  en  France,  non  pas  on 
souffle,  mais  une  multitude  de  souffles  nouveaux,  venant  de 
partout,  se  levant  de  tous  les  coins  de  l'horizOD,  et  sans  se  ras- 
sembler en  une  seule  dominante  qui  ferait  faire  le  reste,  s'épar- 
pillent en  une  foule  d'œuvres  d'un  caractère  commun,  mais 
rapides,  apparaissant  et  disparaissant,  toujours  renouvelées, 
comme  les  petits  flots  sans  nombre  d'une  mer  houleuse,  sans 
grandes  lignes,  sans  puissance  supérieure,  mais  montrant  la  vie 
mouvante,  par  vingt  faces  à  peine  indiquées,  et  comme  les  gout- 
telettes luminenses  d'une  vague  transparente  qui  se  briserait? 
Pourquoi  dans  l'art  théâtral  du  jour,cette  agitation,  ce  remuement 
incessant,  ces  brasqueries,  ces  crudités,  ce  scepticisme,  cet  esprit 
qui  louche  h  tout,  qui  secoue  tout,  qui  bouleverse  tout,  indiffé- 
rent aux  suites,  étranger  aux  règles,  jaillissant  par  dessus  les 
conventions,  et  submergeant  tontes  les. barrières  connues? 

Pourquoi  cette  absence  de  dircciion,  celte  liberté  sans  bornes, 
se  jouant  de  tout  et  joyeuse  de  se  jouer  et  de  briser?  Pourquoi  en 
France  ce  flottement,  celte  inconsistance,  cet  art  à  facctiesr  miroi- 
tant et  brillant  par  des  milliers  de  fçux  divergents,  lorsque  l'art 
alleraand  n'est  plus  qu'une  immense  masse  homogène  où  tout 
coucourl  :  une  unité  formidable  mais  immobile!  Pourquoi?  Mais 
parce  qu'en  France  depuis  vingt  ans,  depuis  dix  ans  surtoni,  la 
vie  a  changé,  et  qu'il  y  a  une  France  nouvelle,  une  immense  démo- 
cratie libre,  agitée,  traversée  de  courants  sans  nombre  et  qui  péné- 
trant irrésisliblcmcnl  en  tous  sen«  ont  transformé  de  fond  en 
comble  la  yie  française.  Et  quand  la  vie  change,  le  théâtre  ; 
change.  Quel  sera  son  caractère?  Cbcrrhez-lc  dans  la  vie.  C'est 
l'atmosphère  elle-même  où  nous  plongeons  et  respirons  qui  s'est  , 
transformée,  elle  a  modifié  nos  organes,  nous  voyons  avec  d'au- 
tres yeux,  nous  pensons,  nous  agissons  auircmcnl,  et  comme 
nous  voulons  nous  voir  tels  que  nous  sommes,  nous  avons  le 
théâtre  qui  nous  vaut,  qui  est  nous. 

Notre  existence  est  plus  complexe  :  entre  les  peuples  les  haines 
sont  tombées,  un  mélange  de  toutes  les  races  s'opère,  avec  une 
déperdition  de  forces  qui  nous  été  nos  opiniâtretés,  et  un  frotte- 
ment universel  qui. nous  lisse  nos  angles.  Dans  ce  milieu  plus 
instable  naissent  sans  cesse  des  rapports  inattendus,  curieux, 
multiples,  qui  font  à  la  vie  un  intérêt  de  tous  les  instants,  mais 
où  l'on  n'a  plus  le  temps  de  s'attacher  à  rien  qu'aux  sensations 
immédiates,  aux  idées  qui  brillent  et  qui  passent,  aux  jouissances 


rapides  mais  intenses,  parce  qu'elles  naissent  d'un  concoure  infini 
de  causes  toujoura  en  activité  et  toujours  renaissantes  auxquelles 
tous  demandent  le  maximum  d'effet  qu'elles  donneront  dans  le 
moinsrde  lampe.  Et  comme  la  France  est  aujourd'hui  le  centre 
de  cet  immense  tourbillon  de  vie,  c'est  elle  qui  offre  k  l'univers 
son  théâtre,  et  qui  nous  y  montre  cette  vie,  défaite  dans  tous  ses 
replis,  fouillée  sans  ménagement,  avec  la  soif  seulement  de  con- 
naître, et  sans  souci  des  dessous,  des  vices,  des  crimes,  des  igno- 
minies, comme  si  ce  n'était  pas  nous  et  que  celle  vie  ne  fut  pas 
la  nôtre. 

Et,  en  eflét,  ce  n'est  plus  la  nôtre,  elle  est  mêlée  maiotcnani  i 
tant  d'autres,  confondue  dans  un  tel  océan,  qu'on  peut  tout  nous 
montrer  et  que  c'est  comme  si  cela  ne  nous  appartenait  plus.  Et, 
cependant,  cela  .nous  appartient,  et  nons  y  appartenons  :  ces 
fibres  saignantes  qui  tretnenl,  sur  lesquelles  on  marche  et  qu'on 
foule  en  pleine  scène,  indifférent  et  cruel,  ce  sont  les  nôtres,  et 
si  le  théâtre  nous  donne  le  mépris  de  nous-mêmes,  c'est  que  nous 
le  voulons  ainsi,  et  que,  sans  doute,  nous  nous  méprisons. 

Car,  le  théâtre,  c'est  le  dédoublement  voulu  de  notre  vie  réelle; 
nons  avons  ii  nous  y  aimer  ou  à  nous  y  hair  nous-mêmes  ;  mais 
nous  aimons  encore  mieux  nous  y  haïr,  que  de  ne  pas  nous  y 
voir. 

El  puis  nous  savons  bien  qu'il  y  a  dans  tout  cela  beaucoup 
de  boue  qui  remonte,  parce  que  la  secousse  a  été  trop  violente 
et  que  les  eaux  ont  été  trop  brusquement  remuées.  Car  également 
en  ce  théâtre  nouveau  quels  Irésora  d'observation  réelle,  d'esprit 
juste,  d'art  supérieur  et  merveilleux,  quelle  liberté  de  pensée  et 
d'allure  qu'aucun  temps  n'a  connusi  large,  quels  coups  d'aile  vere 
de  plus  grands  h<>rizons,  quels  TCssorts  de  la  vie,  et  les  plus 
secrets,  découverts,  et  quelle  lumière  partout!  et  la  lumière 
purifie  comme  le  feu  !  Y  a-t-il  moins  de  vertu,  je  l'ignore,  mais 
certes  il  y  a  moins  d'hypocrisie,  plus  de  franchise  et  de  droiture 
et  si  nous  sommes  plus  francs,  ne  sommes  nous  pas  meil- 
leure? La  sincérité  n'est-elle  pas  la  première  des  vertus.  El 
le  théâtre  devient  sincère,  c'est  donc  nous  qui  valons  mieux. 
Il  ne  veut  plus  que  la  vue  directe  de  la  vie,  telle  qu'elle  est,  sans 
voiles  et  sans  réticences,  et  quand  il  la  montre,  nous  osons  la 
regarder,  nous  la  voulons  ainsi,  c'est  donc  qu'avant  tout  nous 
entendons  nous  connaître,  et  non  plus  seulement  dans  les  convcn- 
,  lions,  dans  les  préjugés,  dans  les  illusions,  dans  l'orgueil  de  nos 
classes,  de  nos  races,  mais  en  pleine  vérité  et  dans  un  art  qui, 
sll  devient  vrai  comme  la  science,  ne  peut  être  que  pur  comme 
elle. 

Voilà  où  nous  marchons  et  vers  quoi  le  branle  est  donné, 
depuis  les  dernières  années  surtout,  avec  une  amplitude  qui 
s'élargissant  de  proche  en  proche,  après  avoir  recueilli  tous  les 
phénomènes  passagère  et  mouvants  de  la  vie  moderne,  finira  par 
atteindre  ses  lois  elles-mêmes  et  ses  puissantes  causes  détermi- 
nantes. Car  notre  vie  moderne,  de  plus  en  plus  universelle,  a 
cependant  des  lois  dominantes  qui  la  font  mouvoir  et  la  règlent, 
et  ven  lesquelles  l'art  s'élèvera,  embrassant  des  phénomènes  de 
plus  en  plus  généraux,  n  finissant  par  prendre  re  caractère 
vraiment  universel,  çt  profondément,  intégralement  humain  que 
la  Grèce  avait  presque  connu  et  que  nous  réaliserons,  car, 
puisque  l'art  c'est  la  vie,  et  que  la  vie  s'élargit  et  s'élève,  l'art  sera 
porté  aussi  haut  qu'elle  pourra  monter  elle-même. 

Et  cette  vie  universelle  elle  n'aura  pas  un  centre,  elle  rn  aura 
vingt  égaux  en  puissance. 

Ce  n'est  pas  un  foyer  seulement,  ce   sont  des  foy.'re  sans 


■  ■■-^:.-"--'%:?.i:i,;j  ,,  .. 


iifiiiiiïiiiriÉiiiiiriiïifr^iiiîilii. 


10 


L'ART  MODERNE 


r-    i.'d 


nombre  qui  seront  allumëg.  L'art  universel  n'aura  pas  une  aenle 
forme,  il  aura  des  formes  multiples,  toutes  concordantes,  mais 
qui  refléteront  chacune  les  grandes  faces  diverses  de  la  vie  uni- 
verselle. Aussi  qu'on  voie  seulement  en  ces  dernières  années  : 
que  de  feux  nouveaux.  AJors  que  l'art  allemand  repose  après  un 
si  gigantesque  effort,  cl  que  la  France  se  réveille  par  mille 
scurces  vives  et  jaillissantes  qui  se  préparent  le  lit  d'un  fleuve, 
là-  bas  celle  immense  Russie  dresse  avec  ToIsloT,  à  grands  entas- 
sements de  madriers,  une  scène  nouvelle,  /llominée  de  clartés 
semblés  et  farouches  comme  sa  vie;  la  Norwège,  avec  Ibsen, 
découvre  les  neiges  de  son  sein  et  des  sourires  d'une  douceur 


inconnue  ;  et  josqol  DObw  vieilli  Pludre  qo!  dwrab^  M» 
théAira,  qui  se  cherche  rlle-intow,  jinqa'en  dee  profoadèiirÉ  el 
dei  myMèrei  où  nul  peut-être  n'était  dcaeemiv  mM  ÎMe.  Et 
sur  cet  Art  qui  aura  Uni  d'sppliii,  todt  égrierteat  piMigllM-ra 
des  milieux  «i  divers,  il  ne  se  répandra  qu'ont  wale  «t'atique 
lumière,  Mlle  de  la  vérilé,  de  la  Térilé  infrenglMtet  MiWMirt 
but  qu'elle  même.  Et  il  n'aura  d'autre  principe  qii»eel«i  t/t  II 
vérité  dans  la  vie,  et  de  la  vie  dans  la  vérilé. 

V.  ÂBNOUtD. 


••'-*  '■!ffii:'^*Mê^WJt:i':Çii}ik^ 


Nous  renvoyons  à  la  semaine  prochaine  nos  articles  d'actualité,  toikipté- 
rendus,  petite  chronique,  etc.,  spécialement  notre  REFElRENDUlI  SUR 
L'AQUARELLE 


irvrunwuriMg^iiii/ia» 


iLl»i.|fMiiiwi»ii 


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OmdMi  AMOÉi.  —  )N*  t. 


ta  MiMÉBo  :  86  mnooÊ. 


PnUHcu  II  JAinrnk  1891. 


I"': 


PARAISSANT    LB     DIMANCHE 


%?: 


REVUE  GRirra  DES  ARTS  ET  DE  U  LITTÉRmRE 

,    Ckymtté  do  rédaettdll  •  Octàyn  MAUS  —  Enuon  picard  —  Èmili  verhaeren 


ABOmmOUTTS  i  BelgicpM,  un  an,  fr.'  10.00;  Union  pottale.  &.   13.00    —  AmTOMCSS  i    On  traita  i  forfldi. 


'    Adresser  toute*  le*  communioaHon*  d       - 
L'ADioNiBrRATioN  oÉNtaALB  DB  TArt  110(161^6,  TUB  de  |I*Iiula8trle,  32,  Braxellea. 


Sommaire 


RmRmvo»'  Aarianovi.  —  La  Boaftm  BocRoioiB,  TroUUme 
tpeetaelt  d»  la  mtUon  1890-91.  PoWi.  —  Th^atus.  lia  Coiainf; 
MUt  Heljfett.  —  Cobuhmndamgb.  A  propo*  de  la  tymphonie  d» 
L.  Kefer.  —  Musiqoi.  —  Psirra  cbkomiqob. 


REFERENDUM  ARTISTIQUE 


(1) 


On  se  «ooTient  du  questionnaire  que  nous  avons 
adreaoé  à  qaelqiMMinB  dès  maltree  de  l'aquarelle  en 
Bel^qne.  Noos  lenr  demandions  conuno»!  Us  aniùa- 
geûent  l'aqtiarelle,  quel  était,  d'après  eax^  son  carac- 
tère essentiel.  Doft-elle  être  spontanée  et  primiesautière  ? 
Exige-telle  an  contraire  un  long  et  patient  labeur  ? 
lj!st-:0lle  apte  à  exprimer  tonte  sensation  artistique? 
Peut-elle  être  assimilée  à  cet  égard  à  la  peinture  à 
l'huile?  etc.  Cinq  lettres  en  réponse  ont  paru  dans  notre 
avant-dernier  numéro,  affirmant  la  diversité  d'appré- 
ciation qui  partage  les  artistes.  Voici,  pour  clore  la 
discussion,  quatre  lettres  nouvelles,  écrites,  comme  les 
premières,  par  des  peintres  sincères,  pleins  de  talent, 
qui  tous  ont  bit  leurs  preuves.  On  verra  qu'ils  ne  sçnt 
pas  mieux  d'aooord  que  les  précédents.  Ce  qui  n'empéohe 

(1)  Suite  tt  fm.  Voir  notra  aoniAro  dn  88  tUcaÉabia  derniar. 


qu'il  7  ait  dans  chacune  de  ces  réponses  des  choses 
excellentes,  vraiment  intéressantes  et  bien  dites. 

M.  Uytterschaut,  l'habile  aquarelliste»  expose  avec 
neUeté  toute  la  théorie  des  peintres  &  l'eau.  C'est  pres- 
que un  cours  : 

VICTOR  UYTTERSCHAUT 

Mon  chbr  Màus, 

Je  «uit  très  heureux  de  pouvoir  répondre  à  la  lettre  amicale 
dans  laquelle  la  me  fais  part  d'uoe  diseuasioa  ariislique  que  tu 
as  eue  au  sujet  de  te  peinture  à  Veau.  La  question  me  paraît  fort 
iDtA«asaate. 

Oa  a  toujours  en  de  la  peine  k  se  oettre  dtseïord  au  sujet  de 
VaquareUe,  de  la  gouache  et  des  antros  variétés  de  peituure  à 
feau.  , 

A  mon  avis,  on  serait  bien  près  de  s'entendre  si  l'on  commen- 
çait par  bien  déterminer  le  point  de  vue  auquel  on  se  place. 

I.  S'agii-il  de  traiter  la  question  au  pomt  4e  vue  purement 
artiuiquel  Dans  oe  cas,  faites  de  l'aquarelie  pure,  de  la  gouache, 
de  la  sépia,  du  dessin  fe  la  plume  ou  aa  crayon  rehaussé  d'an 
lavis  coloré  ou  neutre  ;  servez-vous  d'un  pinceau,  d'une  brosse, 
d'une  éponge,  d'un  balai, oa  d'un  couteau;  ajoutez  du  pastel, 
appliquez  de  la  gomme,  en  un  oboI  choisissez'  n'importe  quel  pro- 
cédé :  si  l'effist  artistique  est  atteint,  je  ne  vous  en  demanderai  pas 
davantage.  Peu  importe  avec  quoi  on  (ait,  il  faut  voir  comment  on 
fait.  Le  procédé  ne  compte  pas.  L'œuvre  est  dans  la  léteet  dans  le 
cœurdel'srtisle.etnendansles  lobes  de  couleur.  Un  bout  de  cro- 
quis d'un  grand  artiste  d'autrefois,  crayonné  avec  <lu  cbarboa,, 


.."■ripfim': 


12 


L'ART  MODERNE 


de  la  brique  pilée  ou  louie  autre  matière  aussi  peu  noble,  est 
souvent  du  grand  art. 

Les  eaux-forles  de  Rembrandt  peuvent  être  mises  à  côté  de  sa 
Ronde  de  Nuit  (quelques-unes  d'entre  elles  sont  mêmes  supé- 
rieures). On  retrouve  Rembrandt  et  la  conception  philosophique 
qu'il  avait  de  la  vie  dans  celles  de  ses  œuvres  sans.couleuis  qui 
n'ont  que  quelques  centimètres  carrés,  et  si  même  ces  œuvres 
étaient  tout  ce  qui  reste  de  lui,  il  n'en  serait  pas  moins  compté 
comme  un  artiste  incomparable.  —  Revenons  à  notre  sujet. 

II.  Si  on  me  demande  quel  est  le  meilleur  procédé  de  pein- 
ture à  l'eau,  celui  qui  constitue  l'essence  de  l'aquarelle,  qui  lui 
permet  de  réaliser  le  mieux  le  but  qu'elle  se  propose,  de  réunir 
au  plus  haut  degré  les  qualités  qui  la  caractérisent,  je  n'hésiterai 
pas  à  dire  que  la  vraie,  la  seule  aquarelle  est  la  goutte  d'eau 
colorée  appliquée  au  pinceau,  avec  blancs  réservés,  i  l'exclusion 
des  rehauts  à  ta  gouache,  à  la  plume  ou  au  crajon,  des  grattages, 
ponçages,  repentirs  et  autres  tripotages. 

La  gouache  a  tous  les  désavantages  de  la  peinture  à  l'huile  sans 
en  avoir  les  qualités.  Elle  n'est  qu'un  genre  inférieur,  bâtard  et 
sans  originalité  bien  marquée.  Elle  peut  être  utilisée  pour  les 
panneaux  décoratifs.  Un  grand  artiste  peut  lui  communiquer  une 
grande  valeur  artistique,  due  plutôt  à  son  talent  qu'aux  ressources 
spéciales  du  genre. 

Il  en  est  tout  autrement  de  l'ogt/orWte proprement  dite.  Celle-ci 
est,  par  essence,  une  peinture  toute  de  spontanéité,  de  verve, 
d'entrain  et  de  premier  jet.  Elle  permet  la  fixation  rapide  des 
impressions  fugitives  et  passagères  que  les  autres  procédés  pictu- 
raux n'ont  pas  le  temps  de  noter  au  passage.  Bien  comprise,  elle 
procède  par  instantanéité.  Qu'elle  vise  le  côté  profond  des  choses 
ou  leur  charme  superficiel,  presque  toujours  elle  synthétise  et 
résume  par  l'emploi  des  moyens  les  plus  simples. 

J'ai  l'idée  qu'une  école  de  vrais  aquarellistes,  ennemis  de  toute 
concession,  pourrait  arriver  à  une  exécution  merveilleuse,  à  un 
art  tout  à  fait  supérieur,  d'une  pureté  et  d'une  adresse  incompa- 
rables, exprimant  en  un  tour  de  main  des  idées  et  des  sensations 
profondes  d'une  science  toute  spéciale. 

C'est  là  l'idéal  de  l'aquarelle.  Aucun  genre  n'est  plus  di/ficite, 
car  il  faut  que  la  louche  soit  d'emblée  juste  et  vraie,  qu'elle 
exprime  ce  qu'elle  doit  dire  par  elle-même  et  par  ses  harmonies 
avec  ses  voisines,  et  avec  l'ensemble.  Elle  ne  souffre  ni  hésita- 
tion, ni  incertitude,  mais,  en  revanche,  elle  possède  la  vie,  la 
lumière  et  l'éclat  qui  manquent  il  l'œuvre  reprise  et  retouchée. 

//  n'y  a  pas  d'art  inférieur.  Pourquoi  l'aquarelle,  par  exemple, 
serait-elle  mise  att  second  rang?  Qu'est-ce  que  le  procédé  a  à  voir 
dans  les  manifestations  de  l'àme?  Que  l'aquarelle  soit,  en  somme, 
le  résultat  d'une  impression  passagère  ou  le  résultat  d'une  étude 
approfondie,  pourvu  qu'elle  atteigne  le  but,  qui  est  I'ëmotion. 

Quant  à  savoir  si  l'aquarelle  comporte,  aussi  bien  que  l'huile, 
la  lenteur  dans  l'exécution.  11  me  semble  que  si  elle  ne  le  com- 
portait pas,  ce  serait  plutôt  à  son  avantage.  L'art  est  d'autant  plus 
grand  qu'il  tire  plus  de  choses  de  moyens  simples  et  sommaires. 

Si  elle  convient  aux  effets  de  grande  lumière?  Evidemment  oui, 
j  uisque  ces  effets  sont  obtenus  par  des  rapports  d'intensité  entre 
les  tons  et  les  valeurs,  et  que  la  couleur  !i  l'huile,  comme  la  cou- 
leur à  l'eau,  n'émet  pas  de  lumière,  mais  ne  fait  que  réfléchir 
celle  du  soleil. 

La  peinture  à  l'huile  n'a  pas  toutes  les  ressources  de  la  pein- 
ture à  l'eau.  Certes,  l'huile  peut  revendiquerla  force,  la  solidité 
du  ton,  mais  elle  ne  peut  pas  lutter  avec  l'eau,  pour  rendre  la 


lumière,  la  limpidité  et  ce  je  ne  sait  quoi  quv  tient  de  l'imprévu 
et  du  rêve. 

Devant  un  paysage  qui  éveillera  en  nous  une  imprejnion  piWti- 
que,  l'idée  ne  nous  viendra  pas  de  casser  notre  bouteille' k  eau, 
mais  bien  au  contraire  nous  enaierons  de  trouver  en  elle  et  dans 
un  bloc  de  Whalman  de  quoi  rendre  cette  impression  tout  aussi 
complètement  qu'avec  d'autres  ingrédients. 

Pour  ne  pas  parler  des  Belges,  il  est  évident  pour  tout  artiste 
qu'un  Mauve,  qu'un  Maris  sont  des  œuvres  de  premier  ordre, 
surtout  à  l'aquarelle.  Cela  prouve  surabondamment  que  le 
procédé  n'a  par  lui-même  aucune  valeur  intrinsèque  et  que  c'est 
le  besoin  de  la  rime  qui  a  amené  un  farceur  d'alcliér  k  formuler 
le  quatrain  qui  flnit  par 

C'est  beaucoup  plus  beau  que  la  peinture  â  l'ean. 
.  Au  revoir,  mon  cher  Mau8,.et  vive  l'aquarelle  I  ,        .^     ... 
Tout  k  toi, 

Victor  UYTrgnscHAUT. 

p.  S.  —  Vois  les  fresques  de  Michel-Ange,  de  Raphaël  ei 
de  tant  d'autres.  Ne  sont-elles  pas  de  grandes  aquarellesT  Leur 
exécution  se  rapporte  plus  k  l'aquarelle  qu'k  la  peinture  k  l'huile. 

Les  miniatures  du  Moyen-Age,  ne  sont-elles  pas  aussi  des 
aquarelles?  Et  nous  vient-il  jamais  k  l'idée  de  les  considérer 
comme  le  résultat  d'un  art  inférieurf 

Un  spécialiste,  M.  Léon  Âbry,  dont  les  •  militaires  » 
sont  très  appréciés,  qu'ils  soient  croqués  à  l'eau  ou 
étudiés  à  l'huile,  nous  écrit  : 

LÉON  ABRY. 

Mon  cher  Mads, 

Je  n'ai  pu  vous  répondre  plus  tôt,  toutes  mes  soirées  étaient 
prises.  C'est  le  soir,  les  pieds  ^ur  les  chenets,  qu'il  fait  bon  con- 
verser avec  un  ami.  C'est  le  soir  aussi  que  j'aime  k  correspondre 
avec  ceux  qui  sont  loin  de  moi. 

Vous  me  faites  vraiment  «  bien  de  l'honneur  »  en  m'intervie- 
want  k  propos  de  l'aquarelle.  Si  je  mouille  parfois  le  Whatman,  je 
le  fais  sans  prétentions;  aussi  je  vous  donne  mon  opinion  pour 
ce  qu'elle  vaut. 

'Laissez-moi  vous  dire  d'abord  que  généralement,  k  mon  avis, 
le  public  donne  une  importance  trop  grande  au  procédé. 

Qu'importe  quant  k  la  valeur  de  l'œuvre,  le  mode  d'expres- 
sion? Telle  eau-forte  de  Rembrandt  ne  vaut-elle  pas  cent  fois  maint 
tableau  ?  Tout  dépend  donc  de  l'intensité  de  la  sensation  d'art 
rendue  par  l'exécutant. 

J'ai  vu  tel  dessin  de  Constantin  Meunier,  telle  enluminure  de 
Mellery  qui  pour  moi  éiaieni  des  chefs-d'œuvre,  et  si  ma  fortune 
m'avait  permis  de  les  acquérir,  je  n'aurais  nullement  pensé  k  mar- 
chander sous  prétexte  que  ce  n'était  pas  «  une  peinture  k  l'huile  ». 

Je  dirai  plus  :  c'est  précisément  ce  qui  me  rappelle  le  procédé 
qui  me  semble  rendre  la  peinture  horripilante.  Je  voudrais  le 
tableau  surtout  sans  la  sensation  gluante,  poisseuse  de  l'huile, 
cette  sensation  qui  précisément  enlève  k  l'œil  toute  illusion.  Et 
certes,  k  ce  point  de  vue,  je  trouve  l'aquarelle  infiniment  supé- 
rieure :  devant  elle  j'ai  mieux  la  sensation  de  l'effet,  de  l'air,  de 
la  lumière  ;  devant  le  tableau  je  vois  la  toile  recouverte  d'une 
matière  plus  ou  moins  habilement  triturée,  mais  qui  ne  peut  que 
difficilement,  par  sa  matérialité  même,  me  donner  l'illusion  de  la 
nature. 

Pourquoi,  jusqu'ici,  nos  amis  des  XX  —  ces  hardis  cavaliers 


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d'exploration  —  ne  lentenl-ils  pat  l'aquarelle  par  les  procédés 
nouveaux?  Il  n'y  a  peut-être  pas  un  moyen  d'exécution  plus  ratio- 
nel  pour  rendra  la  vibration  de  la  lumière  par  la  décomposition 
du  ton.  J'ai  essayé,  mais  je  ne  puis  m'aslreindre  b  exécuter  avec 
le  calme,  la  méticnlosilé  que  comporte  le  procédé.  —  D'autres, 
eerles,  pourraient  réaieir. 

Je  ne  vous  parle  pas  des  différents  modes  d'exécution  de  l'aqua- 
relle ;  gouache  (Meunier),  aquarelle  pure  (Uytierscbaut,  Slaequei, 
Binjé),  aquaralle  gouacbée  (Hagemans),  pour  citer  de»  exemples 
caraetéristiqaes.  Question  de  tempérament,  pas  autre  «hose,  — 
de  même  que  le  choix  du  sile,  le  sujet,  la  mise  en  page,  etc.,  dans 
lesquels  il  n'appartient  à  personne  d'intervenir.  A  quoi  bon  légi- 
férer en  matière;  d'art  :  trop  de  classifications  déjà,  trop  de  lois 
—  et  trop  peu  de  personnalités. 

A  bientôt,  j'espère,  cher  ami,  nous  en  reparlerons  alors  —  et 
plus  longuement. 
.  Voira  dérooé, 

L.  Abry. 

Lettre  pleine  de  bonhomie  et  de  cordialité  d' 

EUGÈNE  SMITS. 

Mon  chbk  Maus, 

J'alirais  dû  répondre  immédiatement  à  votre  aimable  lettre. 
Plus  je  tarde,  plus  j'ai  de  peine  i  écrire  ;  celle  fois,  j'ai  pensé 
qu'en  réfléchissant,  j'arriverais  ii  dégager  le  dogme;  je  ne'suis 
pas  plus  avancé  qu'a  la  première  minute. 

Moi,  j'aime  mieux  les  aquarelles  enlevées;  quand  je  vois  une 
aquarelle  très  faite,  je  me  demande  pourquoi  on  n'a  pas  pris  une 
toile  ou  un  panneau,  plus  solides  que  le  papier  et  supportant  plus 
facilement  un  long  travail,  mais  j'admets  qu'on  ail  un  autre  goût 
et  qu'on  aime  les  lavis  très  soignés,  pourvu  qu'ils  soient  bons. 

Je  crois  que  beaucoup  d'aquarelles  très  faites  ne  sont  ainsi  que 
parce  qu'elles  n'étaient  pas  bien  arrivées  au  début,  mais  il  ne  faut 
pas  soulever  le  voile  de  la  vie  privée  ;  il  y  en  a  certainement 
d'autres  qui  ont  été  voulues  dès  la  première  idée. 

Vive  la  diversité  des  goûts.  Le  monde  n'est  pas  bien  amusant, 
mais  si  tous  les  gens  avaient  la  même  figure  et  les  mêmes jdées, 
il  n'y  aurait  pas  moyen  d'y  tenir. 

Je  vous  ai  dit  que  je  préférais  les  aquarelles  enlevées.  Je  vais 
vous  faire  un  àOlra  aveu,  plus  dangereux  :  je  n'aime,  dans  les'siè- 
des  passés,  que  l'art  antique,  celui  de  la  Renaissance  et  leurs 
dérivés,  surtout  en  tant  que  peinture  ;  j'admire  souvent  les  tableaux 
gothiques,  mais  je  ne  les  aime  pas  ;  àans  l^es  plus  beaux  il  me 
semble  sentir  l'ojipressiOn  et  la  barbarie  du  temps,  mais  je  suis 
content  que  d'autres  les  aiment,  les  soignent  et  qu'on  ne  les  brûle 
pas  comnie  je  ne'sais  qui  voulait  brûler  tous  les'  Rabens.  - 

Mon  cher  ami,  je  dois  m'arrêter,  je  sens  que  je  m'emballe  et  le 
vieux  cheval  finirait  par  vouloir  franchir  trop  d'obstacles  pour  ses 
forces. 

Voire  dévoué. 

Eue.  Smits. 

Enfin,  pour  finir,  la  réponse  de  Xavier  Mellery,  véri- 
table profession  de  foi,  digne  du  grand  artiste  qai  a 
signé  les  Heures  et  la  Trinité. 

XAVIER  MELLERY. 
Mon  cbek  Mads, 
J'ai  été  très  indisposé  :  une  bronchite  aiguë  accompagnée  de 


l'influenza  ;  je  suis  convalescent  et  je  vais  essayer  de  répondre  il 
ta  lettre.  Je  t'exprimerai  mes  pensées  un  peu  comme  elles  me 
viendront  à  l'esprit. 

La  condition  essentielle  de  n'importe  quel  procédé  est  de 
faire  œuvre  d'an.  Il  y  a  différents  degrés  d'expression  dans  l'art  : 

10  simple  contour,  la  simple  tache  de  couleur  peuvent  être  déjà 
des  choses  complètes,  mais  l'échelle  de  l'art  va  jusqu'au  ciel  et 
chaque  échelORvetts  mène  un  peu  plus  haut  dans  l'esprit  de  l'art, 
il  nous  rapproche  de  plus  en  plus  du  suprême  idéal.  On  peut 
monter  très  haut  :  plus  on  est  haut,  plus  on  trouve  des  beautés. 
Poussé  par  elles,  on  veut  arriver  &  cette  incandescente  lumière,  i 
ce  (U^nitif  qu'on  n'atteint,  hélas!  jamais  ;  puis  on  tombe,  comme 
Prométhée  voulant  dérober  les  feux  du  ciel.  Qu'importe  la  chute! 

11  est  de  la  dignité  de  l'artiste  de  tenter  cette  ascension,  on  se 
relève  plus  fort  et  le  chemin  qu'on  aura  parcouru  restera  glo- 
rieux, car  les  efforts  qu'on  aura  faits  pour  y  arriver  seront  d'in- 
déniables œuvres  d'art  et  les  jouissances  artistiques  qu'on  y  aura 
trouvé  cachées  seront  incomparablement  supérieures  et  plus  glo- 
rieuses que  tous  les  honneurs  et  les  distinctions  qu'a  inventés  la 
société. 

Cette  figure  pourrait  s'appliquer  a  tous  les  arts  et  résumer  leur 
mission. 

L'aquarelle  claire,  délicatement  lavée,  aux  tons  fins  et  délicats, 
est  un  art  que  doivent  rêver  la  jeune  flile  et  l'amateur  qui  ne  con- 
sacrent &  l'art  qu'une  mince  part  de  leur  existence.  La  muse  de  l'an 
ne  sait  pas  s'y  plaire  ni  s'y  tenir,  son  cadre  est  trop  étroit  pour 
cette  robuste  fille  du  ciel,  elle  aime  à  s'exprimer  avec  force  et 
puissance  et,  plus  elle  devient  éloquente,  plus  son  œuvre  devient 
lumineuse;  c'est  là  la  vraie  lumière,  la  lumière  de  l'art. 

Peu  importe  le  procédé,  la  technique,  comment  c'est  fait  et  ce 
que  c'est;  Vœuvre  supérieure  parle  avant  qu'on  se  soit  demandé 
si  c'est  de  l'aquarelle,  de  la  détrempe,  de  la  peinture  à  l'huile,  etc. 
C'est  ainsi  que  l'aquarelle  peut  quelquefois  être  supérieure  à  la 
peinture  à  thuile  et  réciproquement. 

Aujourd'hui,  il  y  a  trop  de  peinturlureurs,  c'est  l'académie  qui 
les  fait  et  les  expositions  qui  les  entretiennent,  ils  out  fini  leurs 
études  quand  celles  de  l'artiste  commencent.  Un  jour  viendra  où 
l'on  supprimera  les  expositions  et  les  académies;  alors,  il  n'y  aura 
plus  que  l'artiste  qui  naîtra,  et  de  sa  propre  sève  alimentera  l'art; 
l'art  alors  vivra  de  sa  vraie  vie,. celle  qui  naît  des  individus  créés 
à  cet  effet  et  non  comme  aujourd'hui,  de  cet  art  faux,  créé  et 
inventé  dans  les  académies  et  les  expositions. 

Les  expositions,  c'est  faux,  archifanx.  Je  dirai  même  que  le 
tableau  n'existe  pas  ou  n'existera  plus,  il  a  épuisé  son  pro- 
gramme; le  tableau,  c'est  l'image;  le  bourgeois  en  choisit  une  ti 
son  choix  pour  couvrir  un  mur  quelconque  de  son  salon.  C'est 
un  meuble,  œuvre  sans  destination  et  sans  but,  faite  au  diapason 
faux  des  expositions  :  donc  œuvre  déjà  altérée. 

Il  y  a  deux  grandes  expressions  dans  l'art  :  1°  l'art  décoratif, 
qui  a  une  destination  immuable  ;  2°  l'œuvre  d'art,  qui  n'a  pas  de 
destination. 

La  première,  par  son  éloquence  décorative,  par  sa  pensée,  son 
homogénéité,  son  harmonie  avec  l'architecture,  renferme  toute 
l'échelle  de  l'art. 

La  seconde,  par  sa  profondeur  d'expression,  transporte  celui 
qui  sait  la  voir  dans  les  régions  les  plus  élevées  de  l'art. 

Voilà,  mon  cher  Maus,  quelques  pensées,  de  celles  avec  les- 
quelles je  veux  vivre  et  mourir.  Ainsi  soit-il  ! 

J'aimerais  les  revoir,  les  retravailler,  afin  de  les  rendre  plus 


.:;*.  ■-^'.tfcvf' ^.  V--' ■■,v>v  ,     ■■;■,■■'    -.'/f 


14 


L'ART  htODBRNB 


l. 


Précises  et  plus  claires,  mais  j'espère  que  ion  amilië  sera  indul- 
genle  et  que  tu  pourras  y  trouver  les  réponses  aux  questions  que 
tu  m'as  adressées. 

Sur  cela,  je  (e  serre  la  main  de  bonne  amilië. 

A  toi, 

X.   NCLLERT. 

La  conclusion?  Faut-il  conclure?  Les  observations 
contenues  dans  les  neuf  lettres  que  nous  avons  publiées 
sont  aussi  explicites  que  possible.  Elles  démontrent, 
par  leur  divergence  même,  que  l'aquarelle,  comme 
toute  autre  manifestation  artistique,  échappe  aux 
règles,  aux  canons,  aux  lisières  et  aux  férules. 

Les  Académies  ont  inventé  la  classification  des 
expressions  artistiques.  Les  artistes  s'en  sont  moqués. 
De  nos  jours  plus  que  jamais  l'interpénétration  se  fait. 
Le  procédé  est  accessoire.  L'impression  seule  domine. 
Qu'importe  qu'on  peigne  à  l'eau,  à, l'huile,  au  blanc 
d'œuf,  à  la  cire,  à  la  gouache?  Le  seul  but  à  atteindre 
est  d'émouvoir.  Tel  artiste  y  parvient  par  de  fluides 
lavis.  Tel  autre  ^  recours  aux  rehauts,  aux  pongages, 
aux  grattages,  aux  hachures  de  pastels  ou  de  contés. 
Tel,  au  pointillage  de  tons  divisés.  Bien  malheureux 
ceux  qui  se  croient  obligés,  au  lieu  de  se  laisser  aller  à 
la  sensation  artistique,  de  prendre  une  loupe  et  de 
ratiociner  :  «  Impossible  d'admirer  cette  aquarelle.  Elle 
est  gouachée  !  »  ou  encore  :  «  Fâcheux  que  la  toile  de 
cet  excellent  artiste  ressemble  à  une  aquarelle  !  » 

Des  pions  condamnent  les  glaces  pour  les  peintures  à 
l'huile,  parce  que  cela  les  iàit  ressembler  à  des  pein- 
tures à  l'eau  (!)  D'autres  affectent  du  dédain  pour  les 
pastels  parce  qu'ils  sont  moins  •'  solides  »  que  les  toiles 
peintes.  Il  en  est  qui  regrettent  que  Walter  Crâne  et 
Randolphe  Caldecott  aient  prodigué  le  meilleur  de 
leur  art  dans  des  -  livres  d'images  pour  les  enfants  ». 
Et  ainsi  de  suite,  toute  la  kyrielle  des  ftneries  que  se 
transmettent,  de  Bouvard  à  Pécuchet,  les  générations 
de  Bonhomet. 

Voyons  plus  haut.  Quand  le  soleil  se  lève,  ne  nous 
demandons  pas  en  quelles  soupentes  il  se  glisse,  ni  à 
travers  quelles  vitres  il  projette  ses  rayons. 


LA  BOHÊME  BOURGEOISE 

par  Ch.-M.  Flor  O'Squab».   —  Un  vol.  m-12  de  374  pp. 
Paris,  L.  Oenonceaur,  1890. 

«  Il  ne  pouvait  songer  sans  un  sonrire  d'enfant  désabusé 

aux  légendes  établies  de  longue  date  autour  de  la  Bohême  artiste, 
et  qui  lui  semblaient  aujourd'hui  inexplicables.  Une  évolution 
naturelle,  sans  secousse,  élevait  les  artistes  au  rang  qu'ils  méri- 
taient d'occuper.  C'était  à  eux,  maintenant,  qu'allait  la  considéra- 
tion des  foules,  les  honneurs  et  la  fortune,  comme  aux  plus 
dignes.  Peut-être,  en  réalité,  possédaient-ils  mieux  que  naguère 
le  sentiment  de  leur  rôle  et  de  leur  mission.  Il  y  paraissait.  Le 
certain,  c'est  qu'ils  dépouillaient  le  côté  rapin,  les  allures  débrail- 


lées, le  penohani  ans  vastes  mysliflonions  qai  mleot  doué  i»  la 
défiance  aox  hommes  sërieai.  Et  les  hommes  sérieui  s'obtndoo- 
naient  k  leur  tour,  deveDaient  les  vnis  bohéflMS,  gtektieal  !«• 
heures  les  plus  aérieuses  de  l'Ag^mAr  en  rtfer^sUoM  misénblM 
désolées  par  leur  native  pauvreté  d'imagiutioa.  Un  eooraal  Mal 
précipitait  la  vieille  bourgeoisie  k  des  desordres  ob  tes  fortanea 
leniemenl  amassées  sombraient,  où  l'effiort  de  plusieurs  géndra- 
lions  avortait,  ridicule,  perdu,  dans  des  satistMlioas  basses, 
demandées  k  toûies  les  sensualités.  Et  tandis  que  ae  saicidaU  la 
classe  moyenne,  d'autres  hommes,  sortis  d'ellc-roéme,  puisaient 
dans  l'art  une  noblesse  inédite,  fondaient  une  aristocratie.  Fils  do 
bourgeois,  épris  —  par  quel  roiracleT  —  d'un  par  idéal,  ils  for- 
maient un  groupe  déjk  nombreux  et  distinct,  prépondérant  bien- 
tôt. On  eût  dit  qu'ils  eonaervaienl  de  leur  origine  la  aenlimentdaa 
sévères  ordonnances  de  la  v'ie  régulière,  le  soin  da  paraître,  le 
goût  du  correct,  de  la  simplicité  et  de  la  décence.  Anean  n'eAl 
été  lenié  de  ressusciter  les  traditions  d'anlan,  —  vaillante»  sana 
doute,  empreintes  d'un  mépris  hautain  du  banal  et  du  eonvrao, 
—  mais  qui  s'exprimaient  forcément,  pour  être  saisies  du  vulgaire 
auquel  elles  s'adressaient,  par  des  enfantillages  dans  le  costume  et 
dans  les  altitudes. 

«  Loin,  très  loin  le  temps  des  poètes  noctambules  et  pochards, 
contempteurs  de  leur  époque  et  organisateurs  des  forces  légen- 
daires, le  temps  des  peintres  chevelus  et  hirsutes  en  pantalona  k 
la  hussarde  et  en  bérets  écarlaies  ;  bien  loin  ces  soirées  mémo- 
rables où  des  gilets  de  pourpre  exaspéraient  le  parterre  de  la 
Comédie-Française,  et  où  les  rapins  affectaient  de  ne  boire  leur 
piquette  ordinaire  que  dans  des  crânes  d'académiciens  classiques. 
Aujourd'hui  ils  marchaient  habillés  comme  tout  le  monde,  ne  se 
distinguant  que  par  leur  talent  et  leur  caractère. 

«  La  bacchanale  des  dirigeants  s'étonrdissail  en  une  rondo  de 
folie,  avec  des  transports  et  des  foreurs.  Des  signes  précurseurs 
d'un  écroulement  final  se  dessinaient  nombrfux,  topiques  édi- 
fiants, sur  ce  déco);^e  fêtes.  C'était,  parmi  les  austères  dîiier,  des 
catastrophes  répétées  :  des  financiers  véreux  en  police  correc- 
tionnelle, des  banquiers  au  bagne,  des  notaires  en  fuite,  des 
magistrats  surpris  en  flagrants  délits  honteux,  des  prêtres  indi- 
gnes, des  officiers  trafiquant  de  leur  graine  d'épinards  et  de  leur 
croix  d'ftonneur  avec  des  marchandes  k  la  toilette  ou  d'anciennes 
mondaines  tombées  au  proxénétisme,  des  fils  de  famille  inculpés 
de  faux  et  traînant  sur  les  bancs  de  la  Cour  d'assises  un  séculaire 
héritage  de  probité,  des  députés  pris  la  main  dans  le  tac  et 
chassés  do  leur  pays  par  le  dégotit  public,  des  fonctionntires  pré- 
varicateurs, des  gens  dé  police  associés  k  des  grecs  ou  spéculant 
sur  les  prostituées 

«  Au  dessus  d'eux,  comme  sur  un  sommet  accoutumé,  les 
artistes  travaillaient,  paisibles,  confiants,  désintéressés,  k  l'abri 
du  déluge  prévu  dont  le  torrent  balaierait  ces  pourritures  et 
rajeunirait  l'humanité.  Us  verraient  cela  de  très  haut.  Ils  assiste- 
raient k  la  grande  débâcle,  défendus  contre  la  contagion  par  la 
pureté  du  ciel  qui  baignerait  leurs  fronts,  sans  cesse.  El  c'était  de 
très  haut  déjk  qu'ils  considéraient  cette  foule  condamnée,  grouil- 
lante à  leurs  pieds  et  vers  laquelle,  des  couches  inférieures  de  la 
populace,  montait  une  armée  orga||isée  pour  des  lendemains 
farouches.  » 

Cette  page  remarquable  résume  la  nouvelle  œuvre  de  M.  Flor 
O'Squarr.  C'est  l'opposition  entre  la  sérénité  de  l'art,  se  suffisant 
k  lai-même  et  étant  son  propre  but,  auquel  la  considération  et  la 


SiiS- 


fortaM  ddiTCnl  venir  oomme  «nrerpH,  et  la  démoralisation  boor- 
geoise,  ae  vantranl  dans  les  plaiaira  aensaela  et  eherebani  dans  des 
apdmIalioBa  éhonlëea  le  moyen  de  satisfaire  k  celle  pasaion  de 
joaiasanee.  I-ea  deux  ordrea  d'idées  sont  développés,  areé  une 
grande  abondanre  de  détails,  avee  le  relief  de  tableaux  de  mœors 
caraetérisliqaes  entremêlés  d'aperçua  intéressants  liabilemenl 
mêlés  au  récit.  Gomme  transition  naturelle  et  constante  entre  ces 
mondes  opposés,  apparaît  l'amour  d'un  pur  artiste  pour  la 
femme  d'an  de  ces  braaseurs  d'aflbires  véreuses.  L'anleur  n'a  pas 
ménagé  lea  eontraalet  entre  lea  époux  de  ce  ménage  de  boiir- 
geoiaie.  Aalani  le  mari  sis  montre  dépourvu  de  sens  moral,  facile 
t  tous,  épanoui  dans  ses  désordres  et  comme  inionscient,  autant 
la  femme,  d'une  aensibilité  raffinée,  cache  héroïquement  les  tris- 
teaaas  de  l'kbandon,  ac  eonfibant  dana  an  isolement  invraiaem- 
blable,  sans  antre  préoeenpalion  que  de  conserver  intacte  l'hon- 
nételé  du  foyer  domestique  afin  que,  dans  les  joura  de  malheur, 
il  puisse  être  encore  un  refuge  pour  cet  homme  qui  la  délaisse  et 
qui  la  ruine. 

Cependant,  l'amour  reapeelueux  qui  s'offre  à  elTe  envahit  peu 
k  peu  le  vide  de  son  existence.  Par  des  ménagements  infinis,  avec 
une  patience  qu'aucun  délai  ne  décourage,  l'artiste  qui  s'est  épris 
d'elle  conquiert  sa  confiance;  il  ramène  un  peu  de  Joie  dans  cette 
ftme  désolée  et  par  la  délicatesse  et  la  constance  de  ses  soins,  il 
lui  fait  si  bien  entrevoir  une  perspective  de  bonheur  que,  surprise 
par  un  bmaque  retour  de  son  mari,  qui  avait  fui  h  Bruxelles  avec 
une  mattrease  devant  des  poursuites  imminentes  et  que  l'épuise- 
ment de  toutes  ressources  ramène  auprès  d'elle,  elle  ne  peut  se 
faire  b  l'idée  d'écbangerpar  la  cruelle  vie  d'autrefois,  la  vie  douce 
k  laquelle  aon  ami  l'avait  habituée  et  elle  court  ae  livrer  k  lui, 
froidement  et  sana  passion,  pour  venir  rapporter  k  l'époux  indigne 
l'annonce  de  ce  définitif  reniement  et  consommer  ainsi  leur  sépa- 
ration. 

Elle  le  croyait,  do  moins,  et  aon  amant  pouvait  le  croire  avec 
elle;  mais,  dans  l'esprit  de  cette  femme  sincère,  la  gène  d'une 
situation  équivoque,  la  honte  de  l'adultère,  mettent  obstacle  k 
l'amour  voulu  par  son  cœur.  Malgré  la  posseasion  journalière, 
l'amant  s'aperçoit  bienlét  qu'il  o^  d'elle  que  le  corps;  il  lui  faut 
recommencer  son  lent  travail  de  persuasion,  d'habileté  et  de 
patience  pour  l'avoir  tout  entière;  et,  lorequ'enfin  il  a  senti  se. 
fondre  les  dernières  résistances  en  un  élan  de  passion;  lorsque, 
par  un  nouveau  travail  pénélopien,  il  est  parvenu  même  k  asso- 
cier la  femme  aimée  aux  enthousiasmes  de  sa  production  litté- 
raire, no»  quant  an  aens  des  mots,  auquel  les  femmes  semblent 
réfractaires,  mais  qntinl  à  leur  sonorité  et  k  leur  harmonie,  il 
suffit  d'un  suprême  scandale  de  l'époux,  poursuivi  k  raison  de 
nouveaux  tripotages  financière,  pour  que  sa  femme  aille  le 
rejoindre  k  la  sortie  do  tribunal,,  afin  de  retrouver  auprès  de  lui 
l'apparence  décente  et  l'étiquette  de  convenance  nécesaaires  k  sa 
tranquillité. 

■oyennant  ce  souverain  préservatif  qui  reconstitue  sa  dignité  k 
ses  propres  yeux  et  aux  yeux  du  monde,  elle  conserve,  désormais 
sans  remords,  les  délices  de  son  amour  extra-conjugal,  car  «  sans 
doute,  le  secret  du  bonheur  pour  tous  était  dans  une  immense 
tolérance  jamais  lassée,  jamais  découragée,  s'étendant  au  pardon 
des  fantes  les  plus  hostiles,  des  compromis  les  plus  douteux  ». 

Le  livre  se  ferme  sur  l'acceptation  par  les  deux  amants  de  cette 
«  douceur  endormeuse  d'un  amour  discret,  d'un  amour  raison- 
naUe,  banal,  médiocre,  bourgeois,  pas  fier,  hypocrite  et  plate- 
ment sentimental  ». 


Peut-être  n*étail-il  pas  besoin,  pour  ce  dénouement,  de  mettre 
en  action  des  personnages  d'une  sensibilité  exquise  et  d'une 
délicatesse  d'exception  et  de  leur  faire  traverser  les  épreuves  que 
l'on  a  vues;  et  si  l'auteur  a  voulu  démontrer  que  les  esprits  les 
plus  raffinés  n'échappent  pas  k  la  banalité  universelle,  il  est  dou- 
teux qu'il  y  ait  réussi  en  mpntrant  comme  un  replâtrage  difficile 
ce  qui  se  constitue  si  naturellement  d'emblée,  sans  heurt  et  sans 
secousse.  Quoi  qu'il  en  soit,  cette  étude  d'un  artiste  consciencieux 
présente  un  véritable] intérêt,  et  se  lit  sans  fatigue,  ce  qui  n'est 
pas  un  mince  éloge  pour  une  œuvre  aussi  compacte,  parce  temps 
où  les  courts  loisirs  ont  mis  en  honneur  les  contes  abrégés  et  les 
rapides  nouvelles. 


Troisième  spectaole  de  la  saison  1890-91,  Paria. 

{Correspondance  particulière  de  l'Art  hoderne.) 

Conte  de  NoBl,  mystère  moderne  en  deux  tableaux  en  prose, 
par  M.  Auguste  Linerl.  —  A  minuit,  tandis  que  les  cloches  et  les 
chants  évoquent  la  naissance  de  Jésus,  choyée  par  Marie,  réchauffée 
par  les  bétes,  encensée  par  les  mages,  prédite  par  les  pro- 
phètes, —  Rosa,  mariée  depuis  quatre  mois  k  un  rude  paysan 
qui  ne  la  sait  pas  enceinte,  son  de  sa  cabane,  se  comprime  le 
ventre,  geint,  accouche,  s'affaisse.  Passe  la  mère  Raminoi  :  com- 
patissante, elle  fait  manger  aux  cochons  l'enfant.  Le  paysan  s'est 
réveillé.  De  vagues  explications  des  deux  femmes  le  rassérènent. 
Pour  réconforter  Rosa,  il  va  chercher  sur  le  poêle  on  peu  de  vin 
pas  tout  k  fait  froid,  entend  les  porcs  grogner,  et  demande  si  l'on 
n'a. pas  oublié  de  leur  donner  k  manger.  Des  plaintes,  d'intermi- 
nables gais  carillons,  des  chœurs  de  noêls,  la  continue  tombée 
de  la  neige,  des  limousines,  des  ulsters,  des  capuchons  dispa- 
raissant vers  l'église  :  moyens  d'expression  dont  s'est  servi 
M.  Linerl  pour  remplacer  bien  des  paroles  dans  en  «  mystère 
moderne  »  exécuté  parmi -le  décor  et  avec  l'excellente  naïveté 
de  votre  Massacre  des  Innocents  de  Breughel  le  Drôle. 

La  Fille  Elisa,  pièce  en  trois  actes,  en  prose.  —  Difficulté  de 
ces  sortes  d'adaptations  :  la  pièce  se  projetant  sur  la  toile  de  fond 
qu'est  le  roman  original,  ses  lacunes  ne  sont  pas  perceptibles  k 
l'auteur  qui,  derrière  elles,  voit  non  un  espace  neutre,  mais  les 
colorations  du  roman.  Qu'on  suppose  aboli  le  roman  de  M.  de 
Goncouri,  et  les  motifs  de  l'assassinai  du  soldat  Tanchon  par 
Elisa  ne  sembleront  peut-être  pas  suffisamment  explicites  (acte  I). 
Par  leur  sobriété,  leur  énergie,  la  forte  émotion  qui  les  pénètre, 
les  scènes  de  la  maison  centrale  (acte  III)  sont  la  partie  essentielle 
de  l'œuvre  de  M.  Ajalberl.  Quant  à  l'acte  II,  il  est  empli  par  la 
plaidoirie  du  défenseur  d'Elisa.  11  faut  admettre  que  cet  acte, 
restitution  d'une  séance  de  cour  d'assises,  n'est  pas  seulement  un 
tableau  vivant  et  un  trompe-l'œil.  En  faisant  spéculer  l'avocat  sur 
l'enfance  de  sa  cliente  et  sur  la  condition  des  prostituées,  nulle- 
ment sur  les  causes  profondes  du  crime  d'Elisa,  M.  Ajalbert  act^ 
voulu  marquer  l'impossibilité  de  pénétrer  le  pourquoi  d'un  acte, 
signifier  l'impudence  et  l'inanité  de  tout  essai  de  justice.  Cette 
faculté  de  sympathie,  celte  compréhension  attentive  des  tristesses 
d'ftmes  iréles,  que  témoignèrent  les  romans  le  P'tit,  En  Ahock 
et  le  poème  Si;R  les  tali;s,  rendaient  M.  Ajalbert  apte  autant  que 
pereonne  k  mettre  k  la  scène  ce  roman  de  pitié.  Les  mêmes 
œuvres  le  montraient  amusé  des  tropes  populaires  et  des  locutions 


professionnelles,  et  habile  à  les  immobiliser  dans  une  phrase. 
Aussi  la  conversation  de  Gobe-la-Lune  cl  de  Maric-Coup-dc-Sabre, 
au  premier  acte,  au  deuxième,  les  dialogues  des  avocats,  au 
troisième,  les  sinistres  et  bouffons  bavardages  de  la  mère  d'Ellsa 
sont-ils  un  amusant  enguirlandagc  aux  situations.  La  gesticulation 
de -M"»  Gahricllc  Flcury  est  d'une  drôlerie  pétulante,  et  le  jeu  de 
M"'  Nau,  à  figurer  Elisa,  est  juste  et  pathétique.  F. 


trois  actes  de  vaudeville  ne  (rainent  pas,  ce  qui  iMtralt  exiraor* 
dinaire  quand  on  réOéchil  k  la  ténuité  de  i'inirigue. 

Et  autour  de  M''*  Nesville,  la  troupe  des  Galeries,  augmenlé» 
de  quelques  bonnes  recrues  :  M"*  Fossootbroni,  M.  Hérault,  etc., 
forme  un  ensemble  homogène  très  satisfaisant. 


THÉÂTRES 

Ma  Cousine.  —  Miss  Helyett. 

Deux  spcclaclcs  se  pariagcnl  en  ce  moment  Bruxelles  :  au 
Parc,  Ma  Cousine,  un  Meilhac  de  date  récenle  ;  aux  Galeries, 
Misi  Helyett,  la  dernière  fantaisie  de  Maxime  Boucheron, 
rythmée  de  quelques  couplets  par  M.  Audran  «  l'heureux  auteur  » 
de vous  savez  quoi  ! 

L'un  et  l'autre  vivent  surtout  du  talent,  de  la  grâce  et  de  la 
bonne  humeur  de  leur  principale  interprèle  :  M"*  Berlhe  Cemy 
dans  Ma  Cousine,  M"'  Juliette  Nesville  dans  Miss  Helyett. 

Celle  cousine?  C'est  Riquctic,  comédienne  bonne  fille,  si  bonne 
fille  qu'elle  consent  très  voloniiers  à  jouer  dans  la  vie  réelle  un 
bout  de  rôle  destiné  !i  arrêter  rcmballcmenl  du  baron  d'Arney  la 
Hultc  pour  M""»  Champcourlicr.  Le  procédé  est  fort  simple  : 
Riqueiie  csl  exquise,  elle  s'offre  malicieusement,  elle  sert  de 
paratonnerre,  déiourne  l'amour  du  baron,  le  confisque,  et  puis 
s'en  va  en  riant  à  ses  affaires.  Tout  cela  pour  faire  plaisir  à  celte 
aimable  Clotildc,  la  baronne,  fort  désolée  de  l'abandon  de  son 
mari  que  Riquelle  lui  restitue  après  l'avoir  1res  adroitement 
enlevé  Si  sa  maîtresse. 

Le  tout  dans  un  décor  essentiellement  moderne,  mondain, 
frivole,  éloffé  de  gens  de  Cercle,  de  comédiens  de  paravent,  de 
femmes  Fancy-fairantes,  —  le  milieu  parisien  que  M.  Meilhac 
excelle  à  dessiner  d'un  crayon  léger,  à  animer  d'un  gazouillis 
spirituel  et  gai. 

11  y  a  même  un  peu  plus  que  de  l'observation.  Une  raillerie  fine 
s'insinue  dans  les  croquis  présentés  au  public  par  M.  Meilhac,  qui 
1res  doucement  blague  la  futilité  des  gens  dits  du  monde  et  donne 
à  l'actrice,  au  rebours  de  conventions  hypocrites,  le  rôle  de  la 
femme  honnête  qui  dénoue  les  situations  scabreuses. 

M"«  Cemy  est  parfaite  dans  le  personnage  de  Biquette,  qu'elle 
joue  avec  discrétion,  avec  esprit,  avec  goût.  Elle  a  d'emblée 
conquis  toutes  les  sympathies. 

Le  succès  de  M''«  Nesville  dans  Miss  Helyett  n'est  pas  moindre. 
11  s'agit,  en  cette  folle  histoire,  d'une  austère  et  pudibonde  Amé- 
ricaine, fille  d'un  pasteur,  qui,  en  se  laissant  choir  dans  les 
montagnes,  a  laissé  voir...  ce  que  vous  devinez,  et  ce  durant  un 
laps  de  temps  assez  long,  liélas!  pour  qu'un  peintre  indiscret  ait 
pu  prendre  un  croquis  de.. .  l'objet.  Miss  Helyett  veut  une  répara- 
tion. Et  celle-ci  s'impose  :  le  mariage.  Mais  l'artiste  a  dîsparu. 
Il  faut  le  retrouver.  La  pièce  se  passe  en  perquisitions  invraisem- 
blables dans  les  Casinos.  Les  fiancés  abondent,  car  Miss  Helyett 
est  charmante.  Comment  reconnaître  le  véritable, celui  qui  a  vu... 
ce  que  les  autres  n'ont  pas  vu  ?  On  devine  les  incidents  extraor- 
dinaires auxquels  cette  donnée  de  haute  fantaisie  donne  lieu.  Le 
hasard  (et  le  besoin  de  clore  le  troisième  acte)  amène  providen- 
tiellement aux  pieds  de  la  jolie  Américaine  un  album  révélateur 
—  celui  d'un  jeune  français  que  Miss  Helyett  adore. .. 

Grâce  à  l'originalité,  à  l'excentricité  sobre  de  M"»  Nesville,  ces 


J30RRE3PONDANCE 
A  proj><MS  de  la  aympkoiile  de  Zi.  Kefer. 

Exécution  à  Verviert.  - 

Vous  voudriez  quelques  mots  sur  la  symphonie  de  L.  KeferT 
Je  me  demande  si  je  puis  en  parler,  je  ne  puis  vous  don||^r 
qu'un«  impression  :  cela  me  dépasse,  comme  toutes  les  œuvres 
d'art  fortes,  vraies  et  profondes.  C'est  au  dessus  du  cercle  de 
choses  que  je  force  mon  cerveaii  k  broyer  poar  en  extraire  l'es- 
sence sous  forme  de  résumé. 

Je  ne  vous  dirai  pas  si  j'admire,  ni  comment  ;  je  ne  peux  pas 
le  dire  non  plus  quand  je  suis  devant  un  Rembrandt;  j'éearqDille 
mes  yeux,  je  jouis,  je  deviens  très  bétc  ;  il  se  passe  k  mon  inia 
une  foule  de  choses  dans  ma  léte,  il  se  passe  dans  mon  être  d«s 
choses  qui  me  font  bien  voir  que  je  ne  suis  pas  le  maître  chez 
moi. 

Je  pourrais  vous  dire  que  la  symphonie  de  L.  Kefer  est  pui»- 
santé,  qu'une  seule  idée  la  traverse,  qu'elle  est  moderne,  person- 
nelle. /^ 

Nais  elle  est  plus  que  cela. 

A  cette  époque  où  la  personnalité  dans  l'art  se  prêche  h  peu 
près  de  la  même  façon  que  la  «  spécialité  »  dans  le  commerce,  il 
est  bon  de  crier  aux  honnêtes  moutons  qui  s'ingénient  uniformé- 
ment à  se  singulariser  : 

—  «  Que  faites- vous  de  l'impersonnel,  de  l'élément  étemel, 
humain?  » 

Ils  croient  l'interpréter  quand  ils  ont  revêtu  quelque  immense 
chose,  banalement  comprise,  de  leur  petite  couleur. 

On  se  cherche  dans  leurs  œuvres,  on  les  y  retrouve,  eux,  tou- 
jours eux. 

El  alors  quel  repos,  quel  bienfait,  quel  bienheureux  ahurisse- 
ment de  notre  faculté  de  jouir,  quand  une  vraie  œuvre  nous  est 
donnée,  qu'on  sent  être  sortie  de  l'instinct  profond,  impersonnel 
d'un  être  semblable  k  vous,  une  œuvre  qui  ne  vous  fait  pas  penser 
il  son  auteur,  qui  vous  fait  penser  k  vous  même,  vous  emporte  au 
loin,  et  vous  fait  croire  un  instant  h  votre  propre  grandeur. 

Voilà  l'œuvre  de  Kefer. 

C'est  ainsi  qu'elle  a  été  comprise  par  la  majorité  du  public  ;  — 
quand  je  dis  comprise,  je  lui  fais  trop  d'honneur  au  public  —  il 
ne  comprend  jamais  ces  choses  Ik.  Parfois  il  les  sent,  c'est  ce  qui 
est  arrivé  hier;  —  k  part  naturellement  pour  une  minime  frac- 
tion de  gens  qui  ont  acheté  de  la  distinction  k  un  maître  de  danse 
et  qui  ne  sont  pas  capables  de  rien  sentir;  ceux  Ik  se  sont  mis  k 
«  analyser  ».  Trois  jeunes  perruches  derrière  moi,  a  analysaient  » 
du  bout  de  leurs  jolies  langues,  tout  le  long  de  la  symphonie. 
Elles  approuvaient  même  je  crois  I  «  Jolie  phrase,  ça  ressemble 
k c'est  laid  ces  dissonnances.  » 

Faudra-t-il  qu'il  vienne  une  révolution  pour  réveiller  ces 
hommes  et  ces  femmes  qu'une  absorbante  étude  de  singeries 
mondaines  empêche  d'être  atteints  par  tous  les  grands  courants 
humains  T 


''STÏ''"'  .'■  ■  ' '■.•'Sïï' ■-•■'.- 


i;art  moderne 


17 


Ceci  soit  dit  pour  me  veager  des  pemiehei,  que  j'élèverai  k  la 
qualité  de  grues  si  on  veut  ;  le  public  a  M  chaud  et  enthousiaste. 

I,  WaL. 


MUSIQUE 

Un  nonveaa  aolfèce 

M.  Jean  Van  den  Eeden,  directeur  du  Conservatoire  de  Mons, 
vient  de  publier  un  solfège  de  perfectionnement  qui  constitue  un 
nouble  progrès  sur  les  solfèges  antérieurs  (i).  Il  a  principale- 
ment pour  bal  d'enseigner  anx  élèves  les  déplacements  réels  que 
font  subir  aux  sons  les  changements  de  clefs,  en  même  temps 
qu'il  familiarise  les  apprentis  musiciens  avec  rutafede  toutes  les 
clefs  et  qu'il  les  accoutume  à  la  transposition.  "^ 

11.  Van  den  Eeden  prend  pour,  base  de  sa  théorie  la  clef  de  «o^ 
la  mieux  connue  et  la  plus  usitée.  Il  y  rapporte  la  notation  des 
six  autres  clefs,  et  montre  dans  un  tableau  synoptique  leur  dia- 
pason véritable.  En  se  gravant  le  tableau  dans  la  mémoire,  les 
chanteurs  se  rendront  aisément  compte  du  degré  exact  auquel 
correspond' toute  notation  musicale,  quelle  que  soit  la  clef  placée 
i  l'armure. 

On  comprend  l'utilité  de  pareilles' études  pour  la  lecture  ii  vue 
des  anciennes  partitions,  de  la  musique  d'église,  etc.,  dans 
lesquelles  les  clefs  aujourd'hui  tombées  en  désuétude  étaient  fré- 
quemment employées. 

Les  exemples  cités  par  M.  Vanden  Eeden  sont  judicieusement 
choisis  et  présentent  un  ensemble  artistique  qu'on  n'est  guère 
accoutumé  i  trouver  dans  les  ouvrages  théoriques  de  ce  genre. 
On  serait  tenté  de  solfier  par  pur  agrément  les  quarantes  leçons 
mélodiques  et  rythmiques  qui  composent  le  recueil  tant  elles 
présentent  de  variété  et  d'attrait. 

Onunnudre  mnalcale  on  théorie  complète  des  principes 
de  musique,  par  demandes  et  réponses,  avec  tableaux  intuitifs, 
par  Jvuxs  Viknne,  professeur  au  Conservatoire  de  Bruxelles.  — 
Bruxelles.  Propriété  de  l'auteur. 

Une  lettre  par  laquelle  M.  Gevaert  félicite  l'auteur  de  la  clarté 
de  son  exposé  et  lui  annonce  que  l'ouvrage  est  adopté  officielle- 
ment par  l'enseignement  du  Conservatoire,  sert  de  préface. 

Ainsi  se  trouve  consacrée  la  valeur  de  celle  nouvelle  Gram- 
maire, appelée  il  rendre  de  réels  services.  H.  Vienne  a  résumé 
avec  beaucoup  de  précision  les  principes  de  la  musique,  et,  en 
soixante-quinze  pages,  passe  en  revue  toute  la  théorie  qu'il 
importe  aux  musiciens  de  connaître. 


Petite  chroj^ique 


Les  XX  ouvriront  dans  les  premiers  jours  de  février,  au  Musée 
moderne,  leur  VllI*  Salon  annuel. 

Voici  la  liste  des  artistes  invités  à  y  prendre  part  : 

MM.  Eugène  Smits  et  Charles  Van  der  Slappen  (Belgique), 
Maurits  Bauer  et  Floris  Verster  (Pays-Bas),  Waller  Crâne  et 
P.  Wilson  Sieer  (Angleterre),  Charles  Angrand,  Jean  Baffîer, 
Jules  Chéret,  Filliger,  Paul  Gauguin,  Armand  Gulliaumin,  Camille 
Pissarro,  Georges  Seurat,  A.  Sisley  (France),  Cari  Larsson  (Suède). 

L'Exposition  sera  complétée  par-  un  choix  d'œuvres  (peintures 

(1)  Bruxelles,  Katto,  éditeur. 


et  dessins  à  la  plume)  de  feu  Vincent  Van  Gogli,  l'artiste  si  per- 
sonnel enlevé  h  l'art  l'été  dernier. 

On  cite,  dès  ii  présent,  comme  devant  exciter  particulièrement 
l'intérêt,  le  Chahut  de  Georges  Seûrat,  dans  lequel  l'artiste 
applique  une  nouvelle  théorie  sur  l'harmonie  des  lignes;  les  bas- 
reliefs  et  les  vases  en  poterie  émaillée  de  Paul  Gauguin;  le  surtout 
de  table  en  argent  exécuté  pour  la  Ville  de  Bruxelles  par  Charles 
Van  der  Stappen  ;  les  illustrations  en  coij^leurs  de  Walter 
fîrane,  etc. 

Des  conférences  et  des  concerts  initieront  le  public  à  révolution 
des  Lettres  et  de  la  Musique. 

C'est  jeudi  prochain  que  la  Jeune  Belgique  célèbre,  par  un 
banquet,  la  dixième  année  de  sa  fondation.  La  cérémonie 
s'annonce  comme  devant  être  fort  brillante.  Des  hommes  de 
toutes  les  générations  artistiques  ont  tenu  à  donner  6  l'afl  jeune, 
b  l'art  régénérateur,  un  témoignage  de  sympathie.  C'est  un  signe 
des  temps  nouveaux  que  cet  enthousiasme  pour  la  rénovation 
littéraire  à  laquelle  ce  groupe  de  vaillants  a  apporté  sa  pierre. 

Le  premier  Concert  populaire  aura  lieu  dimanche  prochain, 
i  1  1/3  h.,  au  théâtre  de  la  Monnaie,  sous  la  direction  de 
H.  Joseph  Dupont.  Celui-ci  abandonnera  la  direction  de  la  pre- 
mière partie  du  concert  à  M.  Adolphe  Samuel,  fondateur  des 
Coucerls  populaires,  qui  dirigera  sa  symphonie  n°  6,  exécutée 
récemment  avec  succès  ii  Cologne. 

Les  Concerts  populaires  célébreront  ainsi  leur  2S' anniversaire. 

Voici  le  programme  complet  de  celte  intéressante  audition  : 

1.  Symphonie  en  ré  mineur  (rfi%).  Ad.  Samuel; 

2.  Ouverture  à'Eléonore,  L.  von  Beethoven; 

3.  Fragments  de  la  Damnation  de  Faust  (chœurs  et  orchestre), 
H.  Berlioz; 

4.  5«  concerto  pour  violon  et  orchestre,  H.  Vieuxiemps,  joué 
par  m;  Eugène  Ysaye; 

5.  Fragments  du  Crépuscule  des  dieux,  R.  Wagner; 

6.  Introduction  du  3«  acte  des  Maîtres-Chanteurs,  défilé  des 
corporations,  choral  et  final  (chœurs  el  orchestre),  R.  Wagner. 

Après  le  concert,  un  banquet  jubilaire  réunira  les  composi- 
teurs, les  administrateurs,  les  amis,  etc. 

On  peut  souscrire  chez  MM.  Scholt  frères  à  raison  de  5  francs 
par  couvert  (vin  non  compris). 

Nous  publierons  la  semaine  prochaine  une  appréciaiion  des 
œuvres  de  Xavier  Mellery  exposée  au  Salon  des  Aquarellistes.  Le 
défaut  d'espace  nous  oblige  a  en  ajourner  l'inserlion. 

A  V.  P.  —  C'est  au  tome  1,  p.  308,  col-  1,  de  sa  Biographie 
universelle  des  musiciens  (2"«  édition,  Paris,  Firmin  Didol),  que 
F.-J.  Fétis  raconte  l'anecdote  relativi;  à  Beethoven  à  laquelle 
nous  faisions  allusion  dans  notre  article  intitulé  :  Une  allocution 
DE  M.  Gevaert  {An  moderne,  1890,  p.  412).  Voici  le  lexie  : 
«  Dans  une  soirée  musicale,  chez  le  comte  de  Brown,  où  se  trou- 
vait réunie  l'élite  de  la  haute  société  viennoise,  Beethoven  devait 
jouer  une  nouvelle  composition  à  quatre  mains  avec  son  élève 
Ries.  Ils  avaient  di'jii  commencé  l'exécution  de  ce  morceau, 
lorsque  le  jeune  comte  de  P....,  placé  à  l'entrée  du  salon, 
troubla  le  silence  en  parlant  à  une  dame.  Après  quelques  efforts 
inutiles  du  maître  delà  maison  pour  faire  cesser  cette  conversation, 
Beethoven,  arrêtant  les  mains  de  Ries  sur  le  clavier,  se  leva 
brusquement,  et  dit  assez  haut  pour  être  entendu  de  tout  le 
monde  :  «  Je  ne  jouerai  pas  devant  de  semblables  pourceaux 
(FOr  solche  Schweine  spiel  ich  nicht).  » 


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0NZIl3iCE  ANNÉE  ■■     .■  '.w        '  :;  \^^^'::v.:;~ 

L'ART  MODBRNB  s'est  acqnis  par  l'aato:^>«t  l'ind6p«Ddaiie«  de  M  vfVA^w,  ^^''^^^^'j^^ 
informations  et  les  soins  donnés  à  sa  rédaiotion  «OA^aioe  prépondérante.  Aucune  fflanubstation  a*  lArf  M 
lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  litt«r«tlire,  de  poUltare,  de  SOalptarer^  de  grftylUrttt  de  OMimiM» 
d'arohiteoture,  etc.  Consacré  principalement  au  monvement  artistique  belge,  Il  renseigne  Béannoil^a,.  Mt 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistique*  de  Tétranger  qn'U  importe  de  oonnaitre. 

Chaque  numéro  de  L'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  queavlon  artittiqM 
ou  littéraire  dont  l'événement  de  la  semaine  fournit  l'aotuallté.  Les  «opotUiotu,  les  Umret  nowswuce,  IM 
premières  représentations  d'ceuTres  dramatiques  on  musicales,  les  conférencet  littéraires,  les  concerts,  lei 
ventes  dobjets  d'art,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  Il  rend  compte  des 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  JtejfMjgwrr  Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complète  ae8^|iÉMralOIUi  «t 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'éteuiger.  Il  est  envoyé  I^IWllltoUieilt  à 
l'essai  pendant  un  mois  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande.      9K  « 

L'ART  MODERNE  forme  chaque  année  un  beau  et  fort^mnme  d'environ  480  pagM.  «▼««  iM» 
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OMatMi  AMMta.  -T-  N*  3. 


Le  numého  :  S6  csntimbs. 


DiuANCHK  18  Janvier  1891. 


-éif^: 


MODERNE 


PARAISSANT    LB    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LÀ  LTFTÉRÂTDRE 

Comité  de  rédaction  t  Ootatb  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Ëuilb  YERHAEREN 


▲BOmnBMXNTS  t   B«l«:ique,   un  an,  fr.  10.00;  Union  postale,   fr.   13.00.   —  ANNONCXS  :    On  traite  i  forfait. 


Adresser  toute*  les  communications  d 
L'ADHoasTRÂTioN  oÉNÉRALR  DE  TArt  Modome,  me  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


SnonuD).  —  Peinas  in  ysks  et  km  pro8b.  —  Un  Artiste.  — 
Au  CU.DOASI,  par  Engène  de  Oroote.  —  Les  Trotins  de  Berlioz.  — 
La  Sodirri  des  AQUAroRTUTEt.  —  CRmco-iniNDiciTâ.  —  TaiATREs. 
X«  Régiment.  —  Meuento  des  EzposmoNS.  —  Petite  cbroniqoe. 


SIEGFRIED 

Siegfried,  tnenr  de  vMmirw,  Siegfried,  symbole  de 
jouneese,  de  Tïguear,  d'ingénuité  charmante  et  de  bra- 
Toore,  est  apparu  sur  la  acène  de  la  Monnaie,  devant  ce 
même  pubUc  à  qui,  il  y  a  peu  d'années,  le  seul  nom  de 
Wagner  fusait  &ire  la  grimace. 

Et  Siegfried  a  vaincu  les  hostilités  comme  il  dompte 
les  0018  etônlbate  les  dragons.  Il  a  été  acclamé  par  un 
anditmre  que  cet  absolu  chef-d'œuvre  a  secoué  jusque 
dans  les  moelles  (ô  les  sifSets  imbéciles  qui  tentèrent 
jadis  de  ternir  l'apothéose  de  l'art  triomphant  !) 

Malgré  la  médiocrité  de  l'interprétation  (soyons  sin- 
côree),  malgré  la  puérilité  de  certaines  parties  de  la  mise 
en  scène,  malgré  les  accrocs  saugrenus  survenus  au 
cours  de  la  première  représentation,  le  succès  a  été  écra< 
sant,  onanime,  décisif.  Ne  retenons  de  ce  nouvel  esf  ai 
d'il||poiÙ8ation  du  drame  lyrique  sur  nos  scènes  d'opéra 


que  cette  impression,  et  bornons-nous  à  cette  constata- 
tion. La  jouissance  était  si  vive,  de  voir  le  Sieg/ried  de 
nos  primes  enthousiasmes,  notre  Siejj^ried,  quitter  la 
nébuleuse  Germanie  pour  marcher  S  la  conquête  du 
pays  latin  et  y  pénétrer  en  vainqueur.  Tout  a  cédé,  en 
cette  soirée  de  fête,  à  la  joie  de  la  victoire  remportée. 

Trop  allemand,  le  sujet?  Trop  longue,  la  partition? 
Dénuée  de  mouvement  scénique,  et  partant  d'intérêt, 
l'action  ?  Que  sont  devenus  tous  ces  griefs,  gravement 
formulés  par  les  péroreurs  en  chambre  qui  élèvent 
patiemment  des  châteaux  de  cartes  d'arguments  infail- 
libles sur  lesquels  souffle  en  riant  l'artiste  de  génie.     ■ 

A  mesure  que  se  déroule  devant  nos  yeux  éblouis 
l'épopée  wagnérienne,  les  brouillards  se  dispersent,  se 
déchirent  par  lambeaux,  percés  par  d'étincelants 
rayons.  Bt  toutes  les  objections  que  l'ignorance  et  le 
parti-pris  avaient  amassées  s'écroulent. 

Il  n'est  pas,  on  l'a  dit,  une  théorie  qui  n'ait  été 
démentie  par  un  chef-d'œuvre.  A  coups  de  chefs- 
d'œuvre,  Wagner  a  démoli  l'extravagant  édifice  de  cri- 
tiques élevé  par  les  poncifs  de  la  routine.  Jusqu'à  cet 
extraordinaire  reproche  de  «  système  >,  dont  ces  jours-ci 
encore  il  fut  question,  et  auquel,  dans  un  superbe 
article,  le  seul  qui  tranche  sur  la  banalité  des 
compte  rendus  de  la  presse  quotidienne,  M.  Victor 
Arnould  a  si  justement  répondu  : 

«  Un  homme  de  génie  comme  Wagner  n'a  pas  de 


j5'' vf  -■«••  J^mK~i>T'  ' 


20 


L'ART  MODERNE 


système;  le  jour  où  il  en  construirait  un,  et  y  adapte- 
rait une  œuvre  d'art,  il  serait  mort  pour  l'art,  les  sour- 
ces jaillissantes  de  la  vie  se  tariraient.  Le  génie  suit,  en 
vertu  de  ses  propres  lois,  son  évolution  mentale,  aussi 
logique  et  fatale  que  le  développement  et  la  croissance 
/d'un  germe  et  l'épanouissement  d'une  plante.  Il  n'y  a 
qu'une  pensée  chez  Wagner,  l'assimilation  à  sa  propre 
âme  de  l'âme  collective  germanique  tout  entière,  en 
recourant  à  tous  les  moyens  de  l'art  pour  en  rendre 
l'expression  extérieure  la  plus  puissante,  vraie,  inten- 
sive, totale  qu'il  pourra,  tout  ne  devant  concourir  qu'à 
l'expression  de  la  pensée  génératrice.  Et  c'est  pour  cela 
que  les  moyens  changent  avec  la  nature  même  et  le 
caractère  de  l'objet  à  rendre,  à  reproduire  et  à  ranimer 
par  l'inspiration  et  le  souffle,  jusqu'à  la  vraie  vie  nou- 
velle et  désormais  immortelle,  la  haute  vie  de  l'Art.  » 

Le  «  système  »  de  Wagner?  Qu'on  nous  le  montre, 
de  grâce,  dans  Siegfried  comparé  avec  les  Maîtres 
ChanteurSi  ou  avec  Tristan,  ou  avec  Parsifal. 
A  moins  d'admettre  qu'il  ait  changé  de  -  système  »  dans 
chacune  de  ses  prodigieuses  créations.  Mais  alors,  que 
signifierait  le  terme  ? 

Siegfried,  panneau  central  du  vaste  tryptique  des  Ni- 
belungen,  appartient  à  l'art  qui  peut  être  compris  de 
tous  et  doit  émouvoir,  non  telle  catégorie  de  personnes, 
non  les  citoyens  de  telle  nation,  mais  l'humanité.  C'est 
même,  de  tous  les  drames  du  maître,  le  moins  exclusi- 
vement germanique.  Il  n'a  d'allemand  que  le  décor, 
l'appropriation  que  Wagner  a  faite  des  ressorts  drama- 
tiques des  antiques  tragédies  au  cycle  d'aventures 
mythologico-patriotiques  qui  constituent  la  tétralogie. 
Il  puise  la  vie  et  l'intérêt  dans  les  sentiments  profonds 
et  simples  qui  sont  de  toutes  les  époques  et  de  tous  les 
pays.  Il  les  développe  avec  une  extraordinaire  noblesse, 
et  la  naïveté  même  des  moyens  d'expression  :  les  bêtes 
qui  parlent,  les  dieux  qui  présagent  les  événements,  les 
mystérieuses  vertus  du  casque  qui  rend  invisible,  de 
l'épée  invincible,  de  l'anneau,  symbole  de  toute-puis- 
sance et  de  mort,  toute  cette  féerie  ingénue  et  char- 
mante lui  donne  une  saveur  rare  de  drame  populaire, 
jailli  d'un  ensemble  de  traditions  et  de  légendes  fleu- 
ries. 

On  voudrait  voir  l'œuvre  représentée  en  plein  air,  en 
quelque  vaste  cirque,  avec  un  horizon  de  montagnes  et 
de  forêts  pour  toile  de  fond.  Les  moyens  de  réaliser  les 
effets  scéniques  voulus  par  Wagner  paraissent  si  insuf- 
fisants! C'est,  constamment,  un  étranglement,  une  com- 
pression. Le  drame  fait  craquer  le  décor  enfantin  dans 
lequel  il  est  enfermé.  On  le  sent  gigantesque,  impé- 
tueux ;  et  son  essort  se  heurte  à  des  cartonnages  gros- 
siers, à  des  toiles  barbouillées.  A  Bayreuth  même,  mal- 
gré la  supériorité  de  la  mise  en  scène,  il  nous  souvient 
de  tels  détails  qui,  en  1876,  choquèrent  et  attristèrent 
les  plus  fervents. 


Et  cette  indécision  de  l'orchestre,  et  ces  fâcheries 
de  chanteurs  inexpérimentés  (exceptons  îâ.  La&rge, 
qui  a  vraiment  donné  une  belle  allure  et  un  caractère 
épique  au  héros),  et  tout  ce  cahin-caha  d'une  exécation 
qui  décèle  des  interprètes  écrasés  par  une  tache  au  des- 
sus de  leurs  forces,  quel  ennui,  quel  continuel  énerve- 
ment.  La  voix  harmonieuse  de  M*"*  Langlois  ne  justifie 
pas  le  choix,  pour  un  rôle  tel  que  celui  de  Brunnhilde, 
d'une  jeune  femme  sortie  fraîchement  du  Conservatoire 
et  qui  a  tout  à  apprendre. 

Malgré  tout  cela,  l'effet  a  été  produit,  irrésistible- 
ment. Et  nons-mème,  nous  avons  retrouvé  quelques- 
unes  des  troublantes  impressions  de  jadis. 

Raisonner  l'émotiou  ressentie  ?  A  quoi  bon  ? 
Pourquoi  ces  inspirations  tantôt  ingénues,  tantôt  pas- 
sionnées, cbulées  en  lave  brûlante  et  en  ruisseaux  de 
flammes  (oh  !  ce  quatrièûie  tableau,  la  scène  d'amour  la 
plus  ardente  qui  soit!)  nous  prennent-elles,  invincible- 
ment, et  nous  étreignent-elles  avec  une  irrésistible 
violence,  si  ce  n'est  parce  que  nous  y  trouvons  le  reflet 
de  nos  propres  sensations,  la  mise  à  nu  de  notre  cœur 
et  de  notre  cerveau  ? 

La  triomphante,  la  bouillonnante  jeunesse  de  Sieg- 
fried aux  prises  avec  les  cauteleux  desseins  de  Mime, 
l'astuce  et  la  perfidie  déjoués,  au  deuxième  acte,  par 
l'expérience  naissante  du  héros,  sa  bravoure  incon- 
sciente, puis,  au  troisième  acte,  l'amour  enseignant 
tout  à  coup  la  crainte  à  l'adolescent,  et  rendant  timide 
le  guerrier  qui  vient  de  traverser  les  flammes,  quel 
poème  d'humanité,  concis,  séduisant,  que  la  dernière 
partie  de  l'œuvre,  cette  prodigieuse  GôUerddmmerung , 
couronnera  en  l'élargissant  aux  proportions  épiques.  Et 
déjà,  au  troisième  acte,  le  dramo  de  Siegfried  se 
hausse  au  niveau  des  grandes  tragédies,  vogue  à 
pleines  voiles  vers  la  haute  mer  où  la  Oôtterdàmme- 
rung  va  le  maintenir,  insubmersible. 

Ainsi  va  croissant,  d'acte  en  acte,  presque  de  scène 
en  scène,  l'intérêt  decette  merveilleuse conception,auquel 
se  soude  étroitement  la  symphonie  la  plus  raffinée,  la  plus 
fouillée,  la  plus  parfaite  qui  se  puisse  concevoir.  Mieux 
encore  que  dans  la  Walkûre,  la  partition  est  tissée 
d'un  unique,  continu  et  prodigieux  travail  qui  ne  laisse 
ni  un  trou,  ni  une  hésitation.  Elle  a  le  caractère  défi- 
nitif de  l'œuvre  d'art  absolue,  immuable,  appelée  à 
rayonner  parmi  les  purs  chefs-d'œuvre,  à  éclairer  le 
siècle,  à  élever  et  à  réconforter  les  âmes. 


POÈMES  EN  VERS  ET  EN  PROSE 

L'Appel  des  Voix,  parCsiLEus  SLum,  Bruxellgi.  P.  Lacomblei. 
L'Ame  des  choses  par  Hector  Chaînât*,  Paris,  Vanier. 

Du  premier  : 

Certes,  tels  vers  de  ce  livre  ont  élé  cueillis  au  jardin  de  lys  de 


,K(iJ;T'>yivx^fi'-^?'^^^  ■ 


VART  MODERNE 


21 


M.  Severin.  D'anlrei  font  songer  k  des  poètes  moindres.  L'appel 
^0«  voix  Ml  souvent  l'écho  des  voix.  Qu'importe  ! 

Malgré  ces  tares  d'imitation,  voici  qu'un  poète  s'affirme  ému  de 
son  réye  et  qu'il  se  chante  doucemeni,  en  des  vers  flottants 
comme  des  écharpes  de  brouillards  blancs,  l'automne,  au  matin 
des  beaux  jours  de  soleil. 

I/M  fleurs  ont  dit  des  mots  pour  endormir  leurs  yeux 

Et  candide  jardin  aux  ombres  repliées 

Les  vierges  ont  vécu  les  légendes  du  Livre 

Et  la  paix  descendit  parmi  leurs  longs  cheveux" 

On  dirait  sur  Ijgs  flots  des  torches  et  des  flammes 

Ces  cilatioos,  n'est-ce  pas,  qu'elles  prouvent  le  poète  indénia- 
blement. A  parcourir  ce  volumiculet  op  retrouve  constamment, 
une  telle  impression  de  douceur  blanche  et,  parfois,  une  telle 
pureté  de  charme  et  de  lenteur  qu'on  se  rappelle  telles  poésies, 
signées  jadis,  par  quelqu'un  qui  depuis  semble  se  taire  :  Georges 
Khnopff.  M.  Mockel  a  qualifié  ce  dernier  poète  :  angélique. 
Jamais  plus  exact  adjectif  ne  marqua  un  jugement  sur  un  artiste. 

M.  Sluyts  est  de  la  même  famille  d'esprits.  Il  est  rêveur,  can- 
didement. La  vision  qu'il  a  des  choses  n'est  jamais  directe; 
toujours,  elle  apparaît  voilée  par  le  songe  et  souvent  même  par  la 
musique  de  son  vers  lent.  11  se  promène  ailleurs  que  dans  la  vie 
réelle,  là-bas,  parmi  des  fleurs,  en  des  parcs  de  châteaux.  Les 
cygnes  sur  des  lacs  —  ceux  des  fées  et  des  héros  —  lui  parlent. 
Il  conçoit  l'existence  d'après  leur  neigeux  voyage  à  travers  les 
étangs  bleus.  Et  son  livre  est  comme  un  recueil  de  souvenirs 
rassemblés  en  son  pays  chimérique  dont  la  brutalité  du  vrai  jour 
fait  paraître  la  couverture,  banalement  jaune. 

Citons  pour  terminer  ceci.  La  pièce  s'intitule  :  Le  Poêle. 

Je  porte  le  blanc  l;s  et  j'ignore  les  crimes 
Comme  cestloux  oiseaux  qui  volent  vers  les  cimes 
J'ai  des  pensers  muets  que  je  n'ai  que  pour  moi. 
Même  â  ces  doux  oiseaux,  ils  donneraient  l'ef&oi. 
Et  pour  les  aimer  mieux  ces  pensers  de  silence 
Je  m'évertue  à  les  gwder  dans  l'ignoratice 
Des  femmes  que  j'attends,  des  yeux  ç[ue  j'aimerai. 
Et  pour  les  assouplir  aux  mots  que  je  dirai, 
Aux  mots  qui  sortiront  de  moi  comme  des  réres. 
J'ai  mis  un  crêpe  noir  i  leur  clarté  de  glaives. 

Je  suis  celui  qui  prit  des  mains  l'àme  des  cygnes 
Errante  sur  les  lacs  au  sein  des  voix  insignes, 
Et  pour  que  le  regret  ne  vienne  parmi  nous 
Laisses  vos  manteaux  blancs  autour  de  vos  genoux. 

Ces  yen  sont  indiscntablemenl  d'une  belle  grftce  vierge  et  pro- 
fonde. On  songe  à  telles  oeuvres  préraphaélites  à'.lire  le  dernier 
trait. 

*  « 

Du  second  :  Ce  sont  des  manières  de  poèmes  en  prose,  avec 
tous,  une  idée  triste  entre  leurs  lignes,  au  fond  d'eux.  C'est  cetie 
idée  qui  nous  frappe  surtout.  Très  souvent,  elle  est  inattendue  et 
juste.  L'auteur  s'est  fait  de  la  vie,  une  conscience  bien  ii  lui  et 
l'exprime  en  des  scènes  et  des  poèmes,  paraboles  plus  que 
symboles. 

Son  titre  avertit,  du  reste,  que  ce  n'est  guère  que  le  dessous 
des  choses  qui  lui  importent.  C'est  l'âme  du  monde  moral  et  ma- 
tériel qu'il  célébrera  au  long  de  son  livre.  Ce  que  l'on  voit,  ce 
que  l'on  touche  et  ce  que  l'on  entend  â  quoi  bon  si  par  l'esprit  on 
n'y  peut  découvrir  une  réalité  supérieure  aux  sens.  Les  événe- 


ments ne  sont  que  des  apparences,  la  vision  directe  n'est  que  le 
fait  du  premier  chien  qui  passe.  L'artiste  ne  voit  pas,  s'il  ne  voit 
que  par  les  yeux.     >> 

Le  poète  dont  M.  Hector  Chainaye  se  rapproche  :  c'est  Heine. 
Lui  aussi,  le  si  personnel  voyant  d'invisible,  s'est  plu  â  mettre 
toute  son  âme  en  des  récits  et  des  légendes  inventés.  La  mer  du 
Nord,  Alla  Troll,  tous  les  petits  lieders  de  \' Intermezzo  s'appro- 
fondissent dès  qu'on  en  découvre  le  seqs  vrai.  Parmi  les  poèmes 
remarqués  surtout  dans  le  nouveau  livre  de  M.  Hector  Chainaye  : 
La  vie  elle  rive,  la  Lune  assattine,  le  Sombre  compagnon. 

Nous  citons  les  Amit.  La  personnalité  de  cette  pièce,  s'affirme 
nette  : 

Perdu  dans  la  nuit,  un  voyageur  frappe  à  la  porte  d'une  chau- 
mière. 

«  Ouvrez,  »  dit-il,  «  je  grelotte,  de  la  fumée  s'élève  du  toit  ; 
ouvrez  que  je  me  réchauffe  au  foyer.  » 

Une  voix  lui  répond  :  «  Malheureux,  continue  ta  route,  dans  ma 
chaumière  il  fait  plus  froid  qu'au  dehors.  Tu  ne  peux  voir  de 
fumée,  mon  foyer  est  sans  feu.  » 

El  le  mendiant  :  a  Ouvrez,  dans  l'atroce  obscurité  des  mons- 
tres me  poursuivent,quien  veulent  à  ma  vie.  Ils  vont  m'atteindre. 
Mon  cerveau  divague  d'effroi.  De  la  lumière  glisse  sous  votre 
porte  :  ouvrez,  que  mes  yeux  se  reposent  de  leurs  troublantes 
visions  il  la  lueur  calme  de  la  lampe  ». 

«  Visionnaire,  ma  chaumière  n'est  pas  éclairée.  C'est  ton  ima- 
gination affolée  qui  allume  une  raie  de  lumière  sous  la  porte, 
comme  elle  crée  des  chimères  dans  le  ciel  vide  ». 

«  Sans  âme!  vous  me  laisserez  donc  tuer!  Les  monstres 
approchent  à  travers  le  vent  !  Cependant  votre  voix  me  dit  que 
vous,  êtes  charitable.  Ouvrez,  je  n'ai  plus  d'espoir  qu'en  vous,  mon 
frère  !  » 

«  Pauvre  perdu,  est-il  bien  vrai  que  tu  voies  de  la  fumée 
s'échapper  du  toit,  et  de  la  lumière  filtrer  sous  la  porte  ?  Regarde 
encore,  ne  le  trompes-tu  pas?  » 
a  Je  vous  le  jure,  j'ai  bien  vu.  » 

«  Puisqu'il  en  est  ainsi,  pardonne-moi,  mon  frère.  J'ignorais 
jouir  de  ce  bien-être.  Entre  et  partageons.  » 
Hais  il  n'y  avait  ni  feu,  ni  lumière. 

«  Tu  m'as  trompé,  dit  aussitôt  le  voyageur.  Ton  foyer  est  aussi 
froid  que  le  seuil  du  mauvais  riche,  et  je  me  crois  aveugle  tant  il 
fait  noir.  » 

L'autre  lui  répondit  alors  :  «  Pourquoi  es-tu  venu  frappera 
ma  porte,  pourquoi  m'as-tu  parlé  de  feu  et  de  lumière,  pourquoi 
m'y  as-tu  fait  croire  T  Avant  ton  arrivée,  je  ne  connaissais  que  le 
froid  et  la  nuit.  Maintenant,  je  désire  plus  que  toi  le  feu  et  la 
lumière.  Tu  m'as  rendu  malheureux.  » 

El  â  bout  de  reproches,  ils  se  turent,  ayant  plus  peur  de  leur 
voix  amère,  que  du  froid,  et  de  l'ombre,  et  de  la  tristesse  du  ciel. 


Paraphons  ces  hâtifs  comptes-rendus  par  un  sounet,  tiré  de 
«  Les  Psyckoses  a  de  M.  Arsène  Rcynaud  :  Lamenlo. 

Résonne  dans  la  Nuit,  ô  la  voix  qui  sanglotte. 
Que  tout  cœur  a  compris  à  travers  l'ombre  lourde  :  — 
Pour  l'hArmoDie  en  fleur,  l'àme  n'est  jamais  sourde, 
S'ouvrant  sous  le  baiser  de  la  note  qui  flotte. 

Puis,  va  le  crescendo  s'éteignant  :  la  pédale 
Apaise  lentement  le  son,  que  subtilise 
Dans  l'air  épais  du  soir,  le  tympan  qu'utilise 
Celui  qui  veut  savoir,  —  et  sortir  du  dédale. 


'!  >,, 


^MiMiMâi 


22 


Zi'AiîT'  MODERNE 


Viens,  dan»  les  noirs  caveaux,  peuplant  les  cimetièrea; 
Les  cadavrei  debout,  relevés  dans  leura  biftres 
R^ardent  dans  la  Nuit  voleter  les  phalènes  :  — 

Leurs  dents  vont  se  heurtant  dans  le  vent  ^ui  s'apaiM, 
Uélant  leur  harmonie  aux  souffles  des  haleines,  — 
Et  tout  un  lamento  hurle  au  Père-Lachaise  t 


UN  ARTISTE 

H.  Xavier  Hellery  me  parait  la  seule  excuse  aux  expotilions 
récentes  de  la  Société  royale  des  Aquarellistes. 

Un  temps  fui,  très  lointain,  où  M.  Alma-Tadema  y  envoyait  des 
œuvres  bizarres,  égyptiennes  par  le  sujet,  et  devant  lesquelles  les 
plus  érudils  professeurs  de  nos  écoles  de  peinture  pouvaient 
prendre  de  gratuites  leçons  d'archéologie.  Maints  colorieurs  anglais 
y  eurent  également  des  échantillons  de  sites  d'Ecosse,  lacs  et 
montagnes.  Mais  les  hauts  prix  auxquels  ces  artistes  cotaient  leurs 
marchandises  n'étant  pas  —  comme  le  déclare  aussi  M.  Whistler 

—  «  pour  le  continent  »,  leurs  travaux  n'arrivèrent  plus  jusqu'à 
nous.  La  société  récèle  encore  des  membres  fort  notables-tels 
MM.  Herkomer,  Israëls,  Legros,  Mathieu  Maris,  Menzel,  mais  qui, 
malheureusement,  n'exposent  jamais.  L'intérêt  de  ces  Salons  serait 
donc  devenu  nul,  infailliblement,  sans  l'appoint  qu'y  apportait, 
depuis  tantôt  dix  ans,  M.  Mellery. 

Depuis  dix  ans,  en  effet,  c'était  chaque  année  quelque  chef- 
d'œuvre  qu'il  nous  montrait  :  des  souvenirs  de  l'ile  de  Marken,  que 
l'artiste  semble  particulièrement  chérir,  la  Ronde  d'enfants,  le 
Départ  pour  le  temple,  —  merveille  que  M.  Georges  Eekhoud  a 
le  bonheur  de  posséder,  —  la  Saine  famille,  décoratif  symbole 
de  la  Famille.  Puis,  une  série  de  sujets  belges  :  U  Tisserand,  le 
Rempailleur  de  chaises,  le  Pèlerinage  de  Notre-Dame  de  Hal,  le 
Potier,  la  Sainte-Barbe,  VEstaminet  flamand,  qui  font  de  M.  Mel- 
lery le  biographe  des  ruraux  et  des  humbles,  l'historien  des  petites 
industries  et  des  mœurs  de  notre  pays. 

Et,  dans  toutes  ces  œuvres,  il  apportait  les  mêmes  admirables 
vertus  flamandes  que  possédait  Leys  :  une  robustesse  calme 
l'amour  des  couleurs  riches  et  sombres  et  cette  saine  vision  à 
quoi,  malgré  leurs  efforts  à  s'en  départir,  on  reconnaît  encore  les 
artistes  flamands.  Il  y  apportait,  dis-je,  la  sincérité  du  vieux  Leys, 
et  un  style  admirable  sans  les  mascarades  dont  le  maître  anver- 
sois  crut  devoir  vêtir  toutes  ses  conceptions. 

Puis,  à  la  suite  de  je  ne  sais  quelle  fallacîeBMiwommande  offi- 
cielle, tôt  retirée,  l'art  de  M.  Mellery  se  tourn^pcrs  le  décor.  El 
ce  fui  l'occasion  d'œuvres  nouvelles,  montrant,  comme  on  dit,  le 
lalent  du  peintre  sous  un  jour  nouveau. 

Aujourd'hui,  trois  composition»  encore  s'adjoignent  it  son 
œuvre  allégorique  el  décoratif  :  la  Renaissance  Flamande  — 
le  Temps  et  les  Heures  —  la  Force,  la  Justice,  la  Vérité—  série 
complétée  par  la  Muse  de  l'Artiste  et  de  l'A  rtisan,  exposée  chez 
ces  mêmes  spécialistes  de  l'aquarelle  en  1889-90. 

Sur  les  fonds  d'or  des  primitifs,  des  silhouettes  de  très  noble 
dessin.  Mais  cette  figure  de  l'Art,  je  la  trouve  compromise,  mal- 
gré sa  très  profonde  expression,  par  des  duretés  de  ferronneries, 

—  fréquentes  chez  Mellery,  —  là  où  l'or  du  fond  commandait 
presque  toute  suppression  de  déUils  et  de  plis.  Le  Temps  et  les 
Heures,  en  revanche,  est  entièrement  à  admirer.  Le»  Heures  for- 
ment autour  du  Temps,  qui  étend  sur  elles  ses  ailes  d'ombre,  une 
ronde,  el  c'est  une  splendeur,  ces  robe»  rouges,  —  des  rouges 
étouffés,  variant  du  brique  au  lic-de-vin,  —  où  se  meuvent  les 


solides  charnures  de  femmei  de  Fltodre.  Le  dernier  deeelii 
contient  un  nu  féminin  ëmerreillani,  miis  le  jeane  bomme,  povr 
représenter  la  Force,  ne  nëcessiliil  pai  l'adyonelion  fc  Mi  pieds 
d'un  inutile  attribut,  tel  que  cette  défroque  de  lion  dont,  Urop 
sonveoi,  on  affubla  Hercule.  Il  ne'perali  pai,  ifailleara,  dn  lbi| 
de  M.  Mellery  de  transformer  en  lymbolet  (qui  n'ont  qm  fiiire 
d'allribulst),  les  vieillet  allégoriet,  —  témoin  encore  la  lau  du 
Temps  et  la  poignée  de  fruits  et  la  palette  de  l'Art. 

Mais  ces  projets,  maintenant  iontilea,  démontrent,  en  dépit  de 
leurs  légère»  tares,  raplitude  de  M.  Mellery,  —  ponr  peu  qu'on 
lui  abandonne  le  choix  dm  sujets,  —  I  d'excellents  traTan  do 
décoration,  et  l'on  songera  peut-être,  quand  il  sera  trop  lard. 
qu'on  eût  pu  Yutiliser  b  quelque  besogne  officielle  et  qu'U  n'edl 
pas  sali  on  miir,  au  moins,  en  y  mettant  de  la  couleur. 

Sans  doute,  M.  Mellery  n'aura  pas  pliu  de  chance  que  M.  En- 
gène  Smits,  son  itné,  —  et,  «ommm  M,  oéeonan,  —  un  peintre 
épris  de  Venise,  qui  souvent  manifesta  en  de  vastes  toiles  d'iden- 
tiques  aspirations,  —  et  le  prouveraient  les  Saiwtu,  ainsi  qn'ane 
certaine  Roma  que  le  gracieux  Souverain  de  nos  colonies  liant 
enfermée  —  pourquoi  donc  faire  T  —  en  son  triste  palais. 

Renonçons  donc  k  l'espoir  de  voir  octroyée  de  nos  jours,  pour 
le  libre  épanouissement  de  son  talent,  quelque  bâtisse  é  un  artisie 
véritable,  ainsi  qu'il  advint  k  Henri  Leys  k  Anvers,  k  Hadox- 
Brown  k  Manchester,  6  Chavannes  en  France,  —et  pour  leur 

gloire! 

GEoacEs  L>naun. 


-A.XJ    a-A.XJOAJ3B 

par  Eooiifi  db  Okootb 

Un  vol.  petit  in-8<>  carr^  de  xxv-184  pp.  avais  croquis  originaux  par 
D.  de  Haene.  Bruxelles,  Société  Mlg«  d«  librairie,  1S91. 

De  même  qu'il  avait  parcouru  llslande  avec  son  smi  Daniel  de 
Haene  (1),  Eugène  de  Groote  a  visité  cette  année  le  Caucase,  el  il 
nous  dit  ses  impressions,  non  pas  en  foisenr  d'itinéraires  traînant 
le  lecteur  ii  sa  suite  d'étape  en  étape,  sans  loi  faire  grAce  d'un 
relais,  mais  en  artiste  amoureux  de  la  ligne  et  de  la  couleur,  choi- 
sissant le  détail  piltoresqae  et  négligeant  tout  le  reste,  de  sorte 
que  le  récit  de  son  voyage  apparaît  comme  une  série  de  tableaux 
qui  concentrent  l'attention  sur  les  points  les  plus  intéressants  de 
cette  admirable  région,  el  qne  tes  croquis  de  son  eompsgnon  de 
route  contribuent  ii  rendre  plu»  sensibles  ii  l'esprit. 

Du  reste,  les  deux  voyageurs  n'ont  pas  traversé  ce  pays  comme 
de  simples  touristes,  s'arrêtent- «salement  aux  beaolte  de  In 
nature;  ils  ont  voulu  pénétrer  plus  avant  dans  ses  mœurs  el  son 
histoire,  dans  l'étude  de  ses  races  diverses  dont  la  confusion 
déconcerte  celui  qui  y  aborde  pour  la  première  fois  et  présente 
même,  pour  les  ethnographes  de  profession,  plus  d'nn  problème 
encore  irrésolu.  S'éeartant  des  chemins  de  fer  et  des  routes,  ils 
ont  chassé  avec  des  cosaques  dsns  les  forêts  du  Kouban  ;  ils  ont 
reçu  dans  un  aoul  circassien,  l'hospitalité  quasi-féodale  d'an  chef 
dé  tribu,  consacrant,  comme  un  seigneur  du  moyen-fige,  k  ses 
chevaux  et  à  ses  armes,  le  temps  que  lui  laissent  les  horomages 
de  ses  vassaux  ;  ils  ont  pénétré  dans  les  masures  sordides  des 
Ossètes,  ces  peuplades  presque  barbares  des  défilés  du  Dsrial,  qui 
cependant  revendiquent,  comme  une  tradition  nationale,  la  légende 
aryenne  de  Promélbée.  Et,  k  la  vérité,  quel  lien  du  monde  poor- 

(1)  Voir  rArt  Moderne  1889,  p.  75. 


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L'ART  MODERNE 


23 


rail  mieux  MÎrir  de  théftlre  au  drame  du  vieil  Eschyle  :  «  Nous 
voici  rar  les  demiert  confina  de  ta  terre,  daoa  le  pays  du  Scythe, 
au  fond  d'un  (|iaerl  ioaeccaaible.  Valcain,  c'est  ii  toi  mainlenant 
d'exécuter  lea  ordres  que  t'a  donnés  ton  père.  Au  sommet  des 
rochers  qui  pendent  sur  le  précipice,  lu  vas  enchaloer  le  criminel 
que  voill  dans  les  nœuds  d'un  indestructible  airain...  » 

Les.  gorges  sombres  du  Darial  semblent  avoir  conservé  l'em- 
preinte de  l'immortel  supplice,  et  tes  rockers,  sur  lesquels  n'ap- 
paraît  aucune  trace  de  végétation,  et  que  des  richesses  minérales 
inexplorées  colorent  des  teintes  les  plus  variées,  ont  des  tacher 
d'un  rouge  sombre  qui  sont  comme  le  sang  des  tiiaas  vaincus. 
-  Loin  de  la  roule  militaire  qui  aujourd'hui  traverse  ce  défilé 
épique,  dans  une  des  hautes  vallées  de  ces  monlagnes,  existe  la 
peuplade  des  Kalaouris,  portant  encore  le  bouclier  rond  et  les 
armes  du  moyen-âge  et,  sur  la  poitrine,  la  croix  des  anciens 
'  pr«nx,  ai  bien  qu'on  les  a  crus  descendants  des  croisés.  On  com- 
prend quelle  attraction  de  tels  hommes  devaient  exercer  sur  des 
amants  du  pittoresque.  Ils  elirent  la  plus  grande  peine  à  les 
déconvrir,  car,  réduit  i  sept  mille  personnes  et  vivant  misérable- 
merit  dans  une  contrée  reculée,  pauvre  et  froide,  ce  peuple 
étrange  est  inconnu  de  la  plupart  de  ceux  qui  ne  sont  pas  ses 
voisins  les  plus  proches.  Nos  voyageurs  finirent  cependant  par 
arriver  dans  son  canton  et  ils  y  demeurèrent  quelques  jourii  pen- 
dant lesquels  ils  forent  surtout  préoccupés  de  cacher  leur  mon- 
naie et  de  veiller  alternativement  sur  leurs  bagages,  tant  leur 
paraissait  auspecle  l'avidité  de  ces  derniers  représentants  des 
conquérants  de  Jérusalem. 

Le  livre  se  termine  par  une  très  intéressante  description  d'Eri- 
wan,  sise  k  pen  de  distance  du  mont  Ararat,  extrême  confin  des 
possessions  msses  vers  la  Perse.  Le  fanatisme  des  musulmans 
cbiiks  y  a  conservé  tout  son  empire.  M.  de  Groote  nous  fait  une 
peinture  animée  des  cérémonies  barbares  qu'il  lui  fut  donné  d'y 
voir  en  commémoration  de  la  mort  des  fils  d'Ali  et  que  couronne 
la  procession  des  balafrés,  pendant  laquelle  les  péniienis  se 
battent  le  front  et  le  erflne  do  tranchant  de  leur  cimeterre,  jusque 
complet  épuisement  :  «  Les  tabliers  sont  couverts  de  sang  jus- 
qu'aux pieds,  du  ssng  vermeil  et  chaud  encore;  les  figures  cou- 
vertes de  sanie  séchée  et  durcie,  avec  les  lignes  plus  vives  des 
blessures  fraîches,  ne  laissent  plus  voir  que  les  yeux  étincelants 
et  aauvages  au  milieu  de  ce  masque  rouge  ;  les  crânes  sont  cou- 
verts de  caillots  sous  le  brûlant  soleil.  Les  voix  se  font  plus  effa- 
cées, les  cimeterres  sont  courbés  vers  la  terre  en  Un  geste  de 
lassitude  et  les  balafrés  s'accoudent  pour  se 'soutenir  mutuelle- 
ment ».  . 

LES  TROTENS  de  Berlioz 

A  CARLSRUHE 

Le  petit  théâtre  de  Carismhe,  dont  le  jeune  chef  d'orchestre 
wagnérien  Félix  Hottl  est  l'âme,  après  avoir  monté  avec  un  très 
grand  succès  là  Owendoline  d'Emmanuel  Chabrier,  vient  de 
représenter  le*  Troyent  de  Berliox.  L'œuvre  a  produit  une  pro- 
fonde impression.  Voici  ce  qu'en  dit  M.  Maurice  Kufferath,  qui, 
avec  quelques  amateurs  bruxellois,  a  assisté  6  lajpremière  repré- 
sentation : 

«  La  Prite  de  Troie  a  été  une  révélation  absolument  inatten- 
due. Celte  partition  n'avait  jamais  été  donnée  et  l'on  ne  peut 
songer,  sans  tristesse,  k  la  plainte  lamentable  que  Berlioz  exhalait 
â  la  fin  de  sa  vie  : 


«  Ha  noMe  Cassandre,  mon  héroïque  vierge,  il  faut  donc  me 
résigner,  je  ne  t'entendrai  jamais!  » 

Rons  venons  de  l'entendre  et  plus  amère  nous  paraît  la  desti- 
née qui  voulut  qu'il  ne  se  trouvât  pas,  du  vivant  de  Berlioz,  un 
directeur  asses  éclairé  pour  deviner  ce  chef-d'œuvre  où  s'unis- 
sent véritablement  le  charme  virgilien  et  la  puissance  dramatique 
de  Shakespeare.  L'ensemble  offre  une  série  de  tableaux  d'une 
vérité  d'accent,  d'une  pnrelé  de  lignes,  d'une  grandeur  tragique 
vraiment  incomparables.  Les  vaincs  exhortations  de  la  prophé- 
lesse  Cassandre  cherchant  k  arracher  le  peuple  d'Illion  â  son 
affdement  et  son  fiancé  Corèbe  au  son  funeste  qui  l'aiiend  ;  les 
grâces  rendues  aux  dieux  pour  les  remercier  de  la  victoire  rem- 
portée sur  les  Crées  par  le  conragd  et  le  sacrifice  d'Hector  ;  la 
silencieuse  lamentation  d'Andromaque  ;  le  désespoir  de  Cassandre 
en  entendant  le  chant  de  triomphe  des  Troyens,  lorsque  le  cheval 
de  bois  entre  par  la  brèche  ouverte  dans  les  murs  de  la  ville  ;  |es 
lamentaiions  enfin  des  femmes  troyennci  groupées  dans  le 
temple  autour  de  l'autel  de  Cybile,  tandis  que  la  ville  prise  est 
livrée  au  massacre  et  â  l'incendie,  tout  crli  est  d'une  beauté  sou- 
veraine. Je  ne  sache  pas  beaucoup  d'œuvres  susceptibles  de  pro- 
duire une  impression  scénique  plus  forte,  plus  profonde,  plus 
déchirante. 

Les  Troyens  à  Carthage  laissent  une  impression  moins  com- 
plète, moins  une.  Il  y  a  de  nombreux  disparates,  et  une  part  trop 
grande  faite  à  la  traditionnelle  architecture  de  l'opéra.  Le  spec- 
tacle envahit  le  drame  et  gauchement  traverse  çà  et  h  le  drame 
passionnel.  Hais  tout  ce  qui  n'est  pas  hors  d'œuvre,  tu^t  ce  qui 
touche  directement  aux  amours  de  Didon  et  d'Enéc  est  absolu- 
ment pareil  aux  beautés  de  la  Prise  de  Troie .-  les  premières  con- 
fidences dé  Didon  &  sa  sœur  Anna;  son  tourment  amoureux 
pendant  le  récit  d'Ënée,  l'explosion  de  sa  passion  pendant  celle 
nuit  étoilée  et  sereine  qui  enveloppe  de  ses  clartés  lunaires  les 
aveux  des  deux  amants,  les  imprécations  de  Didon  redemandant 
k  la  mer,  au  ciel,  aux  étoiles,  le  héros  ingrat  qui  la  fuit,  sa  mort 
enfin  au  milieu  des  lamentations  de  ses  sujets  atterrés.  Tout  le 
troisième  acte,  qui  n'est  qu'une  seule  et  même  scène  d'amour,  se 
développant  peu  k  peu,  grandissant  et  s'acceniuant  k  mesure 
jusqu'à  l'explosion  de  la  passion  U  plus  i:iiense,  est  un  absol  u 
chef-d'œuvre  où  il  n'y  a  pas  un  gests,  pas  une  parole,  pas  une 
note  â  retrancher  ni  â  ajouter.  Il  laisse  l'impression  de  la  bcauié 
parfaite  et  cet  acte,  convenablement  rendu,  avec  les  raffinemenis 
de  mise  en  scène,  les  délicatesses  d'exécution  vocale  et  orchestrale 
qu'tto  grand  théâtre  peut  lui  donner,  suOSraii  seul  pour  assurer  à 
l'ouvrage  un  long  et  fructueux  succès.  » 


U  SOCIÉTÉ  DES  AQUAFORTISTES 

La  Société  des  Aquafortistes  belges  vient  de  distribuer  le  rap- 
port de  sa  commission  adminisiralive  pour  l'exercice  1889-90. 
Ce  rapport  constate  la  siiuation  prospère  de  la  Société,  qui, 
fondée  il  y  a  deux  ansâ  peine,  compte  déji  vingt-trois  membres 
effectifs  et  einquanie  et  un  membres  honoraires.  Les  coiisations 
et  la  vente  de  l'album  annuel  de  la  Société,  joints  au  subside  du 
gouvernement  et  aux  primes  offertes  parceloi-ci  et  par  un  membre 
d^  la  Société,  donnent  un  excédent  de  recettes  de  fr.  1,018-21  sur 
les  dépenses.  Cette  somme  sera  en  partie  pariagée,  conformément 
aux  staluts,  entre  les  auteura  des  planches  publiées. 

Dans  un  appendice,  la  commission  examine  les  causes  de  la 


1 


24 


L'ART  MODERNE 


décadence  de  l'arl  de  la  gravure  en  Belgique.  Elle  propote  plu- 
sieurs remèdes  pour  le  sauver,  et  préconise,  notamment,  la  crét- 
tion,  à  l'Académie  des  Beaux-Arts  de  Bruxelles,  d'un  atelier 
d'imprimerie  en  taille  douce,  organisé  de  façon  à  pouvoir  lutter 
avantageusement  contre  ceux  de  Paris  et  de  Londres.  Elle  vou- 
drait voir,  comme  au  temps  des  Plantin  et  des  Morelus,  l'impri- 
meur devenir  l'aide  intelligent  du  graveur  et  grouper  autour  de 
lui  des  artistes,  des  amateurs,  des  protecteurs  éclairés. 

L'Etat  devrait,  en  outre,  mettre  au  concours  des  motifs  de 
gravure  peu  dispendieux  mais  suffisamment  rémunérateurs  pour 
les  artistes.  D'après  le  rapport,  le  procédé  de  gravure  à  adopter 
pour  ces  concours  devrait  être  l'eau-forte. 

La  Société  demande,  enfin,  que  le  gouvernement  cherche  k 
divulguer  et  à  perpétuer  par  la  gravure  les  œuvres  des  Maîtres  et 
qu'il  annexe  au  cabinet  des  estampes  du  Musée  une  salle  réservée 
exclusivement  à  la  gravure  belge. 

Ces  desiderata,  aisés  ^  remplir,  nous  paraissent,  en  effet,  devoir 
produire  d'beureux  résultats.  Nous  avons  dit  déji,  en  ce  qui 
concerne  le  quatrième  point,  combien  notre  Musée  est  pauvre  en 
gravures  nationales.  C'est  ainsi  que  Félicien  Rops  n'y  était  repré- 
senté jusqu'ici  que  par  deux  lithographies.  L'Etat  a  fait  l'aequisi- 
lion,  croyons-jious,  de  quelques  planches  il  la  vente  François 
Olin.  Nais  en  raison  de  l'œuvre  énorme  de  l'artiste,  l'une  des  plus 
hautes  illustrations  de  notre  pays,  ce'  lot  chétif  n'est-il  pas 
dérisoire? 


CRITICO-HENDICITÉ 

Nous  certifions  l'authenticité  de  l'impudente  lettre  ci-après, 
adressée  par  un  soi-disant  critique  d'art  ^  plusieurs  artistes  de  nos 
amis  : 

Monsieur, 

Vous  avez  pu  remarquer  la  large  place,  que  le  journal a 

accordée,  en  ces  derniers  temps,  aux  rubriques  artistiques  et  par- 
ticulièrement à  SCS  comptes-rendus  de  Salons,  tant  de  la  province 
que  de  la  capitale.  En  tout  dernier  lieu  même,  j'ai  eu  l'honneur 
et  l'avantage,  de  rencontrer  au  Salon  de  Bruxelles,  plusieurs  de 
vos  productions. 

Un  numéro  jusiificalif,  que  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  faire 
adresser,  vous  a  permis  de  voir  en  quels  termes  élogieux  et  par- 
faitement mérités  d'ailleurs,  il  est  fait  mention  de  votre  exposi- 
tion. 

Je  me  permets  donc,  à  titre  absolument  personnel,  de  me 
recommander  à  votre  bienveillance,  dans  le  cas  où  vous  voudriez 
me  faire  parvenir,  l'une  ou  l'autre  de  vos  productions. 

Les  colonnes  de  l'organe  auquel  j'ai  l'honneur  de^jtllaborer, 
vous  sont  toujours  ouvertes.  Ce  qui  plus  est  :  dans  le  cas  où  vous 
voudriez  reconnaître  le  petit  service  rendu,  je  me  met»  i.  votre 
entière  disposition,  pour  vous  faire  une  u  visite  d'atelier  »  dont 
ensuite  compte-rendu. 

Prière,  dans  ce  cas,  de  m'indiquer  jour  et  heure  auxquels  vous 
pourriez  me  recevoir. 

Dans  l'attente  de  pouvoir  vous  être  plu  utile,  je  vous  prie 
d'ugréer,  Monsieur,  l'assurance  de  tonte  aa  eoMMftatioo. 
Le  critt^Hé  imrt  dm 

P.  S.  —  Prière  de  faire  l'envoi,  au  non  ftrsMnel  de , 

aux  bureaux  du  journal. 


Le  Réstmaat. 

Ce  sont  certes,  les  mêmes  idées,  les  mémei  trucs  et  ficelles 
que  celles  du  vieux  mélodrame  :  un  fils  qui  ne  sait  quelle  est  sa 
mère,  une  mère  qui  ne  sait  où  ni  qui  est  son  enfant;  une  petite 
sœur  de  lait,  un  fourbe,  un  porteur  de  faux  nom,  etc.  A  la  fin 
tout  se  dévoile,  tout  s'arrange  —  et  le  public  souvent  a  eu  la  joie 
de  deviner,  dès  le  4'>*  tableau,  comment  le  dénouement  se  fei^ 
au  S"". 

Nous  nous  sommes  déjà  souvent  déclarés  très  friands  de 
mélodrame,  qui  nous  est  une  sorte  d'imagerie  populaire  déroulée 
au  théâtre. 

Dans  la  présente  pièce,  l'ancien  mélo  a  fait  non  pas  peau 
neuve  mais  habit  neuf.  U  s'est  rajeuni.  Ce  ne  sont  plus  des 
mousquetaires,  des  chevaliers,  des  breiteurs,  des  genlilhommes 
qui  sauvent  l'enfant,  ce  sont  des.militaires  bel  et  bien  de  notre 
temps,  des  officiers  à  moustache  cirée  et  k  gants  blancs.  C'est  eux 
qui  font  le  boniment  nécessaire  pour  l'honneur  et  la  France. 

Ce  qui  a  intéressé  surtout  ce  sont  certains  Ubieaux,  celui  par 
exemple  de  la  Chambrée.  C'est  un  hors  d'oeuvre,  mais  cela  est 
vivant,  réel,  croyons-nous,  et  lestement  et  habilement  jou4  Mr 
des  acteurs  fort  convenables. 

Au  reste,  tous  les  râles  sont  tenus  sans  qu'aucun  interprftia  ne 
fasse  tache. 


Mémento  des  Expositions 

Barcelone.  —  Exposition  annuelle.  —  S9  mars-31  mai.  — 
Envoi  96  février-7  mars.  Notices:  26  février.  —  Renseignements  : 
Secrétariat  de  la  Committiott  organisatrice,  PaUtit  des  Btaux- 
Arts,  Pasea  Ftijadas,  Barcelone. 

Bordeaux.  —  XXXIX*  Exposition  de  la  Société  des  Amis  des 
Aru.  —  i  mars  1891.  Envois  :  1-10  février.  Dépdt  k  Paris  :  10- 
30  janvier,  chez  M.  Toussaint,  rue  du  Dragon,  18.  Gratuité  de 
transport  pour  les  artistes^invités.  -—  Renseignements  :  Secréta- 
riat de  la  Société,  GaUrù^de  la  Terrasse  du  Jardin  public,  Bor- 
deaux. 

Bruxelles.  —  VIII»  Exposition  annuelle  des  XX  (limitée  aux 
membres  et  à  leurs  invités).  —  Février.  —  Délai  d'envoi  :  notices, 
80  janvier.  Œuvres  :  30  janvier.—  Dépét  b  Paris  chez  M.  E.  Petit, 
rue  Lamartine,  6. 

Berlin.  —  50-»  anniversaire  de  la  Société  des  Artistes.  — 
Exposition  internationale.  —  15  mai.  —  Renseiinemenu  : 
Af.  Anton  von  Wemer,  directeur  de  V Académie  royale  des 
Beaux-Arts,  Zimmerstrasse,  93,  Berlin. 

Milan.  —  Exposition  triennale  des  Beanx-Arts.  —  l«»-30  juin 
1891.  —  Trois  prix  de  4,000  francs  chacun,  fondés  par  le 
roi  Humbert,  décernés  à  la  peinture  et  k  la  sculpture.  Trois  prix  de 
4.000  francs  chacun,  fondés  par  Saverio  Pumagalli,  décernés  il  la 
sculpture,  à  la  peinture  religieuse,  historique  ou  de  genre.  Un 
prix  de  4,000  francs,  fondé  par  Antonio  Gavarzi,  décerné  k  la  pein- 
ture historique.  Médailles  et  diplômes.—  Les  demande*  d'admis- 
sion devront  être  adressées  an  président,  M.  EmiU  Vistonti- 
Venosta,  à  (Académie  des  Beaux- A rU  de  Milan. 

Moscou.  —  Exposition  française.  —  l"  mai-odobrc.  (Réservée 
aux  artistes  invités).  Dépôt  avant  le  15  février  chez  H.  André  rue 
Chaptal,  58,  Paris. 


i:art  moderne 


Pau.  —  Vingl-sepliëme  Exposition  de  la  Société  des  Amit  des 
Arit.  —  18  janvier-lS  mars.  —  Deux  œuvres  par  exposant.  — 
Gratuité  de  transport  pour  les  artistes  invités.  —  Délai  d'envoi 
expiré.  —  Renseignements  :  G.  Tardieu,  tecrétain  général. 

Paris.  —  Exposition  des  Artistes  indépendants  (Pavillon  de  la 
Ville  de  Paris).  —  10  Mars.  Dépôt  :  10  mars. 

Id.  Union  des  femmes  peintres  et  sculpteurs.  —  31  février- 
14  mars.  —  Droit  d'exposition  :  8  francs  par  œuvre  exposée 
(maximum  à  payer  :  30  francs).  Dépôt  :  6-9  février.  —  Rensei- 
gnemenla  :  M'^  Bertaux,  présidente,  147,  avenue  de  ViUiers, 
Paru,  et  M.  Olivier  Merson,  117,  boulevard  Si-Michel. 


•pETlTE    CHR0f41QUE 

indépendamment  des  artistes  invités,  dont  nous  avons  publié 
la  liste,  on  cite  comme  devant  prendre  part  au  prochain  Salon 
des  XX  :  M"*  A.  Bocb,  MM.  J.  Ensor,  W.-A.  Finch,  F.  Khnopff, 
G.  Lemmen,  W.  Sehiobach,  P.  Signac,  J.  Toorop,  Tb.  Van  Rys- 
selberghe,  G.-S.  Van  Strydonck,  G.  Vogels,  peintres  ;  G.  Charlier, 
P.  Dubois,  G.  Minne  et  A.  Rodin,  sculpteurs. 

Une  affiche  artistique,  dessinée  par  M.  F.  Khnopff,  annoncera 
prochainement  l'ouverture  du  Salon. 

Le  Banquet  de  «  la  Jeune  Belgique  ».  —  La  Jeune  Belgique  a 
célébré  jeudi  son  anniversaire  de  manière  chaleureuse  et  vail- 
lante. Aucune  parole  dissonante  n'a  été  dite.  Les  anciennes 
haines  contre  la  littérature  caduque  et  palmée  ontr  élé  réaffirmées 
et  l'on  a  prouvé  qu'on  était  aussi  vivant  et  aussi  animé  qu'il  y  a 
dix  ans.  Tout  ceci  est  d'excellent  augure  :  il  serait  injuste  de  ne 
pas  applaudir  à  mains  franches  ii  cet  appel  d'entente  et  d'union 
de  tous  les  artistes  vers  un  même  but  de  travail  et  de  progrès 
esthétiques. 

Nous  le  faisons  sans  hésitation  et  en  toute  joie  et  confiance. 

Ce  sont  MM.  Valdre  Gille,  Haubel  et  Giraud  qui  ont  pris  la 
parole.  La  Jeune  Belgique,  publiera,  espérons-nous,  prochaine- 
ment leurs  discours.  

La  Société  iardiéoUgie  de  Bruxelles  a  tenu,  dimanche,  son 
assemblée  générale  annuelle. 

Un  très  nombreux  pnblic  assistait  à  cette  séance.  M.  Buis, 
bourgmestre,  vice-président  d'honneur  de  la  société,  a  fait  une 
causerie  sur  Dioclea  et  Solona,  les  cités  qui  ont  vu,  la  première, 
naître  en  l'an  345  et,  la  seconde,  mourir  en  313,  l'empereur 
Dioctétien. 

L'orateur  a  fait  connaître  ^  ses  auditeurs  ces  pittoresques  loca- 
lités du  Monténégro  et  de  la  Dalmalie,  rappelant  ce  qu'il  impor- 
tait de  savoirsur  l'histoire  de  l'empereur,  tout  en  donnant  maints 
détails  érudits  sur  le  forum  de  Dioclea,  la  ville  de  Saloaa  ei, 
surtout,  sur  le  palais  de  Spalatro  et  son  temple  de  Bacchus  où, 
croit-on,  fut  enterré  Dioclélien. 

Après  diverses  communications  d'ordre  administratif  faites  par 
MM.  de  Raadt,  Plisnier  et  de  Proft,  l'assemblée  a  renouvelé  en 
partie  son  bureau. 

M.  le  comte  Goblet  'd'Alviella  a  été  nommé  président  en  rem- 
placement de  M.  le  comte  Fr.  vâii  der  Straeten-Ponthoz,  prési- 
dent sortant  non  rééligible;  MM.  Destrée,  conseiller;  Paul  Sain- 
lenoy,  secrétaire  général  ;  Th.  de  Raadt,  secrétaire  ;  De  Schryver, 
conservateur  des  collections,  et  Plisnier,  trésorier,  ont  élé  renom- 
més dans  leurs  fonctions. 


A  la  distribution  des  prix  aux  élèves  de  l'Académie  de  peinture 
cl  de  musique  de  Namur,  qui  a  eu  lieu  dans  les  derniers  jours  de 
décembre,  M.  l'échevin  Lemaltre,  faisant  fonctions  de  bourgmestre, 
a  signalé  en  très  bons  termes  le  renouveau  artistique  qui  anime 
la  petite  ville  wallonne  et  la  situation  prospère  de  l'Académie. 

La  Société  de  musique  de  Mens,  récemment  fondée  par 
H.  Camille  Gurickx,  a  offert  il  ses  membres  honoraires  une  soirée 
musicale  dont  les  journaux  locaux  font  un  vif  éloge. 

Quatre  chorals  anciens,  harmonisés  par  M.  Gevacrt,  dont  deux 
Noéls  belges  du  temps  d'Albert  et  d'Isabelle,  oui  été  particulière- 
ment goûtés. 

Les  fragments  de  Céphale  et  Procris,  chœurs  pour  voix  de 
femmes,  de  Grélry,  ont  été  très  bien  chantés.  Deux  autres  chœurs 
de  Rameau  et  de  Schubert  ont  également  été  bien  interprétés. 

Après  avoir  exécuté  Les  reflets  d'Orient,  de  Schumann, 
M"*  L.  Luyckx  et  M.  C.  Gurickx  joué  les  Ronde*  ardennaises, 
pour  piano  ît  quatre  mains,  de  M.  Auguste  Dupont,  que  la  mort 
vient  d'enlever. 

La  Société  de  musique  de  Tournai  donnera  le  35  janvier  pro- 
chain son  concert  annuel. 

Au  programme  :  Rédemption  Ae  Gounod.  M.  Ileuschling  chan- 
tera le  rôle  de  Jésus  qu'il  a  clianlé  il  y  a  sept  ans  à  Bruxelles, 
M.  Fontaine  chantera  le  rôle  du  réciianl-bassc,  H.  Mossoux,  celui 
du  récitant-ténor,  M"«  Rachcl  Fourcz  chantera  celui  de  la  Vierge. 

L'orchestre  sera  composé  de  cinquante  premiers  prix  du  Conser- 
vatoire de  Bruxelles  et  des  meilleurs  artistes  et  amateurs  tournai- 
siens. 

Le  jury  institué  pour  la  collation  des  bourses  attribuées  par 
l'arrêté  royal  du  31  mars  1877  aux  élèves  des  classes  de  chant 
des  Conservatoires  de  Bruxelles  cl  de  Liège,  vient  de  dérerncr  une 
bourse  de  1,200  francs  à  M.  Adolphe  Coryn  de  Liège,  et  quatre 
bourses  de  600  francs  à  M""  Cécile  Thévenct,  Odile  Hendrickx, 
Malhilde  Van  Hemel  et  Louise  Van  llove. 

Il  y  avait  trente-sept  concurrents. 

Conversation  de  vestiaire  entre  abonnés  du  ihcâiro  de  la  Mon- 
naie, il  la  sortie  de  Siegfried  ;  Premier  AB0N^É.  Comment 
trouves-iu  ?  —  Deuxième  abonné.  Pas  mal.  Mais  trop  de  rémi- 
niscences de  la  Valkyrie.  {Textuel). 

U'"  Eraestine  Van  Hasscit  vient  de  publier  sous  le  titre  Une 
gerbe  ihittoires  un  joli  recueil  de  contes  pour  les  enfants  qui  lui 
a  valu  la  palme  d'argent  au  concours  organisé  par  l'Académie 
Mont-Réal  à  Toulouse,  —  lequel  concours  avait  réuni  162  concur- 
rents. 

'  Vient  de  paraître  chez  Th.  Lombacrts,  éditeur,  ii  Bruxelles  : 
Siegfried,  de  Richard  Wagner,  étude  esthétique  et  musicale,  par 
Ernest  Closson,  in-13  de  108  pages  environ.  Prix  :  1  fr.  50. 

Le*  Salons  (revue  illustrée  des  musées  et  des  expositions, 
paraissant  le  l*'  et  le  15  de  chaque  mois,  en  livraisons  doubles 
de  huit  pages)  donnent,  dans  leur  dernier  numéro,  la  reproduc- 
tion des  œuvres  de  MM.  Putlemans,  Courlens,  Van  Engclen, 
Vanaise,  Frédéric,  Binjé.  Cette  revue  artistique  a  déjà  reproduit 
dans  ses  livraisons  précédentes  des  œuvres  signées  Antoine  Van 
Pyck,  Fantin-Latour,  Lambeaux,  Dillens,  Baertsoen,  Charlier, 
Hitchcock,  Richir,  de  Jongh,  Duyck,  Henkes,  etc. 


I 15314 


MVOtSiïY  OF  fimm  lisrar^ 


ONZIÈME  ANNÉE 


■#- 


L'ART  MODERNB  s'est  acquis  par  l'antorité  et  rind^ndanee  de  sa  eritiqne,  p*r  U  rariMA  de  Ma 
informations  et  les  soins  donn^  &  sa  rédaction  une  place  prépondérante.  Aaeiine  manÏTestatioB  d*  l'Art  ne 
lui  est  étrangère  :  il  g'ocenpe  de  littérature,  de  peinture,  de  acolptitre,  de  gravure,  de  nmidqiM, 
d'arollitecteire,  etc.  Consacré  principalement  aa  raooTement  artistique  belge,  il  renseigne  a^anmoÎDS  lea 
lecteurs  sur  tOUS  les  événements  artistiques  de  Tétranger  qa'il  importe  de  connaître. 

Chaque  nuoiéro  de  L'ART  MODERNE  s'onvre  par  une  étode  approfondie  snr  nne  qnesiion  artistîqae 
011  littéraire  dont  l'événement  de  la  semaine  foamit  l'aotoalité.  Les  expositions,  les  livres  nomeauœ,  las 
premières  représentation»  d'oenrres  dramatiques  on  mosicales,  les  conférence*  littéraires,  les  concerts,  le* 
ventes  dobjett  dart,  font  tons  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jnrispradence  artistiques.  Il  rend  compte  des 
procès  les  plas  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribanaax  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  tontes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  Domenclatare  complète  des  exposittons  et 
concours  auxquels  ils  peavent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  Il  est  enToyé  gratultwnent  à 
l'essai  pendant  un  mois  à  tonte  personne  qui  en  Atit  la  demande. 

L'ART  MODERNE  forme  chaque  année  un  beau  et  fort  volume  d'environ  460  pages,  afee  table 
ries  matières.  Il  constitue  pour  l'histoire  de  l'Art  le  document  LE  PLUS  COMPLET  et  le  recueil  LE  PLUS 
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-  Bibliographie.  —  LéglaUUon.  -Notariat. 

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Administration  et  rédaction  :  Rue  de$  Ulnimei,  10,  Bruxelles. 

LA^     ^\^^IjIjO]SriB 

IIcTuc  memuelle  de  littérature  et  d'art 
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Directeurs  :  MM  A,  MOCKEL,  P.-M.  OLIN  et  H,  de  RÉaNIER 
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titre,  une  table  des  matières  et  une  table  alphabétique  par  noms  d'au- 
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La  maison  possède  des  certiflcata  ezcellenU  de  MM.  Edgar  Tùtet, 
Camille  de  Saint-Sairu,  LiêMt,  Richard  Wagner,  Rubinetein,  Joa- 
chim,  Wilhelmj,  Ed.  Orieg,  Ole  Bull,  A.  Suipoff,  Sofle  Meuter, 
Détirée  Artât,  Pauline  Lucca,  Pablo  deSaraeate,  Ferd.  HiUer,  D. 
Popper,  tir  F.  Benedict,  Letehetitshy,  Napraoulk,  Joh.  Selmer,  Joh. 
Svendien,  K.  Rundnagel,  J.-G.-E.  Stehle.  Ignace  BriM,  etc.,  etc. 

N.  B.  On  envoie  gratuitement  les  prix-counuita  et  les  oertl- 
flcata  A  toute  personne  qui  en  fera  lailemande. 

J.  SCH A VYE,  Relieur 

46,  me  dn  Mord,  Brozalloa 

RELIURES  ORDINAIRES  ET  RELIURES  DE  LUXE 

Spécialité  d'armoiries  belges  et  étrangires 


Bruietlea.  -  top.  V  Moiwoii,  81,  nu  de  llndustrle. 


'  .'J,  :>.■■' 


ONZiÈm  AMMte..— 'N*4. 


Le  mmAao  :  86  okntuoes. 


DmAMCHK  25  Janvieb  1891. 


MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  ORIÏÏQUE  DES  ARTS  ET  DE  M  LITTÉRATURE 


Ck>mlté  de  rédaction  i  Octat&]|IAUS  —  Edmond  picard  —  Ëmilk  VERHAEREN 


ABOmrSMXNTS  !   Belgique,   on  an,   fr.  10.00;  Union  postale,  b.   13.00.    —  ANNONCK8  :    Ou   traite  k  forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  d 
L'ADsoNisTHATtoH  ofiNÉKALB  BK  l*Art  Modome,  puo  do  rindustiio,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


JoLBS  Lafoboub.  Let  dernier»  ver:  —  Conckbts  popDLAiaBS. 
Concert  jubilaire.  —  CuuLLrrri  db  livkes.  —  Diverses  expositions. 
—  CoNSBBTATonm  DB  LiioB.  —  La  vie  musicalb  a  Anvbks.  — 
CHKONiQOt  jODicixtRB  DBS  ARTS.  Partition*  manuêcrite»  —  PrriTE 

CBRONIQOB. 


Jules  Laforgue 


0) 


IjMi  derniers  vars 
Ëdit^  par  E.  DtUAROiif  et  P.  P^hAon.  —  Paris,  1890. 

Il  y  a,  dans  les  œavres  de  Jules  Laforgue,  certaines 
pièces  explicites  qui  le  définissent  à  travers  les  mille 
réticences  qu'en  Parisien  spirituel  et  sceptique  il  s'est 
cru  obligé  d'émettre.  Malgré  «  son  air  mortellement 
moqueur  »,  on  le  découvre  naïf,  sensible  comme  un 
enfant  doux,  primitif  et.simple,  bon  supérieurement  et 
clair.  L'esprit  et  la  blague  ne  sont  chez  lui  que  mas- 
ques. Il  a  la  pudeur  de  ce  qu'il  a  de  noble  et  de  croyant 
en  lui.  Il  se  vèt  de  parade.  Il  n'ose  s'exprimer  pur  et 
franc.  Le  milieu  où  il  vit  et  qui  l'observe  est  trop  rail- 
leur pour  ne  lui  rire  au  nez,  s'il  s'oubliait  à  avouer  qu'il 
incline  encore  et  malgré  tout  vers  la  bonté  native,  vers 

(1)  Voir  VArt  moderne  1890,  tt»  48. 


la  limpidité  d'âme,  vers  les  choses  protondes  et  con- 
fiantes. 

Ses  années  d'Allemagne  lui  ont  donné  la  conscience 
de  l'inanité  et  de  l'étude  universels.  Là-bas,  il  s'était 
plongé  et  replongé  en  des  bains  de  spéculation  transcen- 
dante ;  il  avait  avalé  toute  la  brume  des  Hegel  et  des 
Fichte  ;  il  avait  cru  renaître  à  la  certitude,  dès  le  seuil 
de  leurs  livres.  La  philosophie  de  l'Inconscient  l'avait  à 
son  tour  requis.  Il  se  découvrit  toute  une  âme 
presqu'allemande  :  profonde,  studieuse,  flottante  vers 
les  hautes  questions  de  la  vie.  Sensible  aussi,  mais 
timidement,  avec  des  peurs  d'être  dupe.  Resté  en 
France,  certes  n'aurait-il,  ne  fût-ce  que  par  manque  de 
contraste,  étudié  et  analysé  ainsi  «  sa  belle  âme  ». 

Pourtant,  le  doute  subsista.  Peut-être  ne  vit-il  que  de 
l'ingéniosité  grave  dans  ces  villes  de  systèmes,  bâties 
par  des  génies,  afin  qu'ils  s'y  puissent  promener  avec 
leur  orgueil  d'êtres  supérieurs.  Tout  système  métaphy- 
sique ne  satisfait  vraiment  que  son  inventeur,  parce 
qu'il  s'y  trouve  des  monuments  téméraires  que  le  plus 
soumis  des  disciples  changera  ou  abattra,  sitôt  qu'il 
sera  majeur.  Quand  un  homme,  ne  fût-ce  qu'un  instant, 
s'est  persuadé  qu'il  rouvrait  au  monde  le  paradis  de  la 
certitude,  une  telle  gloire  du  soi-même  doit  instanta- 
nément lui  naître  qu'il  se  croit  Messie.  Ce  qui  se  lève  à 
ses  côtés  :  observation  des  faits  donnant  tort  à  ses 
théories,  critiques  déracinant  les  prémices  mêmes  de 


ses  raisonnements,  il  ne  les  voit  qu'à  peine  ou  les  croit 
annihilées  par  les  plus  trébuchantes  réfutations.  Sa  phi- 
losophie, c'est  son  monde,  arec  des  lois  à  lui,  des  vérités 
à  lui,  des  rêves  à  lui.  Le  reste,  —  c'est-à-dire  toute  la 
réalité  —  qu'est-ce,  sinon  l'illusion  dans  laquelle  tâton- 
nent des  m^pes. 

Laforgue  sortit  de  ces  examens,  désemparé.  On  lui 
découvre,  dès  cet  instant,  le  vrai  désespoir.  Mais  au 
lieu  de  l'exprimer  par  des  cris  rauques  et  crus,  qui  sont 
uniment  des  cris,  qui  n'épil(^ent  pas,  qui  ne  sont  que 
profonds  de  toute  la  douleur  humaine,  il  emmaillotte 
d'ironie  son  désenchantement.  Tout  le  sérieux  philoso- 
phique est  accroché  comme  un  paillasse  au  bout  d'un 
clou  et  le  poète  irrévérencieusement,  presque  comme 
un  enfant  gamin,  tire  la  corde  et  fait  gigoter  à  gauche, 
à  droite,  en  l'air,  en  bas,  les  bras  de  bois  de  l'Absolu  et 
les  jambes  en  carton  de  l'Inconscient. 

Au  fond  et  malgré  tout  rire  et  sarcasme,  la  souf- 
france saigne  donc  à  vif  dans  son  coeur.  Il  est  le 
vaguant  de  sa  fantaisie  douloureuse,  il  s'y  plaît  quel- 
quefois et  peut  être,  comme  à  tant  d'autres,  ses  heures 
d'art  lui  ont-elles  semblé  être  les  seules  donneuses 
d'oubli.  Comment  ne  pas  essayer  :  se  distraire  à  la  verve 
même  avec  laquelle  on  dit  sa  peine.  Et  dans  l'entrain  de 
la  cérébrale  jouissance  trouver  assez  d'élan  pour  sauter 
hors  de  sa  misère.  On  croirait  à  entendre  telles  com- 
plaintes ou  telles  Utanies  à  Notre-Dame  la  Lune,  que 
le  voilà  sauvé  le  si  pitoyable  Hamlet-Laforgue  des 
Moralités  légendaires,  le  si  pauvre  malade  d'infini,  le 
si  lassé  des  choses  et  des  êtres?  Les  bonnes  résolutions 
abondent  ;  à  chaque  ligne  on  rencontre  le  >^  je  veux  •> 
hardi  et  rédempteur.  Il  parle  même  -  de  se  la  couler 
douce  • .  Mais  sa  joie  se  bat  trop  obstinément  les  flancs, 
elle  n'est  guère  de  la  vraie  joie  authentique  et  franche. 
Le  coup  de  reins  cassés  est  proche.  Le  voici  : 

Je  suis  si  eiUonè  d'art 

Ife  répéter,  quel  nul  de  t«te  ! . . . 

La  détresse  de  ce  cri  est  superbe.  Le  premier  d'entre 
nous  Laforgue  l'a  poussé  avec  autant  de  profondeur  et 
de  sincérité.  C'est  l'about  de  presque  toute  l'espérance 
hautaine  et  qui  tient  droit  la  tête.  Après,  quoi  donc 
reste-t-U  ? 

Chose  étrange,  ce  qui  chez  d'autres  est  le  premier 
désenchantement,  le  premier  mensonge  démasqué,  la 
première  maison  de  bonheur  jetée  bas,  devient  chez  lui 
le  quand  même  espoir.  Ce  qui  reste  debout  sur  ses 
ruines  de  confiance,  comme  confiance  dernière,  c'est  la 
femme. 

Oh  qu'une,  d'elle-même,  un  beau  soir,  sût  venir 
No  voyant  plus  que  boire  à  mes  lèvres  on  mourir  '. 

Seulement,  est-elle  venue  ? 

En  son  œuvre  dernière,  c'est  l'appel  vers  elle  qu'il 
exprime.  De  vrai,  Notre-Dame  la  Lune  n'est  souvent  que 
son  désir  objectivé  jusqnes  dans  les  cieux  où  plane  cette 


•  Dame  très  lasse  de  nos  terrasses  •  où  flotte  «  cet 
édredon  du  grand  pardon  •  oti  chasse  Qstte  •>  Diane  à 
la  chlamyde  très  dorique  •  od  rendit  ce  •  blanc  médail- 
lon des  Endymions  •  où  se  darde  cette  •  Jettatnn  des 
baccarats,  etc... 

Puis  dans  les  Moralités  légendaire»,  tontes  les  inno- 
cemment et  inconsciemment  coupables  :  Elza,  Salomé, 
Ruth,  Andromède.  Toutes  petites,  tontes  faibles  et  gra- 
ciles de  corps,  pas  méchantes  et  qui  pourtant  font  tant 
de  mal. 

L'une  d'elles,  la  Kate  de  la  première  moralité  édn- 
quée  à  nouveau,  sortie  de  son  milieu  cabotin,  régénérée 
—  car  il  y  avait  de  l'étofiis  —  était  peut-être  celle  qui 
serait  venue  •  ne  voyant  que  boire  à  mes  lèvres  ou 
mourir  »,  mais  cette  fois  ce  fat  Hamlet  qni  fit  la  bète. 

U  est  une  pièce,  dans  les  Derniers  vers,  très  expli- 
cite quant  à  ce  sentiment  féminin  qui  Uvait  pris  racine 
dans  r&me  de  Laforgue  et  qni  poussait  ses  branches  et 
son  tronc  à  travers  et  par  dessus  les  autres  végétations 
du  souci  et  de  l'inquiétude  humains.  La  commenter 
serait  peut-être  expliquer  Laforgue  tout  entier.  Il  y 
apparaît  malgré  son  •  air  superbement  moqueur  et  sa 
raillerie  ». 

Ainsi  elle  viendrait  ivadée,  demi-morte 

Se  rouler  sur  le  paillasson  que  j'ai  mis,  i  cet  eflet,  devant  ma  porte, 

malgré  ses  dégoûts  et  ses  assez  de  •  la  femme  à  piano  • 
de  son  •  corps  bijou  >,  de  son  •  cœur  à  ténor  •,  de  ses 
>  incurables  organes  «,  malgré  cette  pauvre  manie 
•>  de  fiùre  les  fous  dans  des  histoires  fraternelles  », 
malgré  tout  enfin  —  le  corps  a  mal  à  sa  belle  Ame,  et 
c'est  dans  la  femme  —  le  pauvre  —  qu'il  oserait^ encore 
placer  sa  confiance. 

Et  l'hymne  commence;  l'étemel  chant  que  tant  de 
poètes  dupes  ont  fiiit  entendre,  que  les  plus  lucides  et 
les  plus  désabusés  d'entre  eux  entonnent  quand  même, 
désespérément,  presque,  dirait-on,  par  pur  esprit  de 
tentation  vers  le  hastird,  toujours. 

Oh  !  baptême  de  ma  raison  d'itre  ! 

Faire  aaitre  bu  -  Je  t'aime  »  ^ 

El  qnll  vienne  à  travers  les  hommes  et  les  dieux 

Sous  ma  fenêtre 

Baissant  les  yeux  .. 

Qu'il  vienne  comme  i  l'aimant  la  foudre 

Et  dans  mon  ciel  d'orage  qni  craque  et  qui  s'ouvre 

Et  alors  les  averses  lustrales  jusqu'au  matin 

Le  grand  glapissement  des  averses  toute  la  nuit.  —  Enfin  I 

Ainsi  elle  viendrait  à  itoi  avec  des  jeux  abaolament  fous 
Et  me  suivrait  avec  ses  yeux-là,  partout,  partoat. 

Difiérence  entre  Laforgue  et  les  autres  amants-poètes 
de  la  femme,  4f  est  qu'il  écrit  Moi  avec  une  majoscole  et 
que  les  autres  mettent  le  moi,  tout  simple,  aux  pieds 
mêmes  de  l'attendue. 

Encore  que  les  antres  rêvent  souvent  amour  décla- 
matoire et  quasi  romantique  tandis  que  le  sien  est  tout 


L'ART  MODERNE 


29 


d'anfiuice  et  de  sincérité  et  porte  un  paroissien  sons  le 
bras.  La  venue  «  à  traTers  les  hommes  et  les  Dienx  -,  se 
(xmfiaase: 

Qm  je  ta  diw  Mulement  que  depuis  des  nuits  je  pleure 
Et  que  mes  taeit'M  ont  bien  peur  que  je  n'en  meure. 

Je  pleoie  dans  les  coins,  je  n'ai  plus  goût  â  rieu 
Oh,  j'ai  tant  pleorA  dimandie  en  mon  paroissien  ! 

Cette  jeane  fille  était  peut-être  pour  Laforgue  un 
simple  mojoi  de  se  prouver  bon  et  doux,  peut-être  aussi 
aurait-Il  voulu  dépenser  en  elle  la  somme  d'amour  qà'il 
portait  en  lui  et  que  d'autres  sont  plus  disposés  à  donner 
k  l'humfuuté  entière.  -...^"^^  . 

En  tout  cas,  la  psychologie  du  poète  nous  parait  une 
si  l'on  affirme  qu'il  s'est  cherché  soi-même  toute  aia  vie 
d'abord  à  travers  les  philosophies  et  les  hommes  et  les 
Dieux,  ensuite  à  travers  l'art  et  que,  lassé,  il  a  cru 
s'entrevoir  dans  l'âme  miroirante  d'ane  vierge,  tout 
simplement. 


OONOERTS  FOFXJ3L.AJrEÎES 
Coiiceit  JnWlalre 

Les  Concerts  populaires  ont  fé(é  dimanche  dernier  leur  jnbilé 
de  viogt-cinq  ans.  On  peut  affirmer  que  tout  ce  que  Bruxelles 
compte  d'anistei  et  d'amateurs  de  musique  a  manifesté  la  vive 
sympathie  qui  s'attache  k  ceUe  excellente  entreprise.  La  salle 
était  absolument  comble  et  les  deux  chefs  d'orchestre,  Adolphe 
Samuel,  le  fondateur  des  Concerts  populaires,  et  Joseph  Dupont, 
qui  les  a  si  brillamment  maintenus  an  rang  qu'ils  ont  atteint,  ont 
été  l'objet  d'oTations  enthousiastes  et  d'applaodissemenis  una- 
nimes. Les  palmes,  les  couronnes,  les  gerbes  de  fleurs  et  jusqu'à 
une  plaie  de  bonqnels  partie  des  rangs  des  choristes  ont  donné 
à  la  petite  fête  la  note  «  jubilaire  ». 

Un  des  héros  manquait  k  la  cérémonie  :  Henry  Vieuxiemps, 
qui  dirigea  les  Concerts  en  {87S-73.  H.  Dupont  avait  eu  la  pieuse 
pensée  de  lui  donner  une  place  au  programme,  et  H.  Eugène 
Tsaye  a  bit  revivre  par  son  prestigieux  talent  le  fondateur  de 
l'École  belge  du  violon.  Il  a  joné  en  aitisie  accompli,  pénétré  de 
la  mission  qui  lui  incombait,  le  coaeerto  dans  lequel  Vieuztemps 
a  introduit,  —  en  hommage  k  cet  autre  Liégeois,  Grétry,  —  b 
mélodie  populaire  de  LuciU. 

Par  un  miracle  d'art,  H.  Ysaye  arrive  k  taire  oublier  la  virtuo- 
sité extraordinaire  qu'il  déploie,  k  tenir  les  auditeurs  suspendus 
k  son  archet,  ii  leur  communiquer  les  impressions  troublantes 
dont  il  est  pénétré  lui-mémé.  Oh!  l'admirable  violon!  Quelle  puis- 
sance évocalrice  et  quelle  autorité!  M.  Ysaye,  au  concert  de 
dimanche,  a  grandi  encore  dans  l'estime  de  ses  plus  fervents 
admirateurs. 

La  partie  symphonique  se  composait  de  la  sixième  symphonie 
d'Adolphe  Samuel,  qui  fut  exécutée  avec  succès,  l'an  dernier,  aux 
concerts  da  Gnrzeaich  et  de  fragments  de  Beriioz  et  de  Wagner. 

La  symphonie  de  H.  Samuel  est  habilement  et  savamment 
constraite.  Telles  parties,  le  début  de  Vandanie,  par  exemple, 
et  celui  du  presto,  décèlent  une  organisation  mtuicale  des  plus 
remarquables.  On  est  surpris  de  voir  le  compositeur  rompre  aussi 
ouvertement  avec  les  traditions  et  se  lancer  hardiment  k  la  décou- 


verte des  harmonies  neuves,  des  formules  nouvelles  de  l'instru- 
mentation. C'est  un  rajeunissement  qui  séduit.  Le  choix  des 
thèmes  caractéristiques  pourrait  être  plus  heureux.  Ils  n'ont  pas, 
par  eux-mêmes,  l'originalité  qu'on  souhaiterait.  En  revanche,  les 
développements  sont  ingénieux  «t  intéressanU.  C'est,  au  résumé, 
une  œuvre  de  labeur  consciencieux  qui  révèle  un  artiste  maître 
de  sa  plume,  iécond  et  expérimenté. 

Les  choeurs,  formés  par  H.  I.éon  Soubre,  qui  succède  il  H.  Flou 
aux  Concerts  populaires,  ont  donné  une  très  jolie  couleur  aux 
deux  extraits  de  la  Damnation  de  Faust  et  au  «  Défilé  des 
métiers  »  des  MaUret-Chanteurt.  Quant  il  l'orcheslre,  magistra- 
lement conduit  par  V.  Dupont,  il  a  supérieurement  interprété 
le  «  Voyage  au  Rhin  »  de  la  GotUrdOmmerung  (arrangement 
d'Hdmperdinck)  et  la  «  Marche  funèbre  de  Siegfried  ». 

Un  banquet  réunissait,  le  soir,  les  musiciens  ei  les  amis  de  la 
maison,  et  a  brillamment  clos  celte  journée  de  fête. 

A  signaler  l'intéressant  relevé  fait  par  M.  Léon  d'Aoust,  admi- 
nistrateur des  Concerts  popubires,  de  toutes  les  œuvres  exécutées 
depuis  la  fondation.  Mieux  que  tout  article  dithyrambique,  cette 
longue  énumération,  qui  embrasse  des  compositions  de  toutes 
les  écoles  et  de  tous  les  pays,  montre  à  quel  point  les  concerts 
populaires  ont  contribué  k  b  vulgarisation  de  la  littérature  musi- 
cale et  il  l'éducation  du  public. 


^jueillette  de  livre? 

Insurgée,  par  IfAiocnurs  Van  oc  Wolb.  —  Un  vol.  de  320  p. 
Paris,  Bibliothèque  Charpentier,  1891. 

L'insurgée  de  Hn*  Van  de  Wiele  est  une  belle  jeune  fille,  indé- 
finiment riche,  qui,  élevée  librement,  s'ennuie  et  ne  sait  que  faire 
de  son  temps  aussi  longtemps  qu'elle  n'a  pas  aimé  ;  mais  qui, 
dès  qu'elle  a  rencontré  le  jeune  homme  de  ses  rêves,  devient  la 
plus  douce  et  la  plus  soumise  des  fiancées.  C'est  tout  le  livre 
jusqu'aux  trente  dernières  pages;  mais,  pour  justifier  le  titre 
farouche,  cela  ne  pouvait  se  terminer  ainsi,  et  voici  que  s'accu- 
mulent les  événements  mélodramatiques  :  escapade  de  la  jeune 
fille  chez  un  vieil  ami  d'enbnce,  journaliste  de  mœurs  d'ailleurs 
assez  suspectes,  auquel  elle  porte  trente  mille  francs,  pris  an 
coffire-fort  paternel,  pour  lui  permettre  de  payer  une  dette  de 
jeu  et  rarracher  au  suicide;  -r-  elle  ne  le  rencontre  pas  et  après 
l'avoir  longuement  attendu  dans  son  taudis  enfumé,  elle  y  bisse 
l'argent  et  rentre  chez  elle;  —  arrivée  du  journaliste  qui  rapporte 
la  somme  dont  il  ne  veut  pas;  sans  y  prendre  garde,  la  jeune  fille 
le  reçoit,  k  demi-nue,  dans  l'obscurité  de  la  chambre  où  elle  allait 
se  mettre  an  lit  ;  —  entrée  intempestive  du  fiancé  auquel  cela 
dépbit  et  qui  exprime  un  doute  injurieux  ;  —  insurrection  de  la 
fiancée  qui,  pour  se  venger  du  soupçon,  affirme  la  réalité  de 
l'outrage  et  «  essayant  de  se  rappeler  les  horreurs  qu'elle  avait  lues 
autrefois  dans  les  romans, ...  confesse  des  actes  affreux,  très  haut 
et  avec  une  précision  tellement  diabolique  que  le  jeune  homme 
s'enfuit;  —  suicide  du  journaliste;  —  déchéance  définitive  de  li 
jeune  fille,  restée  vierge,  dans  la  rapacité  héréditaire,  son  père 
étant  on  banquier  juif. 

Evidemment,  cela  manque  de  proportion.  Mais  dans  l'cnsemblo 
mal  agencé,  Mu«  Van  de  Wiele  a  su  placer  bien  de  jolis  détails. 
De  sa  plume  délicate  et  fidèle  aux  choses  de  l'art,  elle  a  tracé  d<- 
charmants  tableaux  d'intérieur  pour  lesquels  on  ne  sera  pas  sur- 


^s  (fe  tut  Iroater  plus  «t'aptàtwd»  que  p««r  riidiniiaa  4k 
lttbiitttl«s  ({^raitl^«s  iH  bambœkevscs  qv'cile  a  prM^es  k  ^ael- 
cttw»-aDS  de  ses  personos^;  etie  neos  a  «fit  ie  IXMhewr  des 
jeunes  époux  aupr^  iltt  berceau  Ai  pre«»ier  n* ;  h»  arisloe»»li- 
ctues  mélancoties  des  races  déchues  ;  les  reSneiBeBls  des  iRts 
mondaines  dans  lesquelles  b  fortune  ta^paisabte  de  son  hMtm, 
lui  a  permis  de  semer  les  pierreries  et  les  bijoex,  les  riebmétofcs, 
les  bibelots  pn^eievx  iule»  avec  un  soin  eomptuisant,  et  eUe  a 
rehaussai  l'inlér^  de  son  livre  par  d«s  descriptions  de  lieux  Stati- 
Mers  :  de  la  place  du  fi.'iit-$abtoB  asunêe  per  une  ovation  popu- 
laire !l  Desoer,  le  dépulé  Ëimeux  de  Textrânte  gaoche  ;  de  tel  site 
de  l'Ardeane,  qui  doono  i  son  Kvre  le  ehaniio  drune  eseursiott 
dans  des  recoins  aimés  de  nature.  feuWtre  ■"•  Van  de  Wiele 
aurail-elle  pu  tirer  meilleur  parti  encore  de  eet  élèoaeal  si 
atlnivant  pour  le  Icctour  bel^  si  eite  s'était  Ktmst*  k  gM)«s  de 
foalaisie  dans  te  détail.  Lorsqu'en  nous  décrivant  les  bonfs  de 
rOuribe  aux  environs  de  ^rbov,  tSe  sjoul»  :  «  Il  ;  a  «(uelques 
ruines  célèbres  dans  l'environ  ;  la  Tour  du  Diabie  sur  le  terrkoîre 
dt!  Barvaux  et  l'abbavc  de  Laroche,  qui  remonte  aux  pceniers 
temps  du  christianisme  »,  elle  ne  peut  évidemment  inva({«er  le 
privilège  de  la  ticiioo.  Or,  tout  te  monde  sait,,  dans  te  pays,  «pie 
la  Tour  du  Diable  est  une  busse  ruine,  toute  moderne,  «(ai  n'a 
guère  l'imporiance  que  d'un  pavillon  de  jardin  et  que,  quant  an 
chQleau  de  Laroche  qui  peut  dater  du  xf  siècle,  il  fut  lai  dcmenre 
de  comtes  féodaux  et  uon  point  d'abbés. 


rhrtnttftntftiMe.  troisième  éditioa  corrigée  «t  coDsidarablenunt 
augmenta,  pur  À.  Stap.  —  t  vol.  ia-12°  de  380  pp. ,  Bnuallas, 
P.  Weisseabruch,  éditeur,  fôOt. 

On  sait  combien,  depuis  quelque  temps,  la  science  allemande 
a  scruté  les  livres  saints  et  comme  elle  les  a  soumis  aox  règles 
d'investigation  de  la  critique  modpme.  Ccst  principalement  pour 
nous  faire  connaître  les  résultais  tes  plus  remorquabies  de  ces 
recherches  que  1,.  Stap,  il  non»  le  dit  dans  sa  prë&ce,.  a  écrit  son 
livre;  mais  il  a  dû  puiser  H  tant  de  sources  que  le  choix  dés  ali- 
ments est  lui-même  un  travail  de  critique  et  que  les  raisonne- 
ments qu'y  a  mêlés  l'auteur  donnent  i  son  œuvre  un  caracién; 
suffii^ammeut  personnel.  Les  études  qu'il  nous  présente  sont  lioin 
d'embrasser  tout  le  sujet,  mais  elles  font  bien  saisir  les  prorédés 
et,.  S  cet  égard,  elles  ne  peuvent  manqner  dlîntéresser  ceux 
mêmes  qui  sont  le  moins  initiés,  ftous  sommes  de  ceux-û,  et,  en 
suivant  dans  ses  développements  l'exposé  de  l'antagonisme  pro- 
foud  qui  dés  le  début  a  divisé  Pierre,,  l'apdire  de  la  sinraneision,. 
et  Paul,  l'apâtre  du  prépnoe,  it  nou«  semblait^  dievant  oetta- his- 
toire vieille  bicntdt  de  deux  mille  ancêtre  comme  ces  Athéniens, 
dont  les  actes  des  apOlnts  nous  fbnt  on  si  joli  tableau  : 

u  II  y  eut  quelques  philosophes  épicuriens  et  stoïciens  qni 
conférèrent  avec  lui  ;  et  les  uns  disaient  :  ({u'estMte  qne  leut 
dire  co  discoureur  ?  et  les  autres  ;  n  semble  qu'il  prêche  de  nou- 
veaux dieux... 

u  Enfin,  ils  le  prirent  et  le  menèrent  il  l'aréopage,  en  lui 
disant  :  Pourrions-nous  savoir  do  vous  quelle  est  cette  nouveDe 
doctrine  que  vous  publiez? 

u  Car  vous  nous  dites  de  certaines  choses,  dont  nous  n'avons 
point  encore  entendu  parler.  Jk)us  voudrions  donc  bien  savm'rco 
que  c'est. 

«  Or,  tous  les  .Uhéniens,  et  les  étrangers  qui  demeonaient  à 
.Xihènes,  ne  passaient  tout  leur  temps  qu'à  direct  &  entendre 
quelque  chose  de' nouveau...  » 


CéiaieM  In  cMbèm  frivs. 

Ib  «Matcal  éamt  allcMhoMM  niât  hnl  d  na 
tiiihn  :  m  ScisMars  Aihéains.  il  ne  nnUe  qp"* 
tkœcs  vtMsMn  rriîgifw  jaaqa'k  Tacts,  car,  wpaà  npHi  tm 
passait  ks  stabMs  de  vm  «fini,  jlù  Imnd  nèa^  a  aaici  ar 
I««(im)  il  est  écfk  :  *■  dim  ÛMwraM...  » 

lai»  hwwjmTb  fUnBHtpnfcr  de  h  i<miuli»«  dwnort^ 
tes  eas  s'ca  i^wiatan  H  ta  wMio  dirrn  :  «  Roa*  vwn  calea- 
«iroas  aBe  aaire  fetasor  ce  pumt  ». 

sanals  aHItiadi  et  aeas  aotcasaa  pMnfr,  a«tc  m  fif  iMMI, 
bes  déconerteskisKinqaes  qallt  «al  n  Un. 

■aïs  vaia  qae,  p«ar  t«nteiHr  ranthenicâlé  de  Téam^  de 
sain  Jeo».  îk  ^[aiucal  le  letnia  nGde  de  rhitfeim  cl,  laat 
hérissés  de  lafftfue,  8s  aom  dinal  qae;  dns  icBe  < 
détetniaie,  £b  aaraien  fail  lafwmn  fie  le  Ckrin  et  « 
ci  a  ana^aé  «n  la»  de  vaipôe  ke«  ans.  Cela,  ce  a'ot  fin 
notre  aUre.  Nées  BBienri  leelds  de  faner  le  Snc  cl  «fe 
dire  canne  les  Atkéaieas  :  m  Kees  vaas  «ncadcaae  aec 
autre  fois  wr  ce  peiat  ».  Car  ^'festce  foe  la  CeffM|ae  et  le  kaa 
sens  penveet  bie»  avoir  de  i  aman  a  avec  ers  ■aiilif  »  H  ae 
voilSht-tl  pos  de  beaax  argiincals  \  epyaecr  i  aa  Kne  dan  le 
grand  caeactécc  est  préeiaénen  fa/Stmar,  oas  janan  affacicr 
ni  prewes  ai  raîsaas  k  Fifçm  de  ce  «pt'il  «El.  La  scieace  ae  |en 
que  s'égarer  ee  ce  deoaàw  fui  a'est  pas  le  ùim  H  t 
aypfitfiioas  tonte  Bobie  iateififRaee  k  la  t 
duit  dans  les  Gttfe»  les  nouées  km 

noos  lit  cmsàtécaoB  caaaan  vaiae  cl  infaiBaaÉe  lan^a'cile 
essaie  de  b  discater  ca  cfla  arfnc. 

LeSvtese  icnaiae-iaraa  canna  ctafia»  sarbi 
chrétienaer  c'esa-Wi»  sar  hs  kaankiiaMes  naaiiRs  daat  aa  a 
essayé  de  4Mair  b  aaaareda  Ckeist  jiis(|B*aii  coaciile  de  Sicir. 
Flos  tedamîs  s'amadeat  pas  de  a 
l'aaalN^  de  cette  q^icsliin  dofnnciqa».  Si  nntf  9mt  1 
devant  l^fdBfBge,  les  AAArienSy  m 
n'cus^t  pas  oifnie  prtnnis  de  irai 


,.  pn  JciuB  BauB»  —  Vb  «et.  de  flCffi.  heâ,. 
bliottkiqjae  gouttmponia»  de  A.  Ijautat^  lISMi. 


Sons  ce  tdlre,.  ■.  Ailes  Beaaril  a  rénmi  ane  sMedlr  peCte  litiis 
d'un  Stella  rapiile  tt  ineittif  qaiv  Ai  ddaS  baml  «astennt 
observe,,  dégagent  tés  ironies  de  reailManue  et  ceasolUiMl  oae 
lecture  tris  affluante.  Ilikr  aTCat  paa^  de  nalr^  aaaa  «■■i|pM 
ment,,  car,  counne  celle  (fi»  fecqnes  Vbfttaas.  b  piHlnàpiia  fit» 
rmfimeniaire  de  Poit-de^aeoU»,.  F)»  d»  Mins  die  ce  petik  Ibre,. 
eonlfaie'  eu  bien  pris  au  sceptieism*  éltfgaai:  qui  eatv  on  b  sailv  Ae 
fbnit  de  tauls  ngesse. 


baaaa  flBaa»  monolonn  al  pitees  è  dieev  par  Pîum 
— 7UH|iietteiiL-tSaa  3tt  pp.  BnimilHh.Lasomiiia>,.MiinB.iaaiL. 


Quatre  monologues  i  Siuuiiig^  EtOmanaqiu,^ 
20»  €'on/lA(n». ..  Ils  urat  ponrj^ranes  Sites  et  nne  piSeektfirer  £^tt 
BaptÉint^  celle-ci  ponrenibi& 

De  l'esprit,  éyidamment,.  nndsde  tssprife  dr  momtogme.  Vous 
entendez  celh  (ffasi'  : 

JW  sois»  pacsitMl,.  romnonqpa... 
Qui  s'ta  snait  jamais  donté?;.. 
SBbu  c/tÊit  aflbanx,  jv  (fim.  pnocjoa...  t 
ffîtntt'  u  Qst  uufl  ànooacnb» 


ii^Wr^r^^'^'P^f'f^-t  '' 


VABT  MODERNE 


31 


r  M.  J.  Immmàt.  CraHA.*—  BnRHDM, 

rM»|ae  ce  lilre  «odoic,  le  poète  ae  M 

ijer  n  lyre.  Ses  vers  <mI  les  qealilA  et  les  «Wteis  4e  b 

:  il  rMHcM  pin  de  KMÎMeM  f«e  Art  et  4'origiMKK. 

HMK  laiteile,  VM  ■ofMdesse  icwbc,  mus  Facwl 

y  nil  csctte  snMl.  Re  cWfcbeSv  imm  ces  cvwieBs 

MK  ekaalsMe.  ■!  scieace  de  vcnifcaiim,  ai  letfcenfce  de 

;  riea  M'y  iiaKt  FcArt  m  métÊt  rHadc.  Ce  a'est  ^'me 

Me— ■^■edesKUi.fwiifytlIt  teswflsdîrtiif  luet 

flinwifciit  dlBrtiKt  les  c— palriele»  de  Faiew 

lever  ta  ynlwe  smb  kvs  dsv^is^ 

rotftiqw  a  tflé  étté  par  ■.  t9t^ 
lies  corvette  ntf|pflee. 


Qnri^aes  (xpoMÎM».  «{«i  a^ritest  Mfie  chose  fse  le  siltsee, 
se  ssM  ««fartes  voiri  d^  ^selfices  jours. 

tkdUofd  leFsanMKirfr,  «Ades  jnuws  (eb  que  eSbovl  et  Laer- 
■aas  éfriBcol  des  ^apofbses  acues.  Le  EsteM  de  rua,  love  efe 
cetorirte  ^adeaMe  ■ooiire:  IMK  édarants  sar  des  6rsas  ardenrs), 
de  raalre,  dessiaatcar.  anôréscrs  ks  esfresBO»  d'art  Msf,  attt^ 
ctart  raUcMiaa  91  ce  CcRle,  le  pto  îetme  cm  date  et  (foi  (HMrrtit 
Us*  w  paa  s^MtMder  daas  les  oiésKS  eftenww  (foe  V  m  tuor  », 

Bes  ânricds^sartovt  de  Siak6aerts^  one  eeSe,  iliKX  «yovt»,  nons 
fait  mapr  aosi  oKÏIfcnees  «sff»  de  ce  paatre. 

.n.  na^pfet  et  Le  Hafetir  rsçotyeiu  lie  pabfic  as  ■  Cercle 
aetîsiîfiie  »  et  ebacfeni  leurs  tobteanx  de  le  cRstraire.  Queiipie» 
taivât  icnb  y  rtossiamriif.  S,  nOippet  est  on  iiapnmncenr 
ahonAni.  Cecps  de  krasse  donm»  il  [»  diaftie,  pAte  cra;fen!ie 
niEfnt,  socpoMe  «k  ua»  violents,  et  rwhprcfte  (f  air  aa  pioiOt 
de  cfart^.  Hais  fK  (fit  hH»  blbues  et  rtiirs  ne  (fit  pas  arfceasatt- 
l'cusent  bonire. 

■.  Le  Wafear  est  iw  fris,  sa  terne.  Ses  Marina  manquent  de 
carsKtare* 

Telfe  Mlle  moripe  nœ  efiservariim  siiirèr»r  oae  sfoetriié  (Tart 
({01  pfiiOi.  L'icBsemBle  est  monochrame.  On  ré^e  dies  mers  ftuiei- 
■Asy  d  ragnoesy  et  éianbates  (ie  sofeil,  et  sa&rées  (Ce  piaii>, 
fws  par OB  Cfanir  SasKt,  Ci  dis»  rFgrecs  misseiir. 

Qoafflt  & ■.■ontalJi cpn^I&'-kaftren  dies  salles (fe IaTra>'tieniu8  tn- 
giiieSyCnmiiist  b  emanté  (fesposer  (fes  ou»  eolossam,  nous  en\- 
pamKçat  la  dhnensiaadTaaeaiMffe  raltirs  surtout.  Ptior  meitre 
ses  f/ixaa  aox  prises,  it  lai  a  lUIu  (fgiMane.  mètres  sur  dix.  5ouft 
a'f  Tajans  nen  ^  redire,  Bnan;  ({us  K.  ■oniaU,  tout  en  déployant, 
lonlt  tVSntt  (fe  mmelUr  n'isst  point  parvena  !it  soulever,  i  la 
Aameur  cbi  grandi  art,  la  profonde  significaUon  die  son  sujet  : 
Vnmqmunu  loeial. 


OHISERYATÛIRE  1%  LIÈGE 

{jCarrmjimfukmeB  parUaatiirB  de  l'Aki  aDDUin) 


K  soncert  dé  (fistribution  de  pris,  oH  sur  un 
ï  iBëdHaeiKs  s^esi d«>taché  lé  jrane  nient  de 
IM»  1010011,.  une  pianiHB  cpii  a  de  la  virtuosité,  de  la  (sorrection 


et  da  km,  k  Caoïti  laieiie  low  •  demé  one  iaUnmame  asdi- 
liOB  dool  ndde  bit  boawar  »  ■.  Radovi. 

L'iadMoa  de  dioRmehe  dcrawr  était  ewî^remeiM  eeasoer^  !t 
Cter  rrMck.  On  mws  a  bit  e*(eadre,dai»  Tordre  chronolofNiae 
de  coMpOfiiNMi,  dlmportantes  parties  de  reeovre  da  maître  :  le 
lri$  tuft  atff.  wrintmr  de  1SW,  U»  EMU$,  poème  sjorptu)- 
■ifKde  iVn,  wm  Pieu  hén»qat  pMr  erfae  (11178),  la  Somite 
ftmrwithm  et  fUmo  (1M5>. 

Da  Irîo  de  IM»,  oè  appanûsent  ea  ferme  les  baaies  <|vaKté4 
de  Céwr  Franck,  — b  pweté,  b  sévérité  de  ta  fonwe,  b  solidité 
de  b  pcosée,  —  il  la  somte  de  IMS,  d'oite  iaspirMioa  m  poi«' 
soole  et  si  ceatCBoe,  Svm  MigtéiM  d'avare  si  inupeseeie  qa'eile 
Crappe  de  re^eet  »àmirMi1  etxn-ti  même  (|ai  se  b  «mprenaest 
qa^  denn,  b  nnrche  prsfressne  se  manfoe  sans  conteste;  elle 
'  oa  ffMM  maffre. 

le  lri0,  M.  Arkeffe,  a«  piaM,  bitfiie  t'*tiet»tiot»  par  son 
jea  brapst.  Il  éeraœ  por  sa  vigaear  te  fi^  «pnef^ne  peu  rrem- 
bbot  et  le  sea  sa  pea  rinwde  de  M.  Rodolphe  Rassert,  qui  tient 
b  partie  de  vtolM.  Cetie  €»éewiitm  soit  i  feewre  et  il  la  mise  en 
bnnêre  ds  laieat  letoauu  des  deux  professeurs. 

Asee  efané  mais  sons  poisumee,  WM,  bayzmfis  et  lasSart 
Joneal  b  soaate. 

La  ebsse  d'orehesfre,  rfirijfée  pw  M.  Sylvain  Bwpois,  etécote 
osée  soia  la  Eâtkki,  me  des  phn  hr^ea  pa^  »ymplu)ni<|oes  de 
fraork.  On  aoraif  ecpertobnt  sonteaicé  entendre  joa«r  ee  poème 
symphmiifae  par  on  orekestre  phi»  eon^et  et  composé  d'xrtisies 
ptas  areompfi». 

Trois  élève»  ckanient  tris  correctement  des  Jraymems  de  RitA 
H  Bmh.  Le  slyie  si  simple  de  cette  éjrlngne  MMir^w»,  sa  forme 
arckabpe'  ea  si  porfute  harmonie  avec  le  sujet,  Fémofion  si 
naïve  et  si  louchante  i\n\  dooeemeat  s'en  dt^ga^^c  rrripressionneni 
dâicieiisemear.  Remonfué  IP"  fiabiTelle  Lejenne,  très  en  progrè.s, 
(foi,  (finie  beRe  voix,  a  (îkanté  Fair  de  Rnih. 

Lu  Viergt  k  I«  Criehe  ei  la  Dmsa  ie  Lormont,  deux  eboeure 
pour  voix  de  femmes,  charment  par  tes  mêmes  qualités  de  fraî- 
cheur et  de  poretc!.  De  te  Vwrge  à  Ut  CrèeKe  s'élève  une  douce 
impression  ek  repof>,  évoeatriee  die  la  calme  Vierjip  berçant  le  doux 
enfont  lésns.  Bes  Dim^na  de  Lormont  s'élève  une  larjfc  impres- 
sion de  vie  et  Ap.  jeunesse  ailée. 

Cemqni  Ignoraient  l'ienvrede  César  Franck  ont  pu  se  former 
■ne  icMe  exacte,  bien  ({u'insuAsanie  encore,  de  la  variété,  de 
Tésetiim  et  die  D»  piriKwaee  du  talent  du  maftre  de  la  jeune  école 
française. 

Bfsons  le  bien  hani,  si  le  publie  liéfeois  a  (^elquc  eonnais- 
saoee  die  la  musique  moderne,  c'est  grâce  a«x  efforts  sérieux  ex. 
pefsistanis  de  H.  Rodoux  fi  de  ■.  Dopiiis  depuis  (^nelques 
amifes,  ^  la  Intte  vaillant  quiiis  ont  soutenue,  chacun  de  son 
eiUé,  sans  un  instant  de  d^biHance. 


LA  m  mSESMI  i  IMMS 

(Ctrrapondancs  pariiciiUért  de  l'Art  xodbrne.) 

La  vie  mnsicale  s'épanouit  largement,  cet  hiver!  n  a  fùllii  pour 
cria  la  grève  que  décida,  rhiver  dernier,  l'ancien  orehnstre  du 
'Fbéitnw  Royal)  et  «{Mi,  erëant  des  loisirs  sobiti»,  menaçant  quel- 
foes-un»  des  mnsiiiiens  dans  leur  existence  même,  le»  poussa  — 
ces  mrihenrvnx  eséentome  que  la  lutte  pour  la  vie  avait  tenus 


32 


L'ART  MODERNE 


peodanl  de  si  longues  annt'ej  dans  celle  géhenne  qu'est  un 
ihéâlre  —  à  demander  les  ressources  qui  leur  faisaient  si  inopi- 
nément défaut  à  l'Art  vrai.  Ils  consliluërent,  en  sociéié,  nos 
«  Concerts  populaires  »  cl  noire  n  Théâtre  lyrique  ».  Le  Théâtre 
lyrique  appareille  silrement  vers  la  réussite  et  le  doit  un  peu  au 
puissant  appui  moral  de  Peter  Benoit.  J'eusse  dû  vous  avertir  des 
représentations  A'Egmont  el  y  reviendrai  si  —  comme  il  con- 
vieni  —  les  musiciens  se  décident  !i  ramener  b  l'affiche  cet 
ouvrage,  qu'ils  se  doivent  à  eux-mêmes  de  ne  pas  laisser  tomber 
si  facilement  après  deux  essais  malheureux.  Il  ne  faut  pas  que 
n'importe  qui  puis.se  croire  —  et  surtout  à  ses  débuts  —  que  le 
Théâtre  lyrique  échouera  chaque  fois  que  surgira  2i  l'aflSche 
quelque  nom  glorieux  ! 

Après  Egmonl  vint  Parisina,  un  drame  pour  monter  lequel 
M.  Frans  Citions  n'eût  pas  b  attendre  la  création  du  Théâtre 
lyrique.  C'est  que  le  public  flamand  est  cxiraordinairement  friand 
des  pièces  de  .M.  Gitteos.  Aussi  celui-ci,  ne  se  fait-il  pas  tirer 
l'oreille.  Ses  œuvres  se  suivent  et  se  ressemblent  toutes  par  le 
succès  qu'elles  rcmporlenl.  Parisina,  qui  ne  vous  est  pas 
inconnue,  me  semble  charpentée  à  souhait  pour  le  musicien. 
.M.  Edward  Keurvds,  le  1res  dévoué  chef  d'orchestre  du  Théâtre 
lyrique,  u  adapté  au  drame  pour  une  unité  parfaite  une  très 
colorée  argumentation  musicale. 

In  1res  suggestif»  Proloog,  le  Liefdtdroom  »  —  le  «  Kinder- 
koor  M  —  dont  l'cxéculion  me  paraît  un  peu  mince  —  les  deux 
puissants  et  profonds  «  KarakUrbeelden  »  avèrent  un  réel  musi- 
cien. Un  nom,  en  somme,  que  j'ai  satisfaction  à  vous  transmettre. 
Puisse-t-il  ne  pas  être  étouffé  ici,  en  province  ;  l'odieuse  province 
qui  stérilise  tout. 

Struensée  est  à  l'affiche  cl  le  Petr  Oynl  de  Grieg  est  officiel- 
lement promis. 

—  Fortunes  diverses.  Les  «  Concerts  populaires  »,  malgré  tous 
rflbrts,  ont  plus  de  mal  à  se  caler.  Cela  est  dC  surtout  Si  la  défec- 
luosiié  des  salles  dont  ils  se  voient  forcés  d'émigrer  aussitAl.  Le 
public  se  fait  tirer  l'oreille  un  peu  pour  ces  diverses  pérégrina- 
iions  vers  les  différents  locaux  de  la  ville. 

Il  faut  que  les  n  Populaires  »  songent  à  se  loger  définitivement. 

Toute  hésitation  peul  comprometlne  cette  instilution  qui  nous 
lient  tant  à  cœur  ! 

Je  retrouve  celle  même  hésitation  dans  la  composition  des  pro- 
grammes. (In  bal  un  pou  tous  les  fourrés,  désordonnémenl.  Et  des 
fourrés  où  l'oduralion  musicale  du  public  n'a  aucun  intérêt  1 
l'Ire  iniroduit  :  les  Folville,  les  Bordier,  les  Lapon. 

A  noter,  i  l'avant-demier  concert,  la  Symphonie  PatloraU 
Iles  délicatement  cl  opiniâtrement  travaillée.  A  un  concert  pré- 
cédent, une  légende  :  Zorahaijdé  de  Johann  Swedsen  et  des 
déclamalions,  derrière  lesquelles  M.  A.  Wilford  a  levé  de  naïfs  el 
requérants  décors  musicaux. 

—  Ailleurs,  c'est  la  dernière  oeuvre  de  Jan  Blockx,  si  pâlotte 
qu'elle  doil  êlrc  morte  à  l'heure  qu'il  est. 

Ça  s'inliiule  :  le  Génie  tatélaire  d Anvers  .'.'.' 


5!ÎHR0N1QUE    JUDICIAIRE     DEp    yVRTg 

PartiUoiia  maaiuerites. 

Nous  avons  vu  un  jour,  el  même  réceramenl,  â  Bruxelles,  chei 
uu  éditeur  de  musique  connu,  un  avis  imprimé,  signé  do  nom 
d'un  éditeur  français,  par  lequel  le  public  était  prévenu  que  des 


poursuites  en  contrefaçon  seraient  ciereéea  contre  tout  organisa- 
teur de  concerts,  chef  de  chœurs,  directeur  de  Ihéilre  ou  aulre 
personne  qui  se  servirait,  pour  ses  exécutions  musicales,  de  copies 
manuscrilet  exécuiées  d'après  une  partition  de  l'éditeur  en  ques- 
tion. 

L'un  des  derniers  numéros  de  la  OauUe  des  Tribunaux  nous 
apporte  l'écho  d'un  procès  où  celle  question  de  droit,  atsex 
curieuse  el  d'un  intérêt  pratique  inconleslable,  a  été  tranchée 
contre  l'éditeur. 

Le  tribunal  civil  de  Nonipcllier  a,  le  i6  mai  dernier,  décidé 
qu'une  ville,  un  directeur  de  théâtre  ou  généralement  toute  per- 
sonne qui  a  acheté  chez  un  éditeur,  propriétaire  d'une  œuvre 
musicale,  un  exemplaire  d'une  partition  en  vue  de  la  faire  jouer 
et  représenter,  peut  en  faire  des  copie*  manuscrites  pour  ses 
besoins  personnels  ou  ceux  de  son  exploitation  sans  commettre 
le  délit  de  contrefaçon. 

Spécialement  la  ville,  qui  justifie  avoir  acheté  du  cessionnaire 
de  l'aulcur  d'une  partition  des  exemplaires  on  des  parties  d'or- 
chestre, a  le  droit  de  demander  la  nullité  et  la  main-levée  de  la 
saisie  pratiquée  sur  les  copies  manuscrites  qu'elle  a  fait  faire 
pour  les  renfermer  dans  ses  collections. 

En  conséquence,  le  tribunal  a  ordonné  la  main-levée  immédiate 
de  la  saisie  qui  avait  été  faite,  â  la  requête  de  la  maison  Ricordi 
de  Milan  sur  vingt-quatre  parlilions  manuscrites  du  Trouvère  et 
sur  quatre  partitions,  également  manuscrites,  du  Ballo  in  Mas- 
ckera,  dont  la  municipalité  de  la  ville  faisait  usage  pour  l'exploi- 
tation du  théâtre,  le  tout  avec  condamnation  d'insérer  le  juge- 
ment dans  cinq  journaux  de  Paris  on  des  départements,  au  choix 
de  la  ville  de  Montpellier  et  aux  frais  des  défendeurs. 

Ce  jugement  est  en  conlradiclion  avec  un  jugement  du  tribunal 
de  Reims.  (Voir  notre  numéro  du  30  juillet.) 

Noos  pensons  qu'en  Belgique  la  question  est  résolue  par  l'art. 
1"  et  par  l'art.  49  de  la  loi  du  26  mars  1886  sor  le  droit  d'auteur, 
ainsi  conçus  : 

«  Art.  i".  —  L'auteur  d'une  leuvre  littéraire  ou  artistique  a 
seul  le  droit  de  la  reproduire  ou  d'en  autoriser  la  reproduction, 
de  quelque  manière  et  sous  quelque  forme  que  ce  soit. 

«  Akt.  19. —  La  cession  d'un  objet  d'art  n'entraîne  pas  cession 
du  droit  de  reproduction  au  profit  de  l'acquéreur  ». 

La  copie,  même  manuscrite,  d'une  partition  conslilne  évidem- 
ment la  reproduction.  En  achetant  un  exemplaire  d'une  partition, 
l'acquéreur,  sauf  convention  contraire,  n'acquiert  pas  le  droit  de 
reproduire  celte  partition  el  de  s'en  servir  pour  des  exécutions 
pnbliquet.  Ce  serait  frustrer  l'éditeur  el  l'auteur  d'un  bénéfice 
légitime.  


Petite  CHROfiiquE 


Six  matinées  seront  données  par  les  XX  au  cours  de  leur 
prochain  Salon  :  quatre  conférences  (deux  littéraires,  deux  artis- 
tiques) et  deux  conceris. 

M.  Gustave  Kahn  traitera  do  Vers  libre,  M.  Gsoaccs  Lecomtb 
des  Néo-Jmpreuionnistet,  M.  HENâi  Van  db  Velde  parlera  du 
PaytuH  en  peinture,  M.  Edxond  Picako  de  C Émancipation  de* 
Lettre*. 

Les  concerts  seront  consacrés  l'un  â  Césak  Fkahck,  l'aolrc  â  la 
jeune  école  de  musique  française  :  VmcEirr  dIrbt,  Gabikl 
Fadeé,  Pierre  oE'BaÉvatE,  Cawllb  BekoIt,  Ernest  Cbaos- 
soN,  eic. 


.;Msj^- ■»■-.:• 


'•.«fi. 


L'ART  MODERNE 


33 


■■4 


On  y  cnlendra  notamment  le  quatuor  ii  cordes  (inédit)  du  César 
Franck,  et  le  quatnOr  i  cordei  (inédit)  de  Vincent  d'indy,  tous 
dcuK  en  première  andilion,  interprétés  par  MM.  Eugène  Yaaye, 
Criekboom,  Van  Bout  et  J.  Jacob. 

Les  chœurs  seront  dirigés  par  H.  Vincent  d'indy. 

Des  cartes  personnelles  d'abonnement  b  18  francs,  donnant 
droit  d'entrée  permanente  b  l'Exposition  dès  le  jour  de  l'ouver- 
ture, réservée  aux  artistes,  sont  mises  it  la  disposition  du  public. 
S'adresser  au  Secrétariat  des  XX,  rue  du  Berger,  17,  k  Bruxelles. 

M.  Emile  Sigogne  a  ouvert  samedi  dernier  un  cours  de  littéra- 
ture contemporaine,  qui  sera  continué  régulièrement  tous  les 
samedis  h  3  heures,  jusqu'au  U  mars,  Salle  Veydt,  rue  Veydt. 

M.  Sigogne  traitera  spécialement  cette  année  de  TolstoI,  Dos- 

TOlEVSKT,  AlPHOHSB  DlUDBT,  JULBS  et  EDMOND  DE  GoNCODRT. 

Le  prix  d'admission  est  de  iO  francs  pour  les  dix  séances,  de 
3  francs  pour  chaque  conférence. 

Le  dessinateur  Charles  Keene  est  mort  ii  Londres  le  4  janvier 
b  l'âge  de  soixante-huit  ans. 

Placé,  au  sortir  de  l'école,  dans  les  bureaux  de  son  père,  avoué 
k  Furnivarinn,  il  ne  tarda  pas  à  abandonner  la  pratique  des  lois 
pour  entrer  au  service  d'éditeurs  qui  l'utilisèrent  h  illustrer  une 
édition  de  v  Robinson  Crusoe  ».  Puis  Vlllustraltd  Lotidon  Newi 
et  Once  a  Week  publièrent  ses  dessins.  En  18S0,  le  Punch  se 
l'attacha  définitivement  et  une  sélection  des  innombrables  croquis 
de  mœurs  qu'il  y  fil  paraître  forma  un  volume  sous  ce  titre  a  Our 
People  M  (1881). 

Mais  les  dessins  originaux  de  Keene,  on  en  put  voir  une  admi- 
rable série  dans  la  section  anglaise  de  l'Exposition  universelle  de 
1889  b  Paris,  et  Gustave  Kaho,  dans  ses  très  remarquables  chro- 
niques d'art  de  la  Vogue  (tome  IV,  n°  3),  en  parla  comme  il  con- 
vient, les  comparant  aux  Degas,  aux  Camille  Pissarro. 

La  Vie  moderne  de  Charpentier  publia  en  1879,  daus  son  qua- 
torzième numéro,  cinq  croquis  du  maître  anglais. 

Le  n*  du  Punch  du  IS  août  1890  contenait,  sous  ce  titre  : 
«  Arry  on  the  Boulevards  »,  le  dernier  dessin  de  l'artiste. 

La  Hommes  d'aujourd^hui  (Vanier,  éd.)  publient  dans  leur 
dernier  numéro  le  portrait  du  dessinateur  Louis  Legrand,  avec 
une  lettre  de  Félicien  Rops. 

Vient  de  paraître  chez  Th.  Lombaerts,  éditeur,  tt  Bruxelles, 
7,  rue  Montagne-des-Aveugles,  et  en  vente  chez  les  principaux 
libraires  et  marchands  de  musique,  Siegfried  de  Richard  Wagner, 
étude  esthétique  et  musicale  par  Ernest  Closson.  In-12  de 
108  pages  environ.  Prix  :  fr.  1-50. 

Paraissant  au  moment  des  représentations  de  Siegfried  au 
théâtre  de  la  Monnaie,  cette  étude  est  d'actualité. 

Quoique  s'adressant  au  public  en  général,  elle  se  recommande 
surtout  à  ceux  qui,  voulant. apprécier  dans  toute  sa  beauté  l'œuvre 
de  Wagner,  désirent  l'approfondir  entièrement,  sans  se  livrer, 
cependant,  b  un  travail  préparatoire  assez  compliqué  et,  à  coup 
sûr,  fort  long. 

Dans  une  première  partie;  l'auteur  s'est  appliqué  b  faire  res- 
sortir les  beautés  esthétiques  de  l'œuvre,  le  développement  des 
caractères  et  des  situations,  etc. 

La  seconde  partie,  plus  étendue,  renfermant  un  grand  nombre 
de-  citalioti*  musicale»,  —  thèmes  conducteurs  et  autres  figures, 
—  constitue  une  étude  détaillée  et  systématique  de  la  partition. 


considérée  séparément  et  dans  ses  rapports  avec  les  autres  parties 
de  la  tétralogie. 

L'auteur  n^nt  efforcé,  par  des  annotations,  dus  remarques 
diverses,  des  parallèles  avec  d'autres  œuvres  du  maître,  de 
rendre  cette  seconde  partie  aussi  intéressante  qu'il  est  possible, 
l'énumération  succincte  des  thèmes  conducteurs  et  de  leurs  déve- 
loppements étant  forcément  assez  aride. 

On  a  tort  de  ne  pas  lire,  dans  les  journaux  spéciaux,  les  comptes- 
rendus  d'expositions,  ces  comptes-rendus  où  chaque  exposant 
reçoit  sa  dragée,  —  d  crainte  du  désabonnement!  Chaque  fois  que 
nous  en  parcourons  un,  nous  y  trouvons  des  merveilles  de  stylo, 
b  recommander  b./ir(«<  Critique,  qui  le;  collectionne.  En  veut-on 
quelques  échantillons,  découpés  au  hasard  : 

«  Un  bon  portrait  de  M.  R...,  mais  dont  le  costume  noir  sur 
noir  est  bien  ingrat  comme  valeur  de  ton  pour  éclairer  les  étoffes  ; 
c'est  ce  qui  arrive  au  Portrait  de  M"'  J.  H.,  qui  est  assise;  ii 
certaine  distance  elle  parait  être  debout.  (???) 

«  C'est  une  peinture  b  l'huile  sous  verre  qui  fîgur    le 

pastel.  (?) 

u  Laissons  forcément  les  verres  aux  pastels,  aux  aquarelles, 
aux  Anglais;  nos  peintures  b  l'huile  ne  craignent  pas  les 
mouches.  (!) 

a  Ces  deux  œuvres,  vues  au  Salon   de  la  Société  des 

artistes  français  aux  Champs-Elysées,  y  ont  acquis  leur  valeur 
artistique. 

«  M.  V...  expose  Le  Rive,  jeune  fille  dormant,  très  étudiée 
et  fort  bien  peinte;  un  effet  de  lumière  savant  vient  caresser  le 
sujet.  {Petit  polisson  !) 

«  Ouel-aptns  {chouanerie),  de  M.  S...,  est  un  intéressant  petit 
tableau  bien  peint,  représentant  une  scène  où  deux  hussards 
vont  se  trouver  pris  par  des  chouans  cachés  dans  une  cave. 

La  Messe,  de  M.  P...,  est  une  excellente  toile,  d'une  touclie 
supérieure  (I). 

«  Placé  très  haut  Un  castel  à  Talence,  de  M.  P...,  un  parc 
fut  paratl  immense. . . 

«  Deux  œuvres,  dont  la  manière  rappelle  celle  des  pointillistes 
de  l'exposition  des  artistes  indépendants  :  Mélancolie  et  Etude, 
de  M.  M....  Il  est  supposable  (sic)  que  ce  n'est  pas  pour  des 
œuvres  semblables  que  M.  M...  s'est  vu  attribuer  la  médaille  d'or 
en  1889...  » 

M.  Sulzberger  lui-même  est  dépassé. 

Le  numéro  de  janvier  du  Magazine  of  A  rt  contient  une  étude 
ur  J.  RusKiR,  par  H.  Spielmann,  avec  sept  portraits  du  célèbre 
critique,  dont  l'un,  servant  de  frontispice  U  la  livraison,  par  sir 
E.  MiLUtis.  A  noter  aussi  un  intéressant  article  de  M.  Harry 
Fdrniss  sur  l'illustration,  avec  huit  croquis  de  l'auteur;  une  élude 
sur  l'aquarelliste  Alfred  IIunt,  par  M.  Wedmore. 

Ta  Mercure  de  France,  très  vivante  et  très  intéressante  revue 
parisienne,  publie,  dans  sa  livraison  de  janvier,  des  fragments 
inédits  de  \'Eve  Future.         

L'Excursion  commence  la  série  de  ses  voyages  de  la  saison 
d'hiver  en  annonçant  les  prochains  départs  pour  l'Italie,  la  Tuni- 
sie et  l'Algérie.  Elle  publie  en  même  temps  le  programme  d'un 
magnifique  voyage  aux  Bords  du  Nil,  pour  le  18  janvier,  et  d'une 
excursion  en  Palestine  pour  le  8  février. 

Ces  programmes  seront  envoyés  gratuitement  aux  personnes 
qui  en  feront  la  demande  b  M.  Ch.  Parmentier,  directeur  de 
l'Excursion,  i09,  boulevard  Anspach,  b  Bruxelles. 


^%-f'-r:-fr,:fg:iÇ^^rjiç;^:j., 


ONZIÈME  ANNÉE 

L'ART   MODERNE  s'est  acquis  par  l'autorité  et  l'indépendance  de  sa  critique,  par  la  variété  de  se» 

informations   et    les  soins  donnés   à  sa   rédaction  une  place  prépondérante.   Aucune  manifestation  de  lArt  ne 

lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  de  peinture,  de  soulpture,  de  gravure,  de  musique, 
d'architecture,  etc.  Consacré  principalement  au  mouvement  artistique  belge,  il  renseigne  néanmoins  ses 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  l'étranger  qu'il  importe  de  connaître. 

Chaque  numéro  de  Ii'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  question  artistique 
ou  littéraire  dont  l'événement  de  la  semaine  fournit  l'aotuallté.  Les  expositions,  \ea  livret  nouveatuxi,  les 
premières  représentations  d'oeuvres  dramatiques  ou  musicales,  les  conférences  littéraires,  les  concerts,  les 
ventes  dobjets  cTart,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détailUtos. 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  Il  rend  compte  des 
procès  les  plus  Intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complète  des  ttCpOSitlOIlS  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  Il  est  envoyé  gra^Uitemeilt  à 
l'essai  pendant  un  mois  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande. 

L'ART  MODERNE  forme  chaque  année  un  beau  et  fort  volume  d'environ  450  V*Ç^t  *'««  tàblt 
des  matières.  11  constitue  pour  l'histoire  de  l'Art  le  document  LE  PLUS  COMPLET  'et  le  fetaaiH  IX  PMW 
FACILE  A  CONSULTER.  -  • 

PR,X    D'ABONNEMENT    |    ^^^.^   IZ  ^.  r""        . 

Quelques  exemplaires  des  dis  premières  années  sont  ea  vente  aux  bureaux  de  L'ART  MODEîRNE, 
rue  de  l'Industrie,  32,  au  prix  de  30  francs  chacun. 


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JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

par  autant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  Judiciairea.  —  Jurisprudence. 

—  Bibliograpble.  —  Liégislation.  —  Noterlat. 

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Administration  et  rédaction  :  Rue  des  idirùmet,  10,  Bruteelltê. 


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PARAIT  ht  SO  DK  CHAQUE  MOIS 
en  un  fascicule  de  32  pages  au  moins.  Il  formera  tons  les  ans  un  fort 
volume  in-8°,  pour  lequel  il  sera  tiré  une  couTerture  spéciale,  un 
titre,  une  table  des  matières  et  une  table  alphabétique  par  noms  d'au- 
teurs. 

Abonnembxts  :  France.  5  francs  par  an. 

Id.  Union  postale,  6  francs  par  an. 

Envoi  d'un  n°  spécimen  contre  fr.  0-40  en  timbres-poste.  —  M.  A. 
Vaixette,  rédacteur  en  chef,  rue  de  l'Echaudé  St-Germain,  15,  Paris. 
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Administration  et  rédaction  :  Rue  Royale,  15,  Bruxelles. 
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chim,  Wilhelmj,  Ed.  Qrieg,  Ole  Bull,  A.  Essipoff,  Sofie  ileuter. 
Désirée  Artùt,  Pauline  Lucca,  Pablo  de  Sarasate,  Ferd.  Hiller,  D. 
Popper,  sir  F.  Benedict,  Leschettt^y,  Napraoidh,Joh.  Selmer,  Joh. 
Svendsen,  K.  Rundnagel,  J.-O.-E.  Stehle,  Ignace BrUll,  etc.,  etc. 

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Onzièub  amméb.  —  N"  5. 


Le  numéro  :  86  oentiues. 


Dimanche  l"  Février  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DBS  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  •  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONIÏEMBNTS  :   Belgique,   un  an,   fr.   10.00;  Union  postale,   fr.   13.00.    —  ANNONCKS  :    On  traite  â   forfait. 

Adresser  toute»  les  communications  d 

l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  me  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


Ahtan,  Boulanoir,  Dubois.  —  Lb  prix  des  œuvre»  d'aet.  — 
ViNTB  R.   Chalon.   —  Vente  Cbahpfleuhy.   —   Cueillette   de 

LIVRES.  —   L'AnOELUS.  —   LeS  GRANDS  CONCERTS.  —    BlBLIOORAFBIÏ 

MUSICALE  —  Mémento  des  expositions.  —  Petite  chronique.        * 


ARTAN,  BOULENGER,  DUBOIS 

On  a  renda  à  ces  trois  grands  artistes  le  mauvais  ser- 
vice de  grouper,  en  une  exposition  destinée  à  les  glori- 
fier, tontes  les  toiles  qu'une  cueillette  foite  an  hasard  a 
pu  rassembler.  Il  a  suffi  qu'elles  fussent  d'eux,  peu 
importe  la  qualité,  pour  qu'on  les  accrochât  aux  pan- 
neaux. L'ensemble  est  malheureux.  Les  œuvres  sans 
signification  abondent.  Le  public  est  décontenancé.  Sauf 
pour  ceux  qui  connaissent  ces  rares  esprits  par  leurs 
productions  de  choix,  Dubois,  Boulenger,  Artan  sorti- 
ront amoindris  de  cette  entreprise  étourdie. 

Il  est  vraiment  périlleux  de  se  mêler  de  pareilles 
choses,  quand  on  n'a  ni  le  temps,  ni  la  prudence,  ni 
l'application  nécessaires.  Cette  exposition  a  littérale- 
ment été  •>  b&clée  ".  En  un  tour  de  main  elle  fut  déci- 
dée, organisée,  réalisée.  Une  vraie  réquisition.  Un  appel 
à  quiconque  tl^ii  un  Boulenger,  un  Artan,  un  Dubois. 
Puis,  on  a  ofeu^rt  les  portes,  et  le  tout  est  entré  pêle- 


mêle.  Une  fois  le  déballage  en  place,  les  metteurs  en 
scène,  le  poing  sur  la  hanche,  ont  crié  :  Regardez-moi 
ça! 

Un  tact  extrême  eût  dû  présider  au  triage.  Les  trois 
très  chers  et  très  regrettés  maîtres,  Artan  et  Dubois 
surtout,  ont  été  de  ceux  que  la  noire  et  cruelle  misère 
a  tenus  enchaînés  avec  opiniâtreté  dans  le  bagne  des 
plus  basses  nécessités.  A  peine  eurent-ils  quelques  jours 
heureux  où  ils  ont  été  libres  de  réaliser  leur  âme.  Ce 
n'est  que  par  éclaircies  que  leur  art  est  apparu.  Ils 
furent  de  persistants  malades  du  besoin,  des  graba- 
taires qui  ne  purent  qu'à  de  longs  intervalles  se  lever 
et  marcher.  Dans  le  quotidien  de  leur  triste  existence, 
ils  peignirent  pour  vivre,  pour  avoir  le  morceau  de 
pain  et  durent  alors  descendre  à  la  fabrication  de 
machines  commerciales,  évacuées  avec  dégoût,  répé- 
titions fangeuses,  monotonement  fangeuses.  Les  œuvres 
où  s'exprima  l'intimité  profonde  et  grandiose  de  leur 
maîtrise  ne  se  vendaient  pas.  Ils  se  les  permettaient 
comme  un  luxe  lorsqu'ils  avaient  acheté  un  temps  de 
liberté  par  le  placement  des  platitude»  qui  plaisaient 
aux  imbéciles. 

Il  n'était  pas  nécessaire  de  faire  remonter  à  la  lumière 
ces  rognures,  conspuées  par  eux-mêmes,  que  l'oubli  avait 
coulées  à  fond.  Une  grande  sévérité  était  de  mise.  Il  ne 
s'agissait  pas  de  rassembler  en  bloc  des  toiles,  mais  de 
n'admettre  que  celles  que  ces  grands  morts  eussen  t  recon  • 


nues.  Il  fallait  expulser  toutes  les  bâtardes,  attendre 
que  les  belles,  les  fortes,  les  typiques  fussent  tçutes 
venues,  et  seulement  alors  ouvrir  à  deux  battants, 
ouvrir  le  temple  où  vraiment  ils  fussent  apparus  en 
demi-dieux. 

C'étaient  de  très  hauts  esprits.  Ceux  qui,  comme  nous, 
vécurentaveceux  l'intimité  artistique  en  peuvent  témoi- 
gner. Il  furent,  non  seulement  d'habiles  peintres,  mais 
d'originaux  penseurs.  Et  surtout  des  novateurs.  Ils  en 
avaient  la  belle  témérité  et  le  dédain.  Louis  Dubois, 
plus  peut-être  que  les  deux  autres,  brutal  en  sa  force 
physique  et  morale  qui,  d'abord,  lui  donna  une  si 
robuste  confiance,  mais  dont  il  vit,  farouche  et  mélan-, 
colique,  l'inutilité  et  l'anéantissement  sous  l'effort  des 
préjugés  et  des  hostilités  qui  pourchassent  quiconque 
devance  son  temps  et  malmène  son  milieu.  Il  vécut  dans 
un  monde  où  ses  larges  poumons  respiraient  avec  peine, 
il  mourut  d'anémie  sociale,  bêtement  vaincu,  ce  lion, 
et  devenu  timide,  marquant  parfois  l'épouvante  que  lui 
causait  l'insaisissable  malveillance  du  climat  intellec- 
tuel où  le  hasard  l'avait  lâché. 

Artan  était  un  félin  moins  héroïque,  à  souplesse  de 
léopard,  en  cage  lui  aussi  comme  un  animal  de  ména- 
gerie. Sombre  et  déçu  dans  le  profond  de  son  âme,  mais 
affectant  pour  le  dehors  un  dilettantisme  aimable  et  spi- 
rituel. Il  n'avait  rien  de  la  colère  bourrue  de  l'autre,  de 
ses  formidables  coups  de  boutoir,  de  ses  cyniques  et 
impériaux  quolibets.  Il  faisait  patte  de  velours  à  la 
bourgeoisie  ambiante,  mais  avec  quel  eff"ort  pour  retenir 
ses  griffes  !  D'une  politique  mondaine  insuflSsante  toute- 
fois. Les  instincts  bohèmes  l'emportaient.  Les  instincts 
bohèmes  :  c'est-à-dire  cette  indépendance  incompres- 
sible et  fière  qui  ferait  les  artistes  si  grands  dans  un 
milieu  mieux  approprié,  mais  qui,  sous  la  pression  de 
nos  mœurs  et  de  nos  préjugés,  n'aboutit  qu'aux  stériles 
folies  du  détraquage. 

Boulenger,  enfin,  fils  d'ouvrier,  longtemps  élimé  par 
les  privations,  rangé,  lui,  dans  ses  habitudes,  d'origine 
plus  rustique  et  par  cela  même  mieux  ordonné,  grim- 
pant branche  par  branche  jusqu'à  atteindre  la  tranquil* 
lité  d'un  mariage  avec  l'aisance,  et,  alors,  presque  tout 
de  suite,  retombant  de  la  cime  et  se  cassant  les  reins 
dans  la  mort. 

Aucun  d'eux  n'eut  jamais  ni  le  bien-être,  ni  la  paix. 

Mais  ils  comptent  dans  l'évolution  de  la  peinture 
nationale,  et  quelques-unes  de  leurs  œuvres  sont  des 
chefs-d'œuvre  sans  lesquels  la  chaîne  de  l'histoire  de 
notre  art  serait  rompue. 

Très  visiblement  leur  rôle  s'accuse.  Ils  ont  chez  nous 
l'importance  qu'eurent,  en  France,  Courbet,  Rousseau, 
Daubigny.  Loin  de  nous  la  pensée  qu'ils  auraient  été  des 
imitateurs  de  ces  maîtres.  Ils  furent  originaux  incontes- 
tablement. Mais  eux  aussi  furent  des  libérateurs.  Ils 
rompirent  avec   la  scolastique   artistique  et  la  con- 


spuèrent. En  grande  partie  la  haine  dont  on  les  pour^ 
suivit  vint  de  leur  constant  mépris  pour  l'enseigaeinent 
et  les  traditions  académiques.  Ds  accoatnmèrent  les 
peintres  et  le  public  à  l'indépendance  dans  rœnyre  et 
dans  le  jugement.  Ils  préparèrent  ainsi  les  voies  dafis 
lesquelles  marche  maintenant  l'art  neuf  en  ses  multiples 
témérités. 

C'est  cet  apostolat  émancipatenr  que  l'exposition  eût 
dû  manifester.  Mais  la  vue  a  été  trop  courte  et  l'effet 
est  raté.  On  eût  dû  n'y  voir  que  les  tableaux  qui  appa- 
rurent jadis  comme  des  manifestes,  comme  des  clameurs 
de  liberté,  comme  de  violentes  bonsculades  des  routines 
en  honneur.  Il  eût  été  possible  aux  survivants  de  ces 
époques  qui  s'eS'acent,  de  raconter,  à  propos  de  chacun 
d'eux,  les  luttes,  les  résistances  et  les  triomphes  lente- 
ment acquis.  Mais  au  lieu  de  ces  grandes  batailles  pour 
la  gloire  et  l'honneur,  on  nous  montre  surtout  les  cha- 
pardages  des  bivouacs  pour  conquérir  la  mangeaille  du 
soir  après  l'étape.  Ces  chefs,  si  héroïques  aux  heures  des 
combats,  font  l'effet  d'assez  pauvres  diables,  et  le  vul- 
gaire se  demande  si  vraiment  ils  n'étaient  pas  plus  que 
cela. 

Tant  pis  !  tant  pis  !  Que  le  sort  nous  garde  des  mala- 
droits amis. 


LE  PRIX  DES  OEUVRES  D'ART 

Une  des  premières  statues  de  Michel-Ange  fut  payée  douze 
ducals.  Afin  de  retirer  une  meilleure  rémunération  de  son  talent, 
il  exécuta  un  Ciipidon  endormi  qu'il  enterra.  On  le  découvrit  par 
hasard  —  vous  pensez  si  le  hasard  avait  été  guidé  par  lui.  On 
s'cxiasia  sur  la  beauté  de  l'œuvre,  et  l'on  compta  200  dacals  k 
l'auteur  de  la  découverte. 

Le  Dominiquin  ne  reçut  que  450  francs  pour  son  Saint-Gérôme  ; 
on  payait  le  double,  quelque  temps  plus  tard,  la  copie  do  chef- 
d'œuvre  par  un  élève.  Le  Poussin,  dont  le  buste  décore  l'entrée 
de  l'Ecole  des  Beaux-Arts,  au  début  de  sa  vie,  vendait  des  toiles 
8  francs.  Il  s'était  associé  à  nn  jeune  rapin,  plus  connn  que  lui 
des  marchands,  qui  lirait  trois  fois  plus  d'argent  des  copies  qu'il 
faisait  de  ses  originaux. 

Les  contemporains  sont  souvent  injastes  et  ce  peut  être  par 
ignorance.  Louis  XIV  croyait  royalement  payer  l'Anaromide  de 
Puget  avec  45,000  livres.  En  marbre  et  Iransporu,  l'artiste 
avait  déboursé  davantage.  Les  Nocet  de  Cana,  qui  sont  au 
Louvre,  à  l'origine  ont  été  payées  400  francs.  Le  Saint-OérOme 
du  Corrège,  auquel  il  travailla  six  mois,  lui  fut  payé  550  francs. 
La  Nuit  480  francs.  En  dix  ans  ce  pauvre  grand  peintre  gagna 
9,864  francs.  L'avenue  de  Villiers  n'exerçait  pas  encore  sur  les 
artistes  sa  coûteuse  fascination. 

La  régente  des  Pays-Bas,  Marie  d'Autriche,  se  croyait  très 
généreuse  en  payant  les  portraits  qu'elle  faisait  faire  de  sa  sédui- 
sante personne  S8  ou  30  livres  la  pièce,  au  peintre  Bernard 
d'Orley;  c'est  aujourd'hui  le  prix  d'une  Photographie  chez  un 
photographe  à  la  mode.  Aussi  les  artistes  n'étaienl-ils  pas  irè« 
exigeants.  Jacopo  da  Pontormo  ayant  fait  le  portrait  du  duc  de 
Médicis,  celui-ci  lui  demanda  ce  qu'il  désirait  pour  sa  récom 


'^WWmw^^ê^^-^^ 


penu.  Ponlormo  réclama  l'argent  nécessaire  pour  dégager  son 
JBintean  qu'il  avait  laissé  en  naniissement  chez  un  préteur  sur 

m». 

Savez-vous  ce  que  l'on  gagnait  â  peindre  pour  les  moines? 
Uim  cette  vieille  chronique  :  Un  certain  homme  nommé  Fillio, 
initruit  dans  l'art  de  peindre,  vint  au  chapitre  de  Saini-Aubin 
devant  Giraud,  abbé  et  tout  le  conseil,  et  là  fit  la  convention 
puivante  :  il  peindra  tout  leur  monaslère  et  ce  qu'ils  lui  ordonne- 
ront, fera  les  fenêtres  de  verre  et  deviendra  homme  libre.  Et 
l'abbé  et  les  moines  lui  donnent  en  iief  un  arpent  de  vignes  ei 
une  maison  h  la  condition  qu'il  les  ail  pour  sa  vie  et  qu'à  sa  mon 
elle  fasse  retour  an  ceuveni,  à  moins  qu'il  n'ait  un  fils  qui  sache 
l'air  de  son  père  et  reste  au  service  de  Saint-Aubin.  » 

Mais  si  néanmoins  vous  pensiez  que  c'est  d'aujourd'hui  que 
l'on  couvre  d'or  les  artistes,  vous  vous  tromperiez.  Les  Cnidiens 
sollicités  de  donner  une  Vénus  de  Praxitèle  contre  le  rembonrsc- 
ment  de  leur  dette  nationale,  préférèrent,  garder  la  Vénus  et  leurs 
dettes.  S'il  se  trouvait  un  amateur  qui  à  ce  prix-là  voulut  acquitter 
notre  grand-livre  pour  la  Vénus  de  Miio,  imiterions-nous  les 
Cnidiens  T 

On  a  souvent  calculé  ft  combien  le  centimètre  revenait  une 
toile  4e  Meissonnier;  ce  fut  ii  la  mesure  de  surface  que  l'on  paya 
le  tableau  d'Appclles  représentant  Alexandre  le  Grand  qui  était 
placé  dans  le  temple  d'EphèM.  Sens  en  déterminer  le  prix  on  le 
couvrit  de  pièces  d'or.  En  ce  tèmpi-lb,  il  était  bon  de  faire  grand. 
La  mode  avait  changé  lorsque  GéricauU  peignit  le  fameux  Nau- 
frage de  la  Médute,  b  présent  au  Louvre.  Si  vaste,  il  n'en  trouve 
que  600  fr.;  on  eut  consenti  ii  le  payer  30,000  fr.,  mais  à  la 
condition  qu'il  le  coupftt  en  quatre.  Cette  mutilation  l'efiraya.  Il 
préféra  le  montrer  en  Angleterre  comme  curiosité  :  il  récolla  par 
ce  moyen  une  somme  assez  rondelette. 

Parmi  les  œuvres  antiques  payées  par  les  coulemporains 
presque  aussi  magnifiquement  que  V Angélus,  il  y  a  le  Diodimène 
de  Polytecte  vendu  540,000  francs,  pour  employer  notre  expres- 
sion monétaire;  un  Ajax  que  Jules  César  acheta  330,000  francs, 
une  slaïuelle  d'Apollon  qui  coûta  639,000  livres.  Quant  ii  vouloir 
payer  Zeuxis  c'était  inutjje  :  il  prétendait  qu'on  ne  paierait  jamais 
assez  ses  tableaux  et  il  préférait  les  offrir  pour  rien.  Rubens  avail 
des  prétentions  aussi  vaniteuses  mais  plus  pratiques.  Il  demande 
1,600  florins  de  son  Attomption  de  la  Vierge,  sous  le  prétexte 
qu'il  avait  consacré  16  journées  à  cette  besogne  et  qu'il  ne  pour- 
rait gagner  moins  de  100  florins  par  jour.  En  réalité,  les  prix  ne 
sont  qu'affaire  de  vogue  et  de  convention. 

Deux  tableaux  de  Claude  Lorrain,  vendus  par  l'artiste 
4S,000  francs,  ce  qui  est  déjii  joli,  sont  revendus  plus  tard 
250,000...  Pour  le  Serment  de*  Horace,  David  a  reçu  6,000  fr., 
et  la  Fâche  de  Rubens,  qui  appartint  à  l'impératrice  Joséphine, 
a  été  payée  800,000  francs.  (L'Eclnir.) 


VENTE   R.   CHALON 

Quelques  adjudications  relatives  à  la  vente  Renier'Cbalon  ter- 
minée il  y  a  peu  de  temps  sous  la  direction  de  l'expert  Deman, 
i  Bruxelles.  (Voir  les  renseignements  que  nous  avons  donnés  dans 
nos  n«  des  12  et  19  octobre  1890,  pp.  327  et  333.) 

N°  13.  PiauUier  tur  vélin  du  xni*  siècle.  145  francs. 

N"  18.  Heure*  à  l'utage  de  Toul  (Paris,  Simon  Voslre,  1502), 
ex.  sur  vélin.  410  francs. 


N°  69.  Le*  ttatut*  ou  contlituliont  de*  pauvre*  Sœurs  du 
Béguinage  de  Mont,  ms.  original  sur  vélin.  190  francs, 

N**  79  il  83.  Divera  opuscules  de  Guy  de  Brès  à  des  prix 
variant  de  70  &  180  francs. 

N*  359.  Pompa  introilui  Ferdinandi  Auttriaci  (1642),  in- 
fol.  mar.  anc.  ttvec  dent.  180  francs. 

N«  467.  Le  Perche  du  Coudrav.  L'exercice  de*  arme*  (1750). 
48  francs. 

N"  549.  Le  Pandore  de  Janus  Olivier  (1342).  1 10  francs. 

N«  657.  Barbazan.  Le*  Fabliaux.  4  vol.  in-S",  gr.  pap.  vélin. 
100  francs. 

N»  570.  Le  Mirouer  de*  Pécheur*,  s.  d.  (1495).  190  francs. 

N»  591.  Le*  œuvre*  de  Jean  Loys  Douysien  (1612).  80  francs. 

N°  633.  Le*  Fleur*  du  mal,  par  Baudelaire,  édil.  orig. 
42  francs. 

N»  726.  Debureau.  Histoire  du  Théâtre  à  4  sous.  Paris  (1832), 
in-8*,  cart.  non  rog.,  édit.  originale,  tirée  à  28  exemplaires. 
105  francs. 

No  733.  Molière  de  Bret  (1773).  6  vol.  in-8«,  v.  100  francs. 

N»  771.  Lancelot  du  Lac  (1494).  95  francs.  (Ex.  incomplet). 

N«781.  Le  Romande  la  Cour  de  Bruxelles  (1628),  in-8», 
rel.  V.  70  francs. 

N0  787.  Fénélon.  Les  aventures  de  TélémaqueUTil),  2  vol. 
en  rel.  de  Cape.  105  francs. 

N"  964.  Les  observation*  diverses  sur  la  stérilité,  accouche- 
ment* et  maladie*  de*  femme*,  par  Louyse  Boursier.  Paris, 
s.  d.  (1652),  in  120,  v.  90  francs. 

N»  1031.  Deux  exempt,  des  Monuments  anciens  du  comte  de 
Saint-Genois,  respectivement  200  et  250  francs. 


VENTE  CHAMPFLEURT 

La  célèbre  lithographie  de  Daumicr  :  Enfoncé  Lafayelte! 
épreuve  sur  chine,  est  montée  jusqu'il  102  fr.  Les  prix  alleinls 
par  les  lithographies,  dessins  et  eaux-fortes  '{ul  composaient  ces 
premiers  vacations,  ont  été  très  élevés.  Même  prix  pour  le  Ventre 
législatif,  «  aspect  des  bancs  ministériels  de  la  Chambre  impros- 
tiiuée  de  1834.  »  Les  Massacres  de  la  rue  7'ransnonain  (15  avril 
1>(34),  épreuve  à  toute  marge  :  90  fr. 

Les  lithographies  d'Eugène  Delacroix  ont  eu  ensuite  les  hon- 
neurs de  la  séance. 

.Un  premier  étal  sur  chine,  tiré  à  5  ou  6  exemplaires,  du 
Cheval  sauvage  terrassé  par  un  tigre  a  été  payé  840  fr. 

Macbeth  consultant  les  sorcières,  premier  étal  avec  les  salis- 
sures sur  les  quatre  côté»,  épreuve  fort  belle  -.  367  francs. 

Le  Faust,  que  Gœihe  trouvait  si  bien  interprété  qu'il  disait  que 
Delacroix  avait  surpassé  son  Idée,  un  In-folio  paru  en  1828,  avec 
17  dessins  exécutés  sur  pierre,  a  été  payé  245  francs. 

Front  de  bœu]  et  le  Juif,  une  lithographie  avec  des  croquis  de 
femmes  nues  sur  les  marges,  premier  étal  sur  chine,  a  valu 
170  francs. 

Et  ainsi  de  suite,  de  50  à  250  francs  pour  le  Tigre  couché,  la 
Fuite  du  Contrebandier,  le  Lion  debout,  le  Christ  au  roseau,  les 
seize  lithographies  de  Hamlet,  la  Sœur  de  Duguesclin,  le  Mes- 
sage, le  portrait  du  baron  Switer,  et  bien  d'autres  encore,  car  le 
catalogue  contenait  une  centaine  de  numéros  au  chapitre  d'Eugène 
Delacroix. 

Quand  les  amateurs  recherchaient  toutes  cc!  pièces,  il  y  a 


Tii^  IBS.  M  ks  paj^ûMU  ide  S  k  10  Cnae^,  oo  cmît  qu'Us  èiakat 
fecs. 

La  sdoMiAe  tmoimm  ■'^  pts  ébè  ■Mtùs  aaMée. 

Les  encbènH  «ut  oMMMnoi  pv  les  «m-fortes  àm  (nmvr 
AlfiiMiue  L<sir«s,  tnès  Rcbachics  sutJMit  «a  Aagtutfw.  Cm 
Affidbe  'im  T%élit!r*  Ât  PuSidàmiSit  mut  Titâena  ùiét  su  dbimt, 
a  valhii  se  toitcs:  ta  Pêdktà  U  (néfe,  53  fnacs;  b  ytiil  dm 
Fjigiàitmi,  J4  feuKS  ;  k  Otaïf  At  Veut,  4$  fir. 

Paimià  ll«s  llàiiM^apy>es  <fEd«Dainl  Sutel,  diioas  :  k  Pebtki- 
wSIt-,  ea  oei&lnir,  lùra^  k  SO  eieaipllaiivs  veadin  TA  Cnacs  ;  r£W- 
Uamamui  Jitm  hii&m,  es  omilHiir,  Iràs  raie,  3M  fraacs.  L'^aftcbe 
du  lime  «te  CStHBfdkuiinr  sur  les  duis,  1 12  fraKS.  Ces  émx  iesr- 
nàènes  pitoes  ikdi  été  »4à'i%'^«s  penr  le  oiMipte  «Tna  des  frands 
ceilDiMtHiiaMirs  Ae  Kew-Teitt- 

A  «dter  «novne,  dans  T'demv  fMaars  luMNâer,  les  càaqpuAc 
T^TDftaes  Aes  GrisetJUs,  avec  pliisîears  dMiUes  montrât.  \es.  dîf- 
fifineoMs  otAoratàjois  emplovëes  par  k  onêaleiir  «Sa  riipe  iaiiWMtel 
^  itistfài  tviMi&nmit,  ISO  inaes. 

La  séné  âes  x^nciUies  rMBautàqaes  lâcaii  aunuMA  lynorqoJile 
M  «an^iraiiajil  ciofiiaiuiie  ]i  soixaue  fàèoK  de  Câestîai  XasOeail  ; 
«Ik»  CM  é^  fool  éisf  <ii]!)ée&. 


Cueillette  de  livre? 

lues  ^ÇBln  fhflCK.  par  X..  Rmra;»»»  Lit*»»  Pass^  £iknâni  >ib 
TAirt  Inâ^euâut;  BroEiililes,  LuamiiMw.,  tSM,  â&-&,  l^fgi.  — 
F^ùa  ^  t  linaïc 

H .  Laz8i«  «D  vsoa  «m  usuvaàs  lôcbes  de  ta  Peêàe.  X  son  am, 
&  rbâoâore  de  fiairvilike,  FnB(<Ms  Ctfi^^  Jkjnund  Silwstine  ei 
CflUiSe  Bonâès  "  mû.  «cmqsàs,  Tesâme  puU&quie,  c''esi  ^jatediMBD 
S'-ei!XTt:p?éaeiuaiàmitia»étTiiwtj^étitfet&er>.  CeUtelOBe, 
•i'tgsvèi  X .  L8z8i<is  »  çuaiiw  iaoes  pràncàptis  «il  oaaaimitàfiiR. 
La  {ipeiiiière  —  ratmonr  de  la  fiarwiËe  dts  cteses  saon6»,  1»  jtàt 
■vesmtsàf  &  vm  htStmer  le  Sasut  «S  te  ttsan  —  a  ■Btjpôié  les  Oitt 
■fimaniiiuiBiiguBf  àe  fiam-iike,  La  seomide — ie  tetÊmataO^saut,  eeat- 
i^&m  ii  tnatsfamuuàaB  msàat  àe  cramas  samànmits  —  t^frniHi 
dans  If  (âisittre  des  Mmmàiee.  La  imàsMaDe  iaoe  «si  iTafoiiini 
jiOBrTardart,  lie  filaisn-  de  raïgoca  <a  'de  «cueli^if  ne  ;  c'est  ta 
inoe  jWBUfniw.vt^  cMsre  au  àtet  Cnefâmiis  a  .fse  Sjhtescre  lonnraiiiie 
de  rose^  La  q murième  {koe  «st  «  le  désir  des  senstoàms  dbar- 
a>elie&,  la  7«cbOTcbe  dc£  «qiovoçiies  CKoiuaâiiiis,  ta  flaiiitetùe  de 
rerctùsme  Itoem  n;  eile  s'^incame  dans  it  Boae  penwrae  de  CaBKQe 
Sendès..  Agoduns  uneirâD^pDèmefMe:  ta  laàDe«vneKa 
irw  de  la  foule  lomopc  qnioim^ne  la  déçusse  do  troBU 


jiBT  Ctwn.T»  Iteimn.  —  Cx  vol.  xn-ff  j^ému 

Ces  jméBiiis^  £%iic  forme  safeanwmwB  nntiteniie  'çmnqw 
dqniis  lonffteiiçis  df^pBsaéc,  sjttisbiut  f«qinii  mus  ne  le  tputi- 
litenii  fiBS.  Lmr  de^is  csi  xrigi  }n«6m  jinw  lioaer  ji&Kie  aux 
an  doft  du  rf^i*,  «  si  ranttiiir  *  so  irofiiir  i/Tmeen  wws  «nidoiirs 
le  tidillflBii  de  la  jinissBiioe  «i  des  Minnmeitts  des  déqiis  <dns  leor 
éusmidne  dnal'aé  ::  leatatàons  de  iTetçirii.  neduasmis  de  ta  dbair^  'm 
jtfidt  dire  qtTi]  m^  i^on  «ifCinté  sa  ranjle  ^JuiuiuiariBe  po^ie  qnà, 
dt^is  le  Promâiliée  auiigor.,  a  ait  se  diiriiider  antrar  'de  oe 
fiiùfli  Is  A^irwioiis  <st  les  litB^bèmes  de  inbimiBoilié.  Le  iivrte 
.(gigiamU  cmninc  Tiiun!i<t'  ffoL  hanoBU:  hanaof^  '^egmil  aus  fOia 
gne  £'nniipinBiimi  ïirroiitm'c,  gni,  i  «m  iiwnw,  «"isi  vrarM^  éimi 


par  ce  i|ieclacle  «les  êucs  ahanat  tbs  des 
ittsuMTÏs  et  par  ks  rtnliais  HomIs  de  cette 
I6e,el  qnaM  le  dire  ca  très  boH  tenae», 
qa'oB  ae  TnvA  fait  araat  lai. 

03  tcBbtMB  étaMlle. 
Sns  lot,  pcat-Mra  4|a'«adanû 
Nota  aMian  iMt  frïi  diBi 
Bati'onat  ■■  itmaam  laiini  ! 


Dcoatlnal 


ppfcaili 


T«n  le  gmad  cari  m  Ml*  i 
FHntd—ataMilîlw. 
Son  uaMi  ■'^■■wt  >■■■(  rh^ 


UntRATTIE  KânOiNALE 

«•UlHa. 


par  IL  rUM  Sn.T.  Bauix. 


Cncaaaefiqiièsj 

4BBm«de« 

tawirtafflk,  fcàeatijffte  et  de  baa  altai,  ae| 

namqioe  fmipne  de  fjoitàsire.  Os  mâcîB  de 

pas  b  fttaflBnaae  sawur  AeaenairdM&CieaifiBBl 

poMaaci  |a<faùei  éa  fiive,  a 

ÙBOmt,  les  pagMBade  M.  Mwiini  at  fcàea  iiifiûi^fci 


d^aOfaac  «  de  eanobic,  aaicea  dlfûdehar 

aiVat  pas  aa  ivpe  de  laoe.  ils  a>i|iiiiifaa  p« 

awm^pae  de  ta  W;iflliiiiie  :  «e  sau  ds  pajisaBE  de  pantauL 

maasi,  si  ta  «radenr  IncaAe  «''«n  pas  asset  iisoense  pno' 

«stts-WR  de  r«nm«  :  Jteurx  indlana»,  aa  penpnit  dqjk 

ITnaeiir,  k  an  •ie^  vemar^aMt,  ds  iqiaiSà>éi  'foi  fut 

nr  de  tm  :  T^Annraimm  vatat,  T^muàma  liiaijin,  h 

in^ffimvine  de  TACflliiA,  nnaMoe  <t  ta  femoti  da  a^fte. 

«ftticmaK  dBU  «  uuafiijiii  le 

laOïtnbsraoG  de  .^M)iw  Buâet,  d^ne  s 

stntraiA  J^mw^deda-Aafaqne,  «  pajsan,  iqali, 

firaUiè,  saraiSe  MB  O;  cmpaaita  »hk  le  sta^w  :  «  dta'^ 

iiia  7  «  di  bèitns  CamiSiim.. 


.k« 


Os 


jmaiilfifir  le 


!\èp^^ 


L'ART  MODERNE 


30 


ML  tUntM-ÂMOÊXOL.  — 


te  ippdie  Apw  * /tes  dei  beiecau  «è  jifii.  k  k  Roei. 
t  émm  éuril  ayoïé  n  aUt  en  iàèka.  M.  KQe-émtan 
tkeci  BanwÊmt  àtiiwtlimi,  c— e  —  le»  MMMeéf»- 
BBB  i|i^an  baccmreiii|Bum, 

il  a  iMihfnhé  cfln  06  ces 
!Cli|ù.  dès  lewtjt»- 
L  les  iréMn  iclifina.  MlMiaeat  ea  AUoMfar, 
I  nwce  d  dav  MS  rraràees.  n  EmI  ■ilifirTiit  fhiMo- 
I  el  k  dsBripliM  de  ces  ceraei  d'art  doal  pteMan  sm  des 
ideacaiplarectdecisdare,  coaMe  numort  les  pho- 
I  qu  Olasiicat  romage. 


Tabib.  —  BmalVs, 


i»8>-  Pin  :  fr.  T-50. 


tAmftkut  peadani  la  Iraicnée.d  trois  jours  francs  après  ton 


OMe  «être,  Iworteda  pria  da  Bai,  wlinsirlowt  tel 
de  Mm  :  SB  phikMophie,  aaa  hidoire.  aa  ■éihod«dofie  «ses 
ippfii  MiiMi  k  riadMthe.  Les  aalens  «■!  dé|doyé  les  q«ntfs 
fs'cnfeait  k  coHpkiitf  da  sqet. 

L'oanafe  ae  divise  ca  irais  parties.  Daas  k  ptcaniK,  eoa»- 
aiéekrcslkéiiqae,lesatfeanespaseaiuiales  les  ibêories  depuis 
I  jaiqalk  ans  joars.  |k  dévdoppeat  eanile  les  piiacipes  mt 
\  3s  ^^ippaieal,  d<lenaiaeai  k  aatwe,  navartaace,  k 
I  de  Fart,  el  fc  rtte  capital  de  k  acieaee  daas  son  ftopès. 
Ikask^aiièMe  partie,  iktaairhirtariipie  de  reaarîgaetat  des 
arts  pkaliqaes,  éladieal  les  difcnes  aiAkodes  qai  se  aoai  BDcté- 
déesk  travosleslfesctlespeaples,  el  sifalfai  les  riftwes  > 
léaliser.  Doas  k  uiâiiit  partie,  ik  rt»mmni  k  silaaiioa 
aetaeUedes  arts,  les  caaaes  de  lear  déeadeace.  el  précaaiMat, 
eafia,  poar  relever  leor  aÎTeaa,  une  série  de  ■esares  pfatiqaes, 
qa'ik( 


II.ate.,parL-K.— 


—  ea  praae  —  es^  dit  k 

>da  JwUaaKbelCO.  n 

!  ks  TCrtas  Cl  les  bicafaitt  de  Léopold  U. 

s  d'etprasioas  bikiiqaes.  travail  de  poticM 

:  les  poèoMS  ca  eeataas  de  Vir|>te. 


inalik  de  dire  qae  k  SDireflkaee  k  plas  adive  s'a  cessé  de 
léfocr  aoloar  da  colb  MNilcaaDl  k  loite  de  Hïllel  k  boni  de  k 
Omteopte. 

L'AmgtImi  était  eafaïaé  daas  trois  caisMS.  La  première,  eal- 
fcnlitfe  ea  salia  eeiîse,  a  acrri  k  aoa  inasport  entre  les  devx 
AaérîqBes;  k  secoade  ca  lAfe,  les  joinlnres  ca  élaat  soifscase- 
neol  soodées  alla  d*ériler  l'air;  k  Iroisièaie  Aaii  ea  bois  bordée 
de  fer.  Preaqae  na  eereacïl. 

Le  bMid  eoUs  a  été  pkeé,  peadaal  k  iravcnée,  dans  le  nsie 
coftc-fort  de  fa  Oatagme,  k  cAlé  des  bijou  cl  des  nleors  con- 
fiés par  les  paasagen. 

VAmaieKK  Art  AêuâÊlitm  a'a  jamais  ea  rien  %  pojcr  aa  fisc 
iiaériftia  poar  FAm^éms,  et  ce  grtee  k  on  eofienx  stnla(ènie. 
Les  labicaax  importés  aax  Etats-Oms  pasMat  ea  toute  francfaise 
poam  qalk  n'y  sqonracat  pas  plus  de  six  mois.  La  société  s'est 
sertie  de  cet  artide  de  M,  et  toot  k  son  profit,  ca  expédiant 
Mapebtf  aa  Canada  poar  ane  quimaine  de  joars.  après  quoi  il 
est  reftna  k  Heit-Tork.  Cétait  one  aoarefle  iaqtortaiion  et,  de  k 
sorte,  k  toite  de  HiDet  béoéfidait  d^in  antre  dâai  de  six  mois  de 
séjour. 

Et  ainsi,  jasqn^  ce  qo'îl  Iti  Mm  deraier  loja^.  cette  foê 
pour  reieair  ea  Fnaee. 

L'Aafdms,  expédié  da  lârre  dans  sa  triple  boite,  est  arrrré 
bier  k  Paris,  ebei  U.  Drexd.  banquiers,  oà  S.  Gornier  en  a  pris 
fimison  aa  non  de  1.  Cbancbard;  fl  a  rerais,  en  écbange,  b 
somme  coaieaae  :  750,000  francs...  et  10  centimes  pour  \e 
tiadac  de  quittance. 


L' AJTGhTIT  .XJS 

Le  Mmdttmr  in  Arlt  donne  les  curieux 


que 


On  sait  qae  ■.  dancbard  a  racheté  k  r^liNTican  An  Atto- 
tmlim  k  cfléfare  toife  de  Hillei.  tAnfOms. 

r'Iwfrfsr  est  icatré  en  France,  aa  Hirre,  depuis  samedi  der- 
nier, k  bord  defa  OaKSfac,  venant  de  Rew-Torfc:  mais  rsarre 
de  MiOelnrest  arrivée  qslnerk  Paris. 

■.  Bohenaon.  viceiiréâdent  de  Mmerûxa  Art  A$»oemtin, 
a  arrompoiné  k  préciease  toile.  H.  leari  Goraier.  mandat  lire 
de  a.  Onndnrd.  qni  a  néfocié  te  rachat  de  rAm^tbu,  tl  Hon- 
laignae.  ragent  de  k  Sociélé  américabie  k  Paris,  s'êiaient  rendas 
3m  Une. 

L'Amteriim»  Eifras,  Société  new-fortaise,  mit  répondu  de 


US  filâRDS  GOiCfitTS 

Ccst  on  répi  rare  qu'on  nouveau  morceau  sjrmphoniqnc  Ae 
M.  Vincent  dlm!;.  Le  jeune  artiste  ne  predifoc  point  ses  aenrirs. 
D  prend  k  temps  de  les  méditer  el  k  loisir  de  les  écrire. 

Cdai  doal  H.  Lamooreux  nous  a  donné  k  priumr,  est  pxijt^ 
mcatexquis. 

Pour  eeite  composiiion,  qui  est  en  quelque  sorte  le  peiMkat  df 
sou  aimable  poème  sfmpbonqoc  intitnIéâiBnpe/kirrv,!.  dlodr 
s'est  kissé  guider  par  k  texte  d'une  bolkde  de  Louis  Hiknd. 

a  Ak  léledcsesgaeirietscbenocbaientlaraid,  kbérosplesii 
de  kiiumc  ib  aBaient,  k  k  luenr  de  k  bne,  k  travers  b  SorH 
suavane  en  ciaaiaai  mmm  caam  de  guene. 

■  Qui  frémit  M  gnetle  dans  les  bnimons!  Qui  descend  de« 
ci  sort  de  récome  du  torrent  ?  Qui  murmure  si  hamto- 

H  doune  ces  doux  baisers*  Qui  tient  ces  caraliers  u 
t?  —  Cest  k  troupe  légère  des  EltK  : 
—  Les  guerriers  sont  pmtis,  partis 
pour  k  pays  des  Fées. 

■  Lui  seni  est  demenré,  Haiald.  le  héros  plan  de  briToore  :  iii 
s'en  n  k  k  keur  de  k  lune  k  travers  b  forêt  saunge. 

.  An  pied  du  rot^er  coak  une  source  limpide,  k  peine  iarald 
a-t4  bu  de  ses  eaux  encbantées,  qu'un  sommeil  étmge  s'empainr 
de  tout  sou  éI^^  il  s'endort  sur  le  rocber  noir. 

■  Assb  sur  cette  même  pierre,  fl  don  depuis  bien  des  i>«cl«s. 
cl,  k  k  lueur  de  k  faine,  réumeOe  ronde  des  Elfes  tonroe  lenie- 

de  lui,  Barald.  l'antique  béros.  - 
Antmitque  k  musiqiie  le  peut  par  enc-méme.  orile  de  %.  dlod; 





40 


LART  MODERNE 


traduit  clairement  les  épisodes  simples  mais  caraclérisliques  de 
la  ballade  allemande. 

C'est  plaisir  d'enlendre  chevaucher  dans  l'orchestre  le»  bons 
guerriers  de  la  suite  de  Harald  et  d'écouler  leurs  rudes  propos  de 
guerre.  Et  comme  on  se  sent  subitement  enveloppé  par  l'atmo- 
sphère du  monde  fantastique,  lorsque  les  notes  ailées  delà  harpe, 
s'envolant  sur  la  fanfare  voilée  du  cor  et  la  mélodie  grave  de  la 
flùie,  annonce  l'approche  des  Elfes. 

Le  public  de  H.  Lamoureux,  souvent  assez  froid  pour  les'nou- 
veautés,  a  chaleureusement  acclamé  l'œuvre  nouvelle.  Il  a  fait 
acte  de  justice,  car  M.  d'indy,  malgré  sa  jeunesse,  est  un  maître 
dont  l'école  française  peut  être  fière,  et  sa  légende-symphonie  est 
une  composition  délicieuse. 

Est-il  besoin  d'ajouter  que  M.  Lamoureux  l'a  mise  en  lumière 
avec  cette  parfaite  intelligence  de  l'ensemble  et  ce  souci  particu- 
lier des  détails,  qui  lui  sont  familiers  ? 

Tout  ce  concert,  du  reste,  —  l'un  des  plus  beaux  de  la  saison, 
—  n'a  été  qu'une  longue  ovation  pour  l'éminenl  chef  d'orchestre. 

On  a  particulièrement  applaudi  la  marche  héroïquement  sublime 
du  Crépuscule  des  Dieux,  la  Dame  macabre,  un  petit  chef-d'œuvre 
de  M.  Saint-Saëns,  la  pompeuse  introduction  du  troisième 
acte  de  Lohengrin  et  l'étourdissante  Espana  de  Chabrier  qui  ter- 
minait la  séance  par  un  coup  d'éclat. 

Victor  Wilder  (OU  Blat). 


plBLIOQRAPHIE    MUSICALE 

On  se  souvient  du  succès  qu'obtinrent,  aux  concerts  des  XX, 
l'an  dernier,  les  Tableaux  de  voyage  pour  piano,  de  Vincent 
d'indy,  joués  par  leur  auteur.  L'œuvre  entier,  qui  forme  treize 
pièces,  vient  de  paraître  dans  la  Bibliothèque  Leduc  en  un  recueil 
coquet.  C'est,  en  treize  petits  tableaux  d'une  couleur  exquise,  le 
récii  d'un  pèlerinage  aux  montagnes  du  Tyrol  accompli  par  le 
compositeur.  En  marche.  Lac  vert.  Départ  matinal.  Rive,  domi- 
nent les  autres  morceaux  par  leur  intensité  et  la  personnalité  nette 
qu'ils  avèrent.  Mais  tous  décèlent  la  fine  nature  musicale  et  le 
sens  du  pittoresque  qui  caractérisent  l'auteur  de  Wallenstein. 


Mémento  des  Elxpositions 

Barcelone.  —  Exposition  annuelle.  —  29  ;mars-31  mai.  

Envoi  ?6  février-7  mars.  Notices:  26  février.  —  Renseignements  : 
Secrétai-iat  de  la  Commission  organisatrice.  Palais  des  Beaux- 
A  ris,  Pasea  Fujadas,  Barcelone. 

Bordeaux.  —  XXXIX»  Exposition  de  la  Société  des  Amis  des 
Aru.  —  2  mars  189{.  Envois  :  1-10  février.  Députa  Paris: 
10-20  janvier,  chez  M,  Toussaint,  rue  du  Dragon,  15.  Gratuité  de 
transport  pour  les  artistes  invités.  —  Renseignements  :  Secréta- 
riat de  la  Société,  Galerie  de  la  Terrasse  du  Jardin  public,  Bor- 
deaux. 

Bruxelles.  —  VII1«  Exposition  annuelle  des  XX  (limitée  aux 
membres  et  à  leurs  invités).  —  8  Février-S  mars.  —  Délai  d'envoi  : 
expiré.  Renseignements  :  M.  Octave  Maus,  Secrétaire  des  XX,  rue 
du  Berger,  27,  Bruxelles. 

Berlin.  —  50"'  anniversaire  de  la  Société  des  Artistes.  — 
Exposition  internationale.  —  15  mai.  —  Renseignements  : 
M.  Anton  von  Werner,  directeur  de  l' Académie  [royale  des 
Beaux- Arts,  Zimmerslrasse,  92,  Berlin. 


Lyon.  —  Quatrième  exposiiion  annuelle  de  la  Société  lyon- 
naise des  Beaux- Arts.  —  Ouverture  :  S7  février.  Renseigne- 
ments :  Secrétariat  général,  rue  de  l'Hôpital,  6,  Lyon. 

Milan.  —  Exposition  iriennale  des  Beaux-Arli.  —  {"-SO  juin. 
—  Trois  prix  de  <i,000  francs  chacuq,  Amdés  par  le  roi 
Humbert,  décernés  ë  la  peinture  cl  k  la  sculpture.  Trois  prii  de 
4,000  francs  chacun,  fondés  par  Saveriofumagaili, décernés  k  la 
sculpture,  h  la  peinture  religieuse,  historique  ou  de  genre.  Un 
prix  de4,000  francs,  foudé  par  Antonio  Gayazai,  décerné  fc  la  pein- 
ture historique.  Médailles  et  diplômes.  —  Les  demandes  d'admis- 
sion devront  être  adressées  au  président,  if.  Emile  Visconti- 
Venosta,  à  l'Académie  des  Beaux-A  rU  de  Milau. 

Moscou.  —  Exposition  française.  —  4"  mai-octobre.  (Réservée 
aux  artistes  invités).  Dépdt  avant  le  15  février  chet  M.  André,  rpe 
Chaptal,  38,  Paris. 

Pau.  —  Vingt-septième  Exposition  de  la  Société  des  Ami*  des 
Arts.  —  15  janvier-45  mars.  —  Deux  œuvres  par  exposant.  — 
Gratuité  de  transport  pour  les  artistes  invités.  —  Délai  d'envoi 
expiré.  —  Renseignements  :  O.  Tardieu,  secrétaire  général. 

Paris.  —  Exposition  des  Artistes  indépendants  (Pavillon  de  la 
Ville  de  Paris).  —  Ouverture  20  Mars.  Dépôt  :  6,  7  et  8  mars.  — 
Renseignements  :  M.  Serendat  de  Bebini,  trésorier,  rue  du 
Rocher  56,  Part*. 

Id.  Union  des  femmes  peintres  et  sculpteurs.  —  31  février- 
14  mars.  —  Droit  d'exposition  :  5  firancs  par  œuvre  exposée 
(maximum  i  payer  :  20  francs).  Dépôt  :  6-9  février.  —  Rensei- 
gnements :  Af"  Berlaux,  présidente,  147,  avenue  de  ViUiers, 
Paris,  et  M.  Olivier  Merson,  Ml,  boulevard  St-Mithel. 


Petite  CHROfiiquE 


C'est  samedi  prochain,  7  février,  à  i  heures,  qu'aura  lieu  au 
Musée  de  peinture,  place  du  Miisée,  l'ouverture  du  Salon  des  X7. 
Comme  les  années  précédentes,  cette  cérémonie  est  exclusive- 
ment réservée  aux  artistes  personnellement  invités  et  aux  por- 
teurs de  cartes  permanentes. 

A  partir  du  lendemain,  dimanche,  le  Salon  sera  ouvert  tous  les 
jours  au  public  de  10  à  5  heures.  * 

Le  Jeune  Barreau  organise  une  Exposition  originale  qui,  certes, 
n'a  jamais  été  tentée  jusqu'ici,  il  a  réuni  dans  la  salle  du  Conseil 
de  l'Ordre  et  dans  le  cabinet  du  Bfttonnier  quantité  de  portraits 
d'avocats,  de  médailles,  de  diplômes  sur  parchemin  ornés  de 
vastes  cachets  de  cire  rouge,  de  livres  rares  sur  la  Profession  ou 
concernant  les  retentissantes  affaires  criminelles,  de  caricatures, 
de  croquis,  d'illustrations,  de  bibelots  curieux.  Nombre  d'objets 
d'art  se  rapportant  au  Barreau  donnent  à  l'ensemble  un  caractère 
de  véritable  exposition  artistique.  On  y  rencontre  notamment  des 
œuvres  de  Xavier  Mellery,  Charles  Vandcr  Stappen,  Femand 
Khnopff,  Odilon  Redon,  Félicien  Rops,  Madou,  Bourottc,  etc.  Il  y 
a  même  un  Brcughel,  un  très  intéressant  tableau  représentant  un 
cabinet  d'avocat  encombré  de  clients  munis  «  d'épices  ». L'une  des 
pièces  capitales  :  Le  OuiUoliné  de  Géricault. 

Telles  séries  de  croquis  humoristiques  dus  !i  un  avocat,  il  un 
magistrat,  voire  à  quelque  très  haut  personnage,  démontrent 
qu'on  peut,  tout  en  étant  le  vir  dicendi  peritus,  manier  agréable- 
Inenl  le  crayon. 

L'Exposition,  ingénieusement  baptisée  :  le  Souvenir  profes- 
sionnel, s'ouvrira  le  samedi  14  février,  à  onze  heures  du  matin. 


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^«tsj 


i:art  moderne 


41 


L'ouverture  sera  exclusivement  réservée  aux  invités,  avocats  et 
magistruti.  A  partir  du  lendemain,  il  sera  loisible  aux  membres 
du  Barreau  et  de  la  Magialrature  d'y  amener  d'autres  personnes. 
Les  commissaires  de  la  Conférence  4u  Jeune  Barreau  recevront,  à 
tour  de  râle,  les  visiteurs  et  leur  feront  les  honneurs  de  l'Exposi- 
tion. 

N.  Charles  Vander  Stappen  expose  dans  son  atelier  16,  Avenue 
de  la  Joyeuse  Entrée  (rond  point  de  la  rue  de  la  Loi),  du  dimanche 
1"  février  au  jeudi  5  février  inclus,  le  surtout  de  table  qu'il  a 
exéculé  pour  la  ville  de  Bruxelles  et  qui  figurera  ensuite  au 
Salon  des  XX.  (Voir  le  compte  rendu  de  celte  œuvre  admirable 
'dans  CArl  Moderne  Au  13  octobre  1890). 

MM.  Léon  Berbo  et  Emile  Claus,  invitent  le  public  à  visiter 
l'exposition  de  leurs  œuvres,  ouverte  au  Cercle  Artistique  et 
Littéraire  (Waax-Hall  du  Parc),  du  mardi  37  janvier  au  jeudi 
7  février  inclus,  de  dix  heures  du  matin  à  cinq  heures  du  soir. 
Ainsi  s'affirme  de  plus  en  plus  l'elcellente  habitude  des  exposi- 
tions  particulières,  tenant  constamment  l'attention  artistique  en 
haleine,  et  se  substituant  à  l'annuel  et  stérile  ennui  des  grands 
Salons  de  peinture.  

Nous  avons  reçu  l'invitation  suivante  : 
A  une  fête  amicale,  présidée  par  Stéphane  Mallarmé,'  à  l'occa- 
sion du  Pèlerin  pattionni  de  Jean  Moréas,  —  vous  prient  de  vou- 
loir bien  prendre  part  : 

Maurice  Barrés, 
Hkmri  de  Régnier. 
Le  dtner  aura  lieu  le  3  février,  k  7  heures  du  soir,  à  l'Hétel 
des  Sociétés  Savantes,  28,  rue  Serpente. 

Très  amusant  ce  croquis  de  OU  Bios  sur  les  femmes  musico- 
lilrcs  : 

Au  Cirque  des  Champs-Elysées,  chez  le  métronomique  Lamoii- 
reux  :  hystérie,  mode  et  haute  finance,  il  y  a  de  tout  ;  ce  chef 
d'orchestre  traite  ses  auditrices  conpme  Cbarcot  traite  ses 
malades.  El  le  coup  d'archet  impératif  qu'il  assène  sur  son 
pupitre,  quand  une  d'elles  bouge,  ressemble,  ou  plutôt  voudrait 
ressembler  au  coup  de  gong  avec  lequel  le  professeur  de  la 
Salpétrière  immobilise  ses  hystériques.  Je  dois  loi  avouer  que 
ça  ne  produit'  pas  le  même  effet.  N'est  pas  imposant  qui  veut. 
Mais  une  fois  que  l'office  commence,  c'est-à-dire  une  fois  que  la 
musique  de  Wagner  se  fait  entendre  (chez  Lamourenx,  elles 
n'écoutent  pas  autre  chose;  Beethoven  n'est  que  supporté  et 
Berlioz  est  méprisé)  ;  c'est  alors  qu'il  Ui^)M  regarder. 

Quelques-unes  comprennent  et  sont  sur  le  point  de  défaillir,  la 
grande  névrose  les  empoigne  :  elles  lèvent  les  yeux  au  ciel,  elles 
chiffonnent  leur  manchon,  elles  s'éventent  avec  rage,  elles  se 
remuent  d'une  façon  inquiétante,  la  musique  soulève  leurs  poi- 
trines (surtout  quand  elles  sont  bien  faites)  et,  depuis  deux  ou 
trois  minutes,  Lamoureux  a  laissé  retomber  son  archet  qu'elles 
sont  encore  perdues  dans  le  bleu.  Celles-là  comprennent  Wagner, 
elles  sont  rares.  Mais  les  autres,  celles  qui  ne  comprennent  pas, 
c'est  dans  ce  moment-là  qu'il  faut  les  voir.  Pendant  les  cinq  pre- 
mières minutes,  ça  va  encore,  elles  se  disent  :  «  Nous  sommes 
,  "vennespour  cela,  il  faut  faire  semblant  decomprendre».  Mais  on  se 
lasse  vite  dé^faire  semblant,  même  quand  on  est  femme.  El  alors 
ce  sont  des  coups  de  lorgnette  aux  amies,  des  épluchages  de  toi- 
lettes, des  inspections  de  chapeaux,  des  bâillements,  des  détentes 
de  physionomies  qui  montrent  tout  l'incommensurable  snobisme 
dont  est  capable  une  femme  de  la  finance  israôlite  qui  veut  faire 


croire  qu'elle  a  du  goût.  Il  y  en  a  une  chez  laquelle  on  fait  de  la 
musique,  qui  passe  tous  les  préludes  de  Tritlan  à  compter  les 
boucles  de  la  harpiste  à  tête  singulière  qui  fait  la  joie  des  gens 
qui  aimenl  les  eaux-fortes  de  Rops.  Et  voilà  la  façon  dont  ces 
femmes,  les  plus  musiciennes  de  Paris,  celles  qui  aiment  un 
musicien  b  la  mode,  écoulent  la  musique  ;  qu'on  juge  du  reste. 

M.  Paul  de  Witi,  directeur  du  Journal  de  facture  inttrumentaU 
de  Leipzig,  vient  de  céder  au  Musée  royal  de  Berlin  une  impor- 
tante collection  d'anciens  instruments  de  musique  parmi  lesquels 
se  trouve  le  propre  clavecin  de  Bach.  Cette  précieuse  relique  avait 
été  vendue  par  le  fils  du  grand  Bach,  Friedemann,  dans  un 
moment  de  gêne,  au  comte  de  Voss,  puis  devint  la  propriété  du 
directeur  de  musique  Rust,  à  Dessau.  C'est  le  descendant  de  ce 
dernier,  le  professeur-docteur  W.  Rust,  qui  a  cédé  à  M.  de  Witt, 
le  elavieembalo  de  Bach,  sous  la  condition  expresse  que  cet 
instrument  ne  serait  jamais  revendu  qu'au  gouvernement  prus- 
sien ;  ce  qui,  on  le  voit,  a  eu  lieu  effeciivement.  Une  première 
collection  d'instruments  anciens  appartenant  à  M.  de  Witt  avait 
déjà  été  acquise  par  le  gouvernement,  il  y  a  quelques  années  à 
peine. 

M.  Frédéric  Kastner,  le  petit-fils  du  membre  de  l'Institut,  vient 
de  remettre  à  M.  Weclterlin  la  partition  autographe  de  Roméo  et 
Juliette  de  Berlioz  pour  l'offrir  à  la  bibliothèque  du  Conservatoire 
de  musique. 

Voici  ce  que  Berlioz  a  écrit  sur  la  première  page  de  sa  parti- 
tion : 

Roméo  et  Juliette,  symphonie  dramatique  avec  chœurs,  solos 
de  chant  et  prologue  en  récitatif  choral,  dédiée  à  Nicolo  Paganini 
et  composée  d'après  la  tragédie  de  Shakespeare,  par  Berlioz, 
paroles  de  M.  Emile  Deschamps.  Partition  aulographe  offerte  à 
mon  excellent  ami  Georges  Kastner. 

Vous  me  pardonnerez,  mon  cher  Kasincr,  de  vous  donner  un 
manuscrit  pareil;  ce  sont  ses  campagnes  d'Allemagne  et  de  Russie 
qui  l'ont  ainsi  couvert  de  blessures.  11  est  comme  «  ces  drapeaux 
«  qui  reviennent  des  guerres,  plus  beaux  —  dit  Hugo  —  quand 
«  ils  sont  déchirés». 

H.  Berlioz. 

Paris,  17  septembre  1856. 

Cette  symphonie,  commencée  le  24  janvier  1835,  a  été  termi- 
née le  8  septembre  de  la  même  année,  el  exécutée  pour  la  pre- 
mière fois  au  Conservatoire,  sous  la  direction  de  l'auteur,  le 
54  novembre  suivant. 

De  grands  concours  littéraires  et  artistiques  sont  ouverts  en 
Ardèche,  du  l"  janvier  au  30  juin  1891  : 

f^OGRAMME  :  1.  Poésie.  Sujet  libre  (maximum  100  vers).  — 
11.  Prose.  Sujcl  libre  (maximum  1.^0  lignes).  — -  111.  Pédagogie. 
Sujet  libre  (maximum  200  lignes).  —  IV.  Dessin.  Sujet  libre. 

Bien  que  les  sujets  soient  libres,  le  Comité  verra  avec  salisfac- 
tino  les  concourants  s'occuper  surtout  de  questions  intéressant  la 
ville  d'Annonay  et  le  département  de  l'Ardèche,  et  réservera  des 
récompenses  spéciales  à  celle  sorte  d'ouvrages. 

Les  pièces  envoyées  devront  être  inédites  et  n'avoir  été  présen- 
tées à  aucun  concours. 

Les  manuscrits  devron{  être  adressés  franco  de  port,  en  double 
exemplaire,  écrits  dun  seul  côté,  sur  papier  cloche  20  x  30. 
Ils  ne  seront  pas  signés,  mais  porteront  une  devise  reproduite  sur 
un  billet  cacheté  contenant  le  nom  el  l'adresse  de  l'auteur  : 

Ptétieet  Prose  :  à  M.  Henri  Bomel,  à  Annonay.  —  Pédagogie 
et  Deesin  :  à  M.  Alfred  Peysson,  à  Annonay. 

Les  récompenses,  consistant  en  médailles  d'or,  de  vermeil, 
d'argenl  et  de  bronze,  espèces,  objets  d'art,  volumes,  diplô- 
mes, etc.,  seront  distribuées  en  séance  solennelle  à  Annonay, 
pendant  le  second  semestre  de  l'année. 


ONZIÈME  ANNÉE 

L'ART  MODERNE  s'est  acquis  par  Tantorité  et  rindipendanee  de  sa  eritiqae,  par  la  variété  de  «M 
informations  et  les  soins  donnés  h  sa  rédaction  une  place  prépondérante.  Aneane  manifeirtation  o^lAjrt  ne 
loi  est  étrangère  :  il  s'occnpe  de  littèratore,  de  peinture,  de  acalptare,  de  gravure,  dejoraalqae, 

d'arctaiteoture,   etc.    Consacré   principalement  au   monvement   artistique  belge,   il  i  *         — ~—- . 

lecteurs  snr  toos  les  drénements  artistiques  de  Tétranger  qa'U  importe  de 


il  renaeigiie  néanniMn»  sea 
eonnaitre. 

Chaque  numéro  de  Li'ART  MODERNE  s'ouTre  par  une  étude  approfondie  sur  une  question  artiatiqae 
ou  littéraire  dont  l'événement  de  la  semaine  fournit  l'actuaUtâ.  Les  ejcpositions.  \w  livres  nouveaux,  laa 
premières  représentations  d'œnvres  dramatiques  ou  musicales,  les  conférences  littéraires,  les  concerts,  les 
ventes  dobjets  cTart,  font  tons  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jarispmdence  artistiques.  Il  rend  compte  des 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribanaax  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  tontes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complète  des  «xpOrolOBIt^  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  D  est  envoyé  graiultAUUlkt  à 
l'essai  pendant  un  mois  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande. 

L'ART  MODERNE  forme  chaque  année  an  beau  et  fiai  volume  d'environ  460  pages,  avec  table 
des  mafitoS.  11  constitue  pour  l'histoire  de  l'Art  le  document  LE  PLUS  COMPUA'  et  te  feetiMnaT  "— "^ 
FACILE  Jï  CONSULTER. 

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Quelques  exemplaires  des  dix  premières  années  sontrÇ^  vente  aux  bureaux  de  L'ART  MODItRNK, 
rue  de  l'Industrie,  32,  an  prix  de  30  firancs  chacun. 


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Revue  menruelle  de  litUrature  et  d'art 

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titre,  xme  table  des  matières  et  une  Cable  alphabèti<|iie  par  noms  d'au- 
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L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


RIVOI  ORITIQDB  DBS  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Ck>mité  de  rédaction  t  Octatb  MAUS  —  Ej>itoin>  PICARD  —  Ëmilb  YERHAEREN 


ABOraXHSHTS  :   Belgique,   no  «n,   fr.  10.00;  Union  portais,   fr.   13.00.    —  AmiOHCXS  :    On  tnite  i  forfait. 


Adreuer  toutes  les  communication*  à 
L'AOMBnsTBATioN  otiTÉRALB  DB  VAit  Modemo,  TU.B  Ab  lludiutrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


OMBLJVMmm  Acz  XX.  AOnanM  et  dettins.  —  La  Pakabols  dis 
MAUTiUS  aatODU.  —  Lb  WAaNteiaia  hoks  d'Alldcaonb,  par 
Edmond  Erenepoel.  —  Pabaooxi  d'dv  bibuophilb.  —  Mbhbuto 
DBS  szp«atnom.  —  Pbhtb  camoinQOB. 


Oberlànder  aux  XX 

ALBUMS  ]BT  DESSINS 

Parmi  toat  l'art  germanique  actod  on  chercherait 
Taincfmant  igore  plus  cnriMpr^'Oberlânder,  le  cari- 
caturiste de  Munich,  le  Danmier,  aussi  le  Cham  des 
Allemands.  Moins  notoire  pour  la  critique  française  que 
Menzd  ou  Uhde  (de  par  des  circonstances  purement 
adventices,  telles  que  les  expositions  de  Menzel  à  Paris 
et  les  envois  annuels  de  Uhde  an  Salon  de  Paris),  il  est 
pour  certains,  plus  intimement  connu,  grâce  au  feuille- 
tage de  ses  albums,  par  la  rencontre  de  dessins  ou  his- 
toires sans  texte,  éparpillés  au  cours  des  Fliegende 
Blàtter,  son  joomai  ordinaire.  Il  apparaît  un  rare  et 
personnel  caricaturiste,  très  affranchi  d'influences, 
cnrieax  par  la  diversité  de  ses  gammes,  et  de  sujets  et 
de  rœdn. 

Feuilletons  ses  albums  ;  je  vais  tenter  d'en  expliquer 
l'intérêt  et  la  vanété. 


Dans  cette  double  planche,  le  Conseiller  de  com- 
merce, le  premier  dessin  vous  montre  le  conseiller 
pourvu  de  tous  les  attributs  de  la  gravité  :  une  longue 
barbe,  soigneusement  peignée,  abonde  jusqu'à  ses 
épaules;  le  col  et  les  hauts<['épaule  de  son  pardessus 
suivent  la  même  ligne  ample,  comme  coupée  en  respec- 
tabilité; le  front  est  calme,  les  yeux  promettent  les  meil- 
leurs et  les  plus  honnêtes  conseils  ;  le  personnage  est  con- 
seiller de  commerce,  cette  situation  honorifique  n'étant 
traduite  par  aucun  uniforme  ou  antre  signe  extérieur, 
le  consoler  s'est  donc  iiaboré  une  allure  de  douce  et 
copieuse  gravité,  propre  à  faire  dire  à  tons  :  «  Quel  est 
08  monsieur  si  éminemment  distingué,  ce  n'est  pas  un 
militaire,  ni  un  fonctionnaire  ;  c'est  un  riche  savant  ou 
un  prud'homme  éminent. 

  la  seconde  planche,  un  incident  a  modifié  le  con- 
seiller, un  signe  apparent  de  sa  valeur  morale  lui  a  été 
conféré;  c'est  une  croix,  de  celles  qui  se  portent  en  cra- 
vate. La  longue  barbe  est  tombée,  il  n'en  reste  qu'un 
encadrement  majestueux  à  cette  croix  ;  la  tète  inclinée 
philosophiquement,  s'est  relevée  pour  montrer  tonte  la 
croix,  le  paletot  à  ample  collet  n'est  plus  qu'un  habit 
plus  ouvert  pour  le  triomphe  de  la  décoration  sur  le 
plastron  de  la  chemise.  L'air  doux  de  l'excellent  prud'- 
homme s'est  modifié  en  l'air  hautain  d'un  homme  qai 
sait  sa  valeur,  valeur  consacrée  par  un  témoignage  de 
satisfaction  du  souverain.  Il  ne  s'agit  plus  de  faire  com- 


44 


^,. 


UART  MODERfiE 


3re  s&  Talemr  royale,  mais  de  rduiosser  par  un  air 
arautagienï  la  oonsécrati'Oin  qui  Ilnapose  à  Taidiniratioo. 
E  i»e  s'agit  pins  Ae  se  &Jre  <ileTiD«r  oomme  un  Téœérable 

et  "QB  sag*,  mais  de  se  déjDoialrer  on  bomnie  inTesti, 
eDoore  jeuDe,  <rn»e  arislocraJlâe  et  de  la  ooofiasoe  des 
potiToirs  jrablies. 

Antre  gamioe  :  Un  Napoléoo'doot  le  dessinaiteur  m 
Tonlu  traduire  à  sa  mani'îTie  le  birillamt  et  tranâtoire 
passage.  NapcOwn  regarde  couler  le  fleore  ;  i  distanoe, 
d-e  Dcimbreux  maréclmTix  (les  siens,  les  célèbres'  sont 
penchés  sur  le  parapet  et  regardent  oooler  le  fleore. 
A  une  denxitaie  planche  Xapol^n  disparaît  dans  le 
lointain,  Kii-ri  de  ses  maréchaux  en  file  et  Tlsar  ooule 
tonjonrs  ;  et  de  ses  dessins  un  rapprochement  n'émane- 
t-il  pas  avec  le  Napoléon  de  Tolstoï,  n'en  sort-il  pas  la 
prenre  d'nne  nette  et  suggestive  conception  de  Napoléon 
dans  le  oerveau  d'Oberlander  ? 

Ailleurs,  dans  ses  albums  :  voyez,  m»«  Dimanche  à 
la  hrasuerif.  Accrochées  à  de  lourds  chevanx,  les  bras 
chargés  de  brocs,  de  grosses  serrantes  à  travers  une 
foule  trépignante,  galopent,  portant  partent  la  bonne 
nouvelle  de  la  bière  du  dimanche  ;  c'est  la  fête  presque 
mythologique;  peut-être  dans  ce  jardin  d'été,  en  un 
ooin,  qnelqne  fsnfare  joue-t-elle  la  célèbre  Chevanchée 
des  Waikyries,  a.u  scmî  de  laquelle  elles  chevauchent, 
ces  WaJkvries  d'nn  dimanche  de  l'actuelle  G^manie. 
Sur  les  plaisirs  de  brasserie  de  ses  contemporains, 
Ol»erliinder  ne  tarit  pas,  il  les  réunit  autour  d'une  table, 
un  jour  de  mauvaise  bi^e,  tons  navrés  et  ternes  et 
plongés  dans  le  sil«>oe,  celui  qui  a  l'aspect  d'un  prital- 
docent,  et  celui  qui  sanble  un  soudard,  et  la  &ce 
placide  du  comm^-çant,  et  celui  qui  p^-sonnifie  l'Alle- 
mand bonasse,  et  celui  qui  p^sonnifie  l'All^nand 
chauvin  et  grincheux.  Les  mêmes  faces  anssi  sont 
altérées  de  tristesse,  un  jour  de  mauvais  cigares.  A  la 
brasserie,  il  emmène  des  femmes  pâles,  maigres,  seni- 
blant  s'amincir  en  leur  attente  contre  le  mur,  tandis 
que  l'Ailemand  à  tête  de  bouledogue  boit  d'un  air  auto- 
ritaire, et  la  gouaille  en  tyranneau  ;  dans  la  brasserie, 
il  empile  des  compagnies  de  musiciens  pourvus  des  plus 
redoutables  cuivres  et  groupant  en  on  peitit  espace,  sons 
des  voûtes  basses,  les  plus  redoutables  détonations  delà 
musique.  B  la  peuple  de  classiques  &roes  au  tavemier, 
remplit  de  chiens  tumultueux  et  voleurs,  ressemblant 
aux  tvpes  populaires  qu'il  y  présente.  Parfois,  une  note  de 
pitié  réservée  à  des  paysans  humbles.  Note  rare,  car  le 
caricaturiste,  par  tempérament  probablem^it,  et  aussi 
professionnellement,  est  plus  caustique  qu'ému.  Une 
femme  se  présente  à  une  caisse,  et  timidement  essaye  de 
déranger  l'employé.  -  Monsieur  le  teneur  de  hvres... 
Monsieur  le  teneur  de  livres  «,  et  l'employé  debout, 
furieux,  la  foudroie  d'un  de  ces  titres  allemands  longin- 
quipèdes  :  «  Je  suis  le  Royal -Bavarois  pensionné  Spécial 
tenenr-de-livres-de-la-caisse-d  epaipie,  prei^z-en  note  » . 


Pour  oneiuis,  je  crois  anique  dans  aoaœaTie,  Oberiinder 
anpkMe  on  des  vieux  procédés  de  la  earicatore  alle- 
mande, et  de  la  boache  de  l'emplojé  (brienx,  les  note 
de  la  lég«ide  symbolisés,  s'éparpUleot  oomme  en  jets  de 
pierres  que  oeTokan  jette  sor  la  malhenreiifle  atterrée, 
et  mcHralement  et  graphiquement;  ces  procédés  un  peu 
grossiers,  Oberlaoder  les  emploie  peu.  D  est  le  rénora- 
tenr  en  Allemagne  de  la  caricatoro.  jusqu'à  lui  misjra- 
Uement  représentée  dans  le  KladeradaUch  de  Bolin. 
Les  influences  de  Daumier,  des  dessins  de  Vinri  appa- 
raissent en  lui  assez  sensibles,  mais  nullement  celles  de 
ses  prédécesseurs  allemands  réduits  à  inscrire  on  bout 
de  légende  dans  une  sorte  de  ballon  oblong  issant  de  la 
bouche  d'un  mannequin,  et  portant  en  eanettres  typo- 
graphiques à  la  Cois  tout  le  sel  et  du  texte  et  du  dessin. 

Ces  types  populaires,  Oberlânder  les  fmnuPne  an 
théitre.  On  siffle,  on  tempête,  le  coin  dessiné  est  une 
galerie  supérieure  d'oA  les  assistants  lerés,  maudissants, 
houleux,  tumultueux,  lançait  vers  une  scène  invisible 
tous  les  projectiles  à  leur  dispositim  ;  on  aperçrât  un 
parterre  semblablement  animé  et  seul  un  homme 
d'allures  simples,  pleure  et  joint  les  mains  en  remer- 
ciant Dieu  de  ne  l'avoir  pas  créé  poète.  Il  les  conduit  au 
café-concert,  et  tons  se  terrent  sous  les  banqu^tes,  se 
refoulent  sur  les  issues  pour  échapper  aux  éclats 
qu'irradie  d'un  bloc  de  piore,  un  sculpteur  chai^  d'en 
ènAa  une  Oie  en  cinq  minutes  devuit  Fassistanoe;  il 
les  emiHle  dans  des  wagons  de  quatrième  classe,  les 
j^te  dans  des  £aroes  d'étalants,  les  £ût  duper  par  les 
mardiands,  et  explique  mille  de  leurs  petites  misères  on 
ridicules.  Cest  un  humUe  encore  ce  maître  d'école 
lunette,  droit  sur  sa  petite  chaise  au  bout  d'une  table 
ot  des  colosses  éL  des  en&nts  de  colosses  se  prédiùtent 
sur  le  plat,  pour  tons  se  munir,  ei  lui  mesurer  jdas 
étroite,  la  pitance  qui  constitue  scn  salaire.  Les  loque- 
teux, il  les  évoque  plaisantins  ;  ce  personnage  déguenillé 
dira  "  on  peut  me  refuser  biai  des  qualités,  mats  non 
celle  d'être  on  contemporain  >.  Cn  vagabond  cnôlli  an 
débarqué,  invite  l'ag^it  de  police  à  lui  montrer  en  pas- 
sant, vers  le  dépôt,  quelques  curiosités  de  cette  ville 
nouvelle  pour  lui.  Un  ivrogne  rentre  une  nuit  dlnver, 
laissant  sur  la  n^ge  des  murs  des  empreintes  de  mains 
fantastiques;  autour  d'un  ivrogne  acic»té  contre  un 
piédestal  de  statue,  tonte  une  ville  danse  une  danse  de 
Saint-Gui,  les  réverbèt%s  sont  des  ai^es  obtus.  Les 
lumières  diaprent  tout  le  dessin  d'ardentes  diagonales, 
la  statae  de  bronze  se  penche  sur  lui  oomme  on  oiseau 
de  nuit  fantastique,  un  tremUement  de  terre  semble 
discorder  les  maisons,  éi  les  rails  d'un  tramway  s'obli- 
t^-ent  en  une  infinité  de  lignes  serpentines  ;  seul  un 
ag«it  de  police  (le  châtiment)  reste  ferme  dans  cet  appa- 
rent cataclysme. 

En  dehors  de  ses  types  poi»ilaires,  peu  de  femmes 
apparaissent.  Queues  dessins  nous  montrent  l'esthète 


^f- 


LART  MODERNE 


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allemande  an  pea  parente  des  esthètes  anglaises  de  Da 
Maurier.  Elle  travaille  en  robe  à  traîne,  dans  un  cabinet 
à  la  gothique,  ou  bien  elle  marche  par  des  sites  isolés,  pro- 
tégée d'une  ombrelle  et  d'un  immense  chapeau  Louis  XIII 
à  vaste  plume,  mince  comme  aiguille,  amincie  par  sa 
longue  robe,  les  yeux  an  ciel,  sans  voir  à  ses  pieds,  une 
spasmodique  grenouille  qui  l'admire,  la  main  sur  le 
cœur. 

Dans  ses  romans  de  chevalerie,  od  les  chevaux  sont 
à  roulettes,  les  chevaliers  en  bois,  ce  sont  d'indiffé- 
rentes et  automatiques  poupées.  Dans  un  de  ces  roman- 
ceros, pourtant,  la  femme,  vêtue  à  la  moderne,  s'élance 
de  la  grotte  ob  le  dragon  la  tenait  prisonnière,  et  le 
chevalier  vainqueur  du  dragon  (aux  formes  accusées  de 
caméléon,  le  lézard  inofiensif),  le  chevalier  fuit  devant 
son  triomphe  et  le  gage  de  son  triomphe,  et  les  chevaux, 
qui  ne  s'étaient  que  cabrés  à  la  vue  de  ce  Fafiier  non- 
veau,  brisent  leur  licol  et  s'enfuient  à  la  vue  de  cette 
spéciale  Bmnehilde. 

Oberlânder  nous  £ait  assister  aussi  à  de  brèves  cri- 
tiques d'art.  Un  énorme  architecte  gothique,  droit, 
taillé  en  tour  d'égUse,  le  front  peigné  en  ogive,  raide  et 
majestueux  comme  la  Renaissance  gothique,  laisse  s'in- 
cliner ses  yeux,  ou  plutôt  ses  Incames,  sur  un  archi- 
tecte style  Renaissance,  petit,  et  contournent  autour 
d'eux,  des  modèles  d'architectures  de  toutes  les  tailles  : 
édifices  complets,  mais  seulement  à  leur  état  de  ma- 
quettes inoccupées  ;  palais,  cathédrales  et  hôtels-de- ville 
peuplent  le  décor  où  les  architectes  n'apparaissent  que 
comme  une  maquette  décorative  de  plus.  Encore  :  Her- 
cule, élève  de  Linus,  impatienté  par  l'étude  du  piano, 
brise  l'instrument  sur  la  tête  de  son  maître.  —  Un  célè- 
bre violoniste,  chassé  par  la  haine  de  ses  concitadins, 
emmène  son  élève  dans  tme  large  prairie,  et  c'est  loin 
des  hommes  et  des  habitations,  seulement,  que  le  maître 
peut  sans  danger  communiquer  à  son. élève  les  secrets 
de  son  art.  Us  sont  seuls  avec  leur  pupitre  sous  le  vaste 
ciel  et  dans  l'étendue  plane. 

Une  sorte  de  Salon  comique  nous  montre  la  Mort 
s'élancant  d'un  broc  de  bière  pour  embrasser  un  paysan 
(un  sec  Réthel),  des  vierges  néo-grecques  (Aima  Ta- 
dema)  s'effilent  en  fuseaux  et  mAts  de  cocagne;  un 
vieilUrd  est  indiqué  d'un  seul  trait,  rien  qu'une  ligne  ; 
pas  de  fond  au  tableau,  pas  d'accessoires,  de  composi- 
tions, c'est  plus  que  grêle  et  plus  que  pâle,  c'est  une 
opinion  sur  les  préraphaélites  allemands.  Dans  un  salon 
Louis  XIII  des  étoffes  se  complimentent  et  se  serrent, 
non  la  maifl,  mais  les  gants  -,  on  devine  nettement  à  ces 
doigts  floches,  à  l'absence  de  toute  tête,  qu'il  n'y  a  là 
que  manteaux,  chapeaux,  collerettes  et  mobilier  (ce  qui 
manque  aux  préraphaélites  allemands],  et  nul  corps  ni 
armature  physique,  ce  qui  arrive  à  maints  spécialistes 
de  la  peintore  anecdotique  du  costume  parisien  et 
vieonois.  Voulez-vous  une  opinion  sur  Gustave  Doré  ? 


Devant  une  ville  pour  ainsi  dire  serrée  à  l'étau  en 
murailles  rectangulaires,  en  dômes  d'étroits  pains  de 
sucre,  minarets  en  ligne  de  pèche,  deux  ombres,  deux 
dos  d'ombres  conversent,  maigres  à  l'extrême,  longs  à 
l'infini,  surmontés  de  hauts  plumeaux.  Voulez-vous 
une  opinion  sur  la  peinture  actuelle?  elle  n'est  pas 
franchement  assumée,  elle  est  prêtée  seulement  aux 
sauvages  d'un  Tombouctou  spécial  de  création  Ober- 
landerienne?  Un  arrivage  de  toiles  est  mis  en  vente 
dans  une  sorte  de  guignol,  le  commissionnaire  européen 
finit  de  débiter  les  dernières  pièces  de  sa  caravane,  et 
déjà  tous  les  indigènes,  séduits  apparemment  par  la 
splendeur  des  cadres,  se  sont  passés  au  col  un  tableau  ; 
est-ce  un  jugement?  est-ce  l'annonce  d'un  débouché 
découvert  au  trop  plein  de  la  production  artistique 
européenne?  Nulle  l^ende  ne  nous  fixe  sur  ce  point. 

Ce  Tombouctou  ou  Timbektou  n'est  pas  un  lieu  bien 
défini.  C'est  une  ville  od  le  dessinateur  a  pu  exercer  ses 
belles  facultés  d'animalier,  car  il  est  un  animalier  de 
premier  ordre,  bizarre  et  inédit  au  possible,  un  anima- 
lier comique  tout  neuf,  et  aussi  à  ce  Timbektou,  il  a 
trouvé  des  confirmations  de  ses  idées  sur  la  politique 
coloniale  et  les  beautés  de  la  civilisation,  car  un  carica- 
turiste doit  avoir  des  opinions;  c'est  donc  un  lieu  dit, 
une  ville  reculée  de  l'Afrique  équatoriale,  de  l'Afrique 
explorée  par  les  chercheurs  d'ivoire,  les  instaurateurs 
de  provinces  politiques  et  les  voyageurs  du  commerce 
exotique. 

Mais  en  sa  qualité  de  curieux  dessinateur,  et  d'ani- 
malier, Oberlânder,  délaissant  les  conquérants,  s'ap- 
plique uniquement  à  traduire  les  scènes  populaires  de 
ce  pays  trois  fois  favorisé  par  la  présence  des  grands 
fauves,  des  nègres  et  des  colonisateurs.  Voici  l'octroi  : 
un  cavalier  acquitte  à  un  fonctionnaire  coiffé  du  casque 
à  pointe,  les  droits  d'entrée  de  ses  girafes.  Attendent  : 
une  maraîchère  tirant  à  la  laisse  deux  grands  serpents, 
d'antres  marchands  amènent  lions  et  tigres,  et  sur  la 
route  lointaine,  se  profile  la  lente  arrivée  de  girafes  de 
trait  et  de  monte  qu'on  mène  vendre.  Au  marché  :  voici 
les  mêmes  produits;  attachés  à  des  cordes,  lions,  tigres, 
hippopotames,  éléphants,  attendent  l'acquéreur.  Toute 
cette  agglomération  est  surveillée  par  un  policeman, 
nu,  sauf  le  casque  à  pointe,  monté  à  autruche.  Après 
le  marché  c'est  le  repos  au  café  ;  à  l'ombre  des  palmiers, 
les  noirs,  marchands  et  amateurs,  absorbent  des  bois- 
sons fraîches,  tandis  que  les  fauves  familiers  les  atten- 
dent grignotant  des  os,  et  que  des  étudiants  noirs,  coif- 
fés de  petites  casquettes  plates  universitaires  d'Alle- 
magne promènent,  en  guise  de  dogues  d'Ulm,  de  beaux 
lionceaux.  Mais  à  en  croire  de  plus  récents  dessins,  dans 
un  autre  coin  de  l'Afrique,  une  race  dominatrice  délé- 
phants  croîtrait  et  régnerait,  car  un  employé  (noir  euro- 
péanisé) attend  respectueusement  qu'après  connaissance 
prise  de  ses  papiers  et  sauf-conduits,  les  éléphants  le 


mmm 


46 


L'ART  MODBRNB 


laissent  passer.  Rs  sont  là  assis,  calmes  fonctionnaires, 
un  rayon  d'humanité  sur  leur  crâne  et  vidant  des  pots 
de  bière  à  l'instar  de  la  race  colonisatrice,  des  mêmes 
pots  qu'on  voit  aux  brasseries  d'Allemagne;  chez  eux 
ils  se  livrent  à  différents  plaisirs,  et  si  nous  en  croyons 
des  dessins,  favorisent  la  bicyclette,  car  deux  d'entre 
eux,  joyeux,  joviaux,  légers,  dévalent  sur  ce  véhicule, 
marquant,  par  la  rapidité  de  leur  course,  des  humains 
non  encore  initiés  aux  roues  automotrices.  Il  y  a  loin 
de  ces  libres  éléphants  aux  premiers  animaux  d'Ober- 
lànder,  à  l'éléphant  attristé  des  palais  d'Orient,  con- 
sumé de  mélancolie,  vainement  diagnostiqué  par  force 
médecins  à  turbans,  à  qui,  pour  le  distraire,  dans  un 
éclair  de  compréhension  du  mal,  un  médecin  fait  confier 
une  plume  pour  écrire  à  la  bien-aimée  ;  loin  du  lion 
triste,  mélancolique,  jaloux  et  capitan,  de  la  Suite  dite  : 
.  la  fiancée  des  lions  •,  pauvre  lion,  qui  s'anémie 
d'amour  et  meurt  d'un  tragique  coup  de  feu,  aux  rhi- 
nocéros émus  vers  les  éléphantes  qui  saillent  de  toute 
part  dans  les  premiers  albums.  Oberlànder  vent  nous 
représenter  les  grands  animaux  dans  leur  patrie  natale, 
dans  la  vie  que  leur  constituent  les  nouvelles  circon- 
stances politiques  sous  lesquelles  ils  vivent  pacifiés,  ou 
contre  lesquelles  ils  se  débattent. 

Les  chiens  ont  belle  place  dans  les  albums;  ils  y  sont 
traités  d'une  façon  spéciale,  pris,  le  plus  souvent,  dans 
leurs  ressemblances  physiques  avec  l'homme.  Ce  n'est 
pas  théorie  nouvelle  d'avoir  prétendu  que  l'ensemble  de 
certaines  figures  humaines  se  trouve  grossièrement 
reproduit  dans  certaines  allures  ou  têtes  d'animaux. 
Le  dessinateur  allemand  a  surtout  reproduit  ces  res- 
semblances avec  des  chiens  ;  en  forçant  un  peu  la  note, 
il  arrive  à  des  identités,  soit  que  sur  une  banquette  il 
vous  montre  le  maître  et  le  chien,  l'aspect  rogne  et 
raviné,  soit  qu'il  fasse  pousser  ensemble  de  petits  enfants 
et  des  caniches,  qui,  rapidement,  aux  repas,  en  leurs 
jeux,  en  leur  nudité,  en  leur  semi-habillement,  finissent 
par  paraître  étendus  à  côté  l'un  de  l'autre,  deux  indis- 
cernables menechmes. 

Cette  œuvre  &  l'apparence  tumultueuse,  d'une  énorme 
diversité,  trouve  son  unité  dans  l'unique  procédé  de 
travail  du  maître,  le  dessin  à  la  plume,  aussi  dans  une 
sorte  de  similarité  des  intentions.  La  caricature  d'Ober- 
lànder  n'est  ni  grondeuse,  ni  satirique  ;  elle  est  surtout 
bouffonne  et  joviale,  sans  amertume.  Il  est  aussi  Alle- 
mand, très  Allemand,  dans  un  bon  sens  ;  à  voir  ses 
nombreux  et  fantasques  animaux,  l'absence  de  son 
œuvre  de  tout  hippogriffe  ou  disproportionnalité  gros- 
sière et  le  bon  calr-e  de  son  rire,  on  pense  à  certaines 
parts  de  l'âme  de  Hei  ci  Heine,  du  Heine  d'Atta-Troll. 
Ses  éléphants  mélancoliques  sont  parents  un  peu  de 
l'ours  célèbre;  certes,  il  n'a  jamais  évoqué  lâchasse 
enchantée,  ni  quoi  que  ce  soit  de  poésie  profonde  et 
triste;  mais  je  ne  veux  nullement  l'établir  en  une  filia- 


tion intellectuelle  venant  de  Heine,  mais  BmlenMmt 
préciser  qu'un  coin  de  gaieté  leur  est  comman,ooin  bien 
allemand  mais  chez  de  rares  Allemands,  coin  de  gaieté 
différent  de  l'ordinaire  grossièreté  forcenae  on  de 
gaietés  philosophiques  hautement  alambiqaées.  Ils  sont 
des  rares  d'Outre-Rhin  possédant  un  \aa  de  plaisanterie 
simple  et  communicatif  à  des  étrangers.  Ce  qu'il  fitnt 
répéter  c'est  qn'Oberlander  ne  procède  pas  d'Allemands 
antérieurs  à  lui,  très  peu  des  Français,  même  de  Daa- 
mier,  non  plus,  sauf  en  quelques  dispositions  typogra- 
phiques, des  Anglais.  Or,  n'être  précédé  dans  son  pays, 
et  ne  ressembler  à  aucun  des  glorieux  étrangers, 
n'est-ce  pas  exactement  ce  que  l'on  appelle  l'origidalité? 

Gustave  Kahn. 


La  Parabole  des  ManTais  Semeurs 

Décidément,  il  n'y  a  plas  moyen  de  s'amuser.  L'austérité  de 
nos  mœurs  est  devenue  telle  qoe  c'est  &  peine  si  l'indignation 
publique  a  le  temps  de  respirer. 

On  n'était  pas  débarrassé  de  M"*  Bompart  et  de  son  Monsieur 
que,  déji,  l'aimable  Fouroux  et  ses  aventares  amoureuses  pas- 
sionnaient le  monde. 

D'un  bout  de  la  France  k  i'anb«,  on  a  jugé  et  eontrejogé  ce  maire 
folâtre  bqui  notre  galanterie  proverbiale  ne  pardonne  pas  d'avoir 
lâché  sa  maîtresse. 

Aujourd'hui  même  que  le  verdict  est  rendu,  cela  continue  et 
les  cafés  retentiront  sans  doute,  quelque  temps  encore  des  mugis- 
sements décisoires  de  notre  vertu. 

Tout  à  l'heure,  k  cdié  de  moi,  j'entendais  vociférer  un  gros 
homme  que  les  débordements  de  H.  Fouroux  ne  devaient  certes 
pas  révolter  beaucoup,  et  qui,  néanmoins,  demandait  sa  tête  avec 
des  clameurs  sauvages,  en  dénonçant  à  tous  les  souffles  des  cieux 
l'iniquité  scandaleuse  de  sa  trop  bénigne  condamnation. 

Pourquoi  iaut-il  que  d'aussi  généreux  élans  soient  inexpli- 
cables ï  El  comment  n'a-t-on  pas  encore  signalé  l'universelle  ano- 
malie d'an  biftme  aussi  déchatnéT 

Car,  enfin,  la  situation  relativement  intéreasanie  de  H»  de 
Jonqnière  et  le  municipal  goujatisme  du  Fouroux  ne  panisseni 
pas  suffisants  pour  fomenter  une  preille  effierveaoeDce. 

Ce  n'est  pas  sans  une  hienr  de  bon  seM  qov  iTflAiNe  tféfeo- 
seur  de  ce  dernier  personnage  a  fait  remarquer  l'absordilé  de 
mêler  des  questions  de  dignité  d'homme  il  des  questions  de  cri- 
mioalité.  «  Crachez-lui  au  visage,  s'est-il  écrié,  mais  ne  le  con- 
damnez pas  !  » 

La  vindicte  bourgeoise  exigeait^^  an  contraire,  qu'on  le  con- 
damnât et  le  galant  maire  n'aurait  pas  sauvé  sa  tête  si  la  procé- 
dure criminelle  avait  pu  être  remplacée  par  un  plébiscite... 

Remarquer,  s'il  vous  platt,  que  le  fond  même  de  la  cause, 
l'avortemenl,  l'infanticide,  est  complètement  négligé.  On  s'en  sou- 
vient tout  au  plus  et  si  la  chose  est  rappelée,  c'est  uniquement 
pour  qu'il  soit  bien  entendu  qu'on  a  suivi  toute  l'afftire  josqn'ea 
ses  détails  les  plus  futiles,  comme  il  convient  \  d'équitables  et 
discernants  justiciers. 

On  s'attendrit  le  plus  facilement  du  monde  sur  la  pauvre  femme 
que  personne  n'accuse  d'avoir  été  une  affreuse  mère,  et  Fopinion 


'■*'''7i::^'W^7^W 


L'ART  MODERNE 


47 


ne  vilipende  que  le  seul  tmant  dont  les  procédés  fiingeai  décon- 
lidèrenl  la  chevalerie  tradilionnellede  nos  rufBans. 


n  serait  oiseux  et  probablement  excessif  de  refaire,  en  «'accom- 
pagnant de  lamentations  bibliques,  le  méritoire  plaidoyer  de 
M*  Hasson.  Le  ci-devant  édile  de  Toulon,  d'ailleurs,  ne  m'en- 
flamme pas.  Mais  il  me  semble  que  le  râle  de  bouc-émissaire  pour 
les  surabondantes  iniquités  du  bourgeois  moderne  est  une  puni- 
tion bien  insolitemènt  décernée  b  un  bambocheur  très  rudimen- 
taire,  en  somme,  qui  a  eu  la  maladresse  de  se  laisser  prendre. 

Un  centenaire  pratique  des  hommes  n'est  pas  nécessaire  pour 
savoir  que  le  zéro  qui  a  nom  Fouroux  marque  rigoureusement 
réliâge  de  la  moralité  contemporaine.  Sans  irembler  ponr  l'avenir 
de  Mb  Ame,  le  premier  pdieria  venu  peut  affirmer,  avec  une  éner- 
gie de  tous  les  diables,  que  les  neuf  dixièmes,  au  moins,  de  nos 
citoyens  altiers  sont  exactement  au  niveau  d'âme  de  ce  réprouvé. 
'  On  ne  remarque  pas,  en  effet,  que  l'adultère  soit  un  événement 
des  plus  rares,  et  on  ne  remarque  pas  davantage  que  la  fureur 
des  époux  déçus  produise  des  conflagrations  homériques.  On 
s'accommode  même  très  bien  parfois  des  chasses-croisés  de  la 
fantaisie.  Quant  aux  conséquences  physiologiques  et  sociales  qui 
peuvent  résulter  de  ce  rigodon  général,  les  enfants  eux-mêmes 
n'ignorent  plus  les  prophylactiques  expédients  préconisés  pour 
s'en  garantir. 

Qoand  les  plus  suaves  précautions  ne  suffisent  pas,  il  reste  tou- 
jours, après  tout,  le  médicament  suprême,  judicieusement  admi- 
nistré par  d'ambidextres  sages-femmes  ou  des  Esculapes  subtils 
qui  n'iront  jamais  au  bagne. 

Les  pénitentiaires  sont  colonisés  surtout  par  des  poètes  et  des 
maladroit*.  Si  la  croftte  bonrgeoise  était  soulevée,  on  aurait  peut- 
être  enfin  Vatâace  de  ce  paradoxe  et  l'on  se  dirait,  en  jetant 
autour  de  soi  de  paniques,  de  longs  regards,  que  personne  n'est 
k  sa  vraie  place  et  que  tous  les  morls  ne  sont  pas  dans  les  cime- 

Cela  devrait  crever  les  yeux,  pourtant,  cette  indifférence 
extraordinaire  «  erga  corpus  delicti  »,  dans  une  cause  criminelle 
anssi  passionnante.  On  devrait  au  moins  demander^ice  que  cela 
signifie. 

Car,  il  n'y  a  pas  ii  dire,  le  coupable  a  été  condamné  par^I'opi- 
nion,  et.les  juges  même,  non  pas  comme  instigateur  ou  complice 
d'un  infanticide,  mais  comme  noujat,  simplement,  comme  amant 
félon  et  discourtois,  péché  d'omission  dont  nul  texte  pénal  ne 
s'était  encore  avisé.  La  chose  est  si  certaine  que  tout  l'effort  des 
contradictoires  plaidoiries  a  été  poussé  de  ce  cOté-i!). 

Et  le  plus  drOle,  c'est  qu'il  est  tout  ^  fait  inutile  de  présumer 
en  cette  affaire,  l'influence  des  femmes  qu'on  pourrait  soupçonner 
d'avoir  senlimentalement  égaré  la  justice.  La  turbulente  sensibi- 
lité des  hommes  a  très  amplement  suffi,  et  l'inquiétude  inavouée 
de  ce  sexe  fort  doit  tont  de  même  donner  à  penser. 

n  est  certain  que  le  procès  Fouroux  a  remué  des  vases  pro- 
fondes qni  risquaient  d'altérer  l'azur  d'une  multitude  prodigieuse 
d'hypocrisies  inconscientes.  Soudainement  on  s'est  senti  très 
canaille,  très  malpropre,  très  infanticide'..... 

Les  joueurs  de  maniUe  les  plus  idiots,  les  plus  encloués,  ont 
obscurément  compris  que  le  maire  de  Toulon  les  représentait  aux 
assises  comme  en  un  miroir  concave,  et  l'épouvante  les  a  rendus 
implacables. 


C'est  pour  cette  raison  sans  doute  que,  d'un  tacite  et  universel 
accord,  on  a  écarté  le  point  essentiel  dont  l'indiscrète  analyse 
aurait  pu  désengourdir  d'anciens  crotales,  ou  de  vieux  vampires 
dans  des  CBurs  absous  par  l'impunité. 


Les  manoeuvres  abortives  sont  implicitement  ou  explicitement 
assimilées  partout  à  l'infanticide  et  punies  comme  telles  par  les 
lois  écrites.  L'émasculanle  psychologie  dont  on  nous  déprave  n'a 
que  faire  ici.  Soyez  chastes  ou  soyez  pères.  C'est  l'absolu  de  la 
justice.  Il  n'y  a  pas  d'autre  issue  que  le  crime  et  la  redoutable 
question  est  précisément  de  savoir  bù  la  transgression  commence 
et  où  elle  finit. 

L'Eglise  Romaine  qui  a  recueilli  le  miel  de  toutes  les  sagesses 
est,  il  cet  égard,  tout  !t  fait,  inexpugnable  dans  sa  ruche  d'or.  La 
«  coulpe  »,  il  ses  infaillibles  Yeux,  commence  et  finit  juste  au 
même  instant  que  l'intentionnelle  pensée  du  crime,  car  le  Fait 
brutal,  dont  le  gros  esprit  des  juges  terrestres  est  forcé  de  se 
contenter,  n'est  jamais  pour  Elle  que  rexiéricurc  péripétie  du 
drame  invisible. 

Il  est  vrai  que  cette  Raison  surnaturelle  qui  dompta  les  peuples 
est,  aujourd'hui,  passablement  inécoulée,  mais  elle  a  laissé,  fort 
heureusement,  de  tels  préjugés  que  le  plus  béittre  mécréant  est 
forcé  de  se  promulguer  lui-même  libre  penseur  pour  ne  pas 
gémir  trop  amèrement  sur  sa  propre  canaillerie. 

On  fait  ce  qu'on  peut,  hélas!  mais  la  vérité  persiste,  rédivive 
comme  un  palimpseste  dans  le  souterrain  des  cœurs,  et  cette 
force  cachée  suscite  parfois  des  champignous  vénéneux  qu'on  est 
convenu  d'appeler  remords,  dont  les  délices  même  du^  billard 
sont  empoisonnées. 

Je  concède  cependant  assez  volontiers  qu'il  peut  se  trouver 
encore  quelques  bourgeois  très  âgés  qui  n'ont  pas  chez  eux  de 
cadavres  et  dont  les  armoires  ne  recèlent  point  de  bocaux  sus- 
pects. Hais  si  la  Grand'Hère  Eglise  dont  le  seul  nom  les  affole  ne 
s'est  pas  trompée  et  s'il  y  a  vraiment  autre  chose  que  l'épisodique 
gesticulation  du  péché  pour  sabouler  la  conscience,  —  on  est 
bien  forcé  de  se  demander,  certains  jours,  quelle  différence, 
quelle  disparate  essentielle,  quels  abîmes  de  démarcation  peuvent 
exister  entre  les  pratiques  d'avortement  que  d'infamantes  péna- 
lités ont  prévues  et  la  plus  ordinaire  de  ces  conjugales  superche- 
ries que  les  Théologiens  ont  cataloguées  froidement  sous  la  rubri- 
que des  Prévarications  homicides  ? 


L'honnSie  langue  française  ne  permet  pas  d'aller  plus  avant 
dans  un  sujet  aussi  délicat.  J'ignore  même  si  j'ai  pu  dire  quelque 
chose.  Mais,  assurément,  j'ai  voulu  dénoncer  la  présence  d'un 
peu  de  mystère  sous  le  bavardage  imbécile  de  ces  derniers  jours. 

Mystère,  il  est  vrai,  de  lâcheté  sociale,  d'hypocrisie  collective 
et  d'ignominie  profonde  !  N'est-ce  rien,  toutefois,  de  surprendre 
et  de  retenir  un  instant  la  preuve  de  l'assiduité  d'un  Dieu  de  jus- 
tice résidant  quand  même  au  plus  bas  des  gouffres  humains  qui 
l'ont  expulsé  et  récupérant,  —  par  l'effroi  de  ses  interrogations 
silencieuses,  —  l'aveu  tel  quel  du  pressentiment  des  cieux? 

LÉON  Bloy. 


r^ 


LE  WAGNERISME  HORS  D'ALLEMAGNE 

par  M.  Edmond  Evenepoel. 
Paris,  Bruxelles  cl  Leipzig,  1891  ;  un  vol.  in-8»  de  300  p.  (fr.  Z-bO). 

«  Persuadé  que  rien  ne  saurait  filre  indifférenl  de  ce  qui  louche 
aux  grandes  personnalités  de  l'art  en  général  et  de  la  musique  en 
particulier,  l'auteur  a  tenu  à  rassembler,  pendant  qu'il  en  est 
temps  encore,  des  souvenirs  et  des  témoignages  écrits  rappelant 
les  circonstances  dans  lesquelles  les  œuvres  de  Wagner  furent 
accueillies  dans  son  pays.  Il  a  pensé  qu'un  travail  de  ce  genre 
devait  se  présenter  le  plus  possible  sous  une  forme  documentaire, 
cl  c'est  à  condenser,  dans  un  élroit  espace,  un  ensemble  considé- 
rable de  matériaux  qu'il  s'est  appliqué  dans  la  mesure  de  ses 
forces.  Puisse  la  ISclie  qu'il  s'est  imposée  être  de  quelque  utilité 
à  ceux  que  tenterait  plus  tard  l'idée  d'écrire  une  histoire  complète 
du  Wagnérisme  ». 

En  ces  termes  modestes,  l'auteur  du  Wagnéristne  hors  d'Alle- 
magne, noire  érudit  confrère  M.  Edmond  Evenepoel,  expose 
l'objet  de  son  étude.  La  lecture  de  quelques  chapitres  décèle  tout 
a'uirc  chose  qu'une  compilation  de  documents.  Avec  beaucoup  de 
goût  et  de  méthode,  choisissant  judicieusement  les  citations  àe 
manière  b  mettre  en  relief  le  fait  important,  M.  Evenepoel  fait  le 
récit  des  luttes  que  soutinrent,  au  début,  quelques  êtres  témé- 
raires, taxes  de  folie  furieuse,  pour  implanter  l'art  neuf  dans  un 
milieu  réfractaire  à  toute  innovation.  Dans  le  champ  de  sa  lan- 
terne magique  défilent  les  personnages  qui  ont  joué  un  rôle  dans 
la  campagne,  les  généraux,  les  soldats,  et  aussi  les  mameluks  sur 
lesquels  on  tapait  ferme  (ô  les  joyeuses  bagarres  !  et  l'on  se  pren- 
drait à  regretter  la  victoire  trop  tôt  conquise,  si  d'autres  bouscu- 
lades ne  sollicitaient). 

L  nombre  de  pièces  colligées,  étiquetées,  classées,  mises  en 
vedeii  '  '  u  reléguées  aux  arrière-plans,  suivant  leur  importance, 
est  prodig.ux.  C'est  un  jeu  de  patience  minutieusement  assemblé 
et  auquel  il  ne  manque,  semblc-l-il,  pas  un  fifrelin. 

Certes,  le  sujet  était  passionnant  pour  un  homme  qui  a  pris 
part  à  la  bataille  et  qui,  le  soir  venu,  aime  à  en  remémorer  les 
épisodes.  Mais  il  fallait  beaucoup  de  sagacité,  d'habileté  et  d'art 
pour  arriver  à  le  rendre  attrayant  même  pour  ceux  qui  n'ont  pas 
été  mêlés  aux  événements  relatés.  El  c'est  ce  que  M.  Evenepoel  a 
réussi  à  réaliser. 


PARADOXES  D'DN  BIBLIOPHILE  '" 

Deux  bibliophiles  ne  peuvent  se  regarder  sans  lire. 

En  fait  de  lecture,  il  n'y  a  d'amusante  que  celle  des  catalogues^ 

Le  wnheur  réside  dans  les  choses  introuvables. 

Il  n'y  a  pas  de  grand  écrivain  pour  un  correcteur. 

La  politique  consiste  à  vendre  des  prospectus. 

La  poussière  est  la  bave  du  temps. 

Il  y  a  quelque  chose  de  plus  beau  que  d'ôlre  le  premier,  c'est 
d'être  le  seul. 

(1)  V.  l'Art  moderne,  26  octobre  1890. 


La  fidélité  est  un  sentiment  lire  &  un  seul  exemplaire. 

La  jalousie  est  un  amour  dépareillé. 

Il  y  a  de  bons  classements,  mais  il  n'y  en  a  point  de  délicieux. 

Les  bibliophiles  connaissent  l'histoire  comme  les  chiffonniers 
connaissent  la  géographie. 

Tout  goût  est  la  moitié  d'une  passion  ;  toute  passion  est  la 
moitié  d'un  vice. 

Quand  la  collection  est  complète,  il  ne  reste  plus  qu'à  mourir. 

La  barbarie  n'est  pas  autre  chose  que  l'absence  d'archives. 

Toute  religion  repose  sur  un  livre. 

Une  collection  est  un  hochet,  quand  elle  n'est  pas  un  trophée. 

Le  paradis  terrestre  était  une  bibliothèque  sans  bibliothécaire. 

Le  mariage  est    un    ouvrage  en  deux   tomes  reliés  en  un 
volume. 

Chari.es  Dumerct. 


Mémento  des  Eixpositloiis 

Barcelone.  —  Exposition  annuelle.  —  39  mar8-31  mai.  — 
Envoi  26  février-7  mars.  Notices:  26  février.  —  Renseignements  : 
Secrétariat  de  la  Commission  organisatrice.  Palais  de*  Beaux- 
Arts,  Pasea  Fujadas,  Barcelone. 

Bordeaux.  —  XXXIX<  Exposition  de  la  Société  des  Amis  des 
Aru.  —  2  mars  1891.  Envois  :  1-10  février.  Dépôt  à  Paris  : 
10-20  janvier,  chez  M.  Toussaint,  rue  du  Dragon,  IS.  Gratuité  de 
transport  pour  les  artistes  invités.  —  Reoseignemenls  :  Secréta- 
riat de  la  Société,  Galerie  de  la  Terraite  du  Jardin  public,  Bor- 
deaux. 

Berlin.  —  50™'  anniversaire  de  la  Société  des  Artistes.  '— 
Exposition  internationale.  —  15  mai.  —  Renseignements  : 
M.  Anton  von  Wemer,  directeur  de  l' Académie  royale  det 
Beaux-Arts,  Zimmerslrasse,  92,  Berlin. 

Lyon.  —  Quatrième  Exposition  annuelle  de  la  Société  lyon- 
naise des  Beaux- Arts.  —  Ouverture  :  27  février.  Renseigne- 
ments :  Secrétariat  général,  rue  de  l'Hôpital,  6,  Lyon. 

Milan.  —  Exposition  triennale  des  Beaux-Arts.  —  l"-30  juin. 
—  Trois  prix  ;de  4,000  francs  chacun,  fondés  par  le. roi 
Humberl,  décernés  à  la,  peinture  et  à  la  sculpture.  Trois  prix  de 
4,000  francs  chacun,  fondés  par  Saverio  Fumagalli,  décernés  11  la 
«culpiure,  à  la  peinture  religieuse,  historique  ou  de  gen^e.  Un 
prix  de  4,000  francs,  fondé  par  Antonio  Gavazzi,décçn>âia  paia- 
ture  historique.  Médailles  et  diplômes.  —  Les  demandes  d'admis- 
sion devront  être  adressées  au  président,  M.  Emile  Visconti- 
Venosta,  à  l'Académie  de*  Beaux- Arts  de  Milan. 

Moscou.  —  Exposition  française.  —  1"  mai-oclobre.  (Réservée 
aux  artistes  invités).  Dépôt  avant  le  15  février  chez  M.  André,  rue 
Chaptal,  28,  Paris. 

Paris.  —  Exposition  des  Artistes  indépendants  (Pavillon  de  la 
Ville  de  Paris).  —  Ouverture  20  Mars.  Dépôt  :  6,  7  et  8  mars.  — 
Renseignements  :  M.  Serendat  de  Beltini,  trésorier,  rue  du 
Rocher,  56,  Pari*. 

Id.  Union  des  femmes  peintres  et  sculpteurs.  —  21  février- 
14  mars.  —  Droit  d'exposition  :  5  francs  par  œuvre  exposée 
(maximum  ii  payer  :  20  francs).  Dépôt  :  6-9  février.  —  Rensei- 
gnements :  M""  Bertaux,  présidenU,  147,  avenue  de  VUiier*, 
Pari*,  et  At.  Olivier  Merson,  117,  boulevard  St-Michel. 


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?^. 


VART  MODERNE 


49 


Petite  cHROfjiQUE 


La  première  matinée  organisée  par  les  XX  dans  les  locaux  de 
leur  exposition  est  fixée  ii  Jeudi  prochain,  43  courant,  à  1  heures 
précises. 

M.  Gustave  Kahn,  l'auteur  des  Palait  nomade»,  fera  une  confé- 
rence rar  U  Veri  libre. 

Sauf  modification  imprévue,  des  conférences  auront  lieu  tous 
les  jeudis,  pendant  toute  la  durée  du  Salon.  Les  concerts  sont 
fixés  aux  mardis  17  et  S4  février.  II  est  question  d'un  troisième 
concert  qui  aurait  lieu  le  3  mars. 

Le  prix  d'entrée  aux  matinées  des  XX  est  de  i  francs. 

Un  nouveau  cercle  de  peintres,  les  XIII,  vient  de  se  consti- 
tuer h  Anvers,  à  l'instar  des  XX.  Une  première  exposition  s'ou- 
vrira, vers  le  20  février,  dans  les  locaux  de  l'ancien  Musée  de  pein- 
ture. 

Les  fondateurs  sont  MH.  Emile  Claus,  Ed.  De  Jans,  H.  De 
Smeih,  Edg.  Farazyn,  Frans  Hens,  Romain  Looymans,  H.  Luyien, 
Charles  Hertens,  Léo  Van  Aken,  Louis  Van  Engeicn,  Piet  Verhaert 
et  Théodore  Verstraete. 

Des  invitations  viennent  d'être  adressées  ii  quelques  artistes 
bruxellois. 

La  mort  frappe  durement  le  monde  des  artistes.  La  semaine 
passée,  elle  a  enlevé  H.  Emile  Blauwaert,  l'excellent  baryton  et 
le  charmant  homme  que  tous  appréciaient.  H.  Blauwaert,  jadis 
second  violon  au  théâtre  flamand,  avait  acquis  comme  chanteur 
une  grande  renommée.  Les  œuvres  de  Peter  Benoit,  et  spéciale- 
ment le  rdie  du  «  Spotgeesl  »,  la  Damnation  de  Faust  de  Ber- 
lioz, les  drames  de  Wagner,  trouvèrent  en  lui  un  interprète  de 
premier  ordre. 

On  se  souvient  des  succès  qui  l'accueillirent  à  Paris,  où  il 
chanta  pendant  toute  une  année  aux  Concerts  Lamourcux,  et  à 
Bayreuth,  où  il  reprit  avec  une  grande  aulorilé  le  rôle  de  Gurne- 
manz  dans  Partifal.  Bien  qu'il  n'eût  jamais  abordé  la  scène,  il 
joua  et  mima  son  personnage  avec  tant  de  dignité  et  de  noblesse 
qu'il  fut  classé  du  coup  parmi  les  meilleurs  artistes  lyriques.  C'est 
lui  qui  devait  créer  le  rôle  du  landgrave  de  Tannhduser,  qu'on 
jouera  à  Bayreuth  cette  année. 

H.  Blauwaert  est  mort  en  pleine  maturité  de  vie  et  de  talent. 

On  sait  que  les  représentations  du  théâtre  wagnérien  de  Bay- 
reuth cotnprennent  cette  année  les  trois  ouvrages  suivants  :  Par- 
siftti,  Trittan  $l  Y$euU  et  TannMluter.  Voici  comment  sont 
fixées  iés  dates  des  représentations  de  ces  trois  ouvrages  :  Par- 
lifal,  les  19,  23,  26  et  29  juillet,  2,  6,  9,  12,  16  et  19  août  ; 
Tritlan  et  Yieult,  le  20  juillet,  les  5  et  18  août;  Tannhàuser, 
les  22,  27  et  30  juillet,  3, 10,  13  et  18  août.  On  voit  donc  que  le 
total  des  représentations  est  de  20,  dont  10  pour  Parsifal,  7  pour 
TannhOuter,  et  3  seulement  pour  Tristan  et  Yseult. 

A  propos  de  Meissonier,  qui  vient  de  mourir,  cette  jolie  cita- 
tion de  Théophile  Gautier  : 

«  Chose  rare,  le  talent  de  Meissonier  a  eu,  tout  au  début,  son 
chez  lui,  sa  maison  hollandaise,  b&tie  à  la  fin  du  xvii*  siècle,  au 
toit  en  escalier,  aux  petites  fenêtres  maillées  de  plomb,  aux  boi- 
series de  vieux  chêne,  au  lustre  de  cuivre,  aux  tapisseries  pas- 
sées de  couleur,  aux  faïences  bleues  et  blanches,  aux  meubles  à 
pieds  tournés,  calme  asile  où  la  lumière  discrète  descend  dans  le 


silence  et  où  ne  voltige  jamais  un  atome  de  poussière.  C'est  là 
qu'habitait  sa  peinture  avant  que  sa  personne  y  vint  loger  aussi  ; 
car  l'artiste,  dans  sa  délicieuse  retraite  de  Poissy,  qu'il  peut 
signer  comme  une  de  ses  (oiles,  a  réalisé  plusieurs  de  ses  tableaux 
avec  colle  volonté,  ce  fini  et  celle  perfection  apportés  par  lui  ^ 
toutes  choses.  Il  y  a  des  chambres  qu'il  faudrait  encadrer;  elles 
valent  presque  les  peintures  de  maître,  dont  elles  sont  les  copies  ». 


Dans  une  de  ses  dernières  séances,  le  comilé  de  peinture  de  la 
Société  des  Artistes  français,  présidé  par  M.  Léon  Bonnat,  a 
décidé  que  le  nombre  des  tableaux  admis  au  Salon,  celle  année, 
serait  de  1,800  au  lieu  de  2,S00,  et  le  nombre  des  dessins  de  400 
au  lieu  de  800.  

Il  faut  avoir  visité  les  monuments  de  la  Haule-Égypte  pour 
croire  aux  prodigieuses  déprédations  commises  par  les  touristes 
anglais  dont  les  noms  pullulent  sur  toutes  les  pierres  en  évidence, 
et  qui,  pour  les  mieux  placer,  vont  jusqu'il  détacher  h  l'aide  de 
ciseaux  les  cartouches  si  merveilleusement  laillés  dans  le  granit 
dont  sont  formées  les  colonnades.  On  croirait  se  Irouvcr  là-bas 
en  une  terre  conquise  d'où  des  envahisseurs  barbares  veulent 
effacer  jusqu'aux  dernières  traces  des  générations  qui  l'ont  habi- 
tée. 

C'est  mieux  encore  du  peuple  anglais  que  de  nous-mêmes  que 
le  marquis  de  Beaufort  eût  pu  dire  :  On  dirait  qu'il  prévoit  sa 
déchéance  prochaine;  car,  chose  élonnante,  tandis  qu'en  Angle- 
terre de  grands  seigneurs  dépensent  un  revenu  considérable  pour 
préserver  les  ruines  qui  se  trouvent  sur  leurs  domaines,  les  habi- 
tants de  ce  pays,  dès  qu'ils  sont  à  l'étranger,  se  hâtent  de  renver- 
ser tout  ce  qui  tombe  sous  leurs  mains. 

Mariette  raconte  quelque  part,  et  cela  remonte  loin  déjà,  qu'à 
chacun  de  ses  voyages  dans  la  Haute-Égypie,  il  retrouvait  plus 
profondément  gravé  sur  le  môme  bloc  de  marbre,  le  nom  d'un 
voyageur  d'oulre-Manche,  qu'il  ne  manquait  d'ailleurs  jamais 
d'effacer;  la  lutle  dura  ainsi  pendant  plusieurs  années  au  boni 
desquelles,  peut-être  par  crainte  de  détérioration  plus  accentuée, 
l'égyplologue  se  lassa. 

Un  fanatique  vient  de  détruire  à  Omaha,  dans  l'état  de 
Nébraska,  un  tableau  de  Bougucreau,  le  Retour  du  Printemps, 
qui  avait  figuré  au  Salon  de  1875,  et  qui  avait  été  pavé 
90,000  francs. 

Le  commis  aux  écritures  d'une  maison  d'ameublement  de  cette 
ville,  Carri  Judson  Washington,  brisa  une  chaise  sur  le  tableau  du 
maître  avant  qu'on  ait  pu  s'opposer  à  cet  acte  de  sauvagerie.  Celte 
toile  représentait  une  femme  nue,  grandeur  naturelle,  avec  plu- 
sieurs amours  voltigeant  autour  d'elle. 

Washington,  pour  expliquer  son  méfait,  a  dit  qu'il  avait  vu 
plusieurs  jeunes  femmes  regarder  le  tableau,  etiju'alors  l'idée  lui 
était  venue  d'agir  comme  le  Christ  l'eût  fait  certainement,  s'il 
était  descendu  sur  la  terre. 

George  Sand  n'était  point  tendre  pour  la  critique.  Jugez-en 
par  ce  passage  d'une  lettre  qu'on  vient  de  vendre  au  cours  d'une 
vente  d'autographes. 

«  Prenez  garde,  avant  de  ramasser  un  gant  quelconque  de  bien 
savoir  si  c'est  un  gant.  C'est  peut-être  un  chiffon,  l'ombre  d'un 
chiffon,  comme  tout  ce  qui  sort  du  feuilleton  critique,  à  quelques 
exceptions  près.  La  critique,  en  somme,  n'exisle  pas.  11  y  a  quel- 
ques critiques  qui  ont  beaucoup  de  talent,  mais  une  école  de  cri- 
tique, il  ivy  en  a  plus.  Us  ne  s'enlendent  sur  le  pour  el  le  contre 
d'aucune  chose.  Us  vont  sabrant  ou  édifiant  au  hasard,  ils  vont 
comme  va  le  monde.  Avant  de  les  provoquer,  forcez-les  de  bien 
s'expliquer.  Je  crois  que  vous  les  embarrasserez  beaucoup.  Je 
vois  chez  eux  beaucoup  d'esprit,  de  savoir,  d'habileté.  Us  sont 
ingénieux,  ils  ont  du  style,  mais  de  tout  cela  il  ne  sort  pas  l'ombre 
d'un  enseignement.  Rien  ne  se  tient  dans  leur  dire,  et  ce  n'est  pas 
trop  leur  foute.  Rien  ne  se  tient  plus  dans  l'humanité  ». 


%}.'%■  ■'■■ 


fai|ir*\:~ 


1 


ONZIÈME  ANNÉE 


L'ART  MODERNE  s'est  acquis  pv  l'aatorité  et  l'indépendance  de  sa  critiqne,  par  la  variét  dé  tes 
informations  et  les  soins  donnés  à  sa  rédaction  une  place  prépondérante.  Aucune  manifestation  de  l'Ait  ne 
lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  de  peintpre,  de  soulptore,  de  gravure,  de  musique, 
d'architecture,  etc.  Ck)nsacré  principalement  au  mouyement  artistique  belge,  il  renseigne  néanmoins  aea 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  l^étranger  qu'il  importe  de  connaître. 

Chaque  numéro  de  L'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  question  artiftlqne 
ou  littéraire  dont  l'événement  de  la  semaine  fournit  l'aotuallté.  Les  expotitiotu,  les  Iwre*  nouvgtttm^  us 
premières  représentations  d'œuvres  dramatiques  ou  musicales,  les  conférences  littéraires,  les  coneeriUk^  las 
fentes  d'objets  dort,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées.  '" 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  II  rend  eompte  des 
procès  les  plus  Intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribananx  belges  et  étrangars.  Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complète  des  expOWltlOM  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  Il  est  envoyé  gra*nitemient  à 
l'essai  pendant  un  mois  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande. 

L'ART  MODERNE  forme  chaque  année   un  beau   et  fort  volume  d'environ  450  pages,  avec  table 

~  document  LE  PLUS  COMPL^  «tris  hm^  I^  FLOB— 


des  matières.  Il  eointita»..f«9r,^iBtoire  de  l'Art  le 
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rue  de  l'Industrie,  32,  au  prix  de  30  firaucs  chacun. 


JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraùtant  le  jeudi  et  le  dimmtdu. 

Faits  et  débats  jndlcUlres.  —  JniiqniidaBce. 

—  BibUograpUe.  —  liégidattoa.  —  HotarUt. 

Administration  et  rédaction  :  Rite  de*  Minime*,  10,  BruaMt*. 


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Tolume  iD-8°,  pour  lequel  il  sert  firé  une  conyertnre  spéciale,  un 
titre,  une  table  des  matiires  et  une  table  alphabétique  par  noms  d'au- 
teurs. 

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Vallette,  rédacteur  es  chef,  rue  de  l'Echaudé  St-Oermain,  15,  Paris. 
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CamàUe  de  SaitoSaba,  UaMt.  Biiihm  d  Wagner.  BtAiulttln,  JtHP^v  j^ 
dùm,  WiUtetmi^  Ed.  Orieg.  OU  BuU.  A.  Sesipaf.  a^laMatMi 
Détirie  ArUl,  PatUine  Lucca,  Pablo  de  Sarxuate.  Ferd.  JBpfar,  Jf. 
Popper,  tir  F.  Benedict,  Leechetitskff,  Ifapraotdk,  Joh.  Mltav^A. 
SfemUen,  K.  Rtmdmigel,  J.-O^E.  auUe.  Igmme»  Brtdl,  etc.  «ki. 

If .  B.  On  «BToie  gntoilement  tes  |mU  wianta  et  les  Mrti- 
flcata  i  tonte  personne  qui  en  iéra  la  demande. 

J.  SCHAVYE,  Relier" 


4e. 


>  ds  K<vd« 


RE3.IURES  ORDINAIRES  ET  RELIURES  DE  LUXE 

^èdaliti  ivmàôn  bdg»  it  ttruginB 


BmzeUca.  —  Ibb.  V' 


X.  ras  es  riadmiia. 


m^w^M 


Otmiaa  Ainite.  —  N*  7. 


Le  MuiftiiBo  :  16  cbmtiiies. 


DmAMCHB  15  Févbmkbl  1891. 


MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  GRITIQDE  DES  ARTS  ET  DE  LÀ  LITTÉRATURE 

Ck>llllt6  de  rédaction  i  Octavb  MAUS  —  Edmond  PICARD  -  Ëmilb  VERHAEREN 


:    Belgique,   on   an,   fir.   10.00;  Union   posUle,    fr.    13.00     —  AHHOHCKS  :    On   traite   i   (orbit. 

Adreuer  toutes  le*  communications  d 
L'ADiaMomuTioif  atKÉBjAJs  DE  VArt  Moderne,  me  de  l^Indostrle,  32,  Bruxelles. 


? 


OMMAIRE 


Le  Vbs  Libbx.  Conférence  de  il.  Kahn  aux  XX.  -^  Doco- 
HKrra  A  ooHSBRVn.  Le  Canuxval  dun  ci-decant.  A  propot  du 
Salon  dm  XX.  —  EooiNB  Smrs  aoz  XX.  —  Ls  P*lk>di  pas- 
siomA,  par  Jean  Moréas.  —  Sbookii  ooncotT  du  Consebvatooie  db 
LiioB.  —  P«iiiB  caaoHiQUB. 


Le  Vers  Libre 

Ck>nftrenoe  de  M.  Gustave  Kahn  aux  XX 

MbBDAMES.  Mb88IEU«8, 

Je  vais  vous  parler  (fidées  vieilles  comme  le  monde, 
immuables  comme  lai,  mais  qui,  chaque  fois  qu'elles  se 
présentent  aoos des  aspects  un  peu  nouveaux,  ont  le  pri- 
vilëj^  de  provoquer  un  perpétuellement  semblable  éton- 
nement. 

Je  vous  parlerai  du  poème  libre  et  de  son  moyen,  le 
vers  libre,  et  nulle  place  ne  me  parait  meilleure  que 
cette  Bxpontion  des  XX  ott  se  réunissent  et  se  synthé- 
tisent IfeB  efforts  des  jeunes  artistes  tant  Belges  que 
Français  pour  le  plus  grand  bien  de  la  liberté  de  l'art. 

Reniarqaez-voas  dans  notre  Uttérature  cette  sépara- 
tion bien  tranchée  des  poètes  et  des  prosateurs.  Des  esprits 
de  hante  valeur,  des  créateurs  de  prose  originale  se 
refusent  à  écrire  en  vers,  ne  se  découvrent  pas  le  don 
du  poème;  parmi  ces  réti&  à  la  métrique  vous  rencon- 
trerez des  ChAteanbriand,  des  Flaubert,  plus  récem- 


ment des  Villiers  de  l'Isle-Adam  ;  à  quelle  cause  pouvez- 
vez-vous  attribuer  que  ce  soient  spécialement  des  trou- 
veursde  coupes  lyriques,  d'épithètes  à  profonde  couleur, 
des  inventeurs  de  paraboles  précises  ,  figurables  en 
quelques  grands  traits  poétiques  qui  se  refusent  à  Ten- 
cbantement  du  mètre,  tandis  que  de  nombreux  médio- 
cres exclusivement  sont  versificateurs.  Pensez  aussi  au 
mépris  que  certains  cerveaux  spéciaux  organisés  ou 
philosophes  et  amateurs  d'art  comme  Taine,  ont  res- 
senti pour  la  métrique  du  vers  qu'ils  ont  qualifié  irré- 
vérencieusement d'ébénisterie  poétique.  Réfléchissez 
que  Baudelaire,  le  plus  accompli  versificateur  que  l'on 
eût  vu  jusqu'à  son  apparition,  a  ressenti  ie  besoin 
d'écrire  acôté  de  ses  Fleurs  du  >7iat,xin  livre  de  poèmes 
an  prose;  ne  dit-il  pas  :  •  Quel  est  celui  de  nous  qui  n'a 
pas,  dans  ses  jours  d'ambition,  rêvé  le  miracle  d'une 
prose  poétique  musicale  sans  rythme  et  sans  rime  assez 
souple  et  assez  heurtée  pour  s'adapter  aux  mouvements 
lyriques  de  l'âme,  aux  ondulations  de  la  rêverie,  aux 
soubresauts  de  la  conscience  ». 

Si  le  vers  classique  ou  romantique,  que  nous  appelle- 
rons, pour  nous  y  reconnaître;  l'alexandrin,  avait  suffi 
à  Baudelaire  pour  exprimer  l'ensemble  complexe  de  ses 
sensations  poétiques,  eût-il  cherché  à  se  créer  une 
forme,  malgré  tout  le  génie  de  l'auteur,  destinée  à 
demeurer  bâtarde  ;  mais  au  temps  de  Baudelaire  la  ten- 
tative du  vers  libre  eût  été  jugée  folle,  et  de  même  que 
M.  de  Banville  a  hautement  regretté  que  V.  Hugo  n'ait 
pas  proclamé  l'émancipation  complète  du  vers,  se  sou- 
mettant néanmoins,  lui,  Banville,  aux  dernières  pres- 
criptions draconiennes  de  l'ancienne  prosodie,  aussi, 
Baudelaire  s'est  arrêté  devant  l'émancipation  du  vers. 


^^'■S'%W'f^ 


—  Qu'est-ce  qu'un  vers?  C'est  un  arrêt  simultané  de 
la  pensée  et  de  la  forme  de  la  pensée.  —  Qu'est-ce 
qu'une  strophe?  C'est  le  développement  par  une  phrase 
en  vers  d'un  point  complet  de  l'idée.  —  Qu'est-ce  qu'un 
poème?  C'est  la  mise  en  opposition  par  ses  facettes  pris- 
matiques qui  sont  les  strophes  de  l'idée  tout  entière 
qu'on  a  voulu  évoquer. 

Un  livre  de  vers,  c'est-à-dire  le  poème  le  plus  long  et 
le  plus  complet  qu'on  puisse  se  figurer,  doit  donc  pré- 
senter un  tout  homogène  éclairant  de  toutes  ses  facettes 
de  strophes,  un  courant  de  sensations  poétiques  conçu 
dans  une  unité. 

Je  m'explique  :  Un  livre  de  vers  qui  n'est  pas  conçu 
comme  je  l'indique,  ce  sont  ces  nombreux  albums 
publiés  sans  raison  apparente  où  des  madrigaux  et  des 
nocturnes  alternent  avec  des  fantaisies  mythologiques 
et  des  épltres.  Un  poème  qui  est  conçu  autrement  que 
je  l'indique,  ce  soni  les  longs  poèmes  en  récit,  mise  en 
scène  dun  fait  historique,  coupée  d'apostrophes  et 
d'appréciations  critiques,  coulées  dans  le  moule  uni- 
forme de  l'alexandrin  en  tirade,  et  revêtant  de  la  même 
robe  grise  des  sentiments  d'ordres  absolument  diffé- 
rents; des  strophes  d'ancien  système  sont  celles  qui 
voisinent  pêle-mêle,  toutes  de  quatre  vers,  ou  toutes  de 
six  vers,  ou  toutes  de  huit  vers,  pour  traduire  indiffé- 
remment toutes  les  idées  qui  circulent  dans  le  poème. 
'Des  vers  d'ancienne  formule,  ce  sont  ces  lignes  de  prose 
régulièrement  comptées,  et  qui  ne  sont  vers  que  par  le 
crédit  qu'on  accorde  à  leur  sonorité  finale, de  reparaître 
à  une  ligne  ou,  au  maximum,  à  deux  lignes  plus  loin. 
Le  vers  libre  doit  exister  en  lui-même,  sa  preuve  d'exis- 
tence est  l'allitération  de  ses  syllabes  intérieures  et  le 
rappel  de  ses  syllabes  en  assonances  daas  les  vers  sui- 
vants :  Le  groupement  complet  de  ces  allitérations  et 
assonances  forme  la  strophe  ;  les  différents  vers  de  la 
strophe  doivent  être  apparentés  par  ces  syllabes  et 
assonances.  Les  strophes  se  commandent  l'une  l'autre 
et  s'influencent;  on  ne  peut  les  faire  semblables  de 
rythmes  et  de  coupes  que  lorsqu'elles  figurent  une 
pnase  semblable  de  l'idée  ;  lorsqu'elles  représentent  une 
phase  diflérente,  elles  doivent  être  construites  différem- 
ment d'après  leur  réalité  intérieure;  quand  elles  repré- 
sentent un  contraste  à  l'idée  exprimée  par  la  strophe 
précédente,  la  strophe  doit  être  bâtie  aves  des  rythmes 
et  des  assonances  contraires  ou  contrariées.  La  ques- 
tion de  la'  césure  n'existe  pas  ;  il  peut  y  avoir  césure 
après  chaque  pied  du  vers  ;  la  question  de  la  césure  n'a 
d'ailleurs  jamais  sérieusement  existé.  La  question  de 
rimes  n'existe  pas,  puisque,  au  lien  de  terminer  deux 
lignes  par  des  sonorités  semblables,  vous  apparentez 
toutes  les  syllabes  et  créez  ainsi  forcément  une  grande 
quantité  de  rimes  à  l'intérieur  de  la  strophe. 

La  théorie  sans  exemple  est  sèche  et  risque  d'être  peu 
comprise^  Vous  me  permettrez  de  lire  un  poème  dont 
les  vers  se  démontrent  par  leurs  allitérations.  (Lecture 
de  vers). 

Les  musiciens  connaissent  au  moins  deux  variétés  de 
bonne  musique;  ils  admirent  les  grandes  œuvres  archi- 
tecturées  des  Beethoven,  des  Berlioz,  des  Wagner,  des 
César  Franck,  ils  aiment  les  fragments  des  maîtres 
savants,  soit  quatuors,  soit  mélodies,  mais  aussi  ils 
écoutent  avec  joie  les  chansons  populaires,  et  telle 
musique  spéciale  comme  les  csardas  des  Tziganes. 

Le  poème  a  besoin  d'une  égale  distribution  dans  les 


goûts  de  ses  lecteurs  ;  et  les  poètes  du  poème  libre  deman- 
deront à  ce  qu'il  leur  soit  permis  deux  sortes  d'œuvres, 
les  premières  :  chansons  ae  guitaristes  nomades,  épopée 
brisée  en  mille  flexions,  en  mille  chansons;  que  si 
le  poète  part  le  long  des  routes  en  soleil,  il  chante 
l'alhire  de  sa  marche,  de  ses  rencontres,  du  paysage 
qui  le  charme  un  instant;  que  ses  chansons  brèyes 
accrochent  en  des  rythmes  instantanés  et  aventoreux 
toutes  les  mobiles  pensées,  toutes  les  diverses  Incar- 
nations de  nature  qui  saillent  de  son  âme  encore 
jeune,  encore  dépourvue  d'esprit  critique  et  d'élec- 
tion, qu'il  réveille  en  chemin  l'écho  des  chants  popu- 
laires, qu'il  guitarise  ses  sérénades,  qu'il  gnitanse 
avec  ses  nerfs,  sa  passion  et  ses  philosopbies  préma- 
turées ;  il  importe  peu  que  l'instrument  sonne  trop  fort, 
qu'il  sonne  sans  mesure,  qu'il  disproportionne  ses  dou- 
leurs ou  ses  joies,  rien  n'importe  si  le  jeune  chanteur  a 
la  voix  franche  et  assurée.  Si  le  jeune  poète  es  sûr 
devant  lui,  môme  de  la  vérité  passionnelle  de  sa  poésie, 
son  seul  devoir  est  de  donner  à  ses  balbutiements  da  soi 
la  forme  la  plus  nette  et  la  plus  personnelle.  Il  n'im- 
porte aucunement  que  son  éclat  de  voix  revête  des 
allures  entièrement  différentes  de  la  tradition:  plus 
ses  arpèges  seront  siennes  et  inentendnei,  plus  y  aura 
raison  pour  lui  et  pour  les  autres  ;  tout  rythme  auda- 
cieux et  fittinc  a  chance  de  vivre  et  ce  i>oème  doit  se 
rythmer  sur  la  première  impulsion  poétique  de  l'idée 
dans  la  cervelle  de  son  créateur  et  non  s'élaborer  d'après 
de  vieilles  et  surannées  métriques. 

Les  plus  rancis  des  fauteurs  d'alexandrins  sont  les 
premiers  en  tant  que  dilettantes  à  chérir  les  chan- 
sons envolées  des  lèvres  à»  peuple,  ce  qui  veut 
dire  de  l'âme  de  vieux  anonymes,  ils  sont  folluoristes, 
c'est-à-dire  que  devant  toute  chanson  naïve  et  spontanée 
comme  des  conservateurs  de  Musées,  ils  s'inclinttit  et 
cataloguent  :  maître  inconnu.  Faut-il  vous  rappeler 
pour  Tes  Allemands,  le  cor  merveilleux  de  l'entant? 
vous  savez,  certes,  les  trésors  que  Gérard  de  Nerval  a 
exhumés  des  chants  populaires  d'Ile  de  France,  et  ce 
qu'à  sa  suite  de  simples  érudits  ont  déterré  dans  les 
complaintes  de  vieille  France.  C'est  la  sincérité,  l'émo- 
tion pure  et  la  plastique,  apparente  en  quelques  traits 
principaux  de  ces  chansons  que  le  poète  doit  trouver 
pour  ses  rythmes  de  jeunesse;  alors  il  sera  comme  les 
trouveurs  de  ces  vieilles  mélodies  et  danses  d'auteurs 
inconnus,  il  sera  le  Trouvère,  le  Trouvère  des  chassons 
de  son  cœur,  par  conséquent  de  tous  les  cœurs  ayant  le 
sens  lyrique.  Dans  l'infinité  de  rythmes  qui  se  presseront 
en  sa  cervelle,  il  pourrit  choisir  ceux  qui,  ploa  tard 
mieux  connus  et  plus  étudiés,  serviront  a  sas  oBavres 
de  maturité;  ce  sont  ses  œuvres  premières  que  je  com- 
parais aux  rapsodies  des  Tziganes,  ce  sont  les  secondes 
que  je  comparerai  aux  œuvres  architecturées  des  musi- 
ciens. 

Les  combinaisons  du  vers  libre  sont  infinies  ;  il  y  a 
autant  de  rythmes  que  de  nombres  premiers,  autant  de 
combinaisons  de  rythmes  que  de  combinaisons  de  nom- 
bres premiers.  Ceci  peut  s'affirmer  théoriquement  et,  à 
l'heure  qu'il  est,  heure  de  début  où  rien  ou  presque 
rien  n'est  fait,  tous  les  rythmes  doivent  être  tentés. 
L'expérience  saura  nous  avertir  que  certains  rythioes, 
théoriquement  possibles,  ne  nous  donneraient  pas  la 
valeur  d'essence  ou  de  sonorité  demandée.  Mais  encore, 
pour  écouter  l'expérience,  faut-il  produire  et  publier 
tout  rythme.  L'hérédité  littéraire  nous  a  légué  quelques 


'*;'^âp;|!f'fss''^s%\v' 


L'ART  MODERNE 


53 


cas  élémentaires  de  strophes,  quelques  autres  cas  ont 
été  i^oatés;  le  patrimoine  du  jeune  poète  se  composera 
donc  de  l'ancien  vers  monotone  et  ses  diverses  applica- 
tions et  de  quelques  nouvelles  combinaisons  de  strophes, 
aussi  de  nombre  de  vers  de  treize,  quatorze,  quinze 
et  seize  pieds. 

Il  faudra,  pour  des  poèmes  qui  ne  seraient  plus  un 
chant  personnel  mais  une  incantation  hors  de  l'âme, 
que  tout  sentiment  fût  revêtu  de  sa  strophe  nécessaire, 
que  tout  acteur  de  ce  drame  chanté  parl&t  sa  voix,  que 
tous  ces  chanteurs  du  drame  soient  particuliers  dans 
leurs  sonorités,  et  que  leur  personnage  décrit,  on  ne  les 

(misse  concevoir  autres  que  le  poêle  les  montre;  c'est 
à  l'amlution  du  poème  libre  et  la  tâche  &  remplir. 

Ob  M  troofveraient  If^^.wijets  de  poèmes?  Pour  la 
première  période  de  Fartiste,  nous  l'avons  dit,  dans  sa 
séntttioii  personnelle,  ce  qu'un  ancien  eût  appelé  ses 
élégies  et  ses  odes  ;  après,  dans  l'infinité  partielle  du 
monde,  une  minute  de  vi^-contient  les  siècles,  et  si  les 
conteinporains,  occupé»;  ne  peinent  guère  qu'à  quel- 
ques nunistres  eflîquelques  faire  historiques,  pour  le 
poète  la  vie  commence  aux  mythes  indous,  aux  bibles 
juives,  à  tontes  les  légendes  dey  toutes  les  races.  S'il  se 
Dornait  à  prendre  une  légende  et  la  traduire  telle  quelle, 
il  ne  ferait  qu'une  besogne  d'écrivain  naturaliste  ;  s'il  se 
bornait  &  la  passementer  d'ornements  et  d'intermèdes,  il 
ne  serait  qu'un  décorateur  ;  il  doit  se  servir  des  légen- 
des en  les  renouvelant  entièrement  et  les  refondant  à 
son  usage  pour  parler  plus  amplement  sa  voix  moderne. 
Tout  ce  que  ne  peut  dire  un  humain  en  habit  noir,  il 
peut  le  transférer  dans  la  légende  (sans  en  abuser)  et.ce 
serait  l'explication  du  goût  qu'ont  les  jeunes  écrivains 
pour  des  anciens  dont  1  effort  est,  à  tout  prendre,  moins 
considérable  que  celui  d'un  Balzac  ou  d'un  Dickens; 
c'est  qu'avec  eux  on  arrive  à  l'air  respirable  d'où  l'on  ne 
voit  plus  la  vie  contemporaine  et  qu'avec  eux  on  tente 
de  sépanonir  plus  ou  moins  vainement  vers  le  pur 
lyrisme. 

Je  pui»  dès  à  présent  vous  indiquer  une  esthétique 
du  poème  différente  de  celle  employée  généralement, 
qui  consiste  en  un  récit  plus  ou  moins  orné  ;  j'ai  tenté, 
ni'inspirant  des  beautés  de  l'arabesque,  de  traduire 
l'idée  conformément  à  mon  système,  nun  pas  en  la 
racontant  et  la  déduisant  à  la  suite,  mais  en  en  tradui- 
sant, à  part,  comme  indépendantes,  toutes  les  facettes 
ou  tous  les  moments  de  la  sensation.  Au  lieu  d'indiquer 
narrativement  qu'un  personnage  ressent  certaines  émo- 
tions, je  traduis  cette  émotion  en  une  pièce  indépen- 
dante. C'est  le  groupement  et  la  suite  de  ces  pièces  qui 
§  résente  l'idée,  la  première  pièce  donnant  le  point  de 
épart,  la  dernière  le  point  d'arrivée,  et  les  pièces  inté- 
rieures la  suite  des  idées  par  laquelle  est  passé  mon 
personnage  désigné  ou  anonyme.  La  numérotation 
des  pièces  indique  l'ordre  logique ,  ce  qui  permet  de 
faire  résonner  dans  le  même  poème  une  grande  partie 
des  gammes  du  vers  ;  dans  un  poème  :  la  Nuit  sur  la 
lande,  dont  ce  court  exposé  m'interdit  la  lecture  totale, 
j'ai  tenté  de  donner  toute  la  succession  des  rythmes 
d'une  idée,  j'en  choisirai  deux  fragments  l'un  contenant 
le  plus  large  rythme  libre  du  poème,  l'autre  le  plus 
serré;  le  premier  fragment  est  libre,  parce  qu'il  repré- 
sente la  voix  seule  du  personnage  du  poème;  le  deuxième 
est  un  rythme  précis  parce  qu'il  représente  comme  une 
voix  étrangère,  comme  une  chanson  entendue  par  le 
personnage.  —  Voici  ces  deux  fragments  : 


Ces  deux  pièces,  opposées  l'une  à  l'autre,  pourront 
vous  démontrer  la  variété  de  moyens  dont  dispose  le 
vers  libre,  car  outre  les  ressources  nouvelles  de  l'inven- 
tion de  nouvelles  strophes,  il  peut  appeler  à  lui  les 
ressources  des  anciens  rythmes,  et  certainement  le 
poète  peut  avoir  besoin  d'écrire  de  petites  pièces  dans 
le  style  ancien,  ou  bien  faire  contraste  à  des  strophes 
basées  sur  des  imparités  par  des  pièces  binaires,  c'est- 
à-dire  à  coupes  égales  comme  les  anciens  poèmes;  il 
peut  aussi,  en  contraste  aux  strophes  allitérées  et 
assonancées,  se  servir  de  toutes  les  ressources  de 
l'ancienne  rime  pour  indiquer  et  traduire,  par  exemple, 
une  sensation  du  passé.  Le  vers  libre  doit  être  complè- 
tement libre,  aucune  ressource  des  métriques  anté- 
rieures ne  doit  lui  être  défendue —  c'est  là  son  progrès, 
<Jar  possédant  un  plus  vaste  clavier,  il  évoquera  les 
ressources  de  l'ancienne  métrique,  non  plus  comme  un 
inéluctable  Noël  et  Chapsal,  il  ne  les  vêtira  plus  comme 
un  uniforme,  mais  s'en  servira  comme  d'un  appoint  à 
ses  connaissances  poétiques  personnelles. 

C'est  une  vérité  d'ordre  primaire  que  les  habitudes 
d'écrire  influent  sur  les  habitudes  de  penser,  c'est  ce 
que  l'on  veut  dire  lorsqu'on  parle  en  gros  des  influences 
réflexes  de  la  forme  et  du  fond.  La  poésie  est  dans  son 
essence,  le  développement  complet  par  un  artiste  du 
type  de  beauté  qu'il  perçoit. 

Pétrarque,  saisi  par  un  type  de  beauté  obsédant,  évo- 
quera Laure  de  Nove  dans  des  alternances  de  sonnets 
et  de  canzone,  Pétrarque  agit  ainsi  de  par  son  temps  et 
les  ressources  de  sa  langue.  Gœthe,  d'autre  temps,  aura 
besoin  des  deux  Faust  parce  que,  étant  d'une  époque 
critique  et  non  plus  simplement  poétique,  il  doit,  pour 
être  Dien  compris,  expliquer  en  même  temps  que  son 
idéal  de  beauté  universelle,  les  différentes  phases  de  sa 
conception  et  presque  les  anecdotes  de  sa  route  vers  le 
type  de  pure  oeauté.  Nerval  spécifiera  son  idéal  par 
trois  œuvres  simplement  juxtaposées  :  Aurélia,  Sylvie 
et  ses  merveilleux  sonnets,  trop  peu  nombreux,  car 
certes  Nerval  est  un  exemple  des  plus  frappants  d'un 
pur  poète,  rejeté  dans  la  prose  par  les  petites  incommo- 
dités et  les  petits  ridicules  du  mètre  classique.  Henri 
Heine  n'a  pu  développer  cet  idéal  de  beauté  qu'en  en 
donnant  immédiatement  la  contre-partie,  procédé  qui 
Tîonsiste  à  montrer  le  rêve  au  lecteur  et  en  augmenter 
la  puissance  par  l'immédiate  présence  de  la  réalité. 

J'ai  choisi  ces  quatre  noms  pour  vous  montrer  com- 
bien devient  plus  difficile  à  chaque  génération  la  réali- 
sation de  ce  rêve  nécessaire  à  tout  poète  :  la  traduction 
de  tout  son  idéal  de  beauté.  Pétrarque  n'a  à  s'occuper 
que  de  lui-même  et  de  sa  chanson.  Gœthe  doit  s'expli- 
quer lui-même;  Nerval  croit  devoir  chercher  chez 
d'autres  races,  d'autres  climats,  et  vers  l'ensemble  de 
tous  les  mysticismes,  cette  preuve  que  son  idéal  de 
beauté  est  légitime.  Heine  a  cru  devoir  mettre  en  glose 
à  ses  chants,  à  côté  de  légendes,  l'histoire,  même  anec- 
dotique,  de  sou  temps.  Kn  face  de  quel  accroissement 
de  besogne  se  trouve  encore  le  poète  moderne?  C'est 
pour  cela,  à  cadSe  des  difficultés  même   de  la  tâche, 

Su'un  poète  du  vers  libre  doit  demander  au  lecteur, 
'abord,  de  ne  pas  considérer  ses  ouvrages  comme  for- 
tuits, et  d'admettre  que  tout  rythme  nouveau,  en  dehors 
de  sa  valeur  poétique,  sert  à  épargner  une  longue 
digression  sur  l'état  psychique  de  l'auteur,  et  qu'il  faut 
tenir  compte  de  ce  rythme  comme  du  reflet  voulu  de 
son  intonation  et  de  sa  voix  personnelle. 


■l'^l^iii^^^r^'^i^ 


-{t:  if^'j^'s 


y'«f?»*a 


54 


L'ART  MODERNE 


Ces  tendances,  dans  leur  généralité,  ont  été  défendues 
en  Belgique  par  fArt  moderne,  la  Jeune  B^gique  et 
la  Wallonie.  Je  les  ai  expliquées  moi-même  dans  la 
Revue  indépendante  et  voici  un  fragment  qui  posait 
nettement  une  autre  partie  de  la  question.  Pourquoi 
l'on  fait  du  poème  et  tel  qu'à  présent. 

Dans  des  époques  très  encombrées  d'affaires  et  d'ef- 
forts dépensés  pour  le  simple  droit  de  vivre,  il  existe 
toujours  nombre  de  mystiques  épris  d'art,  d'autant  plus 
mystiques  que  leur  époque  est  plus  positive.  Les 
hommes  maîtres  du  courant  d'affaires  traitent  les  poètes 
de  névrosés  et  déclarent  qu'une  époque  signalée  par  de 
telles  productions  n'est  pas  normale. 

Or,  ce  malheureux  temps  est  bien  loin  d'être  nor- 
mal ;  et,  si  l'on  admet  que  c'est  une  des  gloires  du 
moyen-àge.que  dans  cette  période  de  force  et  de  guerre, 
il  ait  existé  de  purs  mystiques  affolés  d'amour  de  Dieu 
et  d'espoir  en  Dieu,  pourquoi  ne  point  vouloir  qu'en 
notre  période  d'aflaires,  strictement  d'affidres,  il  soit 
des  poètes  se  confinant  dans  l'intellect  pur  et  disant 
pour  eux,  pour  les  initiés  existants,  pour  les  initiés  à 
venir,  la  chanson  de  leurs  sensations,  sans  s'occuper 
des  exigences  populaires,  sans  travestir  le  schéma  de 
leur  pensée  sous  la  forme  de  conversation  qu'utilisent 
les  poètes  et  les  romanciers  classés  ;  et  si  parfois  le  but 
peut-être  est  dépassé,  si  le  livre  ou  le  poème  ne  contien- 
nent pas  toute  la  sérénité  qui  parent  l'œuvre  d'un  clas- 
sique, peut-être  cela  vient-il  de  ceci  que  : 

Si  l'on  développe  une  idée,  en  voulant  enfermer  dans 
sa  traduction  ses  origines  et  son  mouvement  et  l'accent 
personnel  d'émotion  qu'elle  eut  en  émergeant  de  votre 
inconscience,  on  est  exposé  à  faire  un  peu  embrouillé 
en  croyant  Caire  complet  ; 

Que  si  l'on  se  borne  à  donner  de  cette  idée  la  grosse 
carrure,  presque  le  fait  matériel  dont  elle  est  la  repré- 
sentation, on  a  bien  des  chances  de  la  traduire  sans 
nouveauté;  car,  toutes  choses  ont  bien  près  de  six  mille 
ans  ;  elles  ont  peut-être  davantage. 

Le  premier  jour  où  un  pâtre  arya  modula  une  ono- 
matopée admirative  ou  joyeuse  ou  éclata  en  sanglots, 
le  poème  était  fondé,  et  le  poème  ne  servit  depuis  qu'à 
développer  le  cri  de  joie  et  le  cri  de  douleur  de  l'huma- 
nité. Or,  les  sérénités  pures  se  traduisirent  habituelle- 
ment par  les  architectures  théoriques  des  Moïse,  des 
Pythagore.  des  Platon,  etc.,  les  besoins  de  certitude 
par  les  Euciide,  les  Galilée,  etc.,  tonte  l'expérience, 
toute  la  science  des  formes  tangibles  s'analysa.  Le 
poème  fut  sans  cesse  ou  l'évocation  de  la  légende  (la 
concrétion  des  aspirations  d'une  race)  ou  son  cri 
d'amour  joyeux  ou  triste.  Ajoutez  à  cela  qu'alternative- 
ment ce  poème  fût  en  son  écriture  abstrait  et  quasi 
blanc,  soit  que  le  mysticisme  humain  fût,  dans  le  plus 
large  sens  du  mot,  religieux  (charité,  solidarité,  pas- 
sion), soit  qu'il  fût  idolâtre  icoloré,  paien.  réaliste);  au 
second  cas  la  recherche  d'une  forme  fluide,  libre,  musi- 
cale et  vraie,  car  en  l'essence  même  de  la  poésie  elle 
s'adresse  à  l'oreille  tout  en  cherchant  à  fixer  des  atti- 
tudes; au  premier  cas,  souvent  rocailleuse  et  dure  un 
peu,  préoccupée  de  figer  de  simples  et  élémentaires 
polychromies.  Mab  ces  deux  formes  d'art  qui  parfois  en 
des  époques  troubles  peuvent  être  maniées  par  le  même 
poète,  sont  surtout  et  avant  tout  diflérentes  et  de  la 
forme  expérimentale  de  la  science  courante,  et  de 
l'allure  explicative  de  la  littérature  courante.  En 
somme,  la  marque  de  cette  poésie  serait  d'être  pure- 


ment intuitive  et  personnelle,  en  opposition  aux  formes 
traditionnelles,  qui  sont  simples  car  déjà  toas,  claires 
parce  qu'explicatives.  Or,  le  lyrisme  est  excloaiTe- 
ment  d  allure  intuitive  et  personnelle,  et  la  poéne  va 
dans  ce  sens  depuis  cinquante  ans  (Hugo,  Gantier, 
Nerval,  Baudelaire,  Heine),  et  rien  d'étonnant  à  ce 
qu'un  nouveau  pas  en  avant  &s8e  paraître  le  poète 
comme  chantant  pour  lai-méme,  tandis  qu'il  ne  fiut  au 
fond  que  sjllabiser  son  moi  d'une  fiM^on  asses  profonde 
pour  que  ce  moi  devienne  un  soi,  c'est-à-dire  l'Ame  de 
tous  ;  et  si  tons  ne  s'y  reconnaissent  pas  tout  de  suite, 
c'est  peut-être  que  les  formes  sensationn^es  percaes 
par  le  poète  ne  se  sont  pas  encore  produites  ai  eux, 
que  peut-être  il  follait  que  le  poète  les  pei^fit  le  premier 
pour  qu'une  génération  nouvelle  inconsciemment  s'en 
imprégnlt  et  finit  par  s'y  reomnaltr».  En  fiu»,  la  litté- 
rature tradititumelle  continue  son  train-train,  die  conces- 
sions en  concessions,  et  détient  Intelligence  pcqmlaire, 
ravie  d'entrer  sans  efforts  dans  des  aravres  d'apparence 
renouvelée. 

Faut-il  ajouter  qu'en  un  art  serré,  une  technique 
bien  comprise  du  vers,  il  but  éviter  tonte  explicatim, 
tonte  parenthèse  inutile,  et  que  peut-être  ces  néces- 
sités imposent  au  lecteur  de  se  placer  d'abord,  par  une 
première  lecture,  en  l'état  d'esprit  du  poète,  et  de  ne 
comprendre  complètement  qu'à  une  seconde  lecture.   - 


Le 
poèi 

emporte  cl 
écouter  battre  une 
sincérité  absolue 


^'a  pas  comme  ample  ambition  le 
dit;  à  côté  de  l'orarre  que  !'<» 
qu'on  lit  près  de  son  feu,  pour  y 
,  il  en  est  une  autre  de  moins  «te 
de  plus  d'apparat,  l'œuvre  de 
théâtre  :  le  drame.  D  est  &cile  à  penser  que  des  artistes 
assez  soucieux  du  rythme  personnel  de  chaque  sensation 
pour  fondre  des  strophes  nouvelles,  pour  les  diverses 
inflexions  de  voix  qui  vous  arrivent  comme  une  voix 
blanche  à  travers  les  pages  d'un  livre,  il  est  certain  que  ces 
artistes  n'admettraient  pas  oue  des  personnages  vivants, 
éclatant  en  pleine  scène,  dialoguent  monotonement  leurs 
accents  et  leur  choc  de  passion .  Si  sur  un  point  quelconque 
de  l'art  le  vers  alexandrin  pur  a  été  condamné  c'est  au 
théâtre;  l'ennui  de  la  tragédie  classique  avait  suscité 
les  romantiques  qui  s'aperçurent  très  bien  que  le  déCaut 
des  bonnes  oeuvres  de  cet  art  était  la  poinpeose  mono- 
tonie —  je  n'en  reprocherai  pas  plus  a  M.  Leconte  de 
l'Isle.  Les  romantiques  cherchèrent  un  remède  ;  comme 
ils  étaient,  surtout  ceux  qui  purent  conquérir  le  théâtre, 
desesprits  d'une  médiocre  qualité  inventÏTe,  ils  tnaseti- 
virent  tel  quel  le  système  poétique  du  gtoie  le  plus 
méconnu  par  les  classiques.  Nous  eûmes  alors  l'inter- 
calation  obligée  des  parties  comiques  dans  le  drame,  tra- 
dition qui  dure  encore  au  mélodrame  ;  car  il  ne  bnt  pas 
voir  dans  le  théâtre  romantique  que  le  Roi  s'canuse  ou 
Ruy-Blas  entachés  des  mêmes  débuts  que  le  mmu 
fretin  des  pièces  environnantes,  mais  couvertes  delà 
gloire  d'un  grand  nom.  —  Dans  ce  théâtre  emprunté 
aux  habitudes  shakespeariennes,  les  romantiques  em- 
ployèrent strictement  le  même  vers  que  les  clûsiques. 
La  différence  fut  uniquemoit  dans  quelques  entrées  de 
clovm  et  une  prodigieuse  variété  de  costumes  et  d'éti- 
quettes. —  Le  même  drame  se  passa  sous  toutes  les 
latitudes  et  sous  tous  les  climats. 

L'erreur  des  romantiques  sur  ce  point,  comme  en 
beaucoup  de  points,  à  propos  du  vers,  était  de  tenter 
d'innover  par  la  langue,  et  non  par  le  rythme  —  quand 


;-.  B  ;'^':'-'^/Jï.»^ ? 


loar  bible  progrès  de  langne  fiit  absorbé  par  l'nsage, 
lear  rythme  monotone  n'avait  plus  aocane  valeur  de 
nonveanté.  Cest  l'ennui  nouTeau  engendré  par  cette 
nouvelle  monotonie  qui  précipita  le  public  vers  les 
fitoheux  Poosard  et  les  désastreux  Sardou,  c'est  par 
cette  m<Miotonie  que  le  drame  en  vers  est  écarté  des 
scènes,  an  plus  grand  profit  des  éditeurs  de  pièces 
naturalistes,  pièces  coupées  par  des  manœuvres,  pure 
spéculation  qui  n'a  rien  à  voir  avec  l'Art. 

C'est  aux  artistes  du  vers  libre  qu'écherra  la  t&che  de 
réveiller  le  drame,  de  le  ramener  en  scène  avec  des 
personnages  existant  non  seulement  en  leur  rAle  arbi- 
traire de  néros,  mais  existant  linguistiqnement,  poéti- 
quanent  par  l'accord  de  leurs  voix  et  de  leurs  gestes  et 
pouvant  chanter  leur  douleur  ou  joie  en  strophes 
exactement  déterminées  pour  le  sentiment  qui  les 
emplira  —  ils  s'incarneront  comme  en  couplets  aussi 
vivaoeset  tenaces  àUi  mémoire  que  les  héros  des  grands 
drames  lyriques. 

A  première  vue,  tout  poème  est  libre,  car  personne 
n'est  forcé  d'écrire  des  vers,  aucune  loi  d'Etat  n'a  pro- 
mulgué de  canon  poétique;  pour  tout  poète,  la  pièce  de 
vers  est  un  pur  acte  de  désintéressement,  toujours  elle 
évoque  une  idée  de  liberté  d'art,  opposée  à  l'idée  de 
commande  d'art,  abstraction  &dte  des  cantates,  des 
poèmes  patriotiques,  des  livrets  d'opéras  et  des  gazettes 
rimées,  œuvres  absolument  de  commande,  et  souvent 
de  commande  efiisctive. 

A  deuxième  vue,  cette  illusion  disparaît.  Leurs 
Majestés  les  habitudes  se  trouvent  avoir  décrété  ce 
canon  poétique  qui,  s'il  n'est  dans  la  loi,  passe  dans  les 
mœurs  des  lecteurs  de  vers.  Un  rythme  est  décrété, 
rythme  renouvelé  tous  les  vingt  ans  par  des  novateurs 
plus  ou  moins  hardis,  mais  demeurant  décrété  tous  les 
vingt  ans  avec  quelques  modifications  de  plus.  Ces 
modifications ont-eUessufS  aux  novateurs?  jamais.  Mais 
ils  s'endorment  sur  des  premières  victoires  qui  amènent 
un  compromis,  et  vingt  ans  plus  tard  de  plus  modernes 
novateurs  viennent  réclamer  une  place  plus  libre  pour 
une  métrique  plus  élargie. 

GUSTAVX  Kahn. 


Se 


JOCUMENTp    A    CONgERVER 

Le  Carnaval  d'un  ci-devant 

A  PROPOS  DL  SALON  DES  XX. 

La  coulnme  est,  en  cet  Art  moderne,  déjii  décennal  en  ses 
luîtes  pour  l'art  neuf,  l'art  jeune,  l'an  libre,  l'art  qui  marque 
rioépuisable  transition,  l'inépuisable  évolution,  d'enregistrer, 
d'afficher  au  pilori  les  insanités  des  malbeureux  à  qui  le  destin 
inflige  la  mauvaise  chance  d'attaquer  et  de  vilipender,  bêtement, 
ce  qui,  dans  un  prochain  avenir,  doit  apparaître  la  vérité  et 
devenir  la  gloire. 

Combien  de  fois  d^i  fut  ici  icniée  l'épreuve,  et  combien  de 
fois  réussie. 

Non  pas  qu'il  importe  d'humilier  ces  pauvres  et  de  les  ramener 
un  jour,  piteux  et  lamentables,  devant  la  foule  impitoyable  en  ses 
lardib  sarcasmes,  à  la  puanteur  de  leur  vomissement.  Mais  l'anec- 
dote est  éducatrice  et  corrige  quelques  imbéciles  de  la  manie  de 
dénigrer  ce  qu'ils  sont  inaptes  à  comprendre.  Elle  extirpe  aussi 


da  public  la  niaise  confiance  eu  ces  vaticinaieurs  de  contrebande. 
U  est  Inutile  résultat. 

A  propos  du  mouvement  qui  va  gagnant,  gagnant,  irrésistible, 
dans  tous  les  arts,  du  dédain  des  vieilles  formules,  à  la  recherche 
du  rajeunissement,  mouvement  dont  les  XX  sont  l'allègre  expres- 
sion chex  nous,  ils  sont  encore  quelques-uns,  de  plus  en  plus 
isolés,  qui  crachent  de  la  bave  et  pètent  du  feu.  Moins  convain- 
cus, qu'on  ne  pense,  vis-^vis  de  leur  conscience,  mais  pris  de  la 
rage  d'avoir  mal  compris  ^  l'aube,  et  d'avoir  proféré  les  paroles 
bruyantes  et  les  jugements  solennels  qu'on  ne  peut  rétracter  sans 
honte. 

Ceox-lï  s'obstinent,  avec  l'opiniitre  brutalité  de  la  sottise  an 
front  de  taureau.  Rancuniers  aussi,  au  souvenir  des  mépris,  tan- 
tôt silencieux,  tantôt  vocifératoires,  qui  les  plombèrent  lors  de 
premiers  décris.  Rancuniers,  oui,  ceux  surtout  ii'^ui  pourrait  leurs 
aller  cette  phrase  cautérisante  :  Ils  halstent  de  toute  la  haine  du 
renégat  pour  la  foi  qu'il  a  trahie. 

Voici  une  de  ces  éjacnlations  d'une  âme  incurablement  endo- 
lorie. Elle  est  d'Achille  Chainaye,  dit  Champal,  ci-devant  ving- 
tisle,  qui,  allant  vers  l'art,  a  fourché  vers  le  reportage.  Que  Dieu 
ait  en  paix  son  Sme  et  sa  plume.  Théodore  Hannon,  à  qui 
J.-K.  Huijsmans  a  récemment  arraché  les  épaulettcs  qu'il  lui  avait 
données  dans  A  Rebours,  et  Max  Sultberger,  qui  n'eut  jamais 
d'épaulettes,  complètent  avec  lui  l'orchestre  ambulant  qui  chari- 
varise,  sans  que  nul  leur  jette  encore  un  son,  dans  1rs  cours,  ^ 
propos  des  XX. 

«  Le  vingtisme  marque  le  pas  ;  il  n'y  a  aucune  amélioration,  ni 
aggravation,  dans  son  état.  Les  pustules  dont  l'envahissement 
avait  jeté  un  si  vif  émoi  chex  tous  ceux  qui  s'intéressent  i  la 
marche  de  cette  affection  semblent  devoir  A  jamais  défigurer  cet 
intéressant  malade.  Le  «  pointillisme  »  que  les  Vingtisles  se  sont 
inoculé  en  famille  s'est  incrusté  en  eux  avec  la  tenaillante  opiniâ- 
treté de  la  lèpre.  Mais  cette  maladie  qu'ils  ont  contractée  dans 
leur  enihousiaste  aberration  revêt  à  présent  un  caracière  chro- 
nique. • 

o  Comme  tous  les  malades  qui  lanpissenl,  les  Vinglistrs  voni 
perdre  une  i  une  les  sympathies  qu'ils  avaient  retenues  jusqu'ici 
à  leur  chevet.  Que  voulez-vous?  on  aime  les  solutions  fou- 
droyantes. On  avait  rêvé  quelque  agonie  effroyable,  coupée  d'hal- 
lucinations, et  l'on  a.«siste  i  la  lente  liquéfaction  des  ferments  qui 
promettaient  une  si  jolie  éruption  :  le  public  est  volé. 

«  Si  c'était  pour  finir  ainsi,  il  fallait  se  soigner  chez  soi,  entre 
quatre  murs,  dans  la  pénombre  d'une  alcôve  et  ne  pas  avoir  l'ou- 
trecuidance de  convier  i  ces  choses-là  cent  mille  personnes. 

a  La  foule  est  exigeante  ;  elle  n'aura  certes  pas  la  charité  de 
suivre  le  vingtisme  dans  les  dortoirs  de  l'hospice,  où  il  ira  finale- 
ment cuver  sa  lymphe.  Les  manifestations  du  ramollissement 
sénile  manquent  "généralement  d'impré>-u.  Fallait-il  se  faire  ino- 
culer pour  cela  ! 

«  Cette  année,  comme  dans  les  exhibitions  précédentes,  ce 
sont  les  invités  qui  i^ussissent  à  capter  la  plus  grande  somme 
d'intérêt  11  convient  de  placer  en  première  ligne  Seorat,  un  des 
maîtres  fous  qui  ont  le  plus  influencé  la  tendance  viogtisie. 

«  Le  Chakul,  mieux  encore  que  la  Grande  Jatu,  d'hilarante 
mémoire,  vous  donnera  une  idée  exacte  du  degré  d'aberration  que 
l'on  peut  atteindre  dans  la  pratique  de  cette  doctrine  abracada- 
brante qui  consiste  à  nier  tout  ce  qui  existe  et  à  créer  une  formule 
nouvelle  quand  même.  Seurat,  ce  pontife  de  la  peinture  aux  pains 
à  cacheter,  ce  recommenceur  marqué  du  sceau  du  génie,  dessine 
et  barbouille  avec  la  plus  suprême  ignorance  des  correctionnaircs 
de  Vilvorde. 

«  Il  y  a,  là-bas,  à  la  prison  militaire,  des  fresques  exécutées 
dans  un  sentiment  aussi  vingtiste  que  celui  du  Chahut.  Combien 
Seurat  ne  jalouserait-il  pas  ces  pauvres  diables  qui  peignent  sans 
se  faire  violence  d'aussi  absolues  atrocités?  Ceux-là  au  moins  sont 


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de  vrais  primitifs.  Exempts  de  tout  remords,  une  brosse  de  badi- 
geonncur  au  poing,  ce  n'est  pas  le  souvenir  de  quoi  que  ce  soit 
qui  pourrait  contrecarrer  leur  vocation.  Ces  Seurat  avant  la  lettre 
ont  orné  (!)  d'allégories,  dessinées  et  peintes  comme  les  person- 
nages du  Chahut,  toute  une  série  de  salles  —  les  Loges  de  Vil- 
vorde,  quoi  ! 

«  Les  impressionnistes  du  cercle  des  XX,  qui  doivent  blimer 
c'nergiquement  les  sculpteurs  Dubois  et  Cliarlier  d'avoir  résisté  à 
rcnlralnemenl  ambiant,  persévérant  dans  la  voie  de  l'art  en  dépit 
des  mauvais  exemples  dont  ils  sont  entourés,  ont  convié  à  leur 
saturnaic  poinlillisle  un  sabotier  digne  d'eux  :  M.  Gauguin. Ce  far- 
ceur —  je  ne  puis  m'imaginer  qu'il  se  prenne  au  sérieux  — 
sculpte  à  grands  coups  de  gouche  des  bas-reliefs  en  bois  poly- 
chromies qui  rappellent,  hormis  les  sujets,  bien  entendu,  les 
vieilles  enseignes  flamandes.  M.  Gauguin,  qui  en  remontrerait  au 
staluairc  (!)  Minne,  a  entrepris  de  sculpter  à  la  Seurat  des  scènes 
érotico-énigmaiiqucs  H  Ces  bas-reliefs  :  Sm/e»  amoureutet,  vaut 
serez  heureuses,  clSoyet  mysUrieuses,  dépassent  loules  les  limites 
de  l'inscnséisme. 

«  Je  vous  recommande  ces  nudilés-b.  Jamais  les  cannibales 
n'ont  sculpté  d'êtres  aussi  répulsifs.  Aussi  ces  oulrages  plastiques 
amcutcnt-ils  litléralement  les  visiteurs,  à  la  grande  satisfaction 
des  Vingtisles,  dont  toute  la  doctrine  consiste  à  froisser  le  senti- 
ment public,  i  faire  la  nique  à  ce  que  tout  le  monde  admire. 

«  C'est  une  manie.  Ils  rééditent,  sans  s'en  apercevoir,  les  gami- 
neries des  rapins  d'antan,  traitant  également  de  bourgeois,  de  phi- 
listins, etc.,  les  personnes  de  bon  sens  qu'ils  ne  parviennent  pas 
à  embobiner.  » 

Et  voilà  !  Acte  t'en  est  donné,  mon  bonhomme.  Ton  fusain  est 
fixé.  Tu  es  mesuré,  examiné,  jaugé,  et  tu  as  ta  fiche,  comme 
dans  les  casiers  anthropométriques  de  la  Sûreté.  Il  n'y  a  plus 
moyen  de  t'en  dédire.  Quand,  tôt  ou  tard,  un  historien  fera  le 
récit  des  vicissitudes  de  l'Art  neuf,  on  citera  ton  susdit  morceau, 
comme  un  homme  de  talent  l'a  fait  récemment  pour  les  hyper- 
crétins  qui  ont  traité  la  musique  wagnériennc,  il  y  a  vingt  ans, 
absolument  comme  tu  traites,  ô  triste  sire,  la  peinture  de  Seurat. 


Eugène  Smits  aux  XX 

A  un  grand  ariisic,  à  une  très  noble  âme,  silencieuse  et  fière,  à 
un  homme  qui,  ayant  vécu  et  vivant  encore  le  passé,  aime  les 
jeunes,  les  novateurs,  et  le  prouve  par  une  virile  camaraderie 
d'an,  voulant  vivre  leurs  travaux  et  leurs  périls,  nous  rendons 
d'un  cœur  reconnaissant  et  affectionné  ce  public  hommage  de 
reproduire  les  lignes  suivantes  légitimement  écrites  en  son  hon- 
neur par  Emile  Vcrhaeren  dans  la  Nation  ; 

u  Nous  aimons  k  insister  sur  l'exposition  de  M.  Smits.  En  ses 
différentes  lêies  de  femme,  on  sent  une  manière  bien  k  lui  d'en- 
tendre là  grâce  vive  et  riche.  On  a  dit  si  souvent  qu'il  rappelle  les 
Vénitiens,  que  la  phrase  est  devenue  cliché.  Or  un  cliché  est  bien 
près  d'être  un  mensonge.  Ni  Veronèse,  ni  Titien  ne  nous  hantent, 
à  voir  sa  présente  série  d'envois.  Surtout  ne  songeons-nous  à  eux' 
devant  \'Èté. 

«  Ces  tons  apaisés,  ces  couleurs  voilées  et  délicates,  ces  sour- 
dines aux  sonorités  de  la  palette,  ne  sont-ils  point  contraires  ii 
toute  la  bruyante  fanfare  des  verts,  des  roses  et  des  bleus 
italiens?  L'harmonie  de  celle  allégorie  fine  et  grise  plutôt  qu'écla- 
tante, elle  est  spéciale  au  peintre,  elle  le  date  de  son  époque, 
elle  atténue  fort  cette  parenté  directe  qu'on  veut  établir  entre  lui 
cl  les  peintres  du  passé.  Au  reste,  une  visite  à  son  atelier  suffit 
pour  se  persuader  que,  s'il  est  comme  eux  décoratif,  ses  arrange- 
ments et  sa  présentation  des  sujets  lui  sont  propres.  Il  est  plus 
simple,  plus  sobre,  moins  pompeux  et  aussi  moins  fastueusement 
joyeux.  Ses  idées,  personnifiées  en  des  compositions  multiples, 
sont  plutôt  d'un  mélancolique  et  d'un  rêveur;  nullement  d'uti 
peintre  d'action. 


«  L'Hsiinilation  de  M-  Smilt  avec  le*  Vénitient  de  la  Renaii- 
aaooe,  n'est  donc  pas  ausfl  exacte  qu'on  a'enléte  h  le  croire  ». 

Kuiitoe  Soiita  a  exposa  huit  ceurrea  aux  XX,  savoir  : 

VM  :  Bleuets  et  CoquclieoU.  —  Le  Bracelet.  -  Portnila.  — 

T«ia  d'4tude.  —  Portrait,  —  Bal  masqué.  —  Clair  de  lane.  — 

Tôle  d'ëinde. 

LE  PELERIN  PASSIONNÉ 

par  Jban  MoaAu Paria,  Vani«r. 

Oh  !  certes,  voici  un  livre  de  niM—  el  qu'il  soil  écrit  par  un 
Grec,  n'importe  —  un  livre  biea  |da*  lalin  el  français  que  grec. 
Il  est  un  peu  do  la  Rome  d'Auf  usle,  noios  4e  la  Gr^  d'Anacréon, 
assurément  de  la  Protopce  défi  P<>'i(M|  du  Paris  de  Villon  et  du 
Vendômois  de  Âoiawd.  11  e«i  liuai  oe  la  Lulèce  d'aajourd'hui, 
car  sinon,  serait-il?  Tottte  une  préhee  noos  explique  plus  les 
intentions  que  les  réaliialionii  d'art  de  H.  Jean  Moréaa.  Nous  la 
délestons,  comme  tout*  prédee.  On  bien  le  livre  eat  assex  explicite 
el  alors  elle  est  inutile  —  ou  bien  le  publie  ne  comprend  pas  — 
et  alors  naît  la  jouisaanee  de  l'erreur  et  de  la  bétiae  d'autrui 
laquelle  peu  à  peu,  si  le  livre  vaut,  m  détraira  elle-même  et  sera 
cause  que  le  public  se  remettra  k  lire  d'avUtnl  plus  attentivement, 
qu'il  aura  —  comme  toujours ->-  hlte  de  se  prouver  frivole. 

H.  Moréas  se  définit,  nous  scmb)e-t-iU  quand,  par  le  titre 
même  :  Parodie,  de  sa  pièce,  il  semble  proleiier.  Ceîle  pièce,  la 
voici  :  - 

Ha,  que  l'on  lève  incontiiMOl  |m  caduoé** 

Sur  mon  cœur.  Et  c'est  uses  de  cm  |iimili«rs 

Crève-cœur;  et  je  m'en  val|  mettre  An  eoUien 

Et  des  rubans  aux  bonc*  qui  hantent  m«  pensées. 

Et  c'est  assez,  6  mon  comir,  d*  cm  travarséûi 

Risibles.  Et  soyons  le*  dévots  cavaUèrs  '' 

Et  soyons  le  palais  aux  joranx  eaesUer* 

SoyoDs  les  danses  qui  veoleiit  être  dansées. 

Soyons  les  caraliers  cruels.  Soyons  encor 

La  farce  espaernole  i  les  daguea,  les  dentelles, 

La  duègne,  le  tuteur  «t  |e  eorrégidor. 

Et  don  Oarcie  et  leur*  canlils*  mutuelle* 

—  Puis,  viens,  et  que  nous  chantions,  sur  la  harpe  d'or 

L'azur  et  la  candeur  et  le*  amours  Adèle*. 

Etre  tout  cela  :  le  vrai  désir  du  seigneur  don  Moréas,  capitaine 
en  liltérature  moderne,  qui  songe  k  faire  les  vers  comme  jadis  on 
songeait  à  donner  de  beaux  coups  d'épée,  élégants  el  fiers.  Abl 
certes,  de  lignée  vaillante.  La  poésie?  le  seul  exploit,  dont  il 
convient  de  s  illustrer  à  cette  heure. 

Calme  et  la  tète  haute,  U  marche  par  Us  ville* 
Traînant  à  ses  talons  des  amantes  servila* 
Dont  l'tme  s'est  blessée  i  son  regard  flsuri 

Seulement  si  Parodie  exprime  un  désir,  il  »'ei|  fiiiil  que  la  vie 
soit  aussi  pavoisée  «  A'm^j^SâOtên'^Mt^tainM  chagrins 
naissent.  Un  autre  se  lamenterait  obMinémenf  el  se  conrberaii 
en  saule  pleureur  sur  la  page  blanche.  M.  Moréas  très  de  aa  race, 
très  peu  rêveur,  répond  : 

Les  feuilles  pourront  tomber 
La  rivière  pourra  geler  : 

Je  veux  rire,  je  veux  rire  I 
La  danse  pourra  cesser 
Le  violon  pourra  casser  : 

Je  veux  rire,  je  veux  rire  I 

Et  en  ceci  n'est-il  pas  le  fils  de  ce  latin  Horace  el  de  ce  fran 
çaia  Ronsard  dont  la  devise  était  le  «  quand  même  »  ou  le  «  Carpe 
diem  ».  Allure  courageuse  de  bon  soldat,  dont  l'infortune  n'en- 
Iralne  pas  l'eapoir,  dont  le  cœur  est  allègre  même  quand  il  fau- 
drait pleurer  el  dont  la  moustache  se  retrousse  au  nex  de  la  vie. 

Peut-être  snfiil-il  de  définir  M.  Moréas  :  un  jeune  capitaine 
calant  du  xvi*  siècle,  pour  donner  la  clef  de  ses  Ihèmes  et  de  sa 
forme  poétique.  Ces  rythmes,  ces  chants,  ces  aUégoriet  pastorales, 
ces  bocages,  d'autres  qui  senuient  fier  el  gai  comme  lui,  les 


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//Aiîr  MODERNE 


57 


avaient  leelléi  k  leur  chiffre.  Tela  qu'ils  leur  convenaient,  il  le  les 
on  également  adjustfa,  mais  non  sans  les  modifier  et  les  perfec- 
tiODoer,  ear  le  tenrice  que  H.  Moréas  rend  h  la  langue,  rien  qu'en 
reHOlMsiiant  des  mois  et  des  tournures  aboltei,  certes,  ne  sera  vain. 
Avec  Banville,  il  est  celui  que  les  modes  en  déeours  ont  le  plus  tenté. 
Seulement,  quelle  antre  raison  d'être  ont  ebcz  lui,  ces  formes  et 
comme  ailes  a'affirment  plus  que  simple  fantaisie.  Chez  loi,  il  y  a 
pënélratioD.  Et  de  même  que  bravoure,  audace,  gentilhommerie, 
vie  large  et  amour  avaient  pour  les  contemporains  de  Ronsard  la 
sicnification  même  de  la  vie,  ainsi  pour  ce  Grec  encore  héroïque 
k  U  manière  de  ses  immédiats  ancêtres,  l'existence  que  les  petsi- 
raistea  ont  noircie  de  malédictions,  garde  une  belle  couleur  rouge 
de  jeunesse  et  de  soleil.  M.  Horéas,  en  un  certain  sens,  est  un 
anachronisme.  11  date  d'ayant  notre  temps  par  l'illusion  qu'il  se 
fait  et  le  rêve  qu'il  se  construit,  aux  heures  propices.  Mais  il  est 
bien  d'aujourd'hui  si  l'on  étudie  en  lui  le  raffiné  du  mot  chanteur, 
du  rythme  restauré  et  savant,  des  chansons  fantaisistes  et  prestes 
et  jolies.  H  en  est  d'exquises  en  ce  volume;  il  en  est  aussi  de 
tragiques.  Voici  : 

ÉPITRE 

Kt  Totr*  cbavelure  comme  des  grappei  d'ombre 

Et  ses  bandelettes  i  vos  tempes 

Et  la  kabbale  de  vos  yeux  latents 

Madelin*  aux  serpenta,  Madeline. 
Ifadeline,  Madeline, 

Pourquoi  tos  livres  i  mon  cou,  ah  !  pourquoi 

Vos  livres  entre  les  coups  de  hache  du  Roi  ! 

Madeline,  et  les  eordaoss  et  les  flûtes 

Les  flûtes,  les  pas  d'amour,  les  flûtes,  vous  les  voulûtes. 

Helas,  Madeline,  la  (ète,  Madeline 

Ne  berce  pins  les  flots  au  bord  de  l'Ile 

Et  mes  bouffions  ne  crirent  plua  des  cerceaux 

Au  bord  de  l'Ile,  pauvres  bottÉbns, 

Pauvres  bouffons,  que  couronna  la  sauge  I 

Et  mes  litiires  s'efleuillent  aux  omiires,  toutes  mes  litières, 

à  grands  pans 

De  nonchaloir,  Madeline  oux  serpents. 

Nous  trouvons  cette  pièce  une  œuvre  parfaite.  Rythmes,  mots 
consonnants  ;  marche  k  allure  tombante  ou  mieux  pendante  de 
certains  vers;  raccourcis,  qui  ajoutent  k  la  soudaineté  d'un  drame 
rappelé  par  «  Ah  !  pourquoi  vos  lèvres  entre  les  coups  de  hache 
du  roi  »  et  puis  la  strophe  se  féminisant  en  douceurs  si  volup- 
tueusement de  fête,  avec  par  dessus  l'ensemble  cette  figure  de 
Madeline  aux  serpents,  qui  domine  et  la  joie  et  le  tragique  et  le 
regret  et  les  fastes,  réalisent,  par  une  évocation  savante,  toute 
une  cour  de  prince  lointain  et  légendaire  dont  la  vie  était  d'amour 
et  d'épée. 

Pour  clore,  souhaitons  que  le  vœu  du  poète  un  jour  se  réalise: 

Car  par  des  rythmes  que  je  sais 
Sur  de  nouvelles  fleurs,  les  abeilles  de  Orèce 
Butineront  le  miel  français. 


SECOND  OOKGERT  DU  CONSERVATOIRE  DE  LIÉOE 

I 

Au  programme  figuraient  des  Fragments  de  Parsifal  :  le  Pré- 
lude, l'Enchantement  du  Vendredi-Saint,  le  Final  du  premier 
acte. 

Interprétation  suiTisante,  bien  qu'on  ait  constaté  parfois  le  même 
défaut  de  clarté  et  la  même  absence  de  «  fondu  »  que  précé- 
demment. 

Faisons  une  exception  pour  le  Prélude  qui  a  été  bien  joué.  Les 
chœurs  de  femmes  manquent  d'ensemble  ;  les  «  Voix  d'adoles- 
cents »  obt  dédaigné  la  mesure  et  le  rythme. 

Mais  combien  sublime  cette  musique  et  comme  elle  impose  le 
recueillement  !  L'Ame,  enveloppée  par  celle  inspiration  divine, 
monte  vers  les  plus  hautes  sphères  intellectuelles.  Il  se  fait  en 
nous  un  grand  apaisement  ;  et  nous  absorbent  un  désir  de  Bien, 
une  hypnotisante  contemplation  du  Deau.  Le  très  haut  sentiment 
religieux,  qui  s'élève  de  ces  accords  célestes,  permanc  en  nous, 
doux  et  solennel,  longtemps  encore  après  que  l'orchestre  s'est  lu. 


Certes  ce  n'était  pas  le  pauvre  concerto  en  mi  bAnol  de  Liszt 
qui,  malgré  la  superbe  technique  et  le  considérable  poignet  de 
M"*  Sophie  Menler,  pourrait  nous  réveiller  de  cette  bienfaisante 
rêverie. 

M*^  Sophie  Menler  a  fait  applaudir  la  yiriuose  parfaite,  mémo 
prodigieuse,  dans  des  piécettes  de  Liszt  et  une  valse  de  Sapellni- 

Nous  n'avons  entendu  que  la  virtuose;  son  énergique  exécution 
du  Roi  des  Aulnei  de  Schubert,  ne  nous  a  rien  appris  de  l'ar- 
tiste ;  pas  un  instant  l'impression  de  terreur  de  l'œuvre  ne  nous 
a  pris. 

La  «•  Symphoniette  en  la  mineur  »  de  Rimsky-Korsakow,  est 
une  œuvre  sans  originalité,  sans  puissance  descriptive  et  sans 
idée  ;  je  lui  cherche  en  vain  quelque  mérite. 

La  Marche  de  Rakoczy  terminait  le  concert.  L'orchestre  du 
Conservatoire  continue  k  la  jouer  très  bien. 


Petite  CHROf<iquE 


Le  premier  concert  des  Jïjf  est  fixé  k  mardi  prochain,  17  cou- 
rant, k  9  heures.  U  sera  donné  par  le  Quatuor  Ysaye  (MM.  Eugène 
Ysaye,  Crickboom,  Van  Hout  et  J.  Jacob)  et  par  les  dames  de  la 
section  chorale  des  XX  sous  la  direction  de  M.  Vincent  d'indy. 

M.  Paul  Braud,  pianiste,  prêtera  son  concours  k  cette  attrayante 
séance  musicale,  exclusivement  consacrée  aux  œuvres  de  César 
Franck,  dans  laquelle  on  entendra  notamment,  en  première  audi- 
tion, le  Quatuor  pour  instruments  A  cordes,  la  dernière  œuvre 
du  Maître,  encore  inédite. 

Le  prix  d'entrée  reste  fixé  k  î  francs. 

Jeudi  prochain,  19  courant,  k  la  même  heure,  H.  Henry  Van  de 
Velde  fera  une  conférence  sur  le  Paysan  en  peinture. 

L'Art  libre  ouvre,  du  1"  février  au  15  avril  un  concours  inter- 
national de  musique,  de  littérature  et  de  peinture,  qui  aura  pour 
jurés  :  MM.  Ch.  Gounod,  Sully-Prudhommc,  H.  Meilhac,  E.  Cha- 
brier,  V.  d'indy,  B.  Godard, "V.  Joncières,  J.  Masscncl,  E.  Pes- 
sard,  Laurent  de  Rilléi  E.  d'ingrande,  Scllenick,J.  Aicard,  A.  Dor- 
chain,  J.  Richepin,  A.  Silvesire,  P.  Bourgct,  A.  Delpit,  Porel, 
L,  Besson,  F.  Sarcey,  A.  Soubies,  E.  Blum,  Grenet-Dancouri, 
L.  Hennique,  Valabrègue,  J.  Breton,  Bouguereau,  Carrière,  E.  Dé- 
taille, Henner,  A.  Maignan,  Tallcgrain,  etc.,  etc.,  etc. 

Toutes  les  œuvres,  k  quelque  genre  qu'elles  appartiennent, 
seront  classées  et  mises  k  la  disposition  des  auteurs  après  le  juge- 
ment. 

Aucun  sujet  n'est  imposé. 

S'adresser,  pour  renseignements,  k  M.  André  Malnoue,  12,  nie 
de  rOdéon,  Paris.  

La  deuxième  séance  de  la  Société  de  Musique  de  chambre  de 
Bruxelles,  aura  lieu  mardi  prochain,  k  8  1/2  heures  du  soir,  dans 
la  salle  des  ingénieurs  du  Palais  de  la  Bourse.  Indépendamment 
de  M""  Lefebvre-Moriamé  et  du  quatuor  Laoureux,  on  y  entendr.i 
M""  De  Cerf,  une  élève  de  Dyna  Beumer. 

Le  programme  porte  des  œuvres  de  Beetlioven,  Schubert,  Saint- 
Saëns,  Hassenel,  etc.  Prix  d'entrée  :  3  francs. 

Mardi  prochain,  k  7  heures  du  soir,  k  Tournai  (Salle  des  Con- 
certs), un  grand  concert  sera  donné  par  ['Association  artistique  et 
philanthropique  de  celle  ville,  sous  la  direction  de  M.  Maurice 
Leenders,  directeur  de  l'Académie  de  musique,  avec  le  concourj 
de  M>"  Cuvelier,  cantatrice,  premier  prix  avec  grande  distinction 
du  Conservatoire  royal  de  Bruxelles,  de  M""  Keyser,  harpiste,  lau- 
réate du  même  Conservatoire,  de  M.  Lilien,  violoniste,  premier 
prix  avec  distinction  du  Conservatoire  royal  de  Liège  et  du 
M.  Triaille,  professeur  de  piano  k  Bruxelles. 

Prix  du  cachet  :  fr.  2-SO  pris  k  l'avance.  Carte  prise  au 
bureau  :  9  francs. 


■  T^    ^:     :V\ 


-  '"ÎSS^fl^S^JpJ^gv 


ONZIÈME  ANNÉE 

L'ART  MODElâfE  s'est  acquis  par  l'autorité  et  l'indépendance  de  sa  critique,  par  la  variété  de  aea 
informations  et    les  soins  donnés   à  sa   rédaction   nne  place  prépondérante.   Ancnne  manifestatioD  d«  l'AH  ne 

lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  Uttératurô,  de  peinture,  de  Boulptnre,  de  gravore,  de  mnakpiA, 

d'architecture,  etc.  Gmsacré  principalement  au  monvement  artistique  belge,  il  rensMgne  néanmoÏB»  ses 
lecteurs  sur  toas  les  6T6neinents  artistlqnes  de  rétranger  qu'il  importe  de  connaître. 

Chaque  numéro  de  Lt'ART  MODBRNE  s'ouvre  par. une  étude  approfondie  sur  nne  question  artistique 
ou  littéraire  dont  l'événement  de  la  semaine  fournit  l'aotualité.  Les  exporitùms,  les  livra  nouveaua,  les 
premières  représentations  d'œuvres  dramatiques  ou  musicales,  les  conférences  littéraires,  les  concert*,  les 
reittfs  dobfets  ctart,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  Il  rend  compte  de* 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complète  des  eoCDOSlttonS  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  Il  est  envojé  gnullitSIIIADt  à 
l'essai  pendant  un  mois  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande. 

L'ART  MODERNE  forme  chaque  année  un  beau  et  fort  volume  d'environ  450  pages,  avec  taUe 
des  matières.  11  constitue  pour  l'histoire  de  l'Art  le  document  LE  PLUS  COMPLET  et  le  reeneil  LE  PLUS 
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L'ÀnasarRÀTioK  o*ii*raijb  db  TArt  ModeriM,  rae  d«  l*I]idastrto,  8S,  Bruxelles. 


Sommaire 


L>  Don  s'BifrAKCs,  par  Femead  Sererin.  —  Du  patsah  ■:< 
rmanVÊm. —  TbAo  Hamuon.  —  Doeoitsan  a  oomaaTsa.  Lattm 
et  dumft  mr  tmtaàr.  —  CoaaBT  Cémk  Fbamok  aox  XZ.  — 
NoiTTUaz  GONCBan  a  LiAob.  —  Can  Daraica.  —  Pcnn  chko- 
mooB. 


LE  DON  ITENFMCE 

par  PiMAiiB  Smomt.  —  Bnudles,  P.  Lacombla,  1891,  pet.  iiv4* 
oairé.9C  i^,  tinge  i  patH  BoaUm  :  390  ex.  N. 

Dans  le  groape,  nombreox  et  efferTescent,  des  poète^ 
belges  de  ce  temps,  nnl  n'égale  Fernand  Severin  pour 
l'élégance,  et  la  doacenr,  et  le  charme  délicat.  Le  Don 
denfatfùe  YMiuOff  irrénatiblement  en  sa  jovénilité 
p^-eaqne  l%minine. 

^^Do*  étenfanot!  titre  mjstérieax  et  qrmbolique  lais- 
sant Togaer  an  l'atprit  l'iocertitiide.  C'est  eriai  da  livre, 
mais  «Mai  d'ane  des  trente  joailleries  de  l'écrin.  Et  en 
ceUe-ci  <«  tronve  oe  Ters  ravissant  et  révélateur  : 

Mon  âme  est  une  enfant  et  ne  tait  qae  sonrire. 

L'œuviv  joarque,  en  effet,  par  de  multiples  détails  à 
subtiles  nnm.rM>m  )g^  Qoarte  et  divine  période  de  l'adoles- 
ceooa.  liais,  jâ.  d'one  Adoleacenco  androgyoe  d'éirfiébe 
et  de  ?ie^,  mUaat  les  ataviqoes  et  si  lointains  souve- 


nirs de  l'antiquité  (preoqoe  aux  compliquées  sensations 
psychiques  contemporaines,  en  un  revival  étrange  et 
séduisant  qui  avait  déjà  eu  une  expression,  moins  raffi- 
née, toutefois,  dans  André  Chénier.  Notre  descendance 
de  cette  belle  population  hellène  dont  le  sang,  dispersé 
par  les  migrations  historiques,  coale  encore  en  nos 
veines  alourdi  par  tant  de  mélanges,  s'affirme  ainsi 
périodiquement,  et,  animant  un  cœur  de  poète,  y  fait 
édore  les  fleurs  embaumées  des  paysages  attiques. 
Peut-être  ce  rattachement  est-il  plus  exact  et  plus 
subtil  que  celui  à  Racine,  venu  k  la  pensée  de  plus  d'un, 
i  l'aspect  de  quelques  beaux  vers  harmonieux  en  leur 
caresse  sonore. 

Femand  Severin  joue  de  la  lyre.  Et  cette  vieille 
image  reprend  ici  une  fraîcheur  de  nouveauté  et  de 
vérité  singulière.  C'est  bàen  la  vibration  lente  et  molle- 
ment pénétrante  de  l'instrument  des  bardes  achaiens 
tissant  la  soie  de  leur  poésie  sous  un  ciel  toujours  pur, 
chantant  l'homme  et  la  nature  : 

A  peine  réveillé  de  mes  songes  d'hiver, 

0!  plaine,  j'ai  foulé  les  premières  rosées; 

J'y  promène  ce  front,  clair  des  baisers  de  l'air 


C'est  de  la  musique,  cela,  murmurée,  délicieuse,  avec 
des  parfums  de  rose.  Une  demi-souriante  mélancolie 
s'y  mêle,  rêveuse,  d'une  Ame  ne  sachant  pas  encore, 
ingénue,  mais  où  commence  la  fermentation  passion- 
nelle, virginale,  confondant  l'espérance  avec  le  regret. 


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L'ART  MODERNE 


attristée  par  ce  qu'elle  quitte,  alors  qu'elle  pressent 
sealement  les  afflictions  de  ce  qui  va  venir 

Loin  d'un  exil  sans  fin,  et  fait  de  tant  de  nuits! 
Que  la  ville  est  donc  loin  de  mes  yeux  éblouis! 
Que  n'est  elle  plus  vaine  et  plus  lointaijic  encore  ! 

Jeunesse,  printemps  de  la  vie,  printemps,  jeunesse  de 
l'année  !  Jeunesse,  printemps,  adolescence,  amour  !  Et 
l'amour  prend  sa  place  dans  le  Don  d Enfance,  presque 
toute  la  place,  comme  il  est  naturel  et  juste,  l'amour  de 
l'éphèbe  pour  la  viei^e,  avec  la  touchante  amplitude  de 
SOS  tendresses  et  de  ses  tristesses,  se  perdant  à  l'infini 
dans  des  brumes  de  joies  et  de  douleurs  imprécises, 
Tolattlisées,  pénétrées  do  prisme  descoolenrs  déteintes  : 
on  pense  à  des  verts  p&les,  à  des  lilas  presque  imper- 
ceptibles, à  des  dorures  argentées,  à  des  satins  d'orchi- 
dées : 

Fleur  dos  flours  à  venir,  qui  parfume  d'avance 
Le  mystique  jardin  où  tu  l'i^veilleras. 
Lai$$e-nous,  en  passant,  un  peu  de  ton  enfance... 

Est-il  séducteur  et  beau  ce  troisième  vers  ?  Qui  jamais 
susurra  plus  cartesseusemeut,  d'un  souffle  timide  et 
tiétle.  à  l'oreille  d'une  jeune  fille  les  premiers  bégaie- 
meius  d'un  coeur  surpris  qui  se  livre  : 

Nul  ne  \Tous  aiua  vue,  ô  vierye,  en  vos  pensées  ; 

Nul  n'aura  déponilié  de  son  divin  seerrt 

Le  b!en  voile  do  fl-.'urs  et  d'asirw  qui  vous  vOl. 

Et  voici  qu'il  a  touché  sa  main  et  qu'il  l'attire  vers 
la  solitude  des  champs  où  toute  voix  s'adoucit  dans 
l'immensité  sereine  de  l'atmosphère  : 

IV<<*ndi>ns  vprs  les  bois  :  c'est  l'Eden  qui  s'éveille. 

lis  sont  beaux  jusqu'aux  pleurs  ces  jardins  inconnus?... 

Vkns,  partout  égarés  «  partout  bien-venus  ! 

Si  lu  foules  dos  fleurs  trop  pleines  de  r«sée, 

les  biiserj.  tout  i  l"h.^rv,  essuieront  les  pieds  nus. 

Puis  se  njdressant,  sentant  ressurgir  son  âme,  quit- 
tant ridvUe  pour  le  rAthme  héiviïque,  la  flûte  pour  le 
cL^ron.  d'une  voix  non  plus  murmurante  mais  sonore, 
il  dit  tout  À  coup  à  la  bien-aimée.  grandie  en  taille 
d'amazone  ou  do  Mndkvxie  : 

El  nous  irotts:  aussi  vers  la  vîUe  des  cy^roes 
Parmi  des  orseanx  flers  qui  vous  rv«oiinaim>nl. 

Et  sur  cette  scène  d'amour  et  de  gloire,  nimbée  de  la 
poudre  d'or  flottante  qui  fait  cortège  à  la  jetmesse  et  à 
K-»  beauté 

In  nu^kff.  i>  a>iicliiant.  par\é  de  lous  les  feux 
Pwrtif  vfTS  Irt  fyifls  s->n  knt  toI  s>liUirf . 

Cest  vraiment  beau,  et  adorable!  Ajoutoos-v  cette 
nx^te  du  lendemain,  cette  iK»te  d'exaltation  assoupie, 
avec  l'arnère^vàt  amer  de  l'affaissemiait,  en  ce  ton 
mineur  qui  finit  toutes  les  chansons  de  la  vie  : 

Je  vt>«s  eifetîlierai.  r«$ies  «l<s  nasters.  awvrys  : 
V«s  Wmts  »in»  suNiVfat  b'ooI  paiV  de  ses  lèvws, 

Feniand  Severin.  on  vient  de  le  voir,  chante  sur  les 


rythmes  classiques,  et  se  soumet,  sans  penser  plus  loin, 
à  la  métrique  de  la  prosodie  scolaire.  Rime,  césure, 
coupe  et  répétition  de  coupe  dans  les  strophes,  et  tout 
le  reste. 

Cela  sied  à  son  Don  d  Enfance  qui  eût  perdu, 
semble-t-il,  à  laisser  voir  une  préoccnpation  de  forme 
nouvelle,  contradictoire  en  sa  recherche,  avec  l'ingé- 
nuité de  son  œuvre  admirable.  Elle  plaît  mieux  ainsi, 
dansant  gracieusement  les  danses  versifiées  connues, 
aux  gestes  alternés. 

Nous  nous  inquiétons  pourtant  de  savoir  si  cette 
Ame  délicate  n'est  point  hantée  de  l'évolution  poétique 
qui  se  fait  invinciblement  et  qui  semble  mieux  &ite 
que  les  anciens  lythmes  pour  s'adapter  à  ses  souples 
sensations  et  les  rendre.  Jean  Moréas,  dans  la  préface 
dti  Pèlerin  passionné,  qualifiait  cette  langue  et  cette 
prosodie  nouvelles,  en  les  rapprochant  de  l'époque  de 
Ronsard,  avec  laqaelles,  en  vérité,  elles  ont  une  parenté 
qui  s'explique  quand  on  se  souvient  qu'il  s'agit  de 
reprendre  la  tradition  au  moment  ob  Malherbe,  si 
malencontreusement,  la  mutila  et  l'arrêta  :  •  Pour  qui 

-  sait,  dans  notre  littérature  médiévale  un  riche  héri- 

•  tage  se  recèle.  Ce  sont  les  grftces  et  mignardises  de 

-  cet  âge  verdissant,  lesquelles  rehaussées  de  la  vigueur 

•  syntaxique  du  xn*  siècle,  nous  constitueront,  —  par 

•  l'ordre  et  la  liaison  inéluctable  des  choses.  —  ime 

•  langue  digne  de  vêtir  les  plus  nobles  chimte«s  de  la 
«  prisée  créatrice  •. 

La  Critique  explique  et  ne  conseille  pas.  Celle  des 
imbédies  seule  se  &it  pédagogue.  L'artiste  sait,  on 
plutôt  sent,  mieux  que  po'smine  oft  et  conunoit  il  faut 
qu'il  aille.  Quand  on  est  doué  aussi  prédensement  que 
l'est  Femand  Severin,  on  n'a  pas  besoin  de  guide.  On 
chante  sa  chanson  oonune  elle  vioit,  et  c'est  la  meil- 
l«ire.  Mais  il  est  permis,  à  titre  de  simple  causerie,  et 
mû  par  la  curiosité  et  la  sympathie,  d'attir»*  l'attention 
d'un  tel  poète  sur  le  phénomène  qui  transforme  la 
po^que. 

Mais  an  &it,  étourdis  que  nous  sommes,  il  y  pense 
apparemment  depuis  longtemps. 


DU  PAYSAN  EN  PEINTURE 

De  la  très  bdle  conféroice  faite  par  M.  Henry  Van  de 
Ydde  au  Salon  des  XX,  jaidi  dernier,  noos  extraytms 
le  passage  suivant,  par  lequel  raataor  a  clos  son  Mode  : 

L'atmtioa  «les  Esthètes  se  fatifuaii  M  Toa  poavaii  craîre  l'évo- 
lution, pas  mal  acôdcalée,  dose. 

Le  Pajsaa  vrai  n'élail  pas  wé  powttal.  Oa  a  p«  le  croiic  ■■ 
ÎHtaal,  q«aad  au  rèvàl  des  primes  bearerîcs,  el  du  loaf  étal  de 
itvc  «|w  les  saivit,  s'éiinil  le  Paysaa  de  Millet,  se  itadHt,  ea  ■■ 
aeeoalwwat  sïfialîtumet  ùaplifiéet  iaco— a.  k  des  mvau 
qae  penMae  ae  SMpfoaaùt  et  qa*i  lepider  de  plas  piès  oa 


reeoonut  eue  les  soins  qu'il  faut  i  la  terre  pour  qu'elle  produite  ! 

Pais,  k  la  longue,  on  remarqua  l'emphase  de  ce  Paysan  ;  on 
senila  la  ■ensalion  qu'il  produit,  d'un  être  qui  se  sent  regardé 
toujours  et  se  tient  en  conséquence  et  il  s'insinua  en  nous  que  la 
vérité  qu'il  apportait  pourrait  bien  être  une  vérité  il  la  façon  de 
celles  qu'on  produit  au  théâtre  :  grossie,  eiagérée  ! 

Il  s'établit  que  les  créatures  de  Millet  s'entachaient  d'indéniable 
ihéilralilé! 

Restait  donc  k  rapprocher  le  Paysan  de  nous-mêmes,  i  le  sortir 
de  l'atmosphère  bclice  de  tréteau  où  l'exagération  de  son  geste, 
l'effet  grossi  de  sa  déclamation  plastique  l'eussentjusé  plus  que 
la  glèbe  elle-même. 

Lors,  Camille  Pissarro  Talla  quérir  aux  hautes  fresques  où  son 
emphase,  procédait,'  comme  les  lignes  de  son  vêtement  de  la  spé- 
ciale optique  requise  et  le  scrutant  de  plus  près,  il  lui  découvrit 
une  architecture  plus  vraie. 

Ses  terriens  ont  quitté  l'imposante  stature  de^béros  admise,  et 
donnant  i  penser  que  la  suprême  beauté  des  formes  dans  les- 
quelles s'étaient  incarnés  leurs  ancêtres  pourrait  bien  n'être 
qu'un  mensonge,  on,  tous  comptes  faits,  qu'une  exception;  ils  se 
satisfont  de  formes  neuves,  plus  noueuses,  plus  complexes, 
plus  torturées,  plus  en  rapport  avec  les  maigres  pitances  fari- 
neuses dont  ils  se  noorrissent. 

Ils  affectionnent  des  attitudes  plus  simples,  plus  serviles,  plus 
en  dehors,  s'imprégnant,  pour  la  première  fois,  d'une  atmosphère 
véritable,  ayant  9i  souflnr  de  ses  inclémences  comme  de  ses  trop 
cuisantes  caresses.  ^ 

«  —  Octobre  gerce,  par  cette  gelée  blanche,  les  chairs  des 
fillettes  qui  gardent  les  vaches  en  les  prairies  d'Erigny,  et  les 
femmes  qui  font  la  CueiUetU  de*  pomme*  gaulent  et  suent  au 
vrai  soleil.  » 

Celte  fois,  le  Paysan  évolue  en  l'humilité  vraie  de  son  travail, 
évolue  en  l'intimité  d'un  décor  moins  épisodique,  moins  décoratif, 
vrai  et  si  puissamment  évoqué  qall  étreint  farouchement  l'Etre 
qui  se  meut  en  loi,  le  régentant  inflexiblement,  de  tout  le  poids 
des  correspondances  qui  se  sont  établies  entre  eux,  créant  un 
Pajrsan,  enfin,  selon  lui-même  ! 

Car  ils  ont  émigré  les  contrées  nues,  d'où  le  génie  d'un  créa- 
teur les  avait  fait  surgir  et  peinent,  aujourd'hui,  les  lourds 
palands,  snr  une  terre  moins  dramatique,  i  laquelle  ils  sont  liés 
plos  étroitement  ! 

ils  y  ont  abouti  instinctivement  après  avoir  essayé  néanmoins 
de  s'établir  un  pen  partout  ailleurs  ! 

Cnfin,  ils  ont  découvert  les  glèbes  où  la  primitivité  de  leurs 
labeurs,  la  naïveté  de  décors  s'harmoniseraient,  et  patiemment, 
simplement,  ramenant  le  travail  de  la  terre  au  rang  de  l'occupa- 
tion hnmble  qu'elle  est  et  non  d'une  besogne  d'épopée,  ce  qu'on 
voulut  bire  croire  —  s'achament-ils  snr  elle,  armés  de  leurs 
sempoiinels  instruments  aratoires  primitifs  et  cruels,  comme 
ils  le  sont  eux-mêmes! 

Camille  Pissarro,  le  père  Pissarro  comme  disent  dévotieusement 
ceux  qui  l'ont  admiré  et  aimé  bien  avant  que  son  nom  ne  rayonnât 
de  la  sereiiu  câébriié  dont  il  rayonne  injoardlini  avant  qu'il  ne 
lût  pirvesu  jnsqn'k  nous  et,  je  ne  crois  pas.  Mesdames,  Messieurs, 
que  la  plus  indurée  mauvaise  foi  conteste  ce  mérite,  au  moins 
aux  XX,  d'avoir  révélé  en  Belgique  C.  Pissarro,  Claude  Monet, 
Wbistler,  Ra&èlli,  Seorat  et  d'autres. 

Qu'on  sache  que  le  nom  de  celui  qui  hier  encore  était  un 
Inconnu,  est  celui  d'un  vieux  patriarche  blanchi,  dont  la  vie  fut 


doublement  Spre,  ravagée  par  l'Art  et  par  la  lutte  pour  la  vie.  Je 
dis  cela  pourceux  qui  pourraient  confondre  celui  que  nous  vénérons 
comme  un  Maître,  en  le  dédain  qu'ils  affectent  si  ostensiblement 
pour  «  notre  gaminerie  ».  La  conversion  de  C.  Pissarro  à  la  récente 
formule  —  la  division  du  ton,  dont  l'inégalable  beauté  s'aflSrme 
si  définitivement  dans  l'œuvre  rustique  du  Maître  —  prêterait  à 
l'équivoque. 

Coloeidence  étrange  :  ce  n'est  qu'au  moment  où  la  formule 
nouvelle  lui  met  en  main  des  moyens  nouveaux,  que  le  Maître 
songe  il  nous  révéler  le  type  qu'il  aura  créé. 

El  c'est  prophétie  facile  d'affirmer  que  cette  formule  de  demain 
s'appliquera  d'une  manière  plus  adéquate  encore  k  b  msticiié 
qui  s'annonce  ! 

Car  un  décor  nouveau  se  lève,  qui  conduira  fatalement,  aux 
inconscientes  et  constantes  transformatioas  ;  l'introduction  de  la 
police  d'assurance  aura  plus  efficacement  sapé  le  décor  agreste 
d'avant,  que  nos  plus  fulgurantes  théories,  nos  pitu  rageuses 
levées  de  boucliers  en  ce  qu'il  avait  d'odieux  :  le  Pittoresque  ! 
Elle  aura  instauré,  ^  la  campagne,  la  modernité  en  un  tour  de 
main.  Le  tour  de  main  du  rustaud  qui  lait  allègrement  et  sans 
scrupule  flamber  sa  bicoque  pour  s'en  voir  élever  une  de  meilleur 
aspect. 

Et  allez  y  voir  aux  villages  que  vous  aurez  connus  les  plus 
reculés,  les  plus  inaccessibles,  ceux  qui  se  blotissent  derrière 
l'épaisse  et  noire  légion  des  sapins  qui  sont  comme  des  soldats 
alignés  ;  les  noirs  soldats  qu'une  évidente  hostilité  contre  ceux 
qui  tenteraient  d'approcher,  a  postés  des  deux  cdtés  du  cbemio. 
C'est  aujourd'hui  la  correcte  chaussée  blanche  qui  librement  y 
mène,  filant  droit.  Tout  le  long  des  tertres  de  terreau  s'espacent 
pour  des  arbres  moins  âpres  et  moins  hostiles. 

La  modernité  s'acheminera  par  là  débarquée  des  chemins  de  fer 
vicinaux:  assez  près  du  bourg  le  plus  éloigné  pour  qu'Eue  puisse 
sans  trop  de  fatigue  faire  la  roule  à  pied. 

C'est  le  seul  retard  qn'Elle  subira  dans  sa  marche.  A  moins  qu'LlIe 
ne  s'arrêtât  mi-chemin,  il  la  tradiliounelle  auberge  de  mi-chemin, 
qui  n'est  plus  la  puissante  ferme  d'avant,  eiploilaal  les  terres 
autour  d'elle,  trop  éloignées  de  l'on  ou  de  l'autre  village,  où  tout 
passant  s'arrêtait,  faisait  souffler  les  chevaux  qui  stoppaient  sous 
les  grands  tilleuls  ombreux. 

La  reconnallrei-vous  en  la  puérile  maison  neuve  de  malme- 
nant, gaie  et  rose,  avant-diseuse  de  ce  que  sera  le  village  rénové 
delâ-bas! 

La  modernité  y  sied,  alignant  correclemeot  les  in'Iisciplir.é'  s 
maisonnettes  de  jadis.  Elle  lésa  fait  impitoyablement  rentrer  d:as 
les  rangs  cl  elles  qui  étaient  si  curieusement  et  si  diverscmrnl 
peinturlurées,  sont  roses  aujourd'hui,  toutes  neuves  et  roses! 

Au  milieu  d'elles,  se  dresse  l'école  pompeuse,  ridiculement 
pompeuse,  autant  que  la  maraude  paysandaille  qu'elle  aura 
dégrossie.  Limbécile  mangeuse  de  légendes  et  de  crédulité,  et  i 
laquelle  une  vanité  de  parvenue  fiit  prendre  des  airs  de  cathé- 
drale; se  grossissant  an  point  d'en  suer  rouge,  le  sang  des  rira- 
licés  de  campagne;  crevant  â  se  gonfler  ainsi  pour  supplante.'  sa 
rivale  puissante  l'Eglise,  qu'elle  n'a  poussé  qu'à  des  transforma- 
tions, jnsques  ici.  Est-ce  assez  oublié,  le  primitif  enclos  has, 
délabré  et  moussu  qui  enclavait  l'Eglise,  limitant  le  cimetière? 

L'enclos  rampait  tout  autour  comme  un  sombre  ver,  plos 
grand  que  les  autres,  et  les  dimanches  après-midi  de  catéchisme, 
la  marmaille  bruyante,  en  beaux  habits,  cbevancbait  cetie  dégoû- 
tanie  et  symbolique  monstruosité. 


Est-ce  ooblié  ? 

Aujourd'hui,  c'est  la  grille,  la  même  partoal,  derrière  laquelle 
l'Eglise  neuve  doit  s'élre  si  immedérémenl  nourrie  pour  être 
devenue  ce  qu'elle  est,  de  petite  et  touchante  église  qu'elle  était 
avant,  que  c'est  à  croire  qu'elle  dévore  tous  les  morts  qu'on  lui 
confie  I 

Et  au  delà  de  la  grand'place,  tout  le  long  des  chemins  de  terre 
se  sont  assises  les  fermes  neuves,  elles  garent  soigneusement  les 
belles  briques  roses  et  précieuses  sons  leur  haut  capuchon  de 
chaume  taillé  ;  à  toutes  ouvertures,  correctement  rectangulaires, 
clôtures  et  volets  identiques. 

Voilt,  par  la  plus  stricte  simplification  de  lignes,  la  Ferme 
devenue  la  conception  la  plus  exquise  d'une  exquise  naTveté 
d'enfant  ! 

Les  pittoresques  masures  sont  bien  mortes,  les  pittoresques 
masures  de  chaume  et  de  plâtras.  Faute  de  soins,  elles  disparat- 
Ironl,  celles  dont  on  ne  s'est  p*s  débarrassé  violemment  encore, 
comme  on  fait  des  parents,  des  vieux,  qu'on  a  répugnance  k 
nourrir  plus  longtemps,  puisqu'ils  sont  devenus  inutiles  I 

Modernité  a  tout  rasé  ! 

Les  folles  chevelures  de  chaume  de  jadis  sont  les  belles  tuiles 
de  sang  d'aujourd'hui,  elles  recuisent  au  soleil  leur  belle  couleur 
rouge  qui  éclate  et  qui  crie  si  fort  qu'elle  peut  crier,  tenaillée  par 
son  complément  le  vert,  le  vert  qui  exulte,  qui  l'attendait  moro- 
sément  depuis  toujours  comme  une  fiancée  promise. 

Et  si  ce  n'est  pas  le  décor  de  la  rusticité  d'aujourd'hui,  mettons 
celle  de  demain  et  n'en  parlons  plus.  Demain,  qui  s'évertuera  de 
créera  cdié  de  l'émouvante  synthèse  tragique,  une  synthèse  nou- 
velle et  intime? 

Demain,  qui  sera  i  ceux-lb  qui,  libérés  de  tout  vasselage,  iront 
résolument  i  la  vérité,  qui  n'est  que  la  découverte  de  leur  propre 
âme,  en  somme,  qui  se  dérobe  et  meurt  sous  la  vénéneuse  florai- 
son des  imitations  stérilisantes,  des  théories  desséchantes  et  des 
aspirations  vaniteuses. 

C'est  la  glèbe  qui  va  les  tenir  courbés  pour  un  impitoyable 
émondage,  c'est  notreime  d'hier,  d'avant-hier,  qu'il  faut  retrouver, 
notre  impolluée  àme  d'enfant.  Et  jamais  ne  faudra-l-il  être  las. 

Ayez  pitié,  vous  autres,  de  ceux  qui  se  voueront  i  cette  œuvre 
cl  dont  l'ardeur  ne  peut  éire  réconfortée  que  par  des  admirations 
préalablement  scrutées  et  par  un  enthousiasme,  quTi  l'exemple 
de  nos  amours  nous  aurons  édifié  du  plus  pur  de  nous-mêmes  ! 


THÉO  HANNON  (') 

Bruxelles,  18  février  1891. 
Cher  Maître, 

Votre  amour-propre  de  reporter  consciencieux  a  cru  devoir 
informer  vos  lecteurs  de  dimanche  dernier  que  J.-K.  Huijsmans 
m'avait  récemment  arraché  les  épaulettes  qu'il  m'avait  données 
dans  A  Rebourt. 

C'est  un  fait-divers  intéressant,  d'autant  plus  intéressant  que 
vous  m'aviez  naguère  déclaré  :  Feu  Hannon  !  Cela  prouve  en  pas- 
sant que 

(1)  Sapristi,  il  n'est  pas  content,  mais  pas  content  du  tout,  Théo 
Hannoii.  On  peut  même  dire  que,  à  l'instar  du  père  Duchêne,  «  il  est 
bougrement  2  en  colère.  Outre  l'aigre  écriture  qu'on  va  lire,  il  a  évacué 
hier  dans  la  Chronique,  où  il  opère  sous  la  défroque  de  Mecœnas,  uo 
furibond  article  :  il  y  crache  du  soufre  et  pète  du  feu.  Crapaud  d'enfer! 
crapaud  d'enfer!  Les  barbes  de  notre  plume  en  sont  hérissées. 
Sapristi,  comme  ça  chaufle  quand  un  mort  sort  de  8oît«ayêephage. 


L«s  morte  qva  tMM  tiiH  aa  portant  aÉMi  M(R. 

Pernietiei-moi  de  eoraer  on  brio  votre  trop  maignletie  infor- 
mation; il  ne  faut  paa  que  tos  XX  abennés  ignorant  les  phaaei 
de  ma  prétendue  dégradation. 

Montrons  d'abord  l'auteur  A' A  Réboun  couunl  Ici  épautettn  : 

«  Ce  faiaandage  dont  il  était  gourmand  et  que  lui  prétenlail  ce 
poète  (Tristan  Corbière)  aux  épithètea  crispéea,  aux  beantéi  qui 
demeuraient  toujours  k  l'état  un  peu  suspect,  des  Esaeinles  le 
retrouvait  encore  dans  un  autre  poète,  Théodore  Hannon,  un 
élève  de  Baudelaire  et  de  Gtnlier,  mû  par  un  sens  ti^  spécial 
des  élégances  recherchées  et  des  joies  fsetices. 

«  A  l'encontre  de  Verialoe,  qui  dérivait,  sans  croisement,  de 
Baudelaire,  surtout  par  le  c4té  psychologique,  par  la  nuance  cap- 
tieuse de  la  penaée,  par  la  docte  quintessence  du  sontîmeiii, 
Théodore  Hannon  descendait  du  maître,  surtout  par  le  èÀlé  plaV 
tique^  par  la  vision  extérieure  des  êtres  et  des  choses. 

«  Sa  corruption  charmante  correspondait  finalement  aux  pen- 
chants do  des  Esseintcs  qui,  par  les  jours  de  brume,  par  les  jours 
de  pluie,  s'enfermait  dans  le  retrait  imaginé  par  ce  poète  et  se 
grisait  les  yeux  avec  le  chatoiement  de  ses  étoffes,  avec  les  incan- 
descences de  ses  pierres,  avec  ses  somptuosités,  exclusiTemenI 
matérielles,  qui  concouraient  aux  incitations  cérébrales  et  mon- 
taient comme  une  poudre  de  cantbaride  dans  un  nuage  de  tiède 
encens  vers  une  idole  bruxelloise,  au  visage  fardé,  au  ventre  tanné 
par  des  parfums.  » 

Montrons  maintenant  le  même  auteur  arrachant  les  susdites  : 

«  Théodore  Hannon,  un  poète  de  talent,  sombré,  sans  excuse 
a  de  misère,  k  Bnixelles,  dans  le  cloaque  des  remes  de  fin 
«  d'année  et  les  nauséeuses  ratatouilles  de  la  basse  presse  !  1 1  » 

Revues  de  fin  d'année...  pourquoi  pas?  Le  tout  est  de  s'y  dis- 
tinguer :  BruxelUt-A  Uraciiotu  a  été  jouée  durant  cent  vingt-cinq 
soirées  consécutives... 

Nauséeuses  ratatouilles  de  la  basse  presse...  décadente  péri- 
phrase pour  exprimer  ceci  :  s'occuper  de  la  critique  d'art  k  h 
Chronique. 

Si  c'est  de  la  sorte  que  J.-K.  repige  les  insignes  qu'il  lui  platt 
accorder,  volontiers  je  m'écrierai  : 

—  Huijsmans  me  les  a  donnés,  Huijsmans  me  les  a  repris,  que 
son  saint  nom  soit  béni  t 

Et  puis,  est-ce  bien  sérieux  cet  octroi,  suivi  du  reirait,  des 
franges  d'orT  Cela  louche  k  l'opérette  et  rappelle  la  grande- 
duchesse  de  Gérolstein  coiffant,  puis  décoiffant,  du  panache,  son 
cher  fusilier  Fritz... 

Au  surplus,  avec  ou  sans  ces  agréments  —  qui  peuvent  s'en 
aller  rejoindre  certains  éperons  d'amiral,  —  mes  épaules  n'en  sont 
pas  moins  fières  et  n'en  peuvent  que  plus  allègrement  se  hausser 
aux  carnavalesques  manifestations  d'art  en  l'honneur  desquelles 
vous  prétendez  me  voir  me  découvrir  avec  humilité. 

Soit,  je  veux  bien  le  faire  —  mais  comme  on  se  découvre 
devant  un  mort  qui  passe. 

Ajoutez,  je  vous  prie,  celle-ci  k  vos  «  Documents  k  conserver  », 
c'est  le  seul  coin  de  votre  journal  où  se  trouvent  les  gens  qui, 
chez  vous,  peuvent  m'intéresscr. 

Et  croyez,  cher  Maître,  quoique  vous  en  écriviez,  k  ma  com- 
plète absence  de  rancune  ! 

TBiODORB  HAimoi«. 

Il  doit  y  avoir,  apparemment,  beaucoup  d'esprit  dans  celle 
épttre.  Mais  pour  le  comprendre  il  faut  être  initié. 


'Kïï'W-i-'-'':!^-^.^ 


L'ART  MODERNE 


63 


NamniMi  lÏHipiMMDl  dit,  «a  «m  phraie  irta  eourie  ^  eh»- 
cun  lelon  ion  mérite),  qu'un  fort  grand  artiste  J.-K.  HaijaMnna 
était  d'avis  qw  TbéO^  Kimmb  baisnit.  Noa  leelawrtuwiit  main- 
leMit  en  qairis  toeabtes,  fort  dora,  c'a  été  dit.  Nous  n'avions  pa* 
soatwair  q«e  ce  ftt  ai  enei  et  ai  aépriaant. 


urmunt  dk  chanos  sur  l'avsnir 

Extrait  de  la  Fédération  «rtUHftu 

Les  poiotilleurs  viagli•t«^  as  inlnasl  k  la  renorque  de  la 
science,.  v6nt  cberclier  le  mot  d'ordre  dans  les  laboraioires.  Des 
chimistes  souvent,  des  fumistes  parfois,  des  artiaiea  jamais. 

Avidea  de  eonquérir  la  peraonnaliié,  les  radicaus  l'aehèteBt  an 
prix  das  plus  grands  efforta,  eacaladaot  les  sommets  en  faisant 
saifoer  lears  membres  arrachée  par  les  aspérités  du  chemin,  et 
rénssissast  k  éue  eux-mêmes,  après  des  années  de  lattes  cruelles, 
ssM  trêve  ni  una  repoa. 

Les  poiotilleurs  se  ressemblent  tous,  cadres  k  part,  les  uns  se 
coolenlantde  les  eabiber  dans  une  blancheur  virginale,  les  auires 
de  leur  appliquer  une  varicelle  fin  de  siècle  de  l'effiM  le  plus  pil- 
loresqne. 

Non,  les  vingtisles  ne  sont  pss  les  radicaux  de  l'art  1  Le  simple 
examen  de  leur  exposition  démontre  au  contraire  qu'ils  en  sont 
les  viepx  conaervaleors,  les  réactionnaires  moyen-kgeux,  les  aca- 
démieieas  outrés,  les  bourgeois  enfoncés  dans  la  rude  sottise 
d'une  éducation  artistique  de  quatre  siècles  en  arrière. 

Radicaux  1  Allons  donc. . . 

Ils  le  sont,  oui,  comme  ceux  qui  k  la  veille  d'un  grand  mouve- 
ment d'opinion  publique  en  faveur  du  saffrage  universel,  deman- 
deraient que  le  cens  fût  porté  k  sent  cinquante  francs  II!  Us  le 
sont  eomoM  ceux,  qui,  au  nom  de  la  liberté  de  la  presse,  réda- 
meruen^  la  suppression  des  Journaux.  Sans  doute  il  leur  plait 
d'en  montrer  le  masque,  mais  ce  masque  ne  tient  pas,  il  glisse 
constamment,  et  sous  le  carton  montre  la  physionomie  vraie,  le 
visage  qui  ne  ment  pas. 

Veuilles  les  paaser  en  revue,  ces  faux  radicaux,  et  vous  ne  tar- 
derez pas  k  svoir  l'assurance  pleine  et  entière  qu'ils  forment  nne 
sorte,  d'académie  oà  le  travail  est  réparti  comme  dans  les  géoles, 
chaque  académicien  fabriquant  son  petit  tableau  comme  un 
prisonnier  confectionne  symétriquement  quelque  objet  en  osier 
sous  l'œil  des  gardiens. 

Les  gardiens  ce  sont  ici  les  hommes  dont  le  scepticisme  s'est 
plu  k  (aire  triompher  une  formule  d'srt  comme  dans  un  plaidoyer 
au  moyen  d'argumeata  brillants,  colorés,  on  défend  une  cause  k 
laquelle  on  s'altsebe  d'autant  plus  qu'on  la  sait  iosontenable. 
MM.  Charles  Angrand,  Willy  Finch.  Georges  Lemmen,  Camille 
Pissarro,  Georgea  Seurat,  Paul  Sigoac,  Van  Rysselbergbe  et 
W*'  Anna  Boeh,  pointillent  d'aprèa  la  même  convention  et  s'ils 
diffèrent  c'est  plutôt  par  le  sujet  que  par  l'exécution. 

Extrait  de  F  Union  libiraU  de  Verriers. 

Aux  Verviétoia  qui,  se  rendant  k  Bruxelles,  iraient  visiter 
l'Expoaition  des  XX  et  s'amuser  de  leurs  incohérences  artistiques, 
un  bon  conseil.  A  eété  de  cette  exhibition  carnavalesque,  au  som- 
met de  l'escslier  de  marbre  du  Muaée  moderne,  ils  trouveront  un 


salon  de  proportiona  modestes  ouvert  k  quelques  œuvres  remar- 
quables de  Boulanger,  Arlan  et  Doboia.  La  vue  de  ces  tableaux  les 
repesers  des  imanités  voisines  et  leur  pronvera  qne  l'Art  Belge, 
quand  il  est  basé  sur  la  nature,  donne  des  conceptions,  rivalisant 
avee  les  toiles  les  plus  cabres  de  Pécole  françsiae  du  milieu  de 
ce  sièele.  Ils  sertiront  de  cette  exposition  particulièrement  entbou- 
siaamés  de  Bovlcnger,  le  paysagiste  qui  s  le  mieux  interprété  les 
beautés  du  sol  Brabançon  et  le  mieux  traduit  le  charme  et  la 
magie  de  la  nature.  R. 

Extrait  de  Ut  Flandre  libérale. 

Hier  s'est  ouverte  l'exposition  des  XX  qui  est  burlesque 
comme  d'habitude.  Le  pnblic  bruxellois  ne  va  du  reste  visiter  ce 
salon  des  Funsmbuies  qne  pour  se  gausser  de  la  bande  qui  l'or- 
ganiset  et  celle-ci,  n'étant  pas  indifférente  k  la  recette,  a  lonjours 
grand  soin  d'eipoeer  en  bonne  place  quelques  tableaux  ineonve- 
nanla  ou  des  statuettes  qui  frisent  la  pornographie.  Cela  se  répète 
soua  le  manteau  dans  le  monde  bien  pensant,  et  la  foule  éléganic 
d'aeeonrir.  Les  joyeux  fumistes  qui  ont  monté  la  machine 
mangent  ensuite  la  cagnotte  dans  des  repas  pantagruéliques. 

On  a  bien  ri  la  veille  de  l'ouverture  des  XX  en  lisant  dans  le 
Soir  un  article  en  deux  parties  ;  la  première  célèbre  le  génie  de 
nilnstre  Trompenenboseh  qui,  par  le  rythme  des  lignes  et  la 
cadence  des  tons,  obtient  des  vibrations  spasmodiques  dont  les 
piano  et  les  forte  atteignent  au  pizxieato  rutilant,  —  les  eritiqurs 
qui  admirent  les  JOT  écrivent  comme  ceux-ci  peignent;  l'article 
chantait  sur  la  mode  épique  la  gloire  de  l'auteur  de  l'IU  de  la 
Ortmd»  Jatte,  l'immortel  Balnehard!  Et  puis  la  seconde  partie 
était  eoosarrée  k  Meissonier.  Quant  k  cehii-ei,  ce  n'était  qu'un 
vnlgsiie  barbooilienr,  un  imagier  qui  aurait  dû  être  enterré  à 
Spinal,  un  animal  aaas  talent  et  sans  kme!  Regardez-y  de  près, 
la  même  «fialadie  est  partout.  Qu'esl-ee  en  somme  que  ces  peintres 
et  ees  critiques,  ce  sont  les  radicaux  de  l'art,  et  c'est  au  nom  du 
progrès  qu'ils  arborent  l'étendard  de  Charenton  ! 


Concert  César  Franck  aux  XX 

Le  quatuor  en  ri  et  le  quintette  en  fa  mineur,  les  deux  plus 
grandes  œuvres  de  musique  de  chambre  écrites  par  le  Maître  — 

des  chœurs  pour  voix  de  femmes,  productions  plus  légères  et 

toutes  gracieuses,  —  enfin  un  fragment  de  Psyché,  sa  dernière 
oeuvre  iaslnimeotale,  tel  a  été  keprôgra^mme  du  Concert  de  mardi, 
programme  donnant  ainxi  une  notiou  aussi  complète  que  pos-tible 
de  l'art  de  César  Franck. 

Cbea  les  hommes  de  génie,  dont  le  caractère  particulier, 
inconscient  chez  eux,  est  de  voir  toujours  plus  loin,  les  dernières 
œuvres  sont  toujours  et  incontestablement  les  plus  belles,  chez 
les  artistes  d'un  certain  talent,  qui  ne  perçoivent  pas  le  but 
humainement  éducatif  de  l'art,  les  œuvres  de  la  troisième  période, 
n'étant  plus  animées  du  souffle  généreux  de  la  jeunesse,  restent 
de  stériles  efforts  sans  résultat,  souvent  un  vulgaire  bàion  posé 
en  travers  des  rails  et  brisé  par  le  train  artistique  sans  que  trace 
en  reste  jamais.  De  là,  d'un  côté,  des  Françoise  de  Rimini  et 
autres  Tribut  de  Zamera,  de  l'autre,  des  IX'  symphonie  et  des 
Parsifai. 

C'est  k  celte  dernière  catégorie  qu'appartient  le  quatuor  en  ré. 
Quoi  de  plus  grandement  conçu  comme  plan  et  de  plus  mer- 
veilleusement clair  comme  ordonnance  que  ce  premier  mouve- 


6( 


L'ART  MODERNE 


iiieni,  ndinirable  portique  l'ornid  de  trois  piliers  égaux,  trois  cxpo- 
siiioiis  lontcs  liannoiiicusi'mont  disposées  pour  encadrer  le  ihème 
piiiicipul;  puis  lo  scheiii),  jeu  épique,  Vandaule  où  les  amalcurs 
(li>  la  phrase  chiTchont  vainement...  elle  y  est  cependant  la  large 
l'Itnise,  et  noble  et  intense,  mais  trop  noble  et  Irop  intense  pour 
Kurs  ostnits  vulgaires  et  bornés.  Enfin  le  final,  combal  acharné 
eiUre  ces  deux  esprits  anlilliéliques  qui  éternellement  régueronl 
;iu  eu'iir  de  l'Iioninie. 

Qui  n'a  point  entendu  celle  œuvre,  exécutée  par  le  quatuor 
Vsaye,  ne  la  eonuaîlque  mal.  Il  y  a  chez  Eugène  Ysaye,  une  notion 
(le  l'iiH  lit-Ui  ai'lislisque  qui  produit  le  bizarre  etîet  de  faire  oublier 
limuiense  talent  du  virtuose  pour  ne  voir  que  l'absorption  de 
l'exécutiint  en  l'a'uvre,  sorte  de  Nirvana  musical  :  point  de 
leclierehe  d'eli'el  au  délrimenl  des  autres  parties  comme  il  arrive 
i;op  souvent  aux  premiers  violons, voire  les  plus  renommés,  mais 
seulenieul  et  toujours  une  idée  poétique  dominant  toute  l'inler- 
pivl;Uiou  et  donnant  le  sens  philosophique,  qui  existe  au  fond 
(le  toute  œuvre  fortement  pensée.  Ses  partenaires,  Crickboom, 
Van  Hout  et  J,  Jacob,  stylés  et  instruits  par  lui  dans  ce  système 
crin'.erprétation  intuitive,  forment  avec  lui  un  ensemble  vraiment 
merveilleux  jusqu'à  préseul  iuenteudu  autre  part.  Un  détail  qui 
|iaraîir.i  puéril  à  quelques-uns,  mais  sera  apprécié  par  tous  ceux 
qui  se  sont  occu}>és  de  musique  de  chambre,  ce  quatuor  joue 
juste... 

Le  quintette  en  fn  nuit.,  déjà  entendu  aux  XX,  a  été  exécuté, 
;ivec  une  verve  superbe,  par  le  quatuor  Ysayc  cl  M.  Paul  Braud, 
pianiste  parisien  au  jeu  vigoureux  et  intelligent.  Le  final  a  été 
iiotainuienl  enlevé  avec  une  étonnante  virtuosité.  M.  Braud  était 
aussi  parmi  les  disciples  du  Maître  et  donna  même  l'an  dernier,  à 
l'aris,  un  Y-oncerl  entièrement  consacré  à  César  Franck,  ce  qui  lui 
JUui  amèrement  reproché  par  les  eunuques  de  la  critique  pari- 
sienne. .\ller  jouer  du  Franck  quand  on  peut  servir  au  public  de 
Chopinesques  et  Lisztiennes  élueubralions,  toujours  les  mêmes, 
quel  cnme! 

La  transcription  pour  deux  pianos  du  morceau  symphonique 
ivoquunl  les  poétiques  amours  d'Eros  et  Psyché  est  fort  bien 
écrite  et  d'un  joli  effet.  Il  a  été  magistralement  exécuté  par 
l'auteur  et  par  M.  Vincent  d'indy. 

Comme  intermèdes  entre  ces  œuvres  de  large  envergure,  le 
programine  portail  quatre  chœurs  pour  voix  de  femmes,  réccm- 
iient  écrits  par  César  Franck,  el  qui  décèlent,  i  côté  du  penseur 
ei  du  philosophe,  le  mélodiste  délicat,  l'n  seul  de  ces  chœurs 
avait  été  entendu  à  Bruxelles  :  lii  Vierge  à  la  crèche,  chanté  il  y 
a  trois  ans  aux  concerts  des  .Y.Y.  Les  trois  autres  :  Us  Dtmsef  de 
Lcrmonl,  la  Chanson  du  l'an7iier,  Si'leil,  qui  appartiennent  il 
Li  même  série,  ont  même  grice,  même  charme,  même  raffinement 
d  harmonie. 

La  section  chorale  des  A'A',  faisait,  sous  la  direction  de 
M.  Vincent  d'indy,  ses  débuts  dans  l'interprétation  de  ces  chœurs  : 
une  vingtaine  de  voix  fraîches,  bien  disciplinées,  chantant  irré- 
iirochablement  juste  et  avec  senliment.  Le  succès  a  été  aussi  vif 
p  'ur  les  exéculanti's  que  pour  les  a-uvres.  ' 


NOUVEAUX  CONCEKTS  A  LIEGE 

L'orchestre  que  dirige  M.  Dupuis,  a  fait  d'incontestables  pro- 
grès, qui  se  manifestent  davantage  à  chaque  concert.  Il  observe 
p'us  scrupuleusement  les  mouvements,  se  plie  avec  plus  d'aisance 


au  rythme,  se  monlro  soucieux  des  nuances  el  marche  avec 
ensemble. 

Dimanche  dernier  il  a  joué  avec  la  vivacité,  l'emportement  juvé- 
nile qu'elle  comporte  la  Symphonie  n*  S  de  Beethoven,  toute 
souriante  de  jeunesse.  De  Sadko,  tableau  symphonique  de  Rimsky- 
Korsakow,  très  vivant,  d'une  orchestration  curieuse,  avec 
d'étranges  et  violents  effets  de  sonorité,  il  nous  a  donné  une 
e.x!écution  énergique  et  colorée.  Il  a  revêtu  cette  jolie  ouverture 
de  Gweiidoline  de  tout  son  charme  d'animation,  d'ardente  cou- 
leur et  d'élégance. 

M.  Sylvain  Dupuis,  qui  décidément  comprend  bien  sa  mission, 
a  voulu  nous  faire  pénétrer  le  génie  de  Brahms,  trop  peu  connu 
chez  nous.  Et  pour  réussir  dans  cette  initiation,  il  a  très  heureu- 
semeni  choisi  le  concerto  en  ti  bémol,  cl  le  pianiste  Eufjène 
d'Albert. 

L'œuvre  et  le  soliste  s'imposaient. 

C'est  réellement  une  grande  œuvre  que  ce  concerto,  d'une 
inspiration  élevée  el  d'une  belle  orchestration.  [I  empoigne  par 
la  profondeur  du  sentiment,  par  l'intensité  et  la  complexité  toute 
moderne  de  la  pensée.  Quelle  puissance  et  que  de  passion  dans 
les  deux  Allegro!  Quelle  haute,  quelle  tendre  poésie  dans  i'An- 
daiite  et  que  de  grâce  touchante  dans  l'Alleçrelto !  El  tout  cela 
est  d'un  beau  style,  d'une  savante  écriture,  dédaigneuse  des  for- 
mules ordinaires. 

M.  d'Albert,  en  grand  artiste  qu'il  est,  s'est  laissé  absorber  par 
l'œuvre,  ne  sortant  pas  de  son  rôle  d'interprète,  jouant  avec  l'or- 
chestre, mais  avec  quelle  maîtrise!  Il  nous  a,  par  son  jeu  précis, 
sobre,  par  son  interprélaiion  respectueuse  et  puissante,  par  sa 
haute  compréhension  de  l'œuvre,  initiés  au  génie  de  Brahms.  Je 
ne  crois  pas  que  l'on  puisse  faire  mieux. 

M.  d'Albert  a  subi  l'entralnemenl  des  chaudes  acclamations  qui 
l'ont  ovationné.  Et  en  artiste  épris  de  son  art,  qui  ne  marchande 
pas  son  talent,  après  avoir  joué  d'admirable  manière  nn  Nocturne 
de  Chopin  et  une  Valse  caprice  de  Strauss-Tansig,  cédant  aux 
applaudissements  pressants,  il  a  exécuté  successivement  un 
AndanteAc  Schubert,  une  BarcaroUe  de  Rubinstein  el  une  Fan- 
taisie de  Lisil, 

Ce  qui  distingue  N.  d'Albert,  c'est  la  pénétration  de  l'œuvre. 
Faut-il  dire  qu"^  c6té  de  cette  maîtresse  qualité,  son  jea  est 
impeccable,  tantôt  moelleux,  tantAt  puissant;  faut-il  dire  encore 
qu'il  est  un  remarquable  virtuose,  il  l'a  certes  prouvé  et  particn- 
lièroment  dans  la  Valse  caprice  el  dans  la  Fantaisie  espagnoie. 


CHEZ  DIETRICH 

Se  promener  vers  cinq  heures  Montagne  de  la  Cour,  ce  n'est 
ordinairement  pour  d'autre  but  que  lai*gner  les  plus  jolies  femmes 
de  Bruxelles.  MN.  Dietrich  et  €••  ont  détourné  k  leur  profit  l'aiten- 
tion,  transformant,  par  l'exhibition  de  choses  d'art,  l'aspect  sou- 
vent morose  de  leur  étalage  :  et  ce  sont  des  photographies  admi- 
r.ibles  d'après  Bume-Jones,  des  albums  et  des  livres  illustrés  de 
Crâne. 

The  n'herl  of  Fortune,  Tk*  Golden  Stnrs,  Merlin  and 
Viviane,  splendides  platiaotypies  d'un  format  inusité.  Puis, 
l'histoire  d'OrpA^«r,  en  de  multiples  panneautins,  peinte  pour  la 
décoration  d'un  piano,  la  série  de  Persée,  celle  de  Pygmalion, 
cent  autres  reproductions  exécutées  par  la  maison  Hoiyer  de  Lon- 
dres. Mais  le  dessin  si  expressif  de  trois  télés  de  femmes  mus 


;<^-!.^iJ;'-' 


i:art  moderne 


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parat(  résumer  l'art  de  raffinemeat  k  l'extrême  d'Edward  Buroe- 
Jonei  et  le  type  féminin  qu'il  créa. 

Pour  Danle-Gabriel  Rossclli,  chei  nous  moins  populaire  el  moins 
connu  (1),  Rota  TripUx,  Dante'*  Dream,  —  et  dans  une  nou- 
velle édition  des  poème*  de  Cbristina  G.  Rouetti  (Hacmillan,  90), 
trois  dessina,  —  sont  d'un  haut  intérêt,  mais  insuflisanis  i  eu 
donner  une  bien  complète  idée. 

Les  albums  de  Walter  Crâne  sont  connus  tous  et  popnlaircs, 
mais  voici  les  Houuhold  Storiet  de  Grimm  (Maemilian,  82)  qui 
offrent  les  meilleurs  exemples  d'illustrations  de  Crâne  dans  la 
manière  de  Durer,  et  les  interprétations  de  ces  conies  :  The 
SUeping  Beauty,  Rapunzel,  The  Oolden  Bird,  The  Six  Swaiu, 
Snow-WhiU  sont  i  ce  point  de  vue  de  véritables  petits  chefs- 
d'œuvre,  images  bien  supérieures  à  colles  des  Folk  and  Fairy 
Taie*  de  Mrs.  Borton-Harrison  (Ward  and  Downey,  85).  Un 
album  par  contre  tout  charmant  est  le  Book  of  Wedding  Bay* 
(Longmans,  Green  and  l>,  89),  un  calendrier,  orné  k  chaque 
page  d'encadrements  allégoriques  de  saisons  et  de  mois,  et  par 
des  fleurs,  des  jeux  d'amours,  mille  détails,  varié  et  amusant  de 
New  Year  i  Christmas.  The  Fini  of  May,  a  Fairy  Ma*que 
(Henry  Sotheran,  81),  c'est  cinquante-deux  pages  grand  format 
d'illustrations  patientes  et  minutieuses,  un  peu  sages,  pour 
cette  féerie  du  même  Walter  Crâne  dédiée  à  Charles  Darwin. 
MM.  Dielrieh  en  détiennent  un  des  maintenant  rares  trois  cents 
exemplaires  signés  par  l'auteur. 


Petite  chroj^ique 


Le  second  concert  des  XX  est  fixé  !)  mardi  prochain,  34  cou- 
rant, k  3  heures. 

On  y  entendra,  pour  la  première  fois,  le  quatuor  à  corde*  que 
vient  de  terminer  Vincent  d'Indy  et  qui  aura  pour  interprètes 
MM.  Eugène  Ysaye,  Crickboom,  Van  Bout  et  J.  Jacob. 

Les  chœurs,  dirigés  par  Vincent  d'Indv,  exécuteront  Sainle- 
Rote  de  Lima  de  P.  de  Bréville  (solo"  :  Mi'«  F.  Gillieaux), 
VEpilkalame  de  Beiioit,  le  Ruit*eau  de  Fauré. 

Des  œuvres  de  Dnparc,  Bordes,  Chabrier  et  la  Tempête  de 
Chausson  compléteront  cet  intéressant  programme,  presque 
entièrement  nouveau  pour  Bruxelles,  et  qui  réunit  les  noms  des 
principaux  compositeurs  de  la  Jeune-France  musicale. 

Le  prix  d'entrée  reste  fixé  it  2  francs. 

Le  deuxième  concert  populaire  lura  lieu  dimanche  K"  mars,  à 
1  1/2  heure  précise,  avec  le  concours  de  H.  J.-J.  Paderewski. 

Le  programme  est  composé  de  :  1*  Hu*it*ka,  ouverture  dra- 
matique (1**  exécution),  Anton  Dvorak.  —  3*  Concerto  pour 
piano  et  orchestre  {la  mineur),  exécuté  par  l'auteur  {{"  exécution), 
J.-J.  Paderewski.  —  3°  Concerto  pour  piano  avec  accompagne- 
ment d'orchestre,  exécuté  par  H.  J.-J.  Paderewski,  Rob.  Schu- 
mann.  —  4»  Sérénade  pour  instruments  i  cordes  (op.  22),  Anton 
Dvorak.  —  S°  Morceaux  pour  piano  seul,  exécutés  par  M.  J-.J.  Pa- 
derewski, Fr.  Chopin.  —  6»  Lu*t*piel- Ouverture,  composée 
pour  l'opéra-comiqne  Prodana  nevetta  (y*  exécution),  Friedrich 
Smetana. 

La  répétition  générale  aura  lieu  samedi  38  février, à  2  4/2  heures 
précises,  dans  la  salle  de  la  Grande-Harmonie. 


Bruxelles  aura  la  première  de  Madame  Lupar,  la  pièce  en 
trois  actes  de  Camille  Lemonnier,  tirée  de  son  roman.  Antoine  (et 
son  Théâtre- Libre)  arrivera  vers  le  37  de  ce  mois.  H  donnera 
d'abord  la  Fille  Eli*a.  Puis  ce  sera  le  tour  de  Lemonnier,  avec 
Antoine  dans  M.  Lupar  et  M"*  Defresne  dans  sa  précieuse  con- 
joinle.  On  s'attend  h  un  succès  violent.  La  pièce  a  trois  actes, 

(1)  Voir  VA^-t  moderne,  1887,  no  39. 


d'une  durée  de  20  minutes  à  peu  près  chacun,  du  iliéàiro  bref, 
tout  en  mots,  sans  phrases. 

Au  retour  à  Paris,  la  troupe  y  jouera  la  même  pièce.  Anloinc 
l'eût  donnée  d'abord  !i  son  théâtre,  mais  tout  un  mois  qu'il  vient 
d'employer  (avec  un  réel  succès  de  public  et  de  recette)  b  la 
Porte  Saint-Martin  lui  a  fait  négliger  les  œuvres  acceptées. 

La  Nation,  dans  un  article  très  élogieux  consacré  au  premier 
concert  des  XX,  adresse  un  mol  aimable  à  la  section  chorale 
féminine  qui  faisait  ses  débuts  i  ce  concert.  La  Nation  attribue 
la  formation  de  ce  choral  ii  un  refus  de  M.  Gevaeri  d'autoriser 
les  élèves  du  Conservatoire  à  prêter  leur  concours  h  des  concerts 
de  ce  genre.  C'est  une  erreur.  M.  Gevaert  s'est  loujours  prêi6 
avec  beaucoup  de  bonne  grâce  â  faciliter  leur  lâche  aux  orj;anisa- 
leurs  des  matinées  vinglisles  et  ne  leur  a  jamais  refusé  le  con- 
cours de  ses  élèves. 

Les  JTJT  ayant  actuellement  une  organisation  musicale  com- 
plète, distincte  de  la  peinture,  ils  ont  tenu  â  avoir  un  chœurà  eux. 
Et  ils  ont  trouvé  des  collaboratrices  aimables  et  dévouées,  jeunes 
filles  et  jeunes  femmes,  qui  ont  consciencieusement  travaillé 
toutes  les  semaines,  sous  la  direction  de  H.  Soubre,  profetseur  au 
CoMervatoire,  et  dont  le  début  a  été  très  apprécié. 

Le  pianiste  J.  Paderewski,  de  passage  à  Bruxelles,  donnera  le 
4  mars  prochain,  dans  la  salle  de  la  Grande-Harmonie,  à  8  heures 
du  soir,  un  récital  de  piano  (œuvres  classiques  et  modernes). 

Le  prix  des  places  pour  cette  séance  est  fixé  à  7  francs  aux 
places  numérotées,  et  3  francs  aux  places  non  numérotées  (gale- 
ries). 

On  peut  s'inscrire,  dès  maintenant,  chez  MM.  Schoit  frères, 
82,  Montagne  de  la  Cour.       

Notre  compatriote  M'"  Marcy,  qui  fut  pendant  un  an  pension- 
naire du  théâtre  de  la  Monnaie,  et  qui  laissa  à  Bruxelles  de  bons 
souvenirs  bien  qu'elle  eût  eu  rarement  l'occasion  de  se  faire 
valoir, est  actuellement  engagée  à  Marseille  où  ses  débuts  ont  été 
des  plus  heureux. 

a  La  débuUnle,  dit  le  Petit  Marseillais,  a  su  conquérir  rapi- 
dement son  public.  Douée  d'un  physique  fort  agréable,  M"«  Marcy 
a  traduit  avec  un  rare  bonheur  le  charme  troublant  que  dégage  la 
héroïne  shakespearienne.  La  voix  de  celle  artiste  est  d'un  timbre 
admirable  ;  elle  s'élève  sans  effort  el  conserve  dans  le  registre  aigu 
une  merveilleuse  pureté.  M""  Marcy  a  été  très  applaudie,  notam- 
ment, â  la  scène  mystique  de  l'union,  el  rappelée  à  la  fin  do 
chaque  acte. 

«  On  doit  d'ores  et  déjà  considérer  les  prochaines  épreuves  de 
la  brillante  artiste  comme  de  simples  formalités.  » 

Et  le  Petit  Provençal  : 

«  Après  la  soirée  d'hier,  il  est  légitimement  permis  d'écrire  que 
voici  enfin  une  vraie  chanteuse  légère  que  les  ressources  de  sa 
voix  indiquent  nettement  apte  â  se  produire,  avec  égal  succès, 
dans  le  grand  opéra  et  dans  les  ouvrages  de  caractère  ou  de  genre 
tempéré. 

a  M"' Marcy,  belle  et  avenante  de  sa  personne,  est,  en  cffei,  dolée 
d'une  voix  fraîche  et  juste,  pure  et  étendue  dont  le  timbre,  fort 
agréable,  revêt  par  instants  un  certain  éclat.  Sa  vocalisation  h.-ir- 
die  et  brillante  s'est  nettement  affirmée  avec  la  valse  du  premier 
acte,  en  dépit  d'une  émotion  bien  naturelle. 

a  Le  duo  du  balcon  el  les  au  très  scènes  principales  de  l'opéra  ont 
pleinement  confirmé  la  bonne  impression  produite  par  la  débu- 
tante dés  son  entrée  en  scène.  C'est  là,  bien  évidemment,  une 
chanteuse  de  goût  et  d'expression,  possédant,  en  outre,  de  l'âme 
et  de  l'élan,  ainsi  qu'on  a  pu  s'en  convaincre  au  troisième  acte  et 
à  la  grande  scène  finale.  M"'  Marcy  est  donc  une  acquisition  dont 
il  faut  se  féliciter  ;  elle  peut,  en  tonte  liberté  d'esprit,  aborder  ses 
deux  autres  épreuves  qui  ne  seront  que  pure  formalité.  Ce  pre- 
mier succès  a,  du  reslCi  été  sanctionné  par  plusieurs  rappels.  » 

Toute  la  presse  est  sur  ce  ton. 


l':'^-ç-S^'P'f^^ '^fSW^^'^.ifr  v-y 


ONZIÈME  ANNÉE 

L'ART  MODERNB  s'est  acquis  p»r  l'autorité  et  l'indépendance  de  sa  critique,  mt  I»  T«ri*t*  de  aea 
informations  et  les  soins  donnés  &  sa  rédaction  une  place  prépondérante.  Aucube  nùDUestàtlon  de  lArt  ne 
lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  de  peinture,  de  soulpture,  de  grftTore,  de  Bnudqae, 
d'architecture,  etc.  Consacré  principalement  au  ^ouTertent  artistique  belge,  il  renseigne  BMBmeli»  Ma 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  l'étranger  qu'il  importe  de  eonimitre. 

Chaque  numéro  de  L'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  qaesiîon  «rtlatiqae 
ou  littéraire  dont  l'événement  de  la  semaine  fournit  l'aotuallté.  Les  exposition»,  les  Kvra  notioeauu,  U» 
premières  reprétentcUions  d'œuvre»  dramatiques  ou  musioales,  les  otmfUreneu  littéraire»,  les  comœrU,  les 
vente*  dobjelt  if  art,  font  tons  les  dimanches  l'oiyet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNB  relate  itusai  la  législation  et  la  jurisprodenoe  artistiqaM.  Il  rend  eompte  M» 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribananx  belges  et  étcnnosn.  I«e 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomeodatare  complète  des  eiK|>oalii|W  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  BdgiqBe  et  à  l'étranger.  U  est  envoyé  fnMOltMMnt  à 
l'essai  pendant  un  mois  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande.  « 

L'ART  MODERNB  forme  chaque  année  un  beau  et  fort  volume  d'environ  460  P*Clft  f vec  tfJiU 
des  matières.  U  constitue  peur  l'histoire  de  l'Art  le  document  LB  PI^US  CQMPJ^T  cK^  le  tvêâm  LE  fhVS 
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Fait*  et  débats  Jndldalvee.  —  Jttriqmideace. 

-  BibUograpkie.  -  Léftitattoa.  -  HetnHat. 

DiuAmB  AMKtm. 

Administratioii  et  rédaction  :  S10  riat  Wnime*,  10,  BnaeeUn. 
Revue  mentuelU  d*  littéreovre  et  tTart 


Directeurs 

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DmAMCHB  l"  Mars  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LB    DIMANCHE 


REVUE  ORITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  U  UnÉRÂTURE 


Comité  de  rédaction  i  Octavb  IfAUS  —  Edmond  PICARD  —  Èmili  VERHAEREN 


:   Belgique,   on  an,  tr.  10.00  ;  Union  poattle,   fr.    13.00.    —  ANHONGXS  :    On  traite  1  forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  d 
L'ADimnBTKATioM  oÉNÉHALB  DB  l'Art  Modome,  me  de  rindostrie,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


Walteb  Ckame.  —  La  Flûte  a  Siebel,  par  Max  Waller.  — 
DEUxitm  OOHCEBT  DBS  XX.  —  Raoe  chakneixe,  par  J.-F.  Elalander. 
—  A  PROPOS  d'ukb  cxnfpteBNCE  BT  d'un  abticlb.  —  Coup  de  pied  a 
Waoheb.  —  BBaNAaoïN  de  Saint-Pierhe  vrai.  —  Hemento  des 
ExposmoNS.  —  Petite  chromioue. 


Walter  Crâne 

(PREMIER  article) 

Un  nom  universellement  connu,  célèbre  ;  une  réputa- 
tion due  surtout,  sur  le  continent,  à  des  illustrations  de 
livres  et  aux  nombreux  albums  d'images  destinés  aux 
enfants  —  que  la  maison  Routledge  édita,  —  et  vulga- 
risés bientôt  en  Allemagne  et  en  France.  Et  l'on  se  figu- 
rerait volontiers  Walter  Crâne,  pareillement  à  Calde- 
cott  ou  Kate  Greenaway,  un  dessinateur  habile,  enlu- 
mineur de  contes,  aux  ordres  de  quelque  libraire,  pour 
la  joie  des  petits. 

La  situation  qu'occupe  en  son  pays  M.  Walter  Crâne 
est  autre  et  son  nom,  dans  le  •  monde  des  arts  > ,  est 
aussi  significatif  que  ceux  de  Watts,  Millais,  Leigbton, 
Bum&Jones  ou  Whistler.  Par  la  diversité  de  son  talent, 
par  des  aptitudes  très  spéciales ,  très  développées,  au 


décor  et  à  l'ornementation,  par  son  imagination  mer- 
veilleuse et  la  toute  noblesse  de  ses  aspirations  artis- 
tiques, le  nom  de  M.  Walter  Crâne  est  notoire  entre  tous 
dans  l'art  anglais  contemporain. 

Pour  les  lecteurs  curieux  de  biographies,  il  convien- 
drait de  mentionner  que  Walter  Crâne  naquit  à  Liver- 
pool  le  15  août  1845,  d'un  père,  peintre  lui-même, 
Thomas  Crâne,  miniaturiste  distingué.  Ce  fut  dès  un 
âge  très  tendre —  M.  F. -G.  Stephens  nous  l'apprend,  — 
en  1857,  à  une  exposition  de  la  Royal  Academy,  une 
admiration  déjà  pour  l'œuvre  de  Millais  :  Sirisumbras 
Crossing  Ihe  Ford ,  qui  suscitait  encore  parmi  les  visi- 
teurs l'indignation,  l'ahurissement  ou  les  rires,  des  col- 
loques passionnés  aussi,  renouvelés  de  la  première 
manifestation  préraphaélite  de  1849. 

Elève  de  l'Académie,  le  jeune  Crâne,  égalant  en  pré- 
cocité, après  Sir  Thomas  Lawrence,  Sir  John-Everett 
Millais  lui-même,  y  obtenait,  tout  enfant,  une  distinc- 
tion ;  et  après  un  stage  de  trois  années  dans  l'atelier  de 
W.-J.  Linton ,  le  graveur  célèbre  d'innombrables  bois 
dans  les  jouraaux  illustrés.  Graphie  oiiLondon  News, 
il  exposait  à  son  tour,  à  cette  même  Académie  royale, 
en  1862,  à  peine  âgé  de  seize  ans. 

A  fréquenter  l'académie  privée  de  M.  Heatberley, 
Newman  Street,  deux  années  se  passaient  encore,  et  dès 
1865  paraissaient  les  premiers  livres  d'images,  les  pic- 
turebooks  pour  les  enfants. 


:W  ^ ■'■!:■ 


Pour  quelle  inconcevable  raison  l'Académie  refusa^ 
t-elle  par  la  suite  les  envois'  du  jeune  peintre  ?  En  1872 
seulement,  une  aquarelle  titrée  At  Itome  :  A  Portrait 
s'accrocha  aux  murs  hostiles  pour  la  seconde  et  der- 
nière fois.  Entretemps,  cependant,  la  Dudley  Gallery 
hébergeait  maintes  de  ses  œuvres,  peintures  à  l'huile, 
aquarelles  ou  dessins  ;  mais  c'est  la  Grosvenor  Gallery 
surtout,  depuis  1877,  qui  exposa  les  plus  importants 
ouvrages  peints  de  Walter  Crâne,  Venus  Renascens, 
the  Fate  of  Persephone,  the  Sirens,  the  Laidley 
Worm  ofSpindleton  Heugh,Europa,  Diana  and  the 
Shepherd,  the  Btndge  of  Life,  Pandora,  Freedom, 
the  Chariots  of  the  Hours,  les  unes  inspirées  de 
raythologies  ou  de  légendes,  les  autres  aux  tendances 
humanitaires  et  philosophiques,  toutes  décoratives. 

Sur  le  continent,  on  vit  aux  Expositions  universelles 
de  Paris  Venus  Renascens  en  1878,  la  Belle  Dame 
sans  Merci  en  1889;  et  à  cette  exposition  des  XX  de 
1891,  deux  water-colours  :  Flora  et  Pegasus,  et  un 
choix  des  plus  beaux  albums  de  Walter  Crâne. 

Le  nom  de  M.  Walter  Crâne  est  encore  évocateur  de 
mille  travaux  divers  dans  le  domaine  de  l'Art  étendu 
aux  industries  les  plus  variées  :  la  typographie,  la 
peinture  des  vitraux,  les  cuirs  repoussés,  —  dont  on 
lui  doit  la  rénovation,  —  les  illustrations  de  livres,  les 
papiers  peints,  la  broderie,  la  tapisserie,  etc.  Voilà 
donc  un  véritable  ouvrier  de  l'Art,  apportant  dans  tout 
ce  qui  est  de  son  métier,  dans  le  décor,  une  variété  et 
une  profusion  magnifiques. 

Et  de  même  que  les  peintres  orfèvres  et  graveurs 
italiens  et  allemands  du  xx"  et  du  xvi*  siècle,  il  est 
admirable  en  toutes  ces  manifestations  d'art,  met- 
tant une  même  supériorité  à  traduire  quelque 
légende,  à  graver  un  bois,  à  dessiner  un  motif  de  tapis- 
serie, un  ornement  typographique,  —  à  transformer 
enfin  le  plus  heureusement  passible  pour  l'agrément  de 
l'œil,  par  la  couleur,  l'arabesque  ou  le  trait,  une  surface 
donnée.  Pour  témoigner  de  ces  aptitudes,  il  suffirait  de 
citer  la  décoration  du  Hall  Arabe  de  sir  F.  Leighton,  à 
Kensington;  une  tapisserie  exécutée  par  W.  Morris 
d'après  la  Goose  Girl  ;  la  Peacock  Frieze,  transformée 
en  papier  de  tenture  par  MM.  Jeffrey  et  C";  et,  à  la 
récente  exhibition  (1890)  de  la  Arts  and  Crafls  Society 
dont  il  est  président,  outre  de  nombreuses  compositions 
décoratives,  des  panneaux  repoussés  dits  en  gcsso,  des 
broderies  en  soie  exécutées  par  M™"  Crâne. 

Walter  Crâne  est  donc  surtout  un  décorateur,  un 
artiste  préoccupé  uniquement  de  formes,  d'arabesques, 
de  lignes, — dont  il  étudie,  en  des  articles  accompagnés 
de  diagrammes  démonstratifs,  la  valeur  expressive. 

A  ses  qualités  essentiellement  nationales,  natives, 
aux  influences  préraphaélites,  à  des  souvenirs  de  gra- 
veurs allemands  et  de  première  renaissance  italienne, 
les  influences  combinées  de  l'art  grec  et  de  l'art  japonais 


s'ajoutèrent,  déterminant  une  des  plas  incontestables 
personnalités  artistiques  contemporaines. 

C'est  dans  son  oeavre  populaire,  iÈa&  ses  albpms 
en&ntins  que  nous  trouverons  l'essence  de  «on  multiple 
talent. 

Ces  albums  —  contes  de  fées,  histoires  merveillenèes, 
alphabets  ou  chansons,  —  datent  des  débuts  de  Crâne  et 
se  perpétuent  jusqu'encore  aujourd'hui.  Les  premiers 
sont  des  scènes  réalistes,  d'un  dessin  un  peu  dur,  point 
supérieures  à  d'excellentes  illustrations  de  journaux.  Ils 
séduisirent  cependant  M.  J.-K.  Hu^smans,  qui  y  trou- 
vait un  apaisement  à  sa  fringale  de  modernité. 
Tout  au  plus  signalerons-nous  dans  cette  série  la 
superbe  allure  de  vaisseaux  prenant  le  large  (thetoad- 
ling  Fi'og),  l'animation  d'une  estacade  par  un  temps 
pluvieux  et  gris  et  une  amusante  scène  de  pantomime 
(Grammar  in  Rhyme).  Puis  la  forme  se  précise,  les 
contours  se  gravent,  chaque  image  se  compose  comme 
un  tableau  ;  et  ce  sont  ces  feuillets  de  la  vie  de  Londres  : 
«  Maids  arecourting  •>,  «  Maidsin  theKitchen  »  (One, 
two,  Buckle  my  shoe),  et  surtout  dans  Annie  and 
Jack  in  London,  les  ours  du  Zoological  Garden,  les 
péripéties  du  patinage,  le  comique  pincé  de  clowns. 
Puis  des  scènes  de  pure  fantaisie,  d'humour,  se  mêlent 
à  la  réalité  stricte  :  un  équipage  de  souris  monte  le 
Fairy  Ship,  travaille  au  déchai^ment  et  aux  manœu- 
vres, agiles  matelots  qu'un  important  canard  com- 
mande : 

The  Captain  was  a  Duck 
"With  a  jacket  on  his  back. 

Walter  Crâne,  d'ailleurs,  excelle  à  représenter  des 
animaux  en  lieu  et  place  d'humanité;  il  est  un  peu  le 
La  Fontaine  des  bêtes  qu'il  dessine.  D'autres  livres  nous 
offrent  des  ébats  de  gorets,  d'ours,  de  chiens,  un  loup 
rusé,  -  altéré  de  sang  »,  dans  Little  Red-Riding  Hood, 
le  chat  botté  du  Marquis  of  Carabas,  le  magnifique 
sanglier  seigneurial  enfin  de  BeaiUy  and  the  Beast. 
Comme  le  dit  M.  Huijsmans,  «  ce  qui  est  inestimable 
dans  ces  planches,  c'est  la  mise  dans  l'air  de  ces  person- 
nages, le  spirituel  de  ces  figures,  l'expert  de  ces  regards, 
la  réalité  de  ces  postures  ;  il  y  a  là  une  senteur  inconnue 
en  France-,  cela  exhale  un  goût  franc  de  terroir  et  laisse 
bien  loin  des  lourdes  et  insipides  plaisanteries  de  Grand- 
ville,  ce  Paul  de  Kock  du  dessin,  ce  grossier  traducteur 
des  attitudes  et  des  passions  humaines  sous  des  habil- 
lements et  des  mufles  de  bêtes!  » 

Mais  à  mesure  que  se  perfectionne  la  composition 
jusqu'à  produire  de  parfaites  œuvres  d'art,  les  couleurs 
s'agencent  en  contrastes  féroces,  en  splendeurs  acides  et 
éclatantes.  Des  noirs  intenses  exaspèrent  des  chromes, 
les  verts  et  les  bleus  sont  aux  prises,  excités  aux  cla- 
meurs des  vermillons,  —  féroces  polychromies  d'une 
saveur  britannique  si  spéciale  en  cet  album  de  scènes 
familiales  et  intimes,  My  Mother,  un  chef-d'œuvre,  où 


cette  admirable  planche  :  une  plage,  —  voiles,  mouettes, 
—  et  un  jeune  homme  soutient  l'aïeule  infirme  et 
courbée,  tandis  qu'éclate  au  loin  la  joie  de  jeux  d'en- 
fants. 

Geokoes  Lbhhbn. 


LA  FLUTE  A  SIEBEL 

par  Max  Waixol,  petit  in-8>  carré  de  85  p.  —  Bruxelles, 
Lacomblb,  1891. 

Ses  amis  avaient  souscrit  pour  lui  dresser  un  monu- 
ment funèbre.  L'autorité  qui  police  dans  les  cimetière 
n'a  pas  voulu.  Alors  ils  ont  employé  l'argent  à  éditer  là 
Flûte  à  Siebel. 

C'est  bien,  c'est  conforme,  et  le  mort  doit  être  content. 
Son  fantôme  aura,  à  cette  occasion,  joué  un  air  dans 
le  -pays  des  ombres,  plus  sarcastique,  plus  mélanco- 
lique que  ses  airs  de  vivant.  Il  fut  accoutumé  par  le 
sort  à  ces  malechances  et  goguenardait  ses  ennuis  en 
les  Autant. 

Pas  seulement  de  la  goguenardise  pourtant.  Cela 
pénétrait  plus  loin  que  l'épiderme,  car  c'était  plus  aigu 
que  le  rire.  Ses  airs  légers,  ses  vers  légers  étaient 
armés  de  l'aiguillon,  et  l'aiguillon  avait  été  trempé  dans 
les  larmes.  Ils  étaient  amers,  ses  airs,  ses  vers.  Et  à^ 
les  relire,  à  les  refredonner  à  la  suite,  les  vingt-sept 
qu'ils  sont  dans  ce  cahier  funéraire,  on  est  très  pris  de 
tristesse. 

C'est  si  dans  la  fuite,  déjà,  les  jours  où  l'imberbe 
Waller  gnitarisait  ainsi,  gentil,  et  souple,  et  fort,  sans 
penser  au  coup  d'arbalète,  venu  du  mystère,  qui  devait 
le  frapper  et  le  renverser  en  pleines  guitares,  chantant, 
pleurant,  menant  la  bande  des  Jeune-Belgique,  sérieux, 
joyeux,  rêveur,  penseur,  trouvère,  compère,  musicien, 
arlequin,  ayant  la  batte,  ayant  le  fleuret,  ayant  la 
plume,  ayant  la  cravache,  brave  et  bravache,  insolite 
et  insolent,  amical,  inimical,  inimitable. 

Dans  le  souvenir  il  s'incarne  :  une  aquarelle  d'ado- 
lescent clair  et  fler,  le  panache  au  feutre,  un  mousque- 
taire de  lettres,  enfant  de  troupe  dans  les  mousque- 
taires, très  vaillant  et  en  tête,  autant  la  marche  en 
avant,  crâne. 

Ces  Airs  de  flûte  sont  sa  pensée  même  en  son  plus 
usuel  décours,  la  langue  maternelle  de  son  cœur  origi- 
nellement meurtri,  saturé  de  triste,  de  triste  accompli, 
ou  de  triste,  de  triste  à  venir.  C'était  des  airs  rieurs, 
sautillant  les  notes  pizzicatantes,  avec  des  accompagne- 
ments mnrmuratifs  de  sanglots,  très  bas,  très  bas,  une 
sorte  de  discret  appel  de  la  mort  prochaine,  soufflant 
le  froid  funèbre  : 

Les  vagues  vont,  les  vagues  vagues 
Comme  un  rite  d'eau  sanglotant, 

Kt  oe  n'est  que  de  l'eau  pourtant 

Et  j'écoute  vaguer  les  vagues. 


Il  y  a  de  l'amour,  natiirellement,  dans  ces  vingt-sept 
romances,  dans  chacune  des  vingt-sept  presque,  de 
l'amour  qu'on  devine  très  eorrosif,  quoiqu'il  le  boive 
d'un  trait;  de  l'absinthe  pure  qui  a  dû  le  mordre  aux 
entrailles.  Il  en  défile,  défile,  défile  des  amoureuses  sur 
les  rythmes  du  joueur  de  fifre,  dans  le  quinconce  de 
ses  strophes,  farandolant,  les  mains  aux  mains,  en 
longue  série  serpentante,  lui  en  tête,  comme  tout  à 
l'heure,  Autant  la  marche,  crâne,  langoureux  aussi, 
vainqueur,  moqueur,  mais  avec,  au  coin  de  la  bouche, 
le  pli  d'une  angoisse. 

Mon  cœur  est  comme  un  Orand- Hôtel 
Où  descendent  les  bien-aimées. 
Et  sur  leurs  valises  fermées 
Volent  des  Amours  de  pastel. 

Je  les  reçois  sans  leur  rien  dire. 
Pose  leurs  malles  doucement. 
Puis  elles  suivent  mon  aimant. 
Mon  aimant  aimant  :  le  sourire  I 

C'est  fait  de  rien,  de  presque  rien,  ces  fleurs  artifi- 
cielles, gracieuses,  coquettement  arrangées,  d'un  tour 
de  doigt  gamin,  alerte,  très  sûr,  comme  une  actrice 
pomponne,  attife,  chifibnne,  poudrederise  son  visage 
et  sa  coifl'ure.  Tout  va  au  juste  endroit  et  prend  la  spi- 
rituelle allure,  d'instinct,  sans  savoir,  avec  des  moues 
et  de  jolies  façons  de  singe  et  de  chatte  : 

Lorsque  dans  le  doux  soleil  clair 
Où  la  rosée  en  perles  pleure, 
J'ai  vu  la  chère,  tout  à  l'heure, 
Elle  prenait  un  air  en  l'air. 

Railleuse  gaieté  «  de  croque-mort  qui  s'enterre  soi- 
même  ».  Tous  ses  coups  de  rire  finissent  en  un  gémisse- 
ment. C'est  lui  qui  écrivit  la  Vie  bêle!  Comme  il  en  a 
filé,  de  la  mélancolie,  le  frêle  tisserand,  le  pauvre  page, 
Chérubin-Siebel  : 

Si  le  soleil  n'était  pas  là, 

Lui  qui  contre  tous  nos  pleurs  lutte. 

Je  me  tuerais,  tra  la  la  la! 

En  sanglotant  lin  air  de  flûte  ! 


Deuxième  concert  des  «  XX  » 

C'était,  celle  fois,  une  vraie  exposition  musicale  que  ce 
deuxième  concert  des  XX:  dix  compositeurs  défilaat  sur  l'eslrade, 
tous  en  bonne  lumière,  bien  présentés  au  public,  et  attestant  la 
vie  et  la  colésion  d'un  groupe  de  musiciens  qui  a  décidément 
pris  la  tête  du  mouvcmcol  artistique  contemporain. 

Ces  dix  compositeurs  :  Vincent  d'Indy,  Gabriel  Fauré,  Ernest 
Chausson,  Pierre  de  Brévillc,  Henri  Duparc,  Emmanuel  Chabrier, 
Julien  Tiersot,  Charles  Bordes,  Camille  Benoit,  Paul  Vidal,  unis 
par  un  même  souci  de  la  forme,  de  l'écriture  raffinée,  par  l'hor- 
reur du  déjà  dit  et  de  la  banalité,  mais  très  divers  de  tempéra- 
ment, de  tendances,  d'inspiration,  de  conception  musicale. 

An  premier  rang,  plaçons  Vincent  d'Indy,  dont  WallensUin, 
la  Symphonie  pour  orchestre  et  piano,  le  Quatuor  et  le  Trio, 
et  tout  récemment  la  Forêt  enchantée,  ont  définitivement  con- 
sacré la  renommée.  Avec  un  bagage  comme  celui-là,  on  peut-être 
rassuré  sur  l'avenir.   Le  lot   de  M.  dindy,  dans  le  concert  de 


\ 


70 


L'ART  MODERNE 


mardi,  consistait  en  un  Quatuor  pour  instrument*  à  eordet, 
encore  inédit,  joué  pour  la  première  foi»,  et  joué,  —  faut-il  le 
dire  T  —  avec  une  rare  perfection  par  MM.  Ysaye,  Crickboom,  Van 
Bout  et  Jacob. 

Dans  celle  œuvre,  Vincent  d'Indy  s'élève  encore  plus  haut  que 
dans  ses  compositions  précédentes.  L'inspiration  est  soutenue  par 
un  travail  harmonique  admirable  et  se  développe,  sans  faiblesse, 
durant  les  quatre  parties,  avec  une  verve,  une  abondance,  une 
richesse  d'idées  vraiment  extraordinaires. 

Le  coloris  de  V Introduction  est  superbe,  et  dès  les  premières 
notes  on  se  sent  pris  par  l'émotion  que  provoquent  seules  les 
œuvres  puissantes  et  grandes.  Les  deux  parties  qui  suivent,  un 
mouvement  lent  et  une  sorte  de  thème  populaire  suivi  d'un 
Scherzo  dont  le  motif  est  pris  au  thème  de  Vandnnle  précédent, 
ont  produit  le  plus  grand  effet  sur  l'auditoire.  Elles  sont,  l'une  et 
l'autre,  d'un  sentiment  pénétrant. 

Le  final  forme  un  contraste  voulu  avec  les  deux  parties  précé- 
dentes. Après  les  flots  de  poésie,  après  les  flottantes  rêveries,  la 
rusticité,  le  retour  aux  joies  champêtres.  Il  est  merveilleusement 
travaillé  et  conduit  avec  une  logique,  une  sûreté  de  main,  une 
science  polyphonique  remarquables. 

Le  quatuor  a  d'ailleurs,  d'un  bout  à  l'autre,  l'unité  qu'on  ne 
rencontre  que  dans  les  œuvres  conçues  entièrement  d'avance  et 
écrites  d'un  jet,  ce  qui  n'est  pas  fréquent  pour  des  compositions 
de  cette  importance. 

A  part  le  poème  symphonique  Lénore  de  Henri  Duparc  et  les 
Valses  romantiques  de  Chabrier,  joués  à  deux  pianos  par 
MM.  Vincent  d'Indy  et  Octave  Maus,  le  reste  du  programme  était 
principalemcni  vocal.  Il  comprenait  le  joli  chœur  de  Fauré  le 
Ruisseau,  déjà  entendu  aux  XX,  il  y  a  trois  ans,  et  quatre 
chœurs  chantés  pour  la  première  fois  à  Bruxelles  :  l' Epithalame 
(à  3  voix)  extrait  des  Noces  corinthiennes  de  Camille  Benoit, 
Sainte  Rose  de  Lima  de  P.  de  Bréville,  Au  Soleil  de  mai  de 
J.  Tiersot.ct  le  chœur  des  Anges  de  la  Nativité,  le  très  joli  poème 
musical  écrit  par  Paul  Vidal  sur  des  paroles  de  Maurice  Bouchor 
pour  le  Théâtre  des  Marionnettes. 

L'nc  mention  spéciale  doit  être  faite  à  Sainte  Rose  de  Lima, 
l'œuvre  la  plus  importante  de  ces  quatre  chœurs,  et  aussi  la  plus 
rafilnée  et  la  plus  ciselée. 

Puis  encore  :  une  exquise  mélodie  de  Bordes  sur  des  vers  de 
Verlaine,  ironiquement  accompagnée  par  le  motif  de  la  gigue 
écossaise.  Dansons  la  gigue!  est  un  bijou  musical  qui  gagnerait 
îi  être  exécuté  par  l'orchestre. 

La  Tempête  de  Chausson,  écrite  pour  chant  et  pour  on  petit 
orchestre  composé  d'un  violon,  d'un  alto,  d'un  violoncelle,  d'une 
flùle,  d'une  harpe,  d'une  célesta  et  d'un  gong,  a  remporté,  après 
le  quatuor  de  d'Indy,  les  honneurs  de  la  séance.  C'est  si  fin,  si 
aérien,  si  vaporeux,  si  argentin,  que  le  public  a  été  tout  le  temps 
sous  le  charme  et  qu'on  cv'it  volontiers  redemandé  les  quatre  ou 
cinq  morceaux  dont  se  compose  celte  partition,  si  le  concert  n'eût 
été  déjà  assez  long. 

Il  nous  reste  à  dire  que  les  interprètes  ont  rivalisé  de  talent  et 
de  goût.  Nous  avons  dit  que  le  qualuor  Ysaye  avait  donné  à  l'œuvre 
de  Vincent  d'Indy  une  inlerprélation  parfaite. 

L'exécution  de  la  Tempête,  qui  avait  pouf  exécutants,  outre 
les  interprèles  cités,  MH"  Gillieaux  et  R.  H,,  MM.  Anthoni  et 
Meerloo,  n'a  pas  été  inférieure.  Le  rôle  important  donné  à  la  flûte 
et  à  la  harpe,  a  mis  en  relief  le  remarquable  talent  de  solistes  des 
deux  professeurs. 


Quant  à  V^  Gillieaux,  elle  a  chanté  d'une  voix  toupie,  tim. 
brée,  homogène  et  fort  agréable  h  écouter,  les  nombreux  loli  dont 
était  parsemi  le  concert,  ce  qui  ne  l'a  paa  empêchée  de  faire 
vaillamment  sa  partie  dans  les  chœurs,  avec  aniant  de  modestie 
que  de  bonne  grâce. 

Et  comme  au  concert  précédent,  les  dames  choristes,  stylées 
par  M.  Léon  Soubre  et  dirigées  par  H.  Viocenl  d'Indy,  ont  chanté 
avec  précision  et  avec  justesse.         ^ 


RAGE  CHARNELLE 

Roman    naturaliste  par  J.-F.   Elslandir.  —  Un   vol.   in-12   de 
409  pages.  Bruxelles,  ches  Henry  Kistemaeekers,  1890. 

Dans  une  clairière  de  la  forêt  qui  couvre  aux  alentours  les  monts 
et  les  vallées  jusqu'aux  confins  des  plus  lointains  horisons,  au  bord 
d'une  mare  d'eau  stagnante,  une  tour  féodale,  ravagée  par  le 
temps,  élève  au  dessus  des  frondaisons  les  restes  de  ses  créneaux 
noirs.  Li,  réunis  par  les  hasards  du  vagabondage  et  de  la  misère, 
vivent,  dans  un  farouche  isolement,  le  Marou,  une  sorte  d'homme 
fauve,  étranger  à  toute  civilisation,  en  qui  les  vivifiantes  énergies 
de  cet  océan  de  sève  ont  surexcité  les  appétits  sensuels,  et  Made- 
leine, une  enfant  sauvage,  abandonnée  en  cette  inquiétante  coha- 
bitation par  sa  mère,  morte  sous  les  baisers  de  ce  gueux  puissant, 
dont  la  force  l'avait  séduite. 

A  mesure  que  la  jeune  fille  naît  ii  la  puberté  et  que  se  dévelop- 
pent les  courbes  de  son  corps  de  vierge,  la  passion  s'allume  dans 
le  sang  de  l'homme  et  une  ipre  lutte  commence  entre  ses  désirs 
de  plus  en  plus  impérieux  et  les  répulsions  invincibles  de  celle 
que  terrorise  son  amour  de  brute.  D'abord  contenu  par  les  mépris 
de  cette  femme  dont  la  seule  présence  met  des  tremblements  dans 
sa  chair  et  domine  sa  volonté,  il  cherche  des  diversions  aux  plus 
prochains  villages,  se  précipitant,  comme  une  béte  de  proie,  sur 
les  premières  femelles  entrevues;  mais,  partout  repoussé,  il 
re  :ent  il  son  obsédante  pensée  et  demande  il  l'ivresse  le  courage 
de  violenter  l'obstination  des  refus,  de  sorte  qu'il  ne  reste  &  la 
jeune  fille  d'autre  salut  que  la  fuite.  Après  une  lutte  terrible  d'où 
l'agresseur  sort  vaincu,  les  nerfs  pantelants  et  le  crlne  brisé,  elle 
quitte  cette  retraite  devenue  pour  elle  inhabitable;  elle  aban- 
donne sa  vie  libre  des  bois  et  va  enfouir  ses  terreurs  dans  le  ser- 
vage d'une  ferme  éloignée. 

Cependant,  le  Narou  renaît  peu  à  peu  il  la  vie  ;  du  cauchemar 
de  son  ivresse  et  de  ses  blessures,  la  passion  inassouvie  se  réveille 
avec  le  souvenir.  Balafré  et  sordide,  objet  de  mépris  et  d'effroi,  il 
vague  dans  le  pays,  repris  tout  entier  par  sa  convoitise,  et  lorsque 
enfin  il  a  retrouvé  sa  victime,  il  se  tapit  au  bord  du  chemin  où 
elle  doit  passer  et  l'assaille  avec  tant  de  foreur  qu'il  lui  arrache 
la  vie  en  même  temps  que  la  satisfaction  de  sa  rage. 

Ce  n'est  \i  que  le  prélude  :  voici  seulement  que  le  drame  com- 
mence. Maître,  enfin,  de  ce  corps  si  ardemment  souhaité,  il  l'em- 
porte au  travers  de  la  forêt  complice  qui  arrache  les  lambeaux  de 
vêtements  et  fait  transparaître  les  nudités;  et  la  morte  s'empare 
de  lui,  irrésistiblement  l'attire,  embrase  son  sang  et  s'impose  i 
ses  volontés.  Aussi  tremblant  devant  elle  qu'il  fut  devant  la  vivante, 
il  la  désire  et  la  redoute  ;  il  s'approche  et  se  retire  ;  il  reprend  son 
fardeau  dont  les  chairs  molles  viennent  se  coller  à  sa  peau  brû- 
lante et  l'abandonne  de  nouveau  ;  de  station  en  station,  il  arrive 
ainsi  à  son  repaire  où  l'effroyable  lutte  continue  jusqu'il  ce  que 


L'ART  MODERNE 


71 


l'homme  anéanti  expire  en  polluant  le  cadavre  déjà  envahi  par  la 
pourriture. 

Certei,  il  (allait  un  vigoureux  tempérament  d'artiste  pour  entre- 
prendre de  cette  suppliciante  possession  un  récit  prolongé  l'espace 
de  plus  de  cent  trente  pages,  dont  chacune  devait  ajouter  une 
teinte  plus  sombre  au  ton  de  bitume  de  la  page  précédente,  et  si 
l'auteur  n'a  pas  toujours  atteint  cette  gradation  dans  l'horreur, 
que  l'horreur  même  du  point  de  départ  rendait  presque  irréali- 
sable, du  moins  a-t-il  su  maintenir  l'impression  haletante  au  ira- 
vers  d'une  abondance  de  détails  qui  révèlent  une  imagination  bril- 
lante. 

Dira-t-on  que  l'observation  fait  défaut  et  que  cette  (aniaisie 
macabre  ne  peut  mériter  le  titre  de  roman  naturaliste  inscrit  sur 
la  couverture  T  On  pourrait  répondre  que,  pour  être  hors  de  la 
nature,  le  sujet  ne  serait  pas  hors  de  la  littérature  ;  mais  il  ceux 
que  n'attirent  pas  les  apocalypses  et  qui  penseni,  avec  nous,  que 
ia  véritable  émotion  a  sa  source  dans  les  entrailles  de  l'humanité, 
nous  nous  bornerons  à  soumettre  le  fait  divers  suivant,  reproduit 
récemment  par  tous  les  journaux  : 

«  On  vient  de  découvrir  à  l'hOpital  de  La  Rochelle  une  série 
d'actes  criminels  presqu'incroyables.  Un  nommé  Félix  Lucazeau, 
était  employé  à  l'hOpital  en  qualité  de  cocher  du  corbillard  qui 
portait  les  morts  au  cimetière.  L'écurie  où  il  a  ses  chevaux  était 
voisine  de  l'amphithéâtre  où  sont  déposés  les  cadavres  avant 
d'être  mis  en  bière.  Lucazeau  avait  volé  ou  avait  Tait  faire  une 
clef  qui  lui  permettait  de  s'introduire,  la  nuit,  dans  cet  amphi- 
théâtre, et  là,  il  souillait  les  cadavres  de  femmes.  Cet  horrible 
manège  durait  sans  doute  depuis  longtemps;  mais  ce  n'est  que 
ces  jours  derniers  que  l'aspect  de  certains  cadavres  attira  l'allen- 
tion  des  sœurs,  etc..  » 

En  leur  style  banal  de  reportage,  ces  quelques  lignes  ne  con- 
tiennent-elles pas  en  germe  tous  les  développements  épiques  que 
M.  Elslander  a  donnés  il  son  sujet,  avec  même  un  degré  de  plus 
dans  l'horrible,  puisqu'il  s'agirait  ici  d'une  sorte  d'habitude  froi- 
dement pratiquée,  tandis  que  par  le  jeu  d'une  passion  frénétique, 
mais  très  humaine,  M.  Elslander  a,  en  quelque  sorte,  magnifié 
son  héros,  si  bien  qu'en  le  suivant  dans  le  douloureux  calvaire 
de  sa  rage  charnelle,  on  se  sent  pris  de  pitié  et  que  l'on  doit 
reconnaître  que  celle  œuvre  brutale  est,  après  tout,  une  œuvre 
de  sentiment. 

C'est  aussi  une  œuvre  d'artiste,  une  des  plus  curieuses  parues 
en  ces  temps  derniers  et  féconde  en  réelles  beautés  de  style. 


A  PROPOS  D'UNE  CONFÉRENCE  ET  D'UN  ARTICLE 

Nous  lisons  : 

«  M.  Albert  Giraud  a  donné  samedi,  au  Cercle  artistique,  une 
conférence  sur  Max  Waller.  Le  sujet  était  extrêmement  mince, 
car  le  fondateur  de  la  Jeune  Belgique  est  malheureusement  mort 
avant  d'avoir  pu  écrire  une  page  quelconque,  ayant  de  vrais  et 
personnels  mérites.  M.  Giraud  a  cité  quelques  gamineries  assez 
amusantes,  qui  ont  figuré  dans  les  Echos  cl  nouvelles  îi  la  main 
de  la  Jeune  Belgique.  Mais  ces  boutades  ou  imperlinences 
samillanlçs  d'étudiant  ne  suffisent  pas  k  constituer  des  titres  d'écri- 
vain. El  quant  aux  petites  pièces  du  recueil  de  vers,  la  Flâle  à 
Siebfl,  lues  par  M.  Giraud,  leur  maniérisme  est  bien  grêle,  et  leur 
sensibilité  moqueuse  d'un  bienchélifel  monotone  procédé. 

«  Aussi  nous-a-t-on  dit  que  l'œuvre  principale  et  glorieuse  de 


Max  'Waller  était  d'avoir  fondé  et  fait  vivre  la  Jeune  Belgique.  Si 
ce  gentil  garçon,  qui  avait  de  la  grâce  et  quelque  esprit,  n'a  pas 
été  écrivain,  il  aura  été,  du  moins,  un  faiseur  d'écrivains.  Soyons- 
lui  reconnaissants  d'avoir  donné  occasion  à  quelques  jeunes 
artistes,  soucieux  de  slyle  et  ambitieux  de  renommée,  d'avoir  fait 
connaître  leurs  noms,  leur  prose  et  leurs  vers  très  raffinés. 

«  M.  Giraud  a  eu  le  tort  de  reprendre,  dans  son  ingénieuse  con- 
férence, un  développement  que  nous  avions  eu  déjà,  avec  plus 
de  vigueur,  dans  une  autre  conférence  sur  des  poètes  d'exception. 
C'est  un  petit  morceau  de  raillerie  amère,  sur  les  criliqrcs 
indifférents  aux  livres  belges,  à  moins  qu'un  article  du  Figaro 
ne  les  ait  signalés.  M.  Edmond  Picard  avait  fait,  avec  assez 
d'énergie  et  de  pittoresque,  ce  développement  déjà  trop  connu, 
pour  que  M.  Giraud  ne  le  reprit  pas,  d'un  ton  plus  plaintif.  » 

(Test  dans  V Indépendance  Belge  que  nous  découpons  ces 
lignes.  Puisque  nous  avons  les  ciseaux  en  main,  nous  ne  résis- 
tons pas  à  la  tentation  d'en  diriger  les  pointes  —  un  instant 
encore  —  vers  la  baudruche  littéraire  de  M.  Frédérix,  le  signa- 
taire de  'cet  extrait.  Nous  n'en  voulons  guère  à  Frédérix,  mais 
violemment  à  l'idée  qu'il  représente.  Chez  nous  celte  idée  porte 
son  nom  ;  en  France  elle  s'appelle  Sarcey. 

Aussi  longtemps  qu'à  l'endroit  d'un  poète  belge,  d'un  écrivain 
belge,  d'un  jeune  homme  hardi  et  vaillant  de  plume  —  quels 
qu'aient  été  ses  torts  dans  la  vie  —  on  imprimera  de  telles 
phrases  injustes,  mesquines,  des  conférences  comme  celles  de 
M.  Giraud  seront  opportunes.  Et  l'on  aura  beau  jeter  les  confé- 
renciers à  la  tête  l'un  de  l'autre,  essayer  de  diminuer  l'un  par 
l'autre,  user  de  la  facile  lactique  qui  consiste  à  toujours  rabaisser 
ce  qui  se  fait  aujourd'hui  par  ce  qui  s'est  fait,  ne  fut-ce  que  deux 
mois  avant,  on  ne  prouvera  qu'une  chose:  c'est  que  sur  le  clou 
qu'on  enfonce  dans  le  ventre  de  suffisance  de  certaine  critique, 
il  reste  encore  quelques  coups  de  marteaux  à  donner. 

Les  proses  de  M.  Frédérix  sont  de  quelqu'un  qui  croit  que  le 
jugement  esiliêiique  consiste  à  réussir  des  mois  aigres,  à  tourner 
une  banale  ironie  comme  on  tourne  des  toupies,  à  parader  dans 
un  feuilleton  au  lieu  de  dire  simplement  son  avis,  b,  non  pas 
expliquer  un  auteur,  mais  lui  donner  des  chiquenaudes  sur  les 
doigts  —  et  qui  se  croil  un  grand  monsieur,  parce  que  jadis,  au 
temps  de  l'oncle  Bcuve  —  son  oncle  ou  plutôt  son  père  —  de 
tels  procédés  avaient  cours.  Or,  tout  cela  est  très  vieillol  et  a 
toujours  été  très  prétentieux. 

Les  articles  de  M.  Frédérix  fonl  songer  à  ces  petits  rectangles 
de  verre  qu'on  rencontre  sur  la  table  des  pensions  bourgeoises.  Du 
mensuel  poivre  évaporé  et  du  sel  que  tous  les  couteaux  pollués 
des  habitués  salissent  quotidiennement,  s'y  arrondissent  en  deux 
pelils  godets.  Quand  M.  Frédérix  fail  un  article,  il  prend  deux  ou 
trois  pincées  de  ce  sel,  qu'il  croit  allique,  cl  deux  ou  trois  pincées 
de  ce  poivre,  qu'il  croil  piquant.  Alors  il  en  saupoudre  sa 
côtelette  de  veau,  et  la  sert  dans  son  journal.  Ceux  —  les 
lecteurs  de  V  Indépendance  —  qui  la  mangent  depuis  vingt  ans 

car  c'est  toujours  la  même  côleletlc  —  ne  savent  pas  môme 

qu'il  exisle  de  la  littérature  vive  cl  saine,  de  la  belle  litté- 
rature rouge  et  jeune;  ils  continuent  à  user  leurs  pauvres  dénis 
sur  les  Feuillet,  les  Normand,  les  Dreyfus,  les  Pailleron,  que  sais-je? 
Tout  ce  qu'il  y  a  de  viril,  de  profond,  de  neuf,  d'au  delà  du  joli 
et  du  soi-disant  bon  goût  bourgeois,  échappe  à  la  sagacité  et  à 
l'intelligence  de  M.  Frédérix.  Il  fail  des  parloltes  autour  des  pièces 
que  Sarcey  déclare  être  du  théâtre;  il  n'a  pas  inventé  «  la  scène 
à  faire  »  mais  il  a  souvent  réussi   «  la  gaffe  à  commettre  ».  Il 


72 


L'ART  MODERNE 


vient  en  relard  toujours  quand  il  s'agit  de  se  prononcer  sur  un 
mouvement  d'an  naissant,  ou  sur  un  livre  fier,  ou  sur  une  nou- 
veauté artiste.  Où  d'autres  cherchent  l'émotion,  lui,  il  court  apfès 
de  mesquins  mots  d'esprit.  Et  quand  il  a  commis  sa  gaffe,  c'est- 
à-dire  quand  il  s'est  prouvé  hostile  aux  œuvres  vierges  de  tout 
commentaire  journalistique  parisien,  il  la  veut  atténuer  en  criant 
aux  autres  qu'ils  se  targuent  il  tort  d'ôlre  clairvoyants,  qu'ils  fout 
étalage  d'un  mérite  illusoire  et,  qu'après  tout,  il  est  aussi  favorable 
qu'eux  aux  manifestations  nouvelles  et  aux  idées  rénovatrices. 
Cela  fuit  peine. 

Car,  somme  toute,  M.  Frédérix  n'est  pas  un  hargneux  ni  un 
méchani,  ce  n'est  pas  un  pilre  ni  un  vil.  M.  Frédérix  n'a  qu'un 
défaut,  c'est  de  se  survivre.  11  devrait  se  taire  cl  écouler.  Oui, 
tout  simplement  écouler.  A  son  âge,  quand  le  cerveau,  nous  ne 
dirons  pas  se  racornit,  mais,  en  tout  cas,  arrête  son  développe- 
ment, il  devient  inapte  à  saisir  la  progressive  évolution  des  choses 
et  des  éires.  Tout  ce  qui  est  autre  que  ce  qu'il  a  pensé  apparaît 
parle  fait  :  mauvais. 

11  a  pour  exemple  son  confrère  M.  Fétis  qui  dans  son  compte- 
rendu  des  A'.Y  se  contente  de  voir  et  de  supprimer  son  jugement, 
dès  qu'il  ne  comprend  pas.  M.  Frédérix  devrait  faire  comme  lui. 

A  moins  que,  mieux  inspiré,  il  ne  se  rende  compte  qu'il  sied  à 
quelqu'un,'  ayant  derrière  lui  un  long  passé  de  critique,  de  saluer 
génércu-emenl  et  tout  en  s'effaçant,  ceux  de  son  pays,  dont 
l'ardeur  lillérairc  csl  belle  et  dont  la  volonté,  du  reste,  sera 
indubitablement  victorieuse. 

Celle  ardeur,  celle  confiance  et  cette  volonté,  M.  Giraud  les  a 
affirmées  biiutemcnt  en  une  causerie  nette,  enthousiasle  et  artiste. 


peintres  apporteurs  de  neuf  el  nous  cilioni  l'exemple  de  Wagner, 
également  nié  jadis,  aujourd'hui  irlomphanl.  Mais  la  graine, 
la  mauvaise  graisse  pousse  eocore,  comme  on  le  voit,  en  orties 
'  et  en  ronces,  aulour  du  monument  de  Wigner. 


5I0UP  DE  PIED  A  -V/aPNER 

Le  Monde  crphéonique,  important  journal  d'art  musical  pari- 
sien, imprime  : 

«  Qu'est-ce  que  Lohcngriii,  sinon  un  ramassis  de  tous  les 
styles,  une  macédoine,  en  un  mot!  Vous  y  trouvez  (les  plus  con- 
vaincus (l'entre  vous  le  reconnaissent)  du  Weber,  du  Meycrbcer, 
voire  même  ))arfois  du  Rossini  I  el  c'est  juslement  ce  qui  explique 
le  succès  de  cotte  pnrliiion  composite  où  le  public,  sur  un  livret 
enfantin  qui  fait  sourire,  retrouve  quand  même,  avec  un  certain 
plaisir,  plusieurs  opéras  en  un  seul! 

«  Vous  ferez  viiloir,  avec  quelque  apparence  de  raison,  la  puis- 
sante oreliestration  du  maître  allemand.  Comme  roi  de  l'orchestre 
nous  avons,  en  Frame,  lierlioz,  et  cela  nous  suffit.  Personne 
n'ipnore,  d'ailleurs,  que  tous  les  procédés  d'orcliestration  du 
maiire  français  ont  é:é  servilement  copiés  par  l'auteur  de  Par- 
sifal,  el  quand  nous  avons  en  France  l'original  d'un  tableau,  point 
n'est  besoin  d'en  aller  chercher  un  grossier  pastiche  de  l'autre 
côté  du  Illiin  !  » 

Oh  !  la  crasse  de  ramollissement  collée  à  chacune  de  ces  lignes! 
Non,  jamais  on  est  au  bo  jI  i:  la  bèlisc  humaine.  El  pour  l'ins- 
tant la  France,  grâce  à  son  chauvinisme  déroulédien,  à  son  hos- 
tilité d'idées  qui  s'attaque  à  tout  ce  qui  lui  vient  du  dehors,  se 
prodigue  en  jugements  mesquins  el  faux.  Puisqu'elle  est  la  sou- 
veraine en  art,  pourquoi  ne  se  point  montrer  haute  et  bienveil- 
lante comme  vient  de  le  f.iirc  à  son  égard  l'Allemagne,  la  souve- 
raine on  armes  el  en  batailles! 

Les  rancunes  qui  suinlcnt  de  ces  lignes  nullement  orphéoni- 
qucs  el  cette  toujours  manie  d'écraser  un  génie  qu'on  nie  sous  un 
autre  qu'on  a  nié  jadis,  sont  une  des  formes  les  plus  usées  et  les 
plus  plates  que  les  poussifs  d'admiration  ont  inventées  ! 

Nous  parlions  dernièrement  de  la  bêtise  ameutée  autour  des 


BERNARDIN  DB  SilMT-PISRRS  VRAI 

Les  sentimentales  lithographies  d'anlan  font  apercevoir 
Bernardin  de  Saint-Pierre  devant  une  chaumière,  les  yenx  au  eiel, 
tandis  que  son  chien  lève  sur  lui  un  regard  attendri  et  qu'une 
négresse  le  contemple  avec  ravissement... 

Dans  un  travail  véritablement  très  piquant,  dit  Paul  Ginisty  de 
OU  Bios,  madame  Arvède  Barine  s'est  plu  ii  ressusciter  le  vrai 
Bernardin  de  Saint-Pierre,  non  plus  le  Bernardin  douceâtre,  mais 
l'homme  inquiet,  hanté  de  chimérique,  aventureux,  amer,  quel- 
que peu  tyrannique,  qu'il  fut,  en  fait,  longtemps  dévové.  courant 
le  monde  k  la  recherche  d'une  répui^ique  idéale,  06  il  pût  applir 
quer  ses  théories  singulières  sur  le  bonheur  du  genre  humain, 
irrité,  cependant,  contre  tout  le  monde,  défiant,  tout  près  de  la 
folie,  pendant  une  période  de  son  existence. 

Après  le  succès  de  Paul  et  Virginie,  même,  qui  flatte  délicieu- 
sement sa  vanité,  il  reste  misanthrope  et  quémandeur  k  la  fois. 
I>e  pli  csl  pris.  L'histoire  de  son  mariage  est  la  plus  singulière  qui 
soit.  Encore  qu'il  eût  cloquante-cinq  ans,  il  avait  inspiré  k  made- 
moiselle Didoi  une  passion  profonde.  Bernardin  de  Saint-Pierre 
consentait  bien  i  épouser  cette  jeune  fille  qui  rêvait  de  partager 
sa  gloire;  mais  il  entendait  que  le  mariage  ne  fût  pas  rendu 
public,  cl  il  ne  permettait  pas  d'habiter  toujours  le  toit  coqjugal 
dans  l'été  d'Essonnes,  où  il  spécifiait,  posant  ses  conditions, 
qu'une  maison  devait  être  construite.  Autre  désir  :  il  fallait  que 
les  repas  fussent  préparés  par  sa  femme  elle-même.  Enfin,  il 
réglait  pour  elle  le  temps,  heure  par  heure,  sans  qui!  dût  lui  être 
permis  de  s'écarter  de  ce  programme,  qui  est  un  chef-d'œuvre 
d'égolsme  ingénu. 

Ces  conditions,  qui  allaient  faire  de  mademoiselle  Didot  la  pre- 
mière servante  du  grand  homme,  elle  les  accepta  i  peu  près 
toutes,  réduite,  elle  qui  avait  été  si  fière  d'unir  sa  destinée  i  celle 
du  poétique  écrivain,  au  rôle  de  ménagère.  La  seconde  femme  de 
Bernardin  de  Saint-Pierre,  moins  dodle,  le  mena  autrement! 

A  l'Institut,  il  était  redouté  pour  son  caractère  toi^Jours  irri- 
table et  pour  son  entêtement  ;  et  lui,  il  se  croyait  persécuté  par 
ses  collègues.  Les  séances  où  il  parlait  étaient  les  plus  orageuses 
du  monde.  C'était  un  intraitable  batailleur...  Hais  rien  u'v  fera  : 
dans  l'imagination  de  la  foule,  il  restera  toujours  un  bonbomme 
débonnaire  et  larmoyant,  incarnant  toutes  les  humaines  vertus. 
On  ne  démord  pas  aisément  d'un  type  tout  tracé.  Au  reste,  qu'im- 
porte ce  qu'il  fût?  Il  a  laissé  de  quoi  le  défendre  devant  la  posté- 
rité. Mais  n'est-il  pas  curieux  de  constater  que  la  plupart  des  opi- 
nions reçues  sur  les  personnalités  illustres  du  passé  sont  précisé- 
ment, presque  loigours,  le  contraire  de  la  vérité? 


Mémento  des  Ebcposltions 

Barcelone.  —  Exposition  annuelle.  —  29  mars-3{  mai.  — 
Envoi  96  février-7  mars.  —  Renseignements  :  Secritariat  de  la 
Commiition  orgaimahice.  Palais  du  Beaux- A  rtt,  Patea  Fuja- 
dot,  Barcelone. 

Bordeaux.  —  XXXIX*  Exposition  de  la  Société  des  Ami*  det 
ArU.  —  i  mars  1891.  Délais  expirés.  Reoseigncmeots  :  Secréta- 
riat de  la  Société,  Oalerie  de  la  Terraste  du  Jardin  public,  Bor- 
deaux. 

Berlin.  —  SO"*  anniversaire  de  la  Société  des  Artistes.  — 
Exposition  interoationale.  —  15  mai.  —  Renseignements  : 
M.  Anton  von  Wemer,  directeur  de  l'Académie  royale  des 
Beaux-Arts,  Zimmerslrasse,  93,  Berlin. 

Id.  —  Exposition  internationale  des  beaux-arts  k  l'occa- 
sion du  cinquantième  anniversaire  de  la  Société  des  Artistes. 


./T    Z^i'^yi^\Y'W^lS^^'^^W^-^^ 


i**'W 


VART  MODERNE 


73 


4*'  mai-IS  septembre.  Délai  d'envoi  :  44  mare-40  avril.  Reniei- 
gnementi  :  À.  von  Werner,  prétident  du  Comité. 
Sefclion  spéciale  :  ouvrages  illustrés  (gravure,  eau-forle,  lilho- 

§raphle,"e(e.).  Dépôt  avant  le  4*'  avril  chez  MM.  DUlrick, 
Hylimtagne  de  la  Cour,  Bruxelles  (rep.  pour  la  Belgique  et  la 
Rollandé). 

Liekt.  ■<—  Ooalrième  Exposition  annuelle  de  la  Soeiélé  lyon- 
tittisê  iti  Btaux-Art*.  —  Ouverture  :  S7  février.  Renseigne- 
ments :  Secrétariat  général,  rue  de  V Hôpital,  6,  Lyon. 
Milan.  -^  Exposition  triennale  des  Beaux-Arts.  —  4"-30  juin. 

—  Trois  prix  de  4,000  francs  chacun,  fondés  par  le  roi 
Humberl,  décernés  ii  la  peinture  et  k  la  sculpture.  Trois  prix  de 
4,00é  francs  chacun,  fondés  par  Savcrio  Pumagalli,  décernés  ii  la 
sculpture,  i  la  peinture  religieuse,  historique  ou  de  genre.  Un 
prix  de 4,000  francs,  fondé  par  Antonio  GavazzI,  décerné  à  la  pein- 
ture historique.  Médailles  et  diplômes.  —  l.,es  demandes  d'admis- 
sion devront  être  adressées  au  président,  M.  Emile  Vitconli- 
Venqita,  à  F  Académie  de*  Beaux- Art*  de  Milan. 

Moscou.  —  Exposition  française.  —  4"  mai-octobre.  (Réservée 
aux  artistes  invités).  Délais  expirés. 

Paris.  —  Exposition  des  Artistes  indépendants  (Pavillon  de  la 
Ville  de  Paris).  —  Ouverture  30  Mars.  Dépôt  :  6,  7  et  8  mars.  — 
Renseignements  :  M.  Serendat  de  Beltini,  tréiorier,  rue  du 
Roiàer,  56,  Parie. 

1d.  Union  des  femmes  peintres  et  sculpteurs.  —  34  février- 
44  mars.  —  Droit  d'exposition  :  S  francs  par  œuvre  exposée 
(maximum  ii  payer  :  90  francs).  Renseignements  :  M'"  Bertaux, 
préiidente,  441,  avenue  de  ViUiert,  Parie,  et  M.  Olivier  Merton, 
447,  boulevard  St-Michel. 

Id.  Société  nationale  des  Beaux-Arts  (Exposition  de  4894). 

—  45  mai-40  juillet,  au  Palais  des  Beaux-Ans  (Champ-de- 
Mars).  —  Délais  d'envoi  :  Peinture,  gravure,  du  l"  au  5  avril  ; 
sculpture,  du  4S  au  30  avril.  Les  œuvres  non  admises  par  le  Jury 
d'examen  pourront  être  retirées  :  les  tableaux  et  gravures,  du 
30  au  3S  avril  ;  les  sculptures,  du  35  avril  au  4*'  mai. 

lo.  —  Salon  annuel  (Champs-Elysées)  4"  mai -30  juin. 
Délais  d'envoi  :  peinture,  44-30  mars;  dessin,  aquarelles,  pas- 
tels, etc.  44-46  mars;  sculpture,  gravure  en  médailles,  gravure 
sur  pierre  fine,  etc.,  34  mars-8  avril. 


Petite  chro^^ique 

Le  grand  succès  obtenu  par  les  deux  concerts  des  XI  a  décidé 
les  organisateurs  à  en  donner  un  troisième,  consacré  exclusive- 
ment i  la  musique  russe.  Cette  séance  exceptionnelle,  dans 
laquelle  le  qnatnor  Ysaye  interprétera  le  Quatuor  n'  3  de  Tschal- 
kowsky  et  le  Quatuor  n»  2  de  Borodine,  aura  lieu  mardi  pro- 
chain, d  3  heures.  Un  intermède  vocal  complétera  cet  intéressant 
programme.       ..,  

Jeudi  prochain,  8  mars,  M.  Edmond  Picard  fera  aux  XX,  une 
conférence  sur  Jules  Laforgue  et  la  femme. 

La  clôture  de  l'exposition  est  irrévocablement  fixée  au  dimanche 
8  mars.  

Voici  le  tableau  des  recettes  pendant  la  première  quinzaine  du 
Salon  des  XX. 

Entrées  à  80  centimes     .     .    fr.     4,483.50 

—      à    9  francs    ...»        330.00 

Caries  permanentes     .     .     .     »  '  4,960.00 


Total.     .     .     fr.     3,073.50 
cette  année-ci  que  la   Société 


devra 


Ce   n'est  pas  encore 
entamer  sa  réserve.  ^ 

On  nous  écrivait  dernièrement  pournous  prierd'obtenir  des  A^X 
que  leurs  concerts  aient  lieu  le  soir,  ou  le  dimanche  après-midi, 
afin  de  permettre  aux  personnes  occupées  d'y  assister.  Nous 
retrouvons  le  même  désir  exprimé  dans  F  Impartial  bruxellois. 


qui  consacre  h  l'exposition  musicale  des  XX  un  article  des  plus 
aimables. 

Le  ehansement  demandé  est  impossible.  11  est  interditd'éclairer 
lef  salles  au  Musée,  ce  qui  écarte  l'idée  des  concerts  du  soir.  El 
quant  aux  dimanches  après-midi,  ils  sont  tous  pris  par  les 
eonceriB  du  Conservatoire  et  par  les  Concerts  populaires. 

On  nous  prie  d'annoncer  le  concert  qui  sera  donné  sous  le 
patronage  de  Son  Excellence  le  minisire  d'Angleterre  et  lady 
Vivitn  a  la  Grande  Harmonie,  le  mercredi  44  mars  4894,  à 
8  4/3  heures  du  soir,  au  bénéfice  du  British  tnstilute,  avec  le 
concours  de  Miss  SibyirSanderson.du  théSlre  royal  de  la  Monnaie, 
M''*  Aimée  De  Cerf,  cantatrice,  M.  Lerminiaux,  violoniste,  M.  Péjé 
Slorck,  pianiste,  M.  Liégeois,  violoncelliste  etM'>'  Parys. 

W  Roger-Miclos,  la  célèbre  pianiste  dont  on  sait  la  grande 
réputation  à  Paris,  se  fera  entendre  prochainement  à  Bruxelles  où 
elle  est  encore  inconnue. 

Elle  Jouera  au  concert  que  le  Cercle  des  A  ris  et  de  la  Presse 
donnera,  le  5  mars,  à  la  Grande-Harmonie,  et  dont  le  programme 
sera  consacré,  en  partie,  il  l'audition  d'œuvres  vocales  et  instru- 
mentales de  notre  compatriote  Fernand  Le  Borne.  Cela  promet  une 
soirée  intéressante. 

M.  Ed.  Jacobs,  noire  éminenl  violoncelliste,  a  bien  voulu  pro- 
mettre également  son  concours  ainsi  que  plusieurs  artistes  du 
chant.  

M.  A.  Pit  vient  de  publier  le  Catalogue  descriptif  des  eaux- 
fortes  de  Philippe  Zilcken,  dont  on  a  vu  quelques  œuvres  au 
Salon  des  XX.  Ce  catalogue,  très  coquet  et  rédigé  avec  grand 
soin,  mentionne  deux  cent  et  une  pièces  différentes,  d'une  variété 
extraordinaire.  11  y  a  des  paysages,  des  portrait?,  des  études  de 
figures, des  croquis  de  fleurs,  des  reproductions  de  tableaux,  des 
fantaisies,  etc.  On  est  surpris  de  voir  un  œuvre  aussi  considé- 
rable accompli  par  un  artiste  qui  est  encore  classé  parmi  les 
jeunes.  '  

La  Société  philanthropique  des  A  r listes-musiciens,  qui  vient 
de  se  constituer  à  Tournai  sous  la  direction  de  M.  Lcenders, 
l'excellent  directeur  de  l'Académie  de  musique  de  celle  ville,  a 
donné  la  semaine  dernière  son  premier  concert,  et  le  succès  a  éié 
considérable.  L'orchestre,  conduit  par  M.  Leenders,  a  joué 
l'ouverture  de  Fidelio  cl  la  Kermesse  de  Blockx,  extraite  de 
Milenka.  On  a  applaudi  M»«  Cuvelicr,  M""  Kayser,  M.  Lilien,  un 
jeune  violoniste  dont  les  journaux  locaux  font  un  sérieux  éloge. 
Bref,  la  soirée  a  éié  allrayanic  et  variée  cl  l'ail  bien  augurer  des 
séances  à  venir  de  la  nouvelle  association. 

De  X...  est  un  anliwagnénsle  enragé.  Membre  influenl  du  cercle 
de  M...,  il  combat,  par  tous  les  moyens  dont  il  dispose,  les  par- 
tisans du  maître  allemand  et  cherche  à  les  ramener  dans  la  bonne 
voie.  C'est  ainsi  qu'il  donne,  deux  ou  trois  fois  par  semaine,  des 
soirées,  k  l'issue  desquelles  un  orchestre,  qu'il  dirige  en  per- 
sonne, joue  exclusivement  ses  maîtres  fa\oris.  Savez-vous  de 
quel  nom  ironique  les  facétieux  détracteurs  de  ce  pauvre  deX... 
désignent  ces  inoffensives  réunions  consacrées  à  l'arl  cher  à 
Gounodî  de  «  traiicmenl  des  maladies  wagnériennes  ». 

Nous  recevons  les  premières  livraisons  d'une  revue  nouvelle» 
rédigée  avec  soin  et  qui  paraît  devoir  ^Ire  fort  iniércssanle  :  La 
Nuova  filosofia,  riviita  internazionale  di  scienze,  lelteratura  e 
polilica,  sous  la  direction  du  docieilr  Andréa  Torre.  (Naples, 
via  Lungo  Avvocaia,  66). 

La  N uova  ftiosofia  paraît  tous  les  mois  en  livraisons  de  32  pages. 
Prix  d'abonnennent  :  10  francs  par  an  (6  fr.  pour  l'Ilalie). 

Signalons  aussi,  parmi  les  publications  nouvelles,  la  France 
moderne,  excellente  revue  de  littérature  el  d'art,  qui  entame  sa 
deuxième  année  d'existence. 

La  France  moderne  parait  tous  les  quinze  jours,  en  grand  for- 
mal,  sur  papier  leinié.  Elle  publie  des  ariicles  de  critique  litté- 
raire el  artistique,  des  poésies,  des  nouvelles,  des  bibliogra- 
phies, etc.,  etc. 

Abonnement;  6  francs  par  an.  Bureaux;  Boulevard  du  Nord,  15, 

Marseille.  " 


vr'pi'*''  ■'^■;-??W-"F' 


ONZIEME  ANNÉE 

'               L'ART  MODERNE  s'est  acquis  par  l'autorité  et  l'indépendance  de  sa  critique,  par  la  variété  de  Ms 
informations  et   les  soins  donnés  à  sa  rédaction  une  place  prépondérante.  Aucune  manifestation  de  l'Art  ne 
lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  de  peinture,  de  Boulpture,  de  gravure,  de  miutlqae, 
d'arcllltectui%,   etc.    Consacré  principalement  au  mouvement  artistique  belge,  il  rensfligne  néanaioiiM  tea 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  l'étranger  qu'il  importe  de  connaître. 

Chaque  numéro  do  L'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  queiiion  artistiqne 
ou   littéraire   dont  l'événement   de   la   semaine   fournit  l'a^tuallté.  Les  expositions,  les  livres   nouveauœ,  M 
premières   représentations   d'oeuvres    dramatiques    ou    musicales,   les  conférences  littéraires,   les  concerts,   les 
ventes  dobjels  cTart,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

LART  MODKHNB  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  Il  rend  compte  des 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes   les   semaines   dans   son  Mémento  la  nomenclature  complote  des  ezpMitiOIUI  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,   en  Belgique  et  à  l'étranger.  Il  est  envojé  gratôltement  à 
l'essai  pendant  un  mois  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande. 

L'ART  MODERNE  forme  chaque  année  an  beau   et  fort  volume  d'environ  450  pages,  avec  table 
des  matières.  Il  constitue  pour  l'histoire  de  l'Art  le  document  LE  PLUS  COMPLET  et  le  recueil  LB.Ï'I^&a 
FACILE  A  CONSULTER.                                                                                   '  ^^^ 

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Quelques  exemplaires  des  dix  premières  années  sont  en  vente  aux  bureaux   de  L'ARÏ  MODBRNB, 
rue  de  l'Industrie,  32,  au  prix  de  30  firancs  chacun. 

JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  débats  Jadlclalrea.  —  Jarisprndence. 

—  Bibliographie.  —  Législation.  —  Notariat. 

Dixième  annéx. 

Abonnements  1  Belgique,  18  francs  par  an. 
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Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  Bruxelles. 

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Paris  1867, 1878, 1"  prix.  —  Sidney,  seuls  1"  et  f  prix     ; 

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Camille  de  Saint-Sains,  lÀstt,  Richard  Wagrier,  Rubimtein,  Joa- 
chim,  Wilhelmj,  Ed.  Orieg,  Ole  Bull,  A.  Ettipoff,  Softe  Meuter, 
Bisirée  Artâl,  Pauline  Lucca,  Pablo  OeSarasate,  Ferd.  Hiller,  D. 
Popper,  sir  F.  Benedict,  Leschetitthy ,  Napraouik,  Joh.  Selmer,  Joh. 
Svendsen,  K.  Rundnagel,  J.-O.-E.  Stehle,  Ignace  Brttll,  etc.,  etc. 

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ficats à  toute  personne  qui  en  fera  la  demande. 

Revue  mensuelle  de  littérature  et  d'art 

Sixième  Année 

Directeurs  :  MM.  A.  MOCKEL,  P. -M.  OLIN  et  H.  de  RÉGNIER 

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(  à  Bruxelles,  Avenue  Louise,  317. 
ABONNEMENTS  :   5  francs  l'an  ;  Union  posUle,  fr.    6-50 

FONDÉ  EN   1672 
TARAIT    LE   20   DE    CHAQUE   MOIS 
en  un  fascicule  de  88  piges  aii  moin*.  Il  formera  lous  les  ans  un  fort 
volume  in-S",  ])our  lequel  il   sera   tiré  une  couverture  spéciale,  un 
titre,  une  table  des  matières  cl  une  table  ali)liabétique  par  noms  d'au- 
teurs. 

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MODERNE 


PARAISSANT    LB    DIMANCHE 


'ÉVBB  ORITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATDIIE 

CSomité  de  rédaction  i  Ootavb  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Èuilb  VERHAEREN 


▲BOmnaiWITS  :    Belgique,   un   ui,   fr.   10.00;  Union  po<Ul«,   fr.   13.00     —  AimOlTGKB  :    On  traite  à  forfait. 

Adretter  toutes  le»  communicationt  d 
l'adionistration  oÉNtoALB  DK  l'Art  Modeme,  me  de  rindustrie,  32,  Bruxelles. 


$OMMAIRE 


Li  TBiATR>>UBai  ▲  Bkcxsllbs.  —  Les  Fabtis,  par  Staart 

Merril.  —  Notbb  m  musiqob.  —  A  Antibs.  Salon  de»  XIZI.  — 

TBAiTiB-LtBRB.    X)uatriim«   $pectacle   de  la  taûon    1890-91.   — 
Duroiaoi  cr  C**.  —  Pbtitb  chkoiiiouk. 


le  Mtre-libre  i  Bruxelles 

L'aniTée  annuelle  d'Antoine  et  de  son  Théâtre-Libre 
produit  à  BruMllie  ane  animation  analogue  à  l'ouver- 
ture du  Salon  des  XX.  On  vit  plus,  inteHectuellement. 
Une  efienrescence  monte,  de  discussions  querelleuses, 
urie  option  comme  si  l'on  faisait  an  personnel  du 
mouvement  artistique  des  injections  sous-entanées 
d'une  Ijmphe  ayant  pour  propriété  d'exacerber  dans 
l'organisme  les  points  sensibles  oti  s'aocumnle  le  viras 
des  désaceords.  On  peut  mieux  diagnostiquer  alors  les 
malenteiMlnB  gnérissables  et  les  inimitiés  artistiques 
inonraUei.  La  flérre  chauffe,  les  pouls  battent  plus 
aocéléremment,  les  pommettes  sMiguinolent,  les 
haleines  de'viMinent  br&lantes,  et  l'observateur,  le  cri- 
tiqne,  le  médecin  des  esprits  et  des  doctrines  peut  mieux 
jauger  la  maladie  et  prescrire  les  calmants,  composer 
les  remèdes,  appliquer  les  cautères. 

Ceet  pour  cette  salutaire  agitation  que  nous  aimons 


surtout  le  Théâtre-Libre.  Pour  l'évolution  plus  rapide 
de  l'Art,  elle  est  inappréciable.  L'Art  a  toujours  fait  de 
grandes  enjambées  aux  époques  de  combat,  effets  ou 
causes,  soit  que  la  lutte  fût  amenée  par  la  poussée 
secrète  de  l'évolution  artistique,  soit  qu'elle  fût  le  résul- 
tat de  cette  poussée  se  faisant  insensiblement  jour.  Car 
il  est,  certes,  difficultueux  de  savoir  si  nos  efforts 
humains,  nos  gesticulations,  nos  clameurs  sont  les  actes 
volontaires  d'êtres  libres  acharnés  à  une  tâche  de  pro- 
grès qui,  sans  eux,  serait  délaissée,  ou  si  nous  ne  sommes 
que  d'inconscients  pantins  obéissant  aux  ficelles  que 
d'invisibles  fatalités  tirent,  cachées  an  fond  du  mystère. 
En  soi,  le  répertoire  actuel  du  Théâtre-Libre  n'est 
guère  révolutionnant,  artistiquement  parlant.  D'abord, 
on  s'est  accoutumé  aux  hardiesses  de  la  tentative 
d'Antoine,  dont  l'aspect,  aux  débats,  était  si  rébarbatif 
et  inquiétant.  Il  est  parvenu,  en  notre  bruxelloise  pro- 
vince, plus  vite,  plus  aisément  et  plus  généralement 
peut-être  qu'à  Paris,  à  apprivoiser  les  mufles  grognon- 
nants  qui,  accroupis  en  vieux  chiens  pelés  dans  leurs 
niches,  aboyeat  furieusement  à  tout  nouveau-venu  qui 
pénètre  dans  la  cour  de  leurs  vieilles  bordes.  Il  est 
curieux,  et  incontestable,  que  notre  petite  Belgique  est 
présentement  travaillée  par  un  delirium  artisticum 
plus  intense  que  n'importe  quelle  autre  nation  de  race 
européenne,  et  vraiment,  il  y  a  lieu  d'en  ressentir  une 
grande  joie.  C'est  un  cratère  en  pleine  activité  :  les  jets 


76 


L'ART  MODERNE 


de  feu,  de  pierres,  de  lave,  de  cendres  jaillissent  sans 
interruption,  aux  acclamations  des  uns,  aux  malédic- 
tions des  antres.  Depuis  quelques  années,  le  volcan  ne 
s'endort  pas.  On  s'est  fait  à  son  tapage  et  à  ses  dangers, 
et  quand  un  coup  plus  fort  que  les  autres  retentit, 
quand  un  bolide  plus  gros  et  plus  fulgurant  monte  en 
fusée,  si  on  regarde  mieux  on  ne  s'épouvante  guère. 

Antoine  est  donc  fort  chez  lui  chez  nous.  Il  a  une 
clientèle  assurée,  groupe  mi-barbons,  mi-nouvelles 
couches.  Et  ce  n'est  pas  le  moins  curieux  de  ces  repré- 
sentations, que  de  voir  dans  la  salle  le  mélange  des 
vieille-garde  et  des  jeune-garde ,  toujours  prêtes  à 
hostiliser,  dans  une  confusion  où  la  sympathie  pour 
l'œuvre  d'Antoine,  sinon  pour  toutes  les  œuvres  qu'il 
fait  jouer,  finit  par  avoir  le  dessus.  Même  les  roquen- 
tins  de  la  critique  lui  savent  gré  d'émoustiller  leur  fri- 
gidité sénile  et  de  les  décrasser  passagèrement  de  leurs 
banalités  quinquagénaires.  Son  entreprise  leur  apparaît 
en  belle  fille  délurée,  gaillarde  et  forte  en  gueule, 
telle  que  les  vieux  aiment  à  la  voir  se  démener.  C'est 
de  la  santé,  de  la  vie,  du  mouvement,  un  peu  poivré 
de  polissonnerie,  certes;  mais  où  ne  polissonne-t-on  pas 
en  ces  temps  débridés,  ouvertement  ou  mentalement  ? 

Des  six  pièces  jouées  pour  nous  à  ce  jour,  et  en 
attendant  ce  qu'on  espère  être  le  plat  rare  :  les  Reve- 
nants d'Ibsen,  fixés  à  lundi,  —  la  Fille  Elisa,  découpée 
dans  le  roman  d'Edmond  de  Concourt,  par  Ajalbert 
(un  confrère,  Messieurs  les  Avocats  de  la  Revue  Omnia 
Fraternè),  apparaît  surtout  comme  morceau  d'art. 
Trois  actes,  plutôt  trois  tableaux,  esquisses  courtes,  de 
tons  violents  à  la  Van  Gogh  (vous  l'avez  vu  aux 
XX?),  émanant  chacun  une  impression  brutale,  saisis- 
sante. L'indication  d'une  esthétique  théâtrale  spéciale, 
sans  précédent,  croyons-nous,  et  pour  cela  très  notable: 
pas  de  fil  conducteur  d'intrigue  passant  dans  le  corps 
de  la  pièce,  tel  qu'une  moelle  épinière  sur  laquelle 
s'insèrent  les  nerfs  et  leur  réseau.  Plutôt  trois  verres 
de  lanterne  magique,  poussés  successivement  devant  le 
foyeréclairant,  et  retirés  aprèsqu'on  a  bien  vu  leuragran. 
dissement  rouge,  bleu,  vert,  noir,  jaune,  sur  l'écran. 
L'impression  psychique  est  très  forte,  souvent  très 
émotionnante.  Pareil  genre  est  à  travailler,  à  creuser. 
Il  illustre  par  de  vigoureuses  images  le  livre  dont  les 
épisodes  sont  extraits.  Ce  sont  des  projections, 
suggestifs  et  instantanés  commentaires.  Peut-être  est-ce 
à  généraliser  pour  la  communication  au.  public  des 
théâtres,  foule  à  organes  compréhensifs  particuliers, 
des  belles  œuvres  littéraires.  Certes  le  roman  de  Con- 
court en  a  obtenu  une  popularité  et  une  clarté  nouvelles. 
Répétons-le,  l'image  nous  plaît  :  Illustration  du 
Livre  par  le  Théâtre. 

Rien  à  admirer  de  l'Amant  de  sa  femme.  Quelle  pon- 
civesaynette  à  la  sauce  Alexandre  Dumas  fils!  Est-ce  que 
vraiment  ce  boyard  de  l'esprit,  ce  grand  de  l'esprit,  qui 


a  nom  Aurélien  Scholl,  n'a  pas  plus  d'esprit  qnecaf  Mais 
il  y  en  a  autant  et  plus  quotidiennement  dans  les  Non- 
velles-à-la-main  des  journaux  !  Quel  fastidieux  jeu  de 
raquette,  où  chaque  personnage  ne  dit  un  mot  que  pour 
donner  occasion  de  renvoyer  celui  qui  va  suivre  !  Ah  ! 
c'est  désormais  bien  calembredainisant,  ces  mots  de  fac- 
ture :  ils  remplacent  les  couplets  de  facture.  Vraiment, 
pour  un  apporteur  de  comestibles  neufs,  Antoine  a  mis 
là  dans  sa  pacotille  une  bien  vieille  volaille. 

Quant  à  la  Tante  Léontine,  à  la  Meule,  à  ï Honneur, 
ce  n'est  pas  du  nouveau  non  plus  comme  procédés  : 
l'antique  charpente  dramatique  est  là  dedans,  tout 
entière;  le  costumageseul  est  différent.  Mais  ily  a  cette 
originalité  de  mettre. sur  la  scène,  impitoyablQi;n«nt,  les 
terribles  satires  contre  la  purulence  bourgeoise  que 
Zola  a  synthétisées  dans  Pot-Bouille  On  pourrait  réu- 
nir en  trilogie  ces  trois  pièces  cruelles,  massacrantes, 
avec,  pour  titre,  les  mots  qui  closent  le  fameux  roman  : 
Tous,  Cochon  et  C*  !  C'est  effrayant  de  déshabillage  et 
de  fessage  des  hideux  personnages,  auxquels  aboutissent 
de  plus  en  plus,  et  malgré  tout,  les  existences  avides  et 
besoigneusea  des  classes  dirigeantes.  Quand  on  assiste  à 
la  représentation  d'œuvres  pareilles,  affreusement 
cyniques  et  par  cela  redoutables,  devant  une  salle  où 
•  LE  tout-Bruxelles  des  premières  -,  an  moins  les 
mâles  (car  ils  se  donnent  hypocritement  le  linge,  quel- 
ques-uns, de  laisser  chez  eux  leurs  douces  compagnes),  on 
ressent  cet  embarras  qui  vous  prend  quand  on  est  témoin , 
malgré  soi,  d'une  scène  ignoble  et  qu'au  lieu  de  crier  au 
scandale!  on  fait  semblant  de  ne  pas  voir,  prenant  pour 
soi  le  devoir  de  pudeur  auquel  forfait  le  prochain.  Une 
nuée  d'anecdotes  vous  reviennent  sur  ce  monde,  évo- 
quées par  les  analogies  qui  travaillent  sur  les  planches. 

Là  est  la  force  et  la  portée  de  ce  théâtre,  dont  chaque 
pièce  est  un  pilori  en  plusieurs  actes ,  rappelant  les 
grandes  exécutions,  par  fournées,  de  la  Terreur.  Les 
actes  et  les  personnages  déhient,  et  le  bourreau,  ses 
fers  chauffant,  marque  à  l'épaule,  marque  deux  heures 
durant,  infatigable,  les  hommes,  les  femmes,  les  vieux, 
les  jeunes.  C'est  le  spectacle  de  foire  :  A  la  Chaudière  ! 
agrandi  aux  proportions  du  vrai  théâtre,  et,  après 
chaque  scène,  dans  le  for  intérieur,  on  crie  en  écho  :  A 
la  Chaudière  !"■' 

C'est  bizarre  et  effrayant,  cette  universalité  d'action 
de  toutes  les  forces  artistiques,  politiques,  scientifiques, 
vers  ce  but  unique  :  la  déconsidération  de  la  bour- 
geoisie. Le  caractère  social  de  cet  universel  phénomène 
déconcerte  et  épouvante.  Ainsi  donc  l'art  lui-même,  ce 
désintéressé  (du  moins  on  le  croyait)  des  crises 
humaines,  s'en  mêle,  se  doutant  à  peine  de  ce  qu'il  fait. 

Ah  I  vraiment,  il  faut  que  les  temps  soient  proches 
pour  qu'on  assiste  à  de  tels  prodiges,  et  ceux  que  les 
événements  menacent  feront  bien  de  penser  à  leurs  dis- 
positions dernières. 


■^'^W^W^^?^^'^''^^^^  ' 


L'ART  MODERNE 


n 


LES  FASTES 

pur  Stcakt  Mwiij,.  —  <3im  Vaniar,  Parii. 

M.  Stuirt  Merrill  poblie'bn  volume  prenant  place  en  ce  cycle 
dijk  vaile  de  poèmes  récenU  ob  le  rêve  que  l'on  a  de  soi-mâme 
et  de  la  vie  se  personnifie  soit  eu  un  pèlerin,  soit  en  un  chevalier, 
soit  en  un  prince,  soit  en  un  roi,  k  travers  une  série  de  décors 
pour  déployer  en  pensées  et  en  actions  ce  que  Laforgue,  appe- 
lait «  sa  belle  Ame  ». 

Cette  litiéralure,  qui  s'adapte  au  songe  de  quelques  poètes  de 
cette  heure,  a  eu  pour  suscilateur  principal  :  Wagner.  C'est  lui,  le 
premier  depuis  longtemps,  qui  soit  retourné  aux  mythes,  aux 
légendes  et  aux  épopées  pour  y  enclore  l'art  actuel  et  lui  donner 
son  caractère  symbolique.  Ce  mot  symbolique,  on  l'emploie  il  tort 
et  k  travers.  Par  quelques-uns  il  est  simplentenl  un  qualifleatif 
émis,  faute  d'autre,  afin  de  séparer  le  mouvement  présent  du 
mouvement  parnassien.  La  plupart  des  désignations  d'école  n'ont, 
de  reste,  été  en  littérature  qu'un  ensemble  de  syllabes,  qui  vou- 
laient dire  :  «  Nous  ne  sommes  pas  ceux  d'il  y  a  dix  ans  ». 

M.  Stuarl  Merrill  dans  U*  FtuUt  s'affirme  donc  ainsi  que 
MM.  Kahn,  de  Régnier,  Moréas,  Griffin,  d'autres  encore,  comme 
un  poète,  lequel  pour  se  dire  et  synthétiser  et  proclamer  ses 
conceptions  de  vie,  a  recours  aux  types  depuis  longtemps  con- 
sacrés par  les  fables  et  les  épopées.  Ces  personnages,  auxquels 
il  donne  son  vouloir  et  son  cerveau,  sont  communs  k  toutes  les 
littératures;  ils  sont  entrés  dans  l'imagination  populaire;  ils  ont 
une  haute  impersonnalité;  ils  appartiennnent  k  la  collectivité  et 
il  suffit  que  quelqu'un  s'empare  de  leur  signification  d'être  et  leur 
donne  son  geste  et  sa  voix  pour  que  cette  voix  retentisse  plus 
Mn  et  que  ce  geste  devienne  plus  solennel.  Et  leur  lointain  et  leur 
vague  et  leur  éternité  rehaussent  les  poèmes  qui  les  nomment. 
Outre,  qu'autour  d'eux  surgissent  aussitôt  et  le  manoir  et  l'ile  et 
les  jardins  et  la  magicienne,  qui  est  la  reine  et  l'amante  et  la 
femme  —  et  toute  la  mort. 

Et  c'est  d'abord  dans  le  poème  de  M.  Stuart  Merrill  la  Tyrses, 

une  suite  de  pièces,  qui,  nombreuses,  supposent  un  décor  de 

grand  parc  avec  un  château  xviii*  siècle  dans  le  fond.  Toute  une 

évocation  se  fait  de  musiques  douces  et  futiles,  mais  tristes  quand 

même  —  et  le  bouffon  meurt  : 

Sa  marotte,  lancée  en  l'air  tintinnabule 

Des  ronds  dans  l'eau  parmi  la  fuite  des  poissons 

Le  spasme,  une  bulle  aux  lèvre*  du  funambule... 

et  les  chambres  d'amour  se  confessent  par  le  silence  interprété 

de  leurs  meubles  et  de  leurs  étoffes  : 

Sur  les  divans  fanés  en  leurs  riants  ramages 

Des  coiissins  semblent  lourds  de  l'oubli  des  absents 

Seul,  un  éventail  chu  de  doigta  jadis  lassant* 

PrésaseJe  retour  inespéré... 

Et  la  baiser  de  ceux  (nie  la  Vie  ensorcelé 

Dans  la  chambre  où,  le  soir,  s'aimèrent  tant  de  morts 

et  la  fête  traîne  l'écho  des  barcarolles  et  les  balcons  se  fleurissent 

de  lumières  tandis  que  le  silence  s'avance  en  de  beaux  vers,  dites, 

combien  labialement  doux  : 

Pois  lent  comme  un  remords,  oh,  ai  lent,  le  silence 
Sur  l'eau  lasse  ou  l'éploreot  les  lilas 
Et  l'indolent  élan  vers  les  bleus  au  delà 
Des  souvenirs  mi-morta  de  somnolence. 

Et  la  philosophie  de  cette  première  partie  du  livre,  ne 
s'affirme-t-elle  pas  ici  ? 


Vaine,  oh  vaine  t  est  la  vie,  et  la  mort  est  plus  vaine 

Donc  ce  ne  sera  plus  que  paroles  en  l'air 

HH  tout  la  doux  regret  des  spasmes  de  la  chair. 

Ceci,  toutefois,  n'est  que  préludes,  car  Ut  Fatlet  de  M.  Merrill 
ont  la  signification  étendue  que  nous  avons  dite  plus  haut  et  qui 
se  développe  dans  une  deuxième  partie  du  livre  pour  se  compléter 
en  une  troisième. 

Dès  le  seuil  des  Spectre*  on  écoute  : 

Laisse-la  l'aime  femme  et  les  doux  mots  d'amour. . . 
Casque  et  cuirasse- toi,  sans  rêve  de  retour... 

Baisse  la  croix  symbole  des  tourmenta 

Et  marche  droit  vers  les  déserts  et  les  savanes 

Où  se  révèle  au  tas  épars  des  ossementa 

La  route,  vers  l'Espoir,  des  vieilles  caravanes. 

Donc  voici  le  parc  et  les  jardins  et  le  palais  et  les  danses  et  les 
soirs  illuminés  de  la  fêle  myriadalre  quittés  —  et  l'action  vers 
la  gloire  saisit  le  glaive.  Mais  que  sitôt  les  voici  qui  se  troublent 
les  yeux  du  chevalier.  La  «  Doulce  de  jadis  »  le  hante  et  c'est  en 
des  Iles  d'or  oti  des  flûtes  de  bergers  sifflaient,  qu'il  échoue  avec 
de  telles  paroles  : 

Je  suis  venu  mourir  las  des  mauvais  combats. 

Au  leurre  de  vos  voix  lointaines,  A  sirènes. 

Car  je  me  sens  l'élu  des  pâles  souveraines 

Du  sort;  à  vous  mon  corps  qui  n'a  pu  vous  surseoir, 

Mais  mon  Ame,  mon  àme  à  la  Reine  des  Reines. 

D'où  défaite  en  même  temps  que  salut,  car  au  soir  de  la  mort, 
quand  le  héros  entra  dans  l'orbe  du  soleil  : 

Seul,  son  glaive  flambait  sur  l'argent  de  la  plage 
Afin  qu'un  futur  Preux,  surgissant  du  millier, 
L'empoignât  quelque  soir  pour  en  sacrer  son  âge. 

Et  dès  ce  moment,  durant  la  suite  de  celte  deuxième  partie  se 
lèvent  des  décors  tout  i  coup  en  cuirasses  et  des  vols  de  chevau- 
chées et  des  tintamarres  de  chocs  et  de  bataille  avec  appels  de, 
cor,  lii-bas,  en  les  clairières  des  forêts  légendaires.  Pendant  ces 
temps  de  vaillance  guerrière  et  de  vie  : 

Accoudée  au  rebord  d'or  de  la  balustrade 
La  Reine,  ayant  les  yeux  las  de  la  mascarade 
Saccage  de  ses  doigts  ensanglantés  de  bagues 
Sur  les  eaux  de  cuivre  aux  rutilantes  vagues. 
Des  rhododendrons  roux,  des  lilas  et  des  roses 
Qui  vogueront,  au  loin  de  ces  jardins  moroses 
Vers  le  Prince  parti  pour  d'âpres  épopées 
Dont  l'Etendard,  parmi  la  pompe  des  épées 
Ondule  en  plis  d'azur  pur  de  toute  macule 
Contre  l'or  et  le  sang  d'un  dernier  crépuscule. 

Et  quand  le  prince  sera  mort,  elle  reprendra,  certes  : 

Chantant,  le  cours  de  ses  pas  vagues 

Vers  les  lointains  que  teinte  un  crépuscule  épars. 

Jusqu'au  moment  où  elle  aussi  subira,  dans  son  essence  d'être 
la  toujours  fatalement  hostile,  les  débâcles  et  à  leur  suite  la  soli- 
tude s'élendant  sur  elle  et  son  palais,  tandis  que 

Et  sur  les  mers,  les  mers  de  lune,  une  galère 
Funéraire  a  passé,  portant  un  pavois  d'or 
Où  désespérément  un  roi  crépusculaire 
Etend,  sans  voix,  ses  bras  d'un  geste  de  colère 
Vers  le  Palais  désert  qui  s'illumine  d'or. 

La  troisième  partie,  les  Torches,  vu  la  fin  de  la  deuxième,  se 
devine.  C'est  en  des  pays  livides,  chevelus  de  cités  rouges  en 
flammes  et  épouvantés  par  des  sortilèges  et  des  prodiges  où  se 
dressent  des  beffrois  où  les  soirs  s'érigent  en  catafalques  que  la 
fin  du  poème  s'ensevelit. 

La  Reine? 


%^vW^^iTr': 


78 


UART  MODERNE 


Un  page  au  bleu  camail  de  ta  voix  «Maolte 
Chante  k  l'àme  dea  morte  dea  balladaa  d'amant* 
Sur  le  seuil  de  basalte  et  d'or  du  mauaol^a. 

Et  c'est  partout,  par  la  contre  inconsolé. 

Des  glas  en  les  beffrois  dont  les  sonneurs  démenti 

Pleurent,  aurore  et  soir,  leur  maîtresse  en  allie. 

Le  roiî 

Roux -bataille  en  la  rouge  inAl^- 
Il  ne  descendra  plus,  prosternant  ses  tourments 
Sur  le  seuil  de  basalte  et  d'or  d'un  mausolée 
Pleurer,  aurore  et  soir,  sa  maîtresse  en  allAa. 

La  conclusion  s'affirme  en  une  pièce  superbe  titrée  :  Idole  .- 

Roide  en  la  chape  d'or  qui  lui  moule  le  torse, 
L'Idole  dont  les  doigts  coruscants  de  rubis 
S'incrustent  sur  le  sceptre  et  le  globe  de  force 
TrAne  en  les  bleus  halos  de  tonnerres  subits 

Sur  sa  rouge  toison  s'étage  la  tiare, 
Elnlre  ses  seins  fulgure  un  stigmate  d'enfer. 
Et  sous  ses  pieds,  tandis  que  sonne  la  cithare. 
Saigne  un  cœur  transperce  de  sept  glaives  de  fer. 

Aucun  amour  n'émeut  la  somnolente  Idole. 
Elle  siège  en  la  pose  étemelle  des  dieux 
Et  dur,  son  regard  fuit  la  multitude  folle 
Dont  l'unique  aësir  est  de  plaire  A  ses  yeux. 

Dr  blancs  adolescents,  aux  tintements  des  harpes. 
Luttent  sur  des  pavois  que  des  barbares  noirs 
Exhaussent  de  leurs  bras  entortillés  d'écharpes 
Vers  les  dômes  de  nacre  où  défaillent  les  soirs. 

Dressant  sous  les  flambeaux  d'argent  leurs  faces  glabres. 
Les  bouffons  roux,  avec  des  frissons  de  satin. 
Font  tournoyer  en  l'air  des  boules  et  des  sabres 
Que  des  singes  gemmés  guettent  d'un  oeil  mutin. 

Et  les  Poètes  fous  sont  debout  dans  leur  gloire 
Parmi  les  étendards  d'amarante  et  les  ors, 
Clanunt  haut  les  refrains  d'une  ode  de  rictoire 
Qui  bat  les  infinis  d'un  tourbillon  d'essors. 

Voici  le  rapide  profil  du  livre  de  M.  Sluarl  Merrill  fixé  un  peu 
hitirement,  mais  sans  loulefois  une  multiple  loaange  aolour. 


J^OTE?   DE    J^USIQUE 

Premier  concert  du  Conservatoire  de  Oand 

En  une  salle  étroite  et  basse,  indigne  des  concerts  d'art  pur 
auxquels  on  l'a  destinée,  —  en  celle  salle  blanchie  i  la  chaui, 
peuplée  de  chaises  de  paille,  appelant  les  tréteaux  d'gne  guin- 
guette et  les  guirlandes  de  sapin  piquées  de  fleurs  artificielles  (il 
est  lemps,  vraiment,  qu'on  dote  le  Conservatoire  de  Gand  d'un 
local  convenable  !),  M.  Adolphe  Samuel  a  donné,  la  semaine  der- 
nière, son  premier  concert. 

Exécution  précise,  colorée,  pittoresque  par  un  orchestre  jenne 
qui  a  du  brio,  de  l'enthousiasme,  du  son,  qnalités  rares  i  réunir 
et  que  malheureusement  se  hâlenl  d'abolir  les  chefs  d'orchestre 
soucieux  de  la  minutie  verboerkhovienne.  M.  Samuel,  qui  reste 
étonnamment  jeune  et  rert,  loin  d'éteindre  ces  ardeurs,  les  excite 
et  arrive,  malgré  le  nombre  restreint  de  son  personnel  (huit  pre- 
miers violons,  quatre  violoncelles,  et  ainsi  de  suite)  i  un  résullai 
remarquable.  Son  orchestre  a  déployé,  d'on  bout  k  l'autre  du 
concert  une  verve  élonnanie.  Son  inierpréiation  de  la  Symphonie 
en  ut  de  Beethoven  a  été  colorée  et  brillante,  et  n'étaient  quel- 
ques imperfections  des  instruments  k  veni,  digne  d'un  orcbeslre 
de  premier  ordre. 

M.  Samuel  a  fait  entendre  un  fptMolaiM dénué  dinléi^ com- 


posé par  M.  Heckera,  un  Gantois  mort  tout  jeune,  et  la  Klokke 
Roeland  de  Jan  Blockx,  œuTre  déeoivUve,  d'une  belle  enverguiT, 
un  peu  monotone  touiefoit  en  u  eonUuolK  de  eonleora  triolenies. 

La  troisième  partie  éuil  r«ierr4e  h  la  trilogia  de  WêOmuUin, 
la  merreilletue  illustration  de  Vincent  d'Indy  ponr  la  (ragédie  de 
Schiller. 

Nous  avons  parlé  trop  souvent  de  cette  avperbe  composition 
symphonique  pour  que  nous  syons  fc  y  rerenir.  BomoosHious  k 
constater  que  sous  Is  direction  de  son  anteur,  qui  a  conduit  l'or- 
chestre avec  une  autorité  rare,  l'œuvre  a  remporté  le  soeeès  <fen- 
thousiasme  qui  l'a  secueilli  k  Paris,  où  elle  est  an  répertoire  des 
Concerts  Lamoureui. 

On  l'a  exécutée  avec  non  moins  de  succès  k  Liège  l'an  dernier. 
Faudra-t-il  attendre  que  tontes  les  villes  l'aient  enlendo  pour 
qu'on  se  décide  k  la  tiire  connaître  k  Bruxelles,  qui  se  pique  d'être 
«  en  avanee  »  dans  le  mouvement  musical  T 

Denzléne  ooBOort  popaUtlro. 

Concert  Paderewski,  presque  exclusivement  eonueré  au  remar- 
quable virtuose  qui  nous  s  tant  cliarméa,  il  y  a  trois  ans,  et  dont 
nous  avons  applaudi  dimanche,  avec  non  moins  de  plaisir,  l'im- 
peccable mécanisme  et  l'interprétation  pleine  de  goftt  et  de 
poésie. 

Un  concerto  ponr  piano  avec  accompagnement  d'orchestre  k 
révélé,  k  c6té  de  Paderewski  pianiste,  un  I^derewski  compositeur 
très  personnel,  maître  de  son  métier,  et  ayant  la  modestie  de  ne 
pas  donner  au  piano  le  rOle  prépondérant.  L'orchestre  est  Imié 
avec  beaucoup  de  soin  et  de  talent,  et  l'on  dirait,  par  momeniî, 
qu'il  s'agit  d'une  symphonie,  tant  raecompagnemeni  préaente 
diotérét  dans  les  développements. 

Une  erreur,  pent-étre,  est  d'avoir  joné  sneeessivement  deu| 
concertos,  celui  de  Schnmann  et  celui  de  Pade^wski,  écrits  toiu 
deux  dans  la  même  tonalité  et  présentant  certaines  analogies  de 
facture.  Quant  aux  petits  morceaux,  attendna  par  l'impatience  du 
public,  nn  Nocturne  de  Chopin,  la  Cmufonetta  de  Liszt,  et  une 
danse  hongroise  de  Brahms,  «  dérangée  »  pour  piano  k  deux 
mains,  ils  étaient  d'un  intérêt  diacnlable. 

H.  Dupont  a  Ciit  entendre  trois  compositions  pour  orchestre  : 
nue  ouverture  dramatique,  HutUekm,  intéreasante  de  rythmes  et 
de  timbres,  composée  par  Dvorak;  une  LusUpid-Ouverùire, 
assez  amusante,  de  Smctana,  et  la  filandreuse  et  interminabl 
Sérénade  pour  instruments  k  cordes  de  Dvorak,  déjh  nommé. 

Hais  tout  ça,  c'était  visiblement  nn  simple  eneadreraent  pour 
Paderevrski. 

▲oac.ZZ  (iroisitaM  «0M«t). 

Eugène  Ysaye  et  son  admirable  quatuor  ont  bit  entendre  au 
Salon  des  XX,  vendredi  dernier,  deux  œuvres  importantes  de  la 
jeune  école  russe  :  le  troisième  quatuor  de  Tsehalkowsky,  le 
deuxième  quatuor  de  Borodiae,  tous  deux  exécutés  k  Bnuelles 
pour  la  première  fois. 

L'on  et  l'antre  ont  remporté  nn  très  vif  succès  et  l'on  a  rappelé 
jusque  trois  fois  les  interprèles  après  l'exécution  de  telle  partie, 
VAndanle  funèbre,  par  exemple,  du  premier,  le  Nottumo  do 
second. 

Cet  Andattfe,  c'est  tooie  une  seène  de  dmelière,  d'an  carac- 
tère poignant,  d'une  émotion  pénétrante.  On  oitend  les  psal- 
modies dea  prêtres,  le  choc  des  peUetéea  de  lenre  retombant  sur 
la  bière,  ei  le  premier  violon,  en  ces  scènes  Ingnbns,  dit  l'espoir 


y 


L'ART  MODERNE 


79 


d'an  au  delk,  exhale  dea  chants  suavea  et  donx.  Dire  avec  quel 
merveilleux  sentiaMnt  artiatiqoe  Eugène  Yufe  a  exprimé  ces 
aspirations  t.. . 

Le  quatuor  de  Borodine,  de  moindre  intenaité,  est  une  œuvre 
charmante  de  forme  et  de  couleur. 

Ble  a  une  nnit4  remarquable  et  des  séductions  d'écriture  qui 
l'ont  fait  préférer,  par  certaines  personnes,  au  quatuor  plus 
sérère,  pins  grand  et  plus  dramatique  de  TschaTkowsky. 

Dans  l'une  et  loutre  de  ces  compositions,  les  quarlellistes  ont 
été  hors  pair.  Dans  le  Nocturne  de  Borodine,  la  parole  est  tiu 
Tioloneelle  et  an  premier  violon,  qui,  sous  l'archet  de 
MM.  i.  Jacob  et  E.  Ysaye,  ont  dialogué  avec  un  art  exquis. 

Un  intermède  complétait  cet  attrayant  programme.  Un  jeune 
pianiste,  M.  P.  Litta,  a  exécuté  avec  talent  une  BarcarolU  de 
Tschalkovr^y  et  une  Mazurka  de  Sicherbatcheff.  El  M^^  Fran- 
cine  Gillieaux  a  dit,  d'nne  voix  charmante,  avec  beaucoup  d'art 
et  de  goût,  troia  méledie*,  dont  l'une,  la  lUldilatUm  du  labou- 
rmr,  de  Kopylow,  a  la  saveur  étrange  des  chants  populaires  de  la 
Peiite^uasie.  Des  deux  autres,  la  Chanson  du  Berger  LeU,  de 
Rimsky-Korsakoff,  et  Pourquoi  f  de  Tscbaikowsky,  la  première, 
d'un  monvement  rapide,  faisait  contraate  avec  la  sentiroenulilé 
de  l'autre,  écrite  dans  le  style  Schumannien  et  moins  personnelle 
d'accent  que  les  précédentes. 

Voici  close  la  aérie  de  ces  matinées  inilialrices  d'art  neuf,  et 
qui  complètent  ai  heureusement,  par  un  parallélisme  constant, 
l'exposé  de  l'évolution  des  arts  plastiques. 


Salon  des  XTTT 

(Correspondanu  particuUire  de  l'Art  hodbrnb) 

On  connaît  les  «  communiqués  »  qui  ont  fait  taratala  pour 
annoncer  an  monde  entier  la  création  du  Cercle  des  XIll.  Je  ne 
crois  pas  pourtant  que  le  commis  qui  a  embouché  le  clairon  se 
soit  fait  entendre  bien  loin.  La  sonnerie  ne  pouvait  pas  porter. 
Cellea-lk  seules  s'entendent  qui  éclatent  nettement  cinglantes 
comme  des  coups  de  fonet  et  qui  proclament  un  avis  précis. 

On  intime  au  publie  l'ordre  de  suivre  t 

Et  si  le  but  est  nettement  indiqué  —  marche  en  avant  —  on 
détachera  facilement  de  la  cohue  la  banda  fougueuse  des  entbou- 
siaatea  qui  ne  réaialent  jamaia  k  un  appel  pour  la  victoire  — 
quelque  difficile  k  remporter,  an  reate,  qu'elle  paraisse. 

Les  XIJI  n'ont  pas  tenté  cet  appel  ;  ils  se  sont  adressés  k  la 
partie  venle  qui  régulièrement  fait  escorte  aux  personnaliiés 
mal  délies,  visite  leurs  expositions,  «  inspections  d'armes  » 
qu'elles  sont  («nges,  désormais,  de  représenter  tous  les  ans, 
soigneoaement  mêmes,  fourbies  et  entretenues  I 

Le  poupon  grandira  malingrement  :  néanmoins  durera.  La 
bonne  Fée  du  Juate  Milieu  veillera  sur  cette  mince  personne  labo- 
rieoseroent  échafandéa  de  membres  dissemblables,  se  vantant 
eux-mêmes  —  et  de  quel  droitT  —  d'être  «  Ind^puidants  »  ! 

—  Qn'on  permette  k  un  membre  de  i'Art  indépendant  un 
rappel  k  la  pudear.  L'Art  iHDtnNDAirr  est  nêtrel  Et  oiseuse  et 
superflue  la  loochante  pensée  qui  est  venue  aux  XllI  —  dont  le 
ralliement  semble  ne  s'être  opéré  que  pour  chanter  une  annuelle 
et  anniversaire  Hease  des  Morts  en  l'honneur  de  notre  Cercle 
qu'ils  s'imaginaient  défunt. 


11  cal  juste  que  noua  abatliona  les  pattes  qui  tenteraient  de  lever 
pour  le  faire  flotter  aur  leur  groupement  insolite,  sur  leurs  com- 
promiaaiona  :  le  drapeau  que  noua  avons  été  les  premiers  k 
déployer  —  avec  quelque  audace,  s'en  sonvient-on  ? 

Pour  édiflealion  :  I'Art  InnriHHDAHT  revit.  Il  n'aura  fallu  pour 
réveiller  l'Endormie  que  l'opiniâireté  d'un,  qui  n'aura  pat  connu 
la  peur. 

Et  nal  ne  contestera  le  droit  k  ceux  qui  auront  veillé  sur  Elle 
pendant  son  sommeil  de  lui  révéler  le  nom  de  ceux  qui  L'auront 
trahie  —  et  de  a'en  aouvenir. 

L'organisation  des  XIII  est  calquée  sur  celle  des  XX  .-  tirage 
an  aort  dea  placée  ;  groupement  des  œuvres,  exception  faite  pour 
cellea  des  invités,  traitées  sans  égard,  accrochées  sans  respect. 

Tout  le  long  des  murs  —  singeant  la  délicate  tenture  des  XX 
de  ce  9i  —  une  inimaginable  draperie  noire  !  C'est  à  croire  que, 
dans  l'ordre  d'idées  indiqué  ci-haut,  on  se  soit  adressé  k  un 
entrepreneur  de  pompes  funèbres  pour  la  décoration  des  salles. 
On  aurait  économiaé  les  traditionnelles  larmes  d'argent,  escomp- 
tant celles  que  quelques  toiles  lamentables  ne  manqueraient  pas 
de  faire  verser. 

Car  l'enaemble  est  affligeant  au  delk  de  l'expression,  de  sénilité 
précoce,  de  flagornerie  outrée. 

Le  très  beau  dessin  de  Feroand  Khnopff  :  du  Silence,  se  proclame 
hautement  victorieux;  une  des  deux  toiles  de  Is.  Neycrs,  les 
BaleUert,  les  toiles  de  Heymans,  annihilées  par  l'invraisemblable 
tenture  et  celles  très  évoluantes  vers  un  idéal  d'art  neuf  d'Emile 
Clans  attirent  néanmoins  quelque  considération  à  ce  Salon. 


Quatrième  spectacle  de  la  saison  1890-91. 

{Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne.) 

La  Meule,  par  Georges  Lecomte.  —  Le  programme  du 
Théktre-Libre  rougeoyait,  ce  mois  ci,  d'une  sanguine  allégorique 
du  peintre  Maximilien  Luce  où  une  indifférente  femme  en  un 
costume  académique  et  populaire  tourne  la  vis  d'un  pressoir 
dont  elle  rabat  la  pierre  sur  un  écrasement  d'hommes  pris  sous 
le  poids  du  redoutable  engin.  A  l'horizon  apparaît  une  ville 
d'ombre  et  de  fumée,  aiguë  de  campaniles  et  de  cheminées, 
moderne  ! 

Ce  préambule  annonçait  qu'on  allait  se  trouver  en  présence  de 
quelque  cas  théâtral  de  torture  par  la  vie.  L'auteur  de  la  pièce, 
M.  Georges  Lecomte,  est  très  noblement  préoccupé  de  l'évidence 
des  misères  sociales  et  a  le  sentiment  très  vif  des  tnorlelles  ei 
injustes  duretés  du  son  envers  ceux  qu'il  moleste. 

Son  toast  au  banquet  symboliste  où  il  but  au  milieu  de  l'oubli 
général  «  k  ceux  qui  travaillent  et  ne  mangent  pas  »  prévenait. 

Un  peu,  comme  toujours  trop  an  Théâtre-Libre,  nous  sommes 
en  présence  d'un  fait  particulier  sur  qui,  connu  par  mille  analyses 
de  gazettes,  on  peut  raisonner  ainsi  :  Il  est  évident  que  M.  Rons- 
selot,  magistrat  destitué  et  réduit  k  plaider  k  quelque  Barreau  de 
petite  ville,  élreint  par  les  difficultés  d'une  vie  parcimonieuse, 
mari  malheureux  et  débonnaire,  forcé  k  donner  k  sa  fille  pour 
mari  l'amant  de  sa  femme,  est  en  butte  k  une  persévérante  male- 
chance  qui,  non  seulement  s'est  acharnée  contre  des  conditions 
d'existence  pratique  mais  a,  de  plus,  et  par  surcroît  attenté  à 
des  sentiments  d'un  honnête  homme,  en  a  eu  raison  peu  k  peu  et 


J 


jusqu'il  ne  lui  pas  Uisser  cette  sorte  d'iotégrilé  bauUioe  qui  serait 
la  gloire  du  pauvre,  celle  de  s'être  préservé,  en  dehors  des  tra- 
verses, une  espèce  de  dignité  supérieure,  un  refuge  d'honneur 
oirnlal.  Non  !  Au  contact  de  la  vie  le  pauvre  homme  s'est  émielté 
complètement,  gardant  i  peine  une  dernière  révolte,  humiliée  ! 

M"*  Rousseloi,  elle,  si  elle  a  connu  les  affres  du  ménage  étroit 
a,  au  moins,  profité  des  quelques  avantages  que  procure  le  Bova- 
risme  et  lorsque  les  extrémités  l'ont  mise  en  conflit  avec  ses 
senlimenls,  elle  n'a  point  eu  trop  k  souffrir  en  les  trouvant,  par 
une  dégradation  préalable,  prêts  k  tous  les  compromis  néces- 
saires. 

Ce  pelit  goût  de  proxénétisme  qui  se  développe  chez  la  femme 
vieillissante,  lui  a  aidé  à  accepter  sans  trop  d'ambages  — juste 
assez  pour  s'en  faire  valoir  —  le  marché  marital  auquel  elle  a 
acquiescé.  El  puis  n'est-elle  pas  soutenue  par  celle  idée,  au  moins 
tacite  chez  les  femmes  que  l'usage  et  le  trafic  de  leur  corps  est 
au  moins  autant  une  ressource  qu'un  plaisir  et  qu'il  le  faut 
employer  au  besoin.  Ne  faut-il  point  il  lout  prix,  du  reste,  vivre 
bien,  tenir  son  rang,  ne  se  point  déclasser  plut6t  que  de  suivre 
d'intimes  gottts  de  conscience? 

Sa  fille,  qui  tient  du  père  une  certaine  délicatesse,  n'eût  pas 
librement  api  ainsi,  mais  celte  sorte  de  boutique  qui  est  en  elle  la 
pousse  à  une  certaine  abnégation  à  la  Bienfilitre.  N'y  a-t-il  pas, 
là  aussi,  quelque  chose  de  sa  nature  de  femme  —  héritage 
maternel —  qui  mclangebson  ingénuité  gentille,  bonneet  un  peu 
légère,  un  fond  de  courtisanerie  occulte  que  l'occasion  favorise  et 
qui  le  fait  acquiescer  i  lout  un  peu,  par  incompétence  i  peser  la 
juste  valeur  des  fails  et  aussi  à  cause  des  menus  avantages  de  la 
négociation  autant  qu'à  cause  du  solide  profit  que  toulc  la  famille 
y  trouve. 

La  pièce  tendrait  peut-être  i  prouver  qu'en  de  telles  occur- 
rences, il  n'y  a  de  vraiment  malheureux  que  l'homme;  que  les 
femmes  ont  une  facilité  d'acceptation  des  fails,  un  instinct  bas 
de  conservation  et  d'utilité  qui  leur  rendent  aisés  les  compromis, 
pourvu  qu'ils  satisfassent  certains  gouls  de  vanité  et  de  bien-être. 

Elle  prouve  aussi  que  la  détresse  est  redoutable  par  clle-nnême 

d'abord,  et  aussi,  parce  qu'elle  influe  sur  les  senlimenls,  les 

modifie,  les    dénature,  qu'elle  crée  des  sophistiques  mentales 

subtiles  il  lout  justifier,  ou  qu'elle  anéantit  simplement  par  sa 

seule  force  d'oppression  les  plus  irréductibles  principes. 

» 
*  * 

La  pièce  de  M.  Lecomte  n'est  point  sans  portée.  Elle  est  à 
double  fond,  d'allures  sèches  et  claires,  grimée  de  rapides  nar- 
quoiseries,  avivée  d'un  cynisme  net  el  dur,  écrite  avec  de  la 
suite  el  de  l'ordre. 

La  jeune  fille  y  est  un  personnage  excellent  et  très  nuancé, 
M.  Rousselol  est  un  très  bon  Antoine. 

Aussi  l'amant,  le  mari,  un  M.  de  SlellanviUe  qui  rentre  un  peu 
dans  les  conditions  d'un  Forain  égrillard  et  musqué,  et  un  type  de 
jeune  homme  qui  pratique  le  didactisme  sarcastique  de  la  clair- 
voyance actuelle  ! 

La  pièce  csl  bien  jouée  sinon  par  M"»  Régine  Martial  qui 
rendit,  il  y  a  quelques  mois,  gaie  à  jamais,  une  crébillonnerie  de 
Scholl  où  elle  représentait  une  «  marquise  »,  par  un  a  Ah  ben 
alors  »,  dont  sont  restés  hilares  les  quelques  clubinen  abonnés 
de  M.  Antoine. 

R. 


DIAFOIRUS  &  G^ 

Dédié  à  plusùuri  d«  mu  eonUmponmu 

Vous  vous  souveoex,  n'est-ce  pat, .  de  la  Mène  du  Mëlêd* 
Imaginaire,  en  laquelle  M.  Diafoims  père  explique  les  mérilet  de 
son  Gis  Diafoirus  jeune.  Cela  commence  ainsi  :  ■  Messieart  ce 
n'est  pas  parce  que  je  suis  son  père...  > 

Jules  Lemaitre  écrivait  k  ce  sujet,  récemment,  dans  le  JounuU 
de*  Débat*,  ce  qui  suit,  k  ntéditer  vraiment  par  les  innombrables 
Diafoirus  qui  infestent  le  publie  et  la  presse,  hostiles  k  qui- 
conque tente  autre  chose  que  l'ordinaire  diète  d'hôpital  k  laquelle 
on  voudrait  nous  soumettre  dans  l'art  : 

«  Des  siècles  et  des  siècles  de  routine,  de  doctrine  formelle  et 
vide,  de  tyrannie  et  de  sonmission  inletleeluelle,  de  suffisance 
imperturbable  et  de  docilité  inepte,  d'entêtement  orgueilleux  ». 
féroce  dans  le  faux,  de  profonde  inintelligence  des  choses,  con, 
sacrée  et  précieusement  transmise  en  immuables  formules  :  bre^ 
toute  l'énorme  sottise  humaine  semblait  chanter  on  hymme 
triomphal  dans  ce  magoiGque  couplet  où  l'étemel  Pédant  se 
peint  lui-même  en  louant  l'étemel  Discipline.  «  ...  Il  n'a  jamais 
eu  l'imagination  bien  vive,  ni  ce  feu  d'esprit  qu'on  remarque  dans 
quelques-uns  ;  mais  c'est  par  Ik  que  fai  toujours  bien  auguré  de 
sa  judiciaire...  Il  est  ferme  dans  la  dispute, fort  comme  un  Turc 
sur  ses  principes,  ne  démord  jamais  d*  «m  opinion...  Hais  sur 
toute  chose  ce  qui  me  platt  en  lui,  et  en  quoi  il  suit  monexemple, 
c'est  qu'il  s'attache  aveuglément  aux  opinions  de  nos  anciens,  et 
que  jamais  il  n'a  voulu  comprendre  ni  écouler  les  raisons  et  les 
expériences  des  prétendues  découvertes  de  notre  siècle  touchant 
la  circulation  du  sang  et  autres  expériences  de  même  farine.  » 

«  Cette  page  (relisez-la  tout  entière,  je  vous  prie)  est  assurément 
due  de  celles  qui  donnent  la  plus  haute  idéédel'esprit  de  Molière. 
La  portée  de  cette  page  nous  paraît  presque  effrayante.  On  craint, 
en  y  songeant,  que  le  monde  ne  soit  principalement  conduit, 
depuis  qu'il  est  monde,  par  Diafoirus  père  et  fils.  Ce  jeune  idiot 
qui  est  devenu  si  fort  et  qui  a  appris  tant  de  choses  sans  rien 
comprendre,  n'est-ce  pas  voua  el  n'est-ce  pas  moi?  Ne  sommes- 
nous  pas  tous,  par  quelque  point,  des  Thomas  Diafoirus?  Notre 
éducation  n'a-l-elle  point  été  aussi  tonte  formelle,  et  n'est-ce  pas 
de  mots  que  nous  vivons?  Qui  sait  si,  parmi  les  opinions  par  nous 
reçues  et  dont  nous  nous  croyons  les  plus  assurés,  il  n'y  a  pas 
des  inepties  pitoyables?  Ne  sommes-nous  pas,  sans  nous  en 
douter,  d'une  timidité  ridicule  devant  le  vrai?  Le  malheur,  c'est 
que  nous  ne  pouvons  même  pas  démêler  k  quel  point  et  sur  quoi 
doos  sommes  victimes  on  dupes  de  llubitBde  et  de  la  traditien. 
Il  est  bien  probable  pourtant  que  nous  nous  mouvons  au  milieu 
d'absurdités  qui  nous  échappent,  —  moeurs,  coutumes,  lois, 
institutions,  théories  scientifiques.  Oh  I  n'être  point  Thomas  :  on, 
si  voulex,  être  Thomas  comme  Didyme  (l'apdlre),  afin  de  se  l'être 
point  comme  Diafoirus!  Comment  faire?  Dire  que  des  choses 
dont  l'idée  seule  nous  effare,  —  ou  que  nous  concevons  même 
pas,  —  paraîtront  peut-être  naturelles  et  nécessaires  dans 
quelques  siècles  !  Comment  arriver  k  un  état  d'esprit  td  que,  si 
nous  revenions  an  monde  dans  mille  ans  (je  suppose  que  le  pro- 
grès se  sera  fait  lentement  en  dépil  du  diafoirisme),  nous  n'en 
soyons  pas  trop  étonnés  et  ne  jugions  point  que  nou  sommes  de 
tristes  nigauds?...  » 


'V'*^ 


L'ART  MODERNE 


81 


Petite  chronique 


Pour  rappel,  la  elAlore  du  Salon  des  XX  aura  lien  aujourd'hui 
dimanche  k  5  bcnret. 

Nous  eoniinueroDS  dimanche  prochain  l'élude  de  M.  Georges 
Lemmea  sor  Waltir  Ckahb. 

Le  violoneellisle  Jules  De  Swert  vient  de  mourir  k  Gand.  C'était 
une  personnalité  artistique  notable.  Comme  virtuose,  il  était 
connu  de  toutes  les  salles  de  concert  de  l'Earope.  Comme  compo- 
silear,  il  laisse  quelques  œuvres  de  bonne  tacture,  et  notamment 
un  grand  opéra,  la  AUrigtoit,  joué  avec  succès  en  Allemagne 
(l'étemel  «  Nnl  n'est  prophète »). 

Il  professait  an  Conservatoire  de  Gand,  où  il  laisse  d'univer- 
nda  regrets.  

L'ouverture  de  l'exposition  annuelle  de  VEttor,  est  fixée  k 
samedi  prochain,  k  3  heures. 

Le  Ihéktre  des  Galeries  annonce  pour  mardi  prochain  la  pre- 
mière représentation  du  Voyage  de  SuxeUe,  opérette  k  spectacle. 

Au  Pare,  M.  Antoine  et  la  troupe  du  Théitre-Libre  donnera 
lundi,  mardi  et  mercredi  trois  représentations  des  Revenantt 
d'Ibsen. 

Jeudi,  dernière  représentation,  pour  les  adieux  du  Théâtre- 
Libre.  Le  spectacle  qui  n'est  pas  encore  définitivement  arrêté,  se 
composera  soit  de  Tout  pour  l'Honneur,  d'Benry  Céard,  soit  de 
la  Mort  du  duc  iEnçfùen. 

Tante  Léontine  accompagnera  probablement  l'une  de  ces  deux 
pièces  sor  l'affiche. 

Aux  représentations  du  Théâtre-Libre  succéderont  des  repré- 
sentations de  M.  Dupuis,  des  Variétés.  Il  jouera  notamment 
Monsieur  Betty.  Il  est  a;ussi  question  d'une  reprise  de  Ma  Cou- 
sine avec  H"*  Réjane  dans  le  rôle  de  Riquette. 

H"*  Tbérésa  fait  en  ce  moment  les  beaux  soirs  de  l'Alcaur. 

Un  peintre  de  mérite,  peu  connu  ou  méconnu  de  ses  contem- 
porains, John  Barthold  Joogkindt,  vient  de  mourir  k  la  Cdte 
Saint-André  (Isère),  dans  le  village  illustré  par  Berlioz. 

Jongfciodl,  vieux  et  fort  délaissé,  s'était  fixé  depuis  quelques 
années  en  Dauphiné  où  il  termina  une  existence  de  travail  et  de 
luttes.  Voici  les  détails  navnnu  que  révèle  sur  l'artiste  un 
joamal  français  :  ^ 

Jongkindt  était  né  en  1819, k  Lairop,près  de  Rotterdam;  il  fut 
élève  de  Schelfhout,  puis  d'Eugène  Isabejr. 

Jongkindt  eut  des  débuts  fort  difficiles  :  refusé  aux  derniers 
Salons,  où  il  avait  voulu  exposer,  il  lutta  désespérément  contre 
les  infortuçies  qui  le  frappèrent  k  cette  époque,  et,  découragé,  il 
fut  sur  le  point  de  mourir  de  £iim. 

Une  vente  organisée  k  son  profit  par  les  artistes  français  le 
tira  de  la  misère. 

En  1883,  le  13  avril,  une  centaine  de  tableaux  de  Jongkindt 
forent  vendus  k  l'hôtel  Drouoi  et  quelques-uns  d'entre  eux  mon- 
tèrent k  9  et  même  k  10,000  francs. 

Mais  il  était  trop  tard  pour  que  le  malheureux  artiste  en  pro- 
fitât. Misé  par  la  sonllrance,  il  ne  produisit  pins  de  ces  œuvres 
maîtresses  qui  passeront  k  la  postérité  telles  que  La  roule  de 
Saint-Cinr  prit  Honfleur,   Vue  de  F  Escaut  à  Anvers,  Vue  de 


l'égliu  Saint-Médard  à  Paris  et  tant  d'autres  qui  le  placent  k 
cAlé  des  Corot  et  des  Millet. 

A  la  veille  de  partir  pour  Tahiti,  M.  Paul  Gauguin  a  eu  Tidée, 
afin  de  réunir  quelques  fonds,  de  faire  vendre,  k  l'hôtel  Drouoi, 
aux  enchères  publiques,  une  trentaine  de  ses  toiles. 

L'idée  était  téméraire,  certes,  car  l'art  de  Gauguin  n'est  pas 
encore  (Dieu  soit  loué  !)  adopté,  admis,  classé,  tarifé  par  la  presse 
bourgeoisonne.  Et  pourtant,  chose  curieuse,  on  a  vu  les  enchères 
monter  k  des  hauteura  relativement  élevées.  La  Vision  après  le 
Sermon,  cet  extraordinaire  et  suggestif  tableau,  aperçu  aux  XX 
en  1889,  qui  montrait,  parmi  des  femmes  bretonnes,  le  combat  de 
Jacob  et  de  l'ange,  a  été  adjugé  900  francs.  Allées  et  venues 
(Martinique)  a  été  vendu  505  francs;  la  Belle  Angile,  450  francs. 

Le  prix  des  autres  toiles  a  été,  en  moyenne,  de  300  k  350  francs, 
et  le  loul  de  la  vente  a  atteint  9.615  francs. 

Les  Jeunes,  revue  artistique  et  littéraire,  deuxième  année,  tous 
les  mois.  Un  an  :  5  francs  ;  un  numéro  :  50  centimes. 

Après  maint  combat,  après  les  luttes  et  les  défaillances  de  la 
première  année,  —  ou  plutôt  du  premier  semestre,  —  les  Jeunes 
commencent  vaillammant  leur  deuxième  volume,  maintenant  leur 
devise  :  Ose!  et  ne  changent  rien  k  leur  programme  :  l'Art  indi- 
vidualiste, indépendant  des  formules  et  des  coteries,  l'An  franc  et 
libre  que  nulle  protection  ne  saura  assujettir  ni  étouffer.  Les 
Jeunes  veulent  susciter  dans  la  province  un  mouvement  artis- 
tique auquel  elle  a,  jusqu'à  présent,  semblé  passablement  rétive. 
Et  c'est  k  coups  de  trique  qu'ils  materont  les  indolents  et  les 
cuistres  de  l'opposition.  Les  pretnien  efforts  ont  été  couronnés 
de  succès  :  courage!  La  cause  k  défendre  est  belle,  et  par  ce  seul 
moyen  :  l'intransigeance,  on  peut  la  faire  triompher. 

Les  Jeunes  remercient  tous  ceux  qui  se  sont  intéressés  k  eux, 
qui  ont  trouvé  que  l'idée  méritait,  soit  d'être  soutenue,  soit  d'être 
attaquée,  et  qui,  dans  tous  les  cas,  ont  rendu  hommage  k  sa  vita- 
lité. Ils  remercient  les  artistes  qui  leur  promettent  leur  collabora- 
tion :  MM.  Albert  Arnay,  Aug.  Biernaux,  Jean  Chalou,  Louis 
Delatlre,  Jean  Uelville,  Jacques  Dwelshauvers,  Georges  Eekhoud, 
Georges  Garnir,  Iwan  Gilkin,  Albert  GIraud,  José  Beunebicq, 
Henri  Kistemaeckers,  Paul  Lacomblez,  Grégoire  Le  Roy,  Léon 
Paschal,  Fernand  Roussel,  Fernand  Severin,  Charles  Sluyts, 
James  Vandrunen,  Emile  Verhaercn,  Aug.  VIerset,  etc. 

Les  Jeunes  adressent  un  pressant  appel  k  tous  ceux  que  l'art  ne 
laisse  pas  indifférents.  En  s'aboonant,  ils  aideront,  dans  une  cer- 
taine mesure,  k  étriller  les  gâteux,  et  Uieu  sait  s'ils  abondent  en 
ce  siècle  corrompu  par  le  gâtisme  et  l'esprit  conformiste  ! 


A  la  suite  d'une  réunion  tenue  chez  M.  Guérard,  une  Société  de 
peintres-graveurs  français  vient  d'être  fondée.  Les  statuts,  discu- 
tés et  adoptés,  ont  été  signés  par  les  fondateurs  : 

MM.  Félix  Bracquemond,  président;  Henri  Guérard,  vice-pré- 
sident; Adolphe  Albert,  secrétaire;  Albert  Besnard,  Emile Boilvin, 
Félix  Buhot,  Eugène  Carrière.  Jules  Cbéret,  Marceliio  Desboutin, 
Henri  Fanlin-Latour,  Norbert  Gopneuite,  (Jeorges  Jeannioi,  Guston 
Tonche,  Anguste  Lepère,  Louis  Morin,  Paul  Renouard,  Tbéo- 
dule  Ribot,  Henri  Rivière,  Auguste  Rodin,  Henri  Somin,  Victor 
Vignon. 

La  première  exposition  de  la  Société  aura  lien  le  1"  avril. 


■■'^  ^1?,  i^ 


■*■**■ 


ONZIÈME  ANNÉE 

L'ART  MODERNE  s'est  acquis  par  l'autorité  et  l'indépendance  de  sa  critique,  par  la  variété  de  ses 
informations  et    les  soins  donnés   à   sa   rédaction   une  place  prépondérante.   Aucune  manifestation  de  TArt  ne 

lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  de  peliU»ire,  de  soulpture,  de  gravure,  de  muslquo, 

d'architecture,  etc.  Consacré  principalement  an  mouvoitient  artistique  belge,  11  renseigne  néanmoins  sas 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  l'étranger  qu'il  importe  de  connaître. 

Chaque  numéro  de  Li'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  qnesiion  artist^Qe 
ou  littéraire  dont  l'événement  de  la  semaine  fournit  l'actualité.  Les  exposition»,  les  livre»  nouvemut),  les 
premières  représentations  d'œuvros  dramatiques  ou  musicales,  les  conférences  littéraire»,  les  concert»,  les 
ventes  d'objets  cTart,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  Il  rend  compte  des 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complète  des  expoWEiOIUI  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  &  l'étranger.  Il  est  envoyé  graCUltemeilt  à 
l'essai  pendant  un  mois  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande. 

L'ART  MODERNE  forme  chaque  année   un  beau   et  fort  volume  d'entiroD  450  pages,  avec  tabie 

matières.  Il  cMfltitUe>onr  l'MstaH^  de  l'Art  le  doitMent  LE  PLUS  COMPîXt  tU'Utmmm  I)A  -ebUSi. 


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Finances,  par  ministère  de  M«  Albert  Van  Bbvskb,  notaire,  tuisté 
de  MM.  Victor  Le  Roy  et  Jules  De  Brauwere,  experts. 

Erposition  :   16  et  17  mars,  de  11  à  5  heures. 

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en  un  fascicule  de  32  pages  au  moins.  Il  formera  tous  les  ans  un  fort 
volume  in-8",  pour  lequel  il  sera  tiré  une  couvertura  spteiale,  un 
titre,  une  table  des  matières  et  une  table  alphabétique  par  noms  d'au- 
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chim.  Wilhelmj,  Ed.  Orieg,  Ole  Bull,  A.  Ettipoff,  Sofie  Meuter, 
Désirée  Artôt,  Pauline  Lucca,  Pcg>lo  de  Sarasate,  Ferd.  HWer,  D. 
Popper,  sir  F.  Bene4ict,  Letohetiuky,  Napraottik,  Jok.  Selmer,  Jok. 
Seendsen,  K.  Rundnagel,  J.-O.-S.  Stekle,  Ignace  SrOU,  etc.,  etc. 

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L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LB    DIMANCHE 


RBVDB  ORfflQDB  DBS  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURB 

Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


▲BOmrXlCBNTS  :    Belgique,   un  an,   fr.  10.00  ;  Union  postale,   fr.    13.00.    —  ANNONCKS  :    On  traite  à  forfait. 

Adretser  toutes  le»  communication»  à 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  me  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


Waltol  Ckane  (Second  article).  —  Lbs  REVïNAMrs  d'Ibsen.  — 
Lhs  Oiuains  F^tes,  par  Albert  Oiraud.  —  Don  Juam.  —  Nouveaux 

CONORTS  LuiOCOIg.  —  PCTITB  CHHOMIQOK. 


Walter  Crâne 

(Second  article)  (1) 

La  traduction  de  Perrault  et  des  contes  de  fées,  c'est 
d'autres  écrins  de  plus  rares  joyaux  :  Blue-Beard, 
extraordinaire,  est,  en  sus  d'une  impression  merveil- 
leuse, d'une  mise  en  scène  opulente  et  théâtrale  comme 
en  déploient  les  Meininger.  A  genoux,  cheveux  épars, 
robe  bleue  aux  plis  métalliques  épars  sur  le  parquet  de 
funèbre  ébène,  l'épouse  trop  curieuse  implore  son  sei- 
gneur cruel,  vêtu  des  pieds  au  col  tout  de  rouge,  très 
François  I";  ou  bien  sœur  Anne,  telle  une  petite  Eva 
des  Mattres-Chanteurs,  en  p&les  robes,  tresses  au  dos, 
surmonte,  héraldique,  d'une  tour,  un  surprenant 
paysage  sillonné  de  routes,  semé  de  bois,  d'arbres  en 
fleurs,  et  le  sol^  <•  qui  poudroie  •,  aveuglant,  emplit  le 
ciel.  C'est  inimitable,  unique,  d'une  beauté  absolue. 
Jack  and  thê  Beaii-Sialh,  c'est,  après  le  drame,  la 

(1)  Voir  FArt  mod*m»  du  l*t  mars  dernier. 


féerie,  le  plant  de  haricots  grimpant  aux  cieux,  des 
pays  de  rêve,  des  colonnades  en  des  sites  désolés,  des 
couchants  d'or,  des  lueurs  pâles  de  lune  pour  le  rapt  de 
la  harpe  enchantée.  C'est  encore  les  décors  grecs  de  la 
Belle  au  Bois  dormant,  l'évocation  de  moyen-âîge  et 
de  légende  dans  Valentine  and  Orson,  les  gentillesses 
du  Petit  Chaperon  rouge,  Cinderella,  tout  décoratif 
et  pimpant. 

Par  l'abolition  surtout  du  texte  qui  se  mêlait  aux 
images,  les  illustrations  des  grands  albums  à  un  shilling 
forment  de  véritables  tableaux,  et  de  grand  effet  en  leurs 
étroites  dimensions.  Tels,  dans  Yellow  Dwarf:  La 
reine  et  le  nain  en  ce  peu  sûr  paysage  au  couchant,  où, 
passé  une  eau,  des  fauves  rugissent-,  le  char  emporté 
dans  l'air  par  des  cygnes  et  l'incomparable  élégance,  en 
son  péplum  d'émeraude,  de  la  Fée  du  désert.  Dans 
Frog  Prince,  le  repas  royal  partagé  par  la  grenouille 
pour  le  plus  grand  dégoût  des  convives,  à  l'esclaffement 
d'un  nègre  enturbanné,  d'un  valet  dont  le  rire  se  dissi- 
mule de  la  main,  d'un  grotesque  sommelier  à  trogne 
rouge  ;  le  geste  grave  et  sermonnant  du  doigt  du  roi  est 
imité  par  la  serre  d'un  faucon  tout  encapuchonné  sur  son 
perchoir.  Architectures,  accessoires,  costumes,  le  goût  de 
Crâne  pour  le  somptueux  y  éclate  en  toutes  splendeurs. 
La  table  est  couverte  de  fruits,  de  cristaux  et  de  buires; 
des  porcelaines  fleuries  sont  alignées  sur  un  bahut;  le 
roi  est  drapé  d'hermine  et  le  manteau  vert  d'un  puis- 


84 


L'ART  MODERNE 


sant  et  haut  dignitaire  est  brodé  de  sacs  d'écus.  Dans 
la  Biche  au  Bois,  la  planche  représentant,  dans  une 
forêt  sombre,  le  seigneur  poursuivant  la  biche,  semble 
une  tapisserie  dessinée  par  Burgmair.  Dans  la  Belle  et 
la  Bête,  derrière  un  somptueux  parc  de  roses,  apparaît 
un  château,  et  le  monstre,  sanglé  en  son  habit  rouge, 
surgit  pour  l'effroi  du  voyageur  cueilleur  de  roses  ;  plus 
admirable,  le  salon  empire,  ors  et  lumières,  café  servi, 
long  canapé  où  conversent  la  Belle  et  la  Bête,  et  ces 
ors,  ces  rouges,  ces  roses,  ce  fauve  d'une  peau,  la  note 
bleu-paon  du  tapis  les  fait  chanter.  Goody  Two  Shoes, 
malgré  des  réminiscences  de  Lejs,  est  un  chef-d'œuvre 
aussi.  Des  types  adorables  d'enfants  sérieux,  et  ces 
paysages  comme  mouillés,  semés  de  cottages  de  Nurem- 
berg, touffus  d'arbres  puissants  et  lourds,  sont  exquis  et 
des  plus  beaux  que  créa  Crâne.  Des  plants  de  lis  s'éri- 
gent, des  oies  et  des  porcs  déambulent,  une  jeune  fille 
s'entoure  d'animaux  familiers  tandis  qu'un  roquet  jappe 
aux  mollets  d'un  ridicule  et  long  jocrisse  accoutré  de 
jaune.  L'histoire  à'Aladdin  c'est  dans  une  Chine  bien 
fantaisiste,  mais  Princess  Belle-Etoile  renferme  quel- 
ques images  qui  sont  parmi  les  plus  prodigieuses  inven- 
tions de  Crâne,  telle  celle-ci  :  Le  prince-chéri  guidé  par 
la  Colombe  (Siegfried  et  l'oiseau?)  vers  l'antre  du  dragon 
tricéphale  ;  le  ciel  orangé  saigne  au  bas  de  roches  à  pic, 
l'acier  de  l'armure  se  bleuté  et  luit  en  éclairs,  et  le 
monstre  se  mirant  dans  le  bouclier  vers  lui  tendu  hurle 
d'effroi  à  sa  propre  image.... 

A  parcourir  la  série  de  ces  albums  extraordinaires, 
l'impression  me  revient  de  la  section  anglaise  à  Anvers, 
en  1885,  et  au  Champ  de  Mars,  à  Paris  en  1889,  et  du 
charme  bizarre,  austère  un  peu  et  rêveur,  éprouvé 
devant  les  Watts,  devant  King  Kophetua,  devant  les 
Moore,  devant  les  plus  désastreux  Millais,  devant  même 
certains  Leighton.  Et  comme  les  pages  de  Crâne  simu- 
lent des  tableaux  à  l'huile,  de  même  les  peintures 
anglaises  avoisinent  la  chromolithographie,  et  ce  sont 
les  mêmes  exaspérées  et  torturantes  harmonies,  les 
mêmes  atroces  et  séduisantes  couleurs,  comme  issues 
de  la  rage  de  vivre  dans  la  brume. 

L'artiste  ici  est  arrivé  an  sommet,  il  est  maître  dans 
son  art.  Ses  plus  fortes  œuvres,  les  plus  nourries  et  les 
plus  affirmatives,  sont  ces  derniers  albums  que  nous 
avons  parcourus.  Virtuose  des  couleurs  et  des  lignes, 
les  œuvres  qui  suivront  seront  plus  élaborées,  moins 
éclatantes  et  moins  riches,  malgré  des  inventions,  des 
raffinements  nouveaux  et  cette  caractéristique  et  prodi- 
gieuse, spirituelle  et  toujours  nouvelle  imagination  dans 
la  figuration  et  les  sujets. 

Il  est  cependant  bien  requérant  en  sa  sobriété  mono- 
chrome et  seulement  linéaire  ce  volumineux  album 
intitulé  Mrs.  Mundi  at  Home  (Marcus  Ward,  1Ô76), 
plein  d'allusions  politiques,  d'actualités,  de  souvenirs 
du  second  empire,  —  allusions  maintenant  trop  loin- 


taines, oubliées  ou  obscures.  C'est,  conviées  à  une  fête 
que  donne  la  Terre,  les  Eléments,  les  Astres,  les  Sai- 
sons, les  Nations,  —  et  s'essore  ici  tonte  l'ingéniosité 
allégorique  spéciale  à  l'artiste,  si  bien  qu'en  ces  vingt- 
quatre  grandes  planches,  on  pourrait  choisir  six  pro- 
jets au  moins  de  fresques,  et  ce  sçrait  charmant  comme 
Botticelli  et  d'une  grâce  légère,  telle  aux  peintures  de 
Pompeï. 

Vingt-quatre  chevaux,  les  Heures,  traînent  sur  la 
voie  carrossable  de  l'Ëcliptique  le  mail-coach  du  puis- 
sant lord  Soleil,  plein  de  morgue  et  d'orgueil,  monocle 
à  l'œil,  moustache  fièfe,  et  les  guides  en  main  de  ce  peu 
habituel  ttœnty-four  in  fuxnd.  Les  claquements  d'un 
fouet  ondulent  capricieusement  dans  l'air  et  c'est  le 
premier  invité  au  •  Terrestrial  Bail  >. 

Puis  vient  la  Lune,  d'un  si  mol  abandon  en  son  lan- 
dau, qui  est  un  croissant  :  des  chauves-souris,  c'est 
l'attelage,  deux  hiboux,  les  cochers.  Et  la  composition 
s'entoure  d'une  bordure  où,  dans  les  circuits  d'une 
courbe,  jouent  des  croissants  de  lune. 

La  Reine  de  l'Air,  sur  ses  divans  de  flottants  nuages, 
avec  autour  d'elle  Sirocco  et  Simoun,  nègre  et  arabe  à 
fastueuse  barbe,  qui  l'éventent;  des  zéphyrs  volètent,  et, 
parmi  eux  Ëole,  par  la  malice  de  l'auteur  sous  les  traits 
de  John  Ruskin.  soutenant  du  battement  de  ses  ailes 
Fors  Clavigera  J 

Ces  détails  d'humour,  habituels  à  Crâne  et  constants 
tout  au  long  de  son  œuvre,  ne  portent  en  rien,  comme 
on  pourrait  croire,  atteinte  à  une  belle  dignité  déco- 
rative, d'une  invention  je  dirais  unique  et  surprenante. 

Le  Soleil  offre  la  main  au  Printemps,  féminine  figure 
toute  délicieuse  et  ingénue,  et,  •  with  an  old  fitshioned 
measure  •,  ils  ouvrent  le  bal,  des  nues  imitant  au  ciel 
leurs  gestes  surannés. 

Virtuoses  à  un  clavecin,  robes  l^res,  bras  nus,  corps 
souples  devinés,  Terpsichore  et  Poljmnie,  échevelées  un 
peu,  accompagnent.  Auteur  élégant,  le  Zéphyr  langou- 
reux sur  la  volute  d'une  vague. 

Celle-ci,  d'une  indicible  élégance  :  jeunes  femmes 
enlacées  dans  la  danse  aux  guirlandes  qu'elles  tressent 
de  fleurs  et  de  fruits,  le  Printemps.  l'Été,  TAutomne 
sont  tour  à  tour  compagnes  du  Soleil.  Et  gestes,  torsions 
de  hanches,  plis  de  robes  mêmes,  pieds  des  danseuses 
cambrés  et  sur  les  pointes,  —  merveilles  de  dessin 
précis. 

Uranie,  •  pour  le  cas  où  on  lui  demanderait  de  chan- 
ter •>,  emmène  avec  elle  quelques  poètes  :  et  c'est  Ten- 
nyson,  -  Poet  Lauréate  »,  estampillé  d'un  V  R  et  d'une 
lyre,  c'est  William  Morris  et  son  Paradis  perdu,  c'est 
Rossetti,  dissimulé  k  demi  par  on  masque,  c'est  Charles 
Algemon  Swinbume  enfln,  sa  tragédie  de  Bothwellsooa 
l^bras. 

Puis  viennent  les  contrées  et  les  Etats  :  L'Amérique 
imite  les  modes  de  l'Europe.  L'Australie,  c'est  on  for 


VART  MODERNE 


85 


bébé  anglais  sur  les  bras  de  sa  bonne,  un  kanguroo.  La 
France,  importunée  par  on  papillon-Chambord  et  une 
guApe-Napoléon,  réfrène  les  ardeurs  d'un  lion  qui  sem- 
ble belliqueux  :  Gambetta,  coiffé  du  bonnet  phrygien. 
L'Allemagne  est  une  puissante  dame  gonflée  d'impor- 
tance et  qui  tient  sur  la  main  un  petit  Bismarck  arro- 
gant. La  Russie  aux  doux  yeux,  en  patins  et  fourrures, 
porte  un  ■  Guide  to  India  >■;  elle  est  suivie  du  Dane- 
mark, nn  pauvre  lévrier  couronné,  plein  d'appréhen- 
sion, tremblant  au  souvenir  de  raclées,  l'oreille  basse 
et  la  queue  entre  les  jambes.  L'Espagne,  enfin,  est  en 
proie  à  la  guerre  civile,  la  Liberté  glt  prisonnière  à  ses 
pieds,  tandis  qu'Âlphonsistes  et  Carlistes,  deux  vau- 
tours, se  disputent  la  victime. 

Les  dessins  de  Pan-Pipes  (Routledge,  1884)  auxaspects 
fanés  de  tapisseries,  si  en  accord  cependant  avec  l'ar- 
chaïsme desmusiques  qu'ils  ornent,  produisent  un  peu, 
après  les  violentes  images  des  contes  de  fées,  l'effet  de 
Van  Orley  à  côté  de  Van  Eyck.  Mais  il  y  a  dans  l'illus- 
tration de  ces  romances  àéntimentales  :  <•  Early  one 
Moming  «>,  •  the  Three  Ravens  »,  «  How  should,  yoar 
tme  Love  know  »,  un  grand  charme  mélancolique, 
une  douceur  toute  féminine. 

Voici,  dans  le  genre  humoristique  encore,  où  l'esprit 
de  l'artiste  se  montre  si  naturel,  trois  albums  publiés 
chez  Marcus  Ward  :  Slate  and  Pencil  (1885),  Little 
Queen  Anne  (1886),  Pothooks  and  Persévérance 
(1886),  mettant  en  scène  des  enfants  initiés  par  d'amu- 
santes fantaisies,  —  clowns,  pantomimes,  sauvages  cas- 
qués de  chiffres,  —  aux  difficultés  de  l'alphabet  et  de 
la  numération.  L'exécution  est  libérée  de  détails  et, 
moins  précise,  plus  preste  et  plus  légère,  a  des  allures 
d'aquarelle.  Le  peintre  s'y  montre  encore  différent  en 
deux  planches  singulières,  où  apparaissent  une  sorcière 
de  Fuseli  et  des  souvenirs  du  bizarre  William  Blake. 

La  série  éditée  chez  Routledge  à  peu  près  à  la  même 
époque  est  plus  précieuse.  Ce  sont  dans  Baby's  Opéra 
et  Bal»/' s  Bouquet  y  des  chansons  encadrées  de  dessins, 
où  certaines  planches  sont  absolument  captivantes  : 
•  The  Old  Man  in  Leather  »,  «  the  North  Wind  and 
the  Robin  -,  the  Mulberry  Bush  »,  «  I  saw  three 
Ships  »,  «  Good  Kind  Arthur  »,  the  Lady  who  loved  a 
Swine  »,  vignettes  comparables  aux  plus  belles. 

Dans  les  Fables  d Esope  (1887),  c'est  toute  une  spiri- 
tuelle zoologie,  —  et  j'ai  dit  la  supériorité  de  Crâne  à 
'essiner  les  animaux,  —  mêlée  aux  calligraphies  et  aux 
broderies  décoratives  du  texte.  Ces  décors  marron, 
jaune  et  blanc,  rappellent  cependant  d'anciennes  pote- 
ries grecques,  ces  grues  qui  s'envolent  sur  fond  rouge, 
appartiennent  à  maints  japonais,  —  et  si  la  polychrome 
figuration  de  «  the  Ass  in  the  Lion's  Skin  »  et  le 
camaïeu  bleu  de  «  the  Fox  and  the  Mask  »  semblent  de 
Tadema,  si  le  paysage  de  "  the  Blind  Doe  »  est  un 
Puvis  anglaisé, — il  faut  admirer  sans  réserves  la  beauté 


et  l'eurythmie  des  lignes  dans  ces  planches  :  «  Hercules 
and  the  Waggoner  ».  .  the  Bundie  of  Sticks  »,  «  the 
Farmers's  Treasure  -,  en  leur  volontaire  style  grec. 

Mais  ce  qui  est  remarquable,  c'est  la  manière  dont 
ces  jolis  livres  sont  présentés ,  leur  séduisant  aspect 
d'objets  précieux,  leurs  reliures  glacées  et  ornées  à 
l'imitation  des  céramiques,  leurs  dos  de  toile  indigo, 
vert-de-gris,  tète-morte  on  caca-d'oie.  Ainsi  la  couver- 
ture de  Baby's  Oton  Msop  figure  un  portique  grec  où 
un  enfant  sollicite  d'entrer  ;  deux  grues  (crâne)  symbo- 
lisent l'auteur  et  pour  Esope  une  chouette  volète  effarée 
Mais  où  Crâne  est  lui  tout  entier,  c'est  en  ces  deux  spi- 
rituelles pages  qui  servent  d'introduction  et  de  préface  : 
l'une  :  un  mur,  où  rampe  l'arabesque  d'une  vigne,  s'ouvre 
en  baie  sur  un  atelier  d'imprimeur  et  on  lit  au  fronton 
qu'apportent  deux  colombes  :  E  (mund)  E  (vans)  Engra- 
ver  and  Printer.  Les  ouvriers,  simulés  par  de  sérieux 
hiboux,  sont  au  travail,  l'un  encre  au  tampon,  un  autre 
est  à  la  presse,  un  troisième  enfin,  graveur,  s'applique, 
loupe  dans  l'œil,  penché  à  son  ouvrage.  Une  grande  fil- 
lette portant  un  marmot  les  regarde,  tandis  qu'une 
autre,  trop  petite,  se  hausse  en  vain  pour  les  voir.  Le 
second  dessin  :  une  grue  mécanique,  simulant  un 
absurde  et  véritable  oiseau,  dépose  dans  un  bateau  en 
papier  où  un  enfant  les  reçoit,  des  ballots  de  livres  ;  une 
plume  d'oie  dans  un  encrier,  c'est  toute  la  voilure,  et  un 
curieux  petit  hibou  à  lunettes  est  perché  à  la  proue. 

Dans  son  plus  récent  album  en  couleurs,  enfin,  Flora' s 
Feast  (Cassell  and  C°,  1889),  Walter  Crâne  met  tout 
son  inventifgénie  à  semer,  déplus  en  plus  doux  etlégers, 
les  gracieux  motifs,  et  ce  sont,  dames  et  seigneurs  aux 
florales  vêtures,  le  cortège  des  fleurs  du  Printemps  à 
l'Hiver. 

Je  laisse  volontairement  de  côté  les  livres,  contes  ou 
poésies,  illustrés  par  Walter  Crâne  ;  ils  sont  nombreux, 
des  plus  curieux  et  solliciteraient,  à  dire  vrai,  une  étude 
spéciale,  de  même  que  le  talent  de  poète  de  Crâne, 
auquel  on  doit  :  Thefirst  o/'A/ay  (Sotheran  and  C,  1881), 
Echoes  of  Hellas  (1888),  et  The  Sirens  Three  (Mac- 
millan,  1885), — ce  dernier  livre,  un  long  poème,  consi- 
déré par  l'auteur  lui-même,  au  point  de  vue  de  l'illustra- 
tion, comme  son  plus  important  ouvrage. 

Nous  avons  donc,  en  feuilletant  ces  seuls  albums,  — 
véritable  encyclopédie  comme  l'œuvre  du  bon  Hoksaï, — 
suivi  depuis  ses  débuts,  toutesmanifestations  du  talent  de 
Crâne.  Nous  l'avons  vu,  dessinateur  encore  inexpert  et 
naïf,  —  peintre  enluminant  pour  les  enfants  de  véri- 
tables et  puissants  tableaux,  —  décorateur  toujours 
perfectionnant  un  art  comme  d'impr»yisation,  plus 
léger,  plus  subtil,  plein  de  délicatesses  et  d'esprit. 

Nous  l'avons  vu  également  se  préoccuper  d'art  appli- 
qué à  l'industrie,  et  si  l'Angleterre  est  actuellement  le 
seul  pays  où  l'on  puisse  trouver  un  objet  moderne  possé- 
dant un  cachet  d'art,  je  ne  crois  pas  m'aventurer  en 


86 


VART  MODERNE 


affirmant  que  c'est  grâce  aux  constants  efforts  vers  le 
beau  d'artistes  vulgarisateurs  comme  Walter  Crâne, 
William  Morris,  plus  récemment  Selwyn  Image  et 
d'autres,  qu'il  nous  est  donné  d'admirer  ces  tentures, 
ces  papiers  de  Jeffrey,  ces  meubles  de  Maple,  ces 
faïences  et  ces  étoffes  de  Liberty. 

A  rencontre  d'artistes  purement  de  tempérament  ou 
d'instinct,  comme  Caldecott  ou  Keene,  on  peut  donc 
discerner  en  Walter  Crâne  un  artiste  raffiné,  apte 
mieux  qu'aucun  à  sentir  le  beau.  Mais  cet  artiste  est  sur- 
tout un  arrangeur,  un  adaptateur  d'arts  anciens  ou 
différents  à  des  besoins  modernes  d'ornementation  ;  son 
art,  c'est  presque  du  dillettantisme —  dillettantisme  con- 
firmant en  somme  le  grand  décorateur  qu'il  est. 

Georoes  Lemhen. 


«  Les  Revenants  »  d'Ibsen 

Voici  que,  pour  le»  Revenant»  d'Ibsen,  il  y  a  unanimité 
d'admiration  dans  notre  public  et  dans  notre  presse. 
Pour  une  fois!  Enfin I  ce  n'est  pas  malheureux.  Et  encore 
aurait-il  fallu  voir  l'air  ahuri  de  plasieura.  Et  surtout,  à 
la  dernière  représentation,  la  bouche  bée  des  retarda- 
taires, venus  là  sur  la  foi  des  journaux,  et  s'interrogeant 
dans  le  caveau  de  leur  conscience  artistique,  perdus  dans 
des  ténèbres. 

C'est  à  Antoine  que  nous  devons  cette  aubaine  de  bizarre 
dans  Veffrayant,  ainsi  que  l'écrivait  Edmond  Picard 
quand,  en  l'une  des  préfaces  de  son /ur^,  il  essayait  de 
définir  le  Fantastique  réel.  A  Antoine,  ou  plutôt  k 
l'évolution  théâtrale  dont  il  fut  le  protagoniste,  dont  il 
reste  le  champion.  Car  sans  lui,  vraiment  qui  eût  jamais 
pensé  à  produire  sur  nos  scènes,  infectés  de  parisianisme, 
ce  norwégien  norwégianisant,  s'imaginant,  le  fou.  qu'il 
peut  se  passer  des  choses  intéressantes  dans  des  âmes  hu- 
maines végétant  an  fond  des  Qords,  par  des  jours  de  pluies 
sans  fin  filtrant  plutôt  qu'elles  ne  tombent  à  travers  des 
brumes  incurables  que  le  soleil  visite  avec  des  airs  de 
descendre  ses  rayons  les  plus  pâles  an  fond  des  préaux 
d'une  prison?  Et  qu'on  peut  intéresser  des  spectateurs 
effondrés  dans  leur  fauteuil  d'orchestre,  sans  amener  â  la 
rampe,  en  bonne  lumière,  quelques  comédiennes  préten- 
tieuses de  la  Comédie-Française  ou  de  ses  succursales, 
exhibant  des  toilettes  maniérées,  confectionnées  tout  exprès 
pour  la  circonstance,  avec  une  préoccupation  de  réclame 
pour  qui  les  porte  et  pour  qui  les  a  faites  :  pièce  en  cinq 
actes  et  en  cinq  corsages,  côté  des  grandes  coquettes  ;  pièec 
en  cinq  actes  et  en  cinq  pantalons,  côté  des  jeunes 
premiers. 

Qu'on  l'avoue  donc,  un  théâtre  libre  a  du  bon,  comme 
tout  art  libre,  hardi,  oseur,  alors  même  que  parfois  il  ose- 
rait sinon  trop,  au  moins  à  côté.  Quelle  salutaire  hygiène 


que  d'être  mis,  à  certains  jonn,  par  quelque  tAméndre, 
hors  des  gonds  de  ses  habitudes,  et  de  eraquer  aux  join- 
tures sous  l'effort  d'un  imprévu  et  brutal  massage  I  On  se 
sent  alors  une  souplesse  d'esprit  et  de  lensations  dont  on 
se  pouvait  croire  à  jamais  mutilé,  etlajoaissance  vient  de 
ce  retour  de  jeunesse  ou  de  cette  pénétration  dans  l'in- 
connu. Béni  soit  l'art  neuf  I 

Ce  n'est  pas  que  cette  fois  le  spectacle  soit  de  ceux  qui 
caressent.  Oh  I  la  rudeBecousieetrangoisseaseim^^saion. 
II  est  sombre  ce  Norwégien,  avec  les  revenants,  et  il  inté- 
resse en  suscitant,  en  cohorte  fantomatique,  les  inquié- 
tudes. A  l'exemple  des  grands  et  moroses  tragiques  grecs, 
il  tisse  ses  personnages  en  spectrales  silhouettes  sur  le  ca- 
nevas de  la  Fatalité.  Par  delà  deux  mille  ans  en  arriére  on 
songe  au  touchant  et  efflrayant(Edipe,etrétonnemantvous 
saisit  de  penser  que  c'est  dans  une  maison  Scandinave, 
une  quelconque  maison,  la  maison  d'un  feu  chambellan 
mal  défini,  que  se  passent,  entre  bourgeois,  des  événe- 
ments obscurs,  en  lesquels  circulent  les  mêmes  impi- 
toyables forces  du  Destin,  causant,  à  qui,  muet,  les 
regarde  agir,  les  mêmes  terreurs  et  les  mêmes  tristesses 
résignées  qu'il  y  a  deux  miUe  ans! 

Car  ils  ont  cette  portée  les  Revenants  dibsen,  à  l'insu 
peut-être  de  celui  qui,  parmi  d'antres  œuvres  dramatiques 
ne  dépassant  gnères  l'ordinaire  niveau,  a  produit,  par  un 
étrange  hasard,  ce  morceau  de  choix.  Poignant  est  le  tra- 
vail psychologique  du  spectateur  qui,  sans  préalable  lec- 
ture, assiste  au  déroulement  de  ces  trois  actes,  le  rideau  se 
levant  sur  un  décor  de  salon  qui  n'annonce  rien,  que  les 
quotidiennes  banalités  de  l'existence.  A  peine  en  lointain 
avertissement  d'un  bizarre,  pointant  à  l'horiaon,  cette  indi- 
cation :  Qu'il  pleut  I  qu'il  pleut  sans  fin,  depuis  des  jours, 
toujours,  une  pluie  qui  filtre  plutôt  qu'elle  ne  tombe, 
embrumant  la  lumière,  mouillant  les  vêtements  de  qui- 
conque arrive  du  dehors.  Qu'il  pleut }  Pourquoi  cette  pluie 
tombale  toujours,  depuis  des  jours  ?  Que  nous  veut-il  avec 
cette  pluie  opiniâtre  et  victimairé,  à  laquelle  on  pense, 
malgré  soi,  nuage  de  tristesse  et  d'ennui;  plus  que  de 
l'ennui  bientôt,  un  effroi  qui  lentement  monte  dan*  l'âme 
tandis  que  lentement  elle  tombe,  et  qu'on  l'entend,  oui 
qu'on  l'entend  sans  l'entendre,  invisible  et  pourtant  per- 
ceptible accompagnement  du  drame  durant  ces  trois  actes, 
et  même  pendant  les  entr'actes,  vous  poursuivant  de  sa 
faible  rumeur,  obsédante,  tourmentante,  maléficante. 

Et  c'est  là  dedans,  avec  ça  autour,  tout  autour,  que 
surgissent  les  personnages,  un  à  un,  chacun  avec  son 
bizarre,  son  spécial  bizarre,  car  les  Revenants  de  cette 
œuvre  discrètement,  mais  monstrueusement  baroque  ne 
sont  pas  seulement  ceux  qui,  introduits  sournoisement 
dans  Oswald  et  Régine,  ces  possédés,  oes  inconscients 
démoniaques,  agitant  leurs  gestes  et  leurs  paroles  et  leurs 
pensées,  regardant  par  les  trous  de  lenrs  yeux,  levant  et 
abaissant  leurs  bras,  faisant  grimacer  leur  visage.  Ils 
sont  tons  des  revenants  dans  cette  pièce  macabre,  plus 


".■y^ip^.'iTi,  .'■jîf^'^r 


UART  MODERNE 


87 


toni  ceux  qui  flottent  et  voltigent  antonr  d'enx,  dans  l'air 
et  les  ténèbres,  ombres  multipliées,  population  de  ce  pays 
polaire  et  dmetièrenx. 

Tous  revenants  :  la  môre,  le  flls,  le  prêtre,  la  serrante, 
le  menuisier,  le ,  le ,  le ;  n'importe  qui  vien- 
drait s'^ijonter  à  ceux  qae  le  dramaturge  a  mis  en  jeu,  que 
c'en  serait  un,  qu'il  faudrait  qne  c'en  fut  un.  Tons  reve- 
nants sous  une  forme  unique,  bouleversante  dans  son 
unité  :  la  Folie.  La  folie,  parce  qu'ils  sont  faits  tous  de 
choses  à  jamais  accomplies,  depuis  des  ans  et  des  ans, 
desséchées  par  le  passé  et  dans  le  passé,  mais  revivant, 
repoussant  malingres  et  épuisées,  par  le  maladif  phéno- 
mène héréditaire  mettant  le  virus  des  morts  dans  des 
vivants  nuisibles,  et  les  tourmentant  de  cette  dartre,  de 
ce  poison  trop  pauvre  pour  les  grandir  à  l'héroïsme,  assez 
malfidsant  pour  briser  chez  eux  l'équilibre. 

Et  dans  l'âme  des  spectateurs  le  détraquage  de  tous  ces 
détraqués  détraque  aussi  quelque  chose,  injectant  une 
amertnme  et  retenant  quand  même,  comme  si  la  peau  était 
prise  par  an  fll  de  métal  crochu  qui  blesse  et  qu'on  sent 
aigu,  et  qui  n'est  presque  rien,  mais  qui  cruellement  dé- 
chirerait si  l'on  tirait  dessus  pour  se  détacher  et  se  libérer. 
Oh  I  quel  désordre  en  ces  êtres,  quelle  désarticulation  de 
tonte  l'horloge  psychique,  quel  galop  des  aiguilles  sur  le 
cadran,  quels  toumements  des  rouages  lâchés  en  une 
anarchie  qui,  après  des  bruits,  des  cris  stridents, 
des  grinçures,  des  déroulements  précipités,  s'arrêtera 
tout  i,  coup  dans  la  nette  immobilité  des  choses  cassées. 

Folle,  cette  mère,  dans  la  rageuse  et  sceptique  colère  de 
ses  souvenirs  d'épouse  bafouée,  de  chrétienne  ayant  inuti- 
lement sacrifié  sa  vie  à  des  devoirs  qui  désormais  lui  sem- 
blent une  duperie.  Fou,  ce  prêtre  prêchant  sans  cesse, 
solennel  et  convaincu,  résolvant  tout,  imperturbablement, 
par  l'abnégation  et  la  résignation  et  le  rêve.  Fou,  ce 
menuisier  avide,  hypocrite,  incendiaire,  ramenant  tout  à 
cette  autre  idée  fixe,  une  idée  fixe  de  menuisier,  gigan- 
tesque d'ineptie  :  avoir  un  cabaret!  et,  avec  une  ténacité 
et  nne  stupidité  de  sauvage,  prêt  à  toutes  les  fourberies,  à 
tous  les  crimes  pour  l'accomplir.  Folle,  cette  servante,  à 
cervelle  d'outarde,  poussant  ses  désirs  et  ses  fantaisies  sur 
les  trente-deux  points  de  la  rose  des  vents. 

Et  fou  surtout,  fou  de  dominante  folie,  ce  jeune  homme, 
concentrant  en  lui  plusieurs  folies  comme  une  cible, 
comme  un  cautère  piqué  par  les  mouches  qui  viennent 
et  qui  partent.  Fou  de  folie  tellement  dominante  qu'il 
semble  que  les  interprètes  d'Antoine  lui-même  ont  cru  que 
c'était  le  seul  de  la  pièce,  de  telle  sorte  qne  les  quatre 
antres,  en  leurs  quatre  coins  avec  ce  point  central,  ont 
joué  sans  faire  jaillir  la  déraison  de  leur  personnage,  et  que 
dès  lors  l'œuvre  n'a  pas  sorti  complètement  son  efiiet  de 
terreur  et  d'angoisse.  Oh  I  le  terrible  jeune  homme,  fan- 
tastique dés  l'abord,  quant  il  sort  de  la  coulisse,  annoncé 
par  quelques  énigmatiqnes  paroles,  la  pipe  à  la  bouche, 
et  &  cause  de  cette  pipe,  et  de  la  façon  dont  il  la  tient 


aux  dents,  et  du  pli  que  cela  lui  fait  à  la  bouche,  ressem- 
blant à  l'improviste  à  son  terrible  père,  à  son  père  infâme, 
pourquoi?  pour  aucune  raison  humaine,  pour  aucune 
raison  de  justice  surtout,  uniquement  parce  qu'il  est  son 
fils,  de  par  la  matérialité  stnpide  et  ignoble  de  la  copu- 
lation, et  qu'alors,  et  pour  cela  seul,  il  faut,  il  faut, 
quoi  qu'on  en  ait,  qu'il  ait  en  lui  son  père,  avec  une  partie 
de  ses  vices  et  de  ses  horreurs  et  des  ses  germes  de  dégé- 
nérescence. 

Le  drame,  c'est  l'épanouissement  complet  de  ce  fou  en 
chef  au  milieu  des  quatre  autres  fous  en  sous-ordre.  Tous 
quatre  sont  les  officiants  ténébreux  et  affreux  de  cette 
cérémonie  barbare,  lui  passant  les  encensoires  de  cette 
messe  noire,  faisant  les  répons,  aidant  à  cette  liturgie, 
achevant  avec  lui  le  sacrifice  qui  finit  par  sa  chute  lourde 
dans  l'anéantissement  cérébral. 

Horrible  et  belle  et  empoignante,  cette  neuvre  soulève 
en  nos  âmes  habituées  à  un  plus  calme  dramatique,  des 
fièvres  comme  celles  qui  vous  prennent  à  la  lecture  de  la 
prodigieuse  Chute  de  la  maison  Usher,  d'Edgard  Poe. 
C'est  attirant  comme  le  gouffre.  Cela  a  les  séductions 
infernales  de  l'inhumain  et  du  surhumain.  Mais  cela  a  le 
don  suprême  :  c'est  grandiose  et  émouvant  ! 


LES  DEniTIÈrtES  FÊTES 

par  Albert  Oihaud.  —  Bruxelles,  Lacomblez. 

Son  rêve  de  luxe,  d'héroïsme,  de  vice,  de  cruauté,  M.  Gjraud 
le  prolonge  en  son  livre  nouveau,  dont  l'unité  se  ramasse  sous  ce 
titre  :  les  Dernières  Files. 

Miroirs  éblouissant*  de  ces  fêtes  étranges 
Où  le  sang  répandu  se  tnéle  aux  vins  cruels 
Qui  gardez  dans  vos  eaux  le  sourire  des  anges 
Vaincus  par  la  beauté  des  démons  :  sensuels 
Chasseurs  velus  d'or  noir  et  de  flammes  arides 
Nuit  et  jour  à  l'affût  dans  les  halliers  païens, 
Qui  sur  le  doux  gibier  des  prunelles  candides 
Déchaînez  vos  mauvais  regards  comme  des  chiens. 

Du  luxe  aveuglant  de  vos  plaisirs  royaux 

Il  restera  ces  vers 

Les  décors  de  faste  et  d'éclat  rouge  sont  tantôt  des  jardins,  tan- 
tôt des  palais  fa  escaliers,  tantôt  des  horizons  de  pourpre  ^de 
sang,  tantôt  quelqu'église  dont  les  verrières  de  bijoux  myriadaircs 
brûlent  le  silence  de  leur  magique  splendeur.  L'impression  de 
richesse  élégante,  d'orpeil  de  fer,  d'argent  et  de  métal,  de  somp- 
tuosité drapée,  de  magnificence  orfévrée  et  ruisselante  est  provo- 
quée presque  dans  chaque  poème  avec  un  incessant  renouvelle- 
ment d'images  et  de  termes  artistes.  Le  talent  du  poète  triomphe 
en  celte  abondance  de  détails  choisis,  de  qualificatifs  rares,  de 
versicolores  et  miroitants  aperçus. 

Le»  personnages  qui  expriment  ses  tourments  de  cerveau,  qui 

lui  donnent  leur  chair  pour  y  incarner  ses  songes  et  ses  regrets, 

sont  soit  des  rois,  des  reines,  des  évéqnes,  des  duchesses,  des 

fols 

Projets  de  mon  cerveau  lassé, 
Désirs  aux  bottes  de  sept  lieues, 
Caprices  d'un  soleil  glacé, 
Tulipes  noires,  roses  bleues, 
Ainsi  vous  naissez... 


88 


L'ART  MODERNE 


Dans  ce  b«au  jardin  de  mensonges, 
Enfants  de  mes  fiers  appétits... 

En  ses  précédents  volumes,  décors  et  personnages  de 
M.  Giraud  éiaienl  plus  uniformément  liéroïques  et  hauis  en 
vigueur  et  en  force  ;  aujourd'hui,  ils  sont  devenus  plus  délicats, 
plus  raffinés,  plus  compliqués,  les  sentimenis  à  exlériorer  en  une 
forme  liliéraire  étant  plus  subtils,  plus  arabesques  el  plus 
noueusemeni  complexes.  Le  relire  «  avec  ses  mains  en  songe 
sur  l'épée  »  n'esl  plus  au  premier  plan  du  livre. 

En  opposition,  ou  plulôl  en  résultante  de  ses  désirs  «  hors  du 
siècle  »,  hors  des  temps  actuels,  vers  des  lointains  des  races, 
de  ses  élans  vers  les  âges  de  passions  spécialement  perverses  el 
aristocratiques,  voici  qu'à  ce  poète,  il  lui  aussi,  il  sourd  un  désir 
d'enfance,  un  amour  de  la  souffrance  et  comme  une  folie  de  mar- 
lyr  résigné  : 

Je  fus  longtemps,  je  suis  encore  cet  enfant 
Sans  autre  bouclier  que  sa  fragile  enfance. 
Qui  toujours  plus  enfant  à  peine  se  défend 
De  vous  rendre  en  amour  le  poids  de  votre  offense. 

El  plus  loin  : 

Je  suis  un  espalier  pour  la  soif  et  la  faim 
Des  chercheurs  de  souffance  et  mes  blessures  fraîches, 
Mangez-les,  buvez-les,  car  je  comprends  enfin 
L'ivresse  des  martyrs  amoureux  de  leurs  flèches. 

Les  Dernières  Fêles  vont  de  l'un  à  l'autre  de  ces  deux 
extrêmes,  qui  toujours,  ou  presque  toujours,  en  les  cœurs  de 
cette  heure-ci,  se  touchent.  Peui-étre  même  que  les  appels  vers 
les  perversités,  vers  les  cruautés,  vers  les  fastes  el  les  luxes  tra- 
giques, vers  les  déployemenis  de  bijoux  hosiiles  et  de  lances  san- 
glantes, ne  sont  que  feintes  et  masques,  mis  au  devant  d'une  pro- 
fonde el  élémentaire  bonlé. 

La  rage  de  ne  pouvoir  êire  son  cœur  ne  rejeile-i-elle  pas  vers 
des  excès  de  volonté  maligne  el  de  cruelle  évocation,  el  cela  seul 
ne  suffit-il  à  expliquer  la  culture  inlelleciuelle  des  perversités 
contenues  dans  la  plupart  des  livres  d'aujourd'hui,  tout  connine 
la  peur  d'être  circonvenu  dicte  les  vers  explicites  de  Menact  : 

Je  suis  déshabillé  de  l'orgueil,  frêle  et  nu 
Je  regarde  le  ciel  &  travers  mes  maux  calmes 
Que  joint  l'étrange  espoir  d'un  bonheur  ingénu 
Dans  un  gouffre  d'azur  où  se  baisent  des  palmes. 
Mais  prenez  garde,  vous,  ma  gloire  et  mon  souci. 
Prenez  garde,  vous  tous  qui  m'avez  adouci 
Jusqu'à  cette  douceur  et  cette  peur  de  vivre. 
De  voir  se  révolter  ce  cœur  qui  vous  enivre. 
Et  la  haine  jaillir,  comme  un  glaive  irrité 
t        D'un  fourreau  de  candeur,  de  joie  et  de  bonté. 

A  commenler  celte  pièce  il  nous  serait  facile,  croyonvnous,  de 
loucher  le  fond  même  du  poète,  et  combien  d'autres  sont  en  ce 
même  état  d'esprit  el  de  vouloir  hérissés  el  de  rêves,  qui  se  drev 
sent  comme  des  vengeances.  El  l'on  se  complaît  il  se  songer  hors 
des  jours  que  l'on  vil,  autre  que  l'on  esl,  el  autre  qu'en  l'intime 
de  soi  on  voudrait  être.  Ce  qui  nous  requiert  le  plus  en  ce  livre 
des  Dernières  Files,  ce  sont  peut-être  les  deux  ou  trois  poèmes 
qui  ne  semblent  point  faire  partie  de  sa  moelle  :  l'Horloge,  el 
surtout  Avertissemenl,  que  nous  citons  pour  clore  : 

J'ai  rencontré  mon  ftme  au  détour  du  chemin 
Lente  et  grave,  au  milieu  de  très  blanches  ténèbres, 
Sous  un  manteau  de  lune  ocellé  d'yeux  funèbres. 
Et  la  fleur  de  ma  mort  fleurissait  dans  sa  main. 
Ombre  plus  pâle  encor  d'une  ombre  pâle,  un  grêle 
Et  beau  lévrier  blanc  la  suivait  doucement, 
La  suivait  pas  à  pas,  d'un  étrange  aboiement 
Dont  la  plainte  expirait  dans  le  silence  frêle. 


J'ai  marché  vers  mon  àme  :  elle  a  lev4  les  yeux. 
Elle  a  levé  ven  mol  ses  yeux  mystérieux. 
M'a  regardé  longtemps,  mais  uns  me  reconnaître; 
Puis  ramenant  son  voile,  aux  plis  chastes  et  froids, 
Elle  a  fait,  dans  le  vide,  avant  de  disparaître. 
D'un  long  geste  endormi,  le  signe  de  la  Croix. 

Certes,  est-elle,  celle  pièce,  la  plus  pénéiraote,  la  plus  vague- 
ment el  la  plus  immaiériellemeni  impressionnante  du  recueil 
entier.  Elle  marche  au  delà  du  décor,  au  delà  de  tout  prestige  de 
mot  ou  de  rime,  elle  a  la  vie  profonde.  Elle  est  d'un  art  autre.  Si 
elle  éblouit  moins  elle  attire  plus. 

Les  Dernière*  Fêles  sont  typographiquement  parfaites. 


DON  JUAN 

Pour  ceux  de  notre  génération,  Don  Juan  évoque  le  souvenir 
de  Faure,  grand  seigneur,  alerte  diseur,  el  si  beau  baryton  !  Les 
vieux  abonnés  citent  Tamburini,  Rubini.  Et  l'on  rappelle  les 
débuts  de  la  Palli.  (El  palala,  dirait  Laforgue.) 

Ce  qu'on  a  remué  de  cendres.  Samedi  !  C'était  à  qui  plongerait 
le  plus  profondément  dans  le  passé  pour  en  exhumer  des  sou- 
venirs, des  anecdotes.  On  s'est  mis  d'accord,  ainsi  qu'à  chaque 
reprise  de  «  l'immortel  chef  d'œavre  »,  pour  bêcher  fortement 
Castll-Blaze,  dont  les  récitatifs  alourdissent  la  partition.  Il  serait 
peut-être  intéressant,  en  présence  de  l'unanimilé  des  critiques, 
de  monter  quelque  jour  Don  Juan  tel  qu'il  fut  écrit,  de  le  débar- 
rasser de  la  façade  Jésuite  appliquée  sur  sa  pimpante  archi- 
leclure. 

Celte  restitution  aurait  un  tout  autre  attrait  que  la  mise  en 
scène  de  l'œuvre  b&larde  qu'on  nous  sert  actuellement,  mi-opéra, 
mi-opéra  comique,  tirée  à  hue  el  à  dia,  sans  silhouette  précise. 

Oh  !  les  arrangeurs  d'œuvres  d'art,  les  retoucheurs  de  tableaux, 
les  tourneurs  de  bras  pour  Vénus  de  Milo  ! 

La  direction  de  la  Monnaie  a  soigné  celle  reprise.  Il  faut  lui 
savoir  gré  de  ses  efforts.  Pourtant,  on  souhailrait  mieux  encore. 
Malgré  toute  sa  bonne  volonté,  H°>*  de  Nuovina  ne  sera  jamais 
une  Zerline.  Pourquoi  confier  à  Esclarmonde  ce  râle  de  demi 
caractère,  tout  espièglerie,  gaminerie,  diable-au-corpsT  M°>*  Du- 
frane  exigère  les  intentions,  les  nuances  des  compositeurs  (au 
pluriel,  hélas  !)  Sa  voix,  on  en  connaît  l'ampleur.  Hais  quel 
énervement  produit  par  celte  constante  emphase  I  M'>*  Carrère, 
merveilleusement  habillée  d'une  robe  à  ramage  d'une  parbite 
correction,  a  joliment  chanté  el  joué  personnage  de  Dona  EWire, 
la  femme  délaissé.  C'est  à  elle  que  nous  décernerions  la  pomme, 
s'il  s'agissait  de  quelque  mont  Ida. 

Les  hommes:  M.  Bouvet,  un  Don  Juan  un  peu  lourd,  gestes 
convenus,  mimique  d'opéra,  tous  les  clichés.  La  voix  est  bonne, 
mais  comment  dire?  pftleuse.  Elle  ne  pénétre  pas.  Dans  Lepo- 
rello,  M.  Seintein  a  mis  beaucoup  d'intentions  comiques,  souvent 
réalisées.  C'est  peut-être  lui  qui  donne  à  son  râle  le  caractère  le 
plus  conforme  à  l'œuvre. 

L'orchestre  est  correct,  sans  plus.  On  écoute  avec  intérêt,  sans 
émotion. 


NOUVEAUX  CONCERTS  LIÉGEOIS 

(Correspondance  particulière  de  l'Art  modehnk.) 
M.   Sylvain  Dupuis  a  clôturé  de  très  digne  manière  la  série  de 


ses  concerts. 


> 


L'ART  MODERNE 


89 


Il  faut  appuyer  encore  sur  les  étonnants  progrès  réalisés  par 
son  orchestre  cet  biver.  La  volonté  du  chef  a  vaincu  toutes  les 
résistances.  Sa  réelle  valeur,  son  haut  goût  d'artiste  ont  eu  raison 
des  mauvais  vouloirs. 

Et  c'est  aujourd'hui  des  exécutions  correctes  toujours,  ^  admi- 
rer souvent,  que  nous  donne  M.  Dupuis. 

Nous  avons  eu  d'excellentes  interprétations  de  la  symphonie 
de  Berlioz  Harold  en  Italie,  dans  laquelle  M.  Van  Hout  a  tenu 
avec  beaucoup  de  talent  l'imporianie  partie  d'alto  ;  de  l'ouver- 
ture de  Léonore  de  Beethoven  ;  du  prélude  du  deuxième  acte  de 
(?u;«ndoh'n«,d'une  si  jolie  écriture;  delà  marchede  Tannhafiter. 

L'ouverture  de  Léonore,  la  troisième  écrite  par  le  maître,  a  été 
jouée  avec  une  tenue  et  une  vigueur  qui  ont  fait  apparaître  la 
grande  œuvre  dans  sa  toute  puissance.  L'entrée  des  violons  dans 
le  final  a  été  exécutée  avec  une  rare  perfection. 

Nous  avons  beaucoup  remarqué  l'interprétation  de  la  marche 
de  Thinhaûter.  M.  Dupuis. ne  s'est  pas  borné  à  donnera 
l'oeuvre  celte  allure  militaire  et  uniformément  guerrière  à 
laquelle  nous  sommes  trop  habitués.  11  a  nuancé,  H.  Dupuis, 
et  pénétrant  plus  avant  dans  l'œuvre,  il  a  très  finement  distingué 
entre  la  première  et  la  deuxième  partie,  donnant  à  la  première 
partie  son  caractère  d'élégance  et  de  pompe  qui  marque  si  bien 
l'apparition  des  hauts  seigneurs  allemands,  pour  ne  prendre 
qu'ensuite  l'allure  martiale. 

N.  Ch.  Gregorowistsch,  un  violoniste  d'un  brillant  avenir,  a 
joué  d'un  son  très  pur  et  avec  une  belle  simplicité  le  concerto 
de  Moszkowski. 

La  seconde  partie  de  son  programme  se  composait  d'une  série 
dc^orSéaux  qui  n'avaient  d'intérêt  que  par  la  remarquable 
technique  que  le  virtuose  avait  l'occasion  de  déployer. 


Petite  CHROf<iquE 


Voici  les  recettes  du  Salon  des  XX.  Nous  avons  dit  déjà  qu'il 
serait  intéressant  de  publier  régulièrement  le  résultat  financier 
de  toutes  les  expositions  qui  se  succèdent  au  Musée.  On  verrait 
ainsi  auxquelles  vont  spécialement  les  préférences  du  public. 
Cartes  permanentes .     .     .     .  fr.     1,260    » 

Entrées  à  8  francs 786    » 

»      à  50  centimes  ....     i,265     » 
Vente  des  catalogues     ....        519    » 


Total. 


fr.     4,830 


M.  le  major  Paul  Combaz  fera  &  la  Société  cC Archéologie,  le 
lundi  16  mars  1891,  i  8  1/2  heures  du  soir,  dans  les  locaux  du 
la  Société  belge  des  Ingénieurs  et  Industriels,  au  Palais  de  la 
Bourse,  une  conférence  sur  L'enceinte  de  Bruxelles  bâtie  au 

XVI*««Ârf«. 

Le  Schiller-  Verein  donnera  le  21  mars,  au  bénéfice  des  pau- 
vres qu'il  secourt,  une  représentation  de  Don  Juan  à  la  Mon- 
naie. S'adresser  pour  les  conditions  it  MM.  Schotl  frères. 

La  vente  des  objets  d'art  japonais  de  la  collection  Philippe 
Burty  aura  lieu  à  Paris,  dans  les  galeries  de  Durand-Ruel,  du  23 
au  29  mars.  On  sait  que  Philippe  Burty,  décédé  l'été  dernier, 
avait  réuni  une  collection  d'objets  d'art  japonais  qui  était  célèbre 
dans  le  monde  entier.  Burty  était  un  japonisant  de  la  première 
heure. 

Nous  venons  de  recevoir  le  catalogue  de  luxe  de  celte  vente, 
dressé  par  H.  S.  Bing,  le  directeur  du  Japon  Artistique. 
M.  S.  Bing  est  tin  des  pfus  compétents  en  art  japonais,  et  le  cata- 


logue qu'il  a  rédigé,  complété  parla  photographie  des  signatures 
d'artistes  japonais,  forme  un  gros  volume  illustré  des  dessins 
mêmes  de  Philippe  Burty,  qui  avait  copié  avec  une  inlerpré 
talion  très  originale  une  grande  partie  des  objets  de  sa  collec- 
tion. 

Il  p:iralt  que  quelques  artistes  anglais,  insurgés  du  pinceiiu  ou 
de  I»  pointe,  se  préparent  à  former  une  Société  des  Vingt,  à 
l'image  de  la  ndtre,  ei  doni  la   présidence  sérail  décernée   'a 

WHI8TL8R. 

La  présidence  de  1.  Mac  Neill  Whisller,  un  artiste  qui,  pour 
avoir  été  taxé  d'excentricité,  n'en  esi  pas  moins  un  peintre  et 
même  un  grand  peintre,  permet  d'espérer  que  les  Vingt  anglais 
exposeront  de  la  peinture. 

Ce  n'est  pas  le  premier  emprunt  que  nous  font  nos  amis 
d'Angleterre.  On  n'aura  pas  oublié  la  «  Zwanze  exposition  » 
d'il  y  a  trois  ans  eut,  peu  de  temps  après,  sou  pendant  à  Londres, 
sous  forme  d'une  exposiiion  caricaturale  des  œuvres  de  la  Royal 
Academy,  due  à  la  verve  satirique  de  M.  Harry  Furniss,  un  des 
plus  brillants  et  amusants  collaborateurs  du  Punch. 

Mais  il  y  a  une  différence  :  c'est  que  les  Zwanzeurs  anglais  se 
sont  moqués  de  l'art  vieilli,  de  l'art  académique,  de  l'art  des 
reeommenceurs,  pasticheurs  et  répétiteurs  de  l'art  éteint,  de  l'art 
d'une  autre  époque,  beau  en  soi,  pour  cette  époque,  mais  odieux 
quand  il  est  piteusement  repris  par  de  stériles  imitateurs, —  tandis 
que  chez  nous  ce  dont  on  se  moque,  inutilement  du  reste,  c'est 
de  l'art  neuf,  évolutif,  allant  en  avant,  osant,  de  l'art  bouscula- 
leur  des  podagres  et  des  impuissants. 

On  a  vendu  ii  l'hôtel  Drouot  la  galerie  de  tableaux  de  feu 
M.  Ch.  Noèl,  banquier,  dont  la  maison  est  en  liquidation. 

Celte  remarquable  collection  comprenait  69  numéros  : 
49  tableaux,  20  dessins  et  aquarelles. 

L'œuvre  capitale,  un  Rousseau  (la  Mare,  vue  prise  à  Fontaine- 
bleau), a  éié  adjugée  82,100  francs;  un  Corot  {l'Etang  de  Ville- 
iAvray),  39,900;  le  Christ  sur  la  Croix  de  Delacroix,  18,250; 
une  délicieuse  marine  de  Constable,  15,600;  Ui  Magdeleine  de 
Henner,  16,500  ;  deux  marines  et  la  Procession  d'Isabey,  12,600, 
6,500  et  5,500;  deux  Couture,  6,000  et  4,400;  deux  Diaz,  la 
Forêt  de  Fontainebleau  et  Nymphe  et  Amour,  13,200  et  11,000  ; 
la  Rivière  de  Dupré,  13,600;  la  Forêt  de  Troyon,  11,200;  Sous 
boisAa  même,  4,000;  le  Bosphore  de  Zicm,  15,600. 

Le  seul  tableau  ancien  de  la  collection,  une  nature  morte  de 
Fyt,  a  atteint  7,100. 

Enfin,  quatre  aquarelles  de  Barye  :  un  Lion,  un  Tigre,  un 
Tigre  découvrant  un  serpent  et  les  Eléphants,  ont  trouvé  acqué- 
reurs i  4,500,  4,800,  6,100  et  6,100,  soit  21,500  pour  les 
quatre. 

La  vente  a  produit  au  total  la  somme  de  334,335  francs. 

La  conservation  des  monuments  en  Belgique,  par  Paul 
Saintcnoy,  architecte.  Extrait  des  Annales  de  la  Société 
d'Archéologie  de  Bruxelles,  t.  IV.  1890.  (Bruxelles,  Alf.  Vro- 
mant,  1890,  in-8,  pp.  15).  —  Dans  ce  sommaire  rapport,  pré- 
senté à  l'assemblée  générale  de  la  Société  d'Archéologie  de 
Bruxelles,  l'auteur  s'élève  avec  raison  contre  le  vandalisme  des- 
tructeur ou  restaurateur  de  nos  vieux  monuments.  Il  signale  l'im- 
puissance de  notre  législation  à  les  protéger  efficacement  et 
préconise  la  loi  française  du  30  mars  1887,  dont  il  y  aurait  liou 
d'adopter  les  dispositions  essentielles  :  Pour  les  monuments 
tombés  dans  le  domaine  privé,  s'il  y  a  bon  vouloir  de  la  part  du 
propriétaire,  l'Etat  intervient  par  voie  de  subsides  et,  en  échange, 
surveille  la  restauration.  Quand  il  y  a  mauvais  vouloir  de  la  part 
du  propriétaire,  lorsque  celui-ci  refuse  les  subsides,  fait  des 
changements  ou  s'apprête  à  démolir  l'édifice,  l'Etal  esl  armé  par 
la  loi  et  il  peut  poursuivre  l'expropriation  pour  cause  d'utilité 
publique,  parles  voies  judiciaires. 

M.  Gustave  Hôllander,  directeur  des  Concerts  populaires  de 
Cologne,  se  propose  défaire  entendre  la  trilogie  de  XVallenstein 
de  Vincent  d'Indy  à  un  de  ses  prochains  concerts. 


]!^^}v!fr\:-''-'. 


ONZIÈME  ANNÉE 

L'ART  MODERNE  s'est  acquis  par  l'autorité  et  l'indépendance  de  sa  critique,  par  la  variété  de  sob 
informations  et    les  soins  donnés   à  sa   rédaction  une  place  prépondérante.   Aucune  manifestation  de  l'Art  ne 

lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  de  peinture,  de  soulpture,  de  gravure,  de  musique, 

d'architecture,    etc.    Consacré   principalement  au   mouvement  artistique  belge,   il  renseigne  néanmoins  ses 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  l'étranger  qu'il  importe  de  connaître. 

Chaque  numéro  de  Li'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  question  artistique 
ou  littéraire   dont  l'événement   de   la   semaine  fournit  l'aotualité.  Les  expositions,  les  livres    nouveattœ,   les 
premières   représentations    d'oeuvres    dramatiques    ou    musicales,   les  conférences  littéraires,   les  concerts,    les 
ventes  d'objets  cTart,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNE   relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.   Il  rend  compte  des 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribnnaax  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes   les   semaines   dans   son  Mémento  la  nomenclatare  complète  des  axpOSittOIlS  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  Il  est  envojé  gracuitement  à 
l'essai  pendant  un  mois  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande. 

L'ART  MODERNE  forme  chaque  année   un   beau   et  fort  volume  d'environ  450  pages,  avec  talitle 
des  matières.  Il  constitue  pour  l'histoire  de  l'Art  le  document  LE  PMJS  GOMi^BT  et  le  r««0*il  liS  PLl^S 
FACILE  A  CONSULTER. 

PRIX    D'ABONNEMENT        ^XsUle   î S  Î^I  ^: '"' 

Quelques  exemplaires  des  dix  premières  années  sont  en  vente  aux  bureaux  de  L'ART  MODERNB, 
rue  de  l'Industrie,  32,  au  prix  de  30  fi*ancs  chacun. 

TABLEAUX  ANCIENS  ET  MODERNES 

BOL  —   BREUGHEL  DANSAERT  HEDA   —  HONDBKOBTER 

IMPENS  LEYS  LIES    —  MEERTS 

MIEREVELT  —  MONNOYER  —  MONTIGNY  PALAMÈDE8 

PANTAZIS  —  ROBBE  R0S8EELS  TENIERS 

TERBURG  —  VAN  BAELEN  —  VAN  BEER8  —  VANDER  POEL 
VINCK  WAUVERMANS,  ETC.,  ETC. 

La  vente  publique  aura  lieu  le  Mardi  17  Mar»  1891,  à  2  haares, 
.sous  la  direction  et  au  domicile  de  A.  BLUFF,  directeur  de  ventes 
de  livres  et  d'objets  d'art,  10,  rue  du  Oentilhomme,  10  (prt»  du  Treu- 
renberg),  à  Bruxelles. 

EXPOSITION  PUBLIQUE 
Le  Lundi  16  Ifara  1801  de  10  à  4  heures. 

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bien  stylisée,  est  «ans  canonrrence  pour  la  beauté  et  les  qualités 
sublimes  du  son. 

La  maison  ESTEY  «a  eonstnwt  uu  grand  nombre  df  ipod^  *» 

La  maison  possède  des  cartiflcaU  eioellenU  de  MU/Bdgar  Ttnel, 
CamilU  de  Saint-Saint.  Litst,  Bichard  Wagner,  Bubimtein,  Joa- 
chim,  Wilhelmj,  Ed.  Oritg,  Ole  Bull,  A.  Euipoff,  Sofie  îievUr, 
DUirte  Artùl,  Pauline  Lucca,  PaMo  de  Saratate.  Ferd.  Hiller,  D. 
Popper,  tir  F.Benedict,  LetehetiUhy,  Ntgtraouik,  Joh.  Selmer^  Joh. 
Seendten,  K.  Rundnagel,  J.-G.-E.  Stehle,  Ignace  BrUll,  etc.,  etc. 

N.  B.  On  envoie  i^tuitemeat  les  prlxHwnnuits  et  les  càrti- 
flcata  à  toute  personne  qui  en  fera  la  demande. 

L'ART  DANS  LES  DEUX  MONDES 

jonmai  hebdomadaire  Uluatré  paraissant  le  Samedi 

Directeur-gérant  :  Yvbumo  RAMBAUD 

Paris  :  rue  S'-Oeorges,  43.  —  New-York  :  315,  Fifth  Avenue. 
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FONDÉ  EN   1672 

PARAIT    LE    20   DE   CHAQUE   MOIS 

en  un  fascicule  de  32  pages  au  moins.  Il  formera  tous  le»  ans  un  fort 
volume  in-8»,   pour  lequel  il  sera  tiré  une  couverture  spéciale,  un 
titre,  une  table  des  matières  et  une  table  alphabétique  par  noms  d'au- 
teurs. 

Abonnemb.its  :  France,  5  francs  par  an. 

Id.             Union  postale,  6  francs  par  an. 
Envoi  d'un  n»  spécimen  contre  fr.  0-40  en  timbres-poste.  —  M.  A. 
Vallette,  rédacteur  en  chef,  rue  de  l'Echaudé  St-Oermain,  15,  Pari», 
—  Dépôts  à  Bruxelles,  V"  Rozez  et  Lacomblez. 

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••"W") 


Onzièmb  Aiofte.  —  N»  12. 


Lb  Nindiao  :  8&  gkntimbs. 


DiHANOHB  22  Mars  1891. 


lar 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


RIYDB  ORTOQUl  QES  ARTS  ET  DB  LA  LITTÉRATURE 


CkmUté  de  rédaction  i  Ootavk  maus  —  Eomond  picard  —  Émilk  verhaeren 


I   Balgiqne,   un  an,   fr.   10.00;  «11100  postale,   fr.   13.00     —  AHKONCBS  :    On   traita  à   foWWt. 


Adrester  toute*  les  communicatiotu  à 
L'ADMDnBTRATioif  oÉN&RALB  DB  TAiTt  Modemo,  Fue  do  l'Iiidiistrie,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 

Lit  FutiLLd*  M  Uhtxma,  par  Oeorgea  B«klu>ud,  —  Paul 
OADOom.  —  AnT  Nn»  partout.  —  Ommia  FM«nu«*t  —  Moaico- 
Loan.  —  Pasasous  d'un  anLiomu.  —  A  Amtbm.  —  Bibuo- 

OKAPHU  MUItCALB.  —  PbTITI  CH^OMIQUI. 


LES  FUSILLÉS  DE  MALINES 

par  QaoKoa  Eskiodd.   —  Un  toI.   in-18°  de  Z16  p.  Bruxellaa, 
Paal  Laeombles,  1801. 

Quelques  pages  d*tine  sommaire  chrontqae,  nn  froid 
procès-Terbal  da  2  brumaire  an  YII,  portant  arrêt  de 
mort  contre  quarante  et  un  paysans  flamands  dont  les 
noms  et  Tes  lieux  d'origine,  mutilés  à  la  firançaise,  sont 
à  peine  reconnaissables,  voilà  sur  quels  documents 
efiàcés  M.  Georges  Ëekboud  a  reconstitué,  en  amant  de 
la.  nature  flamande  et  en  poète  énui,  le  récit  d'un 
épisode  de  la  guerre  dce  paysans  en  1708  : 

••  A  la  diSkreoee  des  classiques  victimes  du  duc 
d' Alite,  ces  Ta-Do-j^eds  marchéreat  à  Ut  mort,  sans 
naidier  à  la  poetirité. 

«  Ifot,  q«i  efaéri»  et  rénère  la  méoioir»  de  cas 
patriotes  impothiqaes,  f essayai  de  fixer  leurs  traits  et 
«ïe  reproditire  leur  rôle  en  ces  pages  votives. 


-  A  cette  fin,  je  ne  recourus  point  à  des  incantations 
redoutables.  Aux  cœurs  aimants,  l'intensité  de  la  ten- 
dresse suffit  pour  conjurer  les  élus.  Non,  j'ai  simplement 
entrepris  le  pèlerinage  aux  campagnes  qu'ils  hantèrent. 
Li,  m'étant  imprégné  de  leur  atmosphère  natale  et  de 
l'immuable  mélancolie  de  leurs  garigues  ;  convaincu  de 
l'atavisme  des  terriens  autant  que  de  la  perpétuité  du 
terroir,  j'ai  retrouvé  la  chair  de  leur  chair  et  le  sang 
de  leur  sang  î 

»  Que  de  fois,  en  cette  arrière-saison,  aux  lueurs 
d'un  couchant  qui  transforme  en  rubis  les  améthystes 
des  bruyères,  à  cette  heure  humide  et  crépusculaire,  où 
les  voix  des  angélus  prennent  de  rauques  intonations  de 
tocsin,  ai-je  pressenti  rapproche  d'une  occulte  présence, 
exaspérant  encore  l'éloquence  farouche  et  la  poésie 
troublante  de  ce  pays  suggestif  entre  tous! 

•  Dédaigneuses  du  ciel  même,  les  âmes  nostalgiques 
revenaient  à  leur  patrie  terrestre  et  chez  un  plastique 
moissonneur,  chez  un  braconnier  qui  me  dévisageait  au 
passage  et  me  saluait  d'un  pathétique  bonsoir,  je 
retrouvais  la  voix  passionnée,  les  yeux  héroïques,  les 
lèvres  frémissantes,  l'allure  intrépide,  rincamation 
complète  des  fusillés  du  23  octobre  1798.  » 

Ainsi,  dans  le  spectacle  de  cette  nature  •  d'une 
dnrabie  intransigeance  ».  dans  Tétude  de  ses  habitants, 
troif  primitivement  simples  pour  n'être  pas  semblables  à 
ce  qulb  furent  autrefois,  M.  Eekhoud  a  évoqué,  en  des 


92 


L'ART  MODERNE 


pages  pleines  d'ardentes  sympathies  pour  ses  héros,  le 
souvenir  d'une  heure  de  patriotique  illusion.     . 

Au  son  des  cloches,  réveillées  dans  tous  les  clochers 
après  un  long  silence,  la  Campine  se  soulève  contre  la 
domination  étrangère.  Ses  vieux  prêtres,  perdus  dans 
l'exil,  reparaissent,  rapportant,  avec  le  Dieu  comme  eux 
proscrit,  les  plus  chers  souvenirs  et  le  peuple  se  presse 
autour  d'eux;  il  se  rue  aux  sacrements;  puis,  sans 
autre  préoccupation  que  celle  de  la  patrie  et  de  la  reli- 
gion retrouvées,  chacun  arme  lourdement  son  bras  de 
tout  fer  qui  peut  meurtrir.  Après  une  sorte  de  veillée 
d'amour  où  le  chantre  àes Kermesses  fait  peut-être  trop 
oublier  le  glorificateur  des  obscurs  dévouements, 
l'armée  des  faulx,  des  fourches  et  des  contres  de  charrue 
se  précipite  vers  Malines  pour  en  chasser  l'envahisseur. 
L'imprévu  du  mouvement  semble  d'abord  en  favoriser 
la  sublime  imprévoyance.  Malines  est  ouvert  et  sa  petite 
garniKon  française  est  occupée  à  réprimer  vers  Anvers 
quelque  autre  trouble  populaire.  Aussi,  les  paysans, 
après  un  instant  d'hésitation  né  de  l'étonnement  même 
de  leurs  succès,  pénètrent  dans  la  ville  et  bientôt  ils  ont 
envahi  la  mairie,  et  livréaufeu  les  registres  de  l'état  civil 
dont  le  régime  nouveau  a  fait  des  livres  de  conscription; 
ils  ont  ouvert  les  portes  de  la  prison  ;  ils  se  sont  emparés 
du  peu  d'argent  qui  se  trouvait  dans  la  caisse  publique 
et  maintenant,  comme  il  convient  à  des  vainqueurs,  ils 
se  répandent  dans  les  cabarets  pour  jouir  de  leur 
triompheet  réparer  leurs  forces. 

Cependant,  la  roue  de  la  fortune  continue  à  tourner. 
Les  bourgeois  de  Malines,  trop  prudents  pour  se  com- 
promettre en  pareils  échauflourées,  en  sont  restés  les 
spectateurs  au  moins  indifférents  et  l'auteur  nous  montre 
les  sentiments  d'épiciers  que  leur  inspire  le  spectacle  de 
cette  folie  d'indépendance,  ceen  quoi  un  critique  attitré, 
avec  la  hauteur  de  conception  et  la  finesse  littéraire 
qui  le  distinguent,  a  vu  un  crime  de  lèse-civilisation  : 
Comment!  oser  en  français,  et  en  un  français  très  recher- 
ché, décrire  l'influence  française  et  les  bourgeois  des 
villes  en  qui  s'incarne  toute  sagesse!  avoir  l'outrecui- 
dance de  mettre  la  rustique  abnégation  en  opposition 
avec  la  circonspection  citadine!  C'est  vraiment  le  fait 
d'un  écrivain  bien  anguleux!  Aussi  faut- il  voir  quelle 
douche  d'éloges  alambiqués  il  lui  déverse  (feuilleton  de 
V Indépendance  belge  du  23  février  1891);  mais  pas- 
sons. 

Par  les  portes  non  gardées,  les  Français  prévenus 
rentrent  dans  la  ville;  ils  ferment  toutes  les  issues  et 
leur  troupe  disciplinée  a  bientôt  brisé  les  dernières  résis- 
tances de  cette  poignée  de  héros  malhabiles.  Ceux  qui 
ne  sont  pas  égorgés  dans  les  rues,  sont  entassés  dans  la 
prison,  et  dès  le  lendemain,  selon  les  procédés  expédi- 
tifs  des  commissions  militaires,  ils  sont  condamnés  à 
être  passés  par  les  armes.  Un  monceau  de  cadavres 
troués  par  les  balles  est  bientôt  tout  ce  qu'il  reste 


d'eux,  mais  sur  leur  tombe,  pendant  plus  d'un  siècle 
ignorée,  voici  qu'un  écrivain  patriote  vient  jeter  les 
fleurs  du  souvenir.  Il  a  fait  ainsi  à  la  fois  œuvre  de 
belle  littérature  et  de  sentiment. 


PAUL  GAUGUIN 

J  apprends  que  M.  Paul  Gauguin  va  partir  pour  Tahiti.  Son 
intention  est  de  vivre  lii,  plusieurs  années,  seul,  d'y  construire 
sa  huile,  d'y  reiravaillcrii  neafk  des  choses  qui  le  hantent.  Le 
cas  d'un  homme  fuyant  la  civilisation,  recherchant  volontairement 
l'oubli  et  le  silence,  pour  mieux  se  sentir,  pour  mieux  écouter 
les  voix  inlérieures  qui  s'étouffent  an  bmil  de  nos  passions  et  de 
nos  disputes,  m'a  paru  curieux  et  touchant.  Paul  Gaugnin  est  un 
altiste  très  exceptionnel,  iras  troublant,  qui  ne  se  manifeste  guère 
au  public  et  que,  par  conséqueni,  le  publie  connaît  peu.  Je  m'é- 
tais bien  des  fois  promis  de  parler  de  lui.  Hélas!  je  ne  sais  pour- 
quoi, il  me  semble  que  l'on  n'a  plus  le  temps  de  rien.  Et  puis, 
j'ai  peut-être  reculé  devant  la  difficulté  d'une  telle  tflche  et  la 
crainte  de  mal  parler  d'un  homme  pour  qui  je  professe  une  haute 
et  tout  !i  fait  paniculière  estime.  Fixer  en  notes  brèves  et  rapides 
la  signification  de  l'art  si  compliqué  et  si  primitif,  si  clair  et  si 
obscur,  si  barbare  et  si  raffiné  de  Gauguin,  n'est-ce  point  chose 
irréalisable,  je  veux  dire  au  dessus  de  mes  forces?  Pour  faire 
comprendre  un  tel  homme  et  une  telle  œuvre,  il  faudrait  des  dé- 
veloppements que  m'interdit  la  parcimonieuse  exigence  d'une 
chronique.  Cependant,  je  crois  qu'en  indiquant,  tout  d'abord,  les 
attaches  intelleciuclles  de  Gauguin,  et  en  résumant,  par  quelques 
traits  caractéristiques,  sa  vie  étrange  et  tourmentée,  l'oeuvre  s'é- 
claire, elle-même,  d'une  vive  lumière. 

Paul  Gauguin  est  né  de  paren's,  sinon  très  riches,  du  moins  qui 
connurent  l'aisance  et  la  douceur  de  vivre.  Son  père  collaborait 
au  National  d'Armand  Marrast,  avec  Thiers  et  DegOHve-Denunc- 
ques.  Il  mourut  en  mer,  en  1853,  au  cours  d'un  voyage  au  Pérou, 
qui  fut,  je  crois  bien,  un  exil.  Il  a  laissé  le  souvenir  d'une  fime 
forte  cl  d'une  intelligence  haute.  Sa  mère,  née  au  Pérou,  était 
la  fille  do  Flora  Tristan,  de  celte  belle,  ardente,  énergique  Flora 
Tristan,  auteur  de  beaucoup  de  livres  de  socialisme  et  d'art,  et 
qui  prit  une  part  si  active  dans  le  mouvement  des  phalanstériens. 
Je  sais  d'elle  un  livre  :  Promenade*  dan*  Londre*,  où  se  trouvent 
d'admirables,  de  généreux  élans  de  pitié.  Paul  Gauguin  eut 
donc,  dès  le  berceau,  l'exemple  de  ces  deux  forces  morales  où  se 
forment  et  se  trempent  les  esprits  supérieurs  :  la  latte^el  le  rêve. 
Très  douce  et  choyée  fut  son  enfance'.  lÉlle  se  dSvelo^pa,  "^eu- 
reuse,  dans  cette  atmosphère  familiale,  tout  imprégnée  encore  de 
l'influence  spirituelle  de  l'homme  extraordinaire  qui  fut  certaine- 
ment le  plus  grand  de  ce  siècle,  du  seul  en  qui,  depuis  Jésus, 
s'es't  véritablement  incarné  le  sens  du  divin  :  de  Fourier. 

A  l'igc  de  seize  ans,  il  s'engage  comme  matelot,  pour  cesser 
des  études  qui  coûtaient  trop  k  sa  mère  ;  car  la  fortune  avait 
disparu,  avec  le  père  mort.  Il  voyage.  Il  traverse  des  mers  incon- 
nues, va  sous  des  soleils  nouvcànx,  entrevoit  des  races  primitives 
et  de  prodigieuses  flores.  Et  il  ne  pense  pas.  Il  ne  pense  k  rien 
—  du  moins,  il  le  croit  —  il  ne  pense  k  rien  qu'k  son  dur  métier, 
auquel  il  consacre  toute  son  activité  de  jeune  homme  bien  portant 
et  fortement  musclé.  Pourtant,  dans  le  silence  des  nuits  de 
quart,  inconsciemment,  il  prend  le  goût  dn  rêve  et  de  l'infini  ;  et, 
quelquefois,  aux  heures  de  repos,  il  dessine,  mais  sans  but  aueun 


/,\ 


"■^^■7*^^ 


WMTT.'Ç^J'î'r-?'  ^i: 


L'ART  MODERNE 


03 


et  comme  pour  «tuer  le  temps».  Sensations  courtes,  d'ailleurs, 
et  qui  n'ont  que  de  faibles  répercussions  dans  son  être  cérébral  ; 
brèves  échappées  sur  les  lumineux,  sur  les  mystérieux  horizons 
du  monde  intérieur,  tout  de  suite  refermés.  Il  n'a  point  encore 
reçu  le  grand  choc;  il  n'a  point  encore  senti  naître  la  passion  dn 
l'art  qui  va  s'emparer  de  lui  et  l'éireindrc,  tout  entier,  âme  et  chair, 
jusque  la  souffrance,  jusqu'il  la  torture.  Il  n'a  point  conscience 
des  impressions  énormes,  puissantes,  variées,  qui,  par  un  phé- 
nomène de  perception  insensible  et  latente,  entrent,  s'accumulent, 
pénètrent,  b  son  insu,  dans  son  cerveau,  si  profondément  que, 
plus  tard,  rentré  dans  la  vie  normale,  lui  viendra  l'obsesseuse 
nostalgie  de  ces  soleils,  de  ces  races,  de  ces  flores  et  de  net 
Océan  Pacifique  où  il  s'étonnera  de  retrouver  comme  le  berceau 
de  sa  race,  à  lui,  et  qui  semble  l'avoir  bercé  dans  les  autrefois, 
de  chansons  maternelles  déjii  entendues.  «^ 

Le  voilà  revenu  k  Paris,  son  temps  de  survice  fini.  Il  a  des 
charges:  il  faut  qu'il  vive  et  fasse  vivre  les  siens.  Gauguin  entre 
dans  les  affaires.  Pour  l'observateur  superficiel,  ce  ne  sera  pas 
une  des  moindres  bizarreries  de  cette  existence  imprévue,  que  le 
passage  !i  la  Bourse,  de  ce  suprême  artiste,  comme  teneur  de 
carnet,  chez  nn  coulissier.  Loin  d'étouffer  en  lui  le  rêve  qui  com- 
mence, la  Bourse  le  développe,  lui  donne  une  forme  et  une  direc- 
tion. C'est  que,  chez  les  natures  hautaines,  et  pour  qui  sait  la 
regarder,  la  Bourse  est  puissamment  évocatrice  de  mystère  hu- 
main. Un  grand  et  tragique  symbole  glt  en  elle.  Au  dessus  de 
cette  mêlée  furieuse,  de  ce  fracas  de  passions  hurlantes,  de  ces 
gestes  tordus,  de  ces  eSiarantes  ombres,  on  dirait  que  plane  et 
survit  l'effi-oi  d'un  culte  maudit.  Je  ne  serais  pas  étonné  que  Gau- 
guin, par  un  naturel  constraste,  par  un  esprit  de  révolte  néces- 
saire, ait  gagné  là  le  douloureux  amour  de  Jésus,  amour  qui,  plus 
tard,  lui  inspirera  ses  plus  belles  conce|iiions. 

En  attendant,  se  lève  en  lui  un  être  nouveau.  La  révélation  en 
est  presque  soudaine.  Toutes  les  circonstances  de  sa  naissance,  de 
se^  voyages,  de  ses  souvenirs,  de  sa  vie  actuelle,  amalgamées  et 
fondues  l'une  dans  l'autre,  déterminent  une  explosion  de  ses  fa- 
cultés artistes,  d'autant  plus  forte  qu'elle  a  été  plus  retardée  et 
lente  i  se  produire.  La  passion  l'envahit,  s'accroît,  le  dévore. 
Tout  le  temps  que  lui  laissent  libre  ses  travaux  professionnels,  il 
l'emploie  à  peindre.  11  peint  avec  rage.  L'art  devient  sa  préoccu- 
pation unique.  11  s'attarde  au  Louvre,  consulte  les  maîtres  contem- 
porains. Son  instinct  le  mène  aux  artistes  métaphysiques,  aux 
grands  dompteurs  de  la  ligne,  aux  grands  synihétistes  do  la 
forme.  Il  se  passionne  pour  Puvis  de  Chavannes,  Degax,  Nanet, 
Monet,  Césanne,  les  Japonais,  connus  k  cMte  époque  de  quelques 
privilégiés  seulement.  Chose  curieuse  et  qui  s'explique  par  un 
emballement  de  jeunesse  et,  mieux,  par  l'inexpérience  d'un  mé- 
tier qui  le  rend  malhabile  k  l'expression  rêvée,  en  dépit  de  ses 
admirations  intellectuelles,  de  ses  prédilections  esthétiques,  ses 
premiers  essais  sont  naturalistes.  H  s'efforce  de  s'affranchir  de 
cette  tare,  car  il  sent  vivement  que  le  naturalisme  est  la  suppres- 
sion de  l'art,  comme  il  est  la  négation  de  la  poésie,  que  la  source 
de  toute  émotion,  de  toute  beauté,  de  toute  vie,  n'est  pas  k  la 
surface  des  êtres  et  des  choses,  et  qu'elle  réside  dans  les  profon- 
deurs où  n'atteint  plus  le  crochet  des  nocturnes  chiffonniers. 

Mais  comment  faire?  Comment  se  recueillir?  Il  est,  k  chaque 
minute,  arrêté  dans  ses  élans.  La  Bourse  est  Ik  qui  le  rJcIame. 
On  ne  peut  suivre,  en  même  temps,  un  rêve  et  le  cours  de  la 
rente,  s'émerveiller  k  d'idéales  visions,  pour  retomber,  aussitôt, 
de  toute  Ja   hauteur  d'un  ciel,  dans  l'enfer  des  liquidations  de 


quinzaine  et  des  reports.  Gauguin  n'hésite  plus.  Il  abandonne  la 
Bourse,  qui  lui  faisait  facile  la  vie  matérielle,  et  il  se  consacre, 
tout  entier,  k  la  peinture,  malgré  la  menace  des  lendemains 
pénibles  et  les  incertitudes  probables  des  lendemains.  Années  de 
luttes  sans  merci,  d'efforts  terribles,  dedésespérances  et  d'ivresses, 
tour  k  tour.  De  cette  période  difficile,  où  l'artiste  se  cherche,  date 
une  série  de  paysages  qui  furent  expos(?s,  je  crois,  rue  Laffiite, 
chez  les  Impressionnistes.  Déjà  s'nffirmc,  malgré  des  réminiscences 
inévitables,  un  talent  de  peintre  supérieur,  talent  vigoureux, 
volontaire,  presque  farouche,  cl  charmant  avec  cela,  et  sensilif, 
parce  qu'il  est  très  compréhensif  de  lalumièrecldc  l'idéal  qu'elle 
donne  aux  objets.  Déjk  ses  toiles,  trop  pleines  de  détails  encore, 
montrent,  dans  leur  ordonnance,  un  goûi  décoratif  tout  parti- 
culier, goût  que  Gauguin  a,  depuis,  poussé  jusqu'à  la  perfection, 
dans  ses  tableaux  récents,  ses  poteries  d'un  style  si  étrange,  et 
ses  bois  sculptés,  d'un  art  si  frissonnant. 

En  di^pit  de  son  apparente  robustesse  morale,  Gauguin  est  une 
nature  inquiète,  tourmentée  d'infini.  Jamais  satisfait  de  ce  qu'il  a 
réalisé,  il  va,  cherchant  toujours,  un  au  delà.  Il  sent  qu'il  n'a 
pas  donné  de  lui  tout  ce  qu'il  en  peut  donner.  Des  choses  con- 
fuses s'agitent  en  son  Ame;  des  aspirations  vagues  et  puissantes 
tendent  son  esprit  vers  des  voies  plus  abstraites,  des  formes 
d'expressions  plus  hermétiques.  Et  sa  pensée  se  reporte  aux  pays 
de  lumière  et  de  mystère,  qu'il  a  jadis  traversés.  Il  lui  semble 
qu'il  y  a  Ik,  endormis,  inviolés,  des  éléments  d'art  nouveau,  et 
conformes  à  son  rêve.  Puis  c'est  la  solitude,  dont  il  a  tant 
besoin;  c'est  la  paix,  et  c'est  le  silence,  où  il  s'écoulera  mieux,  où 
il  se  sentira  vivre  davantage.  Il  part  pour  la  Martinique.  Il  y 
reste  deux  ans,  ramené  par  la  maladie;  une  fièvre  jaune  dont  il 
a  failli  mourir,  et  dont  il  est  des  mois  cl  des  mois  k  guérir. 
Nais  il  a  rapporté  une  suite  d'éblouissantes  et  sévères  toiles,  où  il 
a  conquis,  enfin,  toute  sa  personnalité,  et  qui  marquent  un  pro- 
grès énorme,  un  acheminement  rapide  vers  l'an  espéré.  Les 
formes  ne  s'y  montrent  plus  seulement  dans  leur  extérieure  appa- 
rence ;  elles  révèlent  l'état  d'esprit  de  celui  qui  les  a  comprises  et 
exprimées  ainsi.  Il  y  a,  dans  ces  sous-bois,  aux  végélalions,  aux 
flores  monstrueuses,  aux  formidables  coulées  de  soleil,  un 
mystère  presque  religieux,  une  abondance  sacrée  d'Eden.  Elle 
dessin  s'est  assoupli,  amplifié  :  il  ne  dii  plus  que  les  choses  essen- 
tielles, la  pensée.  Le  rêve  le  conduit,  dans  la  majesté  des 
contours,  k  la  synthèse  spirituelle,  k  l'expression  éloquente  et 
profonde.  Désormais,  Gauguin  est  maître  de  lui.  Sa  main  est 
devenue  l'esclave,  l'inslrumenl  docile  et  fidèle  de  son  cerveau.  Il 
,va  pouvoir  réaliser  l'œuvre  tant  cherchée. 

Œuvre  étrangement  cérébrale,  passionnante,  inégale  encore, 
mais  jusque  dans  ses  inégalités  poignante  et  superbe.  OEuvre 
douloureuse  car,  pour  la  comprendre,  pour  en  ressentir  le  choc, 
il  faut  avoir  soi-fnême  connu  la  douleur,  —  et  l'ironie  de  la 
douleur,  qui  est  le  seuil  du  mystère.  Parfois,  elle  s'élève  jusqu'à 
la  hauteur  d'un  mystique  acte  de  foi  ;  parfois  elle  s'effare  et  gri- 
mace dans  les  ténèbres  du  douie.  El,  toujours,  émane  d'elle 
l'amer  et  violent  arôme  des  poisons  de  la  chair.  Il  y  a  dans  celte 
œuvre  un  mélange  inquiétant  et  savoureux  de  splendeur  barbare, 
de  liturgie  catholique,  de  rêverie  hindoue,  d'imagerie  goihique, 
de  symbolisme  obscur  et  subtil  ;  il  y  a  des  réalités  âpres  el  des 
vols  éperdus  de  poésie  par  où  Gauguin  crée  un  art  absolument 
personnel,  et  tout  nouveau;  an  de  peintre  el  de  poêle,  d'apôtre 
el  de  démon,  et  qui  angoisse. 

Dans  la  campagne  toule  jaune,  d'un  jaune  agonisant,  en  haut 


"T«",-"''i 


94 


UART  ÂIODSRNF 


dn  coteau  breton  qu'vne  fin  d'automne  tristement  jaunit,  rn  plein 
ciel,  un  catnire  s'éière,  un  eilTaire  de  boi»  mal  équarri,  pourri, 
disjoint,  qui  éieod  dans  l'air  ses  bras  gauchis.  Le  Christ,  telle 
une  divinité  papoue,  $o(nm»irenient  laillë  dans  un  tronc  d'arbre, 
par  un  artiste  local,  le  Christ  pileux  et  barbare,  est  (teinlDrlnré 
de  jaune.  Au  pii-d  du  calvaire,  des  paysannes  se  souta|;cno:iillées. 
Indiâërenles,  le  corps  aftiissé  pesatnmi'nt  snr  la  terre,  elles  sont 
venues  là  parce  que  c'est  la  coutume  de  venir  là,  nn  jnnr  d« 
Pardon.  Muis  leurs  yeux  et  leurs  lèvres  sont  vides  de  prières. 
Elles  n'ont  pas  une  pens^,  pas  un  regard  pour  l'image  de  Celui 
qui  mouml  de  les  aimer,  béji,  enjambant  des  bairs,  et  luvanl 
sons  les  pommiers  rouges,  d'autres  paysannes  se  hâtent  vers  leur 
baoge,  heureuses  d'avoir  fini  leurs  dévotions.  Et  la  mélancolie 
de  ce  Cbrisl  de  bois  est  io'Jicible.  Sa  léle  a  d'affreuses  tristesses  ; 
sa  chair  maigre  a  romme  des  regreis  de  la  torture  ancienne,  et  il 
semble  se  dire,  en  voyant  1  ses  pieds  celte  bumanilé  m'tsëntbie  et 
qui  ne  eumpreod  pas  :  h  El  pourianr,  si  mon  martyre  avait  été 
inniile?  « 

Telle  est  l'œuvre  qui  commence  la  série  des  toiles  symboliques 
de  Gauguin.  Je  ne  puis  malheureuse  nenl  pas  m'élendre  davan- 
tage sur  cet  art  qui  me  plairait  tant  k  étudier  dans  ses  dtfférvn'es 
expressions  :  la  sculpture,  la  céramique,  la  peinture.  Hais  j'es- 
père que  celle  brève  description  suffira  i  révéler  l'éuu  d'esprit 
si  spécial  de  cet  ani^te.  anx  banes  visées,  aux  nobles  vouloirs. 

Il  semble  que  Gau{;uin,  par\enu  i  celte  baolear  de  pensée,  k 
cette  largeur  de  style,  dorail  acquérir  une  sérénité, une  tranquil- 
liié  d'esprit,  du  repos.  JIjis  non.  Le  rêve  n"  se  repose  jamais 
dans  cet  ardent  cerveau  ;  il  grandit  et  s'rxalle  !t  mesure  qu'il  se 
formule  davantage.  El  voilà  que  la  nostalgie  lui  revient  de  ces 
pays  où  s'égren<>renl  ses  premiers  songes.  Il  voudrait  revivre, 
solitaire,  quelques  aonoes,  parmi  les  choses  qu'il  a  laissées]; de 
lui,  là  bas.  Ici,  peu  de  tortures  lui  furent  épargnées;  et 
les  grands  chagrins  l'ont  accable.  Il  a  pcr  un  ami  tendrement 
aimé,  lendrement  admiré,  ce  pauvre  Vitcenl  Van  Gogii,  un  des 
plus  magniSques  tempéraments  de  peintre,  ooe  des  plus  belles 
Ames  d'artiste  en  qui  se  confia  notre  espoir.  Et  puij  b  vie  a  des 
exigences  implacables.  Le  même  besoin  de  silence,  de  recueille- 
ment, de  soliiude  absolue,  qui  l'avait  poassékia  Martinique,  le 
pousse,  celle  fois,  plus  loin  encore,  à  Tahiti,  oùlaoalore  s'adapre 
raieitx  à  son  rêve,  où  d  espère  que  l'Océan  Pacifique  anra  pour 
lui  des  caresses  plus  tendres,  nn  vieil  et  sAr  amour  d'ancélre 
retrouvé. 

Où  qu'il  aille,  Paul  Gauguin  peut  être  a-snré  que  notre  piéié 
l'accompagnera  , 

Ocnn  WiBBKàii. 


ART  KEOF  PASTOCT 

l>es  ViDglisles  à  Bruxelles,  des  Vingiistes  à  Londres,  des  Ting- 
tistes  à  Paris  '. 

Ces  derniers  sont  dits  lss  l;iDÉPE:i»AaTS. 

Et  partout,  sauf  chez  nous  quelques  indécrotiables  de  la  critique, 
on  les  appuie  nettement,  on  les  observe  sériessement. 

A  CEaor  même,  la  peinture  nouvelle  est  entrée;  voir  b  pré- 
sente exposition.  Dans  peu  de  temps  elle  ruminera  sans  dooM. 

Toici  comment  Gil  Blm  parle  dis  novaleBrs  parisiens  : 

«  Il  n'est  plus  temps  de  rire  des  >  Indépendants»,  car  plasienrs 
de  ces  audacieux  chercheurs  ont  fjii  des  Irouvaifles  fart  intéres- 


santt*.  Il  T  a  CKore,  um  donte.  plu  «Tbm  loMMtve  feDe 
parmi  les  envoii  exposés  depais  hier  an  PaTÎIIoa  4e  b  VHIe  4e 
Paris.  Il  jr  a  surtoot  beaoeosp  de  loHcs  Mëdiocm.  MA  si  Fm 
prend  b  peine  de  s'orieoicr  na  pe«,  on  n'e«  piM  eaitoranépotir 
découvrir  nne  trentaine  d'oNTres  d*nie  orifindiU  t^Mnale. 

n  t«t  piw  d'à  Saloa  an  lainda 

Dont  OB  b'cb  pounit  dit*  aatmt! 

«  Des  jennes,  des  iacoanos  s'eoiparent  de  b  dasbe  cl  roos 
arréirni  an  passsfe,  l'on  par  b  Tialenc«>,  raaiiw  par  b  SHanié  de 
son  hannome.  Cclat-ci  est  ccpa|[aol,  criai-ft  est  bdfe,  qaeiqac»- 
•ns  SMtt  français,  tous  «  indépeadiaiSB. 

«  Je  ne  Bommefai  personne,  mais  j'engage  très  UscaMBl  ks 
amateurs  d'art  k  «isiier  l'Expositioa  des  artistes  iadfpeadaatt.  H 
y  a  queiqne  chose  i  farder  de  tant  d'rffsrta,  et,  k  c6lé  de*  felifs 
déguisao*  mal  l'iaipnissaBee  de  cettÙB*,  il  ;  a  b  da  <wis  irftals 
i  eacoorai^. 

«  Je  ne  puis  quitter  cette  Cxposilioa  sans  a-carder  aa soawnir 
éaia  i  mon  regretté  confrère  Kroeat  Ittachedé  ^ai  araii,  Taa  des 
premiers,  fièrement  et  viclorienseoienl  rombatio  poor  J'iadépen- 
daocc  de  l'art.  ■ 


OMNIA  FRATERNÈ! 

La  Conférence  dn  Jeone  Barrean  de  Rrmelles  avait  arganisé, 
le  mois  dernier,  k  Toccasion  do  cinquantième  annivenaire  de  sa 
fondation,  une  représeaiation  dranaliqae  fort  inléreanBie,  aae 
Revoe  des  événements  dn  Pabis  agrémeMée  de  nombreu»  coa- 
plets  visant  les  personnalités  les  pins  connues  dn  tonan.  Ce 
«  léli-mélo  jadieiaire  »,  représenté  par  les  anienrt  eaa  aiÉaKS  an 
Théâtre  Commonal,  devant  na  aadMoire  atiitltawat  baité  an 
monde  jodiciaire,  eni  on  succès  prodigie«x. 

On  fat  Duanime  k  loner  b  bonne  hnoienr  et  Fesprit  qae  répan- 
dirent sor  cène  ceorre  basochienae  les  jeanct  avnrais  qai  en 
eurent  Tidée.  Très  bien  mise  en  scène,  acctmpagnée  par  va 
orchestre  composé  en  majeure  partie  d'avocats,  qni  joaa  avec 
l'assurance  et  Tensembie  d'an  orebestre  agnenri,  b  pièce  alb  anx 
nues. 

Et  noiex  ce  détail  original  :  remploi  de  timbalier  était  Irna  par 
Vincent  dtndy,  arrivé  loal  exprès  de  Paris. 

Un  concert  précéda  b  représéniaiioB.  —  an  coKcrt  dnat  bs 
membres  de  la  Cooi^rence  da  Jeane  fearreaa  firent  laas  ks  frais. 

Cétaii-nt,  ces  avocats-musiciens  :  MX»  L.  Tonnelier,  Octne 
■ans.  A.  Abraasart,  1.  Iiriiiliini.  \  fbjii^r  Tjitiimiai. 
I.  De  Le  Coart,  E.  SéaaI.  E.  Tia  TTa«t  iTTi  jaÉbiflwl.  t  de 
Laaisbeere,  R.  Tanib'ier,  R.  Gill'iean,  L.Oawera,brcf  an  «itbe»- 
tre  complet,  anqnel  ■!.  Tan  der  Boesen  et  Debanoy  psWinnt 
amicalement  b  concours  de  lenr> an-bel. 

l'n  intermède  confié  k  b  jolie  voix  de  ■■*>  Frtaciae  CSTieaax 
compléta  le  programme,  qui  portait  : 

1.  Dama  kenarvisa  fBrahms);  1.  SgmpkQmit  pmtr  mrdmtft 
et  fiam  (Ttneent  dUMhr);  3.  a.  Jt  tmmm  (Cri(|^  n.  SUiladt 
ehamf/trt  (Brahms),  c  Oà  wamI-iU  ti  ri»  *  (Twrsoi);  à.  Skffrwé- 
Jifll  (Wagner). 

Samedi  dernier,  ■  k  b  demande  générab  »  ane  srcoade  n-pré- 
seniatioa  de  la  Revue,  a  été  doonée  devant  an  Mdiioin  «.nmposé 
en  grande  partie  de  mtmhtes  des  rorpe  jadiciaites.  ùm  ftUiL, 
tooiefois,  montré  moins  strict  sur  les  entrées  qui  b  pumièie 
reprvsenral'iou. 


V 


L'ART  MODERNE 


95 


Voici,  k  tlire  de  enriosité  et  de  looTCDir,  la  rpprodnction  du 
programoie  de  cette  soirée  : 

•MMUMatanMM 

aCOKVE  RKPRÉSniTATION  DB 

OMNIA   FRATERNÈI 

MMi-n^  jwlieiaira  «■  «a  acte  «t  den  tdtenx 

fléoUi  d  an  pnilofM  «t  d%iii%MiT«Hiira, 

U  hmt  eonpoM  par  dat  membraa  de  U  CoalMiea  dn  Jeane  Bairean 

at  joaé  par  laa  aaMon. 

u;;;  52^  ï^  ***»«"  ;  :  jm-o-s.v*»8t«tim,.^ 

lf*<*Cko«b<t«ka.Miidiàalàpolaiiaiaa  >  ^g^   .    ^mn 

M'Hinaora  .         IfM- P.  Nihautb. 

:lf*adMaMd O  SawmpsLB. 

LaPnMdaat Ocr^Ts  IUds. 

Il .  da  TnuiAe-lfontane H.  Dumoiit. 

M.  tOnula.  de  Bm-SiDauBeU    ...  Ck.  Maoï^aa. 

M*  lUIlet,  atafiaire Max.  Halut. 

II.  ravoni  Coloa O.  Cclo*. 

uiSteTpaiai.:  ;  ;  :  .  {      pb— «.-c. 

L'Boiaaiar H.  Qonsm. 

Le  Prince  Malin En.  Rotsb. 

If.  Vaa  Ujrlafcot > 

M*  LaflBonnier j 

M*  Tb<odor [  H.  Castoh  db  Wulst. 

1I*J0M0II 1 

Le  priTena E.  Sraran*. 

M.beCocfc M.    DaCocK. 

L.A.     FE2^2sd:E 

SaynMe  par  ORENET-DANCOURT 

U^naan MM»  H.  Qonan. 

Docomel H.  Domott. 

Cke/i  ivrdutire  :  MM—  Octats  Maub  et  O.  SnTOUiAKa. 

Bffiuew  :  M.  Oaoaoas  Picasd. 

Soufflmr  :  M.  O.-S.  Vak  Stbtdohck. 

Dèi  boit  heures  la  salle  éiail  comble.  Le  concert  qui  avait  pré- 
cédé la  représcBlation  du  14  février  avait  été  remplacé  par  on 
lever  de  rideau,  la  Femme,  conférence  diie  par  deux  oraleurs, 
dans  laquelle  nos  confrères  Hcnnano  Ihimont  et  Henri  Quersin 
ont  rivalisé  de  verve  et  de  talent. 

On  a  applaudi  ensuite  l'AvaiU-dire,  de  ■*  Henri  Carton  de 
Wian,  pois.  M*  Octave  Mans  avant  repris  possession  de  son  pupi- 
ire  de  chef  d'orchestre,  les  trois  coups  frappés,  la  spiriloelle 
oavennre  de  ■*  Léon  De  Lantabeere  a  soulevé  de  telles  tempêtes 
de  bravos  qu'il  a  ialln  la  bisser. 

Oo  ■  redemandé  1rs  couplets  de  ■■  Culus,  si  joliment  chantés 
par  M*  Mai  Ballet.  On  a  bissé  la  chanson  de  l'Ombre  de  M*  Le 
Jeune,  dite  avee  on  réel  lalenl  par  ■■"  Van  Sirjdonrk,  parfuiie 
dans  son  double  rôle.  Des  bouquets,  des  corbeilles  de  fleurs  ont 
été  oiens  ani  deux  aimables  interpréiei  de  Plear.de-Lio  ei  de 
Cbonberska,  ■■•  Van  Sirydoock  et  M*  A.  rnien.  Cette  dernière 
a,  presque  au  pied  levé,  remplacé  ■"■  Van  Damme,  et  s'est  fort 
bien  acquittée  de  sa  tAcbe. 

Enire  les  deux  Ubleaax,  ■.  le  Ministre  de  la  hniiee,  qui 
assisuit  avee  ■-•  Le  Jeu«e  k  la  leprésenialion,  est  allé  snr  la 
scène  complimeater  les  inlerprêleii  et  leur  VHnoigner  tout  le  plai- 
sir que  lui  avaient  eaosé  les  deux  auditions  successives  de  la 
Revne. 

Quelques  surprisies  :  des  scènes  complémentaires,  des  roopleis 
inédiu,  parlant  i  flmprovisie  et  venant  frapper  en  pleine  poi- 


triae  des  confirères  négligés  Jusqu'ici  et  déconcertés  par  ces  atta- 
ques inatleodues.  Faot-il  qouter  que  rien  de  tout  cela  n'était 
méchant  et  que  les  confrères  visés  ont  été  les  premiers  k  rire  des 
phisanleries  qu'on  leur  a  décochées.  Les  seuls  qui  ont  éprouvé 
quelque  mauvaise  humeur  sont  ceux  dont  on  n'a  rien  dit. 

La  représentation  s'est  terminée  i  minuit  par  on  rappel  gé- 
néral. Et  longtemps  durera  le  souvenir  de  ces  deux  soirées 
extraordinaires,  qui  ont  affirmé  la  vitalité,  Pesprit  d'initiative,  la 
persévérance  et  la  bonne  confraternilé  du  Barrran  de  Bruxelles. 


MUSICOLOGIE 

la»  TMAtr*  d«  Richard  Wagaer,  é»  Twanhaflaer  &  Par 
•ifiUi  essais  de  critii^ae  littéraire,  esthétique  et  musicale.  — 
Slecfried,   par  Maance    Kullératli.  —  Bruxelles,  Schott  friree. 

Avec  la  conscience  artistique,  la  minuiiense  exactitude  qu'il  mil 
k  analyser  le  poème  et  la  partition  de  Partifal  (I),  M.  Maurice 
Knfferath  étudie  Siegfried  et  noircit  ses  marges  de  commentaires 
ingénieux,  de  remarques  originales,  de  rapprocbemeuis  inat- 
tendus. 

C'est  de  très  bonne  et  très  haute  critique,  qui  pénètre  dans  le 
détail,  décrit  tout  le  mécanisme  de  l'œuvre,  sans  perdre  un  instant 
de  vue  le  plan  d'ensemble  suivant  lequel  elle  a  été  réalisée. 

H.  Kufferath  montre  bien  l'esprit  de  généralisation  que  décèlent 
toutes  les  œuvres  de  Wagner,  le  caractère  universel  de  leurs 
mythes,  l'humanité  qu'elles  embrassent.  Ses  Etsais  de  critique  ont 
une  toute  autre  envolée  que  les  nombreuses  éludes  des  commen- 
tateurs allemands,  et  notamment  celles  de  H.  Haas  de  Wolzogen, 
vraies  leçons  d'analomie  sur  chefs  d'cenvres  disséqués.  Il  rattache 
les  épisodes  mis  en.  scène  par  Wagner  aux  légendes  de  tous  les 
pays,  montre  leur  affinité.  N'a-I  il  pas  découvert  que  le  bon  Dou- 
don  de  Mons  est  très  proche  parent  du  dragon  Fafncr,  et  que  son 
terrible  adversaire,  Gilles  de  Chin,  l'homme  il  la  longue  lance  que 
l'on  fête  chaque  année  et  que  nous  avons  aperçu  au  cortège  des 
Géants,  n'est  qu'un  avatar  de  Siegfried  ? 

Le  chapitre  consacré  i  Fafoer  est  d'ailleurs  tout  entier  des  plus 
intéressants.  C'est  une  monographie  complète  du  monstre,  dans 
laquelle  défilent  les  grosses  bétes  légendaires  les  plus  connues  des 
deux  hémisphères. 

«  An  fond,  dit  entre  autres  M.  Kufferath,  la  question  dn  dragon 
touche  il  on  problème  d'esthétique  sur  lequel  on  a  beaucoup  dis- 
puté sans  jamais  le  résoudre  définitivement  :  celui  de  l'emploi  du 
merveilleux  dans  la  Poésie.  Dans  ce  débat,  il  y  a  ceci  de  particu- 
lier qu'invariablement  les  poètes,  et  les  plus  grands,  ont  été  avec 
le  sentiment  populaire  pour  l'emploi  illimité  du  sumalurrl  ;  et 
qu'invariablement  aussi  les  adversaires  du  merveilleux  se  sont 
r«cmlés  parmi  les  esprits  cultivés  formant  ce  qu'on  appelle  la 
classe  des  «  lettrés  »  et  qui  s'attribuent  si  volontiers  le  rOle  de 
«  législateurs  du  Parnasse  ».  Depuis  le  poêle  de  Rnmayana  jus- 
qu'au poète  de  V Anneau  du  Nibelung,  en  passant  par  Homère, 
Eschyle,  Dante,  l'Ariosie,  Calderou,  Shakespeare,  Cœthe,  je  n'en 
vois  pas  un  seul,  parmi  les  Puissances  supérieures  de  la  Poésie, 
qni  n'ait  fait  usage  largement  et  constamment  du  merveill'ox.  Je 
ne  parle  pas  des  féeries  de  la  Henriade.  Ce  sont  des  invenlioiis 
factices  d'un  art  poétique  en  pleine  décadence  et  qoi  ne  peovent 
apporter  au  Ircteur  qu'on  insurmonlable  ennui.  Il  s'agit  du  mer- 


(1)  Voit  r  Art 


dn  19  octobre  1990. 


06 


L'ART  MODERNE 


veillenx  sarhumain,  du  merveilleax  de  l'ordre  divin,  de  celui  qui 
symbolise  des  lois  étemelles  ou  l'aclion  mystérieuse  des  forces  de 
la  nature.  Ce  merveillcux-là  est  profondéaient  poétique,  il  est  sai- 
sissant; et  il  est  légitime  dans  l'art,  il  y  est  nécessaire,  parce 
qu'il  est  un  moyen  puissant  de  donner  une  forme  concrète  et  un 
relief  incomparable  à  des  synthèses  d'idées  ou  de  faits.  Ce  mer- 
reilleux  n'est  jamais  une  fiction  arbitraire;  il  esl,  au  contraire, 
vrai  et  de  la  réalité  la  plus  frappante,  parce  qu'il  est  la  réalité 
morale  planant  au  dessus  de  l'autre  cl  la  dominant. 

«  Dans  l'œuvre  qui  nous  occupe,  qui  ne  voit  que  le  monstre 
tant  décrié  par  quelques-uns  était  un  élément  indispensable  de  la 
donnée  poétique  portée  à  la  scène,  et  que  Wagner  n'aurait  pas 
pu  le  supprimer  sans  mentir  à  la  légende,  c'est-ii-dire  à  l'histoire 
qui  est  plus  que  de  l'histoire,  à  l'histoire  synthétisée  et  devenue 
symbole? 

a  Siegfried  est  inséparable  du  dragon,  comme  il  esl  inséparable 
de  Brunnhilde  sommeillant  dans  le  cercle  de  feu.  S'il  ne  traver- 
sait pas  le  feu,  s'il  ne  tuait  pas  le  dragon,  il  ne  serait  pas  Sieg- 
fried. Wagner  a  obéi  Ici  à  la  même  nécessité  poétique  qui  poussa 
Shakespeare  à  nous  montrer,  dans  Macbeth,  Hécate  et  les  trois 
sœurs  du  Destin,  dans  Hamlet  le  spectre  du  vieux  roi;  Gœihe,  ii 
faire  parler  et  a{;ir  devant  nous  Héphistophélès  ;  Tirso  de  Noiina 
et  après  lui  Molière  et  Mozari,  à  mettre  en  mouvement  la  statue 
du  Commandeur;  Eschyle,  à  laisser  les  Furies  sortir  du  Tartare 
et  remplir  le  théilre  de  leurs  stridentes  clameurs. 

«  La  légende  lui  offrait,  dans  le  combat  de  Siegfried  et  du 
dragon,  un  symbole  plein  de  caractère  et  d'une  netteté  d'expres- 
sion admirable;  c'était  son  devoir  de  le  conserver,  et  la  faute  de 
goût,  le  vrai  manque  de  lad  eût  été  de  ne  pas  le  reproduire.  » 

Une  analyse  détaillée  du  texte  complète  l'étude  historique  et 
esthétique  de  Siegfried.  Et  le  tableau  des  thèmes  musicaux  de  la 
partition  clôt  celte  attrayante  étude. 


Paradoxes   d'un  bibliophile 


(I) 


En  Belgique,  pour  qu'un  livre  se  vende,  il  faut  qu'il  soit  pieux 
ou  obscène. 

Pour  un  livre  comme  pour  une  femme,  être  poursuivi  est  quel- 
quefois ennuyeux,  mais  toujours  flatteur. 

Les  bibliophiles  sont  les  enfants  terribles  de  l'érudition. 

Il  n'y  a   d'impardonnables   que  les  fautes  d'orthographe  et 
d'irréparables  que  les  fautes  d'impression. 

La  liberté  de  la  presse  esl  une  hérésie  bibliographique  qui  est 
devenue  un  dogme  politique. 

Le  bibliothécaire  a,  pour  le  lecteur,  un  cœur  de  belle-mère. 

Vouloir  détruire   un  ouvrage  en  en    brûlant  des  exemplaires, 
c'est  vouloir  ruiner  une  banque  en  en  brûlant  des  billets. 

Les  jeunes  bibliothèques  sont  exclusives. 

On  appelle  événements  les  vétilles  dont   il   reste   des  docu- 
ments. 

Dans  la  typographie,  comme  dans  la  vie,  ce  qui  coûte  le  plus, 
c'est  la  correction. 

Bibliophile  et  bibliomane  sont  synonymes. 

Charles  Duhekcy. 

(1)  V.  \'Art  moderne,  26  octobre  1890  et8  fëviier  1891. 


A  ANVERS 

(Correspondance  partieuliire  de  l'Ait  MOMKim) 
IjM  cinq  damier*  .Conoerta  poitalalrM. 

C'est  le  fait  du  collectionneur  qui  n'a  pas  commencé  d'hier  de 
négliger  les  sensations  peu  rares.  Le  plus  vulgaire  timbre  et. 
d'usage  journalier,  le  billon  le  moins  précieux  ne  te  ramassent 
plus  i  un  certain  moment.  Pourtant  peovent-ils  faire  la  joie  d'au- 
tres, moins  bien  fournis;  et  pour  réussir  par  trouTer  place  dans  la 
collection  que  nous  nous  rassemblons,  n'en  faut-il  inférer  loMU 
absence  de  mérite  —  ni  de  notre  part  :  inattenlion  dédaigneuse. 

Voici  cueillis  les  numéros  dignes  en  ces  cinq  dei^nier*  concerts  : 
au  dixième,  la  Sixiime  Symphenie{paiiûrale)  de  Beethoven,  éera- 
sanie,  triomphale;  tous  autre*  nuiaéros  du  pro(ramme  ibreémeot 
pénombres,  inutiles!  An  onzième,  la  tumnltoease  ouverture  dra- 
matique Husiuka  d'Anton  Dvorak,  od  de  rares  sonnanees  de 
fougue  guerrière  et  des  rSles  se  tissent  sur  le  thème  :  un  choral 
guerrier  hussite  de  Bohême.  Puis,  l'exquise  mélodie  de  Ole  Bull  : 
Sâtergenlent  Sondàg,  confiée  par  Johan  Svendsen  an  quatuor  des 
cordes.  C'est  d'une  évocation  imprévue  et  berceuse  et  fugace  ;  des 
violes  glosant  du  Verlaine, 

Notons  l'impatience,  à  ce  même  concert,  vers  la  Cinquième 
Symphonie  de  Beethoven  (Fatum),  qui  a  prodoit  la  sensation 
qu'elle  devait  produire,  d'indicible  et  impérieuse  angoisse.  Com- 
mandée par  les  fatidiques  battements  de  l'AUegro  (qui  se  tra- 
duisent :  So  pocht  dat  Schiksal  an  die  Pforfe)  elle  a  obsédé  tout 
le  long  de  VAndante,  de  i' Allegro  jusqu'au  triomphal  Final  de 
délivrance. 

Et  voici  que  se  révèle  au  quatorzième  concert,  un  jeune.  Gcrril 
Wagner  —  de  quel  effrayant  poids  son  nom  I  —  négligeant  les 
incessantes  recherches  de  pittoresque,  l'ampleur  décorative  de  la 
phrase,  l'habituelle  et  requise  vigueur  de  coloration,  qui  eonsli- 
Inent  la  valeur  et  la  réelle  originalité  de  cette  école  de  musique 
flamande,  et  dont  Gerril  Wagner  se  réclame.  Scrupuleusement 
commente-t-il  la  partie  psychique  de  ce  départ  d'Eslher  vers  Assoé- 
rus  —  une  fin  d'acte  d'un  opéra  biblique  —  et  curieusement, 
car  c'est,  par  instants,  d'un  rare  mariage  d'instruments,  une  suite 
d'intfntions  qui  ont  paru  —  l'exécution  s'en  ressentait  !  —  décon- 
certantes i  cet  orchestre,  encore  peu  familiarisé  k  semblable  vou- 
loir! Un  jugement  plus  définitif  serait  prématuré.  Faudrait  —  ce 
que  nous  espérons  bien  —  une  exécution  plus  complète  et  plus 
soignée  des  œuvres  du  jeune  auteur. 


PlBLlOQRAPHIE    MUSICALE 

On  se  souvient  des  jolies  mélodies  populaires  chantées,  voici 
trois  ans,  aux  concerts  des  XX  par  M"*  Brohez  et  les  chœurs  du 
Conservatoire  :  En  passant  par  la  Lorraine  et  le  Mois  de  Mai. 
Ces  mélodies,  recueillies  et  harmonisées  par  Julien  Tiersot, 
faisaient  partie  d'un  recueil  contenant  dix  chansons  des  provinces 
françaises  publiées  par  l'éditeur  Heugel. 

L'auteur  vient  d'ajouter  i  son  œuvre  une  seconde  partie,  dans 
laquelle  il  a  réuni  dix  autres  mélodies,  parmi  lesquelles,  au  pre- 
mier rang,  la  tragique  Mort  du  roi  Renaud  et  la  célèbre  chanson 
du  Joli  tambour  venant  de  la  guerre. 

Ce  second  cahier  décèle,  comme  le  premier,  le  soaci  de  faire 


:  :î:3vT--TSF;^r  ■^^^" 


L'ART  MODERNE 


97 


oeuvre  d'artiMe  en  respectant  Krupuleusemeni  le  texte  musical, 
CD  s'approcbant  le  plus  possible,  quant  !i  la  version  poétique,  des 
formes  originales,  ep  composant  des  accompagnements  ayant  le 
siyle  et  le  caractère  voulus. 

Ce  second  recueil  ne  peut  manquer  d'avoir  le  succès  très  vif 
qui  a  accueilli  le  premier. 

»  • 

M.  Jean  Van  den  Eeden,  directeur  du  Conservatoire  de  Mons, 
vient  de  faire  paralire  chez  Kaito  un  choeur  poar  voix  d'hommes 
(a  huit  parties),  sans  accompagnemeni,  la  Mouton,  bien  écrit 
pour  les  voix  et  propre  ii  élre  chanté  comme  morceau  de  concours 
par  les  sociétés  chorales.  L'œuvre,  composée,  croyons-nous,  il  y 
a  un  certain  nombre  d'années,  a  été  entièrement  refaite  par 
l'auteur.  

Petite  CHROj^iquE 

L'Etsor  a  ouvert  samedi  son  exposition  annuelle.  Nous  en  par- 
lerons dans  notre  prochain  numéro. 

Le  Cercle  de*  Artt  et  delà  Presse  donnera  le  U  courant,  dans 
la  salle  de  la  Grande  Harmonie,  un  concert  consacré  a  l'exécution 
d'oeuvres  belges.  C'est  le  Club  symphonique,  dirigé  par  M.  Emile 
Agnirz,  qui  interprétera  quelques  pages  récentes  de  nos  jeunes 
compositeurs. 

Voici  qucl«  seront  les  principaux  élémenl.s  du  programme  : 
Prélude  symphonique  de  Soubrc;  Humoresqiie  de  De  Greef; 
Chanson  i  boire,  fragment  de  l'opéra  la  Revanche  de  Sganarelle, 
de  Léon  Dubois;  Mélodie  de  Gilson;  Suite  dans  le  style  ancien 
\iDdam"t  Impromptu  et  Romance  pour  violon  d'Emile  Agniez, 
exécutés  par  une  violoniste  russe.  M"'  de  Falslaff;  Msntiet  m 
Ottvotle pour  quatuor,  de  Samuel;  Danses  écossaises,  de  Gilson; 
Quatuor  pour  voix  de  femmes,  avec  accompagnement  d'orchestre, 
de  Xavier  Cariiez  ;  Trio  de  la  Revanche  de  Sgnunretle,  de  Léon 
Dubois. 

M"'  Jeanne  Dousle  de  Fortis,  pianiste,  prêtera  son  concours  à 
cette  audition. 

On  nous  prie  d'annoncer  le  concert  qui  sera  donné  à  la  Grande 
Harmonie,  le  mercredi  15  avril,  il  8  1/2  heures  du  soir,  par 
M""  Julia  Milcamps,  cantatrice,  et  M.  Ch.  Danlée,  baryton,  avec 
le  concours  de  M""  Lcfebvre-Moriamé,  pianiste  ;  M"'  Jeanne 
Pisart,  harpiste;  M.  Garnier,  professeur  de  déclamation,  H.  Laou- 
reux,  1"  violon  au  Théâtre  royal  de  la  Monnaie;  H.  Sansoni, 

j  violoncelliste  au  Théâtre  royal  de  la  Monnaie;  M.  V.  Massage, 

'  piuniste-accompngnalcifr. 

Changement  d'affiche  il  l'Alhambra  :  au  Fils  de  Porlhos  succède 
la  Bouquetière  des  Innocents,  grand  drame  historique  en  S  actes 
(9  tableaux)  par  Anicet  Bourgeois  et  Ferdinand  Dugué. 

Au  théâtre  de  la  Monnaie,  jeudi,  samedi  et  dimanche  (en 
matinée)  auront  lieu  les  représentations  annuelles  de  la  Comédie- 
Française.  Voici  la  composition  des  spectacles  :  Jeudi,  le  Barbier 
de  Séville  et  Us  Petits  oiseaux.  Samedi,  le  Malade  imaginaire  et 
Margot.  Dimanche,  le  Testament  de  César  Oirodot. 

M.  Dupuis  fait  en  ce  moment  la  joie  des  habitués  du  Parc.  Les 
rcpréscniations  de  M.  Betsy  cl  de  Décoré  sont  très  suivies  et  très 
animées. 

L'excellent  <!omique,  fort  bien  seconde  par  M"»  Roybet  et  par 
M.  Huguenet,  a  remporté  dans  ces  deux  pièces  un  vif  succès. 


Au  Théâtre  Molière,  bande  blanche  sur  affiche  jaune,  ce  qui 
signifie  :  la  mère  y  peut  conduire  sa  fille  (les  abonnés  disent  :  sa 
demoiselle).  Au  doux  gâtisme  de  M"'  Putiphar,  aux  piments  de 
la  CasseroUe  succède  VHôtel  Godelot,  trois  actes  de  Crisafulli  (les 
gens  bien  informés  disent  :  cl  de  Sardou),  fort  bien  joués  par 
MM.  Munie,  Charvcl,  Keppeus,  M"**  Bourgeois  et  Juliani,  etc. 

Un  acte  en  vers  de  M.  Kistemacckers,  Pierrot  amoureux,  sert 
de  lever  de  rideau  i  VHôtel  Oodelot. 

L'Opinion  félicite  l'administration  communale  anversoise 
d'avoir  mis  les  salles  de  l'Ancien-Musée  â  la  disposition  des 
cercles  de  peintres  qui  veulent  y  organiser  des  expositions. 

«  A  Anvers  comme  k  Bruxelles,  dit  ce  journal,  la  lutte  s'engagera 
au  grand  profit  du  public  et  de  l'art. 

Ce  fait,  extrait  de  lu  dernière  correspondance  anversoise  de 
l'Art  moderne,  l'annonce  :  VArt  indépendant — en  faveurduquel 
nous  avons,  dans  ces  colonnes  mêmes,  élevé  la  voix  quand  une 
imprévoyante  décision  lui  refusa  l'usage  des  salles  de  la  rue  do 
Vénus,  qu'il  sollicitait,  et  qui,  frappé  â  mort  par  celte  décision 
fut  obligé  de  se  dissoudre,  —  VArt  indépendant  s'est  reconsti- 
tué avec  d'autres  éléments,  semb!c-t-il,  plus  re^solumenl  con- 
vaincus d'art  nouveau. 

Le  fait  est  instructif:  à  la  première  possibilité  entrevue  de 
recréer  ses  Salons  annuels,  ce  Cercle,  dont  la  première  exposition 
n'est  pas  oubliée,  se  réveille;  d'autres  so  créeront,  et  la  vie  artis- 
tique, qui  menaçait  de  s'éteindre  et  de  se  cantonner  dans  un  seul 
cercle,  ne  peut  manquer  de  prendre  un  essor  nouveau  par  cette 
mesure  simple  en  soi  et  de  toute  justice  —  la  libre  disposition 
d'un  local.  » 

Étude  du  notaire  Van  Halteren,  à  Bruxelles,  rue  du  Parchemia,  9 


Ledit  notaire  Van  Haltkrkn  veudra.  sous  la  direction  de 
MM  Leroy,  eiperts,  le  Jeudi  2  avril  1891  et  Joars  suivants, 
à  1  heure,  en  la  salle  Sainte-Oudule.  rae  du  Gentilhomme,  9, 
à  Bruxelles 

XJITE    BELLE 

COLLECTION  D'OBJETS  D'ART 

Armes  anciennes. 

Porcelaines  et  Faïences  anciennes,  Bronzes,  Tableaux, 

Médailles,  Gravures  et  Meubles  anciens. 

Exposition  :  particulière  mardi  31  mars,  publique  l"  avril  1891, 
de  10  à  4  heures. 

I  Elide  de  1°  Vill!  BEVER8,  m\ùn,  me  de  la  Loi,  9,  i  Braielh. 

VEIVXE  PUBL.IQUE: 

31    3^A.ieS    ET    l»"-    A-VRIL 

Collection  de  feu  M.  le  comte  de  Cornelisscn 

TABLEAUX  ANCIENS 

Œuvres  remarquables  de  : 

ASSEI.YN.   —    BERCHEM.  CUYP.   —  ANTOINE  VAN  DYCK. 

VANDER  HEI.ST.  HUCHTENBURGH. 

VAN  HUTSUM.  —  DU  JARDIN.  —  DE  KBYSER. WILLBM  UIERIS. 

RUBEN8.  DANIEL  SEQHERS. 

WILLEM  VANDE  VELDE.  WOrVERMAN.  WYNANTS,  ETC. 

Cette  venta  aura  lieu  à  Bruxelles,  Oalerie  Saint-Luc,  10,  rue  des 
Finances,  par  ministère  de  M«  Van  Beverk,  notaire.  —  MM.  Victor 
Le  Roy  et  Jules  De  Brauwere,  experts. 

Exposition  :  S9  et  SO  mars,  de  H  à  S  heures. 


•g'fîjR? 


ONZIÈME  ANNÉE  J 

L'ART  MODERNE!  s'eai  acqnis  par  l'autorité  et  l'indépMHfance  de  sa  eritlqa«,  par  la  TariéiÀ  4e  M" 
informations  et  les  soins  donnés  à  sa  rédaction  une  place  prépondérante.  Auenne  nanifastation  da  l'Art  ne 
lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  de  peinture,  de  soulpture,  de  gravui>e«  de  DIDUItlque, 

d'arcbltecture,  etc.  Consacré  principalement  an  mouvement  artistique  belge,  il  renseigne  néanipoins  ses 
lecteurs  sur  tous  le»  événements  artistiques  de  l'étranger  qu'il  inmorte  de  connaître. 

Chaque  numéro  de  li'ART  MODERNB  s'onvre  par  une  étude  approrondie  sur  une  question  artistique 
ou  littéraire  dont  l'événement  do  la  semaine  fournit  l'aotuallté.  Les  exposition»,  les  livre»  nouveatcœ,  les 
premières  représentations  d'oeuvres  dramatiques  ou  musicales,  les  conférence»  littéraire»,  les  concert»,  les 
ventes  d'objets  cTart,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  Il  itqid  compte  des 
procès  les  plus  Intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Memento  la  nomenclature  complète  des  (BXPOSltlOIUI  ot 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  II  est  envoyé  gratuitement  à 
l'essai  pendant  un  mois  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande'. 

L'ART  MODBIiNE  forme  chaque  année  un  beau  et  fort  volamè'' d'eaviroa  450  pag«s,  avec  table 
des  matières.  II  constitue  pour  l'histoire  de  l'Art  le  document  LE  PLUS  COM^BT^Wl*  fwmtiMiB'HMfeS 
FACILE  A  CONSULTER. 


PRIX    D'ABONNEMENT 


Belgique 

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Quelques  exemplaires  des  dix  premières  années  sont  en  vente  aux  bureaux  de  L'ART  MODKINE, 

rue  de  l'Industrie,  32,  au  prix  de  30  fimnCS  chacun. 


L'Industrie  Moderne 

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Administration  et  rédaction  :  Rut  Royale,  15,  BruœelU*. 
Ru»  LafayetU,  123,  Paris. 

JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraistatU  le  jeudi  et  le  dimanche. 

Faits  et  délNtts  Judiciaires.  —  Jnrlspmdeiiee. 

—  BlbUosmi^s.  —  Uglslation.  —  N«t»rUt. 

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ABOHNiiiBJiTB  j  étranger.  23         id. 

Adminiatration  et  rédaction  :  Rue  det  Minime*,  10,  Bnueelle*. 

L'ART  DANS  LES  DEUX  MONDES 

jswéjff  fciHiMisSstos  lUMtf«  asrstswjit  le  SsBe«l 

DirecteuT-gérant  ;  YrcLma  RAlÇKllID 

Paris  ;  rue  S'-Oeor^,  43.  —  New-Yoric  :  31B,  Fifth  Arenue. 
Abonnements  :  Paris,  20  francs.  —  Etrangiar,  25  francs. 

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en  un  fascicule  de  32  pages  au  moins.  Il  formera  tous  les  ans  un  fort 
volume  inSfi,  pour  letjuel  il  sera  tiré  une  couverture  spéciale,  un 
titre,  une  table  des  matières  et  une  table  alphabétique  par  noms  d'au- 
teur*. 

ABOimioiiTt  :  France,  9  francs  par  an. 

Id.  Union  postale,  6  francs  par  an. 

Envoi  d'un  n»  spécimen  contra  b.  0-40  en  timbres-poste.  —  M.  A. 
Vaixbtte,  rédacteur  en  chef,  rue  de  l'Echaudé  St-Oermain,  15,  Paria. 
—  Dépôts  i  Bruxelles,  V*  Rozez  et  Lacombiax. 


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L'orgns  ESTEY,  constr«it  en  nosrer  «assit  de  foiSM  Uéguxte, 
bien  s^Usée,  est  sans  coBOnrrenoe  pour  la  beauté  et  les  qualités 
sublimes  du  son. 

•  lAMÛaao  ESTEY  fn  coaslwit  aa  gréai  pooibn  d*  «MMièlea  «n 
difltosotca  grandeanifdli!^KgQM;;nbQllNi1ffl||iMP'*^  ■  '   ' 

La  maison  possède  dss  c«rtiflatti  esoclknts  de  MM-  M^r  Tinel, 
Camille  dé  Saint-Soens,  lÀtMt,  nUhari  Wagnofr  ttubhuttln,  Joa- 
ehim,  WiiMn^,  Md.  Oritg,  OU  SuU,  A.  asUpof,  Sif  M-iHnr. 
Disirie  AHtt,  Pauline  Lueea,  J'ablo  deSarasaU,  Ferd.  aller,  D. 
Popper,  sir  F.  Benedict,  Leseh^t^À^  NapnumUl,  Joh.  Selmer,  Joh . 
Soendsen,  K.  Rundnagel,  J.-O.-B.iSuUe,  Ignace  BrOU,  «te.,  etc. 

N.  B.  On  envoie  gratoiteiaeat  !«•  prlx-oonnats  et  les  oertl- 
llcats  à  toute  personna  qui  «n  fera  la  demanda. 


J.  SCHAVYE,   Relieur 

46,  nte  da  Ntwd,  BrazaUaa 
RELIURES  ORDINAIRES  ET  RELIURES  DE  LUXE 

^tédaliti  d'armoirias  belgos  «t  Itraagèiis 


BraxeUas.  —  Imp.  T«  MomOM,  91,  rae  (te  rinduatM*. 


3nzi*hk  amnéb.  —  N»  13. 


Le  numéro  :  26  centimbs. 


Dimanche  29  Mars  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   «o.   fr.   10.00;  Union   postale,    te.    13.00     —  ANNONCES   :    On   traite  i   forfait. 


Adresser  toutes  le»  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Tlndustrle,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 
Le  Salon  de  l'Essob.  —  Théodore  de  Banville.  —  Au  Club 

SYHPHONIQUB.    —    DOCUMENTS    A    CONSERVEE.    L'ARCHITECTURE    AU 

CONCOURS    OODBCHARLE.     —    MeMENTO    DES    EXPOSITIONS.    PETITE 

CHRONIOUI. 

Le  Salon  de  l'Essor 

...Car  il  ne  faut  jamais  désespérer! 

Voici  que  la  gangrène  gagne  ce  salon  de  l'Essor  que 
l'on  proclamait  la  citadelle  anti-vingtistô.  Les  pointil- 
leurs  y  pointent.  Le  pointillisme  n'est  pas,  il  est  vrai, 
le  symbole  exclusif  de  l'art  neuf.  Il  n'est  qu'une  de  ses 
manifestations,  on,  si  vous  voulez,  une  de  ses  fantaisies, 
une  de  ses  tentatives  ingénieuses  pour  se  dépêtrer  des 
vieux  uniformes.  Mais  l'imbécillité  des  critiques  encroû- 
tés en  a  fait  le  plus  criard  cri  de  guerre  des  novateurs, 
la  plus  scandaleuse  clameur  des  émeutiera  de  la  pein- 
ture. Jamais,  à  les  en  croire,  la  partie  saine  de  notre 
monde  artistique  ne  se  serait  avilie  en  cette  monstrueuse 
pratique.  Et  un  des  meilleurs  appartements  de  cette 
partie  saine  est  occupé,  on  le  sait,  par  la  famille  esso- 
rienne.  Or,  voici  cette  famille  modèle  dont  les  vertus 
délectaient  les  doctrinaires  de  l'art,  atteinte  de  la 
variole,  malgré  les  vaccinations  et  les  revaccinations 
des  docteurs  ès-académicisme.  Ce  n'est  pas,  il  est  vrai, 


la  belle  variole  qu'on  attrape  à  fréquenter  Seurat.  C'est 
une  mauvaise  petite  variole  de  quatre  sous  maladroite 
et  naïve,  une  variole  à  être  jetée  à  la  porte  des  XX. 
Mais  ce  n'en  est  pas  moins  l'odieuse  maladie,  tolérée 
maintenant,  proh  Pudor!  parmi  les  braves  gens  de 
l'Essor,  et  qui  va  les  gagner  tous  si  l'on  n'y  prend 
garde.  On  se  demande  vraiment  ce  qui  a  pu  se  passer 
pour  qu'une  pareille  faiblesse  se  manifeste.  Qu'est-ce 
que  cela  veut  dire?  Et  que  va  penser  le  jeune  Anspach 
qui  suppliait  le  gouvernement  de  refuser  tout  local  aux 
partisans  de  la  peinture  «  en  pains  à  cacheter  »  ? 

Cela  veut  dire  que,  quoiqu'on  fasse,  l'évolution  artis- 
tique va,  incompressible.  En  vain  des  Étoile,  des  Chro- 
nique  (ces  organes  de  l'opinion!)  ricanent  zwanzent, 
grincent,  hurlent,  fulminent.  Pendant  que  ces  voci- 
fératrices  croient  disperser  le  progrès  par  devant, 
voici  qu'il  leur  monte  aux  hanches  par  derrière. 
Comme  dans  l'armée  du  Tsar,  il  y  a  des  conspirateurs 
jusques  dans  la  garde,  et  ces  malheureux  «  organes  de 
l'opinion  »  finiront  par  se  convertir  à  leur  tour.  Pour 
des  entités  qui  chantent  la  palinodie  à  bouche  que 
veux-tu,  ce  ne  fut  jamais  un  tour  difficile.  Nous  pressen- 
tons le  jour  où  ces  messieurs  proclameront  qu'ils  ont 
toujours  été  partisans  de  la  peinture  nouvelle  et  qu'on 
les  calomnie  en  leur  mettant  sous  le  nez  les  belles  pages 
de  leur  présente  prose  que  nous  collectionnons  pieuse- 
ment dans  nos  "  Documents  à  conserver  «. 


-■-fc. 


i&& 


L'ART  MODBRNE 


Ca  lui  domaifr  nn  petit  xsréamaâpi:,  ces  laodeslcs  tcn- 
taiîrTe»,  aa  Salbn.  (ie  r.&«Hr.  Il  acâbte  qnH  J  pas»  ui 
fWK  d'air  firata.  Ilb  avaient  si  pcar  de»  covrant»  «Taïr  et 
des  riuaoïe».  Yâvi»  aarez,  le»  plitkinqocs.  il  Ëwt  des  pré- 
eastiii!»».  Ooi  se  pnwiâi»  li  dedans  moînei  mlooDteBt, 
Buoina  BUDroae.  Une  tendanice'i  ta  fratemiitéTOVS  prend. 
Odi  se  <§t  :  qui;  sait  ^..  car  il  ne  làintjaiiiak désespérer! 
Et  ce  n'est  pa»  le  sevi  b(»  signe.  A  côté  des  Eauoriens 
q.m  9  a-vioenit  (^œe  rrainucnt  le  rievi  j^en  ne  rêvant  guère 
la  liiKL^re  et  L'atraespèièTe  et  qœ  les  nuBOoeiises  pein- 
tnrea  à  Ea  smie  soat  Trainuent  bien  Httgnbves  quand  oa  a 
dama  la  mémoire  Eea  Jo  jevae»  et  seTem«s  dartés  des  XX, 
Toki  cetEX  qui  EàdSneiiit  le  brmtal  r^aHiame  et,  svmutt  à  la 
qoene  vmé  aatre  piualange  de  réftymiatenri.  donnent  en 
plein  etan»  Fart  de  pensée,  dans  FAkt  ÉrocAixtra  •  ott 
se  CèTe  on  besoin  d'an  deîik,  de  lointaine»  et  mjstiqoes 
idées,  é'Tocatrices  de  rèTes,  protoiigeant  la  réalité^  aox 
fermes  contoor»,  ta  prolongeant  en  de  Taporenaes  chi- 
nières,  raaréotant,  finnaat  aatoar  d'elles,  an  dessus 
d'elles,  en  nn  encena  de  pensées  -. 

Ha  sont  nomfaretti.  ceox-Ià,  peot-ètre  parce  qoellm- 
bécilejcurnalianie  s'est  moins  démené,  a  mioina  gesticulé, 
clcwné  et  p<^taradé  contre  cette  Ekcette  de  FaniTers^le 
transformation,  la  discernant  moins,  allant  de  préfé- 
rence, avec  ses  gros  jenx,  bovins,  inaptes  à  Toir  les 
nuances,  ani  tentatives  pins  TiaiWes  des  codeurs.  lîs 
étaient  plas  libres  en  cela,  les  Elsaorieos,  moins craintiCi  de 
subir  les  Titopérationa  de  Messieurs  de  la  Presse.  Anssi 
ce  qa'ïls  s'en  donnent  '.  II  y  a,  largement  pendus  anx 
mnrs,  des  symbolisations  effrénées, ©ni,  mes  enfants,  dn 
Symbolisme  ruisselant,  de  ce  symbotisme  qui,  s'il  était 
reçu  aux  XY,  aoalèrerait  dans  les  entrecoloonements 
des  gazettes,  des  tempêtes  de  cris,  de  sifflements  et  de 
mgiasementâ  conune  si  tontes  les  giroaettes  roaillées 
d'une  ville  moyen-âge  grinçaient  à  l'unissoD  par  une 
nuit  d'ouragan.  Or,  ces  mêmes  gazettes  sont  déjà  en 
train  de  dilner  \f.j,  flots  huileux  de  Féloge  à  propos  de 
ces  bizarreries.  Its  sont  d'une  ai  sublime  impart iaEité  et 
d'un  si  assuré jagenient,  toas  ces  gaillards! 

Au  gui  i'an  neuf  d':nc.  A  droite,  à  gauche,  conver- 

sion!  Et  partout,  er  avant  noarcbe!  Même  ceux  qoi 

exnltï^ent  à  marquer  le  pas  dans  les  Tîeflln  booes.  Tant 

mieux!  tant  mieux  !  An  gui  l'an  neuf!  Ça  va  bien,  ga  va 

bien,  le  char  se  désembourbe,  l'attelage  tire  i  Ums  coups 

de  collier.  Toute  la  cr'icuîade  va  rester  seule  avec  son 

polémiculage  Oh  !  la  î  (.mne  force!  Ces  Essoriens  ne  vont 

pins  donner  le  plaisant  spectacle  d'Essoriass  qui  ne 

prennent  pas  l'essor.   Voici  qu'ils  ouvrent  les  ailes, 

•  qnlls  comptent  leurs  écus  <•,  comme  disent  les  enfonts, 

des  hannetons  qui  préparent  leurs  éiytres.  On  peut 

espérer  que  les  Essoriens  vont  avoir  un  essor  !  Hxuine- 

ton,  vote,  vote,  voleC  Ça  se  foit.  même  avec  un  fil  à  la 

patte 

Ah  !  ils  peuvent  compter  que  ce  jonr-Ià  nous  leur 


I  bdk  et  jo|«MB  raMd».  Mû 
ïb  aaront  Barré  kon 
CluuBpnl,  q[M  fiscw-tB? 


PliBTre 


ce  f»t/tt  >  »  ■iwi 
MM-  MM  fmm  de  ce  Mai  ca  ses  Oéa 
loaie  »  fl^oire  «'est  màm  ea  fcn  aderalMa 
4e  la  law.  L'a-i-fl  mmtȔ  Faie,  JMae, 
téra»|ae  rt  iMions  liiiili.  IDDe  In  vcm 


raMm  M  Bâifiui 

b 
lioa  BMrake.  Ce 
farte  et  ■aîqve  MMe  «le  lîMhair,  mimmé  mamÊtu  for  FcnvalCe  et 
b  grâce  de  b  sjibbe  swvMiect  fa  iiiwiadiina  ftmiàmtéeia 

.  n  a  ftapfé  k  pre- 
iiiiiiliiliii|iiii,  y» 
et  rîckcBaa  Hnire 

de  faCr*cc;«i*r. 

iemin  rilr,  le  cîd  U(«,  les  barien  roacst  fa  ville  d'ilhiacs, 
Amtophane,  kûs  aom,  ■ait  soitiMl,  le  Avia  Wamtre.  U  Ta 
ûaée  k  b  mamin  aatî>|ar,  cbir  de  se  sealjr  Aom  far  die— et 
UMl  Ma  art  s'est  ÉUaraiaé  de  b  fanMche  laear  de  ms  jcn.  Le 
Boi  a  Uwte  »  Mqod  ■■Met  avait  doaaé  aae  ligaiicilioa  Bip»- 
qo»,  a  pm  soos  ses  diigis  de  scaiplear  et  de  peiatre  mmt  allare 
quH  de  vîcïfe  vailbwr,  h  bica  <|a'aa  Eea  de  mmf/u  i  Fiaifi- 
ratcice  raaaaiîqae,  oa  smoftait  &  Maae.  Oa  a  dit  de  laaville  qa'il 
est  le  denôcr  ni«aalMiae;  oa  poonaii  soalcair  aa  toattjîie  i|a"il 
est  le  prcoiicraiéa-cbsNqne. 

Apris  aa  soir  de  violeat  et  Kaitctaji  roaaalifMe  oè  le  diaae 
rcsu  il  pcada  otMiaémcitf,  avec  k  bossa  QaaaÔBOdo,  aax  doches 
■octaraes  de  ^oire^Dane.  il  a  apporté  b  fraickear.  Il  a  aoalrt 
ce  cltanae  des  Bears.  b  darté  des  rotdcs,  b  spleadeo-  des  décisn 
bborbcs,  b  rooear  da  aaiia,  •  b  ^oire  da  barier  s.  0  porltit 
Irioaiplialenieai  de  ces  uiates  vieilles  rhdtes  —  et  qai  a'cM  dit  b 
l'eaieadrr,  qn'oo  en  pariait  poar  b  pwMièfe  fois?  laaville  atait 
ce  don  —  et  ceci  le  rapproche  des  plus  fraads  —  de  dire  des 
mois  qpi  seabbi«ai  iaoab.  Certes,  avaieatib  liainé  paitoat, 
en  tes  (ivm  des  qBai»  et  daas  les  rooaas  des  pietles.  Pea 
imponaic.  Ils  apparajsaainii  daas  ses  livres,  doaés  dTaae  vie 
aeof  e,  msDrjps  k  aae  laauére  incoaaae,  dardés  ea  ane  virgioité 
éL-btante.  La  rose!  en  a-t-il  fait  aae  persoaae  aarorale  et  soo- 
daine! 

Sa  niéiriqDe  était  spéciale.  Avec^Caaticr  et  Baadelaire  il  rvlte 
les  Pamassieas  aox  roaaaaiiqMS.  Son  Pciii  trmté  et  lùtêrmtmn 
frmufmu,  reueifoe  sor  ses  prédilectioas  fonaisies.  Sabraat  b 
réfolariié  des  alexandrins,  faisant  sortir  des  rangs  b  eésafc 
pour  qae  le  vers  maaseavrSi  pias  a  l'aise,  '*-t~**^  eoai«c  pitot 
aa  po<aK  b  scale  riae,  qa'd  vtMbit  fiiftaii  et  Milliardaire, 
nimiii  iiial  de  viea»  Modes  débissées:  U  hmlhé»  et  le  tàmmi  r»yd. 
imposant  anlant  de  chaînes  qu'il  n'en  levait,  fnrieoz  coaire  lonie 
licence  —  Mais  aimant  l'art  k  travers  toat  soa  cencaa  et  loot 
son  ecear  —  id  s'affiraie-t-Q. 

Ses  poésies  sont  moins  connues  que  sa  prose.  Ccst  eOes  poor^ 
lani  qui  illumineront  son  nom  a  travers  les  temps.  Descendu 
vers  le  journalisme  liiiéraire,  il  |rfacardait  ses  articles  daat«  GU 
Star  jadis,  atûgunThui  daas  fEdtf  4e  Paris  d  la  Lamlertm.  D  ; 
a  tourné  b  ntcule  de  b  copie,  «viroa  dix  ai».  D'oft  soat  ikfs  : 
ses  Ctmlts  pour  fenuma,  ses  CmIci  féerifu*,  tes  Cbate  laar- 
9tcit,  etc.  Auparavant  il  avait  paMié  ses  Omlm  pmn-  Us  Pmri- 
siennes. 

Ses  œovTCsde  prose  les  plus  rares  se  litreat  :  les  Atliml—f  <». 


". -"ff  ".XÎSS-r'V  •*".K5 


L'ART  MODERNE 


101 


le*  Otmém  paruùiu,  la  Mtr  et  Nice.  Cellc*<i  sont  recbcnliées 
{ par  laa  bibûophika. 

Ce  qui  diatiafoe  tooa  ce*  eonlea,  c'est,  oalre  mat  bolaisie 
paToisée  d'esprit  eieellent.  no  indénonuble  optiaiisme.  Ses 
héros  al  ses  bérolM*  il  les  crée  les  um  beani  et  les  autres 
lominemea  de  aon  rére  de  philosophe  hearenx  de  TiTre,  franc  de 
IraTcraes  elde  nébacolies,  radieux  d'écrire  eneore  k  aoo  Ige  des 
phrases  belles,  imoiortellenieal. 

Certes,  la  répétitioD  des  toojoDrs  mêmes  aperçus,  le  dévoile- 
ment  des  tovjoars  indcntiqnes  iemmei  déeisci,  la  mise  en 
chapitres  dlBwiablea  perfections  de  coodniie  ei  de  pensfe  ont 
pu  laaaer  le  lecteur.  Lni  Banville,  semble  toiqoiir*  écrire  son 
premier  conte.  Il  se  sent  an  serriee  d'nn  idéal  fut  de  pensée 
antique  en  an  cerrean  moderne;  Il  rappelle  Athènes  quand  il 
prie  de  Paris,  l'afora  qnand  jl  die  le  boalerard  et  tour  i  tour 
Eseh^,  Sophode,  Homère  qnand  il  aoage  k  Hngo. 

Banville  poète  a  déteint  sor  Banville  prosalenr  ;  sa  prose, 
presque  autant  que  ses  vers,  est  lyrique.  Baudelaire  voyait  dans 
ce  lyrisme  l'essence  même  dn  talent  de  son  ami.  Celait  ce 
mol  qu'il  rencontrait  le  plus  souvent  et  le  pins  henrensement  au 
long  des  Ode»,  des  ExUù,  des  SlaiaetUtt,  dis  Cmriatida. 

Rons  voudrions  préciser  ici  la  qualité  de  ce  lyrisme.  A  nos 
yeux,  ce  n'est  pas  le  désordre  —  le  beau  désordre  —  dont  parie 
Boilcau  ;  ce  n'est  pas  l'emportement  en  coup  de  vent,  ni  les  illu- 
minées paroles  d'une  Pyihie  on  d'un  prophète.  Le  lyrisme  de  Ban 
Tille  est  clair,  foit  de  pensée  pure  et  de  soleO.  Il  ne  court  point  k 
pas  précipités  dans  le  cortège  des  alexandrins  qui  défilent,  ni  k 
grands  gestes  fous  et  comme  déracinés,  non  ;  il  se  contente  d'écla- 
ter d'une  eonlenr  |dns  royale,  d'une  lumière  plus  vive,  il  est  bit 
de  mois  plus  hauts  et  plus  fiers,  il  s'érige  en  prosopopée  lente- 
ment et  souverainement  pure,  il  est  plutôt  statique  que  volant  k 
travers  le  livre.  C'est  Ik  sortool  ce  qui  le  dislingue  de  celui  de 
Musset  —  son  prédécesseur  et  son  eonlraire  —  et  le  rapproche 
du  lyrisme  grave  et  sculpté  des  Parnassiens. 

Il  aime  la  grande  phrase  lonf(ue  et  déroulée  k  travers  une 
dizaine  de  vers,  avec  des  pointe  d'arrêt  aux  enjambements  et  des 
tnioes  dlncidenles.  Sa  pièce  sur  le  DtnU  —  elle  se  rencontre 
dans  les  ExiU*  —  est  spéciale  et  confirme,  parmi  cent  antres,  ce 
dire. 

D'autres  fois,  c'est  la  strophe  régulière  maintenue  dans  toute 
la  rigueur  de  son  sens  complet,  vers  par  vers  —  exemples  nom- 
breux dans  Tkid»m\»  —  qui  endot  son  ébn  lyrique. 

Musset  —  disait-on — se  sentait  citoyen  de  l'Aitiqne;  combien 
plus  véridiquement  Banville  aurait  pu  se  prodamer  tel.  Il  était 
l'esprit  et  b  clarté  mêmes.  Que  l'on  ne  s'attarde  pas  pour  le  juger 
i  ses  rimes  calemboorisantes,  ni  k  ses  triolets  dont  certains  vers 
tournaient  k  la  sde.  Le  vrai  esprit  de  Théodore  de  Banville,  il  est 
dans  ses  famenses  lettresk  Pierrot,  toutes  blasonnéesde  chimères 
fotles  et  de  haut  boa  sens  exquis.  Au  reste,  ce  type  de  Pierrot,  l'a- 
i-il  aimé,  Fa-tnl  babillé,  l'a-t-0  transformé  !  Si  bien  que,  pour  cer- 
tains, c'est  Banville  lai-même  en  serre-tête  et  Uoose  blanche. 
Depuis  Walteau,  Pierrot  est  devenu  un  personnage  non  plus  de  la 
Comédie  Italienne,  mais  de  la  Française.  Aucun  personnage  de  rêve 
n'a  subi  autant  d'avatars  en  ce  siècle.  Lm  peintres,  les  mimes,  les 
poètes,  les  cknraa  se  sont  emparés  de  lui,  chacun  lui  bisant  faire 
une  grimaee  et  un  geste,  jusque  leur  jour,  inédit.  Pour  Banville, 
Pierrot  est  avant  tout  le  chimérique,  qui  regarde  pbs  obstiné- 
ment Fombre  que  b  proie,  —  bien  qu'il  se  proclame  goinfre, 
videur  de  boutcilIeB  et  partisan  des  rcKis  et  des  volailles  —  car 


l'ombre  est  belle,  attrayante,  immaléridle  et  lyrique,  et  tout 
compte  fait,  k  part  quelques  inévibbles  déboires,  die  vaut  certes 
b  proie.  Et  b  condusion  se  recueille  en  ces  vers  pas  tant  para- 
doxalnx  sur  b  pauvreté  de  Rothschild  : 

Tandis  que  poor  chanter  le*  Chlori*  je  choisis 

lia  cithare  on  mon  fifre. 
Loi,  Rothadiild,  la  forfat  dn  travail,  priré  de  tout  lazns. 

Il  met  chilire  sur  chiffre. 

Il  ùiX  le  compte,  A  ciel  !  de  ses  deux  milliard*, 

*  Otte  iomme  eo  démence. 
Et,  ai  le  malheureux  s'est  trompé  de  deux  liards. 
Il  iaat  qnll  iceommeoce. 

O  Monadel!  landia  que  bravant  l'adieroa 

Ches  BignoD,  ta  t'empiflres. 
Le  caissier  de  Rothschild  dit  :  Monsiear  le  baron. 

Il  tant  Cûrs  des  chilfres. 

O  qne  Rothschild  est  panvre  f  11  n'a  pas  m  Lagn^. 

Il  n'a  jamais  de  joie. 
Le  riche  est  le  poMe  appelé  Olatignj, 

Le  riche,  c'est  Monjoie 

Ces  vers  des  NomelUs  Odes  FunambuUtquet  expriment  des 
sentiments  de  Banville,  mais  on  les  croirait  entendre  sortir  de  la 
bouche  de  Pierrot. 

Si  l'espace  ne  nous  faisait  défaut,  nous  aimerions  k  toucher 
encore  aiu  Trente-six  BaUaiUs,iax  Princesses  et  surtout  k  celte 
tant  bdie  Floriu,  une  des  plus  inconlesublement  charmantes 
pièces  dn  thékire  de  ce  siècle.  Et  combien  peu  U  connaissent, 
même  de  titre  ! 

Il  nous  eût  été  aussi  d'intérêt  d'approfondir  fa  prosodie  banvil- 
lienne  et  de  signaler  ses  facooes  et  ses  erreurs.  Mais  k  la  mort 
d'nn  tel  poète,  fa  discussion  n'est  pas  d'heure  ni  de  saison. 

On  ne  loi  a  point  fait  d'assez  belles  fooérailles,  parce  qu'on 
est  dans  une  période  de  réaction  contre  son  art.  Mais  il  est  déjk 
an  deik  des  querelles,  grand. 


^U     5jLUB     gYMPHONlQUE 

Le  Oab  stpnphonique,  qui  avait  fait,  il  y  a  tout  juste  un  an,  sa 
joyeose  entrée  dans  fa  vie  publique,  a  donné  mardi  dernier  son 
deuxième  concert  annuel.  Sous  fa  ferme  et  intelligente  direction 
de  sou  fondateur,  M.  Emile  Agniez,  l'orebesL-e  s'est  assoupli;  il  a 
gagité  en  sonorité,  en  précision.  L'exécution  des  oeuvres  inscrites 
an  programme  —  toutes  oenvres  nouvelles  de  compositeurs 
bdges  —  a  été  des  plus  satisfaisantes,  et  le  succès  considérable. 
Céuit,  l'an  dernier,  nn  orchestre  d'instmmenls  k  cordes. 
M.  Agniez  y  a  ajouté  celle  fois  rharmonie,  confiée  aux  élèves  de 
la  classe  d'ensemble  instrumental  dn  Conservatoire.  El  de  ce 
groupe  d'amateurs  et  d'artiste»  il  a  formé  nn  petit  orchestre 
complet,  déjk  agnerri.  On  a  successivement  appfaudi  une  Suite 
(Uns  U  styU  ancien  de  M.  Van  Dam,  dont  fa  Bourrée  surtout  est 
intéressante  de  forme  M  de  facture;  un  Prélude  sfmphonique, 
bien  écrit,  par  M.  Léon  Soobre;  une  Gavotte  et  Musette  ei  nn 
Menuet  pour  archets,  de  M.  Edouard  Samuel  ;  une  Bumoresque 
de  M.  Arthur  De  Greef,  l'oeuvre  fa  plus  Importante  et  fa  plus 
intéressante  du  programme  ;  une  Dante  écossaise  de  M.  Paul 
Gilson,  œuvre  colorée  et  brilfaote,  exécutée  dernièrement,  par  un 
orchestre  d'amateurs,  k  fa  fête  du  Jeune  Barreau  entre  les  deux 
tableaux  de  fa  revne  Onmia  fruiemi  ! 

M.  Léon  Dubois  était  représenté  par  deux  fragments  de  son 
opéra-eomique  la  hetmnehe  de  Sganarelle  .-  un  trio  chamé  par 
M*~  Bnol  et  Gorlé  et  par  M.  Rosseels,et  une  Chanson  à  boire  dite 


]02 


L'ART  MODERNE 


par  ce  dernier.  Il  y  a  dans  ces  deux  morceaux  beaucoup  d'enlrain 
el  de  galle.  L'accompagnemenl  symphonique  révèle  un  musicien 
qui  a  «  de  la  palte  »,  bien  que  la  forme  manque  pcut-éire  un  peu 
d'originalité.  L'aulcur  n'écrirait  plus  aujourd'hui  telles  cadences 
tombées  dans  le  domaine  public. 

Les  Sirènes,  quatuor  pour  voix  de  femmes,  par  M.  X.  Cariicr 
(aux  deux  cantatrices  citées  se  sont  jointes  M""  Van  Langendonck 
et  Henderickx)  rappelle  le  trio  des  Filles  du  Rhin,  sans  que  le 
pastiche  soit  flagrant.  L'œuvre  est  distinguée  et  gracieuse. 

M"'  Jeanne  Douslc,  la  mignonne  pianiste  devenue  actuellement 
une  artisie  de  sérieuse  valeur  et  M"'  de  Wagstaffe,  violoniste, 
ont  complété  ce  programme  par  l'exécution  de  quelques  soli.  A 
citer  :  la  Romance  el  V Impromptu  pour  violon  avec  accompagne- 
ment d'orchestre  de  M.  Emile  Agniez,  que  l'on  a  féié,  et  fort 
justement,  à  la  fois  comme  compositeur  et  comme  chef  d'or- 
chestre. 


POCUMENT?    A    CONSERVER 
A  propos  des  XX 

Nous  devons  à  l'obligeance  de  \' Argus  de  la  Presse  (qui  «  lit, 
découpe»,  etc.),  la  communication  des  comptes-rendus  du  Salon 
des  XX  publiés  par  les  journaux.  La  lecture  en  est  vraiment 
distrayante.  La  récolte  des  gaffes  est  abondante  celte  année,  et  les 
vergers  journalistiques  ont  bien  donné  en  sottises,  âneries, 
méprises,  erreurs  el  autres  menus  fruits. 

Quelques  citations,  cueillies  au  hasard  des  basses  branches  : 

M.  Suizbcrger  voit  du  «  pointillé  »  partout.  Il  écrit  :  «  Les 
pointillcurs  belges,  les  Van  Rysselberghe,  les  Van  Sirydonck,  les 
Finch,  les  Georges  Lemmcu,  les  Jan  Toorop  el  les  Ensor  font 
l'impossible  pour  faire  prelve  de  la  même  fidélité  au  parti- 
pris  ». 

(Van  Sirydonck?  Toorop?  Ensor?  pointillcurs???  Voyons!  El 
vos  lorgnettes,  M.  Sulzberger?) 

A  propos  du  peintre  anglais  P.  Wilson  Steer  :  «  Aux  amateurs 
de  talouage  pictural,  il  présente  surtout  des  paysages  d'une  par- 
faite orthodoxie  en  fait  de  pointillage  »  (Encore???) 

Un  lapin  à  qui  comprendra  ce  que  veut  dire  ceci  : 

«...  Signoriria  Sozo  in  Dresdina  est  un  Degas  coloré.  » 

Dans  les  Nouvelles  du  Jour,  un  M.  De  Vigne  aligne  ces  phrases  : 

«  M.  Eugène  Smiis  conserve  sa  couleur  rosée,  de  caractère 
antique  (?),  peu  naturelle  mais  jolie,  où  il  y  a  du  modelé  :  toute- 
fois te  relief  fait  défaut  à  la  poitrine  chez  la  femme  du  grand 
tableau.  » 

«  A  première  vue  cela  paraît  tenir  de  la  fantaisie,  mais  il  y  a 
trop  de  qualités  pour  ne  pas  mieux  classer  M.  Toorop  ». 

«  M.  Fernand  Khnopff  déploie  un  superbe  talent  de  dessina- 
teur ;  sa  pcinlure  est  fine,  d'une  pureté  exirême,  mais  c'est 
mort  :  on  dirait  de  ces  vieilles  peintures  découvertes  dans  des 

MAUSOLÉES  (sic).  » 

«  Van  Sirydonck,  couleur  bizarre,  comprend  aussi  le  relief  el 

même  l'expression  :  le  Déjeuner.  » 
«  M.  Charles  Angrand  est  aussi  un  propre  »  (?) 
«  M.  James   Ensor  expose  une   série  de  pointillés  ou   de 

petites  lignes  puis  quelques  placages  {sic),  puis  une  marine  d'un 


talent  considérable  et  dont  la  rue  fait  réfléchir ITayani  pas 

de  MICROSCOPE,  nous  avons  peu  eiaminé  le  POiirnuJ  fbt ,  de  loin, 
ne  fait  aucun  effet  el,  de  prit,  ne  tigni/ie  rien.  » 

«  Nous  n'avons  pu  débrouiller  les  peintures  de  M.  Cari  Larsson, 
mal  exposées  d'abord,  (?)  el  confutet  entuile.  »  (t) 

«  D'entre  les  élrangelés  de  M"*  Anna  Boch  et  de  M.  Vincent 
Van  Cock  (sic)  nous  tirons  (?)(/<  la  première  un  paysage  qut offre 
de  l'étendue  (à  gauche  avec  arbres)  et  du  teamd,  une  femme 
coiffée  d'un  chapeau  de  paille.  » 

«  MM.  Ch.  Filliger  et  Maurits  Bauer  sont  malades  dd  poin- 
tillé. »  (!!!) 

•  • 

De  Champal,  le  pullulant  et  ubiquiiaire  interviewer,  adonné 
depuis  quelque  temps  au  plus  extraordinaire  charabia  : 

«  On  avait  rêvé  quelque  agonie  effroyable,  coupée  d^hallucina- 
lions,  et  l'on  assiste  ii  la  lente  liquéfaction  des  ferments  qui  pro- 
mettaient une  si  jolie  éruption  (sic). 

«  ....  Fernand  Khnopff,  un  vinglisle  incorruptible,  qui  pour- 
suit sa  trajectoire  sans  s'inquiéter  de  la  nécropole  au  deetut  de 
laquelle  il  plane  radieusement. 

«  ....  Gauguin,  l'imagier  pornographe  dont  la  sublime  igno- 
rance n'a  jamais  été  dépassée  par  les  sculpteurs  de  la-Forél-Noire. 

«  Seurat,  ce  poolife  de  la  peinture  aux  pains  il  cacheter,  ce 
recommenceur  marqué  du  sceau  du  génie  (T),  dessine  et  barbouille 
avec  la  plus  suprême  ignorance  des  correclionnaire*  de  Vil- 
vorde » 

M.  Gustave  Lagye,  dans  l'Eventail  : 

«  Pissarro  corse  en  vain  de  crudités  malpropret  son  procédé 
déplaisant. 

«  Finch  se  rabat  sur  le  carrelage  oulrancier  et  reste  sur 
le  carreau  (?)  ».  (Charmant,  ce  calembour  céramique.) 

« 

Ces  observations  du  Journal  des  Artistes  : 

«  OU  est-il  le  temps  où  l'Exposition  des  .X.Y  soulevait  dans 
tous  le  pays  une  guerre  de  presse  d'une  vivacité  et  d'une  vio- 
lence rappelant  l'époque  des  classiques  et  des  romantiques? 

Aujourd'hui  le  calme  s'est  fait;  on  va  voir  encore,  mais  on  ne 
discute  plus.  Les  Vingt  restent  seuls  à  se  proclamer  les  seuls,  les 
vrais  artistes,  etc. 

u  Anna  Boch  fait  du  pointillisme,  mais  a  trop  d'esprit  et  trop 
de  talent  pour  ne  pas  en  rire  elle-même.  Aussi  les  résultats  obte- 
nus doivent-ils  avoir  coûté  cher  à  son  cœur  d'artiste.  (?) 

u  Les  invités,  Pissarro,  Seurat,  dont  le  Chahut,  souvenir  de 
Grille-d'Egout,  vaut  la  Grande  Jatte,  feu  Vincent  'Van  Cogli,  qui 
de  loin  doit  bien  rire  s'il  voit  tous  les  badauds  s'interroger  devant 
ses  toiles  ébouriffantes,  Sisley,  Larsson,  tout  cela  c'est  de  la  haute 
farce  et  de  la  plaisanterie  qui  ne  prennent  plus. 

«  Gauguin,  qui  a  inventé  le  gauguinisme,  affirme  avec  une 
incontesiable  autorité,  tout  ce  que  l'on  peut  inventer  de  plus  bête- 
ment insuffisant  pour  épater  un  public  assez  idiot  ponr  s'y  laisser 
prendre.  » 

On  se  demande  comment  la  critique  d'art  peut  tomber  aux  mains 

d'un  pareil  crétin. 

* 
*  ♦ 

Il  y  a,  dans  la  Revue  belge  (signature  :  Edgar  Baes),  un  joli 

assortimenl  de  phrases.  Quelques  échantillons  : 

«  C'est  le  lempérament  érotico-macabre  du  polisson  de  génie. 


L'ART  MODERNE 


103 


(il  s'agit  de  Gauguin),  du  dilellante  d'infamie  dont  le  vice  etl  la 
hantiae,  la  sculpture  déformée  du  Faune  sadique  aux  baisers 
lippus  et  immondes,  b  la  langue  fourchue  promenée  avec  sen- 
tualisme  sur  une  barbe  imprégnée  de  bavel  » 

Le  Chahut  de  Seurat  :  u  Celte  œuvre  n'est  qu'un  spasme  fré- 
nétique du  gnome  haletant  et  de  la  goule  en  rut  !  Hymne  suprême 
de  la  chair  palpilanto,  mais  flalulenle  et  persillée  comme  le 
mucus  de  l'escargot  dégorgé,  ses  danseuses  ont  la  couleur 
teigneuse  et  morte  du  panaris.  Savoureuses,  malgré  (oui,  car  j'en 
halète,  et  plus  d'un,  je  le  jure,  en  lire  la  langue  et  lord  ses  bras 
inassouvis,  hypnotisé  par  les  transports  hectiques  d'une  mon- 
strueuse et  dégradante  impudicilé!  » 

Sur  Angrand  :  «  Son  embryologie  requiert  le  dorlotement  des 
ondes  plus  que  lumineuses,  et  il  en  résulte  une  impression  étrange, 
opiacée,  qui  ramène  aux  théories  particulières  de  la  sélection. 
Que  le  tourbillon  de  l'organisme  mi-cellulaire  de  ses  modèles 
soit  la  résultante  de  monères,  ou  de  la  transformation  provoquée 
par  l'action  réciproque  de  l'hérédité  et  de  l'adaptation,  nous 
découvrons  en  leur  auteur,  comme  en  Odilon  Redon,  une  concep- 
tion mécaniste  et  moniste,  qui  est  une  preuve  surabondante  de 
la  vérité  du  transformisme.  » 


ceci  sous  toutes  réiervefi,  que  la  femme  d'un  bourgmestre  de  pro- 
vince, qui  avait  commis  l'Imprudence  de  visiter  le  Salon  des  XX 
dans  une  situation  Intéressante,  a  mis  au  monde  un  enfant 
tatoué.  » 


» 
•   * 


Pas  mal  non  plus,  la  Chronique,  qui  s'est  distinguée  dans  cette 
campagne  : 

Une  traie  trootaille.  —  Le  correspondant  bruxellois  de  la 
Flandre  liMrnle  a  fait  une  découverte  qui  marquera  dans  notre 
siècle  ;  k  propos  de  l'exposition  des  XX,  il  s'écrie  : 

a  Qu'est-ceen  somme  que  ces  peintres  et  ces  criliques(ceux-ci 
portant  ceux-là  aux  nues)?  Ce  sont  les  radicaux  de  l'art,  et  c'est 
au  nom  du  progrès  qu'ils  arborent  l'étendard  de  Chareolon.  » 

De  sorte  que  l'auteur  de  la  sauterie  où  l'on  voit  d'horribles 
guenons  lever  le  pied  plus  haut  que  la  tête  est  un  radical  comme 
M.  Janson  ou  n'importe  lequel  de  ses  lieutenants.  Demander  le 
snfirage  universel  ou  peindre  une  croate  prétentieuse,  c'est  la 
même  folie. 

Quand  on  veut  trop  prouver... 

On  pardonnera  au  correspondant  de  la  Flandre  pour  son  mol 
de  la  fin. 

tt  Etendard  de  Charenton  »  est  une  vraie  trouvaille. 

Celle  exposition  des  XX a,  fait  dire  que  le  gouvernement  avait 
ion  d'aider  ces  iwanzsurs  à  montrer  leurs  produits  au  public, 
u  Ils  ont  fait  leurs  preuves,  disait-on;  une  pareille  plaisanterie 
ne  peut  continuer  avec  l'appui  de  l'Etal.  » 

La  réflexion  est  sensée;  mais  que  l'Etat  se  garde  bien  de  refuser 
les  salles  du  Musée  i  l'art  envariolé  des  XX  II  lui  en  cuirait  ! 


El  ceci,  extrait  de  la  Gazelle  de  Schaerbeek  : 

DERNiftRES  NOUVELLES.  —  D'après  le  bulletin  de  la  Bourse  de 
Bruxelles,  une  hausse  très  forte  s'est  opérée  sur  les  prix  des  pains 
A  cacheter. 

Il  paraîtrait  que  l'ouverture  du  Salon  (?)  des  XX  n'y  est  pas 
étrangère. 

La  note  la  plus  gaie  est  donnée  par  le  Clair  de  lune  : 
«  La  ville  vient  de  faire  fermer  le  Salon  des  XX.  Trois  visi- 
teurs ont  succombé  à  la  suite  {tic)  de  la  petite  vérole,  contractée 
devant  un  tableau  aux  pockets;  d'autres  sont  malades.  Une  jeune 
demoiselle  du  meilleur  monde  esl  devenue  folle.  Enfin  on  assure. 


L'ARCHITBCTURB  AU  CONCOURS  GODBCHARLB 

C'en  est  fait,  le  jugement  esl  rendu  et  c'est  précisément  In 
solution  la  plus  improbable  qui  a  élé  arrêtée  par  le  jury  composé 
de  MM.  Acker,  Beyaert  et  Van  Assche  :  la  bourse  de  la  fondation 
Godecharle  a  élé  attribuée,  mais  par  deux  voix  contre  une,  à 
M.  Kockerols,  auteur  du  projet  de  restauration  de  l'église  Saint- 
Paul  à  Anvers,  tandis  que  le  Palais  des  Arts  de  M.  Lambol  s'est 
vu  classer  second  à  l'unanimité. 

Ces  décisions  ont  soulevé  des  clameurs  bien  naturelles  dans  le 
monde  des  architectes,  et  nous  nous  en  réjouissons  d'autant  plus 
qu'elles  sont  la  confirmation  des  appréciations,  de  raisonnante 
analyse,  que  nous  avons  fait  valoir  dans  notre  élude  sur  \' Archi- 
tecture au  Salon  (n»  39,  5  octobre  1890);  nous  y  disions  notam- 
ment que,  dans  la  restauration  de  l'église  Saint-Paul,  l'élément 
composition  était  nul  et  qu'à  défaut  d'habileté  nous  n'y  voyions 
que  de  la  patience  et  du  soin,  qualités  appréciées  dans  des 
agences  d'archilccles  mais  qui  constituent  des  facteurs  négligea- 
bles dilns  une  épreuve  où  le  talent  cl  les  aptitudes  spéciales,  révé- 
lant un  artiste,  doivent  surtout  être  considérées.  Ces  conditions, 
nous  les  trouvions  rigoureusement  remplies  par  le  Palais  des 
Arts  de  M.  E.  Lamboi,  vaste  composition  dénotant  une  science 
entendue  des  effets,  une  grande  habileté  de  patte  et  de  tendance 
vers  un  goût  très  sCtr,  et  nous  n'hésitions  pas  à  lui  attribuer  la 
première  place,  certains  que  les  remarquables  et  vibrantes 
facultés  d'artiste  que  nous  y  découvrions  s'épanouiraicni  par 
d'intelligentes  études  faites  à  l'étranger.  Mais  nos  critiques 
désintéressées,  pas  plus  que  \cvoxpopvli  des  archiiectes,  n'ont  eu 
raison  de  l'éiroitesse  de  vue  do  certains  membres  du  jury,  et, 
malgré  des  protestations  fort  sensées,  le  jugement,  si  discuté,  a 
été  approuvé  parle  ministre  :  nous  le  regrettons  hautemcnl,  tant 
pour  nos  idées  de  modernité  dans  l'art  qui  onl  échoué,  mais  com- 
bien grandies  en  cette  exclusion  voulue,  que  pour  l'avenir  de  la 
fondation  Godecharle. 

El  à  ce  propos  qu'il  nous  soil  octroyé  la  licence  de  consigner 
ici  une  juste  remarque,  qui  a  sauté  aux  yeux  de  tous.  Aux  concours 
de  Rome  de  1887  et  1890,  la  victoire  fut  remportée  par  deux 
Brugeois,  MM.  De  Wuif  et  Verelle,  élèves  de  l'Académie  de  Bru- 
xelles tandis  que  les  architectes  anversois  n'arrivaient  qu'en 
seconde  ligne;  or,  ce  sont  précisément  ces  artistes,  class('s 
seconds,  qui  ont,  par  deux  fois,  remporté  la  palme  au  concours 
Godecharle,  de  sorte  que  celui-ci  semble  être  considéré  comme 
un  baume  à  appliquer  sur  les  blessures  d'amour-propre  des 
enfants  de  la  soi-disante  métropole  des  arts,  une  sorte  d'instilu- 
lion  pour  les  invalides  du  travail  anversois! Mais  nous  plai- 
santons alors  qu'amères  sont  les  réflexions,  qui  assaillent  lis 
jeunes  lutteurs  merveilleusement  préparés  pour  le  triomphe,  et 
que  des  considérations  obtuses  et  d'insaisissables   mauvais  sens 

écartent,  abattent,  tuenl 

Méditons  ces  faits,  relevons  les  courages,  et  reprenons  la  luile 
i  la  première  et  prochaine  occasion. 


104 


LART  MODERNE 


Voici  une  curieuse  gravur.;  de  primiiir  allemand,  donnant  pour 
la  première  fois  une  figuralion  imprimée  du  démon. 

Elk'  a  rapport  au  livre  :  De  laniis  et  phitonicis  mulieribus.  Ce 
livre  figure  au  cala'ogu;  Deman,  du  présent  mois  de  mars. 

©clanife'ctpbito 
mctemohectbud 

x.eiir(Miia  vii|?oIda)  vdfpqccn 


Mémento  des  Expositions 

Barcelone.  —  Exposition  annuelle.  —  29  mar8-31  mai.  — 
Délai  d'envoi  expiré.  —  Renseignements  :  Secrétariat  de  la 
Commission  organUatiice,  Palais  des  Beaux- Arts,  Patea  Ruja- 
dns,  Barcelone. 

Berlin.  —  Exposition  inlernalionale  des  beaux-arts  &  l'occa- 
sion du  cinquantième  anniversaire  de  la  Société  des  Artistes 
1"  mai-lS  septembre.  Délai  d'envoi  :  U  mars-lO  avril.  Rensei- 
gnements -.A.  von  Werner,  président  in  Comité,  directeur  de 
l'Académie  royale  des  Beaux- Arts,  Zimmerslrasse,  9^,  Berlin 


Section  spéciale  :  ouvrages  illuslrâ»  (gravure,  eau-forle,  litho- 
graphie, etc.).  Dépôt  avant  le  1«  avril  chez  MM.  Dietrieh, 
8S,  Montagne  de  la  Cour,  BruxelU*  (r«p.  pour  la  Belgique  et  la 
Hollande). 

BnuuLLES.  —  Exposition  du  Cercle  arlUlique.  —  18  avril- 
18  mai.  Délai  d'envoi  :  i^-S  avril. 

Milan.  —  Exposition  triennale  des  Beaux-Arts.  —  4*'-30  juin. 
—  Trois  prix  de  4,000  francs  chacun,  fondés  par  le  roi 
Humbert,  décernés  h  la  peinture  et  d  la  sculpture.  Trois  prix  de 
4,000  francs  chacun,  fondés  par  Saverio  Fumagalli,  décernés  k  la 
sculpture,  i  la  peinture  religieuse,  historique  ou  de  genre.  Un 
prix  de4,000  francs,  fondé  par  Antonio  Gavazzi,  décerné  ft  la  pein- 
ture historique.  Médailles  et  diplômes.  —  Les  demandes  d'admis- 
sion devront  être  adressées  au  président,  M.  Emile  Vitconti- 
Venosta,  à  l'Académie  de*  Beaux- A  rit  de  Milan. 

Moscou.  —  Exposition  française.  —  i"  mai-octobre.  (Réservée 
aux  artistes  invités).  Délais  expirés. 

Nantes.  —  4  avril-4  mai.  (Réservée  aux  artistes' personnelle- 
ment invités).  Délai  d'envoi  expiré  :  Renseignements  :  M.  Flor- 
voy,  secrétaire  général  de  la  Société  de*  ami*  de*  Art*,  Oalerie 
Préaubert,  rue  Lekain,  12,  Nante*. 

Paris.  —  Salon  annuel  (Champs-Elysées)  1"  mai-30  juin. 
Délais  d'envoi  :  peinture,  14-20  mars;  dessin,  aquarelles,  pas- 
tels, etc.  14-16  mars;  sculpture,  gravure  en  médailles,  gravure 
sur  pierre  fine,  etc.,  31  mars-8  avril. 

Id.  Société  nationale  des  Beaux-Arts.  —  IS  mai-10  juillet, 
au  Palais  des  Beaux-Arts  (Cliamp-de-Mars).  —  Délais  d'envoi  : 
Peinture,  gravure,  du  I"  au  S  avril  ;  sculpture,  du  15  au  90  avril. 
Les  œuvres  non  admises  par  le  Jury  d'examen  pourront  être 
retirées  :  les  tableaux  et  gravures,  du  20  au  25  avril  ;  les  sculp- 
tures, du  25  avril  au  1*'  mai. 

Rotterdam.  —  Exposition  triennale,  17  mai-S8  juin.  Délai 
d'envoi  :  25  avril-2  mai.  Renseignements  :  M.  Henirik  Veder, 
secrétaire,  Académie  de*  Beaux-Arts,  Coolvett,  Rotterdam. 

Strasbourg.— 10  mai-10  juin. Transport  gratuit  pour  les  artistes 
invités.  Délai  d'envoi  :  30  avril.  Les  colis  doivent  être  adressés 
i  M.  Siromcyer-Laulh,  en  douane  à  Strasbourg.  Renseignements: 
M.  Seyboth,  conservateur  de  la  Société da  Amis  de*  arts.  Bou- 
levard de  Saverne  32,  Stra*bourg. 

Nîmes.  —  1"  mai-1"  juin.  Transport  gratuit  pour  les  artistes 
invités.  Délais  d'envoi  :  notices,  1"  avril;  œuvres,  15  avril. 
Renseignements  :  M.  le  président  de  la  Société  de*  A  mi*  de*  arts. 

Avignon.  —  9  mai-O  juin.  (Réservée  aux  artistes  français).  — 
Délai  d'envoi  :  15-20  avril.  Transport  gratuit  pour  les  artistes 
invités.  Renseignements  :  M.  Bourges,  secrétaire. 


Petite  CHROf^iquE 


M.  Frédéric  Régamey  se  spécialise  :  peintre  d'escrimeurs.  Il 
croque  d'un  crayon  souple  toutes  les  notabilités  de  la  lame.  11 
noie  avec  justesse  les  attitudes  d'adversaires  aux  prises.  Deux 
panneaux  du  Cercle  artistique  sont  tapissés  de  ses  œuvres,  et  c'est 
un  défilé  amusant,  varié,  attrayant,  que  celui  de  tous  ces  hommes 
d'épée,  en  tenue  de  salle,  parmi  lesquels  un  grand  nombre  de 
personnalités  connues.  Le  Cercle  d'eecrime  de  Bruxelles,  la  salle 
Rouleau  dePari8,le  Cercled'eicrimed'An\en,\a  salle  Merckx,  four- 
nissent un  contingent  important  de  portraits,  dans  lesquels  s'unit 
à  la  ressemblance  l'exactitude  technique  du  costume  et  des  acces- 
soires. Une  grande  aquarelle  surtout  requiert  :  l'artiste  y  a 
groupé  la  plupart  des  membres  du  Cercle  d^eecrimede  Bruxelles, 
tous  ressemblants  et  habilement  dessinés. 


Aulje  spécialiste,  H.  Hubert  Bellis  :  huîtres,  crevettes,  moules, 
citrons,  avec  quelques  excursions  vers  les  chrysanthèmes,  les 
pivoines,  les  corbeilles  de  fraises.  M.  Bellis  s'est  fait,  dans  ce 


f^  W^W  "^- 


^ 


.#«■ 


VART  MODERNE 


105 


genre  spécial,  la  répu^lion  qu'ont  ti  Paris  le»  Bergerel,  lea  Emile 
Rousaeau,  lea  Claude,  Ira  Zacharian. 

Quelquea  paysagea  lourds  et  ternes  de  M.  Françoia  com- 
plètent le  brelan  d'exposants  présentement  en  possession  des 
locaux  du  Cercle. 

En  la  salle  Clarembaux,  M.  Théodore  Versiraete  aligne  une 
trentaine  de  toilea,  impressions  sincères  d'une  dme  réceptive, 
ouverte  b  la  mélancolie  des  bruyères  campinoises,  i  la  poésie  des 
crépaaculea  tombant  sur  les  hameaux,  aux  tristesses  des  landes 
enlinceullées  de  neige. 

Les  cloches  de  i'Angelui  tintent  vaguemment  dans  la  plupart 
des  oeuvres  exposées.  Il  y  a  vingt  ans,  M.  Verstraete  eût  éié 
proclamé  maître.  Aujourd'hui  l'art  cingle  vers  d'autres  horizons, 
et  les  musiques  assourdies  du  peintre  anversois  font  l'effet  d'un 
lointain  écho.  Mais  sa  conscience  artis^^iic  sollicite.  Toutes  ses 
oeuvres  décèlent  le  souci  d'être  vrai,  et  m)tme  un  louable  effuri 
vers  la  lumière  apparaît.  Au  bord  ie  l'étang,  Mes  VoUins, 
Zetlani  marquent  un  incontestable  progrès,  un  besoin  de  rajeu- 
nissement et  de  renouveau. 


Wagner,  Mozarl,  Weberl  ces  (rois  noms  sonnent  si  agréable- 
ment aux  oreilles  qu'on  voudrait  n'avoir  que  des  éloges  à  adresser 
aux  directeurs  qui  les  inscrivent  sur  leurs  affiches.  La  reprise 
d'Obéron  n'a  malheureusement  pas  été  aussi  heureuse  qu'on  eût 
pu  le  souhaiter.  Si  l'interprétation  a  été  bonne  en  ce  qui  concerne 
le  trio  de  chanteuses  :  M"*'  de  Nuovina,  Nardi  et  Archaimbaud, 
elle  a  été  médiocre  du  cèté  masculin.  M.  Dupeyron  n'a  certes  pas 
le  sens  de  l'œuvre  vaporeuse  et  poétique  qu'il  était  chargé  d'inter- 
préter. Il  chante  en  ténor  d'opéra,  il  joue  en  acteur  de  provinco. 
M.  Badiali  lui-même,  d'ordinaire  parfait,  a  été  insuffisant,  et  les 
choeurs  ont  failli  tout  compromettre.  Un  malencontreux  ballet, 
dansé  sur  ï'Inxdtation  à  la  Valse,  intercalé  au  dernier  acie, 
achève  de  dénaturer  le  caractère  de  la  partition. 

Hais  on  a  chaleureusement  applaudi,  et  avec  raison,  l'air 
chanté  par  M™  de  Nuovina,  la  Barcarolle  dite  par  M"«  Nardi,  et 
dite  avec  infiniment  de  charme  et  de  talent. 

Aujourd'hui,  dimanche,  à  une  heure,  au  théâtre  royal  de  la 
Nondaie,  représentation  donnée  par  les  artistes  de  la  Comédir- 
Fjançaise  :  l'Avare,  le  Testament  de  César  Oirodot  et  intermède 

La  Bouquetière  des  Innocents,  drame  Si  grand  spectacle,  sera 
repris  aujourd'hui  i  l'Albambra  avec  une  interprétation  de  pre- 
mier ordre.  M.  Eugène  Gamier  jouera  Jacques  Bonhomme,  per- 
sonnage qn'il  a  interprété  à  Paris,  il  y  a  dix-huit  ans  b  côté  d& 
Marie  Laurent  ;  M.  Jules  Mary  reprendra  le  rèle  de  Vitry  ;  M.  Ver- 
mandele,  professeur  au  Conservatoire  royal  de  Bruxelles,  jouera 
Concint';  le  rôle  d'Henriot  sera  tenu  par  M.  Maurice  Chômé,  du 
Gymnase. 

A  l'occasion  des  jours  de  Piques,  il  y  aura,  dimanche  et  lundi, 
à  i  1/3  heure  précise,  deux  matinées,  indépendamment  des 
représentations  du  soir.  

Le  second  concert  de  V Association  des  Artistes-Musiciens  aura 
lieu  samedi  prochain,  4  avril,  b  8  heures  du  soir,  au  théâtre  dé  la 
Monnaie,  avec  le  concours  de  M"**  De  Nuovina  et  de  M.  Joachim. 
Au  programme  figure  notamment  le  Concerto  pour  violon  et  la 
Romance  en  fa  de  Beethoven,  l'air  A'Obéron,  la  Marche  royale  de 
P.  Lebome,  etc 

Le  7  avril,  one  représentation  extraordinaire  du  Barbier  de 


Séville.sen  donnée  au  ihéûtre  de  la  Monnaie, au  prodt  de  l'Œuvre 
de  la  Presse,  par  M""  Landouzy,  MM.  Soulacroix,  Fugère, Renaud 
et  Dclaquerrière. 

Du  18  avril  au  IS  mai,  auront  lieu,  au  Théilre  Communal,  des 
représentations  données  par  le  tragédien  Erneslo  Rossi  et  sa 
troupe. 

La  tournée  de  concerts  que  comptait  faire,  en  Belgique  et  en 
Hollande,  M.  Lamoureux,  n'aura  pas  lieu. 

L'Almanach  que  publient  annuellement  les  étudiants  de  l'Uni- 
versité de  Gand,  vient  de  paraître,  en  un  gros  volume  de 
300  pages,  tiré  à  750  exemplaires  dont  30  sur  Hollande.  C'est  la 
septième  année  que  parait  cette  publication,  qui  atteste  la  vitalité, 
l'esprit  d'initiative  et  les  goûts  littéraires  de  la  jeunesse  ganloisi-. 
Comme  dans  les  volumes  précédents,  l'Almanach  renferme  une 
importante  partie  littéraire  :  une  vingtaine  de  morceaux,  prose  et 
vers,  parmi  lesquels  des  Notes  d'art  de  Camille  Lemonnier, 
Pentalogie  décadente  d'Edmond  Picard ,  Revanche  de  George 
ùSiTtiir,  Heures  de  flânerie  d'Hubert  Krains,  etc.,  etc.  La  Poésie, 
de  Jean  Delville,  sert  de  frontispice  à  la  partie  littéraire,  qu'il- 
lustrent un  grand  nombre  de  croquis  et  dessins  par  A.  Hein!<, 
H.  Leroy,  etc.  Les  portraits  des  professeurs  Nicolas  Dumoulin  ei 
Théodore  Versiraelen  et  une  lettre  de  M.  Jules  Simon  com- 
plètent le  volume,  l'un  des  plus  intéressants  et  des  plus  complets 
qu'aient  publiés  la  Société  générale  des  Etudiants. 

Étude  du  notaire  Van  Halteren,  à  Bruxelles,  rue  du  Parchemin,  9 

Ledit  notaire  Van  Halterkn  vendra,  sous  la  direction  de 
MM.  Leroy,  experts,  le  Jeudi  2  avril  1891  et  Jours  suivants, 
ai  heure,  en  la  salle  Sainte-Oudule,  rue  du  Gentilliomme,  9, 
à.  Bruxelles. 

XJ3SrE    BELLE 

COLLECTION  D'OBJETS  D'ART 

Armes  anciennes. 

Porcelaines  et  Faïences  anciennes,  Bronzes.  Tableaux, 

Médailles,  Gravures  et  Meubles  anciens. 

Exposition  :  particulière  mardi  3t  mars,  publique  1"  avril  tS'.M, 
de  10  à  4  heures. 

■VENTE    FXJBLIQXJB 

DE 

deux  remarquables  collections  de 

TABLEAUX  MODERNES 

LES  LUNDI  6  ET  MARDI  7  AVRIL  1891, 
a  2  heures  précises  de  l'après-midi,  en  la 

G^IlILiERIE:    du    COIVGItÉS 

6,  me  du  Congrès,  k  Bruxellea. 


L'authenticité  des  oeuvres  mises  en  vente  est  garantie.  Parmi 
celles-ci  se  trouvent  :  15  A.  Stevens,  9  J.  Slevens,  5  Gourtcns, 
3  Agneessens,  3  H.  de  Braekeleer,  3  Madou,  des  Artan,  Bouvin,  J. 
Breton,  Boulenger,  Bouvier,  Daubigny,  De  Groux,  de  Knyff,  Diaz, 
Dubois,  Fourmois,  Dallait,  Géricault,  Hermans,  Heymang,  Jacque, 
B.-C.  Koekkoek,  Leioir,  Leys,  Lies,  Meunier,  Musin,  D.  Oyena. 
Robbe,  Ph.  et  Th.  Rousseau,  Roybet,  Smits,  Stobbaerls,  Van  Bcers, 
Van  Mark,  Eug.  Verboeckhoven,  Verstraete,  Alf.  Verwée,  Vollon, 
Wauters,  Willems,  Ziem,  etc.,  etc. 

Pour  le  catalogue,  s'adresser  Galerie  du  Congrès,  où  aura  lieu,, 
avant  la  vente,  l'exposition  particulière,  le  samedi  4  avril, 
de  10  à  6  heures,  et  l'exposition  publique,  le  dimanche 
6  avril,  de  10  à  6  heures. 


J 


ONZIÈME  ANNÉE 

L'ART  MODERNE  s'est  acquis  par  l'autorité  et  l'indépendance  de  sa  critique,  par  la  variété  de  ses 
informations  et  les  soins  donnés  à  sa  rédaction  une  place  prépondérante.  Aucune  rqanifestation  de  l'Art  ne 
lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  do  peinture,  de  soulpture,  de  gravure,  de  musique, 
d'architecture,  etc.  Consacré  principalement  au  mouvement  artistique  belge,  il  renseigne  néanmoins  ses 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  l'étranger  qu'il  importe  de  connaître. 

Chaque  numéro  do  L'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  question  artistique 
ou  littéraire  dont  l'événement  de  la  semaine  fournit  l'actualité.  Les  expositions,  \ea  livres  nouveaux,  les 
l^remiêres  représentations  d'oeuvres  dramatiques  ou  musicales,  les  conférences  littéraires,  les  concerts,  les 
ventes  dobjets  d'art,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  Il  rend  compte  des 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts;  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complète  des  expOSltlons  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  11  est  envoyé  gratuitement  à 
l'essai  pendant  un  mois  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande. 

L'ART  MODERNE  forme  chaque  année  un  beau  et  fort  volume  d'envirott^lSO  pifig?»,  ayeçtablo 
des  matières.  Il  constitue  pour  l'histoire  de  l'Art  le  document  LE  PLUS  COMPLET  et  le  recaeiï  LÉJ  PLUS 
FACILE  A  CONSULTER. 

Belgique  1  O   fï*«   par  an. 


1>1{1X    D'ABONNEMENT 


Union  postale    1.  «^    ff. 


Quelques  exemplaires  des  dix  premières  années  sont  en  vente  aux  bureaux   de  L'ART  MODERNE, 
rue  de  l'Industrie,  32,  au  prix  de  30  &*anCS  chacun. 


POUR  PARAITRE  TRES-PROCHAINEN.i..,  T  . 

Piiblications   de    la   Conférence  du   Jevne   Barreau 

de  Bruxelles. 

LIVRE  D'OR 

IN  MEMORIAM 

Un  volume  de  luie  tiré  sur  papier  teint*  de  cuve  spéciale,  format 
in-4  ',  destiné  à  perpétuer  le  souvenir  des  Fêtes  Jubilaires  de  la  Con- 
férence (14  février  1891),  et  contenant  notamment,  outre  le  récit  de  la 
journée  anniversaire,  le  fac-siniile  d'autographes  inédits  et  spéciaux 
de  quelques-uns  des  Maîtres  du  Barreau. 

PRIX    DE   SOUSCRIPTION    :    5  FRANCS 

OMNIA    FRATERNÊ! 

Méliniélo  judiciaire  eu  un  acte  et  deux  tableaux,  composé  et 
représenté  à  Bruxelles,  au  Théâtre-Communal,  les  14  février  et 
14  mars  1S91  par  des  membres  de  la  Conférence  du  Jeune  Barreau. 
Cette  Revue,  illustrée  d'un  frontispice  de  M.  Théo  Van  Ryssel- 
HEROHE,  formera  uji  élégant  volume  imprimé,  sur  beau  papier, 
format  in-8".  —  Prix  de  souscription  :   fr.  .3-50. 

Pour  leur  conserver,  en  même  temjjs  que  leur  valeur  de  souvenir, 
leur  mérite  bibliophilique,  l'une  el  l'autre  de  ces  publications  ne 
seront  tirées  qu'au  ehilfre  strictement  limité  des  souscripteurs  et  ne 
seront  pas  réimprimées. 

Adre.sf>er  les  demandes  à  M.  Octave  Maus,  directeur  de  la  Confé- 
rence du  Jeune  Barreau,  rue  du  Berger,  27,  Bruxelles. 

LES  FLAMBEAUX  NOIRS 

PAR  EMILE  VERHAEREN 
avec  un    FRONTISPICE   par  ODILON    KKDOZST 

Les  Flambeaux  Noirs,  par  Emile  Verliaeren,  avec  un  fron- 
tispice par  Odilon  Redon. 

Tirage  à  100  exemplaires  numérolds,  dont  : 

S  exemplaires  sur  japon  impérial,  numérotés  1  à  5,  prix  : 
.SO  francs. 

45  exemplaires  sur  papier  de  Hollande  Van  Geider,  numérolés 
6  à  50,  prix  ;  15  francs. 

50  exemplaires  sur  papier  de  Hollande  Van  Geider,  sans  fron- 
tispice, numérotés  51  !i  100,  prix  :  10  francs. 

Ce  volume  termine  la  série  ouverte  par  les  Soirt  et  les  Débâcle». 


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DiMANCHK  5  Avril  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LB    DIMANCHE 


REVUE  ORITIQDB  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octavb  MAUS  —  Edmond  picard  —  Éuilb  VERHAEREN 


ABONimÇBNTS  :    Belgique,   un   an.   fr.   10.00;  Union  postale,   fr.   13.00.    —  ANMONCKS  :    On  traite  à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  d 
l'administration  oénéralb  de  TArt  Moderne,  me  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


SiURÀT.  —  Le  Bahbare,  par  Auguste  Jenart.  —  Fbuhes  et  Pay- 
sages, par  Jean  Ajalbert.  —  Le  Salon  des  Indépendants.  —  L'Hôtel 
COMMUNAL  DE  Saint-Jossk.  —  THÉÂTRES  Le  Voyage  de  Sutette.  La 
Bouguetiire  des  Innocent!.  —  Petite  chronique. 


SEURAT 

La  mort,  déjà  cruelle  aux  lettres  et  aux  arts,  quand 
elle  frappe  un  artiste  comblé  d'oeuvres  et  d'années,  la 
mort  est  plus  ftcre  encore,  plus  abasourdissante  quand 
elle  choisit  un  homme  encore  jeune,  un  trentenaire, 
apôtre  d'une  vérité  nouvelle,  dont  il  n'a  pu  encore 
qu'ériger  les  axiomes  et  promulguer  les  premières 
applications. 

Senr^t  meurt  à  trente  et  un  ans. 

Physiquement,  il  était  grand  et  proportionné.  Sauf 
quelque  boursouflure  des  narines,  grâce  à  la  barbe 
abondante  et  noire  et  aux  cheveux  hauts,  drus  et  un 
peu  boudés,  la  face  semblait  d'un  de  ces  mitres  assyriens 
des  bas-reliefis.  L'œil  très  grand,  extraordinairement 
calme  aux  moments  vagues  de  la  vie,  quand  il  regar- 
dait ou  peignait,  se  rétrécissait,  ne  laissant  voir  que  le 
point  lumineux  de  la  prunelle  sous  des  cils  clignants. 
Un  profil  exact  mais  très  mal  tiré  le  représente  au  che- 


valet (dans  les  Hommes  d'aujourd'hui},  sous  la  signa- 
ture de  Maximilien  Luce. 

Sous  un  aspect  un  peu  froid,  dans  une  tenue  toujours 
très  régulière  de  bleus  très  foncés  ou  de  noirs,  un  aspect 
symétrique  et  correct  qui  l'avait  fait  surnommer  par 
Degas,  en  un  moment  d'humour,  «  le  notaire  •>,  il  tenait 
en  lui  un  caractère  empreint  de  bonté  et  d'enthousiasme. 
Silencieux  dans  les  groupes  un  peu  nombreux,  entre 
peu  et  amia  plus  éprouvés  il  parlait  fort  de  son  art  en 
tant  que  visées,  en  tant  que  volitions  techniques.  L'émo- 
tion qui  le  pénétrait  alors  se  notifiait  par  de  légères 
rougeurs  aux  maxillaires  ;  il  parlait  alors  très  littérai- 
rement et  d'haleine,  cherchant  à  comparer  les  progrès 
de  son  art  avec  ceux  des  arts  sonores,  très  préoccupé  de 
trouver  une  unité  dans  le  fond  de  ses  efforts  et  ceux  des 
poètes  ou  musiciens. 


La  biographie  de  Geoi^s  Seurat  est  plane  et  dépour- 
vue de  faits  pittoresques.  Il  entra,  jeune  encore,  à  l'Ecole 
des  beaux-arts,  dans  l'atelier  Lehmann.  Il  y  séjourna 
quatre  années  ;  il  en  gardait  comme  souvenir,  accroché 
à  un  mur,  une  académie  (étude  peinte  d'homme  nu)  et 
un  paysage  non  encore  affranchi.  Assez  découragé  de 
ses  essais  picturaux,  car  n'ayant  pas  encore  trouvé  sa 
voie,  mais  suffisamment  doué  pour  s'apercevoir  que  le 
maniement  des  mélanges  conventionnels  n'était  pas  son 


fait,  il  se  réfugia  dans  le  pur  dessin.  Quelques  ans  il  ne 
fit  guère  que  du  blanc  et  noir;  il  amassait  ainsi  une 
forte  collection  de  notes  ;  de  plus,  il  trouvait  le  procédé 
qu'il  devait  plus  tard  appliquer  à  la  peinture,  il  le  décou- 
vrait, au  moins  embryonnairement. 

Sa  recherche  consistait  à  mettre  rigoureusement  en 
valeurs  les  dégradés  d'ombre,  les  oppositions  de  blanc 
et  de  noir,  de  travailler  le  dessin  comme  un  tableau 
aux  couleurs  restreintes.  Au  lieu  de  cerner  son  person- 
nage par  des  traits,  et  de  présenter  ainsi  une  certaine 
quantité  de  vide,  comme  enclose  de  fil  de  fer,  il  procé- 
dait par  masses  noires  et  blanches,  obtenant  ainsi  sur 
le  papier  un  vigoureux  modelé.  Quatre  cartons,  croyons- 
nous,  sont  remplis  de  ces  œuvres  d'essai  ;  ce  sont  des 
personnages  de  son  premier  grand  tableau  :  la  Bai- 
gnade, les  personnages  pris,  repris,  diversement  mode- 
lés, jusqu'à  ce  qu'il  ait  obtenu  une  ligne  simple  et  abon- 
dante, et  flexueuse,  qui  pour  lui  entraînait  tout 
l'intérêt  du  dessin  ;  ce  sont  des  ombres  passant,  noc- 
turnes, sur  des  vitres  éclairées,  de  curieux  masques 
choisis  pour  l'intensité  et  la  simplicité  de  leur  expres- 
sion. 

Puis  nous  rencontrons,  première  grande  toile  peinte, 
la  Baignade,  qui  marque  le  passage  de  Seurat  dans 
la  technique  impressionniste,  et  qui,  en  ce  genre,  est 
son  unique  tentative  importante.  En  1886,  il  exposait 
des  oeuvres  absolument  nouvelles,  et,  de  concert  avec 
Camille  Pissarro,  Paul  Signac,  etc.,  il  fondait  le  néo- 
impressionnisme, école  fondée  sur  une  technique  nou- 
velle dont  il  était  l'instaurateur. 

Je  ne  veux  pas,  ici,  refaire  la  théorie  du  néo-impres- 
sionnisme de  1886,  la  théorie  de  l'école  que  la  vulgaire 
critique  a  étiquetée  pointilliste.  Le  lecteur  la  trouvera 
remarquablement  précisée  dans  le  travail  de  Félix 
Fenéon  :  les  Impressionnistes  en  1886.  Ce  qu'on  en 
peut  dire  ici  pour  caractériser  cette  époque  du  peintre 
et  de  sa  pensée,  c'est  que  cette  technique  lui  avait  été 
indiquée  par  deux  sources,  la  lecture  des  livres  de  Che- 
vreulet  de  Rood,  etaussila  connaissance  d'un  pressenti- 
ment de  cette  technique  par  des  peintres  anciens;  il 
citait  Delacroix  en  ses  fresques  de  Saint-Sulpice,  et  décla- 
rait avoir  trouvé  des  divisions  du  ton  chez  le  Véronèse 
et  chez  Murillo. 

De  plus,  il  avait  été  vivement  séduit  par  la  pre- 
mière technique  de  Renoir,  et  aussi  par  celle  de  Camille 
Pissarro;  ces  deux  peintres,  en  eff'et,  tentant  d'obtenir 
un  modelé  sur  la  toile  par  des  entrecroisements  de 
petites  lignes  colorées;  la  question,  très  importante 
pour  Seurat,  du  cadre  du  tableau,  était  résolue  par  le 
cadre  blanc;  le  cadre  blanc  était  pour  la  toile  comme  un 
isolateur;  le  cadre  doré  ordinaire  était  rejeté  comme 
assombrissant  ;  le  cadre  blanc  représentait  dans  la  tech- 
nique ce  mouvement  simple  des  peintres  coloristes,  qui 
pour  juger  mieux  d'une  couleur  ou  d'un  ton,  abaissent 


un  instant  les  yeuX  sur  un  blanc  neutre,  comme  celui 
d'une  feuille  de  papier  ou  d'un  journal. 

Sa  trouvaille  avait  été  de  scruter  ses  principes 
divers,  et  s'en  construire  une  rigoureuse  et  neuve  esthé- 
tique. 

Le  succès  d'artistes  des  néo-impressionnistes  à  cette 
année  fut  très  vif,  si  vif  auprès  de  leurs  confrères  de 
lettres,  qu'ils  furent  jalousés,  et  que  des  inimitiés  écla- 
tèrent entre  eux  et  les  membres  des  anciens  groupements 
impressionnistes. 

Seurat,  à  ce  moment,  n'était  pas  encore  complète- 
ment satisfait.  Il  vivait  en  un  atelier  sis  au  sixième 
d'une  maison  du  boulevard  piichy;  une  petite  pièce 
cénobitiqne  contenait  un  lit  étroit  et  bas,  en  face  d'an- 
ciennes toiles  retournées,  la  Baignade  et  des  Marines. 
Dans  l'atelier  aux  murs  blancs  s'appendaient  ses  souve- 
nirs d'école  des  Beaux-Arts,  un  petit  tableau  de  Guil- 
laumin,  un  Constantin  Guys,  des  Forain,  toiles  et 
dessins  devenus  habituels  et  pour  lui  des  colorations 
connues  et  fondues  dans  son  mur,  un  divan  rouge,  peu 
de  chaises,  une  petite  table  où  voisinaient  des  revues 
amies,  des  livres  de  jeunes  écrivains,  des  pinceaux  et 
des  couleurs  et  le  cornet  de  tabac.  Contre  un  panneau, 
le  couvrant  tout  entier,  la  Grande  Jatte,  qu'il  réétu- 
diait  avec  une  inquiétude  toujours  renouvelée,  lui  cher- 
chant tous  les  menus  défauts,  cherchant  à  satisfaire 
toujours  sa  conscience.  f 

Dans  ce  petit  atelier  étroit,  incommode,  froid  en  hiver 
et  torride  en  été,  Seurat  demeurait  quotidiennetnent 
devant  sa  toile,  des  trois  mois  ;  il  en  sortait  maigri  pour 
aller  se  reposer  à  peindre  des  marines  et  revenait  avec 
six  toiles  diverses  de  motifs  et  de  volitions. 

L'inquiétude  de  Seurat  était  causée  par  les  réflexions 
suivantes  :  «  si  scientifiquement  avec  l'expérience  de 
l'art  j'ai  pu  trouver  la  loi  des  couleurs  picturales,  ne 
puis-je  découvrir  un  système  également  logique,  scien- 
tifique et  pictural  qui  me  permet  de  faire  concorder  les 
lignes  du  tableau  vers  l'harmonie  comme  j'y  puis  faire 
concorder  les  couleurs  ?  » 

Le  rêve  de  Seurat  était  de  découvrir  cela  logique- 
ment ;  car  s'il  croyait  que  l'esthétique  scientifique  ne 
peut  entièrement  s'imposer  à  un  peintre,  parce  qu'il  y  a 
des  questions  intimes  d'art  et  même  de  technique  d'art 
que  seul  le  peintre  peut  évoquer  et  résoudre,  il  éprou- 
vait l'absolu  besoin  de  fonder  ses  théories  sur  des  vérités 
scientifiques.  Son  esprit  n'était  pas  absolument  celui 
du  peintre  né,  du  peintre  à  la  manière  de  Corot, 
heureux  de  poser  de  jolis  tons  sur  une  toile  ;  il  avait 
une  cervelle  mathématique  et  philosophique,  très  propre 
à  concevoir  l'art  sous  une  autre  forme  que  la  peinture  ; 
je  m'expliquerai  plus  clairement  en  disant,  que  si  cer- 
tains peintres  et  même  bons  peintres,  donnent  l'impres- 
sion qu'ils  ne  pouvaient  être  autre  chose  que  peintre, 
Seurat  était  de  ceux  qui  donnent  l'impression,  que  c'est. 


en  somme,  und  aptitude  plus  développée  qui  les  a  con- 
duit à  se  consacrer  aux  arts  plastiques,  d'autres  cycles 
de  l'intelligence  humain^  étant  résorbés  dans  leurs 
facultés . 

Ce  fut  à  ce  moment  d'«nquète  qu'il  connut  les  travaux 
précis  de  Charles  Henry  sur  l'esthétique  scientifique, 
et  notamment  le  Cercle  chromatique,  avec  sa  préface 
dépassant  de  beaucoup  la  seule  question  de  la  couleur, 
pour  approfondir  les  pBénomënes  de  la  ligne  ;  ceci  donnait 
à  Seurat  la  base  seulement,  la  base  exacte  et  démontrée 
dont  il  avait  besoin,  et  lui  permettait  d'arriver  à  sa  der- 
nière synthèse  apparente  depuis  ses  marines  du  Crotoy, 
et  affirmée  par  8«b  toiles  le  Chahut  et  le  Cirque. 

Cette  dernière  évolution  fut  précisée  en  une  biogra- 
phie par  M.  Joies  Christophe,  et  certainement  cette 
exposition  de  principes  fut  approuvée  par  le  peintre-, 
nous  la  reproduisons  sans  rien  changer  à  sa  netteté  et 
à  sa  clarté. 

•  L'Art  c'est  l'harmonie,  l'Harmonie  c'est  l'analogie 
des  Contraires,  l'analogie  des  Semblables  —  de  ton,  de 
teinte,  de  ligne;  le  ton,  c'est-à-dire  le  clair  et  le  sombre; 
la  teinte,  c'est-à-dire  le  rouge  et  sa  complémentaire  le 
vert,  l'orange  et  sa  complémentaire  le  bleu,  le  jaune  et 
sa  complémentaire  le  violet  ;  la  ligne,  c'est-à-dire  les 
directions  sur  l'Horizontale.  Ces  diverses  harmonies 
sont  combinées  en  calmes,  gaies  et  tristes  :  la  gaieté  de 
ton,  c'est  la  dominante  lumineuse  ;  de  teinte,  la  domi- 
nante chaude  ;  de  ligne,  les  lignes  montantes  (au  dessus 
de  l'horizontale);  le  calme  de  ton,  c'est  l'égalité  du 
sombre  et  du  clair,  du  chaud  et  du  froid  pour  la  teinte, 
et  l'Horizontale  pour  la  ligne.  —  Le  triste  de  ton,  c'est 
la  dominante  sombre;  de  teinte,  la  dominante  froide,  et 
de  ligne,  les  directions  abaissées.  —  Maintenant  le 
moyen  d'expression  de  cette  technique,  c'est  le  mélange 
optique  des  tons,  des  teintes  et  de  leur  réaction  (ombres), 
suivant  des  lois  très  fixes,  et  le  cadre  n'est  plus  comme 
au  commencement,  blanc  simplement,  mais  opposé  aux 
tons,  teintes  et  lignes  du  motif.  > 

Ajoutons  qu'en  causant,  Seurat  me  définissait  la  pein- 
ture ;  "  L'art  de  creuser  une  surface  ». 


Ses  dilections  pour  les  œuvres  d'art  antérieures 
allaient  aux  hiératiques,  tels  que  les  Egyptiens  et  les 
primitifs  II  était  particulièrement  séduit  par  des  œuvres 
plus  flexibles,  telles  les  frises  grecques  et  les  œuvres  de 
Phidias;  son  choix  parmi  les  maîtres  romantiques  et 
paysagistes  était  large,  mais,  sauf  pour  Delacroix,  sans 
passion. 

De  l'Impressionnisme  ancien,  il  énonçait  volontiers 
que  ses  trois  coryphées  importants  par  l'œuvre  et  la 
direction  imposée  aux  peintres  avoisinants  étaient 
Degas,  Renoir  et  Pissarro. 

Comme  presque  tous  les  impressionnistes,  il  avait  de 


la  gratitude  envers  le  mouvement  naturaliste;  et  quoi 
de  plus  simple?  car  en  cette  préoccupation  du  Paris 
moderne  et  de  la  rue  moderne,  dans  l'évocation  du  décor 
contemporain,  les  écrivains  se  sont  ralliés  aux  peintres, 
au  moins  dans  leurs  principes. 

Il  déclarait  ne  pouvoir  peindre  que  ce  qu'il  voyait; 
les  fresques  de  peinture  idéologique  lui  paraissaient 
manquer  des  qualités  essentielles  de  luminosité;  il  ne 
jugeait  pas,  d'ailleurs,  qu'une  peinture,  pour  être  intel- 
lectuelle, dut  signifier  une  allégorie  ou  une  scène  plus 
ou  moins  dramatique  ;  le  rêve  était  pour  lui  dans  la 
toile  et  évoqué  de  la  toile,  l'idéalisation  du  modèle  ou 
du  motif. 

C'est  pourquoi,  dans  son  idéal  d'harmonie,  disposant 
autour  de  ses  personnages  des  accessoires  à  eux  rela- 
tifs, il  pensait  leur  donner  une  valeur  par  la  direction 
de  leurs  lignes  et  la  franchise  de  leur  couleur.  Et, 
certes,  les  modestes  accessoires  qui  entourent  ses 
Poseuses,  corps  de  femmes  transfigurés  par  la  lumière  et 
l'élégance  de  la  ligne,  ne  sont-ils  pas,  par  leurs  qualités 
essentiellement  picturales,  aussi  beaux  et  décoratifs 
qu'un  fond  de  décor  de  fresque  féerique?  et  si  l'on  veut 
bien  regarder  le  Chahut,  le  voir,  non  comme  tableau 
peint,  mais  comme  schéma  d'idées,  on  y  lirait  ceci  : 

Des  danseuses  en  un  rythme  principal,  mobile  tout  à 
la  fois  par  la  direction  du  mouvement,  et  figé  parce  qu'il 
est  le  mouvement  principal,  le  leit-motiv  de  la  seule 
action  qui  nous  intéresse  en  ses  danseuses,  leur  danse  ; 
la  tête  de  la  danseuse,  d'une  admirable  beauté,  par  le 
contraste  du  sourire  otticiel,  quasi  sacerdotal,  et  de  la 
finesse  fatiguée  des  traits  tous  menus,  fins  et  empreints 
de  désir,  synthétise  que  cette  beauté  n'a  de  signification 
complète  que  dans  cet  acte  principal  de  cette  cervelle 
féminine,  danser  ainsi  ;  cet  acte  devient,  pour  la  dan- 
seuse, grave,  parce  qu'habituel.  Le  danseur  est  laid,  typi- 
que, il  est  le  grossissement  banal  de  la  physionomie  fémi- 
nine placée  à  côté  de  lui  ;  l'éclair  souriant  de  la  figure 
féminine  lui  fait  défaut,  car  il  n'exerce  pas  là  une  des 
aptitudes  particulières  de  son  sexe;  il  fait  sim- 
plement un  ignoble  métier;  les  pans  de  son  habit  sont 
tortillés  comme  une  queue  de  diable  dans  un  tableau  de 
vieux  visionnaire;  le  chef  d'orchestre,  directeur  de 
hasard  de  la  solennité,  a  des  ressemblances  proches 
avec  le  danseur,  tous  deux  sont  du  même  acabit,  et  sont 
là  par  métier,  et,  synthèse  du  public,  voyez  cet  admi- 
mirable  groin  de  spectateur,  archétype  de  noceur  gras, 
placé  tout  près  et  au  dessous  de  la  danseuse,  jouissant 
canaillement  du  moment  de  plaisir  préparé  pour  lui, 
sans  autre  pensée  qu'un  rire  et  un  désir  balourd  ;  si  vous 
cherchez  à  tout  prix  un  symbole,  vous  le  trouverez 
encore  dans  l'opposition  de  la  beauté  de  la  danseuse, 
luxe  de  féerie  modeste,  et  la  laideur  de  l'admirateur; 
aussi  vous  en  trouverez  un  dans  le  faire  hiératique  de 
cette  toile  et  son  sujet,  une  contemporaine  ignominie. 


:^rm7*w^sr?FW.': 


110 


L'ART  MODERNE 


Cette  façon  vraiment  picturale  et  artiste  de  chercher 
le  symbole  (sans  se  soucier  du  mot)  dans  l'interprétation 
d'un  sujet,  et  non  dans  le  sujet,  était,  à  son  avis,  la  plus 
vraiment  suggestive,  et  il  n'est  pas  seul  de  cette  opi- 
nion. 

Cette  démonstration  du  sujet,  telle  elle  existe  pour  le 
Chahut,  telle  on  la  peut  trouver  en  d'autres  toiles,  par- 
ticulièrement en  cette  Parade,  son  premiereflet  de  nuit 
dans  les  villes,  si  volontairement  blafarde  et  triste. 
Mais  c'est  inutile  ;  j'ai  voulu  simplement  montrer  que 
chez  Seurat,  la  valeur  cérébrale,  la  valeur  de  penseur, 
équivalait  à  celle  de  tout  autre,  uniquement  préoccupé 
de  peinture  idéologique. 

Les  regrets  envers  sa  mort  n'en  peuvent  être  que 
plus  vifs  pour  ceux  qui,  le  connaissant  bien,  savent  ce 
qu'enferme  maintenant  et  détruit  le  rigide  cercueil. 

Gustave  Kahn. 


LE  BARBARE 

par  Auguste  Jenart.  —  Bruxelles,  Paul  Lacomblez,  1891, 
in- 18  de  137  pages. 

Que  surgisse,  en  des  Icmps  de  routine  et  de  faire  uniforme, 
quelque  audacieux  briseur  de  barrières  et  voilà  qu'aussitôt  vingt 
émancipés  pour  un  se  jettent  à  sa  poursuite  impétueusement 
ivres  de  la  liberté  conquise.  De  cette  sorte  qu'à  la  joie  de  s'ôlre 
désemprisonné  lui-même  des  anciennes  formules,  l'initiateur  des 
voies  nouvelles  peut  ajouier  celle  d'en  avoir  fait  évader  d'autres. 

Maeterlinck,  il  y  a  nn  an,  appelait  pour  la  première  fois  à 
l'expression  littéraire  tout  un  coin  inexploré  de  psychologie. 
Aug.  Jenart,  un  dernier  venu  dans  leslettres,  publie  cette  semaine 
le  Barbare  qui  témoigne  que  son  auteur  esi  visiblennent  au 
courant  des  ressources  nouvelles  offertes  à  l'art. 

Les  créateurs  d'un  genre  doivent  êlre  trop  talentueux  pour  ne 
pas  être  rares.  Mais  encore  ceux-ci,  fussent-ils  génies,  ne  pour- 
raient épuiser  tous  les  partis  à  tirer  de  la  nouvelle  création.  On 
peut  avoir  un  très  bon  système  et  l'appliquer  mal;  on  peut  aussi 
se  trouver  à  la  têle  de  nombreuses  idées  sans  savoir  créer  soi- 
même  le  moule  propre  à  les  recevoir.  Donc,  qu'importe  que  le 
genre  ne  soit  pas  neuf  pourvu  que  l'espèce  apparaisse  franche- 
ment originale. 

Il  en  est  assez  bien  ainsi  du  Barbare.  Plus  encore  que  chez 
l'auteur  de  la  Princesse  Maleine,  l'indifférence  est  absolue  quant 
à  la  détermination  du  milieu  et  des  personnages.  Cela  se  passe  où 
vous  voulez,  quand  vous  le  voulez  et  avec  les  individus  que  vous 
voulez.  Même  cela  se  passe-t-il  quelque  part?  Probablement  dans 
des  cerveaux,  à  des  heures  vouées  à  la  songerie  de  ce  qui  pour- 
rait êlre  plutôt  que  de  ce  qui  est.  Il  y  a  encore  quelques  portants 
d'idées,  soutenant  le  décor  du  rêve,  mais  si  peu  apparents  que  le 
tout  a  une  allure  aérienne. 

Est-ce  un  drame,  un  récit  dialogué,  ou  la  simple  narration 
d'une  pensée  multiple  et  contradictoire  qui  s'incarne  tour  à  tour 
dans  plusieurs  individualités?  Peut-être,  car  point  dans  le  livre 
de  division  en  actes  et  scènes,  point  de  description. 

Il  ne  s'y  trouve  que  des  êtres  dans  certaines  relations,  les  uns 
vis-à-vis  des  autres  :  la  salle,  les  choses,  l'abbé,  Rynel,  Siria,  la 


bise,  l'éclair.  Un  vrai  pananHiropiime,  on  tout  de  ehoao  sentantes 
et  influençantes.  La  chambre,  les  meubles,  le  vent,  l'arrivée  et  le 
dépari  d'un  personnage,  tout  cela  est  représentatif  de  certains 
modes  de  la  vie  et  parle  son  langage,  muet  sans  doute,  mais  tour 
à  tour  précis  et  vague  comme  si  les  choses  et  les  aciea  murmu- 
raient leur  être  et  leur  faire  avec  de  vraies  lèvres. 

Le  Barbare,  c'est  Rynel  ;  Rynel  qui  bénit  le  Seigneur  d'avoir 
mis  des  portes  d'or  au  palais  de  son  rêve,  Rynel  impassible,  qui 
continue  à  chanter  son  rêve,  tandis  que  la  mort,  l'incendie, 
l'émeute  tourmentent  le  dehors. 

Aux  reproches  de  l'éducateur  : 

L'abbé.  —  Ah  I  songe  à  ce  que  le  diront  les  cendres  glorieuses 
que  tu  renies. 

Rynel.  —  Les  morts.  Us  sont  couchés  très  longs  dans  leurs 
remords. 

L'abbA.  —  Dans  le  remords  de  l'avoir  engendré,  eux,  les  fon- 
dateurs de  la  Patrie,  les  restaurateurs  de  la  gloire  et  de  la  foi. 

Rynel.  —  Ils  luttaient  contre  les  hommes,  je  lutte  contre  des 
revenants;  ils  s'instauraient  dans  la  vie,  je  m'instaure  dans  le  rêve. 
Ils  ont  escaladé  les  cimes,  reste  le  ciel.  Oh  I  il  faut  de  la  neige  à 
mes  pas. 

L'abbé.  —  Tu  tiens  d'eux  toute  aristocratie  :  leur  refuseras-tu 
l'hommage  de  cette  investiture  sacrée  ? 

Rynel.  —  Ils  ont  mis  leur  lignée  sous  le  joug  d'anciens  vou- 
loirs :  esclave,  je  me  révolte  contre  eux  et  contre  moi. 

L'abbé.  —  Héros  ^e  sacrilège  !  Chevalier  de  ténèbres!  Barbare  ! 

Rtnel.  —  Oui  :  Barbare!  le  m'ot  sonne  :  Barbare. 

Un  Echo.  — bar...  bare 

Les  revenants!  Loisible  d'en  parler  maintenant  qu'est  apparue 
une  nouvelle  ère  de  mysticisme.  On  traduit  Ruysbroeck  et  Novalis. 
On  relit  l'imitation  et  Ut  Extaset  de  Saintt-Tkérètt  ne  sont  pas 
faites  pour  effrayer.  Drôle  tout  cela.  Il  faut  croire  que  les  grandes 
civilisations  ont  cela  de  commun  avec  les  barbaries  qu'elles  ne 
permettent  pas  de  médiocrité  dans  l'action.  Ceux  trop  faibles  pour 
endurer  le  labeur  social  n'ont  à  choisir  qu'entre  la  mort  ou  l'abné- 
gation, la  complète  abnégation  du  vouloir  ponr  ne  plus  que 
spéculer  ou  contempler.  Jadis,  la  foi  poussait  au  mysticisme. 
Aujourd'hui,  l'horreur  de  l'action  est  le  sentiment  profond  de  son 
inanité. 

On  fuit  le  réel,  on  dépositive  son  intelligence,  on  la  transpose 
dans  des  milieux  anormaux  et  plus  ultra-suggestifs,  là  où  les 
heures  rôdent,  nocturnes  et  silencieuses,  ouvrant  les  secrètes 
issues  des  esprits  aux  visiteurs  des  ténèbres.  On  est  plus  disposé 
alors  à  s'élancer  vers  l'au  delà,  et  «  à  comprendre  toute  l'abomi- 
nation du  vocable  «  hommes  »  :  pins  de  Science,  plus  d'Amour, 
plus  de  Pitié.  Dans  «  les  vastiludes  recueillies  »  de  la  pensée,  le 
Rêve  donne  essor  «  à  ces  créatures  suaves  qui  trônent  sur  les 
heures  et  les  mondes  parmi  les  Hosannahs  des  Temps  et  des 
Immensités  ».  Et  le  «  sens  divin  des  choses,  le  sens  épouvantable 
des  choses  »  est  mieux  compris. 

Mais  alors  aussi,  aristocrates  de  l'intellect,  Rynel  présents  et  à 
venir,  gare  à  la  haine  vous  vouée  par  la  foule  incomprenaote, 
gure,  «  voleurs  du  pain  des  pauvres,  assassins  des  enfants  du 
pauvre,  marchands  des  filles  du  pauvre  !  »  La  foule  abat  ce  qui  la 
dépasse. 


p^ym?*»:  ■•^'■^' 


L'ART  MODERNE 


111 


PTlM'MnS  ET  F-A.YS-A.OES 

par  Jkan  Ajàlboit. 
Un  Tol.  iMa  d«  234  pngw.  —  Paris,  TreMe  at  Stock,  1891. 

En  ce  volume,  M.  Jean  Ajalbert  a  réuni  des  poésie»  dont  la 
plupart  avaient  paru  dans  la  Revue  indépendante  ou  en  volumes 
séparés.  Poésies  d'allure  lihre,  aux  vers  bons  enfanis,  piquant  au 
passage  le  détail  réaliste  ou  caractéristiquemenl  banal,  mais  dont 
le  ton  gouailleur  s'afOne,  à  tout  momenl,  en  une  pointe  de  senti- 
ment qui  perce,  comme  malgré  elle,  l'ironie  de  la  description. 

C'est  ce  qoi  donne  b  ces  petits  poèmes,  d'une  obserralion  très 
curiense,  une  saveur  particulière. 

Après  l'aUemanee  de  l'embêtement  d'attendre  et  du  vide  de 

n'attendre  plus,  quelle  lointaine  évocation  appellent  ces  amours 

A  fleur  de  peau  qui  finissent  on  ne  sait  comment  : 

Et  du  temps,  du  temps  a  passé, 
St  toute  cette  histoire, 
Ce  n'est  plus  i  la  mémoire 
Sous  le  brouillard  du  passé,... 
Qu'un  pAle  souvenir  effacé... 
La  temps  !  le  temps  a  passé... 

Et,  dans  cet  autre  poème.  Sur  le*  lalui,  quelle  tristesse  péné- 
trante s'enroule  autour  de  la  ballade  des  amours  qui  ne  savent  pas 

finir: 

Chère  âme,  laissons  au  vent  qui  l'emporte 
Se  disperser  notre  vieille  amour  morte 
plutôt  que  de  TÏvre  de  souvenir 
Dans  l'acbamament  de  vilaine  sorte 
,  Des  amours  qai  ne  savent  pas  finir. 

Dans  Payeages  de  femmes,  orné  en  l'édition  primitive,  cbei 
Vanier,  d'un  si  amusant  dessin  de  Raffaélli,  et  dans  Sur  le  vif, 
l'intérêt  n'est  pas  concentré  en  un  sujet  unique,  mais  se  partage 
sur  une  série  de  petits  tableaux  très  finis,  où  l'émotion  se  retrouve 
aussi  sans  cesse  sous  le  bariolage,  parfois  très  intense,  des 
couleurs,  et  où  éclate  cette  qualité  première  de  toute  poésie  :  la 
personnelle  vision.  

Ouvrages  reçus  dont  il  sera  rendu  compte  prochainement  :  La 
Création  du  Diable,  par  Raymond  Nyst  (Bruxelles,  H.  Kistemaec- 
kers).  —  Le*  Cahier*  S  André  Walter,  œuvre  posthume 
(anonyme)  (Paris,  Perrin  et  C").  —  La  Migration  des  symboles, 
par  le  comte  Goblet  d'Alviella  (Paris,  E.  Leroux).  —  Idées  d'un 
bourgeois  sur  l'architecture,  par  Edmond  Catiier  (Bruxelles, 
J.  Lebègue  et  C*).  —  François  Rasquinet,  par  M.  Beaupain 
(Verviers,  Nautet-Hans). — Au  coûtent,  ^m  inn  Chalon  (Verviers, 
Ch.  Rensonnet).  —  Légendes  brutelUnses,  par  Victor  Devogel 
(Bruxelles,  J.  Lebègue  et  C).  —  Lt  Vierge,  par  Alfred  Val- 
lette.  —  La  Sanglante  ironie,  par  Rachilde,  préface  de  Camille 
Lemonnier  (Paris,  L.  Genonceaux).  —  Presque,  par  François 
Poictevin  (Paris,  A.  Lemerre).  —  Le  Caire,  par  Emile  Minnaert 
(Bruxelles,  Weissenbruch).  —  Xaviire,  par  Ferdinand  Fabre 
(Paris,  Cherpcntier).  —  Quelques  réflexions  sur  fart  décoratif  et 
ion  mode  d'e7iseignement,  par  Armand  Fumière  (Bruxelles, 
E.  Guyot),  etc. 

Le  Salon  des  Indépendants. 

Dans  la  Nation,  Emile  Verhaeren  passe  en  revue  les  œuvres 
exposées  au  Salon  des  Indépendants  (5'  salle),  qui  vient  de  s'ou- 
vrir k  Paris  : 


Les  artistes  belges  exposant  à  Paris  sont  :  MN.  Théo  van  Rys- 
selberghe;  Finch,  Lemmen  et  M"*  Bocb.  Des  trois  derniers,  les 
oeuvres  émigrées  aux  Indépendants  ont  été  examinées  quand  elle» 
s'étalaient  aux  XX.  Le  premier  seul  envoie  une  œuvre  inédite  :  le 
Portrait  de  M^  S...  Cesl,  à  l'harmonium,  une  jeune  fille  en 
une  attitude  attentive  de  repos.  Les  oranges  et  les  violets  domi- 
nent en  cet  envoi  ;  les  oranges  avec  leurs  ombres  portées  bleues 
et  les  violets  aux  reflets  verd&tres  au  long  des  cassures  de  la  robe. 
L'œuvre  est  simple,  sans  arrangement  trop  vif.  Des  lignes  descen- 
dantes et  courbes  d'étoffes  et  de  rideaux  d'une  part  ;  des  lignes 
roides  et  horizontales  de  meuble  d'autre  pan.  Il  en  résulte  une 
impression  de  silence  et  presque  de  gravité.  Ci  et  \i,  quelque 
dureté  et  froideur. 

De  M.  Signac,  seul  le  Portrait  nous  est  inconnu.  Le  titre  : 
Sur  l'émail  d'un  fond  rythmique  de  mesures  et  d'angles,  de  tons 
et  de  teintes,  le  portrait  de  M.  Félix  Fenéon  en  1890,  prouve 
les  tendances  et  les  précisions  de  cet  art.  Le  porlraiclnré  roidit 
sur  un  fond  versicolore  de  segments,  illustrés  d'étoiles,  de 
disques,  de  croissants  et  d'arabesques,  son  yankeeisme,  mais  la 
fleur  qu'il  tient  dans  la  main  et  qu'il  offre  à  quelque  femme  ima- 
ginaire, indique  en  le  contrariant  ses  qualités  de  grSce  et  de  poli- 
tesse souriante.  Ce  portrait  froid  et  sec  ne  nous  séduit  guère 
autant  que  les  paysages  du  même  peintre. 

Le  Cirque  de  M.  Seurat,  quoique  inachevé,  croyons-nous,  sou- 
ligne i  nouveau  et  de  manière  plus  heureuse  que  le  Chahut,  les 
idées  d'art  de  cet  artiste.  Une  vive  allure  d'entrain  el  de  fête,  que 
tintamarrerait  un  orchestre,  se  dégage  de  ce  nouvel  essai.  Tous  les 
mérites  fonciers  du  cerveau  volontaire  et  convaincu  qu'est  M.  Seu- 
rat, s'y  laissent  surprendre.  L'aspect  blanc  et  vide  et  cru  de  l'arène 
et  des  banquettes,  la  lumière  froide,  l'élégance  envolée  des 
écuyères,  la  diablotine  agilité  des  clowns  sveltes  sont  synlhéti- 
quemenl  exprimés. 

M.  Luce,  moins  technicien  et  théoricien  que  M.  Seurat,  est 
d'une  sincérité  aussi  marquante  que  lui.  Cet  indépendant  voit 
volontiers  violet  et  bleu  ;  il  aime  les  heures  du  soir  cl  d'ombre, 
les  temps  nuageux  el  gris.  11  rend  la  réalité  de  ses  modèles  avec 
scrupule  et  sans  jamais  se  préoccuper  ni  d'effet  ni  de  mise  en 
scène.  Nous  connaissons  de  lui  des  crépuscules  parisiens  1res 
indisculablement  vrais  et  bien  vus. 

Un  nouvel  adepte  de  la  peinture  poinlillisle  est  M.  Denis.  Mais 
son  travail  se  complique  de  préoccupations  soit  mystiques,  soii 
occultistes.  C'est  lui  qui  imagine  un  décor  pour  :  «  Or,  il  y  a  de 
bien  beaux  contes  dans  les  livres  des  Mages,  dans  les  mélan- 
coliques livres  des  Mages,  qui  sont  reliés  en  fer.  »  C'est  lui 
aussi  qui  a ,  pour  le  superbe  livre  Sagesse ,  de  Verlaine, 
réalisé  une  suite  de  dessins  naïfs,  humbles,  pénétrants  et  doux. 
Son  envoi  titré  :  Mystère  catholique,  est  certes  d'une  émoiion 
communiquée,  profonde. 

En  la  même  salle,  en  opposition  presque  avec  les  peintres 
pointillistes,  qui  se  renforcent  de  MM.  Henry  Cros,  Charles 
Angrand,  Henri  Cuvillier,  se  rangent  les  artistes  désignés  :  diii- 
sonnistes. 

Et  c'est  d'abord  M.  Anquetin,  divers  et  déroutant.  Seulement, 
voici  un  paysage  d'une  féerie  exquise  et  un  Turse  de  jeune  fille 
dont  la  chair,  à  peine  nubile,  est  d'une  délicatesse  toute  de  fraî- 
cheur et  de  blancheur.  Rarement  il  nous  a  été  donné  de  voir  le 
nu  traité  aussi  immatériellement  et  aussi  chastement,  et  néanmoins, 
la  tête  de  cette  enfant  est  négative  de  toute  virginité  à  sauvegar- 
der.   Lèvres  éclatantes  et  vicieuses,  regards  aigus.  L'ensemble 


112 


L'ART  MODERNE 


s'enlève  sur  un  fond  de  fleurs  et  de  feuilles  denlelées  et  de  pétales 
en  forme  de  griffe  et  de  rinceaux  minces. 

C'est  au  peuple  des  filles  et  des  gens  de  barrière  que  H.  de 
Toulouse-Lautrec  voue  son  observation  et  son  élude  de  peintre 
ironique  de  caractérisle.  Forain  cl  Raffaélli  l'ont  précédé  en  celte 
voie.  11  les  continue,  mais  ne  les  démarque  point.  Personnelles, 
sa  vision  et  ses  lignes  et  ses  couleurs.  Harmonies  de  roses  el  de 
rouges,  tracés  vermiculaires  !i  tons  lie-de-vin,  enchevêtrements  de 
courbes  serpentines,  son  faire  se  distingue  d'entre  tous. 

A  noter  :  Nuditéi  de  M.  Roy;  les  primitives  enluminures  de 
M.  Bernard;  les  colorations  curieuses  et  intenses  de  H.  Bonnard; 
les  imitations  de  Gauguin  par  M.  Willumsen,  un  artiste  danois. 

El  deux  morts  :  de  M.  Dubois-Pillel,  le  président  des  Indéptn- 
danls,  cinquante-quatre  numéros,  presque  une  exposition  com- 
plète ;  de  M.  Van  Gogh,  les  dernières  peintures. 

Le  pfemier  n'a  certes  eu  le  temps  de  développer  le  talent  de 
teinle  triste  et  calme  qu'il  portait  en  lui  ;  quant  au  second,  par 
son  indéniable  intensité  de  vision,  par  sa  brutalité  emballée,  par 
sa  force  et  sa  violence  de  coloriste  soudain  et  audacieux,  peut- 
être  restera  t-il  comme  affirmalcur  d'un  art  franc,  puissant  et  naïf. 

Sorti,  ainsi  que  Gauguin  el  Bernard,  des  rudes  impression- 
nistes Cézanne  et  Guillaumin,  il  a  exagéré  leur  vision  fruste  et 
saine.  Il  a  sa  facture  personnelle,  son  harmonie  crue  et  grosse  à 
lui,  son  rêve  spécial.  Certes  eût-il  compté  peut-être  parmi  les 
maîtres,  si  la  mort  ne  l'avait  cassé  si  jeune,  en  plein  travail. 

Au  résumé,  ce  qui  reste  dans  le  souvenir,  après  une  visite 
prolongée  au  Sabn  indépendant,  c'est,  parmi  les  nouveaux-venus 
el  les  chercheurs  d'inédil,  une  multiple  curiosité  vers  des  champs 
d'art  fori  différents.  11  n'y  a  plus  d'école,  à  peine  y  a-t-il  des 
groupes,  qui  se  fractionnent  constamment.  Toutes  ces  tendances 
me  font  songer  à  de  mouvants  et  kaléïdoscopiques  dessins  géo- 
métriques, qui  se  contrarient  à  tel  instant,  s'unissent  â  tel  autre, 
renlrcnt  tiintôt  les  uns  dans  les  autres,  pour  se  séparer  et  se  fuir 
peu  après,  mais  tournenl  tous  néanmoins  dans  un  même  cercle, 
celui  de  l'arl  neuf. 

E.MILE  VeRHAEREN. 


L'Hôtel  communal  de  Saint-Josse 

S'il  est  un  moyen  de  provoquer  l'éclosion  de  monuments 
d'allure  modernisante,  au  lieu  des  sempiternels  décalques  de  nos 
officiels  poncifards,  c'est  assurément  celui  auquel  va  avoir  recours 
l'Adminislralion  communale  de  Saint-Josse-ten-Noode  :  en  déci- 
dant de  mettre  au  concours  public  les  plans  de  son  Hôtel  com- 
munal, elle  entre  en  plein  dans  le  sens  des  idées  modernes;  aussi 
son  appel  à  l'art  jeune,  à  l'art  neuf  a-t-il  droit  à  nos  sincères  félici- 
tations, et  la  signifiance  du  résultai  final  ne  fait,  pour  nous, 
aucun  doute. 

El  quel  plus  séduisant  programme  peut-on  souhaiter!  S'éri- 
geanl  au  milieu  du  verdoyant  square  de  l'Observatoire,  le  nouvel 
Hôtel  communal  fera  silhouetter  son  beffroi  au  haut  de  la  colline, 
el  ce  sera  joie  grande,  pour  les  promeneurs,  d'avoir  l'œil  amusé 
par  quelque  morceau  de  pimpante  architecture  au  lieu  du  bloc 
qui  borne  actuellement  la  vue. 

Les  conditions  de  la  lutte  qui  se  prépare  donneront,  dit-on 
satisfaction  à  tous  les  architectes  :  deux  primes  de  1,000  francs 
et  de  SCO  francs  seront  attribuées  aux  projets  les  plus  méritants 
le  jury  comprendra  des  délégués  des  concurrenU,  les  plans  seront 
exposés  publiquement,   etc....   bref  toutes  choses  de   légitime 


revendication  que  la  SocUU  centrale  iardiitecture  a  facilement 
fait  admettre  ii  Saiat-Josse  et  qu'elle  n'a  pu  obtenir,  en  de  récentes 
épreuves,  de  la  ville  de  Bruxelles,  se  heurunt  lit  k  d'irraiionnants 
refus  de  haute  incompétence. 

Nous  reparlerons  de  ce  concours,  b  tous  les  points  de  vue  inté- 
ressant. 


Jhéatre 

Xj»  Voyage  de  Siuwtto 

La  diva  Suzette  poursuit  aux  Galeries  son  voyage  triomphal, 
rythmé  par  les  sémillants  refrains  de  Léon  Vasseur.  Ce  nouveau 
«  Tour  du  Monde  »  a  une  fortune  prodigieuse.  Ou  joue  tous  les 
soirs  devant  une  salie  bondée  depuis  le  parterre  jusqu'au  paradis, 
attentive  aux  épisodes  de  la  folle  équipée,  réjouie  des  cortège, 
cavalcade,  divertissement,  ballet,  pantomime  qui  font  de  l'opé- 
rette de  MM.  Duru  et  Chivoi  une  féerie  ii  spectacle. 

Le  Voyage  de  Suzette  est  monté  avec  beaucoup  de  goût  et  joué 
avec  talent  par  une  troupe  dans  laquelle  figurent  des  artistes  de 
valeur  :  H"'  Clara  Lardinois,  MM.  Hinart,  Guffroy,  Larbaudiëre, 
Caslelain,  etc.  qui  tous  ont  fait.  leurs  preuves.  M"*  Lardigafy 
détaille  joliment  les  couplets  dont  est  émaillée  la  partition  ji^if^ 
apparition  en  costume  de  clown  noir,  à  l'acte  du  ciroML  4^ 
sensation.  M.  Larbaudière  chante  d'une  voix  charmaq||f  m  fftie 
d'André.  M.  Minart,  a,  dans  celui  de  Pinsonnet,  un  coiQMpi^^  bon 
aloi.  Quant  au  cortège  final,  dans  lequel  figurent  des  j(Mk4'^  ^^^ 
vaux,  un  zèbre,  un  éléphant,  un  dromadaire,  un  laip.  |Mte  une 
ménagerie,  empruntée,  dit  le  programme,  au  Jai^  t|0lQgique 
de  Hambourg,  il  émerveille  les  petits  et  amuse  fetfnpd*  fnfants. 

On  se  demande  avec  effroi  jusqu'à  quelle  4*19  tpefl4f  ^  ''^'^ 
H.  Durieux  va  tenir  ouvert  son  théâtre. 

La  Bouquetière  dtt  lB|iooanta 

Le  drame,  le  gros  drame  populaire  exerce  toujours  sur  la  foule 
une  irrésistible  attraction.  Et  c'était,  en  ces  jours  Je  fêtes  pas- 
cales, le  dimanche,  le  lundi,  une  vraie  cohue  qui  s'était  ruée  au 
spectacle  que  donnait  l'AIhambra  :  la  Bouquetière  det  Innocents, 
grand  drame  historique  en  cinq  actes  el  neuf  tableaux,  par 
Anicel  Bourgeois  el  Ferdinand  Diigué. 

M"*  Rose  Uesnoyers  avait  fort  intelligemment  mis  en  scène 
celle  pièce  à  spectacle,  qui  fil  jadis  pleurer  le  tout  Ixelles  des 
premières  en  son  théâtre  favori.  El  l'interprétation  était  des  plus 
honorables.  La  directrice  incarnait  avec  autorité  le  double  rôle  de 
Margot  et  de  la  Maréchale.  M.  Garnier  éiail  excellent  dans  celui  de 
Jacques  Bonhomme.  M.  Mary  remplissait,  ii  la  satisfaction  géné- 
rale, le  personnage  sympathique  de  Vitry,  H.  Chômé  avait  fait 
une  bonne  rentrée  dans  le  rôle  d'Hcnriot,  et  H""^  Genot  avait 
créé  un  charmant  Louis  XIII. 

Malgré  ces  éléments  de  succès,  malgré  l'illusion  de  recettes 
énormes,  l'AIhambra  a  dû,  à  l'éloonement  de  tous,  fermer  brus- 
quement ses  portes  jeudi.  Les  frais  étaient,  paraît-il,  si  grands 
que  l'on  jouait  tous  les  soirs  à  perle. 

Les  amateurs  de  mélo  en  seroni,  désormais,  pour  faire  l'ascen- 
sion de  la  Montagne  de  la  Cour  et  aller  se  délecter  aux  émotions 
de  la  Belle  Oabrielle,  installée  chez  M.  Alhaiza  pour  de  longs 
soirs. 


■:W 


"ff: 


L'ART  MODERNE 


113 


Petite  CHROf<iquE 


Le  (roisièine  concert  populaire  est  fixé  au  19  avril.  11  sera  con- 
sacré  tout  entier  ti  la  jeune  école  de  musique  française,  dont  les  XX 
ont  fait  connaître  les  principales  œuvres  pour  musique  de  cham- 
bre, et  dont  on  entendra,  cette  fois,  quelques  compositions  sym- 
phooiques  choisies  parmi  les  plus  intéressantes. 

Au  premier  rang,  la  superbe  trilogie  de  Walleiulein,  par  Vin- 
cent d'Indy.  La  première  partie,  le  Camp  de  Wallemtein,  a  été 
exécutée  au  commencement  de  l'hiver  par  l'orchestre  Lamoureux 
avec  le  plus  vif  succès. 

Les  deux  autres,  A£ax  et  Thécla  et  la  Mort  de  Wallemtein 
n'ont  jamais  été  jouées  à  Bruxelles,  du  moins  il  l'orchestre  :  on  a 
entendu,  l'an  passé,  une  réduction  pour  piano  à  quatre  mains  de 
la  troisième  partie  ii  l'un  des  concerts  des  XX. 

M.  Joseph  Dupont  nous  fera  entendre,  en  outre,  pour  la  pre- 
mière fois,  un  fort  joli  poème  symphonique,  Viviane,  par 
Ernest  Chausson.  Puis  l'ouverture  de  Fietque,  par  Edouard  Lalo, 
et  la  Rhapsodie  cambodgienne  de  M.  Bourgauli-Ducoudray. 

Tel  est,  du  moins,  le  programme  provisoirement  arrêté.  Il  est 
possible  qu'il  subisse  des  modifications. 

On  nous  assure,  mais  nous  n'accueillons  cette  nouvelle  que  sous 
réserve,  que  M.  Léon  Jehin  est  nommé  chef  d'orchestre  à  l'Opéra 
de  Paris.  

L'Association  symphonique  de  Tournai,  fondée  et  dirigée  par 
M.  Maurice  Leenders,  s'est  fait  entendre  à  Lille,  où  elle  a  exécuté 
les  ouvertures  de  Don  Juan  et  de  Fidelio  et  accompagné  deux 
concertos.  Le  succès  de  nos  compatriotes  a  été  très  vif.  Toute  la 
presse  locale  le  constate. 

De  son  côté,  la  jeune  Société  de  musique  de  Mons,  créée 
par  M.  Camille  Gurickx,  a  donné  dernièrement  une  audition 
remarquable.  Au  programme  figuraient  les  deux  premiers  actes 
d!  Orphée  (solistes  :  M""  Houzeau  et  M»»  Ribeaucouri),  deux 
chœurs  et  un  air  du  Messie  (soliste  :  M.  Van  Esseo),  l'air  de  Judas 
Macchabée  (M"*  Houzeau),  un  air  de  Freischiitz  (M.  Preumont), 
et  les  Danses  norwégiennes  de  Grieg  (M™"  Franeau  et  Demerbe). 

Exécution  très  soignée,  révélant  ce  que  peut  faire  d'un  groupe 
d'amateurs  un  musicien  persévérant  et  convaincu. 

L'Essor  :  litre  d'un  nouveau  journal  hebdomadaire  paraissant 
à  Spa,  organe  du  Cercle  artistique  et  littéraire  de  cette  ville. 
Abonnements:  Un  an,  7  francs;  six  mois,  4  francs.  Bureaux  : 
rue  du  Waux-Hall,  36,  Spa.   

Croirait-on  que  la  Belgique  a  publié  cinq  mille  périodiques 
jusqu'à  ce  jour?  Actuellement  la  statistique  indique  huit  cents 
journaux  et  trois  cents  revues,  annales,  bulletins,  en  cours  de 
publication,  ce  qui  donne,  selon  le  calcul  d'usage,  la  proportion 
d'un  périodique  par  six  mille  habitants. 

La  Société  des  peintres-graveurs  de  Hollande  a  ouvert,  à  partir 
du  4"  avril,  une  Exposition  î»  New-York,  dans  le  galeries  de 
MN.  F.  Keppel  et  C. 

Sont  représentés  :  M.  Philippe  Zilcken,  M'"  B.  Van  Houten, 
Ml».  W.  de  Zwart,  Jan  Vette,  Maurils  Bauer,  de  Le  Haye;  J.  Van 
Looij  et  i.  Ed.  Karsen,  d'Amsterdam;  Floris  Verslcr,  de  Leyde; 
A.-L.  Kosler,  de  Harlem  ;  M'"  Eiha  Fies,  d'Utrechl. 

C'est  à  Berlin  qu'aura  lieu,  cette  année,  le  congrès  annuel  de 


l'Association  littéraire  et  artistique  internationale.  La  séance 
d'inauguration  est  fixée  au  samedi  13  septembre,  en  même  temps 
que  l'ouverture  de  la  session  annuelle  de  l'assemblée  des  écrivains 
allemands. 
Voici  les  questions  inscrites  au  programme  : 

1.  —  Assimilation  de  la  traduction  i  la  contrefaçon. 

2.  —  Essai  de  législation  en  matière  de  Contrat  d'édition. 

3.  —  De  l'uniformité  du  délai  de  protection  de  la  propriété 
littéraire  dans  tous  les  pays  signataires  de  la  Convention  de  Berne. 

4.  —  Etude  de  la  loi  nouvelle  sur  le  Copyright  en  Amérique. 

5.  —  Etude  du  projet  anglais  de  la  loi  sur  le  Copyright. 

6.  —  De  l'état  de  la  propriété  littéraire  dans  les  divers  pays, 
notamment  dans  ceux  qui  n'ont  pas  adhéré  à  la  Convention  de 
Berne.  De  la  nécessité  du  maintien  des  Conventions  existantes. 

7.  —  De  la  propriété  des  œuvres  musicales  et  de  la  suppres- 
sion des  mentions  de  réserve. 

8.  —  De  la  reproduction  des  œuvres  musicales  par  instruments 
mécaniques. 

9.  —  Du  droit  de  reproduction  en  matière  artistique. 

10.  —  De  la  prochaine  réunion  d'une  Conférence  diplomatique 
à  Paris  pour  la  revision  de  la  Convention  de  Berne. 

11.  —  De  la  propriété  artistique  en  matière  de  photographie. 

Le  Comité  invite  les  membres  de  l'Association  à  étudier  ce  pro- 
gramme et  à  lui  faire  parvenir  les  observations  qui  leur  paraîtront 
nécessaires. 

M.  Camille  Saint-Saëns  est  actuellement  au  Caire,  où  il  compte 
séjourner  tout  le  mois  d'avril.  L'auteur  d'Ascanio  se  porte  à  mer- 
veille et  occupe  ses  loisirs  à  écrire  des  œuvres  littéraires.  Quant 
à  la  musique,  il  n'en  fait  point  du  tout. 

Saint-Saëns  vient  d'adresser  à  son  ami  Louis  Gallet  une 
pochade  en  un  acte,  en  vers,  qu'il  destine  au  Théâtre-Libre. 

Pour  paraître  fin  de  mars  1891  à  la  Librairie  de  l'Art,  29,  cité 
d'Antin,  Paris  :  Rabelais,  ses  voyages  en  Italie,  son  exil  à  Metz, 
par  Arthur  Heulhard.  Ouvrage  orné  d'un  portrait  à  l'eau-forte  de 
Rabelais  gravé  par  Giroux,  de  deux  restitutions  en  couleurs  de 
l'abbaye  de  Thélème.par  M.  Léon  Dupray,  de  neuf  planches  hors 
texte  et  d'environ  soixante  quinze  gravures,  portraits,  vues  de 
villes,  autographes  et  fac-similés  d'après  les  éditions  originales. 

Un  magnifique  volume  in-8'>  soleil  d'environ  400  pages,  sur 
beau  papier.  Prix  :  broché,  40  francs;  reliure  d'amateur,  demi- 
chagrin,  télé  dorée,  50  francs.  Édition  sur  Hollande  (70  exem- 
plaires numérotés  à  la  presse),  prix  :  80  francs;  édition  sur  Jjpon 
(S5  exemplaires  numérotés  à  la  presse),  ISO  francs;  édition  sur 
vélin  (5  exemplaires  numérotés  à  la  presse),  200  francs. 

Les  éditions  sur  Hollande  et  sur  Japon  renferment  deux  étals 
de  l'ean-forte  (portrait  de  Rabelais),  un  étal  sur  Hollande  avec 
la  lettre  et  un  étal  sur  Japon  avant  la  lettre.  L'édition  sur  vélin 
renferme  trois  étais  :  un  état  sur  Hollande  avec  la  lettre,  un  état 
sur  Japon  avant  la  lettre  et  un  état  sur  parchemin  avant  la  lellre. 

Un  détail  inconnu  sur  une  œuvre  d'art  : 

Quand  le  célèbre  tableau  de  Millet  l'Homme  à  la  houe  fut 
envoyé  à  l'exposition  des  œuvres  du  maître,  organisée  en  1887 
au  quai  Malaquais,  un  accident  fâcheux  eut  lieu.  Pendant  l'opé- 
ration du  rangement  des  tableaux,  la  toile  fut  crevée  de  part  en 
part.  L'accident  fut  réparé  en  toute  hâte  et,  le  tableau  rentoilé,  la 
déchirure  restaurée,  il  n'y  parut  plus  rien. 

Le  Japon  Artistique,  dans  sa  34»  livraison,  reproduit  de 
curieux  portraits  d'hommes  en  bois  sculpté  du  grand  animalier 
japonais  Sosen,  un  daim  d'une  vérité  admirable,  d'intéressants 
«  croquis  rapides  »  et  des  scènes  de  la  vie  familière  au  Japon. 

Le  texte  est  consacré  à  une  étude  des  arts  industriels  au  Japon 
par  M.  A.  L.  Liberty. 


M 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 

LIGNE   D'OSTENDE-DOUVRES 

La  plût  couru  et  la  moitu  eoûteute  du  voiet  exlra-rapidet  mire  le  CoNTiHsnT  et  {'Anolitiui 
Bruxelles  à  Londres  en  .    .    . 


Cologne  à  Londres  en 
-^Berlin  à  Londres  en  . 


8 
13 
22 


heures. 


Vienne  à  Londres  en 36  heures. 

B&le  à  Londres  en 20      « 

Milan  à  Londres  en 32 


Francfort  s/m  à  Londres  en    .    .    .    18  heures. 

XROis  se:rvice:is  i^awi  jour 

D'Ostende  à  5  h.  15  maUn,  11  h.  10  matin  et  8  h.  20  soir.  —  De  Douvres  à  midi  05,  7  h.  30  ioir  et  10  h.  16  «oir. 

xra^eriséib:  eiv  xrois  heures 

PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS 

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fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lit*).—  Voyagea  à  prix  réduit*  de  Société*. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandiae*,  colis  postaux,  valeur*,  flnaB<M,  etc.  -   As*arance, 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  l'Exploitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  Îl  Bruxblles;  à  l'Agence  géniraU  des 
Malles-Postes  de  l'Êtat-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruiulles  ou  Qracechurcb-Street,  n»  53,  i  Londbhi;  i  l'Agence  des  Ckemini  de 
fer  de  l'État  Beige,  à  Douvres  (voir  plus  haut);  à  M.  Arthur  Vrancken,  DomUoster.  n»  1,  à  Coloonb;  à  M.  Siepennann,  67,  Unter  den 
I.inden,  i  Berlin  ;  i  if.  Remmelmann,  15,  OuioUett  strasse,  à  Francfort  a/m  ;  à  M.  Schenker,  Schottenring,  3,  à  Vienne  ;  à  3/"«  Schroekl, 
9.  Kolowratring,  à  Vienne;  à  M.  Rudolf  iieyer,  à  Carlsbad;  i  M.  Schenker,  Hôtel  OberpoUinger,  à  Munich;  à  M.  Detollenaere,  12, 
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Camille  de  Saint-Sains,  Liszt,  Richard  Wagner,  Rubinêtein,  Joa- 
chim,  Wilhelny,  Ed.  Grieg,  Ole  Bull,  A.  Essipoff,  SofU  iteuter, 
Ditirie  Artôt,  Pauline  Lueca,  Pablo  de  Sarasate,  Ferd.  HiUer,  D. 
Popper,  sir  F.  Benedict,  Leschetitsky ,  Napraouik,  Joh.  Selmer,  Joh. 
Svendsen,  K.  Rundnagel,  J.-G.-E.  Stehle,  Ignace  BrtUl,  etc.,  etc. 

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OnZIÈHB  AMMtB.  —  N"  15. 


Le  numéro  :  86  centimbs. 


Dimanche  12  Avril  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVDB  ORraQDB  DBS  ARTS  ET  DE  U  LITTÉRATIIRB 


Comité  de  rôdaotlOIl  i  Octavb  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Émilk  VERHAEREN 


ABOmrmairrS  :   B«lgique,  nn  an,   fr.   10.00  j  Union  po»tale,   fr.    13.00     —  ANNOITCSB  :    On   traite  à   forfait. 


Adresser  toutes  les  communication»  d 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


La  Musiqub  bn  Bbi^iooe.  —  Lb  TniATaE  intbllbctubl.  —  A 

PROPOS  DB  LA   VBMTB  ClaBBMBAUX.   —   ApPEL    AUX   AKCHITECTES.   — 

CinoLLBTTB  DB  LXVRBS.  La  Sanglante  ironie,  par  Rachilde.  Pretque, 
par  Francis  Poictevin.  —  Conservatoire  de  LiioE.  Troitiéme. 
concert.  —  Pbtttb  cbkoniqub. 


U  MUSIQUE  EN  BELGIQUE 

De  plus  en  plus,  grâce  à  de  persévérants  efforts, 
s'affine  l'intelligence  musicale  de  nos  compatriotes.  La 
compréhension  s'élargit,  l'instruction  se  répand,  et  l'on 
peut  affirmer  que  de  tous  les  arts  la  musique  est  le  plus 
exactement  jugé  en  Belgique.  Elle  est  <>  mise  au  point  >, 
sons  son  jour  le  plus  favorable,  par  des  hommes  de 
sérieux  mérite,  qui  en  sont  Ips  enthousiastes  propaga- 
teurs :  Oevaert  et  Dupont  à  Bruxelles,  Samuel  à  Oand, 
Radoux  et  Dupuis  à  Liège,  Benoit  et  Blo<;kx  à  Anvers, 
Kefer  à  Verriers,  Van  den  Eeden  et  Gurickx  à  Mons, 
Leenders  à  Tournai,  etc  ,  et  dans  chacune  de  ces  villes 
grandit  chaque  année  son  influence.  Le  goût  s'épure. 
Et  tandis  q.u'ea  province  les  vitrines  des  libraires  sont 
encore  encombréee  de  Montépin  et  de  Georges  Ohnet, 
bouchant  les  issues  de  la  littérature,  que  les  expositions 
de  Beaux-Arts  s'ouvrent  aux  seuls  Herbo  (nom  géné- 


rique par  lequel  une  musicienne  de  nos  amies  désigne 
tout  ce  qui  n'est  pas  de  la  peinture),  les  programmes  de 
concerts  sont  soigneusement  nettoyés  des  Burgmiiller  et 
des  Luigi  Borghèse  d'an  tan.  On  fait  de  la  musique.  Et 
dans  les  centres  les  plus  éloignés  Beethoven,  Wagner, 
Schumann,  Brahms  sont  des  hôtes  familiers,  choyés  et 
fêtés. 

Beethoven  !  Il  s'est  passé  à  Bruxelles  un  phénomène 
qu'il  importe  de  signaler  particulièrement.  Déjà,  dans 
un  article  très  remarqué,  Victor  Amould  a  haute- 
ment loué  le  directeur  du  Conservatoire  d'avoir  fait 
entendre,  en  une  série  imposante  de  concerts,  l'Œuvre 
symphonique  entier  du  maître. 

-  Il  fallait,  dit-il,  une  compréhension  de  Beethoven 
à  la  fois  totale  et  spéciale,  comme  celle  de  M.  Gevaert, 
pour  oser  entreprendre  cette  besogne  d'entasser  les 
unes  sur  les  autres  les  neuf  symphonies,  sans  crainte  de 
s'y  trouver  écrasé  lui-même,  et  avec  la  certitude  que 
même  un  public  ordinaire  en  comprendrait  et  en  démê- 
lerait les  horizons  successifs  et  toujours  agrandis  jus- 
qu'à ce  faite  où  il  parviendrait,  reposé  et  joyeux.  Car 
o'est  le  propre  des  grandes  œuvres  d'art  que  les  com- 
prendre, au  lieu  de  fatiguer,  repose.  Le  génie  n'est  pas 
un  monde  hors  de  nous,  où  nous  ne  pénétrons  qu'en 
nous  arrachant  de  nous-mêmes.  Il  n'est  que  notre  pro- 
pre humanité  agrandie,  plus  féconde  et  plus  large,  et 
à  mesure  que  nous  parvenons  à  le  comprendre,  nous 


nous  retrouvons  nons-mèines  en  lui,  mais  prenant  de 
nous  une  conscience  plus  profonde  et  plus  radieuse,  et 
par  conséquent  apaisés.  Et  de  personne  cela  n'est  plus 
vrai  que  de  Beethoven,  qui  est  l'huinanité  seule,  et  rien 
que  l'humanité  élevée  au-dessus  d'elle-même,  mais  tou- 
jours Adèle  à  elle-même  dans  la  sincérité  absolue  de  ses 
passions,  de  ses  douleurs,  de  ses  rêves  et  de  ses  espé- 
rances. Mais  aussi  l'homme  complet,  et  se  laissant  aller, 
dans  sa  liberté  souveraine,  à  tous  les  mouvements  spon- 
tanés de  la  nature  et  de  l'esprit. 

C'est  cette  toute  puissante  liberté  de  Beethoven  qui 
ne  subit  la  contrainte  d'aucune  idée  préconçue,  d'aucun 
dogme  et  d'aucune  influence  étrangère,  à  laquelle  il 
doit  d'être  grand  dans  des  champs  si  divers.  Toujours 
grand,  parce  qu'il  est  toujours  égal  à  lui-même,  et  si 
prodigieusement  divers,  parce  qu'il  se  jette  librement 
dans  tous  les  domaines,  s'y  mouvant  dans  la  plénitude 
de  sa  force. 

Mai»  il  n'était  possible  au  public,  aux  profanes 
comme  nous,  de  comprendre  cette  gigantesque  diversité 
dans  une  égalité  de  puissance,  que  s'il  nous  était  donné 
d'entendre  la  suite  entière  des  symphonies,  à  de  courts 
intervalles  l'une  de  l'autre,  et  avec  l'impression  anté- 
rieure, encore  vivante  et  fraîche,  quand  la  nouvelle 
arriverait.  • 

Pareille  entreprise  n'eût  guère  été  possible  il  y  a 
quelques  années,  quand  il  fallait,  pour  attirer  et  retenir 
le  public,  entremêler  de  banalités  au  goût  du  jour  une 
suite  d'œuvres  sérieuses,  comme  on  promet  à  un  enfant 
une  praline  pour  le  décider  à  absorber  sa  cuillerée  de 
potion. 

Le  succès  qui  a  accueilli  la  tentative  vraiment  artis- 
tique de  M.  Gevaert,  marque  une  étape  dans  l'éducation 
du  public  en  même  temps  qu'elle  atteste  l'excellence  de 
l'orchestre  du  Conservatoire,  vraiment  admirable  dans 
l'interprétation  de  ces  gigantesques  pages,  et  la  haute 
compétence  de  son  chef. 

Le  souci  de  «  faire  grand  »  se  décèle  de  plus  en  plus 
chez  ce  dernier.  Cette  lettre  adressée  par  lui  au  direc- 
teur de  la  Nation  le  démontre  : 


Bruxelles,  le  27  mars  1891. 


Monsieur, 


"  C'est  une  grande  jouissance  pour  un  artiste  d'être  compris  par 
des  personnes  qu'il  tient  eu  haute  estime;  aussi  tous  suis-je  tris  recon- 
naissant de  ce  que  tous  avei  écrit  sur  le  cycle  beethovenien  au  Conser- 
vatoire. 

•  L'idée  que  vous  me  suggérez  au  sujet  de  Oluck  répond  à  un  de 
mes  projets  les  plus  chers.  Mais  la  réalisation  en  est  presque  impos- 
sible. Pour  trouver  un  orchestre  de  premier  ordre,  et  toujours  à  ma 
disposition,  je  n'ai  pas  à  sortir  de  mon  établissement.  Mais  comment 
me  procurer  pour  tout  un  hivei'  quatre  chanteurs  di primo  cartello 
(un  soprano  dramatique,  un  ténor  aigu,  un  baryton  et  une  basse  chan- 
tante)! 

•  Les  chanteurs  capables  d'interpréter  Oluck  sont  tous  au  théitre, 
et  mtme  en  écrémant  toutes  les  seines  de  France  et  de  Belgique,  on 
ne  réunirait  pas  facilement  le  petit  quatuor  susdit. 


-  N'importe.  J'espirt  bian  troarw  k  joint  »  d*  ea*  jo«n. 
.  VauUla  croira,  Uoamur,  i  aM  ■wHwiMli  d*  gntitadt  et  de 
baole  eonaidératiOD. 

•  F.-A.  Omwâ^n  ». 

Quelle  jonissance  serait  pour  nous  l'exécntion  complète 
du  cycle  de  Olnck  :  Orphée,  Armide,  Akette,  les  denx 
Iphigénie!  Avec  quelle  joie  noos  «ppIandirÙMis  i  cette 
artistique  initiative!  Comme  ie  dit  M.  Anioald,  qu'on 
ne  craigne  pas  d'avoir  la  foi  dn  grand  «rt.  Cette  foi-là 
ne  trompe  jamais. 

Tandis  que  M.  Oevaert  fait  revivre  les  che&4'œavre 
dn  passé,  Joseph  Dupont  ouvre  tontes  grandes  les  portes 
de  ses  concerts  aux  compositeurs  de  l'école  nouvelle. 
Les  Russes,  les  Allemands,  les  Scandinaves,  les 
Tchèques  sont,  gr&ce  à  lui,  presque  populaires  à 
Bruxelles.  Et  voici  qu'il  fait  une  large  place  &  la  Jeune 
France  musicale. 

Vincent  d'Indy,  Gabriel  Fanré,  Ernest  Chausson, 
Pierre  de  Bréville,  Camille  Benoit,  Charles  Bordes, 
Henri  Duparc,  toute  la  brillante,  studieuse,  intelligente 
phalange  de  musiciens  formés  à  l'école  dn  père  Franck 
est  connue  du  j)ublic  de  délicats  qui  fréquentent  les 
auditions  vingtistes,  otl  le  violon  d'Ysaye  et  la  foi  artis- 
tique de  quelques  musiciens  et  d'un  groupe  de  chan- 
teuses ont  été  d'incomparables  véhicules  de  la  pensée 
musicale.  Ils  font  cette  fois  leur  entrée  officielle  dans 
la  vie  publique.  Seuls,  Saugefleurie  et  la  Fantaisie 
pour  hautbois  avaient  jusqu'ici  décelé  le  merveilleux 
musicien  qu'il  y  a  dans  l'auteur  de  la  Cloche  et  de  Wal- 
lenstein.  L'exécution  de  cette  dernière  œuvre  et  de  la 
Viviane  d'Ernest  Chausson  au  Concert  populaire  de 
dimanche  prochain  consacrera  définitivement  la  renom- 
mée de  Vincent  d'Indy  parmi  nous  en  même  temps 
qu'elle  révélera  comme  symphoniste  de  hante  valeur  le 
compositeur  de  la  Tempête,  si  justement  applaudi  en 
février  en  ce  foyer  d'art  et  d'enthousiasme,  les  XX, 
dont  forcément  le  nom  revient  sons  la  plume  à  propos 
de  toute  manifestation  d'art  neuf. 

Aimanté  au  contact  de  ces  œuvres  fraîches,  dépouil- 
lées de  toute  tare,  pimpantes  de  jeunesse  et  de  vie 
intense,  le  public  iréclamera  bientôt  la  série  complète 
des  compositions  jaillies  de  cette  source  nouvelle.  Et 
nous  nous  réjouirons  d'une  étape  franchie,  les  désirs  et 
les  espoirs  tendus  vers  de  plus  lointains  horizons. 

Car  toiyours  l'art  marche,  marche,  et  chaque  con- 
quête qu'il  fait  n'est  qu'un  point  de  départ  pour  une 
expédition  nouvelle. 


LE  THEATRE  INTELLECTUEL 

L'entreprise  va  être  lancée  ti  Paria;  du  moins  on  en  parie  et 
déjà  le  nom  seul  de  théâtre  înlellectuel  fait  fortune.  II  résume 
des  aspirations  vagues  il  y  a  encore  quelques  années,  aujour- 
d'hui précisées.  Nous  n'avons  plus  de  préjugés  sur  les  formes 


6f!^P'T' s 


de  l'art  :  qu'elles  nous  inléresicnt  el  nous  fassonl  untir  vive- 
ment, nous  ne  demandons  pas  plus.  Si  bien  que  nous  nous 
portoni  avec  ardeur  vers  tout  ce  qui  peut  paraître  un  coin  encore 
inciploré.  Le  IhéAire,  —  définition  classique,  —  nous  avait 
toujours  été  présenté  comme  le  miroir  de  la  vie  sociale  :  tout  un 
temps  s'a^lant  sur  dos  Iréieaux  aux  applaudissements  de  ses 
contemporains.  Par  déduction  de  cette  définition,  le  théâtre  ne 
pouvait  s'adresser  qu'à  la  foule,  redire  les  grandes  moyennes  do 
la  vie,  faire  de  la  morale  «  censitaire  el  bourgeoise,  éloquer  des 
lieux  communs  plus  ou  moins  relapés.  » 

Hais  ëmetiro  des  idées,  spéculer,  méditer,  ponctuer  de  la  psy- 
chologie suprasensible,  ce  n'était  pas  matière  ihéAtrale,  cela. 

Sans  doute,  au  sens  strict  de  lanldl,  qui  empêche  pourtant 
d'utiliser  à  d'autres  fins  ces  remarquables  moyens  d'expression 
artistique  :  la  voix  humaine,  l'attitude,  le  geste,  l'expression,  le 
costume,  le  décor?  Alors,  parce  qu'il  ne  platt  à  quelques-uns 
que  de. faire  de  la  liltéi^ture  d'exception,  ils  devront  se  borner 
au  «  ttaéfttre  dans  un  fauteuil  »?  Non.  Inlrinsè(|uement,  rien  ne 
peut  s'opposer  b  l'emploi  de  ces  moyens  par  les  intellectuels.  Et 
déjh  ceux  d'entre  eux  qui  ne  se  sont  pas  cantonnés  dans  le 
roman  ou  le  volume  de  vers  ont  dissipé  les  derniers  doutes.  Ils 
ont  écrit  heureusement,  il  reste  ï  les  jouer  audacieusement. 

Le  Théâtre-Libre, daniioa  ensemble,  a  élé  surtout,  jusqu'ici,  le 
théâtre  naturaliste,  suivant  à  plus  de  vingt  ans  de  distance  le  roman 
du  même  genre.  Mais  à  mesure  que  les  transformations  se  suc- 
cèdent, elles  précipitent  leur  cours,  puisque  di'jà,  simultanément 
au  mouvement  d'art  très  réel  qui  entraîne  le  livre  vers  la  pensée 
de  plus  en  pins  pure,  on  constate  un  courant  du  théitre  dans  le 
même  sens. 

La  voix  de  l'homme,  l'expression  de  figure  de  Ihomme, 
quelles  grandes  sources  d'intérêt  !  Il'a  suffi  de  l'une  pour  fonder 
la  Pantomime  et  la  restaurer  .'i  nouveau  tout  dernièrement.  Quant 
i  l'autre,  .la  vuix  de  l'homme,  on  est  resté  étonné  des  résultats 
qu'elle  n  obtenus  il  y  a  quelque  deux  ans,  quand  de  jeunes 
poètes  s'uvisèreni,  au  Ibéâire  de  la  rue  Vivicnue,  de  faire  monter 
pour  marionctics  ce  qui  ne  l'aurait  pu  être  pour  des  acteurs 
vivants,  la  Tempête  de  Shakespeare,  par  exemple  ;  cachés  der- 
rière la  toile  des  décors,  ils  redisaient,  aussi  nombreux  et  variés 
que  les  personnages  de  cire  qui  gesticulaient  devant  le  publie, 
les  paroles  mises  dans  la  bouche  de  chacun  d'eux  par  l'auteur. 
C'était  du  théâtre  intellectuel  cela,  car  la  Tempête,  avec  son 
milieu  de  fantaisie,  ses  êtres  symboliques  comme  Prospcro,  Ariel 
et  Caliban,  n'est  en  somme  qu'une  longue  exposition  d'idées 
concrétisées  dans  des  personnages. 

Les  saperbes  Dialogua  de  Platon,  les  imagine-t-on  offerts  en 
régal  spirituel  par  quelques  acteurs  intelligents,  ajoutant  le 
charme  de  la  voix  el  la  vie  du  geste  à  la  grandeur  des  idées  du 
poêle  philosophe? 

Parcourant  toute  la  littéralure,  on  ferait  ample  moisson  de 
litres  qui  trouveraient  toute  indiquée  leur  place  sur  le  programme 
d'un  théâtre  intellectuel.  Dans  l'aulrefois  comme  l'aujourd'hui,  il 
n'a  jamais  manqué  d'hommes  pour  réfléchir  et  trouver  que  la 
seule  Idée  valait  la  peine  qu'on  s'en  occupit.  Ce  furent,  ce  sont 
encore,  les  plus  loin  des  matérielles  occupations  de  tous  les  jours, 
les  plus  loin  des  impressions  purement  sensibles.  Ils  goûtent  les 
pensées  pour  elles-mêmes  et  pour  la  joie  d'esprit  que  peut  donner 
leurs  combinaisons.  La  mission  de  ces  hommes  est  de  nous 
enrichir  de  concepts  el  de  points  de  vue  nouveaux.  C'est  bien.  Ils 
onl  droii  an  Théâtre  intellectuel. 


A  PROPOS  DB  LA  VENTE  CLAREMBAUX 

Nous  insistons  sur  la  vente  de  tableaux  tenue  lundi  et  mardi 
derniers,  rue  du  Congrès,  sous  la  direction  de  M.  Clarembaux. 
Depuis  un  temps  long,  pareilles  enchères  n'j(vaient  élé  mises. 
Quand  un  tableau  belge  atteignait  en  vente  publique  2,000  ou 
3,0Q0  francs,  on  applaudissail  dans  la  salle.  Lundi  et  mardi  der- 
niers, les  applaudissements  ne  se  sont  levés  qu'à  des  prix  de  6,000, 
8,000,  40,000.  Les  collectionneurs  bruxellois  —  presque  tous  — 
étaient  présents,  les  uns  par  curiosité,  les  autres  pour  soulenir 
tel  numéro  au  catalogue  de  leur  peintre  favori,  el  ne  permettre 
point  qu'on  adjugeât  la  toile  en  dessous  d'une  nette  valeur;  les 
autres  encore  pour  compléter  d'acquisitions  nouvelles  leurs  gale- 
ries ou  les  renouveler.  Car  une  galerie  doit  se...  tenir  au  courant, 
tout  comme  une  bibliothèque.  Par  ceseul  moyen  là,  elle  se  main- 
tient en  vie  ;  sinon,  qu'est-ce? —  une   belle  chose  déjà   morle. 

Nous  connaissons  de  braves  amateurs  dont  le  goùl  s'est  moisi, 
après  une  première  affirmation  d'art.  Leur  collection,  quand  elle 
s'ouvrit,  était  accueillante  d'œuvres  jeunes,  et  même  ce  fui  par 
ces  seules  œuvres  qu'elle  prit  place  dans  l'attention  des  critiques. 
Malheureusement,  les  tableaux  hypnotisent.  Nos  braves  amateurs, 
toujours  en  arrêt  devant  les  mêmes  toiles  el  toujours  débiteurs  du 
même  petit  verre  de  commentaires  et  d'éloges  servi  à  chaque  visi- 
teur, onl  fini  par  ne  plus  voir  auKlelà  de  leur  cymaise,  j'allais  dire 
comploir.  Rien  n'existe  si  ce  n'est  leur  peinirc,  —  chacun  en  a 
un  ou  deux  qu'il  adope,  —  rien  ne  vaut  si  pas  telle  peinture 
ayant  tulles  qualités  ou  souvent  tels  défauts.  Les  uns  ne  jurent  que 
par  les  peintres  flamands,  —  et  toutes  les  écoles  au  fond  dérivent, 
d'après  eux,  des  flamands,  —  les  antres  ne  tablent  que  sur  les 
romantiques  et  les  réalistes  français.  Quelques-uns  vont  jusqu'aux 
impressionnistes,  Monct  compris.  Je  n'en  connais  qu'un  seul  qui 
ail  un  Seurat.Tous,  les  uns  des  autres  disent  pisque  pendre.  Tous 
croionl  avoir  le  plus  beau  tableau  de  chaque  peintre  doni  ils  oui 
inscrit  le  nom  à  leur  catalogue.  Peu  d'entre  eux  se  prouvent 
artistes  ou  esthètes;  ils  guignent  la  bonne  affaire,  le  gain  pro- 
bable au  bout  de  quelques  années.  Depuis  qu'Arthur  Slevens  n'est 
plus,  ils  commencent  à  oublier  ce  qu'il  convient  de  dire  soit  d'un 
Millet,  soit  d'un  Daubipny,  soil  d'un  Mcissonnier.  J'en  sais  aussi 
qui  ont  un  peintre  —  le  leur  —  comme  répétiteur  d'esthétique. 
On  esl  tout  étonné,  quand  on  converse  avec  ce  dernier,  d'avoir 
entendu  déjà,  dans  la  bouche  d'un  monsieur,  ses  appréciations  et 
ses  enihousiasmes.  Jusqu'à  ce  jour,  le  peintre  ainsi  dédoublé  ne 
s'est  point  fait  payer  ses  leçons.  Bien  à  tort,  car  orner  l'esprit  de 
quelqu'un  esl  plus  précieux  qu'orner  ses  salons, 

Nous  reviendrons  un  jour  sur  la  physiologie  de  l'amaieur.Pour 
l'inslanl,  il  s'agit  de  la  vente  signalée  au  début  de  ces  paragraphes. 

On  y  a  vu  des  œuvres  belges  atteindre  de  beaux  prix.  Les  Sle- 
vens surtout  —  el  celui  des  deux  dont  le  talent  est  le  plus 
inconlestable,  nous  voulons  dire  :  Joseph  —  a  spécialement 
élé  favorisé.  Tandis  que  la  Causerie  d'Alfred,  certes  une  toile 
importante  et  hors  rang,  n'atteignait  que  le  8,000  francs,  une 
simple  esquisse  de  Joseph,  le  Maréchal  ferrant,  s'esl  vendue  au 
delà  de  2,000  francs.  Lesjnoindres  tableautins  de  l'animalier  onl 
été  disputés  avec  ténacité.  On  payait  500,  600  et  même  800  francs 
de  petites  scènes  admirablement  peintes  mais  dont  la  dimension 
ne  semblait  devoir  solliciter  beaucoup. 

Trois  Henri  de  Braekeleer  affirmaient  ce  peintre  merveilleux, 
ce  vrai  maître  silencieusement  mort  dans  son  coin  de  province. 


'  iiH'  *«»?^r^;'.?"-  ■■■  ■ 


MM  <!•  *•  M:  »oil  AtttHté  \»  y«im  et:  toiltr  nn  teal  rtrtrién  sa 
yt/mfp^.  «ie  «m  eenwàl  Tmdtf  qmt  U»  Coibit  et  ks  rcrbt... 

F»fiw»  M»  Ire»»  MM<i««n»«  an  caulutfDe.  («  BUeMt  nooi  «q»*- 
r»î«»l  *»nfmt,  pur  knr  imMiié  éebt.  L«*  «utmtBsM,  m«*  aroM 
Mrffi*  qo*  e'éwrt  frt**  i  la  looebe  neme,  i  b  bctore  Tibratife 
/|i»*  e*  Ut^^D  H\iy*sin  *»  TiOMiM,  uw».  O  pemlre  unique  aw« 
(éoi  tmtMi  UmttMf^M  »  fnetiomtt  tes  Maf*  àt  hrotie  et  à  •« 
f»*i»l  n^Mkr  —  v«i  («ridnie  <te  Mirtltmite  —  detaol  k  u»  por. 
Hiwiear»  f»>w  il  »«««  »  *«iS  domi*  (fadmiref  «ue  Modaine  ioi»- 
valMM  iolrofimu:  y»  U  malire  «  ««  damier»  effort*  d'art.  Qoand 
00  rjtftîiyitf,  U*  BihthU  i  la  fUeMU  du  pomma  de  Urre,  on 
Jo|«;  <lo  liwi  mai*  iri'/mpbaat  ehemio  parcoarn.  Au  poinl  de  Toe 
d«  iKwl  m^i*r,  le  ((rf>j[r*«  fM  A'a».  érideote  neite,  landii  qoe 
l'ooe  peiolnre  «a  uynre  en  Iam  aereax  de  paleue,  l'aaire  eit 
^ifsinU!,  «laire,  ehanlaote  —  elle  tîI. 

Un«  mafniriqae  et  lar^e  e*qaÛM<  de  DaobiKDjr  impocait  ce 
(Mnatr«r  ;  également  une  aquarelle  lonte  ra  baot  Mjrle  de  Rouacean. 
«finalement  encore  ooe  académie  létère,  mai*  magistrale  de  Céri- 
r.»ult. 

l'n  1/7*  (\>rirm\hf.  manière,  la  romantique;  •ollieilait  ver»  un 
latan/  ftihni/;^  en  de*  livre*,  awti*  dan*  on  liaot  faaieail,  éclairé, 
limii^rf;  (fn  plein  viugf,  i  la  Rembrandt,  et  peint  arec  la  pre*ies«e 
et  IVipril  (le  eertainn  httiey.  Il  a  été  adjugé,  modiqnemenl,  i 
fiW)  franc». 

Par  contre  un  Ziern  —  crème  et  fanfrelache»  mêlée»  —  a  (ail 
»aui<;  mouton  8u.dc»»u»  de  S,W)0,  6,000,  7,000,  8,000,  9,000  fr. 
pour  ne  «'arrêter  que  devant  10,0(>0  franc».  Il  a  été  acquis  i 
0,W)0  franm.  f>rle»  ce  peintre  a  rapporté  jadi»  de  Hollande  des 
loilf!»  Ir^n  article*,  mai»  toute»  »es  études  de  Venise  ont  été 
trcmpiie»,  dirait-on,  dan»  ce»  pati»*cric»  en  plein  vent,  remplies 
de  Klace  ^  la  vanille,  de  Rucrpries  à  deux  sou»,  d'orgeats  et  de 
»irop«  en  petit»  serre». 

Un  François  Bonvin  ordinaire  et  un  Roybet  idem  n'ont  pas- 
«ionni'i  que  les  Nc»»icur»  qui,  en  peinture,  paient  la  »ignature 
plu»  voloniicr»  que  l'œuvre. 

MM.  Wauter»  et  Courlen»,  les  deux  médaillé»,  ont  débité  leurs 
feuille»  de  laurier.  Un  Jo»eph  Hcymans,  quoique  de  moyenne 
dimension,  a  atteint  k  bon  droit  1,800  francs. 

Voilb  —  sauf  oubli»  —  le»  principales  sommes  d'argent  dont 
on  H  couvert  ï  juste  ou  i  injuste  titre  tels  carrés  de  toile  i  la 
vente  Clarembaux.  Le»  mu«éc»,  croyons-nous,  n'ont  rien  acquis. 
Nous  »(.'rion«  licureux  de  nous  tromper,  car  rien  n'e»l  plus  Irigte 
que  de  voir  i  de  telle»  vente»  l'Ëtat  représenté  par  un  personnage 
toujoum  ccrte»  correct  et  grave  —  mais  muet. 

l'our  finir,  la  liste  des  encbère*  : 

Ai.KKïD  Stïveks  ;  La  Femme  à  In  Colombe,  10,000  fr.  — 
La  Cauierie,  4,R00  fr.  —  L'Inde  à  Paris,  4,000  fr.  —  Soleil 
couchant,  l.nSO  fr.  —  Mélancolie,  1,500  fr.  —  Esquisse  pour  le 

Panorama  du  Siècle,  1,200  fr.  —  Au  H  dure,  900  fr. La 

Femme  à  la  Hoie,  728  fr.  —  Tite  déjeune  fille,  62S  fr. Tite 

(U  jeune  fiUe  (pastel),  400  fr,  —  Fleurs,  400  fr.  —  Le  Malade, 
378  fr,  —  Préi  du  JJAvre,  328  fr,  —  Vue  de  Lac,  300  fr. 

JOHKPII  Stkvins  ;  La  vieille  lice,  4,800  fr.  —  Chex  le  Maré- 
chal, 2,380  fr.  —  L'Ane  du  Saltimbanque,  1,900  fr.  —  Une 
épisode  du  Marché  aux  chiens,  1,200  fr,  —  Une  Correction, 
080  fr,  —  Le  Deuil  du  Savoyard,  480  fr,  —  Elude,  .300  fr. 

ZfKM  :  Marine,  9,800  fr. 

Madou  :  La  Fêle  au  château,  6,800  fr,  —  L'Echoppe  d'un 
y«i/(«quiirL'llc),  600  fr,  —  Que  deviendra-t-il?  (aquarelle)  828  fr. 


Comna  :  Mr.  «.«M  Cr.  —  JU  Pratric.  4,«M  fr. 
sie  w€su,  9.3M  fr.  —  Fw  dic  BiUnàt.  l.Mtfr.  - 

f,n«fr. 

WAmu  :  FristétSssfma  Vmm égr  Omtiimqim 
ifprML  m  iMée  de  ■rôdlei.  tuwmlr  tmàfkt  pw  Fa 
S,MO  fr.  —  UmeOummtkétmwttftm  ifi,  8M  fr. 

DuManr  :  P^Mf*.  5.4M  fr.  —  Vméilm  Têêùm, «.360  b 

OuMiMt  Jacqsi  :  Mcmimu  t'ttrmamml,  4,1M  fr. 

AoBiMDn  :  Dem*  imfÊMU,  «.900  fr.  —  L«  rnsèn,  1,300  fr 
—  Lit  JeUmr  de  fierrtt,  4M  fr. 

Bonn  :  Qmenti*  Dwrwari,  «,900  fr. 

L.  DcMMS  :  Nêtmre  morte,  3,500  fr.  —  Le  Meisu  frit  de 
Dorirtekl,  950  fr. 

Ta.  RoomAC  :  L'Eunf  (aqnrdle),  «,300  fr. 

Vai  Hau  :  Oûen  ée ierfir,  «,«00fr- 

MucAOLT  :  Homme  nm,  «,100  fr. 

Cl.  Hnuuiu  :  Là  Femme  am  miroir,  «,100  fr. 

F.  Wnxna  :  Lss  FrileMU,  3.000  fr.  —  L*  Bomqatt,  1,300  fr 

Duz  :  Le  Baiur.  1,900  fr.  —  Flemr»,  650  fr. 

Hinuss  :  Une  More  en  CamftHe,  1,800  fr. 

Valu)!!  :  Intérieur  daUlier,  1,650  fr.  —  PqfMfc,  535  fr. 

A.  VnwAs  :  Dons  Im  prairie,  1,300  fr.  —  Um  Ane,  650  fr. 

Pb.  Rodmkad  :  Un  Coin  de  basse-tour,  1,350  fr. 

D.  Otbhs  :  L'HabUué,  1,300  fr. 

H.  Di  bBAUiLiu  :  Bibdou.  1,150  fr.  —  Lo  BéeoUe  du 
pommes  de  terre,  1,050  fr.  —  Intérieur  d'égliu,  800  fr. 
Botnr»  :  Les  Forgerons,  1,150  fr. 

E.  Sum  :  La  Siesu,  1,100  fr. 

E.  Vehoeckboteii  :  Intérieur  de  bergerie,  1,000  fr. 
J.  Stobbaebts  :  LEiable,  1,000  fr. 
RoBBE  :  Vaches  au  pâturage,  1,000  fr. 
J.  Breton  :  L'Enfant  de  chœur,  900  fr. 
Leloib  :  Les  Amateurs  (aquarelle),  850  fr.  —  Dans  U  Cime- 
liire  (aquarelle),  800  fr. 

KoEKEOEK  :  Paysage,  830  fr. 
C.  Mednieb  :  Le  Forgeron,  650  fr. 
Lets  :  Le  Cabinet  Sun  Savant,  650  fr. 
De  Kntff  :  Paysage,  600  fr. 
NusiN  :  Manne,  500  fr. 


Appel  aux  architectes. 

En  une  courte  mais  substantielle  plaquette  rétumant  ses  éludes 
et  ses  travaux  depuis  vingt  ans,  la  Société  centrale  iarthiteeture 
de  Belgique  fait  valoir  les  avantages  d'an  de  ses  nouveitu  rouages 
adminislralifr,  le  Comité  de  défeiue  juridique,  asioré  dès  mainte- 
nant de  la  collaboration  de  membres  éminents  du  Barreau,  et 
dont  la  création  répond  i  une  absolue  nécessité  corporative. 

Pour  nous  qui,  depuis  longtemps,  avons  pu  constater  la  vail- 
lance de  ce  groupe  de  talents  jeunes  et  vibrants,  afsoiffés  d'an 
nouveau,  qui  nous  rappelons  ses  intéressantes  expositions  et  le 
voyons  chaque  jour  lutter  contre  le  mauvais  vouloir  des  admi- 
nistrations pour  faire  admettre  le  principe  si  juste  et  si  fécond 
en  heureux  résultats  des  concours  publies,  ce  nous  serait  une 
vive  satisfaction  de  voir  de  nombreux  architectes  grossir  les  rangs 
des  membres  de  la  Société  centrale  d'architecture  et  augmenter 
encore  la  part  d'autorité  et  d'influence  que  celle-ci  s'est  justement 
et  patiemment  acquise. 


,."?^-7'';s!W5f^-^.nî-^JJ'ii'»- 


Ce  qui  démontre  bien  le  oaractère  élevé  des  éludes  auxquelles 
elle  se  livre,  ce  sont  les  délails  même  de  son  orgsuiiation  inté- 
rieure; tenus  au  courant,  par  soixante-dix  publications  pério- 
diques, de  loni  ce  qu'érigent  et  pensent  leurs  confrères  de  l'ancien 
et  du  DOttTeau  monde,  les  membres,  répartis  en  sections  d'art, 
d'archéologie,  de  construction,  de  jurisprudence,  dissertent  des 
hautes  questions  professionnelles  et  se  livrent  k  d'incessants 
échanges  d'idées  avec  les  sections  ramifiées  en  province  et  b 
l'étranger  :  de  Ui  sélection  de  documents  et  d'arguments  d'où  sor- 
tira, chrysalide  actuelle,  l'art  rationnel  du  xx*  siècle. 

Cette  initiative,  cette  propagande  d'encouragement  mérité,  ont 
droit  ft  un  complet  succès. 


j3uEILLETTE    DE    LIVRE? 

La  Banglante  ironie,  par  IUchlob,  pr«fac«  de  Camilui 
LmoNNiBB.  Un  roi.  in-16  de  298  p.  —  Paris,  Lion  Oenonceaux, 
1891. 

C'est  une  curieuse  physionomie  littéraire  que  celle  de  Rachilde, 
homme  ou  femme,  femme  paraît-il,  mais  ayant,  k  coup  sûr,  des 
aspirations  très  masculines.  Son  premier  livre.  Monsieur  Vénus, 
avait  précisément  pour  sujet   une  femme  prétendant  agir  en 
Jiomme  jusque  dans  les  opérations  toutes  spéciales  pouf  lesquelles 
ce  rôle  loi  convient  le  moins.  Aussi,  en  dépit  de  qualités  fort 
originales,   l'œuvre   nous   avait   déplu  et    nous  avions  rangé 
Rachilde  dans  la  catégorie   des    auteurs   agaçants    que   nous 
avions  renoncé  k  lire.  Mais  voici  que,    par  l'attirance  d'une 
préface  de  notre  ami  Lemonnier,  nous   avons  été  amené  à 
tenter  de  nouveau  l'expérience  et  à  mesure  que  se  déroulaient 
les  pages  dn  roman,  les  préventions  trop   vile  accueillies  ^e 
dissipaient  et  nous  étions  captivé  par  cette  lecture  attachante. 
Certes,  cOmme  dans  l'œuvre  première,  on  y  retrouve  le  piment 
d'un  étrange  amour  dans  la  passion  de  cette  jeune  femme  u  morte 
de  la  pointe  des  seins  i  la  pointe  des  pieds  »  et  dont  les  lèvres 
n'en  sont  que  plus  avides  de  baisers,  pour  ce  jeune  homme  héri- 
dilairement  névrosé,  tout  meurtri  des  ironies  de  l'existence;  mais 
que  chaque  personnage  y  reste  bien  dans  son  râle  et  que  les 
héroïnes  du  récit  sont  adorablement  féminines,  depuis  celle  dont 
le  sexe  éteint  n'empêche  pas  la  cérébrale  floraison  des  plus  capi- 
teux désirs,  jusqu'à  cette  Grangille,  au  sexe  triomphant,  dont  les 
poings  sentent  l'oignon  et  qui,  si  logiquement,  cherche  sa  voie 
dans  les  bras  d'un  épicier  au  moment  où,  par  une  dernière 
ironie,  son  amant,  épris  d'idéalité,  la  tue  par  exaspération  de 
toutes  les  banalités  qu'elle  magnifie.  Les  hommes  aussi  ont  des 
caractères  bien  marqués  et  l'officier  gentilhomme  accolé  ti  sa 
cuisinière,  le  jeune  paysan  fanfaron,  le  professeur  défroqué, 
cherchant  i  user  dans  les  plus  rudes  travaux  des  champs  sa 
préoccupation  de  la  femme,  le  millionnaire  jouisseur,  le  médecin 
de  campagne,  positif  et  égoïste,  forment  avec  la  nature  doulou- 
reusement raffinée  du  personnage  principal  autant  d'oppositions 
violentes  dont  chacune  contribue  i  justifier  le  titre  du  livre.  —  El 
le  paysage  aussi  ajoute  ses  contrastes  à  ceux  des  sentiments  : 
après  les  prés  en  fleur  et  les  collines  du  Périgord  où  coule,  au 
pied  d'un  talus  de  chemin  de  fer,  le  ruisseau  dans  lequel  Gran- 
gille est  si  vexée  d'être  surprise  lavant  ses  linges  saignants, 
l'horizon  est  tout  li  coup  rétréci  au  mur  lépreux  d'une  cour  de 
Paris  symbolisant  les  misères  de  la  grande  ville  dans  les  variations 
de  ses  moisissures.  Le  tout  est  d'une  observation  très  précise. 


jd'une  analyse  évoeative  qui  ne  recule  pas  devant  les  obscurs 
problèmes  psychologiques.  Nous  en  recommandons  la  lecture 
sans  oublier  celle  de  la  préface  de  Lemonnier  où  l'on  retrouvera 
l'abondance  d'images  et  la  richesse  de  style  auxquelles  il  nous  a 
habitués. 

Presque,  par  Framois  Poictivin.  Un  vol.  iu-lS  de  221  pages. 
—  Parti,  Alphonse  Lemerre,  1891. 

Les  titres  de  précédents  ouvrages  de  M .  Poictevi  n  étaient  Songes, 
Paysages  ei  nouveaux  songes,  Derniers  songes.  Il  eût  pu  nommer 
celui-ci  Nouveaux  derniers  songes.  Ce  sont,  en  effet,  des  impres- 
sions, déterminées  il  peine,  ayant  encore  l'immalérialilé  du  rêve, 
Presque.  Dans  les  églises,  dans  les  musées,  k  la  morgue,  sur  tes 
grèves,  dans  les  églises  surtout,  l'artiste  promène  son  besoin  de 
sensations  raffinées  et  lorsque  l'inspiration  lui  esi  venue  apportée 
par  un  état  du  ciel,  par  un  pli  de  robe,  par  un  geste  de  prêtre, 
par  l'attitude  d'un  saint  dans  un  tableau,  par  la  solitude  ou  le 
silence,  il  la  fixe  en  termes  recherchés,  tout  remplis  d'au-delà, 
en  une  prose  dont,  l'auteur  nous  l'apprend,  Edmond  de  Concourt 
a  dit  qu'elle  avait  «  des  victoires  sur  l'invisible  ».  Dans  l'impuis- 
sance d'analyser,  citons,  au  hasard,  impuissants  aussi  à  choisir, 
une  de  ces  mystiques  visions.  C'est  à  Menton,  en  janvier  : 

«  La  grandeur  délicieuse  de  certaines  nuits  de  lune  est  d'intro- 
duire l'homme  quelques  heures  dans  le  ciel  —  fragile  patrie 
d'azur  qu'habitent,  que  veillent  de  mulliplement  tremblantes 
lampes  et  qu'ici-là  par  instants  on  aperçoit  mystérieusement  tres- 
saillir. Cependant  les  lunaires  nuits  de  préférence  me  reviennent 
du  Nord,  zéphyrines  et  lactées.  El,  ce  matin,  l'horreur  rouge  du 
ciel  sur  la  mer  m'a  rappelé  les  sacrifices  sanglants  des  Phéniciens 
au  faux  dieu.  De  l'autre  côté,  au  dessus  des  montagnes  violet- 
pourpre,  la  lune  perdait  dans  le  bleu  pile  sa  fondante  blancheur 
de  glace... 

a  Ce  soir,  dans  la  sombreur  grandiose  du  ciel  bleu,  une  étoile 
un  peu  au  dessus  de  la  somnolente  mer  s'ablmail  en  sa  scintilla- 
lion  élincelante,  cœur  de  Saphir  à  la  cruciale  bordure  diaman- 
line.  Dans  l'eau  baignait  une  émanation  de  l'éioile,  colonne.ficti- 
vement  isolée,  ombre  luisante.  Et  des  souffles  inlerrompireni, 
effacèrent  k  peine  le  rêve  se  pulvérisant  encore  de  l'incerlaine- 
ment  frissonnante  mer  ». 


^ONgERVATOIRE    DE    JilÉQE 
Troisième  concert. 

(Correspondance  particulière  de  l'Art  mooerne.) 

Au  dernier  concert  annuel  du  Conservatoire,  M.  Radoux  a  repris 
Roméo  et  Juliette  de  Berlioz,  que  déjà  il  avait  exécuté  avec  succès 
en  1882.  Le  succès  s'est  accentué.  En  ces  dernières  années,  le 
public  des  concerts  liégeois  a  fait  quelque  progrès;  on  l'a  tant 
travaillé  qu'il  écoule  maintenant,  sans  ennui  et  sans  trop 
d'impatience,  de  la  musique  de  Berlioz  trois  heures  durant. 

Roméo  et  Juliette  n'offre  pas  cependant  au  public  la  disiraclion 
des  solistes,  ni  l'illusion  du  théâtre,  comme  le  fait  la  Damnation 
de  Faust.  Pas  de  trio,  pas  de  duo  dans  Rotnéo  et  Juliette,  une 
part  relativement  petite  laissée  aux  voix,  et  l'orchestre  dominant, 
avec  de  ci  de  là  des  longueurs  et  des  choses  jolies,  mais  bien 
inutiles  à  l'œuvre.  Ainsi,  le  tcherto,  si  délicat  d'expression  ei  de 
capricieuse  légèreté,  est  une  fantaisie  aimable  dont  la  suppres- 


W^W^W?mW^- 


«MH  ^tmmltnii  ii  fimitwMié  4e  ir<cw«rc,  Aias)  ttÊean  le  faoA, 
«fil*»  pir»4«fHrme  tMlyi'l«t^,  «Tivauf  tuifmtniie  ktaicar  3)  etttaim 
ewilrrviw,  est  l<Mf  «iémieMwNnmi,  ^mpÊti  %mf  Tmiâaemt  da  fi«ii«e 
ffMfMwr  ifiï'aqMKMitait  ie  pvtyHofiMr,  Dm»  le  pmolofve  \e  tdker- 
zetl«  ymêf  viM<  de  iéum,  irè»  featÎMCM  etaMé  f»r  u  éièfe  da 
(««««Tv^f'Atire,  M.  ]f»réeM,  punit,  lie»  qtte  tri»  ffneiem,  \  wt 
ifi^tlher  e»  rien  îitAtriAaefMm. 

Il  nemUe  qae  tetVtryi,  itmithé  pat  tiU»,  ne  *e  Mil  «Muebé  qo'i 
re)(r«t  de»  eenteepiiot»  Mteeesfive»  qu'éroqnaiii  «n  *oa  imt  pa*- 
«iiMiné»  te  b«»a  dnme  de  %h»keiifie»n.  Il  en  résalle  qoe  TiMpi- 
fa4io«  «9t  |i>Im  eAttteime,  pliM  fénéreuMe  qoe  dao»  b  DamnmlUm 
âe  F(uul,  qn'il  ]r  »  prtos  de  (fnofae,  fulo»  d'ébo  ;  ries  peat-élre 
n'^teH'U  (faiM  AtNw^  </  JuUeite  «  llnroeatioa  i  b  aalure  «  et  b 
«  f/mne  %  TaMme  *  «Je  te  Damnation,  mai*  en  reraaebe  l'œoTre 
enlîérc  «emble  empKMtte  p»r  on  «oaSe  plu*  grand. 

1^  ieeooàe  psntie,  vite  sa  poiManie  ofcbestruion  dans 
laqoelle  *e  mile  Si  la  ebaneor  de  la  «te  la  mélaacoliqnc  rCrcrie  de 
Rom^,  ehuntée  en  one  pbraae,  ploMeiirs  fois  répétée,  pat  les 
Tioloos,  —  la  «  teène  d'amoor  »,  no  pea  longue  mais  éfoeairiee 
pwrianf, —  la  qBairi*ine  panie,  pour  laquelle  il  faal  faire  abstrae- 
lion  de,  la  nnu:  laissée  par  Berlira  dans  la  grande  partition,  —  toot 
rM»  »f>nl  de  1res  belles  pages  musicales. 

«  U  con»oi  (uai:iire  de  Juliette  »,  arec  la  marche  lente  qui  se 
rl^^veloppe  ^  i'r>rchesire  et  la  plainiire  lamentation  qoé  les  voix 
psalmodient  »or  une  seule  noie  produit  une  impression  de  deuil 
lugubre,  saisixsante. 

iJans  le  final,  l'air  du  Wrc  Laurence,  la  première  phrase  sur- 
U>ut,  et  le  serment  de  réconcilialion  sont  du  plus  grand  lyrisme, 
l/'orcheslre  a  donné  unecxéculion  satisfaisante,  bien  qu'un  peu 
in*igalc,  de  liom^o  et  Juliette.  Les  cor»  d  le»  violoncelles  n'éuient 
pas  brillants.  Mais  on  sentait  que  N  Radoux,  épris  de  l'œuvre, 
l'avait  étudiée,  fouillée,  et  !i  rie  certains  moments  quelque  chose  de 
sa  conviction  passait  dans  l'orchcslre.  Le»  chœurs  ont  bien 
marché,  M.  iaeques  Bouhy  clianiait  le  frère  Laurence  avec  une 
grande  rorrecton  de  diction  ei  de  scnliment,  mais  d'une  voix 
insuffisante  dans  les  notes  basses. 

La  première  partie  du  programme  éuii  réservée  il  M"* de  Saint- 
Moulin  et  il  M.  Bouhy.  Remercions  N.  Radoux  de  n'avoir  pas  pro- 
duit celle  fois  d'habile»  chanteur»,  mais  de  nous  avoir  fait 
entendre  de  la  grande  musique.  En  effet,  c'est  bien  moins  M"*  de 
Saint-Moulin  et  M.  Bouhy  que  Vu  air  de  Rinaldo  »  de  Hacndel  et 
le  «  Héciiaiif  et  l'air  d'Agamemnon  »  dans  )phigénie  en  Aulide 
de  Oluck  que  nous  avons  enlendus.  Admirable,  sublime  musique, 
de  quelle  grandeur  et  de  quelle  simplicité  !  Et  plu»  encore  l'o  air 
de  Rinaldo  n. 

La  voix  de  M"«  de  Saint-Moulin  a  perdu,  mais  la  chanteuse  con- 
serve du  goût  et  de  la  conviction.  Quant  à  M.  Bouhy,  il  a  chanté 
l'air  d'Agamemnon  de  sa  voix  chaude,  avec  une  ampleur  et  une 
simplicité  lout  i  fait  remarquables. 


Petite  CHROf^ique 


("est  samedi  prochain  que  commenceront,  au  Théâtre  Com- 
munal (rue  de  I.acken),  le»  représentations  du  grand  tragédien 
Rotii.  Los  spectacle»  seront  :  Othello  et  le  Roi  Lear  (Shakes- 
peare), Kenn  (A,  Dumai),  LouU  XI  (C.  de  la  Vigne),  Richelieu 
(Bulwer),  La  mort  d'/van  le  Terrible  (ToistoT). 


m  lUMnieia  1 
rjoam  :  1.  Wmmum,  irfltpe  (Api«*  >*  ptme 
Sdûatt\.TmimH1mig.Çtnminaéa6mtom^ 
plèlei •mcBea).  L  Utamtp  i* Wilmliii;  B-Unn  TUda 
(Lca  Ktniammi;m.  La  aort  «le  WaBcHim. 

DmabB  rasns  :  I.  latradacim  de  >  Fiript  »,  tfWiwanl 
Lalo.  (Première  oéceiioa  k  BrueOcs)  ;  1.  Fhmm,  potee  ^n- 
pboaiqae  posr  orcfaeaire,  «TEraeat  Oammam.  Çhtmâin  eiéen- 
lioa);  3.  ftSmàe  da  9*  acte  de  GmemioUm*,  de  E.  Ckafaricr  ; 
4.  Sêficiû  QumMfiemme,  de  Bowgaidt-IleeOMlny.  {Prtmùète 

nteuioa)  ;  ^ .  ImnMlwiMMs-Léfewie  ;  A.  FMe  ;  5.  OatertHc  ■  Le 
Canmal  Boaaie  »,  d'Hector  Beriioc 

La  répéliijoa  générale  aura  lien  samedi,»  9  t[l  beorcs  précises, 
dans  la  salle  de  la  Crande-Hannoaie. 

Le  manqne  d'espace  nous  eap«ehe  d'a;:coider  an  eonpie-iendo 
do  denxièoie  cooeert  des  Artiste*  nuukieiu  le  déreioppeineni 
qoe  nous  aurions  roaln  loi  donner.  Bornoos-nons  k  eonsiater  le 
très  grand  soeeès  remporté  par  M.  Joaehim  dans  le  Cmtcerto,  la 
romance  en  (a  de  Beethoven  et  one  fogne  de  Bach  pour  violon 
solo,  et  par  M—  de  Kuovina  dans  l'air  d'Oi^wi  et  dans  V Amour 
de  Mgrio  de  M.  Le  Borne. 

Ce  dernier  a  fait  entendre  une  suite  d'orchestre  qui  marque  un 
progrès  sérieux  sur  les  œuvres  précédentes  du  jenne  composi- 
teur. La  bclore  se  précise  et  la  personnalité  s'accuse. 

Le  Club  tymphonique,  fondé  et  dirigé  par  M.  Emile  Agniw, 
vient  d'offrir  la  présidence  d'honneur  de  son  association  k  M.  Vic- 
tor Boch,  dont  la  haute  honorabilité  et  les  goûts  artistiques  sont 
appréciés  de  tous. 

Des  adhésions  nouvelles  assurent  l'avenir  du  jenne  cercle,  qui 
a  récemment,  en  un  concert  fort  intéressant,  affirmera  vitalité. 

MU'  Linda  Diaz  donnera  les  13,  18  et  40  avril,  i»  i/i  heures 
du  soir,  trois  grands  concerts  au  Palais  de  la  Bourse  (salle  des 
Ingénieurs).  MM.  Arehaimbatid,  Francis  Rodriguez,  Sansoni  et 
Van  Gael  lui  prêteront  leur  concours.  Les  programmes,  très 
variés,  portent  des  œuvres  classiques  et  modernes.  Beethoven, 
Schubert,  Moiart,  Mendeissohn  y  coudoient  Chopin,  Rubinstein, 
Grieg,  et,  nécessairement,  les  compositeurs  ilalicns  :  Rossini, 
Donizetli,  Verdi,  Fosli,  Ardili,  etc.  L'Espagne  est  représentée  par 
MM.  Nonasterio,  Sarasrte  et  Fraocës  Rodriguea;  la  France,  par 
MM.  Delibe»,  Widor  et  Archaimbaud. 

W  Dyna  Beumer  donnera  également  un  concert  le  23  avril,  à 
8  1/9  heures,  a  la  Grande-Harmonie. 

Dyna  Beumer  aura  pour  partenaires  M-«  Lcfebvre-Moriamé, 
MM.  Heuschling,  Moussoux,  Sansoni  et  Massage. 

M.  Félix  Cogen,  à  l'instar  de  M.  Blanc-Garin,  expose  en  son 
atelier  les  travaux  de  ses  élèves,  et  il  convie  le  public  i  venir  les 
voir.  De  celte  visite  naît  celte  constalation  :  N.  Cogen  a  des  élèves 
appliquées,  studieuses,  dont  quelques-unes  paraissent  avoir  des 
aptitudes  pour  l'art  auquel  elles  se  consacrent.  On  remarque  les 
pcinlures  de  M"«  A.  de  Haulleville,  les  dessins  de  M""  Brassine, 
S.  et  E.  Huberii,  Sacqueleu,  etc.  L'enseignement  est  donné 
simultanément  d'après  le  plaire,  d'après  le  modèle  vivant, 
el  la  peinture  d'accessoires  marche  de  pair  avec  les  études  de 
figure  cl  de  paysage. 


^iy.:' 


L'ART  MODERNE 


121 


La  distribuiion  des  pris  aux  lauréats  des  concours  de  l'Ecole 
de  musique  de  Verviers  aura  lieu  jeudi  prochain,  k  7  h.  1/1  du 
soir.  A  cette  occasion  M.  Louis  Kefer,  directeur  de  lÉcole,  pré- 
pare an  concert  dont  le  programme  décèle,  une  fois  de  plus, 
l'esprit  d'initiative  et  de  progrès  artistique  qui  anime  cet  excellent 
mucisien.  M.  Kefer  fera  exécuter  le  premier  acte,  en  etitier,  de 
Lohengrin  (solistes  :  M"**  Lamboray  et  Delsante,  MM.  Smeeslers, 
Bouxman,  Duyzings  et  Juky). 

La  seconde  partie  du  concert  est  consacrée  ii  l'audition  des 
lauréats  qui  se  feront  entendre  dans  dÏTerses  compositions  de 
Haendel,  Schubert,  Max  Brucb,  Saint-Saëns,  Grieg  et  Sarasale. 
Pour  finir,  la  «  Marche  des  Fiançailles  »  de  Lohengrin. 

Un  programme  explicatif,  avec  exposé  des  thèmes,  sera  distribué 
aux  auditeurs,  selon  l'cxcclleote  coutame  introduite  &  Verviers 
par  M.  Kefer.  

H  y  a  en  ce  moment,  tant  en  Belgique  qu'en  France,  une 
floraison  littéraire  étonnante.  Chaque  semaine  amène  l'éclosion 
de  quelque  revue  nouvelle,  presqu'invariablement  vouée  à  la 
difiusion  des  idées  jeunes,  et  le  nombre  de  volumes  qui  tombent 
en  avalanches  dans  nos  bureaux  ne  se  compte  plus. 

Citons,  pour  compléter  la  liste  des  revues  récentes  :  A  u  Coin 
du  feu,  journal  mensuel,  publié  i  Verviers  en  fascicules  de  huit 
pages  in-folio,  avec  supplément.  Rédacteur  en  chef  :  A.  Deiry. 
Bureaux  :  rue  Neuve,  2!5,  Verviers.  Abonnement  :  fr.  i-50. 
(Etranger  :  i  francs.)  Devise  :  Pelil  poisson  deviendra  grand. 

Les  Essais  publiés  par  le  Cercle  littéraire  français,  paraissant 
tous  les  mois  k  Gand  en  livraisons  in-4"  de  16  pages,  coquetle- 
mcni  imprimées  par  M.L.de  Busscher.  Le  numéro  d'avril  conlient 
entre  autres  \' Escarpolette  de  A.  Westermans,  la  suite  de  VIdylle 
muge  de  Louis  Véhenne,  Pour  un  baiser  de  Carlos  du  Fay,  le 
Hnmard  de  V.  Lézar,  elc  Bureaux  :  rue  de  Flandre,  71,  Gand. 
Prix  de  l'abonnement  :  4  francs  par  an. 

L'Ermitage,  excellenle  revue  mensuelle  dans  laquelle  parais- 
sent, depuis  quelques  mois,  des  éludes  critiques  sérieuses  et 
fortes,  des  vers,  des  nouvelles,  une  bibliographie,  etc.,  etc.  A 
Paris,  rue  Gay-Lussac,  5.  Directeur  :  Henri  Mazel.  Abonnement  : 
12  francs  par  an.  (Etranger,  13  francs.) 

L'Avenir  dramatique,  revue  du  théâtre  et  de  la  musique  dirigée 
par  Henri  Malin,  qui  publie  toutes  les  semaines  d'intéressants 
ariicles  signés  Henri  Fèvre,  Léo  Trézenik,  Willy,  Ch.  Moreau- 
Yauihier,  Fabre  des  Essarta,  Henri  Germain,  etc. 

Voici  une  nouvelle  qui  intéressera  singulièrement  ceux  qui  ont 
connu  à  Bruxelles,  lors  de  la  dernière  direction  Dupont  et  Lapis- 
sida,  l'aimable  compagne  du  ténor  Cossira,  qui  alors  ne  songeait 
pas  à  la  carrière  théâtrale, quoique  plus  d'un  ami  lui  eût  conseillé 
d'y  songer,  frappé  de  ses  aptitudes  vocales  et  plastiques  pour  la 
carrière  dramatique.  Ce  sont  des  extraits  de  VEcho  de  Paris,  du 
Temps,  du  XIX'  SiicU. 

«  Télégramme  de  notre  correspondant  de  Nice  : 

«  Beaucoup  de  monde,  hier  soir,  pour  le  début  de  M"*  Cossira 
dans  la  Favorite.  La  débutante  a  obtenu  un  immense  succès.  La 
voix  est  claire,  sonore,  étendue,  noies  graves  et  médium  admira- 
bles ;  les  duos  des  deuxième  et  quatrième  actes  ont  été  bissés,  et 
la  gracieuse  débutante  a  reçu  plusieurs  superbes  corbeilles  de 
neurs.  »  (Echo  de  Paris  du  31  mars  1891.) 

«  On  nous  écrit  de  Nice  : 

«  Belle  représeniaiion  de  la  Favorite  au  Grand- Théâtre. 
Auprès  d'excellenU  artistes  tels  que  Cossira  et  Manoury  débutait 


M***  Emma  Cossira.  Elle  a  chanté  avec  grand  succès  le  rôle  de 
Léonor  :  sa  voix  de  conirallo,  au  timbre  caressant  et  doux,  a  toute 
l'ampleur  désirable  et  elle  possède  même  dans  le  registre  aigu  des 
noies  d'une  agréable  sonorité.  Ajoutons  que  l'aspect  sympathique 
de  l'artiste,  sa  méthode  et  son  jeu  contribuent  encore  it  l'impres- 
sion d'ensemble.  Le  duo  du  deuxième  acte,  chanté  par  Manoury 
(le  roi)  et  M"**  Cossira,  et  le  duo  du  dernier  acte,  chanté  par 
M.  et  M"*  Cossira,  ont  été  très  vivement  applaudis  et  redemandés 
par  le  public.  »  (Le  Tetnps,  1"  avril  1891.) 

«  M""  Emma  Cossira,  femme  du  ténor  qui  a  eu  de  beaux  succès 
ii  l'Opéra,  vient  de  faire,  au  Grand-Théâtre  de  Nice,  un  très  bril- 
lant début  dans  la  Favorite. 

C'était  la  première  fois  que  M""  Cossira  chantait  en  France  : 
elle  avait  d'ailleurs  abordé  la  scène,  il  y  a  quelques  mois  seule- 
ment, en  Amérique,  où  elle  se  fit  chaleureusement  applaudir  dans 
A'Ida. 

La  nouvelle  cantatrice  a  pleinement  réussi,  l'autre  soir,  dans  le 
réle  de  Léonor.  Elle  possède  une  voix  de  contralto  d'une  ampleur 
et  d'un  timbre  mervcileux,  dont  elle  se  sert  avec  infiniment  de 
goût.  On  l'a  applaudie,  bissée  cl  couverte  de  fleurs.  La  place  de 
M™*  Cossira  est  dès  maintenant  marquée  sur  un  de  nos  grands 
théâtres  de  musique.  »  (Le  XIX'  Siècle,  2  avril  1891.) 


Nous  avons  annoncé  déjà  que  les  représentations  au  théâtre  de 
Bayreuth  auront  lieu,  cette  année,  du  19  juillet  au  19  aoiM. 

Parsifal  sera  joué  dix  fois  ;  les  19,  23,  26,  29  juilicl.  2,  «,  9, 
13,  16  et  19  août. 

Tannhâuser,  sept  fois  :  les  22,  27,  30  juillet,  et  3,  10,  13  et 
18  août. 

Tristan  et  Iseult,  trois  fois  :  les  20  juillet,  S  et  IS  aoOi. 

L'orchestre  sera  dirigé  par  MM.  Lévi  et  Moitl,  el  les  chœurs  par 
M.  J.  Kniese. 

Voici  les  noms  des  artistes  qui  chanteront  les  principaux  rôlos 
de  ces  trois  ouvrages  : 

Parsifal.  —  Parsifal,  MM.  Van  Dyck  el  Gruning;  Gurnemanz, 
MM.  Grcng  et  Wiegand ;  Amfortas,  MM.  Reichmann  et  Scheide- 
manlel;  Klingsor,  MM.  Fuchs  cl  Plank;  Kundry,  M""' Meilhac, 
Malien  et  Materna. 

Tristan  et  Iseult.  —  Tristan,  M.  Alvary;  Marke,  M.  Wiegand  ; 
Kurvenal.  M.  Plank;  Iseult,  M""  Sucher  ;  Brangœne,  U""  Siau- 

digl. 

Tannhâuser.  —  Le  landgrave,  M.  Doring  ;  Tannhâuser, 
MM.  Alvary  et  Van  Dyck;  Wolfram,  MM.  Reicimiann  cl  Sclieide- 
mantel;  Wallher,  M.  GrUning;  Biierolf,  M.  Lipc;  Henri,  M.  Zel- 
1er;  Reinmar,  M.  Schlosser;  Vénus,  M"""  Mcilhac  el  Su«her; 
Hirte,  M""  de  Ahna  et  Herzog. 

Le  rôle  d'Elisabeth  n'est  pas  encore  distribué. 


Le  Comité  belge  de  l'Association  wagnérienne  universelle  fait 
appel  à  l'esprit  de  propagande  de  ses  adhérents.  Bien  que  le 
nombre  de  ses  membres  se  soit  accru  au  cours  de  l'année  der- 
nière il  importe  d'augmenter  encore,  par  des  inscriptions  nou- 
velles, les  ressources  de  l'Association.  On  espère  arriver  à  réunir 
les  fonds  nécessaires  pour  monter  à  nouveau  en  1892,  l' Anneau 
du  Nibelung.  Rappelons  que  la  coiisation  annuelle  n'est  que  de 
8  francs.  S'adresser  au  Secrétariat,  rue  Joseph  II,  39,  Bruxelles. 


ONZIÈME  ANNÉE 

L'ART  MODERNE  s'est  acquis  par  l'autorité  et  l'indépendance  de  sa  critique,  par  la  variété  de  ses 

informations  et    les  soins  donnés   à  sa   rédaction   une  place  prépondérante.   Aucune  manifestation  de  l'Art  ne 

lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  de  peinture,  de  soulpture,  de  gravure,  çle  ihusique, 

d'architecture,  etc.  Consacré  principalement  au  mouvement  artistique  belge,  il  renseigne  néanmoins  ses 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  l'étranger  qu'il  importe  de  connaître. 

Chaque  numéro  de  L'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  question  artistique 
ou  littéraire  dont  l'événement  do  la  semaine  fournit  l'aotualité.  Les  expositions,  les  livres  nouveaux,  les 
premières  représentations  d'œuvros  dramatiques  ou  musicales,  les  conférences  littéraires,  les  concerts,  les 
ventes  dobjets  d'art,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  Il  rend  compte  des 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribanaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complote  des  expositions  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  Il  est  envoyé  gratuitemont  à 
l'essai  pendant  un  mois  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande. 

L'ART  MODERNE  forme  chaque  année  un  beau   et  fort  volume  (TéirvirOn  -IBO  '{Mlle»,  Arec  table 

des  matières.  Il  constitue  pour  l'histoire  de  l'Art  le  document  LE  PLUS  COMPLET  et  le  recueil  LE   PLUS 

FACILE  A  CONSULTER. 


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Quelques  exemplaires  des  dix  premières  années  sont  en  vente  aux  bureaux   de  L'ART  MODERNE, 
rue  de  l'Industrie,  32,  au  prix  de  30  francs  chacun. 


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Camille  de  Saint-Safns,  Lisit,  Richard  Wagner,  Rubimtein,  Joa- 
chim,  Wilhelmj,  Ed.  Grieg,  Ole  Bull,  A.  Essipo/f,  Sofie  Meuter, 
Bésirie  Artôl,  Pauline  Lucca,  Pablo  de  Sarasale,  Ferd.  Hiller,  D. 
Popper,  sir  F.  Bcnedicl,  Leschetilihy,  Napraouik,  Joh.  Selmer,  Joh. 
Si>endse>i,  K.  Rundnogel,  J.-O.-E.  Stehle,  Ignace  BrOll,  etc.,  etc. 

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Publications  de    la   Conférence  dn   Jenne  Barreau 

de  BmxeUea. 

LIVRE  D'OR 

IN  MEMORIAM 

Un  volume  de  luxe  tiré  sur  papier  teinté  de  cuve  spéciale,  format 
in-4°,  destiné  A  perpétuer  le  souvenir  des  Fêtes  Jubilaires  de  la  Con- 
férence (14  février  1891),  et  contenant  notamment,  outre  le  récit  de  la 
journée  anniversaire,  le  fac-gimile  d'autographes  inéditi  et  spéciaux 
de  quelques-uns  des  Maîtres  du  Barreau. 

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Méli-mélo  judiciaire  en  un  acte  et  deux  tableaux,  composé  et 
représenté  à  Bruxelles,  au  Théâtre-Communal,  les  14  février  et 
14  mars  1891  par  des  membres  de  la  Conférence  du  Jeune  Barreau. 
Cette  Revue,  illustrée  d'un  frontispice  de  M.  Th*o  Van  Ryssbl, 
BBRoaK,  formera  un  élégant  volume  imprimé,  sur  beau  papier- 
format  ïn-fio,  —  Prix  de  souacription  :  fr.  3-50. 

Pour  leur  conserver,  en  même  temps  que  leur  valeur  de  souvenir, 
leur  mérite  l^ibliopbilique,  l'une  el  Vautre  de  ces  publications  ne 
seront  tirée»  qu'au  chiffre  strictement  limité  des  souscriptenrs  et  ne 
seront  pas  réimprimées. 

Adresser  les  demandes  à  M.  Octave  Haus,  directeur  de  la  Confé- 
rence du  Jeune  Barreau,  rue  du  Berger,  27,  Bruxelles. 

Eu  vente  chez  M.  Dimàn,  éditeur  : 

LES  FLAMBEAUX  NOIRS 

PAR  EMILE  VERHAEREN 
avec  un   FRONTISPICE  par  ODILON   RKDON 

Tirage  à  100  exemplaires  numéroiés,  dont  : 

8  exemplaires  sur  japon  Impérial,  numérotés  1  à  8,  prix  : 
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45  exemplaires  sur  papier  de  Hollande  Van  Gelder,  numérotés 
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50  exemplaires  sur  papier  de  Hollande  Van  Gelder,  sans  fron- 
tispice, numérotés  51  à  100,  prix  :  10  francs. 

Ce  volume  termine  la  série  ouverte  par  Us  Soirs  el  les  Débâcles. 


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Onzièmb  anmér.  —  N»  16. 


Lb  NTmâRo  :  26  gentimbs. 


Dimanche  ly  Avril  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


RBVDE  ORIÏÏQUB  DES  ARTS  ET  DE  LA  UTTÉRATDRB 


Comité  de  rédaction  •  Octavb  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Émilb  VERHAEREN 


ABOmtBMXNTB  i   Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,   fr.   13.00.    -  ANNONCES  :    On  traite  i  forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  me  de  l^ndostrle,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


L'A«o»NT.  —  Les  tkaités  de  commebcb.  —  Xavikre,  par  Ferdi- 
nand Pabre.  —  Monticklli.  —  Lk  concours  du  mat  électriqui.  — 
Tr4at*b  dO  Parc.  Madame  Montgodin.  —  A  Vbrvibrs.  —  Aux  XX. 
—  Documents  a  cONsmvm.  —  Pirrre  chronique. 


L'ARGENT 

J'avais  achevé  le  gros  volume,  un  de  plus  de  cette 
série  dont  périodiquement,  annuellement,  comme  la 
mise  bas  des  éléphants  ou  la  ponte  des  condors,  Zola 
laisse  tomber  le  fœtus  géant  ou  l'œuf  monolithe.  Je 
portais  le  souci  de  l'œuvre  :  si  lourde,  si  dédaipeuse 
d'art,  monstrueuse  dans  ses  proportions  ;  ne  sachant 
que  dire  :  car,  pour  l'artiste,  au  sens  habituel  du  juge- 
ment, ob  trouver  le  raffinement,  l'harmonieuse  élégance, 
l'ingéniosité,  l'attouchement  caressant  ou  poignant,  la 
séduction  surtout  par  la  beauté  ou  la  terreur  ou  le 
mystère. 

Rien  que  le  gigantesque,  le  puissant,  le  grandiose 
dans  l'abondance;  le  monotone  gigantesque,  de  volume 
en  volume,  dans  cet  interminahle  conte,  toujours 
impatiemment  attendu  par  la  foule,  avidement  lu 
par  la  foule,  et  laissant  des  impressions  ineffaçables 
de  bataille  et  de  tumulte  :    Histoire  psychologique 


et  sociale  dune  Famille  sous  le  second  Empire. 
Chaque  année  un  coup,  un  seul  coup,  de  cette  déme- 
surée pièce  d'artillerie,  lançant  au  loin,  avec  le  calme 
du  formidable,  un  projectile  énorme.  Et  l'artilleur  se 
remettant,  tout  de  suite,  sans  même  regarder  les 
ravages  de  l'obus,  à  recharger  sa  pièce,  correct, 
mathématique,  en  bon,  vigoureux  et  discipliné  soldat. 

Je  portais  le  souci  de  l'œuvre  !  Que  dire  qui  n'eût  pas 
déjà  été  dit,  ici,  sur  cet  athlétique  destructeur  de  l'ordre 
bourgeois,  sur  l'impassible  assommeur  de  la  classe  qui, 
prenant  sa  fin  pour  la  fin  du  monde  et  sans  voir  ce  qui 
germe  autour  d'elle,  fourmillant,  et  va  l'étouff'er,  a 
nommé  Fin  de  Siècle  notre  temps  de  renouveau  et 
d'espérance?  Zola!  le  socialiste  par  excellence,  battant 
les  remparts  de  l'ordre  social  actuel  avec  la  régularité 
du  bélier  et  de  la  catapulte ,  faisant  brèche  dans  les 
murs  et  dans  les  tours.  Force  et  symbole  se  croyant 
écrivain.  En  réalité,  prophète  et  fléau  de  Dieu.  Moderne 
Ëzéchiel  et  moderne  Attila.  Tamerlan  en  redingote, 
commandant  à  la  multitude  des  idées  qui  ravagent  et 
massacrent,  comme  l'autre  à  ses  hordes  de  Tartares. 

Avec  cette  stature  il  apparaît.  L'appeler  écrivain, 
artiste,  est  un  tel  rapetissement  du  colosse,  que  c'en  est 
risible.  Il  échappe  à  la  littérature.  La  littérature  s'en 
aperçoit  et  commence  envers  lui  le  dédain  des  gens 
chics  pour  les  robustes  prolétaires  qui  vont  à  leur 
matérielle  et  salutaire  besogne  avec  la  ponctualité  et 


l'allégresse  des  forts  et  des  sains.  C'est  un  continua- 
teur étrange  de  Proudhon,  cet  autre  fracasseur  d'ini- 
quités sociales.  C'est  Jacques  Bonhomme,  l'incarnation 
médiévale  du  peuple,  criant  justice,  ressuscité  en  une 
forme  contemporaine,  plus  destructive,  invincible.  C'est 
Adamastor,  géant  des  tempêtes,  criant  à  la  bourgeoisie 
jouisseuse  et  pourrie  sa  destruction  prochaine  en  un 
terrifiant  naufrage.  C'est  un  impérial  pamphlétaire.  Ce 
n'est  guère  un  artiste.  Ce  n'est  un  écrivain  que  parce 
qu'il  écrit. 

Ainsi  je  portais  le  lourd  souci  de  l'œuvre!  Souci 
d'homme,  jugement  d'homme.  Et  j'hésitais  à  dire, 
inquiet  de  dire  mal,  trop,  ou  trop  peu  de  ce  girand, 
tranquille,  inépuisable  faucheur,  redescendu  pour  la 
vingtième  fois,  avec  sa  faulx,  sur  le  champ  immense  de 
nos  sociétés,  et  abattant  flegmatiquement  le  mauvais 
grain,  à  larges  coups  rythmiques  qui  épouvantent. 

Voici  que  de  là-bas,  de  son  coin  de  province,  Elle 
m'écrivit.  Curieuse  âme  de  femme  s'appliquant  au 
même  problème  et  donnant  son  sexe  au  même  sujet. 

Elle  m'écrivit  ceci  : 

Je  ne  sais  pourquoi,  plus  que  tous  ses  livres,  cet 
Argent  m'a  mis  une  lourde  griserie  au  cerveau,  une  de 
ces  impressions  de  fatalité  qu'on  a  quand  on  sort  d'un 
hospice  de  fous.  Le  terrible  homme! 

C'est  si  réel,  si  effroyablement  vrai,  ces  gens  qui  agis- 
sent malgré  eux,  et  c'est  si  faux  pourtant!  Tous,  du 
plus  petit  au  plus  grand,  sont  comme  l'Andreïde  de 
«  l'Eve  future  »  :  une  force  les  pousse  et  ils  vont.  Leur 
compagnie  vous  trouble  comme  celle  des  fous.  Il  doit 
lui-même  être  un  des  fous  éternels,  un  de  ces  enfants 
que  la  mystérieuse  nature  fait,  toute  seule,  quelquefois, 
pour  leur  donner  un  peu  de  la  concentration  de  sa  vie 
à  elle. 

La  moyenne  des  hommes  n'est  pas  sensible  à  ces 
grandes  forces  instinctives,  brutales,  passionnées,  qui 
forcent  le  génie  à  créer,  le  vagabond  à  piller  et  à  tuer. 
L'homme  d'un  seul  instinct  fortement  dominant  !  quelle 
chose  rare  et  de  fabrication  combien  difficile  et  compli- 
quée! Celui-là  n'est  pas  libre.  L'homme  ordinaire  hérite 
de  tant  de  choses,  ses  entraînements  sont  si  multiples, 
partant  si  neutralisés,  qu'il  a  le  temps  et  le  pouvoir  de 
raisonner,  de  balancer  son  petit  intérêt,  sa  petite  reli- 
gion, ses  petites  amours.  Il  choisit,  celui-là.  Ce  n'est  pas 
ça  qui  le  fait  grand.  Au  contraire.  Etre  grand,  en  bien 
ou  en  mal,  c'est  obéir  à  de  puissants  instincts,  obéir 
avec  la  tête  et  le  cœur  et  tout  l'être. 

Que  celui  qui  ne  se  sent  poussé  par  aucun  instinct 
dominant  se  réjouisse;  il  pourra  être,  en  fait  d'honnête 
homme,  ce  qu'il  voudra.  Mais  en  fait  de  grand  homme, 
il  ne  sera  jamais  rien,  pas  même  grand  voleur. 

Dans  Zola,  tout  le  monde  est  un  Rougon-Macquart, 
prédestiné  à  une  seule  fin  —  aveuglément  —  comme  si 
tout  le  monde  était  sous  l'empire  d'une  seule  influence. 


Cette  "  joie  de  vivre  »  de  Madame  Caroline,  ca  ne  vous 
monte-t-il  pas  à  la  tête?  C'est  tellement  inconscient,  chez 
cette  femme  très  consciente  cependant,  que  ça  touche, 
comme  une  religieuse  fatalité.  Eprouvée  comme  elle 
l'éprouve,  sans  l'avoir  jamais  passée  au  creuset  de  sa 
pensée,  on  dirait  une  illumination  de  lagràcequi  réjouis- 
sait les  saints  ;  on  y  sent  le  même  mystère  et  la  même 
douceur. 

Zola  devrait  écrire  l'histoire  des  grands  hommes. 
Personne  mieux  que  lui,  en  ce  siècle,  ne  comprend  l'im- 
périeuse croissance  du  génie. 

En  entendant  César  Franck  par  exemple,  je  retrouve 
ce  fond  instinctif,  involontaire.  Ce  simple  n*a  pas 
voulu  ses  œuvres  ;  le  meilleur  de  ce  qu'elles  contien- 
nent a  passé  à  travers  lui,  venant  d'ailleurs,  d'en  haut, 
d'en  bas,  de  la  Nature,  traversant  l'atmosphère  triste 
de  l'époque.  Cela  se  comprend  clairement  quand  on 
entend  après  lui  un  de  ses  disciples,  héritier  de  sa 
science,  de  ses  -  idées  -.  Esprit  élevé,  sincère,  tempé- 
rament riche,  passionné,  l'élève  a  tout,  mais  il  n'est  pas 
cet  habitant  de  la  «  région  des  égaux  -  qu'est  son  maître. 

Zola  comprendrait  Wagner,  Napoléon,  Jésus,  Sha- 
kespeare et  devrait  les  décrire,  puisqu'on  dit  le  Roman 
usé,  —  il  ne  comprendra  et  ne  peindra  jamais  la  moyenne 
d'Humanité. 


LES  TRAITÉS  DE  COMMERCE 

Qu'oni-ils  de  commun  avec  l'art  el  FArt  moderne?  Passez 
cela,  nous  dira-l-on,  k  Vlndiulrie  moderne. 

Voici.  A  la  question  de  la  dénonciation  et  du  renouvellement  du 
traité  de  commerce  avec  la  France,  on  a  mêlé,  en  Belgique,  comme 
élément  de  discussion  el  arme  de  combat,  la  dénonciation  de  la 
Convention  littéraire  qui  lie  les  deuxpays.  Dans  une  lettre  récente 
adressée  il  la  Réforme,  M.  Louis  Strauss,  entre  autres,  un  des 
leaders  de  ce  débat,  disail  :  «  Nous  pourrions  répondre  k  la 
guerre  par  la  guerre,  en  changeant  notre  loi  de  \  886  sur  la  pro- 
priété littéraire  et  obliger  dans  l'avenir  les  auteurs  français  à 
faire  imprimer  leurs  ouvrages  en  Belgique,  pour  maintenir  leurs 
droits  chez  nous.  » 

La  Réforme,  il  est  vrai,  faisait  observer  :  «  que  la  question  des 
représailles  par  piraterie  littéraire  n'offre  pas  d'intérêt  pratique 
el  doit  rester  une  menace  platonique  ï  brandir  le  cas  échéant 
devant  les  yeux  des  protectionnistes  français.  » 

Hais  tout  cela  est  entré  dans  le  monde  littéraire  parisien  et 
boulevardier  et  y  a  été  apprécié  avec  les  déformations  habi- 
tuelles el  inévitables.  Une  sourde  opposition  y  gronde  contre 
notre  art  belge,  actuellement  d'un  si  unanime  et  si  brillant  essor, 
et  ce  nouvel  aliment  active  le  feu.  On  avait  déjk  vu,  à  l'époqae 
où  Octave  Mirbeau  fit  une  si  belle  entrée  k  Maurice  Maeterlinck, 
des  protestations  contre  l'appui  et  les  louanges  données  aux 
littérateurs  belges.  M.  Paul  Adam  fut  un  des  protagonistes  de  ces 
résistances  :  voir  l'Art  moderne  de  4890,  p.  274,  et  il  faut 
reconnaître,  avec  regret,  que  le  mouvement  qu'il  a  commencé 
s'accélère.  Un  ami,  très  répandu  là  bas  dans  le  monde  artistique, 


■:OT^^|Ê^»^»P^PJ?M!?JiK.-u-,v  ,<■  ,^ 


L'ART  MODERNE 


125 


altirail  ces  jours  derniers  très  siacèremeol  noire  allention  sur  ce 
revirement.  Il  nous  disail  :  u  Les  ariistes  et  les  écrivains  belges 
doivent  s'attendre  k  peu  de  bienveillance  durant  les  temps  pro- 
chains. On  leur  cherchera  noise,  on  leur  chicanera  tout.  Ce  sera 
comme  çb  pour  les  Livres,  ce  sera  comme  çà  au  Salon,  pour  nos 
peintres  et  nos  sculpteurs.  Le  chauvinisme  aura  sa  revanche, 
doublée  des  préoccupations  de  la  coneurrence.  » 

Il  est  bon  d'être  averti.  Déjk  dans  le  dernier  numéro  de  la 
Revue  indépendante  (très  bien  fait,  très  avancé;  il  s'y  trouve 
notamment  un  articleTeituarquabie  de  Vittorio  Piea  sur  U*  Moder- 
nes Byzantin*  :  Stéphane  Mallakmë),  nous  lisons  ces  deux  notes 
sommaires  et  dédai|;oeuses  (p.  400)  : 

«  La  Flûte  à  Siebel,  par  Max  Waller.  Lacombiez,  éditeur.  — 
Ces  vers  posthumes  ne  méritent  pas  de  survivre  i  leur  auteur. 
Il  eût  été  sage  de  leur  laisser  dormir  le  bon  sommeil  de  l'oubli. 

«  2^  Don  d^enfànce,  par  Fernand  Severin.  Lacombiez,  éditeur. 
—  Des  vers  de  grftce  et  de  tendresse,  un  naturalisme  frêle  et  dé- 
licat, une  mélancolie  an  peu  affectée  et  très  douce,  très  naïve,  de 
très  simples  choses  dites  en  un  style  mi-flou,  mi-nerveux.  Çà  cl 
\ii  quelques  efforts  vers  la  couleur,  la  sonorité,  le  vocable  rare,  la 
syntaxe  complexe.  Mais  au  fond  el  par  dessus  tout  ce  primitif 
épris  de  nuances  et  de  mièvrerie  semble  habiter  ce  livre  qui, 
s'il  donne  peu,  promet  beaucoup.  » 

Vraiment,  c'est  beaucoup  de  parti  pris,  spécialement  i  l'égard 
de  l'œuvre  absolument  remarquable  de  Fernand  Severin. 

Attendons  l'orage.  On  est  désormais  très  solide  en  Belgi- 
que. La  ruche  artistique  y  bourdonne  avec  une  ardeur  incom- 
parable. Nous  croyons  que  présentement  aucun  pays  au  monde 
ne  donne  un  exemple  de  pareille  activité.  H  y  a  des  dissidents, 
celtes,  qui  tirent  en  arrière,  mais  ils  ne  comptent  plus  guères. 
Ils  parlent  sans  être  écoulés  dans  le  désert  de  leurs  feuille- 
tons et  de  leurs  chroniques.  Partout  les  jeunes  marchent  en  avant, 
la  bouche  pleine  de  chants  d'espérance  et  de  victoire  et  le  public 
devient  attentif  et  sympathique  à  ces  multiples  tentatives  de  se 
débarrasser  des  mainteneurs,  c'est-à-dire  de  ceux  qui  rêvent  un 
art  classique  immuable  dans  un  pays  (le  pays  où  l'on  s'ennuie) 
transformé  en  Académie. 

Si  les  encouragements  et  les  applaudissements  qui  depuis 
quelques  années  nous  venaient  de  France,  et  qui  certes  nous 
étaient  précieux,  nous  manquaient,  nous  saurions  persister 
quand  même;  notre  situation  ne  serait,  en  effet,  poini  pire  alors 
qu'à  l'époque  peu  lointaine  où  l'on  n'avait  pour  le  Belge  que 
sarcasme  et  banales  plaisanteries.  Ne  nous  sommes  nous  point 
tiré*  d'afiaire  malgré  ces  misères?  Nous  saurions  aujourd'hui  le 
faire  mieiix  encore,  car  nous  somRtes  devenus  quelque  chose.  Puis 
notre  originalité  y  gagnerait  sans  doute  et  ceci  n'est  pas  peu  de 
chose. 

Donc  au  petit  bonheur.  Et  dans  tous  les  cas,  qu'elle  nous  soit 
favorable  ou  malveillante,  juste  ou  inique.  Honneur  à  la  France 
des  arts  :  Salve  Oallia,  mater  et  regina! 


XAVIËRE 

par  FiRDiNAND  Fabre.    —  Un  vol.  de   308   p.    —   Bibliothèque 
Charpentier,   189i. 

On  sait  que  M.  Ferdinand  Fabre  s'est  constitué  le  romancier  des 
moeurs  ecclésiastiques,  et  qu'il  l'a  fait  avec  une  impartialité  et 
une  compétence  auxquelles  la  critique  s'est   plu   depuis  long- 


temps à  rendre  hommage.  En  1886,  M.  Jules  Lemallre  écrivait  : 
«  M.  Ferdinand  Fabre  est  un  peintre  incomparable  des  prêtres  cl 
des  paysans;  s'il  tente  d'autres  peintures,  s'il  aborde  Paris 
(comme  dans  certaines  pages  du  Marquit  dePierrerue),  il  y  paraît 
gauche  el  emprunté.  C'est  qu'il  a  eu  deux  nourrices  :  la  montagne 
et  l'Église.  Il  est  lui-même  un  montagnard  poète  qui  a  failli  être 
prêtre.  Je  soupçonne  que  c'est,  au  fond,  l'amoureux  de  la  nature 
qui  a  détourné  le  lévite;  que  c'est  Cybèle  qui  l'a  enlevé  à  Dieu. 
Sans  doute,  il  était  trop  ivre  de  la  beauté  do  la  terre  pour  devenir 
le  ministre  d'une  religion  qui  sépare  si  absolument  Dieu  du  monde 
visible.  La  nature  est  une  grande  hérésiaque  :  elle  nie  l'indignité 
de  la  matière.  L'œuvre  de  M.  Ferdinand  Fabre  n'en  reste  pas 
moins  «  une  »,  car  il  n'a  dit  que  les  sentiments  les  plus  simples 
—  ou  les  plus  sérieux;  il  n'a  peint  que  les  âmes  qui  suivent  le 
mieux  la  nature,  ou  celles  qui  s'élèvent  le  plus  au  dessus.  Il  a 
peu  connu  les  autres,  et  la  vie  moderne  passerait  presque  tout 
entière  entre  ses  pastorales  el  ses  drames  cléricaux  (1).  » 

C'est  tout  à  la  fois  une  peinture  ecclésiastique,  une  pastorale  el 
un  drame  que  le  livre  nouveau  de  M.  Ferdinand  Fabre.  Dans 
un  paysage  virgilien,  au  bord  des  sources,  sous  les  arbres  sécu- 
laires des  châtaigneraies  d'une  vallée  reculée  des  Cévcnnes  se 
meuvent  ses  personnages,  très  simplement  bons  ou  mauvais, 
comme  dans  les  pastorales  antiques  :  la  petite  Xavière  Ouradou 
el  son  Landry  s'aiment  de  tout  leur  cœur,  el,  sans  penser  à  mal, 
s'embrassent  dans  les  coins,  pendant  que  Benoîte  Ouradou,  la 
mère,  et  Anastasc  Landrinier,  père  de  Landry,  qui  s'aiment  moins 
naïvement,  complotent  de  fjire  disparaître  la  douce  Xavière  pour 
jouir  de  son  héritage  ;  et  le  noir  dessein  s'accomplit,  oh  !  très 
simplement  aussi  :  à  la  tombée  de  la  nuit  la  jeune  fille  est 
envoyée  sur  un  grand  arbre  pour  recueillir  les  cliiiaignes  demeu- 
rées après  la  récolte,  el  quand  elle  s'est  avancée  sur  une  branche 
flexible,  Aoastase  Landrinier  en  tire  l'extrémité  vers  le  bas  et 
l'eafant  fait  une  chute,  dont  elle  meurt.  Tout  cela,  pour  être  l^ien 
champêtre,  n'est  guère  compliqué,  mais  aussi  ce  n'est  que  le  cadre 
épisodique  destiné  à  mettre  en  relief  le  caractère  du  vénérable 
abbé  Fuleran,  curé  de  la  paroisse.  En  réalité  c'est  de  lui  qu'il 
s'agit;  comme  en  une  miniature  de  la  Légende  dorée,  son  évan- 
gélique  figure,  si  bienveillante  et  si  austère,  apparaît  entourée  de 
l'auréole  des  saints  et  éclaire  tout  le  tableau.  Il  est  de  la  famille 
de  l'abbé  Courbezon,  de  l'abbé  Céleslin  et  autres  créations  de 
M.  Fabre  qui  a  su  montrer  en  eux  tant  d'humilité  et  de  candeur 
jointes  au  sentiment  le  plus  élevé  des  responsabilités  et  des 
devoirs  de  leur  mission  sacrée.  Comme  eux,  l'abbé  Fuleran  est 
étranger  aux  intérêts  pratiques  de  l'existence  et  sa  pensée  plane 
sans  cesse  tu  dessus  de  la  terre  dans  la  divine  contemplation.  Si 
sa  ménagère  Prudence  ne  veillait  avec  une  parcimonie  jalouse  à 
son  avoir,  il  se  dépouillerait  de  tout  dans  sa  ferveur  de  charité  el, 
en  dépit  de  Prudence,  qui  l'ignore,  il  a  contracté  à  Lyon,  pour 
l'ornementation  de  son  église,  une  dette  qu'il  ne  sait  comment 
payer,  mais  il  compte  sur  la  Providence,  et  même  il  songe  à  faire 
faire  encore  une  statue  du  petit  Jésus  pour  la  placer,  comme  signe 
de  revendication,  sur  une  fontaine  dont  un  archéologue  a  eu 
l'impiété  de  traduire  par  Fontaine  de  Jupiter  riDscription 
presque  effacée  fons.  j.  qui  signifie  évidemment  Fontaine  de 
Jétus.  Ainsi  sa  tendresse  de  cœur  pour  la  nature  ne  se  sépare  pas 
de  ses  élévations  religieuses.  Il  est  tout  attristé  que,  bien  qu'il  ait 
invoqué  de  toute  son  âme  saint  François  d'Assise  pour  obtenir  de 

(1)  JuLBS  Lemaitre.  Les  Contemporains,  deuxième  série,  p.  329. 


J26 


L'ART  MODERNE 


lui  ressembler,  les  oiseaux  ne  le  connaiscent  pas.  Et  quelle  page 
charmanie  que  celle  où  il  s'humilie  parce  que,  pour  féliciler 
dignement  un  de  ses  condisciples  promu  k  l'épiscopal,  il  a  voulu, 
à  l'exemple  de  Jean-Jacques  Rousseau,  demander  l'inspiralion  au 
grand  air  el  composer  sa  lellre  à  la  vue  des  champs!  Il  revient 
avec  deux  feuillels  sur  l'un  desquels  se  trouve  écrit  seulement  : 
a  Mon  cher  ami  »,  el  sur  l'autre  «  Monseigneur  »,  el  il  reconnaît 
que  Dieu  a  frappé  son  esprit  d'impuissance,  parce  qu'il  a  essayé 
d'imiter  la  recette  d'un  impie.  Mais  ce  prôlre  doux,  hésitant, 
timide,  devient  un  justicier  lorsque  les  intérêts  de  la  morale  sont 
en  cause  el  il  revendique  sa  souveraineté  sur  les  Ames  avec  des 
paroles  d'apôtre. 


MONTIGELIil 

Paul  Arênc,  dans  une  de  ses  dernières  chroniques  du  OU  BUu, 
esquisse  la  silhouette  de  Monticelli,  le  mystérieux  peintre  marseil- 
lais dont  les  XX  montrèrent  quelques  loiles,  voici  trois  ans  : 

Le  moyen  de  se  taire  et  de  ne  pas  dire  l'élonnemenl  oii  ivous 
plongent  certains  caprices  de  la  fée  Peinture  quand  on  voit 
comme  je  l'ai  vu,  à  la  vente  Burty,  se  vendre  près  de  dix  mille 
francs  un  tableau  dont,  l'été  dernier,  vous  auriez  eu  pour  cent 
francs  le  pareil  sur  la  Canebière! 

Pauvre  Monlicelli!  Rirait-il  assez  dans  sa  barbe  blanche  en 
apprenant  que  Paris  couvre  d'or  ses  toiles,  naguère  seulement 
connues  de  quelques  initiés,  chefs-d'œuvre  éblouissants  el  indécis, 
moins  exécutés  que  rêvés  el  sujçgeslifs  comme  une  musique. 

Burty  qui,  malgré  ses  airs  de  doux  bonze  el  son  petit  ventre 
bedonnant,  fut  toujours  homme  d'audace  et  d'avant-garde  (n'est-ce 
pas  lui  avec  Concourt  qui  nous  découvrit  le  Japon?),  me  mon- 
trait un  jour,  à  son  premier  du  boulevard  Clichy,  des  bijoux  cise- 
lés, des  bronzes  et  des  laques,  les  caressant,  les  retournant,  les 
mettant  en  belle  lumière  et  jouissant  à  la  fois,  amanl  raffiné,  par 
le  loucher  et  le  regard. 

Puis  les  précieux  bibelots  remis  sous  clef  derrière  le  cristal 
épais  des  vitrines,  nous  passâmes  à  de  plus  sérieuses  merveilles. 

C'était  l'album  du  voyage  de  Delacroix  au  Maroc  :  croquis  pris 
en  selle,  en  bateau,  où  se  sent  la  trépidation  du  roulis  el  de  la 
marche  ;  hiéroglyphiques  notations  indiquant  le  ton  des  plans  et 
des  lointains,  l'état  de  l'atmosphère,  la  forme  étrange  d'un  nuage. 
C'étaient  encore  des  faïences,  des  terres  cuites,  des  peintures,  une 
entre  autres  glorieusement  encadrée  el  que,  tout  de  suite,  je 
reconnus. 

Burty  l'entourait  de  mystère  : 

—  C'est  de  Monlicelli,  me  dit-il,  un  peintre  bizarre,  inconnu, 
mort  depuis  longtemps,  dont  les  productions  deviennent  inlrou- 
vables. 

Et  bravement,  sur  la  foi  de  je  ne  sais  quels  renseignements,  il 
m'esquissait,  à  propos  de  Monlicelli,  la  plus  fabuleuse  des  bio- 
graphies. 

Je  le  laissais  aller,  mais  quand  il  eut  fini,  prenant  la  parole  à 
mon  tour  : 

—  Excellent  Monticelli  !  dire  qu'il  y  a  huit  jours,  je  mangeais 
avec  lui  des  oursins  à  Marseille. 

—  Avec  lui?  Il  est  donc  vivant? 

—  Tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  vivant  ;  demandez  plutôt  à  Ziem, 
qui  l'estime  fort  et  m'a  fait  faire  sa  connaissance. 

Burty,  quelle  que  fût  sa   douceur  d'âme,  me  parut  d'abord 


fiché  de  savoir  que  Monticelli  l'obaUntil  k  viTre  ;  pooriant  son 
accès  de  mauvaise  bumeor  se  dissipa  assez  vile,  et  curieux,  il 
m'interrogea. 

Je  dus  lui  décrire  Monticelli,  ses  lonf[s  cheveux,  son  feutre  i 
grands  bords,  son  existence  d'artiste  solilaiiv  el  fier,  «niquemenl 
amoureux  du  grand  air,  dea  vives  couleurs  et  de  la  lumière. 

Je  lui  racontai  qu'il  gagnait  son  pain  quotidien  en  brossant  de 
petits  tableaux  aussitôt  vendus,  ô  pas  cher!  dix  francs,  quinze 
francs,  dans  les  cafés  ou  dans  la  rue,  au  premier  ami  rencontri  ; 
et  comme  quoi  sa  principale  clientèle  étaient  les  pécheurs  du  quar- 
tier Saint-Jean,  qui  avec  un  vague  et  toucbanl  inatincl  d'art,  sans 
avoir  besoin  de  comprendre  le  sujet,  un  peu  aussi  par  sympathie 
pour  ce  brave  artiste  «  peuple  »  comme  eux,  aiment  suspendre 
aux  murs  sombres  de  leur  logis,  entre  une  rame  et  nne  parangre, 
ces  petits  carrés  éblouissants  dont  l'harmonieux  éelal  leur  rap- 
pelle les  grandes  clartés  du  large,  les  pourpres  du  ciel  au  cou- 
chant, les  phosphorescences  de  la  mer. 

Monlicelli  mourut,  puis  Burty  partit  i  son  tour. 

Mais  quoique  Monticelli  soit  mort,  de  braves  graa,  sans  doute 
pour  faire  plaisir  aux  pécheurs,  n'en  continuent  pas  moins  i 
fabriquer  des  Monlicelli.  Les  Monticelli,  vrais  ou  faux,  abondent 
i  Marseille  ;  et,  me  disait  hier  le  poète  Auguste  llarin,  on  pour- 
rait en  charger  un  bateau  comme  on  fait  des  cailloux  coloriés  que 
la  mer  roule  el  polit  sur  la  plage  de  Bonneveine. 


Le  ctncours  du  mât  électrifue 

En  vérité  la  ville  de  Bruxelles  semble  avoir  juré  de  discréditer 
l'institution  des  concours  publics  et  de  décourager  ceux  qui  y 
prennent  part.  Les  conditions  du  concours  du  mtt  électrique  de 
la  Grand'place  avaient  déjk  provoqué  de  vives  réclamations  parmi 
les  artistes,  et  voici  que  les  décisions  que  vient  de  prendre  la  sec- 
tion des  Beaux-Arts  montrent  chez  celle-ci  une  désinvolture  peu 
compatible  avec  la  mission  dont  elle  est  chargée. 

Un  jury,  régulièrement  constitué  el  composé  de  MM.  De  Groote 
et  Vinçolte,  sculpteurs,  Beyacrt  et  Jamaer,  architectes,  el  Wybauw, 
ingénieur-électricien,  avait  examiné  les  treize  maquettes  envoyées 
el,  après  mOre  délibération,  avait,  à  runanimiu,  désigné  pour 
être  exécuté  le  projet  portant  pour  devise  Prato,  pais  classé 
second  un  autre  projet;  il  ne  reslail  plus  il  la  section  des  Beaux- 
Arts  qu'à  ratifier  ce  jugement,  lorsque  l'on  apprit  avec  stupéfac- 
tion qu'elle  avait  annulé  le  concours,  prétextant  qu'aucun  projet 
ne  remplissait  les  conditions  voulues.  Singulière  situation  pour  ce 
jury,  de  haute  compétence  en  matière  d'an,  et  qui  voit  ses  déci- 
sions cassées  par  un  groupe  de  conseillera  communaux  dont  l'édu- 
cation artistique  peut  certes  être  mise  en  dodte;  si  la  section 
était  décidée  ii  émettre  un  vote  si  tranchant,  quel  besoin  avait-elle 
de  convoquer  lin  jury  spécial?  Elle  a  évidemment  outrepassé  son 
droit  qui,  strictemenl  entendu,  devait  se  borner  ii  entériner  le 
jugement,  sauf  à  décider  la  non  exécution  du  projet  classé 
premier. 

La  conséquence  de  tout  ceci,  c'est  que  des  suppositions  bizarres 
prennent  corps,  que  les  artistes  découragés  lâchent  de  mettre  en 
lumière  les  dessous  de  cette  atbire  et  qu'ils  en  sont  k  se  deman- 
der s'il  n'existe  pas  quelque  part  un  projet  de  mftt  qui  a  les  sym- 
pathies de  l'Administration  ;  mais,  alors,  pourquoi  avoir  fait  ce 
concours?... 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  inadmissible  que  le  vole  bizarre  de  la 


R'WïÎhSP^  :'^,     ~ '■*  i?lr'"3£*S!8'iW7^^*' '^^^^^^        Pi 


•■  iif!fm  f-'Ti,  -Vi^-f  ',:  ' 


L'ART  MODERNE 


127 


loclion  pilve  1m  inteun  dei  deux  meilleuri  projeu  deiprimude 
t,000  frann  et  de  ftOO  francs  que  lejar;,  par  son  choix,  leur 
aUribue;  c'eal,  du  reate,  une  maigre  compeusalioa  des  fraia 
éaormes  qu'a  enlratnés  l'exëcalion  de*  maqueues;  il  serait  juste 
de  ta  leur  aecorder. 

Eo  raiaon  des  décisions  coniradictoirea  du  jor;  et  de  la  seciion, 
une  exposition  des  projets  s'impose  ;  les  artistes  et  le  public  pour- 
ront ainsi  apprécier  de  quel  cété  se  trouve  la  vérité,  et  nous 
comptons  bien  que  le  Collège  ne  leur  refusera  pas  cette  satis- 
faction. 


MAPAMB  MOMTOODm 

Madame  Montgodin  n'est  pas  pins  du  théâtre  que  U  Foyanede 
SuxitU.  Des  trucs  si  usés,  i^  plaisanteries  ai  entendues,  dans'le 
fond  sinon  dsns  la  forme  même,  une  telle  insanité  finale  de  toute 
idée,  de  toute  impreuion,  que  l'on  sort  du  Psrc  en  se  deman- 
dant :  ■  En  définitive  qo'ai-je  entendu  ?  Psr  quoi  me  suis-je  laissé 
rendre  attentif  pendant  trois  heures?  » 

Une  représentation  ne  peut  avoir  de  succès  que  si  elle  répond  b 
l'une  de  ces  quatre  conditions  :  être  bien  jouée,  être  amusante, 
avoir  une  portée  intellectuelle  ou  morale,  ou  représenter  un  spec- 
tacle neuf.  La  pièce  de  Blum  et  Toché  n'entre  dans  aucune  de  ces 
catégories.  C'est  on  méchant  vaudeville  dont  on  rirait  au  théâtre 
du  Passage,  mais  qui  crispe,  entendu  dans  la  salle  du  Parc,  notre 
plus  grande  scène  après  la  Monnaie,  celle  qui  doit  être  notre 
petite  Comédie-Française. 

On  comprend  qne  le  directeur  se  soit  laissé  mal  conseiller.  Il  a 
vu  jouer  Madame  Montgodin  6  Paris  par  des  artistes  de  premier 
ordre.  Il  a  faussement  attribué  an  librette  ce  qui  ne  revenait  qu'aux 
acteurs.  Blum  et  Toché  écrivent  pour  des  comiques  qu'ils  con- 
naissent, dont  le  jeii  et  la  mimique  sont  toujours  présents  à  leur 
esprit  et  donne  une  haute  intensité  de  drélerie  aux  phrases  très 
quelconques  par  lesquelles  ils  indiquent  la  charpente  de  leurs 
pièces.  Aussi  quand  d'autres  interprètes  s'attaquent  &  un  même 
morceau  plusieurs  fois  bissé  ailleurs,  ils  produisent  un  peu  le  même 
effet  que  des  paroles  d'opéra  entendues  sans  la  musique. 

Le  genre  d'esprit  de  Madame  Montgodin  est  assez  spécial,  bien 
que  parcimonieusement  distribué  dans  la  pièce.  Il  s'adresse  bien 
k  ces  mêmes  spectateurs  qui,  le  lendemain,  applaudiront  au 
cirque  les  facéties  d'un  clown.  En  pareil  cas,  les  Allemands  feraient 
franchement  de  la  bouffonnerie.  Labiche,  sous  son  gros  sel, 
cacherait  de  la  vie  réelle  et  de  la  morale  bien  penaée  ;  Dumas 
élèverait  le  sujet  &  la  hauteur  d'un  brillant  paradoxe.  Les  fournis- 
seurs habituels  du  Palais-Royal  manient  la  plaisanterie  du  scep- 
tique, blasé  de  l'esprit,  qui  se  veut  supérieur  aux  gobeurs  des 
choses  intellectuelles,  et  pour  cela  se  rejette  sur  des  banalités 
insignifiantes,  qu'il  fait  souvent  admettre  i  cause  de  prétendues 
arrière-pensées  tout  i  fait  absentes.  Cette  plaisanterie  dédai- 
gneuse et  vide  fait  penser  it  ces  fils  de  famille  qui  abandonnent 
l'idée  et  l'art  pour  le  sport,  l'exercice  des  muscles,  la  meilleure 
lame.  C'est  du  développement  physique,  mais  c'est  tout.  Il  existe 
an  rire  de  celte  même  espèce,  et  on  le  retrouve  nn  peu  trop  dans 
Madame  Montgodin. 


^    Yet^VlERg 
{Corretpondance  particulière  de  l'Art  moderne.) 

La  ville  de  Verviers  a  fondé,  en  1873,  une  École  de  musique 
dont  elle  a  confié  la  direction  à  M.  Louib  Kefer.  La  population 
de  cette  institution  est  actuellement  de  708  élèves  :  c'est  1^  un 
résultat  d(^  ii  l'impulsion  essentiellement  artistique  donnée  par  le 
directeur  &  l'établissement,  qui  commence  à  fournir  de  premiers 
sujets  presque  tous  les  orchestres  des  grandes  villes. 

Jeudi  dernier  une  grande  solennité  musicale  avait  été  organisée 
k  l'occasion  de  la  distribution  des  prix. 

Au  programme,  le  4"  acte  de  Lohengrin  tout  entier,  interprété 
par  une  masse  chorale  et  instrumentale  d'environ  200  exécuiaols. 
Les  solistes  étaient  M"**  Lamboray  et  DelSaute,  MM.  Duyzings, 
Bussy,  Bouxman  et  Sme<>siers.  On  a  beaucoup  admiré  l'excel- 
lente méthode,  le  style  élfvé  et  la  voix  si  pure  de  ce  dernier. 
M*'*  Lamboray  et  M.  Bouxman  ont  aussi  droit  à  tous  nos  éloges. 
Mais  ce  que  le  public  a  le  plus  goûté  et  le  plus  applaudi,  c'est 
l'ensemble,  la  cohésion,  la  perfection  de  l'exécution  ;  elle  a  dissipé 
bien  des  préventions  contre  Wagner  et  pour  ceux  qui  ne  le 
connaissaient  pas  encore,  elle  a  été  une  vraie  révélation.  Les 
chœurs  et  l'orchestre,  entraînés  par  la  magistrale  direction  de 
Kefer,  qui  a  surveillé  avec  un  soin  extrême  les  éludes  préparatoires 
en  prenant  soin  d'initier  son  personnel  au  caraclère  de  l'œuvre 
i  la  poétique  wagnérienne,  ont  été  réellement  merveilleux.  — 
Lohengrin  a  donc  conquis  chez  nous  droit  de  cité  :  félicitons  en 
chaleureusement  l'éminenl  maestro  dont  toute  la  vie  s'inspire 
de  la  continuelle  recherche  des  manifestations  les  plus  éclatantes 
de  l'art  pur. 

Le  concerto  de  violon  de  Max  Bruch  (N.  Angenot),  un  air  du 
Messie  de  Ilaendel  (M.  Bouxman),  le  concerto  pour  piano  de 
Sainl-Saéns,  (M.  Sauvage),  des  Lieder  de  Grieg  et  de  Schubert, 
(Ml'*  Lamboray),  un  duo  de  violon  de  Sarasate  (MM.  Angenot  et 
Deru),  figuraient  à  la  seconde  partie  de  ce  concert  qui  a  été  ter- 
miné par  la  spicndide  «  Marche  des  Fiançailles  »  de  Lohengrin. 


* 
♦  » 


Deux  cercles  de  musique  de  chambre  existent  en  noire  ville  : 
l'un,  dirigé  par  M.  Kefer,  directeur  de  l'école  de  musique,  l'autre, 
par  M.  Massau,  professeur  de  violoncelle  i  la  même  école. 

Tous  deux  ont  donné  d'intéressantes  séances  qui  commencent 
i  être  suivies  assidûment  par  l'élite  de  la  population. 

Récemment,  H.  Kefer  a  organisé  une  réunion  dont  le  programme 
portait  notamment  le  trio  pour  piano  (H.  Duyzings),  violon- 
celle (M.  Massau)  et  clarinette  (M.  Haseneier)  de  Vincent  d'Indy, 
la  sonate  de  César  Franck  pour  violon  (H.  L.  Kefer)  cl  piano 
(M.  Duyzings),  enfin  le  quintette  en  si  bémol  de  Mendelssohn 
(M.  Kefer,  Angenot,  Vousken,  Lelolte  et  Massau),  le  tout  entre- 
mêlé de  romances  de  M.  Duyzings  et  de  l'air  de  la  Somnambule 
que  M"*  AiméeDecerf  a  détaillé  avec  infiniment  de  charme  et  d'une 
très  jolie  voix. 

Ce  programme  est  d'ordre  quelque  peu  composite,  nous  ne 
nous  le  dissimulons  pas  :  il  pourra  faire  frémir  les  purs...,  nova- 
teurs ou  réactionnaires.  Ne  le  discutons  pas  à  ce  point  de  vue  et 
constatons,  en  nous  en  félicitant,  l'immense  succès  qu'ont  obtenu, 
la  profonde  impression  qu'ont  produite  les  œuvres  de  Vincent 
d'Indy  et  de  César  Franck,  toutes  deux  a  leur  première  exécution 
il  Verviers. 


Le  DivertUiemenl,  le  Chanl  éUgiaqut  du  Trio,  de  soufiBe  si 
puissanl,  de  si  haut  vol  —  le  RecUativo  Fanltuia  si  poétique, 
V Allegretto  poco  mosso  si  brillant  et  si  nettement  original  de  la 
Sonate  —  ont  été  Interprétés  dans  des  conditions  de  style,  de  goût, 
de  perfection  qui  ont  mis  en  pleine  lumière  les  beautés  si  neuves 
de  ces  pages  spleodides. 


Aux  XX 

Voici  la  liste  des  acquisitions  faites  au  Salon  des  XX,  avant 
et  pendant  l'exposition  : 

Waltcr  Crâne Pegatus. 

Paul  Dubois Deux  bronzes. 

Id.  Bas-relief. 

Id.  Le  Petit  Alfred. 

Id.  Esquisse. 

James  Ensor Intérieur. 

Id.  Fleur$  et  Fruits. 

Id.  Squelettes. 

Id.  Triomphe  romain. 

Paul  Gauguin Trois  vases. 

Fernand  Khnopff.     .     .     .  Portrait  d'enfant. 

Id.  Etude  de  femme. 

Georges  I.emmen    .   Deux  études  pour  C/Ky«/^rt«Krio«r<;«mi. 
Georges  Minne    ....  Un  dessin. 
Camille  Pissarro  ....  Pont  en  construction  à  Chelsea. 
Georges  Seurat    ....  Chahut. 

Id.  Un  Soir  (chenal  de  Gravelines). 

Id.  Deux  marines. 

Paul  Signac Hcrblay  (Seine  et  Oise). 

Id.  Saini-Cast  (Côtes  du  Nord). 

Id.  Herblay  (Seine  et  Oise). 

Eugène  Smits      .     ...  Le  Bracelet. 

Id.  Bnl  masqué. 

P.  Wilson  Sleer  .     ...  The  Sprigged  Frock. 

Id.  The  Tidal  Pool. 

Id.  Jonquil. 

'd.  The  Rampant  of  Montreuil. 

Ch.  Van  der  Stappen     .     .  Surtout  de  table  exécuté  pour  la 

Ville  de  Bruxelles. 

Id.  M""  A.  D. 

Id.  Arthur  Stevens. 

Vincent  Van  Gogh    .     .     .  Le  Semeur. 

Id-  Verger  d'oliviers  {Aessm). 

Id.  Marine  (dessin). 

Théo  Van  Rysselberghe.     .  Portrait. 

Id.  La  Vallée  de  la  Sambre. 

Id.  Au  Cirque. 

G. -S.  Van  Strydonck     .     .  Trois  portraits  d'enfants. 

Id.  Portrait. 


?^ 


JOCUMENTg    A    CONSERVER 
>'  Liea  Revenants  ■>  d'Ibsen  à  Londres  (1). 
Dédié  aux  Diafoirus  belges. 
Révolte   à  Londres  contre   les  Revenants.  Ibsen  y  a  mis  en 
scène  «  un  pasteur  »,  un  de  ces  vénérables  et  lartuféens  pasteurs 
qui   composent   le   pudibond    mais   prolifère   clergé   anglican. 
Indeirœ! 
Comme  échantillon,  cet  extrait  du  Daily  Telegraph  : 
«  C'est  une  histoire  misérable  et  lamentable,  chacun  en  con- 

(1)  Voir  compte  rendu  dans  l'Art  moderne  du  8  juin  1890;  voir 
aussi  notre  n»  H  de  1891. 


viendra.  Un  homme  de  génie  en  eût  fait  une  tragédie.  Un  égoïste 
maladroit  en  a  fait  simplement  une  comédie  déplorable.  Un  seul 
personnage  nous  intéresse:  celui  deN"*  Alving,  parce  qu'elle  est 
humaine,  ne  passe  pas  tout  son  temps  k  se  lamenter  sur  elle- 
même  et  souflre  quelquefois  en  silence  et  avec  dignité.  Tous  les 
autres  sont  ignobles.  Ibsen  a  fait  \it  un  simple  essai  sur  l'atavisme, 
les  maladies  contagieuses  et  l'inceste,  un  essai  tout  en  longueur 
—  mais  une  pièce?...  Un  essai,  rien  qu'un  essai,  et  un  essai 
profondément  ennuyeux  encore.  Tout  le  monde  prêche  lit-dedans, 
tout  le  monde  réitère  ses  vues  avec  une  obstination  et  une  mo- 
notonie désespérantes. 

«  D'aucuns  vous  diront  qu'Ibseo  sf  rattache  aux  nobles  poètes 
grecs,  chantres  des  fatalités  tragiques  qui  pèsent  sur  la  race 
humaine.  Les  pièces  d'Ibsen,  la  Revenants  en  tète,  sont 
grecques,  comme  un  las  d'ordures  ramassées  k  Delphes,  ou 
comme  un  asile  d'aliénés  établi  à  Nilylène. 

«  Dans  le  monde  lugubre  et  malodorant  d'Ibsen,  tous  les  reve- 
nants sont  des  malfaiteurs  et  des  pleurnichards.  S'il  aime  ii  nous 
montrer  ses  personnages  florissant  au  soleil  de  l'estime  et  de  la 
faveur  publiques,  c'est  uniquement  pour  répandre  autour  d'eux 
des  ténèbres  d'ignominie  et  d'byprocrisie,  et  pour  nous  faire 
croire  que  les  gens  les  plus  considérés  sont  encore  les  plus 
infimes.  Des  cinq  personnages  des  Revenants,  un  seul  n'est 
qu'aux  troisquarts  odieux;  les  quatreautres  lesontcomplètemenl  ; 
le  fils  Alving,  Régine,  le  pasteur  Mandera,  le  père  Engstrand, 
autant  de  brutes  par  le  cynisme,  le  mensonge  ou  l'indécence.  Et 
ce  serait  la  vie,  cela,  ou  de  la  philosophie,  cela?  Cette  ordure 
crapuleuse,  celte  charogne  littéraire.  Il  parait  que  pour  qu'une 
pièce  soit  vraiment  réaliste,  il  faut  qu'elle  nous  oblige  k  nous 
boucher  le  nez!...  Alors,  tant  pis,  le  réalisme  ne  passera  jamais 
chez  nous  ». 


Petite  chro;<ique 


C'est  aujourd'hui,  k  une  heure  et  demie,  qu'aura  lieu,  au 
Théâtre  de  la  Monnaie,  l'iotéressaot  concert  consacré  par 
M.  Dupont  à  la  Jeune  Ecole  française.  Rappelons  qu'on  y  entendra, 
pour  la  première  fois,  Ja  trilogie  de  Wallenstein  de  Vincent 
d'Indy,  Viviane  de  Chausson  et  la  Rltapiodie  Cambodgienne  de 
Bourgault-Ducoudray. 

L'entr'acte  de  Owendoline,  l'ouverture  de  Fiesque  et  le 
Carnaval  romain  complètent  ce  magnifique  programme. 

L'ouverture  de  l'Exposition  du  Cercle  artistique,  qui  devait 
avoir  lieu  hier,  a  été  remise  i  demain,  lundi,  k  2  henrea. 

C'est  demain  également  que  VUnion  des  Arts  décoratif  ouvrira, 
dans  les  salles  du  Musée,  sa  troisième  exposition  annuelle. 

Le  Cercle  Als  ik  Kan  ouvrira  aujourd'hui  k  Anvers  (Salle 
Verlat)  sa  2*«  Exposition  dé  Beaux-Arts.  L'exposition  sera 
ouverte  jusqu'au  26  courant,  de  10  à  S  heures. 

Encouragés  par  le  succès  obtenu  lors  de  la  première  Exposition 
locale,  divers  artistes  et  amateurs  d'art  de  Schaerbeek  se  sont 
groupés  k  l'effet  d'organiser  une  deuxième  exposition,  purement 
artistique  cette  fois.  Les  adhésions  reçues  assurent,  dès  mainte- 
nant, une  manifestation  artistique  de  réel  intérêt. 

Cette  exposition,  organisée  k  Schaerbeek  dans  la  galerie  de 
l'hôtel  situé  rue  Royale  n»  283,  s'ouvrira  le  2  mai  prochain. 


La  réceplion  des  œuvres  se  fera  du  30  au  23  couranl  inclus,  de 
8  heures  du  malio  i  S  heures  de  relevée. 

S'adresser  au  Secrétaire  :  H.  M.  Jacquin,  41,  rue  de  l'Est,  i 
Schaerbeek. 

Le  nouveau  directeur  du  Casino  de  Blankenberghe,  H.  Paul 
Boulvin,  a  des  projets  artistiques  intéressants.  Il  commencera  sa 
campagne  musicale  par  un  festival  exclusivement  consacré  h  Vin- 
cent d'Indy.  On  y  exécutera,  sous  la  direction  dé  l'auteur,  la  trilo- 
gie de  Wallenttein,  la  Symphonie  pour  ochutre  et  piauo  sur  un 
chant  montagnard  fronçait,  la  Fortt  enchantée  et  la  Suite  en  ri. 

Ce  festival  est  fixé  au  3  août. 

L'orchestre,  composé  en  grande  partie  des  musiciens  du 
ihéttrede  la  Monnaie,  et  fort'  bieu  conduit  par  M,  Goettink,  est 
apte  k  jouer  les  oeuvres  les  plus  difficiles  de  la  littérature  musicale 
moderne.  

H.  P.  Delaage  organise  pour  le  30  avril,  k  l'Ëcole  des  BeauK- 
Arts,  une  exposition  générale  de  la  lithographie  depuis  ses  com- 
mencements jusqu'k  nos  jours.  Dans  le  Comité  administratif  figu- 
rent MM.  Jules  Simon,  président  d'honneur,  Jean  Gigoux  et 
Français,  présidents,  Béraldi  père  et  fils,  Bracquemond,  Bonnal, 
Beurdeley,  Hcnner,  Fantin-Latour,  etc.  S'adresser  pour  tous 
renseignements  k  M.  Pierre  Delaage,  33,  avenue  des  Champs- 
Elysées,  k  Paris.  

Le  prochain  spectacle  du  Théâtre-Libre  (37  et  28  avril)  sera 
consacré  au  Canard  lauvage  d'Henrik  Ibsen,  traduit  du  norwé- 
gien  par  MM.  A.  Ephralm  et  Th.  Lindenlaub.  Les  principaux 
rôles  seront  créés  par  MM.  Antoine,  Grand,  Arquillière,  Pons- 
Arles,  Laudner,  M""  France,  Meuris,  etc. 

Le  9  mai,  H.  Antoine  jouera  Nell-Horn,  pièce  en  quatre  actes 
tirée  par  M.  J.-H.  Rosny  de  son  roman  ponant  le  même  titre,  et 
Leurs  Fille*,  deux  actes  de  M.  Pierre  Wolff. 

C'est  M"*  Nau,  tant  applaudie  k  Bruxelles  dans  la  Fille  Elisa, 
qui  créera  le  rôle  de  Nell-Horn. 

M**  Hellman,  une  artiste-amateur  de  grand  talent,  organise 
tous  les  ans,  chez  elle,  des  représentations  wagnériennes  qui  sont 
l'événementdu  Paris  musical.  Cette  année  encore,  les  ISet  14  mai, 
M"*  Hellman  fera  jouer,  avec  décors  et  costumes,  les  i'»  et 
S*"  actes  entiers  de  la  Walkyrie,  sous  la  direction  de  M.  Vincent 
d'Indy. 

Les  répétitions  sont  conduites  activement  et  font  espérer  une 
interprétation  de  choix.  

H.  W.  Mesdag,  le  mariniste  bien  connu,  sait  être  aussi  grand 
seigneur  que  grand  peintre.  Dernièrement,  il  réunissait  l'élite  de 
La  Haye  k  une  fête  orientale  éminemment  artistique  où  l'histoire 
d'Aladin  ou  la  lampe  merveilleuse  était  représentée  en  une  suite 
de  tableaux  vivants,  s'animant  parfois  en  pantomime,  tandis  que 
le  conte,  très  délicatement  arrangé,  était  dit  par  l'écrivain  artiste 
F.  van  Eeden.  Tout  l'arrangement,  la  mise  en  scène,  l'ensemble 
admirable  éuient  dus  aux  peintres  Bauer  et  van  Jer  Maarel  qui 
avaient  su  faire  de  cette  soirée  un  rare  régal  d'art. 

Lire  dans  U  Mercure  de  France  (livraison  de  mars)  un  très 
intéressant  article  signé  G.-Alberl  Aurier,  sur  Paul  Gauguin,  le 
suggestif  artiste  qui  souleva,  au  dernier  Salon  des  XX,  les  cla- 
meurs qu'on  sait. 

Le  33  mars,  un  grand  dîner  a  été  donné  au  café  Voltaire  en 
l'honneur  de  l'arliite,  sous  la  présidence  de  Stéphane  Mallarmé. 


Parmi  les  convives  :  Eugène  Carrière,  Odilon  Redon,  Charles 
Morice,  Jean  Dolent,  Jean  Moréas,  Roger-Marx,  Alfred  Vallette, 
Rachilde,  Trachsel,  Albert  Aurier,  Paul  Serusier,  Ary  Renan, 
Dauphin  Meunier,  Adolphe  Rctié,  Julien  Lccicrc,  Félicien  Champ- 
saur,  Edouard  Dubus,  etc.  etc.  —  40  convives. 

C'était  un  dîner  d'adieu  :  Paul  Gauguin  est  parti  quelques  jours 
après  pour  Tahiti. 

A  la  vente  des  livres  provenant  de  la  collection  Ph.  Burty, 
les  Châtiments  et  NapoÛon  U  Pttit,  exemplaires  de  l'édition 
originale  sur  papier  de  Chine,  ont  été  vendus  l'un  340  francs, 
l'autre  300  francs.  Sur  le  plat  de  la  reliure  en  maroquin  vert  de 
chacun  de  ces  volumes  se  trouvait  incrustée  une  grande  abeille 
brodée  d'or.  Burty  avait  décousu  ces  abeilles  du  trône  même  de 
Napoléon  III  aux  Tuileries,  dans  les  premiers  jours  de  septembre 
1870.  Les  dessins  de  Victor  Hugo  ont  atteint  des  prix  assez 
élevés.  Un  petit  dessin.  Vieux  pont  du  Rhin  à  Rastadt,  avec  une 
grande  signature  dans  un  filet  de  dentelles,  a  été  adjugé  k 
305  francs;  —  Tour  en  ruines,  290  francs;  —  Souvenir  d'une 
vieille  maison  de  bois,  dessin  k  la  plume  et  au  lavis,  300  francs; 
Beffroi  à  DomfronI,  aujourd'hui  démoli,  qui  a  sonné  la  Saint- 
Barthélémy,  390  francs  ;  —  Rue  des  Ddmes  à  Oenive,  dessin  k 
l'encre  et  au  lavis  rehaussé  en  couleur,  399  francs  ;  —  Ruines 
d'un  vieux  château  fort,  40S  francs  ;  —  Château  en  ruines  battu 
par  la  tempête,  deum  pour  les  Sonnets  et  Eaux- fortes,  410  francs. 

On  annonce  la  vente  k  New- York  de  la  nombreuse  collection 
des  tableaux  du  peintre  russe  Verestchagin,  exposée  depuis  deux 
ans  déjk  k  grands  renforts  de  réclame  dans  les  principales  villes 
des  États-Unis,  par  les  soins  de  ï American  Association.  Elle 
aura  lieu  immédiatement  après  la  vente  Brayton  Ivcs.  Le  peintre 
lui-même  se  rend  en  Amérique  pour  présider  k  l'exposition  qui 
aura  lieu  avant  la  vente,  et,  pour  donner  plus  d'importance  k  ce 
voyage,  il  fait  annoncer  que  le  docteur  Charcot  a  beaucoup  hésité 
avant  de  lui  donner  l'autorisation  de  partir.  On  n'a  aucune  idée 
en  Europe  des  annonces  insensées,  des  éloges  outrecuidants  et 
du  charlatanisme  effronté  avec  lequel  toutes  les  toiles  de  ce 
peintre,  plus  que  médiocre,  ont  été  promenées  de  ville  en  ville 
et  présentées  comme  des  chefs-d'œuvre.  D'abord,  l'illustre  artiste 
ne  voulait  les  vendre  k  aucun  prix  et  consentait  seulement  k  les 
montrer;  on  les  avait  entrée»  in-bond,  de  façon  k  ne  pas  payer 
les  droits;  puis  le  succès  de  ces  merveilles  était  tel  que  V Ame- 
rican Association  ne  pouvant  les  garder  in-bond  plus  de  six  mois, 
se  décidait  k  payer  les  droits,  pour  permettre  aux  villes  qui 
n'avaient  pas  eu  l'honneur  de  les  posséder,  l'avantage  de  pouvoir 
les  admirer  k  leur  tour,  mais  elles  n'étaient  toujours  pas  k 
vendre.  Enfin,  le  masque  tombe,  et  voilk  la  collection  qui  va 
passer  aux  enchères.  Les  amateurs  sérieux  ne  donneront  pas  un 
dollar,  mais  combien  de  naïfs  se  laisseront  prendre.  (L'Art  dans 
les  Deux  Mondes  :  21  mars  1891). 

Soixante-sept  tableaux  ou  pastels  de  William  M.  Chase,  exposés 
dans  les  galeries  de  la  cinquième  Avenue,  k  New-York,  ont  été 
vendus  en  vente  publique  le  6  mars.  Ce  sont  des  œuvres  fort 
remarquables,  et,  bien  que  plusieurs  d'entre  elles  soient  plutôt 
des  études  que  des  tableaux,  elles  présentent  un  grand  intérêt  et 
dénotent  un  œil  d'artiste  très  fin  et  très  délicat.  La  vente  a  pro- 
duit seulement  37,725  francs,  résultat  qui  prouve  une  fois  de 
plus  combien  sont  peu  appréciés,  autant  en  Amérique  qu'ailleura, 
les  vrais  artistes. 


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Lindcn,  à  Bebun  ;  i.  M.  Remmelmann.  15,  QuioUett  strasse,  à  Francfort  à/u  ;  à  M.  Sehenkei;  Schotlenring,  3,  i  Vienne  ;  à  A/s»  Se^roehl, 
9,  Kolowratring,  à  Virnnï;  à  Af.  Rudolf  Meyer,  à  Carlsbad;  à  M.Schenher,  Hôtel  Oberpollinger,  â  HumcB;  à  if.  DetoOenoere,  12, 
Pf&Bngerstrasse,  à  Bals;  à  M.  Sterens.  via  S**  Radegonde,  i  Milan. 


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Camille  de  Saint-Saim,  Liait,  Richard  Wagner,  Rubinttein,  Joa- 
chim,  Wilhelmj,  Ed.  Grieg,  Ole  Bull,  A.  Ettipoff,  Sofle  Iteuter, 
Disirie  Artôt,  Pauline  Lucea,  Pàblo  de  Saraeate,  Ferd.  Hiller,  D. 
Popper,  tir  F.  Bmedict,  Le$chetit*ky ,  Napraouik,  Joh.  Selmer,  Joh. 
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M***  Jules  Oestres  d'aprka  une  sculpture  gothi^  (^lia«  8aint-Na- 
laire,  i  Carcasaànne).  —  En  souscription,  pnx  :  10  firancs.  Kke  la 
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OvaÈtiB  AstdM.  —  N*>  17. 


Lk   NUMtoO    :    Sfi   OBNTIMES. 


DiMANCHB  26  Avril  1801. 


MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


RBVDB  ORITIQDE  DBS  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  •  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABOHNSMENTS  :   Belgique,   un   «n,   fr.   10.00;  Union  postale,   fr.    13.00     —  ANNONCKS  :    On  traite  i  forfait. 


Adresser  toutes  les  communicatioru  à 
l'administration  oAnébalb  de  l'Art  Moderne,  me  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


Eaittnv  Rosu.  —  La  cx>u.acTioN  BuissBasT.  —  Thoisimi  concert 
popolàiu.  —  Exposition  du  Cercle  artistique.  —  Antonia  de 
M.  Bmuaro  Dujardin.  —  Expositions  a  Paris.  —  Petite  chronique. 


Ernesto  ROSSI 

Sar  les  couvertures  de  telles  traductions  de  pièces 
vendues  au  Théâtre  communal,  on  peut  lire  la  liste  des 
tragédies,  drames  et  comédies  jouées  par  Rossi.  Cette 
liste  forme  son  répertoire  ;  les  noms  les  plus  divers  s'y 
rencontrent  :  Shakespeare,  Scribe,  Galderon,  Sue, 
Comaille,  Dumas.  A  songer  combien  Hossi  se  multiplie 
en  personnages  leur  donnant  la  vie,  non  pas  la  sienne 
mais  la  leur,  on  parvient  à  se  &ire  l'idée  gigantesque 
de  cet  homme.  Par  son  jeu,  par  ses  gestes  et  sa  voix,  il 
est  on  ressnioitear  de  mondes  tout  comme  un  Balzac 
ou  un  ShaJ^espeare  en  sont  les  créateurs.  Il  est  les 
siècles.  Tonte  l'histoire,  il  la  sort  des  livres,  il  l'anime, 
il  la  fond,  et  ce  miracle  s'impose  de  voir  un  contem- 
porain d'une  pensée  immémoriale  se  donner  à  la  foule, 
chaque  soir,  pendant  quelques  heures  d'inappréciable 
évocation. 

Nous  l'aTons  vu  quand  il  vivait  Othello,  Louis  XI, 
Kean,  Richelieu,  Lear,  Ivan-le-Terrible.  Il  nous  venait 
du  fond  des  passés  noirs,  comme  un  portrait  animé 


soudain.  Il  avait  chaque  fois  non  seulement  un  autre 
visage  —  ce  qui  pourrait  au  besoin  n'être  l'œuvre  que 
de  son  perruquier  —  mais  d'autres  jambes,  d'autres 
mains,  d'autres  allures,  une  autre  voix,  un  autre  &ge. 
Dans  Kean  où  il  paraissait  le  plus  semblable  au  specta- 
teur assis,  numéro  en  habit  noir,  aux  fauteuils  d'or- 
chestre, il  était,  certes,  parfait.  Pourtant  nous  le 
préférions  quand  il  s'appelait  Othello  et  Louis  XI.  Plus 
il  s'incarne  en  les  loins  de  la  légende  et  des  annales, 
plus  il  vit,  vraiment. 

Rossi  devrait  s'appeler  le  temps  et  ce  serait  la  seule 
façon  de  détruire  l'illusion  qu'on  se  fait  de  lui,  quand 
on  le  salue,  quand  on  l'applaudit,  quand  on  le  photogra- 
phie et  quand  on  griffe  là  bas,  en  Italie,  une  feuille 
d'état-civil,  des  lettres  de  son  nom  et  de  sa  naissance. 

Ce  privilège  merveilleux  de  l'acteur  qu'il  ne  faut  pas 
assimiler  à  celui  du  virtuose,  lui  assigne  dans  l'art  une 
place  presque  surnaturelle.  L'acteur  de  génie  se  meut 
dans  son  rôve,  il  suscite,  il  illumine,  il  fait  sortir  des 
poussières  entassées  et  souvent  du  néant  lui-même  toute 
une  civilisation  et  toute  une  réalité  d'art.  On  a  déploré 
que  mort,  il  ne  laissât  qu'un  fantôme  après  lui.  C'est 
une  erreur,  souvent.  Certes  il  ne  consigne  rien  de  précis, 
ni  son  geste,  ni  ses  jeux  de  doigts,  ni  sa  voix,  ni  son  regard, 
ni  l'allure  de  sa  marche,  mais  il  laisse  le  vague  et  le 
souvenir.  Et  ceci  vaut  tout  livre  et  toute  parole.  Sa 
place  abandonnée,  le  vide,  le  trou  béant,  là,  dans  l'admi- 


132 


L'ART  MODERNE 


ration  du  public,  sa  légende  va  les  remplir,  les  poètes 
apothéoseront  celle-ci,  les  dramaturges  l'installeront 
sur  la  scène,  la  tradition,  par  cela  seule  qu'elle  est  faite 
pour  se  métamorphoser  d'après  les  temps,  la  rajeunira 
en  la  reculant  aux  plus  indécis  lointains.  Et  dût  ne 
rester  debout  que  son  nom  seul,  encore  acquerrait-il 
une  signification  solennelle  mêlée  à  toute  une  littérature 
et  dût-il  ne  subsister  rien,  alors  aurait  "lieu  cette  vraie 
grandeur,  —  négation  de  l'égoïsme  —  qui  soulève  l'eflTort 
humain  d'autant  plus  haut  qu'il  est  désintéressé,  glo- 
rificateur  unique  de  l'idée  et  qu'il  se  perd  après  sa 
disparition,  dans  sa  source  elle-même,  c'est-à-dire  dans 
sa  pureté  première. 

Rossi  —  avant  lui  ce  fut  Kean,  Talma,  Frédéric 
Lemaltre  —  compte  parmi  les  génies  de  la  scène  les 
plus  définitifs,  si  bien  que  c'est  ce  que  les  anciens  auraient 
appelé  une  faveur  divine  :  l'entendre! 

Définir  son  sortilège,  arrêter  par  des  mots  les  com- 
mentset  lespourquois  susciteurs  d'émotion, est  d'autant 
moins  aisé  qu'il  varie  ses  moyens  de  pièce  à  pièce,  et 
que  ni  sa  plastique  ni  son  cri  sont  pendant  deux  soirs 
les  mêmes.  On  dit  fort  peu  en  affirmant  qu'à  rebours  de 
toute  convention,  il  compose  son  rôle,  attendu  qu'il  est 
mille  conventions  au  théâtre  et  qu'il  suffit  d'en  giffler 
quelques-unes  pour  que  cette  phrase  puisse  s'imprimer. 
Prouver  que  son  jeu  est  peu  personnel  dans  le  sens 
étroit  du  mot,  nous  paraît  déjà  plus  exact,  mais  il  faut 
avoir  soin  de  colorer  ce  qualificatif  «  personnel  -  d'une 
signification  qu'il  prend,  par  exemple,  lorsqu'on  juge 
Coquelin  :  un  artiste  doué  de  ce  diminutif.  Rossi  tout 
au  contraire  n'exprime  ni  la  colère,  ni  la  jalousie,  ni  la 
tendresse,  ni  le  désespoir,  ni  la  fureur,  ni  la  haine  de 
Rossi,  mais  bien  ces  diverses  passions  en  leur  force 
générale  et  leur  acuité  commune.  Si  bien  qu'elles  font 
écho  dans  le  cœur  de  tous.  Mais  à  cela  ne  se  borne 
son  art.  Jouant  tel  héros  d'un  passé  historique  ou  litté- 
raire, il  modifie  les  pa.ssions  du  cœur  suivant  le  temps 
et  de  plus,  suivant  le  rêve  —  cette  fois-ci,  personnel  — 
qu'il  se  fait  de  ses  personnages. 

Telle  a-t-il  proféré  la  jalousie  d'Othello,  la  douleur  de 
Lear,  la  cruauté  de  Louis  XL  C'étaient  d'abord  la  jalou- 
sie, la  douleur,  la  cruauté  de  tous,  mais  telles  pourtant 
qu'il  fallait  être  roi  ou  prince  pour  les  éprouver  aussi 
explicites  et  surtout  roi  ou  prince  de  tel  autrefois  et  de 
telles  circonstances  d'existence. 

Et  ces  deux  caractères  :  d'un  côté  la  généralité,  de 
l'autre  la  spécialité  sont  —  notons-le  —  communes  à 
toute  large  œuvre  esthétique  et  même,  à  toute  puis- 
sante œuvre  humaine  accomplie  par  quelqu'un  de  grand. 
Il  y  en  a  pour  la  foule  et  pour  les  choisis,  toujours.  En 
littérature,  depuis  Homère  jusque  Hugo,  cette  loi  se 
vérifie,  en  musique,  depuis  Bach  jusque  Wagner,  en 
peinture,  depuis  les  primitifs  jusque  Delacroix. 

Qu'il  se  trouve  en  présence  d'un  très  grand  et  très 


complet  acteur  de  génie  —  certes  le  pins  grand  parmi 
les  vivants  —  le  public  ne  semble  guère  le  sentir,  lors- 
que, banalement  empressé,  il  marque  d'applaudisse- 
ments, au  milieu  d'un  acte,  soit  une  tirade,  soit  une 
attitude.  Souvent  une  scène  entière  en  est  fendue  et 
même  avons-nous  vu,  par  ces  maladroits  témoignages 
d'enthousiasmes,  le  geste  de  Rossi,  maintenu  en  l'air, 
retomber  à  faux  dans  une  réplique.  II  fikudrait  qu'on 
défendit  toute  marque  d'assentiment  ou  de  dénégation 
avant  la  fin  des  actes.  On  y  réussit  à  Bayreuth  ;  pour- 
quoi ne  point  essayer  chez  nous  î 

Des  rôles,  jouésjusqu'à  ce  jour,  cesontceux  d'Othello, 
Louis  XI  et  Lear,  qui  le  plus  grandiosement  ont  été 
déployés.  Surtout  Lear.  Celui-ci,  un  des  plus  extrêmes 
de  passion  qu'on  puisse  instaurer  sur  des  planches  a 
été  compris  à  miracle,  principalement  en  sa  partie  sau- 
vage et  désordonnée.  Le  roi  fou,  le  populaire  roi-fou  des 
chroniques  et  des  légendes,  l'acteur  l'a  rendu  marchant 
et  gémissant  à  travers  le  prototype  shakespearien  si 
merveilleusement  que  c'était  à  la  fois  au  troisième  et  sur- 
tout au  commencement  du  quatrième  acte,  tout  roi  fou  ; 
et  dans  les  autres  un  tel  :  celui,  le  père  trahi,  puni  par 
ses  filles  aînées,  qu'il  aima  au  détriment  de  l'autre,  la 
cadette,  Cordelia,  en  violation  de  cette  loi  quasi-natu- 
relle, ordonnant,  au  contraire,  plus  d'amour  pour  les 
faibles  et  dernières  venues.  Et  ce  point,  si  évidemment 
clair  dans  Shakespeare  et  affirmé  par  l'extrême  dou- 
ceur du  rôle  de  Cordelia,  ne  noiis  parait  point  avoir  été 
suffisamment  noté  par  les  commentateurs  et  essayistes. 
Certes,  Lear  est  puni  à  cause  de  son  imprudence  et  de 
sa  sénilité  et  vanité  inclinées  aux  flatteries  et  aux  pro- 
testations grandiloquentes,  mais  aussi,  mais  surtout 
pour  la  transgression  de  cette  loi  paternelle,  si  intime 
au  cœur,  si  profonde  :  le  dorlottement  des  petits,  des 
plus  petits  et  des  plus  doux. 

Toute  la  détresse  du  roi,  sa  raison  déchirée  comme  ses 
vêtements,  ses  paroles  tordues  en  folie  comme  sa  barbe 
et  ses  cheveux  au  vent,  ses  fuites  devant  l'orage  sonnant 
après  lui  la  ruine  et  l'écroulement  de  sa  royauté,  ses 
cris,  ses  hallucinations,  sa  couronne  de  paille,  son 
sceptre  grotesque  et  surtout  la  lande  ou  il  erre  dans  le 
vide  comme  aux  extrémités  de  la  terre,  expriment  — 
un  plus  significatif  décor  est-il  possible?  —  toute  une 
âme  à  bout  de  tout.  Et  Rossi,  alors  que  par  cette  gran- 
deur même  des  alentoui-s,  par  cette  éloqnoice  allégori- 
que de  costumes  et  d'accessoires  tels  autres  seraient 
écrasés,  ne  s'impose  que  mieux  :  le  dominateur  par  la 
voix,  le  geste  et  le  regard  de  ce  drame  énorme  battant 
sa  tète. 

Et  ce  qu'il  est  —  c'est-à-dire  parfait  —  dans  Lear,  il 
l'est  également  en  ses  autres  créations  dramatiques, 
mais  après  l'avoir  vu,  jeudi  soir,  on  a  comme  l'impres- 
sion que,  volontairement,  il  se  diminue  en  jouant  d'autres 
rôles. 


^z- 


L'ART  MODERNE 


133 


LA  GOLIEGTION  BUISSERET 

Voilk  que -va  l'éparpiller  encore,  au  vent  dea  enchères,  une 
dea  plua  belles  colleclions  de  noire  pays,  et  qu'un  nombre  assez 
conakiérable  de  tfëa  beaux  tableaux  des  écoles  flamandes  ei 
hollandaises  va  quitter  la  Belgique.  Il  s'agit  du  cabinet  de  feu 
M.  le  vicomte  de  Buisseret,  un  collectionneur  de  haut  goût,  dont 
les  toiles  seront  vendues  ^  la  galerie  Saint-Luc,  les  29  et  30  avril 
prochains,  et  exposées  les  deux  jours  précédents. 

Une  telle  vente  est  un  événement.  Il  est  infiniment  rare  de  ren- 
contrer réunis  un  aussi  grand  nombre  d'œuvres  d'une  telle 
valeur.  Les  principaux  maKres  hollandais  sont  représentés  ei 
l'exposition  sera,  par  la  qualité  des  toiles,  un  véritable  musée, 
ouvert  seulement  deux  jours. 

n  y  a  Ih  une  grosse  centaine  de  tableaux,  tous  d'une  pureté 
merreillegse  et  d'un  choix  distingué.  La  qualité  en  est  souvent 
bon  ligne  et  on  y  trouve,  parfoi»,  l'œuvre  capitale  d'un  petit 
maître.  C'est  ainsi  que  le  Paysage  italien  d'Adam  Pynacker  est  la 
toile  la  plus  belle  de  cet  artiste  souvent  froid  et  d'un  jaune  glacé 
qui  déplait,  notamment  dans  la  Chasse  au  daim  du  Musée  de 
Bruxelles.  Les  Musées  de  Hollande,  eux-mêmes,  ne  possèdent  cer-^ 
tainement  pas  d'exemplaire  aussi  chaud  et  parfait  du  talent  de  ce 
maître  très  rare.  Voici  encore  nn  excellent  Qaspard  Netscher, 
dont  les  accessoires  sont  quasi  traités  it  la  Terburg,  des  Asselyn 
superbes,  des  Bega,  un  beau  Brekelenkamp  et  tant  d'autres... 
Mais  il  nous  faut  réserver  notre  étude  it  quelques  joyaux  qui  font 
la  gloire  de  la  galerie. 

Un  minutieux  Teniera  :  Intérieur.  Une  cuisine  aux  magols  ner- 
veusement dessinés  et  d'un  beau  style  —  le  slyle  superbe  des 
magols,  disait  un  jour  J.-K.  Huijsmans. 

L'intérieur  d'une  tonalité  brune  est  réveillée  par  une  toque  d'un 
rouge  vif  accrochée,  au  milieu,  au  dossier  d'une  chaise.  Toute 
une  partie  du  tableau  est  abandonnée  k  une  nature  morte  :  chau- 
drons, pommes  riantes,  bécassines,  cruches,  fioles  d'un  faire 
large  et  en  même  temps  d'un  fini  consciencieux,  qui  sont  bien  la 
caracléristique  des  belles  toiles  de  Teniers. 

A  cdlé  de  ce  tableau  coquet,  délicat,  voici  un  Philippe  Wou- 
wcrmans  des  plus  puissants,  haut  en  couleur  :  Scène  d^hiver. 
Quel  pittoresque  fastueux,  ramassé  en  un  carré  de  toile,  d'une 
maîtresse  façon  !  C'est  de  la  richesse  encadrée  et  le  coloris  est 
d'un  faste  tout  royal.  Une  scène,  près  des  murs  d'une  ville,  avec 
des  patineurs,  des  traîneaux,  des  moulins,  des  marmots,  des  che- 
vaux, une  tenle,  sous  un  ciel  d'hiver  largement  développé.  Nais 
les  marmots  rutilent,  les  chevaux  sont  velus  d'opulence,  et  dans 
le  sentiment  d'intimité  qui  chante  en  cette  toile,  sous  l'animation 
de  la.  foule,  on  dirait  que  la  neige  elle-même  se  beurre  d'or. 

La  teinte  d'Albert  Cuyp,  ce  maître  tant  vanté  par  Fromeniio, 
est  plus  sombre,  ici,  avec  des  verts  sourds  de  berges  hollan- 
daises ;  les  gris  ne  tintent  pas  et  ne  coquetlent  pas  ainsi  que 
chez  Teniers;  mais  la  couleur  n'en  est  pas  moins  profonde, 
d'une  large  résonnance  et  d'une  hautaine  saveur.  Elle  est  plus 
grave,  sans  perdre  de  brillant.  Le  Prince  d'Orange  au  siège  de 
Breda  a  d'ailleurs  toujours  été  considéré  comme  un  des  beaux 
Cuyp.  Voyez  ce  ciel  d'opale,  conlrasianl  avec  le  clair  obscur  du 
camp  aux  bannières  flottanles,  et,  i  l'avant  plan,  la  crftne  figure 
du  prince.  Personne  comme  Cuyp  n'a,  en  une  toile  de  chevalet, 
planté  avec  autant  de  verve  sur  un  cheval  un  gentilhomme  botté, 
éperonné,  la  plume  au  vent.  Celui-ci  ne  ferait  certes  pas  mau- 


vaise figure  dans  la  cavalcade  de  ceux  du  Louvre,  de  la  Haye  et 
d'Amsterdam,  effigies  par  le  même  pinceau. 

Un  autre  peintre  exalté  par  Fromentin,  c'est  Jakob  Ruysdael. 
Il  en  trace,  dans  les  Maîtres  d^autrefois,  une  mélancolique  phy- 
sionomie. C'est,  sans  doute,  le  plus  pénétrant  des  paysagistes 
anciens.  Beaucoup  de  ceux-ci  s'arrêtent  à  la  couleur,  au  décor, 
au  pittoresque.  Lui,  prophétisant  déjà  la  pensée  moderne,  va  à 
l'âme  du  pays  et  gratte  l'écorce  de  la  couleur.  Dans  chacune  de 
ses  toiles,  il  découvre  comme  un  cœur  :  est-ce  un  rayon  de  soleil 
tombant  sur  une  plaine  ou  une  colinne  (ainsi  qu'en  mainte  vue 
de  Haarlem),  un  reflet  de  soir  sur  une  muraille  songeuse  (comme 
au  Moulin,  d'Amsterdam)?  Ici,  dans  ce  sauvage  Torrent,  c'est, 
entre  les  deux  barraques  jaunes,  sur  un  monticule,  dans  une 
plaine  qu'on  sent  immense  et  qui  suggère  des  infinis  de  bruyères 
et  de  sablonnées,  ce  petit  moulin  blanc  seul  éclairé,  étrangement 
pâle,  qui  incite  au  rêve  et  indique  le  coeur  poétique  du  tableau. 
La  Cascade,  si  elle  n'est  pas  aussi  pensive,  a  des  qualités  de 
robustesse  et  d'Spre  vigueur.  Ruysdael  s'est  fait  le  peintre  des 
écumes  tourbillonnant  autour  des  gros  rochers,  le  long  de 
lisières  aux  arbres  altiers.  Cette  fois,  il  ajoute  un  fond  très  doux 
de  crépuscule  descendant  sur  des  collines  bleutées,  au  loin. 

La  Vue  prise  en  Norwige  d'Everdingen  s'accuse  de  la  même 
école.  Même  sang,  même  force,  robuste,  placide.  Everdingen, 
par  certaines  toiles,  comme  celle-ci,  se  révèle  de  grande  race. 
Et  nous  songions,  devant  cette  Vue  prise  en  Norwige,  à  tout  ce 
que  Courbet  a  dérobé  aux  anciens  peintres. 

Un  autre  paysagiste  :  Van  der  Necr.  Quel  Hiver  léger,  d'une 
vive  et  gaie  animation,  avec  son  piaicato,  sur  la  glace,  de 
tachettes  rouges,  jaupes,  vertes!  Comme  ce  ciel  moutonné  a  éié 
bien  vu!  Et,  avec  l'avant  plan  de  ces  brunes  maisons,  de  ces 
meules,  de  ces  moulins,  aux  ragoûtantes  couleurs  comme  saurées, 
quel  vibrant  fond,  i  l'atmosphère  aiguë  et  profonde,  où  les 
petites  cahutes  et  les  arbres  lointains  sont  jetés  avec  un  charme 
et  une  sûreté  exquises! 

A  côté  des  paysagistes,  leurs  frères  :  les  animaliers.  Nombreux, 
ici  :  Berchem,  Van  de  Velde,  Dujardin,  Saflleven,  Soolmaker, 
Fyt,  Sloop,  certains  Lingelbach,  Pierre  Wauwerman,  elc. 

Un  des  plus  arrêtants  :  le  site  champêtre  avec  animaux  d'Adrien 
Van  de  Velde.  Ce  Van  de  Velde  est  un  des  plus  riches  peinires  de 
la  pléiade  qui  constella  de  ses  toiles  la  terre  hollandaise.  C'est  un 
des  plus  savoureux  coloristeset  ce  tableau  est  une  de  ses  meilleures 
productions.  Dire,  sur  ce  fond  chantant  de  bosquet  et  de  crépus- 
cule, la  gloire  d'or  et  de  lumière  de  celle  vache  blanche  et 
brune,  superbe  comme  un  soleil  !  Elle  gorge  l'œil  d'une  fêle  de 
couleur,  avec  des  splendeurs  magiques  qui  rappelleraient  celles 
des  cuirs  de  Cordoue.  C'est  un  des  plus  somptueux  tableaux  de  la 
collection. 

Karl  du  Jardin  est  bien  représenté'  aussi  :  Le  Berger  et  son 
troupeau  est  une  œuvre  de  marque.  Le  dessin  m'en  paraît  aussi 
précis,  aussi  profond  et  savant  que  celui  de  tel  Potier.  Le  gamin 
au  bord  de  la  mare,  la  vache  debout,  l'Ane  surtout  sont  d'une 
facture  merveilleuse  et  finie.  C'est  délicat,  charmant,  et  la  colline, 
les  ruines  italiennes,  le  paysage  fuyant  font  au  groupe  du  troupeau 
un  décor  ravissant. 

Nicolas  Berchem  a,  lui,  deux  toiles  maîtresses  :  Le  pansage 
du  gué  et  le  Retour  à  la  ferme.  On  sait  sa  manière  et  Berchem 
est 'certes  un  des  hollandais  les  plus  connus  et  les  plus  goûtds. 
Sa  pile  est  fine,  douce,  caressante,  et  sa  poésie,  toute  conven- 
tionnelle, avec  ses  gués  de  pastorale,  possède  une  mélancolie 


„■'«',■ -'^"v.'.ÇT.^i,: 


134 


L'ART  MODERNE 


de  jolieMe,  pareille  ii  an  son  de  grelol,  penda  ao  eol  d'one 
géniMe,  par  un  soir  de  beao  crépoKole.  Je  me  l'imagine  comme 
le  peintre  dc«  vieux  «alons  de  Néerlande,  ai  ariatocratiqnes  et  d'un 
goûi  donl  le*  gens  aciuels  n'onl  même  plus  le  relent.  Ce  peintre 
italianùanl,  i  l'cxéculion  brillante,  jooit  d'ailleur»,  de  sa  vie, 
d'une  grande  ri^putalion,  et  la  peinture  en  parait  toute  heureuse. 
Le  Fjrl,  la  Chaîne  au  Héron,  eut  un  auperbe  et  grand  tableau 
décoralir,  de  hr'lle  allure,  tout  jappant  de  chiens  aux  gueules 
rougf»  se  précipitant  vers  un  héron  colériqtie  et  acculé  parmi 
rfiffarftmcnl  d'une  bande  de  canards. 

Avant  de  parler  de»  peintres  de  genre,  'n'omettons  pas  ce  vrai 
joyau  :  Vue  (Tune  pince  publique,  de  iean  Van  der  Heyden  et 
Adrien  Van  de  Vcide.  Ceci  est  prejqu'une  miniature,  mais  d'une 
exquisilé  cxiraordiniiire. Quelle  finesse!  C'est  peint,  dirait-on, avec 
des  flis  de  soie,  tant  il  y  a  de  préciosité  dans  la  touche.  Un  coin 
de  place  hollandaise  :  une  chapelle  blanche,  un  couvent  i  la 
muraille  d'un  ton  sonnant  de  cuir  ronge  qui  jette  une  grande 
ombre  au  pavé,  le  mur  en  briques  d'un  jardin,  de»  arbres,  et  là 
dedans  des  mendiants,  des  moines,  des  seigneurs  se  rendant  sans 
doiit<;  il  vêpres,  car  l'horloge  solaire  de  la  chapelle  marque  cinq 
heures.  Peiil  tableau  suggestif!  Je  l'ai  contemplé  longuement  et 
me  Tigurais  vriir  un  après-midi  du  vieux  jadis  hollandais,  des 
persontiîige»  (l'ijnian,  toute  une  vie  passée  comme  ressuscitée  au 
fond  (l'iinn  limpide  pierre  précieuse. 

Parmi  les  peintres  de  genre,  voici  d'abord  un  Intérieur  de 
Itrauwer  :  dans  un  cabaret,  un  jeune  villageois  en  pantalon  jaune 
et  veslon  rose,  assis  sur  un  banc,  une  cruche  6  ses  pied»,  une 
chope  !i  la  main  ;  6  le  régal  de  couleur,  que  la  mine  égrillarde  du 
gîiilliird  vient  (leiirir  d'une  fleur  épanouie  d'ivresse  et  de  chanson, 
h  bnurlio  ouverte,  les  cheveux  sur  le  front!  L'œil  du  bonhomme 
est  une  merveille,  on  y  sent  loiile  la  snoûlerie montant  au  cerveau, 
(|ui  s'iiliéiil  lenlemenl. 

La  Tabagie  de  Van  Osladc  est  aussi  de  qualité  supérieure. 
Toujours  duns  ce  clair  obscur  qu'une  partie  de  l'école  hollandaise 
dnii  il  llenibrnndt  cl  qu'elle  sait  réveiller.  Dieu  sait  par  quel  feu 
(l'arlirice  tiré  ti  travers  les  caves  d'or  de  sa  peinture I  Les  magots 
dOslade  ne  »onl  pas  aussi  fringants  que  ceux  de  Tenicrs,  mais  je 
les  aime  mieux  pnurlanl,  enr  ils  sont  d'une  vie  plus  profonde. 
Ici,  voyez  le  paliiuil  en  veston  marron,  apportant  tl  son  rustique 
cnnipugnon  qui  allume  sa  pipe  ^  un  réchaud,  un  pot  de  bière. 
On  se  cent  snus  le  chaume  épais  et  chaud,  et  l'intimité  de  ces 
riiHlres  reçoit  par  la  magie  du  pinceau  et  par  le  laiii  du  geste  un 
carnclire  mille  fois  plus  gnind  et  plus  saisissant  que  celui  de  la 
plus  nnblo  vierge  d'un  Ilouguereau. 

Voici  miiinlciiant  un  Joyeux  buveur  signé  Franlï  Hais.  Bel 
exemplniro  de  la  peinture  généreuse,  facile,  primcsautière  du 
maître  dn  llanrlem.  C'est  gras,  luisant  de  santé  et  de  belle 
humeur,  et  l'iiilarn  compagnon,  i>  la  face  allumée,  au  poil  fruste. 
In  cruche  au  pouce,  est  étonnant  de  vie  dans  son  cadre. 

Nous  arrivons  I)  un  tableau  très  curieux  :  Portrait  de  l'artiste 
tt  de  sa  famille,  par  Karl  De  Moor.  De  Moor  est  un  porlraitisie 
donl  les  œuvres  nn  sont  pas  communes.  La  Hollande  môme  en  est 
pwuvro  et  en  Helgi(iuc  il  n'y  a  guère,  je  pense,  que  le  ponrail  de 
femme  de  lu  giilirio  d'Arenbcrg.  Do  Moor  a  été  l'élève  de  Miéris 
ol  (lo  .Sclialken  oi  il  participe,  d'ailleurs,  ti  la  belle  école  de  Rcm- 
liranill.  Ce  liiblenifri  est  une  merveille.  Les  personnages  sont 
d'une  vie  et  d'une  idée  intenses,  et  le  décor  et  la  couleur  chaude 
et  opulente  font  rlianler,  autour  du  mallrc  en  robe  de  chambre 
rliamarrér,  assis  au  milieu  de  sa  famille  dans  un  fauteuil  en  chêne, 


loole  DM  imimiié  eoMoe  dlntérieiir  d'artbia.  L'felai  cbaniD  et 
pensif  des  Ti«fn,  ie  (este  de  BMio  dn  aMilK,  d'^M  allwe  toute 
rembrancsqoe,  le  fond  briHant  ci  la  bdan  nperbe  font  de  ce 
tableau  on  des  bijoax  de  la  riebe  collection,  ^onlcx-y  llniMl  do 
SDJet  :  nn  royal  moreean  de  mnide. 

Finissons  par  nn  Jan  Steen  :  Là  Malade.  Aprts  Rerabrandi, 
Steen  est  le  génie  de  la  Hollande.  Il  est  toot  d'abord  pemlre  mer- 
veillenx.  H  fera,  sons  son  archet  de  coloriste,  vibter  la  eonleor 
aussi  bien  que  Terbnrg  ou  Pieler  de  Hoof .  Mais,  en  outre,  quel 
bon  philosophe  c'est  et  quel  conteur  !  La  Nëerlande,  panvre  en  lit- 
térateurs et  en  poètes  trouve,  pour  ainsi  dire,  tonte  sa  lillëraiure 
et  sa  poésie  dans  les  Rembrandt  et  les  Steen.  Si  Rembrandt  est 
énorme,  comme  Shakespeare  ou  Wagner,  Steen  est  nne  sorte  de 
Smolett  on  de  Fieldtng  pictural.  Il  a  de  la^  bonhomie,  de  la 
malice,  de  l'esprit,  de  la  satire  et  une  extraordinaire  pénétration 
du  visage  humain.  Sa  verre  est  colossale.'  Il  serait  cnrieux  de  le 
comparer  it  cet  Anglais  :  William  Hoprtb.  Car  ce  sont  deux 
natures  très  semblables  et  c'est  leur  caractère  national  qui  les  dif- 
férencie. Steen,  Hollandais,  a  la  pâte  plus  fine,  le  dessin  plus 
souple  et  sait  flatter  l'œil.  La  peintore  d'-llogarth  a  le  geste  raide 
et  la  couleur  sèche  et  criarde,  il  cOlé  de  celle  de  l'artiste  de  Leyde. 
flogarth  moralise,  prêche  :  on  le  sent  sévère,  dogmatique,  et  il 
blâme  les  gens  qui  se  saoAlenl  et  aiment  les  filles.  Steen  en  rit, 
et  il  peint,  sans  souci  de  morale,  par  besoin  de  conter  et  de 
peindre.  Il  n'est  pas  moralisateur,  il  est  mille  fois  plus  artiste. 
Nais  ce  qui  rapproche  ces  deux  hommes,  c'est  qu'ils  sont,  au 
fond,  tous  deux  aigus  et  anecdotiqoes  «  peintres  de  mœurs  », 
qu'ils  sont  tous  deux  d'un  réalisme  qu'Ilogarth,  en  vrai  Anglais, 
a  poussé  parfois  jusqu'à  la  brutalité.  El  ce  qui  montre  leur  grande 
valeur,  c'est  qu'en  les  étudiant  ii  fond,  on  trouve,  complet,  chez 
eux,  l'esprit  de  leurs  races  respectives,  bien  caractérisées,  el  en 
même  temps  les  analogies  nécessaires  existant  entre  leurs  deux 
pays.  Mais  revenons  à  notre  tableau.  Une  de  ces  grandes  jeunes 
filles  malades,  un  tantinet  malades,  une  sœur  de  celles  de  La  Haye 
el  du  Musée  Van  der  Hoop,  est  couchée  sur  un  lit  de  repos.  Le 
médecin  malicieux  si  souvent  consulté  dans  les  tableaux  de  Steen 
préside  ti  une  opération  qu'une  femme  agenouillée  va  accomplir, 
une  seringue  en  main.  Derrière  le  groupe  se  trouvent  une  vieille 
et  une  servante  riant  à  un  garçonnet  qui  entr'ouvre  la  porte.  Le 
corps  de  la  jeune  fille,  dans  sa  jupe  d'un  jaune  exquis,  est  modelé 
d'une  façon  maîtresse,  el  rien  n'est  spirituel  comme  l'expression 
rougissante  et  effarée  de  son  visage,  tandis  que  l'opératrice  tient 
l'inslrumeni  avec  le  geste  d'une  avec  qui  la  pudeur  a  depuis  long- 
temps divorcé.  Une  muraille  gaufrée  d'une  sorte  de  Cordoue,  des 
édrcdons  moelleux,  un  Smyrnc  traité  avec  opulence,  complètent 
ce  magistral  tableau. 

Eooftm  DmoLon. 


Troisième  concert  populaire. 

M.  Dupont  a  résolument  inscrit  au  programme  de  son  troisième 
concert  quelques  œuvres  symphoniques  de  la  jeune  école  fran- 
çaise ,  la  plus  vivante ,  la  plus  laborieuse  ,  la  plus  vraiment 
artiste,  avec  l'école  russe,  qui  soit.  El  il  faut  lui  savoir  gré  de 
cette  nouvelle  initiative,  qui  complète  la  vulgarisation,  accomplie 
par  les  XJ(^,  de  la  musique  de  chambre  et  des  compoisilions 
vocales  de  cette  même  école. 

Ëcolc  doit  s'entendre  ici,  cela  va  de  soi,  d'un  groupe  uni  par 
des  affinités  de  sympathie,  el  non  d'one  réunion  de  disciples 


'-■.    '   '■; 


L'ART  MODERNE 


135 


vjmX  même  esthétique,  procédant  6  l'aide  de  règles  déterminées, 
voués  k  des  préceptes  inéluctables. 

Et  même,  h  y  regarder  de  près,  il  est  aisé  de  se  convaincre 
que  le  programme  de  dimanche  était  disparate.  Seuls,  Vincent 
dlndy,  Ernest  Chausson  et  Emmanuel  Chabrier  sont  Jeunes- 
France.  MM.  Laio  et  Bourgault-Ducoudray  pataugent  dans  les 
terres  battues,  y  restent  pris  par  les  pieds,  malgré  leur  effréné  et 
d'ailleurs  très  louable  désir  de  s'en  dégager. 

L'ouverture  de  Fietque,  du  premier,  n'est  qu'une  médiocre  gri- 
saille, coupée  de  quelques  tons  violents,  cinabres  et  vermillons 
éci^sés  parmi  les  cendres  et  les  ocres,  sans  lien  harmonique 
entre  eux. 

La  Rhapiodie  cambodgienne  du  second  semble  être  la  cantate 
d'ouverture  de  l'Esplanade  des  Invalides  en  1889.  Œuvre  plus 
bruyante  que  brillante,  exlraordinairement  boursoufllée  et 
d'ailleurs  absolument  vide.  C'est  l'exaspération  du  folklore, 
l'ethnologie  quand  même  et  malgré  tout,  alors  queie  sujet  ne  s'y 
prête  guère.  Que  la  composition  soit  habilement  écrite,  pleine 
d'effets  d'orchestre  et  bourrée  de  timbres  bizarres,  nous  n'y  con- 
tredisons pas.  Mais  il  quoi  bon  tout  cela,  si  elle  ne  touche  pas? 

Le  public  a  très  nettement  établi  cette  distinction  en  acclamant 
Joseph  Dupont  après  l'exécution  de  Walletutein,  en  demeurant 
parfaitement  froid  après  celle  de  la  Rhapsodie.  Cette  trilogie  de 
Wallentleitt,  qui  eût  dû  clore  le  concert  et  non  l'ouvrir,  est 
apparue  rayonnante  de  jeunesse  et  de  force.  On  a  dit  avec  raison 
que  c'est  la  composition  la  plus  parfaite  qu'ait  produite  l'école 
moderne.  Elévation  des  pensées,  distinction  du  style,  intensité 
du  sentiment,  tout  concourt  II  classer  ces  trois  grandes  pages 
symphoniques  parmi  les  plus  belles  de  la  littérature  musicale. 

La  moriieWallenilein,  surtout,  atteint  les  plus  hauts  Sommets 
lyriques.  L'exécution  colorée,  presque  passionnée,  qu'en  a  donné 
l'orchestre  de  Dupont  a  mis  en  pleine  lumière  les  beautés  de  cette 
admirable  composition.  Souhaitons  que  l'an  prochain  amène 
l'exécution  du  Poime  de  la  Cloche,  qui  fera  connaître  sous  un 
aspect  nouveau  l'auteur  de  WalUnitein. 

Le  poème  symphonique  d'Ernest  Chausson,  Viviane,  décrit 
d'une  façon  pittoresque  et  charmante  les  mystères  de  la  forêt  de 
Brocéliande  ;  il  peint  les  enlacements  de  Viviane  et  de  Merlin, 
brusquement  interrompus  par  l'intrusion  des  envoyés  du  roi,  le 
départ  de  Merlin,  le  désespoir  de  Viviane. 

C'est,  brossé  par  une  main  experte  ii  manier  l'orchestre  et  k  en 
tirer  de  jolies  sonorités,  un  décor  de  féerie  d'une  poésie  raffinéi! 
dans  lequel  se  meuvent  silhouettés,  en  quelques  traits  sûrs,  les 
deux  héros.  Le  cadre  est,  restreint,  mais  le  tableau  entrevu 
demeure  gravé  dans  la  mémoire. 

L'enir'acte  de  Owendoline,  cette  œuvre  charmante  qui  devrait 
figurer  au  répertoire  de  la  Monnaie,  complétait  ce  programme 
panaché,  attrayant  et  très  applaudi. 


EXPOSITION  DU  CERCLE  ARTISTIQUE 

Le  temps  n'est  plus  des  gais  carillons  sonnés  k  toute  volée  par  la 
petite  chapelle  du  Parc,  ralliant  les  fidèles  de  l'art  jeune.  C'est  le 
bourdon  du  poncif  et  du  vieux  jeu  qui,  lourdement,  tinte  dans  la 
solitude  de  l'enclos  délaissé. 

L'essor  des  artistes  s'est  porté  ailleurs.  Ne  restent  au  Cercle  que 
les  très  anciens  habitués,  vissés  k  la  cimaise  et  k  leur  queue  de 
billard,  et  aussi  le  groupe  redoutable  des  amateurs  et  celui  des 


«  jeunes  filles   qui  font  de  la    peinture   (c'est  une  si    jolie 
distractioni)  ». 

On  n'y  croit  plus, aux  salonneli  du  Cercle.  Les  quelques  peintres 
de  talent  qui,  par  hasard,  lui  sont  constants,  ne  lui  accordent 
guère  qu'un  morceau  secondaire,  une  «  réjouissance  »,  réservant 
les  bonnes  pièces  soit  pour  les  salon»  plus  en  vogue,  soit  pour 
leurs  expositions  particulières,  très  en  faveur,  et,  paralt-il,  infini- 
ment plus  «  profitables  ». 

La  conséquence  :  une  galerie  de  choses  quelconques,  sans 
saveur  d'art,  qu'on  parcourt  avec  indifférence,  saluant,  ci  et  Ik, 
un  nom  connu;  un  chapelet,  vile  égrené,  de  toiles  et  de  bustes 
dont  les  pater  sont  figurés  par  quelques  grosses  composilions  qui 
retiennent  un  moment  de  plus,  sans  exciter  d'impression  plus 
vive. 

Parmi  ces  dernières,  une  grande  toile  de  M.  Hennebicq,  desti- 
née k  décorer  l'hôlel  de  ville  de  Louvain  :  Pierre  Coutherel 
déchirant  devant  le  peuple  insurgé  les  privilèges  des  patriciens 
(1360)  et  un  groupe  en  plâtre  de  M.  De  Rudder  :  L'abondance. 

Les  paysages  pleuvent,  signés  Binjé,  Baron  (uue  toile  ancienne 
de  celui-ci,  exécutée  en  Campinc,  sollicite),  Ermel,  Coosemans, 
Wytsman,  Van  der  Hecht,  Courtens,  Kflhstohs,  Hagemans, 
Rosseels,  Hamesse,  Gilsoul,  Franck,  Den  Duyis,  François, 
Gislain,  Van  Overbcke,  —  à  Thuile;  Siacquct,  Uytterschaul, 
Cassiers,  Baes,  —  k  l'eau. 

Le  plus  intéressant,  le  seul  qui  relienne  :  Un  coin  de  bois  soli- 
taire, par  A.-J.  Heymans,  une  lumineuse  échapp(?e  4e  vue  sur 
la  Campine  anversoise,  profonde,  radieuse,  évoquant  avec  force 
l'intensité  d'un  coin  de  nature  agreste. 

Celte  œuvre  constitue  incontestablemeni, —  avec  les  deux  sug- 
gestives composilions  de  Fernand  Khnopff  :  Du  Silence,  superbe 
dessin  au  pasiel,  et  Qui  me  délivrera?  d'après  un  poème  de 
Christine-Gabriel  Rossetli,  —  l'atlraclion  ariisiique  du  Salon. 

Signalons  aussi,  dans  le  iriagc  k  faire,  la  jolie  Sphinge  en  mar- 
bre de  Van  der  Stappcn,  l'une  des  plus  heureuses  inspirations  de 
l'artiste;  VOphélie  de  Ter  Linden;  un  pasiel  d'Eugène  Smits;  une 
Marée  haute,  excellemment  gravde  par  Siorm  de  Gravesande  ;  les 
petites  scènes  d'intérieur,  toujours  amufantos  et  spirituelles,  des 
frères  Oyens;  une  Cni/Mne  d'Emile  Claus,  Icnlaiivc  sérieuse  d'affi- 
liation aux  milices  artistiques  nouvelles;  les  Tirailleurs  d'Abry  ; 
le  portrait  en  marbre  de  Charlicr. 

Quant  k  la  Pensée  qui  s'éveille  deM.  Léon  Frédéric,  c'est, iraiié 
en  des  jus  de  groseilles,  des  lies  de  vin,  des  pressures  de  pru- 
nes, la  même  figure  rustique  qu'il  nous  sort  d'habitude,  chiclic- 
ment  peinte,  encadrée,  cette  fois,  d'un  herbier  multicolore  dans 
lequel  luisent  des  papillons  et  des  coléoptères  variés. 


de  M.  Edouard  Dujardln,  au  Thé&tre  d'application. 

{Correspondance  pariiculiire  de  /'Art  moderne.) 
L'/4n/<wiodeM.  Dujardin,  qui  fut  rcprésenléc  lundi  au  Théâtre 
d'application,  est  une  excellente  introduction  k  l'audition  d'un 
répertoire  symboliste,  qui  compte  maintenant  VAmant  de 
M.  Vielé-Griffin,  les  drames  de  M.  Maflirlinck,  les  mystères  de 
M.  Pierre  Guillard  et  Hérold,  et  qui  s'augmentera,  car  un  théâtre 
nouveau  doit  corrcspondsc  k  l'élat  des  esprits  d'aujourd'hui,  qui 
ne  veulent  pas  s'intéresser,  aux  basses  fictions  naturalistes. 
Il  est  très  bon  que  le  premier  contact,  un  peu  long,  avec  un 


r<*';,«'--.;,.'",Y-:i5»"^ 


136 


UART  MODERNE 


public  qui  représentait,  en  réduction,  assez  bien  une  assemblée 
de  première,  ait  eu  lieu  au  moyen  de  celte  pièce,  qui  est  à  la  foi» 
très  fondamentale  quant  au  sujet,  cl  très  simple  dans  la  façon 
dont  il  est  illustré  d'apparences  et  d'images. 

L'amant  et  l'amAnto  se  rencontrent  quelque  soir,  el  ce  sont  : 
les  fatigues  el  les  roules  oubliées,  el  la  longue  attente  el  la  longue 
recherche,  el  les  vieillards  qui  gourmandent  les  amours  impru- 
dentes, el  Paris  qui  passe  souriant  el  déjh  lenlaleur... 

Derrière  le  bonheur  présent  el  l'ivresse,  c'est  comme  l'ombre 
d'un  passé  intérieur  qui  se  lève,  el  dans  l'Amant  el  dans  l'Amanle 
c'est  le  souvenir  de  falaliiés  secrètes  sues  autrefois  :  c'est  le  rire 
mauvais  el  comme  involontaire  de  la  Femme  à  la  douleur  qu'elle 
a  causée;  c'est  en  l'homme  la  conscience  d'un  destin  de  larmes 
el  d'épines;* derrière  l'Amante  c'est  Kundry,  derrière  l'Amant,  le 
Christ...  Paris  repasse  el  le  mortel  destin  a  lieu... 

Puis  c'est  l'Amant  mourant  et  le  reproche  de  sa  souffrance,  et 
le  désespoir  de  la  Femme,  qu'à  son  lour  il  méconnall. 

La  pièce  a  commenté  le  célèbre  vers  de  Wagner  :  «  Je  le  vis  el 
je  ris...  » 

Le  thème  est  développé  avec  un  très  large  mouvement  lyrique 
où  se  mêlent  des  chœurs  d'hommes  el  de  femmes,  qui  symbo- 
lisent des  altitudes  de  vie  el  qui  prononcent  l'usuelle  sagesse,  les 
conseils  des  vieux,  le  babil  des  vierges. 

L'œuvre,  en  somme,  a  du  tragique,  de  la  grâce  el  parfois  une 
corlaine  verve  comique. 

Le  vers  est  basé  sur  une  alternance  de  rythmes  très  libres, 
ramenant  en  rime  le  retour  variable  d'un  son  unique. 

La  strophe  ainsi  conçue  va  jusqu'à  ce  que  l'agrément  de  celle 
sonorité  soit  épuisé,  ce  qui  permet  sa  répétition  un  nombre  de 
fois  déterminé  par  le  goût  seul. 

Cette  métrique  a  l'avantage  d'une  apparence  de  simplicité  avec, 
aux  endroits  de  grâce,  un  air  de  vieille  chanson,  de  ritournelle, 
el  aux  instants  de  force  une  sorte  d'insistance. 

Le  décor  est  simplifié  à  un  paysage.  Le  costume  esl  contempo- 
rain, pour  montrer  qu'il  est  indifférent.  L'accessoire  est  réduit  à 
l'indispensable. 

La  pièce  a  été  excellemment  jouée  par  M"»  Mellol,  svelle  en 
une  blanche  robe,  sous  de  très  nobles  attitudes  de  charme  el  de 
passion  el  une  entente  parfaite  de  la  diction  du  vers,  et  d'une 
manière  à  la  fois  tragique  el  délicieuse. 

Les  chœurs  ont  conversé  d'un  Ion  très  juste. 

L'auteur  a  pris  soin  d'indiquer  lui-même  au  public  le  rôle  de 
l'Amant.  Il  l'a  fait  d'une  façon  un  peu  anguleuse,  à  la  Seural,  en 
auteur  cl  non  en  acteur,  ainsi  que  le  signifiait  le  papier  roulé  d'un 
manuscrit  qu'il  tenait  à  la  main,  à  son  entrée  en  scène,  pour 
indiquer  qu'il  ne  jouait  pas,  mais  lisait  bien  plutôt  dans  sa 
mémoire. 

■J^XPOglTlON?   A   pARip 

PASTELLISTES  FRANÇAIS,  PEINTRES  -  GRAVEURS 
Camille  Pissarro,  Mary  Caasatt 

{Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne) 

Les   admirations   de  l'élégant  public   qui   foule  les  lapis  de 

M.  Georges  Petit  sont  pour  MM.  Duez,  Gervex,  Doucel,  Lhermiite, 

Nozal,  Béraud,  el  ces  artistes,  n'ayant  aucun  talent,  ont  droit  à 

ces  admirations.  Si  les  œuvres  de  M"'  Marie  Cazin  ont  quelque 


charme  de  francbiso,  celles  de  M.  BilloUe,  par  iMin  elairt  de  lune, 
une  certaine  mélancolie,  ne  suffiraient  pas  k  justifier,  en  d'aussi 
somptueuses  salles,  l'actuelle  eibibiiion  dea  spécialistea  du  pastel. 
Heureusement  M.  Forain  est  Ik  el  M.  Chéret. 

Quand  M.  Forain  exécute  une  tête  de  femme,  dame  on  modèle 
ou  quelque  portrait,  il  n'est  pas  de  pire  Forain,  mais  si  dans 
l'habituel  décor  où  il  précise  ses  scènes  de  mœurs,  il  meut, 
—  marionnettes  d'un  guignol  railleur,  —  ses  personnages  lypés 
(soil  une  fille,  un  garçon  de  café,  une  danseuse  el  sa  mère,  un 
banquier  véreux  et  juif,  ou  un  abonné  de  l'opéra)  il  est  dès  lors 
supérieur  et  inimitable. 

H.  Chéret  semble  tourmenté  du  désir  de  faire  autre  chose  que 
des  affiches.  H.  Chéret  croirail-il  être  inférieur  k  lui-même  dans 
les  cbromos  qu'il  prodigue  aux  murs  de  Paris  1  Ses  grandes 
fantaisies  au  pastel  éblouissent  par  une  virtuosité  déconcertanl-, 
par  le  choix  gracieux  de  couleurs  vives  et  comme  fondantes,  par 
lajoie  de  Polichinelles  etd'Arlequios,  de  Colombines  el  de  Pierrots. 

liais  ce  charme  vile  aboutit  k  l'indifférence,  car  il  ces  œuvres 
manque  le  caractère  définitif  et  spécial  des  affiches  de  M.  Chéret,— 
et  elles  ne  sont  en  somme  que  des  projets'd'affiches,  où  manque 
le  nécessaire  et  amusant  adjuvant  des  caractères  typographiques. 

Quant  k  M.  Jacques  E.  Blanche,  il  met  une  activité  obstinée  à 
peindre  d'innombrables  portraits. 

Aux  peintres-graveurs,  il  y  a  de  Forain  les  dessins  originaux 
du  Courrier  françait,  avec  de  cinglantes  légendes  que  doivent  lui 
envier  les  habituels  fournisseurs  de  M.  Antoine,  les  délicieux 
jeunes  gens  qui  mettent  en  pièces  des  nouvelles  naturalistes. 

H.  Redon  dessine  et  lithographie;  il  peint  également,  moyen 
d'expression  dont  le  besoin  chez  cet  artiste  ne  se  faisait  pas  impé- 
rieusement sentir.  M.  Redon  possède,  comme  lithographe,  d'ad- 
mirables qualités  de  technicien,  il  esl  un  admirable  coloriste  en 
blanc  et  noir;  et  k  ceux  qui,  d'après  les  horreurs  de  cauchemar 
qu'il  aime  nous  montrer,  contestent  sa  science  de  dessinateur,  il 
offre  cette  admirable  planche  :  Yeux  clos. 

Quoique  supérieurs  à  ceux  de  Raffaèlli,  les  dessins  de  H.  Re- 
nouard  ne  suscitent  point  l'enthousiasme,  non  plus  que  les  études 
de  M.  Besnard,  toujours  instable  et  caméléon,  non  plus  que  les 
croquis  de  M.  Rodin,  tumultueux,  vagues  et  insignilianls.  M.  Henri 
Rivière  est  fou  de  japonisme  au  point  de  nous  faire  prendre  pour 
de  mauvais  Hiroshighé  ses  paysages  parisiens. 

Enfin,  parmi  les  gros  négociants  de  la  pointe  et  du  burin,  le 
président  Bracquemond  met  en  montre  des  dessins  et  uncuivre  dont 
l'absolue  nullité  afflige,  le  photographe  Des  boulin  quelques  échan- 
tillons d'instantanés,  la  firme  Guérard  un  choix  varié  des  pro- 
duits de  son  usine.  La  sincère  et  calme  simplicité  des  marines  à 
l'cau-forte  de  M.  Slorro  van  's  Gravesande  repose  de  toutes  ces 
jongleries. 

M.  Camille  Pissarro,  M"*  Cassait  exposent  également  chez 
Durand-Ruel,  en  deux  petits  salons  voisins,  où  l'on  pénètre  au 
sortir  du  cirque  des  graveurs. 

Par  douze  eaux-fortes  (paysannes,  marchés,  paysages),  deux 
gouache»  (un  chef-d'œuvre,  ce  Marché  dam  la  Orande-Rue  à 
Oiiort),  cinq  dessin»  rehaussés,  trois  pastels,  M.  Pissarro 
témoigne  d'un  talent  sans  défaillances  et  de  l'ingénu  et  aventu- 
reux artiste  qu'il  esl,  el  en  cinq  éventails  gracieux  et  de  site» 
champêtre»,  des  fraîcheurs  matinales  d'été,  des  couchants  ou  des 
neiges  s'épandenl. 

M»*  Ca»»ait  »'inquiète  peu,  en  ses  huiles  et  ses  pastels,  de  pein- 
ture claire  ou  éclatante  :  elle  est  surtout  dessinateur,  et  c'est  de 


'■/> 


kv'f^'y  f'*--'''- 


L'ART  MODERNE 


137 


celte  unique  élève  de  Degas,  ft  «on  tour  un  maître,  des  variationa 
sur  ce  thème  :  une  mère  et  son  enfant.  Nais  en  sus  du  merveilleux 
style  de  ces  probes  œuvres,  allant  jusqu'à  évoquer  le  souvenir  du 
Ghirlandajo,  c'est  l'exquise  grâce  imprévue  de  gestes  enfantins 
que  seule  une  Ame  féminine  pouvait  ainsi  subtilement  observer  et 
traduire. 

En  huit  planches  gravées  (pointe  sèche  et  aquatinte)  !!!'■•  Cassait 
innove.  Scènes  intimes  et  mondaines,  ces  gravures  i  l'instar  dis 
planches  du  Japon,  sont  imprimées  en  couleurs.  Si  la  première, 
ce  Bain  d'enfant,  est,  pour  l'étude  du  procéd'é,  une  voulue  traduc- 
tion européenne  d'Ouiamaro  (et  l'artiste  l'intitule  :  Etsai  d'imita- 
tion de  lettampe  japonaite),  la  Lettre,  la  Jeune  femme  enayant 
une  robe  font  prévoir  des  œuvres  d'une  nouveauté  d'art  char- 
mante et  parfaitement  personnelles.  G.  l. 


f>ETITE    CHROJ^IQUE 

La  troisième  séance  de  musique  classique  pour  instruments  k 
vent  et  piano,  donnée  par  MM.  Anthoni,  Guidé,  Poncelei,  Merck, 
Neumans  et  De  Greef,  aura  lieu  aujourd'hui  dimanche,  à  deux 
heures,  dans  la  grande  salle  du  Conser\'aloire,  avec  le  concours 
de  MM.  Danlée,  basse  chantante,  Ed.  Jacobs,  professeur  de 
violoncelle  et  Gurickx,  planiste. 

Comme  œuvres  principales,  on  y  entendra  le  trio  pour  piano, 
clarinelie  et  violoncelle,  ainsi  qu'un  octuor  de  Bocihovcn,  l'air 
d'Iphigéfiieen  Aulide  de  Gluck  et  des  mélodies  de  Schubert. 

Une  représentation  extraordinaire  sera  donnée  demain,  lundi, 
au  théâtre  Molière,  au  bénéfice  de  M.  Alhaiza.  M"*  Dyna  Beumer 
se  fera  entendre  dans  un  eutr'acte  des  Faux  bonthommes  de 
Théodore  Barrière.  

Dernier  amour  flamboie  sur  les  affiches  du  Parc,  à  moins  que 
ce  soit  Dette  de  Haine  ou  quelque  aulre  Maître  de  Forge». 
M.  Candeilh  ne  paraît  pas  compter  beaucoup  sur  celte  pièce.  Il 
annonce  pour  vendredi  prochain  les  Joies  de  la  paternité,  3  acies 
d'Alexandre  Bisson.  ,      

On  nous  prie  d'annoncer  le  concert  qui  sera  donné  i  la  Grande- 
Harmonie  le  mardi  28  avril  1891.  il  8  1/2  heures  du  soir,  par 
M.  Henri  Merck,  violonccllisle,  M"«  Carloita  Welli,  canlairice, 
M'"  Louisa  Merck,  pianiste,  M.  Rossecis,  baryton  et  M.  Franz 
Godebski,  violoniste. 

Erneslo  Rossi  donne  &  l'Alhambra  une  nouvelle  série  de  repré- 
lations.  Le  premier  speetacl'!,  fixé  a  mardi,  sera  Othello. 
Demain,  lundi,  le  Roi  Lear,  au  Théâ're  communal. 

L'Avenir  dramatique  organise  au  Théâire- Moderne  des  repré- 
senialions  dont  la  première  aura  lieu  incessamment. 

Au  programme  de  ce  spectacle  d'ouverture  :  Un  Af/Ue  de 
Camille  Lemonnier,  et  le  Djighit,  pièce  en  4  tableaux,  par 
M™  TolaDorian.  

Nouveau  deuil  dans  la  famille  arlislique.  Le  sculpteur  Chapu 
vient  de  mourir  k  Paris,  dans  la  force  de  l'âge. 

Chapu  (Henri-Michcl-Anloine)  éiail  né  au  Mée  (Seine-et-Marne) 
le  29  septembre  1833.  Élève  de  Pradier,  de  Durct  et  de  Léon 
Cognict,  il  remporta  le  grand  prix  de  sculpture  en  1885,  avec 
CUobis  et  Biton,  et,  en  1863,  il  d(^biiiail  au  Salon,  avec  son 
élégante  statue  de  Mercure  inventatit  U  caducée,  qui  figure 
aujourd'hui  au  Musée  du  Luxembourg  et  qui  a  éié  popularisée  par 
les  reproductions  de  toute  sorte. 

Depuis,  nous  retrouvons  le  jeune  maître  aux  diffi'rcnts  Snlons 
avec  un  buste  de  M.  Léon  Donnai,  le  Génie  de  l'Immortalité, 
desthié  au  monument  de  Jean  Raynaud  ;  le  Semeur,  statue  plaire; 
la  Mort  de  la  Nymphe  Clytie^  la  Sécurité,  sialuc  en  pierre 
destinée  ii  la  décoration  de  la  préfcciure  de  police;  le  Monument 
à  la  Mémoire  de  Berryer,  pour  le  Palais  de  Justice;  le  Monu- 
ment à  la  Mémoire  de  Schneider;  Jeune  Garçon,  statue,  marbre; 


Plulon  et  Proserpine,  deux  figures  destinées  aux  parc  de  Chan- 
tilly ;  la  Statue  ae  la  Duchesse  i Orléans;  le  Tombeau  de  Mgr 
Dupanloupt  Jeanne  d'Arc,  etc. 

Au  dernier  Salon  encore,  Chapu  exposait  une  Danseuse  et  le 
Monument  de  Gustave  Flaubert. 

L'une  de  ses  œuvres  les  plus  appréciées  est  le  monument  élevé 
â  l'école  des  Beaux-Arts  â  la  mémoire  d'Henri  Regnault. 

Un  joli  Irait  de  filial  souvenir  ù  son  lieu  de  naissance  :  Chapu 
envoyait  régulièrement  au  Mée  la  maquette'ou  un  plâtre  de  cha- 
cune de  ses  œuvres.  L'école  communale  de  cette  ville  possède 
actuellement  un  véritable  petit  musée  qui  perpétuera  la  mémoire 
de  l'artiste. 

Une  représentation  symbolique  d'œuvres  inédites  sera  donnée, 
le  27  mai,  à  Paris,  au  Vaudeville,  par  le  Théâtre  d'Arl,  au  bénéfice 
du  poète  Paul  Verlaine  et  du  peintre  Paul  Gauguin. 

Le  programme  de  cette  intéressante  matinée  comprendra  : 

1°  Les  Uns  et  les  Autres,  un  acte  en  vers  de  Paul  Verlaine 
(partie  musicale  de  M.  Pierre  Quittard). —  2°  Le  Corbeau,  poème 
d'Edgar  Poe  (traduction  de  M.  Stéphane  Mallarmé).  —  3°  L'In- 
truse, un  acte  ei  prose  de  M.  Maurice  Maeterlinck.  —  4'  Chéru- 
bin, trois  actes  en  prose  de  M.  Charles  Norice  (partie  musicale  de 
M.  Pierre  (}uittard). — 5°  Le  Soleil  de  minuit,  un  acte  en  vers  de 
M.  Catulle  Mendès.  — 6»  Un  Poème  dialogué  de  M.  Théodore  de 
Banville. 

Ces  œuvres  sont  diies  Ou  jouées  par  : 

MM.  Paul  Mounet,  Dchelly,  de  la  Comédie-Française  ;  Calmeltes, 
Krauss,  Cabel,  Mondos,  Prad,  de  l'Odéon;  Tarride,  des  Nou- 
veautés; Félix,  Jacques  Fenoux,  Paul  Frank,  Prémilleux,  Henry 
Huot.  etc.,  du  Théâtre  d'Arl; 

M""*  Moreno,  de  la  Comédie-Française;  Marly,  de  i'Odéon; 
Lucy  Gérard,  du  Gymnase;  Camée,  Suzanne  Gay,  Lemorié,  etc., 
du  théStre  d'Art. 

L'Echo  de  Paris  a  ouvert  une  souscription  pour  cette  représen- 
tation. Les  places  du  roz-de-cliaussée  et  du  premier  étage  sont  â 
20  francs,  celles  du  deuxième  étage  h  15  francs,  celles  du  troi- 
sième étage  â  10  francs,  celles  du  quatrième  étage  â  5  francs.  On 
est  prié  d'adresser  les  demandes  de  places,  accompagnées  d'un 
mandat  postal,  â  l'Eclu)  de  Paris,  16,  rue  du  Croissant,  au  nom 
de  M.  Paul  Fort,  directeur  du  Théâtre  d'Art.  Les  billets  numé- 
rotés seront  envoyés  par  retour  du  courrier  aux  souscripteurs. 

Une  «  Exposition  internationale  de  publicité»  aura  lieu  h  Paris 
du  17  mai  au  15  septembre,  au  Palais  des  Beaux-Arts  du  Champ- 
de-Mars.  Les  journaux,  revues,  albums,  imprimés,  affiches,  pros- 
pectus, etc.,  de  toutes  les  nations  seront  réunis  et  mis  à  la  dispo- 
sition du  public.  Les  journaux  et  revues  non  illustrés  seront 
placés,  sous  garde,  le  long  des  murs  des  salons.  Les  journaux 
illustrés  seront  placés,  sous  garde,  sur  des  pupitres.  Des  circu- 
laires viennent  d'être  lancées,  en  vue  de  cette  exhibition  d'un  nou- 
veau genre,  â  tous  les  périodiques  du  monde.  L'idée  est  originale 
et  mérite  de  réussir.  

La  ville  de  Glafcow  s'est  rendue  acquéreur,  pour  le  Musée  dé 
cette  ville,  du  portrait  de  Carlyle  par  James  Mc.-NeiU  Whistler. 

Le  dernier  numéro  des  Hommes  d'aujourd'hui  (édiiion  Vanier) 
donne  un  bon  portrait  de  Paul  Cézanne,  le  peintre  impression- 
niste qui  exposa  l'an  dernier  aux  XX.  Dessin  de  Camille  Pissarro, 
texte  d'Emile  Bernard.  

Nouvelles  wagnériennes  du  Guide  musical  : 

Les  théâtres  danois  étaient  restés  jusqu'ici  assez  réfractaires  â 
Wagner.  Mais  la  glace  parait  maintenant  rompue.  La  Walkyrie, 
jouée  pour  la  première  fois  â  l'Opéra  de  Copenhague  le  mois  der- 
nier, a  obtenu  un  énorme  succès.  Le  roi,  la  reine  et  les  princes 
royaux  assistaient  il  la  rcpréseniaiion  et  ont  donné,  â  plusieurs 
reprises,  le  signal  des  applaudissements. 

L'Opéra  allemand  de  New-York  vient  de  prendre  congé  du 
public  en  jouant  une  dernière  fois  Tristan  et  Yseull.  Les  inter- 
prètes, M""  Mielke-Yseult  et  M.  Gudehus-Tristan,  ont  été  rappelés 
un  nombre  incalculable  de  fois.  M.  SeidI,  qui  conduisait  l'or- 
chestre, a  été  l'objet  d'ovalions  chaleureuses. 


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(Richard),  Brauwer  (Adrien),  Bredael  (J.-F.  Van),  Brekelenkamp 
(Quiryn  Van),  Breughel  (Jean  dit  de  Velours),  Breydel  (Charles), 
Coque*  (Gonzalès),  Cuyp  (Albert),  Dietricy  (C.-G.),  Everdlngen 
(Albert  Van),  Fyt  (Jean),  Goyen  (Jean  Van),  Gryf  (Adrien),  Hais 
(François),  Heem  (Jean-David  De),  Heist  (Barthélémy  Van  der), 
Heyden  (Jean  Van  der)  et  Velde  (Adrien  Van  de),  Huchtenburg 
(Jean  Van),  Jardin  (Charles  du,  dit  Carie  du  Jardin),  Lingelbach 
(Jean),  Mignon  (Abraham),  Moni  (Louis  de),  Moor  (Charles  de), 
Neefs  (Pierre),  Neer  (Arthur  Van  der),  Netscher  (Gaspard),  Ostade 
(Adrien  Van),  Poelenburg  (Corneille  Van),  Pynacker  (Adam), 
Pynacker  (Adam)  et  Berchem  (Nicolas),  Rubens  (Pierre-Paul), 
Ruisdael  (Jacques),  Rujrsch  (Rachel),  Soolmaker  (J.-F.),  Steen 
(Jean),  Stevens  (Palamède),  Storck  (Abraham),  Teniers  (David,  le 
jeune),  Ulft  (Jacques  Van  der),  Vadder  (Louis  de)  et  Bout  (Pierre), 
Velde  (Adrien  Van  de),  Verboom  (Abraham)  et  Lingelbach  (Jean), 
Wouverman  (Philippe),  Wouverman  (Pierre),  Wynants  (Jean)  et 
Velde  (Adrien  Van  de),  etc.,  etc. 

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Bruxelles. 

Les  mercredi  39  et  jeudi  30  avril  1891,  à  a  heures  précises  de 
relevée. 

sous   LA   OIEECnON   DB   : 

M  Henri  LiE  ROT,  expert,  11,  rue  Marie-Thérèse,  à 
Bruxelles. 

Assisté  et  MM.  J.  et  A  LE  ROT  frères,  experts,  la,  place  du 
Musée,  i  Bruxelles. 

Chez  lesquels  se  distribue  le  catalogue. 

E2CFOSIXIOITS  : 
PARTICULIÈRE,  le  lundi  17  avril  1891. 
PUBLIQUE,  le  mardi  38  avril,  de  1  i  6  heures  de  relevée. 


L'Industrie  Moderne 

jMma^asant  deiur  faUp""'  >>*ot*' 
IttvMiUoaB.  —  Brsfvete.  —  bNltlis<nMM«: 

CiNQtnàMB  Aimis. 

Administration  et  rédaction  :  Rue  Royale,  15,  Brtueellee. 
Sue  LafàyeUe,  123,  ParU. 


JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dinumehe. 

Faite  et  débata  JndloiaIr«i.  —  Jnrtqimdenoe. 

—  BU>U«srapliie.  —  I.«glstotlon.  —Notariat. 

DaiÈUM  AMMÉB. 

ABOHHBHBHTS  |  étranger,  28         id. 
Administration  et  rédaction  :  Rue  des  Minimes,  10,  BruaeUi*, 


BroxellM.  —  Imp.  T*  Moiaioji,  31,  ru  de  l'Indastri*. 


"  ^y^-  '^iT^vq^^:^'^:  it:. 


ONZdUfB   AMMÉB.  N*  18. 


Lb  MniÉao  :  86  cbntimes. 


Dimanche  3  Mai  1891. 


LART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


RBVDE  ORmQUE  DBS  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octavk  MAUS  —  Edmond  picard  —  Émilb  VERHAEREN 


ABONMEMKNTS  :    Belgique,   un   an,   fir.   10.00;  Union   postale,    tr.    13.00.    —  ANNONCES   :    On   traite  i   forfait. 

Adreuer  toute*  le»  communication*  d 
l'administration  oénéralb  db  TArt  Moderne,  me  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


? 


OMMAIRE 


Lb  RtoNB  DU  SiLBNCB.  —  NoTULBS  DE  voYAOR.  Berlin.  —  -Là 
VKNTB  Di  BuiUKRST.  —  Théathb  UBas.  Le  Canard  tauvage.  — 
Fédébation  AKCHiouraigui.  —  Cbboniqdb  jvmoAfia  des  Art«. 
Coiqturet  au  théâtre.  Nos  Sout-officierâ .  —  Biblioobapbib  musicale. 

—  CbITIQUB  JfUSICAUl.  —  PEnTB  CBBONIQUE.  —  TlTRE  DON  UVHE  DU 
XVI*  SliCLB. 


LE  EÈGNE  DU  SILENCE 

Poème  par  QBoaaas  Rodbnbaoh,  in-8<>,  236  p.,  titre  et  table.  — ^  Parii, 
Bibliothèqae  Charpentier,  1891. 

Georges  Kodenbach  forme,  avec  Camille  Lemonnier 
et  Maurice  Maeterlinck,  le  trio  des  écrivains  belges 
dont  les  noms  sont  familiers  aux  Parisiens.  Le  surplus 
de  notre  brillante  phalange  de  poètes  et  de  prosateurs 
est  ignoré,  sauf  fugitive  apparition  de  leurs  noms  et  de 
leurs  oeuvres  en  quelque  brief  compte-rendu  des  revues 
à  petit  tirage.  Les  écrivains  et  les  critiques  français  nous 
aiment  peu,  soit  vague  souvenir  de  notre  passé  de  con- 
trefaçon littéraire,  soit  instinctif  esprit  de  concurrence 
a  nous  voir  employer  le  même  idiome,  ou  répulsion  à 
avouer  que  parfois  nous  ne  nous  en  tirons  pas  mal. 
N'empêche  que  nous  allons  bon  train  et  que,  dans  l'évo- 
lution de  là  littérature,  de  la  poésie  et  de  la  langue, 
notre  contribution  est  devenue  considérable. 


Si  Camille  Lemonnier,  Georges  Rodenbach  et  Mau- 
rice Maeterlinck  sont  connus  chez  nos  voisins  du  Sud, 
ce  n'est  pas  qu'ils  y  soient  universellement  admirés. 
Eux  aussi  subissent  la  sourde  malveillance.  Emile 
Bergerat  vantait  dernièrement  dans  le  Gil  Bios  le 
Règne  du  Silence.  Mais  Catulle  Mendès.déposant  dans 
la  curieuse  et  mouvementée  Enquête  sur  F  Evolution 
littéraire  que  poursuit  obstinément  M.  Jules  Huret 
dans  l'Echo  de  Paris,  constatait  en  ces  termes  l'oppo- 
sition :  «  Je  ne  vedx  pas  oublier  non  plus  Rodenbach, 
un  poète  envers  qui  on  est  injuste;  il  est  peut-être  un 
peu  juste  milieu,  mais  il  s'est  dégagé  des  imitations  et 
de  l'influence  de  Coppée,  il  devient  plus  personnel, 
et  il  y  a  de  bien  jolies  choses  dans  Du  silence  - .  —  Et 
Paul  Margneritte,  de  son  côté,  lui  aussi  témoin  dans  ce 
Référendum,  parlant  des  jeunes  réformateurs  :  t  Leur 
mépris  pour  leurs  aînés  et  leurs  camarades  est  chose 
qui  me  passe.  Il  existe  pourtant,  en  dehors  d'eux, 
de  grand  poètes,  comme  Maurice  Bouchor.  Haraucourt 
et  Rodenbach  ne  sont-ils  rien,  non  plus?  » 

Georges  Rodenbach  a  quitté  la  Belgique,  définitive- 
ment semble-t-il,  autant  qu'on  peut  croire  être  décollé 
de  sa  patrie,  et  nourrit  l'espoir  de  symboliser  là-bas 
la  poésie  belge,  en  une  forte  expression,  comme  Tour- 
guenief  y  symbolisait  jadis  la  prose  russe.  Au  point  de 
vue  de  la  notoriété,  il  a  réussi,  mais  comme  synthèse 
du  mouvement  qui  nous  tourmente  et  nous  pousse,  nous 


anssi,  en  dehors  des  formes  anciennes,  c'est  différent. 
Il  reste,  en  effet,  obstinément  soumis  à  la  discipline 
Tersificatoire  qu'on  peut  appeler  officielle.  Il  ne  fait 
guère  de  concessions  aux  idées  étranges,  encore  con- 
fuses, mais  qu'on  sent  fécondes,  des  jeunes  écoles  dont 
rien  ne  peut  comprimer  l'expansion,  ni  l'hostilité  des 
pontifes,  ni  les  sarcasmes.  Il  pense  apparemment  là- 
dessus  comme  a  pensé  l'illustre  Leçon  te  de  Lisle  dans 
son  témoignage  à  l'Enquête  de  M.  Jules  Huret, 
étonnante  et  lamentable  déclation  sénile  qui  le  classe 
irrémissiblement  parmi  les  incurables.  Grand  poète, 
certes,  mais  pitoyable  juge  de  l'évolution  artistique. 

Georges  Rodenbach  a,  pour  l'alexandrin,  la  foi  de 
Catulle  Mendès,  confessée  à  M.  Jules  Huret  (c^r  à  odni- 
ci  vont  depuis  bientôt  deux  mois  toutes  les  confessions 
des  pécheurs  de  la  plume)  :  >  Mon  vieil  mmi  Anatole 
France,  qui  ne  se  trompe  que  quand  il  veut,  a  fait  un 
calembour^quand  il  a  paru  croire  que  l'alexandrin  avarié 
d'Age  poétique  en  &ge  poétique,  et  que  les  libertés  prises 
par  les  symbolistes  dérivaient  directement  des  vieilles 
libertés  auparavant  conquises!  Il  sait  bien,  au  con- 
traire, que  l'alexandrin  n'a  jamais  varié  depuis  qu'il 
existe!  Qu'il  a  toujours  eu  douze  pieds  et  une  césure; 
que  les  pires  audaces  d'Hugo  sont  dans  Boileau  !  et  qu'il 
est  impossible  de  trouver  dans  les  modernes  une  liberté 
poétique  dont  on  ne  puisse  découvrir  l'équivalent  chez 
les  classiques!  Seulement,  ah!  seulement!  attendez!  Ce 
qui  était  autrefois  l'exception  est  devenu  par  la  suite 
plus  commun  ;  de  même  qu'il  y  a  à  présent  trois  mille 
cocus  dans  une  ville  qui  n'en  contenait  autrefois  qu'un  ! 
Oui,  oui,  Anatole  France  a  confondu  la  guerre  civile 
avec  la  guerre  extérieure  !  Il  y  a  en  des  discussions  intes- 
tines, mais  pas  de  conquêtes  de  l'étranger;  l'alexandrin 
s'est  modifié  de  mille  façons,  on  peut  encore  le  transfor- 
mer peut-être  de  mille  autres  manières,  je  l'accorde,  ^- 
mais  c'est  là  son  admirable  gloire,  —  depuis  la  chanson 
de  geste  où  il  est  apparu  pour  la  première  fois,  à  tra- 
vers Ronsard  et  Malherbe  il  est  resté  et  restera  cette 
chose  merveilleuse  que  les  plus  grands  artistes  ont  fait 
servir  à  tant  de  magnifiques  chefe-d'oeuvre  :  i'alexaù- 
drin  français!  Et  quand,  à  travers  tant  de  crises,  tant 
de  transformations,  tant  de  révolutions,  le  vers  n'a  pas 
changé,  quand  tant  d'esprits  insurgés,  tant  de  tempéra- 
ments brouillons  et  tant  de  purs  génies  nous  l'ont  trans- 
mis, finalement  intact,  après  l'avoir  ajusté  à  des  lyres 
si  diverses,  c'est  qu'en  effet,  il  doit  avoir  en  lui  antre 
chose  qu'une  harmonie  de  hasard,  c'est  qu'il  est,  dans 
son  essence,  étemel,  croyez-moi.  • 

Le  Règne  du  Silence  alexandrinise  presque  tout  le 
temps,  fort  correctement  certes,  mais  avec  monotonie. 
•  Juste  milieu  •.  comme  l'a  dit  Catulle  Mendès;  pmt- 
ètre  par  excessive  préoccupation  du  calme,  du  repos  qui 
slurmonient  au  siloice,  ou  plutôt  à  la  vue  tranquille 
et  sentimentale  des  choses,  aux  pensées  muettes  qu'dles 


font  passer  dans  l'eaprit,  pareilles  à  des  noes  lentes 
défilant  dans  l'atmosphère.  La  vie  de»  Chambres,  —  Le 
Coeur  de  l'Eau,  —  Paysages  de  Ville,  —  Cloches  du 
Dimanche,  —  Au  Fil  de  l'Ame,  —  Du  Siloftoe,  —  série 
très  suggestive  de  titres  sédoisants,  s'acherant  et  se 
résumant  dans  cet  admirable  épilogue  : 

C'est  raotomne,  U  phiie  «t  U  mort  d*  l'Miatol 
La  mort  de  la  jeuoesM  et  dn  muI  noble  afiort 
Anqael  nous  songeroD*  i  l'heare  de  la  mort  : 
L'effort  de  se  sorriTre  en  IXEuTre  terminée. 

Mais  c'est  la  On  de  cet  espoir,  du  grand  espoir. 
Et  c'est  la  Hn  d'an  rére  aussi  vain  gne  (es  antres  : 
ht  nom  du  dieu  s'eflace  aux  lèrrcs  des  ap6tras 
Et  le  plus  Tigilanl  trahit  arant  le  soir. 

Onirisndes  de  la  (loirs,  ahl  vaines,  to^joars  vaines  ! 
Mais  c'est  triits  pourtant  qusnd  on  avait  rA** 
De  ne  pas  trop  pirir  et  d'ttre  un  peu  ssuvé 
Et  de  laisser  de  soi  dans  les  bsrqnes  humaines. 

Las  1  le  rose  de  moi  je  le  sens  déflenrir. 
Je  le  sens  qui  se  laue  et  je  sentf  qu'on  le  caeilla  t 
Mon  sang  ne  coule  pas;  on  dirait  qu'il  s'eftoilie... 
Et  puisque  la  nuit  vient,  — j'ai  aommeil  de  monrirt 

Le  corps  du  Poème,  dont  l'unité  est  très  marquée,  est 
terne  de  teinte.  Il  est  vrai  qu'un  poète  coloriste  aurait 
le  droit  de  dire  :  le  silence  est  gris.  Mais  c'est  le  poète 
instrumentiste  qui  trouverait  surtout  à  critiquer  l'œu- 
vre, et  c'est  ici  qu'apparaît  la  faute  que  commet  Geoi^es 
Rodenbach  en  se  désintéressant  des  efforts,  encore 
tâtonnants,  de  tant  de  jeunes,  pour  rendre  à  la  langue 
firancaise  l'harmonie  des  lettres,  des  sons,  des  phrases, 
qu'elle  a  perdue  depuis  Malherbe  pour  ne  rechercher 
que  la  clarté  et  la  correction  officidle.  Une  étude  atten- 
tive des  procédés  de  Jules  Laforgue,  qui,  en  quelques- 
unes  de  ses  pièces  dernières,  VHiver  qui  vient  au- 
dessus  de  toute  autre,  a  ^  prodigieusement  réussi  la 
mise  en  musique  des  vers,  lui  serait  très  salutaire,  et 
en  accord,  pensons-nous,  avec  sa  nature  foncière,  car 
il  a  souvent  réussi,  plus  souvent  jadis  qu'en  son  dernier 
livre,  les  vers  harmonieux. 

Ouvrez  au  hasard  le  Règne  du  Silence  et  vous  serez 
frappé  du  disparate  edtre  les  idées  élégantes  et  leur 
forme'  verbale  difficultueuse  et  heurtée.  Je  tombe  sur  la 
page  107  ;  il  s'agit  d'une  ville  morte  à  «^nn^T  : 

Et  c'est  pour  Hn  ainsi  que  Vvtm  et  Paatre  ast  digne 

De  la  toute-présence  en  elle  d'un  doux  cygne. 

Le  cjrgne  d'an  beau  rêve  acquis  à  ce  «it««»f» 

Qui  s'effanmcherail  d'un  peu  de  violenoe 

Et  qui  n'arriTe  U  flotter  oomme  une  palme 

Qu'à  cause  do  repos,  1  cause  du  grand  calme. 

Qj^ne  bUnc  dont  la  qaeue  ouTerte  se  déploie, 

—  BaitpK  de  clair  de  lune  et  gondole  de  aoie  — 
Cjgoe  blanc,  argeotant  l'ennui  des  momes  Tillss, 
Qui  hérisse  parfois  dans  las  canauT  tranquilles 
Son  candide  duvet  tout  impressioansble  ; 

Puis,  quand  tombe  le  soir,  cazfui  comme  les  voiles, 

—  Dédaignant  le  vojage  et  la  mer  navigable  — 
Sommeille,  Taile  dooe,  en  couvant  dea  itoilee! 

Dans  l'art  l'obstination  est  périlleose.  On  ne  re&it 
pas,  il  «si  vrai,  sa  nature.  Mais,  dans  l'espèce,  il  s'agit 
plutôt  de  ne  pas  la  comprimer,  de  la  coltiv»^  an  con- 
traire, en  son  normal  épanooissonent.  On  met,  otftas. 


'^'^^i^f^^^i^!^^^^m^ww^- 


son  orgueil  à  ne  rien  concéder  &  des  nouveaux-venus, 
on  s'entête  dans  ce  qu'on  a  cru  les  vraies  doctrines. 
C'est  une  flUshense  faiblesse.  On  aime  aussi  à  rester  en 
accord  avec  les  cénacles  qu'on  fréquente.  Mais  à  ne  pas 
vouloir  suivre  l'évolution,  on  s'isole,  chaque  jour  vous 
laisse  un  peu  plus  en  arrière.  On  ne  sert  guère  l'art 
en  se  confinant  dans  celles  de  ses  formes  qui  ont  fait 
leur  temps.  Mieux  vaut  t&tonner,  ou  si  l'on  veut  patau- 
ger à  la  recherche  du  neuf  que  de  recommencer  inuti- 
lement ce  que  les  prédécesseurs  ont  épuisé.  Le  devoir 
est,  de  notre  temps,  aux  tentatives,  même  aux  tenta- 
tives folles  :  parmi  toutes  ces  audaces,  il  en  est  qui 
seront  la  vérité,  et  ce  n'est  point  parce  que  notre  infir- 
mité ne  les  peut  immédiatement  démêler  et  signaler  que 
nous  devons  noua  abstenir,  ou,  qui  pire  est,  dédaigner 
ou  railler  ces  œuvres,  —  à  la  mode  du  vieux  Leconte 
de  Lisle,  qui  s'est  laissé  aller  à  dire  : 

«  Ils  ont  cherché'la  nouveauté  dans  la  désarticulation 
de  la  langue,  publiant  que  nous  avions  déjà  le  Vola- 
puck,  avec  lequel  le  leur  faisait  double  emploi.  Ils 
n'ont  rien  inventé,  d'ailleurs,  ils  n'ont  fait  qu'étendre  à 
beaucoup  de  phrases  le  procédé  de  M.  Jourdain  :  Belle 
Marquise,  vos  beaux  yeux  me  font  mourir  d'amour. 
D'amour,  belle  marquise...  etc.  Ils  chavirent  la  langue 
de  fond  en  comble,  sans  rime  ni  raison,  et  ils  prétendent 
que  c'est  évocatoire!  Eh  bien!  ca  n'évoque  chez  moi  que 
le  désir  de  m'en  aller  ! . . .  • 

Invalide,  va  ! 


NOTULES  DE  VOYAGE.  —  BERLL^ 

I.e  Théâtre. 

L«3  mœurs  de  ihéâire  sont  bien  curieuses  ï  observer.  Elles  en 
disent  long  sar  le  peuple,  sa  manière  de  penser  el  de  s'amuser. 

Nulle  pari  le  théitre  n'est  aussi  moral  qu'en  Allemagne.  Il  est 
vrai  que  l'Allemand  protestant  se  fait  de  la  morale  une  notion 
moins  -étriquée  que  beaucoup  de  catholiques  romains.  Sauf  au 
Retidenx  Théâtre,  les  jeunes  filles  sont  conduites  indistinclemeni 
!i  tous  les  spectacles.  Le  Re*idenz  ne  donne  que  des  pièces  fran- 
çaises traduites,  du  Dumas,  du  Blom  et  Tocbé,  du  Sardou,  etc. 
En  une  autre  langue  que  le  français,  ces  pièces  sont  inaudilibles. 
Dans  leur  «ipression  première,  tous  les  passages  raides  sont 
voilés,  l'allusion  y  règne  avec  le  sous-entendu;  mais  sur  ce  point 
les  80,000  mots  allemands  ne  parviennent  pas  à  lutter  avec  les 
27,000  mots  français.  On  se  figure  tout  le  scabreux  du  Parfum, 
de  Marquise  on  de  Ma  Coutine  détonnant  en  expressions  crues 
el  en  phrases  directes. 

L'opérette  esl  très  en  vogue  i  Berlin.  C'est  le  genre  viennois 
qui  Oeurit  :  an  libreilo  chanté  sur  une  vingtaine  de  valses  entraî- 
nantes snfiit  pour  faire  une  pièce  de  trois  actes.  Le  comique  en 
est  parfois  très  intensif,  un  comique  qui  dérive  de  la  bouffon- 
nerie, suscitant  un  large  el  franc  éclal  de  rire,  rien  du  sourire 
que  provoque  une  fine  gauloiserie  :  un  grand  amour  de  la  pan- 
tomime et  de  la  bonne  farce  des  clowns  au  théâtre. 

L'Opéra  est  un  temple  et  l'audition  de  Wagner  égale  celle  d'un 


service  divin.  Le*  plus  petits  détails  de  la  pièce  sont  connus 
d'avance  et  attendus  par  des  connaisseurs,  peut-être  un  peu  trop 
entboasiasies  quand  il  s'agit  de  leur  dieu.  Jamais  un  applaudisse- 
ment pendant  l'acte,  jamais  de  ces  saints  grotesques  et  désilla- 
sionnanls  d'nne  diva  qu'on  a  acclamée.  On  esl  là  pour  l'œuvre  plus 
que  pour  ses  interprètes.  Les  bravos  ne  font  fureur  qu'à  la  chute 
du  rideau.  Et  alors  encore,  l^tail  qui  a  son  importance,  la  toile 
ne  se  relève  pas  sur  le  décor  -.  elle  se  fend  en  deux  endroits  et  se 
retire  pour  livrer  passage  aux  artisles.  En  ce  moment  seulement, 
quand  ils  sont  bien  abstraits  de  l'œuvre  et  de  son  milieu,  les  per- 
sonnages de  tantôt  redeviennent  de  simples  mortels,  qu'on  félicile 
et  couvre  de  couronnes.  C'est  plus  rationnel  et  d'une  excellente 
sauvegarde  pour  les  impressions  que  la  pièce  veut  produire. 

L'attention  des  spectateurs  est  remarquable.  Une  bonne  moitié 
de  la  salle  suit  les  paroles  sur  un  livret.  Elle  sait  que  Wagner 
paraît  surtout  long  quand  la  musique  cesse  d'être  l'imerprétation 
d'une  idée^ 

Hais  qu'arrive  l'entr'acte,  el  les  idéalistes  de  tantfit  redevien- 
dront de  bons  gros  joyeux  buveurs  de  bière.  La  salle  se  vide  dans 
le  foyer  el  celui-ci  se  transforme  en  un  copieax  buffet,  où  le  sau- 
cisson, le  caviar  et  autres  «  Delicatessen  und  Galantcrien  »  sont 
livrés  à  un  pillage  en  règle.  C'est  que  le  spectacle  commence  à 
sept  heures,  que  l'on  n'a  pas  encore  soupe  (le  souper  n'a  lieu 
qu'après  le  Ihéftlre)  et  que  sérieuse  attention  réclame  non  moins 
sérieuse  réfection. 

Notons  en  passant  combien  est  grande  l'aptitude  naturelle  de 
l'Allemand  à  comprendre  le  maître  de  Bayreuth.  Ceux  qui  ont  dit 
que  Wagner  n'était  parfaitement  entendu  qu'à  l'étranger  se  sont 
bornés  à  une  obseryation  bien  superficielle.  On  trouve  peut-être 
chez  nous  plus  de  conviction  raisonnée,  on  juge  mieux  théori- 
quement le  système.  Hais,  sent-on  aussi  universellement  l'œuvre 
que  là-bas,  où  le  merveilleux,  loin  de  répugner  aux  imaginations, 
ne  leur  est  au  contraire  qu'un  moyen  d'exprimer  des  idées  très 
réelles. 

Détail  administratif  :  il  y  a  deux  théâtres  royaux  à  Berlin  : 
VOpernhau$  cl  le  Sckautpielhaut,  Opéra  el  Comédie.  Un  inten- 
dant les  exploite  pour  le  roi,  de  telle  sorte  que  celui-ci  n'ialer- 
vienl  pas  au  moyen  de  subsides,  mais  fait  toutes  les  différences, 
c'est-à-dire  de  800,000  fr.  à  un  million  par  an. 

Lies  Mnaées. 

En  vérité  cette  nation  est  grande,  parce  que  les  progrès  de  la 
pensée  ont  à  ses  yeux  une  importance  égale  à  ceux  de  l'ordre 
politique  et  économique. 

L'Allemagne  a  créé  des  légions  de  savants  incomparables;  elle  a 
loujours-isoutenu  les  artistes,  bien  qu'avec  plus  ou  moins  de 
succès.  Elle  porte  un  culte  enthousiaste  à  ses  grands  écrivains. 
Aussi  elle  fait  une  large  pari  à  Y  Idéal,  qu'elle  comprend  peut-être 
à  sa  manière,  mais  qui  n'est  certes  pas  absent  de  ses  préoccu- 
pations. 

Depuis  vingt  ans  on  a  dépensé  des  millions  à  Berlin  en  écoles 
de  B«iux-Arls,  Académies  el  Husées:  Kunsl-Museum,  Ruhnie 
sale,  Musée  ethnologique,  etc.  Le  Kunstgewerbe-Museiim ,  ou 
musée  d'art  industriel,  semble  vouloir  compléter  par  son  archi- 
tecture intérieure  cl  extérieure  le  souci  d'an  de  ses  collec- 
tions. Comme  loule  consiruclion  allemande,  celle-ci  ne  sort  pas 
de  la  Renaissance  et  du  style  grec.  Mais  combien  ingénieuse  y  est 
la  mise  en  œuvre  d'éléments  plus  modernes,  la  faïence,  la  tôle 
gauffrée,  le  bronze,  le  fer  forgé,  la  brique  el  la  pierre  de  couleur. 


142 


L'ART  MODERNE 


Pas  de  supercherie  :  les  matériaux  se  présentent  sous  leur 
aspect  naturel,  sans  revêtement.  C'est  plus  vrai  si  ce  n'est  pas  plus 
beau  ;  bien  certainement  d'une  beauté  moins  conventionnelle.  Le 
goût  allemand  ne  sera  jamais  noire  goût.  Il  se  délecte  trop  aux 
fioritures  et  aux  surcharges  ;  il  raffole  des  coins  et  recoins. 

La  belle  et  simple  ordonnance  qu'on  retrouve  dans  toute  cons- 
truction française  et  dont  nous  comprenons  le  charme  plus  sobre 
n'est  guère  en  honneur  de  l'autre  côté  du  Rhin.  N'cmpéche  que 
l'Allemand  peut  avoir  le  culte  désintéressé  de  lignes  qu'il  croit 
belles  et  pour  la  jouissance  desquelles  il  sait  dans  ses  monuments 
dépenser  des  sommes  énormes. 

Tout  le  monde  concourt  à  la  formation  des  musées  allemands. 
Des  voyageurs,  des  savants,  des  amateurs;  les  princes  eux-mêmes 
multiplient  leurs  donations  ou  leurs  legs  aux  dépens  de  leurs  palais. 
Tontes  les  collections  sont  rangées  avec  cet  esprit  de  systémati- 
sation qui  caraclcrise  l'allemand.  Pour  l'enseignement  populaire, 
de  longues  vitrines  où  chaque  objet  est  clairement  décrit,  par  un 
fragment  découpé  du  catalogue.  Le  plus  pauvre  s'instruit,  encore 
n'eûl-il  pas  les  50  pfennigs  que  coûte  le  catalogue  complet.  De 
telle  sorte  que  le  peuple,  qui  fréquente  assidûment  des  musées 
qu'il  sait  construits  pour  lui,  peut  suivre  l'œuvre  de  ses  savants  et 
de  ses  artistes;  il  acquiert  une  foule  de  notions  intuitives  et  sûres; 
il  comprend  son  histoire  par  les  survivances  des  milieux  d'autre- 
fois, son  passé  lui  apparaît  autrement  que  dans  une  série  de 
noms  peu  diserts. 

Aussi,  directement  intéressé  à  l'Art  et  à  la  Science,  le  vulgaire 
n'élève  plus  de  mesquines  objections  quand  il  s'agit  de  voler 
certains  crédits  :  il  sait  trop  qu'il  en  profilera  le  tout  premier. 
Par  là,  les  intérêts  supérieurs  de  la  pensée  ont  des  ramifications 
plus  étendues,  sont  désormais  mieux  assurés;  et  la  démocratie  se 
trouve  atténuée  dans  sa  tendance  généralement  contraire  au  culte 
désintéressé  de  l'Idée. 

P.  0. 


La  Vente  de  Buisseret 

La  vente  de  la  collection  de  Buisseret  qui  a  eu  lieu  cette 
semaine  à  Bruxelles,  sous  la  direction  de  M.  Henri  Le  Roy, 
assisté  de  M.M.  J.  et  A.  Le  Roy  frères,  et  dont  nous  avons  parlé 
dans  notre  dernier  numéro,  à  produit  243,780  francs. 

C'est  le  tableau  de  Karel  du  Jardin,  Berger  et  son  troupeau, 
qui  a  atteint  le  plus  haut  prix  :  24,500  francs.  L'acquéreur  est 
M.  Colnaghi,  de  Londres,  représentant,  croyons-nous,  la  National 
Gallery.  Même  acquéreur  pour  le  Joyeux  buveur  de  Franz  Hais, 
adjugé  à  23,500  francs.  La  jolie  Scène  d'Hiver  de  Philippe 
Wouwerman  a  été  payée  14,100  francs  par  M.  Huybrechts, 
d'Anvers,  qui  s'est  en  outre  offert  pour  H, 000  francs  le  beau 
portrait  du  Prince  d'Orange  au  Siège  de  Breda,  par  Cuyp.  La 
Cascade  de  Ruysdael  a  été  adjugée  13,000  francs  à  M.  Warocqué. 
Le  Torrent,  du  même,  9,600  francs  ii  M.  Colnaghi. 

L'Intérieur  de  D.  Tcniers  a  atteint  11,100  francs  et  est  resté 
au  vicomte  du  Bus.  M.  Gocdhaerl,  d'Amsterdam,  a  fait  monter  à 
7,000  francs  la  l'ue  d'une  place  publique  de  Van  der  Heydcn  et 
Van  de  Velde,  un  vrai  bijou.  L'autre  tableau  de  Van  de  Velde, 
Site  champêtre  avec  animaux,  a  été  acquis  7,100  francs  par 
M.  Colnaghi.  La  Tabagie  d'Adrien  Van  Ostade,  7,100  francs 
(Colnaghi).  —  Le  Christ  en  croix  de  Rubens,  6,400  francs 
(Le  Roy,  frères).  —  L'Hiver  de  Van  der  Neer,  5,500  francs 
(Sedclmeyer).    —    La   Chasse  au  Lion  de   Fyt,  4,600  francs 


(Le  Roy,  frères).  —  L'Inlirieur  de  P.  De  Hoogh,  4,500  francs 
(Sedelmeyer).  —  La  muticienue,  de  G.  Neisrher,  3,900  francs. 
Le  pouage  du  gué,  par  N.  Bercbem,  3,400  francs  (Le  Roy, 
frères).  —  Du  même,  le  ReUmr  k  la  ferme,  3,000  francs 
(Colnaghi).  —  La  malade  de  Jan  Steen,  l'un  des  tableaux  les  plus 
intéressants  de  la  collection,  a  été  adjugé  3,000  francs  >  M.  Se- 
delmeyer. Les  deux  Pynacker  sont  montés,  l'un.  Paysage  italien, 
i  4,100  francs  (Sedelmeyer),  l'autre;  Le  Paysage  peint  en 
coHaboration  avec  N.  Bercbem,  il  S,600  francs. 

Venaient  ensuite  :  Adrien  Brauwer,  Intérieur,  S.400  francs.  — 
Karel  du  Jardin,  Paytage,  3,100  francs.  —  Begyn,  FAbreuvoir, 
2,000  francs.  —  Mignon,  FUurs,i,000  francs.  —  Huchlemburg. 
Choc  de  cavalirie,  1,700  francs.  —  Le  même,  L'Embuicade, 
1,078  francs.  —  Soolmaker,  V Abreuvoir,  1,600  francs.  —  Van 
Goyen,  Vue  de  la  Meut,  1,550  francs.  —  Pierre  Wouwerman 
Halte  de  cavaliers,  1,5S0  francs.  —  Breugbel,  le  Moulin,  l,5tlO 
francs. —  De  Heem,  Nature  morte,  1,500  francs.  —  Van  der  Helsi, 
Portrait,  1.450  francs.  —  Asselyn,  Le  manège,  4,400  francs.  — 
G.  Coques,  François  Mieris,  1,350  francs.  —  Lingelbach,  Halle 
de  voyageurs,  1,350  francs.  — Brelielenkamp,  Z«  nmrc^nd  d« 
poisson,  1,300  francs.  —  Pierre  Wouwerman,  le  Camp,  1,300 
francs.  —  Soolmaker,  Le  passage  à  gué,  1,300  francs.  — Ch.  de 
Moor,  Portrait  de  l'artistt  et  de  sa  famille,  1,0Î5  francs.  — 
Dietrich,  Lolh  et  ses  filles,  1,000  francs. 

La  commission  du  Musée,  qui  s'était  rendue  an  grand  complet 
à  l'exposition  particulière  de  la  collection,  n'a  rien  acquis,  ce  qui 
est  ficheux,  car  il  s'y  trouvait,  comme  nous  l'aTons  dit(l),  nombre 
de  fort  belles  toiles  qui  ont  été  vendues  k  des  prix  très  abordables. 


Nous  avons  reçu  les  ouvrages  suivants,  dont  il  sera  rendu 
compte  prochainement  : 

Harmonies  de  formes  et  de  couleurs,  démonstrations  pratiques, 
par  Charles  Henry,  bibliothécaire  k  la  Sorbonne  (Paris,  A.  Her- 
mann).  —  Vieuxlemps,  sa  vie,  ses  œuvres,  par  i. -Théodore 
Radoux  (Liège,  Aug.  Bénard).  —  Dyptique,  par  Francis  Viélé- 
Griffm  (Paris,  imprimerie  A. -M.  Beaudelot).  —  L'Androgyne, 
VIII'  roman  de  la  Décadence  latine,  par  Joséphin  Peladan  (Pan.i, 
Dentu).  —  Les  cahiers  t André  Walter,  œuvre  posthume  (Paris, 
librairie  de  l'Art  indépendant).  —  La  jeune  fille  dans  Fart,  par 
Albert  Dulry  (Gand,  A.  Siffer).  —  Au  pays  du  mufle,  par  Laurent 
Tailhade  (Paris,  Vanier).  —  Bonheur,  par  Paul  Veriaine  (Paris, 
Vanicr).  —  Daniel  Valgraive,  par  Rosny  (Paris,  Lemerre).  — 
Là-bas,  par  J.-K.  Huijsmans  (Paris,  Tresse).  —  Barbey  d'Aure- 
villy, par  Ch.  Buet,  etc. 


Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne. 

t«   Canard  sauvage,  do  M.  Ibskn,  b-aduit  par  MM.  Armand 

Epheaîii  et  Tb.  Lindknlaub. 
Hjalmar  Ekdal  joue  de  la  flûte,  boit  de  la  bière,  fait  sa  sieste, 
feuillette  des  mémoires  savants,  paonne  devant  sa  famille  extasiée  : 
et,  le  soir  venu,  il  est  persuadé  qu'il  a  travaillé  à  quelque  boule- 
versante découverte  scientifique.  Il  croit  que  les  recettes  de  sa 
photographie  suffisent  aux  dépenses  du  ménage  :  c'est  Werle  qui, 
sous  couleur  de  rétribuer  les  illusoires  écritures  d'Ekdal  père, 

(1)  Voir  l'article  de  notre  collaborateur  Eugène  Demolder  dans  le 
dernier  numéro  de  l'Art  moderne. 


L'ART  MODERNE 


143 


comble  les  déficits.  H  est  le  mari  de  Gina  :  c'est  Werle  qui  eut 
les  prémices  de  Gina,  et  la  petite  Edwige  est  leur  fille.  Son 
bonheur  intellectuel,  financier,  familial  est  donc  ii  base  d'erreurs 
et  de  mensonges.  Les  autres  personnages,  seul  le  mensonge  les 
soutient  :  ce  louche  licencié  en  théologie  Holvig  s'imagine  qu'il 
est  démoniaque,  illusion  qui  l'empâche  de  mourir  du  dégoût  de 
soi-même;  le  vieil  Ekdal,  ex-lieutenani  des  forêts  et  qui  tua  neuf 
ours,  tire  des  pigeons  et  des  lapins  dans  son  grenier,  en  bondis- 
sant parmi  trois  arbres  de  Noël,  et  il  se  voit  sur  les  monts;  si 
Werle  est  le  grand  manufacturier  et  le  bourreau  des  cœurs  de  la 
contrée,  c'est  parce  que  sa  complicité  n'a  pas  été  établie,  dans 
l'affiiire  des  coupes  frauduleuses  qui  a  valu  au  vieil  Ekdal  des 
années  de  gédie;  et  la  franchise  n'est  qu'une  arme  de  l'hypocrisie 
pour  Berthe  Sdrby  racontant  ses  équipées  à  l'homme  qu'elle  veut 
épouser.  Dans  ce  monde  là,  dont  l'équilibre  ne  se  maintient  qu'à 
la  faveur  du  Mensonge  Vital,  tombe  Grcgcrs  Werle.  Ce  jeune 
Gregers  Werle  tient  son  père  pour  un  misérable,  et  ne  le  lui  cèle 
pas.  Il  refuse  de  lui  argent  et  asile.  11  est  atteint  d'une  «  incurable 
fièvre  d'honnêteté  ».  Il  veut  faire  triompher  les  Revendications 
Idéales,  et  commence  sa  campagne  par  Hjalmar.  En  l'édifiant  sur 
Gina,  il  provoquera  une  crise  où  l'union  conjugale  de  ses  deux, 
amis,  jusqu'alors  précaire,  se  vivifiera  dans  l'aveu,  dans  l'absolu- 
lion,  dans  la  vérité,  deviendra  indestructible.  Hais  Hjalmar  ne 
sait  ni  s'avouer  que  ces  révélations  lui  sont  !)  peu  près  indiffé- 
rentes, ni  accorder  sans  phrases  le  pardon  que  prévoyait  Gregers. 
Il  éternise  la  situation,  jouissant  en  acteur  de  son  rôle  à  eflcis. 
Déjà  troublée  par  les  prédications  exallées  de  Gregers,  Edwige 
s'affole  dans  une  nuit  de  contradictions  et  d'injustices  où  elle  sent 
que  tout  se  disloque,  et  elle  se  lue,  au  grenier,  à  côté  du  canard 
sauvage  qui,  lui,  prospère.   Ce  canard,  blessé   à   l'aile,  avait 
plongé    pour    s'accrocher  aux    algues    et    mourir    «  dans   les 
profondeurs  de  la  mer»;  tiré  de  là,  il  vivait  depuis  lors  sous  le 
toit  des  Ekdal.  Il  fut  selon   la  Nature,   libre;  il  est  selon  la 
Société,  et  captif.  Dans  les  moments  pathétiques,  il  est  présent  à 
l'esprit  de  tgus,  jamais  il  ne  paraît  en  scène.  Reculé  dans  les 
profondeurs  du   grenier,    effrayant  cl  pcul-élre   goguenard,    il 
hospitalise  tour  !i  tour  les^ersonnages  intellectuels  de  Gregers, 
;    d'Edwige,    de    Hjalmar,    dont    les    personnages    anecdotiqucs 
bavardent  sur  les  planches;  en  lui  toutes  antinomies  viennent  se 
concilier,  et  il  est  bien  l'âme  de  ce  drame  rugueux,  fumeux  et 
délicieux    que    représenta   le   Théâtre   Libre,    les    2.ï,    27    et 
28   avril   1891,  k  Paris.  F. 


FÉDËRATIOM  ARCHÉOLOGIQUE 

On  sait  que  la  Fédération  archéologique  et  hif  torique  de  Bel- 
gique [Sen^T»  sa  prochaine  réunion  à  Bruxelles  du  2  au  7  aoûl  1891. 

Le  Congrès  aura  une  durée  de  six  jours;  une  journée  sera  con- 
sacrée aux  excursions  des  sections. 

La  souscription  n'est  que  de  cinq  francs  et  donne  droit  à  un 
beau  volume  d'environ  sept  cents  pages,  contenant  les  comptes- 
rendus  des  séances,  ainsi  que  les  mémoires  présentés. 

Pour  assurer  la  bonne  organisution  de  cette  session,  six  sec- 
tions ont  été  chargées  d'étudier  le  qucslionoaire  du  futur  Congrès, 
de  dresser  la  liste  des  rapporteurs,  d'obtenir  des  conférences  sur 
des  sujets  intéressant  l'archéologie  et  l'histoire,  d'organiser  une 
exposition,  des  visites,  des  excursions,  etc. 

Ces  sections  ont  commencé  leurs  travaux,  il  y  a  deux  mois,  et 


font  angurer  nne  réussite  scientifique  complète  du  Congrès.  De 
nombreux  rapporteurs  présenteront  des  mémoires  sur  les  ques- 
tions proposées. 

Dans  l'horaire  provisoire  du  Congrès,  nous  voyons  que  le 
dimanche  2  août,  à  11  heures,  aura  lieu  l'assemblée  générale 
d'inaugura'ion  dans  la  Salle  gothique.  —  Réception  par  le  Col- 
lège communal  dans  la  Salle  des  mariages.  —  Discussion  de  la 
proposition  de  revision  des  statuts. 

A  3  heures,  ouverture  de  l'Exposition  rétrospective.  A  6  h.  1|2, 
banquet. 

Les  jours  suivants,  visites  :  au  Musée  d'histoire  naturelle,  aux 
archives  du  royaume,  aux  musées  de  peinliire  historique  et  d'ar- 
tillerie. 

Excursions  aux  environs  de  Mons,  à  Louvain  et  Diest,  Nivelles, 
Genappe  et  l'abbaye  de  Villers,  aux  stations  préhistoriques  de 
Court-Saint-Etienne,  visites  de  la  Bibliothèque  royale,  des  archives 
de  la  ville  et  de  l'église  Sainie-Gudule,  des  Musées  des  ans 
anciens,  des  arts  décoratifs  et  des  moulages,  des  églises  Sainie- 
Gudule,  du  Sablon  et  de  la  Chapelle,  de  l'Exposition  rétrospec- 
tive, des  Musées  de  la  ville,  du  Conservatoire  et  de  collections 
particulières. 

Les  adhésions  arrivent  nombreuses  au  secrétariat  général  du 
Congrès,  établi  rue  des  Palais,  63,  à  Bruxelles.  Signalons  la  pré- 
sence annoncée  au  Congrès  de  savants,  tels  que  MM.  Leemans,  de 
Leyde,  deBarlhélémy,A.  Reville,  comte  de  Marsy,  de  Qualrefagcs, 
deMortillel,marquisdeNadailIac,  Eug.  NQntz,  de  Pafis.L.  Palustre, 
de  Tours,  Sophus  Muller,  Herbsl,  de  Copenhague,  baron  de  Baye, 
Paul  Sebillot,  etc.,  de  Paris,  Anatole  Bogdanov,  de  Moscou,  Gos- 
selet,  de  Lille,  D'  Dôrpfeld,  d'Alhènes,  Hildebrand,  de  Stockholm, 
D'  Bone,  de  Dusseldorf,  Ricardo  Severo,  de  Porto,  Conzo,  Vir- 
chow,  etc.,  de  Berlin,  BertolottI,  de  Manloue,  Ernest  Chantre,  de 
Lyon,  ainsi  que  de  l'élite  des  savants  belges.  Ces  noms  disent 
toute  l'importance  qu'aura  cette  réunion  scientifique. 


Chronique  judiciaire   de?  ^rt? 

Coupares  au  Thé&tre. 

Les  journaux  quotidiens  ont  relaté  déjà  le  procès  que  fait  à  l;i 
direction  du  théâtre  de  la  Monnaie  M.  Jules  Destrée,  avocat  à 
Harcinelle.  Il  s'agit  d'une  action  en  restitution  du  prix  d'un  bille i 
de  parterre  et  en  dommages-intérêts  fondée  sur  ce  que  le  spectacle 
annoncé,  Siegfried,  aurait  subi  des  coupures  et  mutilations  telles 
qu'il  ne  pouvait  être  considéré  comme  remplissant  les  conditions 
de  la  convention  tacite  intervenue  cnirclespectateurella  direciion. 

On  sent  qu'il  y  a  en  jeu  un  intérêt  artistique  de  premier  ordre 
que  mettront  en  lumière  les  débats. 

L'affaire  sera  appelée  mardi  prochain  au  tribunal  de  commerce 
de  Bruxelles. 

Nos  Sons-Officiers. 

Le  drame  militaire  Nos  Sous-Offlders,  joué  ces  jours-ci  îi 
l'Alhambra,  a  fait  robjel  d'un  débat  assez  intéressant  que  vient 
de  trancher,  par  jugement  du  29  avril,  la  \"  chambre  du  tribunal 
civil  de  la  Seine. 

On  sait  que  ccdrame  est  tiré  d'un  roman  qui  parut  l'an  dernier 
sous  le  nom  de  Paul  Erasme,  pseudonyme  littéraire  de  M""  Marc 
de  Moutifaud,  et  qui  fit  quelque  bruit.  Il  constituait  une  sorte 
de  réponse  au  roman  de  Lucien  Descaves,  Sous-offs,  dont  les 


yj-ipnsi'ii's' 


,^i;!e;^p3?2pi'.^"- 


nh'élations  cxcilèreni  la  plus  douloureuse  émotion  ;  et  la  noie 
palriolique  qu'y  faisait  adroilemeot  vibrer  l'auteur  lui  attira  de 
nombreuses  sympalhics. 

Nos  Sous- Officiers  passèrent,  suivant  l'usage  actuel,  du  Livre  au 
Théâtre,  cl  la  pièce,  reçue  aux  Bouffes-du-Nord,  cul  70  représen- 
inlions.  L'affiche  mcniionnail  comme  auteurs  MH.  Paul  Erasme  et 
(le  Ricaudi. 

C'est  alors  que  surgit  un  collaborateur  auquel  il  n'avait  pas  élé 
f;iit  allusion  jusque  là,  M.  Pages  de  Noyez,  qui  assigna  M***  Marc 
(le  Monlifaud,  épouse  Quivognc,  pour  faire  rei^onnaltre  ses  droits 
(le  collaborateur  tant  au  roman  qu'au  drame,  réclamant  en  outre 
3,000  francs  de  dommages-intérêts  pour  le  préjudice  qu'on  lui 
nvnii  fait  subir  en  le  luissan^  à  la  cantonnade. 

Il  paraît  qu'il  n'avait  pas  'tort,  M.  Pages  de  Noyez  et  qu'il  avait 
cfl'ectivemeni  collaboré  à  l'ouvrage.  En  vain  la  défenderesse  s'esi- 
(Mle  efforcée  de  démontrer  que  si  l'on  a  trouvé  de  l'écriture  de 
M™"  Marc  de  Monlifaud  entre  les  mains  du  demandeur,  ce  fait 
s'explique  parce  que  celui-ci  s'intéressait  à  son  œuvre  cl  qu'il 
a  pu  avoir  communiraiion  de  certaines  épreuves;  de  même  que 
s'il  a  écrit  personnellemenl  certains  chapitres,  ce  n'est  que  sous 
l;i  dictée  de  M""  de  Monlifaud  cl  par  pure  obligeanc(!  de  sa  part. 

Le  tribunal  a  jugé  que  la  cotlaboraiion  résvlu  du  concours  prêté 
soil  dans  la  conception  et  l'exécittion  du  plan,  soil  dans  l'ensemble 
des  travaux  nécessaires  pour  amener  à  fin  l'ouvrage  projeté. 

En  fait,  les  circonstances  démontrent  que  M.  Pages  de  Noyez  a, 
eu  ce  sens,  collaboré  à  Nos  Sous-Officiers,  da  moins  au  roman  qui 
I  oric  ce  titre.  Cette  collaboration  n'est  pas  établie  quant  au 
drame. 

Eu  conséquence.  M""  de  Monlifaud, épouse  Quivogne,  esl  tenue 
(le  fiiire  inscrire  le  nom  de  Pages  de  Noyez  à  la  suite  de  celui  de 
Paul  Erasme  sur  tous  les  exemplaires  du  livre  et  doit  payer  tt  son 
collaborateur  la  moitié  du  bénéfice  acquis  à  ce  jour  par  la  vente 
lie  ce  dernier,  plus  200  francs  de  dommages-inléréls.  M.  Pages  de 
Noyez  a,  de  plus,  le  droit  de  passer  tous  traités  relatifs  à  la  réim- 
pression el  il  la  cession  de  l'ouvrage,  sous  réserve  de»  droits 
concurrents  de  la  défenderesse,  el  louchera  la  moitié  des  droits 
d'auteur  éventuels. 


iPlBLIOQRAPHIE    MUSICALE 

Horodine,  Rymsky-Korsakow,  Balakireff,  Moussorgsky  et  César 
Oui  ont  sonné  le  réveil  de  la  musique  russe,  endormie  dans  les 
alcôves  italiennes.  Déjà  Glinka  cl  Dargomijski  avaient  tenté  un 
premier  effort.  Les  «  cinq  »  l'onl  viclorieusemenl  complété,  et 
::ujourd'hui  la  Russie  possède  une  école  music^c  merveilleuse, 
jaillie  d'un  jet  de  la  nature  slave,  dans  l'originalité  de  son  carac- 
urc.  Le  petit  groupe  des  fondateurs,  déjà  décimé,  hélas!  s'est 
reconstitué.  El  les  noms  de  Glazounow,  de  Liadow,  de  Slcher- 
balcheff,  de  Kopylow  s'ajoutent  à  la  liste  des  artistes  qui  ont  porté 
au  loin  la  renommée  du  pays. 

Les  voici  presque  populaires  en  France,  où  l'éditeur  Alphonse 
l.educ,  qui  a  acquis  le  droit  exclusif  de  les  éditer,  les  fait  entrer 
dans  la  «  Bibliothèque  »  qu'il  réserve  aux  musicietis  de  choix. 

Publiée  en  un  formai  aisé  à  manier,  gravée  avec  soin,  cette 
eollcclion  des  auteurs  de  la  Jeune-Russie,  aura,  certes,  un  succès 
légitime. 

Déjà  onl  paru  :  de  Borodine,  les  deux  admirables  Symphonies 
jouées  aux  Conccris  populaires,  transcrites  à  quatre  mains,  el  la 


PetUe  Suite  pour  piano,  ingénieuse  el  ehannanle  eompotilion  qui 
montre  dans  rintimilé  de  sa  pensée  lé  grandi  motieieii  que  Ui  mort 
a  pris.  De  Rymsky-Korsakow,  AnUtr,  saperbe  Ubleaa  lympho- 
nique  que  nous  ont  également  fait  cooDaltre  les  Coneerls  popu- 
laires, transcrit,  de  même,  pour  piano  V  qutre  mriiu.  De  César 
Cui,  deux  de  ses  meilleures  œuvres  :  les  Minialuret,  pour  piano, 
et  les  'Vignette*,  mélodies  vocales  d'une  grande  fratebour.  Ces 
deux  recueils  rappellent,  mais  sans  le  pasticher,  le  style  deSebu- 
mann,  —  du  Schtimann  des  Piicet  pour  tajeuuate. 

Deux  œuvres  de  nouveaux  venus  complètent  la  série  :  une 
amusante  série  de  petits  morceaux  de  piano  intitulés  Biroulki 
(jeux  d'enfanis),  par  Liadow;  les  Zig-Zagt  de  Stcberbatcheff, 
suite  de  fantaisies  d'une  saveur  spéciale. 

On  le  voit,  le  choix  est  heureux  et  fait  honneur  aux  goûts 
artistiques  de  l'éditeur. 


ORITIQXJB  :m:xj3ioa.t  t\ 

simple  rapprooheBMBt, 

La  jeune  école  musicale  fran-  M.  Vioceni  dlndy  et  ses  amis 
'  çaise  se  donne  un  mal  énorme  ayant  accepté  de  la  théorie 
pour  ne  plus  écrire  en  français,  wagnérienne  tout  ce  qa'elle  a 
Il  semble  qu'elle  «il  horreur  de  de  compatible  avec  l'esprit  de 
cequia  toujours  fait  le  caractère  leur  race,  demeurent  ettentiel- 
essentiel  du  génie  de  la  France  :  lemenl  français  par  une  inspi- 
la  simplicité  el  la  clarté  dans  rationaimabU,par  le  sentiment 
l'expression  de  l'idée  quelle  délicat,  par  cette  clarté  et  cette 
qu'elle  soit.  élégance  d'expression  qui  ont  de 

{La  Qaxette,  30  avril  1891 .)     tout  temps  distinguéVart  de  nos 

voisin*. 
(L'Etoile  belge,  90 avril  489i.) 


«Petite  CHROfdquj: 

Voici  l'ordre  des  prochains  spectacles  de  Rossi  i  l'Alhambra  : 
Ce  soir,  dimanche,  Louis  XI;   lundi,  Hamlet;  mercredi, 

Macbeth;  jeudi,  la  Mort  civile;  samedi,  la  Mort  d'Ivan-le- 

Terrible. 

Il  est  question  de  représenter  i  Bruxelles  le  drame  symboliste 
de  M.  Edouard  Dujardin,  Antunia,  joué  la  semaine  dernière  à 
Paris,  et  qui  souleva  des  tempêtes  dans  la  critique  et  la  chro- 
nique (i).  M.  Dujardin  amènerait  avec  lui  la  troupe, composée  de 
treize  personnes,  qui  interpréta  son  œuvre  au  Théâtre-d'Applica- 
tion.  Celle  représentation  aurait  lieu,  si  les  pourparlers  abou- 
tissent, vers  le  15  courant,  «t.ne  manquerait  pas  de  faire  quelque 
bruit  dans  notre  Landemcau. 

Le  quatrième  Concert  populaire  aura  lieu  le  mardi  12  mail  891, 
à  8  heures  du  soir,  au  théâtre  de  la  Monnaie,  avec  le  concours  de 
MM.  Lafargc,  Danlée  el  De  Backer. 

Voici  le  programme  de  celle  artistique  soirée  : 
^Première  partie  :  Troisième  Symphonie  (J.  Brahms).  —  Le 
Chant  du  destin  (Schicksalslied)  pour  chœurs  et  orchestre  (Id.). 

Deuxième  partie  :  Fragments  du  3»  acle  de  Parsifal  («oli, 
chœurs  et  orchestre).  Scène  du  Vendredi-Saint  et  final  (Parsifal, 
M.  Lafarge;  Amforlas,  M.  De  Backer;  Gumemanz,  M.  Danlée). 
(Richard  Wagner).  —  Le  F«iu«6«rp,  bacchanale  et  scène  ajoutées 
au  premier  acle  de  Tannhâuser  (Id.).  —  Preislied  et  final  du 
3«  acte  des  Maîtres  Chanteurs  de  Nuremberg  (soli,  chœurs  el 

(1)  Voir  lo  compte-rendu  de  notre  correspondant  de  Paris  dans  le 
dernier  numéro  de  l'Art  moderne. 


■■.■.■  V  -wT^f^^F^^?^^  .'- 


■■■■    -,"?? 


t'ART  MODERNE 


145 


orchetlre)  (Walier  de  Slolcing,  H.  Lafarge;  Haos  Sach»,  H.  Dan- 
lée).  (Id.) 

Dircelettrdes  cHteprs  :  M.  Léon  Sonbre. 

La  répélilioD  gtfniérale  aura  lieu  le  lundi  41  mai,  ï  8  heures 
précises  du  loir,  au  Ihéfttre  royal  de  la  Vonnaie. 

L'Association  des  professeurs  d'inslruments  à  vent  a  donné 
dimanche  dernier  sa  troisième  séance  au  Conservatoire.  On  a 
applaudi  la  correcte  et  délicate  interpétalion  du  trio  de  Beethoven 
pour  piano,  clariMlte  cl  violoncelle,  dans  lequel  H.  Camille 
Gurickx  remplafail  avec  talent  M.  De  Greef,  empêché.  Un  quin- 
tette assex  ttlandrenx  d'Ouslow  avait,  avec  moins  de  succès,  onvert 
la  séance.  Un  baryton  doué  d'une  voix  agréable,  M.  Danlée,  a 
complété  ce  programme  par  l'exécution  de  l'air  d'Iphiaénie  en 
Aulide  çt  de  deux  lieder  de  Schubert.  Et  pour  finir,  le  grand 
octuor  de  Beethoven,  joué  avec  ensemble  et  précision  par 
MM.  Guidé,  Rablmann,  Poncelel,  Heirwegh,  Merck,  Bayart,  Neu- 
mans  et  Giseneer. 

La  quatrième  séance  aiira  lieu  le  liimanche  10  mai,  avec  le 
concours  de  M"*  Luey  BertIÎM. 


On  lit  dans  la  Réforme  :  «  M.  Van  Beers  a  envoyé  quatre  tableaux 
It  l'Exposition  des  beaux-arts  de  Barcelone,  qui  vient  d'être  inau- 
gurée avec  le  plus  grand  éclat.  Le  jury  a  trouvé  cps  tableaux 
attentatoires  à  la  pudeur  du  public  catalan.  Un  conflit  s'est  produit 
entre  tes  jurés  partisans  de  la  nouvelle  école  et  les  jurés  pudibonds. 
Or,  pour  arriver  à  une  solution,  on  vient  de  proposer  l'installation 
d'un  petit  salon  réservé  (absolument  comme  dans  les  diorjmas  de 
la  foire),  où  l'entrée  ne  sera  permise  qu'à  des  visiteurs,  hommes 
e.\.i6mxM»,âgétaumoin$de  irenteans  !  Absolument  authentique.» 

Ce  fait  n'a  rien  de  neuf.  Les  doctrinaires  de  l'art  avaient,  en 
Belgique,  et  probablement  ailleurs,  ouvert  la  voie  aux  doctrinaires, 
il  demi  maugrabins  et  sémites,  de  Barcelone.  Nous  nous  souvenons 
avoir  vu  au  Salon  de  Gand,  emprisonnés  de  la  même  manière, 
en  cabinet  particulier,  ou  salle  des  horreurs,  la  Femme  à  la  vague 
et  le  Retour  de  la  Conférence,  de  Courbet. 


Une  exposition  d'études  et  de  pastels  par  le  poète  Edmond 
Haraacourt  po^f  l'illustration  de  son  livre  :  Seul,  vient  de  s'ou- 
vrir chez  M.  Bernheim  jeune,  rue  Laflittc,  à  Paris. 


TITRE  D'UN  LIVRE  DU  XVI*  SIÈCLE 

A  cette  époque  où  le  soin  typographique  du  livre  s'affirme  d'année  en  anndc  plus  aigu,  nous  publions  volontiers  ce  spécimen  de 
litre,  un  vrai  chef-d'œuvre  de  goût. 

11  appartient  i  un  petit  in-8»  au  catalogue  Deman  (mai  1891)  relié  par  Traulz-Bauronnet  tt  armoriî  sur  les  plats. 
Les  autres  indications  se  lisent  sur  la  présente  reproduction  elle-même. 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


LIGNE   D'OSTENDE-DOtJVRES 

Im  plus  courte  et  la  moitu  coûteuse  dés  voies  extra-rapides  entre  le  Coktinkbt  et  rANGunRR|^ 


Bruxelles  à  Londres  en 
Cologne  à  Londres  en 
Berlin  à  Londres  en  . 


8 
13 
22 


heures. 


Vienne  à  Londres  en 86  heures. 

Bftle  à  Londres  en 20 

Milan  à  Londres  en 32      » 

18  heures. 


Francfort  s/m  à  Londres  en    .    . 
D'Ostende  à  5  h.  15  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  20  soir.  —  De  Douvres  &  midi  05,  7  h.  30  Boir  et  10  h.  15  soir. 

xr^i-verisêe:  eiv  xroiis  heures 

PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS 

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partant  journellement  d'OSTENDE  à  5  h.  15  matin  et  11  h.  10  matin;  de  DOUVRES  A  mi^i  OS  et  7  h.  80  soir. 

Salons  laxnenx.  —  Viunolra.  —  VentUatloii  perfectionné*.  —  Éclairage  électriqiie.  -7^  Reatannuit. 

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et  entre  LONDRES    ou   DOUVRES  et  toutes  les  grandes  villes  de  l'Europe. 


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(Supplément  de  ^^  en  l.*^  classe  sur*  le  bateau,  fr.  !^-3SS 

CABINES  PARTICULIÈRES.  —  Prix  :  (en  sus  du  prix  de  la  1"  classe).  Petite  cabine,  7  francs;  Qrande  cabine,  14  francs. 

A  bord  de*  malles  :  Princesse  Joséphine  et  Princesse  Henriette  : 

Spécial  cabine,  28  francs;  D'aine  de  luxe,  76  francs. 

Pour  la  location  à  l'avance  s'adretter  à  II.  le  Chef  de  Station  d'Uttende  (Quai)  ou  à  l'Agence  des  Chemins  de  fer  de  FÊtat-Belge 

Strond  Street,  n"  17,  à  Douvres. 

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Entre  les  principales  villes  de  la  Belgique  et  Donvres,  aux  Cites  de  Pâques,  de  la  PentecAte  et  de  l'Assomption. 

AVIS.  —  Buffet  restaurant  à  bord.  —  Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  —  Accostage  à  quai  vis-i  vis  des  stations  de  chemin  de 
fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (Toitures  directes  et  wagons-lits).  —  Voyages  i  prix  réduits  de  Sociétés. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  -   Assurance. 

Pour  tous  renseignements  s'adresser  à  la  Direction  de  l'Eayloitation  des  Chemins  de  fer  de  l'État,  i  Bbuxklles;  kV Agence  géniale  des 
Malles-Postes  de  l' État-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Oracechurch-Street,  a'  53,  i  Londres;  i  l'Agence  des  Chemins  de 
fer  de  l'État  Belge,  à  Douvres  (voir  plus  haut);  à  M.  Arthur  Vrancken,  Domkloster,  n»  i,  â  Coloonb  ;  à  M.  Siepermann,  67,  Unter  den 
Linden,  à  Berlin  ;  à  M.  Rcmmelmann,  15,  Ouiollett  slrasse,  à  Francfort  a/m  ;  à  M.  Schenker,  Scfaottenring,  3,  à  Vienne  ;  à  A/"»  Schroekl, 
9.  Kolowratring,  à  Vienne;  à  M.  Rudolf  ileyer,  &  Garlsbad;  à  M.  Schenker,  Hôtel  Oberpollinger,  à  Munich;  à  M.  Detollenaere,  12, 
Pfôfingerstrasse,  à  Bale;  à  if.  Stetens,  via  S"  Radegonde,  à  Milan. 


Éludes  des  notaires  DELPORTE  el  GlOSEliSS,  ï  Bnixelles. 
Mardi  12  Mai  1891 

à  1    lieure  de  relevée,   en  la  grande  salle  de  la  Nouvelle  Cour  de 
Bruxelles,  place  Fontainas,  13  ;  Vente  de 

TABLEAUX  ANCIENS 

DIS 

ÉCOLES  FLAMAKDES,  HOLLANDAISES,  ETC. 

Comprenant  des  œuvres  de  Jean  Breughsl,  dit  de  velours,  Philippe 
Van  Djck,  Corneille  Huysmans,  dit  de  Malines,  Pierre  Van  Laer, 
Leemans,  Molenaer,  Moreela  et  autres,  et  d' 

OBJETS  D'ART  ET  DE  CURIOSITÉ 

AD    comptant    10    o/,   i>OUR    PKAU. 

Exposition  :  Dimanche  10  et  lundi  11  mai  1891,  de  11  à  4  heures. 
Pour   catalogues    et   renseignements,    s'adresser    en    l'étude  des 
noUires  et  vendeurs,  31,  Grand  Sablon,  et  75,  rue  Neuve. 


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bien  stylisée,  est  sans  concnrrenœ  pour  la  beauté  et  les  qualités 
sublimes  du  son. 

La  maison  ESTEY  en  construit  un  grand  nombre  de  modèles  en 
différentes  grandeurs  pour  lllfl^lse,  l'Ecole  et  le  Salon. 

La  maison  possède  des  certificats  excellents  de  MM.  Edgar  Tinel, 
Camille  de  Saint-Sœns,  Listt,  Richard  Wagner.  Rubinstein,  Joa- 
chim,  Wilhelmj,  Ed.  Orieg,  Ole  Bull,  A.  Essipoff,  So/te  Meuter, 
Désirie  Artôt,  Pauline  Lucca,  Pablo  de  SarasaU,  Ferd.  Biller,  D. 
Popper,  sir  F.  Benedict,  l/achetitsky,  NapraoïUk,  Joh.  Sélmer,  Joh. 
Amdsen,  K.  Rundnagel,  J.-G.-E.  Stehle.  Ignace  BrOU,  etc.,  etc. 

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Lb  nuuéro  :  86  centimes. 


Dimanche  10  Mai  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  ORraQDE  DBS  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

ABOZnrXMKNTS  :    Belgique,   un  an,   fr.   10.00;  Union  postale,   fr.    13.00.    —  ANMONCKS  :    On   traite  à  forfait. 

Adreuer  toute*  le»  communication»  d 
l'administration  oénéralb  de  TArt  Moderne,  me  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


LeTTHB  OUTmTE   A   PR0PO8  DES   RBPBliSKNTATIONS  RoSSI.   —  DaNIEL 

Valohaivs,  par  J.-H.  Roany.  —  Exposition  de  Schaessbek.  — A 

VeRVIEBB.  —   LlVHES  BEL0E8  JOOltS  EN    FRANCE.  —  CHRONIQUE  JUDI- 
CIAIRE DES  Ahts.  —  Petite  chronique. 


LETTRE  OUVERTE 

à  propos  des  représentatipns  de  Rossi. 

Bruxelles,  le  7  mai  1891. 

Mon  cher  Confeère, 

J'ai  lu  avec  plaisir  les  lignes  que  vous  avez  consacrées 
à  l'apologie  de  Rossi.  Elles  sont  si  éloquentes  que  vos 
lecteurs  trouveront  peut-être  cellesK;!  téméraires.  Mon 
excuse  sera  dans  ma  bonne  volonté,  et  peut-être  dans 
ma  suffisance,  ou  mon  insuffisance,  à  votre  choix. 

Vous  avez  parfaitement  dépeint  l'art  que  pratique 
le  grand  acteur  italien.  Son  côté  le  plus  étonnant  c'est 
le  constant  souci  de  la  forme.  Il  est  évident  que 
l'artiste  complet  est  celui  qui  réunit  à  la  fois  dans 
son  œuvre  la  perfection  de  la  forme  et  l'intensité  de 
l'idée  :  l'acteur  doit  d'abord  comprendre  son  rôle,  puis 
le  •  sentir  -,  enfla  le  jouer,  et  c'est  dans  ce  jeu  que  l'on 


observera  la  somme  énorme  d'efforts  auxquels  il  s'est 
soumis  pour  atteindre  le  but  de  sa  profession.  Ce  que  je 
viens  d'écrire  ressemble  presqu'à  une  banalité.  Le  prin- 
cipe de  l'art,  l'étincelle  magique  que  chacun  de  nous 
reçoit  en  lui,  ne  nous  appartient  pas,  puisqu'il  est  issu 
de  l'éternel,  du  Beau  en  soi  ;  mais  ce  qui  est  bien  à  nous, 
c'est  la  forme,  c'est  l'expression.  La  forme  est  le  côté 
humain  de  l'art  éternel. 

Une  des  grandes  impressions  de  ma  prime  jeunesse, 
c'est  le  souvenir  des  représentations  de  M"'  Rachel.  Je 
lui  ai  vu  donner  plusieurs  fois  les  mêmes  pièces,  et  elle 
les  jouait  chaque  fois  de  la  môme  façon,  absolument, 
répétant  les  mêmes  gestes,  les  mêmes  attitudes,  les 
mêmes  inflexions  de  voix,  jusques  dans  les  moindres 
détails.  Rossi  lait  de  même,  et  il  ne  saurait  pas  faire 
autrement,  sans  tenter  de  détruire  tout  l'effet  d'une 
représentation,  pour  les  délicats,  tout  au  moins.  L'inspi- 
ration vient  de  ce  qu'on  appelle  souvent  le  hasard,  mais 
la  forme,  le  côté  humain  de  l'art,  ne  peut  lui  être  aban- 
donnée. Elle  est  le  fruit  du  labeur  obstiné,  elle  est  imbi- 
bée de  transpiration,  une  émanation  du  sang,  tout  ce 
qu'il  y  a  de  plus  réel  ici  bas.  Ne  faisons-nous  pas  de 
même  nous  autres,  pauvres  écrivains,  quand  nous  limons 
notre  style,  effaçant,  grattant,  surchargeant  les  traits 
de  notre  plume,  vingt  fois  sur  le  métier  remettant  notre 
ouvrage?  Je  ne  suis  plus  honteux  de  le  redire,  après  le 
vieux  Boileau,  depuis  que  j'ai  vu,  sous  mes  yeux,  un 


148 


L'ART  MODERNE 


(les  grands  prosateurs  de  notre  temps,  membre  de  l'Aca- 
démie française,  corriger  la  septième  épreuve  d'une 
feuille  d'impression.  Que  les  jeunes  gens  prennent  donc 
Rossi  pour  modèle,  et  qu'ils  apprennent,  une  fois  de 
plus,  que  la  perfection  de  la  forme,  ce  qui  achève^defaire 
un  artiste,  ne  s'acquiert  que  par  le  plus  vulgaire  et  le 
plus  éreintant  travail.  Il  sanctifie  la  vie  et  réalise  l'art. 

Rossi  est  supérieur  à  Rachel  par  l'intelligence  du 
rôle  et  surtout  par  la  puissance  avec  laquelle  il  le  sent. 
J'avoue  qu'il  m'a  plusieurs  fois  humilié  ces  jours-ci, 
moi,  vieux  lecteur  de  Shakespeare,  en  «  commentant  » 
devant  nous,  d'une  manière  vivante,  Othello,  le  roi 
Lear,  Hamlet,  Macbeth,  en  me  faisant  mieux  saisir 
d'un  geste,  d'un  coup  d'oeil,  d'une  inflexion  de  voix,  tout 
un  passage  du  gigantesque  écrivain,  par  exemple,  de 
mainte  scène  du  roi  Lear'{c[\xe\le  œuvre  épique!).  Dans 
Hamlet,  il  est  bien  le  prince  danois,  roux,  trapu  et 
replet  du  poète,  et  il  a  fouillé  son  rôle  jusque  dans 
ses  moindres  replis,  avec  l'intelligence  de  l'historien, 
du  philosophe  et  du  théologien.  Si  vous  voulez  avoir  la 
mesure  de  cette  perfection  dramatique,  allez  revoir 
M.  Mounet-Sully  dans  la  même  pièce  :  le  Hamlet  de  la 
Comédie-française  est  un  personnage  parisien,  un  mé- 
lange d'Antony,  de  René  et  de  Hernani,  sans  tradition 
Shakespearienne,  je  veux  dire,  sans  le  caractère  uni- 
versel, humanitaire  des  héros  de  l'auteur,  né  par  hasard 
en  Angleterre  (car  Shakespeare  n'est  pas  un  Anglais 
comme  lord  Salisbury,  c'est  un  européen). 

Je  ne  veux  pas  dire  du  mal  cependant  de  M.  Mounet- 
Sully,  qui  l'autre  soir  applaudissait^  de  si  bon  cœur 
Rossi,  et  qui  m'a  procuré  une  autre  humiliation,  en 
me  faisant  enfin  comprendre  l'Œdipe-roi.  J'ai  eu,  dans 
le  tejnps,  la  fantaisie  de  devenir  docteur  en  philosophie 
et  lettres,  et  j'avais  «  préparé  »,  comme  on  dit  académi- 
quement,  toute  la  tragédie  grecque,  suivant  les  prescrip- 
tions du  programme  et  conformément  à  la  tradition 
universitaire.  Qu'Apollon  me  le  pardonne,  je  m'étais 
égaré  dans  les  ronces  du  commentaire  pédagogique  et 
au  milieu  des  épines  des  formes  grammaticales.  Je  possé- 
dais la  lettre,  mais  j'ignorais  l'esprit  de  Sophocle.  Une 
représentation  de  VŒdipe-roi  par  M.  Mounet-Sully 
m'en  a  plus  appris  que  toute  une  année  d'étude  abrutis- 
sante. J'ai  compris  enfin  la  grandeur  d'un  tel  spectacle 
sur  les  vastes  scènes  de  la  Grèce,  sous  le  soleil  de  l'At"-' 
tique,  en  plein  air,  devant  un  public  immense,  avec  la 
figuration  et  la  musique  des  anciens.  J'ai  évoqué  le 
passé  et  entrevu  l'avenir,  quand  il  nous  sera  donné  d'as- 
sister, nous  aussi,  à  des  représentations  analogues,  où 
notre  foi,  nos  idées,  notre  peuple,  la  race  humaine  tout 
entière  seront  l'objet  dramatique  de  notre  attention  et 
de  notre  enthousiasme.  Le  théâtre  d'Oberammergau  et 
celui  de  Bayreuth,  Shakespeare  et  Sophocle,  Rossi  et 
M.  Mounet-Sully  nous  donnent  le  pressentiment  de  cet 
art  toujours  ancien  et  toujours  jeune. 


Laissez-moi  achever  ces  comparaisons.  J'ai  to,  il  y  a 
deux  ans,  au  Lyceum  théâtre  à  Londres,  Macbeth, 
avec  M.  Irving  et  Mad.  Terry,  et,  au  Olobe  ttieatre, 
Richard  III,  par  la  troupe  de  M.  Mancefield.  Ce  der- 
nier est  un  acteur  très  distingué,  supérieur  par  la  dic- 
tion à  M.  Irving,  mais  sa  compagnie,  quoique  satisfai- 
sante, ne  valait  pas  celle  de  son  émule,  un  ••  veinard  •< 
comme  vous  savez.  Macbeth  était  monté  au  Lyceum 
avec  un  soin  extrême  :  les  costumes,  la  figuration,  la 
décoration  produisaient  des  illusions  étonnantes;  les 
armures  étaient  authentiques;  les  grands  décors,  par 
exemple  la  partie  du  ch&teau  de  Macbeth  où  Duncan  est 
assassiné,  étaient  en  relief  ;  les  comparses,  comme  les  per- 
sonnages principaux,  étaient  toujours  •  dans  la  pièce  >; 
la  chaudière  des  sorcières,  le  repas  oti  apparaît  le 
spectre  de  Banco,  le  défilé  des  ombres  devant  Macbeth, 
la  sarabande  des  sorcières  dans  le  Firth,  la  forêt  qui 
marche,  etc.,  tout  cela  était  merveilleux  de  richesse, 
de  réalisme,  de  mécanisme  et  de  précision  -,  les  chan- 
gements de  scène  (il  y  en  a  27,  n'est-ce  pas?)  s'opéraient 
avec  une  rapidité  et  une  aisance  à  recommander 
ailleurs;  enfin  la  musique  de  M.  Sullivan,  composée 
spécialement  pour  ces  représentations,  aidait  admira- 
blement à  ménager  les  transitions  ou  à  préparer  l'esprit 
du  spectateur.  M.  Irving  a,  comme  acteur,  une  réputa- 
tion peut-être  exagérée  :  il  fait  de  Macbeth  une 
franche  canaille,  tandis  que  Rossi,  plus  exact,  je  crois, 
et  plus  fidèle  à  l'esprit  Shakespearien,  nous  représene 
ce  personnage  comme  naturellement  bon  :  pour  l'acteur 
florentin,  le  général  Macbeth  a  une  nature  droite, 
généreuse,  courageuse,  mais  faible  par  un  côté,  le  côté 
mulièbre;  c'est  sa  femme,  lady  Macbeth,  ambitieuse, 
hautaine  et  impérieuse,  qui  le  pousse  vers  le  crime. 
Rossi  joue  admirablement  la  scène  muette  où,  comme 
un  homme  ivre,  il  se  laisse  entraîner  par  son  altière 
épouse.  C'est  un  chef-d'œuvre.  Le  travail  auquel 
l'artiste  a  dû  se  livrer  pour  arriver  à  une  telle  perfec- 
tion scènique,  a  dû  être  énorme. 

M""  Terry,  qui  a  le  physique  du  personnage,-^  était 
très  suggestive  au  point  de  vue  criminel,  mais  elle 
n'était  pas  assez  féminine,  selon  moi.  Cependant,  c'est 
une  femme  de  grand  talent.  Je  place  volontiers  à  côté 
d'elle  le  souvenir  de  M™*  Rorkhe,  qui  remplissait  le 
rôle  de  la  veuve  d'Edouard  dans  Richard  III  au  Globe 
théâtre.  Le  curé  d'une  des  nombreuses  paroisses  catho- 
liques de  l'agglomération  de  Londres,  me  demanda  un 
jour  où  j'avais  passé  ma  soirée  de  la  veille.  — Au  Globe 
théâtre,  dis-je.  —  Alors,  vous  avez  entendu  M"*  Rorkhe. 
C'est  ma  meilleure  paroissienne,  l'édification  de  toute 
ma  communauté.  —  Bah  !  Et  vous  ne  lui  défendez  pas 
l'accès  des  planches?  —  Et  pourquoi  donc?  Elle  joue  du 
Shakespeare;  et  nous  aimons  que  nos  fidèles  aillent 
l'entendre... 

Heureux  pays,  heureuse  paroisse,  heureux  théâtre  : 


L'ART  MODERNE 


149 


nous  ne  sommes  pas  habitués  chez  nous  à  dç  telles  féli- 
cités :  Nous  «  jouissons  »  d'un  répertoire  déplorable; 
DOS  théâtres  sont  des  ateliers  de  corruption  pour  le 
goftt  public  ;  la  majorité  des  acteurs  qui  jouent  devant 
lui  sont  des  déclassés;  l'art  est  bafoué  presque  tous  les 
soirs-,  les  moins  pudibonds  d'entre  nous  n'osent  pas  con- 
duire au  hasard  leurs  familles  aux  représentations  que 
l'on  nous  offre;  pour  une  pièce  parisienne,  où  il  y  a  au 
moins  de  l'esprit,  combien  d'œuvres  infectes  ne  sommes- 
nous  pas  obligés  d'entendre  débiter?  Cette  corruption 
du  goût  descend  ensuite  des  hautes  classes  dans  les 
couches  inférieures  de  la  société  contemporaine,  empeste 
les  idées  de  notre  peuple,  infecte  ses  aptitudes  natives 
pour  l'art  et  finit  par  obstruer  les  canaux  de  la  récepti- 
vité intellectuelle.  C'est  la  mort  morale.  Il  est  doulou- 
reux de  voir  mourir  un  homme  dans  l'abjection  morale. 
Il  est  poignant  d'assister  à  l'œuvre  lente  de  l'empoison- 
nement systématique  du  goût  de  toute  une  nation.  Cette 
oblitération  de  l'art  est  atroce;  c'est  quelque  chose 
d'analogue  à  la  négation  de  Dieu,  car  enfin,  le  Bien 
absolu,  la  Vérité  éternelle  et  le  Beau  en  soi  ne  forment- 
ils  pas  une  Trinité  divine? 

Notez  que  je  n'ai  pas  en  ce  moment  la  prétention  de 
m'ériger  en  censeur  des  mœurs.  Sans  dédaigner  ce 
souci,  je  ne  cherche  ici  qu'à  ameuter  ceux  qui  me  feront 
l'honneur  de  me  lire  contre  les  entreprises  anti-esthé- 
tiques dont  nous  sommes  les  victimes  payantes.  L'art, 
le  grand  art  est  moralisateur.  Il  est  sacré.  Les  poètes 
sont  des  •  prophètes  ».  Tous  les  grands  écrivains 
dramatiques  ont  été  moralisateurs,  depuis  Sophocle 
jusqu'à  Wagner,  moralisateurs  en  principe  :  quand  bien 
même  leur  morale  positive  laissait  parfois  à  désirer 
par  quelque  côté,  l'eff'et  concluant  de  leur  art  a  été 
toujours  élevé  et  l'action  de  leur  ouvrage  a  donc 
été  moralisatrice.  L'éthique  et  l'esthétique  sont  des 
sciences  sœurs.  En  haut  les  cœurs!  Tel  est  le  cri  des 
spectateurs  devant  les  œuvres  des  hommes  de  génie. 
On  sort  «  meilleur  -  d'une  salle  de  spectacle  où  l'on  a 
assisté  à  la  représentation  d'une  vraie  œuvre  d'art, 
quand  même  celle-ci  ne  serait  pas  absolument  conforme 
en  tous  points  aux  préceptes  de  la  morale  positive  et 
universelle.  Pourquoi?  Parce  que  le  vrai  artiste, -même 
celui  qui  se  comptait  dans  la  peinture  du  mal,  ne 
saurait,  sans  mentir  à  sa  vocation  et  sans  prostituer 
son  génie,  vouloir -glorifier  le  mal  en  soi.  Cette  œuvre 
satanique  est  encore  à  faire.  On  l'a  essayé  parfois,  mais 
les  siècles  n'ont  pas  ratifié  son  succès  passager.  Eschyle, 
le  Dante,  Racine  (dans  Phèdre,  par  exemple),  Milton 
(dans  le  Paradis  perdu)  et  d'autres  ont  fait  du  mal  en 
soi  des  peintures  éblouissantes,  mais  ces  bienfaiteurs  de 
l'humanité  ne  l'ont  pas  glorifié. 

Dans  nos  petits  théâtres  et  même  sur  certaines 
"  grandes  •  scènes,  on  nous  représente  fréquemment  des 
œuvres  sans  aucune  esthétique  ;  c'est  là,  et  là  seulement 


que  nous  subissons  la  honte  d'entendre  applaudir  ces 
glorifications  insensées.  Si  le  public  était  mieux  élevé,  si 
son  goût  était  épuré  par  «  l'expérience  des  belles  choses», 
si  son  esprit  était  habituellement  attiré  vers  ces  hautes 
et  sereines  régions  d'où  rayonne  le  beau  dans  toutes 
les  directions,  il  ne  supporterait  pas  ces  grossièretés. 

Vous  avez,  mon  cher  confrère,  il  y  a  quelques  années, 
quand  les  Meininger  étaient  parmi  nous,  publié  sur  ce 
sujet  d'excellentes  réflexions,  que  je  ne  fais  que  répéter 
sous  une  autre  forme,  à  l'occasion  des  représentations 
de  Rossi.  Voyez,  chaque  soir,  l'intéressant  public  qui  y 
assiste  :  la  majeure  portion  des  spectateurs  ne  connaît 
pas  l'italien,  et  cependant  ils  écoutent,  et  ils  compren- 
nent, oui  ils  comprennent.  On  peut  écouter  des  yeux. 
Il  y  en  a  qui  entendent  de  l'àme.  C'est  une  élite,  me 
direz-vous.  Soit,  mais  j'y  aperçois  de  simples  ouvriers 
et  beaucoup  de  femmes.  Un  bon  signe. 

Laisserons-nous  s'envoler  ces  symptômes  heureux, 
après  le  départ  de  Rossi,  comme  nous  l'avons  fait,  quand 
les  Meininger  nous  ont  quittés?  Ces  réconfortants 
spectacles  sont-ils  destinés  à  passer  chez  nous  comme 
des  météores  ?  Ne  ferons-nous  donc  pas  enfin  un  effort 
pour  les  rendre  permanents?  Sommes-nous  incapables 
de  [réaliser  ce  qu'ont  accompli  de  simples  particuliers 
comme  M.  Irving?  Le  petit  duc  de  Saxe-Meiningen 
est-il  plus  puissant  que  nous? 

Nous  avons  fait  du  théâtre  de  la  Monnaie  une  des  pre- 
mières scènes  lyriques  du  monde.  Pourquoi  n'essaye- 
rions-nous pas  sérieusement  de  créer  enfin  un  théâtre, 
où  notre  peuple  d'artistes  trouverait  enfin  un  temple 
digne  de  lui  ? 

Un  de  nos  directeurs  de  théâtre  les  plus  sérieux, 
M.  C,  médisait  un  jour  qu'avec  une  subvention  annuelle 
de  cinquante  mille  francs  il  se  faisait  fort  d'ériger  une 
scène  comparable  à  celle  des  Meininger  ou  à  celle  de 
M.  Irving;  et  pour  démontrer  que  cette  idée  n'avait  pas 
chez  lui  une  origine  sordide,  il  ajoutait  qu'il  se  conten- 
terait de  devenir  le  régisseur  de  la  maison. 

Mais  où  prendre  les  50,000  francs?  Il  ne  faut  pas  les 
attendre,  je  le  crains,  des  pouvoirs  publics.  Mais,  à  ^ 
défaut  de  ceux-ci,  pensez-vous  qu'il  serait  si  difficile  de 
former,  dans  le  but  indiqué,  une  société  au  capital  de 
500,000  francs  (50  actions  de  10,000  francs,  ou  500  de 
1,000  francs,  ou  1,000  de  500  francs,  ou  2,000  de 
250  francs,  payables  par  1,000,  100,  50  ou  25  francs 
par  an,  pendant  dix  ans?)  En  vérité,  n'y  aurait-il  pas  à 
Bruxelles  et  en  Belgique  cent  hommes  de  cœur,  ayant 
quelque  fortune,  désireux  do  s'honorer  en  donnant 
chaque  année,  pendant  dix  ans,  une  misérable  somme 
de  500  francs?  C'est  le  prix  d'un  dîner  qu'on  ofi're  par 
chic  à  ses  connaissances  pendant  la  saison.  Je  demande 
ces  cent  hommes.  Je  demande  que  cent  hommes  se  fas- 
sent pardonner  leur  fortune  par  tous  ceux  qui  ont  faim 
/et  soif  d'art. 


150 


UART  MODERNE 


Pour  prix  de  leur  concours,  je  ne  leur  promets  rien 
que  la  direction  de  l'entreprise  et  l'entrée  au  théâtre 
pour  eux  et  leurs  familles.  Mais  j'ai  l'intime  conviction 
qu'outre  l'immense  satisfaction  morale  que  leur  procu- 
rera leur  action,  ils  récolteront  aussi  des  dividendes, 
au  bout  de  quelques  années  d'efforts.  Les  premières 
années  seulement  seraient  difficiles  à  traverser,  car,  au 
commencement,  il  serait  nécessaire  de  dépenser  beau- 
coup pour  la  décoration  et  la  figuration  de  la  scène,  et 
pour  la  formation  de  la  troupe.  Celle-ci  ne  comprendrait 
que  des  sujets  de  premier  ordre,  et  le  cabotinage  en 
serait  exclu  rigoureusement. 

La  principale  cause  des  premiers  déficits  serait  l'in- 
différence du  public.  Il  faudra  d'abord  le  former.  C'est 
l'œuvre  la  plus  difficile.  Mais  elle  n'est  pas  irréalisable. 
Pour  en  rester  convaincu ,  rappele2f-vous  ce  qu'était 
naguère  le  public  musical  de  Bruxelles.  Il  n'existait  pas, 
pour  ainsi  dire.  Grâce  aux  concerts  du  Conservatoire  et 
à  quelques  associations  libres,  telle  que  l'excellente 
société  des  Concerts  populaires  de  musique  classi- 
que, il  s'est  formé  lentement,  mais  sûrement,  parmi 
nous  un  public  nombreux  de  dilettantes  et  d'auditeurs, 
appartenant  à  toutes  les  classes  de  la  société.  Bruxelles 
est  devenu  ainsi  en  peu  d'années  un  des  centres  les  plus 
puissants  3e  goût  musical,  et  cette  puissance  esthétique 
rayonne  de  la  capitale  vers  les  provinces,  Anvers,  Gand, 
Liège,  Mons,  Namur,  et  aussi  vers  l'Etranger,  au  delà 
de  nos  frontières.  Aujourd'hui,  notre  civilisation  vaut 
quelque  chose  par  la  musique  et  quand  notre  clergé 
comprendra  mieux  l'action  que  pourrait  exercer  l'Ecole 
supérieure  de  musique  religieuse  établie  à  Malines, 
notre  peuple  entrera  dans  une  voie  splendide  de  réno- 
vation par  l'art  musical. 

Soyez  persuadé  que  les  faits  que  je  viens  de  résumer 
et  que  vous  connaissez  mieux  que  moi,  se  renouvelle- 
raient pour  l'art  dramatique,  et  d'autant  plus  vite  qu'on 
procéderait  avec  plus  de  décision.  Ainsi,  par  exemple, 
dans  ce  théâtre  que  je  rêve  de  voir  établir,  je  voudrais 
qu'on  réservât  tout  un  rang  pour  les  petits  et  les  hum- 
bles, à  des  prix  intimes.  C'est  en  effet  une  erreur  de 
croire  que  pour  comprendre  l'art  dramatique  il  faille 
être  lettré.  Je  vous  ai  fait  plus  haut  mon  mea  culpa  : 
moi,  un  lettré,  je  n'avais  pas  compris  \' Œdipe-roi  à  la 
lecture.  C'est  M.  Mounet-SuUy  qui  m'a  instruit  sur  la 
scène.  Et  cependant  je  ne  suis  pas  plus  bête  qu'un 
autre... 

Je  suis  peut-être  plus  long.  Ne  m'en  tenez  pas  ran- 
cune, car  j'ai  voulu  apporter  mon  petit  grain  de  sable  à 
l'édifice  auquel  vous  travaillez  avec  tant  de  vaillance.  Il 
y  a  dans  les  choses  de  l'art  une  action  charitable  à 
exercer.  Usez-en  un  peu  en  faveur  de  votre  humble  et 
dévoué  serviteur, 

Haulleville. 


DANIEL  !  VALGRAIVE 

par  J.-H.  RosNT.  —  Paris,  Lemerre. 

Un  homme  qui  se  sait  condamné  il  ne  plus  vivre  qu'an  an  veut 
assurer  l'avenir  moral  de  sa  jeune  femme  et  de  son  fils.  Dans  ce 
bal  il  choisit  et  désigne  avant  sa  mort  celui  qu'il  juge  digne  de  lui 
succéder  comme  époux,  comme  père  et  aussi  comme  un  ami  pré- 
sumé fidèle  il  une  mémoire  d'ami.  Tel  est  l'argument  de  ce  livre. 
A  qui  voudrait  prouver  qu'il  n'est  point  neaf,  on  répondrait  que 
la  manière  supérieure  avec  laquelle  il  est  mis  en  œuvre  ne  ferait 
môme  pas  craindre  que  M.  Rosny  reprit  ainsi,  pour  les  féconder 
à  nouveau,  n'importe  quels  thèmes,  des  plus  caducs.  Celui-ci,  je 
crois  qu'aucun  des  romanciers  actuels  ne  l'eût  traité  avec  autant 
d'ampleur,  que  personne  n'eût  mieux  décrit  le  douloureux  cal- 
vaire dont  cette  noble  figure  de  Valgraive  s'impose  la  route  labo- 
rieuse pour  «  la  meilleure  œuvre  6  faire  »  avant  la  Fin  ;  que  per- 
isonne  n'eût  mieux  dit  les  naufrages  de  cette  ftme,  ces  rudes  crises 
aboutissant  il  une  satisfaction  assoupie,  après  l'aven  du  Vœu 
suprême.  _ 

Sans  doute,  le  public  des  gares  de  chemin  de  fer  eût  préféré 
une  plus  large  portion  de  réel,  une  part  congrue  de  trompe-l'œil 
quémandant  le  «  comme  c'est  ça  ».  Et  de  fait,  H.  Rosny  pouvait, 
en  doublant  son  texte,  bien  que  sans  viles  concessions,  introduire 
l'élément  physiologique  qui  manque  à  son  livre  (songez  donc, 
ô  naturalistes,  que  la  maladie  du  héros  n'est  point  décrite,  pas 
même  énoncée!);  mais  il  a  jugé  supérieur  de  ne  mettre  stricte- 
ment en  évidence  que  la  céréhralité  d'un  homme,  qu'une  méta- 
physique des  êtres  ambiants,  et  de  nous  servir  un  sublimé,  une 
synthèse  d'une  grande  tenue  littéraire. 

11  est  heureux  que  l'auteur  de  Daniel  Valgraive  ait  affranchi 
son  écriture  de  la  terminologie  scientifique  qui  naguère  encore  la 
métallisait  sans  profit.  Il  a,  d'ailleurs,  d'autres  ressources  plus 
compatibles  avec  l'art  du  littérateur,  comme  celles  d'établir  nette- 
ment d'intelligentes  comparaisons  entre,  par  exemple,  une  âme, 
son  état  transitoire,  et  deux  phénomènes  de  nature  coexistants. 
Maintenant,  si  nous  pouvons  nous  permettre  une  querelle  de 
scoliaste,  nous  condamnerons  chez  M.  Rosny  un  futile  penchant 
à  bombarder  de  majuscules,  ii  titre  d'entités  agissantes,  des  mots 
traduisant  de  simples  qualités,  des  modes  qui  n'en  sont  pas;  i 
moins  que  l'artifice  n'ait  d'autre  but  (comme  dans  les  romans  de 
Villiers)  que  d'attirer  l'attention  sur  certains  vocables.  Empres- 
sons-nous d'ajouter  que  la  question  n'a  pas  d'autre  importance  et 
saluons  de  nouveau  en  M.  Rosny  un  des  talents  les  plus  hauts  et 
les  plus  sûrs  du  roman  contemporain. 

Les  envois  manuscrits  que  portent  sur  son  faux-titre  Daniel 
Valgraive  sont  éloquemment  signés  Joseph-Henri  Rosny  et  Justin 
Rosny. 

Edmond  Coustdrier. 


Exposition  de  Sebaerbeek 

Celle  Athènes  au  petit  pied,  —  Schaerbcek,  célèbre  jadis  par 
SCS  cerises  noires,  actuellement  par  la  multitude  de  peintres  et  de 
sculpteurs  qui  la  peuple,  a  voulu  avoir,  elle  aussi,  son  Exposition 
des  Beaux-Ans,  son  Salon  annuel,  —  un  Salon  «  local  »  disent 
L's  affiches,  réservé  aux  seuls  artistes  dont  le  domicile  est  Compris 
dans  le  périmètre  de  la  commune.  Ce  qui  fait  que  pour  avoir  le 


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L'ART  MODERNE 


151 


<(iroil  de  s'exhiber  dans  la  galerie  gracieusemenl  abandonnée  au 
comité  par  M.  Léon  Somzé,  les  peintres  dont  l'atelier  est  situé  en 
deçà  du  boulevard  de  l'Observatoire  sont  tenus  de  traverser 
celai-ci  et  d'aller  installer  leurs  lares  aux  abords  dn  Jardin 
Botanique. 

L'Exposition  est  coquettement  présentée.  Il  y  avait,  le  jour  de 
l'ouverture,  un  luxe  inusité  de  tapis  et  de  tentures,  économique- 
ment remisées  dès  le  lendemain,  de  corbeilles  de  plantes  vertes 
et  de  fleurs.  Deux  salles  (la  seconde,  i  part  quelques  bons  dessins 
d'architecture  et  des  vitraux  d'art,  semble  bien  un  peu  le  cabinet 
des  horreurs  de  ce  nouveau  Tussaud)  composent  le  petit  musée 
Schaerbeekois.  Et  les  tableaux  débordent  dans  le  vestibule 
d'entrée  et  jusque  dans  la  cage  d'escalier. 

Ce  n'est  pas,  certeél  que  tous  les  envois  fussent  si  remarquables 
qu'on  n'en  dût  sacrifier  quelques-uns.  Il  y  a,  paratt-il,  de  mauvais 
peintres  il  Schaerbeek  comme  partout.  Mais  il  en  est  de  bons,  et 
parmi  les  artistes  «  de  la  localité  »  on  compte  des  hommes  de 
valeur,  connus  dans  les  communes  limitrophes  et  même  an  delà. 
Vous  n'êtes  pas  sans  avoir  entendu  parler  de  MM.  Alfred  Verwéc, 
J.  Coosemans,  Eugène  Smils,  Isidore  Verheyden,  Jan  Stobbaefts, 
Jan  Vcrhas,  Aelbrecht  et  Juliaan  De  Vriendt,  Franz  Binjé,  Henri 
Slacquet,  Jean  De  la  Hoese,  P.-J.  Clays,  A.-J.  Heymans, 
Alb.  Desenfans,  Alb.  Hambresin,  J.  Hérain,  Emile  Namur,  Léon 
Mignon,  Paul  Saintenoy.  Eh  bien,  ces  messieurs  sont  tous  Schaer- 
beekois I  C'est  à  se  demander  si  en  dehors  de  cette  commune 
éminemment  artistique  il  existe  des  ateliers  de  peinture 
cl  de  sculpture,  ou  si,  à  Schaerbeek,  il  y  a  des  citoyens  qui 
exercent  d'autres  professions  que  celle  de  barbouiller  des  toiles 
ou  de  pétrir  de  la  glaise. 

Et  encore  ne  les  avons  nous  pas  cités  tous.  Il  n'y  a  pas  moins 
de  65  exposants  différents,  en  ce  Salonnet  communal,  et  les 
K  dames  »  elles-mêmes,  —  au-. lieu  de  s'associer  à  l'aimable  Mary 
Gasparoli,  toujours  occupée  à  fournir  son  «  groupe  »  d'émancipa- 
tions féminines  nouvelles,  —  les  «  dames  »  de  Schaerbeek  ne 
dédaignent  pas  d'accrocher  le  délicat  ouvrage  de  leurs  mains  à 
côté  des  rudes  travaux  de  leurs  confrères  barbus. 

C'est  ainsi  qu'on  peut  contempler  des  eaux-fortes  de  M"«  Mahy 
Guillou,  —  en  sérieux  progrès  depuis  le  temps  où  elle  polé- 
miquait dans  les  journaux  judiciaires  avec  de  jeunes  avocats  qui 
avaient  le  tort  de  ne  pas  prendre  son  burin  au  sérieux,  —  des 
fusains  et  des  peintures  de  M""  Godart-Meyer  (aie  !),  des  fleurs  de 
M™  Triest  (aie!  aïe!),  un  Prinlempt  de  M""  Duchâteau  (aïe!  aïe! 
aïe!),  etc. 

Ce  sacrifice  fait  à  la  galanterie,  voyons  les  envois  masculins. 

La  toile  d'Alfred  Verwée  n'est  pas  heureuse.  Les  pattes  repliées 
(le  ses  Fachet  au  repot  semblent  des  moignons,  tant  le  dessin  en  est 
indécis,  et  les  arrière-plans,  que  dans  telles  toiles  le  peintre  recule 
i  rinfini,'Sont  enfumés,  brouillés  et  lourds,  ne  donnant  nullement 
la  fraîche  impression  de  r«  aube  «qu'ils  ont  la  prétention  de  réa- 
liser. Le  Portrait  de  jeune  fille  d'Isidore  Verheyden  est  infé- 
rieur à  ses  portraits  antérieurs.  Si  le  visage  est  agréablement 
modelé,  les  étoffes  sont  massives,  ci  les  jambes  écourtécs  du 
modèle  donnent  ii  la  silhouette  une  allure  gauche.  Une  Pl<ige  à 
marée  basse,  du  même  peintre,  laisse  une  impression  plus  vive  et 
plus  durable.  Au  même  groupe  d'artistes  amoureux  de  la  belle 
tache  de  couleur,  de  la  coulée  de  pfttc  onctueuse,  —  triomphe  des 
Louis  Dubois,  des  Boulenger,  des  Baron,  des  Arlan,  —  appartient 
Jan  Stobbaerts.  Il  y  a  dans  l'une  de  ses  Etnbles  une  jonchée  de 
luzerne  évocatoire  des  grasses  campagnes  flamandes,  de  l'été  flanr.- 


boyanl,-de  la  fraîcheur  des  croches.  Mais  l'ensemble  du  tableau 
ne  supporte  pas  une  analyse  sérieuse  des  valeurs  et  de  la  distribu- 
tion du  jour. 

Le  seul  peintre  de  la  même  génération  qui  se  soucie  de  la 
vérité  de  l'éclairage,  Adrien  Heymans,  expose  deux  toiles  qui 
marquent  l'évolution  du  réalisme  de  naguère  vers  l'art  plus  libre 
et  plus  vrai  d'aujourd'hui.  Il  faut  tenir  compte  à  l'excellent  pay- 
sagiste de  ses  constants  efforts.  Enlisé  dans  l'épaisseur  des  pâtes, 
naïvement  ancré  aux  grattages,  aux  ponçages,  aux  triturations 
d'une  antique  «  Cuisinière  bourgeoise  »,  il  tente,  dans  ses  œuvres 
les  plus  récentes,  de  rajeunirsa  palette,  de  simplifier  ses  procédés, 
et  son  écriture  artistique  nouvelle — déjà  signalée  parnous,  notam- 
ment à  propos  de  son  Coin  de  forêt  du  Cercle  —  produit  d'heu- 
reux résultats.  Le  matin,  qu'il  expose  au  953  de  la  rue  Royale, 
témoigne  de  ce  glorieux  en-avant. 

Il  y  peu  de  chose  à  dire  des  œuvres  exposées  par  les  autres 
artistes  que  nous  avons  énumérés.  Elles  décèlent  une  activité 
honorablement  laborieuse  et  maintiennent  leurs  auteurs  dans  les 
positions  acquises. 

M.  Binjé  réalise  d'agréables  harmonies  de  tons  dans  les  dia- 
prures  de  ses  Rochers.  C'est,  peut-être,  le  peintre  «  Schaer- 
beekois »  dont  les  progrès  s'affirment  le  mieux.  Nous  n'en  dirons 
pas  autant  des  frères  De  Vriendt,  dont  les  Portraits  sont  d'une 
navrante  banalité. 

Citons,  pour  finir,  deux  nouveaux  venus,  remarqués  déjà,  l'un 
au  VHorwaarts,  l'autre  i  l'Essor  :  M.  Victor  Gilsonl,  encore  em- 
pêtré dans  les  formules  de  jadis,  mais  incontestablement  peintre, 
cl  M.  Orner  Coppens,  dont  les  Marines  tranchent  sur  la  médio- 
crité ambiante.  Dans  sa  Haute  mer,  M.  Coppens  tente  timidement 
l'application  des  procédés  divisionnistes.  On  pressent  que  seul  le 
mélange  optique  absolu  lui  permettra  de  réaliser  l'effort  d'art  vers 
lequel,  visiblement,  il  tend. 


^     ^ERVIER? 


{Correspondance  particulière  de  TArt  moderne.) 

Dernière  soirée  de  musique  de  chambre.  Sixième  qualunr  de 
Beethoven  et  quintette  de  César  Franck.  Je  me  demande  avrc 
inquiétude  pourquoi  celui-ci  m'a  ému  plus  que  Beethoven.  ■ — 
Franck  était  plus  pénétrant,  plus  jusqu'aux  entrailles,  triste  cl  un. 
Est-ce  l'enveloppe  moderne  de  sa  pensée  qui  en  était  cause,  cl  qui 
m'en  ouvrait  la  compréhension?  Il  est  de  fait  pour  moi,  que 
Franck  est  une  des  très  rares  âmes  ou  natures  profondes  qui 
puissent  servir  de  pierre  de  ouche  pour  juger  Beethoven,  — 
comme  Beelhoven  sert  de  pierre  de  louche  pour  juger  tous  les 
autres,  et  Franck,  el  Brahms,  par  exemple.  —  Beethoven  me 
donne  la  sensation  de  ces  dessins  aux  belles  lignes,  riches  et 
pures,  —  dessins  où  les  lignes  ont  un  grand  rôle,  où  elles  se  mul- 
tiplient pour  arriver  avec  une  grande  clarté  et  une  grande  sûreté 
à  faire  ressortir  non  seulement  les  contours,  mais  les  masses. 
Franck  procède  par  masses  plus  estompées,  avec,  ça  et  là,  des 
blancs  cl  des  noirs  sinistres. —  Est-ce  différence  d'âge,  d'époque? 
Ce  sont  deux  chastes;  deux  grands  qui  se  sont  creusés  eux-mêmes 
jusqu'à  ce  qu'ils  trouvent  le  fond  universel  de  l'âme  humaine.  — 
lis  sont  frères,  mais  l'un,  le  Saxon,  fait  ressortir  la  race  de  l'autre, 
le  Latin. 

Pas  de  piano  b  queue  pour  le  quintcltc.  L.  Kifor  avait  voulu 


/ 


'  ;-f  ■'•îiTi*>tj^-!»i;'*ïr(5-i*,Tif^«s'?  ■ 


152 


L'ART  MODERNE 


en  exorciser  les  eDcom branles  vibralions;  et  l'honnête  piano 
droit  accomplissait  sagement  son  rôle,  ressortant  quand  il  le 
fallait,  et  accompagnant  ou  disparaissant  comme  tout  membre 
d'un  ensemble  doit  faire.  Mais  que  de  pianistes,  tant  mâles  que 
femelles,  ne  le  prendraient-ils  pas  pour  une  offense,  une  atteinte 
à  leurs  droits  sacro-saints,  si  on  fermait  le  couvercle  de  leur 
Erard  il  queue,  pendant  un  Irio  ou  quatuor?  Equilibrer  le  son 
des  instruments?  Perdre  la  jouissance  ininterrompue  du  clapote- 
ment et  de  la  .mullueuse  pédale!  Les  idées  démocratiques  vont 
envahir  jusqu'au  jeu  des  virtuoses!  Horreur!  tout  se  détraque 
mes  enfants  —  les  temps  vont  bien  mal!. 


JjIVI^EP    BELQEg    JUqÉp    EN    }^'rANCE 

Extrait  du  Afercur»  de  France,  t.  II,  n»  17,  livrai^n  de  noai  1891,  où 
l'on  trouve  aussi  quelques  pageM  inédites  de  ViDien  de  l'Ide-Adam 

très  curieuses  (?ariiu!ite8  de  tÈve  future).         *  '  '  r 

Les  Fusillés  de  Matines,  par  Georges  Eékboud  (Bruxelles, 
Lacomblez).  —  Voilà  un  1res  bon  livre,  malgré  quelques  pages 
d'un  naturalisme  un  peu  trop  de  kermesse  à  la  phase  exerémen- 
lielle.  C'est  l'histoire  de  la  révolte  des  Flandres,  en  1798,  contre 
l'occupation  française  et  la  siupide  tyrannie  des  Jacobins,  On  avait 
fermé  et  pillé  les  églises,  déporté  les  prêtres  à  Cayenne,  sup- 
primé toutes  les  gildes,  confréries,  corporations  et  fêles  locales; 
à  toutes  ces  vexations  (imaginées  naturellement  au  nom  de  la 
liberté  et  l'égalité)  ajouté  la  conscription  :  —  les  paysans,  un 
jour,  trouvèrent  que  cela  allait  un  peu  loin  et  prirent  les  armes. 
Ils  surprirent  Malines,  mais,  surpris  à  leur  tour  et  cernés,  ils 
furent  massacrés,  et  ceux  qui  avaient  échappé  à  la  tuerie,  fusillés 
le  lendemain  après  un  simulacre  de  jugement.  L'auteur  méprise 
et  hait  la  Révolution  française,  —  sentiment  que  tout  artiste  ne  peut 
que  hautement  approuver.  Ah  !  Gantois  et  Brugeois,  si  vous  nous 
aviez  appartenu,  comme  nous  aurions  rasé  vos  maisons  à  pignons, 
vos  beffrois,  vos  couvents,  vos  hôpitaux,  vos  chapelles,  vos  églises  ! 
Comme  nous  aurions  redressé  vos  rues  qui  s'en  vont  sans  savoir 
où  !  Et  comblé  les  inutiles  canaux  de  «ruges  !  Et  rendu  toutes  ces 
villes  un  peu  modernes!  Songer  que  Bruges  pourrait  ressembler 
îi  Saint-Denis  !  Sous  couleur  de  patriotisme  flamand,  cette  étude 
de  M.  Eokhoud,  fort  bien  écrite  d'ailleurs,  avec  plein  de  trou- 
vailles (le  mots  et  style,  est  un  plaidoyer  de  l'art  contre  le  van- 
dalisme et  de  l'idéalisme  contre  le  despotisme  utilitaire  :  donc,  à 
tous  les  points  de  vue,  un  très  bon  livre. 

R.  G. 

L'ornement  des  noces  spiriluelles,  par  Ruysbroeck  l'Admirable 
iraduitdu  flamand  par  Maurice  Maeterlinck  (Bruxelles,  Lacomblei)! 
—  Sur  ce  livre,  un  des  plus  hauts  de  la  littérature  mystique,  je 
me  réserve  de  revenir  un  jour  (un  mois  ou  l'autre)  en  une  élude. 
Celle  du  traducteur  est  si  complète,  si  pénétrante,  si  écrite  en  lé 
style  qu'il  fallait,  —  que  cela  pourrait  paraître  superflu  et  même 
téméraire;  mais  M.  Maeterlinck,  seul  grief,  n'a  pas  assez  délimité 
les  deux  mysticismes  :  le  catholique  et  l'alexandrin.  Je  ne  voudrais 
pas  que  l'on  citât  Plolin  pour  expliquer  Ruysbroeck,  ou  bien  il  y 
faudrait  apporter  une  grande  prudence,  "il  y  a  deux  grandes 
classes  de  mystiques  :  les  grecs,  les  latins.  Le  mysticisme  grec 
évolue  dans  l'Inlelligence;  le  mysticisme  latin,  dans  l'Amour  • 
l'un,  c'est  saint  Denys  l'Aréopagile;  l'autre,  saint  Boniface  ou 
saint  Bernard.  Ruysbroeck,  tout  en  les  ignorant  également,  semble 
résumer  les  deux  écoles.  Pourquoi  spécialement  en  référer  à 
Plolin?  Je  sais  bien  que  M.  Maeterlinck  donne  à  ce  sujet  de  très 
subtiles  explications,  — justement  à  discuter. 

«  Ce  saint  personnage,  dit  la  très  iniérressante  revue  de  Gand 
Le  Magasin  littéraire,  né  au  village  de  Ruysbroeck,  entre  Mal  et 
Bruxelles,  en  1274,  fonda  dans  la  forêt  de  Soignes,  au  lieu  dit 
Groenendael  (Val-Vert),  un  monastère  qui  suivit  la  règle  des 
Ermites  de  Saint-Augustin.  C'est  là  qu'il  écrivit  en  flamand  ses 
éioniiantes   œuvres    mystiques.   Ces   œuvres,   éditées    pour   la 


ftremiëre  fois  dans  le  texte  original,  il  y  a  quelaues  années,  par 
es  soins  de  la  MaaUduppii  der  Vlaanuelu  Bulioi^ilêii,  n'ont 
jamais  paru  en  français,  sauf  quelques  passases  Iradaita  par  Hello 
sur  le  texte  latin,  rédigé  au  16*  siècle  («r  Lanrentias  Snrias  ». 
Ajoutons  que  ces  a  quelques  passages  »  Mdaits  par  Hello  donnent 
la  quintessence  de  Ruysbroeck  en  un  petit  livre,  qui  ne  doit  pas 
être,  il  est  vrai,  littéralement  exact,  mais  qui  n'en  garde  pas 
moins  sa  valeur  de  bréviaire,  de  «  Petites  Heures  »  mystiques. 

R.  G. 
Ce  qui  précède  paraîtra,  en  Belgique,  d'un  exact  jugement.  Par 
contre  cette  note  courte  et  dédaigneuse  sur  un  fort  beau  livre. 

Les  Demiiret  Fila,  par  Albert  Giraud  (Bruxelles,  Paul 
Lacomblez).  —  M.  Albert  Giraud  montre,  en  son  très  élégant 
volume,  une  science  accomplie  dn  vers  et  une  connaissance  appro- 
fondie des  poètes  les  plus  modernes.  La  forme  est  toujonni  impec- 
cable,mai8  tel  de  ses  poèmes  rappelle  Baudelaire,  tel  autre  Leeonte 
de  liste,  tel  autre  Verlaine.  11  n'est  pas  Jusqu'k  Saint-Pol-Roux 
qui  ne  puisse  revendiquer  «  un  masque  ob  la  fièvre  allume  ses 
cactus  »  et  «  des  regards  éperviers  pour  dcsebaaaes  mauvaises  ». 
Cependant,  en  maint  endroit,  l'auteur  aflBrme  une  personnalité. 
Il  a  une  évocation  de  paysages  teintés  de  bleu  tendre  et  de  rose 
p&le  un  peu  «  dessus  de  boite  k  bonbons  »,  mais  bien  k  lui. 

____  E.  D. 

5^HR0NiqUE    JUDICIAIRE    DE?    ^RT? 
Conpoi^a  Ml  Théâtre. 

Le  procès  intenté  par  M.  Jules  Destrée  A  la  direction  du  théâtre 
de  la  Monnaie  au  sujet  des  coupures  infligées  par  celle-ci  à  la 
partition  de  Siegfried  a  été  plaidé  cette  semaine  devant  le  tribunal 
de  commerce  de  Bruxelles.  M.  Destrée  plaidait  en  personne, 
assisté  de  M*  Edmond  Picard.  M*  Hahn  était  à  la  barre  pour  les 
défendeurs. 

D'après  ces  derniers,  les  coupures  sont  autorisées  par  l'usage. 
Il  n'est  pas  d'œuvre  dramatique  qui,  au  dire  dn  Conseil  des 
directeurs,  soit  représentée  intégralement.  On  coupe  dans  les 
Huguenots  un  air  de  Nevers  et  Te  ballet  du  quatrième  acte,  on 
supprimait  jusqu'ici  dans  la  Juive  le  ballet  de  la  «  Tour 
enchantée  »  qui  n'a  été  rétabli  que  depuis  peu  de  temps,  etc. 
Les  représentations  sont  subordonnées' aux  nécessités  do  ibéfllre. 
Les  directeurs,  qui  exposent  leurs  capitaux,  ont  le  droit d'écourter 
le  spectacle  si  l'intérêt  de  la  caisse  l'exige.  Or,  poor  Siegfried, 
il  s'agissait  de  permettre  aux  Anversois  d'assister  à  la  représenta- 
tion et  de  rentrer  chez  eux  pat*  le  dernier  train.  C'est  pourquoi 
on  a  fait  des  coupures. 

Le  procès  actuel  n'est  d'ailleurs  pas  nouveau.  U  fut  intenté 
jadis  par  un  amateur  mécontent  des  tripatouillages  que  M.  Castil- 
Blaze  avait  fait  subir  au  Freitchûtz,  par  un  directeur  de  théâtre 
méridional  qui,  venu  à  l'opéra  avec  sa  troupe,  sons  la  direction 
Vaucorbeil,  pour  entendre  la  Favorite,  avait  constaté  certaines 
suppressions.  Dans  l'un  et  dans  l'autre  cas,  le  demandeur  fut 
débouté  de  son  action. 

M'  Hahn  ajoute  que  le  départ  de  M.  Destrée  après  le  premier 
acte  n'est  pas  établi.  Si  le  demandeur  a  assisté  au  spectacle 
jusqu'à  la  fin,  il  n'est  pas  recevable  à  réclamer  la  restitution  du 
prix  de  sa  place.  Qu'il  formule  des  protestations,  qu'il  saisisse  la 
presse,  c'est  son  droit.  La  querelle  relève  de  la  critique  et  non 
du  pouvoir  judiciaire.  Pour  le  préjudice  que  leur  a  fait  subir  la 
publication  anticipée  de  l'assignation,  les  directeurs  réclament 
reconvcntionnellement  à  M.  Destrée  1,200  francs  de  dommages- 
intérêts. 

M"  Destrée  et  Edmond  Picard,  plaçant  le  différend  bien 
au-dessus  du  procès  actuel,  plaident  qu'un  directeur  Je  spectacles 
n'a  pas  le  droit  d'amputer  une  œuvre  d'art  dans  un  intérêt  de  gros 
sous.  C'est  la  cause  de  tous  les  musiciens  et  de  tous  les,  amateurs 
de  musique  qu'ils  défendent.  En  annonçant  par  leurs  affiches  une 
représentation  de  «  Siegfried,  drame  lyrique  de  R.  Wagner, 
traduction  française  de  V.  Wilder»,MM.  Sloumon  et  Calabresi  se 
sont  engagés  à  jouer  l'œuvre  intégrale,  telle  qu'elle  a  été  écrite, 


^^'"^^r»,' 


"  >  1?"^  8»' 


et  non  des  fragmeoli  de  cette  œuvre.  Par  la  publication  de 
l'affiche,  un  conCrat  s'est  formé  entre  la  direction  et  le  public.  En 
prenant  son  billet,  M.  Destrée  a  dû  croire  qu'il  allait  assister  k 
une  représentation  complète.  Il  n'est  allé  au  théâtre  que  dans 
ce  bat  et  ne  se  serait  pas  dérangé  s'il  avait  su  qu'on  lui  donnerait 
un  Siegfried  mutilé.  Comment  pouvait-il  supposer  que  la  direc- 
tion se  permettrait  do  supprimer  des  passages  importants  de  la 
partition,  alors  que  Siegfned  avait  été  joué  dix  fois  de  suite  sans 
coupures,  alors  que  la  loi  de  1886  sur  le  droit  d'auteur  défend  au 
cessionnaire d'une  œuvre  d'art  de  modifier  celle-ci  pour  l'exploiter? 
Le  prétendu  usage  invoqué  par  les  défendeurs  ne  peut  être 
opposé  It  la  demande.  Un  usaj(e  ne  prévaut  pas  contre  une 
disposition  légale.  D'ailleurs,  un  usage  admis  pour  les  HuguetioU 
ou  la  Juive  peut-il  s'appliquer  ii  Siegfried  f  De  ce  qu'on  a  coutume 
de  chfttrer  les  matons  peut-on  inférer  qu'il  soit  permis  de  prati- 
quer la  même  opération  sur  tons  les  mammifères? 

C'est  06  qui  rend  inapplicable  k  l'espèce  la  jurisprudence 
citée  par  les  défendeurs.  Le  procès  de  Robin  de»  Bois  a  été 
intenté  alors  que  depuis  pinsieurs  années  il  était  d'usage  de 
représenter,  non  l'œuvre  originale  de  Weber,  mais  l'adaptation 
qu'en  avait  faite  H.  Caslil-BIaze.  Et  quant  au  procès  de  la 
Favorite,  les  coupures  qui  indignèrent  le  directeur  méridional 
avaient  été  pratiquées  depuis  la  première  représentation.  Le  juge- 
ment le  mentionne  expressément.  Ces  deux  décisions  ne  sont 
donc  nullement  contraires  ii  la  thèse  des  demandeurs. 

L'argument  tiré  de  l'heure  du  départ  des  trains  n'est  pas 
sérieux.  Dans  l'hypothèse  où  le  train  d'Anvers  fût  avancé  d'une 
demitheure,  admettrait-on  que  la  direction  eiA  le  choix  de  sup- 
primer la  moitié  d'un  acte?  Que  dire  d'un  directeur  de  spectacles 
qui  coopérait  dans  Faust  l'air  des  bijoux,  dans  RigoUtlo  le 
quatuor,  dans  Ouillaume  Tell  le  trio  ?  Le  public  ne  protesterait- 
il  pas  avec  indignation  ? 

Que  M.  Destrée  soit,  ou  non,  resté  jusqu'à  la  fin  du  spectacle, 
peu  importe.  Il  déclare  qu'il  est  parti  après  le  1"  acte,  et  il  a 
fait  constater  son  départ.  Mais  rien  ne  l'empêchait  de  rester,  ne 
fût-ce  que  pour  s'assurer  des  coupures  qui  eussent  pu  être  faites 
dans  les  actes  suivants.  El  aucune  fin  de  non  recevoir  n'eût  pu 
lui  être  opposée  de  ce  chef. 

Quant  k  la  publication  anticipée  de  l'assignation  par  les  jour- 
naux, elle  n'est  pas  le  fait  de  M.  Destrée.  Ce  n'est  pas  à  lui  à  en 
répondre.  Et  dans  tous  les  cas,  M.  Destrée  n'étant  pas  commer- 
çant, l'action  rcconventionnelle  échappe  !i  la  compétence  de  la 
juridiction  consulaire.  Elle  a  pour  base  un  fait  spécial  qui  n'est 
pas  la  conséquence  directe  de  l'action  principale. 

I^  jugement  de  cet  intéressant  procès  sera  rendu  la  semaine 
prochaine. 


Petite  CHROj^iquE 


Les  pourparlers  dont  nous  avons  parlé  dans  notre  dernier 
numéro  au  sujet  de  VAntonia  de  M^Edouard  Dujardin  ont  abouti. 
Cette  tragédie  moderne,  dont  toutes  les  revues  de  Paris,  après  les 
journaux,  font  la  glose,  sera  représentée  vendredi  prochain, 
15  mai,  au  théâtre  du  Parc,  par  les  artistes  de  la  création  (Théâtre 
d'application,  30  avril  1891)  (■!).  Il  sera  extrêmement  inléressanl 
(le  voir  l'impression  produite  â  Bruxelles  par  ce  premier  essai  de 
drame  symboliste. 

Il  ne  faut  jurer  de  rien  servira  (celte  comédie  a-t-elle  été 
choisie  par  M.  Candeilb  dans  une  intention  malicieuse?)  de  lever 
de  rideao  il  Antonia. 

Dans  la  dernière  séance  de  musique  de  chambre  pour  instru- 
ments i  vent  et  piano,  donnée  par  HH.  Anihoni,  Guidé,  Poncdet, 
Merck,  Neumans  et  De  Greef  qui  aura  lieu  aujourd'hui  dimanche, 
on  entendra  comme  œuvres  nouvelles  une  Méditation  de 
Lefebvre  et  une  Pattorale  de  G.  Pierné,  puis  un  andante  pour 
trois  hautbois  et  cor  anglais  de  Léon  Jehin.  M.  Arthur  De  Greef 

(1)  Voir  le  compte-rondu  d'Anlonia  dans  VArt  Moderne  du 
26  avril  dernier. 


jouera  le*  Variatiotu  térieuiu  pour  piano  de  Mendeissohn  et,  avec 
M.  Poncelet,  des  pièces  de  Schumann  pour  piano  et  clarinette. 

La  séance  se  terminera  par  la  Sérénade  n°  3  de  Mozart,  poui- 
bait  instruments  k  vent. 

Pour  rappel,  c'est  mardi  prochain  qu'aura  lieu,  â  la  Monnaie, 
à  8  heures  du  soir,  le  quatrième  et  dernier  Concert  populaire  de 
la  saison,  consacré  ii  Brahms  el  a  Wagner. 

Demain  soir,  ii  8  heures  également,  répétition  générale  au 
théâtre  de  la  Monnaie. 

A  la  mort  de  César  Franck,  ses  élèves  et  ses  admirateurs  ont 
décidé  d'ouvrir  une  souscription  pour  lui  élever  un  monument. 
L'exécution  de  ce  monument,  qui  sera  édifié  sur  la  tombe  du 
maître  au  cimetière  Montparnasse,  a  été  confiée  au  sculpteur 
Rodin.  

M.  Van  Dyck  vient  d'être  cngasé  â  l'Opéra  de  Paris  pour  créer, 
en  septembre  et  octobre,  après  les  représentations  de  Bayrcuth, 
le  rôle  deLohengrin. 

Les  études  préparatoires  nécessitées  par  cet  ouvrage  sont  com- 
mencées. M.  Lapissida  a  déjà  établi  en  partie  la  mise  en  scène. 
MM.  Gailhard  et  Lamoureux  s'occupent  de  la  distribution  des 
rôles,  à  peu  près  arrêtée  définitivement  comme  suit  : 

Lohengrin,  M.  Van  Dyck;  Frédéric,  M.  Renaud;  le  roi,  Del- 
mas  ;  Eisa,  M"«  Rose  Caron  ;  Ortrude,  M""  Fierons. 

La  première  aura  lieu  du  10  au  15  septembre. 

On  ne  s'occupera  qu'après  de  Tamara,  la  pièce  de  M.  Bour- 
gault-Ducoudf'ay.  

Du  Ouide  musical  :  Pour  sa  dernière  soirée,  la  Société  des 
Concerts  populaires  de  Nantes  avait  fait  appel  à  M.  Vincent  d'Indy. 
Trois  œuvres  du  jeune  maître  figuraient  au  programme  :  Wal- 
lenslein,  la  Forêt  enchantée  et  Clair  de  lune.  On  devait  en  jouer 
une  quatrième,  Saugefleurie,  que  le  manque  de  temps  pour 
répéter  a  fait  supprimer.  M.  Vincent  d'Indy  a  été  chaleureusement 
acclamé  par  le  public  nantais. 

Notre  brillant  confrère  Etienne  Destranges  parle  avec  une  cha- 
leureuse sympathie  de  ce  concert  qui  a  clos  dignement  la  saison 
de  4890-1891.  La  Société  nantaise  des  Conceris  populaires  a 
exécuté,  cette  année,  trente  œuvres  nouvelles,  dont  les  princi- 
pales ont  été  :  le  Préluiie  de  Tristan  et  Yseult,  la  Mort  d'Vseult, 
la  Symphotiie  fantastique  et  des  fragments  de  Roméo  et  Juliette 
de  Berlioz,  le  Chasseur  Maudit,  les  Djinns  de  Franck,  Irlande 
d'Holmes,  enfin,  la  Flûte  enchantée  et  Wallenstein.  Elle  a  fait 
entendre,  en  outre,  des  artistes  comme  Ysaye,  Paderewski,  Smith, 
M""  Miclos,  Fursch-Madier. 

Ce  n'est  vraiment  pas  mal. 

Du  même  :  Une  nouvelle  invention  nous  est  signalée  de  Berlin  : 
un  piano  électrique.  Horreur  ! 

La  nouveauté  de  l'appareil  Consiste  en  ceci,  que  les  marteaux 
sont  supprimés.  Le  clavier  est  en  communication  avec  des  aimants 
par  lesquels  passe  un  courant.  Chaque  fois  que  le  doigt  appuie 
sur  la  touche,  l'aimant  entre  en  communication  avec  les  cordes, 
qui  vibrent  aussi  longtemps  que  dure  la  pression  du  doigt  sur  la 
touche.  Il  est  loisible  de  jouer  ce  piano  aiternaiivemcnt  comme 
un  piano  ordinaire,  —  car  il  a  des  marteaux  et  leur  mécanisme 
d'échappement,  —  ou  de  le  faire  résonner  par  l'élcclriciié.  Il  suf- 
fit de  manœuvrer  un  commutateur  pour  établir  le  contact  élec- 
trique. Alors  le  piano  rend  des  sons  d'orgue. 

Un  nouveau  confrère  parisien. 

VEndehors,  journal  hebdomadaire,  parait  le  mardi,  avec  ce 
commentaire  :  «  Celui  que  rien  n'enrôle  el  qu'une  impulsive  nature 
guide  seul,  ce  passionnel  tant  complexe,  ce  hors  la  loi,  ce  hors 
d'école,  cet  isolé  chercheur  d'au  delà  ne  se  dessine-t-il  pas  dans  ce 
mol  :  »  VEndehors  »? 

Dix  centimes  le  numéro.  —  Six  francs  par  an.  —  Bureaux  :  rue 
Bochard  deSaron,  12,  Paris. 

El  vogue,  vogue... 


ONZIÈME  ANNÉE 

L'ART   MODERNE  s'est  acquis  par  l'autorité  et  l'indépendance  de  sa  critique,  par  la  variété  de  ses 

informations  et    les  soins  donnés   à  sa   rédaction   une   place  prépondérante.   Aucune  manifestation  de  lArt  no 

lui  est  étrangôro  •  il  s'occupe  de  littérature,  do  peinture,  de  sculpture,  de  gravure,  de  musique, 

d'architecture,  etc.  Consacré  principalement  au  mouvement  artistique  belge,  il  renseigne  néanmoins  ses 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  l'étranger  qu'il  importo  do  connaître. 

Chaque  numéro  de  L'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  question  artistique 
ou  littéraire  dont  l'événement  de  la  semaine  fournit  l'aotualité.  Les  expositions,  \6S  livres  nouveaux,  les 
premières  représentations  d'œuvres  dramatiques  ou  musicales,  les  conférences  littéraires,  les  concerts,  les 
ventes  d'objets  cTart,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  Il  rend  compte  des 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  MementO  la  nomenclature  complète  des  expositions  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  Il  est  envoyé  gratuitement  à 
l'essai  fondant  Ma  moù  à  Umie  personne  qui  en  fait  la  demande. 

L'ART  MODBRNB  forme  chaque  année  un  beau  et  fort  Tolume  d'environ  450  pages,  iVèè  table 
des  matières.  Il  constitue  pour  l'histoire  de  l'Art  le  document  LE  PLUS  COMPLET  et  le  recueil  LE  PLUS 
FACILE  A  CONSULTER. 

Belgique  lO  At*  par  an. 


PRIX    D'ABONNEMENT 


Union  postale    1 3    fl[*a 


Quelques  exemplaires  des  dix  premières  années  sont  en  vente  aux  bureaux   de  L'AHT  MODBRNS, 
rue  de  l'Industrie,  32,  an  prix  de  30  firancs  ch&ean. 


filniies  des  iiotiires  DELPOBTE  tt  GROSEIlItS,  à  InitWtt. 
Mardi  19  Mai  1891 

ù  1   heure  de  relevée,  en  la  grande  salle  de  la  NouTelle  Cour  de 
Bruielles,  place  Fontaiuas,  13  :  Veàte  de 

TABLEAUX  ANCIENS 

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ÉCOLES  FLAMANDES,  HOLLANDAISES.  ETC. 

Comprenant  des  œuvres  de  Jean  Breugbel,  dit  de  velours,  Philippe 
Van  Dyck,  Corneille  Huysmans,  dit  de  Malines,  Pierre  Van  Laer, 
Leeouins,  Molenaer,  Moreels  et  autres,  et  d' 

OBJETS  D'ART  ET  DE  CURIOSITÉ 

AD    COMPTANT    10   «/a   POOK   VRAIS. 

Exposition  :  Dimanche  10  et  lundi  U  mai  1891,  de  11  à  4  heures. 
Pour  catalogues   et  renseignements,    s'adresser    en    l'étude  des 
notaires  et  vendeurs,  31,  Orand  Sablon,  et  "75,  rue  Nenve. 


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Paris  1867, 1878, 1"  prix.  —  Sidney,  seuls  1"  et  «•  prix 

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Vient  de  paraître  chez  l'éditeur  Edm.  DEMAN 


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45,   MONTAQNE   DE  LA  CX>UR,   4& 
un.  BàroT  roi»  la  waimmom  mm 

Célèbres  Orgaes-Harmonlniiis  «  BSTST  » 

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L'orgue  ESTET,  construit  en  noyer  massif,  de  forme  éM^aate, 
bien  stylisée,  est  Muu  ooncnireim  pour  la  beanU  et  les  fnaUtés 
sublimes  du  son. 

La  maison  EISTEY  en  conslroit  un  grand  nomkre  «la  mitiWiw  en 
diflirentes  grandeurs  pour  ll^iae,  lleola  et  to  "nfftn 

La  maison  possède  des  certiflcata  «zeaHents  de  MM.  Edgar  Tinel, 
Camille  de  Saint-Saènt,  lÀttt,  Richard  Wagner,  Subifatein,  Joa- 
chim,  Wilhelmj,  Ed.  Orieg,  OU  JBuU,  A.  SMitpof,  So/le  ItmMr, 
Détirée  Artôt,  Pauline  Lucca,  Pablo  de  Sareuate,  Ferd.  BiUer,  D. 
Popper.  tir  F.  Benedict.  LetchetiUky.  Hàpraa^i*,  Jok,jUimr,Jiat 
Soendten,  K.  Rundnagel,  J.-O.-B.  StehU,  Igtiaee  BrUU,  etc.,  etc. 

N.  B.  On  envoie  grataitement  las  prlx-oimnustB  et  la*  eertl- 
Boata  i  tonte  personne  qui  en  fera  U  donanda. 


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FONDÉ  EN  i^î 

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en  un  fascicule  de  32  pages  au  moins.  Il  formera  tous  les  ans  un  fort 

volume  in-8°,  pour  lequel  il  sera  tiré  une  couvertora  qiëciale,  un 

titre,  une  table  des  matières  et  une  tabla  alphabétique  par  noais  d'an- 


teurs. 


ABONNKHKTrn  :  France,  5  francs  par  an. 

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Envoi  d'un  n»  spécimen  contre  fr.  0-40  en  timbres-poste.  —  M.  A. 
Vaulbtte,  rédacteur  en  chef,  rue  de  l'Echandé  St-Oermaia,  15.  Paris. 
—  Dépôts  à  Bruxelles,  V*  Roxez  et  Lacomblez. 


Brozelle*.  —  Imp.  V-  MoitKOv,  S,  ma  de  rindostrie.  , 


OnOÈMI  AMMtl.  —  N*  20. 


La  NUMÉRO  :  S6  crntdibs. 


Dmamchb  17  Mai  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


RBVDE  ORITIQDB  DBS  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  t  Octavb  MAUS  —  Edmokd  PICARD  —  Émilk  VERHAEREN 


▲BOinfkiaBmrS  t    Belgique,   un   an,   fr.   lO.QO;  Union  poetale,   fr.    13.00     —  AmrOIÏCKS  :    On  traite  i   forfait. 


Adretter  toutes  lei  communication»  d 
t'ADimasTEATioM  oÉNÉEALB  DE  l'Art  Modeme,  me  de  l'Industrie,  82,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


A  PBopos  DS  Shtlock.  —  Au  Champ  oi  Mars.  —  Paoks,  pas 
Stépbahi  Mai.ljtliiiit.  —  Union  dis  Arts  dAooratips.  —  Musique. 
—  Pnm  cHaoMiQCE. 


A  propos  de  SHYLOCK 

C'est  une  pièce  aasez  différente  de  la  très  excellente 
histoire  da  Marchand  de  Venise,  qne  le  tragédien 
Rossi  noui  a  moptrée  l'autre  soir. 

L'esthétique  de  ces  modifications  au  texte,'  larges 
coupures,  invasion  de  tableaux  dans  les  actes  et  homo- 
logation de  différentes  scènes,  ressort  de  deux  mobiles 
principaux. 

L'un  de  ces  mobiles,  tout  naturel,  est  de  plier  la  mul- 
tiple mise  en  scène  aux  exigences  de  tout  théâtre  où  la 
troupe  du  comédien  de  Shakespeare  (aussi,  hélas!  de 
Giacometti)  vient  donner  l'audition  d'une  série  de  chefs- 
d'œuvre.  Simplifier  les  mécanismes  de  nombreuses 
machiu6ii<fe,  épargner  les  allées  et  venues  des  figurants, 
c'est  fermer  autant  de. portes  possibles  pour  le  rire,  et 
rien  de  mieux  pour  l'audition  du  grand  comédien. 

L'audition  du  grand  comédien,  son  audition  par  des- 
sus tout,  voici  le  deuxième  mobile  des  découpures  des- 
sinées dans  Kiakespeare.  M.  Rossi,  qui  vojage  pour 


lui,  joue  pour  lui,  et  certes  se  persuade,  non  à  tort,  que 
seul  pour  le  public,  il  est  capital.  De  là  à  lui  sauver  la 
trop  fréquente  présence  de  comédiens  qui  ne  seraient 
pas  lui,  et  s'entourer  seulement  d'un  nombre  de  com- 
parses suffisants  pour  lui  donner  la  réplique,  il  n'y 
avait  qu'ofi  pas. 

Une  autre  raison  encore  expliquera  dans  les  habi- 
tudes dé  ces  troupes  italiennes,  le  sans  gêne  avec  lequel 
le  texte  est  traité.  Passant  en  pays  de  langues  diverses, 
la  plupart  du  temps  devant  des  spectateurs  qui  voient 
en  eux  comme  les  plus  extraordinaires  représentants 
de  la  pantomime,  ils  ont  intérêt  à  glisser  sur  tout  ce 
qui  n'est  pas  bien  physiquement  montré,  ou  ce  qui 
n'est  pas  immédiatement  et  brutalement  accessible;  et 
ces  ébranchages  perpétuels  sont  pour  eux  comme  une 
nécessité  vitale. 

Dans  le  Marchand  de  Venise,  l'entaille  est  simple  et 
grande.  Elle  démontre  exactement  ce  principe  que  c'est 
le  comédien  shakespearien  que  nous  devons  venir  voir, 
et  non  la  comédie,  puisque,  Shylock  confondu,  nous 
n'avons  plus  rien  à  faire  qu'à  partir  en  réfléchissant 
aux  mérites  de  l'interprète. 

En  France,  à  Paris,  veux-je  dire,  anx'Français  ou  à 
l'Opéra,  l'esthétique  de  Shakespeare  est^diflérente. 

En  annihilant  autant  que  possible  les  rôles  des  princi- 
paux personnages,  et  en  noyant  le  langage  shakespea- 
rien dans  des  tirade»  incolores,  on  respecte  soigneuse- 


i 


156 


L'ART  MODERNE 


ment  le  canevas  shakespearien  en  tant  que  prétexte  à 
déploiement  d'élofles,  pompes  de  casques  et  de  halle- 
bardes, décors  de  parcs  à  lumière  électrique,  hautes 
salles  vénitiennes  avec  des  musiciens  en  costumes  véro- 
né^iens  ou  giorgionesi^ues.  C'est  encore  et  toujours 
l'opéra  de  Gounod  (sans  musique)  que  nous  écoutons 
pour  du  Shakespeare.  Ici  c'est  bien  autre  chose,  mais 
ce  n'est  pas  encore  du  Shakespeare,  c'est  surtout  du 
Rossi. 

Chez  tous  les  interprètes  d'art,  virtuoses,  acteurs,  etc., 
vous  découvrirez,  plus  ou  moins  avouée,  plus  ou  moins 
formulée,  cette  pensée  que  l'exécution  de  l'œuvre  d'art 
est  une  chose  égale,  sinon  supérieure,  à  sa  création. 

Ils  stnit  amenés  ii  se  formuler  à  eux-mêmes,  à  déduire 
d'eux-mêmes  une  sorte  d'esthétique  représentative  qu'ils 
appliquent  à  toutes  les  œuvres  qu'ils  assument  de  vivi- 
fier. De  là  et  rapidement  la  création  dans  leur  art  d'une 
singulière  monotonie. 

Rossi  n'y  a  p<iint  échappé.  Ses  vieillards  se  traînent, 
se  désespèrent,  rient  d'une  sorte  de  gloussement  quatre 
fois  répété,  sont  cauteleux,  défiants,  comiques;  dans 
leurs  apparences  mi-|)atelines,  mi-gâteuses,  ses  vieillards, 
qu'ils  s'appellent  Louis  XI.  ou  Ivan-le-Terrible  ou  Shy- 
loik,  sont  le  même  (la  conception  de  la  puissance 
déiniite  par  l'âge  et  qu'il  faut  retenir  de  tous  ses 
gestes) . 

Le  Shvlock  de  Rossi  est  essentiellement  traditionnel. 
Non  pas  qu'il  faille  (pour  ces  rôles  très  en  dehors) devoir 
infliger  une  synibolique  complète  à  tel  personnage 
simplement  fabriqué  pour  faire  rif-e  à  ses  dépens,  mais 
encore  faut-il  que  la  silhouette  qu'en  donne  le  comédien 
soit  logique,  quelque  peu. 

Où  est  la  notation,  dans  Shakespeare,  du  grand  âge 
de  Sliylo(  k.  Le  fait  d'avoir  une  fille  le  condarane-t  il  à 
tousser,  marcher  courbé,  se  traîner  péniblement,  de 
même,  exactement  de  même  que  le  roi  Louis  XI. 

C'est  un  homme  d'aflaires,  réduit,  poussé,  encouragé 
si  vous  préférez  à  un  système  spécial  d'affaijœs,  par  des 
lois  qui  lui  interdisent  d'autres  expansions  de  person- 
nalité. Il  subit  le  mépris  de  la  ville;  quand  on  en  a 
besoin  on  va  le  prier  et  le  flatter,  quand  il  s'est  enrichi, 
on  le  dépouille;  heureux  souvent  ceux  qui  n'étaient  que 
dépouillés  Shylock  ne  peut  avoir  au  cœur  grande 
gratitude  pour  les  négociants  qui  comme  Antonio  le 
méprisf  nt  -  parce  que  leur  fortune  est  sur  la  mer.  «  Il 
lui  tombe  par  hasard  une  occasion  de  vengeance,  il  la 
saisit  avec  enthousiasme,  et  cette  vengeance  le  séduit 
par  son  caractère  légal,  par  l'appui  qu'elle  recevra  des 
autorités  chrétiennes.  Shylock  à  Venise  a  inventé  le 
crédit,  peut-être  est-il  un  dt  s  fondateurs,  lui  ou  un  de  ses 
ascendants,  de  cette  vie  riche,  fac'le,  heureuse, en  fêtes 
que  mènent  paiement  les  Vtnitiens  et  dont  il  s'abstient; 
quand  tout  lui  auia  tourné  à  malheur,  que  ses  sacs  de 
ducats  et  sa  lille  se  seront  envolés,  il  revient  plus  forte- 


ment encore  à  cette  idée  pour  lui  fondamentale,  que 
c'est  lui  ou  des  siens  qui  ont  fondé  cette  opulence 
nationale  par  lo  crédit  ;  et  cette  force  Titale  du  pays  il 
l'évoque  pourdéfendre  ses  droits.  Le  Dc^doit  lui  céder, 
constater  son  triomphe  et  sa  force.  Cest  là  l'essentiel 
qu'a  voulu  Shylock. 

S'il  succombe  à  un  moyen  de  vaudeville,  tant  mieux 
pour  tout  le  monde  et  la  chaude  alerte  d'Antonio  passée, 
le  mieux  serait,  si  l'on  nous  y  avait  conviés,  d'aller  voir 
aux  jardins  de  Belmont  des  gens  heureux  par  la  force 
de  leur  joies  et  les  comiques  inextricabilités  des  lois. 

C'est  donc  une  sorte  de  légiste  retors  et  redoutable, 
sobre  de  gestes,  attentif  à  ses  attires,  très  touché  de  la 
disparition  de  sa  fille  et  de  son  or,  mais  redevenant 
ferme,  grave  et  sérieux  pour  toute  sa  procédure,  procé- 
dure faite  pour  affirmer  son  droit  et  sa  vengeance,  que 
nous  eussions  voulu  voir  sur  la  scène,  et  non  un  barbon 
de  la  vieille  comédie  italienne,  l'éternelle  ganache  trom- 
pée et  ridiculisée. 

D'autres  ici  ont  dit  quel  talent  Rossi  a  déployé  d'au- 
tres soirs,  et  la  beauté  de  son  Hamlet,  de  son  Othello, 
de  son  Macbeth,  de  son  Roi  Lear.  C'est  là  le  beau 
comédien  romantique,  soucieux  de  plastique,  soucieux 
de  ses  effets  vocaux,  du  déroulement  d'un  personnage 
dans  la  mobile  fresque  C'est  là  où  il  est  bon,  et  non 
dans  la  comédie,  qu'elle  soit  de  Shakespeare  ou  de  plus 
humbles  écrivains. 

Gustave  Kahn. 


AU  GHAMP-DE-MARS 

Tout  Paris  a  assisté  jeudi  au  a  vernissage  •  du  Cbamp-de-Mars. 
Uuii  heures  durant  quatre  rangées  de  voitures  ont  défilé  par  l'ave- 
nue Rapp.  On  se  serait  cm  en  pleine  Exposition  anivcrsclle.  Dans 
les  immenses  salles  du  Palais  des  Beaux-Arts,  dans  L»  «  hall  » 
central,  dans  le  jardin  dévolu  à  la  sculpture,  une  foule  innom- 
brjble,  brillante,  papillouanle,  caqaeiantc,  s'est  occupée  avec 
auenlion  des  toilclles  exquises  que  le  soleil  de  mai  fjil  éclorc, 
s'est  médiocrement  intéressée  aux  toiles  pçiplcs,  aux  pustcls,  aux 
bronzes  el  aux  marbres.  Le  vernissage  du  Champ-de-Mars  a  iJéfi- 
nilivement  remplacé  celui  des  Champs-Elysées,  abandonné  aux 
rapins  el  à  leurs  modèles.  Olni-là  est  «  cliie  »,  celui-ri  no  l'csl 
plus.  Le  suprême  du  genre  esl  de  rrnvoyer  au  comité  de  la  Société 
du  artitta  françait  les  cartes  d'invitation  qu'il  distribue.  Dans 
notre  naïveté,  nous  trouverions  cela  impoli.  Mais  on  nous  affirme 
que  c'est  infiniment  distingué. 

La  Société  tuitionaU  avait  invité  cinquante  mille  personnes.  Il 
en  est  venu  trente-quatre  mille  huit  cent  «oixanic-quinre,  chiffre 
officiel.  C'est  environ  douic  mille  de  plus  que  l'an  passé.  Et 
comme  le  nombre  dos  jplies  femmes  présentes  s'est  accru  d.ins 
une  proportion  notable  el  que  les  robes  qu'elles  portaient  éUiienl 
beaucoup  pins  jolies  qu'au  printemps  dernier,  le  Salon  actuel  a 
été  proclamé  de  tous  points  supérieur  au  Salon  défunt. 

On  s'est  èattu,  sur  le  coup  de  midi,  autour  des  entrecôtes  cl 
des  filets  Béarnaise  du  buffet.  Les  malins  ont  insinaé,  pour  se  fai^ 


■c-, 


m 


L'ART  MODERNE 


157 


servir,  des  pièces  k  IVffigic  de  divers  souTerains  dans  les  poches 
des  garçons  de  restaurant  el  des  petites  bonnes  affolés.  D'autres, 
plus  malins  encore,  se  sont  fait  hisser  au  premier  étage  de  la 
Tour  Eiffel,  d'où  Ils  ont  pu  contempler  i  l'aise,  attablés  devant  de 
savoureusoi  côtelettes,  le  combat  que  livraient  entre  eux,  pour  la 
possession  d'une  botte  de  radis  ou  d'un  œuf  ii  la  coque,  les  pein- 
tres de  la  Société  nationale  et  leurs  invités. 

A  trois  heures,  il  était  absolument  impossible  de  regarder  un 
tableau.  Personne,  d'ailleurs,  n'essayait.  Et  l'idée  d'un  vernissage 
d'où  seraient  exclues  les  œuvres  d'art,  vraiment  inutiles  et  presque 
encombrantes,  venait  tout  naturellement  ï  l'esprit  des  novateurs. 

Il  y  avait  ti  ce  momenl-là  S9  degrés  de  chaleur.  Et  comme 
toutes  les  chaises  de  toutes  les  salles  et  toutes  les  banquettes  et 
tous  les  fauteuils  étaient  occu)>és,  on  s'asseyait  par  grappes  sur 
les  marches  des  escaliers.  Et  l'on  attendait  tranquillement.  Quoi? 
On  ne  sait  ou  juste.  Le  vernissage,  probablement. 

Aucun  pciutre  n'ayant  verni  aucun  tableau,  on  est  parti,  et 
durant  une  heure,  6  miracle!  il  a  été  possible  de  faire  le  tour  des 
salles  et  de  voir  les  œuvres  exposées. 

De  cette  très  rapide  visite,  voici  notre  impression,  en  attendant 
qu'un  examen  plus  attentif  nous  permette  de  donner  du  Salon 
une  appréciation  raisonnée. 

Le  triomphateur  de  1891,  c'est  Puvis  de  Chavannes,  dont  la 
grande  toile  décorative,  l'Eté,  est  plus  belle  encore,  plus  limpide 
que  colle  qu'il  exposa  l'an  dernier.  Son  envoi  est  complété  par 
doux  toiles  de  dimensions  plus  restreintes,  la  Céramique  el  la 
Poterie,  destinées  au  Musée  céramique  de  Rouen,  toutes  deux 
d'une  belle  ordonnance  de  lignes  et  d'une  harmonie  de  tons 
raffinée. 

Parmi  les  œuvres  de  sculpture,  le  Monument  funéraire  de 
Barlholomé  s'impose.  Le  groupe  principal,  une  figure  d'homme 
cl  une  figure  de  femme  couchés,  est  d'une  rigidité  cadavérique 
cxlrnordiiiaire.  C'est  lit  du  très  grand  art  qui  place  Barlholomé 
au  rang  dos  nobles  et  purs  artistes,  hors  des  contingences 
d'époque  et  de  lieu.  —  Barlholomé,  Constantin  Meunier  (le  Fau- 
clieiir  el  divers  peiils  bronzesi,  Rodin  (busie  de  Puvis  de  Cha- 
vannes), forment  la  iriniié  glorieuse  des  sculpteurs  du  Champ-de- 
Mars.  Ou  prétend  que  la  plupart  des  ouvriers  du  marbre  et  du 
bronze  sont  demeurés  fidèles  aux  Champs-Elysées  pour  ne  pas 
niler  des  commandes  officielles.  Qu'ils  y  restent.  Les  trois  noms 
que  nous^Mions  de  citer  suffisent  ù  animer  d'une  vie  d'art  le 
jardin  de  l.i  Société  nationale.  11  convient  d'y  joindre  Dalou,  bien 
que  dans  son  buste  eu  bronze  d'Albert  Wolff  le  métier  l'emporte 
sur  l'art. 

Remontons  dans  les  salles  de  peinture.  Voici,  au  hasard  des 
rencontres,  doux  fort  beaux  Whistler  :  ce  portrait  de  femme  en 
profil  perdu,  si  fier  d'allures,  vu  aux  XX  il  y  a  quatre  ou  cinq 
ans,  el  une  marine,  harmonie  subiile  de  bleu  et  d'opale,  d'une 
rare  distinction  de  coloris. 

Voici  des  Alfred  Sievens,  parmi  lesquels  un  chef-d'œnvre  :  la 
Dame  en  jaune,  qui  vous  arrête  net  au  passage,  évoquant  des 
visions  de  salon  carré.  Avoir  peint  un  pareil  morceau,  el  cha- 
virer en  de  chiuroliques  Ophéliel... 

De  tous  les  Des  lui  rd,  ce  que  nous  prisons  le  plus,  ce  sont  les 
huit  cirions  dessinés  pour  des  vitraux, —  merveilles  de  couleur, 
d'iinaginaiion  et  de  goût.  Toute  une  faune  s'ébat  dans  des  pay- 
sages (Je  fantaisie,  d'uue  fantaisie  féerique  adorable  :  des  autru- 
ches, des  paons,  des  flamants  roses,  des  dindons,  des  cygnes, 
(les  volées  de  chardonnerets,  et  l'on  se  figure  la  joie  de  ces 


verrières  criblées  par  le  soleil.  Tel  vitrail,  le  Buffet,  exécuté 
par  M.  Caret,  permet  d'apprécier  le  rare  talent  el  l'à-propos 
ingénieux  de  l'artiste.  «  Cela  ne  vous  choque  pas,  ces  vitraux 
modernes,  dénués  de  sens  religieux?  »  nous  disait  Odilon  Redon, 
rencontré  au  cours  de  notre  promenade  au  Salon.  El  après  un 
moment  de  réflexion  :  «  Non,  j'ai  lorl.  Il  n'y  a  pas  de  raison  pour 
que  le  vitrail  soit  réservé  aux  cathédrales.  J'admire,  comme  vous, 
les  verrières  de  Besnard.  Elles  sont  d'un  artiste  ». 

Un  vitrail  voisin  est  signé  Lerolle.  L'influence  de  Besnard  s'y 
fait  sentir  si  vivement,  qu'on  serait  tenté  d'attribuer  l'oeuvre  4  ce 
dernier.  Pourtant  la  différence  est  sensible,  el  un  examen  plus 
attentif  la  met  en  relief. 

Ne  nous  arrêtons  pas  devant  les  imagf>s  qui  requièrent  la  foule  : 
le  Five  o'clock  de  M""  Madeleine  Lemaire,  le  Chanteur  de 
Jeanniot,  la  Madeleine  de  Béraud,  les  cent  niaiseries  sentimen- 
tales, mondaines  et  autres  qui  peuplent  les  ci.naises.  Laissons 
aussi  les  Duez,  les  Carolus,  les  Gervex,  les  Dubufi;  fils  il  leurs 
admirateurs.  Ils  sont,  dans  un  genre  différent,  tout  aussi  pom- 
piers que  les  Bouguereau,  les  Lefcbvre,  les  Jean-Paul  Laurens  de 
la  maison  rivale,  el  si  le  procédé  varie  un  peu,  la  vacuité  de  la 
pensée  el  la  désespérante  baualiié  de  la  composition  sont 
identiques.  Les  sauces  brunes  sont  remplacées  par  des  sauces 
bleues  ou  mauves,  mais  la  sauie  subsiste.  Ei  l'on  seni  i-i  bien  que 
l'artiste  ne  discerne  nullement  le  motif  qui  a  guide  tel  ou  tel 
maître  vers  l'emploi  des  tons  clairs,  vers  tels  enveloppe- 
ments de  bleu,  vers^lles  réactions  de  lonaliiés!  C'esl  affaire  de 
mode,  rien  de  plus.  Et  la  mode  se  fiil  sentir  avec  intensité  au 
Champs-de-Mars,  où  les  exposants  se  copient  les  uns  les  autres 
avec  un  ensemble  touchant. 

C'esl  ainsi  que  M.  Berton  imite,  à  s'y  méprendre  (ce  n'était 
vraiment  pas  la  peine!)  les  Pépias  de  N.  Carrière,  que  M.  Jacques- 
Emile  Blanche  s'accroche  aux  basques  de  Boldini  el  de  Whistler, 
lequel  inspire  tout  pirticulièrement  M.  Gandara,  etc.,  etc. 

A  citer,  parmi  le  ■  j  unes  i|ui  s'annonceni  bien,  M.  Louis  Picard, 
donl  les  portraits,  curieusement  envcloppi's  el  d'altiiudes  inléres- 
santes,  révèlent  un  ariisle,  et  parmi  les  \ieux  qui  se  rajiunissent, 
M.  Boudin,  le  consciencieux  el  charmant  marini^le,  donl  les  vues 
d'Etrelat  marquent  un  pas  en  avant  inconicstable. 

Un  porirail  du  peintre  Donnai,  par  Raffaëlli,  el  de  suggestifs 
dessins  de  banlli'ue  du  même  artiste,  une  série  imporianle  de 
Sisley  récenis,  loul  vibranis  d«  vcnis  frais  passant  d;ins  les  feuil- 
lages, donneni  la  note  la  plus  jeune  du  Salon.  C'est  peu,  et  quand 
on  songe  que  Gusl.ive  Moreau,  Claude  Honet,  Degis,  Cmiille 
Pissarro,  Odilon  Redon,  Félicien  Rops  habitent  Paris,  on  scdemaiidc 
si  l'an  n'est  pis  à  côlé  du  Cli.imp-ile-M,irs,  comme  il  est  il  côlé 
des  Champs-Elysées,  el  si  le  proscnl  S. don  donne  une  idée,  même 
approximative,  de  l'exlraordinaire  acliviié  artistique  de  la  France. 
Mieux  présenlée  que  celle  des  Champs-Elysées,  tout  à  f.iit  «  dans 
le  train  »  et  poussée  par  les  syuipiihies  des  gens  du  monde, 
l'Exposition  de  la  Société  nationale  n'esl,  au  fond,  comme  sa 
rivale,  qu'une  foire  aux  huiles.  Les  produits  qu'on  y  vend  sonl 
mieux  appropriés  à  la  clieniêle  spéiriale  (lu'clle  a  eu  l'adresse 
d'attirer  chez  soi.  Croire  qu'il  s'y  rencontre  une  source  d'art  serait 
duperie.  Aliendons-nous  de  M.  Aiiqueliii  le  \érilable  Sjhn  arlis- 
tique?  Pas  davamago,  pour  la  raison  bien  simple  que  sur  cent 
peintres,  quaire-vingt-ilix-neuf  cousitlèreronl  loujours  la  pcinlure 
comme  un  métier,  el  qu'on  ne  s'instaure  pas  ariisle  comme  on 
s'établit  cordonnier.  Les  Salons,  quoiqu'ils  soient,  fussent-ils 
dirigés  par  Puvis  de  Chavannes,  ne  seront  jamais  qu'une  réunion 


■•"'IKï'jf  ". 't^^^^^S'^^WItW  ■' 


]S8 


L'ART  MODERNE 


hélérodile  dans  laquelle  c'est  surprise  et  joie  que  de  rencontrer, 
parmi  la  baniile  cliromographie  eouiumière,  quelque  moro«au  de 
choix,  comme  ces  poicries  émaillée»  de  Gauguin,  son  bas-relief 
en  bois,  naguère  au  S;il"nnel  des  JT^,  aciueliemeni  «igarés  parmi 
les  porcelaities,  les  verreries  dorées  et  les  faïences  «  décorées  » 
du  Champ-de-Mars. 

Mais  assez  railociné.  Le  gai  soleil  se  glisse  parmi  les  plalanes, 
semani  des  pièces  d'or  sur  les  graviers  du  Cours  la  Reine.  El 
sous  les  ponts  l'eau  toute  bleue  nargue  les  Montcnard.  Ce  que  la 
peiniuro  pûlii  et  s'efface,  lavée  de  la  mémoire  en  un  inEtanil... 

Un  mol  encare  sur  nos  amis  les  Belges,  qui  font  bonne  figure 
à  Paris.  Ce  sont  MM.  Vcrsiraele  (la  Veillée  d'un  mort  en  Campine, 
le  Hnleitr,  Dimanche  en  Zélande,  etc.,  toutes  toiles  vues  à 
Bruxelles),  Emile  Claus  (  Vent  et  Soleil,  Pêche  en  hiver),  Rodolphe 
Wyisman,  Raerisocn  (Un  port  de  piche,  la  Tamite),  Frédéric  (le 
Ruisseau),  Oyens,  etc.  Ces  toiles  sont  assurément  parmi-  les 
envois  honorables  du  Salon. 


par  Stéphane  Mallabué.  —  Bruxelles,  Edmond  Deman. 

Sous  ce  mol  en  grisaille  :  Pages,  inscrit  sur  une  couverture 
d'un  gris  glacé,  l'édiicur  Doman  publie  un  éclatant  volume  d'art. 
Le  signataire?  Siéphane  Mallarmé. 

Si  l'œuvre  acljellcmeul  éditée  n'avair,  oulre  des  manières  de 
poèmes  en  prose,  englobé  telles  noies  de  haule  criiiquc,  certes, 
croyons-nous,  le  litre  primitif  :  Tiroir  de  laque,  eûl  été  maintenu. 
Il  éiail  plus  explicite,  plus  coquet,  mais  légèrement  étroit.  L'au- 
teur a  préféré  moins  de  précision  et  plus  d'étendue. 

Les  premières  proses,  ici  maintenues,  daient  de  1868;  les  der- 
nières viennent  de  paraître  dans  la  Jeune  Belgique.  Celles-là 
étaient  :  la  Pipe  et  Pauvre  enfant  pâle;  celles-ci  :  la  Déclara- 
lion  joraine,  Réminiscence,  etc. 

Dos  étapes  inlermiHliairos  il  faut  tenir  compte  :  elles  expliquent 
le  lenl  mais  sûr  perfcclionnemenl  de  la  langue  mallarméenne. 
flans  la  Pipe,  le  Frisson  d  hiver,  la  Plainte  d'automne,  peul-élre 
parce  que  l'aeciilentel  el  le  menu  fait  s'y  d<'ploient  encore  au 
premier  plan,  les  phrases  sont  régulièrement  déroulées  selon  le 
mode  presque  général  d'expression,  l'ne  forme  certes  artiste, 
mais  par  un  grand  nombre  d'écri*ains  usitée  el  rendue  populaire, 
ne  leur  donne  poinl  ce  caractère  presque  hermétique  obtenu 
plus  lard    Mallarmé  n'a  point  encore  écril  : 

«  Un  désir  indérriablc  à  mon  temps  est  de  séparer  comn^e  en 
vue  d'allributions  différentes  le  double  étal  de  la  parole,  brut  ou 
immédiat  ici,  là  esienliel.  » 

Certes  celte  vériié  s'a|)pliqne-l-elle  aux  vers  surtout.  Pourtant 
au  degré  de  synthèse  el  d'alehiniie  transcendante  auquel  l'auteur 
élève  son  dire  écril,  pourquoi  ne  la  point  étendre  au  présent  tra- 
vail. 

Il  est  certain  que  le  Nénuphar  blanc,  la  Oloire  et  la  Déclara- 
tion foraine  Iranihenl  comme  blanc  sur  noir  d'avec  les  premières 
pages.  Cel  an  —  le  plus  parfait  el  le  dernier  conçu  el  voulu  tel  — 
apparaîl  oraruliire.  El  le  style  en  est  ramassé,  concentré  et 
replié,  comme  si  chaque  mol  était  un  morceau  à  lui  seul  digne 
d'être  un  ensemble. 

J'ai  souvent  songé,  en  lisant  Popci.àces  miroirs  placés  les  uns 
on  face  des  autres  ci  qui,  au  bout  de  leur  avenue  de  clartés,  réper- 


cutent certes  la  même  image  ioujourt,  mais  combien  différente  en 
chacune  de  leurs  cloisons  transparentes.  De  même  les  phrases 
approfondies  de  Mallarmé.  Chacune  reflète  la  donnée  une,  idée 
ou  sentiment,  de  l'ensemble,  mais  différemment  el  la  concen- 
trant el  comme  la  suçant  vers  un  dernier  fo;er,  Ik-bas.  La 
méthode  de  développement,  la  plus  curieuse,  s'affirme  en  ce  livre  : 
emblématique.  Non  seulement  le  décor,  l'altitude  dea  choses,  les 
comparaisons  émises,  l'atmosphère  diluée  an  cours  de  t'écrit 
mettent  en  relief  le  motif,  mais  bien  souvent  le  moyen  s'en  va 
bien  au  delà  des  correspondances. 

Comment  en  effet  qualifier) 

a  Je  souhaitais  de  parler  avec  un  mome  trop  vacillant  pour 
figurer  parmi  sa  race,...  qui  rentrait  en  soi  sous  l'aspect  d'une 
tartine  de  fromage  mon,  déjà  la  neige  des  cimes,  le  lys  ou  aulre 
blancheur  constitutive  d'ailes  au  dedans....  » 

Le  mot  emblème  n'est-il  pas  ici  plus  de  saison  que  symbole  ? 

Au  reste,  ce  dernier  qui,  pour  nous,  est  résultat  d'entente  géné- 
rale bien  plus  que  souci  d'une  littérature,  nous  le  trouvons  pour 
l'instant  tellement  lardé  d'interprétations  imbéciles  qu'il  nous 
répugne  de  l'employer  et  aussi  de  le  discuter.  Les  gazettes  font 
sali  el  les  tambourineurs  de  programmes  el  de  manifestes  com- 
plètement aveuli. 

Le  torturant  vouloir  de  perfection  explique  la  rareté  des  œuvres 
mallarméennes.  L'effort  non  seulement  s'acharne  sur  la  forme 
mais  encore  sur  l'idée.  Donner  la  notion  fondamentale  des 
choses  en  sa  profondeur  à  Iravere  l'accidentel  et  le  quotidien 
n'est  qu'une  conséquence  de  cette  tendance  d'esprit  à  écrire 
définitif.  Voir  à  travers  l'apparence  la  leçon  divine,  en  un  mol  : 
l'ordre,  apparaît  à  chaque  page.  C'est  cette  vue  élémentaire,  qui 
isole  tel  spectateur  parmi  tous  ses  contemporains  el  lui  donne 
un  trône  alors  que  d'autres  n'ont  qu'un  fauteuil  d'orchestre.  Il  a 
pu  dire  : 

«  Je  me  levai  comme  tout  le  monde,  pour  aller  respirer  au 
dehors,  étonné  de  n'avoir  pas  senti,  cette  fois  encore,  le  même 
genre  d'impression  que  mes  semblables,  mais  serein  :  car  ma 
façon  de  voir,  après  tout,  avait  été  supérieure  et  même  la 
vraie.  » 

Pour  arriver  à  produire  l'essentiel  et  l'unique,  cpmprcnd-on 
combien  nécessairement  il  fallait  qu'nn  mariage  spécial  intervint 
entre  la  langue  et  la  pensée,  mariage  strict,  concis,  fondamental. 
Et  ce  mariage,  dès  qu'il  eut  lieu  et  que  ses  liens  se  resserraient  cl 
se  ressèreni  encore  de  jour  en  jour,  aperçoit-on  que  la  prétendue 
obscurité  n'était  que  le  mystère  et  pour  ainsi  dire  la  pudeur  de 
ces  belles  noces  d'art  merveilleux.  Ce  défaut  reproché  n'était 
qu'une  barrière  élevée  pour  les  préserver  de  la  foule,  avec  laquelle 
elles  ne  descendaient  point  en  contact,  mais  il  n'a  jamais  existé 
infranchissable  à  la  vue  et  à  l'escalade  deS  vrais  artistes  sympa- 
thiques. Pour  eux  tout  au  contraire  Mallarmé  se  dresse  clair  el 
même  aveuglant  de  lueurs  sur  le  fond  d'art  contemporain.  Tel 
sonnet  et  tel  poème  en  prose  ont  une  flamme  intérieure  qui  les 
éclaire  par  le  dedans  en  chacun  de  leurs  angles. 

Il  conviendrait  d'analyser  d'après  ces  prémisses  diven  poèmes 
de  Pages.  C'est  impossible.  Hais  insistons  sur  qoelques  extraits. 
Voici  une  description  de  couchant.  Y  saisira-t-on  que  —  par 
quelle  magie  de  termes  et  de  rythme?  —  l'impression  qui  s'en 
dégage  forte,  bien  au  delà  d'un  soir  particulier,  de  tel  soir;  el 
s'élargit  jusqu'à  traduire  la  débâcle  d'un  dernier  coucher  dX 
jour. 

«  Un  ciel  pâle,  sur  le  monde  qui  finit  de  décrépitude,  va  peut- 


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L'ART  MODERNE 


159 


élre  partir  avee  lei  nuages  :  les  lambeaux  de  la  pourpre  usée 
des  coochanla  déteignent  dans  une  rivière  dormant  i  l'horizon 
submergé  de  rayons  et  d'eau.  Les  arbres  s'ennuient,  et,  sous  leur 
feuillage  blancbi  (do  la  poussière  du  temps-,  plutôt  que  de  celle 
des  chemins)  monte  la  maison  en  toile  da  montreur  de  choses 


De  môme,  voici  on  fait^divers  surélevé  b  la  puissance  d'une 
vérité  générale  et  totale  : 

«  Le'pctil  théiiro  des  Prodigàut^s  adjoint  l'exbibiiion  d'un 
vivant  cousin  d'Aita  Troll  ou  de  Manin  ii  sa  févrie  classique  la 
Bile  et  le  O^nie ;  j'uVaiB,  pour  reconnaître  l'invitation  du  billet 
double  hier  égaré  chez  moi,  posé  mon  chnpeau  dans  la  slalle 
vacante  &  mes  côtés,  une  absence  d'ami  y  témoignant  du  goût 
général  b  esquiver  ce  naïf  spectacle.  Que  se  passHit-il  deviint 
moi?  rien,  sauf  que  :  de  pâleurs  évusives  de  mousseline  se 
réfugiant  sur  vingt  piédestaux  en  archileciurc  de  Bagdud,  sortaient 
un  sourire  et  des  bras  ouverts  k  la  lourdeur  triste  de  l'ours; 
tandis  que  le  héros,  de  ces  sylphides  évorateur  et  leur  g-.irdien,  un 
clown,  dans  sa  haute  nudité  d'argent,  raillait  l'animal  par  notre 
supériorité.  Jouir  comme  la  foule  du  mythe  inclus  dans  toute 
banalité,  quel  repos  et,  sans  voisins  où  verser  des  réflexions,  voir 
l'ordinaire  et  splendide  veille  trouvée  b  la  rampe  par  ma  recherche 
assoupie  d'imagination  et  de  symboles.  Eiranger  à  mainte 
réminiscence  de  pareilles  soirées,  l'accident,  le  plus  neuf! 
suscita  mon  attention  :  une  des  nombreuses  salves  d'applaudis- 
sements décornées  selon  l'enthousiasme  k  l'illusiraiion  sur  la 
scène  du  privilège  authentique  de  l'Homme,  venait,  brisée  par 
quoi?  de  cesser  net,  avec  un  fixe  fr.tcas  de  gloire  à  l'apogée, 
inhabile  à  se  répandre.  Tout  oreilles,  il  fallut  éire  tout  yeux.  Au 
geste  du  pantin,  une  paume  crispée  dans  l'air  ouvrant  les  cinq 
doigts,  je  crompris,  qu'il  avait,  l'ingénieux!  capté  les  sympathies 
par  la  mine  d'attraper  au  vol  quelque  chose,  figure  (et  c'est  tout) 
de  la  facilité  dont  est  par  chacun  prise  une  idi'e  :  et  qu'ému  au 
léger  vent,  l'ours  ryihmiqunmenl  et  doucement  levé  interrogeait 
cet  exploit,  une  griffe  posée  sur  les  rubans  de  l'épaule  humaine. 
Personne  qui  ne  haletât,  tant  cette  situation  portail  de  consé- 
quences graves  pour  l'honneur  de  la  race  :  qu'iillaii-il  arriver? 
L'autre  patte  s'abattit,  souple, contre  un  bras  longeant  le  maillot; 
et  l'on  vit,  couple  uni  dans  un  secret  rapprochement,  comme  un 
homme  inférieur,  trapu,  bon,  debout  sur  l'c^cariemcnl  de  deux 
jambes  de  poil,  éireiodre  pour  y  apprendre  les  pratii<ues  du  gc^nie, 
et  son  crioe  au  noir  museau  ne  l'atteignant  qu'a  la  moitié,  le 
buste  de  son  frère  brillant  et  surnaturel  :  mais  qui,  lui!  exhaus- 
sait, la  bouche  fulle  de  vague,  un  chef  affreux  remuant  par  un  fil 
,  visible  dans  l'horreur  les  dénégations  vérilibics  d'une  mouche  de 
papier  et  d'or.  Spectacle  clair,  plus  que  les  tréteaux  vaste,  avec 
ce  don,  propre  aux  choses  de  l'art,  de  durer  longtemps  :  pour  le 
parfaire  je  laissai,  sans  que  m'offusquât  l'altitude  probiiblement 
fatale  prise  par  le  mime  dépositaire  de  notre  orgueil,  j  lillir 
tacitement  le  discours  interdit  au  rejeton  des  sites  arctiques  : 
«  Sois  bon  (c'était  le  sens),  et  plutôt  que  de  manquer  k  la 
charité,  explique-moi  la  vertu  de  cet  atmosphère  de  splendeur, 
de  poussière  et  de  voix,  où  lu  m'appris  a  me  mOuvnir.  Ma 
requête,  pressante,  est  juste,  que  tu  nesembles  pas,  en  une 
angoisse  qui  n'est  que  feinte,  répondre  ne  savoir;  élancé  aux 
régions  de  la  sagesse,  aîné  subtil!  'a  moi,  pour  te  f.iire  lilire,  velu 
encore  du  séjour  informe  des  cavernes  où  je  replongeai,  dans  la 
nuit  d'époques  humbles,  ma  force  latente.  Authentiquons,  par 
celte  embrassade   étroite,  devant  la  multitude  siégeant  à  celte 


fin,  le  pacte  de  notre  réconciliation  ».  L'absence  d'aucun  souffle 
unie  b  l'espace,  dans  quel  lieu  absolu  vivais-je,  un  des  drames 
de  l'histoire  astrale  élisant,  pour  s'y  produire,  ce  modeste 
théâtre  t  la  foule  s'effaçait,  toute,  en  l'emblème  de  sa  situation 
'spirituelle  magnifiant  la  scène  :  dispensateur  moderne  de  l'extase, 
seul,  avec  l'impartialité  d'une  chose  élémentaire,  le  gaz,  dans  les 
hauteurs  de  la  salle,  continuait  un  bruit  lumineux  d'attente.  » 

De  même  encore  cette  phrase  qui  est  la  constaialion  par 
Mallarmé  lui-même  de  sa  faculté  magnifique  : 

H  A  quoi  bon  la  merveille  de  transporter  un  fait  de  nature  en 
sa  presque  disparition  vibratoire.  Selon  le  jeu  de  la  parole, 
cependant,  si  ce  n'est  pour  qu'en  émane,  sans  la  gêne  d'un  proche 
ou  concret  rappel,  la  notion  pure?  » 

«  ie  dis  :  une  fleur  !  et  hors  de  l'oubli  où  ma  voix  relègue 
aucun  contour,  en  tant  que  quelque  chose  d'autre  que  les  calices 
sus,  musicalement  se  lève,  idée  même  et  Suave,  l'absente  de 
tous  bouquets.  » 

Ces  exemples  —  et  combien  d'autres  au  long  des  pages  — 
illustrent  la  spéciale  manière  de  concevoir  les  choses,  que  profère 
ce  grand  écrivain  que  le  présent  livre  glorifie  et  que'l'éditcur  a 
lui  aussi  voulu  reconnaître  par  le  soin  typographique  de  l'exécu- 
tion. 


UNION  DES  ARTS  DECORATIFS 

III»  EXPOSITION 

Il  convient,  certes,  de  louer  l'iniiialivc  prise  par  VUnion  des 
Arts  décoratifs,  ei  l'enseignement  qui  se  dégage  d'une  visilc  à 
l'Exposition  ouverte  au  Musée  moderne  mérite  d'être  encouragé. 
Grâce  aux  efforts  obstinés  et  à  la  poussée  artistique  constatée 
parloui,  le  temps  viendra  où  l'art  neuf,  pour  beaucoup  encore  â 
l'état  de  lettre  morte,  finira  par  se  dégager  des  langes  routinières 
qui  l'emprisonnent. 

Mais,  disons-le  bien  vite,  pour  que  des  expositions  du  genre  de 
celle  qui  nous  occupe  aient  d'une  réelle  influence  sur  les  artistes 
et  les  artisans,  il  faudrait  n'accrocher  aux  murs  que  des  œuvres, 
sinon  impeccables,  du  moins  dénotant  un  cfforl  tangible  vers  la 
modernité;  or,  point  n'est  le  cas  ici,  et  l'indulgence  grande  du 
comité  d'admission  a  ouvert  la  porte  à  des  choses  incxposnbles, 
notamment  certaines  toiles  décoratives  aux  relents  Louis-Philippe, 
iruellées  de  colorations  intenses,  avec,  sans  signifiance  aucune, 
un  coq  batailleur,  un  paon  banal,  ou  des  personnages  Louis  XV 
de  dessin  lâché.  Mieux  vaudrait  un  minuscule  salonnel  composé 
d'oeuvres  choisies  qu'une  exhibition  d'intérêt  alterné  où  proba- 
blement tout  membre  de  VUiiion  des  Arts  décoratifs  a  droit 
d'exposer;  pour  assurer  le  succès  des  futures  expositions,  nous 
voudrions  suppression  de  ce  droit  et  sévérité  raisonnéc  pour  l'ad- 
mission. 

Envoi  très  varié  de  M.  L.  Govaerls,  qui  fait  preuve  d'une  grande 
souplesse  de  talent  dans  sa  Colonie  scolaire  à  la  mer,  ses  pavil- 
lons d'archéologique  recherche  cl  sa  maison  de  si  actuelle  allure 
avec  ses  terra-cotta,  ses  grès  émaillés  et  son  fer  curieusement 
forgé;  pointe  de  pittoresque  charmant  dans  le  Projet  de  puits 
pour  un  parc,  et  iniércssanlc  note  décorative  dans  le  froniispicc 
pour  la  revue  d'architecture  l'Emulation. 

M.  Prival-Livemont  possède  bien  les  qualités  que  l'on  doit 
exiger  d'un  décoraleur  :  fantaisie  et  imprévu  de  la  composition, 
légèreté  de  louche,  tour  spirituel  et  goût  dans  l'exécution.  Sa 


.„,       „  ,,^.:,»,,.  ,,.  ,,^„i^j,^,;^,pçj^^^p^^^^^ 


160 


L'ART  MODERNE 


Bfcquffe,  le  Premier  pas,  ses  grandes  figures  décoratives,  la  fan- 
taisic  jnponaise  et  bien  d'auires  romposilions  soal  de  séduisante 
attraction  et  retiennent  par  le  charme  du  coloris. 

Avec  M.  Henri  Bacs,  nous  nous  élevons  de  quelques  degrés 
encore,  car  ù  côiéde  ses  aquarelles  de  rideaux  d'avant-scène  abso- 
lument savoureuses,  nous  avons  joie  grande  de  constater  l'inva- 
sion, duns  la  composition  décoraiivc  l'Offrande  à  la  Paix,  de 
l'élément  moderne  sous  forme  d'ouvriers  en  coslume  de  travail, 
fait  qui  prouve  combien  est  possible  le  rajeunissement  de  la  fasti- 
dieuse et  aniique  allégorie  :  le  groupement  des  figures  dénote 
beaucoup  d'habilelé,  sans  banalité,  la  coloration  générale  a  des 
finesses  d'imniaiérialiié  osée,  cl  les  motifs  décoraiifs  sont  choisis 
et  Irailés  avec  goût.  Pcul-éire  eussions-nous  désiré  la  planante 
figure  de  la  Paix  de  dimensions  moindres,  el  plus  de  calme  dans 
l'avanl-plan,  trop  papillollant  ;  mais  le  souci  de  recherches  qui  se 
perçoit  en  celte  composition  permet  d'espérer  que  l'artiste  arri- 
vera bientôt  i  la  suppression  du  déiail  parasite  et  à  l'absolu 
em|iloi  des  b-plals  dont  les  évocalives  fresques  de  Puvis  démon- 
trent la  conceiilralion  el  la  puissance  d'effet.  Le  même  vouloir  se 
retrouve  d:ins  les  polynationalcs  décorations  du  Métropole,  pres- 
que trop  arlisliques  pour  un  lieu  de  beuverie,  et  dans  les  notes 
de  curieuse  modernité,  saisies  sur  le  vif,  qui  égaient  les  parois  de 
deux  cafés  du  centre  de  Bruxelles.  D'une  silhouelle  finement  et 
nerveusement  sertie,  la  figure  de  la  Science  séduit  par  la  précio- 
sité de  ses  tons  nacré?,  contraste  avec  la  facture  large,  enlevée, 
des  médaillons  d'Apollon  et  les  muses.  En  celle  réunion  d'éléments 
décisifs',  nous  trouvons  la  gnranlie  de  succès  des  leçons  que 
M.  Henri  Bacs  développe  b  l'Ecole  des  Arts  décoratifs,  et  qui 
nous  débarrassera  bicniôl  de  la  veulerie  des  quelconques  pein- 
tures qui  baniiliscnt  nos  liabilations. 

M.  Charles  Baes,  en  ses  verrières,  fait  un  effort  parallèle; 
VAn}io)iciatioji,a\ix  lignes  calmes,  est  aussi  réussie  que  son  grand 
vilr.iil  llenaissancc  iialiennc  où  rinceaux,  guirlandes  et  grotesques 
enlourenl  le  médaillon  d'un  guerrier  casqué  de  Vinci. 

Nous  aimons  moins  les  esquisses  de  vitraux  de  M.  Driesen  ;  le 
faire  eu  est  pelioi  el  manque  souvent  de  souplesse  el  de  brio.  — 
Hubik'lé  éiounanle  dans  les  imilaiions  de  bois  et  de  marbre  de 
M.  Logelain,  el  talent  sérieux  dans  les  dessins  gouaihés  d'appa- 
ru'ils  d'éil.iirage  de  M.  Mcerl  ;  la  sauvagerie  brutale  du  fer  forgé 
de  .M.  Scliryvers  ne  parvient  pas  à  compenser  les  tours  de  force 
d'exéculion  de  ce  panneau  inspiré  d'une  poutre  du  musée  du 
Slcen,  cl  fait  encore  plus  apprécier  la  délicatesse  de  profilage  et 
de  modelé  de  la  cheminée  Louis  XVI  exposée  par  M.  Evrard, 
et  la  finesse  d'ornemcnlalion  des  pièces  d'orfèvrerie  de  M.  Dufour. 

Doux  sérieux  morceaux  de  sculplure  de  M.  Dillens  arrêtent  et 
séduisent  :  le  Jean  de  Nivelles  au  chien  dcâlemenl  irrespectueux, 
el  VArt  allemand,  silhouelle  féminine  germaniquement  étoffée  et 
haulcmenl  caractérisée  par  l'épée  Nothung  qui  s'érige  Iriom- 
plianle  en  ses  mains.  Quant  aux  dessins  de  M.  Desaucourt  de 
Saini-Germain-cn  Laye,  dentelle,  portière,  reliures,  cafetière, 
meubles,  etc..  ce  sont  l£i  pièces  de  musée  que,  dans  un  but  d'en- 
scigncmcni,  le  gouvernement  devrait  acquérir  pour  les  collections 
du  parc  du  Ciuquanlonaire. 

La  collection  de  fioilis  de  pierres  tombales  et  cuivres  funéraires 
du  Moyen-Sge,  prêtée  par  la  Société  d'archéologie,  est  presque 
une  révélation  que  nous  livrons  aux  méditalions  (s'ils  en  sont 
ca|ialjlos)  des  faiseurs  de  tombeaux  modernes;  quel  style  dans 
ces  figures  endormies,  quelle  imagination  dans  l'ordonnance  des 
cncadrenicnts,  et  quelle  variété  dans  le  détail  ornemental  !  N'y 


a-t-il  pas  Ik  les  élémenis  d'une  résurreclioa  k  tenter  dans  le 
domaine  de  l'architecture  fuoéraire?  Le  problème  k  résoudre  nt 
digne  des  essais  de  nos  arlisites  chercheurs  de  neuf,  el  l'on  doit 
se  réjouir  de  cette .  mise  en  lumière  due  k  la  wigacilé  «te  notre 
savant  confrère,  M.  Paul  Saioienoy,  h  qui  une  chaire  de  nos 
écoles  d'art  devrait  bientôt  pernielire  de  développer  ses  vastes 
connaissances  archéologiques. 

Nous  devrions  parler  de  beaucoup  d'autres  œuvres  exposées, 
mais  nous  ne  nous  sentons  pas  le  courage  de  culbuter  des  choses 
qui  se  démolissent  d'elles-mêmes.  —  Signalons,  cependant,  un 
acte  qui  aura,  sans  doute,  échappé  au  comité  :  la  maquette  d^uiie 
érection  de  chapelle,  portant  la  lettre  W,  doit  être  un  ancien  des- 
sin de  Deman  ou  de  Suys  le  père,  qu'un  exposant  n'a  p.is  craint 
de  découper,  el  de  coller  sur  une  feuille  blanche  en  signant  de 
son  nom. 

En  terminant,  regrettons  que  le  président,  M.  Armand  Lyncn, 
ne  nous  ail  pas  montré  quelques-unes  de  ses  habiles  maquettes 
de  décors,  et  espérons  qu'il  ne  nous  en  privera  pas  l'an  prochain. 


Concerta  populairea.  Quatrième  eonoert. 

H.  Joseph  Dupont  a  brillamment  clôturé  la  série  de  ses  audi- 
tions. On  lui  a  fait  lundi  et  m.irdi  une  ovation  qui  marque  la 
vive  sympaihie  des  amateurs  de  musique  pour  les  efforts  intelli- 
gcnis  du  chef  d'orchestre  et  du  musicien. 

On  a  même  un  peu  plus  applaudi  Dupont  que  Brahms  et 
Wagner,  qui  figuraient  au  programme,  il  est  vrai  que  ni  l'un  ni 
l'autre  n'avaient  besoin  d'être  défendus.  Le  matire  moderne  de  la 
symphonie,  le  continuateur  en  Allemagne  de  Beethoven  et  de 
Schumann  esl  depuis  longtemps  classé,  jugé  à  sa  valeur,  et  quant 
i  Wagner,  le  temps  est  loin  où  l'on  polémiquait  autour  de  son 
nom. 

Après  les  œuvres  de  la  Jeune  école  française  entendues  au 
concert  précédent,  l'Ecole  allemande,  représentée  par  ses  deux 
maîtres  inconlestés,  c'était  logique. 

Le  succès  de  la  soirée  a  été,  naturellement,  pour  le  troisième 
acte  de  Partifal  exécuté  presque  en  entier,  el  qui  a  déployé 
devant  un  audiioire  recueilli  l'essor  de  ses  mélodies  aériennes  el 
de  ses  divines  harmonies.  M.  Lafarge  a  donné  au  rôle  de  Parsifal 
une  interprétation  pleine  de  goût  et  de  sentiment  juste.  Le  timbre 
de  sa  voix  rappelle  |)ar  moments  celui  de  M.  Van  Dyck,  et  c'est 
une  fêle  pour  l'i'spril  que  de  se  laisser  aller,  les  yeux  fermés,  au 
bercement  des  poignants  souvenirs  de  Bayrei'th,  en  écoulant 
le  déroulement  du  drame.  MM.  Danlée  el  Debacker,  dans  les 
personnages  de  Gurnemanz  et  d'Amfortas,  ont  été  suffisams,  el 
les  chœurs  ont  chanié  avec  ensenib:e.  Quant  à  l'orchesire,  on 
sait  ce  que  M.  Dupont  en  fait,  spécialement  dans  l'exécution  des 
œuvres  de  Wagner. 

Il  y  avait  un  peu  trop  à'andante  an  quatrième  concert  de 
y  Association  des  professeurs  d'mslrumeiits  à  vent.  VAndanie 
sostenuto  de  Ch.  Lefcbvre,  le  Moderato  de  G.  Pierné,  VAnéinte 
de  Léon  Jehin,  tous  ces  mouvements  Unis,  joinis  ii  i'éclosion  sou- 
daine des  premières  chaleurs  esiivales,  ont  amené  quelque  torpeur 
dans  la  sulle  du  Conservatoire.  Les  ou\ rendes  ouvraient  des  bou- 
ches en  accent  circouflexe.  Dans  les  baignoires,  les  spcclalcurs 


4 


L'ART  MODERNE 


161 


bftillaienl  difcrilemenl.  Les  musiciens  eux-mêmes  ont  failli  s'en- 
dormir sur  leurs  pupiires,  et  c'e»!  à  celle  influence  somnifère  qu'il 
faut  aliribucr,  sans  doule,  le  mouvement  nilenii  dans  lequel 
HM.  De  Grocf  et  Poncelul  oui  aiiaqué  les  Fanlasiettûcke  de  Scliu- 
mnnn,  pour  piano  et  riarineiip,  et  la  monotonie  que  H.  Oc  Greef, 
d(<jï  nommi',  a  mise  dans  l'inlcrpréiaiion  des  Variationt  sérieutes 
de  NendcU>ohn. 

Tout  cela  s'est  terminé  par  la  Sérénade  n»  3,  de  Mozart,  et 
l'on  s'est  relire  convaincu  que  MM.  Anllioni,  Guidé,  Poucelet, 
Merck  et  autres  sont  d'excellents  et  consciencieux  ariisies,  mais 
qu'au  mois  de  mai  le  temps  est  aux  feuilles  neuves  des  arbres, 
aux  triomphants  soleils,  aux  trams  ouverts  roulant  vers  le  Bois, 
aux  petites  tables  des  cHfés  poussées  sur  les  terrasses,  et  que  le 
règne  des  rondes,  des  blancbes,  des  noires,  des  croches,  des  sou- 
pirs et  des  points  d'orgue  est  aboli. 

M""  Hcllman,  dont  les  soirées  artistiques  sont  suivies  par  le 
tout  Paris  artiste  et  mondain,  a  fait  représenter  chez  elle,  mardi 
et  jeudi  derniers,  sons  la  direction  do  Vincent  d'Iiidy,  les  2»  et 
3i  actes  de  la  Walkyrie,  clisniés  en  allemand  par  la  maîtresse  de 
la  maison  elle-même  (Brunchilde),  qui  possède  une  superbe  voix 
et  un  rcmanjuable  talent  de  tragédienne,  par  M™»  Boidin-Puisais 
(Sicglinde).  par  MM.  B:igès  (Siegmund)  ei  Dôme  (Wotan). 

De  même  que  pour  TiUtnii,  qne  M""  Hellman  joua  l'an  der- 
nier, on  avait  élevé  un  théâtre  dans  l'hôiel  de  la  rue  Dumont 
d'Urvillc,  un  vrai  théâtre  avec  décor»,  éclairage  électrique,  rampe, 
herses,  etc.  Sous  la  scène,  deux  pianos  tenus  par  MM.  Chevillard, 
Luzznto,  Dukas  et  Lacroix  figuraient  l'orchestre.  Les  costumes 
étaient  dessinés  avec  goût  et  tout  contribuait  à  donner  une  illu- 
sion complète.  Nous  avons  ressenti,  en  assistant  ii  cette  intéres- 
sante audition,  de  vraies  impressions  d'art.  Voilà  qui  vaut  mieux 
que  les  banales  comédies  de  salon  auxquelles  s'ingénient  les 
mondains  en  quête  de  distractions.  Il  est  vrai  qu'improviser  un 
petit  Bayreuth  chez  soi,  est  moins  aisé  que  faire  jouer  la  Cravate 
blanche  et  qu'il  faut  tout  le  dévouement  artistique  et  le  talent  de 
H""  Hellman  et  de  ses  amis  pour  mener  à  bien  une  pareille 
entreprise. 


Petite  CHROf^iquE 


Au  dernier  moment,  un  empêchement  survenu  à  l'un  des  prin- 
cipaux interprètes  d'Avtonia,  a  fait  remettre  à  une  date  indéter- 
minée la  représentation  qui  devait  être  donnée  vendredi  dernier 
de  celte  œuvre  au  Théâtre  du  Parc. 

L'Académie  des  Beaux-Arts  a  élu  M.  Jean-Paul  Laurens  à  la 
place  vacante  par  suite  du  décès  de  Meissonicr.  Il  y  a  eu  trois 
tours  de  scrutin  ;  au  troisième,  le  peintre  de  Marceau  a  obtenu 
18  vnix,  contre  16  données  â  M.  Jules  Lefebvrc  cl  1  à  M.  Edouard 
Détaille.  

L'aquarelle  :  l'Escrime  française  au  xix"  siècle,  par  M.  Régamey, 
a  été  gravée  et  est  aciuclli'mcnt  mise  en  vente.  Elle  renferme  les 
portraits  (an  nombre  de  94)  des  nialir.s  cl  amateurs  d'escrime 
les  plus  connus  depuis  le  commencement  du  siècle  jusqu'à  nos 
jours.  Au  premier  plan  est  représenté  le  mémorable  assaut 
d'armes  qui  eut  lien  in  1816,  au  quai  il'Orsay,  sous  la  présidence 
de  Jcan-Lonis,  entre  le  comte  de  Bondy  et  le  célèbre  professeur 
de  Lyon,  Lafaugère. 


Celte  pièce,  gravée  et  interprétée  en  couleur  d'après  la  manière 
des  maîtres  du  xviii*  siècle,  est  décomposée  en  plusieurs  plan- 
ches, ce  qui  a  permis  d'en  obtenir  le  coloris  sans  aucune  retouche 
à  la  main.  Elle  esi  donc  la  rénovation  d'une  manière  de  graver 
qui  fail  le  mérile  des  pièces  en  couleurs  du  siècle  dernier.  Prix 
d'édition  :  épreuve  de  remarque,  fr.  1-50.  Épreuve  avec  lettre, 
50  francs.  Chez  M.  Vigna,  rue  Saint-André-des-Arts,  63  et  chez 
M.  Vigneron,  rue  de  la  Sainle-Cliapclle,  3,  à  Paris. 


A  lire  dans  l'excellente  revue  Entretiens  politiques  et  litté- 
raires, 2"  année,  vol.  II,  n">  13,  p.  97  et  suiv.,  d'cxlraordinairc- 
menl  curieuses  Noies  inidiles  de  Laforgue  sur  Baudelaire. 


Dans  la  même  Revue,  celte  note  sur  Seurat  : 

Le  29  mars  est  mort,  à  trente-un  ans,  Seurat,  qui  exposa  :  au 
u  Salon  »,  eé  1883;  au  u  Groupe  des  Artislcs  indépendants  », 
en  1884;  â  la  «  Société  des  Artistes  indépendants  »,  en  1884-85 
1886, 1887, 1888. 1889, 1890  et  1891;  aux  «  Impressionnistes  », 
rue  Laffite,  en  1886;  à  New-York,  en  1885-86;  à  Nantes,  ^n  1886; 
aux  «  XX  »,  Bruxelles,  en  1887,  1889  et  1891  ;  au  «  Blanc  et 
Noir  »,  Amsterdam,  en  1888.  Son  catalogue  comprendrait  environ 
170  panneaux  botte-à-pouce,  420  dessins,  6  carnets  de  croquis  et 
une  soixantaine  de  toiles  (figures,  marines,  paysages)  parmi  les- 
quelles :  cinq  de  plusieurs  mètres  carrés  (La  Baignade,  Un 
Dimanche  a  la  Grandk-Jatte,  Posendel,  Chahut,  Cirque)  et, 
vraisemblablement,  maints  chefs-d'œuvre. 

Le  Mercure  de  France  publie  dans  sa  livraison  de  mai  un  por- 
trait inédit  de  Gustave  Flaubert,  d'après  le  buste  modelé  par 
Clésinger. 


Étude  de  M"  POELAERT,  notaire,  47,  rue  Royale,  Bruxelles. 

Galerie  Saint-Luc^  rue  des  Finances,  10  &  12 

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publique  le  mardi  1 9  mal 

de  10  heures  du  malin  à  4  heures  de  relevée 

Experte  :  MM.  J.  &  A.  Leroy  frères,  place  du  Musée,  12,  à  Bru- 
xelles, chez  lesquels  se  distribue  le  catalogue. 


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Cologne  à  Londres  en 
Berlin  à  Londres  en  . 


8 
13 
22 


heures. 


Vienne,  à  Londres  en 86  haorea. 

B&le  à  Londres  en 20     » 

Milan  &  Londres  en  ....    .      82 


Francfort  cym  à  Londres  en  .    18  heures. 

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Malles-Postes  de  l'Êtal-Belge,  Montagne  de  la  Our,  90*.  à  Bruxelles  ou  Oracechnrch-Street,  n<>  53,  i  Londkcs;  i  VAgetUe  de$  Chemin*  de 
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La  mniÉBo  :  25  ckntdibs. 


DniAMCHB  24  Mai  1891. 


MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REtUB  CRITIQUE  DBS  ARTS  ET  DE  U  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  i  Octavs  MAUS  —  Edmond  picard  —  Ëmilb  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :   Belgique,   un  an,   fr.   10.00;  Union  postale,   fr.    13.00.    —  ANNONCES  :    On  traite  i> 


forfait. 


Adr ester  toutes  les  communications  d 
L'ADMHnsTRATioN  oËNÉRALB  DE  l'Art  Modemo,  ruo  do  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


Éloquknce  CATH0LICO-SOCIALI8TS.  Le  Comte  Albert  de  Mun.  — 
La  quistion  dks  mats  électriques.  —  Uni  poion^  de  vÉarris.  — 
Aetutbs  bblobs  a  Paris,  —  La  oERNiiRs  de  Rossi.  —  Les  Livres. 
—  Petite  chronique. 


ÉLOQUENCE  CATHOLICO-SOCIALISTE 

Ij«  comte  AIlMTt  d«  Kua. 

Jeudi,  à  Louyaiix.  au  collège  du  Pape,  dans  une  salle 
vaate,  blanc  de  couvent,  gradinée,  achevant  son  amphi- 
théâtre par  une  galerie  semi-circulaire  en  colonnade 
dorique.  Foule  noire,  de  ce  noir  des  foules  modernes 
éclairées  par  les  anémones  des  rouges  visages.  Atmo- 
sphère chaude  de  four  entr'ouvert.  Au  bas  des  secteurs, 
une  estrade  avec,  dessus,  une  chaire  sommaire  en 
écran.  TJn  plant' de  têtes  chauves,  chevelues,  glabres, 
moustachues,  jeunes,  chenues,  rangées  comme  des 
choux  cabus  :  le  conseil  académique,  mi-partie  redin- 
gotes, mi-partie  soutanes.  Très  près  de  la  chaire,  un 
viol&tre  personnage,  ilasquement  étendu  dans  un  fau- 
teuil Louis  XV  tiré  du  magasin  pour  la  circonstance, 
un*  personnage  aux  allures  molles  d'un  anchois  en 
Coral,  dégageant  de  sa  simarre  des  pieds  vernis  et  des 


chevilles  en  fourreau  de  soie,  avec  des  coquetteries  de 
vieille  garde.  Des  femmes,  un  peu  partout,  venues  là 
pour  se  figurer  un  nouvel  idéal  fin  de  siècle  :  l'orateur, 
beau  mâle,  pieux,  mais  anarchiste.  Sur  cet  amalgame 
en  roulis  les  rumeurs  des  auditoires  spectaculaires.  Le 
héros  attendu  en  bête  curieuse  plutôt  qu'en  éveilleur 
d'idées  et  en  épancheur  de  paroles. 

Le  voi<y,  s'avançant  au  milieu  des  feux  de  Bengale, 
des  applaudissements  et  des  acclamations.  Fort  et  simple 
d'aspect,  cet  aristocrate  démocratisant.  Il  porte  haut, 
il  porte  beau.  Le  masque  d'un  officier  selon  la  formule 
conquête  d'Afrique.  Quelque  fatigue  aux  coins  des  yeux 
et  sur  le  front  qui  va  se  dégarnissant.  Belle  allure  éner- 
gique contenue.  Quarante-cinq  ans  à  vue  de  scène. 

Un  étudiant  tiré  à  quatre  épingles,  humectant  son 
émoi  au  verre  conférenciel,  le  complimente,  pas  mal, 
ma  foi,  quoique  d'un  uniforme  ton  chantonnant  : 
—  «  Soldat  transformé  en  apôtre....!  Vous  portiez  jadis 
l'épée  de  la  guerre,  vous_  voici  armé  du  glaive  de  la 
parole....?  »  —  Rhétorique  et.  Juvénilité. 

Lui  éooute,  correctement,  salue  et  va  à  la  chaire 
qu'il  débarrasse  tout  d'abord  du  verre  d'eau  conféren- 
ciel. La  main,  une  claire,  expressive,  très  noble  main, 
s'élève  d'un  geste  d'annonciation  ;  la  bouche  s'ouvre, 
descendant  d'un  cran  une  lèvre  massive,  mais  alerte, 
d'orateur,  et  le  voilà  qu'il  appareille  sui^  la  mer  des 
pensées  battant  les  flots  des  palettes  de  la  parole. 


,  ■  ~X'P'\lf^;-^>lm:T^»'S^g^'^;}i}if' 


164 


L'ART  MODBRNE 


Vite  la  qualité  de  son  éloquence  s'accuse  :  la  voix  est 
claire,  porte  bien,  articule  nettement,  monocorde, 
quittant  rarement  le  registre  élevé.  Elle  s'est  sans 
doute,  en  ce  ton,  formée  d'elle-même,  au  régiment, 
clamant  les  ordres.  Elle  ne  caresse  pas,  elle  darde  et 
atteint  à  coups  rapides  de  javelots,  rarement  émue, 
sympathique,  aisée  toujours,  ne  faiblissant  pas,  accom- 
pagnée, avec  peu  de  variantes,  du  geste  d'annonciation 
de  la  dextre,  la  senestre  posant  sur  le  rebord  de  la 
chaire,  en  point  d'appui  de  statuaire.  La  tête  ne  bouge 
guère,  les  yeux  sans  enveloppement  circulaire  de  l'audi- 
toire. Le  mécanisme  actif  de  la  bouche  est  visible, 
concentrant  l'agilité  de  ce  fonctionnant  mécanisme 
humain,  légèrement  automatique,  sans  cette  agitation 
fébrile  de  tous  les  muscles,  de  tous  les  nerfs  qui  tour- 
mente et  fait  vibrer  tels  autres  parleurs  magnétiseurs 
qui  vous  enveloppent  des  invisibles  iils  de  leur  turbu- 
lence lancés,  invisibles,  en  lazzos,  autour  d'eux. 

Le  style,  limpide.  Ce  qu'on  nomme  la  belle  langue  du 
grand  siècle  :  nulle  image,  nul  pittoresque,  ces  caractéris- 
tiques de  la  compliquée  parole  contemporaine,  se  fardant 
de  couleurs,  se  travestissant  d'imprévu,  chercheuse  de 
décors,  d'allégories  rapides,  de  mots  qui  visent  d'un 
seul  coup  magnifiquement  l'idée.  Il  se  ressent  de  l'édu- 
cation cléricale  en  quelque  collée  de  Jésuites,  s'opinià- 
trant  dans  le  classicisme  et  la  grammaire.  Ses  modèles 
ont  élé  apparemment  les  orateurs  de  la  Restauration, 
académiques  et  gens  du  monde.  De  longues  périodes, 
menées  à  quatre  chevaux,  sur  de  longues  pistes  plates 
d'un  beau  trot  anglais  correct  et  sûr.  Et  pourtant,  un 
vague  soupçon  vous  vient  que  ce  déroulement  de 
phrases  bien  équilibrées  pourrait  bien  n'être  que  la 
reprise  en  public  de  fières  causeries  dites  en  des  salons, 
au  hasard  des  questions  et  des  répliques,  pour  un  cercle 
d'attentifs  des  deux  sexes,  prêches  par  un  apôtre  debout 
devant  la  cheminée.  Çà  et  là,  en  oasis,  une  parabole,  un 
souvenir  de  roman,  d'histoire  ou  de  chanson,  ingénieu- 
sement poussé  pour  l'illustration  de  la  harangue. 

Et  les  idées  !  C'est  ici  qu'apparaît  le  drame  !  Les  idées, 
toutes  empruntées  au  répertoire  du  socialisme  désor- 
mais quotidien,  prennent  du  milieu  où  elles  sont  tout  à 
coup  proférées,  une  grandeur  de  prophétie,  de  vitupé- 
ration et  de  scandale  extraordinaire.  En  vain  celui  qui 
les  amène  là,  devant  ce  public  de  recteurs,  de  profes- 
seurs, de  prêtres,  de  bourgeois  accapareurs  de  richesses 
et  de  bourgeoises  vaniteuses,  les  entortille  dans  les 
scbals  de  la  religiosité  :  elles  restent  scandaleuses,  à  la 
grande  joie,  à  la  joie  délirante  des  étudiants  infectés  du 
virus  révolutionnaire  et  de  quelques  égarés  venus  là 
pour  voir  et  trépignant  d'enthousiasme  à  l'audition  des 
énormités  que  cet  inconscient  manieur  de  chambrière 
détache  en  claquants  coups  de  fouet  sur  les  tremblants 
et  furieux  conservateurs  qu'il  tient  en  troupeau  autour 
de  la  butte  d'où  il  les  domine  et  les  fouaille.   Pensez 


donc!  Un  catholique!  un  comte!  lanctnt  en  pleine 
figure,  à  poignéçs,  à  ce  Tiolâtre  recteor.  à  ces  solennels 
professeurs,  groupés  tels  qu'une  fournée  de  prévenus 
encombrant  l'audience  d'un  tribunal  correctionnel,  tout 
ce  que  Volders  égurgite  à  la  Maison  du  Peuple,  tout  ce 
qu'Anseele  proclame  au  Vooruit. 

Ah  !  quelle  jouissance  à  voir  <vt  apothicaire  formi- 
dable, d'un  geste  brusque  et  dominateur,  passant  à  ces 
satisfaits  des  lavements  cnargés  du  vitriol  des  vérités 
sociales;  troussant  celui-ci,  et  puis  celle-là,  et  encore 
celui-ci  en  soutane,  et  celle-là  eu  robe  de  soie.  Sans  s'en 
douter,  admirablement  inconscient,  ignorant  et  calme, 
arrivé  le  matin,  prenant  son  public  pour  un  public 
d'étudiants,  et  les  étudiants  de  l'Arma  Mater  pour  des 
ensoifiés  de  progrès  et  de  réformes.  Et  il  est  allé  bon  jeu, 
bon  ai^nt,  applaudi  à  outrance  par  un  quart  de  la 
salle,  tandis  que  les  trois  autres  quarts  s'immobilisaient 
dans  une  mortelle  rancune,  pensant  :  Oh!  le  Belzébnth, 
ô  le  Belphégor  !  Vers  la  fin  surtout,  quand  il  s'est  avisé, 
téméraire  et  pathétique,  de  crier  à  ces  escoliers  (le 
corrupteur  infâme!)  :  •  Soyez  audacieux,  soyez  auda- 
cieux !  Délaissez  les  routines,  ayez  peur  d'être  confor- 
mes !  Méfiez-vous  de  ceux  qui  vous  entourent  :  ils  vous 
conseillent  la  peur.  Ne  les  écoutez  plus  :  ils  sont-là  dans 
les  académies,  dans  les  universités,  dans  les  salons, 
partout,  vous  détournant  par  leurs  mauvais  conseils  de 
prudence,  ou  plutôt  de  l&cheté,  d'aller  aux  seules 
batailles  où  est  l'honneur.  Répudiez  ces  mauvais  chefs. 
Si  vous  les  suiviez,  vous  passeriez  avec  eux  à  côté  de  la 
gloire  sans  l'obtenir,  et  même  sans  la  reconnaître  ». 

Cet  étrange  et  brillant  aristocrate,  descend,  dit-on, 
d'Helvétius  Ce  serait  un  curieux  cas  d'atavisme.  Récon- 
fortant et  savoureux  spectacle,  assurément,  faisant 
venir  au  cœur  ce  mot  :  Merci  ! 


U  QUESTION  DES  MATS  ÉLECTRIQUES 

Nous  ne  pouvons  que  nous  féliciter,  et  non  sans  an  certsiin 
orgueil,  d'avoir  élé  les  premiers  ft  donner,  dans  notre  nnméro  da 
19  avril,  notre  avis  mdtivé  au  sujet  de  la  décision  absolomenl 
incorrecte  de  la  Section  des  Beaux-Arts,  annotant  le  jogement  du 
jury  compétent  chargé  de  juger  le  concours  des  mftts  électriques 
de  la  Grand'place.  Notre  voix  a  été  entendue,  et  k  notre  grande 
saiisfSiction,  nous  avons  pu  constater  qu'une  question  purement 
artistique  est  arrivée  à  émouvoir  et  à  passionner  le  public,  autant 
que  la  revision  et  le  suffrage  noiversel  ;  la  Presse  a  été  nnanime 
il  défendre  les  principes  fondamentaux  des  concours  publics,  si 
inconsidérément  foulés  aux  pieds,  des  membres  dq  jury  ont  dit, 
sans  détours,  leur  façon  de  penser,  des  amis  même  de  nos 
magistrats  communaux  leur  ont  reproché  vertement  cette  intem- 
pestive manifestation  de  mépris  pour  le  droit  indiscutable  des 
artistes,  enfin  N.  Richald  devait  interpeller,  lundi  dernier,  le 
Collège,  mais  sa  demande  d'explications  a  été  postposée  k  la 
prochaine  séance  du  Conseil. 


Jf-Sf'. 


Comme  bien  l'on  penie,  la  Société  centrale  iarckiluture  n'a 
paa  été  la  dernière  k  a'éraouvoir  et  k  protester  hautement,  elle 
qui  par  des  démarchea  répétées  n'a  cessé  de  réclamer  (quoique  se 
bcortant  h  des  bautaina  refus),  une  organisation  rationnelle  do 
coneoùra  et  des  conditions  donnant  satisfaction  k  la  fois  k  l'Admi- 
niatralion  et  aux  concnrrenls;  après  un  examen  de  la  situation  et 
nne  intéressante  diacnssion  en  assemblée  générale,  une  pétition, 
mesurée  dans  les  termes;  mais  très  ferme  dans  ses  revendications 
des  droits  lésés  des  artistes,  a  été  adressée  au  Conseil  communal 
de  Bruxelles;  en  voici  les  conclusions  : 

«  Nous  ne  comprenons  donc  paa  l'annulation  du  concours  et 
nous  sommes  alarmés  de  voir  celte  tendance  des  Sections  k 
réformer  les  jngemenis  de  commissions  qu'elles  nomment. 
Personne  ne  ponède  une  compétence  supérieure  k  la  leur,  qui 
puisse  invalider  leurs  décisions,  et  il  serait  du  reste  inulile  d'avoir 
recours  aux  lumières  d'une  commission  spéciale  pour  rejeter 
ensuite  ses  conclusions. 

«  Il  nous  revient  qu'une  des  causes  invoquées  pour  l'annula- 
tion du  concours,  c'est  qu'aucun  des. projets  n'est  conçu  dans  le 
style  de  la  Grand'place.  Sans  ouvrir  une  discussion  sur  l'opportu- 
nité d'imposer  un  style  déterminé  pour  ces  installations  éminem- 
ment modernes,  il  est  évident  qu'il  fallait  encore  en  faire  nne  des 
conditions  du  programme,  ou  indiquer  tout  au  moins  celui  des 
styles  des  édifices  de  la  Grand'place  qu'il  fallait  adopter.  Cette 
condition  n'ayant  pas  été  mentionnée,  la  décision  du  jury  doit 
rester  entière. 

a  D'autre  part,  la  Ville,  en  promettant  aux  concurrents  deux 
primes  de  mille  et  de  cinq  cenis  francs,  avait  contracté  on  enga- 
gement dont  elle  ne  pouvait  élre  déliée  que  si  le  concours  n'avait 
pas  donné  de  résultats;  l'unanimité  du  jury  prouve  que  tel  n'est 
pas  le  cas.  Donc,  en  toute  justice  et  quelle  que  soit  la  décision 
ultérieure  au  sujet  de  l'exéculion,  les  primes  doivent  rester 
acquises  aux  concurrenls. 

«  Nons  nous  permettons  d'insister  tout  particulièrement, 
Messieurs,  pour  que  vous  ne  suiviez  pas  la  Section  dans  la  voie  où 
elle  s'est  engagée.  Avant  nons,  l'opinion  publique  s'est  manifes- 
tée avec  énergie  ;  l'unanimité  absolue  de  tous  ses  organes  est 
venue  sanctionner  notre  opinion. 

«  Convaincus  que  vous  prendrez  une  décision  conforme  k 
l'équité  et  aux  intérêts  de  ceux  que  vous  avez  appelés  k  mettre 
leur  talent,  leur  temps  et  leur  argent  au  service  de  la  Ville,  nous 
vous  présentons,  etc.  » 

Nons  espérons  que  ces  marques  unanimes  de  désapprobation 
finiront  par  ouvrir  les  yeux  des  membres  de  la  Section  des  Beaux- 
Arts  et  du  Collège,  et  que  le  Conseil  ratifiera  les  décisions  du  jury 
et  votera  l'exécution  des  m&ls  de  la  Grand'place  ;  il  y  a  lieu  d'espé- 
rer aussi  qu'il  ne  tiendra  pas  compte  d'une  solution  saugrenue  et 
anti-artistique,  surgie  récemment  et  consistant  k  suspendre  les 
lampes  électriques  k  des  cables  borizonlaux,  telles  les  lanternes  k 
l'buile  du  Directoire  !  Le  mât  électrique,  d'un  effet  absolument 
satisfaisant,  est  adopté  k  Londres,  k  Paris,  k  Berlin,  k  Vienne,  k 
Lisbonne,  k  Milan,  etc.;  il  importe  que  Bruxelles  ne  reste  pas  en 
arrière  et  choisisse  un  dispositif  bien  moderne,  conforme  k  la  rai- 
son et  au  goût. 


UNE  POIGNÉE  DE  VÉRITÉS 

StupehddhI  Elles  ont  été  jetées  k  la  Chambre,  ces  vérités!  A 
la  Chambre  I  ce  marais  où  croupissent,  avec  leurs  microbes,  les 
eaux  stagnantes  des  politesses  menteuses,  des  convenances  stéri- 
lisantes, des  paiements  en  la  fausse  monnaie  des  mots,  avec,  au 
des4M,  l'atmosphère  maléficante  des  préjugés,  des  routines,  de  la 
morgue  imbécile,  de  la  fainéantise,  de  l'ignorance,  etc.,  etc.  Bref, 
notre  beau  régime  parlementaire  censitaire  et  vieillardeux. 

Il  s'agissait  des  Beaiii-aris.  Deux  hommes  se  sont  levés,  et, 
pendant  deux  fois  un  quart  d'heure  (tant  que  ça  !  ),  ont  fait  filtrer 
sur  les  banquettes  aux  trois  quarts  vides,  la  pluie  fine  d'observa- 
tions intéressantes. 

L'un  fut  H.  Slingeneyer,  une  des  tètes  de  turc  de  l'inepte  jour- 
nalisme zwanzeur  qui  bit  la  gloire  de  notre  organisation  bour- 
geoise. H.  Slingeneyer,  un  dévoué,  un  convaincu,  que  jamais 
artiste  ne  trouva  en  défaut  pour  un  service  k  rendre,  une  démarche 
k  accomplir;  un  timide  aussi,  il  est  vrai,  car  en  quels  termes 
moins  banalement  polis,  et  plus  énergiques  en  leurs  morsures, 
pourraient  élre  dites  ces  vérités,  auxquelles  annuellement  il  fait 
prendre  l'air.  Mais,  un  esprit  élevé  qui  a  compris  qu'en  art  tout 
change  sans  arrêt,  sans  merci,  et  qui,  bravement,  galamment, 
admet  que  s'il  eût  son  temps,  la  place  est  maintenant  k  d'autres. 

L'autre  fut  H.  Buis.  Personnalité  sans  aptitude  pour  la  poli- 
tique et  k  courtes  vues  administratives,  mais  féru  de  préoccupa- 
tions d'art  et  qui  a  introduit  dans  la  pratique  de  sa  bourgmestrerie 
cet  axiome  :  qu'on  peut  revêtir  l'Utile  de  la  cuirasse  du  Beau  ;  k 
qui  Bruxelles  doit  (il  en  gardera  l'honneur)  ces  charmantes  trans- 
formations An  Paysage  urbain  auxquelles  si  souvent  ici  nous 
avons  rendu  un  reconnaissant  hommage.  Rien  que  pour  son 
amour  des  arbres  et  son  respect  des  branches  (qu'il  a  défendu  de 
couper),  nous  l'admirerons  sans  fin.  Allez  voir  l'incomparable  et 
majestueux  berceau  que  forment,  en  ce  printemps,  les  boulevards 
avec  leurs  bas  rameaux  inlacis. 

Tous  deux  il  s'adressaient  k  M.  Jules  de  Burlet.  Un  nouveau, 
Pantalon,  comme  le  nomme  cette  même  presse  idiote  qui  qualifie 
M.  Lejeune  le  violoneux.  Un  nouveau!  El  un  hardi,  nous  l'espé- 
rons. M.  Buis  lui  a  crié  :  «  Gare  k  vos  bureaux  !  Il  y  a  là  des  anky- 
losés  qui  rueront  si  vous  voulez  changer  leurs  attitudes  !  »  En 
effet,  M.  lejeune  Minisire,  il  y  a  Ik  des. reptiles  budgétivores  qui 
ont  arrangé  leurs  petites  affaires,  de  temps  immémorial,  et  qui  siffle- 
ront éirangement  si  vous  leur  marchez  sur  la  queue  ou  si,  les  pre- 
nant par  la  tête,  vous  les  lirez  de  leurs  caves.  Mais  n'hésitez  pas  ! 
promenez  dans  ces  tannières  une  forte  lanterne,  allez-y  voir  vous- 
même  et...  neltoyez,  nettoyez,  nettoyez! 

Ce  préambule  dégoisé,  voici  les  parties  principales  des  discours 
Slingeneyer  et  Buis.  Attention  aux  passages  en  italique  :  ce  sont 
les  plus  forts  coups  d'éperon,  et  mérités. 

M.  SLINGENEYER. 

(Quantité  de  jeunes  esprits  attendent  qu'on  les  utilise  :  on  ne 
peut  contester  que,  durant  ces  dix  dernières  années,  un  mouve- 
ment s'esl  produit  dans  notre  pays  en  matière  littéraire,  et  on  ne 
lui  a  peut-être  pas  accordé  toute  l'attention  qu'il  mérite. 

En  Belgique,  les  ressources  offertes  aux  écrivains  sont  minimes 
et  il  est  peu  de  pays  où  la  littérature  soit  aussi  peu  lucrative.  A 
moins  de  succès  exceptionnel,  le  livre  ne  rapporte  rien  et,  à  défaut 
du  concours  de  l'État,  le  jeune  homme  qui  se  sent  poussé  vers  les 
lettres  et  qui  est  dépourvu  de  fortune  est  forcé  de  se  jeter  dans  le 
journalisme.  Or,  sur  le  grand  nombre  d'écrivains  que  le  journa- 


166 


L'ART  MODERNE 


lUme  nous  prend  chaque  année,  combien  en  etl-il  dont  le  talent 
tait  rétitter  à  cette  épreuve  qu'un  meilre  a  nommé  très  justement 
«  let  travaux  forcée  de  la  littérature  »  7 

Ce  qui  manque  au  pays,  ce  qu'il  doit  surtout  désirer  avoir,  c'est 
une  liiiéralure  nalionale,  une  littérature  artiste,  et  je  crains  bien 
que  ce  n'est  pas  en  se  dépensant  dans  la  presse  quotidienne  que 
nos  jeunes  écrivains  pourront  nous  la  donner.     .     .    . 

Ce  n'est  pas  que  je  prétends  qu'il  faille  faire  pour  les  jennes 
écrivains  exactement  ce  qu'on  fait  pour  les  jeunes  artistes  et  que 
les  moyens  de  venir  en  aide  aux  premiers  doivent  être  employés 
pour  les  seconds. 

Il  ne  peut  notamment  être  question  d'une  école  d'hommes  de 
lettres  ni  de  prix  de  liiiéralure  ;  mais  je  suis  d'avis  qu'il  serait  bon 
de  soutenir  par  des  subsides  certaines  œuvres  littéraires  ayant  une 
haute  valeur  d'art,  quoique  sans  grande  valeur  marchande,  et 
d'accorder  certaines  (onctions  aux  écrivains  sans  fortune  person- 
nelle, —  fonctions  de  conservateur,  de  bibliothécaire  ou  toute  autre 
amilogue,  qui,  sans  prendre  tout  le  temps  de  l'homme  éC études, lui 
permettraient  de  se  livrer  à  ses  travaux  favoris,  en  lui  assurant 
la  vie  matérielle.  En  France,  sous  l'empire  et  sous  la  république, 
on  n'a  jamais  manqué  i  cette  ligne  de  conduite 

Et  si  de  grosses  dépenses  d'argent  sont  nécessaires  pour  subsi- 
dier  la  littérature  nalionale,  il  serait  bien  simple  de  consacrer  i 
une  œuvre  aussi  excellente  et  aussi  honorable  pour  le  pays,  cer- 
tains litiera  du  budget  du  ministère  de  l'intérieur  dont  l'emploi  ne 
me  paraît  pas  toujours  être  des  plus  judicieux. 

Certains  postes  rclalifs  à  l'histoire  nationale,  notamment,  me 
paraissent  pouvoir  être  critiqués 

Sans  doute,  j'applaudis  à  quelques-uns  de  ces  travaux,  destinés 
à  mettre  en  lumière  notre  passé,  et  je  rends  volontiers  hommage 
au  talent  des  hommes  qui  s'en  occupent,  notamment  à  notre 
regretté  collègue  M.  Kervyn  de  Lettenhove,  que  Hontalembert  a 
appelé  l'historien  national  de  la  Belgique,  et  dont  les  œuvres  ont 
été  couronnées  par  l'Académie  française  ;  mais  je  me  demande  si 
les  résultats  ont  toujours  répondu  aux  sacrifices  qui  ont  été  faits? 

Que  la  Chambre  en  juge.  Quelques-unes  des  publications  que  je 
viens  de  rappeler  ont  été  décrétées  par  arrêté  royal  du  1«*  décem- 
bre 4845.  Il  en  est  ainsi  notamment  de  la  publication  des  actes 
des  anciens  Etats  généraux,  inscrite  au  budget  sous  litt.  H.  de  l'ar- 
ticle. Le  crédit  annuel  attribué  i  ce  travail,  le  seul  qui  fût  ordonné 
par  la  Chambre,  remonte  même  à  1842.  Depuis  cette  époque,  c'est- 
à-dire  depuis  quarante-neuf  ans,  trois  volumes  ont  paru  :  un  en 
1849,  un  second  en  1853  et  le  troisième  en  1866,  et  depuis  vingt- 
cinq  ans  plus  rien  n'a  été  publié.  En  admettant  qu'il  faille  encore 
six  volumes  pour  compléter  ce  travail  et  que  trois  volumes 
paraissent  par  période  de  quarante-neuf  ans,  la  publication  sera 
complète  en  1998! 

Les  4,500  francs  alloués  à  celte  œuvre  continuent  néanmoins 
à  figurer  tous  les  ans  au  budget  et  représentent,  à  Vheure  qu'il 
est,  quelque  chose  comme  220,500  francs.  Et  ce  cas  n'est  pas 
isolé. 

l!n  grand  nombre  de  crédits  du  budget  relatifs  aux  sujets  d'his- 
toire pourraient  d'ailleurs,  me  semble-t-il,  être  plus  utilement 
consacrés  &  une  histoire  générale  de  notre  activité  politique, 
artistique  cl  industrielle.  Nos  populations  ne  connaissent  réellement 
pas  le  bilan  de  leur  passé  et  notre  hislofre  a  été  jusqu'à  présent, 
on  peut  presque  le  dire,  réduite  à  Chumble  rôle  de  science  chrono- 
logique. De  là,  une  indifférence  générale  pour  tout  ce  qui  a  con- 
tribué à  illustrer  la  Belgique. 

Il  n'est  pas,  je  pense,  de  pays  oii  le  sentiment  des  choses  passées 
soit  moins  profond  que  chez  nous.  Il  n'est  pas  d'autre  nation  qui 
ait  autant  d'indifférence  pour  ceux  de  ses  enfants  —  et  ils  sont 
nombreux  —  qui  se  sont  signalés  autrefois  dans  les  arts, 
dans  les  sciences,  dans  l'industrie,  dans  le  commerce,  dans  l'agri- 
culture. 

Aux  yeux  de  beaucoup  de  Belges,  il  semble  presque  ridicule 
d'affirmer  que,  dans  les  siècles  écoulés,  a  existé  dans  nos  provinces 
non  seulement  en  matière  d'art,  mais  aussi  en  matière  scienti- 
fique et  littéraire,  un  mouvement  remarquable  et  que,  au  sein  de 


en  popaUlions,  ont  sargi  eontinaelltmeiil  des  homnief  qui  ont 
semé  leurs  œuvres  k  trarers  iodI«  i'Barope.  Alors  qne  nous 
voyons,  chez  tous  les  peuples  étrangers,  ce  senlinnenl  sonvenl  exa- 
géré mais  toujours  réconfortant  du  patriotisme,  ti  lemUe  qiu  chez 
nous,  le  dénigrement  et  le  déHnage  soient  la  rigUl    .... 

N'est-il  pas  certain,  Messiears,  qn'ane  histoire  réanissaot  en 
faisceau  les  réfolttls  et  les  découvertes  dont  nons  arons  le  droit 
de  nous  enorgueillir,  éionneraiî  singulièrement  et  produirait  l'effet 
le  plus  utile  et  le  plus  sslniairef  Ellft-  ferait  voir  combien  nos 
devanciers  ont  souvent  donné  l'impulsion  snx  antres  Dations;  elle 
démontrerait  que,  dans  les  manifestations  de  l'inlelligenee,  nous 
n'ayons  personne  à  envier  ni  )i  redouter.  Elle  mettrait  enfin  en 
évidence  notre  individualité  trop  longtemps  méconnue  et  donne- 
rait la  preuve  indiscutable  que,  loin  d'élre  des  plagiaires,  des 
imitateurs,  voire  des  «  filous  »  artistiques,  comme  on  Ta  prétendu 
trop  longtemps,  nous  avons  toujours  eu,  en  art  comme  en  indus- 
trie et  en  littérature,  des  aspirations  très  personnelles  et  des  idées 
exclusivement  inhérentes  ii  noire  race.  Noue  n'enlendriom  plut 
cet  reproche*  de  plagiaire*  qu'on  nous  adrute  loue  le*  joim  *an* 
la  moindre  protutalion  de  notre  fart  et  qui  ont  eu  pour 
effet  de  ne  plut  nout  faire  trouver  bon,  chex  nout,  que  ce  que 
l  étranger  y  admire,  ■—  les  preuves  abondent  ii  cet  égard  I 

Nons  ne  saurions  donc  faire  trop  de  sacrifices  pour  raffermir 
dans  l'esprit  de  nos  compatriotes  la  confiance  que  1^  Belges  sont 
en  droit  d'avoir  en  eux-mêmes. 

Pour  exécuter  une  histoire  digne  de  notre  glorieux  patte,  Ut 
homme*  ne  manquent  pas  en  Belgique;  mai*  le  gouvernement 
devrait  se  décider  à  utiliser,  comme  je  le  di*ais  en  commençant, 
les  talents  de  not  littérateurt.  Il  trouverait  facilement  parmi  eux 
des  esprits  imbus  de  la  science,  connaissant  les  exigences  de  leur 
temps  et  capables  de  donner  la  vie  ii  ces  choses  si  vieilles,  afin 
de  les  rendre  attrayantes  et  populaires. 

Qu'il  évite  lurtout  de  t'adretter  à  cette  etpice  de  reporters  hit- 
toriques  ou  chronologiques  dont  le*  production*  médiocre*  feraient 
incapables  de  faire  imprettion  tur  le  public. 

En  agissant  comme  je  le  lui  recommande  et  en  consacrant  à  des 
travaux  de  ce  geure  une  partie  des  subsides  attribués  actuellement 
aux  lettres  et  aux  sciences,  l'honorable  ministre  encouragerait 
comme  ils  le  méritent  nos  savants,  nos  littérateurs,  nos  artistes. 

//  rendrait  tervice  au  pays,  turtout  s'il  tu  reculait  devant 
aucun  sacrifice  pour  récompenser  ou  pour  soutenir  le*  homme* 
qui,  dans  le  domaine  intellectuel,  honorent  la  nation  et  sont 
capables  de  produire  des  oeuvres  dignes  du  nom  belge,  dont  ils  con- 
tribueraient ainsi  i  rehausser  doublement  l'éclat.  (Tri*  bien!  tris 
bien!) 

M.  BULS. 

Un  musée  de  peinture  ancienne  ne  doit  pas  servir  aux  peintres 
modernes  des  modèles  pour  leurs  tableaux.  L'art  reflète  absolu- 
ment le  caractire  de  l'époque  dam  laquelle  il  t'est  produit  et  le 
tempérament  de  Var liste;  il  y  a  des  causes  multiples  qui  influent 
sur  ce  caractère. 

L'honorable  M.  Slingeneyer  ne  me  contrettira  pas  lorsque  je 
dirai  que  Vartitte  qui  se  rendrait  éant  un  mutée  ancien  pour  y 
trouver  det  modèle*  ferait  un  déte*taUe  calcul. 

Il  faut  que  ces  musées  servent  surtout  i  l'éducation  historique 
des  visiteurs,  il  former  leur  goût  et  à  éveiller  chez  eux  le  senti- 
ment du  beau. 

Il  faut  que,  en  les  visitant,  ils  puissent  se  rendre  compte  de  la 
marche  que  l'art  a  suivi,  du  rapport  qu'il  y  a  entre  cet  art  et  la 
civilisation  au  milieu  de  laquelle  il  est  apparu.  {Tri*  bien  !) 

Cependant,  les  musées  ne  doivent  pas  ressembler  à  une  carte 
d'échantillons  :  tout  en  suivant  l'ordre  chronologique,  en  grou- 
pant les  écoles,  en  entourant  les  grands  maîtres  de  leurs  élèves, 
il  faut,  autant  que  possible,  placer  le  tableau  dans  les  mêmes 
conditions  que  celles  pour  lesquelles  l'artiste  avait  conçu  son 
œuvre  (1). 

(1)  Pour  notre  part,  nous  insistons  particulièrement  sur  cette  dis- 
tinction :  autant  l  ordre  chronologique  est  à  oonseiller  dans  on  musée 


L'ART  MODERNE 


167 


) 

Lm  grandt  UMmux  religiem  ne  derraient  pn  l'élaler  soui  la 
lamière  erae  d'un  lanterneau  :  lear  cadre  devrait  rappeler  celui 
d'un  anlel  ;  las  peiiii  tableaux  d'appartement  aéraient  ezponéa 
dans  des  cabinets  ayant  un  caractère  intime,  comme  od  1  a  hit 
dans  le  beau  mna^e  de  Dreade. 

n  a  pam  réeemmetti,  en  Allemagne,  on  livre  intitulé  :  J7em- 
kn«4t  comme  pédagoçuei  il  a  eu  an  succès  imanye,  un  retentis- 
sement considérable,  k  en  juger  par  ie  nombre  d'éditions.  L'au- 
teur y  a  précisément  consacré  deux  pages  relstiyes  k  cette  ques- 
tion des  musées.  Il  dirige  contre  les  musées  allemands  les  mêmes 
critiques  que  j'adresse  aux  musées  belges  ;  il  bit  observer  aussi 
que  ces  musées  n'atteignent  pas  le  ont  éducateur  auquel  ils 
devraient  tendre... 

Le  gouvernement  a  pris  l'excellente  initiative  d'installer  dans 
les  bilimenls  du  parc  du  Cinquantenaire  le  musée  des  échanges 
et  le  musée  d'art  ancien  qui  se  trouvait  autrefois  k  l'étroit  k  la 
porte  de  Hal,  où  l'on  n'a  maintenu  que  le  musée  des  armures. 
Rien  n'est  encore  fait  Ik  d'ube  façon  définitive  et  il  serait  possible 
d'y  réaliser  le  programme  que  j'ai  eu  l'honneur  d'exposer  k  M.  le 
mmistre. 

Actuellement,  quand  on  visite  le  mu$ée  det  plaire*  aneieni,  on 
voit  qu'il  y  règne  le  détordre  le  plut  complet  et  que  ceux  qui  ont 
été  auirgét  dy  ditpoter  let  tpéciment  ne  te  ton!  pat  demandé  une 
teule  fois  à  quoi  ce  mutée  devait  tenir  et  comment  il  pouvait  être 
utilisé  pour  l'éducation  artistique  des  jeunes  gens,  des  ouvriers  et 
des  élèves  de  nos  écoles  de  dessin  et  de  sculpture. 

Le  musée  d'art  monumental  et  ornemental  a  un  caractère  diffé- 
rent du  musée  de  peinturé  dont  je  parlais  k  l'instant.  Je  disais, 
tout  k  l'heure,  que  ce  serait  un  très  mauvais  peintre  que  celui 
qui  voudrait  aller  prendre  dans  un  musée  de  peinture  ancienne 
des  modèles  k  imiter.  Mais  il  en  est  tout  autrement  quand  il  s'agit 
de  l'art  décoratif. 

En  effet,  les  formes  ornementales  de  nos  décorateurs,  que  nos 
architectes  employent  aujourd'hui,  se  rattachent  intimement  k 
l'art  ancien.  Le  xix*  siècle  n'a  pas,  en  matière  d'architecture  et  de 
décoration,  un  style  propre  :  les  styles  qu'il  emploie  sont  ou  bien 
des  styles  issus  directement  des  styles  classiques  de  l'antiquité 
grecque  et  romaine,  ou  bien  du  style  de  la  Renaissance,  qui  en 
est  une  transformation  adaptée  au  caractère  du  xvi*  siècle;  quand 
il  s'agit  d'édifices  religieux,  nos  artistes  s'attachent  généralement 
k  imiter  le  style  roman  ou  le  style  ogival. 

Les  architectes  et  les  artistes  décorateurs  qui  ornent  nos  monu- 
ments sont  donc  constamment  amenés  k  emprunter  aux  arts 
anciens  les  éléments  d'ornementation  ou  les  formes  architectu- 
rales qu'ils  emploient.  Il  convient,  par  conséquent,  qu'ils  aient 
sous  les  yeux  des  collections  de  bons  modèles,  pour  qu'ils  ne 
commettent  pas  d'erreurs  de  style  ou  des  anachrooismes.  Il  en 
résulte  que,  dans  les  musées,  ces  modèles  doivent  être  classés  de 
telle  manière  que  les  jeunes  artistes,  les  jeunes  architectes  qui 
veulent  s'en  servir  pour  leur  éducation  esthétique,  puissent  recon- 
naître facilement  ces  styles,  savoir  k  quelles  époques  appartiennent 
les  fragments  d'ornementation  qui  sont  exposés. 

Eh  bien,  je  défie  toute  personne,  mime  fort  intelligente,  qui 
ignorerait  l'histoire  des  styles  arMtecluraux  et  qui  voudrait  se 
donner  cette  éducatimt  en  allant  visiter  le  musée  des  plâtres,  de 
pouvoir  (étenir  celte  instruction!  Les  modèles  sont  placés  en  dépit 
du  bons  tent,  tant  méthode  :  aucun  ordre  chronologique  n'a  été 
suivi.  Il  est  impossible  de  se  rendre  compte  des  variations  qu'a 
subies  une  forme  architecturale  au  cours  des  siècles. 

Voulez-vous  connaître,  par  exemple,  comment  le  chapiteau  s'est 
transformé  depuis  l'époque  grecque  jusqu'k  la  fin  du  xviii*  siècle, 
en  passant  par  les  styles  dorien,  ionien,  corinthien,  romain, 
roman,  mauresque,  ogival  et  de  la  Renaisssance,  il  vous  sera 


qui  doit  servir  principalement  à  la  reproduction  et  à  l'ëtude  archéolo- 
gique, autant  ce  même  ordre  chronologique,  poussé  à  l'eicès,  est 
inadmissible  pour  le  classement  des  toiles.  Celles-ci  exigent  avant  tout 
des  conditions  de  voisinage  qu'une  marche  trop  régulière  à  travers  le 
passé  ne  pourrait  réaliser. 


impossible  d'aVoir  Ik-dessus  une  notion  claire  et  précise  en  visi- 
tant le  musée  des  échanges. 

,Ce  serait  cependant  Ik  un  enseignement  bien  utile,  que  les 
musées  pourraient  donner  aux  artistes  I 

Il  en  sera  de  même  pour  le  classement  du  musée  d'art  ancien, 
— ^  je  parle  de  le  partie  de  ce  musée  transportée  de  la  porte  de 
Hal  au  palais  du  Cinquantenaire.  LA  encore,  il  y  a  des  objets 
mcbiliertf  det  tpéciment  ^orfèvrerie,  de  céramique  expotés  sans 
te  nvtbidre  clattement,  tant  le  moindre  ordre,  tans  qu'il  soit  pos- 
sible de  te  rendre  compte  de  la  filiation  historique  de  ces  objets,  ni 
de  leur  tignifieation  etthétique. 

Ceux  qui  let  étalent  temblent  n'être  que  det  amateurt  de  bibe- 
Inlt,  ne  songeant  pas  aux  services  que  ces  musées  pourraient 
rendre  k  l'éducation  artistique  de  nos  ouvriers  industriels.  Avec 
un  peu  d'intelligence  et  de  méthode,  on  en  ferait  cependant  faci- 
lement des  éco^s  d'esthétique  populaire,  par  l'application  de  la 
méthode  intuitive. 

H.  le  ministre  est  jeune  aux  affaires,  il  n'a  pas  de  traditions 
administratives  qui  le  lient.  Je  le  prévient  qu'il  rencontrera  beau- 
coup doppotilion  de  la  part  det  bureaux,  qui  mit  horreur  des 
changements,  qui  n'aiment  pas  qu'on  leur  donne  un  travail  nou- 
veau ni  qu'on  vientie  secouer  leur  torpeur! 

Je  l'engage  k  se  montrer  ferme  et  énergique  :  le  pays  et  les 
artistes  lui  en  seront  reconnaissants.  (Tris  bien!) 


^I^TIpTEg    BELQEp    A    pARI? 

Très  belle  salle  k  la  première  du  Mâle,  de  Camille  Lemonnier. 
Tout  le  Paris  artiste  et  littéraire.  Dans  une  loge  d'avant-scène, 
M""  Camille  Lemonnier  et  M""  Cladel.  Dans  les  autres  loges, 
M.  et  M""  Emile  Zola,  M.  et  M""  Bergeral,  M.  et  M"""  Desfossés, 
M.  et  M""  Lacaze,  M.  René  d'Hubert,  M.  Edmond  de  Concourt, 
M.  Raff'aëlli,  M.  et  Madame  Clovls  Hugues,  M™  de  Peyrebrune, 
M""  Rachilde,  Catulle  Mendès,  Becque,  Bergcrat,  J.-K.  Huijsmans, 
Vitu,  Rosny,  Descaves,  Paul  Alexis,  Mélénicr,  de  Nyon,  Tabarani, 
Lacour,  Valletle,  Quillard,  Retié,  Dubus,  R.  Bernier,  etc.,  etc. 
Nombreux  articles  dans  la  presse  quotidienne,  un  peu  effarée 
devant  celte  œuvre  si  fort  de  notre  terroir,  mais  rendant  unani- 
mement hommage  au  matlre.  Nous  publierons  un  curieux  article 
de  Lemonnier  lui-même  sur  la  représentation  de  la  pièce. 

Appréciation  de  Henry  Bauer,  dans  l'Echo  de  Paris,  sur  I'In- 
TRUSE  de  Maurice  Maeterlinck,  jouée  pour  la  première  fois  à  la 
représentation  organisée  pour  célébrer  et  glorifier  Verlaine. 

«  J'en  viens  k  l'Intruse  de  Maurice  Maeterlinck,  d'une  puis- 
sance scènique  et  d'une  impression  pathétique  extraordinaires. 
Entre  l'aïeul  aveugle,  l'oncle,  le  père  ei  les  trois  filles,  assemblés 
autour  de  la  table  de  famille,  pendant  qu'une  jeune  femme 
malade,  une  quatrième  fille,  agonise  dans  l'autre  pièce,  les  spec- 
tateurs ont  senti  passer  l'intruse  :  la  mort,  et  ont  frissonné. 
L'œuvre  est  une  des  plus  saisissantes  qui  soient  et  nulle  part,  que 
je  sache,  l'impression  de  la  réalité  des  sensations  immatérielles 
n'a  été  rendue  avec  une  pareille  intensité,  sous  une  forme  aufsi 
concrète.  L'acte  de  M.  Maeterlinck  est  d'un  art  puissant  et  sen- 
sible; je  le  souhaiterais  à  sa  place  sur  une  grande  scène  :  c'est 
une  forme  nouvelle,  profondément  émouvante  du  tragique 
humain  au  théâtre.  » 

Plus  haut,  dans  le  même  article  : 

«  Les  plus  hauts  d'entre  les  grands  inspirés  disparus,  Victor 
Hugo,  Baudelaire,  Lamartine,  Edgard  Poe,  Théodore  de  Banville, 


•V' 


■'«'Js? 


168 


L'ART  MODERNE 


ceux  qu'on  renomme  en  ce  temps,  Maurice  Maelerlinck,  Catulle 
Meodès,  Mallarmé  et  Charles  Morice  ont  orné  de  leurs  œuvres 
cette  solennité  de  justice  et  de  réparation.  » 

•  « 

A  l'exposition  du  Champ-de-Mars,  Constantin  Meunier  a  son 
grand  succès  habituel.  Deux  de  ses  statuettes  ouvrières,  en 
bronze,  ont  été  acquises  dès  l'ouverture,  l'une  par  M.  Bourgeois, 
le  ministre. 

El  chez  nous?  A  quel  ministre  à  faire  de  même? 


LA  DERNIÈRE  DE  ROSSI 

Après  d'assidues  et  attentives  auditions,  nous  disons  :  c'est 
sans  comparaison  le  plus  grand  tragédien  du  siècle.  En  iroii 
tableaux  du  Roi  Lear,  en  trois  tableaux  d'HamIet,  en  un  acte  de 
Shylock,  il  nous  est  uliimement  apparu,  prodigieusement,  plus 
encore  ce  soir  là,  magnifique,  pathétique,  effrayant. 

Penser  que  des  milliers  de  gens  ont,  eu  un  tel  artiste  six 
semaines  auprès  d'eux,  jouant  des  chefs-d'œuvre,  chef-d'œuvre 
lui-même,  sans  avoir  été  à  ces  divins  offices  d'arl.  Penser  qu'il  a 
eu  le  projet  de  donner  une  représentation  à  Gand,  et  qu'il  a  dû 
y  renoncer  :  les  Algonquins  qui  peuplent  la  métropole  des 
Flandres  avaient  fait  une  location  de  cent-cinquante  francs!!! 

A  Bruxelles,  la  salle  de  la  dernière  était  belle,  vraiment  belle! 
Un  millier  d'esthètes,  toujours  les  mêmes.  Ah  I  le  débordant 
enthousiasme,  ijoulant  encore  une  pointe,  une  fleur  au  génie  de 
l'auteur,  poussant  d'un  effort  surhumain  Shylock,  Hamlel,  Lear 
aux  proportions  de  l'inoubliable. 

A  cet  illustre,  les  pauvres  que  nous  sommes  ont  donné  les 
présents  barbares  de  notre  pauvreté-:  des  palmes,  des  couronnes, 
des  bouquets,  des  fleurs  en  neige  fine  embaumant  la  scène,  des 
bravos,  des  cris,  des  trépignements,  toute  l'animale  série  jappante 
de  l'enthousiasme  humain.  Peu  donc.  Hais  pourtant  symbole  de 
joie,  d'admiration,  de  reconnaissance. 


LES   LIVIDES 

Quelques  réflexions  sur  l'art  décoratif  et  son  mode 
d'enseigrnement,  par  Armand  Fumièbk,  architecte.  —  Bruxelles. 
E.  Guyot,  1890. 

Lu,  avec  l'attention  voulue,  celte  plaquette  que  se  partagent 
trois  chapilricules  ;  Exposé  de  l'enseignement  des  arts  décoratifs. 
—  De  la  photographie  appliquée  à  l'enseignement.  —  De  la 
nécessité  de  l'érudition  dans  l'étude  des  arts  décoratifs. 

Pas  mal  de  truismes  auxquels  le  plein  air  de  la  publicité  n'était 
plus  nécessaire,  et,  de  ci  de  là,  des  aveux  précieux  —  documents 
à  conserver  —  et  des  hérésies  professorales  qu'il  convient  de 
remiser  sans  retard. 

Comme  aveu,  ceci  :  «  Malgré  les  grandes  améliorations  intro- 
«  duites  récemment  dans  nos  Académies,  la  question  de  l'ensei- 
«  gnement  des  arts  décoratifs  est  encore  loin  d'être  complèle- 
«  ment  résolue.  Si  tout  a  été  dit  sur  cette  matière,  peu  de  choses 
o  relativement  ont  élé  faites...  Il  ne  suffit  pas  d'ouvrir  des 
«  écoles,  il  faut  encore  les  rendre  profitables  par  un  enseigne- 
«  ment  susceptible  de  produire  des  artistes  dont  le  talent  puisse 
«  être  pratiquement  utilisé.  »  —  Ces  quelques  lignes  donnent 


absolument  raison  aux  détracteurs  de  l'eiueigneilient  professé  \ 
l'École  des  arts  décoratib  de  Bruxelles,  et  dont  les  tfMves  mêmes 
apprécient  les  résultats  belices  k  leur  esacte  valenr;  elles  sont 
d'autant  plus  imporuntes  qu'elles  émanent  certainement  d'un  pro- 
fesseur de  l'établissement,  N.  Th.  Fumière,  coupable  déjh  d'au- 
tres brochures  analogues,  et  auquel  un  {Mtrent  a,  cette  fois,  servi 
do  filial  porte-voix. 

L'auteur  de  la  brochure  constate,  piqi  loin,  que  la  grande 
majorité  des  élèves  des  Académies  appartient  i  la  classe  labo- 
rieuse et  est  presque  complètement  dépoorrue  d'instruction;  il  se 
plaint  amèrement  de  ce  que  les  élèves  ne  retirent  aucun  fruit  des 
cours  d'art  qu'ils  suivent.  A  qui  la  faute,  sinon  au  professeur  qui 
donne  son  cours  d'une  façon  trop  savante  et  ne  se  met  pas  au 
niveau  des  intelligences  qui  l'écoutent?  C'est,  du  reste,  un 
reproche  formulé  par  le  Jury  qui  a  procédé  aux  derniers  examens. 
—  L'auteur  demande  que  l'instruction  primaire  des  ouvriers  soit 
renforcée,  et  qu'on  leur  enseigne  l'histoire  :  c'est  pure  aberra- 
tion t  II  ne  peut  être  question  de  contraindre  des  artisans  k  un 
enseignement  au  dessus  de  leur  portée;  c'est  au  professeur  à 
posséder  assez  de  souplesse  de  talent  pour  parler  un  langage 
compréhensible  à  des  élèves  dont  l'absence  de  culture  intellec- 
tuelle doit  être  acceptée  telle  qu'elle  est. 


Viennent  de  paraître  chez^^  Vanier,  éditeur,  de  M.  Edouard 
Dujardin  : 

La  Comédie  du  amours,  on  volume  de  vers,  dont  voici  l'aver- 
tissement : 

«  Quelque  peu  de  goût  qu'il  ail  en  général  pour  les  préfaces, 
l'auteur  se  croit  obligé  ii  quelques  mots  d'explication  louchant  la 
forme  inusitée  des  vers  de  ce  volume. 

a  L'auteur  se  défend  de  rien  avoir  voulu  bouleverser.  Une  grande 
répugnance  pour  l'impassibilité  marmoréenne  des  poètes  du  Par- 
nasse, une  haine  croissante  de  ce  que  les  littérateurs  appellent  le 
décor,  l'avaient  conduit  à  la  recherche  d'une  poésie  purement  sen- 
timentale; c'est  semblablemenl  que  son  dégoût  de  la  perfection 
factice  où  les  derniers  poêles  parnassiens  ont  amené  le  vers,  lui  a 
fait  rêver,  à  lui  et  à  quelques  autres  jeunes  gens,  une  forme  pri- 
mesautière,  libre  de  règles  comme  de  canons,  toute  d'instinct  et 
qui  fût  la  simple  expression  des  émotions  qu'ils  auraient  h  conter. . . 
Et,  un  beau  soir,  il  a  essayé  d'une  sorte  de  vers  libre  —  qu'il 
soumet  au  seul  juge  es  arts  reconnu,  le  public. 

L'auteur  a  débuté,  il  y  a  quelques  années,  en  publiant  plusieurs 
livres  de  prose  pleins  de  recherches  lexicologiques  et  grammati- 
cales, et  fort  compliqués  ;  à  son  dernier  poème  e|Lprose  il  mêlait 
encore  des  vers  dont  l'obscurité  pèse  lourd  k  sa  conscience... 
Aujourd'hui,  la  trentaine  arrivant,  il  estime  qu'une  toute  petite 
émotion,  le  moindre  cri  de  passion  humaine,  pour  peu  que  cela 
sorte  en  une  expression  précise  et  claire,  c'est  de  l'art,  —  à  meil- 
leur titre  que  les  échafaudages  merveilleux  où  d'ailleurs  qui  que 
ce  soit  de  seulement  intelligent  peut  paraître  exceller.  Mallarmé, 
c'est  le  génie  exceptionnel  affiné  jusqu'aux  plus  inaccessibles  déli- 
catesses, que  nous  vénérons  d'une  respectueuse  admiration; 
mais  l'éternelle  poésie  humaine,  n'est-ce  pas  Laforgue,  Verlaine, 
Musset?  » 

î'  Antonia,  tragédie  moderne  en  trois  actes  et  eavers  libres, 
représentée  le  30  avril  au  Théâtre  d'application . 

Voici  l'avertissement  publié  en  tête  du  volume  : 

«  L'auteur  renvoie  les  lecteurs  à  l'avertissement  du  volume  de 


w^ 


L'ART  MODERNE 


169 


yen,  la  Cmédii  du  ênumrs,  qu'il  vient  de  publier,  pour  les 
quelques  explieaUon  eoneerDanl  la  forme  poétique  ici  employée. 

«  La  tragédie  d'Antonia  a,  d'ailleurs,  été  faite  pour  être  repré- 
■enlée;  c'est  «  un  peu  d'émotion  »,  «  quelques  cris  de  passion 
humaine  »  qu'il  Toudrail  faire  entendre  sur  le  tbéitre  (1). 

a  La  réduction  dea  indieations  leéniques  au  strict  minimum 
rendra  pent-éire  la  lecture  du  volume  moins  aisée;  mais  il  a 
semblé  que  l'intérêt  littéraire  du  drame  était  dans  le  fait  même  du 
dialogue  et  que  les  maîtres  dn  xvn*  siècle  avaient  plul6t  raison 
en  publiant  le  texte  de  leurs  pièces  dans  leur  plus  fruste  nudité.  » 


fÇTITE    CHROf<IQUE 

Portrait  du  bon  Pierre i.o(i,  narrateur  sentimental  et  comme  il 
faut: 

«  L'académicien  d'bier.  N'a  pas  perdu  son  temps  depuis  que 
M"*  Adam,  sa  seconde  mère,  comme  il  l'appela  dans  une  dédi- 
cace célèbre,  le  prit  en  tutelle.  Nerveux  avec  des  hanches.  Mince. 
Toujours  sanglé,  quelquefois  même  maquillé.  Semble  avec  sa 
barbiche,  son  profil  en  lame  de  couteau,  plutôt  un  officier  d'in- 
fanterie qu'un  marin.  Inventeur  de  la  littérature  exotique  où 
chantent  des  noms  bizarres,  se  déroulent  des  paysages  féeriques, 
où  il  n'y  a  pas  plus  d'intrigue  qu'en  une  romance.  Un  malin  dou- 
bléd'un  artiste.  A  pejut-êire  abusé  de  son  «  frère  Yves  ».  Bourget 
le  sacra  demi-dieu.  Donne  des  fêtes  costumées  où  il  apparaît  en 
empereur  roinain  et  en  trouvère.  Une  élection  qui  prouve  qu'on 
n'arrive  pas  toujours  II  l'Académie  par  les  femmes.  » 

11  y  a  des  gens  qui  prétendent  qu'on  ne  lit  plus  Victor  Hugo. 
Savez-vous  ce  qu'a  produit  depuis  la  mort  do  grand  poète,  c'est- 
Si-dire  depuis  cinq  an»,  la  vente  de  ses  œuvres  T  Sept  milliont, 
quatre  cent  dix-huit  mille,  trois  cent  soixante-huit  francs,  c'est- 
à-dire  une  moyenne  de  vente  par  année  de  un  million  quatre  cent 
quatre-vingt-trois  mille,  trois  uni  soixante-treize  francs. 

Dans  ses  Instantanés,  le  OU  Bios  donne  le  portrait  ci-après 
de  Claude  Honet. 

Une  face  rude,  fruste  de  pécheur  que  les  coups  de  soleil,  le 
fouellemenl  des  embruns  ont  recuite,  hilée,  crevassée  de  rides 
multiples  comme' les  vieux  portraits.  Les  joues  et  le  menton  per- 
dus dans  l'emmêlement  d'une  barbe  broussailleuse. 

Des  yeux  qui  impressionnent.  Des  yeux  clairs  au  regard  enve- 
loppant, aigu,cnercbeur,  où  se  devine  l'Ame  vibrante  d'un  artiste, 
où  passent  des  reflets  de  ciel  et  de  mer  et  qui  par  moments  s'em- 
brument, semblent  s'être  usés  peu  k  peu  en  une  contemplation 
trop  éperdue  de  la  Nature,  en  un  labeur  de  visionnaire. 

L'un  des  plus  admirables  paysagistes  d'aujourd'hui,  —  de  tou- 
jours. Le  seul  qui  ait  vraiment  rendu  le  charme  changeant,  les 
frissons  lumineux  de  l'eau  et  des  feuilles,  les  métamorphoses 
des  clartés.  Un  simple  qui  s'isole,  qui  fuit  Paris,  que  ne  tentent 
ni  les  médailles,  ni  le  bruit,  ni  la  gloire,  ni  les  gros  sous.  Ne  se 
repose  jamais.  Poursuit  son  œuvre  de  pays  en  pays,  tantôt  en 
Hollande,  devant  l'éblouissement  des  champs  de  tulipes,  tantôt 
au  cap  d'Amibes  devant  les  Alpes  roses  dressées  sur  l'enchante- 
,menl  des  flots  bleus,  tantôt  en  Bretagne  devant  lesécueils  de  Noir- 
mouiiers. 

(1)  M.  Louis  BessoD,  dans  VÊvénement,  a  ainsi  dëHni,  arec  une 
remarquable  exactitude,  le  sujet  d'Antonia  :  •  ...  que  la  femme  est 
faite  pow  tromper  et  trahir,  l'homme  pour  souffrir.  <• 


A  connu  l'Apre  misère,  mais  ne  s'est  pas  découragé  et  mainte- 
nant a  son  clou  dans  toutes  les  galeries  où  l'art  moderne  est  en 
odeur  de  sainteté. 

Dans  la  très  curieuse  Enquête  sur  l'Evolution  littéraire,  sorte 
de  référendum  sur  le  Réalisme  et  le  Symbolisme,  leur  passé,  leur 
présent,  leur  avenir,  que  poursuit  M.Jules  Huret,  dans  VEcho  de 
Pai-is,  depuis  deux  mâk,  tfd'lit  le  passage  suivant  de  la.  dépo- 
sition de  M.  Anatole  France  sur  le  très  grand  Verlaine.  Au  surplus, 
c'cbt  inimaginable  ce  qu'ils  se  déchirent  les  uns  les  autres  : 

«  Ce  pauvre  Verlaine,  plein  de  talent,  mais  inquiet,  mais  double, 
pour  ainsi  dire.  Vous  souvenez-vous  qu'autrefois  on  voyait,  dans 
tous  les  bals  masqnés,  un  diplomate  Peau- Rouge  J  C'était  un 
monsieur  en  habit  noir,  très  correct,  qui  avait  la  figure  tatouée, 
et,  sur  la  tête,  des  plumes  de  perroquet.  Eh  bien  I  Verlaine  m'a 
toujours  rappelé  ce  déguisé.  Au  temps  où  il  était  Parnassien,  il 
s'efforçait,  comme  les  autres,  de  faire  des  vers  impassibles, 
l'habit  noir  dominait;  puis  le  sauvage  prenait  le  dessus;  puis,  de 
nouveau,  une  crise  de  correction;  tour  ii  tour  croyant  et  athée, 
orthodoxe  et  maudit,  A  la  manière  des  poètes  religieux  de 
Louis  XIII  ;  et  ainsi  de  suite  jusqu'à  ce  que  l'habit  noir,  enfin  usé, 
il  ne  lui  est  plus  resté  que  le  tatouage  et  les  plumes  de  perroquet.» 

La  librairie  de  la  Bibliothèque  Nationale  met  en  vente  le  318* 
volume  de  sa  collection  :  les  Soirées  de  Saint-Pétersbourg,  par  le 
comte  J.  de  Maistre.  —  25  cent,  broché,  45  relié;  10  cent,  en  plus 
pour  recevoir  franco  partout.  Adresser  les  demandes  i  M.  L.  Ber- 
thier,  éditeur,  passage  Montesquieu,  à  Paris. 

Volumes  récemment  publiés  :  le  Cilaleur,  Mon  oncle  Thomas, 
de  Pigaull-Lebrun  ;  Correspondance  de  Voltaire  avec  le  roi  de 
Prusse;  Jacques  le  Fataliste,  par  Diderot  ;  De  la  Nature  des 
choses,  de  Lucrèce,  etc.         

On  se  trompe  souvent  dans  l'opinion  qu'on  a  du  rôle  pratique 
des  musées.  On  croit  volontiers  qu'ils  servent  surtout  à  l'avance- 
ment des -jirtistes  :  nullement,  ils  servent  bien  davantage  i 
l'instruction  du  public.  Les  artistes  originalement  doués  —  les 
seuls  qui  comptent  aux  yeux  de  l'avenir  —  s'inspirent  franche- 
ment de  la  nature  et  c'est  de  l'observation  directe  des  choses, 
sans  nulle  préoccupation  du  pastiche,  qu'ils  tirent  une  note  de 
réalité  nouvelle.  Les  galeries  publiques  n'ont  jamais  suscité  et 
jamais  détourné  de  sa  voie  un  graid  peintre.  L'esprit  souffle  où 
il  veut,  quand  il  veut.  C'est  folie  de  s'imaginer  qu'il  soufflera  i 
commandement  au  musée  plus  qu'ailleurs.  Les  belles  collections 
sont  accessibles  à  tout  le  monde  comme  les  bibliothèques  des 
grandes  villes.  Chacun  vient  s'y  instruire  ou  s'y  distraire,  s'y 
remplir  d'idées  oii  d'impressions  critiques,  mais  le  travail  de  créa- 
tion, réservé  à  peu  d'hommes,  se  fait  à  l'écart  et  sous  de  bien 
autres  auspices. 

Le  collectionneur  public  ou  privé  fait  acte  de  dillettantisme  au 
proQl  des  délicats  et  d'enseignement  général  au  bénéfice  de  la 
foule  :  rien  de  plus,  mais  aussi  rien  de  moins.  Et  c'est  déjà 
énorme.  {L'Art  dans  les  Deux  Mondes,  U  mars  1891.) 

Dans  son  atelier  du  H  de  la  place  Pigalle,  Puvis  de  Chavannes. 
Drapé  dans  un  immense  pardessus  qui  le  grandit  encore,  il  fait 
asseoir  un  ami,  conseille  un  jeune  artiste  lui  montrant  ses  œuvres, 
entrelient  un  troisième  arrivant  d'une  affaire.  Le  malire  a  le 
front  haut  avec  les  tempes  dégagées,  le  nez  fort,  le  teint  coloré, 
la  barbe  blanche,  les  cheveux  drus.  D'une  belle  prestance,  le  port 
de  tête  très  droit,  presque  raide,  Puvis  de  Chavannes  est  l'homme 
au  monde  dont  l'air  est  le  plus  imposant  et  l'accueil  le  plus 
affable.  * 


ONZIÈME  ANNÉE  - 

L'ART  MODERNE?  s'est  acqnis  par  l'aatorité  et  l'indépenclance  de  sa  critique,  par  la  variMA  de  sea 
informations  et  les  soins  donnés  à  sa  rédaction  une  place  prépondérante.  Aucune  manifestation  de  l'Art  iie 
lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  de  peinture,  de  soùlpture,  de  gravure,  de  musique, 
d'aroblteoture,  etc.  Consacré  principalement  au  mouvement  artistique  belge,  il  renseigne  néanmoins  ses 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  Tétranger  qu'il  importe  de  connaître. 

Chaque  numéro  de  L'ART  MODBRNE!  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  question  artistique 
ou  littéraire  dont  l'événement  de  la  semaine  fournit  l'aotualité.  Les  expositions,  les  livres  nouveaux,  les 
premières  représentations  d'œuvres  dramatiques  ou  musicales,  les  conférences  littéraires,  les  concerts,  les 
ventes  dobjets  cTart,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  Il  rend  compte  des 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complète  des  exposiuons  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  Il  est  envoyé  gratuitement  à 
l'essai  pendant  un  pois  à  toute  personne  qui  en  fiiit  la  demande. 

L'ART  MODERNE  forme  chaque  année  un  beau  et  fort  volume  4'«*vi<roB.  4^  pages,  arec  ta}4« 

des  matières.  11  constitue  pour  l'histoire  de  l'Art  le  document  LE  PLUS  COMPLET  et  le  recueil  LE  PLUS 
FACILE  A  CONSULTER. 

1. 0  fir*   par  an. 

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Quelques  exemplaires  des  dix  premières  années  sont  on  vente  aux  bureaux   de  L'ART  MODERNE, 
rue  de  l'Industrie,  32,  au  prix  de  30  francs  chacuUv 


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Désirée  Artôt,  Pauline  Lucca,  Pablo  de  Sarasate,  Ferd.  HilUr,  D. 
Popper,  sir  F.  Benedict,  Leschetitxky ,  Napraouih,  Joh.  Selmer,  Joh 
Svendsen,  K.  Rundnagcl,  J.-G.-E.  Stehle,  Ignace  Briill,  etc.,  etc. 

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RBVDB  ORrriQUE  DBS  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octavb  MÀUS  —  Edmond  picard  —  ËifiLB  YERHÂEREN 


▲BOimmXNTS  t   Belgique,   on  u,   fr.  10.00;  Union  postale,   fir.   13.00.    —  AITMONCKS  :    On   traite  à  forfait. 

Adresser  toutes  les  communicationt  d 
L'ADiarasTRATioN  oÂNÉiuLB  DE  TAxt  Modome,  me  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


A  PlOPOa  DIS  RIPBisSNTATIONS  DU  •  MaLI  »  A  PARU.  —  AuX 
ChaMP«-ÉlTS^.  —  Lk  FKTiyAL  BBliNAN.  —  ExPOSmON  DS  Saint- 
Kt  llioNOH.  —  A  Antebs.  Les  repriêentationt  d'Eme$to  Rotti.  — 

R«VU1  DM  UYBSS.  —  ElPOSmoM  DB  PUBUOiri.  —  PeTITB  CHRONIQUE. 


A  props  des  représentations  dn  ((  lâle  » 


-î^. 


A    PARIS  (1) 


Qn'est-ce  qn'une  pièce  de  théâtre?  C'est  un  milieu 
déterminé  où  évolue  la  vie.  La  vie,  au  théâtre,  plus 
encore  que  dans  le  livre,  est  la  condition  essentielle, 
puisque  l'écrivain,  pour  formuler  son  concept,  a  recours 
à  des  incarnations  sensibles,  puisque  ce  sont  des  êtres 
agissants  et  vivants  qu'il  délègue  à  matérialiser  sa  pen- 
sée. Le  meilleur  théâtre  sera  donc  celui  qui  se  caracté- 
risera par  la  plus  forte  somme  de  vie.  En  procédant 
par  la  détermination  initiale  d'un  milieu,  en  en  d^a- 
geant  les  formations  humaines  issues  de  ce  milieu,  en 
restituant  celles-ci  avec  leurs  évidences  et  leurs  parti- 

(1)  L'exlntordioaire  mouvement  qui  se  produit,  depuis  peu  de 
tempa,  dans  l'art  thé&trtl,  et  auquel  nos  compatriotes  Lemonnier  et 
Maeterlinck  ont  tant  contribué,  donne  un  grand  intérêt  k  l'exposé  de 
àttàHa»  qu'on  va  lire. 


cularités,  on  suit  une  méthode  sûre,  et  peut-être  l'unique 
qui  s'accommode  de  la  nécessité  d'imposer  au  spectateur 
l'impression  immédiate  de  la  vie.  ^. 

Le  livre,  absorbé  à  petites  fois,  ingéré  à  travers  la 
méditation,  peut  se  soustraire  aux  formules  précises  ; 
il  s'étend,  par  delà  les  manifestations  de  la  vie  sen- 
sible, jusqu'aux  extrêmes  limites  de  la  conjecture.  Mais 
le  théâtre  a  des  ressources  bornées  ;  il  requiert  les  nettes 
images,  les  vifs  reliefs,  l'estampage  exact  ;  il  n'est  du 
théâtre  qu'à  la  condition  de  porter  à  la  scène  une  adé- 
quation de  la  vie  et  de  faire  ressemblant.  Pour  que  les 
métaphysiques  et  les  entéléchies  puissent  s'adapter  à  la 
forme  spéciale  qu'il  s'assigne,  il  faudrait  abolir  la  repré- 
sentation de  l'individu,  la  figuration  matérielle,  anni- 
hiler le  geste  et  l'attitude  de  l'interprète  qui  toujours 
s'interposera  et  niera  la  pure  idéalité.  Un  subterfuge, 
l'eflFacement  des  silhouettes  derrière  des  voiles  récem- 
ment appropriait  à  une  apparence  de  vision,  à  de  déli- 
cates et  fabuleuses  lignes  de  rêve  la  curieuse  et  vrai- 
ment belle  fresque  dramatique  de  M.  Pierre  Quillard, 
La  fille  aux  mains  coupées.  C'est  à  peu  près  tout  ce 
qu'il  est  possible  d'imaginer  pour  échapper  aux  réalités 
trop  opprimantes. 

Les  auteurs  du  Mâle  ontrils  su  exploiter  avantageu- 
sement la  méthode  dont  j'ai  parlé  plus  haut?  Je  n'hésite 
pas  à  dire  oui.  La  Terre  s'indiquait  pour  eux  le  thème 
intégral  ;  ils  ont  pris  dans  ses  deux  aspects  le  décor 


■/     3 


y 


172 


L'ART  MODERNE 


rural  que  leur  conférait  le  livre.  (Ecartons,  n'est-ce  pas  1 
une  fois  pour  toutes,  Tassez  vain  reproche  d'avoir 
extrait  du  concept  roman  le  concept  théâtre,  puisque 
l'un  et  lautre  se  résoud  par  ceci  :  Arriver  par  des 
moyens  différents  à  la  plus  grande  évidence  possible  de 
vie?) 

D'une  part,  la  forêt,  la  grande  nature  indisciplinée  et 
sauvage,  aux  halliers  comme  des  &mes  vierges,  aux 
hautes  frondaisons  tourmenteuses,  aux  nocturnes  faunes 
rôdant  dans  le  mystère.  D'autre  part,  la  glèbe  soumise, 
asservie  aux  labours  et  aux  semailles,  la  terre  du  pay- 
san, mariée  à  ses  peines  et  à  ses  joies.  Et  corolfaire- 
ment,  du  côté  de  la  forêt,  surgissant  comme  le  symbole 
de  ses  énergies,  l'être  primitif,  l'homme  des  sylves  pri- 
mordiales, le  chasseur  vivant  de  ses  proies,  —  Cacha- 
près;  du  côté  de  la  terre,  symbolisant  les  ruses  par 
lesquelles  se  conjure  l'immense  hostilité  des  Forces, 
l'être  encore  rudimentaire,  mais  affûté,  rendu  subtil 
par  le  sentiment  de  la  préservation,  le  glébain,  maître 
d'un  toit  borné  par  un  lopin. 

Voilà  le  fond,  voilà  le  drame;  voilà  du  même  coup, 
en  ses  grandes  démarcations,  toute  l'histoire  de  la  terre. 
Il  s'en  déduit  :  l'instinct  de  la  libre  propriété,  de  la  pos- 
session immédiate  aux  prises  avec  l'ordre,  la  loi,  la 
défense  de  transgresser  les  fictions  légales.  En  Ger- 
maine tout  à  coup  s'éveillera,  à  l'apparition  du  Mâle, 
de  la  brute  héroïque  et  amoureuse,  sortie  de  ses  taillis 
et  venue  se  mêler  aux  pétulances  d'un  jour  de  ducasse, 
la  faunes^e  des  ascendances  de  la  forêt,  la  femelle  chaude 
de  soleil  et  mûre  pour  les  ruts  copieux.  Elle  s'abandon- 
nera aux  baisers,  connaîtra  les  possessions  enragées  au 
fond  des  fourrés,  mais  sans  abdiquer  ses  prudences  de 
paysanne,  de  fille  de  riches  tenanciers,  son  sang  de  pro- 
priétaire. Elle  résume,  celle-là,  à  travers  un  universel 
aspect  de  la  féminité,  cauteleuse  à  la  fois  et  sincère, 
prise  et  reprise,  l'instinct  et  le  calcul  des  races  mi-sor- 
ties de  l'animalité,  entrées  dans  un  état  de  civilisation 
minoritive. 

Pour  cadre,  rationnellement,  la  ferme  et  le  bois  avec 
ces  comparses  :  —  Le  vieux  Hulotte,  le  fermier  finaud 
et  brave  homme,  exploitant  sa  chevance,  orienté  à  une 
relative  élévation  de  sentiments  par  la  maturité  de  l'âge 
et  de  la  réflexion;  Warnant,  son  fils  aîné;  Grigol,  le 
valet  d'écurie  revenu  de  la  ville  après  avoir  servi  à  l'ar- 
mée, d'esprit  naturel,  de  verve  comique  et  frondeuse; 
avec  ces  figures  encore,  énonciatrices  des  forces  sour- 
noises et  farouches  du  bois,  la  mendiante  et  entremet- 
teuse Cougnole,  la  rôdeuse  des  taillis,  vivant  de  louches 
aubaines,  façonnée  par  la  fréquentation  des  bêtes  à 
l'idée  de  l'accouplement  des  sexes,  l'acceptant  comme  la 
loi  et  le  devoir  des  races  ;  puis,  mais  à  peine  indiquée, 
ébauchée  en  traits  violents,  reléguée  au  second  plan,  la 
Gadelette,  l'instinct  sauvage,  compliqué  d'amour  et  de 
ruse,  la  petite  fauve  dissimulée  et  rageuse. 


Certes  oui,  l'humanité  qu'évoquent  ces  protagonistes 
sans  gloire  n'excède  pas  une  limitation  forcément 
restreinte,  bornée  à  la  vie  sensationnelle,  à  la  somme 
d'idées  et  de  sentiments  que  peut  développer  chez  le  ter- 
rien une  condition  séculaireoient  opprimée  à  peine 
afiranchie.  C'est  une  humanité  élémentaire,  soumiseaux 
ambiances,  actionnée  par  les  Forces  en  suspens  autour 
d'elle.  Les  auteurs  de  la  pièce  ont-ils  su  la  caractériser? 
Tout  est  là  ;  le  reste  n'importe.  Pour  ma  part,  j'ose  le 
croire  ;  ils  ont  fait  l'homme  de  la  nature,  ils  ont  su  l'ex- 
primer à  travers  l'angle  qu'ils  s'étaient  proposé,  ils  l'ont 
fait  mouvoir  et  parler  avec  son  geste,  avec  son  verbe, 
avec  son  instinct,  en  le  subordonnant  aux  exigences  de 
l'action,  ou  si  l'on  veut,  de  l'anecdote  qui  est  la  vertèbre 
de  l'œuvre. 

Telle  qu'elle  est,  cette  humanité,  elle  suffit  à  emplir 
le  drame,  elle  symbolise  en  maints  côtés  essentiels  la 
terre,  l'animal  à  face  humaine  qui  peine  dessus  et  s'en 
assimile  les  rancunes,  les  énergies,  les  puissances  ;  elle 
aboutit  à  la  synthèse.  C'est  la  marque  moderne  de  la 
pièce  et,  je  le  crois,  un  mérite  suffisant  pour  qu'à 
travers  les  vicissitudes  qui  pent-ètre  lui  échéeront, 
elle  prenne  date  dans  l'évolution  dramatique  contempo- 
raine. 

Le  primitif,  l'être  sensationnel  et  instinctif,  de  céré- 
bralité  fortuite,  uniquement  incitée  par  les  contingen- 
ces, n'exclut  pas  la  possibilité  de  certaines  perceptions 
déliées  qui,  à  première  vue,  sembleraient  uniquement 
réservées  aux  natures  de  sens  affinés.  Au  contraire, 
l'instinct,  chez  les  simples,  fréquemment  s'éréthise,  se 
travaille  de  pressentiments,  va  jusqu'à  de  merveilleuses 
devinations.  C'est  pourquoi,  presqu'anssitôt  que  Ger- 
maine, l'ouvrière  de  ses  destinées,  lui  est  suscitée,  Cacha- 
près  se  sent  remué,  en  l'aparté  du  milieu  du  premier 
acte,  par  de  troubles  à  la  fois  et  lucides  fiituritions. 
L'histoire  du  forestier  qui  lui  revient  en  mémoire  est 
comme  le  thème  évocateur  de  sa  propre  misère.  C'est  là 
un  élément  de  poésie  naturelle  que  je  n'ai  eu  garde  de 
proscrire.  Je  ne  sais  si  on  y  prendra  attention,  mais, 
pour  moi,  je  crois  bien  que,  là  encore,  en  ce  simple 
motif,  en  cette  prescience  du  simple,  se  révèle  une  des 
curiosités  du  drame.  Toute  la  vie  humaine,  à  travers  sa 
variété  et  sa  dispersion,  se  meut  sur  un  petit  nombre 
d'axes.  Nos  destinées  résultent  des  facteurs  qui  sont  en 
nous  et  qu'y  développe  la  circonstance.  Chez  Cachaprès, 
c'est  la  rencontre  avec  la  femelle  énamourée  et  fourbe, 
ramenant  l'étemelle  aventure  de  Samson  et  d'Hercule, 
la  déperdition  du  principe  mâle,  l'usure  irrémissible  des 
énergies  mentales  et  physiques,  l'inévitable  mort  après 
les  baisers.  La  forêt,  la  primordiale  genèse  est  vaincue 
en  lui  par  la  créature  d'amour  et  de  péché.  J'espère 
qu'on  voudra  bien  remarquer  aussi  le  leit  motiv  qui, 
dans  la  pièce,  résume  les  &talités  auxquelles,  sitôt 
l'amour  accompli,  Cachaprès  demeure  voué,  cette  phrase 


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L'ART  MODERNE 


173 


restée  des  musiques  et  des  douceurs  de  la  rencontre  et 
que  lui  dit  Germaine  :  »  C'est  toi  qu'es  Cacbaprës  I  ». 
Peut-être  sont-ce  là  des  effets  bien  subtils  pour  le  pu- 
blic :  je  n'aurais  plus  alors  qu'à  me  confier  en  les  seuls 
artistes. 

Les  auteurs  ont  procédé  par  tableaux,  par  grandes 
tranches  de  réalité  et  de  nature,  en  utilisant  le  décor 
que  leur  imposait  le  livre.  On  ne  peut  leur  en  faire 
un  grief  :  cela  leur  a  permis  de  faire  entrer  plus  d'air 
dans  la  convention,  sans  laquelle  leur  pièce  ne  se  fût 
pas  maintenue  debout.  Ils  ont  imaginé  une  péripétie,  le 
marchandage  de  la  vache  qui  justifiait  le  second  acte, 
sa  rusticité  joviale,  cette  notation  de  la  vie  de  la  ferme, 
et  rendait  plausibles  les  épisodes  par  lesquels  l'éthopée 
s'achemine  à  son  dénouement.  Cette  péripétie  n'est  pas 
plus  mauvaise  qu'une  autre;  elle  suiBt  aux  vraisem- 
blances, elle  stimule  la  note  comique  ;  elle  particularise 
le  milieu  rustique.  Grosse  affaire  :  elle  est  scénique. 
C'est  peut-être  pour  cela  que  personnellement  je  la 
trouve  indispensable,  mais  entachée  d'usure.  C'est  une 
concession  aux  modes  actuels,  au  goût  du  public  pour 
le  fait  matériel,  l'action  qui  s'agite  et  fait  du  bruit,  la 
subordination  de  l'homme  et  du  cadre  où  il  se  meut  à 
ce  que  j'appelais  tout  à  l'heure  l'anecdote.  Voyez 
quelles  divergences  ;  c'est  peut-être  cette  action  (c'en  est 
une)  qui  constituera  l'intérêt  de  la  pièce  ;  et  toutefois,  à 
mon  sens,  elle  demeure  le  point  vulnérable,  puisqu'elle 
morcelle  la  synthèse,  puisqu'elle  rompt  la  grande  har- 
monie amoureuse  de  la  terre  et  de  la  créature.  Il  a  fallu 
la  subir  en  remettant  à  de  meilleurs  temps  l'espoir 
d'écrire  une  pièce  sans  action,  toute  en  nuancements, 
en  figurations,  en  évolutions  rapides  de  sentiments  et 
d'idées,  une  pièce  qui  serait  de  la  vie  unie  et  simple, 
sans  les  nœuds  que  nous  croyons  devoir  y  faire. 

J'écris  ces  lignes  au  lendemain  de  la  répétition  géné- 
rale :  je  ne  puis  présager  l'acceptation  ou  le  reniement 
delà  critique  ;  j'ignore  l'attitude  possible  du  spectateur. 
Maisj'ai  le  droit  de  faire  remarquer  que  la  pièce,  écrite 
et  jouée  une  première  fois  il  y  a  trois  ans  à  Bruxelles, 
fut  la  tentative  de  libres  esprits,  à  un  moment  où  le 
paysan,  l'homme  de  nature,  le  descendant  des  grandes 
faunes  n'avait  pas  encore  été  mis  à  la  scène.  Il  n'y  a  pas 
un  mot  d'auteur  dans  ces  quatre  actes;  on  y  parle  comme 
on  y  vit,  d'une  vie  nette,  brève,  cursive,  sans  horizon, 
mais  dans  un  cadre  merveilleux,  dont  peut-être,  à  leur 
insu,  il  passe  quelque  reflet  sur  les  rugueux  visages  en 
qui  personnifient  ici  les  symboles. 

A  peine  puis-je  relire  ces  lignes  jetées  sur  le  papier 
et  désordonnées.  Elles  témoigneront  de  notre  volonté 
de  faire  œuvre  d'art  et  de  nature.  Notre  ambition,  en 
donnant  aux  personnages  du  Mâle  le  relief  de  la  vie 
scénique,  n'alla  pas  au  delà. 

Je  veux  dire,  en  finissant,  toute  notre  profonde  grati- 
tude pour  les  artistes  qui  assumèrent  l'ennui  souvent 


découragé  des  répétitions  et  consentirent  à  incarner  ces 
types  d'un  théâtre  qui  n'est  ni  celui  des  parades  carica- 
turales, ni  celui  des  fictions  paradoxales.  Je  remercie 
M°"*  Marguerite  Rolland,  Herdiès,  Leconte,  Gay  : 
chacune  a  mis  de  son  âme  et  de  ses  nerfs  dans  des  rôles 
où  toutes  se  sont  montrées  remarquables,  où  quelques- 
unes  se  sont  révélées  hors  pair.  Et  je  remercie  non 
moins  MM.  Chelles,  Régnier,  Courcelles,  Miran,  La- 
grange,  pour  les  touches  adroites  et  puissantes  dont  ils 
ont  achevé  de  faire  vivre  l'œuve. 

Camille  Lemonnier. 

Ajoutons  à  cette  intéressante  étude  critique  de 
M.  Lemonnier  sur  sa  propre  pièce,  que  la  première 
représentation  du  Mâle,  à  laquelle  nous  avons  assisté, 
a  été  un  événement  littéraire.  Il  y  avait  une  belle 
audace,  de  la  part  de  M.  Henri  Malin  et  de  ses  confrères 
de  V Avenir  dramatique,  à  installer  à  Paris,  malgré  la 
concurrence  écrasante  des  théâtres  de  tous  genres  qui, 
en  ce  moment,  battent  leur  plein,  une  scène  nouvelle 
exclusivement  consacrée  aux  œuvres  d'art.  Et  leur 
audace  a  été  récompensée. 

La  sympathie  et  l'incontestable  autorité  dont  jouit 
M.  Camille  Lemonnier  dans  le  monde  des  lettres  étaient 
de  nature  à  assurer  à  leur  spectacle  d'ouverture  une 
salle  de  choix,  composée  du  tout  Paris  littéraire  et 
artiste.  L'intérêt  captivant  du  drame,  la  rigoureuse 
logique  des  caractères  qui  y  sont  développés,  l'art  avec 
lequel  l'auteur  conduit  l'action  ont  produit  l'impression 
qu'on  était  en  droit  d'espérer,  et  c'est  très  sincèrement 
que  les  confrères  parisiens  de  M.  Lemonnier  sont  allés, 
la  toile  baissée,  féliciter  celui-ci. 

Un  détail  encore  :  la  pièce  a  été  jouée  intégralement, 
telle  que  l'auteur  l'avait  écrite.  La  censure  n'a  trouvé 
qu'un  seul  mot  à  biffer  :  le  mot  pucelle.  Il  parait 
que  ce  terme  là  n'a  pas  encore  droit  de  cité  au  théâtreat 

Quanta  l'interprétation,  elle  a  été  des  plus  remar- 
quables. M""*'  Marguerite  Rolland  et  Herdies  surtout, 
et  M.  Chelles  ont  donné  aux  personnages  de  Germaine, 
de  la  Cougniole  et  de  Cachaprès  une  physionomie  nette. 


AUX  CHAMPS-ELYSÉES 

Cel  immense  effort  :  la  Mort  de  Babylone,  dégage  une  impres- 
sion multiple  dans  laquelle  se  fondent  une  réelle  admiration  pour 
la  belle  vaillance  du  peintre  attelé  à  pareille  bépogne,  le  plaisir 
éprouvé  i  l'analyse  de  tel  morceau  supérieurement  peint,  le  regret 
d'un  stérile  labeur.  Malgré  tout  le  talent  qu'il  a  déployé, 
M.  Rochegrosse  n'a  réussi  à  faire  que  ce  qu'en  argot  d'atelier  on 
nomme  une  «  tartine  ».  Son  tableau  est  énorme  sans  être  grand 
au  sens  esthétique  du  mot.  La  sensation  d'épouvante,  le  frisson 
qu'il  a  tenté  de  provoquer,  le  spectateur  l'attend  vainement, 
amusé  par  la  colossale  nature-morte  —  et  un  peu  vivante  —  des 
avant-plans,  distrait  par  mille  détails  curieux  d'architecture  et 
d'accessoires.  En  ce  fouillis  de  victuailles,  de  fleurs,  de  chairs 


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L'ART  MODERNE 


étalées,  d'étoffes,  l'œil  s'égare  ti  la  recherche  de  la  scène  k 
exprimer  :  il  ne  la  découvre  que  par  l'analyse,  quand  déjà  la 
réflexion  a  succédé  à  l'impression  arlisliqne.  Et  alors  cette  scène 
apparaît  comme  un  détail,  comme  une  devinette  dont  l'impassi- 
biliié  du  monarque,  perdu  dans  une  apothéose  d'incendie  au  haut 
d'un  interminable  escalier  serait  le  mot,  tandis  que  la  nudité 
triomphante  des  femmes  renversées  sur  le  dos,  lascivement  éten- 
dues et  enlacées  constitue  le  véritable  intérêt  du  tableau. 

La  virtuosité  de  M.  Rochegrosse  est  prestigieuse.  Sa  coneeption 
esthétique  est  nulle.  Et  la  même  critique  s'adresse  à  M.  Chalon, 
dont  le  SardanapaU  a  quelques  affinités  avec  la  Mort  de  Babxf- 
lone.  Mais  ici  la  vacuité  de  la  toile  est  plus  flagrante  encore, 
malgré  l'accumulation  des  personnages  qui  s'y  meuvent  dans  des 
attitudes  communément  usitées  pour  exprimer  l'effroi.  M.  Benja- 
min-Constant était  jusqu'ici  le  représentant  officiel  d«  eet  art 
spécial,  plus  proche  de  la  prestidigitation  que  de  la  peinture.  Il 
a  aujourd'hui  des  rivaux  sérieux.  Et  telle  est  la  fascination  de 
cette  peinture  à  paillettes  que  la  médaille  d'honneur,  éblouie  par 
le  feu  d'artifices  de  ces  pyrotechniciens,  est  ailé  voleter  aux  alen- 
tours des  toiles  de  MM.  Benjamin-Constant,  Rochegrosse  et 
Chalon.  Le  hasard  l'a  empêchée  de  s'accrocher  à  l'un  des  cadres. 

Pourlant  il  est,  en  ce  même  Salon  des  Champs-Elysées,  une 
attachante  toile  qui  nous  semblait  mériter  davantage  la  consécra- 
tion d'une  distinction  de  ce  genre,  —  si  tant  est  que  Part  ait 
besoin  d'être  «  consacré  »  et  que  jamais  une  médaille  ait  été  de 
quelque  poids  dans  la  réputation<|d'un  artiste.  D  s'agit  de  la  vaste 
composition  de  M.  Henri  Martin' intitulée  :  A  chacun  ta  chimère 
commentaire  de  l'admirable  pensée  de  Baudelaire  :  «  Ils  chemi- 
naient avec  la  physionomie  résignée  de  ceux  qui  sont  condamnés 
à  espérer  toujours  ».  Voici,  dans  la  plaine  immense,  s'avancer  le 
cortège  de  l'humanité,  conduit  par  des  anges  aux  ailes  éployées. 
En  tête  marche  le  jeune  homme  possédé  du  rêve  de  la  gloire,  une 
Victoire  à  la  main.  Dans  la  foule  qui  le  suit,  courbée  sous  le  poids 
des  ambitions  dévorantes,  ceux  que  ronge  la  chimère  de  l'or,  du 
bonheur  familial,  de  la  religion,  de  l'art,  de  la  science,  des 
armes...  Ils  viennent  on  ne  sait  d'oi^,  du  plus  profond  recul  des 
horizons,  et  ils  vont,  ils  vont,  par  la  lande  inculte,  dans  la  morne 
désolation  de  leurs  espoirs  irréalisés. 

•  Celte  toile  échappe  à  la  banalité  qu'un  pareil  sujet  eftt  pu 
engendrer.  Elle  n'est  nullement  «  illustrative  »  d'un  aphorisme 
philosophique.  Du  rythme  cadencé  de  sa  composition,  de  l'har- 
monie sobre  de  ses  colorations  s'exhale  une  impression  d'art  qui 
rjfralchit  et  repose  l'œil  des  imageries  ambiantes.  Certes,  l'œuvre 
n'est-elle  pas  dégagée  entièrement  des  influences  d'école,  et  nous 
n'entendons  point  la  désigner  «  chef-d'œuvre  ».  Mais  elle  décèle 
tant  d'honnêteté  artistique,  une  élévation  de  pensée  si  haute  en 
même  temps  qu'une  absolue  probité  de  travail,  qu'elle  s'impose 
au  premier  rang  des  envois  du  Salon. 

Une  toile  plus  petite  du  même  artiste,  —  étude  vraisemblable- 
ment peinte  au  cours  de  l'exécution  de  son  tableau,  — complète 
l'exposition  de  M.  Henri  Martin. 

Proche  de  la  grande  toile  de  ce  dernier,  un  portrait  équestre  de 
M.  James  Gulhrie  requiert  par  d'incontestables  qualités.  Ici,  les 
questions  de  plein  air,  d'enveloppement,  n'ont  rien  il  voir.  Il  s'agit 
d'une  peinture  à  la  Vélasquez,  largement  et  joyeusement  étendue 
par  grandes  surfaces,  selon  les  antiques  procédés.  Ce  qui  plali 
dans  l'œuvre,  c'est  son  allure  décidée,  crâne,  bellement  fière.  On 
redoute  que  le  cavalcador  qu'elle  exprime  soit  quelque  affreux 
bourgeois  de  Londres  enrichi  par  le  commerce  de  peaux  ou  par 


l*indualrie  des  aiguilles.  Otna  l'ignortnee  o&  nom  lommca  du 
nom  du  modèle,  aucun  reproche  ne  vient  k  l'esprit.  11  y  a,  dans 
la  salle  voisine,  du  même  peintre,  nn  autre  portrait,  traité  dans 
des  dimensions  plus  modestes,  qui  classe  M.  Guthrie,  malgré  ses 
tendances  réactionnaires,  parmi  les  rares  artistes  du  Salon. 

Bonnat...  Ah  I  mais,  le  mot  de  Lautrec  le  caractérise  :  «  Don- 
nez une  chiquenaude  à  sa  peinture,  cela  fera  Ung!.,.  »  El  de  bit, 
rien  n'est  plus  en  zinc  que  son  lion,  auquel  va  jenae  athlète 
désarticule  la  mftcboire  avec  l'aisanee  d^ln  expérinieiilé  dentiste, 
sans  qu'un  muscle  du  dit  athlète  tressaille.  L'eitraetioB  sans  dou- 
leur, quoi  I  Du  brun  et  du  blanc,  comme  dans  les  toiles  d'Henner, 
aucune  recherche  quelconque,  fsut-il  le  dire?  si  ce  n'est  la  maté- 
rielle et  exaspérante  nudité  du  modèle  d'atelier,  cambré  selon  les 
traditions,  et  développant  son  thorax  sur  des  fonds  de  bitume  et 
de  tête  morte. 

Y  a-t-il  au  Salon  des  Bongaeteaa,  des  LefebvreT  C'est  possible. 
C'est  même  probable.  Nous  avouons  ingénument  ne  pas  les  avoir 
vus,  tant  cette  fabrication,  aux  antipodes  de  nos  préfÂvnees,  nous 
sollicite  peu. 

Par  exemple,  il  n'est  guère  possible  de  passer  avec  autant 
d'indifférence  devant  la  Voûte  iaciir  de  J.-P.  Laorene.  Celte 
«  voûte  »  est  construite  en  des  proportions  si  coinsalcs  que  for- 
cément oa  se  batte  contre  elle,  et  ce  dès  l'entrée.  Ah!  l'étonnant 
modèle  de  peinture  glacée,  sans  vie  et  sans  Ame,  d'imagerie  gran- 
diose élevant  le  petit  soldat  si  gentil  d'Épinal  à  la  hauteur  d'une 
œuvre  primée  par  les  Académies  I  Et  le  trompe  l'œil  de  celte  bar- 
rière d'avant  plan,  qui  rappelle  les  beaux  jours  des  panoramas 
abolis  \...  La  Voûte  d!acier,  c'est  de  très  bonne  peinture  adminis- 
trative, de  la  peinture  pour  vestibules  de  ministères.  On  aura 
beau  faire  et  beau  dire,  cette  peinture  U  plaira  toujours  plus  aux 
ronds-de-cuir  chargée  d'équilibrer  des  budgets  de  beaux-arts  que 
les  décorations  d'un  Puvis  de  Chavannes.  La  logique  de  la  vie  le 
veut  ainsi,  et  nous  ne  pouvons  que  nous  incliner  devant  llmpé- 
nétraMe  FaUlité. 

On  nous  excusera  de  ne  pas  entrer  dans  le  détail  des  quelque 
deux  mille  toiles  qui  sont  censées  exprimer,  an  Salon  des  Champs- 
Elysées,  le  labeur  arlislique  de  la  France  et  de  plusieurs  nations 
étrangères,  parmi  lesquelles  la  Belgique.  Il  y  a,  certes,  des  efforts 
honorables  et  des  réalisations  heureuses.  Mais  que  dire  qui  n'ait 
été,  en  ce  journal  même  et  partout,  répété  à  satiété  î  Bornons- 
nous  à  la  courte  énumération  de  ceux  des  nétres  qui  sont  cimaises 
en  ce  Palais  de  verre,  de  fer  et  d'huile  :  ce  sont  (nous  parlons  de 
ceux  dont  nous  avons  aperçu  les  envois  et  non  d'après  le  cata- 
logue) MM.  Richir,  F.  Willems,  Le  Mayeur,  Kflstohs,  Charles 
Lefebvre,  Van  Overbeke,  Van  den  Bos  et  Herbo. 

Et  ne  terminons  pas  ce  rapide  aperçu  sans  citer  élogieusement 
H.  Rob.  W.  Vonnoh  dont  le  Champ  de  eoquelieott,  traité  dans  la 
manière  des  impressionnistes  de  1880,  fiit  sonner  de  joyeuses 
et  claires  fanfares  dans  le  concert  assourdi  des  Cbamps-Élysés. 
Un  coup  d'œil  aussi  aux  intéressantes  et  louables  tentatives  de 
peinture  à  la  cire  de  M.  Thivet,  ainsi  qu'aux  fauves  de  M.  Swan, 
d'un  mouvement  et  d'une  silhouette  impressionnants. 


LE  FESTIVAL  RHÉNAN 

Comment  se  fait-il  que  le  gros  du  public  distingue  difficilement 
le  charlatanisme  d'avec  l'Art?  Esl-ee  ignorance,  insuffisance  de 
sensibilité,  où  est-ce  corruption?  —  cela  vient-il  de  la  grossièreté 


L'ART  MODERNE 


175 


d'une  race  de  ptnrenos,  non  encore  Mcenible  au  Beau,  —  ou 
de  la  groHièreté  d'one  race  de  blasés  qni  n'y  est  plos  aecessible 
parce  qu'elle  l'a  eoofondn  avec  le  mol  jouissance  sensuelle? 

Mais  d'ob  cela  vienl-ilT  Qu'un  me  le  dise,  pour  l'amour  de  Dieu, 
afin  que  je  paisse  troaver  la  télé  unique  de  ce  public  b<te,  et 
taper  desaus. 

Voilk  un  directeur  (et  on  en  trouve  en  Allemagne,  il  doit 
y  en  avoir  un  mauvais  nid  quelque  part),  qui  défigure  tout 
ce  qni  lui  tombe  sous  les  mains,  ponr  foire  «  des  effets  »,  qui 
allonge  par  ci,  rétrécit  par  Ik,  précipite  autre  part,  dispose  tout 
de  manière  que  celui  qni  ne  sait  pas  suivre  une  pensée  ni 
on  sujet  musical  soit  au  moins  réveillé  k  tous  les  loumanis  par 
un  de  ces  chauds-froids,  ffrorte-piano  qui  ébranleraient  des  cui- 
sinières. 

Ce  directeur  (il  s'appelle  Scbuch)  a  été  fêlé,  cboyé  presqu 'autant 
que  Hans  Richter  k  la  même  occasion.  Je  dis  prtsqu'autant, 
parce  qu'on  avait  ponr  lui  plus  d'estime,  grAce  h  son  haut  titre, 
que  de  sympathie.  Et  on  aimait  k  se  figurer  que  puisqu'il  arrivait 
il  produire  tant  «  d'effet  »  il  devait  être  grand.  Vaste  optimisme 
de  rifpM>rancel 

En  voyant  avec  quelle  facilité  l'Allemagne  se  laisse  envahir  par 
cette  école  de  la  musique  toute  de  crème  et  de  piment,  — 
comme  elle  se  laisse  envahir  par  une  peinture  doucereuse  et  sans 
nerfs,  — on  ne  peut  s'empêcher  de  penser  :  hé!  petite  Belgique 
fais  attention  I  ne  t'endors  pas,  ne  laisse  pas  des  intrigants  afladir 
ton  public  pour  l'employer  comme  une  force  contre  l'art  véritable. 

Il  se  peat  que  M.  Schuch  n'ait  pas  d*»  intentions  aussi  noires. 
Hais  quiconque  manipule  le  Beau  ponr  en  faire  ressortir  le  joli, 
est  un  foox  prophète. 

On  a  donc  esssyé  de  nous  «  embellir»  la  cinquième  symphonie 
de  Beethoven  —  ce  qui  lui  va  comme  une  rose  en  papier  au 
chignon  de  la  Vénu$  de  Milo  —  puis  Obérvn,  puis  le  Carnaval 
iZomotn  de  Berlioz,  puis  Schubert;  le  directeur  d'Aix,  l'honnéie 
Schwickeralb,  a  eu  heureusement  quelques  occasions  de  tenir  le 
bâton  :  Ut  Saison*  de  Haydn,  le  Fouit  de  Schumann  et  la 
Symphonie  de  Brahms  nous  ont  été  un  repos.  Rien  de  transcen- 
dant, mais  rien  de  faux  au  moins.  Merci,  M.  Schwickerath. 

Il  appert  que  le  Conservarbire  de  Leipzig  est  infesté  de  ces 

tendances  efaarlatanesqnes,  depuis qu'il  a  encore  exagéré  le 

genre  de  son  plus  célèbre  directeur,  Mendelssohn. 

Voyez  vous  notre  cousin  Sem  essayant  *de  bonne  foi  de 
nous  comprendre,  et  ne  parvenant  qu'à  nous  singer  extérieure- 
ment t  Quand  trouvera-t-il  son  art  à  lui,  et  ne  viendra-t-il  plus 
trouUer  l'esprit  facilement  ahuri  de  nos  foules  par  la  fausse 
eoaceptioa  de  notre  art  ft  nousT  Qu'il  soit  lui,  qu'il  ait  cette 
fierté,  le  grand  Sem. 

Alors  BOUS  le  considérerons  en  bons  voisins.  Mais  de  la  part 
d'an  étranger,  qui  veut  s'imposer,  se  faufiler  parmi  nous  pour 
être  des  nMres  malgré  nons,  les  actes  les  plus  inoffensifs  nous 
répugnent. 

Il  se  pourrait  donc  que  Maître  Schuch  soit  fort  inoffensif. 
«  Ne  pas  comprendre  »  et  être  de  Dresde,  qni  sur  la  carte  n'est 
pu  loin  de  Leipzig,  m'a  fait  tout  d'un  coup  rentrer  mes  cornes 
et  me  dire  :  serait-ce  un  «  étranger?  » 

Etranger  aussi  ce  pianiste  d'Albert,  qui  de  ses  douces  petites 
pattes  a  careasé  un  concerto  du  fort  Beethoven.  Un  peu  moins 
étranger,  mais  étranger  tout  de  même.  «  Que  n'étions  nous  l!i, 
moi  et  mes  Francs  I  »  pour  protester  à  la  façon  de  Clovis,  —  si 
les  vacarmes  désapprobateurs  étaient  tolérés.  I.  W. 


EXPOSITION  DB  SAINT-CYR  BT:,MI0N0N 

MM.  de  Saint-Cyr  et  Mignon  ont  ouvert  dans  une  élégante  salle 
qu'ils  ont  foit  construire  rue  de  la  Régence  une  exposition  de 
leurs  œuvres.  Toiles  et  sculptures  sont  coquettement  présentées 
et  disposées  avec  goAi,  parmi  des  corbeilles  de  plantes  orne- 
mentales, sur  des  parois  tendues  de  rouge. 

L'envoi  de  M.  de  Saint-Cyr  embrasse  le  labeur  de  plusieurs 
années.  L'artiste  s'est  voué  k  des  scènes  de  genre,  i  des  portraits, 
k  des  intérieurs  luxueux.  La  préoccupation  du^bibelol,  du  chif- 
fonnement  d'étoffes  soyeuses,  du  mobilier  de  style  le  bante  et  lui 
fait  perdre  de  vue  l'impression  plus  haute  et  plus  vive  de  l'œuvre 
d'art.  Elève  d'Alfred  Stevens,  admirateur  passionné^des  tableaux 
de  son  maître,  M.  de  Saint-Cyr  cherche  visiblement  i  se  rappro- 
cher le  plus  possible  de  ce  dernier.  Mise  en  pages,  sujets,  pro- 
cédés sont  directement  inspirés  par  lui,  et  il  n'est  pas  jusqu'à 
l'évolution  de  l'artiste  vers  les  OpMie  de  ces  derniers  temps  qui 
n'ait  sa  correspondance  en  l'élève. 

On  souhaiterait  voir  M.  de  Saint-Cyr  affirmer  une  (personnalité. 
On  voudrait  que  sa  main  s'affranchit  de  la  facture  sèche,  méticu- 
leuse, qui  emprisonne  sa  pensée.  Que  l'artiste  se  tourne  un  peu 
vers  ceux  qui  ont  fait  passer  dans  leurs  toiles  des  bouffées  d'air 
frais.  Les  admiratrices  de  Béraud  et  de  Van  Beers  le  regretteront 
peut-être  :  mais  le  peintre  ralliera  le  suffrage  des  artistes,  doni 
l'opinion  doit  lui  être  plus  précieuse. 

M.  Mignon,  qni  a  pris  part  à  un  grand  nombre  d'expositions, 
est  plus  connu.  Il  est  classé  parmi  les  sculpteurs  laborieux  et 
persévérants.  Son  Taureau,  son  Bœuf,  sa  Lionne,  son  Bison, 
sont  morceaux  robustes  et  de  belle  allure.  Quelques  bustes,  entre 
autre  celui  de  M.  Alfred  Verwée,  des  figurines  en  pied  et  une 
collection  de  types  de  soldats  de  l'armée  belge,  prestement 
exécutés,  complètent  son  envoi,  qui  ne  manque  ni  d'intérêt  ni  de 
variété.  Mais....? 


lies  représentations  d'Ernesto  Rossi. 

{Correspondance  pariiculiére  de  ("Art  moderne.) 

Toutes  les  échines  de  la  gent  mercantile,  plus  désespérément 
morose  et  calculante  depuis  que  s'y  étaient  accrochées,  si  pesam- 
ment! de  malencontreuses  et  poulpeuses  «  cëdulcs  »,  se  sont 
relevées.  Un  grand  vent  d'enthousiasme  souffle  impétueux  et 
imprévu.  Il  a  relevé  notre  courage  et  une  infinie  reconnaissance 
nous  est  au  cœur  pour  le  prodigieux  artiste  qui  nous  ranima. 

Rossi  triomphe,  à  Anvers,  et  l'Art  avec  lui  ! 

Tout  nous  semble  possible  maintenant;  cette  réussite  inat- 
tendue d'une  pure  manifestation  d'art  nous  déroule  au  point  de 
nous  sentir  capable  «  en  ce  momeni  »  d'excuses  au  public  que 
nons  avons  en  loute^occasions  si  joyeusement  malmené. 

El  ceci  peut  paraiftre  invraisemblable!  Mais  rien  plus  n'est 
invraisemblable,  ici,  depuis  que  l'on  peut  voir,  se  rendant  à  leurs 
affaires,  de  très  honnêtes  et  convenables  gens,  en  dépit  de  tout 
usage,  dévorer,  en  rue,  sur  les  plaies-formes  des  tramways,  les 
traductions  du  répertoire  shakespearien. 

Aux  trois  inoubliables  auditions  :  le  Roi  Lear,  Hamlet, 
Othello,  une  très  nombreuse  chambrée,  choisie,  recueillie,  accla- 
mait de  tout  son  cœur  cet  artisle-roi  qui  triomphait  en  dehors  de 


176 


L'ART  MODERNE 


la  langue  de  ses  audileur!<,  des  moyens  usités,  de  toute  flatterie  ^ 
leurs  goùis,  de  tout  et  puissant  cabotinage. 

Un  ardent  et  sympathique  artiste,  Frans  Gilten?,  avait  imaginé 
un  comité  composé  en  partie  d'hommes  officiels,  de  gens  du 
monde  et  d'un  très  éclectique  choix  d'artistes  qui  a  vaillamment 
travaillé  au  triomphe  de  Rossi.  D'aucuns  d'entre  eux  :  GiHens, 
Pol  de  Mont,  Cornette  expliquent  la  veille  des  spectacles,  en  des 
causeries  néerlandaises,  à  une  foule  qui  accourt  très  nombreuse, 
ces  grandioses  tragédies  de  Shakespeare. 

Ainsi  préparée,  celte  pariic  du  public  est  admirablement  atten- 
tive et  enihouslastc.  Quant  aux  quelques  jeunes  salonneux  qui 
devront  tout  au  moins  à  Rossi  de  ne  pas  ignorer  plus  longtemps 
l'existence  de  Shakespeare,  et  qui  s'amusaient  à  nos  côtés  de 
quelques  bribes  d'italien  qu'ils  équivoquaient  stupidement  ou 
iniempestivemcni  claquaient,  se  sont-ils  vus  rabroués  et  réduits 
au  silence  par  une  douz.iine  que  nous  étions,  dés  le  début,  déci- 
dés ^  faire  respecter  contre  toute  atteinte  l'Art  et  l'artiste  qui  nous 
apporte  les  plus  intenses  sensations  que  nous  ayons  jamais  res- 
senties au  théâtre. 

Macbeth,  Shytock  sont  ï  l'affiche!  Nous  supplions  ardemment 
pour  la  Mort  d'Ivan- le- Terrible  et  pour  une  seconde  du  Roi 
Lear.  V. 

PŒÎ'VXJE  DES  LIVIDES 

Le  Caire,  par  Emile  Minnaert.  —  Un  volume  in-18  de  336  pages 
avec  couverture  illustrée.  Bruxelles,  P.  Weissembruch,  1891. 

M.  Minnaert  vient  de  réunir  en  un  volume  1rs  divers  articles  sur 
le  Caire  qu'il  a  publiés  successivement  dans  la  Revue  de  Bel- 
gique au  cours  de  l'an  dernier,  et  dont  nous  avons  rendu  partiel- 
lement compte  dans  nos  numéros  des  19  janvier  et  6  avril  iS9ù. 
L'ouvrage  gagne  à  être  ainsi  présenté  dans  son  ensemble,  et  tel 
chapitre  qui,  pris  isolément,  paraissait  de  peu  d'iniérôi,  reprend, 
dans  le  livre,  son  importance  relative  et  contribue  à  la  fidélité  du 
tableau.  L'auteur  ne  s'est  pas  borné  à  la  description  extérieure 
des  rues  et  des  monuments.  Un  séjour  prolongé  dans  le  pays  lui 
a  permis  de  pénéircr  plus  profondément  son  sujet,  et  il  nous 
donne  sur  l'adminfblralion  de  la  justice,  pour  la  connaissance  de 
laquelle  il  était  bien  placé,  sur  l'éducation,  sur  la  vie  religieuse 
et  les  mœurs  intérieures  des  habitants,  des  renseignements  fort 
intéressants.  11  le  fait  en  ami  convaincu  de  l'Egypte  et  de  sa  civi- 
lisation, trouvant  que  tout  y  est  pour  le  mieux,  et  il  n'est  pas 
jusqu'aux  eunuques  sur  la  bienveillance  desquels  il  ne  verse  un 
pleur  d'attendrissement  ;  mais  on  est  lenlé  de  partager  ses  faiblesses 
pour  tout  ce  qui  est  purement  indigène,  par  l'agacement  que  pro- 
cure le  spectacle  des  Anglais,  venus  là  sous  prétexte  de  maintenir 
en  tranquillité  le  peuple  le  plus  tranquille  de  l'Orient,  et  qui  pré- 
tendent, en  dépit  de  la  différence  des  habitudes  et  du  climat,  lui 
intposcr  le  ridicule  de  leurs  importations  de  tous  genres.  Conçu 
dans  un  esprit  dégagé  de  tout  préjugé  européen,  le  livre  de 
M.  Minnaert  sera  un  excellent  guide  pour  ceux  qui  voudront 
étudier  ce  curieux  pays,  et  il  les  prémunira  contre  les  dédains 
que,  trop  facilement,  on  déverse  sur  ce  que  l'on  ne  comprend  pas. 

Projet  d'an  catalogue  Idéologique  (realcatalog)  des 
périodiques,  par  M.  F.  Nizet.  —  Bruxelles,  Vanbu(fi?enhout, 
1891,  26  pages  in-S". 

Nous  avons  signalé  naguère  une  intéressante  notice  de  M.  Nizet 
sur  les  catalogues  de  bibliothèques  publiques.  Au  lieu  de  cata- 
logues tels  qu'ils  ont  été  formés  jusqu'ici,  l'auteur  préconisait  le 


cataloge  idéologique,  indiquant  chaque  ouvrage  d'après  l'id/e  qui 
s'y  trouve  développée.  Il  a  ensuite  démontré  l'ulililé  pratique  de 
cette  innovation  en  publiant,  comme  exemple  de  cet  ingénieux 
caialoguement,  ses  Notet  bibliographiques  sur  les  habitatiovs 
ouvriires  et  le  grisou;  d'après  ce  modèle,  faisait  remarquer 
M.  NIzel,  «  on  pourrait  dresser  pour  toutes  les  matières  imagi- 
nables des  bibliographies  absolument  complètes  qui  ne  laisse- 
raient pas  une  idée  dans  l'ombre,  pas  un  pouce  de  terrain  sans 
culture  dans  le  champ  de  la  pensée  humaine  ». 

Aujourd'hui,  dans  sa  nouvelle  brochure,  il  fait  le  dépouillement 
de  quatorze  revues  pour  janvier  1891  seulement  :  ce  spécimen  de 
catalogue  idéologique  relève  pour  ce  seul  mois  plus  de  sept  cents 
sujets  :  «  Multipliez,  dit  M.  Nizet,  sept  cents  par  douze,  vous 
aurez  le  produit  d'une  année,  soit  huit  mille  quatre  cents  sujets. 
Si,  au  lieu  de  vous  borner  à  quatorze  revues,  vous  opérez  sur 
tous  les  périodiques  du  monde  entier,  vous  a^^iverez  ii  des  chif- 
fres vertigineux.  Cela  est  vaste,  mais  n'excède  pas  les  énergies 
humaines  ».  On  ne  peut  assez  applaudir  i  la  réforme  imaginée 
par  M.  Nizet  :  travail  fécond,  qui,  en  facilitant  les  recherches, 
empêcherait  l'immense  trésor  intellectuel,  enfoui  au  fond  des 
revues,  de  se  perdre. 


EXPOSITION  DE  PUBLICITÉ 

Une  très  intéressante  exposition  s'est  ouverte  cette  semaine  à 
Paris,  proche  le  Salon  du  Champs-de-Mars.  Il  s'agit  de  la  publi- 
cité dans  toutes  ses  manifestations  :  journaux,  revues,  affiches, 
réclames,  annonces.  L'idée  est  ingénieuse,  et  la  réalisation  est 
amusante.  Les  affiches  américaines  et  anglaises  abondent;  la 
montre  Waterbury  sévit  avec  intensité  en  des  veinms  de  dimen- 
sions colossales  ;  le  Pear's  Soap  aligne  en  bataille  son  musée  de 
chromos  ;  le  France  Champagne,  non  content  de  s'annoncer  en 
de  gracieuses  affiches  couleur  de  soleil,  emplissait,  le  jour  de 
l'ouverture,  les  coupes  de  cristal  généreusement  distribuées  aux 
visiteurs.  Quant  aux  journaux,  ils  sont  légion,  ils  sont  multitude. 
La  France,  la  Belgique,  la  Hollande,  l'Allemagne,  la  Russie, 
l'Amérique,  ont  délégué  leurs  périodiques,  depuis  les  plus  graves 
((  officiels  «jusqu'aux  feuilles  les  plus  folâtres,  jusqu'aux  organes 
spéciaux  de  colombophilie,  de  vélocipédie,  d'apiculture  et  de 
gymnastique.  Ce  que  consomme  de  papier  et  d'encre  la  Presse 
insatiable!... 

L'Exposition  de  publicité,  organisée  pa^  M.  Bell,  a  trouvé  en 
M.  Paul  Patié  O'Brien,  notre  confrère  de  l'Echo  de  Paris,  un 
secrétaire  général  des  plus  dévoués.  Grâce  à  lui,  le  Salon  de  la 
Publicité  revêtira  bientôt  un  caractère  artistique  des  plus  curieux. 
H.  Chaix  lui  a  promis  la  collection  complète  des  affiches  de  Ché- 
ret,  et  Dieu  sait  si  cette  collection  est  actuellement  haut  cotée  chez 
tous  les  Sagot,  les  Bailly  et  autres  marchands  d'estampes  et  de 
livres  ! 

La  Chine,  le  Japon,  en  retard  (c'est  excusable  I),  enverront  sous 
peu  leurs  gazettes.  L'Amérique  complétera  ses  réclames  extraordi- 
naires. La  publicité  ambulante  :  pouss-pouss,  hommes-sandwichs, 
transparents  lumineux,  achèvera  de  donner  à  l'ensemble  un 
caractère  ultra  XX'  siècle.  En  attendant,  quelque  trois  ou  quatre 
mille  journaux,  soigneusement  rangés  sur  des  tables  ou  retenus 
aux  murailles  par  les  hampes  traditionnelles,  amusent  les  visi- 
teurs. 


■     ■r'X  2r^V\'K 


L'ART  MODERNE 


177 


Petite  chro;<ique 


Le  Cercle  des  Ans  et  de  la  Preue  vienl  d'ouvrir  au  Mu^  sa 
deuxième  exposition  annuelle.  Nous  en  parlerons  dans  notre  pro- 
chain nninéro,  qui  contiendra  dgalemcnl  un  cbmpie-rendu  de 
l'Exposition  des  peintres  allemands  actuellement  ouverte  à  Lon- 
dres. 

Rossi  joue  en  ce  moment,  à  Anvers,  devant  des  salles  pleines. 
(Voir  la  lettre  de  notre  correspondant  particulier.)  Quelle  humilia- 
tion pour  les  Bruxellois  1  Quel  honneur  pour  les  Anversois  I 

A  Bruxelles,  grande  différence  entre  les  représentations  de  cette 
année  et  celles  d'il  y  a  quinte  ans.  Alors  les  places  à  bon  marché 
étaient  remplies,  jeunes  gens,  petits  bourgeois,  ouvriers.  Cette 
année,  elles  sont  restées  vides.  Presque  tous  les  étudiants,  deux 
mille  au  moins  (universités,  athénées,  écoles  spéciales),  se  sont 
abstenus. 

Il  est  vrai  qu'on  joue  cent-cinquante  fois  la  revue  Bruxelles- 
Haut-Congo  devant  nne  ialle  comble. 

Un  joli  incident  à  la  gare  de  Louvain,  le  soir,  quand  les  étu- 
diants y  ont  fait  une  ovation  formidable  au  comte  de  Mun,  après 
sa  conférence  ouvrière.  Les  hourrahs  éclataient  à  l'entrée  du  train 
en  gare,  tellement  que  les  voyageurs  se  précipitaient  aux  por- 
tières. Une  dame,  seule,  ouvre  la  glace  avec  fièvre  et  demande 
anxieusement  en  se  penchant  :  «  Qu'y  a-l-il  ?  Qu'y  a-t-il?  »  «  Ce 
n'est  rien,  Madame,  répond  un  quidam  qui  se  trouvait  devant  le 
wagon,  c'est  un  orateur  socialiste  qu'on  acclame.  » 

Le  Congrès  archéologique  et  historique  qui  doit  se  réunir  à 
Bruxelles  du  3  au  7  août  prochain  s'annonce  sous  les  meilleurs 
auspices  :  quatre-vingt-dix-sept  académies,  instituts,  sociétés  et 
cercles  tant  de  Belgique  que  d'Allemagne,  de  France,  du  Luxem- 
bourg et  des  Pays-Bas,  enverront  des  délégués  au  Congrès  et  cinq 
cent  cinquante-deux  adhésions  sont  dès  à  présent  parvenues  au 
comité  général  d'organisation. 

Des  excursions  auront  lieu  à  Louvain,  i,  Tirlemont,  à  Diest, 
dans  les  stations  des  Ages  paléolithiques  et  néolithiques  des  envi- 
rons de  Mons,  à  Nivelles  et  à  l'abbaye  de  Villers. 

Ajoutons  que  de  brillantes  réceptions  seront  organisées  en 
l'honneur  des  congresSisles  et  que  dès  à  présent  il  est  question 
d'un  concert  de  musique  historique  qui  permettrait  de  leur  faire 
connaître  les  merveilles  du  Musée  instrumental  de  notre  Conser- 
vatoire. 

La  Société  de  musique  de  Mons,  dont  la  création  est  duc  à 
M.  Camille  Gurickx,  vient  de  donner  son  dernier  concert. 

Au  programme  figuraient  plusieurs  chœurs,  dont  l'exécution  a 
été  des  plus  remarquables  :  Le  chœur  des  Vendanges,  de  Haydn 
[les  Saisons),  VAve  Verum,  de  Mozart,  la  Toute- Puissance  de 
Schubert  (transcription  de  M.  Michotle),  la  Chanson  du  Orand- 
Père  et  la  Chanson  d^ Ancêtre,  de  SaintSaëns,  les  Bohémiens,  de 
Schumann.  Solistes  :  M""  Houzcau,  MM.  Achille  Tondeur,  E.  Preu- 
monl  et  Uufrasne. 

La  Société  compte  mettre  prochainement  i  l'étude,  pour  la 
prochaine  saison,  la  Nuit  de  Walpurgis,  de  Mendelssohli. 
'    La  ville  de  Mons  conquiert  d'ailleurs  brillamment  sa  place 
parmi  les  cités  artistiques.  M"*  Louise  Luyckx,  pianiste  distin- 


guée, y  a  fondé  une  société  de  musique  de  chambre  qui  a  donné 
cette  année  trois  auditions  des  plus  intéressantes. 

La  dernière  soirée  était  exclusivement  consacrée  à  Beethoven. 
On  y  a  entendu  le  trio  en  ut  mineur,  la  sonate  pour  piano  et  vio- 
loncelle op.  69,  et  le  trio  en  n  bémol  op.  97. 

«  Les  honneurs  de  cette  soirée  reviennent,  dit  le  Journal  de 
Mons,  à  M.  Camille  Gurickx  :  il  interprète  Beethoven  dans  la  per- 
fection. Ce  n'est  plus  le  virtuose  ne  visant  qu'il  l'effet,  c'est  l'ar- 
tiste qui  donne  tout  ce  qu'il  possède  d'aptitudes,  dont  tous  les 
efforts  tendent  à  donner  aux  auditeurs  l'expression  la  plus  exacte 
des  sentiments  ressentis  par  l'auteur  en  créant  son  œuvre.  Gurickx 
est  d'ailleurs  un  pianiste  modèle,  classique  par  dessus  tout,  c'est 
le  type  absolu  du  virtuose  professeur;  il  n'est  pas  de  telle  ou 
telle  école,  il  est  simplement  de  la  bonne  école,  de  celle-là  qui 
crée  les  vrais  artistes  aimant  l'art  pour  sa  beauté  et  sa  grandeur 
et  non  parce  qu'il  peut  devenir  la  source  de  profits  et  d'avantages 
de  tout  genre.  » 

M.  Gurickx  avait  pour  partenaires  MM.  Vivien  et  Ed.  Jacobs, 
qui  ont  été  les  interprètes  scrupuleux  de  la  pensée  du  Maître. 


L'Association  des  Artistes-Musiciens  de  Tournai  donne 
aujourd'hui  son  deuxième  grand  concert  sous  la  direction  de 
M.  Leenders,  directeur  de  l'Académie  de  musique. 

Au  programme,  diverses  compositions  de  M.  Joseph  Mertens  : 
l'ouverture  du  Capitaine  Robert,  un  air  de  Liederick,  la  valse 
A  la  vaprée,  deux  lieds,  dont  l'un  avec  violon  solo  et  piano, 
l'autre  avec  orchestre;  puis  la  suite  d'orchestre  tirée  de  Milenka, 
par  J.  Blockx;  le  concerto  de  Grieg  pour  piano  et  orchestre,  joué 
par  M"*  Folvillc,  qui  figure  également  au  programme  comme 
violoniste  et  comme  [compositeur,  une  Marche  nuptiale  de 
Hutoy,  etc.  Les  solistes  sont,  outre  M'"  Foiville,  M"«  B.  Chainaye 
et  M.  Noté.  

Le  47  de  ce  mois,  nous  écrit  un  correspondant,  nous  avons  eu 
la  fortuite  occasion  d'assister  à  une  féie,  qui,  à  cause  de  son 
caractère  profondément  artiste,  mérite  d'être  notée  :  la  repré- 
sentation de  Polyeucte,  joué,  i  l'occasion  du  cinquantenaire  du 
Collège  Notre-Dame  à  Anvers,  par  d'anciens  élèves  de  cet  établis- 
sement. «  A  mon  gré,  disait  P.  Corneille,  je  n'ai  point  fait  de 
pièce  où  l'ordre  du  théâtre  soit  plus  beau.  »  L'œuvre  préférée 
du  grand  tragique  a  eu  une  interprétation  digne  d'elle.  Sous  le 
rapport  tant  de  l'ensemble  que  de  l'exaclilude  des  costumes,  nous 
n'avons  jamais  vu  représenter  Polyeucte  dans  des  conditions 
aussi  parfaites.  A  cet  effort,  nous  applaudirions  sans  réserves,  si 
l'on  n'avait  pas  fait  aux  goûts  de  la  foule  la  concession  d'entre- 
couper l'admirable  simplicité  de  la  tragédie  par  des  entr'actes 
extraits  de  la  partition  de  M.  Charles  Gounod. 

Salle  comble  chaque  soir  au  théâtre  de  l'Avenir  dramatique, 
où  Un  Mâle,  de  Camille  Lcmonnier,  J.  Dubois  et  A.  Bahier 
obtient  le  plus  grand  succès. 

La  presse  entière  a  été  unanime  à  constater  l'excellence  de  l'in- 
terprétation de  Un  Mâle  au  théâtre  de  l'Avenir  dramatique. 

Sans  parler  des  artistes  qui  déjà  s'étaient  acquis  une  haute 
notoriété,  sans  parler  de  M""  Hcrdiès  â  qui  l'œuvre  a  suffi  pour 
se  révéler  comédienne  de  haute  race,  ceux  auxquels  ont  élé 
confiés  les  rôles  épisodiques,  M""  Lecomte  et  Gay,  Célina  et 
Gadelette;  MM.  Lagrange,  Roche  et  Chalande  tiennent  leur 
emploi  avec  une  rare  intelligence  et  prouvent  un  talent  qui 
n'attendait  qu'une  occasion  de  s'affirmer. 


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DiMANCHB  7  Juin  18Ô1. 


MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


RIVDB  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTERATURE 

â../ 

Comité  de  rédaction  i  Octatb  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Ëkilk  VERHAEREN 


ABOmrXmNTB  :    Belgique,  un  ao,   fr.   10.00;  Union  postale,   fr.    13.00.    —  ANMONOSS  :    On  traite  i  forfait. 

Adretter  toute»  les  communicationt  à 
l'adhimistratiom  oén«ralb  de  l^Art  Moderne,  me  de  rindnstHe,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


«  NUJ.  Ho*N  <•   AD  TBiATSK-LiBBS.  —  lOtU   D'UH  BOUmOBOIS  SDB 

{.'AmoBiTacnniB.  —  Ad  Cbbclb  dis  kxn  sr  db  la  Paass*.  — 
L'xNasHuaiaNT  on  arts  indusiuuls.  —  Au  Pauus  dis  Asts 

UBÉRAUZ.    —  PeTJTI  CBBONIQUE. 


«  ML  HORH  ))  an  Mtre-Lilire 

Le  Bilatéral,  Marc  Fane  et  la  Légende  Sceptique 
avaient  placé  très  haut  M.  J.-H.  Rosnjr  dans  la  littéra- 
ture contemporaine  et,  récemment  encore,  Daniel  Val- 
graive  qu'il  signa  avec  son  frère,  M.  Justin  Kosny,  a 
complété  la  belle  réputation  de  l'un  et  établi  du  premier 
coup  celle  de  l'autre  à  un  point  d'extrême  considéra- 
tioD.  On  était  donc  un  peu  en  droit  d'attendre  beaucoup 
de  Nell  Hom  et  l'attente  a  été,  je  ne  dirai  pas  déçue, 
mais  surprise,  car  la  pièce,  qui  a  des  qualités,  déconcerte 
par  ses  qualités  mêmes  auxquelles  on  n'était  point  pré- 
paré. 

n  est  toujours  assez  dangereux  pour  un  écrivain  de 
former  à  l'improviste  une  idée  de  lui  que  l'on  n'avait 
pas.  M.c^Rosnj  était  considéré  comme  un  génie  patient 
et  ibrt,  d'une  belle  logique  et  de  nuances  très  fines  et  il 
apparaît  en  sa  première  tentative  au  Uiéfttre  comme 
^hs  d'une  sorte  d'art  populaire  et  brusque,  dur  et  cru. 


Je  ne  veux  pas  parler  du  roman  d'où  le  drame  est 
tiré  ;  il  est  fort  beau  et  sert  de  dessous  et  de  texte  expli- 
catif à  la  pièce  qui  en  est  une  illustration  brutale  et 
très  vive,  par  tableaux  sommaires  dont  le  détail  exact, 
le  trait  net,  la  couleur  ont  charmé  tous  les  Londoni- 
sants.  M.  Raffaëlli  qui  a  fréquenté  les  paysages  de  Lon 
dres  et  de  la  Tamise  et  qui  a  peint  du  peuple  anglais  et 
des  Salutistes  des  types  variés  et  sûrs,  s'en  disait  ravi  et 
garantissait  l'authenticité  de  la  mise  en  scène. 

Nous  sommeç  loin,  en  ces  tableaux  tristes  et  violents 
de  MM.  Rosny,  des  anglomanies  frivoles  de  M.  Bourget 
et  nous  ne  nous  en  plaignons  pas  trop.  J'aime  mieux 
l'heure  du  gin  que  l'heure  du  thé,  et  les  Salutistes  mina- 
bles et  exaltés  me  plaisent  mieux  que  les  ladies  et  les 
clubmen. 

La  pièce  est  toute  en  action  et  d'une  action  violente 
au  possible  par  endroits.  Les  personnages  parlent  peu 
et  à  peine  commentent-ils  leurs  actes  et  ce  qu'ils  disent 
pourrait  s'inscrire  sur  de  flottantes  banderoles  qui  leur 
sortiraient  de  la  bouche  pour  représenter  leurs  paroles. 
Je  veux  dire  par  là  que  la  pièce  a  quelque  chose  de  naïf 
et  de  fruste  comme  une  imagerie  très  attirante,  une 
sorte  de  lanterne  magique,  rapide  et  colorée. 

Les  personnages  sont  ou  extatiques  ou  injurieux  ;  ils 
prient  ou  ils  sacrent.  Parfois  ce  sont  de  simples  sil- 
houettes qui  traversent  la  scène  à  des  moments  où  leur 


■  ■»crv;  .'.    :T:tFi^'Y!ii»fi!lâ 


180 


L'ART  MODERNE 


présence  est  assez  décisive  pour  qu'ils  participent  au 
drame  en  tant  qu'épisodes  ou  solutions.  Tels  les  orateurs 
qui  parlent  durant  la  scène  du  meeting  ou  le  Vieux 
dont  l'apparition  détermine  le  dénouement. 

Le  premier  tableau,  une  scène  d'ivrognerie  et  de  coups 
dans  une  maison  où  habite  le  policeman  Hom,  est  sai- 
sissant. Il  y  a  des  cris,  des  chutes  de  corps,  des  femmes 
qui  appellent  aux  secours  par  la  fenêtre.  Il  y  a  là  du 
guignol  tragique  très  particulier  qui  n'est  point  sans 
force. 

La  scène  du  meeting  est  amusante,  très  vive.  Les 
harangues  se  succèdent  à  travers  les  applaudissements 
et  les  sifflets. 

L'Armée  du  Salut  arrive,  bannières  déployées  et 
musique  sonnante,  avec  ses  pancartes  apostoliques,/ 
et  ce  sont  les  confessions  publiques  des  convertis,^ 
et  parmi  les  clameurs,  au  dessus  du  ridicule  de  l'exhi- 
bition, planent  le  nom  du  Christ,  la  promesse  salva- 
trice à  ceux  qui  pleurent,  la  pitié  offerte  à  ceux  qui 
souffrent,  l'issue  proposée  à  ceux  qui  errent  et  qu'entend 
une  isolée,  une  misérable,  la  pauvre  Nell  ! 

Il  ne  faudrait  pas  croire  que  tout  est  gestes,  actions 
dans  la  pièce.  Il  y  a  aussi  de  nobles  paroles.  Ce  que  dit 
avant  de  mourir  le  lieutenant  Willis  est  d'une  élo- 
quence fiévreuse  et  d'une  haute  solennité,  mais  tout 
cela  a  été  bien  mal  compris  du  public.  Il  y  a  trouvé  je 
ne  sais  quoi  de  «  calotin  »  qui  lui  a  déplu,  et  il  a  été 
dérouté  par  le  manque  d'explications,  le  laconisme, 
l'abondance  des  faits. 

Dans  le  théâtre  actuel,  on  disserte  plus  qu'on  n'agit  ; 
ici  on  agit  plus  qu'on  ne  disserte  et  on  agit  peut-être 
plus  qu'il  ne  faudrait. 

En  somme,  on  n'a  pas  regardé  dans  la  pièce  ce  qui  y 
était,  on  s'est  plutôt  préoccupé  de  ce  qui  y  manquait  ; 
en  tous  cas  le  public  n'a  pas  eu  un  sens  très  particulier 
d'une  sorte  d'art  qui  est  prompt,  très  vivant  et  popu- 
laire. 

Henry  de  Régnier. 


Idées  d'un  bourgeois  sur  l'Architecture 

Recueillies  par  Edmond  Cattikr.   —  Bruielles,  J.  Lebègue  et  C'«. 
Un  vol.  illustré,  de  242  pages. 

Quelle  peut  donc  bien  ^tre  la  raison  de  la  haine  que  M.  Callier 
a  vouée  aux  architectes?  Il  nous  souvient  que,  lors  des  expositions 
d'architecture  de  i883  et  1886,  la  Oazetle  publiait  des  comptes- 
rendus  où  cet  esprit  de  dénigrement  systématique  se  faisait  déjà 
jour;  dans  son  volume  paru  récemment,  M.  Cattier  donne  libre 
cours  à  sa  mauvaise  humeur,  déversant  sur  tous  les  membres  de 
la  corporation  une  hotlée  d'appréciations  et  d'insinuations  fort 
désagréables. 

A  dire  vrai,  ce  réquisitoire  n'occupe  qu'une  faible  partie  de 
l'ouvrage,  quarante  pages  environ,  mais  afin  de  composer  un 
volume  d'une  épaisseur  convenable,   l'auteur  a   jugé  bon  d'y 


joindre  une  compilation  de  deux  cents  piges  empruntées  ii 
V Histoire  de  l'Art  monumental  de  Batissier/aux  Entretient  iur 
r architecture  de  Vio!le(-le-Due,  I  la  OramtMtre  des  Arts  du 
dfuin  de  Ch.  Blanc,  au  Dictionnaire  de  l'arehiteeture  de  Viollei- 
le-Duc,  etc....  Il  remonle  jusqu'aux  Egyptiens,  en  invoquant  leur 
religion,  leurs  temples,  les  pyramides,  pour  arriver  k  prouver  que 
toutes  nos  maisons  sont  ridicules  ei  mal  construites  et  que  les 
architectes  modernes  sont  des  Anes. 

Le  ton  agressif  qui  marque  chaque  ligne  des  Id^  (fun  bour- 
geois n'est  guère  i  sa  place  dans  un  livre  destiné  à  élucider  des 
questions  d'esthétique.  De  plus,  en  rendant  les  architectes 
responsables  des  malfaçons  de  quelques  maçons  ignorants,  il  s'est 
fait  l'écho  de  préjugés  malveillants.  Les  effets  de  ce  pamphlet  ne 
se  sont  pas  fait  attendra.  Dans  une  récente  séance  du  conseil 
communal  de  Bruxelles,  un  membre  a  affirmé  que  la  Vine  a  tou- 
jours été  volée  par  les  architectes;  un  autre  a  proposé  de  faire 
une  saisie  de  leurs  biens,  meubles  et  immeubles,  pour  payer  les 
dépenses  supplémentaires  (très  souvent  provoquées  par  l'Admi- 
nistration elle-même). 

Nous  aurions  fort  à  faire  si  nous  devions  relever  toutes  les 
inexactitudes  dont  est  émaillé  l'ouvrage  de  M.  Cattier;  mais  il  en 
est  quelques-unes  qui  dépassent  les  bornes.  Que  l'auteur  visite, 
pris  au  hasard,  quelques  hôtels  ou  maisons  élevés  par  des  archi- 
tectes tels  que  MM.  Beyaert,  Hendrickx,  Janlet,  Acker,  Haquet, 
Van  Humbeeck,  Janssens,  Brunfaut,  Samyn,  Bosmans,  etc....  et 
nous  le  mettons  au  défi  d'y  trouver  cette  absence  de  stabilité, 
cette  fureur  d'ornementation  et  cette  kyrielle  de  nuisances,  tuyaux 
crevés  dans  les  murs,  toits  laissant  passer  l'eau,  caves' chaudes, 
murailles  salpétrées,  cuisines  sans  oxygène,  dégagements  distri- 
buant l'odeur  des  égoùts!...  Qu'il  se  rende  dans  la  plupart  des 
bureaux  d'architectes,  et  lorsqu'il  aura  consulté  les  dossiers  de 
dessins  et  constaté  de  visu  la  façon  très  poussée  avec  laquelle 
sont  étudiés  tous  les  détails  d'une  construction,  il  sera  contraint 
de  rétracter  cette  affirmation,  lancée  i  la  légère,  que  a  nos  archi- 
tectes »  commencent  k  b&tir  d'après  des  plans  approximatifs, 
«  quittes  k  tourner  les  difficultés  lorsqu'elles  se  présentent  pen- 
dant la  construction  n,  idée  erronée  sur  laquelle  il  insiste  lorsqu'il 
dit  plus  loin  :  a  ce  devrait  être  une  règle  de  ne  jamais  entamer 
une  construction  avant  d'en  posséder  les  plans  complets, 
détaillés,  etc » 

Nouvelle  erreur  lorsque  M.  Cattier  affirme  que  dans  les  construc- 
tions «  on  engloutit  un  cube  de  pierres  trois  ou  quatre  fois  plus 
fort  (!!)  qu'il  ne  faut  »;  les  travaux  en  Belgique  se  font  depuis 
longtemps  il  un  prix  si  dérisoirement  bas,  qu'il  existe,  au  con- 
traire, chez  tous  les  architectes,  une  préoccupation  constante  de 
réaliser  leurs  profils  avec  des  sections  de  pierres 'fhif><m«;  c'est 
aussi  une  tradition  professionnelle  de  faire  tailler  les  pierres  !i  la 
carrière,  et  quoiqu'en  dise  N.  Cattier,  de  les  faire  poser  toutes 
terminées;  exception  n'est  faite  que  pour  les  pierres  tendres  fran- 
çaises, dont  les  arêtes  friables  ne  résisteraient  pas  aux  transbor- 
dements et  déchargements  successifs  avant  la  mise  en  place. 

L'auteur  accuse  les  architectes  d'être  des  ignorants  et  de  mauvais 
constructeurs,  parce  qu'entre  autres  choses  ils  n'exécutent  plus, 
comme  au  Moyen-âge,  les  planchers,  poutres  et  escaliers  en  chine 
apparent  et  qu'ils  les  réalisent  avec  du  sapin  médiocre  dissimulé 
par  des  plafonds  plitrés;  la  seule  raison  qui  les  fasse  agir  d'une 
façon  aussi  contraire  à  leurs  goûts  d'artistes,  c'est  la  somme 
minime  mise  k  leur  disposition  et  qui  les  contraint  k  l'emploi  forcé 
du  simili.  Trois  exemples  convaincants  :  une  marche  d'escalier  en 


L'ART  MODERNE 


181 


sapineoloriëcofti«  7  francs,  tandis  qu'elle  vaut  40  francs  en  chêne  ; 
un  plafond  ordinaire  (gtles  ei  planches  en  sapin,  plafond  plâtré  et 
peint),  coûte  9  franc»  le  mètre  carré,  et,  en  bois  apparent,  50  francs  ; 
des  lambris  h  moulures  clouées  peuvent  élre  estimés  de  6  à 
8  francs  le  mètre  courant,  et,  en  chêne,  de  4S  ii  60  francs,  eic... 
En  appllqaant  les  principes  de  aineérité  dans  la  construction,  une 
maison  bourgeoise  de  40  ii  S0,000  francs  vaudrait,  même  conçue 
dans  des  données  très  sobres,  une  centaine  de  mille  francs.  L'ar- 
chitecte n'a  souvent  qu'un  désir,  c'est  de  dire  à  son  client  :  «  Don- 
nez-moi de  l'argent,  et  je  vous  ferai  du  vrai  et  du  sérieux  au  lieu 
du  iimiU  et  du  toc  »,  et  presque  toujours  le  cÙcni  réduit  le  devis 
de  moitié  au  lieu  de  donner  la  somme  nécessaire.  Il  y  a  cepen- 
dant des  exceptions,  et  alors  l'œuvre  produite  réalise  les  desiderata 
du  client,'  de  l'architecte  et  du  visiteur  ;  témoin  bon  nombre  de 
maisons  et  d'hôtels,  quelques  châteaux,  ceux  de  Faulx  et  de 
Jodoigne  entre  autres,  certaines  villas  à  Hiddelkerke  et  toute  une 
série  de  monuments  dignes  d'examen  :  le  Palais  des  Beaux-Arts, 
les  hôtels  communaux  de  Borgerhout  et  de  Cureghem,  le  Palais 
de  Justice  de  Malines,  la  basilique  du  Sacré-Cœur  ii  Anvers, 
l'église  de  Tombes ,  l'hospice  de  Bruges ,  l'entrepôt  de  Tour- 
nai, etc...,  autant  de  preuves  tangibles  du  mérite  des  architectes 
belges. 

Nous  avons,  au  début,  fait  deux  parts  de  l'ouvrage  que  nous 
examinons,  et  nous  sommes  frappés,  arrivé  à  la  dernière  page, 
de  la  flagrante  contradiction  qui  surgit  entre  les  arguments  histo- 
riques ou  archéologiques  invoqués  et  les  critiques  déductives  que 
l'auteur  en  prétend  tirer  :  i  toutes  les  époques  de  l'histoire  de 
l'art,  i'ornementation  et  le  décor,  encore  que  très  intimement 
liés  ft  la  construction,  ont  toujours  été  un  vêtement  plus  ou 
moins  riche  recouvrant  la  sèche  ossature  d'un  édifice.  M.  Cattier 
semble  l'oublier,  car  pour  les  constructions  modernes  il  demande 
que  l'on  ne  fasse  voir  que  les  éléments  d'ulilliés  d'un  édifice,  le 
squelette  en  un  mot  ;  dans  une  locomotive,  dit-il,  la  forme  des 
divers  éléments  résulte  des  fonctions  à  remplir  et  de  l'effort  à 
produire,  hors  de  là  tout  serait  parasite.  Et  appliquant  ce  miri- 
fique exemple  i  l'architecture,  il  cite  comme  modèle  i  suivre  par 
nos  architectes  un  atelier  (^imprimerie  (W.)  de  la  rue  Nuit-et- 
Jour,  fort  bien  construit,  nous  le  voulons  bien,  mais  ne  présen- 
tant d'autre  intérêt  que  de  grandes  ouvertures  dans  les  murs  et 
quelques  poutrelles  apparentes  :  ce  n'est  donc  que  de  la  bâtisse, 
chère  aux  ingénieurs,  et  non  de  l'archilecturc. 

La  nuance,  qui  n'est  peut-être  pas  saisissable  pour  l'auteur 
des  Idée*  d'un  bourgeoit,  est  énorme  cependant;  mais  peut  être 
pour  les  œuvres  architecturales,  pas  plus  que  pour  les  drames  de 
Wagner  et  les  leprésenlations  des  Meininger,  M.  Cattier  n'a-t-il 
la  notion  ni  la  compréhension  du  côté  artistique  des  choses. 
Parlez-lui  de  résistance  à  l'écrasement,  de  moment  de  rupture, 
de  force  motrice  ou  de  boulons  d'un  longeron  ;  mais  n'essayez 
pas  de  le  convaincre  de  l'imprévu  d'un  pignon  de  la  Renaissance, 
du  charme  d'un  décor  italien,  de  la  puissante  grandeur  du  duo 
de  Woian  et  d'Erda  ou  du  goût  déployé  dans  la  mise  en  scène  du 
Marchand  de  Venise. 

La  presse  quotidienne,  sans  examiner  les  Idées  d'un  bourgeois 
par  le  menu,  a  fait  un  bruyant  succès  au  volume  d'un  confrère  ; 
nous  devions,  nous,  au  public  artiste^'analyser  de  plus  près  cette 
œuvre  qui  a  quelque  peu  ému  les'artisles  violemment  pris  à 
partie,  et  de  mettre  nos  lecteurs  en  garde  contre  les  raisonne- 
ments faux  et  les  déductions  illogiques  du  «  Bourgeois  »  dont 
M.  Cattier  a  trop  pieusement  recueilli  les  airs. 


AU  CERCLE  DBS  ARTS  ET  DE  LA  PRESSE 

Dans  les  galeries  solitaires  du  Musée,  la  chaleur  toml)e,  lourde. 
Les  toiles  pleurent  des  gouttes  d'huile.  Gargaro,  huissier  de  salle, 
sommeille  sur  le  pouf  central,  à  l'ombre  du  palmier  traditionnel. 
Léger  bruit  de  feuillage  froissé.  Dans  le  grand  silence,  la  voix  du  pal- 
mier : 

Le  Palmier. 

Eh  !  bien,  mon  vieux  Gargaro,  ne  commencez-vous  pas  à  en 
avoir  assez,  de  ces  expositions  ? 

Gargaro. 
Le  fait  est,  Mossiou  l'arbre,  que  c'est  bigrement  toujours  la 
même  chose. 

Le  Palmier. 
En  avons-nous  vu  défiler,  depuis  six  mois,  des  tableaux!  Ceux 
du   Voorwaarts,  des  Aquarellistes,  de  rExposIlion  Artan-Bou- 
lenger-Dubois,  des  XX... 

Gargaro. 
Ah!  du  moins  ceux-là  attirent  du  monde!... 

Le  Palmier. 
...  de  l'Essor,  de  l'Union  des  Arts  décoratifs,  du  Cercle  des 
A  ris  et  de  la  Presse,  sans  compter  le  Cercle  artistique,  l'Expo- 
sition Verslraete,  l'Exposition  de  Saint-Cyr...  Est-ce  que  cela  vous 
intéresse  beaucoup,  toute  cette  peinture? 
Gargaro. 
Ma  foi,  Mossiou,  je  regarde  plus  volontiers  les  petites  femmes 
qui  entrent  que  les  cadres. 

Le  Palmier. 
El  vous  avez  raison.  Frotter  sur  ces  bonnes  toiles  neuves  toutes 
ces  couleurs  sales,  recommencer  tout  le  temps  le  «  Coin  de 
forêt  »,  le  «  Coucher  de  soleil  »,  le  fastidieux  «  Printemps  », 
l'exaspérant  «  Moulin  à  vent  »,  cela  devient  crispant,  à  la  fin  !  11 
y  en  a  assez!  11  y  en  a  trop!  Tenez,  est-ce  que  cela  ne  vous 
dégoûte  pas  que  ces  jeunes  gens  :  Baerisoen,  KUstohs  et  autres 
s'attellent  à  la  méchante  besogne  d'imiter  Courlens,  au  lieu  d'être 

eux-mêmes? 

Gargaro. 

J'ai  entendu  dire  par  des  Mossious  qu'ils  avaient  du  talent. 

Le  Palmier. 

Sans  doute,  ils  en  ont!  Hais  pourquoi  singer  autrui  ?  Regardez. 

C'est  la  couleur  métallique  de  Courions,  ce  sont  ses  maçonnages 

inutiles.  Cela  est  opaque.  Cela  manque  d'air.  Cela  fait  penser  à 

la  palette,  et  pas  du  tout  à  la  nature. 

Gargaro. 

Mossiou  Courlens  ne  doit  plus  beaucoup  aimer  sa  peinture, 

puisqu'il  a  imité  la  manière  de  Mossiou  Heymans  dans  son  tableau 

de  l'Escaut. 

Le  Palmier. 

M.  Heymans!  A  la  bonne  heure!  Du  moius  celui-là  est  per- 
sonnel et  hardi.  Il  n'a  pas  eu  peur,  lui,  de  faire  autrement  que 
ceux  de  son  époque,  et  de  marcher  de  l'avant,  avec  les  jeunes, 
tandis  que  les  autres...  Voyez  Coosemans,  Ter  Linden,  les  frères 
Oyens,  Van  der  Hecht,  Cluy5enaer,'Verheyden  même,  qui  avait 
eu  une  velléité  de  rajeunissement,  comme  ils  restent  en  place  ! 
Comme  ce  qu'ils  montrent  aujourd'hui  ressemble  à  ce  qu'ils 
ont  montré  il  y  a  dix  ans,  il  y  a  vingt  ans,  et  comme  cela  se  res- 
sent de  la  fatigue,  de  la  meule  toujours  tournée! 


^ïV^^ïvWiit^ïCï 


182 


UARTJdODERNE 


Gargaro. 
Pourtant  Mossiou  Verheyden  a  peint  uo  joli  portrait  :  Petite 
Mama. 

Le  Palmier. 
C'est  vrai.  La  robe  est  d'un  rose  fané  très  fin,  adroitement  mis 
en  valeur  par  le  violet  de  la  poupée.  Il  est  très  malin,  M.  Ver- 
heyden. Il  connaît  tous  les  trucs. 

Garoaro. 
C'est  comme  M.  Yerwée,  qui  repeint  7S0  fois  le  même  tableau 
sans  jamais  se  faire  attraper  par  les  journaux. 
Le  Pauiier. 
Vous  avez  raison.  Voilà  l'éliilon  qu'il  présente  en  liberté  depuis 
une  vingtaine  d'années,  tantôt  bai,  lanlôt  pommelé,  tantôt  noir. 
La  robe  diffère,  mais  la  bêle  ne  change  pas.  Savez-vous  que  c'est 
très  fort,  cela  ? 

Gargaro. 
Oui,  c'est  fort,  comme  tous  les  trucs.  Il  faut  d'ailleurs  avouer 
que  les  bétes  de  Mossiou  Verwée,  elles  sont  crânement  peintes! 
Le  Pauiier. 
Pcuh!...  J'aime  mieux  celles  de  M.  Stobbaerts  (Jan, pas  Pietcr, 
c'est  évident).  Regardez  son  Tondtur  de  chitm.  Est-ce  harmo- 
nieux, distingué... 

Gargaro. 
'   Oui,  mais  il  est  sourd. 

Le  Palmier. 
Le  Tondeur  est  sourd  ? 

Gargaro. 
Pas  le  Tondeur,  le  tableau.  Il  ne  «  vibre  »  pas,  comme  ils 
disent  les  Mossious  des  XX.  On  dirait  qu'il  y  a  de  la  fumée  dans 
la  chambre. 

Le  Palmier. 
Ah!  vous  aimez  la  peinture  claire,  vous?  Eh  !  bien,  en  voilk  : 
regardez  le  pastel  de  M.  Claus,  cette  tête  de  vieux. .. 
Gargaro. 
Ça,  c'est  fichu  comme  mon  sac  i  outils!  Des  couleurs  à  tort  et 
à  travers...  Des  lignes  tapées  au  hasard.   Non,  jamais  vous  ne 
me  ferez  admirer  ça  !  M.  Claus  a  fait  de  bien  plus  beaux  tableaux 
que  celle  vilaine  figure  tricolore. 

Le  Palmier. 
El  les  paysages  de  M.  Verhaeren  T 
Gargaro. 
.   Jolis.  Mais  quelle  drôle  de  peinture!  On  dirait  de  petits  Van  de 
Kerckhove  de  Bruges  iripoiés  avec  des  épinards  et  des  carottes. 
El  puis  il  voit  toujours  à  travers  un  roastbeef,  Mossiou  Verhaeren; 
ses  loiis,  ce  sont  pas  des  tuiles,  c'est  de  la  viande  fraîche  ! 
Le  Palmier. 
El  Meyers  ? 

Gargaro. 
Mossiou  Meyers?  Il  peignait  autrefois  avec  de  la  farine.  Mainte- 
nant il  écrase  des  groseilles,  des  cerises,  des  abricots,  des  prunes. 
C'est  plus  tape-à-l'œil,  mais  ça  ne  vaut  pas  davantage. 
Le  Palmier. 
El  le  grand  tableau  de  M.  Charlei,  le  Déliuage  à  la  Papeterie 
de  Oastuche? 

Gargaro. 
Encore  un  jus  de  groseilles,  de  la  grenadine,  des  bonbons  fon- 
dants, de  la  crême-glace  comme  en  vend  mon  ami  Antonio,  dans 


une  petite  charrette  couverte  de  drapeaux  belgat.  Non,  tenez, 
Mossiou  l'arbre,  tout  ça,  c'aal  peul-4lre  bien  bit,  e'eat  propre, 
c'est  convenable,  mais  h  quoi  $a  aerl>il?  Va  laUeM,  il  faut 
que  ça  vous  fasse  du  bien  k  regard^,  ou  du  mal,  n'iaiporle,  du 
plaiiir  ou  de  la  peine,  mais  que  ça  vous  fasse,  looncrre  de  Dious  I 
quelque  chose.  Je  vois  ici  une  foule  de  braves  garQona  qui  pas- 
sent leur  temps  k  étendre  des  cevleara  aur  des  chftssU,  mais  pour- 
quoi faire?  Ça  les  disirait,  pas  vrai,  de  bire  de  la  peinture?  Tant 
mieux!  Vaut  mieux  passer  son  tempo  k  ça  qu'k  médire  du  pro- 
chain, comme  dit  ma  femme.  Nais  Jo  vous  demande  un  peu 
k  quoi  bon  (aire  une  espoaition  pour  montrer  toutes  ces  images? 
Qui  cela  intéresse-t-il?  Qui  s'en  souvient,  quand  le  Salon  est 
fermé?Qai  les  achète?  Des  Espositions  pareilles,  c'est  béte  comme 
un  feuilleton  du  Petit  Jourtul.  Personne  ne  vient  les  voir. 
Dimanche  dtimier,  il  faisait  beau  temps  cependant,  nous  avons 
fait  vingt  francs  de  recettes.  Et  voyes,  Mossiou  l'srbre,  depuis  ce 
malin  nous  attendons  encore  l'étrenne  d'un  visiteur.  Il  n'est  venu 
qu'un  exposant  et  deux  journalistes.  Moi,  on  me  paie  tout  de 
même,  comme  s'il  vensit  du  monde.  Mais  j'ai  l'amour  du  métier, 
et  je  suis  honteux  d'être  employé  dana  une  esposiiion  sans  visi- 
teurs. J'aime  mieux  raccommoder  des  pianos  mécaniques. 
Le  Palmier. 

Est-ce  qu'on  ne  pourrait  pas  ftire  une  loi  pour  empêcher  les 
peintres  d'exposer  toutes  ces  niaiaeries? 
Garoaro. 

On  pourrait  peut-être  leur  bire  psyer  un  imp4t  par  tableau 
exposé,  comme  ponr  les  affiches?  Ça  refroidirsil  toujours  un  peu 
leur  ardeur. 

Le  Palmier. 

fonne  idée!  J'en  parlerai  k  H.  de  Burlel.  Mais  chut I  Je  crois 
que  j'entends  un  visiteur... 

Garoaro. 

Non,  c'est  le  concierge  qui  fait  sa  ronde.  Il  est  cinq  heures. 
Nous  allons  fermer. 

Le  Palmier  (soupirant). 
Je  meurs  de  soif.  Mon  petit  Gargaro,  allez  donc  me  chercher 
un  verre  d'eau,.  Et  vous  boirez  en  même  temps  on  bock  k  ma 
santé. 

La  salle  retombe  dans  le  lileoce.  Bruit  de  cleft.  Les  pas  du 
concierge  s'ilolgnent.  Solitude. 


L'INSBIGNSIONT  DES  ARTS  INDU8TRIIL8 

Dans  un  nouveau  discours  prononcé  k  la  Chambre  le  i8  mai  (1), 
M.  Slingeneyer  a  dit  de  fortes  et  justes  choses  sur  l'enseignement 
des  arts  industriels  en  Belgique.  Vraiment  l'honorable  memlire 
tient  bon  et  ne  manque  aucune  occasion  d'esssyer  de  fhire  sortir 
nos  bureaux  ministériels  de  leurs  placides  mouvements.  Il  demeu- 
rera la  plus  nette  expression  d'une  opposition  attentive,  intelli- 
gente, opiniâtre  et  courtoise.  Trop  courtoise,  hélas!  car  le  lemps 
est  venu  de  bousculer  ces  incurables  qui  se  ploient  on  instant  sous 
le  vent  d^ine  critiqne,  mais  qui  se  redressent  bientôt  avec  sérénité 
et  continuent  leurs  balancements  rythmiques  de  vieux  roseaux 
stériles. 

Il  est  regrettable  que  M.  Jules  de  Burlet,  le  notivean  ministre 
présidant  aux  beanx-aris,  sur  qui  Ton  compte  beaucoup  pour  les 

(1)  Voir  le  discours  prteédent.  Art  modtme  du  24  mai  damier. 


0 


Vy 


L'ART  MODERNE 


183 


rëforM«,aU  i^poadtt  «u  obwrvtlions  de  M.  Slin^eDeyer  au 
moyen  de  raueigaentenla  venus  de  ces  malheureux  bureaui  qu'rl 
faul  non  pat  croire  et  gober  mais  houspiller  el  réKénirer.  Son 
discours  Itiis^  une  irisle  impression  :  il  tend  k  démontrer  que  (oui 
est  pour  le  mieui,  alors  qu'il  est  de  notorlëlë  publique  que  des 
abus  de  tous  genres  sont  ft  réprimer.  Nous  reviendrons  sur  ces 
questions,  ear  le*  rumeurs  sont  trop  générales,  pour  ne  pas  finir 
par  une  campagne  en  règle,  si  le  nouveau  ministre  ne  réalise  pas 
ce  qu'on  attend  de  lui.  On  en  a  assez  d'une  administration  des 
beaux-arts  vieillotte,  routinière  et  tenant  le  gouvernement  en 
tutelle;  M.  Slingeneyer  comme  H.  Buis  ont  mille  fois  raison 
de  le  dire  ;  ils  n'ont  tort  qu'en  s'abstenant,  par  puérile  décence 
parlementaire,  de  ne  pas  mettre  les  pieds  dans  le  plal.  On  les 
mellrt  pour  eux  s'il  la  bot. 

Voici  les  passages  les  plus  significatifs  du  discours  de  M.  Slin- 
geneyer : 

L'instruction  donnée  dans  nos  académies  a  un  caraclère  trop 
peu  pratique  :  elle  devrait  être  destinée  k  ouvrir  des  carrières  qui 
confinent  k  l'art,  carrières  nombreuses,  ear  les  métiers  les  plus 
infimes  «xigant  son  appui. 

'  Si  l'ensaignement  était  dirigé  dans  ce  sens,  quantité  de  jeunes 
gens  y  trouveraient  des  moyens  d'existence  que  l'art  leur  refuse  : 
ils  n'auraient  plus  k  lutter  en  désespérés  avec  les  exigences  de  la 
vie,  comme  nous  le  voyons  constamment. 

Pour  arriver  k  cette  fin,  on  devrait  rompre  avec  la  routine  et 
décider,  une  bonne  fois,  que  nos  académies,  sauf  une  exception 
ou  deux,  ne  doivent  être  que  des  écoles  de  dessin,  des  écoles 
JDduslriellM  d'arts  et  métiers,  diflérenles  d'après  les  milieux  oik 
elles  sont  installées  et  les  industries  qu'elles  sont  appelées  k  per- 
fectionner  

J'ai  développé  k  la  Chambre,  notamment  dans  la  séance  du 
8  février  1888,  la  méthode  simple  et  rationnelle  enseignée  par 
nos  maîtres  d'avlrefois.  Cet  enseignement  élslt  empreint  de  logique 
el  de  b<ms  sens  et  ses  brillants  résultats  ne  sont  plus  atteints  ni 
en  beaux-arts  ni  en  arts  appliqués,  malgré  tous  les  efforts  de  nos 
académies  actuelles  et  le  mérite  de  leurs  professeurs. 

Ce  sont  cas  traditions  qui  ont  fait  leurs  preuves  et  la  gloire  de 
notre  école  pendant  plusieurs  siècles,  qu'il  faudrait  reprendre, 
sons  une  fsrme  appropriée  k  noire  temps.  L'éducation  arlisliqne, 
ainsi  CMçae,  pousserait  nos  enfants  dans  la  voie  où  les  appellent 
leurs  instincts  el  créerait  moins  de  déclassés  que  de  nos  jours. 
Avec  la  préUntUm  de  not  lumbreuttt  académie*  de  vouloir  fabri- 
auer  dit  artittet  au  lieu  (Thommet  ulilet,  d'arlittmt  intelligentt, 
lu  peintre*  abondent  et  Fart  t'affaiie! 

On  oublie  que  nos  écoles  d'art  sont  établies  dans  l'intérêt  des 
masses  et  nullement  pour  quelques  natures  d'élite,  qu'il  n'est  dans 
le  pouvoir  d'aneuiM  puisaanee,  nf«eadéffli«jne,  ni  autre,  de  faire 
éelore.  Les  tempérament*  profondément  artistiques  sont  d'ailleurs 
toujours  rares  et,  partant,  les  organisations  partiellement  artistes 
devraient  trouver  un  enseignement  qui  les  pousserait  à  s'em- 
ployer effleacemeni  pour  le  pays  et  pour  eux-mêmes  dans  le  vaste 
domaine  des  arts  décoratifs  et' industriels,  an  lieu  de  les  engager 
!i  persister  dans  l'art  pur,  qui  leur  est  rebelle. 

Bien  des  jeunes  gens  méconniiissent  k  tort  celte  vérité.  Ils 
voient  une  espèce  de  déchéance  dans  l'impossibilité  de  se  livrer 
tout  entier  k  la  pratique  des  beaux-arts  et  ils  refusent  d'appliquer 
leur  talent,  même  en  partie,  k  l'industrie.  Ils  oublient  ainsi 
l'exemple  de  nos  devanciers,  qui  voyaient  l'art  en  tout  et  n'ont 
jamais  cm  déchoir  en  prêtant  leur  génie  k  transformer  les  cbosen 
les  plus  vulgaires  en  objets  d'art.  Les  plus  illustres  maîtres  se 
sont  occupés  des  arts  industriels,  y  compris  Raphaël  et  Rubens  : 
ils  n'hésitaient  paa  k  fbomir  les  beaux  modèles,  qu'ensuite  l'in- 
dustrie extfeuiait  et  tnlgarisait.  Cesl  grftce  k  cette  alliance  entre 
l'art  et  l'indaatrie  que  ces  grands  artistes  dirigeaient  le  goCti  de 
leur  siècle,  (rrdikwj.') 

Il  est  temps,  grand  temps,  que  le  gouvernement  s'occupe  de 


la  transformation  de  nos  académies  et  de  l'extension  de  notre 
enseignement  d'art  industriel,  surtout  au  point  de  vue  national. 
L'illusion  sur  les  progrès  k  réaliser  n'est  plus  possible! 

M.  Marins  Vachon  parle  de  l'utilité,  pour  les  écoles,  de  posséder 
des  musées  industriels  et  il  cite  comme  modèle,  répondant  le 
mieux  k  la  mission  de  ces  institutions,  le  South-kensinglon 
Muséum  de  Londres  ;  il  le  considère  comme  le  prototype  du 
genre.  C'est,  dit-il,  un  immense  eulrepél,  musée  de  chefs-d'œuvre 
de  l'art  industriel,  où  non  seulement  Londres,  mais  le  royaume 
tout  entier  vient  puiser  largement  des  modèles  el  des  exemples 
pour  toutes  les  industries  du  pays.  Les  collections  d'oeuvres  cl'art 
de  ce  Musée  sont  utiles  au  pays  entier  par  la  création  d'un  sys- 
tème de  circulation  dans  les  musées  de  province.  Tout  musée,, 
toute  école,  toute  association  du  royaume  a  le  droit  de  réclamer 
sa  coopération  constante,  qui  lui  est  toujours  libéralement  accor- 
dée. Il  n'est  pas  d'institution  poursuivant  le  développement  des 
industries  qui  ne  soit  en  communication  intime  avec  lui,  qu'il 
'n'encourage  el  qu'il  n'aide  financièrement 

Depuis  des  années,  nous  marquons  le  pas,  j'ai  déjk  eu  l'occa- 
sion de  le  dire,  tandis  que,  autour  de  nous,  les  peuples  avancent 
rapidement  dans  la  voie  >lu  progrès.  Une  lutte  ardente  existe  entre 
toutes  les  nations  intelligentes  de  l'Europe,  el  k  cette  lutte  nous 
ne  participons  point  :  notre  insouciance  nous  en  exclut  !  Alors 
qne  ces  nations  veulent  revenir  aux  saines  traditions  d'une  renais- 
sance artistique  el  industrielle  du  caraclère  national,  nous,  qui 
avons  été  leurs  maîtres  et  leurs  éducateurs  pendant  plusieurs  siè- 
cles, nous  sommes  menacés  de  tomber  k  une  infériorité  qui  nous 
oblige  k  aller  prendre  exemple  chez  eux  pour  des  choses  que  nos 
pères  leur  svaient  apprises  I 

Dans  l'ordre  d'idées  dont  je  m'occupe  spécialement  en  ce 
moment,  —  les  arts  industriels,  —  presque  tout  reste  k  faire. 
Nous  n'avons  pas  de  bureaux  de  renseignements  ni  de  consulta- 
tions, comme  nos  voisins.  Personne  ne  s'occupe  de  ce  qui  se  passe 
autour  de  nous.  Jamais  une  publication  officielle  ne  fait  connaître 
celle  évolution  artistique  el  industrielle  qui,  tous  les  jours,  se 
développe,  s'accentue  davantage  dans  les  pays  étrangers,  et  res- 
tera un  des  signes  marquants  de  notre  époque.  Nos  travailleurs, 
si  impCoprcmenl  appelés  ouvriers  d'art,  restcol  sans  appui,  sans 
encouragement,  plongés  dans  l'obscurité  qui  les  enveloppe.  El 
cependant,  il  y  a,  parmi  ces  ouvriers,  de  vrais  artistes,  dont  les 
oeuvres  originales  sont  inconnues.  Si  elles  sont  présentées  à 
l'examen  du  public,  ce  n'est  guère  que  dans  les  expositions  d'art 
industriel  ou  d'art  décoratif,  sons  le  nom  des  maisons  qui  les 
font  travailler!.... 


AU  PALAIS  DES  ARTS  LIBÉRAUX 

Le  a  troisième  Salon  »,  ainsi  qu'on  l'a  baplisé  k  Paris,  le  Salon 
des  protestataires  el  des  refusés,  le  Salon  Anquetin  en  un  mot, 
ne  vaut  que  par  deux  ou  trois  noms,  confondus  dans  la  foule  des 
médiocres,  des  quelconques,  des  amateurs  qui  consacrcnl  leurs 
loisirs  du  dimanche  à  couvrir  de  petits  carrés  de  loile,  des  dames 
qui  «  fout  de  la  peinture  »,  des  innocents  barbouilleurs  rabroués 
très  juslemenl  des  expositions  officielles  et  autres. 

On  espère  toujours,  en  ces  galeries  de  refusés,  découvrir 
quelque  Manel  bellement  insurgé  contre  l'art  tarifé  el  coté.  Mais 
les  Manel  sonl  rares,  et  Pcrluiseï,  qui  expose  aux  Arts  libéraux, 
est  insuffisant  k  combler  la  lacune. 

Les  tendances  du  Troisième  Salon  sont  ainsi  définies,  en  tête 

du  catalogue  : 

a  Son  bul  est  de  réparer  les  préjudices  matériels  causés  aux 
artistes  par  une  année  perdue. 

«  Son  caractère  : 

«  Ce  n'est  pas  exclusivement  un  Salon  de  refusés,  puisqu'il 
contient  des  œuvres  n'ayant  jamais  été  soumises  k  un  jury  el  qu'y 
sont  inscrits  des  artistes  exposant  au  Palais  des  Beaux-Arts.  C'est 


^ 


184 


L'ART  MODERNE 


une  manifestation  en  faveur  :  1>  De  la  suppression  du  jury  ;  3°  Du 
droit  pour  tous  d'exposer.  » 

Le  programme,  on  le  voit,  est  allécliant.  Malheureusement,  le 
triage  est  trop  vite  fait  des  œuvres  intéressantes,  et  la  petite  réclame 
faite  à  deux  exposants,  NM.  Monchablon  {Une  faute  incalculable) 
et  René  Vauquelin  (Finis  coronat  opus)  par  «  l'autorité  supé- 
rieure »  qui  a  fait  enlever  les  toiles  de  ces  Messieurs  où  l'Empe- 
reur Guillaume,  dans  l'une,  et  M.  Jules  Ferry,  dans  l'autre, 
étaient  égratignés,  ne  prévaut  point  contre  la  parfaite  indifférence 
qui  accueille  le  Salon. 

C'est,  pour  donner  un  terme  de  comparaison,  VExposilion  des 
artistes  indépendants  dont  on  aurait  supprimé  la  salle  des  impres- 
sionnistes, seule  raison  d'être  et  unique  intérêt  de  l'exhibition. 

Venons  aux  artistes  qui  requièrent  l'attention. 

M.  Anquetin  expose  une  Femme  dans  la  rue  (soir),  composi- 
tion d'un  charme  morbide,  très  curieusement  mise  en  page  el 
d'une  coloration  âpre,  violente,  affirmant  une  personnalité  nette. 
Deux  pastels  :  Femme  de  dos,  Femme  au  lit,  un  portrait,  un 
cadre  de  sanguines  (études  d'attitudes  et  de  mouvements)  complè- 
tent l'envoi  du  peintre,  dont  l'exclusion  du  Champ-dc-Hars  est 
un  flagrant  déni  de  justice. 

M.  de  Toulouse-Lautrec  est  représenté  par  un  portrait  d'homme 
et  par  un  groupe  de  rôdeurs  et  de  filles,  qui  affirment  de  mal- 
tresses qualités  d'observation  et  de  pénétration  mêlées  de  quelque 
humour,  mais  d'un  humour  spécial,  par  lequel  l'artiste  met  en 
relief,  sans  verser  dans  la  caricature,  les  déformations  physiques 
et  morales  de  ses  personnages.  C'est  un  humour  tragique,  pour- 
rait-on dire,  qui  anime  les  figures  et  les  font  palpiter.  M.  Laulrec 
tient  le  milieu  entre  Degas  et  Forain,  tout  en  étant  très  personnel. 
.Ses  types  d'êtres  vicieux,  pâlots,  horribles,  demeureront. 

De  M.  Léon  Fauché,  un  Profil  de  baigneuse,  une  Bergère  et 
Marianne  (dessin  rehaussé).  M.  Fauché,  qui  procède  par  larges 
tons  plats  violemment  délinéés,  par  surfaces  cerclées  de  noir 
comme  en  des  verrières,  obtient  une  intensité  d'effet  surprenante. 
Il  harmonise  avec  bonheur  l'or  des  chevelures,  l'émail  des 
épidermes,  la  richesse  des  étoffes.  L'affinité  de  son  art,  synthé- 
tique et  violent,  avec  celui  de  Gauguin  est  évidente.  Mais  le  temps 
n'est  pas  loin,  peut-être,  où  M.  Fauché,  maître  de  sa  main  et  de 
son  œil,  marquera. 

Et  c'est  tout,  pensons-nous.  Depuis  le  vernissage,  à  ces  trois 
noms  est  venu  s'ajouter  celui  de  M.  Henry  De  Groux,  en  reUrd. 
.H.  Camille  Lemonnier  lui  a  décerné  un  élogieux  article  dans  le 
Oil-Blns.  Nous  nous  bornons  à  consigner  ici  ce  succès  d'un 
compatriote  à  l'étranger. 

Parmi  les  nouveaux  venus,  un  très  jeune  homme,  M.  Herman 
Paul,  présente,  en  quatre  panneaux  de  grandes  dimensions,  des 
scènes  de  la  vie  de  château  d'une  coloration  chaude,  non  déplai- 
sante, et  d'une  composition  originale.  Le  début  est  bon  el  fait 
espérer  un  artiste. 

Quant  aux  pastels  de  M"-'  Gyp,  auxquels  on  fait  de  bruyants 
succès,  nous  n'avons  pu  y  découvrir  qu'inexpérience  et  superfi- 
cialiié. 


"Petite  chro/^ique 


Un  Mâle,   pièce   en  4   actes,    par  MM.  Camille  Lemonnier, 
X.  Barbier  et  J.  DuboiSj.vient  de  paraître  chez  Tresse  et  Stock 
en  une   brochure  de   iU  pages.  M.  Camille  Lemonnier  a  revu 


soigneusement  son  texte,  auquel  il  a  donné  les  touches  littéraires 
définilives. 

Le  prochain  spectacle  du  Théâtre-Libre,  qui  sera  donné  dans 
la  première  quinzaine  de  juin,  comprendra  deux  actes  de 
H.  Pierre  Wolff,  un  tableau  de  la  vie  militaire  intitulé  Lidoire, 
par  H.  Georges  Courteline,  et  Lawn-Unnit,  un  acte  de  M.  Gabriel 
Mourey. 

Madame  Lupar,  de  M.  Camille  Lemonnier,  passera  à  la  repré- 
sentation suivante,  huitième  cl  dernière  de  la  saison. 

M.  Antoine  compte  ouvrir  sa  prochaine  campagne  thé&trale, 
en  septembre,  par  la  Princesse  Maleine  de  M.  Maurice  Maeter- 
linck. 

M.  Jules  Huret,  qui  poursuit  dans  l'Echo  de  paristoa  inté- 
ressante enquête  sur  l'évolution  littéraire,  a  fait  Je  voyage  de 
Gand  pour  interviewer  M.  Maurice  Maeterlinck.  11  lui  a  fallu,  nous 
écrit-il,  deux  jours,  au  lieu  des  quelques  heures  qu'il  croyait 
devoir  consacrer  sa  h  visite,  pour  pénétrer  ce  qu'il  appelle  «  l'in- 
curable mutisme  »  du  poète. 

On  se  rappelle  que  M.  Maeterlinck,  affolé  par  le  tapage  que 
provoqua,  l'été  dernier,  l'article  de  M.  Octave  Mirbeau,  annonça 
son  départ  pour  l'Angleterre,  afin  d'échapper  au  reportage.  C'est 
grâce  à  ce  subterfuge  qu'il  garda  pode  close.  N'aime  pas,  décidé- 
ment, la  réclame,  notre  ami.  T    *•  J  r         '       '•  ' 

n  »       *      '      » 

Et  voyez  sa  bonhomie  :  quand  M.  Antoine  lui  demanda  la 
Princesse  Maleine  pour  le  Théâtre-Libre,  Maeterlinck  lui  écrivit 
aussitôt  que  la  pièce  était  it  lui,  et  rien  qu'à  lui;  qu'il  lui  donnait 
le  choix  de  la  jouer  ou  de  la  garder  dans  un  tiroir,  pendant  dix 
ans.  Et  Maeteriinck  nous  disait  :  «  Si  H.  Antoine  me  joue,  je  le 
laisserai  arranger  la  mise  en  scène  comme  il  l'entendra.  Je^ 
n'assisterai  pas  aux  répétitions.  Nous  irons  ensemble  ii  la  pre- 
mière, si  vous  voulez,  en  spectateurs,  dans  la  salle.  Je  serais 
curieux  de  voir  l'effet  que  ma  pièce  produirait  sur  moi.  » 

Dans  l'universel  cabotinage  de  notre  époque,  cet  exemple  de 
simplicité  mérite  d'être  signalé. 

lin  jeune  sculpteur,  H.  Puttcman»,  dont  nous  avons  signalé 
une  belle  œuvre  au  dernier  Salon  triennal,  avait  modelé  en  buste 
une  Princesse  Maleine  très  suggestive.  Le  Comité  d'admission 
du  Cercle  des  Arts  et  de  la  Presse  ne  l'a  pas  jugée  digne  de  son 
Salon!  Elle  aura  occasion  de  reparaître. 

Le  concert  donné  dimanche  à  Tournai  par  VAttociation  des 
artistes  musiciens,  dirigée  par  M.  Leenders,  a  brillamment  réussi. 
Les  journaux  locaux  :  la  Vérité,  l'Economie,  le  Courrier  de 
C Escaut,  sont  unanimes  à  féliciter  l'organisation  et  ses  inter- 
prètes, parmi  lesquels  M""  Folville  et  Chainaye,  M.  Noté,  les 
compositeurs  Blockx  et  Mertens  ont  été  très  applaudis. 

Le  comité  belge  de  l'Association  wagnérienne  universelle  y lenl 
d'adresser  à  ses  membres  la  circulaire  suivante  : 

Monsieur, 

Nous  profitons  de  l'envoi  de  la  carte  de  membre  que  vous  trou- 
verez incluse,  potir  porter  i  la  connaissance  de  nos  adhérents  que 
les  demandes  de  places  pour  les  prochaines  auditions  de  Bayreuth 
sont  de  beaucoup  plus  nombreuses  que  les  années  précédentes. 

Nous  engageons,  en  conséquence,  les  personnes  qui  désirent 
se  rendre  à  Bayreuth,  à  retenir  leurs  places  dès  maintenant.  Il 
n'est  pas  indispensable  qu'elles  les  retirent  immédiatement  :  il 
leur  suffira  de  les  réclamer  lors  de  leur  arrivée  i  Bayreuth. 


'"îi*^™^  -■  ■"'   <      •     ■ 


Plusieurs  de  nos  membres  nous  ont,  k  diverses  reprises,  demandé 
les  dales  exactes  des  prochaines  représentations.  Nous  les  repro- 
duisons ei-d«%MUi  : 
Partifal  :  19,  S3,  S6,  S9  juillet  ;  3.  6,  9,  12,  i6  et  19  août. 
Tristan  und  Italie  :  SO  juillet  ;  S  et  15  août. 
Tannhaïuêr  :  3S,  il,  30  juillet;  3, 10,  13  et  18  août. 
Veuillez  agréer.  Monsieur,  etc. 

Le  Secrétaire, 
H.  I..A  Fontaine. 

A  pnopos  des  mâts  électriques,  nous  recevons  d'un  artiste  la 
vive  protestation  que  voici  : 

La  Grand'Plaoe  de  Bruxelles  est  un  chef-d'œuvre.  On  veut 
déshonorer  ce  chef-d'œuvre  par  des  mits  électriques  —  {dee  mât* 
ttylités  S.  V.  P.).  Tous  les  artistes  et  hommes  de  goût  proteste- 
ront. 

Ce  malheureux  et  grotesque  kiosque  en  fer  forgé,  flanqué  des 
futurs  mftts  électriques!  !  —  le  comble  du  sacrilège  et  du  ridicule. 
Pourquoi  pas  rafraîchir  les  Van  Eyck,  les  Rembrandt,  les  Rubens, 
les  Jordaens,  et  ajouter  par  ci  par  là  une  figure  pour  compléter, 
pour  achever 

C'est  absurde  et  abominable. 

L'éclairage  de  la  Grand'Place  de  Bruxelles?  «  Le  toleil  et  la 
lune  »,  ardés  par  un  modeste  bec  de  gaz. 

Plantez  des  mâts  électriques  devant  les  gares  du  Nord,  du 
Luxembourg  et  du  Midi,  et  aux  carrefours  —  là  ils  sont  à  leur 
place,  mais  respectez  la  Grand'Place  de  Bruxelles,  ce  chef-d'œuvre 
complet,  t.  S. 

Ventes  artistiques.  —  La  vente  Van  Marcke,  faite  à  la  galerie 
de  la  rue  de  Sëze,  a  produit  881,090  francs.  Dans  cette  somme, 
les  œuvres  de  Van  Marcke  entrent  pour  823,452  francs,  et  les 
tableaux,  dessins  et  aquarelles  par  différents  artistes,  pour 
57,638  francs.  —  Ces  prix  sont  ébouriffants  étant  donné  l'artiste. 
N'y  anrait-il  pas  là  dessous  une  manœuvre  de  marchands  prépa- 
rant la  revente?  

M.  Engène  Ysaye  vient  de  terminer  à  Londres  une  saison  qui 
doit  avoir  été  pour  lui  très  fructueuse  à  tous  égards.  Le  violo- 
niste belge  a  fait  véritablement  fiirore  dans  les  salons,  et  ses  soi- 
rées publiques  ainsi  que  les  matinées  se  sont  succédé  sans  inter- 
ruption. 

M.  Ysaye  a  produit  également  à  Londres  une  de  ses  élèves, 
M"*  Irma  Sèthe,  à  laquelle  on  a  fait  un  accueil  très  encourageant. 

Quant  au  jeune  violoniste  belge  Jean  Gérardy,  depuis  bien  long- 
temps aucun  virtuose  n'avait  foit  pareille  sensation.  Les  journaux 
sont  unanimes  à  constater  l'admiration  qu'il  suscite. 

(Ouiie  musical). 

La  direction  des  théâtres  royaux  de  Munich  vient  d'interdire 
aux  artistes  de  donner  suite  aux  rappels,  soit  à  la  fin  d'un  acte, 
soit  à  la  chute  définitive  du  rideau.  Des  exceptions  sont  faites 
pour  les  fétei  jubilaires  d'artistes  bavarois  et,  à  la  fin  du  spectacle, 
lorsque  des  artistes  étrangers  de  premier  ordre  sont  en  représen- 
tation. L'auteur  d'une  pièce  peut  se  présenter  au  public  à  la  fin 
d'une  première  représentation. 

«Voilà  une  bonne  leçon  donnée  par  nos  amis  les  Bavarois  au 
cabotinage  qui  sévit  parmi  nous.  Le  respect  dû  aux  œuvres  d'art! 
Quand  donc  l'observera-t-on  en  Belgique  et  en  France  avec  la 
dignité  voulue  ?  

M.  Henri  Gaérard  a  ouvert,  au  théâtre  d'Application,  18,  rue 


Saint-Lazare,  à  Paris,  une  Exposition  de  ses  œuvres  :  eaux-forles, 
panneaux  au  fer  chaud,  peintures,  éventails.  Cette  Exposition  res- 
tera ouverte  jusqu'au  10  juin. 

Nous  venons  de  recevoir  la  trente-sixième  et  dernière  livraison 
du  Japon  artistique.  Ce  bel  ouvrage  se  trouve  ainsi  complet  en 
trois  volumes  qui  renferment  un  ensemble  de  400  planches  hors 
texte  en  couleurs,  sans  compter  une  foule  d'illustrations  dans  1r 
texte. 

Le  Japon  artistique  présente  ainsi  le  tableau  complet  de  l'art 
japonais,  si  nouveau,  si  charmant,  et  qui  prend  une  place  de  jour 
en  jour  plus  grande  à  eOté  des  arts  déjà  connus  et  classés. 

A  la  suite  du  Japon  artistique,  H.  S.  Bing  annonce,  pour 
paraître  prochainement,  un  grand  ouvrage  sur  Hokusal,  le  plus 
célèbres  des  peintres  japonais. 


Les  Hommes  iaujourihui  (Vanier,  éditeur),  Ont  publié  un 
excellent  porlrail-cbarge  de  M.  Edouard  Dujardin  par  Louis 
Anquetin.  Le  texte,  par  T.  de  Wyzewa,  retrace  fidèlement  l'acliviié 
littéraire  de  l'auteur  A'Anlonia,  qui  fonda  successivement  la 
Revue  wagnérienne  et  la  Revue  indépendante  et  fit  paralire  une 
demi-douzaine  de  volumes  en  prose  et  en  vers,  parmi  lesquels, 
spécialement,  les  Hantises  et  les  Lauriers  sont  coupés. 

Il  y  a  quelque  vingt  ans,  la  critique  française,  férue  de  pein- 
ture italienne,  ne  mettait  les  flamands  que  loin  derrière  Raphaël 
et  le  Titien.  C'est  bien  changé.  Rubens  est  à  la  hausse.  Tous  ses 
successeurs  et  ses  prédécesseurs  ont  monté  aussi.  Voici  Jordaens, 
l'admirable  artiste,  le  plus  grand  après  le  gigantesque  Pierre-Paul, 
longtemps  taxé  de  grossièreté  et  de  vulgarité,  qui  lui  aussi  est  à 
la  hausse,  (ormidablemenl.  Le  Guide  de  l'Amateur  rappelle 
qu'à  la  vente  Rolhan,  l'année  dernière,  on  a  adjugé  à  55,000  fr. 
le  portrait  d'un  syndic  que  M.  Rothan  avait  payé  2,500  francs 
et  que  celui  qui  le  lui  avait  vendu,  M.  Armand  Frérel,  s'était  vu 
adjuger  pour  dix  francs  en  vente  publique  très  peu  de  temps 
auparavant.  C'est  ainsi  que  Thoré  avait  découvert  Frans  Hais. 

Au  moment  où  nous  sommes,  disait  récemment  M.  Th.  Child, 
l'Amérique  a  sur  l'Europe  l'immense  avantage  d'être  libre  du  far- 
deau de  l'admiration  traditionnelle  en  matière  d'art.  Les  murs  de 
ses  musées  sont  pareils  à  l'or  vierge  dont  on  peut  tirer  également 
des  œuvres  exquises  ou  médiocres,  suivant  l'emploi  qu'on  en 
saura  faire.  Il  n'est  pas  douteux  que  l'Amérique  ait  manifesté  de 
belles  aptitudes  esthétiques.  Ses  sculpteurs,  en  tête  desquels 
marche  Saint  Gaudens,  ne  sont  pas  à  dédaigner.  Des  peintres  tels 
que  Dannat,  Sargent,  Harrison  et  Abbey  ont  assuré  un  rang  A  sa 
peinture  en  Europe.  John  Lafarge  n'a  pas  de  rival.  Le  mouvement, 
en  architecture,  tant  à  l'est  qu'à  l'ouest  de  l'Amérique,  est  unique 
à  cette  heure.  Au  point  de  vue  des  tissus,  des  meubles,  de  la 
céramique,  de  l'orfèvrerie  et  de  la  verrerie,  nous  donnons  déjà 
mieux  que  des  promesses.  L'idéal  pour  noire  nation  serait  de 
rester  elle-même,  maltresse  de  son  esprit,  sincère  et  vraie  —  de 
regarder  avec  méfiance  l'art  ancien  de  l'Europe,  ou,  pour  mieux 
parler,  les  anciennes  réputations  des  Européens.  Cet  idéal  serait 
aussi  de  ne  plus  acheter  par  tradition,  mais  par  conviction  et 
raisonnement  et  surtout,  de  ne  plus  remplir  nos  musées  du 
rebut  de  trois  siècles  d'art...  (L'Art  dans  les  Deux  mondes, 
14  mars  1891.) 


«jJfaaiMifi"'  't  1 1  i-rrrnf  i  ■ 


L'j^I^T 


ONZIÈME  ANNÉE 

L'ART  MODERNE  s'est  acquis  pftr  l'autorité  et  l'indépendance  de  sa  britiqùe,  par  la  variété  de  ses 
informations  et  les  soins  donnés  à  sa  rédaction  une  place  prépondérante.  Aucune  manifefltatioA  de  l'Art  &« 
lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  de  peinture,  de  Boulpture,  de  gravure,  dliMIWllIqne,' 
d'architecture,  etc.  Consacré  principalement  au  mouvement  artistique  belge,  il  renseigne  nmaouAm  ses 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  l'étranger  qu'il  importe  de  connaifre. 

Chaque  numéro  de  L'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  question  artistique 
ou  littéraire  dont  l'événement  de  la  semaine  fournit  l'aotuallté.  Les  expositiotu^  les  Uvnii  nouveauœ,  les 
premières  représentations  d'oeuvres  dramatiques  on  musicales,  les  conférences  littéraire»,  \bb  concerts,  les 
ventes  dobjels  dari,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODETRNE  relate  atissi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques,  Il  rend  «o«apte  des 
procès  les  plus  Intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complète  des  eirbÇButons  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  Il  est  envoyé  gratjUtenient  à 
l'essai  pendant  un  mois  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande.  ..^  . 

L'ART  MODEîRNB  forme  chaque  année  un  beau  et  fort  volume  d'environ  450  {/âges,  avec  table 
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chim,  Wilhelmj,  Ed.  Orieg,  Ole  Bull,  A.  Etsipoff,  Sofle  Meuter, 
Désirée  Artôt,  Pauline  Lucea,  Pablo  de  Samasate,  Ferd.  HUler,  D. 
Popper,  sii-  F.  Senedict,  Lachetitiky ,  Napraouik.  Joh.  Selmer,  Joh 
SveiuiÉm,  K.  Rundnagèl,  J.-G.-E.  Suhle,  Ignace  Brttll,  etc.,  etc. 

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DmANOHB  14  Juin  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LB    DIMANCHE 


REVDB  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABÔmfEMBNTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES   :    On   traite   à   forfait. 

^       Adrester  toutes  les  communications  d 
l'administration  oénébale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


Enooêtk  SDH  l'Évolution  littéraire.  —  Raymond  Nyst.  La 
Création  du  Diable: —  Musée  dk  Bruxelles.  Tableaux  gothiques 
avec  peintures  tur  les  revers  des  volets.  —  L'Exposition  allemande 
A  Lo^iDRBS.  —  Théathe-Librb.  —  Exposition  des  Beaux-Arts  a 
Li^B.  —  Memkmto  DBS  EzposrnoNS.  —  Petîte  ch«onique. 


EH0I1£TE  SDR  ItïOLDTION  UTTERM 

M.  Jules  Huret,  de  VÉcho  de  Paris,  a  eu  l'ingénieuse 
idée  d'instituer  une  enquête  sur  l'Evolution  littéraire 
au  temps  présent.  Il  a  rédigé  un  question'naire  sur  le 
Romantisme  qui  s'est  endormi,  sur  le  Naturalisme  qui 
se  couche,  sur  le  Symbolisme  qui  se  lève,  et  en  a  fait 
la  base  d'interrogatoires  courtois  qu'il  a  prié  les  nota- 
bilités littéraires  françaises  de  subir  et  qu'elles  ont  subis 
non  seulement  avec  résignation,  mais  avec  plaisir, 
comme  disait  une  jeune  épousée.  Depuis  plus  de  deux 
mois  TÈcho  de  Paris  publie  -de  très  curieux  et  très 
instructifs  procès- verbaux  qui  ont  Fintérêt  d'un  grand 
procès*' se  déroulant  en  public  et  où  défilent  comme 
témoins  des  poètes  et  des  prosateurs  célèbres. 

Ont,  entreautres,  été  entendus:  MM.  Anatole  France, 
Maurice  Barrés,  Laurent  Tailhade,  Joséphin  Peladan, 
Paul  Adam,  Stéphane  Malarmé,  Paul  Verlaine,  Jean 


Moréas,  Charles  Morice,  Henri  de  Régnier,  Charles 
Vignier,  Adrien  Remacle,  René  Ghil,  Edmond  de  Gon- 
court,  Emile  ^  Zola,  J.-K.  Huijsmans,  Paul  Alexis, 
J.-H.  Rosny,  Joseph  Caraguel,  Paul  Bonnetain,  Jean 
Ajalbert,  Lucien  Descaves,  Octave  Mirbeau,  Catulle 
Mandés,  Armand  Silvestre,  Leconte  de  Lisle,  François 
Coppée,  Henri  Céard,  Paul  Margueritte,  etc.,  etc. 

M.  Jules  Huret  s'est  aussi  adressé  à  notre  collabora- 
teur Edmond  Picard.  Voici  sa  réponse,  publiée  dans 
l'Écho  de  Paris  de  mercredi  dernier  avec  quelques 
mots  d'introduction  trop  bienveillants,  au  gré  de  notre 
collaborateur  (1)  : 

Vous  me  faites  l'Iionncur,  Monsieur,  de  croire  que  mon 
modeste  avis  pourra  Cire  de  quelque  utilité  dans  l'ingénieuse 
information  que  vous  poursuivez  à  l'Echo  de  Paris  sous  le 
titre  :  Enquête  sur  l'évolution  littéraire.  Je  n'en  puis  pourtant 
juger  qu'en  étranger,  en  Belge,  en  Bruxellois,  de  fort  loin  par 
conséquent,  et  sous  l'impression  de  préjugés  et  d'erreurs  d'autant 
plus  probables  que  si  je  suis  fervent  amateur  d'art,  «I  quelque 
peii  écrivain  à  en  croire  mes  amis,  je  suis  avant  tout,  de  famille 
et  de  profession,  avocat.  Mais  vous  avez  peut-être  raison  de 
supposer  qu'alors  même  qu'une  appréciation  formulée  dans  de 
telles  conditions  sera  fragile,  elle  n'en  restera  pas  moins  curieuse 
comme  chose  exotique.  Je  me  risque  donc,  enhardi  par  voire 
flatteur  encouragement. 

(1)  Quelques  coupures  ont  été  demandées  et  consenties  four  main- 
tenir le  document  dansies  proportions  de  la  place  réservée  à  M.  Huret 
dans  l'Ècho  de  Paris. 


*■-  TifV  trr'^fj  ^i'.'' , 


eyUff^^^'S^^^t^ 


188 


L'ART  MODERNE 


Vous  me  posez  les  queslions  suivanles  : 

1°  Où  en  est  le  Naturalisme? 

a»  Le  mouvement  Symboliste  a  alleinl  la  Belgique  ;  quelle  en 
est  la  portée,  quel  en  est  l'avenir? 

3°  Les  personnalités  littéraires  belges? 

En  guise  de  veillée  des  armes,  je  viens  de  lire  les  quatorze  pro- 
cès-verbaux de  votre  Enquête,  déjà.,publiés.  Ils  me  laissent  une 
impression  étrange.  De  vie  d'abord,  car  vous  avez  réussi  i  mellre 
admirablement  en  scène  les  hommes  qui  composent  celle  élile 
littéraire  dont  les  noms  nous  sont  familiers,  à  nous  Belges  loin- 
tains :  Salve,  Oallia,  Regina  !  D'effroi,  ensuite,  i  cause  de  l'âprelé 
des  jugements  de  tous  les  personnages  les  uns  &  l'égard  des 
aulfes.  Vraiment,  votre  Enquête  est  révélatrice  d'une  situation 
que  vous  ne  cherchiez  pas  à  mettre  en  lumière.  Vous  vous  deman- 
diez :  Où  en  est  le  Naluralismetoù  enSst  le  Symbolisme?  -^  et 
voici  que  vous  nous  révélez  où  en  est  la  fraternité  littéraire  i 
Paris.  Que  d'animosités,  grandsdieux!  que  de  rancunes,  d'amères 
querelles  !  quel  acharnement  dans  les  rivalités  et  de  mauvais 
vouloir  réciproque.  H  m'a  frappé,  ce  propos  que  vous  a  tenu 
Zola  :  u  Surtout,  réunissez  celte  enquête  en  volume.  Je  tiens  à 
«  avoir  cela  dans  ma  bibliothèque;  quand  ce  ne  sérail  que  pour 
«  conserver  le  souvenir  de  cette  bande  de  requins  qui,  ne  pouvant 
«  pas  nous  manger,  se  mangent  entre  eux.  »  Ce  que  quelques- 
uns  vous  ont  dit  de  nous,  est  modéré  en  comparaison  des  amé- 
nités dont  ils  se  gratifient  entre  eux,  et  fait  pour  nous  calmer  : 
«  Ils  ont  inventé  le  roman  slave  et  le  drame  norwégien,  sans 
«  compter  le  parler  belge,  qui  est  le  fond  même  de  leur  âme 
«  littéraire.  » 

Certes  vous  nous  aimez  moins  que  nous  ne  vous  aimons.  On 
écoute  ici  beaucoup  la  France  littéraire.  Jadis  c'était  avec  la 
préoccupation  de  l'imiter.  Nous  étions  si  peu,  elle  nous  semblait 
si  belle!  Désormais  celte  attention  se  contente  d'admirer,  car  de 
plus  en  plus  nous  nous  efforçons  ù  faire  sortir  et  à  maintenir 
noire  originalité.  Dans  la  question  du  Naturalisme  el  du  Symbo- 
lisme cette  tendance  se  marque  comme  ailleurs.  Vous  l'allcz  voir, 
si  mon  parler  belge  ne  trahit  pas  ma  bonne  intention. 

Je  parlerai  d'après  la  généralité  de  ce  que  j'entends  dire  autour 
de  moi.  L'évolution  littéraire  ne  nous  apparaît  point  comme  la 
destitution /radicale  d'une  forme  ancienne  par  une  forme  nouvelle, 
mais  comme  la  substitution,  dans  le  goût  du  public,  des  artistes 
ou  des  esthètes,  d'une  préférence  à  une  autre.  C'est  un  peu  la 
modification  des  majorités  dans  les  milieux  parlementaires.  Pas 
de  suppression  des  partis,  mais  un  changement  dans  leurs  pro- 
portions et  leur  équilibre. 

Pour  ne  considérer  que  ce  siècle,  le  Romantisme  a  eu  le  dessus 
longtemps;  puis  ce  fut  le  lour  du  Naturalisme;  maintenant 
l'engoûment  semble  aller  i  une  formule  encore  mal  définie,  dont 
on  groupe  les  forces  embryonnaires  sous  l'étiquette  Symbolisme. 
Hais  ni  le  Naturalisme,  ni  le  Romantisme,  ni  toutes  les  antres 
formes  littéraires  dont  on  retrouve  l'époque  brillante  en  remon- 
tant l'histoire,  ne  sont  pas  abolis.  Diminués  ou  diminuant,  oui; 
destitués  de  l'importance  prépondérante  et,  d'après  moi,  déme- 
surée qu'ils  ont  eue  au  temps  de  leur  éruption,  oui;  mais 
supprimés,  jamais  !  réduits  à  des  proportions  normales,  mis  à 
leur  rang,  nettoyés  de  leurs  exagérations,  classés  (d'où  vient 
classique)  el  prêts  à  servir  (ceci  est  l'essentiel)  il  tonl  homme  de 
génie,  voire  de  talent,  à  qui  il  plaira,  n'importe  quand,  de  les 
reprendre  pour  en  faire  les  règles  directrices  d'une  grande 
œuvre. 


Je  ne  puis  donc  comprendre  ces  affirmations  de  ta  plupart  de 
TDS  interviewés  :  Le  Natoulisiib  ist  fini,  b»n  PÎHII  qu'en  ce 
sens  :  Le  Naturalisme  n'est  plus  le  préféré;  il  a  fait  son  temps 
comme  école  dominante;  il  a  en  .tout  l'espace  qu'il  fallait  pour 
son  épanouissement;  l'esprit  changeant  du  public  en  a  été  saturé, 
en  est  las,  el  demande  autre  chose  ;  qu'on  fasse  son  bilan  ;  qu'on 
balance  son  actif  el  son  passif;  qu'on  fixe  ses  caractéristiques,  cl 

Ju'a  son  lour,  ainsi  ventilé,  il  devienne  classique,  ne  pouvant 
lus  désormais  servir,  sans  paraître  odieux,  aux  médiocres  pas- 
ticheurs, mais  toujours  prêt  pour  les  artistes  supérieurs,  même 
pour  ceux  qui,  chefs  actuels  de  son  école,  auront  les  muscles 
assez  forls  et  le  souffle  assez  puissant  pour  gravir  au  sommet  de 
quelque  chef-d'œuvre. 

Donc  un  autre  numéro-programme.  Toutes  les  rumeap, 
tontes  l«>  tentitlW,  Tés'MdkraliaiâlI^lUè^aiïc^sYr^Vrs' 
ne  sont  que  l'expression  de  ce  besoib.  L'évolution  littéraire,  après 
avoir  tourné  sur  place  (avec  quelle  magistrale  puissance  1)  depuis 
quarante  ans,  avance  de  nouveau. 

Où  va-l-elle?  Devant,  pareils  aux  curieux  enveloppant  de  leur 
nuée  la  musique  d'un  régiment  en  route  pour  une  destination 
inconnue,  courant  -et  gambadant,  en  une  variété  infinie,  les  nova- 
teurs, les  essayeurs  :  décadents,  déliquescents,  symbolistes,  ésolé- 
riques,  verbol&tres,  magisles,  instrumentistes,  impressionnistes, 
néo-réalistes...  Oh!  quelle  armée  de  Xercèsl  Et  chacun  brandit  son 
fanion,  en  criant  :  A  moi  I  par  ici  I  Voici  l'art  neuf!  Au  gui  l'ari 
neuf! 

Ce  qui  est  singulier,  c'est  celle  colère  concentrée,  celle  sourde 
fureur  avec  lesquelles  les  adeptes  d'unç  école  parlent  de  l'école 
voisine.  Quoi!  vous  avez  cette  chance,  grâce  k  l'extraordinaire 
fécondité  de  voire  ime  française,  d'avoir  le  clavier  complet,  d'une 
admirable  variété.  Et  voici  que  chaque  secte  jalouse  ses  voisines  cl 
les  vilipendent.  Et  quand  le  morceau  littéraire  que  joue  le  destin 
emploie  plutôt  les  basses  que  pintdl  les  hautes,  les  hautes  s'irri- 
tent et  réciproquement.  Réjouissez-vous,  notes  de  compagnie, 
d'avoir  toutes  les  cordes.  Ah  1  comme  on  vous  envie  ! 

C'est  de  celte  confusion  que  sortira,  peu  ii  peu  formé,  avec 
son  chef  et  ses  cadres,  un  mouvement  ayant  l'unité  et  la  puissance 
du  Romantisme  et  du  Naturalisme  :  l'Ecole  nouvelle!  encore 
mystérieuse.  Jusqu'ici  c'est  l'école  de  peloton,  chaque  sergent, 
avec  ses  hommes,  dans  un  coin  du  champ  des  manœuvres. 

Dès  a  présent  pourtant,  quelques  linéaments  transpercent  dans 
celte  gestation,  qui  n'est  pas  à  terme. 

D'abord  la  haine  des  formules  académiques  el  normaliennes 
qui  avaient  essayé  d'imposer  un  Code  de  l'art  lilléraire.  tin  effréné 
et  salutaire  besoin  d'originalité;  un  mépris  de  l'imitation;  l'obli- 
gation stricte  imposée  &  cbacAin  d'être  soi-même  sous  .  peine  de 
n'être  compté  pour  rien.  De  là  cet  éparpillement  en  sectes  innom- 
brables, ces  tentatives  souvent  bizarres,  ces  coups  de  sonde  dans 
l'imprévu,  déconcerlant  el  désespérant  les  orthodoxes.  De  lit 
aussi,  pour  n'en  pas  citer  d'autre  exemple,  cette  rupture  avec  les 
règles  de  la  versification  classique,  cette  mise  en  pièces  des  prin- 
cipes scoiasliques  sur  la  rime, la  césure,  la  métrique,  la  symétrie, 
et  l'éclosion  de  celte  poésie  qui  ne  cherche  que  l'harmonie,  le 
rythme,  le  musical,  le  charme  de  l'idée  mise  en  équation  avec 
une  forme  heureuse. 

Ensuite,  le  besoin  d'enrichir  la  langue,  désormais  insuffisante 
pour  exprimer  les  raffinées  nuances  de  la  vie  contemporaine,  de 
notre  ime  aryenne  arrivée  k  un  paroxysme  de  complication. 
Parmi  les  étranges  et  infiniment  multiples  transformations  en  les 


Wl'r-'^'  '- 


L'ART  MODERNE 


189 


quellei  M  fondent  ton»  le»  décora  de  notre  civilisation,  qu'est-ce 
qui  se  mnifeniw  pluf  étrangement  que  notre  pensée  humaine, 
que  notfe  eerrelle  humaine  et  sa  production  de  sentiments  et 
d'idéiea?  Tout  y  craque,  tout  y  casse,  et  du  fumant  remaniement 
des  débris  sort  un  agencement,  sur  nouveaux  frais,  prodigieux 
en  ses  imprévus  et  ses  détails.  Un  pullulement!  Un  fourmillo- 
menl  I  Comme  nous  sommes  loin  de  la  pensée  calme  et  mesurée 
des  hommes  qui  ont  décrété  la  langue  claire,  simple  et  forte  du 
dix-huitième  siëclel  Efforts  donc  pour  nous  rendre  les  expres- 
sions pittoresques  de  Ronsard  et  de  Rabelais.  Efforts  pour  créer 
des  mots  nouveaux,  ingénieux,  sonores  ou  tendres,  expressifs 
toujours.  Que  de  trouvailles  en  ce  genre  réalisés  par  cet  admi- 
rable Jules  Laforgue  dont  se  sont  si  peu  souvenus  la  plupart  des 
témoins  de  votre  Enquête! 

EnQn  (pour  ne  pas  trop  prolonger)  il  y  a  une  visible  tendance 
I  à  dépasser  les  bornes  visibles.de  (a  réalité,  dans  lesquelles 
le  Naturalisme  prétendait  si  étroitement  se  confiner.  Ici  surtout 
apparaît  une  face  de  la  question  li  laquelle  pourrait  s'appliquer, 
sans  trop  d'inexactitude,  ce  mol  vague  :  Symbolisme.  On  veut  un 
art  qui  fasse  penser,  qui  toit  luggatif.  Ceci  répond  il  ce  phéno- 
mène, interne,  mais  si  réellement  réel  en  notre  âme  :  le  prolonge- 
ment des  réalités  par  le  rêve.  T(ous  ne  voyons  rien  tel  que  c'est. 
Il  faut  un  étrange  effort  d'abstraction,  et  jamais  réussi,  pour 
dépouiller  les  choses  de  ce  qu'y  ajoute  notre  incompressible 
imagimatiOD;ences  jours  présents  surtout,  où  l'humanité  aryenne 
semble  ne  plus  vouloir  penser  qu'en  images  et  allégories,  ajoutant  à 
toute  réalité  nn  dédoublement  mystique,  une  flottante  auréole  de 
mystère.  Celte  inclination  de  nos  cerveaux,  séduisante  et  expres- 
sive faiblesse,  les  artistes  nouveaux  veulent  y  faire  droit  :  l'art, 
disent-ils,  doit  l'exprimer,  puisqu'elle  est  en  nous  et  nous  charme. 
L'art  qui  la  néglige  est  un  art  mutilé.  La  nature  existe  pour  nous 
non  pas  telle  qu'elle  est,  mais  telle  qu'elle  nous  apparaît,  telle 
que  nous  la  sentons,  que  nous  la  recréons,  que  nous  l'habillons 
de  nos  fantaisies,  cruelles  ou  douces,  fantastiques  surtout. 
L'artiste  doit  le  dire.  Il  doit,  dans  les  âmes  moins  actives  que  la 
sienne,  moins  fécondes,  susciter  par  la  dextérité  de  ses  rêves, 
d'autres  rêves.  Son  rôle  est  de  mettre  en  effervescence,  au  plus 
profond  des  autres,  l'organe  où  s'épanouit,  en  sa  divine  jouis- 
sance, LÀ.  SENSATION  AiiTiSTiQDK.  Il  ne  saurait  le  faire  pleinement 
s'il  se  borne  â  la  morne  et  sèche  réalité  ! 

Une  versification  plus  simple,  une  langue  plus  riche,  et  l'imma- 
tériel auréolant  constamment  la  réalité,  voilà  quelles  seront, 
d'après  moi,  les  dominantes  de  l'art  prochain,  qui,  émondaot  les 
exagérations  et  les  bizarreries  de  l'heure  de  transition  présente, 
régira  pour  un  temps  l'empire  lilléraire.  Cela  se  nommera  Sym- 
bolisme, ou...  comme  il  vous  plaira.  Et  peut  être, par  lassitude 
du  roman  dont  on  est  exténué,  s'appliqucra-t-on  à  l'histoire; 
car  scientifiquement  cl  psychologiquement  et  littérairement  l'his- 
toire est  â  refaire,  savez-vous? 

Il  me  reste  il  répondre  i  votre  troisième  question  :  les  person- 
nalités littéraires  belges.  Elles  sont  actuellement  très  nombreuses, 
presque  tous  des  jeunes.  Tenez  compte  que  le  patriotisme  (qui  n'a 
pas  son  grain  de  chauvinisme!)  m'illusionne,  et  prenez  pour  ce 
qu'elle  vaut  celte  déclaration  :  que  je  ne  crois  pas,  toutes  propor- 
tions gardées,  qu'il  y  ail  n'importe  où  un  mouvement  d'art  aussi 
intense,  aussi  sincère,  aussi  indépendant  que  dans  notre  petite 
Belgique.  Et  nos  littérateurs  ne  se  dévorent  pas  entre  eux  I  Des 
jeunes,  dis-je  ;  oui,  vers  les  voies  non  ouvertes,  tâtonnant,  frappant 
les  parois  pour  trouver  les  issues.  Sans  parti-pris,  cherchant  non 


pas  qui  ils  imiteront,  mais  comment  ils  se  découvriront  et  se  con- 
querreroni  eux-mêmes,  très  attentifs  au  mouvement  français,  mais 
redoutant  le  vieux  et  cruel  reproche  de  le  pasticher.  U-y  a  des 
groupes,  chez  nous,  mais  guère  d'écoles.  Les  plus  disparates 
fraient,  n'ayant  de  commun  que  le  même  besoin  de  f.ire  de 
l'art....  chacun  ii  sa  manière,  fraternellement.  S'il  y  cul  jadis 
quelques  querelles,  ahl  comme  elles  sont  apaisées! 

Des  noms?  A  quoi  bon  !  Que  vous  diraient  nos  noms,  lanlôl, 
pour  vous,  baroquement  flamands,  tantôt  wallons.  Je  vou- 
drais n'omettre  aucun  de  ces  modestes  vaillants  et  alors...  ce 
serait  long.  De  vous-même  vous  êtes  parvenu  à  entendre  ceux  de 
Camille  Lemonnier,  de  Georges  Rodenbach,  de  Maurice  Maeter- 
linck. Je  pourrais  y  ajouter  Emile  Verhaeren,  Albert  Giraud, 
Georges  Khnopff,  Charles  Van  Lerberghe,  Grégoire  le  Roy,  Fer- 
nand  Severin,  Raymond  Nyst,  et  d'autres,  et  d'autres  1  Mais  je 
préfère  attendre  qu'ils  parviennent  jusqu'à  vous  au  petit  bon- 
heur (1). 

Edmond  Picard. 


R„A.'5nj:o3srr)  isrsrsT 

La  Création  dn  Diable,  à  Bruxelles,  chez  Henbi  Kistshaickebs, 
pet.  in-8»  de  142  p. ,  1891,  125  ex. 

En  notre  année  1889,  nous  avons  parlé  une  première  fois  de 
M.  Raymond  Nyst,  p.  238,  très  élogieusemenl,  avec  l'entrevu 
d'un  bel  avenir  littéraire.  Voici  que  ce  Belge  publie  une  nouvelle 
œuvre,  infiniment  remarquable,  dont,  il  est  vrai,  ni  le  titre,  ni 
l'illustration  du  titre  ne  répondent  an  contenu.  On  dit  couram- 
ment que  c'est  l'éditeur,  se  croyant  très  malin  pour  attirer  l'ache- 
teur, qui  a  inspiré  cette  qualification  :  la  Création  du  Diable. 
Tant  pis  pour  l'auteur  s'il  s'est  laissé  faire. 

Mais  parlons  du  livre.  Il  dénonce  un  extraordinaire  styliste  au 
service  d'un  rêveur  d'apocalypses.  La  coulée  des  rêves  étranges  et 
des  phrases  d'admirable  coloris  est  abondante  et  brûlante  comme 
la  lave.  Images  imprévues  et  superbes,  descriptions  d'une 
intense  ampleur  décrivant  des  scènes  fantastiques  et  des  paysages 
étranges,  allégories  bizarres  et  saisissantes,  traînant  avec  elles  un 
cortège  de  pensées,  suscitant  l'étonnement  et  l'angoisse. 

Cette  œuvre,  après  l'éblouissemcnt  ,  des  mots,  impose  la 
réflexion  et  la  recherche  d'une  énigme.  Il  faudrait  une  longue 
méditation  pour  résoudre  son  mysticisme  et  le  concentrer  en 
quelque  exposé  bref  et  net.  Elle  n'est  pas  de  celles  dont  on 
dégage  le  sens  profond  â  première  lecture;  elle  va,  dans  le  hruit, 
le  cliquetis,  les  rayons  et  le  mysière,  sonore  et  compliquée,  â 
chacun  de  ses  pas  suscitant  un  effroi  ou  un  doute.  Elle  a  la  gran- 
deur, h  splendeur  et  l'obscurité.  A  peine  pouvons-nous  dire,  après 
la  superficielle  étude  à  laquelle  nous  condamne  la  vie  haletante, 
toujours  poussée,  bousculée  en  avant,  sans  repos,  ni  trêve,  ni 
halte  suffisante  pour  savourer  et  discerner,  qu'il  nous  a  semblé 
que  l'auteur  a  voulu  symboliser,  en  un  d('cor  unique,  changeant 
en  ses  détails,  la  série  des  grands  vices  humains,  les  vices  capi- 
taux, portant  ces  grands  noms  terribles  :  Luxure,  CoJèro, 
Orgueil...,  roulant  leurs  horreurs  et  leurs  misères  dans  le  torrent 
impétueux  et  lourd  d'un  fleuve  funèbre,  «vision  d'apothéoses,  de 
débâcles,  de  symboles».  Du  reste  le  voici  ;  voici  aussi  le  style,  la 
pensée,  l'Écrivain  : 

(1)  J'avais  spécialement  indiqué  Qeoroes  Eskhoud  et  Iwan 
OiLKiN.  J'ai  été  étonné  de  ne  pas  les  retrouver  dans  TÊcho  de  Paris. 


■: ■■  «^ ^y^'^'t^TPii'^-^Wy^'P^^-'  ' 


190 


UART  MODERNE 


«  Le  fleuve  ne  coulait  pas  de  l'eau,  majeslueusement  lenl 
il  roulait  la  vie  et  les  choses  de  ces  villes  immenses  :  faste 
éclatant  des  ors,  morbides  couleurs  des  soies,  multicolores 
regards  des  fascinants  bijoux,  décors  pompeux,  caprices  lascifs 
des  luxes,  aphrodisme  et  vicialc  névrose  des  arts,  spasme  et 
luxure  des  enlacements  stériles.  Au  soleil,  lourdement,  il  pousse 
l'encombrement  de  son  cours  ignoblement  pulride,[épais  et  gonflé 
du  suc  précieux  des  mondes  futurs,  bossue  du  remous  des  suin- 
tantes carcasses  fcrmentées  dans  la  boue  des  charniers  ;  d'entre 
ces  détritus  de  pourritures  d'hommes  et  de  bétes,  ces  excréments, 
ces  eaux  immondes,  parmi  d'écœurantes  guenillesjde  pauvres  et 
des  nourritures  risibles,  au  milieu  des  larmes,  du  sang,  des  corps 
broyés  —  comme  une  jonchée  de  fleurs  aux  contours  fragiles, 
immaculées  et  royales,  surnage  l'émergement  des  vices  aux  prodi- 
gieuses couleurs  :  verts  comme  émeraudos  et  cadavres,  d'un  vert 
orgueilleux  et  attirant,  d'un  vert  de  gibier  et^de  fromages  mûrs  ; 
vert  tragique  et  sévère  des  bronzes  sombres  ;  vert  pSle  et  tendre 
des  bourgeons  :  veris  des  corruptions  et  des  renaissances  :  le  vice 
jeune  et  le  vice  vieux,  le  vice  des  vierges,  des  femmes  et  des 
vieillards;  le  vice  délicat  et  suprême,  verdeur  faisandée;  le  vice 
qui  raffine,  le  vice  adorable,  juanesque,  le  vice  serti  dans  la  race 
et  la  grùcc  patriciennes  comme  la  pierrerie  dans  sa  grifle  d'or; 
des  tentations  rouges  fulgurenl  en  lèvres  tendues  de  courtisanes, 
en  langues  florentines  éperdftmcnt  dardées  et  des  seins  nus 
frémissent  dans  leur  moite  peau  blanche  ;  la  pourpre  superbe  des 
tyrans  flotte  étendue,  nageant  comme  ;un  radeau,  parfois  aussi 
large  que  le  fleuve,  qu'elle  fait  ployer  du  poids  flatteur  de  ses 
forfaits;  vivement  rougoient  la  craintive  perversité  des  juvéniles 
prostitutions;  surgit  le  rouge  sombre  des  vins  et  des  ivresses,  la 
profanation  des  viols  et  des  assassinats];  flamboient  les  couronnes 
de  gloire,  les  fards  d'actrices,  le  sang  qui  perle  d'une  morsure  de 
rut  :  celte  débâcle  sort  du  fleuve  immonde,  en  épanouissements 
radieux,  méduses  bombant  le  cristal  coloré  de  leurs  disques 
frangés,  bulles  croupissantes  de  marais  irisées  finement  de  pris- 
matiques féeries,  bouts  de  fantômes  insolents  vêtus  d'éclat  et  de 
soleil,  idéales  fragilités  ancrées  d'une  vie  tenace  et  incorruptible; 
regards  sûrs  et  immobiles  de  sphynx,  aux  paupières  inutiles  sur 
des  yeux  avides  impudiquement  ouverts  :  ainsi  qu'une  femme, 
pour  le  triomphe  de  sa  beauté,  enlève  ses  vêtements  et  séduit  au 
halètement  de  ses  seins  et  de  son  ventre  nus  la  continence  du 
m^ique,  de  même  ces  vices  subjuguaient  ma  vertu.  » 


>f/[v^tE    DE    ;pRUXELLEp 

Tableaux  gothiques  avec  peintures  sur  les  revers 
des  volets. 

La  collection  des  peintures  gothiques  du  Musée  de  Bruxelles 
est  des  plus  précieuses. 

Le  catalogue  oflicici  renseigne  trente-et-un  numéros  ayant  des 
volets  sur  les  revers  desquels  les  auteurs  ont  continué  leur  œuvre. 
Ils  y  ont  représenté,  en  grisaille  ou  autrement,  soit  un  dévelop- 
pement du  sujet  principal,  soit  des  attributs  variés,  soit  les  por- 
traits des  donateurs  du  tableau,  en  y  ajoutant  généralement  les 
armes  de  ceux-ci.  Ces  revers  étaient  primitivement  visibles  en 
temps  ordinaire,  tandis  que  le  panneau  principal  et  les  volets 
intérieurs  ne  l'étaient  que  pendant  les  grandes  cérémonies.  C'est 
ce  qui  explique  pourquoi  les  peintures  des  revers  étaient  presque 


aussi  soignées  qoe  les  panneaux  principaux.  On  peut  donc  affir- 
mer que  ai  le  panneau  principal  avec  le*  volets  intërienn  est  jugé 
digne  d'être  exposé  dans  un  musée,  il  en  est  de  même  des  revers 
et,  dans  ces  conditions,  on  se  demande  pourquoi  ils  sont  destiné* 
à  rester  dérobés  aux  regards  du  psUic. 

La  plupart  des  personnes  ignorent  leur  existence.  Celles  qui  la 
connaissent  ne  peuvent  les  étudier  qu'en  ayant  recours  k  l'obli- 
geance épuisable  des  huissiers.  Aussi  ces  peintures  restent  cacbées 
au  grand  détriment  de  l'bisloire  de  l'Art. 

Il  est  inutile  de  démontrer  qu'il  serait  de  la  plus  haute  impor- 
tance que  ces  revers  soient  visibles  en  tout  temps,  non  senlement 
au  point  de  vue  purement  artistique,  mais  encore  au  point  de  vue 
de  la  compréhension  de  sujets  quelquefois  obscurs,  de  la  conser- 
vation même  de  ces  œuvres,  de  l'accroissement  sans  frais  de  la 
collection  et  enfin  des  recherches  en  vue  d'arracher  b  l'œuvre  le 
nom  de  son  auteur.  '  i 

Plus  de  la  moitié  des  tableaux  gothiques  de  notre  Musée  sont 
rangés  dans  la  catégorie  des  maîtres  inconnus.  Parmi  ceux-lii  il  en 
est  beaucoup  qui  possèdent  des  peintures  sur  les  revers  des 
volets.  11  faudrait,  pour  ceux-là,  que  l'œuvre  entière  puisse  être 
embrassée  d'un  seul  regard. 

A  cet  effet,  les  volets  devraient  être  sciés  dans  leur  épaisseur.  Il 
ne  s'agit  pas  ici  d'une  innovation,  mais  simplement  d'une  applica- 
tion plus  étendue  de  ce  qui  s'est  fait  pour  le  n»  41 ,  de  B.VanOrley, 
et  pour  le  n°  11 5, d'un  auteur  inconnu.  Le  catalogue  dit  k  propos 
du  n°  41  :  «  H.  Nieuwenhuys,  à  qui  le  Uiptyque  a  appartenu, 
ayant  fait  scier  les  volets  dans  leur  épaisseur,  les  cinq  comparti- 
ments de  l'œuvre  se  trouvent  juxtaposés  et  sont  embrassés  d'un 
même  coup  d'œil  ».  Pour  le  n°  115  :  «  Ce  tableau  était  peint  au 
revers  du  n°  114.  On  a  séparé  les  peintures  en  sciant  le  panneau 
dans  son  épaisseur  ». 

L'énumération  seule  des  auteurs  indique  qu'il  s'agit  d'un 
travail  important.  11  est  entendu  que  le  travail  ne  se  ferait  que  si 
l'épaisseur  des  panneaux  était  suffisante.  Si  les  panneaux  ne 
l'étaient  point,  des  mesures  devraient  être  prises  pour  que  les 
volets  soient  visibles  de  chaque  cOté. 

CATALOGUE  OFFICIEL.  —  Auteurs  connut. 

N°     S"».  J.  Bosch.  —  Triptyque  avec  revers  en  grisaille. 

7.  J.    Van   Coninxio.  ■ —  Triptyque  avec  revers  en  tons 

divers. 

8.  Id.  —  Panneau  avec  revers  en  grisaille. 

9.  Id.  —  id.  id. 

10.  Id.  —  id.  id. 

11.  Id.  —  id.  id. 

19.    J.  et  H.  Van  Eyck.  —,  Deux  panneaux  avec  revers  eh 
tons. 

24.  J.   Gossart.  —  Triptyque  avec  revers  en  grisaille. 

25.  J.Grimmer. —        Id.  id. 

26.  M.  Van  Heemskerck.  —  Triptyque  avec  revers  en  tons. 
31.    J.  Memling.  —  Triptyque  avec  revers  en  grisaille. 

38.  Q.  Metsys.  —  Id.  id.        en  tons. 

39.  J.  Mostaert.  —  Deux  panneaux  avec  revers  en  tons. 

40.  B.  Van  Orley.  —  Triptyque  avec  revers  en  grisaille. 

41.  Id.  —        Id.  id.       sciés. 

44.  Id.  —  Deux  volets  avec  revers  en  grisaille. 

44".  Id.  —  Id.  id. 

232.    M.  Coxcie.  —  Triptyque  avec  revers  en  tons. 


L'ART  MODERNE 


191 


4il 
1«3. 
416. 


(armoiries  et  noms). 
id. 


Auteur»  incmmu*. 
67.  Voleb  arec  revetv  en  grisaille. 
88.  Triptyque    id.  id. 

94.  Voleii  id.  id.        (portraits). 

98.  Triptyque  aVee  revers. 

400.  Portrait  de  Philippe-le-Beau  avec  revers  en  grisaille. 
lOi.        Id.        Jeanne-la-Folle  id.  id. 

105.  Triptyque  avec  revers  eu  grisaille. 
Id.  id. 

H.  id. 

Id.  id. 

ISO.  Panneau  id. 

187.  Volets  avec  revers  en  tons. 
442.      Id.  id. 

447.  Panneau  id. 

Parmi  les  tableaux  d'auteurs  connus,  on  remarque  : 
Le  n»  49,  de  J.  et  H.  Van  Eyck,  deux  volets  détachés  de  la 
célèbre  Adoration  de  Gand. 
Leno  34,  de  J.  Memling. 
Le  n»  38,  de  Q.  Melsys. 
Le  n»  40,  de  B.  Van  Orley. 

Parmi  les  tableaux  d'auteurs  inconnus,  le  a°  443  est  très  inté- 
ressant, a.  La  peinture,  en  détrempe,  a  presque  entièrement  dis- 
paru, sans  doute  par  l'effet  de  l'humidité  des  murs  contre  lesquels 
les  tableaux  s'appuyaient  dans  l'église  d'où  ils  provienneot  origi- 
nairement; il  ne  reste  plus  que  de  faibles  traces  de  couleur;  mais 
le  dessin  et  tout  le  travail  préparatoire  sont  visibles,  ce  qui 
rend  ces  morceaux  particulièrement  intéressants  au  point  de  vue 
de  l'histoire  de  l'art.  » 

Il  paraît  que  le  sciage  des  panneaux  se  fait  assez  facilement  et 
que  le  coftt  en  est  peu  élevé. 


L'Exposition  allemande  à  Londres 

Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne. 

Tous  les  ans,  à  Earl's-Courl,  une  exposition,  soit  américaine, 
soit  française,  soit  autre,  s'ouvre  durant  la  saison  londonicnoe. 
Celte  année,  c'est  la  Oerman  Exhibition.  L'affiche  en  est  jolie. 
C'est  môme  la  seule,  avec  celle  de  l'Enfant  prodigue,  qui  vaille  la 
peine  d'être  regardée,  pour  l'instant,  sur  les  murs  à  papiers  et  à 
réclames  de  Londres.  Les  autres,  parfois  amusantes  à  cause  de 
leur  boniment  qui  sort  en  banderoles  de  la  bouche  d'un  bour- 
geois attablé  devant  une  bouteille  de  sauce  ou  de  leur  extraor- 
dinaire barnumisme  tricolore  vert,  rouge  et  ocre,  ne  valent  guère 
comme  art.  Depuis  quelques  années  déjà,  l'affiche  américaine 
s'atteste  supérieure  en  ce  genre  tapageur  et  violent,  où  les  cou- 
leurs doivent  crier  et  les  sujets  et  les  dessins  vous  arrêter  brus- 
quement, comme  si  vous  receviez  un  soufilel  que  vous  ne  pouvez 
rendre.  L'affiche,  suivant  les  Américains,  doit  élonner  et  pour 
étonner,  détonner.  L'affiche  anglaise  est  plus  calme  —  trop 
calme. 

La  Oerman  Exhibition  est  peuplée  d'échoppes  où  l'on  chanie, 
de  boutiques  où  l'on  vend  de  l'eau  de  Cologne  et  de  petits  bars 
où  l'on  débile  du  vin  de  Moselle.  L'après-midi  et  le  soir  des  Bava- 
rois et  des  Prussiens,  dans  la  piste  où  jadis  manœuvrait  Buffalo, 
font  des  manœuvres  et  des  exercices  miliiaires,  et  l'on  joue  ou 
l'on  jouera  la  Passion,  avec  la  troupe  d'Obcrammergau,  dans  une 


aile  da  grand  hall.  Ceci  est  comme  une  profanation  d'une  simple 
et  niilve  chose  belle. 

L'art  industriel  allemand  qui  s'étale  à  Earl's-Courtest  loul  sim- 
plement un  itlenlat  jiu  goût  public.  Cela  devrait  être  puni  comme 
un  outrage  aux  moeurs.  Tout  ce  que  Berlin  renferme  de  bronzes 
hideux,  de  sculptures  veules,  de  cuivres  criards,  de  meuliles 
lourds,  de  céramiques  outrageantes,  de  pintes  et  de  brocs  mir»- 
culeux  de  hideur  est  là,  sur  de  la  peluche  et  de  la  loile  cirée, 
rangé  par  étages  aux  montres  des  tréteaux  et  des  comptoirs.  Ne 
passons  pas  —  fuyons. 

Lîi  bas,  s'ouvre  le  Salon  des  beaux-arts.  Les  officiels  autant 
que  les  anlres  ont  donné.  On  se  trouve  en  présence  d'une  mani- 
festation complète  de  la  peinture  allemande  :  Munich,  Dusseldorf, 
Berlin. 

Et  voici  d'abord  le  professeur  Anton  von  Werner,  non  pas  le 
Fritz  Werner  qui  imite,  dans  sa  Lecture  intéressante  et  son  iSa»^- 
touci,  touche  par  touche  et  ton  par  ton  Meissonnier,  mais  l'offi- 
ciel et  très  bourgeois  peintre  pour  les  cours  et  les  grands  person- 
nages. Son  actuel  envoi  :  le  Quatre-vingt-dixième  anniversaire  de 
la  naissance  de  Ouillaume  I"  est  d'une  médiocrité  soignée, 
propre,  patiente  et  lisse.  Cela  est  peint  avec  une  habileté  lourde, 
pbolographiquemcnt  exact,  mais  quels  yeux  do  grenouilles  éton- 
nées le  respectable  professer  a-l-il  donné  aux  fils  de  l'empereur 
actuel!  Toute  cctic  scène  semble  non  pas  être  irailée  pour  un 
empereur,  mais  pour  de  braves  bourgeois,  prolixes  do  famille, 
qui  se  sont  réunis  dans  le  «  salon  »,  afin  de  célébrer  une  fête  à 
point  fixe  et  à  jour  fixe,  comme  il  convient  que  de  telles  fêtes  se 
présentent  et  se  célèbrent  chez  des  gens  iradiiionnellement  bien. 

Menzel  voisine  avec  von  Werner.  Un  lout  petit  quadro,  épa- 
nouissement de  couleurs  nombreuses,  comme  un  bouqucl.  Pein- 
ture fine  et  de  ragoût  :  la  Fin  du  Bal.  Plus  loin  la  Vue  du  Parc 
du  prince  Albert  de  Prusse,  qui  fait  songer  à  un  Heilbulh.  Pein- 
ture parisienne  d'il  y  a  vingt  ans,  mais  apparaissant  parmi  les 
numéros  voisins  comme  une  page  bien  écrite,  en  un  cahier  de 
salissures  et  de  taches  d'encre. 

Lembach.  Non  plus  des  esquisses  comme  aux  Portraits  du 
SiMe,  à  Bruxelles,  mais  de  vrais  portraits  dccroclics  des  murailles 
des  destinataires.  Le  côté  caricatural  apparaît  beaucoup  moins  cl 
le  caractère  rcsle.  Qu'on  dise  :  cette  peinture  saucée,  marmehi- 
deuse,  visqueuse,  c'est  possible;  cela  n'empêche  que,  préscnléc 
ainsi,  la  coUeclion  des  Bismarck,  Moilke,  Gladstone,  Frédéric  I", 
Ouillaume  /"n'ait  grand  air.  Ici  du  moins  on  sent  quelqu'un  qui 
comprend  et  sait  exprimer  une  pensée,  et  lui  donner  son  altitude 
plastique.  Même  voici  un  quadro  :  Doellinger,  où  l'art  s'affirme 
très  pénélramment.  Ce  que  le  peintre  a  mis  en  celle  savante  et 
polémiste  physionomie  de  sournoiserie,  de  jêsuiierie  el  de 
vague  effroi,  ce  que  celle  lêle  sent  b  bouquin  el  les  in-folio,  com- 
bien celle  peau  est  tannée  à  l'élude,  est  difficile  ^  dire.  II  faut 
voir. 

Non  loin  de  là,  Kraus  :  la  Première  Réception.  Le  peintre  reste 
fidèle  à  ses  sujets,  jadis  si  aimés.  Ce  n'est  plus  le  petit  gamin  qui 
compte  ses  sous,  ni  le  gavroche  qui  fait  une  farce  à  un  vieux  ; 
c'est  l'accouchée  qui  dans  son  lit  reçoit  les  commères  du  voisi- 
nage. Peinture  déjà  démodée,  mais  où  du  moins  les  tons  font  hou 
ménage  el  ne  se  donnent  pas  de  coups  de  poings. 

Au  reste,  le  genre  continue  à  fleurir  comme  par  le  passé  dans  les 
écoles  allemandes.  Tout  Dusseldorf  concourt  à  qui  fera  le  mieux 
sourire  une  grand'mère  le  jour  de  sa  fête  ou  à  qui  peindra  le 
mieux  les  regards  en  coulisse  des  héritiers  dans  une  chambre  mor- 


!.,.,.'r-fl-.-^>Jgj^-l^^ 


tuaire,  ou  à  qui  fera  la  plus  bêlement  sourieuse  tête  deTyrolienne. 
Et  il  cette  fin  se  mettent  sur  les  rangs  Bokelman,  Dofregger,  VaOtier, 
Hcyncn,  Schlabiz,  etc.. 

Voici  encore  des  portraitistes.  Koner  qui  a  eu  la  faveur  de 
peindro.  Guillaume  II  et  a  commis  une  œuvre  théâtrale  et 
vulgaire;  le  direclor  J.-A.  von  Kaulbach,  dont  la  peinture  devrait 
garnir  les  frises  des  musées  de  province;  Sicliel  qui  plagie  ou  du 
moins  semble  plagier  Herbo  ;  et  le  professeur  G.  Ricbler,  qui  s'est 
peint  lui-môme  à  mi-corps  dans  une  fenêtre  ornée  de  pampres  et 
tenant  son  fils  dans  ses  bras.  Sujet  de  sculpture  pour  les  panneaux 
des  meubles  de  Matines,  art  si  fondamentalement  commun  et  de 
guinguette,  qu'on  s'imagine  difficilement  qu'en  dehors  de  l'enseigne 
ce  professor  puisse  enseigner  quelque  chose. 

La  peinture  allemande  subit  trois  influences  :  celle  des  pein- 
tres du  Salon  de  Paris,  celle  des  hollandais  commandés  par 
Isracii  et  celle  des  impressionnistes  d'il  y  a  dix  ans.  Ces  dernier* 
sont  suivis  surtout  par  Kuschel-Hax  de  Hambourg;  les  seconds 
ont  abouti  à  la  Hollande,  mais  en  passant  parUhde  et  Lieberman, 
ce  sont  :  Théodor  Grust,  Hartman  Karl,  Hermann  Hans,  Hugo. 
Vogel,  Kricheldorf  Karel,  etc.;  les  premiers  sont  disséminés  il 
travers  l'Allemagne  et  imitent  l'un  Bastien-Lepage,  l'autre  Béraud, 
un  troisième  Leioiret  Gœnctte,  etc.  A  quoi  bon  citer  leurs  noms? 

Quant  aux  vieux  de  la  vieille  garde  du  paysage  dusseldorfîen 
et  munichois  et  même  berlinois,  ils  sont  encore  presque  tous  pré- 
sents :  Munthe,  Slremel,  Schlcich,  Lindlar,  Kameke,  Escke.llsconli- 
nuent  à  peindre  les  rochers  chocolats  et  soufflés;  les  eaux  jaunes 
et  brunes  ;  les  verts  et  déteints  comme  trempés  en  des  lessives 
vieilles  de  quinze  jours.  Leurs  couchers  de  soleil  sont  carameleux, 
leurs  ciels  boueux  et  leurs  terrains  semblent  faits  avec  de  la  terre 
glaise. 

On  sortirait  de  la  «  German  Exhibition  »  sans  une  seule  impres- 
sion, n'était  Lembach  ei  surtout  une  toile  intitulée  :  OraniMère 
et  petits  enfanU,  nullement  sujet  de  genre,  mais  au  contraire 
sérieuse,  fouillée,  profonde  et  grande  comme  s'il  reprenait, 
M.  Haider  Cari,  les  Iradiiions  d'Holbein  ou  de  Cranach. 


THÉATRE-LlBRE 

VII»  Spectacle  de  1890-91  :  8  juin,  Paris. 

[Correspondance  particulière  de  /'Art  hodernk.) 

L'amour  de  M""  Cécile  Darnay  est  le  lot  de  de  Nairesse. 
Quant  au  capitaine  Darnay,  il  a  dès  longtemps  perdu  toutes  pré- 
rogatives. Or,  ce  soir-là,  comme  il  sortait  pour  retrouver  une 
goton  d'Alcazar,  Cécile  lui  barre  le  passage,  le  supplie  de  rester, 
s'offre.  Et  k  de  Nairesse,  qui  arrivait  lout  effervescent,  elle  refuse 
l'habiluel  rendez-vous  nocturne.  Le  motif  de  ces  insolites  façons, 
elle  l'indique  à  l'amant  et  au  public  :  je  suis  grosse.  —  Dans  ces 
Fourches  caudines  Ai  }\.  Maurice  Le  Corbeiller,  tous  sont  absurdes. 
Du  moins  le  capitaine  est-il  absurde  sans  barguigner;  mais  les 
autres,  Cécile,  l'auteur,  de  Briac,  de  Nairesse...  On  n'a  guère  cru 
à  ces  personnages  verbeux,  emphatiques,  étonnés  de  rien. 

Leurs  filles.  —  M.  Pierre  Wolff  n'a  pas  voulu  faillir  tout  à  fait 
aux  promesses  incluses  dans  ce  tilre  à  la  Barrière  :  donc,  si  Loui- 
selle  s'évade  du  couvent,  ce  n'est  pas  seulement  par  désir  hérédi- 
taire de  faire  la  fêle,  mais  aussi  pour  échapper  aux  rires  de  cama- 
rades qui  ont  appris  quelle  hospitalière  profession  exerce  sa  mère, 
cl  (|ii;ind  celle  mf're  si^rmonnc  lumuliucuscment  Louiselle,  c'est 


moins  par  comique  dépit  de  voir  que  ion  projet  d'être  honorée 
dans  sa  descendance  rate  que  parce  qu'elle  eût  voulu  prétenrer  de 
toute  salissure  son  enfant  chérie.  De  tels  effets  ont  été  tant  exploi- 
tés au  théâtre  qu'ils  ne  sont  plus  qu'ennuyeux.  Enauyeux  ou 
pathétiques,  il  est  inadmissible  qu'ils  viennent  païaudement  attris- 
ter par  places  une  pièce  bouffe.  —  Ces  deux  actes  se  meuvent 
vite,  ils  sont  fertiles  en  mots  élastiques,  en  gaies  collisions  :  fort 
bien  faits,  bref.  Ils  ne  contiennent  aucun  nouvel  élément  d'art,  et 
ces  situations,  ces  réparties  pas  un  instant  n'étonnent. 

En  cinq  minutes  et  funambulesque,  le  Liioire  (soldats,  sous- 
oSs,  un  trompette),  de  M.  Georges  Courteline,  eût  été  amusant. 
On  l'a  joué  avec  un  solennel  naturalisme  et  dans  un  décor  exact. 

F, 


Exposition  des  Beaux- Arts  à  LMg» 

(Corretpondanee  particulière  de  l'Aet  modbkhi.) 

Nous  avons  eu  un  Salon  it  Liège,  et  ce  au  généreux  mois  de 
mai. 

Il  n'a  pas  fait  grand  bruit,  ce  Salon,  et  n'en  devait  pas  faire. 
Elles  n'avaient  en  elles  rien  de  tapageur,  les  pauvres  toiles  vieil- 
lotes  qui,  dans  le  jour  gris  de  la  salle  de  la  Société  d'Ëmulalion, 
dormaient  du  morne  sommeil  des  dépérissants. 

Et  que  dire  d'artistes  —  tous  Liégeois  —  qui,  dédaigneux  de  la 
lumière,  sans  intensité  d'expression,  indifférents  k  l'évoluiion 
artistique  de  l'époque,  refont  ce  que  d'autres  ont  fait,  et  ont  fait 
beaucoup  mieux,  il  y  a  quelque  trente  ans? 

Ils  sont  pénibles  à  voir,  ces  portraits,  qui  plus  ou  moins  exac- 
tement reproduisent  les  traits  des  quidams  à  qui  on  a  tout  donné, 
sauf  l'expression  de  vie. 

Elle  est  pitoyable,  Mlle  galerie  de  paysages  sans  soleil,  sans 
lumière,  sans  horizon,  où  tout  se  fond  dans  de  confuses  teintes 
grises. 

Et  ces  bronzes  et  ces  plâtres  —  qui  révèlent  une  certaine  habi- 
leté, on  dit  N.  de  Halhelin  nouvellement  initié —  sont  si  dépour- 
vus d'originalité,  qu'ils  commandent  le  silence.  Son  Coq  de  combat 
—  un  bronze  —  est  cependant  bien  campé,  ne  manque  pas  d'al- 
lure. 

Signalons  d'aimables  eaux-fortes  de  M.  de  Baré. 

Des  huit  artistes  exposants,  dont  sept  peintres  et  un  sculpteur, 
retenons  deux  jeunes  peintres  :  MM.  Auguste  Donnay  et  Emile 
Bcrchmans,  qui  semblent  moins  ignorants  de  la  vie  et  moins 
dédaigneux  des  voies  nouvelles. 

M.  Donnay  n'expose  que  des  dessins  et  de  petites  aquarelles; 
mais  ses  dessins  sont  vigoureux  et  dans  ses  aquarelles,  délicates 
de  teinte  et  de  touche,  l'air  circule  pleinement,  la  nature  vit  de 
son  intense  poésie. 

L'envoi  de  M.  Bcrchmans  est  considérable.  M.  Berchmans  a 
touché  â  tous  les  genres.  Souvent  de  louables  intentions,  ses  per- 
sonnages ont  de  la  physionomie.  Au  moins  n'est-ce  pas  un  endor- 
mi, il  travaille,  il  cherche  et  il  est  jeune.  Son  trypiique  est  d'une 
belle  conception  ;  c'est  un  dessin  très  finement  exécuté  et  comme 
ligne  et  comme  composition.  L'œuvre  est  suggestive,  mais  bien 
littéraire  et  quelque  peu  dans  la  manière  de  Félicien  Rops.  Elle 
nous  a  plu  beaucoup. 


W^^j^^^^-'^W  >' 


L'ART  MODERNE 


193 


Mémento  des  BxpositloiiB 

Doiui- Cambrai.  —  13-31  juillet  ii  Dooai,  15-31  août  i 
Cambrai.  Délais  d'envoi  :  notices,  35  juin;  œuvres,  4  juillet 
(dépdt  i  Paris  :  Dupuy-Vildieu,  rue  de  l'Échiquier,  S-8).  Rensei- 
gnemcDls  :  ttcrélaire  de  la  SociéUdet  a  Amis  des  Aru  de  Douai- 
Çambrai  ». 

•  Maunbs.  —  37*  Exposition  des  Beaux-Arts.  38  juin-30  juillet. 
Délai  d'envoi  :  15-30  juin.  Renseignements  :  Commission  direc- 
trice, aux  Halles,  Grand'Place,  Malines. 

Spa.  —  30*  Exposition  annuelle  des  Beaux-Arts.  5  juillet-fîn 
septembre.  Délai  d'envoi  :  5-35  juin  (notices  avant  le  15  juin). — 
Renseignements  •.Albin  Bovy,  président  de  la  Commission  direc- 
trice, rÛecIfttne'-Spia.  "■  -    .     ■ 


Petite  chrojiique 


Miss  Helyetl  est  devenue  centenaire  sans  rien  perdre  de  sa 
jeunesse,  de  son  entrain  et  de  sa  gaieté.  Incarnée  par  M>i°  Zoé 
Tilma,  qui  joue  avec  beaucoup  d'esprit  et  d'humour  le  râle  de  la 
fantasque  Américaine  et  dont  la  voix  est  fort  agréable  !i  écouler, 
voici  l'amusante  opérette  de  MM.  Audraa  et  Boucheron  repartie 
pour  une  nouvelle  série  de  représentations.  Les  auteurs  ont  été, 
à  cette  «  centième  nmémorable,  fleuris,  acclamé!),  rappelés,  acca- 
blés de  palmes  enrubanées.  Les  interprèles  ont  reçu  des  charretées 
de  fletirs  et  l'on  a  généreusement  fait  même  succès  à  tout  le 
monde,  aux  nouvelles  recrues  comme  aux  anciennes  connaissances, 
il  M'^Burdinne  et  Raimbaud  comme  à  MM.  Villard,  Larbaudière, 
Minart,  etc.  Et  le  théâtre  lui-même  s'était  mis  de  la  fêle  en  arbo- 
rant, il  tous  les  étages,  des  banderoles  portant  en  lettres  écarlates 
le  nom  des  «  heureux  auteurs  »  et  de  leurs  œuvres. 

H.  Audran  conduisait  l'orchestre,  qui  s'est  tenu  à  carreau,  natu- 
rellement, et  M.  Boucheron  souriait  d'un  large  rire  satisfait  dans 
une  baignoire  d'avant-scène.  Quant  ii  H.  Durieiix,  dont  l'activité 
et  le  talent  ont  donné  un  si  vif  éclat  au  Théâtre  des  Galeries,  il 
est  resté  modestement  dans  les  coulisses. 

Paul  Verlaine,  aimé,  admiré  des  lettrés  depuis  au  moins  trois 
lustres,  a  récemment  été  mis  en  lumière  à  Paris  de  façon  il  être 
enfin  vu  et  connu  de  la  foule  et  des  badauds.  Voici  que  sans  larder 
le  crifi'c|ue  de  l'Indépendance  belge  se  met  à  jouer  en  son  honneur 
des  airs  variés,  agcucés  de  telle  sorte  que  les  naïfs  croiront  que 
cette  vieille  musarde  l'a  compris  dès  l'aurore  de  ses  œuvres.  On 
sait  que  c'est  sa  manière.  On  connaît  sa  fameuse  phrase  :  Nous 
avons  été  les  premiers  à...  i  tout,  surtout  ii  ne  rien  comprendre 
aux  vrais  talents  méconnus,  sauf  à  les  tambouriner  avec  frénésie 
dès  qu'ils  passent  à  la  mode. 

Par  la  même  occasion  celte  old  lady  encense  en  passant  Maeter- 
linck et  l'Intruse.  11  y  a  un  an  elle  ignorait  le  grand  poète  gan- 
tois. Il  y  a  trois  mois  elle  s'en  moquait  encore.  On  n'est  pas  plus, 
littérairement,  horizontale. 

La  Qaxetle  de  Francfort  (Frankfurter  Zeitung)  consacre  deux 
feuilletons,  signés  Maximilian  Harden,  de  Berlin  (n"  des  3  et 
4  juin),  i  Maurice  Maeterlinck. 

«  De  ce  noir  pays  (la  Belgique)  s'est  envolé,  dit  l'auteur,  un 
oiseau  dont  le  bec  est  fièrement  planté.  »  Une  analyse  critique 
très  élogieuse  de  Serres  chaudes,  de  la  Princesse  Haleine,  des 


Aveugles  et  de  l'Intruse  forme  le  fond  de  celle  étude.  Seulement 
M.  Harden  s'imagine,  à  tort,  que  Maeterlinck  était  lotalcment 
inconnu  avant  le  coup  de  trompette  de  M.  Octave  Mirbcau.  Nous 
pourrions  citer  plusieurs  arlicles,  et  notamment  ceux  de  l'An 
moderne,  qui  ont  d'emblée  et  longtemps  avant  le  tapage  provoqué 
par  le  Figaro,  mis  l'auteur  des  Aveugles  au  rang  qu'il  occupe 
actuellement  dans  l'armée  des  ouvriers  de  la  plume. 

La  Louviëre  sera  en  liesse  aujourd'hui  et  demain,  14  et  15  juin. 
On  y  célébrera  avec  solennité  le  cinquantenaire  du  plus  ancien 
établissement  industriel  de  la  commune,  la  faïencerie  fondée  on 
juin  1841  par  H.  Victor  Boch,  le  céramiste  distingué  dont  le  goût 
et  la  haute  compétence  artistiques  sont  universellement  appréciés. 

A  celte  occasion,  le  Club  symphonique  de  BruxelUs,  dont 
M.  Boch  est  le  président  d'honneur,  et  le  Choral  des  XX,  qui  a  à 
sa  tête  M»*  Anna'  Boch,  donneront  à  La  Louvière  une  matinée 
musicale  fa  laquelle  prendï-onl  part,  comme  solistes,  M''"  Louise 
Derscheid,  MM.  Emile  Agniez,  Edouard  Jacobs,  professeurs  au 
Conservatoire,  et  Lucien  Tonnelier.  Un  train  spécial  conduira 
l'orchestre  et  les  chœurs  !i  La  Louvière  et  les  ramènera  le  soir  à 
Bruxelles. 

Une  assiette  artistique,  dessinée  par  M.  Théo  Van  Ryssclberglie, 
sera  distribuée,  en  souvenir  de  la  fête,  aux  invités,  ainsi  qu'aux 
800  ouvriers  deja  fabrique,  auxquels  sera  offert  un  banquet 
suivi  d'un  concert  donné  par  la  Fanfare  de  l'usine,  d'un  bal 
champêtre,  etc. 

M.  Charles  Van  derStappen  a  modelé  un  grand  plat  commémo- 
ralif  reproduisant,  en  un  médaillon  élégant,  le  profil  du  jubilaire, 
et  destiné  fa  être  fondu  en  argent. 


La  Société  nationale  des  Beaux-Arts  (Champ-de-Mars)  vient 
d'organiser  définitivement  la  section  des  objets  d'art,  tentée  celle 
année  pour  la  première  fois,  et  qui  obtient  un  vif  succès.  On 
annonce  pour  l'an  prochain  de  nouvelles  attractions. 

C'est  Ifa  une  excellente  mesure  îi  laquelle  nous  applaudissons 
sincèrement.  L'art  industriel  est  un  dérivatif  efficace  conirc  l'en- 
vahissement toujours  croissant  de  la  peinture  «  de  Salon  ».  On 
ne  saurait  assez  l'encourager. 

Déjà  les  XX  avaient  imaginé  de  joindre  fa  leur  Exposition  de 
tableaux  et  de  sculptures  des  objets  en  céramique,  des  vases  en 
terre,  des  albums  pour  enfants,  des  périodiques  illuslrt^s,  cic.  11 
serait  fa  souhaiter  que  dans  chaque  Salon  on  organisai  une  seclinn 
analogue;  ce  serait  rendre  un  réel  service  aux  artistes  en  mi'mc 
temps  qu'au  public.  

Très  amusant,  le  Petit  bleu  du  matin,  adressé  par  Gil-Dlnx  à 
M""  la  comtesse  de  Greffuhie,  présidente  de  la  Société  des  granitée 
auditions,  fa  propos  de  l'exécution  d'Israël  en  Egypte  au  Tro- 
cadéro  : 

«  Vous  avez  eu  hier  votre  journée  de  triomphe,  Madame,  oi 
vous  paraissiez  fort  heureuse  dans  votre  loge  du  Trocadéro,  pon- 
dant que  le  maître  Vincent  d'Indy  faisait  rouler  des  lonnerros 
jusque  sous  les  arcades  extérieures  de  ce  palais,  peu  habitué  b 
voir  tant  de  monde.  Car  c'est  là  votr'e  vrai  triomphe.  Madame; 
vous  avez  amené  au  Trocadéro  les  trois  salles  d'abonnement  ilc 
l'Opéra  et  vous  avez  obligé  des  oreilles  habituées  fa  la  musique  de 
Gounod  fa  s'ouvrir  aux  sévères  beautés  de  Haendel.  Mais  seule- 
ment, croyez-m'en,  ne  recommencez  pas  l'expérience,  car  on  s'est 
ennuyé  ferme  et  s'il  n'avait  pas  été  si  crème  d'y  aller,  il  y  a  bien 
des  gens  que  le  titre  seul  à'Israêl  en  Egypte  aurait  arrêté  devnnt 
la  porte;  sans  compter  les  caillelles  aniisémiles  qui  ont  profilé 
de  l'occasion  pour  dire  :  «  Oh!  ces  Juifs,  on  les  reirouve  par- 
tout ».  La  prochaine  fois,  il  faudra  autre  chose.  Madame,  ci 
surtout  pas  d'oralorio!  Comment  voulez-vous  que  des  gons  du 
monde  comprennent  la  musiq'ue  la  plus  anti-mondaine  qui  cxisic? 

a  Aussi,  aux  risques  de  vous  causer  un  gros  chagrin,  je  vous 
avouerai  que  l'on  a  beaucoup  poiinô,  beaucoup  jacassé,  beaucoup 
regardé,  mais  bien  peu  écouté.  El  si  l'on  n'avait  pas  pu  vous 
admirer,  ahl  Madame,  Haendel  en  aurait  entendu  de  dures  !  —  J.  » 


iwr't^vy'^-''^"'/*.:' 


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Bruxelles  à  Londres  en  .    .    . 


Cologne  à  Londres  en 
Berlin  à  Londres  en  . 


8 
13 
22 


heures. 


Vienne  à  Londres  en 36  heures. 

Bflie  à  Londres  en.    .    .    .    ,    .  20 

Milan  à  Londres  en  ....    .  32      » 
.     .     18  heures. 


Francfort  s^  à  Londres  en    .    . 
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9.  Kolowratring,  à  Vienne;  à  M.  Rudolf  Meyer,  à  Carusbad;  à  Af.  Schenher,  Hôtel  OberpoUinger,  A  Munich;  A  M.  DetoUenaere,  12, 
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ASSURANCES  SUR  LA  VIE  EiTIÈIIE,  MIXTES 
ET  A  TERME  FIXE 

AUX  CONDITIONS  LES  PLUS  FAVORABLES 

La  Compagnie  traite  des  afiab'es  en  Belgique  depuis  1865. 
Echéances,  sinistre»,  etc.,  payés,  plus  de  S20  QUllions. 

RENTES  VIAGÈRES  aux  taux  de  10, 15  et  17  p.  c, 
suivant  l'Age,  payables  sans  frai»  et  an  cours  dan|  toute 
1  Europe.  Prospectus  et  renseignements  gratuitement  en  face 
du  Conserraiotre,  23,  me  de  la  Résenœ,  BraxeUes. 


Bruxelles.  —  liup,  V  MoimoH,  31,  rue  d«  l'Induitrie. 


■'"ï'T''^"  ■'  ■ 


Oiadata  amnéb.  —  N*  25. 


L9   NUMÉRO    :    25    CENTIMES. 


Dimanche  21  Juin  1891. 


MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  ORITIQDB  DBS  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABOmîBMIiNTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,   fr.    13.00.    —  ANNONCES   :    On   traite   à   forfait. 


Adreaur  toute*  le»  communication*  d 
L'ADHiiasTRATioM  oÂNÉRALB  DB  TATt  Modome,  1*116  do  l'indastrle,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


An  MinÉI  DBS  TABLIAOX  AHCHKMa.  —  VlEUZTmPS,  SA  m  ET  SES 
ŒOVRBS.  —  TaLLSTRAND.  —  LeS  ACAOâlIlBS.  —  La  pousse  DBS 
FEUILLES.  : —  CoNCODKS  DU  CONSERVATOIRE.  —  ChKONIQUS  JUDICIAIRE 
OIS  AKTS.  —  Petiti  OaaONIQUB. 


,  in  Insée  des  tableaux  anciens 

Une  série  de  désillusions,  certainement,  est  amenée 
par  une  visite  au  musée  de  la  rue  de  la  Régence.  A 
peine  entré  on  se  rappelle  avec  regret  l'ancien  musée, 
«i  chaud  da  lumière  et  si  intime.  La  salle  des  gothiques, 
d'alors,  était-elle  assez  recueillie  et  harmonieuse,  et  de 
qnel  flambloiement  brillait  la  collection  des  Rubens, 
une  merveille  ?  Maintenant  les  gothiques  sont  cimaises 
en  deux  longs  corridors,  et' les  Rubens,  quel  que  soit 
leur  grandeur,  se  placardent  en  une  sorte  de  hall,  à 
l'aspect  de  salle  de  vente.  Ce  hall  était  d'ailleurs  des- 
tiné aux  exhibitions  des  salons,  au  tape  à  l'œil  et  à  la 
réclame  de  la  vile  tourbe  des  peintres  contemporains, 
qui,  les  puffistes,  peignent  pour  le  •  Salon  •,  en  vue  de 
pam/fas«a//£«,  tandis  que  les  anciens  n'avaient  pour  but 
que  U  décoration  d'une  cathédrale,  d'un  oratoire,  d'un 
local  de  corporation,  d'un  boudoir.  Dans  la  galerie  du 
centre,  c'est  pis  encore.  L'idée  d'un  bassin  de  natation, 
dans  le  £Mid  duquel  croupiraient  d'odieuses  statues. 


vient  immédiatement  à  l'esprit.  Et,  tout  à  l'entour, 
voilà,  dans  un  immense  bazar,  les  toiles  des  petits 
maîtres.  Les  musées  d'Amsterdam  et  de  Munich  ont 
compris,  eux,  que  pour  de  petits  tableaux  il  fallait  de 
petites  salles.  Les  cadres  mignons  se  noient  sur  des 
murailles  de  vaste  étendue.  Ici,  avec  une  incompré- 
hension totale  de  la  chose  peinte,  on  a  jeté  pêle-mêle 
les  œuvres  de  minime  dimension,  les  accolant  à  des 
toiles  plus  grandes,  d'une  façon  ridicule,  sans  respect 
des  tonalités  réciproques  et  de  l'harmonie  des  valeurs, 
avec  des  fonds  de  peluche  et  des  séries  de  petits  cadres 
collés  sous  un  grand  comme  des  timbres  au  coin  d'une 
enveloppe.  Ce  n'est  pas  même  de  la  bonne  besogne  de 
tapissier. 

Cependant,  soyons  justes.  Quelque  délicieux  qu'il  fût, 
le  musée  ancien  devait  être  délogé.  Il  y  avait,  dans  ce 
local,  où  les  tableaux  modernes  courent  maintenant  les 
mêmes  risques,  de  sérieux  dangers  d'incendie,  surtout 
qu'on  avait  trouvé  rationnel  d'installer  sous  le  cabinet 
des  estampes,  un  laboratoire  de  chimie  industrielle.  Et 
à  propos  de  ce  délogement,  on  nous  a  affirmé  qu'il  avait 
coûté  80,000  francs.  Nous  n'osons  le  croire  et  aimerions 
à  être  démentis.  Tout  entrepreneur  de  délogeraent  eût 
pri»  l'affaire  —  nous  nous  en  sommes  informés  —  pour 
25,000  francs,  et  beaucoup  moins  —  et  au  lieu  d'y 
mettre  quatre  mois,  comme  l'a  fait  l'Etat,  il  eût 
accompli  la  besogne  en  quatre  semaines. 


i^taMMMMildMpâ 


196 


L'ART  MODERNE 


Mais  revenons  à  nos  tableaux.  Au  cours  de  notre 
visite,  nous  désirions  connaître  certains  prix  de  tableaux. 

Il  est  important  pour  un  amateur  de  connaître  le 
prix  des  toiles.  Et  le  catalogue  d'un  Musée  est  à  ce  point 
de  vue  précieux,  car  on  s'imagine  que  l'État,  en  excel- 
lent administrateur,  achète  les  tableaux  à  leur  bonne 
et  juste  valeur.  Nous  nous  procurâmes  donc  un  cata- 
logue et  nous  nous  aperçûmes  avec  stupeur  que  les  prix 
des  œuvres  n'étaient  plus  indiqués!  Pourtant,  jadis,  ils 
s'y  trouvaient?  Un  catalogue  de  1882,  retrouvé  dans 
une  bibliothèque,  nous  confirma  ce  fait. 

Pourquoi  ce  changement?  On  n'ose  plus  publier  les 
prix?  On  a  honte  de  ce  qu'on  paye  pour  les  tableaux? 
Quelle  explication  donner  à  ce  phénomène  bizarre? 

Nous  avons  feuilleté  le  catalogue  de  1882  et  avons 
examiné  le  prix  et  la  provenance  des  tableaux.  Nous 
avons  été  étonnés  de  voir  le  nombre  de  toiles  achetées 
à  des  marchands.  Un  seul  d'entre  eux,  M.  Gauchez,  de 
Paris,  en  avait  vendu  seize,  dont  le  Rubens  :  la  Vierge 
et  TEnfant  Jésus  —  un  Rubens  mesquinement  peint, 
peut-être  un  Van  Balen  î  —  pour  la  somme  de  75,000  fr.  ! 

Il  est  important,  nous  semble-t-il,  que  le  Musée 
achète  surtout  à  des  ventes,  et  le  moins  possible  à  des 
marchands.  Ceux-ci  prélèvent  toujours  d'énormes  béné- 
fices. Aux  ventes  importantes,  les  musées  de  l'Europe 
sont  toujours  représentés.  Le  Musée  de  Bruxelles  l'est 
rarement.  Il  s'approvisionne  chez  les  marchands,  qui 
toujours,  et  c'est  leur  droit,  "  voient  venir  »  un  aussi 
riche  client  et  lui  font  même  des  dons  de  bienvenue,  en 
s'habillant  à  l'italienne.  M.  Gauchez,  sous  le  nom  de 
Mancino  (gaucher  en  italien),  a  donné  plusieurs  tableaux 
à  notre  galerie  nationale.  Timeo  Danaos  et  dona 
ferentes.  Quand  un  tableau  a  été  refusé  partout,  nous 
disait  un  jour  un  marchand,  on  le  lance  au  Musée  de 
Bruxelles  et  on  a  des  chances  de  réussir.  Dans  le  monde 
de  l'hôtel  Drouot  nous  avons  un  jour  entendu  appeler 
notre  Musée  :  V Hospice  des  tableaux.  Nous  ne  faisons 
aucun  reproche  aux  marchands.  Ils  cherchent  à  vendre  : 
c'est  plus  que  leur  droit,  c'est  leur  fonction.  On  ne  peut 
les  incriminer  en  rien. 

Cependant  ces  choses  étaient  à  signaler,  d'autant  plus 
que  depuis  1882  linfluence  des  marchands  sur  le  Musée 
de  Bruxelles  a  été  considérable.  La  commission  semble 
n'avoir  confiance  qu'en  quelques  négociants  parisiens. 
Elle  parait  se  défier  d'elle-même,  chose  prudente,  en 
somme,  mais  dont  elle  ne  doit  pas  abuser.  Ainsi,  même 
aux  ventes,  elle  hésite.  Un  jour,  à  la  vente  Kiihnen, 
elle  avait  envie  d'un  petit  portrait  de  l'école  de  Diirer. 
Elle  le  laissa  aller.  Ce  fut  M.  Coster,  l'amateur  bruxel- 
lois bien  connu,  qui  l'acheta.  Le  lendemain  la  commis- 
sion lui  demanda  de  lui  céder  le  tableau,  ce  qu'il  fit 
gracieusement,  n'étant  pas  marchand.  Mais  on  ne  ren- 
contre pas  tous  les  jours  des  acheteurs  aussi  délicats. 

Voici  les  prix  et  les  provenances  de  quelques  tableaux 


achetés  depuis  1882.  Nous  nous  en  Bommfls  infiïrtaé 
ci  et  là.  Peut-être  certains  de  ces  chifitee  sont'ils  «iton- 
nés.  Nous  nous  fions  un  peu  à  la  «  fomà  »,  aux  Jour- 
naux d'art  et  de  curiosités,  et  si  nous  nous  troni|K>itB, 
ce  que  nous  ne  croyons  pas  cependant,  nous  serons 
heureux  de  recevoir  une  lettre  de  rectification. 

Voici  ces  prix  : 

La  Songeuse,  de  Maes  :  66,000  francs,  acquis  k 
M.  Léon  Gauchez  (marchand  &  Paris). 

Une  Guirlande,  de  Van  Utrecht  :  (?),  acquis  à  M.  Léon 
Gauchez. 

Trois  Esquisses,  de  Rubens  :  42,000  francs,  acquis  à 
M.  Léon  Gauchez.  ..:  o  *     .    .    i.; 

Les  Têtes  de  Nègres,  de  Rubens  :  85,000  francs, 
acquis  à  M.  Léon  Gauchez. 

Le  Cabaret,  d'Ostade  :  50.000  francs,  acquis  à  M. 
Léon  Gauchez. 

La  Chasse  d'Atalante,  de  Rubens  :  25,000  francs, 
acquis  à  M.  Léon  Gauchez. 

Un  Moulin,  d'Hobbema  :  100,000  francs,  acquis  à 
M.  Bourgeois  (marchand  à  Paris). 

La  Vieille  femme,  de  Rembrandt  :  105,000  francs, 
acquis  à  M.  Bourgeois. 

Le  Christ  au  peuple,  de  Lairesse  :  (?),  acquis  à 
M.  Bourgeois. 

Un  Coin  de  Halle,  de  Van  Utrecht  :  (?),  acquis  à 
M.  Cardon  (marchand  à  Bruxelles). 

Les  Pourceaux,  de  Potter  :  32,000  franès,  vente 
Crabbe. 

•  Saint-Gérôme,  de  Patenier  :  18,000  francs,  vente 
Van  Assche. 

Paysage,  de  Lucas  Gassel  :  10,000  francs,  à  un  par- 
ticulier (?). 

Voilà  les  prix  que  nous  avons  pu  savoir.  On  le  voit  : 
deux  marchands  de  Paris  continuent  à  fournir  au 
Musée  de  Bruxelles.  M.  Gauchez  avait  déjà  vendu,  en 
1882,  16  tableaux  ;  en  voici  maintenant  22,  et  les  plus 
chers.  Si  nous  nous  sommes  trompés,  que  la  commi^ion, 
qui  n'a  qu'à  s'en  prendre  à  son  catalogue  tronqué, 
veuille  bien  rectifier  nos  chiff'res.  Et  nous  espérons  bien 
nous  être  trompés.  Tenez  :  le  dernier  Ostade  acheté  : 
50,000  francs,  est  d'un  prix  colossal  !  A  la  vente  Buis- 
seret  un  bel  Ostade  a  été  vendu  7,100  francs.  Il  était 
presqu'aussi  beau  que  celui-ci,  qui  est  usé  par  places. 
Les  Têtes  de  Nègres,  de  Rubens,  ont  été  ofiertes,  il  y  a 
cinq  ans,  à  un  amateur  bien  connu  à  Anvers,  pour  la 
somme  de  40,000  francs  :  il  a  trouvé  que  c'était  un  peu 
cher  pour  cette  étude,  très  belle  d'ailleurs,  du  maître 
anversois.  Quant  à  la  Chasse  d'Atalante,  c'est  un 
exécrable  Rubens.  Il  est  épais,  glaireux,  brossé  à  la 
«  grosse  brosse  »,  noir,  sale,  et  ne  mérite  pas  de  figurer 
dans  un  musée.  Ce  tableau,  acheté  par  hotre  Com- 
mission 25,000  francs,  avait  été  vendu  quelques  mois 
avant  à  une  vente  publique  à  Londres  9,000  francs. 


,<-'''^J,W»V' 


iwpwwp 


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mf^^r^^tr^r^"'^' 


L'ART  MODERNE 


197 


10  Irpl^  M^tjliNef»  n'oinrent  guère  d'intérêt,  sortout  d« 
Ijl  ll^  ^Bt  fillM  «ont  placées  et  présentées  au  pnbtic, 
^M^;^  mtm^  «i  n«l>9  en  Rubens.  Il  y  a  d'autres 
j^|^)l|n||(  fliBijUKh  ^Bi  «tviquent  ici.  Bt  voici  :  il  nous 
pi^^j^  «m  A  TespHt  :  lloelaat  Savery.  Il  y  a  quelque 
i(i|||.|ine  (BUTra^ece  peintre  original,  si  fttédans 
)«|^'||i|«é«a  de  QoUaDda,  a  été  Tendii»à  Braxellw.  à  m» 
iMlt^  liB  ¥uaée  ne  s'en  est  pas  inquiété.  Kle  a  été  achetée 
l,9fiÀ  ftiuK»  par  M.  Oirod,  propriétaire  du  Grand 
^6Mi  qui  i'a  revendue  pour  5,000  francs  (?)  au  Musée 
(^  OoDFtrai,  ville  natale  de  Savery. 

Quant  au  Rembrant,  il  est  de  notoriété  publique  que 
son  authenticité  est  contestée.  C'est  un  tableau  qui 
a  essayé  de  se  placer  en  maintes  galeries,  mais  qui  a 
essayé  d'aigres  et  vertes  rebuffades,  surtout  d'un  cri- 
^iqite  hollandais  bien  connu,  M.  Brennidus.  Il  est  maigre, 
peu  vibrant,  bien  sec  pour  un  Rembrandt.  Des  experts 
ont  affirmé  que  la  signature  est  assez  récente.  Et  cela  a 
coûté  105,000  francs  !  Non,  n'est-ce  pas?  Il  est  vrai  qu'on 
nous  a  assuré  que  cette  croûte  :  la  Peste  de  Tournai, 
avait  coûté  davantage  encore.  Et  cette  Peste  a  été 
commandée  à  Gallait  alors  qu'il  était  riche,  vieux,  et 
que  ses  tableaux  encombraient  déjà  tous  nos  édifices. 

11  est  vrai  qu'alors  Dubois,  Agneessens,  Boulenger, 
Degrouz,  Artan,  étaient  malheureux  et  qu'on  ne  leur 
jetait  pas  même  les  miettes  d'un  Banquet  de  Rhéto- 
ricien^  ou  celles  encroûtées  de  je  ne  sais  quel  repas 
antique,  signé  Coomans,  et  payé  !  I 

Une  bonne  acquisition,  c'est  le  Patenier-,  beau 
gothique,  intéressant,  plein  de  couleur,  très  original, 
et  payé  :  1 ,800  francs  !  Seulement?  Il  est  vrai  que  c'était 
à  une  vente.  L'autre  gothique,  non  encore  catalogué  et 
dans  lequel  on  a  sans  doute  cru  reconnaître  un  Lucas 
Gassel,  est  détestable,  sans  cachet  artistique,  veule, 
plat  et  repeint  sur  toutes  les  coutures  d'une  indigne 
façon.  On  nous  dit  qu'il  a  coûté  10,000  francs!!!! 

En  somme,  sauf  erreur  de  notre  part,  nous  trouvons 
tous  ces  prix  exagérés,  les  acquisitions  faites  sans 
discernement,  et  il  était  de  notre  devoir  de  signaler 
cet  état  de  choses.  Que  l'État  achète  plus  aux  ventes 
et  moins  aux  marchands.  Qu'il  oblige  la  Commission 
à  faire  connaître  loyalement  les  prix  d'acquisition, 
afin  que  le  public,  aux  frais  de  qui  se  font  les  achats, 
ait  le  droit  de  vérifier*  si  on  lui  donne  pour  son  argent.  » 
A  Londres,  dans  tous  les  musées,  les  prix  payés  sont 
mentionnés  sur  le  cadre  des  tableaux,  sur  les  vitrines 
des  objets  d'art.  Pourquoi  n'en  est-il  pas  de  même  chez 
nous? 

Nous  soumettons  ces  observations  au  ministre  des 
Beaux-Arts,  et  attendons  avec  confiance  des  réformes 
qui  s'imposent. 


A  propos  de  l'article  ci-dessus,  reproduisons  deux 


notes,  l'une  de  la  Fédét-ation  artistique,  l'autre  de  la 
Chronique. 

A  propos  du  Van  Ostade,  la  Fédération  artistique, 
dans  son  n»  du  19  avril,  imprime  : 

«  Il  parait  que  l'achat  de  ce  tableau  n'aurait  pas  été  ratifié  par 
le  miolilre,  qui  génëralemeat  se  contentait  d'approuver  les  déci- 
tioni  de  la  CommissioD,  tandis  que  le  nouveau  ministre  des 
Beaux-Arts  prétend  devoir  être  consulté  préalablement. 

M.  de  Burlet  ne  doit  sans  doute  pas  avoir  pris  une  aussi 
grave  décision  sans  avoir  le  droit  de  son  côté;  toujours  est-il 
qu'en  attendant  qu'une  solution  intervienne,  le  tableau  a  été 
retiré  du  Musée. et  mis  dans  le  cabinet  de  la  Direction'. 

Si  le  ministre  a  voulu  donner  une  simple  leçon  ou  un  aver- 
tissement k  la  Commission,  les  choses  s'arrangeront  facilement  ; 
si  au  contraire  il  maintient  son  vélo,  voilà  un  joli  procès  à  l'hori- 
zon entre  la  dite  Commission  et  M.  Gauchez,  le  vendeur  >;. 

De  son  côté  la  Chronique  a  dit  : 

«  OsTADB  PAR-CI,  OsTADE  PAR-LA.  Nous  avons  annoncé  hier 
l'acquisition  tacite,  par  le  Musée  de  l'Etat,  an  prix  de  50,000  fr., 
d'un  petit  tableau  d'Adrien  Ostade,  mesurant  35  centimètres  de 
haut  sur  30  de  large. 

On  nous  écrit  à  ce  propos  une  lettre  où  il  est  dit  entre  autres 
choses  : 

«  Au  moment  où  elle  a  acquis  ce  «  pur  chef-d'œuvre  »,  la 
Commission  des  Musées  ne  devait  pas  ignorer  que  dans  la  vente 
de  Buisserel  se  trouvait  un  très  bel  Ostade  :  Intérieur  de  tabagie, 
à  sept  personnages,  un  pur  chef-d'oeuvre  aussi  (de  27  centimètres 
de  haut  sur  33  de  large).  Ce  tableau,  d'une  indiscutable  authen- 
ticité et  pourvu  de  tous  ses  papiers  généalogiques,  n'est  vendu 
que  7,100  francs;  il  a  été  acquis  par  M.  Martin  Colnaghi,  de 
Londres  (1). 

«  En  supposant  qu'un  nouvel  Ostade  fût  absolument  néces- 
saire au  Musée  (ce  qui  est  fort  contestable),  la  Commission,  avec 
un  peu  moins  de  hâte,  eût  pu  acquérir  ce  chef-d'œuvl'e  de  la 
vente  Buisserct,  réalisant  ainsi,  au  profit  des  contribuables,  une 
économie  de  plus  de  40,000  francs  ». 


Sa  vie,  ses  œuvres,  par  J.  TeikiDOHB  Radoux.  —  Liège,  Aug. 
Bénard,  1891  ;  un  vol.  in-8°  de  166  p.,  non  compris  titre  et  tables, 
orné  de  neuf  portraits  de  Vieuitemps,  d'autographes,  etc. 

La  biographie  d'Henry  Vieuxlemps  que  vient  de  faire  paraitre 
le  savant  directeur  du  Conservatoire  de  Liège  est  d'autant  plus 
intéressante  qu'elle  a  été  écrite,  avec  le  pieux  respect  d'une 
amitié  fidèle,  par  un  musicien  dont  l'intimité  avec  l'illustre  vir- 
tuose a  été  grande,  ce  qui  vaut  au  lecteur  nombre  de  so'uvenirs 
personnels  et  de  documents  inédits. 

M.  Radoux  a  réuni  et  classé  tout  ce  qui  dans  l'autobiographie 
de  Vieuxlemps,  dans  le  volume  que  lui  a  consacré  M.  Maurice 
Kulferath,  dans  les  journaux,  pouvait  faire  revivre  l'artiste  et 
l'auréoler  de  gloire.  Il  y  a  ajouté  une  partie  critique  attachante  : 
l'appréciation  raisonnée  et  éclectique  des  diverses  compositions 
du  maître,  faite  avec  une  impartialité  qu'on  ne  trouve  pas  tou- 
jours chez  les  biographes.  L'étude  de  M.  Radoux  n'est  pas  une 
apologie  :  tout  en  exaltant  le  génie  du  virtuose,  tout  en  plaçant 
très  haut  telles  de  ses  œuvres  qui  ont  apporté  à  la  littérature  du 
violon  une  forme  neuve,  l'auteur  ne  cache  point  les  faiblesses  de 
certaines  compositions,  même  de  celles  pour  qui  le  maître  avait 
une   préférence.   Et  la  correspondance  de   Vieuxtcmps,  et  les 

(1)  Voir  nos  articles  sur  la  vente  de  Buisseret,  avec  les  prix  des 
enchères.  Art  moderne  des  26  avril  et  3  mai  derniers. 


108 


L'ART  MODERNE 


rclaiions  personnelles  de  l'autour  avec  l'arlisle,  el  les  renseigne- 
menis  qu'il  rccucillil  de  la  bouche  de  Lucien  Vieuxtemp»,  frère  du 
virtuose,  et  de  diverses  porsonnrg  mêlées  à  la  vie  de  celui-ci, 
parmi  lesquelles,  en  première  ligne,  M.  Van  der  Heyden,  pro- 
fesseur au  CoMservaioire  de  Bruxelles,  l'ami  des  dernières  heures, 
cl  de  toujours,  ont  fourni  à  M.  Radoux  les  éléments  d'un  travail 
très  complet,  qui  réunit  les  deux  qualités  essentielles  de  l'histo- 
rien :  In  précision  el  la  sinrérilé. 

Le  volume  embrasse  la  carrière  entière  du  nnusicicn,  depuis  le 
concert  fameux  donné  par  Vieuxtemps  à  Vcrviers  il  l'Sge  de  six 
ans,  alors  que  u  sa  tète  dépassait  à  peine  les  quinqueis  de  la 
rampe  »,  jusqu'au  jour  où  la  mon  frappait,  en  juin  1881,  !i  Alger, 
cette  personnalité  artistique  de  premier  ordre,  qu'une  implacable 
maladie  avait,  depuis  plusieurs  années,  condamnée  au  repos.  Il 
suit  le  virtuose  dans  ses  voyages  en  Hollande,  en  Allemagne,  en 
Angleterre,  en  Russie,  en  Suède,  on  Norwège,  en  Amérique,  où 
il  recul  partout  un  accueil  triomphal.  Il  le  montre  dans  l'intimité 
de  son  intérieur,  toujours  épris  d'art,  organisant  chez  lui  des 
séances  de  quatuors  fameuires.  Il  l'accompagne  dans  les  villes 
d'eaux  où  le  maître  lutta  désespérément  contre  la  paralysie  enva- 
hissante, puis  à  Mustapha  Supérieur,  où  l'appela  la  sollicitude 
filiale  de  W°'  Landow^ka  el  qui  devait  être  la  dernière  étape  de 
sa  vie. 

Professeur,  il  csl  silhouetté  en  ces  quelques  traits  :  u  Vieux- 
temps  avait  autant  souci  de  développer  chez  ses  élèves  le  edlé 
puremcni  esthétique  de  l'art  que  la  technique  de  l'instrument. 
Aucun  morceau  n'était  exécuté  avant  d'avoir  passé  par  le  crible 
du  raisonnement.  Chaque  thème  était  analysé,  critiqué,  envisagé 
dans  ses  rapports  avec  l'idée  mère  de  l'œuvre,  el  cela  avec  une 
sûreté  de  vue,  une  élévation  de  pensée  tout  ii  fait  remarquables. 
L'éducation  du  compositeur  nourri  aux  plus  saines  traditions 
déteignait  sur  le  professeur-virtuose,  le  tout  au  grand  bénéfice  de 
SCS  disciples.  » 

Faut-il  ajouter  que  ses  élèves  ont  gardé  pour  lui  une  sorte  de 
culle?  Ysaye,  Jcnô  Bubay,  Narsick  ne  parlent  de  Vieuxtemps 
qu'avec  un  respect  admiraiif  touchant.  El  il  leur  rendait  en 
affection  tout  ce  qu'ils  lui  témoignaient  de  déférence,  lui  qui 
écrivait  à  M.  Radoux,  quelques  mois  avant  sa  mort,  parlant  des 
compositions  auxquelles  il  travaillait  dans  sa  solitude  africaine  : 
«  Je  n'ai  personne  pour  me  faire  entendre  tout  cela,  ni  juger  en 
dernier  ressort,  couper  ou  changer.  11  me  faudrait  quelqu'un,  el 
ce  quelqu'un  c'est  Ysaye,  qui  ferait  bien  de  venir  passer  l'hiver  ici 
où  je  lui  stylerais  mes  nouvelles  choses.  J'entends  toujours  sa 
chanterelle  et  je  voudrais  la  réentendre  encore!  Découvre-le  moi 
el  qu'il  arrive  le  plus  tdl  possible  !  » 

Terminons  notre  rapide  analyse  par  une  louchante  anecdote 
que  raconte  M.  Radoux.  Le  9  avril  1881,  deux  mois  avant  sa 

mon,  Vieuxtemps  écrivait  ii  une  amie  d'Anvers  :  « A  propos 

j'aurai  peut-être  à  vous  annoncer  dans  ma  prochaine  lettre  là 
venie  de  mon  Onarnerins.  Je  suis  en  pourparlers  sérieux  à  ce 
sujet.  Cela  coulera  cher  à  l'acheteur,  mais  il  en  aura  pour  son 
argent,  car  ce  violon  est  une  perle  unique,  donl  malheureusement 
je  ne  puis  plus  me  servir.  Néanmoins,  m'en  séparer  me  coûtera 
bien  des  larmes,  et  j'en  ai  déjà  le  cœur  gros  rien  que  d'y  penser. 
Mais,  quand  je  le  regarde,  je  pleure  de  ne  plus  pouvoir  l'interroger, 
l'animer,  le  faire  parler!  » 

En  effet,  son  ami  Van  der  Heyden  avait  été  chargé  de  négo- 
cier l'affaire  avec  le  duc  de  Camposclice,  qui  était  ravi  de 
l'acquérir  au  prix  de  17,000  francs,  somme  fixée  par  Vieuxtemps. 


Nais  au  moment  de  ae  demisir  de  m»  ^ififin  \lmiirtii^\pffifn^ , 
nDattre  fut  pris  de  remords,  el,  espëraiit  en  dégoûter  r^mnleu/,  U 
s'écria  :  «  Si  l'on  met  17,000  francs,  on  peut  bien  en  mçiûre 
20,000  ».  Le  duc.  mis  au  courant  de  la  siimlion,  répon^  par 
un  chèque  de  30,000  irancs  adressd  h  Yan  der  tfàydén,  par 
l'intermédiaire  de  la  maison  Rothschild. 

Croyant  avoir  vaincu  toute  résistance,  l'ami  s'en  riiil  tMover 
Vieuxtemps  de  grand  matin  et  lui  mit  le  chèque  sdut  \H  yemiL 
Vous  peindre  le  désespoir  de  Vieuxtemps  n'est  pas  pewible,  nie 
dit  Van  der  Heyden.  Il  pleurait  el  ne  pouvait  se  dire  k  l'id^tde 
se  séparer  de  son  Guamerins.  Il  demanda  vingt-quatre  keoret 
pour  réfléchir,  mais  ne  vonlot  pas  garder  le  chèque.  •  Baporte. 
empone  cet  argent,  disait  le  pauvre  désolé;  je  ne  veux  pas  le 
ToirI  » 

M"*  Landovrska  el  son  mari,  craignant  qne  ce  grand  chagrin 
n'amenftt  une  rechute  de  la  terrible  maladie  de  leor  bien-aimé 
père,  prièrent  leur  ami  de  ne  plus  lui  en  reparler.  Le  due  de 
Camposelice  fit  de  nouvelles  instances  auprès  du  négociateur  pour 
qu'il  offrit  davantage  encore,  mais  celui-ci  déclara  qu'il  était  inutile 
d'insister;  il  avait  acquis  la  conviction  que  Vieuxtemps  ne  se 
séparerait  &  aucun  prix  de  son  instrument. 

Le  duc  devint  cependant  plus  tard  l'benreux  acquéreur  dn 
fameux  Guamerius,  mais  seulement  après  la  mort  dn  HMitre  et  de 
sa  fille,  H-*  Landovrska. 


TALLEYRAND 

Mémoire*,  lettres  inédites  et  pstplers 

par  M.  Jban  Oobsas.  —  Paria,  SaviM,  1891,  in-8>.  Prix  :  fr.  8-50. 

Cet  ouvrage  est  une  véritable  autobiographie  dn  célèbre  diplo- 
mate :  c'est  Talleyrand  se  racontant  lui-même  dans  des  lettres, 
dépêches  el  rapports,  pour  la  plupart  inédita.  Hais,  de  même  qne 
dans  les  Mémoires  publiés  par  M.  le  due  de  Broglie,  rbabile 
politique  n'y  apparaît  pas  ii  la  hauteur  de  sa  renommée.  Dans 
celte  correspondance  sans  idées  et  sans  style,  on  ne  reconnaît 
guère  le  «  Mirabeau  ii  demi-voix  »,  comme  l'appelle  Lamartine. 
On  n'y  retrouve  pas  même  cette  mordacilé,  cet  éclaira  d'épi- 
grammes  et  de  saillies  qu'on  a  tant  vantés  en  lui.  On  ehercbe  en 
vain  sur  son  esprit  terne,  impassible,  le  reflet  tragique  el  la 
commotion  des  grands  événements,  auxquels  il  fui  cependant  si 
activement  mêlé.  Il  passe  au  travers  de  l'épopée  révolutionnaire 
et  impériale  sans  que  son  âme  s'allume  k  celle  immense  explo- 
sion de  passions.  Ne  conteslanl  jamais  avec  le  succès,  prêtant 
serment  k  tous  les  pouvoirs  qui  se  succèdent  en  France^  \\  ne 
jure,  en  réalité,  fidélité  qnlt  lui-même,  et  son  habileté  politique 
n'est  qne  le  génie  de  son  ambition.  Il  n'est  pas  de  ces  généreux 
téméraires,  qui,  impatients  dn  triomphe  de  leure  idées,  se  jelienl 
résolument  en  avant  de  leur  époque,  au  risque  de  foira  busse 
roule.  Au  contraire,  sa  politique,  inspirée  par  son  seul  intérêt,  a 
pour  règle  de  ne  jamais  se  bSIler.  Il  laisse  au  deslin  le  temps  de 
lui  montrer  sa  voie,  et,  avec  une  lenteur  calculée,  il  attend  qne 
les  circonstances  l'emportent  ven  sa  nouvelle  fortune.  Ne  s'alla- 
chant  qu*k  ce  qui  peut  le  soutenir  lui-même,  il  passe  ainsi  lour  k 
tour  à  chaque  régime  qui  s'élève  en  France,  el  Napoléon  a  pu 
,dire  justement  de  lui  :  «  M.  de  Talleyrand  était  toujoun  en  étal 
de  trahison,  mais  c'était  de  complicité  avec  la  fortune  ».  On 
conçoit  que  ce  poliiique  égoïste,  dont  toute  l'ambition  fut  concen- 
trée sur  lui-même,  n'ait  pas  même  laissé  une  pensée  qui  lui  sur- 


'^ 


L'ART  MODERNE 


109 


Tricot.  Sa  tombe  ett  muellp,  ei  la  reconnai'snnrc  des  peupli<8  ne. 
Tiendra  pas  l'en  relever.  Il  n'a  servi,  ue  s'est  sncrifid  !i  uiicune 
ftniit  cause  :  elles  ne  manquent  pas  eepi-mlaiit  ii  qui  veut  se 
dévouer,  tt  elles  enveloppent  ceux  qui  soufTn  at  pour  elles  duns 
leur  propre  immoriuliié.  T;ii:eyr,ind  n'a  pus  voulu  de  rcitc 
gloire;  il  a  oblcou  toutes  les  8ati»raciions  auxquelles  il  a  aspiré  : 
il  est  assrx  récompensé. 

Dans  toule  la  paperasse  recueillie  par  M.  Jean  Corsas,  il  n'y  a 
qu'une  page  révélant  une  vue  un  peu  haute  cl  ce  souci  de  l'avenir, 
qui  doit  élrela  principale  préocrupution  de  1  homme  d'Eiat.  Voici 
ce  passage  ;  «  Du  cAié  de  l'Amérique,  l'Europe  doit  toujours 
avoir  les  yeux  ouverts  cl  ne  fournir  aucun  prétexte  de  ré<riiniiia- 
tion  on  de  représailles.  L'Amérique  s'aecrotl  chaque  jour.  Elle 
dcTicndra  un  pouvoir  colossal,  ei  un  moment  doit  arriver  oil, 
placée  yis-k-vis  de  l'Europe  en  comniunicaiion  plus  f^icilc  par  h; 
'  moyen  de  nouvelles  découvertes,  elle  désirera  dire  son  mot  dnns 
nok  affaires  et  y  mettre  la  main.  La  prudcnrc  poTnicpic  impose 
donc  aux  gouvernement)'  de  l'ancien  Continent  le  soin  de  veiller 
icrapuleusement  i  ce  qu'aucun  prétexte  ne  s'offre  pour  une  lellc 
intervention.  Le  jour  où  l'Amt'riquc  posera  son  pied  en  Europe, 
la  paix  et  la  sécurité  en  seront  bannies  pour  longtcmp!>.  » 

Pressentiment  juste  d'un  avenir  inévilahlc  et  peut-être  rap- 
proché. Fatalement,  l'Europe  doit  éire  vuineue  dans  la  concur- 
rence économique,  dans  la  lutte  pour  la  vie  par  l'Amérique  cl  la 
Russie,  débordantes  de  prodigieuses  rcssoiirees.  Eli;  ne  sera 
plus  alore  qu'une  province  do  monde  renouvelé,  illustre  et  sfffi- 
lanieeomme  la  GrAre  ancienne  dans  l'Empire  romain. 

Déchirée  do  haines  sociales,  épnisiée  d'armement»,  usée  de 
vieillesse,  incapable  de  se  suffire  it  elle-même,  elle  arhèvera  de 
mourir  entre  les  deux  colosses,  qne  les  facilités  do  communica- 
tion TWit  de  plus  «D  plus  précipiter  sur  elle. 


LÉS  ACADÉMIËJ3 

•  Avec  la  prétention  rie  nos  noDibreuses 

•  académïps  de  vouloir  fabriquer  des  artistes 

•  an  lien  d'hommes  ailles,  d'artisausioiel- 

•  eents,  les  (wintres  abondent  et  l'art  s'af- 

•  raisse!  ■ 

(Extrait  H'nn  discours  rte  M.  Slingeneyer 
à  la  Chambre  des  repréaeniaots.  —  L'Art 
moderne  iu  7  juin  1891.) 

Trouver  une  solution  au  problème  moderne,  a  an  casM-téie 
ebùsois  »  :  eMcigoenieot  de  l'art  décoraiiFI 

La  BMladie  i  la  mode  :  la  peinture,  la  xculptore,  l'art  déro- 
ni'\\  (roiaine  si  ari  et  art  àécoràlif  éywnK  deux  choses  dis- 
tiBC)e«!), 

Apr^  un  stage  d'un  certain  nombre  d'années  dans  une  nradé- 
mic,  comme  résultai  :  frotter  de  la  couleur  sur  une  toile  (iiussi 
grande  qne  possible),  l'encadrer,   l'exposer,   s'iijtiiuler  artisie 

peintK L'oe médaille,  deux  médailles,  voire  une  décoration; 

Toilk  l'art  moderne. 

Poor  ^ox  qui  ne  sont  pas  assez  forts  pour  atteindre  ces  délices, 
comme  planche  de  salut  :  «  l'An  décora  if  ». 

Que  Diable!  on  est  toujours  artiste  !  Vivo  l'art  décoratif! 

Quelque  cliose  de  brossé,  de  mal  fait,  quelque  chose  d'à  peu 
près  :  Toilil  l'art  décoratif  moderne. 

Plus  je  réfléchi»,  plo»  je  constate  qu'il  est  impossible  de  trou- 
ver u»e  solution.  CcUe  maladie  moilcrne  esl  uue  horrible  plaie, 
où  la  gangrène  s'est  mise  d<puis  longtemps  :  il  faut  amputer. 


El  la  cause  de  cette  maladie?  —  La  facilité,  le  perfectionnement, 
l'eniralncmeni,  l'enseignement  académique,  ce  u  turf  »  de  l'Art. 
Fermez  les  académies,  ei  la  légion  des  demoiselles  et  messieurs 
artistes  fondera  comme  la  neige  au  soleil.  Etre  arliste  n'est  plus 
une  vocation,  c'est  une  profession.  On  se  glisse  dans  l'Art  par  la 
porte  de  l'Académie  des  beaux-arts. 

u  En  vérité,  en  vérité,  je  vous  dis  que  celui  qui  n'entre  pas 
u  par  la  porte  duns  la  bergerie,  mais  qui  y  monte  par  un  autre 
«  endroit  est  un  larron  el  un  voleur.  »  (Cbap.  X,  Ev.  selon  saint 
Jean,  v.  I). 

Les  académies  d'art  décoratif,  des  beaux-arts,  d'industrie  artis- 
tique, etc.,  etc....  ce  n'est  pas  la  porte. 

La  sensation  que  chaque  individu-  a  en  lui,  l'instinct,  cette 
chose  indéfinissable...  la  Foi  :  «  Je  suis  la  porte  :  si  quelqu'un 
a  entre  par  moi«  il  sera  sauvé,  il  entrera  et  sortira,  et  trouvera 
«  de  la  p&ture  ».  (Chap.  X,  Ev.  selon  sainl  Jean,  v.  IX.) 

Croyez  en  vous-même.  Croyez  it  votre  vocation,  et  surtout 
ayez-en  une,  travaillez  el  vous  ferez  de  l'art. 

L'euLnl  iravaillrra  comme  on  enfant,  l'adulte  comme  un  adulte, 
l'bomme  comme  l'homme,  et  ses  proUuits  seront  des  œuvres  per- 
sonnelles, des  œuvres  d'art,  el  son  tempérament,  son  talent,  son 
cœur,  son  insiiiicl  le  guideront  plus  sûrement  que  toutes  les  aca- 
démies el  tous  les  proft'sseurs  réunis  du  monde  entier. 

Les  primitifs  avec  des  outils  primitifs  font  des  œuvres  primi- 
tives, tout  cela  lient  ensemble  et  ces  œuvres  sont  des  œuvres 
d'art.  On  leur  appore  des  outils  perfeclionnéf,  le  travail  va  plus 
facilement,  seulement  ils  ne  font  plus  d'œuvres  d'art,  le  charme 
est  rompu. 

C'est  déjà  le  commencement  de  la  civilisation  artistique!!!!!  le 
commen(  em(>nl  de  l'idée  «  euteignemttit  »  (facilité,  perfectionne- 
ment, académie)  et  l'Art  s'affaisse. 

'  Le  gouvernement  s'occupe  de  l'enseignement  de  l'art  et  ne 
s'occupe  pas  de*  artistes. 

Jadis  le  jeune  homme,  qui  sentait  en  lui  se  réveiller  cette  chose 
indéfinissable,  cet  amour  de  l'Art,  broyail  des  couleurs  el  lavail 
les  brosses  de  son  maître,  afin  de  pouvoir  être  son  élève  et  de 
pénétrer  dans  son  tancluaire. 

Aujourd'hui  on  ne  broie  plus  de  couleurs,  el  l'académie  des 
Beaux-Arts,  celle  grande  maison  de  prostitution,  reçoit  toui  le 
monde  i  bras  ouverts  ! 

Non  fils  peint,  ma  fille  peint,  ma  femme  peint,  tout  le  monde 

peint.  C'est  le  canl,  le  five  o'clock  moderne et  l'An  s'affaisse, 

et  la  déesse  souffie  et  pleure. 

Fermei  les  portes  des  Académies.   Fermez.  Fermez!  On  ne 
fabrique  ni  dos  artistes  peintres,  ni  des  artistes  sculpteurs,  ni  des 
arti>tes  d'aucune  catégorie. 
Fermez.  Fermez  U's  portes  ! 

On  n'enseigne  pas  l'Art  ;  autant  donner  à  un  loup  des  moutons 
il  garder. 

On  n'apprend  pns,  en  passant  par  les  primitifs,  les  Égyptiens, 
les  Grecs,  les  Rnm;iins,  les  artistes  des  deux  mondes  réunis, 
comment  on  doit  drcorer  une  assiette!!! 
Fermez...  Fermez! 

«  Mais  vous  ne  me  croyez  pas,  parce  que  vous  n'élcs  pas  de 
«  mes  brebis  comme  je  vous  l'ai  dit.  » 

(CUap.  X,  Ev.  selon  sainl  Jean,  v.  XXVI.) 

J.  S. 


'^'i 


J 


LA  POUSSE  DES  FEUILLES 

Quelques  revues  nouvelles  font  leur  apparition.  Nous  les 
saluons  confraternellcmcut  cl  joyeusement,  car,  de  même  que 
celles  que  nous  avons  signalées  précédemment,  elles  sont  toutes 
vouées  au  bon  combat  que  nous  soutenons,  au  combat  des  idées 
jeunes  contre  la  routine,  contre  le  docirinarisme  littéraire, 
contre  le  perruquisme,  le  bonzisme  et  le  pbilistinisme. 

La  Revue  libre,  coquettement  présentée  sous  une  couverture 
saumon,  a  élu  domicile  chaussée  de  Wavre,  45,  !i  Bruxelles. 
Publiée  sous  la  direction  de  H.  Camille  Roussel,  la  Revue  libre  a 
pour  secrétaires  MM.  Henry  Classant  (n'avons-nous  pas  rencontré 
ce  nom  jadis,  orné  d'une  particule,  en  des  TabUltet  lilUraire* 
trop  tdt  abolies  ?)  ei  José  Hennrbicq.  En  ce  premier  numéro  de 
mai,  des  proses  et  des  vers  d'Henry  Classant,  Henry  de  Régnier, 
Raymond  Nyst,  Jean  Delville,  José  Hennebicq,  Camille  Roussel. 

Et  vogue,  vogue 

Le  Recueil  littéraire  paraît  à  Montréal  (Canada)  en  livraisons 
bi-mensuelles  de  24  pages,*llustrées  de  portraits, etc.  On  y  parle 
de  Victor  de  Laprade,  du  bonnet  de  Sainte-Catherine,  d'Homère, 
d'une  foule  de  choses  douces  au  cœur  ou  héroïques  à  l'esprit.  Le 
directeur  est  M.  Pierre  Bedard,  192,  rue  Saint-Hubert,  Montréal, 
téléphone  Bell  6363,  botte-poste  1436.  Qu'on  se  le  dise.  «  Aucun 
travail  n'est  admis  s'il  n'est  excellent  pour  le  fond  comme  pour 
la  forme,  et  s'il  n'est  signé  d'un  nom  responsable  »,  dit  la  man- 
chette du  journal. 

Panlobiblion  est  édité  en  quatorze  langues.  C'est-ii-dire  que 
tous  les  volumes  annoncés,  tous  les  périodiques  signalés  le  sont 
dans  leur  idiome  propre;  tant  pis  pour  ceux  qui  ne  comprennent 
pas.  Cela  est  édité  à  Pétersbourg,  Fontanka,  64,  sous  la  direction 
de  M.  A.  Kercka,  ingénieur,  et  cela  colite  30  francs  par  an  pour 
l'Union  postale.  —  Très  ingénieux,  d'ailleurs,  le  Panlobiblion  : 
des  notices  bibliographiques  pour  tous  les  ouvrages  parus,  Icssom- 
maires  de  tous  les  journaux,  de  toutes  les  revues,  etc.,  et,  dans 
la  perspective,  le  projet  d'articles  critiques  sur  les  principales 
études  publiées  par  les  journaux  scientifiques.  La  polytechnie 
occupeau  Pantobiblion  une  part  prépondérante.  On  y  fait  accueil, 
néanmoins,  aux  livres  et  aux  revues  littéraires. 

Puis  encore  :  la  Revue  de  la  littérature  mod«rn«  (Paris,  rue  de 
la  Grande  Chaumière,  4;  abonnements  :  Paris,  10  francs;  étran- 
ger, 12  francs),  publiée  sous  la  direction  de  MM.  Auguste  Chau- 
vigne,  directeur,  et  Alcide  Guérin,  sous-dircctcur.  Lm  Revue  de 
la  littérature  moderne  est  déjà  dans  sa  septième  année.  Elle 
paraît  tous  les  quinze  jours  et  publie  des  études  critiques  intéres- 
santes, des  poèmes,  des  portraits  littéraires,  des  nouvelles,  etc. 
N'ayant  pas  eu  l'occasion  jusqu'ici  de  la  citrr,  nous  sommes  heu- 
reux de  la  joindre  aux  revues  nouvelles  qui  portent  vaillamment 
le  drapeau  de  l'art  nouveau  et  de  la  recommander  à  nos  amis. 

{A  suivre,  —  nous  l'espérons). 


CONCOURS  DU  CONSERVATOIRE 

Instrnmeiits  en  enivre. 

Trompette.  —  Professeur:  M.  Goeyens.  1"  prix,  M.  Grillaert; 
2'  prix,  MM.  Favart  et  Anlhoinc;  1"  accessit,  M.  Schinck; 
2=  accessit,  M.  Cambron. 

Cor.  —  Professeur  :  M.  Merck.  1"  prix,  M.  Guckcrt;  2«prix, 


M.  Neeus;  l"  accewil,  MM.  MM»,  IMwit,  Smdls  et  Mon- 
dait. ^ 

Trmltbotu.  —  Professenr  :  M^.  Sau.  f*  prii,  M.  BrowiMÉn 
et  Dusch. 

Saxophone.  —  Proiesseur  :  M.  BucuUH.  t*  prix,  M.  Chani- 
bon  ;  1"  accessit,  MM.  Rossaert,  Borré  et  Caii>iMn. 

Instmmanta  en  bota. 

Basson.  —  Professeur  :  M.  NEUiuim.  S*  prix  ave<e  disUnelion, 
M.  Van  Dcasel  ;  f  prix,  MM.  Tassel,  Mondus  el  Provosl  ;  1*  acces- 
sit, MM.  Boogaerts  et  Maréchal. 

Clarinette.  —  Professeur  :  M.  Poncblbt.  1"  prix  avec  distinc- 
tion, M.  Tourneur;  i-  prix,  MM.  Marreel  elHublart;  f  prix, 
MM.  Van  Attenhoven  el  Allard;  l"  acceuil,  MM.  Desmel,  Soby, 
Coessens. 

Hautbok.  —  Professeur  :  M.  Cdidé.  1*  prix,  M.  Bievelagr  ; 
S*  prix,  MM.  CarlieselDe  Busscher;  aecetùt,  MM.  Foateyne, 
RoTies,  Van  Lierde,  Didobbeleer. 

Flàte.  —  Professeur  :  M.  Ahthom.  1"  prix,  MM.  Maeck  el 
Strauwen;  2*  prix  avec  distinclioD,  M.  Navez;  2*  prix, MM.  Frémy, 
Boriée,  Gondry  ;  1"  accessit,  M.  Buyssens. 


^jhronique  judiciaire   DEP  ^KT^ 

Une  atatne  de  la  Vierge  aona  ■éqiMCtre 

Une  petite  révolution  a  failli  éclater  dans  la  paisible  ville  de 
Laval,  el  c'est  le  tribunal  civil  qui,  par  un  jugement  des  plus 
sages,  a  réussi  k  calmer  les  esprits. 

Voici  les  faits,  qui  ne  laissent  pas  d'être  piquants  : 

Les  dames  de  la  halle  de  Laval  avaient  voué  un  culte  spécial  k 
une  statue  de  la  Vierge  qui,  il  y  a  plusieurs  siècles,  avait  été 
élevée  sous  les  halles  de  la  ville  et  avait  reçu  le  nom  de  Nolre- 
Dame-des-Halles. 

D'ici  k  quelques  jours  doivent  disparaître  Ici  halles  antiques  de 
Laval.  Que  faire  de  cette  statue  vénérée?  La  municipalité  avait 
décidé,  de  prime  abord,  qu'elle  serait  transportée  au  musée  ; 
mais  elle  avait  compté  sans  la  piété  scrupuleuse  des  marchandes 
de  la  halle.  El,  tout  dernièrement,  le  maire  de  Laval  recevait  la 
visite  d'une  dépntation  nombreuse  de  ces  dames  :  elles  étaient 
soixante-dix.  Elles  réclamaient  la  statue  et  s'opposaient  k  ce  qu'elle 
devint  un  objet  de  curiosité  profane  dans  un  musée. 

Le  maire  de  Laval  se  montra  très  aimable  pour  les  soixante-dix 
dames  ;  mais  il  ne  put  rien  promettre,  si  ce  n'est  de  réunir  son 
conseil  municipal  et  de  lui .  soumettre  le  cas.  Il  parait  que  le 
conseil  municipal  ne  satisfit  pas  les  maraîchères  lavalloises,  car 
elles  revendiquèrent  plus  que  jamais  la  propriété  de  la  statue  de 
Notre-Dame-des-Halles  et  portèrent  leur  demande  devant  In 
tribunal  civil. 

L'honorable  M.  Billon,  maire  de  Laval,  a  dû  comparaître  devant 
le  tribunal,  k  la  requête  du  sieur  Alphonse  Hutin,  horticulteur, 
agissant  au  nom  et  comme  président  du  syndicat  des  maraîchers 
et  jardiniers  de  Laval. 

Le  tribunal  a  donné  acte  au  maire  de  Laval  de  ce  qu'il  entendait 
«ni  discuter, ni  contester, ni  reconnaître  les  droits  des  demandeur;) 
sur  la  statue  de  Notre-Dame-des-Halles  ;  de  ce  que,  toutefois, 
respectueux  des  sentiments  religieux  de  la  population  lavalloisc 
et  tous  droits  réservés  sur  le  fond,  il  était  prêt  k  coopérer  k  toute 
mesure  de  nature  k  sauvegarder  ladite  statue». 


L'ART  MODERNE 


201 


Le  Iribunal  a,  en  outre,  ordonné  que  la  statue  serait  placée  sous 
séquestre  entre  les  mains  de  H.  Hélie,  curé  de  la  cathédrale. 

La  sainte  Vierge  a  donc  été  descendue  de  son  piédestal  et  trans- 
portée k  la  cathédrale,  où  elle  a  été  mise  en  une  place  d'honneur; 
c'est  Ik  quelle  continuera  de  recevoir  les  pieux  hommages  des 
dames  de  la  Balle. 

Tout  est  bien  qui  finit  bien.  {Moniteur  des  Arts). 


f  ETITE    CHROfdQUE 

Les  concours  du  Conservatoire  ont  commencé  cette  semaine. 
La  grosse  artillerie,  cuivres  et  bois,  a  ouvert  le  feu.  Nous  don- 
nons ci-dessus  le  résultat  des  diverses  épreuves.  Constatons, 
d'une  msni^  générale,  la  supériorité  des  concours  de  cette 
année  sur  eeux  des  années  précédentes.  La  classe  de  hautbois, 
excellemment  donnée  par  M.  Guidé,  et  la  classe  de  clarinette,  que 
dirige  M.  Poncelet,  ont  été  particulièrement  fécondes  en  instru- 
mentistes distingués.  Les  flûtistes,  sous  la  conduite  de  leur  nou- 
veau professeur.  II.  Anthoni,  s'annoncent  également  comme 
devant  donnerai  nos  orchestres  des  musiciens  de  choix. 

Voici  l'ordre  des  prochains  concours  : 

Mardi  SSjuin,  9  heures  :  Musique  de  chambre  avec  piano. 

Mercredi  24  juin,  3  heures  :  Orgue. 

Vendredi  S6  juin,  i  heures  :  Piano  (jeunes  filles).  Prix  Laure 
Van  Culiem. 

Samedi  97  juin,  i  heures  :  Piano  (hommes). 

Mardi  30  juin  et  mercredi  1"  juillet,  9  heures  et  i  heures  : 
Violon. 

Samedi  4  juillet,  10  heures  :  Chant  thé&tral  (hommes); 
9  heures,  idem  (demoiselles)  et  duos  de  chambre. 

Lundi  43  et  mercredi  IS  juillet,  2  heures  :  Tragédie  et  comédie. 

L'idée  d'un  petit  salonnet,  où  auraient  lieu  à  Bruxelles  les' 
expositions  particulières,  a  fait  son  chemin.  On  a  trouvé  fort  bien 
la  petite  installation  de  MM.  Mignon  et  de  Saint-Cyr,  rue  de  la 
Régence.  C'était  plus  intime,  plus  «  coin  d'inlérieur  »  que  les 
grandes  salles  du  Musée.  On  oublie  trop  cette  intimité  dont  beau- 
coup d'œuvres  ont  besoin,  comme  aussi  le  milieu  spécial  qu'elles 
exigent.  Dans  les  discours  faits  à  la  Chambre  des  repr(<sentanls, 
cette  année,  k  l'occasion  du  budget  des  Beaux-Arts  (1),  on  a 
demandé  pour  les  musées  eux-mêmes  cette  appropriation  de 
l'emplacement  k  l'œuvre  à  exposer.  A  plus  ferle  raison  celle 
approprialioiv  est-elle  exigible  des  locaux  particuliers.  Aujourd'hui 
l'objet  d'art  a  sa  place  marquée  dans  nos  intérieurs  et  c'est 
autant  pour  nos  «  home  »  que  pour  les  galeries  nationales  que 
travaillent  les  artistes.  Quand  ils  exposent  tcurs  œuvres,  ils  sont 
.donc  en  droit  de  le  faire  dans  des  milieux  aussi  artistiquement 
décorés  que  nos  habitations  modernes. 

Quelques  groupes  d'artisles  ont  déjà  tenté  de  réaliser  ces  desi- 
derata. Rappelons  les  eff'orts  décoratifs  des  XX,  suivis  bientôt 
par  l'Ettor  et  d'autres.  Mais  la  disposition  des  salles  n'est  pas 
encore  satisfaisante.  En  outre,  le  prix  de  ces  revêtemenis  exté- 
rieurs est  souvent  inabordable  pour  les  petites  expositions. 
Autant  de  motifs  pour  assurer  le  succès  du  local  qu'on  projette 
rue  Royale.  Les  salles  seront  mises  successivement  à  la  disposition 
des  artistes  peintres,  scjjlptcurs,  musiciens,  conférenciers,  etc.  Un 
certain  nombre  d'abonnements,  donnant  droit  à  toutes  les  entrées, 
assureront  la  marche  do  l'entreprise. 

(1)  Voir  numéro  21  d«  F  Art  moderne,  24  mai  1891. 


Le  concert  donné  dimanche  dernier  k  La  Louvière  par  le 
Club  tymphonique  et  le  Choral  des  XX,  réunis  pour  la  première 
fois,  a  été  1res  brillani.  L'auditoire  nombreux  qui  assistait  à 
cette  intéressante  matinée  a  fuit  fête  aux  musiciens-amateurs  qui 
composent  ces  deux  sociétés  et  aux  solistes  qui  ont  pris  part  au 
concert. 

L'orchestre  a  exécuté,  avec  une  précision  et  un  ensemble 
remarquables,  diverses  compositions  de  Grieg,  Pierné,  Sandre, 
Agniez,  etc.  Le  timbre  harmonieux  et  la  justesse  des  chœurs  ont 
été  très  appréciés  dans  l'interprétation  d'œuvres  de  César  Franck, 
Julien  Tiersot  et  Chabrier,  dont  VEspana  a  été  bissée. 

La  romance  de  Svcndsen  pour  violon,  la  fantaisie  de  Servais 
pour  violoncelle,  puis  le  Désir,  un  Larghetto  de  Mozart,  un 
Impromptu  de  Schubert  et  les  Variations  de  Saint-Saëns  sur  un 
thème  de  Beethoven  ont  respectivement  valu  k  MM.  Emile  Agniez, 
Edouard  Jacobs,k  M""  L.  Derscheid  et  k  M.  L.  Tonnelier  une 
ovation  méritée. 

Un  quatuor  de  Grulzmacher  pour  violoncelles,  fort  bien  joué 
par  MM.  Delfosse,  Goffjrd,  Boly  et  Martin,  complétait  cette 
remarquable  audition,  donnée  dans  la  nouvelle  salle  de  concerts 
érigée  par  M.  Victor  Boch  et  dont  l'acoustique  a  été  reconnue 
excellente.  

Henri  De  firoux,  le  très  remarqué  de  deux  expositions  desZA", 
et  qui  a  exposé  aux  Arts-Libéraux  de  Paris,  vient  d'être  l'objet 
d'une  attention  toute  spéciale  de  la  part  de  la  critique.  Le  Gil 
Blas  lui  consacre  une  belle  élude  signée  C.  Lemonnier  et  choz 
nous,  dans  la  Nation,  Albert  Mockel  signale  en  termes  élogieux 
ce  beau  talent  prometteur.      

M.  Alhaiza  a  repris,  au  théâtre  Molière,  Par  droit  de  conquête 
de  M.  Ernest  Legouvé,  avec  M""  Larmet,  du  théâtre  de  la  Porle- 
Sainl-Martin,  dans  le  rôle  de  la  fermière. 

Embrassons-nous,  Folleville  sert  de  lever  de  rideau  ^  Par 
droit  de  conquête. 

A  Wiude  :  La  Jeunesse  de  Louis  XIV. 

A  l'Alhambra,  M.  Bayard  a  repris  Devant  l'Ennemi,  qui  rem- 
porta cet  Irivcrun  succès  honorable. 

El  ce  pendant.  Miss  Helyetl  continue  à  chercher  imporlurhn- 
blemcnl  aux  Galeries  l'hopime  de  la  montagne 

M.  Georges  Lecomle,  dont  on  a  applaudi  au  théâtre  du  Parc  la 
Meule,  jouée  par  M.  Antoine,  vient  de  terminer  une  comédie  on 
cinq  actes  :  la  Vie.  

Le  numéro  de  mai  de  la  Wallnnie,  qui  vient  de  paraître,  est 
consacré  k  M.  Francis  Vielé  Griffin  {Jeux  parnassien.<:).  Le  pro- 
chain numéro  contiendra  des  œuvres  de  notre  collaborateur  Gus- 
tave Kahn.  

J.-L.  Forain,  d'après  le  Gil-Blns^:  Un  pelil  sécot.  La  démarclie 
traînante,  paresseuse  de  ceux  qui  se  plaisent  k  badaudcr,  k  guetter 
des  sujets  dans  la  rue.  Une  barbe  courte  aux  ions  d'acajou.  Des 
yeux  extraordinaires,  fonilleurs,  aigus,  hardis,  dont  le  regard 
vous  dévisage,  vous  scrute,  vous  étudie  des  pieds  k  la  télé.  Une 
bouche  mince,  que  plisse  comme  un  tic  nerveux  un  perpétuel 
sourire  de  gouaille.  Plus  qu'un  caricaturiste.  Un  véritable  artiste 
qui  a  sa  note  k  lui,  ne  ressemble  k  personne,  ni  k  Gavarni,  ni  k 
Daumier.  Aussi  intéressant  et  verveiix  dans  ses  légendes  k  l'cm- 
porle-pièce  que  dans  ses  dessins  parfois  admirables  de  réalité  et 
sentant  la  maîtrise.  Né  au  pays  du  Champagne.  Commença  par 
n'être  qu'un  pauvre  apprenli.  A  courageusement  lutté  et  sans 
l'aide  de  personne  creusé  son  trou.  Aujourd'hui  quelqu'un.  Un 
des  rares  peintres  qui  soient  vraimenl  leitri's  et  n'aient  pas  1  es- 
prit des  aulres.  Entretiendrait  de  mots  de  la  fin  tous  les  journaux 
du  boulevard. La  tenue  étudiée  d'un  sporlsman  qui  se  ferait  habil- 
ler k  Londres  et  fréquente  tous  les  endroits  chics.  Une  signature 
cursive,  sans  paraphe,  sans  majuscules,  qui  sera  bientôt  cotée 
dans  les  1res  grands  prix. 


',  '  ^y^._,  T<-      ■**^'Fï??-»*,-'1^-*  F'*  . 


'ONZIÈME  ANNÉE 

L'ART  MODERNE  s'est  acquis  par  l'autorité  et  l'indépendance  de  sa  critique,  par  la  •variétA  dé  ses- 
informations  et  les  soins  donnés  à  sa  rédaction  une  place  prépondérante.  Aucune  manifestation  de  l'Art  ne 
lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  de  peinture,  de  scuIptuFO,  de  gravure,  de  muslque, 
d'architecture,  etc.  Consacré  principalement  au  mouvement  artistiijne  belge,  H  renseigne  néanmoins  ses 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  rétranger  qu'il  importe  de  connaitre. 

Chaque  numéro  de  L'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  quesiion  artistique 
ou  littéraire  dont  l'événement  de  la  semaine  fournit  l'aotuallté.  Les  expotiiiotu,  les  livra  nowoecnue,  les 
premières  représentations  d'œuvres  dramatiques  ou  musicales,  Ips  confifrencet  littéraires,  les  concerta,  les 
ventes  d'objets  d'art,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  II  rend  compte  des 
procès  les  plus  Intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complète  des  0UIOSitiOIUl  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  Il  est  envoyé  gracuitemeilt  à 
l'essai  pendant  un  mois  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande. 

L'ART  MODESINE  forme  chaque  année  un  beau  et  fort  volume  d'environ  ;4S0  pageis,  içree  t«bl« 
des  inatiôres.  11  constitue  pour  l'histoire  de  l'Art  le  document  LE  PLUS  COMPLET  et  le  recueil  LE  PLUS 
FACILE  A  CONSULTER. 


PRIX    D'ABONNEMENT 


Belgique  1 0  ft"»  par  an. 

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Quelques  exemplaires  des  dix  premières  années  sont  en  vente  aux  bureaux  de  L'ART  MODERNE, 
rue  de  l'Industrie,  32,  au  prix  de  30  fi*ancs  chacun. 


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chim,  Wilhelmj,  Ed.  Grieg,  OU  Bull,  A.  Ettipoff,  Sofie  Meuter, 
DUirie  Artùt,  Pauline  Lucca,  Pablo  de  Sanuate,  Ferd.  HiUer,  D. 
Pppper,  sir  F.  Senedict,  Letchetitxky,  Napraouik.  Joh.  Selmer,  Joh. 
Svendsen,  K.  Rundnagel,  J.-G.-E.  Stehle,  Ignace  Brùll,  etc.,  etc. 

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JOURNAL  DES  TRIBUNAliX 

paraistant  U  jeudi  tt  le  dinumek*. 

Faits  et  dAats  Judiciaires.  -  JnrivmdewMu 

—  BibUocmphl*.  —  X.^lslatlmi.  —  notariat. 

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Administratioa  et  rédactioa  t  Jtme  d»»  Mimmm,  lOw  JJi  tmeltm. 


BruxeUei.  —  Imp.  V  Uonmou,  31,  ru»  de  l'Iodnstria. 


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■m^^ 


OKittia  Amta.  —  N*  26. 


Lb  mdhébo  :  86  cbhthibs. 


DnfAMGHB  28  Juin  1891. 


MODERNE 


PARAISSANT    LB    DIMANCHE 


RivuE  QRrriQnE  des  arts  et  de  Là  uttérâture 


Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PÏCARD  —  Éhili  VBRHAEREN 


▲BOmraiiâllrrS  :   Belgique,   un  an,  fr.   10.00;  Union  poaUIe,   b.   13.00     —  ANKONCKS  :    On  traite  à   forfùt. 

Adreuer  toute*  le»  communicationt  d 
l'AmœasTaATioN  oiNteALs  db  TArt  Moderne,  rue  de  rindnstrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


Lm  CARons  D'AMDHi  Walter.  —  RécniATioNs  populaikbs.  —  Ad 

Mmia  Dl  TABUUDZ  ANCUN8.  —  L'ŒOVKI  UTBOORAPRIlt  OB  PiLICIBN 

Rom.  —  La  cocliuk  au  thAatrc.  —  Conqoubs  du  CoNSEivAToiai. 
—  Accusa  Dl  aicBPnoN.  —  Pirira  caaomQDE. 


Les  Galiiers  d'André  Walter 


(1) 


Comme  ils  sont  loin  les  temps  où  tout  débutant  en 
la  prose  et  dads  le  roman  autobiographique  ou  non, 
se  crojuùt  forcé  comme  MM-  Paul  Adam  dans  Chair 
molle,  comme  M.  Bonnetain  dans  Chariot  s'amuse, 
d'élaborer  scrupuleusement  un  art  fait  de  miettes  d'ob- 
servation extérieure,  de  détails  pris  sur  le  vif,  de 
descriptions  quasi  photographiques,  en  un  mot  de  ce 
que  les  naturalistes  qualifiaient  :  étude  des  milieux! 
Aujourd'hui,  cette  notion  du  milieu  ne  se  rapporte  guère 
à  rextérienr;  c'est  le  milieu  intellectuel  qui  la  remplace. 
Les  livres  qu'il  lit,  le  livre  qu'il  fait,  la  réflexion  per- 
sonnelle.sur  lui-même  toujours  active  et  modifiante,  ces 
endedans  bien  plus  intimement  liés  à  nos  déterminations 
que  n'importe  quel  endehors,  voilà,  dans  les  bouquins 
récents,  ceux  de  Barres,  celui  même  —  le  dernier  — 

(1)  Paria,  Perria  et  C*.  —  Une  autre  édition  de  cet  ouvrage  a  paru 
à  la  librairie  de  l'Art  indépendant. 


d'Huysmans,  celui  de  Rosny,  ce  qui  influence,  déter- 
mine, légitime  tour  à  tour  la  conduite  et  les  passions 
des  personnages.  Ces  écrivains,  tout  autant  que  leurs 
•'héros  »,  se  font  leur  milieu,  quelquefois  étrange  et 
complexe,  curieux  et  soudain  ;  ils  y  vivent  barricadés 
contre  l'envahissement  du  milieu  de  la  rue,  du  milieu 
de  leur  ville  et  de  l'heure  —  et  ainsi  l'intellectualité  de 
leur  art,  plus  haute  parce  que  plus  solitaire,  apparaît 
presque  contradictoire  des  ambiances,  alors  qu'il  y  a  dix 
ans,  sous  le  règne  réaliste,  elle  y  plongeait  et  souvent  y 
sombrait. 

Il  me  semble  que  cette  seule  remarque  fait  com- 
prendre tout  le  chemin  parcouru  dans  l'express  litté- 
raire, depuis  la  gare  de  Médan.  L'influence  de  Zola 
n'est  plus  guère  perceptible  aujourd  hui.  Au  contraire. 
Certains  livres  semblent  par  leur  art  dirigés  contre  elle, 
et  sans  qu'ils  le  soient,  parlassent  des  attaques  non 
contre  l'homme,  mais  contre  le  système. 

C'est  là  la  vraie  lutte  intéressante  en  art  ;  celle  qui  se 
fait  par  la  force  même  des  œuvres,  celle  qui  ne  nomme 
personne,  qui  n'afl'ecte  point  des  allures  de  combat,  qui 
ne  part  en  guerre  contre  rien  et  qui  pourtant  fait  une 
trouée  de  démolition  évidente.  De  telles  œuvres  on  les 
reconnaît  révolutionnaires,  quand  déjà  elles  ont  passé 
de  la  curiosité  à  leur  définitive  classification. 

Ces  réflexions  nous  viennent  à  propos  d'un  livre  non 
signé,  intitulé  :  les  Cahiers  d'André  Walter.  On  nous 


a  dit  le  nom  de  l'auteur.  Nous  avons  fait  notre  possible 
pour  l'oublier,  si  bien  qu'à  ce  moment  il  nous  serait 
très  difficile  de  répondre  à  une  interrogation  à  ce  sujet. 
Ce  livre  n'est  donc  qu'un  livre,  indépendant  de  toute 
vanité  d'ordinaire  affichée  en  un  nom. 

A  cette  heure  que  nous  sortons  impressionnés  de  sa 
lecture,  nous  n'hésitons  pas  à  le  coter  haut  et  puissant 
parmi  les  œuvres  récentes.  Sans  plan,  sans  action,  sans 
péripéties,  sans  pose,  presque  sans  phrases,  il  nous  est 
ofl'ert  comme  étoffes  de  pensées  cousines  ensemble,  par 
le  fil  d'un  grand  amour  suprachamel,  qui  n'a  pu  se 
réaliser  en  ce  monde.  Il  n'est  point  habillé,  pomponné, 
taillé  sur  un  patron  ;  il  est  comme  en  négligé,  sans  la 
toilette  de  circonstance.  Des  périodes  inachevées  en 
mots  ;  des  points  remplaçant  des  incidentes  ;  des  tirets 
et  des  vides.  Parfois  on  dirait  d'un  déballage  confus 
d'objets  dépareillés;  parfois  la  conclusion  est  omise 
comme  si  on  n'avait  eu  le  temps  de  la  tirer  des  premiers. 
On  sent  la  hâte  de  consigner  les  pensées  cravachées 
vers  leur  fuite,  l'angoisse  à  en  choisir  une  parmi  des 
tas  d'autres,  la  complexité  des  impressions  ne  se 
débrouillant  pas  toujours,  des  loques  arrachées  au 
vêtement  entier  d'une  synthèse,  des  peurs  de  n'arriver 
à  temps  pour  écrire  jusqu'à  sa  fin  une  impression  avant 
son  évanouissement,  l'agitation,  la  fièvre,  la  transe, 
toute  la  vie  d'un  cerveau  —  et  là  bas  c'est  le  havre  de 
la  folie,  le  port  de  la  démence  tout  en  croix  de  mâts 
noirs.  Tandis  que  l'auteur  note  au  jour  le  jour  ou  plutôt 
à  la  nuit  la  nuit,  l'empreinte  de  ses  idées  sur  son  âme, 
il  compose  parallèlement  un  roman  qu'il  intitulera 
Allain.  Il  a  la  crainte  de  n'arriver  au  bout  avant  sa 
débâcle  d'esprit  et  dans  les  Cahiers  où  il  note  la  course 
vers  elle,  il  calque  et  décalque  cette  tragique  angoisse. 
Cela  occupe  toute  la  partie  finale  des  Cahiers.  Le 
milieu  est  pris  par  l'étude  de  son  amour;  les  premières 
pages  par  des  préliminaires.  Immédiatement,  en  ouvrant 
le  livre,  on  est  conquis  par  telles  pensées  : 

«  J'ai  peur  qu'une  rhétorique,  d'ailleurs  impuissante, 
ne  profane;  par  haine  des  mots  que  j'ai  trop  aimés,  je 
voudrais  mal  écrire  exprès  ».  Quand  on  appelait  Flau- 
bert un  moine  de  la  littérature  on  ne  songeait  guère  à 
cette  discipline  là.  Les  hommes  de  la  génération  de 
Flaubert  ne  pouvaient  l'éprouver-,  ceux  de  la  nôtre  ou 
plutôt  ceux  de  demain  l'éprouveront  certes. 

Une  autre.  Emmanueleet  André —  la  sœur  et  le  frère 
s'aimant  —  après  une  lecture  de  l'Evangile  : 

—  Si  tu  voulais,  dit  André,  nous  prierions  ensemble? 

—  Non  répondit-elle,  prions  à  voix  basse,  sinon  nous 
penserions  à  nous  plus  qu'à  Dieu. 

Une  autre  encore  : 

«  Tous  ont  raison,  les  choses  deviennent  vraies  •.. 

Ces  phrases  ramassées  au  début  de  l'œuvre  ne  vous 
permettent  plus  de  l'abandonner,  dès  que  vous  l'avez 
saibie.  Je  lis,  me  disait  dernièrement  un  ami,  les  vingt 


premières  pages  de  tout  livre  qui  me  parvient;  si  au 
bout  de  la  vingtième  aucune  phrase  ne  m'a  fait  réfléchir 
ni  admirer,  je  passe  à  un  autre.  Cet  ami  certes  aurait 
lu  les  Cahiers  jusqu'au  bout. 

L'amour  constitue  le  fond  de  l'œuvre,  un  amour  fait 
de  silence  parce  que  le  silence  seul  en 'peut  avouer  la 
profondeur,  un  amour  mystique,  frêle  d'apparence,  tout 
en  teintes  et  en  harmonies  qui  se  mêlent,  un  amour  dont 
le  rire  et  la  chair  sont  non  seulement  bannis,  mais 
maudits,  un  amour  qui  se  tresse  et  se  noue  à  cause  des 
musiques  admirées,  des  vers  récités,  des  prières  appri- 
ses, des  bonnes  œuvres  accomplies,  des  perfections 
poursuivies,  d'un  presque  état  de  sainteté  convoité  et 
recherché  ensemble.  Un  amour  cassé  par  un  devoir,  par 
une  promesse  faite  et  tenue,  un  amour  moins  de  la  vie 
que  d'après  la  mort. 

L'auteur  des  Cahiers  d'André  Walter  non  seulement 
intéresse  par  sa  vie  déchirée  par  lui  en  lambeaux  d'art, 
mais  grâce  à  son  quasi  encyclopédique  savoir,  grâce  à 
ses  réflexions  hardies  sur  la,  philosophie,  sur  l'essence 
des  choses  et  les  moyens  de  connaissance,  sur  la  nature 
des  facultés  humaines  et  leur  direction  et  leur  but, 
comme  aussi  par  sa  délicatesse  à  sentir  et  à  admirer 
les  chefs-d'œuvre,  à  les  faire  sonner  la  note  harmo- 
nieuse en  telle  heure  d'existence,  à  les  marquer  et  à  les 
commenter  par  brefs  aperçus,  le  plus  souvent  justes, 
enveloppe  son  attentif  lecteur  d'une  atmosphère  d'émo- 
tion tenue  et  puissante  à  la  fois,  qui  le  pousse  à  ranger 
le  livre  parmi  ceux  qu'on  relira  un  jour. 

Il  est  certain  qu'il  vient  à  son  moment,  que  chacun 
y  trouve  un  écho  de  son  moi,  qu'il  est  inédit  d'impres- 
sion, que  s'il  peut  se  rattacher  à  tel  cycle  oti  les  Barrés, 
les  Margueritte  et  même  les  Rosny  —  celui-ci  plus  lar- 
gement que  les  autres  —  veulent  enfermer  les  pensées 
et  les  aspirations  multiples  de  la  jeunesse  de  leur  temps, 
il  s'en  distingue  pourtant  par  une  subtilité  et  une  pro- 
fondeur, moins  extérieure  et  plus  aiguë.  J'oserais  dire 
qu'on  y  écoute  la  confession  d'une  âme  jeune,  très 
haute,  formée  par  une  éducation  personnelle,  que  le 
milieu  intellectuel  où  trempent  les  générations  frang^i- 
ses  venues  après  la  guerre  et  instruites  par  les  débâ- 
cles, ont  faite  mélancolique  et  savante.  Et  peut-être  de 
tous  les  livres  parus  jusqu'aujourd'hui,  les  Cahiers 
d  André  disent-ils  le  mieux  la  tristesse  et  les  désirs  non 
encore  partis  vers  la  conquête  de  ces  âmes  là.  Le  fond 
de  leur  amertume  n'est  que  le  manque  d'action,  non 
offert,  redouté,  jugé  indigne  du  reste  —  et  qui  seul  les 
satisfera  quand  il  se  présentera,  un  jour. 

Mais  combien  intéressantes  et  belles  sont  ces  âmes 
à  cette  heure  ! 


i'î'flg*'"'  ^-v*.  ; 


UART  MODERNE 


205 


Récréations  populaires. 

Ploi  que  (oui  autre  élal  social  peut  être,  la  démocratie  a 
besoin  de  rérréaiions  populaires.  C'est,  après  les  spectacles 
natursis,  sa  seule  façon  de  concevoir  l'art  et  d'entrer  en  relation 
avec  lui.  Un  art  inférieur  sans*  doute,  mais  il  ne  dépendrait 
que  de  la  bonne  volonté  de  quelques-uns  de  le  faire  successive- 
ment progresser  et  monter  très  baut.  L'important  est  qu'on  s'en 
occupe  et  que  de  temps  en  temps  les  qui  de  droit  de  cbez  nous 
fassent  leur  examen  de  conscience  sur  ce  point  spécial,  et 
recherchent  s'il  n'y  a  pas  lieu  pour  eux  de  prononcer  quelques 
meà  euljw. 

Ce  qu'on  appelle  les  plaisirs  d'une  capitale,  ce  n'est  précisé- 
ment pas  ce  qu'on  nous  prodigue  k  Bruxelles  depuis  quelques 
années.  Nous  nous  mourrons  lentement  d'anémie  et  de  découra- 
gement, ne  voyant  pas  de  quel  côté  pourraient  nous  arriver  les 
éléments  réparateurs.  Qu'on  dise  si  Bruxelles  a  jamais  été  aussi 
triste  I  celte  ville,  si  jolie,  si  variée,  si  délicieuse  par  les  dorures 
du  soleil. 

Nous  avons  bien  celte  bonne  farce  de  Bruxelles-Attractions  qui 
de  loin  en  loin  fuit  parler  d'elle;  mais  cbez  ceux  qui  pourraient 
et  devraient  agir,  on  ne  constate  que  déplorable  inertie.  Fran- 
chement, en  l'an  de  grice  1891,  une  capitale  de  six  cent  mille 
habitants  ne  devrait  elle  avoir  dans  son  Conseil  communal  une 
section  des  Ans  et  des  Fêles,  tout  aussi  bien  qu'une  section 
de  l'instruction  publique?  Tout  n'est-il  pas  en  tout  et  la  musique, 
les  promenades  pittoresques,  les  exhibitions  curieuses,  les  grands 
spectacles  ne  peuvent-ils  contribuer  pour  leur  très  large  part  au 
développement  intellectuel  et  émqtif  de  la  foule  ? 

On  l'a  eortipris  ailleurs.  Dans  des  villes  que  la  nature  et  le 
passé  des  ancêtres  avaient  moins  pittoresquemenl  doués,  l'ini- 
tiative des  édilités  et  des  particuliers  a  quelquefois  fait  merveille. 
Et  ces  villes,  qui  ne  pouvaient  passer  pour  belles,  ont  au  moins 
voulu  être  gaies.  Notre  chère  capitale  pourrait  avoir  l'une  et 
l'autre  de  ces  prétentions.  Qu'on  lui  donne  seulement  des  fleurs, 
de  la  musique,  des  fêles,  des  distractions;  et  encore,  et  toujours. 
Ailleurs?  Citons  au  hasard  des  souvenirs.  Partout  des  récréations 
accessibles  ï  tous  et  appropriés  aux  besoins  et  au  génie  de  gaieté 
locale. 

A  Paris?  Les  Champs-Elysées,  si  animés,  si  bruyants,  les 
squares  incomparables,  le  bois  tout  peuplé  de  chilets,  de  restau- 
rants gais,  le  très  varié  jardin  d'acclimatation  et  les  plaisirs 
du  canotage,  les  grands  hippodromes,  les  expositions  succes- 
sives, etc.,  etc. 

A  Londres,  pour  le  peuple,  le  palais  du  peuple,  vaste  construc- 
tion où  l'on  offre  d'autres  passe-temps  i  l'oisiveté  populaire  du 
dimanche  que  le  petit  verre  et  la  bouffarde.  Dans  les  villes  du 
Nord,  k  Copenhague,  &  Stockholm,  à  Christiania,  ce  soni  les 
immenses  Djorgarden  et  les  Tivoli,  des  kermesses  permanentes 
avec,  au  milieu  de  la  ville,  et  tous  les  soirs  d'été,  des  concerts 
variés,  des  théâtres  en  plein  air,  des  fêtes  nautiques,  des  illumi- 
nations fantastiques  :  le  peuple  s'amuse,  reprend  des  forces,  le 
soir  et  le  dimanche,  pour  le  travail  à  venir  :  il  y  a  du  rire  sur  les 
lèvres  et  de  la  g:iirté  sur  les  visages;  on  n'y  pense  pas  aux  villes 
mortes!  —  La  Russie,  elle,  a  conservé  de  vieilles  traditions.  En 
plus  le  jour  du  Seigneur,  elle  a  en  moyenne  au  moins  deux  fêtes 
religieuses  ou  historiques  par  semaine. 
Les  grands  hermUagu  de  Pétersbourg  et  Moscou  s'emplissent 


ces  jours-lk  d'une  foule  ardente  aux  plaisirs,  les  grands  bois  se 
transforment  en  champ  de  récréation  :  on  s'y  amuse  aussi,  de  tout 
le  plaisir  calme  des  grands  amusements  populaires  accessibles  à 
tous. 

Ce  mot  ne  doit  pas  effrayer  les  puristes,  les  esihètes  délicats 
et  aristocratiques.  Chez  eux  seulement  n'est  pas  le  besoin  d';irt. 
H  est  chez  tous,  dans  la  foule  comme  dans  les  petites  rhapellcs  : 
sa  seule  qualité  variera.  Et  encore!  La  décoration  n'a-i-elle  pas  de 
raison  d'être  parce  que  la  peinture  est  reconnue  un  gnind  art?  Ou 
bien,  précisément  parce  qu'on  aime  les  gracieuses  ou  viriles  com- 
positions, les  couleurs  amusantes,  suggestives  ou  harmonieuses, 
n'éprouve-t-on  pas  le  désir  de  remplacer  les  lignes  droites  et  les 
tons  unis  de  son  home  par  tons  les  agréments  du  décor?  Et  parce 
qu'il  est  moins  intellectuel  que  le  théâtre,  faut-il  supprimer  le 
cirque? 

Non,  c'est  dans  un  milieu  citadin  de  plus  en  plus  embelli, 
coquettisé,  rendu  harmonieux  et  amusant  que  nous  voulons  passer 
notre  existence.  Et  une  récréation  appropriée  à  chaque  classe 
sociale,  presque  à  chaque  heure  oisive  du  jour,  est  devenue  une 
nécessité.  Nécessité  pour  nos  socii'iés  surmenées  de  travail  et  de 
préoccupations,  composées  d'éléments  ultra  divers. 

Triste  notre  Bruxelles,  qui,  en  ces  jours  ensoleillés  et  chauds, 
évoque  toutes  ces  idées  !  Quelle  nécropole  et  que  bonasses  nous 
sommes,  nous  laissant  ainsi  tout  vivant  dessécher,  sans  même 
crier  à  mieux,  et  nous  qui  ne  sommes  pas  du  peuple  et  eux,  ceux 
du  peuple,  qui  possèdent  encore  moins  de  distractions  que  nous  ! 


AU  MUSÉE  DE  TABLEAUX  ANCIENS 

MoNSiEDR  LE  RÉDACTEUR  DE  l'Art  modeme. 

L'article  sur  les  tableaux  anciens  du  Musée,  publié  d;ins  votre 
dernier  numéro,  m'a  paru  très  Intéressant  et  Iri^s  juste.  Plusieurs 
personnes  m'ont  déjà  parlé  d<>s  prix  des  tableaux  achetés  p:ir  le 
gouvernement  et  de  la  façon  dont  on  les  cachait.  J'ai  été  heureux 
aussi  de  vos  protestations  au  sujet  du  placement  des  tableaux,  qui 
est  odieux  et  déshonorant.  SI  Fromentin  revenait  à  la  vie  et  à 
Bruxelles,  Il  ne  recommencerait  plus  son  bel  éloge  de  notre  Musée 
et  s'indignerait  de  maîtresse  façon  à  propos  de  la  manière  dont  il 
est  actuellement  organisé.  Ou  ne  soigne  même  pas  les  tableaux. 
Allez  voir  :  les  Cinq  sens  de  Teniers  vont  tomber  île  leur  ciidre  ; 
l'intéressant  Portique  d'un  palnis  de  Dirk  van  Delen,  une  toile 
rare  et  brillante,  vient  d'être  netioyée  et  abifnéc  complètement  ; 
toute  l'harmonie  calme  et  pure,  qui  en  faisait  un  petit  joyau,  est 
enlevée  et  on  l'a  rendu  criard,  luisant  comme  un  habit  neuf, 
détestable,  avec  des  rouges  groseille  atroces.  C'est  Indigne  de 
gâter  une  œuvre  ainsi. 

Ce  que  vous  dites  du  Rembrandt  est  juslc[>  Tous  les  amateurs 
mettent  en  doute  sérieux  son  authenticité  et  un  expert  m'u  uRiruié 
que  la  signature  était  assiz  récente.  Vous  eussiez  dû  signaler 
aussi,  parmi  les  acquisitions  défectueuses,  le  Bois  de  Haarlem 
d'Hobbema,  un  piteux  t.jbleau  d'un  grand  maître,  dans  lequel  on 
sait  que  son  dernier  propriétaire,  M.  Nleuwenliuis,  s'est  amusé  â 
peindre  un  cheval  blanc  qui  s'y  trouve  encore. 

A  propos  du  prix  des  Oatade,  voici  une  anecdote  que  je  vous 
livre  :  En  188i,  Monsieur  D.  a  offert  au  Musée  un  Osade 
(Isaac)  superbe  et  bien  connu  des  amateurs,  pour  24,000  francs. 
Le  Musée  a  refusé.  Trois  semaines  après  un  marcliand  de  Londres 


le  prenait  pour  35,000  fnnes.  Ce  n'est  pai  la  seule  belle  occasion 
qu'a  raiée  la  Commitslon.  Elle  a  pu  arheierft  un  prix  raisonnable 
un  célèbre  Rembrandt,  mille  fois  supérieur  ft  la  douteuse  petite 
vieille,  iqui  se  trouve  i  l'hospice,  comme  vous  disiez,  de  la  rue  de 
la  Régence. 

Je  déplore  avec  vous.  Monsieur,  l'insuffisance  et  l'incurie  de  la 
Commission  des  Beaux-Arts.  Il  y  aurait  bien  des  rhosi'S  i  signaler 
encore.  Si  vous  croyez  celles  que  je  vous  envoie  intéressantes, 
publiez-les.  Je  vous  les  certifie  exactes. 

Agréez,  Monsieur,  l'assurance  de  ma  considération  distinguée. 

E.  D.  {un  vieiVamateur  de  tableaux). 


Un  abonné  nous  envoie  une  lettre  indignée  à  propos  de  la 
façon  dont  on  i  encadré  les  Tilet  de  Nègre*  de  Rubens.  Ce  cadre 
n'es)  pas  même  digne  d'un  Van  Boers,  écril-il.  Nous  ne  pouvons 
que  lui  donner  raison  et  enregistrer  une  fois  de  plus  le  très  mau- 
vais goût  de  la  commission  des  Beaux-Arts. 


L'n  autre  abonné  nous  communique  les  observations  suivantes, 
dans  lesquelles  il  y  a  certes  à  glaner  quelques  bonnes  idées  : 

Concierges.  —  Les  musées  de  l'Etal  possèdent,  chacun,  des 
concierges  logeant  dans  les  bâtiments  mêmes.  Ces  concierges  sont 
un  danger  permaneni.  En  effet,  ils  s'y  occupent  de  tous  les  soins 
de  leur  ménage.  Comme  certains  d'entre  eux  sont  des  gens  Agés, 
ce  danger  augmente  encore,  car  ils  seraient  incapables  d'étouffer 
un  commencement  de  combustion  produit  par  leur  fait.  De  plus 
ils  seraient  incapables  de  défendre  les  collections  contre  les  mal- 
faiteurs. Lorsqu'ils  sont  jeunes,  c'est  autre  chose.  Ils  ne  sont  pas 
assez  précautionneux.  On  raconte  qu'il  y  a  une  vingtaine  d'années 
le  concierge  d  "un  de  nos  principaux  musées  de  peinture  fut,  pen- 
dant longtemps,  un  original  qui,  enlr'autres  excentricités,  circu- 
lait en  vélocipède,  avec  ses  amis,  dans  les  galeries  !  On  l'accuse 
même  d'avoir  abîmé  plusieurs  tableaux.  Il  fut,  il  est  vrai,  ren- 
voyé, mais  un  peu  tard. 

Les  huissiers,  chargés  de  la  garde  des  galeries,  ne  pourraient-ils 
remplacer  avantageusement  les  concierges  pendant  le  jour?  En 
dehors  des  heures  d'ouverture,  la  présence  des  concierges  est 
inutile.  Mais  comme  il  pourrait  se  faire  que,  dans  certains  cas 
une  commission  doive  être  faite  le  soir,  elle  pourrait  être  trans- 
mise au  poste  permanent  des  pompiers  ou  des  soldats,  auxquels 
on  aurait  à  s'adresser. 

Il  en  est  de  même  au  Cinquantenaire,  à  la  Porte  de  Hal.  Quant 
au  Palais  des  Académies  et  aux  autres  musées  de  l'Eial  où  il  n'y 
a  pas  de  poste,  on   construirait  une  loge  séparée  du  bâtiment, 
dans  le  jardin.  Celte  mesure  a  été  prise  à  l'ancien  Observatoire 
où  l'on  peut  encore  voir  la  loge. 

Apparfii.s  de  chauffage.  —  Ces  appareils  sont  actuellement 
établis  dans  les  bâiiments  mêmes.  Ils  devraient  être  installés  tous 
dans  les  j-.irdins,  à  côté  de  la  loge  du  concierge.  Inutile  d'insister 
sur  l'importance  de  celle  mesure. 

Portes.  —  Toutes  les  portes  de  bois  devraient  être  remplacées 
par  des  portes  de  fer,  ou  tout  au  moins  doublées  d'une  solide 
plaque  de  iôle.  Etant  fermées,  elles  isoleraient  toutes  les  parties 
du  baiimenl  l'une  de  l'autre. 

RE^.SEIG^EMENTS.  —  On  devrait  indiquer,  en  quatre  l.mgues 
d'une  façon  ap|iarinte,  que  1  emri^e  des  musées  est  libre  et  gra- 
tuite. Il  en  est  de  même  des  vestiaires,  l'intérêt  général  devant 


être  prit  en  considération  et  non  l'intérêt  des  girdieni  de*  ves- 
tiaires. 

HttissiERS.  —  Certains  hoistiers  n'ont  pas  nm  tenoe  ni  un 
maintien  convenables.  Les  personnes  qui  MqoenlnM  iseidtaient 
nos  musées  ont  pu  le  contUter.  En  général,  ces  dioses  v».  peu- 
vent pas  être  remarquées  par  les  membres  des  Goatimispipns, 
parce  que  les  huiuiers  sont  loojoors  prévenu  k  temps  de  leur 
arrivée.  On  voit  quelquefois,  dans  tels  musées,  les  fardiens 
s'étendre  sur  les  bancs,  dormir  on  engsger  d'une  salle  h  l'autre 
des  conversations  I  haute  voix,  dsns  «n  langage  peo  relevé,  soit 
entre  eux,  soit  avec  les  cireurs.  En  général,  ils  sont  polis  ;  ren- 
dons leur  cette  justice. 

UmroaiiB.  —  Le  costume  actuel  est  très  incommode.  11  devrait 
être  remplacé  par  un  uniforme,  pareil  ft  celui  des  gardiens  du 
Palais  de  Joatiee. 

Stnivnujuici.  —  C'est  un  point  psrtienUèrtnent  important 
dans  un  musée  de  grande  ville.  Celte  surveillance  laisse  parfois  h 
désirer.  Souvent  certaines  salles  restent  k  l'abandon.  Il  y  a  quel- 
que temps,  une  grande  salle  d'un  de  nos  principaux  musées  est 
restée  plus  de  dix  minutes  sans  surveillance,  au  moment  même 
oi^  six  individus  k  mine  suspecte  t'y  trouvaient.  Je  les  ai  observés 
avec  obstination,  ce  dont  ils  te  sont  aperças.  Ils  auraient  pu, 
sinon,  détériorer  k  leur  aise  une  des  peintures  exposées. 

Bakcs.  —  Les  musées  sont  ponrvus  d'excellenu  bancs,  en 
velours,  très  moelleux.  C'est  une  chose  détestable.  En  eflet,  les 
bancs  sont  faits  pour  qne  les  visiteurs  puissent  te  reposer  un 
instant  et  non  y  dormir.  Actuellement,  il  y  a,  certains  jours, 
lorsqull  pleut  surtout,  au  Mutée  Moderne,  quinze  on  vingt  indi- 
vidus qui  jamais  ne  travaillent.  Ht  viennent  l'étendre  tor  ces 
bancs  et  alors  ils  tiennent  des  propot  dégoûtanlt,  narguent  les 
visiteurs  et  surtout  les  dames  et  les  jeunet  filles.  Il  devrait  y 
avoir  de  simplet  banet,  en  osier,  tans  dossier.  Cela  toffirail  pour 
faire  partir  cet  Individus,  ce  dont  lei  huittiert  seraient  très 
satisfaits.  A  Londres,  k  Paris,  k  Madrid,  en  Italie,  il  y  a  partout 
des  bancs  très  simples  et  surtout  non  munit  de  dostier. 

DénoMiNATiON  DES  SALLES.  —  11  Serait  utile  de  donner  des 
noms  aux  diverses  galeries  et  salles  :  salle  Rubent,  telle  Van 
Dyck,  salle  De  Crayer,  etc.  De  même,  les  bustes  des  peintres 
célèbres  devraient  avoir  une  inscription  donnant  les  renteigne- 
ments  relatifs  k  chacun  d'eux. 


L'ŒUVRE  LITHOGRAPHIE  DE  FÉLICIEN  ROPS 

Par  E^STÈNB  Ramiro.  —  Un  vol.  in-4<>  da  137  page*,  non  compris 
titre  et  tables,  orné  de  sept  reproduction!  de  litho^phiea  en  taille- 
donoe  et  de  sept  fleurons  et  culs  de  lampe.  —  Paris,  Conquet,  1891. 

Lorsqu'en  1887  parut  le  catalogue  de  V Œuvre  gravé  de  Féli- 
cien Rops  —  ouvrage  aujourd'hui  épuisé  et  qui  va  refleurir  en 
une  deuxième  édition  —  nous  qualifiâmes  l'auteur,  Erastène 
Ramiro,  pour  les  initiés  Eugëne  Rodrigues,  notre  confrère  du 
barreau  de  Paris  :  «  Homme  de  goût  s'il  en  fut,  esthète  dans  toute 
l'intensité  du  terme  (1)  ». 

Le  volume  qu'il  vient  de  consacrer  k  VŒuvre  lilhographU  de 
l'artiste  confirme  l'épilhèie  élogieuse  que  noua  lui  décernâmes 
alors.  Méihode  dans  le  classement  des  pièces,  justesse  dans  leur 
description,  discernement  dans  le  choix  désœuvrés  k  reproduire, 

(1)  L'Art  moderne,  1887,  p.  117. 


j:^hi 


L'ART  MODSRNB 


207 


loin  minotirax  apporté  an  texte  et  aux  gravures,  le  volume  décèle 
oe»  méritea  divera  qui  font  le  commentateur  accom|ili. 

II  a  -fallu  que  ce  fût  un  Français  qui  menAi  &  bonne  fin  ce 
monument  de  gloire  b  notre  compatriote.  El  voici  le  monoment 
aeherd.  dreasani  ses  tours  jumelles  :  I'OEuthb  oiAVfi,  l'OEovnE 
UTWNSUMlt,  alors  qu'en  Belgique  On  feint  encore  d'ignorer  que 
Félicien  Rops  est  l'un  de  nos  artistes  los  plus  illustre*,  —  l'un 
des  Maîtres  de  l'époque.  Certains  s'obiitinent  6  ne  voir  en  lui  que 
raolear  de  telles  planches  voluptueuses,  abomination  hypocrite 
des  officiels  ronds-de-coir,  —  qui  les  serrent  précieusement  dans 
le  tiroir  réservé  aux  aphrodisiaques.  Eh  bien,  ces  braves  gens, 
s'ils  s'attendent  k  irouver  dans  YŒuvre  lithographie  des  excita- 
tions nouvelles,  en  seront  pour  leur  louis  inutilement  dépensé. 
Erasténe  Ramiro  constate, eo  terminant  sa  préface,  que  dans  cette 
seule  branche  de  son  art,  la  lithographie,  Rops  a  pu  produire  plus 
de  SSO  œuvres  sans  qu'on  en  découvre  une  seule  qui  soit  même 
simplement  licencieuse.  Bonnes  gens,  il  faudra  vous  résigner  1 
Encore  une  légende  abolie,  et  celle  fois  définitivement,  nous 
l'espérons. 

Le  catalogue  de  tŒuvre  lithographie  est  d'autant  plus  alla- 
chant  qu'il  embrasse  une  période  déjà  reculée  de  la  vie  de  l'ar- 
tiste, l'époque  où  dans  le  Crocodile,  dans  VUylempiegel,  dans  le 
Charivari  belge,  feuilles  éphémères  créée»,  sans  aucune  idée  mer- 
cantile, par  la  fantaisie  de  quelques  jeunes  hommes  de  lettres, 
Rops  a  généreusement  éparpillé  ses  premiers  coups  de.crayon. 
«  Ce  sont  donc,  dit  l'auteur,  des  œuvres  de  jeunesse.  Elles  mar- 
quent le  début  de  sa  carrière,  et  l'on  peut  convenir  que  certaines 
des  productions  rapidement  enfantées  au  jour  le  jour,  sous  la 
pression  des  exigences  du  journalisme,  ue  sont  pas  ii  l'abri  de 
toute  critique;  mais  le  plus  grand  nombre  oITreni  un  haut  intérêt, 
et  plusieurs,  autant  par  une  psychologie  profonde  que  par  la  sou- 
plesse d'un  art  achevé,  commandent  sans  réserve  l'admiration.  » 

Voici  la  division  adoptée  par  l'auteur  : 
I.  Lithographies  parues  dans  VUyUiispiegel. 
II.  Id.  publiées  dans /e  C/i<>rtvartfre^«. 

lU.  Illustrations  et  affiches. 

IV.  Lithographies  diverses.  Pièces  politiques. 
V.  Id.  id.        Pièces  humorisiiques. 

Les  grandes  planches  reproduites  hors  texte  {pn  double  série, 
dont  une  avec  remarques  dans  les  exemplaires  de  luxe,  tirés  à 
petit  nombre),  sont  :  Le  Dernier  des  romanliquei,  la  Sotie 
Marie- Jotèphe,  Juif  et  Chrétien,  la  Peine  de  mort.  Chez  let 
Trappittet,  Uh  Monsieur  et  une  Dame,  Un  Enterrement  au 
Paye  wallon. 

Les  fleurons  et  culs-de-lampe,  judicieusement  coUigés,  com- 
plètent l'illusiraiion  de  ce  magnifique  volume,  d'une  composition 
difficile  puisqu'il  a  fallu  rechercher  dans  les  colleciions  privées 
nombre  de  planches  oubliées,  et  qui  classe  l'artiste  au  rang  qu'il 
a  le  droit  d'occuper,  —  le  premier. 

Pour  finir,  ciions  cet  extrait  relatif  i  VUylenspitgel,  qui  rap- 
pellera il  beaucoup  de  nos  lecteurs  des  souxenirs  dfjà  lointains  : 

a  Comme  les  journaux  heureux,  l'f/y/eritpiVge/  n'a  pasd'hisloire. 
Le  petit  cénacle  qui  composait  sa  rédactinn,  à  di^faul  de  capitaux 
considérables,  jouissait  d'une  exiréme  ji'unnsse.  rar  la  plupart 
des  collaborateurs  se  portent  encore  à  merveille.  Hullaux,  qui  les 
dirigeait  sous  le  nom  calenibnurgeois  de  Hnvin,  est  encore 
aujourd'hui  le  sympathique  rédarlruron  eh'  fili'  ^i  Chronique  de 
Bruxelles;  Léon  Jourol  i-e  livre  toujours  avec,  succès  à  la  critique 
musicale;  Emile  Leclerc,  ci-devant  E.  Piitorc,  écrit  des  romans; 


Rops  bit  mordre  ses  enivres  avec  vigueur  pins  juvénile  quç 
jamais.  En  route  est  resté  Coveliers,  qui,  sous  le  nom  de  Bénédici, 
traitait  surtout  les  questions  musicales;  et  malheureusement 
aussi,  Charles  de  Coster,  un  des  rares  écrivains  de  r  «  ancienne 
Belgique  ».  Du  moins,  ce  dernier  nous  a-t-il  laissé  deux  livres 
admirables  :  les  Légendes  flamandes  et  les  Aventures  de  Tyl 
CUie*  Uylenspiegel. 

«  Le  petit  journal  réussit  presque,)  un  moment,  à  faire  ses 
frais.  Nais  on  s'avisa  d'en  augmenter  leiormat  et  il  ne  put  sup- 
porter cet  accroissement  de  dépense  qtie  la  publicité  ne  compensa 
point.  Enfin  la  retraite  de  Rops,  au 'mois  d'août  4857,  lui  porta 
le  dernier  coup.  La  décadence  rapide  qui  s'ensuivit  témoigne 
bien  du  rôle  prépondérant  du  dessinateur  dans  son  existence. 
Vainement  on  réduisit  le  format.  Vainement  on  cherchait  à 
rassurer  l'abonné  par  des  des  notes  du  genre  de  celle-ci,  parue 
le  13  décembre  1887  : 

«  Sans  nous  engager  précisément,  nous  avions  promis  à  nos 
u  abonnés  de  faire  en  sorte  de  continuer  il  publier  quelques 
«  dessins  de  Félicien  Rops. 

«  Nous  sommes  en  mesure  aujourd'hui  de  promettre  formelle- 
«  ment,  pour  l'année  qui  va  s'ouvrir,  un  dessin  par  mois,  tiré  avec 
tt  soin  et  imprimé  sur  beau  papier.  » 

On  telles  encore  que  celle-là,  parue  le  3  janvier  1858  : 

«  Notre  numéro  de  ce  jour  contient  deux  pages  d'annonces, 
u  Nous  avions  etpéré  remplacer  cette  page  par  une  lithographie. 
«  Nous  ne  l'avons  pu  cette  fois.  Notre  première  planche  lithogra- 
«  phiée  ne  paraîtra  donc  que  dimanche  prochain.  Le  sujet  en 
«  sera  désormais  la  Revue  du  mois  écoulé,  douze  il  seize  des- 
u  sins  de  Félicien  Rops.  » 

«  Cette  intermittence  excessive  dégénéra,  au  commencement  de 
1859,  en  abstention  complète;  le  public  se  découragea,  la  caisse 
se  vida,  et  à  la  fin  de  1861  il  fallut  cesser  de  paraître. 

«  On  avait  mangé  quelque  argent,  mais  on  s'était  bien  amusé. 
Quelques-uns  n'ont  pas  encore  oublié  une  grande  fêle  donnée  par 
la  rédaction  dans  la  superbe  salle  de  la  Corporation  des  bouchers, 
sur  la  Grande-Place. 

«  Le  comte  de  Flandre  avait  promis  de  l'honorer  de  sa  pré- 
sence, ce  qui  suggéra  à  quelques  amis  de  la  maison  l'idée  d'une 
vaste  mystification.  Au  moment  où  la  réception  battait  son  plein, 
une  porte  s'ouvre  bruyamment  tout  à  coup,  et  on  annonce  : 
«  Sa  Majesté  le  roi  Léopold!  »  El,  en  cfl'et,  un  personnage  res- 
semblant à  s'y  méprendre  au  monarque  régnant,  s'avance  au 
milieu  du  public  formant  respectueusement  la  haie  et  distribue 
aux  uns  et  aux  autres  des  témoignages  de  bienveillance  et  d'affa- 
bilité. Mais,  ô  stupeur!  quand  il  approche  des  dames,  sa  douceur 
devient  caressante,  et  sa  haute  indulgence,  polissonne!  U  fallut 
bien  recodallre  alors  que  le  prétendu  souverain  n'était  autre  que 
Woordecker,  un  peintre  fameux  pour  la  souplesse  et  la  précision 
avec  lesquelles  il  imitait  l'allure  du  roi.  Pendant  plusieurs  jours 
tout  Bruxelles  s'égaya  de  cette  farce,  qui  avait  un  instant  ému 
bien  des  cœurs  féminins.  Le  buffet  avait  été  somptueux.  La  note 
s'éleva  ii  1,200  francs  !  Ce  fut  le  chant  du  cygne  !  » 


LA  COULEUR  AU  THÉÂTRE 

Je  ne  sais  si  tous  les  hommes  sont  comme  moi,  mais  il  m'advient 
souventes  fois  d'être  remué  jusqu'aux  circonvolutions  les  plus 
intimes  de  mon  sensorium  au  seul  aspect  d'une  nuance,  d'un 


.■1 


208 


L'ART  MODERNE 


chatoiement  coloré,  d'un  trait  lumineux  rose  violacé.  Il  y  a  là 
évidemment  tout  un  monde  occulte,  déjà  pressenti  par  les  Seiui- 
lifs,  —  ces  Colombs  de  l'âme  humaine,  —  et  qu'en  leurs  poussées 
évolutives  les  générations  futures  ne  tarderont  guère  i  découvrir. 

Ce  n'est  que  d'hier  que  les  couleurs  commencent  à  être  distin- 
guées, classées.  On  s'en  convainc  sans  peine  par  la  pénurie  de 
mots  désignalifs  de  couleurs  dont  sont  affligées  les  langues 
modernes,  pourtant  si  riches  en  vocables  techniques.  Que  sont 
ces  expressions  de  verl  d'MU,  blea  ciel,  bleu  marine,  marron, 
jonquille,  lilas,  sinon  de  métaphoriques  appellations  tardivement 
imaginées  pour  peindre  des  sensations  tardivement  éprouvées? 

Sur  les  sept  couleurs  fondamentales,  violet,  indigo,  bleu,  vert, 
jaune,  orangé,  rouge,  il  y  en  a  deux  au  moins,  qui  n'ont  que  des 
désignations  d'emprunt  :  indigo,  couleur  qui  vient  de  l'Inde, 
orangé,  couleur  de  l'orange. 

Toutefois  cet  effort  même  tenté  par  le  langage  actuel  pour 
exprimer  la  chose  sentie  indique  surabondamment  que  la  sensa- 
tion existe.  C'est  un  vocabulaire  en  voie  de  création,  voilà  tout. 
Mais  si  l'on  remonte  la  série  des  temps  on  est  bien  vite  en  plein 
chaos.  Prenons  au  hasard  deux  exemples  :  l'un  fourni  par  la 
langue  d'Homère,  l'autre  par  celle  de  Virgile. 

lotti-fii,  qui  a  pour  racine  tov,  violette,  désigne  à  la  fols  le  lilas, 
le  violet  sombre  et  le  noir.  Cœruleus,  en  latin,  peut  s'appliquer 
indistinctement  à  la  couleur  du  flot  marin,  à  l'azur  du  ciel,  à  la 
nuance  des  yeux,  et  peut  se  traduire  indifféremment  par  bleu  clair, 
brun  foncé  et  noir. 

Ajoutons  à  ces  étrangetés  le  cas  pathologique  doté  par  les 
savanis  du  nom  de  dalloniime  et  qui  fait  que  l'on  confond  les 
couleurs  les  plus  opposées.  Pur  atavisme,  incontestablement. 
Retour  accidentel  à  la  phase  peu  lointaine  peut-être  oïl  le  sens  de 
la  couleur  ne  subsistait  qu'en  puissance  dans  le  microcosme 
humain. 

Au  théâtre,  aucune  méthode  vraiment  rationnelle  ne  s'estencore 
révélée  dans  l'emploi  de  la  couleur.  Acteurs  et  actrices  —  les  der- 
nières surtout  —  semblent  avoir  pour  préoccupation  unique  le 
choix  de  la  nuance  vestimentaire  qui  fera  le  mieux  valoir  leur 
teint  et  qui,  suivant  nécessité,  grossira  ou  amincira  plus  à  sou- 
hait leurs  formes.  C'est  ici,  comme  dans  l'ordre  social,  le  triomphe 
absolu  de  l'individualisme. 

Rien  n'est  sacrifié  au  normal  fonctionnement,  à  l'épanouisse- 
ment intégral  de  cette  virtualité  collective,  qui  s'appelle  l'âme 
d'une  pièce.  Imaginez  des  acteurs  férus  de  démence  récitant  cha- 
cun son  rôle  en  même  temps  en  un  coin  de  la  scène,  sans  se  sou- 
cier des  répliques,  des  entrées  ni  des  sorties.  Les  couleurs  amé- 
nagées comme  elles  le  sont  la  plupart  du  temps  au  théâtre  font 
pire  que  cela.  Elles  détonnent,  se  heurtent,  se  déchirent,  s'assas- 
sinent, jetant  sur  la  coniexiure  dramatique  la  mieux  ourdie  l'in- 
fernal tohu-bohu  de  leurs  épilepsies. 

Et  ce  gobeur  de  public  Fegarde,  épris,  ébaubi,  ébahi,  et  les 
fouilles  publiques  du  lendemain  narreront  par  le  menu  la  toilette 
faille  mauve  de  la  jeune  première  ou  les  retroussis  vert-pomme  de 
la  mère  noble! 

Il  y  a  là,  ainsi  qu'ailleurs,  tout  un  93  à  faire.  Tel  rôle  implique 
harmonieusement  non  seulement  telle  nuance  prédominante,  mais 
tel  arrangement  de  couleurs,  comme  il  implique  tel  style,  tel 
débit,  telle  musique,  tel  dégagement  de  parfums. 

Un  goût  excessif  pour  les  restitutions  grecques,  romaines  ou 
moyenagesques  en  matière  de  costume  semble  férocement  hanter, 
depuis  quelques  années,  le  monde  des  impresarii.  Ces  bonnes 


gens  ne  s'aperçoivent  pas  qu'ils  font  du  vieux  épouTanlablement 
fantaisiste  et  faux.  Leurs  gladiateurs  à  maillot  rose,  leur*  Jeannea 
d'Arc  plaquées  de  céruse  et  bistrée*  de  kohl,  leur*  Nérons  vdtut 
d'étoffes  fournies  par  la  maison  Hériot  et  C,  en  place  de  la  pourpre 
syrienne  et  du  byssus  asiatique,  tout  cela  htirle  et  crie  pitié.  Si  la 
somme  d'efforts  dépensée  pour  arrivera  satisfaire  le  caprice  aussi 
bizarre  que  passager  du  plus  volage  des  publics  était  consacrée  à 
perfectionner  le  grand  art,  l'art  immuable  et  vrai,  celui  qui  est  de 
toutes  les  époques  et  de  tous  les  peuples,  que  de  pas,  que  de 
lieues  nous  ferions  chaque  jour  vers  l'Idéal  I 

Fabri  DBS  EssAKTS  {VAvmir  iramuiqui). 


CONCOURS  DU  CONSERVATOIRE  (>) 
Ittstmments  fc  oordes. 

CotHrebaste.  —  Professeur  :  M.  Seha.  S*  prix  avec  distinction, 
M.  Broeckaert;  2«  prix,  MM.  Van  den  Eynden,  Jbek  et  Van  Lem- 
bergho. 

Alto.  —  Professeur  :  M.  Firket.  2*  prix,  MM.  Baroen,  Ferir  et 
Nagels;  {"accessit  :  MM.  Cniipelinckx  et  Gieizen. 

Les  deux  seconds  prix  de  l'an  passé,  après  avoir  joué  le  mor- 
ceau imposé  (fragment  d'un  concerto  de  Viotli),  ont  abandonné 
la  lutte. 

Violoncelle.  —  Professeur  :  M.  Ed.  Jacobs.  l"  prix  avec 
distinction,  M.  Van  l'iicrdael;  1"  prix,  MM.  Inslegcrs  et  Gillet; 
2»  prix,  MN.  Gnffin  et  Vaniyn. 

MnsiouE  DE  CRAMBRE  AVEC  PIANO  {court  inférieur).  —  Profes- 
seur :  M"'  Zarembska.  2«  prix,  M'"«  Van  Eessen,  Pardon, 
Leborgne;  1"  accessit,  M""  Albert,  Dekork,  De  Raedt. 

Orgue.  —  Professeur  :  M.  A.  Mailly.  i"  prix  avec  distinction, 
M.  Goriiboek;  i"  prix,  MM.  Dcclercq  et  Byl. 

Piano  (jeunes  fille»).  —  Chargé  du  cours  :  M.  Gurickx.  i"  prix 
avec  distinciion.  M""  Blés;  4"  prix,  M"~  Parcus  et  Falkenstein; 
2'  prix.  M'"  Meriens. 

Prix  van  Cutsem,  M"«  Lemaire. 


^CCUgÉg     DE    I\ÉCEPTION 

Il  sera  rendu  compte  prochainement  des  livres  suivants  : 
Dypiyqiie,  par  Francis  VielE-Ghiffin;  Paris,  mars  1891  (sans 
nom  d'é<liieur;  imprimé  à  petit  nombre  pour  le  compte  des 
Entretiens  politiques  et  littéraires  par  A.  M.  B<audeloi).  — 
Liminaires,  p:ir  Paul  Redonnel;  Bruxelles,  Lacoinblcz.  —  La 
Joie  de  Maguelonne,  par  A.  Ferdinand  H^rold;  Paris,  Librairie 
de  tA  ri  indépendant.  —  Le  Théâtre  de  Rachilde,  avec  un  dessin 
inédit  de  Paul  Gauguin  (Madame  la  Mort)  et  une  préface  de 
l'auieur;  Paris,  Savine.  —  Suggestion....  par  Henri  Nizet;  Paris, 
Tresse  et  Stock.  —  Philosophie  de  l'enseignement  des  Beaux- 
ArU,  par  Emile  Leclercq;  Bitiliohèque  Gilon. 


Petite  chroj^ique 

Félicien  Rops,  cliché  instaniané  de  OU  Bios  : 
Un  mjsque  sensuel,  gouailleur  de  faune  que  hantent  des  désirs 
sans  trêve.  La  barbe  en  pointe,  les  moustaches  retroussées,  le 
regard  aventureux,  étrange,  troublant,  se  posant  sur  les  femmes 
(1)  Suite.  Voir  notre  dernier  numéro. 


•  ^T^n^pfr^^PlPiiW  9'  ' 


L'ART  MODERNE 


209 


comme  de  l'OtMession.  N'a  pasd'âge  Semble  avoir  trouvé  le  secret 
de  l'éternelle  jouvence,  conclu  quelque  pacte  aecret  avec  son  ami 
le  Diable.  Un  Flamand  mâtiné  de  Purinien.  Le  maître  de  l'art  ero- 
tique. Imprègne  ses  prestigieuses  eaux-fortes  on  ne  sait  de  quelle 
luxure  éperdue.  Leur  donne  le  frisson,  la  fièvre  des  spasmes. 
Épris  des  pourritures  du  siècle,  des  enlacements  de  sabbats,  des 
grouillantes  misères,  des  beaux  monstres,  des  femelles  en  rut. 
Travaille  h  son  caprice  comme  les  grands  bohèmes  de  jadis.  Ne 
connaît  que  l'heure  du  rêve  et  se  moque  du  lendemain.  Très  guetté 
par  les  amateurs  qui  se  disputent  !t  prix  d'or  chacune  de  ses 
œuvres.  Rappelle  Goya  et  souvent  le  dépasse. 


Un  Mâle,  monté  par  le  Théâtre  de  l'Avenir-Dramalique,  a  été 
représenté  samedi  dernier  pour  la  dernière  fois,  après  avoir  tenu 
l'affiche  pendant  plus  d'un  mois.  Comme  l'a  dit  M.  Sarcey,  la 
pièce  faisait  de  l'argent.  Ce  critérium  du  succès  la  déléguait  à  une 
carrière  plus  longue.  En  une  saison  meilleure,  peut-étiî  elle  eût 
atteint  les  gros  chiffres;  mais  trente-deux  représentations  pour 
une  pièce  qui  se  propose  différente  des  machines  en  vogue  et 
délibérément  récuse  les  moyens  par  lesquels  d'adroits  industriels 
s'assurent  dé  fructueux  bénéfices,  constituent  déjii  un  résultat  fort 
honorable. 

Un  MdU,  d'ailleurs,  ne  quitte  pas  l'affiche  parce  que  le  public 
le  quitte,  mais  parce  que  la  plupart  de  ses  interprèles  sont 
rappelés  par  des  engagements  antérieurs.  Il  s'est  trouvé  que  le 
public,  qui  était  venu  un  peu  défiant  aux  premières  représenta- 
tions et  que  la  critique,  déroutée  au  début,  avait  à  son  tour 
dérouté,  est  revenu  nombreux  et  tout  à  fait  bienveillant  à  mesure 
que  les  représentations  se  succédaient. 

Ces  représentations  se  dénoncent  comme  une  épreuve  décisive. 
La  pièce,  qui  d'abord  apparaissait  un  bélier  dont  s'effarait  môme 
la  critique,  a  fini  par  avoir  raison  des  préventions  :  on  s'est 
aperçu  qu'elle  ne  battait  en  brèche  que  les  tenaces  routines  et 
qu'elle  n'était  révolutionnaire  que  par  son  reniement  du  théâtre 
poncif  et  rebâcheur.  (L'Avenir  dramatique.) 

Jobéphio  Peiadan  a,  selon  sa  coutume,  fait  paraître  en  bro- 
chure (60  pages,  chez  Dentu)  une  appréciation  du  Salon  de  Paris. 
Seul  l'a  sollicité  cette  année  l'Exposition  du  Champ  de  Mars. 

Une  dédicace  «  au  maître  peintre  Marcellin  Desboutins  »,  une 
préface  «  pour  ces  Messieurs  de  la  Presse  »,  un  mandement  de  la 
Rose-Croix  du  Temple  fondant  la  Rose-Croix  esthétique,  avec 
«  paroles  du  Sar  de  la  Rose-Croix  à  ses  pairs  »,  complètent  ce 
petit  volume,  qui  marque,  comme  les  précédents,  la  foi  artistique 
intransigeante  et  hautaine  de  M.  Peiadan. 

Voici  à  litre  de  document,  les  «  V  articles  publics  de  la  règle 
des  Rose-Croix  esthètes  »  : 

I.  Pour  entrer  dans  la  R  -I-  C  esthétique,  il  faut  être  présenté 
par  deux  parrains  d'honneur,  deux  parrains  de  talent,  quel  que 
soit  l'art  où  l'on  œuvre. 

II.  Au  cas  où  le  récipiendaire  forferaii  à  l'honneur,  les  deux 
parrains  sont  chassés  solidairement. 

Au  cas  où  le  récipiendaire  forferait  à  l'idéalité,  en  collaborant 
aux  journaux  pollectionnels  ou  en  dessinant  avec  Irrespect  sur  le 
catholicisme,  les  deux  parrains  de  talent  seront  solidairement 
chassés. 

III.  Une  œuvre  de  R  -f-  C  sera  certainement  exposée  si  le  con- 
suliateur  l'a  déclarée  valante  au  vu  de  l'esquisse. 


Sinon,  elle  est  soumise  au  jugement  du  Sar,  assisté  de  deux 
pairs. 

IV.  L'artiste  R  -|-  C  demeure  libre  d'exposer  où  et  quand  il  lui 
platt,  pourvu  qu'il  envoie  tous  les  ans  au  Salon  de  la  R  -f  C  une 
œuvre  spécialement  faite. 

V.  En  cas  imprévu  dans  la  Règle  et  en  tout  conflit  d'artiste 
avec  les  Commandeurs,  l'autorité  du  Sar  étant  abstraite,  est 
absolue. 

La  suite  de  la  Règle  ne  sera  communiquée  qu'au  postulant.     . 


On  peut  écrire,  dès  â  présent,  au  Consullateur  esthétique  pour 
4891,  Gary  de  Lacroze,  40,  rue  du  Général  Foy. 


En  souscription  chez  Dietrich  et  C",  éditeurs  à  Bruxelles,  les 
Œuvres  de  i.  Portaels,  publiées  sous  la  direction  de  Pieler 
D'Hondt,  bibliothécaire-adjoint  â  l'Académie  royale  des  Beaux- 
Arts  et  École  des  Arts  Décoratifs  de  Bruxelles. 

L'œuvre  de  Portaels  se  composera  des  reproductions  des  prin- 
cipaux tableaux  du  maître.  Il  sera  donné  successivement  une 
série  de  figures,  une  autre  relative  à  ses  voyages  au  Maroc,  en 
Hongrie  ei  en  Orient,  une  série  représentant  des  tableaux  d'his- 
toire et  religieux  ainsi. qu'un  cycle  de  tableaux  et  de  dessins  iné- 
dits intitulé  :  Autour  du  Calvaire. 

L'ouvrage  sera  complet  en  cinq  livraisons,  comprenant  dix 
planches  chacune.  Tous  les  trois  mois  paraîtra  une  livraison  au 
prix  de  25  francs  :  un  riche  carton  album  (prix  :  10  francs),  sera 
livré  sur  demande. 


,    VIENT  DE  PARAITRE 

Chez  M"«  V"  LARCIER,  imprimeur-éditeur,  22,  rue  des  Minimes, 
à  Bruielles. 

LIVRE  D'OR 

DE    LA 

CONFÉSENCB  DU  JBUNi)  BASSï)AU 

Gonlenaot  la  reUlion  déuillée  des  têtes  do  Cinquanlième  aiuiTersaire 

Un  volume  de  grand  luxe,  imprime  en  caractères  eizéviriens,  sur 
papier  teinta  de  cuve  spéciale,  format  grand  in-4»,  omë  d'un  fac-similé 
des  armoiries  de  l'ancienne  Basoche  et  d'autographes  de  quelques-uns 
des  maîtres  du  Barreau.  Il  reste  du  tirage  fait  pour  les  souscripteurs 
quelques  exemplaires  mis  en  vente  au  prix  de  7  fr.  50. 


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Dimanche  5  Juillet  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


RBVDB  ORITIQOE  DBS  ARTS  ET  DE  U  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

ABONNEMXNTS  :    Belgique,    un   an,   fr.   10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —  ANNONCES   :    On  traite  à   forfait. 

Adreater  toute»  les  communications  d 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  me  de  nndnstrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


Ln  Mabcrands  hors  du  Tbhplk.  —  Lss  Mus^bs.  —  Toujocrs  a 

PaOPOe  DES  TABLEAUX  ANCIENS.  —  MusisS  EN  PLEIN  AIB.  L.  0.  RoTY. 

—  L'Art  et  l'Etat.  —  Quelques  volumes.  —  Vincent  Van  Ooou. 

—  Concours  du  Conservatoire.  —  Petite  chronique. 


Les  larobaods  ïors  du  Temple 

Nos  critiques  sur  les  faits  et  dits  de  la  Commission 
des  Beaux-Ârts,  ou  plus  généralement  sur  ia  Direction 
des  Beaux-Arts  en  Belgique,  ont  fait  le  tour  de  la 
presse.  Seuls  se  sont  abstenus  les  journaux  qui  profes- 
sent que  le  respect  des  institutions  ofiScielles  est  le 
commencement  du  bon  doctrinarisme  et  qu'on  a  toujours 
tort  de  déranger  quelque  chose  dans  le  bel  ordre  admi- 
nistratif et  mondain  où  tout  est  si  parfaitement  orga- 
nisé pour  la  dignité,  le  repos  et  le  profit  des  incapables 
et  des  parasites. 

Non» frappons,  quant  à  nous,  sur  cette  ruche  habitée 
par  des  frelons  et  nous  continuerons  à  frapper  et  à 
convier  le  public  à  ne  pas  faire  trêve.  Le  silence  calculé 
qu'observent  les  personnalités  visées  (et  atteintes)  est  un 
indice  nouveau  des  abus.  On  ne  se  tait  pas  avec  une 
telle  obstination  quand  on  ne  redoute  pas  la  discussion. 
Il  y  a  anguille,  ou  plutôt  reptile  sous  roche.  Il  faudra 


bien  qu'il  sorte  ou  tout  au  moins  qu'à  l'avenir  il  cesse  de 
nuire. 

On  a  vu,  par  les  faits  et  les  chiffres  que  nous  avons 
cités,  que  depuis  des  années  les  fournitures  pour  notre 
musée  de  peinture  ancienne  sont  accordées  avec  une 
étrange  constance  à  deux  marchands  qui  les  traitent  à 
des  prix  exorbitants.  Or,  on  nous  assure  que  ces  deux 
marchands  ne  sont  qu'un  seul  marchand,  qu'il  y  a 
entente,  que  l'un  parait  après  l'autre  pour  ne  pas  éventer 
le  truc.  Et  chose  plus  édifiante,  que  le  troisième  mar- 
chand qui,  parfois,  a  la  gracieuseté  de  donner  à  nos 
collections  une  œuvre,  est  aussi  l'un  des  deux  marchands 
susdits,  ou  l'unique  marchand  ;  la  Commission  des 
Beaux-Arts  connaît  le  secret  du  pseudonyme  sous 
lequel  se  dissimule  ce  bizarre  bienfaiteur,  aux  libéra- 
lités alléchantes,  mais  le  public  l'ignore,  car  le  public, 
plus  sceptique  que  les  membres^de  cette  mirobolante 
commission,  se  douterait  apparemment  qu'un  marchand 
qui  donne  est  un  marchand  qui  prépare  un  coup, 
c'est-à-dire  qui  très  gracieusement  et  très  adroitement 
va  essayer  de  vendre  sa  marchandise  le  plus  cher  pos- 
sible, en  dorant  la  pilule  destinée  à  être  avalée  par 
l'acheteur  candide  et  ignorant. 

Nous  avons  dit  à  M.  de  Burlet,  le  nouveau  ministre 
qui  a  les' Arts  dans  son  département  ;  «  Surveillez  ce 
monde  là,  ou  on  le  surveillera  pour  vous.  Défiez-vous 
en.  N'avalez  pas  les  bourdes  qu'il  émet  avec  l'aplomb  de 


-,-/,',  jf' Vλi.1î'4ï.;-?ff»^,iP;'  ;  ■■ 


l'audace  et  des  réussites  antérieures.  Visitez  ces  rou- 
tines de  fond  en  comble.  Réformez  cette  pétaudière.  » — 
Nous  nous  y  appliquons,  nous,  et  nous  convions  tout 
le  monde  à  s'y  employer.  Car  le  ministre  semble  déjà 
s'enfariner,  et  fait  chanceler  l'espoir  qu'on  mettait 
en  lui. 

Cette  drolatique  commission  dont  nous  publierons 
incessamment  le  personnel  avec  instantanées  à  l'appui, 
se  laisse  endoctriner  par  deux  ou  trois  personnalités  qui 
passent  pour  oracles,  à  tort,  car  leurs  hauts  faits  se 
comptent  par  leurs  sottises.  Les  autres  membres  menés 
à  bec  tendu  ne  font  pas  ce  qui  s'impose  à  des  hommes 
investis  d'une  telle  mission.  Ils  ne  se  tiennent  au  cou- 
rant de  rien.  Ils  achètent,  achètent,  achètent  selon  la 
prétendue  occasion  que  des  habiles  font  périodiquement 
surgir,  ne  connaissant  pas  le  passé  de  l'œuvre,  ses  vicis- 
situdes, les  prix  qu'elle  a  atteints  précédemment,  les 
offres  qu'on  en  a  faites.  On  dit  couramment  qu'un 
tableau  ancien  refusé  ailleurs,  trouve  presque  à  coup 
sûr  son  placement  au  Musée  de  Bruxelles,  et  qu'on  peut 
hardiment  tripler  ou  quintupler,  quand  il  s'agit  de  l'y 
faire  entrer,  les  prix  obtenus  ou  demandés  n'importe  où. 

Il  serait  bien  simple,  n'est-ce  pas,  de  dresser  un  cata- 
logue des  prix  obtenus  dans  les  ventes  publiques.  On 
saurait  ainsi  rapidement  quel  taux  atteignent  habi- 
tuellement les  œuvresde  tel  ou  tel  maître.  Cela  formerait 
une  base  pour  savoir  ce  que  valent  les  offres  pompeuses 
de  marchands  qui  arrivent  tout  à  coup,  débitant  leurs 
boniments,  les  faisant  passer  dans  les  communications  au 
ministre,  demandant,  comme  ce  fut  récemment  le  cas,  des 
cent  trente-cinq  mille  francs  pour  trois  tableaux  qui 
valaient  peut-être  le  tiers,  et  offrant,  avec  une  appa- 
rente complaisance,  d'accorder  à  l'État  des  facilités  de 
payement.  Eh  bien  non!  pareils  relevés  ne  se  font  pas. 

On  se  f iche  des  ventes  publiques.  On  semble  s'être 

donné  le  mot  pour  cacher  les  prix,  qu'il  s'agisse  de  celui 
des  œuvres  qu'on  achète  pour  nous,  ou  des  œuvres  dont 
on  trafique  ailleurs.  On  couvre  toutes  ces  combinaisons 
d'un  secret  voulu.  Le  patient  public  ne  sait  rien  des 
projets  qu'on  manigance.  Un  beau  jour  un  nouveau 
tableau  apparaît.  A  qui  l'a-t-on  acheté,  qu'a-t-il  coûté, 
pourquoi  s'est-on  décidé,  avec  qui  a-t^on  négocié?  Mys- 
tère !  On  s'arrange  de  façon  à  faire  passer  la  chose  ina- 
perçue et  il  y  a  de  bonnes  raisons  pour  cela,  parce  que 
la  monstruosité  des  prix  n'égale  souvent  que  l'insuffi- 
sance de  l'objet.  In  emtione  et  venditione  tantulum 
circumvenire  licet. 

Et  il  y  a  des  années  que  cela  dure!  Et  ce  sont  tou- 
jours les  mêmes  incapables  qui  traitent  et  les  mêmes 
malins  avec  qui  l'on  traite  !  Les  bénéfices  réalfàés  par 
ceux-ci  doivent  avoir  été  énormes.  Or,  la  seule  peine 
qu'ils  se  sont  donnée  a  été  de  détacher  parmi  toutes  les 
offres  qui  vont  à  eux,  en  leur  qualité  de  marchands 
notoirement  connus  comme  fournisseurs  de  notre  Musée, 


celles  qui  le  moins  indécemment  peuvent  servir  à  cette 
spéculation,  licite  mais  pour  nous  lamentable,  qui  con- 
siste à  persuader  à  un  collège  composé  de  quelques 
roquentins  sans  érudition  artistique,  qu'un  tableau  quel- 
conque est  un  chef-d'œuvre  et  qu'on  doit  le  payer  très 
cher.  Quand  ces  géroutes  ont  été  empaumés,  on  rédige 
le  rapport,  enthousiaste  et  pharamineux,  destiné  au 
ministre,  et  celui-ci,  d'ordinaire,  approuve  avec  l'insou- 
ciance d'un  profane.  Demandez  plutôt  à  M  Devolder.  Et 
quanta  vous,  Monsieur  de  Burlet,  gare  de  ne  pas  égaler 
promptement  votre  prédécesseur. 

Il  faut  que  cette  comédie  finisse.  Â  chaque  cas  nou- 
veau, si  on  ose  encore  les  mêmes  irritants  procédés, 
nous  crierons  comme  des  brûlés.  Il  faut  qu'aucune 
acquisition  ne  soit  mise  en  projet  sans  que  le  public 
en  soit  averti.  Il  faut  qu'on  expose  l'œuvre.  Il  faut 
que  quiconque  est  à  même  de  donner  des  renseigne 
ments  sur  son  authenticité,  sa  qualité,  son  prix,  puisse 
s'expliquer.  Il  faut  que  la  demi-douzaine  de  barbons  et 
d'eunuques  qu'on  a  chargés  de  cette  mission  soient  rais 
en  tutelle  et  subissent  un  contrôle  sévère,  ou  plutôt 
qu'ils  aillent  se  coucher  et  qu'un  élément  jeune  et 
sérieux  les  remplace.  Le  ganachisme  nous  obsède  et 
nous  ruine  intellectuellement  et  pécuniairement.  Il  faut 
que  le  scandale  bête  des  acquisitions  perpétrées  depuis 
trois  lustres  finisse. 

Si  cela  déplait  à  Messieurs  les  trois  marchands,  ou,  s'il 
y  a  lieu,  à  Monsieur  l'unique  marchand  ;  s'il  prétendqu'il 
ne  veut  pas  exposer  ses  précieuses  denrées  à  une  dis- 
cussion publique  parce  que  cela  les  déprécierait,  qu'il 
aille  à  tous  les  diables!  Pour  un  de  perdu,  dix  de 
retrouvés.  La  tribu  dont  il  fait  partie  pullule,  et  s'il 
s'est  partagé,  avec  quelques  autres,  les  musées  de  l'Eu- 
rope, gardant  pour  lui  cet  innocent  et  bénin  Musée 
de  Bruxelles,  dès  qu'il  aura  vidé  la  place,  les  concur 
rents  reparaîtront.  Elle  est  trop  plantureuse,  cette 
excellente  place,  pour  ne  pas  être  immédiatement  rem- 
plie. On  se  bousculera  pour  l'avoir.  Mais  désormais  elle 
sera  sévèrement  surveillée. 


LES  m:xjs£ibs 

CORRESPONDANCE 

Bruielle»,  le  29  juin  1891. 

Art  moderne,  mon  ami,  j'ai  péché  hier,  cl  ma  punition  a  dié 
cruplle  ! 

Mais  aussi,  quelle  fanlaisie  ridicule  que  celle  d'aller  troubler, 
pnr  une  belle  matinée  d'élé,  la  douce  somnolence  des  gardiens  du 
Musée  d'Anvers!  D'autant  plus  que  ces  braves  gens  doivent  me 
trouver  bien  osé,  bien  encombrant  :  six  ou  sept  fois  déjà  depuis 
sa  réinslallaiion,  j'ai  visité  le  Musée.  Et  ce  n'a  jamais  éié  que 
le  dimanche,  jour  consacré  à  la  vile  multitude,  qui  ne  pai»pas 
d'entrée  pour  admirer  les  trésors  appartenant  k  tout  le  monde,  et 
qui  a  le  pourboire  récalcitrant. 


^OssP;^«^■■>ï^v■  *"  '.j??;'^  ""^ 


L'A  RT  MODERNE 


213 


Donc,  me  voilï  dons  la  grande  salle.  J'arrive  au  merveilleux 
Ent'eveliiiemetit  du  Chritt,  j'emplis  mes  yeux  des  splendeurs  du 
tableau  cl  de  ses  volets,  je  m'aperçois  qtie  les  .volets  ne  sont  pas 
attachés  k  la  muraille.  Le  souvenir  de  vos  iniërcssanls  arliclcs  sur 
les  peiDlurcs  cxidricures  des  volets  surgit.  Je  tourne  la  tête  vers 
le  gardien  :  il  était  molloment  assis  et  faisait  une  bien  tranquille 
parlolle  avec  son  collègue  de  la  salle  voisine.  J'eus  crainte  de  lo 
distraire,  et  respectueusement,  pieusement  je  refermai  aux  trois 
quarts  le  volet  gauche.  Je  pus  alors  examiner  pendant  quelques 
instants  la  grisaille  qui  recouvre  l'extérieur  de  ce  volet,  puis  je  le 
remis  en  place,  et,  respectueusement,  pieusement,  je  recom- 
mençai mon  audacieux  attentat  sur  lo  second  volet.  Cela  n'alla 
point  trop  mal  pour  commencer,  et,  recueilli,  je  m'étais  placé  à  la 
distance  voulue  pour  regarder  la  nouvelle  grisaille,  lorsque  le  gar- 
dien apparut  et,  sans  prononcer  une  parole,  rouvrit  brusquement 
le  volet  et  l'assujcliit  contre  la  muraille.  ! 

<•  Pleurez,  mes  yeux  > 
vous  ne  verrez  pas  cette  tantalcsquc  peinture. 

J'ai  demandé  au  gardien  s'il  était  défendu  de  voir  les  deux 
faces  des  volets.  Mon  exquise  politesse  l'a  fait  sortir  de  son 
mutisme,  pnur  prononcer  d'un  accent  furibond  ces  mots  énigma- 
tiques  :  «  Il  est  défendu  de  loucher  aux  objets.  »  Sur  quoi,  il 
reprit  sa  place  ei  se  rassit. 

La  salle  était  encombrée  par  deux  visiteurs,  arrêtés  d'ailleurs 
devant  d'autres  tableaux.  Leur  air  ahuri  me  sembla  indiquer 
qu'ils  cherchaient  en  vain  pourquoi  les  gardiens  ne  couvraient 
pas  de  fers  le  misérable  qui  avait  tenté  de  mettre  en  poche  la 
DetctiiU  de  croix... 

Alors  j'ai  continué  ma  visite,  tête  baissée,  et,  de  salle  en  salle, 
je  sentis  peser  sur  moi  les  regards  soupçonneux  des  gardiens. 
Pour  éviter  d'être  mis  dehors,  j'ai,  tout  honteux,  croisé  ostensi- 
blement les  mains  sur  le  dos.  J'étais  seul,  je  ne  pouvais  les  atta- 
cher :  les  gardiens  ont  paru  le  comprendre. 

Maintenant,  puisqu'il  y  a  un  idiot  dans  cette  affaire,  pouvez- 
vous  me  dire  si  c'est  le  gardien,  l'admlnistrâàtion  ou  moi  ? 

Si  ce  n'est  pas  moi,  merci. 

G.  C. 


Toujours  à  propos  des  tableaui  anciens. 

Bruxelles,  le  1"  juillet  1891. 

Monsieur  le  Directeur  de  l'A  rt  moderne, 

u  On  ne  soigne  même  pas  les  tableaux  »,  disait  un  correspon- 
dant dans  le  dernier  numéro  de  l'Art  moderne,  ^  propos  du 
Musée  ancien. 

Il  n'y  a  pas  qu'au  Musée  ancien  que  des  tableaux  de  nos  mallros 
d'autrefois  manquent  de  soins.  C'est  aussi  le  cas  pour  certaines 
œuvres  apparieuant  aux  églises.  C'est  le  cas,  pariiculièrement, 
pour  le  Suint-Oeorges  de  Rubcns,  de  l'église  Saini-Jac(iucs,  à 
Anvers. 

Ce  chef-d'œuvre  du  maître  flamand,  ce  panneau  dans  lequel  il 
semble  que  le  maître  se  soit  résumé,  ce  testament  artistique 
continue  à  rester  dans  un  étal...  plus  que  négligé.  Il  y  a  dans  le 
bas  de  ce  tableau  des  trai'es  de  je  ne  sais  quel  maslie,  ou  papier 
gris  adliéreoi  à  la  p-iiituro.  J'ai  déjà  signalé  lo  f.iit,  ainsi  que  le 
peu  de  surveillance  dont  on  entoure  l'œuvre. 

Lorsqu'un  copiste  ou  un  artiste  veut  faire  une  étude-copie  du 


Saint-Oeorget,  il  est  abandonné  là,  loin  des  regards  du  personnel 
de  l'église,  et  s'il  est  vu  par  un  visiteur,  se  haussant  ou  s'installant 
sur  l'autel  même,  le  dit  visiteur,  se  trouvant  seul  un  moment, 
peut  se  hisser  également,  promener  sa  canne  ou  ses  mains  sur  le 
panneau,  et  à  la  longue,  ces  attouchements  répétés  et  sjrriléges 
nuisent  à  la  conservation  de  ce  tableau  incomparable. 

Je  ne  suis  pas  de  ceux  qui  désirent  quand  même  le  transfert  de 
nos  chefs-d'œuvre  dans  les  musées,  et  j'esiime  que  lo  Saint- 
Georges,  inaliénable,  du  reste,  ne  serait  nulle  part  dans  un  cadre 
équivalant  à  la  chapelle  du  tombeau  de  Rubens.  C'est  là  seulement 
qu'il  est  beau  et  qu'il  m'émeut.  Ce  fut  peint  pour  être  là,  cl  non 
au  nouveau  Musée  de  la  ville,  nous  le  sentons. 

Quand  on  parlera  encore  d'art  à  la  Chambre,  j'iippello  sur  ce 
Rubens  l'attention  d'un  député  pour  Anvers. 

Agréei,  Monsieur  le  Directeur,  l'assurance  de  ma  considération 

très  distinguée. 

Un  abonné. 


On  lit  dans  un  numéro  récent  de  Ut  Gazette  de  l'hôtel  Drouot  : 
«  Dans  la  région  sublunaire  artistique  de  Bruxelles,  une  tem- 
pête dans  un  verre  d'eau...  stade.  La  Commission  du  Musée  de 
Bruxelles  a  acheté  au  prix  de  S0,000  francs  un  Ostade  :  le 
ministre-payeur  des  Beaux-Arts,  dont  on  avait  escompté  la  com- 
plaisance, a  refusé  de  ratifier  l'aehat,  contraire,  d'après  lui,  aux 
intérêts  du  trésor  et  de  l'art.  Le  tableau  exposé  deux  jours 
comme  acheté  définitivement  sous  la  responsabilité  des  mem- 
bres de  la  Commission,  a  été  décroché  (1).  Il  paraîtque  depuis  une 
vingtaine  d'années,  à  commencer  par  l'acquisition  du  Crivolli,  et 
en  passant  par  le  plus  que  douteux  Rubcns,  la  Vierge  à  l'enfant, 
qui  n'est  qu'une  bonne  œuvre  de  Jean-Baptiste  Van  Baelen,  c'est 
au  moins  la  dixième  gaffe  commise  par  la  dite  Commission  au 
détriment  du  trésor  ;  le  dit  Rubens- Van  Bnclon  ayant  été  payé 
75,000  francs  au  lieu  de  2,000  francs  qu'il  valait  réellement.  » 


Musées  en  plein  air 

Pour  "  étoffer  »  le  paysage  sylvain,  —  ce  merveilleux 
paysage  de  futaies  profondes,  d'avenues  et  de  lacs,  — 
on  transporta  au  Bois,  dimanche  dernier,  jour  de  ker- 
messe, de  buveries  et  de  feu  d'artifice,  quelques  statues 
enlevées  aux  ateliers  des  camarades.  Elles  avaient  l'air, 
les  pauvres,  d'implorer  la  pitié  des  passants  et  de  crier 
grâce,  tant  leurs  grêles  silhouettes  juraient  avec  les 
grandes  lignes  harmonieuses  et  les  masses  imposantes 
de  la  forêt. 

Et  voici  qu'un  journal  demande  sérieusement  le  main- 
tien, à  l'état  permanent,  de  cette  malencontreuse  déco- 
ration. Bien  plus,  il  propose  d'éparpiller  le  long  de 
l'avenue  Louise  toutes  les  statues  et  tous  les  bustes  du 
Musée,  pour  divertir  les  passants  et  leur  fournir  des 
sujets  de  conversation  (c'est  textuel!).  Il  cite  l'Italie,  la 
Grèce.  Et  comme  argument  priticipal,  il  constate  que 
les  marbres  plantés  dans  les  pelouses  du  Bois  ont  été 
regardés  avec  curiosité  par  tous  les  promeneurs, 

La  présence  d'objets  hétéroclites  au  pied  des  grands 
hêtres  justifie  cette  curiosité.  On  y  eût  installé  un  lot 

(i)  Oui,  mais  on  l'a  repris  ;  il  est  déflnitivement  acquis  cl  pend  au 
musée,  lesté  de  50,000  balles.  Ce  sont  ses  deux  compagnons  (ensemble 
85,000  frs.)  qui  sont  restés  en  panne. 


-  "W 


214 


L'ART  MODERNE 


de  machines  à  coudre  et  d'armoires  à  glace  que  la 
curiosité  n'eût  pas  été  moindre.  La  seule  chose  a  con- 
sidérer, c'est  l'effet  que  produisent,  sous  les  frondaisons 
de  verdure,  dans  l'immensité  des  perspectives  syl- 
vestres, des  figures  et  des  groupes  qui  ont  été  conçus 
et  exécutés  pour  être  placés  dans  un  monument,  sous 
un  éclairage  discret.  A  cet  égard,  la  discussion  n'est 
guère  possible.  Le  cadre  est  sans  proportion  avec  les 
œuvres  exposées. 

Une  ornementation  de  statues  et  de  vases  est  compa- 
tible avec  les  grâces  mièvres  d'un  jardin  français.  On 
conçoit,  parmi  les  boulingrins  et  les  charmilles,  dans  la 
perspective  rectiligne  des  allées  plantées  d'ifs  taillés, 
bordées  de  buis,  égayées  du  fris.son  des  eaux  murmu- 
rantes ou  fusées  en  jets  irisés,  la  joliesse  d'une  Diane  en 
marbre  clair,  d'un  Narcisse  ingénument  épris  de  son 
visage  reflété.  Dans  le  décor  rustique  du  Bois,  dont 
l'étendue  et  le  mystère  font  le  charme,  ériger  des 
statues  aux  carrefours  serait  sacrilège.  C'est  la  nature 
qu'on  y  cherche,  qu'on  y  veut  retrouver,  et  non  les  obsé- 
dants souvenirs  du  praticien,  de  l'atelier,  du  ciseau,  de 
la  terre  glaise  plaquée  sur  une  carcasse  de  naétal. 

Ce  char  de  Julien  Dillens,  naguère  promené  dans  les 
cavalcades,  était-il  assez  piteux  à  l'entrée  du  Bois,  dans 
la  splendeur  des  verdures  triomphales!  Et  le  soir, 
tandis  que  la  lune  glaçait  d'argent  le  feuillage,  noyait 
les  horizons  dans  un  bain  de  vapeurs  opalines,  quelle 
piètre  invention  que  ces  flammes  de  Bengale  qui  faisaient 
une  apothéose  fumeuse  aux  cartonnages  allégoriques 
de  ce  morceau  de  cortège  ! 

Peut-être  n'y  a-t-il  dans  le  projet  saugrenu  dont  nous 
parlons  qu'une  satire  sanglante  de  notre  Musée  de 
sculpture,  si  pauvre,  si  dénué  d'œuvres  d'art,  si  vide 
d'intérêt.  Mais  après  tout,  l'idée  n'est  pas,  dans  un 
certain  sens,  si  mauvaise  qu'elle  nous  parut  d'abord. 
Pour  la  rendre  pratique,  voici  ce  que  nous  proposons. 
Qu'on  mette  sur  roulettes  les  marbres  et  les  plâtres, 

3u'on  les  sorte  de  la  cave  où  ils  sont  relégués,  et  où 
e  vagues  anglaises  vont  seules  les  contempler.  Et 
après  les  avoir  poussés,  comme  en  un  pilori,  au  milieu 
de  la  Forêt  où  les  passants  se  divertiront  de  leur 
navrante  médiocrité,  qu'on  les  mette  en  pièces,  à  coups 
de  marteau. 

Il  suffirait,  au  demeurant,  de  les  laisser  quelques 
jours  sans  surveillance  à  la  garde  du  public.  L'aima- 
ble population  qui  s'amuse  à  casser  les  nez  des  termes 
du  Parc,  à  démolir  les  grillages  des  scjuares,  à  peler 
les  arbres  de  l'Avenue,  à  voler  les  chaises  et  les  lan- 
ternes vénitiennes  des  fêtes  publiques,  aurait  bien  vite 
•  nettoyé  •  la  petite  année  de  héros  mythologiques, 
de  personnages  historiques  et  de  jeunes  femmes  plus  ou 
moins  déshabillées  qui  peuplent  actuellement  l'ex-Palais 
des  Beaux- Arts. 

Et  ce  que  nos  gracieux  bourgeois  (car  ce  sont  les 
bourgeois  qui  ont  fonctionné  à  la  fête  du  Bois)  n'auraient 
pas  réussi  à  anéantir,  le  gel,  les  pluies  persistantes, 
tous  les  caprices  de  notre  aimable  climat  achèveraient 
sans  peine  de  le  réduire  en  miettes.  —  0  Naples!  0 
Athènes  !  Pays  de  ciels  bleus  et  de  soleil  caressant  ! 
Pays  où  l'air  balsamique  et  sec  conserve  et  patine  les 
chefs-d'œuvre  ! 

Nous  demandons,  si  le  projet  est  adopté,  qu'on 
dégarnisse  en   même  temps  le  Musée  moderne    des 


tableaux  qu'il  contient,  à  part  la  demi-douzaine  de 
toiles  qui  méritent  d'être  conservées.  Qu'on  les  acci-o- 
che,  en  manière  d'enseigne,  à  tous  les  magasins  de  la 
ville  et  des  faubourgs.  C'est  c^  .qui  distrairait  les  pas- 
sants et  leur  fournirait  des  «  sujets  de  conversation  !  » 
Aux  verdurières,  les  paysages.  Aux  bouchers  et  char- 
cutiers, les  animaux.  Aux  poissonniers,  les  marines. 
Aux  marchands  de  comestibles,  les  natures-mortes. 
Aux  fleuristes.....  II  y  aurait  même,  en  cherchant 
bien,  des  sujets  admirablement  appropriés  aux  ramo- 
neurs jurés,  et  jusqu'aux  sages-femmes.  Et  dans  très 
peu  de  temps  nous  serions  débarrassés  de  toutes  les 
horreurs  que  pieusement  conservent  des  fonctionnaires 
salariés  par  l'État. 

Il  y  aurait,  au  Musée  ancien,  un  choix  à  faire.  Et 
l'on  trouverait  sans  peine  un  stock  de  tableaux  pro- 
3)res  à  la  destination  nouvelle  que  nous  proposons  — 
respectueusement  —  au  gouvernement  d'adopter. 

C'est  là,  selon  nous,  le  véritable  M'usée  en  plein  air, 
tel  qu'il  est  appelé  à  rendre  à  l'art  et  aux  artistes  de 
sérieux  services,  tandis  qu'il  assainira  pour  quelque 
temps  le  goût  public. 


L.-O.  ROTY 

Depuis  d^jà  quelques  années  l'arl  des  médailleurs  renatl  un  peu 
partout,  mais  en  France  spécialcmeni.  Cet  art  si  étonnammeni 
vivacc  aux  xv*  ei  xvi*  siècles,  où  les  médailles  iconiques  des  Vi)- 
lore  Pisano,  des  Caradosso,  des  Gatnbello  inaugurent  conmme  an 
nouveau  miracle  esthétique,  était,  au  commencement  de  notre 
époque  moderne,  chose  morte.  Certes,  trouve-l-on  encore,  durant 
l'Empire,  des  monnaies  superbes,  mais  le  médaillon  lui-même  est 
ou  bien  confondu  avec  la  miniature  ou  bien  d'une  veulerie  con- 
ventionnelle, toute  froide,  toute  exsangue.  Au  jour  du  roman- 
tisme, David  d'Angers  le  ressuscita;  il  lui  donna  l'allure  du  temps; 
il  cisela  les  cheveux  en  orage,  les  nez  fins,  les  fronts  hauts,  les 
yeux  rêveurs  et  les  grands  cols  des  Dumas,  Hugo,  Lamartine, 
Musset,  avec  la  préoccupation  belle  de  faire  deviner  en  eux  les 
René,  le*  Antony,  les  Didier,  les  Don  Paez  pour  lesquels,  sans  le 
savoir,  ils  posaient.  Cet  art,  comme  tout  l'art  romantique,  étnit 
d'allure  fougueuse  et  fière,  décorative  et  passionnée  ;  il  touchait 
en  coup  de  vent  la  réalité.  Très  beau  de  reste,  malgré  l'actuelle 
démode. 

Sous  Napoléon  Ml,  les  médaillistes  ne  collectionnèrent  ardem- 
ment aucune  empreinte  sur  bronz3  contemporaine  —  pourtant  la 
renaissance  était  proche.  C'est  depuis  la  guerre  que  se  sont  révé- 
lés les  Chaplain  et  les  Roty. 

De  ce  dernier  que  dire,  sinon  qu'il  a  imaginé  un  art  d'une 
grâce  spéciale,  distinguée  et  intime.  Certes,  jusqu'à  cette  heure, 
la  médaille  s'imposait  chose  officielle,  solennelle,  pompeuse, 
presque  gouvernementale.  Elle  n'était  qu'une  monnaie  pour  occa- 
sions solennelles.  C'était  une  pièce  d'argent  ou  d'or  agrandie,. un 
poids  de  métal  plus  rare  que  les  francs,  les  louis  et  le»  livre», 
voilà  tout.  Elle  célébrait  des  événements  patriotiques,  des  mon- 
tées sur  les  trônes,  des  alliances  entre  souverains,  des  naissances 
d'enfants  royaux,  des  ouvertures  d'expositions,  des  inaugurations 
de  gares,  de  ponts,  de  bourses,  de  basiliques  —  rien  que  cela. 

Roty  a  fait  descendre  la  médaille  —  est-ce  descendre  qu'il  faut 
dire?  — de  l'estrade  tricolorée  où  on  la  distribuait,  jusqu'aux  fétc» 


^ 


L'ART  MODERNE 


215 


inlimes,  jusqu'aui  banquets,  jusqu'aux  anniversaires,  jusqu'aux 
réunions  de  la  vie  quotidienne  et  réelle.  Il  en  a  fait  un  souvenir  ; 
jadis  elle  était  une  commémoration.  Il  en  a  changé  la  forme  non 
pfus  invariablement  ronde  comme  une  pièce  de  cent  sous,  mais 
carrée,  elliptique;  lantOt  d'une  figuration  de  plaque,  tantôt  d'une 
apparence  de  guichet  cl  divisée  comme  lui  en  compartiments.  On 
a  pu  admirer  ces  preuves  d'art  neuf  il  différentes  expositions,  soit 
anx  XX,  soit  k  Paris. 

Nous  avons  devant  nous  quatre  spécimens  récents  sortis  de 
cette  main  étonnamment  souple  et  sûre,  dirigée  par  un  magique 
esprit  : 

Voici  d'abord  la  médaille  gravée  en  l'honneur  de  celte  philanthrope 
d'esprit  pratique  et  moderne.  M""  veuve  Boucicaui.  Le  revers 
relate  la  dale  de  la  fondai  ion  de  la  caisse  de  retraite  pour  les 
employés  du  Bon  Marché.  Un  génie  figure  la  libéralité  versaqt 
de  l'or  dans  une  caisse  décorée  d'insignes  commerciaux.  La  face 
représente  la  donatrice,  en  costume  de  bourgeoise,  les  traits 
scrupuleusement  exacts,  la  coiffure  chignonnée.  C'est  un  portrait 
exécuté  ressemblant  et  quotidien.  Rien  de  théâtral  mais  au  con- 
traire de  la  simplicité  et  de  la  vie. 

Une  autre  médaille,  le  fils  de  l'artiste,  il  l'âge  de  52  mois.  La 
matière  d'un  bronzé  légèrement  noir  donne  à  première  vue  une 
impression  veule  et  bien  que  la  branche  de  pommier  gravée  au 
dos  soit  délicatement  et  minutieusement  interprétée,  le  teint 
poussière  vernie  que  rcvét  l'ensemble  nuit  ï  la  belle  venue  de 
l'œuvre.  Pourtant  à  juger  la  manit^re  originale  dont  le  double 
champ  est  rempli,  la  critique  tombe  vite. 

Voici  celle  qui  s'épigraphe  :  «  In  labore  quiet  ».  Une  femme 
est  assise,  un  livre  sur  les  genoux  et  le  dos  appuyé  à  un  arbre 
dans  un  paysage  de  repos  où  des  arbres  feuillus  piquent  des  ter- 
rains montueux.  La  pose  de  la  figure  et  surtout  son  geste  sont 
d'une  attention  tranquille,  d'un  calme  doux,  grave  et  délassant  à 
la  fois.  Au  verso,  une  inscription  et  une  branche  de  fleurs  adora- 
blemenl  et  légèrement  exécutées. 

Enfin,  la  mieux  venue,  la  plus  complète  et  la  plus  artiste  fut 
gravée  en  hommage  au  docteur  Léon  Gosselin,  membre  de  l'Insti- 
tut et  président  de  l'Académie  des  sciences.  La  face  est  divisée 
en  deux  registres,  l'un  occupé  par  une  inscription,  l'autre  par 
l'image  du  clinicien  en  veston  de  laboratoire,  la  tête  serrée  d'un  ^ 
bonnet.  Le  revers  figure  la  science  songeante  auprès  d'un  chevcl. 
Les  espaces  vides  sont  animés  de  lettres,  de  dates  et  de  textes. 

Il  est  difficile  d'exprimer  le  charme,  i  la  fois  calme  et  fort 
et  doux  qui  prend  l'âme  à  la  vue  studieuse  de  ces  quatre  œuvTrs, 
toutes  chantant  le  beau  style,  l'irréprochable  conscience,  l'rpi- 
niâtre  et  haute  volonté  artiste.  A  les  voir  on  rêve  de  faire 
consacrer  par  ces  symboles  admirables,  les  traits  de  ceux  qu'on 
aime,  miniatures  en  métal,  grandis  en  leur  petitesse  aux  propor- 
tions du  chef-d'œuvre,  infinis  et  pourtant  portatifs,  si  près  du 
cœur  et  si  près  des  yeux. 

Si  l'art  du  médailleur  se  hausse  depuis  quelque  temps  à  une 
quasi  perfection,  c'est  que  les  arts  décoratifs,  tous  ensemble,  pros- 
pèrent. En  France,  mais  plus  encore  en  Angleterre,  il  semble 
qu'on  revienne  i  cette  tlonnée  si  simple  des  formes  esseotielles 
étudiées  et  comprises  bien  plus  pour  charmer  l'œil  que  pour 
traduire  réalistement  leurs  correspondants  en  nature.  A  des 
paysageAttttnt  de  fond  aux  médailles,  à  des  branches  de  fleurs, 
même  fc  S^ettre»,  M.  Roty  s'ingénie  à  donner  tout  h  la  fois  une 
spéciale  raison  d'être  :  celle  de  couvrir  agréablement  une  surface 
métallique  de  manière  i  satisfaire  l'esprit,  le  goût  et  ces  deux  sens 


spéciaux  :  la  vue  et  le  toucher.  Il  est  aussi  agréable  de  prendre 
ses  médailles  en  main  que  de  les  voir.  Rien  de  rude,  de  cotipani, 
même  qu'elles  soient  neuves.  Ce  iont  des  preuves  d'art  exquises, 
faites  pour  collectionneurs  perspicaces  et  pour  artistes. 
Quand  après,  on  songe  au  graveur  Wiener  !... 


L'ART  ET  L'ÉTAT 

Raides,  mais  justes,  ces  observations  d'Oclave  Mirbeau  dnns 
un  des  derniers  numéros  de  Y  Echo  de  Paris.  Vraies  en  France, 
elles  ne  le  sont  pas  moins  en  Belgique  : 

Je  viens  de  lire  un  roman,  tout  récent,  et  qui,  paraît-il,  obtient 
un  succès  considérable.  L'auteur  de  ce  roman  compte  parmi  les 
gloires  françaises.  L'Académie  lui  sourit  et  l'appelle  :  les  poètes 
et  les  historiens,  les  dramaturges  et  les  ingénieurs  époussèlent 
déjà  son  fauteuil;  et  le  tailleur  qui  tailla  leurs  habits  à  Victor 
Hugo  et  à  M.  Lecontc  de  Lisle  attendait,  dans  son  antichambre,  le 
mèire  en  main.  En  ce  roman  dont  je  parle,  il  s'agit  d'un  peintre, 
naturellement.  Et  voici  la  scène  que  je  veux  conter.  C'est  la  veille 
du  jour  où  l'artiste  doit  envoyer  sa  toile  au  Salon.  lia  convié 
tous  ses  amis  à  venir  voir  son  exposition,  dans  son  atelier.  Les 
amis  sont  là,  rangés  en  demi  cercle,  impatient.',  devant  le  tabkau 
que  recouvre  encore  une  immense  toile  de  soie  verte.  Et,  tout  à 
coup,  le  voile  se  lève,  le  tableau  apparaît.  C'est  le  portrait  d'une 
femme,  d'une  comtesse,  célèbre  par  sa  beauté!  Le  peintre  l'avait 
«  saisie  »  au  moment  où,  sortant  d'un  salon  éclairé  par  les  mille 
lumières  des  lustres,  des  domestiques,  dans  le  vestibule,  lui 
présentent  son  manteau  de  fourrure  blanche.  «  L'effet  fut  consi- 
dérable, écrit  l'auteur  de  cette  conception,  car  le  portrait  était 
vraiment  frappant  et  superbe  d'allure.  II  y  avait,  dans  ce  tableau, 
aux  colorations  puissantes  et  hardies,  un  sentiment  merveilleux 
du  modernisme,  de  l'impressionisme,  avec  la  science  du  dessin  en 
plut. 

Celle  façon  de  comprendre  l'an,  comme  le  comprennent  le 
nouvelliste  du  supplément  et  le  romancier  à  la  mode,  n'est  point 
rare.  On  peut  même  dire  qu'elle  est  comn-une,  non  seulement 
parmi  la  foule,  mais  parmi  les  amateurs,  les  critiques,  les  pcin'res 
eux-mêmes,  et  Cl  ux-là,  bureaucrates,  maniaques  el  havards  parle- 
mentaires, qui  sonl  chargés,  au  nom  du  pays,  de  diriger  l'art  et 
1rs  artistes,  de  les  proléger,  de  les  récompenser.  Cela  nous  parait 
furieusement  comique  quand  nous  lisons  ces  choses,  et  nous 
nous  moquons.  Hélas!  nous  n'avons  point  une  notion  plus  noble, 
une  plus  hautaine  compri'hension  de  ce  sublime  mystère,  de 
celle  parcelle  de  divinité  lomlée  dans  le  cerveau  et  dans  le  cœur 
de  l'homme. 

Cela  ne  vous  semble-t-il  pas  étrangement  mélancolique  qu'il  y 
ait  un  ministère  et  un  ministre  des  beaux-arts,  el  que  l'art,  dans 
notre  paperasserie  infirme,  ne  tienne  pas  plus  ou  pas  moins  de 
place  que  le  rôle  social  d'un  gardc-champétrc  ou  d'un  souspréfil? 
El  je  me  dis,  souvent,  en  lisant  les  discours  de  M.  Bourgeois  : 
«  Quoi!  c'est  tout  ce  qu'il  apporte,  cet  homme  nouviau,  le 
progressiste!  des  vieilles  doctrines  fripées,  des  vieilles  llic'ories 
éculées,  des  rabâchages  éntrvanis  el  des  rengaines  éternelle'^,  et 
cela,  en  face  d'un  art  jeune,  vivant,  croyant,  éclalanl,  qiii,miilgré 
les  cris,  malgré  les  insultes,  a  rouvert  les  portes  du  temple,  el 
rallumé,  dans  le  sanctuaire,  la  lampe  sacrée?»  Au  fait,  que 
voulez-vous  qu'ils  disent,  M.  Bourgeois  et  les  auîres,  cl  que 
voulez-vous  qu'ils  fassent  ? 


216 


L'A/?r  MODERNE 


Les  minisircs  ei  les  ministères  n'ônl  jamais  servi  qu'à  dtîslio- 
norcr,  par  leurs  commandes  cl  leurs  achats,  les  murs  de  nos 
monumcniE,  les  façades  de  nos  palais,  les  jardins  ni  les  perspcc- 
lives  de  nos  places  publiques elde  nos  promenades.  Il  n'y  a  qu'un 
seul  gouvcrnemenl  qui  se  soit  montré  vraiment  arlisle.  C'csi  la 
Commune,  quand  elle  incendia  la  Cour  des  Conipies.  Encore 
ignorait-elle  l'admirable  ouvrage  d'archiicclure  qu'elle  nous 
léguerait. 

Quelque?   volume? 

La  Maison  Smits,  par  M.  L.  Van  Kkyueulbn. 

(Bruxelles,  Lebègue,  1891). 

Itoman  de  moeurs,  peinture  de  la  bourgeoisie  commerciale 
d'Anvers.  L'auteur  montre  l'évolution  d'une  famille  de  parvenus 
qui  s'élève  et  retombe  eu  quatre  générations  :  le  grand-père,  bou- 
tiquier, —  le  père,  grand  négociant,  —  le  fils,  dissipateur,  —  le 
peiit-fils,  scrofuleux,  incapable  mémo  de  vivre.  Ce  vaste  acte  de 
comédie  liumaine,  taillé  pour  le  génie  robuste  d'un  Balzac,  nous 
pïirait  dépasser  les  forces  du  jeune  écrivain.  Celui-ci,  faute  d'ex- 
périence sans  doute  pour  fouiller  plus  avant  son  sujet,  n'en  fait 
qu'une  élude  superficielle,  d'une  vérilé  banale.  H  n'a  pas  cette 
Smc  intuitive,  pour  ainsi  dire  multiple,  qui  s'identifie  tour  à  tour 
avec  les  âmes  de  ses  divers  personn;iges,  vit  de  leur  vie  et  pénètre 
ainsi  en  leur  fond  iniimc.  On  dirait  un  roman  de  reporter,  qui  ne 
voit  que  le  fait  extérieur  et  ne  se  préoccupe  pas  de  montrer  avant 
tout,  sous  l'action  humaine,  les  ressorts  secrets  et  complexes  qui 
la  font  mouvoir.  Roman  de  reporter,  disons-nous  :  et,  en  effet, 
dans  cette  œuvre  comme  dans  la  littérature  bâclée  de  journal, 
nul  souci  d'une  forme  artiste,  nulle  investigation  foncière,  parfois 
une  gouaillerie  triviale  et  cette  facililé  qui  n'est  pas  la  verve  de 
l'inspiration,  mais  ce  don  d'écrire  vile  des  choses  médiocres.  Les 
caractères  dépeints  dans  la  Maison  Smits  n'emprunlent  au  style 
aucun  relief,  à  l'analyse  scrulatricc  aucune  puissance  de  réalité, 
aucune  illusion  de  vie.  1,'auteur  a  écrit  ce  chapitre  de  physiologie 
sociale  non  en  médecin  qui  découvre  les  plaies  pour  les  sondor 
et  les  guérir,  mais  eu  carabin  qui  dissèque,  en  ricanant,  la  pour- 
riture humaiiie.  On  ne  sent  pas  en  lui  l'amour  de  son  sujet,  — 
cet  amour  qu'on  trouve  chez  l'artiste  comme  chez  le  savant.  Aussi, 
trop  froid  [lour  émouvoir,  ne  réussil-il  guère  à  attacher  :  il  ne 
sait  pas  trouver  cliez.  le  lecteur  ce  bout  du  fil  sympathique  dont 
p&rie  Ctt'lhe  dans  ses  Affinités  électives,  cl  que  chacun  porte  au 
fond  do  l'âme. 

Caveau  vervlétois  (Annuaire). — Verviers,Mas8in,  1890,  in-8». 

V  L'Annuaire,  lisons-nous  da^is  sa  préface,  n'a  pas  la  préten- 
tion d'élre  un  recueil  de  bonnes  pièces,  mais  seulement  de 
refléter  l:i  vie  du  Caveau  pendant  l'année  écoulée  ».  Celle  modeste 
amhilion  ostréali.sée  :  l'Annuaire,  par  le  nombre  considérable  de 
pièces  qu'il  contii'til,  atiesle  la  viialilé  féconile,  le  constant  effort 
lillcraire  du  Caveau  vcrviélois.  Si  la  ((iialilé  de  ces  compositions 
est  inférieure  à  leur  quanlilé,  il  n'eu  faut  pas  moins  savoir  gré  à 
des  amateurs,  qui  dérobent  leur  loisir  aux  banalités  ambiantes 
pour  le  consiicri  r  à  l'Art.  Une  large  place  est  réservée  aux  poésies 
wallonnes  :  elles  se  di^iiuguenl  p,ir  une  verve  plus  libre  et  plus 
orij;inale  (juc  les  poèmes  français,  cl,  par  leur  bonne  humeur 
wallonne,  elles  se  conforment  mieux  aux  joyeuses  tradiiions 
qu'évuque  le  nom  de  Caveau. 


!<•  ThéAtre  de  Racbilde  vient  de  paraître  chez  l'idileur  Albert 
Savine.  Ce  volume  illustré  d'un  dessin  inédit  de  Paul  Gauguin 
synlhéiisant  Madame  la  Mort,  est  édité  avec  beaucoup  do  goût 
dans  la  collection  in-i8  raisin.  Une  amusante  préface  do  l'a'qleur 
donne  quelques  renseignements  curieux  sur  la  fondation  du 
Théâtre  d'Art  par  Paul  Fort  et  des  détails  intéressants  au  sujet 
de  cette  hardie  tentative  littéraire.  Outre  les  trois  pièces  :  Madame 
la  Mort,  le  Vendeur  de  Soleil,  là  Voix  du  tattg,  l'élégant  volume 
contient  un  Appendice  composé  des  principaux  articles  parut  k 
propos  des  représentations  du  Théïire  d'Art.  Racbilde  se  révèle 
en  ce  livre  sous  un  jour  nouveau  :  sans  prétendre  bouleverser  les 
lois  scéniqucs,  l'auteur  de  Madame  la  Mort  a  trouvé  uoe  forme 
de  drame  vraiment  neuve,  d'un  intérêt  puissant. 

'Le  tome  VII  de  la  Trttdnctioii  de  laBlbto,  par  E.  Lbdraw, 

vient  de  paraître  i  la  librairie  Lemerre.  Il  comprend  le  Cantique 
des  Cantiques,  l'Ecclésiaste,  les  contes  de  Ruth,  de  Tobie,  de 
Judith,  c'est-it-dire  ce  que  le  vieux  livre  d'Israël  présente  de  plus 
curieux.  C'est  la  première  fuis  qu'en  serrant  le  texte  d'aussi  près, 
on  en  a  rendu  toute  la  grâce  et  toute  la  force.  Le  savant  hébral- 
sant,  qui  en  môme  temps  est  un  si  puissant  écrivain,  semble 
avoir  concentré  toutes  ses  facultés  k  faire  passer,  dans  notre 
langue,  les  chants  d'amour  de  la  Sulamile  et  le  pessimisme  élevé 
de  l'Ecclésiaste. 


VIKCENT  VAN  GOGH 

Le  dernier  numéro  paru  des  Hommes  d'aujourd^hui  (Vanier, 
éditeur)  publie  le  portrait,  plume  et  crayon,  par  Emile  Bernard, 
de  feu  Vincent  Van  Gogh,  le  fougueux  coloriste  dont  les  XX 
firent,  ce  printemps,  une  exposition  rétrospective.  Le  texte  se 
termine  par  ces  aperçus  caractéristiques  :  «  Quelqu'iocomplète 
que  semble  une  œuvre  prise  à  part,  par  la  quanlilé  Vincent 
s'affirme  très  complexe;  son  égale  turbulence  vitale  lui  crée  une 
unité  qui,  b  la  longue,  le  démontre  très  équilibré,  très  logique, 
1res  conscient.  En  des  toiles  dernières,  d'aucuns  virent  la  folie. 
Mais  qu'est-elle  lorsqu'elle  se  fait  deviner  sous  la  forme  présente, 
sinon  Le  génie?  Ah!  je  sais  qu'on  nous  fuit  facilement  un  crime  de 
nos  rêves  cl  de  nos  abstractions  :  nous  outrepassons  le  bui  de 
l'art,  nous  devenons  d'affreux  égoïstes,  nous  pensons  pour  nous- 
niéme,  nous  oublions  le  réic  d'hisirion  cl  de  ptlre  qu'on  nous 
assignait  avec  cet  écriieau  :  Arlisle.  El  voilà  qu'on  nous  lapide  de 
ce  que,  dégoûlés  des  réalités,  nous  faisons  voile  pour  ailleurs,  ■ 
nous  refusons  décidément  de  distraire  les  foules!  Néanmoins  Van 
Gogh  fui  un  réaliste,  un  subjectif  allant  des  fumiers  aux  oeuvres, 
amoureux. 

Des  lichens  de  soleil  «t  des  morves  d'azur 

et  son  pinceau  les  a  brossés,  et  son  tube  on  a  crachés  avec  la 
sublime  envergure  d'un  mystique  ivre  et  d'un  créateur  en  rui. 

Qu'on  s'exalte  devant  les  bibliques  moissons  au  crépuscule 
dont  les  gerbes,  lourdes  d'épis,  s'étagentcu  montagnes  ;  dont  les 
lames  ondoient  comme  des  étendards  d'or;  qu'on  s'aitrisle  devant 
les  cyprès  sondjres  ainsi  que  des  lances  aimantées  fixant  les 
astres  â  leur  pointe;  ces  nuits  pareilles  à  des  pièces  pyrotechni- 
ques éparpillant  dans  les  ténèbres  l'outremer  lourd  dei  cheve- 
lures. Puis  qu'on  rêve  sous  ces  bosquets  de  fleurs  qui,  comme 
des  étoiles  tombées,  scintillent  ;  sur  les  bords  paisibles  de  ce 
fleuve  qui  coule  'sans  ride  au  pied  des  collines  en  douleur,  bai- 


J^ 


L'ART  MODERNE 


217 


gaanl  des  cabane*  que  les  saules  onvoileni;  cl, après  ces  émoiions 
successives,  qu'on  lise  dans  les  yeux  de  ses  portrails  la  confession 
des  cxisieoces  irisleson  bonicusos,  bonnes  ou  sioisires.  Alors  on 
sera  sur  la  voie  de  comprendre  Vincent  ei  de  l'admirer. 


CONCOURS  DU  CONSERVATOIRE  (>) 

Piano  (hommes).  —  Professeur  :  M.  Dk  Greef.  K"  prix  avec 
la  plus  grande  distinction,  M.  Siorck;  1"  prix  avec  disiinclion, 
H.  Sevenants;  3*  prix,  M.  Baize;  1"  accessit,  M.  Janssens. 

Violon.  —  Professeurs  :  M)l.  Ysatk,  Colyns  et  Cornélis. 
1"  prix  avec  la  plus  grande  distinction.  M"*  Blés;  i"  prix  avec 
distinction,  M»*  de  WagstaSe,  MM.  Pieters,  Eodorlé;  !•'  prix, 
!!•'«  Sèthe,  MN.  Bmard,  Sarloni,  Hiry,  Bayct,  Francès,  Kiebiman. 
S*  prix  avec  dislinq)ion.  M""»  Nanncy,  Mablau  ;  S*  prix,  M""  Spiller, 
Elliot,  NH.  Bonzon,  du  Domaine,  Danhieux,  J.  Fabrion,  Lam- 
bioite,  Valdèi,  Barrachin,  Kuipers;  i"  accessit,  MM.  Hans,  Somcrs, 
E.  Fabrion,  Kefer,  Lunsscn»,  De  Rerdt. 

Chant  monodique  (jeunes  6llcs).  —  Concours  i  huis-clos.  — 
Professeurs  :  M"*  CoRNËLis-SERVArs,  M.  Warnots.  1"  meniion 
avec  distinction.  M""  Cécile  Tliévcoel,  Kleyn  et  Van  Hoof;  pre- 
mière mention.  M""  Aeris,  Michaux,  Marin,  Keyzer,  Van  Emelcn, 
Fréchet,  Artot;  2"  meniion.  M""  Bertholin,  Orval,  Callcmien, 
Verbrugghe,  B.  Belle;  3«  mention,  M"«  Geerts. 
'  Chant  théâtral  (hommes).  —  Professeur  M.  Warnots.  i"  prix 
avec  distinction,  M.  Rosseels;  1"  prix,  M.  De  Backcr;  2"  prix 
avec  distinction,  MM.  Devillc  et  Ccuppens;  i'  prix,  M.  Verboom. 


fETITE    CHRONIQUE 

A  propos  de  Rops,  dont  nous  analysions  la  semaine  dernière 
le  superbe  catalogue  patiemment  écrit  par  Erastène  Rarr.iro 
(Eugène  Rodrigue»),  celte  curieuse  anecdote,  racontée  par  le 
correspondant  parisien  du  Journal  de  Bruxelles  (Georges  Rodcn- 
bach)  : 

Ce  n'est  pas  seulement  pour  ses  lithographies  qu'on  a  décoré 
Rops  de  la  Légion  d'honneur.  Voulez-vous  l'histoire  de  celle 
croix?  M.  Lockroy  venait  d'être  nommé  ministre,  ayant  les  Bcaux- 
Aris  dans  ses  attributions.  Après  le  Sulon  il  reçut  ii  dtncr  un 
certain  nombre  de  peintres  et  se  montra  charmant,  plein  de  zèle, 
plein  d'intentions  excellentes  pour  les  artistes.  Il  proclama  tout 
Iwat  :  «  Domandci-moi...  je  ferai  ce  que  vous  voudrez...  disposez 
de  moi. 

M.  Puvis  de  Chavanncs,  assis  !i  côté  de  lui,  et  à  qui  sa  grande 
siluiition  artistique  donnait  une  certaine  liberté,  dit  en  souriant  : 
«  Co  sont  belles  promesses  de  ministre  nouveau.  Mais  il  vous 
serait  difficile  de  nous  accorder  quelque  chose,  même  des  croix, 
et  pour  des  hommes  du  plus  grand  talent...  » 

—  «  Demandez...  C'est  fait,  »  riposta  M.  Lockroy,  piqué  au 

jeu. 

—  «  Vous  l'aurez  voulu,  dit  M.  Puvis  de  Chavanncs,  avec  son 
sourire  plein  de  malice.  Mais  je  n'y  crois  pas  encore.  Je  voudrais 
la  croix  pour  Rops.  <> 

—  «  Rops?  C'est  signé  d'avance,  »  conclut  M.  Lockroy,  au 
milieu  du  silence  de  la  table,  qui  s'était  tue  pour  ce  curieux 
tournoi.  » 

(1)  Suite.  Voir  nos  deux  derniers  numéros. 


Et  l'arrêté  parut  en  juillet  1889. 

En  Belgique,  faut-il  le  dire,  Rops  est  vierge  de  toute  déco- 
ration!... (1) 

M.  Guillaume  Guidé,  rexccllent  professeur  de  hautbois  au 
Conservatoire,  s'^st  uni  hier  i  M'-"  Vercken.  La  bénédiction 
nuptiale  a  été  donnée  !i  l'église  de  Saint-Josse-ten-Nooile,  qu'em- 
plissait une  assistance  nombreuse  et  élégante.  Pendant  l'ofticc, 
M.  Eugène  Ysaye  et  son  quatuor  (NM.  Crickboom,  Van  Hout  et 
J.  Jacob)  sont  montés  au  Jubé  et  ont  exécuté  d'une  manière  inui 
à  fait  remarquable  V A udaii te  danuMuor  en  la  de  Glazounow.  On 
a  entendu  ensuite  un  Ave  Maria  chanté  par  M.  Fernand  Raquez, 
accompagné  parles  chœurs  de  la  maîtrise. Un  solo  de  viole,  admi- 
rablement joué  par  M.  Ysaye,  a  clôturé  ce  concert  de  choix. 


Oa  télégraphie  de  Lille  t>  VEcho  de  Paris,  au  sujet  de  deux 
artistes  bien  connus  i  Bruxelles. 

«  Hier  soir,  tous  les  habitués  de  nos  conccris  d'été  s'étaient 
donné  rendez-vous  au  palais  Rameau.  La  direction  s'était  assuré 
le  concours  de  M.  Cossira  dont  le  public  de  Lille  n'a  pas  oublié  la 
belle  création  d'Bérodiade.  L'éminent  anisie  a  chanté  avec  un 
rare  talent  l'air  de  Signrd,  les  Enfants,  de  Massenei,  la  romance 
à'Asca7iio,  et  le  Papillon  d'Iréné  Berge. 

«  Dans  le  môme  concert,  la  superbe  voix  de  contralto  de 
M""  Emma  Cossira  a  fait  un  grand  effut  dans  notre  immense  salle. 
La  belle  artiste  s'est  fait  beaucoup  applaudir  dans  le  grand  air  de 
la  Favorite,  l'habancra  de  Carmen  et  le  grand  duo  du  Trouvère 
qu'elle  a  enlevé  avec  une  maestria  tout  à  fait  remarquable.  » 

L'Evénement  rapporte  des  informations  analogues. 

Les  deux  journaux  annoncent  aussi  que  M.  Costa,  l'imprésario 
du  Théâtre  municipal  de  Nice,  vient  d'engager,  à  de  irès  brillantes 
conditions,  M.  Cossira  qui  fera  les  créations  de  Lohetigriu,(\u  Cid 
cl  de  Cavaleria  rusticana  de  Mascogni;  et  qu'il  a  également 
engagé  M"""  Cossira  pour  le  répertoire  des  eontralti.  M-"  Cossira 
créera  !i  Nice  Samson  et  Dalila. 

Qu'il  s'appelle  naturalisme  ou  préraphaélisme,  wagnérismc  ou 
impressionnisme,  tout  ce  qui  représente  en  art  une  innovation  ou 
un  progrès  doit  toujours  commencer  par  être  bafoué,  ridiculisé 
et  ignominieusement  nié.  Ce  n'est  qu'après  bien  des  années, 
lorsque  l'indifférence  dédaigneuse  du  public  ou  l'insolence  rail- 
leuse des  petits  chroniqueurs  ont  tué  ou  blessé  à  mort  les  initia- 
teurs de  la  nouvelle  formule  artistique,  qu'elle  triomphe!  Oh! 
Alfred  de  Vigny  avait  bien  raison  d'écrire  :  «  Les  esprits  paresseux 
et  routiniers  aiment  à  entendre  aujourd'hui  ce  qu'ils  entendaient 
hier;  mêmes  idées,  mêmes  expressions,  mêmes  sons;  tout  ce 
qui  est  nouveau  leur  semble  ridicule,  tout  ce  qui  est  inusité 
barbare!  »  (Vittorio  Pica,  Revue  ludi'pendante). 

M.  Paul  Fort,  directeur  du  Théâtre  d'Art,  nous  prie  d'annoncer 
que  l'administration  de  son  théâtre  est  transférée  73,  rue  Claude 
Bernard,  à  Paris.  Toutes  les  communications  devront  êire 
envovées  à  cette  adresse,  à  M.  Léonard  Rivière,  secrétaire  du 
Théâtre. 

Les  personnes  désirant  voir  M.  PjuI  Fort  ou  corresponJre 
avec  lui  personnellement  sont  priées  de  s'adresser  :  12,  avenue 
du  Bac,  !i  Asnières. 

(i)  Absolument  comme  Camille  Lemonnier.  On  a  tellement  attendu 
et  marchandé  qu'il  faudra  les  faire  tous  les  deux  Commandeurs,  du 
premier  coup. 


^m^^-ifii?^ 


ONZIÈME  ANNÉE 

L'ART  MODERXES  s'est  acquis  par  l'autorité  et  l'indépendance  de  sa  critique,  par  la  variété  de  ses 
informations  et    les  soins  donnés   à  sa   rédaction  une  place  prépondérante.   Aucune  lusnifestation  de  l'Art  ne 

lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  de  peinture,  de  soulpture,  de  gravure,  de  musique, 

d'architecture,  etc.  Consacré  principalement  au  mouvement  artistique  belge,  il  renseigne  néanmoins  ses 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  l'étranger  qu'il  importe  de  connaître. 

Oiaque  numéro  de  Li'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  quesilon  artistique 
ou  littéraire  dont  l'événement  de  la  semaine  fournit  l'aotualité.  Les  exposition»,  les  livre*  nouveauw,  les 
premières  représentations  d'œuvres  dramatiques  ou  musicales,  les  conférences  littéraires,  les  concerts,  les 
ventes  dobjets  cTart,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées, 

L'ART  MODERNE'  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  Il  rend  compte  dM 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  Ih  nomenclature  complète  des  exUOSitiOllS  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  Il  est  envoyé  gratuitement  & 
l'essai  pendant  un  mois  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande. 

L'ART  MODERNE  forme  chaque  année  un  beau  et  fort  volume  d'environ  450  pages.  av«e  table 
des  matières.  Il  constitue  pour  l'histoire  de  l'Art  le  document  LE  PLUS  COMPLET  et  le  recaeil  LE  PLUS 
FACILE  A  CONSULTER. 


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JOURNAL  DES  TRIBUMUX 

paraissant  le  jeudi  et  le  dimanche. 

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Bmxellet.  —  Imp.  VMonnoii,  M,  ru«  d*  l'Industrie. 


* 


Ômpa  Aioatai.  —  M*  28. 


Lb  numéro  :  26  cbntimbs. 


DnUMCHR  12  Juillet  1891. 


# 


MODERNE 


PARAISSANT    LB    DIMANCHE 


REVUE  ORIÏÏQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  •  Octatb  MAUS  —  Edmond  picard  —  Ëmilb  YERHAEREN 


ABOKMKBOBNTB  t   Belgique,   ud  kd,   fr.   10.00;  Union  postale,   te.   13.00.   —  ANMOHCKS  :    On  traite  i  forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'àobonistration  générale  db  TArt  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


PotMOOBAPan.  —  SoooKSTioN....  par  Henri  Nizet.  ^-  Tb^rie  dus 

NiO-LUMIHAKI8TC8.   —  ViBUZ    UTBSS    ET    VIEILLES   RELIURES.   —   La 

TniATas  libre.  —  La  question  des  Musées.  —  Concours  du  Conser- 
TATonii.  —  Mémento  des  expositions.  —  Petite  chronique. 


Pornographie 

Des  hommes  politiques,  de  ceux  qui  ne  s'aperçoivent 
d'un  abus,  on  prétendu  tel,  que  lorsqu'il  s'agit  de 
ptpler  un  coup  an  parti  ennemi,  se  sont  asticotés  cette 
semaine,  à  la  Chambre,  sans  aucun  résultat  comme 
d'ordinaire,  mais  en  donnant  le  toI  à  d'innombrables 
lieux  communs  clérico-libéraux  et  parlementaires,  à 
propos  de  la  Pornogbaphie  I 

Il  parait  que  celle-ci,  qui  fait  violer  tant  de  choses, 
àtirait  aussi  amené  le  viol  de  la  Constitution,  la  pauvre 
vieille  garde. 

A  cwtains  moments,  un  filet  d'air  pur  artistique 
s'est  glissé  en  vent  roulis  dans  l'atmosphère  méphitisiée 
qu'on  respirait  pendant  ce  •  solennel  débat  » .  Les  ora- 
teurs se  sont  souvenus  vaguement  que  l'Art  du  dessin 
ou  de  l'écriture  avait  quelque  intérêt  dans  l'afiaire.  Mais 
cela  les  a  fait  étemuer,  ils  ont  craint  d'attraper  un 
rhume,  et  tout  de  suite  ils  se  sont  remis  à  respirer  à 


pleines  gueules  et  avec  délices  les  susdites  émanations 
clérico-libérales  et  parlementaires  qu'ils  préfèrent  à 
tous  les  parfums  de  l'Arabie. 

Qu'il  soit  permis  à  des  profanes  comme  nous,  ne 
connaissant  rien  aux  crocs-en-jambes  par  lesquels  on 
essaie  de  culbuter  des  ministres  dont  on  guigne  les 
places,  mais  ayant  quelque  prédilection  pour  les  choses 
de  l'esprit,  de  risquer,  entre  amis  et  esthètes,  notre 
opinion  sur  tout  cela. 

Qu'il  y  ait  de  la  Pornographie  en  ce  monde,  nul  n'en 
doute.  Que  des  messieurs  et  des  dames  se  livrent,  pour 
la  réaliser,  à  des  actions  variées  et  malpropres,  parmi 
lesquelles  celles  exprimées  par  les  verbes  dessiner  et 
écrire,  nul  davantage  n'en  doute.  Que  beaucoup  de  ces 
productions  n'aient  aucun  caractère  artistique,  cela  est 
tout  aussi  clair.  Qu'il  y  ait,  sinon  quelque  utilité  sociale 
(on  n'a  jamais  supprimé  la  pluie  en  supprimant  les 
gouttières),  au  moins  quelque  convenance  au  point  de 
vue  du  goût,  à  faire  obstacle  à  ces  cochonneries,  nous  y 
souscrivons. 

Mais  comment  s'y  prendre  ?  Voilà  l'énigme  ! 

Des  législateurs,  crevant  de  bonnes  intentions,  ont 
rédigé  des  articles  qu'ils  ont  introduits  dans  la  vaste 
machine  dit«  "  Code  pénal  » ,  drague  énorme,  jamais 
inactive,  promenée  en  long  et  en  large  sur  les  malheu- 
reux humains  dans  le  but  vain  de  rétablir  la  morale 
en  ce  monde.  Ecoutez.  Cela  date  d'un  quart  de  siècle. 


220 


L'ART  MODERNE 


I        aux 
I        eur 


'  Quiconque  aura  exposé,  vendu  ou  distribué  des 
chansons,  pamphlets  ou  autres  écrits  imprimés  ou  non, 
des  figures  ou  des  images  contraires  atix  bonnes 
mœurs,  sera  condamné  à  un  emprisonnement  de  huit 
jours  à  six  mois  et  à  une  amende  de  vingt-six  à  cinq 
cents  francs.  —  L'auteur  de  l'écrit,  de  la  figure  ou  de 
l'image,  celui  qui  les  aura  imprimés  ou  reproduits  par 
un  procédé  artistique  quelconque,  sera  puni  d'un 
emprisonnement  d'un  mois  à  un  an  et  d'une  amende  de 
cinquante  à  mille  francs.  <• 

On  le  voit,  le  bon  législateur,  qui  nomme  un  dessin 
image  comme  il  nommerait  une  statue  posture,  ne  se 
gêne  pas  :  il  comprend  carrément  dans  sa  proscription 
même  les  œuvres  artistiques.  Il  n'y  a  pas  d'art  permis 
s'il  est  contraire  aux  bonnes  mœurs.  Notre  Solon  ne  se 
pose  pas  la  question  de  savoir  si  l'art  peut  jamais  être 
contraire  à  ces  bonnes  mœurs  que  lui,  bourgeois  légifé- 
rant, place  au  dessus  de  tout dans  ses  lois. 

Soit.  Si  l'on  était  certain  de  ne  pas  se  tromper,  de  ne 
frapper  que  la  vraie  pornographie,  on  pourrait  ne  pas 
se  plaindre  et  laisser  la  drague  en  question  fonctionner 
pour  l'assainissement  des  bas-fonds  putrides. 

Mais  à  qui  est  confiée  la  mission,  prodigieusement 
subtile,  de  dire  :  ceci  outrage  les  mœurs,  cela  n'outrage 
pas  les  mœurs  ? 

A  de  braves  gens  qui  s'y  entendent  tellement  bien 
qu'ils  ont  condamné,  entre  autres,  Baudelaire,  Con- 
court, Lemonnier,  Richepin. 

En  cette  matière  ont  été  commises  les  plus  mon- 
strueuses bévues  judiciaires.  C'est  qu'on  constituait 
experts  des  malheureux  qui  se  connaissaient  en  art 
comme  un  saumon  en  pyrotechnie. 

Voici  qu'on  ne  se  contente  plus  en  Belgique  des  occa- 
sions d'erreur  que  fournit  la  Magistrature.  On  trouve 
à  propos  d'y  ajouter  celles  de  l'Administration.  Les  Par- 
quets, chargés  de  discerner  les  prétendus  outrages  aux 
mœurs,  les  jurés,  les  juges  eux-mêmes  commençaient 
à  hésiter  et  trouvaient  plus  raisonnable  de  ne  pas  pour- 
suivre ou  d'acquitter  que  de  s'exposer  au  ridicule 
rétrospectif  qui,  dans  la  mémoire  des  hommes,  ^ale 
aux  plus  purs  imbéciles  les  graves  personnages  qui 
eurent  l'infortune  de  décréter  d'ignominie  les  Fleurs 
Mal.  Sous  ce  prudent  régime  on  pomographiait 
assez  librement,  non  pas  en  forme  brutale,  mais  avec 
les  grâces  attiques  qui  caractérisent  de  façon  char- 
mante, en  ce  temps,  l'illustration  par  le  journal  ou  par 
l'affiche. 

De  braves  cœurs  pudibonds  en  furent  révoltés,  et 
voici  que  l'administratif  s'en  mêle  et  reprend  pour  lui, 
l'imprudent,  la  tâche  qui  avait  semblé  trop  périlleuse 
au  judiciaire.  Là  où  des  procureux-généraux  et  des 
procureurs  du  roi,  tenaces  mais  circonspects  policiers, 
s'abstiennent  par  un  juste  sentiment  de  leur  impuis- 
sance, à  ne  pas  commettre  de  gaff'es  retentissantes,  un 


ministre  des  Postes  et  Télégraphes  se  pose  en  affirmant 
son  infaillibilité. 

La  présomption,  ou  la  sottise,  est  eifelienné. 

En  ce  faisant,  viole-t-il  la  Constitution?  Porte-til  une 
main  sacrilège  sur  nos  libertés?  Sa  tyrannique  audace 
attente-t-elle  aux  droits  du  Peueueueupleî  (Pardon  pour 
ces  échos  parlementaires.)  C'est  ça  qui  nous  est  égal. 
A-t-on  jamais  su  ce  qu'on  pouvait  se  permettre  ou  ne 
pas  se  permettre  avec  ce'itte  intrigante  de  Constitution? 
Qui  dira  jusqu'où  vont  ou  s'arrêtent  nos  libertés  et  les 
droits  du  Peueueueuple. 

Mais  ce  qui  est  intéressant,  c'est  de  voir  ce  brave 
homme  de  ministre  aller  bravement  au  sphinx  et  pré- 
tendre résoudre  l'énigme  qui  distingue  l'Art  de  la 
Pornographie.  Mais,  malheureux,  tu  vas  te  fiiire  dévorer 
par  le  monstre. 

Quant  à  l'Art,  il  assiste  impassible  à  ces  danses  de 
guerre.  Il  est  incompressible,  insubmersible,  inchavi- 
rable.  Il  tire  profit  de  tout,  môme  de  ces  persécutions 
idiotes,  où  l'on  voit  un  archer  judiciaire  ou  administratif 
viser  un  pomographe  et  atteindre  un  poète,  viser  une 
saleté  et  frapper  un  chef-d'œuvre.  L'Art  se  complaît  à  ces 
jeux  saugrenus  dont  les  joueurs  n'ont  jamais  recueilli 
que  des  ridicules  ou  des  huées.  Ils  sont  pour  lui  occa- 
sion de  luttes  et,  finalement,  de  triomphes. 

Certes,  il  vaudrait  mieux,  en  ces  temps  où  l'humaine 
malpropreté,  intime  et  incurable,  a  pris  le  parti  de 
lâcher  toute  hypocrisie  et  de  se  manifester  au  dehors, 
la  laisser  faire,  dût-il  en  résulter  quelque  mal,  plutôt 
que  de  continuer,  en  l'exaspérant,  la  grotesque  comédie 
de  pouvoirs  publics  ayant  la  prétention  de  rétablir  la 
vertu,  et  ne  réussissant  qu'à  alimenter  la  bêtise. 


SUGGESTION... 

par  Hknm  Niirr.  —  Paris,  Tresse  et  Stock. 

?^' 

Voici  un  livre  snbsianliel,  où  l'aalear  a  tooId  faire  de  la 
«  supra  science  »  ce  que  Jules  Verne  a  fait  de  la  science  pure  : 
un  roman  qui  la  mette  en  action. 

Il  s'agit  de  suggestion,  de  télépathie  et  d'aulo-soggestion. 
Depuis  quelques  années  l'expérience  mnlliplie  ses  recherches  dans 
ce  monde  mystérienx,  aux  fluides  obscurs,  et  y  marche  â  Ifttons, 
ses  mains  craintives  des  ténèbres  et  des  problèmes  encore  noirs 
qui  se  dressent,  fleurs  d'épouvante,  i  la  cueillette  de  l'observa- 
tion. Les  questions  d'hypnotisme,  si  troublantes,  s'indiquent 
importantes,  inquiètent;  et  leur  solution  montre  it  peine  son  aube 
indécise  à  l'horizon. 

Le  livre  de  M.  Nizet  dénote  an  écrivain  préoccupé  de  ces 
recherches  psychiques  et  y  ayant  acquis  une  somme  très  forte 
d'expérience.  On  pressent  un  analyste  qui  a  expérimenté,  et 
depuis  longtemps,  par  lui-même,  qui  a  fouillé  des  «  sujets  »,  et 
a  meublé  sa  cervelle  d'un  notable  contingent  de  faits  et  de  notions 
relatifs  à  l'hypnose.  C'est  un  savant,  en  ce  sens;  il  sait  beaucoup, 
et  de  science  sûre  et  méthodique. 

Sa  récolte  d'investigations  sagaces  faite,  il  l'engrange,  non  dans 


L'ART  MODERNE 


221 


UD  «ec  «  précis  »,  mais  en  un  livre  nerveux,  plein  de  vie,  où  sa 
nalure  d'observateur  aigu,  au  scalpel  mordant  et  cynique,  peut 
prendre  essor.  Et  ce  tempérament  d'écrivain  le  place  dans  une 
sphère  supérieure  à  celle  de  cet  autre  romancier  scienlifique 
nommé  plus  haut  :  Jules  Verne.  Son  style  a  des  vigueurs  et  des 
brûlures  d'ean-forle  et  sa  vision  prend  parfois  des  envols  d'art 
que  jamais  l'agteur  précité  n'eût  lentes.  Le  défaut  du  livre,  c'est 
peut-être  la  pléthore  de  documents  ;  cela  regorge  d'observations, 
et  Térudit  pousse  l'écrivain  à  faire  montre  de  savoir  au  détriment 
de  Pordonnance  de  l'œuvre.  Il  y  a  des  pages  pénibles,  indigesies, 
mais  de  la  fatigue  desquelles  guérissent  vite  d'autres,  alertes  et 
vivaees. 

Histoire  bizarre  de  télépathie  et  d'auto-suggestion  !  Lebarrois, 
un  Parisien,  un  peu  «  bohème  »,  va  pour  affaires  en  Galicie.  Il  y 
rencontre  une  juive,  Séphorah,  dont  la  beauté  étrange  le  frappe. 
Il  essaie  sur  elle  son  pouvoir  d'hypnotiseur.  Il  la  possède.  Amour 
fol I  Séphorah  est  un. monstre,  un  être  quasi-insexuel  et  les  deux 
amants  se  vautrent  et  s'enivrent  en  un  rut  éperdu,  faisant  vibrer 
les  cordes  les  plus  secrètes  et  les  plus  compliquées  des  salacités 
et  des  éroiismcs  couvant  en  eux.  L'histoire  de  cet  amour  est  poi- 
gnante, d'un  réalisme  sans  voile  et  d'une  allure  insolite. 

Mais  Lebarrois  est  rappelé  en  France.  L'idée  de  Séphorah  le 
hante.  Il  se  produit  alors  un  phénomène  bien  iniéressani  de  télé- 
pathie. Les  amants  —  sous  l'influence  de  quel  fluide?  par  suite 
de  quelle  correspondance  d'âme?  —  se  fixent  un  rendez-vous, 
sans  s'écrire,  par  pure  transmission  de  pensée,  à  Koloméa.  Ils  s'y 
retrouvent;  et  leur  rut  recommence  ses  brûlantes  morsures,  à 
travers  les  steppes,  dans  des  auberges  de  «  youtres  »,  jusqu'au 
moment  où  Lebarrois,  décidé  au  «  collage  »,  emmène  avec  lui  sa 
maîtresse  b  Paris. 

Et  le  roman  entre  dans  une  phase  nouvelle.  Jusqu'ici  c'avait 
été  une  ardente  ivresse  charnelle,  un  amour  bizarre,  une  soif 
insatiable  l'un  de  l'autre,  que  l'hypnotisme  venait  accentuer  et 
auxquels  il  ajoutait  comme  un  charme  morbide  et  surnaturel. 
Leurs  âmes,  littéralement,  n'en  étaient  plus  qu'une.  Ils  formaient 
presque  un  seul  être,  à  eux  deux.  Mais  voici  venir  la  fatigue, 
atroce,  veule,  l'épuisement,  le  détraquement,  avec,  à  l'horizon, 
un  avenir  de  folie  qui  darde  déjà  ses  sombres  nuées.  Les  oiseaux 
de  présage  de  la  catastrophe  volètenl  en  leurs  rêves,  en  leurs 
hallucinations.  El  après  le  phénomène  curieux  de  la  télépathie, 
voici,  chez  Lebarrois,  le  phénomène,  plus  curieux  encore,  de 
l'auto-suggeslion.  Une  pensée  se  fixe  en  sa  cervelle,  d'abord 
vague,  lointaine  :  il  tuera  Séphorah.  Il  a  beau  s'en  défendre,  se 
protéger  contre  lui-même,  il  la  tuera.  L'idée  fait  son  chemin, sans 
hésite  ;  elle  avanée  ;  elle  devient  formidable,  obsédante,  terrible. 
C'est  le  cauchemar  de  chaque  heure.  Puis,  Lebarrois  se  fait  à  sa 
compagnie,  il  discute  avec  elle  et  enfin  elle  se  précise,  assez 
douce,  en  somme,  plausible,  en  route  de  transaction  avec  l'assas- 
sinat brutal  et  le  sang  épanché  : 

«  Après  mon  départ,  a  ordonné  Paul,  lu  t'habilleras,  lu  pas- 
seras dans  la  pièce  voisine,  en  fermant  derrière  loi  la  porte, 
soigneusement.  Je  le  défends  de  laisser  cette  porte  ouverte...  Tu 
auras  froid...  Tu  verras  le  foyer  éteint.  Tu  le  mettras  à  genoux 
pour  le  rallumer.  Au  moment  où  tu  sentiras  la  clef  du  gaz 
tourner  sous  tes  doigts,  avant  de  frotter  l'allumette,  tu  le  rendor- 
miras brusquement...  Avant  de  frotter  Callumette,  entends-tu  !  » 

Tel  est  le  résumé  de  ce  livre.  D'autres  personnages  encore  s'y 
dressent,  croqués  d'une  griffe  leste  :  tels  le  typique  Thévenot,  ce 
a  calicot  »  babillard  et  bon  enfant,  ou  Ravière,  le  bohème.  Mais 


toute  la  force  de  l'action  se  concentre  en  ces  deux  âmes  qui,  par 
l'hypnose,  s'insinuent,  pour  ainsi  dire,  l'une  dans  l'autre,  se  con- 
fondent en  un  amour  éperdu,  et  puis  retombent  de  cet"  embras- 
sement  furieux  et  passionnel  dans  un  gouffre  épouvantable 
d'épuisement  et  de  folie.  C'est  comme  une  ïerrible  histoire 
d'opium.  L'hypnose  y  apparaît  ravageant  ainsi  que  l'alcoolisme. 
Et  c'est  avec  effroi  qu'on  regarde  les  bizarres  personnages,  en  leur 
épopée  tragique,  suivre,  dans  un  rêve  de  luxure  exaspérée,  le  cor- 
ridor rouge  et  funèbre  menant  !i  la  démence. 


THÉORIE  DES  NËO-LCHINARISTES 

(NÉO-IMPRESSIONMSTES) 

C'est  avec  quelque  surprise  que  nous  lisons  dans  le  Moniteur 
des  A  rit,  l'un  des  journaux  les  plus  encroûtés  de  vieilleries  et  de 
doctrines  surannées,  un  exposé  clair  et  succinct  de  la  théorie 
néo-impressionnisie.  Comment  le  morceau  s'est-il  glissé  parmi 
les  vétustés  bulles  édictées  par  les  pontifes  de  la  Salle  Drouot? 
Nous  l'ignorons.  Les  idées  nouvelles  gagnent,  gagnent,  gagnent. 
Les  plus  antiques  citadelles  voient  leurs  remparts  démolis  par 
elles.  Dans  tous  les  cas,  il  est  savoureux.  Qu'on  en  juge  : 

MtXt^Tuv  cvavTi&jv 
Heraclite. 

Ce  n'est  pas  dans  le  but  de  faire  réaliste  que  les  jeunes  nova- 
teurs se  passionnent  pour  les  observations  scientifiques,  mais 
pour  arriver  méthodiquement  à  l'Harmonie  en  peinture  par  des 
moyens  peiutres,  —  exclusivement.  (Lumière  colorée  et  lignes 
expressives).  Cet  aphorisme  d'Heraclite  :  la  conciliation  des  con- 
traires est  une  harmonie,  —  Chevreul  le  reconnut  des  plus  appli- 
cables aux  couleurs;  et  le  peintre  Seurat  partit  de  ce  principe 
pour  édifier  sa  théorie,  —  qui  devint  celle  du  cénacle,  —  sur  le 
contraste  simultané  des  tons  et  des  teintes.  {Le  ton  étant  défini  : 
une  somme  d'intensité  lumineuse,  ou  telle  modification  qu'une 
couleur  peut  subir  pour  produire  le  clair  et  le  sombre;  la  teinte  : 
toute  couleur  spectrale  et  sa  complémentaire,  ou  plus  docte- 
ment :  le  degré  de  réfrangibilité,  la  longueur  d'onde  de  la 
lumière.)  Un  peu  plus  tard,  Seurat  et  Signac,  très  séduits  par  le 
Rapporteur  esthétique  de  Ch.  Henry,  ajoutèrent  à  ces  contrastes 
de  colorations,  —  afin  d'en  renforcer  les  sensations,  —  le  con- 
traste des  directions  de  lignes. 

Quant  il  l'application  de  la  théorie,  elle  a  déjà  subi  maintes 
modifications,  maints  perfectionnements,  et  en  subira  bien  d'au- 
tres, les  chefs  de  l'école  se  vouant  à  l'expérimentation.  Présente- 
ment, Seurat,  désireux  d'impressionner  par, des  dominantes,  a 
beaucoup  circonscrit  l'emploi  du  contraste  simultané  dosions; 
Signac,  au  contraire,  en  tire  un  effet  nouveau  :  les  dégradalions 
rythmiques. 

Mais,  pour  plus  de  clarté,  examinons  de  suite  les  différents 
phénomènes  qui  servirent  de  base  à  la  théorie  des  néo-lumina- 
risies  (improprement  dénommés  impressionnistes),  leur  technie 
s'en  déduira  logiquement. 

La  loi  des  com|)lémenlaires,  découverte  en  1812  par  Ch.  Bour- 
geois, se  comprend  aisément  par  ces  quelques  lignes  de  Ch.  Blanc  : 
u  La  lumière  blanche  contenant  les  trois  couleurs  élémentaires  et 
génératrices,  le  jaune,  le  rouge  et  le  bleu,  chacune  de  ces  cou- 
leurs sert  de  complément  aux  deux  autres  pour  former  l'équiva- 
lent de  la  lumière  blanche.  On  a  donc  appelé  complémentaire 


'■''m^m 


Jf^^jp,-^-; 


,-^î 


222 


L'A/îr  MODSRNB 


chacune  des  trois  couleurs  primitiTes,  par  rapport  ^  la  coulear 
binaire  qui  lui  correspond  ». 

Chevreul,  qui  poussa  plus  loin  ses  investigalions,  nous  apprit 
que  : 

Lf.  rouge  est  romplémenté  par  le  bleu  vert  ; 

Le  vermillon  par  le  bleu  tris  vert; 

Le  carmin  par  le  bleu  tris  vert; 

L'oranger  par  le  bleu  cyani; 

Le  jaune  pur  par  le  bleu  tCoulremer  naturel; 

L'outremer  artificiel  par  le  jaune  verdâtre  ; 

Le  jaune  verdâtre  par  le  violet  ; 

Le  vert  par  le  pourpre. 

A  ce  tableau,  Rood  ajouta  : 

Le  jaune  légirement  ora»^/ complémenlé  par  le  Ccball. 

L'indigo  ou  bleu  de  Prusse  par  le  jaune  de  chrome  un  peu 
orangé. 

«  Or,  déclare  Chevreul,  qu'apprend  la  loi  du  contraste  simul- 
tané des  couleursl  C'est  que  dès  que  l'on  voit  avec  quelque  atlen- 
lion  deux  objets  colorés  en  même  temps,  chacun  d'eux  apparaît 
non  de  la  couleur  qui  lui  est  propre,  c'est-il-dire  tel  qu'il  paraî- 
trait s'il  était  vu  isolément,  mais  d'une  teinte  résultante  de  la 
couleur,  complémentaire  de  la  coulear  de  l'autre  objet.  D'un  autre 
cdté,  si  les  couleurs  des  objets  ne  sont  pas  au  même  ton,  le  ton 
de  la  plus  claire  s'abaissera,  et  le  ton  de  la  plus  foncée  s'élèvera. 
En  définitive,  elles  paraîtront,  par  la  juxtaposition,  différentes  de 
ce  qu'elles  sont  réellement 

«  Le  peintre  sachant  que  l'impression  d'une  couleur  vue  ii  cdté 
d'une  autre  est  le  résultat  du  mélange  de  la  première  avec  la  com- 
plémentaire de  la  seconde,  n'a  plus  qu'à  évaluer  mentalement 
l'intensité  de  l'influence  de  cette  complémentaire  pour  reproduire 
fidèlement,  dans  son  imitation,  l'effet  complexe  qu'il  a  sous  les 
yeux.  » 

Le  raisonnement,  judicieux  d'ailleurs,  est  d'un  chimiste  qui  n'a 
étudié  le  contraste  des  couleurs  qu'au  point  de  vue  teinture  ;  il 
ne  saurait  suffire,  par  conséquent,  au  peintre  qui  doit  tenir 
compte  et  du  ton  local,  et  des  reflets  accidentels,  et  de  la  lumière 
éclairante.  Fénéon  l'expose  lucidement  :  a  Ce  mélange  de  la  cou- 
leur locale  d'un  objet  avec  les  diverses  lumières  colorées  qui  y 
afiluent  (lumière  solaire,  normales  irradiations  de  complémen- 
taires et  reflets  accidentels),  mélange  qui  constitue  la  teinte  sous 
laquelle  nous  percevrons  cet  objet,  est  un  h^làkcb  optiocb  ». 

Mais  si  les  couleurs  complémentaires  s'exaltent  par  leur;'u«- 
taposilion,  elles  s'annihilent  par  leur  mélange,  distribuées  en 
égale  quantité,  elles  ne  produisent  qu'un  gris  terne  et  incolore  ; 
la  division  du  ion  s'imposait  donc  pour  conserver  aux  taches  leur 
pureté,  leur  éclat  (luminosité).  El  comme  la  pureté  est  l'absence 
de  lumière  blanche  ou  de  la  sensation  du  blanc,  les  novateurs 
résolurent  de  n'employer  que  les  couleurs  données  parle  spectre 
solaire.  Argument  non  moindre  d'importance,  Rood  fait  remar- 
quer qu'en  de  nombreux  cas,  les  peintres  ne  peuvent  appliquer 
directement  ce  que  leur  palette  leur  a  enseigné  ï  l'interprélaiion 
des  effets  chromatiques  produits  par  la  nature  puisque  e^^^i 
dépendent  souvent  en  grande  partie  du  mélange  de  faisceai3P?e 
lumières  de  couleurs  différentes.  Or,  toujours  selon  le  savant 
américain,  la  seule  manière  pratique  de  mêler  réellement  en  pein- 
ture, non  pas  des  matières  colorantes,  mais  des  faisceaux  de 
lumière  colorée,  c'est  la  division  du  ton,  moyen  précieux  se  prê- 
tant bien  à  l'expression  de  la  forme,  à  condition  toutefois  de  ne 
le  pas  trop  régulariser. 


Ptolémé«  avait  entrcleon  on  mode  radimenUire  de  mêler  )m 
»  faiMeaux  de  lumières,  lei  peinlm  de  l'aDliqnité  ea  Mt-ili  tiré 
parti?  Nul  ne  peut  l'affirmer,  les  plui  anciennei  peiuluret 
retrouvées  ne  décèlent  pas  trace  d'une  telle  préoeeupalion  ;  on 
reconnaît,  en  revanche,  dans  les  fresques  pompéiennes,  on  souci 
des  complémentaires. 

Chez  nous,  l'emploi  des  tons  fragmentés  n'spptrstl  manifeste 
que  dans  les  dernières  fresques  de  Delacroix.  Relativement  aux 
méthodes,  il  n'en  existe  pas  d'aniëneare  ft  celle  de  Mile  (18S9), 
qui  recommandait  de  diviser  le  ton  an  moyen  de  lignes  parallèles 
ténues;  les  néo-luminaristes,  après  plusieurs  expériences,  ont 
adopté  le  poiutillage,  parce  qu'au  recul,  toute  fracture  disparaît 
en  quelque  sorte  et  l'œil  ne  perçoit  plus  que  de  la  lumière 
colorée.  Le  difficile  est  de  faire  sentir,  avec  un  Tel  procédé,  les 
reliefs  et  le  modelé. 

«  Parmi  les  canetèrea  les  plus  importants  de  la  couleur,  dans 
la  nature,  —  lisons-nous  dans  Rood,  —  il  but  ranger  la  dégra- 
dation pour  ainsi  dire  infinie  qui  l'accompagne  toujonra...  Même 
lorsque  la  surface  que  l'on  considère  est  plate  et  blanche,  cer- 
taines de  ses  parties  sont  toujoura  plus  éclairées  que  d'antres,  ce 
qui  les  fait  nécessairement  paraître  plus  jaunâtres  on  moins 
grises;  et,  outre  cette  cause  de  changements,  la  surface  blanche 
reçoit  sans  cesse  de  la  lumière  colorée  de  tous  les  objets  colorés 
qui  l'avoisinent,  et  la  réfléchit  ii  son  tour  de  mille  façons 
diverses.  »  Ruskin,  l'admirable  auteur  des  éléments  de  dessin, 
fait  dépendre  de  la  dégradation  des  teintes  l'éclat  des  couleura,  la 
force  de  la  lumière,  et  même  les  effets  de  transparence  des 
ombres;  aussi,  la  dureté,  la  froideur  et  l'opacité  lui  paraissent- 
elles  résulter  bien  plus  encore  de  XégaUté  d'une  coulear  que  de 
sa  nature.  Les  néo-luminaristes  dégradent  les  teintes  en  sjoutant 
plus  on  moins  de  blanc  aux  tons  pun,  —  seule  mixture  restant 
lumineuse,  —  c'est  le  dosage  des  tons. 

Parmi  les  objections  soulevées  à  propos  de  la  division  uniforme, 
une  seule  vaut  qu'on  s'y  arrête;  toutes  les  toiles  présentées  jusqu'à 
ce  jour  recouvertes  de  taches  d'égales  dimensions  semblaient 
manquer  de  perapective  aérienne,  de  profondeur,  —  même  au 
recul.  Cela  tient-il  simplement  il  quelques  inexactitudes  de  valeurs 
de  tons?  ainsi  que  l'affirment  Seurat  et  Signac;  n'y  peut-on  remé- 
dier, comme  le  prétend  Séon,  qu'en  diminuant  la  dimension  de 
la  tache  à  mesure  que  se  dégrade  une  teinte  ?  La  question  ne  me 
parait  résoluble  que  par  les  prochains  travaux  de  ces  artistes  (t). 

Alphonss  GniuiH. 


ïieiix  llYPes  et  Yleilles  pelînres 

Dans  l'actuel  catalogue  de  M.  Ed.  Deman,  nous  trouvons  plu- 
sieurs pièces  reproduites  :  reliures  et  gravures,  qui  signalent  à 
l'attention  combien  chez  nous,  grâce  il  l'activité  d'un. libraire,  le 
goût  des  livres  tend  à  se  propager.  De  tels  catalogues  nous  arri- 
vaient jadis  de  Paris  et  de  Londres;  jamais  de  Bruxelles.  On  fabri- 
quait ici  de  mensuels  et  semestriels  recueils,  imprimés  sur  chan- 
delle, horribles  d'aspect,  qu'on  lisait  peu  et  dont  le  papier  non 
séché  collait  aux  doigts.  Or,  voici  une  excellente  impression,  sur 

(i)  Cet  article,  on  le  voit,  a  été  écrit  avant  la  mort  de  Seurat. 
Nous  donnerons  prochainement  l'exposé  que  fait  M.  Alphonse 
Qkbmain  de  la  direction  des  liçnes,  l'une  des  préoccapations  domi- 
nantes des  néo-impressionnistes.  Cet  exposé  complète  son  intéressante 
étude  sur  la  division  du  ton. 


L'ART  MODERNE 


223 


feuilles  teinlëes,  et  fleurie  de  planches  dans  et  hors  texte.  Ces  plan- 
ches sont  si  nombreuses  qu'on  peut,  grftce  ft  elles,  suivre,  d'après 
modèles,  toute  l'histoire  de  la  reliure.  Laissant  ii  part  le  bouquin 
aux  armes  du  Cardinal  de  Montalle,  le  futur  Sixie-Quini,  dont  la 
provenance  est  italienne,  voici  trois  volumes  paf  Le  Gascon, 
relieur  du  roi  Louis  XIII.  Déjh  avaient  paru  en  France  les  Geof- 
froy Tory,  les  Roffet  et  les  Ede,  les  inventeurs  des  ornements  i  la 
fanfare.  A  la  suite  des  Grolier,  les  rois  François  I",  Henri  II, 
Henri  III  et  les  reines  Louise  de  Lorraine  et  Catherine  de  Hédicis 
et  les  grands  de  Thou,  de  Breze,  de  Montmorency,  de  Saint- Maur, 
de  Nesie,  de  Guise  s'étaient  affirmés  amateurs  illustres. 

Là  reliure  avait  déjà  un  passé,  quand  apparut,  aux  débuts  du 
XVII*  siècle,  Le  Gascon,  dont  le  catalogue  Deman  reproduit  au 
n*  89  une  œuvre.  Cet  artiste  s'appelait-il  vraiment  ainsi  ?  On  en 
doute.  Qu'importe.  Du  moins  est-ce  k  ce  nom  qu'on  attribue  le 
travail  qui  se  fit  k  celte  époque  pour  tous  les  collectionneurs  de 
la  cour.  Un  certain  Badier  faisait  concurrence  au  relieur  favori. 
Mais  lui  se  contentait  d'être  l'ouvrier  des  Gaston  d'Orléans,  des 
Matarines  et  de  H"*  de  Rambouillet  pour  laquelle  il  vétii,  comme 
un  chef-d'œuvre,  la  Ouirlande  à  Julie. 

Cétail  alors  pour  les  grands  un  devoir  de  haut  luxe  d'avoir 
bibliothèque  pleine  et  belle.  Aujourd'hui  l'écurie  a  pris  la  place 
de  la  Mbliothèque  et  l'on  s'étonne  qu'on  ne  fasse  point  encore 
dorer  et  damasquiner  les  sabots  des  chevaux. 

L'innovation  de  Le  Gascon  avait  été  de  pointiller  l'ornement 
dit  h  la  fanfare,  de  donner  aux  plats  du  livre  une  apparence  de 
dentelle  étalée,  une  apparence  frêle,  légère,  arachnéenne,  qui  con- 
trastait avec  les  reliures  grosses  et  voyantes  italiennes. 

A  travers  les  Dubois  et  les  Levasseur  et  les  Ruette,  inventeurs 
du  papier  de  peigne,  nous  voici  descendus  au  tour  de  Pasdeloup, 
relieur  de  la  Régence.  Le  n»  877  reproduit  un  travail  de  ce  maître. 
C'est  l'habillement  du  Sacre  du  Roi.  Au  centre  les  armes  de 

?^LESOBVVRES<«< 
feu  maifheAIato  charrier  en  (on 

vluantSeaetairedu  ka  roy  Char^ 

les  fcpcicfme  dunon*  NouueU& 

menc/tif^rimees  rcueuesdC 

conigkts  ouliretes  pre 

cedetes  ùuprefnoiu* 


^^n  les  vend  aPariscnla  grant 
lalle  du  palafsauprenu'er  Pfllîercn 
laboutKquedeGaUiotdupre  U» 

braire  iuredeLunluerfite* 


qiKairc|{eMdtfebcebecep<foH85esfcnttt<w» 
etiacisieii»iiui(lKC8  dOeenuio^nmlfteof^ 


t  I  »  • 


fMtfit' 


4£m  fc6ΫijiÇapo«e  mtapcintt^Xktfa 

Louis  XV  sur  un  grand  fond  uni.  Autour,  des  rinceaux  courant  sur 
des  lattes  d'or  et  les  feuilles  de  chicorée  apparaissantes.  Orne- 
mentation assez  grosse,  plus  fastueuse  que  de  goût,  quoique  son- 
nant exactement  l'heure  décorative  de  ce  temps-là. 

A  côté  de  la  dynastie  des  Pasdeloup  s'affirmait  celle  des  Deroux. 
Ils  étaient  quatorze.  Le  plus  célèbre  vivait  sous  Louis  XV.  11 
mourut  en  176t.  Une  reliure  d'une  grâce  choisie  vêt  les  Amours 
de  Daphtiis  et  Chloé  (maroquin  rouge,  large  dentelle  à  petits  fers) 
qui  figure  au  n»  859.  Le  milieu  du  plat  est  vide,  sans  blason, 
c'est  sa  limite  seule  qui  est  ornée  :  des  fleurs,  des  arabesques, 
des  points  comme  des  bulles. 

Et  voici  pour  finir  (n°  808),  une  œuvre  moderne  recouvrant  un 
livre  moderne  (Jouaust,  1868-1872),  la  réimpression  des  œuvres 
de  François  Rabelais.  Cette  reliure  mosaïquée,  qui  s'inspire  du 
passé,  lient  cependant  à  s'originaliser  par  des  divisions  dans  le 
sens  de  la  largeur,  alors  que  dans  le  sens  de  haut  en  bas  aucune 
ligne  droite  ne  s'indique.  Feuillages  et  rinceaux  et  de  rares  entre- 
lacs. Certes,  les  modernes  mettent-ils  dans  leurs  ouvrages  une 
précision  ou  pour  mieux  dire  une  propreté  nette  que  les  anciens 
ne  connaissaient  guère.  Les  plus  belles  reliures  des  lointains 
temps  ne  s'affirment  jamais  sans  gaucherie,  sans  quelque  lour- 
deur —  mais  elles  ont  l'immense  supériorité  de  faire  sentir  la 
main,  tandis  que  les  actuelles  prouvent  spécialement  l'instrument. 


\ 


» 


'¥ 


224 


LART  MODERNE 
\ 


Est  reproduite  encore  une  reliure  du  xvi«  siècle  couvrant  les 
Heures  à  l'usage  de  Poitiers.  Va  peu  lourde,  comme  naïve  — 
inlérél  de  date  bien  plus  qu'intérêt  d'art. 

Quant  aux  planches  :  une  scène  de  chasse  (n°  355),  dans 
le  goût  allemand  du  xvi*  siècle  ;  le  litre  du  Roman  de  la  Rose, 
édition  à  l'enseigne  de  la  fleur  de  lys  (1538);  un  litre  —  marque 
Jean  Petit  —  de  l'Ordinaire  des  chrétiens,  dont  la  disposition  est 
de  belle  ornementation;  le  Spéculum  stuUorum  (même  marque) 
et  une  joule  tirée  d'un  poème  chevaleresque  allemand,  d'après 
les  dessins  de  Hans  Schauffelein. 

Nous  reproduisons  l'enlête  des  œuvres  d'Alain  Chartier,  édition 
de  1529,  une  merveille  de  vignette  synthétique  et  naïve  et  le  titre 
de  la  Célestine,  la  première  édition  française  de  cette  curieuse 
comédie  espagnole. 


LE  TH:É3A.TI?.E  T  ■TiBrg.E 
VIII»   spectacle    de   1890-91.   —  Paris,   4  Juillet. 

•    {Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne.) 

Paul  Rémond  est  bourrelé  d'ambitions  littéraires.  Son  emploi 
dans  les  bureaux  d'une  compagnie  d'assurances  fournil  le  pain 
quotidien  à  sa  mère  et  à  sa  sœur,  mais  lui  gâche  son  temps  et 
lui  harasse  l'esprit.  Au  logis,  il  est  en  butte  à  l'espionnage  dou- 
ceâtre, à  la  cauteleuse  sollicitude  des  deux  femmes.  Impuissant  à 
réaliser  une  œuvre  dans  ce  milieu  hostile,  il  se  débilite  en  une 
délectation  morose  dédiée  à  la  Gloire  et  un  peu  à  M"""  Ducler.  Il 
faudrait  que,  loin  desii^milles  et  des  administrations,  il  vécût  une 
année,  libre.  Or,  il  n'a  pas  assez  de  confiance  en  soi  pour  oser 
subordonner  à  de  plus  hauts  devoirs  ses  coutumiers  devoirs  immé- 
diats. Que  deviendraient,  celte  année-là,  sa  mère  et  sa  sœur?  Et 
s'il  échouaii?  Il  tergiverse,  et  sa  rancœur  se  traduit  en  vaine  haine 
contre  cette  famille,  à  laquelle  il  continuera  à  se  sacrifier.  Du 
moins,  cet  après-midi,  tous  sortent  pour  aller  entendre  le  sermon 
d'un  prédicateur  à  la  mode,  et  Paul  reste  seul.  Bientôt  il  s'hallu- 
cine  :  sa  pièce  est  jouée,  il  maîtrise  les  foules,  mais  des  croque- 
morts  piétinent  dans  la  cour,  sa  mère,  sa  sœur  sont  mortes  de 
dénuement,  de  Irislesse  ;  ira-t-il  au  théâtre?  â  leurs  funérailles? 
et,  dans  l'obscurité,  voilà  qu'il  discerne  les  deux  spectres.  «  De 
la  lumière!  »  crie-t-il,  épouvanté.  Au  moment  où  il  pose  sur  la 
table  une  lampe,  —  la  mère,  la  sœur,  M.  Ducler,  M""  Ducler 
ouvrent  la  porte  :  de  nouveau,  la  vie  banale  s'épand,  et  douce- 
ment clapote,  et  l'immerge.  M.  Mullem  aime,  comme  tel  Russe, 
brouiller  les  confins  de  la  réalité  et  du  rôve.  Dans  leur  appareil 
évocatoire,  ses  pièces  gardent  une  rigide  précision  :  d'où  ce  qu'elles 
ont  d'assez  étrange.  Les  premières  scènes  de  son  nouveau  drame, 
surtout  le  dialogue  entre  fils  et  mère,  avaient  avec  trop  de  vigueur 
et  de  netteté  dégagé  les  saillies  de  l'âme  de  Paul,  pour  que  le  pro- 
lixe monologue  de  l'hallucination  conservât  un  suffisant  caractère 
de  nécessité.  L'une  des  deux  parties  est  inutile,  et,  étant  donnée 
la  première,  la  seconde  ne  se  justifierait  qu'ainsi  :  dans  les  ombres 
croissantes  de  cet  après-midi  d'hiver,  un  laconique,  un  guttural 
soliloque  de  Paul  Rémond  s'éteindrait  sur  une  pantomime,  puis 
des  trucs  illusionnistes  feraient  disparaître  le  récitant-funambule, 
ruineraient  peu  à  peu,  mais  non  tout  à  fait,  le  décor,  et  installe- 
raient des  visions  de  théâtre  triomphal  et  de  mort,  jusqu'au  rappel 
de  réalité  de  la  fin.  Ces  choses  semblaient  promises  par  la  circu- 
laire que  le  directeur  du  Théâtre  Libre  adressait  à  son  public  : 


«  Le  décor  de  la  pièce  de  M.  Louis  MuUem,  Dans  ui  Rêve, 
«  exigeant  uneàmachinerie  compliquée  dont  la  préparalion,  con- 
«  fiée  k  un  spécialiste,  n'a  pu  être  achevée  en  temps  utile,  le 

«  Théâtre  Libre  modifie  comme  suit  les  dates  de » 

Lb  Pendu,  de  M.  Eugène  Bourgeois,  est  d'un  lugubre  fort  gai, 
et  Coeurs  simples,  de  H.  Sulter-Laumann,  émeul  au  moyen  d'une 
aventure  connue.  F. 


LA  QUESTION  DBS  MUSÉES 

Bruxelles,  6  juillet  1891. 
Monsieur  le  IUdacteur  de  l'An  moderne. 
C'est  non  seulement  les  Delen,  les  Teniers  et  les  Rubens  qui 
sont  «  mal  soignés  »  dans  les  Musées  de  l'Ëtat,  ainsi  que  Tont 
signalé  vos  correspondants.  Allez  voir  au  Musée  moderne  une 
Marine  de  Gudin,  médiocre  tableau  qui  est  en  train  de  pourrir 
dans  son  cadre.  On  dirait  qu'on  l'a  aspergé  de  je  ne  sais  quelle 
matière.  C'est  dégot^tant  ! 

Votre  tout  «  abonné  », 
A.  S. 

Bruxelles,  7  juillet  1891. 

Approuvé  mille  fois  l'article,  si  bien  pensé  et  si  bien  écrit,  que 
\'Arl  Moderne  publiait  dimanche  dernier  :  Mutées  en  plein  air. 

Oui,  en  effet,  parsemer  de  maigrelettes  statues  le  merveilleux 
Bois  de  la  Cambre,  ce  serait  un  sacrilège. 

Mais  ne  pourrait-on  pas  y  exhiter,  dans  ane  grotte  artificielle, 
le  monsieur  qui  a  conçu  pareille  idée?  On  donnerait  volontiers 
dix  sous  pour  le  voir. 

CONCOURS  DU  CONSERVATOIRE  (>) 

Chant  théâtral  (jeunes  filles).  —  Professeurs  :  M"«  Cornélis- 
Servais,  h.  Warnots.  1"  prix  avec  distinction,  M"**  De  Haene, 
Bauvais,  Guilliaume,  Parentani,  Flament;  1"  prix,  M""  Goetz  et 
Olivier  ;  i'  prix  avec  distinction.  M""  Hasselmans,  Van  Langen- 
donck,  Hendrickx,  Delecœuillerie  ;  2«  prix.  M""  Vliex,  Coessens, 
0.  de  Kozoubsky,  Vranckx,  S.  Bolle. 

CONCOURS  A  HUIS  CLOS. 

Harmonie  théorique.  —  Professeur  :  M.  G.  Udbeeti.  1"  prix 
avec  distinction,  M.  Stevens;  1"  prix.  M"*  Delmotte,  M.  Baize; 
i'  prix  avec  distinction,  M.  Hondus;  i'  prix.  M""  Pisart,  de 
Wagstaffe,  MM.  Mercier,  Dusoleil,  M"*  Demaeght;  l*'  accessit, 
M.  Soudant.  —  13  concurrents. 

Harmonie  écrite.  —  Professeur  :  M.  J.  Dupont.  1"  prix  avec 
distinction,  H.  Gortebeek;  1"  prix,  MM.  Marchand,  Miry,  Byl; 
2'  prix  avec  distinction.  M"*  Camu;  rappel  du  2*  prix  avec 
distinction,  MM.  Tbiébaut,  Kips  ;  rappel  du  2*  prix.  M»*  G.  Dupont  ; 
1"  accessit,  MM.  Biarent,  Van  Overeem,  Couteaux  ;  2°  accessit, 
MM.  RUhlmann,  Léonard.  —  18  concurrents. 

Harmonie  pratique.  —  Professeur  :  M.  Ed.  Sam(}EL.  1"  prix, 
MM.  Gortebeek,  Byl;  i"  accessit,  M"«  G.  Dupont,  M.  Biarent.  — 
4  concurrents. 

DIPLÔMES  DE  CAPACITÉ. 

Alto.  —  Professeur  :  M.  Firket.  —  M.  Hans  (avec  distinction), 
M.  P.  Lefèvre. 

(1)  Suite.  Voir  nos  trois  derniers  numéros. 


^ 


L'ART  MODERNE 


225 


VùAon.  —  M.  Carnier(avec  distinclion),  élève  de  H.  Colyns. 
Piano  (jeunes  filles).  —  Chargé  du  cours  :  M.  Gurickx.  — 
N'i*  R.  Hoffmann  (avec  distinction). 

Orgue.  —  Professeur  :  M.  A.  Mailly.  —  M.  Aug.  De  Boeck. 


Mémento  des  Expositions 

AnvEKS.  —  Salon  triennal.  —  9  août-27  septembre.  Renseigne- 
ments :  O.  Caroly,  lecrélaire. 

Batonne-Biarritz.  —  Exposition  des  «  Amis  des  Arts  ».  — 
20  juillel-10  octobre.  Délai  d'envoi  :  15  juillet.  Gratuité  de 
transport  pour  les  artistes  invités.  (S'adresser  aux  secrétaires  de 
la  Société,  à  Biarritz). 

DovAi- Cambrai/—  12-31  juillet  à  Douai,  15-31  août  à 
Cambrai.  (Dépôt  à  Paris  :  Dupuy-Vildieu,  rue  de  l'Échiquier,  5-8). 
Renseignemenis  :  secrétaire  de  la  Société  des  «  Amis  des  Arts  de 
Douai-Cambrai  ». 

Rouen.  —  Exposition  municipale.  —  1"  octobre-30  novembre. 
Délai  d'envoi  :  20  août.  (Dépôt,  à  Paris,  du  10  au  20  août,  chez 
MM.  A.  Guinchard  et  Fourniret,  rue  Blanche,  76).  Gratuité  de 
transport  pour  les  artistes  invités.  Renseignements  :  M.  le  Maire 
de  Rouen. 

Saint-Madr.  —  26  juillet-16  août.  Délai  d'envoi  :  16-19  juillet. 
Renseignemenis  :  M.  Quinton,  secrétaire  général,  S^Maur. 

Saint-Germain-eh-Late.  —  1<"  aoûl-30  septembre.  Délai 
d'envoi  :  10-15  juillet,  chez  MM.  Guinchard  et  Fourniret,  rue 
Blanche,  76.  (Droit  fixe  de  5  francs  par  exposant). 

Vkrtiers.  — 10  août-22  septembre.  (Réservée  aux  membres  de 
la  Société  des  Beaux- Arts  et  aux  invités).  —  Délai  d'envoi  : 
25  juillel-2  août. 


Petite  CHROfiiQUE 


L'Association  belge  de  Photographie  a  ouvert  hier  samedi  sa 
troisième  Exposition  internationale,  dans  les  salles  du  Musée 
moderne,  place  du  Musée.  L'Exposition,  qui  réunit  les  œuvres 
de  plus  de  150  exposants  belges  et  étrangers,  est  très  importante 
et  très  intéressante.  Nous  en  parlerons  prochainement. 

Le  dernier  numéro  de  la  Plume  (15  juin  1891)  est  consacré 
exclusivement  aux  Jeune-Belgique  :  M.  Léon  Deschamps,  direc- 
teur de  la  Revue,  publie  en  tête  de  la  livraison  une  élude  d'en- 
semble, suivie  de  la  reproduction  de  proses  et  de  vers  de 
MM.  G.  Eekhoud,  A.  Giraud,  Iwan  Gilkin,  E.  Verhaeren, 
M.  Maeterlinck,  Ch.  Van  Lerberghe,  G.  Le  Roy,  A.  Goffio, 
Eug.  Demolder,  J.  Désirée,  M.  Waller,  A.  Mockel,  P.  Clin, 
H.  Krains,  A.  Fonlainas,  V.  Gille,  F.  Severin,  etc.,  etc. 

Voici  la  dislribulion  définitive  de  Lohengrin  à  l'Opéra  de 
Paris  : 

Lohengrin,  M.  Van  Dyck  ;  Frédéric,  M.  Renaud  ;  le  Roi,  M.  Del- 
mas;  Le  héraut,  M.  Douaillier;  Eisa,  M""  Rose  Caron;  Orlrude, 
M""  Fierens. 

Tous  les  rôles,  distribués  en  double,  et  les  principaux  en  Iriple 
et  môme  en  quadruple,  seront  interprétés,  au  besoin,  par  : 

Lohengrin  :  MM.  Vergnet,  Duc,  Affre. 

Frédéric  :  M.  Melchissédec. 

Le  Roi  ;  MM.  Plançon,  Gresse. 

Le  héraut  :  M.  Ballard. 


Eisa  :  M*""  Bosman. 
Orlrude  :  M™*  Domenech. 

M.  Dalou  est  le  sculpteur  choisi  pour  le  monument  que  devait 
faire  au  Panthéon  Henri  Chapu.  Et  c'est  M.  Rodin  qui  est  désigné 
par  la  Sociélé  des  gens  de  lettres  pour  le  monumeni  de  Balzac. 

Pour  la  mille  et  unième  fois,  racontons,  dit  VEcho  de  Paris, 
la  mille  et  unième  histoire  de  l'achat  d'un  faux  Corot. 

Un  M.  F....  avait  vu,  dans  la  vitrine  d'un  marchand  de  tableaux 
de  la  rive  gauche,  un  superbe  Corot  représentant  un  saule  dont 
les  branches,  penchées  sur  un  étang,  abritaient  une  paysanne  lavant 
du  linge.  Il  voulut  l'acheter  et  proposa  la  somme  de  8,000  fr. 
qui  fut  acceptée;  mais,  méfiant,  il  slipula  que  le  tableau  serait 
examiné  par  des  amateurs. 

En  conséquence,  le  marchand  se  rendit  chez  un  M.  X...,  grand 
amateur  de  Corot  qui,  enthousiasmé,  insista  pour  qu'on  lui  don- 
nât la  préférence  ;  on  lui  donna  le  tableau  et  il  versa  sur-le-champ 
les  8,000  francs  convenus. 

Le  lendemain  de  cette  acquisition,  MM.  Georges  Petit  et  Tedesco 
se  rendirent  chez  M.  X...  Ils  examinèrent  le  Corel  et  reconnurent 
qu'il  était  faux. 

Désappointé,  M.  X...  alla  trouver  le  marchand  et  lui  réclama 
son  argent,  le  priant  de  reprendre  sa  toile.  Celui-ci  s'y  étant 
refusé,  le  commissaire  de  police  informé  a  saisi  le  faux  Corot. 

La  Revue  Encyclopédique  donne  mensuellement,  depuis  le 
1"  juillet,  un  supplément  illustré  de  quatre  pages,  entièrement 
consacré  à  l'histoire  des  mœurs  actuelles  par  l'image,  d'après  les 
journaux  satiriques  et  humoristiques  de  France  et  surtout  de 
l'Étranger.  Ce  supplément  ajoutera  aux  documents  de  la  Revue 
Encyclopédique  un  élément  d'un  grand  intérêt.  La  rédaction  de 
la  Vie  par  l'Image  a  été  confiée  à  M.  John  Grand-Carteret,  l'hu- 
moriste bien  connu  par  ses  publications  sur  la  Caricature. 

Est-ce  que  la  plaisanterie  des  Meissonnier  à  100,000,200,000, 
300,000  francs  aurait  cessé?  Voici  ce  que  raconte  le  OU  Blas  : 

«  Un  MÈissonnier  qui  n'a  pu  se  vendre. 

Cet  exemple  est  peut-être  unique.  Le  Postillon,  datant  de  1879, 
a  été  mis  en  vente  dans  la  salle  5  de  l'Hôtel  Drouot.  Le  tableau 
avait  appartenu  au  feu  colonel  Mac-Murdo.  —  Sujet  :  sur  une 
route  ensoleillée,  un  postillon  chevauchant  un  cheval  gris  en  tient 
un  autre  en  main.  Les  animaux  vont  paisiblement  pendant  qu'il 
allume  sa  pipe.  Il  porte  le  costume  typique  du  postillon  français  : 
vesie  de  velours  bleu  avec  doublure  cl  gilet  rouge,  culotle  de  peau 
et  de  hautes  boties  Louis  XIU. 

L'expert  en  demandait  120,000  francs.  La  mise  à  prix  était  de 
68,000  francs. 

La  première  offre  a  été  48,000  francs.  Elle  n'a  pas  été  suivie 
d'autres.  Conséqucmmeni  le  tableau  a  été  retiré,  invendu.  » 

L'assiduité  avec  laquelle  M.  Emile  Zola  a  suivi  les  répélilions 
du  Rive,  qui  vient  d'être  représenté  à  l'Opéra-Comique,  a  paru 
surprendre  quelques  personnes  qui  ne  le  soupçonnaient  pas 
musicien.  On  sera  moins  étonné  lorsqu'on  saura  que  le  maître  de 
Médan  est,  ou  plutôt  fut  autrefois  un  nwsicien  fort  épris  de  son 
art.  Les  familiers  du  magnifique  appartement  qu'habile  le 
romancier,  rue  de  Bruxelles,  ont  tous  remarqué  dans  la  salle  de 
billard,  occupant  la  place  d'honneur,  une  superbe  clarinette. 
Jouer  de  ce  délicat  insirument  était,  il  y  a  vingt  ans,  le  passe- 
temps  favori  de  M.  Zola;  mais,  depuis  lors,  l'assiduiié  que  je 
romancier  a  apportée  à  son  colossal  travail  ne  lui  a  guère  permis 
de  reprendre  sa  chère  clarineile. 


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Dimanche  19  Juillet  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


RBVDE  CRITIQDE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  t  Octavb  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  t   Belgique,   ud   an,   fr.  10.00;  Union  postale,    fr.   13.00.    —  ANNONCES  :    On  traite  à  forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
LADMirasTBATioN  oÉM^BAtE  DE  TArt  Modome,  rue  de  rindustrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


La  DimssioN  de  la  Direction  et  de  la  Commmsion  des  Beaux- 
Arts.  •—  La  otnanoN  des  Musses.  Oyrresfonâance.  —  Le  mal 
CADUC  DBS  Conservatoires.  —  Odilon  Redon.  Son  œuvre  lithogra- 
phique,  par  Jules  Désirée.  —  Exposition  internationale  de  Photo- 
ORAPHii.  —  Litres  et  Brochures,  —  AROHéoLOfliE.  La  fouille»  du 
cimetûrt  franc  dAnderlecht.  —  Ck>NC0UR8  du  Conservatoire.  — 
Petite  chronique.  —  Vignettes. 


LA  DÉMISSION 

DE  LA  Jf 

Direction  et  de  la  Commission  des  Beanx-Arts 

Une  -véritable  levée  de  boucliers  s'est  produite  dans  la 
presse  à  la  suite  de  nos  révélations  sur  la  commission 
des  Beaux-Arts,  Tout  le  monde  convient  que  l'état  de 
choses  dénoncé  par  nous  doit  cesser.  Seuls  les  ronds  de 
cuir  qui  prétendent  diriger  l'art,  du  haut  de  leur  inca- 
pacité et  de  leur  incurie,  restent  muets  sur  leurs  sièges 
de  fonctionnaires.  C'est  systématique,  d'ailleurs,  chez 
les  gens  officiels,  cette  façon  d'agir.  Tout  ce  qu'ils  font 
leur  semble  bien  fait,  et  ils  n'admettent  pas  la  critique. 
Leur  groupe  est  anonyme.  Leur  chapelle  n'a  pas  d'en- 
seigne. Ce  sont  des  irresponsables.  Leur  lance-ton  une 
flèche,  ils  sont  si  effacés,  si  inconnus,  si  vagues,  si  nuls, 
qu'on  ne  sait  au  juste  lequel  d'entre  eux  est  atteint.  Us 


l'écoutent  siffler  et  remettent  leurs  nez  de  gratte-papier 
dans  leurs  paperasses  ou  se  retirent  dans  leur  fromage, 
qu'ils  ont  soin  d'entourer  de  bonnes  croûtes. 

La  Jeune  Belgique,  à  son  tour,  vient  de  faire  la 
lumière  sur  des  choses  bien  intéressantes.  Il  n'y  a  pas 
de  Mellery  au  Musée  moderne  !  Il  n'y  a  pas  de  Rops  !  Il 
n'y  a  qu'un  seul  Stobbaerts  !  Cela  s'explique.  Mellery,  cet 
austère  et  grand  artiste,  n'est  pas  un  quémandeur  de 
subside,  comme  tous  les  vils  joueurs  d'orgue  qui  tour- 
nent la  manivelle  sous  les  balcons  des  détenteurs  de  la 
"  galette  »  gouvernementale.  Rops  a  pour  les  fonction- 
naires en  général  le  plus  vif  mépris. 

Mais  ce  n'est  pas  tout.  La  Jeune  Belgique  assure 
que  de  leur  vivant  on  n'a  rien  acheté  à  Boulenger,  à 
Dubois,  à  Agneessens,  à  De  Braekeleer,  à  Degroux. 
Est-ce  vrai?  Eh  bien,  cela  crie  vengeance  !  Le  Musée 
moderne,  à  part  les  Stevens  (Joseph)  et  quelques  autres, 
ne  possède  de  réels  tableaux  que  les  tableaux  des  pein- 
tres précités.  Les  commissions  des  Beaux-Arts  ont 
méconnu  ces  artistes,  qui  font  maintenant  la  gloire  de 
la  Belgique.  Ces  artistes  ont  été  pauvres  et  malheureux 
et  l'achat  des  musées  n'a  fait  généralement  que  l'affaire 
de  quelques  amateurs  ou  marchands  plus  malins.  Le 
souvenir  de  ces  nobles  artistes  devrait  peser  sur  la  con- 
science des  plumitifs  qui  ont  organisé  le  Musée  moderne 
de  l'odieuse  façon  que  l'on  sait  et  que  nous  avons  déjà 
signalée.  On  a  payé,  assure-t-on,  180,000  francs  pour  la 


228 


UART  MODERNE 


Peste  de  Tournai  de  Louis  Gallait.  On  a  quasi  laissé 
mourir  de  faim  les  Boulenger,  les  Dubois  et  d'autres. 
On  a  désespéré  le  pauvre  Agneessens  ! 

Voilà  la  besogne  des  gens  qui  ont  pour  mission  de 
découvrir  les  jeunes  artistes  et  de  les  protéger.  Ce  sont 
des  aveugles.  Ils  ont  fait  leurs  preuves  d'incompréhen- 
sion totale,  d'ignorance  épaisse,  obstinée.  Ils  raccom- 
modent alors  leur  bévues  à  coups  de  billets  de  mille 
arrachés  aux  contribuables  et  dont  les  artistes  défunts 
ne  profitent  plus. 

Et  ils  continuent  leur  système.  Ils  n'achètent  qu'à 
ceux  qui  frottent  leur  lustrine  de  bureaucrate  aux 
flatteurs  des  gouvernements,  aux  lâcheurs  des  bottes 
académiques.  L'artiste  qui  surgit,  nouveau,  original, 
honnête  et  sincère,  les  offusque,  les  gène  dans  leur 
routine.  Leur  intelligence  est  inapte  à  saisir  le  neuf  et 
il  faut  attendre  des  années  pour  que  dans  la  grande 
cervelle  officielle  et  obtuse  entre  enfin  la  notion  exacte 
de  l'artiste  jusque  là  méprisé. 

Des  exemples?  Tous  ceux  cités  plus  haut,  et  parmi 
les  vivants,  Rops  et  Mellery. 

Et  même  les  tableaux  des  maîtres  disparus,  comment 
les  achète-t-on?  Voici  un  échantillon  de  leur  manière  : 
l'esquisse  de  Leys,  très  belle,  qui  se  trouve  au  Musée 
moderne,  a  été  exposée  pendant  six  mois  à  la  Salle  des 
ventes,  à  Bruxelles.  Un  marchand  de  Paris  (toujours!!!) 
M.  Bra...  l'y  acheta  pour  1,500  francs.  Il  la  revendit 
trois  jours  après  5,000  francs  au  Musée  moderne.  On 
n'ajoute  pas  de  commentaire  à  un  fait  aussi  odieuse- 
ment ridicule. 

Depuis  que  nous  nous  occupons  du  travail  de  ces 
Messieurs  et  de  leur  façon  de  ne  pas  protéger  l'Art  et 
les  artistes,  nous  recevons  un  tas  de  communications 
que  nous  publierons  toutes,  en  temps  et  lieu.  On  agit 
avec  la  littérature  comme  avec  la  peinture.  Tout  est 
aux  médiocres  et  aux  vils. 

Voici  une  curiosité  encore,  cueillie  dans  la  Jeune 
Belgique  : 

-  Les  habitués  du  Palais  des  Beaux-Arts  connaissent 
la  collection  dite  d'Arenberg.  Elle  se  compose  d'une 
quarantaine  de  pièces,  achetées  en  1874,  et  forme  la 
base  de  la  galerie  des  gothiques.  On  y  remarque, 
entre  autres,  la  Cène  de  Bauts,  Jésus  chez  Simon  de 
Schoen,  la  Messe  de  saint  Grégoire,  une  magnifique 
série  de  portraits,  etc.  Ces  quarante  tableaux,  qui  sont 
à  eux  seuls  une  superbe  académie  de  chefs-d'œuvre, 
n'ont  coûté  que  90,000  francs  !  !  Chose  incroyable,  la 
commission  de  1874  refusa  de  les  acquérir  !  Il  fallut 
l'intervention  personnelle  deM.Delcour,alors  ministre, 
pour  forcer  la  main  à  la  compagnie  des  bonzes! 
En  1891,  c'est  le  contraire  qui  arrive  :  on  achète 
50,000  francs  un  Ostade,  et  c'est  la  commission  qui 
■  force  la  main  au  ministre!  Le  sens  dessus  dessous  est 
complet!  - 


Voilà  la  piteuse  situation  de  la  pirotection  de  l'Art  en 
Belgique.  Il  faut  que  cela  cesse.  Le  vieux  fonctionna- 
risme, sénile  et  exténué,  poussif  et  impuissant,  a 
démontré  qu'il  n'était  plus  bon  qu'à  être  mis  an  rancart, 
avec  les  instruments  de  tortnre  des  musées  d'archéo- 
logie. Il  n'a,  comme  ceux-ci,  jamais  servi  qu'à  faire  du 
mal.  Le  remède  à  cet  état  de  jchoses  honteux  et  depuis 
tant  d'années  néfaste,  s'indique  nécessaire  et  argent  : 
la  démission  en  bloc  de  la  direction  et  de  la  commission 
des  Beaux- Arts.  Leur  inaptitude  a  été  largement 
démontrée. 


Nous  publierons,  dans  un  prochain  numéro,  une 
étude  sur  les  opérations  de  la  commission  des  Beaux- 
Arts  dans  les  ventes  publiques  de  ces  derniers  temps; 
nous  dirons  les  occasions  qu'elle  a  laissé  s'échapper,  les 
tableaux  qu'elle  aurait  dû  acheter,  et  nous  indiquerons 
toutes  les  œuvres  qui  eussent  dû  rester  dans  les  musées 
belges  et  que  les  étrangers  ont  raflées. 


LA  QUESTION  DES  MUSÉES 

CORRESPONDANCE 
MonsiECR  LE  RÉDACTEUR  DE  l'Art  nuxUme, 

Dans  un  de  vos  derniers  numéros  vous  racontez  que  dans  le 
tableau  d'Hobbema  qui  se  trouve  au  Musée,  le  cheval  blanc  a  été 
peint  par  M.  Niewenhuis.  Ce  fait  est  exact.  Dans  un  autre  tableau. 
Intérieur  cTéglùe,  d'Emmanuel  Dewil,  une  des  figures,  celle 
appuyée  contre  le  pilier,  a  été  peinte  par  le  peintre  Florent  Wil- 
lems. 
Vauillez  agréer,  etc. 

L.  M. 
Mon  cher  M*" 

A  propos  de  l'intéressante  campagne  que  vous  menez  dans 
les  colonnes  de  votre  journal  contre  les  abus  qui  se  commet- 
tent à  la  barbe  des  contribuables  au  Musée  ancien,  il  m'est  revenu 
i  la  mémoire  la  petite  histoire  que  voici.  Il  ne  s'agit  plus  de  la 
commission  que  vous  avez  blAmée  avec  justice,  mais  de  la  ville 
de  Bruxelles. 

Sur  une  des  maisons  de  la  Grand'Place,  celle  habitée  par 
M.  Billen,  se  trouvait  un  très  beau  vase  en  cuivre.  La  ville  ayant 
fait  restaurer  la  façade  de  celte  maison,  on  vendit  i  l'encan  les 
détritus  cl  les  débris,  parmi  lesquels  on  laissa  le  dit  vase.  Celui-ci 
fut  acquis  pour  deux  louis  par  un  de  nos  collectionneurs  bien 
connus,  M.  J.  V.  Depuis  celte  époque,  la  ville  voudrait  racheter  ce 
vase  et  a  fiait  à  M.  V.  de  sérieuses  propositions. 

Que  pensez  vous,  mon  cher  M'",  de  cette  petite  histoire?  Il 
faudrait  chaque  année  voter  un  budget  pour  les  bévues  de  nos 
administrateurs. 

Bien  à  vous. 

A.  D. 


LE  MAL  CADUC  DES  CONSERVATOIRES 

—  Ils  en  mouiTODl  ! . . .  El  ce  sera  justice,  puisqu'aussi  bien 
ils  se  refusent  obstinément  ii  l'inoculation  de  ce  virus  d'art  sincère 
que  d'ingénus  Pasteurs  leur  proposent  en  guise  de  curatif. 

—  Voire,  en  allendant  qu'ils  meurent  de  leur  haut  mal,  ils 
en  vivent  ;  et  leur  petit  commerce  continue  toujours,  qui  con- 
siste b  lancer  périodiquement  dans  la  circulation  un  contingent 
toujours  plus  compact  d'uniformes,  prétentieux  et  répulsifs 
cabots,  taillés  au  préalable  i  la  mesure  du  lit  de  Procusie  des 
traditions  consacrées.  Car  telles  sont,  au  sens  des  calamiteux  pon- 
tifes qui  les  gèrent,  la  fonction  économique  et  la  fin  dernière  du 
Conservatoire...  Tout  le  reste  n'est  que  littérature. 

—  Et  c'est  i  cette  étonnante  conception  que  notre  curiosité 
doit  ces  exhibitions  dites  :  concours  de  déclamation  et  de  mimi- 
que, sur  lesquels  d'ingénieux  mélancoliques  comptent  (du  moins 
on  l'assure)  pour  dilater  leur  rate  rebelle  à  tous  les  excitants.  Le 
résultat  prévu  ne  leur  aura  point  manqué  cette  année  et  le  specta- 
cle était  vraiment  irrésistible  du  défilé  des  malheureux  palmivores 
qui  s'évertuaient  pendant  la  semaine  écoulée,  devant  un  public 
comateux,  collé  aux  velours  des  vétustés  fauteuils.  Casihiir  Dela- 
vigne,  Eugène  Scribe  et  Emile  Augier  ont  eu  les  honneurs  de  la 
première  journée...  On  a  été  généralement  surpris  de  l'absence 
de  Ponsard  au  programme.  (Nous  aimons  à  croire  qu'il  suffira 
simplement- de  signaler  cet  oubli.)  Les  concurrents  ont  témoigné 
d'un  profond  respect  pour  les  formules  de  la  Maison  et  ont  fait 
preuve  de  la  plus  parfaite  inaptitude  à  s'évader  vers  de  person- 
nelles interprétations...  Aussi  le  Jury  s'est-il  montré  prodigue 
d'embrassements  et  de  lauriers,  et,  le  soir  même,  un  des  grands 
Aghos  qui  le  composent  nous  dévoilait  un  coin  de  son  esthétique 
dans  un  copieux  feuilleton,  où  scintillent  des  perles  comme 
celles-ci  : 

«  M'i*  Baudoux  est  une  soubrette  drue  et  ronde  physiquement, 
qui  dit  avec  naturel,  sans  beaucoup  de  verve  ni  de  mordant.  » 

«  M"«  Bauvais,  qui  jouait  une  misérable  mendiante  en  belle 
robe  de  velours,  —  il  y  a  du  reste  de  la  mendicité  qui  s'exerce 
sur  le  velours  (tic)  —  a  montré  de  l'énergie...  » 

Nous  pourrions  promulguer  notre  appréciation  sur  les  journées 
suivantes  et  insister  notamment  sur  la  singularité  des  exercices  de 
télégraphie  aérienne  et  de  danse  du  ventre  qui  constituent  là-bas 
la  «  mimique  théâtrale».  Nous  pourrions,  à  l'exemple  des  Sama- 
ritains dont  nous  évoquions  le  souvenir,  rappeler  humblement  ces 
Grands  Malades  au  sentiment  même  de  cet  Art  qu'ils  entendent 
monopoliser  et  officieliscr,  en  vertu  d'on  ne  sait  quel  mandai 
mystique... 

Mais  à  quoi  bon?  Ne  sont-ils  pas  incurables  et  leur  entélemenl 
ne  résislera-l-il  pas,  avec  la  perlinacité  d'un  cul  de  plomb  récal- 
citrant à  toute  tentative  émancipatrice?...  Ils  n'ont  plus  dans 
les  artères  ni  sang,  ni  enthousiasme,  ni  émotion,  et  sont  mûrs 
pour  la  tombe  —  qui  s'étonne  de  les  attendre  si  longtemps  ! 

Ah!  nous  croyons  bien  comprendre  le  mol  de  ce  pauvre 
maniaque  qui,  sur  le  passage  de  M.  Carnot,  s'est  écrié  l'autre  jour 
en  déchargeant  un  revolver  : 

«  Non!  toutes  les  Bastilles  ne  sont  pas  détruites!  » 

Cet  homme  pensait  évidemment  à  ces  forteresses  de  la  Bétisc 
officielle  qu'on  appelle  les  Conservatoires. 


ODILOlSr   PiEDOIsr 

Son  œuvre  lithographique.  —  Catalogue  descriptif,  par 

JuLBS  DKsraÉB,  avec  deux  eaux-fortes  par  M-«  Jules  Destrée  (Marie 
Danse),  gr.  in-S»,  80  p.,  —  75  exempl.  numérotés,  —  à  Bruxelles 
chez  l'éditeur  Edmond  Deman,  sans  millésime. 

En  ces  derniers  temps  de  nombreux  travaux  ont  paru  sur  cei 
admirable  artiste,  un  archi-inconnu  pour  le  vulgaire,  —  un  archi- 
détraqué  pour  les  trois  quarts  de  ceux  qui  connaissent  ses  œuvres, 
—  un  prodigieux  esprit  pour  quelques  esthètes. 

Récemment,  dans  les  Hommes  d'aujourd'hui,  la  curieuse  publi- 
cation de  Vanier  qui  débite  les  silhouettes  des  illustres  avec  la 
régularité  d'une  presse  typographique,  Charles  Morice,  notre 
confrère,  écrivait  : 

«  Le  grand  expressif  de  la  Tristesse,  de  la  Douleur,  du  Déses- 
poir, avec  une  spirituelle  Pitié  qui  reste  sereine  au  sein  même  du 
plus  intense  trouble  ;  le  témoin  pensif  de  la  vie  qui  se  cherche  et 
de  celle  qui  se  dépasse,  d'avant  et  d'après  la  norme;  le  fastueux 
artiste  qui' trouve  sa  joie,  en  dépit  des  mélancoliques  apparitions, 
dans  les  somptuosités  délicates  des  couleurs  toutes  dites  par  des 
gammes  d'harmonies  de  blanc  et  de  noir.  Ce  solitaire  à  l'esprit 
semblerait-il,  plutôt  du  Nord,  naquit  (d'un  père  français  et  d'une 
mère  créole)  en  plein  Midi,  à  Bordeaux,  en  1840,  en  plein  bruit 
de  triomphe  romantique. 

«  Redon  exposa  pour  la  première  fois  en  1881  à  la  Vie  Moderne. 
Il  adoptait  le  système  des  expositions  restreintes  et  sans  caractère 
officiel.  On  le  revit  à  la  salle  des  dépêches  du  Gaulois  en  1882 
aux  Indépendants  et  rue  Laffitte  en  1866,  puis  aux  .yXdc  Bruxel- 
les, aux  Peintres-Graveurs,  aux  Trente-Trois.  Ce  fut  pour  la  presse 
l'occasion  de  folles  plaisanteries  et  de  pires  silences.  On  faisait  de 
comiques  commentaires  à  cette  œuvre  désolée  :  ce  n'est  pas  la 
forme  ni  la  déformation  qu'on  attaquait,  c'est  l'intention  qu'on 
suspectait,  c'est  le  métier  qu'on  prétendait  enseigner  au  Maître. 
Quelques  bonnes  voix  protestèrent  :  J.-K.  Huijsmans  de  qui 
dans  A  Rebours  on  peut  lire  de  belles  pages  consacrées  à  Odilnn 
Redon;  Emile  Hennequin,  le  plus  pénétrant  et  rigoureux  analvslo 
de  notre  temps  :  il  ne  parlera  plus,  sa  pensée  lui  survit;  Gcffrov, 
autorisé;  des  publicisles  hollandais  et  belges.  Disons  à  l'honneur 
de  ces  voisins  —  non  pas  au  nôtre  —  que  chez  eux  Odilon  Redon 
obtient  à  peirprès  les  suffrages  qu'il  faut.  » 

A  peu  près  les  suffrages  qu'il  faut  !  Pour  lâcher  celle  phrase  de 
justice  approximative,  H.  Charles  Morice  devait  ignorer  les  remar- 
quables études  successivement  publiées  par  notre  compatriote  Jules 
Destrée  et  qu'il  a  réunies  dans  le  livre  dont  nous  rendons  compte. 
Rarement  un  grand  artiste  a  eu  la  chance  d'être  fouillé,  dans  ses 
œuvres,  avec  une  plus  pénétrante  minutie,  avec  une  compréhen- 
sion plus  haute  de  son  génie.  C'est  l'élude  d'un  fervent,  d'un 
pieux,  qui  a  compris  sa  divinité  et  l'exalte  avec  amour. 

Catalogue  descriptif!  Procédé  parfait  pour  juger  le  labeur  d'un 
artiste.  Ses  œuvres  énumérées,  méthodiquement  groupées  ;  mais 
la  sécheresse  calalogale  immédiatement  ornée  de  subtils  com- 
mentaires, de  descriptions  attachantes,  de  remarques  ingénieuses 
projetant  des  rayons  dans  la  philosophie  de  l'art,  dans  l'histoire 
de  l'art,  partout  où  vont,  par  des  projections,  la  fantaisie,  la 
science,  la  raison  de  l'écrivain,  abondamment  et  avec  une 
grande  aisance  de  pensée  et  de  plume. 

Quatre  vingt  treize  lithographies  d'Odilon  Redon  sont  ainsi 
analysées  sans  un  instant  de  fatigue  pour  le  lecteur,  marchant  en 


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Linden,  à  Berlin  ;  à  M.  Remmelmann,  15,  Ouiollett  strasse,  à  Francfort  a/m  ;  à  M.  Schénher,  Schottenring,  3,  à  Viemn»;  A  J/"»  Schroekl, 
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DuANCHB  19  Juillet  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octatb  MAUS  —  Edmond  picard  —  ÉmLB  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  l    Belgique,    ud    an,    fr.   10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —  ANNONCES  :    On   traite   i   forfait. 

Adretter  totUes  le»  communication»  à 
L'ADunnsTKATioN  GÉNÉRALE  DE  l'Art  Modome,  iTue  do  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


La  DiuusioN  DB  LA  Direction  et  de  la  Commission  des  Beaox- 
Arts.  •—  La  odbstion  des  Musées.  Corresponâance.  —  Le  mal 
CADUC  DES  Conservatoires.  —  Odilon  Redon.  Son  œuvre  lithogra- 
phique, par  Jules  Désirée.  —  Exposition  internationale  de  Photo- 
ORAPBis.  —  Livres  et  Brochures.  —  AROHéoLooiE.  Les  fouille*  du 
cimetUre  franc  dAnderlecht.  —  Concours  du  Conservatoire.  — 
Petite  chronique.  —  Vignettes. 


LA  DÉMISSION 

DE  LA 

Direction  et  de  la  Commission  des  Beaux- Arts 

Une  véritable  levée  de  boucliers  s'est  produite  dans  la 
presse  à  la  suite  de  nos  révélations  sur  la  commission 
des  Beaux-Arts.  Tout  le  monde  convient  que  l'état  de 
choses  dénoncé  par  nous  doit  cesser.  Seuls  les  ronds  de 
cuir  qui  prétendent  diriger  l'art,  du  haut  de  leur  inca- 
pacité et  de  leur  incurie,  restent  muets  sur  leurs  sièges 
de  fonctionnaires.  C'est  systématique,  d'ailleurs,  chez 
les  gens  officiels,  cette  façon  d'agir.  Tout  ce  qu'ils  font 
leur  semble  bien  fait,  et  ils  n'admettent  pas  la  critique. 
Leur  groupe  est  anonyme.  Leur  chapelle  n'a  pas  d'en- 
seigne. Ce  sont  des  irresponsables.  Leur  lance-ton  une 
flèche,  ils  sont  si  efl'acés,  si  inconnus,  si  vagues,  si  nuls, 
qu'on  ne  sait  au  juste  lequel  d'entre  eux  est  atteint.  Ils 


l'écoutent  siffler  et  remettent  leurs  nez  de  gratte-papier 
dans  leurs  paperasses  ou  se  retirent  dans  leur  fromage, 
qu'ils  ont  soin  d'entourer  de  bonnes  croûtes. 

La  Jeune  Belgique,  à  son  tour,  vient  de  faire  la 
lumière  sur  des  choses  bien  intéressantes.  Il  n'y  a  pas 
de  Mellery  au  Musée  moderne  !  Il  n'y  a  pas  de  Rops  !  Il 
n'y  a  qu'un  seul  Stobbaerts  !  Cela  s'explique.  Mellery,  cet 
austère  et  grand  artiste,  n'est  pas  un  quémandeur  de 
subside,  comme  tous  les  vils  joueurs  d'orgue  qui  tour- 
nent la  manivelle  sous  les  balcons  des  détenteurs  de  la 
«  galette  -  gouvernementale.  Rops  a  pour  les  fonction- 
naires en  général  le  plus  vif  mépris. 

Mais  ce  n'est  pas  tout.  La  Jeune  Belgique  assure 
que  de  leur  vivant  on  n'a  rien  acheté  à  Boulenger,  à 
Dubois,  à  Agneessens,  à  De  Braekeleer,  à  Degroux. 
Est-ce  vrai?  Eh  bien,  cela  crie  vengeance  !  Le  Musée 
moderne,  à  part  les  Stevens  (Joseph)  et  quelques  autres, 
ne  possède-  de  réels  tableaux  que  les  tableaux  des  pein- 
tres précités.  Les  commissions  des  Beaux-Arts  ont 
méconnu  ces  artistes,  qui  font  maintenant  la  gloire  de 
la  Belgique.  Ces  artistes  ont  été  pauvres  et  malheureux 
et  l'achat  des  musées  n'a  fait  généralement  que  l'affaire 
de  quelques  amateurs  ou  marchands  plus  malins.  Le 
souvenir  de  ces  nobles  artistes  devrait  peser  sur  la  con- 
science des  plumitifs  qui  ont  organisé  le  Musée  moderne 
de  l'odieuse  façon  que  l'on  sait  et  que  nous  avons  déjà 
signalée.  On  a  payé,  assure-t-on,  180,000  francs  pour  la 


Peste  de  Tournai  de  Louis  Gallait.  On  a  quasi  laissé 
mourir  de  faim  les  Boulenger,  les  Dubois  et  d'autres. 
On  a  désespéré  le  pauvre  Agneessens  ! 

Voilà  la  besogne  des  gens  qui  ont  pour  mission  de 
découvrir  les  jeunes  artistes  et  de  les  protéger.  Ce  sont 
des  aveugles.  Ils  ont  fait  leurs  preuves  d'incompréhen- 
sion totale,  d'ignorance  épaisse,  obstinée.  Ils  raccom- 
modent alors  leur  bévues  à  coups  de  billets  de  mille 
arrachés  aux  contribuables  et  dont  les  artistes  défunts 
ne  profitent  plus. 

Et  ils  continuent  leur  système.  Ils  n'achètent  qu'à 
ceux  qui  frottent  leur  lustrine  de  bureaucrate  aux 
flatteurs  des  gouvernements,  aux  lécheurs  des  bottes 
académiques.  L'artiste  qui  surgit,  nouveau,  original, 
honnête  et  sincère,  les  offusque,  les  gêne  dans  leur 
routine.  Leur  intelligence  est  inapte  à  saisir  le  neuf  et 
il  faut  attendre  des  années  pour  que  dans  la  grande 
cervelle  officielle  et  obtuse  entre  enfin  la  notion  exacte 
de  l'artiste  jusque  là  méprisé. 

Des  exemples  ?  Tous  ceux  cités  plus  haut,  et  parmi 
les  vivants,  Rops  et  Mellery. 

Et  même  les  tableaux  des  maîtres  disparus,  comment 
les  achète-t-on  ?  Voici  un  échantillon  de  leur  manière  : 
l'esquisse  de  Leys,  très  belle,  qui  se  trouve  au  Musée 
moderne,  a  été  exposée  pendant  six  mois  à  la  Salle  des 
ventes,  à  Bruxelles.  Un  marchand  de  Paris  (toujours!  !  !) 
M.  Bra...  l'y  acheta  pour  1,500  francs.  Il  la  revendit 
trois  jours  après  5,000  francs  au  Musée  moderne.  On 
n'ajoute  pas  de  commentaire  à  un  fait  aussi  odieuse- 
ment ridicule. 

Depuis  que  nous  nous  occupons  du  travail  de  ces 
Messieurs  et  de  leur  façon  de  ne  pas  protéger  l'Art  et 
les  artistes,  nous  recevons  un  tas  de  communications 
que  nous  publierons  toutes,  en  temps  et  lieu.  On  agit 
avec  la  littérature  comme  avec  la  peinture.  Tout  est 
aux  médiocres  et  aux  vils. 

Voici  une  curiosité  encore,  cueillie  dans  la  Jeune 
Belgique  : 

«  Les  habitués  du  Palai^  des  Beaux-Arts  connaissent 
la  collection  dite  d'Arenberg.  Elle  se  compose  d'une 
quarantaine  de  pièces,  achetées  en  1874,  et  forme  la 
base  de  la  galerie  des  gothiques.  On  y  remarque, 
entre  autres,  la  Cène  de  Bauts,  Jésics  chez  Simon  de 
Schoen,  la  Messe  de  saint  Grégoire,  une  magnifique 
série  de  portraits,  etc.  Ces  quarante  tableaux,  qui  sont 
à  eux  seuls  une  superbe  académie  de  chefs-d'œuvre, 
n'ont  coûté  que  90,000  francs  !  !  Chose  incroyable,  la 
commission  de  1874  refusa  de  les  acquérir  !  Il  fallut 
l'intervention  personnelle  deM.Delcour,alors  ministre, 
pour  forcer  la  main  à  la  compagnie  des  bonzes! 
En  1891,  c'est  le  contraire  qui  arrive  :  on  achète 
50,000  francs  un  Ostade,  et  c'est  la  commission  qui 
force  la  main  au  ministre  !  Le  sens  dessus  dessous  est 
complet!  » 


Voilà  la  piteuse  situation  de  la  protection  de  l'Art  en 
Belgique.  Il  faut  que  cela  cesse.  Le  vieux  fonctionna- 
risme, sénile  et  exténué,  ponssif  et  impuissant,  a 
démontré  qu'il  n'était  plus  bon  qu'à  être  mis  an  rancart, 
avec  les  instruments  de  torture  des  musées  d'archéo- 
logie. Il  n'a,  comme  ceux-ci,  jamais  servi  qu'à  faire  du 
mal.  Le  remède  à  cet  état  de  jcboses  honteux  et  depuis 
tant  d'années  néfaste,  s'indique  nécessaire  et  urgent  : 
la  démission  en  bloc  de  la  direction  et  de  la  commission 
des  Beaux- Arts.  Leur  inaptitude  a  été  largement 
démontrée. 


Nous  publierons,  dans  un  prochain  numéro,  une 
étude  sur  les  opérations  de  la  commission  des  Beaux - 
Arts  dans  les  ventes  publiques  de  ces  derniers  temps  ; 
nous  dirons  les  occasions  qu'elle  a  laissé  s'échapper,  les 
tableaux  qu'elle  aurait  dû  acheter,  et  nous  indiquerons 
toutes  les  œuvres  qui  eussent  dû  rester  dans  les  musées 
belges  et  que  les  étrangers  ont  raflées. 


LA  QUESTION  DES  MUSÉES 

CORRESPONDANCE 
Monsieur  le  rédacteur  de  l'An  moderne, 

Dans  un  de  vos  derniers  numéros  vous  racontez  que  dans  le 
tableau  d'Hobbema  qui  se  trouve  au  Musée,  le  cheval  blanc  a  été 
peint  par  M.  Nieweohuis.  Ce  fait  est  exact.  Dans  un  autre  tableau. 
Intérieur  cCéglise,  d'Emmanuel  Dewit,  une  des  figures,  celle 
appuyée  contre  le  pilier,  a  été  peinte  par  le  peintre  Florent  Wil- 
lems. 
Veuillez  agréer,  etc. 

L.  H. 
Mon  cher  M"' 

A  propos  de  l'intéressante  campagne  que  vous  menez  dans 
les  colonnes  de  votre  journal  contre  les  abus  qui  se  commet- 
tent à  la  bart>e  des  contribuables  au  Musée  ancien,  il  m'est  revenu 
à  la  mémoire  la  petite  histoire  que  voici.  Il  ne  s'agit  plus  de  la 
commission  que  vous  avez  blAmée  avec  justice,  mais  de  la  ville 
de  Bruxelles. 

Sur  une  des  maisons  de  la  Grand'Place,  celle  habitée  par 
M.  Billen,  se  trouvait  un  très  beau  vase  en  cuivre.  La  ville  ayant 
fait  restaurer  la  façade  de  cette  maison,  on  vendit  à  l'encan  les 
détritus  cl  les  débris,  parmi  lesquels  on  laissa  le  dit  vase.  Celui-ci 
fut  acquis  pour  deux  louis  par  un  de  nos  collectionneurs  bien 
connus,  M.  i.  V.  Depuis  celte  époque,  la  ville  voudrait  racheter  ce 
vase  et  a  fait  k  M.  V.  de  sérieuses  propositions. 

Que  pensez  vous,  mon  cher  M"',  de  cette  petite  histoire?  Il 
faudrait  chaque  année  voter  un  budget  pour  les  bévues  de  nos 
administrateurs. 

Bien  à  vous. 

A.  D. 


L'ART  MODERNE 


229 


LE  MAL  CADUC  DES  CONSERVATOIRES 

—  Us  en  mourront !...  Et  ce  sera  justice,  puisqu'aussi  bien 
ils  se  refusent  obstinément  à  l'inoculation  de  ce  virus  d'art  sincère 
que  d'ingénus  Pasteurs  leur  proposent  en  guise  de  curatif. 

—  Voire,  en  attendant  qu'ils  meurent  de  leur  haut  mal,  ils 
en  vivent;  et  leur  petit  commerce  continue  toujours,  qui  con- 
siste &  lancer  périodiquement  dans  la  circulation  un  contingent 
toujours  plus  compact  d'uniformes,  prétentieux  et  répulsifs 
cabots,  taillés  au  préalable  à  la  mesure  du  lit  de  Procusie  des 
traditions  consacrées.  Car  telles  sont,  au  sens  des  calamiteux  pon- 
tifes qui  les  gèrent,  la  fonction  économique  et  la  fin  dernière  du 
Conservatoire...  Tout  le  reste  n'est  que  littérature. 

—  Et  c'est  ^  cette  étonnante  conception  que  notre  curiosité 
doit  ces  exhibitions  dites  :  concours  de  déclamation  et  de  mimi- 
que, sur  lesquels  d'ingénieux  mélancoliques  comptent  (du  moins 
on  l'assure)  pour  dilater  leur  rate  rebelle  à  tous  les  excitants.  Le 
résultat  prévu  ne  leur  aura  point  manqué  cette  année  et  le  specta- 
cle était  vraiment  irrésistible  du  défilé  des  malheureux  palmivores 
qui  s'évertuaient  pendant  la  semaine  écoulée,  devant  un  public 
comateux,  collé  aux  velours  des  vétustés  fauteuils.  Casimir  Dela- 
vigne,  Eugène  Scribe  et  Emile  Augier  ont  eu  les  honneurs  de  la 
première  journée...  On  a  été  généralement  surpris  de  l'absence 
de  Ponsard  au  programme.  (Nous  aimons  à  croire  qu'il  suffira 
simplement- de  signaler  cet  oubli.)  Les  concurrents  ont  témoigné 
d'un  profond  respect  pour  les  formules  de  la  Maison  et  ont  fait 
preuve  de  la  plus  parfaite  inaptitude  à  s'évader  vers  de  person- 
nelles interprétations...  Aussi  le  Jury  s'est-il  montré  prodigue 
d'embrassements  et  de  lauriers,  et,  le  soir  même,  un  des  grands 
Aghos  qui  le  composent  nous  dévoilait  un  coin  de  son  esthétique 
dans  un  copieux  feuilleton,  où  scintillent  des  perles  comme 
celles-ci  : 

«  M'"  Baudoux  est  une  soubrette  drue  et  ronde  phytiquement, 
qui  dit  avec  naturel,  sans  beaucoup  de  verve  ni  de  mordant.  » 

«  M""  Bauvais,  qui  jouait  une  misérable  mendiante  en  belle 
robe  de  velours,  —  il  y  a  du  reste  de  la  mendicité  qui  s'exerce 
sur  le  velours  {tic)  —  a  montré  de  l'énergie...  » 

Nous  pourrions  promulguer  noire  appréciation  sur  les  journées 
suivantes  et  insister  notamment  sur  la  singularité  des  exercices  de 
télégraphie  aérienne  et  de  danse  du  ventre  qui  constituent  là-bas 
la  «  mimique  théâtrale  ».  Nous  pourrions,  i  l'exemple  des  Sama- 
ritains dont  nous  évoquions  le  souvenir,  rappeler  humblement  ces 
Grands  Malades  au  sentiment  même  de  cet  Art  qu'ils  cnlendeni 
monopoliser  et  officieliser,  en  vertu  d'on  ne  sait  quel  mandat 
mystique... 

Mais  i  quoi  bon?  Ne  sont-ils  pas  incurables  et  leur  entêtement 
ne  résistera-t-il  pas,  avec  la  pertinacilé  d'un  cul  de  plomb  récal- 
citrant à  toute  tentative  émancipatrice?...  Ils  n'ont  plus  dans 
les  artères  ni  sang,  ni  enthousiasme,  ni  émotion,  et  sont  mûti^ 
pour  la  tombe  —  qui  s'étonne  de  les  attendre  si  longtemps  ! 

Ahl  nous  croyons  bien  comprendre  le  mot  de  ce  pauvre 
maniaque  qui,  sur  le  passage  de  M.  Carnot,  s'est  écrié  l'autre  jour 
en  déchargeant  un  revolver  : 

«  NonI  toutes  les  Bastilles  ne  sont  pas  détruites!  » 

Cet  homme  pensait  évidemment  à  ces  forteresses  de  la  Béiisc 
officielle  qu'on  appelle  les  Conservatoires. 


Son  œuvre  Uthographlque.  —  Catalogne  descriptif,  par 

Jules  DBSTaSE,  avec  deux  eaui-fortes  par  M-«  Jules  Destrée  (Marie 
Danee),  gr.  in-S",  80  p.,  —  75  exempt,  numérotés,  —  à  BruxeUes 
chez  l'éditeur  Eokond  Deman,  sans  millésime. 

En  ces  derniers  temps  de  nombreux  travaux  ont  paru  sur  cet 
admirable  artiste,  un  archi-inconnu  pour  le  vulgaire,  — un  archi- 
détraqué  pour  les  trois  quarts  de  ceux  qui  connaissent  ses  œuvres, 
—  un  prodigieux  esprit  pour  quelques  esthètes. 

Récemment,  dans  les  Hommes  d'aujourd'hui,  la  curieuse  publi- 
cation de  Vanier  qui  débite  les  silhouettes  des  illustres  avec  la 
régularité  d'une  presse  typographique,  Charles  Morice,  notre 
confrère,  écrivait  : 

«  Le  grand  expressif  de  la  Tristesse,  de  la  Douleur,  du  Déses- 
poir, avec  une  spirituelle  Pitié  qui  reste  sereine  au  sein  même  du 
plus  intense  trouble;  le  témoin  pensif  de  la  vie  qui  se  cherche  et 
de  celle  qui  se  dépasse,  d'avant  et  d'après  la  norme;  le  fastueux 
artiste  qui  trouve  sa  joie,  en  dépit  des  mélancoliques  apparitions 
dans  les  somptuosités  délicates  des  couleurs  toutes  dites  par  des 
gammes  d'harmonies  de  blanc  et  de  noir.  Ce  solitaire  à  l'esprit 
semblerait-il,  plutôt  du  Nord,  naquit  (d'un  père  français  et  d'une 
mère  créole)  en  plein  Midi,  à  Bordeaux,  en  1840,  en  plein  bruit 
de  triomphe  romantique. 

«  Redon  exposa  pour  la  première  fois  en  1881  à  la  Vie  Moderne. 
Il  adoptait  le  système  des  expositions  restreintes  et  sans  caractère 
officiel.  On  le  revit  à  la  salle  des  dépêches  du  Gaulois  en  1882 
aux  Indépendants  et  rue  Laffitte  en  1866,  puis  aux  .ZXde  Bruxel- 
les, aux  Peintres-Graveurs,  aux  Trente- Trois.  Ce  fut  pour  la  presse 
l'occasion  de  folles  plaisanteries  et  de  piressilences.  On  faisait  de 
comiques  commentaires  à  celle  œuvre  désolée  :  ce  n'est  pas  la 
forme  ni  la  déformation  qu'on  attaquait,  c'est  l'inlention  qu'on 
suspectait,  c'est  le  métier  qu'on  prétendait  enseigner  au  Maîlre. 
Quelques  bonnes  voix  prolestèrent  :  J.-K.  Huijsmans  de  qui 
dans  A  Rebours  on  peut  lire  de  belles  pages  consacrées  à  Odilon 
Redon;  Emile  Hennequin,  le  plus  pénétrant  et  rigoureux  analyste 
de  notre  temps  :  il  ne  parlera  plus,  sa  pensée  lui  survit  ;  Gefl'roy, 
autorisé;  des  publicistes  hollandais  et  belges.  Disons  à  l'honneur 
de  ces  voisins  —  non  pas  au  nôlre  —  que  chez  eux  Odilon  Redon 
obtient  à  peu  près  les  suffrages  qu'il  faut.  » 

A  peu  près  les  suffrages  qu'il  faut  !  Pour  lâcher  cette  phrase  de 
justice  approximative,  M.  Charies  Moricedevait  ignorer  les  remar- 
quables études  successivement  publiées  par  noire  compatriote  Jules 
Désirée  et  qu'il  a  réunies  dans  le  livre  dont  nous  rendons  conipie. 
Rarement  un  grand  artiste  a  eu  la  chance  d'être  fouillé,  dans  ses 
œuvres,  avec  une  plus  pénétrante  minutie,  avec  une  •compréhen- 
sion plus  haute  de  son  génie.  C'est  l'élude  d'un  fervent,  d'un 
pieux,  qui  a  compris  sa  divinité  et  l'exalte  avec  amour. 

Catalogue  descriptif!  Procédé  parfait  pour  juger  le  labeur  d'un 
artiste.  Ses  œuvres  énumérées,  méthodiquemenl  groupées  ;  mais 
la  sécheresse  calalogale  immédiatement  ornée  de  subtils  com- 
mentaires, de  descriptions  attachantes,  de  remarques  ingénieuses 
projetant  des  rayons  dans  la  philosophie  de  l'an,  dans  l'histoire 
de  l'art,  partout  où  vont,  par  des  projections,  la  fantaisie,  la 
science,  la  raison  de  l'écrivain,  abondamment  et  avec  une 
grande  aisance  de  pensée  et  de  plume. 

Quatre  vingt  treize  lithographies  d'Odilon  Redon  sont  ainsi 
analysées  sans  un  instant  de  faligue  pour  le  lecteur,  marchant  en 


^■,/i":'^!B^fSi^-!:i3i;^s5  ?<  > 


230 


L'ART  MODERNE 


ce  musëe,  au  son  ininterrompu  de  l'écriVain-cicerone  expliquant, 
signalant,  dépliant  les  œuvres,  révélant  leur  symbolisme,  déga- 
geant peu  à  peu  leur  portée  et  leur  gloire.  Quatre  vingt  treize  de 
ces  oeuvres  étranges,  d'un  art  à  première  vue  si  ésoiérique  que 
Jules  Désirée  à  cru  devoir  y  attacher  celle  épigraphe  douce-amère, 
empruntée  au  philosophe  inconnu  Claude  de  Sl-Marlin  :  «  Il 
«  est  trop  loin  des  idées  humaines  pour  que  j'aie  compté  sur  son 
K  succès.  J'ai  senii  souvent  que  je  faisais  là  comme  si  j'allais 
«  jouer  des  valses  et  des  contred|nse8  dans  le  cimetière  de  Nont- 
u  martre,  où  j'aurais  beau  foire  aller  mon  archet,  les  cadavres 
«  n'entendraient  aucun  de  mes  sons  et  ne  danseraient  point.  » 

Il  n'y  a  que  soiiante-quinze  exemplaires  de  ce  catalogue.  Fidèle 
au  dédain  mérité  donjl  nos  écrivains  enveloppent  le  public  belge, 
Jules  Oesirée  a  tiré  à  petit  nombre.  Cela  importe  peu  pour  la 
diffusion  des  idées.  Chez  nous  la  mission  de  faire  progresser  l'art 
appartient  à  une  élite  de  quelques  douzaines  d'esprits.  Ce  qu'ils 
décident  (l'histoire  de  ces  vingt-cinq  dernières  années  l'atteste) 
devient  fatalement  l'opinion.  Kn  vain  les  taxe-t-on  d'orgueil  ou 
d'excentricité,  rien  n'y  fait,  leurs  jugements  triomphent.  La  doc- 
trinaire critique  fonctionne  inutilement  pour  tâcher  de  préser- 
ver la  rouiine  :  elle  est  ânalement  toujours  trahie  par  ses  lecteurs 
et...  par  elle-même,  car  ces  bonzes^  un  à  un,  se  convertissent. 

Pour  quiconque  a  la  chance  de  posséder  ce  livre,  un  hommage 
spécial  va  de  la  pensée  aux  lèvres  en  l'honneur  de  M""  Marie 
Danse,  compagne  de  Jules  Destrée,  qui  l'inaugure  et  le  clôt  par 
deux  très  belles  eaux-forles,  des  meilleures  burinées  en  Belgique. 
Ce  sont  des  motifs  de  sculpture  vus  quelque  part  en  voyage  et 
interprétés  avec  une  puissance  qui  dépasse  fort  l'ordinaire  fémi- 
nité. C'est  comme  une  répercussion  des  sensations  que  donne  l'art 
de  Redon.  La  jeune  femme  s'y  révèle  la  très  intellectuelle  colla- 
boratrice de  son  mari. 


EXPOSITION  INTERNATIONALE  DE  PHOTOGRAPHIE 

Les  salles  du  Musée  abandonnées  aux  expositions  particulières 
sont  présentement  tapissées  de  photographies.  11  y  en  a  de  tout 
format  et  de  toutes  nuances.  Les  portraits  voisinent  avec  les 
paysages  et  les  marines.  Les  «  instantanés  »  font  la  nique  aux 
solennels  clichés  de  jadis,  pour  lesquels  il  fallait  plusieurs 
secondes  de  pose,  —  un  siècle  I  Les  épreuves  aux  sels  d'argent 
coqueltent  avec  les  antiques  procédés  au  charbon,  et  dans  un 
coin  un  appareil  de  daguerréotype,  dalanl  de  i843,  contemple 
avec  stupeur  les  instruments  perfectionnés,  les  chambres  noires 
en  noyer  ciré  et  en  acajou  poli,  garnies  de  nickel  ou  d'aluminium, 
menues  et  gaies  il  l'œil  comme  des  joujoux,  les  lanternes  d'agran- 
dissement, les  obturateurs  à  déclenchement  pneumatique  les 
viseurs,  les  châssis,  les  plaques  entassés  dans  des  vitrines. 

Tout  est  actuellement  simplifié  ^  tel  point  qu'il  devient  difficile 
de  ne  pas  faire  de  bonnes  photographies.  L'an  du  photographe 
réside  presque  exclusivement  dans  le  choix  des  sujets  à  repro- 
duire, dans  la  «mise  en  pages»,  dans  le  temps  de  pose  à  calculer 
selon  l'intensité  de  la  lumière.  Aussi  les  amateurs  arrivent-ils 
fréquemment  it  dépasser  les  «  professionnels  »,  et  tandis  que  ces 
derniers  s'attardent  en  de  matérielles  images,  tel  photographe 
improvisé,  homme  de  goût  et  esthète,  tire  des  épreuves  qui  sont 
de  véritables  œuvres  d'art. 

Voyez,  par  exemple,  les  envois  de  M.  Hector  Colard,  à  qui  est 
dû   principalement  l'installation  élégante  de  l'Exposition.  Ses 


agrandissements  an  gélatino-bromure,  son  kakémono,  ws  éludes 
d'animavx,  sa  «  Vague  »,  ses  titee  maritimes  des  cAtes  de  France 
sont  choisis  avec  on  diseeraemeiii  parCiil  et  reprodails  vnt  une 
èiitente  rare  du  temps  de  pose.  Tels  antres  amalenrs,  M.  Lun- 
den,  par  exemple,  en  ses  instantanés  directs  imprimés  sar  papier 
Liesegang  et  sur  celloTdine,  M.  Christiaen,  en  ses  agrandisse- 
ments sur  Eastman,  H.  Storms,  en  ses  pistinotypies,  M.  Colon, 
M.  Selb,  qui  expose,  permis  d'autres  photographies,  des  vues 
superbes  de  l'Exposition  universelle  de  Paris,  obtiennent  des 
résultats  absolument  remarquables,  très  supérieurs  aux  épreuves 
des  photographes  patentés,  ayant  plaque  sur  me. 

Parmi  les  envois  de  ces  derniers,  lirons  Ibéanmoins  hors  pair 
les  instantanés  directs  il  l'éclair  magnésique  et  les  agrandisse- 
ments d'instantanés  pris  au  cours  des  grandes  manœuvres  de 
1889  et  de  1890  par  M.  Alexandre,  le  plus  artiste  de  nos  photo- 
graphes; les  sites  d'hiver  de  M.  Edmond  Sacré,  de  Gand;  les 
agrandissements  au  gélatino-bromure  de  HN.  Morgan  et  Kidd. 

Les  applications  de  la  photographie  il  la  science  fournissent  b 
l'Exposition  un  contingent  varié  et  intéressant.  En  premier  ordre, 
citons  les  microphotographies  de  graines  exposées  par  le  labora- 
toire communal  de  Courtrai,  celles  du  docteur  Rosier,  de  Flo- 
rence, etc. 

Cette  curieuse  exposition,  la  plus  importante  et  la  plus  belle 
qui  ait  été  réunie  jusqu'ici  à  Bruxelles,  est  complétée  par  une 
bibliothèque  considérable  d'ouvrages  et  de  revues  sur  la  photo- 
graphie, qui  commence  à  avoir  toute  une  littérature,  par  une 
collection  de  phototypies  excellentes,  parmi  lesquels  le  magni- 
fique ouvrage  de  M.  Van  Ysendijck  sur  l'Art  daiu  les  Pays-Bas, 
publié  par  M.  J.  Maes,  etc. 

On  y  rencontre  même  une  solution,  encore  incomplète,  il  est 
vrai,  mais  déjii  impressionnante,  de  l'alléchant  problème  de  la 
photographie  des  couleurs  :  le  prisme  solaire  fixé,  oui  I  fixé  I  sur 
une  plaque  de  verre,  et  suffisamment  distinct  pour  donner  l'es- 
pérance qu'un  inventeur  franchira  bientôt  le  dernier  pas... 


|jlVI\Eg    ET    BROCHURE? 

Llntmae  et  !•■  At«iic1««  deHAimiCE  HimiiLniCK,  viennent 
d'être  tradniu  en  anglais  par  M"*  Hàiit  Viblé  et  publiés  i 
Washington,  chez  M.  William  H.  Morrison,  avec  cette  mention  : 
Only  authorixed  tramlatùm.  Très  coquette  édition  en  145  pages 
dans  le  format  de  l'édition  originale. 

Mais  pourquoi,  citant  Octave  Mirbeau  dans  l'annonce  d'une 
imminente  traduction  de  la  Princesse  Maleine,  M"*  Vielé 
l'appelle-t-elle  Victor?  Serait-ce  la  traduction  d'Octave  en  anglais? 

Le  sort  de  Maeterlinck  est,  paratt-il,  d'être  traduit  par  des 
femmes.  M"*  de  Vries,  de  La  Haye,  vient  d'achever  la  traduction 
en  hollandais  de  la  Princesse  Maleine.  Cette  œuvre  est  encore 
inédite. 


Crlspl,  Bismarck  et  la  Tr^jtle  alliance  en  carlcatores, 

titre  d'un  très  amusant  volume  dans  lequel  un  spécialiste, 
M.  JoBN  GRAin>-CARTSRET,  décrit  la  vie  de  ceux  qu'il  nomme 
«  les  trois  compères  »  par  les  images  publiées  i  leur  sujet  dans 
les  journaux  satiriques  italiens,  français  et  autres.  M.  John 
GRAM>-CARTEnET  a  trouvé  ce  moyen,  original  et  certes  plus  spi- 
rituel que  les  procédés  habituels,  d'écrire  l'histoire.  En  cent  qua- 


«";•;.  '-f  "^.jy  ,">,.'-r 


L'ART  MODERNE 


231 


raate  planche*  déâlent,  épingles  de  commentaires  plaisants,  les 
grands  et  menus  incidents  de  la  «  Triplice.  »  Crispi  surtout  a 
étéfuellé  par  les  dessinateurs  à  l'affût.  Et  son  image  reparaît  de 
face,  do  dos,  de  profil,  debout,  couchée,  en  bateleur,  en  ténor, 
en  gymnaste,  en  César,  en  danseur,  en  prima  donna,  en  père 
noble,  même  en  pifferaro  et  en  cirenr  de  bottes,  à  toutes  les  pages 
du  livre,  tandis  que  fiismarck  et  Tisza  semblent  quelque  peu 
dél^issés.  11  est  vrai  que  Bismarck  a  déjà  fourni  ii  M.  Grand- 
Caktuibt  un  volume  complet.  Quand  au  minisire  autrichien,  son 
tour  viendra  sans  doute. 

Collectionner  tontes  ces  images,  les  classer,  en  tirer  la  vie  et 
l'intérêt  n'était  pas  chose  facile.  Aussi  faut-il  louer  l'auteur  de  sa 
patiente  et  attrayante  entreprise.  (Paris,  Ch.  Delagrave.) 

• 

*  * 

En  quinze  pages  d'one  écriture  élégante,  M.  Camillb  Benoit 
décrit  la  Onutd*  MeMe  en  si  mineur  de  Jean-Sébastien  Bach, 
jouée  ce  printemps  k  Paris  et  connue  des  habitués  de  notre  Con- 
servatoire. Ce  chef-d'œuvre  a  la  fortune  —  rare  —  d'être  analysé 
par  un  artiste  érudit  et  très  compétent.  M.  Camille  Benoit  a  choisi 
comme  épigraphe  celte  phrase  de  Richard  Wagner  :  u  Dans  ces 
œuvres  magistrales,  dans  ces  œuvres  uniqnes,  toute  l'essence, 
toute  la  substance  de  l'esprit  allemand  se  trouve  incamée  ». 
(Paris,  imprimerie  de  l'An). 

•  * 

Nous  avons  reçu  de  M.  Léon  Lobet,  président  de  l'œuvre  des 
Soirées  Populaires  de  Verviers,  uoe  brochure  dont  il  est  l'auteur 
sur  l'HypnotisaM  en  Belgique  et  le  projet  de  loi  tournis  aux 
chambra  l/gislatives.  Nous  nous  bornons  ti  signaler  cet  opus- 
cule, dont  l'objet  sort  du  cadre  de  notre  critique.  (Verviers, 
V*  J.-P.  Massin). 

»  ♦ 

Même  observation  6  propos  d'une  étude  sur  Heary  M.  Stan- 
ley, par  M.  Ed.  Kehfyser.  (Bruxelles,  H.  Mommens). 

•  * 

De  M.  Albert  Dotrt  a  paru  récemment  une  brochureite  de 
28  pages  :  La  Jenne  fille  daaa  l'Art.  L'auteur  cite  Eugène 
Demolder,  Théophile  Gautier,  Francis  Nautel,  Michel-Ange,  José- 
phin  Péladan,  Mr.  Grant  Allen,  Jef  Lambeaux,  Félicien  Champ- 
saur,  Jean  Dolent,  A.-J.  Wauters,  Alphonse  Daudet,  Jean  Rous- 
seau, Jules  Claretie,  Vanaise,  Louis  Ensuit,  Louis  de  Taeye, 
H*M  Léon  Bertaox,  Sully  Prudhomme  et  une  jeune  fille  anonyme. 

Jules  Huret  loi-même  est  distancé,  lui  qui  n'a  osé  interviewer 
que  des  vivants.  (Gand,  A.  Siffer).  ' 

* 
•  » 

Dlocletta  et  Salona,  par  M.  CHAnuts  Buls.  -—  Bruxelles, 
Vromant  et  O',  1891,  in-S",  12  pages. 

Dans  celte  notice  extraite  des  Annales  de  la  Société  darchéo- 
logie  de  Bruxelles,  l'auteur  décrit  les  mines  de  Diocletia  et  de 
Salona  (Spalalo),  qu'il  a  visitées  an  cours  d'un  voyage  dans 
l'Adriatique.  U  fait  succinctement  l'historique  de  ces  deux  anti- 
ques cités  et  détaille  ensuite,  avec  une  érudition  d'archéologue, 
les  fragments  d'architecture  romaine  qu'il  y  a  rencontrés.  L'opus- 
cule, œuvre  d'un  amateur  de  curiosités  et  de  voyages,  d'un  esprit 
net  et  pénétrant,  est  irès  inléressanL 

Citons  enfin  :  Le  Labeur  de  U  prose,  bonne  étude  publiée 
par  M.  GosTAVB  Abèl  dans  la  Revue  universitaire,  et  qui  est 


mieux  qu'une  «  mosaïque  de  citations  »,  comme  l'intitule  modes- 
tement l'auteur. 

Sa  conclusion,  c'est  que  les  plus  grands  écrivains  ont  trimé 
sur  leurs  phrases,  asservis  à  leur  travail  comme  des  artisans  et 
des  manœuvres.  Ceci  à  tilre  de  leçon  et  d'exemple.  (Gand, 
A.  Dullé). 


ARCHÉOLOGIE 

Les  fonUles  du  cimetière  fi^anc  d'Anderlecht. 

La  Société  d^ Archéologie  de  Bruxelles  vient  de  terminer  les 
fouilles  du  cimetière  franc  d'Anderlecht,  qu'elle  avait  commencées 
l'année  dernière.  Les  recherches,  faites  avec  le  plus  grand  soin 
malgré  de  fréquentes  Intempéries,  ont  élé  dirigées  par  MM.  Georges 
Cumonl,  le  baron  Alfred  de  Loë,  Paul  Combaz,  Charles  Dens  et 
Jean  Poils.  En  1890,  une  soixantaine  de  tombes  avaient  élé  explo- 
rées; une  cinquantaine  ont  encore  élé  découvertes  pendant  le 
cours  des  travaux  actuels. 

Les  guerriers  francs,  enlerrés  avec  leurs  armes  et  leurs  usten- 
siles, ont  ordinairement  à  c6lé  d'eux  un  fer  de  lance,  une  hache 
ou  francisque,  de  petits  ou  de  grands  couteaux,  quelquefois  des 
javelots,  de  grandes  épées  à  deux  tranchants,  plus  rarement  des 
angons  ou  l'umbo  d'un  bouclier.  L'extrémité  en  bronze  du  four- 
reau d'une  de  ces  épées  a  été  retrouvée  et  ce  bronze  porte  encore 
des  traces  de  dorure.  Sept  de  ces  grandes  épées  ont  été  exhumées 
cette  année-ci. 

Parmi  les  ustensile»,  signalons  :  des  fers  de  briquets  accom- 
pagnés d'un  silex  quelquefois  emprunté  aux  instruments  préhis- 
toriques de  l'époque  néolithique,  des  poinçons,  des  ciseaux,  des 
aiguilles  en  bronze,  des  pinces  i  épiler,  des  peignes  avec  gaine, 
des  boucles  en  bronze  aux  dessins  bizarres,  des  boutons  ou  rivets 
et  aussi  des  gobelets  en  verre  d'un  travail  très  remarquable,  sou- 
vent même  très  artistique.  C'est  à  se  demander  si  ces  verres  si  déli- 
cats et  aux  formes  si  capricieuses  n'ont  pas  élé  fabriqués  par  d'autres 
que  par  Tes  Francs.  En  tout  cas,  le  peuple  qui  manipulait  ces  verres 
si  minces  ne  devait  pas  être  aussi  barbare  et  aussi  rude  que  les 
Romains,  ses  ennemis,  nous  l'ont  sans  doute  inlenlionnellement 
dépeint.  Le  cimetière  franc  d'Anderlecht  est  particulièrement 
riche  en  verres  de  toutes  les  formes,  depuis  la  flûte  sans  pied 
jusqu'à  la  soucoupe  ornée  de  filets  blancs.  Des  verres  ont  élé  ren- 
contrés aussi  bien  dans  des  tombes  de  femmes  que  dans  des 
lombes  d'hommes.  Les  Francs,  qui  étaient  grands  buveurs,  comme 
tous  les  Germains,  tenaient  beaucoup  i  partir  avec  leurs  verres 
pour  l'autre  monde,  et  ces  verres  n'avaient  pas  de  pied  ou  un 
pied  très  petit,  pour  obliger  le  buveur  à  les  vider  d'un  Irail  et 
jusqu'au  fond. 

Les  femmes  étaient  ensevelies  avec  leurs  atours  :  broches  en 
verroterie  rouge  cloisonnée,  boucles  d'oreille,  bracelels,  boucles 
de  ceinture,  joyaux,  colliers  formés  de  grains  d'ambre,  de  perles 
en  pâle  ou  en  verre. 

La  femme  franque,  qui  était  bonne  ménagère  et  qui  devait  filer 
et  lisser  les  vêtements  de  sa  famille,  emportait  dans  la  tombe  ses 
ciseaux,  son  petit  couteau  de  ménage,  ses  poinçons,  son  aumô- 
nière  et  aussi  le  peson  de  son  fuseau  ou  de  son  métier  à  lisser. 

Les  proches  avaient  soin  de  déposer  aux  pieds  du  mort  un  ou 
plusieurs  vases  contenant  probablement  des  provisions  de  bouche 
pour  le  dernier  voyage  (des  os  de  bœuf  ou  de  porc  se  trouvent 
quelquefois  il  proximité  de  ces  vases).  Ces  vases  ont  des  formes 


232 


L'ART  MODERNE 


bien  délerminées,  mais  le  cimetière  d'Anderlecbt  a  donné  quel- 
ques vases  dont  l'aspect  s'éloigne  du  type  habituel.  Certains  vases 
sont  de  fabrication  gallo-romaine,  ce  qui  indique  les  relations 
suivies  des  Francs  avec  les  populations  au  milieu  desquelles  ils 
s'étaient  établis  en  conquérants.  Un  bassin  en  bronze  a  été  décou- 
vert dans  la  tombe  d'une  femme. 

Le  mobilier  des  tombes  était  en  rapport  avec  le  rang  social  du 
défunt  et  indique  en  quelque  sorte,  sa  profession.  Les  grands  per- 
sonnages étaient  généralement  enterrés  avec  plus  de  soin  et  à  une 
plus  grande  profondeur  (l^.SO)  que  les  gens  d'humble  condi- 
tion. Très  souvent  le  corps  était  entouré  de  gros  moellons,  ce  qui 
semble  exclure,  dans  ce  cas,  l'usage  d'un  cercueil.  Une  tombe 
renfermait  cependant  des  restes  bien  évidents  de  cercueil. 

Les  fosses,  orientées  de  l'est  à  l'ouest,  étalent  comblées  de 
débris  provenant  d'une  villa  romaine  saccagée  et  brûlée  qui 
avait  existé  non  loin  de  l'emplacement  du  cimetière;  parmi  ces 
débris,  d'innombrables  morceaux  de  tuiles  et  de  poteries.  Lorsque 
la  tombe  n'était  [ias  profonde  (50  cenlimèlres)  on  accumulait,  à 
dessein,  des  pierres  à  la  surface  pour  empêcher  les  bêtes  fauves 
de  dévorer  les  cadavres;  la  tête  du  mort  était  placée  dans  la  direc- 
tion de  l'Ouest  et  regardait  le  Levant.  Parmi  les  débris  de  la  villa, 
quelques-uns  sont  assez  intéressants  :  citons  entre  autres  une 
broche  gallo-romaine  du  iv«  siècle,  en  bronze  partiellement 
émaillé. 

Le  cimetière  franc  d'Anderiecht  est  de  création  plus  récente.  Il 
date  probablement  du  vi"  et  même,  en  partie,  du  vu"  siècle,  mais 
aucune  monnaie  de  cette  époque  n'a  été  trouvée  jusqu'ici  dans  les 
tombes;  celles-ci  n'ont  donné  qu'un  moyen  bronze  de  Tibère  et 
un  grand  bronze  de  Vespasien.  Ces  pièces  ne  peuvent  évidem- 
ment nous  renseigner  sur  l'ancienneté  du  cimetière. 

Tous  les  objets  découverts  celte  année  à  AnderlechI  ont  été 
gracieusement  abandonnés  à  la  Société  d'archéologie  de  Bruxelles 
par  M.  Monnoyer,  qui  exploite  la  terre  à  briques  dans  laquelle 
ont  été  faites  les  inhumations  dont  il  vient  d'éire  question. 

Terminons  en  émettant  le  vœu  que  le  gouvernement  prête 
bientôt  à  l'active  société  bruxelloise  un  local,  afin  qu'elle  puisse 
y  exposer  ses  collections  archéologiques  en  même  temps  que  ses 
curieuses  trouvailles  d'Anderiecht. 


CONCOURS  DU  CONSERVATOIRE  (') 

Tragédie  et  comédie  (jeunes  filles).  —  Professeur  :  M"'  J.  Tor- 
DEUS.  \"  prix,  M""  A.  Guilleaume  et  De  Haene;  2'  prix.  M"" 
Bauvais,  Baudoux,  Dubreiicq. —  (Hommes).  Professeur  :  M.  Mon- 
ROSE.  \"  prix,  M.  Rosseels.  Diplôme  de  capacité  avec  la  plus 
grande  distinction,  M""  Parj's. 

Dans  les  concours  préparatoires,  M"«  Subra  a  obtenu  une  pre- 
mière mention  avec  distinction;  M"«  Vliex,  une  première  mention, 
M""  Bady  et  Dclecœuillerie,  une  seconde  mention.  MM.  Noél  et 
Vandeoplas  ont  remporté  la  première  mention,  M.  Dulier  la 
seconde. 

Mimique  théâtrale  (à  huis  clos).  —  Professeur  :  M.  Vermandele. 
1"  prix  avec  distinction.  M"'  A.  Guilleaume;  \"  prix.  M""  Bau- 
vais, Dandumonl  et  Subra;  2"  prix  avec  distinction,  M.  Noél; 
2"  prix.  M""  Van  Damme,  De  Haene,  Van  Hoof;  MM.  Coryn  et 
Verboom;!" accessit.  M""  Hasselmans,  Thévenet  ;  MM.  Ceuppens 
et  Vandenpias. 

(1)  Suite  et  fin.  Voir  nos  quatre  derniers  numéros. 


Contre-point  et  fugue  (k  huis  clos).  —  Professeur  :  M.  Kdffb- 
RiTH.  Division  inférieure.  —  S*  prix,  M.  Declercq. 
Division  supérieure .  —  2*  prix  avec  distinction,  M.  Lunssens. 


pETITE    CHROf{IQUE 


'  Aux  concerts  du  Waux-Hall,  très  suivis  depuis  que  la  tempéra- 
ture tiède  incite  aux  flâneries  sous  les  ombrages,  se  font  entendre 
des  cantatrices,  des  chanteurs,  des  virtuoses  de  l'archel.  On  a 
applaudi  entre  autres  M"<»  Dyna  Beumer,  Milcamps,  Loewensobn, 
B.  Chainaye,  Van  Ackere.  Cette  dernière  a  produit  une  grande 
impression  dans  l'interprétation  de  l'air  de  la  Juive  et  dans  celui 
d'Hérodiade.  On  sent  chez  la  jeune  artiste  un  véritable  tempéra- 
ment dramatique,  secondé  par  une  voix  d'un  timbre  superbe. 

M.  Hans,  altiste,  fraîchement  sorti  du  Conservatoire  ob  il  a 
remporté  le  diplôme  de  capacité,  a  joué  ces  jours-ci,  avec  beau- 
coup de  sûreté  et  de  goût,  des  Dame*  polonaitet  de  M.  L.  Wallner 
et  un  morceau  de  concert  de  M.  Lapon,  deux  œuvTes  inédiles  fort 
bien  écrites  et  d'an  intérêt  musical  sérieux.  Elles  ont  été  excel- 
lemment jouées  par  M.  Hans  et  par  l'orchestre. 

Jeudi  dernier,  nouvelle  attraction.  M.  Poncelet,  l'excellent  pro- 
fesseur du  Conservatoire,  présentait  au  public  dix-huit  clarinet- 
tistes, jouant  avec  un  ensemble,  une  justesse  et  un  sentiment  des 
nuances  tout  à  fait  remarquables.  On  sait  que  M.  Poncelet  a  com- 
plété la  famille  des  clarinettes,  qui  s'échelonnent  désormais  en 
un  quatuor  complet.  Le  Rive  d'enfant  de  Scbumann,  le  Mouve- 
ment perpétuel  et  l'Invitation  à  la  Valte  de  Weber,  —  ce  dernier 
morceau  ajouté  au  programme  à  la  sollicitation  des  auditeurs,  a 
donné  aux  virtuoses  l'occasion  de  prouver  un  talent  souple  et 
sûr.  M.  Hublard,  premier  prix  de  cette  année,  avait,  dans  la  pre- 
mière partie  du  concert,  exécuté  un  concerto  de  Koene  qui  lui 
valut  un  vif  succès. 

Voici  la  distribution  définitive  des  trois  drames)  de  Wagner 
dont  les  représentations  commencent  aujourd'hui  même  à  Bay- 
reuth  : 

Partifal  : 

ParsifaI  :  MM.  Van  Dyck  et  Grûning. 

Gumemanz  :  MM.  GrengetWiegand. 

Amfortas  :  HM.  Reichmann  et  Scheidemantel. 

Klingsor  :  MM.  Fuchs  et  Plank. 

Kundry  :  M""'  Mcilbac,  Malien  et  Materna. 

Triitan  et  heult  :  ' 

Tristan,  M.  Alvary;  Marke,  M.  Wiegand  ;  Kurvenal,  M.  Plank; 
Iseult,  H"°  Sucher;  Brangaene,  M°>*  Slaudigl. 
Tannhauser  : 

Le  landgrave,  M.  Doring;  Tannhauser,  MM.  Alvary  et  Van 
Dyck;  Wolfram,  MM.  Reichmann  et  Scheidemantel;  Walther, 
M.  Grûning;  Biterolf,  M.  Lipe;  Henri,  M.  Zeller;  Reinmar, 
H.Scblosser;  Elisabeth  (pas  encore  annoncé);  Vénus,  M"**Meilhao 
et  Sucher;  le  Pâtre,  M"««  de  Abna  et  Hertzog. 

-  La  direction  des  scènes  chorégraphiques  a  été  confiée  à 
M"'  V.  Zuccbi.  

L'Art  dans  Ut  Deux-Monde*  cesse  de  paraître  avant  d'avoir 
achevé  sa  première  année  d'existence.  C'est  k  regret  que  nous 
annonçons  cette  disparition  d'un  journal  qui  avait,  d'emblée, 
conquis  les  sympathies  du  monde  artiste  par  sa  critique  ialelli- 


L'ART  MODERNE 


233 


génie  et  documentée.  Les  trente-quaire  numéros  parus  demeure- 
ront précieux  b  feuilleter.  Ils  contiennent  des  notes  intéressantes, 
avec  fttc-timiU  k  l'appui,  sur  Puvis  de  Cbavannes,  Renoir,  Claude 
Honet,  Degas,  Pissarro,  Sisley.Rodio,  miss  Cassati,  M***  Morisot, 
—  l'honneur  de  l'art  contemporain. 

La  naïveté  des  reporters  est  parfois  désarmante.  Exemple,  cet 
extrait  de  correspondance  parisienne  adressée  à  un  journal 
bruxellois  : 

«  La  formule  du  drame  lyrique  pur  n'a  pas  jusqu'à  présent  su 
s'imposer  autrement  que  sous  le  patronage  de  Richard  Wagner  — 
et  encore,  de  plus,  le  Rêve  présente  cette  innovation  que  les 
personnages  j/  sont  faits  iun  vetlon,  d'un  pantalon  et  d'un  faux- 
col,  comme  vous  et  moi  (I),  et  cela,  c'est  plus  hardi,  plus  nouveau, 
plus  indépetulant  que  la  formule  du  drame  lyrique  pur  (!I). 

u  Donc,  dans  une  certaine  mesure,  M.  Bruneau  a  été  crftne; 
honneur  aux  braves,  même  quand  ils  se  trompent  et  M.  Bruneau 
s'est  trompé. 

«  Il  a  ouvert  la  route  à  d'autres,  à  M.  Chabrier  en  parti- 
culier (Ht)  qui,  probablement,  n'hésitera  plus  maintenant  A  nous 
donner  la  Olu,  etc.  ». 


M.  Bruneau  ouvrant-  la  voie  du  drame  lyrique  à  l'auteur  de 
Owendoline  et  de  Briséis,  c'est  ce  qu'on  eût  nommé  un  «  comble  », 
au  temps  où  le  jeu  des  «  combles  »  était  it  la  mode. 

L'inexorable  Willy  dit  fort  justement,  à  ce  propos,  dans  un 
excellent  feuilleton  de  V Avenir  dramatique  :  «  De  grâce,  que  l'on 
cesse  de  répandre  parmi  les  foules  naïves  cette  légende  de  Saint- 
Bruneau,  gonfalonier  de  la  Jeune-Ecole.  Les  élèves  de  César 
Franck  —  car  c'est  eux  que  l'on  vise,  les  autres  ne  comptent 
guère  —  n'ont  jamais  prié  le  musicien  du  Rive  de  jouer  la  partie 
n  leur  nom,  et  l'avenir  du  drame  musical  en  France  ne  dépend 
en  rien  des  recettes  que  peut  procurer  à  M.  Carvalho  le  conscien- 
cieux opéra  d'un  musicien  d'avenir,  c'est  entendu,  mais  sans 


«  Quand  Vincent  d'Indy  donnera  une  œuvre  au  théâtre,  la  tenta- 
tive —  heureuse  ou  non  —  sera  d'une  toute  autre  importance,  et 
ce  jour  là,  illa  dies!  l'école  Franckaise,  comme  on  l'appelle, 
s'écriera  (à  l'unisson)  :  Voilà  ce  que  nous  voulons!  Jugez-nous, 
jugez  par  cette  oeuvre  noire  but,  nos  tendances  !...  » 


Le  tournoi  que  nous  reproduisons  ci-dessous,  d'après  un  dessin  de 
Hans  Schauffelein,  sert  à  illustrer  un  poème  chevaleresque  allemand,  au 
catalogue  Deman  du  présent  mois  de  juillet.  La  joule  annoncée  pour 
dimanche  prochain  lui  donne  un  intérêt  spécial  d'actualité. 

L'autre  vignette  est  le  très-joli  titre  du  Roman  de  la  Rose,  édition 
de  1S38  à  la  «  fleur  de  lys  ». 


brfa|?ofritouueffemmt  rrueu 
ttcotïiaeomttreCee  pie 

VitfÇiont . 


fl  fmfeistKbt  fa  f f  cur  befpe . 


ONZIÈME  ANNÉE 

Li'ART  M0DE!IINE  s'est  acqnis  par  l'antorité  et  l'indApeDdanoe  de  sa  critique,  par  la  rariM  de  Ma 
informations  et  les  soins  donnés  à  sa  rédaction  une  place  prépondérante.  Aaeone  manifestation  de  TAi%  ne 
lui  est  étrangère  :  il  s'occape  de  llttAratore,  de  peintnre,  de  sonlptore,  de  gmwmr9t  de  Bwwdqae, 
d'archltectare,  etc.  Consacré  principalement  au  monvement  artistique  belge,  il  renieigne  Dianmoios  aes 
lectenrs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  Tétranger  qa'il  importe  de  eonaaitre. 

Chaque  numéro  de  la'ART  MODERNB  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  question  artistique 
ou  littéraire  dont  l'événement  de  la  semaine  fournit  l'aotuallté.  Les  expotitiont,  les  livrf$  nouveaux,  les 
premières  représentation*  <d 'œuvres  dramatiques  on  musicales,  les  confifreneet  lUtéraira,  les  concert*,  les 
tente*  dobjets  cTart,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaiiléies. 

L'ART  MODE31NB  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  Il  tend  compte  des 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complète  des  eCKpOSltiom  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  eu  Belgique  et  à  l'étranger.  11  est  envojé  gnuaitement  à 
l'e^iiii  pendant  un  mois  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande. 

Ij'ART  MODBKNÏS  forme  chaque  année  un  beau  et  fort  Tolume  d'environ  450  pagaa,  avec  table 
des  matières.  Il  constitue  pour  l'histoire  de  l'Art  le  document  LE  PLUS  COMELBT  et  le  recosii  LE  n<US 
FACILE  A  CONSULTER. 

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Paris  1867, 1878, 1"  prix.  —  Sidney,  seuls  1"  et  «•  prix 

artnmn  umuii  itn,  iinu  im  mni  l'iMim. 


LE  GRESHAM 

COMPAGNIE  ANGLAISE    O'ASSUl&ItCES  SUR  LA  VIE 

tout  te  eoiUrôU  du  OoHvt»  nemeni 

ACTIF  :  PLUS  DE  111  lULUONS 

ASSURAICES  SUR  LA  VIE  EITIËRE,  MIXTES 
ET  A  TEIIE  FIXE 

ACX  CONDmOMS  LES  PLUS  FAVORABLES 

La  Compagnie  traite  des  aflaires  en  Belgique  derais  1868. 
ÊdUancet,  nnitim,  etc.,  payés,  plus  da  SSO  HUIoml 

BKHTKS  'VTAOtRES  aux  taux  de  lO,  16  at  17  p.  c, 
mrraot  Vigt,  paTibles  saas  frais  et  aa  ooon  daoi  toale 
l'Europe.  Praspectos  et  renaeignements  gratoitanMit  en  face 
du  Contercatotre,  88,  me  de  1*  ■**' " "- 


JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

parttUêtaU  U  jeudi  et  le  dmumdie. 

Wmltm  et  débate  Jndlelairea.  —  JariapradaMe. 

—  BlbUotrapade.  —  LéclalatloB.  -  HotaHat. 

Dmiiis  Ainds. 


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I  Bdgiqae,  18  francs  par  an. 
(  Etranger,»         id. 

Administration  et  rMaction  :  Rue  dee  Minimee,  10,  BruweUet. 


Bnxalka.  —  Ii^.  V  Hi 


at,  naterinaulrta. 


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ONOAia  ANMlB.  —  N*  30. 


Lb  wttÈaa  :  JB6  ckmtimbs. 


DmAMCHR  26  Juillet  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


REVUE  oaraquE  des  arts  et  de  la  littérature 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Émilk  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :   Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,   fr.    13.00.    —  ANNONCES  :    On  traite  à 


forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
L'ADuraisTRATioN  oÉNÉRALB  DB  TArt  Modome,  ruB  do  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


AUBBS  RABENT  BT^ON  ADDIUNT.  —  Ll  QUESTION  DES  MosiES.  —  Le 

Bjiiibkandt  du  Mus^.  —  Oaspillaoes.  —  Dyptique,  par  F.  Vielé- 
Oriffin.  —  Histoires  du  Chat,  du  Coq  et  du  Tbohbone.  —  Paysages 
DBBAiNS.  No$  arbres.  —  ThA>rib  des  néo-luminabistes.  Let  direc- 
tioru  de  ligna.  —  Mémento  dis  expositions.  —  Petite  chronique. 


AURES  HABENT  ET  NON  AUDIUNT 

Dans  un  article  récent  le  Patriote  défend  faiblement 
et  avec  de  prudentes  réserves  la  Commission  de  décou- 
ragement de  l'Art  national  par  nous  attaquée.  Tout 
d'abord,  il  approuvé  nos  réclamations  au  sujet  de  la  non 
indication  des  prix  au  catalogue  du  Musée  ancien.  Il 
bl&me  aussi  les  abus  du  fonctionnarisme  et  dit,  entre 
autres  choses  :  «  Le  gouvernement,  de  son  côté,  ne 
ferait  pas  mal  de  ne  pas  mêler  de  ses  hauts  fonction- 
naires à  des  commissions  placées  sous  son  contrôle, 
c'est-à-dire,  quelque  peu  sous  le  contrôle  de  ces  mêmes 
fonctionnaires.  Au  surplus,  il  y  a  là,  parfois,  matière  à 
des  cumuls  irritants.  Ainsi,  tel  directeur  général, 
appointé  à  10,000  francs,  est  secrétaire  d'une  commis- 
sion et  touche  de  ce  chef  5,000  francs  ;  en  outre,  il  est 
membre  de  la  commission,  ce  qui  lui  vaut  quelques 


jetons  et  l'occasion  de  voyager.  Seulement,  comme 
d'être  directeur-général,  commissaire  par-ci,  commis- 
saire par-là,  absorbe  le  temps  et  l'activité  d'un  homme, 
on  a  désigné  un  sous-secrétaire,  lequel,  pour  comble 
d'ironie,  est  payé  par  l'État.  Évidemment,  M.  de  Burlet 
mettra  fin  à  ces  abus  " . 

Nous  l'espérons  aussi.  Que  M.  de  Burlet  ait  de  la  poi- 
gne 1  Voilà  une  bonne  et  salutaire  besogne  de  nettoyage 
pour  un  ministre  qui,  comme  lui,  a  l'intention  de  bien 
faire.  C'est  scandaleux,  ces  gaspillages  et  ce  sans  gêne  ! 
Il  faut  chasser  les  marchands  du  temple  et  les  rats  du 
fromage  ;  il  faut  écheniller  les  budgets  des  larves  qui  s'y 
engraissent  !  Nous  protesterons,  nous  crierons,  nous 
guerroyerons,  jusqu'à  ce  que  cela  soit  accompli  !  Comme 
la  Nation  l'annonçait  l'autre  jour,  nous  laverons  le 
linge  sale  de  ces  gens  ailleurs  qu'en  famille. 

Où  le  Patriote  a  tort,  c'est  lorsqu'il  dit  que  les  prix 
donnés  pour  les  tableaux  ne  sont  pas  critiquables.  Quoi 
de  plus  aléatoire,  dit-il  -^  soit.  C'est  très  aléatoire. 
Mais  l'aléa,  dans  le  cas  de  la  Commission,  est  toujours 
du  côté  d'un  prix  excessif.  Et  que  le  Patriote  n'oublie 
pas  (ce  que  nous  avons  signalé)  que  la  plupart  des 
tableaux  acquis,  ces  derniei-s  temps,  auraient  pu  l'être 
à  bien  meilleur  compte  si  les  endormis  de  la  place  du 
Musée  s'étaient  donné  la  peine  de  suivre  les  ventes  et 
s'étaient  montrés  plus  actifs.  Nous  avons  donné  les 
chiffres.  D'ailleurs,  nous  le  répétons  :  il  est  scandaleux 


236 


L'ART  MODERNE 


de  payer  50,000  francs  la  toile  d'Ostade  récemment 
acquise,  de  payer  75,000  francs  an  pseudo-Rubens,  qui, 
an  dire  de  la  Gazette  de  VHôtd^  Drouot  vaat  2,000  frs, 
de  payer  25,000  francs  pour  cette  mauTaise  Chasse 
d'Atalante,  achat  exécrable! 

Où  le  Patriote  se  trompe  encore,  c'est  lorsqu'il  essaie 
timidement  d'excuser  les  achats  faits  à  M.  Ganchez. 
••  Le  nom  de  Léon  Ganchez,  marchand  de  tableaux  à 
Paris,  dit-il,  a  été  cité  comme  le  fournisseur  habituel 
de  la  commission.  M.  Ganchez  est  Belge  et  très  intelli- 
gent. Sur  vingt-deux  achats,  seize  ont  été  faits,  depuis 
certain  temps,  à  M.  Gauchez,  et  c'est  cela  qui  les  chif- 
fonne, les  aristarqnes,  qui  réclament  l'achat  en  Tente 
publique,  sans  intermédiaire.  En  principe,  iis  n'ont 
pas  tort,  mais  il  y  a  ••  le  fait  ».  Or,  M.  Gauchez,  par 
ses  nombreuses  relations,  est  souvent  à  même  d'offrir  à 
ses  clients  des  tableaux  dont  les  détenteurs,  pour  des 
motifs  de  convenance  personnelle,  ne  voudraient  pas 
affronter  la  vente  publique.  Dans  ces  conditions,  l'inter- 
médiaire est  parfois,  non  pas  seulement  une  utilité,  mais 
un  bienfait.  » 

C'est  faire  d'une  exception  la  règle.  En  principe,  nous 
n'avons  pas  tort,  avoue  le  quotidien  précité.  Merci. 
Mais  le  fait?  Eh  bien,  les  principaux  tableaux  que 
M.  Ganchez  —  qui  est  très  intelligent  —  a  vendus  an 
gouvernement,  ont  passé  par  des  ventes  publiques.  En 
Toulez-vous  des  preuves?  Le  Rubens  (ÎWW)  La  Vierge 
et  r Enfant  Jésus  a  passé  par  une  vente  publique  à 
Londres,  la  Chasse  d'Atalante  aussi;  les  Têtes  de 
Nèg7'es  ont  passé  plusieurs  fois  en  vente  depuis  ces  der- 
niers temps  ;  cela  a  été  imprimé  par  tous  les  journaux 
lors  de  leur  acquisition  par  le  Musée  ;  le  fameux  Ostade  : 
Tabagie  (50,000  francs)  vient  d'une  vente  aussi,  nous 
l'avons  annoncé.  Voilà  les  notables  tableaux  achetés  à 
M.  Gauchez. 

D'ailleurs,  qu'importe?  Nous  disons  :  ces  tableaux 
ont  coûté  beaucoup  trop  cher,  ils  sont  toujours  achetés, 
au  même  marchand,  et  cela  doit  cesser.  Que  ce  mar- 
chand aille  chercher  ses  toiles  en  des  ventes  où  le  Musée 
de  Bruxelles  n'est  jamais  représenté  ou  qu'il  serve  d'in- 
termédiaire pour  fournir  ledit  Musée  de  tableaux  que 
des  familles  n'osent  pas  exposer  à  des  ventes,  cela  nous 
est  en  somme  indifférent.  11  y  a  M.  Gauchez,  seu  Man- 
cino,  et  rien  que  lui. 

Nous  avons  parlé  jusqu'ici  des  tableaux  que  la  Com- 
mission des  Beaux-Arts  a  achetés.  Comme  nous  l'an- 
noncions  dans  notre  dernier  numéro,  il  y  a  aussi  à  exa- 
miner les  tableaux  qu'elle  aurait  du  acheter. 

En  premier  lieu  s'est  trouvé,  en  1883,  à  la  vente 
Nieuwenhuys  un  Jean  Van  Eyck  de  totU  premier 
ordre,  le  portrait  d'une  femme  de  Philippe-le-Bon.  Ce 
tableau  a  été  acheté  par  M.  Bourgeois  1^,000  francs. 
Le  Musée  eût  mieux  fait  d'acheter  ce  tableau  que  celui 
qu'il  a  acquis  à  ladite  vente  :  Le  Bal  de  Marie-Made- 


leine (11,000  francs),  par  Lucas  de  Leyde.  Cette  der- 
nière toile,  ao  dire  de  tons  les  experts,  est  firnsse.  (Voir 
notamment  Bredius.)  A  une  autre  vente  &ite  à  Bruxelles, 
la  Commission  a  aussi  laissé  partir  on  Savery.  (Voir 
rArt  moderne  du  21  juin  demiei). 

Parmi  les  ventes  importantes  de  ces  derniers  temps, 
il  y  eut,  en  juin  1890,  la  vente  Perkins,  à  Londras. 
Tous  chefe-d'œavre.  Tous  tableaux  gravés.  Deux  Hob- 
bema  superbes.  Un  Metzu,  dont  le  Musée  a  besoin. 
Deux  Ostade  extraordinaires.  Un  Paul  Potter.  Un 
portrait  de  Rembrandt.  Deux  Guillaume  Van  de  Velde, 
Des  Wouwermans,  des  Wijnants.  C'était  une  vieille 
collection.  Pourquoi  le  Musée  de  Bruxelles  n'a-t-U  rien 
aoqunt  - — 

Voilà  des  œuvres  capitales  qui  eussent  dû  rester  ou 
venir  en  Belgique. 

On  répondra  :  nous  n'avons  pas  d'argent  !  Pas  d'ar- 
gent? Eh  bien  !  démissionnez  les  directeurs  et  les  pro- 
fesseurs d'académie,  supprimez  les  commissions  inutiles 
qui  ne  se  réunissent  pas,  comme  l'avouait  naguère  à  la 
Chambre  M.  Slingeneyer,  supprimez  les  salons  annuels, 
n'achetez  plus  des  tableaux  modernes  à  des  artistes  de 
trois-centième  ordre,  ne  donnez  plus  de  subsides  à  des 
livres  qui  ne  paraissent  pas  —  cessez  votre  gftchis 
artistique,  en  un  mot,  et  vous  aurez  de  l'aident. 

n  est  certain  qu'en  Belgique  on  pr^^  générale- 
ment verser  le  purin  gouvernemental  aux  pieds  des 
betteraves,  pour  protéger  l'industrie  sucrière  ;  mais  il 
fi&ut  que  nous  nous  insurgions  de  toutes  nos  forces 
contre  ce  lourd  abêtissement  qui  Cùt  du  peuple  belge 
une  potée  d'industriels,  de  machines  agricoles,  de  poli- 
ticiens et  de  baes  de  cabaret.  U  &ut  que  tous  les 
artistes  s'unissent  pour  nous  éclairer  et  décrotter  la 
cervelle  >  nationale  •  engluée  par  cinquante  ans  de 
plat  doctrinarisme. 

Dites?  Ne  seraitrce  pas  l'idéal  pour  la  Belgique,  et, 
pour  ce  petit  pays,  une  raison  d'être  puissante,  que  de 
se  faire  une  région  artistique,  que  tous,  alors,  respec- 
teraient? Eh  bien!  pour  ce,  en  dehors  du  mouvement 
actif  surgi  ces  dernières  années,  n'est-il  pas  nécessaire 
de  garder  prédeusement  les  chdSs-d'omTre  d«  passé? 
La  Châsse  de  Memling  n'ajoute-t^lle  pas  à  la  gloire  et 
aux  attraits  de  Bruges?  La  Descente  de  croix  ne  fait- 
elle  pas  une  apothéose  à  Anvers?  Les  Hais  illustrent 
Harlem.  Les  Syndics  sont  comme  un  phare  qui  attire 
vers  Amsterdam.  Il  est  donc  nécessaire  que  chaque  fois 
qu'une  œuvre  de  réelle  valeur  (mais  de  réelle  valeur, 
entendez- vous,  les  bonzes  de  la  place  du  Musée!)  rappe- 
lant le  passé  superbe  de  nos  régions,  se  trouve  à 
vendre,  on  l'acquière.  A  ce  point  de  vue,  peut-être,  les 
60,000  francs  qu'on  alloue  à  la  Commission  du  Musée 
ancien,  pour  ses  gaffes,  sont  insnfllsants. 


7 


»"?%'-,K- 


UART  MODERNE 


237 


LA  QUESTION  DES  IffUSÉES 

NoNSiiDK  LK  DiEECTEUK  DE  tAu  modenu. 

Votre  campagae  aliire  sur  nos  musées  l'atlenlion  de  quiconque 
aime  l'Art. 

Entrant,  ces  jours  derniers,  au  Musée  moderne,  après  une  visile 
il  la  très  intéressante  Exposition  de  Photographie,  j'ai,  pour  la 
première  fois,  examiné  les  dessins  et  aquarelles  appendus  dans  la 
petite  galerie  d'entrée  où  étaient  autrefois  des  tapisseries  anciennes 
et  quelques  sculptures.  C'est  d'une  pauvreté  navrante.  11  y  a 
notamment  deux  aquarelles  lamentables  de  Den  Duyls,  dont  on 
eût  pu  acheter  un  bon  tableau  :  on  en  a  vu  de  cet  artiste. 

Mais  où  le  scandale  et  le  ridicule  s'affirment  oatrageusen^ept, 
c'est  dans  deux  grands  cadres,  mis  aux  places  d'honneur,  remplis 
de  croquis  qu'on  nomme  en  argot  rognure*  cTaUlier.  C'est  d'Emile 
Wauters.  Un  assemblage  d'insignifiances,  de  ces  linéamenis  comme 
le  premier  venu  en  fait  pour  se  distraire. 

A-l-on  eu  cela  gratis?  Dans  ce  cas,  il  eût  falia  refuser,  ou  tout 
au  moins'he  pas  exposer  dans  un  Musée  de  cette  importance. 

A-t-on  payé?  Dans  ce  cas,  combien?  Ce  serait  curieux  à  con- 
naître, 

* 

Il  parait  que  dans  tous  les  musées  la  mesquinerieestde  rigueur. 
Voici  ce  que  nous  lisons  dans  la  OasetU  à  propos  des  nouvelles 
installations  du  Musée  d'histoire  naturelle  : 

a  Le  temps  et  la  place  nous  font  également  défaut  pour  entrer 
dans  des  détails  au  sujet  des  installations  du  parc  Léopold.  Nous 
nous  contenterons  de  dire  qu'ils  nous  ont  semblé  plus  que  mes- 
quines. Ainsi,  l'ossuaire  réservé  aux  vertébrés  antédiluviens 
retrouvés  dans  les  couches  crétacées  de  Bernissart,  est  liilérale- 
ment  encombré.  Au  centre  se  dressent  les  formidables  squelettes, 
dont  le  crâne  goudronné  touche  au  plafond. 

Tout  autour  se  rangent  les  vitrines  conienant  les  péirificaiions 
portant  l'empreinte  d'ossenienis,  de  coquillages,  de  plantes  et  de 
fleurs,  et  aussi  les  débris  dépareillés  que  l'on  pourra  pcut-ôlre 
utiliser  plus  tard. 

Une  double  galerie  court  des  deux  côtés.  On  y  parvient  par  un 
escalier  de  restaurant.  Là  commence  la  riche  série  des  oiseaux 
empaillés  ». 

•  • 

De  son  côté  la  doctrinaire  Indépendance  dit  :  «  Les  nouvelles 
installations  sont  vraiment  défectueuses.  11  paraît  que  l'on  a  res-i 
lauré  ou  construit  une  partie  de  ce  monument  sans  se  préoccuper 
de  l'usage  auquel  on  l'affectait.  On  aurait  dû  faire  un  musée  où 
pussent  éire  aménagées  nos  collections  ;  on  a  agi  autrement.  El 
nos  naturalistes  ont  été  obligés  de  les  caser  comme  ils  onl  pu. 
Mais  ce  n'est  iii  qu'une  critique  générale.  Que  de  choses  à  redire 
sur  les  moindres  détails!  Celle  fâcheuse  impression  a  été  d'ail- 
leurs pariagée  par  bien  des  invilés  ». 

Les  gens  chargés  de  construire  et  d'aménager  les  musées  en 
Belgique  sont-ils  donc  tous  des  créiins?  On  consiruii  un  palais 
des  Beaux-Aris  pour  le  Salon.  On  y  place  les  tableaux  anciens. 
On  déménage  les  tableaux  du  musée  moderne  ;  on  est  obligé  de 
les  redéménager  pour  le  Salon,  pour  lequel  on  avait  construit  un 
palais  où  sont  les  tableaux  anciens.  0  ma  tête!  On  déloge  le 
Musée  d'histoire  naturelle  :  Voyez  le  sot  el  ridicule  local,  construit 


pourtant  où  il  y  avait  trop  de  place  el  où  l'on  pouvait  aménager 
quelque  chose  de  superbe. 

0  le  triomphe  des  médiocres  !  La  phrase  de  l'Indépendance 
giffle  ces  burlesques  d'une  façon  comique  :  on  a  construit  une 

PARTIE  DE  CE  MONUIIENT  SANS  SE  PRËOCCUPER  DE  l'USAGE  AUQUEL 

ON  l'affectait!!!!!! 


LE  REMBRANDT  DU  MUSEE 

On  discute  beaucoup,  dans  les  réunions  d'arlisles,  l'auihen- 
ticilé  de  la  Vieille  Femme  de  Rembrandt,  et  surtout  depuis  que 
nous  faisons  la  lessive  de  la  Commission  du  musée.  Voici,  au  siijcl 
de  ce  tableau,  l'opinion  du  savant  critique  hollandais,  H.  A.  Bre- 
dius,  publiée  dans  la  Kunstchronik  de  Liepzig.  M.  Bredius  est 
un  des  critiques  les  plus  compéienis,  en  matière  de  vieux  tableaux 
hollandais. 

«  La  galerie  de  Bruxelles  acquit  au  prix  de  100,000  francs  un 
Rembrandt  qui  réclame  avant  tout  noire  attention.  Des  connais- 
seurs moins  sceptiques  que  le  professeur  Levin,  qui  suspecte 
trop  aisément  les  signatures,  conviendront  avec  moi  que  celle  de 
Rembrandt  qu'on  voit  sur  ce  tableau  est  fausse.  Ici  je  puis 
m'écrier  à  la  façon  de  Levin  :  une  vapeur  d'esprit,  et  elle  dispa- 
raît! 11  est  possible,  toutefois,  que  trois  des  chiffres  du  millésime 
soient  authentiques  ;  quant  à  l'avaDt-dernier,  un  S,  il  hurle  de 
fausseté.  Avant,  il  y  avait  là  probablement  :  1644.  Si  après  cela 
nous  contemplons  la  figure,  à  la  première  vue  nous  la  trouvons 
magnifique,  digne  d'admiration.  Nonobstant  la  laideur  extraor- 
dinaire de  la  vieille  dame  que  l'artiste  avait  pour  modèle,  il  a 
réussi  à  faire  un  beau  tableau,  une  œuvre  qui  par  son  excellente 
caractéristique,  son  beau  clair-obscur,  son  vigoureux  coloris  et  sa 
large  louche  captive  longtemps  le  regard  du  spectateur.  lUais 
lorsque  nous  nous  mettons  à  examiner  minutieusement  la 
manière  de  son  auteur,  nous  découvrons  là  toutes  espèces  de 
choses  qui  nous  empêchent  d'attribuer  cette  peinture  à  Rem- 
brandt, auquel  la  commission  du  musée  l'attribue.  La  louche  est 
extraordinairement  large  et  généralement  pileuse.  La  façon  dont 
sont  peints  le  collet,  la  coiffe  et  les  mancheites  est  toute  autre,  • 
plus  mesquine  el  pénible,  que  celle  qu'on  connaît  à  Rembrandt, 
surtout  dans  la  période  avancée  de  sa  carrière  à  laquelle  celle 
œuvre  aurait  du  être  exécutée.  Puis  dans  les  tableaux  de  l'iem- 
brandl  que  nous  connaissons  el  qui  onl  été  peints  vers  ce  temps 
(1644),  la  peinture  est  plus  transparcnle,  plus  claire  el  d'un  Ion 
plus  brunâtre.  Ce  que,  par  exemple,  Rembrandi  n'aurait  jamais 
fait,  ce  sont  ces  ombres  noires  el  opaques,  qu'on  voit  sons  la 
manche,  à  la  mairi  gauche.  Enfin,  si  à  côté  de  ce  tableau  nous 
pouvions  voir  un  véritable  Rembrandi  de  celle  époque,  nous 
verrions  entre  les  deux  une  grande  différence  au  désavanlnge  de 
celui  de  Bruxelles.  Remarquons,  en  ouire,  comme  caractéristique 
du  peintre  :  un  Ion  gris  ébouriffant  dans  les  chairs.  » 


GASPILLAGES 

Dans  son  dernier  numéro  la  Jeune  Belgique  dit  :  «  Sait-on  ce 
qu'a  coûté  le  déménagement  du  Musée  ancien?  80,000  francs! 
N'importe  quel  entrepreneur  eût  opéré  ce  travail  pour  25,000  fr., 
prétend  l'Art  moderne.  El  pour  beaucoup  moins,  ajouions-nous. 
Serait-ce  un  marchand  de  tableaux  qui  a  entrepris  le  déménage- 


238 


L'ART  MODERNE 


ment?  Puisque  nous  posons  une  queslion,  ii  propos  de  déména- 
gement, aux  membres  d'une  commission  qui  «  déménage  »,  nous 
voudrions  savoir  ce  que  coûte  le  déménagement  du  Musée  moderne, 
nécessité  par  le  Salon  triennal?  Le  transport  d'un  tableau  moderne 
coûte-t-il  plus  ou  moins  cher  que  le  transport  d'un  tableau  ancien? 
Et  le  replacement  des  toiles  enlevées  en  vue  du  Salon  de  1890 
sera-t-il  terminé  pour  le  Salon  prochain?  Nous  attendons  la 
réponse  des  bonzes  ». 

Effectivement,  le  Musée  moderne  n'est  pas  encore  complète- 
ment réinstallé.  Il  y  a  sept  mois  que  le  Salon  est  fermé.  Est-«e 
qu'on  transporte  les  tableaux  sur  des  tortues  ou  sur  les  membres 
de  la  commission  du  Musée? 

El  à  combien  monte  le  coût  de  loutes  ces  opérations?  Que  de 
belles  et  bonnes  choses  des  gens  intelligents  pourraient  faire  avec 
la  centaine  de  mille  francs  probable  que  l'ignoble  Salon  de 
Bruxelles  a  soutirée  au  trésor! 

*  Mais  avec  l'administration  qui  nous  régente,  tout  est  voué  à  la 
médiocrité,  !i  la  petitesse.  Ces  gratle-papier  sont  collés  à  la  rou- 
tine comme  des  escargots  à  leur  coquille.  Il  y  a  longtemps  que 
le  Salon  devrait  être  supprimé,  mais  ces  messieurs  s'y  crampon- 
nent :  c'est  devenu  une  habitude  invétérée  chez  eux.  Cet  annuel 
et  officiel  étalage  de  croûtes  et  de  postures  convient  à  leurs  idées 
sur  l'art. 

El  puis,  nous  voudrions  savoir  où  on  «  remise  »  les  tableaux 
modernes  pendant  la  durée  du  Salon?  Dans  les  caves?  Dans  la 
loge  du  concierge?  Sous  le  bureau  du  président  de  la  commission? 
La  véritable  place  de  la  plupart  des  toiles  du  Musée  moderne  est 
\^.  Mais  pendant  quatre  mois,  et  les  mois  de  touristes,  Bruxelles 
a  été  privé  de  son  Musée  moderne.  C'est  inouï,  cela,  c'est  mons- 
trueux de  bêtise  !  0  les  fonctionnaires  ! 

D'ailleurs,  ce  gaspillage  inutile  se  dévoile  partout.  Il  est  collé 
jusque  sur  la  façade  de  la  Bibliothèque  royale.  On  y  a  récemment, 
au  tournant  de  la  grille,  restauré  une  façade.  Dans  cette  façade 
saillent  des  pierres  qu'il  faut  charger  d'ornements.  Certaines 
d'entre  elles  sont  sculptées.  Mais  trois  gros  blocs  de  pierre,  au 
premier  étage,  attendent  les  ouvriers  sculpteurs.  Pourquoi  n'a-t-on 
pas  achevé  la  façade  d'emblée  et  d'une  seule  fois?  Voici  :  c'est 
parce  qu'il  faudra  rétablir  à  nouveau  l'échafaudage  et  que  chaque 
fois  qu'on  l'établit  cela  coûte  environ  2,000  francs. 

Voilà  où  coule  le  budget  des  beanx-arls.  C'est  un  budget  à 
fonds  perdus. 

Et  à  ce  propos  on  nous  signale  la  décoration  du  Palais  des 
Beaux-Arts.  Est-ce  que  la  commission  serait  assez  aimable  pour 
nous  faire  savoir  combien  ce  travail  a  coûté? 

Nous  attendons  aussi  la  réponse  des  bonzes. 


DYPTIQUE 

par  F.  ViELÉ-GaiFFiN.  —  Imprimerie  des  Entretient  politiques 
et  littéraires. 

Ici  parmi  les  chéoes, 

L'ombre  est  un  miroir  étrange, 

De  rêveries  ; 

Et  toutes  les  Seurs  soot  telles  qu'elles  vivent 

De  vieilles  vies 

Pensives; 

Et  quand  je  songe,  en  regardant  les  plaines 

Là-bas,  qui  roulent  par  delà  les  branches,  basset 

Comme  une  frange. 

Il  passe  des  cortèges  d'heures  oubliées... 


C'est  bien  cela  :  un  de  ces  paysages  anglais,  touffus  d'odeurs  et 
de  feuilles,  d'une  nature  séculaire  et  profonde,  fait  pour  donner 
asile  aux  désirs  de  l'homme,  k  l'oubli  du  soi-même  dans  les 
sèves,  les  mais,  les  soirs,  les  malins.  Et  par  ces  particularités  : 
«  plaines  qui  renient  par  delà  les  branches  basses  ;  et  fleurs  qni 
vivent  de  vieilles  vies  pensives  »,  la  note  est  aceenlnée  k  tel  point 
que  surgit  tel  paysage  vu,  signé  du  vieux  Linnell  ou  du  contem- 
porain Smythe,  mais  avec,  certes,  plus  d'immatérialité  et  de 
charme  au  profit  du  poète.  Aussi  avec  un  profond  sentiment  de 
légende  auquel  ces  deux  peintres  ne  songèrent  point. 

Le  porcher  de  M.  Vielé-Griffin  est  un  ermite.  Le  monde  qui 
n'est  plus  vivant  dans  le  rêve  de  ses  yeux  que  par  l'interception  ii 
travers  taillis,  de  couples  qui  passent  et  qn'il  n'ose  appeler,  ni 
interroger,  agite  là-bas,  bien  loin,  sa  fièvre  de  villes,  au  Nord  des 
forêts.  Ces  bruits  des  foules,  ecrtes,  ilf  ne  lai  panrieBnent  pM  au 
pordur,  qui  soit  «  le  gai  jeu  des  rayons  an  dos  noirs  de  ses  pour- 
ceaux »,  ni  les  batailles  léonines  des  idées,  ni  l'affairement  inex- 
tricable des  civilisations.  Lui,  il  a  fui  vers  les  solitudes. 

•  Son  père  étant  dur  et  làch«  et  courbé. 
Sous  le  jeune  joug  que  lui  faisaient  les  mains 
De  l'autre  qu'il  mena  quand  sa  mère  fiit  morte.  > 

Et  c'est  depuis,  une  détente  d'esprit  et  de  rêve  vers  la  myria- 
daire  attirance  de  la  forêt  :  voix  du  vent;  labiales  confidences  des 
feuilles  ;  palpitations  de  la  clarté  aurorale  dans  les  horizons;  soirs 
vêtus  des  lumières  tombantes  de  la  robe  du  jour;  nuits  voilées 
sur  leur  ombre  de  toutes  les  branches  du  ddme  bougeant;  repos, 
si  profonds  parfois  qu'ils  semblent  séculaires;  joies  de  lire — seul 
peut-être  —  les  textes  du  silence  i  «  la  page  ouverte  »  des 
futaies. 

Des  visites,  oui.  Une,  celle  d'une  Flavie  d'autrefois  qui  s'en  va 
avec  cette  pitié  —  o  pauvre  cœur  !»  —  et  d'antres,  mais  lointaines 
—  une  visite  d'yeux  et  non  de  discotirs  —  là-bas,  passantes  sur 
la  route,  si  bien  que  le  porcher  timide  se  cache  dans  les  fourrés. 

A  merveille  sont  exprimés,  comme  peu  à  peu  mais  sûrement 
reconquis,  la  primitivité  des  sensations  et  l'enfance  des  impres- 
sions. Habitant  des  bois,  frère  des  sources,  des  antres,  des  clai- 
rières, des  animaux  sylvestres,  des  échos,  des  mystères,  des 
crépuscules,  il  l'est  vraiment,  celui  que  nous  représente  le  poète 
si  simplement  ingénu  et  si  purement  lavé  de  tout  passé  banal. 
Il  a  les  idées  farouches,  les  craintes  vierges,  la  bonté  qui  n'ose. 
Il  est  le  perdu  de  tout  chemin,  qui  mène  vers  les  autres,  mais  le 
joyeux  pourtant  de  l'air,  de  la  vie,  de  la  libre  errance  et  s'il  songe 
encore  au  jadis  c'est  que  : 

J'aurais  voalo  leur  dire 

Que  toute  trisleew  est  au  regard  triste 

De  leurs  yeux  qui  ne  savent  lire 

Ce  livre-ci  où  tout  verbe  persiste 

Mnableet  même... 

Et  je  voudrais  leur  dire 

Que  je  ne  suis  pas  fou. 

Le  second  volet  du  Dyptique  s'intitule  «  Eurythmie  ».  Ce 
poème  est  conçu  en  dialogue  entre  le  poète  et  «  Sa  reine  »  de 
rêve.  Il  déroule  un  cas  d'existence  générale,  une  définition  de  vie 
ardente  et  belle  auxquels  des  phrases  pompeuses  donnent  essor. 

A  propos  de  cette  deuxième  partie  —  inférieure,  nous  scmble- 
t-il,  à  la  première,  insistons  sur  la  forme  lyrique  adoptée  par 
H.  Vielé-GriOin.  Elle  est  volutante  autour  de  l'idée,  la  suivant 
dans  son  allure,  ne  la  contrariant  jamais  sous  prétexte  de  fidélité 


L'ART  MODERNE 


239 


k  la  prosodie  archaïque,  la  nouant  en  fermes  rythmes  ou  la 
dénouant  en  laisser-aller,  d'après  l'âme  même  de  la  pensée.  On  a 
donné  ii  celte  forme  le  nom  de  «  vers  libre  »,  comme  si  le  vers 
l'était  jamais!  Surtout  le  vers  qui,  s'échappant  à  travers  les  douze 
barreaux  du  pénitencier  de  l'hexamèlre,  prétend  subir  le  joug  de 
l'idée  et  se  produire  sans  aucune  soudure  de  remplissage  ou  de 
cheville. 

H.  Vielé-Griffin  manie  en  bon  musicien  le  clavier  des  syllabes 
—  et  presque  jamais  une  fausse  note. 

Dyptique  nous  parait  son  meilleur  livre. 


Histoires  da  Chat,  da  Coq  et  du  Trombone,  par  Hubbst 
Stibknkt.  Illustrations  d' Annote  Ltnkn.  —  Bruxelles,  Lebègue. 

Voici,  en  excellent  stylé,  de  délicieuses  histoires  écrites  pour 
les  enfants.  M.  Stiemet  est  un  cOntenr  attendri  et  charmant,  plein 
de  délicatesse.  Sa  phrase  court,  amusante,  coquette  et  vive.  Ç!i 
et  là,  le  récit  s'embellit  d'une  aquarelle  joliment  enlevée  d'une 
plume  artiste. 

Et  l'on  se  laisse  aller  à  écouter,  car  elles  sont  si  bien  dites,  ces 
toujours  vieilles  et  toujours  jeunes  histoires  de  souris,  de  rats  et 
de  chais,  du  vieux  coq  d'une  église  qui  conte  ses  aventures  et  celles 
d'un  ménage  d'oiseaux  nichés  sur  son  clocher;  et.anssi  l'on  s'inté- 
resse aux  pérégrinations  parfois  bien  tristes  du  trombone...  . 

Et  l'on  se  figure  qu'on  a  douze  ans,  qu'on  est  écolier;  et  ce 
livre,  écrit  pour  les  enfants,  mais  d'une  allure  si  artiste  qu'il  sera 
goûté  par  les  gens  de  goût  de  tout  3ge,  rajeunit  et  ramène  vers 
un  passé  bleu  d'enfance  et  de  conte  de  grand'mère. 

Les  dessins  d'Amédée  Lynen  sont  pittoresques  et  encadrent  bien 
le  récit. 


Nos  Arbres. 

DéDié  A  Monsieur  Bui.s. 

M.  Buis,  l'ami  des  arbres,  le  bourgmestre-planteur,  ce  dont 
nous  l'avons  incessamment  loué,  celui  que  nous  nommerions 
aussi  le  Verdurier  n'était  l'équivoque,  et  que  nous  nommerons  le 
Verduriste,  sait-il  que  sur  plusieurs  de  nos  boulevards  les  platanes 
s'en  vOnt  au  diable  (boulevard  Botanique,  boulevard  du  Midi, 
par  exemple).  De  même  une  ligne  des  marronniers  de  l'Avenue. 

Oui,  apparemment.  Mais  la  cause? 

On  a  dit  :  le  sel  versé  sur  les  rails  des  tramways  les  jours  de 
neige.  M.  Buis  a  fait  analyser  la  terre.  Non  pas  le  sel.  —  On  a 
dit  :  la  trépidation  des  mêmes  tramways.  Pas  vrai  non  plus  :  sur 
la  dernière  section  vers  le  bois,  à  droite  du  long  parterre  où  l'on 
a  déposé  les  chevaux  de  Vinçoile  et  où  le  bon  Champal  proposait 
de  déménager  le  Musée  de  sculpture,  les  voitures  de  tram  passent 
et  repassent  et  les  marronniers  restent  magnifiques.  Donc,  pas  la 
trépidation. —  On  a  dit  :  les  fumées  infectes  et  variées  de  la  foire. 
Or,  pas  de  foire  boulevard  de  l'Observatoire,  et  les  platanes  s'y 
étiolent.  —  On  a  dit  :  les  infiltrations  du  gaz.  Possible.  —  On  a 
dit  enfin  :  l'arrosage  insuflisant.  Je  crois  que  nous  y  sommes. 

Examinez  la  situation  des  platanes  du  boulevard  Botanique. 
Partout  le  sol  y  est  imperméable  :  la  chaussée  d'une  part,  la 
croûte  durcie  de  la  promenade  d'autre  part.  De  plus  la  pente,  et 
le  contre-haut  qui  fait  s'écouler  les  eaux  infiltrées  comme  dans  un 
fossé,  le  long  d'une  roule.  Toutes  les  conditions  imaginables  pour 


empêcher  les  racines  d'être  abreuvera  sont  donc  réunies.  Et  les 
pauvres  platanes  dépérissent. 

De  même,  au  boulevard  du  Midi,  sur  le  champ  de  foire.  Surtout 
quand  les  baraques  des  forains  l'encombrent,  plus  le  moindre 
arrosement  possible. 

Li  où  l'on  a  pratiqué,  en  creusant,  autour  de  chaque  arbre, 
un  petit  bassin  de  retenue,  la  situation  est,  en  général,  meilleure, 
mais  c'est  primitif  et  insufiisant. 

Il  faudrait  une  canalisation  systématique,  à  fleur  de  terre,  ou 
souterraine,  aboutissant  il  chaque  aibre,  permettant  d'humecter 
le  sol  où  il  est  atlaché.  Sinon  ils  périront  un  à  un,  même  ceux 
qui,  accidentellement,  car  il  en  est,  ont  eu  jusqu'ici  une  belle 
venue.  Il  n'y  a  que  le  viel  orme,  très  opportunément  choisi  par 
nos  pères,  qui  aille  quand  même  :  il  ne  lui  faut  pas  autant  d'hu- 
midité. 

Dans  les  bois,  les  squares,  les  champs,  la  surface  reste  meuble 
et  par  conséquent  perméable.  Les  pluies  pénètrent  au  lieu  de 
s'écouler  au  ruisseau.  Aussi  les  plantations  y  viennent  admira- 
blement, quelle  que  soit  l'essence  adoptée.  Le  sol  de  Bruxelles, 
quoique  sablonneux,  convient  très  bien  it  l'arboriculture;  nos 
superbes  environs  boisés  en  témoignent.  Mais  si  l'on  empêchait 
les  eaux  du  ciel  de  s'infiltrer,  nul  doute  que  la  forél  de  Soignes 
serait  bientôt  composée  de  futaies  desséchées. 

A  l'avenue  Louise,  l'allée  des  cavaliers,  au  sol  bien  moins 
dur,  à  un  tout  autre  aspect  que  celle  des  piétons.  De  même  le 
tronçon  en  parterre  depuis  le  rond  point,  où  de  longues  pelouses 
laissent  entrer  l'eau  normalement. 

Avenue  du  Midi,  les  platanes  sont  fort  beaux.  Mais  chacun  est 
entouré  d'un  carré  réservé,  non  asphalté,  où  probablement  on 
arrose  régulièrement. 

Nous  avons  le  sérieux  espoir  que  M.  Buis  veillera  de  plus  près 
à  cette  question.  11  serait  puéril  de  se  contenter,  comme  on  l'a 
fait  jusqu'ici,  de  remplacer  les  arbres  morts  par  d'autres  arisres 
destinés  il  mourir.  --===• 

THÉORIE  DES  NÉO-IUMINARISTES  *) 

(NÉO-lMPRESSlONNlSTES) 
Les  directions  de  lignes 

11  nous  reste  k  parier  des  directions  de  lignes,  lesquelles  con- 
courent pour  une  large  part  !t  l'harmonie  du  tableau;  ces  direc- 
tions se  ramènent  il  trois  principales  :  l'horizontale,  fadeur  du 
calme;  l'ascendante,  fadeur  de  gaieté;  la  descendante,  facteur 
de  la  tristesse.  Les  néo-Iuniinarisles  les  indiquent  toujours  avec 
leurs  directions  complémentaires,  car  il  est  écrit  en  Ch.  Henry  : 
«  L'arrêt  impliquant  la  diredion  contraire,  toute  direction  arrêtée 
dans  un  sens  évoque  la  direction  contraire.  Cette  diredion  peut 
s'appeler  «)mpl^m«)Uaii'«.  C'est  la  loi  du  conirasie  successif.  On 
arrive  facilement  à  celte  loi  du  contraste  simultané  :  étant  données 
deux  directions  simultanées,  chacune  évoque  la  complémentaire 
de  l'autre.  Ces  lois  combinées  avec  les  déterminations  des  sec- 
lions  de  la  circonférence  qui  représentent  les  maxima  et  les 
minima  des  contrastes  successif  et  simultané,...  nous  conduisent 
i  préciser  la  forme  sous  laquelle  apparaît  l'unité  réalisée  par  un 
seul  côté,  il  la  fois  successivement  et  simultanément.  »  Ce  moyen 
intensément  et  décorativement  expressif,  les  directions  linéaires, 
quel  artiste  ne  s'en  inquiéta?  Ch.  Henry  en  a  établi  les  lois  dans 

(1)  'Voir  notre  avant-dernier  numéro. 


quelques  ouvrages  précieux  à  consuller,  et  l'oa  peut  d'autant 
mieux  ajouter  créance  à  sa  Ibéorie  que  les  œuvres  de  Michel- 
Ange  —  merveilleuse  inluition  du  génie  !  —  en  réalisent  la  par- 
faite adaptation  plastique. 

Telles  sont,  eompendieusement  tracées,  les  causes  efficientes 
d'une  théorie  qui  exerce  déjà  une  saluiaire  ioflurnce  sur  la  vision 
des  peintres  contemporains.  Ceux-ci  auraient  tort  de  ne  pas 
préier  attention  à  des  tentatives  fécondes  en  enseignements,  tort 
de  se  désintéresser  de  l'élude  des  faits  essentiels  dont  dépend 
l'emp'oi  ariisiique  des  couleurs.  (Réflexion  et  trammittion  de  la 
lumière,  cculeurs  des  milieux  opalescents,  effet  produit  sur  les 
couleurs  par  le  changement  de  luminosité,  par  le  mélange  avec  la 
lumière  blanche;  contraste,  dégradation,  combinaisons  binaires  et 
ternaires  des  couleurs,  etc.)Le  savoir  procure  une  assurance  dans 
le  travail  dont  le  plus  beau  don  do  nature  se  passe  ftialaisément, 
et  il  n'est  pas  à  dédaigner  le  moyen  qui  permet  d'apprendre  en 
quelques  mois  ce  que  nos  pères  ne  possédaient  qu'après  de  lon- 
gues années  d'observations.  Elle  a  été  trop  discutée  pour  ne  point 
contenir  des  germes  excellents,  cette  théorie  fraîche  éclose; 
l'obstacle  à  son  développement  vient  de  ce  que  certains  la  suppo- 
sent inapplicable  sans  le  système  en  vigueur.  Eh!  d'où  ceux-lï 
ont-ils  inféré  l'immutabilité  dudit  système?  Comment  n'ont-ils 
pas  remarqué  que,  d'un  critérium  commun,  les  principaux  divi- 
seurs du  ton  avaient  tiré  une  technie  subtilement  différente? 

Dubois-Pillet  compliqua  la  méthode  d'appoggiatures,  Luce 
s'efforce  plutôt  de  la  simplifier;  quant  aux  deux  propulseurs, 
après  une  marche  parallèle,  ils  arrivent  à  des  résultats  très  parti- 
culiers. Seurat  arbore  toujours  en  guise  de  pennon  :  l'harmonie 
de  tons,  de  t'.'inies  et  de  lignes,  par  l'analogie  des  contraires, 
mais  il  a  constaté  que  rien  ne  fait  plus  heureusement  valoir  une 
dominante  si  ce  n'est  le  contraste  successif  des  tons  (luminosité 
et  sa  seule  ré.iciion  complémentaire  ;  l'ombre).  Signac  reste 
fidèle  au  contraste  simultané  des  tons,  non  toutefois  sans  en 
modérer  l'usage  (ainsi  il  ne  fait  plus  réactionner  le  solide  sur  le 
lluide,  les  arbres  sur  le  ciel,  par  exemple);  mais  il  n'a  cure  des 
dominantes,  sa  dilection  est  pour  l'harmonie  des  rythmes  (dégra- 
dations rythmiques  de  teintes,  combinaisons  rythmiques  de 
lignes).  Rfen  n'empOche  donc  un  artiste  d'interpréter  la  théorie 
nouvelle  selon  son  tempérament,  ses  aspirations;  ainsi  le  com- 
prirent Pissarro  père,  Alex.  Séoa,  et  leur  Ulent  si  délicat  y  a 
gagné  en  puissance  et  en  charme. 

Jules  Antoine,  en  une  critique  sagace,  a  montré,  dialecticien 
impeccable,  les  inconvénients  qui  surgiraient  de  l'emploi  rigou- 
reusement scientifique  du  contraste  simultané  des  tons;  il  est  cer- 
tain que  son  maniement  exige  une  virtuosité  accomplie,  seryie 
par  un  œil  très  doué;  mais,  encore  une  fois,  les  néo-luminaristes 
ne  prétendent  pas  à  la  vérité  physique  absolue;  artistes,  ils  n'ont 
pas  juré  obéissance  illimitée  à  la  science,  ils  s'en  aident,  voilà 
tout,  afin  de  dresser  une  syntaxe  de  l'harmonisation  picturale. 

Grâce  à  leurs  patients  efforts,  que  de  tâtonnements  évités 
désormais!  Leurs  toiles,  autant  de  documents!  La  lumière!  agent 
prestigieux  de  transfiguration!  C'est  grâce  â  leur  opiniâtre  labeur 
qu'on  arrive  à  la  fixer  sur  toile.  Alors  que  tant  de  peintres  se  bor- 
naient b  démarquer  les  tableaux  connus,  eux,  au  risque  de  com- 
prometlre  leur  avenir,  et  malgré  les  clameurs  niaises,  se  jetèrent 
irâuement  dans  la  voie  des  innovations  :  pionniers  convaincus, 
ils  persévèrent  dans  leur  œuvre,  dédaigneux  d'officielle  notoriété 
et  des  succès  de  foule,  —  ce  sont  des  braves,  ces  chercheurs 
d  Harmonie.  Alphonse  Germain. 


Mémento  des  Expositions 

Anvers.  —  Salon  triennal.  —  9  ao6t-S7  septembiv.  Renseigne- 
ments :  O.  Caroly,  secrétaire. 

RoDBN.  —  Exposition  municipale.  —  l**  octobre-30  novembre. 
Délai  d'envoi  :  90  août.  (Dépât,  i  Paris,  du  10  au  SO  aoûi,  chez 
MM.  A.  Guinchard  el  Fourniret,  rue  Blanche,  76).  Gratuité  de 
transport  pour  les  artistes  invités.  Renseignements  :  M.  le  Maire 
de  Rouen. 

Saikt-Maur.  —  S6  juillet-lfi  août.  Délai  d'envoi  expiré.  Rensei- 
gnements :  M.  Quinlon,  secrétaire  général,  S'-Maur. 

Saint-Gerhaih-em-Late.  —  1"  aoûl-30  septembre.  Délai 
d'envoi  expiré. 

ViaviEU.  —  iO  aoCli-33  septembre.  (Réservée  an  membres  ^^ 
la  Société  des  Beau»- Arts  el  aux  invités).  —  Délai  d'envoi  ; 
35  juillet-3  août. 


Petite  CHRO|<iquE 

On  fait  grand  bruit  en  ce  moment,  dans  le  monde  musical, 
d'une  soi-disant  innovation  qui  consiste  à  écrire  de  la  musique 
sur  de  la  prose  au  lieu  d'employer  des  textes  en  vers.  Il  y  a  eu 
des  interviews,  des  lettres,  des  chroniques,  bref  le  potin  habituel. 
11  est  peut  être  bon  de  rappeler,  à  ce  propos,  que  l'idée  n'est  pas 
nouvelle.  M.  Vincent  d'Indy  a  écrit  en  1888  un  chœur  pour  voix 
de  femmes.  Sur  la  Mer,  dont  le  texte,  composé  par  lui,  est  en 
prose.  Ce  chœur  fut  exécuté  en  1889  aux  concerts  des  XX. 
C'était,  dans  l'intention  de  l'auteur,  un  essai  eb  vue  du  drame 
lyrique  auquel  il  travaille  en  ce  moment,  et  dont  le  livret  est 
également  en  prose. 

Le  recueil  de  mélodies  qu'a  fait  paraître  récemment  M.  Albéric 
Magnard  contient,  sur  six  pièces,  quatre  œuvres  dont  les  paroles 
sont  en  prose.  En  cherchant  un  peu,  on  trouverait  sans  doute 
d'autres  musiciens  qui  ont  adopté  ce  système.  Ce  qui  n'empê- 
chera pas  un  Monsieur  Bruneau  de  l'inventer  et  «  d'ouvrir  les 
voies  »  â  tous  ses  collègues  ! 

Le  Théâtre  Molière  lutte  avec  succès  contre  les  carrousels,  les 
femmes  colosses,  les  beuglants  et  les  somnambules  de  la  ker- 
messe. Entré  un  peu  sceptique,  ces  jours-ci,  dans  la  salle 
ixelloise,  nous  avons  dû  reconnaître  que  les  friands  de  drame 
populaire  sont  toujours  nombreux.  Le  théâtre  était  plein,  et  l'au- 
ditoire suivait  avec  un  intérêt  soutenu  les  péripéties  par  lesquelles 
MM.  Anicet  Bourgeois  et  Masson  font  passer  Gabriel  et  Valentio, 
les  sympathiques  Orphelins  du  Pont  Notre-Dame,  agréablement 
incarnés,  d'ailleurs,  en  la  personne  de  M""  Warnots  et  Larmet. 
M""  S.  Larmcl,  de  la  Porie-Saint-Marlin,  et  Jeanne  Bernbardt 
donnent  une  excellente  physionomie  aux  personnages  de  dame 
Catherine  et  de  la  comtesse,  et  le  personnel  masculin  de  la 
troupe,  MM.  Dutertre,  en  abbé  Vincent  de  Paule,  Cbarvet, 
Munie,  etc.,  complètent  un  ensemble  très  satisfaisant. 

Quant  â  la  revue  d'été  que  donne  en  ce  moment  l'Alhambra, 
Bruxelles  en  Folie,  elle  décèle  l'irrémédiable  déchéance  d'un 
écrivain  qui,  depuis  longtemps,  ne  compte  plus  parmi  les 
artistes. 

Le  Congrès  archéologique  et  historique  de  Bruxelles  tiendra, 
comme  nous  l'avons  annoncé,  sa  session  du  3  au  7  août,  au  Palais 


;  N. 


J 


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L'ART  MODERNE 


241 


des  Académies.  Le  1"  août,  à  8  1/3  heures  du  soir,  le^membres 
du  Congrès  seront  reçus  dans  les  salons  de  la  Société  des  ingé- 
nieurs, 6  la  Bourse.  Ues  excursions  auront  lieu  i  Diest,  Léau  et  \ 
Louvain,  b  Court-Saint-Eiienne  et  à  l'Abbaye  de  Villers,  à  Mons, 
Obourg  et  Saint-Symphorien,  etc. 

Pendant  toute  la  durée  du  Congrès,  une  exposition  d'objets 
préhistoriques  trouvés  dans  le  Brabant  sera  ouverte  dans  la  salle 
de  marbre  du  Palais  des  Académies,  de  9  heures  du  malin  à 
S  heures  du  soir. 

Le  nouveau  directeur  du  Kursaal  de  Blankenberghe,  M.  Boul- 
vin,  organise  quelques  auditions  musicales  qui  trancheront 
violemment  sur  la  banalité  habituelle  des  concerts  de  villes 
d'eaux. 

M.  P.  Lilta,  le  pianiste  distingué  qui  fit  ses  débuts  cet  hiver 
kux  concerts  des  XX,  ouvrira  aiijourd'hui  même  la  série.'  On 
entendra  de  lui  plusieurs  compositions  inédites  pour  orchestre. 
M.  Litta  exécutera  en  outre  le  deuxième  concerto  (mi  bémol)  de 
Liszt  et  diverses  œuvres  de  Chopin,  Liszl  et  Moszkowski.  Au 
même  programme  figurent  M"*  S.  Kayser,  harpiste,  et  M.  de 
Jongb,  flûtiste. 

Mercredi  prochain,  un  grand  concert  sera  donné  avec  le  con- 
cours de  M""*  Rose  Caron,  de  MN.  Lafarge  et  Sentein. 

Un  festival  consacré  aux  œuvres  de  Vincent  d'indy,  sons  la 
direction  de  l'auteur,  aura  lieu,  comme  nous  l'avons  déjii  annoncé, 
le  3  août.  Le  programme  porte  :  la  trilogie  de  Wallenstein,  la 
symphonie  pour  orchestre  et  piano  sur  un  chant  montagnard 
français  (piano  solo  :  M.  Tonnelier),  la  fantaisie  pour  hautbois  et 
orchestre  (soliste  :  M.  Guidé)  et  la  Forêt  enchantée.  M.  Eugène 
Ysaye  s'est  offert  spontanément  à  faire  la  partie  de  premier 
violon.  HM.  Jacob  et  Van  Bout  s'installeront  également  aux 
pupitres  de  violoncelle  et  d'alto  solos.  Avec  de  tels  éléments,  on 
pçot  compter  sur  une  exécution  excellente. 

Voici  la  liste  complète  des  artistes  belges  récompensés  h 
l'exposition  de  Berlin. 

PEINTURE 

—  Alfred  Slevens,  Lamorinière,  Courtens. 

—  Siruys. 
—  Claus,  Frédéric,  Den  Duyts,   F.  Van 

—  Abry,  Farazyn,  Seghers,  Linden. 
SCULPTURE 

—  Van  der  Stappcn,  Dillens. 

—  Mignon. 

—  Charlier,  Willems,  Van  Beurden. 

—  Hcrain,  De  Hacn,  Hambresia. 
GRAVURE 

.  —  Reins. 

-   Slingcneyer,   Wauters,    M"«   Beernaert, 
De  Vriendl,  Paul  De  Vigne. 


Diplôme  d'honneur. 
Première  médaille. 
Deuxièine  médaille. 
Leempntten. 
Mention  honorable. 

Diplôme  d'honneur. 
Première  médaille. 
Deuxième  médaille. 
Mention  honorable. 

Mention  honorable. 

Hors  concours.  - 
Alb.  De  Vriendt,  Jul. 


André  Messager,  l'auleur  de  la  Batoche,  vient  d'être  nommé 
chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  en  même  temps  qu'Edmond 
Haraucourt,  le  poôie  d»  la  Légende  des  Sexes  et  de  VAme  nue. 

Voici  les  «  instantanés  »  (pas  flattés,  par  exemple!  mais  amu- 
sants) que  leur  consacre  Ip  OU  Blas  : 

André  Messager.  —Un  nerveux  aux  traits  fins  et  distingués. 
Souple,  svelte,  toujours  tiré  à  quatre  épingles  comme  s'il  faisait 


partie  de  la  grande  figuration  mondaine.  Elève  de  Saint-Saëns  et 
l'un  des  meilleurs.  Tint  jadis  les  orgues  dans  la  vieille  église  de 
l'Ile  Saint-Louis.  Débuta  par  écrire  des  ballets  pour  les  Folies- 
Bergère,  sauta  ensuite  des  théâtres  d'opérette  dans  les  bonnes 
maisons  subventionnées.  Sortit  du  rang  avec  l'adorable  et  fantai- 
siste partition  A'isoline.  A  beaucoup  d'entregent  et  en  use. 
Oscille  entre  Delibes  et  Wagner  et  les  pastiche  à  merveille.  On  l'a 
appelé  :  le  Gervex  de  la  musique. 

Edmond  UARiUCOURT.  —  Ressemble  b  une  vieille  lune  rageuse 
avec  sa  tête  presque  glabre.  Se  croit  le  plus  bel  astre  du  ciel 
poétique  contemporain  et  daigne  avoir  Leconle  de  Lisle  pour 
satellite.  Débuta  par  clamer  ses  vers  dans  un  sous-sol  de  brasserie 
au  quartier  latin,  déflorant  ainsi  le  meilleur  de  son  œuvre,  la 
Légende  des  sexes,  un  volume  qui  se  vend  sous  le  manteau.  A 
jadis  violemment  harangué  Iç  public  le  soir  de  sa  Passimi,  en  un 
concert  du  vendredi-saint.  Monologue  fréquemment,  selon  la 
méthode  nasophone,  dans  les  salons  des  différents  ministères. 
Pourrait  chiffrer  son  papier  à  lettre  d'une  couronne  trèflée,  mais 
supprime  sa  particule  autant  par  euphonie  que  pour  sembler 
modeste.  

La  première  série  du  Livre  d'Or  des  Monticelli  étant  en  prépa- 
ration, les  possesseurs  de  tableaux  de  cet  artiste  qui  désire- 
raient les  faire  figurer  au  dit  Livre  sont  priés  d'envoyer  la 
notice  exacte  de  leurs  tableaux,  ainsi  que  leur  adresse,  ii  M.  le 
Directeur  de  la  Revue  de  l'Art,  rue  Saint-Bazile,  34,  Marseille. 

La  huitième  représentation  du  Théâtre  d'Art  (dernière  de  la 
saison)  qui  devait  se  composer  A' Axel,  drame  en  quatre  parties, 
de  Villiers  de  l'Isle-Adam,  n'aura  pas  lieu,  bien  que  les  répéti- 
tions soient  fort  avancées,  par  suite  de  dissentiments  survenus 
entre  M.  Paul  Fort  et  M.  Rodolphe  Darzens,  mandataire  de 
M""  Villiers  de Ilsle-Adam. 

La  saison  prochaine  se  composera  di3  neuf  représentations  au 
lieu  de  huit.  

Uh  nouveau  Cercle  artistique  vient  d'être  fondé  à  La  Haye  par 
un  groupe  de  jeunes  artistes,  sous  le  nom  de  Haagiche  Kunst- 
kring  (Cercle  artistique  de  la  Haye).  Pour  ce  nouveau  cercle,  dont 
les  frais  seront  couverts  par  souscription,  plus  de  50  membres  se' 
sont  déjà  présentés.  Le  Cercle  s'occupera  des  Beaux-Arts  plasti- 
ques, des  belles-lettres,  de  la  musique  et  des  arts  décoratifs. 

MM.  de  Reszké,  dit  le  Monde  artiste,  partiront  du  5  au 
10  octobre  pour  les  Etats-Unis,  et  ils  y  resteront  cinq  mois  aux 
conditions  suivantes  : 

M.  Jean  de  Reszké  recevra  2SO,000  francs  pour  40  représen- 
tations, soit  60,000  francs  pour  8  représentations  par  mois. 
Quand  la  recette  dépassera  30,000  francs,  M.  Jean  de  Reszké  per- 
cevra 20  p.  c.  sur  la  somme  totale. 

M.  Edouard  de  Reszké  recevra  100,000  francs  pour  40  repré- 
sentations, soit  20,000  francs  pour  8  représentations  par  mois. 
Quand  la  recette  dépassera  30,000  francs,  M.  Edouard  de  Reszké 
percevra  10  p.  c.  sur  la  somme  totale. 

Le  répertoire  de  la  troupe  se  compose  du  Prophète,  des 
huguenots,  de  l'Africaine,  de  Faust,  de  Carmen,  de  Roméo, 
à' Aida  et  de  Lohengrin. 

La  troupe  restera  deux  mois  à  Chicago  et  trois  mois  à  New- 
York. 

On  voit  bien  par  cela  ce  que  les  artistes  gagneront,  mais  on 
saisit  moins  ce  qui  restera  au  directeur. 


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Bruxelles  à  Londres  en  . 
Colog^ne  à  Londres  en  . 
Berlin  à  Londres  en  .    . 


8 
13 
22 


heures. 


Vienne  à  Londires  en. 
Bftle  à  Londres  en.  . 
Milan  à  Londres  en  . 

.  .  18  heures. 


36  heures. 
20   - 
32   - 


Francfort  s/m  à  Londres  en    .    . 

xROis  ise]RVIc::e:i»  i^awi  jour 

D'Ostende  à  5  h.  15  matin,  11  h,  10  matin  et  8  h.  20  soir.  —  De  Douvres  à  midi  05,  7  h.  30  soir  et  10  h.  15  soir. 

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fer.  —  Correspondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits). —  Voyages  i  prix  réduits  de  Société. 
—  Location  de  navires  spéciaux.  —  Transport  régulier  de  marchandises,  colis  postaux,  valeurs,  finances,  etc.  -   Assurance. 

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Malles-Postes  de  l'Étal-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Qracechurch-Street,  n°  53,  à  Londres;  i  l'Agence  des  Chemins  de 
fer  de  tt^tat  Belge,  à  Douvres  (voir  plus  haut);  à  M.  Arthur  Vranchen,  Domkloster,  n»  1,  à  Coloone;  à  M.  Siepermànn,  67,  Unter  deû 
Linden,  à  Berlin  ;  à  M.  Remmelmann,  15,  Guiollctt  strasse,  à  Francfort  a/m  ;  à  M.  Schenker,  Scliottenring,  3,  à  Vienne  ;  à  A/""»  Schroekl, 
9,  Kolowratring,  à  Vienne;  à  M.  Rudolf  Meyer,  à  Carlsbad;  à  if.  Schenker,  Hôtel  OberpoUinger,  à  Munich;  à  M.  DetoUenaere,  12, 
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DmANCHB  2  Août  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  ORITIQDB  DBS  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATDRE 

Comité  de  rédaction  •  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


▲BONNKMKNTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union   postale,    &.    13.00.    —  ANITONCKS   :    On  traite  à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  A 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  me  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


Un  Musis  DE  Copies.  —  Une  Lettre  de  M.  Buls.  —  Les  Gaediens 

.  DU  SERAIL  DE  LA  PlACE  DU  MuSÉE.  —  LeS  TaBLEAUX  OUI  NE  COMPTENT 

PAS.  —  Une  Fi.Eua  administrative.  —  Les  bons  parents.  — 
Bruxelles  vivant.  —  Le  Chasseur  vert  ou  la  THioaiE  des^oom- 
plAiont AIRES.  —  Auguste  Rodin.  —  Pettte  chronique 


UN  MUSÉE  DE  COPIES 

Un  article  a  paru  à  ce  sujet  dans  la  Nation.  La 
question  parait  intéressante,  d'autant  plus  que  nous 
saTons  que  des  essais,  en  ce  sens,  ont  déjà  été  faits. 
Seulement,  ils  n'ont  abouti  qu'à  de  l'incomplet  et  du 
quelconque. 

Un  point  sur  lequel  on  n'a  guère  insisté,  c'est  sur  la 
perfection  vraiment  miraculeuse  de  certains  procédés 
photographiques.  Non  seulement,  en  telles  épreuves,  on 
a  la  sensation  du  dessin  du  tableau  original,  mais 
on  y  peut  surprendre  le  coup  de  brosse,  la  facture  et 
riuu'monie  des  couleurs.  Certes,  le  vert,  le  bleu,  le 
rouge,  comme  l'affirme  l'auteur  de  l'article,  ne  se  peut 
traduire,  mais  la  relation  et  l'harmonie  des  tons  —  ce 
qui  est  chose  capitale  en  peinture  —  se  trouvent  trans- 
férées. 


A  voir  certains  Hais,  certains  Delacroix,  certains 
Rembrandt  à  la  montre  de  Braun,  on  a  nUusion  de  se 
trouver  en  présence  des  tableaux  eux-mêmes.  Certaines 
reproductions  sont  même  plus  belles.  Exemples  ?  Celle 
de  la  Af*  Récamier  de  David  ;  celle  de  l Angélique 
d'Ingres.  Ces  dernières  ne  sont  pas  même  signées  du 
nom  du  très  artiste  photographe  de  l'avenue  de  l'Opéra. 
Elles  sont  anonymes,  et  pourtant  combien  elles  témoi- 
gnent en  faveur  du  projet  de  ce  nouveau  musée.  Même 
une  quelconque  épreuve  est  probante. 

Il  existe  déjà,  au  Musée  des  Arts  décoratifs,  une  cof-" 
lection  embryonnaire  de  telles  copies.  On  y  peut  remar- 
quer, photographiés,  quantité  de  fresques  italiennes  et 
de  superbes  Puvis  de  Chavannes. 

Ces  remarques  complémentaires  émises,  voici  l'idée 
développée  dans  la  Nation  : 

A  Londres,  dans  les  sous-sols  de  la  National  Oallery,  faisant 
face  aux  salles  consacrées  aux  aquarelles  de  Turner,  on  a  installé 
un  musée  de  copies  :  trois  petites  salles.  Dans  la  première, 
l'oeuvre  presque  complète  de  Velasquez  et  de  Rembrandt;  dans  la 
deuxième  et  la  troisième,  des  fresques  italiennes  :  Gozzoli,  Pinlu- 
riccbio,  l'Aogelico,  le  Giolto,  Massacio,  Mantegna,  Memmi, 
Boiicelli,  etc.  ;  plus  quelques  reproductions  des  gothiques 
allemands;  plus  encore,  deux  triptyques,  l'un  de  Van  Eyck, 
l'autre  de  Memling.  C'est  la  seule  initiative  prise  par  les  organi- 
sateurs des  musées  anglais,  qui  nous  paraisse  malheureuse.  Les 
copies  de  dimension  étroite,  rapetissées  à  des  proportions  nulles. 


244 


L'ART  MODERNE 


niant  el  comme  outrageant  les  originaux,  leur  menianl  par  l'allure 
el  le  dessin,  apparaissent  en  rang  de  pseudo-cliromolilhographie» 
à  la  cymaise.  A  Florence,  non»  avons  rencoptré  de  studieux  jeunes 
gens  réduisant  —  sans  doute  pour  le  compte  de  la  National  Oal- 
Ury  —  la  Naissance  de  Vénus  en  page  d'album,  en  illustration 
de  missel,  en  reproduction  banale. 

Il  nous  était  donné  d'avoir  sous  les  yeux  l'original  éclatant  et 
divin,  et  vraiment  c'était  pitié  de  constater  ce  qui  en  restait  dans 
l'aquarelle  méticuleuse  et  proprette  du  copiste.  Non  seulement 
l'impression  impérieuse  s'était  en  allée,  mais  l'imagerie  quel- 
conque, qui  la  voulait  traduire,  étriquait  tellement  le  chef-d'œuvre, 
violait  à  tel  point  sa  grandeur,  qu'on  aurait  pu  l'étiqueter  :  Défor- 
mation de  la  Naissance  de  Vénus. 

Au  fond,  la  plupart  des  copies  étant  des  mensonges  peints  et 
payés  relativement  cher,  il  vaudrait  peut-être  mieux  n'en  faire 
jamais.  Laisser,  au  Louvre,  vandaliserle  salon  carré  par  des  rapins 
sexagénaires  et  de  vieilles  toquées  coriaces  et  de  cosmopolites 
palellisles,  est  manquer  de  respect  aux  grands  maîtres. 

Il  est  des  choses  suprêmes  qu'on  devrait  défendre  de  plaisanter, 
de  galvauder  dans  des  boutiques  de  bric-k-brac  ou  de  marchands 
de  cadres  sur  les  quais.  Que  de  caricatures  de  cette  pauvre  et 
immortelle  Joconde  ai-je  vu  traîner  entre  une  tabatière  allemande 
et  des  pincettes  empire  !  Stéphane  Mallarmé  recueillit  un  jour,  par 
pure  pitié,  une  Madeleine  évidemment  copiée  d'un  tabeau  véni- 
tien, contre  laquelle,  au  coin  des  rues,  les  chiens  levaient  la  patte. 
Il  y  avait  là  un  tel  outrage  i  ce  qui  fut  la  beauté,  que  le  poète  ne 
le  put  souffrir  quotidiennement  perpétré,  au  long  du  chemin  qu'il 
suivait.  Aujourd'hui  la  Madeleine  a  une  place  chez  lui  et  il  raconte 
sa  bonne  œuvre,  volontiers. 

En  Belgique,  heureusement,  on  n'a  point  suivi  les  errements 
des  organisateurs  anglais.  Quand  on  juge  bon  de  se  procurer  des 
copies  on  charge  des  peintres,  d'ordinaire  marquants  et  habiles, 
d'aller  en  Italie  ou  en  Hollande  reproduire  l'original  dans  les 
dimensions  et  avec  le  soin  voulus.  Ainsi  possédons-nous  traduits 
deux  Hais,  un  Carpacchio,  un  Giolto,  un  Angellco,  un  Lnini,  un 
Van  Eyck,  un  Kempeneer.  Ces  œuvres,  exposées  au  Musée  des 
Echanges,  couvrent  honorablement  leur  pan  de  mur. 

Et  néanmoins,  cela  ne  satisfait  point.  Et  les  raisons  en  sont 
nombreuses. 

La  première  est  qu'un  vrai  peintre  copie  mal.  Il  y  met  trop  de 
sa  personnalité;  quoi  qu'il  fasse  ou  veuille,  c'est  encore  lui  qu'il 
exprime  en  s'acharnani  à  ne  laisser  apparaître  que  l'autre.  On  peut 
même  affirmer  :  plus  on  est  artiste,  plus  on  translate  faussement. 
Rubens  a  copié  la  Cine  du  Vinci  :  il  en  a  fait  un  Rubens  ;  Dela- 
croix a  reproduit  Rubens,  il  en  est  résulté  un  Delacroix.  Quand 
on  envoie  Mellery  ou  Meunier,  l'un  à  Venise,  l'autre  il  Séville, 
rapporter  un  Carpacchio  et  un  Campana,  on  leur  demande  l'impos- 
sible. Ils  n'en  ramènent  qu'une  figuration.  Et  ils  ne  se  doivent 
reprocher  rien  ;  toute  l'erreur  incombe  à  ceux  qui  les  ont  envoyés. 

Mais  alors  faut-il  confier  ces  missions  il  des  peintres  nuls? 

Moins  encore,  puisque  aucun  d'entre  eux  n'étant  artiste,  ne 
saisira  l'art  déployé  dans  un  chef-d'œuvre.  Admettant  qu'ils  aient 
assez  de  pratique  pour  transposer  scrupuleusement  tels  et  tels 
morceaux,  l'auiorilé  de  l'ensemble,  l'éloquence  de  la  toile  totale 
leur  échappera.  Ils  feront  de  l'ouvrage,  ils  ne  réaliseront  pas 
l'équation  esthétique,  lis  n'y  fourreront  que  leur  incompréhen- 
sion et  leur  insuffisance. 

De  tout  ceci  résulte  qu'une  copie  manuelle  est  chose  impos- 
sible et  qu'il  ne  faut  confier  ce  travail  à  personne. 


Et  qu'on  ne  dise  pas  que,  cette  mesure  prise,  an  tort  évident  en 
résulte  pour  les  artistes,  privés  de  voyages  et  de  foreurs. 

Jamais,  si  l'Etat  veut  s'intéresser  h  tel  peintre,  l'occasion  ne  lui 
fera  défaut.  N'eût-on  pas  mieux  fait  d'acheter  I  Mellery  une  oeuvre 
bien  sienne  que  de  l'envoyer  ii  Venise  T  Le  meilleur  moyen  de 
s'occuper  des  artistes  c'est  de  leur  commander  des  tableaux  pensés 
par  eux,  conçus  par  eux,  achevés  par  eux,  c'est  de  se  procurer 
pour  nos  musées  leur  art,  celui  qui  les  exprime  et  non  eeini  par 
lequel,  inconsciemment,  ils  trahissent  le  génie  des  maîtres  morts. 

La  seconde  raison,  c'est  que  ces  copies  nécessairement  impar- 
faites coûtent,  à  cause  des  frais  de  déplacement,  fort  cher,  et  que 
par  conséquent  leur  nombre  est  fatalement  restreint. 

On  travaillerait  un  siècle  k  organiser  un  musée  de  reproductions 
à  la  main,  qu'il  serait  encore  très  incomplet. 

Un  seul  remède  existe  —  estrce  remède  qu'il  faut  dire?  —  c'est 
d'inauprer  un  musée  de  copies  photographiques.  La  photogra- 
phie doit  être  pour  la  peinture  ce  que  le  surmoulage  est  il  la 
sculpture.  Pourquoi  n'envoie-t-on  pas  des  sculpteurs  copier 
Michel-Ange,  Donatello,  Kraft  el  Jean  Cousin?  Celte  idée  ne  serait 
au  fond  guère  plus  illogique  que  celle  d'envoyer  des  peintres 
interpréter  des  peintres. 

La  différence  dans  les  deux  cas  n'est  qu'apparente. 

Le  surmoulage  est  un  procédé  qui  assigne  ce  qui  est  essentiel 
à  une  copie,  l'exactitude.  La  photographie  aussi.  Certes  ne  donne-t- 
elle pas,  jusqu'à  ce  jour,  la  couleur  ;  mais  le  surmoulage  donne-t-il 
la  patine  et  cette  empreinte  ou  plutét  cette  merveilleuse  couleur 
des  siècles  qui  caractérise  les  marbres  invincibles? 

Il  importe  d'insister  sur  la  qualité  des  photographies.  Le  plus 
possible  elles  doivent  se  rapprocher  de  la  dimension  des  originaux 
ou  du  moins  en  donner  l'illusion. 

Chez  Braun,  telles  reproductions  des  Syndics  de  Rembrandt  ou 
du  Printemps  de  Boticelli  s'étalent,  par&ites.  Elles  réalisent 
admirablement  ce  but. 

En  certains  cas  —  par  exemple  pour  les  fresques  —  on  photo- 
graphierait des  parties,  séparément,  el  l'on  agencerait  les  mor- 
ceaux par  des  soudures  imperceptibles. 

L'exposition  se  ferait  non  pas  ii  la  diable  :  quatre  punaises  sur 
fond  poisseux,  mais  en  des  cadres  appropriés  el  mariés  aux  teintes 
variées  des  épreuves. 

On  arriverait  ainsi  à  des  ensembles,  il  de  complets  groupements, 
à  une  histoire  étendue  et  exemplaire  des  écoles  étrangères.  On 
ferait  œuvre  pas  énormément  frayeuse,  très  utile  et  d'initiative, 
aucun  musée  n'ayant  encore  inauguré  cette  idée,  avec  décision  et 
grandeur. 

Un  temps  arrivera,  certes,  où  chaque  direction  des  Beaux-Arts 
aura  son  atelier  de  photographie,  comme  actuellement  le  Louvre, 
Florence  et  Rome  ont  leurs  ateliers  de  plâtres,  et  l'on  félW  dM 
échanges  de  planches  'et  d'épreuves,  comme  aujourd'hui  d^à  oh 
fait  des  échanges  de  statues  et  de  bustes.  Et  l'on  ne  verra  plus  des 
maisons  de  commerce  —  comme  chez  nous  les  frères  Hanfstaengl 
—  faire  preuve  de  goût  germanique  et  reproduire  il  la  li«-de-vin, 
en  une  teinte  atrocement  rose,  les  chefs-d'œuvre  de  nos  gothiques. 


UNE  LETTRE  DE  M.  BULS 

Nons  insérons  la  lettre  suivante  très  volontiers.  L'inexactitude 
que  M.  Buis  signale  dans  la  lettre  de  H.  'A.  D.,  parue  dans  notre 
numéro  du  19.jnillet,  nous  la  signalons  i  notre  correspondant. 


L'ART  MODERNE 


245 


Quant  k  la  leconde  qoealion,  nous  ne  voyons  dans  la  réponse  de 
M.  le  j^oorgmeatre  qne  des  renseignements  et  non  des  démeniis. 
Et  ils  Bont  fort  iatëresaants  cl  probanU.  Cela  dit,  qu'il  nous  soit 
permis  de  remercier,  dès  aujourd'hui,  M.  Buis  de  l'engagement 
qu'il  prend  de  combattre  6  la  Chambre  l'organisation  des  musées 
et  d'appayer,  de  sa  parole  et  de  son  autorité,  les  réclamations 
aigoés  qui  volent  de  toutes  parts  comme  des  flèches  vers  les 
commiaiîioDS  et  les  bureaux  des  Beaux-Arts. 

Qull  n'ait  crainte  du  «  Et  vous?  »  que  pourrait  lui  rétorquer 
un  ministre.  Nous  avons  trop  souvent  rendu  témoignage  du  zèle 
indiscutablement  intelligent  et  artiste  que  M.  Buis  manifeste,  dès 
qu'il  s'agit  d'architecture  et  de  paysage  urbains,  pour  que  son 
administration  puisse  être  assimilée  à  celle  du  ministère  de  l'inté- 
rieur. Noas  le  remercions  également  du  «journalistes-amateurs». 
Mais  amateurs  encore  bien  plus  que  journalistes.  Et  amateurs  dans 
le  sens  de  critiques  indépendants,  n'est-ce  pas  ? 

Bruxelles,  le  30  juillet. 

MONSISUB  l'Administhàteub, 

La  presse  publie  tant  d'informations  inexactes  sur  les  actes  de 
l'Administration  communale  ijue  je  me  suis  donné  pour  règle  de 
ne  plus  les  démentir. 

Cependant,  je  fais  aujourd'hui  une  exception  pour  l'An 
moderne. 

Dans  votre  numéro  du  19  juillet,  vous  publiez  une  lettre  signée 
A.  D.,  qui  a  la  prétention  de  dénoncer  à  l'indignation  de  vos  lec- 
teurs une  bévue  de  mon  administration  à  propos  d'un  très  beau 
vase  en  cuivre  qui  se  trouvait  sur  la  maison  habitée  par  H.  Billen. 

Or,  il  n'y  a  pas  un  mol  de  vrai  dans  cette  histoire  ;  mes  bureaux 
me  l'affirment,  et  M.  Billen,  qui  habite  cette  maison  depuis  plus 
de  cinquante  ans,  n'en  a  aucune  connaissance. 

Bien  au  contraire,  il  ne  se  démolit  pas  une  vieille  maison  à 
Bruxelles,  dans  les  quartiers  que  nous  exproprions,  sans  que  notre 
architecte  ne  la  visite  pour  s'assurer  s'il  ne  s'y  trouve  pas  un  objet 
d'art  digne  d'être  conservé.  Dans  le  numéro  du  39  juillet,  vous 
me  dédiez  un  autre  article  sur  nos  arbres,  et  tout  en  rendant 
justice  aux  efforts  que  j'ai  faits  pour  les  multiplier  à  Bruxelles, 
vous  montrez  encore  que  vous  êtes  mal  informé. 

Tous  les  essais  que  vous  indiquez  pour  préserver  les  arbres  de 
l'avenue  Louise  d'une  décrépitude  prématurée  ont  été  tentés, 
même  la  canalisation  systématique  souterraine  que  vous  con- 
seillez; vous  pouvez  encore  en  retrouver  les  regards  aux  environs 
de  la  rue  Mercelis.  Un  seul  remède  a  été  reconnu  efficace  :  c'est 
le  choix  d'essences  appropriées  !i  notre  sol  et  &  notre  climat;  c'est 
celui'  que  nous  employerons  dorénavant.  Si  je  vous  envoie  ces 
rectifications,  c'est  que  je  compte  encore  signaler  à  la  Chambre  les 
défauts  de  nos  musées  et  que  je  ne  veux  pas  m'exposer  à  me  voir 
opposer  la  lettre  de  votre  correspondant  par  un  ministre  qui  me 
népoadra  :  et  vous!  comme  on  le  fait  trop  souvent  au  Parlement. 

Puis,  votre  rédaction  n'est  heureusement  composée  que  de 
journalistes-amateurs  ;  elle  rie  doit  donc  pas  s'être  imposée  la 
règle  de  ne  jamais  admettre  qu'une  '  administration  officielle 
puisse  être  attentive  et  prévoyante. 

Agréez,  Monsieur  l'Administrateur,  l'assurance  de  ma  considé- 
ration distinguée. 

Le  Bourgmestre, 
Bols. 


LES  GARDIENS  DU  SÉRAIL 

de  la  place  dn  Mnaée. 

Voilà  tantôt  deux  mois  qu'à  tue-tête  nous  clamons  leur  incom- 
pétence. Chaque  semaine  nous  ramassons  plusieurs  cailloux  de 
leur  bêtise  et  nous  les  jetons  dans  les  fenêtres  des  «  bureaux  » 
où  ils  opèrent.  Ils  ne  répondent  même  pas  :  il  y  a  quelqu'un  ! 

C'est  le  silence  voulu,  obligatoire,  calculé.  Ils  sont  gardiens, 
oui,  gardiens  jusqu'au  bout,  comme  ceux  des  sérails,  et  comme 
ceux-ci  muets  et  impuissants. 

Croyez-vous  qu'attaqués  par  la  presse  artistique  entière,  ils  se 
justifient  ou  se  défendent  ?  Rien.  On  les  accable  de  chiffres  et  de 
faits.  On  dévoile  leur  ignorance.  On  met  au  jour  leurs  gaffes.  On 
ridiculise  leur  vie  administrative.  On  les  trique,  ces  rond-de-cuir, 
on  les  hué,  on  demande  qu'on  les  chasse,  car  ils  sont  usés,  rancis, 
perruque,  séniles,  incapables.  Ils  laissent  faire.  On  dirait  que  cela 
flatte  même  leur  sénilité. 

Que  leur  importe  l'opinion  publique?  Ils  sont  les  maîtres,  les 
élus  définitifs  du  ganachisme,  les  casés  en  bonne  place  de  la  rou- 
tine, les  suprêmes  dispositaires  du  budget. 

Ah!  vous  vous  amusez  à  tirer  des  coups  de  revolver  dans  le 
vivier  de  ces  carpes  de  fonctionnaires!  Peuh!  Les  balles  se  per- 
dent bientôt  dans  la  vase. 

Ne  sont-ils  pas  les  tout-puissants?  Est-ce  que  les  artistes  ne 
viennent  pas  faire  antichambre  chez  ces  caissiers?  Ne  sont-ils 
pas,  en  somme,  les  juges  suprêmes  de  l'art  belge?  Leur  morgue 
est  aussi  grande  que  leur  bêtise.  Ils  sont  tous  décorés  et  admirés 
par  leurs  commis. 

En  somme,  le  rôle  de  ces  gens  est  important  et  ils  ne  forment 
pas,  dans  l'Etat,  une  quantité  négligeable.  Us  ont  tué  plusieurs 
artistes  de  valeur.  Us  en  ont  déformé  ou  estropié  beaucoup  d'au- 
tres. Ils  sont  plus  néfastes  que  des  accidents  de  chemin  de  fer. 

Quel  mérite  ont-ils  pour  avoir  obtenu  cette  importance?  Avoir 
taillé  des  plumes,  gratté  du  papier,  sommeillé  sur  un  siège  de 
fonctionnaire,  végété  dans  quelque  académie,  servi  de  secrétaire 
à  quelque  commission. 

Sont-ils  des  artistes?  —  Pas  du  tout. 

Voient-ils  clair  en  art?  —  Pas  du  tout. 

Ce  sont  des  cuistres.  La  preuve?  L'un  d'eux  n'écrivait-il  pas 
récemment  dans  un  grand  journal  cette  phrase,  fleur  de  gana- 
chisme :  «  M.  Herbo  est  le  peintre  par  excellence  de  la  chair 
féminine,  à  vrai  dire,  la  seule  chair  qui  soit.  » 

Voilà  à  quels  gens  sont  livrés  les  artistes,  devant  quels  person- 
nages ils  sont  obligés  d'aller  faire  la  courbette,  pour  avoir  une 
«  commande  ».  C'est  horrible  et  c'est  triste! 

S°imagine-t-on  l'an,  cette  chose  spontanée,  toute  idéale,  toute 
intuitive,  à  la  merci  de  ces  incompréhensifs?  Ils  viennent  piétiner, 
de  leurs  pantoufles  de  bureaucrates  et  du  lourd  sabot  de  leur 
imbécillité,  les  plates-bandes  où  fleurissent  les  belles  et  jeunos 
fleurs,  dont  l'arôme  est  trop  étrange,  trop  rare  ou  trop  neuf  pour 
leurs  narines  habituées  aux  huiles  des  académies  ou  aux  pous- 
sières des  registres. 

S'ils  se  contentaient  de  passer  outre,  encore!  Mais  ils  écrasent. 
Us  ne  sont  pas  seulement  indifférents,  ils  sont  hostiles. 


J 


Les  tableaux  qui  ne  comptent  pas. 

La  question  Giuchez  a  déjà  été]  disentée,  il  y  a  longtemps,  k  la 
Chambre  des  représentants.  Voici  un  extrait  des  AnnaUt  parlt- 
mentaires  du  21  mai  1885. 

«  H.  d'Andrimont Je  lis,  dans  des  documents  officiels, 

que  M.  Léon  Gauchez,  de  Paris,  qui  semble  être  le  fournisseur  de 
l'Elat,  lui  a  vendu  quatre  tableaui,  dont  trois  sont  signés  par  des 
artistes  d'un  talent  reconnu. 

Quant  au  quatrième,  acheté  15,000  francs,  il  est  d'un  anonyme 
et  représente  le  portrait  «  supposé^.»  d'un  duc  de^Bourgogne, 
sans  nom  d'auteur. 

Or,  des  personnes  compétentes  m'ont  déclaré  que  cejtabieau 
était  vraiment  payé  trop  cher. 

J'ai  également  lu  la  description  de  quatre  autres  tableaux  ven- 
dus à  l'Elat  par  M.  Léon  Gauchez,  le  26  décembre  1883. 

Il  s'agit  de  quatre  tableaux  cédés  pour  20,000  francs  et  intitu- 
lés :  Martyre  de  lainl  Sébattien,  Repos  en  Egypte,  Ckritt  au 
tombeau  et  la  Vierge  et  l'Enfant  Jitus. 

Encore  une  fois,  ces  deux  derniers  tableaux  émanent  d'auteurs 
anonymes  ! 

M.  Slingenfïer.  Les  deux  derniers  ne  comptent  pas  ;  mais  les 
deux  autres  sont  des  chefs-d'œuvre.  » 

Ah  !  alors  on  achète  à  H.  Gauchez  et  on  pend  aux  murs  du 
Musée  des  tableaux  qui  ne  comptent  pas. 

Un  musée  est-il  une  remise  de  croûtes  et  de  loques,  ou  bien 
l'écrin  oCi  on  ne  met  que  des  choses  de  valeur? 

C'est  déroutant!!! 


^^\^Z  fhZUK  ADMlNIgTR/TlVE 

Pourquoi  les  Goya  sont-ils  à  la  Bibliothèque,  tandis  que  les 
Rembrandt  et  les  Durer  sont  au  cabinet  des  estampes? 

Vous  n'en  trouvez  pas  le  motif? 

Eh!  bien.  Monsieur,  les  Goya  sont  réunis  en  albums;  alors  ils 
font  livre,  n'est-ce  pas?  et  doivent  se  trouver  dans  une  biblio- 
thèque. 

Il  n'en  est  pas  de  même  des  Rembrandt  :  c'est  pour  cela  qu'ils 
sont  aux  estampes. 

Voilà,  probablement,  le  raisonnement  qui  a  surgi  dans  la  cer- 
velle des  adminisiraleurs  des  livres  et  des  gravures  de  l'Elat,  et 
qui  leur  a  fait  prendre  celte  mesure  plaisante. 


LES  BONS  PARENTS 

par  HcBEKT  KiuiNs.  —  Bruxelles,  chez  Alfred  Castaigne. 

Depuis  dix  ans,  quelle  ample  moisson  d'écrivains  a  surgi  en 
Belgique!  C'était,  d'abord,  le  turbulent  et  vivant  noyau  de  la 
Jeune  Belgique.  Puis,  d'année  en  année,  des  noms  nouveaux  sont 
venus  s'accoler  à  ceux  qui  avaient  déjà  droit  de  cité  dans  le  monde 
des  lettres.  Les  livres  ont  poussé  comme  les  feuilles  et  les  fleurs 
par  de  beaux  jours.  Malgré  tout,  dans  le  plus  hostile  des  milieux, 
à. travers  une  lutte  de  tout  instant,  sous  une  pluie  de  raillerie  béte 
et  de  mépris  imbécile,  la  littérature  s'est  soudain  montrée  superbe 
et  vivace.  Elle  compte,  maintenant,  et  sous  peu  on  comptera 
avec  elle. 

Voici  encore  un  o  premier  livre  »  qui  vient  de  paraître,  de 


M.  Knini.  M.  Hubert  Erains  est  eollabontenr  k  to  WtUonie  et  h 
la  Jimne  Belgique  et  il  lient  k  le  SoeiM  NomeUe  aoe  plume 
pénétrante  et  acerbe  de  critique  littéraire. 

Son  livre  contient  quatre  contes.  Le  premier,  Im  Botu  Parents, 
est  l'histoire  d'an  enfant  bonn  vendu,  par  ses  parenu,  k  des 
saltimbanques.  Le  deuxième,  CoHtoUUrix,  raconte  les  aventures 
d'un  groupe  de  bourgeois  en  promenade  et  terrifiés,  près  d'une 
vierge  miraculeuse,  par  une  bande  de  mendiants  qui  viennent 
prier.  Le  troisième,  le  Bonheur  de*  autru,  dit  la  miaère  navrante 
d'un  ouvrier  et  oppose  celle-ci  k  la  joie  d'un  bal  de  village.  Enfin 
le  quatrième,  la  OU  Mercantile,  décrit  une  ville  de  négociants 
hostiles  i  l'art. 

Ce  qui  est  vraiment  curieux,  dans  un  livre  de  débutant,  c'est  le 
côté  réfléchi  et  pondéré  de  ce  style.  D'emblée,  H.  Krains  est 
maître  de  sa  plume.  Chez  lui,  pas  de  ces  bravoures  ou  de  ces 
forfanteries  de  langue,  de  ces  morceaux  enlevés  par  pure  maestria 
et  qui  souvent  tentent  les  jeunes.  C'est  un  Couleur  k  la  Mérimée, 
précis,  nerveux,  allant  droit  au  but  proposé.  Il  ne  s'attarde  k 
cueillir,  le  long  des  sentes  de  sa  littérature,  des  flenn  colorées, 
il  ne  s'amuse  k  faire  briller  et  chatoyer  son  verbe,  mais  il  est 
sobre,  réservé,  modeste  d'images,  et  attentif  surtout  k  l'idée 
poursuivie,  qu'il  cherche  k  rendre  la  plus  nette  possible.  Ce  qui 
n'empêche  son  style  d'être  fort,  fourni,  charnu,  car  il  cherche  k 
y  condenser  le  plus  d'idée  possible.  C'est  le  style  d'un  conteur 
médullaire  k  la  fois  et  modéré. 

Voilà  le  physique  du  livre. 

Au  moral,  nous  trouvons  un  écrivain  froidement  ironique, 
cherchant,  dans  la  nature  humaine,  d'un  scalpel  sans  enthou- 
siasme, les  celés  mauvais  ou  ridicules.  On  dirait  que  pour  lui  la 
bonté  n'existe  pas  sur  le  monde  :  un  brouillard  de  tristesse  plane 
devant  les  choses,  et  s'il  luit  des  reflets  plus  gais,  dans  cette  teinte 
sombre,  ce  sont  ceux  des  ridicules  des  hommes. 

Devant  ces  découvertes  des  bassesses  et  des  mesquineries,  le 
conteur  ne  devient  ni  colère,  ni  mélancolique.  Il  paraît  consigner 
un  fait  accompli.  Un  peu  d'amertume  lui  vient  k  la  plume,  puis  il 
continue  ses  investigations,  à  la  lueur  de  son  esprit  implacable, 
qui  met  en  cruel  relief  la  méchanceté  et  la  bêtise. 

Et  ces  recherches  psychologiques  sont  habiles,  car  ce  collec- 
tionneur des  petitesses  de  l'ftme  est  doublé  d'un  observateur 
constant  et  aigu.  Il  met  k  jour,  d'un  trait,  le  lieu  commun  des 
esprits;  il  dévoile  la  banalité  des  cœun  et  des  cervelles;  il  attrape 
au  vol  les  phrases  «  clichées  »  où  se  photographient  les  plates 
misères  et  les  pauvres  idées  qui  forment  le  train-train  quotidien 
de  la  vie  ordinaire  —  et  cela  avec  un  Un  sourire  de  désabusé. 

Où  ces  qualités  se  montrent  le  plus,  c'est  dans  cette  nouvelle  : 
Consolatrix.  De  quelle  touche  ironique  M.  Krains  nous  montre  ces 
bourgeois  «  à  la  campagne  »,  apportant  sous  le  ciel,  dans  les 
bois,  la  fadeur  de  leurs  pensées,  l'étroitesse  de  leur  vie.  Et  comme 
il  s'entend,  avec  quelle  froide  moquerie,  à  mettre  en  œuvre  leur 
mesquinerie  d'âme,  devant  une  vierge  en  pierre  vermoulue  qui 
leur  verse,  de  ses  orbites  noires,  de  la  terreur,  et  k  côté  d'une 
bande  tragique  de  mendiants  qui  viennent  prier  et  dont  ils 
craignent  la  présence. 

Voici  un  extrait  de  ce  conte,  qui  donne  bien  l'idée  de  la  manière 
de  M.  Krains  :  «  Une  des  femmes,  alors,  révéla  la  peur  que  lui 
causaient  les  pauvres.  Elle  ne  passait  jamais  dans  les  endroits  où 
ils  se  tiennent  d'habitude;  quand  elle  se  rendait  à  l'église,  elle 
baissait  la  tête  en  arrivant  sous  le  porche,  pour  ne  pas  voir  les 
vieillards  qui  s'y  réfugient  ;  et  s'il  lui  fallait  rentrer  seule,  la  nuit. 


elle  ouvrait  la  porte  en  Iremblanl,  hésitait  uae  minute  avant  de 
pénétrer  dans  le  corridor,  s'imaginant  toujours  qu'un  homme  à 
barbe  hirsute,  vêtu  d'une  blouse  eb  lambeaux,  allait  surgir  des 
ténèbres  en  brandissant  un  eustache  bien  aiguisé. 

—  Les  pauvres,  en  effet,  n'ont  rien  d'agréable,  ajouta  son  amie; 
les  aveugles  aussi  m'épouvantent  avec  leurs  yeux  blancs.  Puis  il 
y  en  a  dont  le  corps  est  affreusement  couvert  d'ulcères. 

L'employé  intervint.  11  railla  d'abord  les  femmes,  ne  compre- 
nant pas  qu'on  eût  peur  des  pauvres.  Il  disserta  ensuite  sur  la 
superstition,  ii  propos  de  la  Vierge  dont  la  présence  contrariait  ses 
compagnons.  «  Supposez,  dit-il,  qu'au  lieu  de  cette  pierre  à 
laquelle  on  a  donné  une  vague  forme  humaine,  vous  ayez,  derrière 
vous,  un  dolmen  (j'entends  un  de  ces  blocs  granitiques  dont  nos 
ancêtres  se  servaient  en  guise  d'autels,  pour  eacrifier  à  leurs 
idoles),  en  éprouveriez  vous  la  moindre  crainte?  Non,  n'est-ce 
pas.  Vous  iriez  vous  asseoir  dessus,  Iranquillement,  sans  vous 
inquiéter  de  son  caractère  vénérable.  Or,  entre  cette  Vierge  et  un 
dolmen,  quelle  différence  y  a-t-ilT  Aucune.  Ce  sont  deux  pierres, 
deux  choses  inanimées  ».  —  El  il  haussa  les  épaules,  tandis  que 
sa  bouche  dessinait  une  grimace  méprisante.  » 

Il  faut  lire,  aussi,  ce  conte  déchirant  :  Les  Boiu  Parents.  C'est 
diabolique.  M.  Krains  voit  les  paysans  rapaces  jusqu'au  crime.  Il 
les  fouille  d'une  plume  brûlante,  les  lacère  de  sa  phrase  expiatrice, 
mais  toujours  avec  flegme,  et  pas  plus  ému  qu'un  vieux  praticien 
disséquant  un  cadavre.  Balzac  avait  parfois  de  telles  visions  des 
cœurs  rustiques. 

La  Cité  Mercantile  et  le  Bonheur  da  autres  complètent  ce 
volume,  annonciateur  d'un  véritable  écrivain,  et  qui  certes  doit 
marquer  dans  l'évolution  littéraire  actuelle.  Ce  livre  a  beaucoup 
de  tt  fond  ».  El  l'on  pourrait  peut-être  lui  appliquer  ce  que 
H.  Krains  écrivait  dernièrement  à  propos  de  Là-Bas  :  «  On  dirait 
que  Huysmans  s'est  appliqué  à  satisfaire  Stendhal,  qui  prétendait 
qu'un  écrivain  a  atteint  la  perfection  lorsqu'on  se  souvient  de  ses 
idées  sans  pouvoir  se  rappeler  ses  phrases  ». 


BRUXELLES   'VrV-J^lTT 

par  M.  F.  Mabuttb. 

C'est  la  ville  de  cette  heure-ci.  La  ville  dont  les  journaux  dis- 
putent, journellement;  la  ville  grouillante.  Marchés,  rues,  squares, 
cafés,  promenades,  monuments,  théâlref,  bourse,  parlement, 
concerts,  salles  de  vente,  cochers,  fiacres,  commissionnaires, 
statues,  us,  coutumes,  tout  ce  que  proclament  les  affiches,  tout 
ce  qu'épinglenl  les  faits-divers,  tout  ce  qui  fait  l'objet  des 
annonces,  des  racontars,  des  anecdotes,  des  joies,  des  deuils,  des 
vanités,  des  parlottes,  des  scandales  de  ce  temps  brabançon 
(anno  18dl),  défilent  en  ce  livre. 

Un  Bsedeker?  non  pas.  Des  annales  ?  moins  encore.  Des  com- 
pilations de  faits  et  de  dates,  de  l'archéologie  T  Erreur. 

Tout  uniment  les  impressions  d'un  attentif,  pour  lequel  voir  : 
c'est  retenir  ;  penser  :  juger  et  parler  :  écrire  avec  soin  et  volonté. 
Bruxelles  Vivant  est  au  delà  de  l'article  de  journal  et  en  deçà  de 
l'étude  complète.  Hebdomadairement,  dans  le  tupplémenl  litté- 
raire de  l'Indépendance  belge  les  chapitres,  un  à  un,  ont  paru. 
Ils  sont  dédiés  par  l'auteur  à  ses  voisins  d'écritoire^  à  la  rédac- 
tion dn  journal. 

Dans  un  autre  quotidien,  certes,  avec  moins  de  littérature,  le 
passé  de  la  cité  a  été  coupé  en  tranches  par  M.  Joè  Dirickx,  et 


réuni  également  en  volume.  Les  deux  livres  se  complètent.  Ils 
s'embottent. 

Nous  aimons  à  insister  sur  l'écriture  de  M.  Hahutte,  qui  est 
celle  d'un  jeune  Belgique  de  la  première  heure  et  ne  fausse  guère 
les  traditions  du  groupe.  La  phrase  nette  et  de  clair  habillée,  le 
mot  figuratif,  le  vocable  ressuscité,  le  néologisme  logique,  la  ter- 
minaison à  nuances,  la  couleur  vive,  le  chapitre  ratissé  de  lieux 
communs  et  sarclé  de  veuleries  et  de  poncifs,  on  les  souligne 
fréquemment  il  la  lecture.  H.  Hahutte  n'est  pas  un  révolutionnaire, 
mais  un  inventif  circonspect.  Les  mots  de  hasard  il  n'en  veut  pas 
—  mais  il  a  exploré  dictionnaire  et  lexique.  Il  connaît  aussi  le 
coin  des  vieux  auteurs  où  se  trouvent  les  expressions  de  bonne 
marque  et,  nettoyées  de  poussière,  il  les  aligne  côie  à  côte  avec 
les  quotidiennes  et  les  usuelles.  Le  dernier  chapitre.  En  marche, 
fournit  amples  preuves  à  ces  cursives  notes-ci. 


LE  CHASSEUR  VERT 

ou  LA  THÉORIE  DES  INCOMPLÉMENTAIRES 

A  Octave  Macs. 

C'est  le  chasseur  d'un  café  nouvel  instauré  et  dont  le  cuivre 
vierge  et  blanc  des  lustres  et  des  miroirs  et  l'intact  cramoisi  des 
banquettes  n'ont  eu  le  loisir  encore  de  se  culotter  aux  cigares 
des  chalands  et  aux  relents  des  aigres  bocks.  Comme  les  murs  de 
récente  peinture  de  u  sa  botte  »,  au  pimpant  glacis  de  mastic  et 
de  vejrnis,  le  chasseur  est  flambant  de  crue  nouveauté.  Pareil  à 
une  enseigne  cruelle,  dardant  sur  les  passants,  inévitablement, 
l'impitoyable  glaive  d'un  insolent  tape-à-l'oeil,  il  court,  vivante 
affiche,  à  travers  la  ville,  et  impose  aux  rétines  l'obsession  de 
son  a  complet  »  d'un  vert  de  pomme  aigre  ou  de  drap  de  billard 
puceau. 

Une  figure  de  singe,  sous  son  képi  à  lettres  d'or,  avec  un 
insolent  nez  traité  à  la  Forain  et  gratté  souvent  par  un  doigt 
rouge,  fleurit  celte  tige  acerbe,  sans  écorce,  raclée  comme  un 
trop  amer  céleri,  et  donl  l'horrible  viridité  est  plus  fatalement 
maupiteuse  que  l'excrément  qui  aveugla  Tobie. 

11  a  l'air  du  fiel  du  printemps,  dans  une  indicible  et  increvable 
poche  baladée  à  travers  les  rues  pour  le  profil  des  oculistes.  Sur 
les  murs  blancs,  il  est  aussi  suceur  de  vues,  le  vampire  de 
lumière,  que  les  roues  rouges  ou  vertes  en  voltige  aux  cornées 
quand  on  a  fixé  le  soleil.  El  il  va  sans  inquiétude,  œillière  per- 
nicieuse, broyant  des  globes  sous  la  meule  inhumaine  de  sa 
couleur,  pins  férin  qu'uu  supplice  infernal,  plus  insouciant  qu'un 
Arabe  dans  ses  guenilles  d'or.  Une  lettre  à  la  main,  avec  un  baste! 
de  peu  pressé,  il  marche  ainsi,  commissionné  par  les  clients  de 
son  café  et  esbrouffe  par  l'éclat  mal  en  ton  de  son  vêtement. 

Ah!  certes,  dans  le  paysage  urbain,  tout  n'est  pas  aussi  harmo- 
nique qu'un  crépuscule  sur  les  champs,  qu'une  fête  du  jour  sur 
les  vagues,  qu'un  chant  de  rossignol  dans  la  forêt.  Les  épiciers 
ne  craignent  de  heurter  l'éclat  du  ciel  d'une  enseigne  mal  digérée 
par  toute  une  ligne  de  maisons,  qui  en  ont  des  haut-Ie-cœur;  les 
épicières  et  leurs  «  demoiselles  »  osent  fleurir  leur  coiffe  du  plus 
artificiel  et  plus  malencontreux  jardin  botanique;  les  façades  sont 
souvent  badigeonnées  de  jus  de  groseilles  acides,  d'ocrés  de 
poisseuse  citronnée  —  mais,  jamais,  en  aucun  coin  où  la  couleur 
est  gifflée,  étranglée,  mise  au  pilori,  torturée  ainsi  qu'un  impé- 
nitent espagnol  par  les  Torquemada  de  l'huile  et  du  vernis,  je  ne 
vis  d'imprécation  pareille  ! 


S 


Dans  le  bazar  bigarré  des  villes,  quel  que  soit  pourtant  le  bario- 
lage épileplique  dont  on  ait  barbouillé  leur  pétante  physionomie 
—  toute  teinte  trouve  toujours  il  se  marier  devant  l'écbarpe  bleue 
du  ciel;  chaque  sujet  rencontre  son  verbe,  s'ajuste  un  complé- 
ment, pour  la  phrase  picturale  et  claire  écrite  dans  l'atmosphère 
et  chantée  dans  l'âme  vibrante  des  prismes,  sous  l'archet  des 
rjyons. 

Mais  lui,  c'ext  le  paria  des  vibrations  harmoniques,  la  tare  des 
rues  baignées  de  soleil,  l'épine  aiguë  des  magasins  fleuris  ;  dtM' 
les  squares,  où  les  rhododendrons  aux  fêtes  nuptiales  chantées 
par  les  abeilles,  et  les  houx  profonds  mettent  leurs  somptuosités, 
son  vert  de  vengeance  produit  une  jJmc.  On  dit  :  il  est  trop  vert! 
Et  les  perro^MH  4es  poèmes  n'ont  pas  d'agacement  plus  éner- 
vant. 

Les  gazons  du  Parc  le  repoussent  avec  horreur,  les  statues  se 
déiourneni,  sur  leurs  socles  glorieux  de  reconnaissaoce  publique, 
à  son  passage  ;  on  ne  voudrait  de  lui  aux  fêtes  du  bois  de  la 
Cambre,  et  il  erre  désorbité,  sous  la  malédiction  des  rayons, 
pauvre  âme  de  couleur  en  peine,  symbole  vivant  de  la  fausse  note, 
haillon  que  nul  rapin  n'affichera  parmi  les  loques  de  son  atelier. 

Pourtant,  voici,  sur  le  pavé  étincelant  de  ce  midi,  une  horreur 
de  roue  rouge  de  voiture,  en  station  sous  la  queue  du  cheval  de 
Godefroid  de  Bouillon.  Il  s'en  approche.  Affreuse  roue,  roue  de 
torture,  ail  !  de  quel  vermillon  détonnant  !  C'est  sans  doute  l'ime 
sœur  du  Chasseur  Vert?  Sa  complémentaire^  Non.  Elle  le  rejette 
et  ne  veut  ce  mariage  avec  un  célibataire  partout  refusé  et  con- 
damné à  l'éternelle  solitude.  Mais  ralge!  Il  saute  dans  le  fiacre  et 
sous  le  ciel  éblouissant,  l'aigre  duel  file  i  travers  les  rues, 
dans  la  foule  aveuglée,  comme  un  fléau  abattu  sur  des  prunelles 

d'exaspération 

Fantasio. 


AUGUSTE  RODIN  ^ 

Le  monument  de  Balzac  vient  d'être  confié  au  sculpteur  Rodio. 
Nul  mieux  que  l'illustre  statuaire  ne  pouvait  évoquer,  en  sa 
vivante  ressemblance,  le  prodigieux  créateur  de  la  Comédie 
humaine.  Rodin  est  peut-être  le  seul  —  avec  Frémiel  toutefois  — 
qui  ait  su,  en  l'époque  présente,  instaurer  un  art  vraiment 
moderne,  digne,  sans  aucune  idée  d'imitation  de  l'art  antique  ou 
de  l'an  du  moyen-âge. 

La  statue  de  Balzac,  de  même  que  le  monument  de  Victor 
Hugo  dont  le  maître  vient  de  terminer  la  maquette,  va  certaine- 
ment attirer  l'attention  du  grand  public  —  si  lente,  hélas!  à 
s'orienter  vers  les  plus  dignes  —  sur  le  puissant  artiste  qui  est 
une  des  gloires  de  notre  temps. 

Cette  statue  de  Victor  Hugo,  j'en  vis  la  première  ébauche,  il  y 
a  moins  de  deux  ans,  dans  l'atelier  4e  Rodin.  Simple  ébauche  à 
cire  perdue,  mais  l'une  des  choses  les  plus  extraordinaires  qu'il 
m'ait  été  donné  d'admirer  !  Le  poète  était  figuré  assis  sur  un 
récif,  quelqu'un  de  ces  rochers  de  Jersey  que  les  flots  de  l'Océan 
viennent  battre,  et  où  il  rêva  les  Châtiments  ;  derrière  lui,  soule- 
vées par  les  souffles  de  l'au  delà,  par  la  rafale  venue  des  horizons 
obscurs,  trois  figures  de  femmes,  trois  mystérieuses  muses,  sem- 
blaient lui  crier  à  l'oreille  les  échos  de  l'infini,  plaintes  et  chan- 
sons, musiques  de  songe  et  clameurs  d'épopées. 

Ce  projeta  été  modifié  depuis,  sur  les  remarques  de  la  com- 
mission qui  l'examina.  Ce  n'est  point  ici  le  lieu,  le  moment  non 
plus,  de  juger  des  décisions  aussi  étranges  et  d'aussi  imprudentes 
observations...  Toujours  est-il  que  Rodin  condescendit  à  en  tenir 
compte,  et,  sereinement,  accepta  les  modifications  proposées.  Il 
sut  du  moins  être  aussi  original  en  sa  deuxième  ébauche  qu'en  la 
première,  et  trouva,  dans  l'entrave  apportée  à  son  inspiration,  le 


préteite  d'une  eonceplion  éfAt  k  ton  ainée  en  grandeor  et  en 
magoiBcence  lyrique.  Les  vois  du  poêle,  dana  l'œuvre  Bonvelle, 
se  présentent  k  lui  de  face,  comme  apportées  par  la  vacne,  et 
malgré  notre  préférence  personnelle  ponr  le  projet  primitif,  noua 
devons  reconnaître,  4'une  manière  générale,  qa'il  est  immMsible 
d'imaginer  qaelq«e  chose  de  plus  véritablement  noble  et  Dean. 

Rodin,  iie  qui  la  maîtrise  infiniment  souple  est  capable  de 
toutes  Jek" délicatesses  et  de  toutes  les  énergies,  des  simplicités  les 
jiias  larges  et  des  plus  luxuriantes  richesses,  saura  nous  donner  le 
Balzac  que  réclame  le  Paris  moderne,  celte  cité  de  labeur  et  de 

fiassion  que  le  génial  romancier  a  comprise,  décrite,  chantée  dana 
es  cent  volumes  de  son  oeuvre  cyelopéenne.  Son  elseao  a  sa  faire 
tour  k  tour  revivre  Victor  Hugo  et  Bastien-Lepage,  incorporer  an 
marbre  les  visions  de  Dante  et  de  Baudelaire,  dresser  devant  noua 
la  grandiose  figure  de  saint  Jean-Baptiste  et  les  spectres  tragiquea 
des  bourgeois  de  Calais,  décharnés  par  la  faim,  venant  s'oBrir  b 
l'Anglais  pour  le  salut  de  leus  frères.  Chez  lui,  le  respect  religieux 
de  la  nature,  le  culte  de  la  vérité,  l'observation  scrupuleuse  du 
réel  s'allient  t  un  sens  merveilleux  de  la  grAce  et  de  là  force,'  nae 
divination  parfaite  de  la  vie,  ef,  de  plus,  une  puissante  faculté , 
d'évocateur  symbolique,  de  visionnaire  ponr  ainsi  dire. 

Personne  ne  sait  modeler  comme  lui  un  dos,  des  épaules,  une 
gorge  que  la  respiration  semble  faire  frissonner  :  c'est  l'existence 
flagrante,  avec  ses  frémissements  les  plus  insaisissables.  Mais 
personne,  d'autre  part,  ne  sait  mieux  fixer  le  drame,  l'idée,  le  rêve, 
dans  la  pierre  ou  dans  le  bronze.  Ici,  c'est  une  femme,  une  de  ces 
«  damnées  »  du  poète,  comme  prostrée  en  un  soupir,  ou  quelque 
Oréade  â  peine  surgie  du  rocher  qui  l'étreint,  IS,  ce  sont  deux 
amants  pâmés  dans  la  tendresse  du  baiser  ;  plus  loin,  une  figure 
pensive,  vivante  énigme  de  douleur.  Et  toujours,  malgré  les 
audaces  les  plus  folles,  la  forme  demeure  belle,  harmonieuse, 
d'une  incomparable  suggestion. 

On  a  comparé  l'art  de  Rodin  â  celui  de  Donatello,  ii  l'art  grec, 
â  l'art  si  expressif  de  nos  vieux  tailleurs  d'images,  et  l'on  a  voulu 
parfois  le  donner  comme  un  imitateur  des  maîtres  immortels.  Il 
les  connaît  sans  nul  doute,  il  les  a  compris  et  médités,  longue- 
ment, profondément.  Mais  il  ne  les  imite  à  aucun  titre;  il  est  loi- 
même,  cl,  loin  de  chercher  â  rajeunir  les  conceptions  anciennes, 
toutes  splendides  qu'elles  soient,  il  a  celte  ambition  généreuse  de 
traduire  directement  et  librement  la  nainre.  C'est  pourquoi  il  est 
digne  de  prendre  place  â  côté  des  très  grands,  des  meilleurs. 
Alfked  Errst.  (Journal  de*  artistes). 

Complétons  cette  très  juste  appréciation  d'un  artiste  auquel  la 
critique  rend  enfin,  après  vingt  années  de  silence  et  de  dédain, 
l'éclatant  hommage  auquel  il  a  droit,  par  les  intéressants  détails 
que  donne  dans  l'Echc  de  Paris  Emile  Bergerat  sur  l'époque, 
déjà  lointaine,  où  Rodin  travaillait  au  buste  de  Victor  Hugo, 
exposé  en  1884  au  Salon  des  XX  : 

«  A  la  table  de  Victor  Hugo,  le  soir,  avenue  d'EyIan,  dans  les 
dernières  années  de  la  vie  du  poète,  un  conviv*e  pensif  vint 
s'asseoir. 

Il  avait  une  barbe  de  sapeur  de  la  garde  impériale,  rousse, 
onduleuse  et  magnifique,  danslaquelle  il  disparaissait  tout  entier, 
et  ses  manières  étaient  très  douces. 

Sous  le  granit  d'un  front  carré,  raviné  par  l'idée,  et  planté  J'un 
maquis  de  cheveux  drus  et  ras,  les  verreries  du  binocle  enchâs- 
saient, j'allais  dire  sertissaient,  les  sardoines  de  deux  yeux,  à  la 
lueur  profonde,  mais  que  calmait  un  sourire  d'enfant.  Et  ce 
sapeur  était  d'une  timidité  extrême.  Non  seulement  il  ne  sapait 
rien  du  tout,  mais  il  ne  portait  point  de  hache,  son  attribut. 
Immobile  i  sa  place,  silencieux,  distrait,  ne  mangeant  point  et 
buvant  moins  encore,  il  oubliait  voisins  et  voisines  et  il  regardait... 
Victor  Hugo. 

11  ne  faisait  que  cela,  regarder  Victor  Hugo,  comme  si  du 
double  feu  de  ses  sardoines,  il  eût  voulu  l'hypnotiser.  Ni  le 
Maître,  d'ailleurs,  ni  sa  famille  n'en  semblaient  être  incommodés, 
et  senis  les  invités  du  jour  se  demandaient  avec  inquiétude  quel 
rôle  jouait  aux  dtneri  du  Maître  ce  survivant  de  la  grande  Epopée, 
tel  du  moins  qu'on  les  imagine,  d'après  Charlet. 


L'ART  MODERNE 


249 


Or,  ils  se  le  demandaient  avec  d'autant  plus  de  raison  que  le 
bon  sapeur  glissait  sous  son  assiette  un  cahier  de  papier  à  ciga- 
rettes, l'oofrait  d«  l'ongle,  et,  sans  être  vu,  y  dessinait  des 
plans,  coupes  et  élévations  de  la  téiode  Victor  Hugo,  soit  de  face, 
soil  de  profil,  et  même  la  bouclie  pleine,  que  dis-je  !  dans  l'exercice 
inausière  du  calembour,  enfin  dans  tontes  les  expressions  et 
altitudes  ramilières  ii  ce  grand  homme. 

Puis,  le  repas  fini,  dans  le  salon,  tandis  qne  Victor  Hugo  allait 
et  venait,  le  sapeur,  debout  sous  un  bec  de  lumière,  délimitait 
encore  sur  le  pur  fil  de  Job  et  les  gestes  et  les  repos  de  son 
modèle  auguste  et  parfois  solennel. 

Enfin  sa  moisson  faite  et  son  album  pelure  rempli,  le  sapeur 
s'éclipsait,  sa  barbe  fauve  cessait  de  rayonner  dans  l'ombre  et 
M"*  Orouel  disait  : 

—  H.  Auguste  Rodin  est  parti.  Il  a  terminé  sa  sé.ince. 
C'était  bien  une  séance,  en  effet,  et  Victor  Hugo  n'en  accordait 

point  d'autres  au  statuaire.  Encore  y  avait-il  fallu  l'intervention 
puissante  de  Vacquerie,  et  n'était-ce  qu'k  ses  instances  que  le 
vieillard  avait  consenti  ii  se  laisser  croquer  de  la  sorte;  sur  le 
pouce,  pendant  les  heures  perdues  des  dîners  et  des  réceptions. 

—  A  quoi  bon,  disait-il,  nul  ne  fera  jamais  mieux  que  David 
d'Angers,  et  le  buste  qu'il  m'a  taillé  en  1830  est  le  meilleur 
d'avance  et  le  définitif.  Ce  jeune  homme  espère-t-il  surpasser  mon 
vieil  ami  David? 

On  n'obtint  de  lui  que  les  séances...  de  papier  Job,  sans  doute 
en  souvenir  des  Burgravcs,  et  c'est  ainsi  que  nous  avons  cette 
admirable  léte  du  poète  octogi^ixaireet  du«  grand-père  de  Jeanne», 
modelée  d'impression  par  Auguste  Rodin  et  dont  le  marbre  est 
aujourd'hui  la  gloire  de  l'Hdlel  de  Ville. 

Une  seule  fois  le  poète  consentit  à  rester  immobile  devant  le 
sculpteur,  mais  pendant  quelques  minutes  ii  peine,  grâce  à  un 
stratagème  dont  je  réclame  la  trouvaille,  car  je  le  suggérai  à 
Auguste  Rodin  désespéré  et  maudissant  David  d'Angers.  Si  vous 
voulez  que  le  père  Hugo  pose,  lui  insinuai-je,  contestez  un  jour 
en  sa  présence  la  dimension  colossale  du  crâne  que  lui  a  prêtée 
le  sculpteur  romantique.  Il  vous  le  laissera  mesurer,  soyez-en  sûr; 
tous  les  hommes  de  1830  prétendaient  aux  quatre-vingt-dix 
degrés  d'angle  facial  du  Jupiter  Olympien,  et  ce  fut  leur  coquel- 
tene.  Ce  que  Victor  Hugo  craint,  c'est  votre  naturalisme  irrespec- 
tueux peut-être.  Chicanez  bravement  David  sur  la  hauteur  du  dôme 
frontal  et  vous  m'en  direz  des  nouvelles. 

La  feinte  réussit  ^  merveille.  Un  malin,  en  sortant  de  son 
cabinet,  Victor  Hugo  trouva  au  salon  le  doux  sapeur  timide,  aux 
yeux  d'enfant,  et  sans  hache,  juché  sur  une  chaise  et  en  train  de 
vérifier  au  compas  les  proportions  du  busie  de  David. 

—  C'est  un  peu  grand  tout  de  même,  disait  Auguste  Rodin, 
comme  s'il  se  parlait  à  lui-même.  Oui,  c'est  un  peu  grand,  malgré 
la  couronne  de  lauriers. 

—  Otez-la,  fil  une  voix.  Et  pour  le  coup  le  Jupiter  Olympien 
s'arrêta.  Il  voulut  cjue  le  «  jeune  homme  »  vérifiât  les  mesures 
d'après  nature,  avec  son  compas,  immédiatement,  et  il  donna 
ainsi  &  l'artiste  une  pose  de  près  de  trois  quarts  d'heure. 

Auguste  Rodin  ne  parle  encore  qu'avec  émotion  de  ces  Irois 
quarts  d'heure  où  II  toucha  celle  tête  à  jamais  vénérable  et  colos- 
sale, l'une  des  cinq  ou  six  que  la  nature  ail  emplies  de  génie,  et 
qui  il  quatre-vingts  ans  poussait  encore  ses  cheveux  d'argent  et  sa 
barbe  fleurie.  Mais  il  m'en  doit  le  souvenir  et  l'aubaine.  » 


Petite  CHROf^it^uE 

C'est,  décidément,  M.  Camille  Gurlckx  qui  succède,  au  Conser- 
vatoire, &  feu  Auguste  Dupont.  Ainsi  se  trouve  réalisé  le  vœu  du 
Maître,  qui  avait,  lorsqu'il  sentit  sa  fin,  appelé  à  lui  son  élève 
favori  et  lui  avait  confié  la  direction  de  sa  classe.  Nous  félicitons 
sincèrement  M.  Giirickx  de  celle  nomination,  dont  il  esl  digne  k 
tous  égards.  Voici  la  notice  biographique  que  lui  consacre  le 
Quidt  muiical  :  «  Né  à  Bruxelles,  le  28  décembre  1849,  Camille 


Gurickx  est  l'un  des  plus  brillants  élèves  du  Conservatoire,  od  il 
obtint,  en  1868,  le  premier  prix  de  piano  dans  la  classe  d'Auguste 
Dupont.  Applaudi  k  Paris,  à  la  salle ^Erard  et  à  la  salle  Herz  en 
1874,  présenté,  la  même  année,  par  Edouard  Lassen,  Si  Liszt,  dont 
il  reçut  les  conseils,  Camille  Gurickx  a  passé  aussi  un  hiver  â 
Saint-Pétersbourg,  où  II  eut  de  fréquents  rapports  avec  Rubln- 
steln.  Il  a  fait  des  tournées  artistiques  en  Allemagne  avec  Vieux- 
temps  et  Marie  Rose;  en  Angleterre  avec  M.  et  M"»  Lemmens- 
Sherringlon;  il  a  donné,  à  Londres,  des  piano-reciials  qui 
allirèrent  le  public  et  le  firent  très  hautement  apprécier  par  la 
critique  de  Londres,  la  plus  Imbue  de  préjugés  el  de  parti  pris  qui 
soil  au  monde.  Il  y  a  trois  ans,  il  fit  une  tournée  triomphale  aux 
Etats-Unis.  Il  a  étudié  la  composition  à  Paris  avec  Camille  Saint- 
&)en8,  i  BrineUes  avec  Ferdinand  Kufferaih.  Depuis  1878  enfin, 
il  esl  professeur  au  Conservatoire  de  Mons,  où  il  a  formé  de 
brillants  élèves  el  où  11  dirigeait  avec  une  conscience  el  un  talent 
très  appréciés  une  société  de  chœurs  mixtes,  dont  les  concerts 
avaient  un  cachet  artistique  exceptionnel. 

Tel  esl  l'artiste  que  le  Conservatoire  de  Bruxelles  vient  de 
s'attacher.  Nul  n'éiail  plus  digne  que  lui  de  succéder  à  son 
regretté  maître,  dont  il  a  élé,  d'ailleurs,  le  disciple  favori.  Esprit 
sérieux  el  cultivé,  lettré  délicat  qui  manie  la  plume  en  écrivain  de 
race,  très  épris  de  peinture  el  de  théâtre,  âme  profondément  el 
gravement  passionnée  pour  son  art  et  pour  tout  l'art,  il  apportera 
dans  l'enseignement  du  Conservatoire  des  idées  indépendantes  el 
personnelles  greffées  sur  les  traditions  classiques  dans  lesquelles 
il  a  élé  élevé  ».  

Le  Casino  de  Blankenberghe,  artistement  dirigé  par  M.  Paul 
Boulvin,  multiplie  les  féies  musicales.  On  a  applaudi  successive- 
ment M""  Anna  Wolf,  MM.  Gilibcrt,  Isouard,  Joseph  Jacob,  etc. 
Mercredi  dernier,  un  concert  extraordinaire  a  donné  â  Ja  colonie 
de  baigneurs,  excepllonnellcmenl  nombreuse,  la  rare  fortune 
d'entendre  M"»  Rose  Caron  et  M.  Lafarge,  qui  onl  remporté  un 
succès  énorme.  M.  Henri  Fontaine,  lexcelleni  barylon  anversois, 
qui  remplavall  au  pied  levé  M.  Senlein,  leur  a  piété,  dans  le  trio 
de  Faust,  une  précieuse  collaboration. 

C'est  demain  lundi  qu'aura  lieu  le  festival  consacré  aux  œuvres 
de  Vincent  d'Indy,  sous  la  direcllon  de  l'âuieur.  Le  programme 
définitif  esl  ainsi  composé  :  I.  SaugefUurù,  légende  sympho- 
nique.  —  1.  Lied,  pour  violoncelle  avec  accompagnement 
d'orchestre  (M.  Henri  Merck).  —  3.  Symphonie  pour  orchestre  el 
piano  sur  un  chant  monlagnard  français  (M.  Lucien  Tonnelier). 
—  4.  Sarabande  el  Menuet,  extraits  de  la  Suite  en  ré.  —  5.  Fan- 
taisie pour  hautbois  el  orchestre  (M.  G.  Guidé).  —  6.  Karadec, 
musique  de  scène  pour  un  drame  breton. 

M.  Boulvin  a  engagé  pour  les  concerts  subséquents  M"'"  Lan- 
douzy,  Bosman,  Boidin-Puisais,  M.  Eugène  Vsaye,  etc.,  ele.  Un 
festival  sera  consacré  aux  compositions  de  Peter  Benoit.  Un  autre 
aux  œuvres  de  Richard  Mandl. 

L'orchestre,  placé  sous  la  direction  de  M.  Goettinck,  se  compose 
d'inslrumenllstes  de  sérieuse  valeur  el  peut  rivaliser  avec  les 
meilleurs  orchestres  des  grandes  villes.  Les  répétitions  du  festival 
Vincent  d'Indy,  auxquelles  nous  avons  assisté,  foni  présager  pour 
celle  audition  exceptionnelle  une  Interprétation  de  premier  ordre. 

Au  huitième  concert  populaire,  à  Cologne,  a  élé  exécuté,  pour 
la  première  fois,  le  WalUnsUin  de  M.  Vincent  d'Indy.  Grand 
succès  pour  l'œuvre  du  jeune  mallrc  français,  que  la  critique 
rhénane  accueille  de  la  façon  la  plus  élogieuse. 


" 

ONZIÈME  ANNÉE 

L'ART  MODERNE  B'est  acquis  par  l'autorité  et  l'indépendance  de  sa  oritiqne,  par  la  variité  d«  m« 
informations  et   les  soins  donnés  à  sa  rédaction  nne  place  prépondérante.  Aucune  manifestAtion  de  l'Art  ne 
lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  de  peinture,  de  soulpture,  de  gravure,  de  musique, 

d'architecture,    etc.    Consacré   principalement  au    mouTement  artistique  belge,   il  renaeigne  néanmoins  aes 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  l'étranger  qu'il  importe  de  connaître. 

Chaque  numéro  de  L'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  question  artistique 
ou  littéraire   dont  l'événement  de   la   semaine  fournit  l'aotui^té.  Les  eJopoHtiont,  les  livre*    twuveatue,   les 
premières   représentations    d'oeuvres    dramatiques    ou    musicales,   les  conférences  littéraires,   les  concert»,   les 
ventes  d'objets  cTart,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  Il  rend  compte  des 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes   trouvent  toutes   les   semaines   dans   son  Mémento  la   nomenclature  complète  des  eSEDOSluOIiB  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  Il  est  envoyé  gratuitement  à 
l'essai  pendant  un  mois  à  toute  personne  .qui  en  fait  la  demande. 

L'ART  MODERNE  forme  chaque  année  un  ^d  e{  foirt  '^rolamà  d'anviitoà  S^'fUigt»,  arec  iàU« 
des  matières.  Il  constitue  pour  l'histoire  de  l'Art  le  document  LE  PLUS  COMPLET  et  le  recueil  T<K  PLUS 
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Lb  Mxnciao  :  S6  cbntdibs. 


Dimanche  9  Août  1801. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  OMTiQDE  DÉS  ARTS  ET  DE  U  LmËRÂTURE 

Comité  de  rédaction  i  Ootatb  MAUS  —  BcMom)  picard  —  Éuilb  VERHAEREN 


ABOmmiXMTS  t    Belgique,  nu  an,   fr.   10.00;  Union  postale,   &.   13.00.   —  AimONGSB  :    On  traite  à  forfait. 

Adreuer  toute*  Je»  communication»  à 

h'àsasnmà.'ntm  «AratRAui  db  TArt  Moderne,  me  de  I*Indn8trle,  32,  Brozellea. 

V 


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OMMAIRE 


A  Vao  la  Mia.  —  Lb8  aacBmcm  au  CoHain.  coiantiiAL.  — 

BbAVOOCP  db  BaCTT  rOOB  VNB  LBTTWK.    —  FBnTVAL  d'IhST  A  BlaN- 

KBHBBuiBm.  —  QuiLQon  APPutciATioiia  DB  M.  A.  Bkcdios  >ua  LB 
MoaiB  BB  Bkuxbllbs.  —  L'Enquêtb  sdb  Évolution  LfTTiBAiR£.  — 
Pbtitb  cbboniqub. 


A  VAU  LA  MER 

Me  voici  de  noa|^a  courant  la  Mer.  Â  la  recherche 
de  sensations  artistiques,  celles  qui  ne  font  pas  banque- 
route, celles  que  donne  la  Nature  à  qui  la  sent  par  le 
septième  mds.  Telle  qu'elle  est?  ou  telle  que  co  sep'tième 
la  représente?  Mystère.  Qu'importe,  si  la  sensation 
surgit. 

Parti,  oui,  avec  ce  besoin  de  périodique  migratioa 
qui  prend  l'homme,  comme  l'oiseau,  à  certains  retours 
de  saisons,  par  un  prodigieusement  atavique  instinct 
resté  en  nous,  résidu  atrophié  des  époques  où,  mal 
préservé  par  une  civilisation  informe,  il  fallait  bien 
partir,  émigrer  pour  retrouver  et  le  climat  et  les  ali- 
ments. L'homme  chasseur  suivait  les  bètes  qui  s'en 
allaient,  fuyant  le  froid  qui  descendait  des  pôles, 
esclave  nlors  des  saisons  comme  la  faune  et  la  flore. 

Ii^eciàs  nous  sommes  de  ces  sucs  d'autrefois,  dres- 


sant nos  e^iérances  vers  l'avenir,  eimpètrés  encore 
dans  les  ténébreux  passés.  La  chasse  aussi,  plaisir 
cruel,  et  la  chasse  à  l'homme,  la  guerre,  sont-elles 
autre  chose  en  nous  qu'un  phénomène  voisin  de  l'agita- 
tion de  l'oiseau  captif  tourmentant  les  barreaux  de  sa 
cage,  s'y  épuisant  et  mourant,  quand  le  cercle  des  fata- 
lités organiques  du  monde  ramène  le  jour  des  habituels 
départs? 

Nous  nommons  cela  les  vacances.  Puérils  toujours, 
nous  mettons  cet  afflux  de  mal  définis  débirs  sur  le 
compte  d'un  besoin  de  repos.  Ignorants  des  énigmes  qui 
s'enchevêtrent  en  notre  indéchiffrable  humanité,  nous 
confondons  avec  nôtre  volonté  les  impérieux  comman- 
dements des  Lois  universelles  dont  nous  sommes  les 
jouets. 

Parti  donc,  comme  les  autres,  comme  tous  ceux  qui 
peuvent  partir.  Et  droit  à  la  Mer!  Loin,  d'une  seule 
traite,  à  Nantes,  pour  y  trouver  un  bateau  nouveau-né, 
.  celui  qui,  d'escale  en  escale,  le  long  des  côtes  de  Bre- 
tagne, de  Normandie,  de  la  Manche,  de  la  mer  du 
Nord  nous  mènera  jusques  Ostende,  à  travers  les 
paysages  maritimes  splendidement  ourlés  par  le  pitto- 
resque des  rivages.  Un  yacht,  cette  fois,  un  steam-yacht, 
l'Eclair,  que,  par  une  fantaisie,  ahurissante  pour  le 
servilepecus  bourgeois,  un  notaire,  à  ce  point  de  vue 
prodigieusement  non  conforme,  s'est  donné  comme  un 
autre  aurait  acquis  un  bien  de  campagne  à  Uccle  ou  à 


252 


L'ART  MODERNE 


Boitsfort,   avec  basse-cour  modèle  et  vide-bouteilles. 

Epousailles  adultères  du  notariat  et  de  la  naviga- 
tion maritime.  Descend-il  de  quelque  Vicking,  cet  excel- 
lent ami  ?  Eut-il  parmi  ses  ancâtres  quelque  compagnon 
d'Eric-le-rouge,  le  découvreur  du  Groenland,  ou  de 
Magellan  qui  le  premier,  sur  sa  caravelle  non  pontée, 
casque  en  tête  et  cuirasse  aux  épaules,  entra  dans 
l'océan  Pacifique? 

Nous  sommes  à  bord  cinq  libérés  des  quotidiens 
soucis  de  la  pesante  vie  sociale  contemporaine,  jeunes 
ou  mûrs,  mais  également  grevés  des  inévitables  lassi- 
tudes, également  assoiffés  de  liberté  et  de  grand  air.  La 
mer  nous  les  donnera. 

Et  nous  filons  sur  la  Loire  pour  l'aller  retrouver,  cette 
mer  désirée  et  retentissante,  qui  nous  portera  sur  son 
large  dos,  nous  secouant  et  nous  faisant  sauter  comme 
une  robuste  aïeule  qui  joue  avec  ses  petits -enfants 
avides  de  mouvement  et  de  bruit. 

Quelque  part  en  descendant  le"  fleuve  déroulant  la 
large  nappe  de  ses  eaux  dans  un  de  ces  paysages  fluvia- 
tiles  riants  qui  se  répètent  dans  l'Europe  entière,  attes- 
tant l'identité  de  la  patrie  aryenne,  nous  retrouvons  au 
mouillage  le  yacht  de  l'un  des  frères  Menier,  monstrueux 
de  luxe  impérial,  de  vanité  boursouflante,  grand  comme 
un  navire  de  guerre,  éblouissant  de  cuivre,  pullulant 
d'équipage.  Hier,  quand  il  se  déhalait  à  Nantes  pour 
appafëHler,  de  la  foule  ouvrière  massée  sur  les  quais 
sont  partis,  en  flagellantes  injures,  ces  cris  :  Â  bas  le 
chocolatier  !  A  bas  le  cuisinier  !  Par  quelle  secrète  ironie 
ce  vaniteux  parvenu,  destiné  aux  hécatombes  populaires 
prochaines  et  vengeresses,  a-t-il  été  induit  à  baptiser  ce 
monument  de  sa  stérile  sottise  d'un  nom  prédestiné  : 

NÉMÉSIS? 

Voici  Saint-Nazaire,  nid  de  condor  où  sont  couvés 
les  gigantesques  transatlantiques.  Et  la  mer  s'ouvre,  la 
grande  mer  qui  s'étale  et  grçgide  jusqu'aux  Amériques, 
et  que,  prudents  et  timides,  nous  ne  toucherons  que  sur 
les  bords  :  si  fragile  et  si  peu  est,  en  sa  silhouette 
noire,  gracieuse  et  élancée,  notre  notarial  Éclair,  mal- 
gré sa  double  machine  à  triple  expansion,  comme  le 
répète  avec  fierté  notre  hôte. 

Le  temps  est  radieux.  Une  brise  légère  fait  friseler 
sous  le  ciel  p\ir  l'immense  nappe  des  eaux  océanes.  De 
sa  double  hélice  le  vaillant  petit  steamer  baratte  les 
eaux,  tirebouchonnant  trois  cents  tours  à  la  minute. 
Son  avant,  qui  coupe  la  masse  fluide,  net  comme  l'in- 
faillible couteau  de  la  guillotine,  s'orne  des  deux  bords 
d'une  blanche  moustache  d'écume  crânement  retroussée, 
qui  le  doue  d'une  physionomie  barbare  et  rageuse.  A 
l'arrière  les  toujours  belles  féeries  du  sillage  qu'on 
regarde  et  qu'on  regarde  des  heures  en  la  fascination 
des  couleurs  et  des  frissonnements  :  un  long  et  splen- 
dide  tapis,  incessamment  se  déroulant,  mosaïque  de 
bleu,  de  blanc,  de  vert,  marbré  de  jaune  par  le  soleil, 


ruisselant  de  moirures,  menant  vers  l'horizon  à  des 
fêtes  héroïques  et  mystérieuses,  à  desWalhallas!  solli- 
citant l'àme  à  quitter  le  bord  pour  marcher  sur  les  eaux 
rejoindre  les  fantômes  qui  là-bas,  dans  les  r^ons  de 
pourpre  et  d'or  du  soleil  couchant,  procèdent  à  des 
cérémonies  triomphales. 

Nous  nuitons  à  Lorient,  qui  devrait  s'écrire  l'Orient  ; 
car  ses  fondateurs,  membres  de  la  Compagnie  des 
Indes,  qui  en  firent  leur  entrepôt,  voulaient  rappeler 
par  ce  nom  leurs  expéditions,  alors  tant  plus  lointaines 
qu'aujourd'hui,  sinon  dans  la  réalité  au  moins  dans  les 
rêves  de  l'&me.  Par  ces  temps  de  navigation  accélérée 
et  de  Philéas  Fog  mÂles  et  femelles,  où  donc  trouver 
encore  le  bout  du  monde  t 

En  ce  Lorient  nous  relâchons  un  jour,  au  mouillage 
dans  la  paix  d'une  grande  rade  oti  dorment,  comme 
fauves  endormis,  des  torpilleurs.  Sous  l'immense  chrysa- 
lide d'une  cÂle  on  travaille  au  cuirassé  Brennus,  depuis 
huit  ans  sur  chantier,  destiné  peut^tre,  comme  tant 
d'autres,  à  n'être  plus  qn'une  vieillerie  le  jour  oti  on 
le  lancera.  Tant  vont  vite,  en  ce  siècle,  les  inventions 
humaines,  tant  tout  ce  qui  naît  porte  déjà  les  signes  de 
la  mort,  ainsi  qu'il  faut  dans  les  périodes  transitoires 
dont  les  descentes  vertigineuses  mènent  aux  remanie- 
ments sociaux. 

En  route  pour  Brest,  avec  escale  méridienne  à  Beno- 
det,  charmante  solitude  côtière  à  l'entrée  de  la  rivière 
de  Quimper.  Elles  se  répètent  ici  ces  rivières,  larges 
comme  des  fleuves,  courtes  comme  des  ruisseaux,  sans 
importance  sur  les  cartes,  aux  noms  mal  retenus.  C'est 
l'océan,  non  les  eaux  intérieures,  qui  les  forme.  Ce  sont 
des  baies  allongées,  des  fiords  aux  rives  encaissées  et  ver- 
doyantes, où  les  marées  tracassières  entrent  toutes  les 
douze  heures,  refoulant  le  courant  qui  sans  elles  ne 
serait  qu'un  maigre  filet,  et  créant  des  voies  que  les 
navires  de  mer  remontent. 

En  route.  Emouvant  après-midi  par  forte  brise  et 
mer  tourmentée,  bourgeonnante  d'écueils.  Il  s'agit  de 
franchir  le  Raz-de-Sein,  de  sinistre  renommée,  Itfponr- 
voyeur  séculaire  de  la  baie  des  Trépassés,  vaste  cime- 
tière }iquide  enserré  dans  un  demi-cercle  de  roches 
décharnées,  hautes  et  jaunes,  servant  de  piédestal  au 
village  de  Plogoff,  jadis^  repaire  de  chasseurs  d'épaves 
qui,  les  nuits  d'orage,  pendaient  des  lanternes  à  la 
queue  de  leurs  vaches,  leur  entravant  un  pied  pour  les 
faire  boiter  et  les  chassaient  à  la  côte,  pour  donner  aux 
navigateurs  inquiets  dans  les  nuits  sans  lune  l'illusion 
de  parages  sûrs,  fréquentés  par  les  navires;  ils  allaient 
droit  au  terrible  raz  qui  les  chavirait,  les  absorbait  et 
les  rendait  en  cadavres  et  en  débris  sur  le  rivage  des 
Trépassés. 

Maintenant  des  phares  sont  là,  dans  la  solitude  marine, 
droits  sur  les  rocs,  des  balises  ballottées  sur  leurs  chaînes 
d'ancrage.  Tout  cela  veille  impassible,  avertit  avec  des 


L'ART  MODERNE 


253 


attitades  figées  et  des  gestes  sévères  contre  la  mer  qui 
se  tord  et  ronfle  autour  d'eux,  avide  comme  autrefois, 
comme  autrefois  aussi  réussissant  parfois  un  naufrage, 
mais  ne  rassasiant  plus  son  appétit  féroce  de  catastro- 
phes et  faisant  chômer  la  baie  des  Trépassés. 

Nous  passons  le  lugubre  détroit,  avec,  en  nos  esprits, 
ces  souvenirs.  "L'Eclair  se  secoue  comme  un  cheval  que 
gène  le  mors.  Il  entre  en  grinçant  dans  des  lames  à  aspect 
bisarre  et  sournois,  promptes  et  menaçantes.  Quel- 
ques-unes lui  sautent  à  la  tête  et  parviennent  à  noyer  son 
pont  de  ces  lourds  coups  d'eau  qui  balaient,  allant  et 
revenant,  tapageurs  et  brisant,  de  l'avant  à  l'arrière, 
de  l'arrière  à  l'avant.  Le  brave  petit  navire  se  secoue 
et  surnage,  ne  cessant  pas  un  instant  le  rythmique 
ronron  de  sa  souple  machine. 

C'est  fini.  Le  Mael-Stroom  breton  est  ûtmcbi.  Nous 
voguons  rapidement  vers  les  superbes  roches  des  Petits- 
Pois  et  des  Toulinguets  qui  font,  de  ce  côté,  de  si 
wagnériens  portiques  à  l'entrée  de  la  rade  de  Brest.  En 
passant  à  les  toucher,  notre  pilote  fait  jouer  la  sirène 
à  vapeur  :  ses  appels  ranques  et  désespérés  emplissent 
l'atmosphère  et  sur  les  écueils  se  lèvent  effarés  des  mil- 
liers d'oiseaux  déjà  réfugiés,  car  la  nuit  commence  à  téné- 
brer.  Ils  tournoient  avec  des  cris  aigus  d'épouvante, 
les  goélands,  les  cormorans,  les  mouettes,  tandis  que 
des  marsouins,  en  chasse  de  sardines,  bondissent  tout 
à  coup  au  dessus  des  vagues  comme  s'ils  venaient  voir 
ce  que  c'est. 

(A  continuer.) 


LES  ARCHITECTES  AU  CONSEIL  COMMUNAL 

Après  trois  mois  de  polémique  dans  les  journaux  et  de  discus- 
sions passionnées  dans  le  public,  le  Conseil  communal  de 
Bruxelles  s'est  enfin  occupé,  dans  sa  séance  du  6  juillet,  de  la 
question  fameuse  des  mlts  électriques  de  la  Grand'place  (voir  Art 
moderne,  1891,  u»*  16  et  31);  après  un  exposé  lucide  de  l'affiiire 
présenté  par  M.  Richald  et  des  considérations  justes  développées 
par  M.  Lepage,  la  défense  des  procédés  étranges  de  la  Section  des 
Beaux-Arts,  que  le  Collège  soutient  encore  malgré  la  réprobation 
unanime  des  artistes,  n'a  guère  eu  de  succès,  et  le  Conseil,  enfin 
éclairé,  a  décidé  que  les  primes  seraient  payées  aux  auteurs  des 
projets  Preilo  et  Fiat  Lux,  classés  premier  et  second  par  le  jury, 
et  qu'il  serait  fait  une  exposition  de  tous  les  projets.  Ce  sont  pré- 
cisément les  conclusions  que  nous  avons  défendues  dès  le  premier 
jour  et  que  nous  sommes  heureux  de  voir  adopter  il  la  suite  de  la 
campagne  que  nous  avons  menée  en  faveur  des  droits  méconnus 
des  artistes;  nous  ne  doutons  pas  du  mérite  des  œuvres  primées 
de  M.  Acker  et  de  H.  S'Jonghers,  et  nous  y  reviendrons  en  les 
examinant,  ainsi  que  les  autres  projets  présentés  au  concours, 
lors  de  l'Exposition  qui  sera  ouverte  à  l'Académie  des  Beaux-Arts, 
du  15  au  26aûot. 

Depuis  quelque  temps  il  ne  se  passe  pas  de  séance  qu'un  ou 
plusieurs  conseillers   ne    tombent   à   bras  raccourcis  sur  les 


architectes,  prétextant  qu'ils  dépassent  leurs  devis  de  30,  40 
et  80  °/«  (!!)>  que  la  Ville,  d'après  M.  AUard,  a  toujours  été  velée, 
oui  volée  (III),  et  qu'il  faut  faire  saisie  sur  les  biens  meubles  et 
immeubles  des  arcbilectes,  pour  rembourser  la  Ville  des  supplé- 
ments qu'elle  a  eu  prétendument  ii  payer.  MM.  les  conseillers  ont 
l'indignation  et  les  malédictions  d'autant  plus  abondantes  qu'il  ne 
se  trouve  personne  de  compétent  au  Conseil  pour  leur  répondre, 
faire  la  part  des  retpontabilitét  et  rétablir,  dans  leur  intégrale 
vérité,  des  faits  qu'une  phraséologie  creuse  lente  d'embrouiller. 
Heureusement  la  vaillante  Société  centrale  d! architecture  veille, 
et,  en  attendant  qu'un  membre  de  la  corporation  puisse  siéger  au 
Conseil,  elle  ne  laisse  passer  aucune  occasion  de  réfuter  les  asser- 
tions erronées  et  de  demander  la  lumière  sur  toutëb  choses  :  c'est 
ainsi  qu'elle  vient  de  réclamer  une  enquête  sur  les  légendes  que 
l'on  tente  do  répandre  dans  le  public,  et  elle  l'appuie  des  raisons 
suivantes  qui  nous  paraissent  convaincantes  : 

«  Il  est  une  autre  chose  sur  laquelle  nous  désirerions  que 
«  lumière  fût  faite  aussi  complètement  que  possible.  M.  Lepage, 
«  en  effet,  a  dit  qu'en  général  tous  les  devis  étaient  dépassés  de 
«  trente,  quarante  et  mémo  quatre-vingts  pour  cent.  Nous  dési- 
«  rerions  savoir  si  toutes  les  majorations,  dont  l'honorable 
«  conseiller  a  cité  quelques  exemples,  sont  imputables  aux  archi- 
«  tectes,  si  souvent,  pour  ne  pas  dire  toujours,  ce  n'est  pas  dans 
«  le  cours  des  travaux  que  l'architecte  est  invité  i  produire  des 
a  devis  complémentaires.  Cependant,  plus  tard,  on  le  rend  respon- 
«  sable  d'une  situation  qu'il  n'a  pas  créée.  Il  arrive  encore  que  le 
«  Collège,  lorsqu'il  propose  au  Conseil  une  construction,  ne  s'est 
«  pat  rendu  un  compte  exact  de  l'importance  de  la  dépense  à  faire, 
«  que  l'architecte  n'est  pas  chargé  de  prévoir,  dans  les  chiffres 
«  soumis  au  Conseil,  tous  les  travaux;  ce  dernier  croit  cependant 
«  que  la  somme  consacrée  à  la  construction  proprement  dite,  doit 
a.  répondre  à  tous  les  besoins  ultérieurs  d'éclairage,  de  chauffage, 
a  d'ameublement,  etc.,  etc.,  et,  iila  cidiure  des  comptes,  l'archi- 
«  lecte  est  encore  accusé  d^avoir  dépassé  ses  prévisions. 

I  Quoi  qu'il  en  soil,  notre  Société,  estimant  qu'il  est  de  l'intérêt 
«  de  tous  que  les  responsabilités  soient  entièrement  établies,  et 
«  convaincue  qu'il  est  temps  d'en  finir  avec  une  réputation  qui  est 
«  de  nature  k  jeter  la  déconsidération  sur  tous  les  architectes, 
«  vient  vous  prier.  Messieurs,  d'établir,  par  tels  moyens  que  vous 
«  jugerez  convenables,  quels  sont  les  édifices,  construits  pour  la 
«  Ville,  où  les  devis  ont  été  si  notablement  dépassés;  pour  quelles 
«  causes  ces  majorations  ont  dû  être  accordées  et  pourquoi  les 
«  abus,  s'il  y  en  a  eu,  n'ont  pas  été  signalés  à  l'époque  même  où 
a  ils  se  sont  produits  ;  enfin,  si  toujours  la  responsabilité  de 
«  l'architecte  est  entière  dans  ces  cas  de  majoration.  Elle  réclame 
«  de  votre  impartialité  que  vous  fassiez  cette  enquête  et  que  vous 
«  vouliez  l'étendre  aux  édifices  construits  sous  les  ordres  de  vos 
«  bureaux  techniques;  elle  est  désireuse  de  connailrc  si,  dans  ce 
«  cas  non  plus,  les  devis  n'ont  jamais  été  dépassés. 

«  Nous  en  attendrons  les  résultats  pour  répondre  à  la  conclu- 
«  sion  du  discours  de  M.  Allard,  qui  nous  a  vivement  impres- 
«  sionnés.  Ces  regrettables  paroles  atteignent  toute  la  corporation 
«  des  architectes.  Tous  ont  intérêt  à  savoir  s'il  en  est  qui  méritent 
«  le  reproche  grave  que  leur  a  adressé  ce  conseiller;  il  est  désirable 
«  que  le  doute  ne  puisse  atteindre  toutes  les  personnes  apparte- 
«  nant  à  notre  profession.  Celte  enquête  seule  pourra  prouver  si 
tt  les  allégations  de  M.  Allard  sont  exactes.  » 

II  n'est  que  juste  qu'avant  d'être  condamnés,  les  architectes 
soient  mis  en  possession  de  statistiques  qui  établissent  la  part  de 


^— i"-^;^vt*. 


254 


L'ART  MODERNE 


responsabilité  de  chacun  ;  aussi  appuions-nons  la  demande  forr 
maléf  par  la  Société  centrale  d'ardtiUcture. 

*  « 

Un  certain  désarroi  semble  présider  aux  décisions  prises  par 
les  conseillrrs  dont  les  idées  paraissent  ne, pas  avoir  beaucoup  de 
suite  depuis  quelque  temps;  c'est  ainsi  que  le  Conseil  vient  de 
renvoyer  aux  sections  le  projet  d'école  de  l'impasse  Canivet,  et 
cela  parce  qu'un  conseillrr  trouve  qne  700,000  francs  c'est  trop 
cher  et  qu'on  doit  pouvoir  la  eonstmire  pour  300,000 1  !  Remar- 
quez qne  ce  projet  est  étudié  depuis  cinq  ou  six  ans,  qu'il  prévoit 
des  places  pour  1100  enfants,  que  la  dépense  est  établie  dans  des 
conditions  absolument  normales,  qu'il  a  été  épluché,  discuté, 
approuvé  par  les  sections  compétentes  ;  il  n'y  avait  donc  plus 
qu'il  voter  la  construction  attendue  depuis  longtemps  dans  le 
quartier  de  la  rue  Haote;  une  simple  observation  remet  tout  en 
question  et  enterre  le  projet  pour  plusieurs  années  !  Qne  dire  de 
tout  cela  ! 

Un  comble,  avoué  par  l'échevin  de  l'Instruction  publique  : 
l'école  sera,  pour  cause  d'économie,  chauffée  par  des  poilu  en 
fonte,  moyen  anti-hygiénique  condamné  depuis  l'emploi  si  rai- 
sonné du  système  des  calorifères  ii  eau  chaude  et  à  circulation  de 
vapeur  :  est-ce  lit  le  fait  d'une  adminUtration  attevlive  et  pré- 
voyante, comme  l'a  écrit  M.  Buis  ? 

* 
«  * 

Autre  solution  regrettable  relative  i  la  transformation  du 
marché  de  la  Madeleine  en  salle  de  fêles.  Le  Collège,  en  comité 
secret,  avait  proposé  de  confier  ce  travail,  montant  à  300,000  fr., 
i  un  architecte  de  son  choix  :  les  conseillers,  dont  la  propagande 
en  faveur  des  concours  publics  commence  à  ouvrir  les  yeux,  se 
refusent  à  prêter  les  mains  ii  un  nouvel  acte  de  favoritisme  et 
ont  décidé  la  mise  au  concours  du  projet  de  salle  de  fêtes.  Il  n'y 
avait  plus  qu'à  se  conformer  i  ce  vole  et  cela  sans  relard,  afin  de 
répondre  aux  vœux  répétés  de  la  Société  Bruxelles-Attractions  ; 
le  Collège  dépilé  en  a  jugé  autrement,  et  semblable  en  cela  aux 
gosses  auxquels  on  refuse  un  bonbon  et  s'écrient  :  u  Je  ne  joue 
plus  avec,  na  !  »,  il  a  résolu  d'enterrer  l'affaire  et  de  ne  pins 
parler  de  salle  de  fôies. 

Est-ce  h  la  façon  d'agir  d'une  administration  attentive  et  pré- 
voyante ? 

En  qualité  de  «  journalistes-amateurs  »  mais  dans  le  sens  de 
critiques  indépendants  tels  que  nous  l'avons  défini,  nous  atten- 
dons une  réponse  à  ces  diverses  questions  d'intérêt  aussi  artis- 
tique que  communal.         

BEAUCOUP  DE  BRUIT  POUR  UNE  LETTRE 

Des  commentaires  nombreux  ont  persillé  la  presse  quotidienne 
à  l'endroit  d'une  lellrc  de  M.  Buis,  publiée,  ici,  dimanche  dernier. 
Les  journaux  trouvent  l'attitude  du  bourgmestre  à  leur  égard  hau- 
taine et  choquante.  Comment,  alors  qu'il  refuse  de  répondre  à 
n'importe  quels  articles  émanés  des  quotidiens,  se  donne-t-il  la 
peine  d'adresser  des  rcclificaiions  à  un  simple  hebdomadaire,  qui 
ne  peut  lui  être  utile  en  rien,  qui  ne  soutient  aucune  candida- 
ture, qui  n'est  d'aucun  parti,  qui  n'est  lu  que  par  un  nombre  res- 
treint d'électeurs  —  les  artistes  ne  l'étant  généralement  point  — 
qui  n'a  qu'une  innucncc  vague  dans  le  domaine  de  telles  et  telles 
idées,  que  les  quotidiens  considèrent  comme  de  la  menue  mon- 
naie de  texte,  à  insérer  entre  un  décès  et  un  fait  divers  quand  la 
copie  manque. 


Noos  interprélona  eeU«  aeeplion  qii«  M.  Bob  a  voula  &lre  — 
disons,  en  notre  faveur  —  de  la  manière  la  ploa  Bimple.  Et 
d'abord  iooiile  d'inprimer  que  noua  n'en  tirons  ancnne  vanité; 
répondre  k  une  gazette  nous  parait  la  chose  la  plus  élémentaire 
et  tout  écrit  a  droit  en  quelque  sorte,  a  priori,  k  l'attention  et  k 
la  prise  en  considération  de  chacune  de  ses  affirmations  par  cha- 
cune des  autorités  d'une  ville  oa  i^n  gouvernement.  Si  celles-ci 
se  lassent  et  dédaignent  d'y  réptf^dre  chez  nous,  c'est  qne  notre 
presse  —  ii  part  quelques  jonnmni  que  chacun  pourrait  désigner 
—  les  dégoûte.  Biles  ont  raison. 

Quand  on  lit  tes  quotidiens  bdgps,  on  reste  étonné  de  la  mes- 
quinerie qui  pend  comme  des  baillons  an  long  des  articles,  de  la 
futilité  qui  les  rapetisae,  de  la  souvent  manvaise  foi  cancéreuse 
qui  les  ronge,  de  la  haine  petite  qu'ils  pisaent  et  de  la  médiocrité 
incurable  et  universelle  qu lia jwHwl. -Cela  eal  vrai  k  Id  poinr 
que  si  dans  sa  réprobation  des  quotidiens,  M.  Bob  n'avait  visé 
que  les  feuilles  catholiques,  toutes  les  libérales  auraient  imprimé 
que  c'était  bien  fait,  et,  au  cas  contraire,  les  cléricales  eussent 
exulté.  La  question  clérico-Iibérale,  qui  semble  s'éloigner  des 
préoccupations  de  tout  homme  pas  béte,  bourre  encore  de  son 
étonpe  les  yenx,  soi-disant  de  lynx,  de  la  plupart  des  journalistes 
belges.  Tout  est  encore,  pour  eux,  estampillé  soit  d'one'eroiz,  soit 
d'nn  triangle.  Et  ces  deux  signes  déterminent  tout  jugement  dans 
l'un  ou  dans  l'autre  sens.  El  l'on  se  jette  k  la  léte  les  mots  les  plus 
boueux  :  torchon,  feuille  qu'on. ne  nomme  paa,  rognure,  moniteur 
des  trottoirs,  dictionnaire  des  lupanars,  journal  de  poilières,  que 
sais-je? 

Nous  nous  sommes  souvent  demandé,  quel  jugement  devai' 
porter,  sur  la  presse  belge,  tel  lecteur  qui'  mange,  chaque  jour, 
aux  deux  râteliers,  le  catholique  et  le  libéral.  A  voir  les  uns 
traiter  les  autres  d'infâmeset  les  autres  injurier  les  uns  de  canailles, 
ce  bénévole  lecteur  doit  avoir  de  l'ensemble  une  idée  toute  de 
choix. 

Et  encore  si  toutes  ces  colères  et  même  ces  injures  volaient 
dans  l'air  autour  d'une  question  vraiment  passionnante  et  haussée 
jusqu'à  tel  étage  des  opinions  humaines.  Ou  moins  encore,  si  l'on 
sentait  la  sincérité  dans  la  rage,  la  conviction  dans  l'invective,  la 
violence  rouge  et  crue.  Ou  moins  encore,  si  l'on  parvenait  k 
oublier  qne  telle  insulte  n'est  qu'une  réponse  k  telle  raacnne  per- 
sonnelle et  ne  s'adresse,  la  plupart  du  temps,  qu\  un  monsieur, 
sans  jamais  s'adresser  k  telle  idée  du  même  monsieur. 

Chez  nous  on  ne  polémique  jamais  sans  se  diminuer  tons  les 
deux. 

Tels  écrivains  de  presse  ne  semblent  penser  que  pour  qu'un 
farocrate  de  l'estaminet  des  u  Trois  perdrix  »  affirme  :  «  c'est 
tapé  ».  Tel  autre  résont  une  question  par  nn  calembour.  Tel 
encore  mêle  do  marollien  k  son  style  et  croit  écrire  pour  les 
masses.  En  voici  un  qui  s'est  fait  la  spécialité  des  chroniques  où 
ne  semblent  s'agiter  jamais  que  des  intérêts  de  faubourgs. 

Si  M.  Buis  affirme  qu'aux  yeux  d'nn  tel,  un  bourgmestre  ou  un 
ministre  fait  mal  toujours,  immanquablement,  fatalement,  il  dit 
vrai.  Si  Louis  Veuillot  croyait  qu'un  journal  est  une  machine  de 
guerre,  d'autres  de  ses  confrères  croient  que  c'est  une  machine 
k  vidange. 

Ces  derniers  jours  an  parlement  M.  Janson  s'écriait  :  «  Si  le 
Patriote  imprimait  que  j'ai  assassiné  quelqu'un  en  cette  chambre, 
je  ne  me  défendrais  pas». 

En  telle  circonstance,  nous  croyons  fort  que  M.  Buis  doit  être 
d'accord  avec  M.  Janson. 


»■'' 


''^:;^^^:^r^'.  •■■■ 


L'ÂttT  MODERNE 


255 


riSTIVAL  FINDT  A  BLANKSNBlRaHS 

(Cormpmdtmet  particulière  de  l'Ait  hodunb.'^ 

H.  Jolei  Goeliaek,  qui  dirige  l'orcheslre  de  Blankenberghe  avec 
le  aonci  de  «  faire  de  la  musique  »,  avait  eu  l'idée  d'inviler  M.  Vin- 
cent d'iody  à  venir  ooadaire,  au  Catino,  un  concert  eiclusivc- 
ment  consacré  b  ses  œuvres.  Ce  concert  a  eu  lieu  lundi  deraier. 
Il  a  affirmé,  ue  fois  de  plus,  la  mattriae  du  coaspoaileur  qui 
ooe«pe««  F^Boe,  depais  la  mort  de  César  Franck,  inoontestable- 
nrat  le  premier  rang. 

C'était  la  première  fois  qu'on  donnait  en  Belgique  un  festival 
ettièreanent  composé  de  ses  morceaux  symphoniques.  M.  d'tody 
a  figaré,  oa  h  sait,  k  piasiears  reprises  m»  proframmes  ^s 
Concerts  populaires,  des  comerts  des  XX  et  des  anditions  don- 
nées au  Conservatoire  par  l'Associalion  des  professeurs  d'instru- 
ments k  vent.  Hais  le  festival  de  Blankenberghe  —  et  l'honncar 
«■  revient  k  M.  Goetinck  —  a  fourni  au  musicien  l'occasion  de  se 
taire  apprécier  dans  nn  ensemble  de  compositions  qui  ont  fait 
vivement  ressortir  la  diversité  d'un  talent  merveilleasement  sou- 
ple, qui  passe  (our  k  tour  des  tons  les  plus  riches  aux'  nuances 
les  plus  délicates. 

SaugtfUurie,  la  Symphonie  avec  piano,  la  Fantaisie  pour 
orehatre  et  hautboii  —  les  gros  morceaux  de  cette  audition 
exceptionnelle  —  décèlent  particulièrement  celte  variété  d'inspi- 
ratiOB,  dont  la  richesse  et  le  charme  poétique  sont  servis  par 
l'ifistnimentation  la  plus  fouillée,  la  plus  originale,  la  mieux 
appropriée  au  développement  de  la  pensée  musicale.  El  k  o6té  de 
ces  compositions  de  grande  envergure,  des  œuvres  plus  courtes, 
mais  absolument  charmantes  et  personnelles,  le  Lied  pour  vio- 
celle,  la  Sarabande  et  le  Menuet  extraits  de  la  Suite  pour  trom- 
pette, et  enfin  trois  morceaux  empruntés  k  la  panition  que  vient 
d'achever,  le  jeune  mattre  pour  un  drame  breton,  Karaiec 
(entr'actes  et  musique  de  scène),  ont  complété  la  physionomie 
multiple  et  toujours  attirante  du  musicien. 

Dans  celte  dernière  œuvre,  jouée  pour  la  première  fois  en  BeJ- 
giqne,  M.  Vincent  d'Indy  a  utilisé  des  motifs  populaires  de  Bre'lP' 
gne  qu'il  a  ingénieusement  développés  et  sertis.  L'un  d'eux, 
eiposé  par  le  hauibois,  évoque  la  grâce  un  peu  balourde  d'un 
cortège  nuptial  campagnard.  Le  compositeur  a  biti  sur  ce  thème 
une  œtrvretle  pittoresque  d'une  originalité  extrême  qui  a  galment 
terminé  on  concert  où  se  sont  succédé  les  impressions  artistiques 
les  plus  diverses,  toutes  d'une  intensKé  rare. 

Nous  adressons  !i  l'orchestre  di;  M.  Goetinck  nos  félicitations 
pour  l'interprétation  qu'il  a  donnée,  sous  la  direction  de 
l'auteur,  de  ces  œuvres  difficiles.  Les  fonctions  d'instrumentiste 
dans  les  villes  d'eaux  n'est  pas  une  sinécure.  On  répète  dès  huit 
heures  du  matin.  L'après-midi  ont  lieu  les  concerts-promenades 
du  Casino.  Le  soir,  les  grands  concerts  ou  les  bals,  pour  lesquels 
l'orchestre  est  requis.  Malgré  ce  labeur,  les  musiciens  de  Blan- 
kenberghe, enthousiasmé»  par  les  œuvres  qu'ils  avaient  k  exécuter 
et  ravis  de  la  direction  intelligente  ot  sûre  de  leur  chef,  ont 
accordé  k  M.  Vincent  dinriy  une  atieniion  soutenue  ei  se  sont 
montré  pénétrés  du  souci  de  bien  faire.  Ils  en  ont  été  récompensés 
par  Texcellente  impression  produite  sur  les  musiciens  et  esthètes 
présents,  impression  que  tous  onl  hautement  manifestée. 

Quant  aux  solistes,  ils  ont  été  tous  trois  à  li  hauteur  de  ee 
qu'on   attendait   d'eux.    Nul   ne  joue   mieux  du    hautbois   que 


M.  GuillauiM  Guidé,  dont  le  phrasé  et  le  sentiment  délicat  onl  élé 
maintes  fois  applaudis.  M.  Lucien  Tonnelier  a  joué  en  musicien 
et  en  virtuose  accompli  la  partie  de  piano  de  la  Symphonie.  H  a 
eu  la  modestie,  rare  chez  les  pianistes,  de  ne  pas  jouer  de  solo 
dans  00  concert  exclusivement  sympbooique,  afin  de  lui  garder 
intégralement  le  caractère  qu'avait  voulu  lui  donner  l'auteur. 
Quant  k  M.  Henri  Merck,  violoncelle  solo  de  l'orchestre,  il  a 
interprété  le  Lied  de  M.  dindy  avec  beaucoup  de  talent,  révélant 
sous  le  virtuose  un  musicien  et  un  artiste. 


Quelques  appréciations  de  M.  A.  Bredius 

SUR  LE  MUSÉE  DE  BRUXELLES 

Nous  avons  déjk  publié  l'appréciation  de  M.  Bredius  sur  le 
Rembrandt  du  Musée  (voir  Art  moderne,  n*  30). 

Voici  ce  qu'il  dit  du  Lucas  de  Leyden  acheté  11,000  francs  et 
du  Rabens  payé  34,000  francs. 

Ldcas  van  LEYimN  <T)  La  danse  de  Madeleine.  Copie  au  pin- 
ceau très  médiocre  d'une  gravure  connue  de  cet  artiste,  el  peinte 
postérieurement  k  son  époque.  Pendant  le  xvi*  siècle,  on  s'est 
souvent  servi  des  estampes  de  Lucas  van  Leyden  pour  faire  des 
tableaux.  Celui  en  question  porte  partout  des  traces  d'une  main 
faible,  copiant  péniblement  la  gravure. 

RiniENS.  La  Chasse  de  Diane.  Celui  qui,  comme  moi,  a  vu 
souvent  el  examiné  à  fond  celle  belle  chasse  de  Rubens,  Si  Madrid, 
ne  reconiiattra  pas  dans  celle  prétendue  esquisse,  sous  nos  yeux, 
la  main  de  Rubens,  mais  celle  d'un  médiocre  copiste.  Les  figures 
surtout  sont  extrêmement  faibles.  Payer  24,000  francs  pour  une 
a  esquisse  »,  oe  n'est  vraiment  pas  peu  de  chose. 


ENQIÊTE  SUR  L'ÉVOICTION  IITTÉRAIRE 

Nous  choisissons  dans  les  interviews  publi(<s  dans  VEcho  de 
Paris  par  N.  Jules  Huret  quelques-uns  des  plus  caraiérisiiques  : 
ceux  de  MM.  Stéphane  Mallaumé,  Emile  Zola,  Octave  Mirbeau, 
Charles  Henry,  pris  dans  les  groupes  d'écrivains  les  plus  opposés, 
symbolistes,  naturalistes,  néo-réalistes,  théoriciens-philosophes, 
lis  résument  ueitement  le  mouvemenl  littéraire  coniemporain  et 
demeurent  pour  l'histoire  de  l'art  un  document  précieux.  Nous 
rappelons  celui  de  notre  collaborajeur  Edmond  Picard,  paru  dans 
noire  n"  24  du  14  juin  1891. 

If.  STÉPHANi:  MALLARMÉ 

L'un  des  littérateurs  les  plus  généralcraenl  ainiés  du  monde  des 
lettres,  avec  Catulle  Mendès.  Taille  moyenne,  barbe  grisonnante, 
taillée  en  pointe,  un  grand  nez  droit,  des  oreilles  longues  et  poin- 
tues de  satyre,  des  yeux  largement  fendus,  brillant  d'un  éclat 
extraordinaire,  une  singulière  expression  de  finesse  tempérée  par 
un  grand  air  de  bonté.  Quand  il  parle,  le  geste  accompagne  tou- 
jours la  parole,  un  geste  nombreux,  plein  de  grSce,  de  précision, 
d'éloquence  ;  la  voix  traîne  un  peu  sur  les  fins  de  mois  en  s'adou- 
cissant  graduellement  :  un  charme  puissant  se  dégage  de  l'homme, 
en  qui  1  on  devine  un  immarcessible  orgueil,  planant  au-dessus  de 
tout,  un  orgueil  de  dieu  ou  d'illuminé  devant  lequel  il  faut  tout  do 
suite  intérieurement  s'incliner,  —  quand  on  l'a  compris. 

—  Nous  assistons,  en  ce  moment,  k  un  spéciale  vraiment  extra- 
ordinaire, unique  dans  loute  l'histoire  de  la  poésie  :  chaque 
poète  allant,  dans  son  coin,  jouer  sur  une  flûte,  bien  à  lui,  les 
airs  qu'il  lui  plaît;  pour  la  première  fois,  depuis  le  commence- 
ment les  poètes  ne  chantent  plus  au  lutrin.  Jusqu'ici,  n'est-ce  pas, 
il  fallait,  pour  s'accompagner,  les  grandes  orgues  du  mètre  officiel. 


256 


L'ART  MODERNE 


El  bien,  on  en  a  trop  joué,  et  on  s'en  est  Usaé.  En  mourant,  le 
grand  Hugo,  j'en  sais  bien  sAr,  élail  penoadé  qn'il  avait  enieiré 
toute  poésie  ponr  un  siècle  ;  et,  pourtant,  Paul  Veriaioe  avait  d^ 
écrit  Sageue  ;  on  peut  pardonner  celle  illusion  k  celui  qui  a  tant 
accompli  de  miracles,  mais  il  comptait  sans  l'étemel  instinct,  la 
perpéinelle  et  inéluclable  poussée  Ivriqne.  Sartont,  il  lui  man- 
quait cette  notion  indubitable  :  que,  dans  une  société  sans  stabi- 
lité, sans  unité,  il  ne  peut  se  créer  d'art  stable,  d'art  définitif.  De 
cette  organisation  sociale  inachevée,  qui  explique  en  même  temps 
l'inquiétude  des  esprits,  natt  l'inexpliqué  besoin  d'individualité 
dont  les  roanifestalions  littéraires  présentes  sont  le  reflet  direct. 

Plus  immédiatement,  ce  qui  explique  les  récentes  innovalions, 
c'est  qu'on  a  compris  que  l'ancienne  forme  du  vers  était  non  pas 
la  forme  absolue,  unique  et  immuable,  mais  un  moyen  de  bire  k 
coup  sûr  de  bons  vers.  On  dit  aux  enfants  :  «  Ne  volez  pas,  voos 
serez  honnêtes  !  ■>  C'est  vrai,  mais  ce  n'est  pas  tout  ;  en  dehors 
des  préceptes  consacrés,  est-il  possible  de  faire  de  la  poésieT  On 
a  pensé  que  oui  et.  je  crois  qu'on  a  eu  raison.  Le  vers  eal  partoal 
dans  la  langue  oh  il  ;  a  rythme,  partout,  excepté  dans  les  affiches 
et  à  la  quatrième  page  des  journaux.  Dans  le  genre  appelé  prose, 
il  y  a  des  vers,  quelquefois  admirables,  de  tous  rythmes.  Mais, 
en  vérité,  il  n'y  a  pas  de  prose  :  il  y  a  l'alphabet,  et  puis  des  vers 
plus  ou  moins  serrés,  plus  ou  moins  diffus.  Toutes  les  fois  qu'il  y 
a  effort  au  style,  il  y  a  versification. 

Je  vous  ai  dit  tout  i  l'heure  que  si  on  en  est  arrivé  an  vers 
actuel,  c'est  surtout  qu'on  est  las  du  vers  officiel;  ses  partisans 
mêmes  partagent  cette  lassitude.  N'est-ce  pas  quelque  chose  de 
très  anormal  qu'en  ouvrant  n'importe  quel  livre  de  poésie  on  soit 
sûr  des  rythmes  uniformes  et  convenus  là  oh  l'on  prétend,  au 
contraire,  nous  intéresser  à  l'essentielle  variété  des  sentiments 
humains!  Où  est  l'inspiration,  où  est  l'imprévu,  et  quelle  fatigue! 
Le  vers  officiel  ne  doit  servir  que  dans  des  moments  de  crise  de 
l'âme;  les  poètes  actuels  l'ont  bien  compris;  avec  un  sentiment 
de  réserve  très  délicat  ils  ont  erré  autour,  en  ont  approché  avec 
une  singulière  timidité,  on  dirait  quelque  effroi,  et,  au  lieu  d'en 
faire  leur  principe  et  leur  point  de  départ,  tout  à  coup  l'ont  fait 
surgir  comme  le  couronnement  du  poème  ou  de  la, période! 

D'ailleurs,  en  musique,  la  même  transformation  s'est  produite  : 
aux  mélodies  d'autrefois  très  dessinées  succède  une  infinité  de 
mélodies  brisées  qui  enrichissent  le  tissu  sans  qu'on  sente  la 
cadence  aussi  fortement  marquée. 

—  C'est  bien  de  là,  —  demandai-je  —  qu'est  venue  la  scission  ? 

—  Mais  oui.  Les  Parnassiens,  amoureux  du  vers  très  strict, 
beau  par  lui-même,  n'ont  pas  vu  qu'il  n'y  avait  là  qu'an  effort 
complétant  le  leur  ;  effort  qui  avait  en  même  temps  cet  avantage 
de  créer  une  sorte  d'inlerr^e  du  grand  vers  harassé  et  qui 
demandait  grâce.  Car  il  faut  qu'on  sache  que  les  essais  des  derniers 
venus  ne  tendent  pas  à  supprimer  le  grand  vers;  ils  tendent  à 
mettre  plus  d'air  dans  le  poème,  à  créer  une  sorte  de  fluidité,  de 
raobililé  entre  les  vers  de  grand  jet,  qui  leur  manquait  un  peu 
jusqu'ici.  On  entend  tout  d'un  coup  dans  les  orchestres  de  très 
beanx  éclats  de  cuivre  ;  mai*  on  sent  très  bien  que  s'il  n'y  avait 
que  cela,  on  s'en  fatiguerait  vite.  Les  jeunes  espacent  ces  grands 
traits  pour  ne  les  faire  apparaître  qu'au  moment  où  ils  doivent 
produire  l'effet  total  :  c'est  ainsi  que  l'alexandrin,  que  personne 
n'a  inventé  et  qui  a  jailli  tout  seul  de  l'instrument  de  la  langue, 
au  lieu  de  demeurer  maniaque  et  sédentaire  comme  à  présent, 
sera  désormais  plus  imprévu,  plus  aéré;  il  prendra  la  valeur  de 
n'être  employé  que  dans  les  mouvements  graves  de  l'âme.  Et  le 
volume  de  la  poésie  future  sera  celui  à  travers  lequel  courra  le 
gr^nd  vers  initial  avec  une  infinité  de  motifs  empruntés  à  l'ouïe 
individuelle. 

Il  y  a  donc  scission  par  inconscience  de  part  et  d'autre  que  les 
efforts  peuvent  se  rejoindre  plutôt  qu'ils  ne  se  détruisent.  Car,  si, 
d'un  côté,  les  Parnassiens  ont  été,  en  effet,  les  absolus  serviteurs 
du  vers,  y  sacrifiant  jusqu'à  leur  personnalité,  les  jeunes  gens  ont 
tiré  directement  leur  instinct  des  musiques,  comme  s'il  n'y  avait 
rien  eu  auparavant  ;  mais  ils  ne  font  qu'espacer  le  raidùsement, 
la  construction  parnassienne,  et,  selon  moi,  les  deux  efforts  peu- 
vent se  compléter. 

Ces  opinions  ne  m'empêchent  pas  de  croire,  personnellement, 


qu'avec  la  merveilleuse  science  dn  ver*,  l'art  suprême  des  eoopea 
que  poaaèdeni  des  maître*  comme  Banville,  l'aleiandrin  peal 
arriver  à  une  variété  infinie,  suivre  Ions  les  moaTemenit  de  pas- 
sion pMMble  :  It  Forgeron  de  Banville,  par  exemple,  a  det.aleiaii- 
drins  interminables,  et  d'autres,  au  contraire,  d'une  invraisem- 
blable concision.  Seulement,  cet  ittstrnmenl  si  parfiùi,  et  dont  on 
a  peut-être  un  peu  trop  usé,  il  n'était  pas  mauvais  qn'il  se  rcpostt, 
vraiment. 

—  Voilà  pour  la  forme,  dis-je  à  H.  Stéphane  Mallarmé.  Et  le 
fond? 

—  Je  crois,  me  répondit-il,  que,  quant  au  fond,  les  jeunes  sont 
plus  près  de  l'idéal  poétique  que  les  Parnassiens  qui  traitent 
encore  leurs  sujets  à  la  fiKon  des  vieux  philosophes  et  des  rieux 
rhéteurs,  en  présentant  les  objets  direclement.  Je  pense  qu'il  but, 
au  contraire,  qu'il  n'y  ait  qu'allusion.  La  contemplation  des 
objeu,  l'image  s'envolant  des  rêverie*  suscitées  par  eux,  sont  le 
chant  :  les  Parnassiens,  eus,  pranacot  lachoaa  eaiiteinent  et  la 
moBtmit;  par  là  ils  maM[wat  de  mystère;  ils  retirent  aux  espriu 
cette  joie  délicieuse  de  croire  aulïs  créent.  Nommer  nn  objet, 
c'est  supprimer  les  trois  quarts  de  la  jouissance  dn  poème  qui  est 
faite  du  bonheur  de  deviner  peu  k  peu  ;  le  suggérer,  voilk  le  rêve. 

C'est  le  parfait  usage  de  ce  mystère  qui  constitue  le  symbo- 
lisme :  évoquer  petit  à  petit  un  objet  ponr  montrer  nn  état  d'ime, 
ou,  inversement,  choisir  un  objet  et  en  dégager  nn  élat  d'àme, 
par  une  série  de  déchiffrements. 

—  Nous  approchons  ici,  dis-je  au  maître,  d'une  grosse  objec- 
tion que  j'avais  à  vous  faire...  L'obscurité. 

—  Cesl,  en  effet,  également  dangereux,  me  répondit-il,  soit 
que  l'obscurité  vienne  de  l'insuffisance  du  lecteur,  ou  de  celle  du 
poète...  mais  c'est  tricher  que  d'éluder  ce  travail.  Qne  si  nn  être 
d'une  intelligence  moyenne,  et  d'une  préparation  littéraire  insuffi- 
sante, ouvre  par  hasard  un  livre  ainsi  bit  et  prétend  en  jouir,  il 
y  a  malentendu,  il  faut  remettre  les  choses  à  leur  place.  Il  doit  y 
avoir  toujours  énigme  en  poésie,  et  c'est  le  but  de  la  littérature, 
—  il  n'y  en  a  pas  d'autres,  —  d'évoquer  le*  objets. 

—  C'est  vous,  maître,  demandai-je,  —  qui  avei  créé  le 
mouvement  nouveau  T 

—  J'abomine  les  écoles,  dit-il,  et  tout  ce  qui  y  ressemble;  je 
répugne  à  tout  ce  qui  est  professoral  appliqué  à  la  littérature  qui, 
elle,  au  contraire,  est  tout  à  fait  individuelle.  Pour  moi,  le  cas 
d'un  poêle,  en  cette  société  qui  ne  lui  permet  pas  de  vivre,  c'est 
le  cas  d'un  homme  qui  s'isole  pour  sculpter  son  propre  tombeau. 
Ce  qui  m'a  donné  l'attitude  de  chef  d'école,  c'est,  d'abord,  que  je 
me  suis  toujours  intéressé  aux  idées  des  jeunes  gens  ;  c'est  ensuite, 
sans  doute,  ma  sincérité  à  reconnaître  ce  qu'il  y  avait  de  nouveau 
dans  l'apport  des  derniers  venus.  Car  moi.  au  fond,  je  suis  un 
solitaire,  je  crois  que  la  poésie  est  faite  pour  le  fosie  et  les  pompes 
suprêmes  d'une  société  constituée  où  aurait  sa  place  la  gloire  dont 
les  gens  semblent  avoir  perdu  la  notion.  L'attitude  du  poète  dans 
une  époque  comme  celle-ci,  où  il  est  en  grève  contre  la  société, 
e^  de  mettre  de  côté  tons  les  moyens  viciés  qui  peuvent  s'offiir  à 
lui.  Tout  ce  qu'on  peut  lui  proposer  est  inférieur  à  sa  conception 
et  à  son  travail  secret. 

Je  demande'à  H.  Mallarmé  quelle  place  revient  à  Verlaine  dans 
l'histoire  du  mouvement  poétique. 

—  C'est  lui  le  premier  qui  a  réagi  contre  l'impeccabilité  et 
l'impassibilité  parnassiennes;  il  a  apporté,  dans  Sageue,  son  vers 
fluide,  avec,  déjà,  des  dissonnances  voulues.  Plus  tard,  vers  1875,' 
mon  Apris-midi  £un  faune,  à  part  quelques  amis,  comme  Mendès 
et  Dierx,  fit  hurler  le  Parnasse  tout  entier,  et  le  morceau  fut  rejusé 
avec  un  grand  ensemble.  J'y  essayais,  en  effet,  de  mettre,  à  côté 
de  l'alexandrin  dans  toute  sa  tenue,  une  sorte  de  jeu  courant 
pianoté  autour,  comme  qui  dirait  d'un  accompagnement  musical 
fait  par  le  poète  lui-même  et  ne  permettant  au  vers  officiel  de  ne  .'\ 
sortir  que  dans  les  grandes  occasions.  Mais  le  père,  le  vrai  père 

de  tous  les  Jeunes,  c'est  Verlaine,  le  magnifique  Verlaine  dont  je 
trouve  l'attitude  comme  homme  aussi  belle  vraiment  que  comme 
écrivain,  parce  que  c'est  la  seule,  dans  une  époque  où  le  poète 
est  hors  la  loi,  qui  peut  faire  accepter  toutes  les  douleurs  avec 
une  telle  hauteur  et  une  aussi  superbe  crânerie. 


L'ART  MODERNE 


257 


—  Que  pensez-vous  de  la  fin  du  naturalisme? 

—  L'enfantillage  de  la  liitéralure  jusqu'ici  a  élé  de  croire,  par 
exemple,  que  choisir  un  certain  nombre  de  pierres  précieuses  et 
en  mettre  les  noms  sur  le  papier,  même  très  bien,  c'était  faire  des 
pierres  précieuses.  Eh  bien,  non  !  La  poésie  consistant  à  crier,  il 
faut  prendre  dans  l'ftme  humaine  des  états,  des  lueurs  d'une 
pureté  si  absolue  que,  bien  chantés  et  bien  mis  en  lumière,  cela 
constitue  en  effet  les  joyaux  de  l'homme  :  lâ,  il  y  a  symbole,  il  y 
a  création,  et  le  mot  poésie  a  ici  son  sens  :  c'est,  en  somme,  la 
seule  création  humaine  possible.  Et  si,  véritablement,  les  pierres 
précieuses  dont  on  se  pare  ne  manifestent  pas  un  état  d'Ame, 
c'est  indûment  qu'on  s'en  pare...  La  femme,  par  exemple,  cette 
éternelle  voleuse... 

Et  tenez,  ajoute  mon  interlocuteur  en  riant  à  moitié,  ce  qu'il  y 
a  d'admirable  dans  les  magasins  de  nouveautés,  c'est  de  nous 
>voir  révélé,  par  le  commissaire  de  police,  que  la  femme  se  parait 
indûment  de  ce  dont  elle  ne  savait  pas  le  sens.caché,  et  qui  ne 
lui  appartient  par  conséquent  pas... 

Pour  en  revenir  au  naturalisme,  il  me  parait  qu'il  faut  entendre 
par  là  la  littérature  d'Emile  Zola,  et  que  le  mot  mourra  en  effet, 
quand  Zola  aura  achevé  son  œuvre.  J'ai  une  grande  admiration 
pour  Zola.  Il  a  fait  moins,  à  vrai  dire,  de  véritable  littérature  que 
de  l'art  évocatoire,  en  se  servant,  le  moins  qu'il  est  possible,  des 
éléments  littéraires;  il  a  pris  les  mots,  c'est  vrai,  mais  c'est  tout  ; 
le  reste  provient  de  sa  merveilleuse  organisation  et  se  répercute 
tout  de  suite  dans  l'esprit  de  la  foule.  Il  a  vraiment  des  qualités 
puissantes;  son  sens  inouï  de  la  vie,  ses  mouvements  de  foule,  la 
peau  de  Nana,  dont  nous  avons  tous  caressé  le  grain,  tout  cela 
peint  en  de  prodigieux  lavis,  c'est  l'œuvre  d'une  organisation 
.  vraiment  admirable!  Mais  la  littérature  a  quelque  chose  de  plus 
intellectuel  que  cela  :  les  choses  existent,  nous  n'avons  pas  à  les 
créer;  nous  n'avons  qu'à  en  saisir  les  rapports;  et  ce  sont  les  fils 
de  ces  rapports  qui  forment  les  vers  et  les  orchestres. 

—  Connaissez-vous  les  psychologues? 

—  Un  peu.  Il  me  semble  qu'après  les  grandes  œuvres  de 
Flaubert,  des  Concourt  et  de  Zola,  qui  sont  des  sortes  de  poèmes, 
on  en  est  revenu  aujourd'hui  au  vieux  goût  français  du  siècle 
dernier,  beaucoup  plus  humble  et  modeste,  qui  consiste  non  à 
prendre  â  la  peinture  ses  moyens  pour  montrer  la  forme  extérieure 
des  choses,  mais  k  disséquer  les  motifs  de  l'Âme  humaine.  Hais 
il  y  a,  entre  cela  et  la  poésie,  la  même  différence  qu'il  y  a  entre 
un  corset  et  une  belle  gorge... 

Je  demandai,  avant  de  partir,  à  H.  Mallarmé,  les  noms  de  ceux 
qui  représentent,  selon  lui,  l'évolution  poétique  actuelle. 

—  Les  jeunes  gens,  me  répondit-il,  qui  me  semblent  avoir  fait 
œuvre  de  maîtrise,  c'est-à-dire  œuvre  originale,  ne  se  rattachant 
à  rien  d'antérieur,  c'est  Morice,  Moréas,  un  délicieux  chanteur, 
et,  surtout,  celui  qui  a  donné  jusqu'ici  le  plus  fort  coup  d'épaule, 
Henri  de  Régnier,  qui,  comme  de  Vigny,  vil  là-bas,  un  peu  loin, 
dans  la  retraite  et  le  silence,  et  devant  qui  je  m'incline  avec 
admiration.  Son  dernier  livre  :  Poèmes  aticient  el  romanesques, 
est'un  pur  chef-d'œuvre. 

—  Au  fond,  voyez-vous,  me  dit  le  maître  en  me  serrant  la 
main,  le  monde  es-t  fait  pour  aboutir  à  un  beau  livre. 


Petite   chro/^ique 

L'ouverture  du  Salon  triennal  de  celle  année,  de  la  Société 
royale  i encouragement  des  Beaux- Arts,  fondée  à  Anvers  en 
1788,  a  eu  lieu  hier,  8  août. 

LeTfrSoût  prochain  s'ouvrira  à  Vcrviers  une  exposition  de 
peinture  qui  promet  d'être  fort  intéressante. 

Au  nombre  des  artistes  dont  les  œuvres  figureront  à  cette  expo- 
sition, nous  remarquons  :  MM.  Baron,  Evariste  Carpcnticr,  Claus, 
J.  Coosemans,  César  De  Cock,  Franz  Courtens,  Crjbeels,  Hage- 
mans,  Marcette,  Heymans,  Isidore  Meyers,  Rossecls,  Jan  Siob- 
bacrts,  Vanaise,  T.  Vcrstraetc,  Van  Sevcrdonck,  etc.,  cic. 


Et  parmi  les  jeunes:  MM.  Fernand  Khnopff,  Jules  du  Jardin, 
Steppe,  Delgouffre,  Luyten,  M"°  Mary  Guillou,  Van  Doren,  elc. 

Voici  les  nouvelles  que  donne  l'Indépendance  de  la  prochaine 
saison  de  la  Monnaie  : 

Le  Théâtre  de  la  Monnaie  fera  sa  réouverture  dans  les  premiers 
jours  de  septembre,  par  Roméo  et  Juliette.  M™  de  Nuovina 
chantera  Juliette  et  H.  Lafarge  Roméo.  L'emploi  de  falcon, 
comme  celui  de  chanteuse  légère,  aura  deux  titulaires.  M""  Dexter 
et  Chrétien  pour  le  grand  opéra,  et  M»"  Darcelle  et  M""  Smiths, 
pour  l'opéra  comique.  M""  Chrétien  débutera  dans  Robert  le 
Diable  qui  servira  aussi  au  début  de  la  première  basse,  M.  Ramat, 
et  à  la  rentrée  de  M.  Dupeyron.  M"«  Darcelle  débutera  dans  la 
Rosine  du  Barbier,  el  M"»  Smilhs,  une  Américaine  à  la  voix  d'or, 
élève  de  l'excellent  baryton  Bouliy,  fera  probablemeni  sa  pre- 
mière apparition  dans  Mireille. 

Comme  le  premier  mois  est  surtout  consacré  aux  débuis  de  la 
nouvelle  iroupe,  on  y  reprendra  quelques-uns  des  principaux 
ouvrages  joués  l'année  dernière,  et  notamment  Don  Juan,  où 
M.  Badiali  chantera  don  Juan  et  M"°  Chrétien  dona  Anna,  et 
Obéron,  où  la  nouvelle  dugazon,  M"«  Savine,  remplacera 
M"*  Archaimbaut,  et  le  nouveau  contralto,  M""=  Benendès,  chan- 
tera Puck.  Notons  aussi  les  engagements,  comme  dugazons,  de 
MM""  Coroy  el  Darcelle. 

La  premierenouveaute.de  l'année  sera  le  Rêve  de  M.  Bruneau. 
L'auteur  de  la  partition  et  le  romancier  du  Rêve,  Zola,  viendront 
pour  diriger  les  dernières  répétitions.  Puis  on  compte  monter  la 
Cavalleria  rusticana  de  Mascagni,  et  il  est  question  d'une  grosse 
entreprise  d'art,  de  VArmide  de  Gluck.  Sans  préjudice  des 
reprises  de  Lohengrin  et  de  la  Flûte  enchantée. 

Depuis  que  Jules  Chéret,  le  maître  afficheur  dont  nous  avons 
signalé  l'admirable  talent  avant  que  l'on  en  eût  chez  nous  la 
moindre  idée,  orne  les  murs  de  Paris  de  ses  compositions  sugges- 
tives aux  couleurs  chatoyantes,  le  nombre  des  collectionneurs 
d'affiches  s'est  accru  dans  des  proportions  extraordinaires. 

Aussi,  ne  pouvant  obtenir  les  affiches  qu'ils  désirent,  ces  col- 
lectionneurs n'hésitent  pas  à  employer  toutes  sortes  de  moyens, 
même  délictueux,  pour  satisfaire  leurs  goûis  artistiques. 

Il  en  est  qui  suivent  les  afficheurs  et  décollent  derrière  eux  les 
affiches  fraîchement  posées;  d'autres  les  détachent  du  mur  en, 
coupant  tout  autour  avec  un  canif  très  fin  ce  qui  peut  les  faire 
adhérer;  d'autres  encore  s'adressent  aux  employés  de  certaines 
maisons  d'affichage  et  consentent  à  payer  très  cher  les  affiches 
qu'ils  convoitent  :  cela  constitue  une  perle  considérable  pour  les 
commerçants  qui  en  sont  victimes  el  l'un  d'eux  ayant  remarqué 
que  SCS  affiches  étaient  l'objet  d'une  préférence  désastreuse,  a 
porté  plainte  entre  les  mains  de  M.  Dliers, commissaire  de  police.' 

A  la  suite  de  l'enquête  ouverte,  deux  mille  affiches  volées  ont 
été  saisies  chez  un  ancien  afficheur  et  chez  un  bouquiniste.  ■' 

L'instruction  de  cette  affaire,  confiée  à  M.  Rodai,  a  révélé  lous 
les  détails  d'une  organisation  complète.  Il  y  a  môme  une  cote  des 
affiches  qui  est  publiée  en  secret  et  envoyée  tous  les  rtiois  à  un 
certain  nombre  de  marchands  d'estampes,  libraires  et  bouqui- 
nistes qui  servent  d'intermédiaires.  Inutile  de  dire  que  les  seules 
affiches  cotées  sont  signées  Chérei.  D'après  celte  cote,  les  plus 
rares  et  les  plus  difficiles  à  avoir  sont  celles  du  musée  Grévin,  du 
Courrier  Français,  du  Théâlrophone,  elc. 


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OWÈHiM  Àxaita.  —  N»  33. 


Lb  numéro    :    86    CENTDdES. 


DiMANCHB  16  Août  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVDS  ORmQUB  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATDRE 

Comité  de  rédaction  i  Octavb  MAUS  —  Edmokd  picard  —  Émilb  VERHAEREN 


ABONNKKKNTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,    fr.    13.00     —  ANNONCKS   :    On   traite  k   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  d 
l'adbunistratiom  oénéralb  db  l'Art  Modeime,  rue  de  Plndustrie,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


A  Vad  la  Mih.  —  Les  bepr^sentations  de  Bayreuth.  —  Salon 
TBncniAi.  d' Anvers.  —  Litolpf.  —  La  Question  des  McsiEs.  Une 
restauration  dt  tableaux.  —  Le  Laid.  —  Chronique  judiciaire  des 
ARTS.  Truquages.  —  Pktite  chronique. 


A  VAU  LA  MER 


(1) 


Cette  vie  de  yachting  au  petit  cabotage,  de  cap  en 
cap,  à  la  mode  d'Ulysse  dans  l'Odyssée,  à  la  mode  d'Han- 
non  le  Carthaginois  en  son  périple  ob  ses  équipages 
stupéfaits,  contournant  la  pointe  méridionale  de 
l'Afrique,  virent  se  lever  à  leur  droite  le  fulgurant 
soleil,  qui  jusqu'alors  s'était  levé  à  leur  gauche,  a  ses 
charmes  d'école  buissonnière,  oh!  très  différents  des 
grandes  joies  sévères  que  donne  la  navigation  au  long 
cours,  la  navigation  hauturièrk  sur  la  mer  où  vivent 
les  monstr^,  par  un  de  ces  mots  de  belle  race  qui  pul- 
lulent dans  le  vocabulaire  maritime  tout  entier  d'une 
crànerie  si  sonore. 

On  v(^e  quelques  heures  par  jour.  On  s'arrête  dans 
un  port  "au  gré  de  la  fantaisie  ou  du  hasard,  ce  pour- 
voyeur d'imprévu,  ce  mutilateur  de  voyages  convenus, 

(IJ  Suite.  —  Voir  notre  dernier  numéro. 


ce  •  constructeur  d'itinéraires  baroques  et  savoureux- 
On  gîte  à  bord,  tout  habillé,  sur  les  banquettes,  dormant 
de  ce  bon  dur  profond  sommeil  dans  lequel  on  descend 
par  la  volonté  au  lieu  d'attendre  qu'il  vienne.  Ici  le 
bateau  est  mouillé  en  pleine  rade,  isolé,  piquant  l'ombre 
de  son  fanal  blanc,  ayant  pour  horizon  une  ville  «  baignant 
dans  l'eau  ses  pieds  de  pierre  - .  Ailleurs,  c'est  dans  l'an- 
fractuosité  paisible  d'une  rivière  encaissée.  Ailleurs,  dans 
le  bassin  d'un  grand  port,  à  quai  ou  contre  un  autre 
navire.  Au  Havre,  nous  nous  sommes  introduits  dans 
une  cale  sèche,  alors  sans  occupant  ;  en  est-il  beaucoup 
qui  peuvent  dire  :  j'ai  dormi  dans  une  cale  sèche?  Le 
matin,  si  l'eau  est  transparente  et  engageante,  on  se 
donne  une  douche  à  l'envers  en  y  piquant  sa  tète. 
Quelle  invigorante  rusticité!  quelle  saveur  en  cet  aban- 
don du  convenu  banal,  en  ce  retour  aux  simplicités! 

Nous  voici  donc  au  fond  de  l'immense  caverne  à  ciel 
ouvert,  repaire  de  Brest,  tapi  là  avec  ses  arsenaux,  son 
râtelier  de  canons  énormes,  la  gueule  à  fleur  d'eau  dans 
des  embrasures  de  roc,  et  son  bric-à-brac  de  choses 
maritimes  hors  d'usage,  vaisseaux  à  trois  ponts  devenus 
hôpitaux,  magasins,  écoles,  frégates  historiques  déclas- 
sées, cuirassés  déjà  démodés,  torpilleurs  vieux  système, 
débris  sans  nombre,  submergeant  le  neuf  e^  faisant 
invisible  et  insaisissable  l'actuelle  puissance  maritime 
de  la  France  résidant  on  ne  sait  où  et  en  on  ne  sait  quoi. 
Le  désir  vient  d'un  nettoyage  désencombrant  ce  fouillis 


260 


L'ART  MODERNE 


de  vieux  meubles,  sordide  friperie  navale,  et  ne  réser- 
vant que  ce  qui  compte  encore. 

Sur  tout  cela,  va,  vient,  court,  s'agite  en  fourmilière 
la  cohue  des  marins  uniformisés  par  le  béret  et  la  vareuse 
bleu-pilote.  Dans  la  rade,  circulent  en  scolopendres, 
levant  et  baissant  des  pattes  d'aviron,  les  canots-major, 
vaquant  aux  multiples  devoirs  de  la  flotte  avec  des  airs 
de  promenade.  Car,  en  ces  heures  de  désœuvrement  et 
avec  la  vue  flânante  du  touriste,  comment  se  figurer  les 
humains  soucis  et  les  humains  labeurs  sous  le  spectacle 
splendide  qui  a  pour  décor  le  ciel  nuageux  de  cette 
Bretagne  où  abordent  toutes  les  bourrasques  atlanti- 
ques, et  la  mer  tumultueuse  du  large  mal  brisée  par  les 
écueils  de  la  côte,  et  pour  acteurs  la  multitude  affairée 
qui,  sans  trêve,  prépare,  range,  organise  les  existences 
d'un  grand  port  de  guerre,  bruyante  et  pourtant  silen- 
cieuse, tant  les  proportions  gigantesques  de  l'ensemble 
amortissent  et  calment  tout. 

Repos  d'un  jour.  Il  faut  laisser  souffler  l'Éclair,  dit 
notre  ministériel  commandant  qui  traite  son  bateau 
comme  un  cheval  et  passe  la  main  sur  l'onctueux  poli 
des  cuivres  et  des  aciers  de  sa  machine,  comme  un 
sportsman  sur  le  satin  de  l'encolure  ou  de  la  croupe 
d'un  cheval  de  sang.  Car  il  a  dans  son  cœur  de  notaire 
ce  sentiment  anglais  qui  fait  traiter  un  bâtiment  de  mer 
ainsi  qu'une  personne,  qui  lui  donne  un  sexe  dans  une 
langue  où  tout  ce  qui  est  inanimé  est  neutre  et  qualifie 
man  ofwar,  homme  de  guerre,  les  vaisseaux  destinés 
aux  batailles. 

Soit.  Remplaçons  notre  plancher  mouvant  par  le 
plancher  des  vaches.  Il  y  a  à  visiter  ce  sombre  château 
qui  charge  de  ses  remparts  massifs  et  de  ses  tours 
camuses  un  roc  de  même  sinistre  couleur  à  l'entrée  du 
port.  Inutile  désormais,  malgré  son  air  farouche  et 
menaçant,  autant  qu'un  burgrave  cuirassé  pour  les 
croisades.  Un  seul  obus,  craché  par  les  monstres  de 
quatre-vingts  quintaux  qui  peuvent  lui  donner  de  leurs 
nouvelles  à  dix  kiloaïètres  et  percent  des  plaques 
d'acier  épaisses  de  deux  pieds,  trouerait  de  part  en  part 
ses  fragiles  murailles  sur  lesquelles  dgi^e  hommes  d'ar- 
mes manœuvraient  jadis  de  front.  "*** 

C'était  une  des  forteresses  de  ces  ducs  de  Bretagne 
dont  Henri  IV  disait,  visitant  leurs  baugâs  crénelées  : 
Ventre-saint-gris,  mes  cousins  de  Bretagne  n'étaient 
pas  de  petits  compagnons  !  Nous  en  avions  vu  un  autre 
^  à  Nantes,  d'un  passé  aussi  formidable,  celui  où  fut 
enfermé,  durant  son  procès,  le  satanique  Gilles  de  Reys, 
l'étrange  homo  duplex  qui,  après  avoir  été  l'écuyer 
préposé  à  la  sauvegarde  du  pucelage  de  Jeanne  d'Arc, 
finit,  en  son  lugubre  château  de  Tiffauge,  par  d'effroya- 
bles pédérasties  sur  les  petits  enfants  qu'il  égorgeait  en 
plein  rut  et  dont  il  jetait  les  corps  innocents  et  souillés, 
par  centaines,  dans  les  pourrissoirs  de  son  repaire. 
Récemment  J.-K.  Huijsmans,  dans  Là-Bas,  a  saisi  et 


buriné  ce  type  inexplicable,  effrayante  énigme  psycho- 
logique dont  l'austérité  légendaire  de  chevalier  loyal 
fut  le  prélude  d'un  sadisme  byperhumain. 

Nous  appareillons  à  l'aube  :  il  faut,  pour  passer 
Ouessant,  tâcher  d'avoir  avec  soi  le  courant  qui  acconrt 
de  l'Océan  et  s'engonfire  dans  l'entonnoir  de  la  Manche, 
montant  sur  les  bords  qui  l'étranglent  des  marées  de 
vingt  pieds.  Un  vent  sonore  souffle  et  nous  parcourons 
rapidement  les  chemins  poissonneux.  La  mer  est  dare  : 
nous  filons  dans  les  méandres  d'un  chaos  de  rochers, 
l'austère  cdte  bretonne  toujours  visible,  déchiquetée, 
aride,  achevant  dans  la  désolation  cette  Europe  dont  elle 
est  à  l'ouest  la  finale  terre.  La  pluie,  épanchée  en  obli- 
ques averses  de  grains  lourds  et  gris  qui  semblent  jouer 
aux  quatre  coins  dans  l'horizon,  nous  sabre  d'heure  en 
heure  et  cache  sous  son  momentané  déluge  la  silencieuse 
majesté  des  phares  en  érection  sur  les  écueils.  Le  yacht 
semble  rouler,  vas-tu,  viens-tu,  sur  d'indéfinies  monta- 
gnes russes,  avec  de  longs  élans,  des  chutes  brusques, 
roulant,  tanguant  en  des  déhanchements  désordonnés, 
impuissants  pourtant  à  nous  infliger  le  mal  de  mer,  car 
nous  eûmes  cette  chance,  comme  si  les  déesses  marines 
voyaient  nos  fantaisies  et  nos  témérités  de  terriens  en 
goguette  d'un  œil  favorable.  A  l'arrière  toujours  le  sil- 
lage et  ses  prestiges,  tumultueux,  grésillant,  qui  m'ap- 
paralt  maintenant  tel  qu'une  évacuation  monstrueuse 
des  entrailles  d'un  léviathan  avalant  les  flots  en  tète  et 
les  rendant  en  tourbillon  magique  et  irisé  à  l'arrière. 

De  petites  plages  à  bains,  tant  mystificatrices  en  leurs 
rudimentaires  installations  françaises  que  l'imagination 
payée  des  journalistes  boursoufle,  se  détachent  parfois 
en  grisailles  au  fond  des  ciseaux  ouverts  que  font  deux 
promontoires.  Roscoff,  entre  autres,  cher  aux  peintres, 
d'où  Théo  Van  Rysselberghe,  l'an  dernier,  rapporta 
quelques  œuvres  pour  les  XX  Car  cette  mer  tente  l'ar- 
tiste :  plus  loin  nous  reconnaîtrons  des  sites  qu'ont  à 
jamais  fixés  Monet  et  Seurat,  ces  sorciers  qui  volent 
l'apparence  des  choses,  pareils  à  ce  diable  qui  vous 
ravissait  votre  ombre,  —  ces  sites  où  la  mer,  vue  d'un 
haut  rivage,  a  de  si  étranges  perspectives  montantes  et 
remue  si  vivante  les  ruisselantes  pierreries  de  la  cou- 
leur. 

Le  steam-yacht,  avec  son  noir  panache,  aux  curieux 
que  nos  longues-vues  découvrent  sur  l'ourlet  côtier,  doit 
paraître  un  cigare  fumé  par  quelque  cétacé  glissant  verti- 
gineusement à  fleur  d'eau  entraîné  par  letièdegulf-stream 
des  mers  tropicales  vers  les  glaces  polaires.  Il  passe  à 
toute  vapeur  le  long  des  fantastiques  roches  de  Plou- 
manac,  congrès  de  mégalosaures,  mammouths  et  plésio- 
saures sur  les  rives  des  fleuves  antédiluviens,  en  des 
attitudes  formidables  de  repos  ou  de  combat,  au  milieu 
de  la  végétation  massive  des  cryptogames  colossaux  aux 
temps  préhistoriques.  Et  par  un  soir  de  magnificence, 
sous  un  ciel  éclairci  mais  où  traîne  encore  la  majesté  de 


quelque» grands  nuages  frangés  de  pourpre,  nous  entrons 
'  dans  l'asile  enrubanné  de  prairies  que  forme  la  rivière 
de  Tréguier,  moyen  Âgeuse  petite  ville  où  naquit  ce  cha- 
noine manqué  :  Renan. 

(A  continuer). 


LES  REPRÉSENTATlOi^S  DB  BAYRElTIl 

(Corretpondance  particulière  de  /'Art  moderne.) 

Le  temps  n'esl  plus  où  l'on  allail  à  Bayrculh  à  la  découverte 
d'nn  art  nouveau.  Les  disciples  d'autrefois  ont  disparu,  qui,  après 
leur  initiation,  se  donnaient  pour  mission  de  révéler  aux  profanes 
les  paroles  de  vérité  tombées  des  lèvres  du  Maître.  «  Wagner, 
mais  c'est  un  classique!  »  disait  récemment  un  excellent  chef- 
d'orchestre  de  Bruxelles.  Phénomène  bizarre,  le  nombre  croissant 
des  convertis  ne  laisse  pas  que  de  blesser  certains  fidèles  de  piéié 
ardente  et  exclusive.  Ce  sentiment  vient  encore  de  se  faire  jour 
chez  un  correspondant  de  la  Oazelte  de  Cologne.  Tout  en  se 
réjouissant,  comme  Allemand,  de  l'intérêt  éveillé  dans  le  monde 
entier  par  une  des  plus  hautes  manifestations  de  l'art  national,  il 
déplorait,  d'un  ton  plaisant  en  son  pédantismc,  l'afllux  à  Bayreulh 
d'étrangers  venus  là,  disait-il,  par  contagion  mondaine  ou  curio- 
sité banale.  Dès  lors,  il  ne  s'établit  plus  entre  la  scène  et  la  salle 
une  entente  intime,  une  communion  à  laquelle  ne  sont  aptes  que 
les  âmes  vraiment  germaniques. 

N'en  déplaise  aux  vaincs  susceptibilités  de  ce  farouche  Teuton, 
il  nous  a  été  donné,  comme  à  beaucoup  d'autres,  d'assister  avec 
émotion  et  recueillement  aux  fêles  célébrées  dans  le  lemple  du 
grand  art.  Nous  ne  songeons  pas  à  relater  par  le  menu  les 
«  épisodes  dramatiques  »,  à  détailler  «  les  beautés  musicales  » 
de  Tannhâuter  ou  de  Parsifal.  Les  lecteurs  de  l'Art  Moderne 
sont,  Dieu  merci,  au  courant  depuis  longtemps.  Hais  quelques 
impressions  notées  en  toute  sincérité  encourageront  peut-être 
quelques  hésitants  à  entreprendre  eux-mêmes  le  voyage  de 
Bayreulh.  Quoi  qu'ils  pensent,  ils  en  rapporteront  des  souvenirs 
rares  et  profonds. 

Des  deux  œuvres  que  nous  avons  entendues,  marquant  l'une 
le  point  de  départ,  l'autre  le  but  final  des  efforts  géniaux  de 
Wagner,  Parsifal  surtout  nous  semble  devoir  remuer  les  cœurs 
les  moins  susceptibles  d'enthousiasme.  L'idée  et  la  forme  s'y 
combinent  dans  une  harmonie  si  parfaite  qu'on  ne  saurait  dire 
laquelle  il  faut  admirer  davantage.  Ailleurs,  le  poète  a  donné  des 
représentations  intenses  du  tumulte  des  passions  humaines;  ici, 
il  se  laisse  aller  à  un  rêve  de  paix  et  de  rédemption.  L'idée  chré- 
tienne, par  excellence,  en  fournit  le  canevas  :  Par  le  renoncement 
aux  joies  terrestres,  au  prix  d'efforts  incessants,  seul,  l'être  pur 
et  simple,  «  der  reine  Thor  »  est  capable  de  guérir  l'humanité  de 
la  blessure  toujours  saignante  de  ses  désirs. 

Développé  avec  austérité  ut  magnificence  h  la  fois,  ce  thème  se 
fixe  en  un  tableau  religieux,  mais  surtout  mystique,  d'un  relief 
saisissant.  Et  dans  ce  commentaire  de  la  légende  celtique  du  Graal 
vibre  cependant  noire  âme  moderne.  Ce  que  Wagner  lui  fait 
exprimer,  ce  ne  sont  pas  tant  les  élans  d'une  foi  robuste  et  sure 
d'elle-même,  itl  le  prodigieux  Credo  de  la  messe  de  Bach,  que  ses 
mystérieuses  aspirations  au  repos,  après  les  angoisses  et  les 
curiosités  inquiètes  dont  elle  était  comme  possédée.  Avec  le  sage, 
cette  âme  a  éprouvé  que  tout  est  vanité  et  c'est  pourquoi  elle 


retourne  à  la  simplicité  primitive,  à  la  pitié  qui  régénère  et 
purifie. 

Cette  conclusion  éihérée  n'est-clle  pas  celle  il  laquelle  aboutit 
aussi  Tolstoï,  cet  autre  interprète  des  troubles  et  des  émotions  les 
plus  intimes  de  notre  conscience?  Le  moujik  bon  et  simple  qu'il 
nous  propose  comme  modèle  n'est-il  pas  un  peu  «der  reine  Thor  » 
de  Wagner? 

Transportée  et  maintenue  sur  ces  sommets,  on  conçoit  que 
l'inspiration  musicale  prenne  une  allure  particulière  qui  la  fait 
échapper  à  la  commune  mesure  de  la  critique.  L'on  se  trouve  en 
présence  de  quelque  chose  d'inattendu,  de  souverainement  ori- 
ginal et  créé,  si  l'on  peut  s'exprimer  ainsi. 

Le  caractère  transcendant  d'une  conception  pareille  a  son  côlé 
périlleux  quand  il  s'agit  de  la  traduire  dans  la  réalité.  11  est 
malaisé  de  découvrir  des  interprètes  qui  non  seulement  soient 
rompus  â  toutes  les  difRcultés  du  métier,  mais  qui,  en  outre, 
soient  assez  conscients  de  la  pensée  de  l'auieur  pour  la  rendre 
dans  sa  force  et  sa  pureté,  tout  en  la  marquant  d'un  cachet  pro- 
pre de  spontanéité  et  de  personnaliié.  A  ces  divers  points  de  vue, 
sans  méconnaître  les  qualités  d'ensemble  des  exécutions  de  Bay- 
rculh, ni  le  souci  d'une  esthétique  savante  qui  perce  jusque  dans 
les  détails,  force  nous  est  de  signaler  des  défaillances  pendant  la 
représenlation  du  29  juillet.  Le  rôle  si  essentiel  de  Gurnemanz  a 
même  été  tenu  de  façon  déplorable.  Il  ne  suffit  pas  d'une  tête 
expressive  ornée  d'une  barbe  imposante  pour  faire  oublier  que 
M.  Wicgand  a  une  articulation  pesante  et  rude,  une  voix  creuse 
et  surtout  si  constamment  fausse  qu'on  est  à  se  demander  s'il  a  la 
notion  des  demi-tons. 

M"""  Materna,  assurément,  a  beaucoup  de  style  et  d'ampleur 
dans  le  rôle  de  Kundry,  mais  pour  personnifier  la  tentation  faite 
femme,  aux  séductions  infinies,  aux  voluptés  enlaçantes,  il  lui 
manque...  non,  il  ne  lui  manque  pas  assez. 

Quant  au  rôle  de  Parsifal,  personne  n'ignore  qu'il  a  été  pour 
notre  compatriote  Van  Dyck  l'occasion  d'un  succès  éclatant,  mais 
nous  n'avons  pas  eu  la  chance  de  l'entendre.  11  serait  néanmoins 
injuste  de  passer  sous  silence  le  ténor  Gruning,  qui  incarne  le 
héros  avec  chaleur  et  jeunesse,  avec  seniiment  et  intelligence. 

Plus  vraiment  intéressante  nous  est  apparue  la  figure  du  roi 
Amfortas,  telle  que  l'a  comprise  et  rendue  le  baryton  Scheidc- 
mantel.  Il  a  eu  des  attitudes  poignantes,  des  accents  déchirants, 
au  moment  où  il  conjure  les  chevaliers  du  Graal,  témoins  de  ses 
tortures,  de  ne  plus  exiger  de  lui  l'accomplissement  de  ses  fonc- 
tions sacrées,  et  dans  la  scène  finale,  quand,  rejetant  au  loin  le 
bandeau  royal,  il  lance  ses  appels  désespérés  il  la  mort. 

Si  tel  ou  tel  effort  individuel  est  évidemment  resté  en  deçà  du 
but  à  atteindre,  par  contre  l'orchestre  doit  être  mis  hors  de  pair. 
C'est  lui  qui  corrige,  relève,  rétablit  les  parties  faibles  de  l'exécu- 
tion, tantôt  puissant  et  sonore,  tantôt  divinement  tendre,  toujours 
frémissant  de  poésie  et  d'idéal.  Les  chœurs  sont  absolument  cor- 
rects, mais  on  ne  peut  pas  exiger  d'eux  de  chanter  comme  des 
anges,  et  c'est  ce  qu'ils  devraient  faire. 

Et  Tannhàuser!  Mais  c'est  tout  autre  chose.  L'œuvre,  qui  est 
intitulée  opéra  romantique,  s'adresse  directement  aux  sens  et 
comme  telle  constitue  une  fête  pour  les  yeux  et  les  oreilles.  Ici 
les  signes  extérieurs  et  tangibles  de  l'idée  conservent,  sans  peine, 
leur  valeur  entière.  Mise  en  scène  éblouissante,  changements  à 
vue  étonnants,  levers,  couchers  de  soleil  rendus  sensibles  par 
dos  artifices  d'éclairage,  ensembles  aux  cresccndos  gigantesques, 
tout  cela  concourt  à  surexciter  vivement  l'imagination.  Le  soin 


. 'r  '^^'^WiW>W^^*''T^' 


que  les  bériiiere  de  Wagner,  dépositaires  de  ses  inlenlions  et  de 
ses  volonlés,  ont  mis  à  reconstituer  une  œuvre  de  sa  première 
manière,  témoigne  par  lui-même  de  la  puérilité  des  préoccupations 
de  ceux  qui,  se  targuant  d'un  art  plus  raffiné  et  plus  éclairé,  déni- 
grent et  ravalent  les  productions  du  Matli^  qui  ne  sont  pas 
conformes  à  ses  dernières  théories.  Il  ne  faut  pas  être  plus  roya- 
liste que  le  roi.  Certes,  dans  les  créations  de  l'Age  mûr,  Wagner 
a  eu  des  vues  singulièrement  plus  élevées,  ses  héros,  symboles 
de  sentiments  primordiaux,  réalisent  des  types  aulrement  plus 
puissants,  la  Irame  musicale  en  est  infiniment  plus  serrée. 
N'empêche  que  dans  Tannhâuser  il  y  a  un  souffle  plein  de 
verdeur  et  d'inspiration  qui  vous  emporte  bien  au  delb  des  limites 
d'une  admiration  naïvement  bourgeoise.  Nous  sommes  très  loin 
déjà  de  «  la  musique  du  ventre  »,  selon  la  définition  par  Berlioz 
de  certaine  musique  italienne. 

Quant  i  l'interprétation,  sans  vouloir  nous  répéter,  mentionnons 
l'excellence  de  l'ensemble;  i  part  H"'  Sucher  dans  le  râle  de 
Vénus,  pas  de  natures.  M.  Rcichmann,  très  expressif  dans 
Wolfram  von  Escbenbach,  et  Hu°  de  Ahna,  une  débutante  fort 
bien  stylée,  dans  le  rdie  d'Elisabeth,  se  sont  parliculièremcnt 
distingués. 

R.  V. 


SALON  TRIENNAL  D'ANVERS 

[Premier  article). 

Les  organisateurs  de  pareil  horrifiant  étalage  de  toutes  les 
variétés  de  maladies  picturales  —  et  dire,  qu'ils  ne  se  doutent 
peut-être  pas  du  tout  du  but  qu'ils  ont  poursuivi!  —  sont  pré- 
voyants autant,  et  plus  impitoyablement!  que  ce  directeur 
d'exploitation  foraine,  sans  morale  pourtant —  ce  qu'on  ne  pour- 
rait dénier  à  ceux-ci  —  qui  révèle  lucrativemenl  toutes  les  atro- 
cités du  mal  vénérien. 

L'enseignement  est  identique  et  l'impression  également  salu- 
taire :  l'horreur  du  contact  animal  avec  la  Femme,  l'horreur  de  la 
Peinture! 

Et,  celte  fois,  faudra-t-il  louer  sans  réserve  la  Commission  pour 
l'encouragement  des  beaux-arts  —  et  ainsi  son  titre  n'est  pas 
mensonger;  tout  au  plus  le  système  d'encouragement  peut-il 
paraître  hardi,  radical,  excessif!  — ;  elle  a  dépassé  tout  ce  que 
des  commissions  analogues  et  rivales  ont  exhibé.  Mais  il  faut  dire, 
pour  ne  décourager  personne  et  louer  en  tonte  équité,  que  les 
organisateurs  anversois  se  trouvent  à  la  source.  Qu'ils  sachent 
bien,  avant  tout,  que  la  leçon  ne  sera  pas  perdue! 

J'en  sais  qui  renoncent  k  la  peinture,  s'en  vont  criant  que 
jamais  plus  ils  ne  loucheront  un  pinceau  et  se  sentent  pris  d'une 
irrésistible  tendresse  pour  le  balai,  le  vrai  balai  des  rues',  d'une 
débordante  et  lyrique  reconnaissance  pour  son  assainissante 
besogne! 

Ainsi  doiy;,  réellement  —  et  à  ce  sujet  nous  concevions  encore 
des  doutes  —  l'An  doit  fatalement  entraîner  ceux  qui  le  prati- 
quent en  celle  égale  et  lente,  mais  irrésistible  finance  d'imbécillité  ; 
les  entraîner  par  des  sites  d'outrecuidance  et  de  vanités  déme- 
surées vers  celle  idéale  terre  de  conformités  et  d'honneurs,  où 
leur  vie  s'éteindrait  en  l'absolue  et  béale  sérénité  du  gâtisme. 

Mais,  c'est  triste  ;  —  comme  toutes  les  eaux  mortes  ou  peu 
pressées!  —  et  c'est  navrant  surtout  de  reconnaître  parmi  le* 
détritus  de  ces  centaines  de  noms  nuls  ou  de  réputations  volées 


bien  des  admirations  d'antin  et  aatait  d'intraniigeaiion  som- 
brées. 

Et  c'est  qu'il  ne  convient  pas  de  crier;  aucun  appel,  d'où  qu'il 
parte,  ne  peut  parvenir  k  ceux  qu'il  faut  yoir  passer  au  fil  de  ces 
trognons  de  choux  et  de  vieux  chapeaux  sans  espoir  -de  sauve- 
tage; leurt  oreille*  iont  tout  Veau  ! 

Dès  lors,  il  vaut  mieux  songer  il  la  trenquillité  de  leur  ftme  et 
il  la  douceur  de  la  terre  promise. 

Tout  an  plus  doit-on,  et  férocement  encore  I  crier  après  ceux 
qui  par  une  condescendance  inouïe  et  inexcusable  ou  par  ane 
attirance  qui  pronostiquerait  de  mort,  vont  se  mêlant  fe  celte 
déshonorante  et  pestiférée  cohue.  Que  toui  ceux  qui  les  aiment 
comme  nous  les  aimons  rappellent  le*  Clads  —  dont  une  déli- 
cate impression  fixe  les  lendres  gris  et  les  mauves  da  si  fugace 
crépuscule;  —  les  FAimM-LATOVK  —  dont  une  nn  peu  m<rileien- 
taiion  captive  par  une  disposition  des  lumière*  assez  troublante; 
—  les  Gr5ntou>  —  qui  répète  ses  silboneites  si  curieusement 
typées;  —  les  Hkijiuns  —  dont  cette  page  de  bonne  virlnosilé 
ranime  de  clair  soleil  et  impose  sa  pénétrante  nistioilë;  — les 
RossEEiiS  —  dont  un  simple  et  gris  site  de  Campine  s'imprègne 
d'humidité  et  affirme  cette  conscience  d'artiste  rassénérée  ;  —  les 
SiSLEY  —  qui  a  tenu  i  faufiler  ici  un  exquis  petit  chef-d'œuvre  — 
scintillement  d'eaux  et  poudroiement  de  soleil  —  et  dont  le 
placement  avère  la  plus  insigne  mativaise  foi. 

Près  d'eux,  je  n'imagine  aucune  démarche  qui  me  répugnerait  ; 
aucune  objurgation  —  et  n'est-il  donc  pas  assez  de  faire  appel 
à  leur  dignité?  —  si  elles  pouvaient  aboutir  k  les  détacher  de  ces 
entreprises  auxquelles  leur  présence  impose  un  peu  de  respect 
qu'elles  ne  méritent  pas;  revêt  d'nne  considération  qui  implique 
quelque  retenue  encore  et  assez  forte  malgré  tout  pour  retarder 
l'heure  où  elles  doivent  inévitablement  crouler  sous  le  plus 
unanime  mépris. 

Que  les  plus  jeunes  —  les  quelques  bien  bâtis,  cessent  de  faire 
escorte,  ces  jours  de  grandes  parades,  aux  grands  pontifes  qui  les 
couvent  et  nous  verrons  bien  la  piteuse  et  prochaine  et  dernière 
sortie  de  tous  ces  «  Maîtres  »  abandonnés  k  eux-mêmes.  Il  faut 
que  ces  jeunes  gardent  leurs  forces  pour  les  différents  groupes 
qu'ils  ont  formés;  qu'ils  se  défendent  eux-mêmes  avant  de  partir 
en  guerre  au  profit  d'autres  qui  ne  les  valent  d'ailleurs  pas,  et 
dont  ils  sont  les  innocentes  dupes. 

Et  plus  ils  auront  de  mérite,  plus  accablant  sera  l'acte  d'accu- 
sation que  nous  dressons  ou  pluiOt  plus  pressant  sera  notre 
appel. 

Il  faut  qu'il  parvienne  k  RAFFAfiLLi,  k  von  Lbnbach,  k  CoHSTAirriN 
MEimiEa,  qp!  prêtent  encore  la  gloire  de  leurs  noms  et  leurs 
œuvres  k  Selte  morne  œuvre  des  Salons  agonisants. 

Différer  l'instant  de  sa  chute  c'est  reculer  l'avènement  de  cet 
art  véritable  qui  doit  bien  leur  tenir  k  cœur  pourtant. 

N'est-il  pas  désespérant  de  penser  que  l'existence  des  Salons 
est  entre  les  mains  de  ces  quelques-uns  qui  persistent  —  malgré 
l'abstention,  qui  devrait  bien  les  faire  réfléchir,  d'antres  —  k 
passer  sous  les  fourches  caudines  d'une  intolérance  haineuse  et 
invétérée,  k  se  faire  réinscrire  annuellement  sur  ces  catalogues 
qui  deviendront  forcément  l'état-civil  du  crétinisme  et  des 
sénilités. 


mWmMw^f^ 


>:r'«î?r-A***i.: 


L'ART  MODERNE 


263 


HENRY  LITOLFF 

• 

Le  compositeur  Litolff  vient  de  mourir  :  figure  étrange  et  tour- 
mente dont  on  cite  la  vie  aventureuse,  les  mariages  romanesques 
et  cette  création  :  l'édition  populaire,  k  bon  marché,  des  oeuvres 
musicales,  avant  de  parler  de  son  art.  Pourtant  il  occupa  une  place 
notable  dans  le  renouveau  romantique.  Son  Chant  du  Ouelfu, 
son  ouverture  de  Robetpierre  et  celle  des  Oirondiii*  ont  une 
crâne  allure.  Elles  portent  la  griffe  du  musicien  épris  d'idées 
larges,  d'aspirations  généreuses,  dont  l'âme  s'épanche  en  exubé- 
rants cris  de  passion^  C'est  ce  que,  très  justement,  exprimait  en 
ces  termes  ifti  critique  parisien  :  «  C'est  un  artiste  de  race  qui 
vient  de  disparaître,  un  de  ces  enthousiastes  de  l'art  comme  en  a 
connus  le  milieu  de  notre  siècle,  qui,  toujours  sur  la  brèche,  com- 
battaient en  produisant  des  chefs-d'œuvre  et  ne  se  contentaient 
pas  d'écrire  des  préfaces  ou  d'écbafauder  des  prétentieuses  théo- 
ries, génération  étonnante  qui  a  ébloui  le  monde  par  ses  triom- 
phes, aussi  bien  en  peinture  qu'en  sculpture,  en  littérature  ou  en 
musique.  » 

Berlioz  n'a  pas  craint  de  dire  de  lui  :  «  Liiolff  est  un  composi- 
teur de  l'ordre  le  plus  élevé.  Il  possède  à  la  fois  la  science,  l'inspi- 
ration et  le  bon  sens.  Due  ardeur  dévorante  fait  le  fond  de  son 
caractère  et  l'entratnerait  nécessairement  A  des  violences  et  à  des 
exagérations  dont  la  beauté  des  productions  musicales  a  toujours 
&  souffi-ir,  si  une  connaissance  approfondie  des  véritables  néces- 
sités de  l'art  et  un  jugement  sain  ne  maintenaient  dans  son  lit 
ce  fleuve  bouillonnant  de  la  passion  et  ne  l'empêchaient  de  ravager 
ses  rives.  Il  appartient,  en  outre,  à  la  rdce  des  grands  pianistes, 
et  le  feu  nerveux,  puissant,  mais  toujours  clairement  rythmé  du 
virtuose  participé  des  qualités  que  je  viens  d'indiquer  chez  le 
compositeur.  » 

Les  représentations  des  Temptieri,  joués  !i  la  Monnaie,  sous  la 
direction  Verdhurt,  amenèrent  le  maître  k  Bruxelles,  qu'il  avait 
visité  dans  sa  jeunesse.  Il  s'y  trouva  si  bien  qu'il  y  passa  tout 
l'hiver  avec  la  charmante  femme  qu'il  avait  épousée  en  quatrième 
noces  et  sa  fille  Sophie.  On  lui  fit  fête,  et  le  souvenir  n'est  pas 
éteint  des  soirées  artistiques  que  chez  quelques  fervents  d'an, 
Litolff  anima  de  sa  verve  primesaulière,  de  sa  conversaiion  étln- 
celante  et  de  son  ardeur  artistique. 

Agé,  ravagé,  capricieux,  bizarre  comme  un  personnage  de 
Hoffinann,  il  gardait  une  séduction  qui  loi  conquit  toutes  les 
sympathies. 

Outre  différents  morceaux  pour  piano,  parmi  lesquels  des  con- 
certos avec  accomgagncment  d'orchestre  remarquables,  les  prin- 
cipales œuvres  de  Litolff  sont  :  Six  mélodie*,  ses  ouvertures  de 
Catkeriiu  Howard,  de  Robespierre,  des  Oirondins,  son  Chant 
du  Ouelfu,  son  oratorio  Ruth  et  Booz,  ses  opéras  Nahel,  la 
BoUe  de  Pandore,  HéloUe  et  Abilard  (1872),  la  BelU  au  bois 
dormant  (1874),  la  Fiancée  du  roi  de  Oarbe  (1874),  la  Mandra- 
gore (1876);  puis,  en  ces  dernières  annexes,  les  7'«npii>»*,  joués 
en  1886  k  Bruxelles,  et  VEicadrwi  vdant  de  la  Reine,  monte  en 
1888  k  l'Opéra  Comique. 

Litolff  laisse  un  nombre  assez  considérable  de  compositions 
inachevées  et  un  opéra  inédit  :  Le  Roi  Lear. 

Ses  obsèques  ont  eu  lieu  k  Bois-Colombes,  près  Paris,  où 
l'ariiste  s'était  retiré  depuis  quelques  années.  Nous  présenioos  à 
||i»  veuve  Litolff  l'expression  de  nos  respectueux  seniimenls  de 
condoléances. 


LA  QUESTION  DES  MUSÉES 

Use  r— tanratloB  dé  tAblestox. 

Ceci  est  copié  dans  «  les  Fêles  de  Hollande  »  de  Gérard  de 
Nerval.  C'était  en  18S2  et  nous  reproduisons  ces  lignes  pour 
montrer  que  ce  n'est  pas  d'aujourd'hui  que  date  la  béiise  des 
commissions  et  des  fonctionnaires.  La  scène  se  passe  k  Anvers. 

«  J'ai  franchi  bientôt  les  remparts,  la  place  de  Meir,  la  place 
Verte,  pour  gagner  la  cathédrale  et  y  revoir  mes  Rubens  :  je  ne 
trouvai  qu'un  mur  blanr,  c'esl-k-dire  réchampi  de  celle  même 
peinture  k  la  colle  dont  la  Belgique  abu  e,  par  le  scniimenl,  il 
est  vrai,  d'une  excessive  propreté.  «  Où  sont  les  Rubens,  dis-jc 
au  suisse.  —  Monsieur,  on  ne  parle  pas  si  haut  pendant  l'office.  » 
Il  y  avait  un  office  en  effet.  «  Pardon  I  repris-je  en  baissant  la  voix, 
les  deux  Rubens,  qu'en  a-t-on  fait?  —  Ils  sont  k  la  restauration  », 
répondit  le  suisse  avec  fierté. 

0  malheur!  Non  contents  de  reslaiJrer  leurs  édifices,  ils  restau- 
rent continuellement  leurs  tableaux.  Notez  que  la  même  réponse 
m'avait  été  faite  il  y  a  dix  ans  dans  le  même  lieu.  J'ai  songé  alors, 
avec  émotion,  k  ce  qui  s'était  passé,  un  peu  avant  cette  époque, 
au  Musée  d'Anvers.  L'histoire  e>t  encore  bonne  k  répéier.  On 
avait  confié  la  direction  du  musée  k  un  ancien  peintre  d'histoire, 
enthousiaste  de  Rubens,  quoique  très  fidèle  au  goût  classique  et 
n'admirant  son  peinire  favori  qu'avec  certaines  resiriciions.  Ce 
malheureux  n'avait  jamais  osé  avouer  qu'il  Irouvaii  quelques 
défauts,  faciles  du  reste  k  corriger,  dans  les  chefs-d'œuvre  du 
maître.  Ce  n'était  rien  au  fond  :  un  glacis  pour  éteindre  certains 
points  lumineux,  un  ciel  k  bleuir,  un  attribut,  un  détail  pittoresque 
k  noyer  dans  l'ombre,  et  alors  ce  serait  sublime.  Cette  préoccupa- 
tion devint  maladive.  N'osant  témoigner  ses  réserves  ni  s'attaquer 
en  plein  jour  k  de  tels  chefs-d'œuvre,  craignant  le  regard  des 
arlisles-éludiants  et  même  celui  des  employés,  il  se  levait  la  nuit, 
ouvrait  délicatement  les  portes  du  musée  et  travaillait  jusqu'au 
jour,  sur  une  échelle  double,  k  la  lueur  d'une  lanterne  complice. 
Le  lendemain,  il  se  promenait  dans  les  salles  en  jouissant  de  la 
stupéfaction  des  connaisseurs.  On  disait  :  «  C'est  étonnant  comme 
ce  ciel  a  bleui!  c'est  sans  doute  la  sécheresse,  —  ou  l'humidité... 
Il  y  avait  Ik  autrefois  un  triton  ;  la  couleur  d'ocre  l'aura  noyé  par 
un  effet  de  décomposition  chimique.  »  El  on  pleurait  le  triton.  On 
s'aperçut  de  ces  améliorations  trop  rapides  bien  longtemps  avant 
d'en  pouvoir  soupçonner  l'auteur.  Convaincu  enfin  de  manie 
restauratrice,  le  pauvre  homme  finit  ses  jours  dans  un  de  ces 
villages  sablonneux  de  la  Campine  où  l'on  emploie  les  fous  à 
l'amélioration  du  sol.  » 


LE  L4ID 

Bien  justes,  ces  réflexions  de  Colomba  dans  l'Echo  de  Paris  : 
Le  musée  Tussaud  vient  de  brûler  k  Londres  cl  11  parait  que 
l'incendie  a  été  magnifique,  comme  disent  les  amateurs.  Nos 
voisins  ont  sorti  leurs  belles  pompes  k  vapeur,  dont  ils  sont  si 
fiers  et  elles  ont  fait  merveille.  Seulement,  tout  a  brûlé  et  il  ne 
reste  rien  du  musée,  pas  un  décor,  pas  une  figure,  pas  un 
oripewa.  Une  seule  collection  a  échappé,  faisant  partie  du  «  Musée 
des  Horreurs.  »  C'est  une  collection  d'instruments  de  torture, 
appartenant  k  un  lord,  qui  la  prêtait  au  musée  Tussaud,  sans 


mtmmfmm'mimm 


264 


L'ART  MODERNE 


doffte -pour  ^ejuiilcr  l'indjgnalion  des  Anglais  cQiUie-l««  barbaries 
des  autres  peuples.  Quand  j'ai  passé  par  là,  j'ai  toujours  eu 
l'enYie  d'ajouter  discrètemenl,  à  la  collection  des  instrunnenls 
de  torture,  un  beau  «  chat  à  neuf  queues  »,  qui  eût  eu  son  élo- 
qu«nce,  si  quelque  chose  pouvait  déshabituer  les  Anglais  de  leur 
coutume  pharisaïque  de  voir  la  paille  dans  l'œil  du  voisin  et  de 
ne  pas  sentir  la  poutre  enfoncée  dans  le  leur. 

Il  va  de  soi  que  si  cet  incendie  a  causé  des  ruines,  je  le  regrette 
profondément  pour  les  personnes  atteintes  par  le  désastre.  Mais 
s'il  n'a  coulé  rien  à  personne,  si  les  dégâts,  par  exemple,  sont 
payés  par  quelque  riche  compagnie  d'assurances  qui  n'en  donnera 
pas  moins  un  beau  dividende  à  ses  actionnaires,  j'oserai  dire  que 
je  suis  ravie  du  désastre.  Le  musée  Tussaud  était  une  des  plus 
vilaines  choses  du  monde  et  donnait  satisfaction  à  des  idées  qui 
me  sont  violentes,  V  des  modes  que  je  tiens  pour  détestables.  Il 
était  fait  pour  la  curiosité  badaude  et  pour  plaire  à  ceux  qui 
aiment  l'horrible  et  le  laid.  Pour  la  badanderie,  passe  encore. 
Elle  ne  fait  pas  de  mal.  Il  faut  bien  nous  habituer  à  ce  goût  tou- 
jours grandissant  pour  les  puérilités  qui  nous  fait  aller  regarder 
les  mannequins  des  hommes  dont  on  parle  :  le  général  Boulanger 
en  uniforme,  par  exemple,  qui  ornait  le  musée  londonoien.  Mais 
je  ne  puis  admettre  avec  autant  de  résignation  l'attraction  du 
laid.  Il  me  paraît  tout  à  fait  indigne  d'un  peuple  civilisé,  et,  dans 
une  certaine  mesure,  très  dangereux,  de  courir  à  des  spectacle^ 
où,  au  lieu  de  nous  montrer  la  vie  sous  ses  beaux  aspects,  on 
nous  la  fait  regarder  sous  ses  côtés  les  plus  répugnants.  Qu'on 
poursuive  un  rêve,  quand  on  s'arrache  à  la  réalité  journalière,  à 
la  bonne  heure  !  Mais  pourquoi  se  mettre  à  la  poursuite  d'un 
cauchemar?  Le  Musée  des  Horreurs  en  était  un,  et  des  pires.  Il 
paraît  qu'il  plaisait  beaucoup  aux  imaginations  souvent  sombres 
des  Anglais.  Mais  cet  amour  du  laid  —  leur  Shakespeare  avait 
fait  dire,  par  ses  sorcières,  il  est  vrai  :  u  Le  beau  est  le  laid,  le 
laid  est  le  beau  »  —  n'est  plus  particulier  à  ces  ennuyés  d'Oulre- 
Manchc,  chez  qui  les  sadiques  ne  sont  pas  rares.  U  nous  gagne. 
El  jusqu'à  la  foire  de  Saint-Cloud  ou  de  Neuilly,  il  n'est  pas  rare 
de  trouver  des  spectacles  très  déplaisants. 


5!!hR0NIQUE    JUDICIAIRE     DE?    ^RTp 
Truqaages. 

La  Cour  d'appel  de  Paris  a  rendu  récemment  deux  arrêts  inté- 
ressants en  matière  de  vente  d'objets  d'art.  On  sait  que  certains 
antiquaires  ne  se  font  aucun  scrupule,  pour  écouler  des  rossi- 
gnols, de  les  décorer  de  noms  pompeux  et  de  leur  faire  une  «  toi- 
lette »  telle  qu'il  est  souvent  très  difficile,  môme  pour  un  connais- 
seur, de  discerner  un  objet  authenlique  d'une  vulgaire  camelolte. 
Les  marchands  de  curiosités  pourraient  rendre  des  points  aux 
maquignons  les  plus  rusés.  Mais  parfois  l'acheteur  ne  se  laisse 
pas  écorchcr  sans  crier,  et  c'est  ce  qui  est  arrivé  à  la  suite  d'un 
achat  de  girandoles  en  argent,  de  style  Louis  XIV,  garanties  ori- 
ginales dans  toutes  leurs  parties  et  de  l'époque  du  grand  roi.  Le 
vendeur  avait  même  ajouté  :  a  OEuvre  remarquable  de  martelage 
et  de  fine  ciselure  ».  D'où  le  prix  de  9,S00  francs  soutiré  au  client 
bénévole. 

Celui-ci  jouit  pendant  trois  ans  en  toute  quiétude  de  son  achat, 
lorsqu'un  irouble-fétc  dissipa  inopinément  ses  illusions  en  lui 
démontrant  que  les  girandoles  avaient  été  confectionnées  sous  la 
présidence  de  M,  Carnot,  tout  au  plus  sous  celle  de  M.  Grévy. 


Colère  de  l'amateur.  Procès  !t  ranliquàire,  qui  oppose  une  fin  de 
non-recevoir  :  la  réclamation  est  tardive,  les  actions  rédbibitoires 
devant  être  intentées  à  bref  délai.  Et  d'ailleurs,  comment  établir 
l'identité  des  girandoles?  N'avait-on  pas  pu,  pendant  ce  laps  de 
trois  années,  leur  substituer  des  copies? 

Par  jugement  du  33  mars  1886,  le  Tribunal  civil  de  la  Seine 
accueille  la  thèse  du  vendeur.  Appel  du  client,  qui  soutient  devant 
la  cour  qu'il  y  a  erreur  sur  la  substance  même  de  la  chose  vendue, 
ce  qui  lui  donne  le  droit  d'intenter  pendant  trente  ans  son  action, 
et  qui  demande  une  expertise.  La  Cour  nomme  des  experts,  et 
après  avoir  acquis  la  certitude  que  le  marchand  de  curiosités  avait 
abusé  de  la  bonne  foi  de  son  acheteur,  le  condamne,  par  arrêt  du 
5  mars  dernier,  à  restituer  les  9,800  francs,  avec  les  intérêts, 
contre  remise  des  girandoles,  «  considérant  qu'il  résulte  du  rap- 
port des  experts  que  les  girandoles  qur  font  l'oltjet  du  procès  ne 
sont  ni  de  l'époque  ni  du  style  de  Louis  XIV  dans  aucune  de  leurs 
parties;  qu'elles  ne  présentent  pas  d'unité  de  composition  dans 
leurs  deux  parties  principales,  le  chandelier  et  les  bras  qui  y  sont 
attachés;  qu'enfin  elles  ne  sont  pas  des  œuvres  remarquables  de 
martelage  à  la  main  et  de  fine  ciselure;  qu'il  suit  de  là  que  les 
girandoles  dont  s'agit  ne  présentent  pas  les  qualités  d'ancienneté 
et  d'authenticité  garanties  à  l'acheteur  et  qui  avaient  déterminé 
celui-ci  à  les  acquérir;  qu'il  est  donc  vrai  de  dire  que  le  consen- 
tement de  B...  au  marché  dont  s'agit  a  été  entaché  d'erreur  sub- 
stantielle, d'où  suit  la  nullité  de  ce  marché  et  l'obligation  par  P... 
de  restituer  à  6...  le  prix  des  girandoles  dont  s'agit,  sur  la  remise 
des  dits  objets  qui  sera  faite  à  P...  » 

L'antiquaire  est,  en  ontre,  condamné  à  payer  les  dépens  des 
deux  instances,  y  compris  les  frais  d'expertise. 

L'autre  procès  concerne  la  vente  d'une  table  Louis  XV  en  bois 
sculpté  et  doré,  achetée  25,000  francs  à  un  antiquaire  par 
MM.  Franck  et  Boislève  et  revendue  par  ceux-ci  à  M.  Perdreau. 
Ce  dernier  eut  des  doutes  sur  l'authenticité  du  meuble  et  assigna 
ses  vendeurs  en  annulation  du  marché.  L'expertise  démontra  que  la 
tableélait  un  travail  moderne  dont  tous  les  détails  avaient  été  habi- 
lement combinés  pour  présenter  aux  yeux  des  connaisseurs  les 
apparences  d'un  meuble  datant  de  l'époque  de  Louis  XV  et  même 
d'une  époque  un  peu  antérieure.  En  conséquence,  la  vente  fut 
annulée.  MM.  Franck  et  Boislève  assignèrent  à  leur  tour  le  ven- 
deur originaire,  qui  soutint  que  l'expression  table  Louis  XV 
signifiait  «(i«j{i//«  Louis  XV  v,e.\.  qu'il  n'avait  nullement  entendu 
garantir  que  le  meuble  litigieux  eût  été  fabriqué  à  l'époque  du 
roi  Louis  XV  ou  de  la  Régence. 

Mais  le  Tribunal  de  la  Seine,  et  après  lui  la  Cour  de  Paris  déci- 
dèrent que  le  prix  élevé  payé  pour  la  table  impliquait  nécessaire- 
ment l'authenticité  de  l'objet  du  marché;  que  celle-ci  était  la  rai- 
son déterminante  et  l'élément  essentiel  du  contrat.  En  consé- 
quence, la  vente  est  définitivement  annulée  par  arrêt  du  28  juin 
dernier  et  le  marchand  condamné  à  restituer  le  prix,  avec  les  inté- 
rêts, et  à  payer  les  dépens  du  procès. 


Petite  chro;^ique 


Sublimité  d'un  journal  anversois. 

Un  critique  analyse  comme  suit  l'œuvre  de  Slobbaerts,  à  l'ac- 
tuel Salon  d'Anvers  : 

«■  Stobbaerts  n'est  qu'un  coloriste  qui  a  appris  à  peindre  à  peu 
près  comme  Valmajeur,  de  Numa  Roumestan,  a  appris  à  jouer 


L'ART  MODERNE 


265 


do  la  flûte,  c'c8l-&-dire  sans  le  savoir.  Il  ne  faut  rien  lui  demander 
de  plus  qu'une  ëlable  avec  des  porcs  ou  des  vaches.  Sa  science 
du  dessin,  très  rudimentaire,  se  dérobe  dès  qu'il  veut  s'élever 
jusqu'au  cheval.  » 

Une  science  qui  se  dérobe  dès  qu'elle  veut  s'élever  jusqu'au 
cheval  I  

L'ouverture  du  Salon  triennal  a  été  marquée  du  banquet  tra- 
ditionnel. 

Aa  moment  où  la  bonne  clière  et  les  vins  capiteux  avaient 
prédisposé  chacun  !i  la  bienveillance,  à  l'heure  sacramentelle  des 
toasts  enfin,  on  but  au  roi,  au  ministre,  au  gouverneur  de  la  pro- 
vince. 

Naturellement,  chacun  des  personnages  dont  on  avait  porté  la 
santé,  s'est  fendu  également  d'un  petit  speech.  M.  De  Burlet 
notamment  a  très  longuement  parlé.  Il  ne  parle  pas  mal,  son 
excellence,  mais  ce  sont  toujours  les  mêmes  lienx  communs  et 
les  clichés  Iradiiionnels  :  l'amour  de  l'art,  le  grand  art,  l'art 
sublime,  etc.,  elc.  M.  De  Burlet  a  poussé  le  lyrisme  jusqu'il 
appeler  le  Ministère  des  Beaux-Arts  la  maison  des  artistes  ! 
«  Vous  en  connaissez  mainlenant  le  chemin,  a-t-il  ajouté,  vous 
y  êtes  chez  vous.  »  Et  tout  le  temps  cela  a  été  sur  ce  ion. 

Pour  corser  la  plaisanterie,  M.  Osy  a  appelé  V Hôtel  du  gou- 
vernement provincial  d'Anvers,  la  succursale  du  ministère  des 
Beaux-Arts. 

Et  tout  cela  est  dit  sérieusement,  sans  rire.  Words,  words, 

words,  dirait  Hamlet. 

{Opinion,  du  10  août.) 

Au  Musée  moderne,  les  étiquettes  manquant  au  bas  d'un  grand 
nombre  de  tableaux,  y  ont  été  apposées. 

Serait-ce  un  premier  mais  minuscule  résultat  de  noire  cam- 
pagne antibureaucratique?      

Le  Théâtre  du  Parc  fera  sa  réouverture  en  septembre.  Son 
premier  spectacle  sera  la  Contagion  d'Emile  Augier.  M.  Candcilh 
montera  aussitôt  après  Une  famille  de  M.  Henri  Lavcdan,  puis 
Musotte  de  MM.  Guy  de  Maupassant  et  Jacques  Normand,  le 
récent  succès  du  Gymnase.  Ce  dernier  ouvrage  ne  passera 
vraisemblablement  qu'à  la  fin  d'octobre. 

La  direction  de  la  Jeune  Belgique  a  passé  de  M.  Gille  à 
M.  Giikin.  Nous  signalons  ce  fait  déjà  âgé  de  quelques  semaines, 
pour  ne  pas  perdre  l'occasion  de  rendre  ici  témoignage  de  l'ex- 
cellente et  éclairée  direction  de  M.  Gille. 


Admirables  réflexions  et  conseils  de  M.  Arsène  Alexandre  dans 
l'Eclair,  daubant  l'enseignement  officiel  des  académies,  conser- 
vatoires, écoles  des  beaux-arls  et  autres  usines  de  déformalion 
artistique. 

1. L'heure  présente  est  sans  aucun  danger  pour  les  jeunes 

artistes, 
n. L'art  ne  traverse  aucune  période  de  transition,  de  crise 

ni  de  fièvre. 

m.  —  11  faut  changer  lous  les  principes,  môme  et  surlout 
quand  ils  résultent  de  l'expérience  et  du  sens  commun. 

IV.  —  Il  est  tout  à  fait  inutile  de  passer  dix  ans  de  sa  vie  â 
acquérir  des  qualités  d'élève,  si  au  bout  de  quatre  on  a  l'étofTc 
d'un  maître. 

V.  —  Apprendre  la  grammaire  et  l'orihographe  d'un  art  est 
chose  tout  à  fait  superflue,  quand  ce  n'est  pas  dangereux. 


VI.  —  Le  désir  de  recruter  des  disciples  et  de'  former  des 
écoles  est  une  amusetie,  et  ceux  qui  coupent  lâ-dedans  sont  des 
niais. 

VII.  —  Ne  refléchissez  jamais  avant  de  courir  les  aventures,  et 
n'hésitez  pas  à  jouer  votre  avenir.  C'est  le  seul  moyen  de  le 
gagner.  

Antoine  Rubinstein  a  quitté  Saint-Pétersbourg  pour  se  rendre 
dans  un  petit  village  près  de  Dresde,  où  il  finira  d'abord  son 
nouvel  oratorio,  Moïse,  puis  un  nouvel  opéra  russe  qui  n'a  pas 
encore  de  litre.  Il  a  commencé  aussi  à  écrire  un  petit  volume  de 
pensées  et  critiques  musicales  qui  seront,  dit-on,  particulièrement 
intéressantes. 

CoRALUS  DuRAN,  instantané  du  Gil  Blas  .- 

S'appelle  Charles  et  Durand.  Personnifie  le  panache  dans  la 
peinture.  Une  téie  retouchée,  étudiée  comme  celle  d'un  comédien 
qui  fait  des  imitations.  La  barbe  soigneusement  taillée,  les  bou- 
clettes de  cheveux,  le  sourire  et  le  regard  qui  dévoilent  de  longues 
séances  devant  un  miroir,  la  préoccupation  entêtée  de  ressembler 
à  quelque  hidalgo  de  Velasquez.  Séduisant.  Suave.  Féministe  en 
diable.  Aimant  â  s'entourer  d'un  décaméron  de  névrosées,  b  être 
écouté,  à  paonner  dans  la  fraîche  caresse  des  éventails.  Se  fait 
volontiers  photographier  en  escrimeur,  l'épée  au  poing,  comme 
prêt  à  jeter  son  gant  à  crispin  aux  mécréants  qui  ne  hantent  pas 
sa  petite  chapelle.  Joue  de  la  mandoline  aussi  bien  qu'un  chanteur 
florentin.  A  émis  sur  l'art  et  sur  lui-même  des  aphorismes  ineffa- 
bles de  modestie  et  que  l'on  cite  dans  les  ateliers.  Portraitiste  en 
vogue.  A  la  spécialité  des  millionnaires  un  peu  blettes  et  des  jeunes 
étrangères  à  marier.  Celle  mauvaise  langue  de  Degas  l'a  baptisé  : 

Léotard  de  Vinci. 
— -" 
Le  sculpteur  Rodin  vient  de  terminer-  le  monument  funèbre 

qu'il  avait  été  chargé  d'exécuter  à  la  mémoire  de  César  Franck. 

M""  Augusta  Holmes  en  avait  pris  l'iniliative.  En  quelques  jours, 

elle  réunissait  une  somme  de  trois  mille  francs  et  s'adressait  'i 

Rodin,  qui  se  mettait  aussitôt  à  l'œuvre.  Ce  monument  sera  très 

simple.  Edifié  au   cimetière  de  Montparnasse,  sur  la  tombe  do 

César  Franck,  il  se  composera  d'une  simple  pierre  funéraire  .tu 

chevet  de  laquelle,  au  milieu  d'un  buisson  de  laurier,  se  trouvera 

le  médaillon  de  l'auteur  des  Béatitudes.  Ce  médaillon  est  terminé. 

Vue  de  trois  quarts,  en  haut  relief,  la  belle  et  noble  physionomie 

de  César  Franck  apparaît  telle  que  les  amis  et  les  disciples  du 

maître  l'ont  connue.  11  est  d'une  ressemblance  frappante  et  d'un 

caractère  très  personne)'.        

Un  morceau  détaché — dans  un  récent  article  de  la  Revue  bleue, 
signé  :  Francisque  Sarcey. 

K  On  fait  passer  quelquefois  des  énormilés,  en  les  donnant 
comme  les  choses  les  plus  simples  du  monde  :  on  ressemble  à 
l'enfant  qui  montre,  en  se  roulant  sur  le  lapis,  tout  ce  que  l'on 
cache  d'ordinaire,  contre  qui  personne  ne  se  f^che,  parce  qu'il  n'y 
met  pas  de  malice.  J'ai  usé  une  ou  deux  fois  de  cet  artifice,  mais 
il  est  d'un  doigté  extrêmement  délicat.  » 

Ce  doigté  esi  sublime,  simplement. 

Le  Sillon,  revue  littéraire  et  artistique,  parait  lous  les  mois 
en  livraison  de  16  pages  (Paris,  rue  Lhomond,  9).  Prix  d'abon- 
nement :  3  francs  par  an.  La  livraison  de  juillet  contient  des  vers 
et  des  proses  de  MM.  J.  Bonnet,  J.  Lanlry,  A.  Cheylack, 
M.  Spronck.  E.  Bouhaye,  L.  Maupryn,  elc. 


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L'ART  MODERNE  s'est  acqnis  par  l'antorité  et  l'indépendance  de  sa  eritiqae,  par  la  vaiiétt  d«  êm 
informations  et  les  soins  donnés  à  sa  rédaction  one  place  prépondérante.  Aaenne  dMtDÛBstation  ^J'Arf  ne 
lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,,  de  peinture,  de  sonlptore,  de  gntTnre,  de  ipittidqiM, 
d'archltecrare,  etc.  Consacré  principalement  au  mooTement  artistique  belge,  il  renseigne  néftHinons  aes 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  Tétranger  qu'il  importe  de  eonnidtre. 

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premières  représentations  d'œuvres  dramatiques  ou  muq^cales,  les  conférences  littéraires,  les  concerts,  les 
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L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  Il  rend  c(Hupte  des 
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Omuéwi  AMirti.  —  N*  34. 


Lb  numéro  :  26  centimbs. 


DiMANCHK  23  Août  1801. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LB    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Ootavb  MAUS  —  Edmond  picard  —  Émilb  VERHAEREN 


ABOmnEMBNTB  :   Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,   fe.   13.00.   —  ANNONCES  :    On  traite  à  forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  oâNÉRALB  DB  TArt  Modome,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


A  Vav  la  Mm.  — -La  Question  des  Musses.  —  Les  votaobs  et 
ua  mims.  —  A  Toubnai.  —  A  \'erviers.  —  A  BAyaEOTH.  — 
TouToï.  —  Petite  chbonique. 


A  VAU  U  MER 


(1) 


Tentative  pour  sortir  de  Tréguier  à  l'aube.  Joyeux, 
nous  descendons  rapidement  la  rivière  dans  le  demi- 
jour  harmonieux.  Mais  au  moment  où,  entre  les  bouées 
rouges  à  bâbord  et  les  bouées  noires  à  tribord,  alignant 
leur  chaussée  conductrice,  nous  embouquons  le  chenal 
de  sortie,  "  Zeus  à  la  grande  voix,  s'opposant  au  départ, 
répandit  le  souffle  des  vents  sonores  qui  soulevèrent  les 
grands  flots  pareils  à  des  montagnes  n.  Nous  girons  sur 
place,  une  hélice  en  avant,  une  hélice  en  arrière,  déser- 
tant la  mer  onduleuse,  qui  exhalait  l'acre  odeur  de  ses 
eaux  difficiles  et  effrayantes,  se  brisant  contre  la  côte 
aride  et  nous  enveloppant  d'écume.  Nous  revenons  à 
notre  mouillage,  au  fond  du  port,  là  où  jamais  le  flot  ne 
se  Bonlèye  ni  peu,  ni  beaucoup  et  où  il  règne  une  con- 
stante tranquillité.  Ce  sera  pour  demain. 

Noos  flânons  dans  la  petite  ville  montagneuse,  vieil- 

(1)  Suite.  —  '^oir  nos  deux  numéros  précédents. 


lotte,  démodée,  musant  avec  un  faux  air  de  marine,  car 
depuis  Brest,  nous  avons  la  casquette  des  pilotes,  plate, 
ne  donnant  aucune  prise  au  vent,  à  double  bouton  doré 
et  à  mentonnière  de  cuir,  caractéristique  et  crâne.  Une 
cathédrale  gothique,  de  beauté  vénérable,  abritant  un 
tombeau  de  saint  Yves,  notre  patron  à  nous  avocats  (à 
moins  que  ce  ne  soit  saint  Nicolas) . 

Sanctus  Yvo  erat  brito, 
Advocatus  et  non  latro, 
Res  miranda  populo! 

Le  chœur  a  des  jets  en  faisceaux  de  colounettes  minces 
d'un  élancé  superbe  encadrant  une  de  ces  croix  tombant 
de  la  voûte  qui  insinue  la  dérisoire  analogie  d'un  Christ 
douloureux  faisant  le  trapèze. 

La  maison  natale  de  Renan  nous  sollicite.  C'est  une 
boulangère  qui  l'occupe,  et  la  maintient  (est-ce  par 
ordre?)  dans  une  simplicité  armoricaine,  compliquée  de 
malpropreté.  Tout  en  haut,  en  belvédère,  la  mansarde 
du  travail.  Les  grands  hommes  cultivent  ce  symbolisme, 
même  quand  ils  ne  le  pratiquent  pas. 

Renan  revient  ici  parfois,  passe  la  nuit  dans  l'antique 
maison  des  Souvenirs  d'Enfance,  y  revoit,  apparem- 
menjt,  en  rêve,  son  père,  maître  de  cabotage,  n'entre 
pas  dans  la  cathédrale,  dîne  à  ÏHôiel  des  Trois  Rois 
auquel  on  n'échappe  pas,  fait  au  dessert  un  speech  de 
croyant  incrédule,  entend  applaudir  sa  philosophie 
mondaine  et  fuyante  par  les  rares  esprits  forts  de  ce 


IMNERSin  OF  WWD^  USRMV 


ééSmïlUlÊmm 


268 


L'Aflr  MODERNE 


coin  bretonnant  et  retourne  à  Paris  se  livrer  au  culte 
des  financières  juives  dont  il  ménage  ou  caresse  si  bien 
les  origines  en  ses  histoires.  A  Tr^uier,  sitôt  son 
départ,  les  bigotes  aspergent  d'eau  bénite  les  venelles 
où  il  a  passé. 

Par  les  monts  et  le»  vaux  de  cette  terre  tourmentée, 
nous  roulons  à  Port-blanc,  un  des  petits  trous  pas  cher 
qui  émaillent  les  côtes  de  France.  Admirable  déchique- 
tage  de  mer  et  de  rocs,  avec  deux  auberges  sales, 
défendu  contre  les  grands  coups  de  vent  par  des  écueils 
postés  en  chaîne  d'éclaireurs.  Sur  l'un  d'eux,  Ambroise 
Thomas  a  bâti  un  castel  gris  pour  se  donner,  lui  aussi, 
l'auréole  de  la  vox  damans  in  deserto.  Tôt  ou  tard 
on  verra  quelqu'un  de  ces  messieurs  prendre  location 
dans  un  phare. 

Nous  revoici  sur  les  routes  humides.  «  Autour  des 
larges  golfes  de  la  mer  indomptée,  la  mouette,  qui  s'in- 
quiète toujours  des  flots,  chasse  le  poisson  et  plonge  ses 
ailes  robustes  dans  l'écume  salée.  *  Nous  filons  vers 
Guernesey.  Bientôt  cette  terre  est  proche  et  nous  appa- 
raît comme  un  bouclier  sur  la  mer  sombre.  Les  ll^s 
normandes  !  Elles  sont  à  l'Angleterre,  ces  esclaves  mari- 
times, tachant  de  leurs  maculatures  étrangères  la  belle 
unité  de  la  France,  s'efforçant  à  devenir  Anglaises, 
ayant  l'hôtel  britannique  confortable  et  puritanisant, 
les  cottages  abondamment  enverdurés,  les  attelages  fré- 
nétiquement menés  par  des  cochers  qui  semblent  croire 
que  les  voitures  sont  inversables  et  les  chevaux  intom- 
bables.  Ayant  les  misses  surtout,  pullulant,  ornant  les 
rues,  les  chemins  de  leur  floraison  versicolore,  off"rant 
gratis,  par  la  charmante  et  hardie  coutume  de  laisser 
sortir  seules  les  bachelettes,  l'adorable  spectacle  d'un 
incessant  courant  de  beauté  humaine,  ravissant  les 
yeux,  malgré  que  la  grâce  soit  en  cette  terre  protes- 
tante ankylosée  par  la  raideur. 

Dans  le  port  étroit  les  mouettes,  fleurs  volantes  de 
magnoliers,  se  balancent  autour  des  navires  :  un  règle- 
ment défend  de  les  tuer  et  elles  servent  à  l'ornement... 
et  au  nettoyage  ;  avec  des  cris  rauques  elles  se  dispu- 
tent les  restes  de  la  très  sommaire  cuisine  du  bord. 

Nous  avons  pèlerine  chez  Renan.  Pèlerinons  chez 
Hugo.  Dans  mon  imagination  et  mon  innocence,  Haute- 
ville-house,  la  retraite  d'exil  du  poète,  était  une  petite 
maison  de  patron  de  pêche  juchée  sur  une  roche,  dans 
lisolement.  C'est,  au  contraire,  une  bonne  maison 
bourgeoise,  en  pleine  ville,  solide  et  carrée,  dans  une 
rue  montante,  bonne,  à  l'aspect,  pour  tout  esquire  bien 
rente.  Mais  l'intérieur  est  ahurissant.  Le  proscrit  en  a 
fait  un  si  luxueux  chef-d'œuvre  de  confortable  et  de 
goût,  dans  les  données  sombres  du  xvi»  siècle,  meubles 
lourds  et  foncés,  tapisseries  déteintes  décorant  murs  et 
plafonds,  tapis  sourds,  verrières  décolorant  la  lumière, 
qu'un  de  nous  disait  :  s'il  n'était  pas  mort,  il  faudrait 
le  prendre  pour  tapissier.  Tout  en  haut,  en  belvédère, 


la  mansarde  du  travail,  comme  à  Trégnier.  Ponr 
table  à  écrire,  une  planchette  noire  retombante,  atta- 
chée à  la  fenêtre  qui  sert  d'oculaire  à  la  contemplation 
d'une  vue  divine  snr  la  rade;  ponr  couchette,  un 
matelas,  sur  le  plancher,  dans  un  cadre  orné  de  japo- 
naiseries  sculptées  et  peintes  par  l'Illustre.  AiUeurs, 
dans  les  transparentes  ténèbres  du  rez-de-chaussée,  des 
dessins  aussi  par  lui,  vaguement  érocateurs  d'Ôdilon 
Redon,  mais  avec  une  poussée  idéologique  raisonneuse, 
mais  sans  l'effrayant  mystère  de  l'illustrateur '^ilee 
Origines. 

Les  amoindris  qui  furent  les  héritiers  légaux  d'Hugo 
et  dont  l'un  représente  si  cascadeusement  sa  descen- 
'  dance  (Lomhroso  enseigne  que  les  hommes  de  génie 
sont  stériles,  et  le  droit  romain,  très  prudent,  dit  qu'on 
n'est  jamais  qu'enfant  présumé  de  son  père),  maintien- 
nent Hauteville-house  en  son  pristin  état,  et  une 
accorte  chambrière  le  montre  dé  3  à  5  heures,  intelli- 
gemment. 

De  cap  en  cap,  cabotons,  cabotinons.  Sur  Cherbourg 
maintenant,  par  l'incessamment,  l'inlassablement  chan- 
geante mer  à  laquelle  nous  revenons,  de  plus  en  plus 
pris  par  l'Ensorceleuse,  après  nos  courtes  infidélités 
terrestres.  Ah!  les  curiosités,  les  ^lises,  les  voitures! 
Nous  nous  surprenons  à  les  mépriser.  C'est  si  gigan- 
tique,  si  splendiose  (biscomons  les  mots  pour  mieux 
exprimer  le  trouble),  si  déroutant,  si  brutalement 
séducteur,  ce  grand  drame  lyrique  que  jouent  l'Océan 
et  les  Vents,  avec,  pour  décor,  les  nues  et  les  flots,  et 
si  profondément  sur  les  cordes  de  l'âme,  si  magique- 
ment sur  les  timbales  des  yeux,  ils  raclent  leurs  larges 
airs  tragiques,  ils  frappent  leurs  splendides  coups  de 
lumière!  On  oublie  l'ordinaire  de  la  vie,  et  son  compli- 
qué pesant  bagage  de  soins  et  de  besoins.  Il  semble  que 
désormais  on  saura  se  contenter  de  ce  triomphal  régal 
et  que  ce  sera  assez  d'être  l'instrument  sur  lequel  les 
Eléments,  indestructibles  artistes,  exécuteront  leur 
sublime  concert.  Qu'importe  donc  qu'en  ce  Cherbourg 
il  y  ait  eu,  pendant  notre  courte  relâche,  sur  la  rade 
immense  fermée  par  une  chaussée  de  géants,  rocher 
artificiel  d'une  lieue,  plongeant  à  soixante  pieds  dans 
les  eaux,  renouvelant  les  merveilles  de  l'antique  Egypte 
suivant  le  mot  de  Napoléon  qui  osa  la  commencer; 
qu'importe  qu'il  y  kit  eu  là  et  dans  la  ville  froidement 
militaire,  des  musiques,  des  défilés,  des  banquets,  des 
réceptions,  des  feux  d'artifice  en  l'honneur  d'un  colos- 
sal cuirassé  russe  venu  souffler  en  ce  monumental  asile, 
après  une  course  autour  du  monde?  Qu'importe  encore 
que  nous  ayons  vu  le  Havre,  et  ses  seize  bassins,  et  ses 
transatlantiques  monstrueux  ayant  un  tourniquet  à 
leur  passerelle  et  visités,  moyennant  dix  sous,  par  d'in- 
terminables files  de  badauds?  Qu'importe  encore  et 
Trouville,  et  Etretat,  et  Dieppe,  et  Boulogne,  successi- 
vement vus  dans  la  mystification  de  leur  liesse,  si  dési- 


soire  quand  on  connaît  Ostende,  car  vraiment  c'est  une 
impression  bizarre  et  nn  souvenir  comique  que  la  dis- 
proportion entre  les  réalités  de  ces  villégiatures  célèbres 
et  les  dithyrambes  journalistiques  qui  ne  devraient 
exalter,  pour  être  sincères,  que  les  toilettes  et  les 
bijoux,  seul  vrai  déploiement  de  la  richesse  en  France? 
Qu'importe  tout  cela  à  nos  âmes  maintenant  hàlées, 
brûlées,  salées,  durifiées  comme  nos  visages  et  nos 
mains  et  faites  au  dédain  des  mesquineries  du  confor- 
table et  de  l'élégance.  La  Grande  Mystérieuse  nous  a 
re&its  hommes  pour  quelques  jours,  de  brutes  raffinées, 
dégénérées  et  fin-de-siècle  que  nous  étions.  C'est,  à 
rebours,  l'enchantement  de  Kirkô,  aux  beaux  cheveux, 
la  sorcière  de  l'Ile  Âialè,  •  vénérable  et  éloquente 
déesse,  sœur  du  prudent  Âiètés,  tous  deux  nés  de 
Hélios  qui  éclaire  les  hommes,  et  de  Perse  qu'engendra 
Okéanos  ».  Et  je  suis  revenu  dans  ce  confln  de  Campine 
limbourgeoise,  désert  de  sapins,  de  bruyères  et  de 
dunes  où  arrive  encore,  rasant  les  plaines,  le  soufflé 
marin  d'Euros  et  de  Notes,  et  du  violent  Zéphyros  et 
de  l'impétueux  Boréas,  soulevant  les  grandes  lames,  et 
d'oti  j'écris  ces  lignes  rapides,  la  plume  grattant  le 
papier  avec  les  petits  cris  de  l'hirondelle  voyageuse,  j'y 
suis  revenu  titubant  le  roulis  et  le  tangage,  et  la  tête, 
cloche  à  plongeur  de  la  pensée,  bourdonnante  encore 
du  retentissement  des  grands  flots  d'Amphitritè  aux 
yeux  bleus  d'où  sortit  Aphrodite  d'or. 

(A  continuer). 


LA  QUESTION  DES  MUSÉES 

LA  LETTRE  DE  MONSIEUR  BULS. 
Nous  recevons,  en  réponse  de  la  lettre  de  M.  Buis,  la  commu- 
nication suivante  : 

Monsieur  l'Administrateur  de  l'Art  moderne, 

«  H.  Bals,  en  une  lettre  que  vous  avez  publiée  il  y  a  quinze 
jours,  prétend  qu'il  n'y  a  rien  de  vrai  dans  l'histoire  du  vase  en 
cuivre  provenant  de  la  Grand'Placé  de  Bruxelles. 

En  présence  de  celte  affirmation,  j'ai  pris  de  plus  amples  ren- 
seignements. 

Il  y  a  non  pas  un  vase,  mais  deux  vases,  très  beaux,  en  cuivre, 
qui  doivent  dater  du  xvni*  siècle  et  qui  se  trouvent  rue  du  Gentil- 
homme chez  M.  Van  der  D....,  l'amateur  de  tableaux  et  de  cuivre- 
ries  bien  connu.  Ils  ont  été  achetés  pour  lui  par  M.  Co...,  anti- 
quaire, à  des  ventes,  chez  MM.  Billen  et  Demol. 

Il  suffit  de  les  voir  et  de  bien  connaître  ceux  qui  se  trouvent 
an  dessus  de  certaines  façades  de  la  Grand'Placé  pour  se  con- 
vaincre qu'ils  proviennent  de  lit.  Certains  manquent  à  l'appel,  au 
dessus  des  toitures,  notamment  à  une  maison  voisine  de  celle  de 
M.  Van  Neck.  A  mon  avis,  c'est  même  cette  maison  là  qu'ils  ont 
ornée  jadis. 

Je  vous  envoie  cette  rectification  pour  vous  prouver  que  je  ne 

vous  donne  pas  des  renseignements  i  la  légère  et  qu'il  y  a  du 

vrai  dam  celle  histoire.  » 

Votre  dévoué,  D. 


Nous  imprimons  volontiers  cette  lettre,  comme  nous  avons 
publié  celle  de  M.  Buis.  Nous  avons  même  plaisir  à  voir  surgir 
cette  discussion  dans  nos  colonnes.  Un  correspondant  nous 
signale  une  négligence,  en  somme  pas  trop  impardonnable,  dans 
l'administration  de  la  ville,  et  aussitôt  H.  Buis  se  donne  conscien- 
cieusement la  peine  de  faire  une  enquête  et  de  nous  en  faire 
savoir  les  résultats.  Des  deux  cdlés,  on  fournit  loyalement  les 
renseignements. 

Quelle  différence  avec  l'administration  des  Beaux-Arts!  Nous 
signalons,  chaque  dimanche,  des  monceaux  d'abus.  Nous  mettons 
ces  gens  en  demeure  de  nous  Répondre.  Rien.  Pas  un  mot.  Pas 
une  ombre  de  protestation.  Us  s'inclinent  devant  leurs  gaffes 
accomplies.  L'habitude  de  la  courbette!  El  nous  n'avons 
pas  été  seuls  à  crier!  Nous  avons  attaché  le  grelot  aux  vieilles 
perruques  et  aussitôt  tous  ceux  qui  s'intéressent  à  l'art  se  sont 
révoltés  avec  nous.  La  Nation  a  lancé  aux  trousses  de  ces  fonc- 
tionnaires do  virulents  articles,  la  Jeune  Belgique  leur  a  infligé 
de  cinglantes  critiques,  la  Réforme  les  a  spirituellement  fustigés 
par  la  plume  de  H*  Chamaillac,  l'Eventail  a  approuvé  notre  cam- 
pagne, la  Société  Nouvelle  aussi.  Le  Patriote  lui-même  nous  a 
donné  raison,  au  fond.  La  presse  de  province  s'est  aussi  jointe  à 
nous,  et  de  nombreuses  gazettes  du  Hainaut  et  des  provinces  de 
Liège  et  d'Anvers  ont  vigoureusement  protesté  contre  ces  abus 
par  nous  dévoilés. 

Enfin,  H.  Buis  vient  de  nous  promettre  son  appui.  Nous  avons 
évidemment  aussi  celui  de  M.  Janson,  qui  s'est  engagé,  au  ban- 
quet de  la  Jeune  Belgique,  à  soutenir  l'art  jeune. 

Dans  les  griffes  de  ces  deux  députés  de  tant  d'autorité,  nous 
verrons  bien  si  les  carpes  des  Beaux-Arts  ne  finiront  pas  par 
expliquer  leur  conduite. 

UNE  FRESQUE  QUI  N'EXISTE  PAS  ! 

La  Jeune  Belgique  vient  de  publier,  sous  le  litre  :  l'Etat- 
Mécène,  un  excellent  article  où  l'on  démolit  le  mode  des  copies 
et  des  commandes  que  les  quelques  géronles  budgélivores  qui 
siègent  au  ministère  el  ailleurs  ont  adoplé  pour  leurs,  opérations 
esthétiques  et  autres. 

Relevons  en  cet  article  ce  fait  colossal-: 

«  Jl  va  sans  dire  que  la  Direction  des  Beaux-Arts,  en  organisant 
son  Musée  des  copies,  a  commis  les  impairs  obligés  et  les  gaffes 
traditionnelles  qui  sont  en  quelque  sorte  son  cachet  et  sa  signa- 
ture. Plusieurs  histoires  fort  réjouissantes  courent  les  ateliers. 
Nous  n'en  citerons  qu'une,  qui  en  vaut  dix.  Un  de  nos  jeunes 
artistes  —  mettons  que  ce  soit  un  peintre  —  a  été  envoyé  à 
l'étranger,  —  en  Italie,  si  vous  voulez,  —  pour  copier  une  fresque 

QUI  N'EXISTE  PAS  !  !  ! 

Si  quelque  député,  M.  Slingeneyer  par  exemple,  était  désireux 
de  connaître  le  nom  de  l'artiste  et  le  prix  de  cette  chasse  à  fresque 
imaginaire,  qu'il  s'adresse  à  la  Cour  des  Comptes.  La  Cour  des 
Comptes  l'édifiera  sur  la  Cour  des  Miracles  qui  s'appelle  la  Direc- 
tion des  Beaux-Arts.  » 

UN  ACHAT  BIZARRE. 

Est-il  vrai  qu'un  membre  de  la  Commission  d'encouragement 
de  l'art  académique  et  veule,  M.  P...,  soit  allé  à  Vienne,  à  une 
exposition  (frais  de  déplacements!),  acheter  pour  53,000  francs 
Art  el  Liberté,  cette  toile  ampoulée  de  Louis  Gallait,  qu'il  aurait 
pu  acquérir,  en  Belgique,  pour  une  somme  beaucoup  moindre? 

On  ne  nous  répondra  pas  encore.  Il  est  vrai  qu'on  nous  affirme 
le  fait  absolument  exact. 


270 


L'ART  MODERNE 


LES  VOYAGES  ET  LES  FEMMES 

Reprenant  quelques  phrases  d'un  de  nos  A  VAU  LA  Mer,  une 
lectrice  nous  écrit  : 

«  Ce  besoin  de  périodique  migration  qui  prend  l'homme  comme 
«  l'oiseau,  i  certains  retours  de  saisons,  par  un  prodigieux  atavique 
<>  instinct.  » 

Mais  les  gens  contents,  —  moi,  par  exemple,  —  de  qui  héri- 
tent ils  leur  amour  du  point  fixe?  Car  nous  sommes  deux  sur  la 
terre,  —  les  gens  comme  vous  et  Its  gens  comme  moi. 

J'ai  horreur  des  migrations.  —  J'ai  des  racines  \i  où  je  suis. 
Je  n'en  ai  pas  ailleurs  ;  —  or,  je  ne  vis  que  par  mes  racines. 
Toutes  les  choses  que  je  peux  approfondir,  creuser,  — chez  moi, 
\i  où  je  suis  née,  —  j'ai  fini  par  les  mettre  à  ma  portée  et  lente- 
ment me  les  rendre  accessibles.  Quand  je  voyage,  —  pour  ma 
damnation,  —  je  trouve  la  terre,  dont  je  ne  vois  que  la  pelure, 
horriblement  plate  et  uniforme.  Les  seules  aspérités  qui  m'inté- 
ressent sur  la  surface  de  la  boule,  ce  sont  les  hommes.  —  Or, 
comment  les  découvrir,  les  connaître,  en  jouir  quand  ils  passent 
devant  vous  comme  les  grains  de  sable  d'un  sablier?  On  n'a  que 
le  temps  de  voir  leurs  ressemblances  extérieures  avec  tant  d'autres 
grains  de  sable,  et  non  celui  de  voir  les  différences,  —  quand  il 
y  en  a. 

On  a  faim  et  soif  d'infini  —  de  cet  infini  qu'on  n'entrevoit  jamais 
si  bien  que  par  la  fenêtre  d'un  voisin  qui  pense.  -^  Ouvrez  donc 
les  fenêtres  de  tous  ces  inconnus!  Impossible  detrouver  en  un 
clin  d'œil  le  dissolvant  qui  les  rendra  instables,  de  stables  qu'ils 
sont  depuis  longtemps,  pour  parler  comme  M.  Delbœuf. 

«  Ignorants  des  énigmes  qui  s'enchevêtrent  en  noire  indéchif- 
«  frable  humanité,  nous  confondons  avec  notre  volonté  les  impé- 
«  rieux  commandements  des  lois  universelles  dont  nous  sommes 
"  les  jouels.  » 

Remuez-vous,  changez,  voyagez  vous  autres  hommes,  revivez 
les  migrations  antiques,  courez  sur  toutes  les  mers  les  plus  agi- 
lités, —  dans  les  airs  si  vous  pouvez.  Il  me  semble  que  l'arbre 
humain  se  compose  de  deux  parties,  dont  l'une  prend  la  vie  à  l'air 
qui  l'cnioure,  essayant  d'arriver  toujours  plus  haut  et  plus  loin  pour 
le  trouver  plus  pur,  —  et  l'autre  la  prend  à  la  terre,  creusant  tou- 
jours plus  avant,  ne  bougeant  que  pour  s'enfoncer;  souche; 

éternelle  cl  mystérieuse  buveuse  de  la  force  obscure  du  monde. 

Je  suis  passionnément  femme,  et  ma  volonté  instinctive  est  de 
rester  tranquille. 

Je  crois  fortement  qu'en  m'appesantissant  à  la  place  où  je  suis 
jusqu'à  m'y  enfoncer,  je  suis  la  loi  universelle  de  ma  moitié  de 
l'humanité. 

Allez,  suivez  votre  loi  de  mouvement,  et  que  l'instinct  des  migra- 
.lions  qui  n'en  est  qu'un  symbole,  revive  en  vous. 

Mais  nous,  qui  avons  cloué  les  races  au  sol  qu'elles  habitent, 
laissez-nous  protester  pour  notre  parc  exclusivement,  contre  les 
migrations  sous  n'importe  quelle  forme. 

I.    WlLL. 


A  TOURNAT 

Académie  de  MusiQtiE.  —  Concours  publics  {Salle  des  Concerts). 

i"  cours,!"  division.  —  Trombone.  —  Professeur:  M.  Smets  ; 
1"  prix  à  l'unanimité,  M.  Blangenois,  Jules. 


Trompette  et  Cor.  —  Professeur  :  M.  Lempert;  1*  cours, 
î»»  division.  —  1"  prix  à  l'unanimité,  M.  Delconrt,  Gasloit.  — 
Cor.  id.,  M.  Delhaye,  Donat. 

Clarinette.  —  Professeur  :  M.  Rogé;  1*'  cours,  1"  division.  — 
i"  prix  avec  distinction,  M.  Frédéric,  Benri. 

Clarinette  et  Hautbois.  —  Professeur  :  M.  Deizenne  ;  1*  cours, 
i*  division.  —  Hautbois,  1"  prix  à  l'unanimité,  M.  Mondo,  Louis. 
Clarinette,  id.  M.  Hivre,  Louis,  l*' cours,  1'*  division.  1*  prix  avec 
distinction,  M.  Masure,  Léon. 

Contrebasse.  —  Professeur:  M.  Patemoster;  1"  cours,  9^  diTi- 
sion.  —  Prix  spécial,  M.  Sourdean,  Arthur. 

Violoncelle,  même  Professeur.  —  Audition.  —  Dumilttre, 
Alexandre,  prix  spécial. 

Violon  (cours  supérieur).  —  Professeur  :  M.  Leenders  (Direc- 
teur). 1"  cours,  3™  division.  —  Lempers,  Armand,  4*  prix  avec 
distinction. 

Piano  (Demoiselles).  —  Professeur  :  M""  Pielers.  i"  cours, 
jme  division.  — N"'  Hasoin,  Régina,  1"  prix  &  l'unanimité. 

Piano  (idem).  —  Professeur  :  M"»  Bouria.  1"  cours,  2"»  divi- 
sion. —  M"'  Baetslé,  Camille,  1"  prix,  M'"  Burger,  Elise,  l"  prix 
avec  distinction. 

A  l'issue  du  concours,  les  Professeurs  ont  été  unanimement 
fécilités  par  le  Jury  pour  les  résultats  brillants  obtenus  cette 
année  par  leurs  élèves.  ^• 

Le  Jury  était  composé  de  MM.  Leenders,  président,  Nevejans 
et  Beyer,  professeurs  au  Conservatoire  royal  de  Gand,  Kaznl, 
directeur  de  l'Académie  nationale  de  Roubaix  et  Krein,  sous- 
directeur  de  la  musique  des  Guides  et  particulière  du  Roi. 


^  Yerviefo 


(Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne.) 

Les  concours  de  noire  École  de  Musique  viennent  d'être  clé- 
turés  dignement  et  artistiquement  par  la  séance  de  musique  de 
chambre,  dont  nous  donnons  ci-dessous  le  magnifique  pro- 
gramme. 

Le  jury  a  décerné  la  grande  médaille  en  vermeil  avec  la  plus 
grande  distinction  aux  concurrents  :  M.  Sauvage,  pianiste  d'un 
grand  avenir  et  M.  Angenot,  violoniste  sérieux,  solide  et  ferme. 
Le  jury  complimente  en  outre  les  accompagnateurs  et  le  profes- 
seur, M.  L.  Kefer,  directeur  de  l'école  ;  il  exprime  à  celui-ci  sa 
vive  satisfaction  et  le  félicite  chaleureusement  d'avoir  produit  un 
ensemble  d'élèves  aussi  remarquables  et  d'avoir  porté  li  un  degré 
si  élevé  le  niveau  des  études  de  l'école  de  musique  de  Verviers. 
(Extrait  du  registre  aux  procès-verbaux.) 

Le  public  très  nombreux  a  ratifié  celte  décision  par  des  bravos 
frénétiques. 

Signalons  parmi  les  sujets  les  plus  remarquables  des  autres 
cours  : 

MM.  J.  Gaillard, violoncelliste;  Ed.  Deru,  violoniste;  Bouxmann, 
basse  profonde,  et  M"*  Lamboray,  chanteuse,  qui  tous  font  hon- 
neur à  l'enseignement  de  celle  excellente  institution. 

Vendredi,  14  août  1891,  i  7  ^|i  heures.  —  Musique  de 
chambre,  professeur  :  M.  L.  Kefer. 

Concours  supérieur.  —  Jury  :  MM.  S.  Byrom,  préaident  ; 
Ed.  Jacobs,  professeur  au  Conservatoire  de  Bruxelles;  Van  der 
Heyden,  violoncelliste  ti  Paris;  Erasme  Raway,  compositeur  i 


"f-:^. 


L'ART  MODERNE 


271 


Bruxelle>;  D.  Heinberg,  professeur  au  Conservatoire  royal  de 
Liège;  N.  Laoareux,  violon  solo  au  Théâtre  de  la  Monnaie. 

ImtrumenUà  cordes.  —  \.  Haydn,  1"  Allegro  du  Quatuor 
n«  ki  {ré  mineur).  —  2.  Haydn,  Adagio  du  Quatuor  n»  13  {$ol 
niitmr).  —  8.  Mozart,  Menuet  du  Quatuor  n»  14  {mi  bémol).  — 
4.  Beethoven,  Finale  du  Quatuor  n»  i  {toi  majeur).  —  5.  Schu- 
mano,  l"  partie  du  Quatuor  n»  1  op.  41  {lamineur).  —  6.  Beet- 
hoven, Andante  et  variations  du  Quatuor  n»  5  {la  majeur).  — 

7.  Hendelsiohn,  Canzonetla  du  Quatuor  n»  1  {mi  bémof).  — 

8.  Mendelssohn,  Finale  du  Quatuor  n<>  1  {mi  bémoî). 

Piano  et  Intlrumenu  à  cordes.  —  1.  Lecture  à  vue  d'un  Trio 
ou  Sonate,  choisi  par  le  jury  dans  la  collection  des  œuvres  de 
Haydn  et  Mozart.  —  2.  Beethoven,  1"  partie  du  Trio  en  ré  majeur. 
—  3.  Beethoven,  Adagio  du  Trio  en  si  bémol  majeur.  — 
4.  R.  Sehnmann,  Scherzo  du  Quintette  {mi  bémol).  —  8.  Gabriel 
Faoré,  Adagio  du  l"  Quatuor  {ut  mineur).  —  6.  L.  Kefer, 
S*  partie  du  Trio  (AUegretto-Scherzando).  —  7.  J.  Brahms,  Finale 
du  Quatuor  en  sol  mineur  (Alla  Zingaga).  —  8.  César  Franck, 
l»  partie  du  Quintette  {fa  mineur). 

N.  B.  —  Ce  programme  ne  donne  qu'un  fragment  de  chacune 
des  œuvres  travaillées  par  les  élèves.  Le  jury  pourra  y  ajouter 
tels  antres  fragments  qu'il  lui  plaira  de  désigner.  Les  concurrents 
pourront,  en  outre,  au  gré  du  jury,  exécuter  la  Sonate  a'  2  en 
toi  mineur,  de  Grieg. 


A  BAYRBTTTH 

Extrait  d'une  amusante  correspondance  adressée  de  Bayreuth 
au  GU  Bios  : 

«  Bayreuth  est  tout  à  Wagner. 

Dans  les  magasins,  on  ne  voit  partout  que  souvenirs  du  Maître 
et  de  son  théâtre.  Ce  ne  sont  pas  seulement  des  photographies, 
des  livres,  des  albums,  mais  une  infinité  d'objets  dans  lesquels  le 
goût  allemand  se  révèle  dans  toute  sa  candeur.  Le  succès  de 
l'année  paraît  être  un  certain  «  Gral  »,  dont  on  voit  chez  les  mar- 
chands des  modèles  divers  :  l'un  est  une  réduction  «  aux  deux  tiers 
de  la  grandeur  naturelle  »  et  «  garantie  d'après  l'original  »  du  calice 
de  Parsifal;  l'autre,  un  simple  verre  à  pied,  avec  des  tons  roses 
et  des  reliefs  dorés  parmi  lesquels  figure  en  belle  place  la  notation 
du  «  motif  du  Gral  ».  Puis,  ce  sont  des  objets  de  toillelte  et  de 
ménage.  Les  maris  allemands  venus  à  Bayreuth  en  laissant  la 
famille  au  logis  peuvent  rapporter  en  souvenir  h  leurs  Frauen 
de  peUts  tabliers  blancs  sur  lesquels  sont  brodés  en  rouge  le  por- 
trait de  Wagner,  ou  le  théâtre,  ou  la  Wahnfried,  avec  des  frag- 
ments mélodiques  dii  maître  :  thème  de  Parsifal,  commencement 
de  la  romance  de  VEtoile,  etc.  ;  ils  trouveront  même,  s'ils  veulent 
être  plus  pratiques  encore,  des  serviettes,  des  mouchoirs,  des 
nappes  pour  tables  de  toilette,  avec  les  mêmes  ornements  ou  des 
devises  appropriées. 

Pour  les  devises,  dont  l'usage  sévit  avec  insistance  dans  toute 
l'Allemagne,  elles  sont  utilisées  surtout  comme  en-téles  de  canes 
postales.  En  France,  nous  mettons  ces  choses  sur  les  mirlitons  ; 
les  gens  de  Bayreuth  les  inscrivent  sur  les  cartes  postales,  avec  le 
«  Salut  de  Bayreuth  »  d'usage  et  quelques  dessins  plus  ou  moins 
simples,  répandant  ainsi  la  bonne  parole  à  tous  les  coins  du  monde. 
Ces  devises  sont  naïves.  En  voici  deux,  au  hasard  entre  mille  : 
Wilrt  du  dich  laben  am  herrlichsten  Klang, 
Hope  des  Meisters  Schwanengesang  I 


«  Veux-tu  te  récréer  par  les  sons  les  plus  magnifiques?  Ecoute 
le  chant  du  cygne  du  maître  !  »  Conseil  excellent  et  auquel  il  n'y 
a  rien  à  redire. 

Nach  Mekkah  pilgen  die  Mohomedaner, 
Nach  Bayreuth  aile  Wagnerianer. 

«  A  la  Mecque  vont  les  mahom4Mfll^  Bayreuth  tous  les  wagné- 
riens  »,  parole  d'une  vérité  profonde,  et  que  certains  musiciens 
français  de  ma  connaissance  ont  dévotement  pratiquée. 

Comme  toujours,  les  Français  sont  relativement  rares;  mais  les 
Anglais  et  les  Américains  abondent.  Parmi  ces  derniers,  on  signale 
une  famille  composée  de  cinq  personnes,  qui  s'est  installée  â 
Bayreuth,  et  doit  assister  à  toutes  les  représentations. 

Loyer  m  2,S00  francs;  vingt  représentations  à  12S  francs 
chacune  <»  2,500  francs,  c'est  donc  une  partie  de  plaisir  qui  coû- 
tera 5,000  francs  non  compris  la  nourriture. 

Ajoutons  que  ces  mélomanes  Américains  ont  amené  avec  eux 
leur  cuisinier  et...  leur  piano.  » 

Bayreuth  chic,  Bayreuth  mondain  tel  que  l'ont  fait,  en  ces 
dernières  années,  les  Parisiennes  qui  se  pâment  aux  soirées  où  un 
ténor  de  salon  chante  les  adieux  de  Lohengrin,  est  décrit  de  façon 
amusante  par  Henry  Bauer,  dans  l'Echo  de  Paris  : 

«  Nos  Parisiennes  ne  dorment  pas,  ne  mangent  point  et  de  deux 
en  deux  jours,  de  six  heures  à  dix  heures,  dans  une  obscurité 
contraire  à  toute  toilette,  entendent,  chantée  en  allemand,  la 
musique  la  moins  habituelle  et  la  plus  inattendue  sur  un  poème 
de  la  plus  abstraite  métaphysique  et  de  la  plus  occluse  philo- 
sophie. N'importe,  on  les  aura  vues  errer  parmi  les  rues,  où 
l'herbe  pousse,  de  l#  ville  modelée  sur  Versailles,  elles  auront 
visité  les  boutiques  de  bimbeloteries  où,  témoignages  d'un  culte 
natf,  depuis  la  tabatière  jusqu'à  l'étui  de  clysopompe,  tout  garde 
le  portrait  de  Wagner  ;  elles  se  seront  arrêtées  sur  la  promenade 
publique,  devant  le  tombeau  du  Maître  et  auront  tenté  d'y  dérober 
quelques  fleurettes;  elles  se  seront  fait  présenter  en  sa  demeure 
à  la  villa  de  Wahnfried  où,  à  défaut  de  sa  veuve,  M"'  Cosima, 
invisible,  la  fille  aînée.  M™  Tod,  reçoit  les  visiteurs  avec  les 
compliments  de  circonstance;  —  et  l'hiver  prochain  aux  pre- 
mières soirées,  les  conversations  iront  leur  train  sur  les  croquis 
de  voyage  :  «  Ah  !  ma  chère  amie,  qu'on  était  mal  couchée.  »  — 
«  Mais  ce  théâtre  n'était  point  imposant  du  tout;  il  a  l'air  d'un 
grenier  à  fourrages.  »  —  «  Avez-vous  vu  le  petit  Wagner?  »  — 
«  Siegfried,  il  n'est  pas  beau  du  tout  avec  sa  figure  anguleuse, 
je  lui  ai  été  présentée;  il  s'est  montré  très  aimable  pour  moi, 
j'étais  émue  devant  le  fils  de  l'homme  qui  a  trouvé  la  scène  du 
banc  de  Tristan  et  Yteull  ;  ce  jeune  homme  a  certainement  de 
la  volonté  et  de  l'énergie.  »  —  «  Et  Van  Dyck,  n'est-il  pas  très 
bien?  Quant  aux  chanteuses,  ces  Allemandes  sont  bien  disgra- 
cieuses, même  la  Sucher  qui  a  une  réputation  de  beauté.  »  — 
«  ...  Quel  intéressant  voyage  !  » 

Très  chic,  Bayreuth;  c'est  k  Bayreuth  qu'est  le  mouvement, 
dirait  Chartes  D...,  l'intrépide  vide-bouteilles.  La  mode,  la  vogue 
et  la  badauderie  s'en  furent  violer  le  sanctuaire  érigé  contre  elles 
en  ce  coin  reculé  de  la  Bavière,  par  Richard  Wagner  dédaigneux 
des  admirations  banales.  Il  avait  compté  sans  la  curiosité  et  la 
nervosité  entreprenante  des  Parisiennes. 

Wagner  a  conquis  Paris  ;  son  Lohengrin,  le  second  de  ses 
ouvrages  inspirés  dans  la  manière  de  l'ancien  opéra,  prend  place 
sur  la  scène  de  notre  Académie  nationale;  ses  drames  lyriques. 


.'■'^.^'fy^^y.-  k:^- 


272 


LART  MODERNE 


révolulionnaires  de  pensée,  de  slyle  et  de  forme,  se  succéderont 
cerlaiDemenl  sur  quelque  autre  ihéâlre.  L'invasion  de  Bayreulh 
par  les  légions  mondaines  n'est-elle  pas  comme  une  conséquence 
du  triomphe  de  l'art  nouveau  en  France  et  nous,  ses  premiers  ou 
ses  déjà  anciens  disciples,  n'avons-nous  pas  la  liberté  d'un  peu 
d'ironie  envers  ces  pèlerins  de  la  mode  allant  où  va  le  bruit  ? 
Les  souvenirs  de  nos  premiers  voyages  et  des  aimables  com- 
pagnons se  présentent  en  foule  par  les  impressions  durables  où 
à  l'enihousiasme  se  mêlait  un  peu  de  ridicule.  Comment  oublier 
le  Sar  Péladan,  élonnement  des  braves  Bavarois,  dans  ce  costume 
inusité,  pantalon  collant  sur  bottes,  gilet  de  soie  bleu  de  ciel  d'où 
émerge  la  chemise  à  jabot  ;  justaucorps  de  velours,  chapeau  de 
feutre,  baudrier  dans  lequel  était  passé  un  parapluie.  Sur  le  pas- 
sage du  mage,  les  chiens  aboyaient,  les  chevaux  se  cabraient  et 
parlaient  au  galop,  les  cochers  hurlaient  :  «  Sacrement  »,  les 
habitants  paraissaient  aux  fenêtres  et  sur  le  seuil  des  boutiques, 
—  cl  lui,  impassible,  déRlaii. 

L'n  autre  original,  plus  jeune  cl  plus  gai,  c'était  le  compagnon 
Dujardin,  le  directeur  de  la  Revue  Wagnérienne ;  il  avait 
emprunté  au  magasin  d'accessoires  du  Théâlre  Modèle  le  cor  de 
Siegfried  et  troublait  le  repos  de  la  ville  en  sonnant  pour  l'arrivée 
(le  chaque  compalriole.  Mais  mal  lui  en  prit,  quand  il  voulut 
(ransformer  le  cor  en  hanap  et  boire  larges  rasades  de  bière  en 
l'honneur  d'un  hôle  illustre  :  la  peinture  de  l'accessoire  fondit 
dans  le  liquide  et  Dujardin  faillit  mourir  d'une  colique  comme  le 
rai  de  la  ballade. 

Le  La  Mecque  de  la  musique  avait  alors  ses  fidèles  que,  lous 
les  deux  ans,  ses  magnifiques  représentations  retrouvaient  assem- 
blés. Une  femme  de  noble  esprit  et  de  grand  cœur.  Madame 
Pelouse,  y  venait  avec  un  grand  cortège  d'amis  et  un  nombreux 
domestique.  Mais  l'un  des  plus  anciens  adeptes  de  la  nouvelle  foi 
musicale  était  un  magistrat  de  Paris,  Monsieur  Lascoux,  qui 
possédait  et  admirait  plus  qu'aucun  les  partitions  de  Wagner. 
Durant  plusieurs  hivers,  il  nous  rendit  l'impression  de  ces  œuvres, 
alors  honnies,  dans  les  représentations  privées  qu'il  organisait  à 
Paris.  Au  «  petit  Bayrouth  »,  c'est  ainsi  qu'on  nomma  ces  séances, 
il  fut  le  metteur  en  scène,  le  chef  d'un  orchestre  dont  les  musi- 
ciens avaient  noms  :  Lamourcux,  Messager,  Pugno,  Taffanel  et  ce 
pauvre  Fischer;  et  les  chanteuses  :  Augusta  Holmes  et  une  vir- 
tuose, très  artiste  mondaine.  M""  Hellman.  A  Bayreulh,  l'assem- 
blée ordinaire  se  tenait  après  chaque  représentation  k  la  brasserie 
Angerman,  où  les  Grelchen  verseuses  de  bocks  répondaient  aux 
appellations  de  Kundry  et  d'iseull;  c'est  là  qu'on  discutait  sur 
les  qualités  d'une  exécution  comparée  à  une  autre,  qu'on  débat- 
lait  sur  les  préférences  entre  MM"  Malien  et  Materna,  qu'on 
rapprochait  les  capelmeister  Lévy  et  Motl,  qu'on  se  récriait  sur 
l'admirable  interprétation  d'un  Amfortas  tel  que  Scheldemantel 
où  d'un  Beckmesscr  comme  Frédéric. 

C'étaient  les  temps  héroïques  du  wagnérisme  français,  où  le 
voyage  à  Bayreuth  était  qualifié  d'antipatriolisme,  où  le  culte  au 
Shakespeare  musical  était  ridiculisé  par  les  Revues.  Maintenant 
que  le  divin  Maître  est  imposé  aux  peuplades  de  snobs,  nous 
rassemblons  joyeusement  ces  souvenirs  en  regardant  la  mer  au 
bord  d'un  des  sites  merveilleux  de  la  terre  de  France.  » 


TOlLiSTOI 

Quelques  détails  caractéristiques,  trouvés  daos  le  Journal 
de  Kourtk,  sur  la  manière  de  vivre  du  grand  Rnsae,  le  comte 
Tolstoï  : 

«  A  cinq  heures  du  matin,  l'hiver  comme  l'été,  le  comte  Léon 
Tolstoï  sort  de  son  lit...  De  son  lilT...  Soyons  précis!  Le  grand 
romancier  dédaigne  de  dormir  dans  un  lit,  il  couche  sur  une 
chaise  longue  dans  son  cabinet  de  travail.  C'est  dans  cette  pièce 
qu'il  a  écrit  les  deux  chefs-d'œuvre  qui  s'appellent  Ouerre  et  Paix 
et  Enfance  et  adolescence. 

Le  cabinet  de  travail  du  comte  n'est  pas  un  modèle  d'ordre. 
Près  des  bibliothèques  remplies  de  livres  de  choix  revêtus  d'ad- 
mirables reliures,  traînent  des  chaussons  de  toile  —  car  le  roman- 
cier ne  porte  plus  de  bas  —  des  rftteaux  et  de  gros  aaca  d'avoine. 
En  face  de  la  bibliothèque  est  placé  l'établi  de, cordonnier  sur 
lequel  Léon  Tolstoï  fait  des  bottes. 

Aussitôt  levé,  Tolstoï,  sans  souci  de  la  température  banle  ou 
basse,  prend  un  bain  glacé,  et  se  plongeant  dans  l'eau  froide 
avec  délices,  prolonge  ses  ablutions  pendant  au  moins  un  quart 
d'heure.  » 

A  en  croire  l'écrivain  russe  b  qui  nous  empruntons  ce  récit, 
Tolstoï  aurait  également  renoncé  &  l'usage  du  peigne  et  se  con- 
tenterait de  démêler  ses  cheveux  en  y  passant  ses  cinq  doigts. 

«  Tolstoï  porte  dans  l'appartement  un  costume  de  moujik  com- 
posé d'une  blouse  de  coton  bleu  serrée  par  une  ceinture,  de  larges 
pantalons  de  toile  et  de  grandes  bottes  goudronnées... 

A  cinq  heures  et  demie,  le  comte  monte  b  la  salle  h  manger, 
où  il  est  aussitôt  rejoint  par  ses  convives,  pour  la  plupart  des 
disciples  en  séjour  chez  lui  et  qui  partagent  ses  travaux. 

Bien  que  le  comte  ne  prenne  le  matin  que  du  café  fort,  on 
sert  il  ses  hôtes  du  thé  avec  de  la  crème,  du  beurre  et  du  fromage, 
qui  sont  la  perfection  du  genre.  » 

Le  beurre  et  le  fromage  sont  préparés  par  l'auteur  des  Cotaquet 
lui-même.  Il  en  a  envoyé  des  échantillons  k  Saint-Pétersbourg, 
mais  malgré  leur  incontestable  mérite,  ils  ont  eu  beaucoup  moins 
de  succès  que  les  romans  du  même  auteur  :  échec  dont  le  com^e 
ne  peut  pas  prendre  son  parti. 

A  six  heures  le  thé  est  fini  et  Tolstoï  commence  sa  journée  de 
travail. 

«  Rien  de  plus  varié  que  ses  travaux  :  un  jour  il  construit  des 
poêles  dans  les  isbas  des  paysans,  le  lendemain  il  balaie  la  neige 
autour  de  sa  propre  maison,  ou  prend  l'alêne  du  cordonnier  et 
apporte  à  la  confection  d'une  paire  de  bottes  autant  de  açin  qu'k 
la  composition  d'un  roman. 

A  une  heure,  dîner  composé  de  beurre  et  de  fromage  ou 
d'une  soupe  aux  légumes. 

«  —  Pourquoi  condamnex-vous  toute  nourriture  animale?  lui 
demandait  un  jour  un  de  ses  hôtes. 

—  Parce  que  tout  animal  est  un  organisme. 

—  Hais  la  plante  aussi  est  un  organisme,  fit  remarquer  son 
interlocuteur. 

Après  un  moment  de  réflexion,  Tolstoï  répondit  : 

—  Il  viendra  peut-être  un  temps  où  l'on  ne  mangera  plus  de 
végétaux  pour  la  même  raison.  » 

De  quoi  se  nourrira  la  faible  humanité  à  cette  époque  lointaine, 
Tolstoï  ne  l'a  pas  dit,  et,  du  reste,  son  disciple  n'a  pas  potusé 
plus  loin  ses  questions. 


L'ART  MODERNE 


273 


Aprt«  le  dîner,  le  comte  prend  une  heure  de  repos,  puis  il  ;e 
met  k  écrire,  mais  jamais  plus  de  deux  heures. 

Ceit  dans  ce  court  espace  de  temps  qu'il  a  composé  sa  fameuse 
Sonate  à  Kreutxer. 

Le  régime  végétarien  et  le  kvass  ne  sont-ils  pas  pour  quelque 
chose  dans  le  pessimisme  amer  de  la  Sonatet  Au  temps  ou  Tolstoï 
ne  bannissait  pas  les  organitmet  de  sa  table  et  sablait  le  Cham- 
pagne, il  a  peint  l'amour  et  le  mariage  sous  des  couleurs  beau- 
coup plus  vraies  et  infiniment  plus  attrayantes. 


Petite  chronique 

Aux  artistes  suivants,  la  Commission  pour  l'achat  d'œuvres 
pour  le  Musée,  fait  des  propositions  : 

I^or.  Crabeela,  d'Anvers  (en  léie  de  liste  avec  le  plus  grand 
nombrti  de  voix).  —  J.  Rosier,  d'Anvers.  —  L.  Brunin,  id.  — 
G.,  Poclitije,  id.  —  Bellis,  de  Bruxelles. 

Parmi  les  sculpteurs  : 

Désenfans,  de  Gand. —  De  Braeckeleer,  d'Anvers,  et  Fabri,  idi, 
se  disputent,  k  l'heure  qu'il  est,  le  restant  des  36,000  francs 
affectés  à  cette  belle  besogne. 

Parmi  les  blackboulés,  entre  autres  :  Verwée  et  Hetmans  !  !  ! 

Emile  Bergerat,  qui,  sous  la  signature  Caiiban,  se  moque  sans 
lassitude  des  ponlifards  d'art  et  de  leurs  sottes  opérations  doctri- 
naires, s'occupe  de  la  démission  de  M.  Laroumet,  le  grand-préire 
français  en  la  matière  et  à  celte  occasion  donne  à  ceux  qui 
briguent  sa  succession,  les  plaisants  et  excellents  conseils  que 
voici  : 

«  —  D'abord  il  s'agit  de  protéger  les  arts.  Peut-être  vous 
imaginez-vous  que  c'est  facile?  Mais  outre  que  personne  ne  les 
attaque,  et  au  contraire,  ces  animaux  d'aris  se  cabrent  et  ruent 
dès  qu'on  b'ii  mine  de  les  proléger.  J'aimerais  mieux  avoir  à 
conduire  neuf  filles  folles  au  Moulin  de  la  Galette  que  d'avoir  à 
diriger  les  neuf  Muses  sur  les  pentes  du  Parnasse.  Ah  !  quelle  pen- 
sion, mon  pauvre  Caiiban!  Dès  que  je  faisais  autour  d'elles  le 
moulinet  d'Etat,  en  bon  gendarme,  les  voilà  qui  troussaient  leurs 
colle*  et  s'escampalivaienl,  bêlantes.  Je  crois  que  le  propre  des 
Muses  est  de  vouloir  ne  pas  être  protégées.  Maïs  je  n'ose  là-dessus 
voua  dire  toute  ma  pensée.  Qu'il  vous  sufKse  de  savoir  que  ces 
immortelles  allégories  ont  avec  le  Pouvoir  les  mœurs  mêmes  de 
la  Mouquelle 

L'art  est  comme  la  foi,  c'est  sous  les  Dioclé(ien8  qu'il  fleurit 
ses  martyrs.  Faites  un  sort  amer  aux  tragicolâlres,  et  demain 
vous  aurez  des  Racine.  Qu'est-ce  que  vous  avez  taquiné  sous  voire 
Consulat,  la  chansonnette  de  café-concert?  Elle  vous  a  donné  ses 
maître*. 

—  Sont-ce  I&  vos  idées  de  surintendance? 

Exactement.   Un  art  qui  se  sent  protégé  est  comme  un 

animal  domestique,  il  meurt  gras  et  gorgé  de  sucre,  mais  il  meurt 
dan*  la  langueur  qu'engendrent  les  plus  douces  servitudes.  Pour 
moi,  si  j'aimais  la  tragédie,  je  la  taxerais  de  police  correction- 
nelle, et  j'en  aurais!  El  si  je  voulais  de  la  peinture  d'histoire,  je 
m'en  procurerais  de  la  même  manière,  infaillible,  en  enfermant 
ceux  qui  la  pratiquent  dans  des  maisons  de  force.  Flanquez  sur 
un  bateau  tous  les  wagnériens  et  expédiez-les  à  l'Ile  Nou,  cl  huit 
jours  après  l'Opéra  affiche  la  Tétralogie.  Telle  serait  ma  surinten- 
dance. Les  arts  vivent  de  tracas  el  succombent  au  bien-être. 
J'inaugurerai  la  persécution  d'Etal,  et  vous  m'en  direz  des 
nouvelles.  » 

On  a  inauguré  dernièrement,  à  Abbeville,  un  monument  à  la 
mémoire  de  Pamiral  Courbet.  Le  hasard  des  flâneries  de  vacances, 
qui  nou*  a  mené  de  l'embouchure  de  l'Escaut  à  celle  de  la 
Somme,  le  long  de  ce  littoral  merveilleux  sente  de  ports  en  gue- 
ttes ei  de  plages  tout  en  cottages  et  en  chalets,  nous  fil  voir, 
aulro  jour,   le  stupéfiant  assemblage  de  marbres  blancs  qui 


compose  le  monumenfCourbet.  Il  paratl  qu'on  s'est  mis  à  deux 
pour  accomplir  celte  besogne.  Falguière  et  Mercié,  nous  a-i-on 
assuré,  ont  combiné  el  exécuté  le  groupe  où  l'on  voit  l'amiral 
commander,  en  redingote,  à  des  femmes  nues  démesurémenl 
longues  el  flasques,  enlacées  à  une  nef  antique.  C'esl  comique  et 
lugubre  à  la  fois.  Dans  la  trisiessc  des  monumenls  modernes,  la 
statue  d'Abbeville  jette  une  noie  gaie.  Hais  ce  qui  est  navrant, 
c'est  de  voir  à  quels  écarts  de  goût  peuvent  se  livrer  des  artistes 
qui  ont  eu  du  talent  el  qui  ont  encore  une  accaparanle  notoriété. 

Tout  &  côté  se  dresse,  dans  sa  sévère  beauté,  l'église  gothique 
de  Sainl-Wulfran.  El  les  merveilleuses  dentelles  de  pierre  de  la 
chapelle  du  Saint-Esprit,  i  Rue,  si  près  d'Abbeville,  en  ce  môme 
département  de  la  Somme,  dont  la  cathédrale  d'Amiens  el  les 
Puvis  de  Chavannes  du  Musée  de  Picardie  sont  l'orgueil,  ne  nous 
étaienl  pas  sorties  de  la  mémoire... 

Ce  Musée  de  Picardie,  fondé  par  Pfapoléon  III,  est  fort  bien 
installé  et  remarquablement  aménagé.  Il  n'a  nullement  l'aspect 
d'un  musée  de  province,  bien  que  parmi  les  toiles  qui  s'y  trouvent 
il  y  ail  bon  nombre  de  ces  achats  de  complaisance  que  l'Elal  se 
croit  obligé  de  faire,  tous  les  ans,  à  la  Halle  aux  huiles  des 
Champs-Elysées  (qui  esi  le  Nijni-Novgorod  des  tableaux)  el  qu'il 
expédie  ensuite  dans  les  chefs-lieux  de  déparlement. 

Mais  le  Musée  renferme  une  admirable  série  de  Puvis  de  Cha- 
vannes, peints  tout  exprès  pour  lui,  el  cela  suffit  à  le  hausser  au 
rang  des  plus  beaux  musées  modernes  de  l'Europe.  Nous  avons 
revu  avec  émotion  le  Pro  patria  ludus,  l'une  des  plus  magnifiques 
compositions  du  maître.  Elle  rayonne,  à  Amiens,  d'un  pur  éclat, 
dan»  l'encadrement  que  l'artiste  lui  a  donné,  el  placée  sur  le  pan- 
neau pour  lequel  elle  a  été  faite.  Toute  une  galerie  décorée  par 
Puvis  de  Chavannes,  d'une  harmonie  de  couleurs  el  de  formes 
extraordinaires,  justifierait  seule  un  voyage  à  Amiens,  si  déjà  la 
cathédrale,  la  plus  vaste  el  la  plus  belle  de  France,  ne  le  sollici- 
tait.   

On  s'occupe,  en  ce  moment,  au  Palais-Bourbon,  du  placement 
du  bas-relief  de  Dalou,  Mirabeau  aux  EtaU-Oénéraux. 

On  sait  que  cette  œuvre  célèbre  du  maître  slaïuaire  doil  être 
placée  dans  la  salle  des  délibérations,  à  l'endroit  occupé  actuel- 
lemenl  par  la  tapisserie  de  l'Ecole  d'Athènes,  au  dessus  du 
bureau  du  président. 

Le  mur  est  déjà  entaillé,  el  des  essais  de  moulures  ont  été  faits. 
Le  cadre  doil  être  de  marbre  rouge  antique.  Il  sera  d'abord  scellé 
au  mur,  el  c'est  seulement  après  cela  qu'on  y  introduira  le 
bronze. 

Cette  opération  sera  des  plus  difficiles,  car  le  bas-relief  do 
Dalou  pèse  un  poids  considérable. 

Il  a  été  fondu  à  cire  perdue  el  d'un  seul  jet  par  M.  Eugène 
Gonon,  fils  du  célèbre  fondeur  Honoré  Gonon,  qui  coula  à  cire 
perdue  les  œuvres  les  plus  importantes  de  Barye. 

La  fonte  du  bas-relief  de  Mirabeau  est  un  des  plus  beaux  tra- 
vaux du  bronze  de  ce  temps-ci,  cl  appellera  tout  particulièrement, 
au  moment  de  son  inauguration,  l'atlcntion  du  publie  et  des 
arlisles  sur  le  maître  fondeur,  qui  est  âgé  de  soixante-seize  ans  et 
a  réalisé  ce  colossal  travail  avec  très  peu  de  collaborateurs. 


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Linden,  à  Berlin;  à  M.  Remmelmann,  15,  Quiollett  strasse,  à  Francfort  a/m;  à  if.  Schenher,  Schottenring,  3,  à  Viennb;  i  M'^'  Schroehl, 
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L'ART  MODERNE 


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Comité  de  râdaotlon  i  Octatb  MAUS  —  Eduond  picard  —  ËmLB  VERHAEREN 


ABOMttklOBlfTS  :    Belgique,  on   an.   fr.  10.00;  Union  postale,   fr.   13.00     —  ANNONCES  :    On  traite  i  forfait. 

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mOIOAIBI  DBB  AKTS.   —  PbTITS  CBBOMIQCI. 


Lr'Art  et  le  Socialisme. 

Pairtout  elle  vous  poursuit,  implac&ble,  inétonffitble, 
cette  grande  voix  de  rhamanité  vraie,  de  l'humanité 
ouvrière,  clamant  l'acte  d'accusation  contre  les  acca- 
pareurs de  richesses  sociales.  De  sa  noire  caverne,  la 
Misère,  pareille  à  Skyllé,  pousse  des  rugissements 
aussi  puissants  que  ceux  du  fauve  lion.  Monstrueuse  et 
formidable,  nul  n'est  joyeux  de  l'avoir  vue,  pas  môme 
un  Dieu.  Comme  son  antique  et  fabuleuse  ancêtre, 
a-t-elle  douze  pieds  difformes  et  six  cous  sortent-ils 
longuement  de  son  corps,  chaque  cou  avec  une  tête 
horrible,  et  dans  chaque  gueule,  pleine  de  la  noire 
mort,  une  triple  rangée  de  dents  épaisses?  «  Plongée 
dans  son  antre  creux  jusqu'aux  reins,  elle  étend  au 
dehors  ses  téteeet,  regardant  autour,  elle  saisit  les  dau- 
phins, les  chiens  de  mer  et  les  autres  monstres  innom- 
brables que  nourrit  la  gémissante  Amphitrite.  Jamais 
marin  n'a  pu  se  glorifier  d'avoir  passé  auprès  d'elle 


sain  et  sauf,  car  chaque  tête  enlève  un  homme  hors  des 
nefs  à  proue  bleue  !  » 

Vous  venez  de  la  voir,  vous  venez  de  l'entendre  au 
Congrès  ouvrier,  l'indomptable  et  terrible  bête,  mis- 
sionnaire de  justice  et  d'égalité,  prophétesse  de  cata- 
strophes. Pour  la  première  fois  (car  elle  fut  longtemps 
hypocrite  ou  muette  sur  les  secrets  instincts  de  son 
appétit  d'ogresse),  elle  a  crié  très  haut  ce  qu'elle  vou- 
lait :  LA  Guerre  pes  Classes  !  Dans  l'orgueil  de  sa 
puissance  montante,  elle  n'a  pas  marchandé  aux  futures 
victimes  l'arrêt  qu'elle  veut  leur  appliquer,  impi- 
toyable. Elle  veut  détruire  et  dévorer.  Elle  veut  rester 
seule  sur  le  champ  du  carnage  et  y  édifier  la  Cité  de 
Justice,  où  la  sainte  fraternité  aryenne  régnera,  enfin  ! 
et  resplendira  sous  les  cieux. 

Et  cette  immense  vision  de  dévastation  et  de  réédifi- 
cation ne  semble  plus  un  rêve.  Chacun,  dans  les  fonds 
obscurs  où  s'agitent  les  prévisions  de  l'inconnu  futur  et 
d'où  montent  les  sûrs  avis  des  pressentiments,  ^seçt  que 
cela  arrivera  et  qu'on  ne  peut  plus  ergoter  que  sur 
l'échéance,  toujours  plus  vite  arrivée  que  ne  le  croyait 
l'imprévoyance.  Chacun  commence  à  se  préparer  à  cette 
fin  d'un  monde,  comme  au  siècle  dernier  aux  approches 
de  quatre-vingt-neuf,  et  en  redoutant  vaguement  le  ter- 
rifiant complément  d'un  quatre-vingt-treize.  Mainte- 
nant comme  alors  les  cris  d'alarme,  les  signes  précur- 
seurs, monstra  ac  portenta,  abondent.  On  entrevoit, 


_-ji  <!?..;    »■•  -r;'?-. 


276 


L'ART  MODERNE 


non  plus  à  l'horizon  comme  aux  jours  de  Dioclétien, 
mais  au  dessous  de  soi,  les  gi-ands  barbares  du  poète,  se 
préparant  à  l'assaut  de  la  civilisation  artificielle  de  la 
classe  bourgeoise.  Malgré  sa  puissance  argent  et  sa 
puissance  armée,  elle  va  s'écrouler,  tombant  dans  les 
innombrables  flots  populaires;  elle  va  se  dissoudre  et 
disparaître. 

Oui,  disparaître,  avec  tout  ce  qu'elle  est,  —  et  notam- 
ment AVEC  SON  Art.  Sans  qu'on  puisse  deviner,  avec 
quelque  vraisemblance,  ce  qui  sera  après.  Car  prodi- 
gieusement puérile  est  cette  lassante  question  du  :  ce 
qu'il  y  aura  après.  Qu'importe!  Dans  l'évolution  des 
événements  et  des  choses,  le -Destin  ne  connaît  pas 
d'hyatus.  Sous  l'écorce  usée  qui  sera  brisée,  déjà 
poussent,  mystérieuses,  les  végétations  vigoureuses  de 
l'avenir.  Faut-il  répondre,  quand  il  s'agit  de  guérir  une 
peste,  noir  fléau,  à  qui  demande  ce  qu'on  mettra  a  la 
place? 

Notamment  avec  son  Art  !  Avez-vous  remarqué  que, 
dans  ce  congrès  ouvrier,  si  fantastique  d'imprévu,  si 
eff'rayant  de  feux  destructeurs  entrevus,  de  féroces 
fureurs  mal  contenues,  hennissant  pareilles  aux  che- 
vaux d'Achille,  prêts  à  partir,  dévastateurs,  pas  un  mot 
d'art  ne  fut  dit,  pas  une  pensée  artistique  ne  flotta  sur 
cette  multitude  aux  innombrables  rumeurs  comme  la 
mer.  Croient-ils  pouvoir  vivre  sans  art  leur  organisa- 
tion future?  Rôvent-ils  son  abolition  parce  qu'il  se 
révèle  présentement  serviteur  adulateur  de  l'odieux 
luxe  des  parasites  ? 

Non,  sans  doute.  Ces  âmes  et  ces  bras  vont  au  plus 
pressé  et  veulent  d'abord  débarrasser  la  place.  Quand 
on  aura  emporté  les  décombres  et  les  cadavres,  quand 
on  aura  purifié  les  portiques,  quand  les  arts  de  la  guerre 
auront  achevé  leur  dure  tâche,  ce  sera  le  tour  des  arts 
de  la  paix.  Car  il  est  hors  de  la  volonté  des  mortels 
d'empêcher  l'efflorescence  divine  du  Beau  sur  les  œuvres 
humaines.  Qui  jamais  pût  éteindre  cette  splendeur,  im- 
matérielle émanation,  dédoublant  les  corps,  nectar  et 
ambroisie,  seule  nourriture  de  la  partie  la  plus  noble  de 
notre  âme  ? 

Cet  art  que  sera-t-il  ?  Encore  la  question  de  ce  qui 
sera  après,  obsédante.  Jadis,  en  ce  même  journal,  nous 
nous  laissions  aller  à  sonder  ce  problème,  la  fragile 
baguette  de  coudrier  de  la  critique  divinatrice  entre  les 
mains.  Et  de  notre  plume  sortaient  timidement  des  idées 
chancelantes. 

Chaque  fois  qu'en  un  grand  brassage,  des  idées,  des 
tendances  nouvelles  ont  été  mêlées  à  une  civilisation  ; 
chaque  fois  que  l'édifice  d'une  époque  s'écroulant,  ses 
matériaux  ont  été  entraînés  dans  le  tourbillon  d'une 
révolution,  roulés,  broyés  avec  les  matériaux  d'au  des- 
sous en  quantité  plus  grande,  la  pâte,  résultante  de  cette 
cuisine  de  cataclysme,  est  apparue  d'abord  comme  de 
qualité  inférieure.  Mais,  plus  tard,  c'est  elle  dont  sor- 


tent les  monuments  plus  beaux  des  temps  noaveaux. 
Aussi,  cette  période  transitoire  d'incertitude  fit  d'obscu- 
rité masquant  la  fécondité,  a-t-elle  reçu  un  nom  signi- 
ficatif :  LE  MOYEN-AOB. 

Moyen-âge  fut  la  situation  de  l'Europe  après  la  chute 
de  l'Empire  romain  éparpillant  ses  débris  sur  les  multi- 
tudes barbares.  Moyen-âge  sera  la  situation  de  l'art 
après  la  chute  de  la  féodalité  d'argent  émiettant  ses 
richesses  restituées  sur  les  multitudes  ouvrières.  Un 
Nouveau  moyen-aqe  ! 

Oui,  on  peut  s'attendre  à  un  recul  momentané.  Tous 
ces  raffinements,  toute  cette  manie,  cette  folie  de 
nuances,  ces  amincissements,  ces  aiguisements  dispa- 
raîtront dans  la  fournaise.  Quel  sens  ont-ils  pour  ces 
masses  depuis  si  longtemps  sevrées  (et  de  plus  en  plus) 
de  l'art  accaparé  par  d'autres  ?  Et  comment  ce  monde 
d'artistes,  accoutumé  à  ne  plus  s'occuper  d'elles,  ayant 
désappris  la  langue  artistique  compréhensible  pour 
elles,  aurait-il  l'aptitude  nécessaire  pour  changer  brus- 
quement son  orientation?  Le  courtisan  du  riche 
désapprend  de  parler  au  pauvre.  L'esprit  habitué  à 
calculer  ce  que  peut  rapporter  une  œuvre,  sera  stérile 
quand  une  telle  préoccupation  deviendra  sans  objet. 
La  crise  sociale  qui  s'annonce,  en  même  temps  qu'elle 
mettra  la  déroute  chez  les  financiers,  la  mettra  dans 
le  bataillon  des  artistes  qui,  conscients  ou  non,  les 
servent.  Ce  sera  une  universelle  mise-à-pied  et  un 
recrutement  sur  nouveaux  frais. 

Il  y  aura  alors  des  jours  d'impuissance  et  de  stagna- 
tion. L'art  apparaîtra  mort,  ou  tout  au  moins  déchu. 
Les  lamentations  sur  •  cette  fin  de  siècle  «  redoubleront 
et  des  voix  gémissantes  ou  colères  accuseront  la  démo- 
cratie stérilisante,  qui  détruit  sans  remplacer.  Mais  en 
vérité,  elle  sera  comme  la  dévastatrice  Athèuè,  qui  ne 
ravageait  que  pour  mieux  féconder,  la  Minerve  armée 
de  la  lance  meurtrière  et  du  bouclier  à  tète  de  Gorgone 
efirayante,  mais  qui  était  la  déesse  aux  yeux  clairs, 
enseignant  à  planter  l'olivier  et  inspiratrice  de  toute 
justice.  L'art  démocratique  aura  ce  caractère  4e  viser 
aux  jouissances  psychiques  de  tous  au  lieu  de  ne  penser 
qu'aux  jouissances  blasées  de  quelques-uns.  Sans  cesse 
il  grandira  avec  cette  préoccupation  plus  généreuse, 
plus  saine  et  plus  noble..  On  le  verra,  redescendant 
comme  autrefois,  dans  les  détails  de  la  vie,  embellir 
l'outil  du  travailleur,  le  mobilier  des  demeures  simples, 
les  costumes  nationaux.  L'assiette,  le  pot,  l'enseigne,  la 
porte,  la  serrure  redeviendront  des  objets  que  l'artiste 
croira  dignes  de  l'occuper.  Et  en  même  temps,  dans 
l'âme  des  poètes,  au  lieu  des  énigmes  en  honneur, 
s'adressant  aux  initiés,  reverdiront  ces  beaux  chants 
d'universelle  humanité  qui  nous  font,  encore  aujour- 
d'hui, préférer  les  œuvres  mortes  aux  œuvres  récentes. 
Une  nouvelle  ère  de  chansons  populaires,  de  légendes 
symbolisant  les  événements  et  les  grandes  lois  natu- 


^^m^W^^W-^!^^- 


relies,  des  mythes  puissants  et  charmeurs,  un  Folklore. 
Le  sculpteur  ne  travaillera  plus  pour  le  boudoir,  mais 
pour  la  place  ou  le  monument  publics.  En  architecture, 
on  aura  antre  chose  que  l'édificateur  des  maisons  bour- 
geoises, ^oïstes  et  cossues.  L'art  redeviendra  la  langue 
commune,  et  ne  sera  plus  on  ne  sait  quel  dialecte  hermé- 
tique destiné  à  un  collège  de  brahmines. 

Lentement  il^  montera  ainsi  durant  ce  nouveau  moyen- 
Age,  universel  et  populaire.  Populaire,  oui,  et  ce  nonob- 
stant, non  moindre  finalement  qu'il  ne  l'est  aujourd'hui. 
Car,  lui  aussi  procède  par  cet  alternatif  mouvement 
qui,  suivant  Pascal,  est  celui  de  l'évolution  de  tout  pro- 
grès et  de  toute  vérité  :  En  avant;  —  puis,  un  peu  en 
arrière  ;  —  ensuite,  encore  en  avant  ;  —  puis,  un  arrêt  ; 
—  et  alors  plus  loin  d'une  poussée  nouvelle  ;  —  mais  un 
ralentissement  ; — enfin,  en  avant  d'un  élan  irrésistible  ! 


LES  CHANSONS  D'AMANT 

par  OusTAyi  Kahn.  —  Brux«lles,  chez  Laopinblez. 

Voici  un  livre  qui  sans  doute  nous  vient  d'Orient.  Il 
en  évoque  les  site»  et  les  emblèmes,  et  les  personnages 
et  les  àbles.  On  y  trouve  «  les  tentes  dépliées  au  pied 
des  caravanes,  les  étriers  coruscants  jetés  dans  la  pous- 
sière, le  bruit  du  galop  exhilarant  des  cavales,  les  roses  du 
Faristan,  les  Babels  et  les  rois-mages,  les  Judées  et  les 
Palestines,  les  Ismaels,  les  Madianites  et  Myriam  et 
Âgar  et  Daoud  et  Soliman  et  la  Bible,  et  aussi  le 
Koran  ».  Le  rêve  du  poète  ap{)aralt  vêtu  d'étoffes 
légères,  d'écharpes  et  de  voiles,  il  s'attarde  aux  ter- 
rasses au  seuil  des  déserts,  il  s'étale  en  des  fôtes  de 
soleil,  il  trouve  sa  joie  aux  cités  des  minarets  et  des 
derviches,  il  s'échappe  sans  cesse  vers  les  natales 
r^ons,  si  bien  qu'il  semble  plongé  dans  une  oasis,  alors 
que  rode  autour  le  cri  déjà  solliciteur  : 

"  Ahl  fuir  vers  1m  tribui  en  marche.  » 

Pourtant,  afiimer  qu'il  n'v  ait  aucun  alliage  d'occi- 
dentalisme  en  ces  visions  ae  vrai  et  personnel  poète, 
nous  n'oserions.  Et  d'abord,  bien  que  l'idée  de  volupté 
qu'elles  profèrent  soit  moellée  de  mahométisme,  le 
rond  si  noir-étoilé  de  lassitude,  de  tristesse,  de  découra- 
gement, d'inquiétude,  d'attenté'douloureuse,  de  détresse 
souvent,  suscite  au  souvenir  ces  vers,  qui  pourraient 
servir  d'épigraphe  à  mainte  famille  de  strophes  : 

Ah,  lointainei  les  Airiques  et  lei  Palestioea  ! 
La  rue  pile  l'ëchoue  en  la  brume  d'Occident. 

Et,  de  même  certains  détails  de  décor  enjolivent  des 
moyen-âges  chrétiens,  et  telles  expressions,  par  exemple, 
•  dits  de  la  reine  •  voisinent  étrangement  avec  •>  piscine 
d'absolu  ». 

Nous  croyons  que  par  ces  préliminaires  remarques, 
la  nature  de  M.  Gustave  Kahn  se  révèle  immédiate- 
ment. Foncièrement  exotique,  elle  est  contrariée  par 
l'éducation  subie,  par  les  années  vécues  dans  les  pays 
d'Europe,  par  les  philosophies  lues  et  tentantes,  par 
l'existence  réelle  filtrée  à  travers  l'existence  rêvée.  Cela 
nous  parait  vrai  à  tel  point  qu'à  chac^ue  partie  des 
Chansons  d'amant,  on  pourrait  noter  1  influence  sous 


laquelle  elle  fut  composée.  Seraient  d'un  poète  oriental  : 
La  belle  au  château  rêvant.  Eventails,  Eventails 
tristes  et  Reyam,  et  d'un  poète  occidental  :  Soir  par 
la  ville^  et  Lieds.  Il  est  évident  que  nous  ne  jugeons 
que  l'ensemble  de  ces  différents  groupes  de  poèmes  pour 
les  qualifier  tels  et  que  nous  surprenons,  certes,  les 
confluents  des  deux  veines,  ci  et  la,  en  chacun  d'eux. 

Ainsi  entendu,  M.  Kahn  nous  apparaît  un  poète 
notant  d'instinct  sa  vie  de  cerveau  en  ses  volumes.  Il 
s'écoute  et  se  transcrit.  Certes,  s'incarne-t-il  en  tel  per- 
sonnage de  fabuleuse  vie  éteinte,  en  des  héros  et  en  des 
noms  propres  clairsonnants  ;  mais  qu'il  se  grandisse  le 
quelqu  un  de  son  rêve  exalté  ou  qu  il  se  désigne  par  le 
simple  pronom  personnel,  c'est  toujours  lui.  Il  se  des- 
sine et  se  colore  et  c'est  là  l'œuvre  ae  tout  chanteur,  la 
seule  et  la  vraie,  à  moins  qu'on  ne  s'attarde  au  jeu  de 
patience  des  rimes  et  aux  parties  de  domino  des  sonnets 
sans  défauts.  Au  long  du  présent  livre,  on  sent  la  vie 
du  soi-même  exprimée  sans  se  violenter,  sans  se  fouetter 
de  difficultés  vaincues,  sans  se  lacérer  de  perfection; 
on  dirait  au  contraire  :  joie  d'écrire,  fête  à  trouver  de 
belles  images  frêles  et  éclatantes  et  à  pavillonner  la  cité 
où  l'on  mène  en  cortège  l'art. 

Entre  deux  poèmes,  l'un  la  Belle  au  château  rêvant, 
l'autre  Reyam,  qui  sont  comme  les  points  de  départ  et 
d'arrivée  d!^'une  marche  vers  l'amour,  le  livre  s'émiette 
en  chansons.  Le  premier  est  la  légende  simplifiée  et 
déformée  pour  son  adaptation  à  l'œuvre  de  la  Belle 
au  bois  dormant,  légende,  croyons-nous,  occidentale, 
mais  orientaiisée  par  le  décor  et  refondue.  L'affabula- 
tion est  peu  complexe. 

Tentée  par  la  voix  du  veilleur  sur  la  tour,  le  pèlerin 
perdu  de  force,  «  l'Ephémère,  le  tyrse  des  Douleurs  » 
pénètre  au  manoir  qui  se  dresse  au  front  du  roc.  Il 
a  marché  «  par  delà  la  colline  et  par  delà  la  plaine  sa 
marche  prisonnière,  son  cheval  de  luttes  est  mort  au 
long  des  grèves,  son  glaive  s'est  brisé  contre  l'écu  du 
chevalier-Trère.  Il  dit  et  interpelle  : 

Qui  que  tu  sois,  gardien  du  fort. 
Qui  que  tu  loia,  marin  du  promontoire, 
Descende  tes  pas  armés  le  long  des  forteresses, 
Le  maître  des  douleurs  transgressera  ton  territoire. 

Mais  le  veilleur  consent  : 

Que  la  herse  se  lève  pour  l'accueil. 
Passant  qui  lamentez  votre  &me  sur  le  seuil. 

Pourtant  le  pèlerin,  mal  préparé,  pour  »  l'indicible  » 
et  •  les  pleurs  lentes  de  la  blessure  rouge  saignant  aux 
bouges  trop  fréquents  encore  de  lui  «  est  arrêté,  malgré 
ses  suppliques  :  "  J'ai  rêvé  la  route  à  ton  gîte  où 
l'étoile  luit  et  que  mes  avenirs  s'étoileraient  de  tes 
féeries  "  et  malgré  ses  promesses  de  fêtes.  Le  chœur 
invisible  lui  bruit  : 

Transmuter  l'ëclair  en  chair  indestructible. 

Figer  la  seconde  en  éternel  monde. 

Folie  du  passant  qui  s'arrête  et  s'écrie  : 

"  Érigez  sur  cette  vague  l'étemel  palais  du  réel  ». 

Et  la  belle  non  consentante  se  rendort  : 

Reviens  à  moi,  sommeil,  scelle-toi  sur  ma  bouche  ; 
Des  mirages  de  leurs  visages  garde  le  lac  de  mes  jeux, 
Reprends-moi  dans  le  val  aux  mousses  quiétantes 
Où  toujours  l'amoureux  soulève  un  pan  dé  tente 
Et  se  retire  peureux, 

Et  le  veilleur  des  tours,  tandis  que  s'en  part  le  pèle- 
rin, en  guise  de  conclusion,  reprend  sa  chanson  lente  et 
le  manoir  retombe  en  sa  tombe  de  silence. 


■,>«'tç-ir»jç.i,%-!:.: 


278 


VART  MODERNE 


L'autre  poème  :  Reyam  est  une  réalisation  d'espoir 
autant  que  le  premier  est  la  déception. 
L'amour  y  chante  : 

Cest  l'heure  attendue  : 
Mon  ami  de  mes  rivée  et  de  ma  vie  l'en  revient 
vers  notre  chambre  de  nos  baisers. 
La  nuit  se  fait  plus  claire  aux  vitraux  de  la  chambre, 
l'argent  lunaire  rit  aux  fleurs  d'or  des  divans, 
voici  le  silence  de  la  nuit 
l'heure  en  ftte  de  la  nuit. 
Un  seul  bruit  passera  sur  la  terrasse  du  palais 
celui  de  son  pas  vers  mes  baisers. 

0  Nuit  vAtue  de  noire  chevelure  piquée  d'astres 

d'astres  d'or  mat,  d'astres  en  diamants. 
JN'ouB  voici  qui  partons  notre  sommeil  d'amants 
vers  toi,  notre  sœur  étemelle  et  solitaire. 
Et  lu  nous  ris  de  toutes  tes  étoiles 
Nuit  abondante  qui  nous  enveloppe  de  son  voile. 

Ces  deux  poèmes  qui  se  passent  dans  le  vague  des 
temps  sont  d'une  conception  universelle,  spécialisée 
des  préoccupations  littéraires  de  l'heure.  Ils  s  apparen- 
tent aux  lyrismes  wagnériens,  à  ces  données  fondamen- 
tales de  passion  et  de  rêve,  qui  enserrent  soit  entre 
leurs  mailles  versifiées  soit  entre  leurs  textures  musi- 
cales l'essentiel  du  cœur  et  du  drame  de  telle  pensée. 
Pour  l'exprimer  on  a  recours  à  des  moyens  spéciaux,  à 
des  affabulations  légendaires,  à  des  formes  flottantes  et 
amples  et  surtout  à  ce  qui  est  la  poésie  pure,  c'est-à-dire  : 
l'imagination  figurative  et  émotionnelle.  Ce  serait 
rabaisser  la  signification  de  ces  poèmes  que  de  discuter 
à  leur  occasion  la  question  du  vers  libre  et  de  ressasser 
cette  question  si  simple  en  elle-même,  mais  que  les 
disputes  embrouillent  et  futilisent.  Pour  nous,  les 
beautés  indiscutables  de  certains  mots,  le  mariage 
exquis  de  tels  deux  termes,  nous  les  oublions  à  entendre 
les  rythmes  déroulés  à  travers  l'ensemble  et  si  bellement 
épanouissant  l'idée,  que  nous  ne  croyons  pas  avoir 
entendu  jamais  plus  adéquates  harmonies. 

Dans  la  dédicace  de  son  livre  à  M*""  Elisabeth  Kahn, 
l'auteur  imprime  : 

(Ces  vers)  •  ils  sont  durs  et  bizarres  mais  aimants  •. 

Aimants  certes,  bigarres  parfois  —  mais  durs?  Nous 
avouons  ne  pas  admettre  ce  qualificatif.  M.  Kahn 
évite  toute  rudesse  et  toute  fausse  sonnance  qui  n'au- 
raient que  faire  en  son  art,  triste,  comme  nous  l'avons 
dit  plus  haut,  mais  si  aériennement  pavoisé  d'images  de 
soie. 

Quand  nous  avons  dit  qu'entre  les  deux  jpoèmes  de 
son  seuil  et  de  son  abside,  le  livre  s'émiettatt  en  chan- 
sons, nous  n'avons  donné  à  cet  imparfait  aucune  signi- 
fication déprimante.  En  efiet,  bien  de  ces  chansons 
s'affirment  purement  très  belles.  Elles  sont  des  désirs 
vers  la  femme,  des  louanges  de  sa  splendeur,  des  sacri- 
fices devant  son  mystère,  des  espérances  en  encensoir, 
des  caresses  en  prière,  des  aveux  et  des  craintes  comme 
dans  la  Nuit  sur  la  Lande  ;  puis  des  plaintes  et  des 
navrances  et  des  pleurs  comme  dans  Soir  par  la  ville  ; 
puis  l'âcreté  du  bonheur,  les  choses  vinoicatrices,  les 
passés  cruels,  l'âme  perdue,  en  un  mot  les  désespoirs 
dans  Lieds,  puis  dans  Eventails  tristes,  qui  précèdent 
immédiatement  le  poème  d'amour  final,  cette  pièce  de 
douceur  et  de  pardon  : 

Mon  àme,  pardonnons-nous  ;  quels  tarots 
nous  eussent  prédit  nos  solitudes  ! 
Mon  àme,  pardonnons-nous  ces  trots  dans  les  solitudes. 
Ma  compagne  des  veillées  Acres,  veillons  ensemble. 


ïa  parler  dea  désespoirs  dat  solitudeat  aoooude-lol 

n  parmi  les  ruines  «eus  U  passage  de  la  bord* 

rMueiUa-ioi. 

Au  bois,  !«•  M  des  enlanta  morts  sonnent  des  musique*  extatiques, 
dai  échos  se  lèvent  et  murmurent  léthargiques 
•4  Vos  imes  endormes-Tous,  ton  àme  garde-toi.  — 

Et  voilà  ce  livre  vers  lequel  s'en  va  notre  très  vive 
et  grande  admiration.  Nous  avons  tâché  principalement 
de  l'examiner,  mais  si  nous  devions  en  écrire  la  victoire, 
certes  serions-nous  aussi  explicites. 

  propos  de  la  phalange  de  néo-poètes  dont  M.  Kahn 
fait  partie,  le  n»  57  de  la  Revue  indépendante  (juillet 
dernier)  a  publié  sous  le  titre  Fiasco  symboliste  et 
avec  la  signature  de  MM.  Gaston  et  Jules  Coutnrat, 
une  étude  faite  pour  étonner.  Â  des  hommes  tels  que 
Stéphane  Malarmé,  Henri  de  Régnier,  Francis  Vielé- 
QrifBn,  Gustave  Kahn,  ils  osent  dire  :  Taisez- vous, 
vous  êtes  des  vaincus!...  Taisez- vous  et  travaillez! 

Pareille  inconscience  de  la  valeur  du  mouvement 
littéraire  institué  par  ces  écrivains,  et  de  l'évolution 
poétique  contemporaine,  est  fâcheuse,  surtout  quand 
elle  reçoit  accueil  dans  une  revue  qui  s'était  fait  un  bon 
renom.  On  a  donné  à  cet  article  la  première  classe  et  il 
apparaît  comme  une  déclaration  de  guerre.  Tant  pis 
pour  la  Revue  indépendante  et  pour  les  Siamois  qui 
acceptent  cette  responsabilité  qui  ne  fait  pas  honneur. 

On  pourrait,  pourtant,  espérer  en  avoir  fini  avec  ces 
querelles  stériles,  qui  apparaissent  surtout  comme  de 
mesquines  rivalités.  Il  semblait  que  chacun  se  rendait 
compte  qu'à  notre  époque  littéraire  destructive  des 
formes  usées  et  constructive  de  formes  neuves,  la 
sagesse  et  la  justice  étaient  d'admettre  et  de  favoriser 
tous  les  efforts  en  attendant  l'éclosion  complète  de  l'Art 
neuf  encore  indécis. 


^ALON     TRIENNAL    D'^NVERg 

(Second  article.) 

An  Très  Saint  Temple  de  Très  Sainte  Nullité. 

Eb  bien  oui,  qu'on  leur  accordé  la  pitié  qu'ils  impiorenl  ;  qu'on 
délivre  ces  doux  et  généreux  organisateurs  de  ce  Salon  triennal 
de  la  meule  qui  les  poursuit  et  qui  leur  fait  si  furieusement  battre 
des  bras  l'air  lourd  ù  remuer,  en  ces  salles,  comme  les  tristesses 
qui  se  couchent  sur  l'âme.  Qu'on  les  délivre  de  l'effroi  du  cauebe- 
mar  dont  ils  ne  ponrraic&l^ae  délivrer  qu'en  criant;  et  c'est,  cbez 
eux,  le  silence,  le  silence  écrasant  que  personne  n'a  la  puissance 
de  rompre;  le  silence  des  terres  sans  atmosphère,  des  terres 
mortes,  des  terres  noires;  l'irrémédiable  silence  de  ces  salles  où 
ils  se  sont  condamnés  ii  mourir  pour  y  avoir  bouché  toute 
échappée  sur  la  radieuse  et  vivifiante  clarté  de  l'art  nouveau,  de 
l'art  de  l'avenir  I  Notre  pitié  est  acquise  à  celte  agonie  où  leurs 
facultés  s'affaiblissent  au  point  de  confondre  une  critique  fièrement 
indépendante  el  désintéressée,  à  coup  sûr,  avec  telles  manopuvres 
journalistiques,  surtout  inspirées  par  une  rivalité  mesquine  de 
ville  V  ville,  ou  tout  autre  mobile  'dont  la  presse  est  l'agence 
coulumière  et  méprisable  I 

N'ont-ils  pas  trouvé  assez  de  force  pour  qualifier  dans  l'avant- 
dernier  rlle  qu'ils  pousseront,  notre  auitude  «  d'indignité  t  » 
Evidemment  serait-il  plus  prudent  de  nous  mettre  &  distance  pour 


.l'^s^K--"  «•''■■■  -^' 


tÊSii 


L'ART  MODERNE 


279 


voir  crever  la  voMie  —  k  laquelle  ils  onl  convié  jusqu'h  l'arrière- 
gtrde  des  bouches  pour  la  gonfler  —si  nous  ne  voulons  pas  élre 
pollués  par  la  «  mauvaise  humeur  »  qui  s'en  épandra  1 

C'eil  nous,  pluUit,  qui  devrions  nous  excuser  près  de  nos  lec- 
teur! de  l'esclandre  et  des  rudes  coups  d'épaule  qu'il  faut  donner 
— mais,  grftce  k  Dieu,  ne  nous  sentons-nous  pas  épuisés!  — afin 
d'arriver  un  peu  librement,  b  travers  l'hostile  et  immortelle 
Nullité,  h  rendre  notre  dévotion  aux  très  réels  artistes  qui  s'y  sont 
égarés  et  i  peser  notre  admiration  I 

Absolue  pour  cette  géniale  œuvre  —  le  portrait  du  vieil  empe-' 
pereur  OuiUaume!  —  La  place  où  elle  append  se  nantit  pour 
nous  désormais  du  pouvoir  d'évoquer — comme  de  clarté  celle  où 
fut,  il  y  a  quelque  douze  ou  quinze  ans,  accroché  le  Bar  de 
NANiTt  —  l'émouvante  profondeur  de  ces  yeux,  la  poignante 
dolenee  de  cette  exsangue  face  de  vieillard  I 

Ainsi  la  fallait-il,  résumée  pour  l'Histoire,  cette  pitoyable 
figure  du  vieux  roi,  acculé  |)ar  le  despotisme  de  l'esprit  orgueilleux 
et  volontaire,  auquel  il  était  anormalement  accouplé  ! 

Ces  yeux,  ces  yeux  voilés  d'infinie  tristesse,  tristes  comme  ceux 
d'une  femme  qui  gravit  —  comme  lui  —  le  calvaire  d'une  union 
mal  assortie,  et  aflirmeni  le  poids  des  convenances  observées,  des 
rapporta  maudits  au  fond  de  soi  et  l'effroi  de  l'œuvre,  monstrueuse 
ensuite,  hors  d'eux,  —  ici,  celte  Allemagne  unifiée! 

Il  s'affaissa  \i,  en  l'habituelle  humilité  devant  celui  qui  pour 
ne  pas  être  visible  en  l'espace  limité  par  cette  bordure  d'or  vieil, 
n'en  n'est  pat  moim  prêtent.  Ce  sera  la  gloire  éternelle  de  von 
Lknbach  d'avoir  noté  ainsi  Guillaume  I",  empereur,  dépourvu  du 
faux  air  qu'il  avait  consigne  de  prendre  —  et  qui  menaçait  d'his- 
toriquement s'accréditer  —  aux  heures  d'apparat  et  de  parade  — 
portraituré  ainsi  n'aurail-il  incarné  qu'une  convention  abstraite, 
le  suprême  pouvoir!  — et  de  l'avoir  fait  revivre  pour  nous  en 
l'intimité  vraie  de  sa  nature  propre  et  de  son  ftme. 

C'est  que  nous  l'aimons  maintenant,  ce  vieil  empereur;  nous 
l'aimons  de  toute  notre  pitié  ce  plus  puissant  homme  de  la  Terre  ; 
nous  l'aimons  ii  cause  de  sa  pesante  charge  et  de  l'inutilité  de 
ses  victoires  et  de  son  apothéose. 

C'est  il  se  demander  pourquoi  ou  a  toléré  i  cette  cour,  si 
éminemment  vaniteuse  et  militaire,  la  menaçante  présence  de  ce 
peintre  qui  allait  en  laisser  une  physionomie  si  essentiellement 
bourgeoiu  et  timpU.  Car  c'est  une  personnalité  très  étrange  et 
très  sympathique  et  dont  l'énorme  prestige,  dans  cette  Allemagne 
qui  incarne,  en  art,  toute  la  quincaillerie  et  tout  le  mauvais  goûi, 
ne  s'explique  pas  plus.  Et  n'était  une  alliance  princière  — 
aCIrme-t-on  —  eût-il  eu  raison,  —  malgré  son  génie  —  du  dépit 
des  .péronnelles  mafilues  que  son  insouciance  aura  insultées 
autant  que  son  expresse  et  dédaigneuse  inattention  pour  ces 
orgueilleux  porte-éperons  qu'il  aura  croisés  dans  les  vestibules  du 
palais  impérial.  Lenbach  est  bien,  i  cause  de  son  procédé  mou, 
terne  et  glaireux,  le  peintre  le  plus  incapable  que  je  connaisse  de 
peindre  toute  joie,  toute  exubérance,  toute  féminité;  et  je  pres- 
sens, en  lui,  un  incommensurable  dégoût  du  fnste.  Il  est,  en  ce 
moment,  le  peintre  né  pour  définir  les  traits  des  grands  hommes 
et  lui  faut-il  l'altrail  d'une  supériorité  ou  d'une  grandeur,  sinon, 
comme  devant  tel  monsieur  premier-venu  Allemand  descend-il  ^ 
la  vacuité  du  portrait  quelconque. 

Plus  qu'il  n'y  parait  à  première  vue,  son  art  est  parallèle  ii 
celui  de  Raffaëlli;  et  les  œuvres  de  von  Lembach  seront  un 
appoint  aussi  considérable  k  la  doctrine  du  «  caracléritme  »  que 
les  œuvres  du  maître  fiançais  lui-même!  Même  que  les  toiles  du 


portraitiste  allemand,  sous  leur  forme  plus  coulante  ou  plus 
superficielle,  trahissent  une  plus  grande  acuité  d'observation 
caractériaiique  qu'en  ces  u  Deux  ancietit  »  pratiqués,  pourtant, 
par  un  procédé  plus  incisif,  beaucoup  plus  mordant.  Cela  tient-il 
surtout  au  fond  peu  correspondant  de  lumière  et  Je  signification  ; 
ce  fond  peu  précis  de  banlieue  parisienne  sur  lequel  se  silhouet- 
tent ces  deux  captivantes  têtes  de  vieux  Juifs,  qui  mieux  ailleurs 
que  Ik  se  spécialiseraient. 

N'importe,  ils  sont  ces  deux  têtes  où  s'inscrivent  tous  les 
instincts  de  cette  répulsive  race  sémitique,  une  des  transcriptions 
les  plus  méritantes,  les  plus  bellement  peintes  de  Raffaëlu. 

L'orientation  naturelle  de  l'art  des  forts  se  révèle  donc  vers  ces 
recherches  —  que  reprendront  bientôt,  il  faut  le  croire,  avec  tout 
l'acquis  d'une  notation  neuve  et  scientifique  des  couleurs,  Ceux 
qui  momentanément  ne  se  préoccupent  que  de  ces  seules  et 
spéciales  éludes  —  du  caractère  et  de  l'intensilé  de  vie  physique. 

Le  J^'aucfteurde  Constantin  Meunier  souligne  l'un  ;  mais,  ici, 
manque-t-il  trop  malheureusement  de  l'espace  qu'il  faudrait  et  de 
l'horizon  pour  imposer  toute  l'ampleur  de  son  geste  ;  et  ce  suprême 
u  Eeu  homo  »  —  qui  s'affilie  aux  inoubliables  figurines  de 
Georges  Minne,  vit  de  l'autre.  Car  il  y  a  plus  qu'une  sculpture 
qui  donne  l'illusion  de  n'être  pas  froide  au  loucher,  il  y  a —  mais 
pourquoi  cette  transcription  en  de  la  littérature?  —  la  lassitude 
dont  il  ne  réveillera  plus  de  ce  corps  qui  s'est  élire  sous  lu 
lanière  de  toutes  les  risées,  de  toutes  les  ignominies  ;  la  pitoyable 
dépouille  de  celui  qui  se  désespère  surtout  k  cause  de  sa  bonté 
incomprise.  C'est  le  souvenir  des  (lasques  chairs  creusées  de  ceux 
qui  supplicient  le  travail  et  les  catastrophes  et  l'angoisse  morale 
et  toutes  les  désespérances  qui  ont  visité  son  kme  de  très  grand 
artiste  que  MEinnKR  a  pétris  pour  cette  image  du  Dieu  fait  homme. 

tt  Voilk  l'bomme  »  est  impropre,  ici,  comme  il  l'a  toujours  été; 
car  c'est  le  symbole  plutôt  qu'il  incarnait,  la  personnalité  du 
Christ  idéale  qui  furent  exposés  aux  brûles  et  Meunier  a  affalé  au 
poteau  ce  hkve  et  allongé  cadavre  du  Rêve,  l'effondrement  pileux 
et  décharné  d'un  idéal. 

tt  Voilk  le  Rêve  »  s'était  imaginairement  inscrit  de  toul  temps 
sur  l'écrileau  et  d'aucuns  l'y  onl  lu  qui  ne  sont  pas  les  plats  nar- 
rateurs des  faits  divers  de  I'  k  Histoire  du  Roi  des  Juifs!  » 

Et  la  fatalité  de  la  prédiction  rayonne  d'autant  plus  intensément 
qu'elle  s'est  incarnée  en  lin  dont  le  corps  est  comme  celui  de 
nous- même. 


LA  QUESTION  DES  MUSÉES 

Monsieur  le  Directeur  de  F  Art  moderne, 

Voici  de  nouveaux  éléments  k  ajouter  k  votre  cueillette  de  griefs 
qui  est  en  train  de  former  une  si  belle  auréole  autour  des  fronts 
impassibles  de  ces  messieurs  de  la  Commission  des  Musées. 

Fait-on,  de  temps  k  autre,  un  récolemeni  des  œuvres  d'art? 
Y  a-t-il  un  contrôle  périodique  de  ces  richesses?  Y  a-l-il  quelque 
part  un  inventaire  sérieux  et  tenu  à  jour  1  Ou  bien  se  conlenle- 
t-on  des  paperasses  administratives,  difficiles  k  manier  et  a  con- 
sulter ?  Pourrait-on  indiquer  une  date  k  laquelle  il  aurail  élé  fait 
un  examen,  sur  place  cl  à  pied  d'œuvre,  de  ce  qui  existe  réelle- 
ment et  de  ce  qui  devrait  se  retrouver?  Ne  se  cootcnle-t-on  pas 
de  la  foi  en  la  fidélilé  des  gardiens  et  du  trou  que  ferait  dans 
le  panneau  une  œuvre  disparue  ? 

Nota.  —  L'observation  de  notre  correspondant  nous  paraît 


•  ■]  »  ..-Tî^'^f ''ï««r;%^»*^'Tr»|çjp^4:J!^^ 


très  pertinente.  Nous  la  signalons  spécialement  i  M.  De  Burlet, 
ministre  des  beaux-arts.  Nons  espérans  qu'il  a'anttreniMin  retard 
de  la  situation  qui,  !i  ce  point  de  vue  spécial,  paraît  grave.  Ce  ne 
serait  qu'uue  preuve  de  plus  de  l'anarchie  et  du  saos-géne  qui 
régnent  en  nos  musées,  où  l'on  n'est  attentif  que  lorsque  M.  Gau- 
chez  ou  ses  sosies  arrivent  proposer  un  de  ces  mirifiques  achats 
qui  font  son  profit  et  notre  gloire. 

A  ce  propos,  quand  s'expliquera-l-on  sur  les  singulières  préfé- 
rences données  ù  celte  maison  ?  Est-ce  que  les  très  habiles  gens 
qui  se  sont  occupés  de  ces  affaires  espèrent  qu'en  faisant  les  morts 
l'orage  passera  sans  les  atteindre?  Ignorent-ils  que  cette  attitude 
étrange  suscite  partout  des  soupçons  dont  ils  sont  seuls  à  ne  pas 
se  douter?  Fonctionnaires  publics,  ils  relèvent  de  l'opinion,, 
celle-ci  a  le  droit  de  les  interroger,  ils  ont  eux  le  devoir  de 
répondre.  S'il  ne  le  font  pas,  gare  à  eux! 

Ajoutons  qu'il  vient  de  nous  arriver,  au  sujet  du  Quentin  Melsys 
du  Musée,  des  renseignements  qui  nous  font  encore  demander  i 
ces  messieurs  :  u  Quand  un  tableau  est  remis  à  un  de  ces  per- 
ce sonnages  qui  doivent  les  réparer,  surveiile-t-on  son  travail? 
u  Ou  bien  est-il  libre  d'agir  à  la  guise  de  son  ignorance  et  de  sa 
<>  sottise  ?  »  Di  manche  prochain  nous  préciserons  en  racontant  une 
étonnante  affaire  dont  les  détails  viennent  d'un  homme  qui  ne 
sera  pas  suspect  à  ces  messieurs  :  le  ci-devant  académicien 
Adolphe  Siret,  directeur  du  Journal  des  Beaux-Arlt. 


FESnVAL  BENOIT  A  BLANKENBERGHE 

(Correspondance  particulière  de  /'Art  moderne.) 

Après  Vincent  d'Indy,  le  chef  de  la  jeune  école  française.  Peter 
Benoit,  le  maître  flamand,  a  donné,  le  U  de  ce  mois,  un  festival 
de  ses  œuvres.  Vraiment,  on  fait  bien  les  choses,  à  Blankenberghe, 
et  l'on  y  mène  très  artistiquement  la  campagne  musicale. 

L'année  passée,  c'étaient  les  concerts  Wagner  et  Jan  Blockx, 
comine  points  culminants  de  la  saison  ;  cette  année,  nous  avons 
eu  d'Indy  et  Benoit.  Cela  n'est  point  banal,  et  tout  à  l'honneur  du 
jeune  chef  d'orchestre,  M.  J.  Goetinck. 

Disons  tout  d'abord  que  le  festival  flamand  a  admirablement 
réussi  ;  la  salle  était  comble  et  l'est  restée  jusqu'à  la  fin.  Applau- 
dissements enthousiastes,  ovations  sans  fin,  rappels  et  couronnes, 
rien  n'a  manqué  pour  donner  au  succès  de  celte  fêle  les  propor- 
tions d'un  véritable  triomphe.  Et  c'était  justice  ! 

Le  programme  était,  pour  ainsi  dire,  le  résumé  de  l'œuvre  du 
maître  anversois  ;  depuis  l'ouverture  A' Elsenkoning  (composée  en 
1859)  jusqu'aux  fragments  du  Rhijn  (1889)  il  comprenait  une 
série  de  compositions  qui  permettent  de  suivre  son  génie  dans 
presque  toutes  ses  phases  et  placent  en  pleine  lumière  la  variété 
de  ses  inspirations. 

Mettons  d'abord  hors  de  p^itJoncfrouKathelijne,  ce  monologue 
où  la  veuve  du  tribun  Jacob  Van  Artevelde,  sacrifiant  sa  ven- 
geance i  la  patrie,  va  porter  aux  assassins  de  son  époux  ses 
bijoux,  pour  venir  en  aide  à  la  Flandre  menacée. 

Celle  œuvre  dénote  chez  Peler  Benoit  une  puissance  drama- 
tique exceptionnelle;  l'orchestration,  très  polyphonique,  s'adapte 
au  poème  d'une  façon  adéquate  et  produit  des  effets  d'une  dou- 
loureuse intensité.  —  Quelle  belle  page  aussi  que  le  Salut  au 
Rhin,  splendide  péroraison  sympbonique  de  la  1"  partie  de  cet 
oratorio  profane.  C'est  l'expression  de  la  .profonde  admiration 


d'un  poète,  contemplant  le  grand  fleuve  germanique,  Valer  Rhein, 
comme  disent  les  Allemands. 

L'ouverture  de  CharloUe  Corday,  de  si  savante  facture,  est  une 
page  sympboaique  de  premier  ordre;  elle  forme  la  synthèse  du 
drame  auquel  elle  sert  de  préface  ;  les  motifs  de  Cbarlolle,  de  son 
amour,  celui  de  Marat,  la  Carmagnole  stridente  et  farouche,  domi- 
nés par  les  accents  de  la  Harseillaise,  symbolisant  la  Liberté, 
tout  cela  donne  à  celle  ouverture  le  caractère  grandiose  d'un 
fragment  d'épopée. 

Quelle  poésie  émue  et  profonde  dans  le  poème  pour  flûte  et 
orchestre  ;  la  rêverie  est  d'un  charme  pénétrant  et  la  danse  des 
feux-follets  très  caractéristique,  très  originale.  Mais  aussi  quel 
admirable  interprète  que  le  flûtiste  Anlhoni,  dont  le  jeu  a  mis  en 
relief  toutes  les  beautés  de  celle  œuvre  qui  forme,  avec  le  con- 
certo de  piano,  le  couronnement  do  cycle  des  Conta  ei  Bal- 
lades. 

La  partie  vocale  du  concert  était  tenue  par  M*»  Henriette  Cuve- 
lier,  une  jeune  et  jolie  cantatrice,  récemment  couronnée  au  Con- 
servatoire royal  de  Bruxelles,  et  M.  Henri  Fontaine,  professeur 
de  l'Ecole  de  musique  d'Anvers.  La  première  a  chanté  deux  mélo- 
dies (la  Rose  et  Mon  cœur  est  plein  de  désirs)  d'une  façon  char- 
mante quoique  un  peu  froide,  peut-être.  Sa  voix  souple  et  très 
élendue  a  fait  merveille  dans  Joncfrou  Kolhelijne. 

M.  Fontaine,  dont  une  récente  tournée  en  France  a  grandi  la 
réputation,  a  chanté  A/i7nAfo«d«rf;)raa/E,  captivante  mélodie, avec 
accompagnement  de  harpe  et  de  quatuor,  et  qui  a  été  bissée;  le 
Chant  d" Artevelde  (de  l'oratorio  de  Schelde)  et  deux  fragments  du 
Rhijn,  la  Chanson  de  la  Moselle,  pleine  de  charme  et  d'humour, 
et  la  LoreleiSaga,  où  le  compositeur  a  admirablement  tiré  parti 
du  motif  populaire  de  la  ballade  allemande. 

L'exécution  a  été  irréprochable,  vibrante  d'enthousiasme,  ce 
qui  ne  pouvait  manquer,  avec  un  orchestre  de  vrais  artistes 
comme  celui  du  Casino  de  Blankenberghe  et  sous  une  direction 
comme  celle  du  maître  anversois. 

La  direction  du  Casino  paraît  décidée^ir^ne  pas  s'en  tenir  là;  on 
projette  pour  l'été  prochain  l'exécution  intégrale  d'un  oratorio  de 
Peter  Benoit,  avec  les  chœurs  d'Anvers  et,  dans  ce  but,  des 
mesures  seront  prises  dès  l'hiver.  Ce  sera  une  entreprise  digne  de 
la  réputation  artistique  du  Casino  de  Blankenberghe,  et  un  hom- 
mage au  génie  du  maître  flamand,  dont  la  gloire  rayonnera  pure 
et  sereine,  à  travers  les  temps,  à  cûté  de  celle  des  Schnmann  et 
des  Berlioz.  L.  L. 

Chronique  judiciaire  de?  ^RT^ 

Bngacement  thé&tral.  —  RA1«  en  partac*-  —  Droit 
da  directenr. 

Si  la  clause,  acceptée  par  un  acteur,  de  jouer  en  chef  mais  en 
partage,  au  choix  de  l'administration,  donne  le  droit  au  directeur 
du  théâtre  de  distribuer  les  râles  que  pourrait  remplir  cet  acteur 
à  d'autres  artistes,  s'en  suit-il  que  ce  directeur  ail  le  droit  de 
retrait  des  rôles  sans  motifs  légitimes  et  fondés? 

Celte  question  a  été  résolue  négativement  par  le  tribunal  de 
Commerce  de  Nice  en  faveur  d'un  ténor  connu  à  Bruxelles, 
H.  Ibos.  Voici  les  principaux  considérants  de  la  décision  : 

«  Le  Tribunal, 

Attendu  que,  le  i  octobre  1890,  Ibos,  artiste  lyrique,  a  été 
engagé  par  Gunsbourg,  directeur  du  Théâtre  municipal  de  Nice, 
comme  premier  ténor  dans  le  grand-opéra  et  opéra  comique,  aux 


?ifP15^35?^V'-'-'^- 


appoinlemenif  de  6,000  francs  par  mois,  pour  onze  représenla- 
lions  mensuelles,  avec  condilion  que  toute  représentation  en 
moins  pour  cause  de  maladie  donnerait  lieu  il  la  retenue  du 
onzième  des  appointements  mensuels  ; 

Attendu  que  Ibos  a  accepté  de  jouer  en  chef  ou  en  partage  au 
clioix  de  l'administration  pour  les  dits  emplois; 

Attendu  qu'il  est  établi  au  procès  que  Gunsbourg  a  confié  ii 
Ibos  le  rôle  d'Henry  de  Richemond  dans  l'opéra  Richard  III, 
dont  il  lui  a  remis  les  premier  el  deuxième  actes; 

Que  l'annonce  de  cette  représentation  extraordinaire,  portant 
le  râle  d'Henry  de  Richemond  par  Ibos,  a  été  faite  dans  le  Journal 
de  Paris,  le  Figaro,  du  10  novembre  1890,  dans  laquelle  il  était 
dit  que  la  critique  parisienne  serait  conviée  il  la  représentation  ; 

Que  r«lte  annonce  a  été  reproduite  |>ar  les  journaux  de  Nice  : 
Le  Petit  Niçois,  L'Eclaireur  et  Le  Phare; 

Attendu  que  le  13  janvier,  au  moment  où  les  artistes  réunis 
allaient  commencer  la  première  répétition  de  Richard  III, 
Gunsbourg  a  retiré  ii  Ibos  le  rôle  d'Henry  de  Richemond  pour  le 
confier  au  sieur  Saléza  ; 

Attendu  que  si  la  clause  acceptée  par  Ibos  de  jouer  en  chef, 
mais  en  partage,  donne  le  droit  au  directeur  de  distribuer  les  râles 
de  ténor  k  d'autres  artistes,  il  ne  s'en  suit  pas  qu'il  ait  le  droit  de 
retrait  des  rôles  sans  motifs  légitimes  et  fondés 

Attendu  que,  dans  ces  conditions,  le  retrait  du  rôle  par  Guns- 
bourg a  tous  les  caractères  d'un  acte  arbitraire,  d'un  abus  d'auto- 
rité violant  la  convention  des  parties  et  portant  atteinte  ^  la 
réputation  artistique  d'Ibos,  dont  Gunsbourg  avait  apprécié  la 
valeur  en  consentant  à  annuler  dans  le  contrat  la  clause  relative 
au  droit  de  résilier  à  la  fin  du  premier  mois » 

En  conséquence,  le  tribunal  a  déclaré  l'engagement  résilié  et 
condamné  le  directeur  il  payer  13,000  francs  à  l'artiste  ii  titre  de 
dommages-intérêts.  


Petite  chroj^ique 


La  compétition  des  chefs  d'orchestre  b  l'Opéra  de  Paris,  a  pris 
fin  k  la  suite  de  cette  décision  inattendue  du  nouveau  directeur, 
M.  Bertrand  :  M.  Colonne,  qui  devait  porter  le  titre  de  Directeur 
des  études  musicales,  a  été  nommé  premier  chef  d'orchestre.  Il 
aura  comme  seconds  chefs  HM.  Madier  de  Monjau  et  Taffanel, 
qui  conduiront  il  tour  de  rôle  les  représentations. 

M.  Taffiinel  est  l'excellent  flûtiste  que  nous  avons  eu  plusieurs 
fois  l'occasion  d'applaudir  k  Bruxelles.  Il  a  pris  possession  du 
pupitre  la  semaine  dernière  el  a  dirigé  l'exécution  de  Sigurd. 
Le  Oaulois  raconte,  k  propos  de  celte  représentation,  que 
M.  Taffanel  ayant,  au  deuxième  acte,  fait  reprendre  quelques 
toiesores  de  la  partition  pour  permettre  à  la  fumée  d'entrer  en 
tcène  (Tîî),  le  ténor,  M.  Sellier,  soit  qu'il  n'eût  pas  compris  le 
signal  du  chef  d'orchestre,  toit  pour  une  autre  raison  (???)  ne 
recommença  pas  la  phrase  qu'il  avait  dite.  Aussitôt  M.  Taffanel 
la  chanta  pour  lui,  en  même  temps  que  celle  des  trombones  (VA). 

Nous  ne  nous  doutions  pas  que  cet  artiste  distingué  possédât 
une  telle  variété  de  talents,  ni  surtout  qu'il  pût  les  exercer  simul- 
tanément. Grâce  au  Oaulois,  nous  voici  édifiés. 

Dans  un  village  du  déparlement  de  l'Aube,  à  Colombé-Ie-Sec, 
où  la  viticulture  est  surtout  en  honneur,  on  vient  de  représenter 
entre  gens  du  pays  le  Crime  de  Faverne,  un  drame  qui 
est  encore  plus  difficile  à  monter  que  le  Cœur  et  le  Sang,  l'œuvre 
en  vogue  cette  annéa  dans  les  ihéâlres  de  société  du  Paris  aristo- 


cratique, et  le  succès  a  été  tel  qu'une  seconde  représentation  a  dû 
être  donnée  k  huit  jours  de  dislance  de  la  première.  Notez  qu'il 
ne  s'agit  pas  Ik  d'une  pièce  jouée  par  des  bourgeois  de  campagne 
avec  le  concours  de  quelque  vieil  artiste  retiré  dans  le  puys  ; 
tons  les  interprètes  de  la  pièce  sont  gens  travaillant  eux-mêmes  i 
la  vigne  el  aux  champs,  leurs  propres  biens  d'ailleurs,  des 
paysans  pour  de  bon;  peinant  dur  tout  le  long  de  l'année,  ils  ne 
lésinent  pas  aux  jours  de  liesse  qu'ils  s'accordent;  décorateurs, 
metteurs  en  scène,  aucun  concours  n'avait  été  négligé  pour 
assurer  la  réussite  é^l  spectacle.  La  salle,  ornée  de  fleurs  et  de 
verdure,  offrait  un  aspect  des  plus  agréables,  et  la  musique  de  la 
fanfare  charmait  les  entr'actes. 

Le  directeur  du  ThéAtre  Libre  a  fui  Paris,  et  il  s'est  réfugié  au 
fond  de  la  Bretagne,  k  Camarci,  dans  un  fortin  construit  par 
Vauban. 

Lk,  pense-t-il,  il  sera  peut-être  k  l'abri  des  auteurs  qui  préten- 
dent se  faire  jouer  par  sa  troupe.  Il  était  temps  de  se  retrancher 
ainsi  dans  une  place  forte.  Le  courageux  Antoine,  ayant  voulu 
demeurer  jusqu'au  bout  k  Paris,  n'a  pas  essuyé,  avant  de  fuir, 
moins  de  quatre  cent  soixante-douze  manuscrits. 

Et  il  va  les  lire  ! 

Ça  lui  en  fait  k  peu  près  dix  par  jour.  C'est  gentil. 

Hais  voilk  qu'k  la  dernière  heure,  on  annonce  qu'un  train  de 
plaisir  s'organise  pour  Carmaret.  Toute  la  jeunesse  littéraire  cl 
symboliste  se  mobilise  pour  aller  assiéger  Antoine  dans  son  forlin. 

Que  Dieu  le  garde!  (OU  Bios.) 

Plus  nous  allons,  et  plus  tout  ce  qui  émerge  de  l'universelle 
médiocrité,  tout  ce  qui  porte  une  force,  en  soi,  force  sociale,  force 
pensante,  force  artiste,  vient  du  peuple.  C'est,  dans  le  peuple, 
encore  vierge,  toujours  persécuté,  que  se  conservent  et  s'élaborent 
les  antiques  vigueurs  de  notre  race.  Nos  bourgeoisies,  épuisées 
de  luxe,  dévorées  d'appétits  énervants,  rongées  de  scepticisme,  ne 
poussent  plus  que  de  débiles  rejetons  inaptes  au  travail  el  k 
l'effort.  (Octave  Mirbeau.  —  Echo  de  Paris.) 

Une  Exposition  internationale  ihéitrale  et  musicale  est  sur  le 
point  de  s'organiser  k  Vienne.  Presque  lous  les  Musées  el  les  Con- 
servatoires de  l'Europe  y  prendront  part. 

Il  y  aura  k  celte  occasion  des  représentations  données  par  la 
troupe  de  la  Comédie  Française,  par  Rossi  el  par  Irving. 

Il  y  aura  enfin  un  festival  de  musique  auquel  seront  conviées 
les  sociétés  musicales  les  plus  connues. 

Le  premier  poète  qui,  dans  la  lafiguc  savamment  préparée  par 
nos  devanciers  du  Parnasse  et  par  les  écoles  contemporaines, 
exprimera  simplement  une  émotion  humaine ,  et  pleurera 
d'humbles  larmes  en  racontant  que  sa  bonne  amie  lui  a  fait  du 
chagrin,  ou  qu'elle  a  cueilli  des  pervenches  sous  les  arbres  en 
fleurs,  sera  le  maître  indubitable  des  générations  d'artistes  qui 
viendront  après  lui.  Entre  Musset  et  Verlaine,  toute  voix  sincère 
avait  fait  silence,  étouffée  par  les  rugissements  méthodiques  de 
M.  Leconie  de  Lisie,  ce  bibliothécaire  pasteur  d'éléphants.  Cette 
circonstance  est  pour  expliquer  la  fortune  sans  précédent  mais  non 
illégitime  de  Sagesse  et  de  la  Bonne  Chanson.  Quant  aux  psycho- 
logues, MM.  Bourget  el  Barrés  ayant  contracté  d'opulents 
mariages,  l'école  a  certainement  accompli  sa  destinée,  tout  aussi 
bien  que  le  héros  Siegfried  quand  il  eui  reconquis  le  fameux . 
anneau.  (Interview  de  M.  iMurenl  Tailhade,  par  M.  Jules  Huret 
dans  son  Enquête  sur  le  mouvement  littéraire  contemporain.) 


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ONZIÈME  ANNÉE 

L'ART  MODERNE  s'est  acquis  par  l'autorité  et  l'iriSépendanoe  de  sa  critique,  par  la  variété  de  ses 
informations  et   les  soins  donnés  à  sa  rédaction  une  place  prépondérante.  Aneune  manifestation  de  l'Art  ne 
lui  est  étrangère  .  il  s'occupe  de  littérature,  de  peinture,  de  soulpture,  de  gravure,  de  musique, 
d'architecture,   etc.    Consacré  principalement  au   mouvement  artistique  belge,  il  renseigne  néanmoins  ses 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  l'étranger  qu'il  importe  de  connaître. 

Chaque  numéro  de  L'ART  MODERNE  s  ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  question  artistique 
ou   littéraire   dont  l'événement  de   la   semaine  fournit  l'aôtualité.  Les  expotitionr,  les  livres   nouveauoB,   les 
premières   représentations   d'oeuvres    dramatiques    ou    musicales,   les  conférences  littéraires,   les  concerts,   les 
ventes  d'objets  d'art,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.   Il  rend  compte  des 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribnnaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complète  des  expositions  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  U  est  envoyé  gratuitement  à 
l'essai  pendant  un  mois  à  tonte  personne  qui  en  fait  la  demande. 

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DmANCHK  0  Septembre  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LB    DIMANCHE 


REVUE  ORITIQÏÏE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octatb  MAUS  —  Edmond  picard  —  Éhilb  YERHAEREN 


ABONNEMENTS  :   Belgique,   un  an,   fr.   10.00  ;  Union  postale,   fr.   13.00.    —  ANNONCES  :    On  traite  à  forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  oâNÉRALB  DB  l'Art  Modome,  rue  de  Tlndustrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


Lk  Qdbntin  Mbtsts  du  Mdséb  dk  Bruxelles.  —  Les  rbliqions 

AD  THÉATKB.    —  EnQUÈTE    SUR    L'iVOLUTlON    LITTiRAIKE.    il.    Emile 

Zola.  —  Tannhausib  a  Baymuth.  —  Edmond  Roche.  —  Chro- 

Niom  JUDICIAIRE  DES   ARTS.   —   PETITE  CHRONIQUE. 


LE  QUENTIN  METSYS 

r>XJ    IL^XTSÉE    DE    BRXT2CEIL.L.ES 

Venons  au  'fait  que  nous  annoncions  dimanche  der- 
nier. Certes  il  est  prodigieux.  Et  il  s'agira  de  voir  si 
ces  Messieurs  de  la  Commission  vont  l'endosser,  l'échiné 
ployée,  comme  les  autres. 

Le  31  mai  1884,  le  Journal  des  Beaux-Arts  (et  de 
la  Littérature),  qui  avait  pour  directeur  M.  Ad.  Si- 
ret,  membre  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  etc., 
publiait  en  première  place,  sous  le  titre  :  Histoire  de 
Voleurs,  et  le  sous-titre  :  une  Histoire  incroyable 
mais  vraie,  un  article  qui  n'était  qu'une  des  suites 
d'une  étude  générale  sur  les  Superpositions  de  noms  en 
matière  de  tableaux,  les  Portraits  faux,  les  Copies,  les 
Restaurateurs  d'œuvres  d'art,  etc. 

VHistoire  incroyable  mais  vraie  venait  à  la  fin. 
M.  Ad.  Siret,  après  avoir  examiné  la  question  des  res- 


taurations et  cité  d'abominables  profanations,  disait  : 
«  J'ai  été  peut-être  un  peu  long  dans  cette  narration, 
mais  je  crois  avoir  établi,  par  cet  exemple  saillant,  qu'il 
vaut  mieux  conserver  un  original  abîmé  que  rafraîchi. 
J'en  suis  fâché  pour  les  restaurateurs,  mais  je  défends 
ici  un  principe  dont  je  ne  me  départirais  qu'en  présence 
de  retoucheurs  honnêtes,  respectueux  et  savants  -.  Puis 
il  continuait  ainsi  qu'il  suit  (ô  lecteur,  sois  attentif!)  : 
-  Il  y  a  quelques  années  un  grand  tableau  gothique 
passa  des  mains  de  son  propriétaire  besoigneux  dans  les 
mains...  d'une  administration  quelconque  pour  une 
somme  considérable.  Il  n'avait  nul  besoin  de  restaura- 
tion ;  je  m'explique  :  il  y  avait  des  boursouflures  faciles 
à  réduire,  de  la  crasse  enlevable  sans  danger,  le  bois 
s'était  fendu,  rien  de  plus  simple  que  de  le  rejoindre. 
Bref,  tel  qu'il  était,  sans  même  tenir  compte  des  petits 
soins  de  propreté  à  lui  donner,  c'était  une  merveille 
d'harmonie  dans  sa  tonalité  un  peu  uniforme,  mais 
qu'une  sorte  d'émail  délicat  avait  admirablement  fondue 
et  unifiée.  Je  vis  partir  ce  chef-d'œuvre  avec  regret  et 
j'eus  la  chance  heureuse  d'en  posséder  une  photographie 
très  bien  venue.  Hélas  !  j'avais  bien  deviné  ;  on  guettait 
et  le  tableau  alla  directement  chez  le  restaurateur  X... 
qui  s'était  engagé  à  le  retaper  à  neuf  pour...  mettons 
25,000  fr.  (Nous  sommes  loin  des  prix  doux  de  M.  Lo- 
rentl).  J'était  fort  préoccupé  de  ce  qui  allait  se  passer 
à  l'égard  du  chef-d'œuvre  et  je  résolus  de  profiter  des 


•liÉaé 


284 


U ART  MODERNE 


relations  existantes  entre  son  médecin  et  moi.  Je  mis  nne 
telle  réserve  dans  cette  surreillanoe  occulte  qae  je  finis 
par  désespérer  d'en  venir  à  mes  fins,  quand  le  hazard 
et  une  servante,  bète  à  manger  de  l'avoine,  vinrent  & 
mon  secours. 

"  Ayant  à  demander  &  mon  homme  un  renseigne- 
ment, je  me  rendis  chez  loi.  Une  bonne  me  reçut  et  me 
dit  que  son  maître  était  en  voyage.  Il  paraît  que  j'en 
eus  l'air  désespéré,  car  elle  me  demanda  si  je  ne  voulais 
pas  entrer  et  écrire  un  mot.  Sur  ma  réponse  affirmative, 
elle  voulut  m'introduire  au  salon,  mais  il  était  fermé. 
Contrarié  de  ce  contretemps,  elle  me  dit  d'attendre  un 
instant,  revint  avec  une  clef  à  la  main  et  à  la  section  de 
l'escalier  ouvrit  une  porte  et  me  fit  entrer.  Elle-même 
me  précéda  et  me  donna  ce  qu'il  faut  pour  écrire. 

«  J'étais  dans  l'atelier  du  restaurateur,  et,  qui  plus 
est,  en  face  du  chef-d'œuvre  ! 

"  Horreur!  il  avait  disparu  presque  totalement  sauf 
les  tètes  et  les  mains  religieusement  conservées.  Tout 
était  poncé  et  mastiqué  effroyablement.  On  eût  dit  les 
ruines  d'une  mosaïque  ancienne.  A  droite  et  à  gauche  du 
panneau  reparqueté,  s'étalait  une  masse  d'indications 
représentant  les  objets  disparus  et  dont  toutes  avaient 
conservé  un  fragment  peint  originairement  sur  le  pan- 
neau, plus  une  kyrielle  de  notes  servant  à  guider  le 
travail  du  retoucheur  ou  du  massacreur,  comme  on 
voudra. 

"  Très  ému  et  très  indigné  de  ce  que  je  venais  de 
découvrir,  j'oubliai  le  but  de  ma  visite  et  j'écrivis  dans 
ma  sainte  indignation  sur  le  dos  de  ma  carte  :  «  Vous 
êtes  un  bourreau  !  »  et  je  partis. 

«  Le  lendemain  X...  vint  me  trouver,  me  fit  com- 
prendre que  je  n'y  entendais  rien,  que  je  verrais,  l'opé- 
ration terminée,  ce  que  le  tableau  renfermait  de  magni- 
ficence, continua  à  me  gouailler  gaillardement  et 
m'apprit  qu'il  venait  de  mettre  à  la  porte  la  maritome 
qui  m'avait  ouvert,  laquelle  n'était  entrée  que  la  veille 
et  n'avait  pas  encore  été  stylée  par  le  maître. 

«  Ainsi  finit  l'aventure,  mais  quand  je  vis  le  chef- 
d'œuvre  mis  en  place,  je  compris  mieux  encore  la  perte 
que  nous  venions  de  faire.  X...  avait  eu  soin  des  jour- 
naux et  de  son  public  :  il  n'y  eut  qu'un  mot  d'admira- 
tion sur  toute  la  ligne  pendant  une  quinzaine  de  jours, 
mais  lorsque  l'enthousiasme  fut  calmé  on  reconnut  que 
ce  n'était  plus  qu'un  tableau  relavé.  A  l'heure  qu'il  est 
l'étranger  est  parfaitement  d'accord  avec  nous  sur  le  peu 
de  valeur  relative  de  cette  merveille  jadis  si  digne  d'admi- 
ration dans  son  primitif  réduit,  si  soyeuse,  si  pénétrante, 
si  parlante  à  l'âme  et  aujourd'hui  sans  accent,  sans  vie, 
sans  signification.  Œuvre  banale  et  terne  comme  une 
plante  arrachée  du  sol  et  couchée  dans  un  herbier. 

"  La  morale  de  cette  histoire  :  le  tableau  est  perdu, 
mais  beaucoup  de  gens  y  ont  gagné.  » 

Ainsi  écrivait  M.  Ad.  Siret,  académicien  et  pour  cela 


très  discret  sur  les  noms  dà  tabiean,  de  son  restaarateur 
et  des  messieurs  ofiBdels  qui  avaient  le  devoir  de  con- 
trAler  la  restauration. . 

Or,  cette  (EirvRE,  c'est  :  le  Quentin  Metsts  su 
Mus^  DE  Bruxeixes  !  celoi  qni  fut  acheté  200,000  frs. 
à  l'église  Saint-Pierre  de  Lonvain.  M.  Ad.  Siret  l'a 
déclaré  à  un  homme  d'une  honorabilité  absolue  qui  vient 
de  nous  le  révéler. 

Le  fait  est  monstrueux! 

Est-ce  qu'on  se  taira  encore? 


LES  REUGI0N8  AU  THÉATRM 

Depuis  quelques  années,  on  peut  noter  chez  les  poètes  une 
tendance  marquée  à  composer  des  poèmes  dramatiques  où  ils 
font  apparaître,  dialoguer  et  chanter  les  principaux  personnages 
de  la  Passion  chrétienne. 

Le  Théâtre  Libre  a  joué,  le  19  octobre  1888,  un  mystère  en  on 
acie,  en  vers,  de  R.  Darzens,  développant  l'épisode  évangélique 
de  la  rencontre  de  Jésus  et  Marie-Madeleine  chez  Simon.  Le  Christ, 
Marie-Madeleine,  Simon  le  Pharisien,  Jadas  et  les  apAtres  étaient 
en  scène. 

Pendant  l'hiver  de  4890-91,  le  Paris  lettré  est  allé  applaudir  à 
la  galerie  Vivienne  le  Noël  de  H.  Bonchor,  où  des  marionnettes, 
presquede  grandeur  nature,  figuraient  l'ange  Gabriel,  saint  Joseph, 
la  Vierge  Marie  et  l'Enfant  Jésus,  et  débitaient,  en  vers  sonores  et 
d'une  nuance  légèrement  profane,  la  touchante  histoire  de  la  Nati- 
vité. 

Le  jour  du  Vendredi-Saint,  4  avril  1890,  dans  la  vaste  salle  du 
Cirque  d'Hiver,  M.  Edmond  Haraucourt,  l'auteur  du  remarquable 
livre  de  poésies  :  VAme  nue,  donnait  la  première  représentation 
de  la  Passion,  mystère  en  deux  chants  et  six  parties.  La  Vierge 
avait  emprunté  les  traits  de  M**  Sarah  Bemhardt,  tandis  que  le 
Christ  lui  donnait  la  réplique  avec  le  masqne  de  M.  Gamier,  du 
Théâtre  de  la  Porte-Saint-Martin.  Une  nouvelle  audition  a  été 
offerte  au  public  au  Théâtre  d'Application  il  Paris,  le  Vendredi- 
Saint,  27  mars  1891. 

A  la  Salle  des  Capucines,  ce  même  Vendredi-Saint,  M.  Charles 
Graodmougin  a  convié  le  public  à  entendre  U  Mystère  du  Christ, 
interprété  par  M"*  Esquilan,  MM.  Raymond,  Dorny,  Darville  et 
l'auteur,  accompagné  de  la  musique  de  Clément  Lippaeher. 

Cette  production  répétée,  sur  des  scènes  profanes,  du  fonda- 
teur de  la  religion  chrétienne  et  des  principaux  personnages  qui 
occupent  tant  de  place  dans  la  vénération  des  fidèles,  appelle  un 
rapprochement  bien  naturel  avec  le  petit  incident  international 
soulevé,  il  y  a  quelques  mois,  à  l'occasion  de  la  représenution  du 
Mahomet  de  M.  de  Bomier  au  Théâtre  Français. 

L'heureux  auteur  de  la  Fille  de  Roland  n'avait  certes  pas  pensé 
qu'en  prenant  Mahomet  pour  sujet  d'une  tragédie,  il  éveillerait 
les  susceptibilités  des  gouvernements  étrangers. 

Le  personnage  était  si  loin  dans  le  recul  du  passé.  Le  plus  con- 
sidérable des  écrivains  français,  Voltaire,  l'avait  déjà  mis  au 
théâtre  au  dernier  siècle  avec  ce  titre  :  le  Fanatisme  ou-Mahomet 
U  Prophète.  La  pièce  était  restée  au  répertoire  de  la  Comédie 
Française  jusqu'à  des  temps  assez  rapprochés,  car  des  contempo- 
rains, qui  ne  plient  pas  encore  sous  le  faix  de  l'âge,  se  sou- 
viennent d'avoir  vu  l'acteur  Beauvallet  jouer  le  r6le  du  Prophète. 


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L'A/ÎT  MODERNE 


285 


Enfin ia  religion  chrétienne,  qui  eompie  encore  en  France  un  grand 
nombre  d'adeptes  pratiquanls,  fournil  quotidiennement,  comme 
nous  l'avons  vu,  la  matière  de  nombre  de  compositions  scéniques, 
«ans  qne  ni  les  gens  pieux,  ni  les  gardiens  autorisés  du  culte 
chrétien,  le  Pape,  les  évéques,  le  clergé,  pussent  jamais  élevé  de 
protestations. 

Aussi,  a  la  première  rumeur  que  le  monde  musulman  s'inquié- 
tait de  la  représentation  de  son  drame  sur  le  théâtre  de  la  rue  de 
Richelieu,  M.  de  Bomier  resta-t-il  incrédule  tout  le  premier.  Il  ne 
poiivait  admettre  une  pareille  irriubilité  et  nous  écrivait,  le 
19  octobre  1889,  que  «  l'opposition  de  la  Porte  à  la  représenta- 
tion de  Mahomet  n'existait  que  dans  les  imaginations  ». 

Cependant  il  follut  se  rendre  à  l'évidence.  Le  sultan  Abdul- 
Hamid  n'avait  pas  caché  à  M.  de  Montebello,  notre  ambassadeur 
à  Constantinople,  le  déplaisir  qu'il  éprouverait  à  voir  le  person- 
nage de  Mabomet  transporté  sur  les  planches  du  premier  théâtre 
de  France.  A  Paris,  Essad-Pacba  transmit  au  ministre  des  affaires 
étrangères  d'alors,  M.  Goblet,  les  senlimenls  de  son  souverain  sur 
cet  incident.  , 

En  présence  d'une  susceptibilité  qui  ne  lui  semblait  pas  justi- 
fiée, k  consulter  les  précédents  soit  en  France,  soit  en  territoire 
musulman,  le  poète  présenta  sa  défense  dans  la  lettre  suivante 
adressée  au  directeur  du  Journal  du  Débats  : 


Monsieur  le  Directeur, 


Paris,  le  S8  octobre  1889. 


Je  viens  réclamer  de  votre  courtoisie  la  permission  de  répondre 
quelques  mots  ii  une  correspondance  du  Caire  insérée  ce  matin 
dans  le  Journal  des  Débals,  à  propos  de  mon  drame  Mahomet, 
qui  est  en  préparation  à  la  Comédie  Française. 

Certes,  je  n'ai  pas  à  défendre  les  droits  de  l'art  et  la  liberté  du 
théâtre  en  France;  si  on  les  attaquait,  vous  seriez  au  premier 
rang  de  leurs  défenseurs,  j'en  ai  la  conviction.  Je  tiens  seulement 
k  vous  donner,  quelques  renseignements  qui  pourraient  éclairer 
votre  religion.' 

Mon  drame  est,  pour  ainsi  dire,  le  contre-pied  de  la  tragédie 
de  Voltaire.  Voltaire  avait  fait  du  Prophète  arabe  uu  monstre  de 
perfidie,  de  cruauté,  d'incesle  et  d'imposture.  J'ai  fait  tout  le 
contraire,  quoiqu'en  gardant  et  en  exprimant  mes  opinions  phi- 
losophiques et  religieuses.  Non,  Mahomet  n'était  pas  un  imposteur, 
le  génie  exclut  l'imposture,  et  Mahomet  fut  évidemment  un 
homme  de  génie. 

Mais,  pour  votre  correspondant,  le  point  important  n'est  pas 
là,  et  il  s'exprime  ainsi  :  <*■  Pour  les  musulmans,  le  théâtre  n'est 
pas  ce  qu'il  est  pour  vous.  Ce  qu'ils  en  savent  répond  â  des  idées 
de  grossièreté  et  de  mauvais  lieu  et,  si  les  Français  mettent  le 
Prophète  sur  les  planches,  c'est  qu'ils  ont  dessein  de  se  moquer 
de  lui,  de  l'abaisser,  de  tourner  en  ridicule  la  foi  du  croyant.  » 

Eh  bien,  votre  correspondant  se  trompe.  Non  seulement  les 
musulmans  ne  répugnent  pas  â  l'idée  de  voir  mettre  leur  pro- 
phète sur  la  scène,  mais  ils  l'y  mettent  eux-mêmes.  J'ai  sous  les 
yeux  un  volume  intitulé  le  Théâtre  Persan  (traduction  Chodjko); 
c'est  un  recueil  des  Téazits  (ou  Mystères)  représentés  sur  le 
Théâtre  de  Téhéran,  en  1838,  pendant  quatorze  jours  consécutifs. 
L'nne  de  ces  téaxié*  a  pour  titre  la  Mort  du  Prophète,  et  elle  a 
été  composée  ou  retouchée  par  Hussein-Ally-Khan,  directeur  des 
représentations  théâtrales  â  la  cour  de  Téhéran  ;  les  personnages 
principaux  sont  :  Mahomet,  Aly,  Fatma,  fille  du  Prophète,  etc. 
Cette  téaàé  a  quelque  rapport  avec  mon  drame. 

Il  y  a  mieux  :  dans  ce  pays  musulman,  le  théâtre  est  si  peu  en 
horreur  que  l'on  fait  œuvre  méritoire  en  donnant  au  peuple  une 
de  ces  téatiis  en  spectacle;  le  directeur  y  gagne  ce  que  nous 
appelons  des  indulgences  {Sezzib,  Kétr^j  et  les  «  scènes  qu'il  fait 
représenter  sont  des  briques  qu'il  fait  cuire  ici-bas  pour  construire 
son  palais  céleste  là- haut  ». 

Je  ne  hasarde  pas  cette  citation  pour  engager  les  directeurs  des 
théâtres  de  Paris  k  se  faire  musulmans. 


Voilk  qui  prouve  bien,  ce  me  semble,  que  les  musulmans  ne 
regardent  point  le  théâtre  comme  un  lieu  suspect,  où  le  karra- 
gheuz  seul  peut  paraître.  a 

Du  reste,  votre  correspondant  exagère  les  choses  quand  il  parle 
de  l'émotion  produite  par  la  seule  annonce  de  mon  drame,  «  de 
Constantinople  au  Caire  et  de  Smvrne  au  Maroc  ».  Voici  quelques 
mots  pris  dans  une  des  lettres  que  j'ai  reçues  du  madji...  (per- 
mettez-moi de  taire  son  nom)  qui  est  en  môme  temps  un  poêle 
très  distingué  :  «  Gloire  au  Dieu  seul  et  éternel  !  Le  Juste  l'a 
inspiré  une  œuvre  destinée  à  célébrer  le  Prophète  parmi  les 
chrétiens.  Que  le  Miséricordieux  soit  loué!  Nous  supplions  le 
Tout-Puissant  de  faire  descendre  sur  toi  la  rosée  féconde  de  ses 
bénédictions.  » 

Je  n'ose  pas  trop  espérer  les  bénédictions  de  votre  correspon- 
dant :  il  me  suffira  de  votre  justice  et  de  votre  bienveillance. 

Agréez,  Monsieur  le  Directeur,  l'expression  de  ma  considération 
la  plus  distinguée. 

Henri  oe  Bornieh. 

Cependant,  aux  affaires  étrangères,  M.  Spuller  succède  à 
M.  Goblet:  il  dégage  la  responsabilité  du  gouvernement  français; 
la  pièce  devait  être  jouée  pendant  l'hiver  de  1889  ;  elle  est  ren- 
voyée k  l'automne  de  1890.  Le  grand  acteur  tragique  Mounel- 
Sully,  qui  a  rendu  si  admirablement  l'Orosmane  de  Zdire,  créera 
Mahomet;  il  aura  plus  de  temps  pour  méditer  son  personnage. 

Mais,  au  printemps  de  1890,  l'affaire  de  Mahomet  revient  sur 
l'eau.  Le  Times  fait  interviewer  M.  ^  Bornicr  qui  raconte  les 
grandes  lignes  de  sa  pièce.  Le  Vakil,  un  des  journaux  InHuenis 
de  Constantinople,  reproduit  l'article  du  journal  anglais.  Abdul- 
Hamid  en  a  connaissance  ;  il  appelle  k  nouveair  l'ambassadeur  de 
France  et  lui  marque  la  peine  profonde  qu'il  éprouve,  non  comme 
souverain,  mais  comme  Calife  et  chef  religieux  de  l'Islam,  à  voir 
qu'en  France  le  projet  de  jouer  Mahomet  n'a  pas  été  abandonné. 

Le  conseil  des  ministres  en  est  Informé,  et  M.  TIrard,  président 
du  Conseil,  fait  savoir  k  M.  Clareiie,  administrateur  du  Théâire- 
Français,  que  la  représentation  de  Mahomet  est  indéfiniment 
ajournée. 

L'auteur  s'est  dédommagé  de  cette  interdiction  en  publiant  son 
drame  d'abord  dans  une  revue,  le  Correspondant,  puis  sous  la 
forme  du  livre,  chez  l'éditeur  Dentu.  En  guise  de  préface,  M.  de 
Bornier  place,  en  télé  de  son  volume,  une  insertion  ainsi  conçue  : 

Ce  drame  a  été  reçu  k  l'unanimité  par  le  comité  de  lecture  du 
Théâtre  Français,  le  28  juin  1888.  Le  journal  le  Temps  a  publié, 
le  1"  avril  1890,  la  note  suivante  : 

«  En  prévision  des  difficultés  diplomatiques  auxquelles  pouvait 
donner  lieu  la  représentation  sur  une  scène  française  du  Mahomet 
de  M.  de  Bomier,  le  conseil  des  ministres,  dans  une  de  ses  der- 
nières réunions,  a  décidé  que  la  tragédie  en  question  ne  pourrait 
être  représentée  ni  sur  un  théâtre  subventionné,  ni  sur  aucun 
autre  théâtre. 

«  L'ambassadeur  de  France  à  Constantinople,  M.  de  Montebello, 
a  été  chargé  d'aviser  le  sultan  de  cette  décision. 

«  Abdul-Hamid  a  remercié  chaleureusement  l'ambassadeur  fran- 
çais de  la  nouvelle  qu'il  lui  annonçait.  Il  aurait  ajouté  : 

«  Je  suis  très  reconnaissant  de  cette  mesure  ;  j'y  vols  une  déli- 
cate attention  pour  moi  et  mes  sujets,  mais  je  trouve  aussi  que 
c'est  une  mesure  habile  de  votre  part,  vous  avez  ainsi  ménagé  les 
susceptibilités  de  vos  sujets  musulmans  qui  n'auraient  pu  qu'être 
blessés  d'une  pareille  représentation.  Je  vous  en  félicite  et  je 
vous  prie  de  transmettre  à  Paris  l'expression  de  ma  vive  sympa- 
thie pour  M.  Carnot,  pour  son  gouvernement  et  pour  la  France.  » 

La  satisfaction  du  monde  musulman  s'est  publiquement  mani- 
festée par  l'organe  des  principaux  journaux  de  Constantinople,  le 
Tarik  et  le  Hafikat.  «  L'ambassadeur  qui  représente  si  digne- 
ment, en  Turquie,  la  République  française,  dit  le  Hafikat,  M.  de 


■■  jrf^  ■■■S'?'  ■•î^îfi^^'^^r  f!^"?^ 


286 


L'ART  MODERNE 


Montebello,  a  puissamment  contribué,  par  son  intervention  intel- 
ligente et  habile,  au  succès  obtenu,  et  dans  noire  reconnaissance 
à  l'égard  de  la  France,  de  son  président  et  de  ses  ministres,  nous 
n'oublierons  jamais  les  services  que  M.  de  Montebello  a  bien  voulu 
nous  rendre  dans  celte  occasion.  » 

Comme  épilogue  et  pour  montrer  à  quel  point  les  musulmans 
se  trouvaient  blessés  dans  leur  croyance  par  la  production  de  leur 
Prophète  sur  une  scène  profane,  citons  le  fait  suivant  qui  s'est 
passé  à  la  fm  de  septembre  1890.  Le  bruit  courait  en  Angleterre 
que  le  Mahomet  de  M.  de  Bornier,  interdit  en  France,  allait  être 
représenté  sur  une  scène  anglaise.  Raffindin-Ahmad,  vice-prési- 
dent de  l'Associalion  musulmane  de  Liverpool,  écrivit  aussitôt 
une  lettre  au  Timet  pour  lai  dire  :  —  que  cetle  nouvelle  causait 
dans  la  population  des  Indes  anglaises,  en  grande  partie  musul- 
mane, une  vive  émotion  ;  que  faire  paraître  sur  la  scène  la  per- 
sonne de  Mahomet  serait  offenser  la  population  musulmane  avec 
laquelle  l'Angleterre  est  en  contact  dans  tant  de  pays;  que  dirait 
le  monde  chrétien  si  on  produisait  Jésus-Christ  sur  la  scène  à 
Constaniinople  ou  à  Téhéran  en  le  tournant  en  ridicule  ;  que  lord 
Salisbury  ne  refusera  pas  son  intervention  pour  empêcher  la  repré- 
sentalion  sur  une  scène  du  Royaume-Uni. 

Il  est  permis  au  philosophe  de  trouver  les  susceptibilités  maho- 
mélanes  quelque  peu  exagérées.  La  scène  de  la  rue  de  Richelieu 
est  si  loin  de^  pays  musulmans,  le  portrait  que  la  plume  de  M.  de 
Bornier  avait  retracé  de  l'initiateur  de  l'Islam  était  si  respectueux! 
Mais  les  questions  de  croyance  sont  gouvernées  exclusivement 
par  le  sentiment;  le  raisonnement  y  perd  ses  droits. 

L'homme  d'État  doit  les  prendre  en  considération  telles  qu'elles 
sont  et  non  telles  qu'elles  devraient  être. 

Edouard  Clunet. 


ENQUÊTE  SUR  L'ÉVOLUTION  LITTÉRAffiB  '" 

M.  EMILE  ZOLA 

—  Ah!  ah!  me  dit  le  maître,  avec  un  sourire,  en  me  serrant  la 
main,  vous  venez  voir  si  je  suis  mort!  Eh  bien!  vous  voyez,  au 
contraire!  Ma  santé  est  excellente,  je  me  sens  dans  un  équilibre 
parfait,  jamais  je  n'ai  été  plus  tranquille;  mes  livres  se  vendent 
mieux  que  jamais  et  mon  dernier,  l'Argent,  va  tout  seul!  Pour- 
tant, on  peut  causer,  causons. 

M.  Zola  me  dit  qu'il  a  suivi  attentivement  mon  enquête  depuis 
le  début,  et  qu'il  a  été  bien  aise  de  voir  comment  les  jeunes  par- 
laient du  passé,  du  présent  et  de  l'avenir  de  1$  littérature. 

—  Ils  sentent  bien  quelque  chose,  mais  ils  errent  lamentable- 
ment autour  de  la  formule  qu'il  faudrait  trouver.  Le  naturalisme 
est  fini!  Qii'esl-cc  à  dire?  Que  le  mouvement  commencé  avec 
Balzac,  Flaubert  et  Concourt,  continué  ensuite  par  Daudet  et  moi 
cl  d'autres  que  je  ne  nomme  pas,  tire  à  sa  fin  ?  C'est  possible.  Nous 
avons  tenu  un  gros  morceau  du  siècle,  nous  n'avons  pas  à  nous 
plaindre;  et  nous  représentons  un  moment  assez  spiendide  dans 
l'évolution  des  idées  au  dix-neuvLème  siècle  pour  ne  pas  craindre 
d'envisager  l'avenir.  Mais  pas  un  ne  nous  a  dit  encore,  et  j'en  suis 
étonné  :  «  Vous  avez  abusé  du  fait  positif,  de  la  réalité  apparente 
des  choses,  du  document  palpable;  de  complicité  avec  la  science 
et  la  pliilosophic,  vous  avez  promis  aux  êtres  le  bonheur  dans  la 
vérité  tangible,  dans  l'anatomic,  dans  la  négation  de  l'idéal  et  vous 

(1)  Voir  nos  n"'  du  14  juin  et  du  9  août. 


lei  avez  trompés?  Voyez,  déjii  l'ouvrier  regrette  presque  les 
jurandes  et  maudit  les  machines,  l'artiste  remonte  aux  balbutie- 
ments de  l'art,  le  poète  rêve  au  moyen-Age...  Donc,  sectaires,  vous 
avez  fini,  il  faut  autre  chose,  et, nous,  voilii  ce  que  nous  faisons  1  » 

On  pourrait  à  la  vérité  répondre  :  «  Cette  impatience  est  légitime, 
mais  la  science  marche  à  pas  lents,  et  peut-être  conviendrait-il  de 
lui  faire  crédit.  Pourtant  cette  réaction  est  logique,  et,  pendant 
dix  ans,  pendant  quinze  ans,  elle  peut  triompher,  si  un  homme 
paraît  qui  résume  puissamment  en  lui  cette  plainte  du  siècle,  ce 
recul  devant  la  science.  Voilà  comment  le  naturalisme  peut  être 
mort;  mais  ce  qui  ne  peut  pas  mourir  c'est  la  forme  de  l'esprit 
humain  qui,  fatalement,  le  pousse  à  l'enquête  universelle,  c'est  ce 
besoin  de  rechercher  la  vérité  où  qu'elle  soit,  que  le  naturalisme 
a  satisfait  pour  sa  part. 

Mais  que  vient-on  offrir  pour  nous  remplacer?  Pour  faire 
contre-poids  il  l'immense  labeur  positiviste  de  ces  cinquante 
dernières  années,  on  nous  montre  une  vague  étiquette  «  symbo- 
liste »,  recouvrant  quelques  vers  de  pacotille.  Pour  clore  l'éion- 
nante  fin  de  ce  siècle  énorme,  pour  formuler  cette  angoisse 
universelle  du  doute,  cet  ébranlement  des  esprits  assoiffés  de  cer- 
titude, voici  le  ramage  obscur,  voici  les  quatre  sous  de  vers  de 
mirlitaire  de  quelques  assidus  de  brasseries.  Car  enfin,  qu'ont-ils 
fait,  ceux  qui  prétendent  nous  tuer  si  vite,  ceux  qui  vont  boule- 
verser demain  toute  la  littérature  ?  Je  ne  les  connais  pas  d'hier.  Je 
les  suis  depuis  dix  ans,  avec  beaucoup  de  sympathie  et  d'intérêt  ; 
ils  sont  très  gentils,  je  les  aime  beaucoup,  d'autant  plus  qu'il  n'y 
en  a  pas  un  qui  puisse  nous  déloger!  je  reçois  leurs  volumes, 
quand  il  en  parait,  je  lis  leurs  petites  revues,  tant  qu'elles  vivent, 
niais  j'en  suis  encore  à  me  demander  où  se  fond  le  boulet  qai  doit 
nous  écrabouiller.  Il  y  a  bientét  dix  ans  que  des  amis  communs  me 
disent  :  «  Le  plus  grand  poète  de  ces  temps-ci,  c'est  Charles 
Morice!  Vous  verrez,  vous  verrez.  »  Eh  bien!  J'ai  attendu,  je  n'ai 
rien  vu  ;  j'ai  lu  de  lui  un  volume  de  critique,  la  Littérature  de  tout 
à  l'heure,  qui  est  une  œuvre  de  rhéteur  ingénieuse,  mais  pleine 
de  parti-pris  ridicules.  Et  c'est  tout.  Vous  me  dites  qu'il  va,  sous 
peu,  publier  de  ses  vers;  c'est  toujours  la  même  histoire!  Comme 
les  socialistes  :  écoutez  Guesde,  dans  six  mois  il  gouvernera,  et 
rien  ne  bouge.  A  présent  on  parle  de  Moréas.  De  temps  en  temps, 
comme  cela,  la  presse,  qui  est  bonne  fille,  se  paie  le  luxe  d'en 
lancer  on  pour  se  distraire  et  pour  embêter  des  gens.  Qu'est-ce  que 
c'est  que  Moréas?  Qu'est-ce  qu'il  a  donc  fait,  mon  Dieu  !  pour  avoir 
un  toupet  aussi  énorme?  Victor  Hugo  et  moi,  moi  et  Victor  Hugo  ! 
A-t-on  idée  de  cela?  N'est-ce  pas  de  la  démence!  Il  a  écrit  trois 
ou  quatre  petites  chansons  quelconques,  à  la  Béranger,  ni  plus  ni 
moins;  le  reste  est  l'œuvre  d'un  grammairien  affolé,  tortillée, 
inepte,  sans  rien  déjeune.  C'est  de  la  poésie  de  bocal! 

En  s'attardant  à  des  bêtises,  à  des  niaiseries  pareilles,  à  ce  mo- 
ment si  grave  de  l'évolution  des  idées,  ils  me  font  l'effet,  tous  ces 
jeunes  gens,  qui  ont  tous  de  trente  il  quarante  ans,  de  coquilles 
de  noisettes  qui  danseraient  sur  la  chute  du  Niagara!  C'est  qu'ils 
n'ont  rien  sous  eux,  qu'une  prétention  gigantesque  et  vide.  A  une 
époque  où  la  production  doit  être  si  grande,  si  vivante,  ils  ne 
trouvent  à  nous  servir  que  de  la  littérature  poussant  dans  des 
bocks  ;  on  ne  peut  même  pas  appeler  cela  de  la  littérature,  ce  sont 
des  tentatives,  des  essais,  des  balbutiements,  mais  rien  autre 
chose  !  Et  remarquez  que  j'en  suis  navré  ;  car  ils  ne  me  généraient 
pas  du  lolrty  moi  personnellement,  puisqu'il  n'y  a  pas  un  roman- 
cier parmi  eux  ;  et  je  verrais  volontiers  ma  vieillesse  égayée  par 
des  chefs-d'œuvre  :  mais  où  est-il,  le  beau  livre?  Sont-ils  d'accord 


'  Tif^W^^m^W 


■>i^-:f 


L'ART  MODERNE 


287 


pour  en  nommer  un  seulement?  Non,  cbacan  le  leur!  Ils  en  arri- 
vent même  b  renier  leurs  ancêtres.  Car,  quand  je  parle  ainsi,  je 
n'entends  viser  ni  Mallarmé,  qui  est  un  esprit  distingué,  qui  a 
écrit  de  fort  beaux  vers,  et  dont  on  peut  attendre  l'œuvre  défini- 
tive, ni  Verlaine,  qui  est  incontestablement  un  très  grand  poète. 

—  Alors  matire,  dis-je,  la  place  est  encore  k  prendre?  Qui, 
selon  vous,  la  prendra  ? 

—  L'avenir  appartiendra  à  celui  ou  à  ceux  qui  auront  saisi 
l'ftme  de  la  société  moderne,  qui,  se  dégageant  des  théories  trop 
rigoureuses,  consentiront  à  une  acceptation  plus  logique,  plus 
attendrie  de  la  vie.  Je  crois  à  une  peinture  de  la  vérité,  plus  large, 
plus  complexe,  &  une  ouverture  plus  grande  sur  l'humanité  :  une 
sorte  de  classicisme  du  naturalisme. 

Mais  les  symbolistes  sont  loin  de  cette  conception  !  Tout  est 
réaction  dans  leur  système  ;  ils  se  figurent  qu'on  bouleverse  ainsi, 
de  fond  en  comble,  un  état  littéraire,  sans  plus  de  préambule  et 
sans  plus  d'utilité.  Us  croient  qu'on  peut  rompre  aussi  brusque- 
ment avec  la  science  et  le  progrès  !  Ils  parlent  du  romantisme  ! 
Mais  quelle  différence!  Le  romantisme  s'expliquait,  socialement, 
par  les  secousses  de  la  Révolution  et  les  guerres  de  l'Empire; 
après  ces  massacres  les  âmes  tendres  se  consolaient  dans  le  rêve. 
Littérairement,  il  est  le  début  de  l'évolution  naturaliste.  La  langue, 
épuisée  par  trois  cents  ans  d'usage  classique,  avait  besoin  d'être 
retrempée  dans  le  lyrisme,  il  fallait  refondre  les  moules  à  images, 
inventer  de  nouveaux  panaches.  Mais,  ici,  quel  besoin  de  changer 
la  langue  enrichie  et  épurée  par  les  générations  romantiques, 
parnassiennes,  naturalistes?  Et  quel  mouvement  social  traduit  le 
symbolisme,  avec  son  obscurité  de  bazar  à  dix-neuf  sous?  Ils 
ont,  au  contraire,  tout  contre  eux  :  le  progrès,  puisqu'ils  pré- 
tendent reculer;  la  bourgeoisie,  la  démocratie,  puisqu'ils  sont 
obscurs. 

Si  encore,  malgré  cela,  ils  avaient  le  courage,  eux  qui  n'aiment 
'  pas  leur  siècle,  de  lui  dire  :  Merde!  au  siècle,  mais  de  le  lui  dire 
carrément!  Alors,  bien.  Cela  s'admettrait!  C'est  une  opinion 
comme  une  autre.  Mais  non,  rien  ne  sort,  rien,  de  leurs  galima- 
tias. Tenez,  il  y  en  a  un,  d'écrivain,  qui  ne  l'aime  pas,  le  siècle,  et 
qui  le  vomit  d'une  façon  superbe,  c'est  Huysmans,  dans  son  feuil- 
leton de  YEcho  de  Paris.  El  il  est  clair,  au  moins,  celui-là,  et 
c'est  avec  cela  un  peintre  d'une  couleur  et  d'une  intensité  extra- 
ordinaires. 

—  Donc?..,  dis-je. 

—  Donc,  c'est  entendu,  le  naturalisme  finira  quand  ceux  qui 
l'incarnent  auront  disparu.  On  ne  revient  pas  sur  un  mouvement, 
et  ce  qui  lui  succédera  sera  différent,  je  vous  l'ai  dit.  La  matière 
du  roman  est  un  peu  épuisée,  cl  pour  le  ranimer  il  faudrait  un 
bonhomme!  Mais,  encore  une  fois,  où  est-il?  Voilà  loule  la 
question... 

M.  Zola  se  lut  un  moment,  parut  réfléchir,  et  dit  très  vile, 
comme  en  courant  : 

—  D'ailleurs,  si  j'ai  le  temps,  je  le  ferai,  moi,  cequ'ils  veulent! 

—  Et  les  psychologues?  fis-je. 

—  Hé  oui  !  Bourget,  qui,  avec  beaucoup  de  talent,  a  le  parti- 
pris  de  ne  s'inquiéter  que  des  mobiles  intérieurs  de  l'être,  et  qui 
tombe,  de  celte  façon,  dans  l'excès  contraire  au  naturalisme. 

—  Barrés  î 

—  Oh  !  un  malin  !  Pendant  que  ses  autres  camarades  se  donnent 
un  mal  de  chien  pour  n'arriver  à  rien,  lui  va  son  chemin  avec 
infiniment  d'adresse  ! 

Ses  livres,  je  les  lis  avec  intérêt,  mais  c'est  tellement  ténu. 


tellement  spécial  !  Cela  me  fait  l'effet  d'une  horlogerie  très  amu- 
sante, mais  qui  ne  marquerait  pas  l'heure,  mais  qui  ne  monterait 
pas  l'eau;  cela  cesse  vile  d'intéresser,  et  on  s'en  fatigue... 
Je  demandai  : 

—  Quel  avenir  accordez-vous  au  théâtre  naturaliste? 

—  Rien  ne  s'est  fait  du  jour  au  lendemain.  On  arrive  à  mettre 
peu  à  peu  sur  la  scène  des  œuvres  de  vérité  de  plus  en  plus 
grande.  Attendons.  Le  théâtre  est  toujours  en  relard  sur  le  reste 
de  la  liltéralure. 

Comme  nous  reparlions  de  Moréas,  M.  Zola  me  dit  drôlement, 
ce  qui  me  fit  rire  : 

—  Il  est  Grec,  oui!  mais  il  ne  faut  pas  qu'il  en  abuse!  Moi 
aussi  je  suis  Grec!  Ma  grand'mère  est  de  Corfou  ;  ce  qui  ne  m'em- 
pêche pas  d'avoir  la  folie  de  la  clarté  ! 

En  me  reconduisant,  il  me  dit  : 

—  Surtout,  réunissez  toute  celle  enquête  en  volume.  Je  liens 
absolument  à  avoir  cela  dans  ma  bibliothèque  :  quand  ce  ne  serait 
que  pour  conserver  le  souvenir  de  cette  bande  de  requins,  qui,  ne 
pouvant  pas  nous  manger,  se  mangent  entre  eux! 

Jules  Huret.  (Echo  de  Paris). 


Tannhauser  à  Bayreuth 

{Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne.) 

Vous  voulez  bien  me  demander  mon  opinion  sur  Tannhauser 
à  Bayreuth.  Je  vais  essayer  de  vous  la  donner,  bien  que  je  ne  suis 
pas  encore  absolument  au  clair  là-dessus.  Vous  aurez  en  tous  cas 
une  impression  sincère  et  très  personnelle,  —  car  j'ai  évité,  autant 
que  possible,  de  discuter  là-bas,  tenant  à  ne  pas  quiller  le  terrain 
de  l'émotion  ressentie  pour  les  vaines  théories,  pédanlesques  par- 
fois, des  Allemands,  et  plus  spécieuses  que  réelles,  m'a-l-il 
semblé,  des  auditeurs  français. 

Tout  d'abord  —  et  au  risque  de  vous  choquer,  —  vous  per- 
mellez,  n'est-ce  pas,  une  franchise  autorisée  par  nos  rapports,  loul 
d'abord,  le  sujet  même  de  Tannhauser  me  louche  exlraordinai- 
rement,  et,  plus  que  celui  de  Lohengrin.  Je  reconnais  la  valeur 
artistique  plus  haute  et  plus  complète  de  ce  dernier  ouvrage,  mais 
le  caractère  même  de  Tannhauser  me  paraît  plus  humain  et  plus 
dramatique,  je  veux  dire  plus  à  ma  portée.  Il  me  semble  qu'il  y  a 
en  chacun  de  nous  un  Tannhauser,  mettez  que  je  parle  pour  moi 
loul  au  moins.  Celle  lutte  me  passionne  et  m'émeut  davantage  que 
l'idéale  sérénité  de  Lohengrin  qui  se  contenlerail  d'une  année  de 

bonheur  : 

"  Nur  ein  Jahr  ein  reiiier  Zeit  ». 

Maintenant,  Tannhauser  est-il  «  passend  »  pour  Bayreuth? 
Question  complexe!  J'ai  entendu  deux  représentations;  l'une,  la 
quatrième,  du  3  août,  excellente  sous  tous  les  rapports,  sinon  par- 
faite; la  seconde,  la  cinquième,  faible,  surloul  par  l'insuffisance 
du  héros.  De  la  première  j'ai  emporté  une  très  grande  impression 
et  le  sentiment  que,  sauf  quelques  passages  où  le  manque  d'unité 
dans  le  style  esl  sinon  choquant,  du  moins  assez  sensible,  Tann- 
hauser est,  à  condition  que  les  principaux  interprètes  soient  hors 
ligne,  tout  à  fait  approprié  à  la  scène  de  Bayreuth.  Si  ces  derniers, 
par  contre,  sont  insuffisants,  l'ouvrage  parait  jurer  quelque  peu 
dans  ce  cadre  qui  exige  pour  Tannhauser,  plus  que  pour  toute 
autre  œuvre  du  Maître,  une  perfection  aussi  complète  que  possible, 
en  raison  même  de  ses  origines  diverses. 


■y.."/'  ■  ■  "^iV  JfJWfl^ 


L'orcbeslre,  admirablement  dirigé  par  Molli,  m'a  paru  parfaite- 
ment clair  et  suffisant  comme  sonorité.  L'ouverture,  entre  autres, 
d'une  intensité  de  readu  extraordinaire,  avec  les  fameux  traits  de 
violon  qui  se  succédaient  non  de  cette  manière  un  peu  monotone 
et  uniforme  à  laquelle  on  est  habitué,  mais  comme  des  coups  de 
fouet  (je  ne  trouve  pas  de  meilleure  expression),  brillants  et  péné- 
trants. L'introduciioD  du  3'  acte  a  aussi  été  une  vraie  révélation 
pour  moi.  Les  mouvements  en  général  un  peu  lents  (vous  savez 
que  Molli,  —  quel  artiste  incomparable!  —  ne  les  craint  pas), 
m'ont  paru  faire  ressortir  très  heureusement,  —  sans  parler  d'au- 
rres  passages,  —  et  cette  magnifique  ouverture,  et  celte  touchante 
introduction  du  3'  acte.  La  Bacchanale  m'a  paru  étonnante  de  vie 
et  de  couleur  ;  décors  et  mise  en  scène  superbe,  comme  pour  tout 
l'ouvrage  du  reste,  allure  grandiose  d'une  orgie  antique,  et  poésie 
supérieure  dans  le  déchaînement  même  le  plus  fougueux  des  sens. 
.\  l'œil,  c'était  un  vrai  Rubens,  si  l'on  peut  nommer  ce  grand 
malirc  de  la  couleur  après  l'art  serein  du  Crée  :  mais  il  m'a 
semblé  que  ces  deux  sensations,  de  plastique  antique  et  de  fougue 
moderne,  ■ctaieni  bien  caractérisées,  et  se  complétaient  harmo- 
nieusement. Après  celte  merveilleuse  (et  quelle  musique!)  baccha- 
nale, il  faudrait  un  Tannhauser  de  grande  envergure  pour  donner 
toulc  leur  valeur  aux  strophes  et  antistrophes  de  ce  chant  qui 
pariaiil  d'impressions  passionnées  et  un  peu  confuses,  s'élève 
jusqu'au  cri  désespéré  : 

M  0  Kônigiii,  Oôttin  I  Lass  mich  zieh'n  !  - 

Le  sextuor,  puis  septuor,  fait  fort  bonne  figure  ensuite,  et  je* 
u'ai  pas  trouvé  qu'il  parût  d'une  complexion  maigre,  —  mais  ce 
n'est  pas  l'opinion  de  tout  le  monde  !  Bref,  le  premier  acte  me 
parait  très-intéressant  et  1res  vivant  à  Bayreuth. 

Le  second  est  celui  qui  est  le  plus  «  genre  grand-opéra  », 
mais  un  idéal  de  grand-opéra,  d'avant  les  dernières  créations  de 
Wagner.  Je  vous  abandonne  le  duo  de  Tannhauser  et  d'Elisabeth, 
qui,  selon  moi,  détonne  et  que  je  ne  pois,  malgré  l'opinion  de 
Liszt  qui  l'a  comparé  à  celui  d'AchiWe  et  d'Iphigénie  de  Gluck, 
trouver  suffisant  pour  Bayreuth.  Le  concours  des  Chanteurs  est 
très  bien,  mais  combien  plus  de  variété  de  puissance  et  de  cou- 
leur y  aurait  mis  le  Maître  s'il  l'eût  écrit  à  l'époque  des  MeisUr- 
siiiger!  Ces  réserves  faites,  tout  l'acte  est  très  beau,  marqué  d'un 
cachet  de  pittoresque  grandeur  :  les  chœurs  étaient  remarquables 
aussi  bien  comme  chant  que  comme  ensemble  et  naturel  dans 
les  mouvements  et  les  groupes. 

Le  dernier  acte,  enfin,  esl  souverainement  et  idéalement  beau. 
C'est  l'une  de  mes  plus  grandes  impressions  de  Bayreuth,  au 
niveau  du  dernier  acte  de  Tristan  et  de  Parsifal.  Il  est  là  dans 
son  cadre  naturel,  et  on  le  dirait  écrit  spécialement  pour  Bayreuth. 
Cette  impression  a  été  générale,  je  crois,  tandis  que  beaucoup  de 
personnes,  et  les  Français  en  particulier,  ne  partagent  pas,  m'a- 
t-on  dit,  mon  opinion  relativement  aux  deux  premiers  actes. 

Je  serai  ravi  d'entendre  de  nouveau  Tannhauser  à  Bayreuth, 
surtout  avec  deux  héros  qui  soient  de  grands  artistes. 

L'effet,  selon  moi,  sera  merveilleux  comme  ensemble,  et  mal- 
gré les  quelques  réserves  formulées  ci-dessus,  je  ne  doute  pas  que 
les  auditeurs  de  l'an  prochain  (Madame  Wagner  considère  les 
représentations  de  celte  année  comme  un  simple  essai  et  comme 
des  répétitions  générales)  soient  de  mon  avis,  dans  une  large 
mesure,  tout  au  moins. 

Sans  doute,  pour  ceux  qui  apportent  à  Bayreuth  des  préoccu- 
pations plus  complexes  et  plus  exigeantes  que  les  miennes,  l'unité 


parfaite  du  style,  la  richesse  et  la  puissance  d'orchestralion  des 
dernières  œuvres  du  Maître  sont  plus  indispensables  qn'k  moi. 
Mais  je  fais  partie  du  gros  public,  éclairé  et  ...honnête.  (Je  ne 
parle  pas  des  snobs  qui  ne  vont  lii-bas  que  par  genre!)  Mes 
impressions  ont  peut-être,  à  ce  point  de  vue,  un  ceirtain  fonds  de 
vérité  et  d'intérêt. 

Donnera-t-on  de  nouveau  le  Ring  der  Niebelungenf  En  1896, 
EN  TOUS  CAS  (jubilé  de  vingt  ans  de  la  fondation  du  théitre).  — 
Avant,  peut-être.  On  serait  très  désireux,  à  Wabnfried,  d'avancer 
la  date,  mais  on  recule  un  peu  en  face  des  difficultés  et  des 
dépenses  de  l'entreprise.  J'ai  cependant  l'impression  que  eeia  ne 
tarder*  pas  trop.  Ces  représentations  s'imposent  du  reste  moni- 
lement,  si  l'on  ne  veut  pas  voir  se  perdre  la  tradition  vraie  et 
laisser  le  Ring  tourner  ii  l'opéra,  comme  cela  ne  se  pratique  que 
trop  en  Allemagne.  A.  B. 


ÎJdmond  Ï\oche 


Le  plus  ancien  wagoérisle  français  fut  certainement  Edmond 
Roche,  un  irrégulier  de  la  presse,  dont  M.  Arthur  Byl  fait  revivre, 
dans  l'Avenir  dramatique,  la  physionomie  attachante  et  curieuse. 
Une  notice  de  Victorien  Sardou,  qui  accompagne  un  petit  volume 
de  vers  de  cet  écrivain  ignoré,  révèle  des  détails  particulièrement 
intéressants  sur  la  manière  dont  Roche  fit  la  connaissance  de 
Wagner  et  sur  la  traduction,  qu'il  entreprit  à  la  demande  du 
Maître,  de  Tannhauser  : 

«  La  traduction  du  Tannhauser  prit  à  Roche  une  année  entière 
du  travail  le  plus  assidu,  le  plus  exténuant;  il  y  prodigua  ses 
jours  et  ses  nuits.  Il  faut  l'avoir  entendu  raconter  tout  ce  que  lui 
faisait  souffrir  l'exigence  de  ce  terrible  ho}nme,  comme  il  l'appelait. 
Le  dimanche,  jour  de  repos  à  la  douane  (où  Roche  était  employé 
aux  écritures),  était  naturellement  celui  que  Wagner  accaparait 
pour  sa  traduction.  —  Quel  congé  pour  le  pan.vre  Roche!  —  «  A 
sept  heores,  me  disait-il,  nous  étions  à  la  besogne  et  ainsi  jusqu'à 
midi,  sans  répit,  sans  repos  ;  moi  cotirbé,  écrivant,  raturant,  et 
cherchant  la  fameuse  syllabe  qui  devait  correspondre  à  la  fameuse 
note,  sans  cesser  néanmoins  d'avoir  le  sens  commun;  lui  debout, 
allant,  venant,  l'oeil  ardent,  le  geste  furieux,  tapant  sur  son  piano 
au  passage,  chantant,  riant,  criant,  et  me  disant  toujours  :  Allez, 
allez!  —  A  midi,  une  heure  quelquefois  et  souvent  deux  heures, 
épuisé,  mourant  de  faim,  je  laissais  tomber  ma  plume  et  me 
sentais  sur  le  point  de  m'évanouir  :  «  Qu'avez-vous?  »  me  disait 
Wagner  tout  surpris.  —  «  Hélas  !  j'ai  faim  !»  —  «  Oh  !  c'est  juste, 
je  n'y  songeais  pas.  Eh  bien,  mangeons  on  morceau  vite  et 
continuons.  » 

«  On  mangeait  donc  un  morceau  vite,  et  le  soir  venait  et  nous 
surprenait  encore,  moi  anéanti,  abruti,  la  tête  en  feu,  la  fièvre 
aux  tempes,  à  moitié  fou  de  cette  poursuite  insensée  à  la  recherche 
des  syllabes  les  plus  baroques...  et  lui,  toujours  debout,  aussi 
frais  qu'à  la  première  heure,  allant,  venant,  tapotant  son  infernal 
piano  et  finissant  par  m'épouvanter  de  cette  grande  ombre  crochue 
qui  dansait  autour  de  moi  aux  reflets  fantastiques  de  la  lampe  et 
qui  me  criait  comme  un  personnage  d'Hoffmann  :  u  Allez  toujours, 
allez  !  »  en  me  cornant  aux  oreilles  des  mots  cabalistiques  et  des 
notes  de  l'autre  monde  !  » 

Le  Tannhauser  eut  à  Paris  trois  représentations,  comme  l'on 
sait,  et  le  nom  de  Roche  ne  figura  même  pas  sur  l'afiicbe.  Cet 
excès  de  travail  précipita  la  fin  du  pauvre  traducteur;  des 


'^^^FT^^^' 


L'ART  MODERNE 


289 


cracbéments  de  sang  éoient  survenus,  et  Roche  mourut  en  1861, 
b  Irenle-qualre  ans.  «  N'est-il  pas  curieux,  ajoute  M.  Arthur  Byl, 
de  mettre  sous  les  yeux  des  lecteurs  ce  coin  de  la  vie  d'un  homme 
qui  aima  Wagner  k  en  mourir,  et  cela  trente  ans  avant  que  la 
mode  s'en  fût  mêlée,  à  une  époque  où  le  maître  était  nié  de  tous, 
excommunié  des  chapelles  musicales  !  » 


^jHRONIQUE    judiciaire    DEP    ^RTg 

On  a  saisi  au  Salon  du  Champ-de-Mars,  à  la  requête  de 
M"»  veuve  Chapu,  un  médaillon  signé  du  nom  d'un  artiste  anglais, 
H.  Homerville-Hague.  Ce  médaillon,  de  forme  carrée,  qui  figure 
au  catalogue  de  l'Exposition  du  Champ-de-Mars,  au  n°  13iS,  avec 
cette  désignation  :  Althea,  éinde  en  relief,  est  une  falsification 
d'un  plâtre  que  Chapu  exécuta  il  y  a  une  vingtaine  d'années.  Il 
représente  M""  Chapu  de  profil,  coiffée  tt  la  grecque,  les  cheveux 
relevés  en  torsades.  Les  élèves  du  maître  regretté  reconnurent 
cette  copie,  malgré  son  imperfection,  et  signalèrent  le  faux  à 
M.  Dalou,  qui  prévint  M""»  veuve  Chapu.  11  fut  décidé  alors  qu'on 
demanderait  à  l'artiste  anglais  des  explications  avant  de  prendre 
des  mesures.  M.  Dalou  écrività  Londres  et  ne  reçut  pas  de  réponse. 
On  résolut  d'agir.  H.  Diifoussal,  représentant  de  la  Sociélé  des 
artistes  et  M.  Pelardy  furent  invités  à  procéder  à  l'enlèvement  de 
ce  plâtre.  Le  commissaire  de  police  l'a  mis  sous  scellés  et  envoyé 
ft  la  préfecture  de  police. 

Le  falsificateur  anglais  paraît  doublé  d'un  excellent  homme 
d'affaire,  si  l'on  en  juge  par  l'inscription  qu'il  avait  gravée  der- 
rière le  cadre.  La  voici  reproduite  :  «  Althea,  a  siudy  in  relief 
sculpted,  Homerville-Hague,  puis  l'adresse.  40  livres  sterling.  » 

Il  offrait  cette  mauvaise  contrefaçon  au  prix  de  2.S0  francs. 


Petite  chroj^ique 

Alphonse  Karr,  le  solitaire  de  Saint-Raphaël,  n'avait  guère  le 
goût  des  pompeux  monuments  funéraires.  La  simplicité  de  ce 
philosophe  revenu  de  beaucoup  de  rêves  serait  offusquée  d'une 
prétentieuse  statue. 

L'auteur  de  Sous  les  tilleuls  aura  un  monument  assez  simple, 
dont  la  maquette  vient  d'arriver  à  Saint-Raphaël. 

Ce  projet  est  dû  au  sculpteur  Lemaire.  C'est  un  buste  d'Alphonse 
Karr,  en  bronze,  sur  un  socle  en  porphyre  haut  de  trois  mètres. 

Au  milieu  du  socle  court  une  guirlande  en  bronze,  contournant 
le  buste  et  formant  en  retombant  une  sorle  de  couronne. 

Au-dessous  seront  gravés  en  lettres  d'or  les  beaux  vers  que  rima 
un  jour  Lamartine  «  à  Alphonse  Karr,  jardinier  ». 

Une  réunion  générale  de  VAllgemeine  Richard  Wagner-  Verein 
a  eu  lieu  à  Bayreuth,  au  début  des  représentations.  La  séance  a 
été  animée  et  quelque  peu  orageuse  même,  en  raison  des  incidents 
qui  se  sont  produits  à  propos  de  la  répartition  des  places  entre 
les  différentes  associations  wagnériennes  de  l'Allemagne  et  de 
l'étranger.  Les  procédés  du  comité  de  Bayreuth  ont  été  vivement 
blâmés  par  plusieurs  orateurs.  D'autres,  en  revanche,  ont  défendu 
la  thèse  soutenue  par  M""  Wagner,  à  savoir  que  la  qualité  de 
membre  d'une  association  wagnérienne  ne  donne  droit  à  aucun 
privilège,  que  les  cotisations  annuelles  sont  une  donation  pure  et 
simple,  absolument  volontaire  et  désintéressée.  La  majorité  de 


l'assemblée,  tout  en  se  ralliant  au  principe  que  l'œuvre  des 
comités  wagnériens  devait  être  surtout  une  œuvre  de  propagande 
artistique,  a  néanmoins  émis  le  vœu  qu'à  l'avenir  une  date  fût 
fixée  pour  permettre  aux  associations]  wagnériennes  de  faire 
connatire  le  nombre  de  places  payantes  qu'elles  désirent  pour 
leurs  membres,  avant  que  la  location  soit  ouverte  au  public.  Ce 
vœu  a  été  adopté  à  la  presqu'unanimité  et  la  date  du  1.H  mai  a  été' 
acceptée  en  principe.  Les  membres  des  associations  wagnériennes 
à  l'étranger  devront  donc  faire  connaître,  à  cette  date,  le  nombre 
de  places  payantes  qu'ils  veulent  se  réserver. 

Voilà  les  wagnéristes  prévenus,  et  ainsi  il  n'y  aura  plus  de 
mécomptes.  

Le  Beau  dans  les  arts,  dans  tous  les  arts,  est,  presque  sans 
exception,  rebelle  à  la  surprise  clamante  du  succès.  Il  débuie, 
comme  l'amour,  par  un  peu  de  haine.  Jamais  il  ne  réunit  du  pre- 
mier coup  l'admiration  unanime,  qui  est  d'avance  acquise  aux 
,  chefs-d'œuvre  de  la  médiocrité,  les  brevette  et  les  impose  b 
l'horreur  du  nouveau,  ce  critérium  du  goût  national. 

L'expression  du  beau  ressemble  d'abord  à  une  méprise,  puis  à 
un  défi,  et  c'est  au  moment  de  passer  attentat  que  la  palinodie 
régulière  la  consacre.  Tout  le  jeu  est  là,  et  la  Critique,  l'ignoble 
critique  du  feuilletoniste  et  du  reporter,  est  faite  pour  en  suivre 
la  marche  rebroussante.  C'est  pour  cela  que  vous  la  voyez  si 
hagarde  aux  vernissages  et  aux  premières,  elle  a  peur  d'aller  plus 
vite  que  le  public  et  de  devancer  ses  remords. 

Et  il  en  sera  toujours  ainsi  tant  que  les  productions  de 
l'esprit  et  les  labeurs  de  l'âme  seront  jugés  par  mode  de  con- 
cours, sur  la  doctrine  do  l'émulation.  Les  Salons  sont  des 
comices  où  l'électeur  va  droit  aux  Barrabas.  La  grande  erreur 
est  de  lui  donner  à  décider  de  la  divinité  des  Christs-,  rar,  pareil 
aux  comédiens,  qui  ne  savent  du  théâtre  que  ce  qu'ils  en  ont 
appris  des  auteurs  précédents,  et  joués  par  eux,  le  sulTragani 
d'art  n'entend  à  l'art  que  ce  que  le  passé  lui  eu  enseigne,  cl  le 
passé  n'est  rien  précisément  que  le  point  de  départ  des  véritables 
individualités.  En  art,  sachez-le  bien,  la  folie  c'est  la  raison. 

Van  Dyck,  cliché  du  Gil  Blns  : 

Un  simple  ténor  malgré  ce  nom  évocateur  de  gloires  lointaines, 
mais  un  ténor  comme  il  n'y  en  a  guère  dans  la  tourbe  des  pous- 
seurs  d'uts  affamés  de  réclame  et  gavés  de  banknotes.  S'est 
consacré  corps  et  âme  à  la  religion  wagnérienne.  Ne  chante  de 
pays  en  pays  que  les  œuvTcs  du  Maître  allemand,  laniôt  à  Paris, 
tantôt  à  Bayreuth,  tantôt  à  Londres.  Taillé  pour  endosser  les 
-lourdes  armures  des  beaux  chevaliers  du  Graal,  pour  lutter  avec 
le  dieu  Wotan  et  délivrer  les  Walkyrics  prisonnières.  Le  loini 
fleuri  des  hommes  du  Nord,  la  barbe  blonde,  les  yeux  bleus,  la 
voix  sonore,  chaude,  vibrant  comme  du  métal.  Homme  du  monde, 
pouvant  vivre  à  son  plaisir,  est  devenu  artiste  par  une  enthousiaste 
ferveur  pour  la  musique  nouvelle  qui  donne  de  si  inoubliables, 
de  si  profondes  sensations  aux  cœurs  épris  de  rêve.  Reprendra 
bientôt  à  l'Opéra  ce  rôle  superbe  de  Lohcngrin  qui  lui  valut  déjà 
à  l'Eden  en  une  légendaire  et  unique  roprésenlation,  tant 
d'applaudissements. 


ENCADREMENTS  D'ART 

ESTAMPES,  VITRAUX  &  GLACES  ■ 

N.  LEMBRÉE,  17,  avenue  Louise 

Bruxelles.  —  Téléphone  1384 


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LIGNE   D'OSTENDE-DOUVRES 

La  plu*  couru  et  la  moitu  coûuute  de*  voie*  extra-rapida  entre  le  Coktineht  et  TAHCumu 


Bruxelles  à  Londres  en 
Ck>logne  à  Londres  en 
Berlin  à  Londres  en  . 


8 
13 
22 


heures. 


Vienne  à  Londres  en 36  hsnraB. 

B&le  à  Londres  en 20      •> 

Milan  à  Londres  en 32 


Francfort  afVL  à  Londres  en 


18  heures. 


D'Ostende  à  5  h.  15  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  20  soir.  —  De  Douvres  à  midi  05, 7  h.  30  soir  et  10  h.  15  soir. 

traverisée:  en  xrois  heures 

PAR  LES  NOUVEAUX  ET  SPLENDIDES  PAQUEBOTS 

Princesse  Joséphine,  Princesse  Henriette,  Prince  Albert,  La  Flandre  et  Ville  de  Douvres 

parUnt  journellement  d'OSTENDE  i  5  h.  15  matiD  et  il  h.  10  nutin;  de  DOUVRBS  A  midi  05  et  7  h.  80  «oir. 

Salons  Inxneax.  —  Fomoirs.  —  VentHatton  perfoetfanuée.  —  Édatrac*  étootrlqn*.  —  lUatannuit. 

BILLETS  DIRECTS  (simples  ou  aller  et  retour)  entre  X<Oin>IUB8,  DOUVHKS.  Blrmiinham,  DnbUn,  BdlmboorCi  Olaaoow, 

IjiTerpool,  Manrh^fftf  et  toute*  les  grandes  ville*  de  la  Belgique 
et   entre  tiONDRKS    ou   DOUVHXS  et  tontes  le*  grande*  villes  de  l'Europe. 


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A  bord  de»  malle»  :  Princeaae  Joaéphlae  et  Prlnceaae  Henriette  : 

Spécial  cabine,  88  francs;  Cabine  de  luxe,  76  franc*. 

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Linden,  a  Berlin;  à  M.  Remmelmann,  15,  Guiollett  strasse,  à  Francfort  a/m;  à  M.  Schenker,  Schottenring,  3,  à  Vienne;  i  Af™«  Schroekl, 
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OMBlÈia  ÀXHta.  —  N*  37. 


Lb  numéro    :    26    CENTIMES. 


Dimanche  13  Septembre  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LB    DIMANCHB 


RBVDE  ORITIQDE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Ck>mlt6  de  rédaction  •  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABOmrZMKNTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00  ;  Union  postale,   b.    13.00.    —  ANNONCKS   :    On   traite  i   forfait. 

Adresser  toulet  les  communicatiom  à 
l'administration  qénérale  de  TArt  Moderne,  me  de  Tlndustrie,  82,  Bruxelles. 


Sommaire 


La  V«AI   INVKAI8BIIBLABLB.  —  A  LA   MoNNAIK.    RoméO    Ct  Juliette. 

—  Enquête  sua  l'évolution   littbimjhe,  îi.  Octave  Mirbeau.  — 

Lu  OIIANDE8  rOBTUNBS  ET   l'aRT.'^    FinCNOOBAPHIK.    —    L'INSTINCT 

OB  luoBATioN.  —  Petite  chbonique. 


LE  VRAI  INVRAISEMBLABLE 

•  Le  Jury,  chargé  de  juger  le  concours  triennal  de 
littérature  dramatique,  a  décerné  le  prix  à  la  Prin- 
cesse Moleine  àe  M.  Maurice  Maeterlinck.  La  décision 
a  été  transmise,  par  son  président  M.  Fétis,  à  M.  le 
Ministre  de  l'Intérieur.  Le  Jury  a  nommé  rapporteur 
M.  Gustave  Frédérix.  » 

Divers  journaux  publient  cette  détonnante  nouvelle! 

La  Princesse  Maleine  couronnée  par  ce  Jury  ! 

Vraiment  c'est  à  pouflër  de  rire.  Cette  œuvre  que 
ces  mômes  gens  ont  ignorée  pendant  des  mois  et  des 
moifl,  dont  ils  se  sont  ensuite  moqués,  qu'ils  ont  plus 
tard  louée  du  bout  des  lèvres,  car  elle  heurte  tous  leurs 
préjugés  littéraires  et  bouleverse  toute  leur  sénile  esthé- 
tique, la  voici,  par  eux-mêmes,  dressée  au  pinacle  et 
c'est  ce  vieux  critique  farceur,  M.  Gustave  Frédérix, 
qui  est  chargé  d'expliquer  le  pourquoi  de  cette  palinodie 
miraculeuse. 


Nous  n'avons  plus  qu'à  nous  retirer  à  la  campagne 
après  fortune  faite.  Voici  que  les  sourds  entendent,  que 
les  aveugles  voient,  que  les  paralytiques  chahutent.  Le 
métier  d'apôtre  conspué  de  l'art  neuf  devient  sinécure. 
Des  radoteurs  très  usés  nous  arrachent  le  flambeau  dont 
nous  leur  brûlions  la  barbe  et  crient  de  leurs  voix 
enrouées  les  clameurs  de  guerre  dont  nous  les  pour- 
chassions. 

Est-ce  que  nous  avions  tant  raison  que  cela?  Est-ce 
qu'on  va  assister,  ahuri,  à  une  communion  générale? 
Est-ce  que  cette  cohorte  d'invalides  avait  encore  assez 
de  malice  pour  comprendre  qu'à  continuer  son  absurde 
campagne  elle  allait  ridiculement  périr  ? 

Ces  éreintés  s'inoculent  la  Princesse  Maleine  comme 
si  c'était  de  l'élixir  Browu-Sequard. 

Et  ce  n'est  pas  une  fausse  nouvelle.  L Indépendance, 
qui  sait  tout  et  qui  le  sait  toujours  la  première,  a 
daigné  le  dire,  au  risque  de  faire  perdre  le  Nord  à  sa 
clientèle  du  Bel  Air  et  de  gens  en  bonne  posture  ! 

Ne  nous  plaignons  pourtant  pas  trop  de  ce  que,  sur 
le  tard,  il  pousse  à  ces  aliborons  des  ailes  qui  les  trans- 
forment en  Pégases.  Il  y  a  plus  de  joie  à  convertir 
l'ennemi  qu'à  l'exterminer.  Et  ce  nous  sera  urie  allé- 
gresse supérieure  de  voir  ces  bons  hommes  marcher, 
cierges  allumés  dans  leurs  mains  tremblotantes,  devant 
la  procession  que,  naguère,  ils  accompagnaient  de  leurs 
huées. 


292 


L'ART  MODERNE 


Pourtant  il  eût  été  mieux  de  discerner  dès  l'origine 
la  vérité  artistique  que  si  tardivement  on  encense,  de 
ne  pas  dédaigner  les  avertissements  qui  n'ont  pas 
manqué,  de  ne  pas  attendre  pour  se  douter  de 
quelque  chose  qu'un  figariste  eût  donné  le  signal,  et, 
alors,  de  ne  pas  marchander  l'admiration.  Il  a  fallu  le 
concert  des  journaux  des  deux  mondes  pour  que  ces 
étranges  personnages  qu'on  investit  risiblement  des 
fonctions  déjuges  en  matière  littéraire,  consentissent, 
apostats  ingénus,  à  ce  lâchage  en  grand  de  leurs  plus 
chères  marottes.  11  a  fallu  surtout  la  peur  qui,  depuis 
quelque  temps  les  tenaille,  de  rester  seuls  avec  le 
déshonneur  de  leurs  opinions  de  têtes  de  pipe. 

La  Princesse  Maleine  est  couronnée  !  Evohé  ! 
Evohé!  Non  pour  sa  gloire  à  laquelle  un  tel  départe- 
mental avantage  n'ajoutera  qu'un  fleuron  comique, 
mais  pour  l'inouïe  curiosité  du  fait,  mais  pour  la  cin- 
glante leçon  infligée  à  la  routine,  mais  pour  le  coup  de 
poing  lancé  par  la  critique  administrative  elle-même 
dans  son  gros  œil  de  borgnesse. 

Ah!  badauds  et  pimbêches  pour  qui  M.  Frédérix  est 
un  Bellac  et  un  oracle,  vous  n'allez  plus,  n'est-ce  pas, 
gober  désormais  aussi  facilement  les  ukases  de  ce  pali- 
nodard  ?  Pensez  donc  !  il  a  trouvé  un  jeune  écrivain 
belge  digne  d'une  récompense  officielle. 

Et  pourtant  des  scrupules  nous  tiennent.  Attendons 
le  rapport  du  grand  homme  :  parions  qu'en  ces  phrases 
acrobatiquement  balancées  dont  il  joue  en  clown  rompu 
aux  exercices  du  cirque,  l'éminent  auteur  du  Diction- 
naire universel  des  clichés  et  des  locutions  agaçantes , 
saura  démontrer  que  Maurice  Maeterlinck  a  évidemment 
mérité  le  prix  triennal  tout  en  ne  le  méritant  certaine- 
ment pas.  Car,  en  matière  littéraire,  c'est  un  proces- 
sionnaire d'Echternach,  ce  gaillard-là,  savez-vous  ! 

L'Indépendance,  où  M.  Gustave  Frédérix  remplit 
les  monotones  fonctions  de  critique  influent,  apprécie 
ainsi  qu'il  suit  l'œuvre  d'un  de'  nos  jeunes  écrivains  de 
très  grand  mérite,  Chantefable  un  peu  naïve,  par 
Albert  Mockel. 

«  Figurez-vous  que  nous  sommes  en  train  de  décou- 
vrir des  choses  charmantes  mêlées  à  bien  des  bizarreries 
dans  cette  Chantefable  un  peu  naïve  (oh  !  si  peu  I)  que 
vous  signalait  dernièrement  notre  Bulletin  bibliogra- 
phique. Et  tenez,  en  voici  une  que  nous  voulons  vous 
donner  à  lire  avant  de  risquer  notre  sentiment  sur 
l'ensemble  du  volume.  Mon  Dieu,  certainement,  il  y  a 
là  des  puérilités,  des  préciosités,  des  obscurités,  des 
aspérités  et  même  des  banalités.  Moderne?  Si  vous 
voulez,  étant  admis  que  le  comble  du  moderne  est 
l'archaïsme.  C'est  pourri  de  pastiche  :  une  adaptation 
sensibilisée  du  rondel,  du  virelai  moyen-âge,  une 
chanson  à  danser  sur  le  mode  triste.  Et  tout  de  même, 
c'est  très  gentil.  " 


C'est  le  procédé  prudent  adopté  par  cette  radoteuse  : 
une  chapelure  où  tous  les  ingrédients  se  neutralisent. 
Laissons  lui  risquer  son  sentiment,  pour  voir  ce  que 
sera  ce  nouveau  tour  d'équilibre. 


^    LA    «^ONNAIE 

ROMÉO  ET  JULIETTE 

Nous  n'y  étions  pas.  Car  les  vacances  palpitent  encore! 

Naisnousavonslu  des  journaux  parlantudc  la  belle  réouverlnre, 
par  une  belle  soirée,  par  une  belle  œuvre  ».  Spëcialemeot,  noe* 
ne  voudrions  pour  rien  au  inonde  élre  privé  du  compte-rendu  de 
notre  Sarcey  national,  H.  Gustave  FRiDÉRix! 

Dès  les  premières  lignes,  l'éminent  critique  perpétuel  de  l'Indé- 
pendance se  révèle  : 

«  Il  faut  vous  dire  tout  de  suite  que  cette  reprise  de  Roméo  et 
Julielle  a  élé  brillante,  très  soignée  en  ses  détails,  avec  des  per- 
sonnalités d'artistes  et  des  voix  sonnantes.  C'est  une  des  habiletés 
ORDINAIRES  DE  MM.  Cai.abrési  ET  Stoumon,  d'avoir  dei  chanteurs 
et  chanteuses,  ayant  de  vraies  voix.  » 

Oli!  les  étonnants  directeurs  !  Et  l'homme  du  bel  air  insiste  en 
son  élonnant  français  :  «  On  a  bien  entendu  que  les  nouveaux 
interprètes  de  Roméo,  la  basse  M.  Dinard  et  la  dugazon  M"'  Savine, 
étaient  munis  de  ces  qualités  obligatoires  à  la  Monnaie  ».  C'est  très 
simple,  on  est  chanteur,  on  sait  que  certaines  qualités  sont  obli- 
gatoires, avoir  une  voix,  par  exemple,  et  l'on  court  s'en  munir. 

Surgit  une  gerbe  d'ahurissantes  Lapalissades.  M.  Frédérix  en 
tient  collection,  comme  on  sait,  la  plus  riche  de  cette  fio  de 
siècle.  Oyez  ! 

«  L'amoureuse  Juliette,  l'incarnation  séduisante  et  classique  des 
drames  de  la  passion.  » 

«  On  peut  toujours  ajouter  quelques  traits  i  ces  figures  idéales, 
que  chaque  artiste  est  en  droit  de  voir  à  travers  son  propre 
tempérament.  » 

«  Ce  serait  beau,  d'unir  au  même  degré  la  vocalisation  élince- 
lante  et  le  dramatique  puissant.  » 

«  On  est  étonné  de  ne  plus  voir  leconsciencieux  Chappuis,  une 
des  institutions  de  la  Monnaie,  dialoguant  en  Gregorio,  avec  la 
nourrice  de  Juliette  ou  le  page  de  Roméo/^A/aw  Chappuis  a  prit 
sa  retraite.  » 

t(  Le  Roméo  et  Juliette  a  beau  être  un  duo  d'amour  en  cinq 
actes  ;  chaque  épisode  de  ce  duo  a  son  intérêt,  sa  caresse  et  sa 
force.  » 

Ah  ça!  est-ce  que  M.  Gustave  Frédérix  serait  le  légataire 
universel  de  M.  de  Calino,  de  Guibollard  et  de  l'incomparable 
Boircau? 

Viennent  ensuite,  les  tours  de  phrase  aux  stupéfiantes  trou- 
vailles! Symbolistes,  pendez-vous. 

«  Les  meilleures  Julicltes  se  partagent,  d'ordinaire;  et  celles 
qui  disent  le  mieux  les  plaintes  amoureuses  du  quatrième  et  du 
cinquième  actes,  n'ont  pas  la  ténuité  agile  de  la  valse  du  premier 
acte.  » 

«  M""  de  Nuovina  s'est  brillamment  lirée  de  cette  valse  tour- 
billonnante, sans  s'y  prendre  les  pieds,  sans  y  chercher  non  plus 
des  notes  suraiguës,  des  gammes  piquées,  et  autres  vaines 
voltiges.  » 


LART  MODERNE 


293 


«  Le  vigoureux  trio  du  Iroitième,  laacé  avec  un  élan  très  dra- 
matique, et  luivi  d'un  rappel  qui  n'est  pat  coutumier.  » 

«  MU*  Savine,  la  nouvelle  dugazon,  a  de  la  désinvolture  et  de 
l'élégance,  dan4  le  joli  cotiume  où  se  moulent  Us  jambes  du  page 
Stéphane.  » 

«  N'oublions  pas  M"*  Walter,  qui-  reprend  avec  dignité  son 
emploi  de  nourrice.  » 

Et  les  lieux  communs  par  lesquels  depuis  des  ans  et  des  ans 
on  joue  ti  la  critique  dramatique,  aussi  invariables  que  les  trenle- 
deux  cartes  de  l'écarlé;  et  les  clichés  dont  M.  Frédérix  se  croit 
l'ingénieux  inventeur,  plus  nombreux  que  les  oiseaux  migrateurs  : 
Le  troublant  duo,  —  le  genre  de  beauté  ii  l'œil  profond  et  au 
teint  mat,  —  l'accent  énergique,  —  la  souplesse  de  la  voix  qui 
se  ressent  d'une  préoccupation  nerveuse,  —  le  succès  qui 
s'affirme,  —  les  déclarations  tendres  du  balcon,  —  la  douleur 
vibrante,  —  l'artiste  qui  mérite  des  éloges  et  en  méritera  plus 
encore,  —  l'actrice  intéressante  et  séduisante,  —  le  ténor  qui 
chante  avec  science  et  vérité,  —  l'accent  délicatement  expressif, 

—  la  noblesse  vigoureuse,  —  l'intensité  tragique,  —  la  belle 
scène  finale,  —  l'allure  et  la  grice,  —  le  rôle  brillant,  —  la  belle 
phrase  du  trio,  —  l'ampleur  de  la  voix,  —  la  franchise  du  timbre, 

—  le  morceau  pittoresque,  —  une  des  pages  les  plus  originales  de 
la  partition,  —  la  voix  solide  et  expressive,  —  le  sentiment 
juste,  —  la  fermeté  de  la  diction,  —  la  nouvelle  campagne 
lyrique,...  et  allez-y,  et  allez-y,  ça  n'en  finit  pas! 

Ce  n'est  pas,  certes,  pour  faire  de  la  peine  à  un  brave  homme 
que  nous  relevons  ces  cocasseries.  On  peut  hésiter  à  troubler  la 
sérénité  dans  laquelle,  à  son  déclin,  il  s'éteint,  doucement.  Mais 
ne  serait-il  pas  temps  qu'il  remisât?  Vraiment  il  est  sur  les  bou- 
lets et  sa  critique  est  mangée  aux  vers.  S'il  se  contentait  de 
bafouiller  d'innocents  comptes-rendus.  Mais  c'est  qu'il  juge, 
tranche,  accueille,  repousse,  lance  des  excommunications,  formule 
des  aniithèmes,  rend  des  brefs  et  est  membre  de  ces  jurys  légen- 
daires qui  distribuent  les  palmes  artistiques. 

A  ce  litre  il  est  Salutaire  de  mettre  de  temps  à  autre  en  relief 
une  telle  infirmité  littéraire  qui  essaie  tout  à  coup  de  se  rajeunir 
dans  les  bras  de  la  Princesse  Maleine. 

De  son  cOté,Champal,à  propos  de  la  nouvelle  troupe  du  Théâtre 
de  la  Monnaie,  écrit  : 

«  Ne  voulant  pas  préjuger  de  l'accueil  que  les  nouveaux 
penaionoaires  recevront  du  public  bruxellois  —  ce  qui  serait 
contraire  aux  usages  —  je  me  bornerai  à  publier  les  renseigne- 
ments biographiques  que  j'ai  recueillis  sur  chacun  d'eux.  » 

Et  tout  de  suite,  le  brave  garçon,  résolu  il  tant  de  réserve  et  à 
une  si  rigoureuse  impartialité,  se  laisse  emballer  par  son  incurable 
et  plaisante  élogiomanie.  Voici  un  échantillon  de  ce  faire  unique 
du  pullulant  et  ubiquilaire  reporter  qui  a  enrichi  la  langue  du 
verbe  champaliser. 

«  H'x  Chrétien  qui  débutera  dans  le  rôle  d'Alice  de  Robert  le 
Diable,  est  la  fille  de  M.  Chrétien,  le  naturaliste  bien  connu  du 
monde  savant  de  Paris.  M"*  Alba  Chrétien  était  entrée  au  Conser- 
vatoire pour  y  apprendre  le  solfège  et  le  piano  et  déjà  elle  avait 
adopté  la  carrière  du  professorat  lorsque  la  vocation  du  théâtre  se 
révéla  pour  elle  irrésistible,  conquérante.  Il  y  a  eu  deux  ans,  le 
!•'  juin  dernier,  que  M>'*  Chrétien,  qui  possédait  â  fond  sa 
technique  musicale,  prit  sa  première  leçon  de  chant  auprès  de 
H.  Raoul  Dclaspre.  Exceptionnellement  douée,  animée  d'un  zèle 
ardent,  la  jeune  cantatrice  progressa  avec  une  rapidité  extraor- 


dinaire et,  stylée  enlretemps  par  M.  Melchissédech  pour  le  jeu 
scénique,  elle  est  aujourd'hui  merveilleusement  préparée  pour 
débuter.  Je  n'en  dirai  pas  plus. 

Et  il  ne  voulait  pas  préjuger!  Zuzo  un  peu  s'il  avait  voulu. 

Champal,  au  début  de  son  article,  avait  émis  cet  aphorisme 
qui  dénote  sa  connaissance  approfondie  du  monde  et  du  bel  air  : 
Il  est  de  tris  bon  ton  détre  renseigné  avant  la  lettre  ! 


Des  mêmes  auteurs,  ces  autres  échantillons  frais  émoulus  : 

—  o  La  pièce  est  jouée  avec  quelque  verve.  Le  Boisjoli, 
M.  Desclos,  est  suffisamment  effaré  entre  ses  deux  noces.  Un 
débutant,  M.  Victor,  a  une  fantaisie  tranquille  amusante.  M.  Co- 
radin  semble  avoir  du  naturel.  El  M.  Chevalier,  qu'on  a  vu  long- 
temps aux  Galeries,  a  toujours  sa  même  conscience  et  sa  même 
animation  â  jouer  faux.  La  duègne.  M'""  Cosle,a  de  la  vivacité.  El 
on  a  revu  avec  plaisir  les  jolis  yeux  de  M"°  Haury.  » 

—  u  Robert  le  Diable!  On  ne  peut  vraiment  pas  dire  qu'il  soit 
resté  tout  jeune,  ce  «  pur  chef-d'œuvre  »  de  nos  pères.  L'éphèbe 
au  rameau  nous  semble  aujourd'hui  un  mâle  bien  peu  victorieux; 
les  chiens  de  la  parodie  ont  singulièrement  mouillé  les  lycopodes 
du  prince  des  ténèbres;  cl  quant  aux  enthousiasmes  antiques 
pour  les  gargouilladcs  des  gosiers  en  démence,  ils  ont,  chez 
beaucoup,  fait  place  â  la  perception  de  la  haute  cocasserie  de 
semblables  exercices.  » 

Enfin  le  pur  chef-dœuvre  que  voici,  du  Champal  en  surexlrail  : 

a  Un  silence  solennel  règne  dans  les  coulisses  où  les  gens  de 
service,  les  pieds  emprisonnés  dans  des  chaussons  de  lisière, 
glissent  sans  bruit  comme  des  ombres. 

«  Au  détour  d'un  portant,  dans  l'obscurité  qui  plaque  le  fond 
du  théâtre,  apparaît  Mu»  Chrétien,  parée  de  sou  costume  d'Alice. 
Son  habilleuse  la  suit. 

u  Rieuse  et  enjouée,  la  charmante  cantatrice  vient  se  mêler  au 
personnel  de  la  scène.  Mais  le  régisseur  veille  :  il  règne  à  cet 
endroit  du  théâtre  un  courant  d'air  perfide  et,  entraînant  la  jeune 
pensionnaire,  il  va  l'entraîner  au  fond  d'un  immense  fauteuil 
byzantin. 

«  L'  «  entrée  »  de  M"«  Chrétien  approche  ;  elle  jette  à  son 
habilleuse  le  châle  qui  garantit  ses  épaules,  porte  son  mouchoir  â 
ses  lèvres  et,  légère  comme  une  sylphide,  va  prendre  position 
dans  les  coulisses.  Agenouillé,  le  costumier  ajuste  les  plis  de  sa 
robe.  Prestement  M""  Chrétien  quitte  son  encoignure,  son  tour 
est  venu,  et  gracieuse  et  résolue  elle  débouche  dans  l'aveuglant 
embrasement  de  la  rampe  ei  des  herses. 

«  La  représcnlalion  de  Robert  en  est  au  tableau  de  la  croix. 
Plus  un  chuchotlement,  plus  un  mouvement,  les  spectateurs... 
des  coulisses  paraissent  figés;  tous  écoutent  avec  une  curiosité 
vive  ;  les  mieux  placés  seulement  voient. 

«  Arcboulé  à  un  portant,  dans  une  attitude  instable,  un  des 
deux  directeurs  enveloppe  de  son  regard  la  scène  éblouissante. 

«  Dans  la  coulisse,  immobiles  comme  des  statues,  se  tiennent 
les  habilleuses,  les  bras  chargés  de  vêtements,  plusieurs  machi- 
nistes appuyés  en  rang  d'oignons  contre  la  muraille,  le  pompier 
de  service,  les  mains  passées  autour  du  paquet  de  cordes  qu'il 
porte  en  bandoulière,  enfin  deux  ou  trois  ballerines  dont  les 
chairs  rosées,  les  jupes  de  gaze  jettent  une  noie  éclatante  dans  ce 
tableau  aux  tonalités  assourdies. 

«  Sur  le  parapet  de  la  passerelle  où  perchent  les  électriciens, 
quelques  hommes  sont  penchés  dans  le  vide.  On  voit,  paraît-il, 
très  bien  de  cette  hune. 

€<  Au  milieu  de  ces  gens  recueillis  apparaît  M.  Dupeyron,  plas- 
tiquemeni  moulé  dans  sa  cotte  de  mailles  en  cuivre.  Posté  dans 
la  coulisse,  Robert  s'apprête  à  entrer  en  scène  :  il  respire  trois 
ou  quatre  fois  avec  force,  absorde  un  cordial,  s'essuie  les  lèvres, 
rétablit  les  lignes  de  sa  barbiche  et,  le  moment  psychologique 
arrivé,  entre  en  scène  crânement  cambré. 

«  L'attention  des  auditeurs  massés  dans  les  coulisses  est  à  son 
paroxysme  :  Alice,  Bertram  et  Robert  vont  tenter  un  des  tours  de 
force  les  plus  périlleux  du  répertoire  à  «  obstacles  ». 


■  "■■'  ■■  '-''s/^pr-'  ''f-K^nr 


a  Enfin  le  rideau  tombe  et  se  relève  sous  une  (empéle  d'applau- 
distements  :  la  partie  est  gagnée.  Directeurs,  régisseur,  machi- 
nistes et  habilleuses  se  précipitent  au  devant  des  vainqueurs.  » 


ENQUÊTE  SDR  L'ÉVOLUTION  LITTÉRAIRE 


(1) 


OCTAVX  MIRBXAU 


Le  plus  passionné  d'art  des  écrivains  de  ce  temps;  l'auteur 
célèbre  du  Calvaire,  de  ÏAbbi  Jules  et  de  Sébatliai  Roch. 
Polémiste  exlraordinairement  vigoureux,  il  s'est  fait  autant 
d'ennemis  par  la  crine  et  impétueuse  énergie  de  ses  attaques, 
qu'il  s'est  attaché  d'amis  sûrs  par  la  belle  générosité  de  ses  plai- 
doiries en  faveur  de  talents  méconnus.  Les  lecteurs  de  l'Echo  de 
Paru  le  connaissent  sous  cette  double  face  de  sa  sympathique 
personnalité. 

Je  prends  le  train  &  huit  heures  du  matin  pour  Ponl-dé-l'Arche, 
qui  se  trouve  près  de  Rouen,  &  deux  heures  et  demie  de  Paris.  En 
descendant  du  train,  je  trouve  sur  le  quai  mon  hOtc,  la  6gure 
avenants,  les  mains  tendues.  Tout  de  suite  il  me  dit  :  «  Tenez, 
c'est  là-bas,  la  maison,  voyez-vous,  en  dehors  du  village,  ce  toit 
qui  brille?  »  On  grimpe  en  voilure,  et,  à  peine  dix  minutes 
après,  on  arrive  devant  la  grande  grille  ouverte  sur  un  jardin  spa- 
cieux, soigneusement  entretenu,  aux  allées  sablées,  a  II  n'y  a  rien 
encore,  c'est  trop  tôt,  mais  vous  verrez  cet  été  !  »  Nous  parcou- 
rons le  jardin. 

Dans  les  parlerres,  de  place  en  place,  des  bouts  de  bois  sont 
plantés,  tout  droits,  en  arcs,  en  angles  aigus;  de  ci,  de  \i,  de 
minuscules  verdures  pointent  de  la  terre  grise. 

—  Ça  û'a  l'air  de  rien  tout  cela,  dit-il,  eh  bien,  tenez,  voyez 
cette  fraxinelle,  les  soirs  d'été,  quand  elle  a  grandi,  elle  secrète 
des  gaz  et  s'en  enveloppe  comme  d'une  atmosphère  ;  il  n'y  a  qu'à 
approcher  une  allumette,  cela  s'enflamme,  et  ce  sont  nos  feux 
d'artifice  muliicolores,  nos  feux  de  bengale,  à  nous  autres  de 
Ponl-de-l'Arche.  Ici  j'ai  planlé  des  Eccremocarpus  qui  grimpe- 
ront aux  arbres  et  rejoindront  ces  BoussingavUia  et  ces  Lopho- 
spermnm,ce  sérac  omme  une  adorable  pluie  de  fleurs  qui  se  serait 
arrêtée  à  deux  mètres  du  sol.  El  partout,  ici,  là-bas,  des 
Heliantus,  ces  immenses  soleils  qui  s'épanouissent  à  deux  et 
trois  mètres  de  hauteur,  et  que  Van  Gogh  a  peints  passionnément 
des  énormes  Eremostachys,  les  divins  lys  du  Japon,  des  Iris 
Germanica,  plus  beaux  que  les  plus  belles  orchidées,  un  Moréas 
de  la  Chine,  iridée  magnifique  à  grands  pétales  oranges  :  qui 
vaut  bien  les  Moréas  d'Athènes,  je  vous  assure;  là  des  pourpiers 
fastueux,  de  gigantesques  Héléniums,  et,  sur  celte  pente,  des 
pivoines,  des  citrouilles,  des  Hypericum  pedeslrianum,  fleur 
cocasse  s'il  en  fut  jamais,  et  qu'il  faut  piétiner  pendant  une 
journée  avec  des  souliers  de  maçon  pour  la  voir  fleurir;  et  tant 
d'autres  merveilleuses  comme  ces  Dielztras  avec  leurs  liges  pen- 
chées où  des  cœurs  roses  sont  pendus... 

Avec  un  grand  geste  heureux  et  un  éclair  dans  les  yeux,  il 
Djoula  : 

—  Vous  verrez,  vous  verrez  tout  cela  cet  éié!  Ces  fleurs,  c'est 
plus  beau  que  tout,  plus  beau  que  tous  les  poèmes,  plus  beau  que 
tous  les  arts! 

—  Vous  savez,  continue  M.  Mirbeau,  je  n'ai  rien  d'inlércssant 
à  vous  dire,  mais  j'espère  que  vous  n'aurez  pas  perdu  votre 
icmp?,  regardez  cela. 

(1)  \'oir  nos  n»'  des  14  juin,  9  août  et  6  septembre. 


Du  haut  de  la  lemHe  oft  noD(  noas  IrouTions  et  qni  est  le 
jardin,  nos  yen  plongeaient  k  présent  daoa  m  payragesplendide. 
A  cent  mèti^  k  peine  dn  garde-fou  oA  noos  étions  appvyés,  la 
Seine,  sons  le  soleil  roabit  de  l'srgent  «l  du  csiTre  entre  las  Ilots, 
sur  l'autre  rive  venait  mourir  la  colline  crayeuse  dont  les  écbis 
blancs  se  coupaient  de  rectangles  de  Tcrdure  et  de  lignes  de 
hauts  arbres;  l'horizon  se  perdait  dans  de  l'ouate  bleue-. 

Et,  en  même  temps,  je  regardais  mon  interioeateor,  sa  haute 
taille,  ses  solides  épaoles,  sa  conrte  monslache  rousse  relevée 
aux  pointes,  la  richesse  paysanne  de  son  teiol,  tandis  que  lui,  de 
son  œil  vert  pailleté  d'or,  comme  strié,  continuait  k  fixer  Te 
paysage  et  disait  : 

—  Hein  I  est-ce  beau  !  Et  l'été,  Ik,  dans  l'Ile,  si  vous  voyiei 
cette  végétation!  Un  énorme,  un  fabuleux  paquet  de  verdure 
impénétrable,  mystérieux...  Ahl  comme  c'est  beau! 

—  Et  comme  on  respire,  ici  I  fis-je  en  humant  instindiTe- 
ment  de  larges  bouffées  de  cet  air  pur  qu'agitait  un  petit  vent  dn 
Nord. 

(Je  me  tiens  k  quatre  pour  ne  pas  raconter  minute  par  minute 
cette  journée  exquise,  ce  que  je  vis,  ce  que  j'entendis,  et  la 
qualité  des  sensations  que  j'en  rapportai.  Hais  je  connais  des 
esprits  pointus  et  des  Sourires  Fins  qui  me  rappelleraient  k 
l'Enqnéte,  et,  ma  foi,  ils  auraient  raison  ;  pourquoi,  en  somme, 
ne  conserverais-je  pas  tout  cela  pour  moi  ?) 

—  Nous  causerons  dans  la  forêt.  Venez,  venez  me  dit  H.  Mjr- 
l>eau. 

Pour  éviter  des  circuits,  nous  traversâmes  des  guêrets,  enfi- 
lâmes des  chemins  creux  bordés  de  baies  qui  apparaissaient, 
avec  les  mille  petits  yeux  entrouverts  des  bourgeons,  comme 
baignées  d'une  atmosphère  verte.  Pendant  trois  kilomètres  nous 
avions  marché  ainsi,  'sans  que  je  pusse  aborder  la  question  qui 
m'avait  amené  k  Ponl-de-l'Arche,  parce  que  tout  ce  que  me  disait 
mon  interlocuteur  m'intéressait  davantage,  quand,  soudain,  au 
hasard  de  la  conversation,  tomba  le  mol  :  naturalisme. 

—  Ah  !  dis-je  alors,  enfin  !  Croyez-vous  qu'il  soit  mort? 

M.  Mirbeau  se  mit  à  rire,  me  plaisanta  sur  cette  obsession  qui 
me  poursuivait  à  travers  ces  paysages  magiques  et  s'écria  : 

—  Le  naturalisme  !  mais  je  m'en  fiche  !  Croyez-vous  que,  dans 
cinquante  ans  seulement,  il  subsistera  quelque  chose  des  étiquettes 
autour  desquelles  on  se  bat  à  l'heure  qu'il  est!  Mais  qu'il  soit 
vivant  ou  mort,  le  naturalisme,  est-ce  que  Zola  ne  demeure  pas 
l'artiste  énorme,  l'évocateur  puissant  des  foules,  le  descriptif 
éblouissant  qu'il  a  toujours  été?  Quand  il  a  écrit  un  beau  livre, 
qu'est-ce  que  ca  peut  noas  faire  que  (a  soit  naturaliste  ou  pas 
naturaliste?  Tout  de  même,  il  y  a  une  réaction,  réaction  bienfai- 
sante contre  cette  absence  de  toute  préoccupation  de  l'intellectuel, 
contre  cette  négation  de  tout  idéal,  qni  auront  marqué  d'une 
tache  bélc  l'école  naluralisle.  Et  tout  le  mouvement  actuel  est 
aussi  le  signe  que  la  jeunesse  n'est  pas  morte  et  quelle  s'occupe 
un  peu  à  se  frayer  un  chemin  au  travers  des  vieux  ronds-de-cuir 
qui  détiennent  toutes  les  spécialités  de  la  littérature  et  de  l'art. 

Et  ce  que  je  reproche  à  Zola,  par  exemple,  c'est  justement  ce 
dédain  qu'il  afiecte  pour  les  jeunes  et  sa  façon  de  parler  des 
ptiitei  revues,  en  faisant  la  moue.  Il  a  donc  toujours  écrit  où  il 
a  voulu,  lui?  Il  n'a  donc  jamais  été  débutant?  Oui,  cette  morgue 
de  parvenu  qui,  autre  part,  d'ailleurs,  s'afliche,  s'étale,  me  gStc 
mon  bonhomme... 

Voulez-vous  que  nous  marchions  encore  un  peu  7  Je  connais,  à 


L'ART  MODERNE 


296 


as  UhMBèlr*  d'ici,  Ih  tor  la  gauche,  od  endroit  extraordiaaire 
qvt  je  yvÊénà»  tow  montrer. 

Nom  éliOD»  ea  pMne  forit,  dant  une  large  allée  et  nous  grim- 
ftmu  «ne  edta  nride.  De  lemp*  es  letnpe,  nous  nous  anrétions 
me  feceode,  appay<»  sur  nos  cannes,  ii  regarder  le  paysage  de 
seieii  qui  resplendisBeil  derrière  nous. 

M.  Mirbean  ceatinua  : 

-^  H  y  a  Ik,  au  Mercure  de  France,  des  gens  comme  Rémy  de 
GourmoDt,  Saint-Pol-Roux,  Albert  Aurier,  critique  d'art,  e»  «Tau- 
Iretqai  TraimeiU  Méritent  mieux  que  le  dédain  de  Zola.  D'ail- 
lean,  omm  je  troir«e  que  toutes  ces  «  petites  revues  »,  comaM  il 
les  appelle,  c'est  ce  qo^il  y  »,  k  l'heure  qu'il  est,  de  phis  iatéres- 
saat  k  Kre.  Voyons  I  l'Hermitage,  les  Entretient  et  le  Mercure, 
ça  Tant  toit  de  mtme  mieax  que  la  Revue  des  Deux-Monde*  !  Et 
les  chroBiqnes,  et  les  criliqoes  qu'on  y  lit,  sont  diablement  les 
plM  iMettigentes  et  pins  copieuses  que  les  chroniques  et  les  cri- 
tiques de  Sarcey  et  antres  pitseurs  de  copie  k  six  francs  la 
colonne  I 

—  C'est  vrai,  c'est  vrai,  dis-je. 

—  N'est-ce  pas  T. . .  Oh  !  elle  est  bien  développée  chez  moi  cette 
horreur  des  critiques  littéraires  I  Ofa  t  les  monstres,  les  bandits  I 
Vous  les  voyez  tous  les  jours  baver  sur  Flaubert,  vomir  sur  Vil- 
liers,  se  vanter  d'ignorer  Laforgue,  ce  pur  génie  français  mort  !i 
vingt-sept  ans,  qu'on  s'acharne  k  montrer  comme  un  décadent  et 
qai  ne  Test  pas  pour  un  sou,  et  prendre  Narmeladoff  pour  un 
poète  rusée  qu'ils  ignorent  1  Vous  les  voyez  tous  les'jours  s'em- 
baller pour  les  idées  infâmes  et'sur  les  oeuvres  de  bassesse,  mettre 
le  doigt  avec  une  sûreté  miraculeuse  sur  la  médiocrité  du  jour,  et 
s'étendre  sur  l'ordure  et  l'abjection,  avec  quelle  complaisance 
porcine  I  Oui,  ils  me  dégoûtent  bien  les  critiques  littéraires  !  N'en 
parloas  phis,  nous  voici  arrivés... 

D'un  geste  machinal  qui  lui  est  ramiiier,  M.  Mirbeau  renvoya 
son  chapeau  sur  le  haut  du  front  pour  le  ramener  tout  à  l'heure 
sur  ses  yeux,  et,  un  poing  sur  la  hanche,  l'autre  main  appuyée 
sur  sa  canne,  il  admira.  C'était  un  grand  espace  de  forêt  tout 
planté  de  hêtres  énormes.  Les  fûls  à  l'écorce  lisse  el  bleutée, 
espacées  dans  un  désordre  harmonieux,  s'élevaient  tout  droit  vers 
le  ciel  dans  un  jet  élégant  et  viril.  La  perspective  s'éloignait  dans 
une  profondeur  bleue. 

—  Hein  7  Quelques  femmes  de  Puvis  lâchées  lâ-dedansi  Voulez- 
vous  que  nous  nous  allongions  là,  an  milieu,  dans  ce  rayon  de 
soleil? 

Etendus  s\ir  les  feuilles  sèches,  en  fumant  d'excellentes  ciga- 
rettes «  RaTchlIne  »,  très  russes,  comme  dirait  Jean  Lorrain,  nous 
reprîmes  la  conversation  de  tout  â  l'heure,  ii  bitons  rompus, 
s'acerochant  à  toutes  les  incidentes  et  s'égarant  â  tous  les  carre- 
fours. J'en  retiens  les  morceaux  que  voici  : 

—  Les  symbolistes...  Pourquoi  pas?  Quand  ils  ont  du  génie  ou 
du  talent  comme  cet  exquis  Mallarmé,  comme  Verlaine,  Henri  de 
Régnier,  Charles  Morice,  je  les  aime  beaucoup.  Ce  que  je  trouve 
d'admirable  dans  la  littérature,  c'est  justement  de  pouvoir  aimer 
en  même  temps  et  Zola  qui,  en  somme,  est  surtout  beau  quand  il 
arrive  au  symbole,  et  Mallarmé,  et  Barrés  el  Paul  llervieul  Barrés, 
on  est  là  k  l'embêter  tout  le  temps  avec  son  moi,  c'est  idiot!  Mais 
tonnerre!  son  m<rt  est  plus  intéressant,  je  pense,  que  celui  de 
M.  Sarcey  qui  en  encombre  les  colonnes  de  trois  cents  journaux 
tous  les  jours  !  Et  je  considère  son  dernier  livre,  son  Jardin  de 
Bérénice,  comme  un  pur  chef-d'œuvre;  c'est  très  grand,  très 
élevé,  cela,  et  c'est  plein  de  préoccupations  très  nobles.  Les 


psychologues!  Je  sais  bien  que  le  mol  est  devenu  assommant, 
mais,  enfin,  il  y  en  a  de  toutes  les  sortes.  La  psychologie  de 
Bourget,  c'est  un  peu  de  la  psychologie  de  carton,  c'est  de  l'excel- 
lent snobisme,  c'est  la  formule  écrite  de  banalités  que  tout  le 
monde  sait;  mais  celle  de  Paul  Hervieu  est  vraiment  extraordi- 
naire ;  et  son  Inconnu  est  Toeuvre  d'un  des  hommes  les  plus  donés 
de  ces  temps-ci. 

Us  attendent  un  Messie  !  Quel  Messie?  Mais  à  aucune  époque 
de  la  littérature  il  n'y  a  eu  une  pareille  floraison  d'art.  A  part  les 
gens  qui  personnifient  notre  siècle  avec  M.  Meilhac  el  M.  Halévy, 
qu'est-ce  que  les  esprits  les  plus  difficiles  demandent  de  plus  que 
Mallarmé,  que  Verlaine,  que  Hendès,que  Zola,  que  Maeterlinck, 
que  Tailhade  ?  Mendès  I  Où  est-il  le  poète  plus  exquis,  plus  poêle, 
plus  pertotinel?  Oui,  plus  personnel,  car,  enfin,  elle  esl  finie  cette 
légende  de  Mendès  imitateur  d'Hugo  el  de  Leconle  de  Lisie  ! 
Ecoutez  ce  vers  A'Hetpérue  ; 

Un  jet  d'eau  qui  montait  n'est  pas  redescendu. 

Dans  le  silence  de  la  grande  forêl  de  hêtres,  à  peine  troublé 
de  pépiements  d'oiseaux,  M.  Mirbeau  répéta  deux  fois  ce  vers  avec 
on  ton  d'admiration  sincère,  presque  de  joie.  Et  ce  vers,  lancé 
ainsi  parmi  ces  grands  fûts  bleus  el  ce  silence,  donnait  bien  celle 
sensation  d'infini  que  le  poêle  a  voulue. 

—  Et  l'oeuvre  de  Mendès,  continua  H.  Mirbeau,  est  pleine  de 
choses  pareilles,  il  n'y  a  que  le  lire!  C'est  comme  sa  prose;  dans 
son  dernier  roman,  par  exemple,  la  Femme- Eiifanl ,  qui  va 
paraître  sous  peu,  el  dont  le  succès  sera  énorme,  croyez-vous  que 
le  passage  des  coulisses,  entre  autres,  n'esl  pas  du  réalisme 
intense?  Et  les  tourments  d'artiste,  du  début  de  l'ouvrage,  el  tant 
d'autres  pages,  croyez-vous  que  ce  n'est  pas  de  la  meilleure 
psychologie? Pourquoi  nous  embêle-t-on  alors  avec  des  étiqueiles, 
puisqu'un  même  homme,  un  même  artiste  comme  Mendès  résume 
enVji  toutes  les  qualités  possibles  du  plus  parfait  des  écrivains? 

ElTlaeierlinck,  donc! 

El  voilà  que  reprennent  à  perte  de  vue  les  incidentes  et  les 
échappées  dans  les  souvenirs.  Et  j'écoule,  en  pulvérisant  des 
feuilles  sèches,  oubliant  tout  ce  que  je  dois  retenir,  enlièremenl 
pris  par  le  charme  de  la  parole  cl  l'imprévu  de  la  pensée  de  mon 
inlerlocuteur.  Enfin,  quand  j'essaie  de  revenir  au  sujet,  M.  Mir- 
beau medil  en  éparpillant  machinalement  dans  l'air  une  poignée 
de  feuilles  : 

—  La  littérature?  Demandez  donc  plutôt  aux  hêtres  ce  qu'ils  en 
pensent  ! 

Soudain  : 

—  Mais  quelle  heure  est-il  donc? 

—  Six  heures.  Déjà  ! 

Nous  revenons.  Le  soleil  va  se  coucher.  Des  rougeui-s  flam- 
boicnl  derrière  les  arbres  el  incendicnl  les  haies  qui  bordent  la 
roule,  le  petit  venl  de  ce  matin  est  tombé,  le  silence  se  fait  plus 
profond. 

Quand  nous  rentrons  à  Pont-de-l'Archc,  d'un  côté  le  soleil  tout 
rouge  va  disparaître;  de  l'autre,  dans  un  val,  entre  l'écariemeni 
de  deux  collines,  des  brumes  violettes  s'élèvent  vers  le  ciel  gris. 
A  contempler  ce  spectacle,  l'œil  ébloui  de  mon  hôte  paraiss^i  de 
l'aventurine  en  fusion. 

—  Au  fond,  voyez-vous,  c'est  de  la  peinture  que  j'aurais  dû 
faire,  dil-il  avec  un  peu  de  tristesse. 


296 


L'ART  MODERNE 


Huil  heures  moins  cinq.  Le  Irain  de  Paris  passe  à  huit  Jievres 
cinq.  Mes  adieux  hiiivement  faits,  on  saute  en  XMture. 

—  Nous  n'arriverons  pas,  ditie-yaoni. 

—  ai,  tàfmmà  M.  tthlieau,  hue,  'Coco  ! 

I.e  petit  cheval  breton  part  d'un  galop  effréné.  Il  fait  nuit  pres- 
que noire.  Cinq  minutes  passent. 

Nous  n'arriverons  pas,  répète  le  groom.  Voilà  le  train  qui 
arrive! 

Dans  les  ténèbres,  au  lointain,  en  effet,  l'œil  rouge  d'une  loco- 
motive a  paru*,  en  même  temps  qu'un  grondement  sourd  arrive  k 
nos  oreilles. 

—  Hue  !  Coco  !  ,^ 
Une  réflexion  rapide  me  traverse  l'esprit  : 

—  Vous  ne  m'avez  pas  dit  quelle  direction  paraît  prendre  le 
roman! 

—  Socialiste,  il  deviendra  socialiste,  évidemment  ;  l'évolution 
des  idées  le  veut,  c'est  fatal,  hue!  hue!  L'esprit  de  révolte  fait 
des  progrès,  et  je  m'étonne,  hue  !  que  les  misérables  ne  brûlent 
pas  plus  souvent  la  cervelle  aux  millionnaires  qn'ils  rencontrent... 
hue!  Oui,  tout  changera  en  même  temps,  la  littérature,  l'art,  l'édu- 
cation, tout,  après  le  chambardement  général...  hue!  hue  donc  ! 
que  j'attends  cette  année,  l'année  prochaine,  dans  cinq  ans,  mais 
qui  viendra,  hue!  hue  !  j'en  suis  sûr! 

Le  cheval  s'arrête,  le  train  entre  en  gare.  Je  saute  à  terre,  je 
serre  fortement  la  main  de  mon  hûle,  la  locomotive  siffle  et 
s'ébranle  avant  que  j'aie  eu  le  temps  de  me  reconnaître.  Par  la 
portière,  je  crie  :  Adieu  !  et  une  voix  me  répond  : 

—  A  cet  été! 

Jules  Hcret.  (Echo  de  Paris). 

LES  GRANDES  FORTUNES  ET  L'ART 

Dans  une  étude  publiée  sous  ce  litre  en  tête  du  n*  35  de 
l'Art  moderne  de  1889,  nous  signalions  l'inutilité  des  grandes 
fortunes,  si  ce  n'est  pour  les  jouissances  bétes  de  la  Hichelifferie. 

Si  encore,  disions-nous,  les  détenteurs  de  ces  accumulations 
anormales  de  richesses  savaient  en  faire  un  bon  et  habile  usage! 
Mais  ils  n'ont  guère  le  don  de  trouver  ce  qui  les  excuserait  et 
apaiserait  l'animadversion  qui  les  poursuit,  lis  ne  se  doutent  pas 
d'ordinaire  de  cette  hostilité  sourde,  impitoyable  en  ses  projets 
de  nivellement.  L'opulence  a  pour  propriété  de  les  rendre  inaptes 
à  percevoir  le  menaçant  phénomène  qui  les  enveloppe.  Par  le 
changement  brusque  du  point  de  vue,  ceux  mêmes  qui,  avant 
leur  transformation,  étaient  dans  la  foule  récriminalrice  et  mur- 
muraient avec  elle,  changent  de  sentiment  et  deviennent  aveugles 
et  sourds.  Ils  taxent  d'injustice  et  d'envie  la  passion  d'égalité 
qu'ils  res-sentaient  autrefois  avec  la  multitude  dont  un  coup  du 
destin  vient  de  les  faire  surgir.  //  n'y  a  guère  d'exemple  iun 
homme  ayant  une  grande  fortune  qui  l'ait  fièrement  et  noble- 
ment employée.  Et  on  a  ajouté  :  Une  grande  fortune  est  le  moyen 
le  plus  efficace  d'amoindrir  une  âme. 

J.-K.  Huijsmans,  dans  Là-Bas,  exprime  mapifiquement  les 
mêmes  idées  : 

«  Enfin  la  plus  désarçonnante  des  énigmes  n'était-elle  pas 
encore  celle  de  l'argent?  —  Car  enfin,  on  se  trouvait  là  en  face 
d'une  loi  primordiale,  d'une  loi  organique  atroce,  édictée  et 
appliquée  depuis  que  le  monde  existe.  Ses  règles  sont  continues 
et  toujours  nettes.  L'argent  s'attire  lui-même,  cherche  à  s'agglo- 


-mërer  aux  mêmes  endroits,  va  de  préférence  aux  scélérats  et  aux 
médiocres;  puis,  lorsque  par  une  inscrutable  exception,  il  s'en- 
tasse chez  un  riche  dont  l'ftme  n'est  ni  meurtrière,  ni  abjecte, 
alora  il  demeure  stérile,  incapable  de  se  résoudre  en  nn  bien 
intelligent,  inapte  même  entre  des  mains  charitables  k  atteindre 
un  bnt  qui  soit  élevé.  On  dirait  qu'il  se  venge  ainsi  de  sa  Eiune 
destination,  qu'il  se  paralyse  volontairement,  quand  il  n'appar- 
tient ni  aux  derniers  des  aigrefins,  ni  aux  plus  repoussants  des 
mufle». 

«  Il  est  plus  singulier  encore  quand,  par  extraordinaire,  il 
s'égare  dans  la  maison  d'un  pauvre;  alors  il  le  salit  immédiate- 
ment s'il  est  propre  ;  il  rend  lubrique  l'indigent  le  plus  chaste, 
agit  du  même  coup  sur  le  corps  et  snr  l'âme,  suggère  ensuite  k 
son  possesseur  un  bas  égolsme,  un  ignoble  orgueil,  lui  insinue 
de  dépenser  son  argent  pour  lui  seul,  fait  du  plos  humble  un 
laquais  insolent,  du  plus  généreux  an  ladre.  Il  change,  en  une 
seconde,  toutes  les  habitudes,  bouleverse  toutes  les  idées,  méta- 
morphose les  passions  les  plus  têtues,  en  un  clin  d'oeil. 

«  Il  est  l'aliment  le  plus  nutritif  des  importants  péchés  et  il  en 
est,  en  quelque  sorte  aussi,  le  vigilant  comptable.  S'il  permet  ft 
un  détenteur  de  s'oublier,  de  faire  l'aumône,  d'obliger  un  paurre, 
aussiidt  il  suscite  la  haine  du  bienfait  à  ce  pauvre  ;  il  remplace 
l'avarice  par  l'ingratitude,  rétablit  l'équilibre,  si  bien  que  le 
compte  se  balance,  qu'il  n'y  a  qu'un  péché  de  commis  en  moins. 

«  Mais  où  il  devient  vraiment  monstrueux,  c'est  lorsque, 
cachant  l'éclat  de  son  nom  sous  le  voile  noir  d'un  mot,  il  s'in- 
titule le  capital.  Alors  son  action  ne  se  limite  plus  à  des  incita- 
tions individuelles,  à  des  conseils  de  vols  et  de  meurtres,  mais 
elle  s'étend  à  l'humanité  tout  entière.  D'un  mot  le  capital  décide 
les  monopoles,  édifie  les  Banques,  accapare  les  substances, 
dispose  de  la  vie,  peut,  s'il  le  veut,  fiaire  mourir  de  fiiim  des 
milliers  d'êtres  I 

a  Lui,  pendant  ce  temps,  se  nourrit,  s'engraisse,  s'enfante 
tout  seul,  dans  une  caisse  ;  et  les  Deux-Mondes  à  genoux  l'adorent, 
meurent  de  désirs  devant  lui,  comme  devant  un  Dieu,  n 


PORNOGRAPHIE 

Voilà  donc  M.  Vandenpeereboom  en  plein  dans  le  pétrin  qu'on 
lai  a  prédit,  poursuivant  l'impossible,  et  ne  résolvant  une  dif- 
ficulté que  pour  en  voir  surgir  une  autre.  Il  a  cru  qu'on  pouvait 
comprimer,  bonne  ou  mauvaise,  cbasU  ou  obscène,  la  pensée 
comme  on  étrangle  un  petit  chat.  Elle  lui  échappe  et  va  se  poser 
ailleurs,  et  quand,  chasseur  toujoura  déçu,  il  croira  la  tenir  en  cet 
ailleurs,  elle  lui  échappera  encore,  et  ainsi  de  suite  tn  tœcula 
tœculorum,  à  moins  qu'il  ne  culbute  avant  la  fin  de  ce  rallie- 
paper. 

Un  petit  bleu  du  Gil  Blas,  que  voici,  envisage  la  question  à 
un  autre  point  de  vue  et  riposte  du  tac  au  tac  à  celte  pudeur  belge 
subitement  sortie  de  son  puits  : 

a  Non,  mais  savez-vous  que  vous  devenez  très  drôles  dans  votre 
pays,  quand  vous  vous  y  mettez!  Il  est  vrai  que  vous  ne  vous  y 
mettez  pas  souvent  —  mais  vous  savez  rattraper  le  temps  perdu  ! 
Alors  vous  voilà  devenus  moralistes  et  vous  ne  voulez  plus  que 
Paris  vous  enVoie  des  «  grivoiseries  »,  comme  vous  devez  dire  le 
soir  à  la  Cruche  d'or,  tout  en  buvant  des  lampées  de  faro  qui 
donnent  à  vos  figures  la  patine  de  vivants  Frans  Hais  !  Mais  savez- 
vous,  bons  Belges  que  vous  êtes,  que  lorsqu'à  Paris  et  même  ail- 


mw'^f] .. 


L'ART  MODERNE 


297 


leurs,  quelque  vieux  paillard  »ur  le  relour  el  surtout  8ur  le  déclin, 
a  besoin  d'obscénités,  de  vraies,  qui  n'ont  aucune  excuse,  aucun 
art,  aiicnn  talent,  savez-vous  d'où  il  les  fait  venir?  De  Bruxelles 
loul  simplement.  Il  n'a  qu'à  écrire  et  on  les  lui  envoie.  Ce  com- 
merce se  fait  chez  vous  au  grand  jour  !  et  alors,  tout  à  coup,  vous 
ne  voulez  plus  de  nos  plaisanlcries  parisiennes  qui  ne  sont  jamais 
obscènes  et  toujours  artistiques.  Savez-vous  que  c'est  à  se  tordre  ! 
A  moins  que  votre  ministère,  devenu  protectionniste  en  tout,  ne 
veuille  protéger  la  cochonnerie  nationale,  qui  serait  perdue  à  tout 
jamais  le  jour  où  ses  clienls  habituels  apprendraient  à  aimer  le 
joli  au  lieu  du  dégoûtant,  le  spirituel  au  lieu  de  l'ordure  !  Vous 
êtes  bien  drôles  en  Belgique,  quand  vous  vous  y  mettez.  » 


L'INSTINCT  DE  MIGRATION  (D 

A  propos  de  la  phrase  sur  l'instinct  de  migration  d'un  de  nos 
A  VAD  LA  Mer,  un  lecteur  nous  signale  le  passage  suivant  de  Théo- 
phile Gautier,  Portraits  contemporains,  pp.  241  et  242, 
(éd.  1886,  Charpentier). 

«  Chose  remarquable,  l'âme  a  sa  patrie  comme  le  corps,  et 
souvent  ces  patries  sont  différentes.  Il  y  a  bien  des  génies  pareils 
au  palmier  et  au  sapin  dont  parle  Henri  Heine  dans  une  de  ses 
chansons.  Le  palmier  rêvait  des  neiges  du  pôle  sous  la  pluie  de 
fen  de  l'équateur;  le  sapin,  frissonnant  sous  les  frimas  de  la 
Norvège,  rêvait  de  ciel  bleu  et  de  soleil  brûlant.  Ce  qui  arrive 
aux  arbres  peut  arriver  aux  hommes.  Quelquefois  ils  ne  sont  pas 
plantés  dans  leur  pays  réel  ;  ces  aspirations  singulières  qui  font 
un  Grec  ou  un  Arabe  d'un  individu  né  à  Paris  ou  dans  l'Auvergne, 
ont  leur  raison  d'être.  La  mystérieuse  voix  du  sang,  qui  se  tait 
pendant  des  générations  entières  ou  ne  murmure  que  des  syllabes 
confuses,  parle  de  loin  en  loin  un  langage  plus  net  et  plus  intel- 
ligible. Dans  la  confusion  générale,  chacun  réclame  les  siens  ;  un 
aïeul  inconnu  revendique  ses  droits.  Qui  sait  de  combien  de 
gouttes  hétérogènes  est  formée  la  liqueur  rouge  qui  coule  sous 
notre  peau?  Les  grandes  migrations  parties  des  plus  hauts  pla- 
teaux de  l'Inde,  les  débordcmenis  des  races  polaires,  les  invasions 
romaines  et  arabes  ont  toutes  leurs  traces.  » 


Petite  chroj^ique 

Scllt-Prudhoiuis,  instantané  du  OU  Blat  : 

Une  figure  douce,  pensive,  de  rêveur,  que  hantent  la  recherche 
de  l'absolu,  les  mystérieux  problèmes  métaphysiques.  Le  regard 
anxieiu,  teinté  des  nostalgies  de  ceux  qui  n'ont  pas  la  foi,  qui  se 
demandent  si  la  vie  a  vraiment  un  au-delà.  Sceptique  .seulement  à 
fleur  de  peau.  Compatissant  à  toutes  les  misères,  affectueux,  cha- 
ritable, conciliant,  est  de  l'avis  de  tout  le  monde  et  fuit  les  vaines 
controverses.  Refusa  le  prix  Vitet  quand  on  le  lui  offrit  pour  ses  si 
beaux  poèmes  philosophiques  et  sa  traduction  en  vers  du  grand 
Lucrèce  et  demanda  qu'il  fût  donné  à  des  poètes  sans  avoir.  Adore 
la  retraite.  Se  cloître  en  été  à  la  campagne,  en  Franche-Comté 
et  y  vit  en  ermite  farouche  et  contemplateur.  N'a  qu'une  inno- 
cente manie,  celle  de  faire  ii  tout  propos  quand  il  est  entre  intimes 
d'énormes  calembours. 

S'il  y  avait  des  peintres  dans  la  région  des  cataractes,  ils  nous 
(1)  Voir  rArt  Moderne  du  23  août,  p.  270. 


offriraient  certes  des  œuvres  d'un  coloris  bizarre.  Voici  k  ce  sujet 
ce  que  révèle  le  Mouvement  géographique  ■■ 

«  A  propos  du  blanc,  disons  qu'il  est  appelé  mondelé,  ce  qui 
veut  dire  :  homme  qui  porte  des  vtttmenff,  et  non  pas  blanc  dans 
le  sens  de  la  couleur.  Un  clerc  noir  s'appelle  mondelé  ndombé, 
homme  noir  portant  des  vêtements.  Pour  nous,  l'indigène  ne  nous 
considère  pas  comme  étant  de  couleur  blanche,  mais  bien  de  cou- 
leur rouge.  Au  reste,  le  nègre  n'a  guère  grande  notion  des  cou- 
li!urs.  Il  confond  blanc  et  jaune  et  toutes  les  couleurs  claires  ;  le 
noir,  le  bleu,  le  vert  n'ont  qu'une  appellation  ;  le  rouge  est  la  troi- 
sième couleur  pour  les  moricauds,  qui  n'ont  que  les  mots  : 
mpembé  {hhnc),  «domW (noir),  niftoiTti  (rouge).  » 

Il  est  vrai  que  nous-mêmes,  les  blancs,  nous  sentons  bieu  des 
choses  pour  l'expression  desquelles  les  mots  nous  manquent.  De 
bons  peintres  nègres  pourraient  donc  exister.  Mais  alors,  quels 
piètres  littérateurs  ils  seraient! 


Les  amoureux  de  la  Meuse  dinantaise  connaissent  les  ruines 
de  Poilvachc,  dit  aussi  Pillevache.  Savent-ils  que  ses  dispositions 
et  ses  dimensions  représentent  de  très  près  la  Troie  d'Homère 
telle  que  les  fouilles  de  Schliemann  l'ont  révélée,  réduite  à  ses 
véritables  et  restreintes  proportions.  Comme  celle-ci  Poilvache 
était  établi  sur  un  massif  isolé,  n'avait  qu'une  seule  entrée, 
n'avait  que  quelques  centaines  de  mètres  de  tour,  abritait  la 
demeure  du  seigneur  et  un  amas  de  maisons,  était  en  un  mot 
une  bourgade  fortifiée  en  parallélogramme,  habitée  par  de  très 
primitifs  occupants  que  l'Iliade  a  grandis  démesurément  (I). 

Les  ruines  de  Poilvache  appartiennent  depuis  peu  à  M.  de 
Lhonçux,  banquier,  à  Namur.  Les  touristes  apprendront  avec 
plaisir  qu'il  a  maintenu  dans  ses  fonctions  le'  garde  F.  Donny, 
d'Evrehaillc,  si  simple  et  si  intelligent,  qui  a  transformé  le  taillis 
qui  cachait  les  restes  de  la  bourgade  et  mis  à  jour  quantité  d'in- 
téressants débris.  C'est  lui  qui  a  dressé  l'excellent  itinéraire  qu'on 
suit  dans  la  visite  et  qui  suggère  tant  de  curieux  souvenirs. 
M.  Jules  deBurlet,  Minisire  de  l'Intérieur  et  dos  Beaux-Arts,  lui  a 
accordé  récomment  un  subside  pour  la  continuation  de  ses 
recherches,  et  certes  c'est  un  argent  bien  placé.  Ces  rustiques, 
faits  d'instinct  et  d'ingéniosilé,  ont  souvent  une  conversation  plus 
riche,  plus  intéressante  et  plus  vraie  que  los  savanis.  Donny  en 
est  un  exemple  :  nous  on  parlons  pour  l'avoir  éprouvé  et  nous 
rendons  très  volontiers  cet  hommage  au  modosic  et  opiniâtre 
travailleur. 


On  lit  dans  la  Réforme  : 

«  La  Princesse  Maleine,  qui  a  remporté  le  prix  au  concours 
triennal  de  littérature  dramatique,  va  avoir  l'honneur  de  la  tra- 
duction. Notre  excellent  confrère  Gérard  Harry,  do  l'Indépendance, 
publiera  prochainement  chez  Heinomann,  b  Londres,  l'éditeur  de 
Ibsen,  Tolstoï  et  de  la  plupart  des  littérateurs  célèbres  du  conti- 
nent, une  traduction  anglaise  de  la  Princesse  Maleine.  Ce 
volume  sera  enrichi  d'une  préface  d'Oscar  Wilde,  un  jeune  poète 
qui  sacrifie  aux  dieux  nouveaux  avec  beaucoup  de  succès. 

M.  Gérard  Harry,  qui  avait  Iraduit  comme  on  sait  en  français 
les  Cinq  années  au  Congo  de  Stanley,  accomplit  cette  fois  le  tour 
de  force  de  présenter  au  public  anglais  l'œuvre  si  originale  de 
notre  compatriote. 

Notre  confrère,  qui  est  d'origine  française  et  qui  a  fait  une 
partie  de  son  éducation  en  Angleterre,  est  un  des  rares  lettrés 
qui  puissent  entreprendre  avec  succès  celte  diflicultucuse  traduc- 
tion. » 

Ajoutons  qu'une  autre  traduction  anglaise  de  la  Princesse 
Maleine  paraîtra  prochainement,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà 
annoncé.  Cette  traduction  est  due  à  M™  Vielé-Griffin,  qui  a 
publié  cet  éié  la  traduction  de  V Intruse  et  des  Aveugles. 

(1)  Voir  l'Art  moderne  du  19  janvier  1800. 


-:W<- 


# 


ONZIÈME  ANNÉE 

L'ART  MODERNE  s'est  acquis  par  l'antorité  et  llndipendanee  de  sa  eritiqae,  par  la  rariMé  4e  mb 
informatioDs  et  les  soins  donnés  à  sa  rédaction  une  plaee  prépondérante.  Anonne  Bunifestation  d«  l'Ait  ne 
lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  de  pelÂtore,  de  sonlptore,  de  gniTure,  de  mvalqaa, 
d'arcblteoture,  etc.  Ck)n8acr6  principalement  au  mouvement  artistique  belge,  il  renseigne  néanmoins  ses 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  l'étranger  qu'il  importe  de  oonnaitr«. 

Chaque  numéro  de  L'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  quasvion  artistiqae 
ou  littéraire  dont  l'événement  de  la  semaine  fournit  l'aotualité.  Les  exposit^nu,  les  livret  ntmveaux,  ks 
premières  représentations  d 'œuvres  dramatiques  ou  musicales,  les  conférences  littérairet,  les  concerts,  les 
ventes  dobjets  dart,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurispiaidance  artistiques.  U  rend  compte  des 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  XiOS 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complète  des  ezpOSiuOnS  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  U  est  envoyé  gratuitement  à 
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Oiodtiai  AxaxÈa.  —  N'  38. 


Le  numéro  :  S6  centimes. 


Dimanche  20  Septembre  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LB    DIMANCHE 


REVUE  OWTIQDB  DBS  ARTS  ET  DE  LA  LinÉRATDRE 

Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


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^OMMAIRE 


La  dorsale  UMBOnBoxoisE.  —  Affiches  iixnsTRéBS.  —  Maurice 
BfAimtLDCGK  m  Anolstbrre.  —  Rectification.  —  Le  noctteau 
■tmiàmiM  ALLiMAX».  —  PmxB  catsomama- 


LA  DORSALE  LIMBOURGEOISE 

A  contimier!  avait  ajouté  db  entreprenant  correc- 
teur «a  iroisiëme  A  tau  la  Mbk  !  ici  publié.  Conseil  ou 
naïf  désir.  C'était  fini  pourtant  de  parler  d'Elte.  C'était 
fini  cette  liaison  de  queues  semaines  et  son  récit.  Le 
CMitenr  s'annonçait  r^ugié  quelque  part  en  cette  Cam- 
pÏBeqai,  par  ses  ondulantes  dunes,  et  ses  plaines  s'éta- 
lant  en  lointains  horizrais  vagues,  et  ses  vents,  et  ses 
gnuids  deux,  semble  la  terrestre  création  d'un  roi 
exilé  de  la  mer  qui  voulut  en  fixer,  par  un  matériel 
décor,  ka  émouvants  souvenirs. 

Je  veux  tmter  de  décrire  ce  coin  de  la  terre  natale 
ot  m'a  pooaaé  le  Hasard,  ce  magicien,  toujours  pré- 
sent, totyouis  invisible  qui,  bienveillant  ou  tragique, 
coutamment  iMms  crie  :  tout  arrivera  autrement  que  tu 
penMBl  Une  fois  encore,  il  s'agit  d'essayer,  quoiqu'on 
ttB  jo«iml  de  critique  artistique,  d'être  paysagiste  de 
la  plome,  car  vraiment  tant  d'identité  de  sensations 


s'échappe,  pour  l'âme  et  les  yeux,  de  la  Nature  et  de 
l'Art,  qu'une  négation  flotte  en  nous  quand  se  réveille 
la  vieille  maxime  scolastique  des  fileurs  d'Esthétique  : 
«  Pas  d'art  sans  l'Homme  !  L'art  c'est  le  Beau  sorti  de 
l'activité  humaine  !  » 

Qu'importe  d'ailleurs  :  Je  suis  païen  ;  j'ai  vu  les 
splendeurs  du  soleil  couchant  sur  la  mer  d'Egine;  j'ai 
vu  les  tombeaux  d'Achille  et  de  Patrocle,  dans  la 
Troade;  Cybèle,  la  grande  nourricière  "  qui  fait  la 
farine  et  le  vin  »,  n'est  pas  morte  en  mon  imagination 
amoureuse  des  Mythes,  et  ses  œuvres  de  déesse,  pein- 
tresse  de  marine  et  de  paysage,  «  sculpteuse  en  horizons  « 
sont,  pour  l'idolâtrie  ancestrale  qui  gîte  en  moi,  des 
œuvres  d'art. 

Ah  !  qu'elle  est  belle  en  l'accidenté  et  mosaïque  tapis 
qui  la  couvre,  jeté  en  ornement  et  tombant  en  longs  plis 
cassés,  des  Ardennes  à  la  mer  du  Nord,  cette  petite 

Belgique si  mal  habitée!  Et  quel  charme  dans 

son  toujours  variable  pittoresque  qui,  au  promeneur 
rêveur, maudisseur  de  la  vitesse,  anathéraatiseur  de  loco- 
motives et  de  bicyclettes,  déroule  d'heure  en  heure  des 
sites  nouveaux,  où  la  Nature  tourne  incessamment  les 
pages  et  berce  de  sa  muette  lecture!  Au  voyageur  à 
longs  et  baroques  vagabondages  que  je  fus  en  tant 
d'années  de  vie  déjà  consumées,  chaque  fois,  au  retour, 
elle  me  caresse,  en  ses  champs  retrouvés,  d'une  mater- 
nelle et  séductrice  impression  de  calme  et  de  beauté. 


300 


L'ART  MODERNE 


Illusion?  peut-être.  Si  longtemps  notre  humanité, 
désormais  peu  à  peu  cosmopolite,  vécut  de  cette  étroite 
et  héroïque  grandeur  :  l'amour  de  la  patrie.  Par  les 
jours  de  vacance  où  la  raisonneuse  sagesse  chôme  dans 
le  cœur  repris  par  les  naïfs  instincts,  je  me  laisse  aller 
(quelle  douceur!)  à  ce  touchant  atavisme. 

La  Campine  !  Oh  !  à  ce  seul  mot  de  féminine  et  son- 
geuse allure,  quelle  évocation  de  demi-teintes  et  de 
lignes  fuyantes,  quels  indistincts  murmures  voisinant  le 
silence!  Wel  te  vrede!  Builen  zorg  !  d'antiques  mono- 
tones évocatrices  devises  flamandes,  sur  cette  terre 
flamande  sont  sussurées  par  l'invisible  paix  dont  on 
sent  palpiter  les  ailes  immenses  dans  la  tranquille 
atmosphère. 

Et  pourtant  me  voici,  à  l'improviste  en  des  parages  où 
cette  grande  toile  horizontale  aux  plans  et  aux  colora- 
tions stratifiées,  si  harmonieusement  ternes  et  bru- 
meuses, a  été  chiffonnée,  brusquement,  en  ravines  et  en 
collines,  piissée  en  une  longue  frange  jetée  le  long  de  la 
Meuse,  de  la  belle  Meuse  !  C'est  la  Campine  montagneuse, 
LA  Dorsale  Limhourgeoise  ! 

La  Dorsale  !  car  cette  épine  tourmentée  est  un  des 
chaînons  qui  séparent  les  bassins  des  deux  fleuves  belges, 
rejetant  de  part  et  d'autre  les  eaux  comme  les  fils 
d'une  chevelure  soigneusement  divisée.  Ce  tronçon, 
spécial  en  ses  beautés  sévères,  inconnues  des  touristes, 
incomprises  des  naturels,  s'embranche  près  de  Tongres 
sur  le  palier  qui  hausse  le  sud  du  Limbourg  et  le  rat- 
tache à  la  province  de  Liège.  Il  court  au  Nord  s'inflé- 
chissant  bientôt  vers  l'Ouest  et  coupant  diagonalement 
les  immenses  bruyères  du  Donderslagh  (du  coup  de 
tonnerre,  quel  nom  pour  un  désert  !)  et  les-  classiques 
bruyères  du  camp  de  Beverloo. 

Comme  nombre  de  lignes  de  faîtes,  forêts  ou  pla- 
teaux, là  règne  la  solitude,  l'enchanteresse  solitude  ! 
Vous  avez  vu  sur  la  carte  du  Limbourg  ce  grand 
espace  central,  blanc,  vide,  qui  suscite  en  l'esprit  la 
pensée  d'espaces  sablonneux  et  le  désir,  doux  comme 
une  espérance,  d'aller,  quelque  jour,  en  ces  silencieux 
parages  où  si  peu,  san^  doute,  ont  été.  Ce  sont  les 
landes  campinoises,  le  grand  fragment  de  cette  pri- 
mitive et  légendaire  aridité  que  les  défrichements 
opiniâtres  ont  détruite  ailleurs  et  qu'ils  rongent  ici 
circulairement,  étendant  d'an  en  an,  le  chancre  anti- 
artistique de  leurs  industrielles  cultures.  Symbole  de 
pauvreté  dont  personne  ne  veut  être  car  le  paysan  des 
confins  y  a  le  même  tenace  et  puéril  orgueil  qui  fait 
répondre  par  tout  Ardennais  à  qui  on  demande  où  est 
l'Ardenne  :  C'est  plus  loin. 

Mais  ce  n'est  pas  de  cette  large  tache  géographique 
que  je  veux  spécialement  parler,  étalement  indéfini  de 
courte  et  maigre  bruyère  frissonnante  mal  venue  dans 
un  sol  graviéreux,  où  la  marche  du  piéton  au  soleil, 
par  l'indistinct  ruban  d'un  sentier,  entre  les  bas  et 


tristes  genévriers,  venus  là  souffreteux,  en  sentinelles 
perdues,  est  si  plombante,  où  les  couchants  sont  beaux 
comme  à  la  mer,  où  la  nuit,  et  son  firmament,  et  son 
silence,  et  ses  ténèbres,  sont  si  émouvants  et  superbes. 
Ceci  est  connu  ou  pressenti.  Comme  aussi,  et  depuis 
longtemps,  grâce  au  flair  des  artistes  découvreurs  de 
sites,  ce  Genck,  d'un  joli  pittoresque,  mais  déjà  la 
proie  des  assolements  et  des  aubergistes  et  des  phi- 
listins, avec,  très  proches,  les  curieuses  et  charmantes 
chaumières  du  hameau  de  Langerloo,  enguirlandées  de 
pampres,  ombragées  de  tilleuls  et  d'ormes,  et  la  vue 
magnifique,  des  hauteurs  pelées  du  Peperblook,  sur  les 
innombrables  marais  qui,  de  leurs  boucliers  métalliques, 
reflétant  le  gris,  l'azur  ou  l'or  du  ciel,  diaprent  la 
plaine  où  surgissent  en  phares,  émergeant  d'un  océan 
de  verdure,  les  clochers  de  Hasselt  et  de  Diepenbeek. 

Non.  C'est  plus  loin.  Plus  à  l'écart!  Plus  au  fond  ! 
C'est  un  coin  plus  soustrait  aux  regards  et  au  travail 
des  hommes,  aux  profanations.  Cinq  lieues  de  long, 
deux  lieues  de  large,  presque  rien  pour  qui  court 
l'étape,  tant  pour  le  flâneur  qui  rêve!  Un  Mont-salvat, 
«  un  Paradou  "  mystiquement  enmuraillé  de  solitude 
et  de  silence. 

Puisque,  pour  se  faire  comprendre  en  pareille  descrip- 
tion, il  faut  un  peu  de  topographie,  disons  :  cela  com- 
mence au  sud  à  Lanaeken,  cela  finit  au  nord  à  Neer- 
Oeteren.  L'axe  de  ce  territoire  charmeur  réunit  ces 
deux  pôles  rustiques.  De  l'un  à  l'autre,  en  plantations 
ininterrompues,  les  pins  sylvestres  de  la  forêt  de  Gruyt- 
rode,  quelques  milliers  d'hectares  s'allongeant  sur  un 
chapelet  de  hauteurs,  en  sombre  bordure,  parallèle- 
ment à  la  large  et  fertile  vallée  des  alluvions  de  la 
Meuse,  le  Maasiand,  avec  ses  innombrables  villages,  le 
canal  ombreux  de  Liège  à  Bois-le-Duc,  et  la  somptueuse 
route  de  Maastricht  à  Venloo,  admirable  et  intermi- 
nable avenue  châtelaine,  ordonnée  par  Napoléon,  con- 
struite par  ses  prisonniers  d'Espagne,  ici  déportés, 
fragment  de  la  route  militaire  de  Paris  à  Hambourg. 

C'est  cette  forêt  de  Gruytrode,  ses  abords,  ses  prolon- 
gements, ses  horizons,  c'est  ce  morceau  de  la  Dorsale 
Limbourgeoise  dont  je  veux  proclamer  les  beautés,  après 
six  semaines  de  parcours  par  ses  solitudes  et  ses  che- 
mins sans  nombre,  et  de  séjours  sous  la  tente  par  ses 
clairières,  sur  ses  monts,  dans  ses  gorges,  baigné  dans 
l'air  vivifiant,  médecine  divine,  qu'imprègne  la  balsa- 
mique odeur  des  vastes  sapinières.  Il  semble  qu'on 
mange  quelque  chose  de  très  substantiel  et  de  très  pur. 

Qui  se  réfugie  en  ces  retraites,  marchera,  sillonnant 
à  chaque  pas  la  bruyère,  y  plongeant  jusqu'aux  genoux, 
marchera,  marchera  des  kilomètres  et  des  kilomètres 
sans  voir  une  habitation,  sans  rencontrer  un  être, 
1-homrae  étant  absent,  l'oiseau  rare,  le  gibier  caché.  Il 
savourera  la  sensation  délicieuse  de  l'isolement  absolu 
sur  une  terre  vierge  et  sauvage.  Constamment  il  sera 


sur  des  cimes  dominant  la  vallée  mosane  d'une  cinquan- 
taine de  mètres,  avec  des  échappées  vers  des  lointains 
splendides  qui,  passant  au  dessus  du  fleuve,  s'achèvent 
aux  horizons  indistincts  de  la  Hollande.  Ces  monts 
sont  des  dunes  colossales  formées,  au  long  des  siècles 
sans  nombre,  par  les  vents  du  sud-ouest  ramassant  et 
chassant  les  sables  de  l'ancienne  mer  desséchée  noyant 
les  bancs  qui  plus  tard  devaient  être  la  Campine.  Us 
furent  arrêtés  net,  dans  leur  marche  envahissante,  par 
le  courant  de  la  Meuse,  s'étalant  alors  sur  une  lieue  en 
largeur,  et  formèrent  une  longue  bande,  apparent 
rempart,  où  les  eaux  descendant  des  plateaux  creu- 
sèrent des  sillons  tourmentés,  déchiquetant  la  longue 
escarpe  et  la  démantelant  en  brèches  profondes,  dont 
chacune,  aujourd'hui,  élargie  par  les  orages,  étoffée 
de  pins  rabougris,  fourrée  d'épaisses  bruyères,  est  une 
montée  tortueuse  vers  l'intérieur,  soutachée  de  l'étroit 
cordon  blanc  d'un  chemin  sablonneux  serpentant  entre 
les  courts  arbustes,  tel  qu'une  piste  de  fauves.  Là  où 
le  col  aboutit  au  plateau,  c'est  l'immensité  de  la  plaine 
qui,  de  la  mi-août  à  la  mi-septembre,  quand  fleurit  la 
bruyère,  se  carminé  en  prairie  merveilleuse  jaspée  de 
vert  et  de  rouge,  adorable  tapis,  murmurant  d'abeilles, 
parfumé  de  la  forte  odeur  du  miel.  Des  plantis  de 
pins  semblent  postés  çà  et  là  en  bataillons  carrés,  raides, 
et  noirs  à  la  tête  comme  des  grenadiers  en  colbacks, 
avec  les  droites  avenues  des  coupes  formant  les  inter- 
valles des  bataillons,  tandis  que  sur  les  fronts,  des 
buissons  épars  de  chênes  semblent  des  éclaireurs. 

Que  de  fois  j'ai  erré  par  ces  nonchalants  contours. 
Le  matin,  attendant  le  lever  du  jour,  après  le  sommeil 
rustique,  tout  habillé,  sous  la  tente,  le  soir,  durant  ces 
heures  radieuses  où  le  soleil  couchant,  allongeant  les 
ombres,  donne  aux  sites  un  aspect  si  puissant  et  si  dra- 
matique. Car  clest  l'aube  ou  le  crépuscule,  quand 
grandissent  les  sombreurs  invigorant  «  l'ombre  par  le 
rayon  et  le  rayon  par  l'ombre  »,  quand  Elios,  au  début 
ou  au  déclin  de  sa  course,  aligne  vers  la  terre  ces 
bandes  lumineuses,  descendant  des  nues,  que  les  marins 
ont  nommé  les  haubans  du  soleil,  ce  sont  ces  heures  de 
résurrection  splendide  ou  de  royale  agonie  qui  patinent 
cette  nature  de  la  lumière  qui  lui  fait  sa  plus  magique 
auréole  :  car  il  ne  lui  faut  pas  le  ciel  azuré  immobile, 
mais  le  défilé  des  nuageuses  escadres. 

Comment  tout  dire  des  sensations  dont  se  repaissent 
constamment  les  yeux,  dont  sans  trêve  est  amolli  le 
cœur,  dans  cette  Thébaïde,  et  de  l'inassouvi  qu'elle 
laisse,  du  besoin  de  s'en  repaître  encore,  de  l'aspirer, 
de  la  savourer?  Dans  la  sérénité  émue  dont  elle  vêt  le 
promeneur  comme  d'un  pur  vêtement  séraphique,  elle 
ramène  sans  cesse  aux  lèvres,  à  chaque  tournant,  à 
chaque  aspect,  ces  mots  puérils  et  tendres  :  Que  c'est 
beau  !  avec  cette  humble  remarque  de  l'homme  conscient 
de  sa  fragilité  :  Nous  ne  méritons  pas  tant. 


Les  grandes  impressions  répugnent  aux  traductions. 
Si  vous  voulez  les  amoindrir,  racontez-les.  Il  est  pour- 
tant un  site  étrange  qu'il  faut  brièvement  signaler,  tant 
il  est  la  plus  intense  concentration  du  pittoresque  ici 
partout  épars  :  c'est  le  Sandberg  de  Gruytrode,  étonnant 
amas  de  hautes  dunes,  échouées  sur  les  rives  verdoyantes 
d'un  ruisseau,  ruisselant^d'eaux  descendues  des  fagnes, 
le  Boschbeek,  pareilles  à  une  émigration  de  pics  sablon- 
neux, détachés  de  nos  côtes  et  lentement  venues  à 
travers  le  pays.  Elles  dominent  toute  la  contrée,  bar- 
rant l'horizon  de  leur  massif  mamelonné  d'un  jaune 
ferrugineux,  crête  de  dentelures  bizarres,  aigreté  de 
sapins  tourmentés  par  les  vents.  Quand  attiré  par 
leur  masse  dont  la  vue  incessante  est  un  irrésistible 
appel,  on  y  pénètre  quelque  soir,  le  spectacle  est 
prodigieux.  Au  sortir  même  de  la  vallée  humide,  fertile 
et  ombreuse,  sans  transition,  on  entre  dans  le  désert  : 
ininterrompus  les  monts  et  les  vaux,  les  vaux  et  les 
monts  se  succèdent,  s'enchevêtrent,  en  flots  figés  gigan- 
tesques jaspés  du  vert  émeraude  des  sapins,  tachés  de 
l'orange  des  terres  affleurantes,  veloutés  par  la  noire 
fourrure  du  lichen.  Des  sommets  où  la  brise  moire  le 
sable,  à  nu  comme  sur  les  plages,  des  vues  magnifiques 
sur  un  très  lointain  cercle  d'horizon,  avec  le  premier 
plan  de  ces  dunes  étranges,  de  ces  dunes  épiques,  indé- 
chiffrables en  leurs  sursauts,  en  leurs  chutes,  en  leurs 
étranglements  de  gorges  où  l'on  rêve  voir  danser  des 
fées,  en  leurs  plateaux  où,  au  clair  de  lune,  ont  dû  jadis 
cabaler  les  sorcières.  C'est  l'ignoré  site  le  plus  beau  du 
Limbourg ! 

Et  quand  enfin  il  faut  partir,  sans  avoir  son  compte 
de  ces  paisibles  et  artistiques  jouissances,  ô  fratei'nel  ami 
qui  lisez  avec  sympathie  ces  insuffisants  mots  rapides, 
allez-vous-en  par  la  Meuse,  en  Lohengrin,  sur  un  canot 
puisque  les  cygnes,  hélas  !  ne  naviguent  plus  pour  les 
hommes.  Gardez- vous  de  remonter  le  fleuve  vers  les 
beautés  trop  connues  de  la  Meuse  à  rochers!  Non,  par- 
tez au  fil  de  l'eau  vers  la  Meuse,  la  belle  Meuse 
délaissée  aux  rives  basses  qui  mène  à  ce  tant  regretté 
pays  hollandais  que  la  ba^e  politique  de  septembriseurs 
pires  que  les  septembriseurs  du  Paris  révolutionnaire 
ont,  il  y  a  douze  lustres,  séparé  de  nous. 

Ah!  jamais,  s'il  y  eût  eu  parmi  eux  des  cœurs 
d'artistes,  ils  n'eussent  commis  ce  crime,  ne  filt-ce  que 
pour  garder  à  nous  et  embellir  de  ces  mots  :  c'est  la 
patrie  !  les  admirables  paysages  de  ces  terres  prairiales, 
superbe  draperie  de  soie  verte,  relevée  par  les  rouges 
nœuds  des  villages,  qui  font  au  fleuve  un  si  superbe 
berceau.  Oui,  allez  au  fil  de  l'eau,  disparaissez  ainsi 
lentement,  mollement  comme  la  traînée  des  souvenirs 
effeuillés  derrière  vous. 


820 


L'ART  MODERNE 


AFnCHES  ILLUSTRÉES 

Depuis  que  le  maître  Jules  Cbdrct  pavoise  les  murs  de  féeries 
et  conlraini  les  passants,  par  son  seul  vouloir  artistique,  k  s'inté- 
resser à  un  purgatif,  à  épeler  le  nom  compliqué  d'une  étoile  de 
café-concerl  (ô  l'adorable  profil  de  M"'  Kanjarowa,  la  nouverie 
Yvette!),  l'affiche  est  rénovée,  asfainic  des  iape-à-1'œil  aveuglants 
imaginés  par  le  puffisme  yankee.  Derrière  lui,  comme  une  com- 
pagnie suii  son  capitaine,  marclw  la  nouvelle  école  des  «  affi- 
chistes »  qui  résolument  font  de  l'An,  —  un  arl  spécial,  séduc- 
teur et  délicat,  en  ce  S:ilon  en  plein  air  :  la  Rue.  Un  iodusirici 
soucieux  de  sa  renommée,  un  marchand  expérimenté  ne  confie 
plus  aux  enlumineurs  de  jadis  le  soin  de  colorier  l'affiche  destinée 
à  solliciter  le  client.  Il  »ait  que  les  brillants  chromos  qui  mon- 
trent un  singe  vêtu  d'écarlate  occupé  h  faire  reluire  une  paire  de 
bottes  ou  une  mégère  en  robe  canari  savonnant,  à  proximité 
d'une  baignoire,  la  nudité  d'un  gosse  exaspéré,  loin  d'attirer, 
repoussent  les  regards.  II  s'adresse  aux  artistes,  à  ceux  qui  ont 
l'art  de  composer  un  mélange  de  tons  harmonieux  et  joli,  de  dire 
en  quelques  traits  vivement  jetés  sur  la  blancheur  du  papier  la 
grâce  perverse  d'une  danseuse  du  Moulin-Rouge,  le  geste  déluré 
d'une  bicycliste  brandissant  l'étendard  aux  trois  couleurs,  l'énig- 
maiiqne  sourire  d'une  amadryadc  enlacée  à  un  terme  h  tête  de 
faune. 

L'affiche  s'est  faite,  cet  été,  paysagiste.  Afin  de  mieux  prendre 
les  touristes  au  collet  et  de  les  fourrer  de  vive  force  en  waggoo, 
les  compagnies  de  chemins  de  fer  ont  multiplié  dans  les  gares  la 
séduction  des  sites  champêtres,  des  plages  étincelantes,  des 
ruines  pittoresques,  des  coins  de  ville  obsédés  de  souvenirs. 
C'est  une  fête  pour  les  yeux,  et  certes  une  impérieuse  tentation, 
que  CCS  clairs  panoramas  déroulés  d'une  main  experle  aux  bons 
endroits.  Timidement,  les  années  précédentes,  telle  compagnie  de 
navigation  sur  le  lac  Léman  agrémentait  de  quelques  médaillons 
coloriés  l'horaire  de  ses  services.  Des  topographies  du  Nont- 
Blanc,  des  réclames  en  faveur  de  l'Oberland  bernois  s'illustraient 
de  certains  profils  de  montagnes,  de  la  silhouette  d'un  vague 
alpiniste  simulant  l'admiration  que  lui  faisait  éprouver  le  lever 
du  soleil  sur  l'éclat  des  glaciers.  La  North-  Western  coeadrail  ses 
itinéraires  d'assez  lourdes  chromographies  évoquant  des  lacs 
gallois,  des  monastères  gothiques,  des  coteaux  herbeux  marbrés 
de  Durham  trapus.  Une  Zélandaisc  indique  même  aux  Bruxellois 
le  chemin  de  Malincs  à  Terneuzen,  —  le  dimanche,  à  prix 
réduit,  —  et  le  passage  vers  Flessingue  et  Middelbourg,  vers  les 
Japoneries  des  Iles. 

Dès  les  premiers  beaux  jours,  voici,  celte  saison,  les  gares 
fleuries  de  compositions  chatoyantes,  qui  chantent  d'une  voix 
claire  la  gaité  des  voyages  et  des  villégiatures.  Signée  Gustave 
Fraipont,  Lucien  Lefebvrc,  Hugo  d'Alési,  ou  très  modestement 
demeurée  anonyme,  cette  joyeuse  imagerie  requiert  irrésistible- 
ment. 

L'excursion  sur  les  côtes  de  Normandie  montre,  dans  un  fouil- 
lis de  branches  do  pommiers  en  fleurs,  la  fantastique  archileclure 
du  Mont- Saint-Michel  silhouettée  en  bleu  sombre  sur  l'or  du 
couchant,  la  plage  ensoleillée  de  Dieppe,  Dinan  et  son  viaduc, 
ingénicuscmenl  disposés  en  un  groupement  de  médaillons  que 
traverse  obliquement  un  vol  de  mouettes. 

En  une  autre  affiche,  c'est  la  cathédrale  de  Rouen  qui  dresse. 


sar  on  ciel  miigeax,  le  pro61  de  let  (ours  ^épatt»,  tawlis  q«e 
défilent  su  dessous,  lanterne  nugiqae  k  surprises,  la  perspectife 
d'une  vieille  me  de  Dinan,  le  port  de  Saint-Malo,  le  château  Elisa- 
beth de  Jersey,  l'opulence  d'une  ferme  normande  plantée  dans  un 
pré  criblé  de  soleil. 

Voici,  enir'ouvert,  l'écrin  de  joyaux  des  Baint  de  mer  de 
rOcéan  :  la  tour  farouche  de  la  Rochelle  glacée  dTun  rayon  de 
lune,  Royan,  Fouras,  les  Sables  d'Olonne  avec  leurs  somptuen 
casinos  rt  leurs  chapelets  de  cabines  ;  le  phare  de  Cordonan  battu 
des  flots  ;  le  TÏeux  chftteau  de  Poniir,  dont  la  masse  sombre  hit 
une  tache  violette  sur  un  ciel  incandescent. 

Et  tandis  que  les  tamarys  et  les  lauriers- roses  s'entrelacent  dans 
le  papiUolement  de  ces  soyeux  écrans,  en  l'affiche  des  Ckemùu 
de  fer  du  Midi,  l'oraager,  le  citroaoier  mêlent  leurs  fruits  d'or 
au  feuillage  ai^enlé  des  oliviers,  aux  ddmcs  d'émrraude  des  pins 
maritimes  sons  lesquels  ruisselle  de  lumière  le  collier  des  stations 
hivernales  :  Saint-Raphaël,  Hyères,  Antibes,  Cannes,  Grasse, 
égrenant,  comme  des  perles,  leurs  maisons  blanches  sur  la  côlc 
d'azur. 

De  toutes  les  affiches  des  chemins  de  fer,  celte  dernière  est  la 
plus  artistique.  Vainement  avons-nous  cherché,  en  quelque  coin, 
modestement  inscrite  en  lettres  minuscules,  la  signature  de  s6n 
auteur. 

Le  Pas-de-Calais  arbore  fièrement  la  séduction  de  ses  «  roaie- 
lottes  n  boulonaises  auréolées  du  plus  joli  bonnet  blanc  dont  la 
tradition  ait  perpétué  l'élégance  pittoresque.  Les  installations 
maritimes  de  Calais,  le  port  animé  de  Boulogne,  la  forêt  du  Tou- 
que!,  la  rusticité  de  la  plage  de  Berck  et  ce  petit  coin  de  terre 
perdu  i  l'embouchure  de  la  Somme,  le  Crotoy,  où  la  vie  s'écoule 
si  paisible,  loin  du  broit  des  tapageuses  stations  voisines,  ont 
fourni  !i  M.  Fraipont  les  éléments  d'une  de  ses  plus  jolies 
affiches. 

D'autres  encore,  innombrables  celte  année,  amusent  l'œil, 
trompent  l'attente  impatiente  d'un  train  en  retard. 

Dans  l'affiche  des  Pyrénées  et  des  Battu  de  mer  d*  Ootfe  de 
Ottscogne,  un  guide  mène  en  des  défilés  sauvages  une  lonrislc 
en  pèlerine  mastic  hissée  sur  un  mulet,  tandis  qu'autour  du 
groupe,  parmi  les  sapins  et  les  glaciers,  apparaissent  le  cirque 
de  Gavaroie,  la  vallée  des  Eaux-chaudes,  Biarritz  ot  son  mono- 
lithe, etc. 

L'excursion  en  Dauphiné  offre  le  panorama  de  Grenoble  et 
des  rives  de  llsère,  la  vue  incomparable  dont  on  jouit  sur  les 
glaciers  des  Grandes-Rousses.  Puis  c'est  le  Désert  de  la  Grande- 
Chartreuse  et  son  chaos  de  rochers  aux  formes  tourmentées,  le 
monastère  de  Saint-Bruno  dans  un  site  merveilleux  ;  le  chUeau 
de  Bouqoéron,  k  flanc  de  cOteao  ;  plus  loin  une  débandade  de 
toits'  ronges  dans  un  océan  de  verdure  :  Allevard,  d'oft  partent 
les  alpinistes  pour  les  Sept-Laur,  pour  le  pic  de  Belledonne, pour 
les  sommets  où  l'on  vit  dans  l'indépendance  de  sa  nature  enfin 
iifconquise. 

A  citer  encore,  parmi  les  plus  originales,  l'affiche  du  MorU- 
Rose  :  un  disque  flamboyant,  écarlate,  énorme,  enguirlandé  de 
fleurs  alpestres,  marque  l'aiguillage  de  la  voie  ferrée  vers  la  Vallée 
de  Zcrmatt,  —  une  gorge  encaissée,  toute  bleue,  coupée  irans- 
versalement  par  la  barre  blanche  d'un  pont.  Des  crêtes  neigeuses 
courornieni  la  composition,  qui  vous  poursuit,  le  train  en  marche, 
de  l'obsession  de  son  œil  rouge  fixé  implacablement  sur  vous. 

Ces  affiches,  elles  sont  éparpillées  d'un  bout!)  l'autre  des  TOies 
ferrées  qui  sillonnent  la  France,  la  Belgique,  la  Saisse.  Au  hasard 


'*  ■  ;sP™S^?'^7i' -  -     '    ■■■ 


UART  MODERNE 


303 


4n  MMOMie»,  en  flinniit  «ir  le  qu»i  d'embarqoemenl,  au  Nord, 
»  S«4,  en  eelta  école  buiggoonière  des  mois  d'août  et  de 
septembre  qui  vous  jette  brusquement  des  altitudes  alpestres  où 
l'oB  iMleia neige  vierge  en  des  vallées  méridionales  où  mùrisseni 
k  ifoe  et  rubergine,  nous  les  avons  notées,  et  notre  mémoire 
S^efbm  d'en  reMasciler  la  physionomie.  Sans  doute  il  en  est 
d'mres  «noore,  «m  Itaitie,  en  Espagne,  en  Allemagne,  en  Angle- 
leric. 

Lercgfet  naît,  tont  naturellement,  de  ne  pas  vcir  réunie  celle 
eoUacliaB  et  jonjoax  amusants,  et  la  possibilité  s'enircvort  d'une 
Cqmitioii  intemaiionalc  annuelle,  dans  les  grands  centres  : 
taris,  toadwM,  Bruxelles,  des  affiches  illustrées  que  les  exigences 
cnimntes  de  la  fwblicilé  jettent  anx  quatre  vents  de  l'Europe. 

Pour  6rinieU«s  «artoul,  la  nécostilé  d'une  Exposition  de  ce 
genre  s'impose.  \;a  Belgique,  qui  tient  dans  les  Salons  de  peinture 
internationaux  un  rang  honorable,  est  la  dernière  des  naiions 
dans  l'an  de  composer  et  d'exécuter  une' affiche.  A  part  les  affiches' 
de  Mellery  (et  comUen  rares  sont-etles  !)  toutes  sont  médiocres 
ou  détestables.  Meunier  lui-même,  cet  artiste  de  premier  ordre, 
n'a  pas  réussi  ii  faire  une  affiche  présentable.  Vainement  a-t-on 
tenté  d'instituer  des  concours,  de  décerner  des  primes.  Le  résultat 
s  été  piteux.  La  vue  des  affiches  étrangères,  si  pimpantes  cl  si 
gaîes,  aurait  sur  nos  dessinateurs  tine  heureuse  influence  et,  qui 
sah?  provoquerait  peut-ôlre  l'entrée'en  scène  de  quelques  spécia- 
listes. 

Les  XX  oni  ouvert  les  voies' en  exposant  les  plus  belles  inspi- 
rations de  Chéret.  Qu'on  suive  leur  exemple.  Exposer  des  affiches 
est  d^ratant  pins  aisé  que  ceux  qui  les  font  faire  ont  le  plus  grand 
intérêt  à  les  répandre.  Quant  an  public,  certes  y  trouvcrail-il 
distraction  et  profit. 


MAMIGE  Hà£T£RLINCK  SN  ANGLETË&SJil 

Uatfleur  des  correspondances  datées  de  Londres  qui  paraissent 
dans  l'Indépendance  belge  s'occupe  longuement  de  Maurice 
Maeterlinck  et  révèle  l'importance  que  les  œuvres  de  notre  com- 
patriote ont  brusquement  prise  en  Angleterre  : 

«  Un  posl-scriplum  de  la  «Vie  anglaise»  constatait,  il  j  a  huit 
jonrs,  dit-il,  la  soudaine  révélation  du  poète  belge  Maurice 
Vaeterfinck  an  public  anglais  par  que!qncs  articles  de  critique, 
ÎVn  ^e  1.  George  Moore,  dans  la  Saivt-James  Gazette;  un  autre, 
signé  de  ees  initiales  opaqncs  IV.  W.  dans  le  Author  (la  revue 
que  dirige  le  remuant  romancier  Waller  Bosani);  un  troisième,  de 
M.  'WirHam  ArcTier,  dans  la  Fortnightly  Review.  » 

Celle  révélmion  est  due,  non  pas  aux  bonzes  de  la  critique, 
naturellement,  mais  !i  la  jeune  école.  Pickwick  (c'est  le  pseudo- 
nyme du  correspondant  de  l'Indépendance),  le  consiaie,  sans 
twWierles  habituels  propos  aigres,  auxquels  les  jcnncs  riposient 
Ai  rertc  avec  l'entrain  qne  Ton  sait  : 

«t  Ces  trois  articles  sont  des  effusions  adminitives  d'écrivains 
jeunes,  audacieux,  habitués  ii  bousculer  les  idées  cou rani es  î»  la 
■manière  de  oes  jeunes  dogues  juvéniles  dont  les  crocs,  ardem- 
ment élrennés,  s'exercent,  avec  une  joie  féroce,  h  tout  déchn-cr, 
—  surtout  les  reliques.  Trois  écrivains  épris  d'Ibsen,  de  Wagner, 
voire  de  Whisller  «  de  Mullarmé,  de  tout  ce  qui  paratt  refaire  un 
printemps  à  l'art,  insurgés  en  principe  contre  1rs  plus  beaux  drs 
vieux  airs  «  parce  que  vieux  »  et  fanatiques  des  airs  les  plus 
nouveaux  «  parce  que  nouveaux  ».  Ils  sont  de  leur  ûgo,  enfin  — 


Ae  tear  bel  âge,  —  avec  moins  de  paroxysme,  loutefbio,  qne  tes 
Fraoçais  et  leur  génération,  %  cause  du  bronillard  et  du  thé.  » 

Pickwick  donne  ensuite  une  analyse  des  trois  articles  qui  va 
faciliter  la  besogne  au  rapporteur  du  jury  <iui  a  décerné  le  prix 
administratif  i  in  Prvncetse  Maleine. 

«  A  M.  Georges  Moore,  les  premiers  actes  de  la  Princesse  ont 
donné  la  sengatioa  d'un  livret  d'opéra  wagnérien  on  d'une  fresque 
monoclironte.  Toutes  les  4)ualilés  qui  font  le  chef-d'œuvre  :  pro- 
fondeur de  philosophie,  richesse  d'images,  peintnre  de  caractères, 
richesse  de  style,  y  manquent.  L'œuvre  est  grande,  magnifique; 
elle  a  des  passages  sublimes.  M.  Moore  ne  dit  pas  si  c'est  par  sa 
nudité  même,  il  constate  son  impression  avec  je  ne  sais  qnd 
vague  étonnemrni,  quelle  impuissance  ô  l'analv-sor  et  quel  regret 
peut-être  d'avoir  été  ému  par  une  oeuvre  dont  il  ne  se  sent  capable 
d'indiquer  que  les  lacunes.  » 

Vient  ensuiie  cette  curieuse  constatation  sur  le  jeune  mouve- 
ment d'art  chez  nous.,  faite  déjà  par  M.  Edmond  Picard  lors  do 
son  interview  par  M.  Paul  Hurct,  l'auteur  de  l'Enquête  sur  l'Evo- 
lution littérnire  (voir  Art  moderne  du  H  juin  dernier).  Elle 
est  une  amusante  leçon,  donnée  par  un  étranger,  a  ceux  qui,  depuis 
si  longtemps,  conspuent  les  tentatives  de  la  génération  nouvelle  : 

M  M.  Georges  Moore  s'étonne  d'autre  chose.  D'où  vient  que  nulle 
cité  ne  s'intéresse  plus  passionnément  que  Bruxelles  aux  nou- 
velles manifestations  d'art;  et  que,  malgré  tout,  la  Belgique  ne  pro- 
duise pas  un  génie  français  de  premier  ordre  comme  la  celtique 
Irlande  produit  des  génies  anglais,  bien  que  sur  1  Irlande  aussi 
pèse  l'ombre  d'une  race  plus  puissante  qui  a  imposé  ses  langues 
et  ses  moeurs?  » 

Voici  maintenant  la  deuxième  critique,  celui  du  Author, 
signée  W.  W.  : 

«  C'esl  l'éclosion  d'une  nouvelle  école  dramatique,  «  choz  cet 
amalgame  de  races  aujourd'hui  dénommé  Belgique  »  qui  l'intri- 
gue et  le  confond.  H  ne  trouve  à  donner,  du  phénomène,  que  celte 
explicalion  :  Une  renaissance  du  génie  flamand,  ressuscité,  mais 
non  trans-formé,  par  les  stimulants  exemples  du  dehors.  Pour  lui, 
M.  Maeterlinck  est  un  Flamand,  un  Flamand  plus  soccnioé  encore 
que  Huijsmans  ou  Khoopff,  écrivant  en  français,  concevant  et  pen- 
saal  dans  une  langue  exotique.  La  scène  du  meurtre  de  Maleine, 
W.  W.  la  place  plus  haut  que  les  pages  les  plus  dramaiiqucs  de 
àielmolh  et  de  ï'Uncle  Silos,  œuvres  de  Le  Fanu  «  poète  anglais 
du  frisson  »,  peu  connu  en  dehors  d'un  cercle  étroit  de  lettrés,  trop 
peu  apprécié,  d'ailleurs  «etqac  Maeterlinck  ne  doit  pas  avoir  lu  ». 
L'Jntrme  semble  l'avoir  srcoué  encore  plus  profondément  que  la 
Princesse  M«leint.  H  trouve  une  vérité  poignante  dans  les  ima- 
ginations du  grand-père  aveugle,  dans  les  sinistres  wgoificalions 
prêtées  par  l'aïeul  tremblant  au  craquement  d'une  porte,  au  mur- 
mure du  vent,  au  plus  minisculc  incident  de  la  nuit  de  mort  et 
de  deuil.  Nos  cerveaux  assombrissent  le  cadre  de  tout  événement 
sombre  et  prêtent  iostinctivemem  aux  mouvements  des  choses  nn 
sens  symbolique  de  la  catastrophe  qui  se  prépare.  Seulemcni, 
nous  n'avons  conscience  <\v,'nprès  de  ce  travail  de  l'âme  humaine 
établissant  une  harmonie  entre  ses  intimes  angoisses  et  la  couleur 
du  monde  extérieur. 

«  Les  pressentiments  que  Maeterlinck  note  cl  fait  exprimer  par 
la  boucl«c  de  l'aïeul  aveugle  ne  sonl  que  confusément  ressentis 
dans  le  présent  ;  c'esl  le  souvenir  qui  les  traduit —  plus  tard, 
quand  reparait,  dans  la  netteté  des  perspectives,  l'heure  tragique 
de  la  vie  avec  tout  son  cortège  de  menues  circonstances  acces- 
soires. Articulés  dans  le  petit  drame  de  l'Intruse,  en  pleine  actua- 


304 


L'ART  MODERNE 


lilé  de  malheur,  ils  sont  si  saisissants  que  l'impression  laissée  par 
celle  leclurc  d'un  quarl  d'heure  devient  aussi  ineffaçable  «  que  la 
lâche  de  sang  sur  la  main  de  lady  Macbeth  ».  El  de  l'élude  de 
caractère,  W.  W.  en  voit  une  —  puissante,  ironique  même  — 
dans  l'opposilion  des  deux  natures  de  l'aïeul  aveugle  mais  pro- 
phétique et  clairvoyani,  et  du  père  qui  ne  voit  que  ce  qu'il  voit, 
qui  a  une  explication  raisonnable  pour  tout,  qui  ne  conçoit  rien 
en  dehors  de  ce  qui  est  palpable  et  visible.  Voilà  pour  l'Intruse. 
Des  Aveugles,  W.  W.  pense  tout  simplement  qu'il  y  a  là  un  drame 
trop  ample,  dans  sa  concision,  pour  qu'il  puisse  l'étudier  à  fond, 
dans  le  cadre  d'un  article  de  deux  ou  trois  colonnes.  11  passe 
outre.  » 

N'est-ce  pas  du  plus  haut  intérêt,  et  le  cœur  ne  se  sent-il  pas 
soulaj^é,  cl  gros  d'espérances,  à  voir,  ailleurs  que  chez  nous, 
hélas  !  tant  d'admiralion  attentive  et  raisonnée. 

«  Reste  M.  W""  Archer  dans  la  Forlnighlly.  Il  rattache  votre 
poète  à  Poe,  par  ses  mélopées  de  mots  répétés,  comme  dans  une 
obsession  de  rêve  ;  à  Baudelaire  par  le  pessimisme  ou  le  fata- 
lisme de  la  posture  inlclleciuclle  et  aussi  à  John  Webster,  l'au- 
teur de  la  Duchesse  d'Almafi,  que  Henri  Tainc  a,  je  crois,  nommé 
«  le  Sliakespcarc  des  sépulcres  et  des  charniers  ».  11  admire,  du 
reste,  bien  qu'avec  un  sang-froid  et  une  mesure  dont  s'indignerait 
M.  Mirbcau  ;  et  il  prête  à  M.  Maeterlinck  beaucoup  de  génie,  un 
peu  de  charlatanisme,  une  habileté  originale  :  celle  d'adapter  la 
forme  de  la  naïve  ballade  h  l'art  dramatique.  » 

Pickwick  fait  ensuite  ces  réflexions  qui  tombent  d'aplomb 
sur  noire  critique  (la  vieille,  s'entend)  récemment  convertie,  il  est 
vrai,  mais  si  lard,  et  après  tant  de  cris  d'appel  venus  des  qualre 
coins  de  l'horizon  littéraire  pour  réveiller  ces  endormis,  ces 
engourdis nous  allions  dire  ces  ramollis. 

«  Ces  articles,  il  faut  le  répéter,  ont  fait  événement,  les  œuvres 
lie  Maeterlinck  n'ayant  pas  été  imprimés  en  Angleterre  avant 
que  MM.  Moore,  W.  W.  et  Archer  ne  s'en  fussent  mêlés. 
Les  mêmes  correspondants  de  journaux  anglais  qui  télégraphienl 
des  colonnes  entières  sur  le  cas  de  quelque  dame  anglaise  con- 
duite, par  un  malentendu,  au  poste,  ont  jugé  indigne  de  l'appareil 
Morse,  de  la  poste,  d'un  mode  de  communication  quelconque, 
l'annonce  de  ce  fait  qu'une  fraction  du  continent  littéraire  mon- 
tait b  l'assaut  de  la  gloire  du  «  divin  William  »,  suscitait  un 
prétendant  à  sa  souveraineté.  Même,  si  les  bruits  de  club  sont 
fondés,  les  jeunes  écrivains  qui  viennent  de  dévoiler  des  coins  de 
l'œuvre  de  votre  poète,  par  les  articles  prémentionnés,  ont  dû  faire 
preuve  d'angélique  patience  et  d'obstination  héroïque,  à  la  porte 
des  magazines  ou  journaux,  pour  arriver  à  cette  fin.  » 

Résumons  tout  cela. 

Quelle  leçon  pour  nos  critiques  ordinaires  (ordinaires,  oui, 
dans  les  deux  sens  du  mot),  eux  qui,  lorsqu'il  s'agit  des  artistes 
de  nos  jeunes  écoles,  ne  parlent  jamais  (quand  ils  parlent)  que 
d'un  ton  prolecteur,  dédaigneux  ou  gouailleur,  et  ne  se  doutent 
de  leurs  mérites  que  si  la  critique  étrangère  est  venue  les  secouer. 
Et  remarquez  que  celle-ci  vante  actuellement  non  seulement 
Maurice  Maeterlinck  dont  elle  dit  :  il  a  du  génie  (voilà  ce  qui  doit 
faire  s'esclaffer  ou  bondir  nos  vieux  rabâcheurs),  mais  tout  le 
jeune  mouvement  de  l'art  en  Belgique,  qui  la  frappe,  l'élonne  et 
lui  parait  digne  de  grande  atleniion  et  de  beaucoup  d'admiralion. 

C'est  d'elle,  apparemment,  que  sortiront  les  études  et  les 
éloges  que  tant  d'autres  de  nos  nouveaux  écrivains,  peintres, 
musiciens,  sculpteurs,  si  brillants,  si  laborieux,  si  enthousiastes, 
sonl  dignes  de  provoquer.  Jusque  là  ils  n'obtiendront  en  Belgique 


que  les  habituelles  vilenies  et  les  habituelles  sottises.  La  presse 
belge  seule  au  monde  donne  cet  exemple  d'incurable  iniquité  et 
de  suprême  bêtise. 

Et  l'on  s'étonnerait  que  dans  ces  conditions  il  n'y  eût  pas  chez 
tant  de  nos  concitoyens  qui  sentent  ce  qu'ils  valent,  mépris  ou 
colère?  Mais  ils  ne  réussissent  à  faire  monter  aux  soi-disant 
arbitres  du  goût  l'escalier  de  la  justice  qu'à  coups  de  triqueou  à 
coups  de  pied  au  derrière.  Qu'on  change  la  manière  dont  on  fait 
la  critique,  qu'elle  soit  attentive,  bienveillante  pour  notre  ardente 
jeunesse,  qu'elle  essaie  d'avoir  quelque  discernement  au  lieu  de 
se  tenir^oigneusement  enfermée  dans  les  latrin,es  où  croupissent 
les  choses  finies,  qu'elle  atteigne,  on  ne  lui  en  demande  pas  plus, 
l'étiage  de  bonne  volonté  de  la  presse  étrangère,  et  on  ne  sera 
plus  enclin  à  traiter  ses  hommes  comme  s'ils  n'étaient  qu'une  vile 
domesticité. 


RECTIFICATION 

Dans  un  amusant  entrefilet,  d'où  suinte  la  mauvaise  humeur, 
la  Réforme  dit  que  quelques  lignes  que  nous  avions  attribuées  à 
Champal  (elle  s'abstient  de  préciser  lesquelles  dans  le  prestigieux 
bouquet  que  nous  avons  offert  à  nos  lecteurs)  appartiennent  à  ce 
qu'elle  nomme  comiquement  «  un  musicien  de  goût  qui  a  bien 
voulu  se  charger  d'écrire  Ja  critique  musicale  en  l'absence  de 
notre  excellent  collaborateur  F.  L.  » 

Nous  lui  en  donnons  acte,  en  complimentant  «  le  musicien  de 
goût  »  qui  assurément  est  aussi  un  pasticheur  émérile  :  c'était  du 
Champal  à  s'y  méprendre,  c'est  notre  excuse. 

Mais  en  même  temps  la  Réforme  se  moque  à  son  tour  du 
critique  influent  de  t IniUpendance  ;  elle  écrit  avec  la  vis  comica 
et  l'ingénieux  tour  de  phrase  qui  lui  sont  propres  :  «  l'Art 
moderne  s'arcboule,  à  fin  de  renversement,  contre  la  base  de  cet 
écrivain  délicat  qui  a  nom  Gustave  Frédérix.  » 

On  voit  d'ici  le  groupe  de  cet  arcboulement  à  fin  de  renverse- 
ment! 


Nous  ne  résistons  pas  à  l'envie  de  publier  un  nouvel  échantillon 
de  la  manière  de  ces  «  écrivains  de  goût  »  qui  manient  les  mots 
de  la  langue  française  comme  un  kangourou  les  pièces  d'un  jeu 
d'échecs.  On  ne  saurait  trop,  répétons-le,  essayer  de  faire 
comprendre  ce  que  valent  «  les  critiques  influents  »  qui  régnent 
dans  notre  firmament  artistique.  Il  s'agit  d'une  repré.sentation 
récente  à  l'Alcazar  : 

«  Les  clowns  sont...  des  clowns,  il  n'y  a  rien  à  ajouter  à  cela; 
démence  réjouissante  et  fantaisie  pondéreuse,  toujours  la  même 
chose,  et  le  petit  ballet,  de  gracieuse  musique,  est  tout  à  fait 
mignon. 

«  Pour  M.  Meusy,  chansonnier  pince-sans-rire  et  diseur  spiri- 
tuel, il  ne  gagne  pas  à  élre  ainsi  transporté  de  la  salle  intimiste 
du  Chat  noir,  sous  la  brutale  lumière  des  herses  d'un  vrai  théâtre. 
Ses  drôleries  internes  et  fragiles  y  font  beaucoup  moins  d'effet, 
d'autant  que  le  public  n'est  plus  le  même,  oh  I  mais  plus  du  tout.  » 

Les  clowns  qui  sont  des  clowns!  la  fantaisie  pondéreuse!  la 
salle  intimiste!  la  brutale  lumière!  les  drôleries  internes!!! 
Vraiment  le  cas  est  rare  et  mérite  d'être  surveillé. 


y 


L'ART  MODERNE 


305 


LE  NOUVEAU  THEATRE  ALLEMAND 

La  question  sociale  parlout,  môme  au  lliéûlre.  L'Organe  de 
Mon»  signale  que  dans  le  dernier  numéro  de  la  Bibliothèque 
Universelle,  est  exposé  le  sujei  d'une  pièce  nouvelle,  Oleiches 
Recht,  jouée  au  Lessing-Thcatcr  de  Berlin.  C'esl,  ajouie-l-il, 
l'œuvre  d'un  candidat  malheureux  du  parti  progressiste  du 
Relchstag,  M.  Grilling,  avocat.  Cette  analyse  un  peu  sommaire 
démontre  que  si  les  intentions  de  l'auteur  sont  louables,  l'intérêt 
dramatique  de  son  œuvre  est  fort  médiocre. 

Des  ouvriers  sont  en  grève.  Ils  ont  faim.  Le  patron  de  la 
fabrique  ne  veut  pas  entendre  parler  d'un  arrangement  avec  des 
gens  qui  ont  cessé  le  travail  sans  l'en  avertir  dans  le  délai  légal 
et  ont  ainsi  violé  leur  contrat.  Le  docteur  Fels,  chef  aimé,  idéa- 
liste et  désintéressé  du  parti  ouvrier,  a  la  tâche  de  communiquer 
cette  réponse  à  une  assemblée  populaire  houleuse.  Il  prêche  la 
conciliation  dans  un  grand  discours,  et  impose  silence  aux  tapa- 
geurs, par  des  phrases  comme  celles-ci  :  «  Voulez-vous  tuer  le 
capital?  Voulez- vous  égorger  la  poule  qui  vous  nourrit  de  ses 
œufs  d'or?  »  Cette  sage  économie  politique  apaise  la  colère  des 
grévistes. 

L'éloquence  du  docteur  Fcis  obtient  d'autres  miracles.  Les 
grévistes  ayant  fait  du  tapage,  deux  compagnies  d'infanterie  ont 
occupé  la  ville.  Une  collision  se  produit.  Le  fils  d'un  vieil  ouvrier, 
bonoéte  et  travailleur,  est  atteint  d'une  balle  [en  pleine  poitrine. 
Lé  pauvre  père  se  livre  aux  manifestations  les  plus  vives  de  la 
haine  et  du  désespoir.  Alors  Fels  apparaît.  Il  expose  à  l'infortuné 
vieillard  due  son  fils  était  parmi  les  émeuticrs,  que  l'ordre  public 
prime-toute  autre  considération. 

Le  vieillard  se  calme  et  accepte  sa  douloureuse  épreuve! 

Les  fleurs  sortent  du  sol  le  plus  ingrat  sous  les  pieds  du  bon 
docteur.  Il  a  touché  le  cœur  de  la  fièrc  Julie  de  llellborn,  fille  du 
patron. Celle-ci  est  louteà  lui  et  à  la  cause  ouvrière.  De  nouveaux 
horizons  se  sont  ouverts  pour  elle,  naguère  égoïste  et  mondaine  : 
elle  fonde  des  jardins  d'enfants,  elle  porte  aux  malheureux  des 
soupes  chaudes  pendant  les  froids  cruels  de  l'hiver.  Dans  une 
fête  donnée  par  son  père,  un  lieutenant  de  réserve  fat  cl  borné 
lui  -fait  d'idiotes  plaisanteries  sur  son  amour  des  pauvres  : 
«  J'aime  mieux,  répond  la  jeune  fille,  vivre  dans  l'atmosphère 
empestée  d'une  salle  d'ouvriers,  avec  d'honnêtes  gens,  que  dans 
un  salon  cossu,  avec  une  douzaine  de...  cavaliers!  » 

Mais,  à  côté  des  amis  sincères  des  ouvriers,  il  y  a  les  meneurs 
qui  poussent  aux  violences.  Talke,  le  socialiste  révolutionnaire, 
est  de  ce  nombre.  Il  déteste  le  bon  docteur  Fels.  Il  sait  que  celui-ci 
est  aimé  de  M"»  Hcllborn.  Il  exploite  liichemenl  cette  affection 
pour  perdre  son  adversaire.  Il  fait  croire  aux  ouvriers  que  les 
efforts  de  leur  bienfaiteur  pour  amener  une  entente  avec  le  patron 
ont  pour  but  réel  d'obtenir  la  main  de  l'héritière. 

Après  des  péripéties  diverses,  le  génie  du  mal  l'emporte.  Fols 
est  massacré  par  une  foule  égarée. 

Alors  seulement  le  cœur  d'airain  du  patron  mollit  devant  la 
douleur  de  sa  fille.  Il  fait  lui-même  des  avances  aux  ouvriers  et 
leur  promet  Oleiches  Recht,  l'égaillé  du  droit,  non  pas  le  droit 
selon  la  lettre,  qui  tue,  mais  selon  l'esprit,  qui  vivifie;  le  droit 
qui  prend  sa  source,  non  dans  les  formules  étroites  des  lois 
écrites,  mais  dans  le  sentiment  de  la  dignité  et  de  la  fraternité 
humaines. 


Les  ouvriers  reconnaissants  et  émus  rentrent  dans  leurs  ate- 
liers, et  une  réconciliation  générale  termine  la  pièce. 
Et  voilà  ! 


f  ETITE    CHROJ^IQUE 

Exposition  de  Tournai. 

Ce  petit  salon,  qui  vient  de  s'ouvrir,  progresse  chaque  année 
grûce  au  zèle  et  au  dévouement  de  La  commission  ainsi  que  de 
M.  Pion.  Celte  modeste  tentative  a  déjîi  son  effet  sur  le  public  et 
il  serait  à  souhaiter  que  les  artistes  étrangers  y  envoyassent 
davantage.  Le  local  est  très  bien.  Il  y  a  29."»  numéros.  Citons 
MM.  Charles  Allard,  Guillaume  Charlier,  Louis  Pion,  Jan  Slob- 
baerls,  Frans  Van  Damme,  Van  Damme-Sylva,  Théodore 
Vorstraclc,  et  du  colé  des  dames  M"""  Berthe  An,  Anna  Boch, 
Rose  Leigh,  Elisa  Maréchalle. 

JosÉPiiiN  PÉI.ADAN,  inslantané  de  Gil  Blas  : 

Une  broussaille  de  cheveux  noirs  qui  frisent  et  s'emmêlent 
sur  un  front  soucieux.  Des  yeux  d'une  teinte  bizarre  de  regard 
impérieux  et  par  instants  se  noyant  comme  en  des  gouffres  de 
rêve.  L'n  nez  d'une  extrême  finesse  comme  en  ont  certaines  têtes 
de  conquérants.  La  bouche  charnue,  à  demi  cachée  par  d'épaisses 
moustaches  et  une  barbe  de  prêlrc  assyrien.  Un  corps  grêle.  Est 
venu  de  Nîmes  comme  les  autres  pour  conquérir  Paris.  L'amuse 
en  attendant  par  ses  excentricilés  et  ses  boniments  tinlamar- 
rcsques.  Un  malin  affamé  de  réclame,  prétendent  les  uns.  Un 
visionnaire,  dont  graduellement  s'élargit  la  fêlure,  soutiennent 
les  autres.  Habillé  comme  s'il  revenait  perpétuellement  de  quel- 
que bal  costumé.  Se  fait  appeler  le  Sûr  Peladan  et  aurait  hérité 
de  l'épée  magique  du  fameux  comte  de  Cagliosiro.  Hormis  ces 
ridicules,  un  des  écrivains  les  plus  talentueux,  les  plus  originaux 
de  ce  temps,  aux  trouvailles  parfois  presque  géniales,  au  style 
pourri,  coloré,  tantôt  apocalyptique,  taniôt  harmonieux  comme 
les  hymnes  latines  qui  furent  rimées  par  des  évêqucs  lettrés  en 
les  premiers  siècles  du  christianisme.  A  sa  place  dans  les  biblio- 
thèques de  raffmés,  entre  Baudelaire  cl  Barbey  d'Aurevilly.  Quel- 
qu'un l'a  jadis  surnommé  le  Mage  d'Epinal. 


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DiMANCHB  27  Septembre  1801. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRfflQDE  DBS  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MADS  —  Edmond  PICARD  —  Émilk  VERHAEREN 


▲BONNKMSNTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,    fr.    13.00     —  ANNONCES   :    On   traite  à   forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'asmuobtration  oâMARAUB  DE  TArt  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


UiŒ  uçoN  HXKrrdB.   —  Stations  d'artistes.   Genck.   —  Feu 
Looi»  GxLLAiT.  —  Au  Salon  d' Anvers  (Troisième  article).  —  Les 

PIALOOUES  TRISTES.   —  PkTIT»  CHRONIQUE. 


UNE  LEÇON  MÉRITÉE 

A  la  date  du  15  septembre  (la  lettre  nous  est  tardive- 
ment parvenue),  Maurice  Maeterlinck  nous  a  écrit  :  A- 

•  Je  reviens  de  voyage,  et  j'apprends  qu'on  a  profité 
«  de  mon  absence  pour  m'infliger  le  prix  triennal  de 

•  littérature  dramatique.  Je  n'ai  pas  encore  reçu  avis 

•  officiel  de  ce  malheur,  mais  vous  pouvez  annoncer 

•  dèsàprésentqaeje  refuse  cette  couronne  imprévue.  » 
Voilà  où  en  est  arrivé  le  dédain  de  nos  jeunes  artistes 

pour-  la  critique  administrative  qui  fleurit  chez  nous. 
Btre  distingué  par  elle  est  tenu  pour  un  affront,  ou, 
plus  exactement,  pour  une  quantité  méprisable. 
-■  D  est  presque  superflu  d'ajouter  que  les  mêmes  sen- 
timents sont  professés  à  l'égard  de  la  critique  journa- 
Ustiqoe.  Ses  injures  ou  ses  compliments  sont  tenus  pour 
également  sans  valeur. 

Nos  artistes,  les  vrais,  travaillent  pour  eux,  pour 
quelques  esthètes,  .pour. l'art,  tirent  à  petit  nombre, 
exposent  chez  eux,  méprisent  tout  ce  qui  est  officiel. 


tout  ce  qui  est  influent,  tout  ce  qui  est  gazetier,  et  sûrs 
de  l'avenir,  poursuivent  leur  évolution  féconde  et  admi- 
rable dans  l'orgueil,  l'isolement  et  le  silence.  Ils  donnent 
le  spectacle  dun  mouvement  d'une  extraordinaire  inten- 
sité, que  l'étranger  remarque  avec  étonnement  et 
louange,  frappé  de  tant  d'ardeur,  de  tant  de  persévé- 
rance, de  tant  de  désintéressement  (car  que  rapporte 
aux  partisans  de  l'art  neuf  cette  lutte  opiniâtre?), 
mouvement  superbe,  qu*,  chez  nous,  est  perpétuelle- 
ment insulté,  vilipendé,  moqué,  incompris. 

Ce  n'est  pas  pourtant  le  cœur  qui  manque  à  nos  con- 
citoyens. Us  aiment  les  arts.  Par  tradition  nationale  et 
par  goût  ils  seraient  aptes  à  combler  les  jeunes  écoles 
des  triomphes  qu'elles  méritent  et  qui  leur  donneraient 
une  impulsion  encore  plus  énergique  et  plus  brillante. 

Mais  ils  sont  mal  dirigés.  Ils  forment  leurs  jugements 
d'après  les  conseils  et  les  enseignements  d'un  journa- 
lisme qui,  en  général,  est  le  plus  vulgaire,  le  plus  igno- 
rant et  le  plus  infesté  de  camaraderie  qui  soit  au  monde. 
Ils  croient  à  l'éminence  et  à  la  compétence  de  critiques 
stagnants  dont  les  idées  se  sont  formées  il  y  a  quarante 
ans  et  qui  représentent  la  plus  incurable  routine.  Ils 
n'osent  pas  se  laisser  aller  à  un  examen  personnel.  Ils 
s'effraient  du  neuf,  et  au  lieu  d'attendre  que  celui-ci  leur 
parle,  comme  il  arrive  toujours  à  qui  sait  patiemment 
le  regarder,  ils  acceptent,  le  trouvant  plus  commode, 
ce  que  rabâche  quelque  ganache  qui  fut  beau  parleur 


-s^^ 


>  A  : 


cv  X  m  6 ,/   *5  '<»^vi  t,  *^u  -^    i/o  Z^"''  '^'       '""^' 


■^ 


308 


L'ART  MODERNE 


ou  convenable  écrivain  en  son  temps,  ou  ce  que  distille 
quelque  venimeux  renégat,  quelque  impuissant  suintant 
l'envie. 

Ainsi  se  forme  chez  nous  une  opinion  publique  qui, 
dans  tous  les  domaines,  est  si  bête  et  si  misérable  qu'on 
s'est  accoutumé,  parmi  les  vaillants  que  rien  ne  saurait 
détourner  des  œuvres  où  les  pousse  la  fatalité  de  leur 
mission  artistique,  à  penser,  travailler,  agir  comme  si 
cette  opinion  n'existait  pas,  ou  ne  méritait  pas  qu'on  y 
prit  garde. 

Donc,  tandis  que  le  ganachisme  continue  son  stérili- 
sant et  vil  métier,  l'art  en  sa  paix  conquise,  continue 
son  avancée  salutaire.  Heure  viendra  qui  tout  paiera. 

Mais  voici  que  les  gâteux  s'avisent  de  troubler  cet 
ordre,  désormais  accepté,  en  s'avisant,  sur  le  tard,  de 
faire  des  mamours  intéressés  aux  nobles  choses  qu'ils 
ont  insolemment  et  si  longuement  délaissées.  Halte-là! 
crie  le  jeune  et  altier  poète.  Et  nous  applaudissons.  Il 
ne  faut  pas  qu'au  jour  où  leur  vient,  en  faible  lueur,  le 
pressentiment  qu'ils  apparaîtront  plus  tard  couverts 
du  ridicule  de  leurs  injustices  (habituelle  histoire  de 
leurs  pareils),  ils  essaient,  par  quelque  galanterie  isolée, 
de  se  vacciner  contre  les  chances  d'un  retour  de  for- 
tune. Cette  tactique  est  connue  :  elle  permet  de  se  tar- 
guer d'avoir  rempli  tous  les  rôles,  même  celui  de 
prophète  ;  elle  autorise  ce  jésuitisme  qui  se  vante  inva- 
riablement, quand  la  vérité  n'est  plus  niable,  à  clamer 
qu'on  l'avait  bien  prévue,  à  citer,  en  les  isolant,^  des 
passages  d'articles  que  balançaient  savamment  et 
qu'annihilaient  d'autres  passages  (contre-lettres  artifi- 
cieuses) dont  on  se  garde  bien  de  se  souvenir. 

A  ces  malins,  soudainement  aimables,  qui  accourent 
sonner  chez  l'art  neuf,  il  répond  en  leur  flanquant  la 
porte  au  nez,  ainsi  que  vient  de  le  faire  si  crânement 
Maurice  Maeterlinck.  Ce  sont  des  capitulards  qui  com- 
mencent à  pressentir  qu'il  faudra  se  rendre  et  qui 
espèrent  obtenir  les  honneurs  de  la  guerre.  Eh  bien, 
l'art  neuf  ne  veut  pas  lés  leur  octroyer  ;  il  veut  leur 
défaite  complète  et  la  remise,  sans  conditions,  des  clefs 
de  cette  vieille  citadelle.  Il  veut  en  passer  toute  la 
garnison  par  les  armes.  Il  faut,  pour  l'exemple,  que 
l'exécution  soit  complète  et  impitoyable. 

Le  ganachisme  !  Il  s'est  assez  carré  sur  sa  chaise 
percée  !  N'est-il  pas  stupéfiant  de  voir  ces  Bélisaires 
recommencer  sans  trêve  leurs  chants  d'aveugles.  Assez  ! 
assez  !  vénérables  braillards  !  taisez-vous,  ou  allez  psal- 
modier à  l'autre  coin  du  pont. 

Ganachisme  !  La  domination  des  invalides,  des  vieil- 
lis, des  usés  qui  prétendent  rester  quand  même  où  ils 
sont,  et  toujours  veulent  faire  «  le  Jeune  homme  ». 
L'entêtement  à  se  croire  quelque  chose  quand  on  n'est 
plus  rien,  à  régir  le  présent  avec  les  idées  de  jadis,  à 
faire  attendre  au  contrôle  deux,  trois  générations  nou- 
velles, à  ne  céder  que  devant  la  mort,  et  à  ne  laisser  la 


place  ouverte  qu'à  ceux  qui  sont  à  leur  tour  devenus 
des  ganaches,  en  espérant. 

Tout  cinquantenaire  qui  se  soigne  bien  en  a  pour 
vingt-cinq  ans  au  moins  à  circuler  encore,  à  s'accrocher 
au  poste  qu'il  occupe,  même  à  monter  plus  haut,  à  se 
croire  une  autorité,  à  pontifier,  à  tracasser  les  idées 
nouvelles,  à  opprimer  les  arrivants,  h  jouer  l'office 
d'universel  gêneur,  dédaignant,  contrariant,  obstruant 
à  l'égal  d'un  vieux  marron  avalé  de  travers. 

Dans  l'Art,  notamment,  cette  situation  est  chez  nous 
intolérable.  Ils  sont  rares  ceux  qui  s'eflÎEicent,  disant  à 
leurs  cadets  :  Passez  devant.  Pareil  bon  sens  abnéga- 
toire  blesse  trop  les  vanités  et  le  besoin  d'être  au  dessus 
des  autres.  Il  faut  avoir  une  âme  très  haut  située  pour 
se  mettre  soi-même  à  la  retraite  et  à  n'être  plus  qu'un 
spectateur  bienveillant  dans  la  pièce  où  l'on  fut  acteur 
applaudi.  La  caractéristique  de  la  ganache  artistique, 
comme  de  la  vieille  coquette,  c'est  de  ne  pas  se  résigner 
à  vieillir.  Dix  ans,  vingt  ans  après  l'âge  des  succès  et 
des  amours,  l'une  et  l'autre  persisteront  à  se  produire 
et  à  tenir  pour  insolent  quiconque  ne  leur  rend  plus 
hommage. 

Et  voici  le  mal  redoutable  :  c'est  à  ces  généraux 
démodés,  partisans  des  vieilles  tactiques  et  des  systèmes 
de  guerre  déclassés,  qu'on  confie  la  direction  des  forces 
artistiques  gouvernementales.  On  les  trouve  dans  les 
Académies,  soit,  ce  sont  les  musées  des  antiques  ;  mais 
dans  les  Ecoles,  les  Conservatoires,  les  Universités,  les 
Jurys.  Ce  sont  ceux  qui  enseignent  et  qui  jugent,  avec 
leur  amour  des  routines,  leur  exaspération  contre  le 
neuf,  leur  manie  de  protester,  contre  ce  qui  commence, 
à  la  gloire  de  ce  qui  est  fini.  Et  pendant  des  années  et 
des  années,  alors  que  tout  se  transforme,  les  idées 
allant,  allant  comme  une  rivière  que  rien  n'arrête,  les 
écoles  remplaçant  les  écoles,  les  systèmes  faisant  place 
aux  systèmes,  ils  sont  à  se  délecter,  immuables,  autour 
des  bassins  d'eau  croupissante  qu'ils  ont  détournée  de 
l'intarissable  courant  principal  et  qu'ils  prennent  pour 
la  mer  (1). 

Cet  incident  Maeterlinck  aora  une  portée  exception^ 
nelle.  Il  volera  sur  les  ailes  de  la  séraphique  Princesse 
Maleine,  dans  tous  les  pays  où  l'œuvre  du  jeune  dra- 
maturge a  conquis  la  gloire  qu'on  lui  a  marchandée  chez 
nous.  lisse  demanderont  ces  Français,  ces  Anglais,  ces 
Américains,  ces  Allemands,  ces  Italiens,  ces  Russes, 
pourquoi  son  méprisant  refus  et  ce  retentissant  soufflet 
infligés  à  cette  haute  distinction  officielle.  Ils  appren- 
dront alors,  ce  que  nous  savons  tous  ici,  que  la  Belgi- 
que n'est  pas  une  patrie  pour  l'art  belge  renouvelé,  qu'il 
y  est  traité  en  paria,  que  la  critique  y  est  piteuse,  le 
journalisme  injuste  et  misérable,  l'administration  vieil- 
lotte et  retardataire.  Ils  sauront  que  cette  activité 

(1)  Voir  notre  article  intitulé  :  le  Oanachltme,  Art  moderne  du 
n  juin  1888. 


L'ART  MODERNE 


309 


Artistique  qu'ils  admirent  et  qu'ils  signalent  ne  vaut  ici 
que  quolibets  et  zwanzes  à  ceux  qui  la  mènent  ou  qui 
la  défendent.  Ils  se  souviendront  des  paroles  terribles 
de  Proudhon,  parlant  de  ce  triste  pays  où  tant  de  forces 
vives  sont  paralysées  par  la  sottise  et  le  plus  induré 
arriérisme  :  •  Des  bourgeois  qui  digèrent  et  dorment, 
4e8  jeunes  gens  qui  fument  et  font  l'amour  »  (1).  Ils  se 
souviendront  des  paroles  cruelles  de  Baudelaire  :  «  En 
Belgique  on  ne  pense  qu'en  bande.  En  Belgique  le  grand 
crime  est  de  n'être  pas  conforme  »  (2).  Oui,  Maeterlinck 
leur  aura  appris  tout  cela  en  renvoyait,  en  pleine 
figure,  leur  fameuse  couronne  aux  barbons  de  l'officiel 
jury. 

Et  peut-être  que  cette  fois  la  leçon  profitera,  non  pas 
à  ces  incurables,  mais  au  public.  Amen  1 


terlinck  !  Les  poètes  de  Gand  leur  arrivent  à  Bruxelles 
via  Paris.  » 


La  Nation,  qui  avec  le  Journal  de  Bruxelles,  du 
temps  de  M.  de  Haulleville,  s'est  souvent  signalée  par 
une  juste  entente  de  notre  jeune  mouvement  artistique 
(rari  riantes  !)  a  commencé,  en  Belgique,  une  Enquête 
Isur  l'Évolution  littéraire,  à  l'instar  de  celle  de  M.  Jules 
Huret.  Quoique  imitation  soit  chose  fâcheuse,  elle  est 
intéressante.  Camille  Lemonnier  a  été  interviewé 
d'abord  :  à  tout  seigneur  tout  honneur  !  puis  Georges 
Eekhoud,  en  attendant  la  série.  Ce  dernier  a  répondu, 
entre  autres,  ce  qui  suit  : 

«  Nos  PRINCIPAUX  ENNEMIS  étaient  et  sont  encore  les 
bureaucrates,  les  professeurs  de  littérature,  rhéteurs 
ofiSciels,  les  snobs  et  les  pimbêches  de  la  critique  ;  puis 
quelques  chroniqueurs  spirituels,  tellement  spirituels 
qu'ils  sont  les  premières  victimes  de  leur  esprit  et  que 
leur  scepticisme  les  a  toujours  empêchés  de  faire  œuvre 
d'artiste  et  d'écrire  un  vrai  livre.  Nous  avons  eu  l'im- 
pertinence grande  de  créer,  à  coups  de  livres,  un  mou- 
vement littéraire  en  Belgique,  sans  eux,  malgré  eux. 
Ils  considèrent  chacun  de  nos  livres  comme  un  repro- 
che, comme  une  injure  personnelle  !  Et  ils  poussent  la 
mesquinerie  jusqu'à  chicaner  un  écrivain  de  talent  à 
propos  des  témoignages  d'estime  qu'il  accorde  à  d'autres 
écrivains.  On  ne  leur  dédie  pas  le  moindre  sonnet  à  ces 
bonzes  et  on  ne  leur  demande  pas  de  préfaces  !  Ce  sont 

DES  MYOPES  A  QUI  LES  FIGARISTES  PRÊTENT  DE  TEMPS  EN 

TEMPS  LEURS  LUNETTES.  Ils  n'ont  jamais  encouragé  un 
talent  naissant.  Rancune  de  coquettes  et  de  céladons 
de  lettres  qui  se  sont  dépensés  en  grimaces,  en  minaude- 
ries et  en  petites  -  postures  »  ;  incapables  d'un  sentiment 
profond,  d'une  passion  noble  et  féconde.  LArt  moderne 
les  comparait  récemment  avec  raison  aux  pèlerins 
d'Echtemach  :  deux  pas  en  arrière  pour  un  pas  en 
avant;  deux  coups  de  patte  après  un  semblant  d'éloge. 
Ils  viennent  d'inventer  et  de  couronner  Maurice  Mae- 

(1)  Voir  notre  étude  sur  Proudhon,  Art  modei-ne  du  31  août  1890. 
(ï)  Id.  Baudelaire,  id.  du27juilletl890. 


Reproduisons  ces  quelques  pensées  de  Proudhon  sur 
le  journalisme  belge  dont  les  feuilletoneux  qui  savent 
débobiner  en  dix  colonnes  l'éloge  d'on  ne  sait  combien 
d'œuvres  fades  étrangères,  n'ont  que  le  silence  ou  la 
gouaillerie  s'il  s'agit  d'œuvres  belges  : 

Une  des  plus  grandes  misères  de  la  presse  en  Belgique  :  les 
journaux  se  classant  tous  dans  l'une  ou  l'aulre  de  ces  deux  calé- 
gories,  libérale  ou  cléricale,  on  peut  parier  d'avance  et  presque  à 
coup  sûr,  que  si  une  idée  est  embrassée  par  un  des  principaux 
organes  de  l'un  ou  de  l'aulre  parti,  tous  les  journaux  de  la  même 
opinion  se  rangeront  de  son  côlé,  pendant  que  les  journaux  du 
parti  contraire  se  réuniront  contre  lui. 

Aujourd'hui,  comme  au  temps  de  Descartes,  de  Spinosa,  de 
Vollairc,  la  produclion  et  la  circuialion  dos  idées  sont,  pour  un 
Belge  de  la  vieille  roche,  article  de  curiosité  et  de  commerce,  mais 
dont  il  ne  se  soucie  pas  aulrcmenl. 

Les  gens  de  letires  qui  se  livrent  à  la  profession  de  journalistes 
n'obtiennent  qu'une  considéralion  médiocre  ;  le  particulier  aisé 
qui,  par  dévouement  h  une  opinion,  se  fait  rédacteur  de  gazette, 
semble  déchoir. 

Le  journaliste  n'étant  qu'un  instrument  aux  mains  d'une  caste, 
un  auxiliaire  du  crieur  public,  de  l'avocat,  du  recors,  un  follicu- 
laire gagne-pclit,  comme  nos  écrivains  publics,  se  façonne  de  lui- 
môme  à  son  Irisle  métier  :  il  faut  réellement  qu'il  soit  de  vertu 
robuste  pour  ne  pas  dégénérer  tout  à  fait  en  sbire  littéraire. 

On  n'est  pas  l'homme  d'une  idée,  on  ne  connaît  plus  d'amis 
quand  on  écrit  dans  une  feuille  belge. 

Quant  à  la  dignité  du  journaliste,  comment  la  bourgeoisie  ne 
s'aperçoii-elle  pas  que  les  turpitudes  du  personnel  chargé,  dans 
une  certaine  mesure,  d'exprimer  ses  idées  et  de  défendre  ses  inté- 
rêts, rejaillissent  sur  elle  ;  que  le  journalisme  avili  se  venge  en 
corrompant  l'esprit  public  et  que  là  où  la  parole  est  prostituée  la 
conscience  bientôt  le  sera. 

Proudhon  dit  :  «  Il  y  a  des  exceptions.  »  Naturellement! 


STATIONS  D'ARTISTES. 

OENCK. 

Les  stations  de  peintres  ont  une  vie  organique  :  elles  naissent, 
enfantées  par  le' caprice  d'un  artiste,  elles  grandissçnt,  se  déve- 
loppent, —  et  meurent,  obscures  ou  célèbres. 

Le  souvenir  de  Barbizon  est  si  étroitement  lié  à  l'Ecole  des 
paysagistes  français  du  milieu  du  siècle  :  Millet,  Rousseau,  Dupré, 
Daubigny,  Diaz,  Troyon,  que  le  nom  (et  même  un  peu  la  chanson 
«  des  Barbes  de  bison  »)  ne  s'éteindra  pas. 

En  Belgique,  Genck  a  sa  place  dans  l'histoire  de  l'art,  et 
l'assemblage  des  cinq  lettres  de  ce  vocable  à  la  consonnanco  rude 
évoque,  dans  bien  des  cœurs,  de  vivants  souvenirs  :  les  longues 
séances  commencées  dans  la  fraîcheur  du  matin,  sous  les  rayons 
obliques  qui  teintent  de  lueurs  incarnadincs  le  miroir  des  lacs 
frissonnants,  achevées  tard,  dans  la  paix  du  crépuscule,  après  les 


féerict  du  couchanl  prodigue  d'or  et  de  pierreries  royalement 
épandues  sur  l'infini  des  bruyère».  Puis  encore  :  le»  repas  en 
commun,  animés  et  bruyant»,  dans  la  «aile  de  l'auberge  décorée 
d'études  et  de  tableaux,  affectueux  hommages  légués  aux  hôtes 
après  une  résidence  prolongée  souvent  presqu'au  cœur  de  l'hiver. 
El  les  soirées  intimes  où  la  causerie  pren,ail  inopinément  des 
ailes  et  s'élevait  dans  les  hautes  sphères.  El' 1rs  concerts  impro- 
visés où  la  voix  d'un  contralto  magnifique  exprimait  les  angoisses 
de  VAmotird'une  femme  ou  la  mélancolie  des  Plaintet  d'une  jeune 

Le  temps  est  loin,  déjà,  du  phalanstère  qui  marque  l'apogée  de 
la  rustique  station.  Ses  membres  sont  dispersés  aux  quatre  vents 
de  l'horizon  artistique,  les  uns  illustres,  d'autres  demeurés 
inconnus.  Et  la  mort  a  détruit  des  espérances,  rompu  des  amitiés. 

Pour  nous,  qui  avons  vécu  à  Genck  d'inoubliables  semaines, 
chaque  année  impatiemment  attendues,  toujours  trop  tôt  abolie», 
les  maisons  du  village,  les  arbres  de  la  roule  exhalent  des  sou- 
venirs très  doux,  parfums  perçus  par  le  cœur.  Des  tableaux  sur- 
gissent, à  chaque  détour  du  chemin,  étoffés  par  la  silhouette  des 
amis  qui  peuplaient  jadis  la  pittoresque  résidence.  Et  c'est,  avec 
les  hôtes,  —  avec  l'hôtesse  demeurée  veuve;  là  aussi  la  mort  a 
passé,  —  un  assaut  de  récits  d'autrefois,  de  menus  incidents 
ressuscites,  de  cendres  remuées. 

Une  invincible  tristesse  naît  de  ces  fouilles  dans  le  passé.  Et 
le  décor,  lui  aussi,  peu  à  peu  se  transforme.  La  révolution  amenée 
parles  ans  dans  nos  idées,  dans  notre  manière  de  sentir  et  de 
voir  rend  plus  intenses  les  modifications  qu'il  subit.  L'harmonie 
est  rompue,  de  nos  impressions  avec  le  milieu  dans  lequel  elles 
sont  écloses. 

Des  maisons  neuves  s'alignent  le  long  du  pavé,  si  galment 
battu  autrefois,  de  la  gare  à  l'auberge,  en  tête  du  cortège  des 
camarades  venus  à  l'arrivée  du  train,  — des  maisons  neuves 
poussées  là  comme  une  végétation  insolite,  inquiétante.  Un 
presbytère  monumental,  à  prétentions  architecturales,  trop  riche, 
trop  «  cossu  »  pour  ce  fruste  coin  de  Campine,  parle  d'opulence, 
accord  dissonant  dans  la  pastorale.  Les  branlantes  chauminS~en 
pisé,  aux  tons  d'orange  mûre  et  de  crème  fraîche,  si  jolies  sous 
leur  fourrure  de  genêts,  sous  leur  chaume  lavé  par  les  pluie»  et 
velouté  de  lichens  émeraude,  ont  fait  place  à  des  cubes  de 
maçonnerie  coifft's  d'ardoises.  (Quelle  main  sacrilège  a  osé  arra- 
cher la  vigile  qui  enguirlandait  de  ses  sarments  le  linteau  de  la 
porte  et  les  croisées  des  fenêtres?)  Au  lieu  du  rempart  de  pierres 
effritées,  envahies  par  les  pariétaires,  un  mur  en  briques,  impla- 
cablement rectiligne  et  architectural,  hélas!  comme  la  cure, 
enserre  l'église!  La  vieille  enseigne  de  l'hôtel  de  la  Cloche,  peinte 
par  Fourmois,  a  été  remisée  en  quelque  grenier,  peut-être  acquise 
par  un  Anglais.  Car  il  y  a  des  Anglais  !i  Genck!  On  parle  l'anglais 
au  bord  de  ces  mares  flamandes  que  seul  troublait  jadis  le  vol 
circulaire  des  canards  sauvages.  Un  de  ces  jours  on  y  établira 
un  lawn-tennis!  — Ceci,  sans  aucune  intention  désobligeante 
à  l'adresse  de  l'aimable  miss  Andaluzia  Evans,  peintresse  de 
talent  et  femme  distinguée,  qui  a  établi  à  Genck  ses  quartiers 
d'été  et  qui  y  perpétue  les  traditions  d'art  et  de  travail  léguées 
par  ses  collègues  d'anian. 

Il  faut  sortir  du  village,  gagner  les  hameaux  solitaire  des 
Winlerschlag,  de  Langerloo,  de  Camerloo,  de  Gelieren,  de  Sulen- 
dael,  gravir  les  plateaux  dénudés  du  Peperblook  où  le  sol  rcvêche 
et  caillouteux  ne  laisse  percer  qu'une  bruyère  courte,  clair  semée, 
pour  éprouver  la  sensation  d'une  nature  farouche  que  Genck  et  ses 


environs  immédiat!  donnaient  jadis.  Les  îotrépidea  Toat  pUmar 
leur  chevalet  k  Asch,  i  Niel,  k  Op-Glabbeek,  en  un  niloo  saoTafB 
où  un  minuscule  cours  d*eau  fuit  entre  des  lives  d'aineot-al  da 
malachite  tous  la  voûte  bruissante  des  pins  tordus  par  le  Sarroit, 
des  bouleaux  et  des  charmes.  Ceux  que  requiert  un  isolemenl 
plus  complet  encore  s'enfoncent  dans  les  prairies  marécagensea, 
ourlées  de  dunes  au  sable  d'or,  semées  de  lacs  limpides,  qni 
déroulent  jusqu'au  Démer  an  tapis  aux  Ions  de  bronze  Tert,  fonda 
k  l'extrémité  en  de  délicates  iraances  de  bzali  et  d^méihiste,  et 
dont  seuls  de  lointains  oloebers,  érigés  en  pharea,  rampent  h 
ligne  inflexiblement  horitonlale.  D'anirea  cnBn  escaladent  les 
croupes  au  milieu  desqoellea  est  planté  le  ^tia§p,  et  par  des 
chemins  sinueux,  ravinés  d'ornières,  largement  tracés  k  travers 
les  pinières,  (si  rarement  foulés  que  l'herbe,  la  fougère,  le  Renét 
y  poussent  drus  et  haut»,  et  les  envahissent,  et  les  font  diape- 
ratire  sous  leur  toison  odorante),  vont  se  perdre  dans  les  steppes 
sans  limites  de  là  Dorsale  campînoise,  aux  confins,  sembl«-l-U, 
des  terres  habitées,  océans  d'arbustes  dans  lesquels  on  marche 
des  heures  durant  sans  rencontrer  la  trace  d'un  être  vivant  et  que 
seule  anime  la  lente  chevauchée  des  nuées. 

Si  Genck  se  fait  villégiature,  la  Campine  demeure  artiste.  Et 
la  municipalité,  et  le»  aubergistes,  et  les  Anglais,  et  les  touristes 
auront  beau  faire  11  y  a  heureusement,  et  pour  longtemps  encore, 
en  ce»  régions  ignorées,  k  l'écart  des  routes,  des  chemins  de  fer, 
du  télégraphe  et  do  téléphone,  des  coins  de  nature  aastère  où  b 
pensée  prend  librement  son  vol,  où  l'esprit  se  baigne  k  l'aise  dana 
les  ondes  rafraîchissantes  de  la  solitude  et  du  silence. 


FEU  LOUIS  GALLATT 

Un  curieux  attire,  crucifié  au  bas  des  deux  XX  de  M.  Félis,  a 
paru  dimanche  dlmier  dans  le  SupplAnent  littéraire  de  FltkU- 
pendance.  Pour  louer  son  ami  Louis  Gallail,  M.  Fétis  a  pris  son 
bon  cœur,  l'a  disposé  en  encrier  devant  lui  et  y  a  péché  k  la 
plume  un  tas  de  jugements  bienveillants,  honnêtes  et  inoffensifs. 
Pour  lui  la  Peste  de  Tournai  est  le  couronnement  d'une  carrière 
illustre;  pour  nous,  c'est  une  vieille  toile  on  peu  trop  roide,  puis- 
qu'elle sert  de  linceul  k  Tart  creux  et  vide  et  emphatique  de  notre 
«  gloire  nationale  ».  Mais  l'article  est  prismatique  et  présente  une 
antre  face  bien  plus  intéressante.  Tout  da  long,  Panteur  y  persifle 
rofilciali8me,la  direction  des  beaux-arts,  ses  habituelles  manières 
d'agir,  ses  incurables  négligences,  ses  hypocrisies,  ses  men- 
songes, ses  vices,  c'est-k-dire  sa  vie.  Quand  on  songe  quelle 
place  occupe  M.  Fétis,  de  quel  art  et  de  quelles  contumes  il  est  le 
représentant,  de  quelle  loge  d'entre  les  coulisses  il  juge  la  scène, 
on  est  étonné,  mais  on  le  remercie  bien  vile  de  sa  franchise. 
Après  s'être  moqué  de  l'éloquence  officielle  et  des  banquets  offi- 
cies —  ceci,  pour  les  toas  teurs  des  dernières  agapes  triennales 
du  récent  Salon  d'Anvers  —  et  avoir  écrit  que  Gallait  fut  forcé  de 
s'expatrier  —  chose  normale  chez  nous,  la  preuve  Stevens,  Wil- 
lems,  Flameng,  Rops!  —  il  ajoute  : 

«  La  position  de  Gallait  k  Paris  était  faite;  il  comptait  parmi  les 
peintres  dont  on  attendait  les  œuvres  aux  expositions.  Cependant 
le  gouvernement  belge  comprit  qu'il  était  préjudiciable  au  bon 
renom  du  pays  qu'on  laissât  se  fixer  définitivement  k  l'étranger  un 
artiste  qui  occupait,  de  l'aveu  de  tons,  le  premier  rang  parmi  les 
maîtres  de  l'école  nationale.  De  pressantes  démarches  furent 
faites  auprès  de  Gallait  pour  qu'il  vint  s'établir  k  Bruxelles.  On  lui 
promettait  une  grande  part  d'influence  dans  le  mouvement  des 


■*WSiWSS^!Ji?^-Tf  3/-i  ' 


L'ART  MODERNE 


311 


•M  et  dlmporUnts  travanz  commandés  par  l'Etat.  Galluii  se 
laissa  eonvaiocre;  il  aimait  son  pays  et  »e  rapproihait  avec  joie 
d*  Ml  mire  qui  eoiuinoait  de  résider  li  Tournai.  Les  promesses 
qu'on  lui  avait  faites  tardèrent  !i  se  réaliser;  elles  lardèrent  si 
biea,  qu'on  n'en  tint  aucune.  » 

N'eat-oe.paa  préciruzT  Un  artiste  qu'on  aSàme  va  cherrher  tra- 
vail ebez  le  voisin;  on  le  laisse  en  repos  jusqu'à  ce  qu'il  ait  pain, 
logement,  quelque  or,  réputation,  honneur,  puis  tout  !i  coup  on  le 
ironMe  de  promesseï,  on  fait  appel  h  des  sentiments  nulfii  et  bons 
qo'il  peut  avoir  gurdés  pour  son  pays,  on  lui  fait  quitter  toute 
eonquéte,  toute  position  sftre,  tout  résultat  acquis,  on  le  rapatrie 
et  quand  on  le  tient  ft  sa  merci  et  dans  sa  main,  en  exécution  de 
tous  engagements,  afin  de  le  caler  on  lui  donne  pour  s'asseoir 
devinez  quoi  T  Le  vide.  On  lui  escamote  sous  le  nez  les  places 
promises,  les  commandes  garanties,  le  succès  proclamé  certain. 
Certes,  on  lui  avait  dit  que  la  Belgique  pour  garder  son  bon  renom 
avait  besoin  de  lui,  qu'il  était  nécessaire  à  l'école  nationale,  qu'on 
comptait  sur  lui,  qu'il  «  le  nous  fallait  «.  Certes  tout  cela  était 
vrai  —  mais  ce  qui  ne  l'était  et  ne  l'est  guère  moins,  c'est  que 
l'état  a  le  dédain  des  artistes,  a  l'incurie  de  l'art,  c'est  que  «  cela  » 
ne  compte  chez  nous  que  si  l'on  a  besoin  de  faire  des  phrases 
pompeuses  sur  le  passé,  c'est  que  «  cela  »  est  si  pi-u  qu'on  peut 
se  permettre  d'être  prometteur  en  l'air,  hypocrite,  menteur,  trom- 
peur, voleur  même  —  puisque  tous  les  ans  on  distrait  dos  sommes 
du  budjet  des  beaux-arts  pour  les  reporter  à  d'antres  budjcts  — 
c'est  qu'après  tout  pour  les  peintres,  bons  diables  un  peu  vani- 
teux, il  faut  qu'on  établisse  au  ministère  une  règle  de  conduite 
invariable  adjoignant  aux  employés  supérieurs  de  les  berner,  de 
se  rire  d'eux  k  -force  de  politesses  niaises,  de  les  renvoyer  aux 
calendes  grecques,  de  faire  les  gorges  chaudes  de  leur  nalveié  et 
de  leur  crédulité  et  de  trouver,  après  tout,  la  farce  bien  bonne. 
Nous  tenons  certaines  anecdotes,  prouvant  ^  révidencc  de  telles 
dispositions  hostiles.  Uu  artiste  en  Belgique  est  quelqu'un  de 
sacrifié,  dont  on  ae  sert  quant  il  est  crevé,  pour  dire  que  la  sempi- 
ternelle lignée  de  Rubens  n'est  pas  morte.  Quant  à  tenir  compic 
de  la  grande  idée  qu'il  représente,  de  l'exception  glorieuse  qu'il 
est,  de  la  mission  je  ne  dirai  pas  sociale,  mais  intellectuelle  qu'il 
profère,  allez  donc  le  demander  à  ces  très  encaqués  harengs  des 
bureaux,  à  ces  plies  d'aquarium  officiel  faisant  la  sieste  sur  le 
sable  doré  de  leur  traitement? 

Ce  qui  s'est  passé  pourballait  se  passe  encore  tous  les  jours. 
Ils  promettraient  tout  jusqu'il  leur  chemise,  quitte  à  ne  pas  donner 
un  boulon.  Quel  est  l'artiste  qui  ne  connaît  le  chemin^dc  croix 
des  ministères,  et  les  Hérode,  et  les  CaTphe7  La  petite  toniaine 
qu'on  y  voit  dans  les  coins,  me  fait  toujours  songer  au  bassin  où 
Pilale  se  lavait  les  mains.  La  direction  des  Beaux-Ans,  les  com- 
missions, les  secrétariats  ont  pour  meuble  principal  et  ceniral 
un  moiisieur,  qui  salue,  donne  des  poignées  de  mains,  dit  des 
phrases  banales  :  «  Votre  projet  est  à  prendre  en  considéraiion... 
Voire  idée  ne  me  déplail  point...  Nous  examinerons  alienlive- 
ment  votre  demande...  J'en  parlerai  an  ministre...  Vous  pouvez 
compter  sur  mon  appui.  » 

On  s'en  va  satisfait,  mouillé  de  loule  l'eau  bénite  de  cour  pos- 
sible, on  écliafaude  de  l'espoir,  on  croit  que  la  requête  est  en 
bonnes  voies.  En  réalité  elle  dort  dans  les  tombeaux  des  cartons 
verts,  personne  ne  la  remue,  elle  s'enlinceule  de  poussière,  celui 
qui  avait  promis  appui  est  le  premier  à  l'oublier,  au  besoin  il 
ferait  la  garde  autour  pour  empêcher  qu'on  ne  la  soulève  jamais  : 
c'est  une  afifaire  classée,  c'est  4  dire  mort-née. 


Ce  pauvre  Louis  Gallait,  lui  pourtant  si  correctement  formé 
pour  être  le  peintre  constiluiionnel  et  bourgeois  de  notre  mille- 
huitcenlreniisme  incurable,  dire  qu'il  a  passé  par  la  route  des 
déboires,  soutenu  par  son  ami  Fétis,  et  que,  lorsque  ce  dernier 
évoque  des  souvenirs,  c'est  pour  signaler  et  condamner  des 
erreurs  contre  lesquelles  probablement,  à  l'heure  présente,  il 
oublie  de  se  gendarmer. 


(Troisième  article.) 
Au  Très  Saint  Temple  de  Très  Sainte  Nullité. 

Par  une  déférence,  qu'en  raison  de  relations  anciennes  qui 
obligent  on  comprendra,  nous  comptions  nous  abstenir  de  criii- 
que  devant  les  œuvres  de  Charles  Veri.at.  Devant  celte  salle 
du  Salon  d'Anvers,  où  des  amis  plus  intéressés  que  dévoués  les 
ont  rassemblées,  nous  passions  avec  un  réel  sentiment  de 
navrance  ;  et  d'orgueil  aussi,  à  celle  pensée  que  quand  il  nous 
arrivera  d'ayo''"  ^  défendre  la  mémoire  d'un  ami,  nous  appor- 
terons en  l'accomplissement  de  cette  liche  plus  de  piété  et  plus 
de  modestie. 

Mais  au  recueillement  qui  s'imposait,  les  organisateurs  de  ce 
Salon  dans  un  salon  ont  préféré  une  fanfaronne  bataille  où  le 
nom  de  l'artiste  mort  est  la  plus  terrible  machine  de  guerre. 

Pour  nous,  cette  salle  médiane  du  tour  de  Salon,  gonflée  à 
outrance,  bourrée  d'œuvres  à  en  crever,  semblait  le  Venire  exagé- 
rément fécondé  de  germes  très  divers  et  lourd  de  la  menace  d'une 
génération  qui  perdurerait  et  à  laquelle  l'Etemel  aurait  promis 
comme  à  la.postériié  d'ABRAHAM  «  d'être  comme  la  poumère  de 
la  terre  l  » 

Nous  compilons  réserver  ces  peu  encourageantes  réflexions 
pour  nos  méditations  propres  et  l'immuniié  qui  garantit  l'artiste 
mort  a  préservé  de  la  cravache  qui  nous  démangeait  les  grotes- 
ques gardiens  de  sa  mémoire  tant  affamés  de  notoriété. 

Nons  avions  décidé  même,  pour  clore  un  peu  curieusement 
nos  études  sur  ce  Salon,  d'emprunter  quelques  lignes  à  l'élude 
insérée  an  catalogue  par  M.  Van  Keymedlen,  qui  certes  ne 
nous  en  eiil  pas  voulu  d'être  à  pareille  fête  et  nous  eussions  — 
pour  ne  pas  rester  en  retard  vis-à-vis  du  confrère  qui  constate 
«  qu'une  cité  Inboi-ieuse  se  refait  sans  peine  un  peu  de  capital, 
mais  qu'il  foui  la  collaboration  dt  toutes  les  forces  lif  ta  nature 
peur  refaire  un  homme  supérieur!  »  et  résume  l'histoire  du 
peintre  en  annotant  que  «  Verlal  fut  le  fils  d'un  fabricant  de 
savon;  qu'il  prit  des  idées  de  Courbet  ce  qu'elles  avaient  de  rai- 
sonnable et  de  plus  fécond,  «  domina  »  des  lions,  des  tigres  et  des 
loups!  se  baigna  dans  les  eaux  du  Jourdiiin!  se  désaltéra  à  la 
source  de  Siloé,  oii  il  fit  des  esquisses  par  une  tempi^ratiire  de 
56°  centigrades!  »  —  nous  eussions  souscrit  en  quelques  mots 
très  émus  à  son  projet  de  monument  à  Vcrlal  sur  lequel  ce  très 
fin  critique  voulart  inscrire  celle  émouvante  épllaplie  : 

«  Ci  gît  un  Anversois  qui  eut  de  l'esprit  et  qui  sut  peindre.  » 

Mai?  il  se  fait  —  qu'un  peu  à  la  barbe  de  M.  Van  Keymel'I.en 

)e  monument  vient  d'être  dressé  et  qu'il  est  haut,  est  haut 

comme  la  toute  bêtise  versifiée  d'un  homme!  M.  Edmond  H., 
en  la  toute  sérénité  d'une  ftme  très  candide,  l'a  édifié  sous 
le  plafond  des  lignes  doubles  qui  protègent  habiluellement  des 

(1)  Voir  l'Art  moderne  des  16  et  30  août  derniers. 


312 


L'ART  MODERNE 


abondants  pleurs  de  ses  lectrices  sensibles  le  feuilleton  du  Pri- 

curseuT  et  que  soutiennent  les  cinq  colonnes  d'un  style  à  peu 

près  impossible  à  définir! 

—  Voici  quelques  passages   du  morceau.  Je  les  livre  sans 

aucun  commentaire. 

Ecoutez  : 

A  VERLAT 

Us  disent  que  le  sang  s'est  tari  dans  nos'veines. 

Alors,  dans  l'œuvre 

Nous  avons  fait  la  part  d'à  peine  une  poignée 
Et  sans  choix  sur  les  murs  nous  l'avons  alignée, 
Pour  décider  du  sort. 

Ce  sont  ces  murs  fameux, 

Il  en  sort  comme  un  $uint  d'effluves  immortelles  (!) 

Cest  Félan  anversois,  que  l'impuissance  nie, 

Qui  répond  en  créant. 
Qui  laisse  hurler  au  loin  la  vaine  capitale. 
Là  bas,  quelle  couleur,  qui  répugne  à  l'argile  ! 
Quel  mensonge  du  peintre  et  quel  labeur  stérile. 

Bâtard  de  tous  les  cieux. 
"  Verlat,  ô  sain  esprit!  que  tes  si.noes  s'en  donnhnt  "(!!!) 

Non,  non  !  Soyons  de  race  et  gardons  l'arche  sainte. 
Laissons  d  yios  voisins  sans  envie  et  sans  crainte 

Leur  art  indépendant, 
Indépendant  de  tout,  soit  sous  ciel,  soit  sur  terre. 
De  la  terre  oii  ton  ra,  du  ciel  qui  nous  éclaire. 

De  notre  esprit  flamand. 
Ah  !  quel  apothéose,  unique  dans  les  âges. 

Van  Dyck,  Jordaens,  Teniers,  qui  nous  peignent  tout  l'homme 
Et  tant  dautres  épars.  Van  Lerius  trop  vite 

Moissonné  par  les  sens. 
Et  que  d'autres  encore,  mettant  de  l'or  sur  table. 
Rosier  dans  un  boudoir,  Stobbaerts  dans  une  étable. 

Ah!  si  c'est  là  mourir,  où  donc  est  bien  la  viel 
Dans  leurs  feuilles  de  joie,  oii  la  haine  s'allie 

A  la  stérilité  f  (!!!) 
Non  !  Elle  est  dam  Tesprit  de  ces  singes,  qui  raille 
Et  dans  leurs  Muséums,  tout  pleins  de  notre  gloire, 
Qui  seraient  sans  soleil,  privés  de  notre  histoire. 
Qui  sur  leurs  murs  s'écrit! 

Edmond  H. 

Il  ne  resterait  que  ces  vers  détachés,  ils  défieront  l'Eternité! 

Le  moment  est  aux  découvreurs.  Nous  sommes  tous  talonnés 
du  désir  d'imiter  la  générosité  d'OcTAVE  Hirbead  et,  personnelle- 
menl,  je  me  chagrinais  fort  de  voir  mon  autorité  vieillir  sans 
qu'elle  parvint  à  découvrir  «  la  moindre  Princesse!  » 

C'est  un  beau  Prince  —  un  peu  vieux  —  que  j'amène  il  la  cri- 
tique en  la  personne  de  N.  Edmond  H.  !  Et  je  ne  me  connais 
aucune  appréhension  quant  à  la  réussite  démon  «  lançage!  » 


LES    DIALOGUES   TRISTES 

DÉDIÉ  AUX  SARCEY  BELGES 

Une  tr<^s  amusante  (et  tr6s  pinçante)  satire  k  propos  du  gros  et 
vide  Sarcey,  du  personnage  Journalistique  dit  «  le  critique 
influent  »  qui  sévit  chez  nous,  comme  à  Paris  et  qu'on  ne  saurait 
trop  moquer.  A  bon  entendeur  salut!  C'est  l'Intruse  de  Maurice 
Materlinck  qui  en  est  l'occasion,  c'est  Octave  Mirbeau  qui  en  est 
l'auteur,  c'est  VEcho  de  Paris  qui  en  est  le  porte-voix.  Octave 
Mirbeau,  irès  discrètement,  y  use  de  certains  procédés  littéraires 
chers  à  l'évocalcur  esprit  du  créateur  de  la  Princesse  Maltine. 

"  L'Intruse  »  à  Nanterre- 

(Le  salon  d'une  petite  villa  des  environs  de  Parie,  ftk»  d'une  table 


où  sont  disposés  un  encrier,  un  porte-plume,  du  papier  bUne, 
M.  Francisque  Sarcev  sommeille.  Autour  de  la  table  se  tiennent 
silencieux  H.  Oandillot,  M.  Hector  Peaiard,  M.  Brisson.  Sur  la 
cheminée  le  buste  lauré  de  M.  Scribe.  Une  lampe  ^lair«  fiùble- 
ment  la  scène.) 

M.  Bhisson  (Iris  bat).  —  Comme  il  dort  longtemps,  ce  soir! 

H.  Hector  Pessahd.  —  Oui,  je  trouve  qu'il  dort  longtemps,  ce 
soir, 

M.  Brimon.  —  Il  n'aura  pas  le  temps  d'écrire  son  feuilleton... 
El  que  va-t-il  arriver  s'il  n'écrit  pas  son  feuilleton  I  (H  se  dirige, 
sur  la  pointe  des  pieds,  vers  la  fenêtre.)  11  me  semble  que  le  ciel 
est  effrayant,  ce  soir  :  il  me  semble  que  j'entends,  dans  les  feuilles, 
des  bruits  singuliers,  ce  soir...  (/{ revient  et  s'arrête  devant  lebuste 
de  Scribe.)  Et  le  buste  de  M.  Scrihe  est  étrange  aussi,  ce  soir. 

M.  Hector  Pessard.  —  Ne  troj\<'*z-vous  pas  qu'il  baisse? 

N.  Brisson.  —  Qu'est-ce  que  \ous  dites?...  De  qui  parlez- 
vous?... 

U.  Hector  Pessard  (mon/ran/  M.  Sarcey  endormi).  —  De  luit... 
Ne  trouvez-vous  pas  qu'il  baisse? 

M.  Gandillot.  —  Mais  non,  ce  n'est  pas  lui  qui  baisse...  C'm( 
la  lampe  qui  baisse...  (Il  se  lève  pour  remonter  la  lampe.) 

N.  Hector  Pessard.  —  Ne  faites  donc  pas  de  bruit!...  Ne  Utiêt 
donc  pas  d'rs(>rit...  Vous  n'êtes  pas  il  Déjazet,  ici...  Moi,  j«  topI 
dis  qu'il  baisse...  Pourquoi  n'esl-il  pas  au  théâtre,  ce  soir? 

M.  Gandillot  {il  se  rassied).  —  Il  n'y  a  pas  de  premiArM,  ce 
soir... 

M.  Hector  Pessard  (impérieux).  —  Pourquoi  n'etl'U  pw  au 

théâtre,  ce  soir? 

M.  Brisson.  —  Ne  parlez  pas  si  haut...  Voua  êtes  élnuige,  aussi, 
ce  soir...  On  vous  dit  qu'il  n'y  a  pas  de  premières,  e$  lOir... 

M.  Hector  Pessard.  —  Ce  n'est  pas  une  raison.,, 

N.  Brisson.  —  El  vous  !...  Pourquoi  n'éles-vovf  pM  au  théâtre? 

M.  Hector  Pessard.  —  Moi?...  Ça  n'est  pM  U  méine  cbose... 
Vous  savez  bien  que  je  ne  suis  jamais  au  IhétllV,  moi!... 

M.  Brisson.  —  Vous  feriez  mieux  d'y  aller... 

M.  Hector  Pessard.  —  Mais  vous  tnn  bien  que  je  ne  com-^ 
prends  rien  aux  pièces  que  je  vois...,  rpiu  savez  bien  que  je  ne 
comprends  quelque  chose  qu'aux  piiCM  que  je  n'ai  ni  vues,  ni 
entendues...,  qu'aux  pièces  dont  j'ignore  le  titre,  l'idée,  le  dialo- 
gue... On  ne  saura  jamais  tout  ce  ane  J'aurais  pu  dire,  si  je  n'étais 
jamais  allé  au  théâtre...  Hais  loil...  qu'est-ce  qu'il  va  pouvoir 
écrire  sur  Vlnlruset...  Il  ne  l'f  TW,  il  ne  l'a  entendue  qu'une 
fois...  Il  aurait  dû  y  retourner, 

M.  Brisson.  —  Mais,  on  ne  l'a  jouée  qu'une  fois  1 

M.  Hector  Pessard.  —Ce  n'est  pas  une  raison...  Il  aurait  dû 
y  retourner...  U  ne  poonw  riM  en  dire. 

N.  Brisson  (<im«r).  —  U  me  semble  que,  vous,  non  plus,  vous 
n'en  avez  rien  dit. 

M.  Hector  Phmw.  —  Moi,  je  l'ai  vue  !...  Je  ne  puis  plus  en 
parler...  C'est  une  question  de  probité  littéraire,  une  question  de 
conscience  de  erilique  !...  Je  ne  puis  plus  en  parler...  (M.  Sarcey 
se  remue  un  peu;  le  fauteuil  craque.)  Beinl...  Quoi!..  Arez-vons 
entendu?...  fiu'esl-ce  qu'il  y  a? 

M.  Gahdillot.  —  C'est  le  maître  qui  se  niveille... 

M.  Brisson.  —  Eh  bien,  ça  n'est  pas  trop  tdt...  Il  commençait 
vraiment  à  m'inquiéter  pour  son  feuilleton...  Je  ne  peux  pas  plus 
concevoir  un  dimanche  sans  feuilleton  de  Sarcey,  que  je  ne  con- 
çois un  aveugle  sans  clarinette!...  Hum!  Hum  ! 

M.  Sarcet  (il  tressaute,  regarde  autour  de  lui  effari).  —  Où 
suiâ-je?...  Qui  est  là?...  Est-ce  qu'onn'a  pas  sonné  pourle  trois?... 
Pourquoi  me  regarde-t-on  ainsi?... 

M.  Brisson.  —  Mais  vous  êtes  chez  vous,  mon  cher  beau-père... 
Et  voici  Pessard...  Et  voici  Gandillot!... 
M.  Sarcet.  —  Je  ne  vous  vois  pas  bien,  encore... 
M.  Pessard.  —  Nous  sommes  là  !... 
M.  Brisson.  —  El  voici  M.  Scribe  sur  la  cheminée  !  (M.  Sarcey 


L'ART  MODERNE 


313 


dirige  tes  regards  tur  la  cheminée  et  reconnaît  le  busle  de 
M.  Scribe.  Jeu  de  icine.) 

H.  Sahcet.  —  Dieu!  C'esl  ma  foi  vrail...  Ah!  le  mâtin!.. . 
Toujours  le  même!.,.  Où  étais-je  donc  toui  à  l'heure?...  Je  ne  me 
gonviens  pas  bien...  Est-ce  que  Lebargy  ne  jouait  pas?... 

M.  Brisson.  —  Vous  vous  étiez  endormi,  mon  cher  beau-père. 

M.  Pbssard.  —  Vous  avez  beaucoup  mangé,  ce  soir... 

M.  Sarcey.  —  Cela  me  semble  si  drâlc  de  ne  pas  être  au  ihéAtrc, 
b  celle  heure?...  Ça  nie  gêne,  ça  m'endort...  Je  n'aime  pas  ôlre 
chez  moi,  le  soir...  Il  me  semble  qu'il  s'est  passé  quelque  chose 
de  très  triste,  ce  soir!...  Pourquoi  avez-vous,  tous,  l'air  triste,  ce 
soir  ?. . .  Vous  savez  qu'il  n'y  a  que  les  gêna  sans  talent  qui  ont  l'air 
tristel...  Gandillot! 

M.  Gandillot.  —  Mon  cher  maître  ! 

M.  Sarcey  {ii  ril,  il  pouffe  de  rire).  —  Est-il  impayable,  ce  gail- 
lard-là!...  Je  me  tords...  Non,  mais  avez-vous  entendu,  comme 
il  a  dit  :  u  Mon  cher  maître  ».  On  n'est  pas  dréle  comme  ce 
garcon-là!...  Gandillot! 

M.  Gai«dillot.  —  Mon  cher  maître  ! 

M.  Sarcey  (riant  loujnurt).  — C'est  à  payer  sa  place!...  Je  ne 
gais  pas  où  il  va  trouver  tout  ce  qu'il  dit,  cet  animal-là  !...  Ah  !  le 
bougre  I  Quelle  imagination  !  Quelle  observation  ! . . .  Quelle  fantaisie 
dans  la  cocasserie!...  Il  me  fera  mourir  de  rire...  Oh!  oh!  oh!... 
Voilà  ce  que  j'appelle  du  talent,  moi...  Aussi,  Gandillot  viendrait 
n'aDDOncer  que  son  père,  sa  mère,  sa  femme,  ses  enfants  sont 
morts  empoisonnés  par  des  champignons...  eh  bien  !  il  n'y  a  pas,   • 

j«me  tordrais C'est  triste...  mais  je  me  tordrais!...  Voilà  le 

latenil...  {Le  rire  de  M.  Sarcey  gagne  M.  Britton,  M.  Pessard, 
M.  ùandiUot  lui-mime.  Rire  général  durant  quelques  minutes.) 

M.  BtissoM  {t'inlerrompant  soudain  de  rire).  —  Et  le  feuilleton, 
mon  cher  beau-père?... 

M.  SaKCBY  (subitement  sérieux).  —  Quel  feuilleton  ? 

M.  BftittON.  —  Mais  votre  feuilleton!...  y  a-t-il  donc  d'autres 
feuilletons  T 

H.  SaROÏT.  —Oh!  sacristi!... 

H.  Brissdr.  —  Vous  allez  encore  être  obligé  de  vous  presser, 
et  de  dire  un  las  de  bêtises,  comme  la  dernière  fois. 

M.  Sarcey  (regardant  lencrier,  le  porte-plume,  le  papier  blanc). 

Du  diable,  par  exemple,  si  je  me  souviens  de  quelque  chose... 

Ma  foi  !  je  vais  entore  y  aller  de  mes  douze  colonnes  sur  Gan- 

dilloll...  ^ 

M.  Brisson.  —  Mais  vous  avez  t  Intruse,  cette  semaine. 

M.  Sarcey.  —  V Intruse?  qu'est-ce  que  c'est  que  ça  ?. . .  Ça  n'est 
pas  de  Gandillot. 

H.  Brisson.  —  L Intruse?  Vous  savez  bien,  cette  pièce,  au 
Vaudeville,  dans  la  matinée. 

M.  Sarcey  (cherchant  à  se  souvenir).  —  Attendez  donc  ! ...  Oui. . . 
je  me  rappelle...  Il  y  a  un  corbeau  dans  cette  pièce... 

M.  Brisson. Mais  non!...  vous  confondez!...  c'est  dans  une 

autre  pièce  qu'il  y  a  un  corbeau... 

M.  Sarcey.  —  Il  n'y  a  pas  un  corbeau,  dans  l'Intruse? 

m!  Brisson.  —  Non,  il  n'y  a  pas  de  corbeau  dans  l'Intruse! 

M.  Sarcey.  —  Alors,  ça  n'est  donc  pas  de  Becque,  l'Intruse? 

M.  Brisson.  —  Mais  non!...  V Intruse  n'est  pas  de  Becque... 
Pourquoi  voulez-vous  qu'elle  soil  de  Becque  ? 

H.  Sarcit. Je  n'y  suis  plus  du  tout,  mon  ami Ah!  si... 

atlends  un  peu...  Je  me  souviens!...  H  y  a  des  Lapons  dans  cette 
pièce...  des  décors  polaires,  des  ours  blancs...  Et  c'est  en  vers! 

M  Brisson.  —  Vous  confondez  encore...  Il  n'y  a  rien  de  tel... 
Ca  se  passe  dans  une  chambre,  le  soir...  Des  gens  sont  réunis 
autour  d'une  table  et  ils  causent...  A  côté,  dans  une  autre  chambre, 
est  une  malade  qui  va  mourir.         .       .     „  .    , 

M  Sarcey. En  voilà  des  inventions  I...  Est-ce  gai,  au  moins? 

M  Brisson.  —  Comment  voulez-vous  que  ce  soit  gai,  puisque 
je  TOUS  dis  que  la  malade  va  mourir  et  que  l'enfant  de  la  malade, 
qui  est  lui-même  malade,  va  mourir  également  ! 

Il  «»m  _P.h  bien  lau'est-ce  que  cela  fait?...  On 


M.  Brisson.  —  Mais  non  !  mais  non  !... 

M.  Sarcey.  —  Comment!  ça  n'est  pas  gai?  ça  n'est  pas  cochon? 
il  n'y  a  pas  le  moindre  couplet?  El  tu  voudrais  que  je  dise  du  bien 
de  celte  ordure-là?...  Ah  ça  !  mon  gaillard,  est-ce  que  lu  devien- 
drais symboliste,  toi  aussi?  J'aurais,  moi,  Francisque  Sarcey,  un 
gendre  symbolisle!...  Quelle  pièce  pour  Gandillot! 

M.  Drisson.  — Je  ne  vous  dis  pas  d'en  dire  du  bien,  moi  !... 

M.  Sarcey  (furieux).  —  De  qui?...  de  Gandillot?  Tu  ne  veux 
pas  que  je  dise  du  bien  de  Gandillot? 

M.  Brisson.  —  Et  qui  vous  parle  de  Gandillot?  Je  vous  parle 
de  Maeterlinck. 

M.  Sarcey.  —  Allons  bon!...  Qui  ça  .Maeterlinck?... 

M.  Brisson.  —  L'auteur  de  l'Intruse! 

M.  Sarcey.  —  Tu  perds  la  tête!...  Ne  viens-lu  pas  de  me  dire 
que  l'auleur  de  il7ilruse,  c'est  Henri  Becque? 

M.  Brisson  (découragé).  —  Tenez!  Vous  feriez  mieux  d'aller 
vous  coucher!... 

M.  Sarcey.  —  Tout  cela  n'est  pas  très  clair...  laisse-moi  tran- 
quille. (Il  s'approche  de  la  table,  retrousse  ses  manches,  empoigne 
son  porte-plume.)  Allons-y!...  (Il  écrit  avec  rage...  les  feuillets 
s'entassent  les  uns  sur  les  autres,  et  l'on  entend  de  loin  en  loin, 
tandis  qtte  grince  la  plume  sur  le  papier,  ces  mots,  en  bout  de 

phrases    tronquées)   :   «   Molière Gandillot!...    Nous    nous 

tordions...  un  rude  gaillard...  un  fameux   lapin...   Gandillot! 
Molière!...  Nous  nous  tordions...  » 


H.  Sarcey.  —  Eh  bien  !  qu'est-ce  que  c 


1  peut  mourir 


el  que  ce  soil  gai...  Gandillot,  lui,  ferait  ça  gai  .  Tout  le  monde  se 
lordrail  !...  C'est  drôle!  Je  ne  me  souviens  pas  du  tout!...  Dis-raoi, 
Brisson,  est-ce  un  peu  cochon?...  Chante-l-on  des  couplets  un 
peu...  un  peu  cochons? 


Petite  CHROf^iquE 

Nous  avons  annoncé  que  deux  traductions  anglaises  de  la 
Princesse  Maleine  allaient  paraître- prochainement  :  l'une  par 
M.  Gérard  Harry,  l'auire  par  M"""  Vielé-GrifTin.  Ajoutons  que  ces 
deux  traductions  ont  été  autorisées  par  M.  Maurice  Maelerlinck  et 
faites  presque  simultanément.  L'une  (celle  de  M""  Vielé-GriflTin)  est 
destinée  exclusivement  aux  Etats-Unis  d  Amérique,  l'autre  à  l'An- 
gleterre. Les  lois  sur  la  propriété  littéraire,  dans  ces  pays,  légi- 
timent el  nécessitent  même  cette  double  autorisalion. 

M.  Albéric  Magnard,  qui  a  secondé  cet  été  M.  Léon  Jehin  dans 
la  direction  de  l'orchestre  de  Royan,  vient  d'achever  un  drame 
lyrique  en  un  acte,  dont  il  a  écrit  le  texte  et  la  musique.  — 
M.  Ernest  Chausson,  dont  la  Tempête»  tw  aux  concerts  des  XX 
un  si  vif  succès,  a  terminé  une  nouvelle  œuvre  importante  pour 
piano  violon  et  quatuor  d'inslrumenis  à  cordes.  Une  audition 
intime  en  a  eu  lieu  dernièrement  chez  l'auteur,  à  Paris,  et 
l'impression,  à  ce  qu'on  nous  écrit,  a  élé  très  grande.  — 
M.Gabriel  Fauré,  qui  a  passé  un  mois  à  Venise,  en  a  rapporté  un 
cycle  de  mélodies  extrêmement  remarquables.  M.  Fauré  a  ter- 
miné, en  outre,  une  nouvelle  œuvre  de  musique  de  chambre  dont 
on  dit  le  plus  grand  bien.  —  Les  fragments  que  nous  avons 
entendus,  chez  1  auteur,  du  drame  lyrique  en  trois  actes  auquel 
travaille  M.  Vincent  d'Indy,  promettent  une  œuvre  de  premier 
ordre,  qui  classera  définiiivement  «  l'école  franckisle  »  dans 
l'opinion.  L'auteur  de  Walleixstein  a  corrigé  cet  été  les  bonnes 
feuilles  de  son  Quatuor  pour  instruments  à  cordes,  de  la  Forêt 
enchantée,  poème  symphonique  pour  orchestre,  et  de  la  petite  par- 
tition de  Karadec,  qui  paraîtront  simultanément  en  octobre.  — 
M.  Charles  Bordes  recueille  en  Espagne  des  mélodies  basq  ues 
qu'il  se  propose  d'utiliser  dans  une  composition  symphonique, 
ainsi  qu'il  l'a  fait  dans  son  Quintette  pour  flûte  et  instruments 

à  corder. 

On  voit  que  la  Jeune-France  musicale  est  en  pleine  activité 

laborieuse.  

L'Administration  du  Bureau  de  Bienfaisance  de  Laeken  ouvre, 
entre  les  architectes  belges,  un  concours  pour  les  plans  de  mai- 
sons ouvrières  à  construire  Petite  rue  Verte  à  Laeken.  Le  pro- 
gramme est  à  la  disposition  des  intéressés,  rue  Saint-Georges,  2, 
à  Laeken  et  au  local  de  la  Société  Centrale  d'Architecture  de  Bel- 
gique, Palais  de  la  Bourse,  rue  du  Midi,  les  mardi  et  vendredi  de 
8  à  lÔ  heures  du  soir. 


,.f\     ».  Y.,.-jjT».j,j»T77:.5^i.-çj.»»f30j.^>. 


ONZIÈME  ANNÉE 

L'ART  MODItRNE  s'est  acquis  par  l'aatorité  et  rindépendanee  de  sa  critiqne,  par  la  variété  de  ms 
informations  et  les  soins  donnés  h  sa  rédaction  une  place  prépondérante.  Aucune  maoifeatation  de  l'Art  ne 
lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  de  peinture,  de  sculpture,  de  gravure,  de  musique, 
d'architecture,  etc.  Consacré  pfincipalenaent  au  mouvement  artistique  belge,  il  renseigné  néanmoins  ses 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  Tétranger  qu'il  importe  de  connaître. 

Chaque  numéro  de  Li'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  qaesiion  artiatiqne 
ou  littéraire  dont  l'événement  de  la  semaine  fourQit  l'aotuallté.  Les  expositiom,  les  livrei  nouveenteo,  les 
premières  représentations  d'œuvres  dramatiques  ou  musicales,  les  confiirences  littéraires,  les  concerts,  les 
ventes  d'objets  cTart,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODEiRNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  H  rend  compte  des 
procès  les  plus  Intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  Xes 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complète  des  expOSltlOSS  et 
concours  auxquels  ils  peuvent,  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  Il  est  envoyé  gravultemont  à 
l'essai  pendant  un  mois  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande. 

irAIRT  MODS&NE  forpe  chaque  année  nn  beau  et  fort  volume  d'environ  450  pages,  vroé  table 
des  matières.  II  constitue  pour  l'histoire  de  l'Art  le  document  LE  PLUS  COMPLET  et  le  recneil  LE  ^itTS 
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Disirie  A'rtôt,  Pauline  Lucca,  Pablo  de  Sarcuate,  Ferd  HilUr,  D. 
Popper,  sir  F.  BenedicI,  Letchetitthy ,  Napi-aouik.  Joh.  Selmer,  Joli. 
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volume  in-S",  pour  le<juel  il  sera   tiré  une  couverture  spéciale,   nn 
titre,  une  table  des  matières  et  une  table  alphabétique  par  nom»  d'au- 
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Dimanche  4  Octobre  1891. 


MODERNE 


PARAISSANT    LB    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DBS  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Ck>Ilrifté  de  rédaetifltt  i  Octave  MÂUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABOXVBMBKTB  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union   postale,   fr.    13.00.    —  ANNONCES  :    On   traite  i  forfait. 

Adresser  toute*  les  communications  d 
l'admoostbatiom  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


Lb  Van  dbr  Meer  de  Brunswick.  —  La  critique  en  Belgique.  — 
L'iNCiDBNT  Masterlinck.  —  La  question  dis  Musées.  —  Exposition 
DB  ORATimi  A  La  Hâte.  —  Petite  chronique. 


I£  VAN  DËR  lEER  DE  BRDNSIIGK 

Une  surprise  en  ce  musée  d'Allemagne,  au  fond  de 
cette  ville  de  toits  en  châteaux  de  cartes  et  de  maisons 
en  armoires  sculptées  et  peintes,  que  ce  rare  et  infini- 
ment admirable  tableau,  venu  là,  sans  doute,  grâce  au 
dilettantisme  d'un  duc  mécène  et  appendu  en  une  salle 
petite,  d'où  il  commande  au  musée  tout  entier.  La 
photographie  n'en  peut  rendre  la  particularité.  A  le 
voir  reproduit  on  songe  à  un  Metzu  ou  à  un  Terburg. 
Qu'est-ce?  —  Une  scène  d'élégance  comme  tant  de 
petits  Hollandais  en  ont  peintes.  Un  cavalier—  manteau 
long,  souliers  nets,  culottes  lâches  —  s'incline  vers  une 
dame  assise  pour  avoir  la  faveur  de  la  débarrasser  d'un 
verre  qu'elle  tient  en  main.  La  dame  regarde  souriante 
de  l'autre  cdté  et  ne  semble  s'inquiéter  de  la  politesse 
du  gatsni.  Elle  s'inquiète  encore  moins  d'un  antre  pour- 
suivant près  de  la  fenêtre  ployé,  en  une  pose  boudeuse 
ou  indifférente. 

Le  M^t  a'«et  donc  rien  et  quand  Alfred  Stevens  ou 


Florent  Willems  s'amusaient,  l'un  à  typer  des  Pari- 
siennes, l'autre  à  ressusciter  des  mondaines  du  xvu"  siè- 
cle pour  ne  leur  imposer  d'autre  rôle  que  de  se  mirer 
en  un  miroir  ou  s'attacher  une  rose  au  corsage,  ils 
suivaient  de  près  les  petits  maîtres  de  Hollande  qui  vou- 
laient eux  aussi  l'insignifiance  du  sujet  popr  que  les 
qualités  seules  du  peintre  s'imposassent. 

De  tous  ces  petits  maîtres,  le  maître  est  certes  Van 
der  Meer  de  Delft.  Il  a  toutes  les  qualités  de  finesse, 
d'élégance,  de  distinction.  Usait  son  métier,  il  pratique 
son  art  mieux  que  personne.  Toute  gaucherie,  toute 
hésitation,  tout  doute  en  sont  absents.  Si  la  perfection 
dans  le  faire,  loin  de  toute  brutalité  comme  de  toute 
mièvrerie,  a  jamais  été  atteinte,  elle  le  fut  par  lui. 
L'impeccabilité,  il  la  possède  autant  qu'il  est  possible 
de  la  conquérir. 

Dans  les  collections  d'Amsterdam  et  du  Binnenhof  de 
La  Haye,  il  apparaît  paysagiste.  Qui  n'exalte  sa  Vue  de 
Delfl?  Qui  ne  proclame  merveille  son  tableau  :  les 
Ruelles  de  la  galerie  Sixte?  Là,  ce  qui  nous  avait  ébloui, 
c'était  son.  admirable  sens  de  la  proportion.  Combien 
ses  personnages  tenaient  dans  le  site  de  ville,  combien 
les  toiles  se  découpaient  exactement  sur  le  ciel,  conibieu 
l'on  sentait  que  les  questions  de  dimension  et  d'étendue, 
combien  les  parties  constituant  l'ensemble,  combien  le 
délicat  problème  des  mesures  et  des  optiques  le  sédui- 
saient, se  prouvaient  décisivement  !  La  proportion  ne 


■;.;-^;/.  •^P:''.fii^;'nyK^i<.  ■■ 


316 


L'ART  MODERNE 


s'enseigne  pas,  elle  est  un  don  comme  la  couleur.  C'est 
une  sensibilité  spéciale  au  dessus  des  difficultés  qu'on 
apprend  à  résoudre  aux  académies  en  vingt-quatre 
leçons.  Quelques  peintres,  par  exemple  Teniers,  ne  se 
sont  jamais  douté  de  ce  qu'elle  est.  D'autres  comme  Van 
der  Meer  l'ont  devinée  et  la  prouvent  en  chacune  de 
leurs  toiles. 

Une  œuvre  assurément  secondaire,  rencontrée  au 
Musée  de  Hambourg,  appuie  plus  encoreces  remarques. 

A  Brunswick  —  comme  on  le  devine  par  le  sommaire 
que  nous  venons  d'en  faire  —  c'est  un  intérieur  où  tel 
qu'en  la  plupart  des  panneaux  du  peintre  la  préoccu- 
pation de  l'éclairage  domine,  grâce  à  une  fenêtre  à 
gauche. 

La  Laitière  d' Amsterdam  profère  même  disposition. 
Le  jour  filtre  à  travers  les  carreaux  et  la  verrière 
blasonnée,  et  chaque  faisceau  de  rayons  est  comme 
étudié  à  part.  Près  de  là,  une  table  nappée,  surmontée 
d'une  cruche  en  grès  et  d'un  plat  d'argent. 

Si  le  faire  n'était  si  précis,  le  dessin  si  lisse,  la  facture 
si  propre  et  si  reposée,  on  se  croirait  en  présence  d'un 
Manet  :  ce  coin  de  table  est  d'un  moderne.  Il  semble  vu 
par  un  impressionniste.  Les  ombres  sont  colorées  et 
légères,  la  cruche  a  son  envers  teinté  de  bleu.  L'har- 
monie en  est  tellement  inédite  qu'on  ne  se  peut  figurer 
au  XVII*  siècle  un  artiste  prouvant  une  vue  aussi  en 
dehors  de  toute  tradition  et  qu'on  croit  à  une  restau- 
ration. Mais  actuellement  encore  aucun  Allemand  ne 
pourrait  voir  ainsi  —  et  nous  sommes  en  Allemagne.  Il 
est  donc  bien  certain  que  rien  n'a  été  modifié  et  que  l'on 
se  trouve  en  présence  d'une  sorte  de  miracle  plus  encore 
que  devant  une  exception  déconcertante. 

Dans  les  salles  voisines  se  cimaisent  des  Brauwer, 
des  Ostade,  des  Steen,  des  Mieris,  des  Hais,  des  Fictor, 
tous  les  peintres  soi-disant  de  genre  qu'Amsterdam  , 
Delft,  La  Haye,  Leyde  ont  produits.  Mais  lequel  d'entre 
eux  ne  paraît  poncifà  côté  de  l'inoubliable  chef-d'œuvre? 
Tous  profèrent  les  tons  brunâtres,  grisâtres,  veules; 
tous  laissent  surprendi-e  leurs  trucs  et  leurs  clichés, 
tous  sont  les  mêmes.  Eux  —  à  voir  le  Van  der  Meer  — 
qu'on  admirait,  on  les  néglige,  on  les  regarde  presque 
distraitement.  Il  y  a  entre  eux  et  lui,  le  soudain  maître 
novateur,  une  telle  distance  de  goût,  de  perception 
spéciale,  d'étonnantes  hardiesse  et  victoire,  que  sa 
suprématie  envahit  et  bourre  le  jugement,  exclusive  et 
despotique. 

Jamais  un  peintre,  nous  ne  disons  pas  au  point  de 
vue  de  l'idée,  mais  au  point  de  vue  de  la  forme  et  de  la 
vision,  ne  s'est  aussi  étonnamment  affranchi  de  son 
temps  pour  deviner  l'avenir.  Chez  d'autres,  par  exemple 
le  Tintoret,  on  surprend  certes  d'étonnantes  pratiques  : 
par  exemple  colorer  certaines  ombres  et  peindre  les 
noirs  avec  des  bleus  ou  des  verts;  mais  nulle  part  il  ne 
réalise  l'atmosphère  impressionniste,  la  gamme  entière 


des  tons  modernes,  la  joie  des  couleurs  qui  fait  qu'une 
toile  de  Monet  ou  de  Renoir  s'adresse  autant  à  l'odorat 
qu'à  la  vue  et  mêle  les  objets  des  deux  sens,  comme  le 
ferait  un  bouquet  de  âenrs  éclatantes  et  parfumées. 
Van  der  Meer  est  le  magicien  de  ces  inappréciables  con- 
fusions et  correspondances  artistes.  Lé  premier,  il  ouvre 
l'armoire  claire  dont  sa  toile  semble  un  panneau  déta- 
ché. Il  est  l'évocateur  bien  plus  que  n'importe  qui,  fût-ce 
Rembrandt,  de  la  lumière.  Celui-ci  s'est  glorifié  les  yeux 
par  des  évocations  de  clartés  surnaturelles  qui  semblent 
des  jours  de  ciel  et  des  auréoles,  tandis  que  l'auteur  de 
la  Dame  au  verre  de  vin  s'est  attaqué  à  la  lumière 
réelle,  vivante,  perçue  par  tous  et  l'a  conquise  comme 
une.  authentique  et  prismatique  Toison  d'or. 


Ik  CRITIQUE  EN  BELGIQUE 

M.  Gustave  Frédérix,  que  nous  nous  excusons  d'avoir  nommé 
le  Sarcey  belge,  est  de  massacrante  humeur.  Cette  humeur  l'induit 
à  se  départir  du  silence,  en  apparence  dédaigneux,  au  fond  très 
prudent,  qu'il  avait  pour  système  d'observer  quand  on  lui  déco- 
chait des  flèches. 

Voici  les  ruades  auxquelles  le  Pégase  de  l'Indépendance  s'est 
laissé  aller  après  avoir  lu  le  témoignage  de  Georges  Eekhoud 
dans  l'Enquête  sur  l'Evolution  littéraire  belge  ouverte  par  la 
Nation  : 

"  L'enquête  de  M.  Jules  Huret,  de  FEcho  de  Parit,  sur  l'évolution 
littéraire,  a  fait  quelque  tapage,  et  le  public  s'est  naturellement 
amusé  de  ce  qu'elle  contenait  de  vanités  énormes,  de  rivalités  féroces, 
d'invectives  des  marchands  de  lettres,  peu  connus,  aux  gros  com- 
merçants, bien  achalandés.  Un  journal  de  Bruxelles  entreprend  une 
contrefaçon  de  cette  enquête,  réduite  aux  proportions  belges.  On  peut 
bien  recommencer  en  Belgique  la  contrefaçon  littéraire,  si  on  a 
chance  d'y  trouver  quelque  publicité,  quelque  bruit. 

D'après  ce  qui  a  été  publié  de  l'enquête,  transportée  à  Bruxelles,  il 
parait  que  nous  aurons  contrefaçon  aussi  des  narcissismes  d'auteurs, 
et  de  ces  récriminations  furieuses  contre  la  critique,  particulièrement 
adressées,  à  Paris,  à  Jules  Lemaitre,  Â  Anatole  France,  à  Sarcey. 
Les  critiques  belges,  qu'on  traiterait  comme  ces  maîtres-là,  et  en  les 
jugeant  aussi  d'esprit  borné  et  de  langue  pâteuse,  seraient  évidem- 
ment confus  d'un  honneur  qu'ils  ne  méritent  pas.  Mais  ils  n'en 
seraient  pas  moins  flattés  d'être  classés  et  injuriés  en  si  bonne 
compagnie. 

Nous  lisons  dans  l'interview  d'un  romancier,  dont  nous  avons,  par 
des  articles  répétés  et  élogieux,'appris  le  nom  à  nos  lecteurs,  quelques 
lignes  sur  les  >  chroniqueurs  qui  poussent  la  mesquinerie  jusqu'à 
chicaner  un  écrivain  de  talent  à  propos  des  témoignages  d'estime 
qu'il  accorde  à  d'autres  écrivains  ".  Cela  est  une  allusion  directe  à  ce 
que  nous  avons  dit,  dans  un  feuilleton  sur  les  Contes  de  mon  village 
de  M.  Louis  Dclattre,  de  l'inopportunité  des  préfaces  glorifiant  les 
volumes  avec  lesquels  elles  sont  brochées.  C'est  au  conteur,  du  reste, 
à  M.  Delattre,  dont  nous  nous  plaisions  à  signaler  la  fraîcheur, 
l'émotion,  la  sincérité,  que  nous  recommandions  de  ne  plus  se  laisser 
introduire,  en  son  propre  livre,  si  amicalement  auprès  du  public. 
Mais  le  préfacier  des  Contes  de  mon  village,  M.  Eekhoud,  est  de 
susceptibilité  violente.  Il  nous  le  témoigne,  après  cette  allusion  for- 
melle, et  après  avoir  ajouté,  pour  que  nous  soyons  obligé  de  nous 
reconnaître  :  >  Ils  viennent  de  couronner  Maeterlinck  »,  il  nous  le 
témoigne  par  ces  qualifications  spirituelles,  dont  il  veut  évidemment 


"^  •■.,?1*';'^  *■,'    ■ 


UART  MODERNE 


317 


que  nous  prenions  une  bonne  part  :  ••  bonzes,  myopes,  coquettes, 
céladons  de  lettres  qui  se  sont  dépensés  en  grimaces,  ••  etc. 

De  cet  avis  donné  en  passant  à  M.  Delattre,  que  les  préfaces 
enthousiastes  sont  des  fautes  de  goût  dans  les  livres  qu'elles  précèdent, 
M.  Bekhoud  garde  une  inconcevable  blessure.  Nous  croyions  que 
l'auteur  des  Kerme$$e»  ne  tenait  pas,  au  contraire,  à  avoir  ce  bon 
goût  des  citadins  et  fransquillons,  qu'il  se  targuait  d'être  un  paysan 
mal  dégrossi,  un  poldérien  farouche,  un  campinois  dédaigneux  des 
bonnes  façons  et  des  délicatesses.  Il  a  dit  cela,  en  paroles  furieuses, 
dans  les  Nouvellei  Kertneites.  S'il  faut  maintenant,  avec  les  mérites 
vigoureux,  les  soucis  de  vérité  et  d'art  que  nous  lui  avons  si  souvent 
reconnus,  trouver  en  outre  du  tact  et  de  la  finesse  à  M.  Eekhoud, 
nous  craignons  bien  de  ne  pouvoir  jamais  satisfaire  cet  écrivain 
énergique  et  tourmenté. 

Les  violences  poldérlennes,  "  bonzes  »,  ••  céladons  ••,  et  les  autres, 
sont  négligeables.  Mais  H.  Eekhoud  a  dit  de  ces  critiques,  pour 
lesquels  il  a  un  dédain  si  distingué  :  •  Ils  n'ont  jamais  encouragé  un 
talent  naissant.  «  Nous  savions  que  de  jeunes  auteurs,  de  désinvolture 
moderne,  dont  on  avait  parlé  avec  sympathie,  avec  insistance,  leur 
procurant  une  bien  autre  publicité  que  celle  de  leurs  petites  revues  à 
dix-sept  abonnés,  nous  savions  que  ces  jeunes  féroces,  allégés  de  tout 
scrupule,  pour  aller  plus  vite,  —  après  avoir  remercié  les  critiques 
qui  les  signalaient  généreusement,  avaient  le  bon  goût  d'invectiver, 
dans  leurs  feuilles  hebdomadaires  ou  mensuelles,  ceux  dont  llg 
s'étaient  dits,  par  de  chaudes  épîtres,  les  obligés  reconnaissants.  Ce 
sont  des  mœurs  nouvelles.  Il  paraît  que  le  combat  pour  la  vie  autorise 
maintenant  ces  procédés  à  double  détente,  —  gratitude  et  déférence 
par  correspondance  privée,  récriminations  et  insultes  par  notes 
imprimées. 

M.  Eekhoud  est  certainement  incapable  de  ce  double  jeu.  Il  est  si 
violent,  qu'il  doit  avoir  de  la  franchise.  S'il  a  dit  de  certains  critiques 
ces  mots  amers  :  ••  Ils  n'ont  jamais  encouragé  un  talent  naissant  •, 
il  ne  parlait  probablement  pas  pour  le  critique,  à  qui  il  écrivait,  le 
23  février  1891  :  >•  Vous  m'avez  toujours  accordé  votre  attention  dans 
r Indépendance,  et  dès  mes  débuts  vos  observations  et  vos  conseils 
m'ont  encouragé  dans  la  carrière  la  plus  ingrate  qu'il  soit  possible 
de  suivre  en  Belgique.  Mais  jamais  vous  ne  m'avez  traité  avec  autant 
de  faveur  qu'à  propos  de  mon  dernier  livre,  et  je  suis  d'autant  plus 
heureux  de  vos  éloges  que  je  tiens  les  Fusillés  de  Matines  pour  un 
de  mes  enfants  les  mieux  venus.  Merci  encore  pour  ce  sympathique 
et  très  grand  encouragement  et  croyez-moi,  très  cher  et  honoré  con- 
frère, votre  bien-dévoué.  » 

Le  critique,  é  qui  M.  Eekhoud  écrivait  cette  lettre,  a  consacré  un 
plus  grand  nombre  d'articles  à  l'auteur  des  Kermesses  qu'à  l'auteur 
des  Rougon-ltacquart,  qui  a,  sinon  une  plus  grande  place  dans  la 
littérature  française,  tout  au  moins  une  plus  grande  abondance  de 
volumes,  ce  qui  aurait  pu  lui  valoir  des  comptes  rendus  plus  répétés. 
Ce  critique  n'a  pas  manqué  non  plus  ••  d'encourager  les  talents  nais- 
sants "  en  parlant  de  M.  Lemonnier,  de  M.  Rodenbach,  de  M.  Qiraud, 
de  M.  Maeterlinck,  de  M.  Verhaeren,  de  M.  Delattre,  de  M.  Oilkin, 
de  quelques  autres,  et  même  d'écrivains  amateurs,  qui  méritaient 
une  bienveillanoe  particulière,  en  étant  des  avocats  lettrés.  »     O.P. 

Ce  morceau  irrité  ei  tumultueux  nous  suggère  les  calmes 
réQexiODsque  voici.  M.  Gusiave  Frédérix 

(c'était  un  vieux  routier,  il  savait  plus  d'un  tour. 
Même  il  avait  perdu  la  queue  à  la  bataille) 

prend  ou  veut  donner  le  change  sur  les  reproches  que  l'on  fait  à 
sa  criliquc  avec  une  persistance  et  une  unanimité  qui  devraient 
lui  faire  comprendre  «  qu'il  y  a  quelque  chose  ».  (I  s'imagine  avec 
une  naïveté  amusante,  ou  feint  de  croire  avec  une  roublardise 
raffinée,  que  lorsqu'il  a  reçu  d'un  auteur  une  lettre  accusant  poli- 
ment lecture  d'un  de  ces  comptes  rendus,  si  justement  équilibrés 
dauK  le  blâme  et  dans  l'éloge,  dont  il  a  la  spécialité,  il  est  k  cou- 
vert de  tout  péril  et  assuré  de  toute  victoire,  pourvu  qu'il  ait 


malicieusement  serré  cedocument  dans  le  tiroir  aux  petits  papiers 
dont  se  munit  tout  bon  doctrinaire  belge.  Ah!  fi!  pour  un  homme 
du  Bel-Air  et  en  si  bonne  posture  dans  le  monde  où  l'on  s'ennuie, 
c'est  être  peu  gentilhomme  ! 

On  ne  vous  accuse  pas.  Monsieur  Frédérix,  de  vous  taire  sur 
les  jeunes  partout  et  toujours.  Vous  êtes  trop  avisé  pour  com- 
mettre une  aussi  lourde  faute.  Le  grief,  le  vrai  grief,  le  voici  : 

Vous  êtes  depuis  des  ans  et  des  ans,  par  l'effet  de  la  prédilec- 
tion pour  les  vieux  serviteurs,  en  possession  du  feuilleton  lilté- 
raire  d'un  journal  qui  eut  ses  beaux  jours  au  temps  où  la  presse 
française  était  ligotée  par  le  second  Empire,  et  qui  aujourd'hui 
vivote  confortablement  grâce  à  la  haute  finance  dont  il  sert  les 
intérêts.  Vous  êtes,  de  plus,  à  perpétuité  membre  des  jurys  divers 
institués  pour  encourager  la  littérature  nationale.  Enfin,  vous 
êtes  bien  accueilli  et  l'on  croit  en  vous,  dans  le  monde  des  para- 
sites où  vous  apparaissez  à  Eekhoud  (et  à  bien  d'autres),  comme 
«  un  céladon  de  lettres  »  :  ne  vous  offusquez  pas  du  titre,  il 
marque  votre  importance.  Vous  avez  eu  ainsi,  vous  avez  encore, 
quoiqu'elles  aillent  diminuant  par  la  trop  longue  durée  et  le  trop 
stérile  emploi,  les  puissances  par  lesquelles  un  écrivain  peut  ser- 
vir la  cause  de  l'art  et  aider  à  son  évolution  vers  le  neuf.  Cette 
belle  et  très  fière  mission  vous  pouviez  la  remplir,  ei  vous  eussiez 
été  alors  le  maître  respecté  devant  qui  les  jeunes  générations  com- 
battantes auraient  passé  le  shako  au  bout  des  baïonnettes. 

Au  lieu  de  cela,  vous  n'avez  jamais  été  qu'un  amuseur  du 
hicheliffe.  Vous  ne  vous  êtes  préoccupé  que  de  plaire,  par  des 
fadaises,  à  une  coterie  d'oisifs  et  d'inutiles.  Votre  critique  n'a 
jamais  eu  pour  mobile  l'intérêt  de  l'art  et  pour  but  sn  glorieuse 
évolution  :  vous  avez  dansé  des  pas  et  chanté  de  puérils  refrains 
devant  votre  petit  public  d'ignorants  et  de  sceptiques.  Vous  avez 
caressé  ces  âmes  aux  endroits  ignobles  au  lieu  de  les  diriger  et 
de  les  corriger.  Vous  avez  fait  œuvre  de  balladin  et  non  œuvre 
d'apôtre.  Vous  avez  festonné,  gesticulé,  sauté  avec  des  grtces 
pesantes,  mettant  des  jabots  à  vos  blagues  pour  les  déguiser  en 
mondaines,  tâchant  de  rendre  distinguées  vos  farces,  pinçant  vos 
zwanzes,  mais,  au  fond,  blaguant,  zwanzanl  autant  que  le  plus 
vulgaire  reporter. 

C'est  avec  cette  méthode  que  vous  vous  êtes  parfois  occupé  de  nos 
jeunes  artistes.  Puisque  vous  êtes  fermé  à  l'évidence  du  triste  rôle 
que  vous  avez  rempli,  peut-être  ne  vous  rendez-vous  pas  compte 
non  plus  du  découragement  ou  de  l'irritation  qui  vient  après  la  lec- 
ture de  ces  feuilletons  goguenards  où,  dans  le  langage  que  vous 
avez  composé  à  votre  usage  et  dont  on  a  dit  que  si  vous  n'avez 
pas  une  manière  de  style,  votre  style  au  moins  a  des  manières, 
vous  prétendez,  d'un  ton  prolecteur,  régenter  notre  art  littéraire 
régénéré,  ne  donnant  un  morceau  de  sucre  candi,  au  bout  d'une 
ficelle,  que  pour  le  retirer  aussitôt  en  cassant  une  deni.  Vous  vous 
croyez  bienveillant  et  juste.  Vous  vous  imaginez  aider  à  l'c>  lo- 
sion  des  nouveaux-nés  littéraires?  Eh  bien!  au  risque  d'exas- 
pérer vos  désillusions,  nous  répétons  avec  Eekhoud  que  vous 
n'avez  jamais  encourage  un  talent  naissant.  Nous  en  appelons 
%  quiconque  lient  une  plume  dans  l'armée  littéraire  nouvelle.  Pre- 
nant un  à  un  tous  vos  articles,  on  le  prouverait  phrases  à  la  main. 
Vous  apparaissez  à  nos  jeunes  tel  qu'un  gros  chat  fourri^,  faisant 
la  chattemite,  caressant  d'abord,  mais  pour  déchirer  ensuite  etf 
semble-t-il,  rendre  plus  nette  la  place  où  vous  enfoncerez  papc- 
lardement  vos  griffes.  Eekhoud  a  eu  raison  d'ajouter,  au  eujct 
de  votre  critique  :  Incapable  d'un  sentiment  profond,  d'une  pas- 
sion noble  et  féconde. 


318 


L'ART  MODERNE 


Ne  le  prouvez-vous  pas  une  fois  de  plus  dans  l'article  reproduii 
ci-dessus?  Ne  vous  y  monlrez-vous  pas  uniquemenl  occupé  de 
vous  et  de  vos  manies,  défendant  rageusement  votre  majorât  de 
feuilletoniste,  vous  disloquant  pour  essayer  d'atteindre  le  tour 
spirituel,  «  vous  dépensant  en  grimaces  et  en  minauderies  »,  et 
finissant,  dans  un  égoïste  besoin  de  défense,  par  cette  petite  mal- 
propreté :  la  publication  d'une  lettre  privée,  confiante  et  généreuse, 
issue  d'une  âme  prompte  ti  exagérer  la  gratitude  et  transformant 
promplement  en  compliments  exagérés  les  banales  formules  de 
politesse  par  lesquelles  il  est  d'usage  de  remercier  un  journaliste, 
encore  que  mince  soit  le  morceau  qu'il  vous  sert.  A  moins 
que  cette  lettre  incorrectement  divulguée,  ne  soit  cruellement 
ironique,  car  qui,  sans  sourire,  peut  entendre  Eekboud,  le  puis- 
sant cl  original  écrivain,  se  faisant  si  petit  et  si  humble  qu'il 
vous  dit  :  Vos  observations  et  vos  conteili  m'ont  encouragé! 

Vous  vous  moquez,  du  haut  de  vos  talons  rouges,  «  des 
petites  revues  à  dix-sept  abonnés  »  et  des  feuilles  hebdomadaires 
nu  mensuelles  (attrape.  Art  moderne!  attrape,  Jeune  Belgique!) 
rn  lesquelles,  à  défaut  de  gazettes  sémitiquement  soutenues,  la 
jeune  école  défend  ses  idées,  prêche  son  art,  et  combat  le 
ganachisme.  En  cela  encore  vous  dévoilez  votre  injustice,  votre 
courte  vue  et  votre  incurable  mauvais  vouloir.  Si  ces  publications 
vaillantes  ont  des  rédacteurs  opiniâtres  qui  ne  jouissent  d'aucun 
(le  vos  appointements,  cl  qui  balaillcnt  uniquement  pour  l'hon- 
neur, c'est  qu'ailleurs  «  leur  art  est  sans  trêve  insullé,  vilipendé, 
moqué,  ou  demeure  incompris  »  jusqu'au  jour  oS  (c'est  encore 
Eekjioud  qui  parle)  «  quelque  flgariste  prête  ses  lunettes  â  votre 
myopie  ».  EU  quoi  que  vous  en  pensiez,  on  les  lii.  Monsieur,  et 
rcs  revucttes  font  leur  Irouée,  du  moins  si  l'on  en  juge  par  la 
dépression  des  routines  qui  vous  sont  chères,  et  par  votre 
sourde  fureur  contre  elles. 

Néanmoins,  il  sérail  lemps  encore  pour  vous  d'honorer  votre 
vicilKisse  en  changeant  d'allures.  Vous  devez  en  avoir  le  pressen- 
limcni,  cl  pcul-élre  le  désir,  puisque  vous  avez,  à  l'improvisle  et 
h  la  générale  slupéfaclion,  couronné  la  Princesse  Maleine.  Per- 
suadez-vous que  le  respect  des  jeunes  pour  qui  les  aide  dans 
leurs  difficiles  efforts,  vaut  mieux  que  les  coquelages  et  les 
l>amoisons  des  pimbêches  du  beau  monde.  Cessez  de  faire  le 
galaniin,  renoncez  aux  lauriers  de  Bellac  et  à  la  plaisante  gloire 
ilu  gros  Sarcey,  ce  roi  d'Yvetot  au  pays  des  lettres.  Tâchez  de 
voir,  enfin,  qu'il  y  a  un  admirable  mouvement  littéraire  en 
Belgique,  enveloppé  encore  de  beaucoup  de  gangue,  certes, 
mais  où  de  purs  filons  apparaissent  incessamment,  et  qui,  dans 
son  ensemble  comme  dans  chacune  de  ses  tentatives,  mérite 
la  plus  bienveillante,  la  plus  attentive,  et,  surtout,  la  plus 
confiante  critique.  Prenez  tout  cela  au  sérieux,  très  au  sérieux, 
et  vous  verrez  voire  sort  changer.  Ce  sera  fini  des  tracasseries. 
Car  ce  que  ces  artistes  demandent,  ce  n'est  pas  l'aveugle  et  per- 
pétuel éloge,  mais  la  croyance  en  leur  bonne  foi,  en  leur  enthou- 
siasme, en  leur  volonté  désintéressée  de  bien  faire  et  de  doter 
notre  pays  d'une  littérature  autochtone  el  brillante.  Ne  vous 
sentez-vous  pas  misérable  d'avoir  appris  (un  de  vos  collabora- 
teurs vous  l'écrivait  récemment  d'Angleterre)  que  cette  efferves- 
cencc  éionnantc  cl  louchante  de  nos  jeunes  artistes  frappe  et 
séduit  la  critique  étrangère,  tandis  que  la  vôtre  s'obstine  sénilc- 
inenl  à  la  nier  cl  se  borne  à  lui  faire  de  temps  â  autre  l'aumône 
lie  quelijucs  dragées  accompagnées  en  sourdine  d'ineptes  el  véné- 
neuses réserves? 


riKCIDENT  lAETERUNCR 

Sous  le  litre  «  Cn  Refus  »,  la  Nation  a  publié  un  excellent 
article  (il  est  de  Victor  Arnould).  Nous  le  reproduisons  comme 
document  à  conserver  du  petit  événement  qui  marque  une  étape 
nouvelle  dans  le  régime  de  l'art  en  Belgique. 
'  «  La  oommission  chargée  de  conférer  tous  les  trois  ans  une 
récompense  aux  jeunes  littérateurs,  avait,  comme  on  sait,  accordé 
la  couronne  officielle  de  feuilles  de  laurier  cousues  sur  carton 
vert,  i  M.  Maurice  Maeterlinck.  Jusqu'en  rhétorique,  il  jr  a  des 
distributions  de  prix  tous  les  ans  dans  toutes  les  inslitalioni  d'en- 
seigpcment  du  royaume.  Cela  se  fait  solennellement,  en  pn^senee 
des  autorités  et  avec  de  la  miisique.  L'amour  de  là  gibire  pénètre 
ainsi  les  générations  nouvelles,  qui  la  voient,  dès  leurs  jeunes 
ans,  ceinte  d'une  écharpe  et  prononçant  par  la  bouche  d'hommes 
graves  des  discours  longs  el  solennels  auxquels  pleurent  les 
mamans  dont  l'excuse  est  de  ne  pas  les  comprendre. 

«  El  les  trompettes  de  la  renommée,  qu'on  voit  sur  tous  les 
monuments,  sonnent  dans  les  fanfares  du  corps  des  pompiers. 
C'est  tous  les  ans  une  superbe  moisson  de  distinctions  que  recol- 
lent d'innombrables  jeunes  gens,  il  qui  l'on  d,it  qu'ils  sont  l'espoir 
de  la  patrie. 

«  Mais  une  fois  la  rhétorique  passée,  et  vu  probablement  une 
importance  plus  grande  qu'on  leur  reconnaît,  ce  n'est  plus  que 
tous  les  trois  ans  que  l'on  consacre  les  jeunes  littérateurs,  en 
votant  dans  le  sein  d'une  commission  composée  de  personnages 
mi:trs  el  eux-mêmes  décorés,  une  somme  d'argent  qu'accompagne 
un  brevet,  cl  que,  d'ordinaire,  suit  la  croix  d'honneur.  Quand  on 
a  passé  par  là,  et  qu'on  est  poète  et  littérateur  lauréat,  on  peut 
écrire  désormais  tout  ce  qu'on  veut,  on  reste  consacré  et  on  a  le 
droit  de  figurer  dans  tous  les  recueils  officiels  de  littérature. 

«  On  n'a  plus  besoin  d'être  lu,  parce  qu'ona  un  nom  recommandé 
par  le  Moniteur  sous  le  sceau  cl  la  garantie  de  l'Etat,  et  qui  aura 
sa  place  étiquetée  à  côté  des  autres  noms  illustres  dont  le  pays 
s'honore  officiellement.  C'est  déjà  presque  comme  si  l'on  était  de 
l'Académie,  de  l'une  des  deux,  la  française  ou  la  flamande  ;  car 
notre  pays  possède  deux  renommées,  l'une  en  français,  l'autre  en 
flamand,  ayant  chacune  «  sa  langue  véhiculaire  propre  ». 

«  Mais  si  les  Académies  u'apparaissent  peut-être  encore  que  dans 
le  lointain,  au  moins  les  lauréats  feront-ils  immédiatement  partie 
de  l'une  ou  de  l'autre  de  ces  autres  commissions,  sans  exception 
du  reste  déjà  illustres,  el  entre  lesquelles  est  partagé  tout  ce  qui 
«  concerne  »  les  Beaux-Arts,  les  Lettres  et  les  Scieneà.  Ouvrez 
un  Annuaire  du  royaume,  el  vous  les  verrez  s'étaler  les  uns  der- 
rière les  autres,  ces  commissions,  ces  conseils,  ces  classes  des 
aris  el  des  lettres,  avec  directeurs,  vice-directeurs,  secrétaires  cl 
membres,  où  tous  nos  grands  hommes  sont  collectionnés,  chacun 
dans  sa  case,  avec  numéro  d'ordre  et  titre  spécial  à  l'admiration 
des  contemporains. 

«  On  né  parle  pas  de  la  postérité.  Quand  un  homme  illustre  de 
l'une  des  classes  meurt,  il  est  remplacé  par  un  vivant  désigné 
comme  tel,  mais  tous  les  vivants  forment  l'armée  officielle  de  la 
gloire.  Entre  eux,  ils  en  occupent  tous  les  rayons  comme  des 
abeilles  vigilantes  —  plus  vigilantes  que  laborieuses —  cl  sous  la 
haute  surveillance  de  cette  grosse  abeille  qui  est  l'Etal.  C'est  la 
haute  police  de  la  gloire  du  royaume,  ces  académies  et  ces  com- 
missions, el  de  grade  en  grade,  depuis  l'école  primaire,  tout  cela 
monte  el  se  complète, cl  par  une  sélection  naturelle  écarte  succès- 


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■T'v^'^^-    ■        'f 


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sivemenl  loul  ce  qui  n'est  pas  conforme  el  taillé  sur  le  patron 
accepté  et  rwonDO.  Car  ks  patrons  ebangeni,  et  de  période  en 
période  ils  se  renouvellent.  Les  Académies  elles-mêmes  ont  leurs 
modes  lentement  modifiées,  et  déjà  ossifiées  aussilél  qu'elles  se 
modifient.  Mait  il  n'y  en  a  jamais  qu'une  qui  prévaut  à  la  fois, 
avec  une  r^gle  et  une  loi  où  sont  pris  et  engrenés  les  œuvres  et 
les  hommes. 

«  Et  l'immense  et  multiple  macbine  fonctionne  ainsi  depuis  plus 
d'an  demi-sièclç,  «'assimilant  tout  ce  qui  peut  lui  servir,  mSehant 
de  ses  dents  pesantes  les  travaux  et  les  esprits,  les  digérant  en 
SCS  boyaux  énormes  et  vingt  fois  repliés  sur  eux-mêmes,  et  pro- 
duisant, Il  basse  pression  continue,  de  l'illustraiion  et  de  la  con- 
sidération sans  fin,  qui  s'élèvent  circulaircment  en  Iropbée 
national,  et  forment  ce  temple  historique  de  l'immortalité  Offi- 
cielle autour  duquel  bourdonnent  désormais  'tontes  les  mouches 
de  la  renommée.  On  a  parlé  d'élever  un  Panthéon  an  sommet  du 
plateau  de  Koekelberg.  Qu'on  le  fasse  de  cette  forme  arrondie  et 
majestueuse,  avec  des  étages  superposés,  où  toutes  les  commis- 
sions et  toutes  les  classes  auront  leur  cercle,  symbolisant  la  fécon- 
dité nationale  au  repos. 

a  Au  fond,  c'est  dans  cette  police  de  la  gloire  avec  alignement 
fixe  qu'on  invitait  Maelrrlinck  à  entrer,  pour  en  faire  l'un  des 
piliers  de  l'art  consacré,  el  qu'on  pourrait  opposer  désormais 
viclorieusement  à  toutes  les  critiques,  comme  la  preuve  vivante 
pour  l'art  officiel  d'une  puissance  d'assimilation  qu'on  ne  lui 
soupçonnait  point. 

«  Mais  Maeterlinck  ne  se  laisse  pas  faire,  ifn'a  point  envie  de 
se  prêter  k  cette  absorpiion  par  laquelle  on  l'engluait  de  flatterie 
pour  l'avaler  ensuite  plus  facilement.  Maeterlinck  refuse  la 
distinction  triennale. 

«  Il  est  malheureusement  certain  que  l'Art  et  les  Lettres  se 
treuvent  aujourd'hui  dans  noire  pays  entre  deux  ennemis-nr^s 
également  redoutables,  et  d'autant  plus  redoutables  qu'ils  sont  en 
glande  partie  inconscients  du  mal  qu'ils  font  :  d'un  cété,  l'énorme 
Amehinc  administrative,  aveugle,  sourde,  endormie,  incapable  de 
recontiaftre  ou  de  juger  par  elle-même  aucune  œuvre,  el  qui 
n'attire  à  elle  et  ne  récompense  que  ce  qui  lui  tombe  sous  la 
patte,  an  hasard,  à  moins  que,  comme  pourMaelerlinck,  elle  se 
brûle  les  pattes  en  voulant  y  toucher,  —  el  de  l'antre  côlé  une 
criiiqtie  généralement  malveillanie,  de  vue  basse,  d'esprit 
hostile,  &pre  &  détruire  tout  ce  qu'elle  ne  réussit  pas  k  ravaler  èi 
son  niveau  el  k  faire  rentrer  dans  les  catégories  dont  il  est 
défendu  de  sortir,  sous  peine  d'être  exposé  aussiioi  k  l'animad- 
version  universelle.  «  L'ami  du  genre  humain  n'est  pas  du  tout 
mon  fait  »,'  dit  Alcesle;  " 

«  Mais,  chet  nous,  c'est  l'ennemi  du  genre  humain  qu'on 
devient,  pour  Ipeu  qu'on  ne  consenie  pas  à  parler,  à  penser  en 
troupeau,  en  bande  enrégimentée  et  soumise,  où  quand  l'un  saute 
au  hasard  du  caprice,  tous  les  autres  suivront,  brebis  galeuse 
devenant  celle  qui  veut  regarder  seulement  où  elle  tombera. 

«  L'A  ri  moderne  cons'ate  une  fois  de  plus  cet  immense  travers 
belge,  cl  en  profile  pour  rééditer  quelques  paroles  de  Baudelaire 
et  de  Proudhon  qu'il  est  toujours  bon  d'enlendre.  «  En  Belgique, 
«  disait  Baudelaire,  on  ne  pense  qu'en  bande.  En  Belgique,  le 
«  grand  crime  est  de  n'être  pas  conforme,  n  Et  Proudhon  disait  : 

«  On  n'est  pas  l'homme  d'une  idée,  on  ne  connaît  plus  d'amis 
«  quand  on  écrit  dans  une  feuille  belge.  » 

«  Et  cela,  malheureusement,  est  vrai,  non  seulement  en  art 
el  en  lilléralure,  mais  plus  encore  dans  la  politique. 


«  A  qvi,  daoe  la  politique,  est-il  permis  de  penser  el  de  parier 
comme  il  pense,  du  moment  qu'il  cesse  «  d'être  conforme  »  ? 
C'est  une  lutte  de  tous  les  jours,  un  combat  sans  trêve  jusque  dans 
les  moindres  choses,  et  l'on  a  tout  le  monde  pour  ennemi  déclaré, 
ou  pour  ennemi  caché,  ce  qui  est  pis  encore. 

«  Quelques-uns  au  moins  résistent,  et,  quoiqu'il  doive  leur  en 
coûter,  ne  consentent  pas  k  être  «  conformes  »,  triturés,  chylifiés 
et  propres  k  la  digestion  commune. 

«  Maeterlinck  est  de  ceux-lk,  et  il  a  la  force  profonde  k  qui  il 
suffit  de  reposer  sur  elle-même  pour  ne  pas  pouvoir  être  entamée. 
Orgueilleusement,  il  veut  avant  tout  rester  lui,  se  réfugiant  en  lui- 
même  d'autant  plus  éperdument  que  ce  vain  el  vide. décor  exté- 
rieur cherche  k  le  distraire  et  k  le  détacher.  C'était  une  sotte  idée 
de  vouloir  «  banaliser  »  Maeterlinck  en  l'embrigadant  dans  l'épi- 
corie  nationale.  M.  Maeterlinck  refuse  le  bâton  de  réglisse  d'hon- 
neur. Quand  il  rêve  d'étoiles,  ce  n'est  pas  d'étoiles  de  papier 
peini.  » 

Si  la  Nation  s'exprime  avec  celle  mesure  et  cette  justice,  par 
contre  la  Chronique  déblatère  avec  rage  :  il  parait  que  Théo 
Hannon  espérait  avoir  le  prix  de  litléraiure  dramatique  triennal 
pour  une  de  ses  revues  de  fin  d'année. 

Mais  k  la  Réforme  le  pompon.  On  sait  si  Maurice  Maeterlinck 
qui  avait  publié  sa  Princesse Maleine  k  petit  nombre  el  ne  l'avait 
donnée  qu'k  ses  amis,  pouvait  s'attendre,  après  un  an  d'obstiné 
silence  chez  nous,  k  l'article  enthousiaste  el  révélateur  d'Octave 
Mirbeau  dans  le  Figaro.  On  sait  que  jamais  écrivain  n'a  plus 
évité  le  bruit  et  s'csi,  plus  k  l'improviste,  vu  mis  en  éclatante 
lumière.  On  sait,  enfin,  que  la  Belgique  devrait  s'honorer  de  celle 
pureel^jwdeste  gloire  reconnue  d(<sormais  dans  tous  les  pays 
de  race  européenne. 

Or,  voici  comment  un  malheureux  Iraile  l'homme,  l'œuvre,  et 
l'action  très  pure  qu'il  a  accomplie  : 

«  M.  Maurice  Maeterlinck  vient  de  refuser  lapageu? cment  le  prix 
Iriennal  de  lilléralure  dramatique  qui  lui  avait  été  décerné  sur  la 
proposition  de  M.  Gustave  Frédérix.  Les  prix  officiels  sont  choses 
qu'on  peut  subir  sans  crier,  k  la  rigueur.  M.  Maeterlinck  aime 
mieux    faire   un  peu  de  bruii.  Ali!    il  entend  la   réclame,   ce 

GAILLARD  LA.    » 

La  Réforme  se  dit  un  journal  avancé.  Comme  le  gibier  alors. 


Voici  comment  Maurice  Maeterlinck,  k  la  demande  de  M.  Hun  I, 
le  promoteur  de  l'Enquêlesur  l'évolution  littéraire,  explique  son 
refus  du  prix  Iriennal.  C'est  bien  comme  nous  le  disions,  non  pas 
une  affaire  perfonnelle,  mais  une  protestation  au  profit  do  l'.irt 
littéraire  nouveau  en  général,  dans  un  pays  où  on  l'a  systématique- 
ment sacrifié  k  la  rouiine,  sauf  les  rares  exceptions  dictées  p,Tr 
l'inlérêt  et  qui  pousfcnl  les  ganaches  k  se  prémunir  de  temps  k 
nuire,  par  d'apparentes  concessions,  conire  les  conséquences  d'un 
exclusivisme  Irop  crianl.  Histoire  de  se  procurer  un  sauf-condi  ii. 
Maeterlinck  n'a  pas  voulu  leur  laisser  le  bénéfice  de  cette  malice 
cl  leur  a  fourré  le  nez  dedans.  C'est  parfait.  Fallait  pas  qu'ils 
aillent. 

Les  grands  journaux  de  Paris  reproduisent  celle  Icllrc  qui 
mellrale  public  liiléraire  parisien  au  courant  delà  siiuation  faiie 
depuis  si  longtemps  b  notre  jeune  école,  la  seule  dont  ils  s'occu- 
pent el  que  chez  nous  on  gouaille  habilucUemenl,  quand  on  ne 
l'insulle  pas. 


320 


L'ART  MODERNE 


Oostacker,  par  Oaud,  30  septembre  1891. 

Mon  cher  Huuet, 

Vous  me  demandez  pourquoi  j'ai  refusé  le  prix  de  littérature 
dramatique  qui  m'a  éié  décerné  par  l'Académie  de  Belgique. 

Je  ne  veux  pas  qu'on  attache  la  moindre  importance  à  un  très 
médiocre  événement,  mais  pour  vous  faire  connaître  les  motifs  de 
ce  refus,  il  faudrait  faire  toute  l'Iiisloire  de  nos  luttes  depuis  dix 
ans  ;  il  faudrait  vous  dire  tout  ce  qu'ont  souCTert  mes  aînés  pour 
avoir  essayé  de  rendre  un  peu  de  dignité  et  un  peu  de  vie  à  la 
littérature  d'un  pays  où  l'on  avait  perdu  l'habitude  de  penser;  il 
faudrait  vous  dire  tout  ce  qu'ils  ont  souffert  de  la  part  de  ceux  qui 
espèrent  aujourd'hui  qu'une  aumône  nous  fera  oublier  le^^Mssé. 
Il  faudrait  vous  dire  ce  que  c'est  que  «  f  trnrfrfmfr  royale  de 
Belgique  ». 

Ce  serait  bien  triste  et  bien  ennuyeux. 

Il  faudrait  vous  montrer  l'invraisemblable  palmarès  officiel  de 
la  Belgique,  et  vous  verriez  que  je  suis  moins  dégoûté  que  je  n'en 
ai  l'air. 

Quant  à  l'écho  du  Figaro  que  vous  m'avez  signalé,  il  parle  d'un 
prix  de  15,000  francs.  C'est  une  erreurjj'ignorequel  est  au  juste 
le  montant  de  mon  prix  triennal.  (<i.^T  il  n'y  a  eu  jusqu'ici  qu'une 
tentative  de  couronnement).  Mais  il  paraît  qu'il  s'agit  en  général 
d'une  somme  de  cinq  à  six  cents  francs.  —  On  pousse  parfois  les 
choses  jusqu'au  chiffre  royal  de  quinze  cents  francs,  m'assure-l-on. 
Enfin  cela  importe  peu;  mais  avouez,  mon  cher  Huret,  qu'un 
pays  se  donne  ainsi  assez  économiquement  de  petits  airs  de 
Mécène  qu'il  est  utile  de  décourager. 

Bien  cordialement  vôtre, 

Maurice  Maeterlinck. 


LA  QUESTION  DES  MUSÉES 

Monsieur  le  Rédacteur, 
J'ai  suivi  avec  intérêt  la  campagne  Ai  l' Art  moderne  canin 
les  directeurs  et  administrateurs  de  beaux-arts  qui  sont  la  honle 
de  l'art  belge.  A  propos  des  achats  de  tableaux  modernes,  faits 
jusqu'ici  de  la  façon  la  plus  déplorable,  la  plus  injuste  et  la  plus 
ignare,  il  m'est  venu  une  idée.  Peut-être  l'approuverez-vous.  Au 
lieu  de  laisser  acheter  les  tableaux  par  un  groupe  impuissant  de 
vieux  bonzes,  ne  vaudrait-il  pas  mieux  charger  de  ces  achats 
trois  artistes  de  haut  mérite,  d'une  probité  incontestable,  et 
nommés  par  les  artistes  eux-mêmes?  Des  Mellery,  des  Meunier, 
des  Eekhoud ,  par  exemple.  Ceux-ci  achèteraient  sous  l«ur 
responsabilité  morale  et,  certes,  ne  laisseraient  pas  pénëlrcr  des 
croûtes  ou  des  infamies  dans  les  musées,  car  ils  lieQacDt  à  leur 
honneur  d'artiste  —  plus  que  les  fonctionnaires  incapables  qui 
ne  tiennent,  eux,  qu'au  budget  et  dont  la  soleanclle  et  hideuse 
bêtise  gâche  actuellement  Salons  et  Musées.  Faire  reconnaître  ce 
qu'il  y  a  d'artiste  dans  une  génération  jeune  par  quelques 
gratte-papier  qui  ont  troué  pas  mal  de  ronds-de-cuir,  me  semble 
une  chose  anormale.  Des  artistes,  peintres,  sculpteurs,  écrivains, 
seuls  le  peuvent. 

Votre  dévoué, 
E.  D. 


EXPOSITION  DB  GRAVURE  i  U  SiTB 

(Correspondance  particulière  de  l'Art  MODIMb) 

L'Exposition  du  Nederlandsche  EUcliib,  cellt  Jeune  et  floris- 
sante société  de  peintres-graveurs  hollandais,  Mt  brillante,  très 
brillante  celte  année.  Cette  cinquième  expoiilioQ  a  lieu  dans 
l'excelleole  salle  du  Cercle  artistique  de  La  Hfye,  où  un  jour 
parfait  tombe  sur  lea  fianneaux  arrangés  avec  |Oût. 

Comme  dJialMtude  des  artistes  étrangers  ont  élé  invités  :  plus 
de  jiA(!(  œuvres  de  Bracqaemond  représenlept  la  talent  un  peu 
hautain  de  cet  artiste  rompu  i  tous  les  procédât.  De  Félix  Bnhot, 
sept  épreuves,  vues  do  villes,  fronlispicet,  inlérieurs,  variés, 
travaillés,  fouillés,  toujours  plein  de  cfaamw,  |)«  Mai7  Caïaatt,  la 
délicate  artiste  américaine,  l'élève  de  Degw»  VOB  primeur  :  ses 
pointes-sèches  et  aqua-teintes  imprimée)  en  eouleurs,  exquises 
de  tons  mineurs,  au  dessin  délicieusement  MOti  et  d'un  style 
superbe.  Desboutin  a  envoyé  ses  magistrplM  pointes-sèches,  son 
Homme  à  la  pipe  et  de  hautes  inierpr^MlioDS  de  Rembrandt  et 
de  Frans  Hais.  Plus  de  vingt  Henri  Guérard  montrent  cet  arlisle 
chercheur  sous  tous  ses  aspects,  épuiatnt  tous  les  procédés.  Du 
très  intéressant  Max  Klinger,  des  gravurat  au  burin  admirables  : 
citons  Mire  et  fnfanl,  le  Pkilotopht,  le  Paysan,  Integer  vilœ; 
celles-ci  de  ses  plus  récentes  œuvra*,  faites  ti  Rome  la  plupart,  et 
intensément  suggestives;  merveilieuaea  souvent  comme  mise  en 
page  et  comme  expression. 

Et  de  petits  envois,  mais  irêf  remarquables,  de  Keene,  de 
Slauffer  Bern,  de  Menzel,  de  Qpadrelli,  de  Fantin  Làtour. 

Parmi  les  membres  de  la  soeUté,  beaucoup  manquent  ii  l'appel. 
Par  contre,  d'autres  ont  de*  «mois  hors  ligne,  spécialement  Bauer, 
qui  expose  une  quaranlaii*  de  dessins,  d'eanx-fortes,  de  lithogra; 
phies  ;  parmi  ces  deraj^rM  deux  illustrations  pour  la  Légende  de 
Saint-Julien  V HospitaUer  ■*  deux  œuvres  qui  montrent  ce  que 
pourra  devenir  la  luiu  de  dix  ou  quinze  planches  qu'il  se  propose 
d'exécuter  pour  MMOupagner  ce  conte.  Deux  ou  trois  dessins 
sont  de  purs  cbafHl'oenvre  :  des  vues  de  Stamboul,  exprimées 
avec  une  rare  ioleniilé  de  sentiment,  comme  la  plupart  dea  eaux- 
fortes  de  cet  artiste  si  hautement  apprécié  par  ses  confrères  et 
que  le  dernier  Salon  des  XX  z  fait  connaître  au  public  bruxellois. 

Du  grand  peintre  qui  vient  de  mourir,  Bosboom,  de  splendides 
desaittS,  d'une  jeunesse  de  faire  stupéfiante  pour  un  peintre  de 
10  ans. 

De  Jan  Toorop,  six  ou  sept  dessins,  légèrement  rehaussés  de 
teintes  mates,  dont  un  superbe,  d'un  grand  sentiment  et  d'un 
art  raffiné. 

Une  série  d'eaux-fortes  de  H»"  Elha  Fies  et  Barbara  van 
Houlen.  De  celle-ci  une  admirable  planche  d'après  Dupré,  bien 
supérieure  à  la  planche  d'après  Rousseau  de  Bracquemond.  De 
nombreuses  œuvres  de  Koster,  des  dessins  de  van  Looy,  de 
Karsen,  de  van  der  Valk,  des  cuivres  violemment  mordus  de 
Verster,  de  très  intenses  portraits  de  Jan  Velh,  des  lithographies 
fouillées  d'un  art  caractériste  très  remarquable;  et  une  suite  de 
délicates  petites  pointes-sèches,  études  de  figure  et  vues  de 
rivières  hollandaises  de  Ziicken. 


f^ETITE    CHR0|<1QUZ 

Quelques  revues  nouvelles,   auxquelles  nous   adressons  les 
vœux  d'usage,  marbrent  de  tons  orange,  céruléen,  chamois,  les 


i:art  moderne 


321 


(ables  de  rédaction  submergées  par  l'accutnulalion  des  brochures, 
volumes  et  gazettes  apportées  durant  les  mois  de  vacances  par 
des  facteurs  inflexiblement  rivés  au  dévoir. 

C'est,  d'abord,  le  Recueil  liltéraire  publié  k  Montréal  sous  la 
direction  de  M.  Pierre  Bedard.  Sur  It  manchette  :  Religion,  hii- 
loire,  écotwmie  sociale,  littérature,  tcitncet,  beaux-arts,  biblio- 
graphie. Mensuel,  24  pages;  bureaux  :  imprimerie  Grenier,  rue 
Notre-Dame,  3069.  On  s'y  plaint  de  1' <(',indifférenlisme  »  litléraire 
au  Canada.  Comme  chez  nous,  alors!  —  En  oe  même  Canada, 
parait  depuis  juillet  la  Science  pour  tout,  revue  scientifique 
dirigée  par  H.  Meyer.  Livraisons  de  16  pages  le  8  et  le  iO  de 
chaque  mois.  Bureaux  :  rue  Saint-Vincent,  38. 

Puis,  à  Montpellier  :  Chimère,  revue  mensuelle  de  litléralure 
et  de  critique,  sous  la  direction  de  M.  Paul  Redonnai,  dont  un 
volume  de  poésies,  Liminaires,  a  été  édité  récemment  par 
Lacomblez.  Les  deux  numéros  parus  portent,  entre  autres,  au 
sommaire,  les  noms  de  P.  Verlaine,  Géo  Mauvère,  René  Ghil, 
Stuart  Merrill,  i.  Renard,  P.  Dévoluy,  Edouard  Dubus,  Léon 
Deschamps,  etc.  Rédaction  :  cours  Gambetia,  82,  Montpellier. 
Abonnements  :  8  francs  par  an. 

Enfin,  à  Bruxelles,  la  Libre  Critique,  revue  d'art  et  de  littéra- 
ture paraissant  le  dimanche  sous  la  direction  de  M.  Eugène 
Georges,  pseudonyme  d'un  musicien-amateur  qui  signa  dans 
l'Impartial  bruxellois  d'intéressantes  chroniques  musicales  et 
artistiques  imprégnées  des  idées  nouvelles.  Nul  doute  qu'entre  ses 
mains  la  Libre  Critique  combatte  vaillamment  à  nos  côtés  pour 
les  idées  de  réforme  et  de  progrès.  L'importante  élude  consacrée, 
dès  le  premier  numéro  de  la  Revue,  it  Vincent  d'Indy  (signature  : 
Henry  Eymieu),  marque  nettement  d'ailleurs  l'esprit  du  journal. 

Les  bureaux  sont  établis  rue  Souveraine,  37,  à  Bruxelles.  Le 
prix  d'abonnement  est  de  8  francs  pour  la  Belgique,  de  40  francs 
pour  l'étranger.  

M.  Maurice  Leenders,  directeur  de  l'Académie  de  musique  de 
Tournai,  vient  d'atteindre  sa  vingt-cinquième  année  de  directoriat. 
On  fêtera  solennellement,  aujourd'hui  même,  ce  jubilé. 

Un  grand  banquet  par  souscription  réunira  les  amis,  les  colla- 
borateurs, les  admirateurs  de  l'ariisle  qui  s'est  acquis,  tant  comme 
virtuose  que  comme  professeur  et  comme  directeur  de  l'Académie, 
d'universelles  sympathies.  Un  objet  d'art  sera  offert  au  jubilaire 
en  commémoration  de  cette  féie,  i  laquelle  assisteront  nombre 
de  notabilités  artistiques  du  pays  et  de  l'étranger. 

Dédié  a  notre  CoMMissroN  du  Musée  :  Il  y  a  cinq  ou  six  ans, 
dans  un  musée  de  Séville,  une  tête  de  saint  avait  été  enlevée  d'une 
tollé  de  Muriilo,  sans  que  personne  s'en  fût  aperçu.  On  retrouva 
ia  tête,  quelque  temps  après,  en  Amérique,  chez  un  marchand  de 
bric-à-brac.  Elle  a  été  replacée  soigneusement  sur  la  toile,  qui  est 
redevenue  l'objet  de  l'admiration  des  visiteurs  du  musée. 

De  M.  Henry  Maret,  dans  le  Matin  (document  à  conserver)  : 
«  Je  ne  suis  certainement  pas  suspect  de  tendresse  pour  le 
wagnérisme.  Je  le  considère  volontiers  comme  une  maladie  fin 
de  siècle,  ou,  si  vous  le  préférez,  comme  une  fumisterie  analogue 
au  boulangisme.  Wagner  m'apparalt  comme  un  Boulanger  de  la 
musique,  entraînant  par  son  outrecuidance,  amassant  des  badauds 
qui  applaudissent  sans  comprendre,  prétendant,  ainsi  que  le  singe 
de  la  fable,  montrer  le  ciel  et  les  étoiles,  et  finalement  ne  mon- 
trant rien  du  tout,  faute  d'avoir  éclairé  sa  lanterne. 
«  Hais  je  reconnais  que  le  meilleur  moyen  de  faire  durer 


longtemps  celle  mauvaise  plaisanterie  est  l'opposition  qu'on  lui 
fait.  Quand  je  pense  que  ce  vieux  fou  allemand  partage  la  France 
en  deux  camps  et  qu'on  se  bal  !i  Paris  en  son  honneur,  j'avoue 
que  je  me  sens  moins  fier  que  les  jours  où  je  regarde  la  Colonne. 
Mêler  une  question  de  patriotisme  à  cette  question  de  ré,  mi,  fa  y 
soi,  n'est  pas  sans  rappeler  la  querelle  des  gros  bouliens  et  des 
petits  boutiens,  dans  les  Voyages  de  Oulliver.  » 

Ah  !  le  pauvre  homme  !  Catulle  Mendès  dit  :  Lohengrin,  cygne 
hué  par  les  oies. 

La  réouverture  des  cours  de  l'Ecole  de  musique  de  Saint-Josse- 
len-Noode-Schacrbeek,  sous  la  direction  de  M.  Henry  Warnots, 
aura  lieu  le  lundi  5  octobre. 

Le  programme  d'enseignement  comprend  le  solfège  élémen- 
taire, le  solfège  approfondi,  l'harmonie,  le  chant  individuel  et  le 
chant  d'ensemble.  Tous  les  cours  sont  graluils.  L'inscription  des 
élèves  aura  lieu,  à  partir  du  5  octobre,  dans  les  locaux  de  l'Ecole, 
savoir  : 

Pour  les  jeunes  filles,  le  jeudi  après-midi  et  le  dimanche  malin, 
rue  Royale  Sainte-Marie,  452,  à  Schaerbcck;    , 

Pour  les  garçons,  le  lundi,  le  mercredi  et  le  vendredi,  à  six 
heures  du  soir,   rue  Travcrsière,  l.S,  à  Sainl-Josse-len-Noode  ; 

Pour  les  adultes  (hommes),  le  lundi  et  le  jeudi,  à  huit  heures 
du  soir,  rue  Traversière,  15. 

Instantané  du  OU  Bla,s  :  M™  Rose  Caron. 

«  Un  paquet  de  nerfs  et  une  admirable  anisle.  Les  traits  trou- 
blants en  leur  élrangelé  tragique.  Des  yeux  qui  luisent  comme 
des  étoiles  dans  un  pâle  crépuscule  automnal.  Pas  banalement 
jolie,  mais  se  transfigure,  s'imprègne  de  sonilègcs,  rayonne  à  la 
scène  comme  si  la  musique  l'apoihéosait.  Semble,  avec  sa  voix 
chaude,  émouvante,  avec  cette  beauté  fatale  de  reine  perverse  ou 
d'ensorceleuse  légendaire,  avec  son  art  de  décadente  où  palpitent 
les  grands  frissons  de  la  vie  amoureuse,  avoir  été  élue  pour  être 
tour  à  tour  l'héroïque  Walkyric  et  Brunehilde  et  Salammbô  et 
Eisa.  A  commencé  par  n'être  qu'une  pauvre  petite  ouvrière  qui 
gagnait  de  misérables  journées.  Porte  encore  le  sceau  des  souf- 
frances anciennes  sur  son  pâle  et  souffreteux  visage.  Vit  très 
tranquille  dans  l'ombre,  se  donnant  presque  tout  entière  â  cet  art 
qui  est  sa  plus  grande  joie,  son  unique  rêve.  Pourrait  s'appeler 
«  Cœur  Dolent  »  comme  la  mère  et  l'enfant  héroïque  qui  apporta 
le  pardon  de  Dieu  dans  le  sanctuaire  du  Graal.» 

Que  de  fois,  ici  même,  alors  qu'elle  en  était,  à  Bruxelles,  au 
début  de  son  bel  art  et  que  nous  la  nommions  la  Rachcl  du 
chant,  nous  avons  dit  à  la  grande  artiste  :  Laissez  donc  le  vieux 
répertoire;  seul  le  théâtre  de  Wagner  est  digne  de  vous  et  vous 
fera  monter  au  plus  hauts  sommets.  —  Elle  doutait  alors,  elle 
hésitait.  N'était-clle  pas  élève  du  conservatoire?  Mais  la  voici 
délivrée,  sauvée  comme  la  Walkyrie. 

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Bruxelles  à  Londres  en 
Cologne  k  Londres  en 
Berlin  à  Londres  en 


8 
13 
22 


heures. 


Vienne  à  Londres  en 36  henni. 

B&Ie  à  Londres  en 20     > 

Milan  k  Londres  en  ....    .     32     » 


Francfort  s^  à  Londres  en    ...    18  henres. 
XROIIS  ISEEtVICEl»  l^AWt  JOUR 

D'Ostende  à  5  h.  15  matin,  11  h.  10  matin  et  8  h.  20  soir.  —  De  Donvres  &  midi  05, 7  h.  30  soir  et  10  h.  15  soir. 

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Linden,  à  Berlin;  à  M.  Remmelmann,  15,  Oniollett  etrasse,  à  Fkancfort  a/m ;  à  If.  Schenker,  Schottenring,  3,  è  ViEi6n;  A  Af"»  Sehroekl, 
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Onzièms  Aimtit.  —  N»  41. 


Le  numéro  :  86  centimes. 


Dimanche  11  Octobre  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


RBVDE  CRITIQUE  DBS  ARTS  ET  DE  U  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MÀUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —  ANNONCES   :    On   traite  à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  rindustrje,  32,  Bruxelles. 


? 


OMMAIRE 


Les  «  TALRNTS  NAISSANTS  »  DE  M.  OuSTAVE  FrÉDKRIX.  —  QUELQUES 

rtficHES  AD  Musée.  —  Les  petits  papiers  de  M.  Fhédérix.  — 
Le  Royaume  des  Feumes.  —  A  propos  d'un  musée  de  copies.  . — 
L'Eternelle  histoire.  —  Mémento  des  expositions.  —  Petite 
chronique. 


les  ((  talents  naissants  » 

IDE   i^.  O-XJST-A.'VE   FRiÉDÉieiX: 

Mon  Cher  Confrère, 
Je  ne  vous  lis  guère.  Ne  croyez  pas  à  de  l'indifférence  : 
la  vôtre  pour  le  miracle  d'une  littérature  se  produisant 
chez  le  peuple  le  moins  littéraire  du  monde  est  un  cas 
trop  curieux  et  qui  bien  plutôt  me  passionnerait.  Ma 
confraternité,  toutefois,  pour  se  former  une  opinion  du 
talent  que  les  salons  vous  prêtent,  attendait  une  œuvre 
de  vous  où  ce  talent  se  fût  authentiquement  dénoncé. 
Leparfilagequi  constitue  l'usuel  fond  de  votre  critique, 
le  travail  de  Pénélope  qui  vous  fait  recommencer  sans 
trêve  les  pantoufles  que  vous  brodez  à  votre  gloire,  les 
freluches  dont  vous  amusez  votre  désœuvrement  litté- 
raire, ne  peuvent  entrer  en  ligne  de  compte.  Mais  vous 
avez,  à  travers  une  maturité  indiscutable  qui  vous  vaut, 


comme  à  Sarcey,  nos  respects,  la  jeunesse  incurabje. 
C'est  peut-être  le  secret  de  ce  livre  lent  à  venir  et  dont 
vous  nous  ménagez  indéfiniment  la  su"^rise. 

Il  m'est  arrivé  l'autre  dimanche  de  rencontrer  mon 
nom  en  une  ligne  de  vous  reproduite  parfAr<  moderne, 
une  ligne  où,  à'  propos  du  "  talent  naissant  »  que  vous 
m'accordiez  à  urte  époque  où  j'avais  fini  de  débuter,  ce 
nom  est  enfilé  négligemment  avec  quelques  autres.  Ma 
parcimonieuse  gratitude,  en  effet,  se  souvient  d'un 
article  un  peu  lointain  déjà  sur  celui  de  mes  romans  où 
vous  fûtes  à  peu  près  seul  à  vous  apercevoir  de  cette 
particularité  de  -  mon  talent  -  quand  à  Paris  et  ici,  chez 
mes  cadets,  depuis  passés  maîtres  à  leur  tour,  ce 
roman  [un  Mâle]  me  valait  une  sympathie  qu'on  n'est 
pas  accoutumé  d'accorder  à  des  écrivains  encore  dans 
les  langes.  C'est  votre  originalité  à  vous  de  ne  découvrir 
sans  restrictions  des  écrivains  que  là  où  l'originalité 
fait  justement  défaut,  et  pour  ceux  qui  ont  acquis 
l'espoir  de  s'en  croire  un  peu,  de  la  restreindre  en  de 
telles  limites  qu'elle  cesse  à  peu  près  d'exister.   , 

Votre  article  sur  le  Mâle,  cette  prose  bifide  et 
rétractile,  du  plus  réticulaire  éreinteraent  et  où,  du 
bout  des  pincettes  de  votre  critique,  vous  aviez  l'air  de 
me  déposer  à  la  voirie,  témoignait  de  votre  façon 
d'encourager  «  les  talents  naissants  ».  Et  vraisemblable- 
ment, j'en  devais  être  un  plus  encore  que  vous  ne  vou- 
liez le  dire,  pour  si  bien  mériter  l'aigre-doux  d'un 


^r.-7*,'.T  -r.';.  'sw-'vÇ^- ïî    1'  ■■ . 


jugement  au  bout  duquel,  sous  cet  enterrement  de  pre- 
mière classe  où  vous  m'aspergiez  d'un  goupillon  fréné- 
tique, je  finissais  par  n'être  plus  qu'un  talent  mort-né, 
un  pauvre  talent  qu'on  mène  pourrir  aux  charniers  de 
l'indifTérence  et  du  dégoût  publics. 

Le  •>  talent  naissant  »  ressuscita,  il  est  vrai,  dans  un 
article  sur  La  Belgique. 

Ah!  y  déploriez-vous  assez  l'excès  de  ma  couleur 
et  les  riboles  de  mon  style,  vous  qui,  fidèle  uniquement 
aux  malvacées,  tempérant  jusqu'en  votre  goût  des  séda- 
tives tisanes,  préférez  vous  enivrer  de  sobriété!  —  puis 
à  propos  de  la  pièce  tirée  du  Mâle  par  Bahier,  Dubois 
et  moi,  dans  un  recommencement,  mais  plus  conges- 
tionné encore,  de  votre  démolissage  du  livre.  Vraiment 
oui,  vous  fûtes  à  mon  égard  un  fossoyeur  diligent;  les 
pelletées  lourdes  de  vos  encouragements  tombèrent  sur 
mes  livres  sans  les  enterrer. 

A  part  ces  sécrétions  de  votre  bienveillance,  je  ne  me 
rappelle  pas  d'un  seul  écrit  d'où  puisse  résulter  la  con- 
fiance que  j'aie  continué  d'exister  pour  vous.'  Après 
tout,  n'était-ce  pas  déjà  bien  suffisant,  cette  charité  de 
votre  parainage,  pour  un  écrivain  dont  les  amis,  il  y  a 
trois  ans,  fêtaient,  à  l'occasion  de  son  vingt-cinquième 
livre,  le  jubilé  de  vingt-cinq  ans  «  de  luttes  et  de  vic- 
toires »,  ainsi  qu'ils,  s'exprimaient,  trop  avantageuse- 
ment pour  moi  ? 

Ah  !  comme  cet  enthousiasme  d'artistes  généreux  a 
dû  vous  paraître  ridicule  à  vous  qui,  le  Jeune  premier 
de  notre  vieille  littérature  constitutionnelle,  différez 
toujours  de  débuter  1  Allez  !  je  vous  envie  toujt  de  même. 
Tout  le  monde,  à  travers  un  demi-siècle  de  feuilleton, 
n'a  plus  les  dents  qu'il  faut  pour  rire.  Et  vous  avez  tou- 
jours, vous,  la  petite  grimace  acide  du  singe  mordant 
dans  le  brou  d'une  noix  ! 

Je  vous  surprendrai  probablement,  mon  cher  Con- 
frère, en  vous  apprenant  qu'avant  le  Mâle,  j'avais  écrit 
Nos  FlMïiands,  les  Contes  flamands  et  wallons,  le 
Coin  de  Village,  Thérèse  Monique,  les  Charniers, 
et  que,  même  pour  plus  d'une  de  ces  œuvres  du  com- 
mencement, mes  aines  m'épargnèrent  l'ironie  de  ce 
•  talent  naissant  »  que  plus  tard  vous  deviez  tenir  sur 
les  fonts  baptismaux.  Vous  n'étiez  pas  obligé  de  le 
savoir  :  n'étais-je  pas  un  de  ces  écrivains  belges  de  qui, 
avec  une  merveilleuse  et  immuable  impertinence,  il  vous 
a  suffi  à  vous,  toujours  si  bavard  et  melliflu  aux  mérites 
de  vos  plus  éventés  confrères  parisiens,  de  parler  comme 
à  la  cantonade,  avec  le  mépris  d'un  pion  pour  de  négli- 
geables cancres?  «  Talents  naissants!  •  Ah!  Monsieur, 
c'est  admirable  :  vous  les  prenez,  vous,  vers  la  tren- 
taine, vous  leur  apprenez  à  têter  quand  déjà  les  molaires 
leur  ont  poussé.  Peut-être  espérez-vous  rajeunir  ainsi 
vous-même  l'air  de  vieille  douairière  précieuse  et  cail- 
lette qui  fait  remonter  votre  esprit  à  l'âge  des  ridicules 
et  des  marabouts. 


On  m'assure  que  vous  donnez  plus  large  mesure 
aujourd'hui  et  que,  comme  le  fruit,  votre  critique  s'est 
attendrie  en  blettissant.Quoi  !  vous  seriez  devenu  ce  bon 
apdtre  I  Vous  mêleriez  l'eau  bénite  à  vos  verjus  !  Ce 
serait  à  désespérer  de  l'encroûtement.  Je  ne  veux  pas 
croire  à  cette  faiblesse  m  extremis  du  vieux  pécheur, 
et  souhaite  pour  l'intérêt  des  lettres  chez  nous  que  vous 
restiez  le  contempteur  pétré  et  irréductible,  le  critique 
d'arrière-garde  dont  nous  n'avons  jamais  vu  que  les 
talons,  l'officier  civil  préposé  aux  naissances  des  talents 
déjà  adultes,  le  cocher  de  corbillard  de  notre  littéra- 
ture ;  oui,  je  le  souhaite,  vos  dénis  nous  étant,  après 
tout,^lus  profitables  que  vos  suffrages.  N'est-ce  pas  à 
la  condition  de  les  écorcher  avec  libéralité  que  vous 
conférez  l'eau  lustrale  à  ceux  d'entre  nous  en  qui 
votre  clairvoyance  continue  encore  à  diagnostiquer  des 
••  talents  naissants  •.  Ah  !  cessons  d'outrager  Sarcey  :  il 
fut  bon  oncle  quelquefois. 

Je  m'occupe  ici  d'un  cas  personnel.  Encore  ne  m'y 
décidé^je  que  dans  ma  joie  immodérée  de  me  retrouver 
vivant  en  une  ligne  de  votre  écriture.  D'antres  se  sont 
chargés  ici  de  réduire  à  sa  vraie  importance  votre 
consternant  et  vain  effort  pour  nous  maintenir  sur  la 
chaise  percée  du  premier  âge  littéraire.  Félicitez-vous, 
Monsieur,  de  ma  mansuétude  ;  j'aurais  pu,  à  propos  de 
cette  découverte  de  mon  "talent  naissant  >•  dont  vous 
vous  vantez  trop  légèrement,  le  prendre  de  plus  haut 
avec  vous  et  recommencer  la  querelle  qùé.'plus  jeune, 
je  fis  à  un  autre  critique  belge  qui,  je  crois,  n'eut  pas  les 
rieurs  de  son  côté.  Je  me  réjouis  d'être  arrivé  à  un  peu 
de  la  sérénité  de  l'indifférence  que  vous  réservez  aux 
écrivains  qui  ne  vous  ressemblent  pas.  A  quoi  bon, 
d'ailleurs  ?  Les  livres  parlent  mieux  que  le  mal  qu'on  en 
dit  et  la  défense  qu'on  en  peut  faire.  Puis,  n'est  ce  pas, 
il  ne  faut  abuser  d'aucun  genre  de  supériorité,  bien  que 
la  vôtre,  au  sujet  de  nos  livres,  ait  un  peu  tumultueuse- 
ment consisté  à  montrer  l'écart  qui  règne  entre  nous 
qui  en  faisons  et  vous  qui  n'dn  fiâtes  pas. 

Vous  avez,  en  effet,  mon  ohtt*  Confrère,  le  silence 
envahisseur  et  turbulent  ;  vous  Ates  le  muet  bruyant  du 
sérail.  C'est  votre  force  de  n'avoir  rien  écrit  qui  puisse 
faire  soupçonner  que  vous  soyez  capable  d'écrire  à  votre 
tour.  Après  des  ans  de  laborieuse  indigence  littéraire  il 
vous  échéera  la  gloire  finale  de  vous  en  aller  plein  des 
livres  que  vous  n'avez  pas  écrits.  Vous  êtes  bien  heu- 
reux :  vous  laisserez  le  regret  de  ceux  qa6  vous  auriez 
pu  écrire. 

CAMILUt  LbHONNIBR. 


QlELQUeS  FLÈCHES  AD  IDâfifi 

On  a  fait  graocl  brnil  jadis  autour  de  l'acquisition  par  l'ËUl  des 
Ttte*  de  nègre*  de  Rubeos.  El,  ceffMI^  eeUe  élude  si  moderne 
malgré  —  dit-on  —  ses  deux  siècles  «nge,  ébioait  par  sa  facture 


■"i'!Ji?M^r'i?V;W> 


LART  MODERNE 


325 


el  sa  consenalioD.  Si  elle  est  de  Rubens,  c'est  au  mieux,  et  ne  le 
fût-elle,  encore  serait-ce  une  toile  superbe  et  en  tout  point  digne 
d'une  galerie.  Seulement,' puisque  cette  toile  a  été  payée  haut  et 
que  depuis  des  temps,  tout  achat  par  notre  Musée  est  pécuniai- 
remenl  excessif,  il  importe  de  vérifier  celui-ci  comme  les  autres. 

Nais  disons  d'abord  que  noire  étonnement  a  été  net,  de  voir 
récemment  en  des  musées  d'Allemagne  et  d'Angleterre  quelques- 
unes  de  nos  toiles  appendues  aux  cimaises.  Sont-ce  des  copies, 
sonl-ce  des  doubles  T  Qu'en  est-il  d'un  Crucifiement  cartouche  à  la 
National  Oallery  ■-  Patinir  et  d'une  Vierge,  cataloguée  en  Alle- 
magne sous  le  nom  de  Mabuse  ?  Nos  conservateurs  les  ignorent- 
ils  ?  Si  point,  pourquoi  n'en  faire  mention  au  catalogue  et  discuter 
l'authenticité  de  nos  chefs-d'œuvre  mis  en  parallèle  avec  leurs 
similaires?  Pourquoi  ne  les  point  signer  comme  Ik-bas  et  se 
contenter  au  contraire  de  les  marquer  :  inconnu,  ce  mot  tout 
^'impuissance  mais  plus  souvent  encore  tout  d'incurie  et  de 
paresse.  La  Nation  faisait  dernièrement  ces  mêmes  remarques. 

Chose  plus  grave  :  constater  —  nous  l'avons  fait  de  nos  yeux  — 
an  Musée  de  Cologne,  dans  la  salle  flamande,  les  Quatre  Utet  de 
nigrtê,  les  identiques  à  celles  de  notre  Musée,  signées  non  plus 
Rubens,  mais  Van  Dyck.  Encore  une  fois,  nos  conservateurs  sont- 
ils  an  courant  de  celte  colncidenee? 

Certes,  n'était-il  pas  étrange  que  l'élève  Van  Dyck  copiât  un 
tableau  de  son  maître,  mais  une  esquisse?  Un  tel  double  est 
malaisé  à  expliquer,  d'autant  que  c'est  le  panneau  signé  Van  Dyck 
qui  a  plus  que  celui,  paraphé  Rubens,  l'aspect  vieux  et  séculaire. 
Le  nôtre  a  je  ne  sais  quel  dehors  neuf,  quelle  allure  d'aujourd'hui. 
Il  pourrait  être  peint  par  Henri  Regnault.  Et  tout  ii  coup,  à  cette 
réflexion,  ce  qui  nous  le  faisait  tant  admirer  ti  première  vue, 
c'est-à-dire  sa  merveilleuse  conservation,  sa  miraculeuse  fraîcheur, 
sa  louche  toute  spéciale  se  tournent  contre  lui,  nous  inquiètent 
quant  i  son  authenticité  et  sachant  les  gaffes  commises  par  nos 
conservateurs,  l'habileté  des  vendeurs,  l'histoire  du  faux  Rem- 
brandt, nous  nous  demandons  si  le*  Têtes  de  nègres  ont  leur  acte 
de  naissance  en  règle  ou  bien  ne  sont  qu'une  transcription  du 
Van  Dyck  de  Cologne. 

La  question  vaut-elle  la  peine  qu'on  l'examine  et  ceux  qui  s'inté- 
ressent à  l'an  désirent-ils  vivement  qu'elle  soit  tirée  nu  clair, 
certes. 

Puisque  nous  voici  au  chapitre  des  achats,  c'est-à-dire  des 
gaffes  commises,  pourquoi  ne  point  appuyer  sur  certains  points. 
Sur  celui-ci,  par  exemple  : 

Il  est  constant  —  nous  l'avons  fait  ressortir  en  maint  article  — 
que  tel  qui  peuple  le  Musée  de  Bruxelles  de  chefs-d'œuvre  (?),  ce 
n'est  point  la  Commission,  mais  une  Irinité,  Gauchez,  Bourgeois 
el  Mancino  ne  faisant  qu'un  seul...  monsieur.  A  lui  seul  il  rem- 
place tous  les  membres.  Leur  approbation,  elle  lui  est  acquise  on 
dirait  d'avance.  C'est  un  eut  de  choses  que  leur  ignorance  el  leur 
paresse  onl  créé  :  fatal.  Tous  ces  petits  commissaires  fainéants  ont 
choisi  un  marchand  de  tableaux  pour  maire  du  palais  de  la  rue  de 
laRégeuee.  Pendant  qu'il  administre,  ils  se  réunissent,  mais  à  seule 
fiu  de  toucher  des  jetons  de  présence  ou  fumer  leur  cigare.  L'autre 
les  laisse  faire,  les  soigne,  leur  fournit  la  série  d'œuvres  intércs- 
sanlei  à  eoller  au  mur  de  six  mois  en  six  mois,  puis  s'en  retourne 
à  Paria  compter  ses  bénéfices  en  honnête  marchand  cl  citer  peut- 
être  k  ses  collègues,  comme  type  de  bêlise  humaine,  tel  membre 
de  la  Commission  des  Musées  royaux  de  Belgique.  Si  l'art  n'en 
souffrait,  nous  ne  verrions  aucun  inconvénient  à  cette  comédie  : 
les  gens  inaptes  el  nuls  étant  faits  pour  servir  de  fromage  !i  la 


verqaine  des  habiles  et  des  exploiteurs.  Mais  l'art  est  atteint  et, 
par  conséquent,  les  réformes  s'imposent.  Voici  ce  qu'on  pourrait 
proposer  : 

La  deisi-douzaine  de  chevaliers  de  l'ordre  de  Léopold,  qui 
actuellement  composent  la  Commission,  étant  plaqués  jusqu'à  la 
mort  à  leur  chaise  de  membre,  inddcollablsaieiit,  certes,  on  leur 
peut  continuer  la  vanité  de  fournir  de  toiles  le  Musée,  seulement 
—  et  ce  seulement  devrait  être  une  barrière  sérieuse  —  ils  ne 
seraient  autorisés  à  conclure  un  marché  à  moins  qu'une  commis- 
sion de  purs  artistes,  choisis  à  ce  seul  effet,  n'appiouvassent  leur 
choix  et  la  valeur  esthétique  de  l'œuvre.  L'évidence  de  l'authen- 
ticité des  signatures  devrait  être  fondamentale  pour  tout  panneau 
d'ancien  maître.  Les  ventes  publiques  fréquentées  plus  assidû- 
ment que  des  boutiques  de  brocanteurs  et  les  sommes  mises  à  la 
disposition  des  acheteurs  plus  larges  et  plus  alertes. 

Ainsi,  y  aurait-il  moyen  d'éviter  les  gaffes  légendaires,  la 
pacotille  prenant  la  place  du  chef-d'œuvre,  le  faux  paraphe  s'éla- 
lanl  à  la  cimaise  et  la  bêtise  belge  logée  ailleurs  et  étalée  ailleurs 
qu'en  des  palais,  bâtis  aux  frais  de  l'Élat,  pour  servir  d'instruc- 
tion au  peuple,  d'enthousiasme  aux  artistes  et  de  spectacle  bur- 
lesque aux  étrangers. 

LES  PETITS  PAPIERS  DE  M.  FRÉDÉRIX 

Quiconque,  ayant  di'jà  été  condamné, 
récidivera,  aubira  le  maximum  de  la 
peine  et  sera  placé  sous  la  surveillance 
spéciale  de  la  police. 

Code  pénal,  art.  54  et  suivaDts. 

Nous  aurions  voulu  clore  par  l'article  de  Cnmillo  Lcmonnicr 
nos  rapports  avec  M.  Gustave  Frédérix.  Mais  voici  que  nous  avons 
reçu  la  lettre  agacée  suivante  du  Bellac  de  l'Indépendance  : 

Bruxelles,  le  S  octobre  1891. 
Monsieur  l'Editeur  de  «  l'Art  .moderne  », 

L'Art  moderne  consacre  de  bien  nombreux  articles,  et  bien 
longs,  au  critique  de  {Indépendance,  tout  en  le  déclarant  sans 
clairvoyance,  sans  autorité,  sans  générosité.  C'est  un  acharne- 
ment bien  puéril,  si  ce  critique,  en  cffcl,  n'existe  pas. 

Je  ne  crois  ni  nécessaire,  ni  intéressant  de  répondre  à  ces 
fébriles  gamineries.  Je  tiens  cependant  à  rassurer  l'auteur  de  voire 
dernier  article,  lequel  semble  bien  inquiet,  bien  alarmé  de  ce 
que  j'aie  publié  une  lettre  de  reconnaissance  d'un  romancier,  qui 
m'en  a  écrit  bien  d'autres,  non  moins  reconnaissantes,  sur 
«  l'aitcniionque  je  lui  ai  toujours  accordée  dans  l' Indépendance  », 
et  qui  ne  l'empêche  pas  de  m'injurier  aujourd'hui.  Il  est  visible 
que  le  rédacteur  de  l'Art  moderne  a  dû  écrire  une  lettre,  à  peu 
près  de  même  encre,  au  critique  de  l'Indépendance. 

J'ai  souvenance,  en  effet,  d'avoir  reçu,  après  un  feuilleton  très 
élogieux  sur  Mon  Oncle  le  Jurisconsulte  de  M.  Edmond  Picard, 
une  lettre  de  gratitude  de  l'auteur  de  cet  opuscule  distingué,  avec 
envoi  d'un  bel  exemplaire,  sur  grand  papier,  de  la  Forge  Rous- 
sel. Mais  que  M.  Picard  se  rassure.  Il  n'est  pas  probable  que  j'aie 
attaché  assez  d'importance  à  sa  lettre,  pour  la  garder.  Et  en  tout 
cas,  je  ne  prendrai  pas  la  p3inc  de  la  rechercher. 

Veuillez  agréer.  Monsieur,  l'assurance  de  ma  considération. 

Gustave  Frédërix. 

Incorrigible,  ce  M.  Frédérix!  Il  papillonne  de  petit  papier  en 
petit  papier. 

Donc  sa  réponse  est  toujours  la  même  !  Quand  on   lui  met  le 


326 


L'ART  MODERNE 


nez  dans  sa  sëoilc  critique,  il  riposte  :  «  Eh  I  elle  doit  être 
excellente,  car,  un  jour  que  j'ai  parlé  de  celui-ci  ou  de  celui-là, 
il  m'a  envoyé  sa  carte  sous  forme  de  lettre  polie  ;  il  m'a  même, 
une  fois,  donné  un  livre  avec  des  images!  » 

Voyez-vous  ça  !  Avec  cet  ingénieux  système  de  guerre,  M.  Fré- 
dérix  assurerait  l'impunité  aux  fariboles  dont  il  illustre  l'Indé- 
pendance. Chaque  fois  qu'il  redoute  un  adversaire,  vlan!  il 
rabâche  sur  une  de  ses  œuvres,  reçoit  son  remerclment,  l'expres- 
sion de  sa  gratitude  distinguée  et  de  sa  parfaite  considération,  serre 
le  papier  dans  le  célèbre  tiroir,  et  attend  en  paix  les  événements. 

En  cela,  M.  Frédérix  rappelle  un  sémite  bruxellois  bien  connu 
qui  ouvrait  généreusement  sa  bourse,  mais,  au  moment  où  l'on 
empochait  les  espèces,  réclamait  tout  doucement  un  reçu  en  règle 
qui  mettait  la  corde  au  cou  de  l'infortuné  emprunteur  et  garan- 
tissait sa  servitude.  A  la  moindre  velléité,  l'excellent  créancier 
menaçait  d'exhiber  la  pièce  en  public. 

Écrivains  de  tout  âge,  vous  voilà  avertis!  N'écrivez  jamais  à  ce 
périlleux  personnage.  Ses  articles  sont  des  piperies.  Il  ne  fait  pas 
de  gamineries,  il  se  contente  d'indélicatesses. 

M.  Edmond  Picard  ne  se  souvient  que  vaguement  de  ce  fameux 
article  sur  Mon  Oncle  le  Jurisconsulte,  «  opuscule  distingué  ». 
—  «  Il  n'y  a  pas  attaché  assez  d'importance  pour  le  garder  et  ne 
prendra  pas  la  peine  de  le  rechercher.  »  —  Si  ce  beau  feuilleton 
«  très  élogieux  »  lui  a  été  envoyé,  il  ne  l'a  peut-être  pas  considéré 
comme  un  encouragement  pour  son  «  talent  naissant  »  (l'opuscule 
distingué  n'a  paru  qu'il  y  a  cinq  ou  six  ans  !),  mais  a  certainement 
remercié  de  son  attention  l'auteur,  selon  les  prescriptions  du 
code  de  la  civilité  puérile  et  honnête,  —  voire  par  cette  banalité  : 
le  don  d'un  volume.  Nous  sommes  heureux  de  l'apprendre  à 
M.  Frédérix,  dont  l'ignorance  à  ce  sujet  est  singulière  pour  un 
homme  du  Bel-Air,  et,  vraiment,  lui  enlève  quelque  chose  de  la 
bonne  posture  en  laquelle  si  volontiers  il  se  carre  (1). 

Ce  qui  est  tout  aussi  ccrlain,  c'est  qu'alors  même  que  M.  Picard 
aurait  grossi  de  cent  billets  de  politesse  les  dossiers  que  forme 
soumoiscmenl  M.  Frédérix,  gazetier  très  prudent,  il  ne  se  tien- 
drait pas  pour  bâillonné  au  sujet  de  cet  étrange  personnage  et  ne 
manquerait  pas  de  dire,  en  toute  bonne  occasion,  son  fait  à  sa 
critique  infatuée,  traître  et  louche.  On  ne  vend  plus  sa  liberté 
pour  un  plat  de  lentilles,  ce  légume  fût-il  récollé  dans  le  potager 
de  l' Indépendance. 

Au  lieu  de  s'attarder  «  fébrilement  »  îi  ces  niaiseries,  M.  Fré- 
dérix ferait  mieux  d'essayer  une  réponse  aux  reproches  précis 
formulés  contre  sa  myopie  littéraire,  ses  radotages  parfumés  de 
benjoin,  son  constant  mauvais  vouloir  à  l'égard  de  notre  jeune 
école  et  ses  prétendus  encouragements  aux  «  talents  naissants  ». 
Nous  lui  répétons  qu'il  a  cherché  à  assassiner  la  jeune  littérature 
jusqu'au  jour  où  il  a  compris,  enfin,  qu'il  fallait  compter  avec 
elle  ou  tomber  sous  le  ridicule.  Nous  lui  répétons  qu'il  ne  fera 
jamais  prendre  pour  de  la  bienveillance  et  de  la  perspicacité  sa 
malice  à  se  concilier  ceux  dont  il  hait  l'art  ou  à  paralyser  leur 
indépendance  en  les  gratifiant  d'un  morceau  de  son  sucre  candi 
frelaté. 

Bien  qu'il  ne  demande  pas  l'insertion  de  son  épltre,  nous  la 
publions  pour  ne  point  laisser  perdre  la  mémoire  des  corrects 
procédés  de  ce  gentleman  de  lettres. 

(i)  Le  teito  de  cette  mystérieuse  lettre  serait  intéressant  à  connaitro. 
A  qui  M.  Frédérix,  ce  collectionneur  de  documents  de  l'e.spèce, 
fera-t-il  accroire  qu'il  l'a  égarée  ?  Blagueur,  va  ! 


L.E  ROYAUME  DES  FEMMES 

Pièce  en  3  actes  de  MM.  Bldm  et  TocHi.  —  Théitre  des  Oaleries. 

Dans  le  royaume  des  femmes,  celles-ci  portent  —  vous  l'avez 
deviné  —  les  culottes.  Elles  sont  ministresses,  générales,  chéfesses 
de  bureau.  Aux  hommes,  les  fonctions  subalternes  de  ménagers, 
de  bouquetiers,  de  piqucurs  de  bottines,  de  gantiers  cl  de  «  bons 
d'enfants  »  !  Les  femmes  font  la  cour  aux  hommes,  leur  offrent 
un  petit  hdtel  et  un  coupé  quand  c'est  pour  le  mauvais  motif, 
sollicitent  respectueusement  leur  main  quand  c'est  pour  le  bon. 
En  ce  royaume...  Mais  à  quoi  bon  conlinner?  Vous  avez  déjà 
saisi  la  donnée  de  la  pièce,  le  ressort  destiné  par  les  auteurs  à 
faire  jaillir  en  fusées  le  rire. 

Il  paraît  que  nos  pères  ont  trouvé  cela  superlalivement  comique. 
Vers  1830.  Mais  depuis  cette  espèce  de  nuit  des  temps,  il  est 
passé  sur  les  planches  tant  de  Grande- Duchesse  de  Oérolstein  et 
tant  de  Madame  l'Achiduc  que  le  ressort  s'est  usé.  Les  auteurs 
ont  eu  beau  le  remonter,  cric,  cric,  et  le  tendre  à  le  briser,  le  rire 
n'a  pas  voulu  jaillir. 

Il  eût  fallu  pour  rendre  cette  vieillerie  plaisante  la  semer  de 
traits  d'esprit,  selon  la  recette  donnée  par  Gondinel  à  un  jeune 
auteur  pour  avoir  un  succès  certain. 

MM.  Blum  et  Toché  ne  l'ont  pas  voulu.  Pourquoi  T  C'est  ce  qu'on 
s'est  demandé,  mardi,  aux  Galeries.  Les  plus  malins  ont  .trouvé 
ce  motif.:  le  Royaume  des  Femmes  a  été  fait  pour  le  Théâtre  des 
Nouveautés  en  vue  de  l'Exposition  de  1889.  Les  traits  fins,  la 
satire  délicate,  les  rastaquouères  accourus  à  Paris  des  plus  loin- 
taines Amériques  pour  «  s'en  fourrer  jusque  là  »  ne  les  eussent 
pas  compris.  Il  fallait  une  exhibition  de  maillots,  un  déshabillage 
de  petites  femmes,  un  éblouissemcnl  de  chairs  et  de  lumière  élec- 
trique, des  ballets,  des  cortèges,  du  bruit,  du  clinquant,  et  ce 
genre  de  spectacle  ne  s'accommode  guère  des  scènes  de  comédie 
bien  venues,  des  dialogues  pétillants.  MM.  Blum  et  Toché  ont 
donc  fermé  à  double  tour  le  coffre-fort  aux  saillies  amusantes.  Ils 
ont  laissé  le  costumier  échancrer  les  corsages  et  supprimer  les 
jupes,  et  la  cocasserie  de  Brasseur  fils  aidant,  la  pièce  a  eu  un 
nombre  honorable  de  représentations. 

On  s'est  aperçu  tout  de  suite  qu'à  Bruxelles  les  rastaquouères 
manquaient.  Ce  n'était  pas,  d'ailleurs,  la  seule  chose  qui  faisait 
défaut.  Mesdames  les  artistes,  se  mettant  avec  trop  d'empresse- 
ment dans  la  peau  de  leurs  personnages,  ont  remisé  pour  la  cir- 
constance, avec  leurs  jupes,  leurs  jolies  voix  de  fauvettes.  Elles 
ont  poussé  la  conscience  de  leurs  rôles  masculinisés  jusqu'à 
chanter  aussi  mal  que  des  messieurs.... 

Si  l'illusion  en  était  renforcée,  le  spectacle  y  perdait  singuliè- 
rement en  intérêt.  Et  le  plaisir  de  lorgner  d'agréables  travestis  n'a 
pas  paru  au  public  une  compensation  suffisante.  On  a  baillé,  dis- 
crètement, aux  flonflons  d'opérettes  et  de  café-concert  qui  traver- 
sent, en  couplets  de  revue,  ce  vaudeville  vieillot.  El  les  petits 
carabiniers,  et  les  petits  guides,  cl  les  petits  grenadiers  sans  les- 
quels, depuis  le  Petit  Poucet,  il  n'y  a  plus  de  cortège  dans  les 
théâtres  de  Bruxelles,  ont  à  peine  suffi  à  tirer  l'auditoire  de  la 
somnolence  à  laquelle  il  s'abandonnait  mollement. 


LART  MODERNE 


327 


A  PROPOS  D'DN  MUSÉE  DE  COPIES 

Corroborant  la  thèse  soutenue  il  y  a  quelques  semaines,  dans 
les  colonnes  de  l'Art  moderne,  au  sujet  d'un  musée  de  copies, 
deux  faits  sont  à  citer  : 

Un  prince  sans  goût,  prétentieux  et  militariste,  résolut,  lui  aussi, 
de  laisser  dans  le  superbe  parc  de  Potsdam  l'empreinte  du  génie 
architectural  de  «on  temps.  Il  y  fil  élever  le  palais  dit  de  l'Oran- 
gerie, une  immense  horreur  à  plusieurs  séries  de  colonnades  et 
toute  bâtardée  de  style  grec.  Ce  prince  était  le  roi  de  Prusse, 
Frédéric  Guillaume  IV.  Dans  la  grande  salle  de  l'Orangerie,  hall 
énorme  et  froid,  on  crut  bon  de  réunir  les  copies  peintes  de 
tous  les  Raphaël  célèbres.  Résultat  :  c'est  à  s'enfuir.  Les  pro- 
moteurs du  musée  des  copies  seraient  certains  de  trouver  à 
Potsdam  le  suicide  de  leur  projet. 

Mais  s'ils  tentent  le  voyage  d'Allemagne,  qu'ils  aillent  voir,  à 
Leipzig,  le  deuxième  étage  du  Musée  moderne.  Celui-ci  renferme 
une  collection  d'horreurs  allemandes  contemporaines  qui  dépas- 
sent les  permissions. 

Mais  on  y  a  réalisé  le  projet  préconisé  par  VA  ri  moderne  :  une 
histoire  de  la  peinture  depuis  le  xii«  siècle  jusqu'il  nos  jours, 
formée  par  une  grande  collection  d'estampes  et  de  photographies. 
C'est  instructif  lant  au  point  do  vue  technique  qu'idéologique. 
A  part  la  couleur,  la  photographie  donne  tout  «  le  faire  »;  quant 
à  l'évolution  des  sujets,  des  genres  et  de  la  «  mise  en  page  », 
elle  est  parlante.  Après  avoir  vu  ce  qui  a  été  fait,  l'artiste  conçoit 
mieux  ce  qui  reste  à  tenter. 

Un  tel  musée  a  été  facile  à  créer.  On  a  exposé  méthodique- 
ment toutes  les  gravures  et  estampes  que  l'on  possédait,  repré- 
sentant des  tableaux  d'importance,  et  l'on  a  complété  les  vides 
par  des  photographies  et  héliogravures  qui  coûtent  peu  ou  que 
l'on  peut  se  procurer  par  échange. 


Jj-ÉTERNELLE    ]4l?T0IRE 

A  l'occasion  des  représentations  de  Lohengrin  à  Paris,  M.  André 
Haurel  a  eu  la  curiosité  de  rechercher  l'avis  des  musiciens  et  des 
principaux  critiques  lors  des  représentations  de  Tannhàuter,  en 
4861.  C'est  édifiant.  Lisez  : 

M.  Charles  Gounod  répond  à  un  ami  qui  lui  demande  son  avis 
sur  la  musique  de  Wagner  : 

—  Cela  m'intéresse  beaucoup  au  point  de  vue  grammatical. 
Auber  est  plus  net. 

—  C'est  comme  si,  dit-il,  on  lisait  un  livre  sans  points  ni  vir- 
gules. 

Et  il  ajoute  : 

—  Pour  bien  juger  le  Tannhàuser,  il  faut  l'enlcndrc  trente 
fois  de  suite,  mais  on  n'est  pas  obligé  d'y  aller  soi-même. 

Rossini  recevait  ses  visiteurs  avec  la  partition  du  Taunhàitser 
sur  son  piano,  mais  elle  était  i  l'envers,  le  maître  prétendant  qu'il 
comprenait  mieux  ainsi. 

Enfin,  le  grand  musicien  Hector  Berlioz,  qui  lenaii  alors  le 
feuilleton  au  Journal  det  Débati,  laissait  i  d'Ortigue  le  soin 
d'écrire  l'article  sur  Tannhàuser. 

Hais  il  s'épanche  dans  ses  lellres.  D'abord,  il  écrit  i  son  fils  : 

«  Comme  je  te  l'ai  dit,  je  ne  ferai  pas  l'article  là-dessus,  je  le 


laisse  faire  par  d'Ortigue.  Je  veux  protester  par  mon  silence, 
quille  à  me  prononcer  plus  tard  si  l'on  m'y  pousse.  » 

Pnis  il  écrit  i  M"«  Massart,  le  14  mars,  lendemain  de  la  pre- 
mière : 

«  Ah  !  Dieu  du  ciel,  quelle  représentation  !  Quels  éclats  de  rire  ! 
Le  Parisien  s'est  montré  hier  sous  un  jour  tout  nouveau  ;  il  a  ri 
du  mauvais  style  musical,  il  a  rides  polissonneries  d'une  orches- 
tration bouffonne,  il  a  rides  naïvetés  d'un  hauiboia;  enfin  il  com- 
prend donc  qu'il  y  a  un  slylc  en  musique.  Quant  aux  horreurs, 
on  les  a  siSlées  splendidement,  n 

Et  le  21  mars  il  écrit  i  son  fils  : 

«  La  presse  est  unanime  à  exterminer  Wagner.  Pour  moi,  je 
suis  cruellement  vengé.  » 

Voilà  pour  les  musiciens;  passons  maintenant  aux  critiques. 

M.  Jean  Rousseau,  aujourd'hui  directeur  des  Beaux-Arts  à 
Bruxelles,  s'écrie  en  tôle  du  Figaro  : 

Nous  voilà  quittes  enfin  du  Tannhàuser,  tombé  de  façon  à  ne 
plusse  relever! 

Et  parlant  des  brochures  de  Wagner  où  le  maître,  loyalement, 
exposait  SCS  idées  sur  la  musique,  M.  Jean  Rousseau  vaticine  : 

M.  Wagner  semble  destiné  à  tire  infiniment  plus  connu  par  ses 
prospectus  que  par  ses  ouvrages. 

De  H.  Jouvin  : 

On  noos'assure* que  M.  Wagner  considère  le  Tannhàuser 
comme  étant  l'enfance  de  l'art  de  l'avenir...  L'Evangile  de  la  reli- 
gion nouvelle,  ce  serait  Tristan  et  Iseut/...  Tannhàuser  devait 
préparer  la  voie  à  Lohengrin  cl  à  Truian.  Il  est  certain  que  si 
M.  Wagner  réussissait  à  verser  aux  Parisiens  du  Suresnes  pour 
du  Bordeaux,  il  pouvait  espérer  de  leur  servir  plus  tard  du 
vinaigre  et  de  le  leur  faire  trouver  cxcollenl. 

Qu'on  s'appelle  \e&P'iits  Agneaux  ou  Lohengrin,  on  ne 

connaît  pas,  on  ne  connaîtra  jamais  le  chemin  constellé  où  trônent 
Cimarosa,  Mozart,  Weber,  Beethoven  et  Rnssini. 

Et  M.  Jouvin  conclut  en  déclarant  préférer  à  Wagner  le  Tromb- 
alCazar  d'Offcnbach. 

De  M.  Albert  Wolff: 

La  musique  de  Wagner,  c'est  une  question  de  plus  ou  moins 
de  trombones. 

Et  M.  Wolff  raconte  celle  anecdote  : 

M.  Charles  Narrey,  ayant  rencontré  Wagner  sur  le  boulevard, 
alla  se  précipiter  dans  les  bras  d'Aubor  pour  se  roineiire. 

Dans  la  Presse,  sous  la  plume  de  Paul  de  Saini-Viclor,  nous 
trouvons  : 

Tannhàuser  a  passé  et  la  musique  de  l'avenir  n'f'xisie  déjà  plus. 

Que  celle  cruelle  expérience  nous  apprenne  h  nous  défier  des 
renommées  ampoulées,  des  génies  apocrjplies,  des  fanalismcs 
factices,  des  Messies  datant  l'art  de  leur  propre  hégire. 

M.  Wagner  s'inierdii  à  dessein  ce  que  les  musiciens  de  lous  les 
temps  ont  recherche  :  le  rythme,  la  mélodie,  la  clarté. 

«  Il  a  mangé  du  tambour  et  bu  de  la  cymbale  »,  criaient  les 
Hiérophantes  des  mystères  orgiaques,  pour  désigner  l'Initié  qui 
avait  traversé  la  terrible  épreuve.  «  Si  jo  comprends  ce  que  je 
mange,  je  le  chasse  »  disait  un  gourmet  à  son  cuisinier.  —  Voilà 
en  deux  mots  la  musique  de  M.  Wagner.  L'Ininielligible  est  son 
idéal. 

Nous  déplorons  que  ces  tristes  lignes  soient  signées  Paul  de 
Saint-Victor. 

Dans  les  Débats,  le  remplaçant  de  Berlioz,  M.  d'Ortigue  s'écrie: 

Le  système  musical  de  Wagner  ne  prévaudra  nulle  part,  nous 


A-     .,    ■-■■  ^,^-   rvr  ,î 


,'^  1,^'  rjarii',  -'-ï*--«;ifri^ 


328 


L'ART  MODERNE 


l'affirmons  en  toute  assurance  (!),  tant  nous  avons  foi  en  la  vérité 
de  l'an  musical  et  en  son  avenir... 

Pas  de  forme  ;  pas  de  mélodie  ;  pas  de  syntaxe  ;  pas  de  moa- 
vemcnt;  pas  d'expression;  pas  de  vie! 

Guenille  si  l'on  veut,  ma  guenille  m'est  chère  ! 

Pour  comprendre  la  musique  de  M.  Wagner,  il  faut  être  doué 
du  sens  de  seconde  ouïe. 

Voici  maintenant  M.  Azevedo,  fort  célèbre  à  cette  époque,  la 
fleur  de  l'esprit  parisien  : 

Il  fallait  presque  n'être  pas  Français  pour  ne  pas  rire  au  Tann- 
hàuser,  et  c'est  en  riant  que  les  Français  ont  gagné  tant  de 
batailles  ! 

Qu'est-ce  donc  que  ce  Vénusberg  et  qu'y  fait-on  pour  que  sa 
simple  fréquentation  entraîne  irrésistiblement  la  damnation  éter- 
nelle? C'est  sans  doute  qu'on  y  fait  de  la  musique  de  M.  Wagner! 

Puis,  prenant  deux  mots  d'un  long  développement  métapho- 
rique où  Wagner  compare  l'impression  que  la  grande  mélodie, 
telle  qu'il  la  conçoit,  doit  produire  dans  l'âme  de  l'auditeur  au 
majestueux  silence  d'une  grande  forél,  Azevedo  écrit  : 

Ce  nom  de  mélodie  de  la  forêt,  que  M.  Wagner  donne  à  sa 
musique,  rcsiera,  car  on  est  volé  comme  dam  un  bois'. 

La  musique  de  Wagner  n'a  ni  queue  ni  tête...  pleine  de  diable- 
ries symphoniques...  Tout  cela  fait  considérer  la  chute  du  rideau 
comme  la  plus  belle  résolution  d'accords,  comme  la  plus  belle 
cadence  parfaite  dont  les  humains  aient  jamais  été  gratifiés. 

M.  Henri  Rochefort  invente  ce  dialogue  : 

—  Comment  a-t-on  osé  mettre  une  meute  de  chiens  dans  on 
grand-opéra  ? 

—  Pourquoi  non?  On  savait  bien  qu'h  la  troisième  représenta- 
tion,  il  n'y  aurait  plus  un  chat  dans  la  salle  ! 

H.  Clément  Caraguel  écrit  : 

L'orchestre  me  parait  vouloir  imiter  le  bruit' du  vent  qui  s'en- 
gouffre dans  un  vieux  corridor... 

Les  personnages  se  livrent  à  la  déclamation  lyrique,  mais  aucun 
ne  chante. . . 

En  sortant  de  Ik,  quel  plaisir  j'aurais  eu  à  entendre  chanter  : 
Malbrouck  s'en  va-l-en  guerre!  ou  J'avais  une  marraine! 

M.  Edouard  Texier,  au  Siècle,  fait  cette  constatation  : 

Dans  la  salle,  on  se  regardait,  on  se  lorgnait,  on  causait,  pen- 
dant que  Tannhâuser  et  Vénus  se  livraient  à  une  mélopée  alter- 
native... 

Ce  qui  ne  l'empêche  pas  d'ajouter,  un  peu  légèrement  pour 
quelqu'un  qui  s'est  occupé  plus  de  la  salle  que  de  la  scène  : 

Si  c'était  de  la  musique,  les  chiens  qui  ont  paru  sur  la  scène  h 
la  fin  du  premier  acte  auraient  aboyé  1 

Prenons  maintenant  les  journaux  musicaux.  J'en  choisis  trois, 
les  plus  renommés  de  l'époque  :  la  France  musicale,  l'Art  musi- 
cal et  le  Ménestrel. 

Dans  la  France  musicale,  ce  pasaage  : 

M.  Wagner  n'est  pas  un  maître  de  l'école  allemande;  il  prétend 
faire  école  à  part,  et  cette  prétention  ne  déguise  pas  assez  son 
insuffisance.  Ah  !  si  c'était  un  novateur,  on  mettrait  plus  de 
retenue  à  se  prononcer  sur  son  compte.  Wagner  a  des  obscurités 
b  nulles  autres  pareilles;  Wagner  prétend  inventer  une  nouvelle 
musique.  Plus  heureux  que  les  autres,  il  se  console  de  ses  échecs 
en  disant  :  «  On  ne  me  comprend  pas  !  »  11  ajoute  que  l'avenir  le 
comprendra.  J'en  doute... 

Dans  le  Ménestrel  -. 

La  donnée  générale  du  poème  désigne  à  l'esprit  un  penseur,  un 


poète  ;  mais  le  musicien,  le  penseur  et  le  poète  se  sont  entendus 
pour  commettre,  en  définitive,  une  interminable  tiomélie  musi- 
cale, sacrifiant  la  forme  aulfond,  le  fond  k  la  forme,  «'évertuant  k 
développer  plus  que  surabondamment  les  récitatifs  de  Gluck,  sans 
le  génie  concis  et  si  profondément  dramatique  du  créateur. 

Plus  loin,  je  trouve  ceci  : 

J'ai  entendu  trois  fois  le  Tannkâuter  ;  je  l'ai  sous  les  yeux  en 
ce  moment,  el  j'avoue,  en  toute  humilité,  que  je  suis  aussi  embar- 
rassé que  si  j'avais  k  dessiner  nettement  les  contours  de  la  statue 
de  Napoléon,  au  plus  haut  de  la  colonne  Vend6me,  par  un  jour 
de  brouillard... 

H.  Wagner  est  un  profond  musicien,  puisque  profond  il  y  a, 
mais  un  chercheur  dans  la  mauvaise  acception  du  mot,  un  rêveur, 
lin  utopiste.  L'harmonie  n'a  pas  assez  de  secrets  pour  lui,  mais  la 
mélodie  lui  a  fermé  sa  porte,  el  M.  Wagner,  en  exposant  sa 
théorie,  ressemble  au  renard  devant  les  raisins. 

Et  maintenant  voici  M.  Oscar  Comettant,  critique  k  FArt 
musical. 

M.  Comettant  plaisante  d'abord  en  disant  que  des  trains  ont  été 
organisés  pour  la  première  de  Tannhâuser  et  que  les  locomotives 
de  ces  trains  ont  été  décorées  des  noms  caractéristiques  de  la 
musique  de  Wagner  :  Disconiance,  Trémolo,  Enharmonie, 
Qiromatique,  Mélodie  in/inie,  etc. 

Puis  il  ajoute  : 

Nous  n'essaierons  pas  de  faire  l'analyse  des  morceaux  de  musi- 
que —  sont-cc  des.  morceaux  de  musique  7  —  qui  forment  cette 
immense  ^rtine  sonore  (!).  La  tâche  serait  impossible. 

Il  su£Bra  de  dire  qu'k  part  l'ouverture...  k  part  la  marche...  k 
part  une  poétique  romance  de  baryton  (celle  de  VEloUe  sans 
doute),  k  part  quelques  accents  heureux,  quelques  effets 
d'orchestre  et  quelques  fragments  de  mélodie  disséminés  dans 
l'ouvrage  avec  une  parcimonie  désespérante,  toute  cette  partition 
désespérante,  toute  cette  partition  de  l'apôtre  de  la  nouvelle  école 
n'est  que  confusion,  antithèses  sonores,  combinaisons  préten- 
tieuses et  baroques,  discordances;  métaphysique,  obscurité, 
chaos. 

...  On  ne  compose  point  naturellement  ainsi  quand  on  est 
doué  de  la  faculté  musicale... 

—  Hais  enfin,  me  demanderez-vous  peut-être,  que  doit  exprimer 
la  poésie  d'une  oeuvre  lyrique,  pour  être  conforine  atu  idées  de 
M.  Wagner? 

—  Rien. 

—  Comment,  rien? 

—  Rien,  vous  dis-je,  car,  dit  M.  Wagner,  la  grandeur  du 
poète  se  mesure  surtout  par  ce  qu'il  s'abstient  de  dire,  afin  de 
nous  laisser  dire  k  nous-même  en  silence  ce  qui  est  inexpri- 
mable. 

En  anglais,  ce  qui  est  inexprimable,  c'est  un  pantalon  et  une 
chemise... 

Mémento  des  Expositions 

Chicago.  —  Exposition  des  Beaux-Arts  (section  de  l'Exposition 
universelle),  i"  mai  —  30  octobre  1893. 

Sculpture  .-  Figures  el  groupes  en  marbre,  œuvres  originales 
fondues  par  des  artistes  modernes,  modèles  el  monuments  déco- 
ratifs ;  bas-reliefs  en  marbre  ou  en  bronze,  figures  et  groupes  en 
bronze,  bronzes  k  cire  perdue. 

Peinture  k  l'huile,  aquarelle,  peintures  sur  ivoire,  émail. 


'^^^îf.?p«p^mlr^- 


i:art  moderne 


329 


néial,  porcelaine  et  autres  matières  ;  fresques,  peintures  sur  les 
mura,  gravures  et  eaux-fortes,  imprimés,  crayons,  charbons, 
pastela  et  autres  dessins  ;  sculptures  antiques  et  modernes  gra- 
Ttfei  sur  médiillons  ou  pierres  précieuses,  intailles  de  collections 
privées. 

La  section  des  Beaux-Arts  comprendra  : 

1*  Une  section  américaine  (Etats-Unis)  ; 

9*  Une  section  pour  chaque  contrée  étrangère,  qui  sera  repré- 
sentée par  une  commission  générale  ou  par  un  comité  national  ; 

8°  Une  section  comprenant  l'exposition  de  collections  parti- 
culières et  les  œuvres  des  artistes  des  contrées  étrangi^res  n'ayant 
pas  de  représentant  ;  ces  œuvres  pourront  être  admises  sous  la 
protection  d'une  autre  section. 

Le  chef  du  département  des  Beaux-Arts  ne  correspondra  pas 
avec  les  artistes  des  pays  représentés  par  une  commission  géné- 
rale ou  UD  comité  national.  Les  œuvres  de  ces  artistes  ne  seront' 
admises  que  par  l'intermédiaire  des  commissions  générales  ou 
des  comités  nationaux  chargés  de  la  réception  et  du  retour. 

Les  artistes  étrangers  natifs  de  pays  non  représentés  par  une 
commission  générale  ou  par  un  comité  national  devront  adresser 
leurs  demandes  au  chef  du  département  des  Beaux-Arts  avant  le 
IS  jttUlel  4892.  Ils  devront  lui  faire  connaître  le  nombre  des 
œuvres  qu'ils  désirent  exposer,  les  sujets  et  les  dimensions, 
cadre  compris.  Ils  seront  informés  alors  de  l'endroit  où  ils  doi- 
vent envoyer  leurs  œuvres  pour  l'examen  d'un  jury  spécial, 
chargé  de  l'admission  de  ces  œuvres. 

Dans  le  cas  où  ces  œuvres,  après  avoir  passé  sous  les  yeux  des 
jurys  d'expositions  reconnues,  auraient  été  exposées  déjà,  le  jury 
les  examinera  à  une  date  aussi  rapprochée  que  possible,  posté- 
rieure au  15  juillet  1892. 

1^  décision  de  ce  jury  sera  communiquée  immédiatement  à 
l'artiste,  et  les  œuvres  acceptées  devront  être  remises  à  la  porte 
du  Palais  des  Beaux-Arts  avant  le  1"  mars  1893. 


l'ETITE    CHROf^lQUE 

Une  collection  de  tableaux  importante  et  particulièrement  inté- 
ressante pour  nous,  en  raison  des  œuvres  qui  la  composent  (elles 
appartiennent  presque  toutes  à  l'école  belge)  sera  dispersée  au 
printemps  prochain.  C'est  la  galerie  de  M.  le  docteur  Lequimc, 
que  des  raisons  de  santé  obligent  chaque  année  ii  de  longs  dépla- 
cements dans  le  Midi  et  qui  se  propose  d'abandonner  définitive- 
ment Bruxelles. 

Réunie  patiemment  par  ,un  amateur  éclairé  et  éclectique,  la 
collection  Lequime  compte  parmi  les  plus  belles  de  la  Belgique. 
Tous  nos  maures  modernes  y  sont  représentés  par  une  ou  plu- 
sieurs de  leurs  œuvres  capitales. 

Nous  avons  reçu  le  billet  de  faire  part  ci-après  : 

M.  Emile  Mathieu  a  l'honneur  de  vous  faire  pift  de  la  naissance 
d'un  opéra  en  3  actes  et  8  tableaux. 

Louvain,  le  5  octobre  1891 . 

A  l'angle  gauche,  où  l'on  inscrit  habiiuellement  le  nom  du  nou- 
veau-né, le  litre  de  l'ouvrage  :  L'Enfance  de  Roland. . 

Nos  meilleurs  vœux  pour  la  sanlé  de  lenfant  et  celle...  du 
père. 

L'élégant  salonnet  de  la  rue  de  la  Régence  vient  de  s'ouvrir  hier 
samedi  ii  S  heures.  Parmi  les  artistes  exposants  nous  trouvons  : 


L.  Dubois,  Smits,  Vancamp,  Courtens,  Verheyden,  Baertsocii, 
Marcelle,  Degreef,  G.  Meunier,  E.  Waulers,  Verhaeren,  Hage- 
mans,  M.  et  M""  Wyisman,  Claus,  C.  Meunier,  Saint-Cyr, 
Lemayeur,  Uytterschaut,  Stacquct,  Boulanger,  etc.,  pour  la  pein- 
ture et  Charlier,  de  Tombay,  Herain,  Samuel,  Mignon  pour  la 
sculpture. 

On  commence  à  se  préoccuper  de  la  prochaine  saison  concer- 
tante. 11  est  vaguement  question  de  concerts  symphoniques  qu'or- 
ganiserait M.  Franz  Servais,  d'après  le  plan  des  concerts  d'hiver 
qu'il  avait  donnés  il  y  a  quatre  ans.  L'Association  des  artistes 
musiciens  donnera  deux  conccris  à  orclieslre  seulement;  comme 
l'année  dernière,  ils  auront  lieu  au  Théâtre  de  la  Monnaie. 

Quant  aux  Concerts  populaires,  ils  seront  au  nombre  de  quatre, 
et,  dès  il  présent,  il  est  à  peu  près  certain  qu'on  y  verra  paralin; 
Hans  de  Bulow,  le  grand  violoniste  Wiihelmy  et  Sgambati,  le 
chef  de  l'école  symphonique  néo-italienne.       (Ouide  musical.) 

Le  Salon  de  Spa,  qui  vient  d'ôire  fermé,  a  été  très  suivi  celte 
année  et  nombre  de  toiles  ont  trouvé  acquérerir.  Citons  : 

H.  Berchmans,  Quai  de  Fragnée  il  Liège.  —  Ch.  Boland,  En 
flagrant  délit.  —  Ed.  Menta,  Environs  de  Cadénabbia.  — 
Ed.  Larock,  Premier  essai.  —  J.  Pétillon,  Rue  de  village.  — 
Ch.  Storm  Van  's  Graserlande,  La  Meuse  à  Dordrecht,  Calme  plat 
et  Vaisseau  fantôme  (eaux-fortes).  —  J.  Ubaghs,  Anier  à  Heyst. 

—  Em.  Van  den  Bussche,  La  barque  funèbre.  —  Ch.  Van  den 
Eycken,  Convoitise.  —  Van  Luppen,  L'occasion  fait  le  larron. 

Les  œuvres  suivantes  ont  été  acquises  pour  la  tombola  : 

W.  Albracht,  Joueurs  de  caries.  —  Ch.  Boland,  En  visite. 

—  A.  Cohen,  Bibelots.  —  M"»  De  Bièvrc,  Pavois.  -^  W.  Debrus, 
Roses.—  De  Schieter,  Fin  du  mois  d'avril. —  F.  Vanderkhoven, 
Les  bords  de  la  Senne.  —  P.  Comein,  Napolitaine  (statuette).  — 
F.  Gailliard,  En  villégiature  (aquarelle).  —  J.  Henrard,  Bovigny. 

—  L.  Reiglère,  Nature  morte.  —  V.  Ravct,  La  buveuse  de  café. 

—  J.  Dieudonné,  Crépuscule  (eau-forte).  —  De  Bruyn,  Le  ruis- 
seau.   

Suite  à  la  liste  de  revues  nouvelles  annoncées  dans  notre  der- 
nier numéro  : 

Le  Bluet,  revue  littéraire  et  artistique,  paraissant  le  S  et  'e 
20  de  chaque  mois,  avec  concours  littéraires,  jeux  d'esprit  et  de 
dessin  (?),  etc.  A  Pari?,  rue  Mont-Thabor,  28,  7  francs  par  an 
pour  la  France,  8  francs  pour  l'étranger.  La  revue  offre  une  prime 
aux  abonnés  n  en  gage  de  satisfaction  personnelle  et  peu  ordi- 
I  naire »     gg  

Le  Nouveau  Temps  publie  la  lettre  suivante  de  M.  le  comte 
Léon  Tolstoï  : 

u  Monsieur, 

«  Par  suite  de  nombreuses  demandes  d'autorisation  de  publier, 
de  traduire  et  de  faire  jouer  mes  œuvres,  je  vous  prie  de  publier 
dans  votre  journal  la  déclaration  suivante  : 

a  Je  donne  à  titre  gratuit  à  tout  le  monde  le  droit  de  publier  en 
Russie  et  i  l'étranger,  en  russe  ou  traduites  dans  une  autre  langue, 
et  de  faire  jouer  sur  des  scènes  de  théâtre,  toutes  mes  œuvres 
écrites  depuis  1881  et  publiées  dans  le  tome  XII  du  recueil  com- 
plet de  mes  œuvres  paru  en  1886,  ainsi  que  dans  le  tome  XIII 
paru  cette  année  (1891)  et  toutes  mes  œuvres  non  publiées  en 
Russie,  ainsi  que  celles  à  paraître  après  la  date  ci-dessous. 

«  16  septembre  1891. 

«  Léon  Tolstoï.  » 


ONZIÈME  ANNÉE 

L'ART   MODERNE  s'est  acquis  par  l'autorité  et  l'indépendance  de  sa  critique,  par  la  variété  de  ses 
informations  et    les   soins  donnés   à  sa   rédaction   une  place  prépondérante.   Aucune  manifestation  de  l'Art  ne 

lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  de  peinture,  de  soulpture,  de  gravure,  de  musique, 

d'architecture,    etc.    Consacré   principalement  au    mouvement  artistique  belge,   il  renseigne  néanmoins  ies 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  l'étranger  qu'il  importe  do  connaître. 

Chaque  numéro  de  L'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  question  artistique 
ou   littéraire   dont  l'événement  do   la   semaine  fournit  l'actualité.  Les  expositions,  les  livres    nouveaux,   les 
premières    représentations    d'œuvres    dramatiques    ou    musicales,   les   conférences   littéraires,   les  concerts,   les 
ventes  dobjets  dart,  font  tous  les  dimanches  l'objet  do  chroniques  détaillées. 

L'ART   MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.   Il  rend  compte  des 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes   les   semaines   .lans   son  Mémento   la  nomenclature  complète   des   expositions  et 
concours   auxquels  ils  peuvent  prendre  part,   en   Belgique  et  à  l'étranger.  Il  est  envoyé  gratuitement  à 
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chim,  Wilhelmj,  Ed.  Grieg,  Ole  liull,  A.  Essipoff,  Sofie  Monter, 
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en  un  fascicule  de  32  pages  au  moins.  Il  formera  tous  le«  ans  un  fort 
volume  in-S»,   pour  lecjuel  il  sera   tiré  une  couverture  spéciale,   un 
titre,  une  table  des  matières  et  une  table  alphabétique  par  uoms  d'au- 
teurs. 

Abonnements  :   France,  5  francs  par  an. 

Id.             Union  postale,  6  francs  par  an. 

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DiMANCHB  18  Octobre  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  ORraOUB  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

CSomlté  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Ëmilb  VERHAEREN 


▲BOmrXlfliNTS  :    Belgique,   un   an,    fr.   10.00;  Union  postale,    (t.    13.00.    —  ANNONCES   :    On   traite  à   forfait. 


Adrester  toutes  les  communications  d 
l'administration  oénéralb  de  l'Art  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


Um»  LIBRAïaiE  BKLOE  A  PaRIS.    —    MœDHS    PITTOHMQUES.   —    La 
QUBTIOH   DES   MOSÉCS.    —   NOTULE  ANVESSOMB.  —  JeaN   JulLIEN.  — 

La  P^ichole.  —  Accusis  db  réckption.  —  Mémento  des  expo- 
NTI0N8.  —  Petite  chronique. 


UNE  LIBRAIRIE  BELGE  A  PARIS 

On  lit  dans  le  dernier  numéro  de  la  Jeune  Belgique  : 

«  Supprimez  les  prix  et  les  récompenses,  et  avec  cet 
argent-là,  subsidiez  une  librairie  à  Paris,  une  Librairie 
BELQB,  grandement  établie,  qui  vendra  exclusivement 
les  livres,  —  tous  les  livres,  quels  qu'ils  soient,  —  édités 
en  Belgique.  « 

Voilà  une  juste  réclamation  qui  mérite  qu'on  s'occupe 
d'elle  immédiatement.  Car  ce  n'est  certes  |>88  une  aumône 
que  la  jeune  littérature  réclame  ainsi  :  c'est  le  payement 
d'une  dette. 

Si  l'on  examine,  en  effet,  l'argent  dépensé  depuis 
vingt  ans  en  subsides  et  en  prix  littéraires,  on  se 
deinande  en  quelles  poches  tout  cet  or  est  tombé  et  en 
quoi  il  a  pu  faire  revivre  la  fleur  naguère  encore  si  bête 
et  si  veule  de  la  littérature  belge. 


Certes,  une  école  de  lettres  a  pris  aujourd'hui  son 
essor  dans  notre  pays,  d'un  vol  tellement  large  et  puis- 
sant qu'elle  a  jeté  son  ombre  et  ses  cris  de  victoire  jus- 
qu'aux pays  voisins.  Cela  est  incontestable.  Nulle  part, 
dans  le  monde,  il  n'y  a  de  coin  littéraire  aussi  intense, 
aussi  vivant  qu'en  nos  provinces.  Et  c'est  la  littérature 
qui  va  laver  le  Belge  des  moqueries  habituelles  dont 
on  l'abreuvait,  souvent  à  bon  droit. 

D'où  est  venu  ce  mouvement?  Il  a  été  hbre,  indépen- 
dant, spontané,  fait  par  une  poignée  de  jeunes  qui  se 
sont  insurgés  et  ont  combattu. 

L'hostilité  régnait  partout.  Les  littérateurs  d'antan 
qui  régentaient  la  pensée  belge  et  la  mettaient  au  niveau 
si  cruellement  persiflé  par  les  Baudelaire  et  les  Proud- 
hon,  étaient  des  incompréhensifs  d'art.  Ils  faisaient  de 
la  littérature  comme  ils  eussent  fait  de  la  politique,  du 
professorat  ou  de  l'administration.  C'étaient  des  fai- 
seurs de  phrases,  qui  opéraient  au  goût  plat  dont  ils 
étaient  les  serviteurs.  Ils  possédaient  une  petite  balance 
de  haine  bête  où  ils  pesaient  les  œuvres  des  autres,  et 
ils  tentaient  de  se  moquer  de  Baudelaire  en  une  confé- 
rence au  Cercle  artistique  ou  bien  ils  exécutaient  Flau- 
bert dans  un  feuilleton. 

Ils  étaient  naturellement  protégés  par  le  gouverne- 
ment, mis  à  la  tête  des  incolores  revues  d'alors,  calés 
dans  les  journaux  importants,  où  certains  d'eux  mon- 
trent encore  au  rez-de-chaussée  les  rubans  décolorés  de 


332 


L'ART  MODERNE 


leurs  bonnets  d'ouvreuses  de  loges  et  miment  leurs  der- 
nières coquetteries.  Tout  cela  était  convenable,  officiel, 
municipal.  On  suivait  l'avis  des  modistes  de  Paris  et 
on  s'inclinait  devant  les  gens  en  cour.  C'était  la  littéra- 
ture constitutionnelle  et  monarchique.  On  se  pâmait 
devant  les  Coquelins  de  la  Comédie-Française,  et  on 
découpait  avec  des  précautions  le  dernier  Cherbulièz. 
C'était  d'un  provincial  assez  typique. 

Quel  ahurissement,  il  y  a  quelque  douze  ans,  au  pre- 
mier éclat  de  la  littérature  nouvelle  !  Les  gens  bien  pen- 
sants de  la  vieille  lyre  inventèrent,  de  mauvaise  foi,  le 
style  Jeune  Belgique  —  un  charabia,  pontifiaient-ils, 
dans  leur  solennelle  impuissance.  Le  public,  que  leurs 
produits  fades  avaient  anémié,  trouva  cette  plaisanterie 
très  bonne,  ne  lut  pas  les  livres  des  jeunes  et  approuva 
qu'on  appelât  «  charabia  "  le  premier  langage  artiste 
parlé  chez  lui.  Les  oies  du  Capitole  de  la  médiocrité 
officielle  et  nationale  avaient  crié.  Elles  craignaient  les 
jeunes  aigles. 

Quelle  responsabilité  pour  les  critiques  d'alors!  Ils 
ont  voulu  étouffer  un  mouvement  aujourd'hui  appro- 
chant d'un  apogée  et  glorieux.  Ils  avaient  la  ••  publicité  « 
en  mains,  ils  ont  été  traîtres.  Oh!  on  sait  bien  qu'ils 
n'étaient  pas  des  artistes,  et  que  les  plus  «  influents  « 
d'entre  eux  sont  encore  à  peine  des  mondains  lettrés  ou 
des  journalistes  aimables.  On  leur  a  envoyé  des  livres, 
parce  que  c'était  leur  devoir,  leur  métier,  à  eux,  agence 
de  publicité  littéraire,  de  parler  des  œuvres  belges.  Les 
littérateurs  ne  s'attendaient  pas,  de  la  part  de  ces  gens, 
à  de  la  critique  personnelle,  passionnée  ou  vivante, 
mais  du  moins  à  de  la  critique  sincère  et  de  bonne 
volonté.  On  n'a  rien  eu.  Ils  ont  beau  protester,  mainte- 
nant. S'ils  ont  même  parlé  de  quelques  écrivains  —  et 
que  rarement  et  tardivement!  —  la  façon  dont  ils  ont 
noyé  leur  éloge  parcimonieux  dans  l'apothéose  de 
cabotins  et  de  gaillards  de  vingtième  ordre,  rend  cet 
éloge  presque  injurieux.  On  est  en  sotte  et  banale  com- 
pagnie dans  les  colonnes  de  leurs  gazettes.  Après  des 
lignes  et  des  lignes  consacrées  à  vanter  les  gestes  d'un 
Coquelin  on  fait  l'aumône  de  trois  mots  à  un  livre,  d'une 
plume  dédaigneuse! 

La  critique  influente  étant  muette,  le  public  resta 
indifférent,  et  le  "  gouvernement  »  immobile.  Nul 
encouragement — etil  en  était  qui  peinaient  dur  et  ferme 
sur  l'àpre  labour  de  nos  lettres  —  rien,  du  dédain,  de  la 
moquerie.  La  bataille  a  été  gagnée  par  une  avant-garde, 
dans  un  brouillard  d'hostilité,  sur  un  champ  ingrat. 
Tout  ce  dont  se  glorifie  la  littérature  actuelle  a  fait  sa 
trouée  seul,  sans  appui,  par  cette  force  mystérieuse 
de  la  valeur  qui  s'impose,  à  la  fin,  quand  même,  malgré 
les  ennemis  et  les  imbéciles. 

Mais  le  moment  est  venu  de  rendre  les  comptes.  Un 
jeune  écrivain  a  fièrement  rejeté  à  la  face  des  bonzes 
antiques  de  la  médiocrité  nationale,  cette  vieille  cou- 


ronne académique  qui  a  coiffé  trop  de  gens  qui  ont 
chanté  •  la  paix  des  champs  •  et  les  »  gloires  de  la 
Belgique  •>.  La  jeune  littérature  ne  reconnaît  pas  à  ses 
anciens  tyrans  le  droit  de  la  couronner. 

Mais  elle  réclame  une  chose  —  elle  exige,  car  c'est 
elle,  maintenant,  qui  représente  les  lettres  belges,  les 
anciens  ne  comptent  plus  !  Elle  exige,  comme  tous  les 
citoyens  d'autres  métiers,  simplementun  débouché  pour 
ses  produits  à  l'étranger.  C'est  son  droit  strict.  Comme 
dit  la  Jeune  Belgique  :  •<  pour  la  littérature,  aidez-la 
à  conquérir  le  grand  public  français,  puisque  c'est  en 
français  que  nous  écrivons  » . 

Les  anciens  encouragements  n'ont  produit  que  médio- 
crité et  veulerie  ;  tout  ce  qui  a  été  méritant  a  jailli  spon- 
tanément. Donc,  plus  de  prix,  plus  de  couronnes! 
Nous  ne  sommes  plus  des  collégiens  et  il  nous  déplaît 
de  donner  à  des  incapables  des  satisfactions  de  pion. 

Nous  avons  été  dignes,  et  nous  ne  voulons  pas  être 
humiliés  par  des  récompenses  que  nous  considérons 
comme  néfastes,  voilà  ce  qu'ont  dit  aux  jurys  et  aux 
commissions  officielles  les  vrais  et  purs  artistes  qui  pro- 
fessent un  noble  culte  de  leur  art. 

Qu'on  accorde  donc  à  la  Jeune  Belgique  ce  qu'elle 
demande!  C'est  peu  et  c'est  juste.  Une  librairie  belge  à 
Paris  ouvrirait  un  débouché  aux  livres  belges,  peu  lus, 
en  somme,  dans  notre  pays  de  gens  pratiques.  Qu'on  la 
confie  à  un  Français  connaissant  bien  la  Belgique  ou  à 
un  Belge  connaissant  Paris.  Qu'on  intéresse  le  direc- 
teur de  la  librairie  à  l'afi'aire  et  qu'on  la  subsidie  avec 
l'argent  destiné  aux  lauriers  académiques.  Ce  sera  l'éga- 
lité pour  tous,  au  moins.  Tous  les  écrivains  pourront 
profiter  de  cette  institution  et  chacun  aura  ses  livres 
protégés  et  exposés  à  Paris.  N'y  a-t-il  déjà  pas,  là-bas, 
la  librairie  Fischbacher  pour  les  livres  suisses?  Et 
n'avons-nous  pas,  à  Bruxelles,  une  maison  qui  ne  s'oc- 
cupe que  des  œuvres  de  la  jeune  école  de  musique  fran- 
çaise? 

Et  puis,  voilà  trouvé  le  moyen  le  plus  digne  d'encou- 
rager les  lettres.  Ce  subside  ne  va  pas  à  l'artiste,  il 
va  à  l'art.  Il  laisse  à  chacun  toute  liberté,  il  n'humilie 
ni  ne  déshonore.  Et  alors,  le  mérite  sera  couronné  par 
le  vrai  succès  et  non  plus  par  des  mains  caduques. 

Il  importe  donc  qu'on  agisse  immédiatement,  et  que 
tous  les  eff'orts  des  jeunes  se  portent  vers  cette  idée  : 
la  création  d'une  librairie  belge  à  Paris.  On  la  doit  sans 
aucun  doute  à  cette  cohorte  vaillante,  qui  malgré  tout, 
à  coups  de  livres,  combat  l'indiff'érence  et  l'hostilité 
belges  alliées  contre  elle. 

ËUOÈNE  DeMOLDER. 


MŒURS  PITTORESQUES 

Cela  s'esl  passé  mercredi  en  un  minuscule  village  du  Brabanl 
flam:md.  Une  fête  paysanne  à  l'occasion  du  double  mariage  du 
fils  (lu  seigneur  el  de  sa  fille,  qui  revenaient  de  voyage  el  se 
réinsiallaieut  au  pays.  Des  drapeaux  piqués  dans  les  loils,  des 
bandes  de  loile  peinte  autour  des  portes,  des  inscriptions  accueil- 
lantes au  long  des  fenêtres,  des  prolesiaiions  de  ferveur  et  d'atta- 
chement, des  manières  de  lustres  tout  en  fleurs  aux  façades,  des 
arcs  de  triomphe  en  buis  noir,  où  de  gros  dahlias  appuyent  leurs 
bouches  rouges  —  el  le  cortège  ! 

Au  bout  du  village,  à  un  carrçfwm  de  chaussées,  un  prêtre, 
l'instituteur,  les  notables  sont  installent  attendent.  De  petites 
filles  —  robes  blanches  —  portent  des  péniers  de  petits  papiers 
versicolores.  Des  cavaliers  —  écharpe  au  bras  —  en  redingote  et 
chapeau  de  haute  forme  refoulent  la  foule  à  larges  poussées  de 
croupe  de  chevaux.  Un  grand  remue-ménage,  tout  à  coup.  Puis, 
au  loin,  sur  la  route  d'arrivée  un  landau  clair  aux  panneaux  qui 
rejettent  du  soleil  ;  un  trot  preste  —  el  les  voici. 

Pas  un  hurrah.  Mais  digne  l'inslitulcur  s'avance,  déplie  un 
rouleau  el  souhaite  la  bienvenue.  Certes,  senl-on  l'assistance 
sympathique;  une  cordialité  un  peu  lourde  et  gauche,  quoique 
vraie.  Potirtanl  pas  un  cri,  pas  une  débonde  d'enthousiasme;  la 
curiosité  seule  de  ce  qui  se  passe  et  va  se  passer. 

Et  devant  les  couples,  remerciant  celui  qui  les  a  harangués  et 
s'affirmant  attachés  au  pays,  enfants  du  village,  que  sais-je,  la 
cavalcade  se  met  k  défiler,  baroque  en  sa  gravité,  cocasse  el 
'violente,  fruste  et  balourde,  toute  bariolée  de  vieilles  légendes 
el  de  séculaires  poncifs,  en  même  temps  qu'étrange  et  souvent 
bouffonne  de  contemporanéilé  crue.  Celui  qui  en  a  dressé  le  plan 
doit  être  quelque  vieux  documentaire  de  village,  qui  collectionne 
les  faits-divers  du  Congo  et  du  Soudan  et  rêve  en  même  temps  i 
ces  quelques  années  d'humanités  passées  à  Malines,  voici  trente 
ans,  pendant  lesquelles  on  lui  enseignait  les  mises  en  scène 
mythologimies  d'Horace  et  d'Ovide. 

Le  corl^e  s'ouvrait  par  un  groupe  de  sapettri,  barbouillés  de 
noir  el  de  jaune,  vêtus  de  peaux  de  bêtes,  coiffés  de  schakos  de 
l'Empire,  rugueux  de  poils  el  abattant  à  coups  de  hache,  devant 
chaque  cabaret,  les  poteaux  cl  les  obstacles,  établis  là  pour 
enrayer  la  marche  des  groupes  el  les  obliger  à  entrer  boire  au 
comptoir.  La  Renommée,  une  vierge  t  cheval,  suivait;  puis 
Diane,  une  rebondie  fermière,  habillée  de  tulle  vert;  puis  sainte 
Cécile,  serrant  d'une  main  pourpre  une  lyre  en  bois  peint;  puis  la 
Victoire,  puis  l'Etpérance,  puis  la  Vertu,  puis  la  Paix,  puis  la 
Constitution,  touies  monumentales  pucelles,  appesantissant  leurs 
tournures  grasses  au  balancement  lent  des  pas  en  avant  de  leurs 
montures  de  labour.  Des  chars  vêtus  de  toile,  ornés  d'astres  en 
papier,  surmontés  de  feuillages  trimbalaient,  aux  cahots  du  pavé, 
les  ouvriers  brasseurs,  rinçant  des  tonneaux,  ingurgitant  des  pintes, 
martelant  des  fûts  ou  bien  les  garçons  de  ferme  liant  des  gerbes, 
battant  le  grain  ou  bien  encore  les  bûcherons  grimpés  sur  des 
sapins  et  des  aulnes  el  abattant  des  branches  el  les  jetant  vers  la 
multitude. 

Alors  s'avança  le  char  iu  Parnasse,  A\ec  Apollon  à  son  faite  el 
une  trentaine  de  Muses,  endimanchées  en  blanc,  qui  chantaient  un 
refrain,  toujours  le  même,  el  se  tenaient  par  la  main.  Il  était  pré- 
cédé du  Cirque  de  Tippoo-Tip,  une  épouvantable  caricature 
réalisée  au  moyen  d'hommes-singes  qui  se  liraient  la  queue,  qui 


se  balançaient  à  un  perchoir  mobile,  qui  grimpaient  au  long  des 
parois  du  véhicule  et  faisaient  des  pieds  de  nez  au  public.  Une 
grande  femme,  la  Belgique,  venait  immédiatement  après  et  aussi 
la  Voiture  des  modistes  du  bourg  travaillant  des  chapeaux  cl  des 
bonnets. 

Opsignoor!  Huit  grands  diables  le  lançaient  en  l'air,  le  rattra- 
paient au  vol  el  le  relançaient,  au  mouvement  tanguant  et  roulant 
d'un  énorme  drap  de  lit.  Il  tombait  à  droite,  à  gauche,  parfois 
parmi  les  curieux  qui  le  projetaient  dans  le  cortège  avec  des  cris 
de  frayeur  et  des  éclats  de  rire.  Ab-dul-Eh-MidPacha,  coiffé  du 
dé  à  coudre  écarlale  d'un  fez,  fumait  un  cigare  énorme,  dont  la 
fumée  agaçait  le  nez  d'un  Louis  XV  équestre,  tout  en  velours  et 
en  galons,  suivi  à  son  tour  de  sa  suite  en  perruque  filasse  et  en 
bottes  d'opéra  comique. 

Groupes  ienfanlt,  chariot  des  bouchers,  char-à-bancs  des  fer- 
miers, mais  surtout  le  Monde  à  l'envers,  figuré  par  un  paillasse 
ivre  et  crachant  et  hurlant  el  chevauchant  à  rebours  un  vieil  âne 
lamentable  dont  il  tirait  les  poils.  Arrivé  devant  les  «  héros  de  la 
fêle  »  il  se  démena,  proférant  des  paroles  folles  et  imitant  —  de 
la  gueule  seulement  —  certains  personnages  de  Teniers. 

Flore,  Pomone,  l'Union,  la  Vérité,  la  Force,  sur  des  cour- 
siers formidables  et  pesants,  les  crins  cordés  avec  des  pailles, 
s'étalaient  en  tarlatane  versicolore,  les  bras  nus,  les  tresses  au 
vent,  comme  des  pièces  de  viande  en  parade.  Philippe  le  Bon, 
melonné  d'un  chapeau  noir  à  corde  d'argent,  avec,  sur  les  épaules, 
une  pèlerine  de  velours,  s'avançait  ensuite,  accompagné  de  son 
fils  et  de  ses  gentilshommes. 

Après  lui  des  blasons  et  puis,  tandis  qu'une  fanfare  jouait  la 
Brabançonne,  quatre  personnages,  catalogués  Holtentols,  se 
mirent  à  danser  groiesquement  devant  le  seigneur.  Ils  disparais- 
saient jusqu'à  mi-corps  dans  un  énorme  tuyau  noir,  un  masque 
couvrait  leur  ventre,  des  cheveux  leur  pendaient  jusqu'au  bas  du 
dos.  Le  tuyau  était  piqué  d'une  cocarde.  Et  ils  sautaient  plutôt 
comme  des  meubles  que  des  hommes,  imitant  certaines  carica- 
tures de  pots,  d'armoires  et  de  chaises  qui  entrent  en  sarabande. 
C'étaient  des  heurts  et  des  chocs  et  cela  avait  l'air  tellement 
absurde,  au  plein  et  magnifique  soleil  de  celte  campagne  en  or 
d'octobre,  que  cela  acquérait  une  signification  de  déséquilibre 
fondamental,  au  delà  des  sens,  jusqu'au  fond  de  la  pensée. 

Alors  le  landau  des  mariés  entra  lui-même  dans  le  cortège, 
flanqué  d'une  garde  d'honneur  et  les  rênes  des  chevaux  tenus  en 
main  par  des  fillettes  en  blanc,  qui  suivaient  de  chaque  côté.  On 
traversa  le  village,  on  fit  un  circuit  à  travers  champs  et  l'on  rentra 
au  château,  après  une  heure  de  promenade.  Tout  le  canton  avait 
envoyé  des  bandes  de  filles  et  de  garçons.  De  vieux  couples  rassis 
el  secs,  un  parapluie  à  la  main,  se  mêlaient  à  leur  foule  et  dos 
gamins  sillonnaient  l'ensemble,  mangeant  des  pommes  et  crachant 
les  pelures  sur  les  robes  des  passantes.  II  y  eut  des  calottes,  des 
empoignades,  des  chants,  des  cris,  que  l'illumination  et  le  feu 
d'artifice  du  soir  devaient  certes...  accentuer. 

Si  nous  avons  pris  plaisir  à  noter  une  telle  réjouissance  et  si 
nous  la  signalons,  appuyant  sur  son  côté  grotesque,  c'est  que 
nous  la  trouvons,  après  tout,  nullement  risible,  mais  très  caracté- 
ristique. Elle  est  l'esprit  même  du  village  flamand  actuel.  La  tra- 
dition y  joue  son  rôle,  une  tradition  qui  date  de  la  Renaissance 
et  met  en  ligne  tous  les  simulacres  des  siècles  mi-païens,  mi-reli- 
gieux, qui  dressèrent  les  Flandres  illustres  parmi  les  autres  peu- 
ples. Le  village  flamand  vit  encore  sur  ce  vieux  fond,  un  peu 
rossignol,  de  gloire. 


334 


L'ART  MODBRNB 


Egalement  son  tempérament,  tourné  vers  la  grosse  farce  pres- 
que cynique,  y  éclate  en  telle  figuration  d'ivrognerie  sautante  et 
gueulante  que  personne  ne  trouve  déplacée.  Au  contraire  :  sou- 
haiter du  bonheur,  faire  des  vœux,  adresser  des  hommages  en 
exhibant  des  clowneries,  en  se  travestissant  en  sauvages  et  en 
singes,  en  se  barbouillant  de  rouge,  de  vert  et  de  bleu  le  visage, 
en  se  livrant  à  des  pantomimes  hottentotes  n'est  que  de  bonne 
règle  et  d'usage. 

Puis  apparaît  la  passion  du  décor,  de  l'extérieur,  de  l'étalage, 
et  celte  prétention  du  plus  mince  hameau  à  vouloir  montrer  ses 
belles  femmes,  opulemment  en  chair,  toutes  en  parures,  afin  que 
les  spectateurs  puissent  se  renseigner  en  même  temps  sur  le  goût 
artistique  des  gens,  sur  leur  largesse  à  donner  des  fêtes  et  sur  la 
chair  et  le  bien-cn-point  de  leurs  pucelles. 

Enfin  se  prouve  le  travail  que  fait  le  journal  au  village,  y  pro- 
voquant les  préoccupations  de  l'heure,  le  rire  devant  l'inconnu, 
l'aptitude  à  se  moquer  (naturellement)  de  tout  ce  qu'on  ignore, 
l'idée  anticipativcmcnt  baroque  avant  d'être  ouverte  au  réel, 
la  moquerie  facile  et  au  fond  la  zwanze  cultivée  comme  une  faune 
nationale. 

Celte  kermesse  d'un  après-midi  nous  a  renseigné  sur  ces  dif- 
férents points,  candidement  et  simplement,  et  nous  la  relatons, 
parce  que  curieuse. 


LA  QUESTION  DES  MUSÉES 

Nous  recevons  d'un  amateur  de  tableaux  bien  connu  la  lettre 
suivante  : 

Bruxelles,  le  14  octobre  1891. 

Monsieur  le  Rédacteitr  de  l'Art  moderne, 

Lés  vacances  sont  terminées  et  vous  avez  repris  la  campagne 
vigoMeuse  que  vous  avez  entreprise  avec  tant  de  succès  contre  la 
Commission  de  peinture  du  Musée  de  Bruxelles. 

Les  membres  de  cette  trop  célèbre  Commission  se  réjouissaient 
déjà  de  votre  silence.  Ils  s'imaginaient  que  vous  n'en  sortiriez 
plus.  Les  voilà  amèrement  désillusionnés. 

Le  public,  lui,  a  tout  lieu  d'être  satisfait  de  vos  généreux  efforts 
et,  soyez-en  convaincu,  il  n'est  pas  une  personne  désintéressée 
qui  ne  désire  que  vous  les  continuiez  jusqu'à  ce  que  satisfaction 
soit  donnée  à  de  si  justes  protestations. 

Dans  un  précédent  article,  intitulé  :  «  Quelques  flèches  au 
Musée  »,  vous  parlez  des  Têtes  de  nègres  achetées  par  notre 
Musée  national. 

Voici  quelques  renseignements  complémentaires  à  ce  sujet  : 

Le  Musée  de  Cologne  possède,  comme  vous  le  dites,  un  tableau 
représentant  des  têtes  de  nègres  et  attribué  à  Van  Dyck,  tableau 
absolument  identique  à  celui  du  Musée  de  Bruxelles,  attribué, 
celui-ci,  à  Rubens. 

Le  premier  a  été  donné  au  Musée,  en  1877,  par  M.  Steinmann- 
Flammershcim.  Au  moins,  s'il  n'est  pas  le  tableau  authentique, 
le  Musée  n'a  pas  à  se  plaindre. 

Celui  de  Bruxelles  a  été  acheté  à  M.  Bourgeois,  de  Paris,  pour 
la  somme  de  85,000  francs.  Un  peu  auparavant,  il  avait  figurera 
la  vente  Narischkine,  à  Paris. 

M.  Kums,  l'amateur  anversois  bien  connu,  avait  poussé  les 
chères  jusque  39,000  francs.  Il  fut  adjugé  à  40,000  francs,'*  aux- 
quels il  faut  ajouter  les  frais,  qui  sont  à  Paris  de  5  »/,. 

La  peine  de  l'acheter,  de  le  porter  à  Bruxelles  et  de  le  vendre 


à  notre  fluBée  coûta  donc  40,000  francs.  Car  il  est  évident  que  s 
la  Cooimission  du  Musée  n'était  pas  composée  d'invalides,  elle  se 
fût  dérangée  ou  eût  délégué  quelqu'un  pour  aller  l'acheter  direc- 
tement à  la  vente  publique,  sans  passer  par  les  mains  d'un  mar- 
chand privilégié. 

M.  Kums,  en  apprenant  cet  achat,  ne  put  s'empêcher  de  dire 
des  choses  peu  aimables  à  l'adresse  de  la  Commission  bruxelloise. 

Répétition  aussi  pitoyable  de  ce  qui  précède  pour  l'esquisse  de 
Leys,  récemment  acquise  par  le  Musée  moderne.  Elle  était  i 
vendre  au  prix  de  1,S00  francs  chez  on  marchand  de  Bruxelles. 
Arrive  de  Paris  un  marchand  qui  l'achète  et  l'offre  au  Musée  pour 
S.OOO  francs.  Acquisition  immédiate.  Dont  coût,  pour  les  contri- 
buables, 3,S00  francs. 

Agréez,  Monsieur  le  Rédacteur,  mes  salutations  distinguées. 

Nous  avons  déjii  donné  les  renseignements  contenus  dans  cette 
lettre,  en  ce  qui  concerne  les  Tiles  de  nègres,  dans  nos  numéros 
du  21  juin  et  du  36  juillet.  L'histoire  étonnante  de  l'esquisse  de 
Leys  a  été  narrée  par  nous  dans  le  n<>  du  19  juillet.  Hais  ces 
choses  doivent  être  répétées.  C'est  salutaire. 

Pour  le  surplus,  que  notre  correspondant  se  rassure. 

Nous  recueillons  de  nouveaux  renseignements  et  nous  ne  lâche- 
rons la  «  Question  des  Musées  »  que  lorsque  nous  aurons  obtenu 
entière  satisfaction. 


Autre  lettre,  qui  contient  un  renseignement  nouveau  fort 
curieux  : 

Bruxellet,  16  octobre  1891. 

Monsieur  lb  Directkck, 

Je  suis  navré,  nous  devons  être  navrés,  tous  !  Nous  croyions  ce 
prestigieux  Rubens,  l'amant  de  la  couleur,  un  être  essentielle- 
ment gai.  Hélas,  nous  devons  abandonner  cette  illusion!  Les  trop 
nombreuses  têtes  de  nègres  dont  on  lui  attribue  la  paternité  me 
convainquent  qu'il  ne  cessait  de  broyer  du  noir! 

La  Commission  du  Musée  de  Bruxelles  en  connaissait  quatre  ; 
colle  du  Musée  de  Cologne,  quatre  autres.  Total,  huit  —  ou  plut6t 
quatre  couplées. 

La  vagabonderie  vacancière  m'a  entraîné  à  Francfort.  J'ai  visité 
au  galop  —  sans  catalogue,  pressé  par  l'heure,  —  l'intéressant 
Musée  de  l'Institut  Stsedel. 

L'on  y  voit  de  fort  belles  choses  et  une  curiosité  :  une  neuvièhe 
TÊTE  de  nègre  !  La  même  que  l'une  des  quatre  aux  85,000  francs  !  !  ! 

Ne  pourrait-on  pas  «  éclaircir  »  un  peu  ces  têtes  de  nègres  T 

Si,  pour  commencer,  on  priait  les  directeurs  .des  Musées  de 
Cologne  et  de  Francfort  de  dire  quand,  &  qui,  à  quels  prix  leurs 
têtes  de  nègres  ont  été  acquises?  Et  si  ces  messieurs  voulaient 
ajouter  quelques  renseignements  sur  les  origines  de  leurs  têtes  de 
nègres,  peut-être  parviendrait-on  à  savoir  si  ce  sont  les  leurs  ou 
les  nôtres  que  nous  devons  transformer  en  têtes  de  turcs  —  pour 
taper  dessus,  ferme. 

Votre  abonni, 
C. 


j^OTUtE  ^NVER^OipE 


«  Nous  nous  efforcerons  de  montrer  et  d'enseigner  &  tous  l'art 
dans  son  libre  et  progressif  épanouissement,  l'art  indépendant 
des  doctrines  et  supérieur  ii  toutes,  l'art  dans  ses  manifestations 


L'ART  MODERNE 


335 


aincères  et  respeclables,  sans  sacrifier  jamais  aux  hésitaiions  qui 
relardent  l'apparition  du  vrai,  aux  engouements  si  communs  au 
public  qui  le  déloamentdu  Beau.  » 

Nous  retrouvons  en  celle  fière  phrase  que  M.  Victor  Robijns 
prononçait  devant  ceux  qui  l'inslallaient  président  du  Cercle 
artistique  et  littéraire  les  intentions  belles  et  le  vouloir  probe 
qui  en  font  un  des  nôtres. 

Elle  rachète  un  peu  l'inconséquence  de  pareille  situation,  autant 
que  le  fait  aussi  la  naïveté  qui  l'illusionne  encore  sur  la  dignité 
des  Ruins  qui  ne  manqueront  pas  d'appliquer  les  précieuses  et 
certaines  manœuvres  abortives  dont  elles  disposent  au  programme 
qu'il  leur  confie. 

Nous  ne  voulons  pas  dissimuler  notre  réelle  tristesse  de  voir 
porter  en  dot  au  Cercle  artistique  une  ligne  de  conduite  pour 
laquelle  nous,  quelques-uns  seuls —  et  ailleurs  —  luttions  vigou- 
reusement. 

Mais  qu'importe,  après  tout  ;  la  lutte  nous  réserve  d'autres 
amertumes  que  celle  de  retrouver  un  ami  !i  la  léte  des  forces  qui 
nous  combattent.  Et  cette  situation  sera  plus  difficile  pour  lui  que 
pour  nous. 

N'en  déplaise  donc  à  personne  ;  nous  continuerons  nos  «  rail- 
leries et  sarcasmes  »;  n'en  déplaise  surtout  à  ceux  qui  écrivent 
que  malgré  l'hostilité  dans  laquelle  nous  nous  complaisons  «  nous 
sommes  tris  heureux,  à  l'occasion,  de  venir  conférencier  en  celle 
société  qui  sera  toujours  peut-être  le  principal  foyer  de  la  vie 
intellectuelle  à  A  nvers  »,  et  qui  savent,  aussi  bien  que  nous  pour- 
tant I  que  d'Aucuns  n'y  sont  venus  qu'à  la  suite  de  pressantes  solli- 
citations d'amis,  et  d'Autres,  dans  l'unique  espoird'un  cachet  qu'ils 
ont  été  très  désappointés  de  ne  pas  trouver  à  la  sortie. 

v.  D.  V. 


JEAN  JULLIEN 

Henry  Bauer  a  donné  de  Jean  Jullien  (<),  dont  la  Mer  vient 
d'obtenir  un  releniissanl  succès  in  l'Odéon,  la  silhouette  suivante  : 

C'est  un  grand  garçon  brun  aux  larges  épaules,  à  la  figure 
douce,  naïve  el  mélancolique,  i  la  démarche  embarrassée  de  géant 
timide.  Comme  beaucoup  d'hommes  de  haute  stature  et  de  force 
physique,  il  répugne  aux  mille  grimaces  de  la  société,  aux  hypo- 
crisies des  relations,  aux  puériles  complaisances  envers  les  indif- 
férents, et  cette  disposition  le  rend  gauche  et  inquiet  parmi  les 
assemblées  d'hôtes  inconnus.  Doué  d'une  activité,  d'une  combati- 
vité intellectuelle  et  physique  des  plus  rares,  il  trouve  de  la 
saveur  au  grand  péril  et  s'effarouche  des  mesquines  exigences 
sociales;  il  a  l'âme  d'un  poète,  le  vague  d'un  rêveur  et,  sorti  du 
songe,  embrasse  la  vie  d'une  observation  aiguë  et  impitoyable. 
De  cette  espèce,  Tolstoï  a  fixé  admirablement  le  type  dans  son 
Pierre  de  la  Guerre  et  la  Paix  ;  la  finesse  de  la  vision,  la  raison 
solide,  le  tourment  de  la  vérité,  la  pilié  attendrie,  la  bravoure 
physique  et  morale  dans  une  enveloppe  gauche  et  timide,  sans 
nulle  jobardise  pourtant,  ni  crédulité,  ni  complaisance  aux 
méchants. 

Notre  auteur  n'a  point  commencé  par  la  littérature;  à  ses 
débute  d'homme,  il  fut  ingénieur  en  une  fabrique  du  littoral 
breton,  non  loin  du  lieu  où  il  a  placé  l'action  de  la  Mer,  mais 
les  conditions  de  l'exploitation  industrielle,  la  répétition  mécani- 

(1)  Nous  avons  salué  avec  enthousiasme  l'apparition  de  son  superbe 
drame  le  Maître;  voir  TArt  moderne,  1890,  p.  97. 


que  d'une  même  besogne  le  dégoûtèrent  vile.  J'imagine,  comme 
le  penchant  des  hommes  s'accuse  dès  les  années  d'apprentissage, 
qu'il  aimait  mieux  l'observation  des  marins,  de  leurs  mœurs,  de 
leurs  habitudes  particulières,  de  leur  tempérament  acquis,  que  les 
combinaisons  de  la  chimie  industrielle.  Enfin, il  lâcha  t'ingénioral 
et  vint  à  Paris,  contemplateur  de  la  nature  et  de  la  vie,  pour  être 
auteur.  Il  fallut  dix  ans  pour  que  son  nom  fût  imprimé  sur  une 
affiche,  pour  que  son  premier  ouvrage  fût  représenté,  discuté, 
contesté.  Hais  le  débat,  la  discussion,  la  critique,  c'est  la  vie 
intellectuelle  toute  frémissante,  et  au  lendemain  de  la  Sérénade, 
il  se  prit  à  la  composition  du  Maître,  le  brave  artiste  ! 


LA  PÉRICHOLE 

Représentations  de  la  Scala  d'Anvers 

C'était  à  l'Alhambra,  cette  semaine,  qu'était  «  le  mouvement  », 
comme  disent,  dans  le  OU  Blas,  les  joyeux  écholiers.  Il  n'y  a 
pas  à  dire  mon  cœur  :  un  café-concert  de  province  a  battu  à 
plate  coulure  les  théâtres  les  plus  selected  de  Bruxelles.  Et  par  un 
prodige  que  nous  ne  chercherons  pas  à  approfondir,  ce  café- 
concert,  malgré  ses  décors  cocasses  et  sa  garde-robe  indigente, 
a  ressuscité  et  fait  bruyamment  applaudir  cette  vénérable  Péri- 
chole  qui,  depuis  des  ans  et  des  ans,  avait  été  rayée  des  affiches. 

Les  femmes,  les  femmes, 
Il  n'y  a  qu'ça! 
Tant  que  la  terre  tournera, 
Tant  qu&le  monde  durera!... 

Ce  sont  les  actrices  de  la  Scala  qui,  incontestablement,  ont 
remporté  cette  victoire.  Et  parmi  elles,  au  premier  rang, 
M'"  Lesœur,  qui  a  mis  dans  le  rôle  de  la  Périchole  une  vivacité, 
une  bonne  humeur,  un  talent  de  chanteuse  et  de  diseuse  peu 
ordinaires.  Piquillo,  c'est  M.  Vidal,  que  nous  avons  entendu 
jadis  aux  Galeries,  et  qui  a  conservé,  avec  sa  voix  de  fort  lénor, 
une  lourdeur  désastreuse. 

Ce  qui  fait  le  charme  des  représentations  données  par  la 
Scala,  c'est  l'homogénéité  de  la  troupe.  Les  rôles  accessoires  sont 
honorablement  tenus,  les  chœurs  sont  chantés  avec  ensemble,  le 
chef  d'orchesire  est  atlenlif  aux  répliques  et  soucieux  des 
nuances.  On  a  la  sensation  d'une  opérette  jouée  avec  soin,  — 
avec  le  soin  que  mettent  les  troupes  allemandes  â  faire  valoir  les 
partitions  légères  de  Franz  von  Suppé,  de  Cari  Millôcker  et  de 
Richard  Gênée. 

•  Seulement,  qu'on  n'aille  pas  voir  la  Périchole  d'Offenbacli  avec 
l'espoir  de  retrouver  en  cette  bouffonnerie  le  souvenir,  même 
lointain,  de  l'actrice  créée  par  Mérimée  que  personnifia  merveil- 
leusement, en  un  temps  reculé  où  il  y  avait  au  Théâtre  Molière 
des  matinées  littéraires,  la  sveltc  M"«  Sylviac. 


y^CCUpÉ?    DE    RÉCEPTION 

Nous  avons  reçu  les  volumes  suivants,  dont  il  sera  rendu  compte 
dans  nos  prochains  numéros  : 

La  femme-enfant,  par  Catulle  Mendès  (Paris,  Charpentier).  — 
Le  Vœu  de  vivre,  livre  IV  de  Dire  du  mieux,  par  René  Ghil  (Paris, 
publication  des  Ecrits  pour  VArt,  16bis,  rueLauriston).  —  Il  ne 
faut  pas  mourir,  dialogue  par  Jules  Bois  (Paris,  librairie  de  l'Art 
indépendant,  H,  rue  de  la  chaussée  d'Anlin).  —  Cliantefable  un 


336 


L'ART  MODERNE 


peu  naïve,  par  Alberl  Mockel  (Liège,  imprimerie  de  la  Wallonie). 
—  Vers  de  l'Espoir,  par  Maurice  Desombiaux  (Bruxelles,  Lacom- 
bicz).  —  Le  théâtre  de  R.  Wagner  de  Tannhâuser  à  Parsifal; 
Lohengrin,  essai  de  critique  lilléraire,  esthétique  et  musicale,  par 
Maurice  Kufferatli  (Paris,  Fischbacher  ;  Bruxelles,  Schotl  frère»  ; 
Leipzig,  Otto  Junné).  —  Les  Tourmentes,  poésies,  par  Feroand 
Clcrget  (Paris,  Bibliothèque  artistique  et  lilléraire,  rue  Bonaparte, 
31).  —  Les  Filles  d'Avignon,  par  Théodore  Aubanel  (Paris,  A. 
Savine).  —  La  Peur  de  la  Mort,  par  F.  de  Mon,  avec  préface  par 
Camille  Lemonnier  (Paris,  Savine),  etc. 

M.  H.  Buffcnoir  nous  adresse  une  notice  :  les  Russes  en  Asie 
(Paris,  E.  Pion,  Nourrit  et  C'),  qu'il  consacre  à  l'exposition  des 
collections  ethnologiques  rapportées  de  l'Asie  centrale  par 
M.  Henri  Moscr,  auteur  d'articles  sur  les  Turcomans  publiés 
dans  la  Revue  des  Deux- Mondes.  Citons  celle  remarque  :  «  Dans 
les  mœurs  de  l'Asie  centrale,  la  robe  de  chambre  joue  un  rôle 
important.  Elle  indique  le  rang,  la  naissance,  le  mérite  parmi  les 
dignitaires.  Ainsi,  pour  nous  faire  comprendre,  là-bas  M.  Renan, 
M.  Zola,  M.  Alphonse  Daudet  auraient  le  droit  de  porter  la  robe 
de  chambre  rehaussée  d'or  et  garnie  à  l'intérieur  du  poil  des 
plus  fins  renards  de  la  région.  M.  Georges  Ohnet  serait  autorisé 
seulement  à  en  revêtir  une  doublée  de  poil  de  lapin  ». 

A  l'occasion  de  l'inauguration  du  monument  élevé  à  Tournai  à 
feu  Louis  Gallait,  M.  Alexandre  Henné,  président  de  l'Académie 
d'archéologie  et  d'histoire,  a  publié  une  biographie  du  peintre (1), 
dans  laquelle  il  relate  nombre  d'anecdotes  intéressantes. 

«  Juste  objet  d'admir.ition  pour  ses  compatriotes,  grandement 
apprécié  par  l'étrangor,  dit  M.  Henné,  Gallait  fut  alors  (lorsqu'il 
vint  s'établir  à  Bruxelles,  en  1842,  après  son  voyage  en  Italie) 
négligé  par  l'administration  des  Beaux- A  ris.  Elle  avait  à  favoriser 
bien  d'autres,  oubliés  aujourd'hui!  » 

Ah  ça  !  Si  les  académiciens  eux-mêmes  s'en  mêlent!... 


Mémento  des  Expositions 

BiDAPEST.  —  Exposition  de  la  Société  hongroise  des  Beaux- 
Arts.  25  novembre  1891-25  janvier  1892.  Délais  d'envoi  :  notices, 
25  octobre  ;  œuvres,  10  novembre.  Deux  médailles  d'or  de  500  fr. 
chacune  seront  attribuées  l'une  à  un  artiste  hongrois,  l'autre  à  un 
artisic  étranger  (fondation  Auguste  Tréfori).  Gratuité  de  transport 
pour  les  œuvres  admises  par  le  jury.  —  Renseignements  :  Secré- 
tariat de  la  Société,  rue  Andrassy,  69,  Peslh. 

Chicago.  —  Section  des  Beaux-Arls  de  l'Exposition  universelle. 
l"  mai-30  octobre  1893  (voir  l'Art  moderne  du  11  octobre  1891). 

Paris.  —  Salon  de  1892  (Champs-Elysées),  1"  mai-30  juin. 
Délais  d'envoi  :  peinture,  14-20  mars;  dessins, aquarelles,  pastels, 
miniatures,  porcelaines,  émaux,  carions  de  vitraux,  14-16  mars; 
architecture,  2-6  avril;  pour  la  sculpture,  la  gravure  en  médailles 
et  la  gravure  sur  pierres  fines,  de  même  que  pour  la  section  de 
gravure  et  de  lithographie,  les  dates  ne  sont  pas  encore  fixées.  — 
Renseignements  :  F.  de  Vuillefroy,  secrétaire,  palais  de  l'Indus- 
trie, Champs-Elysées. 

—  Salon  de  l'Association  de  l'Ordre  du  Temple  de  la  Rose  f 
Croix  (Galeries  Durand-Ruel),  10  mars  1892.  —  Renseignements  : 
M.  Joséphin  Péladan,  rue  Pigalle,  24,  ou  comte  Antoine  de 
la  Rochefoucauld,  rue  d'Offémonl,  19. 

(1)  Bruxelles,  Ch.  Rozei,  brochure  de  23  pages. 


Petite  chroj^ique 

Eugène  Dbmolder,  l'auteur  des  Contes  iYperdamme,  ail- 
houelté  par  H.  Carton  de  Wiart  dans  la  dernière  livraiioo  du 
Magasin  littéraire  (1),  en  un  curieux  article  intitulé  Néo-mysti- 
citme  flamand  : 

«  Au  physique,  —  puisque  l'état  physique  est  une  fatalité  qni 
domine  toujours  quelque  peu  le  talent,  —  H.  Demolder  est  un 
homme  bien  portant.  C'est  Rabelais  à  vingt-huit  ans.  11  a,  d'ail- 
leurs, du  curé  de  Meudon,  la  grande  bonté  et  la  large  tolérance, 
et  une  naturelle  aversion  pour  aies  hypocrites,  les  traîtres  qui  re- 
«  gardent  par  un  pertuis,  les  cagots,  escargots,  matagols,  cafards, 
«  empantouflés,  papelards,  Chattemites  et  autres  telles  lectes  de 
«  gens  qui  se  sont  déguisées  comme  masques  pour  tromper  le 
u  monde.  »  Il  a,  comme  lui,  l'ingéniosité  du  style,  et  plus  que 
lui,  la  curiosité  fine  de  la  pensée. 

«  Ajoutez  à  cela  une  imagination  un  peu  bohème  dont  les 
opérations  doivent  heureusement  retremper  M.  Demolder  des 
soucis  excédants,  des  paroles  importunes  où  sa  noblesse  native 
doit  souvent  s'irriter,  dans  l'exercice  des  graves  fonctions  de 
l'ordre  judiciaire  qui  lui  sont  dévolues.  » 

Les  répétitions  de  Lohengrin  à  la  Monnaie  marchent  bien,  à  ce 
qu'on  nous  rapporte.  C'est  en  décembre  qu'aura  lieu  la  reprise 
de  cet  ouvrage,  dont  voici  la  distribution  : 

Lohengrin MM.  Lafarge. 

Frédéric  de  Teiramund Seguin. 

Le  roi Dinard. 

Le  héraut Béral. 

Eisa M""'  de  Nuovina. 

Ortrude Wolf. 

On  commence  aussi  i  préparer  les  représentations  d'Armide, 
dont  les  rôles  principaux  seront  créés  par  M"*  de  Nuovina  et 
M.  Lafarge. 

En  attendant  ces  représentations  à  sensation,  la  Monnaie 
reprendra  mercredi  prochain  Salammbô  avec  la  distribution  de 
l'année  passée,  sauf  pour  les  rôles  d'Hamilcar  et  de  Spendius  qui 
seront  chantés  par  MM.  Seguin  et  Badiali.  Elle  annonce  en  outre 
la  reprise  de  Carmen  et  de  Don  Juan, 

A  propos  de  Lohengrin,  ij  est  intéressant  de  donner  la  liste  des 
principales  traductions  qui  en  ont  été  publiées  : 

En  français  :  Traduction  de  Ch.  Nuitler.  —  Paris,  E.  Denlu, 
édit.  1870.— Traduction  de  Victor  Wilder.  —  Breitkopf  et  Hfirtel, 
1889. 

En  italien  :  Traduction  de  Salvalore  de  C.  Marchesi.  —  Milan, 
Francesco  Lucca,  édit.  1868. 

En  suédois  :  Traduction  de  Frans  Hedberg.  —  Stockholm, 
Albert  Bonnières,  édit. 

En  danois  :  Traduction  de  Adolphe  Hertz.  —  Copenhague, 
J.-H.  Schubolih,  édit.  1870. 

En  anglais  :  Traduction  de  Naialia  Hacfarren.  —  Londres, 
Novello,  Ewer  et  C'«,  édit. 

En  hongrois  :  Traduction  de  Gustave  Ormai  Fereocz.  —  Pesth, 
Ferdinand  Pfeifer,  édit.  1871. 

En  russe  :  Traduction  de  Constantin  Zwanzon.  —  Saint-Péters- 
bourg, Edouard  Roppe,  édit.  1874,  187S. 

(1)  Siffer,  éditeur,  rue  Haut-Port,  52  et  54,  Oand.  Parait  le  15  de 
chaque  mois.  AJjonnementi:  Belgique,  10  francs,  Etran^r,  12  franc*. 


LART  MODERNE 


337 


En  espagnol  :  Traduction  de  T.  Gorchs.  —  Barcelone,  Gorchs, 
édil.  1884. 

En  tchèque  :  Traduction  de  V.-J.  Novoinij.  —  Prague, 
A.  Urbanek,  édit.  1882. 

En  polonais  :  Traduction  de  Aurolego  Urbiinskiego.  —  Lwôw, 
J.  Dobrzanskiego,  édil.  1877.  —  Traduction  de  L.  Matuszuskiego. 
—  Varsovie,  Ladislas  Banarskiego,  édit.  1878. 

Les  recettes  de  Lohengrin  à  Paris  : 

Les  dix  premières  représentations  ont  produit  exactement 
fr.  206,991-24,  soit  une  moyenne  de  fr.  20,699-12  par  représen- 
tation, malgré  les  services  de  presse,  qui  ont  réduit  la  recette 
des  deux  premières  à  15,891  francs  et  18,682  francs. 

Le  Théâtre  Molière,  qui  vient  de  reprendre  le  Voyage  de 
M.  Perrichon,  la  très  amusante  comédie  de  Labiche,  annonce 
pour  jeudi,  vendredi,  samedi  et  dimanche  prochain  des  représen- 
tations extraordinaires  données  par  M™  Judic  et  sa  troupe.  On 
jouera  Lili,  Divorçons  et  Afam'xelle  Nitouche. 

Le  Club  tymphonique  a  repris,  lundi  dernier,  ses  séances 
hebdomadaires,  en  son  local,  rue  Bodenbroeck,  n"  3. 

Fondé  en  1889,  il  entre  dans  sa  troisième  année  d'existence  cl 
d'activité.  Les  diverses  auditions  organisées  au  cours  des  cam- 
pagnes passées  témoignent  hautement  du  zèle  et  des  excellentes 
dispositions  qui  animent  tous  les  membres  de  la  société. 

Sous  l'habile  direction  de  M.  Emile  Agniez,  ils  ont,  à  plusieurs 
reprises  fait  leurs  preuves  devant  un  public  choisi  dont  l'accueil 
a  été  des  plus  bienveillants.  Leurs  efforts  patients  et  soutenus  leur 
ont  valu  de  la  part  de  musiciens  éminents  de  précieux  encourage- 
ments et  des  marques  de  sincère  sympathie. 

Bien  qu'il  y  ait  lieu  de  se  féliciter  des  résultats  obtenus  en  si 
peu  de  temps,  encore  l'œuvre  entreprise  reste-t-elle  susceptible 
de  grands  progrès.  La  propagande  du  Club  tymphonique  tend  à 
la  constitution  d'un  orchestre  de  plus  en  plus  nombreux  et 
complet  el,  ii  cet  cffiet,  il  fait  appel  à  toutes  les  bonnes  volontés. 
Les  nouveaux  adhérents  sont  priés  de  s'adresser  à  M.  R.  Vaulhier, 
secrétaire,  rue  Bréderode,  47,  k  Bruxelles. 

A  la  dernière  assemblée  générale  de  la  Société  de  musique 
d'Anvers,  il  avait  été  décidé  que  la  Société  de  musique  suspen- 
drait provisoirement  ses  travaux. 

A  la  suite  d'un  appui  généreux  qui  s'est  offert  depuis,  elle  vient 
d'être  mise  à  même  de  reprendre  ses  études,  el  se  propose  l'orga- 
nisation de  quatre  concerts  à  grand  orchestre  pendant  la  nouvelle 
année  sociale.  ^^^  • 

Nous  avons  annoncé  naguère  là  fondation  de  la  Rose  f  Croix 
esthétique  (1)  et  publié  le  mandement  par  lequel  Joséphin  Péla- 
dan  fait  connaître  cette  œuvre  au  public.  Aujourd'hui,  le  groupe- 
ment est  fait,  après  de  nombreux  tiraiilemenis,  et  le  Salon  de  la 
Rose  t  Croix  s'ouvrira  à  Paris  le  10  mars.  Sa  tendance  : 
«  Insuffler  dans  l'art  contemporain  et  partout  dans  la  culture 
esthétique  l'essence  ihéocratiquc ,  voilà  notre  voie  nouvelle. 
Ruiner  la  notion  qui  s'attache  à  la  bonne  exécution,  éteindre  le 
dilettantisme  du  procédé,  subordonner  les  arts  à  l'Art,  c'est-à- 
dire  rentrer  dans  la  tradition  qui  est  de  considérer  l'idéal  comme 
le  but  unique  de  l'eff'ort  architectonique  ou  pictural  ou  plasti- 
que ». 
Parmi  les  adhérents,  citons  MM.  A.  Séon,  F.  Khnopff,  M.  Denis, 

(1)  Voir  lArt  Moderne  du  28  juin  1891. 


Egusquiza,  H.  Martin,  L.-O.  Merson,  0.  Redon,  et  les  sculpteurs 
Dampt  el  Pézieux. 

u  En  somme,  dit  la  Jeune  Belgique,  un  u  à  l'instar^»  du  Salon 
des  XX,  organisé  par  un  Octave  Maus  qui  serait  du  midi.  » 

Tournai  a  dignement  fêté  le  jubilé  de  25  ans  du  directeur  de 
son  Académie  de  musique,  M.  Maurice  Leenders,  un  musicien  de 
valeur  estimé  à  la  fois  comme  virtuose,  comme  compositeur  et 
comme  professeur.  Une  centaine  de  convives  ont  pris  part  au 
banquet  off'ert  au4ubilaire  Parmi  eux,  MM.  Eugène  Ysaye,  César 
Thomson,  Mesdagh,  Wilford,  Bauwens,  Emile  Périer,  Nevejans, 
Beyer,  Krein,  etc. 

5. M.  Delville,  président  de  V Association  philanthropique  des 
artistes  viusiciens  a,  dans  une  allocution  chaleureuse,  porté  la 
santé  de  M.  Leenders  dont  il  a  retracé  la  brillante  carrière. 
M.  Emile  Delrue  a  parlé  au  nom  des  anciens  élèves  du  jubilaire, 
M.  Eugène  Ysaye  au  nom  de  ses  amis.  On  a  offert  à  M.  Leenders 
son  portrait  par  M.  Chanlry,  professeur  à  l'Académie  de  dessin 
de  Tournai. 

MM.  Gevaerl,  Radoux,  Samuel  et  Peter  Benoit  ont  envoyé  des 
télégrammes  par  lesquels  ils  félicitaient  l'artiste  et  s'associaient 
à  la  manifestation  dont  il  éiail  l'objet. 

La  veille,  la  Société  des  Orphéonistes  avait  offert  au  directeur 
de  l'Académie  un  bronze  d'art  dont  le  sujet  est  emprunté  au 
tableau  de  Louis  Gallait  :  Art  et  liberté.  C'est  au  local  do  cette 
société,  en  un  raout  animé  et  cordial,  que  s'est  clôturée  cette 
journée  de  fête. 

La  saison  théâtrale  de  Bayreuth  a  éié  brillante  cette  année. 
Elle  a  produit,  dit  la  Cronaca' d'Arie,  de  600,000  à  800,000  fr., 
ce  qui  couvre,  et  bien  au  delà,  les  frais  des  représcntaiions.  (La 
mise  en  scène  de  Tannhàiiser  a  coûté  400,000  francs.)  Pour  la 
première  fois  depuis  l'inauguration  du  théâtre,  la  salle  a  été 
entièrement  louée  pour  chacune  des  vingt  représeniations. 

On  parle  déjouer  l'an  prochain  Parsijnl,  Tannhâuser,  Tristan 
et  Yseult  et  les  Maîtres-Chanteurs. 

Dans  le  Mercure  de  France  d'octobre  (1),  M.  Sainl-Pol-Roux 
prêche  la  bonne  croisade  des  Jeunes  contre  les  Vieux  et  adjure 
tous  les  chefs  de  la  littérature  nouvelle  à  faire  trêve  aux  querelles 
intestines,  à  s'unir  contre  l'ennemi  commun. 

(1)  Alfred  Valette,  rédacteur  en  chef,  rue  de  l'Echaudé-Saint-Oer- 
main,  15,  Paris.  —  Parait  tous  les  mois.  —  Abonnements  :  France, 
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DiBiANCHB  25  Octobre  1891- 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CaraQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,    un   an,    fr.   10.00;  Unioa   postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES   :    On   traite   à   forfait. 

Adresser  toute*  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


Au  riBD  DU  MUR.  —  Chantefable  ln  peu  naïve,  par  A.  Mockel. 
—  La  p«dr  de  la  moht,  par  François  de  Nion.  —  Enquête  sur 
l'Évolution    littébaire.    M.  Charles  Henry.  —   Cueo.sique  judi- 

CIAniE   DES    ARTS.    —    PkTITE   CBRONIOUE. 


AU  PIED  DU  MUR 

Nous  lisons  dans  la  Libre  Critique  du  18  octobre 
1891,  à  propos  à'Art  et  Liberté  de  Louis  Oallait  et 
d'une  étude  d'un  académicien  : 

«  Appert  aussi  de  cette  très  intéressante  étude  que  : 
de  ce  temps,  comme  de  nos  jours,  la  direction  des 
Beaux-Arts  était  régie  par  des  Esthètes  gouvernemen- 
taux rondecuirés,  on  ne  peut  plus  à  la  hauteur  de 
leurs  fonctions!!!  Art  et  Liberté  nous  en  donne  un 
exemple  frappant  :  refusé  à  6,000  francs  pour  être 
acheté  quelques  années  plus  tard  50,000  francs. 

«  Gaffeurs  alors  comme  de  nos  jours,  les  ronds  de 
cuir!  Que  voulez-vous  de  la  direction  des  Beaux- Arts? 
C'est  l'éternellement  semblable  renouvellement  du 

•  //  fallait  un  calculateur,  on  prit  un  danseur.  - 

Dans  notre  numéro  du  23  août  dernier,  nous  avions 
déjà  raconté  qu'un  membre  de  la  Commission  des  Beaux- 
Arts  était  allé  à  Vienne  acheter  pour  55,000  francs 


(plus  les  frais  de  voyage)  Art  et  Liberté  de  Gallait, 
qu'on  aurait  pu,  disions-nous,  acquérir  en  Belgique  pour 
une  somme  beaucoup  moindre.  Cette  somme  beaucoup 
moindre  était  donc  6,000  francs. 
Dont  coût  pour  les  contribuables  : 

Quarante- quatre  mille  francs!!! 

D'un  autre  côté,  nous  recevons  la  lettre  suivante  : 

Bruielles,  le  21  octobre  1891. 

Monsieur  i.e  Rédacteur  de  ï Art  moderne. 

Dans  le  dernier  numéro  de  voire  très  eslimé  journal,  il  a  él6 
question  des  prix  donnés  par  la  Commission  du  Musée  de 
peinture  de  Bruxelles  pour  les  «  TlHcs  de  nègres  »  de  Rubens  et 
l'esquisse  de  Lcys. 

Ceci  est  plus  fort  : 

La  «  Songeuse  »  de  Macs  a  été  acquise  pour  la  somme  de 
65,000  francs  de  M.  L.  Gauchez,  dit  Mancino,  fournisseur  attitré 
du  Musée  de  Belgique,  le  seul  marchand,  dans  le  monde  entier, 
avec  M.  Bourgeois  bien  entendu,  qui,  au  dire  de  la  Commission, 
possède  et  présente  de  beaux  tableaux  bien  authentiques. 

Or,  le  tableau  en  question  était  exposé  depuis  longtemps  dans 
Bond  slrcel,  à  Londres.  Je  l'y  ai  vu.  On  en  demandait  vainement 
1,000  livres  sterling,  soit  25,000  francs,  lorsque  M.  Gaucliez  le 
découvrit. 

Celui-ci  n'a  pas  l'babilude  de  faire  des  gaucheries,  tout  le 
monde  sait  cela.  Il  le  prouva  bien.  Acheter  le  tableau  et  le  faire 
accepter  par  la  Commission  du  Musée  fui  affaire  facile. 


,  i?  ;; 


340 


L'ART  MODERNE 


Dont  coût  pour  les  contribuables  :  40,000  francs. 

Plus  fort  que  cela: 

Le  Musée  possède  un  tableau  de  fleurs  de  l'école  espagnole.  Il 
fut  exposé  dans  une  vente  publique,  annoncée  par  catalogue,  k 
Bruxelles  même,  dans  la  salle  de  M.  De  Brauwere,  galerie  S'-Luc. 
La  Commission  alla  voir.  Le  tableau  fut  retiré  à  80  francs  faute 
d'amateur. 

Sur  les  conseils  d'une  personne  qui  connaissait  de  longue  date 
la  valeur  de  la  Commission,  le  propriétaire  du  tableau  le  présenta, 
avec  un  joli  cadre  bien  redoré,  au  Musée  qui  l'acheta  1,300  francs, 
soit  plus  de  seize  fois  le  prix  auquel  il  aurait  pu  l'acquérir! 

Je  ne  sais  si  ces  choses  ont  déjà  élé  signalées   par  vous. 
Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  bon  de  les  dire  et  de  les  répéter  pour  bien 
montrer  ù  quelles  gens  l'art  ancien  est  livré  k  Bruxelles. 
Agréez,  etc. 

En  somme  —  voilà  bientôt  six  mois  que  chaque 
dimanche,  nous,  et  quelques  correspondants  indignés 
comme  nous,  demandons  compte  aux  Commissions  des 
Beaux-Ârts  de  l'usage  maladroit  qu'elles  font  des 
deniers  publics. 

La  presse  a  protesté  avec  nous.  Le  public  est  sym- 
pathique à  notre  campagne.  Et  voyez  ce  qui  est  arrivé  : 

Ces  messieurs  de  la  place  du  Musée  n'ont  pas  donné 
signe  de  vie  ! 

Eh  bien  !  —  là  bas,  vous,  les  assis  officiellement  sur 
des  ronds  de  cuir,  les  teneurs  de  livres  de  l'art  acadé- 
mique —  allez-vous  donc  répondre  à  la  fin  et  vous 
expliquer  ? 

Vous  savez  —  vous  n'êtes  ni  inamovibles,  ni  irres- 
ponsables. Vous  êtes  des  fonctionnaires.  Vous  êtes  à  la 
solde  du  pays  dont  nous  faisons  partie. 

Ah!  vous  avez  sans  doute  la  morgue  facile  du  fonc- 
tionnaire parvenu  et  calé,  qui  s'imagine  que  ce  ne  seront 
pas  des  articles  de  presse  qui  le  jetteront  bas  !  Et  vous 
méprisez  donc  l'opinion  publique,  que  vous  ne  cherchez 
pas  à  vous  justifier?  Eh  bien!  alors,  c'est  l'opinion 
publique  qui  vous  exécutera.  Et  nous  crierons,  et  nous 
protesterons,  et  nous  guerroyerons,  jusqu'à  ce  que 
justice  soit  faite!  Les  marchands  hors  du  Temple  !  Les 
bureaucrates  hors  de  l'Art!  Les  incapables  hors  des 
Musées! 

Tâchez  de  répondre  aux  questions  qui  suivent,  et  si 
nous  n'avons  pas  d'explications,  on  pourra  considérer 
comme  vérité  tout  ce  qui  s'y  trouve  dit  et  vous  appa- 
raîtrez tous  inaptes  à  continuer  les  fonctions  qu'un  pays 
aveugle  et  arriéré  vous  a  confiées  et  que,  jusqu'ici,  il 
n'a  pas  surveillées  d'assez  près. 

Première  question.  —  Est-il  vrai  que  le  déménage- 
ment du  Musée  ancien  a  coûté  80,000  francs,  alors  que 
n'importe  quel  entrepreneur  eût  opéré  ce  travail  pour 
25,000?  Gaspillage  net  :  55,000  francs.  (Voir  Art 
moderne,  21  juin.) 

Deuxième  question.  —  Est-il  vrai  (\ii'Ârt  et  Liberté 
de  Louis  Gallait  a  été  acheté  à  Vienne  50,000  francs. 


alors  qu'on  eût  pu  l'avoir  ici  pour  6,000  francs?  Gaspil- 
lage net  :  44,000  francs.  (Voir  Art  moderne,  23  août, 
25  octobre.) 

Troisième  question.  —  Est-il  vrai  que  vous  avez 
acheté  pour  180,000  francs  la  Peste  de  Tournai  de 
Gallait,  alors  que  le  Musée  possédait  17  tableaux  de  Gal- 
lait, que  Gallait  était  riche,  et  que  de  l'avis  de  tous  les 
peintres  la  Peste  de  Tournai  est  un  mauvais  tableau  ? 
Gaspillage  net  :  180,000  francs.  (Voir  Art  moderne, 
21  juin,  10  juillet.) 

Quatrième  question.  —  Est-il  vrai  que  vous  n'avez 
pour  ainsi  dire  rien  acheté  de  leur  vivant  à  Hippolyte 
Bonlenger,  Louis  Dubois,  De  Braeckeleer,  Artan,  des 
gloires  maintenant  reconnues  même  par  vous,  les 
myopee?  Veuillez  dire  à  qui  tous  avez  acheté  leurs 
tableaux  qui  sont  au  Musée,  quand  et  à  quel  prix, 
afin  qu'on  puisse  se  rendre  compte  du  montant  du  gas- 
pillage. (Voir  Art  moderne,  19 juillet.) 

Cinquième  question.  —  Est-il  vrai  que  l'esquisse  de 
Leys  a  été  achetée  à  M.  Brams,  marchand  à  Paris, 
pour  5,000  francs  et  que  celui-ci  venait  de  l'acheter  lui- 
même  pour  1,500  francs  à  l'Hôtel  des  Ventes  de 
Bruxelles  où  elle  était  exposée  depuis  six  mois?  Gaspil- 
lage net  :  3,500  francs.  (Voir  Art  moderne,  19  juillet, 
18  octobre.) 

Sixième  question.  —  Est-il  vrai  que  la  Commission 
du  Musée  achète  quasi  tons  ses  tableaux  à  un  même 
marchand,  M.  Gauchez  (lequel  prend  parfois  le  pseudo- 
nyme de  Mancino),  et  pourquoi?  (Voir  Art  moderne, 
21  juin,  26  juillet. 

Septième  question.  —  Pourquoi,  depuis  1882,  les 
prix  des  tableaux  ne  sont-ils  plus  indiqués  an  catalogue 
du  Musée  ancien?  (Voir  Art  moderne,  21  juin.) 

HumÈME  question.  —  Est-il  vrai  que  M.  Gauchez  a 
vendu  au  Musée  ce  tableau,  que  nous  trouvons  mauvais, 
comme  tout  le  monde  d'ailleurs,  attribué  à  Rubens  : 
la  Vierge  et  V Enfant  Jésus  —  et  ce  pour  75,000  fr.î 
Que  pense  la  commission  de  l'avis  de  certains  experts 
qui  attribuent  ce  tableau  à  Van  Baelenf  La  Commission 
sait-elle  que  la  Gazette  de  l'Hôtel  Drouot  a  estimé  ce 
tableau  2,000  francs.  Gaspillage  net  :  73.000  francs. 
(Voir  Art  moderne,  21  juin,  5  juillet,) 

Neuvième  question.  —  Savez-vous  que  ce  glaireux 
et  épais  Rubens  :  la  Chasse  d'Atalante,  acheté  par 
vous  —  pourquoi?  —  25,000  francs  à  M.  Gauchez,  était 
vendu  9,000  francs  quelques  mois  avant  dans  une  vente 
à  Londres?  Gaspillage  net  :  16,000  francs.  (Voir  Art 
moderne,  21  juin.) 

Dixième  question.  —  Savez-vous  que -le  Paysage  de 
Lucas  Gassel,  acquis  récemment,  est  un  tableau 
presque  entièrement  repeint?  Gaspillage  net  :  10,000  fr. 
(Voir  Art  moderne,  21  juin.) 

Onzième  question.  —  Vous  connaissez  peut-être 
Roelant  Savery,  un  peintre  courtraisien,  très  célébré 


L'ART  MODERNE 


341 


dans  les  musées  de  Hollande  et  pas  représenté  ici? 
Savez-vous  qu'à  une  vente,  à  Bruxelles,  M.  Girod, 
pn^riétaire  du  Grand  Hôtel,  a  acheté  un  beau  Savery 
1,300  francs  et  l'a  revendu  5,000  francs  au  Musée  de 
Courtrai?  (Voir  Art  moderne,  21  juin,  26  juillet.) 

Douzième  question.  —  Savez-vous  que  le  Lucas  de 
Leyde  :  le  Bal  de  Marie-Madeleine,  est  faux  î  Con- 
naissez-vous l'opinion  de  M.  Bredius  à  son  sujet?  Gas- 
pillage net  :  11.000  francs.  (Voir  Art  moderne,  26  juil- 
let, 9  août.) 

Treizième  question.  —  Connaissez-vous  aussi  l'opi- 
nion du  même  M.  Bredius  —  un  critique  compétent, 
celui-là  —  sur  la  Vieille  Femme  de  Rembrandt,  que 
vous  avez  achetée  105,000  francs?  Il  soutient  et 
démontre  que  ce  n'est  pas  un  Rembrandt  et  beaucoup 
de  personnes  sont  de  cet  avis.  Gaspillage  :  105,000  fr. 
(Voir  Art  moderne,  21  juin,  26  juillet.) 

Quatorzième  question.  —  Est-il  vrai  que  vous  avez 
acheté  pour  50,000  francs  le  Cabaret  d'Ostade  à 
M.  Gauchez  et  que  le  ministre  a  refusé  pendant  quel- 
ques jours  de  ratifier  cet  achat  qu'il  considérait  comme 
peu  raisonnable  ?  Savez-vous  qu'un  Ostade  aussi  beau  a 
été  vendu  7,100  francs  à  la  récente  vente  Buisseret? 
Gaspillage  net  :  40,000  francs.  (Voir  Art  moderne, 
26  avril,  3  mai,  21  juin,  28  juin.) 

Quinzième  question.  —  Les  Têtes  de  nègres  sont- 
elles  un  Rubens  ou  bien  une  copie  d'un  Van  Dyck,  par 
Henri  Regnault?  Savez-vous  que  le  même  tableau, 
attribué  à  Van  Dyck,  se  trouve  au  Musée  de  Cologne? 
Savez-vous  que  le  nôtre,  que  vous  avez  acheté 
80,000  francs,  a  été  vendu  quelque  temps  avant  pour 
40,000?  Gaspillage  net  :  40,000  francs.  (Voir  Art 
moderne,  21  juin,  28  juin,  11  octobre,  18  octobre.) 

Seizième  question.  —  Est-il  vrai  que  M.  Gauchez  a 
acheté  la  Songeuse  de  Maes  25,000  francs  à  Londres, 
où  ce  tableau  a  été  exposé  très  longtemps  à  vendre 
pour  1,000  livres  sterling  et  que  vous  l'avez,  vous, 
acheté  65,000  francs?  Gaspillage  :  40,000  francs. 

Dix-septième  question.  —  Est-il  vrai  que  vous  avez 
acheté  pour  1,300  francs  un  tableau  de  fleurs  de  l'école 
espagnole  que  vous  auriez  pu  avoir  pour  80  francs, 
dans  une  vente  à  Bruxelles  où  il  fut  adjugé  pour  cette 
bagatelle.  Gaspillage  :  1,220  francs. 

Dix-HumÉME  question.  —  Est-il  vrai  qu'ayant 
acheté  le  Quentin  Metsys  200,000  francs,  vous  l'avez 
fait  restaurer  pour  une  somme  de  25,000  francs  par  un 
barbare  qui  l'a  poncé,  gratté  et  repeint  sauf  les  visages 
et  les  mains.  Gaspillage  :  25,000  francs  et  dépréciation 
énorme  de  l'œuvre.  (Voir  Art  moderne,  6  septembre.) 

Dix-NEUViÈME  question.  —  Comment  procédez-vous 
quand  vous  faites  restaurer  un  tableau?  A  qui  confiez- 
vous  ce  soin?  Surveillez-vous  la  besogne  qui  se  fait? 

Vingtième  question.  —  Avez-vous  conscience,  qu'en 
ces  matières  de  nettoyage,  vous  avez  abimé  le  Portique 


dun  Palais  de  Dirk  Van  Delen?  (Voir  Art  moderne, 
28  juin). 

Voilà,  en  résumé,  dans  notre  campagne,  vingt  ques- 
tions posées  aux  Commissions  des  Beaux- Arts  et  des 
Musées.  Nous  en  laissons  d'autres  de  côté.  Nous  ne 
parlons  ni  du  prix  do  la  décoration  du  palais  des 
Beaux-Arts  (voir  Art  moderne,  26  juillet),  ni  des  infa- 
mies du  Musée  moderne,  ni  de  l'envoi  d'un  jeune  artiste 
en  Italie  pour  copier  des  fresques  qui  n'existent  pas... 

Mais  dans  ces  vingt  questions,  il  s'agit  de  quatorze 
tableaux,  et  nous  trouvons  pour  quatorze  tableaux 
un  gaspillage  de  643,720  francs,  gaspillage  dû,  soit 
au  favoritisme  envers  certains  peintres  officiels,  soit  à 
l'ignorance  d'une  commission  qui  ne  sait  pas  distinguer 
un  bon  tableau  d'un  mauvais,  soit  aux  combinaisons 
de  certains  marchands,  soit  à  l'incurie  de  fonctionnaires 
qui  ne  se  dérangent  pas  pour  assister  à  des  ventes. 

Et  que  répondez-vous  pour  vous  défendre?  Ah!  il 
en  est  beaucoup  parmi  vous  qui  n'assistent  pas  aux 
séances,  soit  parce  qu'ils  habitent  Paris,  soit  parce 
qu'ils  «  se  font  vieux  »,  soit  par  indifférence.  On  sait 
que  Louis  Gallait,  qui  faisait  partie  de  cette  fameuse 
commission  sans  assister  jamais  à  ses  réunions,  protesta 
violemment  et  se  mit  fort  eu  colère  —  mais  que  trop 
tard!  —  quand  on  lui  montra  le  pseudo-Rembrandt 
qu'on  venait  d'acheter.  Et  dernièrement  un  membre  de 
la  commission  actuelle  du  Musée  a  dit  que  l'Ostade 
acheté  50,000  francs  n'en  valait  pas  20,000! 

Mais  peu  nous  importe!  Nous  voyons  le  musée  que 
Fromentin  a  tant  loué  envahi  par  des  toiles  douteuses, 
nous  voyons  gaspiller  des  sommes  fabuleuses,  nous 
sommes  honteux  de  notre  Musée  moderne  : 

IL  FAUT  QUE  CELA  CESSE  ! 

Répondez  donc  !  Expliquez-v  ous  !  Et  si  vous  ne  savez 
ni  répondre,  ni  vous  expliquer,  démissionnez  —  démis- 
sionnez tous,  en  bloc,  commissions  et  directeurs,  con- 
servateurs et  secrétaires,  c«ux  qui  achètent,  ceux  qui 
exposent  —  tous!  Vous  ne  savez  pas  ce  que  c'est  l'Art! 
Vous  êtes  aveugles,  impuissants,  momifiés! 

Et  notez  ceci  : 

Si  vous  ne  voulez  ni  vous  expliquer,  ni  démissionner, 
vous  essuyerez  d'autres  attaques  que  celles  de  chroni- 
queurs d'art  et  d'esthètes  : 

Nous  tenterons  de  faire  faire  leurs  devoirs  aux 
députés  des  Chambres  et  nous  demanderons  vigoureuse 
justice  à  un  ministre  qu'on  dit  résolu  à  bien  faire. 


CHANTEFABLE  UN  PEU  NAÏVE 

par  A.  MocKiL. 

N.  Morkel,  en  parlant  de  son  livre,  emploie  lui  même  le  mot 
unique  clcnracliïrisliquc  et  nous  épargne  ainsi  la  diflicullé  de  la 
trouvaille. 

Il  dcril  ;  «  Quant  au  pri^ludc  musical  destiné  !i  fixer  l'almo- 
spli^rc  de  ce  drame » 

En  effet,  comme  cerlains  recueils,  érios  récemment  des  rôves 
(les  poètes,  rcliii-ci  est  un  drame,  limité  en  panneau  pour  faire 
partie  un  jour  d'un  polyptique  qui  sera  l'œuvre  entière.  Celte 
œuvre  divisée  comme  tels  volets  gothiques  en  plusieurs  scènes, 
en  plusieurs  époques  d'c«prii  et  de  cœur,  nous  livre  la  nature 
et  la  personnalité  de  l'auteur  autant  que  n'importe  quelle  mono- 
graphie. Elle  suscite  les  différentes  phases  de  vie  interne,  par  les- 
quellc.n  le  poète  a  passé,  phases  de  désir,  de  volonté,  de  songe 
cl  d'éludé,  que  tous  ceux  qui  vivent  &  celte  heure,  en  l'atmo- 
sphère inicllcciucllo  de  ce  temps,  ressentent  ou  ont  ressenti. 
L'inlércH  suprême  du  livre  sera  de  voir  à  quel  poinçon  M.  Mockel 
a  marqué  l'or  de  la  vie  artiste,  qu'il  a  tirée  des  mines  philoso- 
phiques, passionnelles  ou  esthétiques  ouvertes  fa  nous  tons. 

Chantefable  un  peu  nnlve  s'ouvre  et  se  ferme  par  quelques 
pages  de  prose,  od,  de  quelques  circonstances  de  vie  se  suscitent 
des  idées  synthétiques  apparentées  fa  celles  que  les  pages  de 
vers  éveillent  au  cerveau  du  lecteur.  Un  préambule,  exprimé  en 
musique,  devrait  de  son  atmosphère  baigner  le  livre  entier. 

Ne  nous  occupons  que  des  poésies. 

Et  c'est  d'abord  la  prime   enfance  —  Ingénuité  —  qui   se 

gazouille  en  dos  syllabes  —  gouttes  d'eau  qui  tomberaient  d'une 

branche,  dans  l'eau  —  avec  évocations  fabuleuses,  par  la  forêt  et 

près  des  sources,  de  la  cristalline  fée  l.aztili,  toute  de  puérile  cl 

miroitante  fraîcheur.  Puis  V Adolescence  timide  encore,  quoique 

(léj^  sonore  : 

Allci:  petits  iliVsirs  Apnnoiiis  de  pures 
(lélici's,  nllfli  les  timides,  vers  ce  mystère  : 
l'nuniro  i»  l'Orient  aomant  ses  dréhirures 
vilii'nnto  s'inairuic  nu  tuimilto  d'obscure 
ili'Tinito  ;  telair  d'Apec  qu'ëUi^risc  un  scintil, 
elloi'rijfp  ses  mille  ai^reltes  ndnmnntines 
cl  bannit  do  vos  yeux,  comme  elle  In  lutine, 
idéollo  en  jeux  d'or  une  terreur  mutine 
nux  Iningcs  inflnios  qu'une  Iris  illumine. 

Dans  Y  Autour  de  soi  les  clairons  vers  l'action  retentissent. 
1,'oxtéricur  fait  par  les  yeux  dans  l'ilme  du  poète  entrer  une  inva- 
sion do  bruit  cl  de  couleur  cl  c'est  l'inéluctable  élan  vers  les' 
vagues  conquêtes.  Actions  qu'on  rêve  et  visions  hautaines. 

Rejfnnle!  le  soleil  aux  ors  d'une  verrière 

«'merveille  son  irradi.inl  cri  de  roi  : 

»n  ton  *me  où  s'éveille  une  enfance  en  prière 

le  teste  de  l'Arohnnjfe  n  sommé  ton  effroi 

d'Anneor  nu  lénilli  l'arc  de  In  Joie  nltière 

mnir  toi-même  èplover  .soudain  comme  un  orfroi 

le  chant  vnste  où  fuigure  une  Aile  de  lumière. 

De  nouvelles  pensées,  de  nouvelles  fièvres  de  cœur,  d'ioappa- 
nica  jusqu'fa  ce  jour  [tassions  ou  fragments  de  passions,  d'iné- 
dites transes  ou  joies,  ce  livre  ne  nous  les  apporte  point.  Son 
originalité  est  dans  la  présentation  et  l'évocation  des  choses, 
dans  la  conduite  des  thèmes  cl  des  visions,  dans  l'impression 
d'avoir  écoulé  comme  dos  sources  musicales  qui  chantent  à 
niainlc  p.igo.  Oli!  la  forme  de  M.  Mockel  est  bien  s^iéciiile, 

Il  a  des  phrases  ductiles,  saulillantes  comme  des  cascatclles, 
sonores  d'un  bruit  de  lumière  et  d'imu  ;  sons  do  flûtes  et  de  crislal. 


ténuité  de  toile  d'araignée  couverte  de  rosée,  aurorales  et  sylvestres 
vocalises.  Hais  aussi  —  d'après  le  sqjet  —  phrases  d'éclat  et  de 
violence,  colorées  de  vocables,  voix  de  fer  el  de  pierre,  cris 
d'acier  et  d'or. 

Nous  le  préférons  noialeur  subtil  de  musiques  fraîches  et 
douces  que  marteleur  de  glaives  el  de  cuirasses. 

La  langue  de  lA.  Mockel,  pour  rester  musicale,  n'est  que  rare- 
ment ambiguë  et  obscure  ;  elle  est  inventive  do  termes  exquis 
(fa  preuve  le  titre  du  poème),  elle  est  synthétique  et  se  ramasse 
en  strophes  d'où  la  stricte  grammaticalité,  souvent  inutile,  est 
bannie. 

Au  résumé,  un  livre  de  quelqu'un,  qui  sait  sa  nature  et  la  cul- 
tivera en  fleur  originale  el  profonde  de  racines  dans  le  rêve  el 
dans  l'art. 

Deux  vers  significatif»  pour  clore  celte  partie  : 

Une  ombre  a  dévoré  les  chevalien  de  proie... 
et  le  silence  est  de  ruines,  dans  la  plaine. 

Parait  la  Petite  Elle  —  une  fleur  fine  et  fière,  el  ingénue, 

Elle,  la  pure  enfant  dont  avec  la  pensée 
les  regards  ingénus  distillent  des  rosées, 
la  vierge  de  fierté,  l'œil  au  loin  qui  s'exalte 
sur  les  basaltes  épuise  un  sourire  nubile, 
églantine  inclinant  un  baiser  vers  l'abîme. 

El  c'est  celle  qui  dil  ; 

'Viens,  ne  regarde  pas  au  loin  !  Regarde-moi. 

Cette  phase  de  tentation  passe  cl  se  dissipe  par  celle  raison 

presque  toujours  telle  :  «  et  celui  que  nous  sommes,  jamais  elles 

ne  l'auront  aimé  ».  Et  fa  la  place  de  la  réelle,  mais  ignorante 

aimée,  l'ondinc  —  Enfant  <Us  eaux  qui  pattmt  —  apparaît.  Elle 

aussi  travaille  avec  fatalité  au  malheur,  elle,  la  chimère  et  la 

lueur,  el  la  merveille  el  la  promesse  irréalisable  : 

Perfide  enfant,  tu  l'as  tué  t 

le  simple  qui  mirait  son  regard  au  cristal 

du  trop  limpide  azur  épuisé  de  nuées, 

c'est  toi,  ta  voix 

c'est  toi  qui  lui  montras  la  loi  fatale 

c'est  loi  qui  l'étouffas  dans  les  vagues,  c'est  toi. 

La  dernière  phase  du  drame  se  ramifie  en  courbes  et  lignes 
vers  les  multiples  loins  de  la  pensée,  devenue  au  delfa  de  toutes 
sortes  d'adolescences,  plus  que  jamais,  la  raison  de  continuer  fa 
vivre.  Une  conception  des  choses  natt  dominatrice  el  s'aiTirme  : 
«  Ce  que  nous  sommes  nous  le  contemplons  et  ce  que  nous  con- 
templons, nous  le  sommes  ».  El  le  rêve  s'élargit,  se  complique, 
s'entrenouc  et  les  routes  diverses  s'entrecroisent  et  souvent  ne 
s'éloignent  que  pour  revenir  vers  les  points  de  départ  et  les  voix 
80  font  entendre  toujours  au  delfa  d'autres  voix,  si  bien  que  la  der- 
nière pièce  du  livre  pourrait  s'allonger  fa  l'infini,  si  pour  le  vrai 
artiste  qu'est  Albert  Mockel,  l'art,  dans  son  sens  d'harmonie 
totale,  n'était  une  conclusion  et  une  évidence  snprémes. 

Poursuis  le  rythme  du  seul  Thème 

suscite  aux  Formes  l'harmonie 

qui  d'un  abime  de  vertige 

mire  en  tes  yeux  l'Ordre  des  sphères  ; 

sois  le  désir  qui  se  mire  en  soi-même 

et  magniâe  en  la  Musique 

le  dieu  que  tu  seras  demain 

si  l'Œuvre  en  l'infini  silencieux  profère 

Tos  songea  mutuels  grandis  ao  Verbe  unique. 

Or  entends,  voyageur  sur  le  mouvant  chemin 

la  voix  du  ciel  quand  la  tempête  rompt  les  môles  : 

tu  verras  en  vigie  à  la  conquête  insigne 

comme  cinglent  sous  la  neige  émule  les  cygnes 

d'un  vol  algide  vers  les  Pôles. 


w^ 


L'ART  MODERNE 


343 


Xj-a.  fbxjr,  IDE  LA.  :m:ot?<t 

par  FaAMgou  de  Nion. 

Uberamur  metu  mortit.  Nous  sommes  délivrés  de  la  crainte 
de  la  mort.  —  Ces  phrases  de  chresiomaihie  latine,  psalmodiées 
dans  un  jadis  ennuyeux  d'école,  banalement,  nous  sont  revenues 
fa  la  mémoire  en  lisant  le  titre  de  ce  livre.  Qu'ils  sont  vrais,  ces 
trois  mots,  en  leur  brièveté  romaine  :  Liberamur  metu  tnorlis, 
chipés  par  un  préfet  d'études  fa  Dieu  sait  quel  vieux  philosophe  I 
Oh  I  l'antique  poncif,  d'une  véracité  indiscutable  !  Car —  combien 
rarement  songeons-nous  fa  la  mort?  Le  «  Frères,  il  faut  mourir!  » 
ne  retentit  que  dans  le  sépulcral  silence  des  cloîtres,  et  le  glas, 
continu  pourtant,  des  choses  qui  s'éteignent,  ne  parvient  pas  fa 
éteindre  les  chuuds  appels  du  sang  et  de  la  force  qui  battent  fa  nos 
tempes  et  fa  nos  oreilles. 

Aussi,  quelle  hantise  terrible,  obsédante,  dévoreuse  de  vie, 
cette  crainte  du  néant  prochain  chez  un  être!  Quel  ange  gardien, 
aux  traits  de  spectre,  sans  cesse  assis  au  chevet  de  son  existence  ! 
Cette  idée,  cette  terreur  activent  la  fuite  des  temps;  les  jours 
s'en  vont  plus  vite  comme  enlevés  par  un  souffle  de  sépulcre, 
et  le  patient,  d'un  air  de  douleur  et  de  mélancolie  macabre, 
regarde  le  temps  fa  lui  dévolu  par  les  lois  fatales  s'écouler  comme 
un  désespéré  qui,  les  veines  ouvertes,  contemplerait  son  sang 
ruisseler  sur  ses  chairs. 

C'est  cette  idée  —  la  Peur  de  la  Mort  —  qui  hante  le  cerveau 
du  héros  du  livre  de  M.  de  Nion  :  le  comte  Pierre  de  Feysin.  Ce 
comte  est  un  homme  ordinaire,  d'une  «  bonne  moyenne  »,  d'une 
bonne  noblesse  campagnarde  et  assez  affinée,  et,  de  plus,  très 
enclin  fa  philosopher.  11  vil  de  la  vie  moderne  d'homme  riche  et 
désœuvré.  Il  se  dissipe  fa  Paris,  avec  des  maîtresses  faubouriennes 
et  cabotines,  fa  la  mer,  en  des  plages  sauvages,  fa  la  campagne,  fa 
sa  «  gentilhommière  ».  Il  a  de  vagues  envies  de  faire  de  la  litté- 
rature ei  son  esprit  a  des  tournures  poétiques. 

Ainsi  débute  le  roman,  d'une  façon  documentaire,  notant  des 
faits  divers  de  l'existence,  avec,  poussés  dans  les  pages,  des 
aquarelle»  assez  fébriles  et  vivantes  de  Paris,  des  marines  larges 
de»  côtes  normandes,  des  paysages  clairs  des  Bordes,  avec,  aussi, 
des  tendances  i  l'observation  et  fa  l'élude  de  milieux  et  l'amour  de 
détails  clichés  net,  —  en  somme,  avec  de  visibles  manières  de 
naluraliiU. 

Mais  bientôt  le  chemin  engagé  dans  du  réalisme  tourne,  cl  l'on 
entrevoit  des  choses  mystérieuses.  La  photographie  de  la  vie  et 
des  choses  s'abreuve  fa  un  art  de  rêve.  La  réalité  s'éclaire  de 
quelques  rayons  de  l'au-delfa.  L'idée  de  la  mon  surgit  le  long  de 
la  route,  suivant  le  récit  comme  un  orage,  au  fond  d'un  horizon, 
ensinislre  les  voyageurs  d'une  grande  route  pavée.  Colle  idée, 
germée  devant  le  cadavre  de  deux  jumeaux,  se  nourrit  de  toutes 
le»  miettes  de  la  vie  qui  tombent  dans  le  néant;  elle  prend  corps, 
s'accroche  fa  tout,  devient  formidable,  et  mine  le  comte  Pierre  de 
Feysin,  que  l'auteur  poursuit  jusque  dans  le  tombeau,  dans  l'ana- 
lyse de  la  vie  qui  se  désagrège,  jusqu'à  la  lueur  finale,  l'aube 
étrange,  froide  et  mystérieuse  comme  un  feu  follet  et  blanche 
comme  une  rédemption,  qui  signe  ce  livre  de  son  élrange  feu. 

Et  c'est  Ifa  le  mérite  très  réel  de  l'œuvre,  sa  nouveauté  et  sa 
rareté,  dans  celte  usine  à  bas  prix  des  romans  naturalistes 
actuels,  veulcs  et  grossiers,  d'avoir  pris  cet  envol  dans  la  philo- 
sophie et  l'au-delà.  Beaucoup  de  réflexions  typiques,  pénétrantes, 
profondes  font  songer.  Ainsi  des  idées  sur  Dieu  et  la  faillite  des 
choses  fa  l'idée,  bien  originales. 


D'ailleurs,  Camille  Lemonnier,  dans  une  préface  de  son  style 
magnifique,  vante  en  ces  termes  M.  François  de  Nion  :  «  Il  n'ap- 
partient fa  aucune  école  déterminée,  il  les  résume  et  en  fait  pres- 
sentir une  nouvelle.  Par  la  notation  miniaturée,  l'émietlement  du 
détail,  le  fragmenté  du  tableau,  sa  filiation  s'atteste,  il  demeure 
documentaire  et  précis.  Ailleurs  il  se  médiatise,  recherche  le  syn- 
chronisme de  l'acle  et  de  la  pensée,  louche  aux  synthèses  :  c'est 
déjà  un  élargissement  des  concepts.  Celle  figure  de  M.  de  Feysin, 
avec  ses  ciselures,  ses  facettes,  ses  dessus  de  lumière  et  ses  des- 
sous d'ombre,  a  les  évidences  du  plus  réaliste  portrait  et  à  la  fois 
se  perspective  sur  des  lointains  d'idéal,  se  spiritualise  par  une  fine 
et  constante  atmosphère  d'intcUeclualiié.  Nous  percevons  un  mode 
subtil  et  large  de  psychologie. 

Naturiste  et  psychologue,  l'auteur,  M.  François  de  Nion,  l'est 
donc,  mais  avec  indépendance,  avec,  en  outre,  des  dons  fa  lui, 
inédits,  spéciaux,  des  perceptions  de  grâce  el  de  finesse,  un  sens 
des  aristocraties.  L'habit  noir  de  Feysin  s'encadre  entre  d'aimables 
têtes,  des  élégances  de  palriciat,  des  intensités  d'âmes  claires  et 
soyeuses.  Il  appartiendrait  fa  M.  de  Nion  d'écrire  le  roman  du 
monde,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  le  roman  mondain.  Son 
art  pimpant  et  luxueux,  affiné  el  substantiel,  compliqué,  sensa- 
tionnel, son  art  d'alerte  modernité  parisienne,  avec  ses  fusées  et 
ses  griseries  de  forme,  ses  essences  subtiles,  la  saveur  el  le  mon- 
tant de  son  spirituel  impressionnisme,  le  délègue  à  celte  élude.  » 


ENQUÊTE  SUR  L'ÉVOLUTION  LinÉRÂIRB  '>' 

M.  CHARLES  HENRY 

C'est  notamment  l'auteur  d'une  esthétique  scientifique  qui 
prétend  rattacher  à  notre  organisme  physiologique  les  conditions 
et  les  lois  de  la  beauté.  Il  pa«se  pour  avoir  influencé  en  littérature 
les  décadents  symbolistes  les  plus  extrêmes  cl  les  plus  conscients, 
comme  Jules  Laforgue  el  Gustave  Kalin,  et,  on  peinture,  les 
impressionnistes  de  la  division  du  ton,  noiainmonl  MM.  Seural 
cl  Signac. 

.Mathématicien  cl  érudil,  il  a  su  rendre  pratiques  plusieurs  de 
ses  découvertes,  qui,  en  même  temps  qu'elles  méritaient  l'appro- 
bation des  corps  savants,  de  l'Académie  dos  sciences  entre  autres, 
ont  abouti  à  dos  réalisations  indus'.rielles.  Elles  s'inspiraient 
d'une  méthode  générale  scieiiiifique  qui  n'est  pas  encore  cnlièrc- 
menl  formulée,  et  qui  lui  a  valu  de  retenir  l'attention  même  de 
ses  adversaires. 

Trente  ans,  longel  mince,  dégingandé,  il  pourrait  réaliser  phy- 
siquement le  type  de  ces  êtres  uUra  modernes,  résumant  en  eux 
tons  les  effets  de  la  longue  culture  intellocluelle  des  races;  à  voir 
ces  mains  effilées,  délicates,  aptes  aux  subtiles  bosopnos,  on  ima- 
gine aisément  que  le  fluide  nerveux  qui  les  fait  mouvoir  de  celte 
cxlraordinairc  façon  esl  d'une  essence  plus  raffinée  que  celui  du 
commun  des  mortels  ;  sa  complexion  générale  exprime  la  con- 
fiance du  savant  dans  la  puissance  illimitée  des  machines,  —  il 
dédaigne  d'avoir  des  niusclos... 

En  résumé,  il  apparaît  très  rationnellement  comme  l'historio- 
graplie  de  nos  sensations  les  plus  raffinées,  qu'il  pèse,  mesure,  et 
où  il  découvre  des  mondes  ;  un  des  Esseintcs  qui  serait  raison- 
nable el  savant. 

Je  lui  demande  : 

—  Dans  quel  sens  pensez-vous  que  l'évolution  littéraire  pourra 
s'exercer? 

Je  ne  crois  pas  à  l'avenir  du  psycliologismc  ou  du  natura- 
lisme, ni,  en  général,  de  loule  école  réaliste.  Je  crois,  au  con- 
traire, à  l'avénemcnl  plus  ou  moins  prochain  d'un  art  très  idéa- 

(1)  Voir  nos  n»'  des  14  juin,  9  août,  6  el  13  septembre. 


344 


L'ART  MODERNE 


liste,  mystique  même,  fondé  sur  des  techniques  absolumeol 
nouvelles.  Je  le  crois  parce  que  nous  assistons  à  un  développe- 
ment et  à  une  diffusion  de  plus  en  plus  grandes  des  méthodes 
scientifiques  cl  des  efforts  industriels;  l'avenir  économique  des 
nations  y  est  engagi^  et  les  questions  sociales  nous  y  forcent,  car, 
en  somme,  le  problème  de  la  vie  progressive  des  peuples  se 
résume  ainsi  :  «  Fabriquer  beaucoup,  à  bon  marché  et  en  Iris 
peu  de  lemps  ». 

L'Europe  est  condamnée  à  ne  pas  se  laisser  devancer  et 
même  anéantir  par  l'Amérique  qui  a  depuis  longtemps  combiné 
son  éducation  nationale  et  toute  son  organisation  pour  atteindre 
ce  but.  Je  crois  à  l'avenir  d'un  art  qui  serait  le  contre-pied  de 
toute  méthode  logique  ou  historique  ordinaire,  précisément  parce 
que  les  cerveaux,  fatigués  d'efforts  purement  rationnels,  auront 
besoin  de  se  retremper  dans  des  étals  d'ime  absolument  opposés. 
Voyez,  d'ailleurs,  la  faveur  singulière  des  doctrines  occultistes, 
spiriles,  etc.,  qui,  elles,  sont  en  contre-sens,  puisqu'elles  ne  peu- 
vent satisfaire  ni  le  raisonnement,  ni  l'imagination. 

—  Le  symbolisme  vous  paralt-il  être  l'une  des  manifestations 
de  cette  tendance  nouvelle? 

—  Oui,  je  serais  disposé  à  y  voir  une  intuition  peut-être  mieux 
précisée  d'un  art  nouveau. 

Mais  l'intuition  de  cet  art  est  de  tous  les  temps.  Il  y  a  dans  la 
Ki'/a  uuova  de.  Dante^  et  dans  les  mystiques  espagnols,  des  pages 
admirables  qui  resteront  classiques  à  ce  point  de  vue. 

Plusieurs  ont  compris,  parmi  les  symbolistes  actuels,  et  plus 
ou  moins  vaguement,  qu'outre  les  liens  logiques  des  idées,  il  pou- 
vait y  avoir  entre  les  images  des  associations  inséparables  fondées 
sur  des  lois  purement  subjectives.  Par  exemple  qu'entre  l'audition 
de  certains  sons,  la  vision  de  certaines  couleurs  et  le  sentiment 
de  certains  étals  d'âme,  il  pouvait  y  avoir  des  liaisons  intimes, 
inexplicables  par  des  concordances  objectives,  et  dont  la  raison 
est  dans  les  échos  analogues  que  peuvent  éveiller  ces  sons,  ces 
couleurs,  ces  états  d'âme,  sur  notre  organisation. 

Pour  être  précis  :  il  y  a  des  liaisons  entre  la  vision  de  la  direc- 
tion de  bas  en  haut  et  la  vision  de  la  couleur  rouge,  entre  la 
vision  de  la  direction  de  gauche  â  droite  et  la  couleur  jaune.  Une 
surface  rouge  paraîtra  plus  haute,  une  surface  jaune  paraîtra  plus 
large,  quoique  égales  entre  elles.  Depuis  longtemps  on  associe  le 
haut  avec  les  sons  aigus,  et  le  bas  avec  les  sons  graves,  à  ton, 
d'ailleurs,  car  il  y  a  là  l'indice  d'un  renversement  dénotant  dans 
l'âge  moderne  une  évolution  bien  sensible  d'autre  part  dans  la 
tendance  des  diapasons  vers  l'aigu. 

—  N'y  a-t-il  pas  une  analogie  entre  vos  théories  et  celles  de 
M.  René  Ghil? 

—  Les  procédés  littéraires  de  M.  Ghil  n'o^^rtainement  aucun 
rapport,  de  près  ou  de  loin,  avec  la  scienc^Ce  sont  des  fantai- 
sies individuelles,  logiquement  construites  et  qui  ont  toutes  les 
raisons  d'être  incompréhensibles.  Voyez,  au  contraire,  dans  Raim- 
baud  :  b  côté  de  folies  gigantesques,  des  iniuitions  de  génie  qui 
vont  au  cœur  de  tout  être  cultivé.  Une  technique  littéraire  un  peu 
précise  supposerait  l'accomplissement  d'une  psycho-physiologie 
raffinée  dont  nous  sommes  loin.  Il  y  aura  toujours,  d'ailleurs,  !i 
la  constitution  d'une  telle  science,  des  difficultés  tenant  i  l'in- 
fluence de  l'hérédité,  de  l'histoire  spéciale  de  l'individu,  et  déter- 
minant des  pcrturbalions  déjouant  toute  espèce  de  loi. 

De  sorte  que,  au  fond,  un  art  vraiment  émotionnel  avec  de 
telle  tcclinique,  sera  forcément  un  art  plus  ou  moins  personnel, 
plus  ou  moins  de  cénacle,  et  seulement  accessible  à  des  êtres 
ayant  vécu  la  mémo  vie  morale  :  résultat  d'ailleurs  vers  lequel 
nous  acheminent  tou:es  les  exigences  de  la  civilisation  moderne 
et  les  transformations  sociales.  Plus  nous  allons,  en  effet,  plus 
nous  tendons  vei-s  l'uniformité:  voyez,  en  Angleterre,  tout  le 
monde  porte  déjà  le  chapeau  'a  haute  forme,  le  cocher  est'un  gent- 
leman qui  ne  se  dislingue  en  rien  de  ses  clients,  sauf  peut-être  par 
un  peu  de  tenue  ;  les  porieuses  de  pain  y  ont  aussi  des  chapeaux 
îi  brides  ! 

Les  progrès  de  l'organisation  sociale  auront  pour  effet  de 
siniplifaT  et  d'iiméiionr  notre  psychologie  individuelle.  Il  est 
l'vidcnl,  n'est-ce  pus,  que  les  drames,  par  exemple,  qui  reposent 


en  général  sur  des  malenlendus  et  des  quiproquos,  D'inronl  plus 
aucun  sens  dans  un  temps  donné;  la  féerie  remplacera,  annla- 
geusemcnt,  d'ailleurs,  ces  acrobaties  psychologiques.  Les  histoires 
d'amour,  qu'on  nous  rabâche  encore,  n'ont  un  sens  quli  cause  de 
notre  état  social  qui  met  un  très  petit  nombre  de  femmes  en  con- 
tact avec  un  très  petit  nombre  d'hommes  et  qui  a  besoin  d'entou- 
rer de  protection  et  de  garanties  particulières  l'acte  d'amour.  Il 
est  évident  que  tout  cela  deviendra  incompréhensible  le  jour  où  la 
société  se  trouvera  organisée  autrement,  les  eniants  k  la  charfte 
de  l'Etal,  par  exemple,  c'est-ft-dire  la  femme  prenant  intégrale- 
ment possession  d'elle-même,  et  devenant  libre  de  choisir  et 
d'aimer  en  genre  et  en  nombre  tous  les  hommes  qu'iUui  plaira. 
Donc,  vous  le  voyez,  la  marche  nécessaire  des  progrès 
industriels  et  économiques  nous  mène  à  une  simplification  en 
toutes  choses... 

—  Hais  la  langue?  dis-je... 

—  La  langue,  de  même,  sera  soumise  ii  cette  évolution.  On  en 
a  des  exemples  frappants;  il  est  certain  que  l'on  arrivera  à  un 
certain  état  stable  de  la  langue  qui  tiendra  à  une  certaine  immo- 
bilité dans  l'évolution  des  facteurs  psychologiques.  Je  considère 
l'évolution  des  langues  comme  due  !i  la  contrariété  qui  se  produit 
entre  les  sons  naturels  des  voyelles  et  les  tons  de  la  voix  qui 
expriment  le  gentiment  suggéré  par  le  mol... 

—  Je  ne  saisis  pas  bien,  dis-je  à  M.  Charles  Henry. 

—  Exemple  :  4o  suggestion  d'une  sensation  excitante  par  une 
idée  dont  le  mot  se  compose  de  voyelles  basses  comme  u  et  ou 
déterminera  fatalement  la  transformation  du  vocable  en  des 
voyelles  plus  hautes  ;  c'est  ainsi  qu'a  pu  se  faire  la  transformation 
de  pater  en  pire;  a  est  un  si  bémol  du  troisième  octave,  e  est  un 
si  naturel  du  quatrième  octave, d'après  Helmoltz.  L'idée  qu'on  se 
faisait  de  la  paternité n'a-t-elle  pas  évolué?  Mais  il  serait  trop  long 
même  d'essayer  ici  à  résoudre  un  problème  de  cette  complication. 
Pour  arriver  à  quelques  notions  précises  dans  cet  ordre  d'idées,  je 
prépare  en  ce  moment  un  appareil  pour  analyser  les  modifications 
des  bruits  el  des  sons  émis  suivant  l'expression  du  sentiment;  je 
vous  le  montrerai  un  de  ces  jours. 

—  En  résumé,  comment  la  littérature  de  l'avenir  vous  appa- 
raltelle? 

—  Je  vois  dans  l'avenir  des  gens  courbaturés,  par  le  calcul 
intégral,  les  problèmes  de  distribution,  etc.,  qui  chercheront  le 
repos  dans  une  hydrothérapie  physique  et  morale;  oui,  l'extraor- 
dinaire contention  de  ces  cerveaux  exigera  pour  leur  repos  des 
bains  de  sentiments  moraux  très  élevés,  cosmiques,  universels, 
des  idylles  d'où  toute  réalité  et  toutes  contingences  seront 
bannies... 

Jules  Hcret. 


fkHRONIQUE    JUDICIAIRE    DE^    ^RTg 

Photogx^phles  coloriées. 

La  Cour  d'appel  de  Paris  a  fait  dernièrement  une  application 
assez  curieuse  de  la  législation  sur  le  droit  d'auteur.  M.  Loire, 
artiste-peintre,  ayant  aperçu  à  la  vitrine  de  ceruins  confiseurs  des 
reproductions  en  couleurs,  sur  des  bottes  à  bonbons,  de  son 
tableau  Us  Infortunes  de  Pierrot,  fit  saisir  les  exemplaires  el 
assigna  les  fournisseurs  des  boites,  MN.  Chevalier  et  Laurent, 
fabricants  de  cartonnages,  en  dommages-intérôU.  Ceux-ci  allé- 
guèrent qu'ils  avaient  acheté  les  photographies  chez  Braun,  lequel 
était  autorisé  à  reproduire  le  tableau  de  M.  Loire  el  à  vendre  les 
photographies. 

—  En  noir,  oui.  En  couleurs,  non,  riposta  l'artiste.  El  surtout 
pas  pour  servir  de  couvercle  â  des  boites  de  pralines  et  de  fruits 
confits. 

Le  tribunal  civil  de  la  Seine  donna  raison  au  peintre. 

«  Attendu,  dit-il,  que  la  reproduction  d'un  tableau  ou  dessin, 
sous  une  forme  nouvelle  et  non  autorisée,  au  mépris  des  lois  sur 
la  propriété  des  auteurs,  est  une  contrefaçon; 

«  Que   Chevalier  et  Laurent  en   coloriant  les  photographies 


LART  MODERNE 


345 


lebelies  de  Braun,  et  les  collant  sur  des  bottes  à  bonbons,  en 
ont  modiâé  l'aspect  de  même  que  la  deslinaiion  ; 

«  Qae  celle  image  coloriée,  imilant  le  tableau  de  Loire  sous 
aoe  forme  imparfaite  et  placée  sur  des  menus  objets  de  confiserie, 
a  caosé  k  l'artiste  un  préjudice  que  le  Tribunal  a  les  éléments 
nécessaires  pour  fixera  300  francs » 

Sar  l'appel  des  fabricants,  qui  avaient  en  outre  fait  intervenir 
MM.  Braon  et  C*  au  procès,  la  Cour  a  confirmé  le  jugement  et 
déclaré  les  appelants  mal  fondés  dans  leur  appel  en  garantie, 
avec  condamnation  aux  dépens. 

Que  celle  petite  leçon  soit  profitable  aux  a  bonbonniers  »  indé- 
licats  


Petite  chroj^ique 


M.  Georges  de  Saint-Cyr  constmil  rue  Royale,  180,  une  salle 
destinée  aux  expositions  d'oeuvres  d'art,  aux  auditions  musicales, 
aux  conférences,  etc.  La  OaUrie  moderne  —  c'est  le  nom  choisi 

—  sera  éclairée  le  soir  et  pourvue  des  principales  publications 
artistiques,  qui  seront  mises  à  la  disposition  des  abonnés. 

Une  circulaire,  distribuée  ces  jours-ci,  invite  les  artistes  qni 
désireraient  profiter  de  ces  avantages  ii  s'inscrire  au  plus  tél.  C'est 
au  commencement  de  novembre  que  s'ouvrira  celte  galerie  nou- 
velle, appelée  k  rendre  de  sérieux  services  aux  artistes. 

La  vente  de  la  bibliothèque  de  feu  M.  A.  Scheler,  le  bibliothé- 
caire do  Roi  et  de  S.  A.  R.  le  comte  de  Flandre,  vient  de  se  ter- 
miner soos  la  direction  du  libraire-expert  E.  Deman. 

A  signaler  parmi  les  adjudications  :  Le  Trétor  de*  livre*  rares, 
de  Graessc,  vendu  460  francs;  —  V Imitation  de  Jétut-Chritt,  de 
l'Imprimerie  impériale,  390  francs  ;  —  un  Heptaméron  de  Afar- 
gueriude  Navarre,  édition  illustrée  de  1780,  130  francs;  —  le 
Râlait  de  Le  Duchat,  avec  gravures  de  Bernard  Picart,  140  fr.  ; 

—  le  Dictionnaire  de  l'ancienne  langue  française,  de  Godefroy, 
MO  francs. 

Parmi  les  intéressants  autographes  relevéfi  fa  la  fin  du  cata- 
logue, nne  série  de  lettres  des  membres  du  Congrès  national  a  été 
fijtt  180  fraa«;  —  une  curiease  missive  de  l'actrice  Louise 
CoÂlai,  36  francs;  —  diverses  lettres  de  Napoléon  I",  S5  fa  30  fr. 
ebMOM  ;  —  un  reçu  sur  parchemin,  signé  par  saint  Vincent  de 
Paul,  70  francs;  —  une  précieuse  lettre  de  Voltaire  fa  Lckain,  le 
tragédien  Célèbre,  50  francs;  —  enfin,  fa  des  prix  divers,  des  let- 
tres de  François  l**,  Henri  IV,  Marie  de  Médicii,  etc. 

En  résané,  vente  d'un  vif  intérêt  en  laquelle  notre  Bibliothèque 
'  nationale,  lUniversilé  de  Bruxelles  et  les  Archives  ont  disputé 
avec  succès  d'heureux  achats  aux  bibliophiles  et  aux  libraires  du 
pays  et  de  l'étranger. 

Prochainement  s'ouvrira  fa  Paris  une  exposition  internationale 
d'instruments  de  musique.  Non  seulement  on  y  verra  exposés 
tous  les  instrumentt  modernes  dans  tous  leurs  deuils  —  ainsi  que 
les  ateliers  de  travail  —  mais  encore  les  instruments  anciens  les 

plus  curieux. 
On  parie  même  de  concerts  d'époques  et  selon  les  styles  de 

chaque  siècle. 

Les  fluctuations  des  prix  d'oeuvres  d'art  sont  parfois  curieuses. 
En  1858,  —  c'est  d'après  un  volume  de  la  Revue  des  Beaux- Avis 
de  la  dite  année  que  nous  citons  ces  prix,—  on  se  faisait  adjuger 
en  vente  publique  un  Decamps,  {U  Soir,  forêt),  pour  S-SO  fr.  ;  un 


dessin  du  même,  (Campagne  de  Rome),  pour  305  fr.  ;  un  Eug. 
Delacroix,  {Ottelloet  Desdemona),  pour  510  fr.;  un  Diaz,  (F^ius 
et  FAmour),  pour  400  fr.  ;  un  Jules  Dupré,  {Prairies),  pour 
ÎOO  fr.;  un  Troyon  (Paysage  avec  animaux),  pour  425  fr.  ;  un 
Debucouri,  (Fite  foraine),  pour  230  fr. 

U  est  vrai  que  tous  ces  artistes  vivaient  encore,  fa  l'excepiion 
du  dernier  ! 


Le  dernier  numéro  des  Hommes  d'aujourd'hui  (Vanier  édit.) 
publie  un  portrait-charge  de  Caran  d'Ache,  le  dessinateur  humo- 
riste (de  son  vrai  nom  Emmanuel  Poiré),  dessin  de  Luque,  texte 
de  Pierre  et  Paul.  Des  croquis  de,  Caran  d'Ache  illustrent  ce 
numéro. 

A  conserver,  cet  extraordinaire  «  document  »,  trouvé  dans  la 
Revue  Belge  au  sujet  d'an  des  plus  purs  artistes  de  l'époque  : 

a  RiEH  m'est  plus  FACILE  QlSt,  DE  FAIRE  DE  l'ODILON  ReDON  : 

c'est  le  procédé  préconisé  par  le  Vinci,  le  hasard  dans  l'enchevê- 
trement des  lignes,  qui  est  appliqué  aux  taches  de  clarté  et 
d'ombre;  en  un  mot,  c'est  le  hasard  qui  produit  un  Ubleau,  un 
ensemble.  1!  suffit  de  juxtaposer,  sans  idée  préconçue,  un  cheval, 
un  oeil,  une  tête,  du  blanc,  du  noir,  beaucoup  plus  de  noir  que 
de  blanc,  ou  bien  plus  de  blanc  que  de  noir,  de  bien  mêler  le 
tont  et  de  servir  chaud  an  jeune  public  épaté.  »  (!!!) 


La  Curiosil/ universdle  donne  sur  l'origine  des  bâtons  de  chef 
d'orchestre  les  curieux  détails  ci-après  :  Le  maître  de  musique 
chez  les  anciens  battait  la  mesure  tanlêt  par  le  mouvement  du 
pied,  c'était  alors  le  pedarius,  tantôt  en  réunissant  les  doigts  de 
la  main  droite  dans  le  creux  de  la  main  gauche.  11  s'appelait  ainsi 
le  manuduclor.  Il  y  avait  aussi  le  claquement  des  écailles,  des 
coquillages,  des  ossements. 

Lulli,  le  premier,  ne  sachant  comment  inculquer  fa  ses  violons 
le  sentiment  de  la  mesure,  s'arma  d'un  bâton  haut  de  six  pieds, 
dont  il  frappait  rudement  le  plancher.  L'n  jour  il  frappa,  non  pas 
sur  le  sol,  mais  sur  son  pied.  La  blessure  d'abord  légère,  par 
suite  de  refiis  de  soins,  devint  gangreueusc  et  amena  la  mort  de 
Lulli  (M  mars  1637). 

Le  bâton  continua  son  rôle  jusqu'à  la  fin  du  xvui"  siècle  et 
plusieurs  célébrités  s'occupèrent  de  lui.  Rousseau  qualifie  le  chef 
d'orchestre  de  l'Académie  royale  de  musique  de  Bûcheron  fa  cause 
des  grands  coups  qu'il  ne  cessait  de  donner  sur  son  pupitre. 
Grélry  était  l'ennemi  du  baUeur  de  mesure. Grim,  enl766,  qualifie 
de  frappe-bâton  celui  de  lOpè.-a,  dans  Ctfphaleet  Procris, ioné  fa 
Paris.  En  mai  1T75,  le  chef  d'orchestre  est  appelé  dans  un 
dialogue  le  batteur  de  mesure. 

Habeneck  inaugura  fa  l'Opéra,  en  1821,  ce  fameux  coup  d'archet 

ce  petit  bruit  du  bois  sur  le  bois  —  appelé  lack,  qui  dominait 

toutes  le»  rumeurs  du  théâtre. 

Strauss  imagina  le  bâton  de  mesure.  A  sa  mort,  en  1849,  dans 
un  de  ses  concerts  populaires  à  Vienne,  le  doyen  des  violonistes 
offrit,  devant  trois  mille  spectateurs,  à  Jean  Strauss  qui  succédait 
fa  son  père,  ce  bâton  devenu  célèbre. 

Celui  de  Meyerbeer  était  d'argent  massif.  Fétis  avait  le  sien 
enrichi  d'or  et  de  pierreries.  Mozart  conduisait  des  chœurs  fa 
Salibourg,  son  pays  natal,  avec  une  baguette  d'ivoire. 


ONZIÈME  ANNÉE 

L'ART  MOOEIRNE  s'est  acquis  par  l'autorité  et  l'indépendance  de  sa  critiqae,  par  la  variété  de  ses 
informations  et    les  soins  donnés   à  sa  rédaction  une   place  prépondérante.   Aucune  manifestation  de  l'Art  ne 

lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  do  peinture,  de  soulpture,  de  gravure,  de  musique, 

d'architecture,  etc.  Consacré  principalement  au  mouvement  artistique  belge,  il  renseigne  néanmoins  ses 
lecteurs  sur  tous  les  événements  airtlstlques  de  l'étranger  qu'il  importe  de  connaître. 

Chaque  numéro  de  L'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  question  artistique 
ou  littéraire  dont  l'événement  de  la  semaine  fournit  l'aotuallté.  Les  expositions,  les  livret  nouveaux,  les 
premières  représentations  d'œuvres  dramatiques  ou  musicales,  les  conférences  littéraires,  les  concerts,  les 
ventes  dobjets  cTart,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  II  rend  compte  des 
procès  les  plus  Intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complète  des  expositions  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  Il  est  envoyé  gratuitement  à 
l'essai  pendant  un  mois  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande. 

L'ART  MODERNE  forme  chaque  année  un  beau  et  fort  volume  d'environ  450  pages,  avec  table 
des  matières.  Il  constitue  poiiiii,'hiitoire  de  l'Art  le  document  LE  PLUS  COMPLET  et  le  recaeil  LE  Pl^US 
FACILE  A  CONSULTER. 

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OMzdoa  AHNta.  —  N»  44. 


Le  numéro  :  26  centimes. 


Dimanche  l"  Novembre  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  ORraQUE  DBS  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MâUS  —  Edhond  picard  —  Ëbiilb  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —  ANNONCES   :    On   traite  à   ferrait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  oénérale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Tlndustrie,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


UNB   ENQUftTE  QDI   s'iMPOSK.    —    DoCUMS.NTS    A    CONSERVBR.    —    Le 

Rapport  du  Jury  lur  la  Princesse  Maleine.  —  La  Maison  du 
Roi.  —  La  question  des  musées.  —  Chronique  judiciaihjs  des 
ARTS.  —  Accusés  DE  BÉCEPnoN.  —  Petite  chronique. 


UNE  ENQUÊTE  QUI  S'IMPOSE 

A  propos  de  notre  opiniâtre  campagne  relative  aux 
Musées  nationaux  et  à  l'Administration  des  Beaux-Arts, 
on  annonce  que  M.  Siingeneyer,  à  la  rentrée  des  Cham- 
bres, réclamera  une  enquête. 

Bravo  !  Il  faudra  donc  que  ces  étranges  muets  sor- 
tent de  leur  inexplicable  silence.  Ils  en  ont  vraiment 
besoin,  car  des  légendes  commencent  à  se  former,  nui, 
surtout  s'il  est  investi  d'un  mandat  public,  ne  pouvant 
impunément  se  taire  et  la  vieille  tactique  qui  consiste 
à  Éaire  semblant  de  ne  pas  s'apercevoir,  n'aboutissant, 
en  définitive,  qu'aux  pires  soupçons. 

M.  Siingeneyer  rendra  donc  service  à  ses  collègues 
en  même  temps  qu'à  l'intérêt  général.  Il  est  d'une  con- 
science trop  délicate  pour  ne  pas  souffrir  beaucoup  de 
l'inertie  que  ce  collège  affecte.  Nous  avons  plus  d'une 
fois  rendu  ici  même  hommage  au  sentiment  élevé  qu'il 
a  de  l'art  et  des  devoirs  de  l'artiste.  Nous  comprenons 


qu'il  ne  veuille  pas  exposer  davantage  la  très  honorable 
situation  qu'il  s'est  acquise,  et  que,  dans  l'impossibilité 
où  il  se  trouve,  en  galant  homme,  de  donner  sa  démis- 
sion immédiate,  qu'il  songe  à  provoquer  une  mesure 
qui  mettra  en  relief  les  responsabilités  de  chacun.  Le 
bruit  court  que  le  nouveau  ministre  de  l'intérieur,  dont 
l'indépendance  vis-à-vis  de  la  routine  des  bureaux 
s'accentue  de  plus  en  plus,  abonde  dans  le  même  sens. 

Nous  aurons  donc,  espérons-le,  une  enquête. 

C'est  là  un  résultat  considérable  de  la  polémique  que 
nous  avons  instituée  et  que  quelques  journaux  ont 
appuyée;  lesautres,  pourdes  raisons  que  nous  n'avons  pas 
à  approfondir,  ont  observé  une  assez  singulière  réserve. 

Cette  enquête  remplacera  avantageusement  l'infor- 
mation officieuse  que  nous  avions  commencée  avec  de 
grandes  difficultés,  car,  lorsqu'on  en  est  réduit  aux 
forces  et  à  la  bonne  volonté  privées,  il  est  extrêmement 
malaisé  de  pénétrer  les  mystères  administratifs,  et  les 
occasions  d'erreurs  peuvent  être  fréquentes.  Il  est  stu- 
péfiant que  dans  un  pays  de  libre  critique  il  ait  fallu 
pendant  environ  quatre  mois  se  contenter  de  ce  mode 
imparfait,  alors  que  de  si  graves  intérêts  étaient  enjeu, 
et  qu'on  ait  assisté  au  spectacle  de  particuliers  con- 
traints de  faire  eux-mêmes  la  police  de  nos  collections 
nationales. 

Nous  arrêterons  donc  à  partir  de  notre  prochain 
numéro  la  publication  des  renseignements  qui  chaque 


348 


L'ART  MODERNE 


semaine  nous  arrivent  plus  abondants  et  toujours  plus 
caractériques.  Un  procédé  officiel  et  plus  sûr  va  rem- 
placer notre  action  individuelle.  Nous  ne  doutons  pas 
que  nos  obligeants  correspondants  admettront  cette 
réserve.  Qu'ils  songent,  au  surplus,  que  le  contrôle  est 
souvent  embarrassant  à  cause  de  l'attitude  expectante 
de  l'ennemi  que  nous  harcelons  et  que,  dans  ce  bon  pays 
de  zwanze,  il  ne  manque  pas  d'imbéciles  qui  essaient  de 
faire  trébucher,  par  de  misérables  et  puériles  mystifica- 
tions, l'accomplissement  d'un  devoir  courageusement 
poursuivi,  sans  acception  de  personnes  et  sans  crainte 
des  ennuis. 

Une  enquête!  oui,  parfait.  Mais  à  la  condition  qu'elle 
soit  sérieuse. 

A  cet  égard  d'immédiates  réflexions  viennent  à  l'es- 
prit. 

La  direction  et  l'administration  des  musées  sont  con- 
fiées à  une  commission  de  dix  membres,  chargée 
aussi  de  compléter  les  collections.  Les  achats,  proposés 
par  elle,  exigent  une  autorisation  du  Ministre,  dont  on 
avait  fait,  avant  l'arrivée  de  M.  de  Burlet  aux  affaires, 
une  formalité  tellement  vaine  que  le  Van  Ostade  récem- 
ment acquis  50,000  francs  à  M.  Gauchez  était  déjà  en 
place  au  musée  avant  qu'elle  n'eût  été  obtenue  :  c'est  là 
que  le  Ministre  récalcitrant  a  dû  aller  le  voir.  Trois 
commissaires  experts  sont  attachés  aux  musées;  pour 
le  moment  VAlmanach  royal  officiel  n'en  renseigne 
que  deux  :  MM.  Victor  Le  Roy  et  Lampe;  les  avis  qu'ils 
sont  appelés  à  donner  sont  consignés  par  écrit  et  signés 
par  eux;  mais  le  bruit  court  que  leur  contrôle  a  été 
plus  d'une  fois  dédaigné. 

Les  membres  de  la  Commission  sont  présentement 
MM.  Fétis,  Portaels,  Slingeneyer,  Balat,  Fraikin, 
Robie,  Guffens,  comte  de  Beauffort,  Emile  Wauters, 
Clays,  A.  De  Vriendt,  Dclebecque,  et  Jean  Rousseau,  ce 
dernier  cumulant  fort  étrangement  cette  fonction  avec 
celle  de  Directeur  des  Beaux-Arts,  de  telle  sorte  qu'en 
cette  dernière  qualité  il  a  le  contrôle  des  actes  qu'il 
accomplit  en  la  première. 

Eli  bien,  pour  éviter  toute  équivoque,  toute  malice  et 
toute  mystification,  nous  demandons  : 

1°  Que  la  Commission  d'enquête  soit  composée 
d'artistes  et  d'amateurs  pris  en  dehors  de  ce  monde 
administratif  et  officiel  qui  ne  saurait,  soit  par  les  fonc- 
tions qu'il  occupe,  soit  par  ses  attaches  mondaines  et 
autres,  avoir  l'indépendance  indispensable  pour  ne  rien 
commettre  qui  ressemble  à  une  complaisance  ou  à  une 
indulgence; 

2°  Que  comme  première  mesure  on  se  fasse  repré- 
senter les  procès-verbaux  et  feuilles  de  présence  de 
cette  fameuse  commission  à  noms  plus  ou  moins  reten- 
tissants, afin  de  constater  par  l'examen  de  l'assiduité 
ou  de  l'absence  aux  séances,  la  part  que  chacun  a  prise 
dans  tout  ce  qui  a  été  fait  ; 


3°  Qu'on  dresse  la  liste  officielle  et  complète  des 
achats  avec  les  prix  exacts,  car  on  conaprend  combien 
l'erreur  est  aisée  là-dessus,  puisque,  depuis  plusieurs 
années,  sans  qu'on  sache  exactement  pourquoi,  sauf 
qu'on  le  devine  trop,  ces  prix  n'ont  plus  été  inscrits  au 
catalogue.  C'est  ainsi  qu'il  parait  que  la  Peste  de 
Tournay, cette  immense  non- valeur,  a  été  payée  105,000 
francs  et  non  180,000.  La  bêtise  de  cet  achat  subsiste, 
mais  le  chiffre,  toujours  formidable,  doit  être  réduit. 
Cette  liste  devrait  mentionner  les  noms  des  vendeurs 
et  résumer  les  motifs  allégués  par  la  Commission  dans 
la  dépêche  qu'elle  doit  adresser  au  Ministre  pour  obte- 
nir son  consentement  à  l'achat  :  ou  nous  nous  trompons 
fort,  ou  il  y  aura  là  de  curieuses  révélations. 

4"  Que  pour  chaque  œuvre  on  s'assure  si  les  com- 
missaires-experts ont  été  consultés  et  ont  délivré  les 
avis  écrits  obligatoires,  signés  par  eux.  C'est  là  un  point 
de  la  plus  haute  importance,  étant  données  les  critiques 
sérieuses  dirigées  en  Belgique  et  à  l'étranger  contre 
l'authenticité  de  certains  tableaux.  Il  serait  même  bon 
de  réunir  pendant  un  certain  temps  tous  ces  achats 
dans  une  salle  unique,  ouverte  au  public,  où  ils  seraient 
soumis  à  la  critique  générale  des  artistes,  des  savants 
et  des  amateurs. 

50  Que  l'on  dresse  aussi  la  liste  des  restaurations, 
avec  indication  des  restaurateurs  et  des  salaires  qui 
leur  ont  été  payés.  Ce  côté  de  l'affaire  mérite  une  atten- 
tion particulière.  Là  également  il  faut  se  mettre  en 
garde  contre  les  équivoques.  Récemment  on  nous 
disait  :  <•  Ce  n'est  pas  le  Quentin  Metsys  de  Louvain  qui 
a  subi  le  traitement  atroce  raconté  par  M.  Siret 
en  1884,  c'est  un  autre  tableau  ».  On  voit  d'ici  la  tac- 
tique :  on  produirait  la  note  du  premier,  on  se  tairait 
sur  le  second,  et  on  triompherait.  Pareil  tour  doit  être 
déjoué  :  il  le  sera  par  le  relevé  intégral.  Cette  indication 
des  restaurations  mise  en  rapport  avec  les  œuvres 
permettra  d'apprécier  ce  qu'on  leur  a  fait  subir.  De 
plus  les  procès-verbaux  de  la  Commission  permettront 
d'apprécier  quelles  mesures  ont  été  prises  pour  les 
préserver  des  sacrilèges  de  rentoileurs  abandonnés  à 
eux-mêmes. 

6°  Que  la  Commission  d'enquête  ait  le  droit  de  sou- 
mettre les  œuvres  à  des  expertises  sérieuses  au  point 
de  vue  de  leur  authenticité  et  de  leur  valeur;  qu'elle 
puisse  entendre  quiconque  s'off'rira  à  lui  fournir  des 
renseignements  sur  l'origine  des  tableaux  et  sur  les 
prix  antérieurement  payés;  qu'elle  puisse  appeler 
devant  elle  les  critiques  qui  s'en  sont  occupés  pour  les 
contester  ou  les  réduire  à  leur  juste  valeur;  qu'elle  ait 
le  droit  de  prendre  toute  mesure  utile  comme,  par 
exemple,  de  confronter  à  Cologne  même  les  Têles  de 
nègres  de  Bruxelles  avec  celles  qui  sont  dans  le  musée 
de  cette  ville. 

Ce  qui  précède  ne  concerne  que  les  tableaux  anciens. 


L'ART  MODERNE 


349 


A  chaque  jour  suifit  sa  peine.  Il  faudra,  quand  la 
lumière  aura  été  faite  là-dessus,  entamer  aussi  les 
modernes. 

Voilà  rapidement  les  points  sur  lesquels  nous  atti- 
rons l'attention  de  M.  Slingeneyer.  S'il  veut  faire  une 
besogne  sérieuse,  que  ce  soit  là  sa  plate-forme.  Il  est 
parfois  un  peu  timide  dans  ses  critiques.  L'occasion  est 
bonne  pour  rompre  les  chiens  et  montrer  ce  que  peut  un 
honnête  homme  las  enfin  du  rôle  subalterne  qu'on  lui  a 
fait  jouer  dans  cette  comédie.  Car  il  est  vrai,  n'est-ce 
pas.  Monsieur,  que  si  vous  aviez  pu  vous  douter  de  tout 
ce  qu'il  y  a  à  redire,  il  y  a  longtemps  que  vous  et  plu- 
sieurs de  vos  collègues  auriez  été  plus  exigeants  et  plus 
fermes  dans  l'exercice  de  vos  fonctions?  Que  votre  atti- 
tude prochaine,  à  la  rentrée  des  Chambres,  vous  lave 
de  ce  léger  reproche  que  nous  nous  permettons. 

Et  tenez.  Monsieur,  puisque  nous  nous  adressons  à  Vous,  voici 
deux  faits  sur  lesquels  nous  attirons  votre  attention,  parce  qu'ils 
peuvent  mieux  montrer  ii  vous-même  comment  ces  choses  se  pas- 
sent et  le  rôle  qu'on  fait  jouer  à  la  Commission. 

Savez-vous  que  lorsque  fut  annoncée,  il  y  a  peu  de  mois,  la 
vente  Buisseret,  oCi  figuraient  plusieurs  tableaux  anciens  dignes 
d'attention,  le  Ministre  mit  il  la  disposition  de  la  Commission  un 
subside  que  noua  croyons  être  de  KO, 000  francs  et  obtint  de  la 
famille  de  Buisseret  une  promesse  de  fixer  des  époques  de  paiement 
commodes.  A  cette  vente  figurait  un  beau  Van  Oslade  qui  fut 
adjugé  pour  7,000  francs  ou  environ?  On  vous  a  vu,  avec 
deux  ou  trois  de  vos  collègues,  il  l'exposition.  Mais  rien  ne  fut 
acquis.  A  cette  même  époque  la  Commission  achetait  .S0,000  fr. 
l'autre  Van  Oslade  à  M.  Gauchcz  et,  comme  nous  le  disions  plus 
haut,  considérait  l'avis  favorable  du  Ministre,  nécessaire  aux  ter- 
mes des  arrêtés,  comme  une  formalité  de  si  peu  de  conséquence, 
qu'elle  faisait  pendre  l'œuvre  au  .Musée  avant  de  l'avoir  obtenue 
et  le  mettait  dans  la  délicate  situation  de  l'accepter  aveuglément 
ou  de  provoquer  un  fâcheux  conflit  avec  le  marchand. 

Savez-vous  si  ce  tableau  a  été  soumis  aux  commissaires-experts 
et  s'il  existe  d'eux  l'avis  écrit  et  signé  prescrit? 

Savez-vous  qu'en  proposant  au  Ministre  l'achat  de  ce  Van 
Ostade  sept  fois  plus  cher  et,  supposons-le,  sept  fois  meilleur 
que  celui  de  la  famille  Buisseret,  on  a  essayé  d'endosser  au  même 
Ministre,  qui  a  furieusement  reginjbé,  deux  autres  tableaux,  pré- 
sentés avec  force  vanteries,  l'un  de  50,000  francs,  l'autre  de 
35,000  francs.  Avaient-ils  été  soumis  aux  experts  et  approuvez- 
vous  les  boniments  qui  accompagnaient  la  demande  de  ratifier 
l'achat  de  ces  toiles? 


V^ 


JOCUMENT?    A     CONSERVER 

L«  Rapport  du  Jory  sur  «  la  Princesse  Malelne  • 

Il  y  aurait  une  lacune  dans  l'Art  moderne  si  sa  collection  ne 
comprenait  pas  ce  monument  de  l'incurable  mauvais  vouloir,  et 
de  l'étonnante  ignorance  du  groupe  des  arriérés,  pour  la  Littérature 
belge  nouvelle.  Et  comme  nous  avons  l'espoir  et  l'orgueil  (oui, 
l'orgueil!)  de  croire  que  ce  journal  restera  un  témoignage  de  ces 
résistances  ineptes  et  des  luttes  par  lesquelles  on  |i:s  a  vaincues, 


et  qu'il  servira  il  ceux  qui  feront  l'histoire  de  l'Art  national  en  ces 
temps  où  tout  ce  qui  chez  nous  est  vieilli  et  délétère  aura  été 
bousculé  et  anéanti,  nous  voulpns  combler  cette  lacune  et  nous 
érigeons  en  nos  colonnes  cette  dépouille  d'ennemis  si  amoindris 
qu'ils  ne  prêtent  plus  qu'au  rire. 

Voici  ce  texte,  rédigé  par  l'un  de  ces  jurés  incomparables  et 
approuvé  par  les  aulres  : 

Monsieur  le  Ministre, 

Le  jury  chargé  de  juger  le  concours  triennal  de  littérature  drama- 
tique en  langue  française,  pour  la  période  1888-1890,  a  l'honneur  de 
vous  adresser  le  résultat  de  son  examen  et  le  résumé  de  ses  délibéra- 
tions. 

Le  département  de  l'intérieur  a  reçu  et  transmis  au  jury  dix  pièces 
dont  voici  les  titres  ;  La  Microbes:  L'homme  du  siècle;  Ambiorùc; 
La  princesse  Haleine;  Les  Aveugles;  Le  Roman  d'une  ouvrière  ; 
Comtesse;  Le  Mariage  de  lierlhe;  Trop  de  Bâtards  et  Le  Pont  du 
Diable.  Dix  œuvres  de  pres(iue  tous  les  genres,  puisqu'on  y  trouve 
une  tragédie  en  vers,  à  forme  classique,  une  féerie  en  dix-neuf  tableaux, 
deux  drames,  de  hardiesses  nouvelles  avec  des  imitations  anciennes, 
une  comédie  d'âpre  réalité,  d'autres  comédies  à  complications  émou- 
vantes ou  à  plaisantes  surprises. 

Le  jury  a  examiné  ces  différents  ouvrages,  en  y  cherchant  les 
marques  les  plus  originales  de  talent,  et  sans  aucun  souci  des 
systèmes,  des  écoles  d'art  dramatique,  des  vieilles  ou  neuves  formules. 
Bien  avant  l'homme  qui  a  eu  plus  d'esprit  que  tout  le  monde,  on 
savait  que  tous  les  genres  sont  bous;  et  les  publics  qui,  autrefois 
et  aujourd'hui,  ont  admiré  Œdipe-Roi,  Macbeth,  Andromaque, 
Hemani,  comme  ceux  qui  se  sont  plu  à  l'Ecole  des  Femmes,  aux 
Jeux  de  VAmour  et  du  Hasard,  à  Diane  de  Ly»,  au  Gendre  de 
M.  Poirier,  au  "Voyage  de  M.  Perrichon,  à  la  Petite  Marquise, 
n'ont  pas  adopté  successivement  des  théories  contraires,  en  se  laissant 
prendre  à  toutes  ces  œuvres  puissantes  ou  charmantes. 

Les  auteurs  présentés  au  concours  triennal  de  littérature  drama- 
tique en  langue  française  ne  semblent  pas  se  proposer  de  faire  des 
révolutions  au  théâtre.  Le  seul,  dont  on  ait  cité  une  parole  sur  son 
dessein  particulier  de  drame,  aurait  dit  :  ••  Je  vais  tâcher  de  faire  une 
pièce  à  la  façon  de  Shakespeare  pour  un  théâtre  de  marionnettes  ».  Ce 
qui  est  une  fantaisie  curieuse,  mais  n'aspire  évidemment  pas  à  être 
un  modèle  nouveau  et  fécond  pour  l'art  dramatique. 

Le  jury,  consciencieusement  appliqué  à  découvrir  celui  des  neuf 
auteurs  ayant  le  plus  personnellement  fait  œuvre  d'art,  ne  prétendait 
couronner  un  drame  tout  neuf  ou  une  comédie  audacieuse,  une  pièce 
de  conception  forte  ou  d'exécution  vivante.  Peu  de  concours  ont 
apporté  de  ces  pleines  révélations.  Il  nous  suffisait  de  reconnaître 
quelque  chose  de  saisissant,  des  mérites  individuels  de  forme,  une 
façon  particulière  de  rendre  la  terreur  ou  la  pitié,  le  mystérieux,  le 
naif  ou  le  pittoresque. 

Nous  avons  déjà  rappelé  l'opinion  d'un  critique  illustre,  disant  à 
propos  d'un  concours  de  littérature  dramatique  :  «  Quand  des  récom- 
|)ense3  publiques  sont  proposées  par  l'Etat,  il  est  de  bon  exemple 
qu'elles  trouvent  leur  objet;  il  est  pénible  de  venir  déclarer,  après 
examen,  qu'il  n'y  a  pas  lieu  à  les  décerner  ».  Le  prix  triennal  de  litté- 
rature dramatique  ne  fut  pas  décerné  en  Belgique  en  1882,  ni  le  prix 
quinquennal  de  littérature  française  en  1883.  Cette  dernière  décision 
fut  surtout  critiquée,  et  avec  beaucoup  de  véhémence,  par  nos  jeunes 
littérateurs,  qui  avaient  souhaité  généreusement  qu'un  de  leurs  chefs, 
brillant  et  vigoureux  écrivain,  obtînt  cette  «  récompense  publique  de 
l'Etat  ".  Il  l'obtint  dans  le  concours  quinquennal  suivant,  et  aux 
applaudissements  de  tous,  avec  un  livre  sur  la  Belgique,  ayant  le 
double  mérite  d'un  style  très  éclatant  et  d'une  fierté  très  patriotique,  de 
descriptions  très  orgueilleuses  et  très  caractéristiques  de  notre  pays. 

Notre  jury  n'a  pas  pris  sa  décision,  fait  son  choix,  par  la  principale 
raison  qu'il  est  «  de  bon  exemple  "   que  les  couronnes  officielles 


350 


VART  MODERNE 


soient  distribuées.  Quelques-unes  des  œuTres  présentées  ne  «ont  pas 
sans  mérites,  mais  leur  quantité  et  leur  qualité  d'art  ne  nous  ont  pas 
paru  suffisantes.  Nous  proposons  d'attribuer  le  prix  à  la  Princesse 
Ualeineàe'ii.  Maurice  Maeterlinck,  précisément  parce  que  l'auteur 
est  un  artiste  délicat,  un  chercheur  de  naïveté  et  d'étrangeté,  un 
écrivain  de  science  raffinée.  Qu'on  ait  pour  lui  des  ambitions  violentes, 
qu'il  peut  justifier  plus  tard,  qu'il  soit  d'une  école  nouvelle  ou  qu'il 
fasse  des  pastiches  d'autrefois,  peu  importe  :  M.  Maeterlinck  a  sa 
personnalité  d'écrivain  et  il  a  produit  quelque  chose  de  rare. 

Le  rapporteur  se  permet  de  redire  ici  un  peu  de  ce  qu'il  avait  dit 
ailleurs  de  la  Princesse  Maleine  :  c'est  un  drame  en  cinq  actes,  dont 
les  personnages  n'ont  aucun  caractère  et  les  événements  aucune  origi- 
nalité. Rien  de  moins  compliqué  que  ces  personnages  dont  on  ne  sait 
rien,  mjirqués  par  quelques  traits  rudimentaires,  et  que  ce»  événe- 
ments d'une  horreur  inexpliquée.  L'art  subtil  et  net  de  M.  Maurice 
Maeterlinck  est  d'avoir  prêté  du  charme  et  du  tragique  à  des  scènes 
si  peu  vivantes,  à  des  êtres  si  indistincts,  à  des  sentiments  si  peu 
profonds.  Ce  drame  d'une  guerre  figurée  par  quelques  images 
exiguës,  d'un  amour  exprimé  par  quelques  paroles  terrifiées,  de  traî- 
trises et  de  meurtres  dévoilés  en  quelques  mouvements  rapides,  ce 
drame  embryonnaire,  de  réalité  nulle  et  d'humanité  vide,  arrive  au 
saisissant  et  au  délicieux  par  sa  naïveté  savante.  C'est  du  primitif, 
refait  avec  une  ingéniosité  minutieuse,  dont  on  voit  le  jeu  souvent, 
mais  dont  les  lignes  ont  une  précision  rare.  Et  l'émotion  de  ce  conte 
bleu,  où  l'on  sent  l'épouvante  et  le  mystère,  a  une  intensité  vague, 
apporte  des  contours  arrêtés  à  une  vision  chimérique. 

Dans  toutes  les  crises  du  drame,  les  personnages  ne  s'expliquent 
sur  l'événement  que  par  quelques  exclamations,  et,  le  plus  souvent, 
par  quelques  onomatopées,  comme  :  "  Oh  I  Oh  I  Oh  1  •>  Ainsi  M.  Maeter- 
linck évite  tout  le  poncif  des  réflexions  et  des  discours  des  gens  très 
affligés.  Il  ne  risque  pas  de  faire  de  phrases  déclamatoires  ni  de 
morceaux  fâcheusement  éloquents,  puisqu'il  n'en  fait  pas  du  tout. 
C'est  très  ingénieux.  Mais,  tout  en  se  garant  du  poncif,  il  se  dérobe 
au  plus  difficile  et  au  plus  noble  de  l'art  dramatique,  à  cette  difficulté 
de  montrer  la  diversité  des  caractères,  le  dedans  des  âmes  et  le  mouve- 
ment des  passions  sous  les  coups  du  sort  ou  dans  les  férocités  des 
luttes. 

M.  Maurice  Maeterlinck  n'a  pas  voulu  que  sa  Princesfe  Maleine 
fût  un  drame  de  cette  sorte.  Il  a  écrit,  avec  une  délicatesse  très 
curieuse,  avec  les  finesses  et  les  sûretés  de  ce  temps-ci,  un  poème 
dramatique  primitif,  Par  la  netteté  du  style,  par  la  fraîcheur  ou 
l'étrangeté  des  images,  par,le  choix  des  petits  détails  pittoresques  ou 
émouvants,  tous  très'suggestifs,  la  Princesse  Maleine  est  une  œuvre 
originale  :  originale,  malgré  le  factice  de  sa  naïveté  ;  charmante, 
malgré  l'insistance  de  ses  procédés;  forte,  malgré  la  pftleur  anémique 
de  ses  personnages.  C'est  un  drame  artificiel,  avec  des  situations  A 
à  peine  accusées  qui  font  frémir,  et  avec  des  mots  à  peine  expliqués 
qui  font  rêver. 

Le  jury,  chargé  de  désigner  pour  le  prix,  l'œuvre  la  plus  remar- 
quable, parmi  celles  qui  ont  été  présentées  au  concours  triennal  de 
littérature  dramatique  de  1888-1890,  propose  de  couronner  la  Prin- 
cesse Maleine,  de  M.  Maurice  Maeterlinck. 

Veuillez  agréer.  Monsieur  le  ministre,  l'expression  de  nos  senti- 
ments les  plus  distingués. 

Le  rapporteur, 

0.  FhiUd^rix. 

La  Nation  a  signalé  le  caractère  insolent  et  malveillant  de  cet 
étrange  factum.  Elle  a  signalé  aussi  le  piège  auquel  était  exposé 
le  poète  convié  à  accepter  la  prétendue  distinction  qu'on  lui  avait 
annonréo  sans  lui  faire  connaître  de  quel  nnéchant  commentaire, 
de  quelles  venimeuses  restrictions  on  se  réservait  de  l'accompa- 
gner. Son  instinct  l'a  servi  hcureuscmenl,  et  il  a  évité  Jd  recevoir 
la  palme  qu'on  était  résolu  à  accompagner  d'un  soufflet.  Bien 
mieux,  c'est  lui  dont  la  fière  altitude  a  calotte  ces  distributeurs  do 


couronnes  eofielléen.  Le  voil-on  pris  dans  ce  traquenard  et  risi- 
blement  traité  en  moutard  de  lettres  par  ces  gëronleaf 

Ces  ricanants  marmollages  comblent  la  mesure.  La  guerre  doit 
être  à  mort  entre  ces  incorrigibles  et  les  représentants  de  l'art 
neur.  Que  tous  s'unissent  pour  les  abattre  sans  trêve  ni  merci. 
Qu'il  toute  attaque  nouvelle  réponde  une  exécution  immédiate 
et  impitoyable. 

Nous  n'y  faillirons  pas.  Toute  concession,  toute  indulgence, 
toute  tendance  i  la  paix  ou  i  la  trêve  ne  sont  que  duperie. 

En  avant  done  et  préparons-nous  k  sabrer  de  nouveau  !  Sus, 
sus,  il  la  moindre  incartade. 

Et  d'autre  part,  nous  adressant  au  Minisire  qui  nomme  ces 
stupéfiants  jurés,  nous  lui  disons  :  Vous  avez  désormais  la  preuve 
évidente  de  la  partialité  de  ces  personnages;  rien,  en  eux,  ne  pré- 
vaut contre  leurs  préjugés  et  leurs  parti-pris;  iU  ne  jugent  plus, 
ils  insultent  ;  ils  ne  songent  plus  il  encourager  notre  littérature, 
ils  n'ont  de  préoccupation  que  d'assouvir  leurs  animosités  et  d'es- 
sayer de  sauver  leur  autorité  vermoulue;  les  désigner  encore  pour 
remplir  une  mission  qui  veut  le  désintéressement,  le  calme, 
l'équité,  serait  un  déni  de  justice;  si  vous  voulez  que  celte  insti- 
tution qui  leur  a  été  livrée  ne  tombe  pas  sous  le  mépris,  qu'il  ne 
soit  plus  jamais  question  d'eux  ;  choisissez  ailleurs  des  artistes 
dignes  de  l'exercer,  choisissez-les  parmi  les  générations  nouvelles 
et  laissez  définitivement  aux  Invalides  ces  malheureux  infirmes  de 
l'esprit;  ils  se  vantent  d'être  des  Sainte-Beuve;  ils  se  parent,  en 
effet,  de  toutes  ses  plumes,  sauf  de  celle  avec  laquelle  il  écrivait. 


LA  MAISON  DU  ROI 

Lentement,  lentement  se  complète,  avec  des  détails  d'archéo- 
logique saveur,  le  prestigieux  décor  architectural  de  la  Grand'- 
Place.  Après  les  maisons  de  corporations  restituées  en  leur  prime 
silhouette,  voici  enfin  sortir  de  ses  langes  ligneuses  l'antique 
Broodthuis,  tel  que  l'avait  projeté  Antoine  Keldermans,  «  maître 
ouvrier  des  maçonneries  de  Mgr  le  Roi  en  Brabanl  »,  et  que  l'au- 
rait achevé  Henri  Van  Pede,  l'habile  et  original  ciseleur  de  cette 
châsse  en  pierre  qui  s'érige,  précieuse,  en  la  place  commune 
d'Audenarde. 

Peu  de  monuments,  en  Belgique,  ont  été  restaurés  avec  cette 
respectueuse  religiosité  qui  requiert ,  dans  tel  chapiteau  aux 
spongieuses  nervures  ou  telle  arcade  trilobante  sertissant  d'une 
courbe  harmonieuse  le  plus  oullre  charlequintesque  ;  on  sent,  en 
tout  ceci,  une  pénétration  intime  des  documents  historiques,  une 
assimilation  patiente  du  sentiment  décoratif  post-ogival,  une  ino- 
culation, pour  dire  ainsi,  du  goût  spirituel  des  artistes  de  l'aube 
encore  fiamboyaote  du  xvi*  siècle,  qui  témoigne  des  sérieuses 
recherches  de  labeur  bénédictin  auxquelles  se  sont  livrés,  en  ces 
ultimes  années,  M.  Jamaer  et  ses  collaborateurs.  A  eux,  et  de 
droit,  vont  les  félicitations  des  esthètes. 

Ce  n'est  pas  sans  crainte  que  nous  attendions  la  mise  au  jour 
de  la  double  galerie  i^oge  et  non  bretèque,  erronément  qualifiée 
par  les  incompétents),  surgie  du  cerveau  de  Keldermans  mais 
jamais  réalisée  :  seuls  les  culots  et  les  premiers  claveaux  des  ner- 
vures encastrées  aux  façades  en  constituaient  les  rares  témoins. 
En  ces  temps  de  gaffes  artistiques,  un  manque  de  goût,  une  gau- 
cherie de  composition,  une  note  discordante  mellant  i  vau-l'eau 
cet  exquis  monument  étaient  à  redouter.  Or,  point.  Bien  que  de 
proportions  un  peu  élancées,  les  arcades  rez  pied,  aux  tympans 


v*»  :■''"'■:•"  ;'■ 


L'ART  MODERNE 


351 


cartenaeroeiit  aecoladét,  reçoivent  un  adjuvant  de  non-monotone 
allare  par  le  ledooblement  des  baiei  de  la  galerie  supérieure  : 
l'ensemble,  harmonique,  vaut,  tant  par  le  profil  nerveux  des 
détails  que  par  l'intime  liaison  de  contexture  avec  l'ordonnance 
architecturale  du  Broodtkuù  même. 

Viennent  maintenant,  l'an  qui  suivra,  les  voûtes  en  briques, 
jetant,  dans  la  teinte  gris-perle  des  pierres,  leur  note  réchauffante 
de  vermillon  atténaé,  et  l'œil  éprouvera  la  joie  grande  que  les 
clochettes,  cloches  et  bourdon  du  carillon  apporteront  plus  tard 
k  roreille. 

n  n'est  œuvre,  tant  parfaite  puisse-t-elle  élre,  qui  soit  ii 
l'abri  des  critiques  ou  des  regrets;  ci,  les  nôtres  : 

Vue  en  son  intégrité,  la  galerie  manque  peut-être,  aux  angles, 
de  points  accusant  nne  certaine  fermeté;  isolées,  se  détachant 
sur  le  vide,  les  dernières  colonnes  paraissent  amaigries  :  des 
piliers,  diagonalement  disposés  de  façon  k  contrebuuer  la  résul- 
tante des  poussées  des  voAtes  extrêmes,  eussent  mieux  calé  ces 
hofa-d'cenvre,  si  légèrement  écbafaudés,  et  dont  les  masses 
demandaient  k  être  balancées  et  conclues  par  un  rappel  des 
vigueurs  du  pied  de  la  tour.  —  Et  les  pluies,  inondant  les  ter- 
rasses, qu'en  feraH-oiiT  Nulle  trace,  pour  le  dégorgement,  de 
gargouilles,  cet  élément  aussi  utile  que  décoratif;  aussi  restons- 
nous  anxieux,  et  n'osant  croire  au  dégoulinement  des  eaux  par  les 
clefs  de  voûtes  sur  le  chef  des  passants,  nous  appréhendons  l'em- 
ploi, lâchement  dissimulé,  de  tuyaux  de  descente,  solution  éco- 
nomique mais  non  logique. 

Nous  sera-t-il  permis  de  ne  pas  être  enthousiaste  des  cheva- 
liers, lansquenets,  rettres,  hérauts  d'armes,  gonfaloniers,  etc., 
qni  peuplent,  combien  trop  nombreux,  les  pinacles  des  pignons 
grands  et  petits  ;  si  elles  sont  admissibles  aux  gables  des  ruelles 
latérales,  ces  posturettes,  de  détails  minuscules  et  papillotants, 
remplacent  mal,  sur  tes  lucarnes,  les  fleurons  de  pierre  qui, 
rationnellement,  devaient  s'y  épanouir.  Autre  erreur  :  l'emploi  du 
bronze  qu'une  dorure,  de  patine  dartreuse,  dénature  ;  ainsi  com- 
prises, ces  figurines  sont  plutôt  bibelots  d'étagère  que  terminai- 
sons de  silhouettes  architecturales.  La  pierre,  ici,  s'imposait,  ainsi 
quli  Audenarde  où  des  bambins,  de  facture  grasse  et  simpliste, 
forment,  avec  l'aiglon  autrichien,  le  plus  savoureux  diadème  de 
lucarne  qui  se  puisse  rêver. 

S'il  en  est  temps  encore,  crions  casse-cou  à  l'architecte  de  la 
Ville,  et  déclarons-lui,  en  franchise  entière,  que  la  flèche  pro- 
posée pour  le  beffroi  est  inadmissible;  elle  est  inspirée  des  folles 
cominnaisons  de  bulbes,  moutardiers  et  bilboquets  que  la  Renais- 
sance (une  croulante  décadence  k  dire  vrai),  mit  i  la  mode  dans 
les  Pays-Bas,  à  la  fin  du  xvi*  siècle  et  surtout  au  cours  du  xvii"; 
des  formes  aussi  bizarrement  et  mollement  contournées  ne  peuvent 
donc,  d'aucune  manière,  être  appliquées  k  la  Maison  du  Roi 
construite  de  1545  k  <5i4.  La  resuuration,  de  complète  réussite 
jusqu'ici,  qui  nous  occupe,  n'a  que  faire  d'éléments  hétéroclites  : 
sa  fort  belle  et  actuelle  unité  réclame  hautement  nne  flèche  ter- 
minale aux  arêtiers  sainement  stylés  et  nerveusement  épurés.  — 
L'aura-t-elleT 

Espérons  que,  sur  ce  point,  notre  voix  sera  entendue  par  ceux 
qui,  k  l'Hôtel-de-Ville,  ont  charge  des  beaux-arts  et  compétence 
voulue  en  archéologie  architecturale. 


LA  QUESTION  DES  MUSÉES 

Monsieur  le  Directeur  de  l'Art  moderne, 
Connaissez-vous  l'histoire  du  prétendu  Terburj;  :  Portrait  de 
gentilhomme,  dont  un  des  yeux  est  presque  effacé  ? 

11  a  été  acheté  k  la  vente  Hollander  2,640  francs.  Comme  il  est 
très  usé  par  le  nettoyage,  M.  Go...,  le  grand  marchand  d'Amster- 
dam, l'avait  vendu  pour  100  florins  i  M.  Hollander.  A  la  vente 
Hollander,  H.  Go...  c'est  fort  amusé  de  voir  son  tableau  acquérir 
un  prix  dix  fois  plus  fort  qu'il  ne  valait,  et  l'on  a  ironiquement 
félicité  l'envoyé  du  Musée  de  Bruxelles. 
Recevez,  etc. 

PLUS  FORT  QUE  L'ENFANT  DE  BRUGES 
On  peut  lire,  k  côté  de  la  signature  d'un  tableau  de  J.  Brueghel, 

qui  se  trouve  au  Musée,  sa  date  :  1569. 

Or,  sur  le  cartel  qui  se  trouve  au  bas  du  tableau,  on  lit  : 

J.  Brceghel,  mé  en  1568.  Voilà  un  génie  précoce  ! 

AU  MUSÉE  MODERNE 
Au  cours  d'une  courte  visite  au  Musée  moderne,  nous  avons 
constaté  que  le  fameux  Christ  k  six  doigis,  d'un  dessin  académique, 
avait  été  relire  de  la  salle  des  dessins  et  des  aquarelles.  C'est 
dommage,  car  cela  amusait  fort  la  galerie  (c'est  bien  le  cas  de  le 
dire!)  Heureusement  pour  ceux  qui  aiment  à  rire,  un  accident 
comique,  dû  k  l'épaisseur  et  au  gluant  empalement  de  la  pein- 
ture, est  arrivé  au  tableau  signé  E.  de  Block  el  intituté  :  La  Lec- 
ture de  la  Bible.  La  télé  du  petit  garçon  qui  regarde  la  Bible 
prend  d'incontestables  allures  de  pomme  cuiie.  Aurail-il  l'inten- 
tion de  se  lancer  contre  la  Commission  des  Beaux-Arls? 


j!ÎHRONlQUE    JUDICIAIRE    DE?    ART? 

Sous  le  tiire  :  Un  Sâr  embêta,  l'Echo  de  Paris  rend  compte 
en  ces  termes  des  procès  intentés  par  M.  Joséphin  Péladan  k 
Rodolphe  Salis,  à  Léon  Bloy  et  à  Léon  Descliamps,  —  procès  qui 
ont  été  plaides  dernièrement  au  tribunal  correclionnel  de  la 
Seine.  Les  personnalités  en  cause  font  rentrer  les  faits  dans  notre 
rubrique  :  Chronique  judiciaire  des  ans. 

A  quoi  sert-il  d'avoir  approfondi  les  sciences  herméliques  et 
d'être  un  mage  qui  se  respecte  si  l'on  perd  ses  procès  comme  le 
dernier  des  justiciables  de  défunt  M.  le  président  Toulée?  C'est  là 
la  question  que  l'on  se  posait  à  la  neuvième  chambre  cor- 
rectionnelle où  le  Sar  Joséphin  Peladan  a  éié  vaincu  dans  le  com- 
bat judiciaire  —  le  seul  que  son  Dieu  lui  permette  —  qu'il  avait 
intenté  contre  le  cabarelier  Rodolphe  Salis. 

M.  Péladan  ne  poursuivait  pas  seulement,  devant  la  neuvième 
chambre»  le  genlilhomme-cabaretier  de  Montmartre,  il  réclamait, 
en  outre,  pour  diffamation,  10,000  francs  de  dommages-intérêts 
à  MM.  Léon  Uloy  et  Léon  Deschamps,  rédacteur  cl  directeur- 
gérant  du  journal  décadent  la  Plume. 

Le  Sar  Péladan,  actuellement  en  province,  où  il  propage  sans 
aucun  doute  la  bonne  doctrine,  n'est  pas  venu  à  l'audience  pour 
soutenir,  de  sa  présence  tout  au  moins,  les  poursuites  qu'il  inten- 
tait k  ses  détracteurs.  Très  modesiemeni,  le  mage  s'est  fait  repré- 
senter par  des  conclusions  d'avoué. 


352 


L'ART  MODERNE 


Celte  absence  du  Sar  a  vivcincnl  mdcontcnié  l'auditoire  d'avo- 
cats et  de  gens  du  monde  accourus  non  seulement  pour  entendre, 
mais  aussi  pour  voir  des  choses  curieuses.  Dès  ce  momeni,  il 
était  facile  de  constater  que  les  actions  Josépliin  Peladan  étaient 
à  la  baisse. 

Les  affaires  du  Sar  ont  débuté  par  les  débats  du  procès  dirigé 
par  M.  Péladan  contre  la  Plume.  M"  Le  Jeune,  député  de  Paris, 
a  exposé  les  doléances  du  mage.  Puis  M°  Fernand  Labori,  avocat 
de  M.  Deschamps,  a  présenté  au  tribunal  l'avocat  de  M.  Bloy,  un 
prince  russe  authentique.  M"  Alexandre  Ourousof,  du  barreau  de 
Moscou,  venu  tout  exprès  à  Paris  pour  défendre  son  ami,  le  dis- 
tingué écrivain  cat.holique  Léon  Bloy. 

M"  Labori  s'est  exprimé  en  ces  termes,  à  reproduire  en  entier  : 

«  Je  ne  me  lève  pas.  Messieurs,  à  l'heure  présente,  pfour  défendre 
M.  Deschamps.  Il  n'est  dans  ce  débat  qu'un  prévenu  de  second 
rang.  J'ai  hâte  d'accomplir  un  devoir  de  courtoisie  et  de  vous 
ménager  un  plaisir  délicat  en  laissant  la  parole  !i  notre  honorable 
confrère  du  barreau  de  Moscou,  M.  le  prince  Ourousof.  M' Ourou- 
sof accomplit,  en  se  présentant  devant  vous,  un  véritable  acte  de 
dévouement  professionnel  et  amical...  M.  Léon  Bloy  a  voulu  se 
faire  assisicr,  non  seulement  d'un  défenseur,  mais  d'un  ami.  Il 
ne  pouvait  mieux  s'adresser  qu'à  l'homme  distingué  qui  a  fait  de 
Flaubert  le  culte  de  sa  vie.  M.  Ourousof  est  venu  ici  comptant  sur 
voire  bienveillance  et  sur  la  sympathie  de  ses  confrères  français. 
Il  voit  déjà  qu'il  ne  s'est  pas  trompé.  J'espère  que  M'  Ourousof 
éprouvera  qu'il  est  à  cette  audience  chez  lui  et  comme  à  la  barre 
d'une  de  ses  juridictions  nationales. 

Il  existe  entre  les  hommes  cultivés  de  tous  les  pays  une  sorte 
de  concitoyenneté  de  l'esprit  et  du  cœur;  ne  le  sentons-nous  pas 
bien  aujourd'hui  quand  nous  accueillons  parmi  nous  un  membre 
de  ce  Barreau  universel  à  qui  ses  traditions  font  un  patrimoine 
commun  d'honneur  et  de  désintéressement,  l'avocat  du  Barreau 
de  Moscou,  l'ancien  procureur  de  Varsovie  et  de  Saint-Pétersbourg, 
le  citoyen  de  ces  villes  dont  le  nom  résonne  aujourd'hui  comme 
le  nom  de  véritables  villes  françaises.  C'est  un  honneur  pour  moi 
de  le  saluer  ici  en  l'introduisant  auprès  de  vous.  Vous  avez  hflte 
de  l'enlondre,  je  lui  laisse  la  parole.  » 

M'  Ourousof,  après  cette  chaleureuse  et  éloquente  présentation, 
a  défondu  très  correctement  son  client  pour  lequel  il  a  plaidé  en 
fait  et  en  droit 

Après  M"  Ourousof,  M«  Fernand  Labori  a  présenté  avec  son 
grand  talent  la  défense  de  M.  Léon  Deschamps.  Puis  M.  le  substi- 
tut Cabat  a  donné  ses  conclusions  et  le  tribunal  a  renvoyé  à 
huitaine  pour  jugement. 

Cette  affaire  terminée,  l'huissier  a  appelé  le  procès  Peladan 
conire  Salis. 

Le  Sar  a  continué  à  faire  défaut.  Quant  au  gentilhomme-cabarc- 
tierdc  Montmartre  il  est  accouru  s'asseoir  au  banc  des  prévenus. 

M"  Le  Senne  s'est  alors  efforcé  de  démontrer  au  tribunal  que 
M.  Rodolphe  Salis  avait  commis  une  diffamation  en  se  permettant 
contre  le  Sar  une  plaisanterie  chatnoiresqiie,  que  nous  ne  réédi- 
terons pas. 

M«  Reboul  a  plaidé  pour  le  directeur-gérant  du  Chat  Noir,  qui 
a  été  acquitté  haut  la  main.  L'infortuné  Sar  a  été  condamné  aux 
dépens  du  procès. 

Joséphin  Peladan  vaincu  par  Rodolphe  Salis!  Comme  le  Chat 
Noir  va  triompher!  Grand  Sar,  bouchez-vous  les  oreilles  et  les 
yeux,  ot  plongez-vous  dans  les  sciences  hermétiques!  » 


Ajoutons  que,  par  jugement  rendu  cette  semaine,  le  iribuDal  a, 
débouté  M.  Joséphin  Peladan  de  son  action  contre  HM.  Léon 
Bloy  et  Léon  Deschamps. 


5\CCU3Ép    DE    RÉCEPTION 

Nous  avons  reçu  de  M.  V.  Grubicy  de  Dragon  une  inléressanle 
notice  (1)  sur  la  première  exposition  triennale  de  Milan.  L'auteur 
passe  en  revue  les  diverses  tendances  évolutives  de  la  peinture, 
sans  oublier  la  théorie  de  la  division  pigmentaire,  qui  a  en  Italie 
des  adhérents. 

L'ouvrage  est  orné  de  quinze  reproductions  d'œuvres  d'art. 

Nous  avons  reçu  en  outre  les  ouvrages  suivants,  dont  il  sera 
rendu  compte  : 

Journal  des  Denrée,  Mémoires  de  la  vie  lltléraire,  par  Jules 
Destrée;  Bruxelles,  P.  Lacomblez,  éd.  —  Hittoire  de  l'habi- 
tation humaine;  Bruxelles,  Lyon-Claesen,  éd.  —  L'eiueignement 
spécial  en  Belgique,  par  H.  Bertiaux  (I.  L'enseignement  pro- 
fessionnel); Bibliothèque  belge  des  connaissances  modernes, 
Bruxelles,  Ch.  Rozez,  éd.  —  La  pisciculture  et  l'agriculture 
appliquées  à  la  Belgique,  par  Emile  Gens;  même  bibliothèque. 


Petite  chroj^ique 


Les  interviews  littéraires  se  succèdent  dans  la  Nation.  Après 
celui  de  M.  Lemonnier,  très  complet  et  large,  vint  celui  de 
M.  Eekhoud  qui  déchaîna  de  vives  polémiques,  puis  celui  de 
M.  Edmond  Picard,  puis  celui  de  M.  Nizet.  Voici  celui,  le  plus 
récent,  de  M.  Giraud,  qui  appuie  sur  l'originalité  foncière  du 
mouvement  littéraire  belge.  Il  l'explique  ainsi  : 

«  Non  seulement  nous  avons  un  mouvement  littéraire,  mais  ce 
mouvement  littéraire  est  original.  Ce  n'est  qu'aux  yeux  des  obser- 
vateurs superficiels  qu'il  se  confond  avec  le  mouvement  français... 
Notre  mouvement  littéraire  n'est  pas,  i  proprement  parler,  un 
mouvement  belge,  ni  encore  moins  un  mouvement  flamand  ou 
wallon,  —  il  est  l'expression  française  d'un  état  d'esprit  et  de 
civilisation  septentrional.  Nous  sommes  tous  ici,  à  des  degrés 
divers,  des  hommes  du  Nord  ;  mais  nous  exprimons  notre  état 
d'esprit  et  de  civilisation  dans  une  forme  d'origine  latine...  C'est 
chez  nous  que,  depuis  des  siècles,  se  rejoignent  les  trois  grandes 
forces  du  monde  :  l'esprit  franco-latin,  l'esprit  anglo-saxon  et 
l'esprit  germanique.  Nous  sommes  au  confluent  de  trois  races. 
C'est  en  Belgique  qu'elles  nouent  leur  nœud...  L'imagination  et  la 
sensibilité  nous  viennent  du  Nord,  la  forme  plastique  nous  vient 
du  Midi.  Et  ce  sera  l'originalité  de  nos  écrivains  d'avoir  pratiqué 
celte  greffe,  d'autant  plus  profonde  qu'elle  a  été  instinctive.  » 

Et  il  termine  et  conclut,  faisant  allusion  ^  certaines  dissensions 
d'antan,  moins  existantes  dans  la  réalité  que  dans  l'apparence  : 
«  M.  Picard  a  eu  raison  de  dire  que  les  anciennes  querelles  sont 
apaisées  ».  Un  autre  point  a  retenir  encore  : 

«  Pourquoi,  disais-je  au  banquet  de  la  Jeune  Belgique,  pour- 
quoi ne  fonderions-nous  pas  la  Ligue  des  intérêts  artistiques,  et 
pourquoi,  chaque  fois  que  l'on  nous  invite,  nous  et  les  nôtres,  à 
nous  souvenir  que  nous  sommes  des  citoyens,  ne  dirions-nous  pas 

(1)  Prima  etpoiixione  triennale.  Brera  1891.  —  Milano,  typ. 
coopr.  Insubria.  —  Broch.  in-4»  de  1(X)  pages,  non  compris  la  table, 
et  tirée  à  150  exemplaires  (hors  commerce). 


L'ART  MODERNE 


353 


oux  brigucura  de  mandais  poliliqucs  :  a  Prenez  garde  !  Nous 
sommes  un  élément  aclif  de  la  prospérité  oaiionale.  A  pari  deux 
ou  trois,  que  l'on  pourrait  nommer,  voua  feignez  tous  d'ignorer 
notre  existence.  Et  cependant,  nous  avons  des  droits,  et  vous 
avez  envers  nous  des  devoirs.  Accordez-nous  les  uns  et  respectez 
les  autres  ;  sinon,  gare  à  la  prochaine  renconlre!  Nous  braque- 
rons notre  bulletin  de  vote,  et  nous  ferons  feu  !  » 

On  inaugurera  aujourd'hui,  au  Nouveau  Musée  d'Anvers,  le 
buste  de  Henri  De  Braekeleer,  par  Jef  Lambeaux. 

Un  Comité  composé  de  MM.  A.  De  Vricndt,  directeur  de  l'Aca- 
démie royale  des  Beaux-Arts  ;  Fr.  Van  Kuyck,  président  de  la 
section  des  arts  plastiques  du  Cercle  Artistique;  H.  Luyten,  pré- 
sident du  cercle  AU  ik  Kan;  H.  Timmermans,  président  du 
cercle  Ane  et  Labore;  Jos.  Dclin  et  Jean-G.  Rosier,  a  pris  l'ini- 
tiative de  celte  manifestation. 

A  ce  Comité  a  été  adjoint  un  groupe  d'ariistes,  d'amateurs  et 
de  joarnalistes  bruxellois  qui  représenteront  i  la  cérémonie  les 
artistes  de  la  capitale.  M.  Sllngencyer,  représentant,  a  été  prié 
de  prendre  la  parole.  La  réunion  aura  lieu  à  40  1/2  heures  au 
Cercle  artistique  d'Anvers. 

Dans  quelques  jours  s'ouvrira  la  saison  musicale.  C'est,  immé- 
diatement après  la  distribution  des  prix  du  Conservatoire,  — 
ouverture  officielle,  analogue  aux  séances  solennelles  de  rentrée 
des  Cours  et  Tribunaux,  —  fixée  à  dimanche  prochain,  le  pianiste 
Lilta  qui  entamera  les  hostilités  par  une  séance  intime,  à  laquelle 
sera  conviée  l'élite  des  amateurs. 

Cette  audition,  au  programme  de  laquelle  6gurent  plusieurs 
œuvres  nouvelles,  inédites  ou  inconnues,  aura  lieu  dans  les  salons 
de  la  maison  Erard,  le  ii  novembre,  i  6  iji  heures.  Le  jeudi 
suivant,  M.  Joseph  Wieniawski,  qui  est  sur  le  point  d'entre- 
prendre une  tournée  de  concerts  en  Allemagne,  se  fera  entendre 
à  la  Grande  Harmonie.  MM.  Schoit  frères,  quiilepuis  quelques 
années  organisent  d'intéressantes  séances  de  musique  de  chambre, 
ont  choisi,  pour  leurs  auditions,  les  samedis  14,  28  novembre  et 
U  décembre.  On  y  entendra  M""»  Uziclli,  cantatrice;  MM.  Barth, 
De  Greef  et  Dreischock,  pianistes,  de  Ahna  et  Gregorowitsch,  vio- 
lonistes, Haussmann  et  Jacobs,  violoncellistes.  Le  premier  con- 
cert de  V Association  des  artistes  musiciens  aura  lieu  le  il  novem- 
bre et  le  premier  Concert  populaire  le  6  décembre  (souhaitons 
que  le  patronage  de  saint  Nicolas  lui  soit  propice).  Le  Conserva- 
toire donnera  son  premier  concert  le  20  décembre.  EnHu,  en 
février,  il  y  aura  au  Salon  des  XX une  série  de  concerts  consacrés 
i  l'audition  des  écoles  nouvelles. 

Le  Théâtre  Molière  arbore  sur  ses  affiches  Serge  Panine, 
seconde  mouture  d'un  roman  du  melliflu  et  intarissable  Georges 
Ohnet.  Les  dialogues  et  les  soliloques  de  ce  nouveau  Monlépin 
déroulent  leurs  banderoles  ternes,  déployées  par  des  artistes  de 
bonne  volonté  mais  légèrement  sceptiques,  et  le  public  ixcllois 
lui-même,  le  bon  public  de  la  Chaussée,  à  l'esthétique  indulgente, 
n'a  pas  l'air  de  croire  que  a  c'est  arrivé  ».  Il  y  a  des  sourires  lors- 
qu'au moment  le  plus  pathétique  l'héroïne,  une  honnête  com- 
merçante très  embêtée  d'avoir  pour  gendre  une  canaille,  dénoue 
la  situation  —  et  termine  la  pièce  —  d'un  coup  de  pistolet. 

L'intérêt  se  concentre  sur  les  débuis  d'une  ariisie  qui  fut  aper- 
çue, il  y  a  deux  ans,  au  Théâtre  des  Galeries  et  que  fêta,  l'an  der- 
nier, le  Jeune  Barreau  dans  une  revue,  célèbre  au  Palais  et 
ailleurs,  jouée  au  Théâtre  Communal. 


M""  Madeleine  Max  a  été  rappelée  trois  fois  le  soir  de  la  pre- 
mière, et  applaudie,  et  fleurie.  Elle  a  joué  avec  beaucoup  d'intel- 
ligence le  rôle  de  Jeanne  de  Cernay,  apportant  îi  la  troupe  de 
M.  Alhaiza  un  élément  nouveau  :  la  distinction. 


Le  Théâtre  du  Parc  annonce  pour  mardi  la  première  nouveauté 
de  la  saison  :  Une  Famille,  comédie  en  quatre  actes  de  M.  Henri 
Lavedan,  couronnée  par  l'Académie  française. 

Aux  Galeries,  au  premier  jour,  la  Demoiselle  du  téléphone 
succédera  au  Royaume  des  Femmes. 

De  Rénory,  dans  la  Réforme,  ces  excellentes  remarques  qu'on 
n'est  pas  habitué  de  trouver  dans  la  presse  belge  odieusement 
zwanzeuse.  Est-ce  que  les  mœurs  journalistiques  nationales  subi- 
raient une  transformation?  C'est  à  propos  de  la  revue  Bruxelles 
Fin  de  siècle  de  Halpertuis,  !i  l'AInazar  : 

«  Cette  revue  m'a  ravi  surtout  parce  que  un  peu  délicate  et  très 
dédaigneuse  des  applaudissements  faciles  qu'offrent  si  généreuse- 
ment d'une  part  l'odieux,  l'ignoble,  le  misérable  calembour,  et 
d'autre  par»,  les  immondices  de  l'obscénité.  Certes  Malpertuis  qui 
est  un  peu  parisien  et  même  un  peu  gaulois,  n'a  reculé  ni  devant 
le  quolibet  ni  devant  le  propos  leste  quand,  par  rares  occasions, 
ils  se  présentaient  de  bonne  grâce  et  aimablement  aiiornés,  mais 
il  ne  les  va  pas  chercher  dans  les  trous  obscurs  de  la  piètre 
gouaillerie  bruxelloise,  au  hasard  du  las  ramené,  pour  les 
enchâsser  de  vive  force,  comme  des  coins,  dans  le  dialogue  ;  il 
ne  combine  pas  ses  répliques  ou  ses  scènes  pour  amener  un  jeu 
de  mots  ou  une  polissonnerie.  Le  calembour  ou  la  note  badine 
en  sont  quelquefois  la  fin,  la  solution,  jamais  le  but.  Et  comme, 
pour  ainsi  faire,  Malperluis  devait  rompre  avec  des  traditions 
hélas  constantes  â  Bruxelles,  comme  il  devait  se  passer  de  succôs 
faciles,  comme  il  devait  dédaigner  des  misères  estimées  â  haut 
prix  par  la  grande  masse  d'un  public  habitué  â  ne  pas  se  servir 
de  l'esprit  qu'il  a,  comme  il  devait  demander  la  réussite  â  sa 
seule  bonne  humeur,  je  pense  qu'il  a  fait  œuvre  eslimable  et 
très  louable  effort.  » 

L'impératrice  d'Aulrichc  fait  construire,  â  Oorfou,  un  monu- 
meni  h  Henri  Heine,  son  poète  favori.  La  sialue  sera  placée  sur 
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Lb  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  8  Novembre  1801. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT  «LE    DIMANCHE 


REVDB  CRITIQDE  DBS  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATDRB 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


▲BONNEMKNT8  :    Belgii^ue,   un   an,    fr.   10.00;  Union   postale,    fr.    13.00     —  ANNONCKS   :    On   traite   i    forfait 

Adreuer  toute»  le*  communicationt  à 
l'administration  oénéralb  de  TArt  Moderne,  me  de  Tlndastrie,  32,  Bruxelles. 


30MMAIRE 


La  Bibuothèqui  ROTiiuc.  —  Isauodbatiom  d'un  bostb  db  He.>bi 
Db  Bbaekklbeh.  —  L'n«  Famillb.  —  Th*atrb  libee.  Le  Père  Goriot. 
—  Pbtitb  chroniqck. 


LA  BIBLIOTHÈQUE  ROYALE 

L'attention  accordée  par  le  public  à  la  réorganisation 
de  nos  Musées,  nous  désirerions  qu'elle  passât  un 
instant  à  la  Bibliothèque  royale.  Cette  -  noble  insti 
tution  »  a  besoin  également  de  profondes  réformes. 
C'est  un  vieux  feu  qui  couve,  qui  boude  et  qui  s'en- 
eendre  —  il  lui  faut  un  coup  de  tisonnier  vigoureux. 

Mais  d'abord  que  soient  mis  à  labri  de  toute  violence 
les  employés  des  salles  de  lecture,  très  serviables  et 
irréprochables.  A  part  certains  huissiers  solennels 
qui  vous  apportent  les  livres  comme  s'ils  portaient  sur 
na  coussin  la  couronne  de  France  et  de  Navarre  et  qui, 
i  la  moindre  demande,  font  puritainement  grincer, 
jusque  dans  l'intonation  de  leurs  réponses,  les  tenailles 
ronillées  du  règlement,  les  rapports  des  lecteurs  et  de 
leur»  surveillants  sont  parfaits  Presque  autant  qu'il  le 
fikut,  les  un»  sont  serviables,  obligeants,  renseignés  et 
Bavants  et   les  autres  reconnaissants  pour  services 


rendus.  Et  certes  doivent-ils  ceux-là,  avoir  de  la 
patience.  Car  si  l'on  compte,  par  jour,  à  la  Bibliothèque 
une  quinzaine  de  travailleurs  sérieux,  plus  quelques 
spécialistes  et  bibliophiles  de  passage,  plus  quelques 
artistes,  le  «  gros  de  la  clientèle -,1e bataillon  du  bouquin 
public,  se  compose  surtout  soit  de  lecteurs  de  romans, 
soit  de  collégiens  à  l'affût  de  traductions  pour  leurs 
thèmes  et  leurs  versions  de  classe,  soit  de  vieillards  ou 
d'éphèbes  graveleux,  qui  promènent  leur  curiosité  enfan- 
tine ou  sénile  dans  les  ruelles  de  tel  dictionnaire  ou  dans 
les  parcs-aux-cerfs  d'un  Brantôme  ou  d'un  Bonaventure 
Desperriers.  Parfois  aussi  apparaît  le  client  famélique, 
en  quête  d'un  local  chaufîé,  ëelui  qui  s'assied  à  la 
Bibliothèque  aujourd'hui  et  qui  se  couchera  à  la  morgue 
demain.  Encore  celui  qui  n'a  rien  h  faire,  qui  monte  à 
la  Bibliothèque  quand  il  pleut  ou  quand  il  neige.  Encore 
ceux  qui  attendent  un  emploi,  qui  ne  savent  comment 
tuer  leur  temps,  qui  au  lieu  de  bayer  aux  corneilles, 
bayent  aux  livres.  Ce  sont  eux  qui  demandent  les 
Dames  galantes ,  par  Molière  ;  les  Mires  pastorales, 
par  Mgr  Pascal  ;  Grandeur  et  Décadence,  par  Jules 
Romain,  etc. 

Ces  deux  classes  distinctes  ou  plutôt  contraires  de 
lecteurs,  les  uns  travailleurs  et  chercheurs,  les  autres 
oisifs  ou  bohèmes,  on  ne  devrait  jamais  les  admettre  ni 
les  confondre  eu  un  mènae  local.  Il  ne  se  peut  qu'une 
même  institution  les  desserve,  ni  qu'un  même  service 


356 


L'ART  MODERNE 


public  réponde  à  des  catégories  d'intérêts  aussi  dissem- 
blables et  aussi  disparates. 

Pour  réaliser  du  mieux,  voici  :  instituer  deux  locaux, 
l'un  où  l'on  donnerait  en  lecture  le  livre  banal,  le 
livre  courant,  les  dictionnaires,  les  romans,  les  classi- 
ques, les  annales  et  les  revues,  l'autre,  où  ne  se  prête- 
rait que  le  livre  rare  et  spécial  pour  savants  et  artistes. 
La  salle  publique  serait  ouverte  du  matin  au  soir,  elle 
compléterait  l'œuvre  de  l'hospitalité  de  nuit;  à  la  salle 
spéciale,  on  n'aurait  accès  qu'à  certaines  heures.  Dans 
l'une,  la  surveillance  serait  exercée  tenacement;  dans 
l'autre,  à  condition  d'être  sévère  pour  l'admission,  on 
n'en  exercerait  quasi  aucune. 

Cette  scission  des  vrais  chercheurs  d'avec  les  quel- 
conques, on  l'a  opérée  à  Londres  et  à  Paris,  où  non 
pas  une,  mais  plusieurs  bibliothèques,  correspiondant  à 
des  classes  prévues  de  lecteurs,  sont  ouvertes. 

La  Nation  préconisa  un  projet  excellent  :  créer  un 
bureau  de  renseignements  bibliographiques  et  biblio- 
philiques.  Ce  bureau  trouverait  évidemment  sa  place 
dans  la  salle  de  travail.  Il  aurait  un  personnel  particu- 
lier, uniquement  voué  aux  recherches,  aux  questions 
mal  éclaircies  auxquelles  la  bibliographie  n'a  point 
encore  songé,  aux  classifications  nouvelles  de  livres  et 
d'annales.  Que  de  bouquins  dénués  d'intérêt  jusqu'à  ce 
jour,  seraient  ainsi  mis  en  vedette  tout  à  coup! 

Autre  point.  Le  budget  de  la  Bibliothèque  est  de 
100,000  frs.  Le  conservateur  en  chef  prend  10,000  frs.  ; 
les  cinq  conservateurs  des  diverses  sections  25,000  frs.  ; 
les  cinq  ou  six  adjoints  15,000  frs.  ;  les  huissiers,  cou- 
cierges,  chauffeurs,  domestiques  10,000  frs. 

Restent  40,000  frs.  pour  les  livres,  les  estampes,  les 
médailles  et  la  reliure.  Cette  somme  est  évidemment 
dérisoire. 

Quand  on  songe  à  la  valeur  atteinte  aujourd'hui  par 
les  gravures,  les  exemplaires  de  choix,  les  planches 
rares,  on  ne  s'étonne  plus  que  nos  collections  soient 
aussi  incomplètes.  Pourtant,  même  avec  ces  sommes 
modiques,  peut-on  faire  mieux  qak)n  ne  fait.  Ainsi, 
quant  aux  estampes,  pourquoi  ne  pas  acheter  les  œuvres 
du  vivant  même  des  artistes,  alors  que  leurs  gravures, 
lithographies  et  eaux-fortes  sont  abordables?  Pourquoi 
n'avoir  que  quatre  Rops,  trois  Célestin  Nanteuil,  quel- 
ques rares  Delacroix?  Pourquoi  trembler  d'être  les  pre- 
miers à  admettre  des  valeurs  esthétiques  nouvelles  et 
non  estampillées  par  tous  ?  Nous  savons  pour  l'instant 
une  suite  complète  des  eaux-fortes  de  Henri  de  Braeke- 
leer,  destinée,  certes,  à  monter  haut  à  cause  de  sa 
rareté.  Le  cabinet  des  estampes  la  possède-t-il  oa  songe- 
t-il  à  l'acquérir?  Acquiert-il  l'œuvre  de  Bracquemond, 
celui  de  Flameng,  celui  de  Jules  de  Goncourt,  celui  de 
Degas,  celui  de  Manet,  si  étonnant  et  merveilleux  litho- 
graphe? A-t-il  soupçon  que  Redon  existe,  qu'il  a  créé 
un  art,  tout  en  génie,  que  des  cahiers  nombreux  ont 


été  publiés  S0U3  sa  ngnatare?  Songe-t-il  aax  illuatra- 
tions  qu'ont  réalisé  pour  des  poèmes,  les  Holman  Hunt, 
les  Rossetti,  les  Milais?  S'occnpe-t-il  des  nooTeaox  pro- 
cédés r  héliogravure,  phptotjpie?  Actnelleinent  encore 
toutes  les  suites  de  tels  et  tels  maîtres  sont  à  prix 
minime,  quoique  déjà  à  la  veille  de  monter.  Mais  ce 
brave  Cabinet  des  estampes  ne  se  doute  de  rien,  n'entend 
rien,  ne  voit  rien,  épil(^ue  et  remue  un  peu  de  poussière 
archéologique  autour  des  Vosterman,  Bolswert,  Sout- 
man,  Pontius,  de  doux  morts,  certes,  bien  que  peu 
intéressants  pour  les  artistes  de  notre  heure.  Aussi  et 
naturellement  le  toujours  brave  Cabinet  des  estampes, 
qui  devrait  être  après  le  Musée  la  salle  la  plus  connue 
et  la  plus  fi^uentée  de  toutes,  est  désert  toujours,  est 
froid  toujours  et  solitaire  comme  un  coin  de  cloître.  Il 
représente  de  la  mort  cataloguée  et  dans  ses  nom&eux 
tiroirs  d'armoire  il  doit  se  rencontrer,  par-ci  par-là,  des 
momies  sons  étiquette. 
Revenons  aux  livres. 

Mise  à  une  aussi  excessive  diète  d'argent,  vivant  d'un 
perpétuel  carême,  la  Bibliothèque  royale  ne  peut  jamais 
acheter  un  recueil  qui  soit  un  monument  bibliophilique. 
Cela  renverserait  le  budget.  Il  faut  se  rabattre  sur  les 
bouquins. 

On  achète  tout  ce  qui  se  publie  en  Belgique,  mais 
avant  que  le  libraire,  chargé  de  cette  fourniture  par 
contrat,  ait  fait  son  envoi,  avant  que  le  livre  ait  été 
enregistré,  catalc^é  et  relié,  il  se  passe  du  temps. 

Le  livre  moderne,  on  ne  se  le  procure  guère.  Il  coûte 
trop  cher  neuf  et  on  espère  se  le  fîdre  adjuger  d'occasion, 
dans  les  ventes.  Chez  Bluff,  chez  Fonteyn,  chez  Deman, 
un  employé  de  la  hibliothèque  achète  des  livres  en 
paquets  et  les  dispute  aux  antiqnailleurs  du  vieux 
marché. 

Aux  grandes  ventes  de  Paris  et  de  Londres,  jamais 
personne.  L'État  belge  est  un  petit  bourgeois,  un 
modeste  rentier,  qui  ne  peut  dépenser  que  par  cinquante 
centimes  un  maigre  argent  de  poche,  le  dimanche. 

Quant  au  livre  ancien,  on  flaire  avec  des  museaux 
de  souris  malades  le  moindre  opuscule  qui  a  trait  au 
moindre  bourg  pourri  belge.  On  dirait  que  la  Biblio- 
thèque n'est  composée  que  pour  les  archivistes.  L'œuvre 
large  et  belle,  celle  qui  s'adresse  non  plus  à  des  compi- 
lateurs, mais  à  des  poètes  ou  des  écrivains  —  par 
exemple,  les  premières  éditions  des  grands  génies  du 
monde  littéraire  —  on  les  ignore.  On  a  la  coUectiomanie 
étroite  et  provinciale.  On  ne  possède  guère  une  suite 
complète  ou  quasi  complète  des  éditions  d'un  Scbake- 
speare  ou  d'un  Rabelais,  pas  même  celles  de  Hugo  ou  de 
Lamartine.  On  vit  à  tant  la  semaine,  à  tant  le  mois. 

Au  résumé,  telle  qu'elle  est  constituée,  telle  qu'elle 
est  organisée,  telle  qu'elle  est  subsidiée,  la  Bibliothèque 
royale  ne  peut  vivre  ni  répondre  à  son  but.  Tout  y  est 
insuffisant  et  incomplet.  Et  à  son  sujet,  comme  an  sujet 


•'^/^■ir^i\flf.^^-A-f'^.!l-~- 


L'ART  MODERNE 


367 


de  prenne  tontes  les  institutions  publiques  belges^  on 
peut  affirmer  qu'on  est  en  retard  de  vingt  ans,  qu'il  vous 
vient  l'humiliation  d'être  d'un  pays  ou  rien  n'est  adéquat 
aux  aspirations  de  l'élite  de  ses  travailleurs  et  de  ses 
écrivains  et  qui  moisit  dans  le  silence  de  ses  soi-disant 
sommités  incapables  et  de  sa  presse  complice. 


nsr-A.xjoxjRA.Tioisr 

d'un  buste  de  Henri  De  Braekeleer. 

Anvers,  ville  enfiévrée  de  négoce,  n'a  pas  le  temps,  dans  le 
coniinnel  ponrehas  des  affiiires,  de  songer  k  ses  artistes.  Le  café, 
le  ris.  les  viandes  salées,  les  peau  tannées  que  débarqnent  sur 
les  quais  les  transatlantiques,  b  reqDitrenl  impériensemeni,  et 
derrière  l'acajon  poli  des  gniehels  l'année  des  employés  de  com- 
merce exige  une  incessante  surveillance.  Aussi  bien  les  artistes 
sont  des  rêveurs,  des  fainéants  qui  n'entendent  rien  aux  rythmes 
mystérieux  du  Doit  et  Avoir  et  qui  sont  gens,  les  malheureux  !  il 
allumer  leur  cigarette  avec  une  lettre  de  change.  La  cote  de  la 
Bourse  ne  renseigne  pas  les  «  floctualions  »  du  prix  des  tableaux. 
Quel  marchand  sérieux  prendrait  souci,  dès  lors,  de  ces  choses 
non  réalisables  sur  le  marché  ? 

Par  ces  simples  considérations  s'explique  ce  fait,  qui  a  surpris, 
k  tort,  tant  de  monde  :  En  juillet  1888,  quelques  amis,  en  nombre 
infiniment  restreint,  suivaient  sur  la  route  du  cimetière  du  Kiel  un 
corbillard  modeste.  El  si,  dans  le  fracas  des  rues  baUues  par  les 
camions  des  «  Nations  »,  nu  passant,  pris  de  pitié  pour  l'indi- 
gence da  cortège,  demandait  qoel  était  le  malheureux  qu'on 
enlerrrait  en  si  pauvre  équipage,  il  recevait  cette  réponse  : 
■  C'est  Henri  De  Braekeleer,  un  peintre  ». 

Sans  doole.  dans  l'esprit  du  passant,  l'idée  de  peinture  évoquait 
anssilM  celle  d'échafaudage,  de  pot  a  couleur  suspendu  ï  la  tringle 
d'une  échelle.  Et  il  continuait  k  passer. 

Des  hommages?  Des  délégations  officielles?  Le  deuil  d'une  ville 
dont  l'artiste  illustre  le  nom?  U  n'en  fut  point  question.  Les  quel- 
ques amis  qui  avaient  accompagné  le  peintre  jusqu'au  tertre  où 
il  repoae  gardèrent  fidèlement  le  culte  de  son  an  chatoyant  dans 
lequel  paase  le  frisiMU  des  maîtres  de  jadis.  Et  ce  fut  tout.  Trois 
ans  s'éeoalèrcBt,  sans  que  nul,  k  Anvers,  songelt  \  faire  revivre 
la  figure  disparae.  Les  eafés  et  le  riz  absorbaient  tonte  Patten- 
tion.  On^a  vraiment  pas  le  temps,  dans  le  eonnneree,  de  s'oe- 
cnper  d^  ees  puérilités  sentimentales. 

Dernièrement,  un  écbevin,  qui  avait  eonnu  le  peintre  et  l'avait 

eal  ridée  de 'commander  son  buste  i  l'an  de  nos  principaux 

rs.  Le  bute  bit,  eonlé  en  métal,  il  l'offrit  k  la  ville 

iTcrs.  Celle-ci  le  palpa,  constata  qu'il  était  en  bronze  et  l'ac- 

I  convoqua,  pour  Tinaugurer,  les  amis  du  peintre.  Il  vint  des 
artisies  de  Bruxelles,  de  Cand  et  d'ailleurs.  Des  sociétés  apportè- 
rent des  fleurs,  des  palmes,  des  conronoes.  Et  les  Anversois, 
abandonnant  un  insunt  les  bureaux  où  ils  surreillaienl  leurs 
eoamns  (c'était  d'ailleurs  dimanche),  se  dirent  Fun  i  l'autre  :  «  D 
parait  qoe  ce  peintre-li  anraii  pu  gagner  beaucoup  d'argent  s'il  ne 
ï'était  pas  bissé  mourir  ».  El  ils  allèrent  voir  inaugurer  le  buste. 
Jnaqn'iei,  il  n'y  a  dans  celte  histoire  rien  qoe  de  très  naturel. 
11  éuit  nn  pen  eomiqne,  Q  eat  vrai,  de  voir  Anvers  ignorer  le  phis 
pand  de  ae*  artistes,  edni  que  depuis  longtemps  on  pbfaii,  \ 


ail 


Bruxelles,  ù  la  tête  des  peintres  contemporains,  dont  un  collabo- 
rateur de  l'An  moderne  avait  dit,  dix  ans  auparavant  :  «  Cest 
l'une  des  plus  hantes  personnalités  qu'ait  produites  l'école  de 
Leys,  et  celle-lk  indubitablement,  avec  trois  ou  quatre  autres  que 
l'avenir  retiendra,  si  l'on  ne  tenait  compte  d'une  parenté  venue 
de  Hollande  k  ce  beau  peintre  minutieux  et  large,  dont  le  coloris, 
par  moments,  semble  attisé  avec  de  la  braise  ». 

Mais  c'était  simplement  comique.  A  l'inaugaration,  l'atlitude 
de  certains  devint  odieuse.  On  entendit  un  conseiller  communal 
de  la  cité  mercantile  vanter  les  distinctions  dont  l'artiste  avait 
été  l'objet,  rappeler  combien  il  avait  été  soutenu  et  encouragé, 
parler  des  funérailles  émouvantes  qui  Ini  avaient  été  faites  et  du 
deuil  public  dont  sa  mort  avait  frappé  la  ville.  Et  tous  ceux  qui 
avaient  méprisé  l'artiste  original  et  fier,  qui  n'avaient  pas  daigné 
loi  faire  l'anmùne  d'un  convoi  funèbre  décent  étaient  b  approu- 
vant de  la  tête,  filtrant  une  larme  de  crocodile,  appbadissant 
l'éloge  décerné  au  Maître,  —  au  Maître  avec  une  majescule!  an 
glorieux  représentant  de  l'Ecole  d'Anvers,  au  continuateur  de 
Leys,  de  Rnbens  et  des  grands  Fbmands... 

Nous  disons  k  ees  gens-là  :  «  Bas  les  pattes  !  Vous  avez  dédaigné 
et  bafoué  De  Braekeleer  vivant.  Depuis  trois  ans  qu'il  est  mort, 
vous  n'avez  pas  songé  k  fleurir  sa  tombe.  Allez-vous-en  !  Vous 
n'avez  pas  le  droit  de  vous  emparer  de  son  nom  et  de  vous  insi- 
nuer dans  le  rayonnement  de  sa  gloire!  Il  n'y  a  rien  de  commun 
entre  De  Braekeleer  et  vous.  Il  a  toujours  marché  avec  les  nova- 
teurs, avec  les  audacieux,  avec  les  jeunes,  contre  l'Académie  et 
les  autorités  officielles.  Les  XX  Ini  ont  fait  aecneil  dès  1886  et 
ont  organisé  une  exposition  de  ses  plus  belles  toiles. 

Vous,  qu'avez-vous  fait  pour  lui  ?  Vous  ne  vous  êtes  aperçu  de 
sa  valeur  qne  lorsqu'il  ébit  hors  d'état  d'écbbousser  de  son  génie 
les  personnalités  médiocres  que  vous  cherchez  k  faire  passer  ponr 
des  illustrations  nationales.  Mais  la  mèche  est  éventée.  Allez  faire 
ailleurs  votre  acte  de  contrition  et  laissez-nous  pleurer  seuls  nos 
morts.  Il  vous  reste  Verbl.  » 

Tel  est  le  sens  de  b  manifestation  de  dimanche,  accentuée  par 
les  déclarations  de  M.  Slingeneyer  et  surtout  par  celles  de 
M.  Louis  Delmer,  parlant  an  nom  des  jeunes  artisies,  et  dont  b 
franchise  a  violemment  contrasté  avec  les  phrases  tnielleuses  dans 
lesquelles  on  encarameltait  jusqne-lk  b  mémoire  du  peintre. 
Aussi,  ce  qu'il  a  été  appbndi!... 

Voici  ces  denx  discours.  Il  importe  qoe  l'on  en  garde  le  sou- 
venir. 

Diaeoom  de  M.  BUmgemejtr. 

Memucbs, 

■  Cest  au  nom  des  cercles  artistiques  de  Bruxelles  que  je 
prends  b  parole. 

Noos  sommes  venus  k  Anvers  pour  honorer  b  mémoire  d'un 
grand  artiste,  ce  grand  artiste  dont  l'image  fidèle  est  devant  nous  : 
Henri  De  Braekeleer.  Mort  jeune  et  malheureux,  méconnu  pendant 
sa  vie,  il  a  fallu  qne  plusieurs  années  aient  passé  sur  sa  tombe 
pour  que  justice  lui  soit  rendne.  Son  talent  était  une  incarnation 
vibrante  de  notre  an  national.  Henri  De  Braekeleer  était  un  peintre 
flamand.  —  un  vrai. 

Pendant  sa  trop  courte  carrière  il  a  trouvé  le  temps  de  doter 
son  pays  d'oeuvres  remarquables,  dont  la  plupart  sont  de  premier 
ordre. 

0  appartenait  k  nous,  artisies  et  liilérateors,  de  procbmer  cette 
gloire,  et  b  postérité  ne  nous  désavouera  pas,  no«s  en  avoas  b 


3se 


L'ART  MODERNE 


conviciion.  Aussi  n'avons-nou»  pas  hésiié  à  nous  joindre  à  nos  con- 
frères d'Anvers  lorsque  nous  avons  appris  que  le  busle  de  ce  grand 
artiste  allait  figurer  au  musée  de  sa  ville  natale.  C'est  la  juste  con- 
sécration d'une  existence  dévouée  tout  entière  k  l'art.  Tous,  nous 
tenons  k  nous  y  associer  et  donner  ainsi  ti  Henri  De  Braekeleor 
une  dernière  marque  d'estime  et  d'admiration.  » 

Dlacoors  de  M.  Louis  Delmer. 

Messieurs, 

«  Il  V  a  trois  ans,  lorsque  le  pauvre  Henri  Dp  Braekeleer,  accom- 
pagné jusqu'à  sa  lombc  par  un  très  petit  nombre  d'amis,  traver- 
sait au  milieu  de  l'indifférence  générale  les  rues  de  voire*eille 
ville,  qui  arait  inspiré  à  l'artiste  se»  plus  émouvants  morceaux 
de  peiniure,  on  ne  se  serait  certainement  pas  douté  qu'aujourd'hui 
une  manifcsiation  aussi  importante  que  celle-ci  se  formerait  pres- 
que spontanément  pour  rendre  gloire  à  ce  peintre  magnifique  qui 
comme  les  Dubois,  les  Boulenger,  les  Dcgroux,  mourut  au  milieu 
de  ses  compatriotes,  découragé  par  l'indifférence  dont  il  était 
l'objet  et  exaspéré  par  les  privations  ei  la  tristesse. 

Ah!  oui,  l'art  a,  lui  aussi,  son  martyrologe!  On  y  Toil  inscrit 
une  liste  de  noms  qui  subsistent  aussi  intenses  que  les  remords, 
dont  plusieurs  doivent  souffrir  ici. 

Aujourd'hui,  après  trois  nns,  nous  gloriBons  un  martyr  et  tous 
ceux  qui  l'aimèrent  et  ceux  raéme  qui  ne  l'aimèrent  pas  viennent 
avec  grand  éclat  apporter  dans  l'urne  de  la  sanctification  du  mar- 
tyr leur  bulletin  de  vote  !  C'est  une  réparation  ! 

Savcz-vous  bien  pourquoi  Henri  De  Braekeleer  ne  fut  pas  bre- 
veté grand  artiste  de  son  vivant!  C'est  parce  que  Henri  De  Brae- 
keleer était  UN  GRAND  artiste! 

Dans  l'art,  comote  partout,  l'envie  et  la  jalousie  existent  !  La 
rcconuaissance  est  une  monnaie  qui  n'a  plus  cours,  elle  est  rem- 
placée par  l'ingratitude,  et  de  celle  monnaic-h,  croyez-moi,  Henri 
De  Braekeleer  fut  royalement  payé  pendant  sa  vie  ! 

Je  n'insiste  pas  plus. 

Il  y  a  des  plaies  qu'il  est  dangereux  de  rouvrir  constamment. 

Ix)in  de  moi  l'intention  de  vouloir  vous  redire,  comme  l'ont 
fait  en  si  bons  termes  les  orateurs  précédents,  ce  que  fut  Henri 
De  Braekeleer. 

IHalgré  toute  ma  présomption  à  moi,  jeune  homme  dans  cette 
.issemblée  vénérable,  je  sens  mon  impuissance,  et  je  préfère  vous 
(lire  re  qui,  chez  les  jeunes  artistes  amoureux  de  leur  an,  fait 
battre  leur  cœur  au  nom  de  Henri  De  Braekeleer. 

Notre  grand  artiste,  qui  puisa  sa  force  dans  ta  couleur,'eonsii- 
luanl  dans  ses  tableaux  ce  que  le  style  est  au  livre,  «'esi-à-dire  la 
vie,  était  un  esprit  large  et  indépendant,  ennemi  de  la  règle  et  de 
la  servitude,  un  esprit  qui  se  reflétait  supérieurement  dans  ses 
œuvres,  un  esprit  qui  fait  an  delà  du  cadre  étroit  de  la  toile  sur- 
gir dans  nos  Smes  captivées  de  vastes  points  d'interrogation  !  La 
préoccupation  de  l'au-delà  ! 

Henri  De  Braekeleer  aimait  son  art  pour  l'art.  Grâce  à  son  indé- 
pendance il  fut  original,  je  dirai  plus  :  il  fut  un  novateur  !  Illuminé 
par  un  rayon  génial,  il  fut  le  premirr  qui,  dans  notre  pays,  trouva 
réellement  la  solution  pratique  et  rationnelle  de  l'union  hirmo- 
nlcusc  de  l'esprit  et  de  la  matière,  de  l'imagination  et  de  la 
réalité. 

Il  fui  indépendant,  en  art  il  fut  honnête,  Inynlemenl  ennemi 
des  promiscuités  dangereuses;  contrairement  aux  agissements  de 
nombre  de  dos  artistes  de  mardi-gras,  il  ne  fut  pas  un  vakt  de  la 


foule,  et  il  a  toujonn  rehué  de  w  faire  l'inlerprètc  des  passionr 
éphémères  de  son  épo4)uc  ou  des  faux  penchants  de  la  multitude 
pour  laquelle  il  avait  du  reste,  el  avec  raison,  le  plus  profond 
dédain. 

Etant  donné  ces  sentiments,  il  n'y  eut'  rien  (Tétonnant  \  voir 
Henri  De  Braeltelecr  participer  en  1868  li  la  création  de  la  Société 
libre  eu  BemxÂTU,  et  plus  tard,  en  1871,  apporter  la  pré- 
cieuse collaboration  de  ses  «vis  et  4e  ses  idées  ii  FA  ri  IWre,  dont 
nous  pouvons  saluer  ici  la  présence  de  quelques  valeureux  survi- 
vants venus  k  celte  maaifeatalion  pour  eonflrmer  tes  honneurs  que 
nous  rendons  k  leur  ancien  (rire  d'armes,  mort  glorieux  sur  le 
champ  de  Thonneur. 

Ce  fut  un  beau  temps  que  cehii-lk  où  les  artis'es  de  valeur  se 
semient  les  co«ides  :  ils  iallaieni  jnsqal  la  victoire  pour  défendre 
uae  idée,  «n  prineipe. 

Ils  révolntioMièiFent  lei  vieilles  idées,  enfoncèrent  les  portes 
vermoulues  des  vieux  édifices  caduques  et  donnèrent  à  l'art  une 
virginité  nouvelle  ! 

Ils  se  plaisaient  à  faire  entendre  la  grande  voix  de  l'humaniié, 
c'est-k-dire  la  liberté. 

Ils  savaient  el  ils  firent  comprendre  que  l'art  est  souverain,  que 
l'art  ne  sert  pcrtonne,  qu'il  est  en  dehors  et  au-dessus  des  mes- 
quines questions  politiques  el  philosophiques. 

Ils  savaient  et  firent  comprendre  que  la  tutelle  en  matière  d'art, 
c'est  l'art  étranglé,  c'est  l'art  du  c6té  de  la  lorgnette  qui  rapetisse 
et  empêche  qu'on  voie  bien  ;  c'est  la  force  hypocrite  masquée 
sous  les  traits  de  la  justice  ;  tandis  que  la  liberté  en  matière  d'art 
c'est  la  justice  indignée  démasquant  la  force  I 

La  tutelle,  c'est  l'infaillibililé  autoritaire;  la  liberté,  c'est  la 
tolérance  mutuelle  I 

La  tutelle,  c'est  le  privilège;  la  liberté,  c'est  le  droit! 

La  tutelle,  c'est  l'erreur;  la  liberté,  c'est  la  vérité! 

Voilk  quelles  furent  les  idées  pour  lesquelles  Henri  De  Brae- 
keleer lutta  et  voilà  pourquoi  nos  jeunes  artistes  faisant  évasion 
hors  des  vulgarités  de  nos  luîtes  politiques  et  de  nos  discussions 
philosophiques  adnfriraient  il  y  a  trois  ans  et  acclament  aujour- 
d'hui l'ancien  membre  de  l'An  libre!  » 

La  gent  ofiBcielle  se  souviendra-t-elle  de  ce  dimanche  où  une 
bonne  centaine  d'artistes,  aeeourus  pour  honorer  la  mémoire  <le 
ce  grand  mort,  la  cingla  de  cette  formidable  clamenr  d'accusation 
qui  doit  lui  être  rentrée  plus  profondément  encore  dans  la  chair 
que  ce  maître  coup  de  fouet  de  celui  qui  par'a  au  nom  des  Jeunes? 

Car  la  voilk  décidée  k  escalader  n'importe  quelle  barricade  de 
fleurs,  de  faire  jeter  ■'importe  quelles  palmes  d'hypocrisie  pmir 
établir  publiquement  et  en  toute  occasion  la  froide  haine  calculée 
d«  l'art  qui  anime  ceux  qni  ont  mission  de  le  découvrir  cl  de 
le  glorifier  I 

Rien  n'eût  pu  reculer  l'expiation,  le  châtiment  était  dans  l'air. 
M.  Sliogcneyer,  a\ec  la  dignité  qu'il  apporte  k  toutes  les  tribunes 
où  il  parle  d'art,  l'avait  nettement  accusée  d'indifférence  envers 
Henri  De  Braekeleer,  et  les  pénibles  el  retordes  explications  du 
président  du  comité  firent  ouvertement  sourire.  Pounant  tout  fut 
mis  en  œuvre  pour  sauver  cenx  qui  durant  sa  vie  martyrisèrent 
d'oubli  celui  qu'ils  continuent  k  exécrer  malgré  sa  mort.  Dans 
leur  contriiioB  simulée,  ils  ronseniirent  à  se  brûler  la  gorge 
d'envie  et  à  adressera  Henri  De  Braekeleer  ce  titre  de  «  maître  », 
que  leur  appétit  sans  fin  prétend  avaler  tout  seul.  Et  comme  i's 
se  carraient  devant  ce  buste  qu'une  irrespectueuse  pensée  de 


L'ART  MODERNE 


359 


Lambeaax  avait  fait  placer  plus  haut  qu'eux,  quelle  rage  était  la 
leur  de  ne  pouvoir  le  couvrir  tout  k  fait  de  leur  personne  comme 
ce  pauvre  et  taciturne  De  Braekeleer,  vivant,  se  l'ëiait  laissé  faire 
si  paisiblement! 

C'est  une  belle  audace  d'affirmer  devant  nous  —  vrai,  qu'iU 
comptaient  snr  leur  habituelle  clientèle,  sur  cette  ignorante  et 
asservie  partie  du  public  qui  fait  habituellement  corlègc  ii  leurs 
manifeslalions  et  où  les  plus  glorifiés  sont  toujours  eux-mêmes, 
mais  qui,  celte  fois,  s'éiait  montrée  rebelle  à  leurs  pressantes 
invilations  —  c'est  une  belle  audace  d'affirmer  qu'on  a  suffisam- 
ment honoré,  à  Anvers,  ce  grand  martyr  par  le  U\\.  d'avoir, 
en  1878,  ii  l'occasion  de  la  médaille  d'honneur  —  qu'ailleurs  !  — 
à  Amsterdam  —  on  lui  décernait,  fait  frapper  trois  médailles  qui 
lui  furent  remises,  comme  au  premier  venu  lauréat  du  concours 
général  de  l'enseignement,  en  séance  publique  du  Conseil  com- 
munal. 

La  vérité  serait  qu'on  aurait  exagéré  les  récompenses,  puisque 
«  le  Cerck  artittique  t'attocia  à  cette  grande  (!)  manifutation  en 
lui  offrant  un  diplôme  d'honneur  (!!)  » 

Vous  autres,  n'rst-ce  pas.  Messieurs,  avez  l'habitude  de  vous 
eontenter  de  pareils  platoniques  hommages? 

Non,  la  haine  n'est  pas  le  fait  des  représentants  officiels  de 
l'art;  ils  n'ont  jamais  usé  d'aucun  moyen  pour  écraser  un  véri- 
table artiste  ;  personne,  pas  même  i  Anvers,  n'a  rien  i  leur  repro- 
cher. Qu'on  n'aille  pas  surtout  leur  faire  un  grief  de  la  misère 
dans  laquelle  ils  mainleDajent,£e^us  beau  peintre  d'un  mouve- 
ment d'art  qui  se  clôt.  On  se  dispose,  nous  affirme  M.  Van 
Kuijck,  à  acheter  de  ses  œuvres. 

Qu'on  n'accuse  donc  plus  l'impitoyable  indifférence  de  ceux  qui 
disposaient  des  achats  et  des  encouragements  et  qui,  à  deux 
reprises  différentes,  échouèrent  ti  vie  sur  les  rives  mortes  de  la 
folie;  la  faute  en  est  i  De  Braekeleer  lui-même  :  u  Le  talent  du 
maître  n'étant  pas  banal,  une  période  d'initiation  était  nécessaire 
avant  que  le  public  pût  apprécier  à  sa  juite  valeur  cet  art  si 
personnel  ». 

Celle  initiation  dure  i  Anvers  depuis  le  Salon  de  48S8,  où  il 
exposa  pour  la  première  fois,  et  durera  longtemps  encore  puisque 
ceux-là  mêmes  qui  ont  pris  la  parole  au  nom  des  artistes  d'Anvers 
n'y  ont  uem  compris  jusqu'aujourd'hui! 

La  manifestation  du  dimanche  i"  novembre  1991  marquera 
une  victoire  dans  la  lutte  que  nous  soutenons  contre  le  despotisme 
et  la  suffisance  de  la  vieille  geot  artiste,  contre  rontrecuidanle 
spéculation  de    a  critique  qui  la  soutient  encore. 

Nous  marquons  le  point.  Messieurs  nos  maîtres  valétudi- 
naires! 


UNE  FAMILLE 

Comédie  en  4  actes,  par  Hiinu  Lavbdan. 

Alléché  par  les  six  colonnes  de  rez-de-cbaussée  d'un  grand 
journal  élevées  k  la  gloire  de  la  pièce  nouvelle  (mais  oui, 
Monsieur,  nous  vous  lisons  quelquefois!),  et  snriout  par  le  nom 
de  l'auteur,  un  des  «  protestataires  »  de  jadis,  qui  signa,  avec 
Gustave  Guiches,  les  Quart*  d'heure,  joués  au  Théfttre  Libre  ei , 
sans  collaborateur,  un  curieux  et  suggestif  roman  en  dialogue, 
St're  (l),  au  décor  pompeux  fidèlement  restitué,  nous  all&mes, 
hier,  au  Tbéltre  du  Parc,  dans  l'espoir  d'applaudir  quelque  tenta- 

(1)  Voir  TArt  Moderne,  1888,  p.  406. 


tive  d'art  neuf,  tranchant  sur  la  médiocrité  des  habituels  fourni* 
seurs. 

Illusion!  Le  chroniqueur  de  la  Vie  parisienne  parait  avoir 
résorbé  l'écrivain  personnel  cl  perspicace  de  Sire,  et  sa  pièce  ne 
sort  guelfe,  si  ce  n'est  en  quelques  scènes  d'un  brio  amusant,  du 
moule  dans  lequel  on  a  coutume  de  façonner  L'art  dramatique. 

On  dirait  même  que  l'auteur,  méfiant  de  soi-même,  a  eru 
nécessaire  de  dépecer  diverses  formes  usitées  par  les  manou- 
vriers  célèbres  et  d'en  rajuster  avec  soin  les  morceaux.  Il  est  sorti, 
de  cette  trituration,  une  figurine  hybride  dont  les  bras  ont  l'air 
d'avoir  été  modelés  par  Alexandre  Dumas  fils,  les  jambes  par 
Victorien  Sardou,  le  buste  par  Emile  Hennequin  et  la  tête  par 
Alfred  de  Musset,  le  tout  habillé  d'un  très  moderne  vêtement 
parisien. 

LesujetT  Parti  de  rien,  il  se  gonfle  aux  proportions  d'un  gros 
drame.  On  prévoit  des  catastrophes  et  tout  finit  en  queue  de  vau- 
deville. Il  est  beaucoup  question  des  belles-mères,  inépuisable 
mine  ii  scénarios,  mais,  cette  fois,  par  un  renversement  assrz 
comique  des  situations  connues,  il  s'agit  d'une  MIe-mèrc  qui  a 
inspiré  V  son  geildre  un  violent  béguin.  Madame  Phèdre  laisse 
celui-ei  dérouler  ses  dé<-laralions  de  clubman  lassé,  désireux  de 
trouver  dans  celte  aventure  une  distraction  pimentée,  et  quand 
il  a  fini,  elle  le  raille  doucement,  lui  rappelle  qu'elle  a  quarante 
ans,  que  ses  tempes  grisonnent,  que  demain  elle  aura  des  ridrs, 
et  le  renvoie  tout  penaud  i  sa  femme.  Pour  rendre  vraisemblable 
l'anecdote,  il  a  fallu  imaginer,  non  sins  labeur,  une  belle-mère 
plus  ou  moins  Levantine,  veuve  de  bonne  heure  et  remariée  k  un 
explorateur  célèbre  qui  l'a  ramenée  de  Syrie. 

Sur  la  basse  continue  de  ce  duo  baroque  carillonne  en  gammes 
cristallines  un  amour  idyllique  :  Marie  Ferai,  la  fille  de  la  Levan- 
tine, aime  un  ami  du  clubman,  —  et  l'épouse,  ceh  va  de  soi. 
Quant  au  clubman  lui-même,  l'explorateur  l'envoie  à  Tunis  réflé- 
chir sur  les  inconvénients  que  prés-^ntent  les  tentatives  de  séduc- 
tion avortées. 

Il  est  vraisemblable  que  \c.  bon  colonisateur  des  rives  du  Congo 
n'élit  jamais  eu  vent  de  l'aventure  extraordinaire  survenue  dans 
son  ménage,  si  une  maltresse  de  son  gendre,  lâchée  et  mécon- 
tente, n'eût  pris  soin  de  l'avertir  par  une  lettre  anonyme.  Elle  a 
surpris  (oh!  le  truc  de  la  poriière  derrière  laquelle  se  cache  la 
délatrice!)  la  conversation  de  la  belle-mère  et  de  son  co-respon- 
dent  (c'est  le  nom  à  la  mo  l<')  et  s'est  empressée  de  déposer  Fon 
message  aimable  dans  le  bureau  du  mari  (oh  !  le  truc  des  bottes 
aux  lettres!)  Patatras  !.  Le  rendei-vous  est  dévoilé.  Une  portière 
propice  (encore!)  dissimule  l'explorateur  anxieux.  Heureusemenl 
que,  de  la  part  de  sa  femme,  c'était  «  pour  rire  ».  Et  l'on  s'en 
va  bras  dessus  bras  dessous,  chacun  avec  sa  chacune. 

Cette  pièce  a  été  couronnée  par  l'Académie  française.  Elle  a 
été  jouée  au  Théâtre-Français.  Il  est  dès  lors  i  présumer  que 
M.  Henri  l^vedan  dotera  la  littérature  dramatique  de  quelques 
Famillet  nouvelles,  dénuées,  comme  celle-ci,  de  tout  effort  en 
vue  de  créer  un  art  neuf.  Qui  l'en  blâmerait,  puisque  le  public, 
et  les  directeurs,  el  ces  messieurs  aux  palmes  vertes  lui  font 
risette  ? 

Ce  qui  demeure,  de  cette  comédie-vaudeville-drame,  c'est  l'es- 
prit de  bon  aloi  déployé  par  l'aulcor  dans  deux  ou  trois  scènes, 
parmi  lesquelles  nous  citerons  le  dialogue  où  Le  Brissard  et 
d'Egrigent  se  rarooteoi  leurs  bonnes  fortunes  de  jadis.  Les  répar- 
ties sont  rapides,  incisives,  et  la  tire-lire  aux  bons  mots  a  été 
généreusement  vidée,  pour  le  plus  grand  agrément  «les  specta- 


leurs  qui  les  happent  au  passage.  C'esl  très  Fit  parUientu,  très 
subtil,  irôs  fin  ;  mais  cela  ne  compense  guère  les  longues  scènes 
où  l'on  croit  voir  revivre  les  ingénieurs  de  H.  Dumas  et  même, 
parfois,  où  grimace  l'ombre  des  colonels  de  M.  Scribe. 


th::éa.tr.e  libre 

{Correspondance  parliculiire  deh'AtiT  MODEitHK.) 

Le  Père  Goriot,  pièce  tirée  du  roman  de  Honoré  Balxac,  par 
M.  Tabahant. 

Le  Théâire  Libre  ouvrit  la  saison  avec  le  Père  Ooriol. 

Balzac  fournissait  de  bons  élémenls  de  drame  k  M.  Tabarant. 
Il  s'est  servi  de  quelques-uns  en  négligeant  les  antres;  aussra-l-il 
donné  quelque  chose  d'incomplet.  Il  a  voulu  animer  une  œuvre 
célèbre,  qui  ne  devient,  à  cet  essai,  qu'une  œuvre  écourtée  et 
longue  i  la  fois. 

Balzac,  qui  est  un  écrivain  abondant  et  circonstancié,  garde 
une  forte  unité  à  travers  la  complexité  des  développements.  L'unité 
réelle  a  lieu  dans  Rastignac  et  dans  un  apprentissage,  par  des 
exemples  immédiats,  des  conditions  et  de  certaines  passes  de  la 
vie.  Pour  la  scène  on  a  concentré  dans  un  événement  particu- 
lier de  son  séjour  il  la  Maùoii  Vauquer  tout  ce  qui,  dans  le 
roman,  se  ramifie  au  dehors  et  aboutit,  à  la  fois,  chez  M"*  de 
Bauséant,  du  faubourg  Saint-Germain  et  chez  M.  Gondureau,  de 
la  rue  de  Jérusalem. 

Malgré  le  réel  talent  de  H.  Antoine  à  composer  son  Goriot,  et 
le  soin  méticuleux  qu'il  y  mit,  la  figure  qu'il  en  façonne  reste  un 
peu  brusque  et  inexpliquée,  surtout  i  cause  de  ce  que  les  paroles 
du  rôle  ont  été  prises  directement  au  texte  de  Balzac,  avec  les 
raccords  indispensables,  mais  interverties,  parfois,  sans  les  puis- 
santes siitufes  d'événements  et  d'explications  qui,  dans  le  roman, 
les  coordonnent  et  motivent  leur  force  progressive.  Il  faut  aussi 
compter  dans  ce  malaise  que  le  don  de  vérité  et  de  vie  qu'a  Bal- 
zac est  excessif  et  toujours  dans  le  sens  d'une  vérité  et  d'une  vie 
visionnaires. 

II  arrive  donc  que  ce  qui  dans  le  génial  et  complexe  récit  est 
admirable  et  juste  devient  avec  le  grossissement  scénique  Savoir 
une  portée  autre  et  Si  se  dénaturer. 

Il  en  est  ainsi  pour  les  traits  d'éloquence,  de  folie  et  de  dou- 
leur palernclles  de  Goriot,  de  même  que  pour  les  situations  déli- 
cates où  Rastignac  résiste  si  mal  aux  générosités  amoureuses  de 
Delphine  de  Nucingen. 

En  toute  l'œuvre  ce  sentiment  d'une  impropriété  persiste'  i 
cause  de   la  comparaison  qui   se  fait  avec  la  forme  écrite  et- 
pnginéc. 

On  peut  trouver  à  ce  genre  d'adaptation  théâtrale  un  mérite 
d'illustration,  et  au  Théâtre  Libre  celle  qu'on  nous  présente 
semble  trop  due  au  crayon  d'un  Eugène  Lampsonius  et  paraît 
empruntée  aux  éditions  populaires  â  deux  colonnes  de  Balzac. 

L'interprétation  par  les  acteurs  est  assez  bonne.  On  joue  bien 
au  Théâtre  Libre.  M.  Antoine  est  toujours  égal  i  lui-même,  sans 
s'y  montrer  supérieur,  mais  l'opinion  que  les  actrices  savent  tout 
représenter,  déesses  ou  chiffonnières,  tout,  excepté  les  femmes 
du  monde,  reste  admissible  et  un  bon  esprit  peut  s'y  tenir. 

R. 


Petite  CHROf^iquE 


Nous  avions  posé,  dans  notre  avant-dernier  numéro,  vingt  ques- 
tions précises k  la  Commission  des  beauxarlt  et  des  musées,  sur 
les  gaspillages  commis  par  ses  membres.  L'ImUpendance,  k  la 
rédaction  de  laquelle  appartient,  on  le  sait,  un  des  membres  les 
plus  influents  de  cette  commission,  répond  k  la  première.  D'après 
elle,  le  déménagement  du  Musée  n'aurait  cofkté  que  onze  milU 
et  non  quatre-vingt  niille  francs. 

Elle  reste  muette  sur  les  dix-neuf  autres. 

Nous  sommes  donc  autorisés  k  considérer  comme  vrais  les 
renseignements  que  nous  avons  publiés  sur  tous  ces  points  et 
auxquels  se  référait  notre  questionnaire. 

C'est,  comme  nous  l'avons  annoncé,  le  6  décembre  qu'aura  lieu 
le  premier  Concert  populaire  de  la  saison,  sous  la  direction  de 
H.  Joseph  Dupont.  On  y  entendra  M.  Camille  Gurickx,  le  nouveau 
professeur  de  la  classe  de  piano  du  Conservatoire  qui  interprétera, 
pour  la  première  fois  k  Bruxelles,  le  concerto  pour  piano  et 
orchestre  de  Tchaikowsky.  H.  Joseph  Dupont  fera  exécuter  eu 
outre,  également  pour  la  première  fois,  la  symphonie  Sn  Italie 
de  Richard  Strauss,  l'un  des  plus  intéressants  compositeurs  de  la 
jeune  école  allemande,  deux  pièces  d'orchestre  de  Glazounow  et 
l'ouverture  de  Sacountala  de  Goldmarck. 

Aujourd'hui  diihanche,  k  S  heures,  distribution  des  prix  au 
Conservatoire. 

L'audition  musicale  par  invitations  que  donnera  H.  Litla  k  la 
Salle  Erard  aura  lieu  le  mercredi  11  courant,  au  lieu  du  jeudi  IS, 
afin  de  ne  pas  coïncider  avec  la  première  représenlation  du  Rive, 
annoncée  pour  cette  date  k  la  Monnaie. 

Madame  Mblba,  instantané  du  QU  Bios  .- 

Pas  de  la  première  jeunesse.  Un  de  ces  types  de  b^lle  femme 
plantureuse,  imposante,  presque  mfkre  qui  font  perdre  la  tête  aux 
rhétoriciens  et  aux  petits  princes  en  rupture  de  gedie.  Des  che- 
veux superbes.  Des  épaules  k  mouler.  Un  profil  d'archiduchesse. 
Australienne.  Fut  nécessairement  l'élère  de  M"*  Marchesi,  la 
classique  lanceuse  d'étoiles.  La  coqueluche  des  vieux  abonnés  de 
l'Opéra  qui  se  pftment  k  ses  moindres  vocalises.  Beaucoup 
d'allure  et  une  voix  chaude  qu'elle  manie  en  virtuose  habile. 
Artiste  de  «  season  »  comme  on  les  aime  k  Londres.  Y  est  reçue 
partout  comme  le  beau  Jean.  Mariée.  Voudrait  bien  qu'on  ne 
parle  plus  d'elle  que  comme  prima  donna. 

W'  Judic  donnera  au  Théktre  Molière,  mercredi  prochain,  une 
représentation  de  la  Femme  à  Papa.  Ce  spectacle  sera  le  dernier 
de  la  tournée  Judic  en  Belgique. 

Une  représentation  de  bienfaisance  sera  donnée  le  19  courant, 
au  Théâtre  du  Parc,  au  bénéfice  de  la  Créche-école  gardienne 
d'Ixelles,  par  VUnion  dramatique  ixelloise.  Le  spectacle  sera 
composé  de  Us  Espérances  (1  acte)  de  Paul  Bilhaud,  et  de  Un 
Père  prodigue  (S  actes),  d'Alexandre  Dumas,  avec  le  concours  de 
M""  Marie  Georges. 

Le  Progrès  a  ouvert  k  Namur,  dimanche  dernier,  un  Salon  de 
peinture, —  le  cinquième  qu'il  organise.  Les  jeunes  artistes  namn- 
rois  ont  répondu  en  grand  nombre  k  l'appel  du  Comité.  Des  dis- 
cours ont  été  prononcés  par  le  président  du  Cercle,  M.  Rosel,  et 


V  \j^' 


L'ART  MODERNE 


361 


parle  bourgmestre  do  Namur,  H.  Lcmaltre.  «  En  Art,  a  dit  ce 
dernier,  il  ne  fuut  pas  rendre  simpIcmeDl  et  matériellemenl  ce 
que  l'on  voit  ;  il  fout  que  dar.5  viiaquè  s-uvre  on  sente  que  l'artiste 
y  •  mit  tout  son  cœur,  toute  la  sensibilité  dont  il  est  capable  et 
il  est  nécessaire  pour  réaliser  le  Beaa  que  l'interprète  de  la  nature 
ne  se  contente  pas  seulement  d'une  observation  directe,  mais  qu'il 
poursuive  constamment  la  réalisation  d'un  idéal,  duquel  insensi- 
jklement  il  se  rapprochera.  » 

La  Jeune  Belgique,  dans  un  article  net  cl  violent,  signé  Albert 
Giraud,  parle  ainsi  de  MM.  Frédérix  et  Tardieu  : 

Dn  premier  : 

a  II  se  contenta  d'écrire  un  feuilleton  sur  deux  ou  trois  écrivains 
de  la  Jeune  Belgique,  envers  lesquels,  i  cause^de  leur  qualité  de 
journalistes,  il  se  croyait  tenu  à  quelque  apparence  de  courtoisie, 
et  sur  l'effort  des  autres,  qui  lui  envoyaient  leurs  livres,  il  se  tut 
avec  majesté.  Il  se  tut  quand  Max  Waller  publia  la  Vie  Bile, 
F  Amour  Fantasque  et  Lytiane  de  Lytiat.  Il  se  tut  quand  paru- 
rent les  derniers  romans  de  M.  Camille  Lemonnier.  Il  se  tut  après 
la  Damnation  de  l' Artiste  de  M.  Iwan  Gilkin,  après  le  Lys  et  le 
Don  d'Enfance  de  M.  Femand  Severin,  après  les  Chimères  de 
M.  Jules  Destrée,  après  Mon  Cœur  pleure  d'autrefois  de  M.  Gré- 
goire Leroy,  après  les  Impressions  et  Sensations  de  M.  Arnold 
Goffin,  après  les  Flaireurs  de  M.  Charles  Van  Lerberghe,  après 
MxttU  de  M.  Henry  Maubel,  après  les  Impressions  d: art  de  , 
M.  Eugène  Demolder,  après  les  Flamandes,  les  Moines,  les  Soirs, 
les  Débâcles  et  les  Flambeaux  noirs  de  M.  Emile  Verhaeren, 
après  les  Serres  chaudes  de  M.  Maurice  Maeterlinck  1  Ah!  quel 
saint  Jean  le  Silentiaire!  Je  ne  cite  ici,  au  hasard  de  la  mémoire, 
que  les  omissions  les  plus  criantes.  Mais  quelle  liste  je  dresserais, 
si  je  voulais!  Cette  liste  serait,  i  cinq  ou  six  œuvres  près,  le 
catalogue  bibliographique  du  mouvement  belge  depuis  quinze 
années  I  » 

Des  deux  : 

«  Vous  êtes  convaincus,  vous  M.  Frédérix,  d'avoir  fait  le  silence 
sur  la  plupart  des  œuvres  belges  parues  chez  nous  depuis  vingt 
ans,  et  vous,  M.  Tardieu,  de  les  avoir  exécutées,  dans  voire  sup- 
plément littéraire,  entre  des  annonces  de  librairie,  en  quelques 
lignes  méprisantes  qui  dégoûteraient  de  la  lecture  de  ces  livres  le 
plus  intrépide  et  le  mieux  disposé  des  lecteurs.  Si  les  nouvelles 
générations  vous  bousculent,  —  c'est  que  vous  l'avez  voulu. 

«  Nous  ne  vous  demandons  rien,  sinon  d'observer  loyalement  le 
contrat  tacite  qu'en  votre  qualité  de  critiques  vous  avez  conclu 
aTec  lesclienU  de  votre  journal.  Ce  contrat,  vous  le  violez.  Vous 
vous  donnez  des  airs  de  grande  feuille  littéraire,  et  vous  essayez 
d'étouffer  les  écrivains  qui  surgissent  dans  votre  pays.  Vous 
n'avez  ni  l'excuse  de  l'ignorance  ni  celW  de  l'incompréhension. 
Tous  n'êtes  assurément  pas  de  très  grands  clercs,  mais  vous  êtes 
capables  de  lire  un  livre  et  d'en  soupçonner  la  valeur.  C'est  ce 
qui  aggrave  votre  cas.  Les  littérateurs  belges  ont  bien  le  droit,  ce 
me  semble,  d'exiger,  d'une  Maison  qui  se  dit  belge,  les  mêmes 
égards  qu'elle  prodigue  aux  artistes  français.  Vous  qui  courez 
aux  premières  représentations  du  plus  petit  théâtre  de  Bruxelles, 
qui  n'en  laissez  point  passer  une  sans  en  informer  votre  public, 
—  pourquoi  en  usez-vous  autrement  avec  nos  livres  T  Le  vaude- 
ville le  plus  inepte  trouve  grâce  â  vos  yeux,  et  l'effort  désintéressé 
de  nos  écrivains,  auquel  la  critique  étrangère  commence  â  rendre 
justice,  ne  mérite  que  votre  silence  ou  votre  dédain.  Est-ce  qu'on 
vous  demande  des  éloges?  Est-ce  qu'on  vous  demande  d'aimer 


des  formes  d'art  qui  vous  répugenl?  Vous  savez  bien  que  non. 
Tout  ce  que  vous  leur  devez,  c'est  une  attention  impartiale, 
pareille  â  celle  que  voirc  confrère  M.  Félis  prête  aux  œuvres  de 
nos  jeunes  peintres  et  de  nos  jeunes  musiciens.  Il  n'aime  guère 
leur  an,  et  il  a  le  droit  de  ne  pas  l'aimer;  mais,  comme  critique, 
il  a  le  droit  de  le  faire  connafire,  et  ce  devoir,  il  l'accomplit  avec 
dignité,  sans  aucune  de  vos  méchancetés  ni  de  vos  malices.  » 

La  Revue  blanclie  nous  fait  part  de  sa  naissance,  —  ou  plutôt 
de  sa  puberté,  car  elle  exista,  durant  deux  années,  à  Bruxelles, 
et  deux  ans,  c'est  toute  Tcnfance  d'une  revue  !  Adolescente,  la 
Revue  blanche  émigré  â  Paris.  Son  premier  numéro  arbore  les 
noms  de  Henri  de  Régnier,  de  Gustave  Kahn,  de  Lucien  Mahifeld 
(secrétaire  de  la  rédaction),  de  plusieurs  Naianson,  dont  l'un, 
Alexandre,  est  directeur  de  la  revue.  «  Très  simplement,  dit  le 
N.  B.  préliminaire,  nous  voulons  développer  ici  nos  personna- 
lités, et  c'est  pour  les  préciser  par  leurs  complémentaires  d'admi- 
ration ou  de  sympathie  que  nous  sollicitons  respectueusement  nos 
maîtres  et  que  nous  accueillons  volontiers  de  plus  jeunes.  » 

La  Revue  blanche  paraîtra  le  15  de  chaque  mois,  en  livraison 
de  48  pages.  Prix  d'abonnement  :  7  francs  l'an  l'édition  ordi- 
naire, 20  francs  l'édition  de  luxe  sur  Hollande  à  tirage  reslrcini. 
Bureaux  :  rue  des  Martyrs,  19,  Paris. 

Nos  félicitations  et  nos  vœux. 

En  même  temps  que  paraît,  à  Paris,  la  Revue  blanche,  nou- 
velle série,  MnC Revue  rosemW.  b  Liège.  Littéraire,  naiurellemcni, 
et  artistique,  et  même  scientifique.  Au  sommaire  :  Paul  Delhaye, 
J.  Baudot,  Paul  Combes,  Emile  Goudeau,  etc.  Abonnements  : 
45  francs  l'an  pour  la  Belgique,  18  francs  pour  l'étranger.  Admi- 
nistration :  rue  des  Meuniers,  10,  Liège. 

Oo  ahead  and  fare  ivell  ! 

On  va  créer  en  France  une  caisse  dite  des  Musées,  destinée  â 
concentrer  les  fonds  nécessaires  à  l'acquisition  des  œuvres  d'art 
qui  seraient  jugées  dignes  de  figurer  dans  les  collections  natio- 
nales. 

Au  lieu  du  crédit  alloué  chaque  année,  on  aurait  une  dotation 

fiermanentc  qui  serait  constituée  par  le  produit  des  entrées  dans 
es  musées,  palais,  édifices  historiques  appartenant  b  l'Etat. 

Un  projet  de  loi  décrétera  ces  droits  d'entrée.  Toutefois,  les 
établissements  seront  toujours  accessibles  gratuitement  les 
dimanches  et  jeudis  pour  tout  le  monde.  Les  autres  jours,  l'en- 
trée sera  toujours  gratuite  pour  les  artistes. 

En  France,  avons-nous  dit.  Si  pareille  mesure  était  prise  à 
Bruxelles,  il  est  probable  qu'il  n'y  aurait  plus  jamais  personne 
dans  les  musées.  

Le  dernier  numéro  des  Hommes  d'aujourd'hui  {\3n\er,  éd.),  et 
consacré  au  D'  Cazalis  (Jean  Lahor). 

On  vient  de  reprendre  i  Francfort,  pour  l'ouverture  des  con- 
cert» du  Rûhlsche  Verein,  le  Saint- François  d'Edgar  T^nel.  Le 
succès  en  a  été  très  grand.  L'œuvre  de  notre  compatriote  va  être 
exécutée  cet  hiver  d  Amsterdam,  à  Copenhague  et  à  Breslau. 

Ix  Magazine  ofart,  dont  la  livraison  de  novembre  ouvre  une 
nouvelle  série,  inaugure  la  publication  de  planches  en  couleur. 
Le  frontispice,  consacré  au  tableau  de  M.  H.-E.  Detmold  «  A  breezy 
day  »,  est  d'une  jolie  coloration  et  d'une  grande  finesse  d'exécu- 
tion, 'il  sort  des  presses  chromolypographiqucs  de  MM.  Goupil, 
â  Paris.  A  signaler  spécialement  dans  ce  numéro  les  reproduc- 
tions des  «  Six  jours  de  la  création  »  de  Burne-Jones,  qui  font 
partie  de  la  collection  A.  Henderson,  décrite  par  M.  W.  Shaw- 
Sparrow,  et  aussi  un  curieux  article  de  M.  W.-F.  Dickes  sur  «  les 
Ambassadeurs  »  de  Holbein,  avec  de  nombreuses  illustrations. 

Le  Magazine  of  art  commence,  dans  la  même  livraison,  un 
block-notes  mensuel  illustré,  destiné  à  renseigner  le  lecteur,  par 
le  seul  aspect  d'une  série  de  gravures,  sur  les  principaux  événe- 
ments artistiques  du  mois. 


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ONZIÈME  ANNÉE 

L'ART  MODERNE  s'est  acquis  par  l'autorité  et  l'indépendance  do  sa  critique,  par  la  variété  de  ses 
informations  et    les  soins  donnés   à  sa   rédaction  une  place  prépondérante.   Aucune  manifestation  de  l'Art  ne 

lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  de  peinture,  de  soulpture,  de  gravure,  do  musique, 

d'architecture,  etc.  Consacré  principalement  au  mouvoAient  artistique  belge,  il  renseigne  néanmoins  ses 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  l'étranger  qu'il  importe  de  connaitre. 

Chaque  numéro  do  li'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  quesiioa  artistique 
ou  littéraire  dont  l'événement  do  la  semaine  fournit  l'aotualité.  Les  expositions,  les  livres  nouveaux,  les 
premières  représentations  d'œuvros  dramatiques  ou  musicales,  les  conférences  litlérairet,  les  concerts,  les 
ventes  d'objets  cTart,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNE  relato  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  Il  rend  compte  des 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complète  des  ex-posiilons  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  11  .est  envoyé  gratuitement  à 
l'essai  pendant  un  mois  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande. 

L'ART  MODERNE  forme  chaque  année  un  beau  et  fort  volume  d'environ  450  pages,  avec  table 
(Jes  matières.  Il  constitue  pour  l'histoire  de  l'Art  le  document  LE  PLUS  COMPLET  et  le  recueil  LE  PLUS 
FACIUS  A  CONSULTER.  '''""'     '  .... 


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Camille  Saint-Safns,  Liszl,  Richard  Wagner,  Rubirutein,  Joa- 
chim,  Wilhelmj,  Ed.  Grieg,  Ole  Bull,  A.  Essipoff,  Sofie  Menter, 
Détirie  Artôt,  Pouline  Lucca,  Pablo  deSurcuate,  Ferd  Hitler,  D. 
Popper,  sif  P.  Jiencdiit,  Lochelilihy,  Napratnik.Joh.Selmer,  Joh. 
Svendsni,  K.  Kundnagel,  J.-G.-E.  Utehle,  Ignace liriUl.eic.,  etc. 

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en  un  fascicule  de  32  pages  au  moins.  Il  formera  tous  les  ans  un  fort 
volume  in-S»,   pour  lecjuel  il  sera  tiré  une  couverture  spéciale,  un 
titre,  une  table  des  matières  et  une  table  alphabétique  par  noms  d'au 
leurs. 

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OmiAia  amhAb.  —  N*  46. 


Lb  numéro  :  26  centimbs. 


DiMANCHB  15  Novembre  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LB    DIMANCHE 


REVDB  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Émilb  VERHAEREN 


▲BOmrXMElITS  :    Belgique,    un    an,    fr.    10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —  ANNONCES   :    On   traite   i   forfait. 

Adresser  toute»  le»  communications  à 
l'administration  oénérale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


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OMMAIRE 


•  Lb  Révb  i>  au  Théâtre  de  la  Monnaie.  —  L'Akt  a  la  Maison 
DU  PBUPLB.  —  Lb  Labeur  de  la  vtusiE,  par  Ghistave  Abel.  —  Vers 
DE  l'Espoir,   par  Maurice  Desombiaux.  —  En   Hollande.  —   La 

QUBSTION  DBS  MuS^ES.  —    CoRRESPONDANCB,  —   CHRONIQUE  JUDICIAIRE 

DBS  ABTS.  —  Petite  chronique. 


LE  RÊVE 

AU  THÉÂTRE   DE   LA  MONNAIE 

Lorsque  parut,  en  1888,  le  Rêve,  broché  de  jaune, 
honnête  rejeton  de  cette  famille  Charpentier  qui  avait 
élevé  et  lancé  dans  le  monde  d'innombrables  Rougon- 
Macquart,  il  y  eut  quelque  surprise  et  le  mysticisme 
imprévu  de  i'arrière-petite-fille  de  Coupeau  mit  en 
ébuUition  la  critique  et  la  chronique.  Il  resta  du  livre 
une  impression  de  tendresse  douloureuse,  le  souvenir 
des  enluminures  de  missels  dont  Zola  illustra  joliment 
un  conte  bleu,  une  façon  de  chanson  de  nounou, 
sans  qae  l'œuvre,  à  fleur  de  peau,  provoquât  l'émotion 
profonde  et  durable  des  chefs-d'œuvre. 

En  passant  du  roman  à  la  scène,  le  Rêve  n'a  pas  subi 
de  transformation  sensible,  et  pourtant  l'impression 
qu'il  fait  naître  est  affaiblie.  Autour  de  l'extatique 
Angélique,  emportée  par  ses  visions  de  saintes  et  de 


martyres,  gravitent  des  comparses  dont  l'indigence 
dramatique  est  flagrante.  Un  seul  rôle  a  subi  quelques 
développements  :  celui  de  l'évêque  Jean  de  Hantecœur. 
Celui-ci  domine  les  épisodes  du  petit  drame  de  famille 
accroché  aux  flancs  de  la  vénérable  cathédrale  gothi- 
que, personnage  muet,  symbolique  et  absorbant,  dont 
Zola,  selon  son  procédé  habituel,  a  fait  le  pivot  de 
l'action. 

Il  est  résulté  de  cette  mise  en  vedette  d'une  figure  de 
second  plan,  sinon  un  amoindrissement,  du  moins  une 
atténuation  du  caractère  d'Angélique,  qui  ne  concentre 
plus  exclusivement  l'intérêt.  •  Ce  qui  fait  sa  séduction, 
disions-nous  de  l'héroïne  du  Rêve  en  rendant  compte  du 
livre,  c'est  son  assimilation  corporelle  et  psychique  aux 
vierges  frêles  peintes  aux  tableaux  des  maîtres  gothiques. 
Elle  vit  en  la  légende  dorée,  hie  par  elle  dans  un  vieil 
exemplaire  illustré,  et  ses  pensées  comme  sa  vie  sont  à 
l'imitation  de  ces  êtres  mystiques  et  suaves.  Elle  les 
sent  voltiger  autour  d'elle,  elle  entend  leurs  voix 
mystérieuses.  Son  existence  est  une  extase.  Elle  désire 
leurs  divines  aventures.  Elle  assimile  tout  autour  d'elle 
un  monde  poétique  où  les  naïves  légendes  religieuses 
les  ont  mises.  Et  c'est  là  son  Rêve.  La  cathédrale  de 
province  à  laquelle  a  été  incrustée  la  petite  maison  de 
ses  parents  adoptifs,  tressaillant  de  tous  les  bruits  de 
l'église  comme  une  nacelle  aux  flancs  d'un  trois-ponts. 
L'atelier  moyen-âge  où  elle  pique  des  chasubles  d'après 


•>-  "ï»-'ï-7!;m-?'?if^f*^g^!^^5f 


les  procédés  traditionnellement  conservés  des  anciens 
brodeurs.  Son  corps  mince  de  martyre,  son  visage  aux 
sourcik  presque  effacés  des  triptyques,  sa  longue  che- 
velure d'or  qui  la  fait  jumelle  de  sainte  Agnè».  Son 
jeune  et  chevaleresque  amoureux  qu'elle  voit  pareil  à 
saint  Georges.  Son  besoin  de  souffrance,  de  renonce- 
ment, d'abandon  des  joies  terrestres  pour  la  fuite  en 
des  joies  idéalement  célestes.  Et  ses  visions  de  ce 
paradis  peuplé  de  saintes,  de  toutes  ces  saintes  :  «  Agnès, 
le  col  troué  d'un  glaive,  Christine,  les  mamelles  arra- 
chées avec  des  tenailles,  Geneviève,  suivie  de  ses 
agneaux,  Julienne,  flagellée,  Anastasie,  brûlée,  Marie 
l'Egyptienne,  faisant  pénitence  au  désert,  Madeleine, 
portant  un  vase  de  parfums.  D'autres,  d'autres  encore, 
défilant,  une  terreur,  une  pitié  grandissant  à  chacune 
d'elles,  comme  une  de  ces  histoires  terribles  et  douces, 
qui  serrent  le  cœur  et  mouillent  les  yeux  de  larmes  »  (1). 

L'Angélique  du  drame  de  M.  Gallet  n'est  pas  tout  à 
fait  l'Angélique  du  récit.  L'analyse  psychique  de  son 
âme  de  dévote  illuminée,  complaisamment  tracée  par 
Zola,  a  dû  être  retranchée  au  théâtre.  C'est  l'inconvé- 
nient habituel  des  romans  «  mis  en  pièces  »  que  cette 
nécessité  de  substituer  à  l'exposé  des  caractères  une 
succession  brutale  de  faits. 

Quelque  incohérence  naît  de  cette  transformation.  On 
ne  s'explique  pas  le  refus  d'Angélique  de  suivre  le  bien- 
aimé  qu'elle  a  appelé  de  toute  l'ardeur  de  son  &me.  Ce 
n'est  plus  la  vierge  assoiffée  de  martyre,  c'est  une  gri- 
sette  capricieuse,  dont  l'hystérie  apparaît  dénuée  de 
l'esprit  de  sacrifice  qui  la  magnifiait,  c'est  une  ingénue 
sautillante,  une  pensionnaire  du  Sacré-Cœur  emballée 
par  un  jeune  homme  aperçu  par  les  grilles  du  couvent, 
qu'elle  ^ut  épouser,  qu'elle  repousse  ensuite,  et  qui 
vient,  souriant  et  toujours  épris,  la  conquérir  au 
moment  où  elle  va  mourir  de  consomption. 

Ainsi  réduite,  la  trame  du  roman  déjà  fragile  descend 
aux  banalités  de  l'anecdote.  L'Abbé  Constantin  a  même 
valeur  artistique.  Ce  qui  parfumait  le  fait  divers  d'un 
très  subtil  encens,  grisant  et  suave,  —  la  mysticité  d'une 
àme  candide  brûlée  aux  légendes  miraculeuses,  perpé- 
tuellement excitée  par  l'atmosphère  de  piété  qui  l'op- 
prime, —  n'est  guère  appréciable  dans  le  drame.  Et  il 
n'est  pas  jusqu'au  dénouement  tragique,  —  la  mort 
d'Angélique  au  sortir  de  l'église  où  elle  a  reçu  la  béné- 
diction nuptiale,  —  qui  n'ait  été  modifié.  Le  rideau 
tombe  sur  la  résurrection  de  la  pauvrette,  que  les 
prières  de  l'évèque  ont  tirée  d'une  léthargie  pour  la 
pousser  dans  les  bras  do  Félicien,  —  solution  aimable 
permettant  aux  spectateurs  d'espérer  que  le  ménage  sera 
heureux  et  qu'il  aura  beaucoup  d'enfants.  Est-ce  là  la 
fin  du  RÊVE  ? 

Mais  entendons-nous.  Il  y  a,  paralt-il,  deux  dénoue- 

(1)  L'Art  moderne,  1888,  p.  338. 


mentsau  «  drame  lyrique  ••  de  M.  Oallet.  Deux  dénoue- 
ments au  choix  !  L'un,  pour  les  Ames  sensibleis,  à  l'usage 
dea  jeunes  filles  qu'on  mène  à  l'Opéra-Comique  dans  de 
ténébreuses  intentions  matrimoniales  (et  c'est,  hélas! 
celui  qui  a  été  adopté  an  Thé&tre  de  la  Monnaie!), 
l'autre,  conforme  au  roman  de  Zola  et  à  la  logique  esthé- 
tique du  récit.  Un  drame  bicercal  I  Nous  nous  refusions 
à  croire  à  ce  phénomène.  Il  a  folln  qu'un  ami  nous  mon-  ' 
trftt  la  partition,  où  sont  consignée  les  deux  versions, 
pour  que  nous  fussions  convaincu.  ^ 

Se  tigure-t-on  Carmen,  au  lieu  de  recevoir  le  coup  de 
couteau  final,  prendre  amoureusement  le  bras  de  Don 
José  et  retourner  allègrement  avec  lui  là-bas,  là-bas,  dans 
la  montagne!  Imagine-ton,  dans  r.<4r2dMmn«,  FfédéiH 
reparaître  sain  et  sauf  après  s'être  précipité  du  haut 
du  moulin,  et  rassurer  avec  sollicitude  sa  mère 
épouvantée?  Que  dire  d'une  version  dans  laquelle 
Roméo  et  Juliette,  la  scène  du  tombeau  jouée,  remon- 
teraient, enlacés,  dans  la  salle  des  fêtes  du  palais  des 
Capulets  ?  Ce  serait  à  souhaiter  pour  ménager  la  ner- 
vosité des  spectateurs  qu'impressionnent  trop  vivement 
les  émotions  violentes.  Mais  le  bon  sens?  Mais  la  logique  ? 
Mais  l'art?... 

Il  est  stupéfiant  que  Zola  ait  consenti  à  cette  compro- 
mission. Il  est  renversant  que  M.  Brnneau  se  soit  plié 
à  pareil  joug  et  ait  eu  le  courage  d'écrire  une  partition 
aboutissant  à  deux  épilogues  contradictoires.  Cela  ferait 
douter  de  sa  sincérité  d'artiste,  si  son  œuvre  ne  déno- 
tait, d'un  bobt  à  l'autre,  le  continuel  souci  de  bien  faire 
et  de  faire  du  neuf. 

Elle  est,  certes,  séduisante,  l'œuvre  du  musicien  et 
le  seul  tort  qu'aient  eu  ses  amis  est  d'avoir  voulu  la 
faire  passer  pour  la  révélation  attendue  du  drame 
lyrique  moderne,  alors  qu'il  ne  faut  y  voir  que  le  début, 
consciencieux  et  habile,  d'un  musicien  qui  pourra  don- 
ner, nous  l'espérons,  bien  davantage. 

Zola,  dont  l'indulgence  se  conçoit,  a  déclaré,  dans  une 
interview,  que  M.  Bruneau  avait  du  génie.  C'est  un 
terme  bien  gros,  appliqué  à  un  artiste  qui  ne  nous  a 
permis  de  le  juger  que  sur  une  partition  aimable,  sans 
doute,  Toaii  qui  se  borne  à  souligner  de  quelques  des- 
sins mélodiques  le  texte  d'une  œuvrette  de  courte  enver- 
gure. Il  a  dénoncé  la  musique  de  l'artiste  comme  ayant 
«  des  ressemblances  frappantes  avec  celle  de  Wagner  ». 

Ceci  est  inexact.  Si  tel  tableau  du  Rêve  évoque  le 
lointain  souvenir  d'une  scène  des  Maîtres-Chanteurs, 
ce  n'est  ni  par  l'analogie  des  formes  mélodiques,  ni  par 
la  similitude  de  l'écriture.  Il  y  a,  tout  au  plus,  une  cer- 
taine atmosphère  musicale  comparable  à  celle  qui  règne 
au  début  de  la  comédie  lyrique  de  Wagner,  impres- 
sion d'ailleurs  toute  fugitive,  que  détruit  un  examen 
sérieux. 

Les  procédés  de  M.  Bruneau  sont  essentiellement 
distincts  du  style  de  Wagner.  Au  lieu  de  bâtir,  comme 


j^ïf çafç^|lM^^^*;/>:;y•'"  '  -■  ' 


•■*y^ /"  ii^     •:  '.V^IJ^ -^i^^Jïï^ .. 


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ce  dernier,  sa  partition  sur  une  série  de  thèmes  caracté- 
ristiqaes,  symphôniquement  dérelopp^i  au  cours  de 
l'ouvrage  et  suivant  pas  à  pas  le  développement  psycho- 
logiqae  des  héros  du  drame,  l'auteur  du  Rêve  se  borne 
à  accentuer  ses  récitatifs  de  quelques  motifs  très  courts 
qui  sont  répétés,  sans  guère  subir  de  modifications, 
lorsque  la  situation  des  personnages  l'exige.  Ce  n'est, 
en  aucune  façon,  l'emploi  des  leitmotive  tel  que  l'a 
imaginé  Wagner.  Nous  nous  sommes  expliqué  déjà  à 
ce  propos  en  parlant  de  la  partition  de  Manon,  dans 
laquelle  on  crut  voir  aussi,  bien  à  tort,  des  afSnités  avec 
l'esthétique  vagnérienne. 

Le  maître  de  M.  Bruneau,  celui  qui  a  incontestable- 
ment exercé  sur  lui  son  influence,  c'est  Bizet,  dont  il  a 
la  clarté  pimpante,  le  dessin  précis,  l'amour  des  timbres 
neufs.  Son  instrumentation  est  habile,  séduisante  à 
l'oreille  et  porte  allègrement  les  légères  broderies  musi- 
cales d'une  harmonie  souvent  audacieuse,  dont  il  agré- 
mente les  récits  des  protagonistes.  Ce  qui  manque, 
c'est  l'ampleur.  On  attend  une  envolée,  un  essor  vers 
les  liantes  sphères,  et  toujours  la  phrase,  an  moment 
de  déployer  ses  ailes,  tourne  court.  C'est  ingénieux,  ce 
n'est  pas  grand,  ni  profond.  Peut-être  l'auteur  a^t-il 
craint,  en  se  donnant  carrière,  d'enlever  à  l'œuvre  le 
caractère  archaïque  qull  a  voulu  lui  imprimer.  Il  y  a, 
certes,  dans  ses  thèmes  aux  contours  naïfe,  aux  intona- 
tions balbutiantes,  une  ingénuité  voulue.  Mais  on  peut 
se  demander  si  l'action  contemporaine  du  drame  s'acco- 
mode  de  cette  illustration  de  verrières  et  de  fresques. 
n  y,  a  quelque  désaccord,  semble-t-il,  entre  le  sujet,  tel 
que  l'a  taùté  le  librettiste  et  son  encadrement  musical. 

Ce  qu'il  &ut  louer  sans  réserve,  c'est  la  suppression 
des  airs  k  ritournelles  qui  empestent  encore  l'opéra, 
l'abolition  des  phrases  répétées,  des  motife  repris  en 
chœur,  de  toute  la  friperie  musicale  d'antan.  Encore  y 
a-t-il  des  duos  &  l'unisson  inutiles  et  un  septuor  à  effet 
dont  l'opportunité  est  contestable. 

Le  Rêve  marque  une  tendance  nette  vers  un  art  libre, 
débarrassé  des  conventions.  C'est  un  généreux  et  coura- 
geux effort,  auquel  il  est  impossible  de  ne  pas  applaudir 
et  qui  commande  la  sympathie. 

L'interprétation  du  Rêve  est  très  satisfaisante.  Si 
M"*  Chrétien  n'incarne  pas,  au  point  de  vue  physique 
(et  qui  l'en  blâmerait?)  la  firèle  et  nerveuse  héroïne, 
jumelle  de  sainte  Agnès,  minée  par  les  hallucinations,  sa 
Toix  superbe,  d'un  métal  sonore,  réalise  pleinement  les 
intentions  du  compositeur.  M.  S^uin  a  une  autorité, 
une  onction,  une  prestance  admirables.  On  n'imagine  pas 
le  rAIe  de  l'évéque  mieux  joué,  ni  chanté.  H.  Dinard, 
dont  le  timbre  dé  voix  a  quelque  analogie  avec  l'organe 
de  M.  Seguin,  donne  au  rôle  un  peu  eff'acé  d'Hubert 
une  physionomie  intéressante.  M"*  de  Béridèz  et  M.  Le- 
prestre,  dans  les  personnages  d'Hubertine  et  de  Félicien, 
complètent  une  interprétation  homogène  et  soignée, 


encadrée  dans  des  décors  agréables,   soutenue  avec 
discrétion  par  l'orchestre  de  M.  Barwolf. 


L'^RT  >  LA  «^AlgON    DU    PEUPLE 

Une  leolative  audacieuse  vient  de  se  produire  à  la  Maison  du 
Peuple.  On  y  a  fondé,  mardi  dernier,  une  section  d'art.  Et  l'effort 
de  la  réunion  a  lenda  à  rendre  pratique  celte  idée  d'esthétiser  le 
peuple,  lequel  b  prime  aspect  semble  éloigné  de  l'art. 
'  Notre  art,  dit-on,  est  raffiné,  subtil,  complexe.  Au  rebours 
de  toute  naïveté,  de  toute  primilivilé,  il  a  élu  des  territoires  où 
grandissent  des  floraisons  de  serre,  où  croissent  d'inextricables 
lianes  perverses,  où  des  plantes  noires  arroodissenl  pour  les  yeux 
bien  plus  que  pour  l'émotion,  leurs  larges  disques  d'un  deuil 
souhaité  et  exquis.  On  y  cultive  de  la  douleur,  de  la  tristesse, 
de  l'ennui. 

Une  pièce  de  Baudelaire  défiait  cette  tendance  en  précisant  : 

Nous  kTOns,  il  est  vrai,  nationB  corrompues, 
Aux  peuple*  ancien*  des  beautés  inconnues, 
Des  visages  rongés  par  les  chancres  du  cœur, 
Et  comme  qui  dirait  dès  beautés  de  langueur. 

Mais  le  poète,  qui  prévoyait,  ajoute  : 

Mais  ces  inventions  de  nos  muses  tardives. 
N'empêcheront  jamais  les  races  maladives 
De  rendre  A  la  jeunesse  un  hommage  profond... 

Cet  hommage  profond,  il  me  semble  que  presque  tous  les  poêles 
venus  après  Baudelaire,  l'ont  rendu.  Il  y  a  eu  depuis  lui  un 
continuel  retour  vers  la  fraîcheur,  ver»  la  candeur,  vers  la  primi- 
livilé, dont  les  races  neuves  que  le  poêle  célèbre  au  début  de  ses 
strophes  et  qu'il  oppose  aux  races  d'aujourd'hui  furent  l'expression 
nette.  Des  chanteurs  sont  venus  apportant  des  «  dons  d'enfance  », 
d'antres  des  <>  chantefables  »,  d'autres  les  rythmes  naïfs  de  la 
chanson  populaire. 

Il  en  est  résulté  aussi  des  œuvres  contradictoires  où  se  mêlaient 
des  lassitudes  i  des  renaissances,  des  crépuscules  à  des  malins, 
des  désirs  de  résurrection  à  des  abattements  anciens.  Mais  ce  qui 
est  indéniable  c'est  que  sur  le  jardin  littéraire  de  celte  heure-ci, 
un  vent  frais  et  clair  se  répand  et  qu'il  y  souffle  de  l'aurore. 

Un  autre  sentiment  profond,  nnerveilleux,  large  nt  ardent  s'est 
également  irradié  sur  les  lettres  :  la  pitié.  Nombre  d'esprits  hauts 
y  trouvent  le  grand  remède  social.  Des  écrivains  de  génie  l'ont 
étendu  à  travers  les  pages  de  leurs  livres;  l'un  d'entre  eux, 
Dostolewsky,  en  a  fait  l'âme  de  toute  son  œuvre.  Chez  nous,depui« 
longtemps  déjk,  celte  énorme  émotion  fixe  avait  orienié  en 
plastique  les  cerveaux  des  Degroux,  des  Meunier,  des  Mellcry  et, 
en  littérature,  avait  requis  Eckhoud.  Parmi  les  récemment  venus, 
Maeterlinck  et  Van  Lerberghe  éprouvaient  les  mêmes  tendresses 
pour  les  faibles. 

Est-ce  le  développement  en  eux  de  ces  différentes  manières 
de  sentir  qui,  pour  l'heure,  tend  à  rapprocher  les  artistes  du 
peuple?  Certes,  pour  la  plupart,  le  raisonnement  n'intervieni 
pas.  Us  n'ont  pris,  pour  venir  jusqu'aux  travailleurs,  aucun  chemin 
i  travers  traités  économiques  ou  sociaux.  Ils  ne  sont  au  fait  que 
de  bien  peu  d'écrits.  Ils  n'établissent  sur  rien,  si  ce  n'est  sur 
leurs    impérieuses    sympathies,   leur  volonté  d'aller   vers    les 


humbles.  Ils  la  dirigent  vers  les  rustres  des  campagnes  aussi  bien 
que  vers  les  ouvriers  des  villes.  Ils  ne  distinguent  pas.  Ils  sont  les 
émus  de  voir  souffrir,  les  natTs  de  leur  bonté,  les  rêveurs  d'une 
haute  justice  idéale,  au  loin,  dans  les  temps. 

Quelques-uns  pourtant  détiennent  en  eux  une  belle  fleur  de 
haine.  Ils  ont  le  dégoût  non  seulement  du  bourgeois  mais  de  la 
bourgeoisie.  Ils  se  savent  hostiles  autant  que  le  plus  décidédémo- 
craie  i  cette  classe  de  parvenus  flegmatiques,  dont  l'art  est 
médiocre  autant  que  la  conscience,  qui  ne  sentent  que  le  banal 
et  ne  protègent  que  le  suranné.  Ils  se  savent,  eux  aussi,  révolu- 
tionnaires i  leur  manière  et  que  leur  art  a  contre  lui  la  même 
opposition,  la  même  tyrannie  d'argent  que  le  peuple.  Ils  se  sentent 
niés,  bernés,  persécutés  par  les  mêmes  gens,  ridiculisés  par  le 
même  rire,  bannis  par  les  mêmes  préjugés  Eux  aussi  ont  eu  leurs 
soirs  de  rage  et  de  colère  et  c'est  le  souvenir  de  tout  cela  qui  fer- 
mente, qui  enflèvre,  qui  unit  et  qui  ligne. 

Et  puis,  après  tout  ou  si  l'on  veut  avant  tout,  une  loi  domine 
et  englobe  l'entière  question  qui  nous  occupe  ici.  Cette  loi 
n'est  que  la  fatalité  qui  entraîne  aujourd'hui  vers  et  dans  l'orbite 
populaire  tous  ceux  qui  songent  et  écrivent  pour  demain.  Le  mou- 
vement s'est  manifesté  dès  le  commencement  du  siècle,  surtout  en 
Angleterre,  et  pour  l'instant  il  s'accélère,  il  devient  l'énorme  roue 
magnifique  qui  fait  mouvoir  les  usines  de  toute  politique  et  de 
toute  science.  Personne  dans  le  monde  qui  pense,  ne  pense  à 
celte  heure,  sans  que  les  trois  quarts  de  ses  pensées  n'aillent, 
soit  en  tremblant,  soit  en  espérant  vers  le  peuple.  L'art  aussi 
s'émeut.  La  religion  elle-même  —  l'immobile —  est  entrée  dans 
l'immense  rotation.  La  loi  de  la  gravitation  morale,  on  peut  la 
suivre  aujourd'hui  aussi  précisément  que  celle  des  planètes  et  de 
leur  soleil.  On  oserait  même  afiBrmerque  si  la  tentative  proférée  i 
la  Maison  du  Peuple  rate,  une  semblable  se  manifestera  immé- 
diatement après.  En  des  cas  semblables  on  n'échoue  pas,  on  diffère. 
L'atmosphère  est  favorable,  la  solution  de  la  question  est  dans 
l'air.  Tout  au  plus  peut  on  discuter  sur  les  moyens. 

El  à  ce  propos  comment  mettre  en  rapport  les  artistes  et  le 
peuple?  Comment  se  comprendront-ils?  Comment  iront-ils  l'un  i 
l'autre? 

Voici  ce  qu'on  a  fait.  On  a  organisé  des  conférences,  des  entre- 
liens, des  lectures,  des  livres  à  donner  aux  bibliothèques  popu- 
laires, des  exécutions  musicales  i  entreprendre,  des  expositions 
!i  ouvrir. 

On  a  conclu  également  —  et  ceci  importait  il  certains  d'entre 
les  écrivains  —  que  la  participation  i  la  section  d'art  n'impli- 
quait aucune  adhésion  au  programme  politique  et  social  du  parti 
ouvrier.  L'art  reste  souverain  maître  chez  lui  ;  il  ne  s'inféode  pas  ; 
il  ne  sert  aucune  autre  idée  que  le  beau.  Il  ne  fait  que  développer 
le  sentiment  esthétique  chez  le  peuple  et  s'adresse  —  comme  on 
l'a  dit  au  cours  de  la  réunion  de  mardi  —  A  son  cerveau. 

Vers  un  public  fruste,  indépendant  de  toute  atiache  avec 
n'importe  qu'elle  école  passée,  il  se  dévoile  sincère,  libre.  Il  lente 
une  expérience.  Fatigué  et  dégoûté  de  ceux  qui  le  jugent  d'après 
leurs  préjugés  et  leur  médiocrité,  il  casse,  pour  aller  jusqu'à 
l'âme  des  masses,  toute  attache,  soit  d'intérêt,  soit  de  succès 
fncile,  qui  le  maintenait  en  habit  noir  dans  les  salons  bourgeois. 
Il  croit  aux  émoiions  fraiemelles  endormies  1),  dans  l'esprit 
simple  et  clair  du  peuple  et  veut  leur  donner  son  jour  i  lui,  sa 
lumière  Si  lui  pour  qu'elles  s'éveillent  et  se  lèvent.  Ce  qui  dans 
l'art  est  fier  et  franc  et  profond  le  peuple  l'a  compris  de  tout  temps 
et  souvent  il  l'a  créé  lui-même.  Aussi  sera-ce  par  la  présentation 


des  grands  géniM  humains,  Wagner,  Hugo,  Scbelley,  que  les  con- 
férenciers et  les  artistes  comnwnceronl  la  série  des  fêtes  d'art. 

La  tentative,  peu  importe  ii  quel  point  de  vue  on  l'examine,  est 
donc  plus  qo'ioiércssaote  et  plus  qu'opportune  —  elle  est  glo- 
rificalrjce  et  belle. 

LE  LABEUR  DE  LA  PBNSte 

par  OnsTATS  Abml.  Une  plaquette  in-S*  de  SS  pagat.  (Extrait 
de  la  Rame  VniverHtaire  de  BruxtUa). 

«  Colliger  un  certain  nombre  de  glanures  faites  au  hasard  de 
recherches  pour  prouver  qu'écrire  n'est  pas  toujours  ausai  facile 
que  d'aucuns  le  pensent  »,  c'est  l'idée  qui  n'a  certes  pas  fait 
inutilement  noircir  du  papier  k  M.  Gustave  Abel. 

Ëcrire  n'est  pas  facile.  —  El  d'abord,  un  peu  de  patience  ne  nu  il 
pas.  Au  témoignage  de  Balzac,  il  fout  sept  ans  pour  pénétrer  l'esprit 
de  la  langue  française;  il  en  faut  quinze,  dit  Taine,  pour  savoir 
l'écrire,  non  avec  génie,  mais  avec  clarté,  suite,  propriété  et 
précision.  «  Le  génie  c'est  la  patience  !  »  dit  Buffbn,  et  Voltaire 
résume  assez  bien  ainsi  les  habitudes  de  travail  des  grands  parmi 
les  grands  -.  «  Je  fais  vite  et  je  corrige  longtemps  ». 

D'autrefois  ou  d'aujourd'hui,  la  liste  est  longue  de  ceux  qui 
peuvent  se  dire  les  manœuvres  de  la  pensée.  L'histoire  des 
oeuvres  de  Montesquieu  et  de  Jean-Jacques  an  siècle  dernier,  de 
Zola,  Flaubert,  Cladel,  des  de  Concourt  au  uAtre,  apprend  que  le. 
talent  ne  correspond  pas  toujours  k  une  grande  facilité  d'exécu- 
tion. Jules  de  Concourt  est  mort  d'épuisement  verbal.  Zola  ne 
produit  jamais  plus  d'une  page  par  heure,  plus  de  quatre  par  jour. 
Flaubert  travaillait  dix  heures  par  jour;  il  ne  s'échauffait  guère 
que  vers  cinq  heures  quand  il  s'était  mis  au  travail  ii  midi.  Il 
était  «  obsédé  par  celte  croyance  absolue  qu'il  n'existe  qu'une 
«  manière  d'eiprimer  une  chose,  un  mot  pour  le  dire,  un 
a  adjectif  pour  le  qualifier  et  un  verbe  pour  l'animer.  Il  se 
«  livrait  ii  ce  labeur  pour  découvrir  ii  chaque  phrase  ce  mot,  celle 
«  épiihèle  et  ce  verbe  ». 

Elle  est  très  bonne  l'idée  de  M.  Abel,  d'avoir  réuni  les  preuves 
du  grand  travail  qu'ont  coûté  les  belles  œuvres.  Les  exemples  qu'il 
en  donne  nous  amènent  i  voir  une  règle  générale  dans  celte 
souffrance  du  bien  dire.  Hais  c'est  une  si  grande  chose,  être  écri- 
vain, que  nulle  fatigue,  nulle  mort  concluant  les  travaux,  ne 
doit  être  crainte.  Car,  comme  dit  Cladel.  «  l'écrivain  est  l'homme 
a  par  excellence,  le  grand  ouvrier  :  en  écrivant  il  dessine,  il 
n  peint,  il  grave,  il  burine,  il  nielle,  il  émaille,  il  sculpte,  il  pense, 
«  il  chante,  il  rêve,  il  spécule,  il  aime,  il  hait,  il  fait  tontes  ces 
«  choses  en  n'en  faisant  qu'une  seule;  il  accomplit  ces  diverses 
«  fonctions  en  exerçant  la  science  qui  les  contient  toutes.  Il  est 
«  l'universel  et  le  irismégiste.  Il  est  Pan,  il  est  tout  I  II  «t,  enfin, 
«  parmi  les  artistes,  le  roi  ;  de  même  que  parmi  les  hommes  et 
u  les  mots,  le  verbe  est  Dieu  ». 


VERS  DE  L'ESPOIR 

par  MAVUca  DasomiAnz.  Bruxelles,  Pinl  Laccnnblei,  in-18>,  129  p. 

Les  jeunes  n'ont  pas  encore  bit  la  paix  avec  le  siècle.  Le  siècle 
n'a  pas  lieu  de  s'en  réjouir.  Nais  nos  regrets,  \  nous,  sont  tem- 
pérés de  toute  la  joie  de  lire  de  belles  choses.  Car  si  notre  temps, 
malgré  ses  grandes  et  vitales  questions,  écœure  par  les  petits 


'■■'W^immw*!*', 


L'ART  MODERNE 


367 


eAlfc  toiOoar*  trop  en  Millie  pour  les  coolemporaiiis,  si  le« 
amoarcnz  ds  V«be  M  du  Magnifiani  maDdineot  avec  Fbabert 
MS  maquioerie*  appareniea,  le  plus  clair  résallal  de  ceci  est  ane 
prodaction  liuéraire  très  i  part,  due  k  ces  réfugiés  dans  le  passé. 

■aorice  Desombiaux  n«as  apporte  ses  Vert  de  l'Espoir,  ses 
mUt  morte*,  son  Triompke  dm  Verbe,  trypiique  en  un  beau  et 
charmant  volnme.  Un  de  ces  Tolumes  qui  remplissent  de  silence 
b  dernière  page  tonmée,  parce  qu'il  y  est  question  des  mêmes 
choses  placées  sons  les  yenx  tons  les  jours,  mais  dites  en  si  riche 
langue  et  nombreuses  inufes,  que  tout  retour  explicatif  vers  le 
livre  on  expression  parlée  de  quelque  autre  idée,  sinlimide  de 
sa  pauvre  nudité  de  mots.  Cest  de  la  prose  pourunt,  mais  une 
prose  très  savamment  rythmée  qui  bit  classer  telle  pièce  parmi 
quelque  Iretxième  espèce  de  vers. 

Les  Vers  de  CEtpoir  earrgislrent  les  visions  d'un  croyant. 
Visions  de  celui  qni  aime  et  voit  revivre  les  traditionnelles  céré- 
monies du  coite,  les  l^endes  d'un  autrefois  rdipenz  et  les 
grands  dogmes  révélas  d'une  parure  d'expressions  nouvelles. 
«  J'ai  cm,  c'est  poorqnoi  j'ai  parié.  »  Il  a  parlé,  le  poète,  espérant 
le  rdoor  de  tontes  les  grandenrs  qu'il  chante  et  croyant,  en 
visionnaire  du  bean,  que  lenr  survivanee  ou  leur  résurreèlion 
tient  h  lenr  poésie. 

Comme  nos  peintres,  nos  poètes  ont  ce  (aire  merveilleux  qui, 
en  rabscace  mente  de  haute  envolée  intellectnelle,  (ait  d'eux  des 
omnien  de  premier  ordre.  H  y  a  dix  ans,  on  les  croyait  «ces  et 
froids  et  anguleux,  les  dignes  successenrs  de  Tinfinissahle  lignée 
diz-bnit  cent  trente  des  raisonnenrs  et  des  didactiques.  S'est 
lévâée,  an  contraire,  en  eux  ime  incontestable  puissance  de  colo- 
rntes  et  de  sculpteurs.  Précisément,  ce  qu'on  craigiuit  le  plus 
voir  apparaître  dans  les  nouvelles,  Tidée,  la  Ibèse,  les  principes 
généraux,  a  fait,  au  dire  de  quelques-uns,  trop  complètement 
place  aux  espressioiis  ciselées,  étudiées,  accumulées  d'un  Beau 
plus  famel  qu'inielkctnel. 

Coflime  nulle  part  ailleurs,  les  nôtres  ont  compris  ce  que  l'un 
d'entre  cax  a  mis  en  titre  d'un  livre  :  tAme  de»  duiia.  Avec 
aBMMr,  avec  fervear  et  religion  même,  les  compagnons  muets  de 
noire  vie  ont  été  décrits  et  lear  vie  intime,  toute  manifeste  de 
syaritoles  et  d'affections  mortes  on  prêtes  i  mourir,  s'est  révélée 
en  des  interprétations  poétiques.  Animant  les  choses,  ils  iwds  ont 
tût  vivre  dans  un  milieu  plus  sabtfl,  car  une  idée  s'est  accrochée 
h  chaque  obiet  et  ceux-ci  ont  Corme  comme  une  atoMMphère 
sensible,  aidant  admirablement  k  préparer  une  atmosphère 
inidlecincBe. 

Maurice  Desombiaux  est  de  ces  poètes.  Ses  VUU$  de  riat* 
ressasdtenlbien  sn^eslivement  les  vieilles  cités  de  notre  histoire. 
Cest  Caad,  c'est  Bruges,  avec  ■  aiu  tours  gothiques  dormant 
leur  séculaire  sommeil  de  gloire,  attachés  par  dlmperreptibtes 
fib,  comme  les  grandes  toiles  d'araignées  imponiblement  acrro- 
diées  \  respace,  si  frêles  snr  les  immenses  auvents  pleins 
d'ombre  des  quatre  côtés,  les  cadrans  d'or  des  horloges  ■.  C'est 
DauMM,  oA  ■  aux  bords  du  canal  vert  parsemé  de  feuilles  mores, 
snr  les  drèves  couvertes  de  mousse  et  d'herbe  processionneot  les 
grands  arbres  et,  dans  l'éloignement  de  la  vieille  ville  dont  on 
apervoit  les  maisites  portes,  les  tours,  tes  clochers,  les  gradins 
des  pignons  et  les  loiu  ronges,  Tean  regarde  étemeliement  le  ciel 
h  tnvcrs  les  lamiues  qui  forment  une  voAte  immense  an-dejuis 
d'elle  ;  les  nuages  se  bouleversent,  s'allongent,  changent  et  pas- 
sent pour  kii  dire  lont  ce  qu'ils  ont  vu  dans  lenr  conrte  efténê<>  à 
travers  les  vcttigineax  espaces  aériens  *. 


C'est  Anvers,  la  tour  de  Notre-Dame  et  son  carillon,  «  dont 
la  ballade  sautille  et  s'envole  en  chants  et  rires  de  petites  voix 
chevrotantes  et  bit  oublier  que  le  temps  s'enfuit  en  vertigineux 
tourbillons.  Il  ne  marque  pas  les  chutes  de  Fêlre  vers  le  néant, 
et  les  heures  d'or  remontent  dans  le  passé  k  d'inaccessibles 
banteors  avec  les  saints,  de  pierre  en  pierre  près  des  grandes 
ogives  sculptées,  parmi  renchevêireroent  des  arcades  qni  mettent 
un  effroi  de  silence  et  de  solitnde  aatonr  des  églises  recueillies  ». 
Cest  on  ne  sait  quelle  ville  mi-historique,  mi  de  rêve  dont  il  est 
dit  -. 

«  Dans  le  ciel,  une  tour  montait  vers  les  étoiles. 

«  Des  maisons,  de  petites  maisons  massives  semblaient  s'être 
<•  resserrées  contre  elle  pour  abriter  son  énormiié. 

«  D'inquiétantes  formes,  dans  l'enfoncement  d'un  des  e6iés, 
■  posaient  leurs  bras  sur  un  cadran  vaguement  lumineux  qui 
«  paraissait  on  oeil  cyclopéen  de  ce  monstre  occulte. 

«  Les  heures  étaient  des  chimères  tordues  par  d'insondables 
«  tristesses,  et  l'œil  morne,  Ffletl  terrible  contemplait  anxieose- 
«  ment  l'infini,  comme  s'il  cherchait,  en  une  pensée,  le  fil  d'un 
«  obacnr  problème.  » 

Paraphraser  de  telles  évocalriees  descriptions,  i  quoi  bon?  Cela 
ne  donnerait  pas  l'impression  de  ce  livre,  à  qni  Ton  ne  peat 
reprocher  pent-être  qu'une  trop  grande  abondance  de  détails  et 
d'épiibètes,  si  intéressants  qu1ls  se  nuisent  réciproquement. 
Poésie  :  bire,  faire  de  rien.  Cest  bien  k  cette  étymologie  que 
l'on  pense  en  relisant  telle  piécette,  taite  de  jolis  maiérianx  bien 
disposés  mais  si  ténus,  qu'on  se  demande  i  quoi  tient  l'impression 
souvent  intense  quelle  produit. 

Le  Triomphe  du  Verbe  fait  succéder  aux  pièces  détachées  qni 
précèdent  et  dont  le  lien  est  dans  le  sentiment  plutôt  que  dans  le 
sujet,  un  morceau  de  plus  longue  haleine  oà  les  qualités  de  pen- 
seur de  Maurice  Desombiaux  colbborem  plus  pnissammem  arec 
sa  technique.  Le  penseur  ici  est  un  religieux  ;  non  un  mystique, 
mais  un  croyant  qui  crée  un  symbole  pour  y  bire  vivre  son  espoir 
en  le  retour  du  Verbe,  invoqué  comme  b  source  radieose  de  toute 
iotellectnalité. 

Mais  on  livre  de  vers  n'est  pas  bit  pour  être  expliqué  ni  décrit. 
Il  se  lit  et  c'est  rïntime  d'an  chacun  qui  doit  s'ériger  en  critique 
des  nuances. 


EN  HOLLANDE 

{Corretpomdamee  pmrticuUire  de  l'Abt  noncan.) 

A  La  Haye,  en  ce  moment,  deux  expositions  : 

L'une,  an  «  Cercle  Palcbri  Stndio  ■,  très  briOante,  des  œavnM 
de  Johannes  Bosboom.  on  très  grand  artiste  trop  pco  apprécié 
hors  dn  pays  où  il  vécut.  Cent  soixante  toiles  et  aquarelles  mott- 
trenl  son  talent  se  développant  depuis  les  tltoonements  de  b 
jeunesse  jusqulk  b  mûre  éclosion  de  son  génie.  Car  il  a  su,  ce 
maître,  dans  Tampleor  des  cathédrales,  bire  nbrer  b  bmière 
dans  b  poosnère  d'or  et  b  fumée  des  encens  d'une  bçon  toute 
spécble,  1  lui  personneile  et  vraiment  géniale.  On  admire  dans 
ses  oeuvres  un  bire  brge  et  léger,  une  coaleor  blonde,  cendrée, 
lumineuse,  une  émotion  pénétrante.  Et,  chose  remarquable,  ï 
mesure  que  son  >ge  s'accroiL,  son  art  te  déveiopp«  :  ses  demièrri 
toiles  sont  les  pins  savoureuses  et  les  plus  belles. 

Le  catalogue  contient  une  hautaine  auiobiofraptiie,  écrite  par 
le  peintre  il  y  a  quCqnes  années,  moorraot  b  roonatSMice  qs  il 


tf-  .■'jJ'.''^*.^'.  v**>'.'  Ss'+w,' 


368 


L'ART  MODERNE 


avait  de  lui-même,  de  son  lalenl,  de  sa  valeur,  et  le  dédain  qu'il 
itimoigoait  à  IVgtrd  de  l'opinion. 
Bosboom  est  morl  j.l  y  3  quelques  mois,  ti  l'Age  de  74  ans. 

* 

Dans  le  «  KunUkring  »,  une  «uiie  4e  dessins  de  Josselin  de 
Jong,  d'habiles,  n'es  adroits  et  faciles  dessins,  d'un  illustrateur 
de  très  grand  talent.  Ces  dessins,  qui  ont  plus  de  couleur  que  les 
peintures  du  même  artiste,  dénotent  uo  savoir  très  complet,  une 
rare  science  de  l'effet  i  obtenir;  ils  ne  sont  peul-élre  pas  très  per- 
sonnels encore,  mais  certainement  très  ioléressanls. 

El  de  Théophile  Ue  Bock  d'admirables  pages  en  plein  air, études 
d'arbres,  troncs  veloutés  de  hêtres,  troncs  parcheminés  de  bou- 
leaux, feuilles  d'or  luisant  dans  des  verts  de  malachite  et  d'éroe- 
raude.  Up  peintre  daoi  le  vrai  sens  du  mot,  se  baignant  volnp- 
lucusement  dans  la  couleur,  forçant  la  gamme  des  tons  au  plus 
haut  diapason,  faisant  vibrer  les  azurs,  les  lapis,  les  ors,  tout  eu 
exprimant  avec  d'infinies  délicatesses  la  légèreté  des  frondaisons 
transparentes,  les  dentelles  effilées  de  l'automttç,  dans  uue  riche 
coulée  de  couleur  savoureuse. 


LA  QUESTION  DES  MUSÉES 

Trois  nonyeUea  acquisitions. 

Trois  nouveaux  tableaux  viennent  d'être  exposés  au  Musée 
ancien,  Ils  ne  sont  pas  encore  munis  de  leurs  cartels  —  comme 
beaucoup  d'autres  d'ailleurs  dans  notre  musée  mal  soigné. 

Un  Brakenburg  (Richard),  signé  et  évidemment  authentique. 
C'est  une  bonne  toile  de  ce  petit  maître,  dont  Bruxelles  possédait 
déjà  une  File  cFenfanU,  peut-être  moins  bien  établie  et  plus  molle 
que  le  tableau  récemment  acquis.  Celui-ci  représente  une  cour 
de  cabaret;  on  sent  l'influence  d'Ostade  et  de  Maes.  La  scène  est 
vive  et  chaude,  U  couleur,  dans  des  tons  d'ambre  noir,  a  de  la 
vigueur.  Mais  pourquoi  placer  aussi  haut,  à  une  deuxième  rangée, 
une  toile  qui  demande  i  être  vue  de  plus  près?  Et  puis  :  le 
prix,  s'il  vous  plaît?  Nous  espérons  que  cela  n'a  pas  été  payé 
80,000  francs,  comme  le  fameux  Ostade,  ni  même  40,000. 

Les  deux  autres  tableaux  n'ont  pas  encore,  non  plus,  leur 
cartel.  Ce  sont  de  mauvais  saint  Paul  et  saint  Pierre  dignes  d'une 
église  de  village.  Cela  a  l'air  de  deux  copies  d'après  quelque 
vague  italien.  Il  est  honteux,  vraiment,  d'afficher  des  choses  aussi 
vculcs,  aussi  plates,  dans  un  musée  où  rayonnent  de  merveilleux 
Rubens.  Pourquoi  ces  tableaux  sont-ils  là?  D'où  viennent-ils?  Les 
a-t-on  achetés?  Est-ce  un  don.*  Si  on  les  a  achetés,  c'est  une  tiute 
grave  et  lourde,  une  gaffe  nouvelle  à  ajouter  il  toutes  celles 
commises  par  la  commission.  Si  c'est  un  don,  —  peut-être 
de  quelque  Mancino  — ,  c'est  une  honte  pour  notre  galerie 
d'anciens  d'encombrer  ses  salles  d'œuvres  aussi  insignifiantes  et 
qui  dégoûteraient  de  la  peinture. 


^Correspondance 

Bruxelles,  le  10  Dovembre  1891. 
MoNBiEDR  i.B  Directeur  de  F  Art  moderne. 
C'est  avec  un  bien  vif  intérêt  qSe  j'ai  lu  dans  les  colonnes  de 
l'A  ri  moderne  des  remarques  aussi  courageuses  que  judicieuses 
sur  les  abus  qui  se  sont  glissés  dans  la  formation  de  notre  Musée 


/ 


de  peinture,  ainsi  que  sur  la  néceuité  de  changer  le  règlement 
d'Aidke  intérieur  de  la  Bibliothèque  royale.  Il  est,  h  notre  avis, 
une  autre  institution  dont  certaine  partie  a  également  besoin  que 
la  main  d'un  restaurateur  passe  par  i|.  Il  s'agit  des  court  publia 
qui  se  donnent,  le  soir,  rue  des  Sols.  Parmi  ces  cours,  il  y  en  a 
un  qui  est  si  peu  public  qu'il  n'est  fréquenté  que  par  imt  ou 
trois  fidèles,  des  maniaques  prenant  forée  notes,  et  par  trois  ou 
quatre  passants,  qui  se  gardent  bien  de  s'y  présenter  une  seconde 
fois.  Il  y  a  quelques  jours,  la  curiosité  m'y  a  poussé  k  mon  tour. 
J'y  ai  vu  en  chaire  nn  vieux  brave  homme,  baragouinant  un 
langage  impossible.  Je  n'ai  pas  imité  la  plupart  des  auditeurs, 
que  l'ennui  faisait  se  sauver  successivement.  J'ai  eu  le  courage 
d'écouter  jusqu'au  bout.  En  cbercbint  k  comprendre,  je  me  suis 
demandé  si  l'on  n'avait  pas  affecté  au  service  de  l'enseignement 
primaire  une  salle  servant  le  jour  k  l'enseignement  supérieur, 
tellement  m'apparaissaient  banales  et  puériles  les  notions  que  le 
pauvre  conférencier,  suant  sang  et  eau,  s'efforçait  de  communiquer 
k  son  auditoire,  plus  ahuri  qu'attentif. 

Si  c'est  comme  cela  qu'on  prétend  former  l'esprit  public,  il 
faut  avouer  que  lé  moment  est  singulièrement  choisi  pour  vulga- 
riser, de  la  sorte,  la  science,  maintenant  qu'on  est  k  la  veille 
d'appeler  tout  le  monde  k  la  vie  politique. 

Agréez,  Monsieur,  etc. 

Votre  abonné, 
^___^^  V. 

Chronique  judiciaire  DE^  ^rt^ 

OBsTrM  mnstaOes  ezéontéM  dans  1m  AtM  ds  «ociétés. 
.    —  RacponaaMUté  du  Préaldaat  «t  da  XMraotoar. 

«  Ceux  qui,  en  leur  qualité  respective  de  Président  et  de  Direc- 
teur, ont  apposé  leurs  signatures  au  bas  des  invitations  et  des  pro- 
grammes de  fêles  au  cours  desquelles  des  œuvres  artistiques  ont 
été  exécutées,  ont  ainsi  pris  part  k  l'organisation  et,  dès  lors,  ont 
porté  atteinte  aux  droits  des  auteurs  en  faisant  choix  des  morceaux 
k  exécuter  ou  en  ratifiant  ce  choix.  » 

Tel  est  le  résumé  d'une  décision  que  vient  de  prononcer  le  juge 
de  paix  du  S»  canton  de  Bruxelles.  Il  s'agissait  d'une  poursuite 
intentée  par  MM.  Eylenberg  et  consoru  contre  le  Président  et  le 
Directeur  de  la  société  l'Echo  de  Ut  Senne,  qui  avait  exécuté,  sans 
l'autorisation  des  demandeurs,  plusieurs  morceaux  de  la  compo- 
sition de  ceux-ci.  En  vain  les  défendeurs  opposèrent-ils  k  l'action 
une  fin  de  noo-recevoir  fondée  sur  ce  que  la  demande  eût  dû  être 
intentée  contre  le  chef  d'orchestre  et  les  exécutants.  Le  jugement 
décide  que  ces  derniers  ne  sont  que  les  engagés  des  organisateurs 
de  la  Tête,  seuls  responsables  du  fait  de  leurs  préposés. 

Le  même  jugement  tranche  la  question  de  publicité  dans  le  sens 
généralement  adopté  par  la  jurisprudence  :  la  publicité  existe 
lorsque  des  invitations  ont  été  adressées  non  seulement  aux 
membres  de  la  société  mais  encore  k  des  personnes  étrangères. 


fETITE    CHRO;«(IQUE 

Ad  Tbéatu  MoLiftKK.  M.  Alhaiza  qui  connaît  k  fond  sa  clien- 
tèle ixelloiye,  enfantine  et  appassionnée,  a  décroché  un  respec- 
Uble  drame  de  Dennery  et  Dnmanoir,  type  du  genre,  le  Vieux 
Caporal,  mouvementé,  accidenté,  touchant  et  terrible,  en  lequel, 
d'acte  en  acte,  la  situation  se  noue,  se  dénoue  et  se  renoue  avec 


'/■ÏTS'':' ■''>Wî^FS^;'*  ' '^    ■   ''~ 


L'ART  MODERNE 


de  prodigieax  torlilleinenls.  C'est  vraiment  curieux  à  voir  et  ii 
entendre  au  point  de  vue  de  Këvolution  historique  de  L'art  drama- 
tique et  nous  vieillit  ou  nous  rajeunit  de  dix  lustres. 

C'est  de  plus  bien  joué  par  M.  Dutertre,  mimant  un  rôle  de 
grognard  muet,  par  M™  Bourgeois,  jeune  servante  rustique  drô- 
lement savoureuse  quoique  un  peu  trop  peinte  en  rouge,  par 
M.  Charvel,  très  empoignant  dans  un  farouche  et  odieux  traître 
de  village,  et  par  M"**  Madeleine  Max,  distinguée  et  de  jeu  très 
sobre  sur  une  scène  où,  d'ordinaire,  on  est  fort  agité  et  fort 
bruyant.  La  jeune  artiste,  de  beauté  étrange  et  paie,  a,  de  plus, 
étudié  avec  un  grand  scrupule  des  costumes  et  des  coiffures  de' 
premier  Empire  finissant  et  de  Restauration  commençante,  époque 
mal  définie  et  mal  connue.  C'est  d'une  exactitude  et  d'une  origi- 
nalilé  parfaites;  mais  les  ingénus  naturels  du  faubourg  ne  doivent 
guère  s'y  reconnaître.  C'est  charmant  et  très  louable  d'essayer 
d'apporter,  sur  un  aussi  modeste  ihéftire,  les  pratiques  de  l'art 
vrai.  Nous  en  félicitons  de  grand  cœur  la  débutante  qui  a  été  si 
bien  accueillie  récemment  dans  Serge  Panine.  - 

Demain,  lundi,  r.i4r/tc2e  231  de  M.  Paul  Perrier  remplacera 
Une  Famille  sur  les  affiches  du  Théâtre  du  Parc. 

M.  P.  Litta,  dont  une  audition  aux  concerts  des  XX  révéla  le 
mécanisme  délicat  et  la  compréhension  artiste,  a  donné  mercredi 
dernier,  &  la  salle  Erard,  devant  un  public  d'invités,  une  séance 
musicale  attrayante  dans  laquelle  il  s'est  produit  à  la  fois  comme 
virtuose  et  comme  compositeur.  Une  Sonate  de  H.  Litta,  écrite 
pour  piano  et  violon,  voisinait  au  programme  avec  quelques 
œuvres  de  pianistique  transcendante,  signées  Chopin  et  Liszi, 
avec  un  trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle  de  F.  Callaerts, 
maître  de  chapelle  à  la  cathédrale  d'Anvers,  et  avec  les  Valtet 
romantiques,  it  deux  pianos,  de  Chabrier. 

La  Sonate  a  plu  par  sa  grâce  prime-saniière  et  juvénile.  Elle 
a  une  distinction  de  bon  aloi.  Dans  le  Trio  de  Callaerts,  divers 
styles  se  coudoient.  La  première  partie,  la  meilleure,  contraste 
avec  la  joliesse  de  Vandanle,  avec  la  vulgarité  du  final,  traité  en 
manière  de  tarentelle.  L'œuvre  a  été  couronnée  par  l'Académie 
de  Belgique.  Elle  méritail,  dans  tous  les  cas,  d'être  tirée  de 
l'oubli  où  elle  est  reléguée.  11  est  assez  piquant  qu'il  ait  fallu 
l'initiative  d'un  artiste  étranger  pour  la  faire  connaître  à  Bruxelles. 

MM.  Schorg,  violoniste,  et  Niry,  violoncelliste,  ont  été  les 
partenaires  scrupuleux  et  habiles  de  M.  Litta,  dont  le  jeu  brillant 
et  coloré  a  été  vivement  applaudi. 

M.  Jean  Rousseau,  directeur  général  des  lettres  et  des  beaux- 
arts,  est  mort  vendredi  i  Bruxelles.  Il  éiail  igé  de  69  ans.  Il 
écrivit,  jadis,  k  F  Etoile  belge,  au  Figaro  cl  i  l'Echo  du  Parlement. 

Lundi  dernier  ont  été  célébrées,  i  l'église  de  Notre-dame-des- 
Victoires,  au  Sablon,  en  présence  d'une  foule  innombrable, 
recueillie  et  sympathique,  les  funérailles  de  M"*  Gevaert,  femme 
de  l'éminent  directeur  du  Conservatoire  de  Bruxelles. 

Le  deuil  était  conduit  par  M.  F. -A.  Gevaert,  par  M.  le  docteur 
Gevaert,  son  fils,  et  par  M.  Fierens,  son  gendre. 

Nous  nous  associons  an  deuil  qui  frappe  la  famille  Gevaert  et 
prions  celle-ci  d'agréer  nos  sincères  condoléances. 

L'CBuvre  de»  Art*  et  du  Travail,  une  œuvre  d'utile  et  bienfai- 
sante philanthropie,  nous  fait  savoir  qu'elle  invite  \  visiter  ses 
snperbes  salles  de  la  rue  Veydt  ions  ceux  qui  sont  en  qoéle  de 
locaux  appropriés  k  des  expositions,  i  des  représentations  drama- 


tiques ou  \  des  auditions  de  musique.  La  grande  salle  et  ses 
annexes  se  prélent  admirablement  à  touies  les  combinaisons 
qu'exigent  les  grandes  fêles.  L'acoustique  de  la  salle  est  excel- 
lente et  fort  appréciée  des  conférenciers.  Les  salles  d'exposition 
sont  éclairées  par  le  haut  et  présentent  une  hauteur  de  mur  supé- 
rieure à  celle  de  tout  auire  local  bruxellois.  V Œuvre  Aei  Art*  et 
du  Travail  offre  la  location  de  ses  locaux  aux  conditions  les  plus 
avantageuses.  Elle  ne  recherche  qu'un  modique  moyen  d'accrotlre 
SCS  ressources  destinées  aux  malheureux,  après  avoir  été  Irans- 
formées  en  travail. 

M.  Isidore  Meyers  a  ouvert  hier,  dans  la  salle  Saint-Cyr,  rue  de 
la  Régence,  une  exposition  de  ses  œuvres.  Nous  en  parlerons 
dans  notre  prochain  numéro. 

M.  Maurice  Barrés  fera  jeudi  soir,  à  8  1/2  heures,  une  confé- 
rence au  Cercle  artistique  sur  les  A  nlinomies  de  la  peruée  et  de 
r  action. 

La  conférence  suivante  sera  faite  le  4  décembre  par  M.  Adolphe 
Prins.  Titre  :  Notre  culture  intellectuelle. 

La  25*  exposition  du  Cercle  Als  ik  Kan  s'est  ouverte  hier  â 
Anvers.  Jeudi  prochain,  M.  Arthur  Wilford,  pianiste  et  composi- 
teur, s'y  fera  entendre.  MM.  Louis  Delmer  et  Pol  de  Mont  feront 
au  même  local  des  .conférences  dont  la  date  sera  fixée  ultérieu- 
rement. 

La  conférence  de  M.  Delmer  aura  pour  sujet  :  Le  nu  dans  l'art. 

Nous  avons  annoncé  que  le  Saint- François  d'Edgar  Tinel  a  été 
exécuté  dernièrement  avec  grand  succès  à  Francfort.  M.  Wttllner, 
directeur  des  concerts  du  Gurzenich,  ii  Cologne,  en  a  donné, 
le  3  novembre,  une  excellente  inlerprélalion.  L'œuvre  de  notre 
compatriote  sera,  en  outre,  jouée  dans  le  courant  de  l'hiver,  à 
Dusseldorf,  à  Fribourg-en-Brisgau,  il  Breslan,  %  Copenhague,  à 
Aix-la-Chapelle,  à  Amsterdam  et  probablement  à  La  Haye.  C'est 
là  un  succès  assez  rare  pour  être  signalé  d'une  façon  particulière. 

M.  Van  Dyck  a  chanté  Lohetigrin  samedi  pour  la  dernière  fois 
à  l'Opéra  de  Paris.  C'est  M.  Ibos  qui  a  repris  le  rôle.  En  retour- 
nant i  Vienne,  où  il  va  continuer  les  représenlatioas  de  Manon, 
M.  Van  Dyck  emporte  la  partition  manuscrile  du  nouveau  ballet 
de  M.  Hassenet,  le  Carillon,  qu'il  va  remeilre  entre  les  mains  du 
directeur,  M.  Jahn.  Les  représentations  du  Carillon  suivront  de 
près  celles  de  Werther. 

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fer.  —  Gorreepondance  directe  avec  les  grands  express  internationaux  (voitures  directes  et  wagons-lits).  —  Voyages  i  prix  réduits  de  Sociétés. 
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Malles-Postes  de  l'Êlat-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  k  Bruxelles  ou  Oracechurch-Street,  n°  53,  à  Londres;  i  ['Agence  det  Chemint  de 
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Linden,  à  Berlin  ;  à  M.  Remmelmami,  15,  Ouiollett  strasse,  à  Francpoht  a/u  ;  à  M.  Schenker,  Schottenring,  3,  à  Vienne;  à  M™*  Schroehl, 
9.  Kolowratring,  à  Vik.nne;  à  M.  Rudolf  Mcyer,  à  Carlsbad;  à  Af.  Schenker,  Holel  Oberpollinger,  à  HuNica;  à  Jf.  DetoUenaere,  12, 
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Lb  numAro  :  86  csmtiiibs. 


DuAHCHK  22  Novembre  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LB    DIMANCHE 


REVUE  ORITIQDE  DBS  ARTS  ET  DE  U  LITTÉRATURE 

Ck>init6  de  rédaotioil  •  Octatk  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Ëhilb  VERHAEREN 


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Adreuer  toute*  le*  communication*  à 
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Nom  SDK  un  Pammrs  itausms.  —  La  moutbad  DiaicTECH  oas 
Bbaux-Asts.  —  rAmm  Vah  Camp.  —  La  ooamon  dis  Huséas. 
Une  inUrfeilation  ù  la  Chambre.  —  ExposmoM  Bf araas.  —  Panra 

{SBOmQOS. 


Notes  sur  les  Priimti&  italiens 

A  Madami  Julbb  DasTKÉa. 
GIOTTO 

Voici  s'ouvrir  nne  série  de  modestes  et  brèves  notes, 
des  remarques  écloses  en  songeant  aux  chefs-d'œuvre 
de  là-bas,  les  souvenirs  d'un  curieux  d'art,  quelques 
traits  seulement  indiqués  de  grandes  figures,  de  médail- 
lons à  peine,  là  où  il  faudrait  des  statues.  Qu'on 
m'excuse,  autant  que  je  m'en  accuse,  de  l'insuffisance 
de  tout  ce  qui  suivra  :  ma  louange  ne  sera,  certes, 
jamais  celle  qu'il  &udrait  pour  magnifier  de  tels  artistes, 
et  jamais  mes  mots,  ces  pauvres  mots  si  froids  sur  la 
page,  ne  sauront  s'empanacher  d'assez  d'enthousiasme 
pour  ctiébrer  les  fêtes  qu'ils  ont  données  à  mes  yeux, 
pour  les  remercier  de  tout  ce  qu'ils  ont  réveillé  de  bon 
en  mon  cœur. 

J'aurais  donc  préféré  attendre  si  je  n'avais  considéré 


comme  un  devoir  de  sonner  de  suite,  au  plus  tôt,  mon 
imperceptible  fanfare  :  les  œuvres  chères  sont  en  péril  ; 
par  delà  les  Alpes  d'incomparables  fresques  s'évanouis- 
sent de  plus  en  plus  chaque  jour,  et  au  Louvre  même, 
dans  cette  salle  des  Sept-Mètres  où  il  n'y  a  jamais  per- 
sonne, j'ai  vu  un  Ucello  s'écailler  dans  l'abandon  et 
l'indifiièrence. 

Il  faut  donc  que  tons,  même  les  plus  humbles,  pro- 
clament leur  foi  :  la  parole  écrite  a  de  si  bizarres,  de  si 
lointains  retentissements  imprévus  !  Il  faut,  ainsi  que  le 
disait  Péladan,  se  hâter  de  faire  l'admiration  autour 
des  Primitifs  et  entraîner  vers  eux  la  sollicitude  de 
l'opinion  ;  il  Ctut  se  hâter  en  tous  cas  de  les  étudier  ;  à 
demi-mortes,  ces  grandes  pages  murales  ne  seront  pres- 
que plus  appréciables  pour  le  xx'  siècle  ;  il  faut  se  hâter 
enfin  de  démontrer  par  les  Quattrocentisti  que  l'esthé- 
tique de  nos  jours  est  jme  honte  et  que  les  admirateurs 
de  M.  Meissonnier  sont  des  imbéciles. 

Et  quoi!  dans  CArt  moderne? 

Pourquoi  pas?  A  glorifier  ce  passé,  nous  resterons 
dans  le  sens  vrai  de  notre  titre,  nous  n'aurons  jamais 
mieux  signifié  l'esprit  d'indépendance  et  la  guerre  aux 
conventions.  Car  cette  question  des  Primitife,  c'est  au 
fond  celle  de  la  règle  et  de  la  liberté. 

Pendant  des  siècles,  on  a  admis  sans  difficulté  l'exis- 
tence d'un  Beau  absolu;  on  a  cru  qu'il  existait  une 
forme  définitive,  unique,  excluant  toutes  les  antres; 


372 


L'ART  MODERNE 


l'art  grec  et  l'art  italien  du  xvi«  siècle  ont  paru  se  rap- 
piocher  le  plus  de  cet  idéal  théorique  ;  et  alors  les  his- 
toriens, les  professeurs  sont  venus,  tous  inspirés  de 
cette  idée  préconçue  ;  on  a  arpenté,  mesuré,  discuté  les 
œuvres  sacrées  modèles  ;  et  les  académies,  les  écoles, 
les  traités  didactiques  ont  formulé  des  règles,  prescrit 
les  conditions  esthétiques  pour  l'appréciation  du  passé 
et  les  réalisations  de  l'avenir,  dressé  le  canon  invariable 
de  la  beauté  pure;  des  générations  successives  ont  été 
façonnées  à  copier  des  nez  grecs  et  à  admirer  Raphaël 
comme  le  plus  grand  des  peintres.  Il  en  est  résulté  un 
discrédit  profond  pour  tout  ce  qui  s'écartait  de  la  norme 
promulguée  du  haut  des  chaires  des  enseigneurs. 

Mais  depuis  cinquante  ans,  des  esprits  insoumis  ont 
singulièrement  affaibli  la  puissance  de  cette  conception 
rigoureuse.  Ce  furent  d'abord  les  merveilles  de  l'an- 
cienne Egypte,  les  exhumations  des  antiques  civilisa- 
tions orientales  qui  posèrent  pour  la  sculpture  et  l'ar- 
chitecture le  problème  de  la  légitimité  des  formules 
esthétiques  contradictoires;  en  même  temps,  sous 
l'influence  des  romantiques,  la  vieille  Europe  se  décou- 
vrait les  inestimables  trésors  de  l'art  gothique.  Plus 
tard,  des  critiques  fureteurs  révélaient  l'importance  et 
la  splendeur  de  l'école  hollandaise,  à  peine  connue. 
Plus  tard  encore,  ça  a  été  l'intrusion  soudaine  et  le 
triomphe  de  l'art  japonais.  Nul  aujourd'hui  ne  doute 
que  toutes  ces  expressions  différentes  de  l'effort  esthé- 
tique ne  soient  également  dignes  d'admiration;  chacun 
choisit  selon  les  préférences  de  son  tempérament,  mais 
s'incline  respectueusement  devant  toutes  ;  il  n'y  a  plus 
que  les  pions  qui  prétendent  créer  des  hiérarchies  et  ^ , 
assigner  des  places,  ainsi  qu'en  une  distribution  de  prix. 
Les  académies,  pourtant,  imperturbables,  continuent 
à  enseigner  aux  jeunes  générations  à  copier  des  nez 
grecs  et  à  admirer  Raphaël  comme  le  plus  grand  des 
peintres. 

Quand  on  réfléchit  au  fonctionnement  ininterrompu 
de  ces  fabriques  enseignantes,  lorsqu'on  songe  à  l'in- 
tensité de  ces  impressions  reçues  dès  l'enfance,  de  ces 
doctes  leçons  pétrissant  le  cerveau  de  préjugés  et  de 
conventions  qu'on  ne  contrôle  plus  par  la  suite,  on 
comprend  combien  il  est  difficile,  vis-à-vis  de  soi-même 
et  vis-à-vis  des  autres,  de  solliciter  la  sympathie,  même 
tout  simplement  d'être  juste  pour  des  formes  d'art  non 
consacrées. 

Ainsi  s'expliquent  des  énorraités  que  l'on  trouve  chez 
les  meilleurs  des  critiques  :  dans  son  Voyage  en  Italie, 
en  maints  endroits  si  remarquable,  si  compréhensif, 
Taine  dit  que  Giotto  n'était  qu'un  imagier. 

Celui  qui  a  pour  ainsi  dire  créé  du  néant  la  peinture 
italienne,  qui  a  fait  surgir,  sur  les  murailles  des  cathé- 
drales, plus  d'évocations  que  cerveau  d'artiste  jamais, 
peut  être,  n'en  conçut,  un  imagier  !  Dans  ce  mot  mal- 
heureux reparait  le  normalien  irréductible. 


Ainsi  s'explique  aussi  la  rareté  relative  des  ouvrages 
qui  se  sont  occupés  de  ces  peintres  longtemps  tenus 
dans  l'ombre  sous  cette  dénomination  globale  et  con- 
damnante :  les  Primitifs. 

Les  biographies  de  Vasari,  les  travaux  érudits  de 
Crowe  et  Cavalcaselle,  VArt  Chrétien  de  del  Rio  ont 
été,  jusqu'en  ces  dix  dernières  années,  les  seules  sources 
où  se  pouvait  désaltérer  la  soif  de  renseignements.  Plus 
récemment,  en  Angleterre,  conséquence  peut-être  du 
mouvement  préraphaélite,  peut-être  aussi  rayonne- 
ment de  la  collection  splendide  de  la  National  Gallery, 
et  en  France,  des  enthousiasmes  ardents  se  sont 
attestés. 

Le  recommandable  manuel.de  M.  Lafençstre  et  les 
intéressantes  études  de  M.  Miintz  sur  la  Renaissance 
sont  devenus  des  guides  indispensables. 

Josephin  Péiadan  avait  commencé,  vers  l'époque  oit 
parut  le  Vice  Suprême,  de  curieuses  monogi-aphies, 
bellement  enflammées  d'amour  pour  l'art,  pétillantes 
d'aperçus  originaux,  et  savantes.  Les  fascicules  consa- 
crés à  l'Orcagna  etkrAngelico  seuls  ont  vu  le  jour.  Ils 
font  déplorer  amèrement  que  le  jeune  écrivain  ait  aban- 
donné les  Quattrocentisti  pour  des  parades  bruyantes 
et  des  romans  érotico-magiques  d'un  plus  fructueux 
rapport. 

Ces  feuillets  étant  devenus  introuvables,  qu'il  me  soit 
permis  d'en  citer  quelques  lignes  :  «  Je  ne  puis  donner 
une  plus  juste  idée  des  Primitifs  italiens  qu'en  les  appe- 
lant des  confrères  de  la  Passion,  des  peintres  de 
Mystères.  Un  jubé  a  été  le  premier  théâtre  français, 
un  retable  le  premier  musée  italien.  De  Giunta  de  Pise 
à  Giotto,  à  Ucello  et  à  Piero  délia  Francesca,  l'art 
semble  un  tiers  ordre  et  n'oublie  jamais  qu'il  est  né  du 
Christ  et  sorti  des  catacombes.  Mais  cette  comparaison 
ne  porte  que  sur  l'identité  de  la  source  d'inspiration  ; 
tandis  que  les  mystères  représentés  au  Bourg-Saint- 
Maur  n'étaient  que  de  pieux  fatras,  aujourd'hui  illisi- 
bles, les  mystères  peints  aux  murs  du  Campo-Santo  de 
Pise  méritent,  dans  l'histoire  de  l'art  italien,  le  rang  si 
élevé  qu'on  attribue  dans  l'art  français  aux  cathédrales 
ogivales... 

>  Les  journalistes  qui  font  de  la  critique  d'art  actuelle, 
sans  métaphysique,  sans  études  comparées,  ne  sentent 
pas,  positivistes  niais  !  qu'au  delà  de  l'art  selon  les  règles, 
il  y  en  a  un  autre —  le  grand  —  qui  s'élabore  en  dehors 
des  arabesques  de  lignes  et  des  effets  de  clair-obscur  et 
autres  artifices  vulgaires.  Je  crois  que  l'œuvre  d'art  est 
plus  encore  une  opération  de  l'âme  que  de  la  main  ; 
l'homme  met  dans  ses  créations  le  meilleur,  c'est-à-dire 
l'immatériel  qui  est  en  lui  ;  je  crois  qu'il  entre  dans  un 
chef-d'œuvre  plus  que  de  l'étude  et  de  l'effort,  du 
mystère.  - 

J'aime  à  m'associer  à  cette  déclaration  nette  que  les 
Primitifs  sont  les  premiers  en  mérite  comme  en  date. 


'^^^^^i^^^^wv^y 


™*V.'i''^W  ^v^'tjT-'.ï'î.'^^- 


L'ART  MODERNE 


373 


car  8i  je  conserve  cette  dénomination  générale  à 
laquelle  l'accoutamance  a  donné  une  signification  pré- 
cise, c'est  en  protestant  contre  toute  interprétation  qui 
conclurait  de  ce  terme  de  primitifs,  à  quoi  que  ce  soit 
de  gauche  ou  d'incomplet.  L'appellation  est  en  eff'et  par 
trop  étroite,  et  pour  certains  absurde,  pour  désigner 
tons  les  peintres  compris  entre  Cimabué  et  Léonard. 
M.  Miintz  déjà  a  heureusement  réagi  en  appelant  le 
XV*  siècle,  l'âge  d'or.  Il  faut  toute  notre  fatuité  moderne 
pour  oser  appeler  primitifs  des  artistes  aussi  parfaits 
que  le  Ghirlandajo,  aussi  variés  que  Gozzoli,  aussi 
subtils  que  Filippino  Lippi,  aussi  compliqués  et  délicats 
que  Boticelli  !  L'ânerie  de  la  tradition  académique  fai- 
sant commencer  l'art  à  Raphaël  peut  seule  rendre  plau- 
siblece  groupement  irrationnel.  Quelle  que  soit  la  culture 
de  nos  cerveaux,  il  serait  téméraire  de  croire  nos 
pensées  supérieures  en  diversité,  en  finesse  ou  en  pro- 
fondeur à  celles  de  ces  «  primitifs  >  là  ! 

Bien  au  contraire,  pour  nos  contemporains  les  con- 
frontations sont  accablantes.  Oh!  la  triste,  la  pauvre 
petite  figure  que  font  les  plus  grands,  les  plus  justement 
estimés  des  modernes,  confinés  dans  tel  ou  tel  domaine 
restreint,  si  on  les  fait  comparaître  devant  Giotto  tri- 
plement génial  et  maître  trois  fois,  par  le  pinceau,  le 
ciseau  et  le  compas!  Que  cette  œuvre  exubérante  et 
magnifique  nous  écrase  !  A  Pise,  à  Padoue,  à  Florence 
et  à  Rome,  il  a  illustré  de  fresques  les  murs  de  vastes 
chapelles  ;  la  vie  de  Jésus,  celle  de  la  Vierge,  celles  de 
saint  Jean  et  de  saint  François,  il  les  a  glorifiées  en 
innombrables  épisodes,  avec  une  verve  jamais  afi'aiblie, 
avec  une  ampleur,  une  fécondité  d'imagination  vraiment 
sans  exemple  ! 

Avant  lui,  rien  ou  presque  rien;  les  tentatives  de 
Cimabué  et  de  Duccio  de  Sienne,  impuissants  à  s'afl'ran- 
chir  de  la  tradition  byzantine.  Tout  l'art  réduit  à  quel- 
ques figurations  pieuses... 

Avec  lui,  tout.  La  beauté  du  corps  humain,  la  vigueur 
des  hommes,  la  grâce  des  femmes,  la  variété  des  mou- 
vements,  les  plis  nobles  des  tuniques,  les  animaux, 
même  les  architectures  et  les  paysages,  tout  devenant 
(    le  domaine  esthétique  sans  bornes. . . 

Il  semble  que  Giotto  soit  entré  dans  l'atelier  où  des 
artisans  s'étiolaient  et  étoufl'aient  à  copier  laborieuse- 
ment d'hiératiques  modèles  et  qu'il  ait  brusquement 
ouvert  les  fenêtres,  montrant  l'humanité,  les  enfants, 
les  femmes,  les  fleurs,  et  dans  le  large  horizon  la  vie 
incessamment  multiforme  et  qu'il  ait  crié  :  Allez,  artis- 
tes, tout  est  à  vous  !  Et  autour  de  lui,  quelle  floraison 
superbe  de  peintres  :  celui-là  surtout,  son  rival  Simone 
di  Martino,  à  la  tète  de  l'admirable  école  de  Sienne  si 
peu  connue  encore  !  Et  ses  élèves  et  ses  continuateurs  : 
les  Gaddi,  Jean  de  Milan,  Puccio  Cappana,  les  Loren- 
zetti,  rOrcagna  ! 

Oh!  quelle  introduction  fastueuse  aux  rayonnements 


qui  suivirent!  Quelle  aurore  splendide  ainsi  que  les 
plus  étincelants  midis  ! 

Toute  cette  première  Renaissance  se  rattache  à  cette 
figure  centrale,  Giotto,  et  c'est  cela  seulement  que  je 
voulais  marquer  en  inscrivant  son  nom  en  tête  de  cet 
article.  Il  est  le  Primitif  par  excellence,  on  devine  chez 
lui  des  joies  d'enfant  qui  bat  des  mains  devant  la  beauté 
d'une  fleur  ou  la  vivacité  d'un  oiseau  ;  une  naïveté 
exquise,  une  réceptivité  vierge  qu'aucun  souvenir  d'éru- 
dit  ne  vient  ternir,  le  perpétuel  étonnement  devant  les 
spectacles  ambiants,  le  bonheur  de  constater  le  mouve- 
ment et  la  vie  !  Et  dans  son  esprit  supérieur,  tout  se 
représente  en  s'ennoblissant  ;  les  compositions  s'ordon- 
nent avec  une  eurythmie  parfaite  et  les  expressions 
des  visages,  les  gestes  et  les  draperies  concourent  toutes 
vers  une  impression  de  grandeur  et  de  santé.  Et  cela 
est  si  parfait  que  des  siècles  après  les  plus  savants  vien- 
dront encore  interroger  la  fraîcheur  de  son  inspiration 
et  tout  ce  qu'elles  contiennent  d'émotion  et  de  rêve, 
ces  fresques  ;  tout  ce  qu'elles  versent  de  pardons  et  de 
paix  aux  hommes  de  bonne  volonté  ! 

Jules  Destrée. 


LE  NOUVEAU  DIRECTEUR  DES  BEAUX-ARTS 

M.  Jean  Rousseau  est  mort.  .Son  passage  aux  beaux-ans 
n'aura  pas  laissé  de  traces  bien  profondes.  C'était  un  timide.  Il 
n'osait.  Il  transigeait.  Il  s'esquivait.  Arrivé  avec  des  intentions 
superbes,  lui,  le  chroniqueur  ami  des  Lcmonnier  et  des  Rops,  il 
a  tenté,  mai»  que  faiblement!  quelques  réformes  dans  la  lourde, 
impuissante,  solennelle  et  routinière  machine  des  beaux-aris.  Tout 
de  suite,  il  a  cédé.  Et  du  directeur  vigoureux  qu'il  avait  promis 
d'être,  il  n'est  resté  qu'un  fonctionnaire.  Le  fonctionnaire  fait  ce 
qu'on  a  toujours  fait,  il  grimpe  dans  le  train-train  quotidien  des 
lignes  administratives,  descend  aux  stations  où  ses  devanciers 
sont  descendus,  examine  ce  qu'ils  ont  examiné,  admire  comme 
eux,  gère  comme  eux.  Les  fonclionnaires  se  suivent  et  se 
ressemblent. 

Il  est  vrai  :  la  position  de  directeur  des  beaux-arts  est  difficili'. 
Il  faut  de  la  poigne.  Il  y  a  de  la  Inlte.  De  la  lutte  sans  merci.  Il  y 
a  les  bureaux,  ces  sempiternels  bureaux  anonymes,  ces  fromages 
dévorés  de  larves,  qui  se  révoltent  contre  lonlc  tentative  neuve. 
Les  bureaux  ne  montrent  quelque  vigueur  qu'en  cela.  Ils  ont 
des  forces,  naturelles,  d'inertie  qui  en  ont  réduit  de  plus  forls 
encore  que  M.  Rousseau.  La  bureaucratie  belge  compte  parmi 
les  plus  mauvaises,  les  plus  encroûtées  ;  c'est  une  plaie  du 
pays.  Elle  fait  la  garde  —  une  garde  de  vieux  eunuques,  qui  no 
meurt  jamais  —  autour  de  l'Etat,  afin  d'y  empêcher  l'arrivée  de 
toute  idée  généreuse  ou  nouvelle.  Ce  sont  des  concierges  malfai- 
sants qui  arrêtent  le  Beau  et  le  Bien  ii  la  porte  des  ministères. 
Ils  sont  arrogants,  astucieux,  ne  voyant  que  leur  place  et  leur 
«  avancement  y.  Avec  cela  ils  ont  de  la  paresse  plein  leur  rond 
de  cuir  et  de  la  bélise  plein  leur  cTine. 

C'est  ï  de  telles  gens  qu'on  ministre  à  affaire.  C'est  de  telles 
gens  qa'an  directeur  des  beaux-arts  devrait  dompter. 

On  dit  :  voilà  l'occasion    de   faire   quelque  changement  aux 


374 


L'ART  MODERNE 


rouages  usée  et  détraqués  du  département  artistique  !  Mais  non  ! 
Cela  demande  du  temps,  cela  traînerait,  cela  ne  servirait  k  rien  ! 
Ce  qu'il  fuul,  c'est  un  homme t  Un  homme!  Avec  un  sabot,  un 
rude  et  vieux  pécheur  prendra  mieux  le  large  qu'un  transatlantique 
muni  d'un  équipage  sans  expérience.  Avec  un  fusil  à  pierre  un 
bon  chasseur  abat  mieux  les  perdreaux  qu'un  maladroit  tireur 
muni  d'un  hamerless.  Un  homme  de  trempe  et  de  poigne,  voilà 
ce  qu'il  faut.  Un  homme  sans  idées  de  routine,  un  homme  de 
lullc  :  un  vigoureux! 

Nous  appelons  là  l'attenlion  du  Ministre. 

C'est  que,  depuis  quelque  dix  ans,  la  poussée  artistique  a 
grandi  cl  a  changé  en  Belgique. 

Avant  cela,  les  sacrifiés  et  les  lutteurs  de  la  pensée, c'étaient  les 
Uoulenger,  les  Dubois,  les  Artan,  les  Degroux,  les  Agneessens, 
les  De  Brarkelcer,  enKn  reconnus,  à  cette  heure,  enfin  proclamés. , 
Ensomme,  sur  le  terrain  ingrat  de  la  Belgique  de  ce  siècle,  la 
peinture  a  fait  une  trouée. 

Mais  ce  n'est  pas  tout.  Elle  change  de  manière,  elle  se  vét  de 
lumière  nouvelle,  elle  s'abreuve  à  un  esprit  supérieur  de  sym- 
bole ou  de  mysticité.  L'art  reflète  les  tourments  actuels!  Il  faut 
savoir  en  saisir  toutes  les  nuances,  toutes  les  diversités,  toutes  les 
tendances  !  Et,  d'autre  part,  la  façon  de  se  produire  a  changé. 
Les  Salons  ofllcieis  ont  fini.  Il  y  a  lutte,  lutte  ardente,  dans  des 
cercles,  dans  des  ateliers.  On  ne  va  plus  aux  Salons.  C'est  devenu 
une  arène  vide,  les  gens  des  beaux-arts  en  sont  cause. 

Et  puis,  il  y  a  une  littérature  belge.  Quoi  qu'en  disent  certains 
ratés  de  la  plume,  continuateurs  de  la  traditionnelle  doctrine  de 
la  banalité  paternelle,  celte  lilléralurc  est  nationale,  profondé- 
ment. Les  écrivains  récents  sont  de  race  belge,  flamande  ou 
wallonne,  et  cela  incontestablement,  pour  celui  qui  sait  voir! 
Cette  littérature  est  toute  nouvelle. 

Elle  a  surgi  en  ces  derniers  temps  et  grandit  chaque  jour.  On 
l'aperçoit  de  l'étranger,  par-dessus  les  frontières,  tant  son  éclat 
s'indique.  Nous  sommes  au  milieu  d'un  mouvement  intense, 
violent,  accusé  par  des  livres,  des  revues,  des  journaux  et  d'ar- 
dentes polémiques. 

La  musique,  aussi,  est-elle  assez  cultivée  en  nos  terres?  Les 
merveilleux  concerts  populaires,  le  nombre  sans  cesse  grandis- 
sant de  rercles  et  de  clubs  musicaux,  l'extension  des  conserva- 
toires et  écoles  de  musique  n'en  sont-ils  pas  la  preuve  évidente? 

Si  tous  ces  mouvements  se  coordonnent  et  continaenl  l'im- 
pulsion enthousiaste  donnée,  Bruxelles  va  devenir  sous  peu  un 
des  centres  cérébraiii  de  l'Europe,  où  l'art  et  la  littérature 
seront  le  plus  en  honneur.  Cela  devient  clair  et  sans  conteste 
possible. 

Aussi,  avant  de  choisir  le  directeur  des  beaux-arts  qui  sera 
en  fonctions  pendant  cette  éclosion,  de  plus  en  plus  féconde,  que 
le  minisire  refléchisse  et  se  garde  des  conseils  de  ses  bureaux! 

Qu'il  prenne  un  homme  d'expérience,  —  non  pas  dans  le 
ministère,  dans  les  odieux  bureaux  qui  lui  donneraient  quelque 
aigri  de  la  littérature  ou  quelque  retraité  de  la  peinture  religieux, 
—  mais,  au  dehors,  dans  lu  vie.  Qu'il  prenne  un  homme  appor- 
tant aux  officines  endormies  et  poussiéreuses  l'air  frais  du  dehors, 
l'écho  des  batailles,  la  vaillance  des  luttes.  Un  bomme  qui  ail  vu 
de  près  ces  travaux  et  ces  guerres  ;  qui  en  aitcâtoyé  les  ouvriers 
et  les  soldats;  un  homme  qui  sache,  enfin,  que  la  pensée  belge 
a  évolué  depuis  qu'on  a  fondé  le  ministère  des  beaox-arts  ! 

In  dernier  mol  encore  !  que  M.  le  Ministre,  autant  que  de  ses 
bureaux,  se  défie  des  académies  !  Là  encore  c'est  le  passé  et  la 


routine.  La  plupart  y  sont  ferméa  au  aouTcmenl  jeune  ;  ce  sont 
des  gens  k  formule,  des  mannequins  d'atelier.  Lenr  influence 
serait  néfaste  et  leur  nomination  loalèTerail  l'énergique  répro- 
bation de  tous  les  artistes  —  xHdUHtuUment  ! 


CAMUXE  VAN  CAMP 

Nous  aimions  en  Camille  Van  Camp,  que  la  mort  vient  d'abattre, 
son  esprit  d'indépendance  et  d'initiative.  Il  fut  avec  Louis  Dubois, 
Hippolyte  Boulenger,  Louis  Artan  —  pour  ne  citer  que  les  morts 
—  le  fondateur  de  cette  SoeUU  libre  du  Beaux- ArU  qui  si  crâ- 
nement s'insurgea  contre  le  despotisme  officiel.  Bomme  d'action. 
Van  Camp  groupa  et  disciplina  les  forces  éparses  de  la  jeunesse 
artistique  et  la  mena,  drapeaux  déployés,  k  l'assaut  des  vieilles 
citadelles  qui  paraissaient  alors  inexpugnables. 

Il  fut  l'ime  de  cet  An  libre  qui  bouleversa  l'opinion,  voici 
vingt  ans, — du  premier  journal  osant  dirp,ii  la  fiice  des  Académies, 
des  Jurys,  des  Directions  de  Beaux-Arts,  que  les  temps  étaient 
révolus,  que  l'art  entendait  conquérir  sa  liberté,  qu'il  n'apparte- 
nait plus  à  une  commission  gouvernementale  de  peser  sur  l'essor 
des  artistes. 

Le  vaillant  journal,  précurseur  de  F  Art  universel,  de  FArtitU 
et  de  VArl  moderne!  Mallarmé  y  publia  ses  Page*  oublias,  parmi 
lesquelles  la  Pipe,  Pauvre  enfant  pâle.  Camille  Lemonnier  s'y 
affirma  romancier  et  critique  d'art.  Cevaert  et  Servais  y  parlèrent 
musique,  avec  autorité.  Le  prodigieni  Dubois,  sous  on  pseudo- 
nyme transparent,  mena  joyeusement  des  campagnes  contre 
toutes  les  routines,  fouettant  d'une  cravache  souple  des  préjugés 
invétérés,  tapant  de  son  poing  solide  sur  les  télés  de  turc  les  plus 
calées,  et  les  culbutant,  jambes  en  l'air,  drAlaliqnement.  Henri 
Liesse  rimait  des  sonnets,  secrétarisait  avec  une  fooge  juvénile. 
Léon  Dommartio  s'y  prouvait  wagnériste,  —  déjà  !  Il  y  avait  dans 
toutes  les  plumes  de  l'entrain,  du  brio,  une  communauté  d'idées 
en  vue  d'instaurer,  enfin  !  un  art  neuf. 

C'est  à  Van  Camp  surtout  qu'on  doit  la  fondation  du  journal, 
dont  la  très  courte  existence  laissa  d'inoubliables  souvenirs,  au 
même  titre  que  cet  autre  journal  de  combat,  la  lÀberti,  aussi 
éphémère  que  l'Art  libre,  et  dont  le  sillage,  depuis  un  quart  de 
siècle  qu'il  a  disparu  à  l'horizon,  n'est  pas  encore  effacé. 

La  mémoire  de  Van  Camp  reste  unie  k  ces  ardentes  manifesta- 
tions. Plus  que  son  art,  sa  combativité  l'auréole.  S'il  fut  un 
peintre  délicat,  silhouettant  tel  aimable  profil  déjeune  fille,  lavant 
d'un  pinceau  habile  une  aquarelle  harmonieuse,  brossant  parfois 
avec  virilité  telle  scène  historique  —  témoin  cette  Mort  de  Mar- 
guerite de  Bourgogne,  eimaisée  au  Musée,  —  la  réalisation  de 
son  art  n'atteignit  que  rarement  sa  conception  esthétique.  U 
chercha  toute  sa  vie  une  formule  qui  satisfit  son  esprit  curieux  et 
novateur.  Et  son  dernier  effort,  la  grande  scène  qu'il  peignit  en 
vue  de  célébrer  le  jubilé  de  notre  indépendance,  montre,  en  même 
temps  que  la  tendance  philosophique  de  sa  pensée,  l'intense 
besoin  de  rajeunissement,  d'affranchissement,  d'en  avant  dans  les 
voies  nouvelles  qui  le  possédait. 

Bien  qu'il  eiit  dépassé  la  cinquantaine,  il  resta,  de  cœur  et  de 
sympathies,  avec  les  jeunes,  qui  n'enrent  jamais,  dans  les  jurys 
d'expositions,  dans  les  commissions,  de  défenseur  plus  ferme,  de 
conseiller  plus  bienveillant  et  plus  compétent. 

C'est  avec  un  sincère  regret  que  nous  saluons,  .de  ce  dernier 
hommage,  l'artiste  qui  fut  des  nOtres  et  dont  la  place  demeure 
inoccupée. 


9jrm^m^^^-!swm'^fi^T^' 


L'ART  MODERNE 


375 


LA  QUESTION  DES  MUSÉES 

Un*  laterpellAtioB  à  la  Ghambre. 

If.  SuMODiKm.  —  J'ai  l'honneur  d'annoncer  à  l'honorable  mi- 
nistre de  llnMriear  qne  je  me  propouii  de  l'interpeller  à  la  première 
a^anoe  utile  au  sujet  d'une  question  relatire  aux  beaux-arts.  Je  prie 
l'honorable  ministre  de  me  dire  quand  il  lui  conriendrait  d'entendre 
mon  interpellation. 

M.  Di  BoBLar,  Qiinistre  de  l'intérieur  et  de  l'instruction  publique. 

—  Je  ne  Tois  pas  d'incouTénient  à  ce  que  l'honorable  membre 
soumette  immédiatement  à  la  Chambre  les  obserrations  qu'il  se 
propose  de  présenter. 

M.  SuMOEHirn.  —  Messieurs,  la  Commission  des  musées  royaux 
de  peinture  et  de  sculpture  est  actuellement  composée  de  :  MU.  Fétis. 
conserraleur  en  chef  de  la  Bibliothèque  rojale  ;  comte  de  Beauflbrt, 
anden  gouTemeor;  Delebecqne,  ancien  représentant;  Rousseau, 
direcieor  général  des  beaux-arts;  Balat,  architecte;  Fndkin,  sta- 
tuaire ;  Portaais,  directeur  de  l'Académie  royale  des  beaux-arts  de 
Brazellea;  Alh.  De  Vriendt,  directeur  de  l'Académie  royale  des 
faeaox-arts  d'AnTers  ;  Em.  Wanters,  Robie,  Claeys,  OuOens,  SUnge- 
nsyer,  artisles  peintres,  membres,  et  Stiéoon,  secrétaire. 

Sauf  M.  Wauters,  absent  du  pays,  et  M.  Portaels,  qui  se  déplace 
diiBeilement,  tons  les  membres  que  je  riens  de  citer  assistent  ré^- 
lièreaient  aux  séances. 

La  mort  nous  a  successirement  enleTé,  depuis  peu  d'snnées, 
MM.  Oallait,  Madou,  Verboekhoren,  Simonis,  le  comte  Dubos,  le 
général  baron  Ooethals,  De  Rongé,  conseiller  à  la  Cour  de  cassation. 
(hUemtption  de  M.  U  minùtrt  de  tintérieur  et  de  Chatructton 
pMique.) 

L'honorable  M.  de  Burlet  me  dit  qu'il  faut  malbeurement  ajouter 
i  osHs  Kste,  déji  longne,  le  nom  de  M.  Rousseau. 

Oe|mis  quelque  temps,  une  campagne  asscs  rire  est  menée  contre 
la  Coauniasion  des  musées  royaux  ;  les  attaques  ont  pris  nn  caractère 
si  direct,  qne  je  ne  pois  pas  rester  indiffèrent  à  tontes  les  accusations 
dont  cette  administration  a  été  l'objet. 

Certes,  c'est  nne  mission  très  délicate,  pour  les  membres  des 
musées  royaux,  d'être  Hutermédiaire  entre  le  rendenr  et  l'acheteur, 
alors  que  cet  acheteur  est  l'Etat  qui  a  mis  en  eux  toute  sa  confiance. 
Mais  ici,  la  personnalité  de  chacun  dispsrail  ;  chaque  membre  n'est 
qu'âne  partie  solidaire  d'an  ensemble  qui  doit,  plus  qu'aucun  autre, 
avoir  aonci  de  sa  dignité  et  de  son  bon  renom  ;  c'est  parce  qne  je 
taofnstia  cette  solidarité  que  je  prends  aujourd'hui  la  parole,  moi. 
le  aeol  membre  de  cette  Chambre  qui  (assc  partie  de  la  commission. 

Cependant,  et  je  tiens  à  le  faire  remarquer,  je  parle  en  mon  nom 
personnel. 

On  a  ibrmnié  contre  la  ConuniasicHi  des  musées  un  certain  nombre 
de  griefs;  tons  ces  grie6  aonl  relevés  dans  le  rapport  qui  sera  remis 
à  rhooorable  ministre.  A  lui  déjuger  ni  les  réponses  mut  suffisantes 
et  de  nature  i  jeter  une  pleine  lumière  siur  tout  ce  que  l'on  déclare  et 
sur  tout  ce  qu'on  laisse  entendre.  Sinon,  il  ne  lai  reste  plus  qu'une 
ssnie  solution,  me  semble-t-il,  c'est  d'ordonner  un  examen  minutieux 
sor  la  &its  incriminés. 

Dans  tons  les  cas,  j'insiste  très  ritremeot  pour  qne  l'honoiable 
ministre  donne  à  cette  afiàire  une  prompte  solntioo. 

M.  M  Bc>i.rr,  ministre  de  l'intérieur  et  de  l'in.'^trurtion  publique. 

—  Messieurs,  j'ai  transmis  et  signalé  moi-même  et  tuccesaiTement  à 
la  Commission  des  mu.sées  royaux  les  articles  auxquels  vient  de  faire 
allnaion  l'honorable  M-  Slingeneyer.  J'ai  appelé  son  attention  sur  La 
néecsailé  d'y  répondre,  sinon  par  la  i^oie  de  la  presse,  an  moins  par 
mis  de  communication  an  ministre  responsable  vis-é-Tia  du  parlement 
et  dv  pnya. 

Je  constate,  par  la  motion  de  l'honorable  M.  Slingeneyer,  membre 
lai-méme  de  cette  commission,  que  cette  nécessité  est  comprise. 


Nulle  part  plus  utilement  que  dans  cette  Chambre,  les  explications 
demandée*  ne  peuvent  se  produire. 

Je  ne  suis  pas  en  mesure  de  les  fournir  complètes  aujourd'hui.  Les 
réponses  aux  dépêches  que  j'ai  transmises  à  la  Commission  des  musées 
royaux  ne  me  sont  pas  toutes  parvennes  ;  elles  constituent  un  travail 
assez  long,  dont  j'aurai  i  prendre  connaissance.  Je  le  ferai  avec  tout 
le  soin  que  réclame  l'importance  de  la  question. 

Le  débat  sur  ce  point  surgira  tout  naturellement,  avec  les  dévelop- 
pements qu'il  comporte,  lors  de  la  discussion  de  mon  budget,  discus- 
sion qui,  je  l'espère,  ne  tardera  pas  à  s'ouvrir. 

M.  SuHOKMBmi.  —  Je  me  déclare  satisfait. 

M.  d'Andumomt.  —  L'honorable  M .  Slingeneyer,  dans  son  inter- 
pellation, a  fait  allnsion,  je  crois,  à  des  attaques  dirigées  contre  la 
Commission  des  musées  par  rArt  moderne.  Or,  un  très  grand  nombre 
de  membres,  si  pas  tous  les  membres  de  cette  Chambre  peut-être,  ne 
sont  pas  abonnés  à  lArt  moderne  et  ne  lisent  pas  ce  journal. 

Je  viens  de  le  (aire  demander  à  la  bibliothèque  et  il  m'a  été  répondu 
qu'il  n'y  existe  pas. 

Je  prie  donc  MM.  les  membres  de  la  Commission  de  la  bibliothèquf> 
de  bien  vouloir  prendre  un  sbonnement  à  ce  journal,  que  Ton  dit  très 
intirettant  et  que  nouM  $eriom  enchanté*  de  connaître. 

M.  WoBsn.  —  Cest  dans  la  discussion  du  budget  de  la  Chambre 
qu'il  faut  demander  cela. 

M.  n'AxDUMOirr.  —  Je  demande.  Monsieur  le  président,  qu'un  des 
membres  de  la  Commission  de  la  bibliothèque  de  U  Chambre  veuille 
bien  me  donner  une  réponse. 

M.  DE  BonLST,  ministre  de  l'intérieur  et  de  l'instruction  publique. 
—  Il  est  exact  que  la  communication  faite  par  l'honorable  M.  Slinge- 
neyer a  été  inspirée,  comme  aussi  mes  demandes  d'explications  à  la 
Commission  des  musées  royaux,  par  une  série  d'articles  publiés  dans 
fArt  moderne.  Je  m'itonnerais  que  cejounutl  ne  te  troutàt  point  a 
la  bibliotlUque  de  la  Chambre.  En  tons  cas,  comme  il  est  désirable 
qne,  lors  du  débat  annoncé,  la  Chambre  ait  à  sa  disposition  les  arti- 
cles de  CArt  moderne  auxquels  il  est  fait  allusion,  je  prendrai  les 
mesures  nécessaires  pour  qu'il  en  soit  ainsi. 

M.  D'Aimuiioirr.  —  Je  vous  remercie,  Monsieur  le  ministre. 

—  L'incident  est  clos. 

Ce  dialogue  noosélonnr.  Il  rappelle  celui  de  certaines  comédies, 
où  l'aulèur  fausse  le  rôle  d'un  de  ses  personnages  pour  arriver 
soit  à  un  trop  rapide  soit  il  on  iasalisfaisant  déoGocment. 

En  pays  parlementaire  et  administratif,  on  a  lellemeol  ehoini 
les  chemins  d'il  côté,  les  roules  ï  contre  bon  sens,  les  peliis  »en- 
liers  dissimulés  en  des  fourrés  comme  les  seuls  pralicabics,  que 
rinlcrpellalion  de  M.  Slingeneyer  n'y  produit  peot-élre  pas  la 
même  sarprise  qa*)  nous.  Poar  nous,  nous  ne  savons  qne  nous 
exclamer  devant  cette  explication  demandée  ^  un  ministre,  par 
quelqu'un  qui  devrait  la  lui  fournir.  Comment  !  M.  Slingeneyer, 
membre  de  la  Commission  royale  des  musées  de  peinture  et  sculp- 
ture, après  avoir  affirmé  qu'il  assiste  il  toutes  les  séances  de  cette 
commission,  après,  par  ronséqueni,  avoir  implicitement  convenu 
quil  est  au  roarant  de  mules  les  questions  —  ventes,  achats, 
resiauDlioos,  discussions  sur  raulhentirilc  des  œuvres,  —  qui  s'y 
sont  iraiiées  depuis  longiemps, demande  simplement  que  tous  nos 
ir.-iefs  soient  relevés  dans  un  rapport  qu'on  remeitraavec  réponses 
au  ministre,  pour  que  ce  dernier  soit  sali.'ifail  et  soit  juge  do  la 
discussion  ouverte  et  des  accusations  produites.  Tout  ain.si  se 
passerait  entre  gens  disposés  à  arranger  le^  elio^es,  quitte  i  faire 
une  petite  réprimande  anodine,  que  le  public  ne  connaîtrait  même 

pas. 

Ce  n'était  pas  cela  que  nous  demandions,  ce  n  était  pas  cela, 
après  toute  celte  campagne  menée  assurément  avec  opportunité. 


37<5 


LART  MODERNE 


ave«  nécessilé,  qu'il  fullaii  accorder  :  xois  demandions  it  voi- 
lions l'enoi'ête. 

Il  serait  vraiment  natf  ou  plutôt  ironique  de  venir  nous  dire  : 
Vous  voulei  un  examen  sur  la  gestion  de  la  Commission  des 
musées,  vous  allei  l'avoir  ;  seulement  ce  contrôle  sur  la  commis- 
sion sera  exercé  sur  elle-même  par  la  commission  gtU  tneme  ; 
monsieur  un  Tel  qui  a  volé  pour  que  tel  uMaan  soit  acheté  k 
raiaôB  de  IM.OOO  firaaa,  ae  fnmwmtiri  sur  le  point  de  savoir 
s'il  se  blàoK  devoir  >chcté  100,000  francs  tel  tableau  ;  monsieur 
un  Autre  qui  croit  que  telle  toile  est  d'un  maître  alors  qu'elle  est 
d'un  élève,  se  prononcrra  sur  le  point  de  savoir  s'il  s'est  fourré  le 
iloii^t  dans  l'ceil;  monsieur  un  Troisième  décidera  lui-même  s'il  a 
été  berné,  trompé  et  si  vraiment  il  accepte  qu'on  le  traite  i 
l'avenir  d'ineaiuble,  de  négligent  ou  d'imbécile. 

l'ne  commission  consultée  de  telle  manière  sur  elle-même 
devra  nécessairement  émettre  des  réponses  prévues. 

.\ulre  point.  Dans  l'ensemble  de  nos  accusations  dirigées  contre 
elle,  il  en  est  poul-éire  qui  sans  être  fausses  manquent  de  déter- 
mination. Nous  tirons  de  l'extérieur  dans  une  salle  où  l'on  main- 
tient précautionneusement  les  ténèbres  et  à  travers  les  volets;  ce 
n'est  que  si  de  temps  en  temps  une  porte  s'ouvre  ou  une  lucarne 
que  nous  voyons  par  surprise  ce  qui  s'y  passe.  >'ous  sommes 
{fatalement  en  uu  lieu  d'observation  défavorable.  D'où  certaines 
erreurs  de  détail  qui,  certes,  ne  peuvent  détruire  des  vérités  de 
fond,  mais  desquelles  on  peut  profiler  pour  se  dérober  sur  des 
points  importants.  Ainsi,  il  nous  revient  qae  le  Quentin  Metsys, 
dont  nous  avons  signalé  la  restauration  vandalisie,  aurait  é:é 
épargné,  mais  que  tous  les  outrages  énuméréâ  ont  été  prodigués 
à  un  tableau  voisin.  Ainsi  encore  les  Tite$  de  Sigrti  ne  sont 
peut-être  pis  de  Regnauli,  mais  restent  d'une  authenticité  essen- 
tietlement  problématique. 

La  Commission  des  musée^s  est  pour  l'insiant  une  accusée  :  elle 
ne  |vut  être  son  propre  juge  d'instruction,  elle  ne  peut  s'emparer 
elle  seule  de  nos  griefs,  en  faire  des  choux  et  des  raves,  cacher 
l'un  sous  l'autre,  diminuer  l'un  par  l'autre,  faire  preuve  de  ruse, 
d'lub:leu-,  de  Ulillonnisme,  escamoter,  donner  le  change,  sr 
l»a>s:onner  p-^ur  >[u,'  l'ou  sache  le  moins  possible,  mettre  au 
(lern  «T  ('bu  cvvi.  tjire  (arader  eela,  soigner  ses  intérêts  ^  elle, 
iiK-nag\T  sa  pe;ile  p'.-r^onne.  défendre  sa  petite  institution,  en  un 
mot  faire  de  ia  bureaucratie  11  où  il  faut  faire  de  la  nette  et  crue 
lumière  autour  d'une  question  d'art. 

Pour  savoir  si  telle  œuvre  a  été  payée  au  delà  de  sa  valeur  il 
fjul  qu'on  s'informe  auprès  d('<  gens  compétents.  coUeetionoeors 
Je  tableaux  anciens,  atlenLfs  aux  ventes  qui  se  font  dans  le  monde 
entier  et  intègres;  pour  dévider  si  tel  lableaa  est  anlbenliqae  il 
bol  appeler  les  artistes,  les  critiques,  les  savants  en  arehéologie 
artistique,  qui  savent  l'état  civil  des  toiles  et  reconnaissent  un 
tableau  autrement  qu'à  la  signature  :  pour  que  nimporte  quel 
acte  d'achat  ou  de  \ente  soit  justifié  il  faut  qu'il  le  soit  contradic- 
toiremeot,  a^^rès  examen  et  toutes  les  pièces  étant  au  dossier. 
Il  £iu'..  en  résumé,  que  l'examen  soit  Eait  par  des  peintres  et  des 
eonnitsseurs  pris  en  dehors  du  monde  oiSeiei.  Toute  la  paperas- 
serie administrative,  tous  chiSivs,  comptes,  notes  eaJtKinies  an 
fond  de  cartons.  to«s  arguments  invoqués  par  la  commission. 
daiK  la  pasîse  —  disons  le  mot  —  snspie^e  où  elle  se  tronve. 
n'anroni  d'efficacité  que  disenlés  ainsi. 

Cela  précisé,  tl  est  d'évidence  entière  qne  la  demande  d*eipti- 
cation  produite  1  La  Giaahre  par  I.  Slingeneyer.  mmk  parait 
d'une  banalité  et  d'une  anOiiinité  sspréoMS.  Ce  a'esl  pas  ■■  p«« 


de  bruit  vain  que  noas  avons  essayé  de  susciter  autour  de  cer- 
tains bits,  ni  «n  peu  de  tapage;  nous  n'ayons  pas  seulement 
voulu  p.EM«>quer  l'attention  sur  les  agissements  d'une  commission 
eiJ«t  dire  «  prenex  garde  »,  nous  avons  dit  plus  nettement  :  «  Vous 
n'avei  pas  pris  garde  ».  Noos  avons  dressé  un  réquisitoire  en 
règle,  auquel,  avec  acharnement,  nous  eiigeons  qu'on  nous 
réponde.  Nous  avons  étayé  la  liste  des  ceuvrcs  achetées  trop 
cher,  la  liste  des  œuvres  douteuses,  la  liste  des  œuvres  uccagées 
par  les  restaurations,  la  liste  —  nn  seul  nom  —  des  marchands 
au  commerce  duquel  on  s'approvisionne,  la  liste  des  gaffes  com- 
mises, des  négligences  perpétrées,  des  ignorances  flagrantes,  des 
occasions  manqoées,  des  incapacités  démontrées,  des  bêtises 
légendaires. 

Si  bien  que  la  Commission  des  musées  paraît  un  Guignol 
dont  M.  Gauches,  depuis  longtemps,  tenait  les  fils.  Ils  ont  sauté, 
les  petits  hommes,  h  sa  bntaisie,  opinant  de  la  léie  quand  il  lenr 
Uchait  de  la  ficelle,  se  raidissant,  se  rebiliant  l'un  contre  l'autre 
quand  il  la  resserrait.  Cette  comédie  a  été  jouée  loin  des  yeux  de 
tous,  d'abord  devant  des  banquettes  vides,  pnis  quelqu'un  est 
entré,  s'est  arrêté  un  instant,  a  compris  le  rôle  ridicule  de  ces 
marionnettes,  s'est  convaincu  que  si  personne  ne  venait  k  ces 
représentations  tout  le  monde  pourtant  les  payait,  a  soulevé  on 
coin  de  toile  et  a  crié  dans  les  journaux  ce  qu'il  avait  vu.  On  s'est 
rassemblé,  on  s'est  rué  contre  les  ais  et  poteaux,  on  a  jdé  des 
banquettes  —  je  veux  dire  des  articles  —  k  la  léle  de  Fiaipic- 
sario  et  de  SCS  acteurs  et  pour  l'insiani  on  songe  i  démoUr  la 
baraque  tout  entière,  s'il  y  a  lieu.  Voili. 

Il  y  a  eu  une  queue  ^  linterpellation  de  M.  Slingeneyer.  CrAce 
^  M.d'.Andrimonl,  nous  avons  appris  qoe  CArt  medemt  m  pMé- 
trait  jama»  josqu'k  la  bibliothèque  de  la  Chambre.  Fplf  pt.Je 
la  direction  des  beant-arts  il  était,  il  y  a  quelques  IBMS,  pmCcan- 
lionnensement  éloigné.  A  la  Chambre  on  pouvait  aas  itite  se 
procurer  YEeko  des  jtnbns  Ufamiers  de  Neder-mMT'BMm^eek, 
mais  on  ne  pouvait  pas  se  prtKorer  r.i4rl  wtodenu. 

X.  de  Burlet,  qui  en  tout  ce  débat  bit  preuve  fmmt  iapartialilé 
nette  et  haute,  s'en  est  étonné  lui-même  et,  eolCB,  y  avait-il  de 
quoi.  On  sourit  ï  cette  pensée  de  voir  la  CoiMWMa  des  beaui- 
aris.  i  la  demande  de  M.  Slii^teneyer,  pcépuar  son  bon  petit 
rapport  et  le  présenter  aux  Chambres,  alon  ^'ancnn  des  mem- 
bres de  celte  Chambre  n'aurait  pn  se  RaM%Mr  i  la  biUiothè- 
que  sur  les  véritables  points  en  diacMMa  el  b  direetiOB  des 
attaques.  La  bibliothèque  de  b  CtMikre  seconderail-clle  b 
Commission  des  musées  dans  sa  haine  on  sa  âeberie  qn'elle  doit 
éprouver  contre  nons?  .Nous  ut  Mas  y  opposerions  point,  nous 
enscnoas  mémehewenx,  milles «c  manifettMert  leliemtni  qne 
par  de  petits  moyens,  tels  qne  TdoignetneiU  on  b  sappression  de 
notre  journal  dans  une  saDe  de  lecture. 

Poar  clore  ces  dé^  trop  longs  commentaires,  résamons  qne 
llnterpeUation  de  iS  wnembre  ans  Chambres  hdfcs,  qni  semble 
avoir  voulu  vmtàUr  b  discnssion  aatoor  de  la  question  de  l'art 
dans  les  mHibs,  n'eAt  certes  pas  été  faite  anbemeal.  si  elle  avait 
en  poar  bnl  de  renterrer,  avec  les  qoeiqnes  dt  yuftndir  parie- 
mealHCS  d'usage.  Pooruni  tel  ne  sera  pas  le  sort  d«  débat  actoel 
et  m  nae  pierre  tombale,  dans  rinCeaiion  de  qnelq|aes-nns,  doit 
être  gravée  poar  qnelqae  ehoae,  ce  ne  sera  pas  ponr  b  question 
d'art  qni  se  lève  vivante  et  actnelEe  et  impérative,  mais  ponr  b 
coaaaissioa  des  Vasëvs  qai  josqu*)  ca  jour  s'est  lae,  comme  sa 


-,'■:  M^w^P^}^ ■"■>'''¥(''' 


L'ART  MODERNE 


;m 


■^XPOglTIOf*    *^EYERP 


Qaaraiiie-CiB%  loilcs,  sifoées  :  Isidore  Veyert,  bpiswm 
acUwUeiBeBl  It  gllene  de  Saini-CTr.  Elles  décèleni  un  éridenl 
»oaei  d'exprimer  avec  vériié  b  minre.  Villages  piiiorcsqnn  des 
bords  de  l'Escaol,  fllfcs.  marines,  sous- bois  :  looie  nue  flore  de 
plein  air,  épanoaie  ta  booqoei  de  Ions  jib,  gais  a  l'cnl,  pim- 
pantt  et  ebirs. 

■.  Herers  est  issu  de  eMle  école  de  Termonde  que  Rosseeb 
■Kfla  dans  les  cbemins,  alots  pcn  explorés,  de  la  lamiire.  Sod 
triomphe,  re  sodI  les  mafO— tries,  les  moradies  solides,  Ifs 
maisoDs  de  briques,  les  loiis  de  lailes  éearlaies.  Sa  foctore  on 
pea  loarde  coavieiit  moins  a  b  Boidilé  des  eanx,  aux  délicatesses 
da  fenllage.  ftans  tel  site  de  Teere  on  4e  llamrae.  dans  tel  coio 
de  BraKCS,  Tartiste  note  scrapnknscmeM  llmimilé  d«  ruelles, 
b  pais  de  b  fie  msiiqoe,  et  sa  palette,  échoaCée  an  coloris 
dienri  De  Braekeieer,  a  des  aeccnis  de  sincérité  qni  pbiseni. 

Qnaad  il  vent  metlie  en  scène  des  personoa^es,  Tantste  est 
moins  henmix.  Ses  Coréurs  ont  nne  allore  pocbe,  et,  en 
général,  VHobft  de  va  lableani  détonne  dans  li'eniembie.  On 
les  sent  ajonlés  après  coop,  siibocK^lés  d'one  maio  iababile  a 
desainei  b  %Bre  hamaioe. 

De  coascicBcieoscs  nocations  de  Inoiière  n^lrac^  par  b  brame, 
de  dartés  Innaim.  de  j-mr}  crépasenbcrcs  comptéteni  on  total 
d'ornes  d'où  tonte  banaliié  est  esclni>.  Le  Scttanu  MirtMt  est 
a  cîlcr,  qni  iMintre,  {(bcécs  d'ar^cnf,  de  T3fn«s  «Ibooetles  de 
bumnes  éthonécs  lar  le  rinfe.  Cest  d'âne  pénétrante  poésie  et 
d*^  harmonie  délicate. 

Ce  Xtùtrmt  et  b  Xmû  de  XtA  appartiensent  i  b  «âion  lanl 
sait  pea  romantiqne  dn  peintre,  qai  maifré  Ee  réalisme  de  ms 
inila  douime niées  et  ri^oareasement  étabCîes,  rériKe.  par  Ee 
e  certains  de  ws  titres,  des  préoccapation»  lé^èreownt 


Eacmple,  ces  déaanusuioois  :  Sftm/tiifmet  mmén.  CitekttUrîa 
Immira.  E»  (*"  <^  fmfm.  Otnanm  frue.  PMa  rmyiu.  Cul 
nmSU.  la»  ii  ;  aurait  namise  ^Ve  a  qiiii>r«ller  r»rti:Me  ï  e^. 
sayif.  La  Si^ale  ckxMe  qui  importe,  e>st  qn'^  îneten  dlaacjks 
i  oa  perfiM  ITart  sincère  d'an  ftittn  refii»  par  dThar- 
;  accent,  senstbte  atrx  spDeiuienrs  4e  b  aatiir».  viKvMé 
mat  hs  mindiiffi  if  innn  ctgostaous  qiK'  Ees  heixrgH  et  (es  «ûmi»  t^nc 
sabir  aa  pajsafr. 

D  f  a  r—fjif inipii  qpe  9.  Seyeis  est  mt  la  brée&e.  Q  met  m 
eaiaiemene  teaoMe  b  demenrer  jeiHe.  ^  timaat^T  ws  bvnMM  »  la 
TiiaBeé  des  artn«es  indépendant»,  d«iiaifHiu  des  ^<iip  d'é«a{e  «t 
éti  faièics  xaéécaif^a».  kvnm^  ce  if  ail  dit  tntsqmi  par  'WS  r.iMt- 
ckafeas'  fawr  Ciiî,  fespoiMiina  b«\(ielioi!««  manfoera  nme  iKjpi> 
Car  B  est  lOtpoiMiM»  sbt  «îsiner  «oo  «ibam>i  «m»  rRstteiuir  pour 
Tarûte  ■oe  ii'«!'  ^npallue,  ponr  -tes  cnoivaaci  etinrts  diï  faitiiu- 
raâaa  et  dm  respect.  


Petite  CHROfttquE 


Vts^amtàtm  anaiiKilie  lA»  iiçKintSiiUtts  «^i^sc  ivxvmt  &ier  ^oii» 
ea  partlmia»  Ams  si«w»  prucftaira  rumii'r'V 


loe  exposition  riirnipeaire  des  (eii*rrs  d'Henri  Ile  Bra«^kel«^ 
t'ooTrira  ao  CereU  artUliqme  d'Anvers  le  6  décembre. 

Le  mUre  de  b  Monnaie  a  représenié  celle  semaioe  on  ïntllH 
dû  b  b  coibboralion  de  MM.  Hanoon  et  Léon  Dubois.  I.e  (iire  pri- 
mitivement choisi  :  Labo$.  aoqael  le  nom  de  rbéroloe,  SmfU*, 
a  été  »iibslilaé,  délimite  le  champ  d'aelioa  de  cette  «eorretle. 
L'arrivée  inopinée  d'un  jeune  h'»nny;  Irooble  l'iDliinrlé  de  deux 
amies  étroitement  onies,  d'ob  :  jalootie,  repm«b^s,  défooemeni 
Moclanl.  Cesl,  transporté  dans  file  célèbre,  et  mis  en  pir«>aetl«», 
le  LMmH-temnis  de  Gabriel  Noorejr  >|ai  a  elbrooebé  b  podenr  des 
(omédiens  do  Théâtre  Libre.  Sar  ee  eaoeras  lena,  N.  Léon 
Daboisa  brodé  quelques  miïreeaaxd'DD  dessin  délicat,  qoi  nf^èlent 
une  main  experte,  on  esprit  jndicreax. 

Lue  petite  scène  imilatiTC,  tOruge,  a  panitaït^TfmtM  pia  an 
public,  qai  a  applaodi  arec  bienreillanee  (e  ballet  nooTeaD-n^. 

Jeodi,  %.  Himnee  Barrés  a  prononcé,  an  Or^rle  artistiqse  fie 
Bmxelles,  nne  cooïérence  litiéraire  et  %eir^ifMf\i\w.  :  «  les  AotJivrv 
mies  de  la  Volonté,  b  volonté  de  bien  \if;w«n,  bten  bire  et  bû>n 
instruire,  et  les  possibilités  de  déduire  des  n^jli^  «te  Mndoil/^ 
poor  le  peftwnr  qai  je  vent  knmme  d'action  *  ;  k  tnttht  rfe 
>.  Saariee  Barrés  a  été  fand  et  mérité. 

Le  procbaio  numéro  présentera  en  no  article  de  a«(re  colbbo- 
ralcnr  Cottave  Kabo,  acK  étude  des  ihéivrics  et  prixéiié^  fie 
N.  Maurice  Barnhi. 

Dcni  vieilles  fardes  ont  été  mterviewi'es  b  •»etnaii»e  >fen»T<^rft 
pjr  M.  de  Watione  qui  poiirssit  vx>  iniéresMikie  etufivéie  inr 
TévolaFioo  littéraire  en  R^ljfiqiie.  II  »'»jpB  *»  M.  Foi^ia  i»t  f.'e 
M.  Gustave  Prédénx. 

Ce  dernier  a  traité  »ie  «abiMiBcijft  l«  rfirw»  /ta  premier,  fj»  «tui 
p>*rmet  i  M.  de  Walinae  de  rtire  :  «  Feu  aimaWe,  tBiiwie  poor  les 
ami»,  M.  Frédérix.  » 

Frémtact  île  vin^-eisgreiétiK»  r»^po*tioo,  vi<»nBeiii  d'^ia^rir.  .« 
.^aver»,  les  membres  iit  VAU  A  kitw.  —  3'Vi'r.  !>►  enoi-ivir"»  *»  la 
plupart  des  artistes  t^iii  en  raisoa  *t' aspiration»  p(n»  rétro jprarVs 
ow  p(n»  pmjresiBTes  avaunu  qniiré  eefte  ^ft<fT)h,é,  —  im  ^érirab^e 
Sabo.  Tm«  «eats  auniériv*  an  r.aialojpw  et  4e  ic'odam'es  ■«i 
diverses  '. 

L"hon«uHeté  4*  rorymisation  —  1«»»  f'jW  ïinyi.iU"»  —  i 
aiaeaé  a  la  rampe  rnja<;('.oativiné  vi>i»ijiayi* *»  p^a»  *vUies  r.hivw* 
pictarales  aves  tes  pli»  réf.mti^^  app(i»»r.ioo»  ifar  la  dîvwioiv  du 
MO.  .lu  jarpftia,  ilin»  llnJi^nnértiAirft,  lit  prérieii*»!»  promes*"» 
poar  aa  atveau  proitton  ptiw  pcoyi'Sâif. 

La  Mciéfé  AU  ik  k/nt  aiowtera  »  wa  ?talrta  labtlaire  raiirut  — 
iiéinrto.iré  aux  .IT-ir  —  ite  r.i»feri>ii«i»s  i^t  l'iitititioiw  miimi-AlftH 
L»  pn»mu'r  eoojRiîrt  ^ieattt'aTOfr  iu'ii  H"""  Fneil<^-ftoiirftV!Wh,  iiiui 
ftiatairice  ruMe,  iloof  la  «on  aa;aat  '\nt^.  b  pi»rvmii('  pOMèil»^  iim' 
s  spéciale  et  MOTafc  htanré,  te  i|tincii«r  Wiiltbnt,  Wambaehv  r<e 
■erÎK  et  août  j  nat  très  ea^eUentmeiit  vatitrfeiHé  itm  neavres  <i^ 
CnrelTi,  .^ftnmsMui  tTriit-  *»  /ft  maijitnr),  W^hrr  Qn/iiutir  . 
BraJin»,  Bira-Hki,  Kwatrtw  «  O'sar  '".m. 

»>t  va  monfer  *  .tjnsientom  li»  Oune  'tt  lit  l'I/ir.lut  rie  V"nv,i»n(. 
iflad!?,  ifa«  rrempoc'a  i^a  I^J^  i<»  prix  it^  'i-.x  ituiU:  teaiîs  (1<>  h 
ville  *»  Firi». 

Cetr*  «ipwftiî  Mmpomlvna,  'pii  (■.nrapr'nrf  n'pe  laJj|«»aiiT  m  iiiv 
pcit^hyuit  (-«t^i.,  rhfleiirs  et  nri-Meum.  n'a  «i»  iiiHijii'ir.i  i?i<»«u«fl 
i^'uae  Ihis,  l«  i*  jaavii^r  ISWH'.  •Miw  la  i<iri>ruoa  it«  M  f.h.-jrli-s 
Lvmriorea'x,  a^er,  f  aa  &yi'.ft  et  M™"  Sriini't^lLatlinir  itcin.-»  l^s  rrties 
arinnioattx  (te  Wiliiîlm  «l  (te  L^nnri»  L'5)  itiri>c"liMin  'd'.  criai'.Rris 
nnt  Muioiirs  ri>r.itlé  itHvsnt  les  flc.m  rnnHÎ.irrabli's  .^i''  ri<»r.«(!t)l»»nr. 
li>.s  éuutes<l<*  la  mirtft  aiv  pnml  *'  i'.i»lJ.^  impfirtin4i>  piiruijnn.  %iiih 
MieiKtoft  M.  Ei»s,  le  je^ine  i»t  ^inllani.  rhef  iforctu^ttr^  'in  .Vmm7« 
ifiAimHi ^  élit  wni  *rtisui|im  imiiativi».  ^iiitiaiionn  içnilli'.  <mi  <iuvii> 
cTi  Beltpqne.  Lv  aiwnitmi,  il  y  aiim  iîiTlain«m«nt  un  l'ï/vle  it> 
«ntinuRset  (t'araacenr»  wr«  I»  Brvdanfliî  \n  iniir  lii!  ri"(<'riiijrta  *v 
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PARTICULIÈRE  |  PUBUQUB 

La  SaaM«l  •  Déewtra  IMI         |       u  rtmniti  •  Miinitn  Mil 
de  1 0  à  .«  haarAa 


BruieUe».  -  Imp.  y  MoimOM,  St,  ne  de  rinduslrie. 


Txr-Ar-  ■»''4?'i''K:f'i?«.»j^fî;g;s' ïi-  T<->j''    ■ 


OlOltta  AMMtB.  —  N*  48. 


Le  nuxiao  :  26  ckntimbs. 


DutANCHB  29  Novembre  1891. 


^ 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


RBVDB  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTBRATDRE 

Comité  de  rédaction  •  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHÂKREN 


▲BOmrXMBNTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  poitale,    fr.    13.00.    —  ANNONCES   :    On   traite  à   forfait. 

Adretter  toute»  les  communicationt  d 
L'ADiamsTRÀTioN  oÂNÉRALB  DE  l'Art  Modome,  me  de  rindnstrle,  33,  Bruxelles. 


Sommaire 


A  raopoa   dis  Skpt   Princbssis.   A   Uaurice  Maeterlinck.  — 
MAOBUai  BABKit.  —  Lb  Saix>n  des  Aqdabbllistes.  —  Une  nouvelle 

LWmM  DB  M.  BdLS.  —  La   QDBSnON  DES   MOSÉBS.  —  L'iNCIDENT  De 
BRàBEELBE».  —  PETITE  CHBONIQUE. 


A  PROPOS  DES  SEPT  PRINCESSES 

A  MAURICE  MAETERLINCK 

Comme  on  sort,  hagard,  d'ane  forêt  tragique,  pleine 
d'ombre,  aux  frondaisons  traversées  de  larges  coups  de 
lumière  descendus  du  ciel,  retentissante  des  clameurs 
des  iauves,  résonnante  des  notes  mélodieuses  d'oiseaux 
mystérieux  et  rares,  à  la  fois  bruyante  et  douce, 
effrayante  et  sereine,  —  ému,  je  m'évadais  du  troisième 
Tolame  de  cette  prodigieuse  correspondance  de  Gustave 
Flaubert,  en  laquelle  l'âme  tourmentée  du  grand  écri- 
vain solitaire,  délivrée  des  maniaques  liens  du  style  qui 
le  ligottaient  à  sa  principale  œuvre,  sublime,  Salammbô, 
aprta  des  heures  usées  pour  faire  cette  misère  :  une 
phrase!  un  Qioins  que  rien,  —  comme  un  torrent, 
comme  un  flux  de  sang  brûlant  répandait  en  une  lettre 
desUaée  à  l'obscurité,  à  l'oubli  peut-être,  plus  d'élans, 
d'enthonsiaame,  de  socs  virils,  de  sève  bouillante  qu'en 


des  pages  et  des  pages  pour  l'ingrat  et  stupide  public 
lecteur. 

Et  j'avais  la  tête  bourdonnante  des  invectives,  des 
brutalités  familières  à  ce  robuste  penseur,  prévoyant 
le  sort,  prophétisant  le  sort  de  l'artiste  livré  aux  bêtes. 

Et  ma  mémoire  machinalement  répercutait  ses  ana- 
thèmes  :  «  Cite-moi  l'œuvre  et  l'écrivain  de  quelque 
valeur  qui  n'ait  pas  été  déchiré.  Relis  l'histoire  et  remer- 
cie les  dieux  !»  —  «  Pourquoi  écrire  dans  un  ton  doux  j 
Soyons  féroces!  Versons  de  l'eau-de-vie  sur  ce  siècle 
d'eau  sucrée.  Noyons  le  bourgeois  dans  un  grog  à  onze 
mille  degrés  et  que  la  gueule  lui  en  brûle,  qu'il  rugisse 
de  douleur  !»  —  »  Frappons,  bousculons,  étripons  les 
abrutis  des  feuilletons.  Je  suis  ulcéré  contre  les  feuille- 
tounistes.  Quels  misérables!  " 

Et  je  tombai  sur  un,  deux,  trois  articles  que  ces 
abrutis  et  ces  misérables  avaient  régurgité  à  propos  des 
Sept  Princesses. 

Oh  !  la  joie,  l'intime  et  profonde  joie,  de  sentir  son 
âme  épurée  et  grandie  par  du  Flaubert,  au  diapason 
qu'il  faut  pour  que  vibre  en  elle  le  mépris  et  la  haine 
qu'il  faut,  à  l'odeur  de  telles  turpitudes,  à  moins  d'être 
un  dégénéré! 

Voici  une  œuvre  mystique,  saisissante  et  très  pure, 
d'un  pénétrant  symbolisme,  où  le  rôle  terrible  de  la 
Mort,  cet  éternel  ange  gardien  funèbre  préposé  au  ren- 
versement de  nos  joies  et  de  nos  espérances,  est  fan- 


i;i'i;r.-v.rr,^-;r'«l'r'5;»'i^>'    '!r#^ 


380 


L'ART  MÙDBRNE 


tastiquement  décrit  en  une  de  ses  plus  sombres  facéties  : 
la  destruction  d'un  héroïque  amour!  Une  œuvre  qui 
complétait  la  superbe  trilogie  de  l'invisible  et  invincible 
déesse,  commencée  par  l'Intruse  oti,  sournoise,  elle 
venait  la  noire  Kère,  cruelle  et  impassible,  mais  instinc- 
tivement pressentie,  briser  la  famille;  continuée  par 
les  Aveugles  où  elle  affirmait  son  impitoyable  pouvoir 
de  désespérer  les  faibles  et  les  infirmes.  Par  trois  fois, 
le  penseur,  le  poète,  s'attaquant  au  spectre  dominateur 
de  notre  triste  vie,  l'avait,  en  des  scènes  poignantes, 
en  des  suscitations  d'angoisse  et  d'effroi,  en  des  évoca- 
tions tremblantes,  fait  apparaître,  malgré  sa  traltreuse 
et  cachottière  allure  de  spectre  se  dérobant  et  frappant 
par  surprise.  Admirable  et  souveraine  puissance  de 
magicien  armé  du  don  d'appeler  et  de  contraindre  à 
sortir  de  ses  abîmes  l'esprit  des  ténèbres. 

Et  il  avait,  dans  ces  Sept  Princesses  raconté,  avec 
un  enveloppement  de  rêves  et  de  prestiges,  cette  sans 
cesse  renouvelée  histoire  du  grand  cœur,  un  royal 
cœur,  parti  pour  le  lointain  des  aventures  grandioses  et 
mystiques,  portant  partout  avec  lui  la  souvenance  et  le 
souci  d'un  bel  et  fort  amour,  et  revenant,  -  par  un 
sombre  canal  inflexible  -,  "  par  une  noire  campagne 
marécageuse»,  -sur  un  grand  navire  de  guerre», 
pour  retrouver  et  posséder  son  idéal,  sa  princesse,  sa 
princesse!  lui  criant  :  il  est  temps!  et  ne  trouvant 
qu'une  morte!  qui  ne  s'éveille  pas!  qui  ne  s'éveille  plus! 
'Trop  tard  !  fermé  !  fermé  !  rentré  dans  l'inconnu  impéné- 
trable qui,  de  son  opaque  cocon,  nous  enferme,  pauvres 
chrysalides. 

Cette  histoire  d'humanité  déchirée,  d'humanité  déchi- 
rante, a  été  mise  en  contact  avec  les  journalistes,  ces 
abrutis  (Flaubert),  avec  les  feuilletonnistes,  ces  miséra- 
bles (Flaubert).  Et  l'un  a  dit  :  M.  Maurice  Maeterlinck 
n'a  fait  aucune  évolution  nouvelle.  Et  un  autre  a  dit  : 
C'est  le  moment  de  rigoler  car  c'est  incompréhensible. 

Crétinisme  et  zwanze,  voilà  la  consigne. 

Nous  eussions  parlé  plus  tôt  des  Sept  Princesses,  si 
nous  n'avions  eu  le  pervers  désir  de  voir  d'abord  com- 
ment se  comporteraient  les  subalternes  qui  ont  assumé 
la  domesticité  de  présenter  les  plateaux  de  garçons  de 
café  sur  lesquels  ils  servent  au  public  leurs  consomma- 
tions littéraires  du  jour.  Ils  ont  fait  leur  tournée  et  ont 
touché  leur  pourboire.  En  habit  noir,  frigides  et  gla- 
bres, la  serviette  sur  le  bras,  ils  ont  distribué  aux  habi- 
tués et  aux  habituées  les  boissons  frelatées  de  leurs 
articles.  Maintenant  qu'ils  ont  fini,  on  peut  parler  avec 
la  joie  d'avoir  surpris  leur  incommensurable  sottise. 

Et  nous  disons  au  poète  :  Voici  que  très  froidement  on 
vous  salue,  ou  que  très  impertinemment  on  vous  conspue. 
Tant  mieux  !  Voici  que  les  cuistres  qui  éprouvent  un 
plaisir  infini  à  trouver  qu'un  esprit  supérieur  faiblit, 
proclament  que  les  Sept  Princesses  ne  valent  ni 
Maleine,  ni  l'Intruse,  ni  les  Aveugles.  Tant  mieux! 


Voici  qu'après  avoir  subi  l'écUirage  de  feQX  de  ben- 
gale  des  artificiers  de  la  presse,  tous  rentrez  dans  l'obs- 
curité I  Tant  mieux!  Rendes  gr&ce  au  sort  qui  vous 
retire  du  péril  immense  oti  topt  ce  cabotinage  tous 
entraînait.  Rentrez  dans  la  soiiîEde^tolnt&U^  pour  l'ar- 
tiste véritablerA  iàotivTsens,  vous  commenciez  à  être 
lu  par  trbp  de  monde.  Vous  n'6tes  pas  fait  pour  les 
banalités  du  succès.  Vous  n'êtes  point  de  ces  crus  qu'un 
gazetier  peut  déguster  et  classer.  Laissez  ces  buveurs 
de  piquette  qui,  s'emparant  d'un  mot  que  vous-même, 
en  votre  modestie  de  belle  &me  chantante  et  admirative 
des  gloires  Vayonnantes,  aviez  écrit,  ont  essayé  de  vous 
amoindrir,  criant,  le  doigt  tendu  et  le  rire  aux  dents  : 
Un  nouveau  Shakespeare  !  Fuyez  cette  tourbe.  Qu'elle 
vous  devienne  physiquement  intolérable.  Dites  comme 
Flaubert  :  •  J'en  pousserais  des  cris  !  »  Ecrivez  pour  le 
seul  plaisir  d'écrire,  pour  vous  seul,  sans  aucune 
arrière-pensée  d'argentj|U^  tapage. 

Ecoutez  I  c'est  encore  Flaubert  qui  parle  :  «  Tout  cède 
à  la  continuité  d'un  sentiment  énergique.  Tout  rêve  finit 
par  trouver  sa  forme.  Rien  ne  fait  mieux  passer  la  vie 
que  la  préoccupation  incessante  d'une  idée.  Folie  pour 
folie,  prenons  les  plus  nobles.  Il  faut  boucher  toutes  nos 
fenêtres  etallumerdes  lustres  dans  notre  chambre.  Seul 
comme  un  ermite  et  tranquille  comme  un  dieu!  Il  faut 
mettre  les  poings  aux  oreilles  et  continuer  son  œuvre.  » 

Et  il  ajoutait  ce  beau  mâle  et  cet  insolent  grand 
homme:  «Fou... -vous  de  l'azur  plein  les  yeux.  Les  jours 
de  pluie  et  d'em reviendront  assez  tôt.  » 


A  l'un  de  nous,  Maurice  Maeterlinck  a  écrit  la  curieuse 
lettre  que  voici  : 

Non  cher  MaItre, 

Quant  i  la  question  Shakespeare,  qu'en  dire?  Si  je  suis  un 
sin)ple  pasticheur  de  Shakespeare,  i  quoi  bon  qu'on  me  défende? 
Si  je  suis  antre  chose  que  cela,  ces  choses-lk  sont  toujours  recon- 
nues à  leur  jour  et  à  leur  heure  et  on  a  le  temps  de  ne  pas  s'en 
inquiéter.  Il  est  curieux  cependant  que  les  Anglais  qui  savent  leur 
Shakespeare  un  peu  mieux  que  les  Français  ou  les  Belges,  ont  tou- 
jours, —  il  propos  de  ce  nom  absurde  et  montagneux  de  u  Shakes- 
peare belge  »  dont  on  désirait  faire  mon  tombeau,  —  insisté, 
non  sur  l'inégalité,  ce  qui  serait  grotesque,  mais  sur  l'entière 
divergence  de  vision  et  de  tendances  ;  ils  ont  dit  que  je  procédais 
d'un  certain  Le  Fanu  (dont  j'ignorais  même  le  nom),  de  Webster, 
de  Musset,  etc.  Mais  vraiment,  c'est  trop  absurde,  c'est  comme 
si  je  voulais  prouver  que  je  ne  suis  pas  semblable  à  la  voie  lactée 
ou  au  soleil,  et  quelqu'un  qui  pourrait  pasticher  Shakespeare 
serait  tout  simplement  aussi  grand  que  lui,  car  la  caractéristique 
de  Shakespeare  est  tout  juste  qu'il  n'a  ptu  de  manière,  pas  plus 
que  la  mer,  une  forêt  ou  un  paradis;  il  est  organiquement  univer- 
sel, et  qui  parviendrait  k  l'imiter  n'aurait  pas  imité  un  poète  mais 
quelque  chose  de  plus. 

Tout  cela  k  propos  des  Sept  Princatetf  U  ne  faut  pas  qu'on 
attache  tant  d'importance  k  celles-ci  ;  c'est  une  simple  carte  de 
visite,  la  dernière  piécette  de  cette  petite  trilogie  de  la  mort  que 


L'ART  MODERNE 


381 


je  voudrais  elose  désormais.  J'ai  d'autres  projets  que  je  n'ai  pu 
mûrir  encore  :  (a  Beauté  dans  la  maùon,  la  Datinée  dan*  la 
maUon,  etc.,  une  espèce  de  théfttre  où  par  delà  les  caractères 
Uni  épnisës  je  voudrais  pouvoir  rendre  visibles  certaines  altitudes 
secrètes  des  êtres  dans  l'inconnu.  Pourtant  une  chose  m'inquiète  : 
ces  études  trop  spéciales,  trop  originales  même,  ne  vieillissent- 
elles  pu  plus  vite  qu'une  simple  étude  de  passions  générales  et 
nuesT  Peut-être.  Ainsi,  l'on  pourra  toujours  relire  Shakespeare  et 
Racine.  Mais,  dans  quelque  vingt  ou  soixante  ans,  pourra-t-on 
supporter  encore  la  lecture  d'Ibsen,  par  exemple? 

Tout  cela  me  trouble  et,  pour  le  moment,  je  travaille  à  un 
drame  simplement  et  banalement  passionnel,  afin  de  me  tran- 
quilliser et  peut-être  aussi  parviendrai-je  ii  détruire  ainsi  celle 
étiquette  de  poète  de  la  terreur  qu'on  me  colle  sur  le  dos.  On  ne 
verra  que  cela  dans  le$  Sept  Princesses, 'a\on  que  j'ai  fait  tous 
mes  efforts  pour  n'en  pas  y  mettre,  et  y  mettre  tout  autre  chose. 
Mais  voilft,  le  baptême  a  eu  lieu... 

Pardonnez-moi,  mon  cher  Maître,  cette  longue  et  incohérente 
lettre  écrite  en  bAte  terrible  et  laissez-moi  vous  remercier,  une 
fois  de  plus  et  du  fond  du  cœur,  de  toute  votre  boulé. 

f  i' T^ '/o  ^  à^  e    ^  Maurice  M AETERLiNCi. 


Si  parmi  les  jeunes  hommes  de  ce  temps,  certains,  mécontents 
de  l'allure  intrinsèque  des  choses,  réfugient  leur  rêve  dans  les 
poèmes  et  les  fictions,  soit  aussi  dans  la  science  pure,  et  pensent 
que  leure  idées,  communiquées  par  la  simple  forme  du  livre, 
vivront  et  engendreront  par  leurs  vertus  d'existence  et  de  vérité, 
d'autres  estiment  que  le  littérateur  ou  le  savant  se  doit  mêler  ii  la 
vie  ambulante  du  monde,  qu'il  y  faut  et  parler  et  agir,  et  que 
l'homme  de  pensée  peut  et  doit  participer  aux  pouvoirs  publics 
d'une  époque  en  transformation,  pour  être  prêt  et  en  situation  de 
donner,  lors  de  l'éclosion  d'un  ordre  de  choses  nouveau,  les 
conseils  de  l'homme  de  pensée. 

.  M.  Maurice  Barrés,  de  par  le  talent  que  l'on  constate  dans  ses 
livres,  aussi  par  le  fait  même  de  sa  présence  au  Parlement,  est  le 
représentant  autorisé  de  ceux  qui  pensent  que  l'action  est  bien  la 
sœur  du  rêve.  M.  Barrés  a  été  prophète  en  son  pays,  et  double- 
menl,  puisque  c'est  son  pays  natal  lui-même  qui  l'a  élu,  le  pré- 
férant, en  ce  jour,  i  un  ancien  ministre  des  partis  autoritaires  en 
France.  Ce  fut,  pour  le  jeune  député,  double  triomphe  ei  il  lui 
plut  fort,  je  crois,  qu'à  Nancy,  ville  d'université,  ville  en  face 
l'Allemagne,  ville  où  les  problèmes  sociaux  et  politiques  sont 
envisagés  d'une  manière  toute  spéciale,  il  fut  préféré,  pour  la 
jeunesse  de  ses  idées,  i  un  homme  rompu  à  l'expédition  des 
affaires.  Aussi  ce  fait  est  symplomalique,  qu'au  succès  de  son 
élection  participèrent  autant  que  les  éléments  de  rénovation 
éveillés  autour  du  général  Boulanger  par  l'élasticité  de  ses  pro- 
messes, le  succès  de  sa  parole  et  de  sa  présence  parmi  les 
groupes  d'étudiants  qui  vivent  en  cette  ville. 

Aussi  M.  Barrés  s'adressa  volontiers  à  cet  ordre  de  jeunes  gens, 
qu'on  appelait  autrefois  la  jeunesse  des  écoles.  Son  lecteur  ou 
auditeur  doit  connaître  ses  humanités,  être  au  courant  même  de 
ces  existences  dont  les  écrivains  actuels  sont,  à  différents  titres, 
soucieux.  Les  Stendhal,  Benjamin  Constant,  Laclos  de  Choderlos, 
Paul-Louis  Courier  et  Baudelaire,  c'est  à  ceux-ci  dans  le  passé 
que  M.  Barrés  a  demandé  conseil  pour  trouver  l'heureuse  fusion 


de  la  pensée  et  de  l'action,  et  c'est  ceux-ci  que  ses  livres  aussi, 
comme  en  de  mentales  conversations,  évoquent. 

Aussi  cite-l-il  Loyola,  et  non  sans  un  certain  dandisme  littéraire 
s'amuse-t-il  k  aimer  ce  chef  d'apostolat,  réservant  les  idées 
pures  pour  un  groupe  d'initiés,  et  n'en  donnant  au  populaire 
que  l'aspect  extérieur  et  mécanique;  l'idée  d'un  chapelet  socia- 
liste ne  paraîtrait  i  M.  Barrés  nullement  improbable. 

Au  courant  de  ses  causeries,  il  parle  de  MM.  Lavissc  et  de 
Vogué,  qu'il  considère  comme  des  maîtres  de  la  jeune  génération. 

On  peut  contester  l'opportunité  du  rôle  de  M.  Lavisse  et  de 
M.  de  Vogué;  en  nier  l'importance  serait  vain;  le  nom  de 
M.  Lavisse  est  intimement  mêlé,  en  France,  à  l'hisloire  des 
réformes  universitaires  au  lendemain  de  70.  M.  Lavissc  fut  un  de 
ceux  qui  réclamèrent  énergiquemeni  des  modifications  à  l'outil, 
déjà  cinquantenaire,  de  l'instruction  publique  en  France  ;  il  vou- 
lut aussi  s'enquérir  historiquement,  et  surtout  par  les  procédés 
créés  par  le  grand  Michelel,  des  solidités  de  puissance  de  l'Alle- 
magne. M.  de  Vogué  fut  l'apôtre  du  roman  russe,  en  France, 
et  ainsi  contribua  à  un  mouvement  d'idées,  si  puissant,  que  le 
naturalisme,  alors  maître  et  seigneur,  en  fut  et  demeura  fêlé  ; 
depuis  M.  de  Vogué  patronne,  sous  la  coupole  académique,  les 
arts  du  Chat  Noir,  et  complique  son  œuvre  de  celte  nuance  de 
facile  dilettantisme,  qui  est  si  vague  fleur  à  la  vague  boutonnière 
de  H.  Jules  Lemaltre. 

«  • 

Mais  si  M.  Barrés  cite  MM.  Lavisse  et  de  Vogué  avec  prédilec- 
tion, je  suppose  qu'il  pense  fort  à  d'autres  qui  furent  aussi  des 
écrivains  mêlés  à  l'action.  M.  Berthelot  certainement,  et  plus 
dans  le  passé,  un  passé  qui  est  d'hier,  Thiers  et  Guizot  le  préoc- 
cupent, et  ^ssi  bien  Disraeli. 

Concurremment,  M.  Maurice  Barrés  aime  et  défend  Bourget,  le 
Bourget  auteur  du  Disciple,  soucieux  du  rôle  de  sa  génération  et 
se  demandant,  en  cette  préface  du  Disciple,  préface  supérieure 
au  livre,  et  peut-être  jusqu'à  ce  jour  sa  meilleure  page,  quel  est 
le  rôle  de  l'écrivain  dans  sa  patrie,  alors  surtout  que  celte  patrie 
fut  blessée. 

Encore  M.  Barrés  s'est  préoccupé  de  Michelet,  de  Taine, 
et  généralement  l'on  peut  dire  qu'il  est  issu  plutôt  des  philosophes 
et  des  historiens,  que  des  poètes  et  des  rêveurs  des  précédentes 
générations. 

Sous  l'œil  des  barbares.  Un  homme  libre,  Le  jardin  de  Bérénice 
et  à  côté,  en  fantaisie.  Huit  jours  chez  M.  Renan  et  Trois  sta- 
tions de  psychothérapie,  l'œuvre  de  M.  Barrés;  causés  avec  le  plus 
grand  soin,  et  une  méticuleuse  et  éloquente  parole,  plulôl 
qu'écrits,  ces  livres  présentent  et  patronnent  une  doctrine  philo- 
sophique simple  et,  diraient  des  mathématiciens,  élégante. 

Cultiver  son  moi,  se  considérer  comme  un  terroir  de  phéno- 
mènes psychiques,  que  l'on  peut  embellir  par  de  l'attention 
apportée  à  perfectionner  ses  qualités  mentales,  et  émonder  ses 
défauts;  être  instruit  du  passé  et  au  courant  de  toute  idée  nou- 
velle; être  suffisamment  dileltante  pour  ne  point  persévérer  en 
d'impratiqufs  idées;  aimer  son  moi  et  examiner  avec  conscience 
le  moi  de  son  prochain,  hygiéniscr  les  détails  de  la  vie  et  pour- 
suivre logiquement  un  but  final,  donl  la  recherche  même,  plus 
querobtenlion,  décore  esthétiquement  l'allure  de  la  vie,  telle  est 
la  théorie  de  vivre  que  nous  présente  M.  Barrés.  Si  le  sceptique 
doit  penser  qu'en  réalité  rien  ne  vaut  la  peine  d'être  conquis,  il 
doit  en  même  temps  se  prouver  que  tout  peut  l'être. 

L'homme  quel  qu'il  soit  est  fait  pour  l'action,  et  le  vide  de 


c 


■^^'■■'■yp --v.r^~-;^i'---^^ 


382 


L'ART  MODERNE 


1 


l'existence,  il  le  doit  parer  pour  lui-même;  rechercher  c'est  créer; 
et  en  conséquence  M.  Barrés  tente  d'agir  et  de  persuader,  comme 
les  poêles  tentent  de  rêver  et  d'ajouter  au  patrimoine  de  légendes 
et  d'images  de  leur  race.  De  même  que  les  poètes  recherchent  avec 
soin  des  moyens  d'expression  et  de  technique  propres  à  la  bonne 
traduction  de  leurs  utopies,  et  à  leur  fixation  sous  forme  Irans- 
porlable  et  communicable,  M.  Barrés  recherche  les  outils  qui 
permettront  au  penseur  homme  d'action  d'agir  et  de  persuader. 

En  sa  conférence,  après  avoir  brièvement  indiqué  par  quelques 
exemples  !i  quelle  famille  d'esprit  il  aime  à  dédier  sa  mémoire,  il 
passe  en  revue  les  modes  d'action  du  penseur.  Le  livre  est-il  suf- 
fisant? Non,  car  le  livre  ne  persuade  que  des  initiés;  le  livre 
qu'on  prend,  qu'on  quitte,  sur  lequel  de  basses  volontés  peuvent 
avec  un  peu  d'entente  faire  le  silence,  le  livre  toujours  trop  long, 
empêtré  dans  des  nécessités  d'explications,  ne  s'adresse  qu'k  une 
élite,  et  de  par  son  public  des  malévolents  jugent  par  milliers  ;  le 
livre  n'est  donc  qu'un  répertoire  d'idées  pour  les  égaux  et  les 
futurs  égaux;  il  n'agit  sur  les  humbles  qu'après  des  temps 
écoulés. 

L'enseignement  !  A-t-on  le  droit,  en  croyant  armer  de  jeunes 
cerveaux,  de  leur  communiquer  une  nourriture  mentale  excessive; 
doit-on  propager  les  théories  généralement  nihilistes  des  récents 
génies  à  des  cervelles  qui  ne  comprendront  jafnais  les  correctifs 
nécessaires  de  ces  théories,  l'amour  de  lotion,  l'amour  du  pro- 
chain, l'amour  de  l'élégante  preuve  et  de  la  solide  démonstration? 
C'est  chanceux  et  hasardeux,  et  soit  par  des  crises  d'âmes  indivi- 
duelles, soit  des  jours  de  révolution,  les  idées  des  penseurs, 
jetées  en  des  cervelles  mal  défrichées,  peuvent  se  revêtir  de  sin- 
gulières apparences  et  leurs  démonstrations  subir  de  singuliers, 
sinon  criminels  corollaires  ;  donc  le  penseur  ne  peut  ni  unique- 
ment se  fier  au  livre  et,  éducateur,  il  doit  proportionner  sa 
manne  à  la  débilité  de  qui  il  instruit. 

Dans  un  article  du  Figaro,  M.  Barrés,  expliquant  et  commen- 
tant une  discussion  de  la  Chambre  française,  expliquait,  avec 
esprit  et  agrément,  ses  idées  sur  la  parfaite  inutilité  de  débattre 
des  modes  d'enseignement.  Cependant  que  M.  Joseph  Reinaeh, 
qui  est  un  politicien  et  un  critique  des  choses  militaires,  récla- 
mait pour  les  nourrissons  le  droit  à  la  connaissance  du  Promé- 
ihée  délivré  et  du  de  Nalura  rerum,  que  d'autres  voix  autorisées 
voulaient  adjuger  à  la  même  classe  de  privilégiés,  plutôt  des 
notions  de  Gœthe  ou  de  Shakespeare,  M.  Barrés  indiquait,  qu'en 
somme  il  importait  peu  :  qu'il  fallait  donner,  à  ces  malheureux 
lycéens,  des  bibliographies,  des  renseignements,  un  choix  judi- 
cieux d'extraits  de  tout,  et  que  c'est  assez  tôt,  pour  l'homme  de 
dix-huit  ans,  de  connaître  et  d'évoquer,  dans  son  locatis  de  dix- 
huit  ans,  les  grandes  ombres  et  les  féeries  des  hautes  apparitions. 

Donc,  si  pour  agir  sur  autrui,  écrire  n'est  pas  suffisant  et 
enseigner  peut  être  dangereux,  si  se  presser  de  communiquer  il 
de  jeunes  cervelles  des  vérités  est  hasardeux,  mieux  vaut  parler 
aux  hommes  faits  et  légiférer. 

De  lit,  le  rôle  de  M.  Barrés,  romancier  pour  les  écrivains, 
journaliste  pour  divulguer  des  idées,  député  pour  représenter  des 
similaires  et  conférencier  pour  persuader  directement. 

Que  la  foi  philosophique  de  M.  Barrés  donne  toutes  solutions 
pour  les  problèmes  actuels  et  les  difficultés  permanentes,  non; 
personne  au  monde  d'ailleurs  ne  peut  avoir  cette  prétention; 
qu'elle  soit  pour  toute  une  classe  d'esprits  distingués  un  suffisant 
bréviaire,  ou  tout  au  moins  un  guide  intéressant,  certainement 
oui.  Aussi  faut-il  avoir  gré  à  cet  écrivain,  de  trancher  sur  la 


monotonie  actuelle  ;  les  écriTaim ,  Ie6  vraïa  poètes  et  tDisi  les 
rhéteurs,  ont  été  toujours  trop  lentéi,  et  surtout  par  notre 
époque,  de  se  considérer  comme  le  centre  du  moqde. 

Autour  dlnsoffisaats  nombrils,  une  insufisanle  circulation  de 
mondes  en  efBgies.  Il  éuil  bon  qu'un  lellré  t'aperçut  de  l'action 
et  y  réussit. 

Gdotate  Kabn. 

LE  SAION  DES  AQUARBLUSTES 

Très  nettement  la  classification  s'éUblil,  aux  Aquarellistes,  des 
œuvres  jolies,  anecdotièrement  tracées  en  quelques  coujSs  de  pin- 
ceau habiles,  et  des  œuvres  de  style  qui  vont  au  delà  du  «  coin 
de  nature  vu  it  travers  un  tempérament  ». 

Le  référendum  ouvert  par  nous  Tan  dernier,  et  qui  fil  quelque 
bruit,  affirma  que  la  technique  infiniment  souple  et  variée  de  la 
peinture  i  l'eau  n'exclut  aucune  expression  d'art.  Pratiquement,  les 
peintres  interrogés  appuient  leurs  dires  de  flagrants  exemples.  Et 
tandis  que  dans  la  première  catégorie,  dans  celle  des  prime-sau- 
tiers  lavis,  se  rangent  les  pimpantes  aquarelles  des  Stacquet,  des 
Uytterschaul,  des  Binjé,  des  Hagemans,  des  Titz,  des  Cassiers,  des 
Claus  (qu'on  pourrait  dénommer  :  aquarellistes  sans  phrases), 
dans  la  seconde  s'érigent  quelques  concepts  d'un  ordre  plus 
élevé,  reflétant  une  pensée  et  pénétrant  plus  profondément  dans 
le  cœur  et  dans  le  cerveau  du  visiteur.  Tels  :  les  suggestifs  dessins 
de  Mellery,  TOffrande  et  surtout  Une  fleur  morte  de  Femand 
Kbnopff,  les  Barque*  de  pMie  de  Constantin  Meunier,  Novembre 
et  Lumière  d'Albert  Besnard. 

Dans  ces  compositions  de  grande  allure,  le  procédé  s'efface, 
l'art  se  dresse,  dépouillé  de  son  enveloppe  malérielle. 

L'offrande — fleur  rare  tendue  au  buste  de  la  Femme  inconnue 

—  est  toute  dans  un  geste,  —  ^te  d'une  suprême  noblesse  et 
d'un  impérieux  vouloir,  accentué  par  l'expression  résolue  d'un 
visage  où  se  mêlent  l'espoir  et  la  souffrance.  Une  fleur-morte  — 
lys  symbolique  retenu  d'un  bras  crispé  —  n'est  qu'une  attitude, 

—  attitude  de  douloureuse  résignation  et  de  défense,  encore, 
malgré  l'irrémédiable  flétrissure.  Mais  ce  geste,  mais  cette  attitude 
restent  dans  la  mémoire,  définitifs.  Ils  déterminent  l'indéfinissable 
frisson  que  seule  provoque  l'œuvre  d'art.  Ils  plongent  au  plus 
profond  de  l'ftme.  Us  en  font  jaillir  une  émotion  artistique  : 
angoisse,  pitié,  et  dès  lors  conquièrent  irrésistiblement. 

Un  paysage  :  Fin  de  jour,  exacte  notation  de  l'heure  indécise 
qui  baigne  de  clartés  douteuses  de  vieux  murs  de  ferme,  une 
eau  limpide,  et  plus  loin,  dans  des  feuillages,  la  façade  d'un  chA- 
lean  enveloppé  de  silence,  complète  l'envoi  de  Femand  Kbnopff, 

—  son  premier  envoi  ti  la  «  Société  royale  ». 

Les  compositions  de  Mellery,  nous  parlons  de  ses  projets  de 
diplômes  pour  associations  ouvrières,  s'affirment  :  sculpturales. 

Dans  ces  œuvres  purement  allégoriques,  l'artiste  s'élève  au- 
dessus  de  toute  banalité  et  son  art  précis,  d'une  merveilleuse 
pureté  de  style,  sollicite  le  praticien.  Nul,  mieux  que  lui,  n'a  le 
secret  des  rayonnantes  nudités,  des  pouvemenls  amples  et 
gracieux.  Relié  aux  traditions  de  la  Renaissance  italienne  dans 
ses  compositions  décoratives,  il  est,  dans  tes  dessins,  moderne 
et  d'une  personnalité  plus  accentuée.  Exemples  :  son  portrait  et 
Vintériatr  charmant  qu'il  cimaise  ii  côté  de  set  diplômet. 

Novembre,  de  M.  Albert  Besnard,  e'esl,  en  des  colorations 
fanées,  un  buste  de  jeune  fille  aux  chairs  mortes,  jux  inùts  fati- 
gués. Lumière,  du  même,  resplendit  de  carnations  fraiehet,  de 


pssss.îîf?*';'- 


L'ART  MODERNE 


383 


sang  h  fleur  de  peau,  de  rubéniejiqe  unie.  Il  y  a  dans  le  geste, 
dans  le  modelé  du  lone,  une  volupté  rare.  L'art  éclate  dans  ces 
deux  œuvres,  —  moins  profond,  moins  concentré  que  dans  celles 
dont  nous  venons  de  parler,  mais  avec  une  intensité  inaecoulumée 
qui  nous  fait  priser  haut  ces  morceaux  de  peinture  savoureuse 
cl  belle. 

Des  deux  Meunier,  nous  préférons  lu  Barques.  Ici  encore, 
c'est  un  grandissement  indéniable  de  l'épisode.  Ce  qui  requiert, 
ce  n'est  pas  la  barque  de  pèche,  ce  n'est  même  pas  l'adorable 
figure  de  jeune  fille  adossée  au  mftl.  La  rude  vie  du  marin,  l'in- 
flexible devoir  qui  le  pousse  au  large,  l'incessante  lutte  avec  la 
Grande  mystérieuse  se  dressent  dans  la  pensée,  fatalement,  obs- 
tinément, quand  on  contemple  ce  bout  de  wbatman  griffé  et 
taché.  Dites,  lorsque  vous  regardez  les  jolis  bateaux  de 
M.  Uytlerschaut,  si  joliment  dessinés  et  lavés,  ces  impressions 
naissent-elles  en  vous? 

El  pourtant,  il  serait  injuste  de  méconnaître  à  M.  Uyiterschaut 
une  virtuosité  rare,  un  savoir  faire  de  premier  ordre.  Les  huit 
grandes  aquarelles  qu'il  aligne  —  barques  échouées,  maison- 
nettes de  pécheurs,  siies  de  la  Hollande  ei  du  Brabant  —  sont 
toutes  enlevées  avec  un  brio,  un  chic,  une  entente  des  procédés 
qui  le  classent  parmi  les  meilleurs  water-coloristes. 

N.  Uytlerschaut  se  produit,  en  outre,  comme  professeur  :  son 
jeune  élève,  H.  Georges  de  Burlet,  fils  du  Ministre  de  l'intérieur, 
débute,  aux  côtés  de  son  maître,  par  quatre  aquarelles  qui 
décèlent  des  dispositions  exceptionnelles  et  un  sentiment  délicat 
des  colorations.  (A  suivre.) 

jm  mmiu  lettre  de  h.  buls 

Bmzsllea,  le  19  norembre  1891. 
HOHSnCR  L'ADMnnSTKATEini, 

En  parcourant  les  numéros  de  l'Art  moderne  parus  pendant 
mon  congé,  j'y  ai  trouvé  une  nouvelle  lettre  de  votre  correspon- 
dant D.,  donnant  des  indications  un  peu  plus  précises  sur  le  fait 
que,  dans  votre  numéro  du  19  juillet  dernier,  il  qualifiait  de  bévue 
de  nos  adminislrateuri. 

rtà  TOnlu  en  avoir  le  coeur  net  et  j'ai  fail  pousser  l'enquête  i 
fond.  Voici  ce  qu'elle  a  produit  : 

«  Les  deux  vases  que  possède  M.  Vander  Donck  ont  été  vendus 
i  celui-ci  en  1890  par  M.  Cools,  antiquaire,  rue  du  Gentilhomme, 
lequel  les  a  achetés,  en  1883,  d'un  brocanteur  qui  est  venu  les 
loi  offrir  comme  provenant  d'une  maison  démolie  Grand'Place. 

«  La  seule  maison  démolie  Grand'Place,  depuis  mon  entrée  it 
l'HAlel  de  ville  (1847),  est  celle  dénommée  l'EloOe,  formant 
l'angle  de  la  rue  de  l'Hôtel-de-ville.  Cette  démolition  a  eu  lieu 
en  185S. 

«  Le  dessin  exécuté  en  1739  de  la  façade  de  celte  maison, 
déposé  an  Muiée  communal,  ne  porte  aucune  indication  de  vase. 

«  La  Ville  n'a  jamais  fait  d'offre  pour  acheter  les  vases  visés. 

«  Si,  comme  le  dit  l'aulenr  de  la  lettre  adressée  à  M.  l'Admi- 
niatrateor  de  l'Art  moderne,  eeruins  vases  manquent  k  l'appel 
au-deiaas  des  toitures,  notamment  à  une  maison  voisine  de  celle 
de  M.  Van  Neek  (k  son  avis,  c'est  méihe  celte  maison-lk  qu'ils  ont 
ornée  jadis),  je  fais  remarquer  que  les  maisons  voisines  de  celle 
de  H.  Vu  Neelt,  disposées  entre  les  rues  de  la  Colline  et  des 
Harengs  (reconstruites  en  1696  et  1697,  sauf  deux  qui  sont 
modernes),  ne  sont  frappées  d'aucune  servitude  et  qu'il  est 


parfaitement  libre  aux  propriétaires  de  les  démolir  soit  entière- 
ment, soit  partiellement,  et  partant  de  disposer  à  leur  gré  des 
matériaux  qui  les  composent. 

a  En  tous  cas  je  ne  me  rappelle  pas  qu'une  opération  de  ce 
genre  se  soit  produite  depuis  mon  entrée  au  service  des  travaux 
publics,  n 

Votre  correspondant  reconnaîtra  qu'il  s'est  avancé  un  peu 
légèrement  et  qu'il  n'y  a  eu  aucune  bévue  commise  par  l'Adminis- 
tration communale,  e.  q.  f.  d. 

Agréez,  Monsieur  l'AdminisIraleur,  l'assurance  de  ma  considé- 
ration distinguée. 

Le  Bourgmestre, 
Buls. 

La  lettre  de  M.  Buis  dégage  sa  responsabilité,  évidemment.  El 
nous  ne  pouvons  que  le  féliciter  de  l'enquête  qu'il  a  fait  faire  à 
la  suite  de  nos  réclamations,  —  attitude  qui  contraste  si  belle- 
ment avec  celle  de  la  Commission  des  beaux-arts. 

Nous  savons  maintenant  exactement  d'où  viennent  les  vases  de 
H.  Vander  Donck.  Ils  viennent,  comme  nous  l'avions  dit,  des 
maisons  voisines  de  celle  de  M.  Van  Ncck,  au  coin  de  la  rue  des 
Harengs,  lesquelles  ne  sont  frappées,  d'après  H.  Buis,  d'aucune 
servitude  et  dont  le  propriétaire  est  libre  de  disposer  à  son  gré.  On 
aura  fail  une  démolition  parlielle  consistant  dans  la  descente  des 
trois  vases  dont  on  voit  parfaitement  la  place,  le  socle,  au-dessus 
delà  façade.  Deux  de  ces  vases  sont  chez  M.  Vander  Donck  : 
celui  du  milieu  et  un  de  côlé.  Cela  est  incontestable.  Ils  ont  un  air 
de  famille  typique  qui  les  appareille  aux  autres  vases  qui  surmon- 
tent quelques  façades  de  la  Grand'Place.  Aux  dires  d'experts, 
que  nous  avons  consultés,  il  n'existe  pas  d'autres  objets  de  ce 
modèle  et  leur  origine  n'est  pas  douteuse.  Il  est  déplorable, 
pour  l'aspect  de  la  place,  qu'ils  manquent  ^  l'appel. 

Donc,  (nous  ne  pouvions  savoir,  d'ailleurs,  qu'il  n'y  eût  pas  de 
servitude  sur  ces  maisons  et  que  l'adminislralion  n'y  eût  rien  a 
dire),  si  la  bévue  devient  un  accident  regrettable,  du  côlé  de  notre 
correspondant  il  n'y  a  pas  non  plus  de  renseignements  dénués  de 
fondement,  comme  M.  Buis  le  croyait  dans  une  lettre  précédente. 

Une  bonne  solution  :  que  M.  Vander  Donck  donne  ou  lègue  a 
la  Ville  les  deux  vases  au  sujet  desquels  on  polémique  avec  tant 
de  courtoisie  et  avec  une  si  nette  volonté  de  bien  faire  ! 


LA  QUESTION  DES  MUSÉES 

MoMSiECR  LE  Directeur  de  l'Art  moderne, 

La  campagne  que  vous  menez  contre  la  Commission  des  musées 
est  utile. 

Je  liens  &  y  apporter  une  modeste  pari. 

Au  Musée  ancien  se  trouve  un  tableau  de  Gerrit  et  Job  Berk- 
heyde  :  Une  rue  de  Harlem  (dans  la  grande  salle  précédant  celle 
des  gothiques).  On  voit  au  Musée  San  Donalo  un  tableau,  égale- 
ment de  Gerrit  et  Job  Berkbeyde,  intitulé  :  Place  du  Marché  à 
Harlem.  Les  deux  toiles  sont  identiques,  si  ce  n'est  que  sur  le 
tableau  de  la  Galerie  San  Donalo  se  trouve  en  plus  un  homme 
conduisant  un  cheval  et  que...  les  titres  diffèrent. 

Le  catalogue  du  Musée  ne  m'a  pas  éclairé  sur  ce  fail,  c'est 
pourquoi  je  vous  le  soumets. 

Agréez,  Monsieur,  l'expression  de  ma  grande  admiration. 

Unus  ex  Vulgo. 


384 


L'ART  MODERNE 


Bruxelles,  le  15  noTembra  1891. 

MoNSKCB  LE  Rédactcuk  be  tA  Tt  modertu. 

Vous  avez  parlé  récemmeot  de  l'orgaDisaiioD,  des  acbais  et  des 
leodances  de  la  Bibliothèque  des  estampes  de  Bruxelles. 

Il  me  semble  qu'il  senit  indispensable  de  faire,  dans  quelques 
salles  du  rez-de-chaussée,  une  exposition  publique  et  permanente 
des  plus  beaux  exemplaires  de  la  gravure.  Il  y  aurait  une  salle 
pour  les  anciens  et  une  salle  pour  les  modernes.  Les  estampes  qui 
ont  un  caractère  archéologique  seraient  d'un  côté  et  celles  qui 
ont  un  caractère  artistique,  de  l'autre.  A  l'aide  de  vitrines-tour- 
nantes, on  pourrait  en  placer  un  grand  nombre  et  changer  pério- 
diquement la  collection  exposée. 

Il  ne  suffit  pas  d'avoir  300,000  estampes  dans  des  cartons. 
Il  faut  les  exposer,  de  façon  que  le  public  prenne  goût  k  cet  an 
trop  abandonné. 

Ce  n'est  qu'en  les  montrant  qu'il  peut  acquérir  ce  goût. 
Beaucoup  de  bibliolhèques  étrangères  en  agissent  ainsi,  et.  entre 
autres,  la  Bibliothèque  des  Offices  i  Florence. 

Il  parait  que  l'on  approprie  diverses  salles  qui  doivent  recevoir 
les  plus  beaux  spécimens  de  la  Bibliothèque  de  Bourgogne.  C'est 
parfait  et  nne  semblable  mesure  devrait  être  prise  pour  les  col- 
lections des  cartes  et  plans,  pour  les  autographes,  pour  les 
médailles,  en  prenant,  sans  doute,  toutes  les  précautions  néces- 
saires, et  pour  les  livres  imprimés  les  plus  curieux  et  les  plus 
anciens. 

Il  devrait  en  être  de  même  an  Dépôt  des  archives  qni  est, 
comme  on  sali,  un  des  plus  précieux  de  l'Europe.  Les  pièces  les 
plus  intéressantes  devraient  être  exhibées  et  cousiilner  l'histoire 
de  l'écriture.  Cela  donnerait  peut-être  le  goùl  de  la  paléographie, 
science  presque  ignorée  en  B<>lgique. 

En  un  mot,  on  devrait  ouvrir  au  public  les  collections  natio- 
nales. Acluellemenl  elles  ne  5er\enl  qu'à  quelques  privilégiés. 

Il  est  k  remarquer  qu'à  Londres,  notamment,  où  la  fouie  qui 
fréquenle  journellement  les  musées  est  si  nombreuse,  tont  est 
exposé  largement  ;  mii^scriis,  estampes,  cartes,  livres  rares,  etc., 
sous  une  surveillance  rigoureuse. 

Agréez,  Monsieur  le  Rédacteur,  mes  salutations  distinguées. 


Lli\ClDE.\T  DE  BRAEKELEER 

Nous  avons  reçu  la  lettre  suivante  : 

Bruxelles,  le  19  noTcmbre  1891. 

Non  cher  CoNmfcRE, 

Aujourd'hui  seulement,  on  me  communique  des  journaux 
d'Anvers  dans  lesquels  je  lis  que  M.  l'échevin  Gils,  qui,  la  semaine 
passée,  présidait  une  des  séances  du  Conseil  communal  de  la  ville 
d'Anvers,  chargé  d'annoncer  officiellement  à  ses  collègues  le  don 
du  buste  de  Henri  De  Brackeleer  par  M.  l'échevin  Van  den  Nesl, 
s'est  exprimé  en  ces  termes,  faisant  allusion  au  discours  que  j'ai 
prononcé  à  la  manifestation  De  Braekeleer  : 

u  On  s'est  plu,  à  cette  occasion,  à  créer  une  légende  malveil- 
veillante  en  attri)>uant  la  mort  prématurée  du  peintre  au  découra- 
gement et  à  ràl>andon  ! 

a  Au  nom  du  sentiment  artistique  si  vivace  dans  notre  cité,  je 
proteste  contre  cet  calomnuf  venues  du  dehors  ! 

«  Nal  plus  que  ses  concitoyens  n'a  apprécié,  de  son  vivant, 


l'immense  talent  de  Henri  De  Braekeleer;  il  eat  de  ceoz  qni  ont 
en  le  bonbenr,  li  envié  det  artistes,  de  voir  nne  de  ses  meilleures 
œnvres.  Le  Looiihmit,  acquise  pour  notre  Musée  oO  elle  6gnre 
depuis  t8M  et  témoigne  de  la  menreillease  puissance  de  coloris 
dn  maître.  Faut-il  rappeler  aussi  que  le  Conseil  communal  d'An- 
vers a  décerné  a  Henri  De  Braekeleer  une  médaille  d'or  frappée  en 
son  honneur  à  U  suite  de  ses  succès  k  l'Exposition  d'Amsterdam. 
Cet  honneur,  jusque  lors,  n'était  échu  qu'à  notre  illustre  Henri 
Leys. 

«  L'hommage  posthume  que  nous  lui  arons  rendu  réeemmept 
n'est  donc  pas  une  réparation,  comme  on  l'a  dit,  mais  nne  affir- 
mation nouvelle  de  notre  admiration. 

■  Telle  a  bien  été  la  pensée,  j'en  ai  la  conviction,  de  l'ami  des 
arts  qui  a  doté  notre  Musée  du  buste  de  Henri  De  Braekeleer.  » 

Permettez-moi,  en  toute  confjratemilé,  d'oser  des  colonnes  de 
votre  journal  pour  répondre  par  des  affirmations  catégoriques  k 
ces  observations. 

Tout  d'abord,  c'est  par  déférence  ponr  M.  l'échevin  Van  den 
Nesl,  qni  avait  joint  ses  instances  k  celles  du  cercle  VBuor,  que 
j'ai  accepté  de  parier  k  la  manifestation  Henri  De  Braekeleer. 

Lorsque  M.  l'échevin  Van  den  Nest  a  fait  foire  auprès  de  moi 
des  démarches  pour  me  décider  k  prendre  la  parole,  il  n'ignorait 
pas  combien  était  grand  le  dégoût  que  m'inspire  la  conduite  de 
certains  poociCs  plus  on  moins  artistes  d'Anvers. 

Mes  attaques,  mes  déclarations  sincères  et  lojrales,  n'obt  visé 
que  certains  de  ces  «  artistes  de  mardi-gras  »,  k  la  figure  et  k  l'opi- 
nion changeantes  d'après  les  circonstances,  qni,  après  avoir  bafoué 
De  Braekeleer  pendant  sa  vie,  ont  en  le  cynique  courage  de  venir 
par  leur  présence  k  la  manifestation  le  louer  après  sa  mort.  Mes 
critiques  n'ont  visé  que  ceux-lk  seuls  !  Les  vrais  artistes  anversois 
qui  assistaient  k  la  manifestation  ont  compris  k  qui  s'adressaient 
mes  reproches  et  ils  n'ont  pas  hésité  k  les  approuver  de  la  manière 
la  plus  absolue  ;  cette  approbation  me  suffit  ! 

Le  seul  reproche  qu'on  poisse  me  faire,  c'est  d'avoir  dit  la 
vérité.  J'aurai  l'occasion  de  la  répéter  k  Anvers  même,  dans  la 
conférence  que  je  suis  invité  k  y  donner. 

Je  maintiens,  faffirme  et  je  prouverai  que  le  peintre  Henri  De 
Braekeleer  est  mort  de  misère  au  milieu  de  ses  compatriotes,  que 
pendant  tonte  sa  vie  il  n'a  été  l'objet  que  d'attaques  malveillantes 
de  la  part  de  certains  personnages  malheureusement  influents,  et 
dont  l'importance  n'a  d'égale  que  leur  impuissance  artistique  ! 

M.  Gits  veut  prouver  les  sympathies  qu'on  avait  pour  De  Brae- 
keleer en  signalant  l'acquisition  du  tableau  Le  Loodtkuis  faite 
par  la  ville  d'Anvers  ;  mais  il  oublie  de  dire  k  quel  prix  dérisoire 
ce  tableau  a  été  acheté  k  l'artiste,  tandis  que,  k  la  même  époque, 
le  tableau  d'un  certain  peinturlureur  anversois,  tableau  dont  \i 
valeur  est,  selon  moi,  absolument  nulle,  est  devenu  la  propriéie 
de  la  ville  d'Anvers  an  prix  de  18,000  francs. 

Quant  k  la  médaille  d'or  accordée  k  Henri  De  Braekeleer,  elle 
a  soulevé  de  tristes  discussions;  elle  n'a  été  remise  k  l'artisic 
anversois  qu'après  de  nombreuses  difficultés. 

En  un  mot,  M.  Gits  veut-il  que  je  fasse  la  confession  des  actes 
de  la  ville  d'Anvers  k  l'égard  de  l'artiste  De  Braekeleer  et  de  tant 
d'autres,  comme  Stobbaerts,  Heymans,  Lambeaux,  Meyers.etc.T 
Qu'il  réponde?  Si  oui,  je  m'en^arge,  et  alors  le  public  pourra 
juger. 

Recevez,  mon  cher  Confrère,  l'assurance  de  mes  sentimenu 
tout  dévoués. 

Lotns  Itaufu. 


■'f^g^Ww^^x-f^^Yf''--'^ 


*nf'-'*^»*^-  -5'   «y  *:  ■ 


L'ART  MODERNE 


385 


Petite  CHROfiiQUE 


Une  eiposilioo  d'œuvres  de  MM.  Jao  Verbas,  Dea  Dayts, 
Cootemans,  Fernand  Khnopff  et  Maurice  Vaaihier  est  ouverte  en 
ce  moment  au  CereU  ariù tique.  A  boitaine  le  compte  rendii. 

Les  Tiolons  sont  sortis  des  étais,  les  pianos  sont  ouverts.  C'est 
la  musique  de  chambre  qai  prend  son  essor,  préludant  aux 
crandes  auditions  sympboniqnes  imminentes.  Aux  concerts 
Schotl,  on  a  appbadi  le  talent  élégant  et  correct  de  M.  De  Greef, 
l'art  délicat  de  N.  Jarobs,  attelés  tous  deux,  malheureusement,  i 
des  œuvres  connues,  qni  plongent  daos  de  capiteuses  extases  les 
nombreux  pensionnais  déjeunes  filles  réunis  pour  la  circonstance, 
mais  laissent  aux  artistes  le  regret  d'un  programme  épingle  de 
compositions  nouvelles.  Une  .-cantatrice  suisse,  M"*  l'zielli.  a 
chanté  d'une  voix  agréable  des  lieder  de  Brahms  et  la  Chanson 
iC Avril  de  Bizet,  sans  justifier  toutefois  les  éloges  complaisants 
dont  on  avait  accompagné  l'annonce  de  son  arrivée. 

Les  Concerts  populaires  inaugureront  dimanche  prochain  leur 
vingt-septième  année  d'existence. 

Le  premier  concert,  sous  la  direction  de  M.  Joseph  Dupont, 
sera  donné  avec  le  concours  de  M.  Camille  Gurickx. 

Voici  le  programme  du  concert  : 

nuatuz  rjA-itE. 

I.  Ouverture  de  Sakounlata,  Cark  Goldmark.  (Première  eiécu 
tion.) 

i.  En  lUtlie,  fantaisie  sympbonique,  Richard  Strauss.  I.  Dans 
la  campagne  romaine.  —  II.  Dans  les  ruines  de  Rome.  — 
m.  A  la  rive  de  Sorrenie.  —  IV.  Vie  populaire  napoliuine.  (Pre- 
mière exécution.) 

DECXIÉ3U  PAtTIE 

3.  Concerto  pour  piano  avec  accompagnement  d'orchestre 
(op.  33),  P.  TscfaaXkowsky.  Exécuté  par  M.  Camille  Curicix.  (Pre- 
mière exécution.) 

4.  Rivtrit  orientale  (op.  14,  n«  î);  Première  sérénade  en  la 
majeur  (op.  n*  7),  A.  Glarounow.  (Première  exécution.) 

5.  En  Mer,  fantaisie  pour  piano  et  orchestre.  C.  Gurickx. 
Exécutée  par  l'auteur. 

6.  Luslspiel-Ouverture,  Fr.  Smelana. 

Les  portes  et  les  bureaux  seront  ouverts  i  une  heure.  Le  concert 
commencera  il  Mi  heure. 

Répétition  générale,  samedi  5  décembre,  i  2  li  heures  pré- 
cises, dans  b  salle  de  la  Société  rofile  de  la  Grande  Harmonie, 
rue  de  la  Vadeleioe,  83. 

La  séance  inaugurale  de  la  Section  d'Art  et  d'Enseignement 
fOfmUire  de  la  «  Maison  du  Peuple  ■  aura  lieu  le  mardi 
i"  décembre,  i  8  heures,  au  local  de  b  place  de  Bavière.  Elle 
sera  consacrée  k  l'oeuvre  de  Richard  Wagner.  Programme  :  Confé- 
reaee  de  H.  Maurice  Kufierath.  Partie  musicale  avec  le  concours 
de  MM.  Meari  La  Foniaiae.  Liiu,  Odave  Maos,  Scboepen  et 
Sccnin  (du  Tbéltre  royal  de  la  Monnaie). 

Le  prix  d'enliéie  est  fixé  i  5  frs.  par  t^oce,  i  10  firs.  pv  série 
de  six  séances.  (Entrée  libre  pour  les  membres  do  Parti  Ouvrier.; 
On  peut  se  procurer  des  cvies  i  la  «  MaiMiu  du  'Peuple  >.  chez 
MM.  Louis  de  Broocàere,  avenue  Lonive,  170,  et  Emile  Vaoder- 
velde,  chaussée  dlxdies,  61 . 

M.  Louis  Delmer,  invisé  par  VAls  ik  kan  %  venir  donner  ooe 
coniètcnce  sur  l'art  1  Anvers,  a  eboièi  pour  titre  :  Les  Parias  de 
{Art.  OtUU  couféreooe  sera  fïîle  aujourd'hui,  dimaorbe,  i  une 
hmre.  dans  1»  salles  de  l'aDcien  Moséie  de  peintuie  k  Anvers. 
Le  prix  des  places  est  de  SO  ceniiotes. 

Cite  pièce  inédite  d'auteur  belge.  Eivde  de  jeune  fUle,  sera 
jonée  le  3  décenbre.  es  matinée,  au  Tbéiire  Molièn.  L'Edaca- 
Am  d'un  prince,  du  tbéUre  impossible  d'Edmoad  Abont,  aocom- 
p^ii  I  ^mde  déjeune  file  tta-  l'aftcbr.  La  maUDée  commeDcera 
par  nne  tamterie  de  M.  Armand  Silvesire. 

Le  J  ééeembre,  as  oitae  ibéitre,  première  de  GriieUéit. 


CoDU  txsrtmxsu  pocb  Dames.  —  Lundi  30  novembre,  à 
3  heures.  M'm  Cbapi.di  :  Le  Marchand  de  Venise  (An).  Sberidan. 

Hardi  l"  décembre,  il  3  heures.  M.  E.  Veuueur  :  La  minia- 
ture gothique  considérée  comme  le  début  de  la  peinture  gothique. 

Mercredi  2  décembre,  à  3  heures.  M.  Pekcajieni  :  L'Europe 
après  les  traités  dUtreeht. 

Mercredi  3  décembre,  !i  3  heures.  M.  Discaiixes  :  J.-J.  Rous- 
seau. 

Jeudi  3  décembre,  3  heures.  M.  Louchât  :  I^es  mouvements 
populaires  dans  le  pays  de  Liège  et  la  mort  du  bourgmestre  Sébas- 
tien La  Ruelle. 

Jeudi  3  décembre,  i  3  heures.  M"*  Tobiiel'S  :  Diction  :  partie 
technique,  prononciation  et  lecture. 

La  Société  de  Musique  de  Touruai  donnait,  le  14  novembre,  son 
premier  concert  intime  de  b  saison. 

GrSce  )  son  sympathique  et  dévoué  président,  M.  A.  Stiéoon 
du  Pré,  et  i  son  iaielligeot  directeur.  M.  Henri  De  Loose,  celte 
jeune  société,  qui  n'eu  est  qu'à  *•»  troisième  année  d'existence,  a  su 
réveiller  chez  les  Toumaisiens  le  seuliment  musical,  qui  s'étei- 
gnait sous  l'inertie  et  l'insuffisance  des  marchands  de  notes 
officiels. 

Au  programme  :  M'**  De  Cré,  la  jeune  caniatrice  bruxelloise  ; 
MM.  Anlhoni,  Guidé.  Poucelel,  >euman  et  Merck.  Ces  derniers 
ont  obtenu  un  légitime  succès  dans  1*;  Quintette  de  G.  Onslow  et 
le  Prélude  et  Menuet  de  E.  Pessard. 

Les  choeurs,  en  progrès  coostanl,  ont  supérieurement  inter- 
prété la  Chanson  de  Mai  et  \<t  premier  acte  de  Judith,  drame 
lyrique  de  Ch.  Lefebvre. 

Pour  bientôt,  concert  réser%é  ^  l'oeuvre  de  Peter  Benoit.  Ealre 
autres,  et  en  présence  de  l'^iutx^ur,  ou  y  doauen  b  Rubens  canlAte 
et  des  fragments  du  Schelde. 


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fer  de  Vt^tat  Belge,  à  Douvres  (voir  plus  haut);  i  M.  Arthur  Vrancken,  Domkloster,  n»  1,  A  Coloone;  A  M.  Siepermann,  67,  Unter  den 
Linden,  à  Berlin;  à  M.  Reinmelmann,  15,  OuioUçtt  strasse,  à  FRANcroRT  a/m;  A  M.  Schenker,  Schottenring,  3,  A  Vienne;  A  A/™«  SchroeKl, 
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DoiAKCiu  6  Décembbe  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


RSVDE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  U  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaotioil  t  Octave  MAUS  —  Edmoitd  PICARD  —  Ëmilb  YERHAEREN 


:    Belgique,   un   an,    fr.   10.00;  Union   pocUle,    fr.    13.00     —  AHVOMCKS   :    On   traite   à    foriajt. 

Adreuer  toute*  le*  communication*  à 
l'abhuobtratiom  géné&alb  de  VAit  Moderne,  me  de  l*Iiidiistrie,  32,  Bruxelles. 


30MMAIRE 


NoTCS  »c«  LBS  Primitifs  itaue-xs.  —  L»  Sai/)s  des  Aodarel- 
usTBS.  —  L*  CoLLScnox  Dc  Bcs  Ds  GisioMEs.  —  L'Abt  i.  LA  Maison 
Dc  PscruL  —  L'ExpoernoN  nu  C»*''"'  astistioce.  —  Cobksspon- 

BAMZ.  THiATKE  MOUÈRS.   —  THBAniS   DU   OtlJMIIK.    —   PbTITB 


Hôtes  sur  les  Primitif  Mens  "•'' 
II 

MASOLIXO  DA  PANICALE 

n  £uit  aller  à  Castiglione  d'Olona  pour  aimer  Maso- 
iino. 

Certes,  de  son  labeur  des  traces  ailleurs  subsistent, 
et  malgré  l'irréparable  fatalité  qui  s'est  acharnée  sur 
ses  œoTres,  à  Rome  et  à  Florence  d'aucunes  ont  sur- 
Téco.  Mais  elles  s'entourent  là  de  trop  redoutables  voi- 
anages.  Dans  la  chapelle  Brancacci,  toute  la  gloire  est 
poor  llasaocio.  Son  g^ie  équilibré,  harmonique  et  défi- 
nitif, devançant  si  extraordinairement  son  temps,  fait 
tort  aux  recherches  naïves,  aux  demi-gaucheries  char- 
Ci)  Voir  l'Ari  moderne  d»  47,  Owno. 


mantes  de  son  maître,  doué  d'autant  de  bon  vouloir  à 
coup  sûr,  mais  de  bien  moindre  pouvoir. 

A  les  comparer,  on  les  sent  tourmentés  du  même 
désir  de  noblesse  et  d'él^ance,  du  même  souci  de  vérité 
et  de  vie,  dans  les  attitudes,  dans  les  draperies,  dans 
l'ordonnance  du  sujet  Mais  l'un  a  complètement  réalisé 
son  ambition,  l'autre  n'a  pu  que  l'indiquer.  Bien  qu'en 
fait  quelques  années  seulement  les  séparent,  ils  sem- 
blent de  deux  époques  diflérentes. 

Masolino  se  rattache  à  ces  vaillants,  à  ces  curieux 
artistes  qui,  au  début  du  w^  siècle,  tentent  un  effort 
fécond  pour  s'affranchir  de  la  tradition  giottesque  qui, 
après  avoir  suffi  à  trois  générations,  était  déchue  dans 
la  sécheresse,  le  maniérisme  et  la  monotonie.  Masaccio, 
an  contraire,  se  doit  grouper  avec  ces  peintres  décisifs 
qui,  pendant  la  seconde  moitié  de  ce  siècle  prodigieux. 
donnèrent  à  l'art  un  épanouissement  sans  exemple  : 
Boticelli,  Ghirlandajo,  Lippi,  Léonard! 

11  serait  donc  injuste  d'opposer  la  réalisation  accom- 
plie de  l'élève  à  l'imperfection  du  maître,  et  plus  injuste 
encore  de  considérer  —  ainsi  que  certains  ont  prétendu 
le  faire  —  comme  des  œuvres  de  jeunesse  de  Masaccio. 
les  travaux  de  Masolino  dans  la  chapelle  Brancaeci. 
Cest  faire  tort  à  l'un  et  à  l'autre.  A  cet  égard,  une 
visite  à  Castiglione  dissipe  toute  incertitude  :  les  deux 
jeones  seigneurs  qui  se  promènent  sur  une  place,  dans 
les  Miracles  de  saint  Pierre,  sont  de  la  même  main 


388 


L'ART  MODERNE 


que  ceux  qui  escortent  Salomé  dans  les  fresques  du 
Baptistère  à  Castiglione. 

Nous  étions  donc  partis  pour  Castiglione.  De  grand 
matin,  nous  avions  quitté  Lugano  et  un  véloce  petit 
steamer  nous  avait  emportés  sur  l'eau  bleue,  où  trai- 
naient  des  vapeurs  indolentes,  jusque  Porto-Ceresio, 
insignifiant  hameau  perdu  sur  les  bords  du  lac,  au 
milieu  de  verdures  et  de  fleurs.  De  là,  en  voiture  décou- 
verte, au  grand  trot  de  minuscules  chevaux  maigres  et 
nerveux,  leur  grand  trot  rapide  sur  la  route  grise,  avec 
les  sonnailles  des  colliers  et  les  gais  claquements  de 
fouet,  les  bêtes  encapuchonnées  de  frais  feuillage  et 
trottant  toujours  par  descentes  et  montées,  sous  le  clair 
soleil,  à  travers  champs,  bois  et  jardins,  jusque  Varèse 
et,  plus  loin,  jusque  Castiglione. 

Cette  seconde  partie  de  la  route,  de  toute  beauté. 
Derrière  nous,  sur  lazur  du  ciel  devenu  net,  la  splen- 
deur des  éblouissants  glaciers  du  Mont  Rose,  les  blancs 
.sommets  pleins  de  lumière,  dominant  les  verdures  et 
les  rochers,  arrêtés  dans  le  bleu  comme  d'éclatants 
nuages  de  neige  immaculée.  Puis  une  descente  dans  un 
val  frais,  des  ombrages  et  des  herbages,  des  murmures 
de  ruisseaux,  un  pays  pareil  à  un  grand  parc  seigneu- 
rial. Quelques  maisons  égrenées  le  long  du  chemin  : 
c'est  Castiglione.  L'ancienne  église  est  tout  en  haut, 
là-bas,  sur  une  colline  rocheuse  qui  se  dresse  à  pic  dans 
la  vallée  et  dont  le  sautillant  ruisseau  lave  incessam- 
ment la  base.  Il  faut  gravir,  gaillardement,  la  côte 
raide.  Dans  les  arbres,  sur  la  cime,  l'église  s'érige 
comme  un  castel  féodal.  On  passe  sous  une  arche  en 
ruine,  on  arrive  devant  une  tour  rugueuse  à  la  porte 
fermée.  A  nos  cris,  une  lucarne  au  sommet  du  clocher 
s'entr'ouvre  et  une  tète  grognonne  et  méfiante  s'enquiert 
de  nos  intentions.  Et  vient  alors,  péniblement,  soufflant, 
prisant,  reniflant,  le  plus  bizarre  ecclésiastique  qu'ait 
jamais  vêtu  une  soutane  crasseuse  et  délabrée  :  une  face 
aux  traits  extravagants  ravinés  de  rides  singulières  et 
contradictoires,  tortueuses,  autour  d'un  énorme  nez  de 
priseur,  autour  de  molles  lèvres  d'édenté,  avec  de  petits 
carrés  de  taff'etas  noir  et  des  tampons  de  ouate  éche- 
velés,  dissimulant  l'amputation  probable  de  multiples 
verrues.  Des  yeux  gris,  noyés  de  pleurs,  ternes,  indiffé- 
rents. Murmurant  d'inintelligibles  monologues,  inat- 
tentif aux  questions,  ce  stupéfiant  fantoche  nous  mène 
aux  Masolino. 

Déception  profonde  :  on  ne  voit  plus  rien.  Les  yeux, 
remplis  encore  de  l'éclat  du  soleil  radieux  et  des  fron- 
daisons vigoureuses,  cherchent,  désappointés,  dans 
l'ombre  de  l'église  silencieuse,  les  nobles  fresques  qui 
furent  là,  sans  doute,  voulues  par  le  généreux  cardinal 
Branda  et  qui  représentaient  la  Naissance  du  Christ, 
r Adoration  des  Rois  et  le  Couronnement  de  la 
Vierge,  mais  il  n'en  reste  que  des  souvenirs  pâlis. 
Dittîcilement,  en  cherchant  de  propices  éclairages,  on 


peut  parfois  deviner  une  silhouette  svelte  de  femme, 
une  tète  blonde,  un  pli  d'étoffe  effacé,  inc^ertain  ain^i 
qu'une  illusion. 

Sur  ces  ombres,  M.  Lafenestre  qui  peut-être  eut  la 
chance  de  les  voir  moins  ruinées,  écrit  les  judicieuses 
lignes  suivantes  qu'on  ne  peut  que  répéter  :  «  Malgré 
le  mauvais  état  dans  lequel  sont  réapparues  ces 
fresques,  on  est  vivement  frappé  par  la  grâce  des  têtes 
féminines,  par  la  souplesse  des  vêtements,  par  l'élégance 
et  la  simplicité  des  draperies,  par  l'exactitude  curieuse 
du  milieu  architectural,  par  une  harmonie  douce  dans 
les  colorations  claires  qui  établissent  la  parenté  de 
Masolino  avec  Starnina  et  Fra  Angelico  et  le  montrent 
en  même  temps  poussant  plus  hardiment  qu'eux  dans  la 
voie  du  naturalisme  » . 

Heureusement,  les  fresques  du  Baptistère  sont  dans 
un  moins  déplorable  état.  L'édicule  est  à  quelques 
mètres  de  l'église,  à  l'autre  bout  de  la  crête  rocheuse. 
Un  cloître  ouvert  les  relie  ;  sous  les  arcades  piaillent, 
autour  d'une  maîtresse  d'école,  les  récitations  d'une 
douzaine  de  gamins  et  de  bambins  qui  nous  suivent 
curieusement  de  leurs  yeux  vifs  et  noirs...  Et  montent 
jusqu'ici,  dans  la  gloire  du  soleil  de  midi,  le  frissonne- 
ment de  la  feuillée  dans  le  val  et  la  plainte  douce  de  la 
rivière  sur  les  cailloux. 

Ce  Baptistère  est  tout  petit.  Des  fenêtres  minces 
comme  des  meurtrières  et  ouvrant  sur  le  vide,  l'absence 
de  tout  mobilier,  lui  donnent  l'aspect  d'une  cellule  en 
un  burg.  En  face  de  la  porté  d'entrée,  Masolino  a  peint 
sur  la  muraille  un  fleuve  aux  flots  vert  pâle  dans  un 
paysage  de  montagnes,  uniforme  et  sommaire,  mais 
non  sans  profondeur,  dont  la  monotonie  se  rompt  de  la 
moucheture  de  grêles  sapins  noirs.  An  milieu  de  l'onde, 
dans  l'eau  jusqu'aux  genoux,  un  linge  blanc  roulé 
autour  des  flancs,  le  Christ,  trop  beau  de  beauté 
conventionnelle,  fade  et  blonde,  s'incline  un  peu  sous  le 
baptême  de  saint  Jean  qui,  sur  le  rivage,  un  genou  à 
terre  et  vêtu  de  peaux  de  bête  et  d'un  manteau 
rougeâtre,  le  bénit  avec  respect.  Sur  la  rive  opposée, 
trois  anges  attendent,  debout,  immatériels  sous  les 
plis  chastes  de  leurs  longues  robes  ventes  ou  jaunes, 
leurs  minces  ailes  au  repos,  leurs  gracieuses  figures 
souriant  au  Christ  à  qui  elles  présentent  des  linges 
bleus  et  roses.  Derrière  saint  Jean,  au  contraire,  le  réel  : 
des  néophytes  impatients  s'apprêtent  pour  l'immersion 
sainte.  L'un  d'eux  s'est  assis  pour  enlever  ses  bas;  un 
autre  se  déchausse  avec  un  geste  énergique;  un  troi- 
sième, le  dos  tourné,  découvre  la  musculature  d'un 
beau  corps,  les  bras  et  la  tète  encore  embarrassés  dans 
la  chemise  qu'il  veut  quitter.  Un  dernier,  entièrement 
déshabillé,  semble  grelotter  dans  nn  manteau  jaune. . . 

A  gauche  de  la  fenêtre  étroite,  la  Prédication  de 
saint  Jean  nous  montre,  dans  le  groupement  heureux 
des  spectateurs,  quelques  belles  têtes,  fortes  et  fines,  du 


L'ART  MODERNE 


389 


XV*  siècle,  portraits  sans  doute,  analogues  à  celles  de 
Masaccio  et  de  Lippi.  Puis,  encore,  la  comparution  de 
Jean  devant  le  roi  et  la  reine,  celle-ci  le  visage  en  œuf, 
implacable  et  froid,  les  lèvres  minces  et  le  regard 
perfide,  de  côté,  celui-là  solennel,  porteur  du  sceptre, 
coifl'é  d'un  lourd  turban  rouge  aux  ornements  noirs  ; 
puis  l'incarcération,  la  décollation  du  saint  ;  en  haut,  sa 
glorification  dans  une  guirlande  d'anges  en  prière  ;  au 
plafond,  des  évangélistes.  Tout  cela  presque  évanoui, 
avec  des  balafres  et  des  entailles,  la  lèpre  des  plafonnages 
brutaux,  la  blessure  des  réparations  plus  cruelles  que 
les  intempéries,  l'absolu  abandon,  le  dernier  témoignage 
d'un  grand  artiste  livré  aux  inscriptions  commémo- 
ratives  des  badauds  et  aux  grattages  des  touristes 
imbéciles! 

Déjà,  lamentablement,  s'atténue  et  disparaît  cet 
admirable  Baptême  du  Christ  qui,  sauf  le  paysage 
resté  dur  et  conventionnel,  serait  indiscutablement  un 
des  purs  chefs-d'œuvre  de  cette  première  Renaissance, 
la  plus  heureuse  fusion  qui  se  puisse  rêver,  de  l'esprit 
d'observation  précise  avec  la  poésie  de  la  légende  et  de 
la  tradition  religieuses. 

Moins  parfaite,  de  moindre  science  et  peut-être,  pour 
l'époque,  moins  audacieuse,  mais  bien  plus  intéressante 
encore  par  sa  bizarrerie,  est  la  fresque  du  mur  de 
droite  où  est  contée  l'histoire  de  Salomé.  Deux  épisodes 
différents  sont  dans  un  même  encadrement,  réunis. 
Ghacao  se  délimite  par  des  architectures  raides,  inspi- 
rées de  l'antique  et  qui  laissent  apercevoir  dans  le 
lointain  des  jardins  et  des  montagnes  arides.  Le 
premier  est  le  Festin  d'Hérode.  Sous  une  sorte  de 
dais,  devant  une  table,  le  roi  esti  assis  avec  trois  con- 
seillers, en  accoutrements  étranges.  Et  s'avance  vers 
eux,  souple,  et  mince,  et  virginale,  avec  la  ligne  gra- 
cieuse d'une  fleur,  une  très  candide  Salomé  en  robe 
brune,  les  mains  croisées  sur  la  poitrine,  chastement. 
Elle  s'approche  ;  un  page  à  l'élégance  insexuelle  et  trois 
jeunes  seigneurs  lui  font  escorte.  Ils  ont  tous  des  cha- 
perons de  forme  inusitée  et  de  Eastueux  manteaux.  L'un 
des  convives  du  roi,  très  jeune  homme  à  la  moustache 
fine  et  blonde,  assis  près  d'un  vieillard  à  barbe  blanche, 
très  grave,  semble  appuyer  du  regard  la  requête  que 
présente,  les  yeux  baissés  et  timides,  l'enfant  inno- 
cente... 

De  l'antre  côté,  la  même  Salomé  s'agenouille  devant 
Hérodiade  pour  lui  présenter  la  tête  coupée.  La  reine 
est  assise  sur  un  trône  élevé,  dans  une  ample  robe  aux 
plis  nobles  et  coifi'ée  avec  une  complication  maniérée  ; 
et  leur  impassibilité,  à  toutes  deux,  est  vraiment  incon- 
cevable. Seule,  une  des  deux  fillettes  qui  se  tiennent  de 
cbaqoe  côté  du  trône,  fait  un  geste  de  stupeur.  Et 
comme  elle  se  penche  aussi  pour  voir,  sa  hanche  menue 
saille  dans  un  mouvement  d'une  grâce  exquise... 
Pins  tard,  au  cours  des  siècles,  d'autres  artistes  évo- 


queront à  nouveau  ces  inquiétantes  héroïnes;  mais  nul 
ne  les  fera  plus  énigmatiques  et  plus  troublantes.  Nul 
n'aura  mieux  exprimé  la  tranquillité  incompréhensible 
que  la  femme,  parfois,  montre  en  des  cruautés,  et 
comment  son  œil  reste  clair  devant  l'atroce  !  Oh  !  cette 
reine  impassible  au  front  de  roc,  et  cette  frêle  Salomé, 
adorable  en  son  œuvre  de  sang!  Comme  on  y  songe, 
comme  elles  vous  obsèdent  et  vous  accompagnent,  les 
silhouettes  de  princesses  ambiguës,  de  fiers  seigneurs 
exotiques  et  décoratifs,  tandis  que  l'on  redescend  vers 
l'ombre  fraîche  de  la  vallée  et  la  cristalline  chanson  du 
ruisseau,  que  de  nouveau  la  voiture  vous  emporte  et 
qu'à  l'horizon,  dans  l'immuable  azur,  resplendissent 
les  blanches  étendues  des  glaciers,  comme  elles  vous 
accompagnent  désormais  dans  la  vie,  pour  toujours! 

Jules  Destréb. 


LE  SALON  DES  AQUARELLISTES 

Second  article  (1). 

Une  conslalation,  faile  pour  chatouiller  agréablemmt  notn; 
pclile  vanité  nationale  :  les  aquarelliste»  belge»,  —  et  nous  ne 
parlons  que  des  manieurs  de  martre»  que  nous  avons  qualifiés  : 
aquarelliste»  sans  phrases,  —  sont  incontestablement  sujMÎricur* 
à  tels  peintre»  possesseurs,  à  l'étranger,  d'une  réputation  solide- 
ment assise  sur  les  colonnes  de  journaux  complaisant».  Il»  ont 
acquis,  nos  compatriotes,  une  telle  dextérité,  ils  ont  fouillé  »i 
profondément  la  technique  des  dilution»  colorée»,  qu'auprès 
d'une  tt  plage  n  de  Slacquct,  par  exemple,  ou  d'un  «  sous-bois  » 
de  Binjé,  le  prétentieux  Automne  de  M""  Madeleine  Le  Maire 
parait  manifestement  criard  et  Buperlativement  antipathique. 
L'œil  fait  aux  harmonie»  d'Eugène  Smits  (les  joli»  ton»  fané» 
dont  se  parc  »a  palette!),  aux  pétillantes  illumination»  d'Emile 
Claus,  —  qui  n'en  est  pas  moin»,  semble-t-il,  un  sceptique  de 
l'aquarelle,  —  on  demeure  indifférent  aux  lourde»  polychromie» 
des  Cipriani,  de»  Bucciarelli,  des  Carlandi,  des  Coleman,  et  on 
abandonne  de  bon  c<jeur  à  l'admiration  béate  d'un  Max  Sulzt<erger 
les  épinaleries  des  Hans  Ucrmano. 

Oui,  même  le  tri  fait  des  œuvres  vraiment  artiste»  du  .Salon, 
et  mis  à  part  les  quatre  ou  cinq  peintre»  qui  réalisent  par  le» 
moyen»  sommaires  du  Whatman  lavé  d'eau  une  conception  esthé- 
tique élevée,  la  moyenne  de  nos  aquarelliste»  e»t  su|)érieure  'i 
celle  des  invité»  qu'ils  réunissent.  El  l'on  comprend  le  suce"-» 
remporté  par  eux  dan»  le»  tournois  internationaux  :  l'accueil  fait, 
entre  antre»,  par  le»  Magyar»,  —  les  journaux  l'ont  proclamé,  — 
aux  pclil»  soldats  prestement  dessiné»  par  le  major  Hulicrt. 

L'un  de»  envoi»  le»  plu»  intéressant»  du  présent  Salon  ei>t,  »aos 
contredit,  la  série  de»  CinquavU  tours  et  luurelUt  hulori/jues  de 
la  Belgique,  patiemment  réunie  et  exécutée  d'un  pinceau  préci» 
par  M.  Jean  Bae».  L'œuvre  e»l  aujourd'hui  eomiiliU:  et  offre  à 
l'œil  un  aspect  charmant.  Nous  avons  signalé  déji  cet  important 
et  curieux  document  artistique  lor»  de  la  publication  qui  en  a  été 
faile  par  l'éditeur  Lyon-Claeseu  (îj.  Il  serait   fâcheux  que   cette 

(1)  Voir  notre  dernier  uataéro. 

(2)  Voir  rArt  modrme  1890,  ja^e  412. 


'  w-  fv  Y'f^^'^Wf'r^^^î^sl^f^W^^^ 


390 


L'ART  MODERNE 


colleclion  fùl  dispersée,  el  l'espoir  de  la  voir  conservée  en  un 
musée  vient  loui  oaturellemenl  k  la  pensée. 

Il  convient  de  citer  encore,  parmi  les  nouveaux-venus  qui 
requièrent  l'attention,  M.  Boutet  de  Nouvel  dont  Utie  vitiu  et  le 
Portrait  d'enfant,  peints  avec  une  minutie  de  primitif,  en  des 
ions  nacrés,  plaisant  malgré  leur  sécheresse,  et  M.  Ten  Cale,  un 
jeune  Hollandais  établi  depuis  quelques  années  à  Paris  (ne  pas 
confondre  avec  la  dynastie  des  Ten  Kate),  qui  interprète  joliment 
les  paysages  de  banlieue,  les  quais  noyés  de  bnimes,  les  ciels  bas, 
chargés  d'eau,  prêts  i  crever  en  ondées  sur  les  horizons  rouilles. 
C'est  menu,  un  peu  chiche,  mais  l'impression  est  juste  et  l'har- 
monie délicate. 

l'n  grand  paysage  de  M.  Alexandre  Marcelte,  V Amateur  de 
M.  David  Oyens  et  Us  Voyageurs  de  son  frère  Pierre,  enfin  un 
portrait  de  M.  Jacob  Smiis,  peint  par  lui-même,  complèlenl  Pen- 
semblc  des  œuvres  noioires  de  l'exhibition,  l'une  des  plus  inté- 
ressantes, certes,  et  la  plus  expurgée  de  banalités  que  nous  ait 
offertes  la  société. 

.  Au  milieu  de  la  grande  salle,  parmi  le  feuillage  verdoyant  des 
palmiers,  quelques  sculptures  se  prélassent,  et  la  rencontre  de 
ces  objets  solides,  parmi  les  fluides  aquarelles,  est  assez  imprévue. 
Ce  sont  des  œuvres  de  MM.  Dillens  et  Vander  Stappen.  De  ce  der- 
nier, deux  bronzes  «  plein-airistes  »  d'une  rare  élégance  de 
formes  el  d'un  réel  intérêt  artistique  ;  la  Porteuse  deau  et  la 
Source,  toutes  deux  modernes  et  vivantes,  joliment  modelées  et 
dignes  de  figurer  parmi  les  meilleures  productions  de  l'artiste. 


U  COLLECTION  DD  BUS  DE  6ISI6NIES 

L'ensemble  de  cette  galerie  —  choisie  par  un  homme  de  goût, 
dont  le  nom  a  déjà  compté  dans  le  monde  des  collectionneurs 
(l'art  —  est  à  la  fois  mondain  et  artiste.  On  y  trouve  des  œuvres 
d'aspect  simplement  aimable,  mais  aussi  des  œuvres  d'art,  parmi 
lesquelles  :  les  Joseph  Stevens,  les  Alfred  Stevens,  les  Leys,  un 
Lies, un  De  Braekeleer,  desjCourtens,  un  DeGroux,  un  Corot,  des 
Diaz,  un  Géricault  el  d'antres. 

De  temps  en  temps  reviennent  ainsi, i  des  ventes,  des  toiles  de 
Joseph  Stevens,  et  chaque  fois  on  constate  une  maîtrise  superbe. 
C'est  le  plus  robuste  de  l'école  bel([e.  Il  rivalise  avec  Fijt.  Le 
magnifique  animalier!  Dans  ce  Protecteur,  encore,  quelle  puis- 
sance de  couleur,  en  une  pénombre  brune  aux  tons  chauds!  Il  y 
a  de  l'or  sur  cette  palette,  et  que  ces  animaux  sont  solides,  et 
plantés  :  le  bull-dog,  avec  son  encolure  massive  et  le  king-cbarles 
avec  l'eSaremeni  brun  et  brillant  de  son  grand  oeil  doux  !  Voilk 
certes  une  très  belle  toile!  Et  dans  l'autre  :  Le  Marchand  de  sabU, 
quel  nerf,  quel  feu  el  quelle  vie,  en  ce  coin  de  banlieue  mélan- 
colique, donnés  par  cet  attelage  haletant  et  crotté,  «'échinant  à 
traîner  une  charretle  par  un  crépuscule  solitaire  qu'éloilent  déji 
les  réverbères! 

Alfred  Stevens  se  montre  ici  assez  varié.  Voici  un  Homme  à 
l'épée,  très  curieux  parce  qu'il  est  de  la  première  manière  de 
Stevens  et  qu'il  dénote  une  forte  influence  de  Charles  DeGroux.  Il 
y  a  aussi  du  Roybct  dans  celle  toile,  du  Roybet  dont  voici  un 
(Jui/ariste  élégant  et  habile,  et  que  connut  Alfred  Stevens  i  ses 
premiers  temps.  L'habileté  d'un  pinceau  soyeux  «  velouté  fait 
aussi  le  charme  de  la  Musicienne  de  Stevens  et  de  la  Rêverie  où 
il  profile  un  minois  chiffonné  au  clair  de  lune,  près  d'une  eau 
qui  don  moirée  d'argent  à  l'horizon  el  pareille,  elle  anssi,  i  du 


salin.  La  Dame  aux  papillons  est  dans  une  noie  identique  d  U 
Neige  développe  une  capricieuse  et  amusante  fantaisie  de  flocons, 
de  fleurs  et  d'oiseaux.  L'art  de  Stevens  laisse  derrière  loi  un  frou- 
frou de  toilette  —  et  son  œil  amoureux  des  étoffes  satine  jusqu'aux 
chairs  des  femmes. 

De  Charles  DeGroux  :  La  Rixe  au  cabaret.  Un  peu  plus  clair  de 
ton  que  les  autres  De  Groux,  mais  d'une  clarté  siof^ilière,  ftpre, 
mélancolique,  qui  n'ôte  rien  k  la  tristesse  de  cet  artiste,  qui  a  été 
un  des  premiers  i  dii«  le  cAlé  navrant  des  pauvres  et  des  rustres. 
Quelle  humanité  et  quel  cœur  —  lorsqu'on  songe  aux  Rixes  des 
Teniers  dont  les  belles  taches  de  sang,  provoquées  par  des  pots 
lancés  uniquement  aux  têtes,  étaient  aussi  joyeuses  que  l'écume 
qui  sortait  des  cruches  !  Ici,  c'est  de  la  blêmissante  colère,  de  la 
terreur,  de  la  rage. 

Vlntérieur  d^antiquaire  de  De  Braekeleer,  avec  %m  vieux 
cuivres  et  ses  bïences  polychromes,  dans  cet  atelier  badigeonné 
de  rouge  et  éclairé  par  une  fenêtre  k  petits  carreaux,  avec  ses 
bahuts  et  ses  bibelots,  chante  quelle  antienne  de  paix  .lumineuse, 
toute  pénétrée  d'ancienneté,  fleurant  magnifiquement  une  riche 
mélancolie  de  choses  passées  !  Parmi  tous  les  artistes  qui  disent 
l'ime  des  choses.  De  Braekeleeranra  été  un  des  plus  beaux  poètes. 
Il  suit  Leys,  ce  ressuseiteor  d'un  passé  énorme,  mais  dans  une 
voie  plus  intime,  tapissée  de  cuirs  de  Cordooe,  meublée  de 
chênes  piqués  par  les  vers,  tonte  sonnante  de  vieilles  horloges. 
Et  puisque  nous  parions  de  l'éeole  de  Leys  —  voici  un  Lies 
supérieur  :  L'AUhimisU.  C'est,  je  pense,  le  plus  beau  Lies  qui 
soit.  Une  ceux  de  l'école  d'Anvers,  qui  maintenant  peignent  si 
«  goudronneux  »  et  si  «  bitumenx  »,  rendent  celle  toile  et 
remarquent  la  délicatesse  de  cette  touche  brune,  mais  savoureuse, 
légère,  on  peu  rembranesque  dans  le  fond  de  la  toile,  et  d'une 
minutie  de  petit  maître  ii  l'avant-plan  —  et  combien  distinguée  k 
cAté  de  leurs  lourds  et  épais  g^his  actuels! 

Et  voici  le  baron  Henri  Leys  lui-même.  La  femme  de  la  Cour 
d habitation,  en  jupon  de  soie  jaune,  est  traitée  k  la  façon  d'un 
Pieler  De  Hooghe;  la  muraille,  au  pUtre  effiiié,  exhale  la  poésie 
recueillie  des  vieilles  cours  hollandaises.  C'est  de  la  aeeonde 
manière  de  Leys,  alors  qu'il  s'inspirait  fortement  des  petits  maî- 
tres du  xvn*  siècle.  Bien  que  la  lumière  du  corridor  soit  un  peu 
sèche,  cette  toile  est  superbe  de  solidité  et  d'opulence.  Cest  peut- 
être  le  plus  beau  Leys  qui  soit  dans  cette  manière  très.direele- 
roent  inspirée  des  anciens. 

Voici,  du  même,  une  esquisse,  très  suggestive,  de  sa  belle 
époque  :  Marché  au  X  FP  tiède  et  un  bel  et  romantiqne  Episode 
du  siège  dAns>ers,  plein  de  tuerie  et  de  pillage,  a««c  4es  dieva- 
liera  en  cuintsse  et  des  soudards  el  des  p(MgB»rte  et  des  halle- 
bardes dans  un  décor  moyeo-ftgenx  aux  poivrières  piqoaat  le  cid, 
aux  pignons  crénelés,  aux  vieux  hdtels  faisant  rêver  k  des 
massacres  de  nobles  dames.  Et  de  quelle  splendide  couleur  toute 
cette  scène  est  habillée  ! 

Au  hasard  —  noos  rencontrons  quatre  Conrtens  :  un  Pafsage, 
vu  d'nn  œil  sanguin,  qui  rappelle  fortement  la  Pluie  d'or,  dont 
il  a  la  richesse  dorée  et  la  matérialité  sonore  ;  une  claire,  corsée 
et  vibrante  Matinée  de  Mai,  fleurie  de  serpolet  et  de  genêt;  an 
Paysage  de  bmyère,  chaud  et  turbulent,  aux  tons  d'ambre,  et  un 
autre,  plus  petit,  d'une  pUe  douceur  de  prairie. 

Il  y  a  d'ailleurs  beaoconp  de  paysagistes  dans  cette  collection. 
Théodore  Fonrmois  y  est  représenté  par  deux  larges  oeuvres;  Fran- 
çois Français  par  une  toile  de  Mes  d'or,  très  ensoleillée.,  avec  une 
lisière  de  bois  baignant,  au  fond,  le  sommet  de  ses  arbres  dans 


^.MTf.  7'IV,?     ■  ■■ 


"Y  i^-  -, 


L'ART  MODERNE 


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un  ciel  piein  de  lumière  ;  voici  Roelofs,  Verbocckboven,  Isidore 
VerbeydcD,  Clays,  el  un  soyeux  Van  Mareke  :  Le  Verger,  tout 
plein  d'an  printemps  qui  tombe  sur  les  taillis  d'un  vert  rajeuni 
en  péules  blancs  et  roses. 

Le  petit  Corot  est  léger  et  fin;  c'est  un  petit  joyau  de  mélan- 
colie vespérale,  an  rêve  de  couchant.  Le  Paysage  de  Diaz  est 
dans  une  note  plus  chaude,  plus  corsée,  mais  moins  poétique. 
Son  Payuge  turc  a  un  charme  de  joyaux  et  son  Automne  e»t 
déliciease  et  tentante,  avec  son  torse  nu,  si  lascif  et  d'une  blan- 
cheur de  chairs  parfiiroées,  tandis  que  ses  jambes  se  drapent  dans 
une  riche  étoffe  d'un  bleu  adamantin.  Des  fruits  savoureux,  un 
amour  blotti  sous  des  bosquets  de  mystère,  complètent  cette 
composition  charmante,  de  ce  lyrisme  vaf^ne  et  chaud  en  même 
temps,  qui  fait  le  talent  de  Diaz.  Isabey  n'a  pas  la  poésie  de 
Corot  et  de  Diaz,  mais  dans  ces  deux  Marines,  son  pittoresque  a 
de  la  force  et  de  l'esprit  et  son  pinceau  a  de  la  finesse,  de  la 
transparence  et  une  sémillante  facilité.  Quant  à  Géricault,  ce 
grand  maître,  la  colleclion  possède  de  lai  un  nerveux  et  fringant 
étalon  blanc  li  l'écurie,  d'un  beau  feu  et  crftne,  avec  celte 
inscription  :  Tamerlan,  peint  à  Versailles  en  1810. 

VoiU,  —  avec  Ribot,  dont  le  Cuisinier,  plein  d'esprit,  est  saucé 
d'une  ragoûtante  couleur  de  civet  de  lièvre,  Delpy,  dont  le 
Paysage  est  vibrant,  Jules  Dupré  avec  un  tableau  un  peu  poussé 
au  brun,  mais  d'une  gamme  solide  et  belle,  Eugène  Fromentin, 
dont  la  Conversation  entre  deux  Arabes  coiffés  de  burnous  blancs 
est  d'une  touche  délicate  et  facile,  et  grande  en  même  temps,  — 
les  maîtres  français  qui  méritent  d'être  signalés  dans  la  collection. 

Parmi  les  peintres  belges,  il  en  est  encore  beaucoup  que  nous 
n'avons  pas  cités;  le  catalogue  les  indique,  mai»  énumérons 
encore  quelques  noms  qu'on  trouve  dans  beaucoup  de  galeries 
belges  :  deux  bons  Madoa,  trois  Bobie,  dont  l'un  a  àe»  roses 
d'une  jolie  tendresse,  un  Veriat  :  L'Interruption,  tableau  de  sin- 
goric,  —  les  seuls  où  ¥eriat  ait  réussi,  malgré  ses  ambitions  et 
ses  prétentions  ariverselles,  el  —  enfin  quatre  Willems,  dont  on 
conn^  Fart  archaïque,  savant  mais  froid  —  d'ailleurs  quatre 
bons  Willems  — et  puis  un  Dyckmans,  La  Partie  de  Dames,  qui 
•st  pent-élre  la  meilleure  toile  de  ce  peintre  anversois  peu  connu 
en  Belgique,  mais  qui  s'était  fait  une  réputation  en  Angleterre. 


L'ART  À  LA  MAISON  DU  PEUPLE 

L'isangaratioa  de  la  Section  iart  et  {enseignement  populaire 
à  la  Maison  du  Peuple  (1)  a  eu  lieu  mardi,  en  présence  d'une 
assemblée  énorme,  et  la  réussite  a  dépassé  l'espoir  des  organisa- 
teurs. On  souhaiterait,  vraiment,  avoir  toujours  un  public  aussi 
attentif,  aussi  respectueux  de  la  parole  de  Toratenr  et  des  oeuvres 
interprétées. 

M.  Maurice  Kofferatfa,  qui  s'était  cbarfé  de  présenter  Richard 
Wagner  \  Fanditoire,  Ta  bit  avec  tact  en  résumant  la  vie  acci- 
deatée,  toute  de  labeur  et  de  douleurs,  du  Maître.  Il  Fa  montré 
luttioit  pour  l'art,  victime  de  la  gnerre  acharnée  déclarée  i  ses 
idées  rénovatrices,  persévérant  avec  une  indomptable  énergie 
jnsqn'au  triomphe  finaL  Des  anecdotes,  des  souvenirs  puisés  dans 
la  partidpationdeWagaer  an  mouvement  révolutionnaire  de  1848 
ont  été  partiealièrement  goûtés  des  auditeurs,  qoi  ont  applaudi 
avec  diseemement  les  passages  saillants  el  acclamé  l'oratenr. 

(1)  Voir  tArt  modrme  du  15  norembre. 


La  partie  musicale  n'a  pas  eu  moios  de  succès,  malgré  le  carac- 
tère essentiellement  artistique  du  programme,  dont  voici  la  com- 
position :  Ouvertnre  de»  MaUres-Chanleurs,  Monologues  de  Hans 
Sacbs,  —  admirablement  chantés  par  Seguin, —  Prière  et  Rêverie 
d'Eisa^  Romance  de  «  l'Etoile  »,  Adieux  de  Wotan  el  Conjuration 
du  fea.  Chevauchée  des  Valkyries. 

Certes  ne  peut-on  se  flatter  que  pareilles  œuvres  entrent  d'em- 
blée dans  la  compréhension  du  peuple.  Mais  ce  qui  est  incontes- 
table, c'est  que  les  assistants  ont  été  vivement  intéressés  et 
qu'ils  ont  écoulé  jusqu'au  bout,  avec  une  attention  croissante, 
cette  sélection.  Le  premier  pas  fait,  l'esprit  de  l'auditoire  frappé 
par  la  grandeur  d'un  art  qui  lui  échappe  encore  mais  dool  il 
pressent  la  supériorité,  ne  sera-t-il  pas  aisé  d'initier,  par  un 
enseignement  gradué  et  méthodique,  des  intelligences  qui  oe 
demandent  qu'à  s'ouvrir  ? 

Notre  ami  Vincent  dlady  a  fait,  l'an  dernier,  une  série  de  coo- 
férences  musicales,  avec  exemples  à  l'appui  de  ses  démonstra- 
tion, à  l'Institut  des  Jeunes  Aveugles  de  Paris.  Il  leur  a  révélé, 
lui  aussi,  l'œuvre  de  Wagner,  et  les  résultats  qu'il  a  obtenus  ont 
été  surprenants. 

Le  plan  des  «  compagnons  artistes  »,  comme  les  a  si  justement 
appelés  M.  Emile  Van  der  Velde  dans  la  chaleureuse  allocution 
qu'il  a  prononcée  pour  souhaiter  la  bienvenue  aux  musiciens 
empressés  à  se  mettre  k  sa  disposition,  est  plus  vaste  :  il  com- 
prendra non  Fart  musical  seulement,  mais  tous  les  arts,  cl  spécia- 
lement les  arts  appliqués  aux  industries  dont  s'occupent  les 
syndicats  d'artisans  affiliés  à  la  Maison  du  Peuple.  Des  confé- 
rences auront  lieu,  des  lectures,  des  causeries  avec  projections, 
des  expositions  même.  L'expérience  du  {"  décembre  a  victorieu- 
sement démontré  qu'on  peut  tout  tenter. 


L'EXPOSITION  DU  CERCLE  ARTISTIQUE 

Jaji  Verhaa  —  Dem  Dajts  —  rnnfman»  —  Fenuund  Klmopff- 


DCD  Dajts  —  Cooaenaïui 
MaBiioe  VwuXUtr 

Voili  cinq  peintres  de  tendances  el  d'âges  bien  différents;  tan- 
dis que  M.  Coosemans  est,  pensons-nous,  le  doyen  de  nos  paysa- 
gistes, M.  Vaulhier  débute  —  et  quel  abtme  entre  l'art  de 
M.  Khnopffet  celui  de  M.  Verbas! 

Nous  n'aimons  guère  l'exposition  de  M.  Verhas.  Ses  portraits 
d'enbnts  sont  maigrement  el  bourgeoisement  peinls,  sans  vif, 
sans  goût.  Quant  anx  Martyrs  de  la  plage  :  ces  Snes  sont  léchés, 
propreu  el  lisses,  on  les  ferait  entrer  dans  un  boudoir.  Puis  le 
sable  des  plages  de  M.  Verhas  parait  être  de  la  glace  on  de  la 
crème.  On  remarque  seulement  une  assez  chaude  Etude  de  pvr- 
trait  et  une  gracieuse  Etude  d'enfant. 

M.  Den  Dayts  est  un  paysagiste  mélancolique,  très  fin;  c'est 
le  poète  des  sons-bois  ensoleillés  par  le  couchant  el  des  vespri^'es 
o&  fument  les  cbaumines  du  soir.  Très  poétiques  son  Soir, 
La  Mer  et  Dans  la  dune.  M.  Den  Diiyls  a  réussi  également  des 
Fleurs  et  des  captivantes  Pivoines. 

Les  œuvres  de  Feniand  Kbnopff —  ainsi  cet  admirable  dessin  : 
Une  Ville  morte,  ou  tel  profil  i  la  sanguine  —  étaient,  la  plupnn. 
connues.  L'étude  pour  «  Memories  »  a  de  la  grâce  et  l'étude  pour 
«  l'Heure  »  fait  penser  i  un  ancien  gothique  allemand.  Les  petits 
payages  qu'expose  M.  Khnopff,  dans  une  note  fine  et  distinguée, 
charment  par  leur  délicatesse  et  leur  douceur  velouiée,  aux  jaunes 
exquis  et  d'une  saveur  rare. 


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L'ART  MODERNE 


M.  Vaulhier  débute.  Il  expose  six  porlrails  et  un  Menuisier. 
11  est  nettement  dans  une  fausse  route.  Rien  de  jeune  dans  tout 
cela.  C'est  vieux  jeu,  bilumeux,  lourd.  Allons,  M.  Vauiliier,  un 
p  :u  de  soleil  et  de  légèreté  ! 

M.  Coosemans  a  une  exposition  remarquable  et  importante. 
Tous  ses  paysages  possèdent  une  vigueur  chaude  et  ont  un  bel 
aspect  décoratif.  VAjiTès-midi  d'octobre  à  Tervueren  est  une 
glande  toile  pleine  de  majesté  avec  les  ddmes  des  grands  arbres 
cuivrés  par  l'automne  au-dessus  des  étangs,  sous  un  ciel  plein  de 
soleil.  La  Fin  d'automne  est  robuste  et  très  bellement  peinte. 
Cette  lisière  plantée  d'une  futaie  puissante,  avec  horizon  énergique 
où  l'on  pressent  l'hiver,  fait  songer  à  Boulengcr.  On  y  trouve 
même  ce  ciel  de  Boulenger  étoffé,  un  peu  à  ras  de  terre,  lourd  de 
robustesse.  H.  Coosemans  a  solidement  peint  aussi  tout  le  pays 
(le  Genck,  sa  plaine,  ses  bruyères,  ses  coins  marécageux,  avec 
un  pinceau  d'une  jeunesse  verte  et  le  fort  et  grand  souvenir  de 
cette  école  de  Tervueren  dont  il  reste  un  des  derniers  représen- 
liinls. 


j!10RREgPONDANC£ 


BruMlles,.le  2  décembre  1891. 


Messielrs, 


Je  suis  fort  curieux  de  voir  si  vous  insérerez  la  présente  lettre. 
C'est  une  peiiie  expérience  de  psychologie  —  le  mot  n'est-il  pas 
un  peu  lourd?  —  que  je  tente,  et  je  ne  sais  vraiment  encore  si  je 
devrai  considérer  comme  réussite  de  cette  expérience  l'insertion 
ou  la  non-insertion  des  réflexions  qui  suivent. 

Je  suis — vous  l'ignorez  peut-être  —  l'un  des  «  feuilletonnistes  » 
qui  ont  osé  loucher  avant  vous  aux  Sept  Princesses  de  M.  Mau- 
rice Maeterlinck,  v.l  que,  derrière  Flaubert,  vous  traitez  si  libéra- 
lement de  cuistres,  de  misérables,  de  crétins  et  d'abrutis. 

Je  n'ai  aucune  raison  particulière  de  croire,  Messieurs,  que  vous 
n'êtes  pas  convaincus  jusqu'en  vos  injures,  et  c'est  précisément 
pour  cela  que  je  voudrais  attirer  votre  attention  sur  un  procédé 
inconsciemment  habituel,  consistant  à  exagérer  le  mal  et  le  bien, 
—  à  prendre  déjà  M.  Maeterlinck  pour  un  génie  et  à  traiter 
comme  il  est  dit  plus  haut  ceux  qui  s'avisent  de  le  critiquer. 

La  réclame  est  une  bien  belle  chose,  et  c'est  une  fort  adroite 
f.içon  d'en  faire  à  quelqu'un  que  de  proclamer  sans  cesse  et  sur 
tous  les  tons  qu'il  n'en  a  pas  besoin,  et  de  le  plaindre  à  propos 
(le  persécutions  qu'il  n'a  pas  subies.  Depuis  le  jour  où  il  a  livré  à 
l'impression  la  première  ligne  qu'il  ait  écrite,  M.  Maeterlinck  n'a 
lien  eu  à  désirer  par  son  succès.  Il  est  certainement  le  dernier 
(les  littérateurs  belges  qui  ait  à  se  plaindre  d'avoir  été  un  seul 
instant  méconnu.  Tout  le  monde  s'est  accordé  à  lui  trouver  un 
grand  talent,  à  faire  valoir  cette  très  habile  tentative  d'originalité 
que  constituait  la  Princesse  Haleine.  Voici  cependant  le  moment 
de  pouvoir  faire  quelques  restrictions,  s'il  y  a  lieu,  et  ce  ne  sau- 
rait être  un  crime  que  de  ne  pas  pleurer  après  les  Sept  Princesses. 
Quel  est  l'homme  assez  grincheux  et  enthousiaste  pour  être  sincè- 
rement d'un  avis  contraire? 

M.  Maeterlinck  fera  mieux,  bien  probablement;  en  tout  cas, 
pirMone—  pas  même  vous.  Messieurs —ne  se  plaindrait  s'il 
luisait  autre  chose. 

Je  crois  qu'en  dehors  de  ceci,  rien  n'est  que  des  mots,  et  ceux-là 


mêmes  qui  les  écrivent  —  ces  mots  fussent-ils  des  insultes  —  ne 
peuvent  pas  s'en  contenter. 
Agréez,  Messieurs,  mes  confraternelles  salutations. 

H.  NlZET. 

Elle  est  drôle  c'te  lettre  de  M.  Nizcl!  El  d'un  obscur  I  Mais 
puisque  la  voici  insérée,  elle  est  faite  «  sa  petite  expérience 
psychologique  »,  qui,  paratl-il,  devait  réussir  soil  que  l'insertion 
eût  lieu,  soit  qu'elle  n'eût  pas  lieu.  Il  place  à  la  fois  sur  la  rouge 
et  sur  la  noire,  sur  passe  et  sur  manque,  sur  pair  et  sur  impair, 
M.  Nizet.  Qu'est-ce  qu'il  pouvait  bien  noqs  vouloir  en  bat  de  ça? 
1|  est  vrai  qu'il  ajoute  qu'il  ne  le  sait  pas  lui-même.  Architecte  en 
rébus,  va,  mais  où  fourres-tu  la  clef?  «  Je  n'ai  jamais  vu  de  cor- 
respondant plus  étrange  »,  dirait  Maeterlinck. 


THÉÂTRE  MOLIÈRE 

Au  Molière,  jeudi  après-midi,  une  matinée  où  la  pièce  de 
M.  Henry  Maubel  a  obtenu  un  net  succès. 

Mais  d'abord  une  causerie  de  M.  Armand  Silvestre.  Sujet?  Le 
mouvement  littéraire  belge.  Le  causeur  a  fignolé  quelques  petites 
anecdotes  en  cigarettes  qu'il  a  fumées  devant  le  public,  ou  mieux 
il  a  chiffonné  en  copeaux  quelques  souvenirs  cl  les  a  fait  rouler 
devant  lui,  au  hasard.  Cela  a  amusé  par  sa  futilité. 

Il  a  parlé  de  la  pièce  de  M.  Maubel  très  sommairement.  Trop 
sommairement  pour  en  tirer  cette  conclusion,  certes  inattendue, 
qu'elle  est  de  celles  qui  forceront  les  directeurs  de  théâtre  à  lire 
les  pièces  qu'on  leur  présente.  On  voit  difficilement  pourquoi  la 
pièce  de  M.  Maubel,  plutôt  que  n'importe  laquelle,  posséderait 
cette  vertu  sur  des  messieurs  aussi  rances. 

Le  même  escamotage  de  logique  a  permis  à  H.  Silvestre  de 
parler  du  théâtre  soi-disant  impossible  en  examinant  celui  de 
Scribe.  Et  Scribe  a  appelé  Banville  et  Banville  Aboul  et  About 
Saod.  Ils  s'appellent  comme  chien  et  chat. 

Le  mouvement  belge  on  l'a  cherché  en  vain  parmi  les  peluches 
et  les  pailles  et  les  paillettes  de  cette  conférence  et  il  est  heureux, 
certes,  qu'il  ne  s'y  soit  pas  rencontré.  M.  Armand  Silvestre  l'aurait 
évidemment  roulé  comme  tout  le  reste  en  cigarettes  d'anecdotes. 

L'intérêt  de  la  matinée  était  V Etude  de  jeune  (Ule.  Par  son 
titre  M.  Maubel  a  nettement  marqué  la  tendance  de  sa  pièce, 
toute  faite  pour  mettre  en  relief  un  caractère.  Peu  ou  point 
d'action;  rien  que  celle  qui  agit  â  l'intérieur  du  cœur,  celle  des 
sentiments.  La  jeune  fille,  une  pensionnaire,  y  apparaît  avec  ses 
gamineries,  ses  songeries,  ses  audaces,  ses  naïvetés,  ses  colères, 
ses  pleurs,  ses  brusqueries,  ses  douceurs,  ses  bontés.  Tout  le 
drame  —  un  bien  gros  mot.—  est  le  jaillissement  d'une  jalousie 
vile  canalisée.  Non  plus,  le  personnage  fatalement  en  repoussoir 
pour  faire  valoir  le  caractère  principal. 

L'écueil  de  telles  pièces  sont  l'afféterie  et  le  maniérisme. 
M.  Maubel  les  a  évités  certes  ;  le  seul  reproche  que  l'on  puisse 
lui  articuler  est  d'employer  parfois  des  mots  d'auteur  et  de  courir 
trop  après  l'esprit.  Phrases  de  livre  souvent  cl  non  pas  phrases 
de  théâtre. 

Mais  qu'importent  ces  vétilles  si  l'on  songe  aux  scènes  fines, 
très  observées,  très  vivantes  et  charmantes,  qui  remplissent  le 
premier  et  le  troisième  acte.  Aussi  des  trouvailles  de  ce  qu'on  est 
convenu  d'appeler  des  jeux  de  scène,  par  exemple  le  baisser  du 
rideau  sur  Miette  endormie  et  éclairée  par  la  seule  lampe,  que 
la  bonne  n'éteint  pas  dans  le  salon  obscurci. 


.  .WV-i'^Tt/ -T.'-'  VîiS„  •  ; 


L'ART  MODERNE 


393 


Encore  toute  une  fraîcheur,  une  simplicité,  une  nouveauté 
insunrée  sur  la  scène.  Le  dédain  de  tout  truc,  l'oubli  de  toute 
recette,  l'uni  et  facile  déroulement  d'une  situation  familiale  de 
deux  soeurs,  l'une  déjà  stylée  aux  usages,  l'autre  encore  sauvage 
et  capricieuse,  qui  aiment.  Cela,  dans  l'atmosphère  d'une  ville 
belge,  au  fond  d'une  maison  bourgeoise  quelconque,  où  la  maman 
préside  ii  l'éducation  et  aux  succès  dans  le  monde  de  ses  filles. 

Somme  toute,  succès  franc  pour  l'auteur  et  rappel  pour  ses 
interprètes,  surtout  pour  M"«  Villiers  qui  a  créé,  très  heureuse- 
ment et  intelligemment,  le  rôle  de  Miette. 


Jhéatre   de?  -{^alerie? 

Le  Cauchemar 

Si  la  caricature  est  la  monnaie  de  la  gloire,  voici  M.  Bruneau 
célèbre.  Son  iï^i-ea  été  l'objet  d'une  parodie  assez  amusante, jouée 
avant-hier  au  Théâtre  des  Galeries.  Désormais  le  jeune  composi- 
teur n'aura  plus  rien  à  envier  aux  auteurs  illustres.  Il  est  vrai  que 
ce  qui  a  déterminé  le  succès  du  Cauchemar,  c'est  le  prologue, 
un  tableau  bien  venu  montrant,  dans  leur  cabinet  directorial, 
MM.  Stoumon  et  Calabrési  obsédés  de  réclamations,  assiégés  par 
les  abonnés  qui  leur  demandent  du  neuf,  et  tout  heureux  de 
mettre  la  main  sur  une  partition  dans  laquelle  il  n'y  a  ni  chœurs, 
ni  ballet  :  a  Pas  de  frais!...  » 

Une  figure  bien  connue  d'abonné  a  eu  un  succès  d'autant  plus 
vif  que  l'original  se  trouvait  dans  la  salle.  C'est  le  triomphe  des 
revues,  ces  coïncidcnccs-là.  Et  la  toujours  fringante  jeunesse  de 
ce  fidèle  habitué  des  coulisses  (qui  n'est  pas  toutefois  le  Benjamin 
des  abonnés)  a  été  acclamée  d'enthousiasme  par  les  spectateurs 
mis  en  belle  humeur. 

Quelques  méchancetés  à  l'adresse  des  directeurs  de  la  Monnaie 
et  du  Ministre  des  chemins  de  fer  (qu'on  ne  s'attendait  guère  à 
vojrdans  cette  affaire!)  ont  été  happées  au  vol  et  soulignées 
d'applaudissements. 

Puis  se  sont  déroulés  les  tableaux  du  Rêve,  accommodés  à  une 
sauce  ullra-naturalisle,  sur  des  airs  variés  extrêmement  gais 
empruntés  au  répertoire  des  opéras  et  môme  des  chansonnettes 
en  vogue,  parmi  lesquels  le  compositeur  de  celte  bouffonnerie  a 
intercalé  aux  bons  endroits  quelques  lambeaux  de  la  partition  de 
M.  Bruneau. 

L'ouverture,  bâtie-  sur  les  motifs  dé  la  Nuit  de  Noël,  a  failli 
élre  bissée  tout  comme  un  prélude  de  revue  basochienne! 

Et  c'est  dans  l'expansion  d'une  gaieté  communicative  qu'a  été 
proclamé  le  nom  de  l'auteur  :  M.  Emile  Boulland. 


Petite  chronique 


La  jolie  salle  construite  par  M.  de  Saint-Cyr,  rue  Royale,  180, 
et  qu'il  a  baptisée  Oalerie  moderne,  a  été  inaugurée  mercredi  par 
une  importante  exposition  d'œuvres  de  Constantin  Meunier  : 
tableaux,  sculptures  et  dessins.  Nous  parlerons  dimanche  de  cetie 
superbe  exhibition  qui  montre  notre  grand  artiste  dans  la  pléni- 
tude d'un  talent  de  tout  premier  ordre. 

Le  lendemain,  M.  Xavier  Cariier  a  fait  entendre,  en  un  concert 
qui  avait  attiré  un  nombreux  auditoire,  un  choix  de  compositions 
dont  aucune  ne  s'élève  au-dessus  de  la  banale  médiocrité  des  mor- 
ceaux de  salon.  Mélodies,  romances  avec  et  sans  paroles,  valses, 
mazurkas  et  barcarolles  se  sont  succédées,  jouées  par  l'auteur, 
chantées  par  M°>*Comélis-Servais  ou  accompagnées  par  MM.  Jonas, 
Lerminiaux  et  Liégeois,  sans  donner  aucune  sensation  d'art. 


Seules,  les  jeunes' filles  qui  se  délectent  aux  inspirations  de 
M'"  Chaminade  ont  paru  ravies. 

Les  mineurs  et  les  verriers  de  M.  Meunier  n'avaient  pas  l'air 
content.  Quelques  auditeurs  soucieux  d'échapper  à  leurs  regards 
réprobateurs  ont  ingénieusement  masqué  quelques  bustes  en  v 
accrochant  leurs  chapeaux 

Il  n'est  plus  question,  à  la  Monnaie,  de  remettre  à  la  scène 
VArmide  de  Gluck  durant  cet  hiver;  le  deuil  récent  qui  a  frappé 
M.  Gevaert  l'empêchant  de  diriger  les  répétitions,  cette  importante 
reprise  est  postposée  à  l'an  prochain. 

Au  Conservatoire,  les  répétitions  des  concerts  sont  suspendues 
pour  le  même  motif;  le  premier  concert,  qui  a  lieu  habituelle- 
ment fin  décembre,  sera  remplacé  par  une  audition  d'élèves. 
Comme  dédommagement,  nous  aurons,  en  février,  une  exécution 
de  Manfred,  avec  Mounei-Sully  et  M"«  Dudiay. 

A  la  Monnaie,  après  Barberine  de  Saint-Quentin,  dont  la  pre- 
mière est  annoncée  pour  mercredi,  et  la  reprise  de  Lohengriu 
avec  Engel  (remplaçant  Lafarge  sérieusement  indisposé),  nous 
entendrons  la  Cavalleria  Rusticana  de  Mascagni  ;  puis  la  Flûte 
enchantée  et  sans  doute  le  Roi  malgré  lui  de  Chabrier  ou  une 
reprise  de  Gwendoline.  On  songe  aussi  â  Richard  Cœur-de-Lion, 
avec  Badiali. 

M.  Dupeyron  et  M""  Carrère  quittent  la  Monnaie  pour  l'Opéra  ; 
M.  Badiali  va  à  l'Opéra-Comique.  M.  Sentein  sera  remplacé  par 
M.  Dinard. 

M""  Angélique  Cusseneers  exposera  au  Cercle  artistique,  du  7 
au  17  décembre,  quelques-unes  de  ses  ueuvres. 


Cours  supérieurs  pour  Dames.  —  Lundi  7  déeemàre,  b 
2  heures.  M.  Percaheni  :  Ouverture  du  cours  de  géographie. 

Même  jour,  à  3  heures.  M""»  Chaplin  :  Schakespeare. 

Mardi  8  décembre,  à  2  heures.  M.  E.  Verhaeren  :  La  minia- 
ture gothique  considérée  comme  début  de  la  peinture  gothique 
(suite). 

Mercredi  9  décembre,  à  2  heures.  M.  Pergameni  :  Le  dévelop- 
pement du  régime  parlementaire  en  A  ngleterré  auX  VI II'  siècle, 
sous  les  trois  Georges. 

Même  jour,  à  3  heures.  M.  Discaili.es  :  J.-J.  Rousseau. 

Jeudi  10  décembre,  à  2  heures.  M.  Lonchay  :  Procès  et 
mort  d'Anneesent. 

Même  jour,à  3  heures.  M"«Tordeus  :  Diction  (partie  technique; 
articulation;  phraséologie). 

On  nous  prie  d'annoncer  qu'un  concert  sera  donné  le  vendredi 
18  courant,  à  8  1/2  heures  du  soir,  en  la  Salle  Marugg,  par 
M">»  de  Luce,  M""  Florence  et  Berlha  Saller  et  Ch.  Welly,  canta- 
trices, élèves  de  M""  Moriani  ;  avec  le  concours  de  M'"  Louisa 
Merck,  pianiste. 

On  peut,  dès  â  présent,  se  procurer  des  cartes  chez  tous  les 
éditeurs  de  musique. 

La  Société  centrale  d^ architecture  de  Belgique  fêlera,  le 
20  décembre,  le  dix-neuvième  anniversaire  de  sa  fondation  ;  outre 
le  banquet  de  rigueur,  il  y  aura  une  visile  de  l 'hôtel  du  gouver- 
neur et  des  bureaux  de  la  Banque  Nationale,  de  l'Hôtel  des  Postes 
et  de  l'église  Saint-Antoine-de-Padoue,  une  exposition  de  dessins 
de  Suys  le  père  et  de  M.  Ch.  De  Wuif,  et  enfin  la  séance  plénicre 
annuelle  au  cours  de  laquelle  sera  disculée  une  proposition  de 
suppression  des  concours  de  Rome  et  la  création  de  bourses  de 
voyage  laissant-aux  artistes  une  liberté  plus  grande  dans  le  choix 
du  pays  â  parcourir. 

Cinquante  concurrents  ont  répondu  à  l'appel  du  Bureau  de 
Bienfaisance  de  Laeken  pour  le  concours  de  maisons  ouvrières  ; 
c'est  un  vrai  succès  pour  cette  administration  qui,  mieux  inspirée 
que  la  Ville  de  Bruxelles,  a,  sur  les  conseils  de  la  Société  cenlRile 
d'architecture,  rédigé  le  programme  et  les  conditions  du  concours 
de  façon  à  donner  satisfaction  à  tous  les  artistes.  —  Les  cinquante 
projets  seront  exposés  cette  semaine  dans  le  préau  d'une  école  de 
Laeken. 


^^,^.^^.-.f..^:. 


"VBlîTTE 


TABLEAUX   MODERNES 

DES  ECOLES  BELGE.  HOLLANDAISE,  FRANÇAISE,  ETC. 
foumant  le  cabinbt  db 

m.  le  vieomte  clu  BUIS  de  OISIOI^IES 

Œuvres  de  G.  Bodeman,  L.  Brunio,  F.  Courtens,  H.  De  Beul,  De  Block,  Henri  De  Braekeleer  (Intérieur  eTanti- 
quain-  et  Jeune  f^nme  à  sa  toilette),  C.  De  Bruyne,  Charles  De  Groax  (La  rùee  au  cabaret),  J.  De  la  Hoese, 
H.-C.  Delpv,  D.  De  Noter,  E.  De  Schaœpheleer,  Julien  et  Albrechi  De  Vriendt,  Diaz,  Jules  Dapré,  Djrekmans,  Elsen, 
Théodore  Fourmois,  Eugône  Fromentin,  F.  Français,  L.  Gallait,  H.  Gaoïné,  Bf  Gempt,  Théodore  Gérard, 
J.-L.  Géricault,  J.  Goupil,  L.  GoupU,  J.-A.-Th.  Gudin,  E.  Isabej,  Fr.  Keelhof,  G.  Koller,  L.  Kratké, 
P.  Lauters,  Ad.-R.  Lefôrre,  J.  Lewis-Brown,  H.  Leys,  J.  Lies,  J.-B.  Madoa,  E.  Metsmacher,  P.  Noôl,  B.-P.  Onune- 
ganck,  A.  Ortmans  et  E  Verboeckhoren.  D.  Ojrens,  J.  Portaels.  E.  Ribot,  L.  Robbe,  Robert-Fleurj,  J.  Robie, 
Ch.  Rochussen.  W.  Roelofs,  J.  RofBaen,  H.  Ronner,  C.  Roqaeplan,  Pr.  Rojbot,  A.-J»  Seuroa.'A.  SAtitbamt. 
P.  Soyer,  C.  Springer,  A.  Stevens.  J.  Stevens,  A.  Toolmonche.  Ch.  T^ha^eny,  H.  Van  Aaaehe,  Jan  Van  Beers, 
H,  Van  Hove,  J.  Van  Lerius.  E.  Van  Marcke,  J.-B.  Van  Moer,  P.  Van  Schendel.  E.  VerboeckhoTen,  F.  Veriias, 
Ch.  Verlat,  \V.  Verschnur,  A.  VoUon.  C.-M.  Webb  et  H.  Van  HoTe,  J.  Verheyden,  G.  Willems  et  L.  Zaccoli. 

LA    ^'ENTB,    AUX    KNCHfiRBS    PUBUQCBS,    AITHA    LIKU    BN    LA 

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les  lundi  7  et  mardi  8  cedémbre  1891,  à  2  heures  précises  de  relevée 

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tktm.  nUÂtlm/,  a.  OHey.  (Me  BhH.  A.  Esâpof,  Sofh  Menter, 
Ditirit  Artùt.  PtruHtie  Lfcra,  PiM»  de Stmuate.  Ferd.  Hitttr,  D. 
Popper,  tir  F.  Be»<diel,  Laekeiiukg,  Aiqartn-HiA.  JoA.  Seimer,  Jok. 
SkywfwM.  K.  RKMtdHa^,  J.-C.-E.  Sukle,  Ifmacr  Bmll.  tic.  «le 

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Lb  mniteo  :  SS  cmtrtaa». 


DncAMCHB  13  Déckmbks  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LB    DIMANCHB 


RKVUE  ORITIQnE  DES  ARTS  ITT  DE  LA  UnËRATURE 

GomiM  de  rédaottoil  •  Ootays  BIA-US  —  Eoifoin>  PICARD  —  Ëkii.b  VERHAEREN 


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Adreuer  toute»  le»  communication*  d 
l'asmdostsatioh  oéhékau  db  TArt  Moderne,  me  de  l*Iiidiistrie,  32,  Bmzelles. 


Sommaire 


Atb.  —  CoMSTiTATioira.  —  HonuK   Inaar.  —  OaoBJiw  ad 
tWUssn  Moufeax.  —  PanoBi  CoRcasT  roroLiias.  —  BiaaniiirE. 

—  La  TaiATBB  db  la  M omAïa.   —  TaiATaa   db  Otiaami.  — 
TBiATUt  lona.  —  La  CamQca  aau»  —  CouasTATOiaa  m  Lâoa. 

—  Caxnnooa  /nnciAïaa  sas  Aan.  —  Pâma  caaosiooa. 


AVIS 


CONSTATATIONS 

Tandis  qu'ai  Belgique,  certains  littérateurs  ratés  et 
OCTtaines-Tîeilks  perruches  dn  feuilleton  s'obstinent, 
arec  un  entêtement  qui  les  perd  même  dans  l'estime  de 
leur  pnUic  dn  Bel  Air,  à  mépriser  le  jenne  mouTonent 
bdge  et  à  aj^CTses  rq»résentantsla  •  ligue  desgosKs  • 
(nâr  dans  la  Jeune  Belgique  la  réponse  de  M.  Tardieu 
i  Albert  Giran^,  les  Français,  les  Aillais,  les  Hol- 


landais et  les  All^nands, — tons  nos  Toisins, — se  préoc- 
cupent singulièrement  de  nous.  On  sait  en  quelle  estime 
les  Gustave  Kahn,  les  Mallarmé,  les  Mirbean,  les 
Griffin  tiennent  nos  émvains.  Ds  collaborent  à  nos 
revues  et  s'intéressent  aux  œuvres  de  nos  poètes.  Le 
.  il^iaméro  dn  15  juin  d'onerevne  parisienne,  La  Plume,  a 
été  uniquement  consacré  aux  Jeune  Bdgique  et  il  j 
était  dit  à  propos  de  nos  écrivains  les  plus  récents  : 
•  Ce  fot  une  magnifique  floraison  de  jeunes  talents,  une 
vraie  Roiaissance  :  la  Belgique  allait  enfin  avoir  sa 
littérature  à  eUe».  D'autre  part,  2^3fercure  de  France, 
dans  le  compte  rendu  dn  livre  de  M.  Hubert  Krains, 
n'hésitait  pas  à  déclarer  que  •>  l'auteur  belge  a  toujours, 
à  un  pins  haut  degré  que  l'auteur  français,  le  senti- 
ment de  sa  dignité  d'terivain  ».  A  Bmxelles,  après 
cela,  quelqu'un  a  traité  M.  Charles  Potvin  de  cabotin  et 
d'autiés  de  saltimbanques.  0  !  les  gafies  du  désespoir  ! 
D'un  antre  côté,  M.  William  Archer  consacre,  dans 
la  FortnighUy  Review,  un  article  enthousiaste  à  Mae- 
terlinck. Et  le  tragédien  Beerbohm-Tree  a  donné  à 
Londres,  an  Playgoert  Club,  une  conference  qui  a  en 
dn  retaitissement,  sur  le  poète  gantois.  Le  tragédien  a 
surtout  envisagé  l'œuvre  de  notre  compatriote  an  point 
de  vue  •  jouable  »,  et  s'il  a  £ût  de  ce  c^té  certaines 
Téaaja  et  certaines  critiques,  il  n'en  est  pas  moins  vrai 
qu'il  a  déclaré  qu'il  j  avait  dans  l Intruse  nue  scène 
{Hiesque  incomparable  et  plnseurs  éclairs  de  génie. 


396 


L'ART  MODERNE 


M.  Beerbohm-Tree  ne  fait  poartant  pas  partie  de  notre 
petite  chapelle,  entendez-vous  M.  Tardieu?  Il  n'a  pas  de 
raison  pour  nous  faire  de  la  réclame!!!!  et  pour  bien 
parler  de  nous,  —  tandis  que  vous,  au  contraire,  vous 
dites  avec  tant  de  distinction  à  la  jeunesse  littéraire  : 
N-i-Ni,  FINI  t  !  !  !  (on  croiraitque  vous  parlez  de  M.  Frédérix). 
Les  abonnés  de  V Indépendance  paient  pourtant.  Mon- 
sieur, vingt  francs  par  an  pour  que  vous  les  renseigniez 
sur  les  manifestations  littéraires  belges,  vous  qui  tenez 
un  supplément  littéraire!  C'est  ce  que  vous  ne  faites 
pas,  absorbé  uniquement,  ainsi  que  vous  l'avouez,  par 
-  l'aérage  de  votre  polémique  -,  et  préoccupé  d'  •  esqui- 
ver l'asphyxie  électorale  ».  C'est  sans  doute  afin  de 
faciliter  le  «  tirage  •  de  votre  journal.  Au  point  de  vue 
du  JOURNALISTE  que  vous  prétendez  être,  ces  préoccu- 
pations sont  louables.  Mais  alors  contentez-vous  d'un 
supplément  commercial,  qui  sera  comme  l'arrière-bou- 
tique  de  votre  journal,  ôtez  à  la  maison  G.  F.  C.  T. 
son  enseigne  littéraire  et  fermez  les  rez-de-chaussée 
dramatiques  et  comiques  de  M.   Frédérix.   Si  vous 

CROYEZ    QUE   LA  CLIENTÈLE  S'EN   PLAINDRA  !  SUivant  UUe 

des  phrases  de  votre  lettre  qui  donne,  Monsieur,  la 
mesure  de  l'élévation  de  vos  tendances  et  des  buts  que 
vous  vous  proposez. 

Mais  ce  n'est  pas  seulement  la  France  et  l'Angleterre 
qui  s'occupent  du  jeune  mouvement  belge,  un  grand 
journal  hollandais,  le  Nieutoe  Amsterdamsche  Cou- 
rant, consacre  une  très  longue  et  très  élogieuse  étude 
à  Georges  Eekhoud.  On  y  analyse  minutieusement, 
avec  un  grand  renfort  d'admiration  et  d'éloges  :  Kees 
Doonk,  les  Kermesses,  les  Milices  de  saint  Fran- 
çois, la  Nouvelle  Carthage  et  les  Fusillés  de  Matines. 
L'étude  se  termine  ainsi  :  »  Beaucoup  de  réalistes  se 
contentent  de  la  narration  des  faits  et  abandonnent  au 
lecteur  le  soin  d'en  tirer  des  conséquences.  Eekhoud, 
au  contraire,  pareil  à  son  géant  flamand,  ne  demande 
pas  l'approbation  des  autres  ;  comme  artiste  il  soutient 
ouvertement  un  combat.  Il  amène  devant  nos  yeux, 
avec  un  grand  amour,  les  plus  parias  de  sa  race  et  il 
les  couvre  de  son  égide  :  mais  nous  devons  l'apprécier  à 
une  très  haute  valeur,  pour  sa  puissante  littérature  et 
son  œuvre  profonde  de  création.  » 

Cet  article  ne  fera  pas  plaisir  à  certain  pataud  de 
salon,  qui  a  appelé  Eekhoud  un  paysan  des  polders  et 
qui  dernièrement  a  essayé,  à  l'occasion  du  compte 
rendu  du  livre  d'un  jeune  écrivain  wallon,  de  piquer 
l'auteur  des  Kermesses  en  insinuant  que  certains 
auteurs  flamands  écrivaient  difiicilement  le  français. 
En  revanche,  il  y  a  en  Belgique  beaucoup  d'écrivains 
français  qui  écrivaient  et  qui  écrivent  facilement  le 
patois.  (Voir  Hymans,  Leclercq,  Tardieu  et  Frédérix, 
passim  )  Et  d'ailleurs,  le  généreux  poète  des  polders 
est  trop  haut  placé  dans  la  littérature  pour  être  atteint 
par  la  revanche  du  kroumir,  qui  veut  faire  payer  à 


Eekhoud  la  réclame  que  les  jeunes  lettrés  octroyent  si 
largement  depuis  quelque  temps  à  la  vieille  marquise 
de  r Indépendance.  Elle  n'est  pas  contente,  la  vieille 
marquise.  Vraiment,  les  ••  gosses  «  de  M.  Charles 
Tardieu  sont  bien  mal  élevés  ! 

Et  tenez  !  Il  lui  arrive  chaque  jour  des  mésaventures. 
Dernièrement  elle  assiste,  en  sa  qualité  de  fenilleton- 
niste,  à  une  conférence  de  M.  Prins,  professenr  à 
l'Université  de  Bruxelles,  sur  le  mouvement  intellec- 
tuel en  Belgique.  C'était  au  Cercle  artistique,  et  là  la 
précieuse  mondaine  se  trouvait  presque  certaine  de  ne 
rien  entendre  qui  pût  blesser  ses  notions  littéraires. 
Elle  parlait  sans  doute  de  ses  relations  avec  Dumas 
père,  qui  a  été  !'«  amuseor  de  toute  une  génération  »  et 
avec  Victor  Hugo  dont  elle  a  dit,  dans  son  livre  unique, 
intitulé  Le  Banquet  des  Misérables  :  «  Il  porte  mainte- 
nant toute  sa  barbe,  mais  la  barbe  ne  manque  pas  de 
pittoresque,  et  puis  elle  est  utile  à  ceux  qui  habitent 
près  de  la  mer  :  elle  préserve  des  maux  de  gorge  et  des 
extinctions  de  voix  ».  Petite  folle  ! 

Or,  M.  Prins  a  courageusement  constaté,  devant  les 
membres  du  Cercle,  que  le  niveau  intellectuel  était 
rudement  bas  en  Belgique.  Heureusement,  dit-il,  une 
grande  lueur  s'est  réveillée.  Et  parmi  les  représentants 
de  cette  Renaissance,  le  conférencier  a  cité  l'auteur  de 
la  Princesse  Maleine,  oui,  marquise,  l'auteur  des 
Kermesses,  oui,  marquise,  l'auteur  des  Flambeaux 
Noirs,  oui,  marquise,  l'auteur  de  la  Damnation  de 
r  Artiste,  oui,  marquise  —  et  d'autres,  oui,  oui,  mar- 
quise !  Mais  il  n'a  parlé  ni  de  vous  ni  de  votre  amie  ! 
Les  temps  commencent  à  bien  changer!  N-i-ni,  Fini! 
n'est-ce  pas  ? 


HENRIK  IBSEN 

Etude  sur  ta  vie  et  ton  œuvre,  par  Charles  Sàkoléa,  (arec  le  por- 
trait d'Ibsen).  —  Paris,  librairie  Nilason,  1891,  iii-18, 102  pages. 
Il  semble  que  chaque  temps  a  toujours  tu  oatlre  le  genre  de 
critique  qu'exigeaieni  ses  œuvres  d'art.  Depuis  que  Sainte- 
Beuve  a  écrit  ses  Lundis,  Jules  Janin  et  de  Pontmartin  leurs 
FeuUUtont,  un  peu  à  l'amasetie,  comme  en  une  fine  et  spiri- 
tuelle causerie,  nous  avons  en  successivement  la  critique  histo- 
rique de  Taine,  la  critique  scientifique  d'HennequIn  et  la  critique 
dilettante  de  Lematlre.  Restait  ia  critique  comparée,  celle  qui  ne 
s'objective  en  aucun  nom,  mais  qui  influence  manifestement  tous 
ceux  qui,  aujourd'hui,  scrutent  les  pensées  et  les  sentiments  des 
grands  génies. 

Non  seulement  il  est  intéressant  de  savoir  ce  qu'un  homme 
doit  à  sa  race,  à  son  milieu,  b  son  temps,  de  connaître  en  détail 
la  bibliographie  de  ses  livres  et  la  biographie  de  sa  personne,  de 
découvrir,  au  moyen  de  ses  œuvres,  quelque  grande  loi  de  psycho- 
logie, mais  encore  de  prendre  les  idées  qu'il  a  exprimées,  de  les 
examiner  en  elles-mêmes,  de  juger  ce  qu'elles  valent,  en  les 
comparant  à  leurs  analogues,  arrivées  i  maturité  sous  d'autres 
latitudes  et  en  d'autres  temps. 


L'ART  MODERNE 


397 


M.  Chartes  Saroléa  fait  beaucoup  de  critique  comparée. 
Non  £0  des  chapitres  spéciaux  où  il  opposerait  le  génie  norwé- 
gien  d'Ibsen  au  génie  d'un  dramaturge  français  ou  anglais,  mais 
dans  le  corps  même  de  ses  écrits,  avec  tout  l'à-propos  qu'on 
pent  dteirer.  Un  peu  trop  abondante  peut-être  son  étude  sur 
Ibsen,  mais  il  doit  être  bien  difficile  de  se  résumer  en  quelques 
brèves  et  précises  formules,  quand  on  possède  toute  sa  lecture  et 
que  l'on  vent  être  complet.  Disons-le  toujours  intéressant  et,  qua- 
lité souvent  rare  chez  un  critique,  grand  et  profond  admirateur 
de  celui  qu'il  étudie. 

Les  œuvres  d'Ibsen  sont  divisées  en  trois  catégories  par 
M.  Saroléa  :  drames  historiques  et  romantiques,  poèmes  drama- 
tiques, comédies  sociales,  catégories  ii  travers  lesquelles  est  pour- 
suivie l'évolution  de  toutes  les  maltresses  pensées  de  son  oeuvre. 
Ex  pièces  dont  les  éléments  doivent  prouver  qae  le  maître  est 
bien  un  arUtoerate  radical,  comme  le  qualifie  son  critique. 

La  pensée  d'Ibsen,  c'est  l'idée  morale,  l'idée  du  devoir  de 
l'individu  en  tant  qu'être  libre  et  son  émancipation  du  joug  de 
la  société.  Car  la  liberté  de  l'individu  lui  paraît  assujettie  aux 
conventions  de  la  société  et  celle-ci  lui  semble  vermoulue  si  bien 
qu'on  l'entend  craquer  de  toutes  parts. 

Celte  idée  générale  revient  sous  celte  iriple  forme: 

Qu'est-ce  que  les  individus  d'i  présent  à  cèté  des  puissantes 
individualités  du  passé?  Des  nains  à  c6lé  de  géants  :  thèse  déve- 
loppée'dans  les  drames  romantiques,  dont  aucun  n'a  été  traduit 
en  français  :  CatUitia,  la  Dame  Inger  à  Oïlral,  lu  Prétendants 
de  la  couronne,  etc. 

Qu'est-ce  que  la  Religion  et  l'Idéal?  Un  mot,  une  famille  : 
thèse  de  la  trilogie  lyrieo-dramatique  :  La  Comédie  de  Famour, 
Brand  et  Peer  Oynt. 

Qu'est-ce  que  le  Mariage  et  l'Amour?  Une  convention,  un 
marché  :  c'est  le  problème  discuté  dans  les  comédies  sociales, 
entre  autres  dans  la  Piliers  de  la  Société (iSn),  Nora  (1879),  les 
RevenanU  (1884),  vn  Ennemi  de  la  société  (1882),  le  Canard 
sauvage  (1884),  Hedda  (?a6/«r  (1890). 

Le  biographe  d'Ibsen  a  le  grand  mérile  à  nos  yeux  de  nous 
avoir  enfin  donné  une  idée  d'ensemble  de  l'œuvre  du  maître 
norwégien.  Ne  lit  pas  le  danois  qui  veut  et  les  traductions  fran- 
çaises sont  lentes  a  venir.  La  teneur  de  tous  les  ouvrages  du  dra- 
maturge nous  est  expliquée,  moins  dans  leur  trame  que  dans  leur 
esprit,  et  ce  n'en  vaut  peut-être  que  mieux. 

En  résumé,  étude  très  consciencieuse  et  souvent  de  haute 
envergure,  comme  les  deux  chapitres  où  il  est  traité  de  la 
conception  de  l'art  et  de  la  morale  d'Ibsen.  Elle  fait  grand  honneur 
a  la  jeune  critique  belge  où,  du  reste,  foisonnent  les  esprits 
pénétrants. 


GRISELIDIS 

A.TJ    THÉA-TieE    IWtOXjIÊRE 

Quelle  que  soit  l'opinion  que  l'on  ait  sur  la  pièce  de  M.  Silvestre, 
il  importe  de  rendre  justice  a  son  désir  de  faire  autre,  et,  si 
possible,  neuf. 

Persuadé  que  le  théitre  s'embourbe  dans  l'ornière  actuelle  des 
pièces  \  succès  facile  et  !t  dénouement  prévu  et  régulier,  il  essaie 
la  fantaisie,  la  légende,  l'archaïsme.  Il  n'a  peur  ni  de  restituer  le 
vers  il  la  scène,  ni  de  composer  de  belles  phrases. 


Il  est  resté  le  parnassien  d'anlan,  le  chanteur  pur  qui  mêle  à 
ses  pensées  toutes  les  belles  choses  banales  mais  éternelles  du 
monde:  l'azur,  les  étoiles,  la  nuit,  la  mer  bleue,  le  soleil,  les 
oiseaux,  les  fleurs.  Lorsqu'on  n'écoute  qu'à  moitié  le  sens  de  la 
pièce  de  M.  Sylvestre,  ce  sont  de  tels  mots,  —  d'ordinaire  servis 
en  comparaisons  et  en  images,  —  que  l'on  entend  exclusivement 
retentir.  Et  certes,  que  de  beaux  vers  sonores  eux  aussi  comme 
les  vagues  et  frais  et  clairs  eux  aussi  comme  les  roses. 

La  pièce  est  titrée  Mystère.  Et  c'est  le  vrai  titre,  peu  importe 
la  signification  acquise  de  ce  mot.  Le  drame  est  d'essence  humaine, 
le  mystère  de  fond  divin.  Or,  ici,  le  miracle  est  étalé  aux  yeux  de 
tous.  Dieu  intervient  directement,  le  diable  aussi.  L'enfant  Loys 
est  rendu  &  ses  parents  par  l'intervention  surnaturelle  :  on  n'ex- 
plique pas,  on  constate. 

Voilï  i  notre  sens  la  vraie  audace  de  cette  pièce  :  rendre  patent 
le  miracle  et  s'en  servir  comme  noyau  scénique.  Wagner  l'avait 
également  adopté  dans  Parsifal,  et  Parsifal  n'est  point  un  drame, 
c'est  un  mystère. 

Au  point  de  vue  archaïque  la  pièce  est  curieuse.  Le  mot  trop 
moderne  est  évité,  parfois  le  terme  ancien  apparaît,  —  exemple  : 
bailler  dans  le  sens  de  donner,  —  mais  il  se  fond  heureusement 
dans  le  ton  général  de  la  phrase.  La  légende  est  exquise  :  Grise- 
lidis,  miroir  de  l'épouse  fidèle,  ne  se  laisse  vaincre  ni  dans  son 
obéissance,  ni  dans  son  honneur,  ni  dans  sa  foi.  Elle  se  garde 
intacte,  malgré  les  multiples  épreuves  et  les  embûches  du  diable 
qui  la  tente  pendant  l'absence  de  son  seigneur  et  mari  et  elle  se 
présente  a  lui,  revenu  des  guerres  barbaresques,  aussi  inviolée 
que  le  jour  où  il  partit.  Voila  le  fond.  On  assiste  au  départ,  aux 
épreuves,  au  retour.  El  d'ailleurs,  un  page  explique  la  pièce 
dans  le  prologue  et  lui  assigne  une  conclusion  au  tomber  du 
rideau. 

Nous  avons  dit  le  mystère  de  MM.  Silvestre  et  Morand  :  curieux. 
C'est  tout.  Intéressant,  peut-être  encore  ;  émouvant  et  profond, 
non. 

Le  poète  a,  dirait-on,  manqué  d'intensité,  de  tendresse,  de 
douceur.  Griselidis  déclame  trop,  elle  est  trop  le  personnage 
désigné  pour  chanter  le  beau  vers  ;  elle  est  irop  extérieure- 
ment étudiée  et  produite.  Sa  bonlé,  sa  ferveur,  sa  grâce  d'hu- 
milité sont  comme  en  décor  et  nullement  les  sources  vives  de  son 
ime.  De  même,  le  marquis  de  Salluce  n'est  point  assez  le  guer- 
rier et  le  preux,  le  soldat  encore  barbare.  Il  y  a  manque  d'ac- 
centuation dans  les  caractères:  aucun  n'est  assez  soi-même. 

Certes,  la  pièce  vaut  qu'on  y  aille  et  elle  a  plu  beaucoup  au 
public  du  premier  soir  qui  a  fait  des  rappels  après  chacun  des 
trois  actes  et  réclamé  bruyamment  le  nom  des  auteurs  i  la  fin. 
Aussi  n'est-ce  pas  sans  quelque  élonnement  que  l'on  a  lu,  le  len- 
demain, les  comptes  rendus  moroses  de  la  presse. 

La  tentative  Hardie  et  consciencieuse  de  M.  Alhaiza  mérilaii 
mieux.  Peut-être  les  auteurs  ont-ils  eu  tort  de  quitler  Bruxelles 
avant  la  représentation  et  de  tenir,  avant  leur  départ,  à  des  repor- 
ters Irop  disposés  i  former  leurs  opinions  d'après  les  bavardages, 
quelques  propos  un  peu  sceptiques  sur  l'effet  des  premières  répé- 
titions. Le  bruit  courait  dans  les  couloirs  que  MM.  Silvestre  et 
Morand  étaient  partis  en  déclarant  l'interprétation  insuffisante  et 
l'on  comprend  que  cela  ait  suffi  pour  embrouillarder  les  oreilles 
et  les  yeux  de  nos  critiques  ordinaires. 

A  notre  avis,  certes,  les  décors  de  la  pièce  au  Théâtre-Français 
lui  donnent  un  cadre  charmant,  fantastique  et  rêveur  qui  man- 
que au  modeste  Théâtre  Molière  et  puisqu'il  s'agit  dune  féerie. 


398 


L'ART  MODBRNB 


c'est  beaucoup.  Mais  l'imagination  p«at  s'abstraire  de  cet  exlé- 
rienr  qui  manquait  totalement  au  théâtre  de  Shakespeare. 

Quant  il  l'interprétation,  elle  a  vraiment  été  très  conTenable, 
étant  données  les  ressourceii  restreintes  du  Théftlre  Molière  et  les 
inévitables  vices  de  la  déclamation  dite  de  Conservatoire  qu'on 
appelle  si  singulièrement  aavoir  dire  le  ver».  Sous  ce  rapport  la 
fameuse  Comédie-Française  est  un  réceptacle  d'odieuses  routines 
et  en  réalité  le  petit  ibéfttred'Ixeltes  vaut  plulét  mieux  quemoins, 
car  certains  interprètes  y  ont  moins  sacrifié  aux  vieilles  habitudes. 
M.  Duterire  a  dit  admirablement  les  stances  touchantes  du  pre- 
mier et  du  troisième  acte  qui  se  terminent  &  chaque  strophe  par 
Griselidis!  Griselidis!  H.  Alhaiza  est  un  diable  aussi  bon  que 
Coquelin  cadet,  M""  Bourgeois,  en  diablesse,  vaut  mieux  que 
l'interprète  parisienne,  et  quant  &  M°>*  Madeleine  Max,  elle  a 
donné  de  Griselidis  une  version  simple  et  touchante  qui 
détonnait  par  son  originale  hardiesse  au  milieu  des  déclamations 
usuelles  auxquelles  se  conformaient  consciencieusement  ses  par- 
tenaires. Cette  mesure  et  cette  distinction  ont  un  peu  dérouté  le 
public,  mais  nous  engageons  vivement  la  jeune  artiste  à  persé- 
vérer dans  sa  manière  sobre  :  nous  ne  doutons  pas  qu'elle  finisse 
par  être  comprise,  car  tout  va  à  la  sobriété  du  jeu  ;  nous  en  enten- 
dions faire  récemment  la  remarque  par  de  très  compétents  artistes, 
à  la  charmante  et  mordante  revue  Ailleurs,  jouée  au  Cràt  Nom, 
d'un  bout  6  l'autre,  sur  ce  rythme  pénétrant  et  tranquille.  H™  Ma- 
deleine Max  avait  aussi  accepté  courageusement  les  nécessités  du 
costume  moyen-âge  :  pas  de  corset!  pas  de  talons!  au  risque  de 
sembler  maigriote  et  trop  petite.  En  vérité  elle  était  très  séduisante 
dans  sa  robe  de  tryptique  couleur  ivoire,  brodée  de  signes  sym- , 
boliques,  et,  sur  la  léte,  son  diadème  à  aigrettes  scrupuleusement 
imité  d'un  missel.  Ces  soins  d'artiste  scrupuleuse  eussent  mérité 
une  remarque  du  reportage  plus  à  propos  que  le  léger  coryza  qui 
assourdissait  la  voix  de  Griselidis. 


PREMIER  CONCERT  POPULAIRE 

M.  Richard  Strauss,  —  nom  célèbre,  prénom  illustre,  disait 
Wilder,  —  est  considéré  en  Allemagne  comme  le  gonfalonier  de 
l'école  nouvelle.  En  ce  pays  que  la  mort  du  Maître  a  plongé  dans 
la  plus  complète  indigence  musicale,  il  fallait  trouver  à  tout  prix 
un  Walther,  ne  fût-ce  que  pour  l'opposer  à  celui  qu'irrévéren- 
cieusement, dans  certains  milieux,  on  traite  de  Beckmesser.  Inu- 
tile de  le  nommer,  n'est-ce  pas? 

El  du  coup,  voici  Richard  Strauss  très  bien  en  cour,  —  vous 
savez  à  quelle  Cour  nous  faisons  allusion,  —  appuyé  par  les 
Bayreulher  Blâlter,  patronné  par  Cosimallah  et  par  son  prophète 
Mahomet  von  Wolzogen. 

Ce  que  vaut  M.  Strauss,  nous  le  saurons  quahd  on  nous  four- 
nira l'occasion  de  le  juger  autrement  que  par  une  œuvre  de  jeu- 
nesse, qui  trahit  une  inexpérience  candide.  Le  mot  d'ordre  étant 
d'applaudir,  nous  nous  méfions  et  nous  attendons  ses  composi- 
tions récentes,  Don  Juan,  par  exemple,  joué  à  Paris  ces  jours-ci, 
mais  qui  ne  paraît  pas  avoir  excité  beaucoup  plus  d'enthousiasme 
que  sa  symphonie  En  Italie,  produite  à  Bruxelles  dimanche 
dernier. 

11  y  a,  dans  ce  premier  essai  d'un  prix  de  Rome  lâché  à  travers 
les  osléries,  les  campi  sanli,  les  musées  et  les  ruines,  plus  de 
recherche  que  d'idées,  plus  de  labeur  que  d'inspiration.  La  longue 
phrase  mendelssohnienne  qui  constitue  le  fond  de  la  première 


partie,  intereaMe  dam  un  asseï  pittoreique  récit  de  h  campagne 
romaiBe  (le  meilleur  merceau  de  l'œuvre),  n'etl  guère  peraonneUe. 
Blie  file,  file,  k  la  manière  trop  napolilaine  d'un  macaroni, 
sans  laiater  d'impression  profonde.  Vandamtt,  qui  débute  par  de 
jolis  timbres  frais  peignant  les  flots  bleus  qui  caressent  la  grève 
sorrentiBe(où«les  fleurs  en  tonte  saison...», musique  connue),  se 
résout  en  petits  soli  dévidés  b  tour  de  r^  par  le  premier  violon, 
par  le  hautbois,  par  l'aile,  grêles  et  mesquins,  malgré  d'asaez 
curieuses  harmonies.  Un  sektno  infiniment  trop  toofii,  d'un 
rythme  compliqué,  surchargé  de  dessins  encbevéMs  que  Je  défie 
le  meilleur  des  orchestres  d'exécuter  inlégralament,  succède  i  ce 
morceau.  Au  final  éclate  le  Funieuli,  fiinieula  qui  égaie  l'ascen- 
sion des  Anglais  su  Vésuve  et  qui  a,  au  Concert  populaire,  paru 
divertir  prodigieusement  un  avoué  de  nos  amis  auquel,  depuis 
l'an  dernier,  il  sert  de  leUmêtù.  Le  thème  est  présenté  d^ine 
manière  amusante,  sur  des  harmonies  hardies,  mais  au  Ken  d'être 
symphoniquement  développé,  il  est  haché,  démembré,  torturé,  et 
la  symphonie,  assez  heureusement  commencée,  s'en  va  ft  tous  les 
diables. 

Ce  n'est  pas,  il  notre  avis,  cette  œuvre  décousue  qui  placera 
M.  Richard  Strauss  au  rang  qu'on  loi  assigne  au  delii  du  Rhin. 
Peut-être  a-t-il  mienx  i  nous  offrir.  Nous  serons  heureux  de 
l'écouter  de  nouveau,  et  très  disposés  k  l'applaudir. 

On  a  fait^à  M.  Gurickx,  le  nouveau  professeur  du  Conserva- 
toire, un  joli  succès  mérité  par  ses  qualités  de  sérieux  musicien 
et  de  pianiste  consciencieux.  M.  Gurickx  a  interprété  avec  talent 
le  concerto  de  Tschaikowsky  qui  renferme,  h  cété  de  fragments 
délicats  et  attachants,  des  morcesux  en  forme  de  valses  et  de 
mazurkas  dont  l'opportunité  peut  être  mise  en  doute.  Il  a  joué  en 
outre  une  fantaisie  pour  piano  et  orchestre.  Sur  la  mer,  dont  il 
est  l'auteur,  —  œuvre  de  bonne  facture,  mais  d'intérêt  musical 
contestable. 

Le  succès  artistique  du  concert  est  allé  aux  deux  pièces  sym- 
phoniques  de  Glazounow,  Rêverie  orientale  et  Sérénade  {la  maj.), 
tout  à  fait  jolies  d'inspiration  et  d'instrumentation. 

Et  le  concert,  langnissamment  ouvert  par  la  fi-oide  ouverture 
de  Sakountala  deGoldmark,  —  unGonnod  germanique,  disait-on, 
non  sans  raison,  —  a  été  plus  gaiement  clèturé  par  la  vivacité  de 
la  Lustspiel-Ouverture  de  Smetana,  applaudie  l'an  dernier  et 
conduite  avec  verve  par  Joseph  Dupont. 


BARBERINE 

Cette  idée  de  tirer  de  Barberine  un  opéra  comique  n'est  pas 
neuve.  Il  y  a  quelque  vingt  ans,  deux  avocats  du  Barreau  de 
Bruxelles,  —  aujourd'hui  parmi  les  plus  éminents,  —  «  libretti- 
nèrent  »  la  jolie  comédie  de  Musset  et  prièrent  un  prix  de  Rome 
de  leurs  amis  d'en  écrire  la  musique.  Mais  le  prix  de  Rome  devint 
directeur  d'un  Conservatoire,  et  rien  ne  tarit,  paratt-il,  l'inspira- 
tion comme  les  obligations  qu'entraîne  une  charge  de  ce  genre. 

Barberine  dormait  toujours,  lorsque  survint  un  Siegfried  qui 
la  tira  de  sa  torpeur.  Ce  Siegfried  est  un  ancien  préfet  auquel  le 
16  mai  a  donné  des  loisirs  et  qui  consacre  ceux-ci  au  culte  des 
Muses,  ainsi  qu'on  disait  sous  la  Restauration. 

Il  est  très  honorable  pour  un  gentilhomme  de  sacrifier  le 
billard,  la  chasse  et  le  baccara  ii  l'étude  de  l'harmonie  et  de  dai- 
gner noter  sur  du  papier  i  musique  des  romances,  des  chœurs, 
des  menuets,  des  gavottes.  M.  de  Saint-Quentin  a  acquis,  dans 


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VART  MODERNE 


309 


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ee  difficile  labeur,  quelque  dextérité.  11  connaît  ses  auteurs, 
depoia  Grëtry  juaqali  Wagner,  et  pour  prouver  qu'il  les  a  étudiés, 
il  les  cite  k  propos.  Le  premier  acte  de  la  Valkyrie  parait  lui 
avoir  plu  particulièrement.  Il  en  a  transporté  dans  sa  partition 
d'importants  fragments,  ce  qui  a  vain  k  celle-ci  l'honneur  d'être 
eoadoUe  par  le  chef  d'orchestre  wagnérien  du  théâtre,  M.  Pion. 

Halbearensement,  quand  il  présente  aux  auditeura  ses  propres 
inspirations,  le  compositeur  est  moins  heureux.  Les  romances, 
les  duos,  les  aira  k  boire  qu'il  égrène  auraient  sans  doute  un  joli 
succès  mondain  s'ils  étaient  chantés  dans  un  salon,  entre  deux 
paravents.  Sur  la  scène  de  la  Monnaie  leur  ingénuité  a  iait 
sourire  une  partie  des  auditeurs,  —  celle  des  musiciens, — tandis 
que  l'autre,  —  celle  des  diplomates,  —  luttait  avec  un  dévoue- 
ment et  une  constance  dignes  de  tout  éloge  pour  sauver  du 
désastre  (a  musique  préfectorale,  Irès  bien  défeiidue  d'ailleora  par 
M.  Isouard,  par  M"**  Wolf,  Darcelle,  Savine,  DalmonI,  etc. 

On  n'en  est  pas  venu  aux  mains,  heureusement.  Nous  nous 
permettons  toutefois  d'engager  les  directeurs  de  la  Monnaie  à  ne 
pas  renouveler  l'essai.  Les  théâtres  sont  faits  pour  les  artistes  et 
non  pour  les  amateurs.  Et  le  Théâtre  de  la  Monnaie,  ^ui  passait 
jadis  pour  un  des  première  de  l'Europe,  doit  k  sa  réputation  de 
ne  pas  verser  dans  le  cabotinage. 


LE  THÉÂTRE  DE  LA  MONNAIE 

On  se  montre  fort  surpris  que  la  concession  du  Théâtre  de  la 
Monnaie  ail  été  renouvelée  pour  un  terme  de  trois  années  au 
profit  de  MM.  Stoumon  et  Calabrési,  sans  qu'aucun  appel  ait  été 
fait  au  public  en  vue  de  candidatures  éventuelles. 

Le  contrat  qui  lie  les  direcleura  de  la  Monnaie  à  la  Ville  de 
Bruxelles  expire  le  31  mai  prochain.  D'après  le  cahier  des 
charges,  la  Ville  était  obligée  de  mettre  le  théâtre  en  adjudication 
k  partir  du  i"  janvier  1893. 

L'adjudication  s'imposait  d'autant  plus,  même  en  dehors  des 
termes  précis  du  cahier  des  charges,  que  la  Direction,  on  le 
sait,  est  loin  de  rencontrer  l'approbation  unanime.  Pourquoi,  si 
ce  n'est  pour  escamoter  le  vote,  a-t-on  agi  avec  une  si  extraordi- 
naire précipitation  ? 

Ce  petit  coup  d'Etat  est  vivement  commenté  par  le  public.  Il  a 
été  l'objet,  nous  assure-t-cn,  d'une  interpellation  k  la  dernière 
séance  du  Conseil,  réuni  en  comité  secret. 

Les  partisans  du  renouvellement  invoquent  les  précédents.  La 
dernière  exploitation  de  MM.  Stoumon  et  Calabrési  a  été,  après 
un  terme  de  neuf  années,  continuée  pendant  la  dixième  année 
sans  adjudication.  Mais  il  s'agissait  alors  d'une  prorogation  excep- 
tionnelle, justifiée  par  les  circonstances  et  de  courte  durée,  et 
non  du  renouvelUmenC  d'un  contrat,  lequel  ne  peut  se  faire  sans 
qu'un  appel  soit  adressé  k  la  concurrence. 

Il  est  probable  que  l'affaire  ne  s'arrêtera  pas  Ik  et  qu'on  deman- 
dera publiquement  au  Conseil  des  explicalions.  L'intérêt  de  l'art 
et  la  dignité  du  théâtre  l'exigent. 


THÉÂTRE   DES  GALERIES 

La  Fille  de  Fanchon  la  Vielleuse  a  remporté  avant-hier  aux 
Galeries  un  succès  retentissant.  Fascinée  par  une  mise  en  scène 
d'un  luxe  inaccoutumé,  séduite  par  une  interpréution  vraiment 


•xeellenle,  la  foule  a  réclamé,  par  trois  fois,  que  le  compositeur 
vint  se  montrer  sur  la  scène  k  la  chute  du  rideau.  Et  H.  Vamey 
s'est  laissé  faire,  «  traîné  »  par  ses  interprètes,  dans  l'expansion 
bruyante  d'une  allégresse  universelle. 

Fanchon  constitue  un  très  joli  spectacle  dont  les  détails  ont 
été  réglés  avec  un  soin  méticuleux  par  M.  Durieux.  M"*  Samé 
mène  avec  un  entrain  endiablé  la  folle  farandole  dans  laquelle 
évoluent  M'"  Villers,  MM.  De  Béer,  Lamy,  Schey,  Guffroy,  etc. 
Les  cascades  et  facéties  du  livret  sont  souvent  amusantes,  ce  qui 
n'est  pas  fréquent  dans  l'opérette.  Il  y  a,  notamment,  au  qua- 
trième tableau,  une  épisode  érolico-boudbique  qui  a  fait  rire  aux 
larmes  les  pessimistes  lex  plus  austères.  A  citer,  entre  autres,  cette 
définition  nouvelle  des  incarnations  de  Boudba,  gravement  di(e 
par  le  prince  de  Vizapour  :  «  Siva,  l'amour;  Brabma,  la  guerre  ; 
et  Visbnou...  la  paix!  » 

On  voit  le  ton  de  cette  œuvrelte  joyeuse,  destinée  k  éviter  d'ici 
quelques  mois  tous  frais  de  renouvellement  d'affiche  au  directeur 
des  Galeries. 


TIÏÊLA.TRE  LIBRE 

{Correspondance  particulUre  de  l'Art  moderne.) 

M.  OiJTON  Sàlamdki  :  La  Rançon,  comédie  en  trois  actes,  en  prose. 
—  M.  Maobicb  ViDCAiSB  :  Un  Beau  Soir,  comédie  en  un  acte,  en 
vers.  —  M.  Makol  Prévost  :  L'Abbi  Pierre,  pièce  en  un  acte, 
eo  prose. 

La  gaucherie  évidente  de  H.  Salandri  (mots  malheureux,  lon- 
gueure  du  dialogue),  qui  avait  compromis  le  début  de  son  pre- 
mier acte,  devient  élément  de  succès  dès  que  Henriette  et  Jean 
Guéret  sont  en  tête  k  tête  :  car,  la  situation  est  presque  illicite, 
et  lorsque  Henriette  a  dissipé  son  trouble,  elle  feint  de  l'éprouver 
encore  pour  les  besoins  de  sa  diplomatie.  Elle  épouse  Jean  Guéret. 
Etant  donnés  son  éducation,  son  caractère  et  les  circonstances 
adventices,  elle  sera  adultère.  Hais  M.  Salandri  n'a  pas  joué  la 
difficulté.  Le  mari,  avec  une  nuance  de  jocrisserie  et  de  candide 
égoTsme,  est  trop  neutre  pour  que  le  conflit  puisse  être  intéres- 
sant et  son  issue  un  instant  douteuse.  La  pièce,  fertile  en  mots 
révélateurs  de  l'intime  des  partenaires,  a  le  son  du  réel.  Et 
M°*  Irma  Perrot  l'anime  de  ses  bavardages  et  de  ses  costumes. 

Pourquoi  toute  une  région  s'insurge-t-elle  contre  la  veuve 
Ledru  dont  le  seul  méfait  est  :  s'être  abandonnée,  il  y  a  trois 
mois,  k  un  colporteur  un  peu  Ivre?  Pourquoi,  même  enceinte, 
raconle-t-elle  celte  aventure  à  son  fils,  l'abbé? 

L'émotion  qui  émane  du  drame  de  M.  Prévost  est  bien  groE- 

gijre.  —  Quand  donc,  demandait  Jules  Laforgue,  nous  monirc- 

rons-nous  adéquats  à  la  valeur  des  phénomènes  et  vivrons-nous 

justes  de  ton  !  ' 

F. 


LA  CRITIQUE    BELGE 

Ne  fût-ce  que  pour  entretenir  les  salutaires  aniipalhies  et  mettre 
nos  jeunes  écrivains  en  garde  contre  les  trop  prompts  oublis, 
donnons  cet  extrait,  surextrait  de  mauvaise  humeur  rancunière, 
évacué  par  le  bureau  de  la  critique  à  V Indépendance  belge.  Il 
s'agit  de  la  jolie,  vraiment  très  jolie  piécette  de  notre  compatriote 


400 


LART  MODERNE 


HeoTT  Maabel,  jaaée  arec  on  plein  succès  m  Tbéâtre  MoUife. 

grVe  i  finiliatÎTe  éclaira  de  H.  Albaiza.  Cest  toojoars  le  même 
»Tstènie  :  nn  ritriolenr  qui  mettrait  da  coid-cream  i  sa  Ticlime 
après  le  manvais  coup.  Il  est  irai  que  des  étndiants  placés  aoi 
troisièmes  ^leries  s'étaiest  amusés  \  accueillir  FarrîTée  da  gilet 
blaac  de  C Indi-pendance  par  de  railleurs  «  bans  de  chien,  bi^bans 
ei  /ur-bans  »  el  des  •  pariera  '.  parlera  pas  '.  ■»  qoi  avaient  billi 
compromettre  la  dignité  de  ce  grave  personnage. 

...  a  1.  Armand  Silvestre  a  aé  d'une  aménité  parfiite,  sans 
fadeur;  il  a  fait  Téloge  des  pièces  qu'on  allait  joaer,  il  a  looé 
roascienciensement  Jl.  Alhaiza  de  jouer  des  jeunes  écrfrains 
belges  dont  il  n'avait  pas  fairde  savoir  les  noms... 

«  On  a  joué  ensuite  une  comédie  inédite  en  trois  actes,  intitulée  : 
Etudi  lit  j€une  (iUe.  L'auteur,  M.  Xaabel,  a  eu  raison  de  ne  pas 
donner  un  titre  de  pièce  i  son  «  étude  »,  poisqu'il  n'y  a  aucone 
sorte  de  pièce,  ni  snjet,  ni  lutte,  ni  passion,  ni  action,  dans  ces 
trois  petits  actes.  La  jeune  fille  étudiée  est  M"*  Xietle,  qui  sort 
p^'odant  un  jour  de  sa  pi^nsion,  raconte  ses  impressions  de  pen- 
sionnaire, dit  qu'elle  est  très  «  réservée  »  et  que  le  pensionnat 
[lar  con.sé'fuent  est  un  a  réservoir  »,  dit  aussi  qu'elle  prend  les 
v'rs  de  Boileau  cotmne  des  «  pilules  »,  jugement  pharmaceatiqoe 
peu  naturel  ï  une  jeune  fille,  devine  que  sa  grande  soeur  va  se 
marier,  a  un  rêve,  se  eroii  un  instant  jalouse  de  sa  soeur,  rit  an 
peu  et  pleure  un  peu  saas  motif  et  rentre  finalement  en  pension, 
un  peu  plus  jeune  tille  uju'elle  ne  l'était,  avant  celte  journée 
il'étude. 

a  Cette  éiuiie  de  jeune  fille  vise  précieusement  ï  la  griee,  \  la 
ileliealess)'.  L'insignifiant  v  est  très  subtil,  et  le  rien  très  travaillé. 
M.  Maubel  est  un  louable  t;urieu.\  de  la  forme,  et  an  fiitigant  cher- 
eheur  de  finesa?s.  Et  ses  personnages  disent  les  choses  les  pîns 
inutiles  avec  une  malice  alambiquée.  La  jeune  fille,  M""  Xiette, 
est  bien  nommée;  mais  on  a  servi  celte  miette  en  s'y  délectant, et 
jvec  solennité,  comme  un  festin  savoureux.  » 

Pour  an  échantillon  de  la  manière,  c'en  est  an  réussi  assuré- 
ment. C;.  ilire  que  c'est  le  personnel  de  ce  bureau  de  renseigne- 
ments qu'on  fourrait  jus.]u'ici  dans  les  jurys  appelés  à  juger  notre 
liuérature.  Ah  !  i;a  n'arrivera  plus,  par  exemple  '  .A  l'eau  !  i  l'eau  ! 
a  1  eau  : 

M.  Charles  Tardieu,  afin  de  tenterdese  relever  du  coup  terrible 
ijue  lii  Jeune  Btlgiquii  lui  avait  porté  dans  son  dernier  numéro 
et  que  nous  avons  signalé,  écrit  une  longue  lettre  comme  réponse. 
Il  se  donne  beaucoup  de  peine  pour  les  a  dix-sept  n  abonnés  de 
la  jeune  revue,  qu'il  méprise  tant,  il  envoie,  pour  prouver  qu'il 
j  fait  de  la  belle  critique  d'art,  certains  morceaux  sur  Gus- 
lave  Soreau  et  d'autres  où  nous  cueillons  ces  phrases,  qui 
s<;rvent  de  pièces  justificatives  i  Albert  Giraud:  .A  propos  du 
Diivil  méditant  .lur  sa  p<Mlertle'.  de  Jloreau  :  «  Ce  tableau,  doTU 
.ion  ememhLe.  est  comme  une  harmonie  reliffieuse  de  Lamartine, 
mue  en  musniue  par  Charles  Gouncd  t.  Cette  phrase  est  aussi 
belie  que  la  barbe  de  Victor  Hugo  mise  en  prose  par  H.  Frédérix. 

Et  puis:  a  .rltTui  iu.  Sphinx  deitiné,  où  certaine  colonne  de 
marbre  veine  i/ai  ferait  fureur  à  Drouot,  détourne  un  iiutant 
l'attention  liea  iLeux  héros  de  Uaction  ».  Enfin  Jl.  Tardieu  constate 
qu'on  trouve  des  myihes  partout,  même  dans  la  mythologie.  On 
irouve  des  gaffes  partout  aussi,  même  dans  la  collection  de 
CArt. 


Conservmtoire  de  Liège 

Pnwo-  CoMot. 
(  Cvrrtsftmdmna  fmrhtmUir*  iâ  l'Akî  ■ombki.) 

Exécniioo  médioere  par  MaM  StaaemiÀt  M  de  nellclé  de  b 
^pmfkame  fatlorwU;  certains  des  insinmentisles  de  ror^eMre 
maniiiesleni  d'une  mauntse  volonté  qne  ne  ponient  pas  k  «aineie 
complètement  ■.  Badonx.  Puis  on  est  qoelqne  pe«  blifnd  des 
fréquentes  exécutions  de  celle  symphonie  qui.  en  vérité,  ett  des 
moins  safgestires  du  Hailre. 

Dna  firapnenis  sympboniques  de  b  GMtriàmamtnt»),  b 
larebe  funèbre  et  un  fragment  dn  l"  acte  (scène  II),  ont  èlé 
joués  arec  plus  de  Samme  el  pins  tTfwwmtiir.  On  Mohailerait 
plas  de  précision  ;  les  larges  phrases  mélodiques  de  Wagner,  mal 
dessinées  par  rorchestre,  se  perdent  dans  b  puissante  orchestra- 
tion, que  l'on  bit  bruyante  %  l'excès.  CependaiU  ■.  Radoox  nese 
décourage  pas  et  les  progrès  marqaenl. 

Un  élève  de  notre  fooservatoire,  ■.  Gnilbnme  Remj,  aajonr- 
d'hoi  très  apprécié  k  Paris,  a  reçu  de  ses  concitoyens  on  accacil 
enthousiaste.  Koos  ne  partageons  pas  cel  enthousiasme. 

Certes,  ■.  Remy  est  on  violoniste  de  laJenl.  mais  sans  person- 
nalité. Il  tire  de  son  instrument  tu  joli  son,  pur,  mais  son  jen 
délicat  est  troid.  complètement  dépown  d'amplenr.  Sa  maoière 
nous  a  rappelé  celte  de  1.  larsick. 

I.  Remy  nous  a  donné  du  premier  coneeito  de  Saz  bnch  une 
inierpfétatioa  bngnissante;  il  a  joué  d'agréable  manière  le  Pré- 
lude de  b  sonate  en  mi  de  Bach,  une  Inlrodoctian  et  an  Rondo  de 
Saint-Saêns. 

Cest  avec  le  plus  vif  pbisir  que  noas  avons  réentendu 
N>'*  Lépine,  Tartiste  délicate  qui  noos  était  apfaFve,si  toochanle, 
dans  larguerite  de  iaZ)iniriM/is«d<F«»/.M''<  Lépineaeonaené 
sa  jolie  voix  et  sa  pore  diction.  Elle  a  chanté  d'an  sentiment 
simple,  intime,  avec  une  animation  conienne,  U  Ntftr  de  Schu- 
mann.  Aussi  ne  lui  reprochons-nous  que  poor  mémoire  son  choix 
de  morceaux  :  l'air  de  la  Création  de  Baydn  est  cnnnyeax,  les 
Ballades,  Sérénades  et  Rotnanees  deWidor  H  de  Saint-Saëns  sont 
peu  dignes  d'un  concert  dn  Conservatoire.  K. 


Chronique  judiciaire  de?  art? 

Kakba  coatre  Saajttn 

!(on3  avons  reblé  le  succès  qui  accnefllit  i  la  Honnaie  le 
ballet  de  M.  Théodore  lannon  et  Léon  Ifohois.  La  visite 
inopinée  d'un  btiissier  vint,  an  moment  oà  le  rideau  allait  se 
lever  sur  b  detixième  représentation  de  cet  onvrage,  bire 
craindre  un  instant  qu'il  budrait  renvojrer  dans  leurs  loges  les 
jolies  prêtresses  de  Lesbos  dé^  en  posture  de  cambrer  sur  la  scène 
leurs  pieds  agiles... 

Lu  X.  Debvve.  auteur  d'un  scénario  intitulé  Eihba,  brandis- 
sant du  papier  timbré,  s'opposait  i  toute  exécution  noweOe  de 
Smflis,  dans  laquelle  il  prétendait  voir  un  dénurqoage  de  son 
œuvre,  récbmait  aux  auteurs  10,060  francs  de  dommages-inté- 
rêts, sollicitait  du  tribunal  des  tnsertioie  dans  les  joumaux,  etc. 

A  faudienee  (tout  aboutit  décidément  an  Palais  :),  1.  Debwe. 
par  l'organe  de  ses  coaseiis,m^  Scbvwtz  et  Robert,  exhiba  un 
contrat  aax  tenues  duquel  H.  Léon  Dubois  s'était  engagé,  en 
1888.  i  mettre  EsMJhm  «n  musique,  soutint  que  eelni-ei  avait 
violé  ce  traité  en  négligeant  d'achever  son  oeuvre  et  Taecnsa  nette- 
ment de  contrebçon   artistique  pour  avoir  bit  osaoe.  dans  le 


«ï^?s»i'î5^<iirî^iTOfïp^^w«'^^ 


L'ART  MODERNE 


401 


baOel  de  H.  MamiOD,  des  inspiratioDS  destinées  primilirenieiit  i 
son  scénario  \  lai,  Mrm. 

■*  Octave  Haas,  conseil  da  componlcor,  démomn  qu'il  ne 
pon^t  j  avoir  vioblion  da  Irailé  paisqoe  jusqu'ici  H.  Dubois 
n'a  jamais  été  mis  en  demeure  d'exécnler  son  obligation  et  qu'il 
se  déclare  prêt  )  remplir  sa  promesse.  En  ce  qui  concerne  la 
dispoailion  qu'a  bile  le  musicien,  en  faTenr  de  SmflU,  de  deni 
airs  de  ballet  qn'il  destinait  \  Etkbm,  il  est  incontestable  que 
dans  l'ébboraiion  d'une  oenvre  commune,  le  musicien  conserre 
le  droil  de  modiier  sa  création,  de  b  détruire  ou  de  s'en  serrir 
poar  un  autre  ootrace,  s'il  le  ja|>e  opportun.  Le  procès  bit  ^ 
■  .  Dubois  est  léméraire  et  Texaloire  :  il  cause  i  l'artiste  un  pré- 
judice dont.  reconTenlionnellemenl,  U.  Dubois  réclame  b  répa- 
ration. 

■*  Frick,  pour  V.  Hannon,  s'applique  ï  démontrer  qail  n'existe 
ancane  ressemblance,  même  lointaine,  entre  Ethba  et  StinflU  et 
conclut  énalemenl  i  la  condamnation  du  demandeur  i  des  dom- 
(  et  intérêts. 


Enfin,  ces  conclusions  sont  appuyés  par  ■*  Haho,  interrenanl 
an  nom  de  119.  Stoamon  et  Cabbrési.  directeurs  de  b  lonnaie. 

L'aCùre,  qui  avait  attiré  un  nombreux  auditoire  et  qoi  fat 
plaidée,  de  part  et  d'autre,  avec  beaucoup  d'animation,  a  été  ren- 
voyée )  mercredi  procbain  pour  b  fin  de  b  pbidoirie  de 
M*  Robert  et  pour  les  répliques. 


Petite  CHROfiiquE 

Noos  avoiB  reçu  d'un  correspondant  une  lettre  rebtive  i 
Masolino  da  Panieale,  que  nous  insérerions  bien  volooliefs. 
Seolement,  nous  n'avons  pu  déchiffrer  b  signature.  Prière  ^  notre 
correspondant  de  nous  b  bire  parvenir  en  écriture  plus  lisible. 

Jeudi  procbain  IT  décembre,  i  8  I  2  heures  da  soir  très  pré- 
cBes.ib  salle  Saint-Cyr.  rue  Royale,  n»  480,  an  milieu  des  œuvres 
ouvrières  de  Constantin  Heonier.  si  impressionnante»,  M.  Edmond 
Picard  fera  une  conférence  sur  FA  rt  et  le  seeimlume.  Cette  conlé- 
rence  est  organisée  par  le  Cercle  des  Etndianls  socialistes  et  a  lieu 
i  portes  fermées.  Pour  obtenir  les  cartes  d'entrée  limîlées  )  34)0, 
s'adresser  i  M.  Emile  Vandervelde,  avocat,  «thaossée  de  Wavre 
n»  54,  4  Ixelles.  

Qoelqaes  extraits  de  joamaux  intéressant  une  ancienne  connais- 
sance des  habitués  du  TbéMre  de  la  loonaie. 

m  A  Covenl-€arden,  b  dernière  représentation  a  été  celle  des 
Bu^eneti.  Les  espéranees  qu'avait  bit  naître  1.  Cossira.  si 
remarquable  dans  Reméo  et  dans  Fmuit,  où  il  a  été  si  complet 
comme  chanteur  et  comme  acteur,  se  sont  pleinement  réalisées 
dans  le  rAle  de  Raoul  ;  les  applaudissements  les  plus  vi&  et  les 
pina  sincères  hii  ont  été  prodigocs  i  ce  quatrième  acte,  où  il  a 
été  absolument  hors  de  pair  ».—  T.  Jobhou.  {Figtro.) 

m  Tons  les  pensionnaires  de  M.  Costa  se  sont  montrés!  bbanienr 
de  leur  liche.  M.  Cossira,  qui  bisait  sa  rentrée  dans  le  r6le  de 
Tasco  de  Gama,  a  reçu  Paccueil  le  plus  sympathique  et  les  bravos 
qui  l'ont  salué  i  diverses  reprise*  ont  du  loi  prouver  toute  ta 
satisbctiou  que  Fou  éprouvait  enfin  de  le  voir.  ÎJotre  ténor  étant 
nne  ancienne  connaissance,  nous  n'aurons  pas  i  nous  étendre 
longnemenl  i  son  sojet.  D  nous  suffira  simplement  de  déclarer 
que  nous  sommes  fort  heureux  de  posséder  an  chanteur  aussi 
exercé,  un  artiste  aussi  émérite,  et  de  manifester  le  désir  de 
powoir  l'entendre  et  l'appbodir  le  plus  souvent  possible  >i.  — 
(L'EeitiTe»T  de  Nke.)  

5oas  avons  appris  i  regret  b  mort  de  1.  Louis  Cattreux,  agent 
générai  en  Belgique  de  b  Société  des  auteurs  dramatiques. 
1.  Cattreux  remplissait  ses  fonetioas  avec  beaucoup  de  lèle  « 
avec  une  réelle  compétence.  Il  a  publié  sur  le  droit  d'auteur  ph»- 
sievrs  brochures  inléreManies,  fréquemment  citées  i  b  barre  des 
trOmnanx.  II  a  pris  part  ^  tous  fes  congrès  orpniscs  par  ïkssa- 
daiion  intenaiioaaie  des  gens  de  lettres.  C'était  une  personnalilé 


très  connue  du  monde  des  artistes,  et  universellement  appréciée 
ponr  b  eordulilé  de  ses  relation». 

■.  Cattreux  est  mort  !  L'cefe  dans  une  propriété  qu'il  habitait 
l'été.  Depuis  un  an,  il  était  atteint  d'une  maladie  qui  ne  laissait 
aucun  espoir  ï  ses  amis. 

CocBS  svrtKiEints  roint  Daiks.  —  14  décembre,  %  i  heures. 
M.  H.  PncAXESi  :  Le  Pamir  et  la  Chine. 

3  heures.  ■■•Cbah.is  :  Skeridan. 

15  décembre,  i  t  heures.  X.  E.  VaamEii.  Réunioti  i  b 
bibliothèque  de  Bourgogne  (seclioa  des  maouscrita). 

17  décembre,  i  3  heures.  X.  H.  Leschat  :  Les  Pttip-Bas  Mm 
r empereur  Char  Ut  i  7. 

3  heures.  )P*  Toiu>Ers  :  Diction  :  intonation;  inflexion. 

La  commission  mixte  nommée  par  le  Gouvernement  et  par  la 
TiUe  de  Bmxelle».  a  approové,  tes  maquettes  présentées  par 
M.  Constantin  Meunier  pour  b  décoration  du  portail  de  l'église 
de  b  Chapelle. 

Voici  b  description  de  cette  dé'Omiion  scalptarate  : 

■  Dans  b  voussure  se  trouve  ta  sainte  Trinité,  représentée  par 
Dieu  le  père  assis,  tenant  te  Christ  crucifié  et  surmonté  par  le 
saint  Esprit.  Sur  les  côtés,  deux  anges  adorateurs.  A  une 
extrémité,  saint  Benoit,  fondateur  de  l'ordre  des  bénédictin». 
auquel  appartenait  l'abboye  du  Sainr-Sépati-re.  rie  Courtrai.  dont 
dépendait  l'église  de  la  Chapette.  A  l'autre  boiil,  Darwin,  abbé  du 
Saint-Sépalrre,  ï  qui  le  duc!  Go<i>?(roll  I"  donna  l'emplacement 
de  l'é^se.  » 

On  dit  le  plus  jmnd  bi(»n  àc  reiivrv-  de  M.  H-'uaier. 


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—  LncatâoiB  de  eavinc  <:p«àaax.  —  Traaqnrt  rigalicr  de  ■anfciadiaai.  eolia  |— >»¥.  «aima,  taa— 

IV«r  taxa*  maàfTatmt»\K  s'adrcsacr  à  la  Direaim  et  r&phiimiiim  da  <3haaâu  étfèrét  Ftitmi,  à 
ilBOa-Posta  ée  rÊita-Btife,  Uoati^ae  de  la  Gov,  90*.  à  Bbcxuub  oa  Ofaeecinck^lnat.  ai*  53.  i 
fer  ie  l tjmt  Ba-ft.  à  Doctbe!^  (voir  pjai  kaat<:  à  If.  ArùOÊr  Trmmdktm,  Daakioalcr,  ai*  1,  à  Cairacs;  à  Af. 
Lii>â«D.  é  Beaux;  ^  U .  Rtimm^tmamm,  1^  OaiolkM  strass»,  i  Fkaxcpc«t  <■  ;  i  AT.  Scfeembr.  SckoMenii^,  3. i  ti 
<>.  KokTTabTmr.  à  Vnxxi;  à  it.  Rmicif  llryer,  à  Cuukib;  à  il.Scttnka;  Holcl  ObopoUii^cr,  à  Jlcxaca:  i  AT. 


trnîWf  et  lAITEL,  Imellcs 

45.    yO.VTAGXE   DE   LA    C»UB-    « 

Célèbres  Orgnes-Harmoniums  «  ESTBT  » 

rix^f    ns    S8S.OOO   DtSTRUlKKHTS   tixbos 


L\-iinrBe  ESTEY.  {loiiiflrul  «i  mcniier  imwwiif.  de  forae  éiégaste, 
ïi>«>  m'bwv'.  ».l  saas  mai, ai  nan)  pnr  la  heaaV  H  Va  faililiii 

«QlïllizDfîf  ^  î^r^ii- 

La  Si£iï4aL  ESTKT  «r.  oooitsjrait  1121  SThXii  irpmJ^t^  de  TboAAm  est 
diSirfttiiei  CTKaitmn  piisr  ITftlIw    rBcale  <4  leSalaM. 

Li  mûwod  jiciMHidf  de»  ^miû&nts  «xocOrejU  âe  MM.  Bifmr  Timti, 

chim,  WilkrSmj.  Eâ.  Grinf.  Oif  BtilL  A.  Eiai/Kig.  So/ir  il-n^er, 
Dfmrtif  Anan^  Pmmhirif  Ltimw,  Pté*»  dr  Sarai^e^  Ftri  HtUer,  D. 
Piffirr,  àr  F  Bnwràin^  i«ifArttix*jr,  Xmfrmrmik,  J^Jl.  Siimer,  JtiL. 
Srmi»rr,,  K.  Rwnénof/i,  J.-G.-E^  StrUe,  Ifitair  BriHt,  eftc_,  «*e. 

H.  B.  i)!!  «ctloc  çrtiajiïaiHŒi  1»  prix-eoaimats  «4  l9.eati- 
LA  CDRmsnt  DMIYEBSEILE  v  imi^\  ^mr^a  kd^âon»- 

4hTrf,  Pans,  I.  r^^  Ruixaic..  —  X<^-T«rt,  9.  Fîna  Awriix". 
Ahim.ttnukemu  :  Paru.  $  fraoïcF  Tkb  —  Étnaiar.  fr-  li.9^. 


PIANOS         «. 


BRUXELLES 


VEHTK 

ÉCHANGE 

LOCATION 


GUNTHER 


LE  GRESHAM 

COXPAGXIE  AXGULl^   D  ASSCBASCXS  SCR  LA  T1B 
«ou  J^cmCrôlrd 

Acnr  :  PLUS  m  m 
ASSUIAICCS  SUI  LA  VK  OTIÈIE,  BIITES 
ET  A  TEIBE  FIXE 

Arx  otxssxnass,  lbs  rtxs  fatokablbs 

La  (><Bgjpa^paJe. traite  d»  abin»  ea  Betpnae  dqiaB  18BB- 
tAtmmaa,  timâtrr*.  Oc^  paréi.  ftet  de  SSO  milHiaa. 

RBHTKB  TIA^kan  aax  tan  de  lO,  ISat  17  ^c.. 
saiiaBl  TitfK.  faipahla  saas  fraû  et  aa  eaao»  dbas  toale 
rBaïup.  Pmyiectaf  et  waggai  ^  ali  Ko^mttmaA  ea  /iaoe 
-S3,i«adet- 


,S.raa«al 


■''^nî7Ç^4« 


IfJ"^:'    -vÇ'-'^F-pJf-^": 


:.;:'  "vr/  -.-?■■"  .'f.^,F- 


Oimtia  MOÉK.  —  N*  51. 


Lb  Himteo  :  S6  cBimias. 


DuiuicHB  20  Déczubu»  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LB     DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  U  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  t  OcTAyi  MAUS  —  Eoiion»  picard  —  Ëiole  VERHAEREN 


:    Bdgiqiie.   mn   an,   6r.   10.00;  Union   postale,    fr.    U.OO     —  AVHOMCK8  :    Ou   UwW  i   («rjEwt 

Adresser  toutes  les  communications  à 
LAiMfixisTSA'nos  GÉxÉSAus  DB  VAjft  Modomo,  mo  de  I*Tndinttrle.  32,  Bnucellos. 


Sommaire 


KoiB  ara.  LU  Pnuuiin  »"■— —  Otntilc  ia  Faki^mo.  —  Exro- 
mnas  mat  <p:w^  ■■  Hbxbi  Db  Bbabdeucb  a  Asrnss.  —  Lai  rtmiAS 
IB  l'ut.  —  PcnucATHOs  p'nBBsxis.  —  Pnniitn»  nirmAHarrAnaK 
ac  •  TkÉATSz  s'ABr  •.  —  Las  m»iaa»  boujixvu»  a  Pas».  — 
ScAsB  anaocm  n'EkAnm  Rawat    —  Cbbokiqicb  «canuiBB  sai 


loto  fnr  k8  Primitif  italieDS 


(Ji 


m 

GENTILE  DA  FABRIAKO 

BtOcsMe^aFabnane:  La<dbe- 

kad  k  lfe>;«iiHii^  âe  Ddlacraix  ^y. 
Etaa.  et  J.  se  OnwwiKT,  MtmtSteVÊJvmm 

Onrietto.  en  1425.  le  prânt  d'emer  d'âme  llad«ae  lai 
fiMacBseeailiédnde,  le  sainaît  <>  BBagûteraiagtfitronuu  «: 
la  répalifiqae  de  Veûae  HMnonit  d'âne  peiuâoa  et  da 
titre  de  sèntear  ;  qadqaek  amées  pfa»  tard.  Bogttr  de 

((Ij)  Vaja  A—  f.a««  JfaiJmw  a- -fi.  Oiittti)  et  o>  49.  HsaOtti»  &l 
PalM^^^V  —  Pn?rfti«iiaifTi]f  =  pîiaanriHip 

I  Tmaat  à  ^Jiyn^^^^1r  mtni  arSâdlc  ^de  «eitte  Dftii'Mii  .frâ  âam  «m 
■  a  tuuljiiiurB  nra  ^nvtattnnL  El  fivlt  flivMKX  pniuifeailt  lAc 

dÉInik  «idéi  ifas  sBd  foœ  ccada  :  a 


la  Pastare  nlnésttàit  pai  à  le  proclaimer  le  premôer  de» 
peintm  dltalie  et  plos  tard  «oioore,  ]fi<eb«li-Aii^«  par- 
lait avec  véaÉratioa  do  vieux  maître  G^stiile,  ao  «tjJe 
aussi  doux  que  le  nom  Tek  les  iémo%Bag«k  louiuï^siis 
da&s  les  biographies  et  qall  but  anjoturdliini  «iprtitiïé' 
ment  ooofirmer. 

Et  cepoidaiit.  il  ne  ooms  ett  pHiu  dicwoé  de  pVQTvjr 
admirer  te  Légende  du  Précurseur  qaU  pé^i  k 
St-Jeas-de-Latnui^  ni  la  BaOtMe  naic<ile  A<Ml  ii  ililm«iua 
les  mniv  dm  Palais  Dmcal  â  T«iuit<e.  ai  «es  Kjaraisz  d« 
Bresda  pour  Pai»dM$9  Italatesita. 

Da  eouidénUe  labeur  de  cette  TÎe  triUaaiie.  ptro- 
menée,  arec  des  trioniiplief  et  raiBe  aT«tiitor«k.  â  ij^Te» 
oes  odors  torbolestlei  et  mat^^S^w»,  û  sie  neet^  (Ixts 
qitae  dljotâ^joifiaiitt  déirit,  datîpwt*»  djuatt  k*  iJ3'Uiti*«t  de 
MiHaffi.  de  V^nâse.  de  Parie  «t 'die  Barlm,  fra^siofaii»  à« 
seocnulaire  âmportaïuoe  qni,  déHidniniiés  'de  Haur  'àoHtijiia' 
t«»  KUoonutÎTe  et  poesse,  ap^jaraiiweiiîut  tk^nut  id'aiicunfi  aT«t 
les  eomlLeniirs  crmaK,  faiiwjuoe  iCa-timut^É^ie.  Ile  'âttiMii 
sonmaire.  fi|)ê  et  ootiTKHtiiitiaiiueli  «des  'âenuan>  tiomljaiiua- 
tears  de  GkxDto. 

A  euji^ier  d'autres  loe  <q^'vm  pWMiâe  lie  Luiiriie.  ^aur 
cxeaofiile,  GeoSiille  se  «cokçujt  ecoiuiue  wi  iij&tinewauiiit 
artiste  de  seecîati  (Ordine,  d'ituuewiiçkt&iiiftiélfltii't^^  iiotâé- 
cm.  i  a]9pareB&er  â  It'Ajii^eiEcni  et  iiil  isxS.  inkv  iiuu  >^'ovt 
Mstorâgne  ponr  ajppnteier  ia  Tàkms'  et  t&dii>er  'âe  lâtsuer- 
marett^'û  affXMia  de  lueaif- 


.^..•^■r-    -«^,|.^^-s:^»(^!jS5^Tys^        -     .      "f^^f^lf^l^^^'' 


404 


L'ART  MODERNE 


Or.  U  justice  ne  xeat  pront  pour  Gentile  ce  rôle 
inférieur  ;  admirable  pour  Tépoque,  il  reste  admirable 
ea  dehors  de  la  r^tirité  du  temps.  L'Adoration  des 
MaçfS,  à  l'Académie  de  Florence,  la  seole  de  ses 
œuTnes  de  quelque  importance  qui  ait  écha{^  à  la 
destruction,  suffit  à  l'attester. 

B  n'y  a  guère  eu/  en  aucune  école,  en  aucun  siècle, 
de  plus  heureuse  réalisation  esthétique  que  cdle-li  ;  je 
sais  peu  de  tableau'x  aussi  complètement,  irréprocha- 
blemeni  par&i(s,  qui  signifient  mieux  ou  plus  {dôoe- 
meni  !e  rêve  d'une  grande  Ame.  j'en  sais  peu  qui  soient 
une  telle  ièle  pour  les  jeux,  qui  laissent  au  cœur  une 
impression  plus  r^confijrtante  et  plus  douce. 

Dans  ce  merreilieux  tableau,  Gentile  apparaît  comme 
un  des  derniers  primitifs,  au  sens  normal  du  mot.  Après 
lui.  il  n"j  aura  plus  que  l'Angelico.  retiré  en  un  cloître, 
qui  aura  cette  fraîcheur  d'âme,  cette  naïveté  adorable, 
cet  le  simplidiè  d'émotion  continue  et  profonde.  Et  la 
î^^rsiniialiié  du  peintre  se  raconte  candide,  vive  et 
irè<  toune  :  on  devine  une  orsanisaùon  apte  à  impres- 
sicDDer  et  à  se  réjouir  de  tout,  un  caractère  où  le  sMiti- 
mem  de  la  graiideur  s'allie  à  des  tendresses,  à  des 
deMoatess*^  de  femme.    . 

ReHp*«x  sans  mysticisme  ni  tristesse,  il  lest  encone 
de  Ê»c>>B  très  vive,  franchement,  jovensement^  ainsi  que 
Tavaû  easeigTsè  ce  bîenfusant  semeur  d'amour,  saint 
FrsiDO>i*  d  Assise.  Le  gn>upe  de  gauche  dans  f  Adora- 
tion :  îa  sainte  Famille,  Joseph,  au  regard  pnotecteor 
et  £Tave.  la  Merpe.  retenant  d'un  geste  chaste  son 
m.\meau  sor  sa  ficî'irine,  et  la  caresse  puérile  du  bam- 
birio  sur  le  &\>ni  du  vieux  mage,  tout,  les  figures,  les 
aiûiudes.  rharœonie  de*  couleurs,  tout  cela  est 
rw^ceilli  et  frrreiLî  conome  une  oraison,  pur  et  bon 
ainsi  qu'une  pnère  de  jeune  fille,  et  d'une  simplicité 
aisée  et  ik«i<'.e  qo-e  n>ùt  fias  deîsavou^  Gsoito. 

Mais  GfBÙ>  n'est  fias  un  moine,  un  saint  comme  fra 
AEpelico.  Son  existence  se  meut  dans  la  fièrre,  les  impé- 
teosiîè*  de  vie  de  3a  première  Renaissance  et  déjà 
FaKxidaxKre  juienne.  la  snijnptuorsiiè.  ta  passion  d'un 
liejitî  plus  v^irii».  la  volonté  de  jouir,  frémissent  et 
fâiffeici,  c«>Kime  ks  chevaux  de  l'escorte  des  rots,  dans 
son  œ<QTre. 

Il  es;  Ir  dernier  primitif,  maïs  aussi  le  premio*  des 
£Tai»ds  primnes  de  cet  extraordinaire  xv*  siède.  Avec 
■Q&e  deoc'C-'-vranie  maimse  il  transforme  et  rajeunit 
rbrritaiire  du  passé.  Son  tempérament  doox  et  calme 
l'eloùmait  des  audacess.  des  recherches  et  des  brutalités 
reiili^tts  des  .\Blrca  dei  Castagî>o  et  des  PaoJo  Uceik», 
ses  eoQiemjK>rki&s.  mais  sion  inteUigeitce  ouvia-te  et  fiite 
avait  vite  p>e}xu  riosioffisance  de  l'art  épuîsé  et  cooren- 
tàc^'Unel.  éio<c^  dans  dets  feanmules,  des  denûa^  gîot- 
lestqiies  Par  ses  cîesx  d'or,  par  ses  ooistiuDes  aux  kurdes 
etoâ'es  fastueuses  à  ram^vs,  cssekes  presque  comme 
des  orfèvreries,  par  stes  tnrinns  «  ses  diadèmes,  par  s» 


bijoux  et  ses  wnements  àaréa  en  relieC  par  ren&iioe 
tnidre  de  ses  Tisages.  il  omaare  les  prmtiqMS  et  les 
prfoccapAlioas  dos  miniaturistes  da  BMij«B-ige:  onis. 
norateor  channant,  il  ratoameà  robnrratka  de  la 
natnre,  s'inquiète  de  fat  véritA  des  attitades.  des  gestes 
belles  et  naturds,  introduit  des  rnooreaMats  phis  libres 
eA  plus  diTers,T(Hre  même  des  hardiesses  de  raœooim. 
démootre  un  sens  très  Tif  du  rythme  de  la  oompoeitïoD. 
qualité  qu'arait  possédfe,  et  superbeBMait,  GioÛo,  nais 
doot  rimportanœ  était  méooDoue  par  ses  gaaehes  aoo- 
oesseors.  Dans  son  bel  amour  de  la  imiie  Tirante,  il 
«itoare  les  rms  mages  d'une  escorte  brillante  pareille 
à  cdles  qu'y  aTait  tu  accompagner  k»  princes  itdiens 
à  la  chasse  et  aux  fetes.  A  sa  cataleade,  il  mile  une 
animalité  de  luxe  «i  de  décor  pcHnpenx  :  des  clûens 
srdtes,  des  singes  sur  des  chameaux,  des  bncMis  et  des 
guépards.  D  approfondit  le  paysage;  il  agrémente  les 
lointains  de  lliorizoo  élargi  d'^usodes  jMttoreeqneB. 

La  nature  !  Cest  en  retournant  i  la  natnre  que  Giotto 
ressuscite  l'Art  diq>aru  depuis  des  sièdes;  c'est  en 
retournant  à  la  nature  que  cette  tiinité  TaiOante,  llaso- 
lino.  Gentile  et  Pisanello,  au  début  du  xr*  siècle,  le 
délîTrent  i  nouTeaa  des  conTcntims  et  des  règles 
déprimantes. 

Cette  ooBstatatioa.  dont  Féridence  s'impose  i  tout 
obserratenr  attentif.  —  pour  qui  sait,  des  apparences 
modernes,  décrasser  l'ambiance,  s'apeicewiunt  dans 
l'Italie  actuelle,  à  chaque  dètoor  de  me,  les  modèles 
Tirants  dont  ils  sln^iièrent,  —  n'a  pas  reca  la  oonsA- 
cration  académique.  Les  proiesseurs  aiment  an  oq.^' 
traire  k  enseigner  que  c'est  à  Tétade  de  Fart  grec  que 
la  Renaissance  itaUenne  doit  prinôpalement.  sinon 
exditsiTement,  sa  force  et  son  édaL 

Les  gens  qui  passent  leur  existence  à  dioaset  des 
élères  à  imiter  des  maîtres,  ne  peuTcnt  admettre  une 
éckision  spontanée  d'artistes,  au  déTclonieBMataaloch- 
tone  et  indépendant,  des  originalités  s'affinaant  sans 
précepteors.  Ds  ont  réassi  à  aenédïter  cette  erreur  à 
bien  que  beaucoup  la  répètent  qui  n'j  ont  jamais  rMé- 
chi.  La  dîscassîon  en  est  intéressante  «t  j'y  reTÏendrai  ; 
notons  seulement  aujonnFhui  eombiea  il  serait  diiBdle 
dladîqiier  en  quoi  TAdoratUm  desMaga  est  tribataire 
de  l'antiqae. 


ExpositiH  des  cnm  4  Bon  DiBïaïkilMr  iAran. 

{Cwrvofitmàtmot ptràcmUirr  et  l'Ast  iMlll  ) 

Les  «awws  Ae  levi  De  KracLdcicr  «ai  { 
k  haïr mj^aerfim  qa'naai  a  ■art;  3s  «al 
ansâ  r«Br  feilr  s«  adaînlcan  et  ona  qai 

n  ■'«»  nwBcat  pas  pralriMf  qme  TcMie 


SKï^î^P'^?7vP^«7**^^ 


L'ART  MODERNB 


405 


CeU  qu'aoeone  mortifiealioa  ne  leur  bit  épaffnfe.  Pentez  doue, 
b  féaérpwlé  aaladroiie  de  cet  éebevin  coimaiMeiir  qoi  les  force 
de  pmlM  ea  Mène,  nalfr^  eux;  de  o'y  parallre  qa'en  COTypbée* 
t  ;  eeue  poigaée  de  Jeune»,  emaite,  qaî  Im  remet  fi  bni- 
'.  devant  lenn  chow*  |ns  propres. 

four  toale  déCenae  ils  n'ont  Iroové  que  de  fociles  railleries  i 
IMresK  de  ees  eaiptebenis  de  danser  en  rond  et  uwte  la  presse 
antewoiae.  onUieoae  ponr  on  instant  de  ees  passionnantes  qoe- 
lelIcB  poUtîqnes  qui  raKaenleot  habilnelleaient,  le  réconcilia  \ 
rnccMiou  de  la  SKro-ninie  ma^eaté  menacée  de  nos  (rands  poo- 
tifca  de  Fart,  eoneilialMb  et  pais  Ueha  pendant  nne  qninzaine  on 
Bot  de  jnatifiealions. 

Ea  an  laar  de  maia  Q  fut  ptonré  qa'na  tel  aioasiear  qni  le 
Béglifta  si  oaveneaMat  fiit  Pami  le  pins  dérooé  de  De  Braefce- 
ieer,  qae  toos  les  artistes,  qoi  oat  qaitté  Aarets  de  pear  d'y  som- 
brer de  miaire,  soat  des  infrals  et  qoe  nons  ae  sommes,  ooas 
les  Jeaaes,  qae  des  pmias  «  poaaat  ridieakaMnt  aax  martyrs  ». 

Test  k  croire  qae  aoa  joamalisles  sont  iris  conscients  de  la 
valenr  iaieOeetaeile  de  lear  dieaièie  :  aacaa  d'eai  ae  prend  b 
peme  de  hû  liner  aae  boaae  laisaa. 

Os  se  soat  dit  qae  lear  anloriié  saSt  amplement  :  qae  le  pnUic 
iènit  prompte  jastioe  de  cdai  qai  s'avisctait  d'exifer  d'eai  on 
fait  aet  proanat  celte  soUidlade  de  sa  nOe  natale  qai  s'en  ivfoe 
ai  haat  et  aacan  d'eai  ne  iTcst  imagiaé  qa^  moias  qa'il  ae  FaCr- 
mJt  lai-m<me.  aoas  perâslcroas  k  sigaaier  rate  de  donlioa  de 
>.  Tao  de  Hest  i  iimwr  aae  craeOe  lecaa,  reiposiiioa  actael- 
local  da    Cerde  artisiiqae 

de  qadqaes-aas  des 


:  toiles  qai  s'j  lioawat  soat  aalaat  iTa 
alets  qai  icfoashent  sar  b  face  de  eeax  qai 
a'oat  va  ea  De  Draekcleer  qa'aa  peiaire  aégiifeaMe,  i  lear  taille  ; 
iprélolesk  lemord»  poar  ceai  qai  anieat  smiîoa  oa 
-  d'jppajM  de  saa  vivant  TadmiraMe  pciaire  des  Objets 


Xaai  liMamwM  phîar.  ea  oaire,  k  aCrmer  qa'3  lear  ta  cait 
de  pwrir.  jatqalk  ce  qae  Taa  de  aas  *■  éawarals  >  criiiqaes  d'art 
aamiiwis  aaai  soit  veaa  crîer  ea  bet  qae  sa  caaicifatc  tat  Ina- 
qaae.  qa'aaeaa  doale  ae  FeAcare  tmr  s»prabiié  arlidiqae.  sar 
Fcmier  aeeaaiffiMemeal  de  saa  devaîr. 

dkaôeai  b  fa  laa^e  b  amH  ékmme  de  Fa 
laaiai  b  ■eari  De  Dcadicieer,  b  aaas  dianâre  de 
fa'i  aaas  est  doaaé  de  caaBMifler  aa^aarThm  b  Fafcrî  *e  Mate 
,  advcsaed  pi^jidifiiiMr. 

pKaa^ohiers  a'a^nl  mtttémMikioeait 

et  calkaaaîatfe  adMmaade  Bearî  Ite   tmekititer  sa 

I  des  XZ.  ea  «M7.  aima  qae  ■j^^mMiititfairm  et  *t»»- 

rwfts.Mi  ripaaliiar  If  fmrfr  r^rr'|--' 

Ce  aoi  fait  ea  dfaa  fias  laaf  «ae  toaUs  leurs  fwifnnaiafif  «t 


nne  bien  profonde  derinalioa,  une  très  spéciale  inleHifeoee  d«» 
choses  de  l'art,  —  ce  qu'il  serait  a««ez  natf  d'exiger  de  qnetqoe 
prolessioiuiei  eriiiqoe,  —  pour  enconrager  par  noe  poMîeîlé,  qoi 
b  cette  beore  ponvaii  encore  avoir  quelque  jmiManee  pour  b 
vente  d'one  oeovre  d'art,  le*  suivantes  et  plus  penonnelie*  pro- 
ductions do  peintre. 

La  pénétration  qoi  les  caractérisera  plo*  tard,  noipttoyable 
précision  do  dessin,  b  triomphale  juxtaposition  de  merv««ll«o*es 
et  hardies  cooleors,  —  qo'il  est  dans  l'ordre  de  wit  rtbater,  — 
leur  faisaient  défaol.  Car  b  l'heure  de  •  b  t'vtebmtrm  «(IWi), 
n*  43  ;  du  «  Jardin  du  fleoritte  »,  o*  44  ;  du  «  Chaudronoier  * 
(1861),  n*  23;  des  «  Potiers  «  même,  —  évoquant  si  îo«pioé««nt 
Fidée  qa'ib  soat  des  Orieataiu,  —  De  Braelule^r  n'avait  pM 
encore  décoavert  b  persoanificaiioo  de*  Otjeto  doai  il  ferait  piM 
lard  ses  priacipaax,  presque  esdusifii  acteur*,  il  n'avait  pM  péné- 
tré encore  ceUe  atOMtsphtre  de  Silence  et  de  PovsMires  qui  ««t 
fa  leur  propre. 

Le*  Choses  ae  aatfseat  b  b  vie  qoe  b  oà  rboonae  ert  mon, 
oè  il  se  fait  BMMrir  et  a-t-il  assez  fait  lea»!>rt,laî.  po«r««rpn«»dre 
le  seas  de  celle  vie  qu'un  riea  de  brait,  de  sMovemeal  oa  d«  pa»- 
sioa  écraale  irrémédiableaaeat. 

La  réfje  qa'il  procbanit.  b  tout  frofot  :  Il  fuU  vivre  *ttl, 
fêurre  et  ne,  et  qu'il  afisMait  d'an  b<ia  aMez  emptoiluque,  le 
r6fnme.t.«Ue  amez  ptiéeaationsé  pour  ae  riea  brtt«qo«r,  f/aa  m 
pas  rompre  celle  atfflériiem*  intimité  qui  s'était  étaUie  «Mtv  ivi 
et  se*  impassible*  modèles. 

Les  seafa  pertoasa^  qae  De  Braeiitieer  a  iair94»)kM  —  ««a 
daasle  aaisétable  bat  •  d'étiodCer  *  dre»  iatérieais  ;  uM»  itsmvtt 
«La  salle defa  matsoa  b;dfaal*i|ae>  <32>,«La  Salle Left«  fHH),  H 
Mat  d'aae  iaaaiaMMa  iméfrale  —  dMH  ee  atottiit:  irmUa» 
e,Ma(  aasci  seait.aaHi  ponvvfK*,  aMsi  mimiemmt  qi»«  ivi- 
Ca»  le  «  ftiatre  ceptae  «  <«•  tj;  b  «  r««Mi>«  à  ht  r>«r- 
lière  •  (S>;  b  «  Cneaae  «  '(Cji:  b  feaune  qai  fi  mn/nanmM  nptfiie 
eetle  m  Pface  Temiiu%  » {9^ -.  k  *  ttf/fwr»  (itr,  k  iitull  imutui 
qui  s'aHied  daos  «  b  SatUe  de  b  nunMw  4«  DrMitiratr»  »  <M}  ; 
celiai  de  «  FAsbt  »  <33>:  celai  de  «  It^Ue  TermaïKlt  »  (Sir,  in 
(eauM  de  ■  b  Salle  des  £»6i|aw  >  OXj  ;  nmmiMe  t^jaHir*  tk 
«fAldier><42/;  k  «  Kae»  «  4«ea«e«Ki«Mwd«tPliM««t  »  ^u'-Mi 
i'éloaae  de  ae  pM  v»ir  dc>ar»c&ié>«  da  fttttiéf  b  «ta»  ««cmumu.. 

Ce  «en  b  gMne  dwrabAe  ^  fttae-j  I»«  tmÊiéiwàv^  <m^.a  utinrif 
ce  faadde  baaaiiiié»  "ladainTii  t,  o»  •  Mérjein  »  ^»t,  <l^^u«  Kj*-- 
ler  de  laiifh,  aae  médiacriaéyea  invxasnie  «sjplmrutii  iruuiiiH4»tv 
met,  «e lai» de  tiwMhwmai't|Miivwre«fBW'fi>i  lu»  y»niyta»»aiito*i>- 
ttttftamtaL  CetSaa  fiMPï  d'anar  moMi^ us  i  ««(  «H|Mtt  ysibv^  Jn 
iHpiàé  pcnAae,  ë»<w  naneatf  faOKaitawi  dtx  «rluiM»  41  tW» 
enifcèle»  ««rsee»  traftes  «Aie*  dm  f«««é  «Awfutill^s  k  4<^tit  Ifiiu- 
MuabnUe*  «t  faideMes  p^ioMrturw  fui  «n  }ir«)«(!UMaal  :i>%  «Hu- 


tlnpM,<r<«4in 


PitoMaat  «Tetf  es  b  itacttni«  «unifiiuié  ints^  ^k»  wyfO»  fili»  luttii' 
daûas,  pd»  madent»,  —  «La  eaa^iiifiK^c  ft.  CuiUtaui  "  1^; 
*wt  ame  caaMÛlKinftr  cwagge  urne  «otytnai-^  ^ ut  Dtain  l»f  Itnie' 
fcrtiiaBT  m&daa  le  ptta*  4âbuiiii««aK)ui  «w  H^èti^iTiin.. 

Ctm.  «ntfine  ée  |iteie  'fin  'iTaviur  }Kiini  «  il»  T«il«tiie  »  C^  «u 
fainv»*ieHaeiiK«anfiatalUeianni^lk«i^£flpa*»'l7i.  qu^  K«t» 
«sHnA  au  paôni  dk!  »'«n  pAvattir  fliut  4ir«  ' 


406 


L'ART  MODERNE 


LES  PARIAS  DE  L'ART 

Conférence  faite  à  Anvers  par  M.  Ix>iiia  DKIJfKB. 

(Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne.) 

L'aliiiude  «'ncrgique  prise  par  M.  Louis  Delmer  en  faveur  de 
l'Art  libre  au  Congrès  catholique  de  Malinesel  à  la  manifestation 
De  Brackclecr  tout  autant  que  le  titre  batailleur  de  sa  conféreuce. 
Les  Parias  de  l'A  ri,  avaient  attiré  un  auditoire  nombreux  dans 
les  salies  de  l'ancien  Musée  de  peinture  d'Anvers. 

Le  jeune  oraleur  s'est  attaché  à  prouver:  que  l'Art  doit  avoir 
pour  condilion  le  Progrès  cl  il  l'a  fait  clairement  en  parcourant 
l'histoire  de  l'Art  dans  notre  pays.  De  l'exposé  de  cette  histoire 
il  a  égalemenl  fait  ressortir  que  la  liberté  et  l'indépendance  sont 
les  propres  de  l"Art  ;  que  l'Art  ne  sert  personne,  qu'il  est  souve- 
rain, qu'il  ne  ^ient  pas  à  nous,  mais  que  nous  devons  aller  il 
lui. 

M.  Delmer  a  passé  en  revue  ceux  qui  en  Belgique  veulent  pro- 
stituer l'An  en  l'annihilant  ou  en  l'avilissant.  La  Presse,  d'abord, 
puis  ceux  qui  sont  appelés  les  «  grands  peintres  »,  c'est-à-dire 
les  peintres  des  commissions,  des  jurys  etc.,  ensuite  les  impuis- 
sants, c'est  à-dire  les  néo-golhiques  et  les  adversaires  du  nu, 
après  eeux-ci  les  peintres  pornographes,  enfin  les  jurys,  les 
conïmis.'^ions,  les  académies. 

Pour  chacun  de  ces  adversaires  de  l'Art  libre,  M.  Louis  Delmer 
a  eu  des  mots  s:inglants  qui  ont  porté  d'autant  plus  qu'il  se 
Irouvail  dans  l'auditoire  certains  personnages  officiels  auxquels 
s'appliquaient  directement  les  vertes  critiques  du  conférencier. 
Aucun  d'eux  n'a  osé  protester. 

Celle  conférence  avait  duré  plus  d'une  heure  et  demie,  inter- 
romiiue  à  cliiique  instant  par  des  applaudissements  chaleureux, 
lorsque  M.  Louis  Delmer  demanda  à  l'auditoire  l'autorisation 
d'eniarner  un  sujet  purement  personnel.  Ce  fut  alors  une  impro- 
visation violente  à  prnpns  de  Henri  De  Braekeleer  :  apologie  du 
grand  ciilorisie  anversois,  réquisitoire  écrasant  contre  ceux  qui 
en  furent  les  persécuteurs. 

«  I);ins  une  des  dernières  séances  du  Conseil  communal  de  la 
\illed'Anvers,dit  cnsubsUincc  l'orateur,  un  échevin  a  eu  le  cynique 
courage  de  me  reprocher  d'élre  venu  apporter  à  Anvers  des 
calomnies  lors  dv  la  manifeslalion  De  Brackdeer,  dont  je  fus 
l'organisaleur  à  Bruxelles.  Mes  précédentes  affirmalions,  je  les 
réilère  ici.  Henri  De  Braekeleer,  après  avoir  été  toute  sa  vie 
conspué  el  persécuté  par  ses  compalrioles,  est  mort  au  milieu 
d'eux  dans  la  misère.  Je  défie  qui  que  ce  soit  d'affirmer  le  con- 
traire. » 

Pour  jusiificr  son  affîrmalion,  M.  Delmer  a  signalé  des  faits 
récllemeni  révoltants.  En  voici  un,  entre  autres,  et  des  plus  signi- 
ficatifs: «  Vous  dites  avoir  eu  toujours  la  plus  grande  vénération 
pour  l'artiste?  Comment  se  fait-il  donc  que  lorsqu  on  a  lancé 
l'idée  de  faire  le  busie  do  De  Braekeleer,  le  montant  de  la  liste  de 
sousiiipiion  mise  en  circulation  n"a  atteint  que  dix  francs?  » 

Celte  conférence  a  révélé  en  M.  Louis  Delmer  un  défenseur 
énergique  et  convaincu  de  l'Art  libre  en  Belgique  ;  c'est  ce  qu'ont 
fait  ressortir  le  soir,  en  des  toasts  prononcés  au  banquet  offert 
à  l'orateur,  MM.  Van  Ackeu,  Luytcns,  Vcrstraeie  et  Francis  Nys. 

M.  Louis  Delmer  a  élé  nommé  membre  d'honneur  de  \'Als  Ik 
Kan  et  sur  la  proi)Osilion  de  MM.  Vcrstraeie  et  Abry  il  a  élé 
décidé  que  prochainement  aurait  lieu  à  Bruxelles  la  constitution 


d'une  vaste  Fédération  belge  de  l'Art  libre,  dont  M.  Delmer  a 
accepté  dès  à  présent  les  fonctions  de  secrétaire. 

Dr  A>Tun  ahtusois. 


PUBLICATIONS  D'ÉTRENNES 

MalaoaHetBel. 

Sous  les  ors  et  les  bleu-paon,  sous  la  vélure  des  prismatiques 
couvertures  aux  pimpantes  arabesques,  comme  de  frivoles  et 
coquets  reliquaires,  le  voici,  le  bataillon  fidèle  des  amuseurs  de  la 
jeunesse,  les  mièvres  et  doux  conteurs  onançanl  leurs  encres  des 
couleurs  cbatoyées  de  la  fantaisie. 

Au  milieu  des  sévères  études  où  cette  fin  d'âge  s'oriente  aux 
définitives  solutions,  c'est  le  petit  coin  de  l'illusion,  l'envol  léger 
des  bistorjeiies  autour  des  lampes  de  la  veillée  el,  en  des  barbes 
de  patriarches,  de  vieilles  voix  qui  se  rajeunissent  h  évoquer  les 
visions  aimables.  Un  charme  ingénu  s'en  va  de  là  el  nous  gagne 
à  des  fraîcheurs  d'esprit,  à  la  pensée  des  races  qui  noua  suivent 
el  tendent  leurs  petites  mains  vers  les  livres  minoritifs  où  c'est 
le  souci  des  grands  de  les  acheminer  par  des  chemins  d'inno- 
cence à  la  vie. 

La  librairie  Heizel,  comme  les  antres  ans,  assume  la  fonction 
providentielle  d'un  père  Noël  vidant  aux  chevets  sa  hotte  de 
jolis  livres  chamarrés  d'arc-en-ciel.  Tout  change  autour  d'elle, 
les  firmes  s'éclipsent  en  fuite  ;  elle  subsiste,  par  une  secrète  jou- 
vence, la  tradition  de  la  charité  aux  petits,  de  la  lecture  familiale 
et  des  chimériques  aventures  qui  nous  émerveillèrent  en  nos 
autrefois.  Nais  le  siècle  a  pris  de  la  raison  :  fini  le  temps  des 
légendes  et  des  contes  de  fées,  fini  les  jardins  enchantés  peuplés 
de  monstres  et  de  magiciens  !  En  d'autres  edens  les  Verne  et  les 
Laurie  ont  mis  pousser  l'arbre  de  la  connaissance,  —  grand 
comme  un  arbre  de  Noël,  —  et  c'est  la  notion,  l'évidence  de» 
choses,  la  science  qu'à  la  place  des  grappes  de  la  fantaisie  grap- 
pillées par  notre  âge  de  souvenir,  y  vendange  la  curiosité  de  nos 
postérités  I 

Le  monde,  après  tout,  ne  se  recommence  pas,  l'enfance  est  un 
microcosme  en  qui  se  reflète  el  se  réduit  l'âpre  goât  du  savoir 
qui  nous  tantalise,  nous,  les  vieux,  et  les  miettes  de  miche  du 
petit  Poucet,  par  un  rafraîchissement  de  l'ancien  symbole,  sont 
devenues  les  cailloux  qui  servent  de  jalons  aux  caravanes  en 
marche.  Un  joli  petit  navire  pavoisé,  avec  l'imagination  pour 
pilote  et  la  science  pour  lest,  appareille  pour  les  lies  inconnues 
dans  le  sillage  de  nos  propres  armadas. 

Avec  la  Mislress  Branican  de  Jules  Verne,  c'est  un  mode 
nouveau  d'illustration  que  nous  défère  la  maison  Heizel,  un  essai 
de  coloriages  légers,  le  rien  d'une  teinte  de  chromos  aux  paysages 
du  Pacifique  et  des  régions  australiennes  vers  qui  nous  mène, 
par  les  feux  d'artifice  et  les  pyrotechnies  des  chandelles 
romaines  du  récit,  le  découvreur  de  mers  et  de  conlineols,  le 
fabuleux  argonaute  qu'avère  l'inépuisable  production  de  cet 
Alex.  Dumas  géographique.  Nayne-Reid,  à  son  tour,  dans  une 
suite  de  récits  el  peut-être  les  meilleurs  de  son  gros  labeur  inven- 
tif. Aventures  de  terre  et  de  mer,  nous  restitue  les  sensations 
«  sauvagesques  »  qu'à  son  exemple  cuisina  Aymard  et  où  ces 
deux  maltres-queux  des  grands  plats  exotiques  dHuent  les  savou- 
reuses recettes  de  Fenimore  Cooper. 

Laurie,  moins  romanesque,  constant  en  son  étude  de  a  La  vie 


t'-'SfHrw,;t!^r<iY?y.'^VX'''^''  ■  '. 


i;w>)jv/(;;r:j?.ff^ 


L'ART  MODERNE 


Aon 


de  collège  dans  tous  les  pays  »,  collige  el  met  en  pages  une 
Suède  encore  peu  explorés,  une  Suède  scolaire  où,  !i  câté  de 
l'humble  école  de  village,  c'est  la  grande  université  d'Upsala  qui 
nous  est  révélée. 

Ensemble  ils  forment  le  lot  des  conteurs  instructifs  et  rensei- 
gnants; leur  moulin  moud  une  farine  substantielle  qu'ils  bou- 
langent en  petits  pains  d'un  goût  agréable  et  d'un  débit  certain. 

Ils  ont,  du  reste,  pour  aides  et  pour  mitrons  ces  artistes  d'outil 
preste  et  d'ingéniosité  infinie,  les  Bcnctt,  les  Rion,  les  Roux,  les 
Ferat.  De  feuillet  en  feuillet  s'égrènent  les  croquis  par  centaines, 
le  relief  des  vives  images,  le  fourmitlemenl  des  petites  silhouettes 
comme  des  ombres  chinoises,  l'amusement  et  le  bariolage  de  tout 
le  caprice  des  auteurs  prenant  corps  et  geste  dans  le  fouillis 
pimpant  des  illustrations. 

El  le  roman  raconté  par  des  crayons  diligents.  Ad.  Marie, 
JeoflFroy,  Schuler,  Philippoteaux  le  recommencent  dans  les  gloses 
spirituelles  et  les  petits  tableaux  dont  ils  décorent  les  Conta  de 
l'oncle  Jacques,  signés  de  ce  nom  toujours  jeune,  vert  comme  le 
laurier  et  Icscyprès  sous  lesquels  perdure  sa  mémoire,  S.-J.  Stahl, 
l'esprit  fin  et  charmant  qui  fut  l'axe  de  la  Bibliothèque  Hr-izel  ! 
—  les  Adoptés  de  BoisvaUon  de  H.  Henry  Fauquez,  l'Heureux 
malheur  de  M.  Lermont,  et  le  Magasin  déducatio»  qui  est  bien 
par  excellence  la  maison  des  couleurs  à  la  plume  el  au  crayon. 
C'est  la  floraison  d'un  art  cursif,  délié,  chiffonné,  tout  d'imprévu 
et  de  trouvailles,  d'un  art  qui  rivalise  d'entrain  et  d'enjouement 
avec  le  récit  el  qui,  sous  la  main  d'un  Mellery  illustrant  quelques- 
uns  des  contes  des  Joujoux  parlants  de  Camille  Lemonnier, 
garde,  en  ses  airs  de  vignette,  la  belle  tenue  d'une  grave 
estampe. 

Première  représentation  du  <  Théâtre  d'Art  > 

{Correspondance  particulière  de  l'Art  hoderne.) 

Les  poètes  qui  mènent  actuellement  le  mouvement  artistique 
dans  le  livre,  l'ont  voulu  porter  au  théâtre,  et  pour  la  réalisaiion 
de  ces  tentatives,  un  directeur  audacieux  fonda  le  Théâtre  d'Art. 
Je  ne  soutiendrai  pas  que  les  œuvres  représenlécs  l'autre  jour, 
mais  auparavant  imprimées,  aient  embelli,  par  quelque  côté  que 
ce  fiit,  l'impression  qu'un  lecteur  pouvait  en  avoir,  et  de  fuit, 
rien  n'est  plus  explicable  :  car  si  le  Concile  féerique  et  Ferdinand 
le  Noceur  constituent  deux  pièces  de  théâtre,  il  est  clair  que  des 
comédiens  accoutumés  dès  leur  carrière  à  traduire  Gandillot  ou 
compagnie,  ne  pouvaient  que  trahir  Laforgue.  Aussi,  combien 
ont  élé  meurtris  les  vers  du  charmant,  du  tendre  ironiste,  et  peu 
senti  l'éclat  ductile  de  son  rire  amer! 

Les  Aveugles,  mieux  interprétés, —  les  n'pétitions  ayant  été 
intelligemment  dirigées  par  Adolphe  Retlé, —  ont  excité  les 
esprits  jusqu'à  vaincre  la  ni.niscrie  des  gens  venus  là  pour  moquer  ; 
poètes  et  snobs  y  ont  trouvé  leur  émotion,  ceux-ci  pour  lésons 
immédiat  de  la  pièce,  ceux-là  pour,  en  sus,  sa  symbolique  signi- 
fication; et  certes,  il  faut  estimer  comme  rarement  atteint  jus- 
qu'alors le  mérite  qui  consiste  àdolerlethéâtrc  d'une  œuvre  d'art 
sans  essuyer  les  protestations  des  spectateurs  de  cafés-conccris. 
Notez  que  malgré  les  idées  courantes  implantées  par  le  natura- 
lisme, ceux-ci  ont  applaudi  une  pièce  dans  laquelle  la  courte 
observation  et  le  petit  fait,  cet  écucil  du  beau,  n'existent  pas,  car 
si  la  cruelle  situation  qui  intéresse  cette  douzaine  d'aveugles  au 
point  de  mettre  leur  vie  dans  l'incertitude  du  lendemain,  faute 


d'un  œil  valide  pour  guider  leurs  pas,  peut  être  considérée  comme 
vraisemblable,  après  simple  examen,  des  négligences,  des  omis- 
sions apparaissent,  mais  voulues  assurément  el  jugées  utiles  par 
l'auteur  dans  le  désir  de  ne  point  faire  dévier  la  perspective  de 
son  œuvre  (i).  La  lecture  qu'on  fit  de  la  pièce  en  présence  d'un 
institut  d'aveugles,  nous  coulait  naguère  le  Figaro,  lecture  qui 
fit  sourire  ces  honnêtes  gens  peu  préparés  aux  émotions  esthé- 
tiques, est  un  critérium. 

Non,  H.  Maeterlinck  est  parvenu  i  émouvoir  sans  s'être  inutile- 
ment meublé  de  documents,  et  il  a  fait  œuvre  d'art  pour  n'avoir 
choisi  dans  le  réel  que  ce  qui  suffisait  à  servir  une  idée  supé- 
rieure, et  cette  idée  :  établir  si  l'on  veut  des  vallées  de  désolation, 
d'humaine  misère,  les  unes  plus,  les  autres  moins  profondes  — 
les  aveogles,  —  et  motivées  par  l'absence  de  l'idéal  dans  la 
direction  de  la  vie,  —  le  prêtre  mort.  Cet  idéal  perdu  produit 
chez  les  conscients,  —  onze  aveugles, — la  désespérance,  chez  les 
inconscients,  —  l'aveugle  folle,  —  une  excitation  douloureuse 
réflexe,  chez  les  prescients,  —  l'enfant  qui  voit  el  conséquem- 
ment  possède  en  virtualité  l'idéal,  —  des  pleurs,  écho  de  la  déses- 
pérance ou  crainte  d'un  devenir  pareil. 

Tel  peut  être  le  symbole  que  dégage  l'œuvre  admirable  de 
M.  Maeterlinck,  admirable,  voire  plus  rare  qu'un  beau  poème, 
étant  donnés  les  casse-cou  que  devant  les  tréteaux  il  faut  éviter 
pour  y  installer  une  belle  œuvre  théâtrale.  L'auteur  des  Aveugles 
a  su  les  contourner  prcstigieusemeni,  ces  écueils,  et  il  est  bien  le 
premier  qui  ail  enfin  réussi  à  diminuer  l'art  du  comédien  pour 
grandir  l'an  dramatique. 

Le  Théodal  de  M.  de  Gourmont  nous  dit  l'aventure  d'uu 
évêque  repris  par. sa  femme  en  l'an  570  ;  le  dénoùment  des  cein- 
tures est  retardé  par  un  long  étalage  d'érudition  lhéologique,donl 
l'auteur  trouvera  peut-être  dans  une  œuvre  prochaine  une  utili- 
sation plus  esthétique;  les  belles  pages  de  Sixline  assez  posté- 
rieures à  Théodal  suffisent  à  fortifier  notre  espoir. 

La  symphonie  du  Cantique  des  cantiques  a  été  représentée  à 
une  heure  trop  tardive  pour  avoir  pu  réclamer  efficacement  de  la 
part  des  spectateurs  la  présence  simultanée  de  leurs  pensée,  vue, 
ouïe  el  odorat.  L'adresse  de  l'adaptation  P.-N.  Roinard  n'en  a 
pas  moins  paru  incontestable  cl  là  bien  atténuées  les  «  couleurs 
trop  crues  »  que  l'on  reproche  aux  traductions  Grotius,  Bèze  et 
autres.  L'épithalamo  de  Salomon  n'a  perdu,  à  la  scène,  ni  le 
ragoût  de  sa  grâce  idyllique  ni  le  charme  replet  de  ses  fraîches 
métaphores. 

Le  programme  assez  chargé,  comme  on  voit,  avait  été  inau- 
guré par  des  récitatifs  de  chansons  de  gestes,  traductions  frag- 
mentaires sous  ce  titre  :  La  geste  du  Roi.  Un  peu  terrorisé  par  le 
jeu  épileptique  du  premier  récitant,  je  n'ai  pu  apprécier  la  tra- 
duction de  Fierabras  par  Camille  .Mauclair;  mais  Bertheau  grand 
pied,  —  version  Adolphe  Relié,  —  el  Roland,  —  version  Stuart 
Merril,  —  la  première  surtout,  transposée  dans  la  poétique 
actuelle,  et  l'autre,  plus  adéquate,  ont  élé  fort  applaudies. 

Parmi  les  acteurs  qui  embellirent  cette  soirée,  nous  citerons  ; 
sur  la  scène,  M"«  Georgette  Camée,  MM.  Lugué  Poe  el  Emile 
Raymond  ;  dans  la  salle,  MM.  II. -G.  Hels  el  Sainl-Pol-Roux,  dit  le 
Magnifique.  Edmond  Cousturier. 

(1)  En  voici  qudques-unes  :  1°  Pourquoi  l'inquiétude  ne  survient- 
elle  aux  aveugles  qu'au  moment  de  minuit,  c'est-à-dire  après  sept  ou 
liuil  fleures  d'afwndon  ?  2°  Pourquoi  le  tact,  d'ordinaire  si  fin  cliez  eux, 
les  sert-il  si  peu?  3  "  Pourquoi  n'associent-ils  pas  leurs  voir  pourclamer 
leur  alarme?  4"  Pourquoi,  après  de  si  longues  heures,  semble-t-il 
qn'on  ne  s'est  pas  inquiété  d'eux  à  l'hospice  î  etc. 


LES  PEINTRES  HOLLANDAIS   A   PARIS 

(Correspondance  particulière  de  l'Art  Moderne.) 

Dédiées  pourtant  toutes  à  la  riante  Hollande  où —  comme  en  tout 
pays  humide,  Venise,  Japon,  etc.  —  le  jeu  des  couleurs  a  tant 
de  richesse  et  d'élasticité,  les  toiles  que  le  Kunstclub  de  Rotter- 
d:im  exhibe  jusqu'à  l'année  prochaine  au  Pavillon  de  la  Ville  de 
Paris  s'enténèbrent  et  se  saurent.  Laide  p&te,  mais  badigeonnage 
savant,  verveux.  Influence  des  musées. 

463-165.  —  Trois  tableautins.  Leurs  colorations  sont  de  vieil 
ambre,  mais  non  pas  sales,  lucides  plutôt;  leur  dispositif  com- 
plexe et  dense  reste  net  ;  doucement  ils  vont  s'animer  d'une  mère 
qui  lave,  d'un  marmot  qui  s'étire,  d'enfants  en  route,  de  bœufs 
sous  le  joug  :  figures  hors  de  l'anecdote,  réfugiées  en  la  durée, 
magnifique  de  style.  Le  numéro  163  est  le  délice  de  l'exposition. 
Par  leur  ardeur  concentrée,  leur  tranquille  mystère,  leur  charme 
lointain,  ces  œuvres  établissent  évidente  la  suprématie  de  Mathys 
Maris. 

On  préférera  de  Jaap  Maris  les  œuvres  déjà  anciennes,  celles 
où,  dans  une  belle  matière  lapidescente,  il  endort  des  villes  et  des 
bourgades  et  des  lents  fleuves  :  ce  153,  Souvenir  d'Amsterdam, 
(des  bateaux  se  devinent  le  long  du  quai  dans  la  brume  ram- 
pante, des  fumées  montent,  et  l'harmonieuse  ligue  fattière  s'op- 
pose au  firmament  spicenétique  et  beau),  et  ce  162,  Bords  de 
rivière,  banlieue.  Depuis,  laissant  là  ses  hautes  façons  à  la  Van 
dcr  Mecr  de  Delfl,  il  s'est  modernisé  dans  le  sens  du"  paysage 
français  et  des  paysages  du  troisième  frère  Maris  :  Willem. 

Celui-ci,  d'une  énergique  brosse,  mouvementé  un  ciel  lumi- 
neux, hérisse  des  roseaux,  lancéolé  des  graminées,  lustre  des 
vaches.  Les  cacao  ont  disparu;  des  vert  tendre  et  des  lilas  pal- 
pitent; mais  tels  noirs,  destructifs  de  toute  couleur  locale  et 
inaccessibles  aux  reflets,  sont  des  taches  d'encre  sur  un  objet 
d'art  et  point  de  l'ombre  aux  anfractuosités  d'un  terrain. 

Cataloguons  :  Mauve  et  ses  paysages  vulgaires  et  sans-aplomb; 
Hendrik-Willem  Mesdag,  aux  ciels  vert  et  rose  en  rubans  de 
papier  peint;  Jozef  Israëls,  avec  quinze  tableaux  épars  sur  trente 
années,  les  anciens  d'une  exécution  calandrée,  les  récents  en 
hachures  de  pluie  sur  suie,  tous  d'une  poésie  aux  artifices  de 
laquelle  il  faut  opposer  un  cœur  de  roc;  l'émotion  qu'Albert 
Neuhuys  extrait  de  sujets  analogues  est  certes  d'un  meilleur  aloi. 
Encore  des  paysagistes':  Philip  Ziicken,  W.  Roelofs,  P.-J.-C.  Ga- 
briel, J.-H.  Weissenbruch. 

Breitner  se  particularise  par  la  violence  de  ses  louches,  leur 
lourdeur,  ses  à-coup  de  rouge  et  de  jaune  sur  ensembles  caligi- 
ncux,  le  trapu  de  ses  arrangements.  Pâte  savoureusemeot  pétrie, 
dessin  concis,  Velh  expose  une  paysanne  qui  coud.  Sur  des  ciels 
d'un  bleu  nu,  Zwart,  volontaire,  Apre  et  insolite,  développe  des 
arborescences  et  de  grands  profils  muraux. 

Les  forces,  bref,  de  l'École  hollandaise  actuelle  résideraient  en 
It's  trois  Maris,  et  ses  espoirs  en  ces  trois  jeunes  peintres  ' 
Willem  de  Zwart,  G. -H.  Breitner  et  Jan  Veth. 


SOÊITES    lîINIDOXJBS 
dllrasme  Raiiray 

Ce  très  attachant  poème  symphonique  qui,  joué  en  1882  aux 
Concerts  populaires,  classa  d'emblée  son  auteur  parmi  les  com- 


positeurs les  plus  personnels  de  la  génération  actuelle,  vient  de 
paraître,  transcrit  pour  piano  à  quatre  mains,  chez  l'édilettr 
Muraille,  à  Liège. 

L'œuvre,  qui  se  compose  de  quatre  parties  :  I.  Danse: 
II.  Hymne  du  peuple;  III.  Sacrifice;  IV.  Divertùtement  et  final, 
forme  un  élégant  album  de  50  pages,  gravé  avec  le  plus  grand 
soin  par  M.  C.-G.  Boeder,  à  Leipzig.  Il  en  a  été  tiré  96  exemplairei 
de  grand  luxe  numérotés.  La  réduction  pour  piano  a  été  faite  par 
M.  Victor  Marehol,  qui  a  accompli  avec  beaucoup  d'exaclilude  et 
en  excellent  musicien  ce  travail  délicat.  Il  a  pris  soin  de  noter, 
autant  que  possible,  l'instrumentation,  selon  un  procédé  qai  tend 
à  se  généraliser  et  qu'on  ne  saurait  assez  recommander. 

Lorsque  l'œuvre  fut  présentée  au  public  par  l'orchestre  des 
Concerts  populaires,  elle  fut  accueillie  avec  un  véritable  enthou- 
siasme, phénomène  si  rare  pour  une  composition  indigène  que 
nous  crûmes  devoir  le  noter  très  spécialement. 

Nous  avons,  à  éette  époque,  apprécié  en  ces  termes  la  partition 
de  M.  Raway  : 

«  C'est  plutôt  une  succession  de  tableaux  qu'un  poème  eom* 
plet.  Le  compositeur  résume  le  drame  en  quatre  parties  :  une 
danse,  d'aberd  calme  et  langoureuse,  qui  s'échauffe  peu  t  peu  et 
se  transforme  en  une  ronde  échevelée;  un  hy)nne  dupeupU,  pré- 
paratoire au  sacrifice,  dans  lequel  l'auteur  fait  prenve  d'une  con- 
naissance approfondie  des  timbres  et  des  effets;  pais  le  laerifice 
lui-même,  le  morceau  capital,  d'une  grandeur  vraiment  tragique, 
écrit  avec  ampleur,  sans  ficelles,  et  qui  amène  le  dénouement; 
un  diverlissemetu,  terminé  par  un  hymne,  composé  lur  un  chant 
indien  original. 

«  Ces  quatre  scènes  révèlent  un  véritable  tempérament  musical. 
L'idée  est  claire,  exprimée  sans  hésitation,  suffisamment  intéres- 
sante et  toujours  habillée  avec  élégance.  A  côté  de  certaines 
gaucheries,  —  en  très  petit  nombre,  —  il  y  a  des  habiletés  de 
musicien  rompu  au  métier.  C'est,  croyons-nous,  la  première  fois 
qu'une  œuvre  de  celte  valeur  se  produit,  du  premier  coup,  sous 
la  plume  d'un  Belge  »  (1). 


j!!1hronique  judiciaire  de?  art? 

KshlML  contre  Sinylis. 

Les  débats  de  celle  affaire,  dont  nous  avons  rendu  compte  dans 
notre  dernier  numéro,  ont  été  clôturés  mercredi.  On  a  entendu  la 
plaidoirie  de  M'  Robert,  les  répliques  de  MM**  Octave  Maus,  Frick 
et  Hahn.  La  cause  a  été  communiquée  au  Ministère  public,  qui 
donnera  son  avis  la  semaine  prochaine. 

Le  syndic  de  la  fiUlUte  Verdhnrt  contre  lea  héritiers 
de  César  Franck. 

On  se  rappelle  que,  l'an  dernier,  à  l'Eden-Théâlre,  vers  la  fin 
de  sa  direciion,  M.  Verdhuri  annonça  l'exécution  de  plusieurs  des 
œuvres  de  César  Franck,  le  maître  qui  venait  de  mourir. 

Les  héritiers  du  composileur,  après  avoir  donné  leur  autorisa- 
tion à  la  représentation  projetée,  l'interdirent  au  dernier  moment 
et  firent  même  saisir  au  théâtre  les  parties  d'orchestre,  prétextant 
l'imperfection  trop  marquée  de  l'exécution. 

Peu  après,  M.  Verdhurt  tomba  en  billite.  Son  passif  était  de 
SS!),(K)0  francs,  son  actif  de  38,000  francs  à  peine. 

Le  syndic  de  la  faillite,  prétendant  que  les  héritiera  avaient,  par 

(1)  Voir  fArt  moderne,  1888,  pa^  84. 


•»        .■:^-" 


leur  consentement  eniuiie  retire,  occasionné  i  M.  Verdhurt  des 
frais  inutiles  dont  ils  lui  devaient  compte,  leur  demandait,  en  con- 
séquence, 90,000  francs  de  dommages-intérêts. 

La  premièi-e  chambre  du  tribunal  lui  en  a  accordé  1,000  à  l'au- 
dience d'hier. 


Petite  CHROf^iquE 


•  Vé\éftnle  Qaleris  Moderne  constniite  par  M.  de  Saint-Cyr  a 
reçu  la  triple  consécration  de  l'expoiition,  du  concert  et  de  la 
conférence,  —  les  trois  manifestations  artistiques  auxquelles  elle 
est  destinée.  Elle  a  été  reconnue  excellente  sous  tous  les  rapports. 
La  lumière,  tamisée  par  un  vélum,  éclaire  admirablement,  sans 
brutalité,  les  œuvres  exposées.  Le  soir,  dos  sun-burners  distri- 
buent le  jour  avec  égalité  dans  toutes  les  parties  de  la  salle. 
L'acoustique  est  exrellenie,  ce  qui  permet  aux  trois  cent  cin- 
quante auditeurs  qui  trouvent  place  dans  la  galerie  de  ne  pas 
perdre  une  note  des  concerts,  une  syllabe  des  conférences.  C'est, 
incontestablement,  le  meilleur  local  que  nous  possédions  aciuel- 
lemenl  i  Bruxelles  pour  les  solennités  artistiques  et  nous  en 
félicitons  sincèrement  celui  qui  l'a  instauré. 

Voici  quelques-uns  des  prix  d'adjudication  des  œuvres  princi- 
pales ayant  fait  partie  de  la  collection  de  M.  le  vicomte  du  Bus  de 
Gisignies  :  L'automne  de  Diaz,  1Î,000  fr.mcs  ;  Le  Verger  d'Emile 
Van  Marcke,  19,000  francs  ;  Cour  dhabilatimi  du  baron  H.  Leys, 
9,600  francs  ;  La  partie  de  dames  de  J.-L.  Dyckmans,9,!î00  frs.; 
Le  protecteur  de  i.  Stevens,  8,200  francs  ;  Fleuri,  fruits  et  acces- 
soire* de  Robie,  8,100  francs;  Le  guitariste  de  F.  Roybet, 
S,500  francs;  La  tentation  de  saint  Antoine  de  L.  Gallait, 
5,000  francs;  Episode  du  sac  d'Anvers  du  baron  H.  Leys, 
5,000  fnncs;  Jalousie  de  Madou,  4,900  francs;  La  musicienne 
d'Alfred  Stevens,  4,000  francs;  La  lettre  de  Fl.  Willems, 
3,400  francs;  L'arrivée  du  même,  2,950  francs;  Fleurs  et  fruits 
de  Robie.  2,950  francs  ;  Intérieur  dantiquaire  de  Henri  de  Brae- 
keleer,  2,900  francs;  Paysage  de  Jules  Dupré,  2,800  francs;  La 
conversation  de  Fromentin,  2,600  francs;  Fleurs  et  accessoires 
de  Vollon,  2,500  franr»  ;  L'alchimiste  de  Joseph  Lies,  2,500  frs.; 
Plage  d'Isabey,  2,200  francs;  Paysage  de  Franz  Courtens,' 
2, 100  francs  ;  Im  rixe  au  cabaret  de  Ch.  DeGroux,  2,000  francs  ; 
L'interruption  de  Verlai,  2,000  francs;  Femme  du  Directoire  de 
Jules  Goupil.  2,000  francs;  Intérieur  turc  de  Diaz,  2,050  frs  ; 
Tite  de  femme  de  Van  Beers,  1,950  francs;  La  dame  aux  papil- 
lons d'A  Ifred  Stevens,  1 ,850  francs  ;  L'homme  à  l'épée  du  même, 
4,800  francs;  Le  coup  de  iétrier  de  Fl.  Willems,  1,700  francs; 
Paysage  de  Corot,  1,650  francs. 

Cours  sipébieurs  pour  Dames.  —  21  décembre,  à  2  heures. 
!!■•  Chàplih  :  Shéridan  (suite). 

A  3  heures.  M.  H.  Percameni  ;  Hydrographie  de  la  Chine,  les 
institutions  et  la  vie  chinoise. 

22  décembre,  à  2  heures.  M.  E.  Verhaeren  :  Vieilles  écoles 
de  Pise,  Sienne  et  Florence. 

23  décembre,  i  2  heures.  M.  H.  Pergameni  :  La  royauté  abso- 
lueen  France  sous  Louis  XV. 

24  décembre,  à  2  heures.  M.  H.  Lonchay  ;  La  littérature,  Us 
arU  et  les  sciences  en  HoUande  au  X  Vil'  siècle. 

A  3  heures.  M''"  J.  Tordeus  :  Emission  de  la  voix.  Lectures. 

Le  Théâtre  Libre  donnera  demain,  en  même  temps  qu'un  acte 
en  vers  de  M.  Marsolleau,  Son  petit  cœur,  une  comédie  en  cinq 
actes  de  M.  Georges  Ancey  :  La  Dupe,  qui  n'a  que  quatre  per- 
sonnages. Le  spectacle  suivant  du  Théâtre  Libre  se  composera 
d'une  pièce  en  un  acte  et  de  VOrtie,  comédie  en  trois  actes. 

C'est  samedi  prochain  que  la  Société  nationale  de  musique 
reprendra  i  Paris  la  série  de  ses  auditions.  Il  y  aura  dix  concerts, 
échelonnés  de  quinze  en  quinze  jours,  du  26  décembre  au  14  mai, 
et  donnés  alternativement  i  la  salle  Pleyel  et  i  la  salle  Erard. 
L'un  de  ces  concerts  (28  février),  consacré  i  la  musique  reli- 


gieuse, aura  lieu  !i  l'église  Saint-Gervais.  Les  séances  des  S  mars, 
2  avril  et  14  mai  seront  donnés  avec  orchestre  et  chœurs  ;  les 
autres  avec  le  concours  du  quatuor  de  la  Foiidation  Beethoven 
(MM.  Geloso,  Tracol,  Fernandez  et  Schnéklud). 


Deux  tableaux  de  Monticelli,  récemment  vendus  à  l'hdtel  Drouot, 
ont  été  adjugés,  l'un.  Offrandes  à  l'amour,  1,450  francs,  et 
l'autre,  L'tle  de  Cythère,  1,380  francs. 

M.  Charles  Lamoureux  vient  de  s'assurer  le  concours  de  M.  Van 
Dyck  pour  trois  concerts  qui  seront  donnés  à  Paris  pendant  la 
semaine  sainte. 


Une  exposition  d'œuvre»  de  Raffet  s'ouvrira  à  Paris  au  mois 
de  mars.  MM.  Bodinieret  Gonzague-Privat  avaient  pris  l'initiative 
de  cette  exposition,  dont  l'idée  a  été  reprise  par  un  comité  avec 
lequel  ces  Messieurs  se  sont  entendus. 

L'exposition  promet  d'être  importante  et  fort  intéressante. 

La  Société  des  Artistes  indépendants  prie  les  artistes  désireux 
de  faire  partie  de  la  société  de  se  faire  inscrire  avant  le  31  décem- 
bre, 31,  avenue  de  Villiers,  afin  de  prendre  part  à  l'élaboration 
du  règlement  spécial  il  sa  huitième  exposition,  qui  aura  lieu  en 
mars  et  avril  au  pavillon  de  la  Ville  de  Paris. 

Passé  ce  délai,  la  société  reste  ouverte  à  tous,  mais  ne  peut 
garantir  aux  nouveaux  sociétaires  l'exécution  du  dit  règlement. 

C'est  du  1"  au  31  mai  prochain,  d'après  la  date  fixée  par  le 
Ministre  de  l'instruction  publique  et  des  beaux-arts  de  France, 
qu'aura  lieu,  dans  la  grande  salle  du  premier  étage  de  l'Ecole  des 
beaux-arts,  l'exposition  de  l'œuvre  de  Meissonier. 

Une  grande  exposition  internationale  consacrée  aux  Arts  de 
la  femme  aura  lieu,  au  Palais  de  l'induslrie  (Champs-Elysées), 
pendant  les  mois  d'août,  de  septembre,  d'octobre  et  de  novembre 
prochains. 

Tout  ce  qui,  dans  les  industries  d'art,  est  exécuté  par  et  pour 
la  femme,  tout  ce  qui,  dans  sa  vie  intime  et  dans  sa  vie  extérieure, 
lui  sert  de  cadre,  d'ornement  et  de  parure,  toul/ce  qui  lui  permei 
de  gagner  sa  vie  ou  d'uiilise^  ses  loisirs  ironvên  là  sa  place,  dans 
trois  groupes  généraux  dénommés  beaux-arts,  enseignement, 
industrie. 

Cette  exposition  est  organisée  par  l'Union  centrale  des  .4r/.? 
décoratifs. 

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L'ART   MODERNE  s'est  acqnis  par  l'autorité  et  l'indépendance  de  sa  critique,  par  la  variété  de  ses 

informations  et    les  soins   donnés   à  sa   rédaction   une  place  prépondérante.   Aucune  manifestation  de  l'Art  ne 

lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  de  peinture,  de  soulpture,  de  grravui^t  de  maslque, 

d'architecture,  etc.  Consacré  principalement  au  mouvement  artistique  belge,  il  renseigne  néanmoins  ses 
lecteurs  sur  toUS  les  événements  artistiques  de  l'étranger  qu'il  importe  de  connaître. 

Chaque  numéro  do  L'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  question  artistique 
ou  littéraire  dont  l'événement  de  la  semaine  fournit  l'actuallté.  Les  expositions,  les  livres  nouveaux,  les 
premières  représentations  d'œuvres  dramatiques  ou  musicales,  les  conférences  littéraires,  les  concerts,  les 
ventes  dobjets  d'art,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  Il  rend  compte  des 
procès  les  plus  Intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complète  des  expositions  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  11  est  envoyé  gratuitement  à 
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L'ART  MODERNE  forme  chaque  année  un  bôàu  et  fbrt  volume  d'enviroi>  4ÇÛ  pagM,  avee  table 
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Agmeessens,  L.  Autan,  J.  Cakabain,  F.  Cocii'rENs, 

H   De  Braekeleer,  N.  Dias,  L.  Dubois, 

Th.  Fournois,  J.  Heymans,  L.  Herbo,  Ch.  Hermans,  I.  Ihpens, 

Keeloph,  Lambrechs,  Maes,   F.  Meerts,  C.    HEcmER, 

F.  Mdsin,  F.  Nts,  1.  QuiNACi,  F.  Ravet, 

RiCBTER,  H.  RoNNER,  Al.  Roosemboom,  Sembach,  G.  Speeckaert, 

Alf.  et  Jos.  Stevens, 

Alf.  Verwée,  Is.   Verretden,  Willems,  etc.,  etc. 


■^position  partlonllAre  : 

Dimanche  20  décembre,  de  10  â  4  h . 


Exposition  pabllque  : 

Lundi  21  décembre,  de  10  i  4  h. 


I 


Pour   le  catalogue,    s'adresser   Oalerie   du   Congrès,    5,   me  du 
Congrès,  k  Bnuelles. 


BmxsllM.  —  laip    V  Mommoii,  St,  ra*  de  rindiutria. 


-ï.:r  •  ;jy ■  ..y-^'^W'^:-;?-  ■-  ■ 


OnziAmb  année.  —  N"  52. 


Lb   NUUÉRO    :    26    CENTIMES. 


Dimanche  27  Décembre  1891. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LB    DIMANCHE 


REVDE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  YERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   ud   an,   fr.   10.00;  Union   postale,    fr.    13.00     —  ANNONCES   :    On   traite  i   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  d 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  Tlndustrie,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


NoTB  SUR  LES  Primitifs  itaubns.  Oentile  da  Fabriano  (Suite).  — 
Constantin  Mkunibr.  —  Audition  au  Conservatoire.  —  Pafner  a 
l'œuvbi.  —  A  LA  Maison  du  peuple.  —  Petite  chronique.  —  Table 

DES  MATIÈRES.    ^ 


Notes  sur  les  Primitife  Mens 
III 

GENTILE  DA  FABRIANO  (i) 

L'œuvre  est  ordonnancée  comme  un  poème.  La  partie 
supérieure  du  cadre  est  divisée  en  trois  arcades  surmon- 
tées de  pignons  gothiques  dont  les  fleurons  ajourés 
entourent  trois  médaillons.  Au  centre  la  figure  majes- 
tueuse du  Père,  le  Principe  auguste  ;  dans  celui  de 
gauche,  l'ange  de  l'Annonciation  ;  dans  celui  de  droite, 
la  Vierge  inclinée  et  confuse.  A  ces  divisions  du  cadre 
correspondent,  en  la  prédelle,  trois  petits  panneaux 
représentant  la  Nativité,  la  Fuite  en  Egypte  et  la  Pré- 
sentation au  temple  (ce  dernier,  par  un  sacrilège 
imbécile,  a  été  enlevé  pour  le  Louvre).  C'est  donc  toute 
la_légende  de  la  Divine  Naissance  célébrée  comme  en 

(1)  Suite  ;  Toir  notre  dernier  numéro.  Voir  aussi  n"  47  (Giotto) 
.et  49  (Masolino  da  Paaicale.) 


un  cantique  dans  ses  traits  essentiels  et  glorifiée  dans 
son  épisode  le  plus  éclatant  : 

On  les  aperçoit  d'abord  dans  le  lointain,  les  trois  rois 
mages  aux  longues  et  lourdes  robes  d'or,  observant  sur 
une  haute  roche,  dressée  au  bord  de  la  mer,  le  ciel 
enflammé  où  scintille  l'Étoile.  Dès  qu'ils  l'ont  reconnue, 
ils  ordonnent  de  seller  les  chevaux  et  de  quitter  la  ville 
blanche  aux  murs  crénelés,  la  mer  bleue  où  dansent  les 
navires  frêles. 

Et  par  les  pays  inconnus,  par  les  plaines  et  les  ravins, 
parles  chemins  escarpés  des  montagnes,  se  poursuit 
dans  la  gloire  des  aurores  et  la  pourpre  des  couchants, 
leur  triomphal  voyage. 

Les  voici  encore,  l'adolescent,  l'homme  et  le  vieillard, 
tous  trois  auréolés  d'or,  chevauchant  côte  à  côte,  pré- 
cédés et  suivis  d'une  cavalcade  magnifique  qui  serpente 
dans  la  montagne  et  disparait  au  gré  des  sinuosités  du 
chemin.  Longeant  des  cultures  et  des  broussailles,  ils 
montent  vers  un  château  fort,  vers  une  ville  hérissée  de 
tours  et  de  créneaux  dont  la  porte  s'ouvre  là-bas, 
blanche  sur  l'horizon  d'or.  Près  d'eux  un  écuyer  jeune 
et  svelte,  pique  sur  l'épaule  et  cor  à  la  ceinture,  se  hâte, 
tenant  en  laisse  un  grand  lévrier  gris  prêt  à  bondir  à  la 
poursuite  d'un  daim  disparaissant  dans  le  fourré.  Tous 
leurs  autres  compagnons  promènent  sur  de  nobles  et 
fiers  chevaux  l'opulence  de  leurs  costumes  de  brocart 
lamé  d'or  et  de  velours  lourd.  Les  uns  tiennent  au  poing 


412 


L'A/îr  iiODERNE 


des  faucons  pour  la  chasse,  dantres  emmènent  en 
croupe  des  guépards  menaçants.  Ils  vont  lentement,  an 
pas,  devisant  du  voyage  et  de  l'arrivée  prochaine;  on 
cheval  blanc  dmit  on  veut  modérer  l'impatience  se  cabre 
à  demi  pour  franchir  un  tronc  d'arbre  abattu  au  trav«« 
du  chemin. 

On  les  revoit  encore,  très  lointains,  silhouettés  sur 
l'embrasement  d'un  soir  rouge  et  or  entrer,  par  le  pont- 
levis  abaissé,  en  un  cAstel  aux  murailles  crénelées.  L'at- 
liiude  résolue  du  premier  cheval  est  superbe,  otHttrae 
d'ailleurs  tous  les  détails  de  cette  chevauchée  âtstaeuse 
si  étonnante  de  mouvement,  de  vérité  et  de  vie. 

Ces  trois  épisodes  occupent  le  haut  du  tableau;  sans 
en  être  séparés,  ils  sont  traités  en  dimensions  réduites, 
comme  des  détails  lointains  Mais  quels  bijoux!  quelle 
exécution  d'irréprochable  finesse!  quelle  ampleur  dans 
ces  quasi-vignettes  !  quelle  harmonie  de  lignes  fières  et 
de  couleurs  opulentes! 

Les  voici  enfin  arrivés  devant  le  souverain  qu'annon- 
cèrent les  étoiles  L'astre  conducteur  s'est  arrêté  au- 
dessus  d'une  chaumière  misérable,  aux  murs  en  ruine, 
adossée  à  un  rocher  dont  une  cavité  sert  d'étable  ;  k 
l'approche  des  voyageurs  un  bœuf  roux  aux  gros  yeux 
placides  a  poussé  la  tête  au-dessus  de  son  auge  et  un 
âne  giis  dresse  les  oreilles  avec  inquiétude. 

Devant  la  porte  de  la  masure,  la  'Viei^  est  assise, 
enveloppée  d'un  roant^^au  bleu  dont  sa  main  ganche 
rassemble  les  plis  sur  sa  poitrine  chastement,  nimbée 
d'or;  sa  tète  aux  traits  réguliers  et  purs  est  du  type 
classique  des  vierges  de  Giotto.  A  côté  d'elle,  le  nimbe 
aussi  autour  de  son  front  chauve  et  de  ses  cheveux  gris, 
se  tient  debout,  grave  et  pensif,  saint  Joseph  en  pauvres 
vêlements  jaunâtres;  par  sa  barbe  blanche  et  ses  traits 
ridi's.  par  son  attitude  vénérante,  il  est  bieji  le  père 
nourricier  de  la  légende,  le  protecteur  et  non  l'époux 
de  la  Vierge,  le  serviteur  dévoué  du  Bambino.  Derrière 
Marie,  sur  le  seuil  de  la  maison,  deux  femmes  du 
peuple,  amies  on  servantes,  se  montrent  la  boîte  d'or 
que  vient  d'offrir  le  vieux  roi  mage. 

Car  le  premier,  il  s'est  incliné  devant  l'enûmt  radieux 
que  la  Madone  retient  de  la  main  droite  assis  sur  ses 
genoux  ;  le  premier,  son  chef  creusé  de  rides  et  dénudé, 
la  neige  de  ses  cheveux  et  sa  longue  barbe  d'ancêtre  lui 
donnaient  cet  honneur,  le  premier,  il  a  agenouillé 
sa  puissance,  l'ancien  savoir  et  l'opulence  de  ses  habits 
royaux  devant  l'innocence  d'un  pauvre  petit  en&nt 
nu  ri  s'est  complètement  prosterné,  les  mains  appuvées 
vers  le  sol,  et  relève  vers  le  Nouveau  Né  son  visage 
basané  ;  ses  vieilles  lèvres  baisent  respectnensement  le 
petit  pied  du  bambin  dont  un  sourire  bienveillant  éclaire 
la  figure  Toode,  intelligente  déjà,  et  qui  pose  sa  menotte 
potelée  sur  la  tête  du  vieillard  en  un  geste  ot  il  y  a  à  ht 
fois  rinconscience  des  caresses  eSlfantiDes  et  la  bénédic- 
tion d'nn  Dieu. 


Et  s'incline  i  son  toor,  adorant,  le  second  roi  mage, 
demi-ooarbé  et  on  genou  en  terre,  vAtu  d'une/  robe  de 
brocart  splendide  ob,  sur  un  fond  noir.  s'AUlent  des 
fleurs  et  des  pesants  fruits  d'or,  analogoes  aux  char- 
dons héraldiques,  comme  on  en  vmt  dans  les  étt^fes 
moresqa«^  et  les  cuirs  esp^nols.  Il  s'apprête  à  «nlerer 
aussi  sa  couronne  de  dessus  sa  coiffure  bizarre,  faite  de 
plumes  blanches  et  couleur  de  feu,  e(  de  l'antre  main 
il  présente  un  calice  d'or,  préciensemoit  orfêvrë,  ren- 
fermant la  myrrhe  symbolique. 

Le  troisième  présent,  l'encens,  est  apporté  par  le 
plus  jeune  des  trois  rois.  Le  premier  est  déjà  couvert 
des  n«ges  de  l'hiver;  le  second  est  encore  dans  le 
vigoureux  été  de  la  vie  humaine  ;  ceinici  en  inaugure 
le  printemps  II  se  ûeni  debout,  candide  et  modeste, 
attendant  que  vienne  le  moment  d'offrir  anss  son  hom- 
mase.  Merveilleux,  ^louissant.  avec  son  doux  visage 
imberbe  de  femme  et  son  extravagante  parure  d'or  pile, 
il  est  beau  comme  une  (HÏncesse  et  gradenx  comme 
un  page.  Sur  ses  cheveux  blonds  s'enroule  un  tarban  de 
perles  et  de  fleurs  surmonte  d'une  couronne  d'or.  Sa 
tunique  brodée  d'or,  bordée  d'or,  d'une  richesse  de  fêerie, 
enserre  sa  taille  fine  et  redesoend  jusqu'aux  genoux, 
ciselée  comme  un  bijou,  de  feuillages  eî  d'arabesques. 
Un  collant  gris  perie  moule  des  jambes  minces  près 
desquelles  un  jeune  écuyer  s'est  baissé  pour  enlever  les 
éperons  d'or.  Le  fier  cheval  blanc  dont  il  TÎeot  de 
descendre  et  dont  les  gourmettes,  les  brides,  les  étriors 
et  le  nx>rs  paai  incrustés  d'or,  est  d«Tièf«  lui.  pia&nt, 
gardé  par/tm  second  page  anqud  il  a  remis  aosd  son 
épée  au  pommeau  d'or. 

Ce  mage  resplendissant  et  doux  marque  le  centre  de 
Tonavre  et  l'illumine  tout  «iti^t«.  D  est  la  Jeunesse, 
l'espoir,  le  radieux  avenir.  D  est  invraisemblable  et 
charmant  ainsi  qu'un  personnage  de  légende,  ainsi 
qu'un  fabuleux  héros  de  conte  «iental.  D  évoque  les 
chevaliers  de  por^  et  de  salut,  Lohengrin  et  Parsi&l 
et,  oomnoe  eux,  &it  surgir  en  nous-mêmes  de  longues 
songeries  aux  pays  des  diimères,  des  sentimoits  indé- 
finissaUes,  d'ine&bles  harmonies. 

Un  sens  esthétique  très  daîrvt^ant  a  distriboé  la 
composition  autour  de  ceste  figure  centrale.  Devant  le 
jeune  mage,  à  sa  droite,  o^t»;  scène  de  C Adoration  que 
je  viens  de  dire,  calme,  émue,  simple  et  silencieBse;  de 
Tantre  c&tè,  derrière  lui,  la  fonle  pressée,  bruyante, 
versioolore  des  s^gneurs  de  Fescorte.  Deux  on  ixms, 
sont  descendus  de  cheval,  entre  antres  ToiseleDr  qui 
portait  au  poing  un  £uM3on.  Mais  la  plupart  y  sont 
encore  et  s'approdtent  ;  ils  arrivent  Dorabreax , 
remuants,  causeurs,  s'eotassant,  sous  fat  poussée  de 
ceux  qui  suivent,  derrière  les  chevaux  dont  Tîensrat  de 
descendre  les  rois  et  que  des  éooyers  retàeuieBt.  Cela 
fait  comme  un  fleuve  vivant  de  tètes  dlicaraes  et  d'ani- 
maux;   tètes  de   chevaux  beaoisamte  et  fringants. 


9ï^'^SwWW'''^yWV^-''  '■'■'■ 


L'ART  MODERNE 


413 


aaoooant  leurs  mon  dorés;  têtes  d'Asiatiques  à  la  peau 
sombre  et  aux  dents  blanches,  et  d'Aryens  à  la  face 
pâle,  tendre  et  rèTeose,  sous  d'étourdissantes  coiffures 
de  plames  et  de  velours,  sous  des  couronnes,  des  cha- 
perons et  des  turbans;  têtes  de  guépards  prêts  à 
mordre;  et  sur  un  grand  chameau,  deux  singes  roux  et 
gris.  Beaucoup  de  ceux  qui  processionnent  ainsi  avec 
magnifioenoe  n'ont  point  encore  vu  l'humbie  demeure 
sacrée;  ils  bavardait,  rient,  s'occupent  de  leurs  che- 
vaux; quelques-uns  s'amusent  à  suivre  des  yeux  deux 
colombes  qui  viennait  se  becqueter  au-dessus  de  la 
cavalcade  principe... 

Jules  Dbsixke. 


Conutantln  Mennier. 

L'exposition  de  ConsUolin  Meunier  est  iocoatesublemeni  le 
succès  le  plas  décisif  qu'un  grand  artiste  ait  obleaa  chez  nous 
depuis  longtemps.  Artistes  et  critiques  sont  aDanimes  i  l'écrire  et 
i  le  proclamer. 

Dans  une  confétnce  organisée  par  la  Section  d'an  de  li  Mai- 
(on  éM  PenfU,  l'an  de  nous  a  montré  la  signification  profondé- 
ment haraaine  et  sociale  de  cet  art  nouveau  et  iDédit. 

Au  point  de  vue  artiste,  l'oeuvre  de  Meunier  est  la  preuve  neUe 
qiK,  ponr  ioal  grand  sculpteur,  la  vie  moderne,  tout  autant  que 
ndéal  grec,  peut  men«'  an  style,  an  caractère  el  i  la  beauté.  La 
vie,  %  qui  la  sarprend  d'an  «eil  émerveilié  et  si^^K,  est  esibé- 
liqae  paitont,  qu'elle  soit  celle  des  champs,  celle  des  ateliers  ou 
celle  de  la  mine.  Meunier  l'a  |diée  k  ron  émotion  et  i  sa  vision 
spéciales  :  des  cbefs-d'oesvre  en  sont  le  résultai. 

Voici  quelques  remarques  coocloanles  et  résomantes  k  cet 
^ard  qn^  pnbiiées  la  \ttioH  : 

m  Son  art  est  réaliste.  Cesi  i  ce  souci  qa'il  doit  de  produire  ses 
perB0nnag«5  dans  leur  vérité  de  mouvemenl,  dans  leurs  habitudes 
de  nuo'cbe  H  d*immotnlité,  dans  leurs  déformations  exactes  et 
sorapnleusemeot  observées.  Ce  sont  des  mains  de  travailleurs, 
TOiU  pourqnoi  elles  sont  grandes  :  ce  sont  des  attitudes  d'abat- 
teurs  et  de  boucbers,  voiU  pourquoi  les  pieds  sout  lonroés  en 
dedans;  ce  sMit  des  ir^tneurs  de  charrue,  voilà  pourquoi  les  dos 
mo—m enta»»  Mot  tesdos  et  comme  hors  de  proportion  nor- 
male. Le  mssde,  Pos,  b  chair  «ou  des  modelés  spéciaux. 

«  Cette  vérité  d'allure  et  d'habitude.  Meunier  la  grandit  par  la 
belle  ooaoeptioa  qui!  possède  des  lignes  et  non  pas  1  la  manière 
académiqoe,  qui  conduit  au  poncif  et  1  la  banalité,  mais  à  la 
manière,  j'oserais  dire  <jasnqae,  dans  le  sens  brge  et  moderne 
de  ce  mot.  n  en  rérulle  noe  n^desse  nouvelle,  un  peu  fruste, 
et  quelquefois  de  Tâ^^nre.  Oui,  de  l'élégaDce.  Sa  slaluelte  du 
Scmflair  de  varrt  est  inoontetEtablement  telle.  Encore,  en  pein- 
lare,  ses  filleiies  en  oostnme  l^nc,  le  mouchoir  noué  amour  de 
b  léie.  Lears  corps  sont  svelies,  jeunes,  lancés. 

>  Ca  anue  soad  qu'il  ne  sacrifie  jamais,  c'est  de  traiter  les 
c^ofies  d'ettsenble  et  ponr  ainsi  dire  de  bloc.  Le  détail,  il  œ  s'y 
aantse  guère,  il  k  sacrifie.  U  ne  lait  point  la  main  ponr  qu'elle 
soit  «ne  mais  bien  veoae.  mais  uniquement  parce  qu'il  sculpte 
oa  corps  auquel  appartioil  une  main.  Il  envisage  l'homme 
entier,  avant  d'eu  préciser  les  moroeaui;  il  l'exprinoe  en  sa 
■aa»e,  fortemem. 


«  Voib  pour  ses  qualités,  j'oserais  dire  manuelles  et  visuelles; 
quant  1  ce  qui  fait  le  fond  de  son  art  et  sa  force  humaine,  c'est 
au  deli  de  tout  métier,  de  toute  science,  de  toute  hatiileié,  la 
puissante  émotion  qu  il  émet.  Il  est  relui  qui  sent  profond  et 
triste,  celui  qui  est  allé  vers  les  plus  rudes  et  les  pins  pitoyables 
d'entre  les  opprimés  modernes,  pour  donner  >i  leur  ime  uu  cri 
dans  l'art  de  son  l^mps. 

«  El  les  voici  ceui  de  la  GlAe,  sous  le  ciel  lourd  df  pluie  el 
d'autonme,  si  étonnamment  ployés  et  courbés,  si  à  tout  jamais 
les  serfs  et  les  bétes  de  somme  ;  le  voici  le  pauvre  Vieux  dtnial 
des  mines,  usé  par  le  fouet,  bosselé  de  coups,  carcasse  d'os, 
qu'on  ne  remontera,  un  jour,  vers  le  soleil^  que  pour  élre  abattu; 
le  voici  ce  groupe  d'un  drame  si  simple,  d'une  mère  relrouvaiil 
son  fils  brûle  dans  la  fosse  et,  dans  son  attitude  contenue,  dauts 
ca  maternité  silencieuse,  sans  bras  jetés  vers  le  ciel,  eiprimanl 
toute  la  douleur  populaire.  Enfin,  le  voici,  lui,  le  Ctirist,  l'bomroe- 
Dieu,  plus  homme,  certes,  aux  yeur  de  l'artiste  que  l>ieu,  dont  le 
corps  tout  en  souffrance,  la  léte  tout  en  épines,  les  pieds  rappro- 
chés par  la  crainte  el  la  tristesse,  le  ventre  éreinlé.  \e>  épaules 
cassées  de  tourments,  la  poitrine  morte,  personnifient  toute  la 
détresse  humaine  immortel lement.  Cest  en  cette  figure  que  non 
seulement  l'art  de  CoDslaniin  Meunier,  mais  sa  vie  d'âme  sont 
inclus,  et  je  ne  sache  que  les  très  grands,  qui  aient  pu  ramas^r 
leur  passion  et  leur  peine  en  une  oeuvre  aussi  complète  et  aussi 
éloquente.  Pour  résumer  donc  notre  jugement  sur  Constantin 
Meunier,  nous  dirions  volontiers  qu'il  est,  en  un  métier  à  lui,  le 
sculpteur  et  le  peintre  de  la  souffrance  démocratique,  plus  encre 
qu'humaine,  et,  certes,  plus  que  le  peintre  de  la  souffranci' 
idéale.  » 


AUDITION  Ar^  CONSERVATOIRE 

Outre  l'habituelle  exliibition  des  petits  el  grands  prodiges  de 
la  Maison  (parmi  lesquels  M""'  Blés,  une  mignonne  violonisie  à 
qui  l'on  a  fait  un  succès  considérable),  le  Conscr\atoire  a  offert 
i  ses  fidèles  le  régal  d'une  œuvre  inédite,  une  Eicgie  de  M.  Pai.l 
Gilson,  que  le  public  n'a  point  comprise  el  qui  n'en  est  pas 
moins  une  composition  fort  remarquable,  k  laquelle  on  ne  tardera 
pas  i  rendre  justice.  Construite  sur  un  tbème  uuique,  cette 
£l/gU  se  développe  en  quatre  parties  ;  Mélancolie,  Aupiralicv, 
LutU,  Apaitemcnt,  soudées  Tune  i  l'autre,  et  si  ingénieusement 
réunies  qu'on  passe  insCMsiblenrH'nt  de  l'une  il  l'autre,  taudis  que  le 
motif  conducteur  revêt  lecaracléreet  l'instrumenlalion  adéquates 
au  sentiment  exprimé.  Pas  un  trou,  pas  une  bés-ilalion  en  cette 
trame  serrée  el  fournie,  d'une  polyphonie  complexe  et  néanmoins 
très  claire.  Lue  originalité  assez  curieuse;  les  trois  premières 
parties  sont  exclusivement  écrites  pour  les  arcbets.  Dans  le  mor- 
ceau final  apparaissent  d'abord  la  batterie,  puis  les  cuivres,  puis 
toute  l'harmonie,  et  l'effet  ainsi  obtenu  est  1res  inaitendu.  Peut- 
être  y  a-t-il,  en  celle  dernière  partie,  une  suppri'ssiou  'à  faire  :  la 
reprise  textuelle  d'un  dévelop()emenl  présente  antérieurement 
allonge  inutilement  la  partition.  C'est  la  seule  critique  que 
nous  ayons  li  formuler  au  sujet  de  cette  composition  très  distin- 
guée de  M.  GilsMi.  qui  décidément  prend  rang  parmi  les  meil- 
leurs symphonistes  de  l'époque. 

La  snperbe  cantate  de  i.-S.  Bacb  pour  la  fête  rie  la  Pentecôte, 
avec  ses  éclatantes  sonneries  de  trompettes  suraiguës  dominant 
le  tiumilte  des  choeurs  et  le  déchaînement  de  l'orchestre,  a  clôturé 


."'"aj^jeJT^ 


414 


L'ART  MODERNE 


paf  une  nctlc  impression  d'an  celle  audilion  panachée  d'œuvres 
iniércssantes  el  de  banalilés.  Elle  a  été,  sous  le  bâion  directorial 
de  M.  Wamols,  exécult'c  avec  ensemble  el  avec  enthousiasme. 


FAFNER  A  L'ŒUVRE 

M.  Gustave  Fr(?d(*rix,  reconnaissant  enfin  sa  vérilablc  vocation, 
osi  allé  confiVencier  en  province,  à  la  Société  générale  des  Etu- 
diants de  Gand. 

Il  a  parlé  de  Victor  Hugo  et  des  Châtiments,  qu'il  doit  bien 
connaître  maintenant. 

Ce  qu'il  a  dit  de  Vicior  Hugo  ne  nous  intéresse  guère,  mais,  dil 
la  Nation,  M.  Krédérix  a  tenté  un  déshabillage  complet  des 
adeptes  de  la  jeune  école. 

«  .AujourJ'IiuI,  dit  M.  Frédérix,  le  talent  consiste  à  être  aussi 
obscur  que  possible;  plus  l'œuvre  est  incompréhensible,  plusclle 
est  bcllc!  on  s'exprime  par  phrases  courlesi,  par  monosyllabes; 
le  leeleur  n'a  qu'à  deviner  le  reste.  » 

11  est  impossible  d'amonceler  plus  d'àneries.  On  s'exprime  par 
monosyllabes,  hein?  quoi?  —  Toute  celte  logomachie  de  vieux 
pion  vise  la  Princesse  Maleine,  couronnée  par  M.  Frédérix  lui- 
même.  1.0  juré  otlicit  1  avoue  qu'il  n'a  pas  compris  l'œuvre  déférée 
!l  sa  jugi'Oiic.  Nous  l'avions  loujoursdit.il  y  a  beaucoup  d'œuvres 
inoouipréliensibles  pour  M.  Frédérix. 

Mais  ee  qui  esl  plus  incompréhensible  encore,  c'est  sa  conduite. 
Non  eonieni  de  lancer  des  insultes,  dans  un  rapport  officiel,  à 
l'œuvre  qu'il  couronne,  M.  Frédérix  se  fait  le  Pierre  l'Ermite 
d'une  croisade  conire  la  Princesse  Maleine.  Il  va  à  Gand  même 
éreiuler  son  auieur,  la  popularité  dont  il  jouit  dans  la  jeunesse 
des  écoles  de  Bruxelles  l'empêchant  d'expectorer  ses  rancunes 
dans  la  capitale. 

Nous  signalons  ce  fait  i  M.  le  Ministre  des  Beaux-Arts.  Il  im- 
porto qu'à  l'avenir  on  nous  donne  des  jurés  plus  sérieux  et  moins 
folSires.  Ce  ne  sont  pas  des  vieilles  girouettes  qu'il  nous  faut, 
qui  tournenl  au  vent  de  leurs  colères  et  des  éreiniemenis  qu'elles 
aliiapeni,  ou  de  vieux  plaisants  qui,  après  avoir  décerné  des  prix 
à  une  œuvre,  rhi  relient  à  l'élr.ingler  en  un  coin  de  province. 
Non!  mille  fois  non!  Qu'on  nous  prés.'nte  des  gens  sincères  el 
compélenis  el  qu'on  remise  les  giroueltesdans  quelque  musée  de 
vieille  ferraille. 

M.  Fiédérix  a  affirmé,  au  cours  de  sa  eonférence,  donl  les 
jouriaux  ganlois  ont  très  peu  parlé,  d'ailleurs,  que  toute  école 
nouvel  e  (loii  l'Ire  en  bulle  aux  persécutions.  Les  Torquemada 
fourbus  el  ércinlés  de  la  Jeune  Belgique  savent  cela  mieux  que 
personne,  el  il  esl  drt>!e  de  les  voir  avouer,  sur  le  lard,  leurs 
peiiies  manies  persécutrices. 


A  LA  MAISON  DU  PEUPLE 

Soirée  exrellenle  et  qui  a  démontré,  cette  fois,  péremploire- 
meni,  qu'en  somme  le  meilleur  public  que  puissent  avoir  ceux 
doni  l'art  esl  fort,  fier  el  ardent,  c  esl  le  public  de  la  Maison  du 
Peuple. 

On  (lisait  :  Le  peuple,  il  ne  comprendra  point,  il  ne  répondra 
que  p;ir  l'absenre  aux  soirées  que  vous  allez  lui  offrir;  il  sera 
inapl.-  à  saisir  —  i  moins  que  vous  ne  fassiez  des  conférences  et 
di's  le  lures  pour  eiifanis  —  la  moindre  inieniion  et  la  plus 
élenienlain'  émotion  que  vous  mettez,  vous  autres,  écrivains  el 
poéiis,  d.ins  vos  papes. 

Aujourd'hui,  il  n'est  plus  possible  d'affirmer  un  tel  mauvais 
présage.  L'épreuve  de  mardi  dernier  a  élé  concluante.  Le  public 


tout  entier  a  été  très  attentif  et  1res  compréhensif  k  la  conférence 
très  littéraire,  mais  aussi  très  vigoureuse  et  fière  de  Georges 
Eekhoud.  Le  mouvement  de  la  Jeune  Belgique  y  a  été  analysé 
dans  ses  poètes  el  ses  prosateurs.  On  a  lu  des  vers  d'Iwan  Gilkia, 
d'Albert  Giraud,  qui  ont  été  soulignés  d'adhésions  et  d'applaudia- 
semenls  prompts  et  intelligents.  On  a  salué  les  noms  de  De 
Coster,  de  Van  Hasscll,  de  Pirmez,  de  Hannoo,  de  toute  la  Jeune 
Belgique  et  de  la  Société  nouvelle.  Cl  cela,  tout  en  sachant  les 
opinions  que  tels  el  tels  professent.  On  n'a  pas  fait  de  distinction 
entre  poètes  aristocratiques  ou  plébéiens,  on  a  acclamé  l'effort 
total,  le  travail  entier  de  dix  années  et  le  triomphe  qu'on  sent 
approcher.  Les  vieilles  pantoufles  de  la  critique,  les  grincheux  de 
l'article  huile  et  vinaigre  ont  été  exécutés  en  passant. 

Georges  EcLlioud  a  triomphalement  lu  les  jugements  de  Baude- 
laire sur  la  Belgique,  el  dans  ce  milieu-là  pas  un  nooi  rouge  ou 
plutôt  blanc  de  haine  n'a  élé  mal  appuyé  sur  l'épaule  de  ceux 
qu'il  éiail  destiné  à  flétrir. 

Il  y  a  eu  après  celte  ardente  et  belle  causerie  diverses  lectures 
entreprises  par  Jules  Désirée,  Van  der  Velde,  Emile  Verhaeren, 
Georges  Eekhoud,  Edmond  Picard.  Tout  cela  a  porté  droit. 

Une  Marseillaise  chantée  a  clôturé  la  soirée,  à  laquelle  assis- 
taient les  étudiants  socialistes  étrangers. 

Petite  CHROf^iquz 

Le  deuxième  concert  populaire  esl,  comme  nous  l'avons 
annoncé,  fixé  au  10  janvier.  On  v  entendra  M"«  Rose  Sucher, 
du  Théâtre  de  Bayreuih,  dans  la  Stofl  d'/teult,  l'air  d'Elisabeth 
du  deuxième  acte  de  Tannkàuser  el  le  Rêve,  étude  pour  Tristan 
et  Iteuli. 

L'orchestre  exécutera  la  Première  symphonie  de  Schumann 
{si  bém.),  les  Murmures  de  la  forêt  de  Siegfried  el  la  Kaiur- 
marsch. 

M.  G.  Lilla  donnera  le  43  janvier,  i  8  heures  el  demie,  dans 
les  Salons  de  la  Maison  Erard,  un  Piano-recilal  comprenant  un 
choix  d'œuvres  anciennes  el  modernes.  Des  billets  d'entrée,  au 
prix  de  5  francs,  sont  en  vente  chez  MM.  Breilkopf  et  HSrtel, 
édiieurs.  Montagne  de  la  Cour,  45. 

L'exposition  du  Voom'aarts  s'ouvrira,  au  Musée,  le  mercredi 
6  janvier. 

Sous  ce  titre  :  Illustrateurs  et  caricaturistes,  le  peintre  Georges 
Lemmen  prépare  une  élude  qui  paraîtra  prochainement  dans 
l'Art  moderne  et  qui  sera  consacrée  à  J.-L.  Forain,  Ch.  Keene, 
ObcHïnder,  \1.  Krane,  etc. 

On  nous  écrit  de  Tournai  : 

Samedi  dernier,  19  décembre,  concert  i  la  Société  de  mutique 
de  Tournai.  Public  nombreux  el,  comme  toujours,  franc  succès. 

Pour  la  première  fois  en  Belgique,  on  y  a  donné  Blanche 
neige  et  Rose  rouge  de  Cari  Reinecke.  Cette  œuvre,  rappelant  le 
faire  de  Schumann,  a  beaucoup  plu  par  son  charme  tout  poéti- 
que ;  on  a  vivement  applaudi  les  solistes.  M"**  Poispoel,  Ason  et 
Darby,  ainsi  que  M.  Maurice  Chômé,  que  l'on  avait  chargé  de  la 
déclamation.  Quant  aux  chœurs,  ils  ont  élé  réellement  superbes. 

Le  programme  comportait  en  outre  le  Oiaeur  des  chameliers, 
extrait  de  Rébecca,  du  regretté  César  Franck,  le  n*  5  du  Requiem 
de  Brahms,  et  Pandore,  scène  lyrique  de  G.  Piemé.  De  plus, 
on  a  eu  la  bonne  fortune  d'entendre  un  excellent  violoniste, 
M.  Lilien,  dans  la  Légende  el  le  9*  Concerto  en  ré  mineur  de 
Wieniawski,  ainsi  que  la  Ballade  et  Polonaise  de  Vienxtemps. 
Cet  artiste,  professeur  à  l'Académie  de  musique  de  Tournai,  joue 
avec  un  sentiment  et  une  délicatesse  des  plus  rares.  Aussi  a-l-il 
vivement  impressionné  son  public,  qui  loi  a  fait  une  chaleureuse 
ovation. 

Le  Festival  Peler  Benoii  est- définitivement  fixé  au  S4  janvier 
prochain.  Comme  les  fois  précédentes,  la  Société  de  musique 
s'est  assuré  le  concours  de  MM.  les  professeurs  du  Conservatoire 
de  Bruxelles,  ainsi  que  d'nne  partie  de  l'orcbeslre  des  Concerts 
populaires. 


TABLE  DES  MATIERES 

CONTENUES  DANS  LA  ONZIÈME  ANNÉE  (1891)  DE  LART  MODERNE 


ÉTUDKS  ET  PORTRAITS 

Dix  ans  de  CRiriQUE  a  l'ata!(t-garde  (Camille  Lemoxnier)  1 

L'Evolution  de  la  Langue  (Eugène  Robert)     ...  <i 

La  Peinture  (Edmond  Picard) 3 

La  Poésie  (Emile  Verhaereh) 4 

La  Musique  (Octave  Maus) 6 

La  Sculpinrc  (Edmond  Picard) 7 

Le  Théâtre  (Victor  Armolld) 7 

L'Art  et  le  Socialisme 275 

Eloquence  catbolico-socialisie.  —  Le  comte  deNun  163 

Pornographie 296 

Artan  —  Boclenger  —  Dubois Ô3 

Walter  Crâne  (G.  Lkmmen) 67,  83 

Oberi^nder.  Albums  et  dessins  (G.  Kahn)     ....  43 

G.  Secrat  (G.  Kahn) 107 

La  Musique  en  Belgique 115 

Siegfned 19 

Le  Rive.                   363 

Le  Théâtre  Libre  à  Bruxelles 75 

Ernesto  Rossi 131 

Lettre  ouverte  i  propos  des  représentations  de  Rossi 

(Haulletille) 147 

A  propns  de  Shylock  (G.  KuiTi) 155 

La  Parabole  dt-s  mauvais  semeurs  (Léon  Bloy)  ...  46 

Au  Musée  des  tableaux  anciens 195 

Les  Marchands  hors  du  temple 211 

La  démission  de  la  Direction  et  de  la  Commission  des 

Beaux-Arts 227 

A  ures  habenl  et  non  audUint 235 

An  pied  du  mur 339 

Une  enquête  qui  s'impose 348 

Musées  eo  plein  air 213 

Do  musée  de  copies 243 

Le  Quentin  Met^ys  du  Mu<ée  de  Bruxelles 283 

Le  Van  der  Mrer  de  Brunswirk 315 

Xoti-s  sur  les  primitifs  ilatien*  ii.  \itsnis.)  : 

l.  GlOTTO 371 

Q.  Masouno  da  Pa.iicale 387 

in.  CEiTTILE  DA  FaBRU!IO 4fj3.  411 

A  vao  b  mer ï5l,  2-19,  'M't'i 

La  dorsale  hmbonr|!<>oi«e.     . 299 

Une  librairie  belge  i  Paris  iC.  Demolder; 331 

La  Biblioib^oe  rovale 355 

Le  mi  iovraisembUble 291 

Une  kçoii  ménlée 'MA 

Les  ■  Talents  naissants  »  de  M .  Gusuve  Frédérix  (Camille 

Lem055ier> 323 

A  propos  des  Sept  priticeues 379 

La  cakitni André  Watler 203 

CoBtuiaiiODS 395 

RHeiendDm  anisiiqne Il 

Ceobces  Eexhoc».  —  Les  f*\HUs  de  MaUne$    ...  91 

Jrus  LAro««rc.  —  Dernier*  ter$ 27 

Gnmea  RoacnAOï.  —  Le  régne  dm  silence  ....  139 


Fernand  Severin.  — L«rfo«  £f«H/fln« 59 

Emu.*  Zola.  —  L'argent 123 

PEINTURE 

I.A  QUESTION  DES  MUSÉES.  —  Au  Mutée  des  tableaux 

anciens 195 

Les  Narrhands  hors  du  temple 211 

Toujours  il  propos  des  tableaux  anciens 213 

La  démission  de  la  Direction  et  de  la  Commission 

des  Beaux-Arts 227 

Auret  habenl  et  non  audiunl 235 

Gaspillages 237 

Un  musée  de  copies 243 

A  propos  d'un  musée  de  copies 327 

l.es  gardiens  du  sérail  de  la  place  du  Musée    .     .     .  245 

Les  tableaux  qui  ne  comptent  pas 246 

Une  fleur  administrative » 

Le  Rembrandt  du  Mutée S*  237 

Quelques  appréciations  de  M.  A.  Brédius  sur  le  Musée.  255 

'.'ne  fresque  qui  n'existe  pas 2ft9 

Un  achat  bizarre » 

Le  Quentin  M<  tsy»  du  Musé»-  de  Bruxelles  ....  2*3 

Dé<Jié  il  noire  C'>minis«ion  du  Nu*ée 321 

Quelques  fliclies  au  Nuitée  324 

Au  pied  du  mur 339 

Une  enqut'te  qui  s'impose 348 

Plus  fort  que  l'enfant  de  Bruges 351 

Au  Mu«^  moderne n 

Constatation 34î<l 

Trois  nouvelles  acquisitions 368 

1^  nouveau  direcleor  de»  Beaux-Arîs 373 

Une  inter|>ellalir>n  ï  la  Chambre 375 

TabU.-aux  gothiques  avec  p'fintur'-s  «nr  les  revers  de» 

voU-t» 190 

Correspondance»    .    20.*;,  206,  212,  213,  224,  228.  237.  279 

320,  i34,  351,  368,  383,  3M 

Une  lettre  de  M.  P,uU 244 

Beaiiroup  de  brijji  pc/ur  une  lettre 254 

U  leur- d- M.  Buis 269 

Une  no»J^e;le  lettre  de  M.  Bofs 383 

R'-fer<  ndom  ani-iique  »ur  liquarelle 11 

Affi'beinll.inrées 3<f2 

SialKm^  d'article»,  —  G«Tjck 309 

TU-orie  d'-»r./o-!utiiiuirive* 'Aij-H'/S^t  GEJtiiAl»/   .     .221,2:59 

Iji  i-<.al('ur  an  ih<:-.ilre  <F*lMic  Dt-s  Ls«AKT»>     ....  207 

l>-»  .Aca/lémi'-s 199 

Feu  l./.ai»  Galliit 310 

Paul  Gaufniin '(k.tave  NitHAt' VI 

\    Me!lery  'G.  LumD/ ii 

NoDtitelli 126 

Vid<r«iit  V»n  (,<tf\i  i\.  Aniai 5tl6 

Tue  "voigoée  d<?  vénié»  'MM.  S;iDf»t>eTeT  et  BoH  â  b 

aamhn, ' 165 

L'ens^igoemenl    d»»    an.»    indttfifrt»     fdtuMmr»    d* 

M.  ilitgene^er/ 18^ 


^?«p^ 


4l« 


TABLE  DES  MATIÈRES 


Ls  Dnlkwtiini  df  Buisseno  (Ënacw  lllaHaimK.i)    

Lï  tmlteMimi  du  Duf  de  iCtHtpnm 

Lmu)v>r  ii/Uiiprufiiàf  àr  F.  &itp^  jiar  E.  Itemirii    . 
LmiOTi    Uitiiipvnjiiaguf  f'Ùdiiim  BnâaiL,    jar   Jiiitef 

ih^Klrnc _'    _     .. 

Cuiaiiipia    doirrqiiti  dct  ■amia-'fitnef  âr  Pic  ZaioUai^ 

JIBT  *..  î'il 

Ld  Saimi  ûi  IMH.  fiw  irm>}t\iat  ftilathm.  —  Fmittiainn 

tiv  11  llrmc  Kriui  -eHtliflli^fnr 

l.C'T  âai:t>ra.nf.  fiur  1.  FnniMTP.  .     . 

Ei3«(isinm  la*  XT.  —  Wmiibe  <««■:  (C  Lcxh» 

Id.  Eiiuxss  ftenr» 

l/{  VBpKmi  ini  jHsnaum^  Dm&Bfoust  drl.  K.  fini 

Vcldc  . 

lUfincikef  . 

knquifiiuiiDf  ... 

iKir.inncnu-  i  ninwerver  —  Li  cut^ibi.'uI  tf  nu  CHdcKmii 
3  d  Liit  trt*  de  'CliBii|!t'  «ur  T  wp- 

Brr       .  . 

ld.  t  jmi^iDf  d»  XX   . 


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ld.  tH  rEmirr 

ld  au  Tiinrumcru    . 

Ici  dij  Orfiif  (i(»  Jl  72*  A  Je  PifesiiT 

lu.        6<-  ! Tiam  di:i.  A.nt  âmiDniajs 

}d  ci(*  J  (^/i!;Tï.'iiu3«» 

ld  du  SninmaT  tftntfmeatmntll    diBfereiint   du 

i(^niif  lliirrcai 
ld.         df-  Iji  smU"  SmunC^T ....  ... 

liL  m«niii  iinutli  df  ifiliranpnijiluf     ... 

ld  4riia)-3l(iu'lfny!(!i-5iulinH- 

£ïjiiitiiij[UH-  jiiruc.uii«r(*  du  'C^rdr  ansKtoyiir.-  —  Jim 

ïe"lm*»ïti;ij  Htm'tk.CFinMiiiuii&.F^'iiDnfiS. 

■    TiiDiiiifrr  .  . 

Lurni  J'IiilijijiHL  idn™  Lf  Buyflur         .     . 

F   llf^nniKT .  1.  IIcUh- _  .      ,     .     _      . 

EKjUKitJiit  '(.  HVfniiiw      . 

ld        IBf^f!-^  -.  ...  ... 

ld       lll{iiiiiiid 

id       Tk.  \  ("Simcic  .     . 

3(1        dcf  (iifvts  0(  1   Cupci; 
Lii  'G-iiiirr-if  Miiucnu  .     âjtj.  J^K,  JtSîi. 

Iji  Sfit'u'.K  (1!*  iiqui>-i!iri.mief 

Cllfîî  l>l(!I-rttl 

Su  Kir  î-«!iniii:  d  .iiwf!-*-  '  âfii,  27*, 

ilinjqD?^  miruiTirui  de  JiMirrL  d  tuv;::*  ... 

Suiiiii  [)w  Kl  11 

2r'  î.vMwi  liai  (H  lAU  II  km. 

limiipu-iiuni;  dm  liiwK  (i(  B"ii-i  df  K'iiiifMwr  idiapiiuTT 

0'  11    Sinirwiir'vr- fl:  L(iii»-I»fiini(r  ., 
£ï.ji;fsj.iiiii  B'1i"i  lu   :li"iitA!ti«vr  i  liru^rf 
l.'iiic-.iimi;  Jx  li-ii"kci(t(!'  'icrtrc  df  1.  iLdu»- l>f.hi«ii 
lyfï  fanât  di  !  A  "l.  (^(niicTBii™  df  9   liiiim-  Itohner 
Lî.jiaKki'ii  otî  îif:irEV-i"if  i  1.11^ 

1(L       [lf  Sju  . 

3c        (11  îmi-iiu!  .  . 

î'fcï.if.    —  1,^    Suiiiu   d(^f    liidnfmidaiu     Emii   Via- 

i.!  SiiJia.  UB  Cliunr7>-ii(-16a:> 

It  d»»  Oliuniju-EHf*!'» 

3i.  dL  î'iiiiirt-  df»  iir*  JrtKnim 

LKjirfsiiiiU;  dci-  î'iwic.Uwkef  irjaic.utf 
ld         U'.f  ln;iii3-(*-|r'irv(Mm>. 

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InU  merf  junttiini     -     .     .....  M 

1  fnafn»  iti^dUns  kritim. SS 

Cme  anwiAtar  «ur  Fe?tuàBii  KnpK..     .     .     2117 

^ÉAtsinnc  ■(&  «miwiitf  -ôe  M.  âirwiiie  iitfwdrc    .    .     .  9G5 

Lrpnii  ifsni  ini^tennE.     ..........  IS 

Fm  BeHBinDiBr  'Qib  iTx  ps  itranmer  ao^nâmir ^B 

ISAtgeUm  ..     ..     .....     ....  39 

KfStTToncinii  iftin  tMûtmn  làc  Bnn^iDBniiaii -0 

Li  enuABUT  '{aux  'tes  nèffii» 07 

Lr  i|ir't(  <dfs  «unsi»  ^»U 36,  3UUt 

Bflnri  te  Cmam  W  &«  innilâ^|gie    ...     ...  flH 

i>i<ièlbMir»el  IsinrùiiifucwiiiiBraKBr. 9Bt 

il .  Tjm  BnflTK  1  Buneleair.     ...     .     US 

tfS3U3<ia3&  :.  Curnli»  Knnai. 9é5 

14.          J.-4..  FnrHiB    .     .     ...  4M 

UL.          OaDdfSniKa MS 

M.           Piniff.  >ôf  OiuneaniHS  ....     » 

là.          Friticiimi  Bo^iE  ....     9U 

V«guf  -éf  BnisHBnBi  <(VrjiKt'Jl»')    ....     1331,  l-iS 

ld.    Wi.  Snrw  dfair»)    .....     ......  Mf 

IC    lAii  Kii«  'df  «dtsipiâei  fffmuwfflBK) .     .     JMi,  MA 

là.    *■..-■.  Ob»w>(S(»-ViiA;) ...  t» 

liL    C&BUftUnun.' ;(l>jnw)     . SS 

ié.    Ctinnmifatins  .(BnniKlbs)     .     .     III 

M.    ttBn|>nBi  i^joiIe).     ....     M 

at.   CJtL  Swil  i(»ariB)     .............  IB 

UL    XtaMandUltm^y.     .     .                                     .  MB 

MokHOOK.  —  J.-ë.  Im^^binAL     ........  M 

Cîtariksifeitme .     .     .     ....     .     .  31 

Boiatnaiiar     ......     ...  -M 

Snnrai .     .  1*1 

Canâlte  Vm  Camq)  ........  Sî* 

Wflmauui  'As  EMimntiiiiw..  .  H,  M,  M^  'i!3^  MM,  SSi,  SMl, 

396,  336 


«4 

S33 

137 


.     .  MS 

112 
ll« 

.    .       sa 

3» 

i$i 

l9fiwl«l,l«S 

.     .  «î 

4» 


L.-<A.  Brinrf 

JUWLiKIl. 

Lif  aBiannnafi  SnBÎfa*P  'Ae  C<^mr  Fhanrik 
Le  lumuunHuC  Cmnhot  à  âiVAwfJBt .     .     . 

lif  nimiimifliil  'd^JL^dinnw  bmr 

Ld  imœ  en  Xiiriàietni  'Ar  ttiAnii     .     .     . 
S)''(inriitirai  lân  juntudl  >Af  lU  OtopE^fe  par  C 
^dUillKlK.  —  ■..-S.-A..  (&ipB      .      .      . 


L'iiPRbîHcaiT?  BE  Cminrain  i&nAïuftunlie 

LVlihil  miimiinujQ  Ar  Su-JiwBe 

HjçHi  ma  ariâiiM«!tf«.     ......     . 

Lev  jtpniitutni»  ai  Cansali  f""™"""*^'  . 
i.:t  Iktôsam  'Au  ftni  . 

EvfinaUlnil  'de  Snhiiei4wi&     .      

Lf  'onDrmun-  <du  m&i  ifitomnignr        ... 

Lis  puim*  •Ar  f^iNcaiitic  . .     .     . 

Lfî«  (A^mwdHLioDf  'Af»  Jliifjbm  mn  E{^ir    .     . 

b«iKinAi)(tr  jfRiKiTatc  'A<'  tlt  Sai  idic  ifumvi^ùipit    

Fftdtimtaiii  ardlwfdnpifiif     ......... 

L<^  ihiuilk»  'Ai  'cmHtiiiègir  Smnr  iCAoïAnrikvitll . 

EimiiTOi  CiursKBL  iàscr  4  vm  Ihmargiiaà.  siar  iTiumdUiltBithm 

i'tiu  &kinniEwm.  —  lit  lomannuatiaB  làa  maimmmat 

tm  Bdiffifur   ............. 


143 
&I 
l!W 


j;;»gpi?»îP5p*fl 


V-.-'-'Ji^-^'K 


TABLE  DES  MATIÈRES 


417 


UTTtKATim 


kmès  iC.  Kabi^ 


Taiaaf 

Cap  IrtlJi»  ^  T«ilb<oi 

Lr  t«rt  JAfr^  oralbinFanF  de  M.  Ccsiau  Kais  m  XX. 

yitemjL  Inivf  irt  lufliililre*  nrlisirva 

Kkratosm  «Tua  bilriiMif)liii!le  '^LMêMlx^  lkiaEBci>)  .     . 
IblifaAie  sur  rêtoliilîea  llciikârûiir  (Eaa«i*  Rkuwi) 


M. 
II. 


•IfjUMXMS.  WKsm.xi\   . 


ftofêtat 


faMernéw  (Ar  9 .  Ilwkt  Cku». 

M.         S.  WjLEnximoK    ... 
M.         ■>  FkiaiMiK  «4  rwm» 

CfSTin:  lu..  —  L^'  iutiemr  ée  l*  ftniu 

U.  —  Le  iUilHair  et  ie  ptnunéc 

jEkx  AiuJBXT.  —  Ffmwta  et  jmjfnogf* 
L'jUME  Snr.  Ruj».   —  SmaemAt-^ix  mmt 

ttmUnm^Hmvmt .     _      .     . 

f I— Il  Pewe(T.  —  La  'giramie  wuoite  em  a  mm.  ie 

J  S  Bodk 

■.  BïrFEM«-  —  Ifi:  Rmnn*  em  AtM 

Cnuuc»  %*\i~.  —  DiwiiuMe  rs  Sciinn .      -     ^      .     .      . 

■bctok  CjlkDim.  —  Lémr  iatliimef 

EkiKFT  djmtm* .  —  Smn^iini 

Euusx  IM  iCM^n:.  —  Av  Ceanoime  

Lmk  De  LarnE-  —  Cm'fes  ■ér  nufc  tvUagt  .... 

CiMBXJC  liEUVK..  —  Ln  umimnimt 

MjiPMg:  >*  miiin- —  VméeS'a^tnr 

iax»  tUfsenss.    —    L'^man'im  ihtUigmfltapkt  tfMMim 

BUééiB 

Emcma  Incusan;.  —  Le.  ainuêtie  4t*  lanamin  . 

U-.  AaMnita      .... 

Alhxt  ItnrBï.  —  Ls  ym-M  ^lU  iam  ftii-j  .... 
CewcEf  Euixnai.  —  Li*  futaU»  'dr  Miubma    . 

J.-F-  Ei»»ji'»«««..  —  Biujie  iHtvrmelie 

Eml   LTonsKl..    —     Le    vmguonaùt  iatrt  fAîie- 

mitkfritr 

flBMtWKR»  FtfOK..  —  Xatnefir    ...,,. 
■enkt  FkiitfrEZ   —  Ln  aài^Ai»  àe  Etiat-  i'^aMim. 
(m  %.  Fiii«  <itS(<rt»iuB   —  Lo  hiiiiifmt  imiiifiitaDe  .     . 
k.  FtsKaïf:.  —  Ktw.'tput  nifii-saiai*  t^ur  Tien  ikioiirmiaij 

ta  mm  immie  liitathoffitemteait 
|JL  C)»*-!)  —  Liif  iicHuwf  fAniinf  M'itâjuv    .... 
Aumr  •&KJIIBI  —  Ln  imuttri»  ifHia 
Je«S  £iHKi>>£..  —  La  wnnmuén»  .ér  TtOeynaai   . 
Jmv  1âaL*s»4LêK.vsMKt.  —  Ortfsabataumick  tl  it  Tnfik 

AËitouoc         .     .     .... 

%.  Cmiocî   —  Pivma  j!f!/i4iKisàinn  l.twnoumU .     .     . 

)L.  fc*-»)!.  —  Linat  Goilliml. 

J.  hmm£  »»  CiNM..  —  fréiiuia  .... 

âltc.  JK»i»ii!T.  —  Lif  Jœiténwr.  ... 

Ccsitkvc.  Il*k*   —  ^  %umaimtf  ffiiafumtil  .  .     . 

E*   fcuwtui.  —  Hamnjj  S/temlkjj  ...... 

■iBîKS  li£.»in.F..  —  Li^  liiat*  fmiormu 

!..  lûtmn»..»!!»   —  iÏMinJ'i-îié .     ..... 

L,  t.  —  Cin,ili:,u  &nêtoeé.S.  JE   Làifn/U  IJ .      . 
PjiSiL  Ij««>MSM..  —  Jirnoiia:  jklk»  ..... 

J.  VtPWnWÊ.  —  Bt'-mixnv  vtT*   ..... 

Lmkih..  —  la  11U  di  KiiUiige  'itriLt  UHit  lU»  jiBigt    . 
KiiL^Miai  LkUKU.  —  L»  ifvmti'ie  ifaexx .... 

Câan&a.  Lomimoek.  A  tttm»  i   Nnw»  —  Cm 
Cfca&iix  iLoMi*>iB«..  —  JiMipitix  fttiliimita. 
E.  IcMLiV-  —  r-T'oéMAi*  ,1k  U  Béte  <(IL  %1I»  . 
Imtmevt  — Litr^it^-mx  muMàOiir    ..... 

LM*  LiHCir..  —  ^  Tiijgfmitmmie  em  BdifÊfme 


381 
335 

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231 


9.  IjhEl^uiKX-  —  Lffl  seft  frimasaes  ...  379 

F.  SmktiK-  —  Bninaa  vammt 247 

J.  m.  lAHnK.  —  Le$  sojréet  4e  Smê-PéUrAumrf  1491 

SiCrwuK  ■aluuh.  —  Paye»  . 15^ 

MtnK-Ka».  —  Atrmtmtrtéeiarttl 4t  n^r  4*6 

tamm  SoiMEXT-  —  Lf  Gn/rr  ...  |7iS 

AuEKT  Scicm-  —  C^tempilviiie  v*  fxm  twûv  342 

Jeu  X«kêu.  —  /^  fiOerim  pcsntniné y» 

KvFLE-AsKun.  —  Le*  n^wt  ie  Jiiut  n  let  éaraeeMX 

ntifiuaina 3(St 

F-  tm.  Su».  —  L/t  /nmr  Se  Im  miit  .....  313 
E-  }KiKT.  —  Pnr^i'l  £vv  ■mlttio^if  tieiihftgme  tet  parti, 

t»Vtx *  •"* 

■fSKi  SiŒf .  —  SttppMâim             ...  22ft 

Kai-MO»  ^TiT-  —  La  nétOMm  é,v  duil,U .                     .  !«(• 

FiLUKK  F«iiKiEra!.  —  Praiçtif     .                     .  I W 

Kttwttm    —  Le  ttm^limit  unauu  ...  Il'iri 

I».       —   Tététitre     .  214 

TnewMiE  HkHin.  —   riemxumtjii.  ne  «w.  mx  «Kivet  I:)'? 

atm  £!<jrt 34* 

Jcics  KciLâluii.  —  Stvin/ra  ffiinxif  M 

CfK««E(.  tàiOicmiKa.  —  Lt  mpu:  eu  làLmux  l3St 

i.^  **i»T.  —  LMaïki  rBlpfiaaif.                           .     .  i;;^ 

CaiMfs  SjiEiUiA.  —  HoLTiL  iituv  .  it^ 

Feu.»»  StTEBiB..  —  Le  Ain  fftyiijewH  îiSi 

Cjuucf  *<Lt"«TJL.  —  L'iryfml  ii»  ji/ar.     ...  id 

S.-J.  >ï*ML.  —  C<niîci  il  fmu'Àf  Juti^tei  MT 

'initj/viiief  dm  diurtmieiutiiiiit H^ 

1.  fnsioïT.  —  Hintie,ri'f  eu  .cUtvi.  et  mg  m  (Lu  U'tmi- 

iiinif      .....                                  ...  2iîy 

SirOiT  Hixiuti.  —  Li:t  ■fai.iu     .......  TT 

ta  TiiMst.  —  EimBi»  nvir  kf  ca*  f/intriifua  <?r  £ifly- 

•p>ç'w a» 

HiBionEMiri;  Vu.  w:  Wibux.  —  liif-irgot  »V 

Ea»*!!!»  Vi*  BkH«a.!i .  —  Cm  fn^in  d-itruamiix-  .  ii 

L.  l'A'»  SlTBBIlLI-li .  —  Le  VMUini  .<vrM .  ilit 

H\i»  f  EKM.  —  JéMrvu  Brini-tauu  .  Wv 

F.  Vant-^CtuBTin..  —  b^ttitjiu.    .     .  «i* 

■  «  WMAiiai.  —  Le  ifhiih  a  Sueit^l  iiï}i 

Ejra.z  Z1M.A.  —  L'eirgBBii.  Hïj; 

AtaiwiB!*  .û»  -flUiftiiailt  6f  Jl  nn-frrKilt-  àf  Kxuiicl  MU 

tmuuuiiT  ,éii  C^7)flBa  iieriviB»  211-i. 
Vunjs» '6f  ™  .wçduoj  ...              -                     2**.  îUS..  ^4iî 

LraTu*  ij«i{F^  iiU{K*  -Hii  FnaiOf  .  .  Sîfî 
VirrueniiPtU  de»  ima'»  /r/nraw-ik»  (k  fciri-iîlinieii.  .riiinit- 

Tiiiilt ....  I. 

■aœnw  Mavi.f'ini'miijgr'w-jf  jiir  lii  (Tj.igw-  alkîniaiiti»-.  itMl; 

Tmâuntreoif  jo^tuiMs  4»  «urainef  ck  Muuu.tûmti     2ii4i.  2iC  -3;il.i; 

Llmcifcui  Wu«H!Tilm(<t.          .     .  4U+. 

Lf  ■nçyiir:  du  3irTi  «itr  is  /*fTi»w**f  Mirinm  jUlJ' 

LTiilr-um  M-  fiMsai  i  .     .     .     .     .  S'<~ 

Le  »Tim  'tiRTKHt'màÛiéïk'    .  2V8 

Fnif  Ifisum  TJiérnw        .           .  ^It'*' 

Lu  .(TJtiqw  <ai  liBlpguf  ilK^ 
L»  ce  TitWtH-  iiaHrtiuuU'  >  ôf  ■   Kr   F'éd'n-.T:   iC.  LsHtit- 

WKB.. .  ji*i; 

Lef  jmûi*  jiKfiiKTï  6r  W.  Fr«û«rr»  JUS. 

LeJ-nimtr  Biliptpuri^  Ml.  Fr«6érn.  »!;  HM-^dieiJ  M't 

fiàwT  .il  fBBir»-^           .  H  ï 

La  '(TTÎtiçw  i«i^f                                                         .  WY 

A  fï^iftis  iffinif  lîifflitnai'.it  -la  tf  ini  4iriir.it  71 

thêtiiÂcattot      .....  ittii 

PbbS  V^rûiiaH'  -(îl  T Iiiâa/imâauix  Imifii  9'M 

La  uTikiguf  fnpw-  jarr  fcîioTyt  Sinitl                              .  4)' 

Liw  iflfiipf  i4f  Tkwti  Khudkii  .      .                                .     .  itiî 

Lr  IbuugmU  'Af  le  Jeime  BdigufiH    .  2î> 


'^f^,^ _ ■  '-^  '-  ^  '-^T  '.'.*}£ 


SC/-'ÎS^ff?f;»«T^lS^ 


418 


TA^ii?  O^S  MATIÈRES 


Bernardin  de  Saint-Pierre  vrai 72 

Le  comte  de  MuD  à  Louvain 163,177 

Les  œuvres  de  Victor  Hugo 169 

La  pousse  des  feuilles 200 

Instantanés  :  Eugène  Demolder 336 

Edmond  Haraucourt 241 

Pierre  Loti 169 

Joséphin  Péhidan 305 

Sully-Prudiiomme 297 

Vente  R.  Chalon 37 

Id.     Schelcr 345 

Nécrologie.  —  Théodore  de  Banville 100 

MUSIQUE 

Th.  Radoux.  —  Vienxtemys 197 

Jean  Van  DEN  Eeden.  —  Un  nouveau  solfège .     ...  17 

Julien  Vienne.  —  Grammaire  musicale » 

Concerts  populaires.  —  Saison  1890-1891.  Concert 

jubilaire 29 

Id.      Troisième  concert 134 

Id.       Quatrième  concert 160 

Saison  1891-1892.   Premier  concert.  (En   Italie  de 

Richard  Slrau.^^s.  —  Camills  Gurickx)      ....  398 

Association  dos  Professeurs  d'i7islrumenls  à  vent     .     .  145 

Conservatoire  de  Bruxelles.—  Concours.  200,  208,  217,  224, 

232 

Le  mal  caduc  des  conservatoires 229 

Nomination  de  M.  Camille  Gurickx 249 

Audilion 413 

Concerts  DES  XX.  Premier  concert  (César  Franck)   .     .  63 

Deuxième  concerl  (musique  française) 69 

Troisième  concert  (musique  russe) 78 

Le  Choral  des  JiX 65 

Association  des  Artistes-musiciens 120 

Concert  X.  Carlier 393 

e.   Id.      Liita 369 

!d.       Padercwski 78 

Concerts  Schnil 385 

Id.       du  W:iux-Hall 232 

Id.       Au  Club  Symphonique 101,337 

Concert  du  Club  Symphonique  et  du  Choral  des  XX  à 

La  Loiivière 201 

La  vie  musicale  à  Anvers 31,96 

Conservatoire  de  Cand  (V.  d'indy.  — J.  Blockx)      .     .  78 

Conscrvaioirc  de  Liège 31,57,119,400 

Nouveaux  concerts  liégeois 64,  88 

Sociélé  de  musique  de  Mons 25,177 

Académie  do  Namur.  —  Distribution  des  prix     ...  25 

Académie  de  Tournai.  — 'Résultat  des  concours.          .  270 

Associalion  dos  i4(7isto-mi/ii«e)H  de  Tournai  .     .     .  73,184 

L'Association  svmphonique  de  Tournai  à  Lille    .     .     .  113 

Jiibiléde  M.  Lècndcrs !     .321,337 

Sociélé  de  musique  de  Tournai 385,414 

Ecole  de  musique  de  Vervicrs 127,151,270 

Festival  V.  d'indy  à  Blankenberghe 255 

Festival  P.  Benoit  à  Blankenberghe 280 

Fêles  musicales  du  Casino  de  Blankenberghe.     .     .     .  249 

Les  nouveaux  chefs  d'orchestre  de  l'Opéra     ....  281 
L'éternelle  histoire   (i   propos  des  représentations  de 

Lohengrin  à  Paris) 327 

La  jeune  école  de  musique  française 313 

Le  festival  rhénan 174 

Assemblée  générale  de  \'A  llgemeine  R.  Wagner-  Verein  289 

Exposition  musicale  à  Vienne 281 

Symphonie  de  L.  Kefer 16 

Scènes  hindoues  d'Erasme  Raway 408 

Le  SniHi-Franfow  d'Edgar'Tinel  à  l'étranger     .     .     .361,369 

Israël  en  Egypte  au  Trocadéro 193 

La  forêt  enchantée  de  V.  d'indy  (V.  Wilder).     ...  39 

Vincent  d'indy  à  Nantes 153 

Eugène  Ysaye  à  Londres 185 


Une  anecdote  relative  i  Beethoven 17 

Les  femmes  musicol&lres 41 

Zola  musicien tSS 

Simple  rapprochement 144 

Le  piano  élecirique 163 

La  prose  employée  au  lieu  du  vers  par  les  musiciens  240 

L'origine  des  bâtons  de  chefs  d'orchestre 345 

Bibliographie  musicale 40,  96,  144 

Instantané  :  André  Messager 241 

Nécrologie  :  Emile  Blauwaeri 49 

Jules  De  Swerl 81 

Henry  Litoiff. 263 

THEATRE 

Le  théâtre  inlellecluel !..  116 

Lettre  ouverte  à  propos  des  représentations  de  Rossi 

(Haulleville) 147 

Les  religions  au  ihé&tre  (Ed.  Clunet)  .     .               .     .  284 

Edm   Eyenepoel.  —  Le  wagnéritme  hors  d'Allemagne.  48 

Maurice  Kufferath.  —  Siegfried 95 

Rachilde.  —  Théâtre 206 

Théâtre  de  Bayreuth,  —  Les  représentations  de  1891 

{Parsifal.  Tristan  et  Yseull,  Tannhâuter)    261,  271,  287 

Id.     Rcceties 337 

Le  Théâtre  de  la  Monnaie 399 

Théâtre  de  la  Monnaie.  —  Siegfried 19 

Don  Juan     ....          88 

Obéron  (reprise) 105 

Roméo  et  Juliette  (reprise) 292 

Le  Rêve,  de  M.  Alfred  Bruneau 363 

A  propos  du  Rêve 233 

Smylis,  ballet  de  MM.  Th.  Hannon  etL.  Dubois  .     .  377 

Barberine,  de  M.  de  Saint-Quentin 398 

Théâtre  du  Parc.  —  Ma  Cousine,  de  H.  Meilbac    .     .  16 

Représenlalion  de  M.  Dupuis 97 

Madame  Montgodin 127 

f/Me/^a»u7/«,  deM.  H.  Lavedan 359 

La  Fille  Elisa,  de  J.  et  E.  de  Goncourl    ....  15 

La  MeuU,<if  H.  G.  LecomUi.     .......  79 

Les  Revenants,  deti.  Ihaen '    .     .     .  86 

Théâtre  COMMUNAL.  —  Omntn  Frn/«nirf.'     ....  94 

Les  représentations  de  Rossi 131,  168 

Théâtre  Molière.  —  L'Hôtel  Oodelot,  de  M.  Crisafulli.  97 

Pierrot  amoureux,  de  M.  Kistemaeckers    ....  97 

Par  droit  de  conquête,  de  M.  Legouvé 201 

Les  Orphelins  du  Pont  Notre-Dame 248 

Serge  Panine,  de  M.  G.  Ohnct 353 

Le  Vieux  Caporal,  de  MM.  Dennery  et  Dumanoir     .  368 

Conférence  de  M.  Armand  Silvestre 392 

.£/»(<£  de  ,/euiie  i^//«,  de  H.  Henri  Maubel.     ...  » 
Griselidis.  de  MM.  A.  Silvesire  et  Morand|.     ...    16,  193 

Théâtre  des  Galerie.s.  —  Miss  Helyetl 397 

Le  Voyage  de  Suutte 112 

Le  Royaume  des  Femmes 326 

Le  Cauchemar 393 

La  fille  de  Fanchon  la  Vielleuse 399 

Théâtre  de  l'Albambra. —Z/«iî^(7imen/ 24 

La  Bouquetière  des  Innocents 105,  112 

Bruxelles  en  Folie 240 

La  Périchole 335 

Théâtre  de  l'Alcazar.  —  Bruxelles  fin  de  siècle    .     .  353 

Les  rcpréscnlaiions  d'Erneslo  Rossi  il  Anvers      .     .     .  177 

Polyeucte  au  collège  Notre-Dame » 

Théâtre  libre  de  Paris.   —  Le   Canard  sauvage, 

de  H.  Ibsen 142 

Nell  Horn.  de  M.  Rosny  (II.  de  Régnier)  ....  179 

Les  Fourches  caudines,  de  M.  Maurice  l,ecorbciller  .  192 

J««nM/î//(M,  de  M.  Pierre  Wolff » 

Lidoire,  de  M.  Georges  Courteline » 

Dans  le  Rêve,  de  M.  Louis  Mullem 224 

Cœurs  simplfj,  de  M.  Suiter-Laumann » 


tt^<<'*i''-?p'W.J''--v-'^\-^W}    ■■■\--     -^r^  ï^'n^"'''T'>f<*'*'--''^-^ 


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Le  Pendu,  de  M.  Encène  Bourgeois  m 

Le  Père  Ooriol,  de  M.  H.  Tabaranl,  d'après  Balzac  .  360 

La /2an(vn,  de  M.  G.  Salandri 399 

Un  beau  ioir,  de  M.  M.  Vaucaire » 

Ii'aftW Pwrw,  de  M.  Marcel  Prévosl » 

Th^trbd'Art.  —  Le  Concile  féerique, de  H.  i.  Laforgue  407 

Let  Aveugles,  de  M.  M.  HaelerWoek » 

Thiodat,  de  M.  B.  de  Gourmonl » 

La  geste  du  Roi,  de  MM.  G.  MMclair,  A.  Relié  et 

Siuarl-Merril » 

ThAatrk  d'Application.  —  Antonio,  de  M.  Edouard 

Dujardin 135 

Théâtre  db  l'Avenir  dramatique.  —   Un  Mâle,  de 

M.  Camille  Lemonnier 167,171,477 

Thëatre  dk  Carlsruhe.  —  Les  Troyens,  de  Berlioz.  23 

Le  Ihéâire  i  Berlin 141 

Le  nouveau  théâtre  allemand 305 

A  Munich.  Interriii^ion  de  donner  suite  aux  rappels.     .  185 

Les  inductions  de  Lohengrin 386 

La  Valkyrie  i  Copenhague 131 

r»  M/an  #<  Fmu// à  New- York 137 

Le  crime  de  Faverne '81 

«"'•  Marcy  &  Marseille 65 

MM.  de  Reszké  en  Amérique 241 

M.  Ernest  Van  Dyck  îi  Vienne 369 

Débuts  de  M""  Cossira  i  Nice 121 

M.  et  M"»Co88iraà  Lilleelà  Nice 217,401 

Documents  A  conserver.  —  Les  Revenants  d'Ibsen  i 

Londres     86,  128 

Coup  de  pied  à  Wagner 72 

Opinion  de  M.  Henry  Maret  sur  Wagner 321 

Instantanés  :  M""»  Rose  Caron 321 

M-'Melba 360 

Ernest  Van  Dyck 289 

ARTICLES   mWRB 

L'art  à  la  Maison  du  Peuple 368,391,414 

Récréations  populaires 208 

Mœurs  pittoresque» 333 

Paysages  urbains.  Nos  arbres 239 

Exposition  de  publicité l''6 

Le  Beau  dans  les  arts 289 

Le  Laid 263 

Le  chasseur  vert  ou  la  théorie  des  incomplémeniaires  .  247 

Les  voyages  et  les  femmes 270 

L'inslinct  de  migration 297 

Les  grandes  fortunes  et  l'art 286 

L'art  en  Amérique 188 


L'art  et  l'Etal  (Octave  MiRBEAu) 218 

La  protection  des  arts  et  des  artistes  (Emile  Bergerat).  273 

Pornographie 219,  296 

Diafoirus  et  C*  (Jules  Lemaitre) 80 

Les  traités  de  commerce 124 

Critico-mendicité 24 

Notule  anversoise 334 

Nécrologie. — Louis  Cattreux 401 

Petite  chronique.  17,  25,  32,  40,  48,  57,  68,  73,  81,  89,  97, 
104,  113,  120,  128,  137,  144,  183,  161,  169,  177,  184, 193, 
201,  209,  217,  228,  232,  240,  249,  257,  264,  273,  281,  289, 
297,  308,  313,  320,  329,  336,  348,  ^52,  360,  368,  377,  388, 

393,  401,409,414. 


CHRONIQUE  JUDICIAIAE  DES  ARTS 

Partitions  manuscrites  (Ricordi  c.  Ville  de  Montpellier).  32 
Coupures  au  théâtre  (J.  Désirée  c.  Sloumon  et  Calabrési).  143,  152 

Nos  sous-ofUciers  (Pages  c.  M""  M.  de  Monlifaud)    .     .  143 

Une  siatue  de  la  Vierge  sous  séquestre 200 

Un  faux  Corot 225 

Les  affiches  de  Chéret 257 

Engagement  théâtral.  —  Rôle  en  partage.  —  Droit  du 

directeur  (Ibos  c.  Gunsbourg) 280 

A  propos  d'un  médaillon  de  Chapu  (contrefaçon  Homer- 

ville-Hague) 289 

Photographies  coloriées  (Loire  c.  Chevalier  et  Laurent).  344 
Truquages.  (Girandoles  Louis  XIV,  table  Louis  XV) .     .  264 
Un  sâr  embêté  (J.  Péladan  c.  R.  Salis,  L.  Bloy  et  L.  Des- 
champs)       351 

Œuvres  musicales  exécutées  dans  des  fêtes  de  sociétés. 
—   Responsabilité  du  Président   et  du  Directeur 
(Eylenberg  et  consorts  c.  i'£'c/io  de /a  S«»me)    .     .  368 
Eshba  contre  Smylis  (R.  Defawc  c.  Th.  Hannon,  L.  Du- 
bois, Sloumon  et  Calabrési) 400,  408 

Les  œuvres  de  César  Franck  (faillite  Verdhurt  c.   les 

héritiers  C.  Franck) 408 

a 

VIGNETTES 

Frontispice,  par  G.  Lcmmen 1 

Frontispice  de  De  kniis  et  phitonicis  mtilieribus  104 

Id.  des  Figures  du  Nouveau  Testament  (15&9)  .     .     .  148 

Les  armoiries  de  la  Basoche 209 

Titre  des  Œuvres  d'Alain  Chanier  (1829) 223 

Frontispice  de  la  Célestine ,    » 

Tiire  du  «Oman  d«/fli2oi«  (1538) 233 

Un  Tournoi,  par  Hans  Schauffelein » 


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CE  MKROHLM  A  ÉTÉ  ÉTABU 


MAI       1966 

L'ASSOCIATION  POUR  LA  CONSEIMION 
ET  LA  REPRODUCTION  PHOTOGRAPHIQUE 

DE  LA  PRESSE  fACRRP)  4mUms-Paris2' 


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L'exploitation  commerciale  de  ce  Film  est  interdite. 

La  reproduction  totale  ou  partielle  est  soumise  à 
I  autorisation  préalable  des  ayanb  droit  et  à  celle  de 
rACRPP  qui  concerve  un  ej^emplaire  du  microfilm  négatif. 


COTE     DE    LA  BIBLIOTHEQUE    NATIONALE 


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L'ART  MODERNE 


1892 


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3  JANVIER 


189^ 


Douzième  armée 


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Lbs    lauriers    fripés.    —    L'exorcisée,    par    Paul    Hervieu.    — 

X.9HENGRIN.    —   La  musique  BELGE.  —    La  QUESTION    I»ES  MUSBES. 
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Saint-Josse.  —  Théâtre    libre.  —  Publications  Hachette.  — 
Accusés  de  réception.  —  Petite  chronique. 


:i 


LES  LAURIERS  FRIPÉS 

A  cette  levée  de  la  jeune  école  contre  les  académies, 
contre  les  institutions  officielles,  contre  lès  bonzes  d'un 
journalisme  sénile  et  impuissant,  —  à  ces  mépris  et  à 
ces  salîtes  colères,  dont  les  témoignages  répétés  sont  en 
train  de  culbuter  des  socles  et  des  monuments  qu'on 
croyait  solidement  plantés  et  imprenables,  —  à  cette 
guerre,  enfin,'  impitoyablement  déclarée,  par  ceux  qui 
ont  de  la  vie  et  de  l'art,  aux  momies  gouveniementales, 
aux  prétentieux' fruits  secs  des'*vieilles  chroniques,  à 
tout  le  ganâchismé,  en  un  mot  en  isme  mi  désigne  net 
leur  école,  —  d'aucuns' se  sont  étonnés  et  se  sont  demandé 
les  causes,  si  faciles  à  trouver  pourtant,  de  ces  vastes 
dédains,  de  ces  moqueries  ou  de  ces  fureurs. 

Maeterlinck,  en  refusant  le  prix  que  lui  offrait  un  jury 
de  médiocres,  un  fameux  jury  de  distributeurs  de  miel 
et  de  vinaigfe,  de  palmes  et  de  haine,  un  jury  à  double 


fond,  qui  s'est  ouvert  pour  montrer  UûJoûrd  FaftiV, 
soufflant  des  éloges  vénéneux  dans  la  prose  ^'.unratpport 
curieusement  bigarré ^  Maeterlinck  a  inât^iiéi'a&ioluai- . 
rement  les  causes  dp  ces  dédains  et  dé  ces^bolèresieji: 
quelques  lignes  bien  calmes  et  bien :.digii8S,'/dak|^ Mue, 
lettre  à  M.  Htiret  *  :  ''.Ziz: .:    ^lôVcA 

"  Vous  me  demandez  pourquoi  j'^irëfusé  le, pitïidéî 
littérature  dramatique  qui  m'a  été  décerné  p^l'Acgjié^r 
mie  de  Belgique.  .....      .    I  .,  ; 

«  ...  Il  faudrait  vous  dire  tout  ce  qiié  nos  aînés) ont j^ 
souffert  de  la  part  de  ceux  qui  espèrent  âujourd'huf  , 
qu'une  aumône  nous  fera  oublier  le  passé.  Il  faudimit 
vous  dire  ce  que.  c'est  que  l'^cad^fe  royale  déilÉslrj, 
gique^  Ge  serait  bien  triste  et  bien  enniiyeux.  n      ,        •  \ 

Bien  triste  !  Bien  ennuyeux!  ,, 

D'ailleui's,  quels  gens  ont  composé 'les  jujpys  des  con- 
cours, ces  émanationis  <Jes  académies?  Les  voici.  Vous 
allez  voir  à  quels  personnages  on  a  (k)nfié  le  soin  de 
veiller  aux  lettres  nationales.  A  des  Jurisconsultes  et  à 
des  professeurs,  à  des conserva.tejirs âébibUothèqueàoii^ 
de  musées,  à  des  jôurnalistes-iiainéui.'  'AÛQ0a  tittérù- 
teur!  On  appelle  un  seul  hor)(tme   de  lètlésis^^  {i<yïi\ 
;  allez  rire),  c'est  M.  Gusttive  Frédérix,/—  et 'un  autre,-' 
encore  :  M.  Solvay,  quia  (ionc eu.  jadiâ,  des  intentions 
académiques,       ■    —    ' 

Mais  eu  général,  dans  une  proportion  de  neuf  sur  (^i,^  ' 
ces  jurés  s'y  connaissent  en  littérature  et  sont  aptes  i- 


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UART  MODERNE 


juger  une  œuvre  nouvelle  comme  un  Peau-Rouge  qui 
serait  appelé  à  déguster  les  choses  délicates  d'un  Café 
Riche  ou  un  Congolais  qu'on  inviterait  à  écouter  de  la 
musique  religieuse. 

La  plupart  sont  des  incompétents.  Les  autres  sont 
des  haineux.  La  cause  de  la  haine?  Dès  la  première 
bataille, la  bataille  Hjmans-Lemonnier,  on  la  devinée  : 
l'auteur  de  la  Belgique  paj^lementaire  s'imaginait  qu'à 
lui  seul  revenait  le  droit  de  décrire  la  Belgique  pitto- 
resque. Les  autres,  ses  compagnons,  étaient  lesquelques 
qui  croyaient  "  avoir  de  la  littérature  ",  et  cela  les  gêne 
qu'on  leur  démontre  qu'ils  n'en  ont  pas  du  tout.  Ils  se 
cramponnent  à  leurs  lauriers  flétris,  à  leurs  guenilles 
académiques,  avec  le  désespoir  et  la  rage  de  se  voir, 
dépossédés  de  leurs  couronnes  de  pacotille  et  de  se 
voir  arracher  les  plumes  de  paon  et  d'oie  dont  ils  tiraient 
tant  de  vanité. 

Voici  la  liste      

NAL  DE  LITTÉR.\TURE  FRANÇAISE 
osition  du  jury. 

MM.  Faider,  procureur  géné- 
'esseur  à  l'École  militaire,  de  Monge, 
"professeur  à  l'Université  de  Louvain,  Fuerison,  profes- 
seur à  l'Université  de  Gand,  Grandganage,  académi- 
cien, Van  Beramel, professeur  à  l'Université  de  Bruxelles, 
Stecher,  professeur  à  l'Université  de  Liège. 

Période  1868-1872.  —  MM.  De  Decker,  Grandga- 
nage, Alvin,  Fuerison,  de  Monge,  Stecher,  Van  Bemmel. 

Période  1873-1877.  —  MM.  De  Decker,  de  Monge, 
Fétis,  académicien,  Fuerison,  Siret,  académicien,  Stap- 
paerts,  académicien,  Stecher. 

Période  1878-1882.  —  MM.  De  Decker,  de  Monge, 
Fétis,  académicien,  G.  Frédérix,  homme  de  lettres, 
Pergameni,  professeur  à  l'Université  de  Bruxelles, 
Ch.  Potvin,  académicien,  Rivier,  jurisconsulte,  Stap- 
paerts,  académicien. 

Période  1883-1887,  —  MM.  De  Decker,  Discailles, 
professeur  à  l'Université  de  Gand,  Fétis,  conservateur  à 
la  Bibliothèque,  Frédérix,  Fuerison,  Rivier,  Le  Roy, 
professeur  à  l'Université  de  Liège. 

CONCOURS  TRIEN^^AL    DE  LITTÉRATURE   DRAMATIQUE 

FRANÇAISE 

Composition  du  jury. 

Période  1861-1863.  —  MM.  Mathieu,  Fuerison, 
Bourson. 

Période  1864-1866.  —  MM.  Faider,  Fuerison, 
Bourson. 

Période  1867-1869.  -  MM.  Bourson,  Fuerison, 
Stecher.  ^ 

Période  1870.1872.  -  MM.  Bourson,  Siret, Stecher. 

Période  1873  1875.  —  MM.  Alvin,  Bourson,  Fétis, 
F^ï^fison,  Siret 


Période  1870-1878.  —  MM.  Alvin,  Fétis,  Potvin, 
Frédérix,  Delmotte. 

Période  1879-1881.  —  MM.  Alvin,  Frédérix,  Fétis, 
Louis  Hymans,  Potvin. 

PtVîWe  1882-1884.  — MM.- Bourson,  Fétis,  de  Monge, 
Siret,  Guilliaume. 

Période  1885-1887.  —  MM.  Fétis,  Claes,  avoué, 
de  Monge,  Frédérix,  Solvay. 

Période  1888-1890.  —MM.  Fétis,  de  Monge,  Frédé- 
rix, Stecher,  Stoumon,  directeur  de  théâtre. 

Période  1891-1893.-  MM.  Fétis,  Frédérix,  Stecher, 
de  Monge,  Stoumon. 

Où  sont  les  noms,  dans  tout  cela,  qui  attirent  les 
sympathies  des  vrais  littérateurs?  Quels  sont  ceux  qui 
ont  Véritablement  encouragé  un  mouvement  d'idées 
jeunes  et  vraiment  artistes?  Avec  M- Solvay,  M.  Perga- 
meni, qui  signale,  dans  son  cours  à  l'Université,  la  jeune 
école  littéraire  belge  comme  très  forte  et  devant  inté- 
resser les  étudiants.  Mais  à  part  eux,  que  viennent 
faire  tous  ces  noms  dans  l'art?  Quelle  est  cette  invasion 
mi-ignorante,  mi-hostile^/Que  signifie  cette  bande  de 
professeurs,  imbus  d'idées  anciennes  et  de  traditions,  et 
appelés  à  juger  des  écrivains  libres  et  des  poètes  nou- 
veaux? Certes,  avaut  1880,  il  y  avait  peu  de  littéra- 
teurs. Mais  il  y  avait  déjà  et  Victor  Arnould,  et  Edmond 
Picard,  et  Eugène  Robert.  Et  puis  André  Van  Hasselt. 
Et  Victor  Jolly?  Et  Léon  Dommantin?  Et  Wilmart  ? 
Et  puis  Charles  De  Coster,  sur  lequel  les  sinistres  offi- 
ciels on  fait  un  silence  infâme,  sur  lui,  le  pauvre  et 
grand  auteur  de  YVylenspiegel.  Et  Octave  Pirmez, 
pour  lequel  un  ridicule  poète  de  centième  ordre, 
M.  Charles  Potvin,  n'a  eu  que  de  la  petite  moquerie!  Et 
Camille  Lemonnier  maintenant,  célèbre,  n'est-ce  pas, 
que  n'ont-ils  fait,  les  gens  d'académie,  pour  entraver 
l'essor  de  son  libre  talent,  qui  venait,  à  coups  formi- 
dables, bousculer  les  idées  reçues  dans  leurs  cervelles? 

Mais  depuis  1880?C'elfe  la  même  bande  qui  opère 
toujours  :  toujours  les  Frédérix  incrustés,  les  éternels 
Fétis,  les  indéracinables  De  Decker,  les  Stecher,  les 
de  Monge,  les  Le  Roy,  les  Fuerison,  toute  la  vieille 
école  belge,  les  momifiés,  les  savantasses,  les  doctri- 
nâtres,  —  au  milieu  desquels  on  trouve,  comme  élément 
nouveau,  un  directeur  de  théâtre  et  un  jurisconsulte 
suisse!!!  Les  Pandecies  et  la  Nuit  de Noëll 

Le  banquet  Lemonnier,  d'abord,  a  porté  le  premier 
coup  à  l'institution  ofiicielle  des  jurys.  Le  refus  de 
Maeterlinck  l'achève.  C'est  fini,  maintenant.  Ces  gens 
sont  discrédités.  Ils  ont  assez,  depuis  trente  ans,  démon- 
tré leur  non-valeur.  Ils  tombent  sous  le  mépris.  Et 
d'ailleurs,  ils  le  sentent  eux-mêmes.  Se  voyant  crouler, 
ils  se  défendent  et  ils  insultent,  ils  insultent  au  nom  du 
Gouvernement.  Nous  l'avons  déjà  signalé.  Us  sont 
désormais  suspects  de  haine.  Il  fautqu'ils  disparaissent. 
Nous  publierons  prochainement  la  liste  des  œuvres 


■X 


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UART  MODERNE 


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couronnées  par  les  jurys  et  cela  démontrera  l'inutilité 
totale  de  cet  engrenage  gouvernemental.  Qu'on  les  sup- 
prime net!  Mais  si  on  n'ose  le  faire  (car  en  Belgique,  ce 
pays  arriéré  de  vingt  ans,  tout  va  lentement,  avec  des 
peurs),  eh  bien!  qu'on  nomme  pour  siéger  sur  ces 
basanes  des  gens  nouveaux,  de  vrais  lettrés,  et  qu'on 
signifie  un  congé  définitif  aux  conservateurs  de  biblio- 
thèques et  aux  rapporteurs  enfiellés.  Cela  s'impose. 


L'EXORCISEE 

par  Paul  Hervieu.  —  Paris,  Aliihonse  Lemerre,  éditeur, 
1891;  iu-18,  132  pages. 

En  amour,  ce  sont  toujours  les  mêmes  qucslions  agitées.  Le 
platonisme,  le  «  droit  au  but  »  et  les  diverses  combinaisons  pos- 
sibles entre  ces  deux  extrêmes.  Bien  avant  les  Cours  d'amour  et 
les  KamaSoutra,  on  devisait  de  ces  problèmes  entre  sexes.  Raison 
de  plus  pour  apprécier  uniquement  l'art,  dans  l'œuvre  de  celui 
qui  doit  créer  de  rien,  ou  de  ce  que  tout  le  monde  connaît  —  ce 
qui  est  bien  la  môme  chose. 

M.  Paul  Hervieu  ne  doit  pas  gazer,  ni  faire  prendre  des  vessies 
pour  (les  lanternes,  pour  nous  mettre  nu  cœur  du  sujet.  11  traite 
de  cela,  et  c'est  une  si  personnelle  façon  de  braver  les  conventions 
sociales  et  de  rendre  bien  intéressants  ses  personnages,  que  la 
sympathie  est  acquise  à  l'auteur  dès  les  premières  pages  du  livre. 

D'intrigue,  on  peut  dire  qu'il  n'y  en  a  pas,  tant  elle  est 
secondaire.  Une  femme  est  tombée  en  la  possession  d'un  homme 
indigne  de  l'aimer.  Sa  névrose  a  ainsi  réagi  sur  sa  mehtalité 
qu'elle  se  croit  positivement  envoûtée.  Son  salut,  elle  ne  l'aper- 
çoit que  dans  l'amour  d'un  autre  homme,  l'aimant  assez  pour 
comprendre  son  envoûtement  et  pouvoir  l'exorciser. 

Mais,  en  réalité,  le  livre  n'est  qu'une  suite  de  flirts,  d'un  carac- 
tère très  français,  plein  de  mondanité  élégante  et  inlellecluelle. 

M.  P.  Hervieu  a  une  façon  rare  d'être  spirituel  avec  des  idées. 
Ces  pauvres  idées!  Elles  servent  si  souvent  à  de  lourdes  et 
pédantes  digressions  d'un  style  dit  pbilosophique!  Si  souvent 
aussi  elles  ne  sont  que  l'occasion  de  faire  des  motsl  Sous  la 
plume  de  l'auteur  d'Exorcisée,  elles  deviennent  une  conversation 
écrite,  et  ces  idées,  aimées  pour  elles-mêmes,  indépendamment 
de  leur  forme  et  de  leur  véi;ilé,  se  divisent,  se  subdivisent,  se 
subtilisent,  laissant  l'impression  de  quelque  chose  de  très  fin,  de 
très  aristocratique,  spectacle  que  se  donne  un  esprit  supra-délié 
de  sa  manie  raisonnante. 

Exemple  :  On  commence  par  une  déclaration,  ce  qui  fait  dire 
justement  à  Laurc  :  «  C'est  drôle  qu'il  faille  une  convention  pour 
inviter  à  violer  toutes  les  conventions  ». 

On  devise  bientôt  sur  l'éternel  féminin,  donc  sur  l'amour.  On 
métaphysique  délicieusement  sur  les  causes  et  les  effets  de  cet 
aimable  sentiment.  Voici  d'abord  la  voix  d'homme  : 

«  Voyez-vous,  l'amour,  le  vrai  amour,  le  seul  amour,  sur 
«  lequel  reposent  la  confiance  et  le  bonheur  de  deux  vies,  n'est, 
«  en  réalité,  en  définitive,  que  de  l'habitude.  C'est,  si  vous  le 
«  voulez,  la  forme  la  plus  noble,  la  plus  généreuse,  la  plus  intéres- 
«  santé  de  l'iiabitude  ;  c'est  une  sublime  manie.  Et  la  force  d'un 
«  amour  sera  en  raison  directe  de  sa  durée,  alors  qu'un  être  est 
«  devenu  l'habitude  d'un  autre  par  tous  les  liens  de  toute  l'ûme 
c<  et  de  tout  le  corps.  Chaque  jour  d'amour  en  commun,  par  les 
«  actes  qui    s'y  succèdent,  par  les  souvenirs  dont   la  veille   a 


«  augmenté  ce  lendemain,  ajoute  des  fils  à  l'habitude,  serre  des 
«  nœuds  nouveaux.  C'est  en  ce  qu'il  a  d'habituel  que  l'amour  ne 
«  peut  se  passer  de  son  objet,  qu'il  fournit  dans  un  autre  une 
«  seconde  nature  et  soumet  tous  les  mouvemenis,  toutes  les 
«  pensées  à  un  attachement  machinal,  actif,  tranquille;  et  c'est 
«  en  ce  qu'elles  ont  de  maniaque  que  certaines  amours  nous 
«  stupéfient  à  les  voir  si  incorrigibles,  si  incurables,  furieuses  el 
«  mortelles...  » 

Et  l'on  répond,  voix  de  femme  : 

«  Croyez-moi,  la  question  est  insoluble  entre  les  deux  sexes.  — 
«  En  amour  les  hommes  ont  un  but,  ils  connaissent  ce  but,  ils 
«  peuvent  l'atteindre...  et,  ce  qui  est  plus,  l'avoir  atteint...  Vous 
«  me  répondrez  que  les  femmes  ont  un  but  aussi  et  que  ce  but  es 
«  le  même!  El  moi  je  vous  dis  que  non!...  A  leur  idée  cela  n'est 
«  qu'une  circonstance.  Elles  partent  avec  vous;  mais  à  destination 
«  d'au-delà,  vers  l'inconnu,  vers  l'indéfinissable,  vers  l'infini.., 
«  Chez  vous.  Messieurs,  aimer  c'est  agir,  faire  l'amour!  Il  fallait 
«  être  bien  homme  pour  créer  celle  expression!...  Chez  nous 
«  c'est  agir  et  vivre.  Nous  aimons  comme  vous  et,  en  plus, 
«  comme  nous  :  ainsi,  l'on  est  loin  de  compte...   » 

Précèdent  et  suivent  ces  passages  des  digressions,  variées  à  l'in- 
fini, de  très  piquantes  scènes,  d'osées  conversations,  puisqu'il 
s'agil  de  ça.  Mais  vraiment  dans  le  livre  de  M.  Paul  Hervieu  on 
pèche  plus  en  parole  qu'en  pensée  et  en  action. 

Il  ne  faut  pas  détourner  de  la  lecture  d'un  ouvrage  en  donnant 
au  lecteur  d'un  simple  compte  rendu  l'illusion  qu'il  connaît  tout 
ce  qu'il  y  a  à  savoir  du  livre  et  de  sa  valeur.  Raison  pour  laquelle 
nous  préférons  renvoyer  à  l'Exorcisée  sans  plus  tarder. 


LOHENGRIN 

L'aflluence  inusitée  qu'attirent  en  ce  moment  les  représen- 
tations de  Lohengrin  à  la  Monnaie  démontre  une  fois  de  plus 
(combien  de  fois  nous  faudra-l-il  le  répéter!)  que  le  salut  du 
théâtre  est  non  dans  les  pièces  usées  du  vieux  répertoire  que 
s'obstine  à  maintenir  la  direction  sur  les  affiches,  mais  dans 
les  œuvres  artistes  et  spécialement  dans  les  drames  de  Wagner. 
La  reprise  da  Lohengrin  a  été  un  triomphe.  L'enthousiasme  était 
monté  a  un  tel  diapason  que  les  spectateurs  regardaient  de 
travers,  les  prunelles  chargées  de  reproche,  ceux  qui  se  permet- 
taient de  ne  pas  applaudir.  Et  l'on  a  rappelé  les  chanteurs  à  plu- 
sieurs reprises  après  chaque  acte. 

A  ne  point  se  montrer  trop  exigeant,  l'ensemble  de  l'interpré- 
tation est  bon.  Il  dépasse  certes  de  beaucoup  la  moyenne  ordi- 
naire des  représentations  de  la  Monnaie.  Sous  la  direction  nerveuse 
et  précise  de  M.  Flon,  l'orchestre  a  retrouvé  ses  belles  qualités 
d'ensemble,  de  justesse  et  de  sonorité  d'autrefois.  Les  chœurs 
chantent  avec  entrain,  en  respectant  les  nuances,  ce  qui  n'est  pas 
fréquent.  N'était  une  mise  en  scène  puérile,  contraire  aux  élémen- 
taires notions  de  la  vraisemblance  (mais  parfaitement  conforme 
aux  conventions  scéniques  les  plus  invétérées),  il  n'y  aurait  qu'à 
se  déclarer  enchanté  des  masses. 

Venons-en  aux  solistes.  M.  Lafarge  réalise  un  admirable  Lohen- 
grin. Prestance,  taille,  noblesse  d'attitudes  et  de  démarche,  il  est 
certes  le  Chevalier  au  cygne  rêvé  par  Wagner.  Et  si  sa  voix  n'a 
pas  retrouvé  tout  son  éclat,  il  la  manie  du  moins  avec  goût  et  dans 
tels  passages  —  les  «  Adieux  »  notamment  —  il  a  causé  une 
réelle  émotion.  M"''  de  Nuovina  ne  paraît  pas  créée  pour  incarner 


'Sàk 


L'ART  MODERNE 


la  mystique  héroïne  du  maître.  Elle  n'a  ni  le  physique,  ni  la  voix 
qui  conviennent  à  ce  personnage  idéal.  Sous  la  robe  blanche 
d'Eisa  de  Brabant,  elle  demeure  Esciarmonde.  Elle  chante  en 
chanteuse  d'opéra,  sans  se  douter  de  la  psychologie  de  l'œuvre 
qu'elle  est  appelée  à  interpréter. 

C'est,  d'ailleurs,  le  reproche  qu'on  peut  faire,  en  général,  à  la 
plupart  des  interprètes  de  Lo/iejjjfnn,  grief  assez  excusable  quand 
on  songe  que  toute  l'éducation  artistique  de  ces  chanteurs  et  de 
ces  chanteuses  est  faussée  par  l'art  factice  encore  en  honneur  au 
théâtre,  et  que  pour  se  préparer  aux  drames  de  Wagner,  ces 
artistes  chantent  tous  les  soirs  Robert  le  Diable  et  les  Huguenots. 
Un  seul  y-  échappe  :  M.  Seguin,  qui  a  composé  un  très  beau 
Telramund,  sombre  et  tragique.  Le  rôle,  un  peu  haut  pour  sa 
voix,  ne  lui  a  pas  toutefois  donné  l'occasion  de  se  faire  valoir 
avec  autant  d'autorité  que  dans  les  Maîtres  Chanteurs  cl  la  Val- 
kyrie. 

Ortrudc  c'est  M"«  Wolf,  et  l'on  n'a  pas  été  peu  surpris  de  voir 
la  dugazon  d'avant-hier  aborder  ce  rôle  difficile,  si  peu  fait, 
semble-t-il,  pour  ses  moyens. 

M'i«  Wolf  a  diverses  qualités  qui  l'on  fait  traverser  victorieuse- 
ment l'épreuve  :  excellente  musicienne,  sincèrement  éprise  de 
son  art,  elle  a  une  voix  bien  timbrée  et  d'une  grande  étendue 
qui  la  sert  à  souhait.  Malgré  son  visage  de  madone  et  sa  jeunesse, 
Mil*  Wolf  a  réussi,  dans  une  certaine  mesure,  à  donner  au  rôle 
de  la  farouche  Frisonne  le  caractère  voulu.  Elle  s'est  montrée 
artiste  intelligente  et  le  public  ne  lui  a  pas  marchandé  ses  applau- 
dissements. En  étudiant  sa  mimique,  qui  laisse  encore  à  désirer, 
l'artiste  se  fera  certes  une  place  brillante  au  théûtre. 

M.  Dinard,  qui  personnifie  le  Roi,  et  M.  Béral,  le  Héraut,  n'ont 
qu'une  idée  approximative  du  parti  qu'il  y  a  à  tirer  de  ces  doux 
figures  fort  inlére^anles,  bien  qu'elles  soient  de  second  plan. 


IL..A. 


m:xjsiqxje    belo-e 

Correspondance . 

Art  moderne,  cher  Art  moderne  qui  nous  avez  fait  tant  de  bon 
sang  cet  été  pendant  cette  campagne  contre  la  négligence,  la  pe- 
titesse, l'ignorance,  la  complaisance  routinières,  je  vous  apporte 
encore  de  tristes  choses  à  crier  aux  sourds,  du  haut  du  grand 
balcon  d'où  vous  les  regardez. 

Savez-vous  combien  d'œuvres  d'auteurs  belges  les  concerts 
populaires  ont  fait  entendre  depuis  vingt-sept  an« qu'ils  existent? 
Voici  ce  que  je  trouve  —  si  je  me  trompe,  rectifiez  :  trois  œuvres 
de  Raway,  trois  ou  quatre  œuvres  de  Mathieu  (qui  a  dû  amener 
ses  choristes  de  Louvain  pour  ses  œuvres  importantes),  deux 
œuvres  de  Tinel  (aussi  avec  les  choristes  de  Malines),  une  suite 
d'orchestre  de  Blockx,  une  symphonie  de  Samuel  (presque 
obligatoire  à  l'occasion  de  son  anniversaire)  —  et  peut-être  çà  et 
là  quelques  compositions  de  moindre  importance,  mises  au  pro- 
gramme par  le  choix  des  virtuoses,  comme  le  dernier  récit  pas- 
sionné de  Camille  Gurickx,  par  exemplc(l). 

Dira-l-on,  après  un  concert  comme  le  dernier,  qu'il  importe  do 
donner  d'iibord  dos  œuvres  plus  géniales  que  celles  qui  peuvent 

(1)  La  nomenclature  de  notre  correspondant  est  loin  d'être  com- 
plète, ■■ —  qu'il  vous  permette  de  le  lui  faire  observer.  Aux  œuvres 
qu'il  cite,  il  faut  ajouter  entre  autres  :  J)e  Oorlog,  Charlotte  Cordât/ 
au  complet  et  deux  concertos  de  Peter  Benoit;  un  Scherzo  et  La  lutte 
au  XVIe  siÉclede  J.  Van  den  Eeden  ;  un  fragment  de  V  Apollonide  al 
le  Jet  d'eau  de  F.  Servais;  plusieurs  compositions  importantes 
d'Etl.  Lassen;    des  fragments  de   la  Symphonie  deWaelput;    deux 


naître  en  Belgique  ?  En  admettant  même,  ce  qui  n'est  pas  le  cas, 
Dieu  merci  !  que  les  œuvres  de  nos  jeunes  compositeurs  soient 
aussi  insignifiantes  que  ce  qu'on  nous  a  donné  dimanche  de 
russe  et  d'autrichien,  —  à  qui  devrait-on  donner  la  préférence? 

Quand  je  pense  aux  choses  vraiment  nationales,  exprimant 
notre  vie  à  nous,  les  sentiments  populaires  des  Flamands  et  des 
Wallons,  à  tous  ces  morceaux  de  notre  moi  enfouis  dans  des 
cartons  faute  d'une  compréhension  intelligente  qui  les  en  tire,  je 
suis  trop  triste  pour  m'indigncr  en  de  longues  paroles. 

Attendrons-nous  encore  que  l'étranger  consacre  nos  artistes  en 
se  moquant  de  nous? —  de  nous  qui  ne  Icsavons pas  compris? 

Les  nations  voisines  (sauf  peut-être  la  Suisse  qui  est  encore 
plus  bornée  que  nous  de  ce  côté)  sont  fières  quand  le  moindre  de 
leurs  enfants  a  tiré  du  fond  universel  une  œuvre  qui,  inconsciem- 
ment, porte  l'influence  du  sol,  de  la  race,  du  milieu,  de  la  vie  du 
pays.  —  En  Belgique,  les  artistes  pour  la  plupart  ont  puisé  leur 
inspiration  dans  cet  instinct  inconscient  qui  leur  a  révélé  la  forlo 
amcdu  peuple;  en  Belgique,  les  artistes  belges  sont  presque  des 
inconnus  aux  concerts  populaires. 

0  dérision  ! 

I.    WlLt,. 


LA  QUESTION  DES  MUSÉES 

La  campaerne  de  «  l'Art  moderne  >  contre  la  Commission  des 
Musées  a  abouti.  A  l'une  des  dernières  séances  de  la  Chambre, 
M.  Sllngeneyer  a  réclamé  une  enquête  au  sujet  des  faits  que 
nous  avons  révélés. 

M.  de  Burlet,  Ministre  de  l'intérieur,  a  répondu  en  excellents 
termes  à  l'honorable  député  et  a  annoncé  qu'il  ferait  droit  A.  sa 
réclamation.  Nous  reviendrons  sur  cet  incident  dans  notre 

grochain  numéro  et  publierons  le  texte  des  discours  prononcés 
cette  occasion. 

MoNSiELU  i.E  RÉDACTECR  DE  l'Art  modeme, 

On  l'a  souvent  répété,  le  Musée  de  sculpture  de  l'Etat  est  d'une 
pauvreté  remarquable. 

A  côté  de  quelques  bonnes  œuvres  modernes,  il  s'en  trouve  do 
fort  médiocres.     • 

Mais  ce  qui  est  parliculièremenl  incroyable,  c'est  qu'il  possède 
5  peine  quelques  exemplaires  de  la  statuaire  de  la  deuxième 
moitié  du  xviii'-'  siècle,  et  que,  quant  aux  œuvres  de  sculpteurs 
plus  anciens,  il  ne  possède  absolument  rien. 

Il  y  a  eu  cependant  beaucoup  d'artistes  remarquables  en 
Belgique.  La  Commission  ne  s'en  doute  probablement  pas.  C'est 
pourtant  bien  à  elle  qu'incombe  la  mission  tle  réunir  leurs  œuvres 
et  non  à  la  Commission  du  Musée  des  antiquités  qui  a  dans  ses 
attributions  l'art  industriel  et  non  les  Beaux-arts. 

Voici,  entre  autres,  un  exemple  nouveau  de  l'indifférence  des 
bonzes  de  la  Commission  du  Musée  de  peinture  et  de  sculpture. 

On  a  vendu,  il  y  a  quehiues  jours,  en  vente  publique  annoncée 
par  affiches  et  circulaires,  dans  la  salle  Fiévez  à  Bruxelles,  deux 
charmantes  statues  de  marbre  représentant  des  enfants.  Elles 
étaient  attribuées  îi  Duquesnoy.  En  tous  cas,  elles  étaient  vraiment 
remarquables. 

Disputées  par  un  amateur  bruxellois,  elles  ont  été  adjugées  à 
un  maroliand  de  Paris  pour  la  somme  dérisoire  de  800  francs. 

concertos,  une  Polonaise  et  la  Marche  niqUiale  d'Aug.  Dupont  ; 
diverses  œuvres  de  Fëtis,  Gcvaert,  Hanssens,  Vieuxtemps,  Etienne 
Soubrc,  Huberti,  Mertcns,  Radoux,  Riga,  Jehin,  Colyns,  Balthazar- 
Florcnce,  etc.  Enfin,  les  Eolidcs  de  César  Franck.  En  ce  qui  concerne 
ce  dernier,  c'est  peu,  certes,  et  nous  espérons  que  Josei)h  Dupont 
songera  à  faire  entendre  d'autres  œuvres  du  maître, 

N.  D.  F,  R. 


y' 


LART  MODERNE 


Le  Musée  aurait  dû  les  acheter,  Mais  il  n'a  pas  le  temps  de 
s'occuper  de  semblables  bagatelles. 

Si  les  objets  avaient  été  présentés  par  un  Mancino  quelconque, 
c'eût  été  différent. 

11  se  peut  que,  dans  quelque  temps,  on  les  lui  offre  au  prix  de 
S, 000  ou  6,000  francs  qu'elles  valent,  du  reste,  largement,  et 
qu'il  les  achète. 

Votre  dévoué, 
L. 

Extrait  du  catalogue  des  livres,  antiquités  et  tableaux  délaissés 
par  feu  le  Rév.  M.  Kuyi,  en  son  vivant  curé  du  Béguinage  et 
vendus  les  24,  25  et  26  novembre  derniers  : 

847.  Portrait  d'un  personnage  à  déterminer.  A  gauche,  dans 
un  coin,  armoiries;  à  droite,  la  date  1625  et  la  signature 
S. -A.  Bray.  Excellent  portrait  d'un  maiire  rare.  Grande  correction 
de  dessin  et  beau  coloris.  Parfait  état.  B.  0.42  X  0.46. 

Le  Musée  de  l'Etat  belge  ne  possède  rien  de  ce  maître  portrai- 
tiste. 


Correspondance 


Bruxelles,  7  décembre  1891. 

Monsieur  le  Directeur  de  l'Art  Moderne. 

Dans  l'intéressante  étude  sur  Masolino  da  Panicale,  M.  Jules  Dés- 
irée, décrivant  les  fresques  du  baptistère  de  Casiiglione,  parle  de 
trois  personnages  du  Baptême  du  Christ  dont  l'un  enlève  ses  bas, 
l'autre  se  déchausse,  et  le  troisième  se  présente  le  dos  tourné,  les 
bras  et  la  tête  encore  embarrassés  dans  la  chemise  qu'il  veut 
quitter. 

Cette  description  m'a  remis  en  mémoire  une  sensation  d'art 
intense  éprouvée,  l'an  qui  fuit,  à  la  National  Gallcry  de  Londres  ; 
il  me  reste  le  souvenir,  mais  effacé,  de  personnages  se  présen- 
tant dans  des  attitudes  similaires  et  traités  avec  une  justesse 
d'observation  de  mouvements  étonnante. 

Le  Baptême  de  Jésus- Christ  dont  je  vous  parle  doit  se  trouver 
dans  la  salle  dos  primitifs  italiens,  sans  nom  d'auteur,  mais  ren- 
seigné sous  l'appellation  vague  d'école  de  Taddeo  Gaddi. 

Qui  en  sabe?  11  y  a  peut-être  là  une  œuvre  inconnue  de  Maso- 
lino da  Panicale;  en  comparant,  au  moyen  de  gravures  ou  de 
photos,  le  tableau  et  la  fresque,  M.  Destrée  aura  peut-être  la 
chance  d'éclaircir  l'actuel  myslèra  et  de  laurer  ainsi  de  quelques 
feuilles  en  plus  le  réaliste  artiste  du  xv«  siècle  dont  il  ravive  la 
gloire  en  vos  colonnes. 

Mes  salutations  très  distinguées,  je  vous  prie  de  les  agréer. 
Monsieur. 

A.  W. 


LA  CRITIQUE  BELGE 

A  propos  de  l'incident  De  Drackelcer,  la  doctrinaire  et  commer- 
çante presse  d'Anvers  ne  décolore  pas.  Ces  spéculateurs,  qui  n'ont 
rien  fait  pour  De  Braekelccr,  dansent  maintenant  on  ne  sait  quelle 
ronde  provinciale  autour  de  son  cercueil  en  se  vantant  d'une 
générosité  qui  leur  manque. 

Le  Précurseur,  dans  une  «  chronique  locale  »,  cherche  b 
démontrer  (ju'Anvcrs  a  été  une  mère  généreuse  pour  l'auteur  du 


Géographe.  Mais  quand  l'Anversois  parle  d'Art,  il  y  a  toujours  la 
jalousie,  la  méchanceté  ou  la  maladresse  quf  perce.  Tout  en 
ayant  l'air  d'exalter  De  Braekeleer,  le  journaliste  du  Précurseur 
le  ridiculise  et  lui  lance  des  traits  qu'il  môle  à  des  phrases  fleu- 
ries. Ainsi,  en  parlant  du  peintre  :  «  Un  de  ses  grands  plaisirs  était 
de  dîner  copieusement  au  restaurant.  Ce  n'est  la  faute  de  personne 
s'il  n'a  guère  produit  que  pendant  dix  ans.  S'il  parlait  peu,  c'est 
qu'il  avait  peu  de  chose  à  dire.  C'était  un  boursou(lé{'.!!)  » 

Pour  démontrer  que  De  Braekeleer  n'est  pas  mort  pauvre,  le 
gazetier  raconte  cette  anecdote,  qui  est  simplement  à  l'honneur 
de  la  probité  artistique  du  peintre  :  «  Il  est  probable  qu'il  connut 
des  moments  difficiles,  mais  de  là  à  dire  qu'il  n'avait  plus  même 
de  quoi  acheter  des  couleurs,  il  y  a  un  abîme.  Après  le  succès  du 
Géographe,  un  riche  particulier  d'Anvers  fit  à  De  Braekeleer  une 
commande  de  douze  mille  francs;  il  s'agissait  de  décorer  quatre 
panneaux  de  salle  à  manger.  L'artiste  accepta  d'abord,  puis 
refusa;  sans  doute,  ce  n'était  pas  précisément  son  genre,  mais 
quelqu'un  qui  aurait  été  talonné  par  la  misère  n'aurait  pas  décliné 
de  la  sorte  une  commande  relativement  avantageuse.  Le  grand 
Meissonier  n'était  pas  si  dégoûté  que  cela,  lui,  lorsqu'au  début 
de  sa  carrière,  qui  fut  autrement  ingrate,  puisque  ses  parents 
vivaient  dans  l'indigence,  il  peignait  des  toiles  à  cinq  francs  le 
mètre  carré  pour  l'exporlal\,on!  » 

Malheureusement  pour  les  Anvcrsois,  leur  indifférence  est  notée 
par  les  phrases  suivantes  de  leur  gazelicr  qui  démontrent  qu'ils 
ont  laissé^ux  prises  avec  un  marchand  bruxellois,  l'artiste  dont 
la  gloire  flatte  tant  aujourd'hui  leur  vanité  de  mercantis  : 

«  De  tout  temps,  De  Braekeleer  avait  eu  le  travail  difficile; 
c'était  à  peine  s'il  produisait  assez  pour  remplir  le  contrat  qu'il 
avait  passé  avec  un  marchand  de  tableaux  de  Bruxelles,  M.  Cou- 
teau, dont  la  veuve  possède  encore  une  vingtaine  de  ses  toiles.  Il 
est  donc  injuste  d'accuser  d'indifférence  le  grand  public,  puisque 
celui-ci  n'a  jamais  eu  l'occasion  de  se  familiariser  avec  l'œuvre 
du  maître.  Quant  aux  artistes,  s'il  est  plus  surprenarK  qu'ils 
n'aient  pas  tous  unanimement,  et  dès  le  début,  signalé  les  quali- 
tés transcendantes  de  De  Braekeleer,  il  serait  téméraire,  pourtant, 
de  leur  reprocher  un  ostracisme  systématique  à  son  égard,  et  la 
preuve,  c'est  qu'il  a  été  surtout  méconnu  par  son  propre  père  qui, 
très  certainement,  était  de  bonne  foi.  » 


L'ÉGLISE  SAINT-JOSSE 

Vue  de  la  rue  de  la  Loi,  pimpante  et  de  joyeux  aspect  avec  son 
clocher  en  pierres  blanches  papillotant  au  soleil,  l'église 
Saint-Josse  exerce  une  attirance  qui  ne  réserve  aux  promeneurs 
curieux  d'architecture  qu'amère  désillusion  :  de  près,  en  effet, 
sautent  aux  yeux  la  vacuité  de  la  composition  générale,  l'absence 
d'étude  des  profils  lourds  et  mous,  le  hors  d'échelle  de  l'orne- 
menlation  et  le  manque  de  goût  dans  le  choix  des  motifs. 

Nous  ne  comprenons  pas  que  l'architecte  se  soit  inspiré  des 
monuments  élevés  au  xvii"  siècle  par  Franquart  et  Coeberger, 
œuvres  de  pleine  décadence  et  pastiches  maladroits  des  églises 
du  Gésu  et  de  Saint-Ignace  à  Rome;  il  y  avait  mieux  à  faire  et, 
à  défaut  d'imitation  d'une  meilleure  période  de  la  Renaissance, 
nous  eussions  grandement  préféré  que  l'artiste  recherchât  des 
solutions  modernisantes,  telles  que  nous  les  montrent  les  œuvres 
de  Baltard  et  de  Vandremer  en  France,  de  Cuypers  en  Hollande 
et  de  Waierhouse  en  Angleterre. 


VART  MODERNE 


Analyserons-nous  par  le  menu  les  divers  éiémenis  de  celle 
façade?  A  quoi  bon?  Pas  n'esl  besoin  d'ôlre  ton  versé  en  science 
archileclurale  pour  api)récier,  comme  ils  le  mérilcnl,  les  frontons 
des  poi'les  aux  allures  d'épannelage  frusle,  les  vases  d'angle  de 
massivité  pompbak,  l'immense  cartouche  totalement  dépourvu 
d'inlérêl,  que  surmonte  un  ange  hydrocéphale,  les  llambeaux  et 
la  croix  si  piètrement  maintenus  par  de  misérables  tringles,  les 
cadrans  (oubliés  par  l'arcliilecte  !)  chevauchant  les  arcades  gémi- 
nées latérales,  etc..  Pileux  résultat  que  tout  cela  et  qui  ne  fait 
((n'augmenter  la  collection  de  monuments  ratés  de  notre  pays. 

Par  bonheur,  une  sève  de  rajeunissement  sourd  de  divers 
côtés  avec  la  génération  nouvelle  imbue  des  seuls  principes  de 
modernité  dans  l'Art,  et  bientôt  pourrons-nous  saluer  la  (in  de 
l'ère  néfaste  des  poncifards. 


THEATRE   LIBRE 

[Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne.) 

1.  M.  Georges  Ancey,  la  Dupe,  en  prose. —  2.  M.  Louis  Marsoleau, 
Son  petit  cœur,  en  vers. 

i.  Pour  les  cinq  actes  de  la  Dupe,  —  quatre  personnages  seu- 
lement et  un  unique  décor  :  et  ce  goût  de  netteté  et  de  concision 
se  manifeste  aussi  dans  le  style  du  dialogue... 

Le  sujet  : 

De  ri  au  II,  Albert  épouse  Adèle.  Elle  s'est  mariée  à  contre- 
cœur. Quelques  mois  passent  et  voici  (juc,  soudain  en  ferveur, 
elle  aime,  et  à  jamais,  son  mari.  Celui-ci,  qui  par  définition  est 
un  séduisant  félard  (qui  sait?  l'Intrépide  vide-bouteilles),  appa- 
raît malheureusement  au  spectateur  comme  une  simple  brute, 
une  brute  inintéressante.  Au  II,  il  la  trompe;  au  III,  la  ruine; 
au  IV,  la  botte  :  tout  cela  vraiment  sans  chic.  Mais  au  V,  Adèle 
xsl  seule,  —  humiliée,  mortellement  triste,  presque  pauvre. 
Arrive  Albert.  (La  Banque  l'a  congédié  dont  il  allégeait  la  caiste 
pour  une  demoiselle;  il  exerce  désormais  d'indécises  industries 
de  rues  et  de  champs  de  courses.)  Il  vient,  après  une  longue 
disparition,  quémander  quelque  argent,  et  certes  il  ne  pense  pas 
que  sa  femme  puisse  lui  dédier  mieux  qu'un  vague  mépris 
nuancé  d'apitoiement.  Sa  détresse  physique"  est  évidente.  Sa 
détresse  morale,  il  n'a  plus  la  force  de  la  farder,  et  c'est  le  môme 
homme  que  jadis,  —  vil,  mais  pas  plus  que  ses  frères  en  huma- 
nité :  et,  lui,  rédimé  par  la  propitiatoire  souffrance,  maintenant. 
Pour  la  première  fois,  il  est  juste  qu'Adèle  l'aime.  Entre  les  deux 
pauvres  êtres  s'échafaude  fragile,  timide,  un  projet  de  bonheur... 
Ce  cinquième  acte  émeut  comme  aux  dernières  pages  de  l'Edu- 
cation, la  rencontre  de  Dulaurier  et  de  Moreau,  et  sa  beauté  se 
propage  aux  autres  actes  et  les  justifie. 

Pour  dissuader  de  trop  croire  à  ces  histoires  en  somme  déplo- 
rables, M.  Ancey,  gentiment,  les  timbre  de  bouffonneries  qui,  ce 
rôle  utilitaire  rempli,  plaisent  encore  par  elles-mêmes,  —  si 
gaies!  car  elles  ne  sont  point  joviales,  —  M.  Antoine  fut,  ce 
soir-là,  le  haut  comédien  qu'il  est  parfois,  le  comédien  qui  sut 
incarner  Hjalmar  Ekdal  et  Akim. 

2.  Peut-être  le  vieil  Alexandrin  Théâtral  aurait-il  dû  profiter 
de  la  mort  de  de  Banville  pour  réintégrer  noblement  le  silence  : 
il  laissait  alors  le  souvenir  d'une  vie  bien  remplie,  et  la  recon- 
naissance de  plusieurs  eut  pèlerine  vers  son  hermilage.  Hélas,  il 
ne  sait  pas  —  tel  Concourt  et  Bismarck  —  se  résigner  :  il  est 
prêt  à  tous  les  levers  de  rideau  ;  il  rédigerait  des  prospectus  ;  et 


niéme  il  en  rédige.  Très  épris  de  formes  poétiques  plus  jeiines, 
|)lus  complexes,  plus  libres,  et  jaloux  de  le  discréditer  tout  h  fait, 
M.  Antoine  le  barbouille  de  rouge  et  de  plâtre,  le  pousse  en 
scène,  et  l'incite  à  niaiser  et  h  grimacer  :  il  y  a  dans  cette  poli- 
tique quelque  chose  de  perfide  qu'il  faut  ([u'on  blâme. 

F.   F. 


PUBLICATIONS  HACHETTE 

lue  noble  figure,  M.  Emile  Templier,  l'Ame  et  la  léte  de  la 
librairie  Haclieile,  pour  ses  grandes-  publications  d'histoire  et  de 
géographie,  n'est  plus.  Mais  la  tradition  de  ce  IVrme  et  doux 
esprit  survit  en  l'élan  admirable  qu'il  imprima  à  ses  créations  et 
([ui,  après  lui,  leur  assure,  pour  de  longues  périodes,  la  pléni- 
tude de  la  gloire  et  de  la  vie. 

Le  Tour  du  Moiidt:  compte  à  présent  37  ans  d'existence  :  c'est 
le  grand  magazine  géographique,  le  recueil  et  les  annales  de 
toutes  les  découveites  contemporaines.  L'un  apiès  l'autre,  les 
conquistadores,  les  Jason  découvreurs  d'îles  y  défilèrent  dans  le 
faste  et  l'émerveillement  des  coins  de  nature  que  leurs  récits 
mirent  au  jour.  A  travers  -400  relations  et  plus  de  18,000  gra- 
vures, c'est  la  Terre  qui  se  révèle  à  notre  curiosité  des  patries, 
c'est  tout  le  cosmos  connu  qui  des  Atlantiques  s'évoque  et  nous 
niilie  b  d'abscouces  et  surprenantes  humanités. 

Les  deux  volumes  actuels  nous  octroient  l'exploration  du  capi- 
taine Binger  dans  la  partie  de  l'Afrique  qui  constitue  le  Soudan 
français,  les  péripéties  du  voyage  de  M.  Bonvalot  et  du  prince 
Henri  d'Orléans  à  travers  les  hauts  plateaux  mystérieux  de  l'Asie 
centrale.  M.  Tridtjof  Nansen  nous  entraîne  aux  terres  glacées  du 
Groenland,  M.  Coiteau  aux  régions  de  l'Alaska,  M.  Zeys  en  celte 
imprévue  oasis  de  M'Zab  dissimulée  au  cœur  des  sables  saha- 
riens. Enfin,  avec  M"'«  Chantre,  ce  sont  les  séductions  de  l'Armé- 
nie ru>-se  qui  se  «  désexotisent  »  pour  nous  et  M.  S.  Vuillier, 
parmi  la  multiplicité  et  l'inédit  pittoresque  des  images,  nous 
visionne  une  Corse  et  une  Sardaigne  nullement  banales. 

Le  Journal  de  la  Jeunesse,  comme  le  Tour  du  Monde,  fut 
une  des  coastanles  préoccupations  d'Eriiile  Templier.  C'est  avec 
émotion  qut  ceux  qui  approchèrent  cet  homme  charmant,  cet 
admirable  réalisateur  de  pensées  et  de  bonnes  œuvres,  ont 
retrouvé,  en  tête  du  second  tome  de  l'année  1891,  son  loyal  et 
souriant  visage.  Dix-neuf  ans  déjà  ont  passé  sur  les  premières 
semailles  de  cette  bibliothèque  encyclopédique  ;  elle  a  fructifié 
depuis  en  moissons  généreuses,  conférant  abondamment  la  fleur 
et  le  froment  intellectuels.  Celle  fois  encore,  au  cours  des  deux 
semestres  réunis  en  volumes,  tous  les  genres  y  sont  manifestés  : 
contes,  nouvelles,  récits  d'aventures  et  de  voyages,  fantaisies 
humoriste?,  variétés  scientifiques,  etc.  De  graves  esprits,  comme 
M.  Maxime  Du  Camp,  ne  dédaignent  pas  d'y  écrire  :  on  lira  avec 
émotion  ces  attachants  récils  signés  de  son  nom,  le  Commandant 
Pamplemousse  et  Délie  de  jeu. 

La  librairie  Hachette  est  la  maison  d'élection  des  grandes 
publications;  elle  nous  figure  une  active  usine  littéraire  mue  par 
des  forces  puissantes  et  dévolue  à  la  dissémination  de  l'Idée  sous 
ses  plus  somptueux  aspects.  L'estampe,  la  vignette  documentaire 
et  artiste,  grâce  à  elle,  ont  acquis,  en  ses  splendeurs  d'édition, 
le  rôle  el  l'importance  d'une  collaboration  équivalente  au  texte. 
On  peut  en  juger  par  l'Histoire  de  France  de  M.  V.  Duruy  et  le 
caractère  de  l'illustration  de  ce  considérable  ouvrage,  à  la  fois 
décorative  et  renseignante,  et  qui,  à  chaque  page,  anime  et  rend 


i:art  moderne 


S(Misil)los,  par  un  clinix  df  gravures  omprunlf^os  aux  missols,  aux 
psautiers,  h  l'ancionne  icnnograpliio,  los  figures  cl  les  événomenis 
(lu  nV'ii.  De  relie  Histoire  ello-méme,  il  n'y  a  plus  rien  à  dire  : 
e'esl  l'ensenilile  des  enseigncmcnis  auxquels,  en  France,  s'est 
fornif^e  la  eonseience  historique  des  dernières  gc^néralions.  En 
allianl  les  mdiliodes  descriptive,  anecdotique  el  historique,  l'his- 
torien s'allache  ù  préciser  la  chronologie  des  faits,  le  souvenir 
des  personnages  mémorables,  les  conséquences  philosophiques 
el  sociales  au  point  de  vue  de  la  marche  de  la  civilisation. 

Le  même  procédé  d'illustration  justificative,  les  éditeurs  l'ap- 
))liqiient  h  In  Charité  en  France,  h  travers  les  siècles  de  M""*  de 
Witt,née  Guisot,  un  vrai  cours  dcmorale  en  action  où  c'est  comme 
le  portrait  de  l'Ame  el  sa  figure  matérielle  que  fait  se  lever  la 
patiente  élude  de  l'auteur.  On  le  retrouve  avec  non  moins  de 
lionheur  dans  la  Littéralure  française,  des  origines  nu  dix-liui- 
tième  siècle  di>  M.  Paul  Albert,  un  abondant  tableau  synoptique 
(le  l'idéal  d'une  race  el  que  des  porlrails  du  temps,  d'anecdo- 
liques  vignettes  avérant  les  mœurs  el  la  coutume  des  antérieures 
époques,  toute  une  mise  en  lumière  de  l'amc  cl  de  l'esprit  des 
aïeux  transposent  en  de  matérielles  et  immédiates  évidences. 

Un  autre  travail  de  synthèic  cl  de  restitution  bien  saisissante, 
c'est  V Habitaticn.  '"     \ine  de  MM.  Ch.  Garnier  et  Ammann.  Nuls 
documents  ni  chroniques  ne  s'égalent,  pour  la  rigoureuse  véracité, 
aux  modes  successifs  cl  aux   types  de  la  «  maison  »,  qu'elle  soi 
fixe  ou  nomade,  lente  ou  casbah,  palais  ou  chaiiminc. 

A  travers  leurs  variations  se  discernent  non  seulement  les 
formes  extérieures  des  civilisations,  mais  l'intimité  même,  des 
diverses  humanités  et  cette  histoire  de  la  famille  qui  tient  de  si 
près  à  l'abri  sous  lequel  elle  grandit  el  prolifère.  L'histoire  de 
l'habitation  n'est  donc  pas  autre  chose  que  l'histoire  réelle, 
vivante  des  mœurs  sociales  et  domestiques  régies  par  les  res- 
sources géologiques  el  les  besoins  généraux  de  la  vie  h  travers 
les  figes.  SIM.  Garnier  el  Ammann,  partant  de  ce  principe,  se 
sont  plu  à  reconstituer  en  de  minutieux  détails,  avec  une  rare 
sûreté  d'érudition,  toutes  les  formes  de  l'habitacle  humain  depuis 
l'ère  préhistorique  jusqu'aux  temps  modernes. 

La  firme  Hachette  propage,  en  outre,  un  lot  d'aimables  con- 
teurs depuis  longtemps  accoutumés  au  succès  el  que  l'immuable 
gratitude  de  leur  jeune  clientèle  n'est  pas  près  de  délaisser.  Ren- 
seignons les  Conquêtes  d  Hermine  de  M"""  Colomb,  la  Papillonne 
deM"'<'Z.  Fleiiriot,  les  Jumeaux  de  la  Dourzngue  de  M.  H.  Meyer, 
Une  poursuite  de  M"'«  de  Nanteuil,  In  Famille  Hamelin  par 
M''"  J.  Schutz.  C'est,  on  pourrait  le  îlire,  la  petite  classe  avant  les 
hautes  humanités,  la  littérature  préparatoire  aux  reliefs  savants 
de  noire  art  littéraire  actuel.  Mais  tout  n'y  est  pas  toujours  écrit 
d'un  style  bonne-femme,  el  quelques  rehauts  ci  el  là  valent  qu'ils 
soient  dignes  d'une  mention,  même  dans  un  recueil  qui,  comme 
celui-ci,  se  lourmentc  de  plus  ûpre  esthétique. 


y^CCUgÉ^     DE    RÉCEPTION 

Les  Charneux,  mieurs  wallonnes,  par  Georges  Garnir  (Bru- 
xelles, Lacomhlez).  —  De  Secte  der  Ldistcn  of  Antwerpsclie 
libertijncn,  door  JuMis  Frederichs  (Gand,  J.  Vuylsleke  et  La 
il.iye,  M.  NijtiolT).  —  Die  Littcratur  des  neumehnten  Jahrhun- 
(lerts  in  ihren  Hauptitrômungen  dnrgcstclU,  von  Georg  Brandes. 
Seclistcr  B;ind  :  das  Junge  Dc^utschland  (Leipzig,  Veil  et  C"").  — 
A   propos  des  Sceaux  et  des  Armes  de  la  ville  de  Thuin,  par 


Ed.  NiFFr.E-ANCiAUX  (Malincs,  L.  el  A.  Godenne).  —  Derniers 
accroissements  du  Musée  de  Namur.  La  section  du  Moyen-âge 
cl  de  la  Renaissance,  par  Ed."^iffi,e-Anciaux.  Premier  fascicule 
(Namur,  Ad.  Wesmael-Charlier).  —  Salon  de  la  Rose  f  Croix; 
règle  et  moniloire,  par  J.  Pei.adan  (Paris,  E.  Dentu).  —  Episodes, 
Sites  el  Sonnets,  par  Henri  de  Régnier;  nouvelle  édition  (Paris, 
L.  Vanicr).  —  Lassitudes,  par  I>ouis  DuMfR  (Paris,  Perrin  elC'*). 
—  Etude  de  jeune  fille,  comédie  en  3  actes,  par  Henry  Maubel 
(Bruxelles,  Lacomblez).  —  Les  apparus  dans  mes  chemins,  par 
Emile  Verhaeren  (Bruxelles,  Lacomblez).  —  Thulé  des  Brumes ,- 
par  Adolphe  Retté,  avec  portrait  à  l'eau-forle  par  E.  H.  Meyer 
(Paris,  Bibliothèque  artistique  el  littéraire). 


Petite  chroj^jique 


l'ne  exposition  des  œuvres  de  Henri  De  Braekeleer  s'est  ouverte 
le  jeudi  31  décembre  dernier  au  Cercle  artistique  de  Bruxelles. 
Elle  durera  deux  semaines. 


MM.  Pierre  Berton  et  Coquelin  viendront,  dans  le  courant  du 
mois,  donner  quelques  représentations  de  Thermidor  de  V.  Sardou 
au  Théâtre  de  la  Monnaie. 

La  première  séance  de  musique  de  chambre  pour  instruments 
à  vent  et  piano,  donnée  au  Conservatoire  par  MM.  Anlhoni, 
Guidé,  Poncelel,  Merck,  Neumans  et  De  Grcef,  aura  lieu  aujour- 
d'hui dimanche,  à  2  lieures,  avec  le  concours  de  MM.  Oscar 
Rossecls,  Heirwegb,  l>aourcux,  Enderlé,  Hans  et  Bousercz. 

Le  programme  comprend  un  quintette  de  Mozart,  les  Amours 
du  Poète  de  Schumann  et  une  Pastorale  chantés  par  M.  Rossecls, 
une  sonate  pour  violon,  exécutée  par  M.  Laoureux  et  un  oitetlo 
de  Hoffmann. 

S'adresser  pour  les  abonnements  chez  M.  Florent,  aile  droite 
de  l'établissement. 


La  Société  de  musique  de  Tournai  annonce  son  grand  concert 
annuel  pour  le  dimanche  24  janvier  procliain,à  7  heures  du  soir, 
dans  la  vaste  salle  de  la  Halle  aux  Draps.  Le  programme  de  celte  fête 
musicale  sera  entièrement  consacré  aux  œuvres  de  Peler  Benoit  : 

Fragments  de  Charlotte  Cordny,  une  scène  du  Schelde,  chantée 
par  M.  Henri  Fontaine,  Poème  symphonique  pour  piano  et 
orohostre  exécuté  par  M.  Arthur  De  Grcef,  lied  Mijn  Moeder- 
spraàk,  fragments  AwRhijn  el  h Rubeus- Cantate,  interprétée  par 
un  ensemble  de  500  exécutants. 


M.  Edouard  Dujardin  vient  de  quitter  Paris  pour  aller  passer 
l'hiver  dans  le  sud  de  l'Espagne  et  le  Maroc;  il  doit  y  achever 
une  nouvelle  tragédie  symboliste  pour  faire  suite  à  son  Antonia. 

M.  Vincenl  d'Indy  a  été,  le  i"  janvier,  nommé  chevalier  de  la 
Légion  d'honneur. 

Un  public  nombreux  assistait  à  la  distribution  des  prix  aux 
élèves  de  l'Académie  des  Beaux-Arts  cl  du  Conservatoire  de 
Mons. 

L'orchestre,  dirigé  par  M.  Jean  Van  den  Eeden,  directeur  du 
Conservatoire,  a  exécuté  avec  un  magnifique  ensemble  l'ouverture 
de  Rouslane  el  Ludmila ,  du  compositeur  russe  Glincka. 
Puis,  la  salle  a  frénétiquement  applaudi  l'ouvcrlurc  des  Maîtres 
Chanteurs,  enlevée  avec  une  maestria,  une  vigueur  et  un  respect 
du  texte  réellement  remarquables.  Cette  superbe  page  de  Wagner 
avait  été  fouillée  consciencieusement  el  le  résultat  obtenu* par 
les  musiciens  du  Conservatoire  a  été  en  tous  points  digne  des 
plus  sincères  éloges. 


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DOUZIÈME  ANNÉE 

*•  "  "iftA-Rl*  MÎOt)ÈRNte  s'est  acquis  par  l'autorité  et  rindépendance  de  sa  critiquo,  par  là  variété  do  ses 
tnfartttalîoïis  et  lôs  soins  donnés  à  sa  rédaction  une  place  prépondérante.  Aucune  manifestation'  de  1  Art  no 
lui  Vwt  étrangère  :  il  s'occupo  de  littérature,  de  peinturé,  do  sculpture,  dô  gravure,  de  musique, 
d^arcliitecture,  etc.  Consacré  principalenafent  au  mouvement  artistique  belge;  il  renseigne  néanmoins  ses 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artMitiflues  de  l'étranger  qu'il  importe  de  connaitre.  " 

Ghaquo  numéro  do  L'ART  MOPERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sirr  uno  question  artistique 
i^uj littéppire  dont  lévénement  de  la  semaine .  fournit  ractuallté-  Les  expositions,  les  livres  nouveaito),  les 
premiénes  représentations  d'isuvres  dramatiques  ou.  musicales,  les  conférences  littéraires,  les  concerts,  les 
ventes  d'objets  cTari,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniquç^  détaillées. 

.  Ir AP-T  MOD^ERNB   relate   aussi  la  législation   et   la  jurisprudence  artistiques.   Il  rend  compte  deis 

procès  les  plus  (ntéresSC^pits  conceiina,nt,  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangçr^;   Les 

r     «îtlstès  trouvent  toutes' les   seinainos   dans   son  MementQ   la,   nomenclature  complète   des   expositions   et 

^"vCOhcpurs   auxquels  ils  peuvent  prendre' part,   en   Belgique  et  à  l'étranger.  11  est  envoyé  gratuitement  à 

'i^'«i!t^r^^*^-H*p" •  M Oihlfe'ttTtflB  forme  chaque  année  un  beau  et  fort  volume  d'environ  450  pages,  avec  table 
des.^matières.  Il  constitue  pour  l'histoire  de  l'Art  le  document  LE  PLUS  COMPLET  et  le  recueil  LE  PLUS 
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Camille. SainUSaëns,  Liszt,  Richard  Wagner,  Rubinstcin,  Joa- 
chitntWfl'helinjyEd.  Grieg,  Ole  Bull,  A,  Essipoff,  Sofie  Mander, 
jDésirée  À*'tôti  Pauline  Liucça,  Pablo  de  Sarasate,  Ferd.  Hiller,  D. 
£cgfp^,  sir  F.  Benedict,  LescKetitzky,  Napratnik,  Joh.  Sehner,  Joh. 
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Douzième  année.  —  N"  2. 


Le  numéro  :  26  centimes. 


Dimanche  JO  Janvier  1892. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  «  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Émilb  VERHAEREN 


Abonnements  :    Belgique,   un   an,    fr.   10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —  ANNONCES   :    On   traite  à  forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  l^Art  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


L'knquête.  —  L'Aht  chez  le  peuple.  —  A  propos  des  primitifs 
ITALIENS.  —  Exposition  du  «  Vùorwaahts  «.  —  Les  six  derniers 

MOIS.  —  A   LA   BERGÈRE.    —  Le  DRAME  LYRIQUE  A  AnVERS.  —  LiVRES 
ET    BROCHURES.   —  CHRONIQUE  JUDICIAIRE   DES   ARTS.  —  MeMENTO  DES 

EXPOSITIONS.  —  Petite  chhonique. 


L'ENQUETE 

M.  Slingeneyer  a  prononcé  à  la  Chambre,  dans  la 
séance  du  23  décembre  dernier,  un  discours  auquel 
nous  applaudissons  sincèrement.  Il  y  reconnaît  la  grande 
place  qui  revient  à  l'Art  dans  l'œuvre  de  la  civilisation 
et  dans  l'éducation  d'un  peuple. 

Malheureusement,  dit-il,  «  en  jetant  un  regard  en 
«  arrière  et  en  consultant  les  résultats  obtenus,  j'arrive 
"  à  cette  conclusion,  que  le  rôle  des  Beaux-arts,  comme 
"  facteurs  de  progrès,  n'est  pas  encore  compris  à  sa 
«  juste  valeur  dans  notre  pays. 

«  On  ne  peut  nier  l'action  prépondérante  et  même 
"  omnipotente  des  arts  et  l'on  peut  soutenir  cette  vérité 
"  qu'en  soutenant  l'Art,  l'État  travaille  sûrement  et 
"  efficacement  aux  progrès  de  l'industrie.  " 

Le  gouvernement,  continue-t-il,  a  montré  son  bon 
vouloir  et  a  pris  de  bonnes  mesures  :  l'organisation 


du  dessin  obligatoire  dans  nos  écoles,  rallocation 
annuelle  d'une  somme  de  100,000  francs,  à  titre  supplé- 
mentaire, pour  la  conservation  de  nos  monuments 
artistiques,  l'installation  de  trois  musées  remarquables 
à  l'ancienne  place  des  Manœuvres. 

Enfin,  il  parle  du  projet  de  M.  le  ministre  de  Burlèt 
de  mettre  prochainement  au  concours  la  rédaction 
d'un  ouvrage  relatif  à  l'histoire  générale  de  l'activité 
scientifique,  artistique  et  littéraire  en  Belgique. 

Mais  il  faut  faire  plus  encore. 

Notre  insouciance  nous  exclut  de  la  lutte  qui  existe 
aujourd'hui  entre  toutes  les  nations  intelligentes  de 
l'Europe  pour  la  protection  de  leur  industrie. 

"  Alors  que  ces  nations  veulent  revenir  aux  saines 
"  traditions  d'une  renaissance  artistique  et  industrielle 
"  du  caractère  national,  nous,  qui  avons  été  leurs  maîtres 
«  et  leurs  éducateurs  pendant  plusieurs  siècles,  nous 
"  sommes  menacés  de  tomber  à  une  infériorité  qui  nous 
"  oblige  à  aller  prendre  exemple  chez  eux,  pour  des 
«  choses  que  nos  pères  leur  avaient  apprises. 

-  Si  nous  voulons  que  nos  objets  d'art  exercent  la 
"  même  séduction  et  produisent  la  même  fascination 
"  sur  les  étrangers  qu'autrefois,  nous  devons  revenir 
«  aux  traditions  artistiques  nationales.  Cet  esprit,  c'est 
«  le  nôtre,  c'est  l'âme  du  pays.  " 

A  son  avis,  il  y  a  lieu,  entre  autres,  de  compléter 
l'Administration  des  beaux-arts  par  une  section  d'art 


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industriel,  à  l'exemple  de  ce  qui  existe  dans  les  autres 
pays.  Et  que  d'autres  mesures  à  prendre  ! 

La  nomination  d'un  nouveau  Directeur  général  des 
beaux-arts,  des  sciences  et  des  lettres  amènera  peut- 
être  une  réorganisation  de  cette  administration. 

Il  insiste,  en  terminant,  auprès  du  gouvernement 
pour  qu'il  se  préoccupe  des  questions  qu'il  vient  de 
rappeler. 

«  L'argent  dépensé  pour  mettre  dans  le  cerveau  de 
«  nos  artisans  et  de  nos  ouvriers  des  notions  artistiques 
«  ne  sera  jamais  qu'une  simple  avance  de  fonds  qui 
"  rentrera  avec  usure  dans  les  caisses  du  pays,  par  les 
«  succès  obtenus  sur  les  divers  marchés  du  monde. 
«  Nous  avons  eu  pendant  des  siècles  une  situation 
.„  «'  prépondérante  ;  il  s'agit  de  la  reconquérir  :  c'est  le 
«  problème  qu'il  faut  résoudre.  » 

Parlant  alors  de  la  longue  polémique  que  nous  avons 
entreprise  contre  la  Commission  des  musées  et  des 
nombreux  reproches  que  nous  avons  dft  lui  adresser, 
l'honorable  député  est  d'avis  qu'il  y  a  lieu  de  faire  une 
ENQUÊTE  régulière  et  de  la  confier  à  des  gens  étrangers  à 
ladite  commission. 

.  Si  des  réformes  sont  à  accomplir,  —ce  qu'une  enquête 
pourra  révéler,  —  il  sera  des  premiers  à  les  réclamer 
et  à  les  défendre.  ' 

M.  le  ministre  de  Burlet  remercie  M.  Slingeneyer 
d'avoir  constaté  que  la  discussion  de  l'an  dernier  n'a 
pas  été  sans  fruits.  Certaines  résolutions  qu'il  avait 
annoncées  ont  passé  à  l'état  d'exécution  et  il  était 
difficile  de  faire  plus,  eu  égard  au  peu  de  temps  qui  s'est 
écoulé  depuis  les  derniers  débats  et  la  perte  de 
M.  Rousseau. 

La  réorganisation  de  la  Direction  des  beaux-arts  le 
préoccupe  ajuste  titre,  mais  la  question  est  fort  com- 
plexe et  ne  peut  être  résolue  précipitamment.  Ce  n'est 
pas,  en  effet,  la  Direction  générale  de  la  peinture  seule 
qui  est  vacante  :  c'est  la  Direction  des  beaux-arts,  des 
sciences  et  des  lettres. 

Quant  à  la  question  de  l'enquête,  il  est  absolument 
d'accord  avec  M.  Slingeneyer  et  aussitôt  la  Direction 
des  beaux-arts  réorganisée,  celle-ci  aura  à  s'occuper  de 
la  question,  de  commun  accord  avec  le  ministre. 
.  Répondant  à  M.  Woeste  qui  avait  appelé  l'attention 
"^Ir  gouvernement  sur  la  question  de  savoir  s'il  est 
opportun  de  maintenir  les  expositions  triennales,  M.  de 
Burlet  fait  remarquer  que  le  Salon  de  Bruxelles  est 
seul  organisé  par  le  gouvernement.  A  son  avis,  ce  qui 
fait  tort  aux  expositions  triennales,  c'est  le  grand 
nombre  d'expositions  particulières. 

«  Nous  avons  à  Bruxelles,  en  ce  moment,  outre 
"  l'Exposition  des  aquarellistes,  la  remarquable  Expo- 
"  sition  de  l'œuvre  de  Constantin  Meunier,  sculpteur, 
«  peintre,  aquarelliste,..  En  outre,  les  expositions  par- 
»  ticulières  se  succèdent  au  Cercle  artistique  et  litté- 


"  raire.  On  y  voit  se  produire,  sous  tous  leurs  aspects, 
"  l'œuvre  de  nombreux  artistes  de  mérite.  Cela  est  de 
"  nature,  encore  une  fois,  à  diminuer  l'importance 
«  des  expositions  triennales  et  même  à  rendre  l'utilité 
«  et  l'opportunité  de  celles-ci  contestables.  - 

Nous  sommes  heureux  de  voir  l'intérêt  que  porte 
aux  choses  de  l'art,  si  décriées  dans  notre  pays,  M.  Slin- 
geneyer et  de  constater  que  le  gouvernement  lui  prête 
un  énergique  appui. 

La  présence  de  M.  Slingeneyer  à  la  Chambre,  nous 
l'avons  déjà  dit,  a  été  une  fort  bpnne  chose  pour  les 
intérêts  artistiques  du  pays  et  celle  de  M.  de  Burlet 
au  ministère  nous  a  permis  d'espérer  que  le  gouverne- 
ment commencerait  à  se  montrer  plus  favorable  aux 
arts  qu'il  ne  l'avait  été  jusqu'alors.  Nos  vœux  ont  déjà 
eu  un  commencement  de  réalisation  et  nous  comptons 
bien  voir  le  gouvernement  persévérer  dans  cette  voie. 

Une  proposition  qui  nous  a  été  fort  agréable  aussi, 
c'est  celle  de  la  commission  d'enquête,  surtout  com- 
posée de  la  façon  dont  M  Slingeneyer  le  propose.  Il  n'ap- 
partient pas,  en  effet,  à  la  Commission  à  laquelle  nous 
avons  tant  à  reprocher  de  diriger  elle-même  une 
enquête  qui  n'eût  pas  manqué  d'aboutir  à  son  absolution 
complète.  Il  faut  que  tous  les  griefs  que  nous  avons 
formulés  soient  examinés  de  près  et  point  par  point 
par  des  personnes  indépendantes  qui  ne  soient  point 
partie  en  cause.  C'est  là  seulement  que  l'on  trouvera 
toutes  garanties  d'impartialité. 

Nous  félicitons  M.  Slingeneyer  de  l'attitude  qu'il  a 
prise.  Si  des  réformes  sont  à  accomplir,  ce  qui  n'est  pas 
douteux,  nous  tenons  bonne  note  de  sa  promesse  d'être 
le  premier  à  les  réclamer  et  à  les  défendre. 

M.  de  Burlet  nous  promet  de  s'occuper  de  la 
question  aussitôt  que  la  Direction  des  beaux-arts  sera 
réorganisée;  nous  avons  foi  dans  sa  promesse  et  nous 
n'en  attendions  pas  moins  de  lui.  Le  temps  n'est  rien  et 
le  retard  ne  sera  d'ailleurs  pas  grand.  L'important  pour 
nous  est  de  constater  que  notre  campagne  vigoureuse  a 
abouti  et  que  ce  n'est  pas  en  vain  que  nous  avons 
bataillé  au  nom  des  intérêts  de  l'Art, 


L'ART  CHEZ  LE  PEUPLE 

La  doiixièmc  scancede  la  SecUon  d'An  (1)  a  décidément  permis 
de  considérei  ravenlurcuse  inilialivc  des  ailislesallaiU  aux  masses 
ouvrières,  comme  digne  de  la  plus  scncusc  disLiission.  .AUeiitioii 
soutenue  du  public  pendant  plus  de  deux  heures  et  demie,  de  ce 
public  venu  là,  après  sa  journée  de  travail  el  privé  de  la  bière  et 
delà  pipe  traditionnelles;  signes  non  équivoques  do  compréhen- 
sion aux  passages  les  plus  caractérisli(jui's  de  la  conférence  ou 
des  lectures;  sympathie  respeclueu.se  de  i'auditou'e  pour  les  tra- 
vailleurs de  la  pensée  ;  autant  de  faits  ([ui  ont  donné  la  foi  aux 
plus  sceptiques. 

(1)  Voir  le  compte  rendu  dan.s  notre  numéro  du  .Tl  déccml)ro. 


L'œuvre  de  l'éducalion  arlislique  du  peuple  s'impose  désor- 
mais comme  possible,  comme  immédialcmenl  réalisable. 

Voilà  de  quoi  changer  la  posilion  de  tous  les  problèmes 
d'cslhélique  el  de  leur  assurer  une  solution  aussi  cerlaine  que 
le  permet  la  méthode  expérimentale.  Car  il  s'agit  d'une  vraie 
collaboration,  d'une  sorte  d'enseignement  mutuel.  L'artisie 
n'aura  pas  moins  h  apprendre  de  la  fréquentation  d'auditoires 
ouvriers,  que  ceux-ci  de  l'atlcnlion  qu'ils  prêteront  aux  artistes. 

Qu'on  ail  compris,  c'est  indiscutable.  Qu'on  ait  tout  compris 
el  qu'on  ail  exactement  compris,  certainement  non.  Mais  qu'im- 
porte? Il  y  a  eu  sympathie  pour  les  œuvres  de  haute  envolée  el 
c'esl  là  l'essenliel.  Ce  public,  du  fond  des  cénacles  assemblés 
dans  les  chambres  calfeutrées  cl  défendues  contre  l'enlrée  de 
l'atmosphère  extérieure,  on  s'était  cru  autorisé  à  le  proclamer 
incapable  de  s'élever  au-dessus  de  la  compréhension  de  faits 
immédiatement  utiles,  de  données  exclusivement  positives  el  con- 
crètes, incapable  do  s'intéresser  k  ce  qui  n'entre  pas  dans  la 
sphère  des  intérêts  matériels.  Et  voilà  qu'il  se  révèle,  au  contraire, 
avec  une  âme  foncièrement  artiste,  se  laissant  séduire  par  le 
charme  caché  d'un  conte,  par  la  magie  de  certains  mots  adéquats, 
émouvoir  par  le  récit  coloré  de  la  vie  de  ses  ancêtres  des 
métiers.  Quand,  sans  bien  connaître  la  langue  d'un  pays,  nous 
n'hésilons  pas  pourtant,  au  cours  de  nos  voyages,  à  assister  aux 
représentations  données  par  les  Ihéûtres  nationaux,  n'obéissions- 
nous  pas  aussi  à  un  besoin  d'arl  que  nous  disons  satisfait  alors 
même  que  le  sens  des  trois  quarts  des  mot*  nous  a  échappé?  Il 
y  a  ce  que  l'on  comprend  el  ce  que  l'on  devine.  El  par  là  surtout 
se  caractérise  l'art,  qu'il  n'exige  pas  la  précision  de  la  science,  el 
qu'il  vaut  souvent  plus  par  ce  que  nous  ajoutons  arbitrairement 
à  un  thème  donné  que  par  notre  docilité  à  suivre  sans  écart  le 
labyrinthe  des  développements  de  l'artiste. 

L'impression  esthétique,  voilà  ce  qui  domine  tout. 

Nous  pouvons  difficilement  nous  figurer  d'ailleurs  l'élonnanl 
effet  sur  une  nature  fruste  de  la  plus  petite  idée  bien  comprise 
ou  de  la  moindre  image  bien  saisie. 

Nous  sommes,  nous,  des  richards  en  idée.  Noire  atmosphère 
ambiante  en  est  déjà  surchargée.  Puis  nous  avons  la  grande 
ressource  dej^ivres,  ce  réservoir  des  idées,  de  tous  les  temps,  de 
tous  les  génies  nationaux.  Aussi  les  idées  et  les  formes  ne  fonl- 
ellcs  que  nous  amuser  un  moment  el  rapidement  elles  cèdent  la 
place  à  d'autres,  el  passent  comme  en  un  vrai  gaspillage  :  nous 
ne  craignons  pas  la  disette.  Mais  chez  ces  pauvres  d'idées,  mais 
non  pauvres  d'esprils,  soupçonnons-nous  combien  choyé  un 
aperçu  nouveau,  une  comparaison  qu'on  a  applaudie,  un  conte 
fantastique  ou  réel  qui  vient  varier  le  répertoire  appris  depuis 
l'école? 

Il  ne  faut  pas  que  l'observation  se  borne  à  être  toute  exté- 
rieure au  sujet  de  l'expérience  qui  se  poursuit  à  la  Maison  du 
Peuple.  Nous  devons  savoir  mainienanl  ce  qui  se  passe  dans  les 
cerveaux  de  ces  simples,  quand  nous  k-ur  apportons  le  pain  de 
l'esprit,  il  serait  bon  que  leurs  chefs  les  fassent  causer  el  raconter 
leurs  impressions.  El  qu'ils  vinssent  ensuite  les  redire  aux  artistes. 
Car,  répétons-lo,  il  s'agit  avant  loul  en  l'espèce  d'une  collabora- 
lion. 

.Autre  mission  encore  de  certains  chefs  :  compléter  par  des 
conversations  particulières  l'œuvre  des  séances  el  expliquer  les 
contradictions  apparentes  entre  les  enseignements  de  l'an  el  ceux 
qu'ils  ont  reçus  d'ailleurs.  Nous  nous  demandions,  en  effet,  lors 
de  la  dernière  réunion,  quel  singulier  trouble  devaient  jeter  dans 


un  esprit  bien  équilibré,  mais  de  peu  de  culture,  des  concep- 
tions poétiques,  toutes  de  symbole  et  de  fiction,  alors  que  la 
matière  de  ces  symboles  est  encore  si  vivante  et  cru  réelle  par 
beaucoup.  Enlre  le  miracle,  objet  de  discussions  philosophiques 
religieuses,  el  le  miracle  envisagé  comme  touchante  el  Ijelle 
légende,  digne  d'émouvoir  un  poète  el  de  servir  de  irame  à  ses 
censées,  il  y  a  une  distinction  profonde,  mais  subtile  à  saisir... 
La  question  que  nous  aurions  envie  de  poser  ici  regarde  moins 
l'art  que  le  développement  intellectuel  du  peuple.  Bornons-nous 
à  l'indiquçr  el  à  l'adresser  à  qui  de  droit. 


A  PROPOS  DES  PRIMITIFS  ITALIENS 

CORRESPONDANCE. 

Monsieur  le  Directeur  de  l'Art  Moderne. 

Moi  aussi,  j'ai  été  vivement  frappé  de  l'analogie  très  grande  que 
présente  l'œuvre  de  la  National  Gallery,  obligeamment  signalée 
par  M.  A.  W.  (1),  avec  les  fresques  de Castiglione  ;  et,  à  première  vue, 
j'avais  cru  à  une  redite  affaiblie,  mais  très  remarquable  de  la 
Légende  de  Saint-Jean  de  Masolino.  Seulement,  si  l'on  consulte 
le  catalogue,  guide  érudit  et  sûr,  on  découvre  que  ce  tableau, 
provenants  d'une  abbaye  du  Casertin,  fut  peint  en  1.387  pour  un 
certain  Filippo  Neroni.  Or,  Masolino  est  né  en  4383.  Quant  à 
Taddeo  Gaddi,  il  était  mort,  lui,  depuis  1366. 

Impossibilité  donc  d'attribuer  à  l'un  ou  l'autre  de  ces  maîtres 
l'œuvre  notable  de  la  National  Gallery.  Son  aulcur  fut  sans  doute 
un  de  ces  vaillants  artistes  méconnus  par  la  gloire  dont  l'efforl 
anonyme  rend  celle  époque  si  intéressante. 

Il  semble  donc  que  Masolino  ait  copié  son  précurseur  inconnu. 
La  chose  est  possible  el  ne  diminue  point  son  mérite.  Il  eut  à 
son  lour  l'honneur  d'êlre  copié  par  Piero  délia  Francesca  {Bap- 
tême du  Ckrist)  et  par  Michel-Ange  (canon  de  la  Guerre  de  Pise), 
ce  qui  nous  amène  à  conclure  que  les  artistes  d'alors  ne  pensaient 
pas  du  loul  comme  nous  au  sujet  de  ces  emprunts.  Les  preuves 
en  sont  nombreuses  :  l'une  des  plus  frappantes  est  la  copie  à  peu 
près  servileque  le  plus  fécond  décorateur  du  XV"  siècle,  l'in-iom- 
parable  évocaleur  du  cortège  des  Rois  Mages  de  la  chapelle  Ric- 
cordi  :  Benozzo  Gozzoli,  fil  de  l'Adoration  des  Rois  de  Genlilc  Ja 
Fabriano  au  Campo  Sanlo  de  Pise.  —  Psychologie  spéciale,  à 
débrouiller. 

Bien  à  vous, 
Jui.Es  Destrée. 


Exposition  du  «  Voorwaarts  » 

Le  Voorwaarts,  rallié  aux  coulumes  exhibitionnistes  des  XX: 
groupement  des  œuvres  par  panneaux,  toiles  d'invilés  allernanl 
avec  l'envoi  des  membres,  etc.,  offre  au  public  un  Salonnel  de 
bonne  tenue  et  de  réel  intérêt,  supérieur,  dans  son  ensemble,  à 
ses  précédentes  expositions. 

Parmi  les  invités,  M.  Verhaeren  se  distingue  par  l'éclat  d'un 
coloris  qui  se  hausse  aux  harmonies  sonores  de  De  Braekeloer. 
In  suggestif  effet  de  lumière  el  la  Récolte  du  lin  affirment  l'obser- 
vation scrupuleuse  et  la  conscience  arlislique  d'Emile  Claus.  Une 
nature  morte  du  Hollandais  Kamerlingh  évoque  le  souvenir  des 

(i)  Voir  noire  dernier  numéro. 


12 


L'ART  MODERNE 


Floris  Versler,  aperçus  l'an  dernier  au  Salon  des  XX.  Un  paysage 
de  Pointelin,  un  Heymans  frais  el  une  agréable  petite  figure  de 
M.  Gari  Melchers  complètent  le  cycle,  assez  restreint,  des  envois 
étrangers.  Nous  prisons  peu  l'art  praliné  de  M.  Gagliardini  :  sa 
Provence  est  irop  de  Monlélimar,  patrie  du  nougat,  et  quant  au 
portrait  exposé  par  M.  Vanaise,  il  est  neltcment  mauvais. 

Les  membres  du  Cercle,  en  progrès  sérieux,  alignent  un  con- 
tingent important  de  tableaux  et  d'études.  Les  plus  dignes 
d'attention  sont  les  paysages  de  MM.  Van  Doren  (à  citer  particu- 
lièrement le  n<>  !?,  Clair  matin  d'automne),  Hoorickx,  Del- 
gouffre,  etc.;  les  dessins  de  RI.  Colmanl,  spécialement  une  élude 
de  vieille,  pleine  de  caraclôre;  les  toiles  de  M.  Dlieck;  le  portrait 
d'enfant  de  M.  Du  Jardin,  à  qui  l'on  pourrait  reprocher  une  hantise 
des  .œuvres  de  Fernand  Klinopff;  les  sculptures  de  M.  Auguste 
Puttemans,  dont  la  grande  figure  O  nuit  !  exposée  en  plâtre  au 
Salon^e  Bruxelles,  aclueliement  présentée  sous  sa  forme  défini- 
tive, est  réellement  un  bon  morceau. 

M.  Middeleer  affirme  des  tendances  littéraires.  Il  compose  de 
grandes  toiles  d'iniérél  conleslabic  et  de  couleur  vide  et  terne.  Nous 
n'aimons  guère  ses  Fleurs  du  mal,  qui  évoquent  le  souvenir  des 
toiles  appendues  aux  cabinets  des  magiciens,  sur  les  champs  de 
foire,  el  si  son  saint  Julien  est  suffisamment  lépreux  el  repous- 
sant, le  jeune  homme  qui  l'élreint,  les  anges  qui  assistent  à  la 
scène,  sont  d'une  navrante  banalité. 

Nous  avons  gardé  pour  la  fin  les  deux  artistes  les  plus  inléres- 
sanls  du  groupe,  ceux  qui,  certes,  dominent  tous  les  autres  el 
apportent  au  Salon  du  Voorwaarts  une  note  personnelle  : 
MM.  Gilsoul  et  Laermans. 

Nous  les  avons  mis  en  vedette  l'un  et  l'autre  l'an  passé.  Leur 
actuelle  exposition  est  de  celles  qui  forcent  l'attention.  Il  y  a  dans 
les  effets  de  nuit  du  premier, obtenus  par  les  anciens  procédés  de 
peinture,  une  poésie  intense  décelant  un  tempérament  artislique 
très  particulier.  Dans  la  grande  toile  qui  montre  un  des  bassins 
de  Bruxelles  assoupi  dans  les  ombres  nocturnes,  la  lointaine  illu- 
minalion  des  quais,  les  fuyantes  lueurs  qui  éclairent  les  ruelles, 
le  calme  des  eaux,  la  limpidité  du  ciel  sont  exprimés  avec  une 
pénétrante  émotion.  Le  Canal  aux  anguilles,  la  Courbe  attestent, 
de  môme,  une  vision  personnelle  et  de  maîtresses  qualités  de 
peintre.  M.  Gilsoul  est,  inconleslablement,  l'un  des  jeunes  qui 
marquera. 

Eugène  Laermans  est  la  plus  nette  personnalité  du  Cercle 
Voorwaarts.  Vision  nouvelle  ;  recherches  spéciales  de  couleur, 
certes,  pas  toujours  heureuses;  plutôt  dessinateur  que  peintre; 
préoccupé  à  tel  point  du  caractère  qu'il  aboutit,  audacieusement, 
parfois  à  la  caricature  ;  tendance  à  voir  les  choses  par  masses  et 
par  blocs;  ligniste  scrupuleux,  attentif,  sincère;  déformateur 
violent  du  type  reçu,  soit  classique,  soit  romantique,  soit  natu- 
raliste, du  paysan  ;  travailleur  unique,  le  dos  tourné  aux  voisins, 
commesi  personne  n'existait  à  côté  de  lui.  Quelqu'un. 

Les  magots,  ceux  que  voulait  remiser  dans  les  greniers  do 
Versailles  le  bon  goût  de  Louis  XIV,  les  voici.  Assurément  très 
éloignés  de  ceux  deTeniers,  aussi  des  rustiques  des  frères  Lenain, 
encore  des  farouches  et  mystiques  bergers  de  Millet,  enfin  de  tous 
les  types  réalistes,  dont  Bastien  Lepage  et  ses  continuateurs  ont 
fait  orner  les  blouses  et  les  sarraux  par  les  médailles  officielles, 
aux  divers  Salons  des  Champs  de  Mars  et  Elysées.  Si  M.  Laermans 
rappelle  un  maître,  ce  serailTancienCamille  Pissarro,  celui  qui  fit, 
alors  qu'il  ne  pointillail  pas  encore,  tels  marchés  et  tels  coins  de 
halle  de  Rouen  el  de  Paris  où  de  formidables  rustauds  et  rustaudes 


arrondissent  des  croupes,  des  dos  et  des  ventres  kilogram- 
matiques.  Seulement,  de  tels  pastels  et  lavis  doivent  être  tota- 
lement ignorés  parle  voorwaartsisle 

En  son  tryptique  :  Préludes,  Plain-chant,  les  Harmonies  du 
Silence,  et  en  ses  Politiques  de  Village,  il  apparaît  indubitable- 
ment original.  On  sent  qu'il  a  vécu  au  village,  ou  jdutôt  dans  le 
hameau,  qu'il  y  connaît  le  maçon  auquel  on  doîn^n  sobriquet 
à  cause  de  sa  taille  invraisemblable,  le  tueur  de  cochons  qui 
semble  de  suif  et  de  saindoux  comme  les  bélcs  qu'il  abat,  le  gamin 
qui  ramasse  le  crottin  sur  les  routes,  le  petit  mendiant  hâve  qui 
vole  les  poules,  la  commère  du  cabaret  A  la  Barrière,  la  grosse 
fermière  dont  les  lélons  massifs  chargent  le  ventre,  le  conseiller 
communal,  en  culotte  rapiécée,  en  camisole  déteinte,  qui  va  au 
Conseil  fumant  sa  pipe  et  délibère  les  sabots  gluants  dans  la  mare 
de  crachats  qu'avant  la  fin  de  la  séance  il  a  thésaurisé  comme  des 
pièces  de  cent  sous. 

Toute  la  vie  pataude,  la  vraie,  l'affamée  ou  l'engraissée,  celle 
qui  digère,  celle  qui  souffre,  celle  qui  ahane,  celle  qui  finaude, 
celle  qui  déblatère,  celle  qui  écoute  et  se  lait  prudemment,  celle 
qui  paît  l'exislence,  celle  qui  la  traîne  bâtée  par  ses  mysticismes 
et  ses  croyances,  se  retrouve  en  les  quatre  numéros  précités. 
C'est  surtout  déformés  par  leurs  travaux  et  par  leurs  vêlements 
que  les  paysans  se  présentent  à  M.  Laermans.  Mains,  pieds,  bras, 
jambes,  dos,  tôles,  ventres,  cous,  inclinaisons  du  corps,  voùte- 
tements  ou  redressements- sont  étudiés.  En  ce  sens  tous  ses  types 
sont  des  bêtes  de  somme.  Mais  aussi,  de  par  leurs  pantalons  trop 
larges  ou  trop  courts,  de  par  leurs  vêtements  empilés  les  uns  sur 
les  autres,  ou  pendus  au  long  des  tibias  et  des  échines  comme  des 
linges  qui  sèchent  à  un  piquet,  de  parleurs  défroques  portées  de 
père  en  fils,  de  par  leurs  gilcls  taillés  dans  les  jupons  usés  de 
leurs  femmes,  de  par  toute  leur  guenille,  ils  réalisent  des  ensem- 
bles de  coudes,  de  moignons,  de  raccourcis  et  de  bosses,  qui  les 
classent  dans  la  catégorie  des  marchandises  :  sacs,  paquets,  colis, 
ballots. 

■  Or,  ces  aspects  divers,  souvent  grotesques,  quelquefois  curieux, 
n'ont  jamais  été  aussi  continûment  el  aussi  fidèlement  mis  eu 
relief. 

Terminons,  en  indiquant  la  teinte  de  mélancolie  qui  plane  sur 
toutes  ces  scènes  el  qui  rattache  M.  Laermans  noueusemont  et 
solidement  à  sa  race. 


LES  SIX  DERNIERS  MOIS 

Les  six  derniers  mois  littéraires  de  la  Belgique  ont  été  peut- 
être  les  plus  vivants  et  les  plus  prospères  depuis  l'aurore  de  noire 
Renaissance  des  lettres.  Un  coup  d'œil  sur  les  livres  parus,  sur 
les  revues,  sur  les  polémiques  suffît  à  le  démontrer.  Jamais  vie 
aussi  intense  ne  s'est  manifestée. 

Voici  les  livres  publiés  au  cours  de  ce  dernier  semestre  ; 

Henri  Nizet.  —  Suggestion. 

Hubert  Krains.  —  Les  Bons  Parents. 

Frantz  Mahutte.  —  Bruxelles  Vivant. 

P. -M.  Olin.  —  Des  Visions. 

Albert  Mockel.  — Chante-lable  un  peu  naïve. 

Jules  Destrée.  —  Journal  des  Destrée. 

Albert  Giraui).  —  Pierrot  Narcisse  (réimpression). 

Eugène  Demolder.  —  Les  Contes  d' Yperdamme. 

Maurice  Maeterlinck.  —  Les  Sept  Princesses. 

Emile  Verhaeren.  —  Les  Apparus  dans  mes  chemins. 


L'ART  MODERNE 


13 


Maurice  Desombiaux.  —  Vers  de  l'Espoir 

Georges  Garnir.  —  Les  Charnetix. 

Henry  Maubel.  —  Elude  de  Jeune  Fille. 

Camille  Lemonniek.  —  Les  Jouets  vivants. 

Ajoutez  à  cela  que  Gustave  Kahn  a  fait  paraître  k  Bruxelles 
ses  Chansons  d'Amant  et  Stéphane  Mallarmé  ses  Pages,  l'un 
chez  Lacomblez,  l'autre  chez  Deman. 

Ajoutez  encore  qu'on  annonce  pour  bientôt  le  Cycle  Patibu- 
laire et  la  Nouvelle  Carthage  (Odilion  définitive)  de  Georges 
Eekhoud,  les  Récits  de  Nazareth  d'Eugène  Demolder,  le  Livre 
d'Images  de  Gustave  Kalin  el,  chez  Deman,  l'apparition  d'une 
très  artistique  publication  où  collaboreront  MM.  Lcmonnier, 
J.-K.  Huysmans,  Kahn,  Mallarmé,  Picard,  Verhaeren,  Demolder, 
Octave  Maus,  Eekhoud  et  Gilkin. 

La  Société  nouvelle  et  la  Jeune  Belgique  ont  été,  ces  derniers 
temps,  des  plus  vivantes  et  des  plus  belles  et  les  polémiques, 
tant  contre  les  Commissions  des  beaux  arts  que  contre  de  vieux 
chroniqueurs  jaloux  ont  eu  du  retentissement.  Les  incidents 
Maeterlinck,  Eekhoud,  Picard,  Giraud,  d'un  côté,  les  interpella- 
lions  à  la  Chambre  de  l'autre,  sont  des  indices  d'une  intense 
vitalité. 

Les  interviews  que  fait  M.  de  Wattine  (il  y  a  quelque  douze 
ans,  il  lui  eût  été  difficile  de  s'adresser  à  plus  de  trois  ou  quatre 
littérateurs)  sont  également  des  signes  non  contestables  d'un 
mouvement  sérieux  et  durable,  de  même  que  les  conférences  que 
font  avec  tant  de  succès  les  jeunes  lettrés  à  h  Maison  du  Peuple. 

Tout  cela  est  très  original  et  attirera  certainement  l'attention 
de  l'étranger  sur  la  Belgique.  Cette  attention  est  déjà  éveillée, 
d'ailleurs.  «  La  Belgique  monte  »,  disait  encore,  il  y  a  trois 
semaines,  une  revue  française  :  La  Revue  blanche. 


A  LA  BERGERE 

La  Gazette  a  secoué  les  rubans  roses  de  son  bonnet  d'ouvreuse. 
En  minaudant,  elle  a  parlé  sur  la  Direction  des  Beaux-Arts. 

On  pressent  quelle  peut  être,  en  pareille  matière,  l'appréciation 
d'un  journal  qui  a  choisi  pour  critique  artistique  cet  extraordi- 
naire M.  Cattier.  La  crainte  de  voir  le  Ministre  choisir  un  défen- 
seur des  idées  nouvelles  affole  la  trinité  Renson  le  père,  Félis  le 
fils  el  l'esprit-saint  Vauthier,  dont  le  «  premier  Bruxelles  »  d'hier 
sonne  le  tocsin  à  toute  volée.  Méfiez-vous  du  candidat!  Lui,  à  la 
rigueur,  cela  pourrait  aller,  comme  dit  Marignan  dans  la  Cigale. 
Mais  il  y  a  quelqu'un  dans  son  ombre  qui  est  effroyablement  dan- 
gereux !  Ce  n'est  pas  lui  qu'on  nommerait,  c'est  l'Autre,  le  mysté- 
rieux cl  redoutable  personnage  qui  s'enveloppe  d'un  manteau 
couleur  de  muraille,  se  dissimule  derrière  le  candidat  et  lui  dicte 
des  ordres,  et  c'est  Celui-là  qu'il  faut  éloigner  en  écartant  celui-ci. 

Ah  !  la  plaisante  histoire,  que  Ponson  du  Terrail  eût  volontiers 
mise  en  feuilleton  et  que  la  Gazette  eût  publiée  avec  un  zèle 
pieux.  Il  serait  facile  d'établir  l'indépendance  et  l'autorité  que 
s'est  acquises,  par  quinze  années  de  critique  loyale,  de  polémique 
littéraire,  d'études  continuelles,  de  publications  nombreuses,  de 
relations  constantes  avec  les  artistes  de  toutes  les  écoles,  la  per- 
sonne à  qui  l'on  fait  allusion.  Mais  à  quoi  bon?  La  mauvaise 
humeur  de  notre  bonne  commère  est  trop  naturelle  pour  être 
traitée  comme  un  cas  sérieux.  Demain  elle  proclamera  le  nom  de 
son  candidat,  quelque  mà,suir  arraché  à  son  rond  de  cuir,  farci  de 
routines,  truffé  de  préjugés,  décidé  à  enfouir  au  fond  des  cartons 


verts  tout  projet  d'innovation,  toute  proposition  libérale,  toute 
idée  neuve. 

Prenez  mon...  masuir!  Nous  attendons  avec  curiosité  le  phéno- 
mène que  vont  nous  exhiber  les  imprésarios  du  Fossé-aux-Loups. 
Gageons  qu'il  prendra  pour  devise  :  «  Les  Maîtres  Chanteursf 
Un  plat  vaudeville!  » 


Le  drame  lyrique  à  Anvers 

[Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne.) 

Une  représentation  intégrale  de  cette  exquise  fantaisie,  le  Songe 
d'une  Nuit  d'été  du  grand  Will,  n'est  pas  une  tentative  d'art  com- 
mune, cl  la  reconnaissance  des  esthètes  qui  s'en  réjouissaient 
si  bruyamment  à  la  première  va  droit  k  celui  qui,  en  dépit  de  la 
sourde  oreille  que  le  public  prétait  k  des  reprises  —  méritoires 
mais  enfin  trop  connues!  —  en  dépit  de  celte  presse  si  avilie 
qu'elle  aime  mieux  s'arrêter  aux  aventures  scandaleuses  du 
monde  artistique  qu'aux  réels  efl'orts  d'Art,  a  néanmoins  per- 
sisté dans  l'intention  d'offrir  des  représentai  ions  de  drameé^ 
lyriques  à  celle  partie  dU  public  que  n'affriolent  pas  les  allusions 
aux  cuisses  de  Miss  Hellyetl. 

Peter  Benoit  a  dépensé,  depuis  le  commencemenl  de  la  saison 
théâtrale,  plus  de  temps  et  plus  d'argent  qu'il. n'en  fallait  pour  la 
réussite  de  sa  généreuse  entreprise;  et  la  curiosité  du  public 
pour  ce  «  Zomernachtsdroom  »,  ses  acclamations  répétées 
l'éclaireront-elles  sur  les  seules  causes  de  ses  premiers  et  per-" 
sistanls  insuccès  :  les  redites? 

11  est  avéré  maintenant  qu'il  sérail  dangereux  de  patauger  plus 
longtemps  dans  des  reprises;  il  importe  d'accomplir  les  pro- 
messes et  de  monter  au  plus  tôt  V Arlésienne, Peer  GipU  surtout. 

Car,  celte  fois,  nous  avons  plus  pris  plaisir  k  la  pièce,  que  de 
respectueux  artistes  nous  ont  donnée  sans  la  moindre  coupure, 
mais  alourdie  pourtant  par  une  régulière  et  maussade  versificii- 
tion  d'un  Docteur  Burgcrdijk,  qu'au  commentaire  musical  un 
peu  monotone  et  laborieux  de  Mendelssohn.  «  L'Entrée  des  rhé- 
toriciens  »,  le  «  Chœur  des  Elfes  »,  si  gentiment  mené  par  une 
très  jeune  el  trop  peureuse  actrice,  le  «  Nocturne  »  et  la  «  Marche 
nuptiale  »  auront  tranché  cet  ensemble  trop  indéfiniment  gris, 
dont,  à  cette  première  d'inexcusables  négligences  de  l'orchestre 
auront  encore  accentué  le  ton. 

Malgré  tout,  ce  fut  un  réel  succès  qu'il  nous  est  très  réjouissant 
de  noter  cl  qui  va  relever  le  courage,  que  nous  admirons,  de  l'or- 
ganisateur très  désintéressé  de  ces  très  artistiques  soirées. 

Ailleurs,  au  second  Théâtre  Flamand,  un  excellent  acteur, 
M.  Laroche, a  choisi,  pour  la  soirée  à  son  bénéfice,  le  (^olksvijand 
d'Henrik  Ibsen. 

Il  paraîtra  dans  l'écrasant  rôle  d'Otto  Stockmann.  Un  comité 
s'est  formé  pour  seconder,  comme  il  le  faut,  cette  tentative  d'art. 
Il  entend  ne  négliger  aucun  moyen  pour  faire  réussir  la  pièce  et 
intéresser  le  public  au  peu  banal  projet  de  l'acteur. 


LIVRES  ET  BROCHURES 

Le  Monténégro  {Conférence  donnée  au  Club  Alpin  Belge),  par 
M.  Ch.  Buls.  —  Bruxelles,  Hayez,  1891,  in-S»,  16  p. 

En  une  courte  esquisse,  M.  Buis  dépeint  la  route  qui  conduit 
de  Bruxelles  aux  bouches  de  Catlaro.  Sa  causerie,  d'allure  simple 


14 


VART  MODERNE 


el  vive,  déroule  devant  le  lecteur  un  rapide  dioraina.  Cette  des- 
cription à  vol  d'oiseau  ne  donne  qu'une  vision  superficielle  des 
contrées  parcourues.  Il  semble  que  le  voyageur  a  marché  trop 
vile.  Les  p;iysages  ont  légèremenl  glissé  sur  sa  rétine;  l'ùme  des 
choses  entrevues  ne  l'a  pas  pénétré  ol  ne  parle  pas  en  lui.  Nulle 
part  ce  feu  d'idées,  d'images  qui  jaillit  de  l'esprit  au  choc  des 
impressions,  en  jetant  une  illumination  sur  le  pays  évoqué. 
Néanmoins  ce  récit  de  voyage,  à  peine  ébauché  dans  le  cadre 
restreint  d'une  conférence,  offre  des  détails  intéressants  sur  les 
mœurs,  l'archéologie,  l'ethnographie  et  la  constitution  politique 
du  Monténégro. 

Histoire  de  l'iiabitation  humaine.  —  (Bruxelles,  Lyon- 
Claesen,  24  planches  iii-12,  emboîtées  dans  un  cartonnage  ) 

On  se  rappelle  le  succès  des  spécimens  d'habitations  exposées, 
en  1889,  au  Champ  de  Mars,  par  M.  Garnier,  qui  permetiaienl 
aux  visiteurs  de  suivre  le  développement  de  l'art  de  bâtir  depuis 
les  temps  les  plus  reculés. 

L'éminent  architecte  a  fait  paraître,  en  un  album  de  luxe,  la 
série  des  dessins  de  ses  constructions  pittoresques,  mais  le  prix 
n'en  est  pas  accessible  h  tous.  C'est  ce  qui  a  suggéré  à  M.  Lyon- 
Claesen  l'idée  de  s'entendre  avec  M.  Garnier  au  sujet  de  la  publi- 
cation d'un  album  réduit  contenant,  dans  un  formai  portatif  et  à 
bon  marché,  les  24  planches  éditées  à  Paris.  C'est  cel  album, 
ingénieusement  cartonné,  que  l'éditeur  met  en  venie.  Son  prix 
minime  (3  francs)  le  rendra  rapidement  populaire. 

Les  joujoux  parlants,  par  Camille  Lemonnier.  Lu  volume 
grand  in-iC,  illustrations  de  GeofTroy,  Destez,  Motty,  Semeghini, 
Mellery,  etc.  Broché,  fr.  1-50  ;  cartonné  genre  aquarelle,  2  francs. 

Rien  de  plus  gai,  de  plus  séduisant,  de  mieux  rempli  d'obser- 
vations piquantes,  de  spectacles  plus  variés  que  ce  nouveau 
volume  de  l'auteur  de  Bébés  et  Jumeaux.  Toutes  ces  jolies  his- 
toires sont  à  lire  et  à  relire,  et  l'on  y  reviendra  pour  mieux  saisir 
encore  toute  leur  saveur  et  leur  douce  philosophie.  C'est  du 
Lemonnier  familial  et  tendre. 

Des  artistes  de  talent  ont  rivalisé  d'entrain  pour  rendre  les  amu- 
santes scènes  de  ce  petit  bijou  littéraire. 


Ne  pourrait-on  appliquer  aux  revues  littéraires,  aujourd'hui  si 
nombreuses,  l'initiative  prise  pour  les  revues  de  droit  par 
MM.  Blanchemanche,  Cassiers,  Max  Hallcl  et  Pau!  OtIcI,  qui 
pu.jlient  tous  les  mois  le  sommaire  des  articles  et  études  juri- 
diques parus  dans  les  périodiques  belges  et  étrangers  (J)?  Cette 
nouvelle  revue,  coquettemenl  présentée,  est,  pour  les  juriscon- 
sultes, d'une  incontestable  utilité. 

11  nous  souvient  d'avoir  reçu  pendant  quelque  temps  un  BuUe- 
lin  des  sommaires,  qui  généralisait  le  principe.  Mais  l'extension 
trop  grande  du  cadre  choisi  rendait  les  recherches  laborieuses. 
Restreinte  aux  Lettres,  une  table  mensuelle  des  travaux  publiés 
serait  intéressante  et  rendrait  de  réels  services. 

« 
(1)  Sommaire  périodique  des  Revues  de  droit,  paraissant  du  25  au 
30  de  chaque  mois  par  livraisons  d'environ  32  pages.  —  Bruxelles, 
Librairie  générale  de  jurisprudence,  rue  des  Minimes,  22. 


j^HRONlQUE    JUDICIAIRE     DEp    ^RT^ 
Eshba  contre  Smylis. 

La  ¥  chambre  du  tribunal  civil  de  Druxclles  a  prononcé  mer- 
credi dans  l'affaire  Eshba-Smylis  dont  nous  avons  parlé  dans  nos 
numéros  des  13  el  20  décembre. 

M.  Dcfawe  est  débouté  do  son  action  et  condamné  aux  dépens. 
Il  est  condamné,  en  outre,  reconventionnellemcnt,  à  payer  à 
M.  Hannon  500  francs  de  dommages-inléréls. 

Le  jugement,  très  intéressant  en  ce  qu'il  tranche  les  questions 
de  droit  nouvelles  posées  par  les  plaideurs,  décide  notamment 
qu'en  matière  de  ballet,  comme  en  matière  d'opéra,  le  musicien 
qui  s'est  engagé  à  écrire  une  partition  garde  la  propriété  person- 
nelle de  son  œuvre  tant  que  celle-ci  n'est  pas  complète  et  défini- 
tive; qu'une  œuvre  ne  peut  être  considérée  comme  définitive  el 
commune  aux  deux  collaborateurs  que  lorsqu'elle  a  été  livrée  à 
l'auteur  du  scénario  et  acceptée  par  ce  dernier;  qu'il  faut  même 
admettre  que  chacun  des  collaborateurs  conserve  le  droit  d'y 
apporter  des  modifications  tant  que  l'œuvre  commune  est  restée 
inédite  ou  n'a  pas  été  exécutée  publiquement. 

Il  en  résulte  que  M.  Dubois  a  pu,  sans  encourir  aucun  reproche, 
introduire  dans  la  partition  de  Smylis  divers  fragments  qu'il  des- 
tinait primitivement  b  Eshba  el  qu'il  avait  même  fait  jouer  sous 
ce  dernier  titre  au  Waux-hall. 

Le  jugement  consacre  donc  textuellement  la  thèse  présentée  au 
nom  du  compositeur.  H  décide,  en  outre,  qu'il  n'y  a  aucune  res- 
semblance entre  le  scénario  à' Eshba  el  celui  de  Smylis,  et  que 
dès  lors  aucun  fait  de  contrefaçon  ne  peul  être  imputé  ni  à 
M.  Hannon  ni  b  M.  Dubois. 


Mémento  des  Expositions 

BKUXELI.E.S.  —  1X«  Salon  annuel  des  XX  (limité  aux  mombrcs 
et  aux  artistes  invités).  Février.  Renseignements  :  Secrétariat 
des  XX,  rue  du  Berger,  27,  Bruxelles. 

Cannes.  —  Exposition  internationale.  Janvier,  lévrier,  mars, 
avril  1892.  Renseignements  :  M.  le  Commissaire  général  de 
l'exposition  internationale,  Cannes  {Alpes  maritimes). 

Chicago.  —Section  des  Beaux-Arts  de  l'Exposition  universelle. 
1"  mai-30  octobre  1893  (voir  lArt  moderne  du  H  octobre  1891). 

Florence.  —  Exposition  annuelle  do  la  Société  des  Beaux- 
Arts.  IS  février-30  avril  1892.  Délai  d'envoi  :  20  janvier. 
Renseignements  :  Secrétaire  de  la  Société,  Via  délia  Colonna,  29. 

Glasgow.  —  Exposition  de  l'Institut  des  Beaux-Arts.  2  février- 
2  mai  1892.  (Gratuité  do  transport  pour  les  artistes  invités). 
Renseignements  :  M.  Robert  Walker,  secrétaire. 

Madrid.  —  Exposition  historique  européenne.  12  scplcmbre- 
31  décembre  1892.  (Sculptures  sur  pierre,  sur  bois,  sur  métal  et 
sur  ivoire;  —  Tableaux  peints  à  l'huile,  à  la  gouache  cl  à  la 
détrempe  sur  toute  matière;  —  Miniatures;  —  Dessins;  —  Gra- 
.vures;  —  Mosaïques;  —  Pièces  d'orfèvrerie,  do  joaillerie  el  de 
toute  sorte  de  métaux;  —  Panoplies;  —  Vêtements  de  toute 
nature;  —  Tapis,  tapisseries  et  étoffes;  —  Reliures  artistiques; 
—  Manuscrits  rares;  —  Mobilier;  —  Céramique;  —  Verrerie;  — 
Carosserie;  —  Matériel  des  arts  et  métiers).  —  Délais  d'envoi  : 
l"-30  avril  1892.  —  Renseignements  :  Comte  de  Casa  Miranda, 
sous-secrétaire  d'Etat  à  la  présidence  du  Conseil  des  ministres, 
Madrid. 


-wmm 


L'ART  MODERNE 


15 


Munich.  —  Exposilion  iiitcrnalionalc  des  Beaux-Arts.  \"  juin- 
fin  octobre  Délais  d'envoi  :  notices,  l.'i  mai;  o'uvres,  l"-20  mai. 
Henseigncrncnis  :  M.  Ch.  A.  Baur,  secrétaire  du  Comité  central. 
—  Envoi  collectif  par  H.  W.  de  Haas  et  C'^ 

Nantks.  —  Société  des  Amis  des  Arts.  l"-'M  mars  1892. 
Délai  :  9  février.  Dépôt  chez  M.  Toussaint,  rue  du  Dragon,  i3, 
Paris,  du  4  au  9  février.  Renseignemonts  :  M.  John  Flornoy, 
secrétaire- général,  place  du  Commerce,  12,  Nantes. 

Paris.  —  Salon  de  1892  (Champs-Elysées),  l"''  mai-30  juin. 
Délais  d'envoi  :  peinture,  14-20  mars;  dessins,  aquarelles,  pastels, 
miniatures,  porcelaines,  émaux,  cartons  de  vitraux,  14-16  mars; 
architeclure,  2-6  avril;  pour  la  sculpture,  la  gravure  en  médailles 
et  la  gravure  sur  pierres  fines,  de  môme  que  pour  la  section  de 
gravure  et  de  lithographie,  les  dates  ne  sont  pas  encore  fixées.  — 
Renseignements  :  M.  F.  de  Viiillefroy,  secrétaire,  palais  de 
l'Industrie,  Champs-Elysées. 

—  Salon  de  l'Association  de  l'Ordre  du  Temple  de  la  Rose  f 
Croix  (Galeries  Durand-Rucl),  10  mars  1892.  —  Renseignements  : 
M.  Joséphin  Peladan,  rue  Pigalle,  24,  ou  comte  Antoine  de 
la  Rochefoucauld,  rue  d'Offémnnt,  19. 

Pau.  —  Exposilion  de  la  Société  des  Amis  des  Arts.  15  janvier- 
15  mars  1892.  Deux  œuvres  par  exposant.  Renseignements  : 
M.  Tardieu,  secrétaire  général.  Musée  de  Pau. 


Petite  CHROf^iquE 


Les  XX  ouvriront  dans  les  premiers  jours  de  février  un  neu- 
vième Salon  annuel  de  peinture  et  de  sculpture.  La  liste  des 
invités,  que  nous  publierons  prochainement,  comprend  notam- 
ment plusieurs  artistes  anglais  et  français  qui  se  sont  fait  une 
spécialité  des  applications  de  l'art  à  l'industrie  et  qui  n'ont 
jamais  exposé  à  Bruxelles. 

L'un  des  attraits  principaux  du  Salon  sera  l'exposition  rétro- 
spective, aussi  complète  que  possible,  de  l'œuvre  de  Georges 
Scural,  enlevé  à  l'art  dans  le  courant  de  l'année  passée. 

Pour  rappel,  aujourd'hui  h  1  1/2  heure.  Concert  populaire  avec 
e  concours  de  M"'"  Rosa  Sucher,  des  théâtres  de  Bayreuth  et  de 
Berlin.  ___ 

M""*  Rosa  Sucher  se  fera  entendre  jeudi  prochain,  14  courant, 
k  la   Salle  Marugg,  en  un  concert  extraordinaire. 

La  Maison  Schotl  a  eu  la  bonne  idée  d'engager  en  outre  pour 
ce  concert  le  pianiste  Lilta,  ce  qui  permettra  ù  M'""  Sucher,  indé- 
pendamment des  mélodies  de  Beethoven  cl  de  Schumann  qu'elle 
se  proposait  de  chanter,  d'interpréter  la  scène  finale  de  la  Gôlter- 
diimmerung.  * 

On  nous  écrit  de  Paris  : 

Les  Vendanges  !  Quoi  litre  pour  la  nouvelle  œuvre  de  Henry 
De  Groux,  le  peintre  effrayant  du  Christ  aux  Outrages,  expo.s'é 
au  dernier  Salon  Triennal  de  Bruxelles,  —  rafale  immense  de 
déchaînés  contre  un  pauvre  Dieu  qui  tremble  ! 

Henry  De  Groux  paraît  être  aujourd'hui  le  seul  peintre  assez 
tourmenté  par  l'insomnie  de  son  propre  cœur  pour  exprimer,  en 
son  art,  les  réalités  profondes. 

Ah  !  les  bourgeois,  les  phénix  d'entre  les  bourgeois,  ceux  qui 
peuvent  encore  tressaillir  en  voyant  onduler  une  poitrine  de 
désespéré,  sentiront,  cette  fois,  l'inexprimable  danger  d'avoir 
toujours  été  des  pourceaux  dans  une  société  qui  sanglote  en 
regardant  approcher  sa  fin  ! 

L'artiste  visionnaire,  simplifiant  tout  à  la  façon  du  génie, 
creuse  un  lit  unique  au  torrent  des  calaslrophes.  11  choisit  pour 
les  crétins  volontaires  et  les  satisfaits,  pour  les  semeurs  d'amer- 
tume et  les  jardiniers  d'ignominie,  la  très  plausible  extermination 
par  les  supplices. 


Dès  lors,  plus  de  pitié  pour  le  spectateur  giflé  d'effroi.  Ce 
tableau  panique  et  molestateur  ne  s'interrompt  pas  d'étaler  l'an- 
goisse affreuse  d'une  multitude  qui,  pour  la  première  fois,  con- 
labule  humblement  avec  les  montagnes,  dans  l'ignoble  espoir 
d'en  être  écrasé. 

C'est  le  grand  Carillon  pascal  des  mugissements  de  la  dou- 
leur; la  Pentecôte  efÇroyable  des  langues  arrachées  et  des  calci- 
nantes effusions  de  la  Justice;  la  Toussaint  lugubre  des  cabestans 
et  des  scorpions.  Cela,  dans  un  incendie  de  couleurs  écrasées  sur 
la  palette  la  plus  lumineuse  et  la  plus  taillée  dans  du  cœur  de 
chône  qu'on  ail  encore  vue  depuis  Delacroix. 

Telle  est,  en  aussi  peu  de  mots  que  possible,  la  pantelante 
impression  d'un  homme  admis  à  contempler  l'ébauche  terrible 
du  tableau  qu'Henry  De  Groux  se  propose  d'exposer  au  printemps 
prochain  sous  la  frondaison  redoutable  du  mancenillier  de  la 
critique.  

Grand  succès,  vendredi,  au  Théâtre  du  Parc,  pour  Leurs  Filles, 
la  pièce  en  deux  actes  de  M.  Pierre  Wolff,  qui  révéla  l'an  dernier, 
au  Théâtre  Libre,  le  nom  de  ce  jeune  auteur. 

Le  25  janvier,  M"'=  Cerny,  l'élégante  artiste,  qui  créa  à  Bruxelles 
Ma  Cousine,  la  spirituelle  comédie  de  Meilhac,  viendra  donner 
une  série  de  représentations.  Le  public  bruxellois  aura  l'occasion 
de  l'applaudir  dans  Amoureuse,  le  grand  succès  parisien,  de 
M.  de  Porto-Riche;  le  Gendarme,  la  pièce  amusante  de  M.  Pierre 
Decourcelle  et  enfin  dans  une  reprise  de  Ma  Cousine. 

M.  Candeilh  fait  en  ce  moment  répéter  l'Intruse  de  M.  Maurice 
Maeterlinck  qui  passera  après  les  représentations  de  M"*  Cerny. 

Cours  supérieurs  pour  Dames.  —  Lundi  11  janvier,  à  2  heures. 
M.  Pergameni  :  Les  institutions  et  la  vie  chinoise. 

Lundi  11,  à  3  heures.  M"'*  Chaplin  :  Shéridan. 

Mardi  12,  h  2  heures.  M.  E.  Verhaeren  :  Quelques  peintres 
chrétiens  d'Italie  ;  Ecole  chrétienne  allemande. 

Mercredi  13,  à  2  heures.  M.  Pergameni  :  La  cour  de  France 
au  X  VI 11^  siècle. 

Jeudi  14,  à  2  heures.  M.  Lonchay  :  Jeunesse  et  éducation  de 
Marie-Thérèse. 

Jeudi  14,  à  3  heures.  M"«  Tordeus  :  Lecture  d'auteurs 
modernes. 

Vendredi  15,  à  2  heures.  Conférence  de  M"»  J.  Blaze  de  Bury  : 
La  Comédie  française  et  les  grandes  comédiennes  (1645-1880).. 

Les  dames  étrangères  aux  cours  et  les  messieurs  peuvent  obte- 
nir, pour  celle  conférence,  des  cartes  d'entrée  au  prix  de  2  francs, 
chez  le  concierge  du  Palais  des  Académies. 

Le  programme  de  la  prochaine  première  du  Théâtre  Libre  se 
composera  de  :  L'Ortie,  pièce  en  Iro's  actes  en  prose  de  M.  F.  de 
Carel  (M""  Charticr  en  jouera  le  principal  rôle),  et  de  Bichette, 
comédie  qui  d'abord  avait  élé  présentée  par  M.  Eugène  Brieux 
à  la  Comédie-Française. 

Dans  le  courant  du  mois,  le  Théâtre  des  Marionnettes  donnera 
une  nouvelle  légende  de  M.  Maurice  Boucher  :  Sainte  Cécile. 

Bientôt  toutes  les  villes  d'Europe  auront  leur  Théâtre  Libre. 
L'invention  de  M.  Antoine  vient  de  Irouver  des  imitateurs  à 
Zurich,  où  une  Société  s'est  constituée  dans  le  but  de  faire  repré- 
senter, pendant  toute  la  prochaine  saison  d'hiver,  diverses  pièces 
allemandes  d'un  caractère  révolulionnaire  et  socialiste  :  La  Mort 
de  Danton  de  Bluchner,  Franz  de  Sickinyen  de  F.  Lassalle, 
Guerre  à  la  guerre  et  le  Renégat  de  M.  Otio  Witkers. 


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9.  Ifolô\irràtring,  à  ViSNîtE;  à  M ^  Rudolf  Meyer,  à  Gablsba»;  à  M.  Schenker,  Hôtel  OberpoUingor,  à  Munich;  à  ià.'Bifol^mere,  \^l 
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Douzième  année.  —  N°  3. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  17  Janvier  1892. 


•  *• ,  '  M  *  I  M  ,'1  'I  , 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


J 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  «  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


s»SBp: 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,    fr.   10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES   :    On   traite  à   forfeit. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles.      . 


^OMMAIRE 


Le  Rôle  de  l'Art.  —  Leurs  Filles,  par  Pierre  Wolff.  —  Le 
Théâtre  du  Parc.  —  Deuxième  Concert  populaire.  —  Accusés  de 
RÉCEPTION.  —  Exposition  d'esquisses  de  Maîtres.  —  Nouveaux 
Concerts  liégeois.  Première  audition.  —  Chronique  judiciaire  des 
arts.  Affaire  de  "  l'Eventail  ».  —  Petite  chronique. 


Le  Rôle  de  FArt 

Combien  se  rendent  compte  du  rôle  de  l'Art?  Pour  la 
plupart,  c'est  un  objet  de  luxe,  destiné  à  procurer  un 
plaisir,  comme  une  jolie  femme  ou  un  vin  délicat.  La 
littérature,  aux  yeux  de  ces  gens,  sert  à  les  désennuyer 
les  jours  de  villégiature  ou  par  les  soirées  trop  longues 
de  l'hiver;  la  comédie  et  le  drame  activent  et  facilitent 
la  digestion  ;  la  peinture  est  faite  pour  orner  les  salons, 
et  les  aquarelles  constituent  des  «  étreunes  »  très 
amusantes  à  donner. 

L'Art,  à  leur  avis,  est  une  grande  maison  Couplet,  où 
l'on  fabrique  avec  plus  ou  moins  de  bon  goût,  mais  où 
l'on  cherche  à  séduire  et  à  flatter  le  public  ;  et  les  expo- 
sitions et  les  revues  d'art  constituent  des  étals  plus  ou 
moins  savants  des  marchandises  produites,  où  chaque 
artisan  cherche  à  faire  valoir  son  œuvre  et  à  attirer  des 


acheteurs.  Sa  portée  n'est  pas  autre  et  ils  ne  lui  accor- 
dent pas  plus  d'importance.  L'Art,  c'est  le  luxe  et  lé 
superflu  ;  c'est  une  cinquième,  ou  même  une  sixième 
roue  dans  ce  que  M.  Horaais  appelait  «  le  char  de 
l'Etat  »,  roue  très  jolie  et  très  gentille,  il  est  vrai, 
mais  dont  on  pourrait  très  bien  se  passer. 

Ce  ne  sont  pas  seulement  les  innombrables  cervelles 
creuses  qui  pensent  cela  dans  le  monde  où  nous 
sommes  :  ceux  qu'on  appelle  les  «  meilleurs  esprits  " 
sont  imbus  de  ces  idées  et  de  ces  préjugés.  Ceux  que  leà 
«  classes  dirigeantes  »  se  paient  comrïiè  m?iîtres  d'opi- 
nion —  religieuse,  politique  ou  littéraire,  —  les  direc- 
teurs de  la  conscience  publique  actuelle,  les  tuteurs  des 
intelligences  bourgeoises  qui  plient  et  se  fanent,  —  tous 
les  gens  importants  et  influents  (ou  presque  tous,  soyonà 
généreux)  ravalent  l'Art  à  cette  idée  d'objet  de  luxe  et 
de  dernière  nécessité. 

Ah!  qu'on  leur  parle  de  Propriété,  et  ils  deviennent 
grands,  éloquents,  et  ils  s'érigent  en  défenseurs  de 
cette  »  base  de  l'humanité  »,  dont  ils  proclament  la  gran- 
deur. Qu'on  leur  parle  de  Finance,  et  ils  s'agenouillent 
devant  le  Veau  d'or  devenu  pourtant,  maintenant,  bien 
taré  et  véreux  :  ils  n'hésitent  à  se  faire  les  grands  prê- 
tres de  sa  religion,  dont  ils  vantent  l'extrême  puissance. 
L'Industrie?  A  sa  seule  [idée  ils  s'époumonent  comme 
des  machines  :  la  fumée  noire  du  Borinage  ne  se 
change-t-elle  pas  en  poussière  de  diamant  pour  les 


18 


L'ART  MODERNE 


exploiteurs  ?  La  Politique  ?  C'est  elle  qui  fait  les  grands 
hommes  et  les  grandes  réclames;  c'est  la  pieuvre  qui 
s'attache  et  suce  à  tout  ce  qui  se  donne  l'air  de  main- 
tenir, aux  yeux  des  gens  supérieurs  dont  nous  parlons, 
les  divers  .éléments  célébrés  par  on  ne  sait  quelle 
balance  méthodique  et  pondérée!  Et  le  Commerce!  Il  a 
certainement  aussi  son  droit  de  cité  dans  l'assemblée 
des  assises  qui  soutiennent  ce  qu'on  appelle  de  ce  nom 
illogique  et  vide  :  la  Société  !  Car  au  mot  de  Commerce, 
les  bien  pensants  voient  des  navires  au  ventre  enflé  de 
marchandises,  qui  leur  font  l'efl'etde  ballots  crevant  d'or. 

Tous  ces  mots  donc  ."Propriété,  Finance, Industrie,  Poli- 
tique,Commerce,  sont,  pour  leséconomistes  habituels  que 
s'octroye  la  Société  décadente  d'aujourd'hui,  des  Atlas 
qui  soutiennent  le  monde  et  au  milieu  desquels  apparaît 
l'Art  comme  un  Arlequin  aux  jours  de  carnaval  pour 
faire  le  sourire  fleurir  parfois  les  lèvres  de  ces  géants. 
On  veut  bien  le  protéger  et  prendre  envers  lui  des  airs 
protecteurs,  comme  le  fait  la  police  pour  les  intrigues 
et  les  imbroglios  aux  temps  de  mardi-gras.  Cependant, 
pour  qu'il  ne  pirouette  pas  trop  et  ne  lance  trop  de 
lazzis,  on  a  pris  l'habitude  d'en  confier  la  garde  à 
d'antiques  commissaires,  qu'on  appelle  académiciens, 
et  à  des  conservateurs  bien  assis. 

Nous  trouvons  la  preuve  de  ces  sentiments  tous  les 
jours.  Ainsi  il  paraît  qu'il  est  question  en  Belgique  de 
créer  un  nouveau  sénat,  auquel  il  semble  qu'on  veuille 
ouvrir  de  larges  portes  et  au  Travail  et  au  Capital  et  à 
l'Intelligence!  Un  sénat?  Ce  vieux  mot,  dans  la  bataille 
des  Idées  modernes,  nous  apparaît  comme  un  casque  de 
légionnaire  ou  une  arquebuse  dans  une  bataille  gron- 
dante de  canons  Krupp,  Et  le  baume  sénile  qu'on  veut 
appliquer  sera  vite  mangé  par  la  plaie  ardente  dont  il 
doit  servir  à  calmer  les  âpres  douleurs.  Mais  dans  ce 
sénat,  l'Art  sera  représenté,  proclame- t-on.  Certaine- 
ment, on  ne  l'oublie  pas  et  on  lui  fera  bonne  place! 
Comment  donc  !  Il  mérite  toute  notre  attention  et  notre 
indulgence  !  Nous  allons  lui  désigner  des  représentants 
inamovibles.  Et  tout  de  suite,  comme  si  pour  repré- 
senter Arlequin  on  prenait  le  Commissaire  !  on  cite  et 
on  met  en  avant  une  poignée  d'académiciens  encore 
couverts  de  la  poussière  des  cartons.  Aucun  ne  manque, 
pas  même  celui  qui  est  chargé  de  conserver  les  archives 
de  l'État  !  Tous,  ils  sont  là,  avec  leurs  titres  :  Conser- 
vateurs! Tous  ceux  qui  ont  été  attaqués  et  bousculés 
par  les  jeunes,  les  voilà  à  l'assemblée  suprême  de  la 
nation  nouvelle,  et  cela  pour  en  représenter  l'élément 
le  plus  hardi  et  le  plus  vif  :  l'Intelligence.  C'est  con- 
fier la  lumière  à  des  aveugles  ! 

Et  —  en  dehors  de  ces  personnalités  sans  importance 
pour  la  véritable  Idée  qui  lutte  et  pour  l'Art  qui  crée  — .. 
combien   de  sénateurs   daigne-t-on  octroyer  à  l'Art? 
Trois  pour  la  littérature,  pensons-nous  (ces  détails  d'une 
architecture  oflBlcielle  ne  nous  intéressent  pas  au  point 


d'en  compter  les  joyeux  fleurons),  et  cinq  ou  six  pour 
les  autres  arts,  nous  ne  savons  plus  au  juste,  mais  le 
bataillon  sénatorial  est  maigre  comme  valeur  artiste  et 
comme  nombre  :  juste  ce  qu'il  faut  de  gendarmes  pour 
empêcher  une  trop  brusque  et  trop  claire  invasion  de 
la  Pensée. 

Ce  n'est  pourtant  pas  ainsi  qu'on  traite  l'Art  quand 
on  a  la  notion  juste  de  ce  qu'il  est!  Vous,  les  bouchés, 
les  voyant-petit,  les  manieurs  d'écus  ou  de  politique  : 
l'Art  est  la  force  suprême  et  la  supérieure  harmonie, 
comprenez  cela  !  Qu'on  lui  ouvre,  dans  Lps  assemblées, 
dix  portes,  grandes  et  larges,  au  lieu  d'une  petite, 
ouverte  sur  des  bureaux,  des  paperasses  et  des  acadé- 
mies, et  qu'elles  donnent,  ces  dix  portes,  sur  la  vraie 
foule  de  l'Art,  qui  y  fera  entrer  ses  triomphateurs,  et 
alors  vous  aurez  de  la  lumière,  de  la  générosité  et  de 
la  vie. 

L'artiste  a  des  côtés  d'harmonie,  d'intuition,  de  clair- 
voyance, de  cordialité  qui  font  qu'il  plane,  de  l'envol 
sublime  d'un  esprit  supérieur  et  indépendant.  L'artiste, 
qu'il  touche  à  une  chose,  la  consolide  et  l'harmonise  ;  il 
la  vivifie  et  la  rend  attrayante.  Il  a,  pour  cela,  une  force 
mystérieuse  de  charme  et  de  profondeur,  qui  manque 
aux  autres  hommes.  Ce  n'est  pas  un  amuseur  :  les 
artistes  forment  la  quintessence  de  la  Pensée  et  du  Sen- 
timent. 

Des  amuseurs,  les  bâtisseurs  de  cathédrales,  ceux 
qui  se  sont  le  plus  approchés  du  ciel?  Des  amuseurs,  les 
tragiques  de  l'antiquité,  qui  versaient  aux  peuples  de 
l'héroïsme  et  de  la  terreur?  Des  amuseurs,  les  pieux 
qui  ont  créé,  avec  quelle  ferveur,  la  peinture  gothique? 
Non  :  ce  sont  ceux  qui  dressent,  pour  ainsi  dire, 
au-dessus  de  l'histoire,  le  décor  éternel  de  l'esprit 
humain,  où  se  reflètent  le  caractère  et  le  cœur  de 
chaque  race  et  de  chaque  époque. 

L'Art  est  la  plus  grande  des  forces.  Quand  Victor 
Hugo  a  tiré  contre  le  seco«d  Empire  le  glaive  flam- 
boyant et  vengeur  des  Châtiments,  il  a  porté  le  coup  le 
plus  superbe  qu'ait  subi  l'étonnante  Badingue.  Germinal 
mine  plus  la  bourgeoisie,  de  sa  large  épopée,  que  les  plus 
exaltés  propos  des  révolutionnaires  rouges.  Et  cela  — 
parce  que  ces  attaques  terribles  partent  de  hauts  som- 
mets de  la  pensée  et  que  ces  armes  sont  damasquinées 
d'art. 

Aussi  faut-il  laisser  à  l'Art  le  champ  vaste  et  ne  pas 
le  traiter  en  objet  de  luxe,  et  ne  pas  lui  donner  pour 
représentant  des  bonzes.  Qu'on  le  regarde  comme  un 
des  éléments  essentiels  des  évolutions  sociales,  le  plus 
pur  et  le  plus  noble,  qu'on  le  mette  au  rang  des  autres 
éléments  qui  forment  la  matière  :  Humanité,  et  qu'on 
le  laisse,  libre  d'entraves,  comme  un  astre  qui  épand 
sa  chaleur  et  sa  lumière,  et  dont  aucun  Phaéton, 
quelque  académique  ou  savant  qu'il  soit,  n'a  le  droit  de 
conduire  le  char  éblouissant. 


LEURS   FILLES 

Comédie  en  deux  actes,  par  M.  Pierre  Wolff. 

Un  succès  ! 

Certes  est-il  étonnant  que  ces  dramos-là  puissent  émouvoir 
notre  public,  surtout  celui  du  Parc  Aux  premières,  on  ne  voit 
que  gens  graves,  bourgeois  plastronnes,  matrones  dignes.  Aussi 
des  gommeux.  Sont-ce  ceux-ci  qui,  se  reconnaissant  et  reconnais- 
sant leurs  maîtresses  parmi  ces  deux  actes  représentés,  leur  ont 
battu  des  mains? 

C'est  à  croire  qu'ils  n'ont  pas  conscience  de  la  force  railleuse 
et  impétueuse  et  révolutionnaire  que  dételles  pièces  profèrent? 
Ils  applaudissent  —  et  puis? 

Un  tel  art  est  plus  terrible  pour  la  bourgeoisie  que  n'importe 
quelle  fédération  ouvrière  et  socialiste  ?  Un  tel  théûtre  admis,  joué 
devant  les  foules,  applaudi  par  les  stalles  et  compris  par  les  para- 
dis, active  plus  une  révolution  que  n'importff'quelle  émeute  ou 
grève.  C'est  la  réalité  qui  crie,  qui  réclame,  qui  veut  qu'on  la 
change.  C'est  le  vice  montré  de  telle  manière  qu'il  entraîne  des 
destructions  inévitables,  des  balayages  nécessaires,  des  aérages 
soudains  et  des  soulèvements  de  voûtes,  tellement  l'odeur  est 
forte  dans  l'égoul. 

Vraiment,  les  jovials  pères  de  famille  qui  s'imaginent  encore 
que  le  «  spectacle  »  est  une  distraction  pour  leur  demoiselle,  le 
soir  de  la  fête  de  leur  mère,  quelle  altitude  doivent-ils  garder  devant 
l'Honneur,  r Ecole  des  Veufs,  la  Meule,  les  Corbeaux,  la  Pari- 
sienne, tout  le  théâtre  réaliste  nouveau  de  ces  derniers  temps? 

Ce  succès  de  Leurs  filles,  jouées  devant  des  messieurs  .bien  et 
des  jeunes  gens  cbic  et  des  dames  de  respectable  maintien,  a  donc 
lieu  de  surprendre.  La  collection  de  gifflcs,  de  coups  de  pied, 
l'arrachement  des  hypocrisies  et  des  conventions,  les  mots  cin- 
glants et  brutaux  comme  les  coups  de  fouet  d'un  roulier,  les 
fleurs  de  haine  cl  de  colère  et  de  mépris  et  de  sarcasme,  tout  a 
été  présenté  et  avalé. 

Bonne  chance  —  et  digérez  bien  ! 

Leurs  filles  est  une  excellente  pièce  de  théâtre  libre.  Vive, 
franche,  rapide,  nette,  simple,  succincte,  cynique. 

L'entremetteuse  y  est  produite,  pour  la  première  fois,  croyons- 
nous,  dans  sa  véritable  vie,  sans  atténuation  et  sans  biais.  Elle 
nous  vient,  cette  figure  dés  comédies  antiques  de  Rome  et  de 
Grèce,  des  siècles  des  Pétrone  et  des  Apulée  et  des  Lucien. 
Dans  son  Dialogue  des  Courtisanes,  ce  dernier  donne  à  l'entre- 
metteuse le  rôle  vorace  d'argent  et  de  perversité  qu'elle  affirme 
en  ce  temps-ci  comme  jadis. 

Ce  qui  frappe  en  Leurs  filles  c'est  le  drame  réel  qui  s'en 
dégage.  C'est  l'élude  de  la  courtisane  étudiée  dans  deux  êtres,  la 
courtisane  mûre  et  la  débutante,  qui  toutes  les  deux  ont  «  cela 
dans  le  sang  ».  C'est  aussi  la  présentation  du  viveur  moderne, 
de  l'amant  veule,  mou,  lâche,  flegmatique. 

A  part  cette  coïncidence  qui  assigne  le  même  entreteneur  à  la 
mère  et  à  la  fille,  coïncidence  un  peu  trop  de  comédie,  rien  ne 
rappelle  le  théâtre  de  mœurs  d'il  y  a  vingt  ans.  Le  neuf  ici  règne, 
seulement  ce  neuf-là  manque  d'envergure.  Tel  qu'il  est  nous  le 
préférons  pourtant  à  n'importe  quel  Abbé  Constantin,  ou  Une 
Famille  ou  ^/wio/Zf,  toutes  piècesd'une  réalité  arrangée,  faussée, 
enjolivée,  pleines  d'excentricités  de  situation  et  d'improbable 
humanité. 


M.  Manin  et  M'i*Besnier,  bien  que  celle-ci  manque  de  force  à  la 
fin  du  deuxième  acte,  jouent  de  manière  précise  et  vivante  leurs 
personnages. 


I^E   Jhéatre    du    ^ARC 

Le  directeur  du  Théâtre  du  Parc,  M.  Candeilh,  a  donné  sa 
démission.  Il  paraît  que  son  exploitation  devient  de  jour  eu  jour 
plus  difficile  et  plus  hasardeuse,  dit  un  journal. 

Mais,  d'un  antre  côté,  il  en  est  qui  croient  que  M.  Candeilh  n'a 
donné  sa  démission  que  pour  qu'on  le  prie  de  la  retirer,  —  ce  qui 
serait  une  coquetterie  de  vieille  directrice  et  pourrait  amener  le 
Théâtre  du  Parc  à  se  faire  subventionner. 

F.n  effet,  le  Théâtre  Flamand  obtient  trente  mille  francs  de  la 
ville;  il  a  la  jouissance  de  la  salle  et  des  décors  gratis;  de  plus, 
le  gouvernement  lui  octroyé  huit  mille  francs. 

C'esl  beaucoup.  Et  à  côté  de  cela  le  Théâtre  du  Parc  paraît 
assez  abandonné  à  lui-môme,  et  l'on  pourrait  peut-être  partager 
la  poire  donnée  exclusivement  aux  Flamands. 

Mais  alors,  il  faudrait  imposer  à  la  direction  du  Parc  des  con- 
ditions nouvelles. 

En  effet,  quoi  que  disent  les  amis  de  M.  Candeilh,  la  direction 
de  celui-ci  n'a  été  ni  très  littéraire  ni  très  artiste.  Elle  a  été  trop 
uniquement  consacrée  à  des  pièces  de  la  valeur  de  Tête  de  linotte, 
des  Dominos  roses,  des  Surprises  du  divorce  ou  d'Un  Monsieur 
qui  suit  les  femmes.  Le  Vaudeville  est  là  pour  ce  genre  de  spec- 
tacle. Mais  le  Théâtre  du  Parc  doit  avoir  des  prétentions  plus 
hautes  et  plus  dignes,  et  s'il  ne  les  a  pas,  il  faut  les  lui  imposer. 
Il  faut  qu'on  lui  dise  :  Plus  de  pochades  !  plus  de  farces  !  mais 
du  théâtre,  du  théâtre  littéraire,  d'où  qu'il  vienne,  de  Belgique 
ou  d'ailleurs,  du  théâtre  classique  même,  français  ou  anglais, 
espagnol  ou  allemand.  Qu'on  nous  donne  de  l'About,  du  Mérimée, 
du  Banville,  et  aussi  du  Shakespeare,  du  Gœthe,  du  Schiller, 
du  Lope  de  Vega,  du  Tolstoï,  Que  la  Belgique,  au  confluent  des 
races,  opère  une  sorte  de  synthèse;  et,  h  ce  titre,  nous  devons 
nous  désinfecter  du  parisianisme  exclusif  dont  on  nous  a  depuis 
trop  longtemps  servi  les  tranches  en  vaudeville,  en  feuilleton  à 
l'instar  des  Sainte-Beuve  ou  des  Lemaître,  et  en  coquelinades.  Ces- 
sons de  nous  fournir  à  ces  trousseurs  de  folies  parisiennes,  à  ces 
vaudevillistes  dont  la  sefle  valeur  est  de  plaire  aux  cocottes  ou 
d'amuser  les  petites  bourgeoises,  et  tâchons  de  créer  une  scène 
de  comédie  qui  marque  et  qui  attire  l'étranger. 

Au  vrai  jeune  théâtre  français  M.  Candeilh  n'a  emprunté  que 
la  pièce  de  M.  Wolff  qui,  ne  l'oublions  pas,  est  le  neveu  d'Albert 
Wolff  et  collabore  au  Figaro.  Le  reste  a  été  fait  par  M.  Antoine, 
lors  de  ses  tournées  en  Belgique,  et  exclusivement  par  lui. 

Quant  au  théâtre  étranger,  nous  avons  eu  Nora,  traduit  par 
quelqu'un  de  bien  calé  dans  le  monde  officiel,  el/«  Flèche  d'E.<!sai. 
C'est  absolument  tout,  et  évidemment  cela  ne  suffit  pas. 

Le  théâtre  belge  n'a  pas  été  traité  avec  plus  d'intelligence  ou 
de  générosité.  Des  jeunes  d'ici  ont  envoyé  à  M.  Candeilh  des 
pièces  qui  avaient  été  jouées  en  matinée  littéraire  au  Théâtre 
Molière.  Les  a-t-il  lues?  Pourtant,  il  y  a  des  pièces  belges,  et  de 
bonnes,  maintenant.  Il  y  a  toutes  celles  de  Maeterlinck,  il  en 
existe  de  Waller,  il  y  a  les  Flaireurs,  de  Van  Lerberghe,  et  celte 
exquise  Etude  de  Jeune  fille,  jouée  avec  tant  de  succès  au 
Molière  et  signée  Henry  Maubel.  Il  faut  évidemment  qu'on 
encourage  ce  mouvement  dramatique.  Il  est  vrai  que  l'Intruse  est 


\ 


20 


L'ART  MODERNE 


à  rafficlie.  Mais  la  sollicitude  do  M.  Candciili  pour  Maeterlinck 
arrive  au  petit  irol  poussif  comme  la  sollicitude  aigre-douce  de 
M.  Frédérix.  L'Intruse  a  été  jouée  à  Paris  et  Maeterlinck  est  à  la 
mode!  Le  mérite  n'est  plus  aussi  grand  qu'on  pourrait  le  penser! 

Voyez  d'ailleurs  la  liste  des  œuvres  belges  que  M.  Candeilli  a 
données.  Elle  est  incolore  et  parait  une  nomenclature  à  faire 
couronner  par  les  jurys  imbéciles  qui  ont  depuis  trop  longtemps 
siégé  officiellement  eu  Belgique.  La  voici  : 

La  Famille  Plumet  et  C'est  ma  femme,  de  Covelicrs;  Jacques 
Gervais,  de  Claes  ;  la  Part  du  Feu,  de  Leclercq  ;  le  Ménage 
d'Ernest,  de  Dcconinck;  Emile,  de  Sloumon  ;  la  Duchesse  Lilly, 
de  Flor  O'Squar  ;  Cherchez  la  Femme,  d'Hennequin  ;  Par  Télé- 
^  phone,  de  Calticr  et  Vandrunen  ;  Cora,  de  Descamps;  le  Ruban, 
de  Stoumon;  Une  Surprise,  de  Weycrs;  le  Sémaphore,  de 
Catlier  ;  Avant  la  Lettre,  de  Claes  ;  le  Prix  de  Beauté  et  la 
Famille  d'Alice,  de  Descamps  ;  et  enfin  l'Intruse,  h  l'élude. 

C'est  tout,  et  ce  n'est  pas  assez.  Celte  liste  est  presque  insigni- 
fiante. Peu  de  ces  œuvres  ont  marqu/5  et  n'était  la  question  de  la 
prime,  peut-être  que  même  peu  d'entre  elles  eussent  vu  la  rampe. 
Aussi  faut-il  que  cela  change.  Quand  il  s'agit  de  donner  une 
œuvre  française  un  peu  neuve,  ou  bien  un  Ibsen  ou  un  Tolstoï, 
M.  Candeilh,  jouant  son  petit  Ponce  Pilalc,  appelle  Antoine  et  se 
lave  les  mains.  Ce  n'est  en  somme  qu'Antoine  qui  a  donné,  à  de 
longs  intervalles,  quelque  vie  à  son  théâtre. 

Certes,  nous  ne  voulons  pas  qu'on  fasse  du  ïhéûtre  du  Parc  un 
théâtre  d'œuvres  étrangères,  ou  un  vrai  théâtre  libre,  ou  un 
théâtre  national;  mais  qu'on  oblige  le  directeur  h  donner  plus 
d'œuvres  nouvelles,  artistes  et  sérieuses,  plus  d'œuvres  étrangères 
et  classiques,  plus  d'actes  signés  par  de  jeunes  auteurs  belges 
et  qu'on  cesse  d'avoir  à  Bruxelles  deux  théâtres  du  Vaudeville! 


DEUXIÈME  CONCERT  POPULAIRE 

L'intérêt  capital  du  concert  était,  faut-il  le  dire?  la  première 
apparition  à  Bruxelles  de  M™"  Rosa  Sucher-Papicr,  l'interprète 
célèbre  des  grandeé  figures  de  Wagner,  l'adorable  Yseult  que  les 
pèlerins  de  Bayreulh  ont  si  souvent  applaudie  là-bas...  L'impres- 
sion n'a  pas  été,  au  début,  celle  qu'on  attendait,  et  il  y  a  eu  quel- 
que déception.  M"«  Sucher  est  surtout,  en  effet,  une  tragédienne 
lyrique  dans  la  plus  haute  acception  du  mot.  Elle  a  la  plastique, 
les  attitudes,  le  geste,  la  mimique  qui  conviennent  aux  figures 
héroïques  qu'elle  incarne.  Elle  sait  être  tendre  et  caressante, 
passionnée  et  impérieuse.  Elle  a  la  noblesse  et  la  grâce,  la 
puissance  et  le  charme.  M""  Suchor  est  actuellement,  avec 
M-^e  Malten,  l'artiste  la  plus  illustre  d'Allemagne,  depuis  que  la 
Materna  se  résigne  à  céder  le  tour.  Mais  il  lui  faut,  pour  faire 
valoir  ses  mérites  exceptionnels,  l'ampleur  de  la  scène,  et  le  décor, 
et  la  «  réplique  »  des  camarades,  et  le  costume,  et  la  lumière 
électrique.  Au  concert,  un  rouleau  de  musique  h  la  main,  Yscull 
retombe  de  haut  et  certes  la  méthode  gutturale,  la  voix  clairon- 
nante des  cantatrices  allemandes  ne  sont  elles  pas  pour  plaire  à 
un  public  qui  ne  juge,  —  et  qui  ne  peut  évidemment  juger,  — 
que  la  chanteuse,  non  l'actrice. 

Ce  changement  d'optique  a  failli  compromettre,  dimanche,  le 
succès  de  l'artiste,  dont  le  premier  morceau,  l'air  d'Elisabeth 
(2«  acte  de  Tannhauser),  pris  un  peu  haut  et  dans  un  mouvement 
ralenti,  n'a  pas  impressionné  favorablement  l'auditoire.  Heureu- 
sement   les  œuvres  suivantes,  les  Rêves  et  surtout   la  Alorl 


d'Isolde,  déclamée  avec  une  émotion  conmiunicalive,  ont  sauvé 
la  partie  compromise.  Il  y  a  eu  des  rappels,  de  l'enthousiasme, 
même  des  larmes,  et  tout  le  monde  a  été  heureux. 

Le  restant  du  concert  éiait  les  pommes  de  terre  qui  accom- 
pagnent le  bifteck  (comparaison  dont  nous  prions  les  lecteurs 
d'excuser  la  trivialité,  mais  qui  nous  paraît  juste).  La  symphonie 
en  SI  de  Schumann  ?  Hum!  On  l'a  entendue  souvent,  et  son 
opportunité  dans  un  Concert  Wagner  était  conteslablc.  Mais 
M.  Joseph  Dupont  a  remporté  un  vrai  succès  avec  la  Scène  de  la 
/"'or^/ de  Siegfried,  vraiment  bien  jouée,  avec  précision  et  couleur, 
et  qu'on  a  bissée  unanimement.  Et  aussi  cette  étonnante  et 
monarchique  A'nwfc'ril/arsc/t,  qu'il  ne  nous  souvient  pas  avoir 
jamais  entendu  présenter  avec  autant  d'autorité  et  d'imposante 
solennité.  Cela  grandissait,  grandissait,  dans  le  déchaînement  des 
barbares  roulements  de  tambours,  dans  le  tonitruant  ensemble 
des  cuivres  tonnant  le  choral  de  Luther  â  la  gloire  de  l'Empire 
germanique.  Mazctte  !  Celle  musique  de  plein  air,  cet  arc-de- 
Iriomphe  en  sonorités,  qui  évoque  des  multitudes  armées  gueulant 
à  pleins  poumons  le  Heil!  Heil!  Dem  Kaiser!  dans  une  plaine 
frissonnante  de  baïonnettes  et  d'épées,  cela  vous  a  des  allures 
d'hymne  triomphal,  de  chant  religieux  et  guerrier  auprès  duquel 
paraissent  bien  pâles  les  airs  dits  nationaux  les  plus  entraînants. 


^CCUpÉ?     DE    RÉCEPTION 

Chants  de  la  Mer  et  des  Grèves,  par  Geouges  Flé,  recueil  de 
onze  mélodies  dans  le  style  des  chants  populaires,  notées  sans 
accompagnement,  et  qui  ont  toutes  une  jolie  couleur  poétique. 
(Bruxelles,  A.  Vanderghinsle  et  Ch.  Vanderauwera).  In-8°,  34  p. 
—  Eugène  Delacroix,  par  V.-G.  Wauterniaux,  26  pages  de 
revue  en  lesquelles  ces  aphorismes  :  «L'état  lui-même,  quels  que 
soient  d'ailleurs  ses  droits  religieux  et  politiques,  et  filt-il  repré- 
senté par  Napoléon  en  personne,  n'a,  en  matière  d'Art,  d'autre 
droit  que  celui  de  sauvegarder  la  religion,  s'il  en  reçoit  l'ordre 
du  Pape  »  (p.  21).  «Si  Delacroix  n'avait  pas  su  dessiner  ce  qu'il 
pensait,  personne  ne  pourrait  avoir  aucune  connaissance  de  sou 
imagination,  qui  précisément  était  celle  d'un  peintre  »  (p.  11). 
«  Plus  un  artiste  a  de  génie,  plus  pour  lui  augmentent  la  difficulté 
de  la  mise  en  œuvre  »  (p.  9).  Est-ce  assez  ?  —  Dekinderens 
Wandschildering  in  het  Bossche  Stadhuis,  door  Jan  Veth 
(Amsterdam,  S.-L.  Van  Looy).  In-8»,  37  p.  —  Les  bottes  de 
Pieter  Cappermann,  dramatique  récit  de  Noël  dédié  h  Georges 
Eekhoud,  par  Hector  Van  Doorsi.aer,  et  écrit  d'une  plume 
alerte.  (Extrait  de  la  Revue  générale  ;  16  p.)  —  Le  Réveil,  revue 
mensuelle  de  littérature  et  d'art,  publié  sous  les  auspices  du 
Cercle  Littéraire  Français  ;  suite  et  développement  des  Essais 
dont  nous  avons  parlé  précédemment.  Rédaction  :  rue  de 
Flandre,  71,  Gand. —  Au  sommaire  :  MM.  Rodonbach,  Ch.  Sluyts, 
ValèrcGillc,  A.Goffîn,  M.  Desombiaux,  F.Hcnnehicq,  J.Dcsgenéis, 
etc.  11  y  a  dix  ans,  l'apparition  d'une  revue  littéraire  en  Belgique 
était  un  gros  événement.  Actuellement,  il  en  paraît  tous  les 
trimestres  des  nouvelles....  Bonne  chance  au  Réveil,  auquel 
vont  nos  sympathies  et  nos  vœux. 


Catalogue  d'afflches  illustrées  anciennes  et  modernes, 

avec  quinze  reproductions  tirées  hors  texte  (couverture  et  afflche- 
prime  inédites  de  J.  Chéret,  tirées  en  cinq  couleurs).  —  Paris, 
Ed.  Sagot,  libraire-éditeur,  rue  Gueiiégaud,  18. — Tirage  à  550  exem- 


'■&: 


t 


LAHT  MODE  UNE 


21 


plaircs,  savoir  :  500  sur  papier  ordinaire,  avec  les  15  i)iaiiciies  en 
noir  et  radiche-prinu' (litliographio  originale  :  la  Jolie  Jardinière), 
épreuve  ac<?c  lu  lettre,  prix  10  francs  ;  50  sur  beau  papier  vélin,  avec 
les  15  planches  en  noir,  8  [)lanches  coloriées  à  la  ynain,  une  épreuve 
(l'essai  (tirée  en  bistre)  clo  la  couverture  et  l'affiche-prime,  épreuve 
avant  la  lettre,  tirée  sur  papier  fort,  jirix  25  francs. 

«  Il  faut,  (lisait  H.  Béra kl i, auteur  des  Graveurs  du  XIX" siècle, 
cataloguer  les  alHcliPS  tout  comme  îles  burins  cl  des  eaux-fortes.  » 
Depuis  que  CIk^tcI,  par  la  fantaisie  et  l'imprcHu  de  son  art 
chatoyanl  el  exquis,  a  fait  revivre  l'art  de  ralUche,  délaissé  pour 
les  grossi(>res  enluminures,  les  collectionneurs  ont  paru,  si  nom- 
breux et  si  tenaces,  que  voici  le  libraire  Sagol  obligé  de  classer 
en  un  calalogue  complet  toute  i'iconerie-réclame  qu'il  a  paliem- 
ment  accumulée.  Dkux  mim.e  dkux  cent  trente-trois  numéros, 
s'il  vous  |)lait  !  parmi  lesquels  flTO  œuvres  de  Chérct,  exécutées 
de  1866  à  1891.  Les  autres  sont  signées  Willeltc,  Grasset,  Caran 
d'Acbe,  Forain,  Métivet,  Fraipont,  Sleinlon,  et  aussi  Céleslin 
Nantcuil,  Gavarni,  Grandvijle,  Daumier,  Ralfel,  Tony  Johannot, 
de  BeaumonI,  Henri  Honnier,  clc.  Car  l'intérêt  du  calalogue 
Sagot,  c'est  qu'il  embrasse  .'i  la  fois  l'afliclie  ancienne  el  l'affiche 
moderne.  Il  en  est  qui  remonlenl  à  1649  !  Et  c'est  Hiistoire  tout 
enlière  qui  se  déroule  en  ces  images,  pour  la  plus  grande  joie  des 
collcclionncurs,  des  curieux,  des  artistes,  des  bibliophiles! 

C'est,  pensons-nous,  la  première  fois  qu'on  publie  un  calalogue 
sp^cw/ d'affiches.  Il  convient  d'insister  particulièrement.  Il  con- 
vient aussi  de  louer  M.  Sagot  du  soin  et  de  la  précision  qu'il  a 
mis  dans  ce  travail,  clairement  ordonné  et  méthodiquement 
développé. 

Les  quinze  planches  d'après  E.  de  Bcaumont,  Gavarni, 
T.  Johannot,  Grasset,  Chéret  el  Willette  qui  accompagnenl  le 
texte  rappellent  des  types  d'affiches  déjà  anciens  et  rares  et 
commentent  agréablement  le  texte  de  ce  très  curieux  catalogue, 
qui  demeurera  une  rareté  bibliophiliquc  et  un  documenl  d'art 
imporlanl. 

Derniers  accroissements  du  Musée  de  Namur,  par  M.  Nif- 

flk-Anciaux.  Namur,  A.  Wesmael,  1891,  in-8°,  13  p. 

Ce  fascicule  est  consacré  à  la  section  du  Moyen-âge  el  de  la 
Renaissance  du  Musée  de  Namur.  A  côté  d'une  riche  collection 
d'orfèvrerie  mosano  et-  d'orfrois  brodés,  une  large  place  a  été 
réservée  h  la  sculpture.  L'auteur  cite  deux  acquisitions  remar- 
quables :  m\  Saint-Jean-Baptiste,  qui  paraît  dater  du  xvi"  siècle 
et  wnc  Sainte-Catherine,  (\\x\,  par  le  luxe  du  vêtement,  rappelle  le 
faste  de  l'époque  bourguignonne.  Des  bois  sculptés  il  passe  aux 
sceaux  el  insiste  avec  raison  sur  l'importance  à  la  fois  artistique 
et  historique  de  la  sigillographie.  C'est  notamment  grûcc  à  ces 
petits  disques  de  bronze,  comme  il  le  fait  remarquer,  que  se  sont 
perpétués  les  portraits  de  maints  personnages  célèbres  et  la  repro- 
duction de  maints  monumenls  détruits.  M.  Niftle-Anciaux  appelle 
ensuite  l'attenlion  sur  un  sceau  du  xiii'=  siècle,  dont  l'acqui- 
sition rehausserait  la  série  déjà  importante  des  matrices  du 
Musée  namurois.  Enfin,  dans  la  salle  affectée  à  la  peinture 
ancienne,  il  signale  el  décrit  minutieusement  un  panneau  du 
peintre  bouvignois  H.  Blés,  représentant  saint  Jérôme  dans  la 
solitude.  ((  Cette  œuvre,  dit-il,  non  cataloguée  dans  l'Histoire 
de  la  peinture  an  pays  de  Liège  de  notre  savant  confrère 
M.  Helbig,  est  pourtant  supérieure  de  beaucoup,  pour  le  coloris 
surtout,  au  tableau  que  le  Musée  possédait  à  l'époque  où  ce 
livre  a  paru.  » 


A  propos  des  sceaux  et  des  armes  de  la  ville  de  Thuia, 

par  M.  NiFFi.K-ÂNCiAux.  Malines,  Oodenne,  1891,  in-S»,  45  p. 

M.  Nifile-Anciaux  ouvre  son  histoire  sigillaire  de  Thuin  par  une 
savante  dissertation  sur  les  sceaux  communaux.  Il  décrit  ensuite, 
avec  une  particulière  minutie,  parmi  les  divers  sceaux  de  la  cité, 
un  grand  sceau  et  contre-sceau  qui  datent  du  commencement  du 
xiv"  siècle  el  dont  la  reproduction  figure  en  tête  de  l'opuscule.  Au 
cours  de  sa  discussion  sigdiographique,  l'auteur  nous  donne 
d'érudits  détails  sur  l'histoire,  sur  l'ancien  chaieau  et  sur  les 
armoiries  de  la  ville  de  Thuin. 

De  Secte derLoïsten,  door  JuliusFrf-deriks.  Qent,  J.  Vuylsteke; 
s'Gravenhage,  M.  Nihoff,  1891,  in-8°,  64  p. 

Un  (le  ces  esprits  d'investigation  patiente,  qui  se  complaisent 
aux  minutieuses  fouilles  de  l'histoire,  M.  J.  Fredericks,  professeur 
à  l'Université  de  Gand,  élucide  en  cettrc  brochure  un  chapitre 
de  l'histoire  religieuse  des  Pays-Bas  au  xvi*  siècle.  Dans 
cette  étude,  solidement  documentée,  il  remet  en  lumière  la  secte 
des  Loïstes,  sur  laijuelle  il  rectifie  et  complète  les  sommaires 
renseignements  des  historiens.  Il  biographie  le  fauteur  de  cette 
hérésie,  Loy  de  Schaliedekker,  alias  Eligius  Pruystinck,  déter- 
mine les  croyances  panthéistes  ou  plutôt  panenlhéistes  qu'il  pro- 
pagea principalement  à  Anvers  el  raconte  la  sévère  répression  qui 
étouffa  ces  doctrines  en  nos  provinces. 


EXPOSITION  D'ESQUISSES  DE  MMTRBS 

Après  l'exposition,  qui  eut  tant  de  succès,  de  Constantin  Meu- 
nier, voici  que  s'ouvre,  à  là  Galerie  moderne,  une  exposition 
d'esquisses  de  maîtres. 

Maîtres?  Le  mot  est  sans  doute  un  peu  erpphalique  pour 
nombre  des  exposants.  Néanmoins  l'exposition  est  très  iniéres- 
sante  et  ne  manque  pas  de  curiosité. 

L'esquisse  d'un  tableau,  c'est  sa  première  phase,  son  embryon, 
el  on  y  trouve  comme  les  bégaiements  du  pinceau  de  l'artiste  à  la 
recherche  de  la  belle  phrase  picturale.  Souvent  ce  premier  jet  esl 
plus  original,  plus  primc-sautier  que  le  tableau  accompli.  Jamais 
de  truc  ou  de  léchage.  L'artisle  s'abandonne,  son  pinceau  court, 
hàlif,  pressé  de  fixer  les  lignes  élémentaires  de  l'œuvre.  C'est 
plein  de  fougue  el  de  feu;  et  puis,  telle  de  ces  œuvrelles  a 
comme  de  piquants  attraits  d'une  jolie  femme  à  son  lever,  dans 
le  «  négligé  »  de  sa  toilette. 

La  plus  belle?  C'est  celle  signée  Joseph  Sievens,  brûlante  dans 
ses  t^ns  bruns  el  déjà  dorée  d'on  ne  sait-quelle  magie  de  palette. 
Voici  l'esquisse  de  la  Bête  à  bon  Dieu  d'Alfred  Sievens,  très 
coquette  et  vive,  de  fougueux  Boulenger,  des  Agneessens,  des 
Speekaerl,  des  Cormon,  des  Portaels,  des  Hennebicq,  des  Smits 
très  gracieux,  un  très  curieux  Stobbaerls  en  des  Ions  grisâtres, 
un  clair  Wylsman,  des  Vcrheydcn,  trois  Marcettc  pleins  de  brio, 
deux  très  savoureux  panoramas  d'Anvers  par  Artan,  un  Abry, 
l'esquisse  des  Tètes  coupées  de  Gallait.  Citons  encore  :  Con- 
stantin Meunier,  Van  Aise,  Impens,  —  et,  en  sculpture,  \'Onip- 
drnilles  de  Van  der  Stappen,  le  Tombeau  deRogier  de  Dillens,  des 
Charlier,  etc.. 

Il  esl  inutile  de  détailler  de  la  critique  autour  de  ces  œuvrettes, 
de  ces  esquisses,  de  ces  ébauches.  Ce  serait  vouloir  faire  un  bou- 
quet avec  des  boulons  qui  ne  sont  pas  encore  ouverts. 


22 


IJART  MODERNE 


Nouveaux    Concerts    Liégeois. 

lr«    Audition. 

{Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne.) 

De  tous  points  inléressanl  ce  premier  concert,  et  par  la  com- 
posilion  du  programme,  et  par  l'exéculion. 

César  Franck,  Richard  Strauss,  Vincent  d'Indy  figuraient  au 
programme. 

M.  Sylvain  Dupuis  fait  œuvre  d'initialeur  et  la  tûchc  qu'il  s'est 
proposée,  il  la  poursuit  en  artiste  délicat  et  consciencieux. 
Chaque  fois,  il  apporte  dans  ses  exécutions  plus  de  souci,  une 
observation  plus  minutieuse  des  nuances,  une  pénétration  plus 
profonde  de  l'œuvre  qu'il  inlerprèle.  11  dirige  d'une  main  plus 
sûre,  avec  un  grand  respect  et  une  haute  compréhension  de 
l'œuvre.  Il  obtient  de  son  orchestre  des  effets  d'ensemble,  des 
transitions  faciles,  un  «  fondu  général  »  auxquels  nous  ne  sommes 
pas  habitués. 

Ainsi  exécutée,  la  symphonie  de  Franck  nous  a  pénétré  de 
l'inspiration  si  puissante,  si  haute  du  maître.  Quelle  pureté  de 
lignes  !  Quelle  intensité  et  quelle  profondeur  de  sentiment  ! 

Bien  mieux  qu'à  la  précédente  exécution  (1),  nous  en  avons 
saisi  la  pensée  dans  la  plénitude  de  sa  force  et  de  son  élévation. 

La  Symphonie  sur  un  air  vwnlagnard  français  de  Vincent 
d'Indy,  déjà  exécutée  à  Liège  (2)  ci  accueillie  avec  le  plus  vif 
succès,  reste  une  œuvre  extrêmement  séduisante  par  la  distinction 
des  rythmes,  la  fraîcheur  et  la  vivacité  du  coloris. 

Richard  Strauss  n'était  connu  de  nous  que  par  son  récent 
insuccès  aux  concerts  populaires  de  Bruxelles.  Le  poème 
symphonique  Tod  und  Verklârung  (Mort  et  Transfiguration), 
nous  est  une  révélation. 

C'est  une  page  descriptive  dune  étonnante  vigueur  de  cou- 
leurs. Les  sonorités  les  plus  hardies,  les  plus  étranges  succèdent 
à  la  douceur  des  timbres,  au  mol  bercement  des  rythmes.  Les 
cruelles  alternatives  de  la  lutte  du  moribond  contre  la  mort  : 
soudains  apaisements,  puis  crises  violentes,  les  derniers  éclairs 
de  l'esprit  du  mourant  qui  revit  son  passé:  sourires  et  rêves  de 
jeunesse,  ensuite  désillusions  étiolantes,  constantes  et  toujours 
vaincs  recherches  de  la  vérité,  tout  cela  constitue  un  tableau 
impressionnant,  que  ,Ig,  ^compositeur  a  décrit  de  saisissante 
manière.  Nous  aimons  moins  la  dernière  partie  :  l'inspiration 
nous  parait  avoir  faibli  ;  les  chants  de  Transfiguration,  de 
Rédemption  s'élèvent  péniblement  ;  le  travail,  l'effort  sont  trop 
visibles  ;  la  suave,  la  «  transfigurale  »  impression  de  l'au-delà  se 
dégage  mal. 

OEuvre  touffue,  où  l'on  souhaiterait  peut-être  plus  de  précision, 
plus  de  sobriété,  des  lignes  plus  simples,  mais  œuvre  forte, 
empoignante,  révélatrice  d'une  personnalité  rigoureuse. 

Le  jeune  Gérardy  nous  est  revenu,  après  de  triomphais 
voyages  en  Allemagne  et  à  I^ndres.  Son  succès  chez  nous  a  été 
éclatant.  Son  jeu  s'est  fortifié,  il  est  plus  facile  et  plus  ferme  ;  le 
son  qu'il  tire  de  son  violoncelle  a  gagné  de  l'ampleur  et  conservé 
sa  moelleuse  douceur  ;  sa  personnalité  se  dessine  davantage.  En 
lui  la  sincérité,  le  tempérament  naissant  sont  caractéristiques,  et 
ce  sont  ces  qualités  solides  qui  nous  promettent  un  grand  artiste. 

(1)  Voir  VArt  moderne  1890,  no  50. 

(2)  Voir  l'Art  moderne  1890,  no  5. 


Chronique  judiciaire   de?  ^rt? 

Affaire  de  «  l'Éventail  -. 

Le  tribunal  civil  de  Bruxelles  a  été  saisi  d'une  demande  en 
dommages-intérêts  dirigée  par  les  directeurs  de  la  Monnaie 
contre  le  journal  l'Eventail  qui,  dans  son  n»  du  25  octobre  der- 
nier, avait  publié  un  arliculet  conçu  en  ces  termes  : 

«  Il  paraît  qu'à  l'une  des  dernières  répétitions  de  Salammbô, 
l'auteur  s'est  exprimé  sur  le  compte  de  tout  le  monde,  depuis  les 
sympathiques  directeurs  jusqu'au  dernier  dos  interprètes,  avec  la 
franchise  d'un  compositeur  qui  sait  mal  farder  la  vérité. 

«  Il  a  dit  sa  manière  de  voir,  coram  populo,  en  termes  éner- 
giques. Entre  autres  vérités  qu'il  a  lancées  à  la  face  des  intel- 
ligents impresarii,  il  leur  a  reproché  de  vivre  sur  l'ancienne  répu- 
tation de  leur  tliéAlre,  réputation  qu'il  ne  mérite  plus,  oh!  mais 
là  plus  plus  tout  !  Comme  c'est  bien  cola  !  !  !    « 

MM.  Sioumon  et  Calabrési  n'estimaient  pas  à  moins  de 
huit  mille  francs  le  préjudice  matériel  et  moral  que  cet  article 
leur  avait  fait  subir.  Ils  demandaient,  en  outre,  des  insertions 
dans  des  journaux  belges  et  français  jusqu'à  concurrence  de  trois 
■mille  francs. 

Après  avoir  entendu  MM'''*  Habn  et  Iluysmans  pour  les  deman- 
deurs, et  M«  Robert  pour  M.  P^Holiei^  le  directeur  de  l'Eventail, 
le  tribunal  a,  mercredi  dernier,  rendu  un  jugement  qui,  tout  en 
admettant  qu'avant  de  publier  un  proi)Os  qui  lui  est  rapporté, 
le  critique  doit  vérifier  s'il  a  été  réellement  tenu,  restreint  à  fort 
peu  de  chose  la  réparation  accordée  à  MM.  Stoumon  et  Calabrési  : 
une  seule  insertion  du  jugement  dans  l'Eventail,  et  rien  de  plus. 

Voici  quelques-uns  des  «  attendus  «  les  plus  intéressants  du 
jugement  : 

«  Attendu  qu'il  est  acquis  aujourd'hui  que  l'auteur  deSalammbô 
n'a  pas  émis  l'appréciation  qui  lui  a  été  prêtée;  mais  qu'il  rie 
s'ensuit  nullement  que  lors  de  la  publication  de  l'article  incriminé, 
le  défendeur  ait  commisse  inexactitude  consciente,  entachant 
sa  sincérité  et  sa  loyauté\ 

Mais  attendu  que,  con/rairement  au  sentiment  du  défendeur,  la 
présente  action  est  fondée  sur  sa  faute  aqiiilicnne,  dont  les  con- 
séquences sont  réglées  par  l'art.  1382  du  C.  civ.  ; 

Attendu  que  celte  disposition  oblige  à  la  réparation  de  tout 
dommage  occasionné,  même  de  bonne  foi,  par  faute,  imprudence 
ou  négligence; 

Attendu  que  la  question  de  savoir  s'il  y  a  faute,  imprudence  ou 
négligence  est  toute  de  fait  ;  qu'il  faut  donc  se  placer  au  point 
de  vue  spécial  de  la  critique  d'art  et  de  la  liberté  qu'elle  com- 
porte ; 

Attendu  que  le  défendeur  proclame  que  la  liberté  de  critique  en 
matière  d'art  n'est  limitée  que  par  les  exigences  et  le  respect  de 
l'honneur  privé; 

Attendu  que  le  défendeur  ne  vise  évidemment  que  la  critique 
honnête  et  loyale,  ne  s'écartant  pas  de  la  vérité  pour  nuire;  qu'on 
ne  pourrait  d'ailleurs  tolérer  certaines  atteintes  à  l'honneur  pro- 
fessionnel, parfois  inséparable  de  l'honneur  privé; 

Mais  attendu  que  là  n'est  pas  le  terrain  du  débat;  qu'il  ne  s'agit 
pas  dans  l'espèce  de  la  publication  d'opinions  personnelles  au 
défendeur,  —  appréciations  personnelles  dont  la  manifestation 
en  matière  théâtrale  jouit  d'une  liberté  particulièrement  étendue; 

Mais  attendu  qu'il  s'agit  de  décider  si  Rotiers  est  ou  non  léga- 


'ii^:; 


L'ART  MODERNE 


23 


leinenl  en  faute  pour  avoir  imprudemment  placé  dans  la  bouche 
autorisée  de  Reyer  une  déclaration  dommageable  que  celui-ci  n"a 
pas  faite; 

Attendu  que  la  solution  ne  peut  être  qu'aflirmative; 

Attendu  que  le  critique  d'art  ne  peut  trouver  une  excuse  dans  sa 
légèreté  quand  il  cause  préjudice  à  autrui  en  induisant  le  public 
en  erreur,  à  l'aide  de  l'autorité  d'un  critique  et  d'un  musicien  en 
renom  —  double  qualité  qui  appartient  à  Reyer  ;  qu'avant  de 
publier  le  propos  qui  lui  était  rapporté,  Rotiers  devait  vérifier  s'il 
avait  été  réellement  tenu;  que  sa  publication  faite  sans  contrôle 
est  constitutive  d'une  imprudence,  entraînant  sa  responsabilité 
légale.  » 

Aucun  préjudice  matériel  n'est  établi,  ajoute  le  jugement. 
Le  soir  de  la  reprise  de  Salammbô,  la  salle  était  comble,  et  le 
public  a  pu  apprécier  l'exécution  par  lui-môme  et  par  les  comptes 
rendus  de  la  presse.  Le  préjudice  moral  qu'a  pu  infliger  à  la 
Direction  du  Théâtre  l'article  en  litige  sera  donc  suffisamment 
réparé  par  la  publication  de  la  décision. 


pETlTE    CHROf^lIQUE 

Voici  la  liste  des  artistes  invités  à  prendre  part  au  prochain 
Salon  des  XX  qui  s'ouvrira,  comme  nous  l'avons  dit,  au  début 
de  février:  A.  Bartholomé,  A.  Besnard,  Miss  Mary  Cassatl,  Henri 
Gros,  A.  Delaherchc,  M.  Denis,  L.  Gausson,  Herbert  Horne,  Selwyn 
Image,  M.  Luoe,  X.  Mellery,  C.  Meunier,  L.  Pissarro,  Ch.  Serret, 
feu  George  Seurat,  H.  de  Toulouse-Lautrec. 

Comme  les  années  précédentes,  des  concerts  et  des  conférences 
initieront  le  public  Ji  l'évolution  de  la  musique  et  des  lettres. 

On  se  préoccupe  sérieusement  de  reprendre  au  Théâtre  du 
Parc  le  Mâle.  C'est  M""*  Marguerite  Rolland  qui  jouerait  le  rôle  de 
Germaine,  créé  par  elle  avec  un  si  grand  succès  au  Théâtre 
moderne  l'an  dernier.  Il  se  peut  que  le  rôle  de  Cachaprôs  soit 
tenu  par  un  des  artistes  de  la  troupe  de  M.  Candeilh,  très  épris  de 
la  figure  du  mâle  et  qui,  dit-on,  y  apporterait  un  air  de  nature 
tout  à  la  fois  et  de  terroir  qui  manquait  un  peu  au  créateur  du 
rôle,  M.  Cbelles.  M""  Besnier  reprendrait  sa  création  du  person- 
nage de  Célina  si  finement  ciselé  par  elle  il  y  a  quatre  ans. 

On  lit  dans  un  journal  italien  : 

«  Camille  Lemonnier,  le  puissant  romancier,  dramaturge  et 
critique  d'art  à  qui  l'on  doit  la  renaissance  deYactuelle  littérature 
belge,  vient  de  terminer  un  roman  dont  la  protagoniste  est  modelée 
sur  Yvette  Guilbcri,  la  hue  diseuse  fin  de  siècle. 

K  De  Lemonnier  va  être  traduite,  en  italien,  pour  éire  publiée 
par  un  journal  de  Palerme,  l'Isola.,  une  de  ses  œuvres  les  plus 
originales  et  les  plus  caractéristiques,  Happe-Chair,  qui  est  le 
digne  pendant  de  Germinal  de  Zola.  » 

C'est  donc  par  les  journaux  de  l'étranger  que  nous  allons  désor- 
mais recevoir  des  nouvelles  de  nos  artistes!  Ce  que  dit  le  confrère 
italien  du  prochain  roman  de  Camille  Lemonnier  est  juste,  mais 
il  oublie  de  signaler  une  œuvre  qui  précède  celle-là  et  qui  ne  lar- 
dera pas  à  paraître  :  La  Fin  des  Bourgeois. 

La  Section  d'Art  et  d'Enseignement  populaires  de  la  Maison 
du  Peuple  donnera,  mardi  prochain,  à  8  1/2  heures  du  soir,  sa 
quatrième  séance. 

M.  A.-J.  Wauters  y  fera  une  conférence  sur  le  Congo,  avec 
projections  lumineuses. 

Cartes  d'entrée,  5  francs  ;  cartes  permanentes,  iO  francs. 
Entrée  libre  pour  les  membres  du  Parti  ouvrier. 

M.  Emile  Sigogne  reprendra,  le  jeudi  21  courant,  au  Musée 
moderne  (salle  des  conférences),  la  série  de  ses  cours  de  littéra- 
ture contemporaine.  La  séance  d'ouverture  sera  consacrée  à  un 
aperçu  général  et  à  Villiers  de  l'Isle-Adam.  Puis  viendront,  de 


jeudi  en  jeudi,  des  leçons  sur  Sully-Prudhomme,  F.  Coppée,  les 
poètes  belges,  Dickens  et  Thakeray. 

Le  prix  du  cours  pour  les  dix  séances  est  de  20  francs. 


La  scène  se  passe,  Ji  Bruxelles,  dans  un  cabinet  de  lecture,  où 
l'on  donne  en  location  les  livres  récents  qui  paraissent. 

Un  père  de  famille  entre,  fait  une  scène,  prétend  qu'on  sature 
le  public  d'ouvrages  scandaleux,  qu'on  corrompt  son  fils  qui  est 
abonné.  11  ajoute  qu'il  va  provoquer  une  descente  du  parquet  ; 
qu'il  ne  paiera  pas  son  abonnement... 

Le  gérant  de  l'établissement,  empressé, décontenancé, s'informe 
du  nom  du  client...  C'est  un  échevin  de  la  ville. 

Il  se  renseigne  ensuite  sur  le  titre  du  livre  injurié  : 

C'était la  Tentation  de  saint  Antoine,  par  G.  Flaubert. 

Cours  supérieurs  pour  Dames.  —  Lundi  18  janvier,  à  2  heures. 
M.  H.  Pergamem  :  L'Asie  russe  :  la  Sibérie. 

Lundi  18,  à '3  heures.  M"'*  A.  Chaplin  :  Dickens. 

Mardi  19,  à  2  heures.  M.  E.  Veriiaeren  :  Les  premières  écoles 
chrétiennes  de  peintur» allemande. 

Mercredi  20,  à  2  heures.  M.  H.  Pergamem  :  La  Prusse  au 
X  VHP  siècle. 

Jeudi  21,  à  2  heures.  M.  H.  Lonchay  :  Marie-Thérèse  et 
Charles  de  Lorraine. 

Jeudi  21,  à  3  heures.  M""  J.  Tordeus  :  Lecture  d'auteurs 
modernes.  

Les  études  de  la  Rubens  Cantate,  l'œuvre  de  M.  Peter  Benoit 
qui  sera  exécutée  à  Tournai  le  24  janvier  prochain,  se  poursuivent 
activement  et  tout  promet  une  exécution  hors  ligne  de  la  belle 
partition  du  maître  anversois. 

Le  prix  des  places,  pour  ce  concert,  est  fixé  comme  suit  : 

Premières  numérotées  :  5  francs;  secondes  :  3  francs.  On  peut 
retenir  les  places  numérotées  à  dater  du  17  janvier,  en  envoyant 
un  mandat-poste  au  trésorier  de  la  Société,  7,  quai  des  Salines. 

Le  nombre  des  places  mis  à  la  disposition  du  public  est  rela- 
tivement restreint.  Les  demandes  de  places  seront  servies  suivant 
l'ordre  de  leur  arrivée. 

A  titre  de  renseignement,  les  personnes  de  Bruxelles  se  rendant 
à  Tournai  pour  ce  concert,  devront  se  munir,  au  départ  de 
Bruxelles-Midi,  d'un  supplément  de  Bruxelles-Midi  à  Bruxelles- 
Nord  pour  le  retour.  Le  train  international  quittant  Tournai  à 
9  h.  47  du  soir  va  directement  à  Bruxelles-Nord.  Le  concert  com- 
mencera à  7  heures  et  sera  terminé  à  9  h.  1/4. 

M.  A.-J.  Blaes,  ancien  professeur  au  Conservatoire  de  Bruxelles, 
vient  de  mourir,  à  77  ans,  à  la  suite  d'une  longue  maladie.  II  eut, 
avec  François  Servais  dont  il  était  l'ami  et  le  contemporain,  une 
réputation  de  premier  ordre  à  l'étranger,  oîi  il  charma  toute  une 
génération  par  la  virtuosité  avec  laquelle  il  jouait  de  la  clarinette. 
Il  laisse  des  mémoires,  publiés  il  y  aquelques  années,  et  dans 
lesquels  la  verve  du  Bruxellois  pur-sang  apparaît  sous  le  vernis 
de  l'artiste  et  du  professeur. 

A  l'occasion  de  l'exposition  horticole  des  3  et  4  avril  1892,  la 
Société  royale  d'horticulture  et  d'agriculture  d'Anvers  organise 
des  concours  de  peinture  et  d'aquarelles  auxquels  tous  les  artistes 
du  pays  et  de  l'étranger  sont  priés  de  prendre  part.  Un  jury  spé- 
cial sera  désigné  pour  les  juger. 

Des  prix  seront  décernés  au  plus  beau  tableau  de  plantes,  fleurs 
ou  fruits  (l'"'  prix  :  médaille  de  vermeil  et  100  francs);  à  la  plus 
belle  aquarelle,  gouache  ou  au  plus  beau  pastel  (1"  prix  :  médaille 

de  vermeil). 

Adresser  les  demandes  au  secrétaire  adjoint  (chaussée  de 
Malines,  221),  au  plus  tard  le  28  mars. 

Un  comité  ayant  à  sa  tête  M.  Ambroise  Thomas  vient  de  se 
constituer  dans"^le  but  d'organiser  une  souscription  pour  élever, 
dans  le  cimetière  de  Colombes,  un  monument  à  la  mémoire  d'Henry 
Lilolft'.  M.  Lucien  Palh'z  a  été  chargé,  à  l'unanimité,  de  fournir 
le  projet  de  ce  monument. 


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DOUZIÈME  ANNÉE 

Li'ART  MODERNE  s'est  acquis  par  l'autorité  et  l'indépendance  de  sa  critique,  par  la  variété  do  ses 
irffdV'mations  et  les  soins  donnés  à  sa  rédaction  une  place  prépondérante.  Aucune  manifestation  de  l'Art  ne 
lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  de  peinture,  do  sculpture,  de  gravure,  de  musique, 
d'architecture,  etc.  Consacré  principalement  au  inouvement  artistique  belge,  il  renseigne  néanmoins  ses 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  l'étranger  qu'il  importe  do  connaitre. 

Chaque  numéro  de  L'ART  MODERNE  sV)uvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  question  artistique 
ou  littéraire  dont  Tévénement  do  la  semaine  fournit  l'actualité.  Les  expositions,  les  livres  nouveaux,  les 
'premières  représentations  d'œuvres  dramatiques  ou  musicales,  les  conférences  littéraires,  les  concerts,  les 
ventes  d'objets  d'art,  font  tous  les  dimanclies  l'objet  de  clironiques  détaillées. 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  Il  rend  compte  des 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complète  des  expositions  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  11  est  envoyé  gratuitement  à 
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Douzième  annéb.  —  N"  4. 


Lb   numéro    :    25    CtCNTIMES. 


DiMANCHB  24  Janvier  1892. 


L'ART  MODE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,    fr.   10.00;  Union   postale,    fr.    13.00     —ANNONCES   :    On   traite  à   forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  rindustrie,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


,  Les  Crucifiés.  —  La  lettre  de  Courbet.  —  La  question  des 
Musées.  Les  responsabilités.  -  Notre  culture  intellectuelle.  — 
Une  statistique.  —  Lawn-tennis.  —  Exposition  universelle  de 
LA  Musique  et  du  Théâtre.  —  Chronique  judiciaire  des  arts.  — 
Petite  chronique. 


LES  CRUCIFIÉS 

Rien  des  martyrs  !  Rien  de  Jésus  !  Rien  de  la  Croix, 
en  tant  que  symbole  pré-chrétien  de  la  Vie-qui-vient, 
dans  les  lointaines  Egyptesd'Osiris-Sérapis  et  lesGrèces 
divines  de  Bacchus-Dyonisios,  dans  les  lointaines  Ninives 
de  Samsi-Toul,  fils  de  Salmanasar,  d'Assur-Nasir-Habal, 
roi  d'Assyrie,  portant  sur  le  pectoral  la  croix  à  ailerons 
palmés  dite  depuis  croix  de  Malte,  la  croix  à  bâtons 
égaux  dite  depuis  croix  grecque.  Rien  non  plus  de  la 
croix  des  monstrueux  supplices  sémitiques,  à  bras  iné- 
gaux, qu'on  nomma  croix  latine,  ni  de  la  croix  en  Tau 
sur  lesquels  Flaubert,  le  gigantesque,  crucifia  les  lions 
atlasiques  qui  stupéfièrent  l'armée  des  barbares,  mer- 
cenaires révoltés  de  Carthage,  en  marche  vers  le  défilé 
de  la  Hache  et  la  Mort. 


Non,  rien  de  ces  grandeurs  féroces  et  de  ces  cruautés 
sublimes  !  Rien  de  la  vie-qui-vient,  Zojjv  empxpii£vnv 
hiéroglyphe  cruciforme,  de  la-vie-arrivant,  de  la  vie 
future,  insigne  mystique  et  obscène  de  la  génération; 
présidant,  en  pleins  brouillards  d'un. incommensurable 
passé,  aux  germes  humides  et  chauds  dont  le  vin,  par  son 
état  liquide  et  sa  chaleur  aux  intestins,  est  le  représen- 
tant hypermystique.  La  croix,  signe  de  la  vie  saine  et 
forte,  rappelant  le  marteau  de  pierre  à  manche  de  frêne, 
gravé  sur  la  paroi  gauche  des  grottes  préhistoriques, 
emblèrhe  mal  déguisé  de  la  virilité,  faisant  pendant,  en 
ces  temps  perdus,  à  la  figure  grossière  de  la  féminité,  le 
marteau  de  fer,  à  masculine  figure,  qu'en  certains  can- 
tons sauvages  on  jette  encore  dans  le  giron  de  la  mariée 
en  clamant  quelque  allusion  erotique. 

Non,  non,  rien,  rien  de  ces  croix,  vieilles  comme 
l'Humanité,  vieilles  comme  la  mystérieuse  génération, 
comme  l'espérance,  comme  la  souffrance!  Rien  du  bois 
de  la  y'ie,  Lignum  vitael  rien  de  la  croix  notre  vie, 
crux  vita  nostra!  rien  de  la  mort  morte  sur  la  croix, 
mors  mortua  in  ligno  !  rien  de  la  croix  trouvée  dans 
les  catacombes  de  Rome,  mêlant  la  foi  nouvelle  à  la  foi 
des  sauvageries  remontant  à  l'âge  du  Renne,  rien  du 
crucifix,  symbole  de  la  vie  divine  qui  vient,  vient, 
vient,  viendra,  ô  mon  âme,  oui  viendra,  inspiratrice  et 
consolatrice  ! 

Voici  l'afl'aire,  dans  le  Monitelti  de  mercredi  : 


ORDRE  DE  LÉOPOLD 

Sont  promus  et  nommés  dans  l'Ordre  : 

Au  grade  de  commandeur  :  M.  A.  Pauli,  achilecle,  professeur 
émérite  de  l'Universilé  de  Gand  ; 

Au  grade  d'officier:  M"'  E.  Becrnaerl,  artiste  peintre  à  Bruxelles; 
MM.  F.  Courlens,  artiste  peintre,  à  Bruxelles;  J.  De  Braeckeleer, 
statuaire,  à  Anvers  ;  J.  Demannez,  graveur,  à  Bruxelles;  G.  Den 
Duyls,  artiste  peintre,  à  Bruxelles;  G.  Meunier,  artiste  peinire,  à 
Bruxelles:  L.  Mignon,  statuaire,  à  Bruxelles;  L.  Vander  Ouderaa, 
artiste  peinire,  à  Anvers;  P.  Vander  Stappen,  statuaire,  à  Bru- 
xelles; P.  Van  Havermaet,  artiste  peintre,  à  Anvers;  J.  Van  Sever- 
donck,  artiste  peinire,  à  Bruxelles. 

An  grade  de  chevalier  :  MM.  E.  Claus,  artiste  peintre,  à  Astene; 
V.  Dumoriier,  archiiecle,  à  Bruxelles;  M.  Hagemans,  artiste 
peintre,  à  Bruxelles;  F.  Khnopff,  artiste  peinire,  à  Bruxelles; 
A.  Le  Mayeur  de  Merprès, artiste  peintre,  à  Bruxelles;  I.  Meyers, 
artiste  peintre,  à  Bruxelles;  A.  Plumet,  artiste  peintre,  à  Anvers; 
H.  Slacquet,  artiste  peintre,  à  Bruxelles;  V.  Uylterschaut,  arlisie 
peinire,  à  Bruxelles;  F.  Van  Kuyck,  artiste  peintre,  président  de 
la  section  des  arts  plastiques  du  Cercle  artistique  et  littéraire 
de  la  ville  d'Anvers;  F.  Van  LeempuUen,  artiste  peintre,  à 
Bruxelles;  J.  Mister,  professeur  à  l'Université  de  Gand;  L.  Blan- 
chaeri,  arlisie  peintre,  à  Mallcbrugge;  Ch.  De  Pauw,  directeur 
des  écoles  Saint-Luc,  à  Gand  et  à  Bruxelles;  A.  Malfaii,  artiste 
sculpteur,  à  Bruxelles. 

Coînmandeurs  !  OflRciers  !  Chevaliers  !  Sonnez  clai- 
rons, battez  tambours!  Sonnez,  battez,  clairons  des 
tours,  bronzes  des  cathédrales  !  Evohé  !  Evohé  !  Voici 
vingt-sept  heureux,  parmi  lesquels  un  Président  de  la 
Section  des  arts  plastiques  du  Cercle  artistique  et  lit- 
téraire de  la  Dille  d'Anvers! 

Quelle  salade!  comme  les  quatre  épices  y  sont  exacte- 
ment mesurées,  sans  compter  cette  pincée  de  poivre  de 
Cayenne  vingtiste,  Fernand  Khnopff,  dont  aucune 
consonne  n'a  été  oubliée.  Quelle  exacte  aspersion  d'eau 
bénite  de  cour  sur  les  trente-deux  rhumbs  de  la  rose 
des  vents  officielle  :  Nord,  Nord  un  quart  Est,  Nord-Nord- 
Est,  Nord-Est  un  quart  Nord,  Nord-Est,  Nord-Est  un 
quart  Est,  Est-Nord-Est,  Est  un  quart  Nord,  Est,  etc., 
etc.,  etc.,  rose  des  vents  sur  laquelle  l'aiguille  magné- 
tique ne  marque  jamais  rien  ou  plutôt  marque  toutes 
les  directions. 

Oui,  ils  y  sont  tous,  les  points  du  compas,  depuis  les 
cardinaux,  jusqu'aux  sous-cardinaux  et  aux  sous- 
contre-clin-cardinaux,  en  passant  par  tous  les  collaté- 
raux. Chaque  école  a  reçu  son  écot.  La  prudente 
libéralité  éclectique  de  la  vacante  direction  des  Beaux- 
Arts  a  mis  sur  les  trente-six  numéros  du  tapis  pour 
être  sûre  de  perdre  et  de  gagner,  et  d'équiliber  ses  mises 
dans  la  plus  parfaite  neutralité. 

Il  y  a  des  présents  de  marque  dans  cette  distribution 
de  sucre  candi,  et  des  absents  formidables,  comme 
Xavier  Mellery  et  Félicien  Rops.  Raisons  administra- 
tives monstrueusement  niaises  :  Mellery,  parce  qu'il  n'est 
pas  chevalier  depuis  assez  longtemps  !  Rops,  parce  que 


c'est  un  poooornographe  !  !  Pourquoi  faire  cette  figure 
ébahie.  Monsieur?  Oui,  c'est  un  poooornographe!  Le 
grand  artiste,  l'incomparable  auteur  de  centaines  dechefs- 
d'œuvre  profonds,  l'admirable  dessinateur,  le  prodigieux 
graveur,  à  qui  depuis  deux  ans  la  France  émerveillée 
a  donné  la  Légion  d'honneur,  est  un  cochon!  Oui,  Mon- 
sieur, un  cooochon,  et  c'est  moi  Joseph  Prudhomme,  et 
c'est  nous  Bouvard  et  Pécuchet,  et  c'est  moi  Tribulat 
Bonhommet,  qui  vous  le  disons  sans  baragouiner  :  un 
cooochon,  un  triple  cooOchon,  un  cochon  cochonnant. 
Lui  donner  la  croix  !  la  croix  de  l'ordre  de  Léopold  !  la 
croix  que  porte  le  colonel  de  la  légion  de  la  garde 
civique  de  ma  section  !  Mais  autant  vaudrait  décorer 
les  prostituées.  Monsieur,  les  viles  prostituées,  opprobre 
du  genre  humain  et  honte  de  notre  belle  capitale! 

Ah!  ma  foi,  c'eût  pourtant  été  crâne  pour  les  minis- 
tres conservateurs,  galants  hommes  et  très  allants, 
d'accrocher  la  croix  à  la  boutonnière  d'un  tel  avéré 
grand  homme,  et  d'ajouter  à  la  fête  Camille  Lemon- 
nier.  Quelle  salve  dans  le  monde  artiste  à  la  révélation 
d'une  telle  fière  audace,  et  comme  ce  jeune  ministre 
des  Beaux-Arts  à  belle  désinvolture,  maître  Jules 
de  Burlet,  eût  à  jamais  été  débarrassé  de  la  méchante 
et  ridicule  légende  qui  lui  valut  le  surnom  de  Pantalon. 

Mais  c'est  si  difficile  d'être  crâne,  quoique  ce  soit  si 
souverainement  habile.  Félicien  Rops!  Camille  Lemon- 
nier  !  Allez  donc  !  Pauli-Plumot-Mister-Blanchaert, 
à  la  bonne  heure  ! 

Voilà  donc  une  fournée  de  peintres,  de  professeurs, 
et  même  d'architectes.  Yen  aura-t-il  une  de  ^^usiciens  ? 
Y  en  aura-t-il  une  de  littérateurs?  Ce  mauditCamille 
Lemonnier  rend  l'affaire  terriblement  difficile  pour  les 
littérateurs.  Comment  lui  passer  sur  le  corps,  à  lui 
l'initiateur  et  le  précurseur,  et,  ce  nonobstant,  toujours 
le  chef,  le  maître?  Il  obstrue!  Il  obstrue  absolument 
comme  un  cuirassé  coulé  dans  une  passe.  Décorer,  sans 
commencer  par  lui,  le  moindre  écrivain,  si  ce  n'est 
dans  l'arrière-garde  des  essoufflés  et  des  bedonnants, 
c'est  s'exposer  à  de  retentissants  refus.  Pas  avant  lui  ! 
crieront  sans  doute  par  escouades  tous  les.  jeunes  qui 
ont  le  sentiment  de  l'honneur  du  drapeau.  Et  nos 
timorés  crucilages  continueront  à  vivre  leur  vie  morose 
et  bloquée,  ne  décorant  rien  de  littéraire,  si  ce  n'est 
les  émasculés,  cantatiers  et  chroniquailleurs,  parce  que 
quelques  imbéciles  auront  aigrement  objecté  :  Ah! 
mais  vous  savez,  V  Enfant  du  Crapaud,  l'Enfant  de  ce 
malheureux  Crapaud  !  !  laissant  soupçonner  on  ne  sait 
quel  horrible  attentat  gerministe  commis  sur  une  inno- 
cente victime. 

Et  grâce  à  cette  lourde  terreur  comico-bourgeoise, 
on  verra,  en  cette  chère  Belgique  aux  vingt-huit  mille 
décorés,  ce  phénomène,  oh!  quelle  joie!  pas  une  seule 
croix  pour  nos  prosateurs,  pas  une  seule  croix  pour  nos 
poètes  ! 


UART  MODERNE 


27 


Lil  LETTRE  DE  COURBET 

C'esl  le  momenl  de  rééditer  la  fameuse  lettre  de  Courbet,  l'inap- 
privroisé,  l'inapprivoisable,  quand  on  s'avisa  de  tenter  sur  lui  le 
viol  de  la  décoration  (1). 

Monsieur  Gustave  Courbet  à  Monsieur  Maurice  Richard, 
ministre  des  Beaux-Arts  à  Paris. 

Paris,  le  23  juin  1870. 
Monsieur  le  Ministre, 

C'est  chez  mon  ami  Jules  Dupré,  à  l'Isle-Adam,  que  j'ai  appris 
l'insertion  au  Journal  officiel  d'un  décret  qui  me  nomme  chevalier 
de  la  Légion  d'honneur.  Ce  décret,  que  mes  opinions  bien  con- 
nues sur  les  récompenses  artistiques  et  sur  les  litres  nobiliaires  i 
auraient  dû  m'épargner,  a  été  rendu  sans  mon  consentement,  et 
c'est  vous.  Monsieur  le  Ministre,  qui  avez  cru  devoir  en  prendre 
l'initiative. 

Ne  craignez  pas  que  je  méconnaisse  les  sentiments  qui  vous  ont 
guidé.  Arrivant  au  Ministère  des  Beaux-Arts  après  une  adminis- 
tration funeste  qui  semblait  s'être  donné  la  lâche  de  tuer  l'art 
dans  notre  pays  et  qui  y  serait  parvenue  par  corruption  ou  par 
violence,  s'il  ne  s'était  trouvé  çà  et  là  quelques  hommes  de  cœur 
pour  lui  faire  échec,  vous  avez  tenu  à  signaler  votre  avènement 
par  une  mesure  qui  fit  contraste  avec  la  manière  de  voir  de  votre 
prédécesseur. 

Ces  procédés  vous  honorent,  Monsieur  le  Ministre,  mais  per- 
mettez-moi de  vous  dire  qu'ils  ne  pouvaient  rien  changer  ni  à 
mon  attitude  ni  à  mes  déterminations. 

Mes  opinions  de  citoyen  s'opposent  à  ce  que  j'accepte  une  dis- 
tinction qui  relève  essentiellement  de  l'ordre  monarchique.  Cette 
décoration  de  la  Légion  d'honneur  que  vous  avez  stipulée  en 
mon  absence  et  pour  moi,  mes  principes  la  repoussent. 

En  aucun  temps, en  aucun  cas,  pour  aucune  raison,  je  ne  l'eusse 
iu'ccptée.  Bien  moins  le  ferais-je  aujourd'hui  que  les  trahisons  se 
muliiplieni  de  toutes  parts  et  que  la  conscience  humaine  s'attriste 
de  tant  de  palinodies  intéressées.  L'honneur  n'est  ni  dans  un 
titre  ni  dans  un  ruban,  il  est  dans  les  actes  et  dans  le  mobile  des 
actes.  Le  respect  de  soi-même  et  de  ses  idées  en  constitue  la 
mnjeure  part.  Je  m'honore  en  restant  fidèle  aux  principes  de  toute 
ma  vie  ;  si  je  les  désertais,  je  quitterais  l'honneur  pour  en  prendre 
le  signe. 

Mon  sentiment  d'artiste  ne  s'oppose  pas  moins  à  ce  que  j'ac- 
cepte une  récompense  qui  m'est  octroyée  par  la  main  de  l'État. 
L'État  est  incompétent  en. matière  d'art.  Quand  il  entreprend  de 
récompenser,  il  usurpe  sur  le  goût  public.  Son  intervention  est  toute 
démoralisante,  funeste  à  l'artiste,  qu'elle  abuse  sur  sa  propre 
valeur,  funeste  à  l'art  qu'elle  enferme  dans  les  convenances  offi- 
cielles £t  qu'elle  condamne  à  la  plus  stérile  médiocrité;  la  sagesse 
pour  lui  serait  de  s'abstenir.  Le  jour  où  il  nous  aura  laissés 
libres,  il  aura  rempli  vis-à-vis  de  nous  un  devoir. 

Souffrez  donc,  Monsieur  le  Ministre,  que  je  décline  l'honneur 
que  vous  avez  cru  me  faire.  J'ai  cinquante  ans  et  j'ai  toujours 
vécu  libre;  laissez-moi  terminer  mon  existence  libre;  quand  je 
serai  mort,  il  faudra  qu'on  dise  de  moi  :  Celui-là  n'a  jamais 
appartenu  à  aucune  école,  à  aucune  église,  à  aucune  académie, 
surtout  à  aucun  régime,  si  ce  n'est  le  régime  de  la  liberté. 

(1)  Voir  aussi  un  article,  Art  Moderne,  1881,  p.  99  :  Les  artistes 
et  les  décorations. 


Veuillez  agréer.  Monsieur  le  Ministre,  avec  l'expression  des 
sentiments  que  je  viens  de  vous  faire  connaître,  ma  considération 
la  plus  distinguée. 

Gustave  Courbet. 


LA  QUESTION  DES  MUSEES 

Les  Responsabilités. 

La  campagne  contre  la  Commission  ayant  abouti,  et  une 
enquête  étant  décidée,  enquête  qu'on  affirme  devoir  être  sérieuse, 
il  serait  intéressant  de  décider  quelles  seront  les  responsabilités 
si  les  faits  dénoncés  par  VArtmoderne  sont  exacts. 

Certes,  il  s'est  glissé  quelques  erreurs  dans  nos  renseigne- 
ments. C'était  inévitable.  Les  agissements  des  commissions  gou- 
vernementales se  font  dans  l'ombre  :  on  cache  à  qui  l'on  fait  les 
commandes,  on  ne  publie  pas  les  prix  qu'on  a  payés  et  il  est  très 
difficile  à  un  simple  citoyen,  qui  n'est  d'aucune  commission,  de 
se  rendre  compte  de  la  façon  dont  sont  gérés  les  deniers  publics. 
Ainsi,  par  exemple,  même  dans  les  rapports  officiels,  on  n'a  pas 
dit  quels  sculpteurs  ont  fait  les  statuettes  de  la  place  du  Sablon. 
D'un  autre  côté,  un  haut  fonctionnaire  a  déclaré  à  quelqu'un  de 
nos  amis  que  le  prix  qu'on  payait  pour  les  tableaux  ne  regardait 
pas  le  public!  Certains  conservateurs  finissent  par  s'imaginer  que 
les  objets  confiés  à  leur  garde  leur  appartiennent,  qu'ils  se  mon- 
trent bien  généreux  en  voulant  les  exhiber  aux  visiteurs;  et  à  ce 
point  de  vue,  l'idée  des  tourniquets  qu'un  correspondant  nous  a 
communiquée  en  notre  numéro  du  29  novembre  dernier,  éviterait 
des  rapports  quelquefois  difficiles  et  faciliterait  la  vue  des  estam- 
pes et  des  photographies  de  notre  bibliothèque.  Jadis,  à  l'ancien 
Musée,  il  y  avait  des  vitrines  où  l'on  exposait  des  photographies 
de  vieux  tableaux,  qu'on  renouvelait  de  temps  en  temps;  on  a 
évidemment  supprimé  cet  usage  parce  qu'il  était  bon.  Mais,  géné- 
ralement, l'esprit  du  fonctionnaire  belge  est  détestable  :  dans 
toutes  ses  manifestations,  et  il  ne  veut  pas  qu'on  se  môle  de  ses 
affaires, qu'il  gère  pourtant  d'habitude  avec  une  notoire  maladresse. 

Aussi  —  revenons  à  notre  question  du  début  —  des  erreurs  se 
sont  glissées  dans  notre  campagne,  mais  en  somme  très  peu. 
Ainsi,  par  exemple,  le  Gallail  a  coûté  105,000  et  non  180, 000  fr., 
ce  qui  laisse  encore  notre  grief  debout.  D'un  autre  côté,  on  con- 
teste notre  chiffre  de  80,000  francs  pour  le  délogement  du 
Musée.  Puis  on  assure  que  les  Têtes  de  Nègres  sont  anciennes, 
sans  toutefois  qu'on  affirme  qu'elles  soient  de  Rubens  et  nous 
nous  serions  trompés  de  tableau  en  parlant  du  nettoyage  d'un 
Melsys.  Ce  sont  les  seuls  points  qu'aient  contestés  les  journaux 
dévoués  aux  commissions  et  les  amis  d'icelles. 

Eh  bien,  alors,  quelles  seront  les  responsabilités? 

Pour  l'avenir,  on  prendra  des  précautions  plus  grandes  et  on 
s'entourera  d'autres  lumières  que  de  celles  qui  éclairent  les  achats 
actuels,  on  réorganisera  de  fond  en  comble  les  commissions  et  on 
choisira  des  gens  plus  sérieux  et  plus  compétents,  c'est  évident. 

Mais  pour  le  passé?  Pour  les  faits  accomplis?  Passera-t-on 
l'éponge  sur  les  fautes  commises  avec  la  facilité  habituelle  qu'on  a 
ici  d'étendre  à  tous  les  fonctionnaires  l'irresponsabilité  des  juges? 

Cela  ne  se  peut. 

Nous  avons  dit,  par  exemple,  que  tels  et  tels  tableaux  n'étaient 
pas  authentiques.  Cela  ne  fait  de  doute  pour  personne,  et  tous  les 
experts  sérieux  et  les  vrais  amateurs  le  constatent  avec  nous. 

La  fausseté  des  attributions  étant  reconnue,  il  faut  que  le  mar- 


chand  reprenne  l'œuvre  el  rcmetle  l'argenl  reçu,  cl,  si  l'acliat  a 
été  fait  sans  la  garantie  d'aulhenlicité,  les  commissions  ont  com- 
mis une  faute  lourde  dont  elles  sont  personnellement  respon- 
sables. 

Il  y  a  vingt-cinq  ans  environ,  le  Musée  de  la  Porte  de  Hal 
acquit  pour  20,000  francs  le  Dyptichon  Leodiense.  Il  fut  plus  lard 
reconnu  faux  cl  l'aclial  fut  annulé.  La  même  chose  doit  se  faire 
pour  les  tableaux  non  aulbcnliques. 

Nous  ne  pouvons  laisser  bénévolement  des  œuvres  douteuses  h 
la  rampe  de  nos  musées  et  nous  n'irons  pas,  sans  nous  plaindre, 
les  laisser  remiser  dans  les  greniers! 

Quant  à  la  commission,  spécialement  :  Les  achats  doivent  élrc 
approuvés  par  un  expert  qui  n'est  que  moralement  responsable. 
Cette  approbation  couvre  complètement  la  Commission.  Or,  il 
paraît  qu'on  a  achelé  certaines  œuvres  sans  consulter  l'expert,  et 
celle  négligence  établit  de  nettes  el  indiscutables  responsabilités. 


NOTRE  CllTURE  INTELIECTUEILE 

Conférence  donnée  au  Cercle  Artistique  et  Littéraire,  le  4  décembre 
1891,  par  M.  A.  Prins.  Bruxelles,  Weissenbruch,  grandin-S»,  24  p. 

Il  y  a  quelques  semaines,  M.  Prins  choisissait  le  Cercle  Artis- 
tique et  Littéraire  de  Bruxelles  pour  y  donner  une  conférence  sur 
notre  Culture  intellectuelle. 

Les  hautes  pensées  développées  par  le  conférencier  avec  une 
éloquence  qui  prend  sa  source  dans  le  cœur  non  moins  que  dans 
l'esprit  n'ont  pas  été  sans  porter  droit. 

Quelle  est  la  culture  d'un  temps  indécis  et  tout  de  transition 
comme  le  nôtre?  Quel  est  le  rôle  que  doivent  jouer  dans  la  for- 
mation des  esprits  el  les  grandes  universités  et  les  lettres  et  les 
arts?  Notre  enseignement  doit-il  être  classique,  c'esi-à-dirc  doit- 
il  continuer  à  demander  aux  anciens  le  fond  el  la  forme  de  toutes 
manifestations  intellectuelles,  ou  peul-il  se  contenter  d'être 
moderne,  s'inspirant  de  littératures  conlemporaines,  cultivant 
les  sentiments  créés  par  nos  poètes  et  nos  romanciers  h  nous, 
donnant  enfin  la  science  positive  comme  base  à  toutes  nos 
assises  intellectuelles. 

Tels,  quelques-uns  des  -problèmes,  qu'en  quelques  quarts 
d'heure,  a  successivenient  passés  en  revue  le  conférencier. 

M.  Prins  vient  de  publier  en  brochure  la  conférence  qu'il  a 
donnée  au  Cercle  el  nous  avons  pu  y  retrouver,  dans  leur  texte, 
quelques-uns  des  beaux  développements  que  déjà  nous  avions 
admirés  à  l'audition  :  c'est  bien  substantiel,  bien  neuf  el  peu  con- 
forme. 

Qu'il  nous  soit  permis,  en  ce  journal  spécialement  consacré  à 
l'Art,  de  citer  la  fin  de  cette  conférence,  fin  à  la  vérité  peu 
attendue  de  maints  de  ses  auditeurs. 

Mettre  en  doute  l'utilité  de  l'éducation  littéraire  du  grec  et  du 
latin  passe  encore,  mais  conclure,  après  réfutation  en  règle  de 
toute  la  kyrielle  des  anciens  arguments  en  leur  faveur,  que  c'est  à 
notre  littérature  nationale  qu'il  faut  consacrer  une  partie  du  temps 
donné  b  ces  antiquailles,  voilà  ce  qui  a  été  particulièrement  désa- 
gréable à  admettre  par  quelques  défenseurs  attitrés  du  Beau 
ancien  et  absolu.  Les  applaudissements  à  ce  passage  s'en  sont 
ressentis. 

«  Nous  assistons,  en  ce  moment  à  l'éclosion  d'une  littérature 


nationale.  Ce  qu'elle  a  de  meilleur  ne  lui  vient-il  pas  de  la  race, 
des  traditions,  du  sol?  N'est-ce  pas  à  nos  traditions  arlisti(iues 
que  nos  poètes,  nos  littéraleurs  doivent  d'être  surtout  des  pein- 
tres, des  descriptifs?  Je  ne  voudrais  pas  citer  de  noms;  mais 
enfin,  pour  donner  des  preuves,  est-ce  que  l'auteur  de  la  Prin- 
cesse Moleine  ne  rappelle  pas  la  grâce  mystique  des  vierges  pilles, 
mélancoliques  el  résignées  de  Van  Eyck  et  de  Memling,  comme 
l'auteur  des  Flamandes  et  l'auteur  des  Kermesses  rappollonl 
l'exubérance  réaliste  de  Jordaens  ou  de  Teniers,  comme  nos 
charmants  conteurs  wallons,  l'auleur  de  la  Closière,  celui  des 
Charneux,  ou  celui  des  Contes  de  mon  village  rappellent  la  saine 
cl  robuste  fraîcheur  qui  semble  émaner  de  la  Meuse  ou  de 
l'Ardenne? 

Je  n'ai  pas  l'intention  de  prolonger  ici  une  étude  de  ce  genre  ; 
je  désire  seulement  montrer  que  nous  pouvons  puiser  en  nous- 
mêmes  la  source  de  l'inspiration. 

11  y  a  un  proverbe  arabe  qui  dit  :  «  Ce  n'est  jamais  en  vain 
qu'on  a  erré  sous  les  palmiers  ».  Eli  bien,  chez  nous  aussi,  ce 
n'est  jamais  en  vain  qu'on  erre  aux  bords  de  la  Meuse  "ou  de 
l'Escaut,  ce  n'est  jamais  en  vain  qu'on  erre  dans  nos  campagnes. 

Quand,  au  printemps,  on  chemine  dans  les  grasses  prairies 
brabançonnes,  par  exemple  entre  Dry  Torcn,  où  Teniers  avait 
sa  maison  de  campagne,  et  Ellewyl,  où  Rubens  résidait  souvent; 
quand  on  parcourt  les  sentiers  qu'ils  ont  sans  doute  foulés  l'un  el 
l'autre  ;  quand  à  travers  le  rideau  des  peupliers  on  voit  se  dresser 
les  fermes  séculaires  avec  leurs  toits  à  pignons  el  leurs  fenêtres  à 
meneaux;  quand  la  neige  des  vergers  resplendit  sur  la  verdure 
renaissante,  et  que  dans  la  lumière  intense  des  grandVoutes,  les 
vieux  arbres,  les  vieilles  fermes  el  les  vieilles  gens  (jÉ|Muêmcs 
semblent  redevenir  plus  jeunes;  il  semble  aussi  ^ê  l'âme 
rajeunie  du  passé  surgisse  à  l'horizon,  et  avec  elle  le  souvenir  des 
générations  d'artistes,  de  savants,  d'écrivains,  de  penseurs  qui  ont 
brillé  aux  époques  illustres  de  notre  histoire. 

On  songe  alors  que  dans  les  milliards  d'êtres  qui  viennent,  p:is- 
senl  et  disparaissent,  pour  ne  plus  revenir,  conune  des  flollanis 
atomes,  il  en  est  qui  appartiennent  à  ce  petit  coin  de  terre,  y  ont 
puisé  leur  individualité  el  nous  l'ont  transmise,  pour  qu'à  noire 
tour  nous  la  transmeltions  à  nos  descendants. 

Et  l'on  a  la  conscience  d'aimer  son  pays  d'un  amour  en 
quelque  sorte  physique;  et  on  le  sent  bien,  ce  n'est  pas  une  pure 
illusion  que  le  lien  qui,  dans  le  tourbillon  tumultueux  de  l'uni- 
vers, dans  l'agitation  perpétuelle  des  choses,  ratlache  l'homme  au 
sol  natal  el  lui  donne  un  point  d'appui! 

El  de  même,  ce  n'est  pas  une  pure  illusion  qu'une  culture 
nationale,  un  art  national,  une  liitérature  nationale. 

C'est,  au  contraire,  la  plus  forte  des  réalités  ;  c'est  à  cela  que 
tout  doit  aboutir,  c'est  la  loi  suprême  des  peuples  dignes  de 
vivre. 

C'est  pour  cela  que  nos  écrivains  ont  raison  de  relever  le  dra- 
peau d'un. art  national;  c'est  pour  cela  qu'ils  doivent  à  leur  pays 
d'être  de  plus  en  plus  eux-mêmes,  de  fortifier  en  eux  les  qualités 
qui  leur  viennent  des  grands  ancêtres. 

El  c'est  pour  cela  que  nous,  Mesdames  et  Messieurs,  nous 
avons  à  les  saluer  avec  joie  et  que  nous  leur  devons  noire  protec- 
tion, noire  appui  el  noire  sympathie!  » 


'O 


i:art  moderne 


29 


UNE  STATISTIQUE 

f.a  table  des  matières  de  la  Jeune  fie/jù/He  compte  vingt-sept 
('■crivains  belges  qui  y  ont  collaboré  celte  année. 

Ce  sont  MM.  Albert  Arnay,  Jean  Boels,  Hector  Chainaye,  Eugène 
Demolder,  Maurice  Desombiaux,  Georges  Désirée,  Georges 
Kckhoud,  André  Fontainas,  Georges  Garnir,  Ivvan  Gilkin,  Valère 
Gillc,  Albert  Giraud,  Arnold  Goflln,  Auguste  Jenarl,  Hubert 
Krains,  Grégoire  Le  Roy,  Maurice  Maeterlinck,  Henry  Maubel, 
Joseph  NèvG,  Gustave  Ralilcnbeck,  Fernand  Roussel,  Fernand 
Sevcrin,  Gustave  Stevens,  Charles  Van  Lerberghe,  Emile  Ver- 
liaeren,  Ernest  Vcriant,  Auguste  Vierset. 

Ce  nombre  est  déjà  considérable.  Mais  en  dehors  de  lui,  il  y  a 
encore  dans  le  jeune  mouvement  d'autres  écrivains  qui  ne  sont 
pas  dans  la  table  des  matières  de  la  Jeune  Belgique,  soit  parce 
qu'ils  n'y  ont  pas  collaboré  celle  année,  soit  parce  qu'ils  colla- 
borent à  d'autres  revues.  Ainsi  :  MM.  Camille  Lemonnicr,  Edmond 
Picard,  Octave  Maus ,  Louis  Delatlre,  Jules  Destrée,  Arthur 
James,  Fernand  Brouez,  James  Vandrunen,  Emile  Van  Arenbcrgh, 
Albert  Mockcl,  P. -M.  Olin,  Raymond  Nyst,  Hubert  Stiernel, 
Georges  Rodenbach,  Francis  Nautet,  Georges  Khnopff,  Franz 
Mahulte,  Henri  Nizet,  Maurice  Si  ville,  Léopold  Courouble,  Henry 
Carton  de  Wiarl,  Paul  Ollct,  Céleslin  Demblon,  Maurice  Sulz- 
berger,  Eugène  De  Groole,  Georges  Keller,  Jules  Frédéric,  et 
d'autres. 

Nous  en  avons  cité  cinquante-quatre,  et  en  avons  encore  sans 
doute  oubliés.  Tous  —  h  l'exception  de  deux  ou  do  trois  —  ont 
débuté  depuis  moins  de  dix  ans.  Tous,  en  dehors  de  l'œuvre  du 
journaliste,  ont  fait  des  œuvres  d'arl  et  de  litlémlure.  Il  en  est, 
dans  cette  énumération,  qui  possèdent  du  talent,  beaucoup  de 
talent;  d'autres  en  ont  moins  :  mais  tous  ont  pris  pour  but 
l'Art. 

Avant  ces  dix  ans,  —  remontez  un  siècle  en  arrière,  deux  siècles 
si  vous  voulez,  et  passez  par  les  cinquante  années  si  célébrées  de 
prospérité  nationale,  —  vous  ne  trouverez  pas  quinze  artistes  de 
la  plume.  Leur  nombre  actuel,  dans  un  petit  pays,  dénote  sans 
conteste  un  mouvement  d'une  intensité  des  plus  extraordinaires. 
11  est  inutile  d'emprunter  la  «  longue  vue  »  de  M.  Mirbeau  pour 
s'en  apercevoir. 


LAWN-TENNIS 

par  Gabriel  Mourey.  —  Paris,  Tresse  et|^Stock. 

Sous  ce  litre  d'apparence  inoffensive,  évoquant  les  claires 
journées  estivales,  et  la  pelouse  ras  fauchée,  éployée  en  tapis 
d'émeraude  au  pied  des  arbres  séculaires,  et  les  flanelles  claires 
égayant  l'austérité  des  ombrages  —  un  drame  terrible  :  l'amour 
lesbien  audacieusement  mis  en  scène,  sans  rélicences,  sans  sous- 
entendus,  tout  nu  dans  son  liorreur  tragique,  et  finissant  dans 
du  sang. 

L'acte  de  M.  Gabriel  Mourey  avait  été  offert  au  Théûtrc  Libre,  cl 
accepté.  Les  rôles  en  étaient  distribués,  lorsque  survint  cet  inci- 
dent inattendu  ;  les  comédiens,  effrayés  de  l'impudeur  du  sujel, 
hésitèrent  à  se  charger  de  le  représenter.  M.  Antoine  écrivit  à 
l'auteur  la  lettre  ci-après,  qui  détermina  M.  Mourey  à  retirer 
galamment  sa  pièce  : 


Mon  cher  Mourey, 

Ainsi  Jque  vous  avez  pu  en  juger  vous-même  aujourd'hui 
pendant  la  lecture  de  votre  acte,  Lnwn-tennis,  aux  interprètes 
que  nous  avions  choisis,  il  se  produit  un  incident  curieux  et  dont 
je  ne  connais  pas  d'exemple.  C'est-à-dire  que  votre  pièce,  possible 
à  la  représentation  entre  intimes,  n'est  pas  jouable  devant  un 
public. 

Vous  avez  vu  vos  comédiens  eux-mêmes  tout  interloqués  de  la 
hardiesse  et  de  la  violence  de  votre  conception.  Je  ne  pense  pas, 
après  celle  épreuve,  qu'une  salle  de  douze  cents  personnes  puisse 
accepter  avec  sang-froid  une  situation  aussi  singulièremeiit  anor- 
male et  passionnée.  Rappelez-vous  la  première  tle  la  Fin  de 
Lucie  Pellegrin. 

J'avais  éprouvé,  je  ne  vous  l'ai  pas  caché,  du  reste,  à  la  lecture 
de  votre  manuscrit,  une  1res  forle  sensation  d'arl  et  je  m'étais 
laissé  séduire  par  la  grûce,  l'élégance  et  la  littérature  de  Lawn- 
tennis.  J'ai  reçu  voire  pièce  et  elle  sera  représentée  sur  le 
Théâtre  Libre  si  vous  l'exigez. 

L'exigcrez-vous? 

Si  oui,  nous  courrons  simplement  le  danger  de  faire  fermer  le 
Théâtre  Libre  sur  un  gros  scandale  qui  sera  bien  vite  exploité 
par  qui  vous  savez  et  que  vous  ne  recherchiez  en  somme  pas 
plus  que  nous. 

Avons-nous  le  droit  de  sacrifier  les  intérêts  littéraires,  les 
espoirs  groupés  autour  de  la  maison,  et  ne  scrail-ce  pas  une 
grave  responsabilité  pour  vous  aussi  bien  que  pour  moi?  Ne 
croyez-vous  pas  aussi  que  l'ère  des  violences  et  des  soi-disant 
coups  de  pistolet  est  close  désormais?  Votre  acte,  d'une  origina- 
lité si  puissante  et  si  étrange,  ne  se  trouve-t-il  pas  vraiment  trop 
au-dessus  des  conventions  courantes?  Entendez  bien  que  je  ne 
prétends  aucunement  vous  dire  que  Laivn-tennis  n'est  pas  une 
pièce;  c'en  est  une,  au  contraire,  et  fort  bien  faite;  mais,  lorsqjie 
j'écris  ce  mot  de  convention  que  nous  détestons  tous,  je  veux 
parler  de  celle  hypocrisie  toute  britannique  spéciale  aux  gens 
assemblés  qui,  individuellement,  commettent  un  tas  de  saletés 
sans  la  moindre  vergogne  et  qui  rechignent  aux  vérités  trop 
nettes  apparues  à  la  lueur  des  quinquels! 

Je  vous  fais  juge  et  vous  resterez  le  maître  de  la  situation.  Si 
vous  le  voulez,  tentons  l'aventure,  mais  réfléchissez  bien  aux 
risques  que  pourrait  courir  une  maison  dont  tous  vos  amis  ont 
besoin  et  envers  lesquels  je  suis  comptable. 

Vous  m'aviez  parlé  d'un  acte  en  collaboration  avec  M.  Jules 
Bois.  Je  vous  offre  de  le  jouer  à  la  place  de  Lawti- tennis .  Vous 
ne  perdriez  rien  à  celle  combinaison  et  elle  apporterait  an 
Théâtre  Libre  un  nom  que  nous  serions  heureux  de  voir  figurer 
sur  nos  programmes. 

Bien  vôtre  A.  Antoine. 


Exposition  universelle  de  la  Musique  et  du  Théâtre 

Nous  avons  parlé  déjà  de  l'Exposition  musicale  qui  s'ouvrira  à 
Vienne  le  7  mai  1892.  Le  comité,  présidé  par  le  marquis  Palla- 
vicini,  invite  tous  les  collectionneurs  à  y  prendre  part.  Tout  ce 
qui  se  rapporte  à  la  musique  et  au  théâtre  sera  reçu  à  condition 
d'offrir  de  l'intérêt  ou  une  valeur  intrinsèque  suffisante.  L'txpo- 
sition  musicale  se  divisera  en  deux  sections  :  la  première  sera 
consacrée  à  une  exposition  rétrospective  et  technique,  la  seconde 
à  une  exposition  induslriellc  spéciale  où  seront  exhibés  les  insiru- 


S. 


30 


l:art  moderne 


menls  modernes  el  leurs  accessoires,  les  décors  el  costumes  de 
llx^ûtre,  la  liltéralure  musicale  conlemporaine,  elc. 

Il  n'y  a  pas  moins  de  soixante-quatorze  classes  distinctes, 
réparties  en  douze  groupes.  La  commission  (Esclienbach  Gasse  \  \ , 
Vienne  I)  reçoit  les  demandes  d'inscription.  Les  envois  devront 
èlre  fiaits  du  \"  mars  au  21  avril.  Le  programme,  le  règlement  et 
des  demandes  d'admission  sont,  dans  nos  bureaux,  à  la  disposi- 
tion de  nos  abonnés. 

A  Vienne,  on  travaille  fiévreusement  à  l'organisation  de  celle 
exposition.  On  construit  une  scène  spéciale,  qui  réalisera  tous  les 
prrfectionnements  modernes.  Les  théâtres  de  Vienne  y  joueront 
pendant  les  mois  de  mai  et  de  septembre,  trois  tliéâlres  de  Berlin 
au  mois  de  juillet.  On  est  en  pourparlers  avec  l'Opéra  de  Milan, 
iuec  des  tliéâlres  hongrois,  tchèques  el  polonais. 

A  la  Tonhalle,  immense  salle  de  musique,  on  organisera  une 
vingtaine  de  grands  concerts,  dirigés  par  les  plus  célèbres  compo- 
siteurs el  chefs  d'orchestre.  Hans  Richter.  Biilow,  Verdi  ont  déjà 
promis  leur  concours.  Il  est  probable  qu'on  obtiendra  également 
relui  de  Mascagni.  L'Exposition  contiendra  tout  ce  qui  se  rapporte, 
de  près  ou  de  loin,  à  la  musique  et  au  théâtre. 

11  y  aura  des  souvenii-s  des  grands  compositeurs.  Le  prince 
Lichnowski  exposera  le  beau  piano  surlequel  Beethoven  aimait  à 
jouer;  le  comte  Esterhazy  prêtera  ses  souvenirs  de  Haydn;  le  baron 
N.  Rothschild  sa  magnifique  collection  d'instruments  de  musique. 
Touies  les  grandes  familles  de  la  monarchie  mellronl  leurs 
archives,  leurs  galeries,  leurs  collections  artistiques  à  la  disposi- 
tion du  comité.  On  arrivera  â  reconstruire  les  cabinets  de  travail 
de  Gœthe,  de  Richard  Wagner,  de  Beethoven,  de  Schubert,  elc. 
Enfin,  ce  sera  une  exppsition  des  plus  complètes,  des  plus 
originales  el  qui  promet  d'attirer  toute  l'Europe  artistique  dans  la 
vieille  cité  impériale. 

Il  y  aura  plus  de  trois  mille  six  cents  autographes  de  maîtres 
célèbres  de  tous  les  pays  el  de  tous  les  temps,  douze  cents 
portraits  de  compositeurs,  libretiisies,  artistes  célèbres.  L'archi- 
duc Ferdinand  a  mis  à  la  disposition  du  comité  sa  collection 
d'instruments  anciens;  le  prince  de  Schwarzenberg,  sa  collection 
(le  manuscrits  ;  l'éditeur  Artaria,  sa  collection  de  manuscrits  de 
Beethoven,  parmi  lesquels  l'autographe  de  la  IX^  symphonie  et 
de  la  messe  en  ré;  M'"^  Viardol  le  manuscrit  de  Don  Juan  de 
Mozart.  Ce  maître  aura,  d'ailleurs,  un  pavillon  spécial,  où  l'on 
trouvera  quantité  de  reliques,  de  gravures,  de  manuscrits,  de 
lettres,  etc.,  qui  se  rapportent  à  sa  personne  et  à  son  œuvre. 


■pHRONIQUE    JUDICIAIRE    DE?    ART? 
La  Madeleine  de  'V^an  Dyck  (?). 

Acheter  un  Van  Dyck  6,000  francs  n'est  vraiment  pas  une  mau- 
vaise-affaire. Alléché  par  la  modicité  du  prix,  un  collectionneur 
de  tableaux,  M.  Valenlin  Roussel,  acquit,  en  4889,  uncMadeleine 
que  le  vendeur,  M.  Manteau,  lui  affirmait  être  du  maître  peintre, 
l-a  joie  de  l'amaleur  fui  éphémère.  Des  amis  auxquels  fui  exhibée 
la  merveille  insinuèrent  dans  l'âme  du  collectionneur  le  serpent 
rongeur  du  doute.  Des  traces  de  tripatouillage  existaient,  incon- 
testablement, sur  la  toile.  Aussi  M.  Roussel  n'hésita-l-il  pas  à 
assigner  son  vendeur  en  résiliation  du  marché,  en  restitution  du 
prix  et  en  dommages-intérêts.  Le  tribunal  de  commerce  de 
Bruxelles,  auquel  fut  déférée  la  cause,  nomma  des  experts  qui 


déclarèrent,  à  l'unanimité,  que  «  l'œuvre  pouvait  très  ruisonna- 
hloment  être  attribuée  à  Van  Dyck  ». 

Les  juges  consulaires  décidèrent  que  celle  formule  un  peu 
vague  devait  donner  à  l'acheteur  toute  satisfaction  et  déboulèrenl 
celui-ci  de  son  action. 

iWais  la  Cour  d'appel  ne  fui  pas  de  cet  avis,  cl  sur  la  plaidoirie 
de  M"  Albert  Simon,  réforma,  le  8  janvier,  le  jugement  du  tribu- 
nal. 

«  Quelque  sérieux  que  puissent  être  les  motifs  déterminants 
d'une  attribution,  dil  en  substance  l'arrêt,  celle-ci  n'en  est  pas 
moins  une  conjoncture  incertaine  qui  no  peut  remplacer  la 
garantie  d'authenticité  promise.  » 

Eu  conséquence,  la  vente  esl  résiliée,  M.  Manteau  est  con- 
damné ë  remboursera  l'appelant  la  somme  de  6,000  francs,  prix 
du  tableau,  avec  les  intérêts  légaux  depuis  la  date  du  paiement 
(19  mai  1889)  el  à  lui  payer  on  outre  100  francs  à  litre  de  dom^ 
mages-intérêts.  *-- 


Petite  chro^^ique 

Indépendamment  des  artistes  invités  dont  nous  avons  publié  la 
liste,  cxpos'vont  cette  année  au  Salon  des  XX  :  M"«  A.  Boch, 
MM.  Ensor,  W.-A.  Finch,  F.  Khnopff,G.  Lemmen,  D.  de  Regoyos, 
P.  Signac,  J.  Toorop,  H.  Van  de  Velde,  Van  Rysselberghe,  Van 
Sirydonck,  Vogels,  peintres;  G.  Charlier,  P.  Dubois  et  G.  Minne, 
sculpteurs. 

On  lit  dans  le  Peuple  et  dans  divers  journaux  : 

«  On  sait  que  la  place  de  direcleur  des  Beaux-Arts  est  vacante 
et  que  M.  de  Haulleville,  ancien  rédacteur  en  chef  du  Journal  de 
Bruxelles,  postule  celte  place.  Mais  M.  Woesie,  qui  a  une  haine 
très  forte  contre  M.  de  Haulleville,  fait  en  ce  moment  tout  ce  qu'il 
peut  pour  faire  échouer  ce  candidat,  ol  aussi;  tout  autre  qui,  de 
près  on  de  loin,  a  des  rapports  avec  le  jeune  mouvement  littéraire 
el  artistique  de  notre  pays.  On  assure  que  c'est  M.  Charles  Tar- 
dieu,  rédacteur  en  chef  de  l'Indépendance,  qui  serait  le  candidat 
qui  a  le  plus  de  chances,  d'autant  plus  qu'il  a  MM.  Woeste  ol 
Beernaeri  pour  parrains.  Curieux,  n'est-ce  pas?  » 

Nous  ignorons  ce  qu'il  y  a  de  vrai  dans  l'outrecuidance  qu'on 
prêle  à  M.  Tardieu,  ce  sous-Frédérix.  Nous  le  saurons  d'ici  à 
dimanche  prochain,  et  dans  le  cas  où  il  aurait  eu  la  malheureuse 
idée  de  tenter  celte  chance,  lui  le  réprouvé  qui  récemment  encore 
a  élé  mis  au  ban  de  l'armée  artistique,  nous  lui  réglerons  son 
compte. 

Quant  à  M.  Woesie  qui  se  mêle  d'une  matière  pour  laquelle  il  a 
autant  d'aptitude  qu'un  hareng  saur  pour  le  vélocipède,  nous 
nous  chargerons  aussi  de  lui  démontrer  que  dans  un  temps  où  le 
seul  art  qui  compte  est  l'art  neuf,  il  n'y  a  aucune  place  ni  droit 
de  parler  pour  lui  qui  représente  en  toutes  choses  l'école  du 
sabot-sous-la-rouc  destiné  à  empêcher  les  diligences  de  descendre 
trop  rondement  les  côtes. 

Au  dernier  moment  on  nous  assure  que  lorsqu'on  demande  à 
M.  Tardieu  s'il  pose  sa  candidature,  il  répond  :  Non;  mais  que 
si  on  lui  demande  l'autorisation  de  le  dire,  il  répond  encore  :  Non. 

Est-ce  que  ce  masuiresque  personnage  userait  de  diplomatie  l'i 
serait  d'avis  que  le  meilleur  moyen  de  ne  pas  être  escarboté  avant 
d'arriver  au  but  esl  de  s'y  diriger  dans  les  ténèbres.  Mais  gare  ;hi 
tir  de  nuit.  La  guerre  est  aujourd'hui  si  perfectionnée. 

Nous  avons  annoncé  dans  notre  dernier  numéro  qu'une  sous- 
cription venait  d'être  ouverte  pour  élever  un  monument  sur  li 
tombe  de  Henry  Litolff,  l'auteur  des  Templiers,  du  Chant  dès 
Guelfes,  des  Girondins,  du  Chant  des  Belges,  du  Dernier  jour 
de  la  Terreur,  des  cinq  Concertos  symphoniques  pour  piano  el 
orchestre,  d'Héloïse  et  Abélard,  etc.,  etc. 

Le  comité,  dans  lequel  figurent  MM.  Ambroise  Thomas  Masse- 
net,  Gounod,  Chabrier,  Guiraud,   Gevacrl,  A.   Silveslre,'Camille 


i:art  moderne 


31 


Doucft,  Armand  Gouzion,  Edg;.  Troimaux,  etc.,  fait  un  pres- 
sant appel  aux  amis  et  aux  admirateurs  du  maître  en  Belgique. 
Les  adhésions  peuvent  être  adressées  à  nos  bureaux  ou  directe- 
ment à  M.  Victor  Souchon,  trésorier  du  comité,  rue  du  Faubourg 
Montmartre,  17,  Paris. 

M.  Gustave  Sainienoy,  l'un  de  nos  meilleurs  architectes,  vient 
de  mourir.  Il  allait  atteindre  la  soixantaine.  M.  Saintenoy  a  con- 
struit le  théâtre  de  Bruges,  le  château  des  Amerois,  le  palais  de 
Lomlc  de  Flandre  et  plusieurs  écoles  à  Bruxelles,  parmi  lesquelles 
les  cours  d'éducation  de  la  rue  de  la  Paille,  les  plans  de  l'hôtel 
du  gouvernement  provincial  à  Hasselt  en  cours  d'exécution,  etc. 

Nous  adressons  à  son  fils,  M.  Paul  Saintenoy,  architecte  et 
archéologue,  nos  sympathiques  condoléances. 

M.  François  Riga,  compositeur  de  musique,  est  mort  inopiné- 
ment à  Bruxelles,  lo  18  courant,  dans  sa  Gi"""  année.  Il  laisse  un 
grand  nombre  de  morceaux  de  musique  religieuse,  toutes  œuvres 
de  bonne  facture  et  bien  écrites  pour  les  voix.  M.  Riga  professait 
la  musique  avec  une  réelle  autorité.  Sa  mort  sera  vivement 
regrettée. 

Cours  SUPÉRIEURS  pour  Dames. —  Lundi  2^  janvier,  à  2  heures. 
M.  H.  Pergameni  :  Les  races  et  l'histoire  de  la  Sibérie.  — 
Lundi  25,  à  3  heures.  M""^  A.  Chaplin  :  Dickens.  —  Mardi  26, 
h  2  heures.  M.  E.  Verhaeren:  La  peinture  gothique  flamande. — 
Mercredi  27,  à  2  heures.  M.  H.  Pergameni  :  La  Prusse  sous 
Frédéric  IL  —  Mercredi  27,  à  .3  heures.  Conférence  de 
M.  G.  Frédérix:  Victor  Hugo.  (Les  personnes  étrangères  aux 
cours  peuvent  se  procurer  des  cartes  chez  le  concierge  du  Palais 
des  Académies  au  prix  de  deux  francs  (1).  —  Jeudi  28,  à  2  heures. 
M.  H.  LoNCHAY  :  Le  gouvernement  de  Charles  de  Lorraine. — 
Jeudi  28,  à  3  heures.  M"«  J.  Tordeos  :  Diction,  lecture 
d'auteurs  modernes. 

Le  Cercle  des  Z/// d'Anvers  ouvrira  cette  année  son  exposi- 
tion annuelle  le  7  février  prochain, dans  l'ancien  Musée  de  pein- 
ture à  Anvers.  Participeront  à  cette  exposition  outre  MM.  L.  Abry, 
Em.  Claus,  Ed.  De  Jans,  H.  Desmeth,  Edg.  Farasyn,  Fr.  Hens, 
R.  Looymans,  H.  Luylen,  Ch.  Merlens,  A.  Struys,  L.  Van  Acken, 
L.  Engelen,  Th.  Versiraete,  membres  du  cercle,  les  artistes  sui- 
vants qui  ont  accepté  l'invitation  qui  leur  a  été  adressée  :  De 
Belgique  •  MM.  J.  De  Greef,  Om.  Dierickx,  Alex.  Marcelte, 
Xav.  Mellery,  J.  Horenbaut,  J.  Rosseels,  C.  Trémerie,  J.  Stob- 
baerts,  E.  Van  Gcider,  Is.  Verheyden,  Alf.  Verwée,  G.  Charlier, 
De  Grool,  De  Ruddcr,  Devigne,  Dillens,  J.  Lambeaux,  Mignon, 
C.  Meunier,  Van  der  Stappen  et  Th.  Vinçotte.  —  De  France  : 
MM.  Besnard,  Billolte,  Carrière,  Costeau,  Courtois,  Jeanniol,  Mue- 
nier  et  Roll.  —  De  Hollande  :  MM.  Breitner,  Israëls  et  Neuhuijs. 
—  D'Allemagne  :  MM.  Herreniann,  Kuehl  et  Von  Uhde.  — 
D'Angleterre  ;  MM.  H.  Moore  et  J.  Guthrie.  —  De  Suède  et 
Nonvège  ;  Fr.  Thaulow  et  Allan  Osterlind. 

M.  Claude  Monet  expose  en  ce  moment  à  Paris,  chez  Boussod 
et  Valadon,  une  intéressante  série  d'études  exécutées  par  lui  l'été 
dernier,  à  Giverny.Ces  éludes  représentent  des  Peupliers  au  bord 
de  l'eau,  vus  à  des  heures  ditTérenies  du  jour  et  sous  des  étals  de 
ciel  variés.  

Une  revue  nouvelle  paraît  b  Anvers,  De  Vlaamsche  School, 
publiée  par  M.  J.-E.  Buschmann,  en  livraisons  de  16  pages,  grand 
in4°,  illustrées  de  pliototypies,  avec  des  planches  hors  texte 
gravées  à  l'eau  forte.  La  première  livraison  est,  en  majeure  partie, 
consacrée  à  la  25'=  exposition  de  VAls  ik  kan.  (Bureaux  :  Rijn- 
poortvest,  lo,  Anvers.)  

Une  nouvelle  revue  littéraire  est  annoncée  à  Bruxelles  pour  le 
8  février.  Titre  :  Le  Mouvement  littéraire,  fondé  par  MM.  Fernand 
Roussel,  R.  Nyst  et  M.  Donnay.  Parmi  les  collaborateurs  figurent 
MM.  Maurice  Barres,  Albert  Giraud,  Camille  Lemonnier,F.  Vielé- 
Griffin,  Emile  Verhaeren,  etc. 

(1)  Nous  insistons  sur  les  avantages  économiques  que  présente  la 
conférence  de  M.  Frédérix  (liquidation  forcée). 


Nous  saluons  avec  joie  la  résurrection  d'Art  et  Critique,  l'ex- 
cellente revue  parisienne  qui  suspendit  sa  publication,  voici  tout 
juste  un  an,  après  quelques  années  de  luttes  vaillantes  et  de  bel 
enthousiasme  littéraire. 

Art  et  Critique  reparaît  avec  son  ancienne  rédaction  presque  au 
complet  :  MM.  Jean  Juilien,  Henry  Céard,  André  Corneau,  Alfred 
Ernst,  Gustave  Geftroy,  Georges  Lecomte,  Edmond  Couslurier, 
Gaston  Salandri,  Georges  Roussel,  Georges  Vanor,  etc. 

Les  Lettres,  les  Arts  plastiques  et  la  Musique  y  seront,  comme 
précédemment,  étudiés  de  près.  «  Telle  vous  l'avez  laissée,  telle 
vous  la  retrouverez,  étrangère  aux  cabales,  aux  rivalités  d'écoles 
et  de  personnes,  faisant  bon  accueil  à  toutes  les  tentatives  sincères 
et  désintéressées,  s'associant  à  toutes  les  protestations  fondées, 
ouvrant  ses  colonnes  à  tous  les  artistes.  » 

La  rédaction  est  maintenue  rue  des  Canettes,  7;  l'administra- 
tion est  transportée  quai  de  Jemmapes,  72.  Espérons  que,  cette 
fois,  rien  ne  viendra  interrompre  la  brillante  carrière  de  la  «revue 
aux  rubans  verts.» 

Portrait  instantané  du  OU  Blas  ; 

Vincent  d'Indy.  —  Quarante  ans.  Grand,  mince,  distingué,  avec 
des  yeux  noirs  où  couve  comme  une  flamme  intérieure,  une  mous- 
tache soignée,  semble  plutôt  un  dileitanle  qui  s'occupe  d'art  à  ses 
heures  perdues  qu'un  professionnel  fanatique  de  son  métier.  D'un 
abord  affable  et  doux  avec  une  vague  morbidesse,  comme  disent 
les  Italiens,  dans  ses  allures  et  dans  ses  gestes.  Très  riche  el  cepen- 
dant, à  l'exemple  de  son  vieux  maître  si  regretté.  César  Franck, 
s'est  donné  presque  tout  entier  à  l'enseignement  des  formules 
nouvelles.  L'auteur  applaudi  de  cet  admirable  et  mystique  Chant 
de  la  Cloche,  que  couronna  la  Ville  de  Paris,  et  d'un  Wallenstein, 
oîi  il  affirma  si  vigoureusement  sa  personnalité.  Un  convaincu  et 
un  artiste  de  combat  qui  a  bien  gagné  son  bout  de  ruban  rouge. 

On  annonce  la  vente  à  Paris,  chez  Georges  Petit,  de  l'impor- 
tante collection  Daupias,  de  Lisbonne,  dont  nous  avons  fait 
naguère  la  description  (1). 

Le  Musée  Richard  Wagner,  à  Vienne,  vient  de  s'enrichir  d'une 
foule  de  documents  relatifs  aux  représentations  de  Lohengrin  à 
l'Opéra  de  Paris  :  affiches,  articles  de  journaux,  caricatures,  etc. 

Nous  apprenons  avec  plaisir  que  M™*  Marthe  Duvivier,  dont  on 
a  conservé  le  meilleur  souvenir  à  Bruxelles,  a  obtenu  à  l'Opéra 
français  de  la  Nouvelle-Orléans  un  très  grand  succès.  L'excellenic 
cantatrice  a  débuté  dans  le  Trouvère  et  dans  la  Favorite.  Les 
journaux  sont  unanimes  à  vanter  la  voix,  le  jeu  et  l'excellente 
méthode  de  la  cantatrice. 

M""  Duvivier  a  retrouvé  à  la  Nouvelle-Orléans  un  artiste  connu 
de  nos  compatriotes,  le  ténor  Verhees,  qui  a  été  également  fort 
bien  accueilli  dans  les  Huguenots  et  les  autres  ouvrages  du 
répertoire. 

Le  dernier  numéro  des  HommesxTaujourd'hui  (Vanier,  éditeur), 
donne  la  biographie,  par  Paul  Verlaine,  du  poète  Albert  Méral, 
avec  un  portrait-charge  par  F.  A.  Cazals. 

Nous  rappelons  à  nos  lecteurs  que  le  concert  de  la  Société  de 
musique  de  Tournai  consacré  aux  œuvres  de  M.  Peter  Benoit  aura 
lieu  aujourd'hui  dimanche,  à  7  heures  du  soir,  el  qu'il  sera  terminé 
à  9  h.  15. 

(1)  V.  l'Art  moderne,  1890,  p.  155. 


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fer  de  Vn-tat  Belge,  à  Douvres  (voii'  plus  haut);  à  M.  Arthur  Vranchen,  Domkicster,  n»  1,  à  Cologne;  à  M.  Siepennann,  07,  Unter  den 
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Douzième  année.  —  N*  5 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  31  Janvier  1892. 


L'ART  MODÉRÉ 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

5  ■ 

Comité  de  rédaction  «  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Émilk  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,    fr.    10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —  ANNONCES   :    On   traite  à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


La  Direction  dks  Beaux-Arts.  —  Thulk  des  Bkumes.  —  Un 
interview.  —  eciianok  uk  1.ivbk.s.  —  tliebmldok.  —  u.n  iianquet  a 
M"'  Beernakrt.  —  Acccsiis  i>k  récei'Tion.  —  Correspondance.  — 
Chronique  judiciaire  des  arts.  —  Petite  chronique. 


LA  DIRECTION  DES  BEAUX-ARTS 

Un  plumiphage  qui  pâture  sur  les  plants  de  choux 
du  journalisme  bruxellois  a  jugé  à  propos,  pour  tenter 
de  nous  faire  taire,  d'insinuer  que  VArt  itioderne  avait 
un  candidat  pour  la  Direction  des  Beaux-Arts. 

Il  setrompe,  ce  plumiverge. 

VArt  moderne  ne  patronne  et  n'a  jamais  patronné 
personne  pour  ces  hautes  dignités  inutiles.  Si  l'un  des 
siens  y  vise,  c'est  pour  son  compte  et  au  risque  de 
s'entendre,  ici-même,  décocher  les  vérités  essentielles. 

UArt  moderne  a  la  dent  dure,  ô  plumirostre  plus 
méchant  qu'offensif,  et  n'est  pas  de  ceux  qui  vendent 
leur  indépendance  pour  un  plat  de  fèves.  Loin  de  toute 
discipline,  libre  de  toute  chiourme  journalistique,  û 
plumiserve,  il  va  te  montrer  comment,  mépriseur  de 
tes  menaces,  il  entend  traiter  la  question  qu'il  te  plai- 
rait à  toi  et  aux  tiens  de  mettre  à  l'étouffoir. 

Et  ce  prélude  joué,  voici  la  valse. 


La  mort  du  placide  et  très  discret  Jean  Rousseau 
date  déjà,  et  la  place  de  directeur  des  Beaux-Arts  qu'il 
remplissait  si  peu  est  encore  vide.  Des  candidats  ont 
défilé,  sans  se  faire  engager,  car  le  nouveau  Ministre 
s'avise  de  ne  pas  se  contenter  d'un  à  peu  près  de  bonne 
volonté.  Il  rêve,  fièrement,  ce  chasseur  d'idéal  admi- 
nistratif, d'une  direction  des  Beaux-Arts  qui  dirigerait 
les  arts.  Et  voici  qu'il  est  pris  dans  les  mailles  de  diffi- 
cultés infinies.  Au  lieu  de  marier  cette  héritière  au 
premier  prétendant  venu,  convenable,  aimable  et  pré- 
sentable, il  veut  pour  elle  un  épouseur  de  choix, 
capable  de  lui  faire  honneur,  et,  avec  amertume,  il 
n'en  voit  pas. 

Résigné,  il  attendait  et  laissait  lever  les  avoines. 
Alors  M.  Charles  Tardieu,  nouvelliste  kV Indépendance, 
s'est  avancé. 

Il  s'est  avancé  sur  la  pointe  des  pieds,  avec  des  gestes 
recommandant  le  silence,  car  il  a  peur,  on  ne  sait  pour- 
quoi, des  renseignements  qu'on  pourrait  fournir  sur 
son  compte.  Il  voudrait  être  admis  sans  tapage,  sauf  à 
en  faire  un  de  tous  les  diables  dès  que  l'union  secrète 
qu'il  rêve  aurait  été  irrévocablement  nouée. 

Il  a  fait  sa  demande,  mais  on  le  sait  à  peine.  La  bande 
de  ses  bons  camarades  de  la  presse  forment  autour  de 
lui  un  cercle  qui  masque  sa  manœuvre.  Car  c'est  éton- 
nant et  édifiant  l'entente  de  ces  bruyants  reporters, 
même  pour  se  taire,  lorsqu'il  s'agit  de  ceux  qui  sont  de 


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34 


L'A/?r  MODERNE 


leur  bâtiment.  Eux  qui  n'hésitent  pas  devant  les  indis- 
crétions les  plus  cruelles  et  les  plus  méchantes  quand  il 
s'agit  des  profanes,  se  feraient  piler  et  passer  au  tamis 
en  pâté  de  Bruxelles,  plutôt  que  de  parler  du  projet 
qu'allaite  leur  copain  Tardieu.  Et  c'est  la  presse  hebdo- 
madaire, la  presse  qui  se  vante  de  ne  pas  faire  partie 
du  journalisme  enrégimenté,  qu'on  force  à  révéler  au 
public  qu'un  nouveau  candidat  à  la  fameuse  Direction 
est  né  ! 

Cette  demande  tardive  (oh  !  qu'il  est  loin  de  nous  de 
faire  un  de  ces  jeux  de  mots  auxquels  ne  résiste  pas 
M.  Tardieu)  suscite  quelque  analyse.  Il  nous  eût  été 
superflu  d'y  procéder  si  les  journaux  s'étaient  mis  à 
attraper  ce  solliciteur  avec  l'entrain,  la  courtoisie  et  la 
bonne  foi  exemplaire  qu'ils  ont  manifestés  pour  d'autres. 
Mais  puisque  la  consigne  de  ces  joyeux  francs-maçons 
est  d'avoir  Tair  de  ne  pas  avoir  l'air,  nous  allons  acquit- 
ter la  lettre  de  change  signée  dimanche  dernier  dans 
l'Art  moderne  quand  le  premier  murmure  de  cette  sin- 
gulière nouvelle  rasait  encore  le  sol. 

Ce  n'est  pas  que  nous  pensions  qu'une  direction 
des  Beaux- Arts  soit  indispensable.  Elle  n'existait  pas 
jadis  en  Belgique,  et  certes  l'incolore  Jean  Rousseau  n'a 
pas  démontré  qu'elle  puisse  servir  à  autre  chose  qu'aux 
satisfactions  diverses  de  celui  qui  en  a  le  titre.  Mais  si 
on  juge  à  propos  d'en  continuer  la  tradition,  encore 
est-il  séant  qu'on  en  investisse  une  personnalité  en  état 
de  diriger  et  qui  ne  suscite  pas  en  l'esprit  ce  mordant 
souvenir  d'un  sarcasme  de  Beaumarchais  :  Il  fallait  un 
mathématicien,  ce  fut  un  danseur  qu'on  choisit. 

L'Art  est  présentement  chez  nous  dans  un  état  de 
crise.  Il  se  débat  pour  briser  les  vieux  liens  et  les  vieilles 
formules.  Irrésistiblement  entraîné  vers  le  neuf,  il 
hurle  de  rage  chaque  fois  qu'on  tente  de  le  remmaillo- 
ter.  Pris  d'une  fureur  de  liberté,  à  chaque  instant  il 
échappe  aux  duègnes  et  aux  vénérables  valets  de 
chambre  qui  voudraient  maintenir  ce  robuste  jeune 
prince  dans  les  préceptes  de  l'étiquette  académique  et 
du  cérémonial,  et  il  va,  sautant  par-dessus  les  murs, 
courir  les  champs  et  les  carrefours.  Il  lui  faudrait  un 
précepteur  que  n'épouvanteraient  pas  ses  incartades, 
qui  n'essaierait  pas  de  mater  ses  belles  ardeurs,  mais  de 
les  employer  noblement  et  de  les  pousser  vers  les  œuvres 
héroïques.  Pas  un  timide,  pas  un  raccorni,  pas  un  malin, 
plr  un  rancunier  surtout,  pas  un  complaisant  de 
coterie. 

Or,  M.  Charles  Tardieu,  nouvelliste  à  V Indépen- 
dance, concentre-t-il  ces  qualités  nécessaires  ?  échappe- 
t-il  à  ces  rédhibitoires  défauts? 

Quel  malheur  que  ses  camarades  du  journalisme, 
muets  par  point  d'honneur  professionnel,  ne  s'expli- 
quent pas  là-dessus.  Vraisemblablement  ils  tireraient 
un  horoscope  lumineux  et  satisfactoire  qui  nous  dis- 
penserait de  les  suppléer  dans  pette  délicate  besogne. 


M.  Charles  Tardieu  a  passé  la  cinquantaine,  notable- 
ment. Il  fut,  en  sa  lointaine  jeunesse,  une  très  belle 
espérance  :  la  vive  petite  lampe  de  son  esprit  délié, 
fertile  en  amusantes  saillies,  donnait  à  ses  amis  l'illu- 
sion que  sa  maturité  serait,  autant  que  celle  des  meil- 
leurs de  son  temps,  éclairante  et  réchauflante.  Mais 
une  malechance  semble  avoir  stérilisé  ses  dons  et  ses 
efï'orts.  Il  est  resté  voué  à  la  médiocrité  dans  la  vie. 
Les  voies  qui  mènent  loin  et  haut  se  sont,  pour  lui, 
fermées  en  impasses.  Il  est  demeuré  à  mi-route,  tou- 
jours dans  la  vague  attitude  d'un  raté  et  le  méconten- 
tement d'un  officier  en  demi-solde,  avec  l'irascibilité,  la 
nervosité,  la  mauvaise  humeur,  les  impatiences  et  pres- 
que les  vapeurs  de  quelqu'un  à  qui  la  vie  intellectuelle 
n'a  jamais  payé  qu'un  traitement  d'attente. 

Circonstances  néfastes,  mauvais  sort,  alors  qu'il  sem- 
blait apte  aux  destinées  de  choix,  il  s'est  englué  dans  le 
journalisme  et  s'est  mis  à  tourner  le  moulin  à  café  de  la 
copie,  faisant  tout  ce  qui  concerne  son  monotone  état. 
Pendant  quelques  années  il  a  été  à  Paris  à  la  tète 
d'une  publication  artistique  qui,  apparemment,  s'étale 
comme  son  principal  titre  dans  la  requête  qu'il  a  adressée 
au  Ministre.  Mais  il  y  fut  le  prédestiné  aux  insuffisants 
succès  qu'on  l'a  vu  partout  et  toujours,  et  prit  sa 
retraite  en  ne  laissant  pour  souvenir  qu'impuissance. 

Revenu  en  Belgique,  il  prit  service  à  cette  Indépen- 
dance dont  il  ne  quitta  plus  la  maison,  et  qui  synthé- 
tise si  curieusement  et  dans  un  si  typique  assemblage, 
le  snobisme  de  la  bourgeoisie  hichelifïeuse,  la  politique 
doctrinaire,  les  aspirations  de  la  juiverie  et  les  combi- 
naisons stériles  de  la  finance. 

Il  y  prit  service  et  y  a  été  bon  serviteur.  Non  pas  qu'il 
y  ait  révélé  ces  qualités  d'écrivain  que  semblait  annon- 
cer, en  des  temps  plus  heureux,  sa  spirituelle  causerie 
d'étudiant.  Il  n'existe  pas  de  lui  un  seul  morceau  litté- 
raire, même  un  petit  morceau.  C'est  lui,  croyons-nous, 
qui,  en  un  laborieux  quotidiennat,  évacue  les  articles 
de  politique  intérieure  qui  ont  pour  caractéristique  de 
finir  par  un  douteux  calembour  après  avoir  passé  par 
une  série  de  calembredaines.  Il  fait  désormais  de  l'esprit 
comme  un  ténor  réformé  fait  du  chant.  Bon  serviteur  ! 
il  l'a  été  en  ce  sens  qu'il  a  épousé  sans  hésitationcomme 
sans  dégoût  tous  les  préjugés,  toutes  les  manies,  toutes 
les  querelles  du  journal  où  il  est  hébergé.  Ce  cerveau, 
très  fin  jadis,  a  été  snob  avec  entrain,  politiquailleur 
avec  entêtement,  sémite  avec  dévotion,  financier  avec 
dévouement. 

Et  c'est  au  moment  où,  par  l'âge  et  la  longue  duré«, 
ces  habitudes  domestiques  se  sont  indurées  enluijusqu'/i 
l'inconscience  et  la  bonne  foi,  qu'il  rêve  d'en  apporter  la 
pratique  et  les  effets  dans  le  domaine  où  il  fa,ut  le  plus 
d'indépendance,  de  fermeté  fière,  d'impartialité  irréduc- 
tible, de  dignité  absolue,  dans  le  domaine  de  l'Art.  Ah  ! 
le  stage  a  été  bien  mauvais. 


V 


A 


.   fC  -,,.  "V  ^f- . 


y  '^"^^^wm^ 


L'ART  MODERNE 


35 


On  se  figure  difficilement  notre  art  vivant  et  turbulent 
administré  par  un  tel  directeur,  accoutumé  à  rendre 
hommage  aux  régents  de  salon,  aux  femmes  du  bel-air 
infectées  de  prétentions  mesquines,  aux  hommes  d'Etat 
ou  aux  diplomates  arriérés  et  desséchés,  aux  financiers 
insolents.  Mais  c'est  le  doctrinarisme,  l'argent,  la  jui- 
verie,  la  basse  mondanité  qui  siégeront  en  sa  personne 
et  nous  serons  ramenés  au  plus  vulgaire  mécénisme.  Le 
cabinet  de  la  direction  sera  une  succursale  de  r Indépen- 
dance, laquelle  est  elle-même  le  miroir  de  la  partie  la 
plus  encroûtée  et  la  plus  odieusement  J  infatuée  de  la 
société  belge. 

M.  Charles  Tardieu,  d'après  le  bruit  public,  règle  le 
supplément  littéraire  de  son  journal,  et  agrémente  de 
réflexions  le  bordereau  d'extraits  qui  y  paraît  sous  le 
titre  :  Journal  des  Journaux.  Il  y  donne,  sans  s'en 
dbuter  peut-être,  la  mesure  de  sa  compétence  et  de  sa 
bienveillance.  Il  y  révèle,  à  l'égal  de  M.  Gustave  Fré- 
dérix,  son  mauvais  vouloir  pour  tout  ce  qui  marque 
dans  notre  jeune  littérature.  Il  a  autant  que  son  contu- 
bernal  la  manie  fielleuse,  le  talent  d'enrober  de  la 
coloquinte  dans  du  sucre,  et  de  vous  introduire  à 
rebours  entre  la  manche  et  la  peau  ces  épis  d'éloges 
qui  chatouillent  au  premier  moment,  mais  qui,  remon- 
j  tant,  vous  mettent  à  la  chair  le  feu  de  Saint-Laurent. 
Il  louange  en  gouaillant./l  avoue  ne  pas  comprendre 
les  jeunes  ce  qui  ne  l'empêche  pas  de  les  débiner,  sui- 
vant la  bonne  formule  doctrinaire  :  Ce  que  je  n'entends 
pas  doit  être  mauvais.  Toute  tentative  d'en  avant  n'a 
réussi  qu'en  bousculant  ces  deux  gardiens  du  sérail,  et 
récemment  encore  il  a  fallu  une  polémique  impitoyable 
en  sa  brutalité  pour  avoir  raison  des  politesses  sour- 
noises avec  lesquelles  ils  essayaient  d'étrangler  ceux 
qu'ils  n'aiment  pas. 

Le  bruit  court  que  le  candidat  a  pour  appui  M .  Woeste  ! 
D'autres  y  ajoutent  M.  Montefiore-Levy.  Pourquoi  ne 
pas  y  joindre  M.  Frère-Orban?  La  triple  alliance  serait 
complète.  Comme  au  sénat  futur,  tous  les  grrrrands 
intérêts  conservateurs  et  irréductiblement  stagnants 
seraient  représentés.  L'étrange  présence  de  M.  "Woeste 
en  cette  algarade  expliquerait  le  mutisme  des  jour- 
naux cléricaux.  Mais  on  se  demande  quelles  garan- 
ties un  tel  collège  de  protecteurs,  tous  si  nettement 
titrés  dans  leurs  goûts  et  leurs  préoccupations  per- 
sonnelles, peuvent  donner  au  nouveau  Ministre,  qui 
semble  être  homme  à  ne  pas  se  laisser  payer  en  compli- 
ments et  en  balivernes?  Qu'est-ce  que  l'Art  a  à  espérer 
de  tels  messieurs  et  de  leurs  idées?  Mettre  un  des  leurs 
dans  la  place,  très  soumis  et  très  bien  dressé,  ajouter 
cette  force  nouvelle  à  celles  qu'ils  fourrent  partout  où  il 
y  a  quelque  influence  à  exercer,  avoir  ainsi  ce  gouver- 
nement invisible  dont  Disraeli  disait  que  c'est  le  vrai, 
voilà  le  despotisme  qui  est  à  redouter. 

Nommer  M.  Charles  Tardieu  serait  un  défi.  Il  ne 


faut  pas  avoir  un  grand  don  de  prophétie  pour  annoncer 
que  le  jour  même  où  il  obtiendrait  cette  aubaine  pour 
sa  carrière  finissante,  la  guerre  artistique  serait 
déclarée.  Or  l'art  jeune,  l'art  neuf  peut  aujourd'hui 
parler,  avec  n'importe  qui,  de  puissance  à  puissance.  Il 
a  appris  à  connaître  sa  force  par  les  campagnes,  toutes 
triomphantes,  qu'il  a  menées  depuis  douze  ans  C'est 
lui  seul  qui  possède  les  armes  d'Achille,  celles  qui 
abattent  et  qui  tuent,  celles  auxquelles  rien  ne  résiste. 
Si  on  méconnaît  ses  aspirations  et  ses  volontés,  qu'il 
entend  faire  respecter  parce  qu'elles  sont  l'Avenir, 
patrimoine  commun  et  sacré,  il  mènera  sa  bataille  et 
gare  à  l'ennemi,  gare  aux  vaincus  ! 

Sur  ce,  plumigère  dont  le  ramage  vaut  le  plumage, 
on  te  salue  ! 


THULÉ  DES  BRUMES 

par  A.  Retté,  Paris.  —  Bibliothèque  artistique  et  littéraire. 

«  Écoule  :  11  est  une  Ile  si  perdue  au  fond  de  la  mer  boréale 
qu'il  faut  être  nous  pour  la  connaître.  La  proue  de  nul  navire  n'a 
violé  son  unique  plage;  Vierge  fière  que  drape  une  tunique  en 
genêts  d'or,  en  sapins  gémissants,  nimbée  d'après-midi  aux  lièdes 
caresses  d'un  soleil  sobre,  ceinturée  de  ses  falaises  nacreuses  où 
les  cavalcades  cabrées  des  flots  s'encolèrenl  de  brandir  en  vain  et 
en  vain  des  étendards  d'algues,  légendaire  enfin  et  nostalgique  aux 
bons  poètes,  elle  est  Thulé  des  Brumes. 

Parsifal  y  adore  le  Saint-Graal;  James  le  Mélancolique  prend  à 
témoin  de  sa  rancœur  les  arbres  de  la  forêt  des  Ardennes  et  moque 
le  cor  d'Obéron  implorant  Titania  fuyeuse;  Ligeia  enseigne  la 
métaphysique  à  l'étudiant  Nalhanaël  ;  accoudée  à  unbalustre  que 
du  lierre  enguirlande,  Mélusine  effeuille  des  camélias  dont 
Aslolphe,  descendu  de  son  hippogriffe,  recueille  dévotement  les 
pétales;  Sylvie  avec  Aurélia  s'asseyent  à  la  Table-Ronde  pour 
mieux  ouïr  un  oracle  de  l'enchanteur  Merlin  ;  et  Pierrot  ingénu 
médite  une  pagode  cosmique  où  logerait  la  Lune.  Môme,  l'Oi- 
seau couleur  du  temps  flûte  des  choses  très  fines  dans  les  bran- 
ches: Caliban,  s'il  ne  ronfle  et  rêve  d'outrés  pleines,  fait  danser 
Atia-Troll;  et  Peter  Schlemil  a  retrouvé  son  ombre.... 

Ah!  lu  le  sais  comme  moi,  c'est  bien  là  noire  Ile.  Tu  te 
rappelles  :  tant  de  rêveries  perdues  sous  les  colonnades  sifiQantes 
des  sapins  aux  senteurs  robustes,  tant  d'errances  en  l'or  onduléux 
des  genêts!  Le  soleil  faible  baisait  sans  l'offenser  la  soie  ambrée 
de  ton  épiderme,  et  les  yeux  —  divins  jardins  changeants  — 
défiaient  les  vagues  pareilles  de  la  mer  lamentante  —  et  puis 
grandissaient  et  signifiaient  cet  Océan,  mon  Esprit  où  s'engloutis- 
sent les  orgueils.  Tu  élais  la  reine,  j'étais  le  roi  ;  afin  de  me  plaire, 
tu  chantais  le  poème  de  la  Feuille  de  Saule  ou  le  lai  de  la  Belle 
qui  cassa  son  miroir;  et  pat*  le  dédale  viridant  des  sentes,  nous 
allions  en  une  gloire  estivale  épanouie  sur  les  âges,  6  Reine,  à 
Roi  que  saluaient  les  cantilènes  susurrées  à  peine  des  génies 
d'après-midi,  dans  celle  Ile  heureuse,  noire  royaume  :  Thulé  des 
Brumes...  » 

C'est  élire  bellement  et  doucement  quoique  despoliquement 
son  milieu  intellectuel  et  de  rêve.  Celle  page  persage  le  livre,  qui 


A 


csl,  comme  tel  perspicace  examinaleur  l'a  sans  doute  devint?,  un 
rêve  écril,  où  passent  l'amour,  l'espoir,  le  doule,  le  deuil  el  les 
philosophies  écioses  en  celte  période  d'élcrnité  que  nous  traver- 
sons, nous  les  poètes  de  ce  crépuscule  de  siècle. 

M.  Relié  subit  parfois  l'influence  laforgienne,  bien  qu'il  s'in- 
carne lui-même  en  ce  livre.  A  cette  heure  de  volume  publié,  sa 
conception  de  vie  semble  se  réorienter  vers  de  nouvelles  issues  : 

Mon  âme  d'autrefois  sommeille  en  son  tombeau. 

Et  riche  d'infini  et  vêtu  d'innocence. 

Je  vais,  comme  un  enfant,  par  des  chemins  nouveaux. 


UN  INTERVIEW 

Dans  son  interview,  notre  collaborateur  Eugène  Demoldcr  a 
défini  avec  beaucoup  de  finesse  un  des  éléments  de  noire  litté- 
rature nationale  : 

«  Il  y  a,  dans  la  littérature  jeune,  un  côté  pictural  qui  carac- 
lérise  davantage  encore  ce  phénomène  des  livres  conlinuanl 
l'œuvre  des  toiles.  Tous  nous  l'avons  —  même  certains  Wallons 
du  Hainauut  (la  province  de  Liège  est  un  peu  pûlotte  et  incolore 
|)Ourcps  manifestations  vigoureuses  qu'elle  ne  comprend  pas)  — 
à  des  degrés  différents  ;  c'est  un  des  caractères  de  notre  école, 
ou  plutôt  de  notre  groupe.  Il  a  déjà  été  mis  en  lumière. 

Mais  il  en  est  un  autre.  C'est  une  attache  intime  au  passé  qu'on 
n'a  jamais  assez  signalée,  je  pense.  L'art  belge  de  notre  siècle  est 
fortement  imprégné  du  jadis,  d'un  jadis  glorieux  ou  mystique.  Les 
artistes  gothiques  el  ceux  de  la  Renaissance  nous  prodiguent  tou- 
jours les  legs  les  plus  précieux.  En  peinture,  il  y  a  ce  prodige  : 
Leys,  et  puis  de  Braekeleer,  au  sujet  duquel  Iwan  Gilkin,  en  un 
sonnet  intitulé  le  Sonneur  de  Cor,  énonçait  poétiquement  ces 
idées  : 

Des  choses  d'autrefois,  c'est  l'âme  qui  murmure 
Des  choses  d'autrefois  et  des  anciens  châteaux, 
Et  des  aïeux  lointains  qui  dorment  dans  nos  os. 

Ce  phénomène  existe  dans  les  lettres.  Albert  Giraud  est-il  assez 
imprégné  des  prestiges  de  la  Renaissance,  qu'il  a  regrettée  dans 
des  vers  empourprés?  On  a  souvent  comparé  Giraud  à  Banville, 
à  cause  de  Pierrot  Narcisse.  Mais  dans  Hors  du  Siècle,  les  vieux 
cuirs  de  Cordoue  el  les  reîtrcs  sont  incontestablement  inspirés 
par  une  Renaissance  flamande  —  el  je  vous  citerai  tel  personnage 
des  Dernières  Fêtes  digne  de  figurer,  par  sa  couleur  et  son 
allure,  dans  un  gothique.  Maeterlinck?  On  l'a  comparé  à  Shake- 
speare ;  on  a  mieux  fait,  depuis,  en  le  comparant  à  Memling;  — 
ces  comparaisons  sont  d'ailleurs  toutes  malheureuses  el  elles  prê- 
tent aux  cancres  des  moyens  faciles  de  moquerie — et  je  ne  signale 
Memling  que  comme  un  des  ancêtres  spirituels  (nous  en  avons 
tous,  rame  est  comme  le  corps,  en  cela)  du  poète  gantois.  Il  y 
a  dans  son  œuvre  un  lointain  étrange  de  mysticité  el  de  douleur. 
Georges  Eekhoud  est  pris  de  grandes  nostalgies  de  ferveurs  pas- 
sées, d'attaches  à  une  glèbe  patriaie.  Et  ce  litre  d'un  livre  de 
Grégoire  Le  Roy  :  Mon  Cœur  pleure  d'autrefois?  El  Hors  du 
Siècle,  de  Giraud  ?  Et  les  Flamandes,  el  les  Moines,  àc  Verhaeren, 
ne  sont-ils  des  poèmes  remplis  d'un  jadis  fabuleux  el  héroïque? 
El  la  tendre  religiosité  de  Severin?  Et  prenez  les  initiateurs  du 
mouvement  -,  Camille  Lemonnier,  dont  le  lyrisme  rubénien  ouvre 
ses  plus  belles  ailes  au-dessus  de  nos  cités  mortes.  Et  Charles 
De  Coster?  A-l-il  assez  aimé  les  vieux  clochers  des  Flandres  et  les 
légendes  qu'ils  clament  de  leurs  superbes  voix  ?  Félicien  Rops 


lui-même,  ce  moderniste  aigu,  n'a  pas  échappé,  en  certaines 
œuvres,  h  ces  souvenirs  d'intimité,  de  gloire,  de  couleur,  qui 
nous  font  les  nostalgiques  d'où  ne  sait  quel  pays  de  rêve  et  de 
fable.  Je  pourrais  vous  en  citer  d'autres,  mais  je  ne  veux  pas 
trop  exécuter  une  revue  devant  vous  et  distribuer  des  médailles. 
Non  pas  que  je  craigne  qu'on  me  reproche  d'officier  dans  notre 
petite  chapelle,  qui  devient  cathédrale  — je  suis  prêt  à  y  chanter 
un  Te  Deutn,  tant  j'ai  de  mépris  pour  les  plaisanteries  faciles  de 
nos  ennemis  —  mais  je  crois  avoir  démontré  ce  que  je  voulais 
démontrer.  » 


ÉCHANGE  DE  LIVRES 

Une  convention  du  mois  d'août  dernier,  intervenue  entre  la 
France  et  la  Belgique  assure  l'échange  des  documents  officiels  par- 
lementaires el  administratifs  qui  sont  livrés  à  la  publicité  dans  le 
lieu  d'origine.  Un  bureau  d'échange  est  établi  à  celle  fin  dans 
chacun  des  états  contractants. 

Celle  convention  assure  aussi  l'échange  dos  publications  entre 
corps  savants,  sociétés  littéraires  et  scientifiques,  mais  à  titre  offi- 
cieux seulement,  sans  prendre  l'initiative  d'établir  des  relations 
entre  ces  sociétés.  ^» 

L'art.  3  ajoute  :  «  PôùiTont  toutefois  être  échangés  dans  de  cer- 
taines limites,  les  ouvrages  exécutés  aux  frais  du  gouvernement)'. 

Nous  pourrions  rappeler  à  ce  propos  qu'il  existe  aux  Étals-Unis 
une  vaste  et  puissante  société,  la  Smilsonian  Association,  qui  dis- 
pose de  centaines  de  mille  francs  et  dont  le  but  unique  est  de  faci- 
liter les  échanges  de  livres  entre  bibliothèques  et  entre  particu- 
liers. Les  services  rendus  annuellement  par  cette  association  sont 
immenses.  Les  bibliothèques  s'enrichissent  sans  grands  frais,  les 
doubles  trouvent  leur  emploi,  cl  la  force  vive  incluse  dans  tout 
livre  va  bien  là  où  elle  sera  le  mieux  utilisée. 

Ce  que  l'initiative  privée  à  créé  au  delà  de  l'Atlantique  mais  ce 
qu'elle  n'a  jamais  tenté  chez  nous,  pourquoi,  dans  de  certaines 
limites,  le  gouvernement  ne  s'en  chargcrail-il  pas?  Nous  avons 
plusieurs  fois  réclamé  contre  la  loi  qui,  en  supprimant  le  dépôt 
légal,  a  du  même  coup  privé  nos  bibliothèques  de  tous  les  ouvrages 
nationaux.  11  y  a  urgence  a  décréter  un  petit  bout  de  loi  obligeant 
tout  auteur  qui  publie  en  Belgique  de  déposer  à  la  Bibliothèque 
royale  au  moins  deux  exemplaires  de  son  ouvrage,  sous  peine  de 
contravention.  Mais  pourquoi  notre  administration  n'organiserait- 
elle  pas  un  service  régulier  d'échange  de  livres  entre  la  Bel- 
gique et  d'autres  pays?  Chez  nous,  le  gouvernement  favoriserait 
la  publication  des  études  scientifiques  et  travaux  littéraires  en 
souscrivant  â  un  certain  nombre  d'exemplaires  qui  serviraient 
ensuite  à  se  procurer  des  livres  français,  allemands  ou  anglais 
pour  nos  bibliothèques.  Ce  serait  faire  d'une  pierre  deux  coups. 

Il  existe  un  bureau  d'échange  embryonnaire  à  la  Bibliothèque 
royale.  Mais  il  ne  répond  cerles  pas  à  ce  que  l'on  est  en  droit 
d'attendre  de  lui. 

L'Art  Moderne  a  eu  l'occasion,  l'an  dernier,  de  développer 
l'idée  très  pratique  d'une  librairie  belge  à  Paris(l).  Lors  de  la  der- 
nière discussion  du  budget  de  l'agriculture  il  a  été  sérieusement 
question  de  fonder  un  restaurant  belge  à  Londres,  aux  fins  d'y 
faire  apprécier  les  produits  de  nos  jardins  légumiers.  Pourquoi 
désespérer  dès  lors  de  voir  notre  gouvernement  s'occuper  un  peu 
plus  de  la  diffusion  de  notre  littérature  à  l'étranger? 

(1)  Voir  notre  numéro  du  18  octobre  1891. 


THERMIDOR 

Superbe  arlicio  de  Victor  Arnould,  dans  la  Nation,  sur  la 
icntalive  do  faire  acclamer,  par  le  snobisme  bruxellois,  la  pileuse 
tenlalive  de  M.  Sardou  contre  la  Rdvolulion  française  :  un  chien 
qui  lève  la  palle  contre  un  monumonl. 

Donnons  la  fin  vengeresse  de  celle  élude  de  haut  vol  qui  nous 
fait  dire  une  fois  de  plus  :  Voilà  un  des  plus  hauts  el  des  plus 
brillants  écrivains  de  Belgique  ! 

«  Hier,  dans  celle  salle  de  la  Monnaie  bondée  jusqu'aux  frises 
d'un  public  élégant  et  bourgeois,  on  oubliait  le  vaudeville  cha- 
rantonnesque,  pour  n'écouter  que  les  tirades  violenles,  les  invec- 
tives haineuses  et  féroces,  et  ce  réquisitoire  forcené  contre  la 
Révolution,  qui  n'apparaissait  derrière  cette  bouffonnerie  que 
comme  une  immense  orgie  de  sang  inutilement  versé,  par  pure 
criiaulé  et  caprice,  et  dont  la  grandeur  tragique  était  comme 
insultée  et  bafouée  plus  platement  par  celle  intrigue  béte  el 
vulgaire  sur  laquelle  M.  Sardou  avait  osé  inscrire  ce  nom  formi- 
dable de  Thermidor,  évocaleur  de  l'épouvantable  et  sanglant 
déchirement  d'eniraillcs  d'où  sortit  tout  le  monde  moderne, 
accouché  par  le  fer. 

Et  c'était  hier,  cl  après  un  siècle,  un  grand  public  de  bour- 
geois riches,  calés  dans  leurs  fauteuils,  étalés  dans  leurs  loges, 
qui  applaudissait  avec  d'aulanl  plus  d'ardeur  que  les  invectives 
étaient  plus  dures,  les  accusations  plus  venimeuses  et  les  tirades 
plus  emphatiquement  vides,  poussant  îi  la  charge  informe  ce  vau- 
deville sinistre. 

Mais,  braves  bourgeois  que  vous  êtes,  si  cette  révolution  n'avait 
pas  été  faite  telle  qu'elle  a  été  faite,  avec  son  sang  et  ses  larmes; 
;ivec  ses  figures  monstrueuses  de  Titans  apparaissant  dans  les 
lueurs  de  fournaise  et  d'incendie  et  frappant  ces  coups  redou- 
tables dont  le  retentissement  n'est  pas  éteint;  avec  les  millions 
d'hommes  se  heurtant  à  toutes  les  frontières  contre  l'assaut  de 
mondes  séculaires  et  couvrant  l'Europe  comme  une  marée  formi- 
dable cl  furieuse,  do  la  délivrance  et  de  l'égalité;  avec  cette 
Terreur  elle-même,  fonctionnant  jour  et  nuit  en  plein  Paris  el 
maintenant',  coûte  que  coûte,  l'épouvante  sans  bornes  dans 
l'âme  des  ennemis  de  l'intérieur,  en  même  temps  qu'elle 
bandait  jusqu'à  la  surhumaine  énergie  virile  toutes  les  forces 
d'un  peuple  affamé,  aigri,  soupçonneux  et  souffrant;  s'il  n'y  avait 
pas  eu  ces  colosses  Danton,  Saini-Just,  Robespierre,  sur  leurs 
épaules  acceptant  cette  charge  effrayante  d'être  le  salut  et  l'op- 
probre d'un  monde  et  inhumains  pour  sauver  l'Humanité;  mais 
au  lieu  d'être  épanouis  glorieux  dans  vos  fauteuils,  d'avoir  pu 
vous  goberger  pendant  tout  un  siècle  el  de  dominer  aujourd'hui 
l'univers  de  votre  arrogance  et  de  votre  luxe,  vous  seriez  au  par- 
terre, debout  avec  la  canaille,  et  si,  en  sortant  du  théâtre,  vous 
frôliez  le  carrosse  d'un  noble,  vous  seriez  bâtonnés  par  ses  gens. 
Ah!  sans  doute,  il  y  a  eu  des  choses  atroces,  mais  elles  étaient  le 
revers  de  choses  formidables  el  grandioses,  et  l'histoire  esl  ainsi 
faite  que  l'un  ne  va  pas  sans  l'autre,  et  que  l'Eglise  a  l'Inquisition, 
comme  la  Révolution  la  Terreur. 

Certes,  l'histoire  peut  juger  tout  cela,  el  vous-mêmes  parce  que 
voijs  devez  tout  à  la  Révolution,  n'avez  pas  pour  obligation  d'ab- 
soudre ses  crimes,  mais  ces  crimes  eux-mêmes  ne  peuvent  être 
jugés  que  dans  l'horizon  qui  leur  appartient  et  dans  les  lignes 


puissantes  el  le  milieu  géant  dont  ils  font  partie  intégrante  et 
inséparable. 

El  lorsqu'un  paillasse  comme  ce  Sardou  essaie  de  faire  une 
bamboche  de  celle  époque  génératrice  d'un  monde  el  de  mettre 
la  Convention  nationale  dans  l'ombre  de  Scapin,  nous-mêmes, 
bourgeois,  par  respect  pour  nos  origines,  nous  ne  pouvons  pas 
permettre  une  pareille  souillure,  à  moins  que  nous  ne  soyons 
tombés  nous-mêmes  à  la  caricature  de  ce  qu'étaient  nos  grands- 
pères  et  redevenus  propres  au  bâton. 

Qu'on  juge  la  Révolution,  qu'on  la  condamne,  qu'on  cherche 
encore  à  la  vaincre,  car  loul  ce  qu'elle  a  conquis  reste  encore  dis- 
puté, soil!  Mais  que  ce  clown  vienne  faire  sur  elle  ses  gambades 
el  que  nous  acclamions  le  clown,  non  !  » 


UN   BANQUET  A  M"^   BEERNAERT 

Dimanche  passé  quelques  artfsles  el  critiques  d'an  bruxellois 
ont  reçu  l'étrange  lettre  suivante;  cette  lettre  fut  également 
envoyée  à  plusieurs  des  candidats  à  la  Direction  des  Beaux-Arts 
acluellemenl  vacante  : 

Bruxelles,  le  23  janvier  1892. 
Monsieur, 

Un  comité  esl  en  voie  de  formation  afin  d'offrir  un  banquet  à 
M""  Beernaerl,  à  l'occasion  de  sa  nomination  d'officier  de  l'ordre 
de  Léopold. 

Nous  serions  heureux  de  vous  compter  parmi  les  membres  de 
ce  comité,  qui  se  réunira  hindi  25  courant,  à  4  heures,  à  la 
Taverne  Guillaume,  place  du  Musée,  aa  deuxième. 

Recevez,  Monsieur,  l'assurance  de  notre  considération  distin- 
guée. 

(Signé)  Paul  de  Vigne,  Franz  Courtens,  Jef  Lambeaux, 
Bi,anc-Garin,  Alphonse  Van  Ryn. 

En  cas  d'empêchement,  prière  d'envoyer  l'adhésion  paf  écrit  à 
M.  Alph.  Van  Ryn,  271,  rue  du  Progrès. 

Le  lundi,  différents  artistes  se  trouvèrent  au  rendez-vous; 
citons-en  quelques-uns  :  MM.  Alb.  De  Vriendt,  Clays,  J.  Verhas, 
Courtens,  Blanc-Garin,  Van  der  Stappen,  P.  De  Vigne,  Brocr- 
man,  etc.  Jef  Lambeaux,  bien  que  signataire  de  la  convocation, 
avait  jugé  à  propos  de  ne  pas  paraître. 

MM.  Van  der  Stappen,  J.  Verhas  el  Franz  Courtens,  ce  dernier 
bien  que  signataire  de  l'invitation,  protestèrent  contre  la  propo- 
sition d'offrir  un  banquet  à  Mii«  Beernaerl  seule  parmi  les 
nouveaux  artistes  officiers  de  l'ordre  de  Léopold.  Celle  proposition 
fut  vivement  défendue  d'autre  part  par  M.  Alb.  De  Vriendl. 

La  discussion  fut  telle  que  plusieurs  artistes  refusèrent  de  la 
manière  la  plus  absolue  de  se  prêter  à  l'acte  qu'on  leur  deman- 
dait. 

Après  la  réunion,  MM.  Alb.  De  Vriendt  et  Van  Ryn  se  rendirent 
chez  M""  Beernaerl,  qui,  en  personne  de  goût,  déclara  très  sensé- 
ment qu'elle  se  refusait  à  accepter  loule  manifestation  semblable. 

Pour  moi,  je  m'élonne  qu'une  idée  aussi  absurde  que  celle  mise 
en  avant  ail  pu  germer  dans  le  cerveau  des  signataires  de  la 
convocation  que  j'ai  toujours  considérés  comme  gens  d'esprit. 

Je  suis  ennemi  des  honneurs  à  accorder  aux  artistes,  parce 
que  chaque  fois  qu'une  marque  honorifique  esl  accordée  a  un 
homme,  elle  esl  accompagnée  d'injustices.  Nous  en  avons  eu  une 


^lam 


preuve  lors  de  la  dernière  distribution  des  croix  de  l'ordre 
de  Léopold. 

Mais  ce  n'est  lli  qu'une  opinion  qui  peut  ne  pas  être  partagée 
par  tous.  Si  ceux  qui  ne  la  partagent  pas  ont  voulu,  par  une 
manifestation  publique,  féliciter  M"«  Beernaert,  serait-ce  parce 
qu'ils  eslimenl  que  M"«  Beernaert  est  le  seul  peintre  qui  mérite 
la  distinction  accordée  par  le  gouvernement,  ou  bien  est-ce  dans 
un  autre  intérêt? 

Quand  donc  les  artistes  comprendront-ils  que,  s'ils  veulent  être 

respectés,  ils  doivent  avant  tout  respecter  leur  art  et  se  respecter 

eux-mêmes. 

Louis  Delmer. 


^CCUpÉ?     DE    RÉCEPTION 

HUdhyllia,  par  Jules  Sauvenière;  frontispice  de  M.  A.  Don- 
nay;  interprétations  de  MM.  J.  Porlacls,  A.  Donnay  et  J.  Rulot. 
Paris,  L.  Vanier.  —  Les  odeurs,  démonstrations  pratiques  avec 
l'olfactomèlre  et  le  pèse-vapeur,  par  Charités  Henry  (conférence 
du  14  mars  1891).  Paris,  librairie  scientifique  A.  Hermann,  rue 
do  la  Sorbonne,  8.  — Les  Parias  de  l'Art,  par  Louis  Delmer 
(conférence  du  29  novembre  1891).  Bruxelles,  V*  Monnom. 


jjORREgPONDANCE 

MONSIEUR  LE  Directeur  de  l'A  ri  Moderne. 
Pardon,  Monsieur!    El  Léon  Frédéric?  Ne  serait-il  pas  parmi 
ceux  qu'on  a,  injustement  et  stupidement,  omis  de  décorer? 

L'avez-vous  oublié,  ou  est-ce  parce  que  cet  artiste,  si  pénétrant, 
si  convaincu,  d'une  probité  artistique  si  intransigeante  et  si  rare, 
ne  fait  point  partie  des  XX  que  vous  avez  exclu  son  nom  de  votre 
article,  absolument  juste  du  reste? 

Serait-il  .indiscret  de  solliciter  un  mot  de  réponse? 

Un  VIEIL  abonné. 

Cher  correspondant,  nous  admirons  Léon  Frédéric  et  l'avons 
dit  souvent.  D'autre  part,  vous  êtes  très  injuste  en  insinuant  que 
nous  n'admirons  que  les  XX.  Faites-nous  l'amitié  de  mieux  nous 
lire  et  de  ne  pas  prêter,  à  la  belge,  de  bas  mobiles  à  nos  actes. 

Nous  n'avons  cité  que  Félicien  Rops  et  Camille  Lemonnier, 
deux  chefs  de  file.  Cela  suffisait  comme  exemples,  n'est-ce  pas? 
En  était-il  de  plus  typiques  de  la  niaiserie  qui  préside  aux  distri- 
butions de  croix?  Puis,  nous  n'aimons  pas  les  énumérations. 
Léon  Frédéric,  Terlinden,  Théo  Van  Rysselberghe,  dix  autres, 
vingt  autres,  eussent  assurément  donné  un  lest  sérieux  à  la  liste 
des  vingt-sept,  si  joyeusement  émaillée  d'incapacités  méconnues. 


Chronique  judiciaire  de?  art? 

La  Madeleine  de  Van  Dyck  (?)  (1). 
Monsieur  le  Directeur  de  VArt  moderne, 
Je  lis  dans  le  numéro  de  votre  journal  paru  dimanche  une 
chronique  judiciaire  qui  fait  connaître  l'arrêt  rendu  dans  le  pro- 
cès relatif  k  la  Madeleine  de  Van  Dyck.  Celle  chronique,  mal- 
veillante à  mon  égard, —  je  ne  sais  pourquoi  —  rapporte  incom- 
plètement et  inexactement  les  éléments  du  procès. 

(1)  Voir  notre  dernier  numéro. 


Il  est  constant  que  :  1°  le  tableau  (sur  panneau  et  non  sur 
toile),  n'était  pas  signé;  2»  il  avait  été  vendu  comme  uatithcntique 
sauf  quelques  retouches  »;  3»  M.  Valcntin  Roussel  avait  eu  en 
mains  l'avis  écrit  de  feu  Arthur  Stevens,  le  plus  compétent,  je 
pense,  des  experts,  affirmant  que  le  tableau  «  est  une  œuvre  fort 
remarquable,  à  laquelle  on  ne  peut  reprocher  que  quelques 
relouches  qui  ne  déparept  pas  cependant  le  sujet  principal  »  et 
A"  cet  acquéreur  payait  6,000  francs  une  œuvre  qui,  sans  les 
retouches,  en  eût  valu  60,000,  au  dire  des  experts  désignés  par 
le  Tribunal  de  commerce.  Voici,  d'ailleurs,  le  jugement  du 
23  février  1891,  qui  expose  les  faits  : 

«  Attendu  que  quand  l'authenticité  du  tableau  a  été  garantie  par 
le  vendeur,  elle  constitue  une  qualité  essentielle  de  l'objet  vendu, 
car  le  nom  de  l'auteur  d'un  tableau  fait  partie  de  la  chose  et 
appartient  à  sa  substance  lorsqu'il  a  formé  la  condition  de  la 
vente  ; 

Attendu  que  l'erreur  sur  la  substance  de  la  chose  vendue  ([ui 
vicie  le  consentement  de  l'acheteur  est  plus  aisément  appréciable 
lorsque  le  tableau  vendu  est  signé  du  nom  du  peintre  qui  l'a 
l'ait; 

Attendu  que  les  experts  sont  unanimement  d'avis  que  l'œuvre 
peut  être,  réserves  faites  des  nombreuses  restaurations,  très 
raisonnablement  attribuée  à  Van  Dyck  ; 

Attendu  que  le  tableau  a  subi  des  nettoyages  maladroits  et  des 
restaurations  importantes,  dénaturant  presque  entièrement 
l'œuvre; 

Attendu  que  le  demandeur,  qui  est  un  amateur  habile,  a  pu 
apprécier  ces  restaurations,  avant  de  traiter  avec  le  défendeur; 

Attendu  que  l'œuvre,  si  elle  était  intacte,  aurait  une  valeur  au 
moins  décuple  do  la  somme  payée,  et  le  prix  de  6,000  francs  ne 
s'explique  que  par  la  connaissance  et  l'appréciation  des  dégâts 
subis; 

Attendu  que  le  tableau  litigieux  a  une  valeur  marchande 
reconnue  et  appréciable,  en  rapport  avec  le  prix  payé,  et  qu'il  doit 
suffire  au  demandeur  d'avoir  la  déclaration  unanime  des  experts 
que  le  tableau  peut  être  attribué  à  Van  Dyck, 

Par  ces  motifs  : 

Le  Tribunal  déclare  le  demandeur  mal  fondé  dans  son  action, 
l'en  déboute  et  le  condamne  aux  dépens.  » 

Je  n'incrimine  pas  l'arrêt  quia  réformé  ce  jugement;  mais  il 
slatue  sans  rencontrer  les  motifs  invoqués  par  les  magistrats 
consulaires. 

Je  comprends  même  que  la  question  placée  par  M.  Valentin 
Roussel  exclusivement  sur  le  terrain  de  la  distinction  à  faire  entre 
l'attribution  et  l'aulhenticité  ait  dû  étfe  jugée  en  sa  faveur.  Mais 
dans  la  chronique  que  vous  consacriez  à  l'affaire,  tous  les  éléments 
étaient  importants  et  ils  ne  permettaient  pas,  je  crois,  de  repré- 
senter simplement  le  vendeur  comme  ayant  livré  un  tableau 
«  portant  des  traces  de  tripatouillages»  et  l'acheteur  comme  un 
collectionneur  qui  aurait  été  trompé.  11  n'y  a  ni  tripatouillages  ni 
amateur  trompé. 

Veuillez  agréer.  Monsieur  le  Directeur,  mes  salutations  dis- 
tinguées. 

Ch.  Manteau. 
Rue  Royale,  220. 

Nous  ne  connaissons  pas  M.  Manteau.  Notre  article,  faut-il  le 
dire?  n'avait  aucune  intention  malveillante  à  son  éfard.  Qu'on 
veuille  bien  lire  le  texte  de  l'arrêt  qui  réforme  le  jugement  cité 


VART  MODERNE 


39 


par  nalre  correspondant.  On  verra  que  noire  article  se  bornait  à 
le  résumer  sans  comnnenlaires. 

Cour  d'appei,  de  Bruxelles  (5«  cb.). 

Présidence  de  M.  Fauqucl.  —  8  janvier  1892. 

Droit  artistique.  —  Tableau.  —  "Vente.  —  Garantie  d'au- 
thenticité. —  Expertise.  —  Attribution.  —  Coiviecture 
incertaine.  —  Résiliation.  —  Dommages-intérêts. 

Lorsque  des  experts  désignés  pour  apprécier  l'aulhenlicilé 
d'un  tableau  déclarent  que  l'œuvre  peut  très  raisonnablement 
être  attribuée  à  tel  maître  (dans  l'espèce  à  Van  Dyck),  cette  attri- 
bution est  une  conjecture  incertaine  qui  ne  peut  remplacer  la 
garantie  promise  de  rautlienlicilé. 

En  conséquence,  la  vente  doit  être  résiliée  avec  dommages- 
intérêts. 

Vai.entin  Roussel  g.  Manteau. 

Attendu  qu'il  est  constant  au  procès,  et  non  méconnu,  que  l'in- 
timé, en  présentant  en  vente  à  l'appelant  le  tableau  objet  du  litige, 
œuvre  de  Van  Dyck,  disait-il,  lui  en  a  garanti  l'authenticité,  ajou- 
tant que  le  propriétaire  du  tableau  donnerait  la  même  garantie; 
qu'en  recevant  le  prix,  l'inlimé  a  confirmé  de  nouveau  son  obli- 
gation de  garantie; 

Attendu  que  l'inlimé  reconnaît  qu'il  ne  peut  fournir  à  l'appe- 
lant la  garantie  du  propriétaire,  celui-ci  refusant  à  la'  donner; 
qu'en  ce  qui  concerne  la  sienne,  il  ne  verse  pas  au  procès  la  preuve 
de  l'authenticité  qu'il  s'est  obligé  à  fournir; 

Attendu,  en  effet,  que  les  experts  appelés  à  prononcer  si,  réel- 
lement, le  tableau  litigieux  est  l'œuvre  de  Van  Dyck,  déclarent,  à 
l'unanimilé,  qu'à  leur  avis,  et  sous  réserve  des  nombreuses  res- 
taurations, «  l'œuvre  peut  très  raisonnablement  élre  attribuée  à 
Van  Dyck  »; 

Attendu  que,  quelque  sérieux  que  puissent  être  les  motifs  déter- 
minants d'une  attribution,  celle-ci  n'en  est  pas  moins  une  conjec- 
ture incertaine,  qui  dans  l'espèce,  ne  peut  remplacer  la  garantie 
promise  de  rauthipnticilé; 

Attendu  qu'il  y  a  lieu  de  fixer  les  dommages-intérêts,  ex  œqtio 
et  bono,  à  la  somme  allouée  ci-dessous  ; 

Attendu  que  les  parties  ne  concluent  pas  à  une  nouvelle  exper- 
tise; que  l'intimé  se  borne  à  déclarer  qu'il  ne  s'y  oppose  pas; 

Paj'  ces  motifs,  la  Cour  met  à  néant  le  jugement  dont  appel, 
émandant,  déclare  résiliée  la  convention  verbale  avenue  entre 
parties,  relativement  à, la  vente  d'un  tableau  de  Van  Dyck,  repré- 
sentant la  Madeleine;  condamne  l'intimé  h  rembourser  à  l'appelant 
la  somme  de  6,000  francs  payée  le  19  mai  4889,  plus  les  intérêts 
légaux,  depuis  celte  date,  et  à  payer  à  l'appelant  une  somme  de 
iOO  francs  à  litre  de  dommages-intérêts;  le  condamne,  en  outre, 
aux  intérêts  judiciaires  et  aux  dépens  des  deux  instances. 

Plaidants  :  MM«»  A.  Simon  c.  Parisel. 


Petite  chro)mique 


C'est  samedi  prochain,  à  2  heures,  que  s'ouvrira,  au  Musée 
moderne,  le  Salon  des  XX.  Comme  les  années  précédentes,  le 
jour  de  l'ouverture  sera  réservé  aux  artistes  personnellement 
invités  et  aux  porteurs  de  cartes  permanentes. 

A  partir  du  lendemain,  le  public  sera  admis  tous  les  jours  à 
l'exposition,  de  10  à  5  heures.  Le  prix  d'entrée  est  de  50  cen- 
times. 

Les  XX  donneront  cinq  matinées  :  deux  conférences  et  trois 


concerts,  ces  derniers  consacrés  à  l'audition  d'œuvres  modernes 
des  écoles  belge,  française  et  russe,  parmi  lesquelles  :  La  Mer, 
esquisses  symphoniques  de  M.  Paul  Gilson  d'après  un  poème  de 
M.  Eddy  LeVIS,  Pâle  étoile  du  soir,  chaut  ossianiquc  pour  soprano 
et  chœur  de  voix  de  femmes,  par  M.  Franz  Servais,  le  Quatuor 
d'A.  de  Castillon  pour  piano  et  instrumenis  à  cordes,  le  Concert 
pour  piano,  violon  et  qualuor  de  M.  Ernest  Chausson,  le  Con- 
certo pour  piano  et  orchestre  de  Rimsky-Korsakoff,  des  chœurs  de 
César  Franck,  Julien  Tibrsot,  etc.,  toutes  œ.uvres  exécutées  pour 
la  première  fois  à  Bruxelles  et,  pour  la  plupart,  inédites. 

Les  cartes  permancnles  b  të  francs  donnent  droit  à  une  place 
réservée  aux  conférences  cl  aux  concerts  des  XX.  S'adresser  par 
écrit  au  secrélariat,  rue  du  Berger,  Î7,  Bruxelles. 

Depuis  hier  sont  exposées  à  la  Galerie  moderne  des  œuvres  de 
l'eu  M.  Guillaume  Van  der  Hecht.  Celle  exposition  restera  ouverte 
jusqu'au  20  février. 

MM.  David  et  Pierre  Oyens  exposeront  quelques-unes  de  leurs 
œuvres  au  Cercle  artistique,  du  1"  au  10  février  prochain. 

L'Association  des  professeurs  d'instruments  h  vent  donnera 
aujourd'hui  dimanche,  à  2  heures,  dans  la  grande  salle  du  Con- 
servatoire, sa  deuxième  séance  de  musique  de  chambre  pour 
instruments  à  vent  et  piano.    / 

MM.  Storck  et  Sevenanis,  pianistes,  prêteront  leur  concours  à 
celle  séance.  Ils  feront  enlendre  la  Fantaisie  pour  deux  pianos 
de  Ch.  Sinding  et  les  Variations  de  Saint-Saëns  sur  un  thème  de 
Beethoven.  M.  Guidé,  l'excellent  professeur  au  Conservatoire, 
interprétera  deux  pièces  pour  hauibois  avec  accompagnement  de 
piano  par  M.  Joseph  Jacob.  '  . 

M.  Paul  Gilson  a  fait  entendre  dernièrement,  chez  un  de  nos 
amis,  en  une  soirée  intime,  ses  deux  plus  récenles  compositions  : 
Le  Démon,  drame  lyrique  en  deux  actes,  écrit  par  M.  de  (îasem- 
broot  d'après  un  conlc  de  Zermonioflf,  el  la  Mer,  poème  sympho- 
nique  en  deux  parties,  inspiré  au  compositeur  par  un  poème  de 
M.  E.  Levis. 

L'exécution  du  Démon,  confiée  à  M"«  Smil  et  à  M.  Baize,  pia- 
nistes, à  M"«  Van  Emelen,  à  MM.  De  Knop,  Verboom  et  Coryn,  a 
donné  une  idée  irès  satisfaisante  de  l'œuvre,  dans  laquelle  sWir- 
ment  les  qualités  exceptionnelles  du  musicien  :  senliment  drama- 
tique, originalité  de  distinction  des  thèmes, science  peu  commune 
des  développements. 

Un  choral,  composé  d'élèves  du  Conservatoire  et  dirigé  par 
M.  Couteaux,  a  fort  bien  interprété  les  ensembles  de  la  partition. 

La  Mer,  déclamée  par  M.  Van  den  Plas  et  jouée  par  M""  Smil 
et  M.  De  Boeck,  a  reçu,  comme  le  Démon,  un  accueil  enthou- 
siaste. 

Nous  n'en  dirons  pas  davantage  aujourd'hui,  ces  deux  œuvres 
devant  êlre  prochainement  présentées  au  public,  la  Mer  aux 
concerts  des  XX,  et  le  Démon  aux  Concerts  populaires. 

De  jolies  mélodies  de  MM.  De  Boeck  el  Frémolle,  fort  bien 
chantées  par  M.  Rosscels  et  par  M'"'  Van  Hove,  complétaient  cet 
intéressant  programme.  

M.  Henri  Heuschling  donnera  son  concert  annuel  le  samedi 
20  février,  h  8  h.  1/2,  à  la  Galerie  moderne  qui  réunit  de  plus  en 
plus  tous  les  suffrages  des  artistes. 

M"'  Michaux,  cantatrice,  et  M.  Van  Dooren,  pianiste,  prêteront 
leur  concours  à  cette  artistique  séance,  dont  le  programme  porte, 
entre  autres,  les  Wanderlieder  de  M.  G.  Huberli. 

11  est  question  de  célébrer  à  Anvers  par  de  grandes  fêtes  musi- 
cales le  25^  anniversaire  de  l'École  de  musique  que  dirige  avec 
tant  d'autorité  M.  Peler  BenoiL 

Cours  Supérieurs  pour  dames.  —  4"  février,  à  2  heures, 
M.  Pergameni  :   L'histoire  et  la  colonisation  de  la  Sibérie  ;  à 

3  heures.  M™*  Chaplin  :  Dickens  —  2  février,  à  2  heures,  M.  E.  Ver- 
HAEREN  :  Ecoles  chrétiennes  de  peinture  flamande.  —  3  février,  à 

2  heures, M.  H.  Pergameni  :  La  Russie  sous  Pierre  le  Grand.  — 

4  février,  'a  2  heures,  M.  H.  Lonchay  :  Charles  de  Lorraine;  à 

3  heures,  M"«  J.  Tordeus  :  Diction  et  lecture  d'auteurs  modernes. 


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DOUZIEME  ANNÉE 

L'ART  MODERNE  s'est  acquis  par  l'autorité  et  l'indépendance  de  sa  critique,  par  la  variété  do  ses 
informations  et  les  soins  donnés  à  sa  rédaction  une  place  prépondérante.  Aucune  manifestation  de  l'Art  ne 
lui  est  étrangère  -.  il  s'occupe  de  littérature,  de  peinture,  de  sculpture,  de  gravure,  do  musique, 
d'architecture,  etc.  Consacré  principalement  au  mouvement  artistique  belge,  il  renseigne  néanmoins  ses 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  l'étranger  qu'il  importe  de  connaître. 

Chaque  numéro  de  L'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  question^  artistique 
ou  littéraire  dont  l'événement  de  la  semaine  fournit  l'actualité.  Les  expositions,  les  livres  nouvemioo,  les 
premières  représentations  d'œuvros  dramatiques  ou  musicales,  les  conférences  littéraires,  les  concerts,  les 
ventes  dCobjets  (Part,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  Il  rend  compte  des 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complète  des  expositions  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  Il  est  envoyé  gratuitement  à 
l>Nt^i.  pendant  un  mois  i  toute  perspnne  qui  en  fait  1^  demande. 

L'ART  MODERNE  forme  chaque  année  un  beau  et  fort  volume  d'environ  450  pages,  avec,  t«W« 
des  matières.  11  constitue  pour  l'histoire  de  l'Art  le  document  LE  PLUS  COMPLET  et  le  recueil  LE  PLUS 
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chim,  Wilhelmj,  Ed.  Grieg,  Ole  Bull,  A.  EsHpoff,  Sofie  Menter, 
Détirée  Artôt,  Paidine  Lucca,  Pabto  de  Saraxate,  Ferd  Hiller,  D. 
Popper,  sir  F.  Benedici,  Leschetitzky ,  Napravnik,  Joh.  Selmcr,  Joh. 
Svendsen,  K,  Rwidnagcl,  J.-G.-E.  Stchle,  Ignace  Briill,  etc.,  etc. 

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Douzième  année.  —  N"  0. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  7  Février  1892. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  t  Octave  MA.US  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


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ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,    fr.    13.00.  •— ANNONCES   :    On   traite  à  forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Plndustrie,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


Ouverture  du  Salon  des  XX.  L'instaiiratcur  du  néo-impression- 
nisme :  Georges  Seural.  —  Un  jjanquet  a  M""  Beernaert.  —  Panta- 
lonnade. —  M.  Charles  Tardieu  jugé  par  la  presse  de  province. 
—  Correspondance.  —  Petite  chronique. 


OUVERTURE  DU  SALON  DES  XX 

L'INSTAURATEUR  DU  NÉO-IMPRESSIONNISME 

Georges-Pierre  Seurat. 

Mourir!  Finir  très  humblement,  même  pour  les  plus 
forts,  cette  agitation  vitale  brodée  de  misères  avec  les 
fleurs  de  quelques  rares  joies,  en  laquelle  à  certaines 
heures  on  se  croit  ou  si  grand  ou  si  tendre.  Mourir, 
qu'est-ce,  et  pour  soi  et  pour  les  survivants,  quand  on  a 
poussé  à  bout  le  semblant  de  destinée  que  vous  a  départi 
le  Sort?  On  s'en  va  alors  avec  le  salut,  et  parfois  la  lassi- 
tude, de  l'acteur  applaudi,  quand  tombe  le  rideau.  Et 
vraiment  quand  la  vie  commence  à  devenir  longue,  il 
vient,  furtif,  comme  une  très  douce  pensée,  ce  pressen- 
timent que  bientôt,  demain,  tantôt  peut-être,  l'Obscur 
soufflera  la  petite  flamme  vacillante  qu'on  est. 

Mais  mourir  avant  l'heure!  Mourir  quand  on  a  édifié 
les  fondations  seulement  d'un  monument  révélateur; 
quand  on  a  en  soi,  quand  on  sent  en  soi  le  dépôt  sacré 


de  vérités  nouvelles  encore  ténébreuses  (j^ui,  dans  la 
Science,  dans  l'Art,  marqueront  une  rénovation  !  Mou- 
rir, lorsque  le  sarcasme  des  imbéciles  dont  on  dérange 
les  habitudes  d'œil  ou  d'oreille  bat  encore  ses  cimbales 
et  fait  entendre  ses  huées  !  Mourir,  en  pensant  qu'on  ne 
aissera  de  soi  et  de  son  œuvre  que  d'imparfaits  sym- 
boles qui,  en  apparence  au  moins,  justifieront  les  ineptes 
propos  des  gouailleurs;  en  craignant,  peut-être,  d'avoir 
fait  trop  pour  qu'on  se  taise,  et  trop  peu  pour  que  l'idée 
triomphe  !  Ah  !  c'est  un  sort  cruel  pour  celui  qui  résorbe 
l'inconnu,  c'est  une  inquiétude  amère  pour  ceux  qui 
espéraient  en  lui  et  demeurent  devant  l'œuvre  inter- 
rompue ! 

Songeur  et  infiniment  triste,  je  rythmais  ces  mélan- 
colies, hier,  devant  les  vingt-neuf  toiles  et  dessins  de 
Seurat,  funérairement  exposés  au  Salon  des  XX,  les 
toiles  pâles  et  inachevées  de  Georges  Seurat,  l'instau- 
rateur  du  Néo-Impressionnisme. 

Comme  elles  sont  élégiaquement  douces  et  affligeantes 
dans  leur  étonnant  eflbrt  vers  le  neuf  et  la  lumière,  si 
puissamment  différentes  de  leur  temps,  pareilles  à  l'au- 
rore d'un  jour  qui  ne  s'était  jamais  levé  encore  et  qui 
promettait  un  si  suave  épanouissement  de  clarté  sereine  ! 
Et  comme  elles  font  pleurer  l'âme  par  leur  imperfection 
fragile  d'adolescence  encore  maladroite  ef  frêle,  roinpue 
et  vbrisée  sur  sa  tige  avant  l'épanouissement  superbe 
des  fleurs  dont  déjà  s'enflaient  les  boutons! 


Car  c'est  ainsi  qu'il  faut  juger,  et  sentir,  l'art  que  ce 
mort  patiemment  dépliait,  imperturbable  dans  les 
méthodiques  et  quasi-mathématiques  opérations  par  les- 
quelles il  l'engrenait  en  réalités  de  plus  en  plus  solides 
et  pénétrantes.  C'était  un  peintre.  Et  pourtant,  à  le 
voir  procéder  si  lentement,  de  déduction  en  déduction, 
méticuleux  et  infinitésimal,  on  eût  dit  un  géomètre.  Il 
tenait  son  âme  comme  un  oiseau  palpitant  dans  la  main, 
et  ne  lui  permettait  ni  le  vol,  ni  les  battements  d'aile. 
Il  comptait  sur  la  vie,  ce  fort,  ce  contenu,  et  moritait 
sans  hâte,  quoique  toujours  actif,  mettant  un  pied 
devant  l'autre,  sans  enjambée.  Il  avait  peur  d'aller  vite. 
La  hâte  l'inquiétait.  Il  y  voyait  la  matrice  du  superfi- 
ciel dans  l'oeuvfe,  et  îe  superffciïîrtal  leiïflSiaît  indigïie 
de  l'art. 

Écoutez-la  raisonner,  cette  voix  d'outre-tombe,  avec 
la  voix  de  fantôme  qui  vient  parler  en  rêve  à  ceux  qui 
l'ont  curieusement  aimé,  qui  voyaient  en  lui  la  plus 
robuste  espérance  de  l'art  neuf  en  peinture,  pour  qui  il 
reste  le  Maître,  l'Instaurateur ,  le  Dépositaire  des 
secrets  et  des  magiques  théories  qui  devaient  mener 
aux  paradis  pressentis  dont  la  Mort  a  fermé  les  che- 
mins que  Lui  connaissait  et  dont  il  eût  fait  la  Révéla- 
tion. 

«  L'Art  c'est  l'Harmonie.  —  L'Harmonie!  c'est 
l'analogie  des  Contraires  et  l'analogie  des  Semblables. 

—  Des  contraires,  des  semblables  de  Ton,  de  Teinte,  de 
Ligne.  —  Le  ton,  c'est  le  Clair  et  le  Sombre.  —  La 
teinte,  c'est  le  Rouge  et  sa  complémentaire  le  Vert, 
l'Orangé  et  sa  complémentaire  le  Bleu,  le  Jaune  et  sa 
compléiiientaire  le  Violet..  —  La  ligne,  ce  sont  les 
Directions  sur  l'HpHzontale.  —  Ces  harmonies  sont 
combinées  en  Calmes,  Gaies  et  Tristes.  —  La  gaieté  de 
ton,  c'est  la  Dominante  Lumineuse;  de  teinte,  la 
Dominante  Chaude;  dé  ligne,  les  lignes  Montantes. 

—  Le  calme  de  ton,  c'est  l'Égalité  du  Sombre  et  du 
Clair,  du  Chaud  et  du  Froid  pour  la  teinte;  et  l'Hori- 
zontale pour  la  ligne.  —  Le  triste  de  ton,  c'est  la  domi- 
nante Sombre;  déteinte,  la  dominante  Froide  ;  de  ligne, 

les directiojis  Alai^sée^— , Le  Mom  d'Expression^ de 
cette  technique,  c'est  le  mièlange  Optique  des  tons,  des 
teintes  et  de  leurs  réactions  les  ombres,  suivait  des 
lois  fixes.  —  Enfin,  le  Cadré,  doi'l  être  opposé  aux 
tons,  aux  teintes,  aux  lignes.  «•  . 

Oh  !  en  apparence,  le  sec  et  géôhaétrique  langage,  le 
scolastiqueet  rigide  programme.  Et  pourtant  net  comme 
une  prophétie,  comme  un  ordre  du  jour,  comme  une  loi 
inflexible.  Et,  dans  la  pratique,  amenant  ces  œuvres 
extraordinaires,  frustes  encore,  mais  chargées  d'espé- 
rances, dont  vingt-neuf  sont  là,  aux  murs  des  XX,  pleu- 
rant la  disparition  du  Maître  qui  les  avait  ébauchées  et 
pour  qui  elles  n'étaient  encore  que  des  bégaiements,  en 
attendant  le  chant  prestigieux  par  lequel  elles  devaient 
triompher.  Comme  elles  dateront  !  Comme  l'avenir  rat- 


tachera à  elles  toute  cette  école  de  la  Lumière  qui  mar- 
quera d'un  ineffable  sceau  la  réforme  de  l'art  pictural  à 
la  fin  du  xix<  siècle  ! 

Vous,  les  incrédules  et  les  goguenards  qui  les  regardez 
sans  comprendre,  oubliant  que  les  belles  œuvres  sont 
semblables  aux  princesses  royales  et  qu'il  faut  attendre 
qu'elles  vous  parlent,  souhaitez  que  vos  yeux  malades 
se  dessillent  devant  ces  toiles  qui  sont  là  comme  des 
dalles  funèbres,  et  que,  sensibles  enfin  à  la  grandeur  et 
aux  mystères  de  l'Art,  vous  ayez  enfin  le  sentiment  de 
ce  que  cet  Admirable  fût  devenu,  tenace  et  divinement 
doué,  si  la  Mort,  vandale  odieuse,  n'avait  pas  brisé  son 
incomparable  instrument. 


Voici  la  liste  des  œuvres  de  Seurat  exposées  au  Salon 
des  XX  ; 

1.  Douze  esquisses. 

2.  La  Seine  à  Gourbevoie. 

Appartient  à  M.  P.  S. 

3.  La  rade  de  Grandcamp. 

4.  Le  bec  du  Hoc. 

Appartient  à  M.  C,  Laurent. 

5.  Coin  d'un  bassin  (Honfleur). 

6;  L'hospice  et  le  phare  d'Honfleur. 

Appartiennent  à  M.  E.  Verhaeren. 

7.  Entrée  du  port  d'Honfleur. 

8.  Embouchure  de  la  Seine  (Honfleur).  Soir. 

Appartient  à  M.  G.  Kahn. 
0.  La  "  Maria  »  (Honfleur). 

10.  Parade  de  cirque. 

Appartient  à  M*'  Seurat.  , 

11.  Les  Poseuses. 

Appartient  à  M.  G.  Kahn. 

12.  Port-eiï-Bessin  ;  l'avant-porte,  marée  haute. 

Appartient  à  M"  Seurat. 

13.  Port-en-Bessin  ;  l'avant-port,  marée  basse. 

, ,     ,  ^  ;  Appartient  à  M.  G,  de  la  Hault. 

14.  Jeune  femme  se  poudrant. 

45^  Printemps  à  la  Grande  Jatte. 

16.  Le  Crotôy  (aval). 

Appartient  à  M.  E.  Picard. 

17.  Le  chenal  de  Gravelines  ;  un  soir. 

Appartient- à  M"  Monnom. 

18.  Le  chenal  de  Gravelines  ;  direction  de  la  mer.         » 

.„ -„.  Appartient  à  M.  Alex.  Braun. 

49.  Cirque. 

.;*%■  ;;.^  -_  -  jJ^ppartienjJ.èM"'  Seurat. 

■r-'    ■  ;     -  ;    '.  •  DESSINS  ;  • 

20.  Dineur. 

21.  Lecture. 

Appartiennent  à  M-'  Seurut. 

22.  Paul  Signac. 

Appartient  à  M.  P.  S. 

23.  Ecuyère. 

Appartient  à  M"'  Seurat, 

24.  Café-concert. 

Appartient  à  M.  E.  Verliaeien. 
2.5.  Etude  pour  la  Parade. 

Appartient  à  M"-  Kahn. 

26.  id.  la  Baignade. 

„,    ,'      ,  ,     „.  Appartient  à  M.  G,  Kahn. 

27.  Etude  pour  le  Chahut. 

28.  id,         la  Parade. 

29.  Clair  de  Lune. 

Appartiennent  à  M.  G.  Lemmen. 


2&V^fî.^e 


L'ART  MODERNE 


43 


Georges   SEURAT 

1859  —  1891 


44 


UART  MODERNE 


UN  BANQUET  A   M"'^  BEERNAERT 

2"  article. 

La  lettre  suivnnle  a  été  adressée  h  l'Art  vwderne.  Sa  publica- 
tion offre  un  cerlain  intérêt,  allendu  que  ce  factiim  confirme,  ou 
tout  au  moins  me  permet  de  confirmer  ce  que  j'ai  déclaré  pré- 
cédemment : 

Bruxelles,  le  1'''  février  1892. 

Monsieur  l'Administrateur  df  VArt  moderne. 

L'article  de  H.  Louis  Delmer  :  Un  banquet  à  M"^  Beernaert, 
paru  dans  le  n"  5  du  31  janvier  de  votre  publication,  renferme  des 
erreurs  qu'il  est  de  notre  devoir  de  rectifier  : 

1»  II  est  inexact  que  la  lettre  citée  ait  été  envoyée  îi  plusieurs 
candidats  à  la  Direction  des  Beaux-Arts  ; 

S"  11  est  inexact  que  l'absence  b  la  réunion  de  Jef  Lambeaux, 
le  promoteur  de  la  mnnifestntion,  soit  un  acte  de  désapprobation, 
comme  l'article  semble  l'insinuer  ; 

3"  11  est  inexact  que  MM. Van  dcr  Slappen  et  Courtens  aient  pro- 
testé contre  la  proposition  d'offrir  un  banqueta  M"«  Beernaerl; 

4"  11  est  inexact  que  plusieurs  artistes  refusèrent  de  la  manière 
la  plus  absolue  de  se  prêter  à  l'acte  qu'on  leur  demandait  ;  tous 
ceux  présents,  sauf  deux,  y  ont  adhéré  avec  enthousiasme; 

5"  11  est  inexact  que  MM.  Julien  De  Vriendi  (et  non  Albert)  et 
Van  Ryn  se  soient  rendus  chez  M""  Beernaert  et,  par  conséquent, 
inexacts  aussi  les  propos  qu'on  attribue  à  cette  dernière. 

A  part  ces  cinq...  contre-vérités.  Inversion  de  M.  Louis  Delmer 
est  exacte. 

Nous  attendons  de  votre  impartialité  l'insertion  de  cette  lettre 

dans  votre  n"  6  de  dimanche  prochain,  7  courant,  et  nous  vous 

présentons,  Monsieur,  l'assurance  de  notre  parfaite  considération. 

Jef  Lambeaux,  E.  Blanc-Garin,  P.-J.  Clays,  Paul 

De  Vigne,    Ch.    Van   der   Slappen,    Franz 

Courtens,     Juliaan    De   Vriendt,    Alphonse 

Van  Ryn,  secrétaire. 

Comme  on  le  voit,  on  m'adresse  cinq  démentis.  Les  signataires 
de  îa  lettre  ont-ils  lu  <;e  qu'on  leur  a  fait  signer?  Pas  tous  évi- 
demment. J'ai  trop  de  confiance  dans  la  loyauté  et  le  bon  sens  de 
plusieurs  d'entre  eux  pour  croire  un  seul  instant  qu'ils  aient  pu 
accepter  sciemment  la  responsabilité  d'une  semblable  palinodie, 

alors  que  : 

l»  La  lettre  a  été  envoyée,  entre  autres  personnes,  à 
M.  Charles  Tardieu,  qui  est  et  qui  reste,  croyez-moi,  candidat  à  la 
Direction  des  Beaux-Arts. 

2o  Jef  Lambeaux  n'a  pas  assisté  à  la  réunion,  nous  sommes 
d'accord.  Tous  ceux  qui,  comme  moi,  connaissent  Lambeaux, 
comprennent  quels  peuvent  être  les  motifs  de  cette  absence. 

3°  Van  der  Stappen  et  Courtens  ont  refusé  d'êtres  membres  du 
Comité  organisateur. 

4«  Deux  artistes  au  moins,  parmi  ceux  qui  assistaient  à  la 
réunion,  ont  refusé  de  participer  à  l'organisation  et  au  banquet. 
Nous  sommes  encore  d'accord,  absolument. 

5"  Ici  on  joue  sur  les  mots.  Quanta  moi,  j'affirme  et  d'autres 
pourront  l'affirmer  avec  moi,  que  dans  le  principe  M"«  Beernaerl 
a  refusé  l'idée  d'un  banquet.  Si  aujourd'hui  elle  agit  autrement, 
c'est  son  affaire,  mais  le  principe  de  mon  affirmation  n'en  reste 
pas  moins  vrai. 

Des  cinq  démentis  il  ne  reste  rien,  si  ce  n'est  la  dérision  dont 
se  couvre  l'auteur  de  la  lettre  vis-à-vis  du  public  et  de  ses  cosigna- 
taires. 

Au  moment  où  VArt  moderne  recevait  la  lettre  ci-dessus,  de 
mon  côté  j'en  décachetais  une  de  M.  Van  Ryn,  candidat,  dit-on, 


h  l'Inspection  des  Roaux-Arls  et  secrétaire  du  banquet  offert  à  la 
s(i)ur  du  chef  du  cabinet. 

Cette  dernière  lettre,  je  no  veux  pas  la  publier  entièrement,  bien 
que  j'en  ai  manifesté  publiquement  l'intention  h  son  signataire, 
qui  m'y  a  autorisé. 
Je  me  borne  à  la  citation  que  voici  : 

«  Il  n'y  a  pas  d'autre  nom  (espion)  b  donner  à  celui  qui  se  hâte 
de  divulguer  les  secrets  d'une  réunion  où  il  a  été  appelé  en  frère 
et  qui  ne  se  fait  aucun  scrupule  de  divulguer  (sic)  le  contenu  d'une 

lettre  qui  lui  a  été  adre.'Jséo Vous  me  forcez  de  vous  donner 

un  démenti  sur  toute  la  ligne;  c'est  vous  seul,  par  conséquent, 
qui  supporterez  les  suites,  puisque  vous  n'avez  pas  hésité  à  signer 
de  votre  nom  les  mensonges  du  rapporteur  qui,  lui,  garde  l'ano- 
nyme, car  je  ne  suppose  pas  qu'il  aura  le  courage  de  se  faire  con- 
naître pour  vous  tirer  d'embarras.  » 

M.  Van  Ryn  y  lient;  il  compte  sans  doute  sur  la  reconnaissance 
du...  pardon,  de  l'estomac.  Dans  sa  situation  spéciale,  cela  se  com- 
prend. M""  Beernaert  cl  M.  de  Burlel  auront  eux  le  bon  esprit 
de  ne  pas  le  comprendre.  Il  est  naïf,  M.  Van  Ryn!  Croit-il  donc 
qu'on  traite  la  sœur  d'un  ministre  comme  les  marchands  de  vin 
traitent  le  public? 

Et  quant  à  nous,  ils  nous  rasent  !  Chassez  le  naturel  il  revient 
au  galop  !  M.  Van  Ryn  a  dû  être  coiffeur  jadis  ! 

Les  démentis  de  M.  Van  Ryn,  je  viens  de  montrer  ce  qu'ils 
valent,  c'est-à-dire  de  la  fausse  monnaie  dans  le  porte-monnaie 
d'un  débiteur. 

Quant  à  la  circulaire  manuscrite  qui,  à  ma  demande,  m'a  été 
communiquée  et  que  l'on  a  vu  circuler  dans  toutes  les  mains,  je 
suis  autorisé  à  nommer  celui  qui  me  l'a  confiée.  Toutefois 
j'informe  très  charitablement  celui  qui  viendra  me  demandercenom 
qu'il  recevra  pour  première  réponse  une  paire  de  gifles  telles, 
qu'à  côté  d'elles  la  correction  infligée  par  Constans  à  Laur  ne 
sera  qu'une  vulgaire  chiquenaude. 

Louis  Delmer. 

P.  S.  J'ai  toutes  raisons  de  croire  que  MM.  L.  Abry,  Blanc- 
Garin,  P.  Clays,  Canneel,  Coosemans,  A.  Dael,  Paul  De  Vigne, 
comte  de  Lalaing,  Juliaan  De  Vriendt,  Albrecht  De  Vriendt, 
Drion,  Ed.  Fétis,  Pierre  Koch,  Lamorinière,  Jef  Lambeaux,  Franiz 
MeertSgCt  E.  Slingeneyer,  qui  avec  M.  Van  Ryn  font  partie  du 
comité  organisateur  du  banquet  offert  à  M""  Beernaert  seront  pro- 
chainement nommés  commandeurs  ou  grands  cordons  de  l'ordre 
de  Léopold  ! 

Ils  l'auront  bien  mérité. 

Recevrai-je  un  nouveau  démenti? 

L.  D. 


On  nous  communique,  au  sujet  de  ce  banquet,  la  lettre  suivante  : 

Mademoiselle, 

J'ai  toujours  admiré  en  vous  l'artiste  vaillante,  opiniiîlre,  con- 
sciencieuse. J'ai  applaudi  à  toutes  les  distinctions  que  vous  avez 
obtenues.  J'aurais  volontiers  participé  à  la  manifestation  qui  se 
prépare  en  votre  honneur  pour  célébrer  cette  exception  :  une 
femme  qui,  dédaigneuse  des  joies  ordinaires  de  la  vie,  s'est 
exclusivement  consacrée  à  l'Art  comme  d'autres  se  consacrent  à 
Dieu. 

Mais  vous  êtes.  Mademoiselle,  la  sœur,  influente  et  aimée,  de 
l'homme  remarquable  qui  est  chez  nous  à  la  tête  du  Gouverne- 
ment; celle  situation  est  inséparable  de  vos  mérites  et  dès  lors. 


LART  MODERNE 


45 


mallicurcusement,  loul  lémoignagc  public  et  solennel  h  voue  gloire 
s'expose  inévitablemcnl  àèire  laxô  de  courlisancrie  cl  il  devienl 
difliciie  de  discerner  où  linil  la  sympatliic  pour  vous  el  où  com- 
mence la  basse  préoccupation  des  intérôls  personnels. 

Souffrez  donc,  Mademoiselle,  vous  qui  joignez  la  délicatesse  de 
la  fer»'mc  à  la  vaillance  d'un  cœur  viril,  que  je  m'abstienne  de 
paraître  h  celle  fôle  où  vous-même  ne  saurez  pas  discerner  ceux 
qui  vous  aiment  de  ceux  qui  vous  flallenl  et  dont  les  applaudis- 
sements ne  seront  qu'un  placemcnl  de  capitaux. 

Respectueusement  h  vous, 
X... 


PANTALONNADE 

Pour  M.  Jules  de  Burlet. 

On  remarque,  malicieusement,  (juc  depuis  le  jour  où  M.  Charles 
Tardicu  s'est  avisé  de  solliciter  de  M.  le  Ministre  de  l'inlérieur  la 
place  de  Directeur  des  Beaux-Arts,  la  naïve  el  ingénue  Indépen- 
dance belge  est  d'une  exemplaire  sobriété  dans  ses  appréciations 
sur  la  politique  du  Gouvernement.  En  vain  la  question  de  la 
Revision  mel-elle  en  branle  les  vacillantes  cei  velles  do  tous  nos 
journalistes.  La  prudente  Indépendance,  d'ordinaire  si  prolixe 
el  si  calembrcdainisante,  risque  à  peine  quelques  timides  rensei- 
gnements. Elle  prali(iue  avec  une  sereineté  déconcertante  la 
consigne  :  Ayons  l'air  de  ne  pas  avoir  i.'air,  donnée  à  tout  ce 
journalisme  bruxellois  qui  fait  notre  gloire  el  qu'il  a  acceptée  sur 
ce  sujet  avec  une  docilité  qui  consacrera  mémorablemcnt  son 
esprit  de  camaradisme. 

Soit  !  mais  alors  comment  expliquer  décemment  ce  que  celle 
même  Indépendance  belge  (oh  !  combien  indépendante!)  publiait 
le  4  mars  1891,-  il  n'y  a  pas  un  an,  au  sujet  de  ce  même  Ministre 
des  Beaux-Arts  devant  lequel  le  très  digne  M.  Charles  Tardieu, 
élevé  dans  les  correctes  régions  du  Bel-Air,  ce  royaume  de  la 
Gentry,  est  allé  gravement  accomplir  les  salamaleks  d'usage,  se 
courbant  très  bas  en  humble  solliciteur  et  parfait  courtisan, 
tendant  la  sébille  au  bout  de  la  patte,  et  proférant  les  compli- 
ments nécessaires. 

Il  venait  de  paraître  au  Moniteur  un  arrêté,  en  date  du  2  mars, 
nommant  M.  Jules  de  Burlet,  Ministre.  Là-dessus  M.  Charles 
Tardicu  s'explique  en  ces  termes  édifiants,  dignes  en  tojs  points, 
du  reste,  de  l'abominable  polémique  que  précédemment  le  même 
journal  sémitique  avait  mené  contre  M.  Beernaert  et  contre 
M.  Le  Jeune,  au  sujet  de  l'incident  Pourbaix. 

«  A  première  vue,  la  nomination  du  nouveau  ministre  appa- 
raît COMME  UNE  SIMPLE  PANTALONNADE. 

Ancien  député  et  bourgmestre  de  Nivelles,  M.  Jlles  de  Burlet 

s'est  taillé  une  TMPOPUIgARITÉ  NOTABLE  DANS  LA  VILLE  QU'iL  ADMI- 
NISTRAIT  el   dans  l'arrondissement  qui  l'a  écarté  en  juin  1888, 
jugeant  que  c'était  assez  d'avoir  été  représenté  par  lui  pendant 
quatre  ans. 
A  la  Chambre  même,  où  il  se  donnait  volontiers  des  airs  de 

SOUS-LEADER,  IL  AMUSAIT  LA  GAUCHE  PAR  l'iNFATUATION  d'uNE 
IMPORTANCE  QUI  NE  PARVENAIT  A  MASQUER  NI  LE  VIDE  DE  SON  ESPRIT, 
NI  LA  MÉDIOCRITÉ  DE  SON  TALENT  ;  ET  IL  AVAIT  FINI  PAR  DEVENIR 
ABSOLUMENT  ANTIPATHIQUE  A  LA  DROITE, 

On  ne  voit  donc  pas  très  bien,  tout  d'abord,  de  quelle  utilité 
M.  Jules  de  Burlet  pourra  être  au  gouvernement,  el  quelle  force 
il  apporte  au  cabinet  dans  la  situation  politique  assez  compliquée 
qui  lui  est  faite  en  ce  moment. 


Mais  un  peu  de  rétlexion  fait  mieux  juger  du  choix 'proposé  à 
la  Couronne  par  M.  Beernaert. 

M.  Jules  de  Burlet  est  aussi  résolument  protectionniste  que  son 
prédécesseur,  et  sur  la  question  des  céréales  (  t  de  l'impôt  du  pain 
il  ne  transige  pas. 

Or,  M.  Beernaert  est  libre-échangiste,  el  s'il  a  été  mou  quand 
M.  Dumonla  demandé  un  droit  d'entrée  sur  le  bétail  et  les  viandes, 
le  chef  du  cabinet  s'est  prononcé  à  plusieurs  reprises  et  très  caté- 
goriquement conire  le  rétablissement  du  droit  d'entrée  sur  les 
céréales,  aboli  par  M.  Malou  alors  que  cet  impôt,  simple  droit  de 
balance,  avait  un  caractère  purement  fiscal. 

Donc  M.  Beernaert  s'annexe  M.  Jules  de  Burlet. 

Si  le  syllogisme  vous  paraît  baroque,  dites-vous  que  la  logique 
cléricale  a  ses  originalités.  Songez  d'ailleurs  à  i'embarrasdu  chef 
du  cabinet,  préoccupé  de  ménager  dans  son  parti  les  adversaires 
de  sa  politique  économique.  Considérez  enfin  que  M.  Jules  de 
Burlet,  ministre  sans  mandat  électoral,  aura  le  mérite  de  ne 
pas  voter,  et  que,  s'il  parle,  il  fera  plus  de  mal  que  de  bien  au 

protectionnisme.    )) 


Monsieur  Charles  Tardieu  jugé  'par  la  presse  de  province. 

Il  est  peut-être  cruel  d'insister  au  sujet  de  la  candidature,  dès 
h  présenl  condamnée,  de  ce  pauvre  M.  Charles  Tardieu.  Mais  il  est 
des  personnalités  qu'on  ne  saurait  trop  mettre  à  leur  point.  Elles 
ont,  en  effet,  d'imprévus  retours  offensifs,  doués  qu'ejles  sont 
d'une  ténacité  égale  à  celle  de  l'eczéma,  cl  on  regrette  alors  de  rw 
pas  avoir  mené  la  euro  à  point. 

Si  les  reporters,  chroniqueurs  et  autres  plumigères  bruxellois 
continuent  à  rester  muets  comme  des  éperlans  frits,  l'Impartial 
de  Gand  a  publié  le  suggestif  article  que  voici,  qui  fera  dire 
apparemment  à  ce  brave  homme  de  M.  Gustave  Frédérix  :  «  Vrai- 
ment, depuis  que  Tardicu  a  posé  sa  candidature,  M  ?7  moderne  ne 
garde  plus  de  mesure  ;  on  le  dit  partout  ».  Partout,  ce  sont  les 
onze  salons  du  Bel-Air  où  M.  Frédérix  épanclîc  les  spirituelles 
pToduclions  de  sa  belle  et  toujours  fraîche  intelligence. 

(.(.  La  place  est  vacante  —  depuis  de  longues  semaines  —  de 
directeur  général  des  Beaux-Arts  et  Belles-Lettres.         / 

Différentes  candidatures  ont  surgi,  dont  celle  de  M.  le  baron  de 
Haulleville  semblait  agréer  le  plus  aux  artistes  et  aux  littérateurs: 
c'est  un  éclectique  que  M.  de  Haulleville,  indépendant  de  toute 
école  et  par  conséquent  également  juste  pour  toutes. 

La  nomination  de  M.  de  Haulleville  semblait  assiN^e,  lorsqu'on 
a  appris  qu'un  nouveau  candidat  se  levait,  M.  Charles  Tardieu, 
dire(;L8Ur  de  l'Indépendance  belge. 

Même  affirmait-on  —  et  ceci  évidemment  est  une  fable  —  que 
M.  Woesle  recommandait  et  poussait  Tardieu. 

C'est  joli  —  comme  gageure  ! 

Néanmoins,  les  artistes  el  liitérateurs  se  sont  émus  ;  je  laisse  à 
mon  ami  A.  D.  le  soin  de  vous  dire  les  appréhensions  des  artis- 
tes, et  me  contente  de  justifier  les  craintes  des  littérateurs. 

* 

M.  Charles  Tardieu  dirigeet  véé\%e  l'Indépendance  belge, orspine 
politique  el  littéraire. 

Que  M.  Tardieu,  après  avoir  mené  dans  son  journal,  à  propos 
de  l'affaire  Pourbaix,  une  campagne  particulièrement  odieuse 
conire  le  Ministère  de  M.  Beernaert,  aille  quémander  une  place 
bien  rétribuée  de  sous-ordre  ministériel,  cela  peut  paraître  peu 
fier  à  lout  le  monde,  sauf  à  lui-même. 

Que  MM.  Beernaert  elde  Burlet  ouvrent  les  portes  du  ministère 
à  leur  insulteur,  cela  paraîtra  naïf  à  tous,  même  à  Tardieu. 

Mais  tout  cela  importe  assez  peu  aux  artistes  et  aux  Icllrés  :  ce 


46 


VART  MODERNE 


qui  les  effraye,  c'est  que  la  nomination  de  M.  Charles  Tardieu 
livrera  l'arl  e^  le»  lettres  belges  au  bon  vouloir  d'un  publiciste 
dont  les  sympathies  artistiques  et  littéraires  sont  d'un  cosmopoli- 
tisme sarcasliquement  dédaigneux  des  œuvres  et  des  hommes  de 
son  propre  pays.  ,    ,    r.    • 

'      L'Indépendatm  est  fort  goûtée  sur  les  boulevards  de  Pans. 

Rien  d'élonnanl.  car  si  elle  est  belge  en  politique,  elle  est  fran- 
çaise en  littérature, 

Nous  ne  le  lui  reprocherions  pas,  si  son  systémalique  cnlliou- 
■  siasme  pour  toul  oe  qui  vient  des  «  grands  Français  »,  n'était 
accompagné  d'un  systématique  débinage  de  tout  ce  qui  vient  des 
«  petits  Belges  »... 

M.  Tardieu  cl  M.  Frédérix  —  son  iruchemenl!  —  font  payer 
en  humiliations  aux  auteurs  belges,  tout  l'encens  qu'ils  brûlent 
aux  écrivains  français. 

'  Ces  messieurs  ont  fait  maintes  fois  les  honneurs  de  leur  jour- 
nal aux  marchands  do  cassonade  littéraire  du  calibre  de  Georges 
Ohnel,  — alors  que,  gouailleurs  el  blagueurs,  ils  ignoraient  ou  rail- 
laient les  efforts  constants  el  désintéressés,  fails  depuis  dix  ans, 
par  de  purs  el  laborieux  artistes,  pour  donner  à  la  Belgique  une 
littérature  propre  cl  personnelle. 

Si  l'originel  et  arllslique  génie  de  notre  race  refleurit  aujour- 
d'hui en  lant  d'œuvrcs  puissantes  el  fortes,  ce  n'est  pas  la  faute 
de  M.  Tardieu;  a-t-il  fait  assez  d'espril  malveillanl  el  jaloux  sur 
le  compte  de  ceux  de  sesxompatriolesqui  s'avisaient  d'écrire? 

Tous  ces  écrivains  qui,  à  force  de  travail  persévérant  ci  ingrat, 
conquièrent  lenlement  à  leur  patrie  une  pLccdans  les  lettres  con- 
temporaines —onl,  comme  des  galons  d'honneur,  quelques  rica- 
nants calembours  de  M. Tardieu  à  leur  passif... 

El  c'est  à  ce  contempteur  cosmopolite  de  toul  effort  littéraire 
belge  qu'on  voudrait  livrer  les  destinées  de  l'art  et  des  lettres  en 
notre  pays? 

Mais  crubUe-l-on  donc  que  la  principale  mission  d'une  direction 
des  Beaux-Arts  el  Belles-Lettres,  c'est  d'encourager  les  débuts 
pénibles,  laborieux,  infructueux  des  grands  artistes  el  des  grands 
écrivains  futurs? 

Pronostiquer  l'avenir,  reconnaître  en  un  pauvre  et  obscur  com- 
mençant le  maître  de  demain  —  voilà  une  mission  pour  laquelle 
vraiment  n'est  pas  de  laille  et  n'a  plus  autorité  et  compétence  en 
son  pays,  celui  qui  n'adora  jamais,  et  par  delà  les  frontières,  que 
les  soleils  levés  —  el  dorés  !  » 


Correspondance 


M0NSIKV&  I.E  Directeur  de  l'Art  moderne, 

Vous  aimez  donc  le  talent  de  Léon  Frédéric?  Bravo  ! 

Seulement,  si  vous  l'avez  dit,  el  je  le  crois,  vous  ne  l'avez  écrit 
jamais^ 

Le  nom  même  de  Léon  Frédéric  n'était  pas  cité  dans  le  compte 
rendu  que  l'Art  moderne  a  fait  du  Salon  d'Anvers  —  de  néfaste 
mémoire  ! 

Peut-être  eependanl,  si  discutable  qu'elle  fût  en  certaines  par- 
lies,  son  œuvre  ne  mériiait-elle  pas  d'être  confondue  dans  un 
même  analhëme  avec  celles  de  Van  der  Ouderaa  el  autres  Cap 
et  Col. 

Comment  voulez-vous  que  le  public  —  belge  ou  aulre  —  ne 
fasse  pas  de  réflexions  désobligeantes,  el  injustes  peul-élre;  el  je 
le  crois. 

Le  vieil  abonné. 

RÉPONSE 

Si   le  «  vieil  abonné»  (?)  avail  pris  la  peine  de  lire  l'An 

moderne  moins  superficiellement,  il  aurait  pu  s'éviter  la  peine  de 

nous  écrire.  Il  saurait  que  dès  le  premier  numéro  de  la  première 

année  (1881)  de  noire  journal,  nous  avons  signalé  M.  Frédéric, 


en  termes  élogieux,  h  nos  lecteurs  (en  parlait-on  ailleurs  à  celte 
époque  reculée?);  qu'il  a  été  question  du  même  artiste,  en  termes 
également  louangeurs,  et  indépendamment  des  nombreuses  cita- 
tions qui  parsèment  la  collection  de  l'Art  moderne,  en  188"2, 
pp.  145  el  238;  en  1883,  pp.  11  et  35  ;  en  1884,  p.  12  ;  en  1886, 
p.  11  ;  en  1889,  p.  171,  où  un  article  toul  entier  :  L'Exposition 
Frédéric  lui  est  consacré  et  où  l'on  examine  avec  la  plus  grande 
attention  ses  scènes  rustiques.  Le  hic.  Le  lin.  Faut-il  poursuivre 
plus  loin  ces  recherches,  assez  fastidieuses  ?  Nous  pensons  que 
ces  quelques  indications  sufliront  îi  convaincre  notre  «  vieil 
abonné  »  (?). 


Petite   CHRO^llQUE 

Le  Salon  dos  XX,  qui  s'est  ouvert  hier  pour  les  artistes,  sera 
accessible  au  public  à  partir  d'aujourd'hui  dimanche,  de  10  à 
.T  heures. 

La  première  matinée  aura  lieu  jeudi  prochain,  11  courant,  îi 
2  heures.  M.  Georges  Lecomte,  l'auteur  de  la  Meule  et  de 
Mirage,  fera  une  conférence  sur  Les  tendances  de  la  peinture 
moderne. 

La  deuxième  séance  de  musique  de  chambre  pour  instruments 
à  vent  el  piano  a  affirmé  une  fois  de  plu^e  scrupule  d'art  des 
organisateurs  de  ces  auditions  de  choix.  Le  divertissement  de 
Mozart  (n"  3)  pour  dix  instruments  îi  vent  a  été  interprété  avec 
une  correction  parfaite.  On  a  beaucoup  applaudi  aussi  deux  jolies 
pièces  pour  hautbois  {Idylle  ;  A  travers  champs)  de  M.  Joseph 
jncob,  jouées  avec  un  sentiment  pénétrant  par  M,  Guillaume 
Guiflé.  MM.  Slorck  et  Sevenanls,  deux  brillants  élèves  de  M.  De 
Greef.  ont  complété  ce  programme  en  jouant  les  Variations  de 
Saint-Saéns  sur  iin  thème  de  Beethoven  et  une  fantaisie  de  Chris- 
tian Sinding. 

La  maison  Choudens  fils,  éditeurs  de  musique,  boulevard  dos 
Capucines,  à  Paris,  ayant  appris  qu'il  se  vendait  en  Belgique  des 
partitions  AnFaust  de  Gounod,  de  provenance  française,  croit 
devoir  prévenir  le  public  qu'elle  a  cédé,  en  toute  propriété,  dès  le 
21  mai  1859,  le  dit  opéra  de  Faust,  ainsi  que  tous  arrangements 
des  divers  auteurs  qui  paraîtraient  de  cet  ouvraere,  à  la  maison 
Veuve  Léon  Muraille,  éditeur  de  musique,  rue  del'Universilé,  43,  h 
Liège,  représentée  par  M.  Henri  Dabin,  lequel  se  trouve,  par 
suite,  avoir  seul  le  droit  de  vente  de  cet  ouvrage  en  Belgique. 

Ln  Comité  composé  de  MM.  Charles  Dumercy,  Max  Elskamp, 
Georges  Morren,  Georges  Sérigiers  el  Henry  Van  de  Velde,  à 
Anvers,  vient  de  distribuer  la  circulaire  suivante: 

«  Autorisé  par  un  respect  des  choses  de  l'art,  qu'il  veut  au  delà 
de  l'intérêt,  des  coteries  et  de  l'école,  un  Comité  s'est  fondé. 

Il  se  vouera,  argumentant  d'expositions  d'art,  de  confércncesel 
d'auditions  musicales,  à  la  défense  des  idées  et  des  vouloirs  des 
plus  récents  artistes. 

Désireux  de  réaliser,  à  Anvers,  une  Association  où  toutes  les 
manifestations  de  l'art  se  puissent  produire  librement,  nous  atten- 
dons de  votre  patronal.  Monsieur,  l'accomplissement  de  l'œuvre 
projetée.  » 

M.  Bui.s  n'écoutera  point,  n'est-ce  pas,  les  crétins,  amoureux 
contre  nature  de  l'alignement,  qui  crient  pour  qu'on  élargisse  la 
rue  aux  Laines  en  incorporant  à  la  voie  publique,  lors  de  la 
reconstitution  du  vieil  hôtel  d'Egmonl  récemment  dévasté  par 
l'incendie,  la  romantique  allée  de  vieux  tilleuls  qui  pendent  si 
joyeusement  au  printemps,  si  mélancoliquement  à  l'automne  leurs 
panaches  de  feuilles  au-dessus  du  mur  antique  du  jardin  d'Arcn- 
berg.  Il  faut  que  cette  rêveuse  et  charmante  rue  soit  conservée  avec 
son  pittoresque  et  ses  souvenirs.  Il  faut  que  la  famille  d'Aren- 
berg,  sous  peine  de  justifier  les  misérables  sifflets  qui  déshono- 
rèrent le  mariage  récent  d'une  de  ses  filles,  rebâtisse  en  sa  res- 
pectable intégrité  la  demeure  d'Egmonl,  gloire  de  l'admirable 
place  du  Sablon. 


4 


VAR"^  MODERNE 


Al 


Il  ploul,  il  gréie  des  revues  lilléraires.  Toutes  les  semaines,  en 
clairs  carillons,  elles  sonnent  à  toutes  volées  les  matines  de  l'art 
neuf.  Signalons  spécialemeni,  parmi  les  plus  réccnles  : 

Psyché,  revue  mensuelle  d'art  cl  de  lilléralurc.  Rédacteur  en 
chef  :  Emile  Michei.et.  Secrétaire  de  la  rédaction  :  Augustin 
Chaboseau.  Bureaux  :  Paris,  rue  de  Vaugirard,  12  et  rue  de 
Trévise,  29.  Abonnements  :  3  francs  pour  la  France;  fr.  3,50  pour 
l'étranger.  Le  numéro  :  2S  conlimes. 

La  Croisade,  revue  d'art  et  de  littérature,  paraissant  le  2o  de 
chaque  mois.  Directeur  :  Emile  Foubert.  Rédacteur  en  chef  : 
I).  UE  Venancourt.  Bureaux  :  l,e  Havre,  rue  de  Mexico,  19. 
Abonnements  :  6  francs  par  an.  Le  numéro  :  50  centimes. 

Le  Sainl-Graal.  Rédacteur  en  chef  :  Emmanuel  Signoret. 
Secrétaires  :  J.  Lanugère  et  !..  Le  Cardonnel.  Paraît  le  5  et  le  20 
de  chaque  mois  (suite  du  Réveil  catholique).  Bureaux  :  rue  du 
£herclio-Midi,  42,  Paris.  Abonneinenis  :  5  francs  par  an.  I>e 
numéro  :  25  conlimes. 

Floréal,  revue  mensu<lle  de  littérature  et  d'art.  Directeur  : 
Paul  Gérardy.  Rédacteur  :  Ch.  Delchevalerie.  Bureaux  :  rue 
Saint-Rcmy,  22,  et  rue  de  la  Bovcrie,  7,  Liège.  Abonnements: 
5  francs  l'an  pour  la  Belgique  (6  francs  à  l'étranger). 

Le  Chasseur  de  chevelures,  «  Moniteur  du  possible  »,  revue  un 
peu  mystérieuse,  slriclemenl  anonyme,  très  littéraire  et  non 
moins  batailleuse.  «  Le  Chasseur  de  chevelures!  Ce  déroulement 
de  syllabes  n'est-il  pas  pareil  au  déroulement  d'une  opulente  et 
glorieuse  toison  ?  El  ^elle  évocation  aussi,  d'un  romantisme 
bariolé,  sauvage,  hérissé  de  plumes  multicolores!  »  En  ces  mots, 
le  chasseur  justifie  son  litre.  Direction  :  rue  Vézelay,  15,  Paris. 
Abonnements  :  un  an,  3  francs.  Dix  ans  (!)  28  francs. 

A  toutes  nos  jeunes  sœurs,  nous  .souhaitons  longue  vie  et 
joyeuse  humeur. 

Une  revue  nouvelle  :  L'Echo  des  Jeunes, paraît  au  Canada.  Au 
sommaire  :  P.  Verlaine,  G.  Vicaire,  Catulle  Mendès^  el  même 
Emile  Zola,  el  même  Gustave  Droz.  Mais  les  Canadiens  sont  plus 
rares  et  moins  connus.  Nous  n'en  souhaitons  pas  moins  la  bien- 
venue à  notre  consœur.  (Direction:  A.Gerbee,  Sainle-Cunégondc, 
P.  Q.  Canada.)  

Jacqueline  de  Bavière,  l'oratorio  historique  de  M.  Jean  Vanden 
Eeden  qui  obtint  à  Mons  un  grand  succès,  sera  exécuté  le 
14  février  prochain,  à  Louvain,  par  l'École  de  musique  dont  le 
personnel  sera  augmenté,  pour  la  circonstance,  d'un  nombreux 
choral  fourni  par  les  dames  de  la  ville. 

La  Libre  Critique  fera  paraître  le  11  février  un  numéro 
spécial  contenant  une  phoiotypie  hors  texte,  sur  papier  de  luxe, 
d'après  une  aquarelle  d'Uytierschaut,  el  une  mélodie  pour  chant 
et  piano  d'Arthur  De  Greef.  — Texte  de  MM.  Edg.  Baes,  E.  Bone- 
bill,  A.  Desogne,  Eug.  Georges,  i.  Herpain,  W.  Hugot,  N.  Outer, 
F.  Roussel,  etc.  lllustraiions  de  MM.  Ch.  Ecreyisse,  E.  Laermans, 
H.  Meunier,  H.  Otlevaere,  N.  Oulcr,  H.  Thys,  L.  Tilz,  etc. 

Le  prix  liabituel  du  numéro  ("20  centimes)  ne  sera  pas  majoré 
pour  les  1,000  premiers  souscripteurs. 

La  vente  de  la  collection  de  tableaux  et  d'objets  d'art  du 
D'  Lequime,  que  nous  avons  annoncée\^mme  prochaine,  est 
définitivement  fixée  aux  4  el  5  avril,  à  ^  heures.  L'exposition 
particulière  aura  lieu  rue  Travcrsière,  11,  les  29  cl  30  mars. 
L'exposition  publique,  les  2  el  3  avril,  dans  la  salle  de  M.  Cla- 
rembeaux,  sous  la  direction  duquel  la  vente  sera  faite  par  le 
ministère  de  M.  le  notaire  Lecocq. 

Cette  collection,  formée  en  25  années  par  un  amateur  dont  nous 
avons  eu  l'occasion  de  vanter  le  goûlel  la  compétence  artistique, 
comprendra  environ  90  numéros:  il  y  aura  70  tableaux,  esquisses, 
études  à  l'huile,  plus  une  vingtaine  de  bronzes,  aquarelles,  des- 
sins, parmi  lesquels  trois  dessins  à  la  plume  de  Félicien  Rops. 

Ce  sera  l'une  des  ventes  les  plus  intéressantes  de  l'année. 

M.  Frans  Melchers  expose  en  ce  moment  quelques-unes  de  ses 
œuvres  au  local  du  Cercle  des  Arts  et  delà  Presse,  rue  Royale,  35. 

Un  comité  composé  d'amis  d'Ephralm  Mikhael,  morl  le  5  mai 


1890,  se  propose  d'élever  h  sa  mémoire  un  moaumcnl  de  pieuse 
admiration.  Il  fait  appel  h  tous  ceux  qui  aimèrent  l'homme  et  le 
poète;  à  ceux  qui  estiment  qu'il  a  réuni  en  lui  plusieurs  xies  plus 
nobles  dons,  particuliers  à  la  jeune  génération.  Il  sied  qu'une 
image  de  marbre,  sur  sa  tombe,  rappelle  ce  que  fut  le  pur  poète 
qui  repose  là.  L'exécution  du  monument  a  été  confiées  M.Michel 
Malherbe.  Les  souscriptions  sont  recueillies  par  M.  Gaston  Dan- 
villi',  trésorier,  191,  faubourg  Sainl-Honoré,  el  par  chacun  des 
membres  du  Comité. 

Le  Comité  :  Jean  Ajalbert,  Camille  Bloch,  Marcel  Collière, 
Gaston  Danville,  Rodolphe  Darzcns,  Ferdinand  Hérold,  Henry 
Lapauzc,  Bernard  Lazare,  Grégoire  Le  Roy,  Charles  Van  Ler- 
berghe,  Mooris  Maeterlinck,  Sluarl  Merril,  Emile  Michelel,  Albert 
Mockel,  Pierre  Quillard,  Henri  de  Régnier,  Saint-Pol  Roux, 
Alexandre  Tausserat. 


Cours  supérieurs  pour  dames.  —  8  février,  à  2  heures, 
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Chaplin  :  Thakeray.  —  9  février,  h  2  heures,  M.  E.  Verhaeren  : 
L'Art  néo-chrétien  allemand. —  10  février,  à  i  heures,  M.  H.  Per- 
gameni :  La  Russie  sous  Catherine  IL  —  11  février,  à  2  heures, 
M.  LoNCHAY  :  Charles  de  Lorraine  (suite);  à  3  heures.  M"' J. 
TouDEUS  :  Diction  el  lecture  d'auteurs  modernes. 


La  Société  royale  l'Orphéon  de  Bruxelles  fêlera  cette  année, 
par  un  grand  concours  international  de  chant  d'ensemble,  le 
vingt-cinquième  anniversaire  de  sa  fondation  et  en  même  temps 
celui  de  son  directeur-fondateur,  M.  Edouard  Bauwens,  lesympa- 
Ihique  professeur  au  Conservatoire  royal  de  musique. 

Ce  concours,  qui  est  organisé  sous  les  auspices  du  gouverne- 
ment et  de  l'administration  communale,  aura  lieu  en  juillet  pro- 
chain, à  l'époque  des  fêtes  nationales.  Il  comprendra  trois 
divisions  el  des  divisions  d'excellence  et  d'honneur,  plus  un  con- 
cours de  lecture  à  vue,  facultatif. 

Le  programme  détaillé  et  le  règlement  de  ce  concours  seront 
adressés  très  prochainement  aux  sociétés. 

Indépendamment  de  diplômes  et  de  médailles,  des  primes 
importantes,  on  espèces,  seront  attribuées  comme  prix  aux  diffé- 
rentes divisions. 

Camille  Pissarro,  d'après  le  OU  Blas  : 

Soixante  ans.  Le  crâne  dénudé  avec  quelques  rares  mèches  gri- 
sonnantes au-dessous  des  tempes.  Des  yeux  d'une  acuité  étrange 
qu'ombrent  de  broussailleux  sourcils.  La  pesu  collée  aux  os,  un 
nez  vaguement  hébraïque  et  une  longue  barbe  blanche.  Semble 
un  vieil  hcrmile  qui  a  quitté  son  désert  ou  sa  forêt  pour  venir 
assister  à  quelque  pieux  concile.  Fut  le  précurseur  de  l'impres- 
sionnisme, le  premier  qui  lenta  de  rendre  le  charme  et  les  vibra- 
tions de  la  lumière,  qui  mit  dans  ses  tableaux  la  douceur 
divine  des  printemps  en  fleurs,  la  joie  des  ciels  ensoleillés.  Est 
toujours  resté  intact  et  fidèle  à  son  réveel  a  affronté  sans  faiblir, 
avec  la  fierlé  des  grands  artistes  de  jadis,  les  moqueries  du  vul- 
gaire, les  injustices  el  la  pauvreté.  Habile  la  campagne  et  comme 
Claude  Monei  fuit  dédaigneusement  la  grande  ville  et  ses  petites 
chapelles.  Signe  particulier  :  Ne  peint  qu'en  plein  air  el  offre  cet 
étrange  spectacle  d'une  main  —  la  main  gauche  si  souvent  rivée  à 
la  palette  —  toute  blanche  avec  un  pouce  rouge  comme  de  la 
terre  de  sienne.  —  R. 


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Malles-Postes  de  l'État-Belge,  Montagne  de  la  Cour,  90*,  à  Brixeli.es  ou  Gracechurch-Street,  n°  53,  à  Londkks;  à  l'Agence  des  Chemins  de 
fer  de  Vt^tat  Belge,  à  Douvres  (voir  ])lus  haut);  à  M.  Arthur  Vrancken,  Domkloster,  n?  1,  à  Coi.oose  ;  à  M.  Siepcrniann,  67,  Unter  den 
Linden,  à  Berlin;  à  M.  Rcmmclmann,  15,  GuioUett  strasso,  à  Francfort  a/m;  à  M.  Schenhcr,  Scliottciiring,  3,  à  Viexnb;  il  M'»o  Schroekl 
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Douzième  année.  —  N"  7. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  14  Février  18^. 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DBS  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  »  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,    un   an,   fr.   10.00;  Union   postale,    fr.    13.00     —  ANNONCES  :    On   traite  à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Plndustrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


Salon  des  XX.  Conférence  de  M.  Georges  Lecomte.  —  L'album 
DU  Salon  des  XX.  —  M.  Gustavr  Frédérix  bt  nos  bcbivains.  — 
Exposition  sb  MM.  David  et  Pierke  Oybns  au  Cercle  artistique. 

—  La  direction  des  Beaux-Arts.  —  Ironie.  —  Au  Conservatoire. 

—  Deuxième  représentation  du  Théâtre  d'Art.  —  Exposition  Ca- 
mille Pissarro.  —  Petit  Théâtre  des  Marionnettes.  —  Petite 
chronique. 


Salon  des  XX 

CONFÉRENCE   DE    M.    GEORGES    LECOMTE. 
Des  tendances  de  la  peinture  moderne. 

A  certains  moments  de  révolution  artistique,  on  sent 
le  besoin  de  la  préciser.  On  veut  en  délimiter  les  ten- 
dances, en  définir  le  caractère.  Aisée,  quand  il  s'agit 
des  siècles  échus,  la  tâche  devient  périlleuse  si  l'on 
veut  examiner  les  temps  qui  viennent  à  peine  de  s'ac- 
complir. 

Pour  le  passé,  le  recul  de  la  durée  permet  les  visions 
synthétiques;  la  sérénité  de  l'histoire  fait  les  jugements 
impartiaux  :  on  a  l'impassible  quiétude  qui  clarifie  l'in- 
tuition et  afline  le  sens  critique. 

Alors,  les  simples  éminences,  que  les  contemporains 
ont  pu  croire  des  cimes,  n'ont  aucun  relief  en  l'immense 


étendue  des  époques  et  les  fortuits  amoncellements  de 
sable,  qui  peut-être  ont  donné  l'illusion  de  l'Éternel, 
s'affaissent.  Seuls,  les  grands  mouvements,  les  primor- 
diales ossatures  surgissent,  dessinés  nettement,  allégés 
de  toute  contingence  et  des  momentané! tés.  On  voit  la 
chaîne  ininterrompue  dont  logiquement  ils  proviennent 
et  dans  quel  avenir,  nécessairement,  ils  se  sont  résolus. 
Des  ensembles  caractéristiques  apparaissent  en  des 
atmosphères  de  limpidité. 

L'accablante  et  mystérieuse  grandeur  des  édifications 
védiques,  l'art  chaldéen  analytique  et  minutieux,  la 
colossale  sculpture  assyrienne  en  ses  formidables  créa- 
tions de  terreur,  la  statuaire  égyptienne,  souple,  gra- 
cieuse, synthétique,  d'une  si  troublante  idéalité,  l'eu- 
rythmie des  Grecs,  la  mysticité  flamande,  hiératique 
puis  exubérante,  la  primitive  peinture  religieuse  d'Italie, 
d'une  beauté  toute  païenne,  l'art  gothique,  le  renais- 
sant, celui  des  maîtres  hollandais,  le  siècle  de  Louis  XIV, 
le  règne  de  Louis  XV  peuvent  être  aperçus  en  leurs  véri- 
diques  aspects. 

Mais  déjà  les  esprits  sincères  perdent  leur  certitude 
quand  il  s'agit  d'apprécier  le  sens  de  ce  mouvement 
artistique,  si  proche  de  nous,  qui  correspond  à  l'Empire 
premier  et  aux  révolutions  complémentaires  des  méta- 
morphoses de  1789. 

On  comprendra  combien  ardu  est  l'efibrt  de  celui  qui, 
sans  attendre  la  mise  en  valeur  des  ans,  veut  suppléer 


par  la  réflexion  à  la  juste  perspective  que  donne  la 
durée,  qui  pense  remplacer  par  l'impartialité  de  sa 
raison  l'atmosphère  imperturbée  de  l'histoire,  pour 
préciser  les  tendances  caractéristiques  de  l'art  con- 
temporain, issu  du  mouvement  romantique  et  de 
l'école  du  plein  air. 

Tout  d'abord,  il  faut  abstraire  d'une  telle  enquête  les 
individuelles  tentatives  qu'on  prévoit  sans  lendemain, 
les  mouvements  brusquement  dessinés  et  arrêtés  court, 
les  caprices  particuliers  ou  unanimes,  les  bizarreries 
de  la  mode  qui  se  renouvelle  en  art  avec  tant  de 
prestesse.  La  mode,  qui  trop  souvent  discipline  les 
talents  à  ses  fluctuations  fortuites,  aussi  bien  pour  la 
conception  de  l'œuvre  que  pour  le  choix  des  motifs  et 
le  procédé  d'expression,  est  en  dehors  de  la  notion  du 
Beau  et  ne  peut  qu'en  obscurcir  les  conditions  éter- 
nelles. Elle  constitue  même  un  danger  pour  les  artistes 
qui  assujettissent  à  ses  exigences  leur  tempérament, 
susceptible  de  s'affirmer  plus  personnel  et  vivace,  s*il 
exprimait  librement  ses  émotions. 

Ne  pensera-t-on  pas  aussi  qu'il  sied  d'éliminer  ou  tout 
au  moins  de^-reistreindre  à  leurs  légitimes  proportions 
les  questions  de  technique,  de  pur  métier,  qui  ne  sau- 
raient prétendre  à  constituer  la  physionomie  spéciale 
d'une  époque  de  l'art  :  les  fresques  de  Botticelli,  les 
vierges  du  Titien,  les  femmes  d'Ingres  et  l'Olympia 
sont  belles,  si  divers  qu'en  soient  les  procédés 
d'exécution.  En  architecture,  le  style  est  indépendant 
des  matériaux  employés.  En  peinture  et  dans  la  sta- 
tuaire, il  ne  dépend  pas  des  nuances  d'une  technique 
plus  ou  moins  efficace.  Le  métier,  s'il  est  rationnel 
et  savant,  étaye  la  vision,  mais  ne  la  remplace  pas.  Les 
artistes  du  passé  qui  furent  des  maîtres,  ceux  d'aujour- 
d'hui qui  nous  paraissent  grands,  ne  sont  point  tels  en 
raison  des  procédés  qu'ils  adoptèrent  :  c'est  qu'ils 
eurent  des  émotions  vives,  que  leur  âme  vibra  aux 
rythmes  de  la  nature,  que  leur  vision  les  perçut  et  les 
assembla.  Grands,  ils  l'eussent  été  avec  des  techniques 
différentes.  Les  méthodes  que  les  uns  et  les  autres  se 
sont  appropriées,  pour  un  rendu  plus  parfait  de  leurs 
perceptions,  parce  qu'ils  les  jugeaient  adéquats  à  leurs 
tempéraments,  ont  simplement  favorisé  par  leurs  res- 
sources la  totale  expression  de  la  personnalité  de  ces 
peintres. 

Pourtant,  à  notre  époque,  la  technique  acquiert  une 
importance  inaccoutumée,  puisqu'un  procédé  de  répar- 
tition des  couleurs  juxtaposant,  en  vue  d'une  commu- 
nion sur  la  rétine,  tous  les  éléments  constitutifs  d'une 
impression  visuelle,  a  permis  à  certains  peintres  d'illu- 
miner leurs  toiles  de  plus  limpides  et  plus  ardentes 
clartés.  C'est  grâce  à  cette  méthode  qui  laisse  noter 
avec  plus  de  vérité  et  avec  l'importance  qu'elles  ont 
dans  la  nature  l'influence  respective  des  couleurs  voi- 
sines, l'action  du  soleil  sur  la  tonalité  des  objets,  que 


des  artistes,  doués  de  la  plus  délicate  vision,  parvinrent 
à  envelopper  les  sites  agrestes,  les  amas  de  maisons 
d'atmosphères  blondes  et  translucides,  qu'ils  teintèrent 
doucement  leur?  ombres,  que  l'air  circula  entre  les 
frondaisons,  autour  des  gens  et  des  bêtes  et  que  les 
horizons  lointains  s'estompèrent  de  subtiles  brumes  de 
soleil. 

La  division  du  ton  pour  des  clartés  plus  blondes,  ou 
mieux,  (afin  de  nous  élever  au-dessus  des  questions  de 
technique),  ce  souci  de  luminosité  peut  raisonnablement 
sembler  caractéristique  des  tendances  de  l'art  moderne. 
Pendant  longtemps,  nous  l'avons  cru.  Mais  des  examens 
plus  réfléchis  ont  ébranlé  cette  opinion  :  ces  recherches 
de  lumière  nous  apparaissent,  non  comme  un  résultat 
définitif,  non  comme  un  sommet  atteint,  mais  plutôt 
comme  un  moyen  propice  à  la  réalisation  de  plus  incon- 
testables tendances  :  permettant  de  restituer  les  com- 
plexes éléments  des  harmonies  naturelles,  elles  per- 
mettent ainsi  d'en  mieux  rendre  la  magnificence 
décorative. 

Et  c'est  précisément  ce  souci  de  beauté  décorative 
qui  nous  paraît,  en  dehors  de  toute  préoccupation  secon- 
daire, devoir  être  la  mar^îue  distinctive  de  notre 

ÉPOQUE  DANS  l'hISTOIRE  GÉNÉRALE  DE  l'ArT. 

Sans  doute,  les  maîtres  de  tous  les  temps  ont  com- 
posé leurs  tableaux  selon  des  ensembles  de  lignes  qui 
intéressent,  en  dehors  de  toute  signification  précise  :  les 
tons  sont  associés  en  captivantes  harmonies  qui  |com- 
plètent  l'ornementation  linéaire.  Et  nous  n'avons  pas 
le  souvenir  d'une  œuvre  vraiment  haute  qui  ne  soit  pas 
simultanément  caractéristique  et  décorative.  Il  ne  serait 
donc  point  neuf  de  constater  cette  recherche  d'orne- 
mentation dans  l'efforispécial  de  tel  ou  tel  peintre  con- 
temporain, puisque  cette  recherche  est  commune  aux 
talents  forts  de  tous  les  siècles.  Mais  ce  qui  est  bien  par- 
ticulier à  notre  époque,  c'est  le  systématique  et  le  géné- 
ral de  cette  tendance.  Tous  les  artistes  novateurs  (si 
divers  et  si  efficaces  parfois  que  puissent  être  leurs 
moyens  d'exécution),  tâchent  à  dégager  de  l'accessoire 
et  du  superflu  les  permanents  caractères  du  Beau  natu- 
rel, en  vue  d'atteindre  à  des  réalisations  décoratives. 

L'unanimité  de  ce  souci  témoigne  d'ailleurs  d'une 
très  haute  compréhension  de  l'art  et  relève  les  écoles 
contemporaines  du  discrédit  dans  lequel  trop  de  gens 
injustement  les  tiennent.  Elle  prouve  l'abandon  de  l'im- 
médiate copie  de  la  nature,  une  intellectualité  plus 
haute,  un  idéal  plastique  plus  compliqué,  puisque  par 
système  préconçu  et  réfléchi,  on  cherche  à  atteindre  ce 
que  tous  les  maîtres  ont  volontairement  ou  inconsciem- 
ment donné. 

D'ailleurs  toutes  les  œuvres  grandes,  en  dehors  même 
des  arts  plastiques,  n'apparaissent-elles  pas  revêtues 
d'une  spéciale  beauté,  comme  décorative  ?  Les  allitéra- 
tions de  syllabes  dans  un  vers,  les  évolutions  et  les 


UART  MODERNE 


51 


rappels  de  certains  vers  dans  une  strophe,  pour  com- 
pléter la  pensée  et  le  rythme,  la  répétition  de  strophes 
dans  un  poème,  constituent  des  astragales  et  des  den- 
telles qui  dessinent  leurs  arabesques  sur  la  trame 
colorée  des  mots,  créent  par  leurs  circuits  d'un  si  gra- 
cieux dessin  des  harmonies  d'ensemble  et  relient  les 
divers  aspects  de  l'idée.  Les  poèmes  en  prose  dont  l'écri- 
ture est  artistique  valent  également,  par  des  retours 
d'idées  et  de  phrases  qui  dessinent,  dans  la  pensée  et  le 
texte,  de  très  souples  contourneraents  d'un  grand  carac- 
tère ornemental.  Mais  c'est  surtout  en  musique  que 
l'arrangement  décoratif  est  évident.  Des  motifs  sont 
développés,  quittés  un  instant  et  repris  :  ils  alternent, 
s'enchaînent;  non  seulement  ils  décrivent  explicitement 
des  états  d'âme,  en  plus  ils  sont  alliés  pour  une  har- 
monie d'ensemble.  Ces  successions  de  motifs  dans  une 
symphonie  sont  animées  d'un  mouvement  qui  orne- 
mente le  logique  développement  du  thème. 

Surtout  les  grands  aspects  de  la  nature,  si  l'œil  peut 
en  abstraire  les  détails  momentanés  et  insignifiants,  ne 
sont-ils  pas  empreints,  aussi  bien  par  les  couleurs  que 
par  les  lignes,  de  la  plus  majestueuse  beauté  décorative  ? 
La  ligne  d'horizon  sur  les  flots,  les  courbes  des  fleuves, 
les  lentes  montées  de  terrain  et  les  volutes  des  arbo- 
rescences associent  leurs  formes  à  la  somptuosité  des 
divers  tons  qui  constituent  le  décor  naturel,  créent  des 
spectacles  d'une  grandiose  séduction  ornementale. 

Si  tous  les  synthétiques  aspects  de  la  nature  nous 
séduisent  par  leurs  harmonieux  ensembles  de  formes  et 
de  couleurs  et  si,  d'autre  part,  les  grandes  œuvres  de 
l'art  humain,  quelque  divers  que  soient  les  modes  d'ex- 
pression (poésie,  musique,  éloquence),  nous  paraissent 
conçues  selon  une  délinéation  décorative,  il  n'est  point 
surprenant  que  les  maîtres  de  la  peinture  et  de  la  sta- 
tuaire, de  toutes  les  écoles  et  de  tous  les  temps,  aient 
interprété  dans  ce  sens  les  réalités  extérieures. 

{La  suite  prochainement). 


liALBUAi  DU  SALOI\  DES   XX 

On  nous  communique  la  lelire  suivante,  adressée  au  secrétaire 
des  XX  : 

Bruxelles,  le  8  février  1892. 

Monsieur  le  Secrétaire, 

On  sort  de  l'Exposition  des  XX  en  regrettant  de  ne  pouvoir  con- 
server de  cette  vivifiante  manifestation  d'art  qu'un  catalogue  aux 
mentions  laconiques,  chargé  d'annotations  crayonnées  en  marge. 

Alors  que  dans  les  musées  (étrangers)  et  aux  vitrines  des  mar- 
chands s'étalent,  innombrables,  gravures  et  photographies,  aux 
XX  rien  de  semblable.  Je  pense  que  c'est  un  tort.  La  réputation 
dom  jouissent  certains  maîtres  anciens,  ils  la  doivent  beaucoup  à 
la  diffusion  de  leur  œuvre  dans  le  public,  et  à  la  facilité  qu'on 
a  de  la  revoir  à  loisir  dans  son  ensemble.  Et  si  certains  noms 
modernes  sont  connus  de  la  foule,  c'est  parce  que  leurs  tableaux. 


sitôt  achevés  sont  reproduits  par  la  photographie  et  publiés  ensuite 
dans  des  recueils  spéciaux  ou  môme  dans  des  journaux  illustrés, 
tirés  à  très  grand  nombre.  Inutile,  je  pense,  de  citer  des  noms 
propres. 

Au  contraire,  une  fois  closes  les  portes  de  l'Exposition,  oti 
trouver  trace  des  suggestives  figures  de  Khnopff,  toutes  rayon- 
nantes d'idées?  Où  vivifier  l'expression  reçue,  mais  sujette  à 
s'effacer?  Nulle  part.  Et  je  me  disais  qu'il  faudrait  faire  pour 
les  XX,  comme  pour  les  salons  français  et  allemands,  un  album 
commémoralif  et  illustré. 

Nulles  mieux  que  les  œuvres  de  Khnopff,  de  Mellery,  de  Pissarro, 
de  Mary  Cassait  ne  s'y  prêtent.  Et  quelle  inépuisable  source  de 
jouissances  esthétiques  que  de  faire  repasser  à  volonté  devant  ses 
yeux  le  Silence,  la  Ville  morte,  les  Etudes  et  les  délicieux  Pro- 
fils à  la  sanguine,  que  l'on  n'a  eu  que  le  temps  d'entrevoir. 

Les  constants  progrès  de  la  technique  ont  d'ailleurs  rendu  pos- 
sible la  photographie  en  couleurs;  je  ne  vous  citerai  à  l'appui  de 
mon  dire  que  les  compositions,  si  curieusement  byzantines,  dont 
Grasset  a  illustré  le  fantastique  conte  de  Richepin  paru  dans  le 
dernier  Figaro-Noël,  et  qui  s'allient  si  bien  k  cette  prose  étrange. 

Nous  avons  en  Belgique  d'excellents  typographes  et  d'habiles 
artistes,  capables  d'entreprendre  ce  qu'ont  fait  Bous.sod  et  Vala- 
don à  Paris,  Bruckmann  et  Angerer  à  Munich. 

Nous  avons  aussi,  et  en  très  grand  nombre,  des  amateurs 
d'art.  Annoncez  hardiment  la  publication  du  neuvième  salon 
des  XX,  lancez  les  bulletins  de  souscription  et,  pourvu  que  le 
prix  soit  abordable  (quelque  chose  comme  le  Figaro  dont  nous 
parlions  tout  à  l'heure)  vous  pouvez  être  certains  du  succès. 

Agréez,  Monsieur  le  Secrétaire,  l'assurance  de  ma  parfaite  con- 
sidération. 

Un  Amateur. 
L'idée  est  bonne.  Souhaitons  qu'un  éditeur  intelligent  la  réalise. 


r. 


M.  GUSTAVE  FREDBRIX  ET  NOS  ECRIVAINS 

M.  Gustave  Frédérix  est  persuadé  de  l'impartialité  de  sa 
Critique.  Il  va  le  clamant  à  tous  les  vents.  Illusion  d'une  belle 
âme  où  jamais  ne  péntra  la  rancune.  Il  convient  de  lui  présenter 
parfois  un  miroir  où  il  peut  se  contempler  soi-même,  au  risque 
de  ne  pas  se  reconnaître  et  de  reculer  d'effroi. 

Voici  à  une  semaine  d'intervalle  deux  échantillons  comparatifs 
de  sa  manière.  Il  s'agit,  d'une  part,  de  Coquelin,  qui.  entre  deux 
halles  d'une  tournée  théâtrale,  se  risque  à  jouer  à  l'écrivain,  — 
et  d'autre  part,  de  notre  compatriote  Emile  Verhaeren,  le  poète 
des  Soirs,  des  Débâcles,  des  Flambeaux  noirs,  des  Apparus 
DANS  mes  chemins.  Entre  les  deux,  M.  Gustave  Frédérix  se  dresse, 
affublé  du  masque  de  Janus,  souriant  à  l'un,  grimaçant  à  l'autre, 
brandissant  pour  celui-ci  la  caressante  houpelte  à  poudre  de 
riz,  pour  celui-là  le  knout  à  sept  lanières,  poussant  à  droite  de 
petits  cris  joyeux,  grinçant  des  dents  à  gauche  et  étouffant  mal  ses 
rugissements. 


Le  Parisien. 

Indépendance  du  29  janvier. 

Entre  ses  deux  triomphantes 
créations  de  la  Mégère  appri- 
voisée et  de  Thermidor,  M.  Co- 
quelin s'est  fait  entendre  comme 
conférencier  au  Cercle  artistique. 
Il  a  lu,  mercredi  soir,  une  étude 
sur  Don  Juan.  Quoiqu'il  lise 
simplement,  sans  y  porter  toutes 
ses  variétés  de  diction,  en  se  pri- 
vant naturellement  de  dramatiser 
ses  réflexions  Itttéraires  sur 
l'œuvre  de  Molière  et  les  autres 


Le  Belge. 

Indépendance  du  6  février. 

Jeudi  soir ,  conférence  de 
M.  Emile  Verhaeren,  poète, 
avocat,  professeur  au  cours  supé- 
rieur pour  dames,  critique  litté- 
raire et  artistique;  sujet  :  les 
Esthétiques  littéraires  modernes, 
la  Critique;  public  très  clairsemé, 
où  quelques  frères  et  amis  et 
quelques  bons  prudhommes,  am- 
bitieux de  paraître  des  passagers 
du  dernier  bateau,  ont,  applaudi 
spécialement  les  violences  tradi- 


incarnations  plus  ou  moins  poé- 
tiques du  grand  type  de  Bon 
Juan,  sa  voix  et  son  articulation 
gardent,  dans  là  lecture,  leur 
belle  sonorité  et  leur  netteté  ab- 
solue. Il  s'est  échauffé  aux  bons 
moments,  et  ce  morceau  d'his- 
toire et  de  critique,  d'érudition 
et  d'analyses  curieuses,  a  inté- 
ressé comme  si  le  maître  artiste 
avait  joué  une  grande  scène  ingé- 
nieuse savamment. 

M  Goquelin  a  fait  une  revue 
détaillée  des  don  Juans  succes- 
sifs, de  tous  ceux  du  moins  qui 
ont  marqué,  et  il  les  a  caractéri- 
sés en  quelques  mots  précis  et 
Ans.  On  pense  bien  que  le  princi- 
pal de  son  étude  était  consacré  à 
Molière  qui  a  écrit  la  pièce  la  plus 
originale  et  la  plus  forte,  selon  sa 
coutume,  quand  il  a  repris  des 
sujets  traités  par  d'autres.  M  Go- 
quelin a  très  bien  dégagé  le  sens 
et  les  profondeurs  de  l'œuvre  de 
Molière,  et  il  l'a  résumée  par  un 
mot  du  poète  lui-même,  qui  a 
nommé  Don  Juan  :  un  grand 
seigneur  méchant  homme. 

Le  Don  Juan,  tel  que  Molière 
l'a  conçu,  avec  ses  corruptions 
tranquilles,  élégant,  souriant, 
tout  à  ses  plaisirs  et  à  ses  convoi- 
tises, n'ayant  pas  de  cruautés 
inutiles,  mais  prêt  à  tout,  même 
à  l'hypocrisie,  pour  venir  à  ses 
(fins  et  gagner  sa  partie,  a  été  très 
curieusement  analysé  par  M.  Go- 
quelin. L'étude  est  vivante,  et  a 
bien  mis  en  relief  tous  les  signes 
caractéristiques.  Et  M.  Goquelin 
a  suivi  arec  sagacité  ce  Don  Juan, 
jusqu'en  ses  reproductions  ac- 
tuelles. Gar  si  le  grand  seigneur 
méchant  homme  n'est  plus  de 
notre  temps,  n'a  plus  qualité,  pour 
se  mettre  au-dessus  des  lois,  les 
imitateurs  d'un  tel  patron  n'ont 
pas  disparu. 

L'éclatant  personnage  de  Mo- 
lière, et  les  différentes  épreuves 
qu'on  a  pu  tirer  d'un  tel  portrait, 
M.  Goquelin  a  décrit  tout  cela 
ingénieusement,  avec  des  vues  de 
bon  critique  et  des  mérites  d'ob- 
servation. Ses  pages  sur  la  phi- 
losophie de  Molière  nous  on  (paru 
moins  nettes;  il  nous  semble 
préoccupé  d'y  établir  que  l'auteur 
de  Tartuffe  n'a  pas  été  un  néga- 
teur de  parti  pris,  et  qu'au  lieu 
d'être  un  philosophe  résigné  de 
la  nature,  il  reconnaît  en  elle 
quelque  chose  de  divin.  Mais 
philosopher  sur  cette  matière, 
c'est  se  condamner  aux  conjec- 
tures. 

La  conclusion  de  la  conférence 
a  été  plus  vivante,  plus  précise 
et  d'une  belle  chaleur.  La  géné- 
reuse humanité  de  Molière  y 
était  bien  marquée  par  l'évidente 
signification  de  ses  œuvres  les 
plus  profondes.  Et  voici  quelques 
lignes  qui  expriment  délicate- 
ment, par  des  raisons  tirées  du 
Malade  imaginaire,  comment 
le  poète,  quoi  qu'on  en  ait  dit,  a 
aimé  la  nature  humaine.  «  Môme 


tionnelles,  les  naïves  et  lourdes 
invectives  aux  critiques. 

On  a  entendu  deux  ou  trois 
fois,  au  Cercle,  des  conférenciers, 
au  lieu  de  traiter  un  sujet  de 
'  littérature  et  d'apprendre  quel- 
que chose  au  public,  exposer  les 
récriminations  personnelles  des 
impatients  de  la  notoriété,  et 
comment  leurs  petites  opérations 
et  associations  ne  sont  pas  assez 
servies  par  des  critiques  indociles. 
M.  Verhaeren  n'a  pas  manqué  à 
ces  doléances  plus  ou  moins 
véhémentes  qui  ont  été  le  mor- 
ceau un  peu  animé  de  sa  lecture. 
41  avait  expliqué  d'abord  que 
toutes  les  écoles  littéraires  nou- 
velles sont  contenues  dans  le 
romantisme;  que  toutes  les 
réclamations,  pour  la  liberté  et 
la  réalité,  faites  par  les  écrivains 
actuels,  se  trouvent  dans  les 
manifestes,  préfaces  et  poésies 
de  Victor  Hugo;  que  Victor 
Hugo,  Balzac  Flaubert,  Zola  ont 
été  fort  attaqués  et  injuriés  à 
leurs  débuts. 

On  ne  l'ignorait  pas.  Mais, 
tout  en  ayant  de  justes  considé- 
.  rations  sur  l'œuvre  du  roman- 
tisme, et  en  rattachant  ingénieu- 
sement à  ses  audaces  fécondes  les 
audaces  nouvelles,  M.  Verhaeren 
n'est  pas  parvenu  à  intéresser  ses 
auditeurs  à  cette  leçon  littéraire. 
M.  Verhaeren  a  le  malheur  d'être 
très  ennuyeux  quand  il  a  raison, 
et  de  faire  de  l'histoire  et  de  la 
critique  sans  une  vérité  neuve, 
sans  un  paradoxe  brillant.  On  n'a 
pas  été  convaincu  non  plus  que 
déjeunes  écrivains,  dont  le  talent 
n'est  pas  assez  proclamé  présen- 
tement, doivent  être  des  Victor 
Hugo,  puisque  Victor  Hugo  a  vu 
autrefois  son  talent  contesté. 
Quand  même  on  dirait  à  des  vio- 
lents ou  à  des  maniérés  mala- 
droits du  style,  exactement  ce 
qui  a  été  dit  à  Victor  Hugo  par 
les  classiques  révoltés,  ce  ne 
serait  pas  une  garantie  suffisante 
que  ces  débutants,  à  qui  on  rend 
le  service  de  les  critiquer,  écri- 
ront de  nouvelles  Légendes  des 
Siècles. 

Le  seul  moment  un  peu  vif  de 
la  lecture  de  M.  Verhaeren  a  été 
celui  où  il  dénonçait,  d'une  voix 
nasillarde  mais  indignée,  les  in- 
jures, la  mauvaise  foi,  les  insultes 
de  la  critique.  Il  est  tout  à  fait 
plaisant  que  M.  Verhaeren,  qui 
appartient  à  un  groupe  de  chou- 
nneurs  de  l'écritoire,  jouant  heb- 
domadairement au  jeu  du  mas- 
sacre, vienne  dénoncer  sans  rire 
les  prétendus  outrages  de  criti- 
ques, ayant  toujours  dédaigné  les 
gros  mots,  comme  trop  faciles. 
Ceux  qui  lisent  certaines  publica- 
tions hebdomadaires  ou  men- 
suelles savent  quelles  plumes, 
exaspérées  de  n'être  pas  assez 
louées,  crachent  abondamment 
l'injure  personnelle.  Il  est  vrai  que 
ces  lecteurs  sont  rares,  et  que  les 
associés  de  l'invective  pour  la 
notoriété  en  somt  réduits  à  se  lire 
entre  eux.  Mais  cela  n'empêche 


à  la  fin  de  sa  carrière,  abreuvé  de 
soucis,  malade,  désenchanté, 
trahi,  voyez  quelles  aimables 
figures  il  oppose  à  l'hypocrite 
Béline,  à  l'égoisto  et  marmiteux 
Arganl  G'est  cette  grouillante 
Toinette,  si  brave  d'esprit,  si 
compatissante  de  cœur  j  cette 
charmante  Angélique,  si  fine,  si 
ferme  et  si  tendre  à  la  fois  ;  et 
cette  petite  Louison  toute  pleine 
du  charme  délicieux  de  l'enfance. 
Il  semble  qu'au  moment  de  cesser 
de  battre,  le  cœur  de  Molière  se 
soit  voulu  ouvrir  à  ce  que  la 
nature,  sa  déesse,  a  de  plus 
douces  émotions  ;  et  dans  ce 
malade,  si  plein  de  nos  misères, 
ou  son  rire  intrépide  fait  réson- 
ner de  telles  profondeurs,  il  s'est 
complu  à  faire"  passer  comme  un 
rayon  nouveau  de  fraîcheur  et  de 
grâce.  » 

On  a  fort  applaudi  la  conclu- 
sion vibrante  et  les  fins  morceaux 
de  cette  étude  copieuse.  Naturel- 
lement, le  public  était  très  nom- 
breux. Et  cette  conférence,  très 
gracieusement  offerte  par  l'ex- 
cellent comédien  au  Gercle  artis- 
tique, cette  conférence  qui  s'est 
trouvée  de  la  critique  littéraire 
distinguée,  a  eu  un  très  vif  succès. 


pas  que  les  «  paquets  de  linge 
sale  »,  dont  M.  Verhaeren  a  parlé 
délicatement —  c'était  le  mot  spi- 
rituel de  sa  conférence  —  soient 
exclusivement  déballés  dans  les 
sous-sols  littéraires, où  travaillent 
quelques  jeunes  auteurs. 

De  quel  critique,  ayant  un 
nom,  peut-on  citer  une  phrase 
outrageante?  Tandis  qu'on  a  vu 
dans  le  volume  de  M.  Huret, 
Enquête  sur  l'évolution  litté- 
raire, les  mépris  frénétiques  de 
poètos  et  romanciers  nouveaux 
pour  les  illustres,  les  devanciers, 
et  aussi  pour  les  nouveaux  com- 
battants de  la  publicité,  pour  la 
concurrence,  la  boutique  d'en 
face.  Ah!  tous  ces  paons  qui 
s'arrachaient  les  plumes  en  fai- 
sant la  roue,  a  dit  justement  un 
des  interrogés  de  M.  Huret. 

Ne  blâmons  pas  cependant  cette 
péroraison  surprenante  de  la  con- 
férence de  M.  Verhaeren.  Il  aurait 
été  ennuyeux,  malgré  d'ingé- 
nieuses explications  littéraires, 
sans  ce  morceau  final,  qui  est 
arrivé  à  être  amusant,  sans  une 
trouvaille  spirituelle,  sans  un 
trait  fin,  et  même  sans  un  mot 
pittoresque. 


Voilà  assurément  un  édifiant  parallèle.  Cela  sue  d'un  côté  la 
courtisanerie,  de  l'autre  l'irrémissible  rancune.  M.  Gustave 
Frédérix  ne  peut  pardonner  à  la  jeune  école  d'avoir  bafoué  sa 
dignité  de  grand  chambellan  de  la  critique  et  d'avoir  inspiré  au 
petit  cénacle  où  il  pontifie  des  doutes  sur  sa  divinité  littéraire. 
Vraiment  sa  colère^està  la  fois  si  visible  et  si  enfantine  qu'elle 
fait  chanter  en  noire  mémoire  ce  populaire  refrain  d'une  ronde 
toulousaine  : 

Tu  bisques,  tu  rages, 

tu  manges  du  fromage 

potirri  I 

El  voyez  à  quels  écarts  inconsciemment  se  laisse  aller  le  haut 
plumitif  du  Bel-Air.  Parlant  à  la*canionade,  mais  de  lui  :  «  De 
quel  critique,  ayant  un  nom,  peut-on,  inlerjecte-l-il,  citer  une 
phrase  outrageante?  Il  a  toujours  dédaigné  les  gros  mois, 
comme  trop  faciles,  ajoule-l-il,  et  il  risque  cet  éloge  personnel 
dans  un  article  qui  n'est  qu'une  selle  copieuse  d'injures,  évacuée 
dans  un  accès  où  il  n'a  pu  se  contenir,  accompagnée  de  mots 
pétaradant  parlant  en  plein  nez  de  ses  adversaires  :  Chourineurs 
DE  l'Ecritoire!  Vraimenlil  faudra  bientôt  le  pourvoir  d'un  de  ces 
frères  Céliles,  résignés  à  loiil,  qui  gardent  et  soignent  les  incon- 
tinents. 

M. Gustave  Frédérix  essaiedegrossirl'importancedujournalfinan- 
cier  où  il  écrit  en  l'opposanl  à  «  certaines  publications  hebdoma- 
daire (f'^rf  moierhé).o\x  mensuelle  {la  Jeune  Belgique)  dont  les 
rédacteurs  sont  réduits  à  se  lire  entre  eux  ».  Il  affecte,  en  sa  sénile 
irritation,  d'ignorer  que  ce  sonl  ces  publications  qui  l'ont  mis  par 
terre,  et  qui  l'empêcheront  de  se  relever,  et  qu'elles  sont  assez 
puissantes  pour  faire  échec  sur  les  questions  d'art  à  la  grosse 
galioie  dans  laquelle  il  a  le  mal  de  mer.  L'Art  moderne  peut  se 
flatter  de  n'avoir  jamais  impunément  ni  défendu  une  idée,  ni 
attaqué  une  incapacité  méconnue.  M.  Frédérix,  s'il  se  croit  un 
lion,  devrait  se  souvenir  de  la  fable  du  moucheron  ;  s'il  se  croit  un 


VkRT  MODERNE 


53 


Goliath,  il  devrait  se  souvenir  (cela  sera  facile  là  où  il  est)  de  la 
légende  hébraïque  de  David. 

Mais  «  attendons  la  fin  »,  confinne  dit  le  Fahuliste.  Les  temps 
sont  proches  où  tout  ce  vieux  personnel  ne  trouvera  plus 
d'emploi. 


Exposition  de  MM.  David  et  Pierre  Oyens 

AU  CERCLE  ARTISTIQUE 

Avant  tout,  deux  coloristes,  sanguins  et  bien  portants,  taisant, 
sur  des  fonds  d'un  noir  gras  ou  saucés  de  brun,  éclater  quelque 
jaune  savoureux  comme  un  épi  d'or,  quelque  '  rouge  fanfarant 
comme  un  coquelicot,  quelque  bleu  sonore  de  bleuet,  qui  réveil- 
lent leurs  toiles.  Cette  peinture  est  savoureuse  et  plantureuse.  Un 
peu  «  bon  garçon  »,  elle  plaît  par  son  sans-gêne,  son  allure 
simple  et  sans  façon.  Elle  est  d'une  joyeuscté  bien  brabançonne^ 
et  on  la  sent  heureuse  de  s'épanouir.  Son  défaut,  quand  on  voit 
un  grand  nombre  de  toiles  ainsi  réunies,  c'est  d'être  un  peu 
monotone  et  de  se  contenter,  sans  recherche  neuve,  de  la  vieille 
lumière  d'atelier  et  de  s'empâter  dans  des  procédés  un  peu 
passés.  Et  puis,  la  pipe  et  le  cabaret,  ainsi  que  le  divan,  ont  été 
déjà  trop  célébrés  dans  cette  gamme,  —  que  MM. Oyens,  répétons 
le,  exécutent  d'ailleurs  avec  talent. 

A  côté  de  qualités  de  coloristes,  on  rencontre  encore  chez  eux 
de  réelles  tendances  d'observateurs,  —  d'une  observation  fla- 
mande, sans  piment,  mais  spirituelle  et  croquant  avec  finesse  des 
types  de  modèles,  de  servantes,  de  peintres,  de  bohèmes,  de 
buveurs,  —  tous  fleuris  d'une  bonne  vie  saine  et  rubiconde.  Ce 
sont  des  intimistes,  charnus  et  robustes,  d'existences  cordiales, 
simples  et  honnêtes. 


LA  DIRECTION  DES  BEAUX-ARTS 

Quelques-uns  de  nos  journaux  n'ont  pas  osé  persister  dans  l'in- 
décence de  leur  mutisme  au  sujet  de  la  candidature  Tardieu.  Ils 
se  sont  aventurés  en  quelques  explications  plus  ou  moins  saugre- 
nues, les  plus  forts  se  risquant  à  proclamer  que  les  chances  de 
l'impétrant  ont  augmenté  depuis  que  l'Art  moderne  s'est  mis  à 
éplucher  son  compte.  Ce  qui  perce,  c'est  le  mécontentement  très  vif 
de  voir  mise  en  discussion  publique  une  personnalité  qu'on  espé- 
rait faire  réussir  sournoisement  en  en  parlant  le  moins  possible; 

Puisque  certains  gâte-sauces  de  la  presse  quotidienne  s'occupent 
enfin  de  la  question,  y  a-t-il  de  l'indiscrétion  à  les  prier  d'expli- 
quer comment  leur  protégé  concilie  son  attitude.actuelle  vis-à-vis 
de  M.  de  Burlet  avec  les  propos  qu'il  a  imprimés  à  son  sujet  et 
que  nous  répétons  ici  dans  toute  leur  criante  injustice  et  leur 
insolence  : 

«  A  première  vue,  la  nomination  du  nouveau  ministre  apparaît 

COMME  UNE  SIMPLE  PANTALONNADE  (1). 

e<  Ancien  député  et  bourgmestre  de  Nivelles,  M.  Jules  de 
Burlet  s'est  taillé  une  impopularité  notable  dans  la  ville 
qu'il  administrait  et  dans  l'arrondissement  qui  l'a  écarté  en 

(1)  Délicate  allusion  à  la  fable  des  pantalons  que  M.Jules  de  Burlet 
aurait  imposés  aux  écuyères  d'un  cirque  à  Nivelles,  fable  cent  fois 
démentie  et  que  l'aimable  M.  Tardieu  s'obstine  à  tenir  pour  vérité. 


juin  1888,  jugeant  que  c'était  assez  d'avoir  été  représenté  par 
lui  pendant  quatre  ans. 

«  A  la  Chambre  même,  où  il  se  donnait  volontiers  des  airs  de 
sous-leader,  il  amusait  la  gauche  par  l'infatuation  d'une 
importance  qui  ne  parvenait  a  masquer  ni  le  vide  de  son  esprit, 

NI  LA  médiocrité  DE  SON   TALENT;  ET  IL  AVAIT   FIN!    PAR    DEVENIR 
ABSOLUMENT  ANTIPATHIQUE  A  LA  DROITE.    » 

C'est  bien  le  moins  que  le  candidat  à  la  direction  des  Beaux- 
Arts  n'apparaisse  pas  comme  un  très  plat  palinodard.  Quelle 
garantie  offrirait  un  fonctionnaire  qui  a  imprimé  de  son  futur 
supérieur  que  son  infatitation  ne  parvient  à  masquer  ni  le  vide 
de  son  esprit  ni  la  médiocrité  de  son  talent?  Et  comment  M.  Tar- 
dieu lui-même,[à  moins  de  passer  un  valet  de  chambre  de  lettres, 
consentirait-il  à  subir  la  direction  et  les  impressions  d'un  homme 
représenté  comme  un  fat  et  un  sot. 

Eceo  il  problema!  Nous  le  livrons  aux  illustrâtes  de  la  presse 
qui  souhaiteraient  (ô  vainement,  ne  vous  inquiétez  pas.  Madame) 
voir  aux  Beaux-Arts  un  des  membres  du  groupe  intéressant  qui, 
lors  de  l'incident  Pourbaix,  dépeignait  journellement  M.  Beernaert 
comme  un  abominable  chenapan  ayant  tenté  dans  un  intérêt  poli- 
tique de  faire  condamner  un  innocent. 


IRONIE 


A  titre  de  curiosité,  voici  un  extrait  d'une  amusante  circulaire 
donnée  en  supplément  par  la  Revue  flamanéU  de  Littérature  et 
d'An. 

C'est  un  chef-d'œuvre  de  moquerie.  Il  serait  difficile  de  se 
gausser  plus  spirituellement  dans  la  forme  et  en  même  temps 
plus  sérieusement  au  fond,  du  candidat  à  prédilections  fran- 
çaises, du  journaliste  de  coterie  sur  le  retour,  invariablement 
gouailleur,  pris  subitement  de  la  fantaisie  de  faire  une  fin  en 
s'essayant  à  diriger  les  Beaux-Arts  sous  les  ordres  du  jeune  et 
vaillant  Ministre  «  à  cervelle  vide  »,  selon  son  expression,  qu'il 
nomme  irrévérencieusement  dans  l'intimité  :  Pantalon! 

«  M.  Charles  Tardieu  vient,  dit  la  presse  quotidienne,  de  poser 
sa  candidature.  Nous  en  sommes  étonnés  et  ravis.  Etonnés, 
parce  qu'il  veut  quitter  une  situation  de  journaliste  de  premier 
ordre,  dans  laquelle  il  ne  peut  que  faire  honneur  à  notre  pays; 
ravis,  parce  que  si  sa  nomination  se  réalise,  toutes  les  opinions 
d'art  seront  sauvegardées. 

«  Et,  en  effet,  membre  correspondant  de  notre  Académie,  il 
possède  l'estime  de  ce  corps  savant,  dont  on  ne  peut  pas  mécon- 
naître les  préférences. 

«  Comme  directeur  de  l'Indépendance  belge,  ii  laquelle  il  adonné 
une  largeur  de  vue  littéraire  qu'aucun  organe  français  de  celte 
importance  ne  possède,  il  s'est  toujours  montré  bienveillant, 
favorable,  serviable  à  toutes  les  manifestations  d'art,  quel  que  fut 
leur  caractère. 

«  Rien  ne  l'obligeait,  cetr  homme,  de  donner  aux  œuvres  des 
auteurs  belges  une  publicité  et  une  sanction  qu'aucun  autre 
organe  de  presse,  en  Belgique,  n'eût  pu  leur  donner.  Et  il  n'est 
pas  un  de  nos  écrivains  nationaux,  qui  n'ait  joui  de  cette  large, 
féconde  et  généreuse  publicité 

«  Nous  croyons  donc  que  la  nomination  de  M.  Tardieu  s'impose. 

«  Il  sera  le  right  man  in  the  right  place. 

«  Politiquement  cette  nomination  ne  sera  pas  combattue. 


/ 


54 


VAUT  MODERNE 


«  Dans  le  monde  de  l'Art,  des  Sciences  el  des  Lellres,  c'est  celle 
qui  divise  le  moins. 

«  Adminislralivemenl,  c'est  lui  qui  poi/rm  appliquer  la  plus 
grande  somme  d'idées  nouvelles. 

«  Palrioliquemenl,  le  pays  aura  honoré  un  journaliste  dont  nous 
pouvons  tous  élro  fiers.  » 

La  Revue  flamande  de  Lillérature  el  d'Art. 


AU  CONSERVATOIRE 

!«'  Concert. 

M.  Gevaerl,  qu'une  douloureuse  circonstance  avait  empêché  de 
donner  jusqu'ici  son  premier  concert,  a  dirigé  dimanche  dernier 
Texéculion  d'un  Concerto  grosso  de  Haendel  el  de  fragments  de 
la  Canfaté  de  iVoè'i  de  J. -S.  Bach.  Ce  retard  a  été  extrêmement 
favorable  à  l'interprétation,  qui  a  été  miraculeusement  belle. 
L'orchestre  s'est  surpassé  dans  ces  deux  œuvres.  11  a  eu  les 
honneurs  du  bis  pour  sa  délicate  exécution  du  final  de  la 
symphonie  de  Haendel,  joué  avec  un  si  prestigieux  ensemble 
qu'on  eût  pu  croire  qu'il  n'y  avait  à  chaque  pupitre  qu'un  seul 
instrumentiste.  Le  directeur  accompagnait  au  clavecin  le  concerto 
«comme  du  temps  de  Haendel  »,  disait  malicieusement  le  pro- 
gramme. M.  Gevaert  paraît  n'avoir  qu'une  confiance  limitée  dans 
l'érudition  de  ses  auditeurs. 

C'est  M.  Lafarge  qui  avait  été  chargé  du  rôle  du  ténor  dans 
l'oratorio.  Ce  rôle,  difficile  el  considérable,  il  l'a  chanté  en 
artiste  consommé,  pour  qui  les  difficultés  de  style  de  la  musique 
ancienne  sont  aussi  aisées  à  surmonter  que  les  périls  d'intonation 
des  drames  lyriques  modernes.  On  n'imagine  pas  la  musique  de 
Bach  chantée  avec  plus  de  goût  el  de  sobriété,  ni  d'une  voix  plus 
harmonieuse.  Aussi  son  succès  a-l-il  été  énorme.  A  côté  de  lui, 
M"«»  Flamcnt  et  Hasselmans  et  M.  Danlée  se  sont  fait  une  place 
nécessairement  un  peu  effacée,  mais  néanmoins  honorable  ; 
M"°  Flamenl  surtout,  dont  le  contralto  puissant  et  d'une  grande 
étendue  s'épanouit  largement  dans  les  magnificences  des  récits 
du  vieux  maître. 

A  signaler,  enfin,  le  joli  timbre  des  hautbois  d'amour  et  des 
cors  anglais  employés  dans  la  pastorale  «  Veillée  »,  l'un  des 
joyaux  de  ce  merveilleux  écrin. 


Deuxième  Représentation  du  Théâtre  d'Art. 

{Correspoiidance  particulière  de  l'Art  moderne.) 

La  tragique  histoire  du  Docteur  Faust,  drame  de  Christophe 
Marlôwe  (irad.  F.  de  Nion  el  C.  Stryenski).  —  C'est  un  public 
d'enfants,  un  théâtre  guignol  el  des  marionnettes  qu'il  fallait  à 
ce  Faust  représenté  le  5  février.  Au  moins,  avec  de  tels  éléments, 
la  direction  du  Théâtre  d'Art  eûl  été  apte  à  composer  une  mise 
en  scène  suffisante,  à  contenter  des  spectateurs  friands  de 
diableries  el  de  trucs  variés.  Celle  opinion  de  toute  sagesse  dut 
être  primitivement  celle  des  traducteurs  qui  firent  ramper  leurs 
vers  fort  au-dessous  du  texte  original  ;  aussi  les  blâmera-l-on 
surtout  d'avair  abandonné  leur  idée  première  et  passé  avec  leur 
imprésario,  malgré  la  menace  d'un  échec  sûr,  un  pgreil  pacte.... 
d'ingénuité. 
Qu'un  lecteur  de  Gœthe  se  passionne  pour  Faust  au  point  de 


sentir  sourdre  en  lui,  comme  conséquence  d'émolions  esthétiques, 
une  curiosité  avide  d'anecdotes  sur  les  exploits  aulliontiqucs  et 
légendaires  du  tragique  Docteur,  rien  que  d'excusable  :  après 
l'adoration,  le  culte.  On  peut  donc  lire  avec  les  FausV  des 
Widmann,  Muller,  von  SoJen,  Schink,  etc.,  celui  de  Marlowe,  y 
sentir,  par  places,  le  levain  des  idées  religieuses  en  faveur, 
b  l'éciosion  du  p rotes tî^^ntisme,  s'atlarder  à  des  variantes,  se 
plaire  à  doux  où  trois  scènes  parfaites  ;  mais  était-il  intéressant 
de  révéler  à  la  scène  un  jeune  auteur  de  trois  cent  vingt-neuf  ans, 
pour  choisir  dans  son  bagage  littéraire  une  œuvre  surpassée 
depuis  p.ir  l'Allemand,  qui  sut  y  mêler  à  du  génie  tous  les 
acquêts  de  doux  siècles  de  philosophie  et  de  science  ?  Non,  c'est 
par  Gœthe,  ou  par  une  version  contemporaine  (là  un  échec  serait 
plus  excusable),  qu'il  faut  connaître  Faust.  Mais  pourquoi 
remonter  aux  balbutiements  ?  Si  des  fresques,  en  d'admirables 
poèmes  de  lignes  el  de  couleurs,  me  révèlent,  par  exemple,  les 
phases  d'une  existence  de  héros,  m'ingénierai-je  à  apprécier  des 
inlerprélalions  de  mémos  motifs  sur  des  images  d'Epinal  ou  des 
foulards  pour  cols  de  rustres  ? 

Les  Flaireurs  de  Charles  Van  Lerberghc  ont  porté  dans  l'âme 
de  chaque  spectateur  tout  l'écho  de  ce  qu'ils  signifient.  C'esl  une 
fort  belle  synthèse  des  attitudes  humaines  devant  ces  gestes  de  la 
Mort  approchante,  désespérées,  pour  qui  voit  après  Elle  les  tour- 
ments éternelles  de  la  désolation,  les  sombres  baies  du  néant  ; 
confiantes,  au  contraire,  el  d'une  confiance  impérieuse,  pour  qui 
pressent,  au  delà  des  portes  sépulcrales,  la  vie,  la  vie  glorieuse, 
libérée  des  douleurs  humaines,  la  vie  sous  la  lulelle  d'âmes 
infiniment  bonnes,  la  vie  sublimée  el  douce  comme  serait  une 
éternelle  défaillance  de  joie.... 

M.  Abel  Duteil  d'Ozanne  a  composé  d'après  le  texte  de  M.  Van 
Lcrberghe  des  variations  musicales  qui  prolongent  avec  bonheur 
les  sanglots  de  désespérance  el  les  râles  de  désir  qui  secouent  sur 
la  scène  les  deux  Averties  —  de  bonnes  interprètes. 

Dans  les  colonnes  du  programme  de  cette  soirée,  M.  Maurice 
Maeterlinck  salue  en  Charles  Van  Lerberghe,  son  maître,  son 
initiateur,  el  après  avoir  allégué  la  filiation  de  V Intruse  el  des 
Flaireurs,  assigne  à  cette  dernière  pièce  la  première  place,  en 
date  el  en  mérite.  Cette  abnégation  est  digne  d'un  âge  reculé  el 
des  plus  méritoires,  mais  faul-il  dire,  après  avoir  accepté  la 
question  de  compétition,  que  nous  ne  la  respectons  que  dans  la 
mesure  où  elle  nous  permet  d'obtenir  l'alteslation  de  M.  Van 
Lerberghe  pour  remettre  tout  de  môme  au  premier  rang  celle 
merveilleuse  Intruse  ? 

.  Quant  au  Bateau  ivre  d'Arthur  Rimbaud,  n'avail-il  pas  été 
classé  fort  judicieusement  par  Fénéon  entre  les  œuvres  hors 
littérature  de  ce  poêle  et  à  priori  interdites  au  talent  odéonesque 
d'un  comédien  ? 

Ed.  C. 


EXPOSITION  CAMILLE  PISSARRO 

Paris,  Galeries  Durand-Ruel.  —  Clôture  :  le  20  février. 
[Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne.) 

Pour  la  sincérité  de  leur  observation,  leur  intelligence  des 
valeurs,  la  décision  de  leurs  effets,  les  premières  œuvres  de 
M.  Camille  Pissarro  furent  séduisantes.  Puis  il  rompt  ses  coU  - 
râlions  et,  plus  lard,  c'est  en  éléments  prismatiques  qu'il  les 
décompose  :  les  ombres  sont  teintées  el  limpides,  l'aicduréole  les 


? 


\ 


i:art  moderne 


55 


objets  en  ses  paysages  poudroyants  d'ambre  et  de  lupuline  ou 
frais  de  clartés  lustrales.  La  mémoire  riche  de  tous  les  phéno- 
mènes d'une  Réalité  si  fervemment  épiée  heures,  saisons  et  pano- 
ramas, il  cesse  de  peindre  en  plein  air,  traite  la  Nature  en  réper- 
toire de  motifs  décoratifs,  la  libère  de  l'accidentel,  pacifie 
l'antagonisme  de  ces  deux  caractères  :  énergie  et  douceur,  —  et 
atteint  à  de  hautes  symbolisations  inconscientes.  Alors  voici  i,a 
Gardeuse  d'oies,  de  1890  :  et  son  mouvement  héroïque  et  étonné 
vers  le  mystère  de  l'eau  infinie  ;  les  Paysannes  plantant  des 
RAMES,  de  1891  :  en  guirlande  de  gestes  et  de  couleurs  pour  de 
vernales  fêtes  bottirelliennes;  ei,  de  1892,  la  Paysanne  assise, 
les  Deux  Jeunes  paysannes,  —  et  la  Vachère  :  étonnante  péron- 
nelle, un  jouet,  une  espèce  de  jouet  qui,  animé  soudain,  respi- 
rerait pour  la  première  fois  et  viendrait  de  découvrir  la  vie;  elle 
tient,  d'une  longe  qui  serpente,  une  vache  vue  de  face,  bipède,  le 
cou  camelin,  le  mufle  en  reptation  dans  l'herbe.  Et  si  Durand- 
Ruel  s'étonne  de  celte  vache  imprévue  des  photographes,  le  bon 
vieillard  Pissarro  dira  :  «  Mais  ce  n'est  pas  une  vache,  c'est  yn 
ornement  »,  Certes,  en  peintre  probe,  qui  connaît  ses  devoirs,  il 
ne  lâche  à  faire  que  des  «  ornements  »,  et  il  peut  décliner  toute 
responsabilité  quand,  d'aventure,  un  de  ses  tableaux  restitue  un 
Univers  virginal  et,  pour  une  minute,  infuse  aux  contemporains 
de  la  Môme  Cataplasme  une  ûmede  primitifs.  C'est  ce  M.  Pissaro- 
là,  le  très  récent,  qu'il  faut  qu'on  célèbre  :  enfin  maître'  des 
formes,  il  les  investit  d'une  atmosphère  à  jamais  translucide, 
puis  éternise,  en  l'hiératisme  souriant  et  souple  qu'il  inaugure, 
leur  enirelac  exalté.  F. 


Petite  chroj^jque 


PETIT  THÉÂTRE  DES  MARIONNETTES 

La  Légende  de  sainte  Cécile. 

{Correspondance  particulière  de  l'Art  Moderne.) 

M.  Maurice  Boucher,  le  poète  applaudi  de  Tobie  et  de  Noël, 
vient  de  faire  représenter  au  petit  Théâtre  des  Marionnettes  de  la 
galerie  Vivienne  une  nouvelle  pièce  en  trois  actes  et  en  vers,  La 
Légende  de  sainte  Cécile.  M.  Ernest  Chausson,  qui  avait  déjà 
composé  la  musique  de  scène  de  la  Tempête,  jouée  l'année  der- 
nière au  concert  des  XX,  a  écrit  pour  la  Légende  de  sainte 
Cécile  une  partition  charmante.  Nous  voulons  surtout  citer  un 
prélude  en  mi  majeur,  où  est  exposée  la  phrase  si  pénétrante  et  si 
douce  qui  caractérise  sainte  Cécile;  un  trio  de  voix  d'anges  : 
«  Entends  nos  voix,  Valérien  ».  Le  cantique  de  sainte  Cécile  à  la 
Vierge,  si  virginal  dans  sa  simplicité  un  peu  voulue  mais  tou- 
chante avec  son  prélude  de  violoncelle  solo,  où  : 

Cécile  dont  les  mains  restent  libres  d'entraves, 
Caresse  de  l'archet  la  viole  aurons  graves. 

J'aime  moins  le  prélude  du  troisième  acte,  mais  l'impression 
dure  peu  car  il  conclut  sur  le  retour  de  la  phrase  de  Cécile.  La 
pièce  la  plus  importante  de  l'œuvre  est  la  scène  finale  accompa- 
gnant l'Assomption  de  sainte  Cécile  dans  un  délicieux  décor  de 
M.  Lerolle. 

Nous  ne  saurions  rendre  l'harmonieux  ensemble  de  cette  appa- 
rition où  aux  violons,  harpe  et  célesta  viennent  se  joindre  les 
voix  de  Cécile  et  des  anges. 

Cette  nouvelle  œuvre  de  M.  Chausson  est  vraiment  digne  de 
l'auteur  de  Viviane,  de  la  Tempêteei  de  la  remarquable 6'ymp/tonie 
exécutée  l'an  dernier  à  la  Société  nationale. 

La  partition  de  Sainte-Cécile  a  paru  chez  l'éditeur  Maquet 
(ancienne  maison  Brandus). 


Le  premier  concert  d'œuvres  modernes  organisé  par  les  XX 
aura  lieu  jeudi  prochain,  à  2  heures,  dans  la  grande  salle  de  leur 
exposition.  On  y  entendra,  en  première  audition,  le  Concertopour 
piano  et  orchestre  do  Rimsky-Korsakoff  sous  la  direction  de 
M.  G.  Guidé  (soliste  :  M.  Litta);  un  fragment  de  V Aiidromède  de 
G.  Lekeu  pour  soprano  et  orchestre  d'instruments  à  cordes,  sous 
la  direction  de  l'auteur  (soliste  :  M"*  J.  De  Haenc);  VElégie,  pour 
violoncelle,  de  Glazounow  (soliste  :  M.  H.  Gillei);  la  Mer, 
esquisses  symphoniques  en  deux  parties,  de  P.  Gilson,  d'après  un 
poème  d'E.  Levis  (les  vers  seront  dits  par  M.  Ë.  Garuier;  pia- 
nistes :  M"^  S.  Smit,  M.  De  Bocck),  et  un  chœur  pour  voix  de 
femmes,  avec  soprano  solo,  écrit  par  F.  Servais  sur  la  poésie 
ossianique  d'Alfred  de  Musset  :  Pâle  étoile  du  soir...  (soliste  : 
M"»  J.  De  Haene). 

L'entrée  aux  matinées  musicales  et  littéraires  des  lAT.Y  reste 
fixée  a  2  francs. 

Le  prochain  concert  du  Conservatoire  est  fixé  au  dimanche 
6  mars.  On  y  exécutera  YArmide  de  Gluck  avec  M™"deNuovina, 
M.  Lafarge,  etc.  Acheminement,  peut-être,  vers  une  exécution 
intégrale  sur  la  scène  de  la  Monnaie?  Espérons-le. 

C'est  le  samedi  27  février  que  sera  exécutée,  à  Louvain,  sous  la 
direction  de  l'auteur,  par  l'orchesire  et  les  chœurs  de  l'École  de 
musique,  l'oratorio  historique  Jacqueline  de  Bavière  de  M.  Jean 
Van  den  Eeden.  Les  études  de  cette  œuvre  marchent  bon  train  et 
tout  promet  une  fort  belle  interprétation. 

La  nouvelle  revue  fondée  par  nos  confrères  F.  Roussel,  R.  Nysl 
et  M.  Donnay,  le  Mouvement  littéraire,  a  paru  la  semaine  passée. 
Huit  pages  de  texte,  format  de  l'Art  Moderne,  proses  et  vers. 
Excellent  numéro  de  début,  plein  de  promesses.  Au  sommaire  : 
des  lettres  de  MM.  Edmond  Picard  et  Maurice  Barrés,  une  poésie 
de  M.  Emile  Verhaeren,  un  fragment  def  roman  de  M.  Camille 
Lemonnier,  des  vers  de  MM.  Vielé-Griffin,  J.^Lemaltre,  de  Oliveira- 
Soarès,  etc.  Mais  pourquoi,  citant  l'Art  moderne,  la  Jeune 
Belgique  et  la  Revue  de^Belgique  parmi  les  publications  qui  ont 
propagé  dans  notre  pays  l'amour  des  lettres,  notre  jeune  consœur 
oublie-t-elle  de  mentionner  Ui  Société  nouvelle,  la  Wallonie  et 
aussi  la  Revue  générale,  ses  aînées,  dont  l'influence  a  été  consi- 
dérable? Il  y  a  là  une  omission  injuste  que  nous  nous  permettons 
de  lui  signaler.  

Partout  les  réformes  des  biblioihèques  publiques  sont  à  l'ordre 
du  jour.  Voici  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris  pour  laquelle  le 
gouvernement  français  vient  de  décider  une  dépense  de  six  mil- 
lions. Et  qu'on  veuille  le  remarquer,  cette  somme  énorme  est  uni- 
quement destinée  à  augmenter  les  services  rendus  aux  travailleurs. 
La  Bibliothèque  va  être  agrandie,  la  salle  de  lecture  transférée  au 
centre  même  de  l'immense  bâtiment,  de  telle  sorte  que  les  livres 
pourront  être  fournis,  dans  le  moins  de  temps  possible.  D'autre 
part,  l'éclairage  électrique  de  la  salle  de  lecture  a  été  décidé. 
Depuis  longtemps  cet  éclairage  existe  II  la  Bibliothèque  du  Bri- 
lish  Muséum  à  Londres. 

Cours  supérieurs  pour  bames.  —  15  février,  à  2  heures, 
M.  H.  Pergameni  :  Les  races  et  population  du  Turkestan;  k 
3  heures,  M.  et  M™»  A.  Chaplin  :  Thakeray.  —  16  février,  à 
2  heures,  M.  E.  Verhaeren  :  Préraphaélitisme  anglais.  — 
17  février, à 2 heures,  M.  H.  Pergameni:  Le  règne  de  CatherinelL 
—  18  février,  à  2  heures,  M.  II.  Lonchay  :  Joseph  JI;  à  3  heures, 
M"«  J.  ToRDEUS  ;  Diction,  lecture. 

A  partir  de  cette  semaine,  les  dames  peuvent  s'inscrire  pour 
le  demi-cours.  

Les  dernières  livraisons  parues  de  la  Kunstkroniek,  journal 
d'art  publié  par  M.  Sijthof  à  Leyde,  contiennent  quelques  belles 
planches,  en  phototypie, d'après  des  tableaux  de  MM.  J.  Janssen, 
W.  Verschuur,  A.-M.  Gorters,  H.  Van  Melle,  Mesdag,  E.-J.  Boks, 
A.  Van  den  Berg,  P.-J.-C.  Gabriel  et  des  reproductions  d'œuvres 
de  M™«  H.  Ronner. 


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DOUZIÈME  ANNEE 

L'ART  MODERNE  s'est  acquis  par  l'autorité  et  l'indépondance  de  sa  critique,  par  la  variété  de  ses 
informations  et  les  soins  donnés  à  sa  rédaction  une  place  prépondérante.  Aucune  manifestation  de  l'Art  ne 
lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  de  peinture,  de  sculpture,  de  gravure,  de  musique, 
d'architecture,  etc.  Consacré  principalement  au  mouvement  artistique  belge,  il  renseigne  néanmoins  ses 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  l'étranger  qu'il  importe  de  connaître. 

Chaque  numéro  de  L'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  question  artistique 
ou  littéraire  dont  l'événement  de  la  semaine  fournit  l'actualité.  Les  expositions,  les  livres  nouveaux,  les 
premières  représentations  d'œuvres  dramatiques  ou  musicales,  les  conférences  littéraires,  les  concerts,  les 
ventes  d'objets  d'art,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  Il  rend  compte  des 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complète  des  expositions  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  Il  est  envoyé  gratuitement  à 
l'essai  pendant  un  mois  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande. 

L'ART  MODERNE  forme  chaque  année  un  beau  et  fort  volume  d'environ  450  pages,  avec  table 
deë  itti^tiërér.  Il  constitue  pour  Thistoire  de  l'Art  le  document  LE  PLUS  COMPLET  et  le  recueil  LE  PLUS 
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Svendten,  K.  Rundnagel,  J.-G.-E.  Stehle,  Ignace  Brull,  etc.,  etc. 
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Douzième  année.  —  N"  8. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  21  Février  1892. 


l  A  R  T 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  .  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00  ;  Union  postale,   fr.    13.00     —ANNONCES   :    On  traite  à  forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  Tlndustrie,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


Salon  des  XX.  Conférence  de  M.  Georges  Lecomte  (suite).  — 
Le  banquet  a  M"'=  Beernaert.  —  Théâtre  Libre.  —  Aux  XX. 
Premier  concet^t.  —  Exposition  de  M.  Melchers.  —  Exposition  de 
MM.  Franck,  Dardenne  et  Samuel  au  Cercle  artistique  — 
Conférence  de  M.  Emile  Sigogne.  —  Mémento  des  expositions.  — 
Petite  chronique. 


Salon  des  XX 

CONFÉRENCE  DE  M.  GEORGES  LECOMTE  (1). 
Des  tendances  de  la  peinture  moderne. 

Il  serait  aisé  de  choisir  des  exemples  dans  les 
cycles  de  l'art  périmé.  Mais  je  ne  veux  point  mésuser, 
pour  des  recherches  historiques,  de  la  si  gracieuse 
attention  que  vous  voulez  bien  m'accorder.  Toutefois, 
si  vous  consentez  à  ce  que  nous  remontions  à  Delacroix, 
si  proche  de  nous  par  les  tendances  et  dont  l'œuvre  con- 
tient en  germé  les  innovations  et  les  recherches  des 
écoles  contemporaines,  nous  pouvons  constater  que  ses 
toiles  les  plus  unanimement  appréciées  sont  conçues  et 
les  leit-motivs  ordonnés  suivant  une  arabesque  d'une 
rare  beauté  ornementale.  Toutes-  les  lignes  secondaires 
participent  harmonieusement  à  ce  rythme  central.  Les 

(1)  Suite.  —  Voir  notre  dernier  numéro. 


accords  de  tons,  magnifiquement  associés  en  valeurs 
très  justes,  .complètent  l'ornementation  par  les  lignes. 
La  tonalité  est  une,  mais  la  ligne  est  une  aussi.  Elle  a  sa 
signification  et  sa  beauté  propres  qui  émeuvent  en 
dehors  du  caractère  et  de  la  vérité  descriptive  Tout 
œil  un  peu  éduqué  dégage  aisément  des  compositions 
du  maître  l'arabesque  primordiale  qui  est  comme  l'oâsa- 
ture  de  l'œuvre.  Est-ce  par  pur  instinct  ou  intention- 
nellement, par  une  réflexion  consciente,  que  Delacroix 
répartissait  ainsi  son  décor,  ses  personnages  et  réglait 
leur  gesticulation  selon  ce  thème  central  ?  Si  l'on  admet 
que  le  simple  instinct  le  guidait,  il  faut  reconnaître  que 
cet  instinct-là,  seuls  les  grands  peintres  l'ont  manifesté 
et  qu'un  tel  instinct  est  le  génie. 

Le  souci  de  l'ornementation  par  les  lignes  est  tout 
aussi  évident  chez  Corot.  Mais  contrairement  à  Dela- 
croix, qui  concevait  chacune  de  ses  toiles  suivant  une 
délinéation  initiale  particulière,  Corot  ne  renouvelle 
pas  pour  chaque  tableau  le  dessin  de  l'arabesque  primi- 
tive. Cette  arabesque  revêt  deux  ou  trois  formes,  à  peu 
près  invariables,  qui  sont  dans  la  tradition  manifeste  de 
Claude  Lorrain.  C'est  surtout  par  des  accords  de  cou- 
leurs que  Corot  réalise  ses  harmonies  :  Deux  ou  trois 
valeurs,  très  justes,  exquisément  rapprochées  et  douces, 
largement  synthétiques,  font  du  tableau,  indépendam- 
ment de  sa  signification  idéale  ou  réelle,  une  délicieuse 
décoration. 


58 


VART  MODERNE 


Il  ne  faut  donc  point  s'étonner  que  les  maîtres  d'à 
présent,  éduqués  à  cette  double  influence,  aient  visé  à 
des  interprétations  ornementales  des  aspects  de  la 
nature. 

Les  peintres  du  plein  air  qu'on  est  convenu  d'appeler 
«  impressionnistes  »,  cherchèrent  la  beauté  décorative 
d'abord  uniquement  par  les  accords  de  tons,  rigoureu- 
sement mis  en  valeur  dans  la  lumière.  Et  cette  préoc- 
cupation exclusive  apparaît  très  rationnelle,  si  l'on 
songe  que  ces  peintres  s'inquiétaient  avant  tout  d'épan- 
dre  en  leurs  toiles  des  clartés  plus  radieuses  et  de 
rendre,  en  son  intensité  harmonique,  la  magnificence  des 
colorations  naturelles.  Ce  qui  surtout  les  avait  séduits 
da^s  l'œuvre  de  Delacroix,  c'était  la  science  du  coloris, 
l'imprévu  de  certaines  répartitions  de  tons  pour  réaliser 
des  colorations  plus  vives  et  de  plus  significatives  har- 
monies totales.  A  la  vérité,  leur  souci  de  décoration 
par  la  couleur  était,  au  début,  bien  instinctif.  Ils  cher- 
chaient surtout  à  rendre  dans  leur  vérité  et  leur  carac- 
tère lès  sites,  les  atmosphères,  les  enveloppements  de 
clartés.  Et  c'est  parce  qu'ils  se  rapprochaient  davantage 
des  authentiques  colorations  naturelles  que  leurs  études 
acquirent  une  beauté  décorative.  Plus  tard  seulement, 
quand  ils  constatèrent  le  résultat  atteint  à  force  de  fidélité 
dans  le  rendu  du  naturel  décor,  ils  songèrent  à  ordonner 
la  répartition  de  leurs  couleurs  non  seulement  en  vue 
de  l'exacte  description  de  l'efiTet,  dans  des  luminosités 
suflSsantes,  mais  aussi  en  vue  des  harmonies  totales. 
'Encore  ne  modifi^aient-ils  point  aussi  délibérément 
qu'aujourd'hui  les  aspects  extérieurs  des  choses,  n'éla- 
guaient-ils point,  par  un  travail  d'élimination  synthé- 
tique, le  superflu  et  le  momentané.  Le  site  naturel  était 
loin  d'être  le  leit-motiv  essentiel,  prétexte  à  l'interpré- 
tation décorative.  Simplement,  entre  vingt  aspects  de 
la  nature,  ils  élisaient,  pour  en  traduire  la  physionomie, 
celui  que  leur  œil  de  peintre  voyait  tout  ensemble 
significatif  et  harmonieux.  Mais  ils  ne  cessent  de  tra- 
vailler en  face  de  la  nature  et  sont  encore  trop  sous  son 
influence  immédiate  pour  en  déformer  les  indications, 
afin  d'accroître  le  sens  et  la  beauté  ornementale  de 
l'œuvre. 

Peu  à  peu,  ils  s'abstrayent  de  la  réalité.  Ils  s'en 
inspirent  toujours  scrupuleusement,  mais  sur  les  don- 
nées exactes  qu'ils  en  recueillent,  ils  édifient  des  com- 
positions belles  tout  à  la  fois  par  le  caractère  et  par  la 
décoration  :  ils  assemblent  des  lignes,  règlent  des 
gesticulations,  accordent  la  direction  des  mouvements 
dn  sol  avec  celle  des  attitudes  de  l'être  humain  qui  s'y 
agite;  ils  composent,  loin  de  la  nature,  pour  réaliser 
une  harmonie  totale.  En  même  temps  que  le  dessin 
devient  plus  large,  plus  sommaire  et  plus  caracté- 
ristique, la  couleur  tend  à  se  simplifier.  Le  relatif  du 
trait  et  du  ton  disparaît.  Le  peintre  qui,  le  premier,  avec 
M.  Cézanne,  s'émancipa  d'une  trop  stricte  communion 


avec,  la  nature,  notre  maître  et  notre  ami,  M.  Camille 
Pissarro,  envers  lequel  Paris  vient  enfin  d'être  juste  et 
envers  lequel,  depuis  longtemps,  votre  antique  cité  d'art 
l'avait  été,  fit  voguer  dans  ses  ciels  limpides  des  nuages 
gracieusement  arabesques,  compléta  par  l'incurvation 
de  la  croupe  des  bêtes  ou  par  l'inflexion  du  dos  de  ses 
paysannes  la  courbe  décrite  par  le  tronc  d'un^arbre, 
associa  aux  ondulations  du  sol  les  jolies  volutes 
des  ramures  et  des  frondaisons.  M.  Renoir,  conquis  par 
la  beauté  linéaire  et  le  modelé  de  l'anatomie  humaine, 
ordonne  les  attitudes,  les  gestes  du  corps  et  les  mobi- 
lités de  la  physionomie  selon  un  ensemble  très  savam- 
ment décoratif.  Enfin,  le  vigoui-eux  talent  de  M.  Claude 
Monet  qui,  plus  longtemps,  se  borna,  mais  avec  quelle 
puissance  d'évocation  !  à  rendre  en  leur  intensité 
fugace  les  rapides  effets  naturels,  semble  de  plus  en 
plus  abstraire  des  complexes  apparences  le  caractère 
durable  des  choses,  en  accentuer,  par  un  rendu  plus 
synthétique  et  plus  réfléchi,  la  signification  et  la  beauté 
décorative. 

C'est  surtout  M.  Cézanne  qui  fut  l'un  des  premiers 
annonciateurs  des  tendances  nouvelles  et  dont  l'effort 
exerça  une  influence  notable  sur  l'évolution  impression- 
niste :  son  métier  sobre,  ses  synthèses  et  ses  simplifica- 
tions de  couleurs  si  surprenantes  à  une  époque  où  l'on 
était  particulièrement  épris  de  réalité  et  d'analyse,  ses 
valeurs  très  rapprochées,  très  douces,  dont  le  jeu  savant 
crée  de  si  subtiles  et  impeccables  harmonies,  contiennent 
et  révèlent  tout  le  mouvement  contemporain;  elles 
furent  pour  tous  un  profitable  enseignement. 

{La  fin  prochainement.) 


LE  BANQUET  A  M"'  BEERNAERT 

Le  banquel  offert  à  M"»  Beernaert,  à  l'occasion  de  sa  promolion 
au  grade  d'officier  de  l'ordre  de  Léopold,  a  en  lieu  lundi  dans  la 
salle  des  fêtes  de  Thôlel  Mengelle.  Très  nombreux  habits  noirs 
émaillés  (charmante  surprise)  des  toilettes  d'un  grand  nombre  de 
peinlresses. 

La  présidence  avait  été  dévolue  à  M.  Slingeneyer,  qui  doit  à  sa 
parfaite  affabilité,  à  son  inépuisable  obligeance,  au  tact  cordial 
avec  lequel  il  accepte  son  rôle  d'artiste  arrivé  qui  fait  place  à 
ceux  qui  lui  succèdent,  d'être  admis  chaque  jour  davantage 
comme  le  doyen  honoré  de  l'art  belge.  Ses  judicieux  discours  à'ia 
Chambre,  dont  nous  avons  à  diverses  reprises  loué  le  bon  sens  et 
l'élévation,  ont  largement  contribué  à  cette  position  très  enviable  et 
lui  ont  conquis  de  vives  sympathies  dans  tous  les  clans  artistiques. 

C'est  lui  qui,  dès  le  début  du  banquet,  aux  huîtres,  a  pris  la 
parole  pour  rendre  hommage  à  M"^  Beernaert,  Voici  en  substance 
les  pensées  qu'il  a  exprimées  et  la  réponse  de  l'artiste  qu'on 
fêtait  : 

«  C'est  pouf  moi  un  ^rand  honneur,  Mademoiselle,  d'avoir 
reçu  la  mission  de  vous  exprimer  les  sentiments  de  ces  artistes, 
de  ces  amis,  de  ces  admirateurs  de  votre  vie  si  simple,  si  labo- 


LART  MODERNE 


59 


rieuse  et  par  cela  môme  si  noble,  consacrée  par  la  haute  faveur 
dont  Sa  Majesté  le  Roi  vous  a  si  justement  gratifiée. 

«  Je.  ne  saurai  le  faire  qu'imparfaitement  :  un  peintre  peut 
avouer  qu'il  se  sent  plus  de  cœur  que  d'éloquence.  Certes  l'art 
est  danâ  tout,  même  dans  les  choses  en  apparence  les  plus  insi- 
gnifiantes: un  simple  ruban  jeté  sur  l'herbe  chante  l'amour;  mais 
encore  faut-il  le  métier  :  vous  daignerez  accueillir  mes  brèves  et 
sincères  paroles  moins  pour  ce  qu'elles  valent  que  pour  ce 
qu'elles  veulent  dire. 

«  C'est  la  Femme  et  l'Artiste  que  nous  honorons  en  vous.  Ces 
deux  beaux  titres  qui  résument  de  si  aimables  qualités  et  de  si 
grands  devoirs,  vous  les  avez  portés  sans  faiblir.  On  le  disait 
récemment  dans  une  forme  heureuse  :  Vous  vous  êtes  consacrée 
à  l'Art  comme  d'autres  femmes  se  consacrent  h  Dieu.  L'isole- 
ment, les  sacrifices,  le  dédain  des  mesquines  jouissances  que 
l'art  impose  k  ses  fidèles,  vous  les  avez  acceptés  fièrement  et  sans 
discuter.  Vous  vous  êtes,  en  quelque  sorte,  cloîtrée  dans  le  but 
élevé  que  vous  aviez  choisi  ;  c'est  là  que  vous  avez  fait  votre 
entrée  dans  le  monde  et  recherché  vos  succès.  Vous  n'avez  pas 
voulu  d'autre  union  que  l'union  mystique  de  l'art,  d'autre  famille 
que  celle  des  artistes,  d'autre  descendance  que  vos  œuvres. 

a  Pour  cette  famille  artistique,  à  laquelle  appartiennent  tous 
ceux  qui  sont  ici,  vous  avez  été  la  plus  fraternelle  des  sœurs, 
douce,  aimable,  encourageante,  exprimant  là  aussi  votre  ûme 
féminine  imprégnée  de  Bonté  et  de  Charité.  Ce  n'est  pas  seule- 
ment le  peintre  de  talent  que  ndus  voyons  en  vous,  c'est  l'twcel- 
lenle  camarade,  l'amie  dévouée,  et  ces  titres  de  tendresse  vous 
sont, j'en  suis  siir, aussi  précieuxque  vos  titres  de  gloire.  (^pp/aM- 
dissements  prolongés.) 

«  Vous  n'avez  qu'un  défaut,  bien  involontaire  :  Vous  êtes  la 
sœ,ur  d'un  ministre!  ce  qui  vous  fait  presque  un  personnage  offi- 
ciel. On  est  gêné  alors  pour  vous  faire  des  compliments,  quelque 
vrais  et  sincères  qu'ils  soient.  La  fierté,  et  la  fierté  la  plus  ombra- 
i^euse,  fait  partie  du  patrimoine  de  l'arlisle  et  le  rend  hésitant  dès 
qu'il  peut  être  soupçonné  de  faire  sa  cour  aux  puissances.  Acceptez 
cet  inconvénient  de  ce  que  vous  êtes  et  mettez  sur  le  compte  de  la 
timidité  qu'il  me  cause,  ce  que  pourrait  avoir  d'insuffisant  l'hom- 
mage que  je  viens  de  vous  rendre.  »  {Longues  acclamations  et 
vivais.) 

En  proie  à  une  visible  émotion.  M"»  Beernaerl  a  répondu  aus- 
sitôt qu'a  été  apaisée  l'ovation  très  eniraînanle  qu'on  lui  faisait. 

«  Monsieur  le  Président,  le  cœur,  yous  venez  de  le  montrer, 
donne  plus  d'éloquence  que  toute  la  rhétorique.  Je  compte,  moi 
aussi,  sur  cette  grâce  d'état  pour  répondre,  ainsi  qu'il  convient,  à 
tant  de  galanterie  et  à  tant  d'indulgence. 

(i  Je  suis  et  j'ai  toujours  été  très  heureuse  d'être  artiste.  Les 
joies  et  les  biens  que  j'ai  sacrifiés  ont  été  largement  compensés 
par  les  belles  et  profondes  jouissances  de  l'Art.  Qui  oserait  dire 
que  j'ai  perdu  au  change?  Qui  affirmera  que  la  réalité  vaut  mieux 
que  l'idéal?  Il  y  a  ici  d'autres  femmes  qui  ont  fait  le  même  che- 
min que  moi,  qui  sont  épouses  de  l'Art  et  mères  de  leurs  œuvres; 
je  suis  certaine  que  si  elles  avaient  à  recommencer  leur  vie, 
comme  moi  elles  ne  changeraient  rien  à  la  voie  qu'elles  ont 
suivie.  Un  couvent,  tant  que  vous  voudrez,  mais  un  couvent  im- 
mense et  où  voltigent  les  choses  sublimes.  Heureuses  celles  qui 
y  prononcent  leurs  vœux. 

a  Merci  pour  ce  qu'il  vous  a  plu  dire  de  la  gloire  que  j'au- 


rais acquise.  Vous  avez  montré,  en  me  parlant  ainsi,  que  la  bonté 
des  hommes  sait  égaler  la  bonté  féminine. 

«  Mais  merci  surtout  pour  ce  que  vous  avez  dit  de  mon  cœur. 
C'est  en  cela  que  vous  avez  louché  ce  qu'il  y  a  de  plus  sensible 
en  moi.  On  craint  toujours,  dans  cette  vie  contemporaine  de  que- 
relles et  de  combats,  n'avoir  pas  assez  montré  qu'au  fond  ce  qui 
domine,  c'est  la  tendresse  et  la  fraternité.  On  craint  d'apparaître 
sèche  et  empreinte  de  morgue,  alors  qu'on  désire  obstinément, 
quand  on  est  femme,  être  universellement  tenue  pour  aimable. 
Vous  venez  de  me  donner  mon  brevet  d'officier  à  cet  égard;  il 
m'est  aussi  précieux  que  l'autre.  {Applaudissements.) 

«  Quant  à  la  sœur  du  ministre,  oublions  cette  officielle  per- 
sonne. En  quoi  pourrait-elle  vous  servir  et  qu'espèrc-t-on  d'elle? 
Qu'elle  recommande  pour  qu'on  ait  des  commandes?  Ah  !  chassons 
ces  dessous  misérables  qui  corrompent,  dès  qu'on  y  pense,  les 
plus  belles  manifestations.  L'artiste,  plus  que  jamais,  doit  être  très 
fier,  très  désintéressé,  ne  pensant  qu'à  son  art,  résolu  à  faire,  dans 
une  indépendance  absolue,  tout  ce  qu'il  pense.  Une  préoccupation 
d'argent,  une  préoccupation  de  plaire  est  une  entrave,  et  l'art 
entravé  n'est  plus  l'art,  comme  un  roi  enchaîné  n'est  plus  un  roi. 
Aussi  veux-je  une  fois  pour  toutes  vous  tranquilliser  sur  ces  scru- 
pules et  faire  taire  c<^ux  qui  pensent  que  lorsqu'on  me  fête  on 
place  des  capitaux  à  intérêt,  comme  l'écrivait  l'auteur  de  la  lettre 
à  laquelle  noire  cher  président  empruntait  tantôt  une  autre 
parole.  J'atteste  que  désormais  aucun  de  ceux  qui  sont  ici  ne 
pourra  compter  sur  mon  intervention  pour  n'importe  quelle 
démarche,  pour  n'importe  quelle  faveur.  Désormais  pour  ceux-là 
ma  porte  est  fermée  et  mes  oreilles  aussi.  Cet  engagement  d'hon- 
neur est  digne  de  vous  tous,  comme  je  le  crois  digne  de  moi,  car 
il  restitue  à  cette  réunion  la  pureté  et  la  noblesse  d'intention  sans 
lesquelles  elle  mériterait  le  nom  de  courtisanerie  qui  a  été  pro- 
noncé ailleurs  à  son  sujet.  »  {Rumeurs  en  sens  divers,  bientôt 
couvertes  par  des  applaudissements  frénétiques.) 

En  résumé,  grâce  à  ces  déclarations  si  cordiales  et  si  fières,  ce 
banquet  qui  avait  fait  surgir  des  suspicions,  apparaît  comme  une 
très  décisive  manifestation  artistique,  et  nous  en  félicitons  sans 
réserve  les  deux  personnalités  qui  ont  su,  grâce  à  leur  magnanime 
à-propos,  lui  donner  celte  grande  allure. 

La  presse  est  restée  muette  sur  l'événement.  C'est  bizarre  ce 
silence  chaque  fois  que  la  force  immanente  des  choses  contrarie 
les  tendances  ou  les  espoirs  de  certaines  gens.  Nous  voudrions 
pourtant  être  édifiés  un  jour  ou  l'autre  sur  le  point  de  savoir  si 
nos  journaux  ne  sont  plus  que  des  instruments  au  service  des 
intérêts  plus  ou  moins  avouables  de  certains  groupes  où  seuls  les 
plus  étroits  intérêts  personnels  comptent  encore. 


THEATRE  LIBRE 

{Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne;) 

1.  Blanchette,  trois  actes,  en  prose,  de  M.  Eugène  Brieux. 

On  a  ft^ousseté  la  collection  des  documents  «  vie  paysanne  ». 
On  a  extirpé  du  phonographe  ihéâtral  les  tirades,  connues,  sur  la 
prostitution  et  sur  les  dangers  d'une  éducation  illogique.  La  col- 
lection étant  en  bon  état,  à  peine  quelques  étiquettes  décollées, 
et  le  phonographe,  un  peu  bègue  peut-être,  un  peu  nasillard, 
fonctionnait  bien. 


2.   L'Envers  d'une  Sainte,  trois  actes,  en  prose, 
de  M.  François  de  Curel. 

Jadis  un  certain  Henri  Laval,  que  mille  promesses  liaient  à 
Julie  Renaudin,  a  épousé  Jeanne.  Sept  mois  après  le  mariage, 
celle  Jeanne  est  victime  d'un  accident  provoqué  par  Julie,  d'un 
accident  qui  ne  la  tue  pas,  mais  hâte  son  accouchement  :  et 
Julie  prend  le  voile.  Depuis  dix-neuf  ans  elle  est  au  Sacré-Cœur 
de  Rennes  quand  Laval  meurt.  Elle  obtient  la  résiliation  de  ses 
voeux,  reparaît  dans  la  vie  et  la  pièce  commence. 

Julie  est  entrée  au  cloître  sans  vocation.  Elle  y  a  gardé  le  sou- 
venir de  son  amour  d'adolescence,  en  le  cultivant  de  prières;  elle 
est  restée  impénétrable  à  toute  nouvelle  notion,  encore  que  sa 
piété  fût  presque  célèbre.  Sous  l'influence  d'un  événement  quel- 
conque qui  la  désengourdisse,  la  Julie  d'aujourd'hui  se  montrera 
telle  que  la  Julie  d'alors. 

Henri  l'avail-il  oubliée?  a-l-il  parlé  d'elle  avant  demourrir? 
cela  elle  voudrait  le  savoir.  Et  voici  que  Jeanne,  la  veuve  de 
Laval,  et  Christine,  leur  fille,  lui  vouent  une  amitié  ardente.  Elle 
veut  les  éloigner:  elle  a  pris  au  cloître  le  goût  de  la  solitude, 
elle  désire  mener  dans  le  siècle  une  vie  conventuelle,  et,  d'ailleurs, 
sien  la  croit  bonne,  on  se  trompe.  Mais  ces  arguments  ne  rebutent 
pas  les  deux  femmes,  et  bientôt  Jeanne  va  répondre  à  ses  ques- 
tions tantôt  violentes  et  tantôt  insidieuses,  et  lui  faire  des  confi- 
dences. 

JULIE 

...  Ainsi,  votre  union  n'a  pas  été  troublée  un  seul  jour  ? 

JEANNE 

Presque  pas...  Un  peu,  cependant,  et  si  vous  saviez  par  quil  C'est 
une  confidence  étrange  à  faire...  justement  à  vous...  Mais  n'est-ce  pas 
donner  la  plus  belle  marque  d'estime  qui  soit  en  mon  pouvoir  que  de 
vous  traiter  en  personne  supérieure  à  nos  passions...  en  femme  qui 
n'a  jamais  connu  Henri. 

JULIE 

C'est  cela!...  je  vous  le  demande  en  grâce...  Les  années  de  cloître 
ont  complètement  nivelé  mon  âme... 

JEANNE 

Je  vous  avouerai  donc  qu'à  un  certain  moment  votre  image  est 
venue  se  placer  entre  Henri  et  moi...  C'était  vers  l'époque  de  la  pre- 
mière communion  de  Christine...  Mon  mari  n'était  plus  le  même... 
Il  songeait  à  vous,  j'en  ai  eu  la  preuve... 

JULIE. 

Je  ne  crois  guère  aux  affections  qui  ressuscitent. 

JEANNE 

Moi,  non  plus,  parce  qu'une  véritable  affection  ne  semble  jamais 
éteinte...  Jugez  sij'.étais  inquiète...  La  froideur  d'Henri  s'accentuait 
de  jour  en  jour...  Tout  de  suite,  j'ai  soupçonné  qu'il  pensait  encore  à 
vous...  Mais  ce  n'était  pas  une  certitude,  car  je  le  savais  très  contra- 
rié de  n'avoir  pas  de  lils,  et  depuis  mon...  accident,  il  m'était  impos- 
sible d'espérer  une  nouvelle  grossesse. 


JULIE 


Mon  ouvrage  ! 


Allez,  c'est  bien  oublié. 
y  avoir  de  doute. 


JEANNE 
Rien  qu'à  ma  façon  d'en  parler,  il  ne  peut 

JULIE 
Puis-je  oublier,  moi,  devant  les  conséquences?... 

JEANNE 

Soyez  sans  scrupule...  S'il  y  avait  des  conséquences,  vous  m'avez 
servi  à  les  effacer... 

JULIE 
Ah? 


JEANNE 

J'ai  fini  par  m'eipliquer  avec  Henri...  Je  lui  ai  dit  que  quelque 
chose  d'indéfinissable,  mais  de  réel  me  peinait  beaucoup  dans  sa  façon 
d'être  et  que  je  l'attribuais  au  regret  de  ne  pas  avoir  de  fils...  lia 
répondu  avec  bonté  que  je  n'étais  pas  responsable  d'un  malheur... 
Qu'à  la  suite  d'une  chute  faite  en  me  promenant  avec  v.ous,  un  accou- 
chement prématuré  m'avait  condamnée  à  ne  plus  avoir  d'enfants... 
Cela  ne  l'empêchait  pas  de  m'être  très  attaché.  .  Puis  je  l'entends 
encore  ajoutant  avec  un  soupir  :  •<  Vous  devez  être  heureuse...  S'il  y  a 
une  punition  du  ciel,  qu'elle  retombe  sur  moi  !  «  Moi  qui  savais  ce 
que  cela  signifiait,  j'ai  vu  que  vous  étiez  bien  réellement  entre  nous, 
et  aussitôt  ma  résolution  a  été  prise.  J'ai  tout  raconté  à  Henri... N'ai- 
je  pas  bien  agi?...  Je  vous  avais  ten^u  la  main  dès  le  premier  instant, 
sans  l'ombre  de  ressentiment,  mais  avais-je  le  droit  de  sacrifier  ma 
dignité  d'épouse?  Non,  n'est-ce  pas? 

JULIE 
Non...  je  n'ai  pas  un  reproche  à  vous  adresser...  Qu'a  dit  Henri?... 

JEANNE 

Rien...  Un  trouble  profond  qui  a  duré  plusieurs  jours...  Puis  il  est 
revenu  à  moi,  et  je  n'ai  plus  cessé  d'être  une  très  heureuse  femme. 

Ainsi  cette  réclusion  interminable,  pendant  quoi  l'avait  soutenue 
l'idée  qu'Henri  conservait  d'elle  un  souvenir  pur,  n'avait  été  que 
duperie.  Il  avait  dû  la  haïr,  la  maudire.  Elle  avait  sacrifié  imbé- 
cilementsa  jeunesse,  sa  beauté,  son  cœur,  son  intelligence;  et 
cette  Jeanne  lui  révélait  ces  choses  affreuses  avec  placidité. 

Fanatiser  Christine,  rompre  son  mariage  projeté,  la  faire  entrer 
au  couvent,  c'est-à-dire  ruiner  à  jamais  le  bonheur  de  Jeanne, 
ce  plan  de  représailles  doit  réussir.  Vainement  Jeanne  s'ingénie 
à  contrebalancer  l'influence  grandissante  de  Julie  :  c'est  une 
étrangère,  et  elle  nous  hait,  et  lu  as  plus  de  confiance  en  elle 
qu'en  ta  mère  qui  t'aime,  pourquoi?  El  Christine  de  raconter  que 
son  père,  agonisant,  lui  ordonna  de  devenir  l'amie  d'une  femme 
envers  laquelle  il  avait  eu  des  torts  graves,  d'une  femme  noble 
et  bonne,  de  Julie.  Julie  est  à  genoux  :  elle  n'avait  pas  été 
oubliée,  pas  été  haïe  !  Elle  s'accuse,  elle  demande  pardon,  elle 
rend  Christine  à  sa  mère  et  à  son  fiancé.  Puis  reste  seule,  prostrée. 
On  entre.  Quelqu'un  apporte  du  jardin  un  pelil  oiseau.  Julie 
prend  l'oiseau  que  la  cage  attend,  l'écrase  à  plein  poing  cl  le 
jette  dans  la  cheminée.  Et,  souriante,  à  sa  famille  ahurie  :  je 
rentre  au  couvent. 

Ce  beau  drame,  nuancé,  passionné,  harmonieux  et  lent,  eût 
gagné  à  éliminer  tous  autres  personnages  que  Julie,  Jeanne  et 
Christine.  Mais  M.  de  Curel  avait  peur  de  n'être  pas  compris  :  il 
a  multiplié  les  explications,  et  Ja  tante  Noémie  est  une  confidente 
de  tragédie.  Il  a  crainl  que  sa  pièce  parût  monotone,  et  c'est  pour 
ce  seul  motif  que  le  fiancé  de'  Christine  a  quitté  Paris.  Ces  lares 
et  aussi  certains  placages  de  notations  de  la  vie  dévote  et  pro- 
vinciale, on  sent  bien  que  le  public  en  est  responsable  plus  que 
l'auteur.  F. 


Aux  XX 

PREMIER  CONCERT 

Nous  empruntons  à  la  Réfwme  le  compte  rendu  fait  par  M.  Ferdi- 
nand Labarre  du  premier  concert  des,X^,  notre  collaborateur  musi- 
cal ayant  pris  une  part  trop  directe  à  l'exécution  pour  en  parler  avec 
toute  l'impartialité  qui  convient. 

Salle  comble.  Les  auditions  musicales  des  XX,  comme  la 
peinture  vingtiste,  sont  devenues  une  ailraction  mondaine  irré- 
sistible. Tout  le  monde  veut  en  être.  D'ailleurs,  le  choix  toujours 
artistique  des  programmes  justifie  cet  empressement.       ♦■ 


Ce  premier  concert  élall  consacré  àTa-udilion  d'œuvres.  belges 
inédites,  d'une  élégie  de  Glazounow  et  du  concerto  pour  piano  de 
Rimsky-Korsakoff,  le  ciief  de  l'école  russe  contemporaine  depuis 
la  mort  du  grand  Borodinc. 

Le  concerto  a  pu  élre  exécuté  grâce  à  l'appoint  précieux  fourni 
par  un  orchestre  d'une  quarantaine  d'artistes  choisis.  Il  est  dédié 
à  la  mémoire  de  F.  Liszt,  ce  qui  excuse  les  difficultés  pianisliques 
qui  s'y  rencontrent,  et  plaît  par  sa  variété  de  tlièmes  ayant  leur 
couleur  et  leur  accent  personnels  et  son  orchestration  extrêmement 
fouillée. 

La  partie  de  piano  était  tenue  par  M.  Lilta,  qui  a  triomphé  de 
tous  les  obstacles,  un  peu  nerveusement,  mais  avec  une  grande 
correction. 

L'orchestre  était  dirigé  par  M.  Guidé. 

Le  fragment  d'Andromède  pour  soprano,  instruments  à  cordes 
et  piano,  est  l'œuvre  d'un  jeune  compositeur  belge,  M.  Lekeu, 
dont  le  nom  apparaît  pour  la  première  fois  dans  un  concert  à 
Bruxelles. 

M.  Lekeu  est  un  compositeur  de  talent,  qui  procède  de  la  jeune 
école  française;  son  Andromède  est  bien  écrite  pour  les  instru- 
ments et  dramatique  en  plus  d'un  passage.  Quelques  restrictions 
à  faire,  que  l'on  doit  nécessairement  mellre  sur  le  compte  de 
l'inexpérience,  mais  qui  ne  diminuent  en  rien  la  valeur  de  l'ar- 
liste;  le  fragment  d'^Jidrom^de  a  semblé  trop  long  et  un  peu 
indécis.  On  dirait  que  l'auteur  abandonne  avec  peine  sa  mélodie 
qu'il  a.  menée  à  travers  une  série  de  modulations  et  qu'il  conclut 
comme  à  regret. 

M'i^  De  Haene  chantait  la  partie  de  .soprano. 

La  Mer,  esquisse  symphonique  inédite  d'après  une  poésie  de 
M.  E.  Lévis,  par  M.  P.  Gilson,  est  d'aune  écriture  plus  ferme,  plus 
décidée.  M.  Gilson  est  très  maître  de  lui  et  son  œuvre  a  une 
saveur  particulière  que  l'on  n'a  pu  bien  apprécier;  une  réduction 
au  piano,  quelque  bien  faite  qu'elle  soit,  ne  réussissant  jamais  à 
donner  l'impression  d'une  composition  aussi  polyphonique. 

L'exécution  était  confiée  à  M""  Smit  et  Parcus  qui,  malgré 
leurs  qualités,  ont  manqué  d'autorité. 

Les  vers  étaient  dits  par  M.  Garnier  d'une  façon  au  moins 
bizarre  :  un  étrange  mélange  de  déclamation  mi-conservatoire, 
mi-café  concert. 

L'Elégie  pour  Violoncelle,  de  Glazounow,  a  été  jouée  avec 
beaucoup  d'expressiorF  par  M.  Gillei,  accompagné  au  piano  par 
M.  Octave  Mans,  et  le  concert  s'est  terminé  par  l'exécution  de 
Pâle  Etoile  du  Soir,  poésie  ossianique  d'Alfred  de  Musset,  mise 
en  musique  pour  soprano  solo  et  chœur  de  voix  de  femmes,  par 
M.  Servais. 

L'œuvre  inédite  de  M.  F.  Servais  est  d'un  sentiment  très  pur  et 
très  élevé,  bien  pensée  et  orchestrée  avec  beaucoup  de  distinc- 
tion. 

Les  chœurs,  dirigés  par  M.  Maus,  ont  une  sonorité  charmante 
et  une  grande  fraîcheur,  mais  trop  de  timidité,  ce  qui  est  d'ail- 
leurs inévitable  chez  des  amateurs. 

Le  solo  était  chanté  par  M'"  De  Haene,  à  qui  l'on  eût  souhaité 
aussi  un  peu  moins  de  réserve.  Pianiste,  M"»  Smit. 

Au  prochain  concert  on  entendra  des  fragtnenls  du  Chant  de 
la  Cloche  de  Vincent  d'indy. 


EXPOSITION  DE  M.  MELCHERS 

AU  CERCLE  DES  ARTS  ET  DE  LA  PRESSE 

Très  désertée,  cette  exposition,  et  bien  mal  éclairée  dans  une 
mauvaise  salle  du  Cercle,  peu  faite  pour  donner  de  la  lumière  à 
des  tableaux.  L'impression  est  désagréable,  doublement,  car  cette 
exhibition  est  réellement  très  belle  et  il  est  triste,  vraiment,  de  la 
voir  ainsi  négligée. 

M.  Melcliers  s'affirme  un  chercheur  et  un  poète.  Ah!  qu'on  est 
loin,  en  ces  toiles  :  Là-bas,  Solitude,  Promenade,  Nocturne,  des 
habituels  paysages  que  nous  servent  lès  gAcheurs  d'huile!  Ce  sont 
des  jardins  de  fée,  avec  des  fleurs  paradisiaques,  des  bocages  de 
mystère,  qu'on  devine  gazouillant  d'oiseaux  étranges,  et  des 
ruisseaux  où  des  sylphides  et  des  gais  farfadets  ont  certainement 
rafraîchi  leurs  petites  ômes.  Puis,  des  soirs  étranges  et  morbides, 
avec  des  serres  qui  miroitent  dans  des  ténèbres  chargées  de  l'ex- 
halaison de  plantes  exotiques,  des  jets  d'eau  et  des  colonnades 
qui  surgissent  dans  la  nuit  tombante,  des  castels  lointains,  de 
vagues  sons  d'angelus,  et  le  long  de  ruisselels.des  vcsprées  chan- 
tantes d'on  ne  sait  quelle  tentation  d'amour  :  des  décors,  vrai- 
ment, pour  la  Princesse  Maleine.  La  Province  est  d'un  sentiment 
profond  de  petite  ville  hollandaise,  avec  trois  petites  maisons  de 
boutiquiers,  et  près  de  la  lune  qui  monte,  une  tour  d'église  :  un 
décor,  celui-ci,  qu'on  révérait  â  certains  contes  d'Hoffmann.  Le 
Blanc  et  j'owx  montre  une  anglaise  à  bizarres  cheveux  roux  qu'on 
dirait  cousine  de  celles  de  Willy  Schlobach,  et  le  Locus  Veneris 
est  symbolique  de  quelles  amours  noires  et  de  quelle  passion 
vénéneuse  et  sombre  ! 

La  Marée  basse  est  d'un  attrait  bizarre  avec  la  proue  de  la 
barque  noire  qui  masque,  comme  un  grand  fantôme,  la  mer  et  la 
plage  :  sous  elle  tourne  une  ronde  de  petites  Zélandaises,  de 
toutes  petites  Zélandaises,  pareilles  à  des  poupées  chantantes, 
trop  petites,  en  comparaison  de  la  grande  barque,  mais  pour  ce, 
plus  mystérieuses  encore,  petits  lutins  vivants  et  charmants  d'un 
coin  baigné  de  mer  du  Nord,  d'un  coin  de  pécheurs,  —  avec  une 
sorte  de  spiritisme  dans  leur  apparition  tournante  blanche  et 
noire  —  et  qu'attrayantes  ! 

London  — une  aquarelle  fine  et  belle  —  montre  des  vendeuses 
de  fleurs  londonniennes,  les  minables  vendeuses,  une  plume 
flétrie  leur  tombant  du  chapeau  sur  l'épaule,  la  figure  hâve  cl 
tirée,  blanches  de  misère,  noires  d'habillement.  Elles  sont  vues 
nerveusement,  intensément,  avec  pénéirance  cl  croquées  par 
quelque  jeune  Rops  de  l'aquarelle. 

Quelques  délicats  portraits,  de  savants  dessins  complètent  celle 
exposition  très  curieuse  et  très  personnelle.  C'est  d'un  poète  et 
d'un  vrai  coloriste.  Et  puis,  voyez  quel  métier,  solide  et  serré, 
quelle  science  du  dessin  se  trouvent  auservice  de  cet  esprit  Ima- 
ginatif et  inventif! 

Parmi  les  expositions  particulières  que  Bruxelles  verra  cette 
année,  celle-ci  aura  été  certainement  une  des  plus  belles,  et 
hélas!  en  a-t-on  peu  parlé!  Le  moindre  étal  au  Cercle  artistique 
de  quelques  paquets  de  croûtes,  déliait  mille  fois  plus  les  langues 
des  amateurs  et  faisait  trimer  davantage  les  plumes  des  quo- 
tidiens! 


62 


L'ART  MODERNE 


Exposition  de  MM.  Franlc,  Dardenne  et  Samuel, 
au  Cercle  artistique. 

Dans  leurs  paysages,  MM.  Frank  et  Dardenne  se  rcsseaiblenl 
très  fort.  Ce  sont  les  derniers  fidèles  de  Tervueren,  ce  nom  tant 
évocateur  de  bois,  de  prairies  et  de  ciel  !  M.  Dardenne  a  pourlant 
souvent  plus  d'esprit  et  de  légèreté  ([ue  M.  Frank.  Celui-ci  est  sec; 
ses  toiles  ont  soif  d'air,  les  eaux  de  ses  élangs  sont  épaisses  et 
lourdes.  Parmi  son  envoi,  /'"^r;7  est  le  plus  vibrant;  la  Lisière 
du  parc  est  assez  sonore;  le  Coin  d'étang  montre  un  bel  effet  d'or 
d'automne  ;  le  Printemps  est  assez  délicat  et  la  Rue  à  Vossemc?,\. 
d'un  cbarmant  sentiment  mélancoli([ue.  Nous  n'aimons  guère  les 
vingt-deux  autres  tableaux. 

Le  Village  de  M.  Dardenne  est  plus  savoureux,  et  son  Effet  de 
neige  est  curieux  d'effet  vert  et  blanc.  Après  la  pluie  montre  des 
qualités  de  coloriste,  le  Coin  intime  est  très  poétique  et  très  senti 
el  d'une  couleur  (jui  charme,  et  il  y  a  beaucoup  de  légèreté  et  de 
délicatesse  dans  le  Printemps  à  Duijsbourg. 

Dans  ce  salonnet,  M.  Samuel  apporte  l'élément  sculptural.  Le 
bas-relief  les  Raisins  est  exécuté  d'une  patte  chaude  et  savante. 
.M.  Samuel  est  d'ailleurs  un  sculpteur  habile  et  connaissant  toutes 
les  ressources  du  métier.  Tout  son  envoi  le  prouve  Le  Prélude 
est  inspiré  par  les  œuvreltes  faites  en  ce  genre  par  Julien  Dillens, 
(  t  les  deux  bustes,  surtout  celui  de  M""*  S.,  sont  réellement  exé- 
cutés avec  goût  et  avec  un  profond  sentiment  delà  vie  des  modèles. 
Le  buste  de  M"""  S.  est  certainement  la  meilleure  œuvre  que 
.M.  Samuel  ait  exécutée  jusqu'ici. 


Conférence  de  M.  Emile  Sigogne. 

Par  la  science  el  par  la  littérature,  noire  conception  actuelle 
du  monde  va  changer. 

Nous  allons  refaire  notre  histoire  et  l'antiquité  apparaîtra  tout 
autre.  L'idée  d'une  vaste  synthèse  embrassant  toutes  les  sciences 
et  tous  les  arts,  s'affirme  et  s'impose.  Nous  allons  empiéter  fran- 
chement sui"  le  domaine  de  l'invisible  ;  étendre  les  frontières  de 
l'intelligible  jusque  dans  le  mystère.  Nous  ferons  cette  immense 
besogne  à  travers  beaucoup  d'erreurs,  mais  nous  la  ferons. 

il  y  a  dans  les  souches  sociales  une  sourde  fermentation.  A 
ces  lâlonnements,  à  ces  efforts  vers  un  art  nouveau,  qui  n'est 
peut-être  que  la  résurrection  d'un  art  très  ancien,  auquel  vous 
assistez,  correspondent  de  mêmes  lâtonnemenlsel  de  mêmes  efforts 
dans  le  domaine  scientifique.  Une  lente  el  sûre  évolution  se  fait. 
Derrière  ce  monde  qui  s'amuse,  qui  a  l'air  de  prendre  tant  de 
place  elqui,  en  réalité,  compte  si  peu,  le  monde  intellectuel  tra- 
vaille et  la  pensée  monte  et  prendra  sa  place  au  grand  soleil.  Fin 
de  siècle,  dil-on,  fin  de  beaucoup  de  choses,  sans  doute,  fin  d'er- 
reurs, qui  vont  disparaître  et  accroissement  de  vie  el  de  lumière. 
Oui,  l'heure  actuelle  est  trouble,  agitée  et  chaotique  parce  qu'elle 
est  un  enfantement. 

L'humanité  sent  un  monde  nouveau  en  ses  flancs  tressaillir. 
Ceux  qui  souffrent  crient,  ceux  qui  travaillent  espèrent,  ceux 
qui  pensenl  se  préparent.  Toutes  les  forces  de  la  vie  sont  utilisées, 
l'an  et  la  science.  L'arl  lui-même,  cru  aristocratique  par  excel- 
lence, va  au  peuple,  dans  lequel  se  forme  une  nouvelle  sélection 
qui  dominera  l'avenir.  Prenez  garde,  vous  qui  êtes  ce  qu'on 
njmme  «  des  dirigeants  »,  si  vous  voulez  garder  la  suprématie 
de  la  richesse,  efforcez-vous  de  garder  la  suprématie  du  savoir. 


L'avenir  ne  sera  ni  au  plus  fort,  ni  au  plus  rusé,  ni  au  plus 
riche  :  il  sera  au  plus  savant  el  toutes  ces  vieilles  frfîTîies  qui 
tombent,  tous  ces  lambeaux  qu'on  déchire,  parce  que  l'humanité 
se  renouvelle  en  de  perpétuels  rajeunissements,  vous  fonl  crier  : 
Décadence.  Oui,  décadence,  en  effet,  parce  que  vous  regardez  en 
arrière,  mais  regardez  devant  vous,  c'est  une  aurore! 


Mémento  des  Expositions 

Amiens.  —  Exposition  des  Amis  des  Arts,  W  juin-!;)  juillet. 
Délai  d'envoi  :  \()  mai  (nnticcs  \"  mai).  Hcnscignemcnis  :  M.  le 
Président  de  In  Société  des  Amis  des  Arts,  Musée  de  Picardie, 
Amiens. 

Cordeaux.  —  XL*^  ex|#)sition  de  la  Société  des  A)nis  des  Arts. 
7  mars.  --  Renseignemcnis  :  E.-H.  Brown,  secrétaire. 

Chicago.  —  Section  des  Beaux-Arts  de  l'Exposition  universelle. 
{""  mai-30  octobre  189;-{  (voir  l'Art  moderne  du  1 1  octobre  1891). 

Liège.  —  Exposition  des  I3eaux-Arls.  i'^'  mai-13  juin.  Délais 
d'envoi  :  notices,  13  mars;  œuvres,  26  mars-8  avril.  —  Uen- 
seiguements  :  M.  de  Mnthelin,  secrétaire. 

.Madrid.  —  Exposition  historique  européenne.  l'2  septembre- 
31  décembre.  (Sculptures  sur  pierre,  sur  bois,  sur  métal  et 
sur  ivoire;  —  Tableaux  peints  à  l'huile,  à  la  gouache  et  î>  la 
détrempe  sur  toute  matière;  —  Miniatures;  —  Dessins;  —  Gra- 
vui'es;  —  Mosaïques;  —  Pièces  d'orfèvrerie,  de  joaillerie  el  de 
toute  sorte  de  métaux;  —  Panoplies;  —  Vêtements  de  toute 
nature;  — Tapis,  tapisseries  et  étoffes;  —  Reliures  artisti(|ues; 

—  Manuscrits  rares;  —  Mobilier;  —  Céramique;  —  Verrerie;  — 
Carrosserie;  —  Matériel  des  arts  cl  métiers).  —  Délais  d'envoi  : 
\"-'ÀQ  avril.  —  Renseignements  :  Comte  de  Casa  Miranda, 
sous-secrétaire  d'Etat  à  In  présidence  du  Conseil  des  ministres, 
Mndrid. 

Munich.  —  Exposition  internationale  des  Beaux-Arts.  1''''  juin- 
fin  octobre.  Délais  d'envoi:  notices,  \i^  mai;  œijvres,  l'-''-20  mai. 
Renseignements  :  M.  Ch.A.Baur,  secrétaire  du  Comité  central. 

—  Envoi  collectif  par  M.  W.  de  Haas  et  C'«. 

Nantes.  —  Société  des  Amis  des  Arts.  i''-31  mars  1892. 
Délai  expiré.  —  Renseignements  :  M.  John  Flornoy,  secrétaire- 
général,  place  du  Commerce,  12,  Nantes. 

Paris.  —  Salon  de  1892  (Champs-Elysées),  1"  mai-30  juin. 
Délais  d'envoi  :  peinture,  li-20  mars;  dessins,  aquarelles,  jiastels, 
miniatures,  porcelaines,  émaux,  carions  de  vitraux,  14-16  mars; 
sculpture,  31  mars-5  avril  ;  gravure  el  lithographie,  2-o  avril  ; 
architecture,  2-6  avril.  —  Renseignements  :  M.  F.  de  VuHlefroij, 
secrétaire,  palais  de  l'Industrie,  Champs-Elysées. 

—  Société  nationule  des  Beaux-Arts  (Salon  du  Champ  de 
Mars).  7  mai-30  juin.  Envois  :  peinture,  gravure,  20-25  mars; 
sculpture,  lS-18  avril. 

—  8"  exposition  des  Artistes  indépendants,  (l'avillon  de  la 
Ville  de  Paris.)  Ouverture  :  19  mars.  Envoi  :  6,  7,  8  mars  (maxi- 
nmm  :  10  œuvres  par  exposant). 

—  Exposition  de  Blanc  et  Noir,  l»^''  avril-lo  juin.  Dépôt  : 
l-.T  mars.  —  Rens.-ignements  :  M.  Bernnrd,  directeur. 

^  —  Salon  de  l'Association  de  l'Ordre  du  Temple  de  la  Rose  f 
Croix  (Galeries  Durand-Ruel),  10  mars.  —  Renseignemenls  : 
AL  Joséphin  Péladan,  rue  Pigalle,  24,  ou  comte  Antoine  de 
la  Rochefoucauld,  rue  d'Offémont,  19. 

Toulouse.  —  VHP  exposition  de  {'Union  artistique.  15  mars. 
Délai  :  22  février.  —Renseignements  :  M.  O.Merson,  boulevard 
Saint- Michel,  117,  Paris. 


fETlTE    CHROf^IQUE 

Correspondance.— A  Messieurs  N. O.S.  L.  Ecieurs,  llbique.— 
Nous  regrettons  de  n'avoir  pu  vous  donner  le  texte  oflicielf  Mais 
qu'importe?  Si  cela  n'a  pas  été  dit,  cela  aurait  dû  rétrc.  C'est 
Pascal  qui  a  fait  observer  que,  dans  la  mémoire  des  hommes,  ce 
qui  eût  dû  arriver  est  jilus  vrai  que  ce  qui  est  arrivé. 


■  n,^r-,r..f 


i:art  moderne 


63 


Sai.on  des  XX.  —  Nous  nuirons  tr^s  parliculiôromcnl  l'altenlion 
dos  visiioiirs  do  l'Exposilion  dos  XX,  sur  la  bollo  œuvre  do 
Constantin  Meuniku  :  Le  Retour  de  rEvfnut  prodigue.  De  peliie 
ditiionsion,  elle  pourrait  passor  iniipcrçuc,  l'œil  allant  plus  faci- 
lement aux  vives  couleurs  des  tableaux,  qu'à  la  simplicité  des 
sculptures.  Cotte  nouvelle  cx|)rossion  do  tendresse  douloureuse, 
de  joie  après  les  humaines  et  quotidiennes  misères,  est  une  des 
plus  poignantes  et  des  plus  artistiques  qui  soient  sorties  du  cœur 
iort  et  souffrant  do  notre  compalrioie. 

Parmi  les  jeunes,  Georges  Minne,  avec  son  admirable  dessin, 
si  profond,  si  achevé,  si  fantasii(iuemenl  mélancolique,  rend  à 
son  tour  ce  côté  touchant  et  déchiré  de  nosûmes. 


Le  deuxième  concert  d'œuvres  modernes  organisé  par  les  XX 
dans  les  locaux  de  leur  exposition  aura  lieu  mardi  prochain, 
23  courant,  b  2  heures.  On  y  entendra  notamment  le  deuxième 
tableau  du  Clia}il  de  la  Cloche  (orchestre  et  soli)  de  M.  Vincent 
d'Indy,  sous  la  direction  de  l'auieur;  \e  Quatuor  d'A.  de  Castil- 
lon  inierprélé  par  MM.  V.  d'Indy,  E.  Ysaye,  Van  Hout  et  Jacob, 
des  chœurs  inédits  de  C.  Franck  et  de  L.  de  Serres,  les  Paysages 
tristes  de  Paul  Verlaine,  mis  en  musique  par  Ch.  Bordes,  etc.; 
toutes  œuvres  exécutées  pour  la  première  fois  à  Bruxelles. 

Les  chanteurs  solistes  sont  M"""  Flon-Bolman  el  M.  Cheyrâl. 

Samedi  prochain,  27  courant,  à  2  heures,  matinée  littéraire; 
lecture  de  pièces  inédiles  de  M.  Camim,e  Lemonnier  par 
M"""  Rolland,  rexcellentc  interprète  de  Germaine  dans  Un  Mâle. 

M.  Vincent  d'Indy,  qui  est  en  ce  moment  h  Bruxelles  pour 
surveiller  les  répétitions  d'orchestre  du  fragment  du  Chant  de  la 
cloche  qui  sera  exécuté  mardi  prochain  au  Salon  des  XX,  vient 
de  diriger  sucCossivemunt  des  festivals  de  ses  œuvres  à  Nantes,  à 
Angers,  au  Havre,  etc.  Partout  il  a  été  accueilli  avec  un  chaleu- 
reux enthousiasme. 

Les  Flaireurs  à  Paris  (Théâtre  d'Art).  —  M.  Charles  Van 
Lerberghe,  nous  affirme  un  spectateur,  a  obtenu  au  Théâtre  d'Art 
un  grand  succès,  lors  de  la  représentation  des  Flaireurs. 

Le  drame  Faust,  par  Marlowe,  venait  de  finir.  Il  était  deux 
heures  du  malin.  Le  public  était  houleux  et  fatigué.  C'est  en  de 
telles  mauvaises  conditions  que  le  rideau  se  leva.  Il  s'est  abaissé 
sur  des  bravos  unanimes. 

Au  reste,  le  très  froid  et  glacial  Journal  des  Débats  constate 
lui-même  la  victoire,  que  ne  ternissent  en  rien  les  radotages  d'un 
quelconque  Fôuquier  en  des  articles  incompréhensifs  et  hostiles. 

La  Mer  de  P.  Gilson,  dont  les  deux  premiers  tableaux  ont  été 
applaudis  jeudi  aux  X^,  sera  exécutée  intégralement  à  l'orchestre 
au  prochain  Concert  populaire,  fixé  au  20  mars.  Au  programme  de 
ce  concert  figurera  également  le  Camp  de  Wallenstein  de  Vincent 
d'Indy.  

Quatre  jeunes  artistes,  MM.  Crickboom  et  Kefer,  violonistes,  Sar- 
toni,  altiste,  et  Gillet,  violoncelliste,  répondant  à  un  désir  de 
beaucoup  de  dileltanli  bruxellois,  ont  résolu  de  donnerdes  séances 
de  quatuor  en  faisant  connaître  la  musique  classique  des  maîtres 
tels  que  Schumann,  Beethoven,  Mozart,  Schubert,  etc.  La  musique 
moderne  tiendra  aussi  une  place  importante  dans  leurs  pro- 
grammes. 

La  première  séance  aura  lieu  samedi  prochain,  27  février,  à  la 
Oalerie  moderne.  On  y  enlendra  le  Quintotle  de  C.  Franck,  un 
quatuor  de  Mozart,  V Adagio  appassionata  de  Max  Bruch  et  la 
Fée  d'amour  de  Raff,  pour  violon.  M.  Jean  Sauvage,  qui  interpré- 
tera la  partie  de  piano  du  Quintette  de  Franck,  jouera  en  outre 
une  Polonaise  de  Chopin  el  VAllegro  de  la  sonate  en  sol  mineur 
de  Schumann. 

Cette  séance,  on  le  voit,  présentera  un  réel  intérêt  artistique. 


Le  violoniste  Laonreux  donnera  un  cQnccrt  le  jeudi  3  mars  avec 
le  concours  de  M""  Dyna  Beumer  et  de  MM.  Storck  cl  Sevenants, 
pianistes. 


Le  29  mar^  prochain,  l'Ecole  de  musique  de  Vervicrs,  dirigée 
par  M.  Louis  Kéfor,  oxécutora  V Andromède  de  M.  Guillaume 
Lckeu,  dont  uu  fragment  a  été  interprété  avec  succès  au  premier 
concert  des  XX. 

Cours  supérieurs  pour  dames.  —  22  février,  à  2  heures, 
M.  H.  Pergameni  :  Les  établissements  russes  dans  le  Turkestan; 
h  3  heures.  M""*  A.  Chaplin  :  Thakeray.  ^  23  février,  à  2  heures, 
M.  Ë.  Verhaeren  :  La  peinture  néo-gothique  allemande,.  — 
24  février,  à  2  hourcs,  M.  H.  Pergameni  :  Le  règne  de  Marie- 
Thérèse.  —  25  février,  b  2  heures,  M.  H.  Lonciiay  :  Joseph  II 
(suite);  b  3  heures,  M"'  J.  Tordeus  :  Lecture  d'auteurs  modernes. 

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Douzième  année.  —  N°  9. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  28  Février  1892*. 


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L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Émilb  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,    fr.    13.00     —  ANNONCES  :    On  traite  à  forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Tlndustrie,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


Salon  des  XX.  Conférence  de  M.  Georges  Lecomte  (suite  et  fin). 
—  Gayalleria  ROSTicAîfA.  —  Aux  XX.  Deuxième  concert.  — 
Epilogue  du  banquet  de  M""  Bebrnaert.  —  Salon  des  XIII.  — 
Petite  chronique. 


Salon  des  XX 

CONFÉRENCE  DE  M.  GEORGES  LECOMTE  (1). 

Des  tendances  de  la  peinture  moderne. 

Enfin,  ces  peintres  si  curieux  en  leurs  tentatives, 
d'un  tempérament  si  personnel,  malgré  l'identité  appa- 
rente de  leurs  techniques,  en  faveur  desquels  un  des 
critiques  d'art  les  plus  fins  et  les  plus  renseignés, 
M.  Félix  Fénéon,  créa  l'appellation  de  «  néo-impres- 
sionnistes ",  n'ont-ils  pas  très  efficacement  continué  cet 
eflbrt  vers  des  interprétations  ornementales,  tant  par 
la  couleur  que  par  les  lignes?  Plus  qu'on  ne  le  fit 
jamais,  ils  élaguent  des  aspects  naturels  tous  les 
détails,  d'une  existence  contingente  et  relatifs  par  la 
durée,  qui  eu  obstrueraient  la  signification.  Ils  sacri- 
fient le  pittoresque  à  l'harmonie,  ils  développent,  avec 

(1)  Suite  et  fin.  —  Voir  nos  deux  derniers  numéros. 


un  très  haut  souci  d'art,  l'ornemental  des  choses.  Ils 
interprètent  et  magnifient.  Ils  procèdent  par  synthèses 
de  lignes  et  de  couleurs.  Plus  rigoureusement  encore 
que  leurs  aînés,  dont  ils  fécondent  si  intelligemment 
l'héritage,  ils  s'en  tiennent  aux  tons  purs  et  répudient 
les  mélanges,  sur  la  palette,  incapables  de  rendre  la 
splendeur  du  décor  naturel.  D'autre  part,  si,  par  une 
méthodique  division  des  tons,  ils  veulent  restituer  les 
plus  minimes  influences  des  couleurs  entre  elles  et 
l'action  de  l'astre  sur  la  tonalité  des  objets  extérieurs, 
ce  n'est  pas  seulement  pour  obtenir  une  luminosité 
plus  grande,  c'est  surtout  pour  atteindre  la  magnifi- 
cence des  harmonies  naturelles,  en  relatant  avec  sin- 
cérité tous  les  éléments  constitutifs  de  ces  harmonies  : 
c'est  pour  réaliser  une  décoration  plus  radieuse. 

Toutes  les  lignes  et  tous  les  tons  concourent  à  la 
parfaite  expression  de  l'œuvre,  en  même  temps  qu'ils 
participent  à  l'ornementation  et  le  très  regretté  Seurat, 
dont  vous  avez  si  unanimement  compris  le  haut  eifort 
d'art,  qui  résuma  avec  netteté  la  technique  savante 
dont  ses  amis  et  lui  furent  les  initiateurs,  avait  raison 
de  dire  :  «  L'Art  c'est  l'Harmonie.  —  L'Harmonie! 
c'est  l'analogie  des  Contraires  et  l'analogie  des  Sem- 
blables, de  Ton,  de  Teinte,  de  Ligne.  —  Le  ton,  c'est  le 
Clair  et  le  Sombre.  —  La  teinte,  c'est  le  Rouge  et  sa 
complémentaire  le  Vert,  l'Orangé  et  sa  complémentaire 
le  Bleu,  le  Jaune  et  sa  complémentaire  le  Violet.  — 


66 


VA  RT  MODERNE 


La  ligne,  ce  sont  les  Directions  sur  l'Horizontale.  — 
Ces  harmonies  sont  combinées  en  Calmes,  Gaies  et 
Tristes.  —  La  gaieté  de  ton,  c'est  la  Dominante  Luini- 
neuse;  de  teinte,  la  Dominante  Chaude;  de  ligne,  les 
lignes  Montantes,  —  Le  calme  de  ton,  c'est  l'Égalité  du 
Sombre  et  du  Clair,  du  Chaud  et  du  Froid  pour  la 
teinte  ;  et  l'Horizontale  pour  la  ligne.  —  Le  triste  de 
ton,  c'est  la  dominante  Sombre;  de  teinte,  la  dominante 
,  Froide;  de  ligne,  les  directions  Abaissées.  - 

On  peut  voir,  ici  même,  dans  ce  Salon,  à  quelles 
expressives  et  magnifiques  œuvres  ornementales  par- 
vinrent quelques-uns  des  peintres  dont  la  technique  se 
formule  ainsi.  La  signification  d'une  scène  de  la  cam- 
pagne, de  la  mer  ou  de  la  vie,  le  sentiment  d'un  éclai- 
rage, l'éloquence  spéciale  du  motif  interprété  sont  rendus 
Idans  leur  intensité  et  dans  leur  caractère  et  surtout  en 
des  harmonies  merveilleusement  décoratives. 

Naturellement,  la  joie  d'une  ornementation  exquise 
ne  sera  éprouvée  que  si  cette  recherche  d'ornementa- 
tion n'est  pas  trop  évidente  et  n'a  pas  été  obtenue  au 
détriment  du  caractère  des  choses.  De  même,  la  sensa- 
tion que  le  peintre  veut  évoquer  sera  donnée  d'une  façon 
d'autant  plus  puissante  que  le  spectateur  ne  sera  pas 
trop  vite  conscient  des  procédés  de  structure  et  de  la 
méthodique  réalisation  d'une  théorie.  Le  schéma  primi- 
tif, d'où  proviennent  tout  décor  et  toute  expression,  ne 
doit  être  perçu  qu'au  cours  d'un  minutieux  examen 
ultérieur,  alors  que  le  spectateur,  après  avoir  été  vive- 
ment ému  par  l'œuvre,  veut  analyser  son  émotion.  Sans 
cela,  l'identité  systématique  et  apparente  des  directions 
de  lignes,  le  choix  trop  évidemment  intentionnel  du  ton 
et  de  la  teinte  atténueraient  notre  émotion,  en  préci- 
sant sa  cause. 

Beaucoup  des  œuvres  réalisées  selon  cette  technique 
si  réfléchie,  nous  émeuvent  par  leur  beauté  ornemen- 
tale et  leur  ample  signification,  sans  que  nous  soyions 
frappés  par  la  trop  manifeste  application  des  procédés 
théoriques.  Nous  avons,  par  elle,  des  joies  d'artistes 
vivement  impressionnés  par  l'harmonie  et  le  caractère 
d'une  composition,  non  point  des  contentements  d'es- 
thètes qui  reconnaissent  la  profitable  mise  en  pratique 
d'une  théorie. 

Dans  ces  œuvres,  le  descriptif  des  êtres  et  des  choses 
n'est  jamais  sacrifié  à  la  préoccupation  décorative  et  à 
l'amplification  du  caractère.  Elles  sont  belles  de  la  seule 
beauté  plastique,  par  la  science  des  arrangements,  les 
accords  de  lignes  et  de  tons,  en  dehors  de  toute  inten- 
tion, sans  qu'aucune  des  qualités  plastiques  essentielles 
dans  une  œuvre  peinte  soit  éludée. 

Et  pourtant,  l'intellectualité  d'un  tel  art  est  évidente. 
Ces  splendides  évocations  de  nature  dépassent  de  beau- 
coup la  réalité  et  la  pure  ornementation  extérieure. 
Elles  sont  aussi  suggestives  que  représentatives.  De  leurs 
limpides  harmonies  se  dégage  la  pensée,  s'essore  le  rêve. 


Le  grand  mystère  de  la  nature  est  par  elles  rendu^.  Cette 
peinture  satisfait  l'âme  autant  qu'elle  enchante  les 
yeux. 

Depuis  ces  tentatives,  qui  déjà  sont  concluantes,  de 
nouveaux  peintres,  personnels  aussi,  très  cérébraux  et 
généralement  bien  doués,  se  sont  affirmé  protagonistes 
d'un  art  plus  exclusivement  mystique,  symbolique  et 
décoratif.  Des  manifestations  d'ensemble  ont  permis  d'ap- 
précier leur  effort  initial  qui  doit  requérir  toute  notre 
attention,  car  il  est  réfléchi  et  paraît  sincère.  Sans  nous 
laisser  arrêter  par  des  principes  d'art  et  des  intentions 
dominatrices,  dont  nous  pouvons  discuter  la  trop  rigou 
reuse  outrance,  nous  avons  i'econnu  des  tempéraments 
fort  savamment  éduqués,  dont  nous  pouvons  attendre  de 
très  intéressantes  réalisations. 

L'examen  attentif  que  nous  avons  fait  de  cette  renais- 
sance idéaliste  me  fait  craindre  que  ces  artistes,  guidés 
par  ce  très  haut  souci  de  synthèse  et  de  décoration,  n'en 
viennent  à  annuler,  pour  l'atteindre,  la  réalité  des  appa- 
rences et  le  caractère.  La  mobilité  humaine,  les  atti- 
tudes, la  silhouette  des  êtres,  l'aspect  physiognomonique 
des  choses  sont  exagérément  déformés  jusqu'à  manquer 
de  vraisemblance  et  à  être  méconnaissables.  Or,  en  pein- 
ture, le  décoratif  n'est  acceptable  que  comme  le  prolon- 
gement, le  développement  logique  du  vrai.  Il  faut 
que,  sous  l'interprétation,  le  vrai  subsiste  et  soit  appa- 
rent. Si  l'œil  est  ému  par  les  volutes  d'un  branchage, 
par  l'arabesque  que  décrit  une  silhouette  humaine,  par 
la  noble  montée  d'un  pli  de  terrain,  par  le  dessin  sim- 
plifié d'une  croupe  de  bête  ou  d'un  amas  de  maisons,  il 
faut  encore  qu'il  retrouve,  dans  ces  délinéations  orne- 
mentales, le  caractéristique  aspect  de  l'arbre,  du  vallon- 
nement, de  l'homme,  de  la  bête,  des  maisons.  Il  serait 
injuste  de  prétendre  que  tous  les  peintres  idéistes  — 

c'est  ainsi  que  les  classifia  un  très  éloquent  critique 

poursuivent  tous,  à  ce  point  extrême,  l'ornementation, 
au  détriment  du  vrai.  Tout  au  contraire,  quelques 
talents  s'affirment  dont  vous  pouvez  ici  même  saluer 
l'aurore,  —  qui,  pondérés  et  logiques,  réalisent,  selon 
leur  technique  particulière,  de  belles  ornementations 
en  respectant  les  authentiques  aspects  de  la  nature. 
Mais  dans  maints  tableaux  qu'il  nous  fut  donné  récem- 
ment d'étudier,  nous  avons  vu  le  descriptif  et  le  carac- 
tère des  choses  compromis.  Ce  ne  sont  plus  des  simpli- 
fications de  formes,  mais  bien  des  ablations  de  formes. 
Or,  de  telles  synthèses,  destructives  du  vrai,  de  telles 
interprétations  si  distantes  de  la  réalité,  ne  peuvent  plus 
séduire  plastiquement,  même  si  elles  aboutissent  à  des 
ensembles  harmoniques.  D'ailleurs,  le  plus  souvent, 
est-ce  à  la  beauté  décorative  que  l'on  parvient?  On  ne 
dépasse  guère  une  sorte  de  déformation  pittoresque. 

Ce  qui  est  vrai  pour  le  dessin,  l'est  plus  encore  rela- 
tivement à  la  couleur.  Sous  prétexte  de  synthèse  et  de 
décoration,  on  couvre  les  toiles  de  teintes  plates  qui  ne 


restituent  point  les  lumineuses  limpidités  de  l'atmo- 
sphère, ne  donnent  point  l'enveloppement  des  choses, 
la  profondeur,  la  perspective  aérienne.  Les  valeurs  sont 
si  rapprochées  (puissent-elles  toujours  être  en  de  rigou- 
reux accords)  que  tous  les  points  d'un  tableau  semblent 
être  dans  un  plan  identique.  On  arrive  à  une  confuse 
image  qui  ne  rappelle  en  rien  l'harmonie,  précise  et 
suggestive  à  la  fois,  du  décor  naturel.  Les  protago- 
nistes de  cet  art  un  peu  déconcertant  se  réclament  des 
interprétations  synthétiques,  expressives  de  M.  Paul 
Cézanne.  Sans  doute  ses  simplifications  de  couleurs 
étaient  extrêmes  et  ses  valeurs  infiniment  proches  les 
unes  des  autres,  mais  le  plus  souvent  les  perspectives 
et  les  plans  apparaissent  dûment  établis.  Les  champs 
et  les  villes  gardent  leur  caractère,  s'enveloppent  des 
limpidités  d'une  atmosphère  immatérielle  et  se  pro- 
longent en  des  horizons  lointains  d'une  profondeur 
évidente.  La  nature  et  l'homme,  le  ciel  et  l'eau  sont 
interprétés  en  douces  harmonies  d'ensemble,  mais  tous 
les  éléments  de  ces  compositions  gardent  leur  authen- 
ticité essentielle. 

Ces  toiles,  dénuées  de  beauté  ornementale  et  de 
caractère,  qu'on  prétend  légitimer  par  les  réalisations 
de  M.  Cézanne,  en  apparaissent  comme  l'incompré- 
hensive  caricature. 

La  constante  invocation  de  ce  nom  tutélaire  nous 
ferait  croire  volontiers  que  ce  qui  les  séduit  dans 
l'œuvre  de  Cézanne,  ce  ne  sont  pas  les  toiles  belles  par 
la  logique  ordonnance  et  la  très  saine  harmonie  des 
tons,  qui  prouvent  le  rare  instinct  et  la  vision  si  per- 
sonnelle de  ce  grand  peintre,  mais  bien  d'incomplètes 
compositions  que  chacun  s'accorde,  avec  l'assentiment 
de  M.  Cézanne  lui-même,  à  juger  inférieures,  en  raison  de 
leur  arrangement  déséquilibré  et  d'un  coloris  vraiment 
trop  confus.  Jadis,  aux  temps  héroïques  du  natura- 
lisme, on  se  plaisait  à  exalter  la  bizarrerie,  la  fortuite 
construction  de  certaines  toiles  de  ce  peintre.  On  admi- 
rait ainsi,  sans  y  prendre  garde,  l'une  des  tares  trop 
fréquentes  de  son  talent.  Aujourd'hui  ce  sont  des 
défectuosités  de  couleurs  qu'on  admire,  au  nom  d'autres 
principes.  Il  faut  que  la  réputation  de  M.  Cézanne  soit 
solidement  assise  pour  résister  à  de  si  malencontreuses 
glorifications.  Ce  que  nous  devons  retenir  de  son  art 
sincère,  si  simplificateur,  c'est  la  synthèse  de  lignes  et 
de  tons  en  vue  de  l'ornementation,  son  respect  des 
valeurs,  son  dessin  caractéristique. 

Mais  pour  beaucoup  de  peintres  aujourd'hui,  s'agit-il 
bien  de  valeurs,  de  dessin  savant,  d'harmonies  de  lignes 
et  de  tons,  de  lumière?  Les  essentielles  qualités  plas- 
tiques semblent  tomber  en  désuétude  dans  les  Arts 
plastiques.  —  On  semble  se  soucier  avant  tout  d'expri- 
mer des  idées,  de  réaliser  des  théories.  C'est  l'intention 
qui  prédomine.  La  peinture  devient  littéraire  et  philoso- 
phique. La  science  et  les  dons  du  peintre  sont  secon- 


daires :  ce  qui  importe,  c'est  le  degré  de  symbole,  de 
mystère  et  de  foi.  On  oublie  vraiment  que  dans  les  arts 
de  représentation,  l'idée  doit  être  subordonnée  à  la 
pure  beauté  plastique  et  se  dégager  d'elle  par  surcroît. 

Nul  plus  que  nous  n'est  épris  d'intellectualité,  de 
haute  expression  idéale.  Ce  nous  est  une  joie  quaad  une 
scène  ou  un  aspect  de  la  vie  caractéristiquement  rendu, 
décorativement  interprété,  nous  révèle  sa  philosophie 
et  traduit  un  peu  le  troublant  mystère  dont  toujours  les 
choses  de  la  nature  sont  enveloppées.  Mais  nous  aimons 
que  cette  signification  idéale  soit  atteinte,  sans  qu'il 
en  coûte  rien  à  la  beauté  plastique.  —  Ou,  si  l'idée  est 
prédominante,  complexe  et  veut  de  tels  sacrifices,  elle 
doit  être  rendue  par  les  modes  d'expression  littéraires. 

Actuellement,  des  peintres  bien  intentionnés,  trop 
intentionnés,  qui  réaliseraient  d'une  manière  bien  plus 
féconde  leur  vision  intéressante,  s'ils  étaient  un  peu 
plus  peintres  et  moins  littérateurs,  se  préoccupent  tout 
d'abord  de  pensée,  de  mystère,  de  suggestion  psychique. 
Ils  n'assemblent  pas  des  lignes  et  des  tons,  ils  ne  rendent 
pas  le  caractère  des  choses,  ils  expriment  des  idées  !  Et 
nous  avons  l'étonnant  spectacle  de  critiques  s'excla- 
raant  à  la  vue  d'une  de  ces  œuvres,  à  égalt  distance  de 
la  littérature  et  de  la  peinture  :  «  Voilà  de  la  philoso- 
phie et  de  l'idéalité.  Voilà  une  expression  synthétique 
et  générale  » .  Mais  nous  préférerions  savoir  les  raisons 
d'ordre  plastique  pour  lesquels  nos  critiques  ont  été  si 
favorablement  émus. 

En  développant  ces  tendances  trop  littéraires,  on  se 
créera  une  esthétique  complètement  en  dehors  des  con- 
ditions du  Beau.  Jadis,  nous  nous  accordions  tous  à 
railler  les  gens  au  goût  peu  éduqué  qui,  sans  s'inquiéter 
des  qualités  picturales  d'une  œuvre,  la  trouvaient  belle  à 
cause  de  son  sujet  gracieux.  Le  critérium  trop  idéal 
que  nous  tendons  à  avoir,  pour  être  un  peu  plus  haut 
et  témoigner  de  plus  nobles  préoccupations,  n'en  est 
pas  moins  improbant  et  nous  devrions  totalement  nous 
en  dégager.  • 

Si  nous  n'en  avons  cure,  —  il  faut  que  le  souci  de 
notre  réputation  posthume  nous  rende  vigilants;  les 
arrière-neveux  se  gaussent  si  volontiers  des  erreurs 
ancestrales  !  —  nous  arriverons  à  cette  très  bizarre 
esthétique,  philosophique,  religieuse,  voire  même  poli- 
tique, selon  laquelle  les  œuvres  picturales  se  répar- 
tissent en  deux  classes  :  celles  "  qui  représentent  des 
sujets  nobles  ;  celles  qui  restituent  des  vulgarités. 

Laissons  ces  principes  d'art  aux  Sars  qui,  si  joyeu- 
sement, les  manifestent.  Que  notre  conscience  du  Beau 
nous  sauve  de  la  magie,  si  gracieuâement  plaisante 
quand  elle  édifie  ses  systèmes  subtils,  mais  vraiment 
dénuée  de  drôlerie  lorsqu'elle  codifie  ses  maximes  d'art. 
Que  la  crainte  des  bouffonnes  attitudes  nous  rende,  par 
réaction,  plus  que  jamais  épris  en  peinture  de  la  beauté 
plastique.  Et  que  les  peintres,  susceptibles  d'embellir 


T" 


68 


L'ART  MODERNE 


si  magnifiquement  le  décor  de  notre  vie,  nous  laissent 
le  morne  ennui  d'être  littérateur,  remueurs  d'idées  et 
abstracteurs  de  quintessence 


CAVALLERIA  RUSTICANA 

Nous  sommes  mal  placés  pour  juger,  en  toute  liberté  d'esprit, 
une  œuvre  du  genre  de  cette  Cavalleria  Riisiicatia,  qm  emprunte 
5  sa  lerrei  d'origine,  au  soleil  d'Italie,  au  caractère  méridional, 
à  des  influences  locales  qui  nous  échappent,  la  grosse  part  du 
succès  qui  l'accueillit  à  ses  débuts. 

A  l'apprécier  sous  l'angle  habituel  de  notre  critique,  la  parti- 
tion est  nulle.  Si  elle  avait  été  écrite  par  quelque  musicien  belge, 
fût-ce  par  l'auteur  de  la  Nuit  de  Noël  lui-même,  on  eût  arrêté 
net  la  représentation  par  une  bordée  de  sifflets.  Il  est  difficile 
'd'imaginer  enfilade  plus  hétéroclite  de  trivialités  et  de  rémi- 
niscences. Gounod  y  coudoie  Bizel,  Verdi  y  tend  sournoisement  la 
main  à  Massenel,  et  le  raccord  est  fait  à  coup  de  grossières 
inventions  qui  feraient  merveille  dans  des  marches  militaires, 
mais  qui  semblent  singulièrement  déplacées  dans  ce  que  pom- 
peusement les  affiches  intitulent  un  a  drame  lyriqiie  ». 

Quand,  au  défilé  de  ces  platitudes,  on  songe  que  c'est  au 
Théâtre  de  la  Monnaie  et  non  dans  la  salle  de  la  Scala  qu'on 
exécute  cette  parade  musicale,  quand  on  se  rappelle  que  le  chef 
d'orchestre  qui  conduit  cette  bamboche  dirigeait  hier  Lohengrin, 
que  ce  sont  les  musiciens  qui  ont  joué  les  Maîtres-Chanteurs, 
la  Valkyrie  et  Siegfried  à  qui  incombe  le  douloureux  devoir  de 
faire  valoir  les  tripotages  mélodiques  de  M.  Pietro  Mascagni,  et 
que  les  solistes  qui  dépensent  un  réel  talent  à  masquer  les  vides 
de  cette  bizarre  élucubration  sont  M""  de  Nuovina,  M"»  Wolf, 
M.  Seguin,  M.  Dupeyron,  l'envie  naît  de  se  fâcher  contre  l'énor- 
mité  de  cette  atteinte  au  goût  et  au  respect  des  choses  artistiques, 
la  fièvre  de  casser  quelque  chose,  de  crier,  de  faire  du  scandale, 
saisit  impérieusement. 

En  Italie,  où  l'unique  préoccupation  de  se  distraire  remplit  les 
salles  de  spectacle,  où  l'impression  d'art  est  confondue  avec  les 
sensations  violentes  que  fait  éprouver  un  gros  drame  populaire, 
un  tableau  aux  colorations  criardes,  un  feuilleton  plein  d'horreurs, 
l'accueil  fait  à  Cavalleria  Ruslicana  peut  se  justifier.  La  musique 
tient  un  rôle  accessoire,  et  la  nouvelle  de  Verga,  concise  et 
brutale,  mise  en  scène  en  un  acte  précipité,  a  «  emporté  le 
morceau  ». 

On  connaît  le  sujet  de  ce  petit  drame.  La  maîtresse  du  bersa- 
gliere  Turridu  apprend  que  son  amant  la  trompe  avec  une  femme 
qu'il  a  aiméeiadisel  quis'est  mariée  pendant  qu'il  était  au  service. 
Elle  révèle  sa  trahison  au  mari,  qui  provoque  le  soldat  et  le  tue. 
Le  tout  se  passe  avec  une  rapidité  foudroyante,  dans  le  décor 
ensoleillé  d'un  village  sicilien,  entre  l'église  et  le  cabaret,  les 
cloches  sonnant  les  offices  du  saint  jour  de  Pâques. 

Il  y  a,  dans  la  nouvelle  de  Verga,  qui  nous  était  connue  grâce  à 
la  traduction  qu'en  a  publiée  M.  Georges  Eekhoud,  des  détails 
savoureux,  des  scènes  de  mœurs,  de  la  vie  et  de  la  passion.  Au 
théâtre,  ainsi  qu'il  arrive  habituellement,  on  a  remplacé  les 
nuances  par  des  harmonies  brutales  et  les  jolies  scènes  décrites 
par  le  romancier  dégénèrent  en  chansons  â  boire,  en  «  brindisis  » 
en  duos  traditionnels,  en  chœurs  orphéoniques. 

La  charpente  seule  du  drame  apparaît,  taillée  à  coups  de  hache. 
C'est,  k  noire  point  de  vue,  insuffisant.  Ce  qui  demeure,  c'est  le 


mouvement,  un  mouvement  endiablé,  accentué  par  la  mimique 
italienne  auxquels  se  livrent  avec  prodigalité  les  acteurs. 

Ces  gestes,  ces  courses  folles  à  travers  la  scène,  ces  exclama- 
tions, ces  poings  levés,  ces  couteaux  brandis,  ces  à-bras-le-corps, 
une  oreille  mordue,  des  cris^  c'est  la  plus  nette  impression  qui 
subsiste  dans  la  mémoire  de  l'histoire  méridionale  mise  en 
musique  par  M.  Mascagni,  et  que  décidément,  avec  notre  tempé- 
rament et  nos  idées  artistiques,  nous  ne  sommes  pas  aptes  â 
apprécier.  

Deuxième  Concm't. 

Le  Chant  de  la  Cloche,  donl^  on  a  pu  exécuter  mardi  dernier 
un  fragment,  grâce  à  la  confraternité  artistique  dos  cinquante 
musiciens  qui  ont  gracieusement  (le  fait  est  peut-être  unique 
dans  les  annales  de  l'Orchestre!)  prêté  h  M.  Vincent  d'indy  leur 
précieux  concours,  a  remporté,  en  1885,  le  prix  de  la  Ville  de 
Paris.  L'œuvre,  qui  comprend  sept  tableaux  et  un  prologue  (soli, 
orchestre  et  chœurs),  a  été  exécutée  intégralement  au  début  de 
l'année  suivante,  et  à  deux  reprises,  par  M.  Lamourcux,  avec 
M.  Ernest  Van  Dyck  et  M"'«  Brunet-Lalleur  dans  les  rôles  de 
Wilhelm  et  de  Lénore.  L'impression  a  été  telle  que  son  auteur  a 
été,  d'emblée,  classé  parmi  les  premiers  musiciens  de  l'époque. 
On  sait  que  ses  compositions  récentes  (nous  citerons  entre  autres 
la  Symphonie  pour  orchestre  et  piano  sur  un  chant  montagnard 
français,  le  trio  pour  piano,  clarinette  et  violoncelle,  le  quatuor 
pour  piano  et  cordes  et  le  quatuor  d'archets,  qui  ont  toutes  figuré, 
en  première  audition,  aux  programmes  des  expositions  musicales 
vingtistcs)  ont  confirmé  la  réputation  artistique  que  s'était  acquise 
l'auteur  de  la  Cloche  et  de  Wallenstein.'Sa  personnalité  s'est  net- 
tement accusée.  Elle  est  aujourd'hui  entièrement  dégagée  des 
influences  wagnériennes  que  subit  inévitablement,  à  notre  époque, 
tout  musicien  soucieux  d'échapper  aux  banalités  des  formules 
traditionnelles.  Son  art  s'est  précisé  en  des  tournures  mélodiques 
d'une  distinction  suprême,  soutenues  par  des  harmonies  neuves 
et  rares,  portées  par  une  instrumentation  d'une  richesse  et  d'une 
variété  inégalées.  A  son  tour,  il  fait  école,  et  il  n'est  guère,  dans 
la  jeune  et  enthousiaste  génération  des  musiciens  français  con- 
temporains, de  compositeurs  qui  ne  lui  soumettent,  avant  de  la 
terminer  et  de  la  produire,  l'œuvre  en  gestation.  Les  conseils  et 
les  encouragements,  il  les  donne  généreusement,  attentif  aux 
efforts  des  nouveaux  venus,  heureux  et  fier  de  l'essor  que  prend, 
autour  de  lui,  l'art  musical  qu'il  aime  avec  passion  et  dont  il  a 
étudié  toutes  les  manifestations  depuis  ses  plus  lointaines  ori- 
gines. 

M.  d'indy  travaille  actuellement  à  la  composition  d'un  drame 
lyrique  dont  il  a,  ainsi  que  le  faisait  Wagner,  écrit  lui-même  le 
sujet.  A  ce  propos,  M.  Hugues  Imbert  a  écrit  : 

«  L'avenir  dira  si  ce  compositeur  qui,  parmi  les  jeunes,  est 
l'une  des  organisations  les  plus  surprenantes  et  dont  les  premières 
œuvres  révèlent  déjà,  en  tant  que  symphoniste,  un  talent  plein 
d'originalité  et  de  vigueur,  ne  deviendra  pas  en  France  l'un  des 
représentants  du  Drame  musical  tel  que  l'ont  rêvé  ou  réalisé  en 

toutes  parties  Gluck,  Weber,  Berlioz,  Rêver,  Wagner,  qui 

entraîne  la  disparition  des  formes  nrianiérées,  des  vieux  moules 
légués  par  le  passé  et  comporte  les  transformations,  les  innova- 
tions qui  ne  sont  en  réalité  que  la  loi  de  la  nature  (1).  » 

(1)  Profils  de  musiciens.    Paris,  Fischbacher,  1888. 


f 


Ê:<*-i 


LART  MODERNE 


69 


Ceci  dit,  cl  noire  désir  réalisé  d'éclairer  ceux  qui  pouiniienl 
ignorer  la  personnalité  de  premier  ordre  que  les  XX  onl  eu 
l'honneur  de  présenter  au  public  desconcerts,  passons  rapidemenl 
en  revue  les  œuvres  inlerprélées  à  la  deuxième  audition  desA'T, 
œuvres  inconnues  à  Bruxelles,  bien  que  quelques-unes  d'enlro 
elles  dalenl  déjà  de  quelques  années. 

Tel  est  le  cas  du  Quatuor  pour  piano,  violon,  allô  et  violon- 
celle d"Alexis  de  Casiillon,  qui  ouvrait  la  séance.  Caslillon, l'un  des 
disciples  de  César  Franck  qui,  avec  Gabriel  Fauré  et  Vincent 
d'Indy,  régénéra  en  France  la  musique  de  chambre,  est  mort  en 
4 873, à  l'ûgedeSS  ans,  laissant  un  grand  nombre  de  compositions 
de  sérieuse  valeur  dont  plusieurs  sont  restées  inédites.  L(s  XX 
ont  fait  connaître  l'année  dernière  son  trio  pour  piano,  violon  et 
violoncelle.  On  se  rappelle  le  succès  que  remporta  celle  œuvre, 
aussi  distinguée  d'idées  que  de  facture. 

On  retrouve  les  mêmes  qualités  dans  le  Quatuor  (op.  7),  mer- 
veilleusement joué,  mardi  dernier,  par  MM.  Vincent  d'Indy,  E. 
Ysaye,  Van  Houl  et  J.  Jacob.  Castillon  possédait  l'art  de  dévelop- 
per une  mélodie  et  de  la  conduire  à  travers  les  enchevêtrements 
polyphoniques  jusqu'à  son  épanouissement  avec  une  remarqua- 
ble aisance  d'écriture.  Son  style,  où  se  retrouve  parfois  l'intluence 
de  Schumann,  a  une  rare  noblesse.  On  ne  conçoit  pas  qu'il  ait 
fallu  vingt  années  pour  qu'on  connût  à  Bruxelles  un  musicien 
dont  la  place  est  marquée  à  côté  des  maîtres  de  la  musique  de 
chambre. 

Cette  belle  œuvre  formait,  avec  le  deuxième  tableau  du  Chant 
ile  la  Cloche,  l'a  pièce  de  résistance  du  concert. 

Le  succès  du  Chant  de  la  Cloche  a  été  énorme.  On  a  rappelé 
avec  enthousiasme  l'auteur  et  les  interprèles.  M™«  FIon-Botman, 
dont  la  voix  vibrante  a  été  très  appréciée  dans  le  rôle  de 
Lénore,  et  M.  Cheyrat,  dont  l'organe  harmonieux  rappelle,  dans 
un  registre  plus  élevé,  celui  de  M.  Seguin,  M.  Geyaerl,  qui 
assistait  à  la  séance,  a  vivement  félicité  le  compositeur  et  les 
exécutants  et  exprimé  le  désir  que  l'œuvre  fût  montée  aux 
Concerts  populaires.  En  attendant,  ceux  qui  voudront  entendre  la 
légende  dramatique  de  M.  d'Indy,  pourront  assister,  le  30  mars, 
à  Amsterdam,  à  une  exécution  complète  sous  la  direction  de 
M.  Violta,  qui  dispose  d'un  orchestre  excellent  et  de  quatre 
cents  choristes. 

Citons,  pour  finir,  les  pièces  de  moindre  envergure  de  ce  pro- 
gramme de  choix  :  les  Paysages  tristes  de  Verlaine,  très  littérai- 
rement mis  en  musique  par  M.  Charles  Bordes,  le  jeune  maître  de 
chapelle  de  St-Gervais,  chantés  avec  un  sentiment  juste  par 
M™^  Flon-6otman;  le  Jour  des  Morts,  impressionnante  et  péné- 
trante composition  pour  chœur  de  voix  de  femmes  et  soli,  pleine 
d'effets  vocaux  ingénieux,  de  M.  Louis  de  Serres  (solistes  :  M"'*  de 
Serres  et  Miss  Salter),  un  chœur  extrait  de  Hulda,  le  drame 
lyrique  inédit  de  César  Franck,  et  la  Joyeuse  marche  de  Chabrier, 
exécutée  dans  sa  version  originale,  c'est-à-dire  au  piano,  à  quatre 
mains.  On  ignore  généralement  que  celte  spirituelle  fantaisie,  qui 
décèle  la  verve  exubérante  et  ironique  de  Chabrier,  forme  le 
second  volet  d'un  dyptique  musical  dont  le  premier, '/,«me?îto, 
est  resté  inédit.  L'auteur  a  orchestré  plus  lard  sa  Joyeuse  marche, 
qui  a  été  jouée  à  maintes  reprises  par  M.  Lamoureux.  Elle  a  eu, 
sous  celle  forme,  l'été  passé,  une  exécution  au  Waux-Hall  de 
Bruxelles,  mais  l'interprétation  défectueuse  n'a  pas  permis  d'ap- 
précier à  sa  valeur  cette  composition  railleuse,  imprévue  de 
forme  et  d'effets. 

Une  séance  complémentaire  de  musique  française,  avec  les 


noms  de  MM.  Chcvillard,  Chausson,  G.  Fauré,  P,  do  Bréville, 
A,  Magnard,  au  programme,  clôturera,  vendredi  prochain,  le 
cycle  des  concerts  des  XX.  La  présence  de  MM,  Chevillard  et 
Chausson,  la  collaboration  du  quatuor  Ysaye,  le  choix  des 
solistes  :  M"«  Cécile  Thévenet,  M.  Cheyrat,  M.  Pierret,  permeltenl 
d'espérer  que  celte  troisième  séance  aura  le  même  intérêt  ariis- 
lique  que  les  précédentes. 


Épilogue  du  banquet  à  M'^''  Beernaert. 

»  J'atteste  que  désormais  aucun  de  ceux 
(jui  sont  ici  ne  pourra  compter  sur  mon 
intervention  pour  n'importe  quelle  démar- 
che, pour  n'importe  quelle  faveur.  Désormais 
pour  ceux-là  ma  porte  est  fermée  et  mes 
oreilles  aussi.  Cet  engagement  d'honneur  est 
digne  de  vous  tous,  comme  je  le  crois  digne 
de  moi,  car  il  restitue  k  cette  réunion  la 
pureté  et  la  noblesse  d'ii.tention  sans  les- 
quelles elle  méritei  ait  le  nom  de  courtisa- 
nerie  qui  a  été  prononcé  ailleurs  à  son 
sujet.  •• 

Paroles  pro>io)u:ées'  au  ba)U}uel  du  2S  février . 

Voici  les  noms  des  artistes  qui  ont  participé  au  serment  du  Jeu 
de  paume,  dont  M"*  Beernaert  a  été  le  Bailly,  en  énonçant  la 
fière  formule  reproduite  ci-dessus  en  épigraphe.  Honneur!  trois 
fois  honneur  à  ces  vaillants  et  à  ces  purs  !  Combien  nous  regret- 
ions  de  ne  pas  nous  être  trouvés  parmi  eux.  On  se  retrempe  parmi 
les  héros.  Mais  l'excès  de  scrupule  induit  en  ces  maladresses. 
Chacun  de  nous  en  fait  humblement  son  confitcor.  Pour  une  fois 
l'Art  moderne  a  manqué  de  flair.  \ 

M.  Abry,  M"«  Ardrighetli,  MM.  H.  Arden,  A.  Asselbergs,  Baert- 
soen.  Baron,  Bayart,  Bekaert,  H.  Bayaert,  Blanchaert,  Blanc-Garin, 
Biot,  Blomme,  L.  Bonet,  Bourlard,  Broerman,  Breydel,  Ganneel, 
L.  Gardon,  Carpentier,  Gériez,  Charlier,  Glaus,  P.  Clays,  Cluyse- 
naer,  Félix  Gogeu,  Alph.  Cogen,  Coosemans,  Copman,  Crabbeels, 
M"«  Gornette,  M.  Gourteas,  M"«  Gusseueers,  MM.  Dael,  A.  Dandoy, 
M"e'  de  Bièvre,  S.  de  BourtzofT,  N.  de  Bourtzoff,  M.  De  Groot, 
M"®  De  Hem,  baron  de  Haulleville,  comte  de  Lalaing,  MM.  Del- 
gouffre,  DeirÀcqua,  Delpérée,  Demanez,  Den  Duyts,  De  Mathelin, 
de  Pierpont,  de  Saint-Cyr,  Desenfans,  de  Taeye,  de  Tombay,  J.  de 
Vriendt,  A.  de  Vriendt,  M"«  Dielman,  MM.  P.  de  Vigne,  Dieltjens, 
J.  Dillens,  M""  Bonnet- Puraye,  MM.  Drion,  Ed.  Fétis,  Fraikin, 
Gislain,  Guffens,  M""  Mary  Guillou,  MM.  Hambresin,  Helbig, 
Hennebicq,  Impens,  Jacobs,  H.  Janlet,  E.  Janlet,  Janssens,  P.  Koch, 
Jef  Lambeaux,  Lamorinière,  Le  Mayeur,  Hen.  Le  Roy,  H.  Le  Roy, 
Malfait,  M"*  Marcotte,  MM.  Massaux,  Franz  Meerts,  X.  Mellery, 
G.  Meunier,  J.-B.  Meunier,  M"®  Meunier,  MM,  l.  Meyers,  Michotte, 
Middeleer,  Mignon,  Montald,  Montigny,  Moonens,  Musin,  Namur, 
Portaels,  Quinaux,  RofiBaen,  Rosseels,  Rosier,  Rotthier,  Seghers, 
Slingeneyer,  Smekens,  Soil,  Stroobant,  Trulin,  Tschaggeny, 
T'Scharner,  Tuipinck,  Tytgadt,  Ubaghs,  Uyllerschaut,  van  Aise,  van 
Damme,  van  den  Bussche,  van  den  Eycken,  van  der  Ouderaa,  van  der 
Stappen,  van  Eeckhout,  vau  Hamnhée,  van  Havermaet,  van  Hove, 
van  Kuyck,  F.  van  Leemputten,  G.  van  Leemputten,  M"*  van  Mulders- 
Triest,  MM.  van  Overbeek,  van  Ryn,  van  Severdonck,  M™«  B.  van 
Tilt,  MM.  van  Ysendyck,  Verheyden,  Verstraete,  Wytsman, 
M™«  Wytsman. 

A  notre  grand  étonnement  nous  avons  lu  dans  la  Fédération 
artistique  un  toast  de  M.  Slingeneyer  et  une  réponse  à  M"*  Beer- 
naert, fort  différents  de  ceux  que  nous  avons  publiés  dimanche 
dernier. 

Il  est  singulier  qu'un  journal  d'ordinaire  si  bien  informé  et 
dirigé  par  des  hommes  d'une  si  rare  pénétration,  se  soit  laissé 
mystifier  à  ce  point. 

La  Chronique  (dont  la  finesse  est,  il  est  vrai,  proverbiale)  na 
pas  été  prise  à  cette  grosse  plaisanterie.  Elle  nous  a  fait  l'honneur 
de  reproduire  la  partie  essentielle  du  discours  de  Mi'«  Beernaert. 
Nous  la  remercions  vivement  de  celte  preuve  d'intelligence  et  de 


celte  marque  de  haute  confralernil(5,  justifiée,  du  icste,  par  In 
sympathie  que  nous  n'avons  cessé  de  montrer  pour  sa  polémique 
invariablement  impartiale  et  d'un  ton  si  élevé. 

Nous  remercions  aussi  la  Fédémlion  artislique  de  la  paternelle 
leçon  qu'elle  a  bien  voulu  nous  donner  dimanche  dernier,  en  ce 
qui  concerne  la  sottise  que  nous  avons  faite  en  publiant  la  lettre 
où  M.  Louis  Dei-mer  promettait  des  claques  b  divers  très  honora- 
bles citoyens  s'ils  se  permettaient  de  lui  demander  compte  de  la 
façon  dont  il  avait  appris  les  détails  pittoresques  de  la  réunion 
préparatoire  au  banquet.  Nous  croyons  que  jusqu'ici  personne  no 
s'est  présenté  pour  les  encaisser.  Cette  prudence  mérite  les  plus 
grands  éloges.  Pour  notre  part  nous  serons  reconnaissants  li 
l'éminent  directeur  de  !'«  Organe  hebdomadaire  des  intérêts  artis- 
tiques, littéraires  et  scientifiques»,  s'il  daigne  encore,  dans  toutes 
les  conjonctures  critiques,  nous  aider  des  conseils  de  son  impec- 
cable compétence  eiï*loutes  matières  et  de  sa  vieille  expérience. 


SALON   DES    XIII 

{Correspondance  particulière  de   l'Art  moderne.) 

Aessaycr  une  hautaine  et  pure  Critique,  on  regagne  vite  en 
férocité  juste  et  tranquille  ce  qu'on  y  perd  en  camaraderies.  Au 
bout  d'un  rien  de  temps  on  aboutit  à  l'imperturbable  sourire,  là 
où  avant  cet  •«rdu  volontariat,  on  se  fût  désordonnément 
indigné. 

Quelques  mains  qui  se  retirent  —  et  les  plus  sales  les  pre- 
mières !  —  quelques  léies  qui  se  détournent  —  combien  peu 
regrettées  !  —  quelques  liens  d'amitié  —  combien  fragile  et  peu 
sincère  !  —  qui  se  rompent,  haussent  assez  vite  à  un  détache- 
ment absolu,  b  une  indifférence  totale  des  conséquences  ! 

[|  s'opère,  par  son  fait,  autour  de  soi  un  enviable  nettoyage, 
car  je  ne  crois  pas  qu'on  puisse  y  perdre  une  seule  précieuse  et 
réelle  amitié. 

La  susceptibilité  d'aucuns  émeut  plus  —  quoiqu'il  n'y  paraisse 
plus  —  que  les  menaces  d'autres,  qui  ne  sont  dangereuses  que 
pour  ceux  qui  les  profèrent,  puisque  la  peur  enhardit  les  timides 
—  comme  nous!  En  tous  points,  les  XIII  ont  tort  de  s'imaginer 
poursuivis,  de  le  clamer.  Les  pompeux  éloges  de  la  presse 
doivent  les  avoir  édifiés.  Et  quant  à  notre  appréciation,  ne  sied-il, 
pour  la  plupart  d'entre  eux,  de  la  craindre  ni  d'en  avoir  cure.  La 
garantie  qu'ils  ont  que  nous  ne  nuirons  en  rien  à  leur  intérêt, 
ni  k  l'écoulement  de  leurs  marchandises,  les  aurait. dû  rassurer 
pourtant  ! 

L'altitude  hostile  et  peu  confraternelle  des  XIII  ne  s'explique 
donc  pas  vis-à-vis  de  nous,  si  elle  peut  s'expliquer  vis-à-vis  des 
autres  cercles  avec  lesquels  il»- rentrent  en  lutte. 

La  lutte  pour  la  vente  !  —  lors,  plus  qu'il  n'y  paraît  même,  les 
XUl  sont  un  cercle  de  combat.  Ils  sont  à  môme  de  défier  la 
concurrence  et  ruineront,  c'est  notre  avis,  à  bref  délai  les  exploi- 
tations analogues  existantes. 

Nous  ne  dissimulons  pas  une  très  réelle  curiosité  pour  l'issue 
de  celte  lutte,  où  pas  mal  des  pires  ennemis  des  tentatives  nova- 
trices d'an  s'entre-dévoreront.    Nous  avons  foi  en  les  estomacs 
en  l'appétit  des  XIII. 

Le  combat  se  restreindra,  d'ailleurs,  et  bientôt  ! 

L'Als  ik  kan  se  suicide,  en  dispersant  ses  meilleures  forces 


un  peu  partout.  Le  Cerc.le  artistique  croulera  ;  la  vieille  bâtisse 
est  à  la  merci  du  premier  venu  qui  lèvera  un  peu  haut  la  jambe 
contre  les  piliers  de  son  vestibule  humide;  reste  la  très  puissante 
et  très  riche  Société  }wur  l'encouragement  des  Beaux-Arts. 

Mais  cette  vieille  fille-mère,  qu'une  régulière  et  triennale  mise 
bas  —  depuis  conVbien  de  temps  !  —  usait  assez,  s'est  sentie 
piquée,  à  la  suite  de  son  dernier  et  mémorable  Salon,  par  les 
critiques  d'une  presse  peu  galante.  El  depuis,  elle  prend  des  airs 
froissés.  Blottie  sous  le  molédredon  de  sérénité  et  d'inaction,  où 
elle  se  la  coulait  douce  pendant  trois  longpes  années,  elle  conser- 
vait quelque  chance  de  grossir  conséquemment.  Aifjourd'hui,  elle 
se  découvre,  rentre  dans  la  mêlée  et  pas  mal  forte  en  gueule  et 
rêve.,  comme  une  vraie  jeune  femme,  de  faire  son  jeune  tous  les 
ans. 

II  sera  assez  burlesque  de  voir  comment  la  vieille  courbaturée 
fi'ra,  pour  relever  le  gant  que  lui  ont  lancé  les  divers  jeunes 
cercles. 

Ceux  qui  espèrent  de  cette  succession  de  Salons,  de  cette 
rivalité  de  cercles  un  relèvement  du  niveau  d'art  à  Anvers  se 
trompent.  On  ne  peut  greffer  sur  un  arbre  mort. 

D'ailleurs,  plus  «  ça  »  se  suit,  plus  «  ça  »  se  ressemble  ;  et  le 
Salon  des  XIII  donne  l'illusion  d'une  salle  du  dernier  ou  du 
prochain  salon  triennal,  dans  laquelle  on  aurait  rassemblé  le 
dessus  du  panier. 

L'esprit,  la  tendance  d'art  sont  identiques.  Tous  les  membres 
(les  XIII  exposent  aux  Beaux-Arts,  tous  leurs  invités  y  furent  ou  y 
seraient  les  bienvenus.  Tout  au  plus,  cette  exposition  actuelle 
donne-t-elle  aux  jurys  officiels  une  leçon  de  sélection  qu'ils 
feront  bien  de  méditer. 

Toutes  innovations,  toute  hardiesse  soigneusement  bannies  ! 
—  el  le  seul  artiste  du  groupe  qu'elles  séduisent,  s'est  relégué  si 
près  de  la  porte,  qu'il  n'a  qu'un  pas  à  faire  pour  être  dehors.  — 
Leurs  invitations  s'arrêtent,  pour  la  France  à  Roll,  à  de  très  sages 
lîesnard,  à  Carrière  ;  en  Hollande  à  Israéls,  en  Angleterre  à 
James  Gulhrie,  Henry  Moore,  en  Norwège  à  Thaulow.  Au 
surplus,  tous  des  puissants  —  par  eux-mêmes  ou  par  ceux  qui 
les  protègent  —  auprès  desquels  les  bénéfices  de  la  courlisanerie 
ne  sont  pas  perdus. 

Car  voilà  la  véritable  atmosphère  de  ce  Salon  :  on  y  flatte  les 
invités,  on  y  flatte  tous  les  goûts  du  public,  on  s'y  flatte  soi-même 
en  ses  œuvres,  qu'on  a  eu  soin  de  faire  valoir  par  un  truc  pano- 
ramique —  l'immense  vélum  —  et  qui  s'offrent  mensongères  de 
clartés  qu'elles  n'ont  pas,  vibrantes,  pour  la  plupart,  d'une  lumi- 
nosité d'emprunt  el  d'une  fraîcheur  qu'elles  ne  retrouveront  pas 
au  changement  d'étal. 

Une  dame  a  pu  dire,  qui  avait  assisté  la  veille  à  l'ouverture  des 
XX  :  «Je  sens  derrière  les  œuvres  des  XX  quelque  chose  qui  me 
captive,  mais  que  je  ne  comprends  pas  et  que  je  ne  retrouve  pas 
ici,  aux  XIII  !» 

Ce  «  quelque  chose  »  n'est  rien  autre  que  le  sens  artistique  et 
la  dignité  de  l'artiste!  —  Que  les  XIII  ne  s'étonnent  de  trouver 
notés,  ici,  un  choix  de  noms,  d'œuvres  !  Nous  sommes  trop  las 
pour  un  repêchage  de  choses  méritantes,  trop  navrés  du  contact 
et  des  souillures  que  ceux  que  nous  y  aimons  s'infligent,  trop 
intimement  convaincus  de  l'inutilité  pour  l'Art  de  leur  associa- 
lion,  pour  nous  attarder  plus. 

V. 


L'ART  MODERNE 


71 


"Petite   chroj^ique 


M""  Marguerite  Rolland,  du  Théâlre  du  Parc,  a  lu  hier,  au 
Salon  dos  XX,  devant  un  auditoire  très  attentif  d'artistes  et  de 
jolies  femmes,  quatre  pièces  de  Camille  Lemonnier  :  L'instiiit- 
Irice,  A  la  peunioii,  la  Jeune  fdle  à  la  fenêlre  et  le  Corps  du 
Christ.  Ces  quatre  proses,  judicieusement  choisies  et  variées  de 
sentimonl,  l'artiste  les  adiies  avec  une  grande  finesse  et  avec  une 
parfaite  justesse  d'expression. 

Elle  a  donné  b  chacune  d'elles  la  vie  de  l'action.  Aussi  son 
succès  a-t-il  été  1res  vif. 

L'intérêt  de  cette  matinée  consistait  ailssi  dans  celle  tentative 
nouvelle  :  maintenir  l'atieniion  et  l'impression  artistique  d'une 
assemblée,  par  le  seul  prestige  de  pièces  d'un  même  auteur,  de 
morceaux  littéraires  au  sens  absolu  du  mot,  dégagées  de  toute 
concession  faite  pour  amuser  l'auditeur.  A  cet  égard,  l'expérience 
a  été  concluante.  La  sincérité  d'accent  des  nouvelles  de  Camille 
Lemonnier,  la  grandeur  lyrique  qui  marque  spécialement  la  Mort 
du  Clirisl,  et  c^tte  pièce  charmante  de  demi-caractère,  In  Jeune 
fille  à  la  fenêtre,  ont  fait  sur  le  public  une  profonde  impression. 

Le  troisième  et  dernier  concert  d'œuvrcs  modernes  organisé 
par  les  XX,  dans  les  locaux  de  leur  Exposition,  est  fixé  à 
VENDREDI  prochain,  4  mars,  à  2  h.  1/2. 

On  y  entendra,  en  première  audition,  des  œuvres  instrumen- 
tales inédites  de  MM.  E.  Chausson  et  C.  Chevillard,  interprétées 
par  MM.  E.  Ysaye,  Crickboom,  Biermasz,  Van  Hout,  Jacob  et  par 
M.  Pierret,  pianiste;  des  œuvres  vocales  de  MM.  Fauré,  P.  de  Bré- 
ville,  A.  Magnard  et  J.  Tiersot,  chantées  par  M""  Cécile  Thévenel, 
M.  Cheyrat  et  les  chœurs. 

La  clôture  de  l'Exposition  est  irrévocablement  fixée  au  dimanche 
6  mars. 

ï,e  prix  d'entrée,  aux  concerts  des  XX,  reste  fixé  à  2  francs. 

Parce  que  certains  journaux  anglais  —  vieux  système  — 
avaient  rogné  de  remarques  absurdes  l'Intruse,  certains  journa- 
listes belges  s'étaient  déjà  réjouis  et,  accentuant  ce  qu'une  partie 
du  public  avait  blâmé  à  Londres,  en  avaient  tiré  la  conclusion  — 
une  conclusion  qui  est  chère  à  leur  mesquinerie  et  à  leur  nullité 
—  que  décidément  V Intruse  était  ce  qu'ils  avaient  pensé  :  une 
fumisterie. 

A  Copenhague,  où  l'Intruse  vient  d'obtenir  un  incontestable 
accueil  admiràlif,  elle  avait  bien  des  chances  contre  elle.  Le 
public  était,  dit  l'Indépendance,  fort  peu  préparé.  En  outre,  il  est 
à  croire  que  là-bas,  comme  ici  à  Bruxelles,  tout  un  clan  de  moisis 
littérateurs  ont  crié  contre  la  pièce,  précisément  parce  qu'elle 
était  originale. 

Si  elle  a  vaincu,  c'est  que  vraiment  elle  est,  non  pas  ce  que  les 
compatriotes  journalistiques  de  M.  Maeterlinck  affirment,  mais 
une  œuvre  de  portée  générale  et  profonde.  Le  pressentiment,  le 
mystère,  l'angoisse  la  marquent  d'une  psychologie  spéciale, 
très  de  notre  temps  et  surtout  très  septentrionale.  Que  l'art  de 
M.  Maeterlinck  ne  ressemble  pas  à  Shakespeare,  tant  mieux.  Au 
lieu  de  lui  en  faire  un  grief  comme  certains  journaux  anglais,  il 
faudrait  lui  en  savoir  gré. 

En  Danemark,  où  la  préoccupation  de  comparer  M.  Maeterlinck 
à  Shakespeare  n'existait  pas,  on  ne  s'est  point  départi  de  l'atti- 
tude que  tout  public  doit  garder  en  face  d'une  œuvre,  c'est-à-dire 
la  juger  en  elle-même  et  d'après  sa  signification  intime,  et  les 
applaudissements  ont  été  unanimes. 

Cours  supéhieurs  pour  dames.  —  29  février,  à  2  heures, 
M.H.  Pergameni  :  Les  établissements  anglais  dans  l' Inde;  à  3  h., 
M™'  A.  Chaplin  :  George  Eliot.  —  Il  n'y  a  pas  cours  les  ^"  et  2 
mars.  —  3  mars,  à  2  heures,  M.H.  Lonchay  :  Révolution  braban- 
çonne; à  3  heures,  M"«  J.  Tordeus  :  Diction.  Lecture  d'auteurs 
modernes. 

Voici  un  échantillon  de  la  littérature  que  M.  Tardieu  sert  dans 
son  supplément  aux  abonnés  de  l'Indépendance.  Ce  sont  des  vers 
et  il  s'agit  d'un  dialogue  entre  une  étoile  et  un  ange  qui  a  le 
spleen.  L'ange  dit  : 


Que  me  sert  de  ronger  ici  ma  puberté 
Et  d'essuyer  mon  aile  à  la  voûte  céleste  f 

Mais  l'étoile  va  lui  répondre  : 

Benjamin  de  l'éther,  sublime  fanfaron 
Qui  dédaignes  de  Dieu  le  chaste  biberon  I 

Et  le  poète,  lui,  prend  aussi  la  parole  : 

L'amour  lançait  partout  ses  flèches  irritées  ; 

Les  mères  appelaient  leurs,  filles  emportées 

Et  le  crime  dans  l'ombre  ourdissait  son  complot. 

Est-ce  là  le  genre  de  poésie  que  veulent  voir  régner  en 
Belgique  les  deux  complices  de  l' Indépendance!  C'est  pour 
allumer  pareille  littérature,  qui  rappelle  les  plus  joyeuses 
cantates  d'Hymans  ou  les  vers  les  plus  ridicules  de  Potvin,  que  ces 
deux  éteignoirs  vert-de- grisés  cherchent  à  étoufffr  notre  jeune 
poésie,  si  originale  et  si  vivante  ! 


M.  Emile  Sigogne  fera  le  4  mars,  à  2  heures.  Salle  Vander- 
meerschen,  3,  rue  Bodenbroeck,  deux  conférences  sur  les  poètes 
belges  ;  la  première,  sur  le  mouvement  littéraire  en  Belgique,  la 
seconde  :  lecture  de  la  Princesse  Maleine. 


M.  Georges  Rodenbach  publie  dans  le  Figaro .-  Bruges  la  morte. 
On  sait  la  spécialité  littéraire  du  poète.  Tout  le  Règne  du  Silence 
l'affirme  et  l'actuel  roman  en  cours  de  feuilleton  l'accentue. 

«  Bruges  la  morte,  dit  M.  André  Maurel,  c'est  la  prise  de  pos- 
session d'un  homme  malheureux  par  le  silence  et  la  mort.  Et 
cette  possession  devient  telle  que  peu  à,  peu  l'identification  se  fait 
complète  entre  la  ville  morte  et  celle  que  l'homme  regrette  et 
pleure.  La  morte  n'est  plus  elle,  elle  est  Bruges.  Bruges  n'est  plus 
la  ville  de  Memling,  elle  est  la  morte  L'àme  de  la  vieille  cité 
flamande  et  l'âme  de  l'aimée  disparue  ne  font  plus  qu'une  âme  et 
la  morte  revit  enfin  dans  ces  murs  encore  debout  et  sa  voix 
retentit  avec  chaque  heure  du  beffroi. 

Si  vous  admettez  ces  impressions  fines  de  repos  et  de  paix  de 
tombeau,  vous  aimerez  Georges  Rodenbach  ;  à  cause  d'elles  en 
tous  cas  il  sera  estimé,  comme  tout  esprit  original  et  sincère.  Ce 
poète,  autrefois  turbulent  hydropathe,  comprit  qu'il  ne  devait 
point  ainsi  être  rebelle  à  sa  race,  que  seulement  dans  sa  ville 
natale  il  trouverait  les  impressions  réelles  qui  donnent  le  talent.» 

On  sait  qu'il  y  aura  à  Bayreuth  vingt  représentations,  du 
21  juillet  au  21  août,  et  que  quatre  ouvrages  formeront  le 
répertoire  :  Parsifal,  Tristan,  Tannhâuser  et  les  Maîtres 
Chanteurs. 

Les  dates  ayant  subi  quelques  modifications,  nous  croyons 
devoir  les  donner  telles  qu'elles  sont  définitivement  fixées  : 

Parsifal  aura  huit  représentations,  les  21  et  28  juillet,  les 
!•',  4,  8,  11,  15  et  21  aoili  ;  Tristan  et  Iseull  aura  quatre  repré- 
sentations, les  22  et  29  juillet,  5  et  20  août;  les  Maîtres  Chan- 
teurs auront  quatre  représentations,  les  2S  et  31  juillet  et  les  14 
et  18  août;  enfin,  il  y  aura  quatre  représentations  de  Tann- 
hâuser, le  24  juillet  et  les  7,  12  et!  7  août. 

Pour  la  distribution,  sauf  M.  Van  Dyck  dans  Parsifal  et  les 
Maîtres  Chanteurs  dont  il  interprêtera  pour  la  première  fois  le 
rôle  de  Waltor,  rien  n'est  encoi-e  arrêté. 

A  propos  de  Bayreuth.  des  journaux  français  et  allemands  ont 
reproduit  un  bruit  d'après  lequel  M™*  Cosima  Wagner  aurait  tou- 
ché des  droits  d'auteur  considérables  sur  les  dernières  représen- 
tations. 

Celle  information  est  inexacte. 

1»  Il  n'y  a  pas  eu,  l'année  dernière,  un  bénéfice  énorme, 
comme  on  l'a  dit.  Les  recettes  ont  été  considérables,  mais  elles 
ont  été  entièrement  affectées  à  payer  la  mise  en  scène  de  Tanti- 
hâuser,  dont  les  frais  ont  été  entièrement  couverts,  ce  qui  est  déjà 
un  résultat  magnifique. 

2«  M"*  Wagner  n'a  jusqu'ici  prélevé  aucun  tantième  sur  les 
recettes  du  Théâtre  de  Bayreuth,  ce  théâtre  étant  considéré  pa<- 
elle  non  comme  une  entreprise  industrielle,  mais  comme  une 
œuvre  exclusivement  artistique.  Quand  une  année  laisse  un  béné 
fice,  ce  bénéfice  est  mis  en  réserve,  afin  d'assurer  l'exploilalior 
l'année  suivante  et  de  couvrir  les  frais  d'amélioration  et  de  renou- 
vellement du  matériel,  ainsi  que  l'entretien  du  théâtre^ 


DOUZIÈME  ANNÉE 

L'ART  MODERNE  s'est  acquis  par  l'autorité  et  l'indépendance  de  sa  critique,  par  la  vai'iétô  de  ses 
informations  et    les   soins   donnés   à   sa    rédaction    une  place   prépondérante.    Aucune   manifestation   ^  '  ^ r t  n e 

lui  est  étransôre  :  il  s'occupe  de  littérature,  de  peinture,  do  sculpture,  de  gravure,  do  musique, 

d'architecture,  etc.  Consacré  principalement  au  mouvement  artistique  belge,  il  renseigne  neanmouib  ses 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  l'étranger  qu'il  importo  de  connaître. 

Chaque  numéro  de  L'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  question  artistique 
ou  littéraire  dont  l'événement  de  la  semaine  fournit  l'actualité.  Les  expositions,  les  livres  nouveaux,  les 
premières  représentations  d'oeuvres  dramatiques  ou  musicales,  les  conférences  littéraires,  les  concerts,  les 
ventes  dobjets  cTart,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  Il  rend  compte  des 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  .Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complète  dos  expositions  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  Il  est  envoyé  gratuitement  a 
l'essai  pondant  un  mois  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande. 

L'ART   MODERNE   forme   chaque   année    un   beau    et    fort   volume   d'environ  450   pages,   avec   table 

ur  l'histoire  de  l'Art  le  document  LE  PLUS  COMPLET   et   le  recueil   LE    PI 


des  matières.  Il  constitue   po 
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Douzième  année.  —  N°  10. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  G  Mars  1892. 


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L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  «  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,    un    au,    fr.    10.00;  Union   postale,    fr.    13.00     —  ANNONCES   :    On   traite   à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  se  TArt  moderne,  rue  de  l'Industrie.  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


L'Ame  de  la  Flandre.  A  propos  des  Contes  d' Ypcrdamme . —  Les 
REPRÉSENTATIONS  DU  Théatrf  Libre.  —  Aux  XX.  Troisième  concert. 
—  Coups  de  plume,  par  Firmin  Vandeii  Bosch.  —  Accusés  de 
RÉCEPTION,  —  Expositions  courantes.  —  A  MM.  G.  Frédkrix, 
Ch.  Tardieu,  et  tutti  quanti.  —  Concert  de  l'Ecole  de  musique 

DE  LOUVAIN.  —  MaURITS  BaUER.  —  PETITE  CHRONIQUE. 


L'Ame  de  la  Flandre 

A  propos  des  Contes  d'Yperdamme,  par  Eugène  Demolder 

Elle  se  réveille,  une  fois  encore,  cette  âme  héroïque- 
ment rêveuse,  tendrement,  pieuse,  tissée  de  la  superbe 
et  naïve  broderie  des  légendes  évangilaires  sur  le  fort 
canevas  des  réalités  patriales;  elle  se  réveille  plus 
profonde,  plus  émue,  plus  séduisante  qu'en  aucun 
temps,  dans  les  admirables  récits  d'un  de  ces  Belges 
d'aujourd'hui,  nM-rateurs,  trouvères,  poètes,  jeunes 
gloires  d'un  pays  qui  s'opiniâtre  à  les  méconnaître, 
sans  ouïe  pour  leurs  chansons  mélancoliques  et  enchan- 
teresses, sans  odorat  pour  le  parfum  de  ces  floraisons 
littéraires  en  éclosion  partout  autour  de  nous  sur  cette 
terre  maternelle  brusquement  et  si  étonnamment 
féconde. 

Avez-vous  lu  les  Contes  d'Yperdamme  d'Eugène 
Demolder? 


Ncfti,  certes  non. 

Avez-vous  lu  dans  la  dernière  livraison  de  cette 
revue,  honneur  de  la  Belgique,  la  Société  nouvelle, 
vaillante,  infatigable,  radieuse,  deux  nouveaux  contes, 
merveilleux  prolongements  de  la  série  première? 

Non,  certes  non. 

Pourquoi,  dans  la  morose  indifférence  qui  pèse  sur 
nous  comme  un  ciel  bas  et  lourd,  eussiez-vous  dérogé  à 
la  coutume  de  dédain  ou  d'oubli  pour  les  nôtres  qui  est 
chez  nous  la  honte  et  presque  le  crime?  Comme  au  jour 
où  parut  LA  Princesse  Maleine,  il  sied  que  vous  appa- 
raissiez insensibles;  il  sied  que  l'habituelle  critique  vous 
détourne  de  cette  œuvre  comme  un  mauvais  guide  du 
bon  chemin;  il  sied  q-je  rien  ne  dérange  l'universelle 
harmonie  de  vos  goûts  médiocres  et  de  vos  injustices. 

Et  pourtant  si  vous  aviez  lu  la  Ville  d'Or!  si  vous 
aviez  lu  le  Soù'  de  la  Nativité  :  «  Et  le  soleil  tombe 
magnifiquement,  pareil  à  un  tournesol  au  déclin  du 
~jour,  d-ans  le  jardin  blanc  du  paysage  d'hiver  On  avait 
patiné  toute  la  journée.  La  nuit  venue,  une  étoile 
étrange  s'est  montrée!  Les  femmes  de  Nazareth,  aux 
aguets  des  miracles,  chuchottent  à  leurs  portes  par 
cette  belle  vesprée  de  Noël  qui  couronne  d'or,  de  roses, 

de  jasmins,   un  jour  clair  comme   une  âme Les 

lumières  qui  lèvent  leurs  paupières  aux  fenêtres  de 
Nazareth  sont  pures  sur  la  neige  ainsi  que  des  osten- 
soirs parmi  des  nappes  d'autel.  Les  traînes  que  laisse 


74 


V ART  MODERNE 


le  crépuscule  à  l'horizon  semblent  des  ailes  d'anges 
plongeant  leur  chevelure  de  vermeil  dans  un  ciel  imma- 
culé de  neige,  et  les  villages  lointains  ont  l'air  de  planer 
d^ns  une  lumière  de  roses.  La  ville  et  le  pays  se  sont 
vêtus  d'une  robe  candide,  donnée  par  le  firmament  où 
s'allument  les  étoiles  et  où  les  anges  aussi  reçoivent 
leurs  toges  flottantes.  Les  corbeaux,  aujourd'hui,  ne 
viennent  pas  voler  près  des  tours  que  la  neige  ourle 
d'hermine  :  ce  sont  des  colombes  qui  passent  et  le  soir 
caresse  leur  poitrine  aérienne.  Noël!  Noël!  Noël  !  Ainsi 
les  enfants  chantent  en  rond  autour  de  feux,  sur  le 

sol  blanchi Les  petites  voix  enfantines  bondissent 

dans  le  gel  comme  des  carillons  de  grelots  d'argent.  " 

Noël  !  Noël  !  Nazareth  !  Est-ce  en  Palestine  que  s'érige 
ce  miraculeux  paysage  d'hivernal  crépuscule? 

Oh!  non,  non!  qu'elle  est  loin  cette  asiatique  Judée 
incompréhensible  pour  l'âme  flamande!  C'est  en  Flandre 
que  nous  sommes,  c'est  en  Flandre  que  cette  magique  et 
imprévue  Nazareth  groupe  au  clair  de  lune  ses  maisons 
basses  de  paysans  «  au  pied  du  beffroi,  qui  laisse 
tomber  sur  elles  les  sons  des  heures  adoucies  par  son 

épais    manteau    d'hermine; le  long  des  pierres 

solennelles  de  la  cathédrale  glissent  des  cascades  de 
blanche  nuitée,  pareilles  à  de  grands  voiles  de  fiancées 
ténébreuses  promises  aux  géants  des  vieux  contes; 

et  l'on  voit  des  pauvres  qui  reviennent  de  la  forêt 

avec  des  sapins  entiers  sur  l'épaule  ». 

Nazareth  en  Flandre!  Une  Nazareth  où  «  Monsei- 
gneur de  Bruges  va  dire  la  messe  ».  Et,  près  de  là, 
Bethléem  I  Bethléem  où  Jésus  vient  de  naître  !  Bethléem 
vers  qui,  en  cette  nuit  fatidique  inoubliable,  du  pays 
flamand  tout  entier,  dans  le  rêve  du  poète,  marchent 
les  populations  rustiques  tourmentées  d'une  inquiète 
espérance,  allant  machinalement,  somnambuliquement, 
vers  retable  du  Sauveur  :  «  Des  vachers  en  sabots 
c,  piétinaient  la  neige  à  côté  de  laboureurs  dont  l'échiné 
était  courbée  comme  un  soc  hors  d'usage.  De  solides 
gars  aussi  qui  venaient  du  Veurne-Ambacht  et  qui  fai- 
saient ballotter  leurs  lampes  au  bout  de  leur  bâton. 
Tous  les  fermiers  et  les  censiers  de  Dixmude  arrivaient 
par  une  grand'route  dont  les  hêtres  s'enorgueillissaient 
d'un  blanc  halo  de  ténèbres.  Des  meuniers  s'avançaient 
sur  des  ânes,  laissant  leurs  moulins  seuls  sous  les 
étoiles  et  ils  avouaient  à  voix  basse  :  —  Mon  moulin 
était  cette  nuit  comme  une  poitrine;  j'y  ai  entendu 
battre  un  cœur  » , 

Nazareth  en  Flandre  !  Oui,  toute  la  Bible  en  Flandre, 
la  Bible  en  son  Nouveau  Testament,  la  Bible  aryenne  de 
Jésus  ;  pas  la  vieille,  la  sombre,  la  barbare,  la  cruelle, 
la  sémitique,  si  antagoniste  à  notre  âme.  La  douce  et 
déchirante  histoire  de  l'aryen  Jésus,  égaré  au  pays  des 
Juifs  et  par  eux  mis  à  mort,  tant  son  âme,  surprenante 
et  suprême  expression  de  la  nôtre,  son  âme  à  divine 
blondeur,  exquise  en  son  fraternel  amour,  heurtait  et 


irritait  la  foule  dévorante  où  elle  était  tombée  comme 
une  antilope  dans  une  fosse  aux  lions. 

L'Evangile  en  Flandre,  et  ses  touchantes  légendes! 
Ainsi,  il  apparaît  dans  les  anciens  tableaux  des  maîtres 
gothiques,  qui  peignaient  co^ime  on  prie.  Ces  maîtres 
gothiques  qui  ont  montré  le  massacre  des  Innocents 
dans  un  hameau  proche  des  dunes  de  la  mer  du  Nord, 
et  ont  vêtu  les  massacreurs  de  morions  et  d'armures, 
avec,  à  la  pointe  des  lances,  le  double  aigle  des  armes 
d'Autriche.  Les  vieux  maîtres,  qui  ont  mis  l'étable  de  la 
Nativité"  au  bout  d'une  prairie.sur  une  colline, la  faisant 
pareille  à  une  chapelle.  Les  murs  vont  tomber  en  ruines 
et,  par  leurs  lézardes,  ils  laissent  -filtfer  une  lumière 
surnaturelle.  La  prairie  est  immense.  Et  sur  son  sein 
blanchi  tous  ceux  qui  tantôt  pèlerinaient  dans  la  plaine 
sont  agenouillés.  Ils  ont  déposé  leurs  lanternes  à  côté 
d'eux  et  prient.  Les  forestiers  égrènent  des  chapelets 
faits  de  marrons  sauvages  et  d'une  croix  taillée  dans  le 
chêne.  Les  pêcheurs  de  Coxyde,  descendus  de  leurs  che- 
vaux, baisent  avec  ferveur  leurs  scapulaires  où  l'on  voit 
Notre-Dame  de  Bon-Secours.  Ils  font,  sous  l'astre  sym- 
bolique planant  au-dessus  d'eux,  des  groupes  obscurs 
sur  le  sol,  jusqu'au  loin,  le  long  des  murs  des  jardins 
du  village,  sous  les  saulées,  près  des  rangées  de  peupliers 
Jbornant  la  prairie....  Plus  loin  des  troupeaux  se  sont  ar- 
rêtés, au  clair  des  étoiles,  sur  les  versants  d'une  côte 
chargée  de  perches  à  houblon  en  faisceau  pour  l'hiver, 
et  au-dessus  de  laquelle  un  moulin  décrit,  du  signe  de  ses 
ailes,  une  croix  hallucinante  de  frimas  et  de  nuit... Près 
de  la  colline  s'empressent  des  esclaves  pareils  à  ceux 
qu'on  voit  au  marché  de  Bruges,  les  jours  où  s'amar- 
rent des  bateaux  venus  d'Orient  ;  il  y  a  aussi  des  droma- 
daires et  des  chameaux  autour  desquels  viennent  rôder, 
d'un  air  de  méfiance,  les  chiens  des  pâtres  » . 

0  peintres  gothiques!  ô  vieux  maîtres  !  Et  toi,  notre 
contemporain,  écrivain  magicien,  descripteur  poète  ! 
Qui  vous  a  inspiré  cet  entremêlement  de  la  Palestine  et 
de  la  Flandre,  ce  naïf  et  suggestif  niélange  de  psycho- 
logies  antipodiques.  Vous  étiez  proches  pourtant,  vous 
les  ancêtres,  du  temps  prodigieux  des  Croisades  et  ceux 
qui  étaient  revenus  des  grandes  guerres,  presque  des 
1  ressuscites,  avaient  empli  les  mémoires  et  enfabulé  les 
traditions  de  récits  racontant  l'Orient.  Néanmoins, 
obéissant  à  un  instinct  irrésistible,  vous  avez  transporté 
chez  vous,  et  fait  vivre  dans  vos  paysages  familiers,  ce 
passé  chrétien,  merveilleux  et  pieux,  accomplissant  le 
plus  étonnant,  et  semblait-il,  le  plus  absurde  des  ana- 
chronismes,  ne  voulant  pas,  ne  voulant  pas,  pour  expri- 
mer les  élans  de  vos  âmes  croyantes,  ni  de  cet  Orient 
asiatique,  ni  des  foules  sémitiques  dont  vous  sentiez,  ô 
grands  inspirés,  le  formidable  désaccord  et  l'irréduc- 
tible antipathie  pour  les  actes,  les  épisodes,  les  sublimes 
et  simples  enseignements  du  Christianisme  naissant. 
Vous  avez,  d'un  coup  de  génie,  rétabli  l'équation,  vous 


UART  MODERNE 


75 


avez  rapatrié  tout  le  drame  qui  marqua  la  dernière  puis- 
sante évolution  des  aspirations  religieuses  de  notre  race. 
Vous  l'avez  rétabli  dans  cette  Europe,  dans  ce  Nord, 
dans  cette  Flandre  où  il  s'harmonise  avec  la  Nature, 
tout  entier.,  sauf  la  hideuse  et  sublime  tragédie  finale 
du  Calvaire,  la  crucifixion  ninivite,  digne,  elle,  des 
férocités  phéniciennes  et  bien  placée  sur  l'aride  Golgotha 
au  milieu  des  vociférations  des  anciens  adorateurs  du 
Moloch  dévorateur. 

Ah  !  ce  n'était  pas  une  Juive,  consanguine  des  noires 
Judith  et  des  impitoyables  Salomé,  c'était  une  fille  de 
notre  sang  et  faite  pour  être  représentée  en  Flamande, 
«  cette  Vierge,  radieuse  de  joie,  assise  derrière  la 
crèche,  une  main  près  de  la  paille,  comme  si  elle  eût 
béni  l'enfant.  Elle  avait  l'air  bonne  et  tendre;  ses  yeux 
restaient  fixés  vers  son  fils  et  ses  cheveux  l  uisaient  de 
blonds  reflets  d'épis.  Ah  !  mes  frères  !  Vous  qui  avez  vu 
des  Joyeuses  Entrées  dans  votre  cité,  qui  avez  entendu 
des  trompes  sonner  au-dessus  de  votre  beffroi  et  con- 
templé le  vol  césarien  des  oriflammes,  —  vous  n'imagi- 
nez pas  la  gloire  qui  me  prit  alors  sur  ses  ailes  et 
m'emporta  j  usqu'aux  cieux!  » 

Touchante  philosophie  de  ces  œuvres,  mais  surtout 
profonde,  allant  aux  souterrains  mystères  des  plus 
nobles  problèmes  historiques.  Au  resplendissant  éclat 
de  l'art,  elles  ajoutent  l'altière  beauté  des  pensées 
magistrales.  Elles  charment  les  yeux,  elles  résolvent  les 
obscurités.  Leurs  téméraires  invraisemblances  sont  de 
triomphants  coups  d'épée  brisant  l'écorce  qui  envelop- 
pait les  vérités  surgissant  tout  à  coup  très  hautes, 
pareilles  aux  flèches  des  antiques,  églises.  Elles  mon- 
trent, avec  une  invincible  logique  de  sentiment,  la  dérai- 
son de  ce  hasard  de  l'Histoire  qui  fit  naître  et  vivre  le 
Christ,  l'aryen-type,  le  sublime  védique,  au  pays  de 
Judas.  Ah  !  comme  elles  le  font  apparaître  mieux  en  son 
nimbe  divin  dans  cette  Flandre  incurablement  chré- 
tienne, dont  l'obstination  pieuse  étonne  et  scandalise 
les  modernes  incrédules.  C'est  d'elle  qu'on  peut  dire  : 
"  Allez  !  Jésus  est  né  ici  dans  une  étabèe  !  La  plaine  de 
votre  province  est  semée  de  lumières,  car  un  Dieu  y  a 
choisi  l'emplacement  du  ciel  !  Allez  !  » 

Et  si,  devant  l'étrange  de  ces  affirmations  que  nous 
clamons  en  enthousiaste  et  en  convaincu,  vous  doutez, 
lisez  la  Ville  d'or,  lisez  le  Soir  de  la  Nativité,  lisez 
les  Contes  d'Yperdamme  surtout,  lisez,  lisez,  lisez! 
Si  jamais  vous  avez  vécu  sur  la  terre  flamande,  si  en  vous 
palpite  une  âme  flamande,  oh  !  que  promptement  vous 
serez  séduits.  Comme  en  vos  intimes  et  imparcourues 
profondeurs  vous  sentirez  vite  le  tressaillement  des  plus 
mélodieuses  harmonies  psychiques,  infiniment  cares- 
santes et  séductrices,  éveillant  les  rêves  ancestraux,  les 
alanguissantes  douceurs  des  lointains  ataviques,  éva- 
nouis, mais  dont  les  reflets  font  encore  une  lumière 
cendrée  sur  les  horizons  nocturnes  de  la  conscience. 


Par  le  prestige  de  l'art  interprétateur,  révélateur  des 
visibles  mystères  de  la  Nature  et  de  l'Histoire,  si  près 
de  nous  et  pourtant  si  fermés  jusqu'au  jour  où,  soit  un 
pinceau  magique,  soit  une  plume  féerique  en  fait  saillir 
et  jaillir  les  essentielles  beautés,  les  essentielles  vérités, 
vous  trouverez  plus  vraie  que  la  vraie  cette  Nazareth 
mystique  érigée  dans  un  paysage  introuvable  des  envi- 
rons de  Bruges,  ce  Bethléem  voisin  des  champs  où  fut 
livrée  la  bataille  des  Eperons  d'or,  proche  d'un  Jourdain 
fjabulèux  que  les  Rois  Mages  trouvent  gelé  :  «  Les 
bateaux  de  pêche  étaient  bloqués  dans  les  glaces  et  les 
arbres  des  rives,  couverts  de  givre,  avaient  l'air  plongés 
dans  le  rêve  immobile  des  hérons  ».  Lisez,  lisez  et 
admirez  !  N'attendez  pas  qu'un  nouveau  Mirbeau  vienne 
vous  dessiller  les  yeux. 


LES  REPRESENTATIONS  DU  THEATRE  LIBRE  < 

M.  Antoine  commencera  jeudi  prochain  dans  la  salle  du  Parc 
la  série  de  représenlalions  du  Théâtre  Libre.  En  voici  le  pro- 
gramme : 

1*'  SPECTACLE  :  La  Dupe,  pièce  en  cinq  actes  de  Georges  Ancey. 

Un  beau  soir,  un  acte  en  vers  de  M.  Maurice  Vaucaire. 

2"  SPECTACLE  :  U Envers  d'une  sainte,  pièce  en  trois  actes  de 
M.  François  de  Cucel. 

Seul,  deux  actes  d'Albert  Guinon,  l'auteur  des  Jobards. 

3e  SPECTACLE  :  Blanchette,  trois  actes  d'Eugène  Brieux. 

L'abbé  Pierre,  un  acte  de  Marcel  Prévost.    ^ 

DaJis  le  Rêve,  un  acte  de  M.  Louis  Muliem. 

4»  SPECTACLE  :  Le  Canard  sauvage,  cinq  actes  d'Ibsen,  traduc- 
tion de  MM.  Armand  Ephraïm  et  Lindenlaub. 

5*  SPECTACLE  :  L'Ecole  des  veufs,  trois  a^tes  d'Ancey,  rede- 
mandés, ,,  _ . 

L'Etoile  rouge,  trois  actes  d'Henry  Fèvre. 

Comme  on  le  voit,  pas  une  seule  pièce  d'auteurs  beiges.  Nous 
nous  en  étonnons.  Nous  savons,  en  effet,  que  M.  Antoine  avait 
sollicité  et  obtenu  de  Maurice  Maeterlinck  l'autorisation  de  jouer 
la  Princesse  Maleine,  et  de  Camille  Lemonnier  Madame  Lupar. 
Nous  savons  aussi  que  celte  dernière  œuvre  devait  être  mise  en 
répétition  et  que  M""  Defrènes,  qui  créa  à  Bruxelles  le  rôle  de  la 
femme  de  Tabarin  et  qui  avait  eu  chez  nous  un  si  légitime  succès 
dans  le  Pain  du  péché,  avait.accepté  le  rôle  de  Madame  Lupar. 

Nous  ne  voulons  pas  ej^aminer  de  trop  près  les  motifs  qui  ont 
décidé  M.  Anloineà  supprimer  de  son  programme  ces  deux  œuvres. 
Ils  ne  peuvent  être  que  d'ordre  secondaire,  étant  données  la 
notoriété  et  la  haute  valeur  des  artistes  qui  les  ont  écrites. 
M.  Antoine  a  joué  et  nous  annonce  des  pièces  dont  certaines, 
assurément,  ne  valent  pas  celles  de  nos  compatriotes.  Exclure 
celles-ci  après  les  avoir  recherchées  nous  paraît  singulier  et  mal 
explicable,  nous  paraît  aussi  assez  ingrat  vis-à-vis  de  la  jeune 
école  belge  qui  l'a  si  énergiquement  et  si  opiniâtrement  soutenu 
dès  l'origine  et  qui,  nous  osons  le  dire,  a  largement  contribué  à 
faire  admettre  son  entreprise. 

M.  Antoine  a  joué  des  pièces  russes,  des  pièces  norwégiennes. 
Nous  prétendons  avoir  droit  au  même  honneur.  Il  nous  semble 
illégitime  de  voir  disparaître  Camille  Lemonnier  du  programme 


76 


VART  MODERNE 


du  Thdâlre  Libre,  alors  que  le  Mâle  a  éié  joué  b  Paris  avoc  grand 
succès  au  Tliéaire  de  l'Avenir  drannalique,  el  M;iurice  Maeterlinck, 
alors  que  l' Intruse  sl  é\é]owéQ  à  Paris,  à  Londres  el  à  Copen- 
hague en  suscitant  l'upiverselle  attention. 

Nous  ne  méconnaissons  pas  les  services  que  M.  Antoine  a  rendus 
à  l'an  neuf,  mais  nous  souffrons  de  voir  nos  écrivains,  surtout 
quand  ils  ont  un  tel  mérite,  ne  pas  être  traités  sur  une  scène  belge 
avec  les  mêmes  égards  que  les  écrivains  étrangers,  et  nous  tenons 
à  dire  à  M.  An'oine,  comme  avertissement  cordial,  qu'il  ne  sau- 
rait, en  agissant  ainsi,  conserver  intactes  les  sympathies  que  nous 
lui  avons  témoignées  jusqu'ici.  Qu'il  se  souvienne  que  dans  les 
circonstances  difficiles,  le  désir  de  soutenir  la  tentutive  hardie  à 
laquelle  il  s'est  voué  nous  a  toujours  mis  au  premier  rang  de 
ses  défenseurs.  Celle  bienveillance  risquerait  de  disparaître  ou  de 
s'atténuer  si  nous  constations  chez  lui  un  parti  pris  défavorable  à 
noire  an  national  el  une  altitude  imméritée  vis-à-vis  d'arlislcs 
que  nous  aimons  el  dont  nous  sommes  très  fiers. 


^  XJ  X   x  x 

Troisième  concert. 

L'expérience  malicieusement  tentée  par  M.  Ysaye  et  ses  colla- 
borateurs en  vue  de  juger  la  compréhension  du  public  qui,  depuis 
cinq  années,  s'initie  à  l'évolution  de  la  musique  nouvelle,  a  eu 
un  résultat  excellenl.  En  présentant,  en  première  audition,  au 
public  des  XX  un  Quintette  inédit  de  M.  C.  Chevillard, 
honorablement  écrit  selon  les  formules  consacrées  mais  d'un 
intérêt  secondaire,  les  organisateurs  n'ont  pu  avoir  d'autre  but 
que  de  s'assurer  si  les  auditeurs  les  suivent  dans  leur  oeuvre  de 
propagande  el  sont  à  même  d'apprécier  les  compositions  de  haute 
valeur  qui  forment  le  répertoire  habituel  des  expositions  musicales 
vingiisics. 

L'accueil  réservé  fait  au  Quintette,  opposé  à  l'enthousiasme  qui 
a  salué  chacune  des  quatre  parties  du  Concert  de  M.  E.  Chausson, 
a  été  tout  b  l'honneur  du  public,  en  prouvant  péremptoirement 
son  intelligence  artistique. 

Ce  Concert,  lout  fraîchement  écrit  pour  piano,  trois  violons, 
alto  el  violoncelle  par  l'autour  de  la  Tempête  ei  de  /«  Li'gende 
de  sainte  Cécile,  classe  définitivement  M.  Chausson  parmi  les 
maîires  de  la  jeune  école  française.  Le  public  a  compris,  dès  le 
premier  morceau,  qu'il  s'agissait  d'une  œuvre  vraiment  forte  et 
profonde,  d'un  sentiment  élevé  elpénéirant,  aussi  ailachantc  par 
la  beauté  harmonieuse  des  lignes  que  par  l'élégance  du  détail, 
finement  ouvragé.  Et  cette  impression  s'est  acceniuée  jusqu'à  la 
fin,  couronnée  par  une  ovation  chaleureuse  à  l'auteur. 

Les  quatre  parties  qui  composent  l'œuvre  (I  Décidé.  H  iSi'n- 
lienne.  111  Grave.  IV  Tiès  anime')  ont,  chose  rare,  même  uniié 
de  style  ei  s'enchaineni  logiquement  jusqu'à  lépanouissement 
final.  Quelques  simplifications  d'écriture  donneraient  plus  de 
grandeur  aux  développements  du  dernier  morceau,  lout  en  en 
rendant  l'inierprélalion  moins  vétilleuse.  Celle  critique  de  délai! 
faite,  il  n'y  a  vraiment  que  des  éloges  à  adresser  à  M.  Chausson 
pour  la  distinction  des  idées  qu'il  met  en  œuvre  el  pour  l'art  avec 
lequel  il  les  développe  en  dessins  mélodiques  exiiuis  soutenus 
par  des  harmonies  neuves  el  d'un  charme  lout  spécial. 

C'est  av(  c  le  Quintette  et  le  Quatuor  de  César  Franck  et  le 
Quatuor  à  cordes  de  Vincent  d'Indy  l'œuvre  la  plus  parfaite  de 


fond  el  de  forme  qui  ail  été  produite  aux  Concerts  des  Z.Y  depuis 
leur  fondation. 

Faut-il  ajouter  qu'elle  a  été  supérieurement  exécutée  par 
MM.  Ysaye,  Crickboom,  Biermasz,  Van  Hout  cl  Jacob  el  par  un 
jeune  pianiste  parisien,  M.  Auguste  Pierrot,  élève  de  M.  Diémer, 
qui,  en  quelques  jours,  sa  l'est  assimilée  au  point  d'en  donner, 
malgré  des  difficultés  techniques  qui  paraissent  insurmontables, 
une  inicrpréiaiion  correcte,  nuancée,  respectueuse  des  moindres 
intentions  de  l'auteur. 

Un  poème  en  musique  de  M.  A.  Magnard,  Invocation,  d'un 
joli  sentiment,  el  les  exquises  mélodies  lout  récemment  écrites,  à 
Venise,  par  M.  G.  Fauré,  sur  des  poésies  de  M.  P.  Verlaine,  for- 
maient,avec  des  chœurs  à  deux  et  à  trois  voix  de  MM.  G.  Fauré  et 
J.  Tiersot,  la  panie  vocale  du  concert. 

La  voix  fraîche,  harmonieusemenl  timbrée  de  M"»  Cécile  Thé- 
venet  a  donné  du  charme  el  de  l'accent  aux  mélodies  de  Fauré  el 
de  Magnard,  et  en  a  fait  vivement  ressortir  le  charme  délicat  et 
subiil.  Son  succès  a  été  unanime. 

A  ciler  spécialement:  Mandoline,  En  Sourdvie,  C'est  l'Extase, 
de  Fauré,  vrais  joyaux  d'une  valeur  artistique  très  précieusQ. 


f  OUP?   DE  pLUME 

par  FiRMiN  Vandbn  Bosch.  —  Louvain,  Aug.  Fonteyn,  1892,  26  p. 

«  Lisez  les  modernes,  el  quelle  que  soit  la  forme  dans  laquelle 
«  ils  ont  coulé  leurs  pensées,  ne  refusez  pas  votre  adhésion 
«  enthousiaste  au  fier,  jeune  et  neuf  idéal  auquel  ils  vous  con- 
«  vient... 
«  —  Mais  je  suis  catholique? 

«  —  Tant  mieux,  et  moi  aussi...  La  solennelle  formule  de  je 
«  ne  sais  quel  confectionneur  de  préceples  :  «  Vous  serez  clas- 
«  sique  ou  vous  ne  serez  pas  catholique  »  ne  doit  plus  avoir  le 
«  don  de  nous  émouvoir.  Nous  sommes  catholiques  tous  deux 
((  —  el  de  toutes  les  énergies  de  notre  ûmc! 
a  Mais  après  cela,  qu'on  nous  laisse  tranquilles.  » 
Bravo!  Voilà  ce  qu'il  faut  dire,  redire  et  clamer  à  toutes  les 
oreilles  qui  ne  veulent  pas  entendre  •:  Que  l'art  et  ses  formes 
multiples  sont  au-dessus  des  idées,  des  principes  el  des  phiLo- 
sophies;  qu'il  est  un  moule  oii  peut  se  couler  toute  vie,  el  la 
réelle,  el  l'idéale,  et  la  spirilualisie,  et  la  panthéiste  et  toute 
autre. 

M.  Firmin  Vanden  Boseh  est  de  ceux  qui  n'ont  pas  «  froid  aux 
yeux  »  en  matière  de  critique.  Dans  le  milieu  aux  idées  étroites 
où  les  occasions  de  la  vie  l'onl  conduit  parfois,  il  a  su  montrer 
les  belles  audaces  de  la  jeunesse  et  crier  sus  à  tous  les  pontifards 
Orthodoxes  pour  qui  le  salut  littéraire  n'existe  pas  en  dehors  des 
humanités  comprises  à  leur  façon. 

Et  voilà  que  déjà  la  campagne  menée  par  le  petit  noyau  des 
jeunes  catholiques  a  porté  quelques  fruits.  Après  les  chaleureuses 
discussions  du  récent  Congrès  de  Matines,  —  où  il  a  été  prouvé, 
à  des  gens  qui  ne  s'en  doutaient  guère,  qu'on  pouvait  faire  du 
très  grand  art  en  dehors  du  gothique  el  des  écoles  Saint-Luc  de 
la  littérature,  —  la  section  des  lettres  a  émis  le  vœu  suivant  : 
«  Il  esl  à  souhaiter  que,  dans  l'enseignement  moyen  ou  supérieur, 
l'élève  soii  dirigé  au  point  de  vue  de  l'étude  de  la  littérature 
mod(  rue  et  contemporaine  el  plus  spécialement  que  la  lillératurc 
postérieure  à  1830  soit  étudiée  dans  un  cours  libre  des  uni- 
versités ». 


^ 


Dans  la  pelitn  plaqucltc  qu'il  nous  onvoio/c'esl  b  la  réhabiliia- 
tion  des  vrais  clussiiiiics  et  au  gitliigo  des  poncifs  Louis  XIV  îquc 
M.  Vaiiden  Bosch  se  livre  en  ses  cliapilros  «  Contre  le  Télétiiaqiie  » 
et  «  Plaidoyer  pour  le  Bonhomme  ».  Puis,  après  l'exhumalion 
de  quelques  vieux  souvenirs  Icstemenl  narrc^s,  il  fait  son  procès 
à  l'enseignement  moderne.  A  notre  avis,  il  n'en  dit  pas  encore 
assez.  Il  n'y  a  pas  de  pays  où  l'élude  de  la  littérature  soit  plus 
absurdemenl  enseignée  qu'en  Belgique,  l'n  rhéloricien  ne  sait 
rien  de  rien  et  sort  du  collège,  lu  télé  bourrée  de  préjugés  le  plus 
souvent  iniléracinablcs.  -  Le  temps  donné  à  la  litiéralurc  est 
presque  nul  et  les  mélhoilcs  d'enseignement  remonlenl  aux  lemps 
paléi'liiliiques.  C'es-t  ainsi  dans  la  capitale.  On  a  peur  de  penser 
au  spectacle  que  doit  présenter  la  province. 

Encore  quelques  coups  de  plume,  confrère,  cl  en  avant  pour 
l'art  jeune,  véridique  ei  libre.  Oui,  «  l'irrévérence  en  littérature, 
c'est  toujours  délicieux  —  et  parfois  utile... _» 


^CCU^É?     DE    RÉCEPTION 

Automnales,  par  Carlos  du  Fay;  Gand,  Van  Melle.  —  Les 
chansons  naïves,  par  Paul  Gérardy  ;  Liège,  VaillaaV-Carmannc.— 
L'habit  d'arlequin,  lablcauiins  par  le  B""  Arnold  de  VVoelmont; 
Bruxelles,  Société  belge  de  Librairie.  —  En  Vucnnces,  Notes  et 
impressions,  par  le  B»"de  Haulleville  ;  Bruxelles,  P.  Lacomblez. 


EXPOSITIONS  GOURANTES 

Œuvres  de  Ros&Leigh,  Gharlier,  Pion,  Van  Strydonck, 
Th.  Verstraete. 

S'il  est  un  pays  qui  eût  dû  pousser  à  la  luminosité  M.  Van 
Slrydonck,  c'est  certes  les  Indes.  Aux  XX,  cette  année,  le  peintre  ne 
présente  que  trois  portraits  où  le  souci  de  lumière  est  peu  appa- 
rent. 

Les  œuvres  représentatives  de  paysages  et  d'intérieurs  indiens 
sont  dans  la  mémo  note.  C'est  curieux,  mais  pas  élincelant  du 
tout.  Certains  éléphants  aux  trompes  monstrueuses,  aux  pattçs 
malhémaliquement  carrées,  aux  cornacs  d'identique  coloration, 
sont  d'un  effet  peu  décoratif  et,  nous  semble-t-il,  peu  véridique. 

De  Pion,  des  portraits  très  habilement  étudiés,  une  léle  de 
paysan  surtout.  Mais  portraits  bourgeois,  à  l'attitude  et  au  regard 
très  peu  intellectuel. 

M"''  Rosa  Lèigh  présente  dos  toiles  plus  séduisantes  :  fraîches 
vues  d'Irlande,  à  la  mer  émeraude,  aux  rochers  sincèrement 
rendus  et  d'une  tonalité  générale  qui  ne  déroute  pas  les  idées 
préconçues  que  l'on  possède  sur  ce  pays. 

M.  André  Colin  réussit  mieux  la  figure  que  le  paysage.  M.  Théo- 
dore Verstraete  n'expose  qu'une  toile.  En  l'espèce,  c'est  peu  pour 
porter  un  jugement. 

Quant  à  M.  Charlier,  nous  le  trouvons  remarquable  en  certaines 
sculptures.  Le  groupe  A/w^/r  (enfant  agenouillée  près  du  matelas 
où  gît  sa  mère  mourante),  Cï-t  d'une  vérité  vécue.  Telle  œuvre  de 
Meunier  à  peut-être  suggéré  l'idée  de  celle-ci,  mais  ce  n'a  été 
que  pour  encourager  l'artiste  à  faire  grand  et  naturel.  Signalons 
aussi  un  bas-relief  à  la  cire  :  Pêcheurs  à  la  Minque.  Atiroupe- 
ment  d'hommes  et  de  femmes,  pris  sur  le  vif.  Les  bas-reliefs  des- 
tinés au  monument  de  Gallail  sont  d'une  conception  moins 
foreuse. 


De   MM.  Victor   Uytterschaut,    Henry    Stacqaet   et 
baron  J.  Goethals  Au  Cercle  artistique. 

M.  Uytterschaut  est  reconnu,  depuis  longtemps,  comme  un 
aquarelliste  savant,  à  la  belle  louche,  à  la  robuste  couleur. 
Parfois  le  tentent  quelque  mare,  quelque  étang,  quelque  coin  de 
village,  —  mais  où  il  excelle,  c'est  dans  la  représentation  des 
barques,  où  il  obiienl  des  effets  d'une  délicatesse  charmante  et 
pleine  de  saveur,  il  y  en  a  plusieurs  ainsi,  à  l'exposition  actuelle, 
des  échouées,  noires  et  solides  sur  le  sable  des  dunes  et  le  gris 
salin  de  la  mer  du  Nord. 

M.  Stacquel  est  plus  mièvre.  Il  est  fin  ;  son  aquarelle  ravit 
comme  un  joli  nœud  prestement  posé  sur  la  poitrine  d'une  affrio- 
lante femme.  C'est  presque  un  peintre  d'éventails;  ses  prairies  sont 
légères  comme  des  fils  de  la  vierge,  ses  villages  sont  de  petits 
sourires,  ses  marines  sont  comme  un  peu  de  folle  écume  sur  le 
Whalman. 

M.  Goethals  expose  28  tableaux  à  l'huile,  dont  quelques-uns 
sont  bien  faibles  et  bieti  fatigués,  d'autant  plus  qu'ils  sont  tués 
net  par  son  ancien  déjà  et  beau  Nieuporl,  au  ciel  d'aurore  si 
chantant,  aux  dunes  pleines  de  caractère,  ayec,  dans  le  fond,  la 
ville  profilée  sur  du  soleil. 


A  MM.  6.  Frédèrix,  Ch.  Tardieu,  et  tutti  quanti. 

Des  étudiants  de  Gand  avaient  demandé  la  collaboration  de 
M.  Ernest  Lavisse,  professeur  en  Sorbonne,  pour  l'Almanach  de 
leur  Université  de  cette  année. 

M.  Lavisse  leur  a  envoyé  un  morceau,  excellent  quoique  un  peu 
professoral  et  déclamatoire,  dont  parlent  tous  nos  journaux  et 
auquel  l'Indépendance  fait  les  honneurs  de  son  supplément  litté- 
raire d'aujourd'hui. 

Ce  morceau  est  un  panégyrique  de  la  Belgique  et  de  sa  Jeunesse. 
On  ne  peut  le  lire  sans  émotion  et  sans  reconnaissance.  Il  a 
d'autant  plus  de  portée  que  son  auteur  a  conquis  à  Paris  la  situa- 
tion privilégiée  d'un  savant,  dans  toute  la  force  d'une  belle  matu- 
rité, apparaissant  comme  le  chef  et  l'inspirateur  des  nouvelles 
générations  studieuses,  d'un  homme  enthousiaste,  d'un  fervent 
du  progrès  vers  qui  elles  se  tournent  et  en  qui  elles  espèrent. 

Nos  bons  et  impartiaux  journalistes  qui  éreinlenl  systématique- 
ment notre  jeunesse  artistique  et  littéraire  se  pâment  devant  ce 
qu'ils  nomment  «  une  lettre  remarquable  »  ;  ils  louent  et  exaltent 
sans  réserve  «  cet  universitaire  s'occupant  de  la  Belgique  avec  une 
réelle  compétence  »;  ils  s'émeuvent  «  devant  cet  écrivain  qui 
parle  sans  préjugés, ni  erreurs^,  etc.,  etc.,  etc.  :  ils  y  vont  bon  jeu, 
bon  argent,  émerveillés  et  touchés  des  compliments  ainsi  envoyés 
par-dessus  la  frontière;  ils  les  trouvent  justes,  encourageants, 
méritoires. 

Mais  ils  ne  s'aperçoivent  pas,  ces  mannequins,  que  l'acte  de 
M.  Lavisse  qui  les  met  en  ce  rut,  est  la  plus  véhémenie  critique  de 
leurhabituelle  attitude  de  dénigrement  et  de  gouaillage,  d'insolence 
et  de  dédain  pour  leurs  compatriotes. 

Une  remarque  très  simple  suffit  à  le  démontrer  :  Imaginez 
M.  GustiiVé  Frédèrix,  M.  Charles  Tardieu  ou  tel  autre  qui,  par  sa 
systématique  et  méchante  critique  est  descendu  au  rang  de  plu- 
mitif méprisé  des  jeunes,  imaginez  l'un  de  ces  bonshommes  ayant 
eu  l'heureuse  inspiration  de  parler  des  vaillances  de  notre  jeunesse 
comme  vient  de  le  faire  cet  étranger.  Quelle  situation  il  eût 
conquise  chez  nous  !  Quelle  justice  il  eût  faite  aux  nôtres  !  Quel 


78 


VART  MODERNE 


changement  radical  de  tous  les  facteurs  de  notre  mouvement 
contemporain!  Quelle  paix  reconquise,  quel  encouragement  pour 
la  marche  en  avanl  ! 

Imaginez  M.  Gusiavc  Frédérix,  M.  Charles  Tardieu  ou  tel 
autre  de  ces  chevaliers  du  style  au  poignet,  s'avisant,  au  lieu 
d'exalter  le  troupeau  des  médiocres  dans  la  basse  inleniion  de 
diminuer  ceux  qui  marchent  et  qui  osent,  de  parler  des  misérables 
résidus  doctrinaires  comme  M.  Lavisse  l'a  fait  en  cette  phrase 
fatidique  : 

«  Deux  problèmes  s'imposent  à  noire  civilisation,  qui  doit  les 
résoudre  ou  périr  :  le  problème  de  la  justice  sociale  et  le  pro- 
blème de  la  justice  internationale.  Et  les  jeunes  gens  qui  font 
dans  les  écoles  la  veillée  d'armes  de  la  vie  sont  de  pauvres 
petits  garçons  aveugles,  s'ils  s'enferment  dans  la  préparation  b 
dos  métiers,  et  ne  pensent  pas  même  à  chercher  le  mot  des  deux 
grandes  énigmes.  Le  sphinx  n'attendra  plus  longtemps.  » 

Ah!  le  rôle  était  beau  et  la  gloire  eût  été  immense!  Mais  pour 
saisir  les  hautes  résolutions  il  faut  de  grands  cœurs.  Les  crilicules 
auxquels  nous  avons  à  faire  sont  de  la  race  des  dégénérés  et  des 
appauvris.  Ils  ne  se  doutent  môme  pas,  ces  essoufflés  et  ces 
éreinlés,  de  la  contradiction  amusante  qu'il  y  a  entre  ce  qu'ils 
vanlent  'chez  M.  Lavisse  et  ce  qu'ils  font  chez  nous.  Alors  qu'ils 
trouvent  admirable  qu'un  étranger  proclame  «  la  Grandeur  de  la 
Patrie  Belge  »,  exécute  «  les  pauvres  petils  garçons  aveugles  qui 
se  renferment  dans  la  préparation  à  des  métiers  »,  et  dirige  tout 
l'éclat  du  feu  de  ses  phrases  sur  «  ceux  qui  pensent  à  chercher  le 
mot  des  grandes  énigmes  »,  eux  vilipendent  leurs  compatriotes, 
et  pratiquent  à  leur  égard  les  commandements  doctrinaires  : 
Affamer  ou  diffamer,  —  déshonorer  ou  destituer,  —  corrompre 
ou  écraser. 

Allez-y,  Critiques  et  Universitaires,  lescoupsdepied  et  les  gifles 
pleuvent  depuis  quelque  temps  sur  vous,  mes  mignons,  en 
giboulées.  Vous  avez  du  plomb  dans  l'aile,  mes  petits  pigeons; 
la  place  se  nettoie;  vous  en  disparaîtrez  prochainement  et  serez 
désormais  libérés  du  souci  d'accomplir  vos  quotidiennes  sottises. 


CONCERT  DE  L'ECOLE  DÉ  MUSIQUE  DE  LOUVÀIN 

Jacqueline  de  Bavière 

Oratorio  historique  de  J.  Van  den  Eeden. 

{Correspondance  particulière  rfe  l'Art  moderne.) 

M.  Emile  Mathieu  a  offert,  samedi  dernier,  un  savoureux  régal 
aux  gourmets  de  musique.  Ce  concert  ronlinuc  la  série  des  suc- 
cès auxquels  le  vaillant  directeur  de  l'Ecole  de  musique  de  Lou- 
vain  nous  a  habitués.  Grâce  à  d'incessants  efforts,  à  cet  opiniâtre 
labeur,  qui,  selon  l'adage  latin,  vainc  tout,  il  a  réussi  à  grouper 
autour  de  lui  une  phalange  artistique  digne  de  lui-même.  Pour 
préparer  celle  remarquable  audition  de  Jacqueline  de  Bavière, 
l'épopée  musicale  de  J.  Van  den  Eeden,  pour  élever  orcheslre.eî 
chœurs  à  la  hauteur  de  l'œuvre,  il  ne  fallait  pas  moins  que  l'auteur 
de  Richilde  :  c'était  un  maître  interprétant  un  maître. 

Jacqueline  de  Bavière,  oratorio  historique  (1430),  composé  sur 
l'adaptation  française  que  G.  Aniheunis  fit  du  poème  d'Emm.  Hiel, 
fut  exécutée  à  Anvers  en  1876,  à  Mons  en  1879  et  à  Namuren  1889! 
L'œuvre,  ancienne  déjà,  comme  on  voit,  a  néanmoins  conservé  sa 
fraîcheur  :  elle  a  la  vie  toujours  jeune  de  l'art. 

Elle  s'ouvre  par  une  symphonie  descriptive  d'une  radieuse 
poésie. 

L'aurore  se  lève  sur  l'Eseaut.  Soudain  l'Orient  éclate  en  fanfares 
vermeilles.  Sur  le  fleuve  illuminé  se  bercent  les  barques  dans  la 
caresse  des  rayons  et  des  brises.  Des  chœurs  de  femmes,  sur  la 


rive,  répondent  aux  chants  d'amour  des  pécheurs.  Et,  dans  la 
lumière  neuve  du  jour,  toute  celte  mélodie  de  tendresse  heureuse 
monte  comme  une  aube  ineffable  de  volupté  vers  François  de 
Borselen,  attendant,  prisonnier  dans  une  tour,  l'heure  do  son 
supplice.  Tandis  que  le  soleil  d'été  s'élance  de  plus  en  plus  dans 
une  triomphale  explosion  de  lumière,  répandant  partout  l'ivresse  de 
la  vie,  le  captif  se  sent  envahir  parles  ténèbres  de  la  mort;  ces 
chants  qui  se  mêlent  à  ses  funèbres  lamentations,  semblent  venir 
vers  lui  du  lointain  des  jours  heureux  et  évoquent,  en  son  cœur, 
la  douce  vision  de  son  ainaute,  Jac(iueline  de  Bavière.  Tout  à 
coup  stride  une  sonnerie  de  irompelles,  une  flolte  s'avance  et  voici 
qu'apparaît  Jacqueline,  la  bien-ainiée,  pour  la  délivrance  du  bon 
chevalier. 

Telle  est  la  première  partie  du  poème  musical  qui  a  été  exécuté 
h  Louvain.  Jean  Van  den  Eeden  s'y  hausse  h  la  taille  de  Peter 
Benoit:  il  est  h  la  fois  musicien,  poète,  peintre.  Il  a  la  science 
et  l'inspiration;  toute  son  âme  vibre  à  iravers-l'ingénieux  travail 
de  l'orchestre.  Son  œuvre,  dans  ses  parties  descriptives,  poé- 
tiques et  dramati()ues,  a  tour,  à  tour  la  couleur,  la  suavité  et 
Témolion;  la  progression  y  est  parfaitement  conduite  jusqu'au 
final  qui^  dans  un  crescendo  de  lumière,  de  joie  cl  de  puissance, 
éclate  av'ec  une  ampleur  majestueuse. 

Elle  a  été  excclieuimenl  interprétée  par  l'orchestre  et  les 
chœurs  composés  en  grande  partie  d'amateurs  des  deux  sexes 
dont  la  ténacité  d'Emile  Mathieu,  maintient  compacte  la  phalange 
depuis  plusieurs  années,  par  une  sorte  de  miracle;  surtout  et 
hors  pair  par  M.  Achille  Tondeur,  baryton,  professeur  â  l'Ecole 
(le  musique  de  Louvain,  qui  a  rappelé  le  puissant  souvenir  du 
regretté  Emile  Blauwaert. 

Dans  la  première  partie  du  concert,  M""Delhaze,  pianiste,  el 
M""  J.  Vranckx,  cantatrice,  ont  mérité  les  plus  vifs  applaudis- 
sements. 


MAURITS  BAUER 

La  légende  de  saint  Julien  l'Hospitalier.  —  10  litho- 
graphies, d'après  Gustave  Flaubert,  tirées  à  20  exemplaires  numé- 
rotés, dont  cinq  de  remarque  signés  par  l'artiste.  —  La  Haye,  1891. 

D'un  article  du  Nieuws  Gids,  d'Amsterdam  et  sous  la  signature 
de  Jan  Veti!  : 

Bauer  :  un  délicat  artiste  et  dessinateur  par  excellence. 

Dessinateur  —  non  à  la  façon  de  ceux  qu'on  intitule  ainsi,  el 
qui,  sans  autre  souci  de  beauté,  en  deçà  de  toute  élévation,  en 
dehors  de  toute  préoccupation,  profilent,  plus  ou  moins  correcte- 
ment, mais  surtout  avec  une  prestigieuse  facilité,  des  silhouettes 
ou  puériles  ou  conventionnelles; mais  un  artiste  plus  spécialement 
dessinateur  excellent,  puisqu'il  n'a  nul  besoin  des  plus  riches 
matières  et  moyens  picturaux  pour  réaliser  ses  aspirations,  et 
qu'au  moyen  de  l'unique  pointe  de  craie  il  fouille  ses  figures  jus- 
qu'aux plus  imperceptibles  nuances. 

Le  talent  de  Bauer  ne  se  résume  pas  à. sa  si  originale  belle  écri- 
ture. La  grandeur  de  conception  de  lu  plupart  de  ces  planches 
leur  donne  le  caractère  d'illustrations-paraphrases  el  le  lexte 
qu'elles  commentent  sonne  comme  un  accompagnement  de  mots 
rythmiques  montant  d'un  horizon  crépusculaire  :  un  Calife,  un 
Château,  au  milieu  du  bois,  sur  la  pente  de  la  colline,  lise  com- 
posa une  armée,  Il  combattit  les  Scandinaves. 

La  frénésie  chasseresse  de  Julien  aurait  inspiré  deux  planches 
d'un  chaleur  d'imagination  inattendue  cl  tout  à  fait  déconcer- 
tante :  Elles  tournaient  autour  de  lui. 

L'album  clôt  sur  celte  :  Il  s'en  alla,  mendiant  sa  vie  par  le 
monde. 

Cel  album  de  lithographies,  la  meilleure  œuvre  que  Bauer  fit 
voir,  est,  à  notre  avis,  unique  en  art! 

C'est  l'art  d'un  dessinateur  doué  d'une  miraculeuse  intuition, 
qui  aurait  erré  par  d'étranges  pays,  les  yeux  rayonnants  du  feu 
de  l'Illusion;  .;'esl  l'art  d'un  qui  vit  énormément  de  choses,  se 
repliant  sur  des  pensées  avides  de  la  délicatesse  des  contes  bleus, 


.<f^»?^"iT>i 


LART  MODERNE 


79 


clos  formidables  alliludcs  des  rlievalicrs,  de  la  struclurc  imposante 
des  moiuimcnts,  de  forais  infinies  où  les  arbres  moment  et  s'éten- 
dent comme  de  somptueux  fantômes  el  se  reculent  aussi,  de 
pensées  éprises  du  faste  orientai. 

C'est  l'art  d'un  aventurier  visionnaire,  que  quatre  grands 
artistes  de  l'art  contemporain  :  Delacroix,  Doré,  Monticcll.i  et 
Tbijs  Maris  aura'*^"'  '<^"U  sur  les  fonts  baptismaux. 

L'art  d'un  fa""J''''ste  rêveur  qui  improvise  mollement,  mais 
brillamment  av^c  ""c  très  riche  faculté  de  mise  en  sc^n&,  d'iieu- 
reuses  trouvailles  f'c  raffinée  délicatesse.  C'est  le  poétique  et  sug- 
gestif décor,  tissé  d'un  encbovétrcment  de  lignes  grises,  d'un  conte 
ensorcelant  el  somptueux. 

Fata  morgana  d'un  admirable  monde  légendaire,  plein  de  la 
grandeur  dos  aventures  de  mis  moyen-ftgeux,  resplendissant  de 
sainteté,  étourdissant  du  bniit  des  échos  des  combats! 


«Petite  c;HR0f4iquE 

La  clôture  du  Salon  des  XX  aura  lieu  irrévocablement 
aujourd'hui,  dimanche,  à  S  heures,  certaines  des  œuvres  exposées 
devant  ôlrc  expédiées  aux  expositions  de  Paris  et  de  Londres. 

Le  pianiste  Arthur  Van  Dooren  donnera  un  concert,  le  iO  mars, 
à  la  Galerie  moderne,  rue  Royale,  180,  avec  le  concours  de 
M"*  Van  Dooren,  pianiste,  de  MM.  Heuschling,  baryton,  et 
Crickhoom,  violoniste.  

La  Sociélé  de  Musique  de  Tournai  annonce  pour  le  dimanche 
20  mars  courant,  une  audition  musicale  consacrée  aux  oeuvres  de 
M.  Gabriel  Picrné.  M.  Pierné  jouera  sa  Fantaisie- Ballet  pour 
piano  et  orchestre  ;  les  chœurs  interpréteront  Pandore,  avec  solo 
de  soprano  el  déclamation,  et  les  Elfes,  pour  quatuor,  solo  et 
chœurs.  L'orchestre  fera  entendre  sa  Marche  de  l'Exposition,  sa 
Sérénade,  la  Pantomime,  la  Veillée  de  l'Ange  gardien  el  la 
Marche  des  petits  Soldats  de  plomb. 

Les  solistes  sont  M.  Chômé,  M""  Guilliaume  el  Vlicx,  MM.  Ver- 
boom  et  Coryn.  ^ 

Paraîtra  à  la  fin  de  ce  mois  l'œ-uvre  nouvelle  de  M.  Georges 
Eekhoud  :  le  Cycle  Patibulaire;  V«  Monnom,  imprimeur;  Kisie- 
Tïiaecker,  éditeur.  Tirage  à  petit  nombre.  Prix  :  5  francs  l'exem- 
plaire sur  vélin  ;  10  francs  celui  sur  Hollande. 

Cours  supérieurs  pour  dames.  —  7  mars,  à  2  heures, 
M.  H.  Pergameni  :  Les  races  et  les  peuples  de  l'Inde;  à  3  heures, 
M™»  A.  Chaplin  :  Gecrge  Eliot  (suite).  —  8  mars,  à  2  heures, 
M.  E.  Verhaeren  :  La  peinture  néo-golhique  allemande.  — 
9  mars,  à  2  heures,  M.  H.  Pergameni  :  Les  réformes  de  Marie- 
Thérèse  et  de  Joseph  IL  — iO  mars,  à  2  heures,  M.  H.  Lonchay  : 
La  révolution  brabançonne;  à  3  heures,  M"«  J.  Tordeès  :  Lecture  : 
Richepin  :  Par  le  glaive.     "    

Programme  du  prochain  festival  rhénan  (à  Cologne)  : 

Première  journée  :  Ouverture  à'Euryanthe,  Psaume  114  de 
Mendélssohn;  Svmphonie  n»  IV  de  Schumann;  fragments  du 
Crépuscule  des  dieux  de  Wagner;  9«  Symphonie  de  Beethoven. 

Deuxième  journée  :  Ouverture  à'Anacréon  de  Chérubini  ; 
Requiem  de  Verdi  ;  symphonie  de  Roméo  et  Juliette  de  Berlioz. 

Troisième  journée  :  Ouverture  de  Léonore  de  Beethoven  ; 
Kaisermarsch  de  Wagner  ;  Schôn  Ellen,  cantate  de  Max  Bruch  ; 
Psaume  13  de  Liszt.  

De  la  Légende  de  sainte  Cécile,  l'œuvre  nouvelle  de  MM.  Bou- 
cher et  Chausson,  dont  notre  correspondant  de  Paris  a  fait  iin 
vif  éloge  (1),  le  Guide  musical  donne  le  compte-rendu  suivant  : 

Le  Théâtre  des  Marionnettes  de  la  rue  Vivienne,  qui  nous  a 
procuré,  depuis  trois  ans,  de  si  délicieuses  soirées,  vient  de 
rouvrir  ses  portes  à  la  grande  joie  des  amateurs.  La  Tempête, 
les  Oiseaux,  Tobie  cl  la  Nativité  du  Christ  ont  laissé  des  sou- 
venirs qui  ne  s'effaceront  point.  Jamais  on  ne  vil  actrices  aussi 

(i)  Voir  notre  numéro  du  1^  février  dernier. 


simples  el  aussi  spirituelles  que  ces  petites  poupées,  el  si  elles 
n'étaient  naturellement  modestes,  l'impatience  de  leur  public  à 
les  revoir  pourrait  griser  un  peu  leurs  petites  cervelles  el  troubler 
leurs  bons  rapports  avec  leur  directeur. 

L'an  dernier,  M.  Bouchor  nous  avait  donné  Noël,  l'éclosion 
radieuse  des  mystères  chrétiens  ;  cette  année,  nous  assistons, 
avec  la  Légende  de  sainte  Cécile,  aux  lutlos  de  la  primitive 
Église.  Elle  est  bien  simple,  cotte  histoire,  el  tout  le  monde  la 
connaît  du  reste. 

Sainte  Cécile  est  prisonnière  du  roi,  qui  la  veut  épouser.  Elle 
s'y  refuse,  car  d'abord  elle  est  chrétienne,  el,  ensuite,  le  jeune 
Valérien  a  quelque  pou  fait  battre  son  cœur.  Lorsqu'il  apprend 
les  motifs  du  refus  que  la  jolie  vierge  oppose  à  ses  projets 
matrimoniaux,  le  roi  décide  de  faire  iijourir  cl  Valérien  el  sainte 
Cécile  dans  les  supplices  les  plus  affreux.  Ils  mourront,  en  effet, 
sainte  Cécile  au  moins;  mais,  auparavant,  l'intervention  divine 
fait  tomber  le  méchant  roi  au  fond  d'un  abîme  qui  s'ouvre  entre 
les  deux  jeunes  gens. 

11  y  a  aussi  dans  la  pièce,  —  car  c'est  une  pièce,  —  plusieurs 
personnages  épisodiques,  qui.  ont  obtenu  un  gai  succès  :  Gaymas, 
notamment,  l'intendant  du  roi,  dont  le  rôle  étail  récité  dans  la 
coulisse  par  M.  Raoul  Ponchon.  M.  Bouchor  lui-même  récitait  le 
rôle  de  Valérien;  M""»  Eugénie  Nau,  celui  de  sainte  Cécile. 

Les  vers  de  M.  Maurice  Bouchor  sont,  comme  on  les  allendail, 
suaves  et  forts,  harmonieux  et  pleins,  simples  el  riches  à  la  fois. 
L'inspiration  en  est  aussi  heureuse  que  celle  de  son  Noël;  il  y  a 
mis,  en  outre,  celte  fois,  du  pathétique  et  du  poignant. 

M.  Ernest  Chausson  a  composé,  pourcettc  légende,  une  partition 
importante,  qui  a  largement  partagé,  avec  les  vers  de  son  poète, 
les  honneurs  de  la  soirée.  Cette  partition  est  une  petite  merveille 
qui  s'adapte  admirablement  au  sujet  ;  c'est  le  plus  bel  éloge 
qu'on  en  puisse  faire.  Chaste,  céleste  quand  c'est  sainle  Cécile, 
vraiment  angélique  quand  ce  sont  les  chœurs  d'anges  invisibles 
qui  l'inlerprètcnl,  celte  musique  a  ravi  l'auditoire. 

La  toile  de  fond  du  dernier  tableau,  l'apparilion  de  sainle 
Cécile,  qui  est  l'œuvre  de  M.  Henri  Lerolle,  complète  un  ensemble 
délicieux. 

Des  artistes  hollandais,  au  nombre  d'une  cinquantaine,  ont  pris 
l'initiative  d'une  manifestation  nationale  de  sympathie  en  l'hon- 
neur de  deux  peintres  qni  atteignent  leur  soixante-dixième  année  : 
31M.  W.  Roelofs  et  J.-A.-B.  Strocbel.  Le  Comité  se  propose 
d'offrir  au  Musée  de  La  Haye  les  portraits  des  deux  peintres.  Les 
souscriptions  sont  reçues  par  M.  P. -S.  Van  derBurgh,  secrétaire, 
Parksiraat  89,  La  Haye. 

Vient  de  paraître  :  Floréal,  revue  mensuelle  de  littérature  et 
d'art.  —  Collaborateurs  :  Charles  Bronne,  Charles  Delchevalerie, 
Céleslin  Demblon,  Auguste  Donnay,  Germaine  Franck,  Paul 
Gérardy,  Aug.-M.  Henroiay,  Albert  Mockel,  Pierre-M.  Olin,  Léon 
Paschal,  Pierre  Quillard,  Edmond  Rassenfosse,  Henri  De  Régnier, 
Fernand  Severin,  Albert  Thonnar,  Emile  Verhaeren,  Gaston 
Vyttall,  etc.,  etc. 

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rédaction  :  7,  rue  de  la  Boverie,  à  Liège. 

Lors  de  la  dicussion  du  budget,  M.  De  Bruyn,  ministre  des 
l'agriculture,  de  l'industrie  et  des  travaux  publics,  a  fait  savoir  à 
la  Chambre  que  sur  le  refus  du  gouvernement  d'instituer  la  Com- 
mission des  sites,  M.  Jules  Carlier,  député  de  Mons, avec  quelques 
personnes  de  bonne  volonté  a  constitué  lui-même  une  Commission 
libre,  qui  poursuivra  le  but  de  faire  respecter  les  sites  les  plus 
remarquables  de  Belgique. 

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Malles-Postes  de  l'Êtal-Belge, pionlagne  de  la  Cour,  90*,  à  Bruxelles  ou  Gracechurch-Slreet.  n-  53,  à  Londres;  à  VAf/ence  des  Chemins  de 
fer  de  VMat  Beige,  à  Douvres  (voir  plus  haut);  à  M.  Arthur  t'rawcAex,  Domkloster.  u»  1.  à  Cologne;  à  M.  Sicpcrmann,  67,  Unter  den 
Linden,  à  Berlin;  à  M.  Retnmelmann,  15,  Guiollett  striisse,  à  Francfort  a/m;  à  M.  Schenkcr,  Schottenring,  3,  à  Vienne;  à'^/me  Schrockl, 
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Douzième  année,  —  N"  11. 


Le  numéro  :  26  centimes; 


Dimanche  13  Mars  1892. 


L'ART 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  i  Octave  MAtJS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS   :    Belgique,    un    an,    fr.    10.00;  Union   postale,    fr.    13.00     —  ANNONCES   :    On    traite  â   forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'admnistration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  rindustrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


Clôture  du  Salon  des  XX.  —  Le  Théatrk  Libre  a  Bruxelles. 

-  Conférence  de  M.  Fernand  Khnopff.  —  Auguste  Delaherche, 

-  Au  Conservatoire.  Deuxième  concert,  —  Petite  chronique. 


Clôture  du  Salon  des  XX 

Close  l'Exposition,  récapitulons.  On  compte  les  coups 
de  bouton  après  l'assaut. 

Ceux  que  d'inoubliables  volées  maintiennent  dans  une 
pitoyable  exaspération  à  l'égard  d'un  groupe  d'artistes 
dont  le  succès  s'affirme,  triomphant,  aux  yeux  des  moins 
clairvoyants,  ont  donné,  comme  de  coutume,  la  preuve 
de  leur  parfaite  ignorance  et  de  leur  nette  incapacité. 

Il  y  a  belle  lurette  que  le  public,  de  plus  en  plus  initié 
aux  idées  nouvelles,  a  crevé  les  vessies  que  très  impu- 
demment de  soi-disant  critiques  d'art,  érigés  tels  par 
leur  propre  vouloir,  s'efforçaient  de  faire  prendre  pour 
des  lanternes  allumées.  Cette  fois,  leur  déchéance  est 
définitive.  Isolés,  réduits,  bafoués  par  le  rire  grandis- 
sant, ils  s'en  vont  clamant  et  protestant,  sans  que  leur 
voix  dépasse  un  cercle  restreint  de  familiers.  Leur  ges- 
ticulatioi)  est  si  funèbrement  comique  qu'on  est  tenté 
de  les  plaindre,  loin  de  songer  à  se  fâcher.  C'est  l'abo- 
lition d'un  règne  facile,  la  chute  irrémissible  d'un  pou- 


voir usurpé.  La  révolution  accomplie,  c'est  le  peuple 
qui  juge  ceux  qui  ont  trop  longtemps  voulu  le  diriger. 

N'eussent-elles  eu  que  cette  conséquence,  les  neuf 
campagnes  entreprises  par  une  poignée  d'audacieux 
dans  tous  les  domaines  de  l'art,  —  peinture,  sculpture, 
musique,  littérature,  —  mériteraient  louanges  et  res- 
pect. Libérée  d'édits  absurdes,  de  lois  surannées,  de  pro- 
hibitions plantées  en  poteaux  comminatoires  aux  carre- 
fours des  voies  nouvelles,  la  foule  a  reconquis  son 
indépendance.  Elle  franchit  toutes  les  clôtures,  elle  s'en- 
gage dans  les  avenues  qu'on  s'efforçait  de  lui  interdire, 
■elle  pénètre  au  plus  profond  des  fourrés  réputés  dange- 
reux et  impraticables. 

C'est,  pour  elle,  une  délivrance.  Pour  les  artistes,  un 
essor  de  créations,  une  envolée  vers  des  régions  inexplo- 
rées. 

L'empressement  qu'on  a  mis  à  visiter  le  Salon  des  XX, 
à  acquérir  telles  œuvres  qui  y  étaient  exposées,  le 
succès  qui  a  accueilli  les  compositions  musicales  pré- 
sentées en  première  audition,  —  les  plus  intransigeantes 
ont  été  le  plus  chaleureusement  applaudies,  —  ne  sont- 
ils  pas  un  témoignage  manifeste  du  revirement  décisif 
de  l'opinion  ? 

Et  comment  s'arrêter  encore  aux  déclamations 
baroques  des  critiques  hostiles  à  l'évolution  de  l'art  ? 
Chaque  année  importe  une  moisson  nouvelle  au  bêtisier 
que  fournissent  leurs  vitupérations. 


82 


UART  MODERNE 


L'un  des  bonzes  de  ce  reporto-bavardage  n'a-t-il  pas 
classé,  cette  fois.  Van  Strydonck,  dont  les  portraits 
n'ont  certes  rien  d'anarchiste,  parmi  les  «  pointilleurs  " 
qui  ont  «  renchéri  en  fait  d'excentricités  sur  l'œuvre  de 
feu  Georges  Seurat,  le  protagoniste  de  cette  ataxie 
picturale  »  !  {Etoile  belge  du  8  février.)  Ce  sont,  pour 
lui,  «  rébus  insolubles  ".  Le  chroniqueur  compare  déli- 
cieusement tels  peintres  à  «  des  gens  qui  s'aviseraient, 
pour  se  rapprocher  des  antipodes  (?),  de  marcher  sur 
les  mains.  On  en  rirait  d'abord.  Puis  bientôt  l'amuse-' 
ment  tournerait  à  l'agacement.  » 

Pour  ce  «  critique  (?)  »  Ensor,  Regoyos,  Vogels  sont 
tous  des  «  pointilleurs  »•.  C'est  invraisemblable,  mais  si 
vous  ne  le  croyez  pas,  lisez  V Étoile.  Vous  y  apprendrez 
aussi  que  la  technique  néo-impressionniste  est  «  démentie 
par  la  nature  elle-même  lorsqu'elle  se  reflète  et  se  repro- 
duit sur  une  plaque  sensibilisée  -  (!!!). 

...Un  autre  cite  parmi  les  choses  notables  du  Salon  les 
projets  de  vitraux  de  Besnard,  "  qui  appartiennent, 
dit-il,  au  genre  décoratif  le  meilleur.  »  {Impartial  à\x 
9  février.)  L'observation  Serait  juste,  sans  doute,  si  on 
avait  pu  voir  les  dits  cartons.  Mais  ceux-ci  appartien- 
nent à  l'État  français,  et  l'autorisation  de  les  exposer 
étant  arrivée  après  l'ouverture  du  Salon,  force  a  été  de 
remettre  à  l'an  prochain  l'occasion  d'éviter  à  un  criti- 
que une  gaffe  d'ailleurs  traditionnelle. 

M.  Constantin  Meunier  aura  dû  être,  de  même, 
enchanté  de  l'appréciation  portée  par  la  Gazette 
(14  février)  sur  ses  Panthères,  «  crânement  tortillées 
dans  la  cire  (!)  ».  Or,  les  dites  Panthères,  encore  en 
voie  d'exécution,  n'ont  pas  quitté  l'atelier  de  l'artiste,  à 
Louvain. 

M.  Ensor,  lui  aussi,  a  pu  voir  citer  avec  éloge  un  Christ 
qui  n'a  jamais  figuré  qu'au  catalogue  et  une  Jeune 
fille  à  l'église  qui  n'est  autre  qu'une  bonne  dame  tra- 
vaillant au  microscope.  {Gazette,!  février). 

Comme  tout  cela  donne  une  haute  idée  de  la  critique 
de  ces  messieurs  et  de  la  conscience  qu'ils  apportent  à 
leur  mission!  Mais  ce  sont  là  menus  péchés,  si  fré- 
quents qu'on  se  lasse  de  les  signaler.  Ils  apportent  dans 
la  campagne  toujours  haineuse,  bien  que  faiblissante, 
qu'on  tente  de  mener  contre  les  manifestations  de  l'art 
nouveau,  une  note  drôle  qui  n'est  pas  pour  déplaire. 
Avec  les  pantalonnades  des  cabrioiis  qui  procèdent  à 
coups  de  calembours  et  les  exaspérations  des  ratés  du 
pinceau  ou  de  l'ébauchoir  devenus  les  ratés  de  la  plume, 
elle  complète  le  cycle  des  commentaires  comiques  ou 
malveillants  dont  le  bon  sens  a  fait  justice. 

Qu'on  ne  s'étonne  pas  de  l'insistance  que  nous  avons 
mise,  en  toute  occasion,  à  arracher  les  masques,  à 
mettre  à  nu  ces  misères.  Si  nous  avons  contribué  à 
remettre  à  leur  place  quelques  seigneurs  sans  impor- 
tance qui  avaient  usurpé  les  premiers  rôles,  nous  nous 
en  félicitons  et  nous  avons  la  conscience  d'avoir  accom- 


I 


pli  de  bonne  besogne.  Le  Salon  des  XX  et  son  pério- 
dique remue-ménage  d'idées  est  une  occasion  favorable 
pour  marquer  les  coups  et  délimiter  le  terrain  conquis, 

A  cet  égard,  le  résultat  acquis  cette  année  est  con- 
sidérable. Aux  amitiés  sans  cesse  croissantes  qui 
réchauffent  les  tentatives  libératrices  se  sont  jointes 
des  sympathies  nouvelles.  On  comprend  que  l'art  est 
dans  la  vie,  dans  le  mouvement,  dans  l'affirmation 
d'une  originalité  et  non  dans  de  stagnantes  formules 
académiques.  Ceux-là  même  qu'étonnent  certaines 
audaces  ont  pour  les  novateurs  qui  les  déploient  le 
respect  ou  tout  au  moins  la  déférence  qu'ils  méritent. 
Les  œuvres  qu'on  achète?  Ce  sont  celles  pour  lesquelles 
il  n'y  avait,  au  début,  pas  assez  d'invectives  et  de  sar- 
casmes :  lesKhnopff,  les  Vogels,  les  Ensor,  lesToorop. 
Ce  sont  celles,  aussi,  des  néo-impressionnistes,  dont  la 
technique  victorieuse  s'impose  malgré  l'obstination 
imbécile  de  certains  ;  les  Seurat,  les  Van  Rysselberghe, 
les  Signac.  Plus  timidement,  il  est  vrai,  et  c'est  le  fait 
d'amateurs  raffinés  et  prescients.  Dans  cinq  ans,  on  se 
jettera  avidement  sur  ces  toiles  claires  et  pimpantes, 
après  les  avoir  conspuées,  tout  comme  on  enlève  aujour- 
d'hui les  œuvres  des  impressionnistes  «  à  la  tache  ». 
C'est  l'éternelle  histoire,  celle  des  Millet  hier,  des 
Claude  Monet  aujourd'hui,  des  Pissarro  demain. 

Le  fait  de  vendre  ou  de  ne  pas  vendre  une  toile  n'est 
certes  pas  un  critérium  de  la  valeur  artistique  de 
celle-ci.  Constatons  néanmoins  que  la  peinture  nouvelle 
entre  dans  les  collections  des  amateurs,  ne  fût-ce  que 
pour  détruire  ce  propos  complaisamment  colporté  : 
«  Personne  ne  vend  aux  XX.  M.  Vogels  offre  parfois  un  ' 
paysage  à  M.  Ensor,  qui  répond  à  sa  politesse  en  lui 
faisant  hommage  de  quelques  masques.  Cela  fait  deux 
tableaux  acquis  ». 

Un  grand  nombre  d'œuvres  avaient  été  vendues  anté- 
rieurement au  Salon.  En  voici  la  nomenclature  : 

Œuvres  acquises  avant  l'Exposition. 

P.  Du  Bois.  Portraits  (bustes  et  bas-reliefs). 

L.  Gausson.  Soleil  couchant  {}i\.  g.  Y>.d\\Ti).  — Soir  radieux  {\di.) 

F.  Khnopff.  Portraits. 

G.  MiNNE.  Dessin  :  Don  de  majorité  {VI .  R.  Picard). 

G.  Seurat.  Lebec  du  Hoc  (M.  C.  Laurent).  —  Coin  d'un  bas- 
sin {Hon(leur){^\.  E.  VcThacrcn).—  L'Hospice  et  le 
Phare  d' Hou  fleur  {id.)  —  Embouchure  de  la  Seine  à 
Houfleur{n.  G.Kahn).  —Soir  (id.)  —  Les  Poseuses  (id.) 
—  Porten-Bessin  ;  Vavant-port,  marée  basse  (M.  G.  de 
la  Hauit).  —  Le  Crotoy,  aval  (M.  E.  Picard).  —  Le 
Chenal  de  Gravelines;  un  soir  (M"""  Monnom).  —  Le 
Chenal  de  Gravelines  ;  direction  de  la  mer  (M.  A.  Braun). 
Dessins:  Café-Concert  (M.  £.  Verhaeren).  —  Etude 
pour  la  Parade{iL  G.  Kalin).  —  Etude  pour  la  Bai- 
gnade (id.)  —  Etude  pour  le  Chahut  (M.  G.  Lemmen). 
Etude  pour  la  Parade  (id.)  —  Clair  de  lutte  (id.) 

J.  TooROP.  Homme  et  femme  du  village  {M.  Th.  De  Bock). 

H.  DE  Toulouse-Lautrec.  Portrait. 


\ 


VART  MODERNE 


83 


Th.  Van  Rysselberche.  Portraits. 
G. -S.  Van  Strydonck.  Portraits. 

G.  VoGELS.  Feuilles  mortes;  novembre  (M.  Loeyensohn).  — 
Fleurs  (id.)  —  Soir  d'hiver.{\d.) 

Quant  à  celles  qui  ont  trouvé  acquéreur  au  cours  du 
Salon,  en  voici  la  liste  : 

Œuvres  acquises  pendant  l'Exposition. 

A.  Delaherche.  Vase  et  plat;  grès  flambés  (M.  0.  Ghysbrecht). 

J.  Ensor.  L'Intrigue  (M.  E.  Rousseau).  —  Le  Domaine 
d'ArnhemiM.  E.  Verhaeren).  —  L'Auto-da-fé  (Vl.  F. 
Fuchs).  — Les  musiciens  terribles  (id.)  — La  musique 
dans  une  rue  d'OstenUe  (M.  Bivorl).  — Les  bons  Juges 
(M.  C.  Laurent).  —  Fruits  (M.  J.  Cordeweener).  — 
Les  Choux  (M.  Edm.  Labarre). 

F.  Khnopff.  Etude  pour  «!<?ie  sphinge»  (M.  Ch.  Demeure). 

X.    Mellery.    Bruges;    triptyque   (M.    Alf.    B...).    —    Le 

Dyver  (id.) 
D.  DE  Regoyos.  Servantes  de  Marie  (M.  E.  Clarembaux). 

G.  Seurat.  Douze  études  (M.  J.  De  Greef).  —  Le  Printemps  à 

la  Grande-Jatte  (M"«  A.  Boch). 
P.  SiGNAC.  Scherzo,  op.  218  (M.  J.  De  Greef).  —  Presto,  op. 

222  (M™«  Monnom). 
J.  TooROP.  —  Les  vieux  Songeurs  crédules  (M.  Fournier).  — 

Le  Cimetière  (id.)  —  La  Mariée  (M.  J.  Cordeweener). 
H.  Van  deVelde.  Faucheur  {M.  E.  Ysaye), 
G.  VoGELS.  Les  Dunes;  Nieuport- Bains  (M.  Loevensohn).  — 

A  Fumes  (id.)  —  Pleine   lune  (M.  H.  Labarre).  — 

Brouillard  (M.  Renard). 

Pour  compléter  ces  notes  documentaires,  voici  le 
tableau  des  recettes.  Nous  le  publions,  comme  de 
coutume,  en  souhaitant  qu'on  fasse  connaître  les 
recettes  de  toutes  les  expositions  bruxelloises.  On  ver- 
rait ainsi  exactement  où  vont  les  sympathies  du  public. 

Cartes  permanentes fr.  630.00 

Entrées  îi  50  centimes .  1,910.00 

Entrées  à  2  francs 728.00 

Vente  du  catalogue 546.00, 

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tations adressées  aux  artistes  pour  l'inauguration  du 
Salon,  les  cartes  de  presse  et  les  invitations  spéciales 
pour  les  concerts  et  les  conférences,  on  atteint  le  total 
de  6,000  entrées,  chiffre  assurément  respectable  et 
démonstratif. 

Ceci  suffit  à  établir  l'intérêt  qu'excite  une  manifesta- 
tion d'art  indépendante  et  fière  qui  célébrera  l'an  pro- 
chain son  DIXIÈME  ANNIVERSAIRE  malgré  les  croasse- 
ments des  oiseaux  de  mauvais  augure  qui  annoncent 
avec  persistance,  depuis  la  première  campagne,  sa  fin 
prochaine. 


■  LE  THÉÂTRE  LIBRE  A  BRUXELLES 

La  Dupe 

Comédie  en  cinq  actes,  par  Georoks  Ancey 

C'est  une  forte  et  redoutable  œuvre  que  la  nouvelle  comédie  de 
l'auteur  de  l'Ecole  des  veufs;  supérieure  à  celle-ci,  incontesta- 
blement d'après  nous,  plus  âpre,  plus  concentrée,  plus  tragique, 
plu?  scarifiante  dans  la  volonté  de  mettre  à  nu  et  de  déchirer  la 
méprisable  bourgeoisie  parasite  qui  en  est  à  ne  plus  avoir  de 
digniié  que  par  les  apparences.  Quand,  par  les  hasards  elles  ini- 
quités de  la  naissance,  on  est  membre  de  cette  classe  croulante, 
actuellement  battue  par  tous  les  flots  de  la  justice  et  du  mépris, 
on  sort  d'une  telle  représentation  humilié,  effrayé,  malade  au 
profond  de  la  conscience  et  de  la  vie  morale,  avec  le  découra- 
gement triste  d'une  plaie  incurable,  avec  le  pressentiment  de  la 
fin  prochaine  de  ce  misérable  organisme.  Heureusement  avec 
l'espérance  aussi  des  rénovations! 

Car  on  a  beau  faire  :  le  côté  purement  artistique  d'une  oeuvre 
pareille  change  de  coloration  par  la  poussée  du  côté  social.  Dès 
les  premières  scènes  les  tons  clairs  de  la  question  littérature  sont 
pénétrés  et  noircis  par  les  dessous  sombres  qui  montent  et  détrui- 
sent chimiquement  la  surface.  On  va  là  avec  son  air  de  critique, 
et  on  se  sent  muer,  disparaître,  pour  ne  plus  être  qu'un  homme 
mis  en  cause  comme  cent,  deux  cents  spectateurs  autour  de  vous 
que  gagne  et  possède  bientôt  complètement  l'inquiétude  d'assister 
à  l'impitoyable  vivisection  de  la  classe  en  laquelle  on  est  englué  ! 
Il  fallait  voir  ce  public  de  la  première  au  Théâtre  du  Parc,  venu 
là  avec  ses  louables  allures  de  gens  attentifs ,  sérieux , 
voulant  se  rendre  compte  ;  si  différents  par  ces  qualités  des  spec- 
tateurs parisiens  incurablement  frivoles  et  goguenards.  Vainement 
ils  s'efforçaient  à  ne  rester  que  curieux.  Ils  se  sont  sentis  tout  de 
suite  sur  la  sellette.  Ils  ont  compris  que  c'était  un  grand  miroir 
où  ils  se  voyaient  eux-mêmes  qu'on  dressait  sur  la  scène,  miroir 
de  sorcier,  arrachant  la  peau  aux  apparences  pour  dévoiler  les 
ignominieux  mystères  des  mœurs  bourgeoises  au  temps  présent. 

Et  une  inquiétude,  un  malaise  a  commencé  à  régner  dans  la 
salle.  La  substance  tragique  et  cruelle  de  l'impitoyable  pièce 
s'est  fait  tâtpr  sous  l'étoffe  de  comédie  dont  elle  était  revêtue. 
On  est  devenu  grave  et  mécontent  sans  pourtant  échapper  à 
l'intérêt  profond  de  l'œuvre  et  à  l'admiration.  Quelques-uns  se 
sont  impatienté  et  irrité  de  cette  opiniâtre  enfilée  d'allusions  aux 
misères  des  intérieurs  gros  bourgeois,  et  ont  essayé  de  protester. 
Mais  la  majorité  a  voulu  subir  l'opération  jusqu'au  bout,  é(jputer 
sinon  toujours  applaudir,  se  laisser  faire,  éprouvant  une  jouis- 
sance acre  à  se  sentir  charcuter  et  dépecer  par  ce  chirurgien 
brutal,  cynique  en  son  plaisir  de  mettre  les  vêtements  en 
lambeaux,  de  découvrir  les  ulcères  de  la  peau,  les  tumeurs  et 
les  caries  internes. 

Poignant  phénomène  de  l'Art  qui,  malgré  ses  proclamations, 
malgré  ses  répugnances,  malgré  ses  résistances,  malgré  tout, 
s'engage  dans  la  tourmente  sociale,  chassé  là  par.  un  irrésistible 
destin.  Ils  sont  plusieurs  déjà  qui,  conscients  ou  non,  faisant  de 
l'Art  font,  en  réalité,  de  la  Révolution,  plus  puissants  et  plus 
corrosifs  pour  détruire  que  tous  les  politiciens.  Ah!  la  vieille 
devise  du  Théâtre  :  Castigat  mores  reprend  sa  dignité,  s'ampli- 
fiant  jusqu'à  devenir  l'expression  d'une  force  dévastatrice.  Il  ne 
s'agit  plus  de  corriger  simplement  les  mœurs,  il  s'agit  de  détruire 
un  ordre  de  choses.  Et  ces  redoutables  démolisseurs  qui  ont  écrit 


/ 


84 


L'ART  MODERNE 


Pot-Bouille  et  la  Dupe  y  vont  d'une  sape  infatigable.  En  désho- 
norant la  classe  jouisseuse  et  dirigeante  par  la  divulgation  de  ses 
hontes,  en  la  déshonorant  non  seulement  vis-à-vis  des  autres, 
mais  surtout  vis-à-vis  d'elle-même,  ils  travaillent  en  révolution- 
naires plus  et  mieux  que  des  pétroleurs  et  des  barricadiers. 

Il  est  difficile  de  démêler  ses  sentiments  quand  on  sort  d'une 
représentation  comme  celle  de  la  Dupe.  La  plupart  ne  sachant 
descendre  aux  profondeurs  de  ce  point  de  vue  social,  meUent  leur 
mécontentement  sur  le  compte  de  l'imperfection  artistique.  Ils 
comparent  mentalement  ces  œuvres  où  se  déroule  le  terrible 
drame  des  vies  bourgeoises  faites  de  mesquines  horreurs  et  de 
vicieuses  misères  avec  les  pièces  du  bon  temps  de  M.  Dumas  fils 
et  de  M.  Augieroii  leurs  mœurs  gâtées  n'étaient  décrites  que  dans 
leur  élégance  et  leur  hypocrisie,  ils  regrettent  cette  période  de 
caresses  et  de  mensonges  complimenteurs.  Il  n'est  pas  artiste, 
pour  eux,  celui  qui  ne  continue  pas  cet  aimable  régime  ofi  l'on 
ne  retournait  pas  les  housses  cachant  les  meubles  troués,  où  l'on 
n'arrachait  pas  les  draperies  masquant  la  lèpre  des  murs. 

Mais,  en  vérité,  l'Art  n'est  pour  rien  dans  cette  instinctive 
répulsion.  S'il  fallait  juger  d'après  lui,  le  théâtre  de  Georges 
Ancey  mériterait  d'être  mis  aux  meilleurs  rangs,  il  a,  en  effet, 
les  qualités  essentielles  :  description  nette  des  faits,  concentra- 
tion étonnante  des  éléments  caractéristiques,  développement  serré 
et  rapide  d'une  situation,  traits  profonds  et  d'un  naturel  saisis- 
sant, comique  sans  cesse  doublé  de  tragique,  intérêt  soutenu, 
gradation  dans  un  imprévu  tournant  en  engrenage,  langue  courte, 
solide,  appropriée,  ne  puant  jamais  la  recherche  de  l'effet. 

Et  aussi  la  devination  d'un  esprit  supérieur,  le  don  essentiel. 
Car  cette  vie  déroulée  en  cinq  actes  de  la  famille  Viot,  marchands 
enrichis,  ignoblement  égoïstes  et  préoccupés  du  «  comme  il  faut  » 
pour  le  dehors,  raconte  les  décisifs  et  secrets  épisodes,  la  psycho- 
logie d'actes,  de  pensées  et  de  mots  qui  s'éparpillent  d'ordinaire 
dans  des  ménages  multiples  et  que  le  dramaturge  a  ici  concen- 
trés. Nous  en  pouvons  parler  nous  qui,  n'étant  journaliste  que 
par  fantaisie,  pour  tenter  de  réaliser  en  notre  coin  cette  indépen- 
dance de  la  presse  au  milieu  de  l'universel  asservissement  aux 
entrepreneurs  de  publicité  qui  embauchent  et  qui  paient,  et 
qui  étant  professionnellement  du  Barreau,  avons  pu  juger  au 
Palais,  dans  le  déroulement  des  procès  en  divorce,  si  cynique- 
ment révélateurs,  ce  qu'est  l'existence  intime  du  ménage  de  nos 
riches.  Mais  où  donc  Georges  Ancey  eût-il  pu,  lui,  se  renseigner 
sur  ces  détails  multiples  et  significatifs  qui  forment  le  tissu  métal- 
lique de  son  œuvre,  si  ce  n'est  dans  son  génie? 

11  est  un  exemple  saisissant  de  l'aptitude  de  l'artiste  de  haute 
race  à  comprendre  d'instinct  la  vie  de  son  temps,  à  décrire  plus 
exactement  qu'un  procès-verbal  les  choses  qu'il  n'a  pas  vues,  qu'il 
n'a  pas  entendues,  aptitude  qui  stupéfie  le  vulgaire  et  lui  fait 
croire  que  l'écrivain,  avant  de  décrire  un  milieu,  va  y  faire  un 
long  séjour.  C'est  ce  vulgaire  qui  pense  que  Balzac  fréquentait  les 
salons  du  grand  monde,  qu'il  était  un  familier  de  la  comtesse 
de  Beauséant  ou  de  la  duchesse  de  Langeai  ;  que  Zola  est  allé 
passer  toute  une  vacance  dans  les  charbonnages  du  Nord  et 
Lemonnier  dans  le  laminoir  de  Happe-Chair.  Il  ne  se  rend  pas 
compte  des  privilèges  intellectuels  des  grands  hommes  et  notam- 
ment de  celle  prestigieuse  seconde  vue,  hypnose  de  l'écrivain,  qui 
lui  fait  voir  l'inconnu  et  entendre  le  silence  par  des  forces  mysté- 
rieuses hyperestésiant  ses  sens  pour  tousjes  événements  contem- 
porains. 

Dans  sa  série  d'œuvres  dramatiques  destinées  à  mettre  au  grand 


jour  les  secrets  des  intérieurs  bourgeois  de  ce  siècle  finissant, 
Georges  Ancey  est  de  ceux-là.  Il  a  commencé  par  l'Ecole  des 
veufs,  il  a  continué  par  la  Dupe,  il  poursuivra  apparemment  par 
d'autres  chapitres  cette  épopée  descriptive  des  vices  et  des  avi- 
lissements moyens,  tette  mission  de  sa  vie  littéraire  est  plus 
visible  dans  son  côté  social  que  dans  son  côté  artistique.  C'est 
elle  qui  frappe  et  émotionne.  C'est  el'e  qui  est  le  secret  de  la 
grandeur  de  ses  œuvres.  C'est  elle  qui  explique  l'aversion  des 
repus  qui  vont  disparaître,  qui  explique  aussi  la  sympathie  admi- 
rative  de  ceux  qui  croient  et  espèrent  en  voyant  ces  plumes, 
transfigurées  en  épées,  frapper  le  vieux  monde  chancelant. 


Conférence  de  M.  Fernand  Khnopff 

au  Cercle  des  Arts  et  de  la  Presse,  à  propos  de  l'Exposition  de 
photographies  de  HoUyer,  d'après  G. -F.  Watts,  F.-M.  Brown, 
D.-G.  Rossetti  et  E.  Burne-Jones. 

Le  conférencier,  dont  c'était  le  début,  a  commencé  par  l'étude 
des  caractères  distinctifs  de  l'art  anglais  contemporain,  qu'il 
place  en  tête  du  mouvement  artistique  actuel.  Il  en  apprécie  le 
côté  aristocratique  et  intellectuel,  dont  il  indique  quelques  causes 
sociales  ou  climatériques.  «  On  y  pourrait  ajouter,  dit-il,  voyant 
les  choses  de  très  haut,  que  dans  le  grand  mouvement  de  civilisa- 
lion  venu  du  sud-est,  de  l'Inde,  et  se  dirigeant  vers  le  nord-ouest, 
après  avoir  passé  par  l'Asie-Mineure,  la  Grèce,  l'Italie  et  la  France, 
l'heure  est  arrivée  pour  les  Anglais  d'être  les  plus  forts. 

11  y  a  aussi  h  remarquer  qu'en  Angleterre,  le  gouvernement 
s'occupe  fort  peu  des  artistes  pour  les  former  (ou  défbrmer)  et  les 
entretenir.  L'art  qui  y  existe  a  ainsi  sa  raison  d'être  et  ne  souffre 
pas  de  cette  plaie  de  l'école  française,  le  tableau  de  musée,  cette 
chose  bâtarde,  inutile,  encombrante,  qui  se  fait  dans  l'intention 
unique  de  remplir,  au  Salon,  tel  grand  panneau  du  Palais  de 
l'Industrie,  et  que  l'Etat,  responsable  en  définitive  de  son  exécu- 
tion, se  croit  obligé  d'acheter  pour  en  couvrir  les  murs  de  quelque 
musée  de  province,  construit  lui-môme  d'ailleurs  pour  abriter  les 
manifestations  de  cet  art  monumental  en  chambre.  » 

« 

Puis,  à  propos  d'une  visite  chez  Watts,  après  avoir  fait  un  cro- 
quis de  dimanche  à  Londres,  il  a  exprimé  toute  son  admiration 
pour  l'auteur  de  ces  chefs-d'œuvre  :  L'Amour  et  la  vie,  L'Amour 
et  la  mort.  «  Ce  qui  constitue  le  trait  caractéristique  de  l'art  de 
Watts,  dit-il,  c'est  un  effort  continu  vers  l'idéal,  une  recherche 
anxieuse  d'exprimer  dignement  un  sentiment  élevé,  »  et  cela  sans 
négliger  le  charme  pictural  :  la  grandeur  de  la  ligne  et  la  richesse 
de  la  couleur. 

Ensuite,  après  une  courte  histoire  du  mouvement  préraphaélite, 
le  conférencier  en  a  expliqué  les  recherches  d'exactitude,  si  diffé- 
rentes cependant  du  réalisme  français,  à  cause  d'un  esprit  presque 
religieux. 

Il  a  parlé  de  Ford-Madox  Brown  comme  initiateur  du  mouve- 
ment, de  la  fondation  du  P.  R.  B.  et  du  Germ,  son  journal,  dont 
il  a  cité  un  extrait  d'une  étude  de  M.  F.  Stcphens  :  «  L'objet  que 
nous  nous  sommes  proposé  en  écrivant  sur  l'art,  c'est  un  effort 
pour  encourager  et  stimuler  une  adhésion  complète  à  la  simpli- 
cité naturelle;  et  aussi,  comme  moyen  auxiliaire,  de  diriger  l'at- 
tention sur  les  œuvres  relativement  peu  nombreuses  que  l'art 
actuel  produit  dans  cet  esprit.  On  a  dit  qu'il  y  a,  dans  ce  mouve- 
ment de  l'école  moderne,  présomption,  manque  de  déférence  aux 
autorités  établies,  abandon  des  anciennes  traditions  du  pays.  A 


VAUT  MODERNE 


85 


V. 


cela  on  pcul  répondre  qu'il  n'y  a  rien  de  plus  humble  que  la  pré- 
tention à  l'observaiion  des  laits  souiement  et  que  l'essai  de  les 
rendre  dans  leur  vérité  ». 

Alors  est  venue  la  partie  la  plus  intéressante,' peut-être,  de  la 
conférence  :  la  vie  de  Rossetli,  sa  rencontre  avec  Elisabeth  Siddal; 
la  mort  de  celle  femme  qu'il  adorait  cl  l'enterrement  avec  elle  de 
ses  manuscrits,  suivi,  sept  ans  après,  de  l'exhumation  si  drama- 
tique. 

Les  poèmes  et  les  tableaux  de  Rossetli  ont  été  étudiés,  après 
cela,  dans  leurs  ressemblances  d'inspiration  el  leurs  différences 
de  technique. 

L'analyse  de  l'œuvre  de  E.  Burnc-Joncs  a  suivi  ;  elle  était  plu- 
tôt générale,  à  part  la  description  de  deux  tableaux  :  Le  Chant 
d'amour  et  Le  Roi  Cophedia  et  la  Mendiante. 

Le  conférencier-peintre  a  terminé  son  étude  en  reprochant  à 
une  certaine  école  de  critique  déjuger  toutes  les  œuvres  d'art, 
de  quelque  tendance  qu'elles  soient,  d'après  quelques  mêmes 
«  principes»,  et  il  a  cité,  pour  conclure,  une  phrase  d'un  critique 
anglais,  M.  Waller  Pater  :  «  La  lutte  ne  doit  pas  être  des  écoles 
ou  des  tendances  d'art  entre  elles;  mais  de  toutes  les  écoles 
contre  la  stupidité,  qui  est  morte  pour  l'esprit,  el  contre  la  vulga- 
rité, qui  est  morte  pour  la  forme  ». 


AUGUSTE  DELAHERCHE 


(1) 


Ce  fut  au  palais  du  Champ-de-Mars,  lors  de  l'Exposition  de  4889, 
directement  vers  la  droite,  îi  l'entrée  de  la  section  française  céra- 
mique cl  sur  un  emplacement  relativement  restreint,  qu'Auguste 
Delaberche  se  fit  connaître  des  amateurs. 

Il  n'est  pas  un  artiste  ou  un  curieux  épris  des  choses  de  coût 
pas  un  amoureux  des  formes  el  des  belles  matières  qui  ne  se 
souvienne  encore  de  la  vive  sensation  admiralive  éprouvée  à  la 
vue  de  cette  exposition  de  grès  incomparables,  fioles,  buires, 
vases,  jarres,  crucheites,  amphores  et  cratères,  dont  les  beaux 
profils  cl  les  galbes  superbes  se  dessinaient  noblement  dans  la 
lumière  de  la  frisante  nef  et  sur  les  flancs  ou  contours  desquels 
l'action  du  grand  feu  avail  fait  couler  en  larges  larmes  ruisse- 
lantes les  colorations  les  plus  exquises,  les  plus  riches  el  les 
plus  fondantes,  les  émaux  les  plus  rares  du  monde. 

Je  ne  puis  oublier  mon  enthousiasme  à  ce  premier  contact 
avec  les  vases  précieux  de  Delaherche,  qui  écrasaient  sous  le 
poids  de  leur  beauté  sobre  les  faïenceries  vulgaires,  criardes  et  pré- 
tentieuses dont  l'exposilion  de  ce  maître  potier  était  entourée.  — 
Avec  Chaplel  el  ses  flammés  aussi  transparents  q|Ue  des  joyaux, 
avec  Emile  Galle  de  Nancy,  le  maître  décorateur  et  le  surprenant 
verrier,  avec  Clément  Massier,  le  céramiste  du  golfe  Juan,  qui 
semble  avoir  retrouvé  sinon  dépassé  l'art  des  reflets  métalliques 
porté  jadis  si  haut  par  les  Maures  d'Espagne,  Auguste  Delaherche 
fut  un  des  principaux  triomphateurs  do  notre  dernière  Exposition, 
un  triomphateur  discret,  dont  l'action  ne  pouvait  se  répandre  au 
delà  d'un  cercle  restreint  de  connaisseurs.  Dès  les  premiers  jours 

(1)  L'excellente  étude  consacrée  à  ce  maître-potier  par  notre  ériulit 
confrère  Octave  Uzanne  vient  de  paraître  dans  la  nouvelle  revue  L'Art 
et  l'Idée  (2"  livraison;  20  lévrier),  que  nous  recommandons  spéciale- 
ment à  no.s  lecteurs  comme  la  plus  belle  et  la  plus  complète  publica- 
tion consacrée  à  l'art,  à  la  curiefsité,  an  dilettantisme  littéraire.  Le 
grand  succès  obtenu  par  M.  Delaherche  au  Salon  des  A'A',  où  il  exposa 
seize  spécimens  de  ses  vases  et  de  ses  i)lals  en  grès  flambés,  donne  à 
la  reproduction  de  cet  article  un  intérêt  particulier. 


de  l'Exposition,  je  m'étais  bien  promis  de  chercher  l'occasion  de 
dire,  sur  ce  maître  qui  se  révélail  avec  tant  d'éclat,  quelques  mois 
en  reconnaissance  pour  rartistiquc  vibration  que  son  œuvre 
m'avait  causée  j  c'est  donc  la  raison  pour  laquelle,  aiî  début  de 
l'Art  et  ridée,  il  me  plaît  de  venir  ici  simplement  lui  payer  ma 
dette. 

La  fabrication  des  grès  mats  et  émaillés  el  flammés  d'Auguste 
Delaherche  est  assez  récente.  Natif  de  Beauvais,  ancien  élève  de 
l'École  des  arts  décoratifs,  le  jeune  maître  potier  par  vocation  fil 
ses  premiers  essais  aux  environs  de  sa  ville  natale,  en  employant 
les  lerres  dont  se  servaient  les  anciens  potiers  de  l'Oise,  et  parti- 
culièrement ceux  de  Savignies.  Dans  un  four  de  hasard  el  fort 
dépourvu  des  matériaux  et  qualités  essentielles,  il  obtint  cepen- 
dant, dès  l'origine,  quelques  vases  aux  formes  bossuées  el  capri- 
cieuses, aux  silhouettes  archaïques,  aussi  rapprochés  que  possible 
par  la  matière  cl  la  cuisson  des  plus  remarquables  produits  de 
Beauvais.  —  Ce  n'est  que  plus  lard,  ayant  déjà  opéré  de  grandes 
recherches  et  découvert  des  procédés  bien  personnels,  qu'il  devint 
possesseur  de  la  petite  fabrique  établie  par  M.  Chaplel,  rue  BIo- 
met,  à  Vaugirard.  —  Définitivement  installé,  Delaherche  put  se 
recueillir  et  constituer  sa  manière  individuelle,  qu'il  n'a  point, 
quoiqu'on  le  puisse  dire,  empruntée  à  la  facture  de  son  prédé- 
cesseur. Ses  formes,  ses  colorations,  ses  émaux,  son  art,  ses 
dessins  el  ses  enlevés  à  la  main  lui  sont  bien  personnels. 

Très  justement  en  extase  devant  les  grès  prodigieux  des  Japo- 
nais, il  chercha  à  obtenir  les  effets  de  coulure  et  de  glaçure  de 
ces  derniers  par  l'emploi  d'englobés  fusiblesjjouvant  cuire  à  un 
feu  plus  doux  que  le  grès  lui-même  et  qui,  par  conséquent,  se 
déplacent  au  grand  feu  et  produisent  ces  ruissellements  presque 
réguliers  qui  sont  d'un  aspect  si  exquis  pour  l'amateur. 

Quant  aux  couleurs,  Delaherche,  sachant  qu'on  les  obtient 
différemment  selon  qu'elles  sont  soumises  à  un  feu  réducteur  ou 
à  un  feu  oxydant,  établit  son  four  de  telle  manière  que  le  haut 
d'une  pièce  peut  demeurer  dans  une  atmosphère  oxydante,  tandis 
que  le  bas  subit  les  effets  de  réduction.  C'est  à  ce  procédé  de 
cuisson  qu'il  faut  attribuer  les  superbes  vêtements  d'émail  de  ses 
grands  vases  dont  la  coloration  demeure  intense  au  col,  puis 
tombe  comme  une  nappe  de  pierreries  en  fusion  el  va  se  dégra- 
dant de  ion  el  de  valeur  d'émail  jusqu'au  soubasemenl  même  du 
grès. 

Ses  formes  sont  toutes  heureuses,  d'une  simplicité  primitive,  el 
rarement  tourmentées.  Le  maître  potier  s'est  inspiré  pour  sa 
plasmaliose  de  la  potiche  orientale  ou  des  cylindres  parfaits;  ses 
cruches  sont  d'aspect  rustique  et  d'allure  bourguignonne,  ses 
amphores  ont  des  renflements  de  vases  grecs,  ses  petites  urnes 
ont  des  lèvres  bien  ourlées  el  grasses  sur  lesquelles  frémil  encore 
parfois  le  coup  de  pouce  voulu -<ftnpreinl  dans  la  glaise;  ses 
grandes  poteries  arrondissent  souvei^l  leurs  ventres  comme  des 
bedaines  monastiques,  à  l'exemple  de  ces  dames-jeannes  du  vieux 
temps  aux  hanches  dodues  el  au  col  solide  à  l'attaque. 

Comme  décorateur,  le  talent  suprême  de  M.  Delaherche  est 
dans  la  sobriété  des  ornements  qu'il  sait  placer  à  souhait  sur  Icg 
courbures,  les  arêtes,  les  couronnements,  les  anses  ou  les  oreilles 
de  ses  pots;  lorsqu'il  n'incise  pas  d'un  trait  dégagé  sur  l'englobe 
du  vase  une  légère  arabesque  rappelant  un  feuillage  dentelé 
comme  le  lierre  ou  le  chardon,  il  grave  des  fleurs  en  réserve,  des 
guirlandes  délicates  qui  font  des  ceintures  parallèles  aux  deux 
renflements  de  la  poterie;  parfois  il  groupe  des  plumes  de  paon 
à  l'œil  irisé  que  la  coloration  de  l'émail  rendra  éblouissantes,  ou 


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L'ART  MODERNE 


bien  il  ajListc  à  l'épaulemenl  de  ses  grandes  pièces  de  larges  col- 
lercllcs  de  glaise,  largement  ouvragées  au  pouce,  dans  les  replis 
desquelles  la  cuisson  fera  issir  de  larges  coulées  de  matière  jaspée 
qui  flueront  aux  flancs  de  la  jarre  comme  autant  de  gerbes  d'une 
fontaine  lumineuse. 

Enfin,  par  de  simples  mais  habiles  frottis  sur  l'émail  cru  et 
qui  laissent  parailre  en  cerlains  endroits  le  mat  de  la  terre,  il 
sait  produire  des  résultats  saisissants  qui  déconcertent  l'œil. par 
le  primitif  procédé  de  la  facture. 

Dernièrement,  désireuîc  d'innover  encore,  ce  curieux  et  ce 
chercheur  s'est  avisé  d'emprunter  à  la  forme,  aux  aréles,  à  la 
conlexture  de  certaines  fleurs  des  motifs  décoratifs  pour  silhouette 
de  nouveaux  vases;  la  marguerite,  le  dahlia,  la  rose  montée  en 
boutons  dans  sa  griffe  de  verdure  lui  ont  fourni  des  modèles. 

Delaherche  a  jusqu'ici  laissé  voir  un  goiil  et  un  tact  de  décora- 
teur impeccable;  il  pouvait,  pour  plaire  à  la  masse,  chercher  des 
effets  faciles,  afficher  des  ornemcnlalions  orientales,  user  des 
fleurs  de  lotus,  essayer  du  bizarre  et  de  l'obscur,  modeler  des 
bas-reliefs,  quesais-jc?  —  Dans  le  domaine  du  banal  et  de  la 
poudre  aux  yeux,  où  s'arrôterait-on?  —  Il  n'a  point  succombé  à  la 
tentation;  il  est  resté  artiste  et  grand  artiste,  car  l'art  du  feu 
maîtrisé  à  de  si  hautes  températures  est  aussi  digne  du  succès  et 
de  l'estime  des  amateurs  que  le  plus  bel  art  de  la  gravure  à  l'eau- 
forte  ou  sur  bois. 

Aujourd'hui,  dans  sa  petite  officine  de  la  rue  Halévy,  devant  l;i 
vitrine  de  laquelle  ne  s'arrêtent  en  extase  que  les  compréhensifs 
qui  savent  admirer,  jusqu'à  l'envie,  un  joli  vase  à  l'égal  d'un  beau 
livre,  Delaherche  ne  reçoit  guère  que  des  admirateurs  qui  pour 
lui  deviennent  bientôt  des  amis;  les  indifférents  passent  aveugles 
et  inconscients  de  la  magnificence  et  de  l'élégance  des  matières 
qui  sont  exposées. 

Cependant  quel  éblouissement,  quelle  gaîté, quelle  lumière  dans 
cette  vitrine  de  céramiste!  Ces  grès  flambés  incendient  encore  le 
rayon  visuel  du  ruissellement  de  leurs  couleurs  vitrifiées!  Ces 
couleurs  obtenues  par  l'oxydation  des  métaux  ont  des  tons  qui 
ravissent,  des  gammes  qui  émerveillent,  des  dégradations  qui 
charment.  Ici,  c'est  l'émail  d'étain  ou  la  couverte  feidspalhique 
qui  a  répandu  sur  les  courbes  de  cette  buire  un  habillage  d'agate 
qui  semble  encore  en  fusion  ;  là,  sur  ce  grès  robuste,  à  forme 
trapue,  le  cuivre  a  fourni  dans  une  coulée  torrentielle  ou  plutôt 
volcanique  des  nuances  changeantes,  comme  les  veines  du  jaspe, 
des  rouges  rubis,  des  verts  fauves,  des  bleus  d'océans  féeriques, 
selon  les  degrés  d'oxydation  du  métal,  et  tout  cela  apparaît  dans 
un  bouillonnement  d'émaux  cependant  refroidis,  mais  qu'on  sent 
avoir  été  retirés  en  pleine  magie  du  feu,  car  ils  portent  des  ondu- 
lations, des  moirages,  des  marbrures  sataniques. 

On  voit  que  la  flamme  a  collaboré  à  ces  prismes  de  couleurs 
faits  de  matières  volatilisées  et  qu'aucune  palette  ne  pourrait  repro- 
duire; ces  rouges  haricot,  sang  de  bœuf,  foie  de  mulet,  ces 
violets  aubergine,  ces  mouchetures  aventurine,  ces  mariages 
subits  de  tonalités  amoureuses,  qui  donc  serait  susceptible  d'en 
donner  l'équivalent  avec  l'emploi  de  nos  misérables  vessies  de 
peintures  minérales  ou  végétales  !  Il  y  a  dans  ces  grès  flambés 
pour  qui  sait  les  voir,  des  poésies  alchimiquées,  des  visions  fan- 
tastiques, imprévues,  je  dirai  presque  aussi  des  chansons  susur- 
rantes de  feu  grésillant...  des  musiques  de  damnés. 

Selon  l'épaisseur  de  la  couverte,  les  larmes  de  ces  infernales 
poteries  ont  coulé  plus  ou  moins  abondamment  sur  le  ventre  des 
amphores,  fusant  jusqu'aux  pieds  ou  s'arrétant  en  grosses  goutte- 


lettes à  jamais  figées.  Sur  quehjues  sveltes  aiguières  à  long  cou,., 
ce  sont  des  chevelures  de  sirènes^'  des  toisons  de  lapis  qui, 
semblent  se  dérouler  ou  s'épandre  éperdues  sous  le  baiser  de  la 
flamme  qui  les  a  dénouées.  —  Ah!  Je  comprends  que  cet  art  du 
feu  possède  jusqu'à  la  fièvre  et  à  la  griserie  ceux  qui  s'y  sont 
livrés  par  vocation;  j'envie~  ces  maîtres  céramisles,  surtout  les 
jours  où,  après  l'alicnle  d'une  longue  cuisson,  ils  défoitrneut  une 
à  une  toutes  les  pièces  soumises-  à  l'action  des  hautes  atmo- 
sphères. —  Quel  émoi!  Quelle  curiosité!  Quel  envoûtement  de 
pensée  dans  la  résultante  de  l'œuvre  !  —  Les  effets  sont  souvent 
imprévus  :  tel  vase  qui  devait  sortir  moulé  dans  un  justaucor.ps 
blanc,  apparaît  curieusement  moucheté  de  givre  ou  saupoudré 
(l'une  neige  floconneuse  qui  s'est  attaché^'  de  préférence  aux 
reliefs,  telle  autre  petite  fiole  vouée  à  la  famille  verte  des  émaux 
lisses  est  retirée  diaboliquement  déformée,  curieuse,  couverte  de 
pustules  crapaudiiiières  el  faite  à  plaisir  pour  l'amateur  d'étran- 
gelés,  pour  l'ami  des  mirifiques  accidents  du  feu. 

J'avoue  que  je  me  range  parmi  ces  derniers,  et  les  malvenus 
(le  la  céramique  d'art,  les  malchanceux  de  la  cuisson,  les  ratés 
de  l'émaillage  ont  souvent,  à  mon  goûl,  des  mérites  incompa- 
rables; j'aime  ces  turgescences  imprévues,  ces  bulles  d'émail 
éclatées,  ces  craquelures  incohérentes,  ces  frissons  de  vagues  de 
la  matière  vitrifiée  sur  la  terre  mate,  ces  feux  d'artifice  des  cou- 
leurs soudainement  révoltées,  enfin  ces  soudures  de  vases  faits 
siamois,  indivisibles,  sur  une  même  plaque  d'enfournage.  — 
Auguste  Delaherche  répudie  sans  pitié  tous  ces  insoumis  à  ses 
lois,  car  il  prétend,  par  sa  maîtrise,  dominer  l'imprévu  delà 
cuisson.  La  cour  de  sa  fabrique  de  Vaugirard  est  remplie  de  ces 
vases  mis  au  rebut,  qui,  chargés  sur  un  chariot,  s'en  vont 
emplir  les  tranchées  du  côté  desforlifs.  —  Un  jour,  peut-être,  nos 
petits-neveux,  en  les  déterrant,  feront  un  mémoire  très  savant 
sur  les  poteries  romaines  découvertes  à  Paris.  L'histoire  est 
pleine  de  faits  semblables. 

i^lais  il  y  a  une  chance  pour  qu'ils  ne  se  trompent  pas,  car  les 
vases  et  plats  d'Auguste  Delaherche  seront  appréciés  et  connus 
au  XX®  siècle  mieux  encore  qu'ils  ne  le  sont  aujourd'hui;  et, 
outre  qu'ils  sont  signés  par  le  jeune  maître,  leurs  tonnes  amples 
et  gracieuses,  leur  décor  sommaire  les  désign^onl  encore  à 
l'allention,  des  derniers  amateui'S  d'art  susce|HiBles  de  s'émer- 
veiller devant  l'éclat  de  ces  émaux  polychromeV^qui  ne  se  terni- 
ront point. 

Delaherche  expose  en  ce  moment  avec  les  peintres  d'avant- 
garde,  à  l'Exposîlion  des  XX,  de  Bruxelles,  avec  un  succès 
considérable;  au  prochain  sa'lon  du  Champ-de-Mars,  il  aura  accès 
également  parmi  les  artistes  exposants,  car  on  ne  saurait  refuser 
à  ses  œuvres  l'invention  et  la.  couleur  qui  consacrent  les  répu- 
tations des  peintres.  • 

Octave  Uzanne. 


AU  CONSERVATOIRE 

Deuxième  concert. 

La  très  belle  interprétation  donnée,  dimanche  dernier,  au 
Conservatoire,  sous  la  direction  de  M.  Gevaert,  de  la  Symphonie 
inachevée  de  Schubert  et  de  la  Symphoiiie  écossaise  de  Men- 
delssohn,  encadrées  dans  les  ouvertures  romantiques  de  Genoveva 
et  d'Euryanthe,  a  montré  l'excellence  d'un  orchestre  discipliné 
et  souple,  apte  à  saisir  et  à  exprimer  les  nuances  les  plus  délicates 
de  la  pensée  des  maîtres.  On  sentait,  vraiment,  dans  cet  extraor- 


i:art  moderne 


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dinaire  ensemble,  ballre  à  l'unisson  des  cœurs  d'arlislcs  élroile- 
mcnl  unis  dans  une  parfaite  communion  iniellecluellc.  Impression 
profonde  et  forle,  rarement  allcinte.h  ce  degré  d'intensité. 

Le  programme  avait  dû  être  modifié  par  le  mauvais  vouloir  des 
directeurs  de  la  Monnaie,  trop  stricts  sur  l'exécution  d'un  article, 
inscrit  dans  les  engagements,  qui  interdit  aux  artistes  du  théâtre 
de  se  faire  entendre  ailleurs  que  sur  la  scène  à  laquelle  ils  sont 
«  attachés  ».  El  l'impossibililé  de  donner  les  rôles  A'Armide  à 
M*"'  de  Nuovina,  à  MM.  Lafarge  et  Seguin  a  contraint  le  directeur 
du  Conservatoire  de  renvoyer  aux  calendes  helléniques  l'exécution 
de  la  grande  oeuvre  promise. 


•fETITE    CHROJMIQUE 

Georges  Ancey,  l'auteur  de  la  Dupe  cl  de  l'Ecole  des  Veufs, 
photographié  par  OU  Blas  ; 

Parisien  de  Paris.  Râblé,  noueux,  robuste.  La  charpenliC  d'un 
homme  de  combat.  Le  teint  comme  recuit,  d'un  ton  jaunâtre  de 
vieux  portrait.  La  figure  énergique,  maladive,  avec  le  contraste  de 
clairs  yeux  bleus  qui  s'enfoncent  sous  l'arcade  sourcilière  comme 
en  une  voûte  d'ombre.  Toute  la  barbe.  A  peine  trente  ans.  Un 
convaincu  qui  a  la  chance  d'avoir  des  rentes  el.  de  pouvoir 
travailler  tranquillement  û  ses  heures,  qui  vit  dans  son  coin,  en 
plein  bonheur.  N'a  que  la  passion  du  théâtre  el  s'y  donne  avec 
tout  son  cerveau  el  son  cœur.  L'un  des  jeunes  qui  se  sont  révélés 
au  Théâtre  Libre,  qui  ont  emboîté  fièrement  le  pas  de  Becque  el 
dépasseront  quoique  jour  "leur  maître  dans  la  bataille.  Signe 
particulier  :  Peine  comme  un  manœuvre  quand  il  échafaude  une 
pièce.  '      „ 

Le  prochain  concert  populaire,  qui  aura  lieu  dimanche  pro- 
chain, 20  mars,  sera  des  plus  intéressants.  On  y  entendra  la 
première  exécution  b  l'orchestre  de  La  Mer,  esquisses  sympho- 
niques  de -M.  Paul  Gilson,  d'après  un  poème  de  M.  Eddy  Levis, 
flonl  des  fragments  ont  été  interprétés  au  premier  concert 
des  XX.  Le  poème  sera  déclamé  par  M.  Le  Bargy,  sociétaire  de 
la  Comédie  Française.  L'œuvre  comporte  quatre  parties  :  i"  Le 
lever  du  jour;  2°  La  ronde  du  gabier;  3»  Crépuscule;  A°  La 
tempête. 

Outre  cette  œuvre  inédite,  qui  remplira  la  seconde  partie  du 
concert,  on  entendra  le  Camp  de  Wallenstein  de  Vincent  d'Indy 
et  une  fantaisie  pour  piano  el  orchestre  de  M.  Widor,  exécutée 
par  M.  1.  Philipp. 

Le  concorl  sera  clôturé  par  l'Entrée  des  Dieux  dans  le  Walhalla 
{Reingolïfde  Wagner. 

La  Société  nouvelle  publie  quelques  pages  d'une  nouvelle 
œuvre  de  Camille  Lcmonnicr,  la  Fin  des  Bourgeois.  Elles  sont 
d'une  allure  superbe  et  révèlent  une  nouvelle  poussée  en  avanl 
du  grand  écrivain.  Souhaitons  que  la  publication  complète  ne  se 
fasse  pas  attendre. 

La  première  séance  du  quatuor  Crickboom,  Kefer,  Sarloni  et 
Gillel  a  été  un  vif  succès.  Ces  quatre  jeunes  artistes  ont,  dit  le 
Ouide  musical  auquel  nous  empruntons  ce  compte  rendu,  un 
mpêcliemenl  ne  nous  ayaul  pas  permis  d'assister  au  concert, 
exécuté  l\  ravir  le  quatuor  en  ré  de  Mozart;  puis,  avec  M.  Sau- 
vage, le  troublant  quintelle  de  César  Franck;  cette  dernière 
œuvre,  qui  avait  spécialement  excité  la  curiosité  des  auditeurs, 
a  obtenu  un  vif  succès  dont  une  bonne  pari  doit  élre  attribuée  à 
la  profondeur  cl  à  l'intelligence  de  l'interprétation. 

M.  Sauvage,  un  pianiste  i)arisien,  s'est  fait  entendre  dans  la 
première  partie  (allegro)  de  la  sonate  en  sol  mineur  de  Schumann 
et  dans  la  polonaise  en  la  bémol  de  Chopin.  M.  Sauvage,  un  loul 
jeune  homme  encore,  a  fait  prouve,  dans  ces  deux  œuvres,  non 
seulement  d'une  virtuosité  brillante  et -sûre,  mais  encore  el  sur- 


tout d'une  énergie  el  d'une  fougue  extraordinaires  ;  cependanl, 
l'allégro  de  Schumann  était  légèrement  superficiel. 

C'est  à  M.  Crickboom  qu'est  allé  le  grand  succès  de  la  séance, 
el  c'est  justice.  A  un  rare  sang-froid,  M.  Crickboom  unit  loulesles 
qualités  que  l'on  peut  requérir  d'un  virtuose;  ces  qualités  onl  élé 
merveilleusement  mises  en  lumière  dans  les  deux  œuvres  choisies 
par  l'excellent  artiste,  l' Adagio appassionalo  de  Max  Bruch  a  élé 
dit  avec  une  largeur,  un  sentiment,  une  noblesse  extrêmes,  un 
siyle  on  ne  peut  plus  élevé;  dans /a  Fée  d'amour  Ag  Raff,  —  une 
machine  interminable  dont  la  désespérante  monotonie  n'a  d'autre 
excuse  que  l'assemblage  des  plus  épineuses  difTicultés  qu'elle 
offre  au  virtuose,  —  M.  Crickboom  a  fait  preuve  d'un  mécanisme 
étourdissant,  que  n'altèrent  aucune  fatigue,  aucun  énervement 
visible;  du  commencement  à  la  fin,  le  son  a  gardé  la  même 
pureté,  avec  une  certaine  distinction,  un  raffmement  délicat  dont 
M.  Ysaye,  le  professeur  de  M.  Crickboom,  semble  posséder  le 
secret.  Le  public  a  fail  un  véritable  triomphe  à  M.  Crickboom, 
auquel  un  triple  rappel,  plus  que  mérité,  a  été  décerné. 


Le  président  de  la  Société  française  de  bienfaisance  de  Char- 
loroi,  M.  Valère  Mabille,  organise  dans  les  nouveaux  locaux  de  la 
Société  et  pour  l'inauguration  de  ceux-ci  une  exposition  artis- 
tique dont  il  a  confié  la  direction  b  un  comité  de  dames  composé 
de  M"«  Becrnaert,  M"«  A.  Boch,  M-"*  Collard,  M'i«  L.  Héger, 
M™"  H.  Ronner. 

Celte  exposition  s'ouvrira  le  16  avril  prochain. 


VUnion  des  femmes  peintres  ouvrira  le  20  mai  au  Musée  sa 
troisième  exposition  annuelle. 


Tel  en  songe,  le  nouveau  volume  de  vers  de  M.  Henri  de 
Régnier,  paraîtra  vers  le  45  avril,  à  la  librairie  de  l'An  indépen- 
dant, à  Paris. 

Une  intéressante  exposition  de  l'Art  photographique  anglais 
s'ouvrira  au  Cercle  artistique  vers  le  25  courant.  Elle  esl  orga- 
nisée par  VAssocialion  belge  de  photographie  qui  a  désigné  pour 
faire  partie  du  comité  MM.  Maes,  Puitemans,  Alexandre  el  Colard. 
Elle  sera  faite  par  invitations  el  ne  comprendra  que  des  œuvres 
d'un  caractère  purement  artistique. 

Un  catalogue  de  luxe  reproduira  par  la  pholocollographie  une 
œuvre  de  chaque  exposant  et  contiendra  des  noliccs  dechacun  des 
invités  sur  la  pratique  de  l'arl  photographique. 

Le  but  principal  des  promoteurs  de  celle  exposition  esl  de 
prouver  au  public  que  la  photographie  a  le  droit  d'être  considérée 
comme  un  [art,  au  même  litre  que  les  autres  moyens  d^expres- 
sion  artistique.  Les  épreuves  qui  seront  exposées  sont,  paraît-il, 
de  nature  à  convaincre  les  incrédules. 


A  propos  de  photographie,  signalons  l'intéressante  lecture  faite 
à  y  Association  belge  de  photographie  par  M.  Hector  Colard  sur 
«  la  Vérité  dans  l'an  plio'.ographique  ».  Celte  élude,  qui  décèle  un 
espril  artiste,  un  érudii  el  un  écrivain  subtil,  vienl  de  paraître 
chez  Lefèvrc,  en  une  brochure  de  vingt  pages.  L'auteur  y  défend 
chaleureusement  el  ingénieusement  la  thèse  que  la  photographie 
esl  un  art,  et  non  une  trempette,  comme  il  le  dit  drôlement, 
«  d'où  ne  peuvent  sortir  que  des  doigts  brunis  par  lès  produits 
cl  un  résultat  absolument  mécanique». 

Cours  supérieurs  pour  dames. —  14  mars,  à  2  heures, 
M.  H.  Pergameni  :  Les  races  et  les  peuples  de  l'Inde  ;  à  3  heures, 
M""  A.  Chaplin  :  George  Eliot  (suite).  —  15  mars,  à  2  heures, 
M.  E.  Verhaeren  :  Le  néo-gothique  flamand.  —  16  mars,  k 
2  heures,  M.  H.  Pergameni  :  La  fondation  des  Etats-Unis.  — 
17  mars,  à  2  heures,  M.  H.  Lonchay  :  Fin  de  la  domination 
autrichienne  en  Belgique;  à  3  heures,  M'"  J.  Tordeus  :  Diction  et 
lecture  d'auteurs  modernes.' 


Elude  du  nclaire  LE  COCO,  rw  d'.lrlon,  IC,  à  hcllcs  le/,-Bruxdles. 


Par  le  ministère  do  M<'  Lk  Coc.q,  notaire,  à  IxellesBruxolles,  et 
sons  In  direction  de  M..  Emile  Çi.ahembalx,  il  .sera  procédé  les  lundi 
4  et  mardi  5  avril  1892,  à  2  heures  précises  de  relevée,  en  la  Galeuie 
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mercredi  30  mars  1892. 

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Bruxelles,  de  10  heures  du  matin  à  6  heures  du  soir,  les  samedi  2  et 
dimanche  3  avril  1892. 


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l'Europe.  Prospectus  et  reiiseignemoiils  gratuitement  en  face 
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LA   CURIOSITÉ  UNIVERSELLE   (5"   anné..),  .j.iurnal   holidoma- 
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JOURNAL  DES  TRIBUNAUX 

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LA  GAZETTE  DE  LA  BOURSE 

LIN  NUMÉRO  PAR  SEMAINE 

Bulletin  financier  de  la  Bourse  de  Bruxelles.  —  Bourses  étrangères. 
Articles  spéciaux.  —  Renseigncmenls.  —  Tirages. 

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Douzième  année.  —  N°  12. 


Le  numéro  :  25  CBr^TftflÈi 
3 


Dimanche  20  Mars  1892. 


lART 


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PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  i  Octave  M  AU  S  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


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Adresser  toutes  les,  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Plndustrie,  32,  Bruxelles. 


JOMMAIRE 


Les  fresques   de   Louis  Delbeke.  —  Au   Mu  ■  ^derne.   — 

Albeniz  et  Arbo.«.  — Antoi.ne.  —   Le  Théâtre  L  a  Paius»  — 

Camille  Le.monnier  et  le  Théâtre  Libre.  —  Livb  .nouveaux.  — 

AcCUSlis    DE    RÉCEPTION.     —    Nos    ARBRES.     —    NoV  JAUX     CONCERTS 

Liégeois.  —  Petite  chronique. 


LES  FRESQUES  DE  LOUIS  DELBEKE 

'  «  Faisant  partie  du  groupe  d'artistes  de  Bruxelles 
qui  a  pris  à  cœur  d'éveiller  l'attention  du  gouvernement 
et  de  l'autorité  communale  d'Ypres  sur  la  valeur  d'un 
artiste  méconnu  jusqu'à  ce  jour,  je  suis  heureux  de 
pouvoir  me  joindre  à  mes  collègues  pour  saluer  l'œuvre 
que  nous  avons  été  appelés  à  examiner  récemment  dans 
votre  ville. 

«  Les  deux  panneaux  de  peinture  murale  dont  l'exé- 
cution fut  confiée  à  titre  d'épreuve  au  peintre  Louis 
Delbeke  constituent,  à  mon  avis,  la  tentative  la  plus 
heureuse  de  peinture  monumentale  qui  ait  été  faite  dans 
notre  pays. 

"  Par  le  caractère,  l'harmonie  et  les  moyens  sobres 
d'exécution,  ces  productions  se  rattachent  aux  grandes 
époques  d'art  où  une  entente  parfaite  régnait  entre 
l'architecture  et  la  peinture  et  dont  les  traditions  sont 
perdues  depuis  la  Renaissance. 


«  Il  serait  à  souhaiter  que  l'administration  commu- 
nale d'Ypres,  au  sein  de  laquelle  Delbqke  a  rencontré 
de  si  nobles  protecteurs,  pût  continuer  à  prêter  son 
appui  intelligent  à  cet  artiste,  sans  se  laisser  émouvoir 
par  la  critique  inconsciente  qui  s'acharnera  longtemps 
encore  sur  une  œuvre  conçue  absolument  en  dehors  de 
la  routine. 

"  Que  la  liberté  la  plus  complète  soit  laissée  à  Del- 
beke dans  l'exécution  de  son  programme  ;  qu'a^ucune 
pression  administrative  n'agisse  sur  lui,  et  un  .four  la 
ville  d'Ypres  possédera  une  œuvre  d'art  monumental 
que  le  pays  entier  lui  enviera.  » 

Cette  chaude  recommandation,  c'est  F'aul  Devigne 
qui  la  formulait  en  1886,  au  nom  d'une  délégation 
d'artistes  qui  se  composait,  outre  le  signatai^'e,  des 
peintres  Camille  Van  Camp,  Jan  Verhas,  Charles 
Hermans,  Joseph  Stallaert,  Markelbach  et  Serrure. 

On  se  rappelle  la  guerre  que  cet  écrit  alluma.  Les 
Bouvard,  les  Pécuchet,  les  innombrables  Tribulat  Bon- 
homet  de  la  vieille  cité  flamande  poussèrent  des  cris 
d'orfraie.  Ils  avaient  espéré  tordre  le  cou  silencieuse- 
ment, d'un  vote  sournois  et  preste,  à  l'artiste  original 
qui  avait  l'audace  de  ne  pas  suivre,  dans  la  décoration 
des  Halles,  les  vénérables  traditions  de  la  très  docte 
Académie.  Et  voici  que  surgissaient  des  peintres,  des 
sculpteurs,  gens  notoires,  bien  calés  dans  l'opinion, 
d'une  indiscutable  compétence  et  d'un  éclectisme  cer- 


) 


tain,  qui  voulaient  leur  arracher  les  boules  noires  dos 
mains  et  les  leur  jeter  à  la  tigure. 

Ce  fut,  on  s'en  souvient,  une  belle  bataille,  dont  nous 
rapportâmes,  en  leur  temps,  tous  les  épisodes,  et  dans 
laquelle  nous  finies  le  coup  de  feu,  suivant  notre  cou- 
tume, en  francs-tireurs  non  eni'égimentés,  prêts  à  se 
porter  partout  où  pleuvent  les  coups  (1). 

On  nomma  des  commissions,  on  élit  un  jury  pour 
contrôler  les  décisions  de  celles-ci,  et  finalement  la 
municipalité  jproise  mit  les  pouces.  Delbeke  fut  "  auto- 
risé "  à  doter  sa  ville  d'adoptibn  d'une  admirable  déco- 
ration, si  harmonieusement  adaptée  au  style  du  monu- 
ment que  l'architecte  des  Halles,  s'il  eût  été  consulté, 
n'eût  pas,  au  dire  de  Jujes  Breton,  rapporteur  d'une  des 
commissions,  choisi  d'autre  peintre  (2). 

Les  artistes  donnèrent,  en  cette  occasion,  un  bel 
exemple  de  confraternité  et  de  désintéressement.  Au- 
jourd'hui, Delbeke  mort,  les  survivants  du  groupe  ont 
eu  l'idée  pieuse  de  réunir  son  œuvre.  Aux  esquisses  des 
fresques  d'Ypres,  exécutées  à  l'aquarelle,  ils  ont  joint 
des  tableaux,  des  dessins,  des  études,  des  projets,  des 
copies  exécutées  dans  les  musées  d'Italie  qui  montrent, 
dans  les  inégalités  et  les  tâtonnements  d'un  artiste 
inquiet  et  chercheur,  une  nature  d'exception,  absorbée 
par  de  très  hautes  préoccupations  d'art,  obsédée  par 
une  philosophie  esthétique  particulière  que  le  peintre 
tenta  de  formuler  en  de  nombreux  écrits  illustrés  de 
shémas  et  de  figures  emblématiques,  et  trouvant  tout  à 
coup  l'essor  de  son  génie  dans  l'énorme  labeur  des 
peintures  à  l'encaustique  qui  font  actuellement  la  gloire 
de  l'antique  cité. 

La  modernisation  de  tels  sujets  bibliques  le  hantait. 
Et  c'est  en  de  contemporaines  anecdotes,  flegmatiques 
comme  de  gravures  anglaises,  naïves  parfois  comme 
des  primitifs,  que  Delbeke  raconte  la  légende  de  Joseph 
vendu  par  ses  frèi-es.  En  de  très  mauvaises  peintures 
à  l'huile,  gauches  et  'oaroques,  perce  constamment  un 
besoin  de  synthèse,  de  symbolisme  discret  insinué  dans 

(1)  Les  documcnls  de  cot(c  mémorable  attrapade  sont  consignés daiK 
V Art  tnoderne  des,  19  décembre  1886,9  janvier,  6  février,  17  avril  1887 
et  29  septembre  1889. 

(2)  Nous  avons  cité  plus  haut  les  noms  des  artistes  qui  prirent 
l'initiative  de  proposer  la  commande  et  qui  défendirent  énergiquement 
Louis  Delbeke  contre  les  bonzes  du  Conseil  communal  yprois. 

La  seconde  délégation  était  composée  de  M"o  E.  Beernaert,  de 
MM.  Jules  Breton,  Slingeneyer,  De  VriendI,  de  Haas,  C.  Meunier, 
X.  Mcllery,  E,  Smits  et  Samain.  Celte  commission  fut,  comme  la 
première,  unanime  k  approuver  le  travail  de  l'artiste. 

La  municipalité  d'Ypres  nomma,  pour  ■«  s'éclairer  »•  (1)  davantage, 
MM.  N.  Dekeyser,  ancien  directeur  do  l'Académie  d'Anvers,  Vcrlat, 
directeur  de  cette  académie,  A.  Robert,  vice-président  de  l'Académie 
royale  do  Belgique,  Cluysenaer,  Waulers,  peintres,  et  V.  de  Stuers, 
directeur  des  Beaux  Arts  en  Hollande. 

MM.  Dckeyser,  Verlat  et  Wauters  déclinèrent  l'hoimeur  déjuger 
en  dernier  ressort.  L'avis  des  trois  autres  jures  fut  absolument  favo- 
rable à  Louis  Delbeke, 


tels  épisodes  de  la  vie^ courante.  Technique  nulle,  d'ail- 
leurs, ])einlnre  laborieuse,  faite  par  léchages  minus- 
cules, physionomie  plutôt  comique  des  personnages, 
emprisonnement  dans  des  moyens  d'exécution  dont  ne 
pouvait  évidemment  s'accommoder  le  tempérament  de 
l'artiste. 

L'émotion  des  couleurs,  l'imprévu  de  la  mise  en 
pages,  la  ligne  caractéristique  de  la  composition,  Del- 
JDeke  semble  les  avoir  découvertes  dans  les  monuments 
de  l'art  assyrien  dont  il  t^t,  pour  une  loge  maçonnique, 
de  curieux  pastiches.  Et  c'est, là,  sans  doute,  le  point  de 
départ  de  sa  dernière  expression  d'art,  celle  qui  demeu- 
rera. T 

En  dix-sept  panneaux  ingénieusement  reliés  les  uns 
aux  autres,  séparés  par  les  saillies  du  monument  dont 
l'architecture  est  habilement  employée  dans  la  compo- 
sition, faisant  corps  avec  elle  et  servant  néanmoins  à 
délimiter  les  tableaux  qui  se  déroulent  à  perte  de  vue, 
chatoyants  et  gais  à  l'œil,  l'artiste  a  décrit  les  splen- 
deurs et  les  luttes  d'Ypres,  depuis  ses  lointaines  origines 
jusqu'à  une  époque  relativement  rapprochée  de  nous  :  le 
dernier  groupe  de  panneaux  est  consacré  au  pimpant 
cortège  d'un  mariage  sous  Louis  XV.  La  mort  de  l'ar- 
tiste en  a  arrêté  l'exécution.  Mais  rien  n'empêcherait 
qu'on  utilisât  les  documents  réunis  pour  terminer  la 
tâche  interrompue. 

L'intérêt  principal  de  ces  compositions  naïves  et 
impressionnantes  réside  surtout. dans  l'élément  intellec- 
tuel qui  les  domine.  Il  ne  s'agit  nullement  d'une  série  de  ^ 
scènes  historiques  laborieusement  reconstruites,  d'un 
déploiement  d'érudition  archéologique.  Les  pinceaux  de 
Delbeke  —  nousle  rappelions  lors  d'une  visite  aux  Halles 
—  faisaient  le  récit  de  l'histoire  morale  de  la  vieille  cité. 
L'artiste  voulait  symboliser,  non  pas  la  brutalité  pué- 
rile des  faits  d'armes,  mais  la  grandeur  civilisatrice  des 
idées.  S'élevant  instinctivement  aux  hauts  étages  de 
l'art,  il  ne  pensait  pas  aux  réalités  visibles  mais  aux 
immatérielles  vérités  qui  sont  plus  réelles  que  les  réa- 
lités, et  surtout  plus  saisissantes.  Et  d'autre  part,  avec 
un  goût  suprême,  répugnant  à  subordonner  le  noble 
édifice  à  sa  peinture,  résolu  à  ne  ftvire  de  celle-ci  qu'un 
complément  et  un  vêtement  à  cette  ossature  de  bois  et 
de  pierre,  il  harmonisa  les  tons  à  ceux  de  ce  support 
formidable. 

C'est  ce  que  la  petite  ville  ne  comprit  pas.  Ce  symbo- 
lisme, archaïque  et  profond  lui  sembla  grotesque.  Ces 
teintes  fermées,  discrètement  harmonieuses,  furent  pour 
elle  de  l'impuissance.  Il  y  avait  des  points  de  compa- 
raison :  de  lourdes  toiles,  à  personnages  de  théâtre,  à 
couleurs  violentes,  réalisant  l'idéal  académique  des 
amateurs  de  province.  Un  professeur  quelconque  en 
avait  abîmé  les  salles  contiguës.  Ce  furent  les  massues 
dont  on  commença  à  assommer  l'artiste.  Heureusement, 
l'émotion  provoquée  par  cette  injuste  hostilité  eut  l'ai- 


V 


son  du  mauvais  vouloir  et  de  l'ignorauce  départemen- 
tales. Ypres  possède  aujourd'hui  une  œuvre  d'art  de 
haute  valeur. 

Il  est  malaisé  de  juger  celle-ci  d'après  les  cartons 
exposés  à  la  Galerie  inoderne.  Il  faut  l'avoir  vue  pour 
en  apprécier  le  charme  pénétrant.  Néanmoins,  ces 
esquisses,  d'un  travail  délicat  et  achevé,  sont,  pour 
l'histoire  d.e  l'art  décoratif  belge,  un  document  précieux 
que  le  gouvernement  ne  peut  se  passer  d'acquérir  II 
faut  que  le  souvenir  du  grand  artiste  que  fut  Louis 
Delbeke  demeure  dans  les  collections  publiques  de 
l'Etat. 


AU   MUSÉE    MODERNE 

Une  salle  nouvelle  vient  de  s'ouvrir  au  Musée  moderne.  On  y 
entre  curieux,  on  en  sort  dégoûu^.  Les  nouveaux  Géricaull  — 
le^s  de  M.  de  Villeneuve  —  semblent  des  morceaux  coupés  en 
des  toiles  plus  grandes;  le  Boulanger  est  de  qualité  moyeiine  ; 
le  Marché  aux  chiens  de  Stevens  est  connu. 

Restent  des  paysages  de  Crabbeels  cl  une  scène  villageoise  de 
Van  LcempuUen.  Après? 

Vraiment,  c'est  h  se  demander  quel  rossignol,  soigné  depuis 
dix  ans  dans  les  greniers  du  Musée,  ne  pourra,  à  la  suite  de  la 
Fête  de  sainl  Joseph  et  des  Derniers  moments  de  la  fille  de 
Grétnj,  exhibés  pour  la  première  fois,  ne  point  se  percher  à  la 
cymaise.  Ces  deux  toiles-là  reculent  de  cinquante  mètres  la 
borne  de  gafferie  légendaire  qui  clôturait  jusqu'aujourd'hui  le 
champ  d'opérations  de  la  commission  des  musées  royaux.  Désor- 
mais pour  cette  commission  il  n'y  a  plus  de  points  extrêmes.  Sa 
bêtise  va  à  l'infini. 

Jadis  on  remarquait  cette  petite  loque,  cartouchée  Paysage  et 
signée  Marcette;  aussi  cette  vieille  lavasse  de  Marine  paraphée 
Musin;  encore  les  Anes  de  De  Praeiere.  A  cette  heure  il  y  a  mieux. 

Oh!  ces  Derniers  moments  de  la  fille  de  Grétryl  Une  femme  en 
blanc  meurt  en  présence  de  quatre  messieurs  confortablement 
assis,  à  l'exception,  toutefois,  de  celui  qui  Iripote  une  vieille 
épinette.  Ces  gens  semblent  tous  avoir  mal  avalé  leur  remords 
d'être  aussi  bêtement  peints  et  songent  à  le  rendre.  Us  s'affir- 
ment comiques;  l'un  d'eux  semble,  en  plus,  grSce  à  une  écaillure 
dans  la  pâte,  être  opéré  de  la  cataracte.  Il  boude  l'oculiste,  tout 
en  assistant  par  devoir  et  uniquement  pour  faire  plaisir  à  Gréiry 
aux  derniers  moments  de  sa  fille. 

Grâce  h  une  telle  croûte,  les  plus  fades,  les  plus  nuls,  les  plus 
à  tout  jamais  crétins  de  peintres  ont  trouvé  leur  chef.  Et  puisque 
celui-ci  —  dont  je  ne  retiens  pas  le  nom  —  trône,  marqué  à 
l'épaule  du  sceau  officiel,  dans  ce  que  les  gens  graves  appellent 
les  sanctuaires  de  l'art,  eh  bien,  qu'ils  y  viennent  maintenant 
les  Herbo,  les  Portielje,  les  Cap,  les  Plumot,  les  Col,  les  Vandon 
Bussclie,  toute  la  fournée  des  pinceurs  de  tubes  glaireux  et  des 
frotteurs  de  vomis. 

Leur  moment  de  se  faire  consacrer  est  venu.  II  leur  reste  encore 
quelques  coins  de  salle  ci  et  là,  dont  le  papier  de  fond  fait  l'orne- 
ment. Courage!  Le  goût  public  doit  s'encroûter  davantage.  S'il 
y  a  au  Musée  un  Delacroix,  deux  Henri  De  Braekcleer,  trois 
Dubois,  deux  De  Knyfî,  quatre  Degroux,  deux  Fourmois,  cinq 
Leys,  quelques  Stevens,  qu'on  les  enlève.  Us  corrompent  l'art  de 


ceux   que    l'on   veut   instruire   et   former  d'après  les  Derniers 
moments  de  la  fille  de  Grétry  ! 

La  fête  de  saint  Joseph  n'est  pas  moins  suave.  Une  vieille 
servante,  ailoronée  d'un  bonnet  campinois,  apporte  une  tourte  où 
s'étale  un  «  Vive  saint  Josejjh  »  d'une  idiote  écriture  en  sucre. 
Derrière,  sur  une  table,  quelques  bouteilles  de  Champagne  et  des 
ilcurs.  Cette  mise  en  scène  renseigne  sur  le  personnage  que  l'on 
va  fêter  :  quelque  vieux'  calarrlieux-en  panloutles  dont  les 
crachats,  sans  doute,  ont  alimenté  la  palette  de  son  peintre.  Cela 
est  traité,  comme  un  marchand  de  bonnets  grecs  confectionne 
ses  coiffures.  Cela  est  tellement  grotesque  que  pour  le  qualifier 
le  dictionnaire  recule  effaré,  n'ayant  point  eu  à  prévoir  toute 
la  profondeur  de  stupidité  que  sanctionnerait  une  commission 
administrative  beige. 

Mais  nous  qui  sommes  les  passants  quand  même  attentifs  de  ces 
foires  perpétuelles  de  la  burlesquerie  et  qui  pfitissons  dans  nos 
yeux  d'ariisles  h  chaque  horreur  proférée  à  la  rampe,  nous  ne 
pouvons  nous  empêcher  de  crier,  quand  pai^des  acquisitions  et  des 
étalages  tels  que  les  Derniers  moments  de  la  fille  de  Grétry  et 
la  Fête  de  saint  Joseph,  Qn  nous  outrage,  tout  en  oubliant  la 
pudeur  — oui,  la  pudeur  —  qu'une  commission,  fût-elle  mille 
fois  plus  nulle  et  décorée  que  la  nôtre,  est  tenue  malgré  tout  de 
garder  vis-à-vis  du  public. 


Albeniz  et  Arbos 

Il  y  a  une  quinzaine  d'années  débarquèrent  du  pays  des  casta- 
gnettes deux  jeunes  artistes  qui  avaient  apporté  dans  les  plis  de 
leur  capn  tant  d'enthousiasme,  d'entrain,  de  joyeuse  humeur  et  de 
folle  gaîté  qu'au  dire  des  voyageurs  l'Espagne,  depuis  leur  départ, 
était  devenue  morose.  Us  disparurent  après  quatre  ann^  de  fête 
durant  lesquelles  Bruxelles  et  la  province  retentirent  de  s^h^nades 
et  d'aubades,  de  chansons  et  de  rires  égrenés  sans  interruption 
depuis  la  Circoncision  jusqu'à  la  Saint-Sylvestre. 

Us  disparurent  comme  ils  étaient  venus,  en  oiseaux  migrateurs 
qui  se  posent  un  moment  et  reprennent  leur  vol.  On  n'eut  d'eux, 
en  dix  ans,  que  des  nouvelles  vagues.  Us  avaient  tous  deux  enlevé 
brillamment  les  premiers  prix  du  Conservatoire,  l'un  dans  la 
classe  de  piano  de  Louis  Brassin,  l'autre  dans  la  classe  de  violon 
de  Henri,  Vieuxtemps. 

Les  voici  revenus,  ce  qui  justifie  peut-être  cette  Espagne  noire 
que  si  douloureusement  nous  a  présentée  tout  récemment  le 
peintre  Dario  de  Regoyos. 

L'ibéric  est  redevenue  morose.  Sa  gaîté  s'est  éteinte  depuis 
qu'Albeniz  et  Arbos,  les  inséparables  de  jadis,  ont  quitté  Barce- 
lone et  Madrid  pour  faire  leur  nid  à  Londres  (en  attendant  qu'ils 
le  bâtissent  à  Pétersbourg  ou  à  San  Francisco!). 

L'intérêt  de  ce  récit,  c'est  que  nos  deux  joyeux  amis  sont 
devenus,  l'un  et  l'autre,  de  très  grands  ariistes,  justifiant  et 
dépassant  les  prévisions  les  plus  optimistes  de  ceux  qui  leur 
présageaient  paternellement  un  «  bel  avenir». 

Albeniz  a  un  mécanisme  foudroyant.  11  manipule  le  piano  — 
un  admirable  Steinway,  de  New-York,  qu'il  a  fait  venir  pour 
régaler  ses  amis  de  quehjues  soirées  de  haute  saveur  ^— 
comme  un  orchestre.  11  en  joue  avec  une  puissance,  une  préci- 
sion, une  sûreté,  une  délicatessse  de  loucher  découccrlanles. 
Durant  des  heures,  avec  une  mémoire  im|)eccabie,  et  sans 
une  apparence  de  fatigue,  il  évoque  tous  les  maîtres  de  la  littéra- 


92 


VART  MODERNE 


.turc  du  piano, -depuis  Jcan-Sébaslicn  jusqu'au  nommé  Albeni/, 
compositeur  h  ses  heures  (le  catalogue  de  ses  œuvres  renseigne 
environ  deux  cents  morceaux  édités!),  en  passant  par  Beethoven, 
Wcber,  Chopin,  Schumann  et  Liszt. 

S'il  fallait  faire  un  classement  dans  les  œuvres  que  jouQ,  ce 
prodigieux  virtuose,  on  pourrait  dire  que  Scarlatti  convient 
surtout  à  sa  dextérité,  Chopin  et  les  autres  musiciens  de  l'ûge 
romantique  à  son  emportement  fougueux,  ses  propres  composi- 
tions, parmi  lesquelles  il  en  est  de  fort  joliment  écrites,  b  sa 
.nature  primo-sautiôre  et  joyeuse. 

Arbos  a  même  facilité,  même  exubérance  unies  5  une  technique 
éblouissante  qui  a  enthousiasmé  les  gens  du  métier,  lljohglcavec 
les  difficultés,  fuse  les  sons  harmoniques  avec  une  justesse  par- 
faite, exécute  avec  la  plus  grande  impassibilité  les  traits  les  plus 
périlleux,  comme  une  chose  toute  naturelle,  élémentaire  pour  un 
violoniste,  ce  qui  n'exclut  pas  chez  lui,  de  même  que  chez 
Albeniz,  le  respect  scrupuleux  de  la  pensée  des  maîtres  qu'il 
interprète.  11  est  servi  par  un  Stradivarius  merveilleux  qui  lui 
vient  de  Joachim,  et  dont  les  quatre  cordes  sont  d'une  égalité 
remarquable.  Les  sonorités  que  le  virtuose  tire  de  cet  instrument 
ont  une  richesse  et  une  ampleur  superbes.  Comme  répertoire  : 
tout  ce  qui  a  été  écrit  pour  le  violon  depuis  Bach  jusqu'à 
Sarasalc  et  Arbos,  interprété  de  mémoire,  sans  défaillance,  avec 
une  vigueur,  un  élan,  un  bel  enthousiasme  de  jeunesse  et  de  vie 
qui  réjouit. 

Voici,  au  surplus,  les  programmes  de  deux  récitals  donnés 
cette  semaine,  dans  l'inlimilé  d'un  salon  ami,  par  ces  éminents 
artistes  : 

Y.  Albeniz 

1.  Prélude  et  Fugue  en  la  mineur.  —  Bach-Liszt. 

2.  n)  Pastorale,  b)  Sonate,  c)  Capriccio.  d)  Capriccio.  e)  Toccata, 
f)  Sonate.  —  Scarlatti. 

3.  Sonata  quasi  Fantasia  (ut  dièse  mineur),  op.  27,  n»  2.  —  Beet- 
hoven. 

4.  a)  Impromptu,  b)  Berceuse,  c)  Polonaise  [la  bémol).  —  Chopin. 

5.  Sonate  (si  bémol  )7iincu7'),  op.  35.  —  Chopin. 

6.  a)  Menuet  du  Coq  (de  la  'S»  Sonate),  b)  Sérénade  espagnole.' 
c)  Sevillanas.  d),  Sclierziuo.  e)  Etude  Impromptu,  f )  Valse  (de  la 
collection  «  Cotillon  «).  —  Albeniz.     - 

7.  Invitation  à  la  Valse.  —  Weber-Tausig. 

Fernandez  Arbos. 

1.  a)  Adagio  et  Fugue  en  sol  mineur,  b)  Prélude  en  mi  majeur. 
c)  Chaconne  (poiir  violon  seul).  —  J.-S.  Bach. 

2.  a)  Polonaise  eu  ré,  H.  Wieniawsky.  b)  Romance,  Sweud.sen. 
c)  Zigeuncrweiscn.  —  Sarasate. 

3.  a)  Boléro,  b)  Seguidillas  (danses  espagnoles  pour  piano,  violon 
et  violoncelle),  Fernandez  Arbos  —  MM.  Albeniz,  Arbos  et  Gillet. 

4.  Concerto  en  ré  mineur.  —  Max  Bruch. 

5.  a)  Sérénade  mélancolique,  Tschaïkowsky.  b)  Mazurka,  Zarzicky. 
c)  Nocturne,  Cliopin.  d)  Am  Springbrunnen  (la  Cascade),  Schumann. 
e)  Jota  Aragonesa  et  Habanera.  —  Sarasate. 


ANTOINE 

Emile  Verhaoren  apprécie  Jrcs  justement  en  ces  termes, 
dans  la  Nalion,M.  Antoine  dont  les  représentations  au  Parc  don- 
nent, en  ce  moment,  un  haut  intérêt  à  la  fin  de  la  saison 
théâtrale  : 

«  Que  M.  Antoine  soit  un  comédien  d'universalité,  on  ne  le  peut 


affirmer  aussi  longtemps  qu'il  ne  s'est  point  prouvé  tel  en  les 
grands  rAles,  qui  consacrent.  Il  est  certains  types  dramatiques 
qui  expriment  l'homme  d'une  manière  complète  et  profonde,  et 
que  tous  ceux  dont  les  noms  restent  au  théAlre  ont  incarnés.  Jus- 
qu'à ce  jour.  H.  Antoine  n'a  pas  même  essayé.  Il  s'en  est  tenu  aux 
rôles  bourgeois,  aux  rôles  que  j'appellerais  d'actualité  pour  les 
opposer  aux  rôles  séculaires  et  permanents.  Ni  Bacine,  ni  Cor- 
neille, ni  Hugo,  ni  même  Molière  ou  Beaumarchais  ou  Musset  ne 
l'ont,  je  crois,  tenté.  Les  plus  hauts  maîtres  qu'il  ait  joués  sont 
Ibsen  et  Tolstoï.  Il  est  vrai  qu'en  les  interprétant  il  a  été  parfait. 
Mais  ceux-ci  ■ — et  surtout  Ibsen  —  restent  encore  dans  la  réalité 
bourgeoise,  tout  en  élevant  les  faits  jusqu'à  l'étage  des  idées  et 
des  senliments  généraux.  Ils  sont  de  nôtre  temps;  on  les  joue  en 
redingote  ou  en  fourrure.  On  n'a  pas  même  besoin  de  cette  élé- 
mentaire et  indispensable  grandeur  d'allure  et  d'attitude,  exigée 
immédiatement  de  tout  acteur,  qui  endosse  une  cuirasse  ou  s'hii- 
billo  d'une  toge. 

Acteur  bourgeois,  de  comédie  ou  de  drame  bourgeois,  mais  non 
de  comédie,  ni  surtout  de  drame  universels,  tel  se  prouve  donc 
M.  Antoine. 

ie  miracle,  pour  un  tel  comédien,  c'est  de  réaliser  la  vie.  Or, 
personne  ne  la  réalise  comme  lui.  Il  est  au  delà  de  tous. 

Jusqu'à  lui,  les  plus  audacieux  de  réalité  sacrifiaient  encore, 
tant  par  le  ion  que  par  les  gestes,  à  l'atlention  que  l'acteur  est 
sensé  devoir  témoigner  au  public.  Ils  se  tournaient  vers  lui,  tou- 
jours, élevaient  la  voix  trop  uniformément;  ils  insistaient  trop  sur 
certains  effets  de  peur  de  n'être  point  compris;  ils  faisaient  des 
réflections  plus  pour  les  spectateurs  que  pour  eux-mêmes  ou  leurs 
partenaires;  ils  donnaient  h  la  pièce  une  signification  telle  qu'on 
la  sentait  moins  jouée  pour  elle-même  que  pour  l'applaudisse- 
ment; ils  n'établissaient  pas  un  lien  assez  étroit  entre  le  décor  et 
eux,  entre  les  meubles  et  eux;  surtout  ils  ne  travaillaient  point 
assez  le  physique  de  leur  personnage,  ses  allures,  ses  façons  do 
marcher,  de  s'asseoir,  et  ses  fiiçons  de  se  vêtir.  On  ne  sort  pas  de 
la  vie  en  écoulant  M.  Antoine;  an  contraire,  on  s'y  enfonce  plus 
profondément.  11  abolit  celte  superstition  scénique  qui  pousse  à 
croire  qu'au  delà  do  la  rangée  éclatante  des  becs  de  gaz,  l'air, 
l'atmosphère,  les  objets  représentés,  les  murs,  les  portes,'  les 
lapis,  les  fenêtres  et  les  gens  sont  autres,  et  doivent  être  autres, 
fatalement. 

Ainsi,  dans  Seul,  n'a-t-il  pas  donné  l'illusion  de  soufl'rir  vrai- 
ment et  d'être  réellement  le  goutteux,  précautionneux  et  minu- 
tieux de  son  mal,  égoïste  de  son  mal,  acariâtre?  Cette  jambe  qu'il 
manœuvrait,  à  laquelle  il  donnait  l'importance  d'un  personnage, 
qu'il  consultait  sans  cesse,  qui  semblait  lui  dire  oui  ou  non,  et 
dont  le  soin  le  préo.ccupait  plus  que  son  honneur,  ne  supprimait- 
elle  point  toute  illusion  pour  instaurer  la  crue  réalité?  El,  l'an 
dernier,  quand,  dans  le  Mailre  de  Sean  Jullicn,  il  jouait  l'agonie, 
ne  déiruisait-il  point  tout  doute  sur  son  réel  état  de  souifrancc? 
Et  hier,  dans  V  Abbé  Pierre,  n'était-il  pas  un  prêtre  pour  devrai, 
comme  dans/rt  Dupe,  une  authentique  fripouille?  Jouer  ou  plutôt 
vivre  la  vie  multiple,  être  le  sang,  les  muscles  et  le  cerveau  d'une 
cinquantaine  de  personnages,  n'être  soi  que  pour'^^étre  les  autres, 
voilà  le  miracle  que  réalise,  plus  que  n'importe  quel  autre,  et  à 
un  degré  plus  extrême  qu'on  ne  le  fil  jumais  avant  lui,  M.  Antoine. 
Il  faudrait,  pour  faire  saisir  ceci  davantage,  analyser  ses  différents 
rôles  et-surlout  SCS  différents  costumes  qui,  tous,  sont  des  svn- 
thèsesjnous  n'avons  pu  quccolliger  des  observations  générales.  » 


LE  THÉÂTRE  LIBRE  A  PARIS 

{Correspondance  parlicidière7::de-~i^i{T  moderne.) 

1.  M.  Henry  Fkvre.  L'Etoile  rouge,  Irois  actes.  —  2.  M.  Albert 
GuiNON.  Seul,  deux  actes. 

i. 

Une  lerrasso  dVié  où  (1rs  hommes,  dos  femmes  passent,  parirnt 
sous  lo  ciel  en  étoiles.  Lîi  s'exaMe  le  rêve  familier  de  Vauxoiine. 
• —  Mars  nous  aura  signifie  quelque  apjid,  il  y  a  des  millénaires, 
ou  simplement  avant  f.alilée,  —  et  nous  n'avons  rien  vu.  Peul- 
êlro  nous  appel  le- l-il  encore.  Volcans?  réflexions  de  rayons 
solaires?  cxpliqueraieni  mal. les  |)oints  brillants  que  llardinç;, 
Messier,  Sclirœler  ont  vtis  sur  son  disque.  Et  ces  lic^nes  droites, 
ces  courbes  définies  qui  le  raient  n'indiquent-elles  pas  l'action 
d'êlres  iutellitrenis,  maîtres  de  forces  immenses?  Mars  nous  fait 
signe,  on  doit  répoudre. 

En  bulle  l\  l'iioslilité  de  la  science  oflicielle  et  sans  que  rien  le 
décourage,  Vauxonne  s'évertue  à  ce  devoir  d'urbanilé.  Coût  :  sa 
fortune  et  celle  de  sa  fille.  Une  lunette  astronomique  est  en  train 
de  digérer  leurs  ultimes  sommes.  Mais,  sur  la  terrasse  nocturne, 
il  catéchise  un  éventuel  bailleur  de  fonds,  un  jeune  clubman, 
rédacteur  h  V Endcliors  et  au  Père  Peinard,  qui  allait  consacrer 
d'héréditaires  millions  à  une  pro|)agande  anarchiste  capable, 
enfin!  de  troubler  mieux  que  le  portier  de  l'hôtel  de  Sagan.  Il  lui 
promet  des  sciences  imprévues,  des  arts  réconfortants  et  que  le 
mol  de  plusieurs  énigmes  nous  tombera  des  nuesTil  l'halluciné 
îi  d'interplanétaires  colonisations  d'idées;  arrive  un  télégramme 
de  Schiaparelli  annonçant  la  duplication  des  canaux  martiens  : 
décidément,  c'est  vers  les  astres  qu'André  de  Suvigny  dérivera 
son  ennui.  Quel  coup  pour  l'Anarchie! 

Or,  cet  astronome  avait  une  fille,  une  belle  petite  étoile  domes- 
tique, toute  îi  SCS  grosses  sœurs  lointaines,  —  et  de  Suvigny 
l'épouse. 

F>a  jalousie  que  suscitent  en  elle  les  préoccupations  de  son 
mari,  sa  crainte  pour  lui  d'une  existence  terrible  aiguillée  vers 
la  ruine,  sa  tenace  passion  d'enfance  pour  les  équatoriaux,  son 
amour  filial,  comment,  sous  l'ironique  clignotis  de  l'Univers,  ces 
éléments  complices  on  anlagonistes  s'agrégeront  et  se  comballront 
avant  de  résoudre  leur  concurrence,  c'était  sans  doute  toute  la 
pièce.  L'auteur  ne  nous  montre  que  le  résultat.  Berthe  s'est 
dcsinicresséc  des  cliimôres  paternelles;  elle  a  désenvoiité  son 
mari.   De  l'argent?  pas  encore,  dans  deux  ans,  dit  de  Suvigny. 

—  Mais,  dans  deux  ans,  je  serai  mort,  moi!  Cet  argent,  tout  de 
suite,  ou  vous  ne  me  le  donnerez  jamais.  —  Eh  bien,  soit, 
jamais,  conclut  Herlhe.  Le  vieillard  tombe  mort,  aux  misérables 
lumières  d'un  salon  en  fêle.   ■ 

L'inconscient  égoïsmc  de  Vauxonne  est  marqué  en  traits  éner- 
giques; l'aveu  d'amour  des  jeunes  gens  parmi  les  aventureux 
tubes  braqués  sur  les  ténèbres  énicul  de  simplicité  et  de  justesse. 

—  Hors  cela,  quoi?  „ 

Ce  fut  maladroit  à  Vauxonne  de  se  présenter  sur  les  planches 
selon  l'aspect  de  l'astronome  classique  et  vaudevillesque,  — 
cheveux  qui  flottent,  gestes  d'hurluberlu,  pantalon  défaillant. 
Quant  h  ses  ratiocinations,  elles  sont  dans  le  commerce.  Dès  lors, 
comment  voir  en  cette  pièce  autre  chose  qu'une  entreprise  vulga- 
risairice?  Il  fallait  donc,  il  fallait  que  la  Science  figurût  là  sous 
une  forme  nouvelle,  imaginer  quelque  hypothèse  intacte.  Et, 
même  en  l'état,  Gros  était  à  démarquer  j)lutôt  que  Flammarion, 


si  jocrisse.  Ces  discours  :  la  triste  phraséologie,  le  fleur  de  cabi- 
nets de  lecture  municipaux!  Si  l'on  songe  aux  spéculalions  d'un 
Clacs,  celles  de  Vauxonne  Sont  par  trop  veules.  Du  moins  reslenl 
h  l'actif  de  M.  Fèvre  le  courage  d'avoir  mis  Vauxonne  cl  ses 
théories  an  premier  plan,  l'improbation  du  public  et  un  beau 
titre,  don  de  M.  Isaac  Pavlowsky. 

2. 
Alors  pour  ragaillardir  le  peuple,  on  lui  joua  sa  pièce  habi- 
tuelle, dont  le  principal  personnage  semble  être,  celle  fois,  une 
jambe  arthritique  que  se  disputent  des  masseurs. 

—i.^  F. 

CAMILLE  LEMONNIER  ET  LE  THEATRE  LIBRE 

L'incidcnl  Lemonnier-Antoine  a  préoccupé  celle  semaine 
not»re  monde  littéraire  (nous  entendons  par  ces  mots  la  partie 
active  qui  mène  le  mouvement  et  le  progrès,  et  non  les  sénilcs 
papotards,  fournisseurs  de  dragées  purgatives  pour  les  cervelles 
du  Bel-Air). 

La  Nation  a  fait  interviewer  les  deux  parties  cl  son  reporter 
est  revenu  tout  chargé  de  renseignements.  Certaines  lettres 
reçues  par  Camille  Lemonnier,  entre  autres,  éclairent  la  situation. 
il  en  résulte,  d'après  nous,  que  M.  Antoine  n'a  pas  mis,  en  cette 
affaire,  toute  la  bonne  volonté  désirable  el  il  est  difiicile  de  se 
défendre  de  celte  impression  que  si  Camille  Lemonnier  n'avait 
pas  laissé  jouer  le  Mâle  \)ar  une  troupe  concurrente  (avec  un  très 
grand  succès,  on  s'en  souvient;  nous  l'avons  constaté  ici  même 
à  difTércntes  reprises),  Madame  Lupat  eût  été  représentée  au 
Théâtre  Libre. 

Il  esl  regrettable  que  ce  différend  nous  ait  privé  pour  le  rôle 
de  M.  Lupar  d'un  interprète  aussi  parfait  que  M.  Antoine,  dont 
les  extraordinaires  mérites  viennent  d'apparaître  encore  dans 
Seul  et  dans  Blanchcttc.  Un  homme  comme  lui  devrait  se  mettre 
au-dessus  des  petits  mobiles  auxquels  il  semble  avoir  obéi. 

La  modération  avec  laquelle  nous  parlons  de  l'incidenl  vient 
surtout  du  souvenir  que  nous  gardons  des  grands  services  rendus 
par  M.  Antoine  h  l'art  neuf.  D'autres  n'ont  pas  eu  la  même 
réserve  el  traitent  fort  durement  l'artiste  qui  s'est  laissé  aller  à  ne 
pas  montrer  à  un  écrivain  tel  qae  Camille  Lemonnier  les  égards 
qui  lui  sont  dus.  Nul  ne  s'en  étonnera  en  réfléchissant  h  la  haute 
situation  conquise  chez  nous  par  l'auteur  de  la  Belgique  et  de 
Happe-Chair. 

LIVRES   NOUVEAUX 

"Vamireh,  roman  des  temps  primitifs,  par  J.-H.  Rosny  (1) .  — 

Kolb,  Paris. 

Vamireh  esl  l'artiste  premier,  l'homme  qui  avant  tout  autrejus- 
lifia  l'émerveillement  el  força  le  resi)ecl  de  ses  contemporains  par 
l'éclosion  d'une  intelligence  devançante,  par  de  naissants  désirs 
allruistes  que  secondaient,  comme  cela  s'imposait  au  temps  pré- 
historique, une  vigueur  exceptionnelle,  un  courage  toujours  pré- 
médité. 

L'auteur  nous  dit  les  premières  ébauches  d'art  de  ce  primitif, 
puériles  gravures  en  pierre,  et  nous  fait  suivre  les  péripéties  de 

(1)  Depuis  Daniel  Valgraive,  cette  signature  est  devenue  une  rai- 
gOn  sociiile  littéraire  qui  .sous-entend  la  collaboration  fraternelle  de 
MM.  Joseph-Henri  Rosny  et  Justin  Rosny. 


son  dmigralion  à  l'Orienl,  paraii  lesTcHes-Courtes  auxciutls  l'occi- 
tlental  ravil  une  jeune  femme.  La  fabulation  du  roman  est  inslalléo 
iMV  ce  rapl  qui  oblige  les  hommes  dépossédés  à  de  dures  repré- 
sailles, mais  laisse  Vamireh  déiinilivemenl  possesseur  de  sa 
conquête. 

M.  Rosny  possède  une  dynamiciite  surprenante  de  l'évocation, 
un  esprit  généralisatcur  et  organisateur  d'un  rare  équilibre.  La 
documenlalion  qui  lui  suggéra  le  plan  de  son  œuvre  ne  portail 
que  sur  les  rares  vestiges  de  l'époque  paléolittiique  découverts  il 
y  a  quelque  trente  ans,  et  cela,  uni  à  certaines  données  sur  les 
sciences  naturelles,  a  sufli  à  l'auteur  pour  lui  permettre  la  recon- 
stitution, avec  un  ma.ximum  de  vraisemblimce,  de  tout  un  âge  de 
l'Humanité  inconnu  à  l'Ilistoiie  :  l'époque  imprécise,  antérieure  à 
rage  néolili4ue  et  au  concept  divin,  l'époque  où  vivent  encore 
les  derniers  anthropoïdes  qui  engendrèrent  les  lardigrades  d'où 
sortirent  enfin  les  races  asiaiiiiues. 

M.  Rosny  retrace  sans  embarras  les  luttes  exterminatrices  de 
l'homme  contre  l'homme,  de  la  bêle  contre  la  bêie,  de  ceux-là 
contre  celles-ci,  et  non  sans  enthousiasme,  car  M..  Rosny  a  pour 
la  Nature  des  tendresses  exquises,  quasi  paternelles,  et  il  en 
célèbre  l'immarcescible  beauté  en  cueillant  aux  confins  de  l'ex- 
primable toute  la  magnificence  verbale  capable  d'embellir  sa 

pensée. 

^  Ed.  C. 

"Vitraux,  par  Laurent  Tailhade.  —  Paris,  Léon  Vanier,  éditeur, 
1891.  Tirage  à  500  exemplaires  numérotés  sur  papier  de  Hollande, 
51  pages. 

Toute  la  poésie  des  mots,  des  descriptifs  et  des  qualificatifs  pour 
faire  comprendre  en  la  traduisant  celte  grande  et  belle  chose 
d'inlimilé  religieuse:  les  vitraux.  Ceux  qui  magnifient  la  Vierge, 
d'abord,  puis  ceux  qui  éternisent  l'éphémère  des  fleurs  «  les  fleurs 
d'Ophélie  »,  les  «  funerei  flores  »,  toutes  les  fleurs. 

Quinze  poèmes,  extraits  d'un  volume  eu  préparation:  Sur 
champ  d'or.  Un  amour  du  religieux,  du  pieux,  du  byzantin,  du 
gothique.  Telles  pièces,  trop  surchargées  peut-être  d'épithètes  et 
d'adjectifs,  rappellent  ces  cantiques  de  traduction  latine  chantés  en 
plain-chant  aux  saluls  du  soir,  ou  tel  dimanche,  au  moment  des 
très  saintes  bénédictions.  «  Inii^oïi,  Sonnet  liturgique,  Hortus 
conclusus  »,  autant  de  transpositions  des  litanies  peintes  sur  les 
grands  vitraux  et  qui  ont  inspiré  te  poèle^ès  liturgiques,  ces 
poèmes,  mais  participant  à  la  fois  au  profane  et  au  sacré.  L'idéal 
se  fait  bien  matériel  et  à  force  de  se  préciser  dans  ses  contours  il 
emprunte  au  réel  tant  de  traits  descriptifs  qu'on  oublie  le  lieu 
saint  qu'est  l'église.  Peut-être  parce  que  l'âme  manque  un  peu  k 
ces  jolis  vers. 


^CCU^É?    DE    RÉCEPTION 

Le  Miroir  des  légetides,  par  Bernard  Lazare  (Paris,  A.  Lemerre). 
—  Grisailles,  recueil  de  poésies,  par  Ch.  Droupy  (Bruxelles, 
Islace).  —  Examen  critique  de  la  loi  du  22  mars  1886  sur  lé 
dr4)il  d'auteur,  par  J.  de  Brauwere  (Ixelles-Bruxelles,  Imprimerie 
Générale).  —  Quand  les  violons  sont  partis,  par  Edouard  Dubus 
(Paris,  Bibliothèque  artistique  el  littéraire). 


NOS  ARBRES 

Nous  avons  souvent  fait  campagne  pour  cmpé.'her  le  bi-ulal  et 
inintelligent  ébranchago  des  arbres  de  nos  promenades  piiblitiues. 
Nous  avons  réussi  à  Bruxelles,  grùce  îi  M.  Buis  qui  a,  lui  aussi, 
l'amour  de  la  belle  verdure.  Nos  boulevards  y  sont  devenus 
magnifi(|ues  depuis  (jue  les  basses  branches  ont  été  sauvées, 
Quelciues  villes  de  province  ont  aussi  compris  ce  qu'il  y  a  do  stu- 
pide  dans  le  fait  d'appliquer  aux  plnnlations  d'agréuKMil,  les  pro- 
cédés destinés  à  «  donner  beaucoup  de  bois  »  qui  ne  sont  appro- 
priés qu'aux  plantations  de  rapport.  Partout  où  la  réforme  a  eu 
lieu  on  ne  voit  [tins,  là  où  il  faudrait  de  l'ombre,  d'immenses 
Iroiics  déj)Quillés  ou  gardant  de  feuillage  qu'une  cime  inutile  pour 
le  promeneur. 

Mais  ailleurs  l'idiote  habitude  persiste.  Allez  notamment  avenue 
Brugman;  vous  y  verrez  en  lilcs  interminables  de  malheureux 
platanes  el  maronniers  presque  tous  mutilés,  contusionnés,  défi- 
gurés, présenianl  un  lamentable  speclacle;  ces  jours  derniers 
encore  un  vandale  a  coupé  partout  de  belles  basses  branches  et 
l'on  voit  partout  des  cicatrices.  On  n'a  pas  riiabituelle  excuse  du 
tramway  que  les  branches  gênaient  ;  c'est  des  deux  côtés,  et  horri- 
blement. ■ 

On  nous  assure  ((ue  l'on  accorde  à  des  bûcherons  le  droit  d'éla- 
guer moyennant  l'enlèvement  des  bois  [)0ur  tout  salaire.  Ce  beau 
système  a  pour  résultai  d'encourager  la  cognée  de  ces  brutes. 

Quand  donc  sera-t-on  convaincu  que  la  meilleuce  façon  de  trai- 
ter un  arbre  c'est  de  le  laisser  pousser  à  sa  guise,  dans  sa  grûce  cl 
sa  force  naturelles  el  (lue  toute  branche  coupée  esl  une  blessure 
qui  lui  nuit.  Celte  manie  d'arrangement  el  de  jardinage  est  le  plus 
sûr  moyen  de  déshonorer  peu  î>  peu  les  plus, belles  plantations. 


NOUVEAUX  CONCERTS  LIEGEOIS 

3«  concert. 

{Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne.) 

Il  faut  dire  encore  les  soins,  le  sentiment  réellement  artistique 
que  M".  Sylvain  Dupuis  apporte  dans  la  direction  des  Nouveaux 
Concerts.  Les  programmes  sont  d'un  artiste  qui  a  compris  sa 
tache,  les  exécutions  sont  presque  parfaites. 

Ainsi  la  troisième  symphonie  de  Brahms,  quoique  très  difficile 
à  exécuter,  a  élé  bien  jouée.  Peui-ôire  <'n  certains  passages  aurait- 
on  désiré  que  le  dessin  mélodi(|ue  se  dégageât  davantage.  Maison 
modérant  l'ardeur  de  ses  musiciens,  en  les  obligeant  k  de  la 
retenue  et  de.la  discrétion,  M.  Dupuis  a  imprimé  à  l'œuvre  son 
caractère  d'austérité  un  peu  grise.  Admirable,  cette  troisième 
symphonie  d'un  sentiment  si  profond,  si  contenu.  Quel  dédain  de 
l'effet  et  que  sous  cette  apparence  de  simplicité  l'écriture  est 
savante!  C'est  d'une  haute  conception  d'arl. 

Plus  encore  cette  œuvre  nous  apparut  grande  d'émotion 
intime,  de  solide  pensée,  lorsque  suivirent  les  violences  de  cou- 
leurs et  de  contrastes  de  la  musique  du  Don  Juan  de  Richard 
Strauss.  Cette  exubérance  de  sonorités  riches,  cette  recherche  de 
imances  nous  ont  semblé  cacher  fragilité  de  pensée  et  insuflisance 
d'inspiration.  Musique  travaillée,  fatigante,  elle  intéresse,  elle 
étonne,  mais  elle  ne  remue  pas. 

Ce  titre  :  Don  Juan,  évoque  l'idée  d'une  analyse  d'états  d'âme 
très  complexes,  d'une  psychologie  curieuse  et  profonde.  Il  sem- 
blerait que  le  poème  symphonique  de   Strauss  dût  être   tout 


LART  MODERNE 


95 


■iniprno.  Il  osi  au  contraire  loiil  en  surface,  tout  en  dehors.  C'est 
une  suite  de  tableaux  vivement  nu  tièdement  enluminés,  mais 
toujours  enluminés. 

M.  Jose|)li  von  Slivinski  est  un  étonnant  virtuose  du  piano;  il  se 
joue  avec  une  rcmarqualile  aisance  des  plus  sérieuses  diflicullés. 
Il  charme,  il  ne  persuade  pas,  et  quoiqu'il  ait  du  nerf,  ilhous 
a  paru  dépourvu  de  puissance.  Dans  le  Concerto  de  Tschaïkowsky, 
—  concerto  bien  pauvre  et  bien  ennuyeux, —  qu'il  détaille  îi  la  per- 
fection, il  a  fait  montre  de  sa  superbe  technique.  Aussi  dans  une 
Bnrrarollr  ûo.  Rubinstein  et  dans  la  Tarentelle  Vcnezia  et  Najwli 
de  I.iszt.  Il  a  fait  valoir  à  merveille  la  Filcuse  de  Mondeissohn  et 
joué  de  charmante  manière,  sans  plus,  le  Nocturne  en  fa  dièze  de 
Chopin. 


"Petite   chroj^iique 


Pour  rappel,  aujourd'hui  h  i  h.  1/2,  troisième  concert  popu- 
laire. " 

I,es  répétitions  du  poème  symphonique  de  M.  Paul  Gilson,  La 
Mer,  promettent  une  exécution  excellente.  L'œuvre,  qui  est  d'une 
couleur  sujierbe,  a  fait  une  grande  impression.  Elle  a  été  acclamée 
hier  à  la  répétition  générale.  Nul  doute  que  le  public  d'aujour- 
d'hui ratifie  ce  succès  et  classe  définitivement  son  auteur  au  rang 
qu'il  a  droit  d'occuper. 

Le  pocirie  de  M.  Levis  sera  dit  par  M.  Le  Bargy,  de  la  Comédie- 
Française. 

Lés  trois  derniers  spectaclesTlu  Théâtre  Libre  : 

iJimanche  :  L'Ecole  des  veufs,  comédie  en  5  actes  de  M.  Georges 
AnCiW  et  Dlanchelle,  il  actes,  de  M.  Kugènè  Brieux. 

Lundi  :  Le  Canard  sauvage,  pièce  en  5  actes,  de  M.  Henrik 
Ibsen,  traduction  de  MM.  Armand  E|ihraïm  et  Th.  Lindenlaub. 

Mardi,  pour  les  adieux  du  Théâtre  Libre  :  Tante  Léonline, 
3  actes  de  MM.  Maurice  IJouiface  et  Edouard  Bodin  cl  VEcole  des 
veufs. 

La  troupe  du  Théâtre  du  Parc  donnera  mercredi  la  première 
représentation  des  Jobards,  trois  actes  de  MM.  Guinon  et  Denier. 
L'Ilitruse  de  Maeterlinck  passera  immédialetnent  après  les 
Jobards.  -     - 

Le  concert  organisé  par  la  Société  de  Musique  de  Tournai  et 
consacré  aux  œuvres  de  M.  Gabriel  Pierné  aura  lieu  aujourd'hui 
dimanche,  b  5  heures  du  soir,  au  local  de  la  Halle  aux  Draps. 

C'est  dimanche  prochain,  27  courant,  que  sera  exécutée  à 
Verviers,  par  l'orchestre  et  les  chœurs  de  l'Ecole  de  musique, 
sous  la  direction  de  M.  L.  Kefer,  V Andromède  de  G.  Lekeu,  dont 
un  fragment  a  été  applaudi  dernièrement  aux  XX.  Les  solistes 
sont  M"'  Lamboray  et  M.  S.  Byrom. 

Au  même  concert,  on  entendra,  sous  la  direction  de  l'auteur, 
Saugcfleurie  et  le  Lied  pour  violoncelle  et  orchestre  de  Vincent 
dlndy  (soliste  :  M.  Henri  Gillei). 

Au  Cercle  artistique  et  littéraire  de  Gand  (rempart  Saint-Jean, 
4?)  s'ouvrira  dimanche  prochain,  une  exposition  de  «  Noir  et 
Blanc  »,  organisée  par  \  Els-Club  de  La  Haye. 

Au  nombre  des  exposants  figurent  MM.  J.  Toorop,  "W.  Wilsen, 
Ph.  Ziicken,  Veih,  Mauriis  Bauer.  Ce  dernier  exposera  les  dix 
liihngrai)hies  pour  la  Légende  de  saint  Julien  V Hospitalier  de 
Flaubert  dont  nous  avons  parlé  dernièrement  (4). 

L'exposition  est  ouverte  librement  pour  les  personnes  étran- 
gères à  la  ville,  chaque  jour  de  40  à  4  heures,  à  l'exception  des 
mardis,  jeudis  et  samedis,  où  elle  clôt  ses  portes  à  1  heure  de 
relevée.  .      

Le  quatuor  Ysaye  (MM.  E.  Ysaye,  Crickboom,  Van  Hout  et 
Jacob),  qui  ne  s'était  fait  entendre  jusqu'ici  qu'aux  Concerts  des 

(1)  N»  du  6  mars. 


XX,  partira  au  commencement  de  mai  pour  Paris,  où  il  donnei'a 
quatre  auditions  b  la  salle  Pleyel. 

Ces  séances  sont  fixées  aux  9,  41,  43  et  46  mai,  à  4  heures. 
Voici  les  programmes  très  artisliq^ies  de  ces  concerts  de  haute 
attraction  : 

Première  séance.  —  Césau  Franck.  Quatuor  pour  deux 
violons,  alto  et  violoncelle.  —  Quintette  pour  piano  et  instru- 
ments h  cordes. 

Deuxième  séance.  —  Vincent  d'Lndy.  Quatuor  pour  deux 
violons,  alto  et  violoncelle.  —  Quatuor  pour  piano  et  instru- 
ments h  cordes. 

Troisième  séance.  —  Gabriei,  Fai'ré.  Quatuor  en  sol  pour 
piano  et'cordcs.  —  Quatuor  en  ///  pour  piano  et  cordes. 

Quatrième  séance.  —  A.  df,  Castii.i.on.  Quatuor  pour  deux 
violons,  alto  et  violoncelle.  —  E,  Chausson.  Concert  pour  piano, 
trois  violons,  alto  et  violoncelle. 

Le  pianiste  sera  vraiseml)lablemenl  M.  Auguste  Pierret,  le 
jeune  et  très  distingué  élève  de  Diémer  qui  a  obienu,  au  dernier 
concert  des  XX,  un  succès  si  vif  et  si  mérité. 

i.a  deuxième  séance  du  quatuOr  Crickboom,  Sartoni,  Kéfer, 
Gillel  aura  lieu  le  22  avril,  avec  le  concours  de  M"'  Irm^  Sôthe,  qui 
se  fera  entendre  pour  la  première  fois  dans  un  concert  bruxellois. 

Au  programme  :-te  concerto  de  Bach  pour  deux  violons,  un 
quatuor  de  Beethoven  et  le  quatuor  de  Vincent  d'Indy  pour  piano 
et  cordes. 

Une, nouvelle  très  intéressante  et  appelée  à  faire  du  brufi  nous 
arrive  de  Paris.  M.  Sainl-Pol  Roux,  l'un  des  écrivains  les  plus  en 
vue  de  la  nouvelle  génération,  sollicite  la  direction  actuellement 
vacante  de  l'Odéon.  11  aurait  comme  assesseurs  le  peintre  Georges 
Rochegrosse  etle  compositeur  Gustave  Charpentier. 

M.  Saint-Pol  Roux  a  présenté  au  ministre  un  programme  com- 
plet dans  lequel  figurent  Villiers  de  l'isle  Adam, 'Théodore  de 
Banville,  Ibsen,  Maeterlinck  et  les  jeunes  poètes,  repoussés  jus- 
qu'ici des  scènes  subventionnées.  Un  appel  serait  adressé  aux 
artistes  des  écoles  nouvelles  pour  la  confection  des  décors,  pour 
la  composition  de  la  musique  de  scène,  etc.  Bref,  ce  serait  un 
renouveau  complet,  un  courant  d'air  frais  pénétrant  dans  le 
vélusle  bâtiment  de  la  rive  gauche. 

Le  Quartier  est  en  rumeur,  comme  bien  on  pense  et  sitôt  la 
(louvelle  connue  dans  les  bureaux  de  rédaction,  il  y  aura  de 
formidables  levées  de  piques. 

Nous  approuvons  fort  l'audacieuse  tentative  de  M.  Saint-Pol 
Roux  et  de  ses  amis,  et  souhaitons  vivement  que  le  ministre  lui 
fasse  accueil.  Quoiqu'il  arrive,  elle  aura  montré  que  la  jeunesse 
litléralre  est  organisée  pour  le  combat  de  la  rampe  et  qif  il  s'agit 
désormais  de  compter  avec  elle. 

Les  escarmouches  du  Théâtre  d'art,  du  Théâtre  d'application, 
du  Théâtre  de  l'avenir  dramatique  qui  ont  vaillamment  combattu 
aux  côtés  de  leur^lnéja  Théâtre  Libre,  auront  préparé  la  victoire 
définitive. 


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Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  27  Mars  1892. 


PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHABREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,    fr.    13.00     —  ANNONCES   :    On   traite  à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 

Le  Canard  sauvaob.  Représentation  du  drame  d'Ibsen  au  Théâtre 
du  Parc.  —  Concerts  populaires.  —  Expositions  courantes.  Léon 
Frédéric.  '■ —  Exposition  de  l'art  photographique  anglais.  —  La 

COLLECTION  DU  DOCTEUR  LeQUIME.  —  Au  CeRCLE  ARTISTIQUE  d'AnVERS. 

Exposition    Farazijn.  —    J.-M.-N.   Whistler.    —  Documents   a 

CONSERVER.  —  PETITE  CHRONIQUE. 


LE  CANARD  SAUVAGE 


(1) 


Représentation  du  drame  d'Ibsen  au  Thé&tre  du  Parc 

Les  Profondeurs  de  la  Mer  !  Mystérieuse  et  sonore 
euphonie  de  mots  qui  marque,  comme  d'un  talisman 
contre  l'oubli,  la  scène  la  plus  tendrement  vibrante,  la 
plus  poétiquement  déchirante  de  ce  drame  d'Ibsen, 
aussi  fouilleur  dans  l'âme,  aussi  bouleversant  que  les 
tragédies  antiques,  —  de  ce  drame  à  titre  bizarre,  mais 
d'un  si  prodigieux  vol  dans  le  lointain  et  l'inconnu. 
Les  profondeurs  de  la  mer!  symbolique  formule  qui 
palpite  sur  les  lèvres  inquiètes  et  ingénues  d'une  enfant 
norwégienne,  enlisée  dans  les  ténèbres  de  la  vie,  dans  les 
ténèbres  de  la  puberté  germante,  ne  sachant  rien  encore 
du  mystère  qui,  à  si  courte  distance,  enveloppe  nos 

(i)  Voir  le  compte  rendu  du  Canard  sauvage  par  notre  correspon- 
dant de  Paris  dans  l'Art  moderne  du  3  mai  1892.  —  Voir  aussi, 
pour  les  Revenants,  année  1891,  p.  8G. 


humaines  existences,  mais  dont  le  sang  Scandinave, 
mêlé  par  les  fatalités  des  mêmes  septentrionales  lati- 
tudes au  sang  russe,  parcourt  ses  veinules  et  ses  asté- 
rioles  de  fillette  rêveuse,  chargé  des  globules  étranges 
qui  là-bas  font  lever  dans  les  cœurs  tourmentés  et  altérés 
d'héroïsme,  dans  les  cœui's  malades,  le  besoin  du  sacri- 
fice, le  besoin  de  justice,  le  besoin  de  montrer par 

la  mort!  à  ceux  qu'on  aime  cpmme  on  les  aime! 

Oh!  l'adorable,  et  poignante,  et  naïve  association 
d'images,  résumant  l'enfance  et  la  terre  immense,  la  vie 
triste  et  l'essor  vers  le  rêve,  que  cette  Hedwige  et  ce 
Canard  sauvage  !  La  petite  ,âme  féminine  de  l'enfant 
norwégienne  qui  regarde  la  vie,  comme  l'oiseau  encore 
blotti  dans  le  nid  l'horizon  brumeux  et  indéfini,  et  qui 
s'élance,  qui  part,  cpmme  l'oiseau,  frappée  bientôt  par 
un  coup  de  feu  sorti  du  Hasard,  et  plongeant  alors  dans 
«  les  Profondeurs  de  la  Mer  !» 

Cette  mystique  du  drame  d'Ibsen,  si  émouvante, 
n'espérez  pas  que  l'habituel  public  puisse  en  avoir  même 
l'idée.  Il  faut,  pour  en  être  immédiatement  saisi  et 
troublé,  cette  onde  d'humanité  gémissante  qui  ne  baigne 
pas  les  cœurs  vulgaires.  Il  faut  cette  double  vue  du 
Slave  et  de  son  germain  le  Scandinave,  qui,  dépassant 
la  quotidienne  anecdote  de  l'existence  bourgeoise, 
découvre,  sans  y  voir  clair,  mais  en  en  pressentant  les 
fantômes  et  le  vague  sinistre,  les  sombres  retraites  où 
les  imprévus  du  Destin  sont  tapis  en  leur  silence.  Il 


98 


L'ART  MODERNE 


faut  la  croyance  que  nous  sommes  le  jouet  des  ombres, 
le  jouet  des  «  lois  invisibles  que  rien  ne  peut  fléchir  et 
que  rien  n'attendrit  «.  Il  faut  avoir  appris  par  la  vie 
que  rien  n'arrive  comme  on  l'avait  pensé,  qu'incessam- 
ment des  mains  d'anges  ou  de  démons  dérangent  nos 
résolutions  et  nos  espoirs,  que  quiconque  vit,  tâtonne  et 
divague,  que  l'homme  est  un  moucheron  bourdonnant 
et  virant  en  zig-zag  dans  un  tourbillon  qui  l'emporte 
et  que  l'incertain  dirige. 

Oh  !  la  déroute  idiote  de  ces  spectateurs  impuissants 
à  démêler  le  fll  de  cette  pièce  étrange,  faite  en  apparence, 
et  pour  eux,  de  niaiseries  quotidiennes,  se  déroulant 
pendant  quatre  actes  dans  la  même  mansarde  de 
pauvres  gens  vaquant  aux  puériles  opérations  d'un 
ménage  de  photographes,  avec  un  aïeul  faisant  des 
copies,  un  voisin  qui  se  saoule,  un  médecin  raté  qui 
disserte  et  un  fils  de  banquier  absurde  au  point  de  se 
faire  nihiliste  !  Ces  spectateurs!  ne  se  doutant  pas  que  le 
drame  résulte  de  l'invisible  qui  enserre  cette  quotidien- 
neté misérable,  qui  se  lève  du  dessous  des  réalités 
tangibles,  et  monte,  monte,  lent  et  inexorable,  —  qui 
vient  des  lointains  insondables,  et  approche,  approche, 
lent  et  inexorable,  de  plus  en  plus  près,  inflexible  en  sa 
fatalité,  —  et  qui  donne,  par  le  tragique  de  cette  venue, 
non  vue  mais  sentie,  aux  plus  petits  événements,  aux 
plus  insignifiantes  paroles  de  ces  êtres,  fantoches  ou 
marionnettes  marqués  pour  les  catastrophes  et  ne  s'en 
doutant  pas,  et  déjà  dans  la  gueule  qui  va  se  fermer 
sur  eux  et  les  broyer,  une  portée  d'émotion  effrayante. 

Non,  ils  riaient  ces  spectateurs,  ne  voyant  que  l'exté- 
rieur puéril,  et  dès  lors  inévitablement  incohérent,  des  ' 
actes  et  des  personnages. 

A  quoi  de  leur  psychologie  à  parois  étroites  pouvait 
répondre  cet  extraordinaire  grenier,  où  des  lapins, 
des  poules....  et  ce  Canard  sauvage!  vivent  prison- 
niers entre  quelques  arbres  de  Noël  desséchés  et  des 
bahuts  pleins  de  vieux  livres  de  marine  oubliés  par 
un  capitaine  de  navire  cousin  de  celui  qui  commandait 
le  Vaisseau- Fantôme?  Ce  grenier  étonnant,  où  l'aïeul 
et  le  fils  vont  en  promenade  comme  s'il  s'agissait  d'une 
forêt  Scandinave  là-bas  sur  le  haut  des  monts  couron- 
nant de  verdure  les  Çords,  où  l'aïeul  qui  jadis  a  tué  des 
ours,  fait  la  chasse  aux  lapins  avec  un  vieux  pistolet? 
Tout  l'idéal  étrange  de  ce  déconcertant  grenier  a 
échappé  au  public.  Il  n'y  a  vu  qu'une  fantaisie  baroque. 
Son  énorme  et  délicieux  mensonge  de  vie  en  plein  air, 
sous  les  grands  bois  parcourus  par  les  fauves,  aux  cimes 
habitées  par  les  oiseaux  de  proie,  avec  au-dessus,  dans 
l'éther,  les  migrations  des  »  Canards  sauvages  ", 
l'énorme  et  délicieux  mensonge  des  étapes  et  des 
chasses  dans  les  solitudes  silvestres  des  montagnes,  il 
ne  l'a  pas  compris  Ce  grenier  bizarre!  qui,  dans  la 
projection  psychique  des  habitants  de  la  mansarde  qu'il 
avoisine,  est  un  monde  plein  de  joies  et  de  rêves,  où,  en 


? 


esprit,  ils  voyagent  par  delà  les  Atlantiques  jusqu'aux 
Amériques  d'or,  il  ne  l'a  pas  compris...,  si  ce  n'est 
peut-être  vaguement,  vers  la  fin  de  la  représentation, 
par  une  intuition  enfin  commençante  du  vrai  sens,  pro- 
fond et  touchant,  de  ce  mirage,  quand  la  fillette  va 
chercher  la  Mort  dans  ce  beau  pays  imaginaire 
qu'abrite  et  limite  le  toit  enchevêtré  de  poutres  de  la 
vieille  maison  en  sa  ville  innommée. 

De  toutes  les  forces  mal  définies  qu'Ibsen  fait  agir 
dans  cette  œuvre  caractéristique  de  son  art  énigma- 
tique,  il  eu  est  deux  seulement  auxquelles  il  donne  assez 
de  relief  pour  qu'elles  ne  soient  plus  d'impalpables 
nuages  se  confondant  avec  l'obscurité  même  de  la  vie 
universelle  :  l'Hérédité  et  la  Folie.  Déjà  lors  des  Reve- 
nants,}o\xë^  ici  par  la  même  troupe  d'Antoine  et  sur  le 
même  théâtre,  nous  en  faisions  la  remarque.  Il  semble 
que  le  dramaturge  a  une  prédilection  pour  ces  deux 
moteurs  en  lesquels  il  dédouble  si  curieusement  la 
grande  et  unique  Fatalité  antique  d'Eschyle,  d'Euripide, 
de  Sophocle,  cette  fatalité  angoisseuse  et  cruelle  qui  n'a 
nulle  place  dans  Shakespeare  et  donne  au  théâtre  anglais 
une  sérénité,  même  dans  les  catastrophes,  qui  le  sépare 
si  nettement  des  écrasants  déroutements  de  l'insondable 
Destin.  De  temps  à  autre,  dans  la  sombre  et  minutieuse 
évolution  de  l'œuvre  ibsénienne,  un  mot,  une  phrase, 
d'un  fugitif  éclat  de  morceau  de  vitre  atteint  par  la 
lumière,  éclaire  négligemment  cette  tendance  quasi 
scientifique  que  le  dramaturge  laisse  tout  de  suite  pour 
en  revenir  à  l'écoulement  froid  et  en  apparence  mono- 
tone des  incidents  terribles  de  son  histoire.  Même  en 
cela,  quand  on  va  frôler  l'explicable,  la  logique,  la  trame 
raisonnée  de  son  art  bizarre,  il  aime  à  refaire  vite  le 
mystère  sur  les  ressorts  un  instant  aperçus  et  c'est  par 
soi-même  qu'il  faut  compléter  cet  entrevu  si  tôt  fermé, 
avec  l'hésitation  et  l'angoisse  d'une  solution  possible, 
mais  quand  même  incertaine.  Est-il  vraiment  fou,  ce 
Gregers,  brûlé  d'un  séraphique  désir  de  vérité,  rongé 
par  une  fièvre  cC honnêteté, t^v\s  des  périodiques  accès 
à'un  délire  admiratif,  qui  ne  comprend  le  bonheur 
que  si  l'illusion,  le  mensonge  vital  est  détruit,  et  qui, 
avec  une  opiniâtreté  d'insensé,  mais  avec  la  foi  d'un 
saint,  veut  qu'on  construise  sa  vie,  sans  lâcheté  et  sans 
marchandage,  avec  les  inévitables  malheurs  dont  la 
pauvre  humanité  est  la  proie  et  qu'elle  déguise  sans 
cesse  pour  échapper  à  la  douleur  d'exister.  Il  ondule, 
le  personnage,  entre  ces  deux  formes  flottantes,  tantôt 
concentré  en  précise  figure  héroïque,  tantôt  s'élargis" 
sant  en  fantastique  figure  d'aliéné.  Et  c'est  vraiment 
du  théâtre  antique  !  Tel  le  devait  comprendre  un 
artiste  moderne.  C'est  de  l'Euripide  dans  une  mansarde. 
Nommez  ce  Gregers  Oreste  et  cette  Hedwige  Hennione 
et  saisissante  apparaîtra  l'analogie  du  grand  souille  des 
mystères. 
L'indécis,  l'indéchiffrable,  les  déserts,  les  solitudes, 


les  bruits  vagues,  les  grands  espaces  fantomatiques  de 
l'âme,  les  curiosités  grimaçantes,  les  surprises  lugubres 
des  événements,  l'ensemble  à  la  fois  comique,  tragique, 
mais  toujours  secret  et  finalement  dérisoire  de  la  vie,  se 
reprenant  après  chaque  mort  pour  recommencer  le 
même  bouillonnement  stérile,  s'achevant  par  les  mêmes 
bulles  de  vapeur  crevant  à  petit  bruit  à  la  surface,  cette 
subcession  de  douloureuses  et  misérables  misères  appa- 
raissant dans  la  grandeur  dé  leur  cruauté,  de  leur  inu- 
tilité, de  leur  perpétuité,  t«l  se  révèle  le  théâtre  d'Ibsen 
en  son  eff'roi  et  son -irrésistible  émotion.  Quiconque  ne 
saisit  pas  cet  ésotérisme  ne  peut  trouver  son  art  que 
puéril  et  grotesque.  Et  certes  nos  excellents  critiques 
de  taverne  n'y  ont  pas  manqué. 


CONCERTS  POPULAIRES 

La  Mer,  de  Paul  Gilson. 
.Lorsqu'on  oxécula  au  Conservatoire  YElégie  de  Paul  Gilson, 
qui  ne  parvint  pas  à  dégeler  les  auditeurs  glacés  de  la  rue  de  la 
Régence,  nous  écrivîmes  que  le  jeune  compositeur  prenait  rang 
parmi  les  premiers  symphonistes  de  l'époque. 

La  Mer  a  trouvé  aux  Concerts  populaires  un  public  plus 
compréhensif,  qui  a  fait  à  l'auteur  —  aux  auteurs,  car  M.  Eddy 
Levis,  le  poète  de  la  Mer,  en  a  eu  sa  part  —  un  accueil  triomphal. 

La  nationalité  de  M.  Gilson,  Brabançon  bon  teint,  n'a  pas  nui, 
chose  étonnante,  au  succès  considérable  qu'on  lui  a  unanimement 
décerné  et  dont  la  répercussion  fait  vibrer  actuellement  toutes  les 
gazelles  du  pays.  Se  souvient-on  du  temps  où  il  fallait,  indispen- 
sablenjent,  pour  avoir  du  talent,  être  Tchèque,  ou  Hongrois,  ou 
Norwégien  ? 

Nous  enregistrons  avec  joie  celle  victoire,  qui  est  tout  à  l'hon- 
neur de  notre  public  bruxellois.  Il  était  aisé  de  discerner  dès  la 
première  audition  de  la  Mer,  bien  que  l'exécution  fragmentaire 
au  piano  qu'en  offrirent  les  XX  n'en  pût  donner  qu'une  idée 
imparfaite,  le  grand  intérêt  que  présente  cette  partition,  écrite 
d'un  jel,  avec  une  facilité  rare,  par  un  musicien  qui  connaît  à 
fond  son  mélier,  qui  possède  la  variété  des  rythmes,  la  science 
des  développements,  l'art  de  conduire  polyphoniquemenl  ses 
thèmes. 

L'œuvre  n'avait  que  deux  parties  alors  :  Le  Lever  du  jour, 
tableau  maritime  bâti  sur  trois  notes,  et  la  Ronde  du  gabier, 
morceau  pittoresque  et  charmant,  plein  d'entrain  et  de  vie,  dans 
lequel  le  rythme  canaille  de  la  gigue  alterne  avec  un  chant  de 
matelots  caractéristique,  bien  rythmé  et  net  d'allures. 

L'auteur  y  a  ajouté  un  andante  qui  peint  la  chute  du  jour  et 
une  terrible  tempête  éclatant,  formidable,  sur  le  thème  initial  de 
la  Mer  et  ballottant  de  façon  émouvante  les  matelots  dont  le 
chant  retentit  par  intervalles  dans  le  déchaînement  de  toutes  les 
forces  instrumentales  de  l'orchestre. 

Ces  deux  parties,  les  meilleures,  à  notre  avis,  de  celle  sym- 
phonie (Esquisses  symphoniques  esi  un  litre  bien  modeste  pour 
une  œuvre  de  cette  envergure)  couronnent  triomphalement  la 
partition.  Le  dialogue  de  flûte  et  de  cor  anglais  qui  ouvre  la 
troisième  partie  et  qui  ftiènejusqu'au  bout  l'ajirfaji/e  est  délicieux, 
bien  qu'on  puisse  lui  reprocher  d'être  quelque  peu  inspiré  des 
compositeurs  russes,  el  spécialement  de  Borodine.  11  se  prolonge 


peut-être  trop,  ou  plutôt  est  repris,  sans  utilité  apparente,  avec 
trop  de  persistance  vers  la  fin  du  morceau.  11  y  aurait 
à  pratiquer  dans  celte  partie  une  coupure  qui  allégerait  l'œuvre, 
un  peu  languissante  en  cet  endroit  malgré  l'intérôi  d'une  instru- 
mentation séduisante  et  d'une  harmonisation  délicate. 

Ecrire  une  Tempête  après  tant  de  musiciens  cl  trouver  du 
neuf  n'était  pas  une  tâche  aisée.  M.  Gilson  s'est  fort  heureusement 
tiré  de  cet  épineux  labeur.  La  quatrième  partie  de  la  Mer  a  une 
grandeur  et  une  puiss9ncc  vraiment  impressionnantes.  Il  y  a  tout 
autre  chose  que  la  banale  imitation  des  bruits  de  la  nature  dans 
ce  morceau  tragique  et  de  haute  envolée.  L'auteur  y  combine 
avec -art  tous  les  motifs  de  sa  partition,  en  variant  de  façon 
imprévue  les  rythmes  el  les  harmonies.  Par  une  gradation  cons- 
tante, il  arrive,  vers  la  fin,  à  un  maximum  d'effet  qui  a  fait  sur 
l'auditoire  une  impression  profonde.  C'est,  grandement  pensé, 
largement  écrit,  d'une  écriture  ferme,  égale,  qui  décèle  une  main 
sûre  et  un  cerveau  équilibré. 

L'intérêt  principal  du  Concert  résidait  dans  la  Mer.  Nous 
n'avons  que  peu  de  chose  à  dire  des  autres  œuvres  inscrites  au 
programme.  Le  Camp  de  Wallenstei7i,  de  Vincent  d'Indy,  et 
l'Entrée  des  dieux  dans  le  Walhalla  sont  connus,  et  leur  exécu- 
tion n'a  pas  été  irréprochable.  On  a  entendu  aussi  une  Fantaisie 
quelconque  de  M.  Wiclor  pour  piano  el  orchestre,  fort  bien  jouée 
par  M.  Philipp. 


EXPOSITIONS  GOURANTES 

LÉON  FRÉDÉRIC 

M.  Léon  Frédéric  vient  d'exposer  au  Cercle  artistique  une  loile 
nouvelle  :  Le  mouchoir  de  sainte  Véronique. 

Deux  anges  passent  à  travers  une  plaine,  portant  le  mouchoir 
sacré  où  l'on  voit  la  figure  du  Christ.  L'œuvre  est  saisissante  et 
d'une  poésie  profonde  el  émue  —  et  certes,  depuis  les  Marchands 
de  craie,  c'est  ce  que  le  jeune  artiste  a  produit  de  meilleur.  On  a 
souvent  reproché  à  M.  Frédéric  sa  couleur  parfois  aigre  el  avare, 
el,  dans  ses  essais  de  symbolisme,  des  côtés  vulgaires  et  étriqués, 
ici,  tous  ces  reproches  tombent,  el  il  ne  reste  à  signaler  qu'une 
belle  victoire  d'art,  enfin  remportée. 

Les  deux  anges  sont  adorables.  Ce  sont  deux  enfants  de  pau- 
vres, nus  sous  un  transparent  voile  noir,  avec  des  cheveux  cou- 
leur de  chanvre  et  des  traits  paysans  ;  mais  leur  physionomie  est 
sublimée  par  une  mystique  impression  —  celui  qui  regarde  au 
ciel,  surtout,  est  merveilleux  de  sentiment  —  et,  ce  qui  le  ratta- 
che encore  définitivement  au  paradis,  ce  sont  des  ailes  superbes, 
de  belles  el  grandes  ailes  d'anges,  orgueilleuses  comme  des  roues 
de  paons  et  qui  donnent  aux  pauvrets  transfigurés  une  magnifi- 
cence céleste.  Ils  s'avancent  ainsi,  tenant  le  mouchoir  ouvert 
entre  eux,  et,  à  l'aide  de  fleurs  doucement  brandies,  ils  écartent 
de  leur  chemise  les  épines  et  les  serpents,  tandis  que  derrière  eux 
la  voie  parcourue  se  couvre  de  roses  et  se  change  en  une  belle 
rivière  de  parfums,  de  joie  cl  de  tendresse.  Dans  le  fond,  un 
paysage  recueilli,  avec  des  pâtres  auxquels  la  miraculeuse  prome- 
nade verse  de  la  ferveur. 

Nous  aimons  moins  la  figure  du  Christ,  Certes,  M.  Frédéric.a 
bien  exécuté  ce  qu'il  a  voulu  faire,  el  cette  face  du  Jésus  char- 
pentier, celte  face  sanglante  est  rendue  avec  une  réelle  pénétra- 
tion de  douleur  el  de  martyre,  mais  nous  l'aurions  voulue  plus 
aérienne  et  plus  rayonnante.  Sur  le  mouchoir  doit  simplement 


i 


rester  un  reflet  du  visage  ^i  Christ,  un  peu  de  souffrance  essuyée, 
un  regard  d'espérance  et  de  résignation,  et  M.  Frédéric  a  trop 
insisté,  nous  semble-t-il,  sur  le  rendu  de  cette  physionomie  qui 
saigne  au  milieu  de  son  tableau. 

Celle  œuvre  est  destinée  à  une  église  de  village.  Et  nous  nous 
la  figurons  bien  belle,  bien  saisissnnte,  dans  le  milieu  qu'elle 
occupera.  Elle  est  si  parfumée  d'une  poésie  à  la  fois  tendre  et  hau- 
taine —  et  nombre  de  croyants  viendront  rêver  devant  ces  tou- 
chantes physionomies  d'anges,  si  humaines  et  si  célestes,  où  ils 
trouveront  également  la  grûce  naïve  de  leurs  enfants  et  le  radic- 
ment  qu'on  prêle  aux  chérubins. 

*** 

Des  natures  mortes  de  M™*  Triesl-Van  Mulders,  des  marines  de 
M.  Arden,  des  paysages  de  M.  Goemans  tapissaient  les  murs  du 
Cercle  durant  l'exposition  Frédéric. 

Rien  à  dire,  vraiment,  de  ces  toiles,  si  ce  n'est  que  M.  Goemans, 
qui  expose  pour  la  première  fois,  bien  que  vétéran,  est  un 
consciencieux  et  un  chercheur.  11  a  été  des  premiers  à  peindre  en 
plein  air,  à  s'efforcer  d'exprimer  la  nature  sous  son  jour  vrai.  Son 
œil  ne  manque  pas  de  délicatesse  et  sa  palette  d'harmonie.  On 
peut  le  classer  dans  le  voisinage  de  Bacrlsoen,  son  concitoyen, 
et  peut-être  son  compagnon  de  travail? 

*** 
Parmi  les  enfantins  coloriages  de  ïï.  Franz  Van  Luppen  et  les 
sous-Stobbaerderies  signées  Adolphe  Jacobs  qui  ont  succédé  à  ces 
toiles,  un  jeune  peintre,  Jef  Leempoels,  aligne  en  bataille  une 
vingtaine  de  toiierà  intentions  philosophiques,  de  valeur  inégale, 
mais  qu'on  ne  peut  passer  sous  silence  :  un  nom  nouveau  qui  pour- 
rail,  s'il  est  orienté  comme  il  convient,  marquer.  Le  temps  et  la 
place  nous  faisant  défaut  aujourd'hui,  nous  remettons  à  dimanche 
prochain  l'appréciation  de  ses  œuvres. 

***        . 
L'exposition  générale  du  Cercle  artistique  s'ouvrira  le  23  avril. 


f 


EXPOSITION  DE  L'ART  PHOTOGRAPHIQUE  ANGLAIS 

Il  y  eut,  paraît-il,  en  Angleterre,  de  rudes  polémiques  entre 
«  flouisles  »  et  «  neltîstes  »,  c'est-à-dire,  en  argot  photogra- 
phique, entre  les  partisans  des  clichés  librement  exécutés  par  des 
artistes  soucieux  d'assimiler  leurs  épreuves  à  des  aquarelles,  à  des 
fusains,  à  des  sépias,  et  les  défenseurs  de  la  précision  impec- 
cable, de  là  minutie  que  réalise  une  rigoureuse  mise  au  point. 
Ou  s'attrapa  ferme,  et  la  discussion,  menée  à  coups  d'articles,  de 
conférences,  d'exemples  présentés,  aux  expositions,  par  les  deux 
écoles,  est  loin  d'être  épuisée. 

L'Association  belge  de  photographie  a  pensé  qu'il  serait  inté- 
ressant d'initier  le  public  bruxellois  à  ces  luttes  qui  passionnent 
les  fervents  de  la  chambre  noire.  Et  le  Cercle  artistique  abrite  en 
ce  moment  un  choix  d'épreuves  dues  à  vingt-six  photographes 
anglais  (parmi  lesquels  il  n'y  a  ^ue  deux  professionnels)  où  les 
«  flouistes  »  dominent  et  triomphent,  bien  que  les  «  nettistes  » 
aient  quelques  représentants  de  valeur. 

Le  but  des  organisateurs  est,  en  outre,  de  faire  trancher  affir- 
mativement par  l'opinion  cette  question  souvent  posée,  jamais 
résolue  :  La  photographie  est-elle  un  art? 

L'intéressante  causerie  faite  récemment  à  l'Association  de  pho- 
tographie par  M.  Hector  Colard,  et  dont  nous  avons  parlé,  était 


un  plaidoyer  éloquent.  Les  spécimens  de  photographies  anglaises 
présentement  exposées  complètent  sa  démonstration.  Tels  résul- 
tats acquis  par  des  tirages  successifs  sur  des  papiers  grenus  et 
rugueux  sont  vraiment  déconcertants.  Us  élèvent  brusquement  la 
photographie  au-dessus  de  toutes  les  expressions  connues,  justi- 
fiant cet  axiome  d'un  des  exposants,  M.  Adam  Diston  :  «  11  me 
semble  que  la  position  que  doit  occuper  la  photographie  parmi 
les  arts  est  une  place  intermédiaire  entre  celle  occupée  par  le 
peintre  et  celle  prise  par  le  graveur  ».  Le  procédé  mécanique  qui 
assigne  à  la  photographie  .un  rang  inférieur  disparaît,  en  effet, 
presque  complètement  dans  bon  nombre  de  ces  belles  planches. 
La  personnalité  de  l'artiste,  son  lourde  main,  —  oui,  la  «  patte  » 
du  photographe  —  y  apparaissent .  Gageons  qu'un  homme  du  métier 
discernera  sans  hésitation  un  Oavison  d'un  Keene,  un  Hinlon  d'un 
Robinson,  bien  que  tous  appartiennent  au  groupe  des«  flouisles  », 
de  ceux  qu'en  peinture  on  nommerait  les  «  plein-airistes  ».  Dès 
lors,  n'est-ce  point  partie  gagnée? 

Si  tout  n'est  pas  d'égale  qualité  et  d'intérêt  constant  dans  ce 
premier  «Salon  »  —  les  organisateurs  ont  dû  se  montrer  éclecti- 
ques—  il  faut  reconnaître  qu'il  y  a  beaucoup  d'œuvres  superbes. 
En  première  ligne,  les  compositions  et  portraits  de  feu  .M™"  Julia 
MargarclCameron,  l'une  des  premières  qui  désembourba  la  photo- 
graphie et  l'orienta  vers  l'expression  artistique.  On  lira  avec  intérêt 
le  récit  qu'elle  fait  dans  les  Annales  de  mon  atelier,  reproduites 
dans  le  très  élégant  catalogue  de  l'exposition,  de  ses  premiers 
essais,  de  ses  déconvenues,  des  joies  qu'excila  chez  elle  la  réus- 
site. Puis  encore  les  deux  paysages  sur  Whatman  de  E.  Calland, 
le  magnifique  portrait  de  Tennyson  par  H. -H.  Cameron,  les  six 
paysages  de  H.  Hinton  qui  paraissent  lavés  à  l'encre  de  Chine,  le 
Pont  et  l'Ecluse  de  L.  Clark,  le  Moulin  à  vent  de  R.  Robinson, 
au  ciel  tragique  rapporté,  les  éludes  faites  au  vieux  manoir  de 
Moreton  par  R.  Keene,  les  dix-neuf  planches  de  George  Davison,  le 
plus  artiste  de  tous  les  «flouistes», qui  àansson  Champ  d'oignons  et 
dans  ses  Dunes  atteint  une  sorte  de  maîtrise,  les  éludes  d'animaux 
de  Gambier  Bolton,  qui  rendent  à  miracle  la  vérité  d'attitude  et  de 
mouvement  des  modèles  choisis,  les  portraits  de  magistrats  de 
W.  Crooke,  la  très  charmante  Invitation  à  souper  de  Vander 
Weyden,  les  marines  de  A.-R.  Dresser,  les  études  de  J.  Gale,  sans 
oublier  l'un  des  patriarches  du  groupe,  H. -P.  Robinson,  l'un  des 
plus  énergiques  défenseurs  de  l'école  moderniste,  dont  les  compo- 
sitions sentent  un  peu  la  romance,  mais  qui  a  rendu  aux  nouveaux 
venus  tant  de  services  qu'on  lui  pardonne  aisément  ce  que  son 
art  peut  avoir  de  rococo  et  de  verboeckhovenien. 

En  voilà  long  sur  une  exposition  de  photographie.  Il  nous  a 
paru  intéressant  de  signaler  d'une  manière  spéciale  celle  pre- 
mière tentative  «  d'art  photographique  »  qui  s'écarte  des  rou- 
tines. On  verra,  en  visilant  l'exposition  du  Cercle,  que  l'idée  est 
heureuse  et  mérite  tous  éloges. 


LA  COLLECTION  DU  DOCTEUR  LEQUIME 

La  collection  Lequime,  que  les  enchères  vont  disperser  les  4  et 
5  avril,  est  celle  d'un  amateur  de  goût  qui,  lentement,  amoureu-, 
sèment,  durant  vingt-cinq  années  de  patientes  recherches,  a 
groupé  une  sélection  d'œuvres  dont  aucune  n'est  banale,  dont 
plusieurs  sont  de  premier  ordre,  et  qui  forme  un  tout  homogène. 
A  parcourir  la  galerie  et  les  salons  du  docteur,  on  reconnaît 
immédialemqnl  que  l'homme  modeste  et  éclairé  qui  en  fait  les 


i»Km^>^S7w''r:'l^' 


honneurs  n'a  eu  d'aulre  bul  que  de  se  donner  une  salisfaclion  de 
haut  goûl  en  s"enlourant  de  ses  maîtres  de  prédilection. 

On  pourrait  la  nommer  la  colieclion  de  l'Art  libre.  Elle  appar- 
tient presque  tout  enliôre  à  cetle  période  de  rajeunissement  qui 
s'étend  de  1860  à  1880,  précédant  et  préparant  le  renouveau  qui, 
depuis  dix  ans,  fait  bourgeonner  et  fleurir  les  greffes  nouvelles. 

Le  docteur  Lequimea  vécu  parmi  les  peintres  de  celte  généra- 
tion. Il  les  a  connus  et  aimés.  Il  a  discerné,  alors  que  les  masuirs 
de  l'époque  les  conspuaient  avec  l'acharnement  que  mettent  ceux 
d'aujourd'hui  à  combattre  les«pointilleurs»,les«cloisonnistcs»ct 
les  «littéraires»,  ce  qu'ils apporiaientde neuf  àrédifice  arlisiique: 
la  sincérité,  l'amour  de  la  vérilé,  l'expression  juste,  le  dédain 
des  formules,  le  libre  choix  des  sujels.  Il  a  acheté  des  Courbet. 
{La  Baigneuse  endormie,  l'un  des  plus  beaux  morceaux  de  la 
galerie;  la  Source  du  Lizoïi;  le  Lac;  le^ Miroir  de  la  Loue;  la 
Plage  à  Saint- Aubin;  Source  et  Roches  en  Dauphiné ;  ■portrait 
de  M.  Vnn  Lntthem)  à  une  époque  où  on  eût  colloque  le  témé- 
raire qui  eût  osé  insinuer  que  ce  déboulonneur  de  colonnes  entre- 
rait un  jour  au  Louvre  autrement  que  pour  le  faire  sauter. 

Il  a  audacieusement  introduit  dans  sa  collection  huit  œuvres 
d'Hippolyle  Boulenger,  parmi  lesquelles  cette  tragique  Inonda- 
tion, lorsque  le  malheureux  artiste  en  était  réduit  à  brosser  des 
enseignes  pour  payer  son  écôt.  Il  a  colligé  les  Artan,  les  Dubois, 
les  De  Groux,  les  Smits,  les  Van  Camp,  les  Verwée,  les  Verhey- 
den,  les  Van  der  Hecht,  les  Agneessens,  lesChabry,  les  Rops,  les 
Meunier,  les  De  Knyff,  les  De  Braekelecr  (parmi  lesquels  ces 
Roses  blanches,  exposées  aux  XX  avec  le  Dévideur,  en  1888, 
et  un  merveilleux  tableau  d'accessoires).  Il  a  poussé  la  témérité 
jusquà  offrir  au  Musée, dans  un  but  de  propagande  artistique,  cet 
attachant  tableau  de  Gustave  De  Jonghe,  les  Pèlerins,  daté 
de  1854,  qui  est  considéré  par  les  artistes  comme  le  point  de 
départ  de  l'évolution  réaliste  en  Belgique,  et  devant  lequel  les 
bonzes  de  la  grande  Commission  firent  une  grimace  si  caractéris- 
tique que  le  docteur  garda  sa  toile. 

Les  œuvres  belges  le  sollicitèrent  avant  tout.  Il  acquit  néan- 
moins quelques  tableaux  d'artistes  français,  parmi  lesquels,  indé- 
pendamment des  sept  Courbet  déjà  cités,  deux  Daubigny,  une 
plage  de  Boudin,  trois  paysages  d'Henri  Harpignies  (l'un  d'eux, 
le  Chemin  creux,  dans  la  première  manière  du  peintre,  reflète 
curieusement  la  personnalité  de  Corot),  un  dessin  de  Diaz  qui 
avait  été  commencé  par  Eugène  Smits,  etc. 

Parmi  les  œuvres  que  se  disputeront  les  amateurs,  il  faut  citer 
surtout  le  Chien  à  la  tortue, le  Chien  du  saltimbanque,  le  Griffon, 
la  Forge  àChampigny,  de  Joseph  Stevcns  et,  d'Alfred  Stevens, 
Jeune  femme  assise,  leSphynx  parisien  et  Miss  Elfried. 

Des  bronzes  signés  P.  De  Vigne  et  Van  der  Sjappen,  des  aqua- 
relles, des  dessins,  parmi  lesquels  une  superbe  étude  de  De  Groux 
pour  son  Benedidte,  complètent  cette  collection  spécialiste  dans 
une  période  d'art,  et  par  là  même  d'un  intérêt  particulier. 

Les  artistes  verront  à  regret  la  dispersion  de  la  galerie  Lequime. 
lisse  sentaient  bien  chez  eux  dans  cetle  maison  où  jamais  une 
œuvre  n'est  entrée  pour  satisfaire  une  mesquine  vanité.  C'est, 
semble-t-il,  un  lien  qui  se  dénoue,  une  vieille  et  chaude  intimité 
rompue. 


^U   pEF^CLE    ARTISTIQUE   D'^NYEH? 

Exposition  Faraz^n 

{Correspondance  particulière  de  i/Aut  moderne.) 

M.  Edgard  Farazijn  expose  en  ce  moment,  au  Cercle  artistique 
d'Anvers,  quarante-six  toiles. 

Un  très  acharné  et  modeste  travailleur,  adonné  avec  passion  à 
une  scrupuleuse  observation  de  la  nature,  très  satisfait  des  moyens 
que  lui  fournit  l'école  de  ces  plein-airistes,  —  que  nous  jugeons 
par  trop  usés,  aujourd'hui,  —  mais  parfaitement  savant  et  hon- 
nête, s'?tleste  en  chacune  d'elles. 

M.  Edgard  Farazijn  a  uniquement  souci  de  «  faire  des  tableaux  », 
c'est-à-dire  limiter  en  différents  cadres  différents  sujets  et  épi- 
sodes. Dès  lors,  il  ne  peut  venir  à  l'espril  de  personne  d'attendre 
de  notre  part  une  explosion  d'enthousiasme. 
....  Nous  tenons  à  établir  pourtant  que,  malgré  le  divorce  absolu 
entre  le  but  du  peintre  et  notre  conception  d'une  œuvre  picturale, 
ces  œuvres,  si  d'aucunes  parmi  elles,  n"  30,  l'Idylle:  n»  iO, Soleil 
couchant,  promettent  un  sensible  et  progressif  nettoyage  de  l'œil, 
proclament  assez  de  science  acquise,  assez  de  dédain  pour  les 
commandements  de  l'enseignement  académique,  pour  en  imposer 
à  noire  sympathie  et  à  noire  respect,  sinon  à  noire  complète 
admiration. 

J.-M.-N.  WHISTLER 

MM.  Boussod  et  Valadon  préparent  une  exposition  des  œuvres 
de  Whisller  qui  comprendra  les  spécimens  les  plus  beaux  et  les 
plus  variés  de  l'art  du  mai'trc  américain. 

Le  gouvernement  a  acquis  de  lui,  on  le  sait^  le  Portrait  de  ma 
mère  pour  le  Musée  du  Luxembourg,  où  il  vient  d'être  installé. 
Rappelons  à  ce  propos  le  joli  salut  de  bienvenue  adressé  par  le 
OU  Blas  au  peintre  au  sujet  de  ce  tableau  : 

A  M.  Whistç^er,  grand  peintre. 

Monsieur,  vous  avez  fait  beaucoup  de  belles  choses,  mais 
dans  ce  momeni,  chez  Goupil,  vous  exposez  un  chef-d'œuvre  :  le 
portrait  de  votre  mère.  11  est  simplement  et  sans  barguigner 
digne  des  plus  beaux  portraits  qui  existent  et  au  Iteu  de  le  voir 
dans  l'entresol  d'un  marchand  de  tableaux,  je  le  voudrais  accroché 
à  une  place  d'honneur  dans  l'un  de  nos  musées.  Je  l'avais  déjà 
vu,  ce  simple  et  suggestif  chef-d'œuvre,  il  y  a  quelques  mois,  à 
Londres,  dans  une  exposition  de  portraits,  et  au  milieu  de  vos 
compatriotes  qui  avaient  accroché  dans  Piccadily  des  morceaux 
de  toiles  avec  de  la  couleur  dessus.  Oh  !  les  belles  dames  bien 
léchées  de  sir...  Leighlon.  (R.  A.  s'il  vous  plaît).  Votre  portrait 
dans  ses  noirs  si  tristes  et  ses  gris  si  simples  donnait  le  grand 
coup  dans  l'estomac,  procurait  l'émotion  saine  que  l'on  ne  ressent 
que  devant  les  chefs-d'œuvre.  Jamais  simplicité  si  parfaite  n'a 
produit  si  grand  effet.  Monsieur,  vous  êtes  un  grand  artiste  —  je 
tiens  à  vous  le  dire  et  si  par  hasard  yous  Vous  offusquiez  de  quel- 
ques jugements  stupides  portés  sur  vous,  chez  nous,  n'oubliez 
pas  que  nulle  part  on  ne  vous  critique  autant  que  dans  voire 
patrie,  où  les  misses  de  tout  âge  ont  de  fâcheuses  tendances  à 
confondre  l'art  avec  la  chromolithographie.  J. 

De  son  côté  V Indépendance  fait  cet  aveu  : 

«  La  galerie  Goupil  de  Londres  expose  depuis  quelques  jours 
toutes  les  toiles  de  M.  Whistler.  Et  devant  cette  œuvre  du  célèbre 


102 


VART  MODERNE 


impressionniste,  naguère  si  vilipendée,  si  raillée,  le  public  s'ar- 
rôle  aujourd'hui  en  exlasc,  la  critique  se  pâme  cl  prononce  les 
noms  de  Velasquez  ou  de  Rcmbran^i  avec  un  respect  amoindri. 
On  avait  jusqu'à  présent  traité  en  fumisteries  de  r<ipin  ces  harmo- 
nies en  noir  et  blanc,  ou  eu  bleu  ot  or,  où  M.  Whisller  a  lixé  les 
fugitives  impressions  que  laisse  sur  la  rétine  le  vol  d'une  fusée 
dans  les  ténèbres  ou  la  grisaille  d'une  fumée  de  bateau  dans  le 
joup  indécis  d'une  mer  qui  s'éveille. 

Aujourd'hui,  on  s'exclame  devant  l'eslbétique  du  grand  artiste 
occupé  toute  sa  vie  à  saisir  l'éclair  qui  passe,  à  l'emprisonner 
dans  sa  main,  à  le  jeter  tout  palpitant  et  fulgurant  sur  son  carré 
de  canevas.  Il  est  vrai  q  le  depuis- 1&  temps  où  ces  géniales  fantai- 
sies étaient  qualifiées  de  «  pots  de  couleur  jetés  à  la  face  du 
public  »,  l'Etal  français  a  achQlé  un  Whisller  pour  le  Luxem- 
bourg, d'abord  et  évcnluellemenl  pour  le  Louvre.  Mais  il  faut 
bien  une  explication  à  tout  ». 

C'est  parlait. 

Mais  \efiquanl  est  que  la  brave  Indépendunce  en  est  encore  a 
qualifier  de  fumisteries  des  œuvres  que  le  temps  mettra  a  côté  de 
celles  de  Whisller. 

ÇoCUMZNTg    A     CONSERVER 

Nos  lecteurs  savent  que  nous  collectionnons  sous  ce  litre, 
entre  autres  les  gaffes  de  la  gent  critique  qui,  avec  une  malchance 
invariable,  attaque  bêtement  les  belles  œuvres  et  les  grands 
artistes,  saufà  se  voir  très  lionleusement  contredite  après  quelques 
années  par  les  événements.  Les  cas  sont  innombrables.  Ou  a 
remarqué  que  pour  Wagner,  par  exemple,  pas  un  seul  critique 
on  titre,  mais  pas  un  seul!  n'a  compris  son  génie  à  l'époque  des 
lultc!,  ni  prévu  que  l'yoîverselle  justice  lui  donnerait  enfin  la 
royauté  qu'il  occupe  aujourd'hui. 

Voici  quelques  extraits,  sans  prix,  d'une  chronique  théâtrale 
parue  mercn'di  dernier  dans  la  liéforme,  ce  journal  avancé  : 
comme  le  gibier,  avons-nous  déjà  dit.  C'est  à  propos  de  la  repré- 
sentation du  Canard  sauvage  au  Théâtre  du  Parc  : 

«  On  pourrait  prétendre  que  le  Canard  sauvage,  et  la  Maison 
de  Poupée  et  Ut  Revenants,  et  Hedla  Gabier  et  tout  ce  que 
MM.  Prozor  cl  Durzens  cl  Ephraïm  el  Lindenlaub  et  Vander- 
kindere  et  quelques  autres  nous  ont  révélé  d'Ibsen,  est  non 
seulement  beaucoup  nioins  limpide  qu'un  vaudeville  de  MM.  Blum 
el  Toché,  ipais  encore  beaucoup  plus  obscur  que  n'importe  quel 

cauchemar 

Quand  ia  foule  bâille  el  s'endort,  il  y  a  une  sorte  de  dandysme 
assez  puéril  mais  fort  reluisant  à  paraître  éprouver  des  joies  ineffa- 
bles,.. Pour  une  foule  de  braves  gens  de  noire  bourgeoisie,  ce  dan- 
dysme csldevenu  une  fureur.  C'a  commencé  avec  Wagner,  et  ce 
grand  musicien  aurait  sans  doute  été  un  peu  humilié,  malgré  ses 
belles  robes  de  chambre  de  velours  lumineux,  s'il  avait  pu  prévoir  le 
misérable  sport  et  le  cabotinage  de  petits  salons  auxquels  ses  plus 

bruyants  admirateurs  allaient  faire  servir  son  haut  génie ,  etc. 

Le  grand  théâtre  français  traverse  une  crise  d'improduction 
qui  fait,  hélas,  de  MM.  Blum  et  Toché,  les  rois  de  la  scène  à 
Paris.  Le  nécessiteux  théâtre  allemand  en  profite  pour  faire  avec 
le  nom  d'un  septentrional  bafouilleur  beawoup  de  tapage,  la  foule 
s'amasse,  les  malins  se  serrent  autour  du  phénomène,  ils  l'expli- 
quent, le, commentent,  l'exaltent,  ce  sont  eux  qui  l'ont  inventé! 
et  les  gens  demandent  :  «  Qu'est-ce  qu'il  chante,  votre  grand 
trouvère?  ...... 


Il  faut  pourtant  que  je  dise  quelques  mots  de  la  bouteille  à 
l'encre  qu'on  a  renversée  hier  sur  ia  scène  du  Parc... 

Il  parait  que  le  nommé  Hcnrik  Ibsen  avait  écrit  déjà  nombre  de 
pièces  où  il  réclamait  pour  l'homme,  contre  la  société  —  el  ce 
avec  un  amphigouri  de  termes  tout  à  fait  excessif  —  le  droit  à  la 
sincérité,  le  droit  de  vivre  sa  vie  libre  comme  il  la  voulait,  sans 

être  forcé  de  mentir  à  des  conventions  factices  cl  superflues 

Sans  ce  petit  guide  familier  à  travers  la  pièce  d'hier,  je  vous 
défie  absolument  de  comprendre  un  chien  de  mot  au  clief- 
dœuvre... 

Il  y  a,  au  5"  acte,  une  explication  entre  un  docteur  accessoire 
et  Grcgcrs  Wcrie,  le  protagoniste  des  Revendications  idéales,  qui 
pourrait  vous  faire  entrevoir  l'amer  sarcasme  qu'Ibsen  a  voulu 
mettre  dans  son  œuvre;  mais  celle  explication  arrive  si  lard  el 
elle  est  si  mal  attachée  à  l'œuvre  elle-même  qu'on  l'écoute  avec 
ahurissement  et  sans  trop  s'apercevoir  qu'elle  peut  servir  à  expli- 
quer celte  pièce  inexplicable.  Le  drame  a  l'air  d'une  charade  sans 
mot  ;  l'explication  semble  un  inot  sans  charale.  l'.e  n'est  que  péni- 
blement, à  la  réflexion,  el  par  un  labeur  qui  ne  se  rebute  pas, 
qu'on  parvient  à  établir  un  rapport  acceptable  entre  les  deux... 
Des  fantoches,  des  êtres  de  raison  sans  vie  normale  vraisem- 
blable, avec  deux  personnages  humains  pris  dans  la  vérité  :  Gina, 
qu'on  devine  plus  qu'on  ne  l'entend,  cl  Hialmar,  qui  est  tiré  de 
Fromont  jeune  et  Risler  aîné  el  qui,  avant  ce  déplacement 
pilaire,  s'appelait  Delobelle.  Vous  savez  bien,  Delobelle,  le  vieux 
cabol  égoïste. 

El  pour  le  style,  tout  le  temps,  des  choses  comme  celle-ci,  que 
je  prends  textuellement  ;  «  Oui,  les  impressions  sont  différentes; 
les  choses  ont  un  autre  aspect  le  matin  que  le  so:r;  quand  il  pleul 
que  quand  il  l'ail  beau. 

Oui,  rions  doucement  cl  reprenons  avec  tranquillité  notre  vieux 
refrain  :  Le  théâtre,  voyez-vous. 

C'est  un  oiseau  qui  vient  de  Fran-an-ce!  » 
Est-ce  assez  surextrait  de  gagaïsme?  Est-ce  que  ce  sérail  le 
même  suave  personnage  qui,  parlant  de  l'auteur  de  la  Princesse 
ATa/ÉiH*,  l'appelait,  toujours  dans  in  Réforme,  ui}  gaillard  affamé 
de  réclame? 

Ce  malbcureux  paranoïJe  croit  que  le  Canard  sauvage  est  une 
pièce  nouvelle  et  qu'elle  est  postérieure  à  Fiomont  jeune  et  Risler 
aîné.  Or  on  impute  précisément  à  Daudet  de  s'être  inspiré  d'Hialmar 
pour  son  Delobelle  :  M.  Antoine  nous  le  disait  encore  ces  jours-ci. 
11  est  singulier  que  de  canard  domestique  à  canard  sauvage 
il  n'y  ait  pas  plus  de  sympathie. 

Et  dire  que  même  M.  Gustave  Frédérix  avait  parlé  de  l'œuvre 
dans  V Indépendance  non  sans  admiration  el  avec  respect!- 

Mais  la  signature,  direz-vous?  Le  nommé  Georges  Renory. 
Pseudonyme.  Par  charilé,  taisons  le  vrai  nom  de  ce  Masuir. 

Nota.  —  Au  moment  de  mettre  sous  presse^  on  nous  assure 
qu'un  autre  Masuir  a  fait  mieux  encore  dans  la  Gazette.  Nous 
aîlons  voir  ça.  ' 

f*ETlTE     CHROf^JIQUE 

Le  prochain  concert  du  Conservatoire,  fixé  au  40  avril, sera  en 
partie  consacré  à  R.  Wagner.  On  y  entendra  les  ouvertures  de 
Tannhâuser  el  des'  Maîlres-Chanieurs  et  la  Siegfried-Idyll.  Le 
programme  porte,  en  outre,  la  symphonie  L'Eté  de  Raff  cl  la 
première  partie  de  l'Enfance  du  Christ  de  Berlioz. 

Le  Cercle  artistique  d'Anvers  fera  exécuter  lefl  avril  prochain, 


soi^  la  (liroclion  de  M.  Jan  Blockx,  la  Chevauchée  du  Cid  de 
Vinc(Mit  d'Indy  pour  baryton,  orclu'slre  el  clnKiirs,  œuvre  qui  fui, 
on  s'en  souvient,  inlorpréiéo,  il  y  a  qui'lfiiies  anjiées,  par 
M.  So£!;uin  et  les  clioeurs  aux  concerts  des  XX. 

Une  panlomime  de  M.  Eddy  Lcvis,  musique  de  M.  Emile 
Agnicz,  Pierrot  Irnhi,  vient  d'être  jouée  avec  succès  au  Tliéûire 
des  Galeries. 

»  Partition  et  panlomime  ont  également  réussi,  dit  le  Guide 
musicnl.  I,e  scénario  de  M.  i.cvis  est  adroitement  conçu;  il  est 
simple  et  facile,  et  ne  manque  ni  de  mouvompniTni  de  gaîlé.  I.a 
musique  de  M.  Agnifz  est  excellente  :  elle  s'adaple  avec  adresse 
cl  justesse  d'accent  b  l'aclion  qu'elle  commente  et  exfiiique.  I,e 
premier  acte  tout  entier  est  cliarmani,  avec  dos  détails  fins,  de  la 
verve,  une  grAce  mélo.diiiuo  1res  séduisante,  de  jolies  modulations. 
Au  second  acte,  on  a  vivement  applaudi  une  fort  jolie  romance 
pour  hautbois  et  harpe,  et  l'on  a  ri  d'une  petite  fugue  comique 
d'un  1res  plaisant  effet.  l!ref,  celte  petite  partition  vivement 
troussée  en  (iuel((ues  semaines  n'est  ni  sans  agrément  ni  sans 
valeur,  il  faut  savoir  gré  à  iH.  Durteux  d'avoir  monté  sans  hésita- 
tion et  avec  beaucoup  de  soin  celte  œuvrclte  de  deux  auteurs 
beiges.  >' 

M.  Alboniz,  dont  nous  parlions  dimanche  dernier,  n'a  pas  eu 
moins  de  succès  à  Bcrii»,  dans  les  concerts  qu'il  a  donnés  ù  la 
Philharmonie  cl  h  la  Sing-Akndemie,  qu'à-  Bruxelles,  où  il  ne 
s'est  fail  enlendreque  dans  des  réunions  intimes. 

Les  journaux  conslatenl  avec  unanimité  la  virtuosité  exce))- 
tionnelle  du  pianiste: 

«M.  Albeniz,  entendu  dernièrement  h  la  Pldlharmonie,  dit  la 
National  Zrilinuj,  nous  a  révélé  un  puissant  pianiste.  Au  concert 
de  la  Sinçj-Akadenne,  nous  lui  avons  découvert  de  nouvelles  et 
précieuses  qualités.  Il  com|irend  Beethoven  et  Chopin  d'une 
façon  fort  impressionnante  et  il  a  fait  preuve  d'une  technique 
impeccable.  La  douceur  et  l'élégance,  les  qualités  saillanlcs  de 
son  talent,  n'excluent  pas,  au  moment  voulu,  une  grande  puis- 
sance, »  etc. 

El  les  Néiieste  Nachrichten  ajoutent  : 

«  m.  Albeniz  suit  les  traces  de  son  compalriolc  Sarasate,  le  sor- 
cier du  violon;  il  a  les  mêmes  qualités  el  ne  peut  certainement 
pas  se  plaindre  du  chaleureux  accueil  que  le  public  berlinois  lui 
a  fail  à  la  Sivg-Akadewie.  Outre  son  talent  d'exécutant,  il  nous  a 
fait  entendre  quelques  morceaux  de  sa  composition  pleins  de 
mélodie  et  de  grAce  et  qui  ont  ser\i  merveilleusement  à  faire 
valoir  sa  virluosilé.  Dans  VInvit/ilion  à  la  valse  de  Weber-Tausig, 
il  a  prouvé  qu'il  n'a  plus  rien  l\  vaincre  dans  la  technique  de  son 
'art  de  pianiste.  » 

Alexandre  Dumas  vend  sa  galerie  d'objets  d'art.  La  vente  com- 
mencera le  9  mai,  à  l'hôtel  Drouol. 

Dans  ia  collection  figurent  :  21  Tassaert,  1*2  Mcissonier, 
10  Vollon,  des  Delacroix,  J.  Dupré,  Corot,  Troyon,  Prud'hon, 
Fromentin,  etc. 

M.  Charles  Henry,  maître  de  conférences  h  l'Ecole  praiique^des* 
hautes  études,  a  ouvert  à  la  Sorbonne,  vendredi  dernier,  un  cours 
sur  la  physiologie  générale  des  sensations. 

Le  vingtiste  Paul  ^ignac,  photographié  par  Gil  Dlas  :  Un 
jeune  de  "vingt-huit  ans,  qui  débutait  en  1884,  h  la  première  réu- 
nion (les  Indépendants,  où  il  bataille  dejjuis  celle  époque  avec  des 
toil(>s  néo-impressionnistes,  des  paysages  vibrants  de  lumière 
intense  et  comme  exaspérée,  des  marines  blondes  el  laiteuses,  de 
la  plus  harmonieuse  douceur.  Un  fidèle  de  la  division  des  tons,  un 
pratiquant  du  pointillé,  un  fanatique  du  cadre  blanc,  mourra  dans 
l'im|)éiiilencc  finale.  D'ailleurs  eiUêlé  comme  un  Breton  du  Finis- 
tère, dont  il  mène  l'élé  l'existence  de  pèche  et  de  cabotage.  Sous 
le  suroît  et  le  ciré,  l'air  d'un  patron  de  sardinier  —  en  semaine, 
—  el  le  dimanche  en  parfait  skipper,  court  les  régates  el  raile 
toutes  les  médailles, de  Brest  à  Lorient,  sur  sonyachi  «  Olympia». 


Signe  particulier  :  Numérote  ses  loilcs  cl  ses  bateaux  ;  en  est  à 
son  227"  tableau  cl  à  son  9»  cotre. 


L'Ait  et  /'/(/e'c  consacre,  par  la  plume  de  son  directeur  Octave 
llzanne,  un  article  de  fond  h  «  quekfues  plaisants  croquis  faits 
en  sa  prime  manière  par  Maître  Félicien  Rops  ». 

De  nombreux  croquis  illuslrenl  celte  intéress-ante  étude,  que 
complète  une  planche  en  quatre  couleurs:  l'Amour  régnant  sur  le 
inonde,  restée;  jusqu'ici  inédite.  «  il  n'y  a  plus  aujourd'hui  que  les 
béotiens  d'esprit  et  les  myopes  delà  seconde  vue,  dit  entre  autres 
M.  Uzanne,  i)our  considérer  Rops  comme  un  simple  fresqucur 
d'oliscénités  ou  un  illustrateur  des  Cythères  de  la  Décadence; 
tous  les  artistes  non  superficiels  sentent  que  dans  son  œuvre  il 
a  démasqué  la  comédie  humaine,  la  comédie  delà  chair,  et  que  son 
lalenl  ou  mieux  son  génie  souple  et  dramatique  est,  comme  on  a 
pu  ledire,  Tragi- Phallique,  maisass(z  rarement érolo-romique... 
l-es  quelques  rares  amateurs  qui  possô<ient  la  plus  grande  partie 
des  œuvres  inutiles  et  nuisibles  de  ce  créateur  extraordinaire  sa- 
vent (juc  l'art  contemporain  ne  |  ossède  pas  un  maître  qui  se  soit 
afiirmé  aussi  profondément  que  celui-ci  par  une  plus  large  uni- 
versalité de  sujets  et  de  procéilés  de  facture.  » 

Quchpics  extraits  des  journaux  niçois  intéressant  deux  artistes 
qui,  paraît-il,  feront  partie  de  la  troupe  de  la  Monnaie  pour  l'année 
prochaine  : 

w  Nous  avons  gardé  pour  la  bonne  bouche  M.  et  M"'^  Cossira 
auxquels  revient  la  [>lus  grosse  part  du  triomphe.  Très  en  voix  et 
tout  h  fail  en  beauté,  M"""  Cossira  a  interprété  avec  une  sûreté  cl 
un  brio  extraordinaire  le  splendide  tluo  de  Satnson  et  Dnlila,  cl 
elle  noiis  a  donné  un  avant-goût  des  jouissanci-s  artistiques  que 
nous  ménage  la  première  représenlalioii  à  l'Opéra  du  grand 
ouvrage  de  Saint-Sacns.  M.  Cossira,  dont  l'éloge  n'est  plus  à  faire, 
outre  le  duo  de  Samson  et  Dalila,  a  chanté  superbement  le  grand 
air  de  Sigurd  qui  a  terminé  de  la  façon  la  plus  brillante  la  partie 
vocale  de  ce  beau  concert.  »  {Le  Journal  des  Etrangers.) 

«  Le  Cid  était  M.  Cossira.  On  ne  (louvait  désirer  mieux.  Notre 
ténor  s'est,  en  effet,  lire  avec  bonheur  d'un  rôle  écrasant  qu'il  a 
joué  en  comédien  parfait.  Il  est  successivement  passé  avec  une  égale 
facilité  du  pathétique  au  tragique,  du  tragique  au  tendre,  émo- 
lionnant,  intéressant  la  salle  entière,  qui  paraissait  ressentir  les 
sentiments  divers  qui  se  heurtent  dans  lecœur  du  jeune  chevalier. 
Bien  en  voix,  sûr  de  lui,  il  a  charmé  son  auditoire...  Aussi  peut- 
on  dire  qu'il  a  remporté  son  plus  beau  succès  de  la  saison.  Après 
Lohengrin,  pourtant,  cela  semblait  difficile.  »  {L'Eclaireur  du 
18  mars  1892,  rendant  compte  de  la  représentation  du  Cid  de 
Massenet.) 

M.  Bussac,  directeur  du  Théâtre  Royal  de  Liège,  donnera  la 
première  représentation  de  Sardanapale,  de  MM.  Alphonse 
Duvernoy  el  Pierre  Berton,  le  mercredi  30  mars. 

La  presse  parisienne  et  bruxelloise  est  convoquée  à  cette  solen- 
nité, dont  le  produit  sera  affecté  aux  victimes  de  la  catastrophe 
d'Anderlues. 

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M.  H.  Pergameni  :  Les  religions  de  l'Inde;  à  3  heures, 
M"""  A.  Chaplin  :  George  Meredith.  —  29  mars,  à  2  heures, 
M.  E.  Verhaeren  :  Le  néo-gothique  flamand  (suite).  —  30  mars, 
à  2  heures,  M.,  H.  Pergameni  :  Le  mouvement  colonial  et  écono- 
mique au  X  VI II"  siècle. —  31  mars,  à  2  heures,  M.  H.  Lonchay: 
Le  prince  de  Ligne  (suite);  à  3  heures.  M""  J.  Tordeus  :  Diction, 
lecture. 


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Par  le  ministère  de  M»  Le  Gocq,  notaire,  à  Ixelles  Bruxelles,  et 
sons  la  direction  de  M.  Emile  Clarembaux,  il  sera  procédé  les  lundi 
4  et  mardi  5  avril  1892,  à  2  heures  précises  de  relevée,  enla  Galerie 
DU  Congrès,  rue  du  Congrès,  5,  à  Bruxelles,  à  la 

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keleer,  Degroux,  Diaz,  Fourmois,  Harpignies,  Jongkind,  Rops, 
Smits,  Alfred  et  Joseph  Slevens,  Vervée,  Waulers,  etc. 

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versière,  de  10  heures  du  matin  à  4  heures  du  soir,  les  mardi  29  et 
mercredi  30  mars  1892. 

Exposition  publique  :  Galei'ie  du  Congrès,  5,  rue  du  Congrès, 
Bruxelles,  de  10  heures  du  matin  à  6  heures  du  soir,  les  samedi  2  et 
dimanche  3  avril  1892. 

On  peut  se  procurer  des  catalogues  à  l'étude  du  notah'e  Le  Cocq, 
rue  d'Arlon,  IG,  ou  à  la  Galerie  du  Congrès,  rue  du  Congrès,  5,  à 
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Faits  et  débats  Judiciaires.  —  Jurisprudence. 
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Douzième  année.  —  N"  14. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  3  Avril  1892. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Gomitévde  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,    fr.    10.00;  Union  postale,    fr.    13.00.    —  ANNONCES   :    On  traite  à  forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rué  de  Plndustrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


L'Intruse.  —  «  Le  CThant  de  la  cloche  •»  a  Amsterdam.  —  Notes 
sur  la  critique  néerlandaise.  —  livres  et  brochures.  —  l'école 

DE    MUSIQUE    DE    VeRVIERS.  —    La    CRITIQUE    BELGE.   —    MeMENTO    DES 

EXPOSITIONS.  —  Petite  chronique. 


L'Intruse 

Enfin  !  Après  la  France,  après  l'Angleterre,  après  le 
Danemark,  la  Belgique  a  vu  jouer  une  pièce  de  Mau- 
rice Maeterlinck.  Cela  n'a  pas  été  sans  peine.  La  vieille 
terre  ingrate  —  le  bon  vieux  pays  du  bon  .sens  et  des 
gens  pratiques  —  a  dû  voir  consacrer  les  œuvres  de  son 
poète  à  l'étranger  avant  de  les  admettre  ici.  Il  y  a 
longtemps  qu'on  eût  dû  jouer  à  Bruxelles  V Intruse  et 
les  Aveugles,  et  même  la  Princesse  Maleine  ;  et  il  est 
honteux  pour  les  Belges  de  s'être  laissé  devancer  par 
les  nations  voisines. 

Mais  enfin  !  enfin  !  on  a  joué  du  Maeterlinck  !  La  salle 
était  houleuse,  au  Théâtre  du  Parc,  vendredi  soir.  Il  y 
avait  de  la  bataille  dans  l'air,  et  tous  les  jeunes  étaient 
là,  décidés  à  faire  le  bon  coup  de  feu  pour  l'art.  On  était 
anxieux.  Les  acteurs  seraient-ils  capables  déjouer  cette 
pièce  mystérieuse,  aux  nuances  subtiles  et  profondes? 
Et  le  public?  Le  public  du  «  Parc  »,  ce  public  de  snobs 


et  de  gommeux,  ce  public  habitué  aux  platitudes 
théâtrales  chères  au  cœur  de  Georges  Rénory,  de  quelle 
façon  allait-il  accueillir  une  pièce  si  peu  façonnée  pour 
sa  cervelle?  N'était-ce  pas,  un  peu,  jeter  margaritas 
anteporcos? 

Ces  deux  appréhensions  n'étaient  que  trop  justes.  Les 
acteurs  ont  eu  beaucoup,  beaucoup  de  bonne  volonté. 
Mais  comment  faire  représenter  des  choses  aussi  nou- 
velles,- aussi  étranges,  d'une  spiritualité  aussi  péné- 
trante, d'un  sentiment  aussi  inédit,  par  des  personnages 
de  conservatoire  habitués  au  répertoire  «  Palais-Royal  » 
du  Théâtre  du  Parc?  M.  Candeilh  a  fait  son  devoir  et 
sa  troupe  a  donné  bravement  tout  ce  qu'elle  a  pu  donner. 
Mais  que  le  jeu  était  froid,  monotone,  sans  accent,  sans 
reflet  aucun  de  cet  au  delà  terrible  qui  plane  dans  les 
ténébreuses  conceptions  du  poète  gantois.  Le  souffle 
d'eflroi  n'a  pas  été  saisi  et  les  phrases  profondes,  belles 
comme  des  joyaux  noirs,  qui  illuminent  çà  et  là  le  dia- 
logue, n'ont  pas  reçu  leur  signification  et  n'ont  pas  été 
mises  en  due  valeur.  Il  y  avait,  dans  cet  acte,  à  faire 
pressentir  bien  davantage  des  dessous  d'horreur  et  de 
mystère;  il  y  avait  à  faire  passer  sur  les  physionomies 
et  dans  les  gestes  un  bien  autre  reflet  de  ce  spectre  qui 
entre,  invisible,  faisant  s'effeuiller  les  roses  du  jardin 
et  porteur  de  cette  faulx  symbolique  et  cruelle  qu'on 
entend  au  dehors  s'aiguiser  impitoyablement.  Et  nous 
eussions  voulu,  aussi,  une  autre  atmosphère,  un  autre 


106 


U ART  MODERNE 


décor.  Pour  une  telle  œuvre,  tout  importe.  Ah  !  ce  n'est 
pas  ainsi  que  nous  nous  figurions  les  personnages  de 
V Intruse  ! 

Nous  eussions  rêvé  une  atmosphère  de  vieille,  vieille 
campagne;  nous  eussions  voulu,  dans  une  chambre  aux 
meubles  démodés,  des  bourgeois  d'une  petite  ville,  — 
oui,  de  ces  bourgeois  tels  qu'on  en  rencontre  dans  quel- 
que Furnes,  dans  quelque  Ypres,  confits  en  religiosité, 
avec  des  airs  moins  civilisés,  des  allures  moins  citadines, 
moins  «  grande  ville  »,  et,  en  place  de  trois  jeunes  filles 
qui  font  penser  aux  préraphaélites,  il  nous  eût  plu  de 
voir  simplement  trois  de  ces  jeunes  provinciales,  vêtues 
de  noir,  pareilles  à  des  congréganistes  et  qui  vivent, 
là-bas,  simplement,  sous  les  carillons  des  Flandres,  au 
fond  de  somnolentes  et  monotones  bourgeoisies.  Le 
débit  des  acteurs  a  d'ailleurs  été  entaché  de  trop  de 
psalmodie  —  surtout  dans  le  rôle  d'Ursule  —  et  le  vieil 
aveugle  «  posait  »  un  peu,  et  s'était  fait  une  tête  clas- 
sique de  vieux  savant  telle  qu'on  en  a  "vu  dans  mille 
gravures,  dans  mille  tableaux,  qui  n'ont  aucune  parenté 
avec  l'art  de  V Intruse.  Le  milieu,  l'allure  des  acteurs, 
ont  donc  été,  à  notre  avis,  mal  compris.  Et  il  y  avait  un 
tout  autre  caractère  à  donnera  cette  représentation. 

Quant  au  public,  —  le  public  éduqué  par  M.  Frédérix 
et  par  ses  disciples  qui  aspirent  aux  mêmes  éreinte- 
ments  et  au  même  sceptre  ridicule —  il  est  arrivé  gogue- 
nard, disposé  à  se  moquer  d'une  œuvre  belge,  inepte  et 
bête  comme  toujours,  de  la  sottise  plein  la  cervelle,  de 
l'étroite  et  basse  méchanceté  au  cœur,  une  vague  imper- 
tinence de  snob  mal  élevé  à  la  bouche.  La  chose  qui 
entend  le  plus  de  bêtises  est  un  tableau,  ont  dit  les  Gon- 
court.  Eh  bien,  l'Intruse  (avantage  qu'elle  partage 
d'ailleurs  avec  le  Canard  sauvage]  aura,  cette  semaine, 
été  aussi  riche  en  moisson  de  ce  genre  que  la  toile  la 
plus  stupidement  critiquée.  Toute  la  gomme  s'est  mon- 
trée des  plus  poisseuses,  vendredi  soir.  Tous  les  jeunes 
masuirs  avaient  arboré,  en  même  temps  que  leurs  plas- 
trons blancs,  leur  habituelle  imbécillité.  Ils  eussent, 
tous,  volontiers,  sali  une  œuvre  belle  et  noble  —  et  il 
en  était  qui  se  sont  vantés  d'être  venus  au  théâtre  avec 
un  sifflet  dans  leur  poche, —  alors  qu'ils  n'avaient  jamais 
lu  une  seule  ligne  de  Maeterlinck  !  !  ! 

Eh  bien  !  —  ils  ont  été  maintenus.  Ils  ont  dû  ravaler 
leurs  sifflets.  D'abord,  parce  que,  bien  qu'insuffisamment 
rendue,  la  pièce  s'est  imposée,  empoignante,  et  il  y  a 
eu  des  instants  oti  l'on  a  senti  la  salle,  la  salle  entière 
prise  de  cette  émotion  étrange  que  prodigue  le  Beau. 
Et  puis  parce  qu'il  y  avait  là  des  artistes,  beaucoup 
d'artistes,  qui  comprenaient,  eux,  et  qui  étaient 
décidés  â  énergiquement  fermer  la  bouche  aux  siffleurs 
du  high  life  ou  aux  tapageurs  de  la  jeune  doctrine 
venus  là  pour  s'amuser.  Au  baisser  du  rideau  une 
ovation  nourrie  a  salué  le  nom  de  Maurice  Maeterlinck. 
Une  ovation  cordiale,  des  bravos  d'artistes,  de  sonores 


et  purs  applaudisçsements,  qui,  eux,  n'ont  jamais 
tapage  enl'honneur  de  plats  vaudevilles,  et  qui  se  réser- 
vent pour  les  seules  manifestations  de  l'Art.  La  bataille 
a  été  gagnée  ;  la  jeune  école  belge  compte  une  victoire 
encore.  Et  cette  ovation  enthousiaste,  bruyante, 
emportée,  nous  a  paru  comme  une  belle  marée  de  soleil 
arrachant  encore  quelques  vieux  pilotis  des  anciennes 
et  pourrissantes  bâtisses,  rejetant  encore  au  loin  quel- 
ques débris  gâteux  dans  l'aurore  du  renouveau  qui 
se  lève.  Ceux  qui  ont  applaudi  l'hitruse,  ce  sont  les 
artistes,  les  seuls  qui  ont  le  droit  de  juger.  Le  reste  du 
public,  c'était  la  camelote  «  copurchique  «  ou  le  gana- 
chisme  sénile. 

Ils  ont  été  écrasés.  Et  maintenant,  attendons  les  cri- 
tiques des  plumitifs  quotidiens  reconnus  et  sacrés  pour 
leur  incompréhension,  et  régalons-nous  surtout  des  mets 
étranges  et  troubles  que  sert  cet  incomparable  oiseleur 
de  la  Réforme  qui  ne  veut  écouter  que  le  chant  des 
oiseaux  qui  viennent  de  France  ! 


«  1^  CHANT  DE  LA  CLOCHE  »  A  AHISTERDAItl 

La  Société  Excelsior  jy  donné  mercredi  dernier,  sous  la  direc- 
tion de  M.  H.  Viotta,une  excellente  interprétation  du  Chanl  delà 
Cloche,  l'œuvre  de  Vincent  d'Indy  à  laquelle  a  été  décerné,  en 
4885,  le  prix  de  la  ville  de  Paris.  Tandis  que  vainement  nous 
réclamons  ici,  depuis  des  années,  une  audition  de  celte  magis- 
trale composition  et  que  seul  le  deuxième  tableau  a  pu  être  exé- 
cuté, grftce  à  l'enthousiasme  artistique  d'un  groupe  de  musiciens 
qui  ont  prêté  aux  XX  leur  concours,  nos  voisins  les  Hollandais  ont 
tranquillement  réuni  deux  cent  cinquante  chanteurs,  cent  musi- 
ciens d'orchestre,  ils  ont  engagé  des  solistes,  parmi  lesquels  le 
ténor  Lafarge,  et  voici  l'œuvreacclamée,  triomphalement  accueillie 
là-bas,  au  bord  de  l'Y,  avant  d'être  connue  dans  une  ville  qui  se 
pique  d'être  «  dans  le  mouvement  »  et  de  «  donner  le  ton  »  dans 
le  domaine  musical. 

Dût  notre  amour-propre  national  en  souffrir  quelque  peu, 
disons  qu'il  serait  d'ailleurs  impossible,  dans  l'état  actuel  des 
choses,  d'obtenir  à  Bruxelles  une  interprétation  aussi  remar- 
quable que  celle  à  laquelle  nous  avons  assisté  à  Amsterdam. 

L' Excelsior,  dont  les  débuts  modestes  étaient  limités  à  l'exécu- 
tion d'œuvres  chorales  prises  au  répertoire  de  la  musique  sacrée, 
a  agrandi  son  cadre  sous  l'énergique  impulsion  de  son  excellent 
directeur  M.  Viotta,  qui  a  troqué  la  robe  et  la  toque  d'avocat 
contre  le  bâton  de  chef  d'orchestre,  et  qui  lé  manie  en  maître. 
Cette  société,  cxiclusivement  composée  d'amateurs,  met  en  ligne 
des  forces  considérables,  merveilleusement  disciplinées.  Avec 
l'orchestre  du  Concertgebouw,  habituellement  dirigé  par  M.  Kes, 
un  ancien  élève  du  Conservatoire  de  Bruxelles, —  mais  conduit  par 
M.  Viotta  lorsqu'il  est  réuni  aux  chœurs  d'Excelsior,  elle  a  fait 
connaître  à  Amsterdam  des  œuvres  telles  que  le  Requiem  de 
Brahms,  la  Damnation  de  Faust  et  Roméo  et  Juliette  de  Berlioz. 
Et  après  avoir  donné  une  magnifique  audition  du  Chant  de  la 
Cloche,  elle  songe  à  faire  entendre  les  Béatitudes  de  César  Franck  ! 
Tout  ceci  dans  une  salle  qui  peut  contenir  deux  mille  personnes, 
et  qui,'  mercredi  dernier,  était  absolument  remplie. 


<^ 


La  société  hollandaise  donne  là  un  remarquable  exemple  de 
goûl  et  d'inlelligence  artistiques.  L'attention  scrupuleuse  avec 
laquelle  le  public  suit  ces  auditions  de  clioix,  les  applaudissements 
dont  il  souligne  les  passages  les  plus  beaux  dénotent  une  rare 
compréhension  musicale.  Le  succès  fait  à  Vincent  d'Indy  a 
été  énorme.  Après  le  troisième  tableau,  la  Fête,  la  salle  tout 
entière  a  appelé  le  compositeur  sur  l'estrade  et  l'a  longuement 
acclamé.  A  partir  de  ce  moment  le  succès  a  été  croissant  jusqu'au 
dernier  tableau,  le  Triomphe,  couronné  par  une  nouvelle  et 
unanime  ovation. 

Les  solistes  ont  eu  leur  part  dans  les  applaudissements  de  cette 
triomphante  soirée.  M.  Lafarge  a  chanté  avec  un  charme  commu- 
nicatif  et  en  musicien  consommé  le  rôle  du  maître-fondeur, 
Wilhelm.  M""  Kempecs,  l'interprète  deLénore,  possède  un  soprano 
d'une  grande  étendue  qu'elle  manie  agréablement,  bien  qu'elle 
n'ait  pas  encore  toute  l'expérience  nécessaire.  Les  personnages 
épisodiques  de  la  mère,  cies  Esprits  du  rêve,  de  Dietrich  Leer- 
schwulst,  etc.,  étaient  confiés  à  M''«  Wilson,  à  M'"''»  Spoor  et 
Meerum  Tervogt,  à  M.  Orelio,  qui  en  onfdonné  une  interpréta- 
tion très  satisfaisante. 

Tous  ont  contribué  à  mettre  en  vive  lumière  cette  œuvre  impres- 
sionnante, qui  demeurera,  malgré  les  influences  vvagnériennes 
qui  planent  par  instants  sur  la  partition  et  que  devaient  fatale- 
ment amener  certaines  analogies  de  sujet  avec  les  Maîtres-Chan- 
teurs, l'une  des  compositions  les  plus  séduisantes  et  les  plus 
fortes  de  Vincent  d'Indy. 

Tout  y  est  merveilleusement  proportionné  et  harmonieux. 
L'inspiration  est  constamment  élevée  et  soutenue,  depuis  le  court 
prologue,  si  sobre  et  si  puissant,  jusqu'aux  grandes  scènes  finales, 
l'Incendie,  la  Mort,  le  Triomphe,  qui  réalisent  une  grandeur 
tragique  et  une  intensité  d'expression  vraiment  extraordinaires. 

L'Incendie  est  peut-être,  de  toutes  les  parties  de  l'œuvre,  la 
plus  émouvante,  La  terreur  des  bourgeois  affolés,  les  exhortations 
du  maître-fondeur  qui  ramène  la  confiance  dans  les  cœurs, 
l'enthousiasme  du  peuple  massé  autour  de  son  héros  forment 
un  tableau  mouvementé,  vivant,  d'une  richesse  de  coloris  incom- 
parable.La  Vision,  avec  la  poésie  pénétranl^des  voix  du  Clocher, 
avec  son  symbolisme  discret,  ses  effets  charmants  de  chœurs  à 
bouches  fermées,  et  celte  tragique  apparition  de  Lénore  (\m 
termine  la  scène,  est  également  une  page  admirable,  d'une  origi- 
nalité rare.  Elle  décèle,  en  même  .iemps  qu'une  «  patte  »  de 
premier  ordre,  une  nature  artistique  d'exception. 

L'instrumentation  du  Chant  de  la  Cloche  est  parfaite  et  l'on  ne 
peut  se  lasser  d'admirer  la  variété  des  timbres,  la  clarté  de  la 
polyphonie,  la  sonorité  et  l'éclat  des  passages  de  force,  la  douceur 
des  morceaux  de  tendresse  comme  la  Scène  d'amour,  qui  garde 
jusqu'au  bout  une  fraîcheur  et  une  intensité  exquises. 

Cette  belle  audition  restera  dans  notre  mémoire,  à  jamais  fixée 
dans  un  décor  de  prairies  éclairées  par  le  miroir  étincelant  des 
canaux,  tandis  que  tournent,  tournent  sous  la  lente  chevauchée 
des  nuages  les  moulins  vêtus  de  planches,  vêtus  de  briques 
vernissées,  vêtus  de  pelisses  de  chaume,  avec  l'horizon  de  la  mer 
pour  toile  de  fond  et  des  voiles  paresseuses  pour  accessoires. 

Aux  organisateurs  de  cette  fêle  d'art,  si  belle  et  si  complète,  à 
MM.  Viotla,  chef  d'orchestre,  Ankorsmit,  président  d'Excelsior, 
Goldberg,  Drosl,  qui  ont  reçu  avec  les  plus  délicates  attentions  les 
excursionnistes  venus  de  Paris  et  de  Bruxelles,  nous  adressons  ici 
nos  félicitations  les  plus^ vives  et  l'expression  de  notre  reconnais- 
sant souvenir. 


NOTES  SUR  LA  CRITIQUE  NÉERLANDAISE 

Les  manifestants  d'Art  Nouveau  ont  si  allègrement,  et  tant  mis 
en  lumière  —  les  documenlanl  ainsi  définitivement  —  de  mauyais 
vouloirs,  de  déclamations  ignorantes,  de  haines  stupides,  ils  ont 
si  soigneusement  glané  ce  vaste  champ  d'injures  et  de  mépris 
qu'ils  ont  foulé  que  la  simple  bienveillance  des  uns,  que  le  cou- 
rageux dévouement  d'autres  qui  font  cortège  à  leurs  innovatives 
audaces  s'en  alarmeraient  à  la  longue.         ^—^ 

il  faudrait  que  l'un  de  nous  gratte  au  fronton  du  monument 
qui  s'achève:  une  contemporaine  Renaissance  d'Art,  le  nom  de 
tous  ceux-là  qui  ont  généreusement  plaidé  pour  sa  place  au  soleil, 
bataillé  près  du  dépôt  de  matériaux  que  de  juvéniles  et  constants 
efforts  amenaient  à  pied  d'œuvre  en  vue  de  celle  mémorable  érec- 
tion. Mais  le  peut-on  faire,  ici,  dans  ce  journal,  sans  aller  au 
devant  de  la  maligne  insinuation  —  des  plus  impénitents  flagor- 
neurs, d'abord  —  de  faire  une  plate  cour  à  Ceux  mêmes  de  la 
maison? 

Pour  l'heure,  bornons  nous  à  signaler  le  commencement  de 
conquête  de  ceux  qu'en  raison  de  cinquante  raisons  rele- 
vant du  tempérament  national  même  —  les  critiques  et  les  littéra- 
teurs flamands  —  il  était  le  plus  difficile  de  nous  attacher. 

La  conversion  de  quelques-uns  d'entre  eux  est  un  fait  consé- 
quent et  ce  n'est  pas  à  l'heure  où' ces  convertis  nous  arrivent  si 
inattendument,  qu'il  convient  de  leur  faire  un  grief  d'avoir 
attendu  si  longtemps. 

Ne  pas  oublier  qu'une  robustesse  quasi  brutale,  une  logique 
sans  faiblesse,  une  digestion  facile,  les  seules  vertus  d'Art 
proclamées  par  les  auteurs  de  langue  flamande,  semblaient  devoir 
les  éloigner,  sans  jamais  un  rapprochement  possible,  des  récentes 
manifestations  d'Art,  d'art  pictural  en  particulier. 

L'altirance,  d'ailleurs,  ne  remonte  pas  à  bien  haut  et  n'était-ce 
pas  devancer  le  fait  accompli  que  de  clamer  en  août  dernier,  sur 
les  bords  de  l'Amstel,  la  «  Consécration  »  de  l'Art  Jeune  ? 

Delang  le  fit  pourtant  en  un  article  paru  dans  le  Nietiwe 
Gids,  d'un  beau  ion  d'allégresse  el  bellement  et  curieusement  - 
stylé  conrtme  il  peut  le  faire,  el  si  réellement  l'Art  Jeune  élait 
«  consacré  »  en  Néerlande,  des  critiques  de  la  valeur  et  de  la 
dignité  de  Jan  Veth  pouvaient  revendiquer  une  large  part  de 
'honneur. 

Et  la  gratitude  doit  être  en  rapport  de  l'énormilé  qu'il  y  a  à 
sortir  de  la  «  conformité  »  en  ce  beau  pays  sur  lequel  le  protes- 
tantisme a  promené  son  rabot  -de  similitude  compassée  el  ren- 
fermée. 

A  l'hedre  où  on  le  conspuait  assez  unanimement  en  son  pays, 
Veth  ainsi  pr(is<^îTtail  un  des  nôtres  :  Jan  Toorop  —  et  je  cite 
d'autant  plus  largement  que  son  tout  récenl  triomphe  au  salon 
des  XX  ramène  l'altenlion  sur  des  œuvres  plus  anciennes  :  «  Un 
peintre  sans  repos,  tendant  le  col  vers  un  art  nouveau,  un  cher- 
cheur s'identifiani,  avec  une  rare  habileté,  avec  différents  procé- 
dés :  un  moderne  s'adonnanl  pendant  un  laps  de  temps  el  s'assi- 
milant  avec  une  remarquable  vitesse  les  nouvelles  théories,  pui- 
sant dans  les  données  primitives  ou  nouvelles  ce  qui  lui  peut 
convenir,  pour  ainsi,  après  mûres  réflexions,  atteindre  cet  art 
vibrant,  osé,  suggestif  el  jeune  !  » 

S'attardant  ensuite  en  une  présentation,  un  peu  gênée,  de  la 
pratique  de  la  division  du  Ion  et  à  la  description  des  œuvres  de 
Toorop  parues  à  la  rampe  des  XX  antérieurement  à  cette  exposi- 


\> 


108 


UART  MODERNE 


lion  (i'UlreclU  qu'il  commcnlo,  Veth  décril  celle  Mélancolie  que 
personne  capable  de  belle  émoiion  n'aura  oublidc  :  «  Mais  le 
plus  personnel  quelque  chose  se  r(?vèle  on  un  morceau  de  pein- 
ture qui  en  lanl  que  concrplionj^se  rapproche  de  cette  IdijUe 
.  exposée  lors  de  cette  exhibiiion  d'œuvres  des  \X  au  Panorama 
d'Amslerdam.  : — C'est  un  moment  de  soir  gris  indigo  ;  sur  le 
seuil  d'une  chaumière  humble,  d'aspect  hiéraliquemenl  simple, 
une  femme  de  pécheur  se  lient  iiccoudée  —  vue  de  face  en  toute 
largeur  de  laille  et  de  jupes,  un  bras  qui  se  repose  de  Iricolcr  le 
long  du  corps —  elle  rêvasse  ;  sous  le  léger  bonnet  des  yeux  dar- 
dent fixement  dans  celte  tête  voulue,  exagorémenl  élroile.  Mais 
de  colé,  par  delà  une  haie,  un  horizon  de  paysage  fanlaslique- 
ment  éloigné,  comme  évoqué  par  le  rcve.  Par  delà  la  haie  que 
dépasse  ornomenlalement  un  narrant  tournesol,  paît  dans  un 
rayonnement  vert  un  inquiet  chevreau,  délicaiemcnl  placé  là, 
parlant  gros  de  choses  sous  la  symétrique  rangée  de  frênes  et 
sous  la  floconneuse  ligne  d'horizon  de  dunes  grises  et  arrondies. 
11  est  plein  du  mystère  de  voix  ce  lointain  dont  la  pûtc  colorée, 
balafrée  de  hachures  au  crayon,  semble  tissée  de  fils,  une  brode- 
rie éraillée. 

Et  s'apparentent  à  souhait  —  de  gris  —  et  correspondent  de 
scntimenl  —  les  deux  parties  de  l'œuvre  —  la  femme  chue  h  pen- 
ser, —  le  paysage  d'irrésistible  médilation  vague.  I.e  tout  :  un 
monolone  conte  chuchoté,  un  peu  brilanniquement  nuancé;  se 
rehaussant  d'un  rien  de  parfums,  de  condiments  exotiques  :  un 
conte  de  séduisante  et  exquise  mélancolie  » 

Si  ce  mode  de  transposition  quand  même  de  tout  l'indéfini  d'une 
œuvre  picturale  en  ces  tout  précis  alignements  de  mots  nous 
paraît  suranné  un  peu,  et  si  la  jeune  critique  hollandaise  en  raffole 
toujours,  il  importe  moins,  cette  fois,  de  signaler  son  procédé 
que  de  vanter  le  ton  qu'elle  prend  pour  parler  des  productions  de 
l'Art  le  plus  récent.  Elle  décidera  un  jour  de  l'opinion  des  jour- 
naux quotidiens.  Une  voix  de-ci  de-là  sonnera  un  appel  en  faveur 
de  l'Art  dolé.de  Neuf:  entre  antres  celle-ci  nous  réjouit  qui  dans 
un  numéro  (6  mars  derniei)  du  Nieinve  Rctterdamsche  Courant 
signale  en  une  analyse  élogieuse,  savante  et  mordante  l'exposition 
des  œuvres  de  feu  Vincent  van  Gogh  (1). 

En  Belgique,  parmi  ces  littérateurs  flamands  qui  nous  repro- 
chent un  peu  légèrement  de  puiser  nos  inspirations,  de  copier 
nos  manières  de  procéder  sur  celles  de  nos  voisins  du  midi  et 
qui  se  mettent  eux-mêmes  si  docilement  au  diapason  de  leurs  voi- 
sins du  nord  auxquels  ils  devraient  bien  faire  les  reproches  qu'ils 
nous  font  à  nous,  PoL  DE  Mont  fut  le  premier,  je  crois,  à  s'en- 
thousiasmer. 

Et  l'intention  est  vraiment  généreuse  qui  lui  inspira,  en  prévi- 
sion du  prochain  Salon  des  XX,  en  Pays-Bas,  ce  fouillé  compte 
rendu  paru  en  feuilleton  dans  le  numéro  du  27  mars  du  Alge- 
meen  Handelsblad  d'Amsterdam. 

El  voici  que,  dans  le  dernier  numéro  de  la  Vlaamsche  School, 
Vermulen  publie  une  profonde  et  crâne  étude  sur  Constantin 
Meunier,  que  P.  B  (lisez  Paul  Buschmann)  se  révèle  bien  inten- 
tionné et  respectueux  du  vouloir  des  XX! 

Quand  on  en  sera  à  mentionner  les  victoires  on  se  souviendra 
de  celle  trouée  en  pays,  si  pas  hoslile,  tout  au  moins  difficile  à 
conquérir. 

V. 

(1)  Suivatî*  l'exemple  de  M.  Oldenzeel,  de  Rotterdam,  le  «  Kunst- 
kring  «  de  La  Haye  ouvrira  à  la  fin  de  ce  mois  une  exposition  impor- 
tante d'œuvres  de  V.  van  Gogh. 


LIVRES  ET  BROCHURES 

Des  méthodes  qui  permettent  d'attendre  le  développe- 
ment préhistorique  des  Religions,  par  le  comte  Goblet 
d'Ai.viella,  professeur  à  l'Université  de  Bruxelles.  —  Bruxelles, 
Weissenbruch,  1891,  3i  pages. 

La  Religion  est  de  tous  les  temps.  Par  l'extension  même  de  ce 
vocable  et  son  peu  de  précision,  il  finit  y  voir  plus  une  disposition 
de  l'être  pensant  et  sentant  qu'une  synilièsc  précise  et  définitive 
de  dogmes  et  de  rites. 

La  croyance  mystérieuse  à  l'invisible,  à  l'exislence  d'êtres  sur- 
humains qui  interviennent  d'une  façon  mystérieuse  dans  la  destinée 
de  l'homme  et  dans  le  cours  de  la  nature;  des  tentatives  tantôt 
pour  se  rapprocher  de  ces  êtres  ou  pour  les  écarter,  tantôt  pour 
prévoir  l'objet  et  la  forme  de  leur  intervention,' tantôt  pour 
influencer  cette  intervention,  soit  par  la  propilialion,  soit  par  la 
violence;  le  recours  à  l'entremise  de  cerlaiiis  hommes  regardés 
comme  spécialement  aptes  à  réussir  dans  ces  tentatives;  enfin 
la  mise  de  certaines  coutumes  sous  la  sanction  des  puissances 
surhumaines,  c'est  là  le  résidu  de  tontes  les  religions  connues 
Comme  tous  les  produits  du  développement  humain,  celles-ci  ont 
passé  par  tous  les  stades  du  devenir.  Il  y  a  eu,  au  plus  haut  de 
l'histoire  des  religions  organisées,  élaboration  sacerdotale  d'après 
le  triage  des  croyances  du  passé  :  un  véritable  polydémonisme 
chez  les  Sémites,  une  sorcellerie  organisée  chez  les  Egyptiens 
une  physiolâtrie  universelle  en  cours  de  transformation  polythéiste 
chez  les  Indo-Européens.  Mais  avant,  plus  haut  encore  dans  les 
temps,  il  y  a  eu  d'autres  formes  et  d'autres  manifestations  de 
sentiment,  d'inspiration  plus  naïve,  et  qui  ont  servi  à  tout  ce 
développement  ultérieur. 

Ce  sont  ces  toutes  premières  origines  que  la  science  d'au- 
jourd'hui a  essayé  d'éclairer. 

Par  quelles  méthodes?  M.  Goblet  nous  l'apprend  dans  l'intro- 
duction aux  leçons  qu'il  a  professées  l'hiver  dernier,  à  Londres, 
sur  l'invitation  des  administrateurs  de  la  fondation  Hibbert. 
Toutes  les  sciences  ont  été  mises  à  conlribution  :  la  psychologie, 
la  linguistique  comparée,  l'archéologie  préhistorique,  le  folklore. 
Elles  ont  montré  partout  le  lien  parfois  bien  ténu  qui  unissait  le 
présent  au  passé,  et  par  des  inductions  minutieuses  et  subtiles 
sont  parvenues  à  reconstituer  quelque  chose  de  l'état  mental  de 
nos  arrière-ancêtres  et  des  coutumes  bizarres  par  lesquelles  ils  le 
manifeslaientx  Déjà  du  temps  des  cavernes,  à  l'âge  du  mammouth 
l'être  humain  possédait  en  embryon  des  scnliments  religieux.  On 
trouve,  de  cette  lointaine  époque,  la  trace  de  repas  funéraires 
organisés  dans  la  croyance  que  l'esprit  du  défunt  se  nourrit  de 
l'esprit  renfermé  dans  l'offrande.  Les  dolmens,  dont  la  destination 
funéraire  n'est  plus  contestée,  présentent  dans  une  de  leurs  parois 
un  trou  qui  ne  dépasse  guère  le  volume  d'une  tête  humaine,  et 
qu'il  est  légitime  de  considérer  comme  le  passage  destiné  à  per- 
mettre la  sortie  de  l'âme.  Dans  le  même  esprit  était  pratiquée 
alors  la  trépanation  crânienne  réservée,  pense-t-on,  aux  individus 
regardés,  à  raison  de  leur  rang,  de  leur  savoir  et  de  leur  tempé- 
rament, comme  en  possession  d'ane  nature  supérieure  on  comme 
en  communication  directe  avec  le  monde  surhumain. 
•  Comme  preuve  supplémentaire  de  l'idolâtrie  pratiquée  par 
l'homme  des  cités  lacustres,  M.  Goblet  rappelle  l'ébauche  d'une 
figure  féminine  retrouvée  toujours  sur  la  paroi  gauche  de  l'anti- 
grolte,  —  preuve  d'une  disposition  bien  intentionnelle,  —  et 


VART  MODERNE 


109 


associée  à  l'image  d'une  haclie  en  silex,  sorte  de  marteau  à  deux 
têtes,  parfois  fii,'uré  avec  un  manciie.  Faut-il  bien  voir  ,en  ces 
dessins  une  personnification  de  la  nature  et  de  la  force  humaine, 
et  croire  que  des  ôtres  primitifs  aient  pu  s'élever  jusqu'à  la  figu- 
ration de  quelque  myllie  de  l'union  entre  le  ciel  et  la  terre?  Cela 
nous  paraît  douteux. 

A  la  vérité  —  et  ceci  est  une  simple  réflexion  soumise  à  la 
compétence  de  1\1.  Gobici  —  la  hache  et  le  marteau  nous  semblent 
avoir  symbolisé  tout  autre  chose  aux  époques  postérieures.  On 
s'en  est  servi  pour  représenler  la  virilité  )?t  la  fécondité.  Toute 
l'anliquité  a  professé  un  véritable  culte  pour  les  sources  de  la 
génération.  Les  anciens  Indiens  et  les  premiers  Egyptiens  ado- 
raient publiquement  les  |)1ki!Ius  et  les  faisaient  servir  de  motifs 
d'ornementation  à  leurs  temples  et  à  leurs  monuments.  Pour 
certains  auteurs,  les  formes  équivoques  de  telles  tours,  élevées 
par  les  architectes  du  moyen  ûge,  sont  directement  inspirées  de 
ces  mômes  idées,  dont  il  est  bien  difficile  de  retrouver  l'équivalent 
autour  de  nous.  Il  ne  serait  donc  pas  tout  à  fait  déraisonnable 
d'expliquer  autrement  que  ne  le  fait  M.  Ooblet  la  rencontre  tou- 
jours simultanée,  sur  les  parois  des  grottes,  de  la  figure  de  femme 
et  de  la  hache  en  forme  de  marteau. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  autres  faits  cités  par  l'auteur  sont  bien 
intéressants  et  bien  probants  en  faveur  de  la  toute  primitivité  et 
de  l'origine  naturelle  des  idées  religieuses  élémentaires.  Si  la 
physiologie  et  la  psycliophysiologie,  d'une  part,  nous  renseignent 
déjà  fort  minutieusement  sur  la  formation  de  notre  moi,  sur  l'ori- 
gine de  nos  sensations  et  de  notre  activité  volontaire,  d'autre  part, 
il  faut  reconnaître  que  l'histoire  et  la  science  des  religions  ont 
fait,  en  ce  siècle,  des  progrès  si  gigantesques  dans  l'explication 
de  nos  concepts  et  de  nos  croyances,  en  montrant  clairement 
leur  filiation  et  leur  haute  antiquité,  que  le  souhait  du  penseur 
grec  est  bien  près  de  sa  réalisation  :  rvwrtçsavTov. 

Grisailles,  recueil  de  poésies,   par  Ch.  Droupy.  Bruxelles, 
librairie  Istace,  1892,  106  pages. 

Des  souvenirs,  des  pochades,  des  descriptions.  De-ci  de-là  un 
peu  de  pessimisme,  du  spleen,  des  rancœurs.  Ailleurs  et  le  plus 
souvent  de  la  bonne  humeur,  le  mot  drôfe  et  heureux.  Le  poète 
aime  les  enfants  et  le  dit  très  gcntimerit.  Il  a  des  idées,  mais  elles 
ne  sont  pas  pour  effrayer  par  leur  nouveauté.  La  forme  s'abstient 
■  avec  soin  de  s'engager  dans  la  voie  des  dernières  réformes  litté- 
raires. 

A  sa  façon  pourtant  ce  petit  volume  présente  de  réelles  qualités. 
De  lui,  détachons  cette  piécette  : 

POCHADE 

Un  ivrogne  achevé,  promenant  son  liquide 

Comme  une  outre  emmanchée  à  deux  grêles  fuseaux, 

S'avance,  titubant  en  éclîassier  timide. 

Le  long  du  canal  vert  qui  roule  au  loin  ses  eaux. 

Voyant  les  flots  danser  en  caressant  la  vague, 
Où  son  corps  ballonné  fait  la  ronde  avec  eux, 
Il  sourit  au  miroir,  puis,  d'un  pas  qui  divague, 
Tente,  nouveau  saint  Pierre,  un  trajet  hasardeux. 

Mais  le  Seigneur,  dit- on,  qui  fit  bien  toutes  choses, 
Préparant  un  pendant  aux  noces  de  Cana, 
Où  plus  d'un  nez  rougi  d'aise  s'illumina, 

Pour  s'égayer  au  fond  de  ses  palais  moroses. 

Fit  culbuter  le  mâle,  ô  caprice  di-vin  I 

Et  pour  l'éternité  mit  de  l'eau  dans  son  vin. 


Jî'-ÎJgOLE    de    MUgIQUE    DE    ?^ERV1EI^? 

Grâce  à  l'intelligente  initiative  et  à  la  persévérante  activité  de 
M.  Louis  Kefer,  Verviers  possède  actuellement  un  foyer  d'art 
dont  le  rayonnement  s'étend  do  plus  en  plus,  franchit  les  limites 
du  pays  wallon,  éclaire  des  coins  d'Allemagne  et  de  France.  Cette 
petite  ville  industrielle,  jadis  vouée  à  l'exclusif  souci  des  fabri- 
cats  et  du  commerce,  s'éprend  d'art,  organise  des  auditions  de 
choix.  Elle  a  une  école  de  musique  en  pleine  prospérité,  d'où  sor- 
tent des  élèves  distingués, compositeurs  et  virtuoses.  C'est  dans  la 
classe  du  professeur  di^  violoncelle,  M.  Massau,  que  s'est  formé 
le  jeune  Gérardy,  qui  est  en  voie  d'acquérir  à  l'étranger  la  renom- 
mée des  Servais  et  des  Hollman.  Un  jeune  pianiste,  M.  Sauvage, 
vient  de  remporter  à  Paris  et  à  Bruxelles  de  sérieux  succès.  Faui- 
il  rappeler  le  mérite  de  MM.  Crickboom,  Gillet,  Laoureux,  qui 
tous  ont  fait  h  l'école  de  Verviers  leurs  premières  armes  ? 
M.  Guillaume  Lekeu,  sorti  de  la  même  école,  s'est  vu  décerner 
d'emblée  le  second  grand  prix  au  dernier  concours  de  Rome. 
Et  déjà  des  séances  de  quatuors  ont  popularisé  dans  la  petite  cité 
les  noms  de  César  Franck,  de  Vincent  d'Indy,  de  tous  ceux  qui 
marchent  dans  les  voies  inexplorées. 

Il  a  fallu,  pour  arriver  aussi  rapidement  à  ce  résultat  haute- 
ment louable,  une  foi  artistique,  un  esprit  d'apostolat  peu  ordi- 
naires. Ainsi  que  le  constatait  dimanche  dernier,  à  la  distribution 
des  prix,  le  secrétaire  de  l'école,  M.  J.  Soubre,  qui  s'est  dévoué 
avec  M.  Kefer  au  développement  intellectuel  de  Verviers,  c'est 
avec  des  ressources  insignifiantes  que  l'éiablissemenl  s'est  élevé 
au  rang  qu'il  occupe.  Le  budget  n'est  que  de  21,500  francs,  ce 
qui  n'empêche  pas  que  750  élèves  reçoivent  à  l'école  une  instruc- 
tion musicale  complète,  qui  comprend  33  cours  dirigés  par 
16  professeurs.  Nulle  part,  a  affirmé  M.  Soubre,  l'enseignement 
musical  ne  coûte  aussi  peu  en  4)roduisanl  d'aussi  appréciables 
résultats. 

Ce  budget  minime  permet  néanmoins  à  M.  Kefer  de  donner 
chaque  année  un  concert  vraiment  artistique,  digne  d'un  conser- 
vatoire important,  jouissant  de  ressources  considérables.  Il  y  a 
dans  l'orchestre  et  dans  les  chœurs  une  flamme,  un  enthousiasme 
qui  lui  permet  d'aborder  l'étude  d'œuvres  de  grande  envergure  et 
de  mener  à  bonne  fin  des  entreprises  qui  paraîtraient  téméraires 
à  de  moins  résolus. 

C'est  ainsi  que  l'Ecole  de  musique  a  exécuté  en  entier,  dimanche 
dernier,  Y  Andromède  de  M.  Guillaume  Lekeu  dont  un  fragment 
avait  été  entendu  aux  XX  cette  année. 

L'œuvre,  très  distinguée  et  vraiment  intéressante  du  jeune 
compositeur,  promet  un  musicien  de  talent,  personnel  et  puis- 
sant, ayant,  au  plus  haut  degré,  l'instinct  dramatique.  Ce  sera,  à 
n'en  pas  douter,  un  homme  de  théâtre.  La  manière  dont  il  écha- 
faude  son  travail  sur  quelques  thèmes  caractéristiques,  bien 
rythmés  (nous  citerons  spécialement  le  motif  de  la  Malédiction, 
exposé  au  début,  et  qui  traverse  toute  l'œuvre,  reliant  entre  eux 
les  divers  épisodes),  est  d'un  miîsicien  consciencieux  et  probe, 
pénétré  des  formes  nouvelles  de  l'art.  L'œuvre  a,  en  quelques- 
unes  de  ses  parties,  une  réelle  grandeur.  Le  final  du  premier  aç.ie, 
où  les  supplications  d'Andromède  sont  coupées  par  les  rapides 
répliques  des  prêtres  d'Ammon  et  des  chœurs  d'Ethiopiens,  est 
vraiment  très  beau  de  mouvement  et  d'allure.  Avec  plus  d'expé- 
rience, M.  Lekeu  simplifiera  son  écriture.  II  y  a  dans  Andromède 
tels  passages  trop  chargés,  trop  touft'us,  inutilement  broussail- 


110 


L'ART  MODERNE 


Icux,  d'où  les  motifs  'conducteurs,  iiccumulés  les  uns  sur  les 
autres,  ont  peine  à  se  dt''gager.  Celle  confusion,  jointe  à  quelque 
giiucliericdans  l'instrumentalion,  est  le  dc^faut  contre  lequel  nous 
mêlions  en  garde  le  jeune  musicien.  Il  paraît  d'ailleurs  trop 
intelligent  cl  trop  artiste  pour  n'avoir  pas  remarqué  lui-même  ce 
que  celte  première  œuvre  renferme  d'inexpériences. 

Ajoutons  que  rinicrprétation,  confiée,  pour  les  soli,  à  M"*  Lambo- 
ray,  à  MM.  A.  dcThier  et  S.  Byrom,  a  été  remarquable. 

Dans  la  seconde  partie,  après  la  distribution  des  prix  aux  élèves, 
un  peu  puérilement  agrémentée  de  petits  airs  dansants  saluant  de 
flon-flons  imprévus  l'émotion  des  lauréats,  l'orchestre  a  exécuté, 
sous  la  direction  de  l'auteur,  Sniigefleiine,  le  Lied  pour  violon- 
celle et  orchestre  (soliste  M.  Gillet),  la  Symplwnie  pour  orchestre 
et  piano  sur  un  chant  montagnard  français  (soliste  M.  Duyzings) 
de  Vincent  d'indy,  et  le  succès  du  Maître,  après  l'Élève,  a  pris  des 
proportions  inusilées,  s'est  affirmé  en  ovations,  en  rappels,  en 
discours,  en  hommages  fleuris... 

Jknlionnons  aussi  la  voix  agréable  de  M.  de  Thier,  coupant  de 
deux  romances  assez  inutiles  le  programme  symphonique,  et, 
pour  finir,  la  très  intéressante  soirée  musicale  offerte  ensuite  par 
le  directeur  de  l'Ecole  aux  notabilités  verviétoises  el  aux  artistes 
étrangers  que  la  solennité  avait  attirés.  On  y  a  entendu,  entre 
autres,  le  Quintette  de  Franck  el  le  Quatuor  pour  piano  et  cordes 
de  Vincent  d'indv. 


LA  CRITIQUE  BELGE 

On  nous  reproche  parfois  de  trop  triquer  certains  «  chiens 
d'enfer  »  de  la  critique  des  quotidiens  belges.  Nous  ne  le  faisons 
pas  assez  et  devant  certaines  manifestations  nous  nous  prenons  à 
nous  croire  trop  inatlenlifs  el  trop  paliouts. 

Ainsi  M.  Max  Sulzberger,  le  joyeux  critique  bien  connu  par 
ses  gaffes  et  célèbre  pour  ce  dans  le  monde  artiste,  disait  derniè- 
rement, dans  l'Etoile  belge,  en  un  compte  rendu  du  Salon  des 
Aquarellistes,  qui  vient  de  nous  tomber  sous  les  yeux  et  auquel 
la  récente  exposition  des  XX  donne  de  l'actualité,  ces  phrases 
de  vieux  prud'homme  eu  colère  qu'on  a  bousculé  : 

«  En  matière  d'art,  un  cercle  fermé  m'a  toujours  paru  une 
hérésie.  Je  disais  volontiers  :  Aussi  longtemps  qu'il  reste  un  petit 
coin  disponible,  ouvrez  toutes^  larges  les  portes  du  Salon  aux 
œuvres  de  loule  provenance,  de  toute  école,  de  toute  tendance. 
Je  n'ai  pas  changé  d'avis,  seulement  j'y  mets  une  seule  réserve  : 
|)roscrire  le  poinijlkgc,  le  phylloxéra  de  la  peinture.  Les  pointil- 
leurs  ne  font  pas  |jp  partie  des  peintres  que  les  joueurs  d'orgue 
de  barbarie  des  musiciens.  Lk  où  ils  se  présentent,  qu'on  les  prie 
d'aller  pointiller  ailleurs.  » 

.11  faut  prendre  des  lorgnettes,  M.  Sulzberger,  vous  finirez 
peul-étre  par  voir  plus  clair  el  par  vous  apercevoir  du  mérite 
très  grand  des  pointillcurs.  On  ne  pointillait  pas  à  l'époque 
où  vous  avez  cherché  à  devenir  un  peintre;  ce  n'est  ni  de  voire 
temps  ni  de  votre  compétence.  Mais  vos  tables  de  proscription 
nous  étonnent,  ô  vieux  Sylla  du  Bulletin  politique!  Vous  devez 
savoir  en  quelle  estime  nous  tenons  vos  radotages  —  et  pourtant 
nous  ne  demandons  pis  qu'on  vous  mette  à  la  porte  de  voire 
journal  el  qu'on  vous  prie  d'aller  gaffer  ailleurs. 

Dans  la  même  Etoile,  le  vieux  gaffeur  se  vantail  d'avoir 
pressenti  le  symbolisme  depuis  longtemps.  Nous  sommes  charmés 
de  l'apprendre.  Mais  ce  que  la  critique  du  ganachisme  devient 


immodeste!  Dernièrement  un  de  nos  bonzes  les  plus  précieux  se 
|)arait  comiquemcnt  des  plumes  de  Sainte-Beuve  (hormis  celle 
avec  laquelle  Sainte-Beuve  écrivait).  Aujourd'hui  M.  Max  se  pose 
en  devin  du  symbolisme!  Pauvres  gens!  Ils  sont  obligés  de  se 
tlatler  eux-mêmes,  les  autres  dédaignant  leur  rendre  ce  service. 


Mémento  des  Expositions 

Amiens.  —  Exposition  des  Amis  des  Arts,  .*>  juin-lo  juillet. 
Délai  d'envoi  :  -10  mai  (notices  i"'  mai).  Renscignemcnis  :  M.  le 
Président  de  la  Société  des  Amis  des  Arts,  Musée  de  Picardie, 
Amiens. 

Anvers.  —  Société  royale  d'encouragement  des  Beaux-Arts. 
Exposition  d'aquarelles,  pastels,  carions,  dessins,  gravures, 
médailles,  etc.  24  avril-dS  mai.  Délai  d'envoi  :  18  avril.  —  Ren- 
seigncmenls  :  M.  G.  Caroly,  secrétaire. 

Charueroi.  —  Exposition  de  la  Société  française  de  bienfait 
sance.  16  avril-8  mai  (limitée  aux  invités).  Délai  d'envoi  : 
l"-8  avril.  —  Comilé-direcleur  :  M"'"*  E.  Becrnacrl,  A.  Boch. 
M.  CpUarl,  L.  Héger,  H.  Ronner. 

Chicago.  —  Section  des  Beaux-Arts  de  l'Exposition  universelle. 
1"'  inai-30  octobre  1893  (voir  l'Art  moderne  du  11  octobre  1891). 

Dijon.  —  Société  des  Amis  des  Arts.  1«''  juin-15  juillet. 
Délai  d'envoi  :  1*^''  mai.  Renseignemcnls  :  Président  des  Amis 
des  Arts,  Dijon. 

Liège.  —  Exposition  des  Beaux-Arts.  \<"  mai-13  juin.  Délai 
d'envoi  :  8  avril.  —  Renseignements  :  M.  de  Mathelin,  secrétaire. 

LitJ.E.  —  Exposition  des  Industries  d'art  moderne  appliquées 
à  l'habitation.  1"  niai-1'-''' août.  Renseignements  :  Secrélarial  de 
l'Union  artistique  du  Nord,  rue  Négrier,  36'*',  Lille. 

Madrid.  —  Exposition  historique  européenne.  12  septembre- 
31  dé^cembre.  —  Délais  d'envoi  :  l'-'''-30  avril.  —  Renseignements  : 
Comte  de  Casa  Miranda,  sous-secrétaipe  d'Etat  à  la  présidence 
du  Conseil  des  ministres,  Madrid. 

Munich.  —  Exposition  Ltïtérnïïïïonale  des  Beaux-Arts.  1"  juin- 
fin  octobre.  Délais  d'envoi:  notices,  l.ï  mai;  œuvres,  l"-20  mai. 
Renseignements  :  M.  Cli\A.Baur,  secrétaire  du  Comité  centrât. 

—  Envoi  collectif  par  M.  W.  de  Haas  el  C'"=. 

Paris. —  Salon  de  1892  (Champs-Elysées),  1"  mai-30  juin. 
Délais  d'envoi  :  peinture, \dessins,  aquarelles,  pastels,  etc., 
expirés;  sculpture,  31  mars-5  avril;  gravure  et  lithographie, 
2-5  avril;  architecture,  2-6  aVril.  —  Renseignements  :  M.  F.  de 
Vuillefroy,  secrétaire,  palais  mA'Induslrie,  Champs-Elysées. 

—  Société  nationale  des  Beattk:Arts  (Champ  de  Mars).  7  mai- 
30  juin.  Envois  :  peinture,  gravure,  cxiiirés;  sculpture,  15-18  avril. 

—  Exposition  de  Blanc  et  Noir.  l''\avril-15  juin.  Délai  expiré. 

—  Renseignements  -.M.  Bernard,  directeur. 

—  Exposition  des  Ans  de  la  femme).  Envois  :  l"avril-l"  mai. 
Rensei|;nemenis  :  M.  Marius  Vachon,  directeur  de  V Exposition, 
Palais  de  l'Industrie,  porte  VII,  Paris.     - 

Prague.  —  Exposition  des  Beaux-Arts,  l"  mai-30  juin.  Délai 
d'envoi  :  10  avril.  Renseignements  :  Secrétariat  de  la  Société  des 
Beaux- Arts  de  Bohême,  Rodolphinum,  Prague  (Autriche). 

Roubaix.  —  Exposition  de  tapisseries,  broderies,  tissus  artis- 
tiques et  décoratifs.  17  avril-^"''  juin.  Délai  d'envoi  :  7  avril. 
Renseignements  :  Secrétariat  de  la  Société  artistique  de  Roubaix- 
Tourcoing,  rue  de  l'Espérance,  68,  à  Roubaix. 


fETlTE    CHRO.JMIQUE 

Mardi  prochain  s'ouvrira  à  la  Galerie  Moderne,  au  profit  de 
l'Hospitalité  de  nuit,  une  exposition  de  cinquante  chefs-d'œuvre 
de  l'école  française,  provenant- des  plus  belles  collections  de 
Bruxelles. 


Lic^ge  vienl  d'nvoir  doux  rcprésenlations  du  Théûlre  libre. 

M.  Antoine  a  fait  entendre  :  Blanchelle,  l'Ecole  des  veufs, 
Tavle  Léouline  et  Leurs  Filles.  Le  succi^s  a  dlé  spontané,  consi- 
-dérablo.  Pas  de  proleslalion.  Certes  le  lendemain  il  en  est  qui  se 
récriaient,  semblaient  regretter  leur  acquiescement  de  la  veille. 

11  n'empôclie  que  les  applaudissements  parlaient  de  toutes  parts, 
et  vivement.  Plusieurs  fois  on  a  rappelé  les  anisles. 

Kt  les  personnes  qui  étaient  de  la  première  représentation  se 
retrouvaient  S  la  seconde. 

La  maîtrise  de  l'artiste  qu'est  M.  Antoine  s'est  imposée. 

Anvers-Bruxelles.  —  Tel  est  le  tilrc  de  l'exposition  qui  s'ou- 
vrira le  30  avril  prochain  au  Musée  moderne.  A  celte  exposition 
prendront  part  un  grand  nombre  de  peintres  et  sculpleurs  anver- 
sois  et  bruxellois. 

Concours  de  i.'AcADÉMtE  royale  de  Belgique.  —  Peinture,  l.a 
Classe  met  au  concours  le  sujet  suivant  :  Grand  panneau  pour  une 
Cour  d'assises.  Les  cartons  devront  avoir  1™10  sur  0'"45.  Prix  : 
1,000  francs. 

Gravure  en  médailles.  Une  médaille  commémorative  de  la 
mort  de  S.  A.  R.  le  prince  Baudouin.  L'avers  est  réservé  à  l'effigie 
du  prince;  le  revers  représentera  un  sujet  allégorique.  Les  modèles 
en  cire  ou  en  plâtre  devront  avoir  0"'30  de  diamètre.  Prix  : 
600  francs. 

Les  cartons  et  les  projets  de  médaille  devront  être  remis  au 
secrétariat  de  l'Académie  avant  le  f  octobre  1893. 

L'Académie  n'accepte  que  les  travaux  complètement  terminés; 
les  cartons  (sur  châssis)  et  les  modèles  (en  plûtre  et  en  cire) 
devront  être  soigneusement  achevés. 

Les  auteurs  couronnes  sont  tenus  de  donner  upe  reproduction 
photographique  de  leur  œuvre,  pour  être  conservée  dans  les 
archives  de  l'Académie. 

Les  auteurs,  ne  mettront  point  leur  nom  h  leur  travail;  ils  n'y 
inscriront  qu'une  devise,  qu'ils  reproduiront  dans  un  billet  cacheté 
renfermant  leur  nom  et  leur  adresse.  Faute,  par  eux,  de  satisfaire 
à  cette  formalité,  le  prix  ne  pourra  leur  être  accordé. 

Les  travaux  remis  après  le  terme  prescrit,  ou  ceux  dont  les 
auteurs  se  feront  connaître,  de  quelque  manière  que  ce  soit,  seront 
exclus  du  concours. 

Liszt  a  dit  :  «<  Faire  de  l'art,  et  même  en  bien  faire,  n'est  cepen- 
dani  pas  encore  posséder  le  don  suprême  de  créer.  Créer,  c'est 
tirer  du  néant;  c'est  donner  une  forme  nouvelle  à  un  sentiment 
nouveau,  une  expression  nouvelle  à  un  sentiment  connu,  un 
aspect  encore  inconnu  à  une  expression  fréquente.  Faire  de  l'art, 
c'est  varier  la  tonalité  des  sentiments  déjà  exprimés,  là  con- 
texlure  des  formes  déjà  existantes,  la  modulation  des  nuances 
déjà  là.  Le  génie  chante  en  vertu  d'une  inspiration  personnelle, 
dans  les  modes  qu'elle  lui  dicte  et  lui  enseigne  ;  le  talent  remanie 
ce  que  d'autres  ont  dit  avant  lui.  Le  talent  peut  être  extraordi- 
naire, il  ne  sera  jamais  initiateur.  Entre  créer  et  innover,  il  y  a 
la  différence  du  génie  au  talent  :  de  Bach  à  Mendelssohn,  de 
Beethoven  à  Meyerbeer.  » 

Le  plus  grand  succès  de  librairie  qui  ait  jamais  existé  aux 
Etats-Unis,  c'est  les  Mémoires  du  Général  Granl. 

Les  héritiers  du  général  ont  touché  jusqu'à  présent  414,855  dol- 
lars, soit  deux  millions  soixante-quatorze  mille  deux  cent  soixante- 
quinze  francs  de  droits  d'auteur!  {L'Art  et  l'Idée.) 

Dans  la  nouvelle  salle  du  Musée  moderne.  Les  derniers 
moments  de  la  fille  de  Grétry  attirent,  paraît-il,  de  nombreux 
amateurs  d'agonie.  Les  huissiers  sont  sur  les  dents.. Ils  espèrent 
qu'elle  sera  bientôt  morte. 

Cours  supérieurs  pour  dames.  —  4  avril,  à  2  heures, 
M.  H.  Pergameni  :  L Indo- Chine  et  le  Tonkin  ;  à  3  heures, 
M"""  A.  Chaplin  :  Modem  writers.  —  5  avril,  à  2  heures,  M.  E. 
Verhaeren  :  Qietlques  'peintres  modernes  :  Chasseriau  et  Puvis 


de  Chavanncs.  —  6  avril,  à  2  heures,  M.  H.  Pergameni  :  Les 
arts  et  les  sciences  nu  XVI 11^  siècle.  —  7  avril,  à  2  heures, 
M.  H.  LoNciiAY  :  La  révolution  française  et  les  Pays-Bas;  à 
3  heures,  M"'  J.  Toudeus  :  Diction. 


De  F.  Fénéon,  cette  description  d'un  Chéret  :  - 
A  la  sortie,  sur  les  murs,  -^  consolatrice,  une  très  lumineuse 
affiche  de  Chéret,  le  Tiepolo  du  double  colombier.  Elle  est  tirée  en 
quatre  couleurs,  un  bleu,  un  autre  bleu,  un  jaune,  un  rouge,  dont 
les  poudroyants  mélanges  suscitent  d'activés  autres  teintes,  et  elle 
s'isole,  dans  la  série,  par  la  dispersion  de  sa  mise  en  page.  Au 
premier  plan.  Pierrot  suit  d'un  d'il  douloureux  le  manège  avec 
Colombine  d'une  Félicia  Mallei  nu  long  torse,  aux  seins  implantés 
bas,  à  l'ample  bassin,  aux  jambes  de  garçonne,  une  Mallet  stric- 
tement close  dans  un  costume  losange  vert  et  rose  qui  tantôt  colle 
aux  formes  et  tantôt  s'étoffe.  Et  vers  le  haut,  entre  la  double  file 
des  lettres  indicairices  (Scaramolche,  Nouveau  Théâtre)  circule 
épisodique  un  cortège  bouffon  ot  matamoresque  (1). 

(1)  L'Endehors. 


ENGÂDREMENTS  D'ART 

ESTAMPES,  VITRAUX  &  GLACES 

N.  LEMBRÉB,  17,  avenue  Louise 

Bruxelles.  —  Téléphone  1384 


VILLE   DE   BRUXELLES 
POUR  CAUSE  DE  DÉCÈS 


Le  notaire  BAUWENS-VAN  HOOGHTEN,  résidant  à  Bruxelles, 
place  du  Petit-Sablon,  a°  14.  vendra  publiquement,  le  Jeudi 
28  avril  1892,  à  2  heures  précises  de  relevée,  en  la  Galerie 
Saint-Luc,  n»  10,  rue  des  Finances,  à  Bruxelles  : 


UNE  BBLLK   COLLECTION   DE 


TABLEAUX   MODERNES 

DES  ÉCOLES  BELGE,  HOLLANDAISE  ET  FRANÇAISE 

dépendant  de  la  succession  de 

M.  Henri  Li^MOERT 

On  remarque  les  oeuvres  des  maîtres  suivants  :  Artan  (Louis), 
Bossuet  (François),  Calame  (Alexandre),  Col  (David),  Courbet  (Gus- 
tave), Daubigny  (Charles-FrarjÇbîs),  De  Braekeleer  (Henri),  De  Haas 
(J.-H.-L.),  Dell'Acqua  (César),  De  Schampheleer  (E.),  Dubois  (Louis), 
Dupré  (Jules),  Durand- Brager,  Madou  (J.-B.),  Roybet  (François), 
Stevens  (Joseph),  Stevens  (Alfred),  Smits  (Eugène),  Troyon  (Constant), 
Verschuur  (W.),  Verwée  (Alfred),  Willems  (Florent),  etc.,  etc. 

Experts  :  M.  Henri  LE  ROY,  11,  rue  Marie-Thérèse,  et  MM.  J.  et 
A.  LE  ROY,  12,  place  du  Musée. 

Expositions  :  particulière,  le  mardi  26  avril;  publique,  le  mercredi 
27  avril,  de  10  heures  du  matin  à  4  heures  de  relevée. 


^.:x--^ 


Le  catalogue  se  distribuera  en  l'étude  du  notaire  Bauwens-Van 
HooGHTEN  et  chez  les  experts,  à  partir  du  6  avril  prochain. 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


LIGNE   D'OSTENDE-DOUVRES 


La  plus  courte  et  la  moins  douteuse  des  voies  extra-rapides  entre  le  Continent  et  ^'Angleterre 


Bruxelles  à  Londres  en 
Cologne  à  Londres  en 
Berlin  à  Londres  en  . 


8 
13 
22 


heures. 


Vienne  à  Londres  en. 
Bâ.le  à  Londres  en.  . 
Milan  à  Londres  en  . 


36  heures. 
20  .    » 
32       - 


Francfort  s/M  à  Londres  en 


18  heures. 


XROiiS  i»E:Etvi€:E:i^  r^Awt  jour 

D'Ostende  à  5  h.  15  matin,  il  h.  10  matin  et  8  h.  20  soir.  —  De  Douvres  à  midi  05,  7  h.  30  soir  et  10  h.  15  soir. 

YR/% VERSÉE]  EIV  XROII^  HE^URKS 

PAR  LES  NOUVEAUX  ^T  SPLENDIDES  PAQUEBOTS 

Princesse  Joséphine,  Princesse  Henriette,  Prince  Albert,  La  Flandre  et  Ville  de  Douvres 

partant  journellement  d'OSTENDE  à  5  h.  15  matin  et  11  h.  10  matin;  de  DOUVRES  à  midi  05  et  7  h.  30  soir. 

Salons  luxneux.  —  Fumoirs.  —  Ventilation  perfectionnée.  —  Éclairage  électrique.  —  Restaurant. 

BILLETS  DIRECTS  (simples  ou  aller  et  retour)  entre  LONDRES,  DOUVRES,  Birmingham,  Dublin,  Edimbourg,  Glascow, 

Liiverpool,  Manchester  et  toutes  les  grandes  villes  de  la  Belgique 
et  entre  LONDRES    ou  DOUVRES  et  toutes  les  grandes  villes  de  l'Europe. 


BILLETS  CIRCULAIRES 

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Linden,  à  Berlin;  à  M.  Remmelmann,  15,  GuioUett  strasse,  à  Francfort  a/m;  à  M.  Schenkcr,  Schottenring,  3,  à  Vienne;  à  3/™»  Schroehl, 
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J^  ^ 


Art    yf  ■  .    1 


Douzième  année.  —  N"  15. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  10  Avril  1892. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DBS  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  »  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,   un    an,    fr.    10.00;  Union   postale,    fr.    13.00     —  ANNONCES   :    On   traite  à  forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Tlndustrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 

AGIOTAGE  ARTISTIQUE.  —  LeS  MaRTINETTI.  VENTE  DE  LA  COLLEC- 
TION Lequime.  —  Vente  de  la  collection  Saulnier.  —  Les  "  Papiers 

IGNORÉS  "  ET  LES  "  PUBLICATIONS  SOURDES  ».  JÉRUSALEM.  AcCUSÉS 

DE  RÉCEPTION.  CONSERVATOIRE  DE  LlÉOE.  ,—  TROISIÈME  REPRÉSENTA- 
TION DU  Théâtre  d'Art.  —  Bibliographie  musicale.  —  Petite  chro- 
nique. 

Agiotage  artistique 

La  fortuite  coïncidence  de  l'exposition  «  de  cinquante 
chefs-d'œuvre  de  l'école  française  "  et  de  la  vente  de  la 
collection  Lequime,  composée  presque  exclusivement 
d'œuvres  belges,  nous  incjte  à  quelques  réflexions.  L'oc- 
casion est  bonne  de  mettre  en  lumière  certains  griefs 
trop  longtemps  contenus  et  de  prémunir  les  amateurs 
contre  les  coups  de  bourse  auxquels  se  livrent  les  mar- 
chands, pour  qui  les  tableaux  de  maîtres  ne  sont  que 
des  valeurs  négociables  par  lesquelles  ils  établissent, 
suivant  leur  intérêt,  et  avec  une  égale  désinvolture,  la 
hausse  et  la  baisse. 

La  sincère  admiration  que  nous  professons  pour  la 
brillante  école  qui  a  rénové  le  paysage  en  France  nous 
met  à  l'abri  du  reproche  de  vouloir  dénigrer  au  profit 
de  nos  artistes  nationaux  les  œuvres  des  peintres  de 
Fontainebleau,  d'Ornans  et  de  Ville-d'Avray.  Et  en  ce 


qui  concerne  l'exposition  de  la  Galerie  moderne, 
empressons-nous  de  constater  que  si  son  titre  nous 
paraît  trop  prétentieux,  elle  renferme,  parmi  les  toiles 
de  second  ordre  qui  en  constituent  ie  fond,  quelques 
morceaux  de  réelle  saveur  qu'il  était  intéressant  d'ex- 
traire des  collections  particulières  pour  les  montrer  au 
public.  Les  deux  pastels  émouvants  de  Millet  '.Novem- 
bre et  Mon  puits,  la  Plage  de  Courbet,  tels  paysages 
de  Corot,  et  ce  très  curieux  tableau  deGarbet,  la  Foire 
de  Saint-Germain,  le  seul,  paraît-il,  qu'ait  produit  ce 
grand  artiste,  relégué  jusqu'à  «a  mort  en  un  obscur 
bureau  de  gratte-papier  par  les  exigences  impitoyables 
du  Couvert  et  du  Terme,  justifieraient  à  eux  seuls  l'eit- 
position. 

Ce  que  nous  contestons,  c'est  la  fabuleuse  supériorité 
attribuée  par  les  collectionneurs,  guidés  par  des  mar- 
chands intéressés,  à  toute  œuvre  de  l'école  française  sur 
les  productions  de  l'école  belge,  dans  laquelle  s'élèvent 
très  haut,  aux  yeux  de  ceux  que  n'aveugle  pas  un  parti- 
pris  coupable,  des  personnalités  de  premier  ordre,  des 
artistes  originaux  et  sincères,  que  l'avenir  classera  à 
côté  —  et  peut-être  au-dessus  —  de  ceux  qui  font 
aujourd'hui  la  gloire  des  musées.  Oui,  si  la  France 
revendique  avec  fierté  les  Millet,  les  Troyon,  les  Cour- 
bet, les  Daubigny,  les  Corot,  les  Rousseau  (après  les 
avoir,  d'ailleurs,  unanimement  méconnus  et  repoussés 
avec  ensemble),  nous  avons,  nous,  le  droit  de  nous  enor- 


N 


gueillir  des  Leys,  des  Henri  De  Braekeleer,  des  Charles 
De  Groux,  des  Louis  Dubois,  des  Hippolyte  Boulenger, 
des  Artan,  des  Agneessens,  pour  ne  citer  que  les  morts, 
auxquels  on  applique  encore,  dans  certains  milieux, 
l'odieux  boycottage'qu'on  leur  a  fait  subir  de  leur  vivant. 
Nous  n'en  voulons  pour  preuve  que  ce  fait  :  la  col- 
lection Lequime,  qui  renfermait  un  bon  nombre  d'œu- 
vres  de  ces  artistes,  a  produit  dans  son  ensemble  im 
peu  moins  que  le  prix  payé  à  la  vente  Seciétan  pour 
UN  SEUL  (et  d'ailleurs  médiocre)  tableau  de  Fromentin, 
les  Gorges  de  Chiffa,  actuellement  exposé  parmi  les 
cinquante  «  chefs-d'œuvre  "  de  la  Galerie  moderne.  — 
Quatre-vingt-cinq  mille  francs,  oui,  Monsieur! 

Et  tel  a  été,  en  ces  dernières  années,  l'engouement 
des  acheteurs  pour  quelques  signatures  haut  cotées  sur 
le  marché  artistique,  que  le  directeur  de  la  galerie, 
M.  de  Saint-Cyr,  a  dû  faire  assurer  les  oeuvres  qui 
tapissent  présentement  sa  jolie  salle  pour  la  bagatelle 
d'wn  million  cent  soixante-quinze  mille  francs! 

Comparez  les  marines  de  J.  Dupré  à  celles  d'Artan, 
les  paysages  de  Rousseau  à  ceux  de  Boulenger,  les 
Courbet  aux  Louis  Dubois.  Cherchez,  dans  tçute  l'école 
française  de  1860,  l'équivalent  de  Leys,  de  Henri  de 
Braekeleer,  de  Charles  De  Groux,  d'Edouard  Agnees- 
.  sens.  Et  dites-vous  sincèrement  si  l'injustice  et  la  sottise 
des  acheteurs  n'est  pas  faite  pour  révolter  un  cœur 
d'artiste  ? 

La  responsabilité  n'incombe  pas  uniquement'aux  col- 
lectionneurs. On  sait  que  ceux-ci  suivent  généralement 
les  avis  d'un  officieux  qui  a  pour  spécialité  de  «  former 
des  galeries  >» ,  qui  a  un  pied  dans  le  monde  des  tra- 
fiquauts  et  l'autre  dans  celui  des  amateurs,  qui  s'em- 
presse, conseille,  déconseille,  arrive  à  se  faire  recon- 
naître comme  l'auxiliaire  indispensable  des  amateurs, 
à  dicter  la  loi  de  l'offre  et  de  la  demande. 

Or,  en  Belgique,  ce  rôle  a  été  joué  autrefois  par  un 
homme  qui  joignait  à  de  très  sérieux  mérites  un  exclu- 
sivisme fâcheux  à  l'égard  des  œuvres  belges.   Arthur 
Stevens  avait  été  un  des  premiers  à  vanter  Millet,  à  le 
défendre  énergiquement  contre  l'injuste  hostilité  dont 
il  était  victime  de  la  part  de  ses  compatriotes .  L'école 
française  tout  entière  avait  trouvé  en  lui  un  champion 
résolu.  Et  son  très  louable  amour  fraternel  lui  avait, 
en  outre,  inspiré  pour  Alfred  et  Joseph  Stevens  une 
préférence  d'ailleurs  justifiée  par  la  haute  valeur  de 
ces  deux  artistes.  Nous  avons  dit  de  lui,  lorsque  la 
mort  a  enlevé  cette  intéressante  personnalité  :  x  Rous- 
seau, Corot,  Delacroix  et  les  autres  devront  a  Arthur 
Stevens  d'être  arrivés  à  la  gloire  cent  ans  plus  tôt  qu'il 
ne  le  fallait   en  observant    les    étapes   de  la  bêtise 
humaine.  Millet,  oh!  miracle,  faillit  être  célèbie  dé  son 
vivant.  Toutes   les  grandes  ventes  de  Paris,  depuis 
vingt  ans,  s'alimentent  des  œuvres  qu'Arthur  Stevens 
a  taillés  en  éclatantes  facettes. 


Tout  ce  qu'on  dit  devant  les  toiles  fameuses  du 
groupe  si  longtemps  méprisé,  il  l'a  dit  «  de  sa  voix 
profonde,  en  prenant  une  attitude  scénique,  dessinant 
des  gestes  enveloppeurs  ».  Et  on  continuera  à  le  dire 
de  la  même  façon,  lui"  donnant  ainsi  une  vie  posthume 
et  fantomatique. 

C'est  là  son  honneur,  son  grand  honneur.  Son  tort, 
c'est  d'avoir  méconnu  quelques  grands  peintres,  ses 
compatriotes.  Etait-ce  jalousie  fraternelle?  Serait-ce 
préférence  pour  cette  France,  dont  il  avait  beaucoup 
en  lui  malgré  son  nom  flamand?  Peu  importe.  Il  ne 
comprit  guère  Hippolyte  Boulenger,  guère  Louis 
Dubois.  Et  qui  pire  est,  «  il  les  débinait  ».  Il  fut  pour 
quelque  chose  dans  ce  dédain  belge  qui  stérilisa  partiel- 
lement ces  beaux  tempéraments.  S'il  a  daigné  parfois 
s'occuper  des  œuvres  d'Artan,  d'Alfred  Verwée,  de 
quelques  autres,  c'était  en  sous-ordr-e  et  sans  convic- 
tion. " 

Arthur  Stevens  avait  été  si  perspicace  dans  la  décou- 
verte qu'il  fit  de  quelques  peintres  de  génie  qu'on  lui 
pardonna  sans  peine  le  parti-pris  dans  lequel  il  se  can- 
tonna. Mais  voici  que  d'autres  reprennent ,  nous 
dit-on,  en  sous-ordre,  la  mission  que  s'était  attribuée  le 
marchand-diplomate.  Avec  la  même  «  voix  profonde  ", 
la  même  «  attitude  scénique  ",  les  mêmes  «  gestes  enve- 
loppeurs ",  ils  vantent,  ils  exaltent  la  pléiade  française, 
ce  qui  nous  serait  indifférent  s'ils  ne  le  faisaient  au 
détriment  de  l'école  belge,  dont  aucun  représentant 
n'est  digne,  d'après  eux,  d'entrer  dans  les  grandes 
coUectiotis.  Et  devant  les  «  cinquante  chefs-d'œuvre  », 
ils  ahurissent  le  bourgeois  bénévole  par  des  boniments 
de  circonstance,  ils  détachent  à  nos  artistes  des  bottes 
secrètes,  ils  accréditent  ce  bruit  stupide  que  seuls  les 
tableaux  français  conserveront  dans  l'avenir  une  valeur 
marchande.  Que  ceux  qui  se  livrent  à  ces  manœuvres 
prennent  garde.  Dans  l'hypothèse  même  où  elles 
seraient  désintéressées,  elles  sont  injustes  et  condam- 
nables. Il  y  a  trop  longtemps  que  dure  en  Belgique  un 
malentendu  né  d'une  complaisance  trop  grande  à  l'égard 
de  quelques  noms  cités  à  tout  propos.  Il  est  temps  de 
rappeler  que  nous  possédons  une  école  nationale  dont 
l'originalité  et  le  talent  n'ont  rien  à  envier  à  personne. 
On  le  sait  à  l'étranger.  On  le  proclame.  Et  les  succès 
remportés  à  toutes  les  expositions  de  l'Europe  le 
démontrent  victorieusement.  Ce  qui  empêche  les  œuvres 
produites  par  cette  école  d'être  classées  pécuniairement 
aux  mêmes  taux  que  les  toiles  de  mérite  analogue  sur 
lesquelles  luit  une  signature  étrangère,  c'est  le  mauvais 
vouloir  de  ceux  qui  établissent  la  cote  des  tableaux,  des 
marchands  et  de  leurs  alliés,  les  sous-Stevens  attelés  à 
une  basse  besogne  de  débinage  systématique.  Les 
amateurs  hésitent  encore  à  faire  entrer  dans  leur 
galerie  telle  œuvre  belge,  quelle  que  soit  sa  valeur 
artistique   Ils  en  sont  détournés  par  de  malveillants 


UART  MODERNE 


115 


conseillers,  visiblement  intéressés  à  soutenir  les  cours. 

Les  prix  payés,  ces  derniers  temps,  pour  des  œuvres 
de  Millet,  de  Meissonier,  de  Corot,  ne  correspondent, 
il  faut  le  reconnaître,  à  aucune  réalité.  La  vanité  de 
quelque  bourgeois  affolé  de  réclame,  le  besoin  qu'éprouve 
un  financier  de  se  procurer  un  crédit  expliquent  seuls 
telles  enchères,  dont  le  chiffre  a  étonné  l'Europe. 

Il  est  temps  qu'on  s'élève  contre  ces  extravagances  et. 
qu'on  ramène  les  prix  à  la  norme  économique. 

Quand  le  public  se  sera  débarrassé  des  mouches  qui 
voltigent  autour  du  coche  artistique,  qu'il  aura  pris  la 
résolution  de  choisir  lui-même  les  œuvres  qu'il  juge 
dignes  d'être  acquises,  les  valeurs  conventionnelles 
attribuéesaux  œuvres  d'art  s'évanouiront  en  brouillards. 
On  achètera  alors  non  des  signatures,  mais  des^  œuvres. 
Et  tels  tableaux  belges,  méprisés  aujourd'hui,  pren- 
dront rang  à  côté  des  plus  belles  toiles  étrangères. 

Et  pour  hâter  l'avènement  de  cette  ère  impatiemment 
attendue,  qu'on  organise,  après  l'exposition  des  cin- 
quante chefs-d'œuvre  français,  celle  de  CINQUANTE  ÇHEFS- 
d'œuvre  belges.  Les  collections  et  les  ateliers  de  notre 
pays  sont  heureusement  assez  riches  pour  suppléer  à 
.l'indigence  de  nos  musées  et  pour  fournir  sans  peine  le 
contingent  voulu.  Il  y  aura,  le  jour  de  l'ouverture,  nous 
le  garantissons,  des  surprises  et  des  admirations  impré- 
vues. Et,  dès  lors,  ce  ne  seront  plus  seuls  les  modestes  et 
sérieux  amateurs  comme  le  docteur  Lequime  qui  se 
feront  un  honneur  d'acquérir  des  collections  nationales. 


LIÎS  MARTINETTl(^) 

L'apparilion  des  Marlinelli  à  l'.Vicazar  ouvre  la  réflexion  sur 
cel  an  si  alliranl  cl  moderne  :  la  pantomime.  A  noire  sens,  la 
pantomime  est  k  reeréer.  Si  l'on  excepte  certaines  tenlaiives,  — 
par  exemple  celles  des  frères  dont  nous  allons  parler,—  ce  ge,nre 
de  comédie  el  de  drame  mimé  n'a  point  encore  subi  les  transfor- 
mations que  ce  siècle  a  imprimées  à  l'arl  tout  entier.  Les  types 
n'ont  point  été  suffisamment  renouvelés  ou  métamorpliosés  et 
qui  dit  aujourd'hui  :  pantomime,  semble  immédialcmenl  évoquer 
encore  :  Arlequin,  Pierrot,  Colombine  et  Cassandre. 

Or,  ces  personnages  auxquels  on  a  donné  certes  depuis  quelque 
dix  ans  d'autres  costumes  et  d'autres  allures,  sont  néanmoins 
couverts  d'un  tel  passé,  qu'ils  ne  parviennent  pas  à  en  secouer 
toute  la  poussière.  Ils  sont  vieillots,  surannés  el  quand  on  les 
modernise,  on  les  dénature  le  plus  souvent. 

Notre, âge  a  créé  de  plus  étranges  personnages  de  la  farce,  de 
plus  spéciaux  protagonistes  du  rire,  de  plus  aciuels  types  popu- 
laires, jusqu'à  ce  jour  non  ou  peu  employés — el  qui, mêlés  en 
une  action  scénique,  feraient  d'excellents  ingrédients  pour  une 
salade  pantomimique. 

Us  expriment,  il  est  vrai,  dos  iilées  moins  bleues  el  roses,  niais 
ils  expriment  nos  idées.  Quand  Pierrot  se  couvre  de  sa  c;ilotle  el 

(1)  A  rapproclier  de  l'article  que  nous  avon.s  consacré  aux  Martinelli 
lorsqu'ils  jouèrent  i)our  la  première  fois  à  Bru.xelles  (Tliéàtre  de  la 
Bourse).  V.  VArt  moderne,  1886,  p.  20(). 


s'habille  de  sombre,  quand  il  s'improvise  croque-mort  et  broyeur 
de  noir  macabre,  il  usurpe  la  place  de  Uibi-la-Gaité  de  l'Assom- 
moir; lorsque  Cassandre  devient  grave  et  digne  comme  une  bêle, 
il  ne  songe  pas  que  M.  Prud'homme  a  été  mis  au  monde  pour  rem- 
plir mieux  ce  rôle. 

Bien  plus,  d'autres  inventions  littéraires,  non  point  une  série 
(le  «variétés»  pour  rajeuncr  les  types  démodés,  mais  de  vraies 
créations  originales  font  irruption  d'entre  les  coulisses  el  ce 
sont  :  le  bossu  Mayeux  el  Vireloquc,  Macaire  et  Bertrand,  Jean 
Hirouxcl  Vautrin, Gavroche  et  Coupeau,  Nana  et  le  baron  Hulot, 
Perriclion  el  Tribulal  Bonhomel,  Tarlarin,  etc.. 

Avec  eux  la  pantomime  devient  nôtre,  l'atmosphère  change,  le 
drame  s'élargit,  la  farce  s'ensinistre  cl  se  date  :  dix-neuvième 
siècle. 

Un  tel  art,  nouveau  dans  le  fond  el  universel  lui  aussi,  pourrait 
certes  tenir  les  planches, demain.. On  laisserait  la  comédie  italienne 
en  paix,  elle  serait  une  belle  archéologie  cl  Walteau  ne  serait  plus 
appelé  à  la  rescousse  pour  la  galvaniser.  Pierrot  aurait  une  belle 
tombe  dallée  de  lune  cl  Colombine  continuerait  à  faire  la  coquelle 
dans  le  miroir  d'une  étoile  disparue  de  notre  horizon. 

A  ce  titre,  Robert  Macaire,  joué  à  l'Alcazar  par  les  frères  Mar- 
tinelli, apparaît  en  éclaireur. 

Cette  pièce  est  de  reste  fort  belle  el  complexe.  Elle  fait  songer 
à  telles  œuvres  séculaires  de  large  portée  humaine.  Quand  Bertrand 
se  bal  contre  la  défroque  du  gendarme,  qui  ne  rêve  à  Don  Quichotte 
el  ses  moulins,  et  quand  Macaire  commande  cl  bride  son  élève, 
qui  ne  se  souvient  de  Vautrin  el  de  Lucien  de  Rubempré? 

Dans  Macaire  tout  le  romantisme  se  distille  et  dans  Bertrand 
toute  la  bohème.  Ils  sont  des  représenlanis  d'une  époque;  ils 
tiennent  en  main  une  heure  inoubliable  du  siècle. 

Les  belles  canailles,  l'une  grandiose,  l'autre  naïve!  L'une  s'af- 
firmant  par  ses  airs  grand  seigneur,  ses  filouteries  au  delà  de 
louie  habileté  ordinaire,  sa  domination  sûre  et  hautaine,  son 
audace  non  pas  étourdie  maisréfléchie,sa  décision  el  son  courage, 
sa  politesse  méprisante  et  calculée,  son  étalage  de  maîtrise  incon- 
testable; l'autre,  par  ses  impatiences,  ses  bouderies,  ses  lâchetés, 
ses  mesquineries,  ses  inexpérichcésjson  sans-sOlïCi;scsTages  el- 
ses  résignalions  soudaines,  son  obéissance  aveugle,  ses  ironies  el 
ses  gaietés,  sa  fidélité  de  chien,  son  sentimentalisme^  sa  gaminerie 
cl,  somme  toute,  sa  belle  ûme. 

Le  caractère  de  Bertrand  est  une  mer  vieillede  vérité  et  de  pro- 
fondeur. D'apparence,  c'est  amusant;  de  réalité,  c'esl  tragique. 

Il  faudniil  analyser  chaque  scène  pour  y  surprendre  le  jeu  pro- 
digieusement inventif  et  explicite  de  Paul  Marlinelli.  Aussi  :  ses 
gammes  d'expressions  physionomiques,  ses  effarements,  ses  ter- 
reurs, ses  implorations,  ses  joies,  ses  colères,  ses  fureurs,  son 
désespoir,  sa  haine,  et  enfin  sa  douleur,  d'un  frémissement  si 
vrai  el  si  implorant  el  si  profond."  Le  dénouement  devient,  grâce 
à  lui,  d'une  poignancc  inouïe.  A  telle  minute  il  profère  une  telle 
tendresse  qu'elle  acquiert  je  ne  sais  quoi  de  maternel.  C'esl 
l'aulhentique  émotion  pleuréo,  gémie,  râlée,  jusqu'à  ce  qu'elle 
devienne  rage  et  représailles,  pour  se  finir  en  ironie,  grâce  à  ce 
dernier  el  lriom|)lianl  saut  de  carpe  à  la  barbe  de  la  société 
et  de  .son  gendarme.  Cela  est  très  haut  el  très  fort.  Cela  est 
(rhumaniié  criante  cl  sanglotanie.  Cela  crève  l'enveloppe  de  la 
farce  pour  atteindre  le  chef-d'œuvre.  On  songe  aux  très  rares  grands 
artistes  qui,  mourant  sur  les  planches,  atterrent  toute  une  salle 
du  terrible  frisson  propagé.  El  Paul  Martinelli,  sans  déchoir, 
n'sisle  aux  comparaisons  les  plus  périlleuses. 


116 


UART  MODERNE 


Quant  à  Roberl,nous  croyons  qu'on  ne  le  hisse  pas  au  rartgqui 
lui  est  dû.  Certes, son  frère  rdclipse,  mais  il  n'en  resie  pas  moins 
un  maître  acteur.  Il  a  grande  allure,  beau  sarcasme,  geste 
superbe,  marche  impérieuse  et  regard  de  proie.  Il  se  carre  en 
son  rôle  comme  en  des  frusques  bien  faites  à  sa  taille  et  ce  n'est 
point  un  miry:e  éloge  que  d'affirmer  qu'il  le  vitei  le  dirige,  sans 
jamais  le  fausser  en  quoi  que  ce  soit. 

Au  total,  pour  synthétiser  l'interprétalion  de  Robert  Macaire 
par  les  Maninetli,  on  pourrait  imprimer  qu'ils  le  jouent  d'une 
MANIÈRE  HÉROÏQUE.  Leur  personnage  se  présente  à  eux  comme  une 
caractéristique  exagération  humaine,  comme  la  personnification 
d'une  catégorie  d'êtres,  qui  tous  se  sont  fondus  en  une  enlilé 
poussant  à  l'extrême  l'individualité  de  chacun  Le  jeu  doit  donc 
évidemment  se  développer  et  se  généraliser  jusqu'à  rendre  vivante 
la  légende.  Et,  sans  dévier,  les  Martinetli  y  réussissent. 

M.  Luc  Malperluis,  en  offrant  au  public  la  fêle  quotidienne  de 
celle  représentation,  devine-t-il  que  loin  d'être  un  genre  mort, 
la  pantomime  va,  probablement,  plus  que  jamais  entrer  dans  les 
préoccupations  artistes  et  conséquemmeni,  d'ici  à  peu  de  temps, 
dans  le  goût  public?  Déjà  il  est  évident  pour  plusieurs  que  dans 
le  domaine  émotionnel  on  parvient  à  s'exprimer  plus  éloquem- 
ment  par  le  geste  que  par  les  paroles  stéréotypées  et  moulées  en 
les  toujours  mêmes  exclamations  monosyllabiques.  En  outre,  plus 
un  spectateur  met  du  sien  dans  une  situation  dramatique  exposée 
devant  lui,  plus  il.s'inléresse  et  s'abandonne  à  l'illusion  scénique. 
Or,  par  son  vague  et  son  écriture  sommaire  des  choses,  la  panto- 
mime, plus  que  n'importe  quelle  tragédie  ou  vaudeville,  satisfait  à  ce 
postulat  littéraire.  Elle  est  un  précieux  canevas  à  rêves,  à  inter- 
prétations individuelles  et  spécialisations.  Elle  correspond  donc 
exactement  à  une  évolution  contemporaine  de  notre  art,  où  les 
contours  trop  arrêtés,  les  clartés  trop  crues,  les  explications  trop 
positives  ne  sont  plus  exclusivement  recherchées.  Evoquer  valant 
mieux  que  définir,  la  pantomime  apparaît  :  l'art  choisi  de  cette 
hetire. 

Remercions,  en  terminant,  la  direction  jeune  et  heureuse  de 
PAkazar,  de  gratifier  le  public  d'aussi  intéressantes  soirées  que 
les  présentes.  Au  public  à  répondre  par  une  assidue  et  nom- 
breuse présence. 


VENTE  DE  LA  COLLECTION  LEQUIME 

La  vente  de  la  collection  du  docteur  Lequime  a  produit 
84,500  francs.  C'est  peu,  quand  on  songe  aux  prix  étourdissants 
qu'ont  alleinl,  depuis  quelque  temps,  telles  galeries  réputées. 
C'est  beaucoup  pour  une  collection  qui  ne  se  composait,  k  qrffel- 
ques  exceptions  près,  que  d'œuvres  belges,  à  l'égard  desquelles 
MM.  les  marchands  de  tableaux,  MM.  les  experts  officiels  et 
MM.  les  conseilleurs  attitrés  d'achats  k  faire  professent  la  plus 
parfaite  indifférence. 

Il  y  avait  trois  ou  quatre  œuvres  que  l'Etal  eût  dû  saisir  avec 
empressement  l'occasion  d'acquérir.  En  première  ligne,  la  Con- 
valescente d'Agneessens,  la  Messe  de  Saint-Hubert  d'HippoIyte 
Boulenger,  le  Mirage  et  la  Baigneuse  de  Courbet.  Mais  l'Etat 
n'avait  pas  jugé  à  propos  de  se  faire  représenter  ^  la  vente.  Les 
membres  de  la  Commission  des  Beaux-Arts  se  reposaient,  sans 
doute,  des  fatigues  que  leur  occasionna  l'inslallaiion  de  la  nou- 
velle salle  du  Musée. 

Le   docteur  Lequime  s'est  vengé    spiriluellemenl  de    celle 


abstention  en  faisant  hommage  au  gouvernement  du  tableau  de 
Gustave  De  Jonghe  {les  Pèlerins)  dont  nous  avons  parlé  dans 
notre  dernier  numéro  et  qui  marque  la  première  étape  de  l'Art 
libre  auquel  était  principalement  consacrée  la  collection  aujour- 
d'hui dispersée. 

Une  lutte  assez  vive  s'est  élevée  entre  le  Musée  d'Anvers  et  un 
amateur  bruxellois  au  sujet  d'un  paysage  d'HippoIyte  Boulenger, 
/«  Petite  Faune,  qui,  finalement,  a  été  adjugé  au  prix  de 
9,000  franrs  à  M.  H.  Van  Cuiscm,  aux  applaudissements  de  l'as- 
semblée. C'est  le  chiffre  le  plus  élevé  atteint  par  la  vente.  Voici 
d'ailleurs,  eu  suivant  l'ordre  du  catalogue,  les  principales 
enchères  de  celte  vente,  qui  a  été  presque  un  événement  artis- 
tique : 

N"»  1.  Agneessens.  La  Convalescente,  2,800  fr.  (M.  De  Buck). 
3. ,        Id.  Tête  d'étude,  200  fr.  (M.  A.  Braun). 

i.  Artan.  Côtes  de  la  mer  du  Nord,  1,100  fr.  (M.  Deru). 
5.       Id.     Canal  à  Flessingue,  l,ioO  fr.  {M.  Wimenei). 
8.  Boulenger.  La  Petite  vanne,  9,000  fr.  (M.  Van  Cutsem). 

10.  Id.         La    Messe    de   Saint  -  Hubert,    3,700    fr. 

(M.  P.  Errera). 

11.  Id.         Vue  de  Dinaut,   1,250  fr.  (M.   F.   Vander- 

siraeten.) 

12.  ,  Id.        Inondation,  1,000  fr.  (M.  Toussaint). 

15.  Chabry.  Verger  le  soir,  450  fr.  (M™*  Keymolen). 

16.  CoijRBET.  Baigneuse  endormie,  1,300  fr.  (M.  Clarembaux). 

17.  Id.      La  Source  du  Lizon,  2,000  fr.  (M.  Vander- 

kelen). 

18.  Id.      Le  Lac,  1,800  fr.  (M.  Brame). 

19.  Id.      Le  Mirage,  7,600  fr.  (M.  Bareel). 

21.  Id.      Source  et  Roches,  2,000  fr.  (M.  Hèle). 

22.  Id.       Portrait  d'homme,  500  fr.  (M.  Vanderkelen). 

23.  Daubigny.  Bords  de  l'Oise,  4,100  fr.  (M.  Brame). 

25.  H.  De  Braekeleer.  Le  Dévideur,  650  fr.  (M.  Marcot). 

26.  Id.  Accessoires,  400  fr.  (M.  Bivori). 

27.  Id.  Cabaret  flamand,  l?>OfT  {M.  a.  BrzMTÎ). 

29.  Id.  Paysage,  425  fr.  (M.  Degheres). 

30.  Ch.  Degroux.  Les  Mendiants,  900  fr.  (M.  Marlier). 

31.  G.  DE  Jonche.  Les  Pèlerins,  donné  au  Musée  de  l'Etat. 

33.  L.  Dubois.  L'Eté,  460  fr.  (M.  Léon  Lequime). 

34.  Id.        La  Meuse  le  soir,  625  fr.  (M.  Michiel»). 

39.  FouRMOTS.  Paysage,  1,350  fr.  (M"»  Delplancq). 

40.  J.  GoETHALS.  Lei)er  de  soleil  à  Nieuport,  800  fr.  (M.  Ter- 

lioden). 

41.  Harpignies.  Chemin  creux,  1,200  fr.  (M.  Duioicl). 
43.  .  Idw  Eglis*d'Hérisson,lQO  h.  {M.  Brame). 
47.  Jongkind.  Intérieur  de  taverne,  775  fr.  (M.  Gosier). 

49.  Meunieiu  Lt  Ttrn,  525  fr.  (M.  Deru). 

50.  Id.       Le  Forgeron,  375  fr.  (M.  Willems). 
53.  Smits.  L' Eventail,  410  fr.  (M.  De  Buck). 

57.  Id.     Femme  à  k/orlue,  475  fr.  (M.  Keymolen). 

58.  Alfred  Stevens.  Jeune  femme  assise,  1 ,550  fr.  (M.  De  Buck). 

59.  Id.  Sphyiix  parisien,  1,400  fr.  (M.  Duloicl). 

60.  Joseph  Stevens.  Chien  à  la  tortue,  4,000  fr.  (M.  Vimenet). 

61.  Id.  Le  Griffon,  2,000  fr.  (M.  Duloicl). 

62.  Id.  Chien  du  Saltimbanque,  2,000  fr.  (M.  Cla- 

rembaux).^^" 

.   63.  Id.  Forge  à  Champigny,  1,900  fr.  (M.  Mar- 

lier). 

69.  Alf.  Verwée.  L'Etalon,  5,100  fr.  (M.  Devis). 

70.  Id.  Vaches  en  prairie,  2,500  fr.  (M.  Vimenet). 


n 


r 


VART  MODERNE 


117 


DESSINS,  ETC. 

74.  Ch.  Degroux.  Pèlerinage  d'Anderlechl,  450  fr.  (M.  Van 

Hoorde). 

75.  Id.  Eludede  femme  {pour  le  Bénédicité),  i5<)îr. 

(M.  A.  Braun). 

79.  X.  Mellery.  Lijsje  en  Trientje,  130  fr.  (M,  Broucz). 

80.  Rops.  Les  Laveuses  à  WaulsoH,  280  fr.  (M.  De  Buck). 
82.      Id.     Le  Botaniste,  375  fr.  (W.  P.  Errera). 

85.  Alf.  Stevens.  Miss  Elfried,  pastel,  510  fr.  (M.  S. Wiener). 

88.  Wauters.  La  Religieuse,  190  fr.  (M.  P.  Errera). 

89.  Henriquef.-Du    Pont.    Gravure    d'après    la    fresque   de 

P.  Delaroclie,  200  fr.  (M.  Vimenet). 
91.  P.    De    Vigne.    Tête    de    romaine,    bronze,    600    fr. 
/  (M.  De  Grecf). 

^2.  Vanderstappen.  La  Tragédie,  bronie,  600  fr.  (M.  Cla- 
rembaux). 


Vente  de  la  collection  Saulnier. 

Il  est  intéressant  de  rapprocher  les  résultats  de  la  vente 
Lequime  des  prix  atlcinls  par  douze  tableaux  de  maîtres  français, 
vendus  il  y  a  quinze  jours  chez  M.  Sedelmeyer  à  Paris.  Ces 
tableaux,  qui  avaient  fait  partie  de  la  galerie  de  M.  J.  Saulnier, 
à  Bordeaux,  avaient  été  racheiés  à  l'hôtel  Drouol,  en  1886,  par  la 
veuve  de  cet  amateur,  qui  les  avait  payés  75,660  fr.  Ils  viennent 
d'atteindre  137,305  fr.,  réalisant  ainsi,  en  six  ans,  une  plus-value 
de61,645fr.  ! 

Voici  le  détail  des  enchères.  Le  premier  chiffre  est  celui  de 
la  vente  du  5  juin  1886,  le  second  celui  de  la'  vente  du  25  mars 
1892  ; 

I.  Corot.  Paysage  aux  environs  de  Paris.  (2,550  fr.)  — 
4,300  fr.  Plus-value  :  1,750  fr. 

'   2.  Corot.  Souvenirs  de  Lariccia,  (7.300  fr.)  —  16,000  fr. 
Plus-value  :  8,700  fr. 

3.  Corot.  Jeune  fille  costumée  en  Grecque.  (1,100  fr.)  — 
4,500  fr.  Plus-value  :  3,400  fr. 

4.  Corot.  Souvenirs  d^Italie.  (3,300  fr.)  —  17,300  fr.  Plus- 
value  :  14,000  fr. 

5.  CovmET.  Effet  de  neige.  (900  fr.)  —  1,520  fr.  Plus-value  : 
620  fr. 

6.  Courbet.  Taureau  et  Génisse.  (4,000  fr.)  —  4,100  fr. 
Plus-value  :  100  fr. 

7.  Daubigny.  Plage  à  marée  basse.  (2,900  fr.)  —  4,700  fr. 
Plus-value  :  1,800  fr. 

8.  Delacroix.  Jésus  endormi  dans  la  barque  pendant  la 
tempête.  (14,000  fr.)  —  26,000  fr.  Plus-value  :  12,000  fr. 

9.  JoNGKiND.  Dans  le  port  de  Rotterdam.  (2,100  fr.)  — 
4,100  fr.  Plus-value  :  2,000  fr. 

10.  Millet.  La  Baigneuse.  (29,100  fr.)  —  48,000  fr.  Plus- 
value  :  18,900  fr. 

II.  Th.  Rousseau.  La  Forêt  de  Fontainebleau,  esquisse. 
(7,100  fr.)  —  6,400  fr.  Perte  :   700  fr. 

12.  Tassaert.  Portrait  du  docteur  X...  (1,310  fr.)—  385  fr. 
Perte  :  925  fr. 


Les  «  Papiers  ignorés  »  et  les  «  Publications  sourdes  ». 

Nous  lisons  dans  V Indépendance,  à  propos  de  la  première  de 
l'Intruse  ; 

«  Il  parait  que  le  génie  de  M.  Maeterlinck  fut  reconnu,  six 
mois  avant  que  M.  Mirbeau  ne  s'en  avisât,  par  des  personnes 
écrivant  dans  des  papiers  ignorés.  Leur  généreuse  initiative  n'e  il 
aucun  cffi'i.  C'est  ainsi  qu'on  fait  grand  tapage,  dans  des 
publications  sourdes,  de  gloires  nouvelles  et  de  terribles  exécu- 
tions, dont  aucun  écho  n'arrive  jusqu'au  public.» 

Ces  publications  sourdes,  —  où  opèrent  les  chourineurs  de 
l'écrituire,  une  expression  trouvée  par  M.  Frédérix,  —  sont 
évidemment  l'Art  moderne,  la  Jeune  Belgique,  [a  Société  nou- 
velle. C'est  là  que  le  cornac  ariislique  joufflu,  juché  sur  Téléphan- 
tesque  Indépendance,  a  été  jcié,  aux  applaudissements  des 
artistes,  en  bas  de  son  palanquin  d'opérette  et  abîmé  dans  le 
ridicule.  C'est  là  qu'on  a  coupé  les  ficelles  du  Coquelin  belge  et 
qu'on  a  vertement  reproché  à  cet  orphelin  de  Sainte  Beuve  son 
incompréhension  totale  de  la  lilléraure  de  son  pays. 

Aujourd'hui  qu'on  lui  a  arraché  de  la  tête  toutes  les  plumes  de 
paon  que  lui  ont  prêtées  S:iinie-Beuve,  Lemaîlre  et  le  lourd 
Sarcey,  et  que  sa  critique  est  devenue  aussi  nue  et  aussi  rase  que 
son  menton,  imité  de  celui  de  Sainte-Beuve  ou  de  Coquelin,  le 
pauvre  homme  cherche  5  étciftdre  les  lumières  qui  ont  éelairé  ses 
incapacités,  ses  prétentions  et  ses  pastiches.  Mais  Son  souffle  est 
devenu  impuissant  et  sa  manie  d'étcignoir  commence  à  rude-^ 
ment  faiblir.  En  vérité,  il  rend  les  armes. 

Oui,  Monsieur,  il  rend  les  armes.  Il  déclare  :  «  On  peut 
répéter  à  M.  Maeterlinck  ce  que  Victor  Hugo  disait  à  Baudelaire  : 
Vous  avez  doté  l'art  d'un  frisson  nouveau.  »  Qui  lui  a  donc 
donné  cette  clairvoyance  ?  Qui  lui  a  donc  mis  un  peu  de  com- 
préhension dans  sa  cervelle  routinière  ?  Qui  a  rallumé  un  peu  de 
vie  intellectuelle  nouvelle  sous  ce  crâne,  à  qui  ne  manquait  que 
la  perruque  ?  C'est  nous,  les  papiers  ignorés,  c'est  nous,  les 
publications  sourdes  qui  avons  opéré  cette  transformation,  au 
sujet  de  laquelle  nous  envoyons  au  critique  de  l' Iiidépendance 
nos  félicitations  les  plus  chaudes.  Mais  l'ingrat  nous  en  veut  pour 
les  bienfaits  dont  nous  l'avons  comblé.  Il  raille  ceux  qui  l'ont 
rajeuni  et  cherche  à  mettre  à  l'ombre  ceux  qui  ont  fait  son 
éducation  artistique.  C'est  très  humain,  cela,  et  il  fallait  s'y 
attendre. 

Mais,  croyez-vous  bien  que  les  terribles  exécutions  n'arrivent 
pas  jusqu'au  public?  Les  publications  sourdes  ne  sont  ni  politi- 
ques, ni  commerciales,  ni  financières.  Elles  ne  sont  qu'artistiques 
et  les  exécutions  font  grand  tapage  dans  le  monde  qui  s'occupe 
des  choses  d'art.  Ce  public  est  le  seul  qui  importe,  d'ailleurs. 

La  Jeune  Belgique  n'a  pas  démoli  la  Maison  G.  F.  C.  T.  pour 
amuser  des  boursiers,  ou  pour  faire  rigoler  le  tailleur  de  .M.  Fré- 
dérix ou  le  chapelier  de  M.  Tardieu.'^Et  d'ailleurs,  M.  Frédérix, 
allez  donc  voir  au  Cercle  Artistique,  chez  vous,  où  vous  prenez 
vos  airs  supérieurs,  quels  sont  les  journaux  les  plus  lus  ?  Ce  sont 
ceux  précisément  qui  vous  exécuti'nl  et  qui  vous  fessent.  On  se  les 
dispute.  A  la  fin  de  la  semaine,  ils  ont  été  tellement  manipulés 
qu'ils  ne  tiennent  plus  ensemble. 

Assurément,  Monsieur,  les  papiers  ignorés  arrivent  au 
public  bien  plus  que  vous  ne  le  pensez.  Ils  ont  fait  réfléchir, 
ainsi  que  vous,  les  Renory  et  autres  qui  s'ébaudissaient  dans  leur 
incompréhension  des  œuvres  jeunes;  et  si  on  n'en  parle  pas  dans 


118 


L'ART  MODERNE 


votre  monde,  quand  vous  ôlcs  préscnl,  c'est  par  pure  politesse, 
sans  doute,  et  aussi  par  respect  pour  un  ancien,  qu'on  ne  doit 
éreintcr  que  lorsque  l'Art  le  commande,  ou  qu'il  carre  son 
sexagénairisme  à  l'cnconire  du  bataillon  des  jeunes. 


JERUSALEM 

La  Réforme,  grâce  au  destin,  n'a  pas  que  des  Georges  Renory. 
Voici  en  quels  termes  humoristiques  et  d'art  jeune  elle  rend 
compte  de  la  première  représentation  do  Jérusalem  .- 

«  Ceci  est  l'un  des  joyaux  les  plus  parfaits  du  répertoire  qui  a 
fait  la  fortune  des  fabricants  d'orgues  de  barbarie  et  d'orcliestrions. 

On  n'imagine  pas  l'effet  de  carnavalesque  gaîlé  qu'a  produit 
l'exhumation  peu  justifiée  de  cette  vieille  machine,  avec  ses  cor- 
tèges, avec  ses  pas  redoublés  où  les  cuivres  font  dominer  la  note 
canaille  et  platement  vulgaire,  avec  ses  fanfaresques  ballets  et  ses 
ensembles  tumullueux.  El  cette  Polonaise,  chaulée  en  Palestine, 
dans  le  désert  brûlant,  au  milieu  de  pèlerins  affanriés  et  mourant 
de  soif,  est  assez  joyeuse, et  tous  ces  taratata  et  ces  Zin'g'laboum 
bien  sentis. 

Ce  qui  ajoute  encore  à  la  drôlerie  de  ces  choses-là,  c'est  que 
tout  se  passe  devant  la  rampe,  que  les  chanteurs,  presque  cons- 
tamment les  bras  levés  au  ciel,  les  yeux  écarquillés,  la  bouche 
démesurément  ouverte,  hurlent  les  absurdités  du  livret  en  grima- 
çant comme  des  gens  qui  souffrent  véritablement. 

Que  d'études  de  mûchoires  en  une  soirée! 

Le  public  spécial  qui  aime  ces  opéras,  qui  lient  b  ce  que  les 
artistes  crient  comme  des  sourds  ce  qu'ils  pourraient  se  borner  à 
chanter,  el  qui  d'habitude  mesure  son  enthousiasme  aux  efforts 
dangereux  que  font  les  malheureux  interprètes  pour  donner  le 
plus  de  force  possible  à  leurs  cris  aussi  aigus  qu'inarticulés,  le 
public  cruel  a  beaucoup  applaudi  M"«  Chrétien  qui  a  rempli  son 
rôle  avec  toute  la  vigueur  de  poumons  dont  elle  est  capable  sans 
faillir;  M.  Dinard,  qui  de  basse  chantante  qu'il  élail,  s'est  impro- 
visé basse  ^fôrôndêTnonlans'  succès;  M.  DupèyrôiïTIôhT  là  Vôîx 
est  toujours  résistante;  MM.  Seguin,  Sentein,  Isouard  et 
M"«  Corroy. 

Quelle  belle  soirée  et  quelle  belle  fôte  pour  l'esprit! 
Si  après  cela  tous  nos  Beckmesser,  ces  descendants  dégénérés 
de  l'antique  race  des  Masuirs,  ne  sont  pas  dans  un  étal  de  béati- 
tude complète,  il  sera  bien  difficile  de  les  satisfaire. 

Lundi,  pendant  que  la  musique  digoslive  et  peu  inquiétante  de 
Jérusalem  charmait  les  vieux  habitués,  le  Tannhmser  élail 
représenté  pour  la  première  fois  au  Théâtre  de  Lyon.     F.  L.  » 


^CCUpÉg    DE    RÉCEPTION 

Dominical,  par  Max  Elskamp,  lire  li  3  ex.  sur  Japon,  100  sur 
Hollande,  tous  numérotés,  orné  d'un  dessin  de  H.  Van  de  Vclde  ; 
Anvers,  J.-E.  Buschmann.  —  Histoires  Bourgeoises,  par 
Gustave  VANZVPii;  Bruxelles,  Fcru.  Iloton.  —  Ln  Dupe,  comédie 
en  cinq  actes  par  Georges  Ancey,  représentée  au  Théâtre  Libre  ; 
Paris,  Tresse  et  Stock.  —  Œuvres  de  F.-W.  Goethe  :  Faust 
(deuxième  partie),  traduction  nouvelle  par  Ca.mii,i,e  Benoit;  Paris 
A.  Lemcrre.  —  Le  Jardin  de  l'âme,  par  Fernand  Rolssef.  ; 
Malines,  Godonuc.  —  L'idée  de  Dieu  d'après  l'anthropologie  et 
l'histoire,  conférences  faites  en  Angleterre  par  le  comte  Gobi.et 


d'Ai.viem.a  ;  Bruxelles,  librairie  européenne  Muquardt.  «(La 
brochure  que  nous  avons  analysée  dans  notre  dernier  numéro  : 
Des  méthodes  qui  permettent  d'atteindre  le  développement  pré- 
historique des  religions,  forme  le  premier  chapitre  de  celte 
importante  élude.)  

CONSERVATOIRE  DE  LIÈGE 

(Troisième  concerl) 

Seul  M.  Radoux  dispose  à  Liège  de  ressources  et  d'éléments  suf- 
fisants pour  monter  des  œuvres  qui  nécessitent  le  déploiement  de 
'  l'orchestre  el  de  voix  nombreuses,  chœurs  bien  fournis  el  solistes. 
Sa  tâche  est  de  nous  faire  connaître  de  pareilles  œuvres.  Il  l'a 
compris,  nous  lui  en  savons  gré. 

Au  concerl  dernier  il  avait  donné  une  suffisante  exécution  de 
V  Oratorio  à  sainte  Cécile  de  ttaenâd. 

Celle  fois  nous  écoutions  le  Requiem  de  Brahms. 

De  haute  envergure,  ce  Requiem  qui  se  développe  lentement, 
austère,  uniformément,  sans  que  nulle  partie  soit  dramatisée. 

11  est  pénétré  d'un  sentiment  religieux  profond,  intense.  L'in- 
spiration sévère  ne  faiblit  pas.  Pas  de  sensibleries  dans  la  dévo- 
tion, pas  de  faciles  attendrissements  ni  de  fades  prières,  rien  de 
banal,  rien  d'artificiel;  une  pensée  solide  qui  s'élève  très  haut, 
sereinq  souvent,  puissante  toujours. 

C'est  l'œuvre  d'une  âme  forte  qui  ne  conçoit  qu'une  religion 
très  pure  el  très  grande. 

Peu  l'auront  goûtée  :  Brahms  n'est  pas  de  ceux  qui  flattent  le 
public. 

L'exécution  élail  bonne,  je  dirai  excellente  presque,  n'étaient  les 
pileux  solistes  qu'il  nous  a  fallu  écouter.  11  eût  mieux  valu  faire 
chanter  les  soli  par  les  élèves. 

L'orchestre  el  les  choeurs  ont  bien  marché;  ils  ont  eu  de  l'ho- 
mogénéité el  même  de  l'ampleur. 

En  raison  de  l'exécution  du  Requiem,  nous  pardonnerons  à 
M.  Radoux  la  seconde  partie  du  concert. 


TROISIÈME  REPRÉSENTATION  DU  THÉÂTRE  D'ART  A  PARIS 

[Correspondance  particulière  de  i/Art  moderne.) 

11  est  certain  qu'au  théâtre  les  fautes  contre  l'harmonie  parti- 
cipent de  la  rudesse  constitutive  du  genre  art  dramatique  cl  de 
la  perspective  exagérée  de  toute  mise  en  scène,  pour  n'en  appa- 
raître que  plus  choquantes.  Cependant,  on  peut  dire  que  généra- 
lement les  directeurs  les  évitent,  M.  Paul  Fort  cxccplé.  Aussi,  h 
cette  représentation  du  Théâtre  d'AVt,  le  rire,  toujours  causé  par 
un  manque  quelconque  d'harmonie,  le  rire  secoua  l'assemblée 
des  spectateurs.  On  reconnut  que  la  scène  du  Théâtre  d'Applica- 
tion, k  peine  suftisante  pour  encadrer  Yvette  Guilbert,  ne  pouvait 
contenir  tout  l'Olympe,  —  et  l'on  rit.  Au  numéro  3,  Interprétation 
du  premier  chanl  lie  l'Iliade,  les  acteurs  apparurent  pour  la 
plupart  avec  des  barbes  de  carnaval,  des  costumes  à  l'avenant; 
l'un  d'eux  joua  trois  rôles  différents  sous  les  mêmes  oripeaux  ; 
Jupiter  tonna  en  pourpoint  Louis  .XIII,  —  et  l'on  rit. 

Au  numéro  2,  Scènes  tirées  du  Vcrcingélorix  de  M.  Edouard 
Schuré,  le  pitoyable  grand  chef  des  cent  (êtes  fit  un  son  funeste 
à  tous  les  R  des  vers  qu'il  débitait,  el,  pour  celle  fois,  l'inierpré- 
talion  fut  au  niveau  de  l'œuvre. 

Par  bonheur,  la  pièce  ésotérique  de  M.  Jules  Bois  (numéro  1), 


,  Kçnrjî^^W^.JJi 


i;art  moderne 


119 


Les  Noces  de  Sathan,  n'eul  pas  à  subir,  au  poinl  de  vue  de  la 
mise  en  scène,  d'aulre  anicroche  qu'un  rclard  assez  fréquent, 
causé  par  une  machination  un  peu  primitive  dans  les  change- 
ments de  décors  ;  aussi  fut-elle  écoutée.  L'idée  mèro  de  ce  drame  : 
la  rédemption  du  Mal  (Saihan)  par  l'Amour  (Psyché),  ne  semble 
pas  développée  dans  un  but  scénique,  et  la  pièce,  assez  littéraire, 
gagne  à  la  lecture. 

En  dépit  d'un  public  de  joyeux,  recrutés  on  ne  sait  où  pour 
garnir  la  salle,  on  a  pu  prendre  plaisir  à  certains  vers  de 
MM.  Meinolte  et  Méry,  adaptateurs  de  VIliade,  et  une  soirée  sur 
deux  (1)  à  la  musique  de  M.  Fabre,  teintée  d'archaïsme  et  adé- 
quate aux  passions  héroïques  magnifiées  par  Homère. 

^^_^^  Ed.  C. 

ipiBLIOQRAPHlE     MUSICALE 

Les  éditeurs  Novello,  Ewer  et  C*  (Londres  et  New-York) 
viennent  de  faire  paraître  une  suite  de  six  morceaux  pour  violon- 
celle, avec  accompagnement  de  piano,  par  J.  Holi.man,  le  virtuose 
réputé.  Ces  œuvres  nouvelles,  où  s'allie  à  la  connaissance  parfaite 
de  l'instrument  un  joli  sentiment  mélodique,  varieront  agréa- 
blement le  réperioire  des  violoncellistes,  que  Popper  absorbe  trop 
exclusivement.  Légende,  Pizùcali,  Aubade,  Atidante,  Petite 
Valse,  Tarentelle,  tels  sont  les  litres  des  six  compositions  de 
M.  HoLLMAN,  qui  toutes  sont  intéressantes  et  bien  écrites. 


Petite  chro^iique 


Nous  rappelons  à  nos  correspondants  que  nous  ne  pouvons 
donner  suite  aux  communications  et  demandes  de  renseignements 
non  signées.  

Deux  représentations  exira ordinaires  seront  données  au  Théâtre 
du  Parc,  jeudi  et  samedi  prochains,  par  M.  Mounei-Sully, 
M"*  A.  Dudiay,  sociétaires,  ei  les  autres  inierprètes  du  Théâtre- 
Français. 

Les  spectacles,  pris  au  répertoire  chissiqui',  se  composeront 
le  premier  soir  A' Andromaque,  le  second  soir  de  Pulyencte. 

Chaque  spectacle  sera  préi'éilé  d'une  conférence  de  M.  Larrou- 
met,  membre  de  ITusiitul.  La  première  sera  consacrée  à  Racine, 
la  seconde  à  Corneilli!.  , 

La  deuxième  séance  musicale  de  MM.  Crickbonm,  K<'fer,  Sar- 
toni  et  Gi'Ieiesl  fixée  au  lundi  25  avril,  b  8  1/2  heures.,  à  la  Salle 
Marugg.  Elle  aura  lieu  avec  le  couc-ours  d(!  M"»  Irma  Sclhe,  vio- 
lonisie,  et  de  M.  Auguste  Picrret,  le  jeune  pi.l^i^le  parivien  qui  a 
si  heureusemcni  débuié  feue  année  aux  CMicirs  des     X. 

Au  programme  :1e  qu;itui>r  pour  f)i:iiio  ei  iiisirunieiiis  h  cordes 
de  Vincent  d'iiidy,  le  qu  Muor  en  jn  mineur  (op.  95)  d.-  Beetho- 
ven, k;  coucerio  de  Bach  pour  deux  violons,  la  soniiie  de  Haendel 
pour  violon,  etc.  > 


Le  quairième  et  dernier  concert  populaire  aur.i  lieu,  sous  la 
direclion  de  M.  Joseph  Duponi.  le  miirdi  3  imii,  len  leinain  de  la 
fermeture  du  Théâtre  cle  la  .Mnntiaic.  On  y  eiit''nilni  //(  Mer  de 
M.  Gilson  (redemiindé)  et  le  troisième  acte  de  Pnrsiffil  (>oli, 
chœurs  et  orchestre).  

M.  Ad.  Samuel,  directeur  ihi  Conservatoire  île  Garni,  qui  a  con- 
sacré hier  à  la  musicjue  belge  (p.  Lebrun,  J.  J.i.-oh,  ['.  Servais, 
E.  Mathieu  el  A.  SiadlVll)  smi  dciixiènie  cnn -i-rl.  se  |irii|in-e 
d'ouvrir  la  saison  procli;iiiii'  par  un  t'es  iv.il  Vnieent  d'Imiy.  snns 
la  direction  de  l'auteur.  Il   fi'iiil  entendre   Wullfuslivi,   \.\Sijiii- 

(1)  A  la  répétition  générale,  les  musiciens  s'esquivèrent  avant 
l'heure. 


plionie   pour  orchestre  et  piano,  le  Lied  pour 
orchestre  el  un  tableau  du  Chant  de  la  Cloche. 


violoncelle  et 


A  PROPOS  DU  Canard  sauvage.  —  Voici  comment  Ibsen  donne 
lui-même  le  secret  de  son  art  étrange  :  «  Vivre,  c'est  combattre 
avec  les  êtres  fantastiques  qui  naissent  dans  les  chambres 
secrètes  de  notre  âme  et  de  notre  cerveau  ». 


On  sait  comment  l' Indépendance  s'efforce  de  maltraiter  l'art 
jeune.  Tout  nouveau-venu  dans  l'art  est  pour  elle  un  monstre. 

Régulièrement,  il  est  vrai,  l'événement  démontre  à  celte  vieille 
prophétpsse  ce  que  valent  ses  pronostics. 

Mais  ce  qui  est  curieux,  c'est  qu'elle-même  conteste  invariable- 
ment, en  termes  émus,  l'injustice  des  anathèmes  imbéciles  qui 
accueillent  les  apparences  de  neuf. 

En  voici  encore  un  exemple  emprunté  à  ses  colonnes  : 

«  Un  souvenir  curieux  à  propos  du  grand  poète  américain  Walt 
Whitman,  dont  nous  avons  annoncé  hier  la  mort 

Delà  première  édition  Ac  Leaves  of  Grass,  œuvre  dont  la 
puissante  originalité  est  aujourd'hui  universellement  reconnue, 
pas  un  seul  exemplaire  ne  se  vendit.  Les  journaux  en  parlèrent, 
mais  en  des  termes  si  méprisants  qu'ils  en  dégoûtèrent  le  public 
acheteur.  Seul  le  grand  écrivain  Emerson,  auquel  l'auteur  avait 
envoyé  un  exemplaire,  en  comprit  immédiatement  la  beauté  et 
écrivit  à  Walt  Whitman  une  lettre  déclarant  qu'il  n'avait  jamais  lu 
d'aussi  incomparables  choses  écrites  de  façon  aussi  incomparable, 
et  prédisant,  pour  terminer,  au  poète  :  «  un  illustre  avenir  ». 

Mais  c'est  ta  propre  histoire,  ô  Indépendance  ingénue,  que  lu 
nous  racontes  là!  Cela  va  l'arriver  pour  Ibsen,  Maeterlinck, 
Seurat,  et  vingt  autres.  

M.  Maurice  Desombiaux  a  donné  dernièrement  au  Cercle  artis- 
tique et  littéraire  de  Gand  une  conférence  sur  les  Lettres  belges 
contemporaines. 

Après  avoir  fait  le  bilan  des  sottises,  largement  rétribuées,  de 
nos  bardes  officiels,  el  constaté  l'indigence  et  la  méchanceté  de  la 
critique  des  pontifes  de  la  presse  quotidienne,  le  conférencier  a, 
par  des  exemples  tirés  de  prosateurs  et  de  poètes  de  la  généra- 
lion  nouvelle,  montré  le  caractère  exclusivement  national  des 
écrivains  belges. 

il  a  fait  l'historique  de  ce  magnifique  mouvement  littéraire  qui 
s'est  produit  chez  nous  depuis  quelques  années  el  montré  les 
résultats  déjà  glorieux  de  celte  renaissance.  Ce  n'a  pas  été  sans 
un  certain  éionnement  que  le  public  du  Cercle  artistique  et  litté- 
raire (le  Gand  a  entendu  parler  de  nos  jeunes  artistes,  lui  que 
M,  Frédérix  enirelenait  récemment  de  Georges  Sand  ! 

Les  journaux  gantois  constatent  le  succès  obtenu  par  M.  Maurice 
Desombiaux. 

Nous  félicitons  le  conférencier  d'avoir  porté  la  bonne  parole 
dans  celle  ville  qui  n'a  jamais  eu  l'air  de  se  douter  de  l'existence 
d'artistes  lels  que  MM.  Maurice  Maeterlinck  el  Charles  Van  Ler- 
berghe,  des  Gantois.  

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2  heures,    M.  H.  Pergameni  :    Les  Français  au    Tonkin;  à 

3  heures,  M"'^  A.  Chaplin  :  Modem  writers.  —  12  avril, 
à  2  heures,  M.  E.  Verhaeren  :  Gustave  Moreau.  Résumé  du 
cours.  —  13  avril,  à  2  heures,  M.  H.  Pergameni  :  La  Société  au 
XVIII"  siècle.  —  14  avril,  à  2  heures,  M.  H.  Lonchay  ;  Résumé 

,  du  cours;  à  3  heures.  M""  J.  Tordeus  :  Haraucourt.  La  Passion. 


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Bruxelles.  —  Imp.  V«  Monhom,  32,  rue  de  l'Industrie. 


,  ■;',•,,  I  .•-;'?f  ?sii^7e^:'>y  î?5^ff^7f^, 


Douzième  année.  —  N"  16. 


Le  numéro  :  25  c^-ntimes. 


Dimanche  17  Avril  1892. 


/^. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an.   fr.   10.00;  Union   postale,    fr.    13.00     —ANNONCES  ;    On  traite  à  forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
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Cycle  patibulairk,  par  Georges  Eekhoud.  - —  Exposition  de  cin- 
quante chefs-d'œuvre  belges.  —  Collection  Van  Branteghem.  — 
Emile  Garbet.  —  Dames  de  Volupté,  par  Camille  Lemonnier.  — 
Accusés  de  réception.  —  Au  Conservatoire.  —  Au  Conservatoire 
DE  Gand.  —  Nouveaux  concerts  liégeois.  —  A  Namur.  Erposition 
Th.  Baron.  —  Bibliographie  musicale.  —  Petite  chronique. 


Cycle  patibulaire 

PAR  Georges  EEKHOUD 

Dans  l'œuvre,  déjà  si  considérable,  de  Georges 
Eekhoud,  ce  dernier  livre  :  Cycle  patibulaire,  appa- 
raît le  plus  passionnel. 

Deux  éléments  essentiels  caractérisent  l'art  d'Eek- 
houd  :  une  nostalgie  intense  et  angoissée  de  sa  terre 
patriale  et  un  amour  ardent  des  humbles  et  des  parias. 

Sa  terre  patriale,  c'est  une  plaine  fruste  du  pays  cam- 
pinois  et  du  pays  des  polders.  Elle  apparaît  avec  ses 
landes,  ses  bois  mystiques  de  sapins,  ses  pacages  bour- 
beux, ses  garigues,  ses  sablons  tachés  de  genêts  d'or, 
ses  nappes  de  bruyères  vineuses,  avec  ses-  villages 
pauvres  et  sauvages  et  ses  marais  aux  tragiques  ves- 
prées..  Une  sorte  de  pays  maudit  et  désolé,  où  l'on  ne 
rencontre  jamais  de  prairies  aux  gras  tapis  tachés  de 


fleurs  et  plantés  de  rouges  pommiers,  et  où  les  moulins 
à  vent  juchés  sur  les  sables  semblent  broyer  l'âpre  et 
noire  malchance  de  la  contrée. 

Ses  humbles,  ses  parias,  ce  sont  d'abord  les  paysans 
de  ces  pays,  lès  patauds  sans  urbanité,  les  ruraux 
pétris  de  ces  terres  avares  et  de  ces  sablons  mélanco- 
liques, et  leurs  femmes,  leurs  compagnes  de  charroi  : 
des  «  trayeuses  sans  préjugé  »>.  Puis,  c'est  toute  la  race 
de  ces  «  las-d'aller  »  déjà  célébrés  en  un  «onte  des 
Nouvelles  Kermesses,  les  pensionnaires  d'Hoogstraeten 
et  de  Merxplas,  les  va-nu-pieds  des  routes  avec  leurs 
"  beaux  yeux  de  violateurs  et  de  vagabonds,  des  yeux 
fugaces  et  chatoyants  comme  le  vent,  l'onde  et  les 
nuages,  de  ces  yeux  où  se  mire  la  poésie  héroïque  des 
grands  chemins  ». 

Dans  le  nouveau  livre,  cet  amour  d'une  région  natale 
fait  jeter  à  l'écrivain  des  cris  fervents  d'angoisse  :  «  S'il 
n'existe  point  de  mal  comparable  à  la  nostalgie,  qu'on 
se  représente  ce  supplice  :  endurer  l'exil  dans  son  propre 
pays.  Cette  peine,  que  ne  connaîtront  jamais  les  incon- 
scients bâtards  et  les  papillons  cosmopolites,  ronge  et 
dévore,  comme  une  consomption  morale,  beaucoup 
d'altières  et  nobles  âmes,  seuls  enfants  légitimes  de  la 
patrie  -. 

Et  plus  loin  la  voilà  dite  encore  en  beau  lyrisme,  cette 
passion  maîtresse  et  d'une  pureté  si  cordiale  :  "■  ...  0!  le 
trop  ineffable  moment  où  l'odeur  des  brûlés  me  surprit, 


y 


apportée  par  la  brise  matinale!  Je  dus  ni'arrèter.  ma 
respiration  s'embarrassait,  je  chancelai  éperdu,  enivré, 
oui,  litéralement  saoul.  Et  plus  je  liumais  l'incompa- 
rable arôme,  plus  ma  poitrine  se  gonflait,  plus  mes 
oreilles  bourdonnaient,  plus  je  me  sentais  défaillir. 
M'étant  engagé  dans  le  premier  bois  de  sapins,  ce  fut 
une  autre  béatitude.  Je  tombai  iKgenoux  comme  ;i 
l'église,  je  remerciai  Dieu  à  haute  voix* —  j'ai  dû  crier 
comme  un  fou  —  de  m'avoir  accordé  cette  gn\ce  sans 
pareille  :  retrouver  mon  beau  pays.  Et  le  rouge  soleil 
levant  parut  s'avancer  vers  moi  pour  me  commu- 
nier!. .  " 

Ces  phrases  sont  d'une  charmante  idylle  :  Commu- 
nion nostalgique.  Mais  la  Campine  est  contée  plus 
véhémentement.  Le  Jardin  —  cette  histoire,  haute  en 
ton,  d'un  amour  robuste  et  calme,  éclos  comme  une 
plante  maraîchère,  sainement  germée  dans  les  plates- 
bandes  d'un  Mes  de  village,  et  charnellement  épanouie, 
sans  heurt,  sans  secousse  —  est,  lui,  une  idylle  aussi, 
une  idylle  rouge,  d'un  rouge  brutal,  peut-être,  mais  qui 
amène  la  paix  et  qui  est  comme  cet  amour  même  là 
conté  :  «  Qui  me  définira  ta  beauté  copieuse  et  tes 
charmes  si  bien  ordonnés,  jardin  élu  des  rêves?  Du 
jour  où  tu  connus  le  jeu  d'amour,  mon  aimée,  tu  le 
jouas  avec  la  conscience  que  tu  apportais  à  ce  beau  tra- 
vail profitable,  aux  fonctions  saines  et  rémunératrices 
de  la  vie  rurale  ».  Et  Partialité  est  une  nouvelle 
inquiète,  remplie  d'un  malaise  morbide,  où  sourd  un 
feu  étrange,  attisé  par  le  souffle  "  des  faces  mystérieuses, 
délicieusement  énigmatiques,  des  braves  bagaudes  cam- 
pinois,  de  ces  faux  apathiques,  aux  félins  et  inquiétants 
sourires,  aux  poses  languides,  aux  lents  regards 
capons  »,  et  aussi  par  un  ciel  d'orage,  à  «  l'horizon 
plombé,  opaque  tout  d'une  teinte,  traversé  d'obliques 
éclairs  et  de  fallacieux  coups  de  soleil  ! .  .  " 

Mais  où  la  passion  brûlante  de  l'artiste  s'exacerbe  et 
s'irrite,  c'est  lorsqu'il  fait  surgir  dans  des  décors  frustes 
les  dépenaillés  de  la  vie,  les  irréguliers,  les  pas-de- 
chance.  Alors  son  amour  des  humbles  ouvre  de  grandes 
ailes  de  douleur,  de  miséricorde,  de  grandes  ailes  qui 
se  tordent  et  qui  saignent  dans  un  ciel  «  patibulaire  ". 
Il  reporte  son  ardente  sympathie  pour  sa  glèbe  rèche, 
mélancolique  et  sauvage  sur  ces. parias,  qui  eux  aussi, 
comme  le  pays  des  garigues,  sont  râpés,  eff'arés,  souf- 
frants et  dont  "  les  teints  basanés  sont  ragoûtants 
comme  le  pain  de  seigle  ".  De  même  qu'il  a  exalté  sa 
terre,  ainsi  il  magnifie  les  souffre-douleur,  et  comme  il 
regrette  les  landes  où  croissent  les  genêts  avares,  il 
professe  une  sorte  de  nostalgie  du  grabat  des  humbles 
et  des  soupentes  de  tapis-franc. 

Ces  misérables,  ces  anonymes  des  prisons  et  des 
pénitenciers,  Eekhoud  les  fait  se  dresser  pantelants 
d'une  vie  hors  la  loi,  haletants  de  révolte,  ces  sombres 
corvéables  de  l'existence,  qui  sont  comme  les  fauves  de 


riiunuinité,  oui,  des  fauves,  tels  sont  Ici^  principaux 
acteurs  de  ce.«^  nouvelles  fulgurantes.  Ils  ont  les  yeux 
câlins  ou  furieux  des  bêtes  de  proie,  leur  souplesse,  leur 
soif  de  liberté  et  d'air,  leur  grâce  primitive  et  leur  agilo 
élégance.  C'est  tels  que  d'un  doigté  fervent  l'artiste 
modèle  leurs  corps  lurons,  et  c'est  ainsi  qu'il  les  analyse  : 
"  Je  goûte  les  plis  et  la  patine  dont  les  guenilles  bou- 
canent ton  corps;  elles  lui  font  un  fauve  et  croustilleux 
pelage,  leur  couleur  saurette  s'harmonise  avec  ta  per- 
sonne errante  et  galopée,  ces  haillons  sont  trop  impré- 
gnés de  toi  pour  que  j'en  évite  le  frôlement  et  que  je 
répugne  à  leur  fumet  sauvage!  Mais  écarte  pour  cette 
fois  l'inséparable  et  plastique  défroque,  car  d'autant 
plus  douce  à  ton  égard  que  tu  as  été  flétrie  et  foulée,  ô 
victime,  je  veux  oindre  à  mes  papilles  les  meurtrissures 
des  menottes,  des  pouçettes,  des  ceps  et  des  camisoles 
de  force  que  t'infligèrent  les  policiers  et  la  chiourme  ;  te 
venger,  à  force  de  samaritaines  caresses,  de  leurs 
infâmes  et  outrageantes  mensurations,  du  joug  abomi- 
nable de  la  toise,  do  leurs  attouchements  cyniques  et 
glacés,  de  leurs  rudes  et  crispantes  manipulations  ;  épe- 
1er  aux  accidents  de  ta  chair  les  tatouages,  hiéroglyphes 
de  tes  stupres,  et  les  déclarations,  plus  eff'rénées  encore, 
dont  te  lardèrent,  à  coups  de  couteau,  des  partenaires 
exigeants  et  jaloux!.  .  Viens,  je  serai  ta  femelle  expia- 
toire, ton  instrument  de  représailles,  ton  amour  rédemp- 
teur, ton  extrême-onction  !  « 

Dans  les  dernières  nouvelles  du  livre  :  Croix  proces- 
sionnaires,le  Moulin- Horloge,  Blanchelive...  Blan- 
chelivette,  le  Quadrille  du  Lancier,  la  chair  du  gibier 
des  geôles  et  des  pénitenciers,  la  viande  des  gueux  est 
ainsi  prônée  en  une  sorte  de  panthéisme  bizarre,  vio- 
lent, acide,  pétant  de  picrate,  strié  d'éclairs  troublants 
et  suffoquants;  et  l'artiste,  nerveusement,  d'un  doigt  de 
feu,  touclfe  au  fond  de  ces  âmes  à  la  dérive  et  décrit 
magnifiquement,  d'une  envolée  diabolique,  les  amours 
étranges  et  équivoques  de  ces  colonies  de  mendiants  et 
de  frelampiers  :  "  L'atmosphère  y  régnait  plus  suffo- 
quante que  l'ozone  et  plus  délétère  que  la  mofette.  De 
livides  désirs  crépitaient  à  fleur  de  peau  comme  les  feux 
follets  sur  la  tourbière.  Ici,  le  feu  de  l'enfer  prévalait 
contre  le  feu  du  ciel,  car  nulle  part  ailleurs  les  sala- 
mandres des  ardeurs  maudites  et  des  lacs  asphaltides  ne 
se  traînaient  et  se  mêlaient  avec  autant  d'effronterie...  •• 
Alors  une  pitié  sublime  saisit  le  poète  pour  toutes  cos 
ardeurs  de  la  chair;  les  souff'rances  et  les  tortures  do 
ces  héros  des  routes,  des  ruisseaux,  des  banlieues,  des 
cellules  flagellent  son  propre  cœur.  Le  Moulin-Horloge , 
«  broyant  aux  infâmes  le  pain  de  l'expiation  »  le  poigne 
par  sa  damnation,  l'enivre  par  sa  dissolvante  atmo- 
sphère :  "  Depuis  ma  confrontation  avec  ce  mirifique 
phénomène  du  moulin-horloge,  mon  pain  a  contracté 
une  amertume  indélébile  •>.  Et  enfin,  l'épique  dénoue- 
ment du  Quadrille  du  Lancier  achève  cette  apothéose 


■f^^,-.  '^  wjjsgf  î^^g);" 


L'ART  MODERNE 


123 


d'un  panthéisme  de  la  chair,  par  quelques  pages,  certes, 
malgré  leur  infernale  audace,  aussi  pures  que  le  mar- 
tyre d'un  saint  Sébastien  signé  d'un  nom  gothique.  La 
beauté  sereine  —  voire  surhumaine  —  de  la  mort  de  cet 
éphèbe  nu  devenu  la  proie  de  harpies  de  banlieue,  clôt 
le  livre  par  un  signe  de  croix  étrange,  par  une  sorte  de 
crucifiement  rédempteur  à  la  fois  et  damné.  C'est  l'art, 
en  sa  toute-puissance,  en  sa  sublime  générosité,  relevant 
un  ange  déchu  et  le  protégeant  par  la  blanche  excuse 
de  sa  magie,  qui  fait  surgir  des  chairs  les  plus  coupables 
et  les  plus  maudites  des  rayons  de  lumière.  C'est  la  Chair 
faite  Verbe,  et  le  Verbe  transfigure,  sanctifie  et  épure. 
C'est  la  Poésie  qui  sème  dans  les  champs  proscrits  et 
morbides  et  en  recueille  d'indicibles  et  précieuses  mois-i 
sons. 


Exposition  de  cinquante  chefs-d'œuvre  belges. 

Nous  avons  reçu,  à  propos  de  notre  article  sur  l'Agiotage  artis- 
tic/ue  (1),  plusieurs  lettres  de  collectionneurs  et  d'artistes,  qui,  tous, 
approuvent  nos  conclusions  et  nous  demandent  instamment  de  donner 
suite  à  l'idée  que  nous  avons  émise  au  sujet  d'une  exposition  publique 
de  Cinquante  chefs-d'œuvre  d'artistes  belges.  Plusieurs  collection- 
neurs ont  mis  à  notre  disposition  les  tableaux  qu'ils  possèdent.  Nous 
remercions  nos  correspondants  et  publions  la  plus  intéressante  des 
communications  qui  nous  ont  été  adressées. 

Monsieur  le  Dircclcur  de  l'Art  moderne, 

Excellente  idée  que  celle  émise  dans  votre  dernier  numéro  : 
Une  exposition  de  cinquante  chefs-d'œuvre  d'artistes  belges  con- 
temporains, faisant  pendant  h  cdlc  des  cinquante  chefs-d'œuvre 
d'artistes  français,  dont  vraiment  l'inlenlion  dénigranlc  à  l'égard 
de  nos  compatriotes  est  trop  visible, qu'cUesoilconsciente  ou  non. 

— ~V"OttS"UVPZ"Pais(Mi  do-diro  qu'il  importe  de  couper  court  tout  de 
suite  à  une  manœuvre  qui  semble  destinée  h  conlinuer  le  système 
si  fâcheux  et  si  injuste  pour  noire  art  national,  qu'avait  inauguré 
Arthur  Slevens,  sans  en  comprendre  les  effets  funestes.  On  peut 
dire  qu'il  à,  par  sa  manie  de  ne  trouver  bons  que  les  peintres 
français  qu'il  avait  si  intelligemmMl  découverts,  en  y  ajoutant  à 
peine  quelques  noms  de  chez  nouH  ralenti  notre  art,  fait  dévoyer 
la  bonne  volonté  des  amateurs  cl  découragé  de  grands  artistes  qui 
eussent  été  plus  admirables  encore  s'ils  n'avaient  scnli  le  poids 
du  dédain  et  de  l'oubli  qui  furent  ainsi  suscités. 

Je  crois  pouvoir  dire  que  vous  serez  assuré  des  sympathies  et 
du  concours  de  toute  notre  école  de  peinture,  si  variée^  si  coura- 
geuse, si  brillante,  et  de  nos  amateurs  éclairés  (qui  ne  se  laissent 
plus  endoctriner  par  le  boniment  de  marchands  ou  de  faiseurs) 
dans  la  campagne  qui  écrasera  dans  l'œuf  la  nouvelle  tentative 
(|ui  paraît  se  préparer.  Il  y  aura,  il  faudra  qu'il  y  ait  une  violente 
poussée  pour  mettre  dehors  et  faire  taire  les  malins  ou  les  envieux 
(|iii  voudraient  continuer  ces  traditions  déplorables. 

Le  point  de  départ  doit  être  colle  exposition  des   cinquante 

.  ilicfs-d'œuvre  belges.  Que  M.  Saiut-Cyr  qui  a  inslalh;  une  salle 
dont  la  lumière  en  fait  assurément  la  meilleure  de  Bruxelles,  s'en- 
lendc  avec  vôIre  collaborateur,  M.  Oclavc  Maus,  qui  a  des  quali- 
ii's  très  remarquées  d'organisateur.  Que  pourélablir  le  parallèle 

(1)  Voir  notre  dernier  numéro. 


dans  des  conditions  de  parfaite  égalité,  on  s'arrête  au  même 
nombre  d'œuvres  d'un  même  nombre  d'arlislcs,  de  mêmes  dinnen- 
sions  autant  que  possible.  Je  ne  doute  pas  que  la  comparaison 
montrera  que  notre  école  contemporaine  vaut  n'importe  quelle 
autre  et  qu'elle  contient  des  originalités  qui  tueront  le  stupide 
préjugé  que  nos  meilleurs  peintres  n'auraient  élé  que  des  imita- 
teurs lourds  et  maladroits  de  leurs  contemporains  français. 

Soyez  assuré  que  les  deux  organisateurs  recevront  des  ama- 
teurs et  des  artistes  le  meilleur  accueil.  Mais  hâtez-vous,  car  les 
vacances  et  les  élections  sont  proches.  Je  serais  fort  étonné  si 
cette  manifestation  n'avait  pas  le  plus  grand  succès  et  le  plus  salu- 
taire effet.  N'est-il  pas  monstrueux  que,  grâce  aux  malices  des  mar- 
chands et  de  leurs  affidés,  n'imporlc  quel  tableau  de  la  série  res- 
treinte à  laquelle  s'appliquent  leurs  manœuvres  de  hausse, 
atteigne  des  prix  souvent  ridiculement  exorbitants,  tandis  que 
des  toiles  d'une  égale  valeur  artistique  sont  cotéesà  des  prix  misé- 
rables, uniquement  parce  que  ces  messieurs  ne  les  ont  pas 
admises  sur  leur  liste. 

Arthur  Slevens  est  mort.  Il  faut  qu'il  n'ait  pas  de  successeur. 
Gare  à  celui  qui  s'avisera  de  recommencer  son  jeu.  Si  on  s'est  tu 
longtemps,  désormais  on  criera  très  fort. 

Bruxelles,  le  16  avril  1892, 

Un  de  vos  ABONNÉS. 


Le  Soir,  qui  a  bien  voulu  reproduire,  avec  une  glose  approba- 
tive,  la  plus  grande  partie  de  notre  article,  ajoute  à  son  commen- 
taire celle  réflexion  : 

«  Dans  les  expositions  —  de  même  que  dans  les  concerts,  en 
matière  musicale,  —  on  a  trop  souvent,  aux  dépens  de  l'art  belge, 
déclaré  chefs-d'œuvre  et  génies  des  œuvres  et  des  artistes  étran- 
gers parfaitement  médiocres,  voire  inconnus  dans  leur  propre 
pays.  Nous  voulons  parler  notamment  des  XX  qui,  à  côté  de 
grands  services,  en  ont  rendu  quelques  mauvais  à  cet  égard. 
Espérons  qu'ils  vont  être  les  premiers  à  réagir  contre  cet  entraî- 
nement, si  éloquemmenl  flétri  par  VA  ri  moderne.  »     '  4, 

Il  serait  injuste  de  considérer  les  XX  comme  les  promoteurs 
d'un  mouvement  étranger,  opposé  aux  intérêts  artistiques  des 
peintres  et  des  musiciens  belges.  Qu'on  veuille  bien  parcourir  la 
liste  des  artistes  qui  ont,  soit  comme  membres.de  l'association, 
soit  comme  invités,  collaboré,  depuis  l'origine,  aux  Salons  ving- 
listes.  On  y  verra  figurer,  en  nombre  à  peu  près  égal,  d'une  part, 
des  artistes  nationaux,  d'autre  part,  les  Français,  les  Anglais,  les^ 
Hollandais,  etc.,  qui  ont  donné  aux  expositions  leur  caractère 
spécial  et  leur  originalité,  le  but  des  XX  ayant  toujours  élé  d'i'nt- 
lier  le  public  à  l'évolution  de  l'Art  jeune  dans  tous  les  pays. 

Les  peintres,  sculpteurs  et  graveurs  belges  qui  ont  exposé  aux 
XX,  et  dont  plusieurs  doivent  à  cette  circonslanco  leur  noloriété, 
sont  :  L.  Arlan,  A.  et  E.  Boch,  A.  Chainaye,  F.  Charlet,G.  Char- 
lic^,  A.  Danse,  H.  De  Braekelecr,  H.  De  Groux,  i.  Delviii,  P.  De 
Vigne,  L.-H.  Dcvillcz,  P.  Du  Bois,  J.  Ensor,  A.-W.  Finch,  Ch. 
Goethais,  Ch.  Herinans,  A.-J.  lioymans,  F.  Khnoplf,  J.  Lambeaux, 
G.  Lemmen,  L.  Le  Nain,  X.  Mellcry,  G.  Minnc,  G.  Meunier,  l\. 
Picard,  F.  Rops,  W.  Sclilobacli,  F.  Simons,  E.  Smits,  L.  Spec- 
kaert,  J.  Slobbaerts,  F.  Ter  Linden,  G.  Vanaise,  Ch.  V;ui  der 
Stappen,  H.  Van  de  Velde,  Th.  Van  Ryssclberghc,  G.-S7  Van 
Strydortck.A.  Vcrhaeren,  P.  Verhacrt,  Th.  Verslracle,  l.  Verhcy- 
ccn,  G.  Vogels,  R.  Wylsman. 

El  qu'on  veuille  bien  se  rappeler  aussi  que  si  les  Concerts  des 
-YA'  ont  fait  connaître  h   Bruxelles  les  compositions  les  plus 


^ 


remarquables  de  la  jouiic  école  do  musique  française,  de  la  jeune 
école  russe,  etc.,  bon  nombre  de  musiciens  belges  ont  figuré  sur 
les  programmes  de  ces  auditions  de  choix  avec  des  œuvres  iné- 
dites ou  inconnues.  Citons  notamment  P.  Benoit,  J.  Blockx, 
A.  De  Greef,  A.  Dupont,  P.  Gilson,  G.  Huberti,  L  Jnurel,  G.  cl 
L.  Kèfer,  G.  Lckeu,  E.  Mathieu,  Franz  Servais,  L.  Soubre,  etc. 

Le  reproche  du  Soir  ne  nous  paraît  donc  pas  justifié.  Souhai- 
tons qu'il  veuille  le  reconnaître.    . 


Collection  Van  Branteghem 

Jeudi  a  eu  lieu  au  Musée  des  Echanges  et  d'Art  décoratif  l'ou- 
verture de  l'exposilion  de  celle  superbe  collection. 

Un  nombreux  public  d'arlislcs  et  de  lollrés  y  assistait  et  cela  a 
été  une  vraie  fête  d'art. 

L'avis  unanime  de  tous  les  artistes  était  qu'on  ne  pouvait  laisser 

sortir  de  la  Belgique  une  aussi  précieuse  réunion  d'objets  rares 

,  cl  môme  uniques  :  vases  grecs,  coupes,  statuettes  de  Tanagra,  etc. 

C'est  réellement  merveilleux  et,  en  ce  genre,  c'est  peut-être  la 
plus  exquise  collection  qui  soit  au  monde.  Nous  lui  consiicrerons 
un  article  dimanche  prochain. 

M.  Van  Branteghem  —  un  savant  doublé  d'un  artiste  des  plus 
délicats  —  a  expliqué,  avec  un  bel  enthousiasme  d'helléniste 
curieux,  loules  les  braulés  de  sa  collection  à  ses  invités. 

Une  chose  s'impose,  évidemment  :  l'Etat  doit  acquérir  celle 
collection.  Nous  attirons  sur  elle  l'attention  du  minislrc  des 
Beaux-Arts.  Ce-serail  un  vrai  crime  de  la  laisser  se  disperser  au 
feu  des  enchères,  chez  Drouol.  N'oublions  pas  qu'elle  a  été  réunie 
,  par  un  Belge  et  les  efforts  inouïs  qui  ont  été  faits  pour  réunir 
tant  d'œuvres  magnifiques,  malgré  la  concurrence  redoutable  des 
grands  musées  de  l'étranger. 

L'exposition  durera  trois  semaines. 


EMILE  GARBET 

L'exposition  des  «  cinquante  chefs-d'œuvre  de  l'école  fran- 
çaise »  (voir  notre  numéro  du  10  avril)  a  ramené  l'attention  sur  un 
nom  mystérieux  de  l'arl  français  :  Emile  Garbet. 

On  ne  connaît  généralement  de  lui  que  la  Fête  d'une  commune 
près  Paris,  appartenant  à  M.  Goothals,  petit  chef-d'œuvre  vrai- 
ment digne  du  pinceau  d'un  maître  hollandais  cl  en  même  temps 
très  caractéristique  du  temps  oi!i  il  a  été  peint.  El  aussi  générale- 
ment on  ne  sait  rien  de  sa  vie  ni  de  sa  personnalité. 

En  4890,  M.  A.  Bouvenne  a  publié  dans  l'Ar liste  une  élude 
sur  Garbet,  et  dès  lors  quelque  lumière  s'est  faite  autour  du  nom 
de  ce  peintre. 

La  Fête  d'une'commune  près  Paris  a  figuré  au  Salon  de  1837. 
Puis  elle  réapparut  en  1883  à  «  l'Exposition  des  cent  chefs- 
d'œuvre  »  ouverte  en  la  galerie  de  la  rue  de  Sèze.  M.  Paul 
Mantz  signala  alors  dans  le  Temps  la  haute  valeur  de  cette  toile  et 
l'obscurité  complète  qui  existait  autour  de  son  auteur. 

M.  Bouvenne  est  parvenu  à  retrouver, quelques  anciens  amis  et 
parents  de  Garbet  et  à  reconstituer  quelque  peu  l'hisloire  de  sa 
vie.  Le  peintre  Charles  Jacque,  entr'autrcs,  a  dit  à  M.  Bouvenne  : 
«  Garbet  était  un  homme  timide,  peu  commuuicatif,  bien  élevé; 
j'ai  vu  de  lui  de  nombreux  croquis  :  plusieurs  scènes  intimes  de 
sa  jeunesse  y  étaient  retracées  en  forme  de  souvenirs  de  prome- 
nades dans  les  bois,  dé  repas  en  léte  à  léte,  etc.  Garbol  faisait 


beaucoup  de  petits  croquis  îi  la  plume,  au  crayon,  souvent 
rehaussés  d'aquarelle  ou  de  peinture  à  l'huile;  il  p;ir;iissail 
affectionner  particulièrement  les  scènes  populaires,  qu'il  reiidail 
en  véritable  artiste,  en  doux  philosophe.  Ces  petits  croquis,  qui 
ne  mesuraient  parfois  pas  plus  d'un  centimètre,  étaient  accompa- 
gnés d'observations  tristes  ou  comiques.  L'artiste  les  vendait  soii- 
veni  pour  un  prix  fort  minime  ». 

M.  Bouvenne  nous  apprend  aussi  que  les  dispositions  de 
Garbet,  jeune,  lo  portaient  vers  la  peinture.  Mais  le  manque  de 
fortune  l'obligea  bieniôl  h  renoncer  à  se  livrer  exclusivement  it 
sesgoitts  artistiques.  Profilant  d'un  véritable  talent  de  calligraphc 
qu'il  possédait,  il  fit,  pour  vivre  cl  pour  faire  vivre  sa  mère,  avec 
laquelle  il  habitait,  des  copies  d'actes. 

Il  continua  néanmoins  à  peindre  pendant  ses  loisirs.  Il  travailla 
dans  l'atelier  de  Boulon,  un  peintre  d'intérieurs.  Là,  il  s'essaya  à 
bien  des  genres:  liihograpliie,  dessins  pour  boîtes  à  bonbons 
illustrées;  il  fit,  à  l'usage  des  confiseurs,  des  vignettes  pour  les 
«  papillotes  «  qui,  k  cette  époque,  étaient  b  la  mode  et  renfer- 
maient, en  même  temps  que  des  dessins,  des  vers  empruntés  aux 
poètes  les  plus  en  renom  :  Lamartine,  Victor  Hugo,  Alfred  de 
Musset,  etc.  Quelques  petites  gravures  à  l'oau-forte  et  au  fusain, 
signées  d"Emilc  Garbet  et  qui  se  trouvent  à  la  Bibliothèque  natio- 
nale, datent  du  même  temps;  ce  sont  les  portraits  de  Louis-Phi- 
lippe, du  duc  d'Orléans,  du  duc  de  Nemours  et  du  prince  de 
Joinville.  M.  Bouvenne  les  décrit  dans  l'ArtiUe,  ainsi  qu'une 
eau-forte  :  Le  Bossu  patriote,  qui  a  pour  légende  : 

Si  l'on  menaçait  la  France, 

Je  le  jure,  foi  de  bossu. 

Je  combattrais  pour  sa  défense. 

L'ennemi  ne  verrait  pas  mon  c... 

Mais  Garbet  redevint  malheureux.  Il  avait  obtenu  un  emploi  de 
huit  cents  francs  à  la  Compagnie  des  ponts  d'Asnières  et  d'Argen- 
teuil. 

Des  changements  dans  l'administration  le  firent  congédier. 
Lors  de  la  Révolution  de  1848,  on  croit  que  Garbet  quitta  la 
France.  On  l'y  a  revu  en  1871.  C'est  tout  ce  qu'on  sait  de  lui.  On 
ignore  s'il  est  mort  el  Où  il  serait  mort. 

Son  œuvre? 

En  1833  les  auteurs  de  V Examen  critique  du  Salon,  Ancl  et 
Triaven,  font  l'éloge  d'une  Fue  d'un  parc  de  Garbet  «  où  l'on 
remarque  des  effets  de  lumière  et  d'ombre  bien  accusés  ». 

Dans  le  catalogue  d'une  exposition  qui  eut  lieu  à  Douai, 
en  1835,  on  trouve  la  description  d'Une  Chaumière,  «  remar- 
quable par  sa  composition  simple  el  originale,  par  une  grande 
lumiènc  répandue  partout  sans  nuire  à  leffel  général  ». 

Au  Salon  de  1836,  Garbet  obtint  une  médaille  d'argent  avec 
un  Déjeuner  d'enfants.  L'année  suivante  il  exposa  deux  tableaux. 
On  ne  le  retrouve  qu'au  Salon  de  1846  avec  le  Carnaval,  En 
somme,  Garbel  exposa  dix  tableaux  aux  Salons  de  Paris,  de  183S 
à  1847.  Détail  curieux  :  ce  Carnaval  dont  Th.  Thoré,  critique 
partial,  disait  :  «  Il  est  |icinl  en  mosaïque  »,  servit  d'enseigne  ii 
un  cabaret  rue  du  Faubourg  du  Temple,  n"  '25  :  A  la  descente  de 
la  Courtille:  Ensuite,  il  servit  d'enseigne  à  un  cabaret  de  la  place 
Mauberi.  On  a  perdu  ses  traces. 

Les  œuvres  qui  restent  d'Emile  Garbel?  D'abord  cette  superbe 
Fête  d'une  commune  près  Paris.  M.  Goethals  possède  en  outre  un 
petit  tableau  représentant  des  cavaliers,  el,  croyons-nous,  La 
Musique,  exposée  en  1835.  M.  Lambert  a  dans  ses  collections  uii 
petit  tableau  représentant. Emile  Garbel  peignant  d'après  nature  à 


VART  MODERNE 


125 


Montmartre;  chez  M.  Jules  Devaux  se  trouve  une  magnifique 
esquisse  d'une  vue  des  Champs-Elysées  vers  183S;  chez  M.  le 
marquis  de  Chennevières,  une  aquarelle  où  le  peintre  s'est  repré- 
senté lui-même  devant  son  thevalet  ;  chez  M.  Achard,  une  aqua- 
relle qu'on  dit  fort  intércssanle. 

Où  sont  les  autres  tableaux?  Peut-être  détruits!  En  tout  cas, 
M.  Bouvenne  a  démontré  pourquoi  ce  grand  artiste  a  produit  si 
peu  :  c'est  la  misère  qui  a  empoché  l'essor  de  ce  sérieux  talent. 


Dames  de  Volupté,  par  Camille  Lemonnier. 
Albert  Savine,  éditeur. 

Nous  ne  faisons  aujourd'hui  que  signaler  l'apparition  de  ce 
beau  volume,  haut  en  couleur  et  en  lyrisme,  —  recueil  de  nou- 
velles dont  quelques-unes  :  A  la  pension,  le  Corps  du  Christ, 
ont  été  lues  aux  XX  par  M"«  Marguerite  Rolland. 

On  se  rappelle  ce  sombre  et  fanatique  Corps  du  Christ,  qui 
donne  une  si  profonde  impression  du  Vendredi-Saint  chez  des 
rustres,  et  qui  louche  aux  fibres  les  plus  cachées  de  l'âme  rusti- 
que et  dévote  des  manants.  Cette  superbe  nouvelle,  sobre  à  la 
fois  et  puissante,  requiert  par  sa  dramatique  couleur  —  une  cou- 
leur à  la  Charles  De  Groux  —  et  par  sa  pensée  poignante.  C'est 
comme  une  synthèse  passionnelle  de  la  foi  farouche  des  cam- 
pagnards. El,  dans  .cette  noie,  le  Gâteau  des  âmes,  noir  d'étrange 
superstiiion,  ouvre  aussi  sur  les  âmes  des  champs  des  portes 
ignorées  par  où  sort  le  vent  ténébreux  des  croyances  et  des  sau- 
vages .préjugés. 

A  côté  de  ces  morceaux,  d'autres  ;  ainsi  la  Belle  Impéria, 
font  surgir,  en  un  style  chatoyant  et  impérial,  de  florentines  et 
païennes  visions,  tandis  que  les  Trois  Rois  offrent  un  pittores- 
que et  légendaire  tableau,  croustillant  et  saurct  de  ton  comme  un 
tableau  de  vieux  Flamand,  d'une  originalité  puissante,  prime- 
sautière  et  imprévue.  Cela  fait  songer  à  un  allégorique  Jordaens 
dans  lequel  des  gueux  de  grand'routes  joueraient  naïvement  le 
mystère  de  la  Sainte-Nativité.  C'est  là  un  maître  conte. 

Mais  nous  n'insisterons  pas  sur  ces  œuvres  mainlenani,  car 
nous  publierons  prochainement,  à  l'occasion  de  l'apparition  im- 
minente de  la  Fin  des  Bourgeois,  utie  étude  complète  sur  les 
plus  récentes  publications  de  notre  grand  compalriote. 


Vient  de  paraître,  chez  A.  Lamerre,  la  traduction  du  Faust  de 
Gœthe  (première  et  deuxième  parties),  par  .M.  Camille  Benoît  à 
qui  nous  devions  déjà  les  Souvenirs  de  R.  Wagner  et  les  extraits 
d'ouvrages  théoriques  du  même  maître  publiés  sous  le  titre  de 
Musiciens,  poètes  et  philosophes.  Cette  traduction  de  l'œuvre 
capitale  de  Gœthe,  à  laquelle  M.  Benoît  a  travaillé  de  longues 
années,  est  ccriainomeni,  de  celles  parues  jusqu'ici,  celle  qui 
serre  de  plus  près  le  texte  et  en  illumine  le  plus  avant  les 
étranges  profondeurs.  Toute  pénétrée  du  souffle  mystérieux  de  ce 
vaste  poème,  d'une  langue  à  la  fois  riche  et  sobre,  dont  la 
fermeté  sait  toujours  se  plier  aux  mille  sub'.ilités  de  l'original,  la 
version  de  M.  Camille  Benoît  s'impose  à  l'atlenlion  des  lettrés  et 
des  artistes  parmi  lesquels  elle  éveillera,  par  sa  haute  saveur,  le 
plus  vif  intérêt.  Ajoutons  que  cette  traduction  est  précédée  d'une 
très  spirituelle  préface  de  M.  Anatole  France. 


«AcCUpÉg     DE    RÉCEPTION 

Daisy,  par  Max  Wai.i.er  (Bruxelles,  Lacomblez).  —  L'anar- 
chie littéraire,  par  Anatole  Baju  (Paris,  L.  Vanicr).  —  Cyilc 
patibulaire,  par  Georges  Eekhoud  (Bruxelles,  Kistemaeckers). 


AU  CONSERVATOIRE 

Troisième  concert. 

Raff,  Berlioz  et  Wagner  faisaient  les  frais  du  dernier  concert  du 
Conservatoire, —  Raff  avec  sa  filandreuse  symphonie /'fi"/^,  dont  la 
première  pariie  seule  présente  quelque  attrait,  dont  les  trois  aulics 
sont  mortellement  longues  et  d'intérêt  nul,  Berlioz  avec  la 
deuxième  partie  de  l'Enfance  du  C/uw/,  Wagner  avec  la  Siegfried- 
Idyll,  avec  les  ouvertures  des  Maîtres-Chanteurs  et  de  Tann- 
hâuser.  Programme  copieux,  on  le  voit,  et  varié.  Exécution 
remarquable,  bien  que  M.  Gévaerl  conduise  un  peu  froidement  les 
œuvres  de  Wagner.  Nous  excepterons  l'ouverture  de  Tannhâuser, 
k  laquelle  l'orchestre  a  donné,  snussa  direction,  une  ampleur,  un 
coloris,  une  magnificence  extraordinaires.  Des  frissons  d'enlhou- 
siasme  avaient  mis  en  communication  les  interprètes  et  les  audi- 
teurs. Et  le  dernier  accord  du  Chant  des  Pèlerins  n'avait  pus 
retenti,  que  déjà  toute  la  salle  acclamait  d'une  voix  unanime 
l'orchestre  et  son  cht  f. 

C'a  élé  la  grande,  la  profonde  impression  du  concert,  don!  le 
fragment  de  la  trilogie  sacrée  de  Berlioz  avait  donné  la  note 
intime  et  recueillie.  La  simplicité  archaïque  du  prélude  instru- 
mental, le  caractère  religieux  du  chœur,  le  dessin  naïf  du  récit 
ont  été  particulièrement  goûtés.  Cette  Fuite  en  Egypte  a  les  déli- 
catesses et  les  grâces  primitives  de  telles  compositions  de  J.-S. 
Bach.  Elle  est,  dans  l'œuvre  tourmenté  de  Berlioz,  d'un  charme 
inattendu  et  révèle,  à  côté  du  symphoniste  et  du  musicien  drama- 
tique, un  écrivain  sacré  sinon  très  pénétré,  du  moins  épris  de 
mysticité  et  trouvant  un  plaisir  d'artiste  à  en  réaliser  l'expression. 

M.  Cheyral,  le  jeune  ténor  qui  débuia  aux  XX  dans  le  Chant  de 
la  Cloche  de  Vincent  d'Indy,  a  chanté  avec  goût  et  d'une  jolie  voix 
le  rôle  du  ténor. 

AU  CONSERVATOIRE  DE  G  AND 

{Correspondance  particulière  de   l'Art  moderne.) 

L'n  concert  consacré  entièrement  à  des  œuvres  d'auteurs 
belges,  cela  se  voit  rarement...  en  Belgique.  Le  Conservatoire  de 
Gand  en  a  tenté  l'aventure,  et,  ma  foi,  s'en  est  très  bien  trouvé. 
Le  programme  de  son  dernier  concert  ne  portail  que  des  œuvres 
de  nos  compositeurs;  et,  —  de  laveu  des  nombreux  auditeurs 
entassés  dans  le  long  et  étroit  grenier  qui,  à  Gand,  sert  de 
salle  (?!)  de  concert  pour  une  institution  de  l'Etal,  —  celte  séance 
a  élé  l'une  des  plus  brillaiiles  et  des  mieux  réussies  données  dans 
cet  étrange  local. 

Très  applaudie,  une  symphonie  de  Paul  Lebrun,  récemment 
couronnée  par  l'Académie  de  Belgique  et  surtout  remarquable 
par  de  solides  qualités  de  facture  et  une  instrumentation  très 
colorée,  1res  vivante,  bien  qu'un  peu  massive.  Succès  marqué 
pour  de  gracieux  el  piquants  fragments  du  ballei  Lydia,  de  Jacob, 
le  sympathique  violoncelliste  du  Théâtre  de  la  Monnaie  el  des 
Concerts    Populaires  ;    succès     de    surprise    pour    l'ouverture 


tVHamlel,  (l'Alexandre  Suullt'i'kl,  qui;  l'on  n'avait  jamais  cnlen- 
<lueà  Gand.qni  d.iic  do  plus  de  quarante  ans  et  qui  a  semblé  écrilo 
d'hier,  tant  elle  a  encore  de  fraiclicur,  de  jeunesse  et  d'élan. 

Mais  le  grand  succès  de  la  soirée  a  été  au  F/'Cj/Zii'e  d'Emile 
Mathieu,  dont  on  a  entendu  les  deux  premières  parties.  On  con- 
naît à  Bruxelles  l'œuvre  poétique  et  touclianlc  du  brillant  auteur 
de  Richilde.  A  Gand,  une  exécution  irès  soignée  et  très  artiste, 
conduite  d'ailleurs  par  l'auteur  lui-même  et  préparée  par  de 
minutieuses  études  préliminaires,  en  a  mis  en  lumière  les  fines  et 
délicates  beautés  cl  l'art  du  jeune  maîlre  belge  à  faire  mouvoir 
les  masses  chorales. 

MatUjeii,  très  acclamé,  fêlé,  rappelé  avec  un  réel  enthousiasme, 
s'est  modestement  dérobé  aux  ovations  du  public. 

Un  seul  numéro  du  programme  déparait  un  peu  —  môme 
beaucoup  —  ce  très  inléressant  concert  :  le  Concerto  militaire  de 
Servais,  qui  aujourd'hui  est  de\enu  par  trop  préhistorique,  a  été 
asisez  proprement  et  tranquillement  joué  par  M.  Lampcns,  un 
jeune  violoncelliste  gantois  qu'on  dit  appelé  à  recueillir  la  dan- 
gereuse succession  du  célèbre  virtuose-compositeur  belge,  Jules 
Deswerl.  

NOUVEAUX  CONCERTS  LIÉGEOIS 

{Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne.) 

Pour  son  dernier  concert  annuel,  M.  Sylvain  Dupuis  a  repris 
Wallenstein,  la  trilogie  de  Vincent  d'Indy  (1)  et  Tod  und  Ver- 
klârung  de  Richard  Strauss  (2). 

Il  a  dignement  clôturé  l'année  par  de  bonnes  exécutions  de 
deux  œuvres  fortes. 

Le  grand  succès  a  été  pour  Wallenstein.  M.  Vincent  d'Indy, 
de  passage  à  Liège,  se  trouvait  dans  la  salle.  11  a  été  reconnu, 
chaleureusement  et  longuement  ovationné. 

On  souhaitait  réentendre  l'œuvre  vivante,  colorée,  vigoureuse, 
_lrès  applaudie  déjà  à  la  première  audition.  Elle  est  bien  person- 
nelle, la  musique  de  M.  d'Indy,  et  d'une  rare  distinction. 

Dans  Wallensteiii,  l'inspiration  vibrante,  continue,  et  toujours 
soutenue  par  une  forte  orchestration,  vous  empoigne.  La  descrip- 
tion pittoresque  du  camp  de  Wallenstein,  la  délicieuse  phrase 
d'amour  de  Max  et  Thécla,  l'intense  expression  de  l'âme  tumul- 
tueuse du  héros  sont  d'inoubliables  pages. 

Un  pianiste  précédé  d'une  grande  réputation,  M.  Morilz  Rosen- 
ihal,  a  joué  un  concerto  en  mi  mineur  de  Chopin,  la  fantaisie  sur 
Don  Juan  de  Liszt  et  quantité  d'aulres  morceaux.  Tout  cela  est 
exécuté  d'un  toucher  délicat,  avec  beaucoup  de  souplesse. 
M.  Rosenlhal  fait  montre  d'un  mécanisme  que  l'on  qualifie  de 
vertigineux  et  qui  rappelle  des  exercices  acrobatiques.  C'est  très 
fort,  mais  aussi  très  ennuyeux.  De  la  virtuosité,  soit,  elle  est 
nécessaire;  mais  rien  que  de  la  virtuosité  et  plus  de  musique,  c'est 
vraiment  peu. 


^  % 


Exposition  Th.  Baron. 

Théodore  Baron,  un  des  vétérans  de  l'Art  libre,  un  des  pavsa- 
gistes  les  plus  brillants  de  la  pléiade  qui  amena  et  facilita  l'évolu- 
tion contemporaine  do  la  peinture,  vient  de  faire  à  Namur,  où  il 

(1)  Voir  l'Art  moderne,  1890,  n"  .5. 

(2)  Voir  l'Art  moderne,  1892,  n"  3. 


s'est  retiré  depuis  (jnelqucs  années,  une  exposition  d'œuvres 
récentes. 

Celle  exposition  a  été  fort  intéressante  et  élogieusemonl 
appréciée. 

Voici  le  compte  rendu'  que  lui  consacre  un  criti([ue  namurois, 
M.J.  Chalon: 

«  Th.  Baron,  professeur  à  notre  Académie  de  peinture  et  chef  de 
la  jeune  école  namuroise,  —  elle  fera  parler  d'elle,  je  vous  le 
promets,  —  a  été  pendant  quelque  temps  oublié.  Mais  il  s'est 
réveillé,  fièrement,  il  a  prouvé  une  vitalité  peu  commune  et  il  se 
maintient  parmi  les  premiers  paysagistes  belges. 

Le  nombre  des  œuvres  exposées,  cinquante  et  davantage, 
représentait  une  énorme  somme  de  travail,  dans  les  genres  les 
plus  divers.  Le  paysage  dominait,  ceci  va  de  soi,  coupé  çà  et  là 
par  quelques  tableaux  d'accessoires  ;  mais  dans  le  paysage,  que 
de  factures  différentes,  quelles  étapes  parcourues,  depuis  un  quart 
de  siècle  ! 

En  première  ligne,  les  paysages  pris  l'été  dernier  à  llouft'alize. 
La  petite  cascade  sur  la  lisière  d'un  bois,  le  ruisseau  au  premier 
plan,  le  grand  rideau  des  arbres  s'élcvant  de  suite  et  coupant 
l'au  delà, c'est  une  toile  de  grand  maître;  les  feuillages  se  détail- 
lent en  fine  dentelle,  l'eau  calmée  après  les  bouillonnements  de  la 
chute  s'approfondit,  miroite;  les  effets  de  lumière,  d'un  soleil  qui 
brille  derrière  ces  grandes  branches,  caressent  les  éclaircies  de  la 
futaie;  les  feuilles  des  saules s'argentcnt... 

Juste  en  face,  une  énorme  roche  noire  s'enlève  avec  une 
incroyable  vigueur  dans  un  air  clair.  Les  radiations  du  plein  air 
se  transportent  ici  par  un  art  réellement  merveilleux.  Quelle 
illusion  parfaite  de  nos  grands  horizons  ardennais,  de  leurs 
lointains  bleuâtres,  de  leurs  atmosphères  estivales,  si  transpa- 
rentes ! 

Un  marais  sous  un  ciel  clair  donne  cette  mémo  impression  de 
plein  air.  Au  bord,  quelques  vaches,  dans  le  ciel  quelques 
oiseaux  peuplent  l'immense  plaine,  qui  s'enfonce,  s'étale,  loin, 
1res  loin,  jusqu'à  l'horizon  qui  se  relève  en  dunes.  Beau, 
absolument  beau,  le  maximum  du  talent. 

Une  marine,  toile  de  large  envergure,  ne  pourrait  guère  se 
placer  que  dans  une  galerie  spéciale  à  cause  de  ses  dimensions, 
comme  le  Vnarais  d'ailleurs.  Notre  mer  jaune  et  sableuse  déferle 
sur  un  •  brisKklïies ;  ciel  gris;  paysage  triste.  A  noter  sur  le  fond 
blanc  d'une  écuîïteyje  bonnet  plus  blanc  d'une  ramassouse 
d'épaves,  et  bien  à  sa  place,  bien  dans  l'air.» 

La  route  de  Saint-Servais,  les  collines,  le  ruisseau,  sous  une 
épaisse  couche  de  neige.  Ciel  blanc,  terrains  blancs  ;  les  arbres 
gris  ou  bruns, des  maisons  rouges,  une  diligence  jaune. 

Des  pommiers  en  fleurs  —  une  des  plus  délicieuses  et  printa- 
nières  choses  de  notre  trop  souvent  maussade  Belgique  —  se 
montrent  cxciuis,  vraiment,  et  d'une  fraîcheur  de  Ion  ravissante. 

El  je  voudrais  encore  parler  d'un  autre  llouft'alize,  des  vaches 
couchées  dans  leur  écurie,  d'une  immense  toile  représentant  un 
site  de  n^s  environs  dans  la  lumière  blonde  et  la  buée  bleue  du 
printemps,  d'une  grande  gerbe  de  rhrysanlhèmcs  —  et  do  dix 
autres. 

Je  n(!  saurais  cependant  décrire  tout  et  donner  ici  toutes  mes 
impressions  éprouvées  dans  une  triple  visite  à  celle  étonnante 
exposition.  Mais  l'art  est  long  et  la  vie  courlc...  Je  termine  comme 
j'ai  commencé,  t\rrt/>rwp/o  ». 


L'Ahr 


MODERNE 


127 


BIBLIOGRAPHIE  MUSICALE 

LY-dilt'ur  Veuve  Muraille,  à  Mégi;,  a  f^iit  paiailrc  la  pai'lilion' 
réduite  pour  piano  el  chant,  de  Cour  d'Ognon,  l'amusanle  opé- 
rclle  de  M.  Sylvain  Dupuis  sur  des  paroles  de  M.  Henri  Simon, 
jouée  |)our  la  première  fois  au  Tlié.'iire  du  (lymnase  en  1888,  ei 
qui,  depuis  lors,  est  deveime  populaire  en  pays  wallon. 

On  lira  avec  plaisir  cette  suite  de  morceaux  de  belle  humeur, 
écrits  sans  aucune  prétention  par  un  musicien  de  talent  qui  a 
assoupli  sa  plume  aux  exigences  naturalistes  du  livret. 


Petite  chroj-iique 


l/exposilion  d'Anvers- Bruxelles,  h  laquelle  prendront  pnrl  des 
peintres  de  VAls  ik  Knn,  de  VEssor,  du  Voorwanrls,  etc.,  s'ou- 
vrira, comme  nous  l'avons  annoncé,  le  30  avril  au  Musée  moderne. 
De  même  qu'au  Salon  des  XX,  il  y  aura,  pendant  l'exposition, 
des  conférences  el  des  concerts. 


colleclion     pendant    les     huit    Jniir-;    ijrt'crd.nt    la    vente    chez 
M.  Dumoiit,  ex|)erl,  rue  l.aHiile,  "27. 


Nous  apprenons  avec  plaisir  que  l'Riat  vient  d'actiuérir,  au 
prix  do  8,000  francs,  pour  le  Musée  des  Arls  décoraHfs,  les  car- 
tons des  fresques  de  Louis  Delbeke  récemment  exposés  à  la 
Galerie  moderne.  Nous  avions,  on  s'en  souvient,  vivement  préco- 
nisé cet  achat.  

Charles  Vander  Stappen  est  sur  le  point  d'achever  cette  gran- 
diose composition  d'Ômpdrailles  qui  est  depuis  si  longtemps  sous 
les  voiles  dans  son  atelier.  C'est  une  œuvre  d'une  superbe  allure, 
digne  du  talent  si  varié  de  notre  compatriote, 

M.  Charles  Dumercy  a  fait,  le  I"  avril,  an  Jeune  Barreau  anver- 
çois,  une  causerie  sur  la  poésie  française  à  Anvers,  depuis  Chris- 
tophe Plantin  jusqu'à  nos  jours.  L'impression  qui  se  dégage  de 
l'étude  qu'il  a  faite,  c'est  que,  sauf  peut-être  le  sonnet  di>'piantin 
sur  le  Bonheur  de  ce  monde,  ce  n'est  qu'en  ces  derniers  temps 
que  des  œuvres  vraiment  artistes  ont  été  créées  dans  la  métropole 
commerciale.  Faut-il  ajouter  que  M.  Dumercy  a  donné  beaucoup 
d'intérêt  à  sa  conférence,  coupée  de  citations  et  de  lectures? 

La  Libre  critique  fera  paraître  le  i"  mai  un  second  numéro 
exceptionnel  illustré  contenant  deux  phototypies  hors  texte  de 
MM.  Fug.  Smits  et  Ev.  Larock,  et  un  morceau  de  musique  de 
M.  F.  Agniez.  —  Rédaction  :  rue  Souveraine,  37,  à  firuxellcs. 

On  nous  écrit  de  La  Haye  (7  avril)  . 

Une  bien  remaniuablc  soirée  d'an  a  eu  lieu  hier  au  cercle 
Pulchri  Studio  l\  La  Haye.  Cinq  tableaux  vivants  créés  par  les 
peintres  Bauer  el  van  der  Maarel,  d'après  des  passages  de  l'his- 
toire des  Juifs  dans  l'Ancien-Testament  (Rébecca,  Samson,  Salo- 
mon.  Moïse,  Marloche)  d'un  ensemble  artistique,  d'une  couleur 
admirable,  précédés  de  vers  composés  pour  la  circonstance  cl. 
dits  par  l'exquis  poêle  Alb.  Vervveij,  vers  sonores,,  profonds  cl 
subtils,  paraphrasanl  les  versets  de  la  Bible  qui  servaient  de  lilre 
aux  tableaux. 

Plusieurs  soirées  identiques  :  salle  comble,  public  méfiant, 
parfois  moqueur,  hi'ureusement  assez  poli  en  général  pour  ne  pas 
manifester  trop  bruyamment  son  désappointement  devant  un 
spectacle  d'art  pur,  qui  exige  une  attention  suivie  et  des  aptitudes 
peu  communes. 

La  salle  joliment  décorée  en  style  assyrien  servait  harmonieusc- 
menl  de  cadre  à  cet  ensemble  admirable  en  tous  points,  el,  répé- 
tons-le, d'un  intérêt  artistique  de  premier  ordre. 

Signalons    aux    collectionneurs  la   belle    vente    d'eaux-fortes 

"anciennes  et  modernes,  d'estampes  el  de  lilhographies,  qui  auVa 

lieu  lés  21  et  22  avril  à  l'hôtel  Drouot,  à  Paris.  On  peut  visiter  la 


L'Opéra  de  Paris  vient  de  donner  la  cinquantième  représentation 
de  Lohengrin,  six  mois  el  qnelipies  jours  après  la  première 
représentation,  datant  du  1(1  septembre  -1891.  Pendant  ces  cin- 
quante représentations,  le  tliéiVre  a  encaissé  près  d'un  million, h 
moyenne  de  chaque  représentai  ion  étaiu  supérieure  à  19,000  fr. 
Il  y  a  quelques  jours,  la  qiuu'ante-huitièmo  donnait  une  recette  de 
49,2S0  francs,  la  plus  ibrie  cpii  ail  élé  encaissée  depuis  la  nouvelle 
direction  de  .M.  Bertrand.  C(!  succès,  le  plus  grand  el  le  plus  suivi 
(|u'ait  jamais  obtenu  l'Opéra,  expli(|uc  bien  la  résistance  acharnée 
de  certaines  personnalités  intéressées  à  empêcher  la  production 
de  ce  chef-d'œuvre  sur  la  première  scène  française.  Il  ne  serait 
pas  impossible  (pie  prochainement  le  rôle  d'Eisa  soit  confié  à 
M""'Melba,si  les  répétitions  de  6'rt/rt»iwWabsorbaientMrrp  spécia- 
lement M""'  Caion.  {Guide  musical.) 

QneUiues  prix  de  la  vente  Roudillon,  ïi  Paris,  qui  a  produit 
irirj, 800  francs  : 

Courbet,  Marine,  1,700  fr.  —  I.sabei/,  Cérémonie,  2,600  fr.  — 
Jongkiml,-  Canal,  2,205  fr.  -  Id.,  Vue,  2,2.^r)  fr.  —  Raffaelli, 
Boulevard,  830  fr.  —  77t.  Rousseau,  Forêt,  H,000  fr.  —  A.Sle- 
vens.  Marine,  1,010  fr.  —  E.  Mei.f.wnier,  Dragon,  2,000  fr. 

Puis,  une  suite  de  quatre  tapisseries  de  Bruxelles  du  xvrl" siècle, 
exécutées  d'après  David  Teniers,  17,000  francs;  une  belle  tapis- 
serie, les  Marchands  de  poissons ,  14,000  francs;  deux  tapisseries, 
la  Bonne  aventure,  S,600  francs,  et  le  Chasseur,  6,150  francs; 
un  baromètre  en  bois  sculpté  et  doré  de  l'époque  de  Louis  XVf, 
-i,000  francs;  une  pendule  Louis  XV!,  en  forme  de  portique  ï> 
colonnes,  en  marbre  blanc  et  marbre  noir,  3,300  francs. 

Le  programme  des  concerts  symphoniques  (jue  Hans  Richter 
dirigera  àLondres  pendant  la  prochaine  season  vient  de  paraître. 
Ils  seront  au  nombre  de  six.  Le  premier  est  fixé  au  30  mai;  le 
dernier  aura  lieu  le  i  juillet.  Le  premier  concert  porte  la  iSj/w/j/io- 
nie  héroïque,  le  Kaisermarsch,  le  prélude  et  le  finale  de  2'rislan, 
le  prélude  du  troisième  acte  des  Maîtres  Chanteurs  cl  la  Che- 
vauchée des  Walkyries. 

Deuxième  concert  (4  juin)  :  Première  scène  du  Rheingold, 
ouvertures  de  Faust,  de  Rienzi  et  des  Maîtres  Chanteurs, 
Adieux  de  Wotan  el  première  scène  du  troisième  acte  du  Cré- 
puscule des  Dieux. 

Troisième  concerl  (13  juin)  :  Première  symphonie  de  Brahms, 
nuvcriure  (ïHusitska  de  Dvorak,  scène  de  la  Reine  de  Saba  de 
Goldmarck  el  Clianl  de  concours  do  Walther  des  Maîtres  Chan- 
teurs. 

Quatrième  concerb  (20  juin)  :  Ouverture  d'opéra  comique  de 
Snietana;  suite  de  Peer  Gi/ni  deGrlc^;  duo  d'amour  de  la  Wal- 
kyrie;  scène  finale  du  Crépuscule  des  Dieux;  quatrième  sym- 
phonie de  Beethoven. 

Cinquième  concerl  (27  juin):  Chant  du  Destin  de  Brahms; 
finale  du  premier  acte  du  Parsifnl  ;  symphonie  pastorale  de 
Beethoven. 

Sixième  concerl  (4  juillet)  :  Finale  du  premier  acte  de  Sieg- 
fried ;  ouverture  de  Tannhâuser-,  Symphonie  jantastique  de 
Berlioz. 


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fer  de  Vt.tat  Beige,  à  Douvres  (voir  plus  haut);  à  M.  Arthur  Vrancken,  Domkloster,  n»  ^,  à  Cologne;  à  M.  Siepertnann,  67,  Unter  den 
Linden,  à  Berlin;  à  M.  Rcmmelmann,  15,  Ouiollett  strasse,  à  Francfort  a/m;  à  M.  Schenhcr,  Schottenring,  3,  à  Vibnne;  à  A/râo  Schroehl 
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Douzième  année.  —  N"  17. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  24  Avril  1892. 


W^: 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTERATURE 


(^ 


Comité  de  rédaction  i  Octave  MAI  , —  Edmond  PICARD  —  Émilb  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   uu   an,   fr.   10.00;  Union  postale,    fr.    13.00     —ANNONCES   :    On  traite  à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Tlndustrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


La  collection  Van  Branteghem.  —  Exposition  de  cinquante 
chefs-d'œuvre  belges.  —  L'  »  ExcELSioR  "  d'Amsterdam.  —  En 
VACANCES.  —  Le  Jardin  de  l'Ame.  —  Accusés  de  réception.  — 
Gyptis.  —  Expositions  courantes.  J.  Lcempoels.  —  Concerts 
PARISIENS.  —  Bibliographie  musicale.  —  Petite  chronique. 


U  COLLECTION  VAN  BRANTEGHEM 

Jadis  —  il  y  a  quelque  quarante  ans  —  on  savait 
peu  de  la  Grèce.  On  l'envisageait  à  travers  l'histoire  de 
Rome,  et  l'Apollon  du  Belvédère  —  cette  statue  dont 
Taine  s'est  si  acerbement  moqué  —  semblait  le  chef- 
d'œuvre  de  l'antiquité  sculpturale 

Aujourd'hui  des  lumières  nouvelles  ont  lui.  Des  temps 
lointains  se  sont  éclairés  —  jusqu'aux  époques  homé- 
riques —  et  plus  loin,  bien  plus  loin  encore,  dans  des 
passés  qui  semblaient  avoir  sombré  entièrement  à  tra- 
vers une  nuit  éternelle. 

On  a  retrouvé  dans  des  limons  séculaires  de  l'huma- 
nité primitive  de  superbes  vases  d'or,  des  bijoux,  des 
poteries  et  c'est  là  qu'on  découvre  les  vraies  origines 
de  l'art  grec,  qui  a  grandi,  par  ces  études  et  ces  fouilles, 
jusqu'à  devenir,  sans  conteste,  l'art  le  plus  pur  et  le 


plus  noble  qui  ait  été  et,  en  tout  cas,  le  seul  art 
antique  qui  ait  compris  et  aimé  la  Nature. 

Cet  amour  de  la  Nature  se  retrouve  dès  les  œuvres 
premières,  et  nous  voyons  ici,  dans  cette  collection, 
trois  vases  à  décor  géométrique,  au  ix"  siècle,  qui  mon- 
trent, par  la  façon  de  rendre  les  plantes  et  les  animaux, 
un  sentiinent  de  la  réalité  très  net,  et  qui,  par  leur 
forme  pure  et  leur  dessin  harmonieux,  contiennent  déjà 
l'essence  même  de  toute  la  patrie  grecque  à  une  période 
qu'on  devine  encore  pastorale. 

Plus  tard,  au  vii^  siècle,  on  trouve  bien  dans  l'art 
grec  des  influences  orientales  (sirènes  assyriennes,  arbre 
sacré  des  Assyriens),  causées  par  le  commerce  des  étoffes 
que  pratiquaient  les  Phéniciens  (ainsi,  ce  vase  repré- 
sentant Achille  blessé,  d'un  primitif  exquis,  évoquant 
l'idée  de  Giotto),  mais  au  fond,  c'est  l'art  grec  plus 
vivace  qui  domine  l'hiératisme  oriental  des  Assyriens, 
des  Égyptiens,  des  Phéniciens,  et  les  Grecs  n'ont  pas 
pris  davantage  à  l'Orient  que  Rubans,  par  exemple, 
resté  essentiellement  Flamand,  n'a  emprunté  à  l'art 
italien. 

Car  bientôt  l'art  grec  se  débarrasse  de  ces  influences 
d'Orient,  ou  plutôt,  il  les  apure  au  feu  sublime  de  son 
génie  et  il  se  les  approprie  :  et  voyez,  dans  leur  beauté 
définitive,  les  vases  atliques  de  la  collection. 

Le  plus  ancien  connu  est  ici.  Il  date  du  milieu  du 
vii^  siècle  et  son  auteur  paraît  si  content  de  son  œuvre 


qu'il  la  signe  deux  fois  :  Cest  Oikopheles  qui  m'a  fait, 
c'est  Oikopheles  qui  m'a  peint.  Et  voici,  dans  le  siècle 
qui  suit,  des  potiers  de  génie,  aux  beaux  noms  harnao- 
niques  :  Hermaïos,  Skyes,  Xenotimos,  Hegesiboulos, 
Pylon,  Timokles,  Nicosthenês,  Douris,  Euphronios, 
Hieron,  Snykros,  Pystoxenos. 

Les  coupes  et  les  vases  sont  sublimes  de  proportions, 
de  noblesse,  de  magnifique  simplicité.  Ce  sont  bien  les 
vases  conçus  par  ceux  qui  édifièrent  l'Acropole,  et  les 
scènes  qui  sont  peintes  sur  les  parois  de  ces  amphores 
ou  de  ces  lécythes,  ont  la  haute  allure  des  statues  du 
Parthénon. 

Partout  la  grâce  de  la  forme  humaine,  l'élégance  des 
corps  nus,  de  ces  corps  équilibrés  de  Grecs  athlétiques 
formés  pour  les  jeux  des  Olympiades,  sont  décrits  en 
traits  rythmiques.  Yoilà  les  guerriers  d'Egine,  le  bou- 
clier au  poing,  voilà  les  Athéniens  au  profil  de  médaille, 
et  bouclés  de  cheveux  noirs  touffus!  Voilà  les  Thé- 
baines,  au  long  corps  effilé,  d'une  prodigieuse  gracilité, 
aux  tétons  fermes  et  durs  sous  leurs  robes,  dont  les 
plis  sculpturaux  enferment  leur  captivante  et  aristo- 
cratique beauté.  Là,  des  satyres  iexultent,  dans  l'ivresse 
de  danses  couronnées  par  Eros.  Plus  loin,  sur  un 
lécythe,  voici  des  scènes  funèbres,  des  pleureuses,  des 
morts.  Dans  le  fond  d'une  coupe,  signée  Douris,  Zéphyr 
enlève  Hyacinthe  :  et  l'enlèvement  plane  aussi  lyrique 
qu'une  ode  de  Pindare;  Zéphyr  est  comme  un  ange 
païen,  à  l'éphébique  et  idéale  beauté,  et  ses  ailes  ont  la 
splendeur  de  celles  qui  rayonnent  au-dessus  des  plus 
superbes  Mètsys  ou  Memling.  Tout  près  dé  là,  une 
Victoire  assise  sur  un  promontoire,  attend,  une  palme 
à  la  main,  l'issue  d'un  combat  naval,  et  toute  la  gran- 
deur de  la  bataille  se  reflète  sur  son  visage  attentif. 

D'Euphronios,  une  coupe  magnifique  attire  par  sa 
force  et  ses  lignes  sans  pareilles  :  un  paysan  danse, 
d'une  danse  caractéristique,  tournant  autour  d'un  bâton 
sur  lequel  tf  s^appuye,  tandis  qu'un  autre,  auprès  de 
lui,  joue  de  la  fiùte.  On  disait  un  jour  à  Burne  Jones 
qu'Euphronios  était  le  Raphaël  des  potiers  grecs.  «  N'in- 
sultez pas  Euphronios  »,  dit  le  grand  peintre  anglais  ! 
Et  vraiment,  devant  des  œuvres  aussi  belles,  on  com- 
prend de  tels  enthousiasmes. 

"D'Hieron,  voici  un  magistral  Titenos  enlevé  par  l'Au- 
rore ;  voici  encore  un  rare  Snykros  ;  et  un  vase  pan- 
athénaïque  où  l'on  voit  d'un  côté  une  Minerve  —  une 
Valkyrie  grecque  —  et  de  l'autre  une  course  de  ces 
chevaux  antiques,  —  ces  pur-sang  de  l'époque  des 
Périclès,  —  aux  pattes  nerveuses  et  vibrantes  et  à  la 
crinière  ras  coupée.  Ces  beaux  et  grands  vases  panathé- 
naïques  servaient  de  prix  aux  jeux  Olympiques,  et 
beaucoup  de  vainqueurs  se  sont  fait  ensevelir  avec  ces 
trophées,  où  leur  gloire  était  racontée. 

D'ailleurs,  l'art  du  potier  était  tenu  en  haute  estime 
dans  cette  Grèce  esthétique,  qui  savait  rendre  aux 


artistes  le  culte  qu'on  doit  professer  envers  eux.  Les 
potiers  dédiaient  leurs  œuvres  aux  jeunes  gens  leis  plus 
nobles  et  les  plus  élégants  d'Athènes,  et  on  autorisait 
ces  faiseurs  d'amphores,  d'hydries  et  de  coupes  à  doter 
l'Acropole  de  stèles  dédicatoires  où  s'inscrivaient  leurs 
noms.  C'est  ainsi  que  la  fameuse  statue  d'Anthénor  fut 
donnée  par  le  potier  Néarque. 

Bien  des  choses  seraient  à  dire  à  propos  de  ces  vases, 
mais  il  faut  nous  borner  à  signaler  encore,  à  côté  des 
lécythes,  ces  exquis  vases  à  fond  blanc,  uniques,  déli- 
cats comme  ces  porcelaines  qu'on  dénomme  «'  coquilles 
d'œufs  »  et  dont  l'un,  représentant  le  Jardin  des  Hespé- 
rides,  offre  une  délicieuse  et  savante  merveille  de  dessin 
—  aussi  piquante  qu'un  croquis  de  Rops  ou  de  Forain-, 

A  côté  de  la  collection  des  vases,  une  magnifique 
collection  de  statuettes  de  Tanagna.  Depuis  les  six  gro- 
tesques trouvés  à  Smyrne  et  qui  ont  un  peu  «  la  touche  » 
d'ivoires  japonais,  jusqu'à  cette  superbe  Niké  en  peplos 
bleu  à  bordure  d'or,  quelle  gamme  délicate  et  forte  ces 
statuaires  ont  fait  résonner!  N'est-ce  pas  là,  avec  tout 
son  héroïsme  et  avec  toute  sa  grâce,  toute  la  statuaire 
grecque?  La  priapique  idylle  que  celle  de  ce  Silène  et 
de  cette  Nymphe!  Le  gaillard  attire  sur  son  corps  nu, 
solidement  armé,  la  jeune  pucelle,  sur  le  visage  de 
laquelle  s'épand  le  trouble  exquis  de  l'innocence  qui  va 
s'eff'euiller  sous  les  coups  ardents  du  satyre  !  Près  d'eux 
un  Eros  adolescent  plane,  avec  cette  allure  étrange 
d'androgyne  que  les  Grecs  ont  inventée.  Là  une  jeune 
fille  converse  avec  une  marchande  de  fruits,  et  l'on 
dirait  une  petite  Vénus  de  Milo  agenouillée.  Et  voici 
une  chose  charmante  :  deux  jeunes  Grecques,  assises 
sur  un  de  ces  sarcophages  qui  bordaient  les  grand' - 
routes,  causent,  d'un  air  d'abandon  adorable,  l'une  sai- 
sissante de  vie,  avecle  poing  sur  la  hanche  ;  c'est  exquis 
de  jeunesse,  de  poésie  printauière,  d'imprévu,,  et  l'on 
entend,  sous  le  ciel  vibrant  de  l'Attique,  non  loin  du 
fronton  d'or  des  temples,  dans  le  champ  peuplé  de 
statues  rayonnant  au  soleil  de  gréfnds  siècles,  —  comme 
deux  fauvettes  gazouillant  sous  des  colonnades,  —  les 
deux  filles  au  corps  svelte  dans  leur  tunique  harmo- 
nieuse, parler  des  guerriers  aux  casques  étincelants  ou 
des  élégants  aux  lèvres  parfumées... 

Telle  est  —  et  combien  avons-nous  oublié  d'objets!  — 
cette  précieuse  et  unique  collection.  Il  faut  qu'elle  ne 
sorte  pas  de  la  Belgique  !  Elle  est  connue  et  hautement 
appréciée  dans  tous  les  pays  —  et  la  garder  ici,  ne 
serait-ce  pas  un  élément  réalisé  en  vue  de  ce  rêve  : 
faire  de  la  Belgique  une  patrie  d'art,  au  milieu  de 
l'Europe?  Ce  serait  un  crime  de  laisser  s'éparpiller  ces 
belles  et  blanches  et  antiques  colombes,  attirées,  avec 
de  si  grandes  peines,  chez  nous  par  ce  Flamand,  habile 
oiseleur  hellénique,  qui  s'appelle  Van  Branteghem. 


Exposition  de  cinquante  chefs-d'œuvre  de  l'École  belge  (*). 

L'avis  ci-après  vicnl  d'élrc  communiqué  aux  journaux  : 

«  Les  organisateurs  de  l'exposition  de  tableaux  au  bénéfice  de 
l'Hospilalilé  de  Bruxelles,  encouragés  par  le  succès,  poursuivent 
l'œuvre  de  charité  qu'ils  ont  entreprise.  Ils  avaient,  dès  le  début, 
décidé  d'organiser  successivement  des  expositions  de  cinquante 
chefs-d'œuvre  de  l'école  française,  de  cinquante  chefs-d'œuvre 
d'artistes  décédés  ayant  appartenu  à  l'école  belge,  et  ensuite,  dans 
les  limites  du  possible,  de  cinquante  chefs-d'œuvre  des  écoles 
hollandaise,  anglaise,  suédoise,  etc. 

«  De  môme  que  pour  l'exposition  actuelle  des  chefs-d'œuvre  de 
l'école  française,  ils  s'efforceront  pour  les  deux  autres  expositions 
de  réunir  des  œuvres  d'art  non  seulement  d'un  ordre  tout  à  fait 
supérieur,  mais  encore  de  nature  à  exciter  l'intérêt  par  leur 
caractère,  leur  origine  ou  leur  rareté. 

«  Ce  sera  vers  le  i"  mai  que  s'ouvrira,  en  la  Galerie  moderne, 
au  bénéfice  de  l'Hospitalité,  la  deuxième  exposition  formée  de 
cinquante  chefs-d'œuvre  d'artistes  décédés  ayant  appartenu  à 
l'école  belge.  » 

L'idée  que  nous  avons  émi-^e  il  y  a  quinze  jours,  et  qui  fut  si 
favorablement  accueillie,  est  donc  adoptée.  On  jijoule  que  dès  le 
début  (le  début  de  quoi?)  cette  exposition  était  décidée.  Celte 
petite  malice  vise  évidemment  nos  réclamations  réitérées  en 
faveur  des  artistes  belges,  contre  lesquels  l'exposition  des  «  cin- 
quante chefs-d'œuvre  français  »,  venant  si  étrangement  comme 
pour  faire  diversion  au  sujet  de  la  vente  Jules  Lequime,  paraissait 
dirigée.  Il  est  assez  singulier  que  ce  projet,  arrêté dè«/ede6w/,  n'ait 
vu  le  jour  qu'après  nos  deux  sommations  consécutives,  formulées 
à  huit  jours  d'intervalle,  et  qu'aucune  mention  n'en  aitété  faite  pré- 
cédemment ni  sur  les  affiches,  ni  dans  les  journaux.  Il  est  étrange 
que  la  série  qu'on  nous  annonce  inopinément  aujourd'hui  n'ait 
pas  commencé  par  une  exposition  nationale.  Mais  passons.  La 
seule  chose  qui  importe,  c'est  que  l'exposition  ait  lieu,  et  qu'elle 
ail  lieu  sans  retard. 

Il  est  acquis  désormais,  et  c'est  ce  que  nous  avons  tenu  à  établir, 
que  l'école  belge  a  le  droit  d'être  trailée  avec  les  mêmes  égards  que 
les  écoles  étrangères.  Il  esl  acquis  que  le  sol  préjugé  qui  consis- 
tait à  dénigrer  les  productions  nationales  au  profit  d'une  çat(^goric 
reslreiiiie  de  toiles  françaises  a  pris  fin.  Il  csl  acquis  qu'on  ne 
verra  plus  certaines  personnalités  se  donner  la  triste  mission  de 
dénigrer  systémaliquement  nos  artistes  nationaux  et  de  les  repré- 
senter comme  de  maladroits  imitateurs  de  l'école  française.  Nous 
en  prenons  acte,  et  nous  attendons  avec  confiance  le  résultat  de 
l'épreuve. 

Mais  nous  exigeons  que  pour  l'exposition  des  «  cinquante 
chefs-d'œuvre  belges  »  le  choix  soit  fait  avec  discernement  et 
avec  loyauté.  Il  sérail  trop  aisé  de  donner  hypocrilemcnl  un 
croc-cn-jambe  à  notre  école  en  réunissant  cinquante  œuvres 
médiocres,  même  signées  de  noms  connus.  Tout  aussi  aisé,  d'ail- 
leurs, que  de  composer,  avec  des  Mille!,  des  Rousseau,  des 
Courbet,  des  Troyon  de  second  ordre,  une  exposition  quel- 
conque, qui,  loin  de  faire  valoir  ces  maîtres,  les  éreinicrait. 

Il  existe  dans  les  collections  bruxelloises  assez  de  toiles  belges 
de  valeur  pour  former  une  sélection  dont  l'ensemble  ne  le  cédera 
en  rien,  nous  l'affirmons,  à  un  groupement  comprenant  un  même 

(1)  Voir  l'Art  Moderne  des  10  et  17  avril. 


nombre  d'œuvres  étrangères,  dues  à  un  môme  nombre  d'arlisles 
et  de  dimensions  analogues.  Déjà,  en  raison  des  sollicitations 
pressantes  dont  nous  étions  l'objet  et  du  silence  que  gardaient, 
malgré  nos  instances,  les  organisateurs  du  Salon  des  «  cinquante 
chefs-d'œuvre  »,  nous  avions  dressé  une  liste,  dans  laquelle 
seuls  les  artistes  belges  décédés  avaient  pris  rang.  Nous  avions 
pointé  minutieusement  les  œuvres,  choisies  exclusivement  dans 
les  galeries  particulières  de  Bruxelles,  en  pouSsant  le  scrupule, 
afin  de  rendre  la  démonstration  irréfutable,  jusqu'à  aligner,  en 
nombre  égal,  un  même  chiffre  de  tableaux  peints  par  chacun  des 
vingt  artistes  belges  dont  nous  opposions  les  œuvres  aux  vingt 
artistes  français  choisis  par  les  organisateurs. 

Il  faut  que  l'expérience  soit  faite  dans  des  conditions  d'absolue 
égalité,  et  nous  veillerons  de  près  à  ce  que  ce  concours,  dont 
l'importance  est  considérable,  soit  strictement  impartial.  A  cet 
égard  encore,  il  importe  que  les  commentaires  laudatifs  dont  un 
imprésario  plein  de  bonne  volonté  et  de  faconde  documenlail 
assidûment  les  «  cinquante  chefs-d'œuvre  de  l'école  française  » 
trouvent  leur  équivalent  à  l'cxpàsilion  des  «  cinquante  chefs- 
d'œuvre  de  l'école  belge  ».  On  sait  le  poids  de  ces  appréciations, 
adroitement  lancées  dans  le  public  docile.  Arthur  Stevens  vous 
avait  une  façon  de  passer  devant  un  tableau  belge,  avec  un  coup 
de  langue,  un  haussement  d'épaules  et  un  regard  decAté  qui  exé- 
cutait l'œuvi-e.  C'est,  en  grande  partie,  grâce  au  magnétisme  de 
discours  «  débités  d'une  voix  profonde,  avec  des  gestes  enve- 
loppeurs  »,  qu'il  a  pu,  durant  trente  années,  provoquer  une 
hausse  non  interrompue  sur  les  productions  de  tels  artistes 
qu'il  avait  pris  sous  son  protectorat.  Ce  sont  les  mêmes  effets 
vocaux  qui  ont  tué  chez  les  collectionneurs  le  désir  d'ac- 
quérir des  œuvres  non  cotées  à  la  Bourse  des  arts,  qui  ont 
propagé  le  plus  injuste  parti  pris  contre  toute  toile  éplose  au 
soleil  des  Flandres,  qui  ont  fermé  les  portes  des  galeries  aux 
De  Braekeleer,  aux  De  Groux,  aux  Artan,  aux  Dubois,  aux  Bou- 
lenger,  aux  Agneessens,  pour  n'y  laisser  pénétrer  qu'un  cortège, 
toujours  idenlique,  de  signatures-banknoles,  tarifées  comme  des 
filles,  que  les  déconfitures  financières  successives  font  passer  de 
main  en  main  avec  les  bijoux  et  l'argenterie. 

Ce  temps  est  révolu,  —  l'exposition  annoncée  nous  en  donne 
l'espoir.  Arthur  Stevens  mon,  il  ne  se  trouvera  personne  pour 
reprendre  sou  rôle  mi-mondain,  mi-commercial.  El  si  quelque 
imprudent  s'avisait  de  singer  les  gestes  et  la  voix  du  défunt  pour 
répéter,  dans  le  môme  esprit  de  propagande  intéressée,  les  con- 
férences qu'une  longue  habitude  et  de  réels  mérites  personnels 
avaient  fait  tolérer  chez  le  «  patron  »,  le  «  stagiaire  »  serait 
promplemenl  remis  au  pas  et  énergiquemenl  rappelé  à  l'ordre. 


Jj'«   '^XCELplOF^   »     D'^MgTERDAM 
Le  Chant  de  la  Cloche. 

M.  Albéric  Magnard  consacre  dans  le  Figaro  un  élogieux 
article  à  l'exécution  du  Chant  de  la  Cloche  de  Vincent  d'Indy,  à 
laquelle  nous  avons  assisté  à  Amsterdam  et  dont  nous  avons 
rendu  compte  (I).  L'élude  contient  sur  l'organisation  de  l'impor- 
tante société  chorale  hollandaise  des  détails  intéressants  qu'il  nous 
paraît  utile  de  reproduire.  Puissent-ils  inspirer  aux  amateurs  bru- 
xellois le  désir  de  se  réunir  comme  le  font  ceux  d'Amstcdam  et 

(1)  Voir  l'Art  moderne  du  3  avril. 


d'arriver  ainsi  à  l'exécution  des|[randes  œuvres  chorales  modernes 
que,  faute  de  ressources  suffisantes,  aucun  directeur  de  concerts 
ne  peut  tenter.  Ne  se  trouvera-t-il  pas  un  musicien  dévoué  et 
intelligent  pour  reconstituer"  l'ancienne  Société  de  musique  de 
Bruxelles  qui  nous  donna,  voici  vingt  ans,  quelques  belles  audi- 
tions ? 

Ceci  dit,  voici  l'appréciation  de  M.  Magnard,  qui  confirme 
en  tous  points  celle  que  nous  avons  émise  : 

«  La  Société  Excelsior  d'Amsterdam  a  consacré  son  second  con- 
cert annuel  au  Chant  de  la  Cloche  de  Vincent  d'Indy.  Couronnée 
au  concours  de  la  Ville  de  Paris,  cette  superbe  .symphonie  avec 
chœurs  fut  jouée  en  i886  aux  concerts  Lamoureux  et  à  Angers, 
grâce  à  l'arlistiquc  inilialive  de  M.  Bordier.  Depuis,  la  partition 
d'orchestre  était  restée  dans  les  carions  d'un  compositeur  por  trop 
modeste  et  là  partition  de  piano  dans  ceux  d'un  éditeur  par  trop 
inintelligent.  Aux  Hollandais  l'honneur  d'avoir  remis  en  lumière 
une  des  grandes  œuvres  de  la  musique  contemporaine. 

Nos  critiques  ne  sont  pas  ingambes.  J'ai  rencontré  aussi  peu  de 
Français  à  Amsterdam  qu'à  Karlsruhe  il  y  a  dix-huit  mois,  lors  de 
l'exécution  des  Troyens.  Plusieurs  musicographes  belges  avaient 
annoncé  leur  venue.  Seul,  M.  Octave  Maus,  le  solide  champion  de 
l'art  moderne  à  Bruxelles,  a  tenu  sa  promesse.  Le  voyage  de 
Hollande  n'est  cependant  ni  long,  ni  pénible,  et  d'admirables 
musées  de  peinture,  des  paysages  enchanteurs,  un  accueil  cordial 
valent  bien  quelques  heures  de  chemin  de  fer. 

La  Société  Excelsior  est  une  société  chorale  d'amateurs. 
J'avais  peine  à  le  croire  en  écoulant  la  répétition  générale  :  les 
voix  sont  belles  et,  pour  la  franchise  des  attaques,  la  justesse  des 
intonations,  la  fmesse  des  nuances,  ces  dilettantes  n'ont  rien  à 
envier  aux  meilleurs  chœurs  des  théAtres  français,  bavarois  ou 
saxons.  C'est  qu'en  Hollande  (comme  en  beaucoup  de  contrées  du 
Nord)  le  goût  de  la  musique  vocale  est  très  répandu.  Les  hommes 
aussi  bien  que  les  femmes  de  la  meilleure  société  travaillent  assi- 
dûment le  solfège  et  ne  laissent  pas  échapper  une  occasion  de  se 
réunir  pour  chanter;  on  vocalise  en  ce  pays  comme  chez  nous 
l'on  joue  du  piano,  mais  avec  une  gravité,  une  conscience,  un 
respect  de  l'art  qui  manquent  à  nos  amateurs. 

M.  L...,  éiudianl  à  Utrecht,  fait  toutes  les  semaines  le  voyage 
d'Amsterdam  pour  assister  à  la  répétition  d'ensemble.  M.  D...,  un 
des  grands  négociants  de  la  njélropole,  me  confie  que  son  plus 
vif  plaisir  est  d'organiser  chez  lui  des  quatuors  vocaux;  sa  femme 
et  sa  "fille  chantent  les  dessus;  lui-même  ténorise;  et  l'on  invile 
quelque  ami  dont  la  voix  de  basse  puisse  soutenir  le  trio  fami^ 
liai.  Celte  passion  explique  le  nombre  considérable  des  sociétés 
chorales.  Celle  dont  il  s'agit  ici  a  une  dizaine  d'années  d'exis- 
tence. Ses  membres  (âOO  environ)  paient  chaque  saison  une  coti- 
sation de  10  florins  (20  francs);  avec  le  concours  de  quelques 
abonnés,  ils  n'ont  pas  de  peine  à  couvrir  les  frais  d'un  orchestre 
et  donnent  annuellement  deux  grands  concerts.  Au  premier  de 
cette  saison  fut  exécutée  la  messe  de  Requiem  de  Berlioz.  On  voit 
quelle  place  la  société  Excelsior  fait  dans  ses  programmes  à  la 
musique  française. 

400  choristes  et  instrumentistes  ont  concouru  à  l'exécution  du 
Chant  de  la  Cloche,  sous  la  direction  de  M.  Viotia,  docteur  en 
droit.  Je  ne  doute  pas  de  la  science  juridique  de  M.  Violla,  mais 
j'ai  la  certitude  qu'il  est  un  excellent  chef  d'orchestre,comparable, 
'  pour  le  sang-froid  et  l'intelligence  de  l'interprétation,  à  nos 
célébrités  parisiennes.  Je  ne  lui  reprocherai  que  l'exagération  de 
quelques  mouvements  lents;  encore  faut-il  lui  tenir  compte  des  dif- 


férences de  race  ;  «adagio»  n'a  pas  le  même  sens  pour  un  Hollan- 
dais que  pour  un  Français.  M.  Viotta  a  conduit  l'œuvre  d'un  bout  à 
l'autre  avec  une  aisance  et  une  sûreté  d'autant  plus  admirables  que, 
la  veille  au  soir,  pendant  la  répétition,  on  avait  assassiné  sa  ser- 
vante, puis  défoncé  son  coffre-fort,  et  qu'il  avait  dû  passer  une 
nuit  blanche  en  conversations  inutiles  avec  des  agents  de  police. 
Les  crimes,  il  est  vrai,  sont  si  rares  en  Hollande  que  la  peine  de 
mort  y  est  abolie  depuis  nombre  d'années. 

Le  succès  a  dépassé  toute  espérance.  La  fin  de  la  délicieuse 
scène  d'amour  a  provoqué  un  frisson  communicatif  d'admiration; 
après  le  tableau  de  la  Fêle,  c'a  été  un  enthousiasme  grandissant; 
l'Incendie  et  la  Mort,  ces  deux  pages  magistrales,  ont  valu  à 
leur  auteur  une  ovation  sans  fin.  Le  chef  de  la  jeune  école  fran- 
çaise se  souviendra  longtemps  de  cet  hommage  spontané,  sincère, 
d'un  public  pur  de  toute  claque,  et  ses  quelques  amis  présents  de 
la  joie  qu'ils  en  ont  ressentie. 

Il  me  faut  dire  un  mot  du  banquet  qui  a  terminé  la  soirée. 
Jusqu'au  dessert,  il  m'avait  paru  ressembler  à  tant  d'autres  agapes 
du  même  genre,  animé  cependant  d'une  cordialité  plus  franche. 
A  ce  moment,  le  président  de  la  société  se  lève  et  glorifie  l'auteur 
delà  Cloche  et  la  musique  française.  M.  V.  d'Indy  répond  en 
termes  émus  et,  dans  une  heureuse  inspiration,  boit  aux  dames 
absentes,  b  qui  revient  en  si  grande  part  le  succès  de  son  œuvre. 
A  peine  a-t-il  terminé  que  tous  nos  hôtes  se  dressent  le  verre  en 
main  et,  avec  une  sûreté  extraordinaire,  entonnent  un  «  hoch  » 
mouvementé  suivi  d'une  large,  sonore  cadence  parfaite.  Rien  de 
plus  émouvant  que  cet  applaudissement  en  musique,  entièrement 
nouveau  pour  nous.  Les  toasts  et  les  réponses  se  succèdent  dès 
lors,  ponctués  de  bravos  en  chœur,  de  chants  populaires,  de 
thèmes  wagnériens  auxquels  nous  finissons  par  nous  mêler.  Quel- 
ques heures  durant,  nous  avons  la  sensaiion  nette,  intense,  d'as- 
sister à  un  de  ces  banquets  qu'immortalisa  le  pinceau  d'un  Franz 
Hais  ou  d'un  van  der  Helst. 

On  se  sépare  avec  l'espérance  de  se  revoir  l'an  prochain  à  une 
exécution  des  Béatitudes  de  César  Franck,  le  maître  méconnu.» 


EN   VACANCES 

par  le  baron  de  Haullevillb.  —  Bruxelles,  Lacomblez.         ~- 

Ouvrez  le  volume  de  M.  de  Haulleville,  lisez-en  un  chapitre,  et 
essayez  donc  de  ne  pas  dévorer,  jusqu'à  la  dernière,  les  350  pages 
du  livre.  Les  10,000  francs  de  M.  Mouligneau  à  qui  résistera  à  la 
tentation  ! 

L'auteur,  en  effet,  voit  avec  des  yeux  si  pénétrants  et  raconte 
avec  tant  de  charme  et  de  bonhomie  ce  qu'il  a  vu  qu'on  n'imagine 
pas,  dans  la  visite  des  lieux  qu'il  décrit,  de  meilleur  compagnon 
de  voyage  ni  de  guide  plus  expert.  Il  ne  s'arrête  pas  au  décor, 
ne  se  contente  pas  du  chatoiement  des  costumes.  La  description 
des  sites  tient  peu  de  place  dans  ses  «  notes  »,  et  ses  «  impres- 
sions »  sont  colles  d'un  esprit  sagace,  observateur,  qui  cherche 
dans  le  fait  contingent  l'universalité,  dans  l'individu  l'humanité, 
et  auquel  une  culture  approfondie  donne  un  attrait  particulier. 

M.  de  Haulleville  nous  promène  à  l'aventure,  au  gré  des  insou- 
ciantes excursions  que  lui  ont  permises,  en  ces  dernières  années, 
ses  loisirs  de  journaliste. 

Les  côtes  d'Angleterre,  la  Campine  limbourgeoise,  les  Ardennes 
belges,  l'Ecosse,  le  Luxembourg  et  Trêves,  une  visite  h  M"*  Adam 
en  son  abbaye  de  Gif,  une  réception  chez  le  duc  d'Aumale  à 


Chantilly  sont  autant  de  prétextes  aux  boitons  rompus  d'une  cau- 
serie spirituelle  dans  laquelle  s'encliftssent  les  souvenirs  person- 
nels, les  anecdoies,  l'évocation  de  telle  scène  historique,  dételle 
figure  légendaire.  Nulle  pose,  nulle  raideur  en  ces  pages  ainnablcs, 
aussi  éloignées  des  platitudes  d'un  Bacdecker  que  de  la  prétention 
doctorale  d'un  aperçu  ethnographique.  N'empêche  que  plusieurs 
d'entre  elles  deviendront  documents  d'histoire. 

C'est  l'art  de  M.  de  Haulleville,  —  et  il  le  possède  à  miracle,  — 
de  tout  dire  sans  offusquer  personne,  de  donner  paisiblement  son  ^ 
avis  sur  les  hommes  et  sur  les  choses  sans  égraligner  d'épiderme. 
En  Vacances,  c'est  comme  les  mémoires  d'un  diplomate.  Des 
détails  curieux,  des  particularités  piquantes  y  sont  épingles 
parmi  les  feuillets  destinés  à  d'exacts  renseignements  topogm- 
graphiques  ou  statistiques.  L'auteur  a  fait  ample  moisson  de 
menus  faits  et  d'observaliQns.  El  depuis  les  million  chops  dont 
rabondance4e  met  en  émoi  dès  son  arrivée  à  Douvres  jusqu'à  la 
«  monotonie  de  piété  intense  et  expressive  »  des  pèlerins  ras- 
semblés à  Trêves  pour  loucher  la  robe  du  Christ,  il  note  minu- 
tieusement tout  ce  qui  provoque  en  lui  une,  impression,  fugitive 
ou  durable.  Cela  constitue  un  kaléidoscope  amusant  et  varié,  dans 
lequel  l'art,  la  politique,  l'histoire,  l'amour  des  beautés  naturelles 
s'unissent  et  se  fondent  en  figures  multicolores,  relevées  d'une 
pointe  d'humour  qui  les  fait  élinceler  davantage. 

M.  H.  Van  Doorsiaer,  que  sa  spécialité  d'homme  de  mer  dési- 
gnait expressément,  a  écrit  pour  ce  livre  quelques  pages  sur  la 
flotte  embossée  à  Portsmouth,  qu'il  a  visitée  avec  M.  de  Haulle- 
ville. Celui-ci'déclare  ce  paragraphe  le  meilleur  de  son  ouvrage. 
On  n'est  ni  plus  modeste  ni  meilleur  compagnon  de  roule. 


Le  Jardin  de  l'Ame,  par  Fermand  Roussel. 
Matines,  L.  et  A.  Godenne.  Un  vol.  in-18,  76  pages. 

Voici  un  livre  un,  tout  d'une  même  tonalité,  tristesse  résignée, 
remords  et  regrets  étouffés,  admis  à  la  longue  des  temps  et  devenus 
comme  une  indispensable  atmosphère  d'Sme. 

'  Sous  le  pensif  ennui  de  la  mélancolie, 

J'erre  dans  un  jardin  ombragé  de  lys  noirs 
Frissonnants,  convulsifs  sous  l'étreinte  des  soirs, 
D'une  blême  et  lointaine  et  très  lente  agonie. 

Les  eaux  lourdes  du  Styx  le  contournent  neuf  fois 
—  0  ce  jardin  troublant  des  ombres  suppliantes 
Qui  vont,  penchant  le  front,  en  pâles  pénitentes. 
Prier  des  vœux  d'oublis  de  leurs  funèbres  voix. 

J'ai  dit  pour  ces  morts  qui  expirent  leurs  peines 

Des  mots  silencieux,  pleins  dé  frêle  douleur, 

Et  leurs  cœurs  en  mon  âme  ont  reconnu  leur  sœur. 

Et  la  Mémoire,  assise  en  son  trône  d'ébène 
A  souri  —  la  syrène  1  —  ;\  ces  âmes  d'autan 
Qui  chantaient  doucement  à  leurs  rêves  d'enfant  ! 

Ce  jardin  troublant,  c'est  le  jardin  de  l'ûme,  où  les  lumières  et 
les  ombres,  les  fleurs  de  printemps,  comme  les  tiges  mortes  d'au- 
tomne vivent,  d'une  même  vie  présente  de  souvenirs  gais  atté- 
nués de  ressouvenirs  tristes  :  les  amours  de  jadis  qui  ont  fait  de 
tel  coin  de  l'âme  le  désolant  rendez-vous  des  regrets  et  des  torts; 
le  rêve  d'enfance  qui  y  meurt  dans  tel  autre,  sur  un  tremblant 
échafaud,  laissant  avec  lui  «  dans  le  panier  fatal  aux  mailles  de 
silence,  s'amonceler  ses  funèbres  désirs  d'ombres  et  de  terreurs 
sombremenl  étoiles  ».  El  de  partout  s'élèvent  les  lentes  sympho- 
nies pour  l'éternel  repos  des  passions  d'anlan.  Se  succèdent  en  de 
telles  visions  fanées,  les  modalités  très  douces  de  celle  ûme 
musicale.  " 


Livre  très  doux,  en  demi-teinte,  à  relire  aux  demi-clarlés  d'un 
soir  de  cathédrale;  sorte  de  confession,  épanchée  à  voix  basse, 
el  dont  la  terreur,  s'il  se  pouvait,  amortie  encore  par  le  dire. 

El  comme  l'imprécision  ici  est  vénérable  qualité  et  comme 
immatérielles  bien  toutes  les  pensées,  —  si  peu  liées  à  leurs 
terrestres  vocables  que  malgré  ceux-ci,  ailleurs  el  au  delà,  dans 
l'impalpable,  l'invisible,  l'indicible,  en  est  spontanément  recher- 
ché le  sens  et  l'idée.  Tout  mot  s'auréole  d'un  autre,  plus  mental, 
plus  parfaitement  adéquat  à  la  vie  intérieure,  toute  expression  se 
nimbe  de  quelque  mystique  symbole. 

Tels  n'apparaissent-ils  pas  ces  vers  des  Veux  fanés  : 

Je  suis  le  faible  amant  des  yeux  fanés  de  larmes, 
Qui  jamais  satisfait  et  toujours  plus  blessé. 
De  ces  yeux  résignés,  étrange  fiancé, 
Adore  en  se  signant  la  douleur  de  leurs  charmes. 

O frères  maladifs  des  automnes  sanglants  1 

Comme  à  des  sphinx  couchés  sous  un  dais  de  tristesse 

J'effeuillerai  pour  vous  mon  culte  de  tendresse 

En  des  plains-chants  d'amour  ténébreux  et  troublants. 

Je  calmerai  vos  yeux  de  ma  douleur  aimante  : 
Ils  se  croiront  bercés  d'une  plainte  chantante, 
Entendue  au  lointain  d'un  horizon  profond. 

Oh  1  je  suis  le  martyr  de  Vos  aimes  prunelles. 
Le  martyr  murmurant  des  paroles  si  frêles 
Que  des  neiges  de  paix  en  elles  brilleront! 

Vers  d'une  douceur,  d'une  élégance,  d'une  profondeur  intenses. 
Technique  savante  au  service  d'un  sentiment  eld'un  goûl  délicat. 
Verbe  assoupli  à  toutes  les  exigences  musicales  de  noire  oreille 
déjà  presque  blasée  par  les  modernes  chefs-d'œuvre  du  Rythme  el 
de  l'Assonnance. 


^CCUpÉp     DE    F^ÉCEPTIO]^ 

Le  Mouvement  social,  revue  socialiste  bi-mensuelle  (économie 
politique,  littérature,  beaux-arts).  Rédaction  :  Maison  du  Peuple, 
Bruxelles.  Abonnements  :  5  francs  par  an.  Collaborateurs  :  G.  Eek- 
houd,  G.  Lemonnier,  E.  Verhùeren,  E.  Vander  Velde,  C.  Demblon, 
A.-J.  Waulers,  D'  Charbonnier,  J.  Volders,  V.  Arnould,  etc.  — 
/)%  '  social,  '"vue  mensuelle.  Paris,  impasse  de  Béarn,  5. 
(M.  ij&.jrici  ui  là'&àWe.) 


GYPTIS 


Pourquoi  on  a  joué  à  la  Monnaie  cette  Gyplis  inconnue,  d'iutt 
rêl  contestable,  alors  que  les  directeurs  se  montrent  si  chichesde 
nouveautés?  Voici  :  La  maison  Durand,  propriétaire  exclusive  de 
la  traduction  française  de  Lohengrin,  a  imposé  le  petit  opéra  de 
M.  Noël  Desjoyeaux  comme  condition  sine  qua  non  de  l'aulorisa- 
tion  qui  lui  était  demandée  relativement  aux  représentations  de 
Wagner.  L'usage  s'établit,  chez  les  éditeurs,  de  forcer  les  direc- 
tions lliéûtrales  à  exhiber  un  ours  pour  compenser  le  bénéfice  que 
doit  leur  procurer  tel  ouvrage  appelé  à  un  succès  certain.  C'est 
ainsi  que  pour  obtenir  le  droit  de  représenter  Miss  Helyetl, 
M.  Durieux,  directeur  des  Galeries,  dut  s'engager  à  monter 
rOncle  Célestin. 

Les  éditeurs  ont  toujours  en  magasin  un  lot  de  partitions  qui, 
sans  cette  combinaison,  ne  verraient  point  la  lumière. 

Pourtant  il  s'est  trouvé  que  Gyplis  a  été  un  ours  bien  léché,  un 
ours  de  bonne  compagnie,  dont  l'apparition  fut  assez  favorable- 
ment accueillie.  Le  sujet  n'est  pas  fait  pour  révolutionner  l'art 


134 


L'ART  MODERNE 


dramatique.  11  pivote  sur  une  discussion  courloise  entre  un  jeune 
Phocéen  qui  chante  la  concorde,  l'amour,  la  gloire  des  poêles,  el 
iin  chef  de  Ligures,  pour  qui  les  combats  sanglants  sont  seuls 
dignes  d'enflammer  un  cœur  viril.  Gyplis,  la  princesse  mélanco- 
lique,sommée  par  la  volonté  paternelle  de  choisir  entre  les  deux 
héros,  tend  au  Phocéen,  après  une  invocation  aux  dieux,  la 
coupe  sacrée  qui  liera  sa  vie  à  celle  de  l'élii.  Et  c'est  Euxenos,  le 
messager  de  paix,  qui  l'emporte  sur  le  conquérant.  Grâce  au  dis- 
cernement delà  douce  fiancée,  l'ère  des  massacres  est  close.  Sur 
les  rives  de  la  mer  azurée  s'élèvera  Marseille,  où  une  civilisation 
raffinée  remplacera  la  barbarie. 

Sur  je  canevas  ténu,  les  librettistes  ont  brodé  deux  actes  un 
p2u  longuets  que  M.  Noël  Desjoyeaux  a  habilement  mis  en  musique 
en  s'inspirant  des  maîtres  en  vogue  :  Reyer,  dont  Sigtird  paraît 
avoir,  en  maints  passages,  hanté  le  jeune  compositeur;  Lalo,  —  le 
Lalodu  Roi  d'Fs,  —  Masscncl,  enfin,  le  prototype  du  musicien 
abondant,  expert  en  l'art  d'accomoder  gracieusement  la  banalité 
de  ses  conceptions. 

L'œuvre  est  bien  écrite,  assez  dramatique  pour  donner  l'espoir 
d'un  tempérament  qui  se  révélera  quelque  jour  quand  il  sera 
débarrassé  des  souvenirs  qui  l'obsôdent.  Plusieurs  scènes  ont  été 
applaudies  avec  bienveillance.  Nous  citerons  spécialement,  au 
premier  acte,  le  duo  de  Gyplis  et  d'Euxenos,  au  second  la  danse 
grecque  et  l'hymne  martial  du  héros  Ligure. 

La  première  représentation,  donnée  la  veille  de  Pâques,  alors 
que  Polyeucte  au  Parc  et  Rip  aux  Galeries  drainaient  une 
partie  du  public  habituel  des  premières,  n'avait  réuni  qu'un 
auditoire  clairsemé.  On  a  vanté  unanimement  l'interprétaiion, 
qui  a  été  remarquable.  M"«  Guy,  une  nouvelle  venue,  a  chanté 
avec  une  irréprochable  justesse  et  avec  un  seniimenl  dramatique 
acrusé  le  rôle  principal.  M""  de^Déridcz,  MM.  L^presire,  Badiali 
et  Dinard  lui  ont  fort  bien  donné  la  réplique.  Tous  ont  été  rappe- 
lés au  baisser  du  rideau.  ^  , 


,  r 


EXPOSITIONS  COURANTES 

J.  Leempoels 


Il  y  avait,  en  ces  toiles  àjnlcntions  philosophiques,  de  bonnes 
choses,  de  mauvaise;?,  si  de  pires:  les  inégalités,  les  tâtonnements, 
les  réussites  çl  Ics  naufrages  d'un  esprit  inquiet,  à  la  recherche 
d'ex.pfessions  nouvelles,  plus  raisonneur  que  peintre,  mais  non 
'ijanal.  Quelques  portraits  durement  exécutés  dans  dos  tonalités 
y"        triviales  ne  donneraient  des  efforts  du  joune  artiste  qu'une  idée 
inexacte.  Mieux  inspiré  dans  les  compositions  où  il  vante  l'amour 
familial,   il  demeure  néanmoins  arrêté  par  la  contingence  trop 
immédiate  des  réalités,  el  ses  allégoriques  figures  demeurent,  — 
mise  à  part  l'étrquetle  explicative,  —  d'assez  médiocre  peinture 
documentaire,  empêtrée  dans  les  recettes,  figée  en  de  convention- 
nelles   attitudes.   Parfois  s'élève  inopinément   un   morceau  de 
choix,  dont  la  distinction  contraste  avec  la  vulgarité  ambiante. Tel  : 
ce  très  joli  groupe  où  l'artiste  s'est  représenté,  avec  les  siens,  en 
des  nuances  pâlies  de  fresque.  Le  sommeil,  une  toile  aux  tons  de 
colle-forte,  de  nicotine,  de  sauce  anglaise,  évoquant  on  ne  sait 
quels  lointains  Wappers  et  quels  malencontreux  Dekeyser,  con- 
stitue néanmoins,  malgré  le  déplaisant  ensemble  et  l'invraisem- 
blable vieux  jeu  de  la  composition,  une  curieuse  étude  d'expres- 
sions. Vue  isolément,  la  léle  de  l'enfant  devant  lequel  passent. 


trop  matérialisés,  les  vices  menaçants,  est  fort  heureusement  com- 
prise el  d'une  remarquable  intensité. 

En  de  vastes  el  vides  —  malgré  le  nombre  des  personnages  — 
compositions  amphigouriques ,  M.  Leempoels  vise  la  satire.  H 
déroule  des  banderoles  explicatives,  commente  son  catalogue 
de  gloses  variées  où  il  esl  question  des  travers  de  l'humanité,  de 
la  soif  de  l'or,  de  la  légèreté  des  femmes  et  de  vingt  autres  bana- 
lités. M.  Leempoels  souhaite-t-il  avoir  quelque  jour  un  quel- 
conque Triomphe  de  la  Lumière ér'i^é  sur  une  citadelle? 

Le  souvenir  deWierlz  naît  tout  naturellement  devant  ces  toiles 
compliquées  où  la  peinture  ne  serl  que  de  prétexte  à  des  argu- 
mentations théoriques.  Mais  ce  qui  a  fait  la  demi-célébrité  du 
peintre  dinantais:  la  fougue  de  ses  improvisations,  l'emportement 
de  son  pinceau  el  cette  souvent  très  originale  conception  de  la 
vie,  manque  à  M.  Leempoels.  Sa  peinture  chiche  n'a  rien  d'atti- 
rant. Ses  pamphlets  sont  des  rébus  qui  n'ont  ni  l'excuse  de  la 
belle  ligne,  ni  celle  des  harmonieuses  relations  de  couleurs.  Et  la 
vulgarité  des  types  choisis,  —  à  part  certains,  —  n'est  pas  faite 
pour  séduire  davantage.  L'ensemble  est  curieux,  mais  laisse 
indifférent,  avec  le  regret  du  temps  et  du  talent  employés  à  des 
besognes  inutiles.  " 

CONCERTS  PARISIENS 

Le  mois  d'avril  a  été  copieusement  rempli  :  on  a  pu  entendre 
un  peu  de  bonne  et  beaucoup  de  mauvaise  musique.  D'abord, 
pour  accompagner  la  Passion  de  M.  E.  Haraucourt,  quelques 
accords  plaqués  fort  ordinaires,  et  des  improvisations  quelcon- 
ques sur  des  thèmes  fadasses;  cela  s'intitule  pompeusement  : 
MusiQt'E  DE  M.  Francis  Thomé. 

Pendant  ce  temps,  M.  Lipacher  joue  la  sienne  au  Théâtre 
Moderne  pour  le  Christ  de  Grandmougin,  et  elle  est  plus  médiocre 
encore,  car  il  y  en  a  davantage.  Ah  !  cette  rage  des  compositeurs 
de  traduire  cet  infini  sentiment  chrétien,  tant  intense  que  nous  en 
vivons  tous  encore,  en  boudoirisme  langoureux,  et  de  nous  pré- 
senter ainsi  à  tout  instant  des  petits  Jésus  en  sucre  ou  à  l'eau  de 
rose!... 

Pour  nous  cous-ole^,  S  la  Salle  Erard,  un  splendide  concert  : 
c'est  la  Société  nationale,  qui  toujours  va,  sous  la  puissante 
impulsion  du  maître  Vincent  d'indy,  évoluant  en  son  absolument 
remarquable  effort  d'art.  Entendu  un  Hymne  à  Vénus  pour 
chœur  de  femmes  avec  accompagnement  de  quatuor  d'instru- . 
menls  à  vent  en  boïs  el  de  harpe  de  M.  P.  de  Bréville  :  musi- 
que extrêmement  curieuse  de  conception  et  de  facture,  d'une 
recherche  d'aspocl  et  d'impression  bizarres.  Puis  les  cinq  mélo- 
dies de  M.  Gabriel  Fauré  sur  des  poésies  de  P.  Verlaine  donl 
vous  avez  eu  la  primeur  aux  XX et  qui  prouvent  combien  large- 
ment s'est  trompé  le  poète  :  avoir  cru  mettre  soi-même  déjà  des 
musiques  suffisantes  en  ses  vers. 

La  Musique  de  scène  de  M.  Paul  Bergon  n'a  point  le  même 
charme  ni  la  saveur  particulière  de  bon  goût  qui  se  dégagent  des 
œuvres  franckistes. 

Vincent  d'indy  dirigeait  avec  sa  ferme  volonté  el  sa  suggestion 
irrésistible  une  magistrale  interprétation  des  fragments  du  Sam- 
son  de  Haendel  :  le  grand  intérêt  de  la  soirée. 

Puis  des  musiques  de  MM.  Chausson  el  Paul  Vidal,  d'une  impec- 
cable écriture,  d'une  polyphonie  toujours  admirable...  mais  un 
peu  loin  encore  des  œuvres  de  Franck  el  de  d'indy. 

M.  Charles  Lamoureux,  quelques  jours  après,  organisait  dans 


les  salons  de  la  Rose-Croix  une  délicate  soirée  consacrée  à  Wagner 
{Venusberg,  Chevauchée  el  final  du  Rheingold,  réductions  à  huit 
mains  par  Chevillard  ;  chœur  des  Fileuses  él  final  deParsifal  avec 
Engel,  qui  .aussi  a  superbement  dir  Arrêtez-vous  et  enfin 
\3l  Siegfried- Idyll).  Puis,  le  vendredi-saint,  Lamoureux  donnait  son 
dernier  concert  avec  Ernest  Van  Dyck.  Soirée  triomphale,  cl 
qui  n'eut  d'égale,  pour  le  chef  d'orchestre  parisien,  que  sa  glo- 
rieuse interprétation  de  la  Neuvième  symphonie,  véritable  leçon 
pourleConservatoireroutinier  et  M.  Colonne,  gâcheur.  M.  Colonne 
adonné  et  redonnera  DamnalioiiAç.  Berlioz  :  mieux  vautn'en  point 
parler.  Et  le  Conservatoire,  du  Saint-Saëns. 

E.  S. 

I  —i 

PlBLIOQRAPHIE    MUglCALE 

Les  compositeurs  de  la  Jeune  Russie  excellent  à  présenter  un 
thème  musical  sous  des  rythmes  divers,  à  lui  faire  subir  des  trans- 
formations imprévues,  à  en  élargir  ou  à  en  précipiter  l'allure 
selon  le  sens  de  la  phrase  dans  laquelle  ils  l'introduisent.  Exem- 
ple :  cette  très  curieuse  suite  de  six  morceaux  pour  piano  com- 
posée par  Tschaïkowsky  et  publiée  par  les  éditeurs  Mackar  et 
Noël,,  propriétaires  exclusifs,  en  France  et  en  Belgique,  des  œuvres 
du  maître.  Un  thème  unique,  exposé  dans  un  Prélude  de  deux 
pages,  est  développé  en.  forme  de  Fugue  à  quatre  parties,  puis, 
réduit  en  triolets,  il  passe  dans  un  Impromptu,  devient  ensuite 
Marche  funèbre,  se  mue  en  Mazourque  et  s'épanouit  en  un  joyeux 
Scherzo.  Ce  sont  là  jeux,  de  musicien  habile,  auxquels  le  choix 
des  tonalités,  l'art  des  développements  polyphoniques  et  d'une 
harmonisation  raffinée  donnent  une  saveur  exquise. 

Les  mêmes  éditeurs  mettent  en  venie  une  Marche  pour  piano 
de  M.  Ch.  Lefebvre  et  la  transcription,  par  M.  A.  Lavignac,  pro- 
fesseur au  Conservatoire  de  Paris,  de  trois  fragments  {Chœur  du 
Peuple,  Chœur  des  Disciples,  Air  de  Jésus)  du  drame  sacré  de 
M.  Henri  Maréchal  :  Le  Miracle  de  Naïm. 


^ETITE    CHROf><iqUE 

La  troisième  séance  de  musique  de  chambre  pour  instruments 
à  vent  et  piano  aura  lieu  aujourd'hui,  à  2  heures,  au  Conserva- 
toire. On  y  entendra  un  trio  de  Mozart  pour  piano,  clarinette  el 
alto,  la  sonate  en  fn  do  Beethoven  pour  piano  et  cor  el  le  Nonetto 
de  Naumann.  M.  Clieyrat,  ténor,  complétera  ce  programme  par  un 
intermède  vocal. 

C'est  aujourd'hui  à  2  heures  que  s'ouvre,  à  Anvers,  la  première 
exposition  d'aquarellistes  organisée  par  la  Société  royale  des 
Beaux-Arts.  

L'exposilion  de  Charicroi,  due  à  l'inilialivc  de  M.  Valère  Mabilie, 
s'est  ouverte  le  dimanche  de  Pâques  avec  un  grand  succès.  Elle 
comprend  plus  de  deux  cents  œuvres  d'art,  parmi  lesquelles  il  en 
esl  beaucoup  d'intéressantes.  A  dimanche  le  compte  rendu. 

L'Anlwerpsch  Mannenkoor  donnera  demain  soir,  à  l'ancienne 
Ecole  de  musique  d'Anvers,  son  premier  concert  national  sous  la 
direction  de  M.  Gerril  A. -A.  Wagner.  Des  œuvres  de  MM.  E.  Antoine, 
L.  Morielmans,  G.  Huberli,  P.  Benoit,  J.  Blockx  et  L.  Kefor 
composent  le  programme. 

C'est  à  ne  p;is  y  croire!  M.  Georges  Rénory,  le  Rénory  de  In 
Réforme,  le  tombeur  d'Ibsen  et  de  Maeterlinck,  insinue  dans  sa 
dernière  chronique  théâtrale  celte  phrase  certes  inattendue  : 

«  En  vérité,  je  vous  lé  dis,  les  temps  sont  proches.  Voici  que 
des  comédies  neuves,  audacieuses,  nettes,  franches,  mais  parfois 
imparfaites  encore,  ont  rendues  (1)  impossibles  les  sucreries  qui 
étaient  les  derniers  résidus  de  la  comédie  romanesque  ;  encore  un 
peu  de  patience  el  nous  verrons  surgir  la  fière  floraison  des  pièces 

(1)  Il  vaudrait  mieux  écrire  rendw,  niais  à  cela  près..... 


'f 


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véridiques,  fortes  et  saines  qui  doivent  coïncider  avec  la  prépa- 
ration de  la  société  nouvelle  et  qui  sont  dans  la  logique  de  nos 
besoins  intellectuels  de  demain.  La  place  est  vide  déjà,  sur  la 
scène  française,  vide  et  nettoyée  ;  le  plus  fort  est  fait.  » 

Serait-ce  un  cas  de  conversion  foudroyante,  une  sorte  de  rava- 
cholite  intellectuelle  ? 

Le  Maandhlad  voor  Muziek,  l'importante  revue  wagnérienne 
dirigée  par  M.  H.  Viotta,  consacre  son  numéro  de  mars  tout 
entier  au  Chant  de  la  Cloche.  M.  Viotta  fait  de  l'œuvre  une  ana- 
lyse détaillée,  en  intercalantdans  son  étude  les  thèmes  principaux 
de  l'ouvrage,  soigneusement  gravés.  C'est  faire  œuvre  de  propa- 
gande intelligente  et  utile. 

Le  Salon  et  les  soirées  de  la  Rose  +  Croix  n'ont  pas  été  une 
bonne  affaire  financière.  Les  dépenses  se  sont  élevées  à  plus  de 
30.000  francs,  les  recettes  à  peine  à  treize  mille. 

C'est  donc  un  déficit  de  i7,000  francs  que  M.  le  comte  Antoine 
de  La  Rot  hefoucauld  va  avoir  à  combler. 

Le  Théâtre  d'Art  donnera  prochainement,  dans  la  salle  du 
Select  Théâtre,  42,  rue  Roohechouarl,  une  conférence  sur  les 
peintres  idéalisles  ou  mystiques  :  Odilon  Redon,  Charles  Filiger, 
Paul  Gauguin,  Maurice  Denis,  Emile  Bernard,  Paul  Séruzier,  Paul 
Ranson,  Pierre  Bonnard,  etc.,  et  sur  l'histoire  de  la  décadence  et 
du  symbolisme. 

Une  suite  à  peu  près  complète  des  gravures  à  l'eau-fortc  de 
Whistler,  comprenant  environ  350  pièces  différentes  (collection 
J.-H.  Hutchinson)  a  été  vendue  le  mois  dernier  à  Londres.  Elle  a 
atteint  le  joli  chiffre  de  27,900  francs,  ce  qui  donne  une  moyenne 
de  80  francs  par  épreuve. 

Quelques  numéros  ont  atteint  un  prix  beaucoup  plus  élevé. 
Citons  entre  autres  : 

Portrait  de  M.  J.-M.-N.  Whistler  (épreuve  d'essai),  372  fr.; 
Finette  (premier  état),  380  francs;  Fanny  Leyland  (épreuve 
d'essai),  38b  francs;  L.  R.  Leyland,  310  francs;  M"^^  Leyland 
mère,  325  francs;  M.  Mann,  300  francs  ;  Lassitude  (premier 
état),  290  francs;  Pierrot,  325  francs;  chacune  des  vues  d'Am- 
sterdam {Le  Pont,  The  Steps,  Le  petit  pont  tournant,  Zaandam, 
The  Long  house,  etc.),  250  francs. 

L'Art  et  Vidée  (livraison  d'avril)consacreun  important  article, 
signé  de  M.  Octave  Uzanne,  à  Louis  Morin,  illuslratenr  el  écri- 
vain, «  évocateur  de  la  comédie  italienne,  peintre  de  la  vie  rus- 
tique »,  qui  a  débuté,  à  la  Caricature,  par  de  jolies  histoires 
illustrées,  dans  lesquelles  «  on  trouvait  à  la  fois  la  gueuserie 
pittoresque  de  Calloi,  la  grâce  un  peu  mièvre  d'unGravelot  cro- 
quiste,  le  féminisme  d'un  Walteau,  et  aussi  —  surprenant  mélange, 
comme  si,  par  gaminerie  voulue,  il  eût  fait  un  pied  de  nez  de 
zutiste  à  ces  maîtres,  —  une  naïveté  de  facture  dans  le  détail  qui 
rappelait  aussitôt  l'étonnant  humoriste  munichois,  W.  Busch,  le 
véritable  créateur  du  |;enre  actuel  d'illustrations  à  la  Caran  d'Ache 
et  des  abracadabrantes  fantaisies  du  journal  Le  Chat  noir.  » 

M.  Louis  Morin  a  collaboré  avec  M.  Maurice  Vaucaire  à  cet 
exquis  Carnaval  vénitien  qui,  réccr^itient,  triompha  au  Chat.  Il 
va  diriger  au  Musée  Grévin  un  Jli/âlre  d'ombres  qui  sera,  d'ici  à 
quelques  jours,  une  des  curiosités  et  des  grandes  attractions 
parisiennes.  

L'inauguration  de  l'Exposition  du  théâtre  et  de  la  musique  à 
Vienne  est  fixée  définitivement  au  7  mai.  L'inauguration  se  fera, 
dans  la  grande  sajle  des  fêles,  par  un  concert  monstre.  Le  soir,  il 
y  aura  dans  le  ihéâlre  de  l'Exposition  une  représentation  d'un  acte 
de  circonstance,  intitulé  Théâtre  Viennois,  h  laquelle  prendront 
part  les  artistes  de  toutes  1rs  scènes  de  la  capitale  autrichienne. 
Dès  le  lendemain  commenceront  des  représentations  de  la  troupe 
du  Tli°éûtre-Aliemand  de  Berlin.  Il  y  aura  ensuite  des  représenta- 
tions de  la  troupe  ordinaire  du  Burgthealer,  et  l'on  annonce 
notamment  une  exécution  intégrale  de  Bamlet,  tel  que  Shake- 
speare l'a  écrit,  avec  la  mise  en  scène  reconstituée  de  l'époque. 

Suivront  :  les  représentations  des  artistes  du  Théâtre  Français, 
du  Théâtre  Tchèque  de  Prague,  et  d'une  troupe  italienne  formée 
par  M.  Sonzogno,  avec  M.  Pietro  Mascagni  pour  chef  d'orchestre. 


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bien  stylisée,  est  sans  concurrence  pour  la  beauté  et  les  qualités 
sublimes  du  son. 

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Camille  Saint-Saêns,  Liszt,  Richard  Wagner,  Rubinstein,  Joa- 
chim,  Wilhelmj,  Ed.  Grieg,  Ole  Bull,  A.  Essipoff,  Sofie  Mériter, 
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LA  CURIOSITÉ  UNIVERSELLE  (5«   année),  journal  hebdoma- 
•  daire,  Paris,  1,  rue  Rameau.  —  New-York,  9,  First  Avenue. 
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Exposition  :   28  et  29  avril,  de  10  &  4  heures. 


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Le  notaire  DE  WÉE  procédera  le  vendredi  29  avril  1892,  à 
2  heures  précises,  dans  la  Galerie  Moderne,  rue  Royale,  180,  à 
Bruxelles,  4-.la  vente  publique  de  : 

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DE  FEU  LOUIS  ARTAN 

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L'Exposition  des  œuvres  à  vendre  aura  lieu  Mercredi  27  et  Jeudi 
28  avril,  de  10  à  6  heures,  eu  la  Galerie  moderne,  où  se  distribue  le 
catalogue  que  l'on  peut  obtenir  également  en  l'étude  des  notaires  De 
Wée,  rue  Van  Moer,  14,  et  Van  Bevere,  rue  de  la  Loi,  9. 


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PAR  '  • 

avocat  à  la  Cour  (Je  cassation 
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;^  "r  ,s  •  vft9''^iPK'Ç*i 


Douzième  année.  —  N"  18. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  l*'  Mai  1892. 


L'ART 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de.  rédaction  «  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.    10.00;  Union  postale,    fr.    13.00.    —  ANNONCES   :    On  traite  à  forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  Tlndustrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


Dominical,  par  Max  Elskamp.  —  Nos  Musées.  —  Les  Giiarneux, 
par  George  Garnir.  —  L'Exposition  dé  Charleroi.  —  Le  <•  Neder- 

LANDSCHE  EtSCLUB  ",  A  ANVERS.    EnCORE  A    PROPOS    DES  JURYS.    

Un  Musicien  fin  de  siècle.  —  Bibliographie  .musicale.  —  Petite 
chronique. 


DOMINIOA-L 

Par  Max  ELSKAMP 

Un  poème  qui  serait  plusieurs  jours  fondus  en  un.  Et 
ce  jour?  Un  dimanche.  D'où  le  titre.  Et  comme  toute 
journée  —  mais  surtout  le  dimanche  —  est  en  quelque 
sorte  une  action,  ayant  son  prologue  au  matin,  son 
nœud  de  passion  à  midi  et  son  dénouement  le  soir, 
Dominical,  parallèlement  à  ce  drame  de  l'heure, 
développe  un  drame  passionnel,  très  simple,  très  naïf, 
très  discret,  comme  s'il  procédait  plus  du  rêve  que  de  la 
réalité.  Il  est  dit  à  mi-voix,  en  une  langue  quelquefois 
de  chanson  triste  ;  il  est  de  couleur  frêle  et  misselienne; 
il  profère  le  dessin  naïf  des  gravures  sur  bois  et  parait 
dans  l'ensemble  une  chose  d'antan  qui  serait  restée 
moderne. 

Ce  qui  tout  d'abord  séduit,  c'est  voir  :  combien  le 
drame  émotionnel  influence  le  milieu  où  il  se  déroule. 


Aussi  longtemps  que  l'âme  de  l'artiste  est  en  attente  de 
sa  joie  et  qu'elle  s'ouvre  à  l'inconnu  qui  va  sourire,  la 
ville  dressée  en  décor  pour  le  rêve  lui  est  fête  de  pierre, 
de  rues,  de  places  et  d'églises.  Elle  s'offre  au  souhait  dans 
sa  robe  blanche  des  matins,-  avec  des  fleurs  dans  ses 
irisations  de  lumières  et  des  alléluias  dans  ses  caril- 
lons. 

Dans  les  rues  et  les  ruelles 
Où  sonnent,  fraîches,  les  chapelles, 
Les  femmes  en  robes  nouvelles 
S'éplorent  de  se  trouver  belles. 

Un  dimanche  est  dans  mon  cœur, 

Pauvre  pêcheur, 
Maintenant  et  à  l'heure  de  ce  dimanche, 

Ainsi  soit-ii. 

Voilà  la  prime  aurore  d'enfance  en  ce  dimanche  ;  puis 
viennent  les  vagues  désirs,  les  troubles  brefs,  quelques 
haines,  l'indéfinissable  malaise  d'adolescence.  Mais  le 
dimanche,  somme  toute,  reste  beau  pour  s'épanouir 
jusqu'à  l'heure  de  l'après-midi  de  la  Visitation. 

Car  les  grands  parents  sont  venus  de  par  delà  les 
mers,  avec  '«  la  bien-aimée  »  vers  laquelle  le  poète 
s'exprime  ainsi  : 

Mais  j'ai  construit  une  petite  maison. 

Dans  les  lointains  dimanches,  où  je  fus  seul, 

Mais  j'ai^ construit  une  petite  maison. 

Et  j'ai  voulu  qu'il  n'y  fût  d'autres  au  seuil, 
Que  vous  et  votre  tête  et  vos  belles  mains, 
Et  vos  yeus  qui  semblent  des  ronds  dans  l'eau, 


Et  j'ai  choisi  pour  unique  musique, 
Voire  voix  qui  me  dira  comme  de  l'eau, 
Aux  dimanclies  où  sera  votre  musique. 

Et  j'ai  trouvé  de  très  étranges  parfums, 
Oui  deviendront  votre  chair  et  votre  robe, 
En  chemin  de  senteur  vers  vos  cheveux  bruns. 

Et  j'ai  construit  une  petite  maison, 

Dans  les  lointains  dimanches  où  je  fus  seul, 

Mais  j'ai  construit  en  vous  ma  seule  maison. 

La  maison  pourtant  ne  sera  point  occupée,  peut-être 
à  cause  d'un  brusque  départ,  peut-être  à  eau  se  même  de 
la  conception  spéciale  qu'aurait  dû  personnifier  celle 
venue  des  loins  exotiques  de  la  mer  vers  une  demeure 
d'âme  trop  parfaite.  Et  aussitôt  : 

Mais  joie  morte  est  bien  plus  morte  dimanche, 
C'est  la  fin  d'année  car  vous  partez 
Et  jeux,  c'est  la  mer  devenue  blanche 
Des  mouchoirs  d'adieux. 

On  devine  api  es  cela  quel  sera  le  soir  du  poème  et 
l'atmosphère  de  la  ville  :        - 

Le  dimanche  n  pris  un  mal  de  langueur, 
Le  dimanche  est  bas  d'une  maladie. 

Et  les  mcdocins  venus  l'abandonnent. 

Le  vieux  dimanche,  puisqu'il  doit  mourir, 

Et  les  médecins  venus  l'abandonnent. 

Alors,  dans  le  salissement  de  l'heure  et  les  tristesses 
et  les  souvenirs  morts,  les  troubles  brefs  de  l'adolescence 
reviennent  pour  perdurer 

Au  dimanche  ivre  d'eau-de-vie/ 
Dans  les  rues  pleines  de  soldats. 

Alors  on  écoute  ces  strophes  : 

Anges,  des  mauvaises  maisons 
Dans  le  noir  et  mes  yeux  voyagent. 
Anges  de  velours,  anges  bons, 
Mes  yeux  en  sont  à  des  images 

Où  mes  lèvres  cherchent  la  place 
Au  baiser  la  plus  harmonique. 
Et  ma  bouche  berce,  en  musique, 
Entre  les  seins  nus  des  trois  Grâces. 

Et  encore  :  '^ 

C'est  la  fin  venue  de  mes  fêtes 

Et  puis  la  vieillesse  aussi  de  ma  tête. 

Rentrez  les  drapeaux  dans  l'humidité 
De  la  nuit,  mes  drapeaux  de  vanité. 

Tout  est  fini,  les  dimanches  sont  morts, 
•  Mes  pauvres  petits  dimanches  sont  morts. 

Voilà,  bref  et  sommaire,  le  dessin  du  poème  entier, 
avec  ses  courbes  de  vers  naïfs  et  doux  et  ses  lignes 
gravées  autour  de  ses  heures  d'aube,  de  midi  et  de  soir. 
Il  représente  certes  tout  autre  chose  qu'un  épisode,  il 
représente  une  vie  d'âme.  Car  «  la  bienaimée  »  attendue 
n'est  pas  seulement  une  simple  présence  de  femme  s'im- 
plantant  en  une  existence  de  poète,  c'est  n'importe  quel 
idéal,  n'importe  quelle  correspondance  à  un  désir, 
ii^importe  quelle  somme  de  joie  apparue  tout  à  coup  et 
^u'il  ne  nous  est,  point  même  donné  de  compter.  Et  de 
même  le  décor  n'est  pas  simplement  des  maisons,  des 
églises,  des  carrefours,  mais  c'est  la  pensée  elle-même, 
émue,,  changeante,  ardente,   c'est  la  pénétration  de 


l'imagination  et  de  l'âme  à  travers  les  objets  pour  se 
retrouver  elles-mêmes,  ornées.  M.  Elskamp,  comme  tout 
artiste  à  fond,  se  crée  son  monde  au  fur  et  à  mesure 
qu'il  songe  et  se  passionne.  En  décrivant  il  ne  fait  que 
s'extérioriser  et  voilà  pourquoi  l'Anvers  qu'il  profère 
en  son  livre^  l'Anvers  avec  ses  madones  au  coin  des  rues, 
ses  places  h  carrousels,  ses  bars  et  son  port,  ses  trafi- 
quants et  ses  juifs,  revêt  une  atmosphère  aussi  particu- 
lière et  nouvelle.      "" 

Dominical  nous  paraît  non  pas  un  très  beau  livre 
irréprochable,  mais,  ce  qui  vaut  infiniment  mieux,  un 
livre  différent  de  tout  autre  et  qui  a  une  existence  par 
lui-même,  individuelle,  alors  que  tant  d'autres  ne  profè- 
rent.qu'une  vie  collective  et  sont  à  tous  avant  d'être  à 
celui  qui  les  signa. 

Presque  au^  mêmes  dates  que  Dominical  ont  paru 
les  Chansons  ndives  de  Gérardy  et  le  Jardin  de  Vâme 
de  F..  Roussel.  Trois  noms  nouveaux  s'inscrivent  donc, 
dès  le  début  de  cette  année,  sur  quelque  marbre  du 
Parnasse  belge. 

Et  cela  donne  ardeur  pour  la  défense  de  ce  mouve- 
ment littéraire,  d'étape  en  étape  plus  compact  et  plus 
violent.  Et  cela  réduit  aussi  de  plus  en  plus  à  néant 
l'hostilité  kilogrammatique  des  vieux  critiques,  de  ces 
pantoufles  littéraires  qui  auraient  voulu  s'apesantir, 
pour  les  écraser,  sur  toutes  tentatives  allant  au  delà 
de  leurs  proses  gazetières  et  de  leur  esthétique  de 
joueurs  aux  dominos. 


NOS  MUSÉES 

Combien  à  fuire  dans  nos  musées,  et  combien  peu  de  fait!  11 
semble  vraiment,,  pour  certains,  que  l'adminislralion  d'un  musée 
soil  chose  allant  de  soi,  toujours  la  même,  n'exigeant  ni  science 
ni  expérience,  ni  voyages;  que  les  collections  de  la  fin  de  ce  siècle 
ne  doivent  pas  être  classées,  complétées,  éiiquelées  auirement 
qu'il  y  a  soixante  ans,  alors  qu'on  concevait  à  peine  ce  que 
pouvaient  être  de  grandes  collections  publiques. 

C'est  l'amour  du  perfcclionnemenl,  le  souci  du  détail,  la  ferme 
volonté  de  faire  entrer  nos  collections  en  lice  avec  les  premières 
d'Europe,  qui  manquent  à  nos  administrateurs. De  là  celte  impres- 
sion d'un  laisser  aller  général,  d'un  certain  «  c'est  assez  bon 
comme  cola  pour  le  public  ».  Les  musées  ne  sont  pas  assez  la 
chose  de  quelqu'un,  qui  les  soignerait  comme  ses  propres 
trésors,  qui  en  serait  fier  el  assidûment  occupé.  Voyez,  par 
exemple,  ce  Musée  du  Cinquantenaire  qui  renferme  lant  d'objets 
de  toute  première  valeur.  Les  bibelots  se  présentent  h  l'œil  dans 
le  plus  beau  désordre.  Pour  la  plus  grande  partie  des  collections, 
le  visiteur  ne  peut  se  procurer  de  catalogue.  Les  objets  manquent 
d'étiquettes,  les  notices  explicatives  y  sont  inconnues.  Quel  pro- 
cédé a-t-on  suivi  dans  le  classement?  Le  public  l'ignore.  D'où 
viennent  les  objets,  à  qfiels  artistes  sont-il  dus  .'  Points  d'interro- 
gation sans  réponse. 

C'est,  dit  le  litre  officiel,  un  Musée  des  ans  industriels.  Au  lieu 
de  faire  concourir,  comme  on  le  fait  ailleurs,  les  arts  du  présent 


LART  MODERNE 


139 


avec  ceux  du  passé  pour  mellre  quelque  peu  le  contenanl  en  con- 
cordance avec  le  conlenu,  on  ne  s'esl  pas  préoccupé  le  moins  du 
monde  chez  nous  du  choix  dos  balusl rades,  des  vitrines,  des 
encadremenls.  C'est  pitié  de  voir  entourer  telles  reproductions  de 
chefs-d'œuvre  de  cadres  l  quelques  ceniinfies  le  mètre  courant, 
voir  placer  des  photographies  sur  fond  de  chêne  rehaussé  de 
baguettes  noires,  et  déposer  telle  coupe  ciselée  Renaissance  sur 
un  pied  gothique  flambant  neuf.  Les  rampes  et  les  balustrades  ont 
un  cachet  de  lourdeur  qui  fait  faire  de  piteuses  réflexions  sur  le 
goût  de  ceux  qui  ont  présidé  à  leur  placement.  Le  jour  enfin  est 
cru  et  fatigant,  alors  que  rien  ne  serait  plus  simple  quelle  tami- 
ser la  lumière  au  moyen  d'un  vélum  peu  coûteux. 


*** 


On  oublie  trop  que  nos  collections  publiques  ont  un  double 
but  :  conserver  des  précieux  documents  à  l'Art  et  à  la  Science,  mais 
aussi  contribuer  à  l'enseignement  populaire.  Quelles  merveilles 
réalisées  à  ce  point  de  vue  dans  les  musées  allemands  pur 
exemple.  Pas  de  collection  sans  classement  méthodique,  en  vue  de 
présenter  les  objets  dans  l'ordre  logique  où  ils  doivent  se  pré- 
senter à  l'esprit.  Dans  les  salles,  sur  de  petits  pupitres  spéciaux, 
des  catalogues  détaillés,  suffisamment  défendus  par  une  chaînette 
contre  toute  tentative  de  vol,  et  ainsi  mis  à  la  disposition  de 
quiconque  n'a  pas  trois  ou  quatre  marks  à  donner  pour  être 
renseigné.  Dans  chaque  salle  aussi,  appendu  au  mur,  le  plan  de 
la  salle,  avec  l'indication  d'emplacement  des  œuvres  principales. 
S'il  s'agit  de  tableaux,  chaque  toile  porte  la  dénominaiion  du 
sujet.  Si  le  tableau  est  historique  et  comporte  de  nombreux  per- 
sonnages, une  petite  esquisse  à  la  plume,  placée  sur  le  cadre 
même,  porte  le  nom  dé  chacun  d'eux.  Le  peuple  qui  est  intéressé 
par  l'image  tout  d'abord,  et  qui  ne  perçoit  les  qualités  esthétiques 
d'une  œuvre  que  longtemps  après,  quand  il  a  appris  le  chemin 
des  musées,  s'initie  peu  k  peu  aux  grands  faits  de  l'histoire  et 
s'halîîtue  insensiblement  au  plaisir  de  voir  des  œuvres  dont  on 
lui  a  facilité  la  compréhension. 

Sans  doute,  de  jour  en  jour  deviennent  plus  nombreux  les 
gens  qui  s'intéressent  â  nos  musées.  Mais  le  gros  public  est  encore 
bien  ignorant  de  nos  chefs-d'œuvre.  C'est  en  le  conviant  à  venir 
voir  les  acquisitions  nouvelles,  en  piquant  sa  curiosité  par  l'at- 
trait du  neuf,  qu'on  peut  espérer  attirer  plus  de  monde  auprès 
de  nos  collections. 

Mais  connaît-on  aujourd'hui  les  acquisitions  récentes?  Peut-on 
aisément  les  retrouver  au  milieu  des  anciennes? 

Dans  certaines  villes  étrangères  on  a  pris  la  bonne  habitude  de 
réserver  dans  chaque  musée  une  salle  aux  acquisitions  du 
semestre  ou  do  l'année.  On  s'en  trouve  très  bien.  Avant  de  trou- 
ver leur  place  définitive,  les  œuvres  passent  sous  les  yeux  de  tout 
le  monde.  Le  public  peut  suivre  déplus  près  les  achats  de  l'admi- 
nistration et  ce  contrôle  est  précieux  îi  plus  d'un  égard. 

Nous  aimerions  aussi  voir  déposer  à  la  soi'lie  de  tout  musée, 
sous  la  garde  d'un  huissier,  un  registre  destiné  aux  observations 
des  visiteurs.  Les  fonctionnaires  de  l'Etat  n'ont  pas  la  science 
infuse.  Biendespiècessontexposéesdans  les  vitrines  sous  défausses 
indications  ;  bien  des  toiles  ne  sont  pas  signées.  Comment  arri- 
ver à  plus  de  vérité,  à  plus  de  renseignements,  sinon  en  les  compa- 
rant aux  objets  et  aux  tableaux  exposés  ailleurs,  à  l'étranger  ou 
dails  telles  collections  particulières?  A  ce  point  de  vue  il  faudrait 


utiliser  les  connaissances  de  tous,  des  étrangers  et  des  nationaux, 
et  donner  à  chacun  un  moyen  facile  de  contribuer  par  ses  propres 
lumières  à  la  détermination  exacte  des  œuvres.  Qui  n'a  été  frappé, 
par  exemple,  au  retour  d'un  voyage  en  France  ou  en  Italie,  de  la 
ressemblance  entre  telles  scènes  peintes  vues  au  Louvre  ou  aux 
Uffizi  et  dont  l'homologue  se  retrouve  dans  un  de  nos  musées 
nationaux  sous  une  autre  signature,  ou  classée  dans  une  autre 
école? 


Il  n'y  a  de  meilleur  moyen  de  solliciter  des  dons  au  profit  des 
collections  publiques  que  de  rendre  l'organisation  de  celles-ci 
irréprochable.  C'est  un  sentiments!  naturel  chez  le  collectionneur 
d'assurer  l'avcnii*  de  précieux  objets  qu'il  a  péniblement  recueillis, 
dont  il  connaît  la  valeur,  mais  dont  après  sa  mort,  il  craint  soit  le 
retour  à  des  indifférents  pleins  d'ignorance,  soit  la  dispersion  au 
hasard  des  ventes  publiques.  Bien  plus  souvent  qu'on  ne  le  dit,  le 
collectionneur  a  un  grain  de  patriotisme  bien  compris.  Il  veut 
pour  son  pays  les  collections  les  plus  riches  et  les  plus  com- 
plètes, car  il  sait  tout  ce  qu'il  en  retirera  de  gloire  auç  yeux  des 
étrangers. 

D'ailleurs,  à  quelles  profondes  transformations  n'assislons-nous 
pas  de  ce  sentiment  de  la  propriété  jalouse  et  exclusive  !  Les  hom- 
mes de  notre  temps  ont  de  moins  en  moins  la  préoccupation 
d'accumuler  pour  accumuler.  On  veut  la  richesse  en  vue  des 
jouissances  qu'elle  donne  ei  non  plus  pour  la  basse  satisfaction 
de  compter  ses  rouleaux  d'or  ou  de  détacher  régulièrement  les 
coupons  de  ses  litres.  Ce  sentiment  nouveau  se  révèle  surtout  à 
propos  des  collections  :  un  irrésistible  besoin  de  communiquer  à 
d'autres  ses  merveilles,  de  les  leur  expliquer,  de  les  admirer 
avec  eux.  Comme  l'essence  des  œuvres  de  l'esprit  est  de  ne  pas 
exiger  une  possession  exclusive  de  la  part  de  qui  veut  jouir  de 
tout  ce  qu'elles  peuvent  donner,  il  s'en  suit  tout  naturellement 
que  l'instinct  primitif  de  la  propriété  perd  ici  son  ancien  empire. 
Un  pas  de  plus,  et  l'on  jouira  autant  d'une  œuvre  placée  dans  un 
musée  que  de  celle  réservée  pour  son  cabinet  ou  sa  galerie, 
œuvre  qui,  malheureusement,  est  toujours  la  même  et  que  l'on 
se  lasse  de  regarder. 

L'administration  des  musées  devrait  aider  à  cette  profonde 
transformation  sociale  qui  pousse  au  collectivisme  des  biens  de 
l'esprit,  plus  irrésistiblement  encore  qu'au  collectivisme  des 
autres  biens. 

Comment?  En  imitant  ce  qui  se  fait  ailleurs,  si  la  crainte  est 
si  grande  chez  elle  d'innover  en  cette  matière. 

A  côté  de  salles  desliuéeA.aujf  œuvres  achetées  par  l'Etat,  nos 
musées  devraient  en  avoir  pour  les  œuvres  frétées  à  l'Etal.  Au 
Metropolitan  Muséum  de  New-York,  beaucoup  de  toiles,  et  non 
des  moins  précieuses,  sont  déposées  par  leurs  propriétaires.  De 
même  à  Berlin,  tout  le  troisième  étage  de  la  Galerie  moderne  est 
occupé  par  la  collection  qu'a  prêtée  le  comte  Raczinsky.  Mille 
circonstances  peuvent  se  présenter  où  de  tels  dépôts  sont  rendus 
faciles  et  môme  agréables  aux  détenteurs  des  objets  :  le  désir 
de  faire  connaître  au  public  un  achat  important;  la  crainte,  dans 
l'éventualité  d'infortune  à  venir,  de  faire  de  son  vivant  don  irré- 
vocable d'œuvres  de  grand  prix;  une  absence  prolongée,  etc. 
Qu'on  en  soit  persuadé,  les  œuvres  qui  ont  une  fois  connu  le  che- 
min d'un  musée  sont  bien  près  d'y  retourner  et  celle  fois  pour 
tout  de  bon.  D'ailleurs,  certaines  collections  privées  entraînent  des 
frais  d'entretien  et  de  conservation  qui  sont  souvent  une  raison 


suffisante  pour  s'en  décharger  sur  des  administrations  publiques 
outillées  à  cet  effet. 


*  * 


Puissent  ces  quelques  réflexions  tomber  sous  les  yeux  d'hom- 
mes de  bonne  volonté. 


LES  CHARNEUX 

par  M.  George  GAnNiR.—  Bruxelles,  Kistemacckcrs. 

M.  George  Garnir  aurait  pu  mettre,  comme  Montaigne,  en  tête 
des  Charneux  :  «  C'est  icy  un  livre  de  bonne  foy  ».  Il  est,  en 
effet,  un  de  nos  jeunes  auteurs  qui  se  désintéressent  le  plus  de 
l'évolution  littéraire;  il  ne  songe  pas  h  détruire  ni  à  innover;  il  se 
tient  en  dehors  des  luttes  et  des  polémiques  que  suscitent  les 
recherches  fiévreuses  et  les  tentatives  audacieuses  des  artistes 
contemporains.  Son  esprit  va  doucement  où  ses  rêves  l'attirent, 
sans  qu'il  pense  h  le  discipliner.  Tel  il  s'£st  manifesté  dans  quel- 
ques charmantes  pièces  de  vers  éparpillées  dans  différentes  revues, 
tel  nous  le  retrouvons  dans  le  roman  qu'il  vient  de  publier  :  un 
poète  sensible  et  délicat,  plus  curieux  de  ce  qui  se  passe  dans 
le  cœur  de  l'homme  que  dans  son  esprit;  un  psychologue  perspi- 
cace et  doux  qui  choisit  de  préférence  ses  sujets  parmi  ces  natures 
calmes  et  quelque  peu  effacées  dont  aucun  signe  visible  ne  trahit 
les  agitations  ni  les  souffrances  intérieures. 

Dans  les  Charneux,  les  principaux  personnages  ne  sontpas  des 
paysans  frustes  ou  violents,  des  êtres  à  moitié  instinctifs  chez  qui 
les  passions,  lorsqu'elles  se  développent,  grondent  et  rugissent, 
mais  des  campagnards  légèrement  idéalisés  ;  léTejetoji  d'une  race 
de  gentilshommes,  Olivier  Charneux,  que  les  vicissitudes  du  sort 
ont  forcé  à  exploiter  lui-môme  ses  terres;  Jeanne  Vallier,  une 
grande  dame,  rêveuse  et  maladive,  sorte  de  M"""  Bovary,  qui  se 
consume   inutilement  d'amour  dans  son  cottage;  leurs  enfants 
ensuite,  le  fils  d'Olivier  et  la  fille  de  Jeanne,  qui  ont  hérité  des 
rêveries  et  du  sentimentalisme  de  leurs  parents  cl  qui,  dès  leur 
première  rencontre,  ont  compris  qu'ils  étaient   faits   l'un  pour 
l'autre,  et  sont  allés  l'un  à  l'autre,  fatalement,  poussés  par  cette 
même  loi  mystérieuse  qui  avait  conduit  Olivier  et  Jeanne  dans 
l'adultère.  Seule,  Henriette,  la  femme  d'Olivier  Charneux,  la  vigi- 
lante fermière,  apparaît  comme  une  personne  volontaire,  capable 
de  raisonner  ses  actes  et  de  diriger  ses  passions.  Mais  l'auteur  n 
nous  la  montre  guère  que  de  profil,  il  ne  met  en  relief  que  so 
stoïcisme  et  sa  résistance  têtue,  il  en  fait  seulement  une  force 
passive  qui  s'interpose  entre  Gaston  et  Adrienne,  pour  contraPier 
leurs  amours.  Entre  ces  personnages  de  démit-teintes,  le  dramiî  se 
déroule,  sans  explosions,  sans  éclats,  désagrégeant  les  cœurs, 
usant  les  vies,  ignoré  même  des  gens  qui  sont  intimement' mêlés 
à  l'existence  des  héros.  M.  Garnir  y  a  fait  preuve  de  beaucoup 
d'habileté  et  d'une  grande  science  de  composition  ;  rien  ne  détonne 
dans  le  récit,  nulle  longueur,  les  descriptions  elles-mêmes  sont 
sobrement  traitées  et  n'accaparent  pas  l'attention  aux  dépens  de 
l'action.  Ajoutez  à  cela  un  style  simple,  sans  prétention,  de  temps 
en  temps  savoureux  —  mais  quelquefois  aussi  négligé  —  et  vous 
aurez  une  idée  à  peu  près  exacte  du  caractère  des  Charneux. 

M.  Garnir  a  intitulé  son  livre  «  roman  de  mœurs  wallonnes  ». 
Cette  qualification  nous  parait  risquée.  Les  principaux  héros 
représentent-ils  des  personnages  wallons?  Non,  n'^est  ce  pas. D'un 
autre  côté,  le  drame  non  plus  n'emprunte  au  milieu  où  il  se 
passe  riend'assez  caractéristique  pour  le  spécialiser.   Partout  où 


deux  cœurs  jeunes  et  passionnés  seront  attirés  l'un  vers  l'autre  et 
rencontreront  un  obstacle,  les  scènes  décrites  dans  les  Charneux 
se  produiront  avec  de  légères  variantes.  Quant  aux  comparses, 
valets  de  ferme,  docteur,  paysans,  ils  ne  sont  qu'effleurés  ;  nous 
les  voyons  à  travers  un  poudroiement  de  soleil,  nous  n'en  avons 
qu'une  vision  superficielle  et  fugace.  Leurs  formes,  leur  allure, 
leurs  gestes  sont  toujours  exactement  silhouettés,  mais  leur  âme 
reste  dans  l'ombre.  Et  ici  nous  reprocherons  à  M.  Garnir  de  mettre 
trop  souvent  dans  la  bouche  des  héros  en  qui  il  veut  personnifier 
une  race,  de  ces  conversations  banales  où  la  réflexion  n'a  aucune 
part,  sous  lesquelles  le  paysan  dissimule  son  vrai  caractère,  et  qui 
ressemblent  à  ces  lieux  communs  que  les  gens  du  monde  échangent 
entre  eux  quand  ils  se  connaissent  mal  et  qu'ils  se  croient  tenus 
de  parler  par  politesse.  Ce  sont  les  paroles  essentielles  qu'il  faut 
choisir,  celles  qui  nous  éclairent  sur  la  condition  des  person- 
nages, sur  leurs  joies,  sur  leurs  souffrances,  sur  leurs  préoccupa- 
tions, sur  leurs  espérances. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  wallon  dans  les  Charneux,  c'est  le  milieu 
et  l'esprit  de  l'auteur.  JL  Garnir  semble  imprégné  de  celte  mélan- 
colie grave  que  les  vieux  manoirs  en  ruine,  perchés  sur  les  mon- 
tagnes ardcnnaises,  répandent  sur  la  terre  wallonne,  et  il  a  très 
heureusement  fixé  cette  atmosphère-là  autour  de  son  œuvre;  il  a 
également  peint  avec  beaucoup  d'amour  et  de  délicatesse,  en  cou- 
leurs claires  et  tendres,  des  coins  délicieux  de  la  Wallonie. 

Les  Charneux  ont  été  couronnés  par  V Union  littéraire  belge. 
Il  faut  en  féliciter  cette  vénérable  société.  Elle  avait,  ce  jour-lb, 
récuré  ses  besicles  et  elle  n'a  pas  trop  mal  jugé.  M.  Garnir  n'a 
toutefois  obtenu  qu'une  demi-couronne.- Une  femme  —  l'auteur 
du  Troisième  sexe  —  avait  écrit,  pour  la  circonstance,  une  nou- 
velle idyllique,  et  elle  a  emporté  l'autre  moitié  sur  son  front 
innocent. 


L'EXPOSITION  DE  CHARLEROI       ' 

{Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne.) 

Une  Exposition  des  Beaux-Arts  à  Charicroi? 

—  Parfaitement.  L'événement  est  sans  doute  peu  vraisemblable, 
-mais  il  est  acquis.  El  ce  qui  est  plus  paradoxal  encore  que  celle 
inattendue  réunion  de  sculptures  el  de  tableaux  en  celte  ville 
d'affaires  cl  d'industrie,  c'est  que  celte  audacieuse  tentative  a  si 
pleinement  réussi  que  l'on  parle  déjà,  comme  de  choses  possibles  ; 
et  normales,  d'exli|b)itions  annuelles. 

Il  a  fallu,  pour  cette  réalisation  imprévue,  l'inauguration  de  la 
Bourse,  d'un  passage  couvert,  d'une  nouvelle  salle  de  fêtes,  spa- 
cieuse et  charmante,  où  la  distribution  de  la  lumière  est  excel- 
lente. Mais  il  a  fallu  surtout  un  organisateur  intrépide,  faisant  fi 
des  prédictions  pessimistes  el  fort  d'unanimes  sympathies:. 
M.  Valère  Mabille,  le  président  dé  la  Société  française  de  bienfai- 
sance de  Charleroi.  C'est  à  lui  qu'on  doit  le  succès  à  peine  espé- 
rable  de  celte  Exposition  qui,  dans  son  ensemble,  est  très  coquette 
et  très  intéressante. 

Cette  éclectique  assemblée  est  vraiment  curieuse.  Peut-être 
apprendrail-elle  peu  de  chose  aux  Bruxellois,  car  la  plupart  des 
œuvres  exposées  ont  déjà  été  vues  en  des  occasions  diverses,  mais 
elle  est  hautement  instructive  pour  les  Carolorégiens.  Les  artistes 
les  plus  différents  et  de  tendances  les  plus  opposées  y  sont  repré- 
sentés par  des  envois  généralement  bien  choisis  ;  et  pris  en  bloc, 
ce  salonnet  est  plaisant  à  l'œil  et  de  mélange  agréable. 


\ 


L'ART  MODERNE 


141 


D'emblée,  l'enlliousiasme  csl  allé  à  loxposilion,  fort  iinporlanlc 
d'ailleurs,  de  r.onslanlin  Meunier.  H  a  deux  grands  tableaux  :  des 
Hiercheuses  Irislcs,  regardant  Ic^toits  rouges  d'un  village  borain 
et  des  Mineurs  sortant  d'un  cliarbonnage  dont  ils  semblent  fuir, 
avec  une  sorte  de  liAtc  épouvantée,  l'écrasiint  labeur;  —  des  des- 
sins inédits  :  des  Lutteurs,  un  Echafaudage,  un  Coin  de  village, 
absolument  remarquables  et  plusieurs  de  ses  sculptures  qui  célè- 
brent si  noblement  la  beauté  du  travail  industriel.  Son  épique 
Marteleur  émcv^c  fièrement,  dressant  sa  silhouette  chevaleresque 
et  à  le  voir,  le  désir  est  venu  à  oeaucoup,  ces  jours  derniers,  de 
le  revoir  encore,  éternisé  dans  le  bronze,  sur  une  place  publique, 
dans  un  square  de  la  cité  industrieuse.  La  ville  de  Charleroi, 
pauvre  en  grands'  hommes,  ne  pourrait  vraiment  rien  faire  de 
mieux  que  d'élever  cette  statue  d'anonyme,  symbolisant  si  super- 
bement l'Ouvrier,  le  Travail  au(iuel  elle  doit  sa  fortune  et  sa  pros- 
périté. 

■  D'autres  sculpteurs  et  non  des  moindres  \  Vander  Slappcn,  Jef 
Lambeaux,  Du  Bois,  Dillons  et  Mignon  exposent  en  même  temps 
que  Meunier  et  les  ligues  aimables  de  leurs  envois  :  plûlres, 
bronzes  et  marbres,  contribuent  largement  \\  la  bonne  tenue  du 
Salon." 

L'entreprise  esthétique  s'est  tentée  sous  le  patronage  de 
M™''".E.  Been)acrl,_A.  Jlflcli,JJ.Xollart,  L.  Hégcr  et  Ronncr.  SaufL 
M"''  Boch  ([ui  n'est  pas  représentée  comme  il  conviendrait,  elles 
ont  toutes  des  œuvres  qui  caractérisent  heureusement  leur  talent  ; 
M""  Iléger  surtout  a  un  paysage  de  songe,  très  délicat  :  Uu  Malin 
en  Campiiie.  Un  tel  patronage  devait  amener  nécessairement  de 
nombreuses  adhésions  féminines  :  M"'"  Louise  Dnnse,  Jules  Dés- 
irée, de  BourlsofT,  de  Vigne,  de  Villermoul,  Dumoni,  Jamar,  Mas- 
bin,  Georgettc  Meunier,  Triest,  Wytsman,  Donncl-Dufraye,  Dupré, 
Godart,  Maeterlinck,  Piret,  Perrignon,  Van  Bomberglicm,  Van 
Butsele  ont  répondu  h  l'appel  du  comité.  Citons  encore,  de 
M""  B.  Art,  un  savoureux  et  rav'ssant  pastel  :  Chrysanthèmes. 

Quelques  portraits,  sans  mérite  décisif.  Le  meilleur  est  celui  de 
M.  Valère  Mabille  par  Théo  Van  Rysselbergli*,  qui  s'y  montre  infi- 
dèle au  procédé  pointilliste.  Il  y  revient  dans  un  véhément  paysage  : 
Roscojf,  et  dans  un  gracieux  dessin  :  Jeune  fille. 

De  très  nombreux  paysages  :  un  romantique  et  superbe  Cou- 
chant de  Gilsoul,  ôcs  Dunes  lumineuses  et  grasses  de  Verheyden, 
cl  d'intéressants  tableaux  de  Wyisman,  Khnopff,  Marcetle,  Assel- 
bergs,  Claus,  Finch,  Heymans. 

Des  œuvres  d'Alfred  Stevens,  DeVriendl,  Slingeneyer,  Porlaels, 
Vcrhas,  Hermans,  Smils,  Verwée,  Stobbiierls,  Hcnnebicq,  même 
un  curieux  petit  Joseph  Stevens  soutiennent  convenablement  la 
réputation  de  leurs  auteurs  :  trahit -sua  quimqucvoluplas. 

Xavier  Mellery  a  envoyé  son  tableau  exposé  récemment  aux  XX  : 
le  Béguinage  à  Bruges,  et  trois  grands  dessins  de  toute  beauté. 
L'un  d'eux  surtout,  de  robustes  Flamandes  attablées,  compte 
parmi  les  meilleures  productions  de  ce  pur  et  grand  artiste,  dont 
la  sincérité  un  peu  hautaine  l'éloigné  des  effets  faciles  et  le  con- 
fine dans  un  art  austère  ot  grave,  profondément  impressionnant. 

L'aquarelle  a  ses  habituels  adeptes  :  M.  Slar4uet  en  tête.  Il  y 
a  là  des  preuves  nouvelles  de  talents  appréciés  :  Binjé,  Cassiers, 
Hagemans,  Uytterschaut,  etc.,  et  de  deux  nouveaux  venus  : 
MM.  Thémon  cl  de  Burlet.         -  • 

La  gravure  est  exclusivement  représentée  par  M.  Danse  et  ses 
deux  filles,  M"^  Louise  Danse  et  M"'^  Jules  Désirée.  De  tous  trois 
des  eaux-fortes  dénotant  de  réels  progrès  :  Danse' n'a  rien  fait  de 
mieux  que  ses  deux  pointes  sèches  d'après  Rubens  et  Devos. 


^CCU^Ég     DE    RÉCEPTION 

La  décadence  du  capitalisme,  conférence  donnée  au  Jeune  Bar- 
reau de  Bruxelles,  le  7  avril  1899,,  par  Emile  Vandervf.i.de 
(extrait  de  la  Revue  de  Belgique);  Bruxelles,  Weissembruch.  — 
Tel  qu'en  songe,  par  Henri  de  Régnier  ;  Paris,  librairie  de  l'An 

indépendant.  ^ 


LE  «  NEDERLANDSCHE  ETSCLUB  »  A  ANVERS 
{Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne.) 

Au  Cercle  artistique  ! 

Si  l'un  de?  membres  du  Etsclub  de  La  Haye  s'csl  dérangé  pour 
voir  le  Salon,  il  aura  amèrement  regretlé  l'endroit  choisi  cl  le 
manque  de  circonspoclion  que  ses  confrères  avaient  bien  dii 
mettre  îi  accepter  telle  peu  engageante  hospitalité  qui,  pour  n'avoir 
pas  b  élregracicuseunesecondefois,  souille  sa  plus  belle  salle  du 
vomissement  de  quelques  siens  tab'eaux  et  abandonne  ses  invités 
h  l'obscurité  presque  absolue  d'une  salle  de  concert,  à  une  instal- 
lation d'arrière-boutique  de  bouquiniste. 

Et  i)Our;ani,  p^rmi  ces  artistes  hollandais  si  gaillardement  exé- 
cutés :  Toorop,  Maurilz  Bauer,  Jan  Velh,  Floris  Versler,  Israols, 
M"<=  Van  Houten  ! 

De  toute  spéciale  valeur  :  férocement  buriné  —  dirait-on  —  et 
d'un  noir  cruel,  parliculièroment  acide,  —  le  noir  de  loutcs  les 
douleurs  broyées,  — ce  Vieux  jardin  des  Souffrances.  Toorop 
n'a  peut-être  jamais,  malgré  le  manque  d'unité  dans  l'Jdéc  et  le 
déséquilibre  du  dessin  qui  s'en  suit,  atteint  h  autant  d'impression, 
h  autant  d'exotisme,  —  ce  qui  constitue  pour  lui  un  retour  à  sa 
nature  vraie,  —  à  autant  de  rareté  ornementale;  le  silence  nous 
hante  depuis  et  l'effroi  de  ce  maudit  jardin.  Lcsjithographies  de 
Bauer  pour  la  Légende  'de  saint  Julien  l' Hospitalier  :  on  peut 
relire  l'appréciation  de  Veth,  que  nous  avons  traduite  dernière- 
ment, et  y  croire  et  s'extasier  comme  il  y  convie.  El,  très  curieu- 
sement voulus,  au  tracé  net  et  condensé,  à  la  façon  des  dessins 
de  Holbein  ou  plus  exactement  des  dessins  de  Renoir,  ces  «  por- 
traits »  que  Jau  Veth  consacra  aux  célébrités  hollandaises. 

D'au(res  choses  sera'ient  b  signaler  :  la  planche  où  M"«  Van 
Houten  gratlc  la  Descente  de  Croix,  une  esqui.«se  de  Delacroix, 
qui  constitue  bien  certainement  une  des  plus  prodigieuses  et 
totales  transcriptions  —  parmi  ces  deux  -cents  numéros,  mais 
qu'une  trop  commune  facilité,  une  trop  constante  et  exclusive 
virtuosité  expédient  comme  de  la  besogne  courante.  On  dirait  ■ 
toutes  eaux-fortes  de  Zilcken  ;  toutes  sont  évidemment  de  lui,  ou 
le  pourraient  être.  El  le  «  cachet  artiste  »  qu'il  affectionne  se  dilue 
en  elles  à  la  façon  des  préparations  homœopathiques.  Le  pra- 
ticien ajoute  du  «  cachet  »  toujours,  mais  la  plus  subtile  analyse 
n'y  trouverait  plus  trace  d'Art. 

V. 


ENCORE  A  PROPOS  DES  JURYS 

En  mai  1883  —  b  l'occasion  du  banquet  Lcmonnier  —  parut, 
sous  l'égide  de  la  Jeune  Belgique,  une  brochure  rouge  où  l'on 
attaquait  violemment  le  jury  qui  avait  refusé  le  prix  quinquennal 
à  l'auteur  du  Mort  et  du  Mâle.  Ce  lemps-lb  est  comme  le  pré- 
curseur du  moment  actuel  où  ki  lutte  est  si  vive,  el  il  est  curieux 


142 


VA.RT  MODERNE 


(le  rappeler  Tallure  de  la  polémique  d'alors  :  ncul'  ans  sont  passés 
déjà  depuis  ce  banquet  ! 
Voici  quelques  extraits  de  la  brochure  rouge  : 
«  Donc,  ces  deux  membres  (MM.  Rivier  et  de  Monge)  s'abstien- 
nent :  pourquoi?  de  quel  droit?  On  ne  leur  demande  pas  s'il  y  a 
un  bon  li\re,  mais  quel  est  le  meilleur  livre  publié.  Us  s'abstien- 
nent; c'est  qu'ils  ne  savent  pas  en  décider.  Alors  qu'est-ce  qu'ils 
font  dans  le  jury  et  comment  ne  se  sont-ils  pas  récusés  d'abord, 
au  lieu  de  s'exécuter  eux-mômes  après?  » 

Voici  qui  est  plus  drôle  :  Connaissez-vous  M.  Slappaerls? 
«  Nous  avons  eu  beau  feuilleter  les  almanachs  royaux  et 
autres,  interroger  les  cochers  de  fiacre,  faire  crier  son  nom  dans 
les  rues  comme  pour  un  chien  perdu,  remuer  les  catalogues  de 
toutes  les  bibliothèques,  nous  n'avons  pas  encore  pu  savoir  ce 
qu'il  vaut,  ce  qu'il  a  faii,  ce  qu'il  a  publié,  ni  même  s'il  existe. 
«  D'aucuns  nous  ont  affirmé  qu'il  n'est  autre  que  l'auteur  du 
Cadavre  récalcitranl,  et  que  c'est  lui  le  barde  dont  la  modestie 
se  cache  sous  le  pseudonyme  de  Joseph  Caslelcyn. 

«'  Quoi  qu'il  en  soit,  M.  Slappaerls  ne  s'est  pas  abstenu  ;  il  a 
voté  avec  M.  Féiis,  celle  vieille  perruque,  —  au  propre  et  au 
figuré,  —  dont  la  spéciiilité  es!  de  n'en  pas  avoir,  qui  fait  partie 
de  toutes  les  commissions,  comme  le  sel  fait  partie  de  toutes  les 
sauces.  Un  homme  à  tout  fairo,  quoi!  —  comme  une  servante! 
Dont  on  peut  dire  enfin  ce  qu'on  dit  d'un  des  personnages  dans 
le  Monde  ou  l'on  s'ennuie  :  «  C'est  ce  savant  dont  le  père  avait 
tarit  de  latent  !  » 

«  Or,  savez-vous  pour  qui  ces  deux  compères  ont  voté  — 
comme  un  seul  homme?  —  Pour  M.  Vaulier,  l'auteur  parfaite- 
ment obscur  de  quelques  espèces  de  romans-feuilletons,  sans 
aucun  mérite  littéraire,  à  l'usage  des  conducteurs  d'omnibus 
vides — comme  eux! 

«  C'est  étrange,  c'est  fou,  c'est  inexplicable,  car  l'auteur  est 
inconnu,  ses  romans  n'existent  pas  et  sa  situation  littéraire  est 
toujours  h  l'état  de  foetus.  Et  cependant  c'est  très  simple,  comme 
un  tour  de  prestidigitateur. 

«  L'urne  de  vole  est  à  double  fond  :  dans  un  compartiment 
M.  Vaulier,  le  directeur  de  la  Gazelle,  romancier  énigmatique 
qu'on  propos«|> pour  le  prix  quinquennal;  dans  l'autre,  M.  Fétis 
fils,  attaché  au  même  journal. 

«  El  voilà  !  et  le  bruit  court  partout  de  cette  véritable  «  escro- 
querie morale  »,  comme  au  temps  de  la  Révolution  le  bruit  de  la 
grande  trahison  du  comte  de  Mirabeau.  » 

On  le  voit  :  dès  le  début  de  l'école  littéraire  be'ge,  il  y  a  lutte. 
Cette  lutte  a  gardé  depuis  le  même  caractère  ;  ce  sont  encore  les 
mômes  ganaches  qu'on  attaque,  auxquelles  sont  venues  se  joindre 
quelques  autres  médiocrités  séniles  et  quelques  jeunes  qui  sem- 
blent se  montrer  jaloux  des  horions  prodigués  aux  «  perruques  ». 
Cesjeunes  sont  d'ailleurs  les  rari  nantes  de  la  liquéfaction  spiri- 
tuelle de  la  génération  qui  s'en  va,  après  avoir  déposé  on  sait 
quels  produits!  Car  la  vraie  jeunesse,  qui  a  du  cœur^t  de  l'art 
au  venlre,  n'hésite  pas  et  se  range  du  côté  où  l'on  trouve  de  la 
générosité,  de  l'élan  et  de  la  vaillance.  La  poignée  qui  combattait 
il  y  a  dix  ans  est  devenue  régiment  :  elle  deviendra  armée. 

De  leur  côté,  les  officiels  belges,  les  plus  hideux  du  monde,  se 
sentent  battus.  Ils  lancent  leurs  flèches  de  Parthes,  mais  ils  visent 
toujours  de  la  même  manière.  Tenez:  en  1883  on  parlait  de  l'urne 
à  double  fond  de  M.  Fétis  ;  en  1891  nous  avons  signalé  le  rapport 
à  double. tond  de  M.  Gustave  Frédérix. 


Un  musicien  fin-de-siècle. 

Oti  donc  s'arrêteront  les  bizarreries  et  les  curiosités? 
Paris  possède  actuellement  un  pélomane.  Avez-vous  bien  lu? 
Un  pélomane...  Ce  nom  me  dispense  d'insister  sur  la  nature  d'har- 
monie dont  il  s'agit,  et  sur  celle  de  l'instrument  qui,  loin  d'être, 
comme  le  larynx,  par  exemple,  un  instrument  à  cordes,  esl,  au 
contraire,  un  instrument  à  \cnt  dans  toute  l'expression  du  mot. 
Cet  étrange  phénomème,  donl  le  talent  fin-de-siècle  a,  paraîl-il, 
fait  courir  tout  le  Midi,  vient  d'être  engagé  au  Moulin-Rouge,  où  il 
a  débuté  devant  un  public  composé  de  charmantes  demi-mon- 
daines, de  gens  de  lettres,  d'artistes  et  de  joyeux  clubmen.  Le 
succès  a  été  énorme!  On  a  ri  aux  larmes,  car  malgré  l'incon- 
venance du  spectacle,  M.  P.  J...  l'a  présenté  d'une  façon  si  ori- 
ginale et  si  comiquo,  qu'il  était  impossible  de  s'en  formaliser. 
Très  grand,  assez  joli  garçon,  vêtu  à  la  dernière  mode,  le  pélo- 
mane a  triomphé  des  difticullcs  que  comportait  son  programme 
—  ce  qui  n'est  pas  peu  dire. 

C'^st  à  l'âge  de  treize  ans  que  le  phénomène  en  question  s'est 
aperçu  des  avantages  naturels  dont  la  nature  l'avait  doté.  Au 
collège  de  Marseille,  il  émerveillait  déjà  ses  jeunes  camarades  de 
cinquième  par  un  «  talent  »  vraiment  surprenant.  Je  dis  lalenl, 
car  plusieurs  Facultés  de  médecine  ont  constaté,  dans  des  rap- 
ports qui  ont  été  publiés,  que  le  sujet  était  admirablement  cons- 
titué et  que  son  truc  consistait  simplement  en  une  facilité  d'aspi- 
ration anale  tout  à  fait  curieuse. 

M.  P.  J...  ne  se  contente  pas,  en  effet,  d'exécuter  avec  son... 
instrument  tous  les  morceaux  de  musique  actuellement  en  vogue, 
des  imitations  exquises  de  violon,  d'alto,  de  trombone  à  coulisse 
et  de  contrebasse  :  Amant  alterna  camœnœ.  Il  peut  aspirer  six 
litres  d'eau  et  les  projeter  à  une  distance  d'au  moins  dix  mètres! 
Avouez  que  ce  pclit  talent  de  société  n'est  pas  à  la  portée  de  tout 
le  monde. 

M.  le  docteur  Jacobson,  qui  a  examiné  le  joyeux  pélomane, 
nous  disait  en  souriant  : 

—  Ce  qui  permettra  surtout  d'exhiber  ce  phénomène  d'un  nou- 
veau genre,  c'est  que  chez  lui  l'expiration  anale  se  fait...  —  com- 
ment dirais-je?...  —  sans  que  l'appendice  nasal  du  spectateur  en 
soit  incommodé. 

J'ignore  si  le  pétomane  trouvera  chez  le  public  parisien  le' 
même  accueil  qu'à  Bordeaux  et  à  Marseille.  Les  uns  trouveront 
probablement  le  spectable  un  peu  trop  fin-de-siècle;  quant  aux 
autres, -ils  iront  carrément  entendre  le  seul  artiste  qui,  par  son 
originalité,  ne  paie  pas  de  droiis  à  la  Société  des  auteurs  et  com- 
positeurs. 

C'est  déjà  quelque  chose. 

Paul  Royer.  {G il  Blas.) 


BIBLIOGRAPHIE  MUSICALE 

M.  F.  DE  LA  ToMBELLE,  qui  remporta  en  1887  le  prix  Pleyel 
avec  une  fantaisie  pour  piano  et  orchestre  jouée  à  la  Société 
Nationale,  vient  de  publier  chez  MM.  Richault  et  C"  un  cycle  de 
mélodies  distinguées  de  facture,  bien  écrites  pour  la  voix  et  exac- 
tement prosodiées.  Citons,  parmi  les  plus  agréablement  tournées, 
le  Sonnet  d'Estienne.  de  la  Boétie,  dont  la  saveur  arx;haïque  est 
piquante,  les  Papillons  et  Promenade  nocturne  (Th;  Gautier), 
Noël  (H.  Mériot),  le  Cavalier  Mongol  (M.  de  Lihus),  cette  der- 


VART  MODERNE 


143 


nière  pour  voix  de  baryton.  Ces  mélodies  font  partie  d'un  recueil 
inlilulé  :  Vingt  chansons  et  rêveries. 

Ind(5pend:immenl  de  celles-ci,  MM.  Richnull  el  C'"  ont  édité,  du 
même  auteur  :  Elle  est  loin  (P.  Barbier)  et  le  Livre  de  In  vie 
(Lamartine),  dont  l'inspiration  rappelle  lointainement  tels  lieds  de 
Schubert.  Enfin,  une  mélodie  de  M.  E.  Ratez:  Sais-tu  (F.  Rataille), 
cl  un  cbani  de  Nocl  :  Jésus  petit  enfant,  paroles  el  musique  de 

M.   P.   FOIRVIKRES. 


fETlTE    CHROf^IQUE 

Nous  parlerons,  dimanche  prochain,  des  deux  expositions  : 
celle  du  Cercle  artistique  el  celle  de  YAls  ik  kan  ouvertes  depuis 
hier  li  Bruxelles. 

F.c  Gil  Blns  a  commencé  la  semaine  dernière  la  publicaiion 
en  feuilleton  de  Claudine  LnmoHr,\}n  nouveau  roman  de  Camille 
Lemonnier,  dans  lequel  le  miiîlre-écrivain  éiudie,  dans  son  milieu 
spécial,  la  clianleuse  de  café-concert,  ou  plutôt  une  chanteuse  de 
café-concert,  —  celle  dont  tout  Paris  s'est  engoué  el  dont  le  suc- 
cès efface  celui  des  étoiles  du  chant.  Les  quelques  feuilletons 
parus  permettent  d'apprécier,  dès  h  présent,  l'inlérél  el  la  haute 
valeur  littéraire  du  livre. 

MM.  Anthoni,  guidé  de  leurs  collègues  des  classes  d'instru- 
ments h  vent,  ont  donné,  dimanche  dernier, au  Conservatoire,  avec 
le  concours  de  M.  Degrcef  el  de  MM.  Marchol,  Biermasz,  Van  Hoiit, 
Jacob  et  EckhauUe,  une  intéressante  séance  de  musique  de 
chambre.  An  programme  :  le  Novetto,  de  Naumann,  un  trio  de 
Mozart  el  la  sonate  de  Beethoven  pour  piano  el  cor. 

On  altendail  M.  Cheyral,  qui  devait  chanter  des  mélodies  res- 
tées mystérieusement  indiquées  au  programme  pardes  astérisques. 
Mais  M.  Cheyrat  était  malheureusement  indisposé,  ce  qui  a  valu 
au  public  l'inlermède  d'un  petit  discours  de  M.  Gevaert  et  l'audi- 
tion de  cinq  pièces  pour  piano,  jouées  par  M.  Degrcef,  avec  une 
précision  de  doigté,  une  dextérité  et  une  joliesse  de  nuances  qui 
lui  ont  valu  d'unanimes  applaudissements. 

Le  quatuor  Crickboom,  Kefer,  Sartoni  et  Gillet  a  donné,  lundi 
dernier,  une  excellente  interprétation  du  Quatuor  en  fa  mineur 
de  Beethoven  et  du  Quatuor  avec  piano  de  Vincent  d'indy.  On 
sent  dans  les  quatre  exécutants  une  foi  artistique  vivace  el  le 
respect  de  smaîtres.  El,  bien  que  tout  récemment  formé,  le  jeune 
quatuor  est  déjb  d'aplomb,  les  parties  s'équilibrent  et  se  fondent 
harmonieusement. 

Des  soli  étaient  encadrés  dans  les  deux  grandes  œuvres  du  con- 
cert :  du  Haendel,  du  Bach,  du  Fauré,  arlistemcnt  joués  par 
M"*  Irma  Sellie,  dont  la  sûreté  d'archet  et  la  nature  exception- 
nelle ont  vivement  impressionné  l'auditoire,  par  MM.  Crickboom 
el  Gillet,  très  applaudis  et  vraiment  très  remarquables  dans  leur 
sobre  et  délicate  interprétation. 

M.  Auguste  Pierrel  a  joué  avec  beaucoup  de  talent  la  partie  de 
piano  du  quatuor  de  Vincent  d'indy. 


Un  écrivain  de  mérite,  M.  Elslander,  a  été  traduit  devant  les 
Assises  du  Brabant  pour  avoir  «  oulragé  les  mœurs  »  en  son 
volume  Rage  Charnelle  et  en  une  nouvelle  intitulée  :  Le  Cadavre. 
Les  jurés  ont,  par  un  verdict  d'acquiltemenl,  fait  comprendre  au 
parquet  que  la  patience  publique  est  lasse  de  ces  poursuites  réi- 
térées contre  des  hommes  de  lettres  à  propos  d'écrits  dans 
lesquels  ils  foui  œuvre  d'art. 

M.  Elslander  était  défendu  par  MM"  Robert  el  Frick,  qui  ont 
donné  aux  débats  beaucoup  d'intérêt  et  d'élévation.  Plusieurs 
hommes  de  lettres  avaient  été  cités  comme  témoins.  Ils  se  sont 
tous  prononcés  nettement  sur  le  caractère  purement  artistique  des 
œuvres  de  l'accusé. 

A  l'occasion  de  l'Exposition  des  Beaux-arts,  M.  Valèrc  Mabille 
a  r.éuni    dimanche  dernier  à  Charleroi,  en  un  lunch  cordial, 


l'administration  communale  de  Charleroi  et  la  plupart  des  artistes 
exposants.       •  • 

La  petite  fêle  a  été  pleine  d'enirain.  Dans  un  toast  spirituel, 
M.  Valère  Mabille  a  engagé  la  ville  de  Charleroi  à  couvrir  la 
nudité  indécente  des  murs  de  l'hôtel  de  ville.  M.  le  bourgmestre 
Audenl  a  promis  de  faire  tous  ses  efforts  pour  faire  pénétrer  à 
Charleroi  le  goût  des  Beaux-arts. 

Demain  lundi,  à  2  heures,  s'ouvrira  à  la  Galerie  moderne, 
l'exposition  des  «  Cinquante  chefs-d'œuvre  belges  »  organisée  au 
profit  de  l'Hospitalité  de  nuit,  line  grande  partie  de  ces  tableaux 
proviennent  des  mêmes  collectionneurs  qui  ont  bien  voulu  prêter 
leurs  toiles  pour  l'exposition  française  organisée  au  bénéfice  de 
la  même  couvre. 

C'est  dimanche  prot bain,  à  midi,  que  s'ouvrira,  à  Liège,  l'ix- 
position  organisée  sous  le  patronage  de  l'administration  commu- 
nale par  r.Às^ocialion  pour  l'encouragement  des  Beaux-aris. 

M.  Ernest  Closson  fait  cette  observa'.ion  dans  son  intéressante 
élude  sur  Edward  Grieg  : 

«  Uu  fail  qu'on  ne  manquera  pas  de  remarq\ier,  c'est  la  sollici- 
tude el  rinlellig>'nce  avec  lesquelles  les  gouvernements  de  la 
Suède-Noivvège  el  du  Danemark  protègent  ceux  de  leurs  composi- 
teurs nationaux  dans  lesquels  ils  reconnaissent  un  véritable  laleni, 
capable  de  faire  honneur  à  son  pays,  leur  facilitent  leurs  éludes, 
leur  accordent  des  subventions  pour  des  voyages,  elc. 

Gade  reçoit  un  subside  pour  un  voyage  en  Italie,  el  plus  lard 
une  pension  viagère  considérable;  Svendsen  obtient  une  boursc- 
lui  permeltant  un  séjour  prolongé  à  Lei|)zig,  puis,  ainsi  (|ue 
Grieg,  est  gratifié  d'une  pension  viagère.  Tout  ceci  témoigne  hau- 
leme'nl  en'  faveur  d'un  gouvernement  soucieux  d'honorer  >es 
gloires  nationales,  d'aplanir  les  obs'acles  pécuniaires  qui  pour- 
raient entraver  l'essor  du  génie  de  ses  artistes,  el,  une  fois  par- 
venus au  faîte,  d'écarter  d'eux  les  iri.^'tes  préoccupations  de  la 
gêne  el  du  besoin.  » 

C'esl,  ma  foi,  à  donner  envie  de  se  l'aire  naturaliser  Norwégii'n  ! 

Les  surintendants  des  théâtres  de  Berlin  ont  décidé  que 
dorénavant,  les  portes  des  dits  théâtres  seront  closes  au  commen- 
cement du  spectacle,  el  qu'on  ne  les  rouvrirait  que  le  rideau 
baissé. 

Voilà  une  mesure  qu'on  pourrait  bien  adopter  dans  nos  théâtres 
pour  corriger  le  sans-gêne  de  certains  spectateurs  qui  enlrenl  el 
sortent  pendant  la  durée  des  actes. 

La  Chambre  des  représentants  de  France  'a  voté  sur 
les  instances  de  MM.  Antonin  Proust  et  Georges  Berger,  le  projet 
de  loi  tendant  à  la  reconstruction  d'un  palais  pourle  Musée  des 
Arts  décoratifs,  sur  le  terrain  de  la  Cour  des  Comptes,  au  quai 
d'Orsay.  <^ 

D'après  ce  pfojel,  le  Musée  construit  aux  frais  de  la  Société  de 
l'Union  centrale  deviendra  au  bout  de  quinze  ans,  avec  toutes  ses 
collections,  la  propriété  de  l'Étal. 

VENTE  PUBLIQUE  DE 

Cinq  grandes  tapisseries  ilaiandes  anciennes 

MARDI  24  MAI  1892 
au  presbytère  de  Saint-Martin,  à  Liège  (Belgique) 

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ESTAMPES,  VITRAUX  &  GLACES 

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Bruxelles.  —  Téléphone  1384 


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13 

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fer  de  V±.tat  Belge,  à  Douvres  (voir  plus  haut);  à  M.  Arthur  Vrancken,  Domkloster,  no  1,  à  Coloone;  à  Ai.  Sicj^crmann,  67,  Unter  den 
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.^ 


Douzième  année.  —  N"  19. 


Le  numéro  :   25  centimes. 


Dimanche  8  Mai  1892. 


L'ART  MODERIE 


PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


REVUE  ORITIQÏÏE  DBS  ARTS  ET-  DE  LA  LITTÉRATURE 

: ■  '  m 

Comité  de  rédaction  :  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,    un    au,    fr.    10.00;  Union   postale,    fr.    13.00     -  ANNONCES   :    On   traite   à   forfait. 

Adresser  toutes  lés  communications  à 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


30MMA1RE 


Pelléas  et  Mélisande,  par  Maurice  Maeterlinck.  —  L'Exposition 

DKS  «  CINQUANTE  CHEFS-d'œUVRE  BELGES  ". —  LiVRES  ET  BROCHURES. — 

Exposition  DU  Cercle  artistique.  —  Exposition  de  l'>'  Als  ik  kan  >>. 
—  La  question  des  Musées.  —  Les  dons  aux  Musées.  —  Concerts 
parisiens.  —  Bibliographie  musicale.  —  Petite  chronique. 


PELLÉAS  ET  MÊLISANDE 


(1) 


Drame   en    5   actes,   par    Maurice    Maeterlinck. 

Après  .cette  funèbre  trilogie  de  la  mort  :  l'Intruse, 
les  Aveugles,  les  Sept  Princesses,  qui  passent  comme 
trois  bannières  largement  noires  dans  la  procession  de 
ses  œuvres,  Maurice  Maeterlinck  semble  s'inquiéter  de 
certains  frissons  tragiques  dans  les  drapeaux  de  la  vie. 
Les  passions  violentes,  l'amour  entier,  la  jalousie  bru- 
tale, l'espionnage,  le  mensonge,  le  meurtre  sont  proférés 
sur  la  scène  et  s'y  rencontrent  pour  s'entremêler  en  une 
action  et  une  catastrophe. 

Seulement,  de  combien  proche  de  la  mort  se  dessine 
encore  cette  vie-là  ! 

Il  ne  faut  point,  pour  rester  vrai,  s'imaginer  dans  le 
talent  de  M.  Maeterlinck  aucune"  volte-face,  aucune 

(1)  Bruxelles,  Lacomblez. 


bifurcation.  Pelléas  et  Mélisande  vivent,  tout  autant 
que  ses  précédents  drames,  de  la  même  atmosphère  de 
supraterrestre  angoisse.  Le  mystère,  le  même  mystère 
descend  dessus  comme  une  brume  traversée  soudaine- 
ment d'extraordinaires  lueurs. 

Les  personnages  rappellent  des  protagonistes  déjà 
montrés.  Mélisande,  «  petit  être  si  tranquille,  si  timide, 
si  silencieux,  »  est  sœur  de  Maleine  et  le  vieux  Arkel 
fait  songer,  soit  au  roi  des  Sept  Princesses,  soit  aussi  à 
l'aïeul  de  l'Intruse.  De  mêmes  impressions  de  silence 
ferment  leurs  ailes  sur  ce  drame.  Dans  l'Intruse, 
Ursule  remarque  :  «  Il  fait  un  tel  silence  qu'on  enten- 
drait marcher  un  ange  ".  Dans  Pelléas  et  Mélisande, 
une  servante  note  :  «  On  entendrait  marcher  des 
mouches  sur  les  portes,  «  ou  encore  :  «  On  entendrait 
dormir  l'eau  ».  Dans  l'Intruse,  l'acte  total  se  passe 
autour  d'une  chambre  où  l'on  ne  pénètre  pas;  dans 
Pelléas  et  Mélisande,  Arkel,  au  troisième  acte, 
l'épond  à  Mélisande  :  «  Depuis  ta  venue,  on  n'a  vécu 
ici  qu'en  chuchotant  autour  d'une  chambre  fermée,  » 

Le  présent  poème  dramatique  est  donc  bien  de 
même  souche  que  les  autres  ;  il  s'y  rattache  intime- 
ment, il  est  surgi  du  même  sol.  Plus  peut-être  en  lui 
que  dans  les  autres,  les  mots  «  étrange  »,  «  extraordi- 
naire »,  «  mystérieux  »  se  prononcent. 

L'action  est  simple.  Golaud,  petit-fils  du  roi  Arkel, 
perdu  à  la  chasse,  rencontre  Mélisande,   également 


perdue.  Il  l'admire,  l'aime,  l'épouse  11  a  un  fr^ro, 
Pelléas,  tout  jeune,  alors  que  lui  déjA  blanchit  Méli- 
sande  et  Pelléas,  deux  enfants,  s'aimeront.  Golaud 
tuera  Pelléas,  se  frappera,  frappera  Mélisande.»  Au 
cinquième  acte,  alors  que  Pelléas,  assassiné,  dort  dans 
la  foQtaine  des  aveugles,  Mélisande  agonise.  Golaud 
qui  \a  mourir  aussi,  pardonne,  tout  en  interrogeant  sa 
femme  sur  son  amour  pour  Pelléas.  Mélisande  dit  ce 
qui  a  eu  lieu,  ce  qui  devaitjavoir  eu  lieu.  Golaud  no  la 
croit  pas.  Mélisande  meurt. 

Le  drame,  il  se  distribue  en  yn  château,  ceinturé  de 
forêts,  au  bord  de  la  mer.  Quatre  générations  s'y 
succèdent,  comme  dans  les  Burgraves  :  Arkel,  le 
vieux  roi;  puis  le  père  malade  de  Golaud  ;  puis  Golaud 
et  Pelléas  ;  enfin  Yniold,  fils  de  Golaud. 

Pelléas  et  Mélisande  sont  la  jeunesse,  la  naïveté 
même;  ils  s'aiment  sans  se  demander  pourquoi,  sans 
qu'ils  se  soient  analysés,  ni  examinés,  ni  interrogés.  Il 
n'y  a  en  eux  aucun  élément  pervers  :  ils  s'enivrent  l'un 
de  l'autre,  simplement,  ardemment.  A  leurs  mutuelles 
questions  ils  répondent  «  je  ne  sais  pas  »,  «  je  ne  sais 
plus  »  ;■  ils  sont  des  formes  de  vie  primitive  et  char- 
mante. Ils  ne  savent  qu'une  chose,  c'est  que  Golaud  les 
guette  et  qu'il  les  tuera.  Aussi,  dès  qu'il  les  surprend, 
puisent-ils  dans  la  force  seule  de  leur  amour  la 
ferveur  suprême  contre  lui  et  l'extase  qui  est  déjà  leur 
au-delà  de  la  mort. 

Golaud  tue  et  se  repent.  Pour  surprendre  les  amants, 
il  a  recours  aux  moyens  les  moins  pi'opres.  Lui  aussi 
agit  d'impulsion  ;  il  ne  se  demande  pas  un  instant  s'il  fait 
bien  ou  mal  en  se  servant  de  son  propre  enfant  comme 
espion.  Après  qu'il  a  tué,  son  amour  lui  revient  et  c'est 
lui  l'implorateur  et  le  vaincu. 

Quant  à  Arkcl,  face  tournée  vers  les  destinées  non 
plus  spéciales,  mais  générales,  il  vaticine  ce  qu'il 
exhausse,  non  pas  de  son  raisonnement  ou  de  son  expé- 
rience, mais  uniquement  de  son  cœur,  resté  lui  aussi 
un  cœur  d'enfant. 

Cette  persistante  et  uniforme  façon  de  concevoir  et 
de  peindre  ses  personnages,  classe  M.  Maeterlinck  —  et 
c'est  là  sa  profonde  originalité  —  parmi  les  poètes  pri- 
moi'diaux,  traducteurs  des  éveils  instinctifs  des  hommes 
et  de  leurs  rêves  sur  les  choses.  On  dirait  que  ne  tenant 
pas  compte  de  tout  le  développement  cérébral  obtenu  à 
travers  temps,  il  ne  se  penche,  attentif,  que  sur  le  cœur 
premier  de  l'humanité  et  que  c'est  en  ses  battements 
naissants  qu'il  cherche  la  vraie  vérité  humaine.  Et 
comme  plus  encore  que  certains  êtres  de  choix,  les 
êtres  les  plus  humbles  et  les  plus  frustes  i'afïérmisscnt 
en  cette  croyance,  il  attribue  à  ces  derniers  la  lucidité  la 
plus  extraordinaire.  Telles,  par  exemple,  les  servantes. 
Elles  semblent  des  prophétesses  manœuvrant  en  chœur 
à  travers  Pelléas  et  Mélisande.  Au  premier  acte,  dès 
la  première  scène,  quand  il  s'agit  d'ouvrir  et  de  laver 


la  grande  porte  du  château,  tout  le  drame  qui  va  s'éta- 
ler et  dont  on  ne  pourra  effacer  le  sang,  est  comme 
présagé  par  elles.  Et  de  même,  au  cinquième,  dans  la 
dernière,  ce  sont  elles  qui,  arrivant  vers  le  lit  de  Méli- 
sande, sans  rien  se  dire,  sans  avertir  personne,  ont 
deviné  l'exacte  heure  de  la  Mort,  alors  que  ni  le  méde- 
cin, ni  même  le  vieux  Arkel  ne  l'avaient  sentie  être  là. 

Personnages  d'instinct  mis  en  rapports  avec  des 
événements  mystérieux  que  quelques-uns  d'entre  (îux, 
plus  près  que  les  autres  de  la  nature  toute  primitive, 
interprètent  et  indiquent,  voilà  tout  le  théâtre  de 
Maurice  Maeterlinck. 

A  un  tel  théâtre,  il  fallait  nécessairement  de  nouveaux 
moyens.  Son  atmosphère  étant  le  mystère  et  le  sik*nce 
et  le  crépuscule,  les  discours  y  seront  rares  et  tout  ce 
qui  pourra  s'y  faire  comprendre  par  un  autre  signe 
que  le  mot,  se  fera  entendre  ainsi. 

D'oii  la  fréquente  introduction  de  scènes  que  j'appel- 
lerais emblématiques.  Il  y  en  a  deux  superbes  dans  Pel- 
léas et  Mélisande.  La  première  suggère  que  Mélisande 
n'aime  pas  son  mari  et  qu'elle  s'éprendra  de  Pelléas 

Au  lieu  de  plusieurs  rencontres  où  par  des  dires 
et  des  sous-entendus  cette  situation  deviendrait,  aux 
yeux  du  lecteur  ou  du  spectateur,  patente,  Maurice 
Maeterlinck  imagine  simplement  la  scène  de  la  bague  ; 

Pei.m'as.  —  Avpc  quoi  jouez-vous  ? 

Méusande.  -—  Avec  l'anneau  qu'il  ma  donné. 

Peu.éas.  —  Prenez  ççardc;  vous  allez  le  j)er(lic. 

MÉijsANnE,  —  ^on,  non;  je  suis  sûre  de  mes  mains. 

Pem.éas.  —  Ne  jouez  pas  ainsi,  au-dessus  d'une  eau  si  pro- 
fonde. ^  -, 

Mémsande.  —  Mes  mains  ne  tremblent  pas.- 

Pei-léas.  —  Comme  il  brille  au  soleil  ;  ne  le  jetez  pas  si  haut 
vers  le  ciel.  '  .  •      - 

Mélisande.  —  Oh! 

Pelléas.  —  H  est  tombé? 

Mélisande.  -7  II  est  tombé  dans  l'eau. 

Pelléas.  —  Où  esi-il?  où  est-il?  .^ 

Mélisande.  —  Je  ne  le  vois  pas  descendre. 

Pelléas.  —  Je  crois  que  je  la  vois  briller. 

Mélisande.  —  Ma  haguc? 

Pelléas.  —  Oui,  oui;  là-bas. 

Mélisande.  —  Oh!  oh!  Elle  est  si  loin  de  nous!  Non!  non! 
ce  n'est  pas  elle...  ce  n'est  pas  elle.  Elle  est  perdue...  perdue... 
11  n'y  a  plus  qu'un  £;;rand  cercle  dans  l'eau...  Qu'allons-nous  faire  ? 
Qu'allons-nous  faire  maintenant?... 

Lautre  scène  est  celle  de  la  chevelure,  dont  Pelléas 
s'entoure,  qu'il  baise,  qui  l'inonde,  dont  il  s'affolle  et  qui 
n'est  que  la  figuration  de  la  prise  de  possession  de  son 
être  par  l'être  de  Mélisande. 

A  CCS  préoccupations  d'emblématiser  les  situations, 
les  états  d'âme,  le  passé  et  l'avenir,  le  pressentiment! 
la  crainte,  se  rattachent,  dans  ce  présent  drame  :  la 
double  intervention  des  troupeaux,  la  chute  de  cheval 
de  Golaud  à  midi,  lafontaine  des  aveugles,  le  départ  du 


navire  qui  amena  Mélisande,  et  enfin,  cette  phrase 
soudaine  qui  résume  la  pièce  :  "  les  cygnes  se  battent 
contre  les  chiens  " . 

Grâce  à  ces  moyens  spéciaux  qui  contribuent  admira- 
blement, d'ailleurs,  à  reliefer  le  fond  d'idées  que  profère 
Maurice  Maeterlinck,  l'histoire  passionnelle  qu'il  a 
traitée  dans  Pelléas  et  Mélisande  est  douée  de  la  même 
vie  extraordinaire  que  ses  autres  œuvres.  »  Je  ne  sais 
pas  ce  que  je  dis,  je  ne  sais  pas  ce  que  je  fais  "  semblent 
souvent,  pour  ses  personnages,  les  seuls  mobiles  de 
conduite.  Autour  de  ce  fondamental  mystère  l'auteur 
fait  briller  des  lumières  magnifiques,  des  phrases  de 
devination  profonde,  de  tendresse  claire  et  ardente,  de 
splendeur  allumée  d'âme  et  de  rêve.  La  scène  entre 
Pelléas  et  Mélisande  est  passionnée  comme  une  poésie 
de  Rosse tti  et  la  dernière  —  celle  des  servantes  —  fait 
songer  aux  Grecs.  Le  poète  se  dégage  de  tout  l'acciden- 
tel et  de  tout  enjolivement  circonstantiel.  Il  est  un  pri- 
mitif en  retard...  ou  en  avance,  puisqu'il  retourne  aux 
sources  du  sentiment  humain  et  que  les  choses  exté- 
rieures lui  apparaissent  comme  si  jamais,  avant  lui,  un 
œil  ne  les  avait  vues.  Lui  aussi,  au  milieu  de  nous, 
comme  ses  personnages  dans  ses  drames,  est  étrange  et 
extraordinaire. 


L'Exposition  des  «  Cinquante  chefs-d'œuvre  belges  » 

Klle  csl  bien,  celle  exposition,  mais  elle  eûl  pu  être  mieux 
encore.  Elle  ouvre  sur  l'art  belge  de  1860  une  échappée,  sans 
artirmeravcc  assez  de  netteté  la  haute  valeur  de  nos  maîtres  con- 
temporains. 

Lescauseg?  Placement  contestable,  choix  contrarié  par  la  hâte 
(le  l'organisation,  présence  fûcheuse  de  tels  peintres —  Verboeck- 
hoven,  entre  autres  — dont  it^5t~fflahrisé,  malgré  leur  renommée, 
de  qualifier  les  toiles  :.  chefs-d'œuvre. 

Puis  il  y  eut  des  tiraillements,  certaines  rivalités  mesquines 
entre  collectionneurs.  Un  amateur  n'ouvrit  sa  galerie  qu'à  la  con- 
dition d'exposer  seul  les  tableaux  de  tel  artiste.  D'autres  refusè- 
rent leur  concours  sous  des  prétextes  discutables.  On  perd  trop 
de  vue  que  lorsqu'un  grand  intérêt  national  est  en  jeu,  les 
individualités  s'eftacent.  Celui  qui  délient  une  portion  de  la 
gloire  d'un  artiste  n'a  pas  le  droit  d'en  jouir  en  égoïste.  Les  pro- 
priétaires d'œuvres  d'art  doivent  être  des  dépositaires,  des  con- 
servateurs attenlifs  et  soigneux.  Quant  au  génie,  on  ne  peut  le 
monnayer.  Il  appartient  au  pays. 

Malgré  tout,  l'exposition  esl  atlachanie.  Si  quelques-uns  de  nos 
peintres  ne  sont  pas  représentés  comme  il  convient,  plusieurs 
toiles  de  premier  ordre  proclament  la  maîtrise,  désormais  incon- 
testable, de  Henri  Leys,  de  Henri  de  Braekeleer,  de  Charles 
De  Groux,  Irinité  glorieuse  que  la  poslérilé  unira  dans  une  même 
apothéose. 

Du  premier  :  une  esquisse  superbe,  La  Ronde,  quatre  figures 
pensives  :  Philippe  le  Bon,  Marie  de  Bourgogne,  Philippe 
le  Beau,  Antoine  de  Brabant  (sail-on  que  celle  dernière  esl  le 
portrait,  à  vingt  ans,  de  Henri  de  Braekeleçr ?),  un  merveilleux 
Saint  Luc  qui  fait  songer  aux  calmes  évocations  des  primitifs,  et 


cette  très  captivante  petite  toile  :  «  Qui  donne  aux  pauvres  prêle 
à  Dieu  ». 

Du  deuxième  :  le  Graveur  en  taille  douce,  le  Peintre-Copiste, 
la  Liseuse,  vus  récemment. 

Du  troisième,  le  mieux  traité  des  trois,  et,  de  tous  les  maîtres 
choisis,  celui  dont  l'exposition  s'impose  avec  le  plus  d'autorité, 
une  série  de  toiles  admirables  :  Le  Pèlerinage  de  Dieghem,  le 
Banc  des  Pauvres,  le  Jeudi  saint,  le  Viatique,  le  Départ  du 
Conscrit,  le  Carnaval,  etc.  L'Art  contenu,  replié  sur  lui-même, 
tout  en  aftlictions  et  en  pilié,  du  grand  artiste  et  du  penseur  que 
fut  Charles  De  Groux,  éclate  dans  ces  compositions  de  premic^r 
ordre,  sur  lesquelles,  déjà,  le  temps  a  mis  sa  patine  d'or.  Elles  . 
sont  dignes  des  plus  grands  maîtres  et  justifieraient,  à  elles  seules, 
les  observations  que  nous  faisions  récemment  sur  l'originalité  et 
la  force  de  notre  école  moderne  de  peinture. 

Mais  d'autres  noms  nous  requièrent. Voici  Edouard  Agneessens 
avec  sa  Convalescente,  acquise  ces  jours-ci  à  la  vente  Lequime, 
avec  son  Portrait  de  Louis  Claes,  avec  sa  mystérieuse  et  trou- 
blante Féline,  avec  son  Torse  d'éphèbe,  l'une  de  ses  plus  belles 
toiles.  Voici  De  Winne,  donl  le  Portrait  du  procureur  général 
Leclercq  se  dresse  au  centre  de  la  salle.  Voici,  avec  deux  portraits 
connus,  le  peintre  Navez,  à  propos  duquel  Eugène  Demoldcr 
faisait  dernièrement  cette  juste  observation  : 

«  Ses  tableaux,  éparpillés  dans  plusieurs  musées  de  Belgique, 
sont  de  grandes  compositions  froides,  académiques,  sans  couleur 
et  sans  vie.  On  dirait  des  tragédies  de  Racine  immobilisées  sur 
des  panneaux  glacés.  C'est  d'une  archéologie  lourde  et  savan- 
lasse,  et  ces  toiles  sont,  en  somme,  à  celles  de  David,  dont  elles 
procèdent,  ce  que  celles  des  Floris  et  des  Coxcie  étaient  aux 
œuvres  de  Michel-Ange  el  de  Raphaël.  Celte  comparaison  faite 
toutes  proportions  gardées,  c'est  entendu.  Car  les  maîtres  du 
XVI»  siècle  formaient  une  autre  pléiade  que  celle  de  Navez  et  ses 
quelques  disciples;  cl,  malgré  son  immense  valeur,  David  ne 
s'oppose  pas  à  Michel-Ange.  Néanmoins  cette  comparaison  pour- 
rait se  continuer  à  un  autre  point  de  vue  bien  caractéristique.  Au 
XVI'  siècle,  les  peintres  qui  copiaient  paiement  les  maîtres  italiens 
en  délaissant  pour  une  ombre  étrangère  le  sain  coloris  et  la 
vigueur  picturale  de  leur  race  flamande,  faisaient  cependant  de 
superbes  portraits,  où  se  retrouvait  la'  marque  nationale.  De 
même,  si  les  tableaux  de  Navez  sont  condamnables,  maint  de  ses 
portraits  est  très  beau.  On  dirait  vraiment,  à  voir  cette  ténacité 
du  bon  portrait  chez  des  peintres  belges  détournés,  par  des 
influences  étrangères,  de  la  riche  voie  tracée  par  l'art  de  leur 
pays,  que  la  terre  qui  a  produit  tant  de  grands  el  bons  teneurs 
de  paletle,  ne  veut  pas  lâcher  tout  à  fait  ses  fils  égarés,  el  par 
une  dernière  générosité  envers  ses  enfants  prodigues,  leur  réserve 
de  belles  qualités  de  «  pourlraictureurs  ». 

Le  paysage,  la  marine,  la  peinture  d'accessoires  onl  leurs 
spécialistes.  La  messe  de  saint  Hubert,  les  Etangs  gm  à  La  Hulpe, 
l'Etang  de  Tervueren,  un  Verger,  et  surtout  une  Lisière  de  bois, 
où  s'épuisent  toutes  les  richesses  d'une  palette  merveilleuse, 
décèlent  en  Hippolïte  Boulenger  un  paysagiste  de  race,  apte  à 
saisir  el  à  exprimer  les  fugaces  impressions  de  la  nature,  à  en 
vanter,  dans  sa  langue  harmonieuse  el  forte,  les  rusticités.  L'art 
de  Boulenger,  si  énergiquement  discuté  jadis,  el  dans  lequel  on 
ne  voulut  voir  longtemps  que  la  violence  d'ébauches  rudimen- 
taires  (ô  celle  épiihète  de  «  réaliste  »,  crachée  jadis  comme  une 
injure!)  apparaît  aujourd'hui  définitif.  C'est  lui  qui  ouvrit  la  voie 
aux  expressions  nouvelles  de  la   peinture  documentaire  dans 


lesquelles  les  soucis  de  rornementation  se  sont  joints  aux 
recherclies  obstinées  des  lucidités  de  l'air,  dos  décompositions  de 
la  lumière.  Le  réalisme  est  devenu  pour  nous  1res  classique. 
Mais  qui  contestera  la  grande  pari  qu'il  a  prise  h  TévoUilion  de 
l'art  contemporaio  ? 

Louis  Artan  a  même  mérite  qu'Hippolylc  Boulenger.  11  fut 
des  premiers  à  peindre  la  mer  l'ace  à  face,  à  camper  son  atelier 
parmi  les  embruns,  dans  le  déferlement  cfes  vagues,  et  k  faire 
passer  ainsi,  dircctemeni,  les  frissons  du  large  dans  ses  toiles. 
Voyez  l'Estacade,  son  œuvre  maîtresse.  Voyez  aussi  la  désolation 
de  VEscaut,  enseveli  dans  les  linceuls  de  l'hiver.  Et  demandoz- 
vous  s'il  est  en  France  ou  ailleurs  un  marinistc  qui  ait  compris 
et  rendu  la  profondeur  de  l'horizon,  la  fluidité  des  eaux,  Ips 
vastes  espaces  du  ciel  d'une  façon  plus  saisissante  et  plus  belle  ? 

Et  ce  prodigieux  Louis  Dubois,  qui  fut  \\  la  t'ois  porlrailistc, 
marinisle,  paysagiste,  peintre  de  genre,  peintre  d'accessoires,  cl 
par-dessus  le  marché  écrivain  humoriste,  critique  acerbe  et 
pamphlélaire  cinglant  !  Son  Eve,  ragoût  de  couleurs  magnifique, 
un  Chevreuil  mort,  malheureusement  fort  mal  placé,  une  Nature 
morte,  un  Paysage  exquis  ne  donnent  de[,lui  qu'une  idée  incom- 
plète. Telle  qu'elle  est,  son  exposition  le  place  néanmoins  parmi 
les  grands  peintres  contemporains.  L'harmonie  et  l'éclat  de  ses 
colorations  n'ont,  pensons-nous,  jamais  élé  dépassés. 

On  le  voil,  malgré  ses  défauts,  l'Exposition  mérite  respect.  Si 
le  résultat  n'est  pas  complètement  atteint,  du  moins  faut-il  louer 
les  organisateurs  d'avoir  tenté  un  effort.  L'œuvre  est|digne  d'en- 
couragements. Nul  doute  qu'elle  porte  ses  fruits. 


LIVRES  ET  BROCHURES 

Histoires  bourgeoises,  par  Gustave  Vanzype. 
Bruxelles,  Fernand  Hoton,  éditeur,  1892,   petit    in-18,  i~i2  pages. 

Quelques  histoires  :  La  Çanie,  la  Julie,  Jette,  Anniversaire, 
Joie  cruelle,  etc.,  contes  de  vingt  à  cinquante  pages,  qui  ont  du 
souffle  et  de  rcnlraîncment.  C'est , de  l'observation  réaliste,  avec 
quelques  notes  de  psychologie.  Histoires  bourgeoises,  peinture  de 
milieux  bourgeois,  sans  la  crainte  de  mettre  en  scène,  pour  nous 
y  intéresser,  tel  paysage  national,  tel  centre  de  grande  ou  petite 
ville.  Récits  intéressants,  émouvants  parfois,  comme  V Idylle  dou- 
louloureuse  et  la  Grand'mère. 

Le  style  de  M.  Vanzype  est  simple  mais  alerte,  quoique  peu 
Imaginatif  et  dénué  de  toute  surprise. 

Roses  d'automne,  par  Jules  Sothaux.  Charleroi,  Tourneur- 
Schmitz,  libraire-éditeur,  1892,  in-S»,  136  pages.  >  • 

Un  petit  vdiume  de  poésies,  pour  quelques-unes  desquelles  le 
poète  a  tenté  l'épreuve  des  jeux  floraux  de  Toulouse  et  de  l'Aca- 
démie Lamartine  et  en  est  revenu  heureux  vainqueur.  Impressions 
simples,  dites  simplement,  àme  naturellement  mélancolique  cl 
tendre  qui  se  plaîl  à  mettre  en  rime  les  impressions  de  prime 
jeunesse,  les  tristes  ou  gaies  visions  du  hasard  des  rencontres. 
Cœur  qui  a  pitié  des  tout  petits  enfants  que  le  ciel  enlève  un  soir 
de  croup  pour  s'en  faire  une  cour  de  petits  anges,  et  qui  se  plaîl 
à  redire  à  sa  façon  quelques-unes  des  chansons  du  pays  natal. 

Rimes  et  Raisons  (œuvne  posthume),  par  Febdinand  Gra  vu  and. 
Verviers,  Gilon,  éditeur,  1892,  in-18,  168  pages. 

Pourquoi  donc  attacher  tant  de  prix  à  là  rime?  La  rime  appelle 
le  mot,  le  mot  sollicite  l'idée.  C'est  vrai,  mais  par  quel  intime 


mauvais  procédé?  En  imitant  les  lois  de  l'écho  qui  sont  ici  celles 
du  ressouvenir.  Sollicitations  de  clichés,  de  phrases  toutes  faites, 
désormais  illustres  par  des  chevilles  célèbres.  Pourquoi  écrire  si 
c'est  pour  redire? 

Ceci  tout  à  fait  en  général  et  sans  vouloir  morigéner  l'auteur  de 
Rimes  et  Raisons  qui  n'est  plus  là  pour  nous  répondre. 

Mais  la  sévérité  s'explique  envers  unç.,œuvre,  fût-elle  posthume, 
quand  avec  un  peu  de  réflexion  l'auteur  aurait  pu  cultiver  un 
très  passable  fond. 

Rimes  et  Raisons?  lue  collection  de  poésies  dont  le  lien 
échappe,  tableautins,  fablettes,,  poulets,  introductions  pour 
l'album  de  miss  X,  guirlande  pour  l'éventail  de  M"'"  Z.  Mais  si  les 
rimes  donnent  prise  à  critique,  les  raisons  parfois  ne  paraissent 
pas  mauvaises  du  tout  et  convainquent. 

Un  litre  curieux  :  A  Mademoiselle  ***,  en  lui  envoyant  un 
Traité  de  Nomenclature  géométriquk,  écrit  à  son  intention  : 

Voici  la  saisou  où  les  fraises 

Rougissent  dans  le  fond  des  bois  ;  — 

Fleurissez,  carrés  et  trapèzes, 

Angles  aigus,  obtus  et  droits, 
etc. 

Non  moins  amusant  le  po'èle  quand,  pleurant  l'absence  de  son 
amie,  il  se  compare  depuis  qu'il  a  vu  Suzon  à  un  jeune  ^veau 
mis  en  sevrage.  L'image  est  hardie. 

Pour  clore  le  volume,  une  très  prestement  dialoguée  pelile 
comédie  en  trois  scènes  :  Titus.  Il  s'agit  du  pauvre  André  qui 
s'est  coupé  les  longs  cheveux  pour  plaire  h  sa  Rose  et,  devenu 
franchement  laid  après  l'opération,  est  impitoyablement  chassé 
par  sa  maîtresse. 

Annuaire  du  Caveau  verviétois  (Société  littéraire.)  — 
Onzième  année,  1889-1890.  Verviers,  imprimerie  Féquenne,  1891. 
In-18  de  345  pages. 

Quelle  place  de  plus  en  plus  grande  est  en  voie  de  conquérir 
la  bibliographie  belge.  Toutes  lés  semaines  une  revue  nouvelle, 
tous  les  jours  un  livre  dédié  aux  lettres.  Le  mouvement  est  intense. 
Déjà  on  ne  peut  plus  le  suivre  dans  son  entièrelé.  De  nouveaux 
noms  s'ajoutent  sans  cesse  aux  anciens. 

Les  écoles  se  multiplient  ou,  plus  exactement,  il  n'y  a  plus 
d'école,  chacun  cherchant,  sinon  toujours  avec  succès,  à  rester 
ce  que,  bon  ou  mauvais,  il  est  de  par  sa  nature. 

Décentralisation  sur  toute  la  ligne.  Des  écoles,  mais  aussi  des 
foyers  littéraires.  Littérature  belge,  c'était  une-épithètc  bien  osée 
pour  nos  amis  de  France.  Or,  voilà  que  le  mouvement  ne  se  con- 
centre plus  uniquement  dans  les  grandes  villes.  La  province  suit 
l'exemple,  et,  eatôle,  certes,  Verviers,  où  toujours  se  sont  trouvés 
des  hommes  de  talent  et  de  cœur  pour  entretenir  le  culte  de  l'an 
et  du  beau  sous  toutes  ses  formes.  Cî,  le  onzième  Annuaire  du 
Caveau  verviétois,  non  moins  riche  en  poésies,  en  chansons  et  en 
nouvelles  que  ses  prédécesseurs.  Cent  vingt-sept  pièces  en  tout, 
les  unes  en  français,  les  autres  en  wallon,  ces  dernières  témoignani 
d'un  bel  amour  du  parler  maternel.  Et  c'est  bien.  Car  toujours  se 
diront  en  la  langue  primiliveles  impressions  intimesel complexes, 
celles  auxquelles  on  reconnaît  l'inaltérable  suc  du  terroir. 
;  Les  titres  des  pièces  remarquées?  Nous  ne  sommes  pas  jury, 
nous  ne  distribuons  pas  de  prix.  C'est  au  Caveau  verviélois  tout 
entier  que  nous  envoyons  notre  salut  cordial  et  nos  encourage- 
ments à  continuer  une  œuvre  si  bien  commencée. 


X 


L'ART  MODERNE 


149 


EXPOSITION  DU  CERCLE  ARTISTIQUE 

Ce  Salon  s'avculil  de  plus  en  plus,  chaque  année.  Il  constilue 
un  des  plus  beaux  exemples  de  la  plaliludo  à  laquelle  parvient  à 
descendre  certaine  race  de  peintres.  C'est  dégoûtant  de  vulgarité, 
de  médiocrité,  d'insignitiance,  el  l'on  se  désole  de  voir  gûclior 
tant  d'huile  et  de  toile!  D'ailleurs,  Léon  Hcrbo  est  ici  îi  Une  place 
d'honneur,  on  paraît  le  considérer  comme  le  joyau  de  l'exhi- 
bition :  c'est  significatif!  En  revanche,  les  tenlatives  neuves  — 
ainsi  les  tableaux  signés  Coppens?  ou  les  fines  fleurs  de  M""-'  Wyis- 
man,  ou  les  délictits  paysages  de  M.  Wytsman  -^  sont  reléguées 
dans  des  coins,  parmi  les  œuvreltes  des  amateurs,  ou  lancées  à 
la  rangée  supérieure. 

Certes,  çà  et  là,  un  nom  :  Abry,  Claus,  Binjé,  Dardenno,  Dcn 
Duyls,  Gilsoul,  Oyéns,  L'yllerschaul,  Verhcyden,  Veriiacrcn 
(celui-ci  avec  des  Accessoires  d'une  chaude  richesse).  Mais  peu 
d'imprévu  ;  chacun  donne  ici  un  exemplaire  de  sa  note  liabiluelle, 
et  ces  noms  cités  sont  loin  de  représenter  tout  le  jeune  an. 

A  part  :  MM.  Frédéric  et  Heymans.  Le  Soir  do  M.  Frédéric  — 
trois  fillettes  en  blanc,  les  yeux  bleus  baissés  vers  des  fleurs 
tandis  que  leurs  mains  esquissent  de  doux  gestes  de  bénédiction 
—  a  beaucoup  de  poésie  el  d'émotion.  Le  geste  des  petites  est 
d'un  fervent  adorable.  Le  portrait  de  M""  W.  est  un  peu  criard  do 
couleur  :  rose  sur  vert. 

Quant  à  M.  Heymans,  son  envoi  émerveille.  Ses  deux  tableaux 
sont  toute  une  splendeur  d'aurore  cl  de  lumière  matinale. 
On  y  entend  gazouiller  les  oiseaux  qui  se  réveillent  et  qui 
égratignetit  le  ciel  pur  de  leur  vol  et  de  leurs  cris.  Les  arbres 
frissonnent  sous  les  premiers  rayons  de  l'aube,  pénétrés  de  quelle 
belle  lumière  rédemptrice,  de  quelle  prodigalité  de  lueurs  argen- 
tines !  La  douce  communion,  toute  blanche,  de  la  terre  et  du  ciel, 
au  moment  où  le  soleil  se  lève,  est  chantée  ici  en  harmonies 
d'une  blondeur  pûle  de  rayon  passant  à  travers  les  rosées.  Voilà 
l'œuvre  d'un  poète!  Les  vaches  se  rendent  à  leur  pâture,  réveil- 
lées par  les  alouettes,  au  milieu  de  clairs  étangs  aux  étranges 
mirages  de  cieux  flamblant'clair,  et  les  arbres  s'auréolent,  ainsi 
que  dos  faisceaux  de  lances  brûlantes,  d'un  nimbe  de  rayons.  Et 
la  peinture?  Fine,  délicate,  légère,  aérienne.  Allant  droit  dans  les 
chemins  nouveaux,  ivre  de  clarté,  drapée  de  dentelle  empruntée 
aux  légères  buées  qui  s'élèvenl,  comme  des  sylphes,  des  ondes 
aurorales. 


EXPOSITION  DE  L'«  ALS  IK  KAN  " 

Il  est  inutile  de  réunir  à  nouveau  des  œuvres  qui  ont  déjà  élé 
vues  à  Bruxelles.  Celte  observation  s'adresse  à  une  grande  partie 
des  choses  exposées  à  VAls  ik  kan.  Nous  connaissions  la  grande 
toile  de  M.  Abry;  les  tableaux  de  W.  Henry  De  Groux  onl  été 
exposés  à  son  atelier,  il  y  a  deux  ans;  les  Rops  sont  anciens  et 
l'un  d'eux  a  servi  de  frontispice  aux  Notes  d'un  touriste  de  Jean 
d'Ardcnne;  les  Mellery  viennent  d'être  exposés  aux  XX  ou  au 
Aquarellistes;  presque  toutes  les  „toilçs  de  M.  Melchers  ont  élé 
vues,  il  y  a  deux  mois,  au  Cercle  des  Arts  el  de  la  Presse.  11  est 
inutile  de  renouveler  la  critique  \x  leur  sujet.  Notons  pourtant,-dc 
M.  Melchers,  un  A  Vêpres,  d'une  intimité  étrange  et  piquante, 
frais  de  couleur,  et  d'un  sentiment  hollandais  très  subtil.  En  un 
autre  dessin  M.  Melchers  se  laisse  un  peu  trop  influencer  par 
(Icorgcs  Minne. 


En  général,  les  paysagistes  de  VAls  ik  kan  5ont  trop  matériels, 
trop  lourds,  Iruellant,  mastiquant.  Ainsi  M.  Deisaux.  El  malgré 
leur  matérialité,  ces  œuvres  ont  l'aspect  sec;  c'est  crayeux. 
M.  Deisaux  paraît  le  plus  intéressant,  avec  M.  Morrcn,  dont  la 
Prairie  indique  de  claires  tendances  vers  le  neuf,  Il  en  est  de 
mémo  des  œuvres  de  M.  Claus,  un  luministe  dont  la  palette  s'affme 
de  plus  en  plus.  La  belle  note  de  lumière  caressant  l'automne 
d'or  des  arbres!  M.  Baseleer  a  la  peinture  un  peu  criarde,  mais 
il  révèle  de  bonnes  tentatives.  M.  Florrnl  Crabeels  fait  songer  au 
peintre  Jacquc  en  ^9.  Rentrée  tardive.  Citons  encore  M,  Verheydcn, 
un  invité,  dont  le  Fannl  donne  une  impression  de  nuit  ténébreuse, 
au  fond  d'une  mer  furieuse  :  on  senl  l'ouragan  s'acharner  contre 
les  pilotis  de  l'estacade,  sous  un  ciel  frissonnant  que  pique  l'œil 
sanglant  du  fanal  ;  Gilsoul,  qui  donne  la  sensation  rapide  et  assez 
savoureuse  de  ton  d'un  train  passant  au  sommet  d'un  talus, 
derrière  la  baraque  d'un  garde-barrière;  Marcelle,  donl  l'envoi 
est  bon  et  dénote  du  travail,  el  enfin  Vervvée,  toujours  vigoureu- 
sement brossant  des  vaches  dans  les  grasses  prairies,  les  polders 
el  les  dunes  des  Flandres. 

M.  Laermans  ajoute  une  page  de  belle  mélancolie  :  Un  dimanche 
matin  au  village,  à  son  étrange  poème  de  la  vie  des  rustauds  que 
nous  avons  analysé  dernièrement  à  l'occasion  de  l'exposition 
dj^  Voorwaarts. 

De  M.  Eugène  Smils  une  fine  el  colorée  Convalescente;  de 
M.  Vanaise  une  Etude  assez  chaude;  de  M.  Amédée  Lynen  une 
Serveuse,  d'une  observation  pittoresque,  et  d'os  éludes  et  croquis 
serrés  el  nerveux  de  M.  Lemmen,  el  parmi  eux,  surtout,  une  tête 
de  vieille  femme. 

M.  Hannotiau,  qui  s'inspire  de  De  Groux  et  de  Mellery,  expose 
un  Refuge  des  affligés  assez  mélancolique.  D'ailtres  s'essayent  au 
symbolisme  :  ainsi  MM.  Ciamberlani  et  Delville,  sans  grand 
charme,  toutefois,  el  sans  captivante  nouveauté.  Ce  sont  les 
grandiloquents  de  la  nouvelle  peinture.  Jusqu'ici  leurs  tenlatives 
onl  toujours  sonné  assez  creux. 

Citons  encore  parmi  les  peintres  :  MM.  Speeckaert,  Hermans, 
Uylterschaul,  Francis  Nys  et,  parmi  les  sculpteurs,  MM.  Char- 
lier.  Lambeaux,  et  surtout  l'élégante  sculpture  de  M.  Ch.  Van  der 
Stappen,  le  ««  coq  »  de  la  présente  exposition. 

Tel  est  le  bilan  d'Anvers-Bruxelles-Exposition.  Son  but?  En 
invitant  quelques  habitués  des  XX  et  de  feu  l'Essor,  cette  mani- 
festation a-l-elle  voulu  prouver  la  prédominance  de  Bruxelles 
jeune  sur  Anvers  jeune? 

Nous  ne  voyon^  pas  d'autre  moiif  à  une  semblable  réunion 
d'œuvres^.  C'est  un  enfoncement  de  portes  ouvertes. 


LA  QUESTION  DES  MUSEES 

Au  Musée  de  Lille. 

Le  Nouvelliste  du  Nord  et  du  Pas-de-Calais,  par  la  plume  de 
M.  Jules  Duthil,  entreprend  une  campagrie  contre  le  Musée  de 
Lille  cl  les  faux  tableaux  qu'il  prétend  y  reconnaître. 

D'après  lui,  il  existerait  à  Paris  une  oftîcine  confectionnant  de 
faux  tableaux  de  vieux  maîlros,  officine  dirigée  par  un  Belge.  La 
commission  lilloise  aurait  été  viclimedecelte  fabrication.  D'ailleurs, 
dit  le  chroniqueur,  «  ce  n'est  pas  la  première  fois  que  les  histoires 
de  faux  tableaux  saisissent  l'opinion.  Il  y  a  quelques  années,  on' 
signalait  k  Francfort  une  officine  analogue  à  colle  qui  émeut 


aujourd'hui  l'opinion  cl  dont  la  spécialité  élail  de  faire  des  pcliis 
maîires  flamands  ». 

Parmi  les  tableaux  douteux,  le  Nouvellùle  signale  notamment 
un  Gérard  David  (payé  25,000  fr.),  un  Jordaens  et  un  Bouts.  ■ 

Le  Nouvelliste  conclut  :  «'  11  importe  que  la  commission  dise 
ce  qu'elle  sait  sur  les  tableaux  qu'elle  a  récemment  achetés, 
qu'elle  fournisse  leurs, papiers  ou  leur  histoire,  ou  si  elle  a  été 
victime  d'une  escroquerie,  qu'elle  avoue  et  surtout  qu'elle  mette 
au  rancart  des  pastiches  qui  n'auraient  pas  leur  place  dans  nos 
collections.  »  Il  ajoute  plus  loin  :  «  Il  faut  donc  que  la  lumière 
se  fasse,  qu'elle  soit  entière  et  complète.  La  réputation  de  notre 
musée  est  en  jeu.  Nous  ne  douions  pas  que,  dans  les  circonstances 
présentes,  la  commission  fasse  son  devoir  tout  entier,  et  qu'en 
raison  de  la  publicité  donnée  b  des  bruits  de  nature  à  décon- 
sidérer nos  collcclions,  elle  assure  à  ses  éclaircissements  une 
publicité  non  moins  grande  ». 

Les  mêmes  phrases  pourraient  être  adressées  aux  gardiens- 
muets  de- notre  p'ace  du  Musée,  dont  une  enquête  prochaine  et 
sévère  déliera,  espérons-le,  les  langues  immobiles;  mais  à  Lille 
la  comnission  a  répondu  tout  de  suite  aux  attaques  de  la  presse, 
—  bien  anodines,  pourtant,  en  comparaison  de  celles  dirigées 
ici  contre  les  personnages  officie  Is.  Dans  une  note  adressée  à 
l'Agence  Dalziel,  la  commission  affirme  que  le  musée  de  Lille 
ne  conlicul  pas  de  faux  tableaux.  Pour  l'établir,  elle  déclare  que 
tous  les  achats  ont  été  faiis  ou  bien  à  des  ventes  après  décès  ou 
bien  à  des  spécialistes  tels  que  MM.  Gauchez  et  Bourgeois.  Nous 
ne  savons  si  le  Noitvellisle  seconlentera  de  ces  explications. 


LES  DONS  AUX  MUSÉES 

Nous  lisons  dans  le  Guide  de  l'amateur  de  dimanche  dernier 
une  observation  qui  corrobore  1»  s  idées  que  nous  développions 
nous-mêmes  dans  notre  dernier  numéro  : 

«  Les  dons  au  Musée  du  Louvre  deviennent  de  plus  en  plus 
fréquents.  M.  Gerspach,  directeur  des  Gobelins,  vient  d'off'rir  à  la 
section  du  moyen-âge  une  mosaïque  vénitienne  du  xii'  siècle  :  les 
objets  de  celle  époque  conservés  dans  les  collections  sont  très 
rares. 

Les  amateurs  français  n'onl  pas  encore  pris  l'habitude,  fré- 
,  qucnte  en  Angleterre,   de  remettre  des  objets  d'art  dans  les 
musées  à  litre  de  àéç6\,  mais  il  suffit  dans  notre  pays  de  fournir 
roccasion  d'une  générosité  pour  voiries  dons  arriver.  En  province, 
par  exemple,  on  ouvre  un  musée;  que  le  conseil  municipal  vote 
une  faible  subvention  annuelle  de  2,000  francs  el  aussitôt  les 
donateurs  apparaissent;  les  uns  ont  suffisamment  joui  de  la  vue 
d'un  tableau,  d'autres  sont  tlaltés  de  voir  leur  nom  sur  un  car- 
touche; il  en  est  qui  n'ont  pas  d'héritiers  ou  qui  en  ayant  ne  les 
aimeDi  pas  ;  d'autres  enfin  onl  le  désir  de  contribuer  au  dévelop- 
pement du  goûl  el  de  rinsiruclion  d'art  de  leurs  concitoyens. 
Evidemment  tout  dans  ces  dons  n'esl  pas  d'ordre  supérieur,  mais 
le  conservateur  doil  prendre  ce  qui  est  acceptable.  Plus  tard, 
lorsque  le  musée  sera  bien  pourvu,  il  mettra  les  objets  secon- 
daires dans  les  places  les  moins  favorables.  » 


CONCERTS  PARISIENS 

Au  Théâtre  d'Application,  M"'«  Samary  organise  de  fort 
iulrayantes  séances  hobdomaelaires  sous  ce  titre  allirant  :  Une 
heure  de  musique  nouvelle.  Des  conférenciers  renommés  cherchent 
l\  plus  intimement  faire  connaître  et  aimer  les  compositions  des 
jeunes,  racontant  les  existences  el  moalrant  les  idées.  La  série 
avait  commencé  par  le  maître,  par  Vincent  el'lndy.  Les  dernières 
matinées  en  étaient  arrivées  à  MM.  Hille'macher,  puis  enfin  h 
M.  Ë.  Chabrier  pour  finir  bientôt  par  W.  Wormser, 

M.  André  Maurel  a  présenté  les  frères  llillemacher  avec  l'en- 
thousiasme d'un  admiraleur  :  il  a  expliqué  el  parfaitement 
démontré  la  le^gilime  possibilité,  selon  lui,  de  celte  association 
de  deux  individualiiés  —  sans  même  une  monstruosité  arlislique 
d'exception  —  par  la  presque  idenlilé  d'être  des  deux  frères. 
Mais  après  la  conférence,  audition  des  œuvres  :  parfaites  cepen- 
dant de  facture,  délicieuses  et  délicates  d'impres-sion,  d'un 
bon  goût  extrême  qui  les  font  d'un  très  bel  arl,  voici  que  l'on 
n'est  plus  du  tout  de  l'avis  de  M.  Maurel  :  il  manque  un  rien,  un 
rien  .qui  est  tout,  pour  émouvoir  enlièremenl.  L'eeuvre  d'art, 
L'closc  en  une  conception  où  elle  est  perçue  presque  complète 
dans  sa  généralité  et  dans  ses  moindres  délails,  sort  synthétisée 
du  sentimeni;  l'identité  d'un  seniiment  avec  un  sentiment,  d'où 
l'identité  absolue  de  deux  conce  plions,  ralionnellemenl  est  impos- 
sible. L'un  des  frères  Hillemacher  cisèle  les  impressions  d'aulrui  : 
il  en  résulte  en  ces  musiques  un  manque  de  lien  complet  el  sublil 
entre  l'unité  el  les  infinies  parties  —  enlre  le  sentiment  et  la  forme. 
Les  œuvres  de  M.  Chabrier,  malgré  la  brillante  causerie  de 
M.  Catulle  Mendès  et  leur  succès  auprès  d'un. public  mondain,  ne  » 
nous  causèrent  pas  l'impression  que  nous  attendions.  Dans  celles 
de^s  compositions  qu'on  nous  fit  entendre,  l'émotign  d'art  est  secon- 
daire, el  la  facture  seule  vigoureuse,  voire  brutale  d'exubérance. 
La  Ballade  des  gros  dindons  et  la  Pastorale  des  cochons  roses, 
dites  par  M.Fugère,  furent  d'ailleurs  bissées,  trissécs,  acclamées. 
M.  Catulle  Mendès  en  triomphales  paroles  a  glorifié  le  mon  : 
Ephraïm  Mikacl,  et  il  l'en  faul  grandement  remercier. 

En  pleine  salle  du  Conservatoire,  le  samedi  30  avril,  l'Art  jeune 
est  venu  s'implanter  gloriensement:  c'est  la  Société  nationale  qui 
y  organisa  un  splendide  concert  supplémentaire  avec  chœur  et 
orchestre.  Le  programme  —cependant  composé  d'œuvresde'^jà  con- 
nues el  entendues  —  simplement  exquis  :  la  belle  symphonie  en  si 
ft^moi /Hfl/eH>'d'Ërnest  Chausson;  de  Fauré.uniH/adrigfO^à  quatre  voix 
chanté  délicieusement  par  M""  Lépine,  M"""  Joussen,  MM.  Warm- 
brodl  et  Dimilri  ;  un  Clair  de  lune  (de  Verlaine),  par  M.  Warm- 
brodl  et  une  ravissante  Pavane  interprétée  par  les  chœurs  el  l'or- 
chestre, sous  l'admirable  tlireclion  de  M.  d'Indy.  Puis  la  Sainte 
rose  de  Lima  de  P.  de  Bréville,  extrêmement  jolie,  quoique  d'un 
mysticisme  un  peu  mondain.  Enfin  Y  Eleison  de  Camille  Benoit  et 
Dansons  la  Gigue  de  Charles  Bordes. 

El  pour  finir,  cette  joie  d'entendre  à  Paris  un  fragment  du 
resplendissant  poème  le  Chant  de  la  Cloche.  C'est  le  5"  tableau, 
«  l'Incendie  ».  Le  tocsin  sonne  lugubre  et  les  voix  montent  eff'a- 
rées,  puis  grandissent  splendidement  en  un  cri  d'affolement 
terrible,  arrêté  soudain  par  le  calme  victorieux  de  Wilhelm  ; 
c'est  absolument  superbe. 

Bornons-nous  à  transposer  l'émotion  du  public  et  à  noter  les^ 
acclamations  qui  onl  glorifié  Vincent  d'Indy.  Mais  quand,  à  Paris 
ou  à  Bruxelles,  monlera-l-on  enfin  le  Chant  de  la  Cloche  en  entier? 

E.  S.     . 


i:art  moderne 


151 


BIBLIOGRAPHIE  MUSICALE 

MM.  llicliaull  Cl  C'«  vicnnonl  de  publier,  en  une  excellenlc  édi- 
tion populaire  à  5  francs,  un  nouveau  Gradns  ad  Parnassum 
résumé,  comprenant  un  clioix  de  trente-six  éludes  soigneusement 
revues,  corrigées  et  doigtées  à  l'usage  des.  Conservatoires  par 
W.  I.  Phimi'I',  \\  qui  le  public  des  conceris  populaires  bruxellois 
a  l'ail  récemment  un  si  sympalliique  accueil.  On  sait  quele  Oradas 
de  démenti  est,  de  tous  les  recueils  spéciaux,  l'ouvrage  le  plus 
favorable  au  développement  ra|)ide  du  mécanisme  des  pianistes. 
C'est  le  volume  classique  par  excellence,  le  ra)?i/)fi)(rf(H)H  liabituel 
des  virtuoses.  L'édilion  nouvelle  qui  vient  d'en  paraître  esl- 
appelée  à  un  succès  ccrlain. 

Signalons,  chez  les  mômes  éditeurs,  une  transcription  pour 
piano  seul  de  l'Amour  (solo  de  violoncelle),  œuvre  poslliume  de 
Louis  Lacombe,  ci  une  série  de  petites  pièces  pour  piano  dans  le 
genre  ancien,  sortes  de  pastiches  fort  à  la  mode^^-n  ce  moment, 
signées  Gachiki,  RIauie,  F.  IUfaletti,  E.  Lévéque: 

A  lire  les  mélodies  de  T.sohaïko\vsky  qu'ont  publiées 
MM.  Mackar  cl  Noël,  propriétaires  exclusifs  des  œuvres  du 
maître  en  France  el  en  Belgique,  on  s'étonne  que  ces  jolies 
inspirations,  qui  rappellenl  les  plus  beaux  lieds  de  Scliumann, 
ne  soieiil  i)as  connues  davantage.  L'une  d'elles  :  Ali]  qui  brûla 
d'amour,  a  fait,  il  est  vrai,  son  tour  d'Europe.  Mais  les  autres  ? 
Les  programmes  de  nos  concerts  n'ont  point  renseigné  encore, 
pensons-nous,  les  œuvres  suivantes  :  N'accuse  pas  mon  cœur 
(poésie  de  Tolstoï),  Pourquoi  tant  de  plaintes,  (Plestclieew), 
O  douce  souffrance  (M""'  Roslopcliine),  qui  viennent  de  nous  par- 
venir, el  qui,  toutes  trois,  ont  un  réel  intérêt  artistique. 

MM.  Mackar  el  Noël  mettent  également  en  vente  un  recueil  de 
six  mélodies,  chant  et  piano,  de  M.  Georges  Baudouin,  sur  des 
poésies  de  Th.  Gautier,  de  L.  Bouilhet  et  de  M.  Dyohis  Ordinaire. 
Dp  mérite  inégal,  les  unes  semblent  être  détachées  de  quelque 
opéra  comique,  les  autres  empruntent  la  forme  du  lied  et 
cliarmenl  par  la  fraîcheur  d'une  inspiration  claire,  de  bon  aloi. 
Les  pièces  les  plus  remarquables  à  cet  égard  sont  :  ^fo«ice  el 
Mon  cœur  s'affole,  écrites  avec  un  art  délicat. 


Petite   chroj^ique 

L'Indilpendanre  consacre  deux  colonnes  à  Pelléas  el  Méti- 
samle,  le  nouveau  drame  de  Maeterlitick,  dont  elle  reproduit 
quelques  fragments  et  qu'elle  analyse  avec  le  soin  et  le  respect  que 
mérite  l'œuvre  d'un  artiste. 

Voilà  qui  est  bien.  ISous  félicitons  iindepsndance  d'avoir  osé 
rompre  avec  ses  traditions  fâcheuses  et  de  s'exécuter  aussi  g:ilam- 
menl.  El  nous  constatons  avec  satisfaction  que  les  polémiques 
ont  tôt  ou  tard  un  résultai  utile. 


M.  Franz  Servais  est  en  ce  moment  It  Paris,  où  il  est  sérieuse- 
ment question  de  monter  son  Apollonide  îi  l'Opéra. 

Des  auditions  fragmentaires  en  ont  été  données  dans  des 
réunions  privées.  Elles  ont  produit  un  excellent  etfel  sur  les 
auditeurs.  M.  Bertrand,  directeur  de  l'Opéra,  prendra  connaissanc 
c,om|)lèle  de  l'œuvre  aussitôt  après  la  première  de  Salammbô. 
Nous  souhaitons  vivement  que  les  négociations  aboutissent.  Indé- 
pendamment du  mérite  incontestable  de  la  partition,  il  y  a,  semble- 
l-il.  pour  la  France,  dont  les  compositeurs  l'cçoivent  en  Belgique 
un  accueil  si  sympathique,  une  question  de  courtoisie  en  jeu.  Il 
n'est  pas  douteux  que  celte  considération  rallie  au  projet  de 
M.  Bertrand  tous  les  suffrages. 


La  quatrième  el  dernière  séance  de  musique  de  chambre  pour 
instruments  à  vent  el  piano,  donnée  par  MM.  Anthoni,  Guidé, 
Poncelel,  Merckx,  Neumans  el  De  Greef,  aura  lic.u  aujourd'hui 
dimanche,  à  2  iieures.  M.  E.  Latarge  a  bien  voulu  prolonger  son 
séjour  afin  de  prêter  son  concours  aux  organisateurs  do  cette 
belle  séance,  qui  sera  complètement  consacrée  aux  œuvres  de 
Sainl-Saëns. 

C'est  ce  soir,  dimanche,  que  l'orclieslre  de  la  Monnaie  inaugu- 
rera au  Waux-llall  la  série  de  ses  concerts  d'été  sous  la  direction 
de  MM.  Flon  el  Dubois.  M.  Guidé  a  été  nommé  président  du  con- 
seil d'administration.  Avec  de  tels  éléments,  nous  aurons  certai- 
nement des  programmes  jnléressanis  et  des  exé;utîons  soignées. 

On  a  vendu  la  semaine  dernière  îi  la  Galerie  Moderne  une 
cinquanlaino  d'études,  d'esquisses,  de  panneaulins  de  Lfluis 
Artan. 

La  vente  a  atteint  11^), 000  francs,  chiffre  considérabliî  qui  a 
cerics  dépassé  l'espoir  des  vendeurs,  étant  donné  que  la  vente  ne 
contenait  guère  que  de  petites  toiles  insignifi.inies,  inachevées, 
non  signées.  Esl-ce  ([ue  les  amaieurs  commenceraient  à  revenir  di' 
leur  injuste  prévention  à  l'égard  des  maîires  belges?  Quelques 
prix  semblent  le  faire  esfiérer. 

■  Une. élude,  6' ros  temps,  la  plus  importante  de  la  colleciion,a  été 
adjugée  1,500  francs  à  M.  J.  De  Gi'eef.—  Le  Phare  de  Nieupvrt, 
750.  —  Barque  échouée,  750.  —  Canal  de  Fumes,  640.  — 
Clair  de  Lune,  000.  —  Dernières  loueurs,  600.  —  Mon  Atelier 
(La  Panne),  510.  —  Marée  montante,  -iSO.  —  La  Minque  à  la 
Panne,  420.  —  Ln  flèche  de  la  Crevette,  410.  —  Les  au'res 
toiles  ont  été  vendues  de  50  à  250  francs.  La  p'uparl,  répétons- 
le,  n'étaient  que  des  croquetons,  des  taches,  des  essais  embryon- 
naires que  le  peintre  n'eût  sans  doute  jamais  laissé  sortir  de'son 
atelier. 


Ixellcs  aura,  comme  l'an  passé  Schaerbeck,  son  exposiiicfn 
locale.  Elle  sera  actuelle  et  réirospeclive.  Un  comité  d'artistes 
réunit  en  ce  momi>nl  des  œuvres  de  tous  les  peintres  né.s  îi 
Ixelles  ou  qui  ont  habité  cette  commune,  parmi  lesquels  il  faut 
citer  Ch.  De  Groux,  Wierlz,  Fourmois,  Joseph  Sievens,  etc. 
L'exposition  s'ouvrira  le!"  juin.  Plusieurs  conférences  seront 
failes  au  cours  du  Salon,  entre  autres  par  MM.  G.  E"klioud  e- 
Ch.  Poivin. 

Le  Salon  triennal  de  Gand  s'ouvrira  le  21  août.  La  clôture  en 
est  fixée  au  10  octobre.  Les  envois  doivent  élre  annoncés  avant  le 
15  juillet,  par  une  lettre  adressée  à  Ja  commission  directrice,  au 
Casino.  Les  ouvrages  doivent  être  déposés  au  plus  tard  le  20  juillet. 

La  série  des  fêtes  organisées  k  Charleroi  à  l'occasion  de  l'Ex- 
position des  Beaux-Arts  continue  de  brillante  façon.  Dimanche 
passé,  un  concert  donné  par  la  musique  des  Guides,  sous  la  direc- 
tion de  M.  Simar,  et  la  Société  chorale  les  XXV,  de  Gilly,  a 
obtenu  un  succès  sans  précédent.  Plus  de  dix-huit  cents  auditeurs 
~se  pressaient  dans  les  lo-iaux  de  l'Exposition.  Quant  au  Salon  lui- 
même,  il  reçoil  toujours  de  nombreux  visiteurs  et  préoccupe  tous 
les  esprits.  La  presse  locale  lui  a  fait  le  plus  bienveillant  accueil  ; 
de  nombreux  articles,  notamment  dans  le  Journal  de  Charleroi, 
onl  analysé  les  œuvres  exposées.  On  attend  avec  impatience  la 
réalisation  des  promesses  de  l'adminisiraiiolK  communale.  L'idée 
que  nous  avons  préconisée  —  de  dresser  surtine  place  le  Marte- 
leur  de  Meunier  —  esl  unanimement  approuvée.  M.  Valère 
Mabille,  l'infatigable  promoteur  de  ces  réjouissinces,  a  demandé 
l'auj^orisation  de  prolonger  de  quinze  jours  l'exposition  qui  devait 
se  clore  le  8  mai.  

Entendu  au  Select-Théalre  notre  confrère  M.  Camille  .Mauclair 
dans  une  très  substanlielle  el  très  lucide  conférence  &ur  le 
Théâtre  de  Maurice  Maeterlinck.  Le  conférencier  a  fait  partager 
h  son  public  son  enthousiasme  pour  le  maiire  belge.  La  séance 
s'est  terminée  par  de  vifs  applaudissem  nls.  (Gil  Élas.) 


O 


DOUZIÈME  ANNÉE 

L'ART  MODERNE  s'est  acquis  par  l'autorité  et  l'indépendance  de  sa  critique,  par  la  variété  de  ses 
informations  et  les  soins  donnés  à  sa  rédaction  une  place  prépoiidérantc.  Aucune  manifestation  do  l'Art  no 
lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  de  peinture,  de  sculpture,  de  gravure,  do  musique, 
d'architecture,  etc.  Consacré  principalement  au  mouvement  artistique  belge,  il  renseigne  néanmoins  ses 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  l'étranger  qu'il  importe  de  connaitre. 

Chaque  iiuméro  do  L'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  question  artistique 
ou  littéraire  dont  l'événement  de  la  semaine  fournit  l'actualité.  Les  expositions,  les  livres  nouveaîix,  les- 
premières  représentations  d'œuvres  dramatiques  ou  musicales,  les  conférences .  littéraires,  les  concerts,  les 
ventes  d'objets  d'art,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  Il  rend  compte  des 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complète  des  expositions  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  Il  est  envoyé  gratuitement  à 
l'essai  pendant  un  mois  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande. 

L'ART  MODERNE  forme  chaque  année  un  beau  et  fort  volume  d'environ  450  pages,  avec  table 
des  matières.  Il  constitue  pour  l'histoire  de  l'Art  le  document  LE  PLUS  COMPLET  et  le  recueil  LE  PLUS 
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■^l^wm^'^.ffr-H 


Douzième  année.  —  N"  20. 


Lk  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  15  Mai  1892. 


L'ART 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DBS  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,   fr.    13.00     —  ANNONCES  :    On  traite  à  forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


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OMMAIR£ 


Les  Maîtres  imprkssionistes.  —  Aux  Concerts  populaires.  — 
L'Ode  a  la  Joie.  —  Le  Char  de  la  Paix.  —  Histoire  des  lettres 
beloes  d'expression  française,  par  Francis  Nautet.  — '■  Accusés  de 
réception.  —  Nécrologie.  —  Correspondance.  —  Mémento  des 
expositions.  —  Petite  chronique. 


Les  Maîtres  impressionnistes 

Par  ces  temps  où  l'on  songe  plus  à  la  conquête  du 
pain  qu'à  la  conquête  du  sol,  où  les  engins  destinés  à 
celle-ci  sont  utilisés  pour  celle-là,  où  l'on  ne  s'occupe  à 
détruire  qrie  pour  instruire,  la  lutte  pour  les  idées  se 
mène  parallèlenjent  dans  tous  les  districts  de  la  con- 
naissance, et  des  révolutions  esthétiques  s'accom- 
plissent. Si  ces  agitations  ne  font  pas  naître  l'art, 
lequel,  écrivit  judicieusement  Whistler,  -  a  lieu  par 
hasard  »,  du  moins  elles  permettent  aux  artistes  qui 
jeunes  semèrent  pour  l'avenir,  de  récolter  avant  leur 
mort.  Voici  pourquoi  les  peintres,  aujourd'hui  sexagé- 
naires, qu'on  baptisa  d'abord  réalistes  parce  qu'ils 
observaient  plus  sainement  la  nature  que  leurs  devan- 
ciers et  qu'on  traita  par  suite  de  «  communards  »  à  une 
époque  où  l'épi thète  pouvait  passer  pour  l'injure 
suprême,  sont  maintenant  honorés  comme  des  maîtres, 
et  peuvent  rencontrer  telles  de  leurs  œuvres  jadis  con- 


spuées dans  les  galeries  célèbres,  les  musées  d'Etat, 
dans  le  commerce. 

L'école  impressionniste  —  on  lui  a  conservé  cette 
étiquette  appliquée  jadis  par  la  critique  en  manière 
d'épigramme  —  naquit  d'un  besoin  de  réagir  contre 
une  époque  où  la  peinture  à  sujets  historiques  ou  pitto- 
resques passionnait  l'élite,  et  où  le  bitume,  a  dit  Fro- 
mentin, semblait  la  couleur  auxiliaire  de  l'idéal.  On  se 
mit  à  peindre  et  à  «  terminer  »  en  plein  air,  avec  un 
nombre  fort  restreint  de  couleurs.  Alors,  devant  le 
motif,  chaque  artiste  se  préoccupait  beaucoup  plus  de 
l'effet  que  de  l'arrangement  ;  la  vibration  de  la  lumière 
baignant  les  formes,  l'ondoiement  des  reflets  sous  la 
fugacité  des  ciels,  les  phénomènes  jusqu'à  ce  jour  inex- 
ploités pour  eux-mêmes  :  givre,  brouillard,  gelée 
blanche,  midi  caniculaire,  brume,  brune,  etc.,  moti- 
vèrent cette  peinture  un  peu  météorique  mais  presti- 
gieusement  subtile,  riche  en  colorations,  éloquente  de 
vérité.  Abordaient-ils  la  figure,  les  débutants  de  l'école 
du  plein  air  s'inquiétaient  de  ce  que  valaient  leurs 
modèles  par  rapport  à  l'ambiance  de  la  note  que  cha- 
cun donnait  dans  un  décor  réel  et  de  l'authenticité  des 
attitudes  plutôt  que  de  la  restitution  psychologique  par 
une  étude  patiente  du  caractère  facial  ainsi  que  le  vou- 
laient les  vieux  maîtres  plutôt  que  de  faire  intervenir 
ces  figures  pour  satisfaire  des  tendances  à  l'ornementa- 
tion, à  la  composition. 


^ 


"  Pendant  le  long  séjour  que  je  fis  en  Italie  au  début 
de  ma  carrière,  disait  Corot  au  peintre  X"*,  j'aurais 
voulu  arrêter  un  instant  les  jolis  nuages  que  je  vo}ais 
fuir  sous  le  vent  dans  le  bleu  du  ciel,  afin  de  les  pouvoir 
copier;  mais  aujourd'hui,  ajoutait  le  grand  et  bon 
homme,  je  préfère  qu'ils  marchent.  "  Eh  bien,  les  pre- 
miers adeptes  de  la  peinture  nouvelle  ont  voulu  réaliser 
ces  préoccupations  anciennes  de  Corot  et  instantanéiser 
la  nature,  des  coins  de  nature;  aussi  leurs  œuvres,  en 
général,  sont-elles  plutôt  des  études  que  des  tableaux. 
Aujourd'hui  et  depuis  plusieurs  années  une  heureuse 
évolution  s'est  accomplie  chez  les  maîtres  de  l'impres- 
sionnisme; ils  ont  compris  en  artistes  qu'ils  furent 
toujours,  mais  en  artistes  plus,  réfléchis  et  plus  com- 
plets, que  la  nature  ne  s'arrange  pas  constamment  en 
œuvre  d'art,  et  qu'une  des  qualités  fondamentales  d'un 
tableau  doit  être  qu'on  n'en  puisse  isoler  fictivement  ou 
effectivement  un  fragment  sans  compromettre  la  partie 
restante.  Appliquez  cette  opération  à  une  étude,  elle 
pourrait  y  gagner,  un  tableau  y  perdra  toujours. 

L'harmonie  d'une  peinture  se  prévaut  autant  d'une 
savante  combinaison  de  lignes  que  de  l'observation  des 
valeurs;  aussi  l'artiste  en  mal  de  composition  doit-il  se 
dire  que  ce  mouvement  de  terrain,  cette  branche  d'ar- 
bre, ce  bras,  cette  robe,  doivent  se  trouver  rigoureuse- 
ment à  tels  et  tels  points  précis  de  la  toile  pour  satis- 
faire à  la  beauté  de  l'ensemble,  tant  pis  si  dans  son  trajet 
une  ligne  s'écarte  de  la  réalité  pour  atteindre  à  son  but. 

Un  critique  du  temps  des  premières  armes  a  pu  dire 
'des  peintres  impressionnistes  qu'ils  n'admettaient  que  la 
moitié  des  vérités  nécessaires  et  qu'il  s'en  fallait  à  la  fois 
de  très  peu  et  de  beaucoup  qu'ils  n'eussent  strictement 
raison.  Aujourd'hui,  en  présence  des  toiles  les  plus 
récentes  des  maîtres  de  l'école  du  plein  air,  si  curieuses 
à  examiner  au  point  de  vue  de  leur  caractère  orne- 
mental, cet  écrivain  reviendrait  sur  un  jugement  un 
peu  exagéré  en  son  temps,  quoique  non  sans  un  fond  de 
vérité.  En  effet,  dans  les  arts  plastiques  et  surtout  en 
peinture,  il  faut  si  bien  compter  sur  l'inconscient,  que 
certaines  œuvres  des  moins  méditées  sont  souvent  des 
plus  parfaites.  Aussi  n'avons-nous  songé  qu'à  établir 
une  distinction  entre  les  préoccupations  en  faveur  parmi 
les  impressionnistes  à  des  époques  distantes,  et  non  à 
condamner.  Les  toiles  que  M.  Durand-Ruel  a  recueil- 
lies pour  sa  collection  privée,  pendant  sa,  longue  car- 
rière d'expert,  toutes  anciennes,  sont  toutes  de  premier 
ordre.  Georges  Lecomte  vient  justement  de  tresser  en 
leur  honneur  des  phrases  polychromes  et  belles  comme 
des  fleurs  en  guirlandes  (1);  jamais,  croyons-nous,  cri- 
tique d'art  ne  puisa  dans  le  vocabulaire  de  quoi  faire 
vibrer  son  enthousiasme  avec  plus  de  richesse  et  de 

(1)  VArt  impressionniste,  1  fort  vol.  in-4o  orné  de  nombreuses 
eaux-fortes  et  pointes-sèches,  d'en- têtes  et  de  culs  de- lampe,  par 
Lauzet.  ^^ 


sûreté  ;  jamais  Tpeinture  ne  reçut  pareil  hommage 
d'écrivain. 

Après  avoir  relaté  nettement  l'exégèse  impressionniste, 
puis  dénombré  les  éléments  constitutifs  du  tempérament 
dechacun,  l'auteur  passe  à  l'examen  des  toiles  de  Renoir, 
Manet,  Degas,  Mary  Cassatt,  Berthe  Morisot,  Monet,  Pis- 
sarro, Sisley,  Lewis  Brown,  etc.,  qui  illustrent  l'appar- 
tement de  M.  Durand.  Ce  sont  le  Déjeuner  à  Boii- 
gival,  la  Femme  à  la  terrasse,  la  Femme  au  chat,  de 
Renoir  ;  la  Vj^ni^e,  les  Danseurs  espagnols,  de  Manet; 
des  Chevaux  et  Ae& Danseuses,  de  Degas;  des 3/«rmes 
et  des  Panneaux  décoratifs,  de  Monet  ;  une  Vue  de 
Rouen,  un  Retour  des  champs,  de  Camille  Pissarro; 
de  Sisley,  une  Seine  à  Moret,  un  Paysage  à  Loiwe- 
ciennes,  etc.,  etc., œuvres  dont  s'enorgueillissent  encore 
leurs  signataires.  La  plupart  sont  reproduites  à  l'eau- 
forte  par  un  graveur  intelligent,  M.  Lauzet,  déjà  fort 
apprécié  pour  son  interprétation  lithographique  des 
œuvres  de  Monticelli. 

L'Art  impressionniste  constitue  un  volume  de  haut 
goût  littéraire  et  artistique.  L'ancienne  école  du  plein 
air,  qui  aux  moments  difficiles  trouva  ses  défenseurs 
parmi  nos  meilleurs  écrivains,  poursuit  cette  heureuse 
fortune  maintenant  qu'il  s'agit  de  la  consécration. 

Edmond  Cousturier. 


AUX    Cqj^CEF^Tp    POPULAIRE^ 

Le  quatrième  et  dernier  concert  populaire  a  démontré,  en 
même  temps  que  la  belle  vaillance  artistique  de  Joseph  Dupont 
çt  son  zôle  d'initiateur,  l'impossibilité  de  détacher  d'un  drame  de 
Wagner,  sans  en  détruire  le  caractère  essentiel,  la  partie  musi- 
cale. Malgré  l'intérêt  de  cette  tentative,  il  faut  reconnaître  que 
faire  chanter  le  troisième  acte  de  Parsifal  en  habit  noir,  c'est 
méconnaître  radicalement  les  intentions  du  maître,  si  attentif  au 
■"cShcours  parfait  de  la  musique  avec  l'action,  si  pénétré  du 
prestige  des  décors  et  de  la  mise  en  scène.  Si  tels  fragments 
symphoniques  :  la  Chevauchée  des  Valkyries,  la  Marche  funèbre 
de  Siegfried,  ou  même  tels  fragments  scéniques  :  les  Adieux  de 
Wolan,  la  Mort  d'IseuU,  peuvent,  à  la  rigueur,  —  et  encore 
est-ce  avec  répugnance  que  nous  faisons  cette  concession,  —  pas- 
ser du  Théâtre  au  Concert,  il  n'est  vraiment  pas  admissible  qu'on 
transforme  en  «  numéro  »  de  programme  musical  un  ouvrage 
lyri'que  dont  la  valeur  esthétique  réside  précisément  dans  la 
fusion  intime  de  tous  les  éléments  qui  concourent  à  provoquer 
une  impression  artistique.  Ce  qu'on  présente  ainsi,  c'est  la  char- 
pente d'une  maison,  c'est  le  squelette  d'un  corps,  et  si  la  gloire 
de  Wagner  n'était  désormais  inébranlablcment  assise,  on  risque- 
rail  de  compromettre  gravement  son  œuvre  en  l'exposant,  ainsi 
dépouillée  et  réduite,  à  l'incompréhension  de  la  foule. 

Ceux  qui  ont  entendu  Parsifal  à  Bayreulh  ont  pu,  samedi  soir, 
évoquer  par  un  effort  de  mémoire  les  scènes  admirables  auxquelles 
la  musique  entendue  sert  de  trame.  Mais  pour  les  autres,  quelles 
longueurs,  quelles  redites,  quelle  diffusion  dans  les  développe- 
ments !  Malgré  toute  la  bonne  volonté  des  chanteurs,  malgré  l'in- 
telligence du  chef  d'orchestre,  malgré  le  soin  avec  lequel  les 


musiciens  se  sont  efforcés  d'exprimer  loules  les  nuances  de  ce 
prodigieux  déroulement  de  sonorités,  comment  faire  passer  dans 
l'âme  des  auditeurs  la  vision  d'un  drame  dont  on  ne  leur  expose 
que  l'accompagnement  musical  ?  Ajoutons  que  la  partition  de 
Parsifal,  spécialnnent  écrite  pour  le  Théâtre  de  IJayreuth  où 
les  éclats  de  l'orchestre  se  perdent  et  se  fondent  harmonieuse- 
ment sous  la  voûle  qui  dissimule  les  interprètes,  couvre  fréquem- 
ment la  voix  des  chanteurs  quand  on  place  sur  une  même  estrade 
acteurs  et  musiciens.  Les  plus  belles  parties  de  l'œuvre  sont 
restées  confuses,  et  MM.  Lafarge,  Seguin  et  Badiali,  chargés  res- 
pectivement d'interpréter  les  rôles  de  Parsifal,  de  Gurnemanz  et 
d'Amfortas,  ont  eu  nécessairement,  dans  leur  lutte  continuelle 
contre  les  forces  musicales  déchaînées,  un  débit  monotone  peu 
propre  à  mettre  en  lumière  les  superbes  récits  de  l'ouvrage. 

Nul  n'est  responsable  de  ces  fautes.  Malgré  le  petit  nombre  de 
répétitions  que  peut  s'accorder  le  directeur  des  Concerts  popu- 
laires et  les  difficultés  vétilleuses  de  la  partition,  l'interprétation 
orchestrale  a  été  ferme,  colorée,  les  chœurs  ont  été  chantés  avec 
ensemble.  Néanmoins,  et  nous  avons  dit  pourquoi,  l'impression 
est  demeurée  en-dessous  de  ce  qu'on  atlendait.  Les  pèlerins  de 
Bayreuth  ont  pleuré  leur  Parsifal  ainsi  diminué,  et  ceux  qui 
n'ont  pas  assisté  aux  représentations  du  Théâtre  modèle  n'ont  pu 
se  faire  une  idée  exacte  de  la  splendeur  de  l'œuvre. 

Le  concert  débutait  par  une  nouvelle  audition  de  la  Mer,  le 
très  beau,  poème  symphonique  de  M.  Gilson  sur  des  vers  de 
M.  Eddy  Levis.  Nous  en  avons  vanté,  lors  de  la  première  exécu- 
tion, la  haute  valeur  artistique,  consacrée,  cette  fois  encore,  par 
l'approbation  unanime  de  tous  les  auditeurs,  qui  ont  décerné  au 
musicien  et  au  poète  dc$  ovations  et  des  acclamations  sans  fin. 

L'oeuvre,  dont  la  partie  déclamée  a  eu  pour  interprète,  comme 
la  première  fois,  M.  Le  Bargy,  sociétaire  de  la  Comédie-Française, 
a  été  exécutée  telle  que  l'auteur  l'avait  écrite  primitivement,  c'est 
à  dire  avec  une  courte  partie  de  chœurs  dans  la  «  Tempête  ».  Il  ne 
nous  a  pas  paru  que  ces  quelques  interjections  vocales  ajoutas- 
sent beaucoup  à  l'effet  de  l'orchestre. 


L'ODE  A  LA  JOIE 

M.  Victor  Wilder  vient  de  remanier  à  sa  façon  la  traduction  de 
VOde  à  la  joie  de  Schiller,  et  M.  Lamoureux  a  laissé  adapter  cette 
tradijction  à  la  neuvième  symphonie  de  Beethoven. 

Je  crois  que  si  le  public  avait  à  la  fois  sous  les  yeux  la  traduc- 
tion littérale  de  l'Ode  à  la  joie  et  la  vulgaire  ode  suisse  â  la 
liberté  avec  son  explication,  fournies  par  M.  Wilder,  il  serait  abon- 
damment «éclairé»  sur  les  intentions  de  Schiller  et  de  Beet- 
hoven, ^-  et  sur  les  facultés  compréhensives  de  M.' Wilder. 

Où  celui-ci  a-t-il  pris  que  la  liberté,  chose  passive  en  soi, 
simple  négation  ou  haine  de  l'entrave,  fût  un  sentiment  plus 
fort  qup  la  joie,  —  la  joie,  instinct  de  la  plénitude  de  Vie,  —  la 
chose  la  plus  positive,  la  plus  active  qui  soit?  A-t-il  confondu;oie 
et  réjouissance,  l'épanouissement  de  l'être  avec  les  fêtes,  bals  et 
carrousels  ? 

On  le  dirait.  —  Il  a  bien  confondu  héros  avec  guerrier  (pour- 
quoi pas  militaire  ou  garde  civique?)  et  héroïsme  avec  bataille 
rangée.  —  Et  cette  division  de  la  poésie?  «Invocation  à  la 
liberté»,  «lyrisme  sacré»,  cet  hymne  à  tout  ce  qui  est  et  rend 
joyeux:  vin,  femme;  amitié  ?  Départ  des...  pompiers  (i  Za  co?i- 
quête  de  l'indépendance ^  celle  comparaison  de  la  joie  héroïque  ser- 
vant d'exhortation  à  l'action  persévérante  ? 


Non,  cher  Monsieur,  Schiller  écrivait  avant  1787  et  Beethoven 
vers  1818;  ils  étaient  loin  des  bavardages  sonores  et  des 
«  effets  »  en  papier  mâché  que  nos  pères  priretit  longtemps  pour  la 
poésie  des  «  idées  avancées  ».  Non,  je  vous  en  prie,  ne  con- 
fondez pas  ces  Grands  avec  des  bourgeois  du  temps  du  roman- 
tisme. 

Quant  aux  «  susceptibilités  ombrageuses  de  la  censure  »,  Schil- 
ler ne  semble  pas  s'en  être  démesurément  inquiété. 

A  la  page  même  où  se  trouve  VOde  à  la  joie,  je  lis  dans  la 
fière  poésie  de  la  «  Dignité  virile  »  :  «Mon  talisman  hait  les 
tyrans  et  les  anéantira  dans  la  poussière  ».  Kœrner,  Kiickert, 
sous  le  même  patriarcal  despotisme  d'un  Frédéric-Guillaume, 
furent  autrement  audacieux;  ils  coururent  joyeusement  le  danger 
de  recevoir  un  coup  de  cravache  du  roi  de  Prusse  en  fureur,  ou 
de  mériter  quelques  glorieux  mois  de  forteresse.  Schiller  n'était 
pas  homme  à  s'arrêter  pour  si  peu,  et  surtout  à  tronquer  le  sens 
d'une  œuvre  pour  le  plaisir  de  la  publier. 

Beethoven  semble  encore  avoir  choisi  dans  YOde  à  la  joie  les 
paroles  les  plus  douces,  les  plus  joyeuses  ;  —  et  le  premier  réci- 
tatif, ajouté  par  lui  :  «  Amis,  point  de  ces  accords  !  entonnons 
plus  agréablement  et  plus  joyeusement  »,  ne  fait  pas  pressentir 
des  dispositions  combatives. 

M.  Wilder  a  eu  la  louable  intention  d'initier  à  la  compréhen- 
sion d'un  chef-d'œuvre  «  la  majorité  du  public  ».  Honnête  ten- 
tative quand  on  respecte  le  chef-d'œuvre;  mais  l'amoindrir  pour 
le  faire  passer  par  les  portes  basses  des  cervelles  ordinaires,  c'est 
desservir  l'art.  Soyons  donc  philosophes,  une  bonne  fois  !  Ces 
gens  là,  —  ou  leurs  descendants  que  je  ne  rêve  pas  beaucoup 
plus  intuitifs, — finiront  par  être  obligés  d'admettre,  sinon  de 
comprendre,  le  beau  que  nous  admirons  depuis  longtemps.  En 
attendant,  disons-nous  avec  Berlioz  «  qu'il  serait  bien  dommage 
que  certaines  gens  comprissent  certaines  choses  ».  Montrons  le 
beau  dans  sa  nudité,  le  temps  se  chargera  de  le  faine  comprendre. 

Et  laissons  chanter  la  joie  !  Si  nous  sentons  Sur  nos  épaules 
une  chape  trop  lourde,  nous  aurons  toujours  assez  de  mauvaise 
humeur  pour  conquérir  la  liberté  en  la  secouant.  Mais  ce  qui 
manque  à  nos  vieilles  races  qui  essaient  de  se  rajeunir  au  contact 
des  idées  nouvelles,  c'est  la  jeune  joie  qui  ne  s'énerve  pas  à 
mesurer  grondeusement  et  pué.nlement  les  distances,  les  diver- 
gences, les  inégalités  ;  la  joie  qui  tend  la  main,  confiante  en  elle- 
même,  en  tout  ce  qui  contient  un  peu  d'affirmation,  un  peu  de 
bonne  volonté,  un  peu  d'amour,  un  peu  de  fierté  joyeuse  et 
vibrante  comme  elle.  Laissons  chanter  la  joie,  car  nous  avons 
besoin  de  toutes  nos  forces  vives.  I.  Will. 

ODE  A  liA  JOIB 

(Traduction  d'après  Schiller.) 

Joie,  belle  étincelle  divine,  fille  de  l'Elysée,  nous  pénétrons, 
ivres  de  feu,  dans  ton  sanctuaire.  Tes  enchantements  réunissent 
ceux  que  les  conventions  ont  séparés;  tous  les  hommes  devien- 
nent frères  là  où  s'attarde  ton  aile  douce. 

Choeur.  —  Millions  d'êtres,  soyez  enlacés  dans  ce  baiser  du 
monde  entier  ! 

Frères,  au-dessus  de  la  voûte  étoilée  doit  habiter  un  bon  père. 

Que  celui  à  qui  a  été  donné  le  grand  bonheur  d'être  l'ami  d'un 
ami,  que  celui  qui  a  su  conquérir  une  femme  aimante,  mêle  sa 
jubilation  à  la  nôtre.  Oui,  ne  pût-il  appeler  sienne  qu'une  seule 
âme  sur  la  lei-re  entière!  Et  que  celui  qui  n'eut  jamais  ce  bon- 
heur, se  sauve  en  pleurant  de  notre  groupe. 


r. 


156 


U ART  MODERNE 


Choedr.  —  Que  lout  ce  qu'enserre  ce  grand  cercle  rende 
hommage  à  la  Sympathie  !  Elle  conduit  aux  étoiles  oh  trône 
l'Inconnu. 

Tous  les  êtres  boivent  la  joie  aux  mamelles  de  la  Nature;  tous 
les  bons,  tous  les  mauvais  suivent  sa  trace  parfumée.  Elle  nous 
a  donné  le  baiser  et  la  vigne,  l'ami,  fidèle  jusqu'à  la  mort.  Elle 
a  donné  au  ver  la  volupté,  au  chérubin,  Dieu. 

Choeur.  —  Vous  êtes  renversés,  millions  d'êlres?  Monde, 
pressens-tu  le  Créateur?  Cherche-le  au-dessus  de  la  voûte  étoilée, 
pius  haut  que  les  étoiles  il  doit  régner. 

La  Joie  est  le  fort  ressort  de  l'éternelle  Nature;  la  joie,  la 
joie  conduit  les  aiguilles  de  la  grande  horloge  du  monde.  Elle 
persuade  aux  boutons  de  devenir  fleurs,  aux  soleils  d'apparaître 
au  firmament,  elle  fait  rouler  les  sphères  dans  l'espace,  des 
sphères  que  l'œil  ne  cortnail  pas. 

Chœur.  —  Aussi  joyeux  que  les  soleils  qui  volent  h  travers  le 
plan  splendide  du  ciel,  suivez,  frères,  votre  chemin,  joyeusement, 
comme  uii  héros  qui  vole  à  la  victoire. 

Du  miroir  de  feu  de  la  vérité,  elle  sourit  à  l'investigateur.  Elle 
conduit  le  cortège  des  résignés,  sur  la  colline  abrupte  de  la 
vertu.  Sur  la  montagne  ensoleillée  de  la  foi  on  voit  flotter  son 
étendard;  à  travers  les  fentes  du  cercueil  enlr'ouvert  on  la  voit 
au  milieu  idu  chœur  des  anges. 

Ch(Eur.  —  Souffrez  courageusement,  millions  d'êtres;  souf- 
frez, pour  un  monde  meilleur.  Là-haut,  au-dessus  de  la  voûte 
étoilée,  un  grand  Dieu  récompensera. 

On  ne  peut  pas  récompenser  les  dieux;  jl  est  beau  de  leur 
ressembler.  Que  le  Chagrin  et  la  Pauvreté.demandent  à  se  réjouir 
avec  les  joyeux. 

Que  les  plaintes  et  la  Vengeance  soient  oubliées,  que  notre 
ennemi  mortel  soit  pardonné.  Qu'aucune  larme  ne  l'oppresse, 
qu'aucun  remords  ne  le  ronge  ! 

Chœur.  —  Que  notre  livre  de  dettes  soit  anéanti  ;  que  le 
monde  entier  se  réconcilie.  Frères,  au-dessus  de  la  voûte  étoiléd 
Dieu  nous  juge  comme  nous  aurons  jugé. 

La  Joie  pétille  dans  les  bouteilles.  Dans  le  sang  d'or  de  la  vigne 
les  cannibales  boivent  la  douceur,  et  les  désespérés  l'héroïsme. 
Frères,  volez  de  vos  sièges  quand  le  verre  plein  circule,  que 
l'écume  en  jaillisse  jusqu'au  ciel  :  (Buvons)  ce  verre  au  Bon 
Esprit! 

Choeur.  —  A  celui  que  loue  le  tourbillon  des  étoiles,  à  celui 
que  chante  l'hymne  des  séraphins,  ce  verre  au  bon  esprit,  au- 
dessus  de  la  voûte  étoilée,  là-haut  ! 

(Par  le)  courage  ferme  dans  la  lourde  peine,  par  l'appui  à 
l'innocence  qui  pleure,  par  les  serments  éternels,  par  la  vérité 
dite  malgré  ami  ou  ennemi,  par  la  dignité  virile  devant  le  trône 
des  rois,  —  Frères,  dût-il  en  coûter  les  biens  et  la  vie,  rendons 
au  mérite  sa  couronne,  anéantissons  la  race  de  mensonge  ! 

Choeur.  —  Resserrez  le  cercle  sacré.  Jurez  par  ce  vin  d'or 
d'être  fidèle  à  votre  serment,  jurez-le  par  le  Juge  des  Etoiles. 

ODE  A  LA  LIBERTÉ 

Final  de  la  IX*  'symphonie.  —  Paroles  françaises  d'après  Schiller, 
par  M.  Victor  Wilder. 

Mes  frères,  cessons  nos  plaintes, 
Trêve  aux  larmes,  trêve  aux  craintes  ! 


Qu'un  cri  joyeux  élève  aux  cieux 

Nos  chants  de  fête  et  nos  accords  pieux  ! 

Frères, 

Que  la  liberté  descende 

De  son  radieux  palais, 

Que  sa  main  sur  nous  répande 

•  La  concorde  avec  la  paix  ; 
Que  son  souffle  nous  enflamme. 
Nous  embrase  tour  à  tour, 

Et  nous  verse  au  fond  de  l'âme. 
Un.ardent  et  chaste  amour. 

Tous  les  peuples  sous  son  aile, 

Se  tendront  un  jour  la  main, 

Une  étreinte  fraternelle  . 

Unira  le  genre  humain  ; 

Plus  de  haines,  plus  de  guerres, 

Grâce  à\son  pouvoir  vainqueur 

Tous  les  nommes  sont  des  frères 

Et  n'ont  plus  qu'un  même  cœur. 

L'âme  ouverte. aux  rêves  roses. 
Que  ne  troublent  point  les  pleurs, 
Nous  suivrons,  parmi  les  roses. 
Des  sentiers  semés  de  fleurs. 
Et  voyant  pâlir  le  doute 
Sous  l'éclat  du  ciel  en  feu, 
Noiis  suivrons  chacun  sa  route, 
Librement,  sous  l'œil  de  Dieu  1 

'Va,  guerrier,  et  prends  tes  armes, 
Pars  sans  crainte  et  sans  alarmes. 
C'est  pour  Dieu  qUe  tu  combats  ! 
Jeune  cœur  épris  de  gloire, 

•  Marche,  vole  à  la  victoire. 
Jette  les  tyrans  à  bas  I 

L'âge  d'or  reprend  naissance, 
Tous  les  cœurs,  ô  saint  transport  1 
Frères,  par  un  tendre  accord. 
Sont  ouverts  à  la  clémence. 
Tout  un  peuple,  peuple  immense, 
Qui  n'a  plus  qu'un  maître  :  Dieu, 
Sôus  son  ciel  limpide  et  bleu, 
Prie  et  chante  sa  puissance  1 

NOTICE  DU  PROGRAMME 

Notre  nouvelle  version  française  du  texte  littéraire  allemand 
dont  Beethoven  a  fait  usage  pour  écrire  le  finale  de  la  neuvième 
symphonie  diffère  essentiellement  de  toutes  les,  traductions  qui 
ont  été  faites  jusqu'à  ce  jour. 

A  la  vérité  cette  divergence  ne  résulte  que  d'un  seul  mot.  Mais 
ce  mot  est  capital,  il  éclaire  d'une  lumière  subite  la  pensée  de 
Schiller,rauleurdesversallemands,il  illumine  d'un  éclat  inattendu 
la  conception  de  Beethoven,  restée  jusqu'à  présent  dans  une 
ombre  défavorable  pour  la  majorité  des  auditeurs. 

Ce  mol  qui  donne  la  clef  d'une  énigme  longtemps  cherchée,  ce 
verbe  révélateur  et  décisif,  c'est  le  mot  liberté  mis  à  la  place  de 
joie. 

Il  né  faudrait  pas  croire  que  c'est  par  un  acte  de  pure  failTtaisie 
que  nous  nous  sommes  permis  cette  substitution.  Notre  interpré- 
tation repose,  au  contraire,  sur  une  étude  attentive  du  texte  de 
Schiller,  sur  un  examen  approfondi  des  raisons  qui  ont  déterminé 
Beethoven  à  choisir  l'ode  du  poète  allemand  pour  en  faire  le 
couronnement  dé  son  œuvre  immortelle. 


'■^yjWwm 


L'ART  MODERNE 


157 


Il  esicerlain  que  Schiller  avait  d'abord  voulu  clianlcrla  libcrlé 
et  c'est  pour  ne  pas  tomber  sous  le  coup  de  la  censure  qu'il  sub- 
stitua dans  ses  vers  au  mot  de  Freiheii  (liberté)  celui  de  Freude 
(joie)  qui,  en  allemand,  a  la  même  valeur  prosodiqtie. 

Malheureusement,  cette  substitution  enlève  à  l'ode  de  Schiller 
son  véritable  sens  cl  sa  haute  portée  pour  ceux  du  moins  qui  ne 
sont  pas  dans  le  secret  du  poète.  Ce  secret,  Beethoven  le  connais- 
sait. Il  se  flatta  que  ses  contemporains  ne  seraient  pas  moins 
clairvoyants  que  lui  et  c'est  pourquoi,  voulant  chanter  la  liberté, 
il  s'empara  de  l'ode  de  Schiller,  persuadé  qu'on  lirait  Freiheit 
partout  où  l'ombragetise  susceptibilité  de  la  censure  le  forçait  à 
écTiïn  Freude. 

Que  Beethoven  ait  voulu,  dans  son  œuvre  capitale,  célébrer  le 
bien  qu'il  estimait  le  plus  au  monde,  cela  n'a  rien  de  surprenant. 
On  connaît  le  libéralisme  de  ses  idées  et  les  ardeurs  de  sa  foi 
républicaine. 

Après  avoir  voué  une  admiration  enthousiaste  à  Bonaparte,  il  ne 
cacha  pas  sa  haine  pour  Napoléon  I""  cl,  dans  l'emportement  de 
sa  colère,  il  arracha  le  nom  de  l'empereur  du  fronton  de  la 
Symphonie  héroïque,  écrite  en  l'honneur  du  premier  consul. 

Brutus  était  un  des  héros  de  Beethoven,  et  jusqu'à  son  dernier 
jour  il  garda  sur  sa  table  de  travail  la  statuette  de  ce  martyr  de  la 
liberté. 

Maintenant,  qu'on  veuille  bien  relire  le  texte  dont  Beethoven  s'est 
servi  pour  la  partie  vocale  de  sa  neuvième  symphonie  et  l'on 
verra  que  son  plan  prend  des  clartés  imprévues. 

La  première  partie  est  une  invocation  à  la  liberté,  pleine  d'un 
lyrisme  sacré  et  d'une  saijite  allégresse. 

La  seconde  nous  montre  le  départ  iles  guerriers  marchant  à  la 
conquête  de  l'Indépendance. 

La  troisième  est  un  hymne  religieux,  retenlissanl  de  la  joie  du 
triomphe. 

La  quatrième,  enfin,  est  l'explosion  de  l'enthousiasme  popu- 
laire célébrant  l'affranchissemenl  des  esprits  et  la  fraternité  des 
peuples. 

Quelle  est  la  valeur  réelle  de  ces  idées  humanitaires,  c'est  ici  ce 
qui  nous  importe  le  moins. 

Nous  ne  faisons  ni  de  la  politique  ni  de  la  sociologie,  mais  tout 
simplement  de  l'art. 

L'essentiel  pour  nous  c'est  de  pénétrer  la  pensée  de  Beethoven 

et  nous  osons  nous  flatter  qu'après  ces  explications,  personne  ne 

doutera  plus  que  le  maître,  dans  sa  neuvième  symphonie,  n'ait 

voulu  célébrer  la  liberté;  c'est  pourquoi,  et  puisque  l'occasion 

s'en  présentait,  nous  avons  voulu  restituer  à  son  œuvre  son  sens 

véritable  et  sa  signification  réelle. 

{Note  du  traducteur.) 


LE  CHAR  DE  LA  PAIX 

L'avenue  du  Bois  de  la  Cambre  s'éjouissait  des  Chevaux  de 
M.  Vinçotte.  Il  lui  faut  maintenant  la  voiture.  On  assure  que  des 
démarches  sont  faites  auprès  du  Gouvernemenl  et  de  la  Ville  pour 
qu'on  fixe  à  jamais,  parmi  les  rhododendrons  el  les  araucarias, 
le  Char  de  la  paix  de  M.  Dillens  qui  figura  à  une  récente  caval- 
cade bruxelloise. 

L'idée  de  déposer  cet  objet  encombrant  au  milieu  de  la  plus 
belle  promenade  de  Bruxelles  ne  serait  que  baroque  si  le  carrosse 
en  question  était  coté  au  prix  d'une  voiture  ordinaire,  avec  la 
dorure  en  plus.  Mais  il  paraît  qu'on  en  demande  trois  cent  cin- 


quante mille  frana.  Ceci  nous  donne  le  droit  de  prolester  el  de 
trouver  la  pilule  amèrc,  bien  que  dorée. 

Dans  le  cortège  pour  lequel  il  a  été  construit,  le  Char  de  la 
Paix  faisait  bon  effet.  On  l'a  admiré,  on  l'a  loué,  el  c'était  jus- 
tice. Le  couler  en  bronze  serait  niais.  Sommes-nous  donc  si  indi- 
gents d'idées  artistiques,  si  mal  lotis  d'inspirations,  qu'il  faille  se 
servir  des  pièces  d'une  cavalcade  pour  en  faire  des  monuments 
publics?  Et  si  l'on  tient  à  faire  une  commande  à  M.  Dillens,  sta- 
tuaire de  talent  qui  a  heureus3ment  prouvé  son  savoir-faire  autre- 
ment que  par  des  chars  de  procession  el  par  des  statues  de  neige, 
ne  peut-on  lui  confier  d'autre  besogne  que  celle-là? 

Le  chariot  doré  qu'on  a  traîné  par  les  rues  a  rempli  sa  mission 
de  même  que  les  landaus  cl  les  breaks  du  Lonchamps  fleuri. 
Qu'on  n'inflige  pas  à  l'avenue  Louise  l'obligation  de  lui  faire  ser- 
vir éternellement  de  remise.  Et  si  l'on  a  vraiment  tant  d'argent  à 
consacrer  aux  arts,  qu'on  se  souvienne  qu'il  y  a  en  ce  monieni 
une  acijuisilion  admirable  à  faire,  de  nature  à  assurer  à  noire 
Musée  d'art  décoratif  l'un  des  premiers  rangs  parmi  les  grands 
musées  de  l'Europe  :  colle  de  la  collection  Van  Branleghem,  qui 
a  en  même  temps  la  plus  précieuse  valeur  artistique  cl  la  plus 
haute  portée  d'enseignement. 


Histoire  des  lettres  belges  d'expression  française,  par 

Francis  Nautet  (tome  I}.  Bruxelles,  Rozez  (Bibliothèque  belge  des 
connaissances  modernes).  143  p. 

«  Les  lettres  sont  comparables  à  certains  crus;  il  en  est  dont 
la  saveur  ne  résiste  pas  au  temps  cl  que  les  années  corrompent  ; 
d'autres,  acres  au  début,  ne  gagnent  leur  bouquet  qu'avec  l'âge. 

Aussi,  pour  compenser  le  manque  de  recul,  nous  avons  autant 
que  possible  évité  les  jugements  absolus  dans  nos  sympathies 
comme  dans  nos  antipathies,  en  n'oubliant  jamais  la  philosophie 
esthétique  que  notre  sentiment  préfère. 

Malgré  les  imperfections   inévitables,  peut-être  aurons-fious 
préparé  le  terrain  au  futur  historien  critique  qui  écrira  dans  l'ave-, 
nir  l'histoire  littéraire  de  la  Belgique.  » 

Celle  note,  insérée  dans  la  préface  dé  l'Histoire  des  lettres 
belges,  résume  les  deux  qualités  essentielles  de  l'auteur  :  l'iinpar- 
lialité  et  la  modestie. 

Nous  ne  pensons  pas  qu'un  «  futur  historien  critique  »  s'avise 
de  promener  le  soc  dans  le  champ  si  profondément  labouré  par 
M.  Francis  Nautet.  A  en  juger  par  le  premier  volume,  qui  vient 
de  paraître  dans  la  Bibliothèque  belge  des  connaissances  modernes, 
la  besogne  est  faite,  et  bien  faite.  Avec  une  pénétration  remar- 
quable et  un  souci  minutieux  des  détails,  guidé  par  un  sens  cri- 
tique très  sûr  déjà  signalé  à  propos  des  Notes  sur  la  littérature 
moderne  qu'il  publia  en  4885  el  en  1889,  M.  Nautet  a  dressé  le 
tableau  complet  de  nos  Icllrcs,  depuis  l'éclosion  des  premiers 
bourgeons  que  fit  apparaître  la  sève  féconde  du  romantisme  jus- 
qu'au radieux  épanouissement  auquel  nous  assistons  aujourd'hui, 
avec  quelle  joie  ! 

'  Son  étude,  bien  qu'exactement  documentée,  n'a  aucune  aridité. 
Elle  suit  le  développement  de  la  pensée  littéraire  en  Belgique  sans 
s'astreindre  rigoureusement  à  la  chronologie  des  faits.  Quelques 
grandes  classifications:  romanciers,  poètes,  auteurs  dramatiques, 
spécialistes  de  genres  divers,  servent  de  point  de  repère  el  déli- 
mitent les  territoires,  sur  chacun  desquels  l'auteur  élève  à  la 
gloire  des  écrivains,  morts  et  viVants^  des  monuments  durables. 

C'est  à  Charles  De  Cosler  qu'est  principalement  consacrée  la 


première  partie  de  sa  revue  des  romanciers.  El  c'esl  par  ces  lignes 
d'une  navranle  amertume  qu'il  termine  le  chapitre  : 

«  Le  9  mai  1879,  Charles  De  Coster  fut  enterré  au  cimetière 
d'ixelles. 

N'y  cherchez  point  sa  tombe.  Aucune  pierre  lumulaire  consa- 
crant sa  dépouille  mortelle  ne  révèle  son  nom.  Bientôt  même  oh 
lui  disputera  la  misérable  retraite  de  terre  où  il  est  enseveli;  et 
les  fleurettes  du  gazon  ne  souriront  plus  à  ses  restes  anonymes. 
On  lassera,  on  les  enfoncera  davantage;  car,  nous  disait  textuel- 
lement, il  va  quelques  jours,  le  fossoyeur  (avril  1892):  «  La  con- 
cession n'ayant  pas  été  demandée,  je  vais  enterrer  dessus  ». 

L'isolement  du  romancier  sera  donc  aussi  profond  après  la 
mort  qu'il  le  fût  pendant  les  jours  de  sa  vie  triste. 

Son  Ulenspiegel  n'existe  plus  en  librairie  depuis  longtemps. 

La  Bibliothèque  royale  ne  pos.sède  môme  pas  ses  œuvres  com- 
plètes. 

Aucune  place,  aucune  rue,  aucun  monument  public  ne  fixe  son 
souvenir. 

Ainsi  est  honoré,  en  son  pays,  la  mémoire  du  premier  écrivain- 
artiste  belge  qui,  il  y  a  vingt  ans,  lutta  désespérément,  seul,  sans 
escorte  et  sans  appui  —  contre  tous.  » 

L'état  littéraire  actuel  eut  pour  gonèse  la  création  des  revues 
littéraires  qui,  depuis  1875,  se  multiplièrent  en  Belgique  avec 
prodigiiliié.  Et  c'est  une  des  parties  les  plus  attrayantes  du 
livre  de  M.  Nautet  que  le  récit  animé  de  celte  eftlorescence 
extraordinaire,  de  cette  explosion  d'enthousiasme  qui  réunit 
dans  une  même  foi  toute  la  jeunesse  inteliectyelle  de  notre 
patrie.  Quels  souvenirs,  déjà,  pour  tous  coox  qui  ont  fait  le  coup 
de  feu,  et  combien  ce  mouvement  d'art,  si  décrié  à  l'origine, 
apparaît  désormais  comme  l'expansion  nécessaire  d'une  vitalité 
irop  longtemps  comprimée.  C'esl  avec  émotion  que  nous  avons 
relu  l'exposé  de  ces  batailles  littéraires,  marquées  par  tant  d'épi- 
sodes charmants  ou  douloureux,  par  des  amitiés  solidement  nouées 
el  aussi  par  des  deuils  cruels. 

Le  recul  dont  parle  M.  Nautet  se  fait,  invinciblement.  La 
période  agitée  qui  a  enfanté  la  magnifique  évolution  artistique 
d'aujourd'liui  est  entrée  dans  l'histoire. 


^CCU?É^     D£    F(ÉCEPTIOJ^ 

Les  Vergers  illusoires,  par  André  Fontainas;  Paris,  librairie 
de  «  l'Art  indépendant  ».  —  Evocations,  poésies  par  Eugène 
Landoy;  Bruxelles,  Lacomblcz.  —  Pastel  et  Pastellistes,  notes 
d'art  par  Albert  Dutry;  Gand,  Siffer.  —  Les  Secrets  de  Rubens, 
étude  par  Léon  Lequime;  BruxellosV  V*  Monnom.  —  L'Ile 
d'Occident,  par  Emile  Vandervelde  (extrait  du  Bulletin  de  la 
«  Société  royale  belge  de  géographie  »);  Bruxelles,  J.  Vanderau- 
wera.  —  Histoire  des  Lettres  belges  d'expression  française,  par 
Francis  Nautet  (!«'  volume);  Bruxelles,  Rozez  (Bibliothèque 
belge  des  connaissances  modernes).  —  In  morte  di  Virginia 
Zanardelli  da  Macerata,  Irecento  sonelti  di  Tito  Zanardelli; 
Bnisselles,  J.  .Morel. 


NÉCROLOGIE 

Edouard  Lalo.  —  Ernest  Guiraud. 

L'école  musicale  française  vient  d'être  cruellement  frappée 
dans  deux  4e  ses  membres  les  plus  connus  et  les  plus  distingués  : 
Edouard  Lalo  el  Ernest  Guiraud,  morts  lous  deux  subitement, 
l'un  d'une  attaque  d'apoplexie  foudroyante,  l'autre  de  la  rupture 
d'un  anévrisme. 


Edouard  Lalo  était  né  à  Lille,  le  17  janvier  18iî3.  11  se  rendit  à 
Paris  en  185S  cl  débuta  par  des  œuvres  de  musique  de  chambre, 
sonates,  trios  el  quatuors,  el  par  des  mélodies  vocales  d'un  tour 
original  et  d'une  sou|)le  écriture.  11  présenta  un  grand  opéra,  La 
Conjuration  de  Ficsque,  au  xoncours  ouvert  en  1867  par  le 
Théâtre  Lyrique,  et  fut  classe  troisième.  Celte  œuvre,  dont 
l'ouverlurc  el  le  ballet  ont  été  joués  partout,  ne  fut  jamais  repré- 
sentée, bien  que  le  rapport  du  jury  lui  eût  décerné  cet  éloge  : 
«  La  partition  "contient  de  superbes  scènes;  elle  est  traitée  de 
main  de  maître  et  d'une  grande  hauteur  d'idées  ». 

Le  Concerto  pour  violon  et  orchestre  dédié  à  Sarasate,  puis  la 
Symphonie  espagnole,  avec  une  partie  de  violon  principale, 
valurent,  en  1874  el  1875,  à  Edouard  Lalo  ses  premiers  grands 
succès.  Il  écrivit  ensuite  un  Concerto  pour  violoncelle,  une 
Rhapsodie  norwégienne,  le  ballet  Namoujia,  le  Roi  d'Ys,  dont  le 
succès  considérable  vengea  le  compositeur  de  l'injuste  et  inexpli- 
cable hostilité  qui  avait  accueilli  son  ballet  à  l'Opéra.  Il  travaillait 
à  un  opéra  nouveau,  La  Jacquerie,  quand  la  tnort  l'a  frappé. 

C'est  avec  le  plus  profond  regret  que  les  artistes  oui  appris  la 
mort  d'Edouard  Lalo,  musicien  sincère,  homme  charmant,  qui  n'a 
joui  que  pendant  peu  de  temps  de  la  gloire  enfin  conquise. 

M.  Ernest  Guiraud  n'eut  pas  h  soutenir  les  mômes  luttes  que 
Lalo,  cl  la  fortune  lui  fut  infiniment  plus  accueillante.  Né  à  la 
Nouvelle-Orléans  en  1837,  il  fit  jouer,  à  l'ûge  de  quinze  ans,  un 
opéra  de  sa  composition  :  Le  Roi  David.  Élève  d'Halévy  au  Con- 
servatoire de  Paris,  il  remporta,  en  1859,  le  grand  prix  de  Rome 
pour  sa  cantate  Éajazet  le  Joueur  de  flûte.  Il  donna  en  1864 
un  acte,  Sylvie,  h  l'Opéra-Comique,  puis,  en  1870,  le  Kobold,  et, 
en  1876,  Piccolino,  son  plus  grand  succès.  Galante  Aventure,  le 
dernier  de  ses  opéras  comiques,  joué  en  1882,  n'eul  pas  grand 
retentissement.  Un  ballet  d'Ernest  Guiraud,  Le  Forgeron  de 
Gretna-Oreen,  fut  représenté  à  l'Opéra  en  1873. 

Il  étail  professeur  au  Conservatoire,  membre  de  l'Inslilut,  etc. 


Correspondance 

En  terminant  le  compte  rendu  de  les  Charneux  paru  dans 
l'Art  moderne  du  1"  mai,  vous  imputez  à  l'Union  littéraire  belge 
d'avoir,  pour  couronner  cette  œuvre,  récuré  ses  besicles.  Ne  vops 
semble-l-il  pas  plutôt  qu'elle  en  ail  remplaçéles  \:crres? 

'  Le  jury  était  composé,  en   effet,   de  (fllMT  Greyson,   Nizet, 
Rahlenbeck,  Maurice  Siville,  Van  Camp. 

Agréez,  Monsieur,  l'expression  de  mes  sentiments  distingués. 

Un  abonné. 


Mémento  des  Expositions  \ 

Amiens.  —  Exposition  des  Amis  des  Arts,  5  juin-lo  juillet. 
Délai  d'envoi  expiré.  Renseignements  :  M.  le  Président  de  la 
Société  des  Amis  des  Arts,  Musée  de  Picardie,  Amiens. 

Chicago.  —  Section  des  Beaux-Arts  de  l'Exposition  universelle. 
i"'  mai-30  octobre  1893  (voir  l'Art  moderne  du  11  octobre  1891). 

Dijon.  —  Société  des  Amis  des  Arts,  i"  juin-15  juillet. 
Délai  d'envoi  expiré.  Renseignements  :  Président  des  Amis 
des  Arts,  Dijon. 

Gand.  —  Salon  triennal  :  21  aoiit-10  octobre.  Délai  d'envoi  : 
20  juillet.  Renseignements  :  M.  F.  Van  der  Haeghen,  secrétaire 
de  la  Commission  directrice,  au  Casino,  Gand. 

Grenoble.   —   Exposition   internationale  de  peinture  alpine 
(tableaux,  pastels,  aquarelles,  dessins  relatifs  à  la   montagne 
spécialement  aux  Alpes  françaises).    16  juillet-31    août.    Délai 
d'envoi  :  20  juin.  Renseignements  :  Commissaire  générale  du 
Congrès  du  Club  Alpin,  Musée  de  Grenoble  (Isère). 

Namur.  —  VIII*  exposition  internationale,  19  juin-17  juillet 
•Trois  œuvres  par  exposant.  Délai  d'envoi  :  28  mai-6  juin! 


? 


Notices  avnnl  le  26  mai.  Renseignemenls  :  Secrétaire  delà  Com- 
mission directrice,  rue  Pépin,  Nnmur. 

Madrid.  —  Exposition  historique  européenne.  12  soplcmbre- 
31  décembre.  —  Délai  d'envoi  expiré.  —  Renseignements  : 
Comte  de  Ctisa  Mirandn,  soiis-secrétnire  d'Etat  à  la  présidence 
du  Conseil  des  ministres,  Madrid. 

Munich.  —  Exposition  internationale  des  Beaux-Arts.  1"  juin- 
fin  octobre.  Délai  d'envoi  :  20  mai.  Renseignemenis  : 
M.  Cil.  A.  Baur,  secrétaire  du  Comité  central. 


Petite  chroj^ique 


K 


Mardi  dernier,  conférence  de  M.  Jules  Destrée  à  la  Maison  du 
Peuple.  Pendant  deux  heures  et  demie,  attention  d'une  pari  et 
vaillante  parole  de  l'autre.  Le  conférencier  innove,  croyons-nous, 
en  rapprochant  tels  procédés  zolistes  de  certaines  manières  de 
présenter  les  personnages  adoptées  déjà  par  les  Grecs,  par 
exemple  Homère.  Ses  remarques,  à  ce  sujet,  nous  ont  semblé 
inédites. 

[.es  autres  ont  concerné  Zola,  écrivain  démocratique;  Zola, 
écrivain  naturaliste.  Puis  l'histoire  du  Naturalisme  cl  parm|  la 
vingtaine  de  romans  l'analyse  d'un  seul  :  La  faute  de  l'abbé 
Mouret.  Quel  dommage  que  ce  poème  n'ait  point  pour  titre  ;  Le 
Paî'rtdoji,  au  lieu  d'un  entête  de  faits-divers. 

M.  Destrée  a  recueilli  des  applaudissements  nombreux, 

Du  21  au  29  mai,  une  compagnie  anglaise  viendra  représenter 
au  Théâtre  de  l'Alhambra  une  parodie  de  Carmen  qui  a  fait 
fureur  à  Londres  pendant  plus  d'un  an,  h  Gaiety-Theatre. 

Le  litre  anglais,  Carmen  up  to  date,  littéralement  «  Carmen 
mis  à  jour  »  *a  été  traduit  ici  par  Carmen-fin-de-siècle.  La  pièce 
qui  procède  de  ce  burlesque  caraclérisiique  qui  provoque  au  delà 
de  la  Manche  des  enthousiasmes  épiieptiques,  n'a  pas  la  légèreté 
que  semble  indiquer  son  titre  suggestif,  ce  qui  permettra  à  Miss 
Helyell  d'accompagner  son  clergyman  de  père  aux  représentations 
de  l'Alhambra. 

Le  clou  esl  le  refrain  insensé  Ta-ra-ra-boum-de-ay  qu\  révolu- 
tionne toute  l'Angleterre  en  ce  moment  et  que  viennent  à  leur 
tour  de  faire  connaître  aux  Parisiens,  les  cafés-concerts  des 
Champs-Elysées. 

La  troupe  comprend  les  plus  jolies  artistes  des  théâtres  bouffes 
et- la  mise  en  scène  est  conçue  avec  celte  somptuosité  propre 
aux  Empire  et  aux  Alhambra  londônniens. 

Le  premier  conccrl  extraordinaire  du  Waux-Hall  a  eu  lieu  jeudi, 
et  ce  qu'il  y  a  eu  de  réellement  extraordinaire,  c'est  qiïe  la  soirée 
a  été  superbe.  On  a  entendu  de  bonne  musique,  jouée  avec  soin  : 
la  Kaisermarsch,  le  ballet  de  Feramors,  la  Danse  macabre 
(violon  solo  :  M.  Laoureux),  l'ouverture  de  Robespierre,  èl  deux 
composrtions  inédiles  de  M.  Léon  Dubois  :  Aspiration,  pour 
orchestre  d'instruments  à  cordes,  déjà  entendue,  el  une  nou- 
veauté, Marche  funèbre  d'un  hanneton,  piquante  esquisse  sym- 
phonique  sur  le  thème  puéril  bien  connu  :  «  Vole,  vole,  vole...». 
On  a  fait  à  l'auteur,  qui  dirigeait,  un  joli  succès,  très  mérité. 

L'association  des  professeurs  d'instruments  à  vent  au  Conser- 
vatoire a  clôturé  dimanche  dernier,  par  une  attrayante  séance 
consacrée  à  Saint-Saëns,  la  série  de  ses  auditions.  Le  Caprice  sur 
des  airs  danois  et  russes,  déjà  entendu,  la  belle  Sonate  pour  piano 
et  violon,  jouée  par  MM.  Degreef  el  Lerminiaux,  et,  pour  finir,  le 
Septuor  de  la  Trompette,  d'allures  décidées  et  de  sonorités  savou- 
reuses, composaient  le  programme,  interprété  avec  précision  el 
avec  goût. 

M.  Lafarge  a  merveilleusement  chanté  trois  mélodies:  Sabre  en 
main,  l'Enlèvement  et  Au  Cimetière,  dans  lequel  il  a  mis  un 
charme,  une  délicatesse  de  nuances  et  d'expression  qui  lui  ont 
valu  un  succès  décisif.  On  a  rappelé  et  bissé  l'excellent  artiste, 
auquel  le  public  a  adressé  un  adieu  ému. 

La  Fin  des  bourgeois,  par  Camille  Lemonnier,  a  paru  vendredi 
aux  étalages  des  librairies  parisiennes. 
L'éditeur  Dentu,  qui  public  le  livre,  met  aussi  en  vente,  dans  la 


collection  des  Maîtres  du  roman,  le  Mort  et  le  Mâle. 

D'autre  part,  les  premiers  tirages  de  Dames  de  volupté oni  été 
épuisés  en  quelques  jours  de  vente.  L'éditeur  Savinc  mettra  en 
vente,  la  semaine  prochaine,  la  quatrième  édition  du  livre. 

Pour  paraître  en  août  chez  Dentu  :  Claudine  Lamour,  encours 
de  publication  dans  le  Gil  Blas. 

Voici  quel  a  été  le  réperloirc  de  la  Monnaie  pendftnl  la  saison 
qui  vienl  de  finir,  avec  le  nombre  de  représentations  de  chaque 
ouvrage  :  - 

Lohengrin  (27),  Le  Rêve  (21),  Robert  le  Diable  (19),  Faust 
(19),  La  Flûte  enchantée  (14),  Smylis  (14),  Cavateria  Rusti- 
cana  (13),  Joli  Gilles  (13),  Mireille  (12).  La  Basoche  (10), 
Lakmé  (9),  Les  Huguenots  (9),  Coppélia  (9),  Le  Barbier  de 
Séville  (7),  Carmen  (7),  Roméo  et  Juliette  (6),  Don  Juan  (6).  Le 
Toréador  (5),  Rigolello  (4),  Si  j'étais  Roi  (3),  Barberine  (3),  Les 
Noces  de  Jeannette  (3),  Gyptis  (3)  Salammbô  (2)  Le  Chalet  (1). 

Les  ouvraetes  nouveaux  sont,  dans  celle  nomenclatnre,  au 
nombre  de  cinq  :  Le  Rêve,  Cavalleria  Rusticana,  Barberine, 
Gyptis  et  le  ballet  Smylis. 

M.  Léon  Dubois  esl  engagé  pour  la  saison  prochaine  en  qualité 
de  premier  chef  d'orchestre  au  Théâtre  royal  de  Liège. 

M.  Cheyral,  qui  s'est  fait  ^ntendrc  aux  concerts  du  Conservatoire 
et  des  XX,  est  engagé  comme  fort  ténor  au  Grand  Théâtre  de 
Gand  que  dirigera  M.  Bayard. 

On  a  représenté  le  mois  dernier  à  Paris,  chez  M'"«  Oit,  Les  Sept 
Princesses  de  Maurice  Maeterlinck.  Les  rôles  étaient  confiés 
à  des  marionnettes  el  la  musique  de  scène  avail  été  écrite  par 
M.  Duleil  d'Ozanne,  dont  la  partition  suit  très  exactement  les 
péripéties  du  drame.  Grand  succès,  nous  écrit-on,  pour  l'œuvre, 
pour  le  compositeur  et  pour  les  interprèles,  parmi  lesquels  on  a 
spécialement  distingué  M""^  Chevillard,  qui  a  dit  avec  beaucoup 
de  charme  le  rôle  de  la  reine. 

La  Revue  de  l'évolution  publie,  dans  sa  livraison  de  mai,  un 
curieux  dialogue  inédit  de  Villiers  de  l'Isle  Adam. 

Une  nouvelle  revue  littéraire,  artistique  et  mondaine,  paraît  à 
Paris,  sous  le  titre  :  Simple  revue.  Rédacteur  en  chef  :  Georges 
Régnai.  Administration  :  boulevard  Haussmann,  41.  Abonne- 
ments :  10  francs  l'an. 

Une  communication  officielle  des  FestspieleAeBayre\il\i  annonce 
que  la  salle  est  dès  à  présent  complètement  louée  pour  les  repré- 
sentations suivantes  :  Parsifal,  21  juillet;  Tristan  et  Iseult, 
22 juillet;  TajiH/iâMsgrj 24 juillet;  les  Maîtres  Chanteurs,  23 juil- 
let; Parsifal,  28 juillet;  Maîtres  Chanteurs,  31  juillet;  Maîtres 
Chanteurs,  18  août;  Tristan  et  Iseult,  20  août  et  Parsifal,  21 
août.  Des  places  sont  encore  disponibles,  mais  en  petit  nombre, 
,  pour  les  représentations  du  l*'  aoûi,  Parsifal  ;  4  août,  Parsifal  ; 
5  août,  Tristan  et  IseuU;  7  août,  Taunhàuser;  8  août,  Parsifal; 
11  août,  Parsifal;  12  août,  Tannhâuser ;  14  août,  Maîtres 
Chanteurs;  15  août,  Parsifal,  et  le  17  août.  Tannhâuser. 

J.-F.  Raffaelu  —  Une  figure  de  volonté,  dans  une  barbe  bien 
taillée,  une  barbe  de  fleuve  correct.  Jadis,  le  peintre  de  la  vie 
exlra-muros,  des  paysages  verl-de-gris  el  vert-de-plaie,  des 
arbres  dégingandés  crispés  sur  des  horizons  de  fumée,  sur  des 
ciels  de  suie,  sur  des  lointains  de  misère  et  de  labeur,  le  révéla- 
teur des  êtres  el  des  choses  de  la  Banlieue  dont  il  a  su  rendre  la 
grâce  singulière,  les  heures  désolées  el  poignantes..  Aujourd'hui, 
bien  que  revenant  souvent  à  ses  premières  amours  hors  barrière, 
après  des  étés  à  Jersey,  flirte  avec  les  élégances  britanniques  et 
parisiennes,  s'amenuise  à  porlraicturer  de  frêles  filetles,  se  fémi- 
nise parmi  les  dentelles  el  les  fleurs,  s'arislocraiise  dans  la  hau- 
taine silhouette  de  M.  de  Concourt.  Triomphe  au  Champ-de-Mars 
en  maître  qui  ne  s'endort  pas  dans  le  succès.  Signe  particulier  : 
écrit,  parle  et  chante,  a  conférencié  en  Belgique,  publié  des  bro- 
chures d'art,  collaboré  au  Figaro  el  joua  à  l'ancien  Thé^llre- 
Lyrique  aux  heures  noires  de  la  jeunesse.  {Gil  Blas.) 


L'-A^K/T    J^CDJD:HlTt3<T 


DOUZIÈME  ANNEE 

L'ART  MODERNE  s'est  acquis  par  l'autorité  et  l'indépendance  do  sa  critique,  par  la  variété  do  ses 
informations  et  les  soins  donnés  à  sa  rédaction  une  place  prépondérante.  Aucune  manifestation  de  l'Art  ne 
lui  est  étrangère  :  il  s'occupe  de  littérature,  de  peinture,  do  Sculpture,  de  gravure,  de  musique, 
d'architecture,  etc.  Consacré  principalement  au  mouvement  artistique  belge,  il  renseigne  néanmoins  ses 
lecteurs  sur  tous  les  événements  artistiques  de  l'étranger  qu'il  importe  de  connaître. 

Chaque  numéro  do  L'ART  MODERNE  s'ouvre  par  une  étude  approfondie  sur  une  question  artistique 
ou  littéraire  dont  Tévéneraent  de  la  somain^^- fournit  l'actualité.  Les  ej'positions,  les  livres  nouveaux,  les 
premières  représentations  d'c'euvres  dramatiques  ou  musicales,  les  conférences  littéraires,  les  concerts,  les 
ventes  d'objets  d'art,  font  tous  les  dimanches  l'objet  de  chroniques  détaillées. 

L'ART  MODERNE  relate  aussi  la  législation  et  la  jurisprudence  artistiques.  Il  rend  compte  des 
procès  les  plus  intéressants  concernant  les  Arts,  plaides  devant  les  tribunaux  belges  et  étrangers.  Les 
artistes  trouvent  toutes  les  semaines  dans  son  Mémento  la  nomenclature  complète  des  expositions  et 
concours  auxquels  ils  peuvent  prendre  part,  en  Belgique  et  à  l'étranger.  Il  est  envoyé  gratuitement  à 
l'essai  pendant  un  mois  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande. 

L'ART  MODERNE  forme  chaque  année  un  beau  et^  fort  volume  d'environ  450  pages,  avec  table 
des  matières.  Il  constitue  pour  l'histoire  de  l'Art  le  document  LE  PLUS  COMPLET  et  le  recueil  LE  PLUS 
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Quelques  exemplaires  des  dix  premières  années   sont  en  vente  aux  bureaux   de  L'ART  MODERNE. 
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i  La  maison  possède  des  certificats  excellents  de  MM.  Edgar  Tinel^ 
Camille  Saint-Saêns,  Liszt,  Richard  Wagner,  Rubinstein,  Joa- 
chim,  Wilhelmj,  Ed.  Grieg,  Ole  Bull,  A.  Esdpoff,  Sofie  Menter, 
Désirée  Artôt,  Pauline  Lttcca,  Pablo  de  Sarasate,  Ferd.  Hiller,  D. 
Popper,  sir  F.  Bcnedicl,  Leschetitzky ,  Naprarnik,  Joh.  Selmer,  Joh., 
Svendsen,  K.  Rundnagel,  J.-G.-E.  Stehle,  Ignace  Briill,  etc.,  etc. 

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Lire  dans  le  Gil  Blas  Claudine  Lamour,  par 
Camille  LEMONNIER. 


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Douzième  année.  —  N"  21. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  22  Mai  1892. 


L'ART  MODERHE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTERATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,    fr.    13.00     —  ANNONCES   :    On  traite  â  forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l^Industrle,  32,  Bruxelles. 


? 


OMMAIRE 


La  fin  des  bourgeois,  par  Camille  Lenaonnier.  —  L'œuvre  de 
pBTER  Benoit.  —  Les  plantations  urbaines  et  lés  reconstructions 
A  Bruges.  —  Gonc|:rts  parisiens.  —  Épaves.  —  Le  Musée  Grétry. 
—  Nécrologie.  —  Petite  cbronique. 


U  FIN  DES  BOURGEOIS 

par  Camille  Lemonnier.  —   Dentu,  éditeur,  Paris. 

L'œuvre  de  Camille  Lemonnier,  dans  la  littérature 
belge  —  ce  pays  neuf  où  l'on  a  bâti  tant  de  superbes 
monuments,  tant  de  villes,  déjà,  tant  de  villages,  et  où 
se  sont  développés  tant  de  paysages  magiques  et  pro- 
fonds —  apparaît  comme  un  fleuve  prolifique  et  large, 
aux  puissants  remous,  aux  flots  sans  cesse  renouvelés, 
reflétant  le  ciel  et  la  plaine,  les  cathédrales  et  les  palais, 
la  plèbe  et  les  seigneurs. 

Son  apanage,  c'est  la  Fécondité.  Le  soleil  l'inonde,  le 
magnifle,  et  lui  verse  cette  lumière  qui  auréole  les 
verbes  sonores  de  son  cours.  C'est  le  soleil  des  Jordaens, 
et  les  œuvres  naissent  plantureuses  et  vivaces,  variées 
comme  une  flore  grasse,  pareilles  à  de  grands  nénuphars 
plaquant  le  fleuve  de  leur  magnificence  —  tantôt  rouge 
tantôt  noire  —  mais  toujours  bien  venus  du  même 
limon  charnu  et  généreux. 


L'intense  aqua-fortiste  des  Charniers  est  devenu  l'in- 
timiste conteur  des  Contes  flamands,  ou  le  lyrique 
poète  de  mainte  fresque  rubénienne,  ou  le  rustique 
romancier  du  Mâle  ou  du  Mort,  ou  le  moderniste  de 
Madame  Lupar,  ou  le  chantre  plébéien  de  Happe- 
Chair  Tantôt  c'est  le  critique  qui  verse  aux  œuvres 
picturales  de  sagaces  et  énergiques  proses,  d'autres 
fois  les  Dames  de  volupté  cueillent  dans  le  jardin  du 
poète  des  fleurs  pittoresques  à  la  haute  et  flambante 
couleur.  "^ 

Mille  facettes  brillent  ainsi  dans  le  talent  souple  et 
fertile  de  Camille  Lemonnier.  C'est  un  hautain  et  magni- 
fique réflecteur  tournant  avec  des  opulences  de  lumière 
au  cœur  de  notre  pays  et  y  reflétant,  en  attirant  les 
alouettes  de  sa  poésie,  ses  paysages  tantôt  riches,  tan- 
tôt mélancoliques,  et  ses  gens,  avec  les  stigmates  et  les 
signes,  les  tares  ou  les  beautés  de  leur  race. 

Aussi  devait-il  écrire  la  Fin  des  Bourgeois.  C'était 
dire,  n'est-ce  pas?  l'état  de  notre  pays.  Depuis  cinquante 
ans,  —  après  de  très  longues  torpeurs,  succédant^à  de 
lointains  soleils  éteints  et  à  des  apothéoses  historiques, 
—  un  lourd  bonheur  matériel  a  pris,  sur  nos  terres,  son 
essor,  de  ses  pesantes  ailes  opulentes  et  bourgeoises. 
Les  classes  qui  dirigent  se  sont  endormies  sur  l'oreiller 
gonflé  de  richesse  des  spéculations,  des  agiotages,  des 
sinécures,  et,  comme  la  goutte  au  pied  des  buveurs  de 
vin  de  Bourgogne,   la  corruption  s'est  attaquée   aux 


membres  d'une  société  composée  non  de  «  las  d'aller  » , 
mais  de  «  las  de  jouir  »,  et  une  décadence  physique  et 
morale  a  fondu,  comme  un  vautour  de  vengeance,  sur 
la  classe  des  repus. 

Au  bas,  comme  des  esclaves  colères  autour  d'un  ban- 
quet où  l'on  se  gorge  de  vins  somptueux,  le  'peuple 
négligé  hurle,  menaçant,  prêt  à  faire  crouler  la"  table 
luxueuse,  prêt  à  casser  les  vaisselles  trop  magnifiques, 
prêt  à  démolir  de  trop  injuriantes  salles  de  fête.  Des 
mains  tragiques  s'accrochent  mystérieusement  aux 
nappes  tachées  du  festin  des  maîtres,  des  mains  noires 
et  vengeresses  —  et  les  festoyeurs  continuent,  le  long 
des  tables  qu'ils  se  sont  dressées,  à  flatter  leurs  esto- 
macs et  leurs  vices,  peu  inquiets  encore  des  présages 
qui  frôlent  leurs  lambris.  On  croirait  voir  des  gens 
assemblés  en  une  dernière  fête,  dans  une  ville  qu'on 
assiège  et  au-dessus  de  laquelle  déjà  vole  le  feu  des  pre- 
mières bombes. 

C'est  cette  bourgeoisie  que  Camille  Lemonnier  a 
décrite  dans  la  Fin  des  Bourgeois. 

Une  bourgeoisie  spéculatrice,  âpre  à  une  curée  de 
richesses  —  une  bourgeoisie  de  banquiers  et  d'hommes 
d'affaires,  le  front  préoccupé  du  chiflfr-e  et  des  chan- 
ces des  entreprises;  —  une  bourgeoisie  qui  a  pour  cer- 
velle des  liasses  de  banknotes  et  pour  cœur  un  lingot 
d'or  ;  une  bourgeoisie  composée  de  ces  Akar,  fondateurs 
«  d'une  agence  de  prêts  qui  draine  le  petit  bourgeois  et 
l'ouvrier  ", de  ce  Rabattu,  «le  drouillard  entrepreneur, 
ancien  maçon  parvenu  à  là  force  des  poignets,  devenu 
l'un  des  hommes-liges  du  nouveau  régime  pour  lequel  il 
saccageait  les  carrières  et  en  extrayait  les  moellon'^e 
ses  édifications  d'écoles».  C'est  le  féodalisme  de  l'arg'ént, 
l'omnipotence  de  la  banque!  «  Le  régime,  d'ailleurs, 
était  mauvais.  La  pourriture  montait,  gagnait  les 
essences  pures.  Sixt  là-haut,  comme  un  ménétrier, 
menait  le  branle,  présidait  à  la  grande  débâcle.  L'hon- 
nêteté elle-même  n'était  plus  qu'une  circonscription 
sans  limites,  graduellement  empiétée  par  les  lâchetés 
d'une  société  régie  par  l'intérêt.  » 

Et  tout  cela  «  parmi  les  fleurs  et  les  vins  de  la 
noce!  »  Car  ces  cervelles  absorbées  par  les  calculs  de 
la  spéculation  se  détendent  dans  des  bâfreinents  et  des 
godailles  de  lupanar  :  «  Comme  minuit  sonnait,  il  émit 
une  proposition.  Une  maison  de  filles  venait  de  s'ouvrir 
quelque  part,  une  cargaison  de  viandes  exotiques  et 
neuves,  tout  à  fait  recommandable. 

T-  Si  nous  allions  leur  tanner  les  bifsteaks,  hein  ! 

Des  luxures  d'hommes  mariés,  de  pères  de  famille 
honorables  crépitèrent  à  cette  évocation  d'une  bou- 
cherie rose  et  d'un  joyeux  massacre  d'alcoves.  La  cuisine 
et  les  vins,  attisés  par  l'espoir  du  stupre,  flambèrent  aux 
vieux  chaudrons  de  leur  salauderie.  Chacun  sentit 
gronder  l'éveil  du  carnassier,  de  la  bête  aux  ruts 
comme  des  meurtres ,  aux  faims  éprouvées  pour  de 


rouges  curées.  La  femme  se  leva  dans  leur  regoulas 
comme  une  venaison  tiède  et  faisandée  dont  ils  reni- 
flaient à  l'avance  le  diligent  fumet.  » 

Au  delà  de  leurs  agiotages  et  de  leurs  noces,  le 
monde  se  ferme  pour  ces  bourgeois,  et'  si  on  les  plante 
en  un  beau  décor  nocturne,  sous  un  magique  ciel  des 
bords  de  la  Meuse,  «  nulle  de  leurs  paroles,  du  fond  de 
leur  cuisine  à  millions,  ne  monte  vers  le  miracle  des 
soirs  ". 

C'ost  dans  ce  milieu,  où  elle  arrive  par  la  noire 
échelle  des  fosses  à  charbon,  que  se  développe  et  que 
s'éteint  la  famille  Rassenfosse. 

Le  fondateur  de  la  dynastie  c'est  Jean-Chrétien 
Rassenfosse  qui  apparaît  héroïque  et  superbe,  tel  qu'un 
personnage  de  l'âge  du  silex. 

Misère,  la  fosse,  au  début  du  siècle,  paraissait 
épuisée.  C'est  Jean-Chrétien  I'""  qui,  par  un  persévérant 
piochement  dans  les  entrailles  du  sol,  par  un  renonce- 
ment sublime  à  la  lueur  du  soleil,  parvint  à  retrouver 
le  filon  charbonnier.  Et  de  là  la  richesse  de  la  famille. 
Cette  histoire,  contée  épiquement,  avec  des  allures  de 
légende,  est  comme  l'aurore  du  roman.  Un  fils  de  Jean- 
Chrétien  I",  Jean-Chrétien  V,  continue  la  dynastie. 
On  lui  donne  pour  femme  Barbe  Huret,  un  grand 
type  de  plébéienne  qui,  au  cours  de  l'embourgeoise- 
ment de  ses  descendants,  reste  implacablement  probe 
et  religieuse,  —  comme  une  rigide  statue  du  Devoir 
dressée  au-dessus  de  la  lâche  débandade  des  derniers 
Rassenfosse. 

Ses  enfants,  c'est  Jean-Eloi,  un  homme  d'aff'aires, 
Jean -Honoré,  un  avocat,  et  une  fille,  Marie-Barbe- 
Chrétienne,  qu'elle  maria  «  à  l'une  des  grosses  fortunes 
de  la  Hesbaye,  Pierre-Jérôme  Quadrant,  de  telle  sorte 
qu'un  homme  de  la  glèbe  complétât  le  triumvirat  par 
lequel,  étant  la  Loi,  la  Banque,  la  Terre,  ils  enfon- 
çaient leurs  racines  à  travers  l'agglomérat  social.  » 

Jean-Chrétien  V  était  resté  encore  une  pure  figure 
d'ouvrier  et  il  mourut  broyé  dans  la  fosse  et  «  ses  mor- 
ceaux, comme  pour  perpétuer  la  communauté  de  peines 
et  d'origines,  s'étaient  confondus  aux  liquides  débris  des 
quatre  autres,  de  simples  mineurs.  ». 

Mais  ses  enfants  et  ses  petits-enfants  deviennent  des 
bourgeois.  Leur  origine  noire  s'eftace  peu  à  peu  au 
frottement  de  l'or.  Seule,  la  vieille  Barbe  la  leur  rap- 
pelle parfois  et  alors  «  sa  parole  tombe  comme  d'un 
siècle  ».  " 
-  Et  la  tourmente  du  monde  bourgeois,  la  tourmente 
des  chiffres,  le  vent  des  coulisses  de  la  Bourse,  l'anxiété 
des  entreprises  et  de  la  politique  les  prend,  et  leurs 
enfants,  cette  maladive  Simone,  ou  Régnier  le  bossu,  qui 
finit  par  «  mener  par  les  villes  un  cortège  de  prostituées, 
s'entourant  des  plus  misérables  et  leur  prodiguant  l'iro- 
nie et  la  charité  de  son  évangile,  comme  un  christ  véné- 
neux et  doux,  infiniment  homicide  et  tendre,  leur  disant 


î""v'i3r?v^nf':'"^^î^Ç5?^^ 


L'ART  MODERNE 


163 


la  sainteté  du  stupre  et  les  gloires  du  péché,  les  avertis- 
sant d'être  les  ouvrières  de  la  désagrégation,  les  sangsues 
de  la  pléthore  des  races  ",  ces  enfants  sont  les  conçus  en 
des  moments  de  préoccupations  irritantes  qui  influent 
mystérieusement  sur  les  travaux  physiologiques  de  l'héré- 
dité des  races.  Ce  sont  des  types  de  décadents.  Mais  en 
d'autres  :  tels  Arnold  et  Ghislaine,  le  sang  primordial 
reprend  sa  vigueur.  Arnold  est  le  chasseur,  le  dresseur 
de  chevaux,  le  robuste  et  lé  sauvage  qui  porte  en  lui 
comme  les  forces  des  ancêtres  perdues  dans  les  raines. 
Ghislaine  a  l'entêtement  des  vieux  mineurs  ;  il  y  a  dans 
son  caractère  une  dijreté  opiniâtre  et  belle,  et  c'est  elle 
qui,  en  couchant  avec  un  solide  valet,  va  réinvigorer 
la  race.  »  C'est  le  bâtard  qui  régénérera  la  famille!  - 
Antoine  Quadrant,  un  autre  descendant  encore  du  vieux 
Jean-Chrétien  I«%  le  rude  besogneùr,  passe  sa  vie  à  se 
gaver  apoplectiquement  de  mets,  qu'il  immerge  sous 
une  inondation  de  liquides,  et  meurt  étouffé  dans  sa 
graisse.  «  Il  fallut  précipiter  l'inhumation  :  l'énorme 
viande  tout  de  suite  s'était  décomposée  ;  pendant  une 
semaine  une  féteur  empesta  les  chambres,  que  les 
aromates  et  le  phénol  ne  purent  combattre.  » 

Ainsi  tous,  ils  s'en  vont,  frappés  par  leurs  vices,  par 
une  sorte  de  fatalité  qui  ronge  la  famille;  c'est  une 
déroute,  et  il  ne  reste,  enfin,  que  la  vieille  Barbe  et 
Régnier  :  «  Sur  les  ruines  des  Rassenfosse,  en  atten- 
dant les  rédemptions,  il  n'y  eut  plus  que  le  trépignement 
du  gamin  vieilli,  de  la  mouche  funeste,  et,  droite,  ses 
mains  de  morne  idole  sur  l'os  des  genoux.  Barbe  la  cen- 
tenaire, reléguée  dans  son  culte  des  mémoires  méprisées 
et  regardant,  du  fond  de  ses  caves  orbites,  les  postérités 
s'éteindre  à  ses  jpieds,  où  le  froid  de  la  mort  tardait  à 
monter.  " 

.  Tel  ce  roman  nouveau,  —  toujours  écrit  de  ce  large 
et  beau  style  qu'un  critique  naguère  appelait  protéeti; 
—  roman  auquel  l'auteur  eût  pu  donner  comme  épi- 
graphe ce  mot  qu'il  fait  lancer  par  l'avocat  Réty  :  "  Les 
bourgeois  s'en  vont  !  " 


L'ŒUVRE  DE  PETER  BENOIT 

Voici  la  troisième  partie,  la  dernière,  de  la  conférence  faite 
récemment,  par  Georges  Eekhoud,  à  l'exposition  d'Anvers-Bni'xelles  : 

L'oralorio,  d'essence  cailinlique  et  iialieniieà  i'ori£;ine,  allcinl 
sa  forme  définilive,  son  apog(^c  en  pays  allemand  et  protostant.  Il 
est  austère,  solennel,  affranchi  de  toute  allache  charnelle,  de  tout 
lien  profane. 

Il  est  l'expression  musicale  des  idt^es  de  la  Rt^forme  et  la 
sublime  et  patriarcale  p'>rsonnalilé  de  Jean-ScM)aslien  Bach  en 
apparaît  le  formidable  Luther. 

Mais  la  Réforme  naquit  à  côté  de  la  Renaissance.  Au  xvi"  siècle, 
les  deux  principes,  les  deux  civilisations,  les  deux  états  d'ûme  se 
coudoient. 

Mettez  en  regard  les  portraits  du  temps  et  vous  apercevrez  d'un 
coup  d'œil  la  Renaissance  et  la  Reforme  : 


«  D'un  côté  —  le  parallèle  est  d'Hippolyle  Taine — quelque 
condottiere  demi-nu,  en  costume  romain, quelque  cardinal  dans  sa 
simarre,  amplement  drapé  sur  un  riche  fauteuil  sculpté  cl  orné 
de  têtes  de  lions,  de  feuillages,  de  faunes  dansants,  lui-même  iro- 
nique et  voluptueux,  avec  le  fin  el  dangereux  regard  du  politique 
et  de  l'homme  du  monde,  cauleleusemenl  courbé  el  en  arrél;  de 
l'autre  côté  quelque  braVe  docteur  en  lhéol(^ie,  homme  simple, 
mal  peigné,  roide  comme  un  pieu  dans  sa  robe  unie  de  bure 
noire,  avec  de  gros  livres  de  doctrine  à  fermoirs  solides,  travail- 
leur convaincu,  père  de  famille  exemplaire.  » 

Maintenant,  imaginez-vous,  avant  que  —  pour  me  «ervir  de 
l'expression  de  Stendhal  —  l'Europe  occidentale  soit  devenue 
biblique  et  que  psaumes  et  chorals,  motifs  types  du  protestantisme, 
aient  enfanté  l'oratorio  de  Bach  el  deHœndel,  imaginez-vous,  dis- 
je,  la  musique  qui  eût  scandalisé  le  bon  docteur  en  théologie  et 
ravi  son  voisin  le  cardinal  ou  le  condottiere,  une  musique  colorée, 
étoffée,  parfois  caressante  et  familière,  parfois  brûlante  el 
farouche,  une  musique  parlant  aux  nerfs  el  aux  sens;  une 
musique  1res  sanguine,  très  sensuelle,  plus  impulsive  que  céré- 
brale, écrite  souvent  comme  à  coups  de  masse  d'armes  et  d'autres 
fois  gravée,  griffée  h  la  pointe  d'un  stylet,  une  musique  ultradé- 
corative, pétrie  en  pleine  pâte,  tangible,  aux  reliefs  accusés,  aux 
rondes  formes  musculaires,  aussi  peu  spiritualiste  mais  aussi 
panthéiste  que  possible,  en  un  mol,  représentez-vous  l'oratorio 
d'avant  Sébastien  Bach  et  Luther,  l'oratorio  païen  ou  catholique 
(à  l'époque  de  Léon  X  les  deux  mots  sont  synonymes),  l'oratorio 
de  la  Renaissance. 

—  Mais  cet  oratorio  n'existe  pas!  me  direz-vous. 

—  Dites  plutôt  qu'il  n'est  pas  venu  b  son  heure.  Le  compositeur 
est  né  trois  siècles  après  ses  génies  congénères  :  les  poètes,  les 
peintres  et  les  princes  magnifiques  du  xvi«  siècle,  el  il  s'appelle 
Peler  Benoit. 

Pareils  exemples  d'artistes  rétrospectifs  ne. sont  pas  rares.  Le 
baron  Leys  ne  continue-t-il  pas  les  gothiques  el  les  ^primitifs? 
Mais  dans  le  cas  de  Benoit  il  ne  s'agit  pas  seulement  d'une  assi- 
milation, d'une  tradition  reprise  pour  son  compte.  Ce  Flamand  du 
xix"  siècle  crée  tout  d'une  pièce  la  musique  qui  manquait  à 
l'époque,  de  notre  splendeur'communale.  Elle  eût  rehaussé  les 
fêles  données  par  les  ducs  de  Bourgogne  et  Churles-Quint  ;  elle 
eût  illustré,  en  Angleterre,  sinon  les  féeries  délicieuses  do  Shake- 
speare, trop  fines,  trop  subtiles  pour  ces  accompagnements  cossus 
et  un  peu  ma'^sifs,  du  moins  ces  masques  de  Ben  Jonson  repré- 
sentées devant  Jiicques  l"  el  dans  lesquelles  reines  et  pniresses 
réalisaient,  en  tableaux  vivants  les  plus  sensuelles  allégories  dont 
Rubens  décorail  la  Galerie  de  Médicis. 

Fermez  les  yeux  en  écoulant  un  de  ces  oratorios  ou  une  de  ces 
grandes  cantates.  En  vf^lre  imaginalion  surgissent  des  décors 
inouïs,  entassés,  muliipliés  par  le  compositeur  :  forums  antiques, 
palazzi  à  l'italienne,  rades  encombrées  de  navires,  armées  rangées 
en  bataille,  massacres  ou  kermesses,  champs  de  foire  ou  champs 
de  supplice,  tonnelles  de  guinguettes  ou  portiques  de  sanciuaires, 
fanlasmagories  de  démons  el  d'archanges,  lourds  ébats  de  kobolds 
ou  chevauchée  aérienne  d'espriis  élémentaires;  toutes  ces  visions 
alternent,  se  fondent  graduellement  ou  contrastent  en  violente 
aniilhèse,  s'amalgament  en  une  symphonie  discrète  comme  un 
brouillard  crépusculaire  ou  se  dévorent  l'une  l'autre,  s'embrasent 
el  fulminent  comme  des  nuées  orageuses. 

Dans  VOoiiog,  les  guérets  couverts  de  meules  dorées,  aux- 
quelles s'adossent  sous  le  ciel  de  midi  les  moissonneurs  au  repos, 


•"evôlenl  une  apparence  graduellemeni  tragique  ;  sous  le  bâion  du 
chef  d'orchestre  comme  sous  la  baguette  du  magicien  les  radieuses 
embiavures,  théâtre  d'une  sieste  idyllique,  se  transforment,  peu 
i  peu,  en  un  camp  de  soldats  surpris  par  l'ennemi;  à  présent  les 
meules  de  blé  figurent  des  tentes  enflammées;  les  moissonneurs 
sommeillant  dans  des  poses  abandonnées  et  placides  représentenl, 
raidis  et  convulsés,  des  cadavres  de  soldais,  et  les  coquelicots 
sont  devenus  des  flaques  de  sang!... 

Un  peu  plus  loin,  dans  ce  même  Oorlog,  une  des  œuvres 
capitales  du  maître,  l'orchestre  et  le  chœur  se  dédoublent  et, 
simultanément,  on  entend  jubiler  et  exulter  les  Te  Detm  dans 
les  basiliques  et  râler  les  moribonds,  et  les  veuves  et  les  mères 
se  répandre  en  plaintes  et  en  imprécations! 

*  « 
D'autres  fois,  ce  sont  de  grandioses  déploiements  festifs  le  long 

des  voies  jonchées  de  fleurs,  sous  les  arcs  de  triomphe,  entre  les 
colonnades  érigées  par  des  maîtres  et  payées  par  l'émulation  des 
ghildes  opulentes.  C'est  une  joyeuse  entrée  de  souverain  dans  sa 
bonne  ville.  Simple  badaud,  piété  sur  le  bord  du  trottoir,  on 
assiste  au  défilé.  La  tête  du  cortège  débouche  sur  la  place. 
D'abord,  les  hérauts  d'armes  levant  et  tournant  vers  le  ciel  leurs 
trompes  et  leurs  buccins  auxquels  s'appendent  des  étendards 
héraldiques.  Les  pavillons  des  cuivres,  béants  comme  des  gueules, 
crachent  des  appels  impérieusement  discords.  Piquiers,  trabans, 
dépoitraillés,  arquebusiers  fumeux  déambulent  d'un  pas  martial 
et  pesant.  Les  vierges  et  les  prêtresses,  de  tendres  éphèbes  aux 
voix  grêles,  égrènent  des  rosaires  ou  bien  effeuillent  des  roses. 
Des  chars  dépassant  les  pignons  des  maisons  de  bois  cahotent, 
trébuchent,  comme  ivres  de  leur  importance,  et  promènent,  à 
travers  les  ruelles  tortueuses,  les  dépouilles  des  parcs  et  des 
jardins,  et  aussi  les  trésors  des  sacristies,  des  entrepôts  entiers 
d'étoffes  et  de  joyaux,  tels  des  cathédrales  ambulantes  ou  des 
forêts  vagabondes,  des  trônes,  des  reposoirs  peuplés  de  figurants 
aussi  plastiques  que  les  effigies  des  anciens  dieux. 

Les  cloches  sonnent  dans  les  beffrois,  les  tambours  battent  aux 
champs,  sur  la  basse  continue  du  brouhaha  populaire  éclatent  des 
noëls  et  des  vivats  stridents.  Tout  au  bout,  des  prélats  en  habit 
pontifical  chevauchent  sous  des  baldaquins  portés  par  une  escorte 
de  pages.  El  c'est  sur  tout  le  parcours  une  bousculade  ou  un 
grouillis,  soudainement  figé,  de  badauds  massés  de  droite  et  de 
gauche,  accrochés  à  des  saillies  de  façade,  collés  aux  fenêtres,  nn 
pullulement  de  curieux  qui  s'agenouille  tant  bien  que  mal  au 
passage  des  ostensoirs  el  des  châsses,  qui  se  relève  pour  acclamer 
le  tribun,  saluer  le  prince,  huer  le  bouffon.  De  loin  en  loin,  sur 
des  estrades  richement  tapissées,  se  prélassent  les  notables 
matrones,  les  filles  des  doyens  de  corporations,  parées  k  l'égal 
des  reines,  plus  épanouies  el  plus  saines  que  les  baronnes  au 
front  sourcilleux  qui  les  dévisagent  furtivement  en  pressant 
l'allure  de  leurs  haquenées. 

*** 
Sans  être  écrites  pour  le  théâtre,  ces  partitions  :  La  Muse  de 
l'Histoire,  VOorlog,  le  Lucifer,  Y  Escaut  el  tant  d'autres  encore, 
sont  éminemment  théâtrales.  Benoit  en  soigne  la  mise  en  scène,  — 
c'est  le  mot,  —  comme  s'il  s'agissait  d'un  drame  lyrique.  L'exé- 
cution d'une  de  ces  œuvres  exige  un  persomîe),  une  figuration 
aussi  nombreuse  qu'une  pièce  à  grand  spectacle  ou  qu'un  omme- 
gang.  Le  compositeur  ordonne  ses  diverses  phalanges  orches- 
trales comme  un  décorateur  do  la  belle  époque,  un  génial  bros- 
scur  de  fresques  composait  ses  cartons. 


Amoureux  de  la  foule,  la  comprenant,  la  sentant  au  point  d'en 
devenir  l'âme,  Benoit  recherche  pour  son  instrumentation  tous  les 
timbres,  tous  les  agents  de  sonorité  capables  de  traduire  les  cla- 
meurs de  fête,  de  deuil,  de  triomphe,  de  carnage  et  d'adoration. 

Son  œuvre  célèbre  la  vie  collective.  Elle  est  optimiste  comme 
la  multitude,  comme  la  grande  humanité,  ou  mieux  comme  la 
nature  infinie.  Dans  VOorlog  la  tuerie  s'empâte  d'une  couleur  el 
d'un  contour  tellement  admirables  que  c'est  un  régal  de  l'entendre. 
Ainsi,  les  martyrs  et  les  supplices  de  Rubens  flattent  les  yeux,  les 
mettent  en  appétit;  ainsi  l'aspect  d'une  boucherie  bien  tenue 
réjouit  l'estomac.  La  magnificence  et  le  ragoftt  de  la  facture  l'em- 
portent sur  la  terreur  ou  la  cruauté  du  sujet. 

De  ces  orntopios  se  dégage  une  impression  de  robustesse, 
d'ampleur,  de  consistance.  Les  thèmes  fondamentaux,  longuement 
développés,  font  songer  au  cours  majestueux  d'un  fleuve.  Et  ce 
n'est  pas  sans  raison  que  Benoit  a  chanté  l'Escaut,  le  Rhin  et 
même,  avec  plus  d'intimité,  la  Lys,  la  blonde  rivière  natale. 

La  trame  mélodique  principale  se  déroule  à  travers  des  har- 
monies grasses  et  copieuses,  comme  les  pâturages  des  polders 
flamands.  De  lieue  en  lieue  les  motifs  épisodiques,  autant  d'af- 
fluents du  thème  fondamental,  accourent  pour  lui  payer  tribut  et 
se  fondre  en  lui.  Lorsqu'il  arrosait  des  contrées  plus  accidentées, 
le  fleuve  précipitait  son  cours  car,  encaissé  entre  les  roches,  il  lui 
lardait  de  gagner  les  plaines  du  Nord  et  de  s'étaler,  sous  le  dais 
d'un  ciel  infini,  dans  le  lit  spacieux  offert  à  la  pléthore  de  ses 
flots.  II  méprise  la  course  désordonnée  et  la  vaine  pétulance  des  tor- 
rents; ses  colères  à  lui  ne  s'épuisent  pas  en  bonds  puérils  et  en 
cascalelles  fugaces,^  plutôt  mousseuses  qu'écumantcs,  mais  les 
siennes  ameutent  el  amoncellent  des  vagues  houleuses  comme 
celles  de  l'océan,  et  au  lieu  de  s'acharner  à  polir  des  cailloux, 
elles  supportent  et  balancent  des  navires  géants. 

Ainsi  l'oratorio  de  Benoilrépugnc  aux  fièvres  superficielles  el  aux 
agitations  stériles,  et  lorsqu'il  déchaîne  ses  orages  symphoniques, 
ses  tourmentes  chorales,  lc§  rylhmesen  gardent  toujours  l'allure 
pesante  et  pataude  des  anciens  klauwnerts,  glaneurs, d*éperons 
d'or,  moissonneurs  de  lis  d'argent! 

A  côté  du  Benoit  majestueux  et  épanoui,  à  côté  du  musicien 
d'apparat  festoyant  une  ville-,  un  peuple  entier,  se  révèle  un 
Benoit  intime,  évocatcur  de  scènes  mièvres  et  de  visions  séra- 
phiques,  et  la  même  patte  qui  édifie  les  grands  oratorios  Lucifer, 
VOorlog,  le  Schelde,  tracera  les  linéaments  délicats  et  tendres  de 
la  Kinder  cantate. 

Impossible  en  écoulant  cette  dernière  partition  de  ne  pas  songer 
aux  chers  petiols  de  Flandre  et  de  Brabant,  aux  jolies  têtes 
blondes  et  roses  avivées  de  ces' grands  yeux  d'un  bleu  barbeau, 
de  ce  bleu  des  plais  de  faïence  ornant  les  manteaux  de  cheminée 
dans  les  fermes  qui  les  abritent;  —  à  ces  bambins  et  bambines 
accroupis  au  seuil  des  chaumes  ou  pelotonnés,  ébourifl'és  au 
soleil,  comme  des  poussins  dans  le  sable  des  routes  ! 


*** 


El  quelle  autre  noie  encore  que  celle  donnée  par  Benoit  dans 
ses  deux  grands  drames  lyriques,  La  Pacification  de  Gand  el 
Charlotte  Corday.  C'est  comme  de  l'histoire  en  musique.  Les 
caractéristiques  de  Guillaume  d'Orange,  de  Marat,  sont  des  por- 
traits d'une  allure  étonnante  et  d'une  vérité  presque  psycho- 
logique. El  quelle  peinture  que  celle  de  la  révolution  dans  les 
rues  de  Paris  ou  que  celle  de  la  terreur  espagnole  et  de  l'inqui- 
sition dans  les  Pays-Bas. 

Ici  l'art  de  Benoit  acquiert  une  intensité  d'expression  bien 


/■ 


supérieure  encore  à  celle  qu'on  admire  dans  ses  oralorios.  Sa 
conception  s'agrandit,  sa  facture  se  spirilualife.  11  n'esl  plus 
seulement  un  coloriste  vigoureux,  un  pompeux  régisseur  d'apo- 
théoses et  de  triomphes,  un  doux  contemplatif,  butinant  les 
idylles,  amoureux  ou  paternel,  il  s'élève  à  la  taille  des  grands 
penseurs,  dos  voyants  de  l'au-delà,  des  confesseurs  du  passé,  des 
devins  de  l'avenir.  Rubcns  s'est  rapprocjié  de  Michel-Ange  et  du 
Vinci. 

Mais  ce  qui  persiste  dans  tout  l'œuvre  de  Benoit,  dans  ses 
compositions  gracieuses  autant  que  dans  ses  pages  épiques  et 
poignantes,  c'est  l'indéfinissable  sentiment  d'une  race,  d'un 
milieu,  d'un  terroir  spécial.  Celte  musique  est  adéquate  à  la  con- 
trée, au  climat,  à  l'ûmc  invisible  de  la  pairie.  On  y  entend 
chuchoter  des  voix  mystérieuses  et  sourdre  des  larmes  dé  ten- 
dresse. C'est  comme  si  les  doigts  mêmes  de  la  Pairie  se  posaient 
câlins  et  miséricordieux  sur  la  lêle  de  l'enfant  oublieux  de  ses 
origines. 

Oui,  Benoit  est  un  de  ces  puissants  médiums  qui  condensent 
en  leur  art  les  effluves  d'une  contrée;  il  rend  tangible  le  symbole 
patrial  ;  il  suscite  en  nous  des  pressentiments  et  des  nostalgies 
héroïques  ou  des  ferveurs  ji 'une  intimité  délicieuse  jusqu'au 
navremcnt.  / 

En  écoutant  ces  harmonies  corrélatives  de  la  lumière,  de 
l'aromc,  de  la  moelle,  du  fluide  local,  nous  espérons,  oui  nous 
formulons  cet  acte  d'espérance,  qu'à  l'heure  de  leur  dispersion 
nos  atomes  et  nos  forces  ne  s'éparpillent  point  au  delà  des  fron- 
tières aimées,  que  tout  ce  qui  fut  nous  alimente  le  giron  natal  ou 
s'exhale  dans  l'atmosphère  du  souverain  pays,  que  notre  souffle 
se  mêle  à  celui  de  la  Flandre  dans  un  éternel  excclsior  pan- 
théiste! 

Georges  Eekhoud. 


LES  PLANTATIONS  URBAINES 

et  les  reconstructions  à  Bruges. 

Le  9  mai  dernier,  nous  étions  à  Bruges  pour  le  cortège  de 
la  procession  du  Saint-Sang,  qui  vraThienl  celle  année  a  été 
renouvelé  et  rufiaîchi  avec  une  grande  splendeur. 

D'ordinaire,  (juiind  on  va  voir  une  procession,  c'est  une  décep- 
tion que  l'on  resscnl  par  la  monotonie  dos  choses  exhibées  et  le 
criard  des  couleurs. 

Celte  fois,  une  grande  impression  artistique  se  dégageait  de  la 
solennité  el  révélait  qu'une  direction  unique  et  intelligenle  avait 
organisé  l'ensemble. 

Ce  qui  frappait  aussi,  c'était  le  côté  purement  flamand  de  la 
cérémonie,  réponse  saisissante  à  ceux  qui  croient  que  loul  est 
factice  dans  col  instinct  qui  pousse  aux  revendications  de  la 
langue  maternelle  par  les  habitants  des  Flandres. 

A  celle  occasion,  nous  avons  re\u  l'admirable  ville. 

De  plus  en  plus  elle  reprend  conscience  de  ce  qui  fait  sa  beauté, 
et  l'on  ne  voit  plus  s'y  élever  dos  maisons  bourgeoises  dans  le 
style  plat  el  symétrique  qui,  pendant  tant  d'années,  avail  paru 
l'idéal  du  goùl,  déplorable  manie  qui  a  fait  disparaître  tant  de 
charmants  échaniillons  de  l'archiloelure  des  siècles  passés.  L'au- 
lorilé  communale  subsidie  les  propriétaires  qui  rélablissent  les 
façades  dans  le  beau  siyle  brugcois,  si  élégant  el  si  pilloresquc, 
et  peiil  à  pclil  le  nombre  des  constructions  en  style  ancien 
augmente.  Mais  il  nous  a  semblé  que  la  même  préoccupalion 


n'existait  pas  pour  1rs  maisons  ouvrières  ;  plusieurs,  en  bataillon 
carré,  déparent  les  quartiers  éloignés  et  cQQtraslent  avec  les 
charmants  échantillons  des  petites  maisons  anciennes,  composées 
d'un  rez-de-chaussée  et  d'une  grande  fe,Dâ!re  en  mansarde  se 
détachant  sur  les  toits  aigus  en  grandes  tuiles  plates. 

Il  y  a  lieu  d'attirer  l'attention  sur  ces  fautes  qui  vraisembla- 
blement pourraient  être  évitées. 

Nous  ne  doutons  pas  que  M.  de  Lacenserie,  —  l'éminenl 
architecte  qui  préside  à  ces  rénovations  et  qui,  pour  ne  citer  que 
le  dernier  et  peut-être  le  plus  beau  de  ses  travaux,  est  l'auteur  des 
plans  de  l'hôtel  provincial  qui  fait  un  si  bel  effet  sur  la  place  du 
Beffroi,  —  et  M.  Ronse,  échevin  des  travaux  publics,  qui  s'est, 
nous  a-l-on  assuré,  particulièrement  occupé  des  boulevards  qui 
forment  une  si  admit able  promenade  sur  les  anciens  remparts, 
sauront  tenir  compte  de  celle  observation. 

Une  remarque  en  ce  qui  concerne  ces  boulevards  : 

Du  côté  du  Minnewater  nous  avons  vu  des  tilleuls  odieusement 
ébranchés;  il  a  passé  là  récemment  des  bûcherons  barbares  qui, 
sous  prétexte  de  bonne  arboriculture,  nous  le  supposons,  ont 
taillé  les  basses  branches,  mutilant  et  dénaturant. 

Nous  avons  déjà  à  différentes  reprises,  dans  VArt  moderne, 
signalé  ce  qu'il  y  avait  d'irrationnel  darts  le  fait  de  traiter  les 
arbres  de  promenade  comme  des  arbres  de  rapport.  Pour  ceux-ci 
il  faut  autant  que  possible  augmenter  le  poids  du  tronc,  afin  d'y 
trouver  de  bonnes  planches  ou  de  bons  matériaux  de  chauffage; 
mais  quand  il  s'agit  d'avoir  de  l'ombre  el  de  la  verdure,  c'est  le 
procédé  contraire  qu'il  faut  employer,  et  si  l'on  eharge  de  celle 
besogne  des  forestiers  qui  nfe  pensent  qu'au  profit,  ils  aboutiront 
à  détruire  au  lieu  d'améliorer. 

M.  l'échevin  Ronse  passe  pour  avoir  l'orgueil  des  promenades 
de  la  ville  dont  il  est  un  des  administrateurs. 

Nous  ne  douions  pas  qu'il  suffira  de  lui  signaler  ce  qui  précède. 

Dans  d'autres  villes,  nos  réclamations  à  ce  sujet  ont  été  écou- 
lées; on  laisse  désormais  pousser  les  arbres  comme  ils  veulent. 
A  Bruxelles,  notamment,  M.  Buis  a  obtenu  ainsi  des  boulevards 
incomparables. 

Il  est  à  désirer  que  celte  règle  de  bon  sens  soit  observée  partout 
et  fasse  disparailreMa  routine  on  vertu  de  laquelle  tous  les  ans 
de  prétendus  jardiniers,  qui  ne  sont  que  des  vandales,  se  donnent 
un  mal  considérable  pour  déshonorer  les  plantations  urbaines. 


CONCERTS  PARISIENS 

{Correspondance  pnrliculière  de  l'Art  Moderne.) 

Triomphalement  l'admirable  quatuor  Ysaye  vient  de  passer  par 
Paris,  y  redonnant  les  quatre  séances  dont,  aux  XX,  vous  avez  eu 
la  primeur.  Ah  !  quel  éblouissant  spectacle  —  pour  ainsi  parler 
—  que  ce  cycle  surprenant  d'œuvres  puissantes  se  déroulant 
comme  un  rêve  inimaginable,  semblerait-il,  tant  remarquables  de 
réalité;  d'abord  les  deux  quatuors  (op.  3  et  op.  7)  d'Alexis  de 
Castillon  elle  Concert  en  r^ d'Ernest  Chausson;  puis  les  deux 
impeccables  chefs-d'œuvre,  le  quatuor  en  ré  et  le  quatuor  en  la 
de  Vincent  d'Indy  ;  et  aussi  les  deux  quatuors  (op.  15  et  op.  45) 
d'un  sentiment  plus  intime,  de  Gabriel  Fauré;  et  pour  finir,  ces 
deux  merveilles  ;  le  quatuor  en  ré  et  le  quintette  en  fa  du  grand 
créateur  César  Franck.  Monuments  superbes,  d'une  diversité 
d'aspects  et  de  personnalités  absolue,  mais  tous  d'un  même  art 


166 


L'ART  MODERNE 


néanmoins,  arl  bien  moderne  cl  bien  Iradilionnel  à  la  fois,  fait 
surlout  d'auslérilé  el  de  profond  respect. 

Mais  celle  joie  aussi  vous  fut  d'enlendre  ces  œuvres,  ces 
œuvres  exécutées  par  Ysaye  magistralement,  secondé  par 
MM.  Crickboom,  Van  Houl,  J.  Jacob,  Marchol  et  le  brillant 
élève  de  Diémer,  Auguste  Pierret.  Ici,  joie  plus  vive  el  plus 
entière,  étant  plus  rare;  el  celle  surprise  :  le  très  beau  Concert 
de  Chausson  enlendù  déjà  à  la  Nationale,  nous  est  seulement 
aujourd'hui  complôlemcnl  révélé. 

Ce  qui  consliiue  l'exceplionnelie  valeur  du  quatuor  Isaye,  n'est 
poinl  seulement  la  si  complète  homogéoéilé  de  sonorité  et  de 
senliment,  mais  surtout  la  puissance  émotionnelle  et  intellec- 
luelle  el  l'intensité  de  compréhension,  des  tant  remarquables  inler- 
prèies.  Ce  sonl  —  sous  l'artistique  impulsion  d'Ysaye  —  des  maîtres 
eux-mêmes.  El  nous  songions  à  cette  contradiction,  sans  la  pou- 
voir expliquer  :  Si  la  grande  éclosion  actuelle  des  plus  admirables 
compositeurs  s'esl  produite  parmi  les  Français,  les  plus  incompa- 
rables inlerprèlcs  naquirent  en  Belgique,  el  c'est  là  une  constata- 
lion  dont  votre  pays  peut  el  doil  se  glorifier. 

Lo  public  —  tout  particulier  par  sa  spontanéité  de  sensation  el 
sa  compréhension  très  immédiate  —  de  la  Société  nationale,  aug- 
menté encore  considérablement  de  tous  les  amants  d'art,  a  forle- 
menl  marqué  sa  reconnaissance  aux  grands  el  glorieux  artistes, 
en  de  chaudes  el  vibrantes  acclamations,  en  des  rappels  fréné- 
tiques. Rarement  il  nous  fui  donné  d'assister  à  pareille  explosion  ' 
d'enibousiasmc,  éclatant  sponlanémenl  el  répercutée  dans  le  tout 
Paris  artiste.  El  parmi  les  compairiotcs.audiicurs  aperçus:  Joseph 
Dupont,  Octave  Maus,  Guidé  el  d'autres  encore. 

^^^^  E.  S. 

ÉPAVES  (1842-1890) 

'Poésies  par  Edouard  Vander  Plassche.  Bruxelles,  imprimerie 
Lefèvre,  1892.  232  pages. 

Le  reedeil  dos  poésies  de  M.  Vander  Plassohoévoque  les  paysages 
de  Foiirmois.  On  leur  préfère  les  Boulenger  déjà  si  ailenlifs  à  satis- 
faire nos  goiits  de  compositions  el  de  couleurs,  discrets  et  impré- 
cis. Mais  pour  leur  temps,  de  quelle  incontosiahle  valeur  font 
montre  ces  Fnurmois!  M.  Vander  Plassche  est  de  la  vieille  roche  :  • 
il  écrivait  en  1842,  à  celle  époque  déjà  lointaine  oîi  le  terme  de 
piMe  était  presque  une  expression  de  mépris  chez  nous,  époque 
où  il  était  si  difficile  de  faire  admeUre  par  des  contemporains, 
tout  d'une  pièce  eux,  que  l'on  pouvait  être  un  parfait  honnête 
homme,  un  Iravailleur  consciencieux  et  pourlanl  cultiver  des 
goûis  artistes. 

«  11  y  a,  dit  l'auleur  dans  sa  préface,  des  domaines  cl  non  des 
moins  importants  qui  sonl  élrangiMs  à  l'hisioire  générale  et  qui, 
p.ir  contre,  inléressenl  considérabiemenl  l'histoire  des  individus. 
Les  sentiments  d'affection,  qu'ils  s'appi>llenl  amour,  amitié,  ten- 
dresse paternelle  ou  iiiaternellc,  piiié  fî'iale,  n'ont  aucune  place 
à  occuper  dans  l'hisioire  pnlilicpie  ou  sociale  ;  ils  ont,  au  contraire, 
les  premières  places  dans  les  histoires  individuelles.  » 

Telle  justification,  préeédaiit  des  poésies  sans  poriéo  générale, 
n'est  plus  nécessaire  de  nos  jours,  mais  elle  est  certes  révélatrice 
d'un  temps  où  seule  élail  honorée  une  liliéraiure  hislorieo-poli- 
lique,  époque  où  nos  gouvernants  réunissaient  des  moralistes, 
des  philosophes  el  des  archivistes  en  une  dncte  assemblée  qu'ils 
décoraient  pom])euseiiienl  du  tilre  d'Académie  des  kt/res  de 
Belgique. 

Aussi  chaque  page  de  ce  livre  oblige  à  un  retour  vers  le  passé, 
chacune  de  ses  six  parties  :  Légendes,  Lyrique,  Iiiiime,  Fragment 
d'un  poème  inédit,  Faulaisie  et,  certes  la  plus  intéressante  de 
toutes  en  la  crise  que  nous  traversons  :  Politique,  dédiée  à  Paul 
idnson  (jiistum  ac /enaccin...). 

On  aime,  dil  piaisammeul  quclcjuc  pari  le  poète, 


On  aime  à  ressembler  au  marbre  de  Carrare. 
Quand  on  a  du  pouvoir  goûté  l'enivrement. 

Nous  avons  goûté,  nous,  l'enivrement  des  formes  plus  modernes, 
des  sentiments  nouveaux  poéti({uemcnt  exprimés  en  une  langue 
adéquateii«ous-méme.  El  nous  sommes  aussi  un  peu  marbre  de 
iHarrare  quand  on  nous  vient  parler  d'Oiseaux,  de  Premier  amour 
el  de  Cloche  du  soir.  Pourquoi?  Le  faute  n'en  est  ni  aux  senliménls 
ni  à  leur  forme.  L'alexandrin  de  1848  avait  parfois  une  ampleur 
cl  une  élévation  qu'il  n'a  plus  guère  sous  notre  souftle  blasé.  La 
famille,  la  pairie,  la  liberté,  ei  tous  ces  symboles  de  nos  impres- 
sions profondes,  l'ange  gardien,  le  sourire  d'une  mère,  les  ruines, 
la  haine  des  tyrans,  raffranchissemcnl  des  peuples,  sont  toujours, 
dans  leur  fond,  des  choses  vénérables  el  saintes.  Mais  on  les  a 
redites  comme  les  airs  du  Trouvère  sur  ces  toujours  mêmes- 
orgues  de  Barbarie  qui  en  arrivaient  à  faire  détester  par  Verdi 
lui-même  sa  propre  musique. 

On  availen  ces  lemps-là  une  façon  abstraite  d'exprimer  les  sen- 
liménls les  plus  délicats.  On  parlait  des  choses  du' cœur  en  termes 
nobles.  Il  semblait  que  la  philosophie  présidât  même  aux  épan- 
chemcnls intimes  el  (|ue  le  Senliment  n' était  aulrequ'une  troisième 
faculié  de  l'ûme,  comme  la  Volonté  et  la  Raison.  Certes,  cela  avait 
parfois  grande  allure. "Citons,  à  l'appui,  cette  pièce,  les  Mystères 
de  l'âme,  d'une  bonne  facture  et  de  facile  comparaison,  grûce 
au  sujet,  avec  des  productions  plus  modernes  : 

Semblables  aux  volcans  dont  on  voit  les  sommets 
Mais  dont  aucun  regard  ne  sonda  les  cratères, 
Nous  avons  tous  en  nous  des  goutTres  de  mystères 
Où  nul  œil  étranger  ne  pénétra  Jamais. 

Un  jour  vient  où  lo  cœur  jette,  comme  une  lave, 
Toutes  les  passions  qui  bouillonnaient  eu  lui, 
Il  n'était  pas  hier  ce  qu'il  est  aujourd'hui, 
L'esclave  devient  roi  :  le  roi  devient  esclave. 
Le  vice  étale  alors  sa  sombre  uutlité; 
La  vertu  brille  en  paix;  le  passé  u'est  qu'un  songe; 
Les  nuages  épais,  qui  masquaient  le  mensonge, 
Se  dissipent  soudain  devant  la  vérité. 

La  partie  poliii(iue  du  recueil  do  M.  Vander  Plassche  est 
curieuse  à  lire.  Telle,  pièce,  datée  de  1842,,  s'exalte  en  un  beau 
romantisme  révolutionnaire  en  faveur  de  la  liberté.  Telle  autre, 
de  iSiS,  le  Soleil  de  la  Paix,  n'est  (|u'une  acerbe  vitupération 
contre  les  classes  dirigeantes  : 

Le  peuple  marche  ;  il  renverse,  il  écrase 
Les  vieux  débris  d'un  trône  détesté. 
Des  préjufiés  il  a  sapé  la  base; 
A  sa  hauteur  il  est  enfin  monté. 

Esprits  ingrats,  à  qui  la  Providence 
A  confié  le  Sort  du  genre  humain, 
Que  faites-vous  de  la  noljle  semence 
Qu'un  sol  (értilé  attenfl  de  voire  main? 
Faux  serviteurs,  rendez  la  graine  an  maître 
Que  votre  orgueil  ne  reconnut  jamais! 
Qu'il  la  ré|)autle,  et  la  moisson  va  naître   . 
Sous  les  rayons  du  soleil  de  la  paix. 

Les  sentiments  exprimés  par  ces  vers  n'ont  guère  vieilli.  Tant  il 
est  vrai  que  par  un  jusie  reionr  des  idées  et  des  opinions,  nous 
en  soyons  arrivés  îi  vouloir  plus  d'idéal ismo,  jibis  d'envolée, 
mêitie'on  politique.  Pluiôi  eniore'aujounriuii  qu'on  ces  lemps-là 
on  peut  ainsi  faire  parler  le  Progros  el  la  \ieille  Doctrine  : 

Le  PROGRiis. 
Marchons  !  autour  de  nous  tout  est  vie  et  réveil. 

La  Doctrine. 
Pourquoi  marcherons-nous?  Nous  sommes  le  soleil. 

«  Ce  distique,  dil  en  noie  l'auteur,  fut  composé  pendant  une 
«  conférence  do  M.  Adolphe  D.'ineur  sur  l'extension  du  droit  de 
«  sufl'rage,  donnée  au  local  de  l'Association  libérale,  du  temps 
«  do  la  Société  des  iiieeiings  libéraux  et  qui,  d'ailhnirs,  avait 
«  fourni,  pour  la  dite  coidi'nnce,  non  seulement  l'orateur  mais 
«  encore  le  public.  »  Ceci  devait  se  |)asser  dans  les  environs  de 
1870. 

Mais  avec  la  marche  des  temps,  les  eiithonsiasmos  décroissent. 


VART  MODERNE 


167 


Les  idées  déserlenl  la  poliliqiie  :  IVcœiiremenl  saisit  les  rêveurs 
d'autrefois.  Une  pièce  do  4877,  adressée  aux  Electeurs,  en  fait 
foi.  Le  poêle  prend  en  tel  dégoût  le  bourbier  infect  où  pataugent 
les  partis  que,  pour  les  encourager  à  aller  aux  urnes  sans  défail- 
lances, il  ne  craint  pas  de  conseiller  ainsi  les  ciloyeDS  : 

...  A  la  vertu  civique 

Mêlez  l'acide  phénique. 

Ces  éléments  combinés, 

Vous  sauvant  de  toute  atteinte, 

Vous  pouvez  sortir  sans  crainte 

Et  sans  vous  boucher  le  nez  I 

M.  Vander  Plassclie  a  inliliilé  Epaves,  ce  recueil  de  vieux 
souvenirs.  Le  tilrc  a  quelque  chose  de  triste  dont  on  ne  retrouve 
guère  l'équivalent  b  la  lecture.  C'est  une  histoire  individuelle  qui 
raconte  des  événements  intérieurs  écoulés  en  quarante-huit  ans 
de  vie  d'homme.  L'auteur  est  sincère,  il  est  humain.  C'est  ce 
qui,  avant  tout,  fait  prendre  un  vif  intérêt  à  le  lire.  Mais  pour- 
quoi n'a-t-il  publié  plus  tôt  toiles  pièces  qui  eussent  certes  été 
remarouées  à  leur  heure? 


Le  Musée  Grétry. 

On  a  fêlé  dernièremeni  à  Liège  le  450^  anniversaire  de  la  nais- 
sance de  Grétry.  Une  conférence  de  M.  Arthur  Pougin,  l'exécution 
de  Richard  Cœur  de  Lion,  de  plusieurs  fragments  des  œuvres 
du  maître  et  d'une  Ode  composée  pour  la  circonstance  par 
M.  Sylvain  Dupuis  sur  des  paroles  de  M.  Albert  Lambert,  tel  a 
été  le  bilan  de  celte  fort  belle  soirée  jubilaire,  qui  a  clôturé  la 
saison  ihéûlrale  (1). 

Ce  petit  événement  attire  l'ailenlion  sur  le  Musée  que  M.  Radoux 
vient  de  fonder  au  Conservatoire  et  dans  lequel  il  a  rassemblé 
une  foule  de  souvenirs  du  musicien  liégeois. 

C'est  une  réunion  d'aulographes,  de  porlraits,  de  partitions 
manuscrites  et  autres,  de  documents  divers  soigneusement  dis-, 
posés  sous  les  glaces  de  plusieurs  viirines.  El  il  se  dégage  de  ces 
épîtres  jaunies,  dit  le  Journal  de  Liège,  comme  une  atmosphère 
de  jadis  au  milieu  de  laquelle,  vaguement,  semble  se  ranimer 
la  figure  du  grand  musicien  liégeois,  la  silhouette  du  chantre 
glorieux  qui  fil  les  be:iux  jours  do  la  Cour  de  Louis  XVI  et  du 
Dauphin,  qui  alimenta  de  ses  œuvres  la  Comédie  italienne  et  fut 
pendant  une  suite  d'imnées  l'enfant  gSlé  do  Paris. 

Il  y  a  d'abord  les  portrails. 

Plusieurs,  donnés  par  M.  Terme,  sont  autant  d'œnvres  d'art, 
entre  autres  une  miniature  sur  ivoire  représentant  Grétry  à  l'âge 
de  dix-huit  ans.  Celle  miniature  doit  être  reproduite  dans' l]^uvro 
du  compositeur  édiiée  à  Bruxelles.  Les  portraits  gravés,  en  grand 
nombre,  sont  pour  la  plupart  fort  beaux. 

Parmi  les  nombreux  autographes,  une  série  de  lettres  écrites 
par  Grétry  à  M.  Dumoni,  notaire  b  Liège. 

On  y  lit  un  passage  ayant  trait  au  désir  manifesté  par  le  grand 
musicien  de  léguer  son  cœur  b  la  ville  de  Liège,  désir  dont  la 
réalisation  amena  celte  suite  de  procès  célèbres  entre  nos  édiles 
et  Flamand  Grétry,  neveu  du  compositeur,  lequel  avait  placé 
la  précieuse  relique  dans  le  jardin  de  sa  propriété  de  Montmo- 
rency, celte  même  propriété  qui  fut  habitée  par  Grétry,  après 
avoir  été  l'Ermitage  de  J.-J.  Rousseau. 

Trois  autres  lettres,  offories  par  M.  Dclhasse,  donnèrent  lieu, 
il  n'y  a  pas  longtemps,  b  une  polémique.  Dans  le  ton  de  ces 
épîtres  adressées  b  M"'«  0...,  Fétis  avait  voulu  découvrir  une  pas- 
sion tardive  dans  le  cœur  de  Grétry  déjb  âgé,  une  sorte  d'amour 
sénile  qui  ternissait   malheureusement   la    mémoire  du    grand 

(1)  Voici  le  programme  coniplet  de  l'intéressantconcert  qui  a  précédé 
l'exécution  de  Richard  Cœur  de  Lion  :  Ouverture  de  l'Embarras 
des  richesses  (1782);  quatuor  de  Lucile  (1769);  ariette  du  Tableau 
parlant  (1769);  air  de  Zémire  et  Azor  (1771);  ariette  de  la  Fausse 
Magie  (1775);  sérénade  de  V Amant  jaloux  {\.11?>)  ;  chanson  bachique 
d'^ nacr^on  (1797);  danses  villageoises  et  choeur  des  Deux  Avares 
(177C).  —  Hymne  à  Grétry  (S.  Dupuis). 
ment).  . 


homme.  Cette  inierprélalion  fut  judicieusement  réfutée,  dans  le 
(7î/jdemu5iCfl/,  parM.  Delhasse. 

Quantité  de  brochures  et  de  librellos  d'opéras  et  de  partitions 
ont  été  offerts  par  des  collectionneurs. 

Dix  partitions  d'orchestre  ont  été  données  par  le  gouvernement, 
auquel  le  musée  doit  un  de  ses  documents  les  plus  précieux  :  la 
partition  manuscrite  et  autographe  de  l'opéra  Le  Prisonnier 
anglais. 

Des  affiches  annonçant  la  représentation  d'ouvrages  de  Grétry, 
b  Liège,  en  1808,  émanant  de  la  collection  de  M.  Martiny, l'un  des 
principaux  donateurs. 

Citons  encore  la  tabatière  de  Grétry,  pourvue  des  atlribuls  de  la 
musique,  don  de  M.  Delhasse;  le  portrait  du  fameux  Remacle,  le 
messager  qui  conduisit  Grétry  à  Rome,  don  de  feu  J.  Davreux;  des 
programmes  de  concerts  datés  de  1793  et  94,  contenant  des  com- 
positions du  maître  (don  de  M.  de  Saegher);  des  lettres  encore, 
des  brochures  et  jusqu'une  vénérable  mèche  de  cheveux  fixée  b 
un  papier  jauni  sur  lequel  le  neveu  du  musicien, Flamand  Grétry, 
a  tracé  quelques  lignes  qui  répondent  de  l'aulhenticilé  de  l'envoi. 


NECROLOGIE 

•Ferdinand  Poise. 

Encore  un  deuil  dans  l'école  musicale  française.  Ferdinand 
Poise,  l'auteur  de  Joli  Gilles,  de  l'Amour  médecin,  des  Surprises 
de  l  Amour,  des  Charmeurs,  de  Bonsoir  Voisin,  fantaisies 
charmantes  et  fines  qui  ressuscitaient  en  musique  les  délicates 
inspirations  de  Marivaux,  avec  leur  mièvrerie  et  leur  allure 
Régence,  est  mort  la  semaine  passée  à  Paris,  âgé  de  64  ans.  Il 
était  né  b  Nîmes  en  1828,  avait  remporté  en  185"2  le  second 
grand  prix  de  Rome  et  travaillé  au  Conservatoire  sous  la  direc- 
tion d'Adam.  C'était  une  figure  bien  à  part  dans  révolution 
musicale  contemporaine,  un  petit  mallre  qui  ne  fit  que  des 
œuvrettes,  mais  qui  les  cisela  avec  un  art  parfait. 


Petite  CHRO^iquE 

La  Bibliothèque  Littéraire  et  A  rtistique,  collection  d'art  éditée 
par  La  Plume  (31,  rue  Bonaparte,  Paris),  vient,  après  Dédicaces 
de  Paul  Verlaine,  Albert  do  Louis  Dumur,  les  Cornes  du  Faune 
d'Ernest  Raynaud  et  Tourmentes  de  F.  Clergel,  de  s'enrichir  d'un 
nouveau  volume,  :  Thulé  des  Brumes,  légende  modorne,  en 
prose,  par  Adolpîie  Relté  (3  fr.  frando).  Ce  livre,  écrit  par  un 
mallre  artiste,  est  une  œuvre  pleine  d'intérêt,  étrangement  sug- 
gestive, et  un  grand  succès  pour  la  collection  dont  il  est  un  pré- 
cieux exemplaire. 

«  Quiconque  aime  les  choses  de  l'Art  aime  la  Belgique.  C'est 
un  merveilleux  pays  où  l'on  voisine  entre  cités  toutes  riches  de 
chefs-d'œuvre.  C'est  une  collection  de  musées  dont  le  chemin  est 
toujours  facile.  Lb  seulement  on  connaît  les  Primitifs,  les  vrais 
ancêtres  de  noire  Puvis  de  Chavanncs  et  de  notre  Gustave  Morrau. 
C'est  la  terre  même  de  la  peinture.  C'est  de  son  soleil  que  fut 
faite  l'admirable  palette  de  Rubens. 

«  C'est  aussi  un  pays  vaillamment  littéraire,  aujourd'hui,  du 
moins,  et  possédant  actuellement  une  jeune  Ecole  où  de  bons 
prosateurs  et  de  vrais  poétesse  peuvent  donner  la  main,  où  notre 
langue  française  est  passionnément  défendue  cl  aimée. 

tt  El  ils  chantent,  là-bas,  eu  prose  comme  en  vers.  » 

C'est  Armand  Silveslre  qui  commençait  en  ces  termes  l'une  de 
ses  chroniques  de  l'Echo  de  Paris.  Il  est  intéressant  de  constater 
qu'il  y  a  b  Paris  des  écrivains  disposés  b  contredire  l'imbécillité 
du  reportage  national. 


y 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


LIGNE    D'OSTENDE-DOUVRES 

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Douzième  année.  —  N°  22. 


Le  numéro  :  S 5  centimes. 


Dimanche  29  Mai  1892. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  »  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,    fr.   10.00;  Union  postale,    fr.   13.00     —  ANNONCES   :    On  traite  à  forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
LADAflNisTRATioN  GÉNÉRALE  DE  TArt  Modemo,  Tuo  do  Plndustiie,  32,  Bruxelles. 


30MMAIRE 


Le  Quatuor  Ysaye  a  Paris.  —  Une  lettre  de  M.  Alfred 
Stevens.  —  LivRKS  ET  BROCHURES  :  Lcs  Poésies  d'André  WaUer. 
L'Ile  de  l'Occident.  Les  Secrets  de  liubens.  Pastels  et  Pastellisles, 
—  Accusés  dk  réception.  —  Ventes  récentes.  —  Bibliographie 
MUSICALE.  —  Chronique  judiciaire  des  arts.  —  Petiï-e  chronique. 


Le  Quatuor  Ysaye  à  Paris. 

Il  importe  d'insister  sur  révénement  artistique  dont 
notre  correspondant  musical  de  Paris  nous  a  signalé  le 
retentissant  succès  :  les  matinées  triomphales  dans  les- 
quelles Ysaye  et  ses  partenaires  ont  révélé  à  un  public 
d'amateurs,  que  chaque  séance  attirait  plus  nombreux 
et  plus  enthousiaste,  les  œuvres  de  musique  de  chambre 
de  l'école  française  contemporaine. 

C'est,  pensons-nous,  la  première  fois  qu'un  groupe 
d'artistes  belges  s'impose  à  l'étranger,  en  dehors  de  tout 
élément  de  pure  virtuosité,  avec  une  pareille  autorité. 
Le  Quatuor  Ysaye  a  réalisé  ce  miracle  de  vaincre  par 
la  seule  compréhension  supérieure  de  quelques  œuvres 
d'art,  en  gardant  strictement  l'austérité  de  programmes 
exclusifs,  sans  nulle  concession  aux  habitudes  reçues, 
aux  dilections  de  la  foule  pour  les  hors-d'œuvre,  entre- 
mets, plats  sucrés  qui  accompagnent  d'ordinaire  les 
pièces  de  résistance  qu'on  lui  sert  de  gré  ou  de  force. 


Et  l'impression  finale,  vraiment  réconfortante  pour  les 
compositeurs,  est  que  s'il  y  a  de  nos  jours  des  artistes 
assez  désintéressés  pour  négliger  le  succès  personnel  en 
se  vouant  à  des  interprétations  d'ensemble  de  premier 
ordre,  il  existe  aussi  un  public  pour  les  comprendre. 

C'est  par  le  théâtre  seul  qu'un  musicien  arrive,  en 
général,  à  communiquer  avec  les  masses,  à  faire  con-, 
naître  son  nom,  à  atteindre  soit  la  renommée,  soit  la 
fortune.  Et  la  fascination  de  la  scène  est  telle  que  de 
bons  musiciens,  aptes  à  écrire  des  œuvres  excellentes, 
usent  leur  jeunesse  dans  l'ingrat  labeur  d'un  opéra  ou 
d'un  drame  musical  qui  ne  sera  jamais  représenté  ou 
qui  ne  sortira  des  cabinets  directoriaux  que  lorsque 
l'auteur  (faut-il  citer  des  exemples?  Ils  sont  dans  la 
mémoire  de  tous)  aura  vu  ses  cheveux  blanchir  et 
s'éteindre  l'inspiration. 

Les  concerts  symphoniques  eux-mêmes  n'ont  plus  le 
pouvoir  d'attirer  et  de  retenir  la  foule,  si  on  n'en  corse 
l'intérêt  par  l'attrait  d'un  virtuose  extraordinaire,  par 
l'adjonction  de  masses  chorales,  par  l'appât  d'un  nom 
réputé,  clamé  par  les  journaux 

La  musique  pure,  la  musique  réduite  à  son  charme 
ingénu,  aux  délicatesses  des  impressions  qu'elle  pro- 
voque sur  les  âmes  réceptives,  a  perdu  le  prestige 
qu'elle  exerçait  jadis.  Mais  si  le  public  ne  fait  point  cas 
d'un  musicien  qui  se  consacre  exclusivement  aux  inti- 
mités de^  musique  de  chambre,  n'est-ce  point  parce 


170 


UART  MODERNE 


V 


qu'on  ne  lui  en  fait  pas  suffisamment  connaître  le 
charme  discret?  Où  donc  entend-on,  si  ce  n'est  dans 
quelques  très  rares  réunions  d'amateurs  et  dans  des 
séances  de  choix,  en  nombre  infiniment  restreint,  des 
quatuors  classiques  interprétés  avec  le  respect  et 
l'art  qu'ils  exigent  ?  Et  les  œuvres  modernes,  avec  quelle 
désinvolture  sont-elles  exécutées,  avec  quelle  indiflé- 
rence  écoutées? 

L'initiation  entreprise  par  Ysaye  aux  XX,  puis  ù 
Paris,  aura  des  conséquences  énormes.  Pour  la  pre- 
mière fois,  les  musiciens  de  la  Jeune  France,  ces 
artistes  laborieux  et  tenaces  en  même  temps  qu'inspirés 
etinstruits.ontvuleurscompositionsprésentéesau  public 
telles  qu'ils  les  ont  conçues.  Les  concerts  bruxellois, 
commencés  il  y  a  cinq  ans,  avaient  raffermi  les  espoirs, 
et  le  retentissement  qu'ils  avaient  eu  dans  la  jeunesse 
françaiseavaitexercél'infiuencelaplusheureuse.Lasérie 
d'auditions  donnée  à  Paris  a  été  le  couronnement  de 
cette  œuvre  de  généreuse  propagande.  Les  noms  de 
Vincent  d'Indy,  de  Gabriel  Fauré,  d'Ernest  Chausson 
et  des  deux  grands  artistes  morts  :  César  Franck, 
Alexis  de  Castillon,  sont  désormais  classés  parmi  ceux 
des  musiciens  illustres.  Aucune  erreur  n'est  admissible  : 
l'archet  d'Ysaye  et  de  ses  collaborateurs  leur  a  donné 
la  consécration  définitive. 

Et  il  s'est  produit  ce  phénomène  que  ces  composi- 
teurs, dont  aucun  n'a  été  joué  au  théâtre  (exception 
faite  de  la  musique  de  scène  écrite  par  Gabriel  Fauré 
pour  Caligula  et  pour  Shylock,  d'un  opéra  comique  : 
Attendez-moi  sous  Forme,  de  Vincent  d'Indy,  et  de  la 
petite  partition  de  Karadec  qui  accompagna,  la 
semaine  dernière,  au  Théâtre  Moderne,  un  drame 
bizarre  de  M.  Alexandre),  sont  désormais  aussi  connus 
en  France  —  tout  au  moins  de  ceux  qui  portent  intérêt 
aux  choses  de  l'art  —  que  les  auteurs  le  plus  fréquem- 
ment écoutés. 

^„ Telle  a  été  la  haute  portée  des  séances  Ysaye.  Il  est 
aiséde  prévoir  l'essor  que  ce  notable  événement  donnera 
à  la  musique  de  chambre,  qui  a  repris  du  coup  le  ran"- 
qu'elle  a  le  droit  d'occuper.  Qui  sait  si,  plus  que  la 
musique  dramatique  dont  les  récentes  manifestations 
laissent  la  critique  indécise,  elle  ne  constituera  pas  la 
véritable  gloire  de  la  France  artistique  moderne?  A 
entendre  les  œuvres  admirables  qui  ont  fourni  les  quatre 
programmes  du  Quatuor  Ysaye,  on  serait  tenté  de 
l'affirmer  dès  aujourd'hui.  Où  donc,  en  quel  pays  trou- 
ver pareille  envolée? 

Les  plus  sceptiques  ont  été  convaincus.  Le  Figaro  a 
proclamé,  en  deux  articles  considérables,  l'éclatant  suc- 
cès de  ces  séances.  Et  les  soirées  intimes  "données  par  le 
Quatuor  dans  des  salons  amis,  —  chez  M.  Vincent 
d'Indy,  chez  M.  Ernest  Chausson,  chez  la  très  îirtiste 
M"*  Winnaretta  Singer,  — ont  confirmé  et  fortifié  l'im- 
pression des  auditions   publiques.  Ce  fait  encore,    à 


l'appui  de  notre  assertion  :  le  luthier  Gand-Hernardel  a 
fait  hommage  à  Ysaye,  au  moment  où  il  quittait  Paris, 
d'un  violon  de  choix,  honneur  qui  n'avait  été  décerné 
jusqu'ici  qu'à  Joachim  et  à  Sarasate. 

Mais  ce  n'est  pas  au  virtuose  seul  que  s'adressait  ce 
témoignage  d'admiration.  Avec  une  rare  délicatesse, 
Ysaye  avait  eu  le  continuel  souci  de  s'effacer  et  de  ne 
se  produire  à  Paris  que  comme  chef  du  quatuor  qu'il 
a  fondé  A  côté  de  lui  MM.  Crickboom,  Van  Hout  et 
Joseph  Jacob  se  sont  fait  une  réputation  .solidement 
assise  de  quartettistes  impeccables.  Dans  l'opinion  géné- 
rale, c'est  le  Quatuor  Ysaye,  et  non  Ysaye  seul  qui  a 
rerai)orté  la  victoire.  Et  désormais  le  Quatuor  belge 
prend  rang,  dans  l'appréciation  des  artistes,  à  côté  du 
fameux  et  universellement  réputé  Quatuor  Joachim. 
Ce  que  ce  dernier  a  fait  pour  la  musique  ancienne, 
l'autre  l'a  réalisé  pour  les  œuvres  de  l'école  française 
contemporaine.  Chacun  dans  son  domaine»  l'un  et 
l'autre  ont  rendu  à  l'art  un  service  inoubliable. 


UNE  LETTRE  DE  M.  ALFRED  STEVENS 

Nous  recevons  de  M.  Alfred  Stcvens,  au  sujet  de  nos  itrlicles 
sur  l'Exposition  des  Cinquante  chefs-d'œuvre  belges  (n"*  des  10, 
17  et  24  avril),  la  lettre  ci-après. 

Nous  faisons  naturellement  nos  réserves  sur  l'appréciation 
qu'elle  contient  de  plusieurs  de  nos  artistes  nationaux.  M.  Alfred 
Stevens  habite  Paris  depuis  lougleuips,  et  c'est  sans  doute  à  celle 
circonstance  qu'est  due  l'opinion  quil  exprime. 

Cher  Monsieur, 

Je  viens  de  lire  votre  article  dans  VArl  moderne. 

Tout  en  vous  remerciant  de  ce  que  vous  dites  d'aimable  sur 
mon  cher  frère  Arthur,  ne  mettez  pas,  je  vous  prie,  celle  petite 
réponse  sur  l'afifection  (jue  je  conserve  du  plus  profond  de  mon 
cœur  à  ce  frère  qui  n'est  plus. 

Mou  frère  a  peut-être  trop  parlé  avec  enthousiasme  dii  lalem 
de  ses  deux  frèros,  je  suis  le  premier  à  le  reconnaître  et  à  ne  pou- 
voir lui  en  vouloir.  Il  avait  lamour  des  siens. 

il  avait  le  haut  goût  de  l'art  et  il  n'a  ces-sé  de  défendre  ce  qu'il 
admirait,  ce  qu'il  comprenait,  sans  s'occuper  de  nationalité,  pen- 
sant qu'un  grand  arlisic  appariicnl  ii  tous  les  pays,  que  le  plus 
grand  danger,  la  mode  dans  l'an,  il  fallait  la  combaitrc.  Il  n'a 
jamais  suivi  le  goût  du  public,  il  est  mort  sans  forlune.  En 
défendant  des  maîtres  français  comme  Delacroix,  Corot,  Millet 
Ingres,  Th.  Housseau,  etc.,  ii  a  rendu  à  son  p;iys,  qu'il  n'a  cessé 
d'adorer,  le  plus  grand  des  services,  car  aujourd'hui  les  artistes 
belges,  ceux  qui  ont  du  talent,  s'inspirent  de  l'art  français. 

Trois  peintres  flamands  seulement  ne  doivent  rien  à  l'art  fran- 
çais :  !•  Leys,  très  grand  artiste,  ne  s'est  inspiré  (jue  des  maîires 
aucieus,depuis  OslaiJe.HembranJi, Jusque  Grauck;  2»  H. de  Brac- 
keleer,  grand  talent  aussi;  son  élève,  faisjnt  des  sujeis  modernes 
avec  l'œil  de  Leys;  3»  Joseph  Sli'Vcns,  itwn  Irére,  excusez-moi, 
est  resté  entièrement  flamaïul,  |)eigaant  avec  le  seulimeut  de  sa 
nalure  en  ne  s'occupant  de  personne. 

Non,  mon  frère  Arthur  n'aurait  pu  admettre  que  Dubois  avait 


\ 


i:aht  moderne 


171 


la  valpurde  Coiirbcl.  Sans  (>)url»ei,  Dubois  n'cxislail  pas.  Il  avait 
été,  je  pense,  (!'lèvo  de  roulure.  Non,  Roul(;ngor,  paysagiste  de 
grand  lalenl,  il  n'aurait  pu  le  comparer  à  Th.  Rousseau.  C'eùlélé 
comparer  du  strass  \\  du  diamant. 

Maintenant,  ciier  Monsieur,  voulez-vous  me  permettre  do  vous 
lionncr  mon  avis  sur  ce  qui  s(>  passe  aujourd'hui,  aussi  bien  en 
France  qu'en  Belgique,  qu'à  l'fMraiiger? 

-  Je  pense  que  bientôt  le  Louvre  deviendra  le  Salon  des  refust's, 
^\\\i  le  pli\llo.\era  l'ait  de  bien  grands  ravages  dans  ce  bel  art  de 
la  peinture;  que  Uiibcns,  Velasquez,  Vandermeer  de  Delt'l,  Van 
Eyck,  etc.,  se  sont  exprimés  d'une  façon  diflférenle,  mais  (|u'ils 
ont  vu  de  la  mCMue  manière,  et  ((u'ils  eussent  éié  étonnés 
d'apprendre  que  les  troncs  d'arbres  étaient  bleu  de  Prusse,  ainsi 
que  les  parquets  d'apparioments. 

Un  tableau  doit  éire  vu  à  sa  dislance  voulue,  mais  il  doit  nous 
donner  le  droit  de  pouvoir  l'admirer  de  près.  11  n'y  a  pas  de  pcin- 
lurc  là  où  le  bel  ouvrier  n'existe  pas. 

Pardonnez-moi,  cher  Monsieur,  devons  donner  ainsi  mon  avis, 
cela  prouve  combien  j'aime  à  causer  peinture  avec  vous,  et  croyez 
ù  mes  sentiments  les  meilleurs  et  les  plus  distingués. 

Alfred  Sïevens. 


LIVRES  ET  BROCHURES 

Les  Poésies  d'André  "Walter.  (Œuvre  posthume.) 

Il  a  dû  les  écrire  pour  lui-même,  comme  un  journal,  ces  vers 
intimes  qu'il  n'a  pas  eu  le  temps,  qu'il  n'a  pcul-ôlre  jamais  eu  la 
volonté  de  corriger.  Il  a  cherché,  la  vie  lui  a  paru  obscure,  il  a 
douté,  et  la  pensée  est  venue.  Ce  devait  être  un  vrai  poète. 

Dans  les  heures  d'attente,  d'incertitude,  de  recherches  fati- 
gantes, et  stériles,  ses  vers  tombent  sans  rhylhme,  sans  allure, 
presque  sans  forme.  Dès  qu'une  pensée,  qu'une  clarté  se  fait  jour 
dans  son  esprit,  le  vers  se  redresse,  s'équilibre  ol  s'affirme, 
simple,  naturel,  complet. 

Lisez  le  paragraphe  qui  commence  ainsi  : 

Nous  sommes  deux  pauvres  petites  âmes 
Que  ne  réchauffe  j)lus  le  bonheur. 
Nous  sommes  deux  pauvres  âmes 
Qui  ne  savons  plus  être  heureuses. 

II  se  demande  tristement,  confusément,  ce  qui  lui  manque  et 
peu  lui  chaut  que  ses  rimes  soient  accouplées  et  que  les  pieds  de 
ses  vers  soient  comptés.  Mais  une  lueur  se  fait,  la  pensée  trouve 
son  rhythme.  Celle-là,  il  se  lest  répétée  tout  haut;  celle-là,  il 
;^urait  voulu  la  rendre  moins  mortelle  que  lui  : 

Tu  m'as  dit  :  I^coute,  je  crois 
Nos  âmes  très  mystérieu.ses  ; 
Peut  être  qu'elles  sont  heureuses 
Et  que  nous  ne  le  savons  pas. 

El  encore  : 

Où  sont  donc  allés  tous  les  autres? 
Ils  ont  dû  suivre  quelque  apôtre, 
Qui  les  aura  guidés  sans  doute 
A  travers  les  tournants  des  routes. 
Ils  auront  retrouvé  les  normales  paroles 
Qu'on  nous  avait  dites,  un  .soir. 
Mais  que  nos  cervelles  folles 
Ont  laissé  négligemment  choir. 

Puis,  quand  après  avoir  erré  longtemps  et  chei^hé  une  vie 
plus  forte,  ils  veulent  rentrer  dans  l'Eglise  aperçue  au  loin,  la 
porte  en  est  fermée;  ils  sont  encore  dans  la  nuit  avec  leurs 
peittcs  lumières  éteintes,  et  dans  un  mauvais  rêve  d'êtres  aban- 


donnés. Alors  résonnent  ces  mots  symboliques  qu'on  oublie  diffi- 
cilement par  ces  temps  où  grandit  la  compréhension  de  la  pcr- 
sonnaliié  : 

Tu  m'as  dit  : 

Je  crois  que  nous  vivons  dans  le  rêve  d'uiî  autre 

Et  c'est  pour  cela  que  nous  sommes  si  soumis. 

El  la  tristesse,  l'impuissance  à  percer  celte  nuit  qui  l'cnloure 
le  reprenant,  il  laisse  lourdement,  brutalement  tomber  ces  der- 
niers vers  : 

Je  crois  que  ce  que  nous  avons  de  mieux  à  faire 
Ce  serait  de  tâcher  de  nou&  endormir. 

Comme  tant  d'autres  de  son  siècle,  il  a  cherché,  il  n'a  p-is 
trouvé  et  le  sommeil  l'a  pris,  le  vrai  sommeil  où  l'on  ne  se  fait 
plus  de  questions. 

L  W. 

L'Ile  de  l'Occident,  par  I^mile  Vandervelde.  Bruxelles, 
J.  Vanderauwera,  23  p. 

M.  EMILE  Vandervelde  a  fait,  à  la  Société  de  géographie  de 
Druxclles,  à  la  suite  de  quelques  mois  de  vacances  en  Mauritanie, 
la  conférence  très  intéressante  qui  nous  est  donnée  aujourd'hui 
en  plaquclte. 

L'Ile  de  l'Occident,  c'est,  selon  l'appellation  arabe,  le  quadri- 
latère formé  par  la  Tunisie,  l'Algérie  et  le  Maroc,  et  qui  constitue 
un  massif  complètement  isolé  du  reste  de  l'Afrique. 

Celle  situation  a  fait  que  celle  terre  n'a  jamais  élé  occupée 
exclusivement  par  un  seul  courant  de  civilisation.  Les  divers 
peuples,  d'un  développement  très  inégal  qui  l'ont  habitée  suc- 
cessivement,  y  ont  conservé  leurs  parts  d'influence,  et  l'on  y  voit 
coexister  les  moeurs,  les  formes  sociales,  les  organisations  écono- 
miques les  plus  dissemblables. 

Ces  survivances  s'expliquent  par  la  conformation  physique  du 
Moghreb,  divisé  dans  toute  sa  longueur  en  trois  larges  zones  paral- 
lèles :  les  vallées  et  les  monlagnes  de  la  côle  médilerranéennc, 
les  hauts  plateaux  de  l'intérieur  el  le  long  chapelet  d'oasis  qui 
borde  le  Sahara. 

La  fangeuse  rivière  de  Gabès  sépare  les  oasis  en  deux  régions 
d'aspect  diamétralement  opposé  :  d'un  côté,  des  steppes,  arides 
se  confondant  avec  le  Sahara,  où  l'on  ne  rencontre  qu'une  race 
dure,  famélique  el  âpre,  véritable  race  de  Caïn  ;  de  l'autre,  des 
oasis  nombreuses  el  fraîches,,  habitées  par  un  peuple  servile  et 
doux.  ' 

Sur  les  hauts  plateaux,  l'habitaril  trouve  des  champs  de  par- 
cours, des  pâturages  pour  ses  béies  et  de  quoi  voler  et  piller  de 
temps  en  temps,  genre  de  vie  qu'il  ne  voudrait  à  aucun  prix 
échanger  contre  l'assujettissement  au  travail. 

La  côle  enfin  est  la  région  des  villes,  coin  du  moyen-âge  cou- 
ronné par  la  stagnation  ambiante  el  rappelant,  par  d'étonnantes 
ressemblances,  nos  communes  du  xin«  el  du  xiv«  siècle.  C'est  là 
seulement  que  se  fait  sentir  déjà  forlemenl  l'influence  indus- 
trielle de  l'Europe.  Comme  le  disait  à  l'auteur  un  riche  Tunisien  : 
«  Nous  autres,  nous  ne  ferons  jamais  grand'chose,  parce  que 
«  nous  ne  sommes  pas  assez  malins  pour  employer  des  ma- 
M  chines  ». 

M.  Vandervelde  décrit  ce  beau  pays  d'une  façon  saisissante, 
originale,  en  un  siyle  coloré  qui  nous  le  fait  voir  à  travers  un 
mirage  de  soleil.  11  entremêle  d'exemples  pris  sur  le  vif  les  données 
économiques  qu'il  développe,  ce  qui  donne  une  grande  autorité  à 
sa  démons^alion. 


Les  Secrets  de  Rubens,  par  Léon  Lequime.  Bruxelles,  veuve 
Monnom,  in  S»,  43  p. 

Les  socrcis  par  lesquels  Rnbcns  atteiiïnit  la  maîtrise  sont, 
d'après  M.  Lequime,  sa  corrcclion  réelle,  contraire  à  lacorroclion 
académique,  mais  d'accord  avec  les  lois  du  mouvemeul;  l'ondoie- 
ment de  ses  contours,  conforme  îi  l'observation  de  la  nature;  ses 
relations  de  tons,  c'csl-h-dire  les  résonnances  des  colorations  et 
des  valeurs  et  leurs  influences  réciproques. 

L'auicur  développe  avec  art  ces  trois  points  cl  insiste  parti- 
culièrement sur  le  troisième,  sur  lequel  il  attire  instamment  l'at- 
lention  des  peintres  qui  entendent  perpétuer  les  traditions  de  la 
peinture  flamande. 

On  rechorclie  trop,  selon  M.  Lequime,  la  couleur  locale  isolée, 
débarrassée  des  influences  générales  qui  \ii  modifient. 

«  Aussi,  dit-il  en  une  comparaison'  pittoresque,  chez  la  plu- 
part des  peintres,  quand  la  cloche  céleste  sonne  à  toute  volée 
dans  un  ton,  les  elocheties  terrestres  vibrent  dans  un  autre.  » 

Eh!  mais,  n'est-ce  pas  précisément  l'étude  attentive  des  rela- 
tions de  teintes  et  de  leurs  réactions,  des  influences  générales  sur 
les  Ions  locaux,  des  modifications  nécessaires  que  subissent 
ceux-ci  en  raison  de  la  loi  des  complémentaires,  qui  tient  une 
place  prépondérante  dans  les  préoccupations  des  nouvelles  écoles 
de  peinture? 

En  reprochant  aux  artistes  contemporains  de  négliger  ces 
recherches,  l'auteur  ignore-i-il  la  révolution  accomplie  en  ces 
dernières  années  par  les  néo-impressionnistes? 

On  lira  avec  intérêt  cette  brochure,  écrite  avec  sincérité  par  un 
critique  convaincu  et  corftpéteni,  qui  a  le  tort  de  se  tenir  trop  à 
l'écart  des  luttes  <Ians  lesquelles  il  rompit  jadis,  —  et  l'An 
moderne  n'a  pas  oublié  la  collaboration  qu'il  lui  donna  au  début, 
voici  quelque  dix  ans,  —  des  lances  pour  la  cause  du  Neuf  contre 
l'Académisme  et  la  Stagnation. 

L'étude  de  M.  I.equimc  f.iit  partie  d'un  travail  importnnl  dans 
lequel  il   se  propose  d'établir    la   supériorité  de  l'ait  flamand. 

D'après  lui,  les  tendances  littéraires  de  l'art  d'aujourd'hui  sont 
dangereuses.  C'est  aux  seuls  éléments  de  la  peinture  proprement 
dite,  à  la  magie  des  couleurs,  aux  splendeurs  de  la  l'orme,  qu'il 
faut  revenir. 

Ces  propositions  sont  contestables.  A  côté  de  l'art  ornemental, 
de  l'art  plastique,  de  l'art  documeniaiie,  il  y  a  place,  selon  nous, 
pour  un  art  de  pure  intelletlualiié,  tel  ([ùe  le  poursuivent,  avec 
des  fortunes  diverses  mais  souvent  liés  heureuses,  touie  une 
pl^'iadedc  j  -unes  ariisles.  Les  Sillons  des  XX  ont  fourni  quel(|ues 
spcHhneus  remarquables  de  ces  expressions  nouvelles,  nées  d'une 
cérél>riiliié  insoupçonuéo  des  peintres  de  la  seule  belle  «  tache  de 
couleurs  n.  Mais  attendons,  pour  rencontrer  les  conclusions  de 
M.  Lequime,  que  le  travail  annoncé  ail  été  publié. 

Pastel  et  Pastellistes,  notes  d'art,  par  Albert  Dutry.  — 
Gand,  Siffer.  26  p.  ■  ' 

11  parait  que  Diderot  fut  assez  di'daigneux  du  pastel  : 
«  Sou.iens-loi  que  lu  n^es  que  poussière,  pnslellisle,  et  que  lu 
retourneras  en  poussière...  »,  di-il  h  La  Tour. 

Celle  prédiction  pcssin.isie  n'enipêeha  pas  le  procédé  charmant 
du  pastel  (qui  a,  selon  un  poè;c  plus  galanl,  volé  au  papillon  le 
velours  de  son  aile,  à  la  lose  le  pollen  de  ^a  Heur)  de  coi)(|uérir 
droit  do  cilé  parmi  les  iiioiles  d'expression  artistiques.  Im;igiué 
presque  en  môme  temps,  au  sièchs  dernier,  par  ia  Rosalba  en 


Italie  et  par  La  Tour  en  France,  le  pastel,  après  des  vicissitudes 
diverses,  est  aujourd'hui  fort  en  honneur  parmi  les  peintres. 
Depuis  i88S,  une  exposition  périodique  réunit  annuellement,  à 
Paris,  tous  ceux  qui  se  consacrent  à  cette  technique  délicate.  On 
cite  parmi  eux  Cazin,  Lhermitie,  Chéret,  Gervex,  J.-E.  Blanche, 
Duez,  Uéraud,  W""»  M.  Lcmaire,  Monlenard,  Emile  Lévy  et  vingt 
autres.  Dans  les  Salons  de  peinture,  en  France,  en  Belgique,  en 
Angleterre,  en  Allemagne,  le  nombre  des  pastellistes  exposants 
croit  d'année  en  année. 

Il  est  pcud'arlistescontemporains  qui  n'aient  tfité  du  crayon  de 
couleur  :  quelques-uns  en  tirent  des,  effets  charmants.  Mais,  ici 
encore,  le  procédé  est  peu  de  chose,  et  qu'on  poigne  à  l'huile,  b 
l'aquarelle,  îi  la  cire  ou  ou  pastel,  c'est  l'œuvre  qui  vaut,  et  non  le 
mode  d'expression. 

Dans  une  intéressante  brochure,  M.  Albert  Dutuy,  avocat  au 
Barreau  de  Gand,  chroniqueur  artistique  h  l'Imparlial,  résume  les 
notions  générales  de  la  peinture  au  pastel  et  passe  en  revue  les 
artistes  qui,  depuis  l'origioe,  s'y  sont  spécialement  consacrés. 


^CCUgég     DE    F^ÉCEPTIOJV 

Nobles  et  noblesse,  par  H  de  Nimai.  ;  Paris,  A.  Savine.  —  La 
Vie  sans  liille,  par  Jean  Jui.uen  ;  Paris,  Bibliothèque  artistique  et 
littéraire  (sous  le  p;itronage  de  La  Plume),  rue  Bonaparte,  31. 
—  ^gyplincqm-lXj'  vol.  des  «  Rôvcs  vé(^us  et  vies  rêvées  »),  par 
Wii-UAM  Ritter;  Paris,  A.  Savine,  —  Voyage  au  mont  Araral, 
par  Jules  Leclercq;  Paris,  E.  Pion,  Nourrit  et  C'». 


VENTES   RÉCENTES- 

Des  éludes  et  esquisses  d'Eugène  Delacroix  ont  été  vendues 
dernièrement  à  l'hôtel  Drouot,  en  mémo  temps  que  des  toiles 
d'Andrieu.  Elles  n'ont,  chose  étrange,  atteint  que  des  prix  insigni- 
fiants. L'enchère  la  plus  importante  a  été  obtenue  par  une  étude 
de  jiiguar,  (jui  a  été  payée  700  francs  par  M.  Faure.  Voici  quelques 
firix  :  Angélique el  Roger,  200  francs;  Lion  dévorant  un  croco- 
dile, 343  francs;  Guerrier  blessé,  433' francs;  quairc  éludes: 
Saint  Jérôme,  Orphée,  la  Muse  d'Arislote,  Cicéron,  200  francs 
les  quatre;  Attila,  esquisse  pour  la  Chambre  des  députés, 
100  francs. 

A  celle  même  vente,  l'Etat  a  acquis  le  portrait  de  Delacroix  par 
Géricault  au  prix. minime  de  1,420  francs.  Ce  portrait  est  destiné 
au  Musée  du  Louvre. 

*  * 

La  collecl'wn  de  tableaux  de  M.  Alexandre  Dumas,  en  revanche, 
a  été  1res  bien  vendue. 

Le  peintre  au  chevalet  de  Meissonier,  qu'Alexandre  Dumas 
avait  payé  15,000  friincs  environ  li  la  vente  Henri  Didier,  a  été 
poussé  h  60,000  francs  cl  a  été  acheté  pour  l'Amérique.  Les 
Corot  ont  obienu  des  enchères  1res  élevées  :  Paysan  à  travers  la 
campagne,  40,000  francs;  Solitude,  8,500  francs;  Crépuscule, 
19,500  francs;  Au  bord  de  Venu,  5,100  francs;  La  Rochelle, 
3,450  fnmcs;  La  Mtul'lriue,  500  francs. 

Le  succès  de  celle  vente  a  été  pour  Vollon.  Les  prix  obtenus 
p;ir  les  œuvres  de  col  artiste  auront  leur  cnnlre-coup  sur  l;i  valeur 
des  tableaux  de  cet  artiste  :  le  Casgue  du  roi  Henri  1 1 ,  7,400  fr.; 
Lé  Tréport,  9,900  fnmcs;  les  Cuivres,  8,200  francs;  le  Dessert, 
11,050  francs;  les  Œufs,  4,000  francs;  Lfieppe,  3,750  francs. 


Les  Tassncrt  se  sont  dgalcnrKMil  bion  vendus  :  In  Tenlnlion  de 
saivt  Hilnrion,  11,600  francs;  Bncchus  el  Erigone,  2.500  fiancs; 
la  Trnnsfignraliou  de  la  Mndelnne  expirante,  6,500  francs;  In 
Femme  nu  traversi7i,  6,500  francs;  signalons  encore  Pâturage, 
élude  par  Troyon,  1 1,500  francs;  Femme  nue,  do  Jules  l.el'ebvre, 
25,000  francs;  Marie-Madeleine,  id.,  9,900  francs;  Centaures 
et  Cenlauresses,  par  Eugène  Fronicnlin,  17;500  francs;  Sentinelle 
arabe,  i)ar  Forluny,  4,500  francs;  Coucher  de  soleil,  par  Jules 
Duprd,  11,500  francs;  Crépuscule,  id.,  6,900  francs. 


*** 


Principales  adjudicUlîons  de  la  vente  Hulol  ; 

Eugène  Delacroix  :  Opltélie,  49,000  francs.  —  Moissonier  ; 
l'Amateur  d'estampes,  40,000.  —  Troyon  :  la  Rentrée  du  trou- 
peau, 33,500.  —  IJouclier  :  l'Intérieur  d'un  artiste, .'i^MO.  — 
Walti-au  :  le  Concert,  22,500.  —  lîoiily  :  l'Exposition  du  tableau 
du  sacre,  13,000.  —  Jules  Oupré  :  la  i/rt»T,  11,250.  —  Cliardin  : 
l'Ecolier,  11,000.  —  Reynolds  :  Poriroit  de  jeune  femme,  8,000. 

—  Diaz  :  Scène  d'incantation,  6,900.  —  llobhéma  :  le  Vivier, 
15,000.  —  Quenlin  Ulclsys  :  le  Calvaire,  11,300.  —  Ruysdael  : 
le  Château  de  Brederode,  12,400.  — Jan  Slreii  :  Moïse  frappant 
le  rocher,  7,400.  —  Toniers  :  la  Galerie  de  l'nrchiduc  Albert  à 
Bruxelles,  18,000.  —  Du- même  :  le  Château  de  Teniers,  7,100. 

—  Terburg  (atlribué  à)  :  le  Verre  de  limonade,  7,100.  —  Wolil- 
gemuih  :  la  Vierge  aux  anges,  10,000. 

Un  paslel  de  La  Tour,  Madame  de  Pômpadour,  a  élé  vendu 
6,250  francs. 

Le  total  de  la  vente  s'élève  à  506,140  francs. 


*** 


On  a  vendu  ces  jour.s-ci,  à  Paris,  le  Panorama  de  la  bataille 
de  Champigvy  de  M  .M.  Alphonse  de  Neuville  et  Edouard  Delaille. 

La  Compagnie  belge  qui  avait  acquis  en  dernier  lieu  la  pro- 
priéié  du  panorama,  Irouvant  le  succès  épuisé,  avait  fait  découper 
la  loile,  sur  les  indications  de  M.  Détaille,  en  quaranic-deux  mor- 
ceaux, dont  trenie-irois  épisodes  de  la  ba'aille  et  neuf  pay.sages. 

La  vente  a  produit  an  lolal  149,000  francs. 
te  Les  deux  morceaux  les  plus  importants  étaient  le  Combat  de  la 
Plâtrière  et  le  Four  à  chaux,  l'un  et  l'autre  do  M.  de  Neuville. 

Les  enchères  ont  éié  poussées  aciivement  :  la  Direclion  des 
musées  naiinnaux  s'est  assuré,  pdur  leMusée  de  Versailles, /e  Com- 
bat de  la  Plâtrière. 

Le  représonlant  d'un  grand  musée  étranger  tenait  tête  au 
représenianl  des  musées  français. 

Quand  le  commissaire-priseur  eut  adjugé,  au  prix  de  30,000  fr., 
le  tableau,  et  qu'ilcut  répété  tout  haut  l'indication  :  «  Adjugé  aux 
musées  nationaux!  »  des  applaudissements  fort  nourris  éclatè- 
rent. 

L'émotion  n'était  point  calmée,  quand  le  Four  à  chaux  fut  mis 
-.  en  vente.  On  s'étonna  de  voir  muet  le  représenianl  des  musées 
nationaux;  on  interrogea  :  on  apprit  queues  ressources  etaieiil 
épuisées. 

A  ce  moment  un  amateur  bien  connu,  M.  Emile  Monlcaux, 
s'écria  ; 

—  Si  nous  faisions  le  capital?  Je  m'inscris  pour  2,000  francs. 

Immédiatement,  le  peintre  Munkacsy,  qui  se  trouvait  dans  la 
salle,  ajouta  :  «  Je  fais  1,000  francs  !  » 

Un  troisième  s'inscrivit  pour  cinq  louis,  un  quatrième  el  un 
.  cinquième  suivirent,  cl  l'appariieur  lui-môme,  eniraîné,  lança  ce 
mot  :  «  Je  ne  suis  pas  riche,  mais  je  donne  40  francs!  » 


L'idée  de  la  souscription  se  propageait  ;  tous  les  assistants  vou- 
laient y  contribuer.  Mais  le  commissairc-priseur  ne  pouvait 
attendre,  el  le  Four  à  chaux  fut  adjugé  à  un  marchand  parisien 
pour  39,300  francs. 

La  souscription,  du  coup,  en  resta  là. 


**« 


La  collection  Bellino,  vendue  la  semaine  dernière  à  Paris  chez 
Georges  Petit,  a  produit  SSi^.SOO  francs. 

Le  prix  le  plus  élevé,  100,000  francs,  a  été  alleint  par  le  Parc 
à  moutons,  de  Millet.  Le  Petit  pont,  de  Théodore  Rousseau,  vient 
ensuite;  il  s'est  payé  34,000  francs;  puis  deux  tableaux  de  Dela- 
croix, une  Mort  de  Sardanapale,  de  dimensions  très  réduites, 
exécutée  après  le  grand  tal)leau,  el  un  Tigre  assis  ont  été  vendus, 
le  premier  25,500  francs,  le  second  23,000. 

Les  Carrières,  de  Corot,  ont  été  adjugées  à  23,000  francs 
égnlement  ;  une  Forêt  de  Fontainebleau,  de  Diaz,  à  19,200  francs; 
un  Daubigny,  le  Soir,  îi  16,500  francs  ;  un  Troyon,  Avant  l'orage, 
h  13,000  francs;  un  Ruysdael,  îi  11, .500  francs;  une  Nymphe, 
de  Diaz,  à  11,000  francs;  un  Isabey,  la  Peste  à  Marseille,  un 
de  Nittis,  Courses  à  Longchamp,  un  Ziem,  Embarguemcnl  d'émi- 
grés, A  6,000  francs  chacun. 

Les  Bonvin,  dont  on  attendait  bcaucouf»,  n'ont  guère  dépassé, 
[lour  les  peintures,  2,500  francs;  pour  les  dessins,  400,  600  et 
700  francs;  les  aquarelles  de  Daumier,  de  Decamps,  de  Lami  el 
de  Henri  Mnnnier  ont  varié  entre  1,900  cl  300  francs.  Un  paslel 
de  Degas,  Danseuses,  a  atteint  8,800  francs. 

Le  parallèle  entre  les  prix  auxquels  M.  Bellino  a  acquis,  il  y  a 
dix  ou  douze  ans,  les  principales  œuvres  de  sa  collection  el  les 
prix -atteints  vendredi  dernier,  est  assez  curieux  et  intéressant. 
Ainsi,  pour  n'en  citer  que  quelques-uns  :  Millet,  Parc  à  moulons, 
acheté  20,000  francs,  adjugé  à  100,000  francs;  Rousseau,  le 
Petit  pont,  17,000  francs,,  adjugé  b  34,000  francs;  Corot,  les 
Carrières,  5,000  francs,  adjugé  à  22,500  francs;  Diaz,  Forêt  de 
Fontainebleau,  12,000  francs,  adjugé  h  19,500  francs;  du  même. 
Nymphe  et  Amours,  7,000  francs,  adjugé  b  11,000  francs; 
Deg;is,  Danseuses,  2,000  francs,  adjugé  îi  8,800  francs. 

*** 
La  vente  des  chefs-d'œuvre  qui  composaient  la  collection  di; 
comte  Daupias  a  produit  un  total  de  1,234,160  francs,  ce  qui 
dispense  de  tous  commentaires  sur  la  valeur  de  celle  belle  collec- 
tion, que  nous  avons  jadis  décrite  en  détail,  lors  d'un  voyage  h 
Lisbonne  (1).  Les  honneurs  ont  été  pour  la  célèbre  toile  de  Corol, 
l'Entrée  en  forêt,  qui  est  montée  à  101,000  francs,  cl  pour  un 
Troyon,  l'Approche  de  ron/je,  100,000  francs.  Parmi  les  enchères 
les  plus  brillantes,  citons  :  le  Lac,  de  Corol,  85,000  francs;  En 
reconnaissance,  de  Détaille, 28,000  francs;  un  Fromentin  a  atteint 
le  chiffre  de  26,000  francs;  Vaches  et  chèvres,  de  V:iu  Markc. 
27,000  francs;  ensuite  les  tableaux  de  Baslien-Lepage,  Baudry, 
Donnai,  Delacroix,  Diaz,  Isabey  ont  été  les  plus  disputés  el  ont 
été  adjugés  à  des  prix  variant  de  12,000  à  18,000  francs.  —  A 
la  seconde  vacation,  une  Tète  de  jeune  fille,  de  Greuze,  a  atteint 
34,000  fnincs;  un  Poitrail  de  deux  dames,  de  sir  Th.  Lawrence, 
33,500  fra?ics;  Madame  Adclmde,  princesse  d'Otléans,  de  Rey- 
nolds. 25,500  francs;  le  Portrait  de  Madame  Antony  et  ses 
enfants,  de  Prud  lien,  25,000  francs;  le  R>>vvil  de  In  nation,  de 
Fiagonard,  20,000  fanes;  un  Portrait  i\c  Naltier,  24,100  francs; 
le  Bal,  do  Watieau,  20,000  francs. 

(1)  Voir  l'Art  Moderne,  1890,  p.  155. 


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k- 


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L'ART  MODERNE 


Pour  aclievtT  ceUf  iioiuciicliiUiro  dos  vciiios  loceiilcs,  citons 
encore  celle  d'une  ('(illeciion  de  mblenux  apparleiiMiil  îi  V Ameri- 
can Art  Associalion,  (8  avril,  New-York),  CenI  cinqu;uUe-six 
loiles  ont  produit  1,344, 8"2î>  francs. 

Quelques  prix  : 

Troyon,  Passage  du  twis,  35,000  francs;  id.,  Parc  aux  Imiis, 
60,000  francs;  E.  Delacroix,  C/irt.M<?  «m /wis,  6o,000  francs;  id.. 
Cavalier  arabe  attaqué  par  un  lion,  31,700  francs;  Slillel,  Paysage 
d'Auvergne,  60,000  francs;  Rembrandt,  L'homme  d'armes, 
43,000  francs;  Housseau,  Forci  en  hiver,  coucher  de  soleil, 
4S.000  francs;  id..  Forêt  de  Compièijue,  38,000  francs;  id., 
Plaine  eu  Berri,  37,000  francs  ;  .Meissonier,  Joueur  di:  guitare, 
33,000   francs;  Cazin,  Halte  de  voyageurs,  30,000  francs. 


ÇlBLlOQRAPHlE     MUSICALE 

Il  est  beaucoup  question,  dans  les  dernières  mélodies  que 
publient  MM.  Richaull  et  C",  de  tourterelles,  d'étoiles,  de  rosée, 
de  nids,  de  papillons  et  autres  accessoires  oblii^és  de  la  romance 
de  salon.  Ces  choses  aimables  et  banales  sont  signées  Ai,oys 
Claussman,  Emile  Renaud,  et  s'appellent,  comme  de  juste. 
Chanson  davril.  Idylle  matinale,  Rêve,  mignonnel  le  Soir,  etc., 
texte  de  MM.  Mauduil,  A.  des  Essaris,  E.  de  Lyden. 

Il  y  a  aussi,  pour  le  piano,  des  correspondances  adéquates 
qui  ont  reçu  de  leurs  auteurs,  MM.  F.  Lavainne,  II.  Vaillaho,  etc., 
de  jolis  noms  de  baptême:  Le  Départ  des  hirondelles,  les  Regrets, 
l' Angélus^ Sous  le  masque,  loiilcs  œuvres  appelées  à  lernir  l'éclat 
des  légendaires  Prière  d'une  Vierge  et  Trot  du  cavalier. 

Pour  se  faire  pardonner  cette  eflloresccnce  printanière  de 
morceaux  à  l'usage  des  pensionnats,  MM,  Richaull  et  C«  meltenl 
en  vente  une  nouvelle  édition  pour  piano  \\  quatre  mains  de  l'ou- 
verture héroïque  Les  Guelfes  d'IlENRY  I.itoi.pf,  dont  les  mûIes 
sonorités  ont  si  souvent  retenti  h  Rruxclles,  où  le  maître  a  con- 
servé tant  d'amis.  La  transcription.  Wvc  par  l'.'uteur,  est  excel- 
lente et  donne  clairement  l'impression  de  la  partition  d'orchestre. 
On  lira  ave-  'd^iisir  cette  œuvre  forte  et  bien  conduite,  l'une  des 
pages  capili.ics  du  grand  artiste  défunt. 

La  partition  de  La  Mer,  esquisses  symphoniques  de  Pall 
GiLSON,  réduction  pour  piano  à  quatre  mains  par  l'auteur, 
paraîtra  prochainement  chez  les  éditeurs  Breiikopf  et  Martel 
(Bruxelles. et  Leipzig). 


Chronique   judiciaire   de?   art? 

Faux  tableaux.  ^ 

Dernièrement  ont  comparu  devant  le  tribunal  correctionnel  de 
Cherbourg  le  nommé  Tesson  et  ses  complices,  qui  avaient  réussi 
à  écouler  depuis  deux  ans  pour  environ  six  mille  francs  de 
tableaux,  la  plupart  signés  J  -F.  Millet,  ou  donnés  comme  pro- 
venant de  Millet. 

M.  de  Tocquevillc  avait  acheté  quaire  tableaux  pour  1,200  fr.  ; 
M.  Rob.'rt  en  avait  acheté  une  trentaine  pour  5,000  francs. 

Tesson  ne  fabriquait  pas  seulement  des  faux  Millet,  il  essaya 
aussi  des  Troyon.  Parmi  les  tableaux  saisis  comme  pièces  de 
conviction  figure  une  toile  représentant  un  Iroupeau  de  moutons, 
portant  la  signature  de  ce  peintre.  Ce  tableau  donna  même  lieu 


h  un  incident  curieux.  L'iiUermédiairc  chargé  de  le  vendre,  ne  se 
rappelant  pas  ce  nom  de  Tioyon,  (|ui  lui  était  peu  f;imilier, 
donna  à  l'acquéreur  ([uittance  pour  un  Trogno)i. 

Le  tribunal  a  condamné  Tesson  à  deux  mois  de  prison  et  les 
autres  prévenus  à  <les  peines  variant  de  un  mois  à  quinze  j'ours, 
sans  upplicalion  de  la  loi  Rérengêr.  .  ^ 


ferilE     CHBO^nQUE 

^ C'est  aujourd'hui  que  s'ouvre  h  Anvers,  dans  les  salles  de 
l'ancien  musée  de  peinture,  l'exposilion  organisée  parla  nouvelle 
Association  pour  l'Art  dont  nous  avons  annoncé  la  récenie  con- 
sliiution. 

Le  choix  des  artistes  qui  argumenteront  en  cette  première 
baiaille  pour  le  triomphe  des  idées  d'avant-gnrdc  promet  une 
exhibition  du  plus  haut  intérêt.  En  voici  la  nomenclature  :  Angle- 
terre, Wallcr  Crâne,  A.-W.  Finch.  —  Belgique,  M"»  Anna  Boch, 
G.  Lemmen,  G.  Minne,  G.  Morren,  H.  Van  de  Velde,  Th.  Van 
Rysselberghe.  —  France,  L,  Anqnelin,  P.  Bonnard,  J.  Chérel, 
A.  Delaherche,  C.  Guys,  C.  et  L.  Pissarro,  G.  Seurat,  P.  Signac, 
H.  de  Toulouse-Lautrec.  —  Indes'  néerlandaises,  Jan  Toorop.  — 
7rtpo«,  Hieroshigé.  —  Pays-Bas,  U.  Bauer,  M"^  .M.  Iloleman, 
Vincent  Van  Gogh. 

Des  auditions  d'œuvres  musicales  nouvelles,  des  causeries 
esthétiques  compléteront  h  démonstration.  Ou  annonce  un  con- 
cert dévolu  à  quelques  œuvres  des  écoles  russe  et  française  dans 
lequel  se  feront  entendre  M"'"  Friede-Gourévitch,  MM.  Litta,  Gillel 
et  Demest. 

Causerie  curieuse,  documentée  et  très  attentivement  écoutée,  le 

19  mai,  h  la  conférence  du  Jeune  Barreau  de  Bruxelles.  M.  Jules 
Destrée  y  parlait  de  Naundorf,  l'énigmatique  horloger.qui  se  pré- 
tendait LouisXVII,  avec  de  sérieuses  raisons  de  vraisemblance.  Le 
conférencier  a  terminé  le  récit  de  ces  étranges  aventures  par  la 
lecture  du  superbe  conte  de  Villiers  de  l'isle  Adam  :  Le  Droit  du 
Passé. 

Petite  coitRESPONOANCE.  —  A  M.  G.  M.,  Anvers.  —  L'Art 
impressionniste  de  M.  Geouges  Lecomte,  édité  par  M.  Durand- 
Ruel,  dont  il  décrit  la  collection  privée(avec  trenie-six  eaux-fortes, 
pointes  sèches  et  illustrations  dans  le  texte  par  A. -M.  Lauzet),  a 
été  imprimé  par  MM.  Chamerot  et  Renouard,  rue  des  Saints- 
Pères,  19,  à  Paris.  Le  prix  est  deSO  francs  pour  les  exemplaires 
sur  vélin.  11  a  été  tiré  50  exemplaires  numérotés  à  la  presse,  dont 

20  sur  papier  des  Manufactures  impériales  du  Japon  et  23  sur 
papier  de  Hollande.  Les  eaux-fortes  de  ces  exemplaires  de  luxe 
sont  tirées  sur  Japon.  Celles  des  exemplaires  ordinaires  sont  tirées 
sur  Hollande. 

On  nous  prie  d'annoncer  que  les  sociétés  (|ui  prendront  part  au 
concours  international  de  chant  d'ensemble  organisé  par  X Orphéon 
enlreronl  en  possession  des  chœurs  imposés  aujourd'hui 
dimanche,  à  3  heures,  à  l'Hôlel-dc-Ville  de  Bruxelles  (entrée  par 
l'escalier  des  Lions).  Les  sociétés  devront  en  même  temps  faire 
remettre  par  leurs  délégués,  porteurs  d'une  procuration  spéciale, 
une  partition  du  morceau  au  choix  qu'elles  comptent  exécuter. 

L'Association  des  Artistes-musiciens  de  Tournai,  dirigée  par 
M.  Maurice  Leenders,  donnera  aujourd'hi,  d  imanchc,  à  3  heures, 
un  grand  concert  à  l'occasion  du  centième  anniversaire  delà 


\ 


-  ' ,  v-y;^ïf«s:r^- 


V ART  MODERNE 


175 


mon  (le  Moz;irl.  On  y  cnlendia  ciitiv  iiiilrcs,  sous  l.i  dircclioii  de 
l'auleur,  une  Traucrnmrxch,  composée  expressémonl  pour  la 
circonstance  par  M.  Arlliur  Wilford.  Les  solistes  qui  tigiircul  dans 
la  seconde  partie  dujsrogramme  sont  M""  C.  Painparé,  pianiste, 
M.  Caron,  basse  clianlaiile,  et  M.  Maurice  LeenJcrs,  qui  inler- 
prêlcra  sa  Fantaisie  espagnole  pour  violon. 


L'Exposiiion  des  beaux-arts  d'Ixellcs  s'ouvrira  mardi  prochain, 
31  mai,  b  1.  1/2  heure,  au  Musée  communal,  rue  Van  Volseni. 
Elle  comprendra,  ainsi  que  nous  l'avons  annoncé,  une  section 
rétrospective  des  plus  intéressantes. 

C'est  le  12  juin,  h  8  heures  du  soir,  que  commenceront,  au 
Parc  Léopold,  les  concerts  d'été  que  donnera  régulièrement,  les 
jeudiscl  dimanches,  la  Société  de  la  Grande- Harmonie.  Celle-ci 
s'est  assuré  le  concours  des  musiques  miliiairos  de  la  garnison, 
de  l'Harmonie  communale,  des  principales  sociétés  chorales  et 
instrumentales  du  pays,  etc.  L'orchesire  de  symphonie  de  la 
société,  dirigé  par  M.  Colyns,  se  fera  également  entendre  b  ces 
concerts,  appelés  à  rendre  Ji  l'ancien  Jardin  zoologiquc  l'allrait 
cl  l'animation  de  jadis. 

L'Exposition  annuelle  des  Beaux-Arts  de  Spa  s'ouvrira  le  6  juil- 
let dans  la  salle  de  la  nouvelle  Académie,  spécialement  appropriée 
à  cet  effet.  Les  envois  seront  reçus  par  la  Commission  directrice 
du  6  au  25  juin.  Ils  doivent  être  annoncés  avant  le  15  juin  au 
plus  lard.  .   

L'Union  littéraire  belge  ouvre  un  concours  de  romans.  Les 
manuscrits  (matière  de  250  pages  format  Charpentier)  doivent 
être  envoyés  avant  le  l"  novembre  au  secrétaire,  M.  F.  Descamps, 
rue  du  Pépin,  24,  Bruxelles.  Le  prix  est  de  500  francs  pour 
l'ouvrage  couronné.  Seuls  les  écrivains  belges  ou  qui  font  partie 
de  t'f7?iioH /t/i^rairc  sont  admis  à  concourir.  


L'exposition  des  bcaux-aris  de  Charleroi  clôt  ses  portes  aujour- 
d'hui. 

Le  Journal  de  Charleroi  met,  comme  suit,  l'administration 
communale  en  demeure  de  réaliser  ses  promesses  :  «  L'exposition» 
s'est  ouverte  sous  le  patronage  de  l'administration  communale. 
C'est  elle  qui  a  invité  les  artistes  à  venir  b  Charleroi,  qui  a  mis^ 
leur  disposition  les  locaux  nécessaires.  11  semble  que  les  exigen- 
ces les  plus  élémentaires  exigent  que  ce  patronage  ne  soit  pas 
platonique.  Comme  remerciement  de  l'empressement  avec  lequel 
les  arlis'es  ont  répondu  b  l'appel  des  autorités  municipales,  il 
faut  autre  chose  que  des  paroles.  Il  n'est  pas  possible,  n'est-ce 
pas  —  Charleroi  en  serait  ridicule  —  qu'après  ces  fêles  et  ces 
toasts  on  recloue  purement  et  simplement  les  caisses,  sans  que 
cette  intéressante  tentative  laisse  parmi  nous  de  souvenir  matériel  ? 
Non,  une  résolution  s'impose  :  celle  que  j'ai  indiquée  depuis  le 
premier  jour  :  choisir  l'œuvre  capitale  de  l'exposition,  le  Marte- 
leur  de  Consiantin  Meunier,  et  la  dresser  sur  une  de  nos  places 
publiques,  faire  remarquer  au  gouvernemanl  que  Charleroi  n'a 
pas  une  statue,  alors  que  Mous,  Namur,  Tournai  et  Nivelles  en 
ont  plusieurs,  et  que  l'on  compte  sur  son  concours  pour  ériger  b 
VOuvricr  le  solennel  hommage  du  bronze,  accordé  b  Roland  de 
Lattre  et  b  Tinctoris.  » 

Les  Hommes  d'aujourd'hui  (Vanier,  éditeur)  donnent  dans 
leurs  dernières  livraisons  le  portrait  (dessin  de  Luque,  texte  de 
Pierre  et  Paul)  d'EusEBto  Ci.asco,  l'auteur  dramatique  espagnol 


que  Vacqiierie  a  suruoiiimé  le  Lopi-  de  Vega  moderne,  très  conn 
b  Paris  où  il  fut  pendant  o:ize  années  correspondant  de  la  Epocn 
(collaborateur  au  Figaro  sous  le  nom  de  Moudagron),  cl  celui  du 
poète  et  cliaruiant  conteur  Jacquks  MADELEiNE(dessin  deBombled, 
texte  de  R.  de  la  Villehei-vé). 

La  vente  Barbedienne,  l'une  des  plus  imi)orlanles  de  la  saison, 
aura  lieu  les  2  et  3  juin,  chez  Durand-Ruel.  La  collection  com- 
prend (les  œuvres  de  choix  signées  Barye,  Cogniel,  Decamps, 
Delacroix,  Dupré,  Fortuuy,  lienner,  Jacque,  Millet,  Pelouse, 
Rousseau,  Troyon,  quarantc-lmil  tableaux  et  dessins  de  Thomas 
Couture,  des  tableau.x  anciens,  des  gravures,  des  livres,  etc. 

Une  vente  importante  de  dessins  et  aquarelles  modernes, — 
parmi  lesquels  des  œuvres  de  Bonington,  Daumier,  Decamps, 
Delacroix,  Goya,  GrandviUe,  C.  Guys,  Gavarui,  Rafl'et,  Monnier, 
Lami,  etc.,  —  aura  lieu  le  1"'  juin,  à  l'hôtel  Drouoi,  sous  la 
direction  de  MM.  Deleslre  et  Dumont. 

L'exposition  publique  en  sera  laite  mardi  prochain,  de  2  à  6  h. 

Petit  billet  du  malin  adressé  par  Marzac,  du  OU  Blas,  à 
M.  William  Bouguereau,  à  propos  de  l'ouverture  du  Salon  de 
Paris  : 

«  Ah  !  l'on  ne  vousappellera  jamais  le  vieux  Will  delà  peinture, 
Monsieur,  vous  qui  depuis  Irenle  ans  —  quarante  ans  peut-élrc 
—  polissez  sans  cesse  et  repolissez  la  Mythologie.  C'est  toujours, 
sous  vos  ciels  passés  au  bleu,  parmi  vos  paysages  peints  en  vert, 
la  même  nymphe  épitée  que  chatouillent  en  vain  les  amours  jouf- 
flus d'une  boite  de  baptême.  Au  lieu  de  l'immobiliser  en  une 
élernelle  jeunesse  de  vcloutine  et  de  miel  Rosal,  que  n'avez-vous 
daigné  la  rendre  mère!...  Peut-être  l'eussions-nous  un  jour 
retrouvée  grand'mère  en  quelque  coin  du  Louvre  :  le  temps  aurait 
doré  son  intérieur  comme  l'exporlalion  dore  le  vôtre  et  elle  serait 
entourée  de  ses  petits  enfants,  toute  une  nichée  de  vrais  gosses, 
beaux  et  vils  comme  ceux  que  Rubens  sut  faire  à  sa  seconde 
femme.  Et  tenez,  Monsieur,  vous  pouviez  encore,  pour  obéir  & 
votre  tempérament,  barbouiller  vos  rejetons  de  crème  ou  de  gro- 
seille, la  postérité  ne  vous  en  cûl  pas  voulu.  » 


Claudius  Popelin,  artisle-peinlre,  surtout  connu  comme  émail- 
leur  et  auteur  de  plusieurs  ouvrages  techniques  réputés  :  L'Email 
d'i;s  peintres,  l'Art  de  l'émail,  les  Vieux  Arts  du  feu,  vient  de 
mourir  b  Paris,  ûgé  de  67  ans.  On  lui  doit,  en  outre,  une  traduc- 
tion du  traité  de  Leone  Balisia  sur  la  Statuaire  et  la  Peinture, 
une  traduction  du  Sauge  de  Poliphite,  du  frère  Francisco  Colonna, 
Cinq  octaves  de  sonnets,  illustrés  de  gravures  sur  bois,  et  un  Livre 
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Douzième  année.  —  N*  23. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


DniANCHB  5  Juin  1892. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —"Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   au,    fr.   10.00;  Union  postalç,    fr.    13.00     —  ANNONCES   :    On  traite  à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  l'Industrie.  32.  Bruxelles. 


Sommaire 


L'Association  pour  l'Art.  —  Libres  musiques.  Aux  simples 
amateurs.  —  Le  théâtre  iiELf'.E.  ■ —  Exposition  d'aquarelles  fran- 
çaises A  LA  Galehie  Moderne.  —  Exposition  de  M'"^  Berthe  Mor- 
kisot.  —  Littérature  vagabonde.  —  Les  plaisirs  du  chasseur.  — 
Petite  chronique. 


L'ASSOCIATION  POUR  L'ART 

Voici  la  bataille  engag«^e  à  Anvers,  la  bataille  pour 
le  triomphe  de  l'Art  non f,  que  depuis  dix  ans  livrent 
joyeusement  les  XX  à  Bruxelles.  C'est  l'Association 
pour  VArt  qui  soime  la  chai'ge  et  agite  le  drapeau. 
L'attaque  est  nette,  soudaine.  Elle  a  belle  allure  et 
"audace  fière.  Les  milices  jeunes,  parties  en  bon  ordre, 
donnent  l'assaut  avec  un  entrain  qui  réjouit,  et  déjà 
les  coups  pleuvent  dru  comme  grêle. 

Plus  que  partout  ailleurs,  la  lutte  sera  chaude. 
Anvers,  cette  vieille  forteresse  du  Doctrinarisme  artis- 
tique, défendue  par  des  Masuirs  résolus,  opposera  une 
résistance  opiniâtre  à  l'envahissement  des  idées  nou- 
velles. Tant  mieux!  La  victoire  en  sera  d'autant  plus 
éclatante,  et  la  victoire  n'est  pas  douteuse  quand  on 
voit  la  belle  vaillance  des  assaillants  et  l'énergie  de 
ceux  qui  les  mènent  au  combat. 

En  deux  vastes  salles,  bien  éclairées,  s'aligne,  groupé 


par  panneaux,  selon  le  procédé  instauré  par  lesXX,  le 
contingent  des  exposants.  La  première  est  spéciale- 
ment aff'ectée  aux  arts  décoratifs,  aux  industries  d'art. 
On  y  a  disposé  sur  une  longue  table,  à  l'entrée,  les 
revues  d'avant-garde,  les  journaux  de  combat,  les 
livres  d'art  nouveau.  Dans  la  seconde,  tableaux  et 
dessins  sont  cimaises  en  bonne  lumière,  sur  un  fond 
vert  de  mer  un  peu  cru  dont  le  soleil  aura  vite  adouci 
l'acidité.  L'ensemble,  est  pimpant,  harmonieux  à  l'œil, 
donnant  clairement  l'impression  de  quelque  chose  de 
neuf  et  déjeune,  d'une  aurore  d'art  succédant  à  de  tra- 
giques ténèbres. 

A  droite,  l'étincelant  et  gai  bariolage  des  affiches  de 
Chéret  (collection  Ch.  Sainctelette)  claironne  des  fan- 
fares d'ouverture.  En  face,  un  chbix  superbe  d'estampes 
en  couleurs  d'Hiroshigé  (collections  Edm  Michotte, 
Lemmen,  Van  Rysselberghe)  déploie  des  magnificences 
de  colorations  harmonieuses.  Tout  à  côté,  les  images 
de  Walter  Crâne  déroulent  des  théories  de  princesses 
égendaires  en  de  féeriques  paysages  illuminés  de  clartés 
d'aube 

Dans  un  angle  luisent  les  émaux  du  maître  potier 
Delaherche,  qui  a  trouvé  l'art  de  donner  à  ses  vases  des 
scintillements  de  béryl,  des  transparences  de  jade,  des 
profondeurs  sombres  de  lapis,  d'escarboucle  et  d'aven- 
turine.  En  un  Moulin-Rouge  incendié  d'aveuglantes 
flammes  de  gaz,  la  Goulue  et  Valentin  se  cabrent  et  se 


178 


L'ART  MODERNE 


cambrent  sous  l'agile  crayon  de  Lautreo.  Et  voici, 
proche  des  laques  céramiques  d'un  panneau  de  W.  Finch, 
tout  un  cycle  de  compositions  ornementales  et  décora- 
tives de  G.  Lemmen,  passé  maître  en  l'art  d'illustrer  de 
lignes  harmonieuses  et  de  couleurs  alléchantes  telle 
..couverture  de  livre,  telle  page  d'album.  Ses  plus 
récentes  trouvailles,  —  le  titre  de  la  Nouvelle  Car- 
thage  de  Georges  Eekhoud,  les  dessins  pour  le  Livre 
d'images  de  Gustave  Kahn,  —  décèlent  un  goût  impec- 
cable dans  la  combinaison  des  décors. 

Aux  œuvres  de  la  grande  salle  maintenant.  La  plu- 
part ont  été  vues  à  Bruxelles,  où  les  récentes  escar- 
mouches des  XX  les  ont  fait  connaître  successivement. 
Bornons-nous  donc,  sauf  pour  quelques-unes,  à  une 
simple  énumération. 

Les  deux  grands  courants  qui  emportent  actuellement 
l'art  sur  deux  fleuves  parallèles,  —  le  néo-impression- 
nisme et  le  symbolisme,  —  sont  représentés  largement 
à  l'Association  pour  VArt. 

Des  paysages  d'Anna  Boch,  de  "W".  Finch,  d'Henry 
Van  de  Velde,  de  Camille  ^t  de  Lucien  Pissarro,  des 
marines  de  Signac,  des  portraits  de  Van  Rysselberghe, 
un  choix  d' œuvres  du  regretté  Seurat ,  parmi  lesquelles 
les  Poseuses,  illuminent  les  murs  de  claires  harmonies. 
Les  tendances  littéraires  s'affirment  dans  les  composi- 
tions de  Jan  Toorop,  de  Louis  Anquetin,  de  Georges 
Minne,  de  Marguerite  Holeman  (que  l'affiche  renseigne 
à  tort  comme  Hollandaise;  revendiquons  cette  compa- 
triote dont  l'art  étrange  s'est  révélé  depuis  peu).  Hors 
ces  deux  courants,  deux  artistes  d'une  puissante  origi- 
nalité, mort  tous  deux,  l'un  à  trente  ans,  l'autre  chargé 
d'années,  et  d'ailleurs  aussi  méconnus  l'un  que  l'autre  . 
Vincent  Van  Gogh  et  Constantin  Guys. 

Puis  encore  :  un  dessinateur-illustrateur  hollandais, 
Mauritz  Bauer,  aperçu  aux  XX;  un  nouveau  venu  aux 
Indépendants  parisiens  :  Paul  Bonnài-d  ;  et  ce  parfait 
interprète-lithographe  des  pastels  de  Degas  :  W.  Thorn- 
ley. 

La  liste,  on  le  voit,  est  soigneusement  établie  pour 
donner  une  nette  idée  de  l'art  d'aujourd'hui. 

Parmi  les  œuvres  inconnues  à  Bruxelles,  méritent 
une  mention  spéciale  -.  Hampton-Court,  la  Gardeuse 
d'oies  et  Effet  de  neige  de  Camille  Pissarro.  La  pre- 
mière de  ces  toiles  surtout,  qui  montre,  enveloppée  de 
clartés  estivales,  une  pelouse  peuplée  de  joueurs  de 
cricket  déroulée  devant  une  maison  de  campagne,  est 
d'une  intensité  extraordinaire  Elle  donne  à  miracle  la 
suggestion  désola  vie  anglaise  fastueuse  et  seigneuriale. 
Pissarro  s'y  affirme  une  fois  de  plus  l'artiste  pénétrant 
et  subtil,  apte  à  saisir,  sous  le  décor,  les  intimités  qu'il 
récèle. 

Les  Enfants  dans  Hyde-Park,  suite  des  conscien- 
cieuses et  attachantes  recherches  de  caractère  et  d'ex- 
pression que  poursuit  Lucien  Pissarro  à  Londres. 


Les  Vieux  songeurs  crédules  et  les  Rôdeurs,  nouvelle 
version,  complétée  et  revisée,  des  étonnantes  composi- 
tions que  révéla  la  récente  exposition  des  XX.  L'art  de 
Jan  Toorop  s'oriente  de  plus  en  plus  vers  un  symbolisme 
ancré  à  des  formes  primitives  dans  lesquelles  trans- 
paraît la  nature  exotique  de  l'artiste.  Les  deux  dessins 
qu'il  expose  à  Anvers  sont  les  plus  beaux  qu'il  ait  faits. 
On  y  retrouve  les  deux  vieillards  hallucinants  qui  tra- 
versent, chargés  de  pensées,  les  dernières  œuvres  de 
Toorop.  Mais  cette  fois,  ils  sont  le  pivot  sur  lequel 
tourne  tout  un  monde  de  figures  étranges,  évocatives 
de  peuplades  ignorées,  d'humanités  inconnues  :  sil- 
houettes de  rêve,  sans  contingence  de  temps  ni  de  lieu, 
qu'un  dessin  précis  emprisonne  en  des  incarnations 
définitives  de  douleur  ou  de  joie,  de  souffrance,  d'amour, 
de  concupiscence.  L'artiste  paraît  devoir  s'élever  très 
haut  dans  cet  art  de  pure  intellectualité.  Et  mieux 
encore  que  la  peinture  à  l'huile,  les  procédés  du  pastel 
et  de  l'aquarelle  se  prêtent  complaisamment  à  réaliser 
ses  conceptions. 

Dans  la  même  voie  marche  M"«  Marguerite  Hole- , 
man,  avec,  en  plus,  une  tendance  vers  la  satire.  Il  est 
malaisé  de  débrouiller,  dès  à  présent,  l'écheveau  com- 
pliqué de  ce  tempérament  bizarre,  qui,  à  côté  de 
puérilités,  a  des  profondeurs  troublantes.  On  ne  peut 
concevoir  que  tel  des  dessins  qu'elle  expose  soit  fait  par 
une  jeune  fille  (|e  vingt  ans.  Plusieurs  de  ses  compo- 
sitions affirment  une  maturité  extraordinaire.  C'est  de 
quelqu'un,  certes,  et  de  quelqu'un  qui  marquera. 

Puis  encore  :  le  Coup  de  Vent  d'Anquetin,  très 
artiste  fantaisie-  d'un  peintre  que  sa  Tête  d'homme 
montre  en  possession  d'un  métier  approfondi  :  La 
Goulue  entrant  au  Moulin-Rouge  avec  sa  sœur, 
étude  âpre,  à  coups  de  scalpel,  du  monde  spécial  auquel 
s'attache  de  plus  en  plus  Henri  de  Toulouse-Lautrec  et 
dont  il  exprime  avec  une  véritable  maîtrise  les  perver- 
sités. -"^^^^ 

Reste  un  Anversois,  le  seul,  avec  Henry  Van  de  Velde, 
qui  expose  à  l'Association  pour  l'Art.  Deux  paysages 
envoyés  à  la  médiocre  exposition  bruxelloise  de  l'Als  ik 
Kan  ont  fait  connaître  le  jeune  artiste  à  Bruxelles.  Ici, 
c'est  tout  un  déballage  de  toiles  et  de  dessins,  marquant 
une  hésitation  et  un  point  d'arrêt.  Sollicité  par  le  néo- 
impressionnisme, M.  Morren  décompose  le  ton,  mais 
sans  se  rendre  compte  exactement  de  la  technique  diffi- 
cile instaurée  par  Georges  Seurat.  Il  paraît  ignorer  que 
les  couleurs  réagissent  l'une  sur  l'autre  et  s'influencent 
réciproquement.  Son  Jardin  public  et  son  Lawn- 
Tennis  donnent  à  l'œil  l'illusion  de  toiles  exécutées 
avec  la  logique  des  lois  nouvelles,  mais  ni  l'une  ni 
l'autre  ne  résistent  à  l'examen. 

Il  en  est  de  même  de  Midi  au  Kattendijk,  d'une 
couleur  agréable,  mais  où  le  procédé  de  la  division 
pigmen  taire  est  appliqué  sans  discernement.  Ou  M.  Mor- 


ren  abandonnera  cette  technique  qui  exige  tout  autre 
chose  que  «  le  petit  point  »  —  et  ses  dessins  semblent 
le  montrer  plus  apte  à  d'autres  expressions  —  ou  il 
devra  se  renseigner  des  règles  qu'elle  implique.  L'exem- 
ple des  Seurat,  des  Signac,  des  Van  Rysselberghe,  des 
Pissarro  qu'il  a  sous  les  yeux  pourra  lui  être  utile. 


iLiiBi^ES  :m:xjsiqtjes 

Aux  simples  amateurs. 

Aux  énamourés  de  la  musique,  à  ceux  qui  l'aiment  sans  cher- 
cher à  en  vivre  et  ne  font  pas  de  l'arl  un  mélier,  un  commerce  et 
un  moyen  d'existence;  aux  simples  amateurs,  enfin,  je  viens  à 
mon  tour  lancer  le  cri  d'indépendance. 

Car,  en  vérité,  la  musique  a  été  ignomitiicusemcnl  enchaînée  et 
muselée  par  les  vieux  enseigncurs  de  théories,  les  seuls  enragés 
d'ailleurs  et  muselables.  Professeurs  et  conservateurs  d'harmo- 
nies, aidés,  dans  leurs  besognes,  de  physiciens  bavards,  ont 
imposé,  sous  prétexte  de  lois,  des  défenses  de  toutes  sortes  : 
défense  de  faire  entendre  des  quintes  se  suivant;  défense  de 
moduler  à  plaisir;  défense  d'écrire  des  octaves  à  la  queue  leu  leu, 
défense  de  résoudre  les  accords  d'autres  manières  que  celles  pro- 
fessées... Combien  de  défenses  encore!  En  leur  nom,  sans  cesse 
devant  les  yeux  des  naïfs  écoliers  épatés,  ces  scribes  de  la 
musique  brandissent  le  fantôme  de  la  faute  d'hahmonie.  Fan- 
tôme enfantin,  loup-garou  imposteur,  fantoche  vide  et  vain 
comme  tout  fantoche,  inventé  à  ravir  pour  effrayer  les  esprits 
faibles  et  les  imaginations  primitives.  Bien  fait  aussi  pour  attirer 
les  admirations  slupides  des  jeunes  disciples  vers  ces  impuissants 
et  ces  faibles  qu'on  appelle  des  forts  :  forts,  parce  qu'après  de 
laborieux  entraînements,  ils  parviennent  à  accoupler  des  notes 
hybridement  et  à  produire  des  monstruosités  anliartistiques, 
antimusicales,  antihumaines.  Le  tout  en  vertu  de  certains  prin- 
cipes ou  règles  empiriques  qu'ils  s'imposent,  ce  qui  ne  serait  rien, 
mais  qu'ils  veulent  aussi  imposer  aux  autres,  en  aTrêtant  les 
expansions  et  les  enthousiasmes  de  leur  éternel  :  Prenez-garde, 
prenez-garde  à  la  faute! 

Eh  bien  !  à  vous  les  simples  amateurs  dont  l'esprit  et  le  senti- 
ment n'ont  pas  été  faussés  encore  par  les  mauvaises  leçons,  à 
vous  qui  portez  à  la  musique  un  amour  profond  et  religieux, 
mais  qui,  par  timides  et  inutiles  respects,  n'aimez  que  de  loin, 
sans  vous  approcher,  à  vous  je  le  dis  :  «  Ne  prenez  point  garde, 
osez  !  »  La  femme  chrétienne  qui  prie  appelle  en  son  cœur  le 
doux  Jésus  «  mon  amant  ».  De  môme,  dans  votre  adoration, 
faites  de  la  musique  votre  amante.  Mais,  comme  les  femmes,  elle 
n'est  folle  et  douce  maîtresse  que  pour  les  audacieux  et  les  irres. 
pectueux.  Ne  craigrfez  donc  point  de  l'étreindre  de  la  force  de 
votre  être  et  de  briser  toute  entrave  (1). 

Oh  !  combien  sœurs,  combien  de  même  essence  sont  l'amour  et 
la  musique,  et  d'identique  origine  !  Et  voyez  :  Quelles  sont  les  lois 
de  l'amour?  Celles  toutes  conventionnelles  que  la  société  s'im- 

(1)  <•  En  d'autres  termes,  les  règles  ne  sont  que  des  moyens  pra- 
«  tiques  d'éviter,  en  liarmonie,  des  formes  habituellement  désa- 
•  gréables  et  engendrant  presque  toujours  une  indignité,  une  incerti- 
»  tude  pour  l'esprit  de  l'auditeur  »,  a  écrit  Alfred  Ernst,  dans  son 
admirable  livre  :  Richard  Wagner  et  le  drame  contemporain,  qui 
est  bien  aussi  l'ouvrage  le  plus  parfait  imprimé  en  France  sur  le 
maître  allemand.  Ernst  dit  encore  :  «  Il  n'est  rien  d'absurde  -au 


pose  à  elle-même,  et  l'on  appelle  faute  toute  expansion  en 
dehors  de  ces  règles,  comme,  par  exemple,  en  dehjOFs  du 
mariage.  Mais  l'amour  est  toujours  grand  et  chaste,  et  les  amants 
qui  véritablement  aiment  ne  sont  point  coupables  et  ne  com- 
mettent nul  péché. 

De  même  pour  la  musique,  dont  les  seules  lois  sont  celles  toutes 
conventionnelles  Ae  Vharmonie  que  l'on  voudrait  lui  imposet'; 
il  n'y  a  aucune  règle,  il  ne  doit  y  avoir  aucune  loi  :  que  la 
musique  soit  véritablement  de  la  musique  sans  autre  souci,  et 
quelque  forme  qu'elle  affecte,  dans  sa  grandeur  et  sa  chasteté, 
elle  sera  au-dessus  de  toute  erreur. 

Apprenez-le  donc,  vous  les  simples  et  purs  amateurs,  appre- 
nez-le et  ne  l'oubliez  jamais  : 

Il  n'y  a  pas  de  faute  d'harmonie. 

Il  n'y  a  en  musique  et  en  art  que  des  faiblesses  de  volonté,  des 
négligences  de  goût...  ou  alors  des  non-sens.  Et  si  absolument 
vons  voulez  une  loi,  écoulez,  voici  la  seule  : 

«  Rien  n'étant  défendu,  tout  étant  permis,  faites  ce  que  vous 
voulez,  ou  ce  qui  vous  plaît  :  ce  qui  revient  un  peu  à  dire  la 
même  chose,  l'homme  ne  voulant^  jamais  que  ce  qui  lui  fait 
plaisir.  » 

Eugène  Samuel. 


LE  THÉÂTRE  BELGE 

Le  théâtre  belge  ! 

Au  début  de  sa  conférence,  M.  James  n'a  pas  dissimulé  que 
grand  était  son  embarras,  se  trouvant  dans  cette  situation  singu- 
lière de  ne  pouvoir  expliquer  exactement  la  portée  des  termes  : 
théâtre  belge. 

Le  théâtre  belge  comprend  du  théâtre  français,  dû  théâtre 
wallon  et  du  théâtre  flamand. 

Le  célèbre  Théâtre  des  marionnettes  du  maroUien  Toone  ne 
pourrait-il  pas  également  prétendre  que,  lui  aussi,  fait  partie  du 
Théâtre  belge? 

Sujet  vaste,  complexe  :  problème  ardu. 

Mais  laissant  aux  amateurs  de  controverses  le  soin  de  discuter 
cette  grave  question,  M.  James  a  déclaré  qu'il  se  bornerait  à 
parler  de  quelques  œuvres  dramatiques  écrites  en  langue  française 
en  Belgique. 

El  d'abord,  s'est-il  demandé,  le  Belge  a-t-il  le  génie  dramatique? 
La  patrie  si  riche,  si  féconde  en  talents  divers,  ne  pouvait  guère, 
jusqu'en  ces  derniers  temps,  se  vanter  d'avoir  donné  le  jour  à 
un  Shake.speare  ou  à  un  Calderon.  Pénurie  quasi  complète. 

Les  annales  du  théâtre  belge  sont  d'autant  plus  faciles  à  recon- 
stituer. 

Est-ce  à  dire  cependant  qu'il  ne  se  soit  jamais  trouvé  des 
écrivains  qui  aient  été  piqués  par  la  tarentule  dramatique?  Pas 
précisément. 

Dès  les  premières  années  de  l'indépendance  do  la  Belgique, 
nous  rencontrons  des  hommes  audacieux  qui  rêvent  de  créer  un 
théâtre  national,  qui  n'entendent  pas  que  la  patrie  soit  tributaire 
de  la  France. 

"  monde  comme  un  cours  d'harmonie,  si  ce  n'est  un  traité  de  contre- 

«  point  »  ;  puis  autre  part,  en  note  :  ••  L'étude  de  l'harmonie  dans  les 

«  partitions  de  Wagner,  à  partir  de  Tristan  et  Iseult,  en  apprendra 

<•  dix  fois  plus  sur  ce  chapitre  que  les  meilleures  explications  théo- 

«  riques.  Le  deuxième  acte  de  Parst/'a/ me  semble  devoir  être  pris 

••  comme  exemple  parfait  de  ce  nouveau  style  de  symphonie  drama- 

«  tique.  » 


A  la  léte  des  jeunes  d'alors,  l'on  voit  Louis  Schoonen  faire 
représeniep  ses  œuvres  au  Théâtre  du  Parc  :  Rubens  et  Van 
Dyckà  Savenlhem,  en  1845;  les  Aventures  de  Mignolet,  etc., 
qui  furent  plus  ou  moins  bien  accueillies. 

L'hoslililé  contre  tout  ce  qui  était  national  se  manifestait  déjà 
alors,  et  les  jeunes  artistes  étaient  durement  malmenés  par  les  cri- 
tiques impuissants  et  routiniers. 

Une  œuvre  parvint  cependant  vers  cette  époque  à  obtenir  un 
vrai  succès  :  M.  Dubois  ou  Nouvelle  noblesse,  de  M.  Henri  Del- 
motte,  qui  eut  trente  représentations  au  Théâtre  de  la  Monnaie. 
Chose  curieuse,  M.  Delmottehe  parvint  plus  dans  la  suite  à 
trouver  un  directeur  de  théâtre  quj  consentît  â  monter  une  de 
ses  pièces:  il  s'était  révélé  homme  de  talent;  cela  suffisait  pour 
qu'on  l'écarlât. 

La  génération  de  1848  disparue,  la  nuit  se  fait  noire,  complète. 
Rien  à  signaler.  De  temps  en  temps  quelques  papillons  viennent 
encore  au  feu  de  la  rampe  se  brûler  les  ailes,  mais  pour  dispa- 
raître bientôt. 

Après  une  période  de  marasme  qui  dura  près  d'un  quart  de 
D      siècle,  un  mouvement  se  produit  :  de  toutes  part  des  talents  sur- 
gissent ;  des  poètes,  des  romanciers,  des  critiques  se  révèlent. 
C'est  l'ère  de  la  rénovation. 

Mais  parmi  les  jeunes  écrivains  qui,  dès  1882,  menèrent  le  bon 
combat,  nous  ne  trouvons  pas  d'auteur  dramatique. 

Max  Waller  cependant  résolut  un  beau  jour  d'aborder  la  scène  ; 
d'autres  le  suivirent  :  Nautet  et  puis  Henry  Maubel. 

Avec  le  Mâle  de  Camille  Lemonnier,  le  théâtre  belge  entre  dans 
une  phase  nouvelle  ;  le  théâtre  à  tendances  fait  son  apparition.  A 
propos  du  théâtre  à  tendances,  il  serait  injuste  de  ne  pas  saluer 
le  nom  d'on  vétéran  de  l'art  dramatique  national  :  Louis  Claes 
qui,  Lis  de  vivre  dans  son  pays  où  il  n'a  guère  rencontré  que  des 
déboires,  s'en  est  allé  se  fixer  à  Paris.  Son  Jacques  Gervais  cl  les 
Microbes,  en  collaboration  avec  Jules  Guilliaume,  peuvent  être 
classés  parmi  les  meilleures  œuvres  dramatiques  du  cru. 

On  le  voit,  le  théâtre  belge  prend  doucement  sa  place  au  soleil 
de  l'art;  mais  va-t-il  demeurer  de  nouveau  en  état  de  stagnation? 
Un  beau  jour,  à  Paris,  éclate  une  nouvelle  étonnante  :  il 
existe,  en  Belgique,  —  oui,  Monsieur,  en  Belgique,  —  un  auteur 
dramatique  de  tout  premier  ordre,  un  poète  d'un  génie  puissant, 
original,  ne  relevant  que  de  lui-même  :  Maurice  Maeterlinck. 
Maurice  Maeterlinck! 

Les  bons  critiques  de  se  tâter?  Etait-ce  une  mystification?  Un 
bon  .tour  que  voulait  leur  jouer  un  boulevardier  en  délire?  Vérifi- 
cation faite,  ils"durent  s'inclinçr  devant  l'évidence!  La  piquante 
histoire  qui  demeurera  à  l'éternelle  confusion  des  vieux  bonzes 
de  la  critique  des  quotidiens! 

Longtemps  avant  qu'Ôètave  Mirbeau  jouât  le  rôle  de  dénicheur 
de  génies,  ^^477  moderne,  la  Jeune  Belgique,  la  Wallonie  avaient 
chanté  les  louanges  de  Maeterlinck;  et  la  Société  nouvelle  a\a\l 
publié  la  Princesse  Maleine  que  tous  les  artistes  connaissent  par 
cœur.  " 

Depuis,  Maeterlinek  poursuit  sa  route  triomphalement;  de  nou- 
veaux flrurons  viennent  s'ajouter  à  sa  riche  couronne. 
Di^ormais,  il  existe  un  théâtre  belge. 

Tandis  que  l'étnile  de  l'art  dramatique  pâlit  légèrement  en 
France,  que  l'Angleterre  et  l'Allemagne  vivent  presque  exclusive- 
ment do  traductions  et  d'adaptations,  le  génie  du  théâtre  se 
révèle  en  Russie,  en  Norwège,  en  Belgique. 

Dans  l'admirable  mouvement  auquel  nous  assistons  depuis  dix 


ans,  l'art  dramatique  a  chez  nous  conquis  sa  place  à  son  tour. 
Tous  les  genres  sont  abordés  avec  succès  :  il  n'est  pas  jusqu'à  la 
légère  pantomime  qui  n'ait  attiré  nos  artistes. 

Une  ère  nouvelle  se  di'ssine  :  d'autres  lutteurs  viendront  qui 
compléteront  l'œuvre.  Maisqu'ils  ne  s'arrêtent  pas!  qu'ils  marchent 
sans  prêter  l'breille  aux  criailleries  des  impuissants  et  des  envieux  ! 
qu'ils  marchent  en  avant,  toujours  en  avant,  sous  la  bannière  de 
l'Art,  de  l'Art  sincère,  libre  et  éternel  ! 

Tel  est  le  résumé  succinct  de  l'intéressante  causerie  faite  par 
M.  Arthur  James,  l'un  des  directeurs  de  la  Société  nouvelle, 
devant  un  auditoire  nombreux  et  attentif,  à  l'Exposition  d'Anvers- 
Bruxelles.  

EXPOSITION  D'AQUARELLES  FRANÇAISES 

à  la  Galerie  moderne 

C'est  une  réunion  mondaine  d'aquarelles,  à  l'aspect  simplement 
joli,  mais  où  vous  ne  rencontrez  rien  qui  marque  ou  qui  s'origi- 
nalise.  La  qualité  de  ces  œuvrettes  provient  non  pas  de  l'âme  de 
l'artiste',  mais  de  l'habileié  de  son  pinceau.  C'est  là  le  caractère 
de  ces  aquarelles  françaises,  démontré  net  par  un  cadre  de  ce 
peintre  que  le  chauvinisme  d'outre-Valenciennes  a  hissé  au  génie  : 
Meissonier.  On  peut  constater  ici  ,1a  néfaste  influence  que  cet 
adroit  manieur  du  pinceau  a  eue  sur  l'école  française.  Et  vraiment, 
on  se  croirait  au  milieu  d'un  salon  orné  par  de  très  bons  amateurs. 
Détaille  n'est  qu'un  habile  non  plus  —  et  tant  d'autres!  On  dirait 
à  voir  ces  cotillons  peints  à  l'eau,  ces  scènes  de  chasse  high- 
lifeuses,  ces  Venises  fades,  —  celles  de  Clairin,  par  exemple  — 
ces  romances  au  lavis,  ces  dessus  de  bonbonnières  ou  ces 
paysages  fignolés,  ou  ces  scènes  militaires  bêtement  patriotiques, 
que  tout  cet  art-là  ne  cherche  qu'à  flatter  le  bourgeois.  Quelques 
aquarelles  signées  Paul  Lecomle  aiiirenl  par  une  fine  robustesse. 
Boulet  de  Monvel  amuse  par  ses  images  enfantines  :  c'est  comme 
du  Kate  Greenaway  traduit  en  français.  Il  est  délicat  et  charmant. 
Deux  ancêtres  :  Daumier  et  Henri  Monnier,  sont  les  vieux  «  coqs  » 
du  salonnet;  Daumier,  en  une  élude  sauvage  et  profonde  de  bour- 
geois durant  un  entr'acte,  dans  une  selle  de  spectacle;  Monnier, 
en  diverses  études  de  mœurs  d'un  pittoresque  fort  et  saisissant. 


Exposition  de  W^"  Berthe  Morisot 

Une  exposition  de  peintures,  pastels,  aquarelles  et  dessins  de 
M™*  Berthe  Morisot  est  ouverte  en  ce  moment  à  Paris,  chez 
MM.  Boussod,  Valadon  et  C'». 

Très  exactement  M.  Gustave  Geffroyen  constate  en  ces  termes, 
dans  une  étude  qui  sert  de  préambule  au  catalogue,  le  sérieux 
intérêt  artistique  : 

«  Dès  l'entrée  dans  ces  doux  petites  salles  où  l'on  a  essayé  de 
résumer  par  quelques  œuvres  l'art  de  M""»  Berthe  Morisot,  il  est 
impossible  que  l'esprit  du  visiteur  ne  soit  pas  averti  par  une  sen- 
sation très  partieulière.  C'est  brusquement,  en  dehors  de  toute  la 
peinture  habituellement  visitée,  une  atmosphère  spéciale  qui 
émane  des  surfnces  coloriées,  une  installalion  légère  d'un  monde 
nouveau,  un  décor  de  silence  et  de  lumière  qui  se  déploie  aux 
murailles,  une  discrète  apothéose  de  formes  qui  surgissent  dans 
une  clarté  qui  tremble. 

On  ne  pense  pas  toul  d'abord  à  la  matérialité  de  ces  évocations, 
on  ne  s'enqUiert  pas  de  la  trouvaille  heureuse,  de  la  recherche 


appliquée  cl  du  métior  savant.  Pour  tout  dire  d'un  mol,  on  ne 
s'avise  pas  immédialement  que  l'on  a  devant  soi  do  la  peinture. 
La  surprise  des  yeux  et  la  satisfaction  de  l'esprit  viennent  plutôt 
d'un  effet  comparable  h  l'effet  théâtral  subit  d'un  rideau  qui  se 
lève  sur  de  l'inattendu,  sur  une  tendre  luminosité,  sur  une  grâce 
de  gcsie  et  de  sourire. 

Ici,  la  lumière  solaire  a  été  analysée  et  transformée  p^r  un 
vouloir  et  des  mains  de  magicienne,  elle  a  été  conduite  jusqu'à 
ces  réalisations  par  une  série  d'opérations  où  il  y  a  le  charme 
et  la  douceur  d'un  prestige.  C'est  une  lumière  qui  a  erré  sous 
j)ois,  qui  a  été  pénétrée  toute  par  la  subtile  absinthe  qui  tombe 
des  feuilles  goutte  à  goutte  et  se  dissout  dans  le  bleu  de  l'éther 
cl  l'or  de  l'astre.  Toute  la  forêt  se  verse  et  se  conrcentre  dans  ce 
rayon  qui  la  traverse,  qui  passe  en  dansant  de  tous  ses  atomes  au 
plus  épais  du  feuillage,  qui  s'illumine  des  gouttes  diamanlées 
de  la  pluie  et  des  éclairs  en  pierres  précieuses  des  vols  d'in- 
sectes. El  que  cette  lumière  suive  un  ruisselet,  s'en  aille  vers  le 
lac  el  vers  la  rivière,  la  voici  encore,  assombrie  et  glauque  dans 
la  transpqrence,  si  mystérieusement  mélangée  h  cette  masse  à  la 
fois  compacte  el  fluide  de  l'élément  qui  stationne  ou  qui  s'enfuit. 

C'est  cette  clarté  de  nature,  modifiée  par  des  réfractions  aux 
feuilles,  descendue  aux  profondeurs  de  l'eau,  qui  s'est  installée  en 
souveraine  dans  ces  pastels,  ces  aquarelles  et  ces  toiles,  et  qui  a 
subi  là  une  transformation  dernière.  Il  semble  —  tout  au  moins 
dans  les  chambres  ou  M"**  Berlhe  Morisot  a  vu  ses  modèles  —  que 
la  lumière  ait  dû  pénétrer  par  effraction,  à  travers  un  cristal 
limpide  comme  un  bloc  de  glace.  Elle  a  conservé  sa  douceur 
bleue  et  sa  cendre  verte,  el  elle  a  pris  un  éclat  fragile,  elle  se 
propiigo  en  palpitations  nouvelles  qui  frémissent  etélincellenl. 

Que  toutes  les  influences  qui  dominent  la  production  de  l'ar- 
tiste se  trouvent  représentées  sous  les  espèces  tangibles,  comme 
dans  celle  loile  où  l'enfant  aux  cheveux  blonds  est  accoudé  auprès 
de  fleurs  qui  s'évaporent,  de  la  carafe  en  spirale  qui  brille,  en 
avant  de  la  viirc  claire  où  s'inscrit  le  verdoyant  paysage,  el  ce 
sera  une  féie  de  peinture  qui  ne  ressemblera  à  aucune  autre.  Sous 
celte  cliiire  vénmda,  l'atmosphère  est  légère,  colorée,  harmo- 
nieusement diffuse,  faile  de  lueur  verte  et  de  poussière  bleuâtre 
brillantées  par  la  transparence  du  verre.  La  main  et  le  visage  de 
l'enfatil  vivent  d'une  vre  tendre  el  rose  au  milieu  de  la  verdure. 
C'est  un  frisson  de  cbnir  sous  une  caresse  atmosphérique.  —  Une 
impression  semblable  vient  de  ce  tableau  où  la  petite  fille  en  jupe 
courte  erre  dans  la  chambre  du  déjeuner,  entre  la  table  blanche 
el  la  fenêtre  par  laquelle  on  aperçoit  de  l'eau  cl  dés  bateaux  : 
louie  la  toilç  est  phosphorescente  de  la  grande  clarté  marine  du 
dehors. 

Celle  mixture  mystérieuse,  cette  clarté  qui  traverse  les  murs, 
qui  harmonise  les  couleurs,  qui  anime  les  formes  vagues  d'une 
vie  éirarige,  elle  sera  retrouvée  partout  où  M""  Berlhe  Morisot  a 
mis  sa  marque  personnelle,  1res  colorée  dans  celle  chambre  bleue 
où  la  jeune  fille  est  deboul,  appuyée  au  lit  défait,  —  pâlie  d'une 
pâleur  de  linge  el  de  chair  blonde  autour  de  la  léte  et  de  la  gorge 
de  celle  femme  au  repos  sur  l'oreiller,  —  finement  égayée  des 
guirlandes  de  fleurs  cl  de  la  robe  rougeoyante  de  cette  jeune  fille 
de  ferme  dessin,  d'une  si  jolie  inflexion  de  la  nuque  et  de  la  ligne 
commençnnle  du  dos...  Que  ce  soit  une  figure  dressée  el  vivante 
en  plein  air,  l'exaltaiion  lumineuse  sortira  de  tous  lés  entours  de 
verdure,  du  sol  d'herbe  ponctuée  de  fleurs  :  la  petite  fille  qui 
porte  une  jalto  de  lait  est  vêtue  de  lumière  verte,  enveloppée  par 
les  reflets  et  les  arômes  des  bleuets  et  des  boulons  d'or  allumés 


autour  d'elle,  elle  jaillit  du  sol,  elle  est  une  émanation  de  P 
prairie  fleurie. 

Les  mêmes  sensations  sont  éprouvées  devant  tant  d'autres 
paysages,  de  molles  rivières,  de  barbares  cactus  emplis  de  vio- 
lente sève,  de  jardins  muliicolores,  d'eaux  lumineuses  où 
voguent  les  cygnes  blancs  el,  bleus,  —  toutes  ces  visions  du 
dehors,  d'allures  si  rapides,  d'apparences  si  légères,  où  les 
choses,  pourtant,  ont  leur  juste  importance,  leur  vrai  poids,  où 
l'eau  a  sa  densité,  le  feuillage  sa  masse,  la  terre  sa  solidité,  les 
personnages  leur  mouvement.  C'est  alors  qu'on  aperçoit  le  sens 
pictural  de  M"**  Morisot,  la  sûreté  de  ses  indications,  si  visible 
dans  ses  aquarelles,  son  goût  de  la  belle  arabesque  des  corps 
jeunes,  si  présent  dans  la  fillette  coiffée  d'un  grand  chapeau  an 
voile  tombant  cachant  les  yeux,  toute  celte  évolution  enfin,  qui 
s'affirme  depuis  les  recherches  sincères,  si  jolies  et  si  différentes, 
la  femme  en  noir,  le  paysage  de  dômes  et  de  clochers,  jusqu'aux 
réalisations  dernières.  M™*  Berlhe  Morisot,  qui  a  écouté  el  com^ 
pris  la  belle  leçon  de  peinture  donnée  en  ce  temps-ci  par  Edouard 
Manel,  est  arrivée  tout  naturellement,  par  son  amour  des  choses, 
au  développement  du  don  qui  était  en  elle.  Et  voici  que  s'affirme 
un  art  de  délicieuse  hallucination,  d'une  vériié  vaguement  faur 
taslique,  qui  évoque  des  ombres  claires  dans  celle  lumière  de  la 
forél,  du  fond  de  l'eau,  du  cristal  pur  où  se  plaît  cette  femme  qui 
est  une  rare  artiste  el  qui  accomplit  une  chose  rare  entre  toutes  : 
une  peinture  de  réalité  observée  et  vivante,  une  peinture  délicate, 
effleurée  et  présente,  —  qui  est  une  peinture  féminine.  » 


LITTERATURE  VAGABONDE 

Promenade  en  Espagne,  par  E.  Minnaert.  —  (Extrait  de  la 
Bévue  de  Belgique.)  Bruxelles,  Weissenbruch  ;  plaquette  de  18  p. 

Viva  la  Espana  ! 

Avec  M.  Minnaert  nous  partons  de  Gibraltar,  poussons  une 
pointe  jusqu'à  Tanger,  revenons  par  Gibraltar  à  Malaga  et  par 
Bobadillas  à  Granâda.  Tout  ce  p-ircours.en  18  pages,  alors  que 
les  bateaux  et  chemins  de  fer  espagnols  ne  mentent  pas  à  leur 
légendaire  répulaiion  de  lenteur.  C'est  voir  l'Espagne  avec  une 
rapidité  qui  lui  convient  peu  :  à  peine  parti  avec  notre  voyageur, 
il  faut  revenir.  On  n'a  pas  eu  le  temps  d'interroger  les  indigènes, 
de  constater  les  mœurs  du  pays,  de  s'imprégner  de  l'atmosphère 
ambiante,  de  composition  pourtant  si  spéciale.  C'est  la  part  d'im- 
prévu laissée  peut-êire  pour  un  second  voyage. 

N^ni  Novgorod,  par  Hyppolite  Giraud. 

Très  vivanies  «  noies  d'album  ». 

A  chaque  ligne  un  lahleau  ou  un  détail  qui  fait  tableau.  Le  lout, 
animé,  concis,  photographié,  mais  par  un  appareil  qui  pense,  et 
qui,  d'un  coup,  vous  met  dans  l'œil  et  dans  l'esprii  la  barbarie 
civilisée  des  Busses,  la  crasseuse  indolence  des  Orientaux,  la 
routine  sans  réveil  des  supersi liions  slaves. 

Je  me  vois  à  cette  brillante,  celle  étonnante  foire  de  Nijni,  où 
il  se  fait  en  un  mois  pour  un  demi-milliard  d'affaires.  Peu  de 
réflexions  ou  de  considérations  générales,  rien  que  quelques 
coups  de  pinceau  justes,  qui  foui  surgir  lout  un  monde  et  qui 
dressent  devant  nous  ces  deux  unités,  lOrient  et  l'Occident,  un 
moment  rapproehés  par  leur  intérêt. 

Déductions  économiques,  ruine  probable  de  la  foire  de  Nijni 
par  les  nouveaux  moyens  de  transport  et  surtout  par  le  Transsi- 


bérien,  Irafic  el  orgies  mélanl  sans  les  confondre  tant  de  races 
accidenlellement  réunies,  tout  cela  tient  dans  vingt  pages  oïl  il  y 
a  plus  de  nourriture  pour  l'imagination  que  dans  maint  gros 
bouquin. 

La  Thessalle.  Excvrsion  aux  Météores.  —  Conférence  donnée  à 

la  Société  de  Géographie   par   M.   Ch.   Buls,  bourgmestre  de 

Bruxelles. 

Que  je  voudrais  donc  aller  voir  ces  vieux  moines  perchés  au 
haut  des  aiguilles  des  Météores,  dans  des  monastères  presque 
inaccessibles  et  vingt  fois  trop  grands  pour  eux,  maintenant; 
je  leur  demanderais  ce  qu'ils  peuvent  bien  étudier,  quelle 
mystérieuse  cuisine  ils  font  avec  les  idées  que  contiennent  leurs 
manuscrits  du  xiv^  siècle,  les  souvenirs  batailleurs  ou  savants  de 
leurs  prédécesseurs,  et  leur  vague  désir  de  se  fuir  eux-mêmes 
pour  trouver  la  paix'!  Ces  crânes-là  doivent  être  autrement  faits 
que  les  nôtres,  el  aussi  étranges,  en  dedans,  que  la  demeure  anti- 
humaine  qui  les  abrite  l'est  au  dehors.  Dans  ces  nids  d'aigles, 
créés  peut-être  par  des  élres  trop  grands  pour  leur  siècle,  et  dont 
la  forte  volonté  a  failli  éterniser  la  pensée,  qu'esl-il  resté? 

Avec  les  os  de  tant  de  pauvres  gens,  qui  furent  ermites  pour 
avoir  eu  peur  d'être  des  hommes,  a-t-on  conservé  une  étincelle, 
un  reflet  de  ces  penseurs  entêtés  et  prophétiques  qui  s'étaient 
éloignés  des  humains  pour  mieux  les  devancer? 

M.  Buis  n'en  parle  guère,  hélas!  ahuri,  comme  il  le  dit  lui- 
môme,  par  le  singulier,  le  romanesque  procédé  d'escalade  qu'il 
lui  faut  subir  pour  arriver  à  l'un  de  ces  monastères.  Etre  emporté 
dans  les  mailles  d'un  filet  à  une  hauteur  de  75  mètres,  c'en  est 
assez  pour  secouer  un  malheureux  civilisé  et  ne  plus  lui  laisser 
dans  la  tête  que  ses  souvenirs  de  mythologie  el  d'histoire,  solide- 
ment vissés  là  du  temps  de  sa  jeunesse. 

De  Jupiterà  Pompée  et  d'Athènes  à  la  Thessalie,  nous  repassons 
avec  M.  Buis  ces  notions  de  l'antiquiié,  el  je  ne  sais  pourquoi. 
Mark  Twain,  avec  ses  malicieux  mélanges  de  descriptions  histo- 
riques et  de  détails  profanes,  nous  revient  à  la  mémoire. 

I.  W. 


LES  PLAISIRS  DU  CHASSEUR 

Recueil  de  fanfares  belges,  avec  paroles,  composées  etrecueillies 
par  Hubert  Lechien.  —  Gand,  G.  Van  Gysel. 

Ceci  est  une  très  curieuse  œuvrelte  qui  réjouira  les  amateurs 
du  bel  el  simple  instrument,  le  cor,  la  trompe,  que  j'aimerais 
d'un  si  sentimental  amour  d'artiste  s'il  ne  signifiait  pas  poursuite 
à  mort,  dans  le  martyre  haletant  des  chasses,  d.uns  le  déploiement 
féroce  et  disproportionné  de  chevaux,  de  chiens,  d'armes  et 
d'hommes,  contre  cet  ennemi  gracieux  et  fragile  ;  un  chevreuil, 
un  daim,  un  cerf. 

Oh!  la  profanation  de  la  beauté  artistique  employée  aux 
cruautés  barbares 

L'auteur,  dans  sa  préface,  parle  en  ces  termes  excellents, 
résumant  son  cahier  de  fanfares  éclatâmes  ou  rêveuses,  de 
vcrsiculets  sans  prétention  : 

«  Il  existe  de  nos  jours  en  grand  nombre  des  méthodes  variées 
de  Irompe  de  chasse  el  de  recueils  de  fanfares.  El,  à  vrai  dire, 
chez  nos  éditeurs  de  musique,  on  n'a  que  l'embarras  du  choix. 
Mais  je  me  permets  de  le  dire,  parmi  ces  méthodes  el  recueils,  il 
n'en  est  pas  qui  reproduise  fidèlement  les  fanfares  àédiées  aux 
maîtres  d'équipage  ou  aux  principaux  veneurs  de  noire  pays. 
L'espoir  de  combler  cette  lacune  m'a  engagé  à  offrir  ce  recueil 
au  public. 

«  J'ai  cru  faire  œuvre  utile,  en  rassemblant  dans  ce  livre  un 
choix  de  fanfares  qui,  sans  être  classiques,  me  paraissent  avoir 


un  certain  mérite  et  parlant  dignes  d'être  soigneusement  conser- 
vées. Transmettre  aux  Nemrod  de  l'avenir  les  joyeux  souvenirs 
des  chasses  seigneuriales  contemporaines  est  l'idée  qui  m'a  dicté 
ce  travail.  Aussi  saurai-je  m'eslimer  heureux,  si  mes  efforts 
accomplissent  la  réalisation  de  cette  idée  à  laquelle  je  me  plais  à 
borner  mon  ambition,  mais  dans  laquelle  aussi  se  résument 
tous  mes  souhaits. 

«  Parmi  les  fanfares  que  renferme  ce  recueil,  il  en  est  qui  ont 
une  origine  déjà  ancienne.  Beaucoup  ont  un  cachet  local,  c'est- 
à-dire  qu'elles  se  ratlachonl  à  d'anciennes  maisons  où  il  y  avait  un 
équipage  de  chasse.  Plus  d'une  de  ces  vieilles  fanfares  sont 
demeurées  l'air  cynégétique  de  leur  lieu  d'origine  et  à  plus  d'un 
chasseur  elles  rappellent  avec  plaisir  les  exploits  de  ses  ancêtres. 
C'est  pourquoi  j'ai  recueilli,  avec  un  soin  scrupuleux,  tous  ces 
vieux  airs.  A  plusieurs  j'ai  adapté  de»  paroles  :  celles-ci  rappellent,  ' 
en  les  retraçant,  les  lieux  d'origine  de  ces  airs. 

«  En  Belgique,  depuis  quelques  années,  le  goût  de  cet  instru- 
ment se  propage  avec  une  rapidité  vraiment  remarquable.  C'est 
ainsi  qu'en  1878  nous  n'avions  qu'une  seule  société  de  sonneurs. 
Aujourd'hui  il  en  existe  quatre  à  Bruxelles  et  deux  à  Anvers.  Et 
dans  tous  nos  districts  de  chasse  à  courre,  dans  un  certain 
nombre  de  châteaux,  à  côté  des  piqueurs,  nous  trouvons  encore 
beaucoup  d'amateurs  dignes  de  se  faire  entendre.  Ce  grand 
accroissement,  nous  le  devons  en  grande  partie  h  la  Société 
royale  Saint-Hubert,  société  qui  doit  à  la  sollicitude  éclairée  ^e 
son  ancien  président,  M.  le  comte  de  Beaufori,  ainsi  qu'à  l'aclivilé 
de  son  éminent  comité  présidé  par  M.  le  baron  W.  del  Marmol, 
la  réputation  toujours  croissante  dont  elle  jouit  en  Europe.  C'est 
à  elle  en  effet  que  revient  l'idée  forl  heureuse  d'avoir  organisé, 
en  même  temps  que  de  nombreuses  expositions  de  race  canine, 
plusieurs  beaux  concours  de  Irompe  de  chasse.  El  ici,  nous 
devons  rendre  hommage  à  M.  le  baron  Auguste  du  Sarl-de- 
ISouiand,  pour  la  bonne  organisation  qu'il  sût  donner  à  ces 
cours. 

«  Normand  compare  le  bruit  strident  de  la  trompe  à  la  voix 
du  génie  des  forêts  et  de  la  chasse. 

«  Tellier  la  met,  par  ses  qualités  de  son,  au  rang  des  plus  beaux 
instruments  à  vent.  Et  Rossini,  en  nous  laissant  un  souvenir  de 
son  génie,  regrette  que  la  gamme  n'en  soit  pas  plus  étendue. 
E.  Blacc  dit  que  pas  une  harmonie  au  monde  ne  plati  à  l'oreille 
du  vrai  chasseur  autant  que  le  son^du  cor  au  bois. 

«  Les  chevaux  et  les  chiens  sonl  sensibles  au  son  de  la  trompe; 
ils  s'animent  au  bruit  d'une  fanfare;  leurs  mouvements,'  leurs 
regards  témoignent  de  la  salisfaclion  qu'ils  éprouvent.  Non 
seulement  cette  musique  les  rend  joyeux,  mais  elle  guide  dans 
leurs  démarches  leurs  allures  et  on  les  voit  aller  el  venir,  selon 
que  le  piqueur  sonne  un  bien-alleou  une  requête.  En  dehors  de 
la  chasse,  c'est  surtout  le  soir,  quant  l'atmosphère  est  calme,  à 
proximité  d'un  écho  complaisant,  que  le  son  du  cor  est  agréable. 
Pour  jouir  de  tout  son  charme,  il  est  nécessaire  qu'une  certaine 
distance  sépare  l'auditeur  du  sonneur.  Alors  surtout  on  peut 
apprécier  tout  ce  qu'il  y  a  d'harmonieux,  de  majestueux,  dans  ces 
sons  vibrants  et  beaucoup  d'auditeurs  se  laissent  gagner  par 
l'émotion  au  bruit  d'une  fanfare  hardimeril  sonnée.  » 

11  est  des  sonneurs  de  cor  qui  s'y  adonnent  pour  le  seul  plaisir 
des  belles  résonnances,  des  lointains  et  suggestifs  échos  emplis- 
sant l'atmosphère  des  soirs.  Peu  d'instruments  ont  au  même 
degré  la  puissance  de  faire  vibrer  nos  âmes,  simples  malgré  tout 
el  si  faciles  à  émouvoir.  Le  cahier  de  M.  Lechien  aidera  à 
populariser  chez  nous  cet  art  primitif  des  forestiers  el  des  veneurs 
el  à  le  délivrer  ainsi  des  fêtes  sanglantes  en  si  complet  désaccord 
avec  sa  haule  sentimentalité. 


Petite  chro|^ique 


La  Nation  a  cessé  de  paraître  depuis  hier.  M.  Victor  Arnould 
se  retire  provisoirement  du  journalisme. 
Nous  le  regrettons  vivement.  La  campagne  qu'il  a  menée  depuis 


■*■•"  '•  '^;> '■'*'>■■  "î^^jîwffs^^!^ 


LART  MODERNE 


183 


quatre  ans  comme  rédacteur  en  chef  de  ce  journal  avait  été 
exceptionnellement  brillante,  non  pas  que  nous  voulions  l'appré- 
cier ici  au  point  de  vue  de  la  politique,  matière  étrangère  à  VArl 
moderne;  mais,  comme  artistes,  nous  croyons  pouvoir  affirmer 
que  nul  périodique  en  Belgique,  et  même  en  France,  n'a  publié 
des  articles  dé  fond  d'une  hauteur  de  vue,  d'une  ampleur  et  d'une 
élégance  de  style,  d'une  âpreté  pamphlétaire  égales.  Ce  fut 
souvent  de  tout  premier  ordre,  et  si  parfois  une  trop  grande 
abondance  de  paroles  a  pu  faire  exception,  l'admirable  talent  de 
ce  grand  écrivain  a  produit  dans  la  Nation  des  thefs-d'œuvre 
glorieux  pour  noire  école  littéraire. 

Nous  avons  tenu  i  saluer  le  penseur  et  l'artiste  au  moment  de 
sa  retraite  momentanée.  Indifférents  à  tout  hormis  l'Art,  nous  ne 
voulons  pas  imiter  la  presse  politique  qui  a  annoncé  celte 
nouvelle  avec  la  sécheresse  et  la  rancune  d'adversaires  que 
M.  Victor  Arnould  a  souvent  exécutés  de  main  de  maître. 

Nous  souhaitons  qu'il  emploie  les  loisirs  qu'il  vient  de  se  faire 
à  réunir  les  articles  les  plus  remarquables  dus  à  sa  plume  de 
vaillant  capitaine.  Un  tel  recueil  serait  un  des  beaux  fleurons  de 
notre  Littérature. 


L'Exposition  communale  d'ixelles  s'est  ouverte  mardi  der- 
nier, avec  un  cérémonial  de  circonstance  :  visite  du  Roi,  de 
la  Reine  et  de,  la  princesse  Clémentine,  convocation  de  la  garde 
civique  un  peu  désorganisée  par  une  pluie  d'orage  tombée  en 
hallebardes  au  moment  précis  où  les  plumets  flottaient  par  les 
rues,  réception  par  les  autorités  municipales,  chœurs,  mâts,  guir- 
landes, affluence  de  peuple  pour  voir  défiler  les  voitures. 
^  L'Exposition,  installée  dans  l'ancien  abattoir  converti  en 
Musée,  et  fort  bien  aménagé,  est  intéressante  et  variée.  Elle 
contient  entre  autres  de  fort  belles  toiles  de  Ch.  De  Groux, 
Agneessens,  Boulenger,  De  Winne,  Billoin,  Fourmois,  Van 
Camp,  Sacré  parmi  les  morts,  et,  dans  la  section  moderne,  des 
œuvres  de  F.  Rops,  J.  Slevens,  C,  Meunier,  Marie  CoUard,  De 
Rudder,  J.  Dillens,  F.  Dubois,  L.  Lcnain,  D.  Oyens,  Ch.  Samuel, 
Storm  de  Gravesande,  etc.  Jamais  on  ne  se  fût  douté  que  la  com- 
mune dixcllos  fût  si  riche  en  artistes.  Nous  reviendrons  sur  cette 
exposition,  que  le  brouhaha  de  l'ouverture  ne  nous  a  permis  de 
visiter  que  superficiellement  et  qui  mérite  un  examen  plus 
attentif.  

Les  Femmes-peinlres  ouvriront  mercredi  prochain,  8  juin, 
leur  exposition  annuelle  dans  les  locaux  de  l'ancien  Musée. 
Parmi  les  exposantes,  on  cite  M""  Louise  de  Hem,  Eugénie-Beau- 
yois,  Faustine  Keym,  de  Bourlzoff,  A.  Evans,  Maréchalle,  Mary 
Gasparoli,  Berlhe  Van  Tilt  (sculptures),  etc.  Bien  que  tardive, 
cette  exposition  ne  manquera  pas  d'intérêt. 

Le  gouvernement  français  vient  d'acquérir  au  Champ-de-Mars, 
pour  le  Musée  du  Luxembourg,  la  Olèbe  de  notre  compatriote 
Constantin  Meunier.  C'est,  on  le  sait,  le  deuxième  achat  que  fait 
au  grand  artiste  belge  le  minisire  des  Beaux-Arts  de  France. 

Ce  dernier  vient  d'acquérir  pour  le  même  Musée  un  tableau,-- 
actuellement  exposé  au  Champ-de-Mars,  de  M.  J.-F.  Raffaëlli)  L'ar- 
lisle  a,  en  outre,  vendu  cette  année  une  de  ses  œuvres  au  Musée 
de  Glasgow  et  une  autre  au  Musée  de  Stockholm.  Il  est  intéressant 
de  rapprocher  celle  consécration  officielle  du  dédain  qui  accueillit 
à  ses  débuts  les  toiles  si  personnelles  et  si  «  caracléristes  »  du 
peinire  des  Types  de  Paris. 

M.  Raffaëlli,  qui  liabilail  Asnières,  vient  de  s'installer  à  Paris 
dans  un  superbe  atelier  qu'il  a  fail  construire  rue  de  Courcelles 
el  qu'il  a  décoré  lui-même  avec  autant  d'originalité  que  de  goût. 
C'est  là  que,  tous  les  samedis,  il  reçoit  cordialement  à  sa  table  les 
amis  de  la  première  heure.  La  semaine  passée,  nous  y  avons  ren- 
contré M.  Écimoiid  de  Goncourt,  M.  Antoiiin  Proust,  M.  V^'illiam 
Dannat,  M.  Jean-Louis  Forain  el  sa  jeune  femme,  née  Jeanne 
Bosc,  qui  expose  au  Salon  un  curieux  pastel,  M.  Paul  Galli- 
mard, etc.  Rien  de  plus  charmant  que  quelques  heures  de  causerie 
dans  ce  milieu  essentiellement  artiste,  dont  M""=  Raffaëlli  et  sa 
fille  font  les  honneurs, avec  une  bonne  grûce  exquise. 


L'exposition  de  la  Rose  f  Croix  a  valu  au  peintre  Fernand 
Khnopff  deux  commandes  :  le  portrait  de  M™*  J.  Ricard,  femme 
de  l'homme  de  lettres  bien  connu,  et  celui  de  M"*  de  Greffulhe, 
/ille  de  M™»  la  comtesse  de  Greffulhe,  née  de  Caraman-Chimay, 

Nous  recevons  de  Paris  le  catalogue,  dressé  par  M.  W.  Froehner, 
ancien  conservateur  du  Louvre,  des  vases  peints  et  terres  cuites 
antiques  composant  la  collection  Van  Branteghem,  actuellement 
exposée  au  Musée  d'Art  décoratif  de  Bruxelles.  La  vente,  qui  se 
fera  à  l'hôtel  Drouol  par  le  ministère  de  M*  Delestre,  commis- 
saire-priseur,  assisté  de  MM.  Rollin  et  Feuardent,  experts,  est 
fixée  aux  16,  M  et  18  juin.  Il  est  vraiment  regrettable,  nous 
l'avons  dit  déjà,  que  le  gouvernement  belge  laisse  échapper  l'oc- 
casion d'enrichir  notre  Musée  d'une  admirable  collection  réunie 
avec  tant  de  goût  et  de  patientes  recherches  par  un  de  nos  com- 
patriotes. Espérons  que  d'ici  à  la  date  fatale  une  décision  favo- 
rable sera  prise.  C'est  le  vœu  des  artistes  el  des  amateurs. 

Parlant,  dans  notre  numéro  du  22  mai,  des  constructions  qu'on 
élève  à  Bruges,  nous  avons  attribué  à  M.  De  la  Censerie  les  plans 
du  magnifique  hôtel  provincial  en  voie  d'achèvement.  11  est  juste 
d'ajouter  à  ce  nom  celui  de  M.  l'architecte  R.  Buyck,  qui  est  l'au- 
teur, concurremment  avec  M.  De  la  Censerie,  des  plans  en  ques- 
tion. 

Nous  avons  cité  dernièrement,  lors  de  l'exposition  dline  toile 
importante  d'Emile  Garbet  aux  «  Cinquante  chefs-d'œuvre  fran- 
çais (1)  »,  l'intéressant  article  que  consacra  à  ce  maflre  méconnu 
M.  A.  BouvENNE  dans  le  journal  l'Artiste.  Les  lecteurs  curieux 
de  pénétrer  la  personnalité  de  Garbet  peuvent  se  procurer,  chez 
le  libraire  Sagoi,  18,  rue  Gyénégaud,  à  Paris,  un  tiré-k-parl  de 
l'article  susdit  (à  50  exemplaires),  avec  la  reproduction  d'un 
tableau  et  une  eau-forte  d'après  des  croquis  de  l'artiste,  faits  spé- 
cialement pour  celle  étude. 

Le  gouvernement  vient  d'ordonner  l'achèvement  de  la  décora- 
tion extérieure  du  Palais  des  Beaux-Arts.  L'exécution  des  bas- 
reliefs  et  figures  qui  compléteront,  sur  les  indications  de  M.  Balai, 
l'ornemenlalion  de  la  façade  donnant  sur  la  place  du  Musée  a  été 
confiée  à  MM.  Paul  Du  Bois,  G.  Charlier,  J.  Dillens  et  De  Tombay. 

L'un  de  ces  artistes,  M.  Du  Bois,  vient  d'achever  le  buste  du 
regretté  professeur  Auguste  Dupont,  érigé  par  ses  anciens  élèves. 
M.  Gevaert,  directeur  du  Conservatoire,  a,  ces  jours-ci,  visité  le 
buste,  dont  il  a  beaucoup  vanté  la  ressemblance  el  le  caractère 
artistique.  

Le  concert  donné  dimanche  dernier  à  Tournai  par  V Association 
des  artistes-musiciens  de  celte  ville  a  brillamment  réussi.  On  a 
fait  fête  à  l'Union  orphéoniquede' LWle,  à  M"*  Céleste  Painparé,  à 
MM.  Tousarl  elCaron,  et  spécialement  à  M.  Leenders,  l'excellent 
violoniste,  chef  d'orchestre  de  l'Association  et  directeur  de 
l'Académie  de  musique. 

La  présence  des  orphéonistes  lillois  a  donné  lieu  à  de  nom- 
breuses manifestations  patriotiques,  à  des  Marseillaises  et  des 
Brabançoimes  de  circonstance. 

Un  grand  concours  de  déclamation,  mcwiologues,  dialogues, 
récits  dramatiques,  etc.,  aura  lieu  à  Dunkerke  le  27  juin.  Des 
médailles  en  vermeil,  en  argent  et  en  bronze  et  des  primes  en 
espèces  sont  offertes  par  la  municipalité  aux  lauréats. 

Dans  le  concours  spécial  des  artistes  étrangers,  le  morceau 
imposé  est,  pour  les  hommes,  Lucie  d'Alfred  de  Musset,  et  pour 
les  dames,  Pour  les  pauvres  de  Victor  Hugo. 

S'adresser  pour  le  programme  détaillé  à  M.  A.  Coutelier,  pré- 
sident de  l'Union  chorale]  35,  rue  du  Sud,  à  Dunkerke. 


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Mardi  14  juin,  à  9  heures  du  matin,  exposition  des  vitraux  peints, 
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Mercredi  15  juin,  à  2  heures  de  relevée,  vente  des  vitraux  peints 
gravures,  etc.  • 

Jeudi  16 juin,  à  9  heures  du  matin,  exposition  des  livres;  à  3  heures 
vente  des  livres. 

Vendredi  17  juin,  de  10  à  5  heures,  exposition  de  la  collection  de 
cartons  de  vitraux. 

Samedi  18  juin,  à  10  heures  du  matin  et  lundi  20,  même  heure  s'il 
y  a  lieu,  vente  de  la  collection  de  cartons  de  vitraux. 

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Douzième  année.  —  N°  24. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  12  Juin  1892. 


MODEANE 


PARAISSANT    LB    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,    fr.    13.00.    —  ANNONGBS  :    On  traite  à  forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire         _2IT 

Les  Salons.  —  Festival  rhénan.  —  Au  Cercle  artistique.  — 
Ckbcle  des  femmes-peintres.  —  Rembrandt  als  Erzieher.  —  L'Art 

IMPRESSIONNISTE.  ARCHITECTURE.  CoilRESPONDANCE.  —   A    BaY- 

REUTH.    —   Bibliographie    musicale.    —    Nécrolooie.    — >    Petite 

CHRONIQUE.  .    " 

Les  Salons 

Les  Salons  parisiens? 

Et  d'abord,  pourquoi  ce  mot  «  salon  »  donné  à  ce 
déballage  pour  ventes,  sous  des  toits  de  verre,  dans  des 
halles  où  l'on  s'attend  à  voir  des  locomotives  paraître? 
Ah  !  si  l'une  d'elles  pouvait  manœuvrer  parmi  la  sculp- 
ture des  Champs-Ely.sées!  Celle,  par  exemple,  qui  tam- 
ponna à  Saint-Mandé  et  qui  doit  être,  à  cette  heure, 
remise  sur  roues.  Que  d'intelligente  et  dévastatrice 
besogne  elle  ferait! 

A  voir  tous  ces  bras,  jambes,  torses  de  plâtre,  à 
compter  ces  statues  de  craie,  on  est  effrayé  par  la  bana- 
lité que  leur  troupeau  profère.  Même,  au  Champ-de- 
Mars,  si  l'on  en  excepte  Meunier,  Bartholomé  et  Car- 
riés,  l'impression  est  identique.  Ce  ne  sont  que  poses 
connues,  nus  pillés  à  droite  et  à  gauche,  attitudes 
trouvées  en  des  livres  à  reproductions  grecques  ou  assy- 
riennes, lignes  copiées  en  des  musées.  Parfois,  quelque 


groupe  excentrique  dresse,  en  un  coin,  son  «  épate  « 
dans  l'air.  : — 

Puis,  l'interminable  série  des  bustes,  les  terre-cui- 
teux  échantillons  humains,  les  messieurs  rendus  laids 
ou  quelconques  pour  la  postérité,  les  personnages  ornés 
de  rosettes  en  pain  à  cacheter,  les  matrones  avec 
leur  poitrine  en  croupe  de  cheval,  tout  le  défilé  annuel, 
prévu,  inévitable  de  la  quelconquerie  faite  bouche, 
oreille,  nez,  cheveux,  menton,  yeux  et  qui  s'aligne  en 
témoignage  de  la  bêtise,  par  à  travers  les  temps  et  les 
époques,  indéfiniment  recommençante. 

Il  est  admis  que  les  Champs-Elysées  et  le  Champ-de- 
Mars  se  font  la  guerre,  que  l'une  exhibition  représente 
la  tradition,  l'autre  la  recherche  et  la  vie,  que  l'une  est 
vieux  jeu,  l'autre  pas.  On  part  de  là  pour  se  faire 
une  opinion  suivant  ses  préférences  et  son  âge  et  l'un 
des  deux  Salons  est  déclaré  infect,  l'autre  remarquable. 

Nous  ne  voyons,  quant  à  nous,  aucune  diff'érence 
bien  tranchée  entre  le  Champ-de-Mars  et  les  Champs- 
Elysées.  Le  malheur  est  qu'ici  et  là  il  y  a  encombre- 
ment de  médiocrités  et  cela  déshonore  également  les 
deux  armées  de  peintres.  L'imitation  y  sévit  à  même 
puissance.  On  peint  par  familles.  Il  y  a  au  Champ-de- 
Mars  la  famille  Carrière,  la  famille  Puvis,  la  famille 
Monet  (bien  que  le  père  n'y  soit  pas  représenté),  la 
famille  Cazin,  de  même  qu'il  y  a  aux  Champs-Elysées 
la  famille  Bouguereau,  la  famille  Constant  et  la  famille 


Bastien-Lepage  (ancêtre  décédé).  Que  l'un  groupe  de 
chefs  soit  supérieur  à  l'autre,  certes  ;  mais  que  les  ten- 
dances de  l'ensemble  le  soient,  non.  Il  manque,  ici  aussi 
bien  que  là,  la  sincérité,  la  probité,'  la  personnalité,  la 
force.  Le  point  n'est  pas  de  faire  de  la  peinture  claire 
ou  brune  :  c'est  de  s'exprimer  et  de  se  prouver; 
c'est  d'avoir  la  puissance  de  se  taire  quand  on  n'a  rien 
à  dire  ;  c'est  de  voir  devant  soi  et  non  à  côté;  c'est  de  ne 
pas  rêver  le  chef-d'œuvre  d'après  des  recettes  de  cuisi- 
nière, ni  le  succès  d'après  l'idée  courante,  mais  d'aller, 
s'il  le  faut,  en  sens  inverse,  pour  se  maintenir  spécial 
et  pur  d'influences.  On  apprend  trop,  on  ne  sent  pas 
assez.  Au  lieu  de  s'enfermer  en  seul  à  seul  avec  soi- 
même,  on  écoute  à  la  porte  de  l'âme  du  voisin,  on 
regarde,  par  le  trou  de  la  serrure,  comment  il  prépare 
ses  toiles  et  ses  couleurs,  comment  il  fait  sa  palette, 
comment  il  campe  son  modèle,  comment  il  réalise  sa 
lumière,  comment  il  pose  la  touche,  comment  il  ébauche, 
comment  il  achève.  Si  la  loi  ne  poursuivait  les  faux  eu 
écritures,  on  signerait  comme  lui.  On  crie  contre  les 
académies  où  l'on  peint  des  formules  et  l'on  se  met  à 
peindre  le  goût  du  jour,  la  mode,  le  tableau  demandé, 
l'argent.  On  avait,  jadis,  pour  deux  sous  de  sincérité, 
on  les  a  troqués  contre  la  fausse  monnaie  de  l'habileté 
—  cette  monnaie  de  singe  —  et  l'on  jongle  avec  les 
cobalts,  les  véronèses,  les  blancs  d'argent,  on  emprisma- 
tise  sa  toile,  on  éclaire  sa  pâte,  on  travaille  de  chic  et 
l'on  s'empanache  d'impressionnisme,  parce  que  décidé- 
ment c'est  vers  lui  que  souffle  le  bon  vent.  Le  Champ- 
de-Mars  est  un  bazar  impressionniste,  comme  les 
Champs-Elysées  sont  un  bSzar  académique.  Des  deux 
côtés  on  ramasse,  au  long  des  rampes,  le  dégoût  et  l'im- 
patience, car  on  enrage  de  remarquer  tant  de  peintres, 
qui,  en  signant  leur  envoi,  paraphent,  publiquement, 
leur  propre  hêtise  et  restent  impunis  tout  en  se  désho- 
norant aux  yeux  de  tous.  Il  y  a  des  attentats  moins 
graves  que  l'on  cofTre. 

Le  calme  et  l'espoir  ne  vous  reviennent  qu'après  une 
visite  chez  Le  Barc  de  Bouteville,  où,  dans  une  salle 
quelconque,  au  hasard,  misérablement  presque,  exposent 
quelques  intransigeants,  dont  la  haine  des  compromis 
et  le  culte  suraigu  de  la  personnalité  se  maintiennent 
debout,  à  travers  tout.  Ce  sont  :  Anquetin,  Lautrec, 
Bernard,  feu  Van  Gogh,  Angrand,  Filiger,  Gausson, 
Denis,  Signac,  Guilloux,  Ranson,  Luce,  Seruzier. 

Revenons  au  Champ-de-Mars.  Whistler  y  regarde 
Carolus  Duran,  le  premier  toujours  exquis,  subtil, 
affiné;  l'autre,  tapageur  et  vulgaire.  Aman  Jean,  délicat, 
discret,  atténué;  Ménard,  idyllique  et  littéraire;  Raf- 
faëlli,  noueux  et  câblé  de  dessin;  Picard,  qui  s'acharne 
à  préciser  une  tête  de  modèle  étrange  et  impérieuse  ; 
Sargent,  tout  en  allure;  Sisley,  tout  en  lumière;  Puvis 
de  Chavannes,  dont  VHiver  ne  donne  guère,  quoique 
synthétique,  l'impression  déneige  et  de  froid;  Cazin, 


mélancolique  et  terne  ;  Burne  Jones,  aux  dessins  précis 
et  ornementés  ;  Helleu,  dont  les  traits  bouclés  originali- 
sent  les  eaux-fortes.  Reste  dominateur  Carrière. 

Devant  sa  toile —  Une  Mère  embrassant  son  enfant 
—  l'impression  est  violente  et  soudaine.  L'intensité  de 
la  vie?  triomphale.  Cela  va  au  delà  de  tout  métier,  de 
tout  procédé,  de  toute  technique.  On  né  se  demande 
pas  comment  cela  est  peint,  on  est  trop  directement 
conquis. 

L'œuvre  est  ici,  comme  toute  œuvre  éternelle,  pro- 
fondément et  despotiquement  humaine.  C'est  un  cri, 
mais  combien  il  retentit  à  travers  toute  l'âme  esthéti- 
quement attentive  !  Le  pinceau  n'est  point  d'un  virtuose, 
mais  d'un  émotionné,  qui  se  sert  d'un  art  trouvé  en 
lui,  d'un  art  choisi  entre  mille  pour  donner  expression 
personnelle  à  une  pensée  personnelle.  Le  spasme,  la 
passion,  l'ardeur  sont  là  réalisés  dans  ce  cou  tendu  de  la 
mère,  dans  cette  tendresse  immesurée,  dans  cette  folie. 
Le  tout  avec  l'exagération  nécessaire,  avec  l'emporte- 
ment et  le  feu,  si  bien  que  la  femme  et  l'enfant  dispa- 
raissant, ce  n'est  plus  que  le  baiser  que  l'on  voit. 

Ce  tableau  est  l'excuse  du  Champ-de-Mars. 


FESTIVAL  RHENAN 

Cologne,  5,  6,  7  juin. 

Les  temps. changent,  les  temps  changent!  Pendant  que  quel- 
ques-uns, le  nez  en  l'air,  attendent  le  coup  de  théâtre  qui  annon- 
cera l'horizon  nouveau,  nous  arrivons  à  un  tournant  rapi'le; 
plusieurs  sentent  qu'ils  tournent  ;  la  grande  masse  ne  l'apprendra 
qu'après.  Nous  tournons  vile  :  la  neuvième  symphonie,  d'année 
en  année,  nous  fait  moins  d'effet.  Jusqu'ici  elle  était  restée  impo- 
sante et  mystérieuse  comme  tout  ce  qui  nous  domine.  Aujourd'hui 
elle  nous  est  devenue  limpide,  nous  la  comprenons  comme  on 
comprend  son  semblable,  nous  avons  grandi  jusqu'à  elle.  Encore 
un  peu  de  temps  et  elle  sera  ce  qu'ont  été  pour  nous  nos  géants 
du  siècle  dernier,  —  la  forte  et  géniale  impulsion  qui  nous  a 
poussés  où  nous  sommes,  et  dont  l'action  est  désormais  inutile. 
Depuis  trois  quarts  de  siècle  que  nous  vivons  de  la  neuvième, 
elle  est  devenue  nolreinoelle,  nous  l'aimons  comme  nous-mêmes, 
mais  elle  ne  nous  bouleverse  plus. 

Cologne  a  voulu  nous  donner  cette  année  une  idée  générale  de 
la  musique  du  xix«  siècle. 

Parmi  ceux  qui  vivent  à  l'ombre  de  Beethoven  et  de  Wagner 
Berlioz  est,  certes,  le  plus  personnel,  le  plus  génial.  Avec  sa 
symphonie  dramatique  Roméo  et  Juliette,  il  faisait  une  tache 
lumineuse  sur  l'ensemble  aux  grandes  lignes  sévères,  aux  ten- 
dances élevées  de  l'art  allemand.  Berlioz  est  plus  près  de  nous. 

Je  m'étais  donné  des  peines  pour  retrouver  en  moi  tout  ce  que 
mes  ancêtres  avaient  pu  me  léguer  d'instincts  teutons  ;  je  m'iden- 
tifiais avec  celle  confiante  et  forte  race.  J'avais  joui  de  ce  sonore 
et  brillant  Mendeissohn  dans  le  Psaume  114  (chœur  et  orchestre); 
des  pastels  si  doux,  si  fins,  de  Schumann,  irop  pâles  pour  le 
genre  épique  auquel  il  s'essaie  parfois,  comme  dans  le  final 
impuissant  de  sa    quatrième  symphonie;  du  Triumphlied  de 


■'  .  ■  .,;r  .;'-.;;■•■'(;  "'..^^^'^■ft.jag^îy^ 


UART  MODERNE 


187 


Brahms,  bruil  vide  et  fatigant,  imitation  de  Haendel,  indigne  d'un 
artiste  personnel  (Triumph-lied  accueilli,  chose  remarquable, 
par  un  silence  complet). 

J'avais  joui  de  Beethoven  dans  la  neuvième  symphonie,  exécutée 
et  comprise  comme  l'a  comprise  Wagner,  avec  la  grande  simpli- 
cité qui  la  rend  si  majestueuse  ;  et  surtout  j'avais  joui  du  gigan- 
tesque final  du  Crépuscule  des  dieux,  où  une  femme  à  elle  seule 
devient  plus  imposante  que  la  masse  des  cinq  cents  chanteurs  qui 
nous  redisaient  YOde  à  la  Joie. 

Je  me  croyais  si  transformé  que  je  ne  me  réjouissais  guère 
d'entendre,  le  second  jour,  la  musique  italienne  et  française.  La 
fine,  légère  ouverture  d'Anacréon  de  ce  grognard  de  Chérubini 
et  le  Requiem  de  Verdi  où  je  sentais  que  quelqu'un  d'autre  pour- 
rait, devrait  être  ému,  —  mais  moi  pas,  —  me  persuadaient  que 
les  Latins  étaient  loin  et  que  tous  mes  grands-pères  teutons 
m'avaient  repris. 

Quand  vinrent  Berlioz  et  Roméo.  Le  serpent  !  Comme  celte 
passion,  ces  couleurs,  cette  variété,  cette  vibration  intense  et 
toujours  juste  me  firent  souvenir  que  je  n'étais  qu'un  Latin  sec, 
inflammable,  et  aimant  la  poésie  de  la  réalité  plutôt  que  les  spé- 
culations de  l'idéal!  Je  n'en  suis  ni  fier  ni  honteux  :  je  constate 
le  fait. 

La  nouvelle  école  allemande  était  bien  représenlée  le  troisième 
jour  par  une  ballade  de  ÎJax  Bruch  et  par  le  poème  symphonique 
Tod  und  Verklârung  de  Richard  Strauss,  entendu  à  Liège.  Une 
première  fois  j'ai  fait  la  bêtise  de  suivre  le  texte  qui  sert  de 
programme  à  cette  symphonie  et  j'ai  trouvé  que  la  splendide 
robe  dont  le  recouvrait  la  musique  était  trop  ajustée. 

La  seconde  et  la  troisième  fois  j'ai  essayé  d'oublier  le  pro- 
gramme et  n'y  suis  pas  parvenu.  Je  n'ai  pas  encore  eu  le  temps 
de  grimper  au  nid  de  mes  hiboux  pour  voir  de  loin  si  c'est  un 
bien  ou  un  mal.  La  musique  était  neuve,  dramatique,  puissante, 
à  la  hauteur  du  sujet,  mais  pas  plus  haut;  elle  n'y  ajoutait  ni  un 
frisson  ni  un  horizon  nouveau.  —  Autour  de  ces  quelques  grandes 
choses  s'agitait  tout  le  fracas  des  solistes  mâles  et  femelles; 
parmi  ces  dernières  il  faut  ranger  Pablo  de  Sarasate,  toujours 
ravissant,  sucré  et  parfait,  d'une  perfection  qui  ignore  grandeur, 
style  et  force. 

Et  houi-rah  !  pour  le  bon,  le  sympathique  WûUner,  toujours 
vert  et  droit  ou  se  redressant,  toujours  enthousiaste,  grandissant 
toujours  sans  s'arrêter,  sans  se  laisser  stabiliser  par  l'âge,  impri- 
mant à  tout  ce  long  festival  sa  conception  artistique,  élevée, 
simple  et  ferme. 


L  W. 


^U  f  ERCLE   AI^TIgTiqUE 

Les  Cavaliers  de  rApocaljrpse  de  M.  Alfred  Cluysenaar. 

Une  immense  toile  où  se  cabrent,  en  des  attitudes  académiques, 
les  chevaux  mystérieux  de  l'Apocalypse.  Voilà,  montés  sur  leurs 
coursiers,  j  Guerre,  la  Mort,  la  Famine  et  la  Pesle!  M.  Cluyse- 
naar, un  bon  peintre  qui  a  fait  en  sa  vie  la  Vocation  du  Musée 
moderne,  et  quelques  portraits  de  mérite,  ne  paraissait  pas  désigné 
pour  s'emballer  sur  d'aussi  fantastique  cavalerie.  Il  fallait,  pour 
enfourcher  ces  bizarres  Pégases,  un  rêveur  mystique  (rappelez- 
vous  le  Sai7it  Jean  de  Memling,  à  Bruges),  ou  bien  un  Odilon 
Redon,  apte  à  ces  conceptions  étranges,  ou  bien  un  macabre 
Goya.  M.  Cluysenaar  n'a  fait  qu'une  œuvre  de  prix  de  Rome,  sans 


accent,  sans  nouveauté,  aussi  impersonnelle  que  son  Canossa. 
Toute  cette  scène  terrible  de  légende  apocalyptique  pue  le  modèle 
d'atelier.  Ce  sont  les  figures  d'expression  qu'on  a  rencontrées 
dans  tous  les  concours,  les  bustes  et  les  gestes  qui  ont  figuré  dans 
toutes  les  officines  d'académie.  Toute  celte  composition  est  froide 
et  la  nappe  de  lumière  que  le  peintre  fait  descendre  en  un  des 
coins  du  tableau  apparaît  comme  un  glacial  suaire.  Beaucoup 
d'artistes  qui  excellent  à  peindre  tel  morceau  ou  tel  portrait,  à 
modeler  tel  groupe  de  satyres  ou -tel  buste,  se  perdent  en  des  bas- 
reliefs  à  prétentions  michel-angelesques  ou  en  des  toiles  étalées 
en  pompeux  mètres  carrés  sur  les  murailles  des  salles. 


CERCLE  DES  FEMMES-PEINTRES 

Troisième  exposition  annuelle. 

Avec  un  zèle  infatigable  et  une  persévérance  rare,  M"«  Mary 
Gasparoli,  non  contente  de  couvrir  de  tournesols,  de  chrysan- 
thèmes et  même  de  compositions  à  intentions  allégoriques,  où 
la  mélancolie  des  immortelles  est  opposée  au  pourire  des  fleurs 
des  champs,  la  blanche  surface  des  châssis  de  toile,  s'occupe 
chaque  année  de  rassembler  dans  une  même  ardeur  exhibition- 
niste toutes  les  femmes  peintres  de  sa  connaissance,  et  même  les 
autres.  Si  malheureusement  Ses  démarches,  bien  qu'instantes, 
échouent  auprès  des  artistes  que  renseignent  les  catalogues  des 
Cercles  d'avant-garde  ou  des  Salons  officiels:  les  Anna  Boch,  les 
Louise  Héger,  les  Marie  Collart,  les  Euphrosine  Beernaerl,  les 
Mary  Cassait,  les  Berlhe  Morisot,  les  Clara  Montalba,  les  Mar- 
guerite Holeman,  du  moins  sa  diplomatie  n'est-elle  pas  en  défaut 
quand  elle  s'adresse  à  des  personnalités  de  second  plan,  que  les 
expositions  annuelles  du  Cercle  des  Femmes-peintres  font  peu  à 
peu  sortir  de  l'ombre. 

Les  difficultés  ont  été  d'autant  plus  grandes,  cette  fois,  que  des 
confrères  installés  dans  les  galeries  que  guignait  l'aimable  secré- 
taire ont  mis  en  pratique  le  :  «  J'y  suis,  j'y  reste  »  avec  plus 
d'autorité  que  de  galanterie.  11  a  fallu  se  contenter  de  la  salle  des 
Conférences,  se  serrer  un  peu,  accrocher  trop  haut  de  jolis  petits 
vases  pleins  de  géraniums  pour  lesquels  on  convoitait  lacimaise, 
reléguer  dans  des  coins  sombres  des  bouquets  de  marguerites 
qui  se  fussent  joyeusement  épanouis  en  pleine  lumière. 

Ah  !  Delmer,  mon  ami,  je  ne  vous  envie  pas  !  Quels  jolis 
espoirs  vous  avez  dû  briser!  Quelles  durables  rancunes  accu- 
muler! Quels  furieux  coups  de  bec  vous  sont  quotidiennement 
distribués  dans  la  volière  ouverte  à  côté  de  la  cage  où  vous  pré- 
sentez vos  lionceaux  ! 

Paix  !  Mesdames.  Votre  Exposition  n'a  point  perdu  au  change. 
La  salle  des  Conférences  est  la  mieux  éclairée  du  Musée  :  c'est 
même  probablement  pour  cela  qu'on  en  a  fait,  au  lieu  d'une  salle 
d'exposition,  une  parlotte,  suivant  la  loi  fatale  qui  régit  à  contre- 
sens, dans  notre  pays,  la  destination  des  locaux  comme  celle  des 
monuments.  C'est  aussi,  par  ses  proportions,  la  salle  qui  devait  le 
mieux  vous  convenir.  Vos  cent  œuvres,  —  que  ne  puis-je  écrire 
vos  cent  chefs-d'œuvre!  —  y  couvrent  très  exactement  les  quatre 
panneaux  et  se  soutiennent  mieux  l'une  l'autre  que  si  on  les  eût 
espacées. 

Mon  sentiment  vrai?  C'est  que  le  progrès  sur  les  expositions 
précédentes  est  sérieux.  N'était  l'instinct  d'imitation  que  décèle  en 
général  toute  peinture  fémiiiine,  —  cet  instinct  qui,  dans  les  œuvres 
de  M"*  Lucie  Baldauf  évoque^  le  souvenir  de  Mellery,  dans  les 


V, 


loiles  de  M"*  Demanet  celui  de  Speckaerl,  dans  les  paysages  de 
M"«  Rosa  Leigh  la  manière  de  Verslraele,  dans  les  éludes  de 
M""  de  Bourizoff  la  couleur  el  les  procédés  de  Slingencyer  (mais 
oui,  pourquoi  pas?)  —  on  pourrait  déclarer  le  Cercle  des  Femmes- 
peintres  loul  aussi  intéresssanl  que  le  Cercle  artistique  dont  il  est 
un  succédané. 

Ceci  établi,  à  qui  la  pomme?  Il  faudrait,  pensons-nous,  ne  pas 
imiter  cet  idiot  de  Paris  et  la  partager  en  quatre.  A  M"»  Lucie 
Bald.nuf  le  plus  gros  quartier.  Son  portrait  de  jeune  fille  est 
remarquable  :  simplicité,  sobriété,  couleur  harmonieuse  el  ferme, 
il  réunit  un  ensemble  de  qualités  peu  ordinaires.  Son  Vestibule, 
pour  être  un  trop  évident  décalque  de  Mellery,  n'en  constitue  pas 
moins  un  bon  dessin,  d'une  observation  juste.  La  Liseuse,  la 
Bue  sous  la  neige  révèlent,  de  même,  une  nature  artiste. 

Les  autres  quartiers  à  M"«  Louise  De  Hem,  dont  les  pastels  et 
peintures  à  l'huile  dénotent  un  sentiment  délicat;  à  M"»  Henriette 
Calais,  qui  expose  un  bon  portrait  do  jeune  fille;  à  M"'  Andaluzia 
Evans,  qui  affectionne  particulièrement  les  loulous  et  les  peint 
avec  talent. 

On  pourrait  encore  distribuer  des  mentions  honorables  à 
M"«  Madeleine  Carpenlier  pour  sa  Tête  déjeune  fille,  à  M"«  Mar- 
guerite Dielman  pour  ses  Fleurs  et  accessoires,  à  M"»  Pierre  Dupré 
pour  ses  Coquelicots,  à  M""  Elsom,  Gasparoli,  Van  Tilt,  Leigh,  etc. 
Et,  ceci  fait,  engager  toutes  ces  dames  à  s'efforcer  d'originaliser 
leur  vision. 


REMBRANDT  ALS  ERZIEHER 


(I) 


Rembrandt  éducateur?  Traduisons  plutôt  librement:  Rembrandt 
symbole. 

Voilà  un  livre  qui  a  fait  et  qui  fait  encore  beaucoup  de  bruit  en 
Allemagne,  où  il  en  est  à  sa  quarantième  édition.  L'auteur? 
«  Von  einem  Deulschen,  —  par  un  Allemand  ».  Impossible  d'en 
apprendre  davantage.  Si  vous  écrivez  à  l'édilcur,  afin  qu'il  vous 
fasse  obtenir  le  droit  de  traduction,  il  vous  répondra  :  «  Je  s^uis 
lié  par  mon  contrat  à  ne  divulguer  le  nom  de  l'auteur  à  personne 
el  je  ne  puis  lui  communiquer  votre  demande,  car  depuis  long- 
temps j.'ai  rompu  toutes  relations  avec  lui.  «Vous  pouvez  bien 
penser  qu'on  s'est  livré  'a  des  conjectures.  Une  publication  alle- 
mande a  même  trouvé  un  nom  :  M.  Langbehn,à  Hadcrsleben 
mais  c'était:  une  fausse  piste.  Aussi,  on  ne  cherche  plus  guère 
après  s'être  cassé  la  tête  depuis  le  mois  de  janvier  1890,  époque 
où  a  paru  la  première  édition.  Au  début,  le  livre  n'a  pas  fait  grande 
sensation  :  la  presse  n'osait  ou  ne  savait  que  dire.  Mais  elle  avait 
compté  sans  l'excellente  organisation  des  libraires  allemands,  qui 
reçoivent  tout  ce  qui  paraît  et  envoient  à  option,  en  ville  el  à  la 
campagne,  ce  qui  peut  être  du  goût  du  client,  qu'ils  connaissent 
à  fond.  El  maintenant  le  livre  est  en  pleine  vogue. 

Qu'est-ce?  Une  critique  acerbe,  agrémentée  d'aphorismes,  des 
chosies  politiques,  artistiques,  scientifiques,  de  toute  la  vie  intel- 
lectuelle, enfin,  de  l'Allemagne,  avec  la  conclusion  que  soûl  un 
renouveau  général,  de  la  racine  au  sommet,  saura  régénérer  l'Alle- 
magne décadente.  Par  quoi? Par  la  modestie,  le  calme,  la  solitude, 
l'individualisme,  el  par  l'art,  qui  doit  devenir  le  summum  do 
l'existence  intellectuelle,  en  refoulant  à  la  seconde  place  la 
science  devenue  encombrante  et  spécialiste,  sèche  el  ignorante 
comme  l'érudil  de  La  Bruyère.  L'auteur  pense  que  lorsque  toute 

(1)  Un  volume  chez  Hirschfeld,  Leipzig. 


l'aclivilé  nationale,  politique  comprise,  sera  devenue  artistique, 
lorsque  le  peuple  aura  reconnu  la  suprérnalie  de  l'art,  la  culture 
germanique  sera  réelle  el  universelle. 

Le  symbole  auquel  s'attache  le  mystérieux  écrivain  nous  est 
présenté  magistralement.  Le  grand  mafire  hollandais  revient  à 
tout  instant  dans  les  356  pages  du  volume,  et  si  l'on  voulait 
réunir  les  appfécialions  brillantes  sur  le  génie  de  Rembrandt  qui 
émaillenl  le  livre,  on  composerait  une  des  plus  belles  critiques 
d'art  qui  aient  été  écrites  sur  le  peintre  des  Syndics. 

Par  un  jeu  d'ingénieux  paradoxes,  Rembrandt  est  présenté 
i  la  fois  comme  l'artiste  le  plus  germanique  et  le  plus  individuel 
qui  soit,  le  modèle  à  suivre,  le  symbole  à  invoquer  dans  la  lutte 
pour  la  renaissance  éthique.  Il  nous  est  impossible  de  suivre  les 
déductions  que  ce  procédé,  appliqué  avec  un  art  minutieux, 
appuyé  de  citations,  a  permis  à  l'auteur  anonyme  de  présenter  au 
lecteur. 

Rembrandt  est  un  Bas-Allemand,  être  mieux  doué  que  l'homme 
du  Midi,  et  surtout  de  l'aride  Prusse.  La  Basse-Allemsigne 
inlellecluelle  commence  en  Hollande,  —  avec  une  Ile  pour  les 
immigrés,  les  Frisons,  qui  ne  chantent  point  :  Frisin  non  cnnlat, 

—  elle  s'arrête  à  la  rive  de  l'Elbe.  La  factice  Berlin  n'osl  plus 
dans  le  rayon,  mais  Bismarck,  lui,  y  est  né.  C'est  là  et  un  peu  en 
amont  du  Rhin  qu'il  faut  prendre  exemple. 

Cela  est  dit  dans  un  style  hardi,  aux  images  surprenantes, 
parfois  déconcertantes,  avec  un  pessimisme  souvent  justifié. 

Il  y  a  eu  des  ripostes. 

a  Hoellenbreughel  als  Erzieher»  (Brueghel  d'Enfer  éducateur), 
la  première,  est  une  parodie  gaie,  qui  impute,  entre  autres,  à' 
Wagner  l'extension  de  l'alcoolisme  en  Allemagne,  avec,  pour  la 
fin,  l'apothéose...  de  la  bière.  C'est  de  l'esprit  d'outre-Elbe.  Le 
parodiste —  «  un  autre  Allemand  »,  qui  n'est  autre  que  M.  F.  Pfohl 

—  procède  par  l'exagération  du  grotesque. 

Une  réfutation  plus  sérieuse  a  été  faite  dans  un  volume  qui  a 
obtenu  six  éditions:  Billige  Weisheit  (La  sagesse  à  bon  maiclié), 
antidote  contre  «  Rembrandt  als  Eiziohcr  »,  par  «  Ntmlibus  ». 
Ce  volume  a  paru  chez  Seemiinn  à  Leipzig.  Citons  encore  une 
autre  brochure  :  «  Est!  Est!  Est!  Propler-nimium  Est!  Eut! 
Est!  dominus  meus  vwrtuus  est.  Est  vinum  bflnum  est  ».  Mol  de 
la  fin  d'une  anecdote  connue,  «  von  einem  niederdeuisehen 
Bauern  »,  par  un  paysan  bas-allemand.  Enfin  :  Der  hrimliche 
Kaiser,  brochure  anonyme.  Le  titre  est  emprunté  à  l'ouvrage 
initial  où  l'auieur  souhaite  la  venue  d'un  empereur  caché,  c'est- 
à-dire  d'un  directeur  intellectuel  du  peuple  allemand,  puissant  el 
influent,  mais  discret,  exerçant  une  action  occulte. 

Parmi  les  défenseurs  de  notre  volume,  nous  ne  connaissons 
que  deux  ouvrages  :  Rembrandt  uvd  Bismarck,  par  M.  Max 
Bcwer,  un  publiciste  brillant,  mais  peu  heureux,  adhérent  incom- 
mode et  bruyant  de  l'ancien  chancelier.  Ensuite  :  Fin  ernstes 
Wort  ûber  Rembrandt  als  Erzieher  (Paroles  sérieuses  sur  Rem- 
brandt-symbole). 

Voici,  en  dernier  lieu,  le  poète  Félix  Dahn  qui  intitule  : 
Moltke  als  Erzieher  (Broslau,  chez  Scholtiander),  un  petit 
ouvrage,  très  bien  fait,  sur  le  défunl  général,  dont  les  œuvres 
littéraires,  publiées  en  ce  moment,  fini  à  bon  droit  sensation. 
L'auteur,  dont  la  compétence  est  connue,  soutient  qu'il  csl 
inutile  de  prendre  pour  modèle  un  peintre  hollandais  lorsqu'on  a 
eu  devant  soi  l'exemple  de  toutes  les  v.rlus  de  Thomme  privé,  du 
soldat  modeste  et  ariisie  délicat,  autant  que  savant,  du  pairiotc 
exempt  de  chauvinisme,  mais  non  d'une  communicative  chaleur. 


.V 


qui,  après  sa  mort,  apparaît  soudain,  comme  un  véritable  édu- 
cateur el  un  littérateur  classique.  Le  plaidoyer  de  M.  Félix  Dahn 
csi  séduisant  et  sera  lu  avec  intérêt  même  par  les  adversaires  de 
l'homme  de  guerre. 

Pour  donner  une  idée  du  curieux  ouvrage  dont  s'occupe  l'Alle- 
magne, nous  en  publierons  prochainement  quelques  pages  tra- 
duites spécialement  pour  VArt  moderne,  el  dans  lesquelles  on 
retrouve  certaines  idées  que  développe  M.  Edmond  Picard  dans 

In  Synthèse  de  Vanlisémilisme. 

P.  M. 


L'ART  IMPRESSIONNISTE 

M.  Georges  Lecomte,  en  un  précieux  volume  dont  nous  avons 
rendu  compte  (1),  vient  de  réunir  les  oeuvres  dominantes  des 
peintres  impressionnistes. 

Ce  livre  est  une  documentation  curieuse  el  émue  parce  qu'il 
dévoile,  à  nos  yeux  habitués  aux  définitives  victoires  d'un  arl 
neuf,  l'étrange  labeur  el  l'âpre  lutte  soutenus  dans  l'ombre  de  tout 
un  âge  dédaigneux,  dans  la  ténèbre  des  misères  matérielles  et  que 
consolaient  seuls  les  éclairs  de  la  foi  el  du  génie. 

Depuis  qu'une  rénovation  littéraire  intense  a  semé  le  sol  artis- 
tique de  fleurs  de  lumière  vibrante,  et  depuis  que  d'insinuante 
manière  l'inteliectualiié  a  filtré  dans  le  domaine  pictural  —  autre- 
fois borné  par  ses  diminuantes  frontières  du  convenu  et  de  l'his- 
toire académique  —  l'art  impressionniste  devait  éclore,  nécessaire- 
ment, faiidiqucment.  Car  à  toute  époque  littéraire  correspond  un 
équivalent  dans  les  arts  voisins,  à  toute  transformation  suit  une 
métamorphose.  La  peinture  comme  la  musique,  l'âme  littéraire 
subissent  d'invisibles  lois  qui  sont  les  règles  instinctives  de  l'art 
en  général.  Cette  loi —  ou  plutôt  cet  instinct  —  s'est  manifesté, 
cette  fois,  dans  la  littérature  et  je  pourrais  citer  telles  œuvres, 
dominatrices  d'une  époque  tout  entière.  C'est  là  la  curieuse  impé- 
rialilé  de  la  pensée  imprimée.  La  généralité  des  grands  mouve- 
ments, synlhèses  d'un  siècle,  ont  eu  leur  cause  initiale  dans  le 
cerveau  producteur  d'œuvres  écrites. 

Et  la  peinture,  plus  spécialement  attirée  vers  la  pensée  qui  se 

.  sculpte  dans  les  mots  en  images  plates,  en  ombres  Imaginatives, 

en  reliefs  conventionnels,  acquérant  leur  puissance  par  la  vision 

qu'on  parvient  à  figer  dans  la  phrase  réfléchie,  —  la  peinture  est 

la  traduction  colorée  de  cette  môme  pensée  émise  en  verbes. 

Cette  abstraite  sculpture  intellectuelle,  suivaiit  les  modes  histo- 
riques traversés,  selon  les  nombreux  infinis  de  l'ambiance,  des 
instincts,  de  la  nécessité,  se  métamorphqse,  change  et  se  modèle 
d'après  ces  influences  qui  palpent  le  cerveau  el  le  façonnent, 
et  la  peinture  qui  subit  l'élernelle  magie  des  caressantes  inflexions 
tle  la  pensée  adapte  ces  transpositions  idéales,  comme  de  la  cire, 
sur  le  chaioiment  multiple  des  couleurs. 

Ce  n'est  pas  une  servilité  que  ce  magnétisme  étrange  et  capti- 
vant. Les  grands  écrivains  ont  tous,  par  l'étonnante  prévision  d'une 
pensée  plus  tôt  mûrie  que  d'autres,  fait  planer  sur  les  étroile"S 
limites  de  leur  âge  les  transformations  prochaines.  Les  peintres, 
naturellement  pénétrés  d'un  art  plus  spécial,  moins  large,  n'em- 
bpiissant  guère  la  promesse  des  futures  éclosions,  se  laissent  gui- 
der et  sont  suggérés. 

Voilà  l'hypnose  glissée  dans  un  art  naguère  barré  de  dogmes 
fixes,  aujourd'hui  plein  d'air,  de  lumière,  aux  nerfs  flexibles, 

(1)  V.  notre  numéro  du  15  mai  dernier. 


sujet  à  toutes  les  irritations,  à  toutes  les  vibrations  du  cœur  et 
de  l'esprit. 

La  particulière  vision  du  peintre  modifie  d'après  les  particula- 
rités de  son  tempérament  cette  puissance  qu'il  ignore,  du  reste, 
soumis  seulement  à  l'occulte  force  immanente  des  idées  —  se  sen- 
tant envahi  p;ir  l'obscure  influence  d'une  phalange  qui  paraît 
marcher  loin  de  lui  —  mais  la  lumière  spirituelle  se  réverbère 
au  loin,  insinuante  et  pénétrante  el  qui  conquiert  lentement,  sûre- 
ment son  cerveau,  sa  vision  —  et  sa  palette  définitive.  L'influence 
des  mêmes  principes,  argumentes  d'idées  sincères,  commentés 
el  batailles  sans  trêve,  produit  l'ùmpulsion  que  porte  en  soi 
toute  époque. 

Rien  alors  des  doctrines  maçonnées  par  des  siècles  d'inertie  et 
d'habitude  ne  peut  survivre.  Aux  houles  des  idées  mûres,  les 
monuments  anciens  croulent,  laissant  onduler  au  lointain  le 
prisme  doux  et  consolant  des  arcs-en-cicl  nouveaux,  .possibilités 
nombreuses  d'un  arl  plus  sincère  et  plus  vrai. 

El  ce  phénomène  s'est  produit  chez  les  impressionnistes;  l'in- 
tellcctualité  a  fait  vibrer  les  visions,  les  phrases  colorées.  Toute 
la  sculpture  fine  des  tons,  el  partout,  comme  des  strophes  de  cou- 
leurs, chantent  au  travers  des  luttes  noires  d'antan,  les  prévisions 
glorieuses  d'autres  victoires  ! 


ARCHITECTURE 

Nous  avons  souvent  rompu  des  plumes  ici  en  faveur  de  l'embel- 
lissement des  gares  de  chemin  de  fer,  el  nous  avons  maintes  lois 
réclamé  pour  qu'on  supprime  les  administratives,  banales  et 
afiligeantes  stations  qui  encombrent  de  leurs  uniformes  mines 
nos  voies  ferrées. 

On  commence  maintenant  à  construire  des  gares  plus  gaies  à 
l'œil  des  voyageurs.  C'est  bien.  La  tendance  des  dirigeants  est 
excellente.  Mais  hélas!  quelles  désillusions  nous  donnenl  enrore 
les  architectes!  Ainsi, voyez  la  nouvelle  gare  d'Audenarde.  Que 
viennent  faire,  au-dessus  des  toits,  ces  volets  de  tourelles  qui  ne 
s'ouvriront  jamais,  et  ces  tourelles  elles-mêmes,  dans  lesquelles, 
d'ailleurs,  un  chien  ne  saurait  tenir?  Il  faut,  en  architecture,  que 
chaque  chose  ait  sa  raison  d'être,  son  humaine  raison.  Il  faut  que 
tout  soit  proportionné  au  corps  el  aux  idées  des  hommes.  Con. 
struire  des  tourelles  pour  le  repos  des  pigeons,  c'est  charmant 
dans  un  coin  de  ferme,  mais  c'est  inepte  au-dessus  d'une  gare. 
-C'est  le  rococo  moderne,  le  superflu  bibiche,  rornementaiion  du 
«  parvenu  »,  l'illogisme  suprême!  Cherchez  donc  de  ces  décors 
sans  raison  dans  rarcliiteclure  grecque  ou  gothique? 

Vraiment,  au  point  de  vue  architectural,  nous  traversons  une 
plate  époque,  sans  caractère,  cl  dont  la  seule  marque  est  peut-être 
de  refléter  la  seule  vanité,  l'inanité  et  l'ostentation  de  mai'vais  goût 
des  bourgeois  de  nos  jours. 


pORREgPONDANCE 

Cher  Monsieur, 

Je  vous  serais  très  reconnaissant  de  signaler  dans  l'Art  moderne 
celle  chose,  d'ailleurs  nullement  étonnante  en  Belgique  : 

Ayant  été  obligé  de  renoncer  à  l'organisation  d'un  concert 
d'œuvres  belges  au  Salon  Anvcrs-Bruicelles,  tant  j'avais  rencontré 
partout  de  rindiiférencc  cl  de  l'hostilité,  j'avais  prié  la  presse 


r' 


quoiidienne  bruxelloise  d'annoncer  ma  décision.  Or,  sauf  la 
Chronique  qui  en  a  -parlé  deux  fois,  aucun  autre  journal  n'a  ou 
la  politesse  d'accueillir  ma  lettre. 

Aussi  c'est  ^  Paris  que  je  compte  donner,  en  même  temps 
qu'une  exposition  de  mes  œuvres,  deux  séances  de  musique, 
l'une  belge,  comprenant  des  œuvresde  MM.  Georges  Flé,Guillaumc 
LcHeu  el  Eugène  Samuel,  l'autre  consacrée  h  l'école  de  Franck  el 
à  deux  jeunes  compositeurs  inconnus  en  Belgique. 

Merci  d'avance  de  tout  cœur  et  agréez  mes  salutations  très 

distinguées. 

G.  Mei.chers. 


ABAYflEUTH 

La  distribution  définitive  des  quatre  ouvrages  qui  seront  repré- 
sentés cet  été  à  Bayreuth  a  été  arrêtée  comme  suit  : 

PARSIFAL 

Pârsifal,  MM.  Van  Dyck  (Vienne)  et  Gruning  (Hanovre); 
Kundry,  M""'Mailhac(Carlsruhe)ct  Malien  (Dresde);  Gurnemanz^ 
MM.  Grengg  (Vienne)  el  Frauscher  (Barmen);  Atufortas, 
MM.  Kaschmann  (Milan)  et  Sclieidemantel  (Dresde);  Klingsor, 
MM.  Liepe  (Berlin)  el  Planck  (Carisruhe);  Filles- fleur  s.  M™"  Hart- 
wig  (Dortmund),  Hedinger  el  Welsclike  (Breslau),  Mitskiner 
(Stellin),  Muldcrs(Ulrechl)et  \Viborg(Schwerin). 

TRISTAN  ET  ISOLDE 
Tristan,   M.   Vogl  (Munich);    Isolde,    M"»»  Suclier  (Berlin); 
Brangœne,  M""»  Slaudigl  (Berlin);  le  roi  Marke,  MM.  Doering 
(Mannheim)  etGura  (Munich);  Kurwetml,  M.  Planck. 

TANNHi€USER 
Le  Landgrave,  M.  Doering;  Tannhœuser,  M.  Gruning;  Wolf' 
ram,  M.  Scheidemanlel;   Walther,  M.  Gerhauser  (Bayreuth); 
Bileroll,  M.  Liepe;  Heinrich,  M.   Zeller  (Weimar);  Reinmar, 
'm.  Bûcha  (id.);  Elisabeth,  M"«  Wiborg;  Véntis,  M»«  Mailhac. 
Le  ballet  réglé  par  M"»  Zucchi.     * 

LES  MAITRES-CHANTEURS 

Hans  Sflc/«,  M.  Gura;  Pogner,  M.  Frauscher;  Beckmesser, 
M,.  Muller  (Leipzig):  Kolhner,  M.  Bachmann  (Halle);  Walther 
von  Stolzing, M.  Anthes  (Dresde);  David,  îi.  HoiFmuller  (id.);  Eva, 
M"«»  Hartwig  et  Wiborg;  Madeleine,  M™»  Slaudigl. 

Chefs  d'orcheslre  :  MM.  Lévy  (Munich),  Molli  (Carisruhe)  cl 
Han8Richler(Vienne).  — Chef  des  chœurs  :  M.  Kniese  (Bayreulh). 


BIBLIOGRAPHIE  MUSICALE 

Albeniz,  l'extraordinaire  virtiiose  du  clavier  que  nous  eûmes  cel 
hiver  la  bonne  fortune  d'applaudir  à  Bruxelles  en  quelques  soi- 
rées intimes  demeurées  inoubliables,  est  l'auteur  d'une  foule 
de  compositions  pour  piano  publiées  à  Madrid  par  A.  Romero,  à 
Londres  par  Joseph  Williams,  par  MM.  Stanley,  Lucas,  Weber 
et  C'%  par  MM.  Pilt  et  Hatzfeld,  etc.      . 

La  couverture  d'un  Concierto  para  dos  pianos  (op.  78),  de 
bonne  facture  mais  d'inlérôl  musical  contestable,  renseigne  de 
très  lointaines  Variaciones  brillantes  sobre  «  //  Crociato  »  accos- 
tant une  Fantasia  sobre  Lucia  de  Lammermoor.  Mais  de  ces  tra- 
vaux médiocres,  indice  des  jours  noirs  du  début,  il  ne  reste  heu- 
reusement rien  dans  l'œuvre  actuel  du  musicien,  où  s'épanouit  sa 


nature  exubérante  cl  gaie,  servie  par  une  impeccable  écriture  el 
par  la  connaissance  approfondie  des  ressources  du  piano. 

La  musique  de  M.  Albeniz  a  mômes  qualités  et  aussi  mêmes 
défauts  que  celle  de  Rubinstein  :  distinction,  élégance  de  facture, 
superficialilé,  usage fré;juenl  d'harmonies  vulgariséesel de  cadences 
connues.  La  forme  «n  est  toujours  soignée,  mais  dans  chacune  de 
ses  œuvres  elle  apparaît  identique  :  exposition  du  sujet,  dévelop- 
l>emenl,  exposition  et  développement  de  la  deuxième  idée,  reprise 
du  lUème  initial  et  cadence  finale.  Le  plan  varie  si  peu  qu'on 
pourrait,  presque  à  coup  sûr,  avec  les  deux  idées  que  renferme 
chaque  morceau,  bâtir  celui-ci  à  peu  près  tel  que  l'a  construit 
l'auteur. 

Environ  deux  cents  numéros  ont  été  édités.  Citons  entre  autres 
deux  Valses  de  Salon,  irols  Mazurkas,  Cuba,  Cadiz-Oadilana, 
Grenada,  Pavane  espagnole,  Zambra  Oranadina,  Barcarolle 
catalane,  Minuetlo,  Cotillon-  Valse,  Impromptu,  Romance  sans 
paroles,  Angoisse,  On  ihe  Water,  Mallorca,  Berceuse, Hcherzino, 
Chant  d'amour,  l'Automne,  qui  toutes  décèlent,  sinonune  inspi- 
ration originale,  du  moins  une  main  experte  et  un  scnlimcnl 
artiste. 

Mais  où  M.  Albeniz  excelle,  c'est  dans  la  transcription  et  l'adap- 
tation des  motifs  populaires  de  l'Espagne,  auxquels  il  donne  une 
saveur  rare.  Quelques-uns  des  morceauxjans  lesquels  il  introduit 
les  rythmes  joyeux  des  danses  populaires  de  sa  patrie  cl  les  lentes 
mélopées  des  flamencos  sont  exquis  de  charme  imprévu  el  de 
pittoresque.  Les  plus  jolis  sont  :  Sevillanas,  Sérénade  espagnole, 
Jota  Aragonesa,  Tango  el  Sevilla,  publiées  par  MM.  Slanley, 
Lucas,  Weber  et  C'«.  Signalons  aussi  le  recueil  intitulé  Espana' 
op.  46S  (Londres,  Pitl  el  Hatzfeld),  qui  donne,  en  30  pages,  une 
vision  élincelante  des  danses  pimentées  de  l'Andalousie  et  de  la 
Catalogne. 

Nous  apprenons  que  M.  Albeniz  vient  d'achever,  en  collabora- 
tion avec  M.  Fernandez-Arbos,  un  opéra  comique  espagnol  qu'il 
a  fait  recevoir  au  Lyric-Theatre.  Souhaitons-lui  le  succès  de 
Carmen-up-to-data  el  les  jolies  interprètes  de  la  Burlesque  Com- 
pany.   

NÉCROLOGIE 

M.  Théodore  GanneeL 

M.  Théodore  Canneel,  directeur  de  l'Académie  de  dessin,  de 
peinture  et  de  sculpture  de  Gand,  vient  de  mourir  b  la  suite  d'un 
cancer  à  l'estomac.  Il  élail  né  à  Gand  en  1817.  II  a  élé  nommé 
directeur  de  l'Académie  en  1852,  après  son  retour  de  l'Italie  où  il 
avait  achevé  ses  études  artistiques. 

M.  Canneel  était  inspecteur  de  l'enseignement  du  dessin, 
membre  de  la  Commission  royale  des  monuments  et  membre 
correspondant  de  l'Académie  royale  des  sciences,  lettres  et  beaux- 
arts,  officier  de  l'ordre  de  Léopold.  Il  est  l'auteur  des  peintures 
murales  des  églises  Saint-Sauveur  el  Sainte-Anne  à  Gand  el  de 
l'église  de  Bursl  près  d'Alost. 

Simple,  modeste  et  bon,  M.  Canneel  élail  très  estimé  et  aimé. 
En  1875,  ses  anciens  élèves  lui  ont  rendu  un  hommage  public,  en 
plaçant  son  médaillon  dans  un  des  murs  de  l'école  qu'il  dirigeait. 
Le  personnel  de  l'école  se  préparait  à  célébrer  le  50^  anniversaire 
de  son  entrée  en  fonctions  comme  directeur. 

M.  Pierre-Armand  Cattier. 

Le  statuaire  Pierre-Armand  Catlier  vient  de  mourir  h  Bruxelles, 
âgé  de  soixante-deux  ans.  On  lui  doit  le  monument  de  J.Cockerill, 


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élevé  sur  la  place  du  Luxembourg,  les  grandes  figures  allégoriques 
qui  décorent  l'une  des  portes  de  l'enceinte  extérieure  d'Anvers, 
une  Daphnis  acquise  par  l'État  pour  le  Musée  de  sculpture,  un 
grand  nombre  de  bustes,  etc.  M.  Cattier,  qui  était  le  père  du 
critique  d'art  de  la  Gazette,  était  officier  de  l'ordre  de  Léopold. 
Ses  funérailles  ont  été  célébrées  mercredi  en  présence  d'un 
grand  nombre  d'amis,  d'artistes,  d'hommes  de  lettres,  etc. 


Petite  CHROj^iqup 


M.  Georges  Eekhoud  a  fait  samedi  dernier  à  l'Exposition 
communale  d'ixelics  une  1res  belle  conférence  sur  Charles  De 
Coster,  l'un  des  fondateurs  de  notre  littérature.  Il  a  énergique- 
ment  revendiqué  pour  le  grand  écrivain  un  monument  qui  — 
M.  Nautel  le  rappelle  dans  son  Histoire  des  lettres  belges  — 
lui  a  été  refusé  jusqu'ici.  Nous  publierons  dans  nos  prochains 
numéros  la  sténographie  complète  de  cette  magistrale  étude. 

L'Association  pour  l'Art  fera  entendre  aujourd'hui  à  Anvers, 
dans  les  locaux  de  son  exposition,  une  sélection  d'œuvres 
modernes  avec  le  concours  de  M™*  Soeiens-Flamenl,  de  MM.  Litta 
et  H.  Gillet.  Au  programme  :  P.  Benoit,  V.  d'Indy,  G.  Fauré, 
E.  Chabrier,  N.  Rimsky-Korsakow. 

M.  Camille  Lemonnier  a  tiré,  pour  lesMartinetli,  une  pantomime 
en  trois  actes  et  cinq  tableaux  de  son  roman  Le  Mort.  MM.  Léon 
Du  Bois,  auteur  de  la  musique,  et  Paul  Martinetti,  principal  inter- 
prète de  l'œuvre  nouvelle  et  collaborateur  de  M.  Lemonnier  pour 
l'adaptation  du  Mort,  viennent  de  se  rendre  à  Paris  où  ils  ont 
pris  avec  l'auteur  les  dernières  dispositions  pour  mettre  celle-ci  au 
point. 

Le  Mort  sera  représenté  sur  une  scène  parisienne  au  début  de 
la  saison  prochaine. 

M.  Rodolphe  Salis  et  ses  amis  du  Chat  noir  donneront  samedi 
prochain  une  représentation  au  Théâtre  des  Galeries.  Ils  joueront 
la  Marche  à  l'Etoile  de  Fragerolle,  Une  Affaire  d'honneur  de 
i.  Jouy  et  l'Age  d'or  de  Willette.  En  intermèdes  se  feront  entendre 
les  poètes  et  chansonniers  du  Chat  noir. 

Les  concours  publics  du  Conservatoire,  ouverts  hier  par  l'audi- 
tion des  classes  d'ensemble  vocal,  auront  lieu  dans  l'ordre  sui- 
vant : 

H  juin,  à  3  h.,  ouverture  des  concours. 

13,  à  8  h.,  instruments  à  embouchure. 

\&,  instruments  à  anche  et  flûte  ;  à  8  h.,  saxophone, 

basson,  clarinette;  à  3  h.,  hautbois,  flûte. 
18,  à  9  h.,  contrebasse,  allo;  à  3  h.,  violoncelle. 
21,  à  9  h.,  musique  de  chambre  avec  piano. 
Vendredi 24,  à  3  h.,  piano    (demoiselles);    prix    Laure    Van 

Culsem. 
Samedi    25,  h  3  h.,  piano  (hommes). 
.  Mardi       28,  à  9  h.  et  à  3  h.,  violon. 
Mercredi  29,  à  9  h.  et  à  3  h.,  violon. 

Samedi      2  juillet,  à  10  h.,  chant  théâtral  (hommes)  ;     3  h., 
chant  théâtral  (demoiselles);  duos  de  chambre. 
Vendredi  15,  à  3  h.,  tragédie  et  comédie. 

Les  Concerts  du  Waux-iïall,  favorisés  par  le  temps,  attirent  la 
foule.  Samedi  dernier,  le  contrôle  a  accusé  près  de  2,000  entrées. 


Samedi 

Lundi 

Jeudi 

Samedi 
Mardi' 


On  a  fait  ^  M.  Gilson,  qui  dirigeait  l'exécution  de  son  poème  sym- 
phonique  La  Mer,  un  accueil  si  enthousiaste  qu'il  est  question  de 
consacrer  au  jeune  maître,  désormais  populaire,  une  nouvelle 
séance. 

Les  programmes  sont  d'ailleurs  fort  intéressants  cette  année. 
Plusieurs  solistes  se  sont  fait  entendre  avec  succès.  Citons  spé- 
cialement M"««  Goeizet  Parenlani,  MM.  Ganduberl,  Guidé,  Jacob 
et  le  jeune  violoniste  F.  Hill, 

Ce  dernier,  qui  se  faisait  entendre  pour,  la  première  fois  en 
public,  a  révélé  une  technique  de  premier  ordre  jointe  à  un  vrai 
tempérament.  Il  a  joué  en  artiste  accompli  la  BarcaroUe  du 
3'"«  concerto  de  Saint-Saëns  et  les  périlleuses  Zigeunerweisen  de 
Sarasate. 

M.  James  Me.  Neill  Whistler  se  fixe  définitivement  à  Paris,  où 
il  vient  de  louer  un  atelier  et  un  appartement.  Le  6il  Blas  le 
«  photographie  »  en  ces  termes  : 

Un  des  artistes  les  plus  originaux  de  ce  siècle,  dont  le  pinceau 
magique  a  su,  en  d'inoubliables  portraits,  traduire  l'éternelle 
énigme  du  visage  humain  jusqu'en  ses  plus  fugitives  attitudes, 
comme  dans  ses  paysages  il  a  rendu  la  vie  des  choses  jusqu'aux 
confins  les  plus  délicats  de  la  lumière  et  du  visible.  Célébré  par 
Baudelaire,  il  y  a  quarante  ans,  n'en  fut  pas  moins  relégué  «  au 
dépotoir  »  chaque  fois  qu'il  tenta  d'exposer  au  Salon,  par  ces 
mêmes  peintres  qui  lui  offrent  aujourd'hui  des  banquets,  lui 
.  abandonnent  la  cimaise  au  Champ-de-Mars  et  applaudissent  à 
son  entrée  au  Luxembourg.  Au  physique,  un  «  exceniric  »  des 
plus  réussis,  ce  petit  vieux  que  sa  mèche  blanche  —  une  touflfc 
clownesse  dans  ses  cheveux  noirs  —  et  sa  haute  canne  légendaire 
distinguent  du  commun  des  morlels.  N'admet  pas  d'être  discuté. 
Fit  condamner  à  1  franc  de  dommages  et  intérêts  le  critique  Rus- 
kin,  qui  l'avait  malmené.  A  confércncié  à  Londres  et  publié  un 
«  Ten  o'clock  tea  »  (|ue  traduisit  Mallarmé  (1). 

La  mort  d'Ernest  Guiraud  a  laissé  vacante,  au  Conservatoire  de 
Paris,  une  place  de  professeur  de  composition.  Celle-ci  a  été 
offerte  à  M.  Vincent  d'Indy,  qui  ne  l'a  pas  acceptée.  Le  titulaire 
n'est  pas  désigné  jusqu'ici. 

•M.  Guiraud  occupait,  en  outre,  des  fondions  vivement  convoi- 
tées, à  sa  mort,  par  un  grand  nombre  de  musiciens  :  celles 
d'inspecteur  de  l'enseignement  de  la  musique  au  Conservatoire, 
dans  les  écoles  nationales  et  les  maîtrises. 

C'est  M.  Gabriel  Fauré  qui  vient  d'être  choisi  pour  ce  posie 
par  le  minisire  des  Beaux-Arts. 

Dans  la  dernière  livraison  de  l'Art  et  l'Idée,  M.  Octave 
Uzanne  étudie  l'art  de  Joseph  Chéret,  le  statuaire-décorateur  dont 
les  va.scs  obtiennent  en  ce  moment  un  grand  succès  au  Champ-dc- 
Mars.  La  monographie,  très  intéressahie,  contient  des  reproduc- 
tions hors  texte  des  principales  œuvres  de  l'artiste,  diverses  com- 
positions inédiles,  un  portrait  de  Joseph  Chéret  par  son  frère 
Jules,  etc.  Dans  cette  même  livraison,  à  Jire  un  curieux  article  de 
M.  de  Saint-Heraye  intitulé  Lw  Etapes  de  la  réclame,  histoire 
sommaire  du  puffisme  à  travers  les  âges. 

A  signaler  dans  la  Revue  de  l'Evolution  (rue  Chauchat  24, 
Paris)  Tes  articles  de  critique  de  M.  Georges  Lecomte  :  la  Renais- 
sance idéaliste  (n»  du  15  mars)  et  l'Impressionnisme  (n"  du 
1"  avril),  tous  deux  exactement  documentés  et  judicieusement 
déduits.  

A  l'exposition  dos  Beaux-Arts  de  Glascow,  dont  nous  recevons 
le  catalogue,  figurent  quelques  artistes  français  :  MM.  A.  Barlho- 
lomé  {Petite  fille  pleurant,  sculpture)  ;  P.  Bergeret,  P.  Damoye, 
E.  Degas  {Chez  la  modiste,  pastel);  P.  Dubois  {La  foi,  sculpture); 
H.  Fantin-Lalour,  J.  Girardet,  J.  Guillemet,  J.-F.  Raffaëlli  {Deux 
anciens),  etc.  On  a  exposé  en  outre  des  œuvres  de  Corot,  de 
Bonvin,  d'Isabey. 

M.  P.  De  Vigne  {Psyché),  M"'«  H.  Ronner  et  M.  A.  Ronnerrepré- 
senlenl  seuls  la  Belgique. 

(i)  Publié  dans  l'Art  modet-ne,  1888,  pp.  322  et  330. 


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Douzième  année.  —  N°  25. 


Le  numéro  :  2B  centimes. 


Dimanche  19  Juin  1892. 


MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAERgN 


ABONNEMENTS  :   Belgique,   un  an,  fr.   10.00;  Union  postale,   fr.   13.00.   —  ANNONCES  :   On  traite  à  forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  r.^t  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


Charles  De  Coster.  —  La  jeunesse  et  les  Juifs.  —  Assogiation 
POUR  l'Art.  -^  Ventes  récentes.  —  Concours  du  Conservatoire. 
—  Petite  chronique. 


CHARLES  DE  COSTER. 

Poursuivant  l'œuvre  de  revendication  entreprise  en 
faveur  du  plos  grand  de  nos  écrivains  nationaux  par 
l'Art  moderne  et  par  la  Jeune  Belgique,  M.  Georges 
Eekhoud  a,  dans  une  très  artiste  conférence  faite  à 
Ixelles  la  semaine  dernière,  hautement  proclamé  le 
génie  de  Charles  De  Çoster  et  énergiquement  réclamé 
Férection  d'un  monument  destiné  à  faire  revivre  cette 
séduisante  figure  de  nos  Lettres  belges. 

L'injuste,  l'inqualifiable  oubli  dans  lequel  on  a  laissé 
la  mémoire  de  l'auteur  d'Uilenspiegel  appelait  cette 
nouvelle  attaque,  à  laquelle  la  personnalité  de  M.  Eek- 
houd, l'un  de  nos  premiers  écrivains  contemporains, 
donne  une  force  et  une  signification  nettes.  Souhaitons 
que  cette  fois  nous  ayons  raison  des  préjugés,  de  l'hos- 
tilité, du  mauvais  vouloir  accumulés  contre  l'illustre 
artiste  et  qu'enfin  justice  lui  soit  rendue. 

Ceci  dit,  nous  laissons  la  pa,role  à  l'auteur  de  la  Nou- 
velle Carthage  ; 

C'est  d'un  grand,  d'un  Irès  grand  écrivain  que  je  vais  vous 
entretenir,  je  dirai  même  d'un  des  seuls  écrivains  arlisles  que 
puisse  revendiquer  la  Belgique  du  premier  cinquantenaire. 


La  grande  valeur  littéraire  de  Charles  De  Gosier  s'enrichit, de 
cette  circonstance  qu'il  fut  seul,  qu'il  fut  isolé,  qu'il  fut  un  véri- 
table précurseur. 

Aujourd'hui,  la  Belgique  n'est  pas  encore  une  patrie  bien  géné- 
reuse pour  le  poète,  mais,  à  l'époque  de  Charles  De  Coster,  elle 
se  comportait  comme  la  plus  odieuse  des  marâtres. 

Alors  que  le  musicien,  le  peintre,  le  sculpteur  pouvaient 
compter,  sinon  sur  une  compréhension  complète,  du  moins  sur 
utie  sorte  d'estime  et  de  respect,  l'homixie  de  lettres,  lui,  demeu- 
rait absolument  ignoré  ou  méconnu.  Pour  le  public  il  ne  repré- 
sentait rien  du  tout.  De  nos  jours  encore,  quoiqu'on  ail  fait  du 
.  chemin  chez  nous,  beaucoup  de  personnes,  et  même  de  celles 
appartenant  à  ce  qu'il  est  convenu  d'appeler  le  monde  des  arls, 
apprécient  un  tableau,  un  opéra  ou  même  une  symphonie,  mais 
sont  tout  à  fait  insensibles  îi  la  vraie  littérature.  Cela  provient 
d'un  manque  d'éducÎJtion,  mais  c'est  aifssi  le  résultat  de  déplo- 
rables préjugés  cl  de  très  fûcheuses  confusions.  Comme  tout 
lettré  —  dans  le  sens  général  du  mol  —  se  sert  de  plume  et 
d'encre,  tout  Belge  qui  a  appris  à  écrire  est  écrivain  ou  pourrait 
le  devenir.  Le  petit  jeune  homme  qui  fait  des  vers  où  les  amours 
riment  avec  toujours,  est  un  écrivain  ;  le  bas-bleu  qui  ne  jure 
que  par  Noël  et  Cliapsal  et  honore  Georges  Ohnel  de  ses  suffrages 
les  moins  acidulés,  est  un  écrivain;  le  moindre  instituteur  5  qui 
le  patriotisme  officiel  inspire  de  temps  en  temps  une  cantate 
ou  une  ode  en  quatre-vingt-douze  couplets,  est  un  écrivain. 

Ecrivain  encore,  le  reportaillon  qui  consigne  dans  tes  jour- 
naux le  trépas  des  chiens  écrasés;  écrivain,  le  chef  de  bureau 
qui  fait  à  son  ministre  des  rapports  sur  la  dernière  épizoolie  ; 
écrivain,  et  des  plus  authentiques,  vous  dira  le  snobisme  de  la 
masse,  le  monsieur  qui,  dans  les  mêmes  journaux,  prodigue  la 


réclame  aux  cabotins,  aux  élèves  du  Conservaloirc,  aux  peintres 
embryonnaires  et  aux  croque-notes  en  mal  de  queue-d'oeuvre. 
Oui,  aux  yeux  d'une  foule  de  gens,  dont,  je  regrette  de  devoir  le 
constater,  beaucoup  de  peintres  et  de  musiciens,  l'écrivain 
n'existe  que  sous  forme  de  jounalisle  et  tout  au  plus  de  libret- 
tiste taillable  et  tripaiouillablc  à  merci.  Il  y  a  mieux  encore  :  de 
ce  que  beaucoup  d'écrivains  de  lalcnt-  appartiennent  au  journa- 
lisme, le  bon  public  en  a  conclu  que  tous  les  journalistes  sont 
(les  écrivains,  erreur  que  les  écrivassiers  de  huitième  ordre  entre- 
tiennent d'ailleurs  avec  le  plus  grand  soin,  à  ici  point  qu'il  n'est 
pas  si  cuisireux  manœuvre  de  lettres  qui  ne  se  croie  le  confrère 
d'un  Balzac,  d'un  Victor  Hugo;  d'un  Charles  De  Gosier. 

Ne  croyez  point  que  j'exagère.  Le  sens  littéraire  manque  encore 
à  la  plupart  de  nos  compatriotes.  Les  beautés  des  autres  œuvres 
d'art  soûl  accessibles  à  un  grand  nombre  de  Belges,  mais,  faute 
de  culture,  ils  sont  légion  encore  ceux  qui  ne  verront  pas  de  diffé- 
rence entre  un  fait-divers  torché  par  un  plumitif  quelconque,  entre 
une  chronique  signée  Saint-Potin  ou  Madame  de  Tricotchipie  et 
une  page  de  YUilenspiegel  de  Charles  De  Coster. 

Il  y  a,  sous  ce  rapport,  —  j'écarte  la  légion  des  ratés  et  des 
envieux,  sciemment  hostile  et  systématiquement  débineuse,  — 
absence  totale  ou  oblitération  du  goût  littéraire.  Et,  chose  curieuse, 
ce  n'est  pas  chez  les  artistes  peintres  et  les  musiciens  que  les  vrais 
littérateurs  rencontrent  toujours  le  plus  de  compréhension. 

Beaucoup  de  disciples  de  saint  Luc  ou  de  sainte  Cécile,  qui  ne 
confondraient  jamais  on  barbouilleur  d'enseignes  avec  Rubens,ou 
le  Carnaval  de  Venue  a\ec  une  sonate  de  Beethoven,  commettent 
cependant  des  confusions  aussi  monstrueuses  en  matière  de,  litté- 
rature, et  si  vous  leur  parliez  des  vers  de  Charles  Baudelaire,  ils 
seraient  capables  de  prôner  les  alexandrins  qu'un  gendelettrc 
quelconque  a  chevillés  pour  un  musicien  de  talent. 

Après  cette  entiée  en  matière,  M.  Eekhoud  a  donné 
lecture  de  quelques  pages  de  haute  et  définitive  critique 
consacrées  par  M.  Francis  Nautet  à  la  légende  d'Uilen- 
spiegel  dans  son  premier  volume  de  VHistoire  des 
lettres  belges  d'expression  française.  Ensuite  il  a 
Tacconté  succinctement  la  vie  du  grand  écrivain,  çn 
mêlant  à  ces  renseignements  biographiques  quelques 
souvenirs  personnels  :  '\ 

De  Coster  était  un  sensitif  dans  toute  l'acception  du  terme.  Il 
avait  la  bonté  farouche  des  vrais  cœurs  aimants;  mille  scrupules, 
de  subtiles  délicatesses  lui  donnaient  souvent  l'air  hésitant  et  un 
peu  gauche,  qui  passe  auprès  des  observateurs  superficiels  pour  de 
la  morgue  ou  de  la  misanthropie.  Tous  ceux  qui  l'ont  connu  de 
près,  qu'il  a  honoré  de  son  affection,  vantent  son  caractère  char- 
manl,  l'inaltérable  candeur  de  son  esprit,  sa  naïveté  touchante 
dans  les  choses  de  la  vie;  Ce  grand  homme  conserva  jusqu'à  sa 
mort  le  cçeur  d'un  enfant. 

Un  jour,  cette  anecdote  a  été  contée  dans  la  Jeune  Belgique, 
quelques  amis  de  Charles  De  Coster,  établis  à  Paris,  lui  jouèrent 
un  tour  :  «  Venez  ici,  lui  écrivirent-ils;  il  y  a  beaucoup  d'argent  à 
gagner  :  cent  francs  par  jour  en  échange  de  copie.  Seulement, 
cachez  votre  voyage,  il  y  va  de  votre  vie.  » 

De  Coster  partit  pour  Paris,  enchanté  de  l'aubaine  et  peu  sou- 
cieux du  mystère.  Arrivé  à  la  grande  ville,  ses  amis,  regardant 
avec  inquiétude  autour  d'eux,  le  firent  monter  dans  un  fiacre  dont 
ils  baissèrent  les  rideaux.  Pendant  de  longues  heures  la  voiture 
roula  pour  s'engouffrer  enfin  dans  une  cour  où  elle  s'arrêta.  On  fit 
descendre  De  Coster,  puis,  par  un  petit  escalier,  monter  jusqu'à  un 


grenier  oîi  l'attendait  un  repas,  une  rame  de  papier  et  des  plumes  : 
«  Restez  là,  lui  dit-on,  et  sous  aucun  prétexte  ne  sortez,  nous 
vous  le  répétons,  il  y  va  de  votre  vie.  —  Bien  !  »  fil  De  Coster, 
interloqué.  On  le  laissa  seul  et  durant  plusieurs  jours,  il  travailla. 
On  lui  apportait  ses.  repas.  La  fenêtre  de  la  mansarde  donnait  sur 
une  gouttière  d'où  le  reclus  pouvait  voir  dans  les  profondeurs  une 
cour  où  passaient  des  ouvriers. 

Un  soir  qu'accoudé  il  regardait  les  toits  au  loin,  un  son  monta 
jusqu'à  lui  :  la  Brabançonne  que  jouait  dans  la  cour  un  orgue  de 
Barbarie.  Cet  air  du  pays  absent  monta  comme  un  hymne,  De 
Coster  pleura  silencieusement  d'abord,  puis  jeta  sa  bourse,  et, 
n'y  pouvant  plus  tenir,  courut  embrasser  le  joueur  d'orgue,  un 
Flamand,  et  causa  avec  lui  dans  sa  bonne  langue  natale. 

Aussitôt  les  farceurs  arrivèrent.  «  Malheureux,  qu'avez-vous 
fait?  »  On  le  remit  dans  un  fiacre,  on  le  reconduisit  à  la  gare  du 
Nord  et  il  rentra  û  Bruxelles  sans  avoir  jamais  compris. 

Ce  Irait  n'est-il  pas  exquis?  Seuls  do  tendres  et  pantelants 
C(eurs  de  poète  ont  de  pareils  accès  de  nostalgie.  Seules  les 
grandes  ûmes  -d'arliste  sont  susceptibles  d'aimer  la  patrie  avec 
celte  ferveur  filiale  et  désintéressée.  Ah  !  De  Gosier  n'était  pas  de 
ces  Belges  dénaturés  qui,  s'élanl  expatriés,  enchérissent  sur  le 
boulevardisme  le  plus  niais  et  donnent  aux  Parisiens  écœurés  le 
spectacle,  à  la  fois  grotesque  et  lugubre,  de  leur  apostasie!  Oui, 
De  Coster  aimait  la  Belgique;  il  y  souffrait  et  il  l'aimait  d'autant 
plus!  Les  vrais  artistes  sont  ainsi  trempés  et  la  douleur  leur  est 
une  religion,  un  indispensable  sacrement.  Aussi  est-il  d'un 
artiste,  ce  mot  poignant  et  si  juste  de  M.  Henry  Maubel  : 
«  Qu'est-ce  qui  te  fait  croire  que  ce  pays  est  ta  patrie?  — La  tristesse 
que  j'y  ressens  ». 

Ce  ne  fut  qu'une  dizaine  d'années  avant  la  mort  de  Charles  Do 
Coster  que  le  gouvernement  songea  à  utiliser  pour  l'enseignement 
les  ressources  intellectuelles  de  l'écrivain.  De  Coster  fut  nommé 
professeur  de  littérature  française  à  l'École  de  guerre  et  répéti- 
teur du  même  cours  à  l'Ecole  militaire.  C'est  à  l'Ecole  militaire, 
rue  de  Namur,  que  je  l'ai  connu  pendant  les  six  mois  que  j'appar- 
tins à  la  «  38*  promotion  des  armes  spéciales  ».  Assez  baroque 
ce  qu'on  entendait  alors  par  un  cours  de  littérature  française 
à  l'Ecole  militaire.  Le- prçfesseur,  un  monsieur  dont  j'ai  oublié  le 
nom,  nous  dictait  machinalement,  d'une  voix  dolente,  de  clas- 
siques exemples  de  syntaxe,  de  ces  exemples  qui  ont  traîné  dans 
tous  les  lexiques  ei  que  la  plupart  des  nôtres  avaient  appris  par 
cœur  dès  le  collège,  même  dès  l'école  primaire,  voire  dès  leurs 
mois  de  nourrice.  Charles  De  Gosier  était  censé  nous  interroger 
sur  les  règles  archiconnues  auxquelles  son  collègue  croyait  nous 
initier  pour  la  première  fois.  J'ignore  ce  qu'il  demandait  à  mes 
camarades,  mais  avec  moi  les  dix  minutes  d'interrogation  se 
passaient  en  une  conversation  familière.  Plus  un  mot  de  l'her- 
maphrodisme des  délices  et  des  orgues  ou  du  machiavélisme  des 
participes  passés.  De  Coster  m'enlretenail  des  maîtres  de  la 
poésie  française,  et  comme  j'admirais  autant  que  lui  les  vers  de 
Victor  Hugo,  de  Lamartine  et  de  Musset,  il  m'accordait  chaque 
fois  le  maximum  des  points.  C'était  même  le  seul  des  répétiteurs 
auprès  de  qui  j'obtenais  une  cote  supérieure  à  la  moyenne.  Les 
autres  me  faisaient  impitoyablement  consigner,  ou  pour  employer 
l'argot  de  l'Ecole  militaire,  m'infligeaient  chaque  fois  une 
«  brosse  », 

A  celte  époque  je  courais  ma  dix-sepiième  année  et  au  lieu  de 
bloquer  mes  a;,  de  me  vouer  exclusivement  au  culte  du  calcul 
différentiel  el  de  la  géométrie  descriptive,  piqué  depuis  long- 


O'.  .--f"  *>  ",^  ■*f«S.Tr.-«i!>,    «-jaiy' 


L'ART  MODERNE 


195 


7 


temps  par  la  tarentule  littéraire,  je  m'étais  remis  à  faire  des  vers, 
à  composer  des  romans  et  des  tragédies.  Je  n'ai  pas  besoin  de 
vous  dire  ce  qu'étaient  ces  péchés  de  jeunesse  !  Devant  l'intérêt 
que  me  témoignait  notre  répétiteur  de  littérature,  je  m'enhardis 
à  lui  soumettre  quelques-unes  de  mes  élucubrations  et  tout  en 
m'eii  signalant  les  innombrables  faiblesses.  De  Coster  daignait 
parfois  leur  accorder  quelque  mérite. 

J'ignorais  complètement  quel  maître,  quel  artiste  m'aidait  alors 
de  ses  précieux  conseils.  Jamais  De  Coster  ne  me  parla  de  ses 
propres  ouvrages,  ou  me  donna  seulement  à  entendre  qu^l  fût 
écrivain.  Instinctivement  je  respectais  et  j'aimais  ce  répétiteur 
original  et  bienveillant.  Malgré  sa  discrétion  et  sa  modestie,  quel- 
que chose  dans  sa  physionomie  me  révélait  l'être  d'une  race  à 
part,  le  monsieur  qui  vaut  mieux  que  son  emploi. 

Je  me  le  suis  représenté  bien  souvent  parla  suite  et  j'ai  même 
souvenir  de  sa  voix  vibrante  et  musicale.  Les  cheveux  abondants 
rejetés  en  arrière  dégageaient  un  large  front  de  penseur.  Le  nez 
légèrement  busqué  était  d'une  ligne  aristocratique  et  ferme.  Les 
yeux  brillaient,  à  la  fois  spirituels  et  doux.  Il  ne  portait  pas  la 
barbé,  mais  une  moustache  assez  épaisse .  lui  donnait  un  air 
militaire  contrastant  avec  le  pli  réfléchi  et  vaguement  mélanco- 
lique de  ses  lèvres.  Le  visage  un  peu  pâle  était  empreint  d'une 
souveraine  distinction  et  des  manières  exquises,  une  toilette 
simple  et  correcte,  rehaussaient  ce  physique  avenant.  L'homme 
bien  né,  l'homme  d'intelligence  et  de  culture  supérieures  se  révé- 
lait dans  les  moindres  paroles,  dans  les  moindres  gestes. 
.  Bien  longtemps  après  seulement  j'appris  que  ce  lettré  délicat 
avec  qui  j'avais  eu  de  si  instructifs  échanges  d'idées  était  un 
grand,  un  très  grand  artiste  et  alors  ma  vague  inclination  pour 
l'homme  affable  et  instruit,  se  doiibla  d'une  dévotion  sans  bornes 
pour  le  poète  créateur  d'Uilenspiegél. 

Pardonnez-moi  d'avoir  évoqué  ces  souvenirs  personnels,  en 
raison  de  la  figure  d'élite  qu'ils  m'ont  permis  de  vous  faire  entre- 
voir. 

Les  emplois  auxquels  l'avait  nommé  le  gouvernement  furent 
loin  de  lui  apporter  l'aisance  et  le  repos.  Sa  situationétait  obérée 
au  point  que  le  jour  où  ses  créanciers  le  crurent  casé,  ils  le  har- 
celèrent sans  pitié  et  le  poursuivirent  jusqu'au  se.uil  de  la  tombe. 
F^e  jour  où  il  mourut  rue  Sans-Seuci  (rue  Saiîs-Souci,  quelle  iro- 
nie!), le  7  mai  1879,  il  avait  connu  les  dernières  affres  de-la 
misère.  Le  9  mai  -1879,  Charles  De  Coster  fut  enterréau  cimetière 
d'Ixélles. 

«  N'y  cherchez  pas  sa  tombe  »,  dit  M.  Francis  Naulet  à  la  fin 
de  son  admirable^tude.  «  Aucune  pierre  tumulaire  consacrant  sa 
dépouille  niortelle^^  "révèle  son  nom.  Bientôt  même  on  lui  dis- 
putera la  misérable  retraite  de  terre  où  il  est  enseveli,  et  les  fleu- 
rettes du  gazon  ne  souriront  plus  à  ses  restes  anonymes.  On  tas- 
sera, on  les  enfoncera  davantage,  car,  me  disait  textuellement  en 
avril  dernier  le  fossoyeur  :  «  La  concession  n'ayant  pas  été 
demandée,  je  vais  enterrer  dessus  ». 

L'isolement  du  romancier  sera  donc  aussi  profond  après  la 
mort  qu'il  le  fut  |)endanl  les  jours  de  sa  vie  triste.  Son  Uilenspiegel 
n'existe  plus  en  librairie  depuis  longtemps.  La  Biblioihèque  royale 
ne  possède  même  passes  œuvres  complètes.  Aucune  place, aucune 
rue,  aucun  monument  public  ne  fixent  son  souvenir.  Ainsi  est 
honorée,  en  son  pays,  la  mémoire  du  premier  écrivain-arliste 
belge  qui,  il  y  a  vingt  ans,  lutta  désespérément,  seul,  sans  escorte 
et  sans  appui  —  contre  tous  !  » 

Ce  cri  de  pitié,  ce  cri  d'indignation,  ce  cuisant  et  cinglant 


reproche  de  M.  Nautet  s'est  répercuté  et  gronde  sans  doute  dans 
tous  les  cœurs  qui  viennent  de  l'entendre. 

Espérons,  n'est-ce  pas,  que  le  scandale  a  été  conjuré,  que  celle 
chose  impie,  celle  profanation  sacrilège  n'a  pu  s'accomplir!  Sinon 
cette  clameur  d'indignation  poussée  par  les  artistes  deviendrait  un 
éternel  anathème  ! 

Le  moins  que  puisse  faire  la  commune  d'Ixélles,  aujourd'hui 
surtout  qu*uri  souffle  artistique  la  pénètre,  c'est  d'accorder  à  la 
dépouille  du  maître  la  concession  gratuite  et  perpétuelle  des 
quelques  pieds  de  terrain  où  elle  repose. 

Il  faut  aussi  que  se  crée  un  comité  de  publication  qui  entre- 
prenne une  réédition  populaire  de  tout  l'œuvre  de  Charles  De 
Coster  :  Les  Frères  de  la  bonne  trogne,  les  Légendes  flamandes  el 
wallonnes,  les  Contes  brabançons,  toutes  radieuses  et  parfumées 
floraisons  du  terrêiau  belge,  et  surtout  cette  épopée,  cette  bible 
nationale  :  La  Légende  d'Uilenspiegél. 

Enfin,  nous  demandons  que  le  gouvernement  fasse  ériger  sur 
la  tombe  da  naaflre,  ou  mieux  encore  sur  une  place  publique,  un 
monument  digne  de  sa  mémoire. 

Oui,  érigeo'Iis  au  plus  tôt  ce  monument  de  réparation,  ce  monu- 
ment, expiatoire.  A  ce  prix  la  postérité  consentira  peut-être  à 
pardonner  aux  contemporains  le  dénuement  el  l'obscurité  dans 
lesquels  ils  ont  laissé  périr  une  des  plus  nobles  gloires  de  la 
Belgique. 

Hâtons-nous  de  démentir  les  appréhensions  sinistres  de 
M'.  Nautet.  Peut-être  en  est-il  temps  encore. 

Il  y  va  de  l'honneur  du  pays.  Oh,  je  n'exagère  pas!  Entre  tous 
les  morts,  en  France,  en  Angleterre,  en  Allemagne,  partout,  il 
n'en  est  pas  de  plus  commémorables  que  les  grands  artistes.    . 

Car  c'est,  sachez-le  bien,  de  leur  immortalité  que  dépend  l'im- 
mortalité de  la  Patrie. 

La  Grèce  de  Selon,  de  Périclès,  d'Alexandre  a  pu  disparaître, 

celle  d'Homère  el  de  Phidias  vivra  jusqu'aii  dernier  soupir  de 

l'univers. 

Georges  Eekhoud. 


M  JEUNESSE  ET  LES  JUIFS  (*) 

La  renaissance  allemande  devra  commencer  son  œuvre  par  le 
côté  le  plus  pourri  des  choses  actuelles  d'Allemagne  :  l'influence 
des  Professeurs  el  des  Juifs.  Il  est  significatif  que  les  uns  et  les 
autres  aiment  à  se  rencontrer,  intellectuellement  et  socialement  : 
les  sucs  vénéneux  confluent.  Les  professeurs  des  universités  alle- 
mandes se  repentiront  probablement  un  jour  d'avoir  fait  cause 
commune  avec  les  Israélites,  car  ils  deviennent  ainsi  étrangers 
devant  le  meilleur  de  leurs  compatriotes.  D'ailleurs,  leur  passif  est 
suffisamment  chargé.  Le  professeur  allemand,  en  possession  de 
l'autorité  extérieure  d'un  sage  et  de  l'intime  conviction  qu'il  en 
est  un,  est  capable  de  toute  sottise. 

Un  professeur  de  l'université  de  Roslock,  par  exemple,  rédigea 
après  1870  une  dissertation  dans  laquelle  il  démontra  longuement 
que  Bismarck  n'était  absolument  pas  un  homme  d'Etal.  Un  pro- 

(1)  Voici  un  premier  extrait  (traduction  inédite  et  littérale)  du 
célèbre  et  singulier  livre  Rembrandt  ah  Erzieher  dont  nous  avons 
rendu  compte  dans  notre  dernier  num«'?ro.  Il  emprunte  au  procès  Dru- 
mont-Burdeau  et  au  vent  dantiséniitisme  qui  souffle  •<  à  travers  les 
montagnes  »  une  vive  actualité.  Il  serait  certes  à  sa  place  dans  les 
colonnes  les  plu,s  ardentes  de  la  Libre  parole  dont  le  succès  grandit 
formidablement  et  qui,  vraiment,  est  un  des  journaux  les  mieux Ikits 
et  les  mieux  écrits  de  France. 


196 


UART  MODERNE 


k 


fesscur  de  la  même  université,  vçrs  la  fin  du  siècle  dernier,  écri- 
vit un  mémoire,  1res  étendu  aussi,  pour  prouver  que  les  pyrami- 
des d'Egypte  n'étaient  pas  des  produits  de  l'art,  mais  des  produits 
de  la  nature  :  une  sorte  de  cristaux  poussés  de  terre. 

Est-il  possible  de  proférer  de  plus  grandes  insanités? 

Et  pourtant  toutes  deux  sont  vraies. 

Bismarck  n'est  pas  un  homme  d'Etal,  c'est  un  homme,  —  si 
pour  jauger  un  homme  d'Etat  on  se  place  au  point  de  vue  spé- 
cialiste. El  les  pyramides  ne  sont  point  des  œuvres  d'art,  mais 
des  produits  naturels, — si  l'on  donne  à  ce  dernier  terme  l'acception 
la  plus  élevée.  Car  tout  travail  artistique  suit  des  lois  naturelles 
intrinsèques,  rigoureuses,  et  ne  se  présente  pas  autrement  qu'un 
appendice  ou  une  subdivision  de  la  vie  organique  :  ce  qui  permet 
effectivement  de  dire  qu'il  est  «  poussé  de  terre  ».  Ainsi  le  pro- 
fesseur a  raison  dans  le  sens  organique,  mais  non  dans  le  sens 
mécanique.  El  la  malédiction  du  ridicule  tombe  sur  lui  parce  qu'il 
croit  avoir  raison  au  point  de  vue  mécanique.  11  n'est  pas  jusqu'à 
un  mouton  qui  ne  puisse  donner  des  oracles,  pourvu  qu'on  les 
comprenne. 

Assez  fréquemment  les  professeurs  sont  des  augures.  Mais 
vienne  le  véritable  augure,  il  saura  lire  dans  leurs  intestins. 
N'importe,  il  est  à  désirer  que  le  peuple  allemand,  pour  appro- 
cher de  la  vérité,  prenne  le  droit  chemin,  non  plus  le  chemin  qui 
mène  par  les  cervelles  bornées.  Ce  peuple  devrait  écouter  la  voix 
de  son  cœur  plus  que  celle  de  ses  professeurs.  Ceux-ci  recom- 
mandent parfois  à  la  jeunesse  allemande  de  suivre  Lessing  ;  si 
elle  en  fait  mine,  ils  se  rebiffent  des  pieds  et  des  mains  ou 
affectent  d'être  au-dessus  de  pareilles  aspirations.  Voilà  qui  est 
bien  pharisien.  Si  Lessing,  précisément,  vivait  encore,  il  serait 
le  plus  grand  adversaire  desJuifs;  tant  qu'ils  étaient  les  opprimés, 
il  les  prenait  sous  sa  protection;  mais  à  présent  qu'ils  sont  les 
oppresseurs,  les  ennemis  de  tout  ce  qui  est  allemand,  il  les  com- 
battrait à  mort.  Par  honneur  on  commence  à  comprendre  le  dan- 
ger du  pédantismc  ;  on  ne  veut  pas  encore  généralement 
reconnaître  le  danger  de  la  jyiverie,  encore  que  celui-ci  soit  plus 
grand  que  celui-là. 

A  la  tendance  des  Juifs  modernes  vers  la  domination  intellec- 
tuelle et  matérielle,  il  y  a  un  seul  mol  à  opposer  :  l'Allemagne 
aux  Allemands.  Aussi  peu  qu'une  prune  peut  devenir  pomme,  un 
Juif  peu  devenir  Allemand.  Une  branche  de  prunier,  greffée  sur 
un  pommier,  blessera  l'œil  ;  elle  sera  pernicieuse,  si  elle  apporte 
la  dégénérescence. 

C'est  ce  que  font  les  Juifs  dans  l'Allemagne  actuelle.  Il  est  vrai 
qu'on  considère  cette  opinion  comme  un  préjugé.  Pourtant^  les 
Juifs  se  sont  montrés  trop  souvent  nuisibles.  Ici,  l'opinion  una- 
nime de  tous  les  peuples  et  de  tous  les   temps  tombe  dans  la 
.  balance. 

Citons  quelques  exemples  seulement  : 

Dans  la  Bible,  il  est  dit  de  l'exode  des  enfants  d'Israël  de 
l'Egypte  :  «  El  ils  furent  suivis  d'une  nombreuse  populace  ». 
C'est  précisément  cette  populace,  qui  a  eu  le  dessus  parmi  les 
Juifs  modernes. 

Le  noble  poète  persan  Saadi  pense  qu'une  maison  avoisinéc 
par  un  Juif  descend  au  centième  de  sa  valeur. 

Voici  l'avertissement  de  Luther,:  «  Ne  le  fie  au  renard  qui  dort 
matin,  ni  au  Juif  prêtant  serment  ».  Parole  confirmée  par  les 
banqueroutes  juives  de  nos  jours. 

Gœthe  déclare,  quant  au  mariage  entre  chrétiens  et  juifs, 
«  qu'ils  minent  tous  les  sentiments  moraux  dans  les  familles, 


étant  donné  que  ces  sentiments  reposent  sur  les  sentiments  reli- 
gieux ».  Et  plus  d'un  mariage  de  fonctionnaire  ou  d'officier  lui 
donne  raison. 

Bismarck  enfin,  élanl  étudiant,  a  tenu  1^  rapière  pour  la  pre- 
mière fois  contre  un  Juif  nommé  Wolf.  L'attentat  de  i 866  contre 
le  même  ministre  fut  commis  par  un  autre  Juif,  nommé  Cohen. 
L'évolution  normale  de  la  politique  intérieure  du  premier  chance- 
lier tie  l'Empire  allemand  fui  contrariée  définitivement,  au  dire  de 
Bismarck  lui-même,  par  un  Juif  nommé  Lasker. 

Celle  antithèse  continue  du  grand  héros  allemand  et  des  Juifs 
n'est  pas  fortuite.  Les  Juifs  sont,  essentiellement  comme  tels, 
adversaires  du  prince  de  Bismarck.  Ils  le  sont  sciemment  et  incon- 
sciemment, parce  qu'il  est  le  Germain  typique.  Une  race  qui  a 
donné  naissance  au  nihilisme  russe  et  à  la  démocratie  socialiste 
allemande  et  les  dirige  encore  aujourd'hui,  en  grande  partie  du 
moins,  est  qualifiée  à  bon  droit  de  odium  generis  humani. 

C'est  de  ce  côté  que  l'Allemagne  doit  se  montrer  le  amor  generis 
humani  :  la  vigueur  politique  se  doit  de  s'expliquer  avec  la  pour- 
riture politique. 

Il  doit  en  être  en  art  comme  en  politique.  Le  caractère  juif,  qui 
porte  volontiers  ses  sympathies  h  Zola,  est  comme  celui-ci  l'exact 
contraire  de  l'apparition  purement  germanique  d'un  Wallher  von 
dcr  Vogelweide,  d'un  Durer,  d'un  Mozart,  L'Allemand  qui  veut  se 
tourner  vers  l'un  doit  se  détourner  de  l'autre.  Qu'il  soit  enfant 
comme  Mozart  ou  homme  comme  Bismarck,  toujours  il  sera  l'anti- 
pode du  Juif.  C'esl  ce  fossé  rebelle  à  l'art  des  pontonniers  qui  est 
la  donnée  dont  on  doit  attendre  un  règlement  durable  des  rela- 
tions entre  les  deux  races  opposées,  que  ce  soit  dans  un  sens 
hostile  ou  dans  un  sens  pacifique. 

A  la  vérité,  acluellemenl  il  ne  saurait  être  guère  question  quo 
d'une  solution  hostile,  vu  le  niveau  moral  inférieur  do  la  juiveric 
de  nos  jours.  En  fait  de  choses  politiques, intellectuelles  et  autres, 
le  Juif  vulgaire  moderne  ne  se  demande  pas  :  Cela  est-il  bon  ou 
mauvais?  mais  bien  :  Cela  esl-il  avantageux  ou  désavantageux 
pour  moi?  C'est  le  point  de  vue  de  Judas,  le  point  de  vue  qui 
trahit  d'emblée  rintérêt  matériel  :  un  point  de  vue  antimoral. 
Déjà  Schopenhauer  avail  fustigé  le  mensonge  courant  des  Juifs  : 
qu'ils  sont  un  culte  et  non  une  race.  Le  même  philosophe 
avait  désigné  l'impudeur  comme  la  caractéristique  essentielle  du 
Juif;  il  avail  certainement  en  vue  les  Juifs  modernes  qu'il  con- 
naissait d'observation  personnelle.  Or,  un  homme  impudique  ne 
doit  pas  se  rencontrer  dans  une  société  convenable. 

Le  Juif  moderne  ressemble  à  un  noble  qui  a  perdu  son  honneur 
cl  qui  se  trouve  ainsi  dans  une  situation  piro  que  s'il  n'avail 
jamais  été  noble  :  il  a  perdu  caste.  Il  voudrait,  à  cause  de  cela, 
entraîner  la  société  moderne  à  son  niveau  de  paria.  «  Paria,  lèche- 
moi  les  bottes  »,  disait  Hebbel  des  Juifs,  el  à  un  Juif  qui  lui  était 
devenu  obséquieux.  LesAlIcmands  devraient  toujours  se  rappeler 
celle  parole  cl  surtout  lorsqu'ils  touchent  à  deux  côtés  de  la  vie 
publique  :  la  presse  cl  le  Ihéûlre. 

L'opinion  publique  et  la  justice  sont  toutes  deux  aveugles.  Par 
malheur,  l'une  est  privée  de  balance,  surtout  lorsqu'il  s'agit  des 
Juifs.  Le  journaliste  devrait  être  un  prêtre  de  l'opinion  publique; 
souvent  il  n'en  est  que  le  frocard.  Les  journaux  judaïstes  de  nos 
jours  clament  contre  le  fonds  des  reptiles,  tout  en  vivant  souvent 
dans  la  dépendance  matérielle  outrageante  des  matadors  de  la 
Bourse.  Il  serait  à  désirer  qu'on  leur  enlevât  le  masque  de  l'hypo- 
crisie, puisqu'il  est  aussi  déshonorant  de  vendre  sa  plume  à  l'Etal 
que  de  la  mettre  au  service  d'un  particulier.  Faire  ceci  et  blâmer 


A 


cela  est  lout  à  fail  pharisien.  Or,  le  ptiarisicn  est  la  iransition 
entre  le  Juif  et  le  professeur  et  tous  trois  sont  anlichréliens. 
Tous  trois,  aussi,  sont  anliallemands. 

Ailleurs  il  n'en  est  pas  autrement.  La  vie  inlellectuelle  alle- 
mande," en  tant  qu'elle  est  influencée  par  les  plus  modernes,  les 
plus  Jeune-Allemagne,  peut  s'appliquer  le  mol  de  Gœlhe  :  «  La 
chose  sera  mangée  par  les  Juifs  et  les  prostituées  ».  C'est  ainsi 
que,  même  le  théâtre  allemand,  lequel  se  trouve  actuellement, 
pour  la  plus  grande  part,  entre  les  mains  des  Juifs,  en  est  devenu 
infécond,  banal  et  çà  et  là  impudique.  Il  faudrait  plus  d'un  Lcs- 
sing  pour  le  purifier  comme  pour  le  vivifier.  Il  faudrait  des 
remèdes  énergiques. 

Au  siècle  dernier,  ministres  et  favorites  se  tenaient  la  main  ; 
dans  le  nôtre  ce  sont  les  professeurs  et  les  Juifs,  et  chaque  fois 
l'union  s'est  faite  au  grand  dam  du  peuple  allemand.  Ce  qu'étaient 
autrefois  Wœllner  et  la  comtesse  de  Lichlenau  sont  acluellemenl 
Dubois-Reyinond  et  Paul  Lindau  :  les  deux  couples  agissent  en 
germe  de  pourriture,  l'un  sur  le  domaine  politique,  l'autre  sur  le 
domaine  intellectuel.  Quand  donc  paraîtra  le  poète  allemand  qui 
caractérisera  les  décomposants  intellectuels  comme  Lessing,  dans 
Emilia  GaleoUi  et  Schiller,  dans  Cabale  et  Amour,  ont  montré  le 
décomposant  politique!  Ah!  certes,  il  faudrait  pour  cela  un  poète 
à  côté  duquel  Ibsen  paraîtrait  tendre,  car  il  aurait  à  traverser 
toute  une  mer  de  poison  et  de  boue  pour  arriver  au  but;  mais 
aussi  ce  serait  peut-être  le  saint  Christophe  portant  le  sauveur  sur 
ses  épaules,  qui  rapporterait  aux  Allemands  la  naïveté.  Dans 
Schiller  aussi,  celte  dernière  prolestait  contre  une  culture  sénile. 
Que  sa  statue,  érigée  à  Stuttgart  par  Thorwaldsen,  image  à  l'ex- 
pression sévère  d'un  juge  des  morts,  soit  un  symbole  pour  son 
successeur  éventuel.  De  cette  bouche  d'airain  sort  le  jugement 
contre  le  Juif  de  notre  temps  : 

Ruse  et  grande  puissance 

Forment  son  armure. 

Un  mot  suffît":  il  s'évanouit. 

(Luther,  Chant  de  la  Réforme.) 

Que  tout  vrai  Juif  ait  une  antipathie  marquée  et  native  contre 
le  Christ  et  Schiller,  c'est  un  fail  significatif.  Dans  l'hypothèse  la 
plus  favorable,  il  les  méprise;  dans  la  moins  favorable,  il  les 
hait.  L'un  et  l'autre  non  sans  raison,  car  leur  essence  intérieure 
est  le  contraire  de  la  sienne.  Que  Schiller  nous  revienne  donc! 

Or,  étant  donnée  la  nature  intérieurement  saine  de  notre 
peuple,  on  peut  espérer  que  des  fruits  semblables  sortiront 
encore  une  fois  de  son  sein.  Tel  que  le  juvénile  poète  souabe, 
le  porte-parole  de  la  jeunesse  allemande  au  cœur  pur,  a  dénoncé 
le  régime  des  favoris,  telle  l'honnôle  jeunesse  allemande  de  nos 
jours,  presque  entière,  a  rompu  avec  la  juivcrie.  Celte  opposition 
aussi  est  justifiée  au  fond.  Les  Juifs  sont  un  peuple  beaucoup 
plus  ancien  que  les  Allemands.  Dans  leur  ensemble  et  tels  qu'ils 
sont  aujourd'hui,  les  Juifs  représentent  la  phasa  d'évolution  qui 
répond  chez  l'individu  au  vieux,  au  rusé,  au  mauvais.  A  ce 
caractère  individuel  répond  exactement  le  caractère  de  race  :  il 
n'y  a  pas  d'enfanls  juifs;  lout  Juif,  aujourd'hui,  naît  vieillard. 
Il  esl,  au  moral,  comme  son  ancêtre  Isaac,  un  produit  sénile. 
Le  Juif  moderne  n'a  ni  religion,  ni  caractère,  ni  patrie,  ni 
enfants.  C'est  un  morceau  d'humanité  tourné  à  l'aigre,  de  même 
que  l'enfer  esl  un  morceau  gâté  du  ciel.  L'esprit  infantile  aryen 
réagit  contre  l'un  et  l'autre.  La  jeunesse  contre  les  Juifs  ! 

La  partie  jeune  du  jeune  peuple  allemand  — humanité  double- 
. ment  jeune!  —  ressent  et  exprime  le  plus  clairement  ce  senti- 


ment. La  preuve,  c'est  que  presque  toute  la  jeunesse  allemand^ 
de  notre  temps  aime  Bismarck  et  que  presque  tous  les  Juifs 
habitant  actuellement  l'Allemagne  sont  les  ennemis  de  l'ancien 
chancelier  :  ainsi  les  uns  se  sont  prononcés  pour,  les  autres 
contre  le  génie  national  allemand.  Facta  loquunlur.  Une  fois 
déjà,  après  1815,  les  corporalionsd'étudianls  d'autrefois  sont  entrés 
en  lice  pour  les  intérêts  idéaux  de  la  patrie  ;  une  fois  déjà,  elles 
ont  combattu  des  puissances  ennemies  de  notre  culture  intellec- 
tuelle et  préparé  ainsi  la  grande  évolution  ultérieure  de  la 
nation.  Telle  est  la  situation  actuelle  en  Allemagne  qu'elle 
demande  un  procédé  semblable.  Et  plus  d'un  signe  indique  que 
ce  sera  bientôt.  Rappelons  que  la  première  association  des  cor- 
porations allemandes,  qui  tenait  haut  les  cœurs,  n'admettait 
point  les  Juifs  parmi  ses  membres  ;  le  corps  des  officiers  alle- 
mands en  activité  et  l'ordre  des  jésuites  les  excluent  encore 
aujourd'hui.  Voilà  un  triple  précédent  très  significatif.  La  Jeunesse, 
l'Eglise,  l'Armée  représentent  des  intérêts  idéaux  et  sont  partout 
anti-Juifs.  Ce>sont  les  brise-glace  contre  la  juiverie  moderne.  On 
pensera  lout  ce  qu'on  voudra  de  la  Compagnie  de  Jésus,  on  ne 
lui  contestera  point  une  bonne  organisation;  aux  termes  de  ses 
statuts,  elle  ne  peut  admettre  dans  son  sein  de  descendants  des 
Juifs,  même  lorsque  cinq  générations  se  sont  croisées.  On  pour- 
rait recommander  l'application  de  ce  principe  ou  d'un  principe 
analogue  à  la  vie  politique  allemande  :  la  preuve  des  quartiers 
d'aryanisme  pourrait  S3  faire  par  serment.  Notre  évolution  intel- 
lectuelle se  rapproche  aujourd'hui  d'une  solution  de  ce  genre. 
D'une  façon  particulière,  les  opinions  dos  étudiants  allemands 
ont  été  de  tout  temps  le  critérium  de  la  volonté  du  peuple  alle- 
mand. Les  étudiants  sont  encore  indépendants  et  généralement 
sains;  ils  habitent,  pour  ainsi  dire,  dans  la  vie  moderne,  un  coin 
abrité  contre  le  vent  et  ne  se  trouvent  pas  devant  la  terrible 
allernalive  :  périr,  ou  bien  soutenir  pendant  une  série  de  lustres 
un  combat  acharné  pour  l'exisience. 

C'est  d'eux  que  peut  venir  une  nouvelle  croissance.  L'étudiant 
allemand  n'est  pas  accessible  aux  tentations  cl  aux  menaces 
juives.  «  Cultiver  les  aspirations  idéales  est  resUé  la  lâche  des 
corporations  d'étudiants  au  milieu  des  flols  d'uiii(épais  matéria- 
lisme »,  a  déclaré  Emin  Pacha  en  1890.  il  faudra,  au  matéria- 
lisme, scepticisme,  à  la  démocratie  des  Juifs,  opposer  l'idéalisme, 
l'aristocratie,  la  foi  de  l'Allemand.  Voilà  la  voie  tracée,  dans 
laquelle  la  véritable  et  non  la  littéraire  Jeune-Allemagne  pouria 
manifester  de  nouveau  son  idéalisme  natif;  c'est  un  devoir  de  la 
suivre,  en  idéalisme  combatif,  et  l'on  peut  dire  :  Plus  cet  idéalisme 
sera  disposé  à  la  lutte,  mieux  cela  vaudra. 

Etre  supérieur,  distingué,  n'est  point  se  tenir  à  l'écart  du  vul- 
gaire, l'ignorer  :  il  faut  combattre  la  vulgarité.  Qui  ne  sait  tra- 
verser la  boue  ne  peut  gagner  une  bataille.  D'où  il  suit  que  le 
combat  d'Allemands  aristocratiques  contre  les  Juifs  ne  peut  être 
victorieux  que  si  le  Germain  se  place  au  sommet  moral  et  intel- 
lectuel le  plus  haut,  en  invoquant  la  devise  :  Noble  et  tranchant. 
Soyons  chevaleresques,  encore  que  notre  ennemi  ne  l'est  point. 
Que  la  jeunesse  allemande  reste  fidèle  à  ses  sentiments;  que  par 
eux  elle  acquière  la  virilité.  Mais,  en  attendant,  qu'elle  aille  son 
chemin  entre  les  professeurs  cl  les  Juifs,  comme  le  Chevalier  de 
Durer  entre  la  Mort  et  le  Diable. 


198 


VART  MODERNE 


ASSOCIATION  POUR  L'ART 

L'  «  argumcnlalioii  »  musicale  de  V Association  pour  l'Art  a 
plcinemenl  réussi.  Organisé  par  le  secrétaire  des  XX,  le  concert 
donné  dimanche  à  Anvers,  devant  un  auditoire  nombreux  et 
attentif,  était  exclusivement  voué  à  la  musique  moderne. 

Ont  triomphé  :  Vincent  d'Indy,  avec  son  admirable  Poème  des 
montagnes,  fort  bien  exécuté  p;ir  M.  Lilla,  et  son  très  beau  Lied^ 
pour  violoncelle,  dans  lequel  M.  H.  Giilet  a  révélé  de  précieuses 
qualités  de  virtuose  et  de  musicien  ;  Gabriel  Fauré,  dont  l'Elégie 
a  été,  de  même,  excellemment  jouée  par  M.  Gillel;  Charrier, 
avec  ses  étourdissantes  Valses  romantiques  à  deux  pianos;  Rimsky- 
KoRSAKOW,  dont  le  Concerto  pour  piano  et  orchestre,  exécuté 
pour  la  première  fois  aux  XX,  a  trouvé  en  M.  Litta  un  interprèle 
qui  joint  le  sentiment  et  le  style  au  mécanisme  ;  P.  Benoit,  enfin, 
le  chef  de  l'école  flamande,  dont  quelques  lieders,  empreints 
d'un  charme  intime  et  d'une  poésie  quasi  populaire,  ont  été 
superbement  dits  par  M™"  Soetons-Flamenl,  un  contralto  à  la  voix 
chaude,  au  style  impeccable. 

Il  a  été  décidé  —  tant  le  public  paraît  s'intéresser  à  hrlentative 
—  que  d'autres  séances  seraient  offertes,  l'hiver,  aux  membres  de 
l'Association  et  à  leurs  invités. 


VENTES   RECENTES 

La  vente  Cottier,  faite  récemment  sous  la  direction  de 
M.  Durand-Ruel,  présentait  cet  intérêt  qu'on  y  voyait,  pour  la 
première  fois,  une  collection  importante  deMonticelli.  Ces  toiles, 
que  l'artiste  vendait  naguère  50  francs  sur  les  quais  de  Marseille, 
ont  été  chaudement  disputées.  La  Fêled'Isis  a  atteint  10,000  fr., 
le  Bal,  7,300,  V  Après-midi  d'été,  7,000. 

Quelques  autres  prix  :  Corot,  Orphée,  115,100  francs;  Dunes 
de  Zuydcoot,  &^,QQQ;  Clair  de  lune,  67,000;  Souvenir  d'Italie, 
5,000;  Courbet,  Caverne,  7,000;  Automne,  5,100;  Daubigny, 
Océan,  8,000;  Ile  de  Vaux,  8,100;  Diaz,C/iéH«5, 6,000;  J.  Maris, 
Vue  d'Amsterdam,  6,000;  Mauve,  Plage  de  Scheveningue,!  ,"200; 
fleure  de  la  traite,  7,000;  J.-F.  Millet,  Agar  dans  le  désert, 
&,iQO;K\ho[,  Marchande  de  fleurs,  9, f^OO;  le  Vendeur,  5,700; 
Th.  Rousseau,  l'Etang,  6,100;  Paysage  d'Auvergne,  5,000. 

*** 

A  la  vente  d'estampes  do  la  collection  Hulol,  l'œuvre  de  Callot, 
on  1,450  pièces,  a  été  vendu  2,570  francs. 

Les  eaux-fortes  de  Rembrandt  ont  atteint  des  prix  élevés,  ainsi 
qu'on  en  jugera  par  cette  nomenclature  : 

Présentation  au  Temple,  600  francs  ;  Fuite  en  Egypte,  550  ; 
Jésus-Christ  disputant  avec  les  doclf.urs,  700;  Jésus-Christ  gué- 
rissant les  malades  (la  pièce  aux  cent  florins),  6,100;  Jésus- 
Christ  présenté  au  peuple,  580;  Jésus-Christ  nu  tombeau,  920; 
Le  bon  Samaritain,  1,020;  Mort  de  la  Vierge,  485;  Saint 
François  à  genoux,  i  ,050  ;  La  petite  Bohémienne  espagnole,  785  ; 
La  Femme  aux  oignons,  505  ;  Lazarus  Klap,  ou  le  Muet,  715  ; 
Vieux  mendiant  assis,  accompagné  de  son  chien,  620;  Le  Lit 
à  la  française,  925;  L'Espiègle,  1,:^00;  La  Femme  devant 
le  poêle,  500  ;  Femme  nu  bnin,  603;  Femme  à  la.  flèche,  705; 
Paysage  aux  trois  arbres,  1,000;  L'Homme  au  lait,  925; 
Paysage  aux  trois  chaumières,  1,050;  Paysage  à  la  tour,  700. 


On  a  vendu  13,900  fi-ancs  V Œuvre  de  Walteau,  273  planches 
en  2  volumes. 

Résultats  d'une  vente  de  dessins  originaux  provenant  du 
Courrier  Français. 

Heidbrinck  :  Renouveau,  i^O  francs  ;  Juive  errante,  200  ;  Noël, 
150  ;  L.  Legrand  :  Elève  de  Réjane,  205;  J'ai  peur  qu'on  nous 
voie.  —  Après!  255;  H.  Pille  :  Sortie  d'église  en  Bretagne,  100; 
l'Alchimiste,  150;  Quinsac  :  La  Farandole  passe...,  100;  Wil- 
ktte  :  Etude,  175  ;  Un  Directeur  veinard,  c'est  J.  Roques,  100  ; 
Ce  sera  du  propre  pour  vos  femmes,  quand  il  n'y  aura  plus  de 
filles  !  125  ;  Aïe!  mon  corset!...  aïe!...  permette!...  pas,  m'sieu! 
415;  Flore  au  square.,  cl  M'sieu!...'  permette  d'arranger  ma 
jarretière?  "iSÙ. 

Total  :  environ  10,025  francs  ;  moyenne  :  50  francs  par  dessin. 

***     ■  , 
A  la  vente  Barbedienne,  les  enchères  ont  été  très  animées. 

Voici  les  plus  hauts  prix  : 

Troyon,  Vaches,  33,100  francs;  Th.  Rousseau,  Coucher  de 
soleil,  20,000;  Delacroix,  Jésus  sur  le  lac  de  Tibériade,  27,800; 
J.  Dupré,  Coucher  de  soleil,  15,600;  Ch.  îacqno,  Clair  de  Unie, 
5,650;  J.-F.  Millet,  La  Bouillie,  5,000. 

Couture.  Enfant  prodigue,  5,800  francs;  Petit  Gille,  4,150; 
Oiseleur,  4,100;  Juge  endormi,  4,100;  Dnmoclès,  3,000;  Pro- 
mises, 3,600;  Souper  à  In  Maison-Dorée,  2,050  ;  Amour  de  l'or, 
1,900;  Pifferaro,  1,580. 

Barye.  Lion  au  repos,  9,400  francs;  Combat  de  tigres,  4,300; 
Jaguar  marchant,  9,000;  Tigre  couché,  7,100. 

*** 
Enfin,  à  la  vente  des  collections  de  MM.  Haro,  ont  atteint  : 

Le  Rêve  d'amour,  par  Chaplin,  15,200  francs;  le  Ruisseau  du 
puits  noir,  par  G.  Courbet,  39,500  ;  une  Marine,  effet  de  soleil 
couchant,  par  J.  Dupré,  14,300;  la  Rentrée  avant  l'orage,  Tpar 
Ch.  Jacqiie,  10,305;  la  Sortie  du  pacha  à  Tanger,  par  Henri 
Regnaull,  29,000  ;  la  Sybille  au  rameau  d'or,  par  Eug.  Delacroix, 
9,700;  l'Enfant  Jésus  devant  la  Vierge,  par  le  même,  12,000; 
l'Eglogue,  par  Henri  Henner,  12,505. 

Parmi  les  tableaux  anciens  signalons  l'Innocence,  par  Greuze, 
40,000  francs;  les  Amants  heureux,  par  Fragonard,  12,000; 
Portrait  de  -Saskia  Ulenburgh,  de  Leeuwarden,  la  première 
femme  de  Rembrandt,  par  Rembrandt,  3Q,^0(f;  le  Repos  pendant 
la  fuite  en  Egypte,  par  le  même,  15,000. 


CONCOURS  DU  CONSERVATOIRE 

Trompette.  —  Professeur,  M.  Gooeyens.  1"  prix,  M.  Favart; 
2"' prix,  MM.  Vanulfelen  et  Schinck;  1"  accessit,  MM.  Baeyens  et 
Dralants. 

Trombone.  —  Professeur,  M.  Seha.  1"  prix,  MM.  Broeckaerl  et 
Lcfôvrc;  rappel  du  2»  prix,  M.  Dusch  ;  2"  prix,  M.  Blangenois; 
1"  accessit,  MM.  Boon  et  Escagi*. 

Cor.  —  Professeur,  M.  Merck,  l*-'-  prix  avec  distinction, 
M.  Meeus;  2"  prix,  MM.  Delalte,  Dubois  et  Smodts;  !«'•  accessit, 
MM.  Boon  et  Escaré. 

Saxophone.  —  Professeur  :  M.  Beeckman,  l"  prix,  M.  Car- 
piaux;  2»  prix,  MM.  Bossaert  et  Borré;  accessit.,  M.  Hublarl. 

Basson.—  Professeur  :  M.  Neumans.  1"  prix  avec  distinction, 
M.  Van  Dossel;  l"  prix,  M.  Mondus;  rappel  avec  distinction  du 


-'■^W-mpf^iftw^m, 


LART  MODERNE 


199 


2*  prix,  M.  Provosl  ;  2«  prix  avec  distinction,  M.  Maréchal  ; 
2»  prix,  M.  Boogaerts;  accessit,  M.  Riiïlacrl. 

Çlarinetle.  —  Professeur  :  M.  Poncelet.  1"'  prijc,  MM.  Van 
Altenhoven  elAllard;  2«  prix,  MM.  Desmel,  Coessen«,  Sohy  et 
Lardinois;  accessit,  MM.  Duby,  Heynen  el  Meurét. 

Hautbois.  —  Professeur  :  M.  G.  Guidé,  i"'' prix  avec  distinction, 
M.  Cariier;  1"  prix,  M.  De  Busscher;  2*  prix  avec  dislinclion, 
M.  Fonteyn;  2«  prix,  MM.  Rovies  et  Van  Lierde  ;  accessit, 
MM.  Verstraeten,  Pidrard,  Bury  et  Nachtergaele. 

Ftûte.  —  Professeur  :  M.  Anthoni.  i*'  prix  avec  distinction, 
M.  Nayez;  1"  prix,  MM.  Frémy  el  Borlée;  rappel  avec  distinction 
du  2*  prix,  M.  Goudry  ;  accessit,  MM.  Van  Hoegarden,  Scheers  et 
Six. 

Contrebasse.  —  Professeur  :  M.  Eekhautte.  1"  prix  avec  dis- 
tinction, M.  Broeckaerl;  1"  prix,  M.  Van  den  Eynde. 


pETITE    CHROJ^iqUE 


Dans  une  conférence  faite  la  semaine  passée  à  l'Exposition 
A' Anvers-Bruxelles ,  M.  Louis  Delmer  a  lu  d'importants  fragments 
de  la  Fin  des  Bourgeois,  l'œuvre  nouvelle  de  Camille  Lemonnier, 
et  fait  applaudir  comme  elle  le  mérite  cette  vigoureuse  el  litté- 
raire étude. 

Camille  Lemonnier  occupe  précisément  beaucoup  la  presse  fran- 
çaise. A  une  attaque  imprévue  et  injustifiable  de  M.  Bernard  Lazare 
dans  l'Evénement,  attaque  qui  môme  s'en  prend  à  tout  notre  mou- 
vement littéraire,  si  intense,  si  varié,  si  admirablement  national, 
répond  avec  justice  et  énergie  un  article  de  M.  Adolphe  Tabaranl 
dans  l'Endehors.  L'article  de  M.  Bernard  Lazare  n'est,  au  fond, 
que  la  diatribe,  non  d'un  Français,  mais  d'un  Hébreu  qui  ne  sait 
Tien  de  nous,  de  notre  tempérament,  de  notre  art. 

Dans  un  fort  bon  article  de  Fernand  Roussel,  le  Mouvement 
littéraire,  excellente  el  vaillante  revue  nouvelle  qui,  à  peine  à 
son  neuvième  numéro,  a  pris  place  au  premier  rang,  répond  à 
son  tour.  Elle  dit  : 

«  Si  M.  Lazare  avait  fail  œuvre  absolue  de  critique,  argumen- 
tant sincèrement  sur  M.  Camille  Lemonnier,  nous  eussions  élé 
des  premiers  à  lire  avec  joie  le  jugement  du  poète  du  Miroir  des 
Légendes.  Malheureusement,  séduit  parla  campagne  naguère  menée 
si  petitement  par  M.  P.  Adam,  Bernard  Lazare  égare  son  jugement 
en  des  considérations  vraiment  mesquines.  Accuser,  comme  il  le 
fait  avec  cette  extrême  violence,  de  copie  un  très  grand  écrivain, 
un  de  ceux  les  plus  intérieurement  requis  par  toutes  les  curio- 
sités de  son  art,  me  semble  d'une  singulière  anémie  d'idées, 
émises  par  un  artiste,  et  dévoile  une  étrange  colère  à  l'égard  d'une 
littérature  bien  particulière,  bien  haute,  victorieuse  ! 

Et  il  est  triste  de  voir  entrer  en  lice,  armé  d'idées  maladroites 
et  préconçues,  usant  des  phrases  spécieuses,  pour  ce  méchant 
combat,  un  subtil  écrivain.  Des  polémiques  semblables  seraient 
meilleures  pour  le  marchandage  pénible  de  certaines  réputations 
qui  ne  valent,  certes,  pas  la  belle  el  robuste  lutle,  le  constant  el 
victorien^  effort  que  soutient  depuis  plus  de  vingt  ans  Camille 
Lemonnier.  » 

La  collection  originale  des  aquarelles  Tours  et  tourelles  de  la 
Belgique  qui  ont  valu  tant  de  succès  à  M.  Jean.Baes,  leur  auteur, 
vient  d'êirc  acquise  par  M.  Grosjean  pour  servir  de  décoration  à 
un  lambris  dans  son  nouvel  hôtel  de  la  rue  Royale.  Dans  ces  con- 
ditions l'aquarelle  prend  rang  parmi  les  éléments  décoratifs  des 
appartements. 

M.  Baes  a  reçu  en  outre  la  commande  de  vingt-cinq  vues  de  la 
Belgique  qui  sont  destinées  à  décorer  un  cabinet  de  travail  dans 
le  Minnesota  (Amérique). 


Les  concerts  du  W.aux-Hall  présentent  celte  année  un  véritable 
intérêt  artistique. 

On  y  a  entendu  celle  semaine  M"«  Dyna  Beumer,  M.  Marcel 
Lefèvre,  M.  Florissenne,  baryton  de  l'Opéra  d'Amsterdam,  qui 
lous  trois  ont  reçu  l'accueil  le  plus  sympathique. 

Mardi  prochain,  on  applaudira  M.  Isnardon,  l'ancien  pension- 
naire de  la  Monnaie,  qui  a  laissé  à  Bruxelles  d'excellents  souvenirs. 

Le  concert  de  jeudi  sera  consacré  aux  œuvres  de  Wagner  el  de 
Peter  Benoit.  On  entendra  notamment  la  transcription  de  Joseph 
Dupont  sur  les  Maîtres-Chanteurs,  l'ouvcrlure  de  Tannhâuser, 
le  prélude  de  Lohengrin,  h  «  Chevauchée  des  Walkyries  »,  l'ou- 
verture, l'enir'acle  et  la  valse  de  Charlotte  Corday,  etc. 

Samedi  nous  aurons  la  bonne  fortune  d'écouter  l'un  des  plus 
brillants  violonistes  français,  M.  Rivarde,  qui  interprétera  le  Con- 
certo de  Mendelssohn  el  les  Airs  russes  d'H.  Wieniawski, 

La  direction  prépare  en  outre  dès  à  présent,  pour  le  2  juillet, 
un  concert  extraordinaire  réservé  à  la  jeune  école  française  dont 
l'orchestre  exécutera  pour  la  première  fois  une  série  dé  composi- 
tions inédiles  signées  Vincent  d'Indy,  Gabriel  Fauré,  Ernest 
Chausson,  Pierre  de  Bréville,  Emmanuel  Chabrier. 

M.  Gustave  Kefer  prépare  pour  la  prochaine  saison  musicale 
une  série  de  séances  consacrées  exclusivement  à  l'œuvre  de 
J.  Brahms.  Il  compte  faire  entendre  des  sextuors,  quintettes, 
quatuors,  trios  el  sonates,  ainsi  que  des  duos,  trios  el  quatuors 
vocaux. 

Le  local  sera  choisi  en  vue  de  l'intimité  à  conserver  à  celle 
musique  si  bien  appelée  «  musique  de  chambre  ». 

C'est  aujourd'hui  dimanche,  à  midi,  que  s'ouvre  à  Namur  la 
huitième  Exposition  internationale  el  triennale  des  beaux-aris. 

La  Mer,  de  Paul  Gilson,  a  été  exécutée  à  Anvers.  Accueil  aussi 
enthousiaste  qu'à  Bruxelles.  Le  public  des  Concerts  populaires, 
d'ordinaire  clairsemé,  était  accouru  en  foule.  Interprétation  très 
remarquable  sous  la  direction  intelligente  de  M.  G.  Lenaeris,  un 
chef  aussi  méritant  que  modeste.  Supérieurement  chanlé,  le  dan- 
gereux solo  de  cor  anglais  de  la  troisième  partie,  par  M.  Rovies, 
élève  de  M.  Guidé,  l'excellent  professeur  de  hautbois  du  Conser- 
vatoire de  Bruxelles.  Le  poète  Pol  De  Monl  a  dit  les  vers  d'Eddy 
Levis  avec  beaucoup  de  charme  el  de  sentiment. 


Le  Collège  de  Bradfield,  qui  garde  sévèrement  le  culte  des 
tragiques  grecs,  prépare  pour  le  23  juin  Une  représenlatipn 
d'Àgamemnon  qui  sera  une  fidèle  et  ariislique  restitution  du 
théâtre  antique.  La  carte  d'invitation  que  nous  avons  sous  les 
yeux  porte  les  curieuses  recommandations  suivantes  : 

Les  spectateurs  sont  priés  de  ne  pas  pénétrer  au  parterre  avant 
4  heures,  moment  où  le  premier  appel  de  Irompetles  retentira 
dans  les  jardins  du  Collège. 

A  4  h.  IS,  seconde  sonnerie  au  parterre,  au  moment  oïl  les 
spectateurs  sont  priés  d'occuper  leurs  places. 

A  4  h.  30,  troisième  sonnerie  au  parterre  pour  obtenir  le 
silence,  au  moment  de  la  représentation. 

On  rappelle  que  les  conditions  d'une  représentation  au  grand 
jour,  alors  que  les  acteurs  voient  chaque  mouvement  des  specta- 
teurs aussi  distinctement  que  ceux-ci  peuvent  suivre  les  mouve- 
ments des  premiers,  sont  de  beaucoup  plus  difficiles  que  celles  des 
représentations  actuelles  où  la  rampe  dérobe  aux  acteurs  la  vue 
de  la  salle.  En  conséquence,  les  spectateurs  sont  priés  : 

1»  D'occuper  leurs  places  ponctuellement  au  second  appel  des 
trompettes,  plus  spécialement  au  moment  où,  selon  l'usage  antique, 
le  chœur  fera  son  entrée  par  les  mômes  portes  que  les  spectateurs; 

2»  De  ne  pas  quiilcr  leurs  places  au  cours  de  la  représenta- 
tion, mais  d'attendre  la  sortie  du  Chœur. 

On  fournira  des  coussins  îi  tous  les  spectateurs  à  l'entrée  du 
théâtre.  On  conseille  aux  danies  de  se  munir  d'éventails  pour  les 
garantir  du  soleil,  mais  on  les  prie  de  ne  pas  apporter  de  para- 
pluies ni  de  parasols. 

S'il  survenait  une  averse,  la  représenlalion  serait  interrompue 
pour  un  certain  temps  par  le  chorège. 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


LIGNE    DOSTENDE-DOUVRES 

La  plus  courte  et  la  moins  coûteuse  des  voies  extra-rapides  entre  /e  Continent  et  TAncleterre 

Bruxelles  à  Londres  en  8  heures. —  Cologne  à  Londres  en  13  heures. —  Berlin  à  Londres  en  22  heures.—  Vienne  à  Londres 
en  36  heures.  —  .B&le  à  Londres  en  20  heures.  —  Milan  ù  Londres  en  32  heures.  —  Francfort  s/M  à  Londres  en  18  heures, 

D'Ostende  à  4  h.  58  matin,  10  li.  53  matin  et  8  h.  03  soir.  —  De  Douvres  à  12.00  h.  (midi),  7  h,  30  soir  et  10  h.  15  soir. 

Par  les  nouveaux  et  splendides  paquebots  :  Princesse  Joséphine,  Princesse  Henriette,  Prince  Albert,  La  Flandre  et  Ville 
de  Douvres  partant  journellement  d'OSTENDE  à  4  h.  58  matin  et  10  h.  53  matin  ;  de  DOUVRES  à  12.00  (raidi)  et  7  h.  30  soir.  —  Salons 
luxueux.  —  Fumoirs.  —  Ventilation  perfectionnée.  —  Ëclalraé^e  électrique.  —  Restaurant.  BILLETS  DIRECTS  (simples 
ou  aller  et  retour)  entre  LONDRES,  DOUVRES.  Birmingham,  Dublin.  Edimbourg,  Glasco-w,  Liverpool,  Manchester  et 

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AVIS.  —  Cabines  particulières.  —  Buffet  restaurant  à  bord.  —  Soins  aux  dames  par  un  personnel  féminin.  —  Accostage  à  quai  vis-à-vis 
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#  V -ti 


Douzième  année.  —  N°  26. 


Le  numéro  ^J^C  centimes. 


Dimanche  26  Juin  1892. 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


1 1  ■',  ■  1 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

~  Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  ->-  Edmond  PICARD  —  Èmilb  VERHAERÈN 


r-— I — j- 


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ABONNEMENTS  :   Belgique,  un  an,   fr.  iO.O^v  Union  postale,   fr.   13.00.    —  ANNONCES  :    On  traite"  à  forfait. 


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JsAN-Louis  Forain.  La  Comédie  ;parisienne: — ^^ndré  Fontaxnas. 
Les  Vergers  Uliaoires.  —  L'Apollonipe.  —  L'Exposition  d'Ixbllbs. 
—  La  Bonne  a  tout  faire.  —  Correspondance.  —  Concours  du 
gonservàîoirb.  —  bibliographie  musicale,  —  petite  chronique. 


:        JEM-LOinS  FORira 

-La  Comédie  parislMUte,  250  dessins.  —  Qiarpentier 
et  Fasquelje,  édit.  Paris. 

Non  pas  que  tous  ces  dessins  réunis  en  un  volume 
aient  conservé  la  netteté  et  le  charme  qui  les  rendaient 
prodigieusement  attrayants  dans  le  Courrier  français 
ou  le  Fifre t  —  car  lé  tirage  est  parfois  obscur  et 
embrouillé,  —  mais  il  est  bien  amusant  de  feuilleter 
ce  Charpentier  illustré,  à  couverture  coloriée,  et  l'on 
se  rend  un  compte  assez  complet  de  l'œuvre  de 
J.-L.  Forain,  jusqu'ici  éparpillée  en  maints  journaux. 

Forain  apparaît  un  des  dessinateurs  les  plus  person- 
nels et  les  plus  puissants  du  siècle.  Il  fait  partie  de  la 
pléiade  des  Daumier,  des  Gavarni,  des  Rops/des  Degas. 
Certes  il  n'érige  pas  des  entités  symboliques  comme 
l'auteur  àsk  Sataniqites;  il  est  moins  universel  que 
Daumier,  qui  a  prodigué  de  formidables  «  coups  de 
gueule  n  à  toutes  les  classes  de  la  société  qui  s'offrait  à 


ses  appétits  d'ironie;  mais  il  est  aussi  féroce  que  lui;  et 
dans  la  catégorie  des  mœurs  qu'il  fouillé  et  fouallle,  il 
est  aussi  acerbement  et  amèrement  pénétrant. 

C'est  vers  un  monde  spécial  que  Forain  dresse  les 
piqués  de  sè$  crayons  malicieux,  un  monde  où'sou.filé 
le  vent  des  coulisses  et  où  froufroutent  les  jupes  dé 
gaze  des  danseuses,  un  monde  mordu  d'un  reflet  ardent 
des  cabinets  particuliers,  des  tabagies  louches,  des  trofc 
toirs  équivoques,  des  salles  de  jeu.  On  y  respire  la 
graillonneuse  odeur  des  restaurants  de  nuit,  l'indétinis- 
sable  senteur  du  théâtre  et  de  ses  décors,  de  ses  cou- 
loirs, le  relent  dé  lits  que  le  «  louis  »  d'un  passant  a 
jetés  dans  un  hâtif  désordre.  C'est  un  monde  vicieux, 
canaille,  et  quand  l'artiste  ouvre  quelque  jour  sur-  le 
monde  bourgeois,  'c'est  pour  mettre  en  relief  ses  tares 
les  plus  cruelles.  L'on  croirait  alors  voir  et  entendre 
comme  des  personnages  des  comédies  d'Anoey,  dont 
l'art  s'apparente  singulièrement  à  celui  de  Forain. 
Ainsi  deux  «  mamans  »  grassouillettes,  dans  un  salon 
boui^eois,  l'une  caressant  un  chat  qu'elle  dorlote  sur  ses 
genoux,  parlent  de  leurs  fils  : 

—  Eh  bien,  votre  aîné  commence-t-il  /à  devenir 
raisonnable?     ' 

—  Nous  sommes  ravis  de  sa  conduite,  il  a  une 
petite  femme  mariée  très  comme  il  faut] 

Ou  bien  la  mère  erre  à  SA  fille  :  ' 

— ,  VtVe,  cache  tes^bijoucç.,,  voilà  ton  père:.' 


.■^jik 


mmmm 


J0^f^ 


202 


UART  MODERNE 


Et  le  père,  montrant  une  danseuse  à  son  fils,  lui 
demande  : 

—  Voyons,  André,  comment  la  troiives-iu,  toi  qui 
es  un  homme? 

—  Idéale,  papa! 

—  Eh  bien,  c'est  pour  elle  qu'on  me  fait  tant  de 
misères  à  la  maison .' 

Toutes  ces  légendes  inscrites  au  bas  des  dessins,  tan- 
tôt vives,  alertes,  troussées  avec  piquant,  désinvoltes 
ainsi  que  lep  plus  coquettes  des  petites  qui  cherchent  à 
«  souper  »,  d'autres  fois  implacables,  aiguisées  comme 
des  couteaux,  sont  les  coups  de  crayon  décisifs  qui 
achèvent  les  dessins  et  leur  donnent  leur  dernière  signi- 
fication. Ce  sont  aussi  les  signatures  diaboliquement 
griffées,  froidement  impitoyables  qui  soulignent  les  sil- 
houettes, malignes  des  croquis. 

Mais  c'est  surtout  dans  un  demi-monde  bien  parti- 
culier et  curieux  que  Forain  a  taillé  ses  types  de 
diiection. 

Que  de  portraits  passent  ainsi,  tracés  d'un  crayon 
nerveux,  impatient  et  moqueur,  —  avec  des  traits 
rapides,  d'une  adresse  inouïe,  spirituels  et  légers, 
dessinés  par  ce  Japonais  de  la  plus  subtile  essence  pari- 
sienne! 

L'âme  de  ce  monde,  c'est  la  Fille.  Celle-ci  se  détaille 
en  nuances  multiples,  depuis  cette  mineure  salace  qui, 
mi-vêtue,  rajuste  sa  chevelure,  tandis  que  sa  mère,  une 
brosse  à  la  main,  exprime  sa  reconnaissance  à  un 
^nonsieur  essoufflé,  porteur  d'une  serviette  qui  le  fait 
présumer  député  :  «  Ah  !  Monsieur  le  comte,  jusqu'à 
quelle  heure  avez-vous  gâté  notre  Nini'i  La  voilà 
qui  rate  son  Conservatoire!  »  —  jusqu'à  la  franche 
«  marmite  «  dépoitraillée  de  banlieue,  boulotte  mal 
enfermée  en  un  corset  ôté  dix  fois  par  soir,  et  devant 
laquelle  un  vigoureux  -  marlou  »,  à  la  cravate  lâche, 
hurle,  les  poings  menaçants  :  «  Qui  qu'a  encore  dit 
qu'fétais  un'  salope?  »  Il  y  a  aussi  la  soupeuse  :  «  On 
croit  qu'elle  soupe.....  elle  déjeune!  y  —  la  poseuse  : 

—  Tes  parents,  est-ce  qu'ils  savent  que  tu  poses? 

—  Oui...  maman! 

V  "  entretenue  «,  que  sa  cuisinière  questionne  : 

—  Alors,  madamene  rentreras  dîner? ...  Madame 
n'oublie  pas  son  tire-bouton  ? 

ou,  encore,  la  petite  noceuse  des  temps  de  carnaval 
qui,  costumée  en  marmiton,  porte  hors  la  chambre  les 
bottines  d'un  monsieur  apoplectique,  chauve,  largement 
«  bretelleux  ",  pesamment  mis  à  l'aise  sur  un  pouf,  et 
lui  avoue  d'un  air  naïf,  le  nez  retroussé  : 

—  C'qui  me  plaît  dans  ta  bande,  c'est  que  vous 
êtes  polis  avec  les  femmes  ! 

Toutes,  jusqu'à  la  nerveuse  à  laquelle  «  s'intéresse  - 
un  homme  marié,  à  qui  elle  lance  avec  rage,  en  se  rafis- 
tolant devant  ça  lable  de  toilette  :  «  Si  tu  y  retournais, 
chez  ta  femme!  «,  jusqu'à  la  gamine  rouée  qui  cajole 


un  richard  bedonnant  :  «  C'est  pas  pour  te  flatter, 
mais  t'épates  maman!  »,  les  voilà  croquées,  les  piètres 
pauvresses  de  l'amour,  les  trayeuses  de  l'obscénité  bour- 
geoise, les  rongeuses  des  pièces  d'or  enlevées  aux  jeux 
de  la  Bourse,  les  mangeuses  des  revenus  patriciens,  les 
sangsues  collées  aux  médiocres  et  pleutres  vices  des 
classes  qui  dirigent.  Mais  celle  que  Forain  se  plaît 
surtout  à  dessiner,  c'est  la  danseuse.  Elle  est  le  joyau 
de  son  cycle.  D'abord  la  danseuse  débutante  qui,  le 
matin,  rince  les  assiettes  du  ménage  de  ses  parents  en 
une  mansarde,  mais  brille  le  soir,  épanouie,  le  maillot 
rose  dans  ses  jupes,  ainsi  que  dans  une  large  fleur. 

Bientôt  elle  acquiert  une  expérience  et  de  l'autorité 
et  elle  commande  à  quelque  gommeux  : 

—  C'est  à  prendre  ou  à  laisser  :  fveux  que  ai 
mènes  ma  mère  au  Bois. 

Et  arrive  le  moment  où,  «  connaisseuse  »>,  elle  glisse  à 
l'oreille  d'une  amie,  envoyant  passer,  parmi  les  coulisses, 
un  gaillard  singulièrement  et  longuement  «  favorisé  »  : 

«  Rothschild  a  !  "      ' 

Autour  de  ces  fleurs  de  vice,  voilà  leurs  jardiniers, 
ceux  qui  les  soignent  et  les  cultivent.  Au  premier  plan, 
celui  qui  entretient  :  le  gras  monsieur  chauve,  de  blanc 
cravaté,  aux  chairs  ballonnées  et  au  dos  rond,  et  qui  se 
lamente  auprès  d'une  impertinente  ballerine  : 

—  Ma  petite  Marthe,  c'est  donc  bien  difficile  de 
mètre  fidèle  ? 

Puis  l'inconnu,  cueilli  au  passage,  sous  un  réverbère 
et  qui,  le  col  de  son  habit  levé,  suit  à  travers  un  froid 
corridor  une  <•  trimeuse  »  à  l'aspect  phtisique,  —  tous 
les  deux  frileux  à  la  clarté  d'un  bougeoir  et  portant  en 
leur  physionomie  la  triste  et  pénible  banalité  des  trot- 
toirs nocturnes. 

C'est  encore  le  gommeux  abêti,  triste  dégénéré  d'une 
fin  de  race,  piteux  sylvain  des  verts  décors  allumés  au 
gaz  des  coulisses,  ou  le  vieux- général  à  barbe  blanche, 
trop  friand  des  petites  ndnnes  de  Robert  le  Diable  ; 

—  ...  Faut  attendre  encore  un  an,  mon  général. 
Et  tous  les  comparses  :  l'ouvreuse  et  l'habilleuse  des 

théâtres,  ja  soubrette  des  femmes  galantes,  la  mère 
qui  apprend  à  sa  fille  comment  on  réussit  dans  le 
monde  interlope  et  qui  guide  ses  premiers  pas  dans  la 
carrière  horizontale,  la  tireuse  de  cartes,  les  garçons 
de  café,  —  toute  la  ruche  du  vice  parisien  :  les  abeilles, 
les  frelons,  les  bourdons. 

Et  derrière,  avec  un  ricanement  sinistre,  s'iraposant 
en  maître,  le  souteneur  : 

—  Xvois  bien  ça,  t'as  besoin  d'une  volée... 

Mais  on  l'aime  bien,  quoi  qu'il  soit  rosse;  on  ne 
l'oublie  pas  les  soirs  de  haute  noce  et  on  lui  envoie  en 
cachette  des  bouteilles  de  vin  par  le  garçon  : 

—  Achille,  lu  serais  bien  gentil  de  porter  cela  à 
mon  petit  Paul  qui  m'attetid  près  du  kiosque. 

Et  quand  un  «  miche  sérieux  »  s'attarde  à  se  reposer 


^,^  ,  j"'Vvjr'"T«(L'*';r'<^t,««^*7' 


LART  MODERNE 


203 


trop  longuement  dans  le  lit  de  la  «  marmite  «,  elle  se 
dit  : 

—  Quand  j'songe  que  mon  petit  Victor  m'attend, 
ce  que  j'ai  envie  de  te  casser  la  gueule!.'   ■ 


Les  Vergers  illusoires 

Art  fait  de  couleurs  élincelanles  et  de  passion.  A  quoi  me  fait-il 
penser?  A  une  chose  riche,  douce,  —  trop  riche,  trop  douce. 
Je  sens  la  bonne  crudité  de  la  vie  dans  quelques  pages  de  passion 
(pp.  24  à  28,  dédiées  à  Iwan  Gilkin),  les  plus  belles,  les  plus  sen- 
ties de  tout  le  recueil;  «  les  plus  senties  »...  n'est  pas  juste.  Tout 
est  senti  dans  ces  vers,  très  senti,  mais  aussi  très  pensé,  trop 
pensé. 

Je  crois  que  M.  Fonlainas,  avec  beaucoup  d'artistes  nés  à  une 
époque  de  transition  comme  la  nôtre,  voit  dans  l'art  deux  choses  : 
l'impression  et  sa  forme.  Ses  beaux  vers  sont  trop  souvent  la 
robe  brillante  cl  non  la  chair  de  son  rêve,  et,  dans  cette  décora- 
lion  si  amoureusement  ciselée,  je  ne  retrouve  pas  la  forme  néces- 
saire de  son  impression  personnelle. 

Le  mouvement  que  nous  faisons  pour  secouer  les  vieilles  formes 
nous  rend  fiers  et  nous  trouble  malgré  nous,  et  nous  nous  com- 
plaisons tant  à  relisser  nos  nouvelles  pjumes  que  nous  en  oublions 
de  voler. 

Pourquoi  je  m'arroge  le  droit  de  trouver  qu'il  y  a  disproportion 
entre  la  forme  cl  le  fond,  —  que  celle-là  n'est  pas  l'émanation, 
l'arçlvleclure  naturelle  de  celui-là?  Je  ne  sais  pas.  Il  se  peut 
que  je  ne  comprenne  pas.  Nais  le  manque  d'harmonie  entre 
l'odyssée  de  cet  être  ennuyé  puis  curieux,  puis  blasé,  puis 
résigné,  et  celte  jeune  forme  si  chaudement  colorée,  m'irrite. 
J'é  suis  furieux  de  trouver  dans  les  Vergers  illusoires  tant  de 
choses  à  admirer.  Et  malgré  moi  je  relis  et  je  note  des  trouvailles 
lumineuses,  comme  celte  prophétie  d'orage  faite  à  ceux  qui  ne  le 
voienl  pas  venir  : 

Vous  avez  tant  vécu  sans  l'émoi  de  la  vie  I 

Dans  l'apparente  paix  de  la  route  suivie. 

Vos  yeux  doux  se  sont  clos  aux  présages  d'horreur. 

El  ces  étranges  vers  de  treize  pieds  dédiés  à  M.  Maurice  Clouel, 
—  nostalgie  et  désespoirs  : 

Nos  yeux  veulent  voir  les  grands  mirages  aveuglants. 

Hébétés  de  songe  illusoire,  nos  cœurs  dormants 
N!osent  aspirer  le  feu  des  nocturnes  haleines. 
Et  portent,  ployés  au  joug  obstiné  des  tourments. 
Toujours  l'âpre  fardeau  «Jes  réalités  vaines. 

Et  ceux-ci  : 

Les  fleurs  des  chairs  de  femme  ont  tari  leurs  parfums 
Et  tous  ces  vergers  d'or,  ces  jardins  de  mes  rêves 
Où  nul  fruit  doux  ne  s'offre  aux  ardeurs  de  mes  lèvres, 
Sont  clos,  mornes  tombeaux,  sur  mes  orgueils  défunts. 

El  ce  sonore  épisode  de  chasse,  —  mort,  accompagnée  de  cla- 
meurs de  joyeux  tumulte,  de  la  pauvre  bêle  traquée.;  —  et  ces 
vers  sous  l'épigraphe  :  The  lady  sleeps,  el  tant  d'autres. 

Ai-je  plus  admiré  que  délesté?  Je  n'en  sais  rien  moi-même; 
el  ce  doute  prouve  que  je  n'avais  pas  affaire. à  un  esprit  ordi- 
naire. ■    ~* 


L'APOLLONIDE 

Nous  avons  annoncé  qu'il  est  sérieusement  question  de  repré- 
senter à  l'Opéra  de  Paris,  avec  M.  Ernest  Van  Dyck  dans  le  rôle 
principal,  l'ApoUonide,  de  M.  Franz  Servais.  La  presse  française 
se  montre  très  favorable  à  ce  projet,  qu'elle  considère,  indépen- 
damment de  son  grand  intérê  artistique,  comme  une  politesse 
à  faire  aux  artistes  belges,  en  remerciement  de  l'accueil  fait  par 
nos  compatriotes  aux  compositeurs  français.  Voici  l'important 
article  que  consacre,  dans  l'Echo  de  Paris,  M.  Armand  Silvestre 
à  l'œuvre  de  MM.  Leconte  de  Lisle  et  Servais.  L'Echo  étant 
consigné  à  la  frontière,  l'étude  peut  être  considérée,  en  Belgique, 
comme  inédite. 

«  La  récente  reprise,  à  l'Odéon,  des  Erynnies,  reprise  que  nous 
eussions  souhaitée  à  la  Comédie-Française,  a  fait  regretter,  de 
nouveau,  à  tous  les  lettrés,  que  Leconte  de  Lisle  n'ait  donné  que 
celle  seule  œuvre  à  la  scène.  Ceux-là  seulement  qui  connaissent 
ce  haut  el  fier  esprit,  comprennent  aisément  qu'il  s'accommode 
mal  de  tout  ce  que  les  choses  de  théâtre  comportent  d'artificiel, 
d'arbitraire  et  de  contingent.  Nous  savions  cependant  que  le  grand 
poète  avait  écrit  une  autre  tragédie,  el  une  bonne  fortune  véri- 
table en  ayant  mis  le  texte  entre  nos  mains,  nous  pensons  que 
notre  joie  littéraire  est  bonne  à  partager  avec  ceux  qui  nous  font 
l'honneur  de  nous  lire,  les  chefs-d'œuvre  étant  particulièrement 
rares  de  ce  temps.  Parmi  tant  de  petits  événements  où  se  distrait 
la  curiosité  publique,  c'en  est  un  véritable  que  l'apparition  cer- 
taine d'un  ouvrage  destiné  à  de  longues  admirations,  affirmant 
une  fois  de  plus  l'immortelle  gloire  des  lettres  françaises  et  la 
vitalité  d'un  des  plus  nobles  génies  de  ce  temps.  Et  je  dirai,  un 
peu  plus  loin  encore,  pourquoi  c'est  un  événement  à  un  double 
litre,  à  un  moment  où  le  drame  lyrique  lente  une  régénération  si 
intéressante  par  une  union  plus  intime  entre  la  pensée  écrite  el  la 
pensée  chantée,  ne  faisant  plus  des  sons  qu'une  expression  vivante 
de  l'âme  qui  s'exhale  dans  leur  mélancolie  ou  dans  leur  gatté, 
révolution  admirable  et  dont  le  plus  grand  musicien  du  siècle 
donna  la  formule  la  plus  parfaite  en  écrivanl,  lui-même,  les 
poèmes  de  ses  opéras. 

Mais  c'est  à  la  beauté  purement  littéraire  de  l'œuvre  que  je 
veux  m'atlacher  tout  d'abord. 

L'ApoUonide,  —  ainsi  s'appelle  le  drame  antique  de  Leconte 
de  Lisle,  —  est  une  adaptation  sommaire  et  magistrale  du  Idn 
d'Euripide,  ou,  mieux,  c'est  une  œuvre  nouvelle  inspirée  des 
mêmes  événements.  L'âme  grecque  n'y  revit,  en  effet,  que  par  la 
splendeur  du  mythe  et  la  hauteur  constante  de  l'inspiralion.  La 
forme  esl  absolument  personnelle  à  l'auleur,  la  plus  élevée  et  la 
plus  sonore  que  puisse  revêtir  notre  vers  français,  claire  et 
vibrante  comme  le  cristal,  la  langue  où  se  résume  toute  l'évolu- 
tion d'une  poésie  déjà  mûre,  peut-être,  pour  les  déclins,  en  tous 
cas  une  protestation  magnifique  contre  la  juvénile  insolence  des 
décadents.  Que  ceux-ci  mesurent  l'abime  entre  cette  harmonie 
puissante  et  virile,  laquelle  est  comme  le  bruit  de  la  mer,  et  les 
subtilités  musicales  où  se  complaît  leur  fantaisie,  avant  tout  mala- 
dive el  efféminée!  (i)  Dans  l'ApoUonide,  au  souffle  d'Euripide  se 
mêle,  aussi  lointain  d'ailleurs  et  aussi  glorieusement  rajeuni,  le 
souffle  de  notre  Corneille.  Si  mon  enthousiasme  déborde  pour 

(1)  Inutile,  n'est-ce  pas,  de  faire  nos  réserves  en  ce  qui  concerne 
l'opinion  de  M.  Armand  Silvestre  sur  la  poésie  contemporaine?  On 
connaît  nos  idées. 


204 


UART  MODERNE 


celle  œuvre  superbe,  c'est  qu'elle  affirme,  sans  reniement,  sans  ^ 
défaillance,  l'auguste  parenté  de  nos  maîtres  avec  ceux  de  l'hé- 
roïque antiquité. 

Le  sujet,  développé  en  trois  parties,  mais  comportant  cinq 
tableaux,  est  de  ceux  qu'il  suffit  de  rappeler.  Comme  tous  ceux 
des  belles  tragédies  grecques,  il  ne  comporte  aucune  complica- 
tion habile  et  se  peut  conter  en  deux  mots.  Kréousa,  fille 
d'Erékhthéc,  a  eu,  d'Apollon  lui-même,  un  fils,  lôn,  qui  lui  a 
été  enlevé  et  qu'elle  croit  dévoré  par  les  bêles  sauvages.  Fidèle  à 
son  ancien  amour,  elle  a  néanmoins  épousé  Xanthos,  roi  d'At- 
lique.  Mais  tous  les  deux  demeurent  sans  enfants.  Or,  le  roi,  dési- 
reux de  postérité,  s'en  vient  consulter  l'oracle  de  Delphes  qui  lui 
déclare  que  lôn,  miraculeusement  sauvé  et  élevé  dans  le  temple, 
est  son  fils.  Kréousa,  qui  vient  de  se  trouver  face  à  face  avec  son 
enfant,  sans  le  rr  ;nnaîlre,  ne  peut  supporter  l'idée  que, 
tandis  que  son  fils,  iC  fils  d'Apollon,  est  sans  sépulture,  un  étran- 
ger en  prenne  la  place  au  pied  du  trône.  Elle  charge  un  vieillard, 
dévoué  à  sa  famille  et  dont  elle  a  fait  son  confident,  d'empoison- 
ner lôn.  Mais  le  forfait  est  découvert  avant  d'êlre  accompli  et 
Kréousa  est  condamnée  à  mort.  C'est  lôn,  son  propre  enfant,  que 
le  Destin  désigne  pour  la  frapper.  C'est  au  moment  où  celui-ci  va 
obéir  qu'une  pylhonisse  jette,  dans  les  bras  l'un  de  l'autre,  la  mère 
et  le  fils  dans  la  plus  admirable  scène  de  reconnaissance  qui  soit 
au  monde.  Une  apothéose  grandiose  montre  l'Alhènes  future  sur- 
gissant à  l'horizon,  patrie  des  Muses  et  de  la  Beauté. 

Ainsi,  dans  ce  drame  poignant,  tour  à  tour  les  jours  du  fils 
sont  menacés  par  la  mère  et  ceux  de  la  mère  par  le  fils,  en  une 
suite  de  fatalités  merveilleusement  logiques,  s'imposanl  avec  un 
caractère  inouï  de  réalité,  s'appuyanl  sur  des  ressorts  purement 
humains  et  passionnels  que  meut  une  loi  plus  haute,  celle  des 
destinées.  L'impression  religieuse  en  est  indicible  et  jamais  l'ôme 
tragique  ne  s'éleva  plus  haut  dans  une  conception  plus  nette  et 
plus  féconde  en  situations. 

Mais  c'est  surtout  par  la  splendeur  de  la  forme,  mieux  encore 
que  par  certains  détails  d'une  heureuse  invention,  que  Leconte 
de  Lisle  a  fait  celte  noble  fable  absolument  sienne.  On  sait  de 
quel  marteau  puissant  il  forge  l'alexandrin,  mais  jamais  il  n'avait 
ciselé  la  strophe  avec  une  perfection  lyrique  aussi  soutenue  et 
aussi  constante  et  passé  aussi  audacieusement  du  ton  de  l'épopée 
au  ton  de  l'ode,  assouplissant  les  rythmes  sans  rien  ôter,  au 
mêlai,  de  sa  solidité  originelle.  Ecoulez  plutôt  ce  que  chante 
lôn,  au  début  même  de  l'ouvrage  : 

STROPHE 

O  laurier  qui  verdis  dans  les  jardins  célestes 
Que  l'Aube  ambroisienne  arrose  de  ses  pleurs  I 
Laurier,  désir  illustre  !  oubli  des  jours  funestes. 
Qui  d'un  songe  immortel  sais  charmer  nos  douleurs  I 
Permets  que,  par  mes  mains  pieuses,  ô  bel  Arbre, 
Ton  feuillage  mystique  effleure  le  parvis, 
Afin  que  la  blancheur  vénérable  du  marbre 
Eblouisse  les  yeux  ravis  I 

ANTISTROPHE 

0  sources,  qui  jamais  ne  serez  épuisées. 
Qui  fluez  et  chantez  harmonieusement. 
Dans  les  mousses,  parmi  les  lys  lourds  de  rosées, 
A  la  pente  du  mont  solitaire  et  charmant  ! 
Eaux  vives  !  Sur  le  seuil  et  les  marches  pythiques 
Epanchez  le  trésor  de  vos  urnes  d'azur, 
Et  puisse  aussi  le  flot  de  nos  jours  fatidiques  > 

V  Couler,  comme  vous,  chaste  et  pur  I  -  • 

Quel  arôme  puissant  d'art  grec  on  respire  dans  ces  vers  dune 
si  belle  clarlé  française  ! 


Ecoulez  encore  Kréousa  contant  au  vieillard  sa  faute  divine  : 

STROPHE 

De  ses  ceintures  longtemps  closes 
L'aube  faisait  pleuvoir  des  roses 
Au  ciel  étincelant  et  frais  ; 
Le  vent  chantait  sur  la  colline, 
Les  lys  que  la  rosée  incline 
Parfumaient  d'une  odeur  divine 
L'air  léger  que  je  respirais  ! 

ANTrSTROPHE 

J'allais,  foulant  les  herbes  douces, 
Eveillant  l'oiseau  dans  les  mousses 
Avec  mes  rires  ingénus  : 

J'entrelaçais  en  bandelette 

X  L'hyacinthe  et  la  violette; 

Dans  l'eau  vive  qui  les  reflète 

Je  baignais  mes  pieds  blancs  et  nus. 

EPODK 

Et  tu  survins  alors,  ô  roi  des  Piérides, 

Ceint  du  fatidique  laurier! 
Terrible  et  beau,  pareil  au  chasseur  meurtrier 

Qui  poursuit  les  biches  timides, 

Apollon  !  Apollon  !  ô  ravisseur  impur  ! 
Tu  m'emportas  mourante  au  fond  de  l'antre  obscur, 

Suspendue  à  tes  mains  splendides. 

Voilà  les  beautés  lyriques  qu'on  rencontre  dans  l'Apollonide  à 
chaque  pas. 

Certes,  de  tels  vers  portent  ea  eux-mêmes  leur  musique. 
Leconte  de  Lisle  a  fait  cependant  à  un  musicien  l'honneur  de  le 
prendre  pour  collaborateur  et  je  sais  qu'aujourd'hui  que  l'oeuvre 
est  terminée  il  s'applaudit  du  choix  qu'il  a  fait,  l'œuvre  du  com- 
positeur n'ayant  pas,  un  seul  inslant,  trahi  sa  pensée. 

C'est  un  prix  de  Rome,  Belge,  porteur  d'un  nom  illustre, 
M.  Franz  Servais,  qui  a  conduit  et  mené  à  bien,  au  gré  du  maître, 
cette  œuvre  difficile.  Très  imbu  des  traditions  nouvelles  du  drame 
lyrique,  ancien  familier  de  Richard  Wagner  qui  en  faisait  le  plus 
grand  cas,  M.  Franz  Servais  a  eu  toutes  les  abnégations  que  com- 
mandait le  respect  d'un  tel  poème,  et  toute  sa  grande  science, 
tout  son  tempérament  mélodique,  bien  que  puissant  par  lui- 
même,  il  les  a  humiliés,  pour  ainsi  parler,  dans  l'unique  souci  de 
faire  revivre  la  pensée  du  poêle  dans  une  plus  grande  intensité 
lyrique  d'expression.  Il  a  chanté  l'immortelle  langue  que  Leconte 
de  Lisle  .avait  parlée.  De  ce  concours  intelligent,  noblement 
sacrifié,  est  résultée  une  œuvre  homogène,  complète,  d'une 
pureté  remarquable,  un  monument  singulièrement  imposant  et 
d'un  charme  majestueux  qui  s'impose.  Tous  ceux  qui  ont  entendu 
plusieurs  fois  cette  musique  en  ont  été  plus  profondément  péné- 
trés. C'est  comme  une  liqueur  très  intense  et  très  pure  dont  on 
est  intérieurement  réchauffé  et  dont  la  dernière  goutte  laisse  un 
arôme  très  lent  à  s'évanouir.  Le  temps  est  d'ailleurs  bien  venu 
pour  cette  manifestation  d'art  pur  et,  indépendamment  de  notre 
joie,  à  nous  autres  poètes,  qu'un  de  nos  maîtres  les  plus  admirés 
soit  applaudi  une  fois  de  plus  sur  notre  première  scène,  ce  serait 
un  honneur,  pour  l'Opéra  français,  de  l'accueillir  et  de  lui  donner 
la  splendeur  de  réalisation  artistique  qu'elle  comporte. 

Et  ce  serait  une  habileté,  en  même  temps. 

Sigurd  et  Salammbô,  qui  triomphent  actuellement  à  l'Opéra, 
n'ont-ils  pas  dû,  comme  Hérodiade,  le  jour  à  l'hospitalilé  belge, 
et  ne  serait-il  pas  vraiment  temps  de  rendre  politesse  pour  poli- 
tesse, en  accueillant  un  de  ses  compositeurs,  à  un  peuple  ami 
qui  a  tant  fait  pour  les  nôtres!  L'Apollonide  a  tout  ce  qu'il  faut 
pour  être  l'occasion  de  cet  acle  de  courtoisie  internationale,  et 
j'imagine  que  nos  voisins,  qui  tiennent  le  talent  de  Franz  Servais 


-^ 


>  •'  '■' ''^- V'   /*'*^--î/'*y  ■  rr^'Vi'-'^*^^ 


\ 


en  irès  grande  estime,  y  seraient  absolument  sensibles.  L'beuvre 
est  à  demi  française,  par  le  grand  poôle  qui  l'a  signée.  Elle  le 
deviendrait  tout  à  fait,  en  prenant  parmi  nous,  —  et  certainement 
par  une  victoire,  —  ses  lettres  de  grande  naluralisalion.  Je  suis 
un  médiocre  politique,  mais  je  crois  que  l'injuste  accueil  fait, 
sous  l'Empire,  à  Tntinhaiiser,  n'a  pas  été,  de  l'autre  côté  du  Rhin, 
un  médiocre  ferment  de  haine  contre  nous.  En  dépit  des  appa- 
rences, en  ce  siècle,  c'est  à  sa  gloire  artistique  qu'un  peuple  tient 
le  plus,  et  le  plus  sensible  outrage  qu'on  lui  puisse  faire  est  de 
le  contester.  L'art  doit  être  le  grand  élément  de  rapprochement 
entre  les  races,  et  Orphée  devient  le  grand  dompteur  de  fauves, 
dans  l'humanité  comme  dans  le  reste  des  espèces.  Nous,  les 
artistes  et  Jes  poètes,  qui  aimons  la  Belgique  pour  y  avoir  tou- 
jours élé  merveilleusement  reçus,  nous  serions  heureux  de  voir 
noire  dette  ainsi  payée  par  la  réception  de  VApollonide,  et  ce 
sérail,  des  deux  côtés  de  la  frontière,  une  large  et  innombrable 
poignée  de  main,  dans  l'ombre  inutile  des  forts  qui  se  dressent  et 
où  s'éteindrait,  dans  un  hourrah  fraternel,  le  grondement  inquiet 
des  canons.  » 


L'EXPOSITION  D'IXELLES 

Dans  les  locaux  qu'ensanglanta  naguère  l'abalage  des  bœufs  et 
des  innocents  moutons,  l'Exposition  d'Ixcllos  développe  la  théo- 
rie des  peintres  et  des  sculpteurs  dont  s'iuonore  la  commune. 
Quatre  salles,  bien  éclairées,  dont  deux  sont  entièrement  occupées 
par  le  legs  fait  par  feu  Edmond  de  Pratere  —  une  centaine  de 
toiles,  animaux,  figures,  paysages,  —  et  par  les  rudiments  du 
Muséeen  formation,  —  bahuts,  ferronneries,  faïences,  objets  d'art, 
—  puis  une  vaste  galerie  destinée  à  servir  de  salle  des  fêtes,  et 
dans  laquelle  conférenciers  et  musiciens  se  succèdent  de  semaine 
en  semaine,  depuis  le  début  de  l'Exposition,  au  milieu  des  toiles, 
des  bronzes,  des  marbres,  décor  chatoyant  cl  charmant  que 
l'usage  consacre  de  plus  en  plus. 

La  section  rétrospective  renferme  bon  nombre  de  tableaux 
remarquables.  A  côté  de  Wieriz,  de  Billoin,  de  Bovie,  dcLaulers, 
de  Fourmois,  de  Kindermans,  d'Henri  et  d'Adolphe  Dillens,  de 
Louis  Robbe,  de  Van  Moer,  les  vétérans  de  l'Ecole  ixelloise  (mais 
oui!  pourquoi  pas?), s'alignent  Agnecssens,  dont  on  retrouve  avec 
émotion  quelques  œuvres  magistrales  :  Java,  la  Liseuse,  l'An- 
glaise; Boulenger,  avec  un  superbe  Soleil  couchant  ;  Charles  De 
Groux,  àoniV Enterrement,  une  toile  fort  peu  connue,  révèle  une 
intention  satirique  assez  inusitée  dans  l'œuvre  du  maître;  Liévin 
De  Winne,  qui  demeure  le  plus  beau  portraitiste  de  notre  école  na- 
tionale; Hubcrti  ;  Eugène  Maus,  dont  trois  beaux  paysages,  d'une 
couleur  intense,  font  regretter  la  mort  prématurée  ;  Emile  Sacré, 
qui  révéla  dans  ses  Juges  et  dans  le  Portrait  de  sa  mère  des  dons 
d'observation  peu  ordinaires  joints  à  une  parfaite  siireté  de  mé- 
tier; Van  Camp,  dont  on  a  exposé  deux  belles  œuvres  :  un  por- 
trait et  un  buste  de  jeune  fille,  aux  colorations  argentées. 

Les  vivants  sont  innombrables.  C'est  à  croire  que  tous  les 
peintres  contemporains  habitent  la  commune  d'ixcllcs.  Citons 
ceux  dont  les  envois  dominent. 

C'est,  d'abord,  Joseph  Stcvens,  qui  expose  quatre  œuvres  :  La 
vieille  Lise,  le  Chien  et  le  singe.  Chien  et  Chat,  Chien  au  canard, 
qui  ont  déjà  la  patine  dorée  et  veloutée  des  vieux  maîtres.  Non 
loin,  Constantin  Meunier  érige  ses  figures  de  travailleurs  qui  sont 
de  l'éloquence  coulée  en  bronze.  De  superbes  dessins,  spéciale- 
ment des  Lutteurs,  un  Homme  allant  sa  faux,  et  deux  toiles  : 


Hiercheuses  et  Mineurs  au  Borinage,  complètent  son  magistral 
envoi.  Voici  M-""  Marie  Collart  dont  le  Paysage  d'hiver  et  le 
Paysage  à  Droogenbosch  ont  la  précision  des  peintures  gothiques  ; 
Louis  Lenain,  exact  et  consciencieux  interprète  des  maîtres  d'au- 
trefois; l'humoriste  David  Oyens;  Félicien  Rops,  dont  le  dessin 
rehaussé,  Oncle  Claes  et  Tfl?!/e  Jo/ianjia,  popularisé  par  l'eau 
forte  qu'en  a  gravée  l'artiste,  compte  parmi  les  plus  beaux  ; 
Ch.  Slorm  de  Gravesande,  qui  expose  d'excellentes  pointes  sèches 
et  d'amusantes  esquisses;  Alfred  Verhaeren,  Isidore  Verheyden, 
Charles  Hermans,  Henri  Van  der  Hecht,  Guillaume  Vogels,  Jules 
du  Jardin,  Maurice  Hagemans,  les  sculpteurs  Julien  Dillens,  De 
Ruddcr,  Charles  Samuel,  auteur  du  projet  de  monument  à 
Charles  De  Coster,  que  vraisemblablement  la  commune  fera  pro- 
chainement ériger,  Fernand  Dubois,  les  aquarellistes  Uylterschaut 
et  Cassicrs,  etc.,  etc. 

L'Exposition,  on  le  voit,  pour  n'avoir  point  de  tendance  déter- 
minée, n'en  est  pas  moins  intéressante.  Elle  est  surtout  extrême- 
ment variée.  Jamais  Ixelles  ne  s'est  trouvé  à  pareille  fête.  El  c'est 
le  cas  de  dire  : 

Ah  !  qu'on  est  fier  d'être  Ixellois   1"  ■ 
Quand  on  contemple  le  Musée  ! 


LA  BONNE  A  TOUT  PAIRE 

par  MM.  Oscar  Méténier  et  Dubut  de  Laforest. 

Dans  le  roman  de  M.  Dubut  de  Laforest  qui  a  servi  de  trame  h 
la  pièce  que  M.  Baron  et  ses  camarades  des  Variétés  ont  jouée  hier 
cl  avant-hier,  avec  un  très  grand  succès,  aux  Galeries,  Félicie  est 
un  personnage  redoutable  qui  précipite  les  catastrophes  dans 
l'honnête  maison  bourgeoise  où  le  hasard  l'envoie  «  en  condition  ». 
Elle  est  la  Mouche  d'or  qui  empoisonne,  le  venin  qui  s'insiîiue 
dans  les  artères  cl  donne  la  mort.  M.  William  Busnach  eût  tiré  de 
celle  tragique  histoire  un  sombre  drame  avec  un  cinquième  acte 
Irès  mouchoireux. 

Supposer  que  M.  Oscar  Méténier  a  orienté  son  action  vers  les 
cimetières  et  les  convois,  serait  mal  connaître  l'auteur  de 
Monsieur  Betsy,  de  la  Casserolle  el  d'En  ménage.  Son  arme 
favorite,  le  rire,  le  rire  railleur,  frondeur  et  gamin,  il  la  manie 
en  escrimeur  de  première  force  en  ces  quatre  actes  de  comédie 
nerveuse  et  serrée.  L'idée  de  M.  Dubut  :  décrire  les  ravages 
exercés  dans  un  ménage  bourgeois  par  les  Charmes  de  la  bonne 
(et  l'on  conçoit  fort  bien  cette  thèse  quand  c'est  M"*  Lender  qui 
incarne  Félicie)  est  complètement  retournée.  La  canaillerie  sour- 
noise de  la  bonne  amène  les  résultais  les  plus  heureux.  En  vir- 
tuose de  l'ironie,  M.  Méténier  fait  de  Félicie  le  génie  lutélaire  de 
la  maison.  Plus  elle  est  rosse,  mieux  va  le  ménage.  Elle  trompe 
tout  le  monde,  on  augmente  ses  gages.  Elle  entraîne  dans  une 
ancillophilie  universelle  tous  ceux  qui  l'entourent,  le  patron,  le 
polache.filsdu  précédent, l'ami  de  Monsieur,  l'amant  de  Madame, 
el  cela  procure  à  son  Maître  la  croix  de  la  Légion  d'honneur  ! 

C'est  extraordinairemcnt  comique,  mais  il  y  a  sous  jes  éclats 
d'une  gaîté  perpétuelle  une  cinglanie  satire  qui  donne  à  la  pièce 
sa  signification  et  sa  valeur.  M.  Méténier  a  pris  au  pied  de  la 
lettre  le  Castigat-  ridendo.  C'est  par  le  rire  qu'il  prend  son 
public,  et  quand  il  le  tient,  il  lui  crache  à  la  figure  d'effroyables 
poignées  de  vérités,  il  le  fesse  jusqu'au  sang.  Son  pessimisme  est 
d'autant  plus  amer  qu'il  est  dissimulé.  Quand  la  grimace  se 
dessine,  elle  est  horrible.        • 


O 


VTSÏ'pïTT"'**.  '•■ 


206 


VART  MODERNE 


Ce  procédé  classe  M.  Mélénier  à  pari  parmi  les  écrivains  natu- 
ralistes. Dans  En  ménage,  dans  la  Casserole,  il  avail  étudié  les 
dessous  troubles  que  les  hasards  de  sa  vie  accidentée  lui  avaient 
fiiil  pénétrer  et  dont  il  s'était  assimilé  à  miracle  l'argot  pittoresque. 
Dans  Monsieur  Betsy,  il  peignit  avec  une  intensité  de  coloris 
peu  commune  le  ménage  à  trois,  mais  prit  comme  cadre  un 
milieu  d'exception  qui  atténuait  l'eflfet  de  ses  attaques. 

La  Bonne  à  tout  (aire  est  plus  terrible  en  ce  qu'elle  est  plus 
générale.  L'auteur  ridiculise  avec  une  verve  impitoyable  l'hypo- 
crisie bourgeoise  dans  un  de  ses  vices  les  plus  fréquents  : 
l'ancillarité.  Et  peut-être  est-ce  la  dose  trop  forte  de  vérités  que 
contient  cette  étude  acerbe  qui  a  valu  à  M.  Mélénier  le  joli 
hourvari  soulevé  dans  la  presse  à  propos  de  sa  nouvelle  pièce.  Il 
est  vrai  que  les  200,000  francs  versés  en  trente  représentations 
par  le  public  dans  la  caisse  des  Variétés  ont  pu  lui  suggérer 
d'intéressantes  réflexions  sur  l'influence  de  la  critique.  El  l'on 
peut  s'attendre  dans  la  comédie  qu'il  prépare  pour  l'hiver 
prochain,  Les  Maquignons,  à  d'amusantes  représailles. 

Il  suffit  d'ajouter  que  la  Bonne  à  tout  faire  est  jouée  par  le 
bataillon  sacré  des  Variétés,  par  Baron,  par  Cooper,  par  M"«  Len- 
der,  pour  donner  une  idée  de  l'entrain  et  du  talent  avec  lesquels 
les  quatre  actes  de  M.  Mélénier  sont  enlevés.  Et  il  convient  de 
reconnaître  que  M"*'  Lender  a  trouvé  dans  le  rôle  de  Félicie  l'oc- 
casion de  prouver  au  public  qu'elle  n'esl  pas  seulement  l'exquise 
commère  des  revues  dont  on  a  applaudi  jusqu'ici  les  déshabillés 
suggestifs,  mais  une  comédienne  intelligente  et  fme,  à  la  diction 
nette,  au  geste  prompt  et  juste. 


Correspondance 


Mon  cher  Confrère, 

C'est  par  erreur  que  vous  me  reprochez  de  manquer  de 
galanterie  à  l'égard  des  Femmes-peintres. 

M"*  Gasparoli  et  moi  nous  nous  entendons  parfaitement  bien 
et  c'est  sur  sa  proposition  même  que  VAls  ik  /«i».  est  resté  dans 
les  locaux  précédemment  occupés  par  lui,  tandis  que  lé  Cercle  des 
Femmes-peintres  a  pris  possession  de  la  Salle  des  conférences 
où  il  trouve  tout  le  confortable  désirable. 

La  séparation  des  talents  et  des  tendances  s'imposait  plus 
encore  que  la  séparation  des  sexes. 

Accusez-moi  de  tous  les  défauts,  soit,  mais  laissez  au  moins 
croire  que  je  suis  quelque  peu  galant. 

Dans  certains  journaux  on  me  prétend  coulé  auprès  de  tous  les 
gens  sérieux;  ne  me  coulez  pas  auprès  des  Femmes-peintres. 

Je  compte  sur  votre  bonne  confraternité  pour  l'insertion  de 
celte  rectification  et  vous  prie  de  croire  à  mes  meilleurs 
sentiments. 

Louis  Delmer. 


CONCOURS  DU    CONSERVATOIRE  (i) 

Alto.  — Professeur,  M.  Firket.  1"  prix.  M.  Férir;  2«  prix, 
MM.  Gietzen  etEcrepont;  \"  accessit,  M.  Van  den  Bossche. 

Violoncelle.  —  Professeur,  M.  Jacobs.  1"  prix  avec  distinc- 
tion, M.  Goffin;  1"  prix,  M.  Van  Tyn  ;  2»  prix  avec  distinction, 

(1)  Suite.  Voir  notre  dernier  numéro. 


M"''  Chaplin  ;  2«=  prix,  MM.  Van  Winckel  et  Hofsleede  ;  i"  accessit, 
M"«  Kufferalh  et  M.  Treichlcr. 

Musique  de  chambre  avec  piano.  —  Professeur,  M™'  Zarembska. 
•I"  prix,  M'i"  Van  Eessen  el  Lcborgne  ;  2*  prix  avec  distinction, 
M"«  Pardon;  2«  prix,  M"««  De  Kock  el  Albert;  1"  accessit, 
Hjne»  Abbeloos,  Huygens  et  Delesenne. 

Piano  (jeunes  filles).  —  Professeurs  :  MM.  C.  Gurickx  et  A. 
WouTERs.  1"  prix  avec  distinction,  M"*  Mertens;  2"  prix  avec 
distinction,  M""*  Voué  et  Galiot;  1"  accessit,  M"«»  Leclercq,  Abra- 
ham el  Wallon.  —  Prix  LaurE  Van  Cutsem  :  M"''  Blés. 


!PlBJ.IOqRAPHlE     MUgICAI-E 

M.  P.  LiTTA,  qui  révéla  en  plusieurs  concerts,  à  Bruxelles  cl  à 
Anvers,  un  souple  talent  de  pianiste,  a  fait  paraître  récemment 
diverses  compositions  qui  décèlent,  à  côté  du  virtuose,  le  musicien 
s'udieux  el  épris  de  son  art.  Nous  avons  parlé,  lorsqu'elle  fut 
jouée  pour  la  première  fois,  de  la  sonate  en  sol  mineur  pour 
piano  el  violon  (Scholt  frères),  très  heureux  début  du  jeune 
artiste.  La  Ballade  qui  forme  la  première  partie  de  l'œuvre  est 
parlic4)lièrement  bien  venue,  d'une  bonne  et  claire  écriture 
musicale.  Une  Mazurk'  Impromptu  pour  piano  (Breiikopf  el 
Hârlel)  et  une  Sérénade  pour  orchestre  (J.-B.  Katto)  ont  été 
publiées  depuis.  Elles  sont,  l'une  el  l'autre,  l'indice  d'un  tempé- 
rament non  banal,  soucieux  d'art  et  plein  de  promesses.  Signa- 
lons, à  propos  de  celte  dernière  œuvre,  qu'elle  a  été  gravée  à 
Bruxelles  par  M.  Ch.  Vanderauwera,  qui  a  prouvé  que  les  ateliers 
nationaux  peuvent  rivaliser  sans  peine  avec  les  plus  célèbrei 
maisons  étrangères. 

A  Gand,  M.  Adolphe  Samuel,  directeur  du  Conservatoire,  a  fait 
paraître  chez  M""*  Beyer  une  Petite  méthode  de  piano  pour  les 
tout  petits  enfants  dans  laquelle  il  donne  ingénieusement  aux 
élèves  qui  n'ont  reçu  aucune  instruction  musicale,  le  moyen  pra- 
tique d'apprendre  rapidement  les  premiers  principes  du  solfège  el 
ceux  du  piano.  C'est  en  quelque  sorte  un  cours  préparatoire  à 
l'apprentissage  des  musiciens.  El  comme  Iq  cours  est  clair,  inté- 
ressant et  facile,  il  sera  bientôt  adoplé  partout. 

A  Liège,  M"6  V'«  Muraille  vient  de  mettre  en  vente  un  Andante 
et  Presto  scherzando  pour  orchestre  de  M.  Paul  Gilson,  réduits 
pour  piano  à  quatre  mains  par  M.  Marcel  Remy.  Le  Presto, 
auquel  un  court  Andante  sert  de  prélude  et  de  final,  est  un 
thème  populaire  brabançon  assez  trivial  que  l'auteur  rend  attrayant 
par  le  choix  des  harmonies  neuves  dont  il  soutient  le  chant.  Si 
ce  n'est  pas  du  meilleur  Gilson,  le  morceau  n'en  est  pas  moins 
pittoresque  et  intéressant.  Il  complète  le  cycle  des  trois  pièces 
d'orchestre  publiées  par  M™»  Muraille  el  donl  les  premières  sont 
la  Danse  écossaise  el  la  Rapsodie  écossaise. 


Petite  chro^^ique 


Le  Gouvernement  s'est  fait  représenter  par  MM.  De  Groot  el 
Vermeersch  à  la  vente  de  la  collection  Van  Branteghem,  qui  a  eu 
lieu  la  semaine  dernière  à  Paris.  Ces  messieurs  ont  acquis  pour 
le  Musée  plusieurs  pièces  importantes,  choisies  parmi  les  plus 
belles  delà  collection,  el  qu'ils  ont  disputées  aux  délégués  des 
Musées  de  Londres  et  de  Berlin.  Citons  enlre  autres  le  Torse  de 
jeune  fille  drapée  (n"  272  du  catalogue),  terre  cuiUs  qui  faisait 


i:art  moderne 


207 


partie  d'un  vase  peint  à  décor  plastique,  adjugée  5,44b  francs; 
deux  petites  coupes  à  parois  minces,  l'une  de  Sotadcs  (5,355  fr.), 
l'autre  d'Hegesiboulos  (4,987  fr.);  deux  lécythes  blancs  (2,000  fr); 
un  cantliare  doré  (1,000  fr.)  ;  une  coupe  à  reliefs  représentant  des 
scènes  de  VJphigénie  d'Euripide  (1,000  fr.);  un  groupe  :  Silène 
el  nymphe,  provenant  de  la  vente  Casleilani,  l'une  des  pièces  les 
plus  curieuses  de  la  vente  (2,500  fr.);  une  figurine  :  Jeune  fille 
rattachant  ses  sandales  (1,020  fr.);  Eros  adolescent  planant  dans 
l'air  (880  fr.),  etc. 

Les  achats  du  gouvernement  ont  atteint  au  total  une  somme 
d'environ  30,000  francs. 

Parmi  les  objets  sur  lesquels  les  réprésentants  du  Musée  ont 
mis  des  enchères  mais  qui  ne  leur  sont  pas  restés,  citons  la  ma- 
gnifique coupe  d'Euphronios,  qui  a  atteint  10,500  francs  (acquise 
par  M.J.  Marshall)  el  celle  de  Sotades  représentant  la  légende  de 
Glaukos,  poussée  également  jusqu'à  10,500  francs,  et  adjugée  au 
Musée  Britannique.  C'est  par  erreur  que  l' Indépendance  annonce 
que  ces  deux  pièces  ont  été  retirées. 

Nous  publierons  dans  notre  prochain  numéro  les  résultats 
complets,  qui  nous  parviennent  au  moment  de  mettre  sous  presse. 

L'Exposition  communale  dlxelles,  dont  nous  publions  ci-des- 
sus le  compte  rendu,  a  inauguré  samedi  dernier  ses  séances  musi- 
cales. On  a  applaudi  Unanimement  M"*  Ten  Hâve,  une  jeune  pianiste 
qui  joue  avec  une  sûreté  et  une  aisance  remarquables.  La  façon 
dont  elle  a  interprété  le  trio  de  Saint-Saëns  a  été  particulièrement 
appréciée.  M'^*  Tcn  Hâve  avait  pour  partenaires  son  frère,  un  vio- 
loniste de  talent,  et  le  violoncelliste  Henri  Merck,  qui  vient  de 
rentrer  à  Bruxelles  après  un  séjour  d'une  année  en  Finlaride. 

Succès  aussi  pour  les  deux  mélodies  de  Gilson  et  le  Meilied  de 
G.  Huberti,  bien  dits  par  M™*  Davids-Laurent. 

F^a  pluie  a  interrompu  le  cours  des  concerts  artistiques  du 
Waux-Hall.  L'audition  de  M.  Isnardon  a  dû  être  remise  à  une  date 
indéterminée,  el  le  concert  Wagner,  qui  devait  avoir  lieu  jeudi, 
a  été  fixé  à  ce  soir. 

Le  programme,  que  nous  avons  publié,  n'a  pas  été  modifié,  il 
promet  aux  amateurs  de  musique  une  magnifique  soirée. 

Les  concerts  quotidiens  de  symphonie  dirigés  par  M.  Emile 
Perler  recommencoronl  aujourd'hui  au  Kursaal  d'Oslende.  La 
Bénédiction  de  la  mer  aura  lieu  dimanche  prochain,  jour  de  la 
kermesse  communale.  Le  15  juillet,  ouverture  du  théâtre.  Le  21, 
inauguration  des  grands  concerts  symphoniques  el  vocaux,  des 
auditions  de  solistes,  etc.  Des  concerts  extraordinaires  sont  fixés 
dès  à  présent  aux  4, 14  el  21  août. 

Le  Théâtre  Libre  donnera  son  huitième  et  dernier  spectacle 
demain  lundi  27  (série  A)  et  mardi  28  (série  B). 

Au  programme  : 

Péché  d'amour,  un  acte,  en  prose,  de  MM.  Michel  Carré  el 
Georges  Loiseau  ;  Les  Fenêtres,  trois  scènes  en  prose,  de 
MM.  Jules  Perrin  et  Claude  Couturier;  Mélie,  un  acte  en  prose, 
tiré  de  la  nouvelle  de  M.  Jean  Reibrach,.par  M.  Georges  Docquois. 

Mirage,  la  pièce  nouvelle  de  M.  Georges  Lecomlc,  ne  passera 
qu'en  automne,  au  début  de  la  prochaine  saison  théâtrale. 

■  A  rapprocher  des  hauts  prix  récemment  payés  pour  des  œuvres 
de  Corot  : 

L'illustre  peintre  fil  une  vente  de  13  de  ses  tableaux,  en  1885 
(3  avaient  déjà  figuré  au  Salon);  elle  produisit  13,000  francs! 


Soleil  couchant  (Salon  1857),  4,000  fr.;  Un  «Soir  (Salon  1857), 
1,105  fr.;  Le  CoHcer<(Salon  1857),  1,365 fr.;  Le  Verger,  180  fr.; 
Soleil  levant,  1,460  fr.;  Souvenir  du  Limousin,  385  fr.;  Eiwi- 
rons  de  Nantes,  525  fr.;  Souvenir  de  Hollande,  315fr.;  Moulin 
à  Boulogne,  315  fr.;  Montmorency,  330  fr.  ;  Limousin,  425  fr.; 
Paysage  :  Bretagne,  315  fr.  ;  Rotterdam,  500  fr. 

L'Association  littéraire  et  artistique  internationale  ouvrira  son 
quatorzième  congrès  annuel  à  Milan,  du  17  au  24  septembre.  Le 
programme  du  Congrès  comprendra  : 

1°  L'étude  complète  de  la  convention  de  Berne  et  des  modi- 
fications à  y  introduire  en  vue  de  la  conférence  diplomatique  qui 
se  réunira  à  Paris  en  1893;  2"  l'examen  des  rapports  existants 
entre  la  protection  de  la  propriété  inlellecluelle  el  le  développe- 
ment des  littératures  nationales;  3»  un  projet  de  loi  sur  le  contrat 
d'éditiojî  ;  4*  la  création  d'une  statistique  iuternationale  des  œuvres 
littéraires. 

Des  excursions  sur  le  lac  de  Côme  el  à  la  Chartreuse  de  Pavie, 
des  concerts,  des  réceptions  diverses  seront  ofterts  aux  congres- 
sistes durant  la  session. 

La  cotisation  est  fixée  à  20  francs  pour  les  membres  de  l'Asso- 
ciation el  les  délégués  des  sociétés  étrangères,  à  30  francs  pour 
les  adhérents  présentés. 

On  a  vendu  ces  jours-ci,  à  Londres,  la  collection  de  M.  Ley- 
land,  pour  qui  Whisller  décora  la  merveilleuse  Salle  du  Paon, 
dont  nous  avons  fait  la  description  (1).  Celle  collection  compre- 
nait un  grand  nombre  de  tableaux  de  l'école  dite  des  Préraphaé- 
lites, dont  Dante-Gabriel  Rossctti  fut  l'âme.  La  dispersion  de  la 
galerie  Leyiand  avait  excité  un  grand  intérêt  parmi  les  artistes  el 
amateurs  anglais.  Les  plus  hauts  prix  ont  été  atteints  par  deux 
œuvres  de  Burne-Jones,  Le  Miroir  de  Vénus,  adji'gé  3,570  livres 
(89,250  fr.)  et  Merlin  et  Viviane,  vendu  3,780  livres  (94,500  fr.). 
Deux  autres  toiles  du  même  artiste  :  Night  and  Morning  et  The 
Wine  of  Circe,  ont  été  portées  à  1,350  livres  (33,750  fr.)  cha- 
cune. 

Les  œuvres  de  D.-G.  Rossetti  ont  également  été  très  disputées. 
Veronica  Veronese  Vi  é^é  acquise  1,050  livres  (26,250  fr.),  The 
blessed  Damozel,  980  livres  (24,500  fr),  The  Loving  cup, 
820  livres  (20,500  fr.). 

Un  tableau  de  Botticelli,  La  Vierge,  l'enfant  Jésus  et  saint 
Jean,  a  atteint  1,250  livres  (31,250  fr.)  el  la  Sainte  Agnès,  de 
Sir  J.-E.  Millais,  2,205  livres  (55,125  fr.).       - 

Le  total  de  la  vente  a  été  de  970,634  francs. 


A  propos  de  la  première  de  Salammbô,  le  Figaro  fait  de 
M.  Ernest  Reyer  1'  «  instantané  »  suivant: 

Grand,  moustachu,  enredingoté,  la  boutonnière  parée  de  la 
rosette  rouge,  apparaît  un  jeune  général  donl  fut  rapide  l'avance- 
ment. • 

Fui  une  des  premières  victimes  de  ces  nouveaux  tyrans  qui, 
avant  de  s'associer  contre  les  critiques,  s'entendaient  toujours 
contre  les  auteurs  :  vous  avez  nommé  les  directeurs  des  théâtres. 
Critique  musical  aux  Débats,  houspille  d'une  plume  en  fer-  grin- 
çant les  œuvretles  des  bémolistes  retardataires;  passe  inaperçu 
aux  premières  représentations  el  n'assiste  jamais  aux  meetings 
des  arbitres  du  feuilleton.  Ne  quitterait  pas  la  rue  de  la  Tour- 
d'Auvergne  pour  entendre  une  opérette  dans  un  théâtre  du  boule- 
vard, mais  fit  le  voyage  du  Caire  pour  entendre  lâ-bas  la  première 
de  VAïda  de  Verdi. 

Signe  particulier  :  a  voulu  qu'un  S  fut  la  lettre  initiale  de  cha- 
cun des  litres  de  ses  œuvres  [la  Statue,  Sakountala,  Sigurd, 
Salammbô).  , 

Autre  signe  particulier  :  Joue  au  billard  el  à  l'écarté  avec  pas- 
sion. .  . 

(1)  V.  Art  moderne,  1885,  p.  294. 


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Douzième  année.  —  N°  27. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  3  Juillet  1802. 


PARAISSANT    LE    DIALANCHB 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un  an,   fr.   10.00;  Union  postale,   &.   13.00.    —  ANNONCES  :    On  traite  â  forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  iSIoderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


Le  mysticisme  dans  l'Art.  —  Poèmes  récents.  —  Accusés  de 
RÉCEPTION.  —  Vente  de  la  collection  Van  Branteohkm.  —  Au 
Chat.  —  Théâtre  Moderne.  —  Concours  du  Conservatoire.  — 
Mémento  des  expositions.  —  Petite  chronique. 


LE  MYSTICISME  DANS  L'ART 

Une  des  curieuses  tendances  artistiques  d'aujourd'hui 
entraîne  les  littératures  vers  le  mysticisme.  Le  vague 
retour  vei's  les  fois  et  les  religions,  autrefois  simple- 
ment sentimentales  et  superstitieuses,  est  l'un  des  plus 
étranges  phénomènes  ataviques  de  cette  période.  Le 
mystère  aujourd'hui  passionne  et  séduit,  peut-être  par 
la  souffrance  indéfinie  que  toute  méconnaissance  supé- 
rieure procure  aux  âmes  sensibilisées  de  notre  époque. 
La  constatation  est  irréfragable,  dressant  l'énigme  de 
sa  cause  dans  le  cerveau. 

Si  le  mysticisme  revit  aujourd'hui,  s'il  a  rampé  obscu- 
rément à  travers  les  âges,  sur  l'âme  des  multiples  géné- 
rations artistes,  le  même  mysticisme  a  subi  une  trans- 
formation essentielle  —  et  de  religieusement  amoureux 
qu'il  était  naguère,  il  s'est  fait  aujourd'hui  sensuelle- 
ment  intellectuel.  A  défaut  d'une  croyance,  lumineuse 
de  fastes  et  de  cérémonies  chiantantes  en  l'ombre  étoilée 


d'or  des  cathédrales,  l'imagination  sentimentale  s'élève 
davantage  vers  la  douce  ignorance  des  mystères  célestes, 
trop  peureuse  des  légendes  précises  et  des  dogmes 
inflexibles.  L'esprit  mystique  adore  la  paresse  luxueuse 
des  choses  simplement  devinées,  d'une  beauté  paradi- 
siaque qui  semble  revivre  dans  la  mémoire  comme  un 
souvenir  atténué  après  des  siècles  de  sommeil,  et  les 
visions  entrevues  à  peine  se  dorent  heureusement  d'une 
langue  aussi  ténue  que  les  teintes  de  ces  rêves  lointains. 
En  un  mot,  la  fatigue  du  positif  et  le  dégoût  net  de  la 
vie  dure  ont  ranimé,  par  un  étrange  contre-choc, 
l'extase  d'autrefois,  et  l'âme  maintenant  s'enchante  des 
fines  inflexions  d'une  existence  moins  certaine,  comme 
pénombrée. 

Mais  aux  confins  de  cette  renaissance  religieuse  dans 
l'art,  le  mysticisme  intellectuel  se  grise  d'iin  encens 
captieux;  une  nervosité  maladive  veiné  de  filets  sen- 
suels l'œuvre  pensée  sous  l'ombre  afi'aiblie  des 
croyances  d'antan  et  au  travers  des  murmures  reli- 
gieux filtre  doucement,  en  phrases  timides,  le  troublant 
appel  des  impuretés.  Il  y  a  là  un  bizarre  alliage 
d'extase  et  de  désir,  une  intrusion  charnelle  dans  une 
divinité  chaste,  la  Vie  dans  le  Rêve  !  Cet  art  qui  s'érige, 
chantant,  à  voix  basse,  la  tentation  des  mystères,  la 
sympathie  des  vierges  vêtues  de  silence,  et  ces  enclos 
conventuels  où  palpite  obscurément  l'âme  des  vies 
mystérieuses,  est  l'une  des  sourcojles  plus  appelantes  de 


l'intellectualité  moderne.  Les  constatations  positives 
faiblissant  aujourd'hui,  et  la  lumière  des  veilleuses  dans 
les  chœurs,  les  ténèbres  s'épaississant  en  frissons  dans 
la  paix  des  églises  sourient  de  quelles  impalpables  lèvres 
à  l'esprit  las  ! 

La  naïveté  des  anciens  mystiques  a  donc  disparu. 
Sous  l'influence  d'un  siècle  trop  tivant  où  la  splendeur 
de  l'idée  intérieure  s'abdique,  l'âme  nécessairement  a  dû 
suivre  les  arcanes  complexes  d'une  vie  hâtive  et  ner- 
veuse. Dans  tout  le  domaine  humain,  l'exacerbation 
frémit  et  cette  tempête  a  touché  les  belles  fleurs  léguées 
par  les  Primitifs,  les  a  flétries. 

Je  sais  que  cette  école,  doucement  surgie,  sans  bruit, 
timide  comme  une  roseur  d'amour  sur  la  chair  fine 
d'une  malade,  a  déchaîné  la  moquerie  des  êtres  positifs, 
à  qui  rien  des  féminités  idéales  ne  sourit.  Ah  !  misère  ! 
Comme  si  l'impulsion  fébrile  d'une  nature  conquise  pardes 
scènes  moins  terrestres,  ne  produisait  pas  de  fertiles  évo- 
cations, douloureuses  et  riches  comme  tout  ce  qui  naît  de 
la  pensée  meurtrie  et  de  la  souff'rance réfléchie!  Comme 
si  cette  intimité,  issue  d'une  âme  plus  taciturne,  ne  dé- 
roulait pas  l'harmonie  des  cantiques  d'art  dans  la  nui- 
taie  douceur  des  âmes  fraternelles  ! 

Ah  I  quand  la  tristesse  voilée  des  Angélus 

Adoucira- t-elle  les  lointaines  clameurs  delà  kermesçeî 

disait  Oliveira  de  Soares  dans  son  recueil  de  vers 
magiques  (1). 

— Illusions  morbides, ont  clamé  quelques-uns;  impos- 
sibilité à  continuer  son  art,  ont  aflSrmé  d'autres.  Comme 
si  cependant  le  mysticisme  ne  s'adaptait  pas  à  la  nature 
chercheuse  de  l'artiste  et  comme  si  celle-ci  ne  se  renou- 
velait pas  à  chacune  de  ses  productions  par  la  féconda- 
tion de  la  vie  usuelle? 

Le  mysticisme  devait  éclore  au  ciel  de  cette  époque 
grise.  Ses  livres,  ses  œuvres  seront  les  consolantes  étoiles 
qui  brillent  encore  lointainemrènt,  diminuées  dans  leur  v, 
éclat  sous  des  nuages  hostiles.  Car  la  nature  humaine 
s'est  affirmée  là  où  jadis  régnait  une  espèce  d'imperson- 
nalité  :  l'amour  suprême  absorbait  tout.  Aujourd'hui 
la  pensée  a  modifié  l'assomption  des  cœurs —  et  le  mys- 
ticisme intelleetii«l  est  iié^iierveux,  haletant,  veiné  de 
curiosités  profanes. 

Et  cette  "voie  de  clarté  se  courbant  vers  les  passés, 
qui  semblaient  abolis  par  la  matérialité  des  âges  actuels, 
se  raidit,  allant  aux  peuples  du  Nord .  Cette  renaissance, 
à  la  voir  ainsi  se  généraliser,  réveille  à  jamais  la 
croyance  d'une  survie  de  l'âme,  la  transmission  d'une 
idéalité  naguère  toute-puissante. 

Et  cette  spiritualité  bien  humaine  fleurit  dans  l'œuvre 
du  poète  portugais  A.  de  Oliveira  Soares.  Elle  fleurit  . 
mélancolique  et  captieuse  comme  des  fleurs  tendres  dont 
les  parfums  évoquent  d'étranges  caresses  d'encens  et  de 

(1)  Paraïso   Perdido,   par,  Antonio    de   Oliveira  Soares.    — 
M.  Gomes,  Lisboa. 


désirs.  Les  sentiments  profanes  s'allient  à  la  pascale 
ignorance  des  hosties  et  les  incantations  d'amour  s'élè- 
vent dans  l'oubli  des  cathédrales,  s'humilient  au  seuil 
d'illusoires  confessionnaux.  On  dirait  que  M.  Antonio 
de  Oliveira  Soares,  tout  en  éprouvant  la  peur  des  vies 
brutales,  s'y  trouve  fatalement  ramené,  amoureux  de 
ses  coups,  écoutant  ses  blessures  chanter  d'ineffables 
tendresses. 

O  mon  èmé,  carmélite  à  qui  la  règle 

Ordonne  de  voir  encore  une  fois  le  monde  du  plaisir, 

Avant  d'aller  faire  ses  vœux  au  couvent. 

Mais  si  de  secrètes  impulsions  le  poussent  vers  de 
l'ombre  pacificatrice,  une  âme  très  fine,  très  strictement 
aimante  l'initie  à  l'inattendu  de  la  vie  du  monde  réel,  où 
sa  sensibilité  s'ennoblit  et  souffre.  En  dehors  de  l'idée 
conductrice  de  l'œuvre,  qui  s'aligne  nette  et  droite 
comme  une  barre  logique  au  long  des  poèmes,  toute  une 
sentimentalité  particulière,  toute  une  délicatesse  de 
sensations  presque  féminines  enrichissent  l'œuvre  de 
joyaux  purs,  miroitant  sous  la  flamme  mince  des 
cierges  ;  les  plaintes  finissent  doucement  dans  l'émotion 
comme  une  prière  passionnée,  comme  la  plainte  d'une 
enfant  chagrine  dont  le  cœur  gonflé  d'amertume  s'épan- 
che à  l'illusoire  bonté  des  saintes. 

Toi,  dans  les  soirs  du  mois  de  Marie, 
Tu  laisseras  saigner  la  douce  mélancolie 
De  n'avoir  pas  fui  ce  temps  immonde... 

Et  moi,  fidèle  esclave  de  mon  rêve  souillé, 
Je  continuerai,  disant  la  messe  du  passé 
Dans  le  chfiteau  où  passent  des  revenants. 

Une  harmonie  heureuse  dans  le  choix  des  mots  et 
dans  la  teinte  un  peu  frêle,  un  peu  paie  des  visions  uni- 
fient Paraiso  Perdido.  Rien  ne  bruit  qu'une  lamenta- 
tion lente  et  parfois  l'on  dirait  l'âme  des  vieux  chrétiens, 
subitement  ressuscites,  se  plaignant  au  rythme  doux 
des  strophes. 

Il  faut  avouer  que  ce  mariage  presque  adultère  et  de 
là-même  émotionnant  comme  la  réalisation  d'un  rêve 
défendu,  est  d'une  adorable  richesse,  d'une  griserie 
presque  inconnue  aux  âmes  trop  viriles.  Les  invocations 
à  voix  lasse  montent  comme  une  caresse  savante  du 
cœur  aux  lèvres.  C'est  un  chant  de  profondes  sensations 
dans  la  paix  des  chapelles  perdues,  au  loiiT  de  tout 
bruit,  parmi  les  appels  des  solitudes  nuitales. 


POEMES  RECENTS 

Les  Cygnes,  par  F.  Vielé-Griffin  (Vanier).  —  Tel  qu'en  songe, 
par  H.  DE  RÉONiER  (librairie  de  l'Art  indépendant). 

Que  le  livre  de  M.  Vielé-Griffin  soit  d'un  poète,  cela  est  d'évi- 
dence parfaite.  Aussi  l'éloge  est-il  superflu. 

En  prélude  s'offre  une  vision  blanche  de  trois  cygnes  emblé- 
matiques dont  le  dernier  «  s'engloutit  avec  une  fleur,  dans  le 
soleil  ». 

Celte  fleur,  c'est  la  «  fleur  de  joie  interdite  et  suprême  »  et 


UART  MODERNE 


211 


«  c'est  d'elle  que  parlent  les  poèmes  »  ici  rassemblés  sous  leur 
titre  :  Les  Cygnes.  Fleur  de  joie,  ou  plutôt  fleurs,  c'est-à-dire 
l'inaccessible  de  tout  désir,  l'au-delà  de  tout  effort,  le  mirage 
éblouissant  et  chimérique  de  tout  rêve.  Pour  les  esprits  moyens, 
folie;  pour  le  poêle,  seule  réalité  d'art. 

Cette  joie  interdite,  il  la  devine  dans  la  douleur  «  'qui  pleure 
jusqu'à  sourire  enfin  »,  dans  la  mort  cherchée,  avec,  au  bout,  le 
ciel;  dans  l'enfance;  dans  la  solitude  et  la  sauvagerie  sylvestres 
absorbées  par  un  cœur  primitif;  dans  l'harmonie  totale  et  enfin 
dans  la  beauté  surhumaine.  Personne  ne  l'atteint,  mais  elle  appa- 
raît despoliquemenl  tentatrice  ;  elle  est  la  volonté  de  vivre  pour 
tous  ceux  qui  se  sentent  l'âme  au  delà  des  choses  immédiates; 
elle  est  l'unité  fondamentale  qui  rattache  entre  eux  les  différents 
groupes  d'humanité  hautaine  et  choisie,  elle  est  d'essence  immor- 
telle. 

Pour  donner  vie  à  celte  unique  conception  et  la  ramifier  en 
preuves,  M.  Vielé-GrifTm  a  recours  à  des  récils,  à  des  dialogues, 
à  des  personnifications  et  allégories.  A  preuve  :  le  Gué,  Euryth- 
mie, le  Tombeau  d'Hélène. 

La  forme  prosodique  choisie  est  levers  délié,  d'une  personnelle 
musique,  d'une  marche  non  fixée  par  les  règles  admises.  Mieux 
que  la  plupart  des  poètes  actuels,  M.  Vielé-Griffm  a  le  sens  du 
rythme.  Il  comprend  que  toute  pensée  étant  personnelle,  — -  bien 
mieux,  unique  —  chez  un  vrai  poète,  sa  forme  doit  l'être  aussi. 
De  môme  que  l'idée  est  inrégentable,  l'expression  doit  l'être  et 
toute  formule  est  un  attentat. 

Au  reste,  à  quoi  bon  insister  sur  les  procédés  :  il  n'en  est  qu'un 
seul,  celui  qu'on  se  crée  et  qu'on  modifie.  Les  autres  peuvent 
être  assimilés  aux  circulaires  commerciales  et  aux  exploits  judi- 
ciaires. ^"^^ 

Nous  avons  analysé  précéderhment  en  Ce  journal,  alors  qu'ils 
s'offraient  en  Diplique,  les  deux  poèmes  :  Le  Porcher  el  \'Éu' 
rythmie  que  M.  Vielé-GriflSn  a,  très  logiquement  du  reste,  en- 
castrés en  son  présent  volume. 

Au  long  de  son  chemin  de  vers  qu'il  trace  dans  la  littérature 
actuelle,  apparaissent  non  seulementdes  ornementations  parfaites, 
mais  des  pensées  larges  el  vives,  sortes  de  définitions  de  senti- 
ments el  de  situations  : 

Tout  souvenir  est  un  tombeau  sans  Christ... 

Pleurer  est  beau,  par-dessus  toute  chose. . . 

J'ai  froid  à  l'âme  et  faim  au  cœur  et  l'esprit  ivre 

De  tout  ce  qu'on  écoute  aux  croix  des  grands  chemins... 

Prends  l'heure  en  tes  doux  yeui  pour  me  la  rayonner... 

Dans  le  mouvement,  toujours  de  rythme  sûr  et  qui  jamais  ne 
sent  l'cffori,  ces  points  d'orgueârrôtent  un  instant,  mais  les  entre- 
lacs reprennent,  les  nœuds  aisément  se  font  et  se  refont  et  ce  qui 
chez  d'autres  apparaîtrait  une  recherche  ou  un  effet,  éclot  si 
intimement  du  poème  et  si  aisément  à  sa  surface  que  c'est  mer- 
veille. Le  ton  est  personnel  el  toute  déclamation  est  absente. 

Nous  n'aimons  point  à  comparer  ni  à  opposer  des  poètes.  El 
les  parallèles  fournissant  une  transition  facile  entre  deux  études 
sur  deux  écrivains,  ne  nous  tentent  guère. 

Voici  l'œuvre  de  M.  de  Régnier. 

Elle  apparaît  :  un  livre  de  tristesse  héraldique  el  de  mélanco- 
liques blasons;  un  livre  qui  luit,  comme  une  des  nombreuses 
opales  que  le  poète  décrit;  un  livre  de  bijoux  voilés,  dépecés  en 
deuil  et  de  métaux  funèbres. 

Monotone  certes,  mais  nécessairement.  Représentez-vous  cette 
suite  de  poèmes  en  leur  pays  esthétique  :  plus  n'y  croissent,  les 


vaillances  joyeuses,  plus  ne  s'y  rencontre  le  triomphal  amour  en 
fleurs,  plus  n'y  surgit  la  passion  active  et  violente,  plus  n'y 
soufflent  les  tempêtes  de  la  force,  ni  le  tourbillon  des  ardeurs 
dépensées  au  gré  des  jours  en  soleil,  plus  n'y  règne  la  foi  folle, 
la  confiance  aveugle,  la  volonté,  fût-ce  à  travers  la  mort,  vers  les 
demains  certains.  C'est  le  pays  des  légendes  fanées,  couleur 
feuille-morte,  où  la  joaillerie  exquise  de  l'art  met  encore  des 
gouttes  de  rosée  diamantaire. 

Les  personnages  lents  et  graves,  beaux  de  la  douleur  des  cou- 
chants, fiers  de  leur  angoisse  étouffée,  mornes,  hautement  et 
presque  magnifiquement  y  soulèvent  de  grands  gestes,  qui  tou- 
jours retombent.  Ils  essayent  ou  ont  essayé  toute  la  vie;  ils 
reviennent  ou  sont  revenus  des  loins  de  guerre,  de  tendresse,  de 
volupté,  de  jeunesse  et  d'entrain  ;  ils  connaissent  les  trois  roules, 
que  définit  l'exergue,  route  des  chênes  hauts,  route  des  bouleaux 
clairs,  route  des  frênes  doux  el  des  sables  légers,  mais  ils  n'en 
ont  gardé  que  la  poussière  sur  leur  armure.  Us  «mit  désormais 
les  marcheurs,  le  dos  vers  l'été,  les  yeux  à  l'hiver.  El  le  livre  — 
conclusion  prévue  —  se  clôt  sur  tel  vœu  : 

Que  la  Nuit  séjourne  à  jamais  taciturne, 
Muette  et  pour  toujours  en  deuil  du  passé  noir, 
Sans  qu'à  tout  son  silence  encore  ne  déroge 
Aucun  sursaut  de  la  Chimère  ou  de  l'Horloge. 
Et  sans  que  puisse  rien  du  repos  qu'il  se  songe 
Distraire  mon  Destin  d'avoir  l'âge  de  l'ombre. 
L'âge  de  l'ombre?  Oubli,  résignation,  solitude. 

A  cause  môme  du  sujet,  le  vers  qu'emploie  M.  de  Régnier 
dépend  quelquefois  des  grands  épiques  modernes  :  les  Hugo, 
les  Leconte  de  Lisle  et  les  Mallarmé  (Hérodiade).  Il  est  taillé, 
ciselé;  il  éclate  en  lumière  et  en  sons  graves.  11  n'est  guère 
ductile  et  souple,  sinueux  et  frêle.  Certaines  pages  surgissent  en 
trophées,  avec  leurs  rimes  en  pointes  de  lances. 

Voici  pour  clore  ces  notes,  un  admirable  fragment  : 

Les  grands  vents  venus  d'outre-mer 
Passent  par  la  ville,  l'hiver, 
Comme  des  étrangers  amers. 

Ils  se  concentrent  graves  et  pâles 
Sur  les  places,  et  leurs  sandales 
Ensablent  le  marbre  des  dalles. 

Comme  de  crosses  à  leurs  mains  fortes, 
Ils  heurtent  l'auvent  et  la  porte 
Derrière  qui  l'horloge  est  morte. 

Et  les  adolescents  amers 

S'en  vont  avec  eux  vers  la  mer! 


^CCUgÉ?    DE    RÉCEPTION 

Contes  à  la  Reine,  par  Robert  de  BonnIères;  Paris,  OUen- 
dorff.  —  Rouget  de  Lisle;  son  œuvre,  sa  vie,  par  Julien  Tiersot  ; 
Paris,  Ch.  Delagrave.  —  La  Bonne  à  tout  faire,  comédie  en 
quatre  actes,  en  prose  (représentée  pour  la  première  fois  sur  le 
Théâtre  des  Variétés,  le  20  février  1892),  par  Oscar  Méténier  et 
DuBUT  de  Laforest;  Paris,  Dentu.  —  Le  Chevalier  du  passé,  tra- 
gédie moderne  (2">b  partie  de  la  légende  d'Antonia),  par  Edouard 
DuJARDiN  ;  Paris,  Vanier.  —  L'Adolescent  confidentiel,  par  Michel 
Féline;  Paris,  librairie  de  l'Art  indépendant.  —  Le  Fou  raison- 
nable, proses  lyriques,  par  Arnold  Goffin  ;  Bruxelles,  Ch.  Vos. 
—  La  Mer,  poème  par  Eddy  Levis  (esquisses  symphoniques  de 
Paul  Gilson);  Bruxelles,  Breitkopf  et  Hârtel. 


.^ 


VENTE  DE  LA  COLLECTION  VAN  BRANTEGHEM 

De  mémoire  d'amaleur,  vente  d'antiquilés  grecques  n'avait 
attiré  un  public  aussi  nombreux  et  aussi  sélect  que  celui  qui 
remplissait  la  salle  n»  3  de  l'hôlel  Drouot  pendant  les  trois  jours 
qu'a  duré  la  vente  Van  Branteghem  (1). 

Tous  les  principaux  musées  se  trouvaient  représentés.  Le 
Musée  Britannique,  le  Louvre,  les  Musées  de  Berlin,  de  Saint- 
Pétersbourg,  de  Lyon,  de  Bruxelles,  de  Copenhague,  de  Boston 
ont  été  parmi  les  principaux  acquéreurs. 

Au  nombre  des  amateurs,  on  remarquait  le  comte  Michel  Tysz- 
kiewicz,  sir  Edgar  Vincent,  M.  Gréau,  M.  Somzée,  M.  Salting, 
M.  Marshall,  M™*  Darthès,  M™»  veuve  Casteliani,  etc.  La  plupart 
des  grands  marchands  d'antiquités  de  l'Europe  étaient  présents. 

Les  enchères  ont  été  fort  animées  et  ont  atteint  pour  certains 
vases  des  prix  presque  sans  précédents. 

En  dehors  des  objets  acquis  par  le  gouvernement  belge  dont 
nous  avons  donné  la  nomenclature  dans  notre  dernier  numéro, 
les  objets  qui  ont  atteint  les  plus  hauts  prix  sont  les  suivants,: 

N"  5.  —  Grande  amphore  panathénaïque,  2,730  fr.  (comtesse 
Dzialynska). 

N»  26.  —  Canthare  deNikosthènes,  i,680  francs. 

N"  28.  —  Coupe  d'Hermaïos,  1,181  francs  (Musée  du  Louvre). 

N»  29.  —  Coupe  d'Hermaïos,  2,205  francs  (Musée  Britannique). 

N»  47.  —  Stamnos  de  Smikros,  1,680  francs  (Musée  Britan- 
nique). 

N»  S2.  —  Coupe  d'Euphronios,  11,025  francs  (M.  Marshall). 

N»  53.  —  Coupe  portant  le  nom  de  Leagros,  1,050  francs 
(Louvre), 

No  72.  —  Coupe  de  Hiéron,  5,250  francs  (M.  Marshall), 

N»  84.  —  Coupe  de  Xenotimos,  4,515  francs  (comte  M.  Tysz- 
kiewicz). 

N»  85.  —  Coupe  de  Xenotimos,  3,990  francs  (Musée  de  Berlin). 

N»  86,  —  Grand  oxybaphon,  2,047  francs. 

N"  91.  —  Cratère,  Persée  et  Andromède,  2,940  francs  (Musée 
de  Berlin). 

No  97.  —  Ary balle,  Aphrodite  et  Eros,  1,995  francs  (M.  Sal- 
ting). 

N»  98.  —  Grand  aryballe  doré,  la  Récolte  de  Vencens,  5,355  fr. 
(Musée  de  l'Ermitage). 

N«  99.  —  id.,  plus  petit,  5,040  francs  (Musée  de  Berlin), 
.  N»  164.  —  Petite  coupe  à  fond  blanc  de  Sotades,  Jeune  fille 
cueillant  un  fruit,  3,675  francs  (Musée  Britannique). 

N»  165.  —  Petite  coupe  k  fond  blanc  de  Sotades,  3,360  fr. 
(Musée  Britannique).  • 

N»  166.  —  Petite  coupe  à  fond  blanc  de  Sotades,  Olaukos  et 
Polyeidos,  10,605  francs  (Musée  Britannique). 

N"  231.  —  Lécythc  h  couleurs  d'applique,  Eros  androgyne 
assis  sur  un  rocher,  3,255  francs  (M.  L.  Somzée). 

N»  232.  —  Péliké,  Dionysos  et  Ariane,  2,310  francs  (M.  Sal- 
ting). 

N»  237.  —  Hydrie  chypriote  portant  le  nom  de  Timokles, 
1,260  francs  (M.  L.  Somzée). 

N»  334.  —  Joueuse  d'osselets,  2,257  francs. 

N"  335.  —  Joueuse  de  lyre  couchée,  2,130  francs. 

(1)  V.  notre  article  sur  la  collection  Vpn  Branteghem  (n»  du  24  avril 
dernier).  ,■ 


N"  338.  —  Danseuse  voilée,  2,325  francs. 

N"  339.  —  Leçon  de  lecture,  2,415  francs. 

N»  345.  —  Eros  et  Pan,  1,470  francs. 

N»  346.  —  Femme  assise  sur  une  kliné,  2,625  francs. 

N»  351.  —  Jeune  Tanagréenne  à  demi  couchée  sur  un  rocher, 
1,575  francs. 

N"  355.  —  Jeune  mère  montrant  le  sein  à  son  enfant, 
3,885  francs. 

N"  357.  —  Europe  sur  le  taureau,  2,619  francs.   ' 

N»  359.  —  Ephedrismos,  2,440  francs. 

No  360.  —  Eros  discobole,  1,365  francs. 

No  377.  —  Jeune  fille  assise,  2,992  francs. 

No  384.  —  Joueuse  d'osselets  debout,  2,570  francs. 

N"  389.  —  Femme  assise,  3,150  francs. 

N»  391.  —  Dionysos  et  le  taureau,  8,662  francs. 

N»  415.  —Niké,  7,875  francs. 

N»  416.  —  Jeune  fille  versant  du  vin  dans  un  trépied, 
2,882  francs. 

N»  417.  —  Terme  d'un  personnage  barbu,  2,882  francs  (Sir 
Edgar  Vincent). 

Un  grand  nombre  d'objets  ont  réalisé  des  prix  très  supérieurs  à 
leur  prix  originaire. 

C'est  ainsi  que  les  neuf  petites  coupes  blanches  de  Sotades  et 
d'Hegesiboulos  ont  produit  plus  de  32,000  francs,  alors  qu'elles 
n'avaient  été  payées  que  10,000  francs  en  1890;  la  coupe 
d'Euphronios  avait  coûté  2,500  francs  et  a  été  vendue  11,025  fr.  ; 
les  deux  coupes  de  Xenotimos,  payées  5,000  francs  en  1888,  ont 
réalisé  8,505  francs;  les  deux  grands  aryballes  d'Apollonia, 
payés  4,500  francs,  ont  dépassé  10,000  francs.  Les  n»»  335,  346, 
348,  351,  355,  357,  377,  389,  402,  411  avaient  été  achetés  en 
bloc,  en  1887,  pour  15,000  francs  et  ont  produit  près  de  26,000  fr. 
Le  n''391,  payé  6,000  francs,  a  réalisé  8,662  francs.  La  Niké 
Casteliani  a  monté  de  6,100  à  7,875  francs,  etc. 

La  vente  dans  son  ensemble  a  donné  néanmoins  une  somme 
inférieure  à  celle  à  laquelle  la  collection  avait  été  estimée  par 
M.  Frôhner  et  par  M.  Ready,  les  experts  universellement  réputés 
comme  les  plus  compétents  en  celte  délicate  et  spéciale  matière. 
La  remise  à  quinzaine,  nécessitée  par  la  lenteur  des  pourparlers 
avec  le  Gouvernement  belge,  avait  fait  naître  le  bruit  que  h 
collectj^n  allait  être  vendue  en  bloc  et  ne  paraîtrait  pas  à  la  salle 
Drouot.  Les  Musées  n'avaient  donc  pas  pressé  leurs  demandes  de 
crédits  extraordinaires  et  les  limites  de  leur  budget  les  ont  forcés 
à  restreindre  considérablement  les  acquisitions  qu'ils  auraient 
voulu  faire.  D'autre  part,  quelques  malveillants  ou  quelques  ! 
malins  avaient  adroitement  fait  courir  le  bruit  que  l'authenticité 
de  certaines  pièces  était  douteuse. 

Les  quelques  objets  auxquels  les  Musées  avaient  été  forcés  de 
limiter  leur  ambition  ont  atteint  des  prix  exceptionnels.  Le  reste 
des  merveilles  de  tous  genres  s'est  vendu  au-dessous  de  sa  valeur, 
les  grands  antiquaires  de  Paris  n'ayant  guère  «  soutenu  »  la  vente. 
Celle-ci  a  néanmoins  produit,  frais  compris,  plus  de  320,000  francs 
(sans  compter  quelques  pièces  retirées),  c'est-à-dire  un  chiffre 
beaucoup  plus  élevé  que  ceux  réalisés  par  les  collections  les  plus 
célèbres  de  vases  et  de  terres  cuites  dispersées  durant  les  dernières 
années. 

Notre  aimable  public  et  notre  impartiale  presse  ont,  naturelle- 
ment, saisi  immédiatement  l'occasion  du  prix  global  de  la  vente 
inférieur  aux  prévisions  de  MM.  Frôhner  et  Ready,  et  du  collec- 
tionneur, M.  Van  Branteghem,  pour  insinuer  ^ue  celui-ci  avait 


lente  d'obtenir  du  Gouvcrnemenl  belge  une  somme  supérieure  à 
la  valeur  réelle.  M.  de  Haulleville,  conservateur  du  Musée  archéo- 
logique, mû  par  un  très  naturel  sentiment  de  loyauté  et  d'équité, 
a  immédiatement  prolesté  par  la  lettre  suivante  au  directeur  de 

la  Gaulle  : 

Bruxelles,  le  29  juin  1892. 

Mon  cher  Confrère, 

Les  renseignements  que  vous  donnez  sur  la  collection  Van 
Brantegem  sont  inexacts. 

Le  conservateur  en  chef  des  Musées  royaux  aurait  désiré  que 
cette  splendide  collection  fût  acquise,  tout  entière,  par  l'État. 
Alors,  avec  le  fond  Campana  et  le  fond  Meester  de  Ravestyn, 
notre  Musée  d'arts  anciens  aurait,  pour  l'art  industriel  grec,  pu 
rivaliser  avec  les  premiers  musées  du  monde. 

La  proposition  d'achat  fut  faite  par  le  conservateur  en  chef  au 
Gouvernement,  qui  hésita  beaucoup.  L'acquisition  devait  être  faite 
à  dire  d'experls.  M.  Van  Branteghem  avait  accepté  d'avance 
l'expertise  des  hommes  compétents,  à  choisir  par  le  Gouvernement. 

Pour  vaincre  les  hésitations  du  Gouvernement,  le  conservateur 
en  chef  proposa  ensuite  une  acquisition  à  dire  d'experls  pour 
une  somme  à  payer  en  dix  annuités  h  4  p.  c. 

Cette  proposition,  acceptée  par  M.  Van  Branteghem,  ayant 
été  rejelée  parce  que  le  Gouvernement  doutait  de  l'approbation 
des  Chambres,  un  comité  fut  formé  par  les  soins  du  conserva- 
teur en  chef  pour  la  formation  d'une  loterie.  Le  comité  se  compo- 
sait de  MM.  Gevaert,  Willems,  Wagener,  Potvin,  Vinçotte,  Slin- 
geneyer,  J.  de  Lalaing.  Il  demanda  au  Gouvernement  l'autorisation 
de  se  procurer,  au  moyen  d'une  loterie,  le  capital  nécessaire 
pour  acquérir,  à  dire  d'experts,  toute  la  collection,  qu'il  s'enga- 
geait h  donner  gratuitemeut  à  l'Etat  Belge.  Le  reliquat  éventuel 
de  la  somme  réunie  parce  comité  devait  servir  de  fonds  d'acqui- 
sition aux  Musées  royaux. 

Le  Gouvernement,  après  de  longues  négociations,  refusa 
d'autoriser  la  loterie. 

Eln  attendant,  la  collection  était  partie  pour  Paris.  M.  le 
Ministre  des  Finances  résolut  alors  d'autoriser  l'ouverture  d'un 
crédit  spécial  de  quarante  à  cinquante  mille  francs  pour  l'achat 
éventuel  de  certaines  pièces. 

Il  est  hautement  regrettable  que  toute  la  collection  ne  nous  sqil 
pas  restée.  Elle  a  été  vendue  à  Paris  dans  un  moment  très  défa- 
vorable; elle  valait  très  certainement  un  prix  élevé. 

J'estime  que  vous  ne  sauriez  en  former  une  pareille  à  bref 
délai  pour  un  million  de  francs. 

A  vous  bien,  cordialement, 

Haulleville. 

Le  lendemain,  dans  le  même  journal,  paraissait  un  article  dont 
l'auteur  persistait  à  affirmer  que  jamais  il  n'avait  été  question 
d'expertise,  et  dans  lequel,  à  côté  d'insinuations  perfides  pour  les 
uns,  on  alignait  les  éloges  puérils  pour  les  autres  qu'on  comparait, 
pour  la  prudence,  aux  serpents  les  mieux  qualifiés.         S 

Or,  nous  savons  de  science  personnelle  que  dès  le  il  mai,  dans 
la  proposition  au  Ministre,  l'expertise  était  posée  comme  une 
condition  de  l'achat,  et  qu'il  en  fut  de  même  textuellement  et  à 
deux  reprises  dans  la  demande  d'autorisation  de  loterie  faite  plus 
tard  au  Gouvernement  et  signée  des  noms  les  plus  honorables 
qui,  sans  mériter  d'être  rangés  dans  la  famille  des  serpents,  sont 
gens  d'expérience  et  de  bon  conseil. 

Comme  tout  cela  est  bien  doctrinaire  et  bien  belge  !  Voici  un 
amateur,  d'un  goût  très  sûr  et  d'une  érudition  parfaite,  qui,  au 


risque  de  sa  fortune  personnelle,  se  laisse  aller  à  sa  passion 
artistique  pour  des  curiosités  d'une  rareté  et  d'un  charme 
extrêmes,  qu'on  ne  peut  recueillir  sans  des  peines,  des  démar- 
ches, des  éludes  et  des  frais  devant  lesquels  le  vulgaire,  l'ama- 
teur de  pacotille,  le  faux  érudit  reculent.  Il  y  emploie  plusieurs 
années,  des  voyages,  des  recherches  et  des  correspondances 
innombrables.  Dans  les  ventes,  il  entre  en  lutte  avee  les  concur- 
rents célèbres  et  l'emporte  sur  eux  au  prix  d'excessifs  sacrifices. 
Il  réussit  à  constituer  un  ensemble  exceptionnel  et  admirable, 
comparable  à  celui  des  plus  hautains  musées.  Il  offre  alors  à  son 
pays  de  reprendre  cette  collection  formée  avec  amour  et  que  des 
circonstances  privées  ne  lui  permettent  pas  de  conserver- davan- 
tage, sort  habituel  des  collectionneurs  passionnés  jusqu'à  la  folie, 
lia  le  légitime  désir  de  voir  conserver  ainsi  le  résultat  de  §es 
efforts  et  de  ses  goûts.  Il  indique  son  prix,  inspiré  peut-être  par 
les  illusions  du  propriétaire  et  de  l'artiste,  mais  déclare  s'en 
remettre  à  l'expertise  par  des  hommes  que  choisira  l'acheteur. 
Il  a  eu  tous  les  entraînements,  toutes  les  généreuses  faiblesses, 
toutes  les  fatigues,  tous  les  chagrins  de  l'amateur  d'élite,  lui  dont 
les  pièces  principales  étaient,  il  y  a  peu  de  temps  encore,  mises  à 
Londres  à  la  place  d'honneur  dans  une  exposition  de  tout  premier 
ordre,  et  dont  le  nom  était  accolé  à  celui  du  prince  de  Galles  et 
des  plus  illustres  amateurs  dans  un  catalogue,  chef-d'œuvre  de 
typographie  et  de  polychromie,  recherche  par  les  bibliophiles 
comme  une  rareté  de  choix.  Mais  il  arrive  pour  lui  le  moment 
d'être  jugé  par  les  mesquins  esprits  des  envieux,  des  méchants, 
des  conteurs  de  ragots  et  des  puérils,  et  il  est  alors  traité  comme 
un  trafiquant  ! 

Petit  pays,  petites  idées,  petits  hommes,  petite  pres.se,  petite 
justice  ! 

AU  CHAT 

A  propos  des  représentations  des  «  gallants  compaignons  »  du 
Chat  noir  à  Bruxelles,  M.  Hector.  Van  Doorslaer  fait  l'historique 
de  la  compagnie,  désormais  célèbre,  de  messîre  Salis,  et  la  rat- 
tache historiquement  aux  Hydropathes  : 

«  On  sait  que  le  Chat  noir  s'est  élevé  peu  à  peu  à  la  hauteur 
d'une  institution.  Anliacadémique,  par'  exemple,  el  toujours 
ouverte  à  ceux  qui  y  exhibent  la  patte  blanche  du  talent  personnel. 
Mais  on  ne  sait  généralement  pas  que  les  très  jeunes  pères  des 
compères  d'aujourd'hui  furent  les  Hydropathes,  arrière-petits- 
neveux  parisiens  de  ïeu  les  A gathopèdes  bruxellois...  En  somme, 
une  réunion  d'artistes  unis  dans  un  but  commun,  mais  absolu- 
ment indépendants,  se  souciant  des  grandes  routes  battues,  poli- 
tiques et  académiques,  comme  M.  de  Rothschild  d'un  rondel. 

Vous  souvenez-vous  de  cette  innovation  qui  fit  fureur  et  qui  se 
gâta  naturellement  au  contact  profane  du  beau  monde  :  le  mono- 
logue? Qui  n'a  entendu  l'Obsession,  le  Hareng  saur,  le  Bilbo- 
quet, etc.,  etc.,  dits  par  les  grands  et  petits  Coquelin  cadet  de 
toute  envergure?  Au  temps  où  leur  inventeur,  Charles  Gros,  les 
apportait  aux  hydropathes,  on  accourait...  Charles  Gros,  un  fan- 
taisiste sérieux,  même  triste  —  Molière  ne  l'élait-il  pas?  — cui- 
rassé d'un  savant.  Ce  fut  lui  qui  revendiqua  officiellement, 
en  4877,  et  non  sans  apparence  de  raison,  la  priorité  de  la 
découverte  du  phonographe. 

Du  couloir  des  hydropathes  le  Chat  noir  se  pelotonna  en  l'hos- 
tellerie  de  messire  Salis,  seigneur  de  Chatnoirville-en-Vexin,  mais 
sans  aliéner  ses  coulumières  mœurs.  La  réunion  s'agrandissait 


simplemenl,  dominanl  Paris  de  Monlmartre.  Et  la  vogue  vint  pour 
tous,  avec  la  célébrité  pour  quelques-uns.  Les  liydropallies 
u'élaiénl  connus  que  d'inlimes.  Toul  Paris  afflua  bientôt  au  Chat 
noir. 

Disons-le  à  l'honneur  de  ces  bons  compagnons,  le  vin  capiteux 
de  la  fortune  ne  leur  tourna  pas  trop  la  léte.  Ecume  champenoise, 
il  se  borna  à  les  émousliller,  les  incitant  h  se  maintenir  à  la  hau- 
teur de  la  situation.  Apparut  alors  ce  joli  truc  des  ombres 
chinoises  de  zinc  découpé  et  colorié,  d'une  exécution  si  artiste,  et 
qui  popularisèrent,  entre  autres,  les  noms  de  Caran  d'Ache  et  de 
Rivière...  Tous  les  genres  furent  mis  à  contribution,  péie-méle, 
au  hasard  de  l'inspiration  :  satires  politiques,  croquis  mililaires, 
scènes  religieuses,  fantaisies  païennes,  —  comme  cette  résurrec- 
tion anacréonlique  de  Phryné,  qui  eut  300  représentations  con- 
sécutives, apologues  modernes  philosophiques  —  comme  l'Age 
d'or,  —  et  tant  d'autres. 

El  tandis  que  tous  les  arts  concouraient  en  joyeuses  et  spiri- 
tuelles sorties  à  assurer  le  pain  el  le  vin  quotidien  aux  compa- 
gnons, dame  Poésie  ne  perdait  ni  ses  droits  ni  sa  belle  humeur, 
les  couvrant  tous  de  son  aile  protectrice.  L'aisance,  c'est-à  dire 
l'opulence,  était  venue.  »  /" 


THEATRE  MODERNE 

{Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne.) 

Le  Chevalier  du  passé,  par  M.  Edouard  Dujardin,  a  été  repré- 
senté l'autre  soir,  au  Théâtre  Moderne,  à  Paris. 

Le  public,  ricaneur  au  début,  a  été  douché,  bien  à  propos,  par 
quelques  mots  nets  el  justps,  proférés  à  la  rampe,  pendant  une 
halte  entre  dialogues,  par  M.  Dujardin  lui-même. 

Celte  pièce  —  deuxième  partie  de  la  trilogie  d'Antonia  —  met 
en  scène  une  Circé  moderne,  habillée  chez  Liberty  el  dont  les  Flo- 
ramyes  -^  nom  exquis  —  grâce  à  leurs  soins,  font  un  joujou 
d'art.  Rosea,  Auroa,  Gemnea,  Siderea,  chacune  en  un  langage 
approprié  à  la  divine  et  merveilleuse  matière  qu'elles  incarnent, 
habillent  Antonia  de.  la  parure  de  leurs  paroles.  Leur  reine  leur 
est  l'idole  et  son  île  est  leur  temple. 

Abordent  h  un  enfant,  un  homme,  un  vieillard,  à  la  recherche 
d'un  but  de  vie  par  à  travers  le  monde.  Chacun  d'eux  expose  son 
désir.  Antonia  promet  de  le  combler.  N'est-elle  pas  la  ntjagicienne 
souveraine,  l'élernèlle  promesse,  l'indispensable  illusion? 

Au  deuxième  acte  surgit  le  Chevalier  du  passé,  l'ancien  amant, 
celui  qu'elle  appelle,  qui  vienl,  qui  enlace  un  instant,  mais  qu'elle 
ne  retrouve  ni  ne  peut  retrouver. 

LcTfoisième  acte  est  le  désenchantement  de  tous,  la  conclusion 
fatale.  Anionia-Circé,  abandonnée  de  tous,  se  renferme  dans  la 
soUlude  el  le  silence  de  son  Ile. 

La  conception  scénique  de  M.  Dujardin  nous  paraît  être  :  modi- 
fier, pour  les  dramatiser,  d'après  les  heures,  —  soirs,  midis, 
nuits,  aurores, — quelques  larges  sentiments  primordiaux  et  uni- 
versels de  l'humanité  passionnelle,  en  une  langue  rythmée  et  avec 
le  plus  de  simplicité  possible. 

D'ailleurs,  ce  spectacle  était  fuit  pour  plaire  et  rien  n'avait  été 
négligé  pour  qu'il  en  fùl  ainsi.  Un  décor  peint  par  M.  Maurice 
D«*nis  charmait  par  des  lignes  simples  el  des  couleurs  harmo- 
nieuses, figurant,  avec  la  mer  el  des  rivages  vus  au  fond  par  une 
fenêtre,  une  salle  d'un  eur.hrôme  palais  où  évoluait  en  sa  longue 
robe  de  velours  noir  M"»  Mellet  (la  Courtisane),  suivie  de  ses 
Floramyes  et  accueillant  M.  Lugné-Poë  (le  Chevalier  du  Passé). 
Les  acteurs  jouaient  avec  talent  et  M.  Dujardin  avail  mis,  par  sur- 
croît, dans  sa  pièce  de  la  poésie,  du  rythme,  de  la  passion,  tout  ce 
qui  constitue  quelque  chose  de  non  commun"  dans  le  théâtre  de 
nos  jours. 


CONCOURS  DU   CONSERVATOIRE  (i) 

Piano  (hommes).  —  Professeur,  M.  De  Greef.  1"  prix, 
M.  Baize;  2«  prix  avec  distinction,  MM.  Roze  el  Janssens;  2«  prix, 
M.  Delune. 

Violon.  —  Professeurs,  MM.  Colyns,  A.  Cornéms  el  Ysaye. 
1"  prix  avec  la  plus  grande  distinction,  M.  Fonlova  (Colyns), 
fl|i'«  Spilier  (Cornélis)  el  M.  Bonzon  (Ysave);  !«' prix  avec  distinc- 
tion, M"e  Ellioll  (Cornélrs)et  M.  Schôrg  (Ysaye);  [»'  prix,  MM.  du 
Domaine  (Cornélis),  Lambiotlc  (Colyns),  "Barrachin  (Cornélis), 
Laurent  (id.),  Goffin  (id.),  Barthélémy  (Colyns),  M"«  Nanney  (Cor- 
nélis), Angenol  (Ysaye)  ;  2«  prix  avec  distinction.  M.VandenHeu- 
vel  (Colyns),  M'i»  Smith  (Cornélis),  MM.  Dcni  (Ysaye),  Meursinge 
(Colyns)  et  Bondi  (Ysaye)  ;  2"  prix,  MM.  Kéfer  (Ysaye),  Hans  (Cor- 
nélis), Somers  (Colyns),  Lunssens  (id.),  De  Herdl  (id.)  el  Maes 
(Cornélis);  l"  accessit,  MM.  Dubois  (Ysaye),  Marchand  (Colyns), 
Moerenhoul  (Ysaye),  M'i*»  Rueggcr  (Colyns)  el  Heureux  (Cornélis), 
MM.  Macquoid  (Colyns)  el  Pennequin(id.);  2«  accessit.  M""  Aglen 
(Colyns). 

Le  concours  de  violon  a  été  particulièrement  remarquable  celle 
année,  ainsi  que  l'atteste  le  nombre  inusité  des  lauréats.  El  vrai- 
ment, il  a  révélé  quelques  natures  exceptionnelles  :  celles,  par 
exemple,  des  trois  «  premiers  prix  avec  la  plus  grande  distinc- 
tion», MM.  Fonlova,  Bonzon  el  M"«  Spiller,  les  plus  jeunes, 
semble-l-il,des  trente-trois  concurrents.  Avec  sa  léte  de  chérubin, 
rayée,  le  second  jour,  d'un  bandeau  noir  révélateur  d'une  fluxion, 
avec  sa  crânerie,  le  sentiment  artiste  de  son  interprétation,  le 
mécanisme  surprenant  de  ses  petits  doigs,  M.  Bonzon  a  conquis 
touH'auditoire,  qui  l'a  longuement  acclamé.  M.  Fonlova  a  été,  lui 
aussi,  l'objet  d'une  véritable  ovation.  Il  a  un  réel  tempérament  de 
virtuose,  déjà  sûr  de  son  coup  d'archet  el  rompu  aux  difficultés 
techniques  les  plus  ardues.  Quant  à  M»«  Spiller,  ça  été  une 
exquise  apparition  de  jeune  fille  jouant  avec  une  grâce  charmante, 
yeux  clos,  toute  à  son  rêve  d'artiste,  el  niellant  dans  son  jeu  un 
sentiment  délicat  et  des  nuances  d'expression  toul  à  fait  adorables. 
Le  public,  très  emballé,  a  unanimement  ratifié  la  haute  distinc- 
tion échue  aux  jeunes  élèves,  unissant  au  succès  de  ceux-ci  le 
nom  des  trois  excellents  professeurs  qui  les  ont  formés. 

Parmi  les  autres,  citons  spécialement  M.  Schôrg,  qui  vient  de 
passer  une  année  dans  la  classe  de  M.  Ysaye  après  avoir  terminé 
ses  classes  en  Allemagne,  et  M.  du  Domaine,  élève  de  M.  Cornélis, 
qui  méritait  mieux  que  le  premier  prix  simple  qu'on  lui  a 
décerné. 

Chant  monodique  (jeunes  filles).  —  Professeurs  :  M"*  Corné- 
us-Servais,  m.  Warnots.  l"  mention  avec  distinction,  M"«*Gou- 
lancourl  (Cornélis)  el  Chabeau  (Warnots)  ;  1"  menlioh,  M"«»  Gahide, 
Schoulen,  Callemien  (Cornélis),  Charlon,  Slaquet,  Walter  el  Belle 
(Warnots);  2«  mention.  M"*»  Coomans,  Van  Assche,  Daniel,  Wil- 
met  (Cornélis),  Delmée,  Friedrich  el.  Friche  (Warnots). 

Chant  théâtral  (hommes).  —  Professeur,  M.  Warnots.  1"  prix, 
M.  Ceuppens;  2*  prix  avec  distinction,  MM.  Coryn  el  Pieltain; 
rappel  avec  distinction  du  2«  prix,  M.  Verboom. 

Mémento  des  Expositions 

Amsterdam.  —  Exposition  communale.  5  seplembre-lO  octobre. 
Envois  du  4  au  13  août.  Six  médailles  d'or.  Renseignements  ; 
Secrétaire  du  Comité  de  l'Exposition  communale,  Amsterdam. 

Chicago.  —  Section  des  Beaux-Arls  de  l'Exposition  universelle. 
1"  mai-30  octobre  1893  (voir  l'Art  moderne  du  11  octobre  1891). 

Douai.  —  Exposition  internationale.  10-31  juillet.  Délai 
d'envoi  expiré.  Renseignements  :  Secrétaire  de  la  Société  des 
Amis  des  Arts. 

Fontainebleau.  —  l"-30  septembre.  Envois  du  15  au  20  juillet 
au  Château  de  Fontainebleau.  —  Secrétaire  général  ;  Weber, 
notaire. 

(1)  Suite.  Voir  nos  deux  derniers  numéros. 


Gand.  —  Salon  Iricnnal  :  21  août-10  octobre.  Délai  d'envoi  : 
20  juillet.  Renseignements  :  M.  F.  Van  der  Haeghen,  secrétaire 
de  la  Commission  directrice,  au  Casino,  Gand. 

Grenoble.  —  Exposition  internationale  de  peinture  alpine 
(tableaux,  pastels,  aquarelles,  dessins  relatifs  à  la  montagne, 
spécialement  aux  Alpes  françaises).  16  juillel-31  août.  Délai 
d'envoi  expiré.  Renseignements  :  Commissaire  général  du  Congrès 
du  Club  Alpin,  Musée  de  Grenoble  (Isère). 

Madriq.  —  Exposition  historique  européenne.  12  septembre- 
31  décembre.  Délai  d'envoi  expiré.  Renseignements  :  Coiiiie  de 
Casa  Miranda,  sous-secrétqire  d'Etat  à  la  présidence  du  Conseil 
des  ministres,  Madrid. 

Nice.  —  Exposition  internationale.  10  janvier-30  mars  1893. 
Envois  :  l'"'-25  (décembre.  Renseignements  :  Secrétariat,  Palais 
du  Crédit  Lyonnais,  Nice. 

Paris. —  Salon  d'été  (Palaisdes  Arlslibéraux)10juillet-31  août. 
Renseignements  :'  M.  E.  Bernard,  directeur. 

Saint-Mandé.  —  Exposition  des  Beaux-Arts.  3  juillet-16  août. 
Renseignements  :  M.  H.  Voisin,  président. 

Spa.  —  Exposition  annuejle.  3  juillet-30  septembre.  Rensei- 
gnements :  M.  Louis  Sosset,  secrétaire  de  la  Commission  direc- 
trice, Spa.  

Petite  chroj^ique 

Le  Figaro  a  publié,  au  sujet  de  la  santé  de  notre  grand  artiste 
Félicien  Rops,  un  entrefilet  qui  a  été  reproduit  en  Belgique  par 
toute  la  presse  et  qui  doit  inquiéter  ses  amis.  Nous  avons  heu- 
reusement reçu,  ces  jours-ci,  de  Félicien  Rops  lui-même,  une 
lettre  des  plus  rassurantes.  Il  nous  écrit  entre  autres  :  «  Je  vis 
dans  un  petit  Paraclet,  —  sans  avoir  pourtant  les  raisons  d'Abei- 
lard  !  —  duquel  je  ne  suis  pas  sorti  depuis  plusieurs  mois.  Je  ne 
suis  qu'un  ermite,  cultivant  mes  roses  et  arrosant  mes  géra- 
niums, sans  penser  à  mal.  J'ai  été  très  malade  et  en  grand  danger 
de  perdre  la  vue.  Comme  peintre,  ce  sont  des  plaisanteries  du 
sort  qu'il  est  difficile  de  supporter  avec  philosophie,  ainsi  qu'il  le 
faudrait,  et  je  me  remets  seuiemenl  de  mes  démoralisations.  Je 
ne  reçois  pas  les  journaux  qui  jacassent  comme  les  geais  d'Aris- 
tophane et  empêchent  d'entendre  la  bonne  voix  maternelle  de  la 
nature,  qui  vous  parle  bas  et  doucement,  mais  bien  mieux  que 
Jules  Simon  ou  que  Hugues  le  Roux  lui-même  ! 

Votre  vieil  ami  à  travers  les  âges 

FÉLICIEN  Rops, 

A  la  Demi-Lune,  Moulin-Galant,  Essonnes  (Seine-et-Oise).  » 
Il  y  a  aussi  dans  la  lettre  cette  jolie  réflexion  :  «  Les  hommes 
qui  se  sentent  réellement  sympathiques  les  uns  aux  autres,  et  en 
belle  communion  d'idées,  devraient  vivre  en  un  Port-Royal  quel- 
conque, vivre  de  peu,  el  passer  cette  si  rapide  vie  à  disserter  sous 
les  beaux  ombrages,  avec  des  gestes  simples  et  peu  nombreux, 
en  goûtant  tout  le  cbarme  d'échanger  de  nobles  cérébralilés.  » 

.  Les  directeurs  de  la  Monnaie  viennent  d'engager  comme  ténor 
M.  Chatillon,  qui  débutera  dans  la  Juive.  C'est  par  cet  ouvrage 
que  s'ouvrira  la  prochaine  campagne.  La  première  nouveauté 
que  montera  la  Monnaie  sera  Werther  de  Massenet,  avec 
M'w  Chrétien. 

On  donnera  ensuite  le  drame  lyrique  en  un  acte  de  M.  Albéric 
Magnard,  Yolande,  dont  le  principal  rôle  .sera  créé  par  M.  Seguin. 

Le  second  concert  organisé  par  M.  Huberti  à  l'exposition  com- 
munale d'Ixelles  a  eu,  comme  le  premier,  beaucoup  de  succès. 
On  a  applaudi  et  rappelé  M""*  Cornélis-Servais,  M"*  Merck  et  les 
membres  de  «  l'Association  des  professeurs  d'instruments  à  vent  » 
qui  prêtèrent  leur  concours  à  la  séance.  Au  programme  :  le 
Quintette  de  Beethoven,  le  Trio  avec  cor  de  Brahms,  des  mélo- 
dies de  Beethoven  et  d'Huberti,  un  Nocturne  pour  piano  de 
Gilson,  etc.  Le  «  tout  Ixelles  »  encombrait  la  salle  des  fêles  du 
nouveau  Musée,  dont  l'acoustique  ne  laisse  rien  à  désirer. 

Les  beaux  jours  sont  revenus  pour  le  Waux-Hall.  On  a  entendu 
cette  semaine,  outre  le  superbe  concert  Wagner  de  dimanche,  le 
violoniste  Rivarde,  l'excellent  chanteur  Isnardon  et  M"®  Antoinette 
Bot,  qui  tous  trois  ont  remporté  un  vif  et  unanime  succès.  La 


voix  de  M.  Isnardon  s'est  développée,  a  pris  une  belle  ampleur 
qui  a  fait  acclamer  d'enthousiasme  le  brillant  artiste.  M.  Rivarde 
a  joué  avec  une  très  belle  sonorité  et  avec  une  impeccable  justesse 
le  concerto  de  Mendclssohn  et  les  difTiciles  Airs  russes  d'H.  Wie- 
niawski.  C'est  certes  l'un  des  meilleurs  violonistes  de  la  jeune 
école.  M""  Bol  a  été,  de  même,  très  applaudie  pour  l'aisance  avec 
laquelle  elle  égrène  les  vocalises  les  plus  vétilleuses. 

Un  concert  extraordinaire,  exclusivement  consacré  à  la  musique 
française  moderne,  sera  donné  le  14  courant.  On  y  entendra 
notamment  le  prélude  el  deux  entr'actes  de  Kqradec,  la  nouvelle 
partition  écrite  par  V.  d'Indy  pour  un  dramo  breton,  VAndante 
de  la  symphonie  en  ré  mineur  de  G.  Fauré,  l'entr'acte  des 
Caprices  de  Marianne,  d'Ernest  Chausson,  Méditation  de  P.  de 
Bréville,  toutes  œuvres  exécutées  pour  la  première  fois  à 
Bruxelles,  et,  pour  finir,  la  Joyeuse  Marche  de  Clabrier,  qui 
fut  jouée  cet  hiver  aux  concerts  des  XX. 

Le  Club  symphonique  de  Bruxelles,  dirigé  par  M.  Agnie2,  don- 
nera dimanche  prochain  à  La  Louvière  un  concert  de  bienfaisance 
avec  le  concours  de  M""  F.  Gillieaux,  Céline  Blés  el  Malvina 
Schmidl. 

Le  succès  de  l'exposition  organisée  au  Musée  communal 
d'Ixelles  a  décidé  le  Comité  à  remettre  la  clôture  au  10  juillet. 

La  clôture  du  Salon  du  Champ  de  Mars  est  remise  également 
au  10  juillet.  

Le  nombre  de  visiteurs  du  Salon  de  V Association  pour  iart, 
qui  vient  de  clore  ses  portes,  a  été,  en  trois  semaines,  de  2,300, 
ainsi  répartis  : 

Entrées  payantes 800 

»      des  membres  souscripteurs  ....  700 

»      au  concert  (invitations) 200 

»      le  jour  de  l'ouveriure  (invitations)   .     .  600 

Total.     .    t     2,300 

Ce  chiffre  est  très  satisfaisant  pour  un  début  et  montre  l'intérêl 
avec  lequel  Anvers  a  accueilli  l'initiative  des  organisateurs. 

Plusieurs  œuvres  ont  été  acquises  par  des  amateurs.  Citons 
entre  autres  : 

A.  Delaherche.  Trois  vases  el  un  plat  (grès  flambés). 

G.  MoRREN.  Matinée  d'Avril;  Déclin  du  jour;  Jardin  public. 

P.  SiGNAC.  Les  barques  (Concarneau);  op.  221. 

W.  Thornley.  Album  de  lithographies  d'après  Degas. 

H.  Van  de  Velde  Paysage  puéril. 

Th.  Van  Rysselberghe.  Jeune  femme  cousant. 

Edouard  Dujardin,  l'auteur  du  Chevalier  du  passé,  d'après  le 
Figaro  : 

Fondateur  de  la  Revue  Indépendante  el  de  la  Revue  Wagné- 
rienne.  N'a  qu'un  vague  respect  pour  les  règles  ordinaires  dé  la 
poésie  et  terrifie  les  bookmakers.  A  renoncé  à  la  littérature  mili- 
lanle  et  l'a  remplacée  par  les  courses.  Se  conlenie  d'écrire  un 
drame  par  an,  en  des  vers  très  curieux,  mais  aussi  d'un  symbo- 
lisme féroce.  Pioche,  le  reste  du  temps,  les  pedigrees  et  les  han- 
dicaps. Ne  manquerait  pas  une  seule  représentation  de  Parsifal 
îi  Bayreuth,  mais  encore  moins  les  débuts  des  «  deux-ans  »  dans 
une  réunion  de  province.  Et  de  ce  mélange  de  littérature  singulière 
et  de  sport  à  outrance  résulte  un  homme  à  l'esprit  doux,  intelli- 
gent, spirituel,  aimé  de  ses  amis,  fidèle'  h  ses  haines,  qui  se 
promène  dans  la  vie  en  rêvant  et  en  pariant —  el  qui,  habitué  au 
symbolisme,  fait,  dit,  écrit  les  choses  les  plus  abracadabrantes 
sans  avoir  l'air  de  se  douter  des  monstruosités  qu'il  commet. 

Signes  particuliers  :  poète,  joue  parfois  ses  drames  lui-même; 
homme  de  sport,  porte  un  crayon  suspendu  à  une  chaîne  d'or. 

Le  Gil  Blas  ajoute  les  curieux  détails  ci-après  : 

Est  resté  légendaire  parmi  les  pèlerins  de  Bayreuth  avec  ses 
culottes  gris-perle  et  le  cor  annonciateur  où  il  sonnait  de 
lamentables  fanfares.  Stupéfie  aujourd'hui  les  «  toute  sorte  »  du 
turf  par  des  pardessus  extraordinaires.  Figure  au  Champ-de-Mars 
dans  le  Christ  du  peintre  Jacques  Blanche.  Signe  particulier  : 
A  les  poches  pleines  de  monocles  qu'il  laisse  continuellement 
tomber. et  ne  ramasse  jamais. 


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Douzième  année.  —  N°  28. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  10  Juillet  1892. 

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L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  »  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   iO.OO  ;  Union   postale,    fr.    13.00     —ANNONCES  :    On   traite  à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


Les  Pleureuses.  —  Léon  Donnay,  Séi-énité.  Tito  Zanaudelli,  In 
morte  di  Virginia.  — Au  Palais  de  justice.  '■ —  Les  Lettres  belges 
A  l'étranger.  —  L'exposition  du  théâtre  a  Paris.  —  Concoubs 
DU  Conservatoire.  —  Bihliographie  musicale.  —  Vente  de  la 
collection  Van  Brantegiiem.  —  Lf,s  .journaux  français  interdits. 
—  Petite  chronique. 

f 

g  LES  PLEUREUSES 

Les  larmes  sont  perles  races... 
1  Donne-moi  toute  la  parure  de  tes  yeux. 

Ad.  Willette. 

Tour  à  tour  interpellées  par  ce  correct  Chevalier  du 
passé,  Louis  de  Casembroot,  les  Floramyes  s'avançaient 
sur  l'estrade.  Oui,  c'était  bien  Aurea,  dans  sa  robe 
couleur  de  soleil,  la  tête  casquée  d'une  opulente  cheve- 
lure sombre;  c'était  Rosea,  rougissante  et  pudique; 
c'étaient  Gemrpea  et  Siderea,  aux  mouvantes  et  légères 
draperies  tanagréennes.  Et  tandis  qu'elles  s'offraient, 
résignées,  aux  regards  sévères  des  Voyageurs  impassi- 
bles, symbole  de  l'incorruptible  aréopage,  des  larmes 
abondantes  coulaient  de  leurs  yeux  frangés  de  cils  pro- 
voquants, et  sous  la  gaze  lamée  de  soie  de  l'himation, 
des  sanglots  battaient  le  rythme  d'une  amère  douleur. 


C'est  qu'on  venait  de  leur  rappeler,  à  ces  vierges 
timides,  que  leur  chant  avait  été  couronné  d'un 
deuxième  prix  l'an  passé,  et  le  souvenir  de  cette  légitime 
récompense  leur  semblait  une  cruelle  ironie.  On  le  leur 
rappelait  «  avec  distinction  ",  il  est  vrai,  mais  ce 
vocable,  elles  s'en  souciaient  comme  du  papier  argenté 
qui  enveloppe  les  dragées  Suchard.  Et  le  Chevalier  du 
passé  avait  beau  moduler  avec  les  inflexions  les  plus 
caressantes  de  sa  voix  timbrée  la  qualification  adoucis- 
sante, la  blessure  n'en  était  pas  moins  douloureuse. 

Embusquée  dans  une  baignoire  d'où  elle  avait  suivi  avec 
anxiété  les  péripéties  du  drame  intime,  M™*'  Manchabalie 
montrait  le  poing  au  catadème-président.  «  C'est  une 
indignité  !  C'est  une  infamie  !  Il  n'y  a  plus  de  justice  !  » 
hurlait-elle,  accentuant  ses  observations  d'épithètes 
empruntées  à  des  vocabulaires  non  renseignés  dans 
le  dictionnaire  de  l'Académie.  Et  M.  Cardinal,  son 
voisin,  excitait  cette  généreuse  colère  par  quelques 
mots  scandés  avec  autorité  :  "  Je  vous  l'avais  bien  dit, 
M™®  Manchabalie.  Votre  Caroline  a  voulu  faire  sa  tête 
en  refusant  de  souper  avec  un  membre  du  jury.  Il  ne 
faut  janaais  contrarier  ces  messieurs.  —  Est-ce  sa  faute 
si  Caroline  aime  son  petit  ténor  et  n'a  pas  voulu  lui 
faire  de  peine?  —  Et  votre  Rébecca  a  dit  à  toutes  ses 
amies  qu'elles  étaient  bien  bêtes  de  dépenser  leur  argent 
à  des  leçons  particulières.  Les  professeurs  n'aiment  pas 
cet  esprit  frondeur.  —  Ah!  ça,  croyez-vous,  M.  Car- 


< 


218 


U ART  MODERNE 


dinal,  que  les  pièces  de  douze  francs  cinquante  poussent 
entre  les  carreaux  de  ma  cuisine?  Jai  dû  gratter  assez 
pour  payer  à  Rébecca  une  robe  crème,  des  bottines 
neuves  et  pour  faire  laver  ses  gants,  sans  compter  une 
méthode  de  chant,  des  éditions  Lemoine  et  d'autres 
instruments  de  travail  !  »  .'         ■ 

Et  durant  ce  colloque,  le  défilé  des  Pleureuses  conti- 
nuait, déroulant,  aux  évocations  berçantes  du  Chevalier 
du  passé,  d'harmonieuses  théories  de  jeunes  filles  sous 
l'œil  des  diétètes  inflexibles.  Au  dernier  nom  appelé,  ce 
fut  une  explosion  de  larmes,  une  rupture  de  digues,  une 
inondation,  qui  souleva  l'attendrissement  du  Chœur  lui- 
même,  quelque  habitude  qu'il  eût  de  ces  attristants 
spectacles.  Et  c'est  en  proie  à  la  plus  vive  émotion  que 
la  foule  s'écoula  lentement,  accompagnant  de  ses 
exhortations,  de  ses  condoléances,  de  petits  mots 
tendres  et  même  de  discrets  baisers  les  fauvettes  rete- 
nues captives,  pour  une  année  encore,  dans  la  cage 
frémissante  de  gazouillements  et  de  soyeux  bruits 
d'ailes. 

Elles  pleuraient  aussi,  celles  que  l'intègre  dicastère 
avait  proclamé  lauréates  et  devant  qui  s'écartaient 
librement  les  barreaux.  Elles  pleuraient  sur  le  malheur 
de  leurs  compagnes,  sans  doute.  Qui  oserait  supposer 
que  le  dépit  de  n'avoir  pas  obtenu  la  distinction  gon- 
flait le  cœur  de  celles  à  qui  le  premier  prix  venait  d'être 
décerné?  Et  comment  croire  que  les  jolies  oiselles  à  qui 
de  spéciales  mentions  avaient  été  libéralement  distri- 
buées enrageaient  de  ne  s'en  être  pas  vu  décerner  de 
plus  hautes  encore?  La  modestie  bien  connue  des 
artistes,  et  des  chanteuses  en  particulier,  écarte  d'em- 
blée tout  soupçon. 

Cependant,  des  groupes  s'étaient  formés  où  l'on  com- 
mentait avec  animation  les  décisions  de  l'incorruptible 
jury.  Un  phonasque  justement  réputé  par  l'excellence 
de  son  enseignement  semblait. contrarié  de  l'attribu- 
tion qui  venait  d'être  faite  à  deux  débutantes,  sorties 
d'une  classe  où  il  ne  professait  point,  du  prix  spécial 
institué  par  une  très  noble  dame  pour  le  plus  harmo- 
nieux mariage  de  deux  voix  féminines,  —  prix  consistant 
en  un  joyau  dont  les  jeunes  cantatrices  se  montrent 
friandes.  «  L'Italie  nous  a  vaincus,  »  disait-il,  faisant 
allusion  à  la  nationalité  du  vieil  auteur  dont  l'œuvre 
avait  triomphé.  Aussitôt  les  langues  (les  plus  mau- 
vaises) se  délièrent,  et  l'on  insinua,  pour  consoler  le 
digne  maître,  que  si  l'Italie  triomphait,  c'était  parce  que 
le  Chorège  lui-même  avait  pris  soin  de  transcrire  et 
d'harmoniser  les  inspirations  du  vieil  auteur,  ce  dont 
les  membres  du  dicastère  s'étaient,  comme  de  juste, 
préoccupés  dans  l'allocation  des  récompenses. 

Un  groupe  nombreux  répliqua  que  les  aristarques 
n'avaient  tenu  aucun  compte  des  combinaisons  parti- 
culières du  Chorège,  et  que  seule  les  avait  charmés  la 
voix  captivante  des  sirènes  victorieuses.  Il  y  eut  de 


vertes  ripostes,  et  l'on  faillit  voir,  tant  la  discussion 
prit  une  tournure  de  débats  parlementaires,  des  sphen- 
donés  arrachées  par  des  mains  brutales  et  le  sakkos 
de  plus  d'une  voler  ailleurs  que  par-dessus  les  habituels 
moulins. 

Le  grave  M.  Cardinal  arrêta  net  la  querelle  en  disant 
à  haute  voix  à  M™''  Manchaballe,  à  qui  il  avait  poliment 
offert  le  bras  :  «Ce  qui  dégoûtera  nos  filles  de  leurs 
rivalités  puériles,  c'est  l'enfantillage  de  leurs  maîtres  " . 

On  se  tut.  Le  phonasque  donna  ordre  qu'on  fit  avan- 
cer un  fiacre  et  disparut,  tandis  que  ses  partisans  et  ses 
adversaires  se  dispersaient  dans  diverses  directions. 
•  Dans  l'entrebâillement  d'une  porte  assiégée  par  une 
foule  tumultueuse,  des  Floramyes  éplorées  distribuaient 
à  la  volée  d'énergiquesembrassades,  mouillées  de  larmes. 
M™"  Manchaballe  avait  rattrapé  Caroline  et  Rébecca  et 
s'appliquait  à  leur  sécher  les  yeux,  tandis  que  Judith, 
l'aînée,  sortie  des  classes  depuis  trois  ans  et  déjà  engagée 
à  cent  francs  par  mois  au  théâtre,  leur  tapotait  douce- 
ment le  dos  en  disant  :  «  Pleurez  plus,  petites  sœurs. 
Au  Conservatoire,  c'est  comme  au  régiment.  On  arrive 
à  son  tour  de  bête  ". 

M'"*'  Manchaballe  enveloppa  soigneusement  ses  filles 
dans  leurs  chitons  bleu-marine,  rajusta  leurs  ténies  et 
les  poussa  vers  la  rue  Watteau,  qu'une  édilité  totale- 
ment étrangère  aux  arts  s'obstine  à  dénommer  rue 
Watteeu. 

Et  tout  en  marchant,  la  digne  femme  exposait  ses 
vues  à  M.  Cardinal.  «  J'en  ai  assez  de  leur  sale  boîte, 
disait-elle.  Le  Conservatoire  ?  Vous  savez  bien  que 
Judith  n'y  a  rien  conservé  du  tout.  Feu  M.  Mancha- 
balle a  tenu  à  ce  que  ses  filles  deviennent  des  artistes, 
parce  que  comme  ça,  on  ne  dira  pas  que  ce  sont  des 
cocottes.  Les  cantatrices,  n'est-ce  pas,  ça  peut  avoir  un 
protecteur,  même  des  amants,  et  personne  n'a  rien  à  y 
voir.  On  les  reçoit  quand  même  dans  le  monde,  on  les 
invite  à  dîner,  Les  messieurs  chics  sont  tout  fiers  de  se 
montrer  avec  elles,  ils  entrent  dans  leur  loge  au  théâtre, 
devant  tout  le  monde.  Tandis  que  les  autres!...  On  leur 
envoie  de  loin  un  petit  bonjour  impertinent,  et  puis, 
mon  cœur!...  C'est  tout  au  plus  si  aux  courses  on 
se  risque  à  leur  ofïrir  un  verre  de  Champagne  et  au 
Waux-Hall  un  sherry-cobbler.  Encore  faut-il  qu'elles 
se  tiennent  au  fond  du  jardin,  dans  l'Arabie,  comme 
ils  appellent  ça. 

Malheur  !  Est-ce  qu'elles  valent  moins  que  celles  qui 
gazouillent?  Est-ce  que  les  hirondelles  ne  sont  pas  des 
oiseaux  du  bon  Dieu,  comme  les  mésanges  et  les  rossi- 
gnols? Mais  enfin,  c'est  comme  ça,  il  n'y  a  pas  à 
rechigner.  J'ai  donc  été  de  l'avis  de  M.  Manchaballe, 
car  moi,  vous  savez,  M.  Cardinal,  je  tiens  avant  tout  à 
la  considération. 

—  Vous  avez  raison.  M""®  Manchaballe. 

—  Eh  bien  !  est-ce  que  ce  n'est  pas  une  honte  d'em- 


V 


pêcher  mes  filles  d'exercer  honnêtement  leur  métier? 
Qu'est-ce  que  ça  peut  leur  faire  que  Caroline  mette  de 
temps  en  temps  un  bémol  de  plus,  et  que  Rébecca  ajoute 
des  fioritures  à  ses  airs?  Quand  elles  entreront  au 
théâtre,  jolies  comme  elles  sont,  est-ce  qu'on  y  regardera 
de  si  près  ?  Ah  I  le  premier  prix ,  quelle  blague  !  Est-ce 
qu'elle  a  eu  le  premier  prix,  cette  Delna,  qui  servait  des 
bocks  il  y  a  six  mois  et  qui  affole  tout  le  monde  à  l'Opéra- 
Comique?  Et  Yvette  Guilbért,  est-ce  qu'elle  ne  se  fiche 
pas  mal  du  Conservatoire?  Est-ce  qu'elle  ne  s'en  est 
pas  fichu  toute  sa  vie?  Aussi,  je  suis  bien  décidée. 
Je  reprends  mes  filles.  Elles  feront  tout  ce  qu'elles  vou- 
dront, et  elles  réussiront,  je  vous  en  donne  mon  billet. 
Elles  sont  assez  intelligentes  pour  ça,  et  je  les  ai  bien 
élevées.  Mais  le  Conservatoire,  nisco!  Je  n'en  ai  pas 
assez,  j'en  ai  de  trop  !  C'est  bon  pour  les  gobeurs  et  les 
journalistes,  cette  plaisanterie  des  distinctions,  des  rap- 
pels, des  prix.  Pauvres  chéries!  Ça  ne  sert  qu'à  les 
faire  pleurer,  à  leur  abîmer  les  yeux. 

—  Je  ne  puis  pas  vous  donner  tort.  M""*  Manchaballe. 

—  Ecoutez-moi,  M.  Cardinal.  Qu'on  enseigne  le 
chant  aux  jeunes  filles,  c'est  très  bien.  Qu'elles  appren- 
nent ça  comme  la  couture,  comme  le  repassage,  comme 
à  faire  une  addition,  je  n'y  vois  pas  de  mal.  Celles  qui 
ont  des  dispositions  seront  vite  engagées.  Mais  qu'on 
convoque  tout  Bruxelles  pour  leur  dire  à  la  figure  : 
«  Vous  êtes  une  oie;  retournez  chez  vous  remailler  vos 
bas  ",  c'est  scandaleux.  Est-ce  qu'on  traité  comme  ça 
les  peintres,  les  agents  de  change,  les  architectes,  les 
négociants,  les  écrivains?  Je  voudrais  bien  qu'on  fasse 
un  concours  de  journalistes,  pour  voir  ceux  qui  ne 
diraient  pas  d'âneries  ! 

—  Vous  oubliez  une  chose,  M""^  Manchaballe.  C'est 
que  les  concours  d'élèves,  ce  sont, au  fond,  des  concours 
de  professeurs.  Les  élèves,  c'est  comine  les  malades  dans 
les  hôpitaux  :  cela  sert  aux  expériences  des  internes. 
Mais  vous  voilà  chez  vous.  Bonsoir,  M""^  Manchaballe, 
au  plaisir  de  vous  revoir.  »         :  - 


Sérénité. 

Sérénilc  Irislo,  par  exemple,  irislo  mais  simple.  Si  simple 
qu'elle  nous,  louche.  En  nous  conlanl,  dans  ccUe  langue  sans 
recherche  el  presque  sans  adjectifs,  un  peu  de  sa  vie,  le  j(>une 
poèlc  n'a  pas  pensé  à  nous;  il  écrit  pour  lui-même;  il  le  dit  en 
commençant,  «  il  se  dédie  ce  livre,  très  simplement  ».  Et  nous 
nous  y  retrouvons  avec  tous  nos  plus  grands  et  nos  plus  vagues 
désirs,  exprimés  comme  il  semble  que  nous  le  ferions  si  nous 
pouvions  rester  enfanls  et  sincères  en  vieillissant.  Je  ne  peux  pas 
vous  expliquer  le  charme  doux  et  intime  de  ce  petit  livre,  où  les 
impressions  sont  nolces  sans  effort  apparent  et  dont  la  prof  m- 
deur  se  mesure  à  quelque  chose  qui  est  en  nous. 

C'est  plein  de  pitié  pour  les  «  humbles,  les  derniers,  les 
petits  >',  de  queslion.s  angoissées  que  tout  homme  se  pose  el  que 


beaucoup  essaient  de  résoudre  avec  leur  esprit  pour  ne  plus 
entendre  le  bruit  de  leur  instinct  ;  elde  mots  comme  cetix-là  : 

Ijaissey.  l'aire  la  Mort 
Quand  In  Mort  a  pitié 

ou  d'ironie,  comme  dans  «  Prudence  »,  «  Exhortation  »,  «  la 
Châsse  »,  et  de  tant  d'autres  choses  vivantes  qu'on  sent  tous  les 
joûïs  et  qu'une  existence  mauditement  compliquée  vous  empoche 
d'exprimer. 

Comment  dire  plus  simplement  que  dans  «  Amitiés  »  notre 
sourde  intuition  qu'un  sentiment  plus  fort  que  les  autres  nous 
meltra  sur  le  chemin  des  secrets  cherchés  ? 

.I';ii  clans  mon  corveau  d'homme 
D'iii)rcs  curiosités. 


Chez  moi  l'œil  ment  i 

A  l'osiirit. 

Jo  voudrais  vous  luer 

Net 
D'un  coiip  de  kriss 
Ou  (le  dague. 
D'un  coup  d'arme  romanesque 
Pour  éprouver  ce  qu'on  ressent 
A  voir  couler  votre  sang, 
Râler  un  ami  comme  vous 
One  j'aime  plus  que  la  lumière, 
Pour  qui  je  donnerais 
Tout 
Sans  compter. 

Comme  dirait  Emerson,  je  crois  que  M.  Donnay  a  mis,  ainçi 
que  des  choses  précieuses,  ses  pensées  dans  le  plus  petit  écrin 
possible.  —  Toute  une  vie,  toute  une  nature  se  révèle  dans  cette 
silhouette  dessinée  par  les  mots  sans  orgueil  de  son  livre. 

Tout  art  sincère  est  une  révélation  de  l'homme  à  l'homme. 

Les  Donnay.  Je  n'en  connais  qu'un  et  j'ai  lu  le  livre  de  l'autre, 
je  n'ai  jamais  vu  deux  artistes  plus  frères.  Ils  curent  le  même 
père,  le  sculpteur  Donnay.  Dans  tous  deux,  Auguste  Donnay  le 
peintre,  el  Léon  Donnay  l'écrivain,  domine,  sans  théorie  ni  appa- 
rence de  système,  cet  instinct  du  simple  qui  les  rend  si  person- 
nels, à  notre  époque  compliquée,  ils  semblent,  comme  César 
Franck,  ne  pas  avoir  passé  par  le  désarroi  intellectuel  qui  a  lue  nos 
vieilles  fois. 

Pendant  que  nous  sommes  tourmentés,  anxieux,  passionnés,  ils . 
ont  l'âme  plus  calme,  plus  Irisie;  il  y  a  quelque  chose  de  plus 
intime  dans  leur  art,  de  plus  sereinement  religieux  aussi.  —  Parce 
qu'ils  ne  veulent  pas,  en  fiers  artistes  qu'ils  sont,  faire  de  l'art  un 
moulin  tourné  par  ce  moteur  slupide  :  la  machine  cérébrale,  ils 
se  sont  instinctivement  éloignés  de  cette  hélice  pensante  qui  tra- 
vaille péniblement  aux  évolutions  humaines  et  qui  broie,  en  avan- 
çant, tant  d'êlres  fascinés  par  elle. 

Ils  restent  où  ils  sont.  Etrangement  intuitifs,  ils  étudient  les 
retlux  de  la  machine  conirale  dans  ses  derniers  remous,  les  petits, 
les  humbles.  On  dirait  qu'ils  sont  sur  une  autre  rive  que  celle  où 
nous  essayons  d'atterrir.  Est-ce  pour  cela  que  leur  vision  a  plus 
d'unité,  que  les  panneaux  décoratifs  d'Auguste  et  les  vers  de  Léon 
ont  ces  grandes  lignes  simples? 

Leur  temps  est-il  venu  de  briller?  Nous  les  ignorerons  peut-être 
encore  Imiglemps  pour  les  retrouver  quand  nous  aussi,  fatigués 
de  nos  gigantesques  lutlcs,  nous  aurons  pris  pied  pour  quelques 
séculaires  moments  sur  une  terre  forme,  car  toutes  les  terres 
fermes  communiquent;  les  lois  qui  nous  y  ramènent  sont  les 
m'êmos  que  celles  qui  nous  en  ont  lanl  de  fois  éloignés. 

I.  VV. 


220 


L'Art  moderne 


In  morte  di  Virginia,  trécento  sonetti  di  TrTo  Zanardelli. 
Bruxelles  J.  Morel,  39  p. 

M.  Tito  Zanardelli,  par  ses  éludes  si  judicieuses  sur  nos  dia- 
lerAes  populaires,  nous  a  montré  qu'il  s'est  assimilé  les  idiomes 
de  son  acluelic  résidence  ;  mais  les  vers  italiens  qu'il  nous  envoie 
prouwnt  qu'il  n'a  en  rienr  perdu  l'amour  de  la  belle  langue  ove  il 
si  suo7ia.  Les  sonnets  qu'il  consacre  à  la  mémoire  de  sa  jeune 
femme  nous  dépeignent  une  douleur  qui  s'exhale  mais  ne 
s'apaise  pas. 

«  Son  ûmc  frémissanle  insulte  au  sort  cruel!  » 
L'aima  fremenle  insulta  al  reo  destina. 


AU  PALAIS  DE  JUSTICE 

Le  concours  pour  la  porte  de  bronze. 

Un  conflit  assez  sérieux  vient  d'éclater  entre  les  archilccles  et 
le  Ministère  des  travaux  publics  au  sujet  du  concours  ouvert 
récemment  par  l'administration  des  Bùlimenls  civils  pour  la  com- 
position de  la  grande  porte  en  bronze  du  Palais  de  Justice,  si 
impatiemment  attendue  depuis  dix  ans. 

La  situation  actuelle  n'est  pas  sans  analogie  avec  celle  dont 
nous  avons  révélé,  les  premiers,  les  bizarres  détails  lors  du 
concours  fameux  ouvert  par  la  Ville  de  Bruxelles  pour  les  mûls 
électriques  de  la  Grand'PIace;  ici  comme  là,  même  gftchis  dans  la 
rédaction  du  programme  et  des  conditions  de  la  lutte,  mêmes  pré- 
tentions outrecuidantes  d'un  jury  inacceptable   par  les  concur- 
rents, même  extorsion,   à  vil  prix,   de  documents  d'art  dont 
l'Administration  se  réserve  la  faculté  de. tripatouillage...  Tout 
cela  a  été  mis  excellemment  en  lumière  dans  une  protestation 
adressée  au  minisire  De  Bruyn  par  la  Société  centrale  d^architec- 
ture,  toujours  sur  la  brèche,  et  que  nous  nous  plaisons  à  féliciter 
derechef  de  la  vaillance  bcUemenl  hautaine  qu'elle  déploie  dans  la 
défense  des  malheureux  artistes  aux  droits  iniquement  méconnus. 
Alors  que  la  porte  doit  coûter  60,000  francs,  les  feâliments 
civils  offrent,  comme  appât  aux  architectes,  deux  primes  de 
4,000  francs  et  de  bOO  francs,  et  biffent  d'emblée  les  3,000  francs 
d'honoraires  qui,  pour  le  concurrent  palmé,  ne  constitueraient 
qu'une  faible  indemnité  allouée  à  une  étude  spéciale  et  vétilleuse. 
De  plus,  ils  se  réservent  l'exécution  des  détails,  la  direction  de  la 
confection  des  modèles  et  maquettes,  bref  tout  le  côté  technique 
d'une  œuvre  où  l'artiste  peut  faire  montre  de  son  goût,  de  sa 
science,  indiquer  son  style,  sa  manière  propre,  livrer  au  public 
l'intimilé  de  son  moi,  sa  personnalité  entière  toute  palpitante  de 
celte  soif  de  vérité  et  de  modernisme  qui  en  sont  le  grand 
charme.  C'est  tout  cela  que  l'Administration,  en  son  ignorance, 
biffe  pour  le  remplacer  par  une  exécution  hâtive,  impersonnelle, 
où  dix  mains  auront  œuvré  et  dont  l'amour-propre  et  la  dignité 
seront  absentes  :  pareille  prétention  est  excessive  el  ne  peut, 
venant  de  l'Elal,  être  tolérée  à  aucun  prix. 

Ce  qui  est  encore  plus  grave,  c'est  le  mépris  affiché  pour  la  loi 
internationale  sur  le  droit  d'auleur  dont  les  principes  sont 
absolument  méconnus  dans  l'arlicle  suivant  du  programme  du 
concours  : 

K  Les  deux  projets  primés  resteront  la  propriété  de  l'Etat  qui 
«  se  réserve  soit  de  faire  exécuter  le  projet  classé  premier,  soit 
«  de  le  laisser  sans  suite  s'il  le  juge-convenable  {!!!) 


«  Le  gouvernement  pourra  d'ailleurs  utiliser  comme  il  le  trou- 
«  vcra  bon  les  dispositions  d'ensemble  ou  de  détail  des  deux 
«  projets  primés,  en  les  combinant  à  son  gré  avec  la  disposition  de 
«  tel  ou  tel  autre  projet  (.'.'/)  Il  se  réserve  aussi  de  modifier  le 
«  projet  classé  premier,  etc..  » 

On  croit  rêver  en  lisant  pareilles  absurdes  conditions,  inaccep- 
tables pour  quiconque  a  souci  de  sa  dignité  Aussi  convions-nous, 
à  la  suite  de  la  Société  centrale  d'architecture,  tous  les  artistes 
à  pousser  de  vigoureuses  clameurs  de  protestation,  qui  décide- 
ront le  ministre  à  déchirer  le  programme  et  qui  lui  montreront 
le  côté  ridicule  de  l'aventure  dans  laquelle  l'ont  entraîné  ses  ingé- 
nieurs. Car  ce  sont  les  très  artistes  ingénieurs  des  Ponts  el 
chaussées  qui  ont  monté  ce  joli  coup. 

N'est-ce  pas  le  cas  de  rappeler  ce  mot  de  Frantz  Jourdain  : 
«  Si  vous  rencontrez  un  ingénieur,  tuez-le!  » 

En  matière  d'art,  c'est  presque  un  axiome. 


LES  LETTRES  BELGES  A  L'ETRANGER 

Nul  écrivain  n'est  prophète  dans  le  beau  pays  de  Belgique.  On 
dirait  vraiment  que  le  Belge  réserve  tout  son  esprit  à  l'améliora- 
tion de  la  race  chevaline,  à  la  culture  de  la  betterave  et  h  la  ques- 
tion des  tramways.  Rien  n'est  accordé  aux  choses  de  l'esprit.  11  y 
a,  certes,  dans  notre  pays,  une  élite  raffinée,  un  groupe  de  très 
délicats  aux  nobles  et  purs  enthousiasmes,  mais  en  dehors  de  ces 
eslhètesi  c'est  le  vide  absolu,  le  néant  où  plus  rien  ne  retentit. 

11  est  inutile  de  répéter  encore  que  Camille  Lemonnier  et  Mau- 
rice Maeterlinck  ont  dû  être  consacrés  par  là  France  avant  que 
leurs  compatriotes  daignassent  s'occuper  d'eux. 
■  Qu'une  œuvre  de  valeur  paraisse  ici,  on  fait  l'obscurité  autour 
d'elle,  elle  passe  au  milieu  de  l'indifférence  —  et  les  écrivains  sont 
des  solitaires,  ayant  depuis  longtemps  d'ailleurs  rompu  toute 
attache  avec  la  gent  politiquailleuse  et  pratique  qui  évolue  autour 
d'eux. 

Ainsi,  encore,  dans  /«  Société  nouvelle,  l'excellente  revue  de 
M.  Fernand  Brouez,  a  paru  une  très  remarquable  et  longue  élude 
de  M.  Georges  Eckhoud  :  Le  Siècle  de  Shakespeare. 

Personne  n'en  a  parlé  ici.  Evidemment  !  Mais  plusieurs  revues^ 
françaises  ont  fait  grand  éloge  de  celte  œuvre,  et  la  République 
française  lui  consacre  un  feuilleton  de  huit  colonnes,  signé  Paul 
Ginisly. 

«  Depuis  quelque  temps,  dit  M.  Ginisly,  nous  avions  le  désir 
de  parler  de  l'altachanl  et  vivant  travail  de  M.  Georges  Eekhoud 
sur  l'état  du  théâtre  anglais  au  moment  où  arriva  Shakespeare. 
Le  tableau  est  intéressant  par  sa  couleur  pittoresque,  cl 
M.  Eekhoud  ressuscite  bien  le  vieux  Londres  du  xvi"  siècle,  dédale 
de  rues  noires  et  tortueuses,  ville  déjà  démesurée,  aux  mœurs 
dures  el  presque  farouches,  pleine  de  bouges  et  de  repaires,  per- 
pétuellement décimée  par  la  peste.  Cette  peinture  avait  été  magni- 
fiquement ébauchée  par  Hugo  dans  son  William  Shakespeare; 
M.  Eekhoud  s'est  plu  à  la  précision  des  détails.  » 

M.  Ginisly  analyse  ensuite  le  travail  considérable  de  noire  com- 
patriote. ■ 

«  Il  y  aurait  encore  beaucoup  à  glaner,  dil-il  en  terminant  son 
feuilleton,  dans  ces  intéressantes  notes,  sur  un  sujet  qui,  dans 
notre  langue  du  moins,  est  loin  d'avoir  été  épuisé.  Rien  n'esl 
curieux  comme  de  suivre  dans  ses  premiers  tâtonnements  un  art 
qui,  avec  Shakespeare,  va  tout  à  coup  s'élever  ci  haut.  »    ^ 


LkRT  MODERNE 


221 


L'EXPOSITION  DU  THEATRE  A  PARIS 

On  s'occupe  aclivement  à  Paris  d'un  curieux  projet  d'exposition 
pour  1893.  L'auteur  est  M.  Gailhard,  ancien  directeur  de  l'Opéra, 
auquel  s'est  associé  M.  Bouvard,  l'architecte  de  l'exposition 
de  1889. 

Voici  î»  grands  traits  les  principales  lignes  du  programme 
soumis  par  MM.  Gailhard  et  Bouvard.    ' 

Sous  la  Tour  Eiffel,  scène  en  plein  air  avec  représentations  de 
mystères  et  de  pastorales. 

Galerie  des  Machines,  théAtre  nautique  au  milieu  d'un  décor 
représentant  Venise  avec  spectacle  des  fiançailles  du  Doge  et  de 
l'Adriatique;  l'installation  offrant  cette  particularité  que  les  spec- 
tateurs seront  en  gondoles  sur  un  mè4re  d'eau. 

Sous  le  Dôme,  grand  théâtre  d'opéra  moderne  avec  représen- 
tations diurnes  des  principaux  chefs-d'œuvre  de  l'art  musical 
contemporain  par  les  meilleures  troupes  italiennes,  russes,  amé- 
ricaines et  françaises.  Le  soir,  grands  ballets  reproduisant  l'his- 
toire de  la  danse. 

Galerie  de  trente  mètres,  installation  d'un  théâtre  de  genre 
pour  les  œuvres  littéraires,  d'oi)éra  comique  et  d'opérette  consa- 
crées par  le  succès. 

Création  d'une  salle  de  concerts  symphoniques. 

Exposition  dans  les  galeries  de  tous  les  inslrumenls  de  musique, 
depuis  l'origine  la  plus  éloignée;  arts  et  industries  se  rattachant 
au  théâtre,  aux  costumes  et  aux  décors. 

Reconstruction  du  Théâtre  d'Orange,  pour  représentations  de 
l'art  dramatique  grec,  et  des  Arènes  d'Arles,  où  auront  lieu  des 
combats  de  gladiateurs,  courses  de  chars  et  jeux  gymniques. 

Enfin,  dans  le  jardin,  reproduction  de  la  foire  de  Nijni-Nov- 
gorod  avec  salle  de  bal  centrale  et  reconstitution  de  l'histoire  de 
la  danse. 

11  va  sans  dire  que  les  principales  troupes  de  l'ancien  et  du 
nouveau  conlinenl  seraient  conviées  sur  les  diverses  scènes  élevées 
à  cet  effet  ;  que  les  meilleurs  corps  de  ballets  russes,  italiens  et 
français  seraient  appelés  à  se  produire,  et  que  Te  concours  des 
plus  grands  artistes  de  chant,  de  drame  et  de  chorégraphie 
d'Europe  et  d'Amérique  est -d'ores  et  déjh  assuré  aux  organisateurs 
de  cette  magnifique  exhibition  internationale,  qui  a  jusqu'ici 
rencontré  dans  les  centres  politiques,  industriels  et  artistiques  la 
faveur  la  plus  marquée.  Pour  ce  que  l'amour  du  théâtre  est  inné 
en  France  et  qu'après  Vienne  il  reste  encore  beaucoup  de  choses 
intéressantes  b  daner. 


CONCOURS   DU   CONSERVATOIRE  (i) 

Chant  monodique  (hommes).  —  Professeur  :  M.  Warnots. 
If*  mention,  M.  Devaux;  2"'«  mention,  MM.  Bernstiel  etGoossens. 

Chant  théâtral  (jeunes  filles).  —  Professeurs  :  M"'"  Cornélis- 
Servais,  M.  Warisots.  1"  prix  avec  distinction,  M^'"  Hendrickx 
(Warnots);  1"  prix,M'i«»Thévenel  (Cornélis)  et  Van  Hoof(Warnols); 
rappel  avec  distinction  du  deuxième  prix.  M"**  de  Kozoubsky, 
Van  Langendonck,  Vliex  et  Vranckx  (Warnots);  S"»*  prix  avec  dis- 
tinction, M"«»  Kleyn  et  Marin  (Cornélis);  a-"*  prix.  M"»  Fréchel 
(Warnots). 

(1)  Suite.  Voir  nos  trois  derniers  numéros. 


Prix  de  la  Reine  (duos),  M"«^'  Thévenet  et  Kleyn. 

C'esi,  de  toutes  les  concurrentes,  M"»  Thévenet  qui  a  été  le  plus 
favorablement  accueillie  par  le  public,  et  nul  doute  qu'elle  eût 
obtenu,,  outre  son  premier  prix,  une  «  distinction  »,  si  elle  eût 
fait  un  plus  long  stage  au  Conservatoire. 

On  sait,  en  effet,  que  l'assiduité  dans  la  fréquentation  des 
cours  vaut  h  elle  seule  un  certain  nombre  de  points,  La  voix  de 
M""  Thévenet,  appréciée  l'hiver  dernier  aux  XX,  est  d'un  joli 
timbre  et  l'artiste,  dont  le  physique  est  charmant,  chante  avec 
goût,  en  musicienne  déjà  fort  loin  des  tâtonnements  d'une  élève. 
On  a  fait  aussi,  et  avec  justice,  un  vrai  succès  à  M"*  Van  Hoof,  qui 
a  obtenu  d'emblée,  comme  la  précédente,  son  premier  prix.  La 
jeune  cantatrice  donne  de  sérieuses  espérances.  La  façon  dont 
elle  a  interprété  Tair  des  «  Colombes  »  de  Salammbd  révèle  une 
nature  personnelle  des  plus  intéressantes. 

Enfin  M"*  Hendrickx,  fille  du  directeur  du  Théâtre  Flamand,  a 
plu  par  la  belle  qualité  d'un  contralto  de  choix  qui,  lorsqu'il  sera 
plus  complètement  assoupli,  classera  la  cantatrice  parmi  les 
artistes  de  marque. 

A  citer  encore  la  voix  agréable  de  M"*  K!eyn,dont  l'articulation 
est  insuffisante,  le  soprano  dramatique  de  M""  Marin,  le  soprano 
léger  de  M""  Fréchel,  les  vocalises  aimables  de  M""  Van  Damme, 
pour  qui  le  jury  s'est  montré  sévère  en  lui  refusant  toute  mention. 
Il  y  a  eu,  à  la  sortie,  et  déjà  sur  l'estrade,  dès  la  proclamation 
des  résultais,  d'attendrissantes  scènes  de  larmes,  qui  n'étaient, 
hélas!  pas  toutes  des  larmes  de  joie  et  qui  ont  provoqué  dans  la 
cour  du  Conservatoire  des  manifestations  diverses,  prolongées  rue 
de  "là  Régence,  dans  le  brouhaha  d'une  sortie  exceptionnellement 
tumultueuse.  .  . 


BIBLIOGRAPHIE  MUSICALE 

La  littératiire  du  piano,  par  M.  F.  Le  Couppey  (1). 

M.  Félix  Le  Couppey,  professeur  de  piano  au  Conservatoire  dçr 
Paris,  est  mort  avant  d'avoir  pu  achever  l'important  ouvrage 
auquel  il  travaillait  depuis  longtemps  et  qui  devait  embrasser,  en 
un  ouvrage  didactique  et  historique,  tous  les  maîtres  qui  ont 
écrit  pour  le  piano,  —  y  compris  ceux  des  époques  lointaines  où 
nos  Erard,  nos  Steinway  et  nos  Gunihcr  se  présentaient  aux  vir- 
tuoses sous  la  forme  rudimehtaire  de  la  virginale,  de  l'épinelte  et 
du  clavecin.  11  avait  terminé,  lorsque  la  mort  vint  le  surprendre, 
la  première  partie  de  cette  vaste  anthologie,  et  c'est  cette  première 
partie  que  l'éditeur  Uamelle  vient  de  mettre  en  vente. 

C'est,  pensons-nous,  la  série  la  plus  intéressante  de  notices  et 
de  documents  qui  nous  est  ainsi  révélée.  Parlant  des  clavecinibtes 
du  XVI®  siècle  sur  lesquels  les  renseignements  sont  rares  et  incer- 
tains :  William  Byrd,  John  Bull,  Orlando  Gibbons,  M.  Le  Couppev 
passe  en  revue  tous  les  maîlresdes  xvu«  et  xviii*  siècles,  les  Lulli,  les 
Couperin,  les  Scarlalti,  les  Rameau,  les  Marcello,  lesPorpora,  les 
J.-S.  Bach,  les  Hsendel,  les  Haydn,  les  Clemcnli,  les  Mozart,  et 
non  content  de  citer  les  plus  illustres,  il  recherche  et  lire  de 
l'oubli  d'éminenls  musiciens  qtic  l'ignorance  ou  l'ingratitude  de 
leurs  contemporains  n'a  pas  classés  au  rang  qu'ils  méritent 
d'occuper. 

La  Littérature  du  piano  s'arrête  à  Beethoven,  avec  une  incur- 
sion dans  la  musique  contemporaine  pour  mettre  en  lumière,  s arrs 

(1)  Un  vol.  in-fo  de  117  pages.    Ilamello,  éd.,  Paris.  Prix  :  15  fr. 


222 


VART  MODERNE 


plus  larder,  la  figure  de  Chopin  îi  qui  l'auleur  consacre  une 
nolice  importante  et  enlhousiaslo,  t^piugléc  de  citations  de  George 
Sand,  de  Liszt,  de  Berlioz  et  du  comte  Wodzinski.  C'est  comine 
un  Panthéon  de  la  musique  dans  lequel  sont  édifiés  U  tous  les 
maîtres  du  piano  des  monumenls  amoureusement  et  arlislement 
sculptés.  Des  exemples  tirés  des  plus  belles  inspirations  des 
compositeurs,  cités  accompagnent  les  notices  lapidaires  dans 
lesquelles  M.  Le  Couppey  résume  la  Vie  êl  l'OEuvre  de  ses  héros. 
On  regrette  que  celle  intéressante  publication  n'ait  pu  éire 
menée  jusqu'aux  musiciens  contemporains.  Les  noies  réunies 
par  l'auteur  permellronl  peut-être,  dit  l'avanl-propos  de  M.  Mon- 
don-Vidailhel,  de  compléter  et  de  couronner  son  travail.  Quoi  qu'il 
en  soit,  la  Litlêrature  du  piano,  telle  qu'elle  vient  d'être  éditée 
par  M.  Mamelle,  rendra  de  précieux  services  à  l'art  en  révélant 
les  œuvres  de  certains  musiciens  peu  connus,  ea  vulgarisant 
celles  des  auteurs  célèbres,  en  donnant  sur  tous  des  détails  bio- 
graphiques précis,  puisés  à  bonne  source  et  soigneusemcnl 
contrôlés. 


VENTE  DE  LA  COLLECTION  VAN  BRANTEGHEM  ' 

La  lettre  ci-après  a  été  adressée  à  la  Gazette  : 

Bruxelles,  !'■'•  juillet  1892. 

Monsieur  le  Directeur  de  la  Oazette,  ,  ,•-_, 

Nous  lisons,  en  lellres  italiques,  dans  votre  numéro  de  ce 
matin  :  «  Jamais,  ni  dans  les  relations  officieuses  de  cette  Com- 
«  mission  avec  M.  Van  Branleghem  (qui  en  était  membre  du 
«  reste),  ni  dans  les  relations  officielles  de  celte  Commission  avec 
«  le  gouvernement,  il  n'a  été  question  d'expertise  ». 

Permettez-nous  de  vous  dire  que  vous  êtes  dans  une  erreur 
complète. 

Nous  étions  parmi  les  membres  du  Comité  formé  pour  l'orga- 
nisation d'une  loterie  destinée  k  acheter  la  splendide  collection 
Van  Branleghem  au  profit  de  nos  musées. 

Dans  notre  requête  au  gouvernement  pour  obtenir  l'autorisa- 
■  tion  d'ouvrir  cette  loterie,  il  était  dit  textucUemenl,  que  la  collec- 
tion ne  serait  acquise  qu'à  dire  d'experts. 

Déjà  antérieurement,  et  spécialement  dans  une  communication 
officielle  du  i7  mai,  connue  de  plusieurs  d'entre  nous,  il  avait  été 
prévu  que  l'évaluation  sérail  h  vérifier  par  des  experts  compé- 
tents. 

Il  est  regrettable  que  vous  ayez  élé  amené,  par  des  renseigne- 
ments communiqués  à  la  légère,  k  contredire  les  affirmations  de 
M.  de  HauUeville.  Nous  avons  cru  de  notre  devoir  de  relever 
immédiatement  cette  grave  insinuation. 

Ayez  la  bonté.  Monsieur,  de  publier  ces  lignes,  cl  agréez 
l'expression  de  nos  sentiments  très  distingués. 

F. -A.  Gevaert,   a.  Willems,  Jacques  de  Lalainc, 
,  Th.  ViNçoTTE,  Ernest  Sungeneyer,  Ch.  Potvin, 
Edmond  Picard. 

N.  B.  MM.  Wagener,  Dommartin  et  Van  Diest  sont  absents. 
(1)  Voir  noS'numéros  des  24  avril,  26  juin  el  3  juillet. 


Les  journaux  français  interdits 

Une  curiosité  de  la  présente  ère  pornographique. 

On  a  glissé  sous  les  portes,  k  Bruxelles  (k  l'exception,  pensons- 
nous,  de  celle  du  Ministre  des  chemins  de  fer),  la  circulaire  sui- 
vante : 

Service  spécial  d'abonnements  soits  enveloppes  cachetées. 
Le  OU  Blas.  Supplément  hebdomadaire  illustré  en  couleurs. 
La  série  de    10  numéros,  fr.  l.oO.  — 6  mois  (26  numéros), 
fr.  3.7S.  —  1  an  (52  numéros),  fr.  7.50. 

La  Lanterne.  Supplément  bi-liebdomadaire.  —  La  série  de 
10  numéros,  fr.  1.50.  —  Six  mois  (52  numéros),  fr.  7. .50.  ■■ — 
1  an  (104  numéros),  14  francs. 

La  Gaudriole.  Journal  bi  hebdomadaire,  illustré  en  couleurs. 
La  série  de  10  numéros,  fr.  1.50.  —  6  mois  (52  numéros), 
fr.  7.50.  —  1  an  (104  numéros),  14  francs. 

Pai'is  la  Nuit.  Journal  hebdomadaire  illustré  en  couleurs.  La 
série  de  10  numéros,  fr.  2,50.  —  6  mois  (26  numéros),  fr.  6.25. 
1  an  (52  numéros),  12  francs. 

Fi7i  de  Siècle.  Journal  hebdomadaire.  La  série  de  10  numéros, 
fr.  2.50.  —  6  mois  (26  numéros),  fr.  0.25.  — 1  an  (52  numéros), 
12  francs. 

Le  Courrier  français,  Le  Messager  français,  grands  jour- 
naux illustrés  hebdomadaires.  La  série  de  10  numéros,  fr.  7.50. 
—  6  mois  (26  numéros),  19  francs.  —  1  an  (52  numéros), 
37  francs. 

Les  Beautés  parisiennes,  L'Echo  des  boulevards,  grands 
journaux  illustrés  en  couleurs  avec  grand  luxe.  La  série  de 
10  numéros,  fr.  12.50.  —  6  mois  (26  numéros),  30  francs.  — 
1  an  (52  numéros),  58  francs. 

Ces  prix  sont  établis  exclusivement  pour  Bruxelles.  Les  abonner 
ments  pour  la  province  sont  soumis  à  un  tarif  spécial. 

Le  service  est  fait  sous  enveloppes  cachetées  de  façon  k  éviter 
toute  indiscrétion. 

Le  prix  des  abonnements  peut  être  acquitté  en  timbres-poste 
belges  de  10  ou  de  25  centimes,  ou  en  mandats. 

Les  demandes  accompagnées  du  montant  doivent  être  adressées 
k  M.  Paiu.  Hameun,  libraire,  36,  rue  du  Faiibourg-Poissonnièrc; 
Paris. 

N.  B.  On  se  charge  de  fournir  les  numéros  complémentaires 
de  ces  journaux,  pour  les  collections  incomplètes,  aux  prix  ci- 
dessus. 


■Petite   CHROjNiquf; 


La  clôture  du  Salon  d'ixelles  aura  lieu  aujourd'hui.  Un  dernier 
concert  sera  donné,,  k  2  heures,  parM"«  M.  Walker,  pianiste,avec 
le  concours  de  !W"«  N.  Abraham,  de  MM.  A.  Déon,  Ph.  Fiévez  el 
F.  Bouserez, 

Diverses  auditions  intéressantes  ont  eu  lieu  au  Waux-Hall  celte 
semaine.  On  a  chaleureusement  applaudi,  pour  la  seconde  fois, 
M'ioParenlani,  cantatrice,  et  M.  J.  Jacob, l'excellent  violoncelliste 
solo  de  l'orchestre.  Aujourd'hui,  dimanehe,  deuxième  audition  de 
la  Mer,  esquisses  .symphoniques  de  P.  Gilson  en  quatre  parties 
sur  le  poème  d'E.  Levis. 

Jeudi  prochain,  k  l'occasion  du  14  juillet,  concert  exlraoi<di- 
naire  exclusivement  consacré  aux  compositeurs  français  contem- 


porains,  parmi  lesquels  Vincenl  d'Indy,  Gubriel  Fauré,  Ernesl 
Chausson,  Pierre  de  Bréville,  Emmanuel  Ciiabrier.  L'orci)eslrc 
consacre  lous  ses  soins  aux  répélilions  do  ce  concert,  qui  prii- 
senlera  un  intérêt  artistique  cxceplionnei. 

» 

M.  Edouard  Jacobs,  professeur  au  Conservatoire  de  Bruxelles, 
qui  prendra  part  au  concert  donné  aujourd'hui  îi  La  Louvière  par 
le  Club  symphonique,  se  rendra  prociiaincmenl  en  Russie.  Il  a 
signé  un  brillant  engagement  d'un  mois,  prenant  cours  le  l"/i3 
août,  aux  célèbres  concerts  de  Pawlosk  dirigés  par  M.  de  Galkine; 
M.  Jacobs  se  fera  entendre  trois  fois  par  semaine,  soit  quatorze 
fois  en  tout. 

L'administration  communale  de  Termonde  met  au  concours, 
entre  tous  les  artistes  belges,  le  monument  à  élever  à  la  mémoire 
du  célèbre  poète  flamand  Prudent  Van  Duyse.  Il  se  composera 
d'une  statue  en  bronze  ayant  au  moins  2"'50  de  hauteur,  sup- 
portée par  un  piédestal  isolé  en  pierre  d'Eeaussincs,  et  sera 
entouré  d'un  grillage  en  fer  fondu  de  0"'60  de  hauteur.  Il  ne 
dépassera  pas  le  coût  de  dix-neuf  mille  francs. 

Les  maquettes  doivent  être  adressées,  franc  de  port,  au  plus  lard 
le  20  août  1892  à  M.  le  Bourgmestre  de  Termonde. 

Pour  le  programme  détaillé,  s'adresser  à  }l.  le  Secrétaire 
communal  Th.  Roels.  

Le  comité  des  fêtes  jubilaires  de  Peter  Benoit  organise  pour  le 
24  juillet  courant  un  grand  cortège  auquel  participeront  les 
sociétés  musicales,  littéraires  et  dramatiques  du  pays. 

Un  chaleureux  appel  vient  d'être  adressé  à  cet  effet  à  toutes  les 
sociétés  qui  s'occupent  de  l'art  dans  ses  diverses  manifestations. 
Après  le  cortège  aura  lieu  une  exécution  musicale  au  cours  de 
laquelle  se  fera  la  remise  des  médailles  commémoratives  aux 
sociétés  qui  auront  participé  à  la  manifestation  avec  leur  bannière 
ou  leur  corps  de  musique.  La  journée  se  terminera  par  un  banquet. 
Les  adhésions  doivent  être  adressées  au  secrétaire  du  comité 
organisateur,  M.  W.  Schepmans,  rue  de  l'Offrande,  21,  à  Anvers. 

Des  listes  de  souscription  sont  mises  en  circulation  ;  les  sous- 
cripteurs versant  au  moins  10  francs  recevront  un  exemplaire  de 
la  médaille  commémoralive,  ainsi  que  le  porlrait  de  Peter  Benoit. 
Une  coliçaiion  de  5  francs  donnera  droit  à  un  porlrait  du  jubilaire. 
Le  banquet  a  lieu  également  par  souscription,  au  prix  de  5  francs. 

(Communiqué.) 

Dans  le  dernier  catalogue  de  la  librairie  Edmond  Sagot,  18,  rue 
Guénégaud,  à  Paris,  où  l'on  peut  se  procurer  notamment  les  ad- 
mirables affiches  de  Chéret,  on  lit  les  deux  articles  suivants  rela- 
tifs à  notre  illustre  compatriote  : 

«  5543.  —  RoPS  (Félicien).  Aspects  divers;  dessin  original  au 
crayon  rehaussé  de  couleurs,  signé  du  monogramme  F.  R.  In-4» 
en  hauteur.  300  francs. 

Ce  joli  dessin  comprend  cinq  personnages  :  deux  patineuses  et 
un  patineur  font  une  chute,  deux  autres  patineurs  les  regardent. 

5544.  —  RoPS  (Félicien).  On  demande  une  femme  de  chambre 
de  Paris;  important  dessin  au  crayon  signé  de  son  monogramme 
.F.  R.  In-4»en  hauteur.  400  francs. 

Très  beau  dessin  comprenant  trois  personnages  ;  l'exécution  en 
est  parfaite.  » 

i>e  Burlington  Fine  Arts  Club  vient  d'ouvrir  à  Londres,  dans 
son  local,  Savile  Row,  17,  une  remarquable  exposition  d'anciens 
maîtres  flamands. C'est  la  2o«annéeque  ce  Cercle,qui  ne  comprend 

< 


exclusivement  que  des  collectionneurs  et  amateurs  d'art,  réunit 
dans  ses  locaux  un  choix  d'œuvres  rares.  Voici  la  liste  des  exhi- 
bitions qu'il  a  organisées  depuis  sa  fondation  : 

1868,  Gravures  de  M.  A.  Raimondi  ;  Céramique  orientale.  — 
1869,  Gravures  d'A.  Diirer  et  de  Lucas  de  Leyde;  Art  et  industrie 
de  l'Orient.  *-  1870,  Dessins  originaux  de  Raphaël  cl  de  Michel- 
Ange.  —  1871,  Tableaux  de  maîtres  anciens,  aquarelles  d'artistes 
anglais  décédés,  nés  avant  1800.  —  1872,  Etudes  de  Turner  ;  Des- 
sins et  esquisses  de  C'aude;  Dessins  de  W.  Muiler;  Tableaux  de 
G.  Mason,  A.  R.  A.  — 1873,  Céramique  anglaise  et  continentale; 
Dessins  et  esquisses  de  D.  Cox  et  de  P.  de  Wint.  —  1874,  Manus- 
crits enluminés.  —  1875,  Choix  d'œuvres  de  Wenceslas  Hollar  ; 
OEuvres  de  Thomas  Girlin;  Laques  du  Japon.  —  1876,  Vitraux 
d'art;  OEuvres  de  W.  Blake.  —1877,  L'OEuvre ^ravé  de  Rem- 
brandt; OEuvres  de  H.-S.Beham  et  de  B.  Beham.  —  1878,  OEu- 
vres de  J.-S.  Raven;  Dessins  de  maîtres  hollandais;  Objets  d'art 
du  Japon  et  de  la  Chine.  —  1879,  Bronzes  et  ivoires  européens  ; 
choix  d'œuvres  de  Charles  Méryon.  —  1880,  Aquarelles  d'artistes 
anglais  décédés,  nés  après  1800.  —  1881,  Gravures  à  l'aqua-tinte. 
—  1882,  Sculptures  en  bois  de  l'Ecole  allemande  desxv*  et  xvi^ 
siècles.  —  1883,  Tableaux  et  dessins  de  D.-G,  Rosselti;  Gravures 
de  R.  Zeeman  et  de  K.  Du  Jardin.  — 1884,  Dessins  d'architecture 
d'artistes  anglais  décédés.  — 1885,  Art  persan  et  arabe.  —  1886, 
OEuvres  de  J.-Mc.  Ardell.  —  1887,  Poterie  hispano-mauresque  et 
majolique.  —  1888,  Estampes  japonaises  ;  Art  céramique  grec  ; 
Dessins  de  T.  Sell  Colman.  —  1889,  Miniatures.  —  1890,  Dessins 
de  Spencer  Vincenl.  -—1891,  Renaissance  française  de  la  gravure  ; 
Reliures. 


L'annonce  des  concerts  Rubinstein  aux  Etats-Unis  a  suscité  une 
terrible  concurrence  parmi  les  fabricants  de  pianos.  Les  impres- 
sarii  du  célèbre  artiste  ont  été  assaillis  des  propositions  les  plus 
fantastiques  au  sujet  du  piano  dont  se  servirait  le  maître.  La 
victoire  est  resiée  à  une  maison  qui  a  offert  de  payer  mille  dollars 
par  concert,  soit,  pour  les  cinquante  concerts,  250,000  francs. 

(Vita  moderna). 

Portrait  instantané,  par  le  Gil  Bios,  de  M"»  Eugénie  Meuris, 
la  comédienne  qui  interpréta  si  parfaitement  au  Parc  le  rôle 
d'Hedwige  du  Canard  sauvage  : 

a  Immatérielle  —  des  yeux  de  ciel  clair,  des  cheveux  pâles,  des 
mains  pures,  une  frêle  silhonctle de  première  communion,  mince 
comme  un  fil  de  la  Vierge,  le  geste  anguleux  elrylhmique,  semble, 
dans  le  roide  velours  de  ses  robes  gothiques,  descendre  d'un 
vitrail,  s'échapper  d'un  missel,  évoque  l'idée  aussi  de  quelque 
enfant-reine,  précieuse  et  compassée  un  peu,  de  quelque  petite 
princesse  nostalgique  exilée  des  fjords  et  des  brumes  Scandinaves. 
Paraissait  destinée  à  incarner  des  figures  de  douceur,  d'amour,  de 
légende  et  de  rêve  —  et  joue  les  ingénues  positives  du  Théâlre- 
Libre.  Née  à  Reims,  élevée  à  Bruxelles,  qui  ne  sul  pas  la  garder, 
premier  prix  de  comédie  au  Conservatoire  belge,  débuta  au  Parc 
dans  Geneviève  ou  la  Jalousie  paternelle,  de  Scribe.  Vint  à 
Paris  dans  le  chariot  d'Antoine,  rencontré  en  tournée,  cl  s'esl  fait 
applaudir  dans  les  Inséparables,  le  Canard  sauvage.  Tante 
Léonline,  enfin  dans  les  Maris  de  leurs  Filles,  où  elle  s'est  mon- 
trée pleine  de  charme,  d'émolion  et  de  force.  Signe  particulier  : 
toujours  et  toujours  accompagnée  de  sa  maman.  » 


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en  36  heures.  —  B&le  à  Londres  eu  20  lieures.  —  Milan  ù  Londres  eu  32  heures.  —  Francfort  S/M  à  Londres  eu  18  heures. 


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D'Ostende  il  4  h.  58  matin,  10  h.  53  malin  et  8  h.  03  soir.  —  De  Douvres  à  12.00  h.  (midi),  7  li.  30  soir  et  10  h.  15  soir. 

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luxueux.  —  Fumoirs.  —  Ventilation  perfectionnée.  —  Éclairage  électrique.  —  Restaurant.  BILLETS  DIRECTS  (simples 
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Dimanche  17  Juillet  1892. 


L'ART 


\  ■■',   /    (■>  C     V  .. 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DBS  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,    un   an,    fr.   10.00;  Union  postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES  :    On   traite  à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  rindustrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


La  Débâcle.  —Maurice  Barrés.  —  Une  visite  a  Félicien  Rops. 

—  L'art  dramatique  en  Néerlande.  —  Quelques  livres.  —  Accusés 
DE  réception.  —  Décors  en  papier.  —  Concours  du  Conservatoire. 

—  Mémento  des  expositions.  —  Petite  chronique. 


La   Débâcle 

Le  maître  romancier  vient  d'apporter  le  dernier 
chapitre  à  son  histoire  des  Rougon-Macquart.  Bon 
laboureur,  d'un  pas  sage  mesurant  quotidiennement  la 
plaine  et  profondément  creusant  son  sillon,  arrivé  au 
terme  de  son  œuvre  que  clôt  magistralement  cet  épique 
récit,  il  peut  se  retourner  et  jeter,  sur  le  champ  bien 
labouré,  l'œil  satisfait  d'un  bon  ouvrier  qui  de  ses 
mains  a  fait  la  terre  féconde.  Devant  ces  six  cents  pages 
où  s'accumulent  en  prodigieuse  quantité  les  détails, 
minutieusement  en  relief,  sans  que  les  grandes  lignes 
d'ensemble  en  soient  atténuées,  que  nous  sommes  loin  de 
l'ancienne  et  ordinaire  conception  du  roman.  Celui-ci  se 
hausse  à  l'histoire.  Il  sera  la  véridique  et  définitive 
narration  du  grand  désastre  national  attestant,  par 
l'étonnante  exactitude  des  faits  reconnue  de  tous  ceux 
qui  y  furent,  le  merveilleux  don  de  divination  du 
génie.   Toutes  les  scènes  de  cette   triste  et  stupide 


bataille  de  Sedan  y  sont  reconstituées  avec  une  fidélité 
stupéfiante,  quand  on  songe  que  le  narrateur  ne  fut  pas 
un  des  témoins  de  l'action,  et  que  ce  grand  tableau  histo- 
rique, créé  de  toutes  pièces,  se  déroulesur  le  seul  champ 
de  son  imagination.  C'est  plus  vrai  que  la  réalité  et 
aucun  des  participants  au  comba^^  n'eût  été  capable  de 
le  décrire  ainsi.  L'homme  de  génie  voit  les  choses  sous 
un  angle  éternel  de  vérité,  et  dans  leur  contingence  et 
leur  fugacité  saisit  l'élément  stable. 

Récit  menu,  jour  par  jour,  en  toutes  situations,  de  la 
vie  d'une  compagnie,  avec  deux  personnages  principaux 
qui  sont  pour  l'intrigue  les  pivots  du  roman,  du  régi- 
ment dont  elle  est,  du  corps  d'armée  où  elle  disparaît, 
de  la  masse  confuse  de  l'impériale  armée  fluctuant  à 
toutes  les  hésitations,  les  indécisions,  à  tous  les  contre- 
coups d'un  commandement  en  désarroi;  le  livre  nous 
fait  assister,  depuis  la  surprise  de  Wissembourg  jusqu'à 
la  reddition  de  Sedan,  à  toutes  les  marches  et  contre- 
marches, aux  multiples  incidents  à  peu  près  toujours 
les  mêmes,  et  non  monotones  cependant,  des  campe- 
ments surpris,  des  retraites  soudaines,  des  retours 
imprévus,  des  rares  engagements  où  l'on  peut  combattre, 
à  l'exécution  savante  et  heureuse  du  plan  stratégique 
disposant  méthodiquement  les  troupes  allemandes  en 
un  infranchissable  cercle  qui,  formé  à  Sedan,  devra, 
en  se  resserrant,  fatalement  broyer  l'armée  française, 
très  inférieure  en  nombre,  et  forcée  sur  le  champ  de 


bataille  d'obéir  aux  ordres  successifs  de  trois  généraux, 
dont  le  dernier  arrivait  d'Algérie! 

Et  par  intervalles  passe  la  lamentable  et  affligeante 
figure  de  l'Empereur  déjà  prisonnier  de  son  armée, 
malade,  torturé  du  désastre  qui  vient  et  du  spectacle 
de  toutes  les  horreurs  dont  la  responsabilité  l'anéantit, 
si  pitoyable,  si  misérable  et  si  tombé,  que  la  répro- 
bation expire  pour  se  fondre  en  apitoiement. 

Dans,  cette  Débâcle,  l'agonie  d'un  grand  peuple  qui 
n'en  est  pas  mort  et  qui  maintenant  a  refait  ses  nerfs, 
les  péripéties  de  l'intrigue  nous  semblent  presque  insi- 
gnifiantes et  la  portée  romanesque,  les  aventures  de 
Maurice  et  de  Jean,  l'héroïsme  et  la  douceur  de  Sylviné, 
l'incident  de  l'espion,  les  amours  de  M™^  Delaherche  et 
toutes  les  larmes  versées  sur  des  maux  particuliers, 
s'effacent  dans  la  grandeur  impersonnelle  de  l'oeuvre. 

D'ailleurs,  c'est  par  là  qu'elle  est  belle.  Elle  est  un 
tableau  génial  de  la  bataille  de  Sedan;  les  personnages, 
accessoires  dans  la  composition,  ne  sont  guère  là  que 
pour  la  commodité  du  récit.  Le  souffle  épique  qui  tra- 
verse le  livre,  les  pousse  à  l'écart  et  fait  éclater  une  fois 
de  plus  l'incomparable  talent  de  Zola  à  exprimer,  dans 
toute  sa  puissance,  la  .vie  collective  des  foules.  D'une 
psychologie  bornée,  il  est  l'admirable  peintre  de  la  vie 
des  choses,  de  l'instinct  obscur  et  de  l'âme  des  animaux. 

Témoin  cette  page  : 

«  La  campagne  restait  claire,  d'une  clarté  louche 
d'entre  chien  et  loup.  Et  Lapoulle  courut  le  premier, 
suivi  des  cinq  autres.  Il  avait  pris  dans  le  fossé  une 
grosse  pierre  ronde,  il  se  rua  sur  le  cheval,  se  mit  à  lui  - 
défoncer  le  crâne,  de  ses  deux  bras  raidis,  comme  avec 
une  massue.  Mais,  dès  le  second  coup,  le  cheval  fit  un 
effort  pour  se  remettre  debout.  Chouteau  et  Loubet 
s'étaient  jetés  en  travers  de  ses  jambes,  tâchaient  de  le 
maintenir,  criaient  aux  autres  de  les  aider.  Il  hennissait 
d'une  voix  presque  humaine,  éperdue  et  douloureuse/ 
se  débattait,  les  aurai^î^ssés  comme  verre,  s'il  n'avait 
pas  été  déjà  à  demi  mort  d'inanition.  Cependant,  sa  tête 
"remuait  trop,  les  coups  ne  portaient  plus,  Lapoulle  ne 
pouvait  le  finir. 

—  Nom  de  Dieu  !  qu'il  a  les  os  dursl...  Tenez-le  donc, 
que  je  le  crève! 

Jean  et  Maurice,  glacés,  n'entendaient  pas  les  appels 
de  Chouteau,  restaient  les  bras  ballants,  sans  se  décider 
à  intervenir. 

Et  Pache,  brusquement,  dans  un  élan  instinctif  de 
religieuse  pitié,  tomba  sur  la  terre  à  deux  genoux,  joi- 
gnit les  mains,  se  mit  à  bégayer  des  prières,  comme  on 
en  dit  au  chevet  des  agonisants. 

—  Seigneur,  prenez  pitié  de  lui.  Une  fois  encore 
Lapoulle  frappa  à  faux,  n'enleva  qu'une  oreille  au 
misérable  cheval,  qui  se  renversa  avec  un  grand  cri. 

Attends,  attends!  gronda  Chouteau.  Il  faut  en  finir, 
il  nous  ferait  pincer.  Ne  le  lâche  pas,  Loubet  ! 


Dans  sa  poche,  il  venait  de  prendre  son  couteau  dont 
la  lame  n'était  guère  plus  longue  que  le  doigt.  Et, 
vautré  sur  le  corps  de  la  bête,  un  bras  passé  à  son  cou, 
il  enfonça  cette  lame,  fouilla  dans  cette  chair  vivante, 
tailla  des  morceaux  jusqu'à  cequ'ileût  trouvé  et  tranché 
l'artère.  D'un  bond,  il  s'était  jeté  de  côté,  le  sang  jaillis- 
sait, se  dégorgeait  comme  du  canon  d'une  fontaine, 
tandis  que  les  pieds  s'agitaient  et  que  de  grands  frissons 
convulsifs  couraient  sur  la  peau.  Il  fallait  près  de  cinq 
minutes  au  cheval  pour  mourir.  Ses  grands  yeux 
élargis,  pleins  d'une  épouvante  triste,  s'étaient  fixés  sur 
les  hommes  hagards  qui  attendaient  qu'il  fût  mort.  Ils 
se  troublèrent  et  s'éteignirent.  » 

Et  sur  ce  fond  noir  de  massacre  et  de  guerre  surgit 
la  lueur  d'incendie  de  Bazeilles,  le  flamboiement  de  la 
résistance  héroïque  dans  le  petit  village  conquis  pierre 
à  pierre,  pris  et  repris;  amoncellement  de  ruines  sous 
des  amoncellements  de  cadavres  qui  témoignent  de  la 
folie  du  courage  et  de  l'inutilité  de  la  bravoure.  Et  les 
souffrances  de  l'armée  prisonnière,  affamée  dans  l'île, 
pourrissant  sous  la  pluie,  décimée  par  la  dyssenterie, 
si  dénuée  et  si  malheureuse,  en  ce  «>  Camp  de  la  misère  " , 
le  plus  sombre  et  le  plus  émouvant  passage  de  ce  sombre 
livre.  Et  tous  les  détails  caractéristiques  et  trop  vrais  : 
ce  général  qui  s'indigne  que  la  Meuse  ne  soit  pas  la 
Moselle,  ces  officiers  qui  ont  tous  dans  la  poche  une 
carte  de  l'Allemagne  et  ignorent  celle  de  la  France,  ces 
ponts  qu'on  oublie  de  faire  sauter  et  qui  livrent  passage 
à  l'ennemi,  ces  chefs  de  corps  d'arrnée  qui  se  font  sur- 
prendre parce  qu'il  n'est  pas  dans  leur  système  de  guerre 
de  se  faire  éclairer  de  postes  avancés,  ces  canons 
remontant  au  premier  Empire,  chargés  par  la  culasse  et 
qui  tirent  à  quatre  cents  mètres  ;  toutes  ces  négligences 
accumulées  et  impardonnables  que  le  peuple  n'a  peut- 
être  pas  tort  d'appeler  trahison. 

La  fin  du  livre  se  prolongeant  par  une  histoire  de  la 
Commune,  est  comme  un  appendice  à  l'œuvre  qui, 
esthétiquement,  gagnerait  à  se  terminer  à  Sedan.  La 
Commune,  et  certes,  elle  y  prête,  eût  fait  l'objet  d'un 
ouvrage  entier.  Elle  eût  été  le  dernier  chapitre  non 
écourté.  Elle  contient  assez  d'horreurs  et  elle  est  assez 
riche  en  réalités  dramatiques  et  épiques  pour  permettre 
à  Zola  de  s'y  tailler  une  maîtresse  œuvre.  C'est  un 
regret  que  nous  exprimons  en  sortant  de  la  lecture  de 
ces  636  pages,  où  nous  nous  sommes  enfoncé,  nous 
pénétrant  à  mesure  que  nous  avancions  d'une  infinie 
tristesse,  attaché  malgré  les  longueurs,  les  nerfs  secoués 
par  cet  incessant  défilé  de  dantesques  et  non  imagi- 
naires horreurs,  admirant  malgré  l'abus  trop  visible  du 
procédé  analytique,  la  monotonie  du  style  uniforme, 
le  romantique  voulu  de  l'intrigue,  entièrement  dominé 
par  la  puissance  de  l'émotion  qui  se  dégage  irrésistible 
et  qui  provient,  non  comme  on  le  dit,  de  l'extraordi- 
naire grossissement  de  chaque  trait,  mais  plutôt  de 


l'extraordinaire  précision  et  minutie  de  tous  les  petits 
détails  juxtaposés  avec  une  telle  science  et  un  tel  ant 
de  combinaison  que  l'impression  d'ensemble  atteint  à 
toute  l'intensité  douloureuse  que  peut  supporter  l'âme 
humaine. 


jugé  paï>  M.  Marcel  Fouquier. 

Je  ne  sais  pas  grand'chose  cl  mon  opinion  sur  .une  foiilo  do 
gens  manque  de  limites  définies.  Mais  il  s'est  établi  dans  ma  télé 
une  petite  échelle  sur  laquelle  montent  et  descendent  les  gens 
que  je  connais. 

Maurice  Barres  est  situé  vers  le  haut  de  l'échelle  et  M.  Fou- 
quier perchait  beaucoup  plus  bas,  mais  ce  dernier,  sans  se  faire 
de  mal,  vient  de  dégringoler  encore  un  très  grand  nombre 
d'échelons. 

Il  «  étudie  »  Maurice  Barrés  (dans  la  Revue  Bleue  abrégée  par 
V  Indépendance). 

Etudier  est  un  mot  prétentieux  pour  exprimer  les  petites 
remarques  faites  au  vol,  en  feuilletant  plusieurs  volumes,  jugés 
à  l'avance  d'après  les  dires  d'autrui. 

Ou  bien  M.  Fouquier  est-il  à  ce  point  ciiit  dans  ses  pensées 
qu'il  soit  incapable  d'en  sortir?  Encore  aurais-je  peine  à  me 
figurer  ce  que  peut  élre  au  juste  la  couleur  des  pensées  de 
M.  Fouquier,  qui  me  paraît  être  un  ornylhorinque  d'une  espèce 
plus  compliquée  encore  que  celle  qu'on  connaît. 

Pour  être  du  goût  de  la  Revue  Bleue,  j'imagine,  il  cite  de  façon 
stupéfiante  quelques  auteurs  qui  n'ont  d'autre  affinité  que  celle 
de  n'avoir  jamais  été  compris  par  M.  Fouquier. 

Il  fait  une  salade  de  Spinoza,  Renan,  Gœthe,  Kantet...  Anatole 
France,  pour  accuser  Barrés  d'être  leur  reflet!  S'il  avait  un  seul 
jour  compris  Gœlhe  ou  Spinoza,  il  aurait  quelque  chance  de 
comprendre  Barrés.  Mais  ces  grands-là  n'entrent  pas  dans  le 
domaine  du  reportage  habituel;  et  si  un  jeune,  faisant  quelque 
tapage,  les  évoque,  il  s'agit  de  repêcher  quelque  vague  notion  de 
ce  qu'ils  ont  dit.  ^ 

Ah  !  que  Barrés  doit  rire  en  voyant  tous  ces  écrivailleurs  arrêtés 
devant  la  coquille  de  ses  œuvres  sans  pouvoir  autrement  le 
deviner! 

Mais  dites  donc  que  vous  n'y  comprenez  rien,  braves  gens, 
que  Barrés  vous  ennuie  et  n'est  pas  fait  pour  vous. 

Vous  auriez  le  mérite  de  vous  hausser  jusqu'à  la  vérité  et  de 
rester  sincères.. 

Comment  ont-ils  lu  ces  livres  pour  y  trouver  toujours  la 
même  chose  ? 

Comme  des  étrangers  qui  arrivent  dans  un  pays  dont  ils  ne 
connaissent  pas  la  langue  et  qui  croient  entendre  toujours  répéter 
les  mêmes  syllabes,  probablement? 

Trouvez-vous  que  ça  se  ressemble,  celle  étude  de  l'âme  popu- 
laire symbolisée  par  Bérénice  (comme  Wagner  la  symbolise  par 
Eisa),  de  l'âme  populaire  qui  se  dégage  ou  se  révèle,  non  dans 
les  individus,  mais  dans  les  masses  rassemblées,  —  (vous  pourriez 
l'observer  lous  les  jours,  si  vous  observiez),  —  et  cette  autre 
étude  de  la  recherche  du  moi,  le  plus  grand  bienfait  que  puisse 
recevoir  aujourd'hui  la  jeunesse  française,  toujours  en  quête  de 
l'opinion  d'autrui?- 

Vous  trouvez  que  ça  se  ressemble,  le  dehors  et  le  dedans. 


l'homme  étudié  dans  ses  instincts  collectifs,  généraux, cl  l'individu 
avec  ses  tendances  obscure'*,  égoïsles,  intimes? 

Ça  manque  d'intérêt,  la  lutte  contre  celle  conformité  abruùs- 
snnle  à  laquelle  il  n'y  a  qu'un  moyen  d*é(  happer  :  lâcher  de 
retrouver  au  fond  de  soi  son  vr^ii  soi?  Ça  manque  d'in'érêl, 
l'expression  du  désir  confus  de  toute  nue  épo(|ue  affolée  d'incer- 
titude? 

Nous  en  sommes  revenus  au  «  Coniiîiis-loi,  tni-mêmc  »  ^ue 
vous  copiû;tes  cerlarnement  dans  des  pages  de  calligraphie  au 
temps  lointain  de  voire  enfance  (car  je  me  pnurpense  un  Fou- 
quier vieux,  d'âge  ou  de  race).  Dans  le  chaos  d'idées  qui  nous 
entoure,  nous  nous  tâtons,  comme  l'aveugle  s'accroche  à  un 
point  de  dépari,  et  ce  n'est  qu'après  le  reuouvellomenl  de  ce 
périodique  retour  sur  nous-mêmes  que  nous  ferons  un  pas  en 
avant.  —  Il  semble  que  toute  recherche  nouvelle,  toute  afifirma- 
lion  sincère  du  moi  soil  une  richesse  pour  l'humanité.  —  Mais, 
comme  le  moindre  séminariste  en  jupons,  M.  Fouquier  confond 
l'élude  du  moi  avec  l'amour  du  moi. 

El  Barrés,  selon  Fouquier,  aurait  blasphémé  l'amour,  lui  qui 
en  fait  la  seule  chose  à  laquelle  on  n'ose  pas  loucher! 

Non,  tenez,  je  ne  veux  pas  essayer  de  lui  expliquer  quoi  qi^ie 
ce  soit.  Il  me  forait  l'honneur  de  ne  pas  me  comprendre;  et  moi 
qui  n'ai  jamais  eu  la  gloire  d'être  incompris,  je  sens  que  ma  têle 


tournerait  à  cet  hommage  dangereux. 


I.  W. 


UNE  VISITE  A  FELICIEN  ROPS 

L'Echo  de  Paris  vient  de  publier,  sous  ce  titre,  le  récit  d'un 
interview  qui  complète  les  renseignements  que  nous  avons  donnés 
sur  la  santé  du  grand  artiste  et  qui,  heureusement,  est  de  nature 
à  rassurer  ses  amis  : 

«  Rops  n'habite  pas  précisément  sur  les  hauteurs  de  Mont- 
martre; pour  le  voir  et  le  surprendre  en  son  travail,  il  faut  courir 
en  province,  touj.  là-bas,  derrière  la  petite  ville  de  Corbeil  où 
tournent  les  grands  moulins,  sur  les  bords  fleuris  qu'arrose  la 
Seine. 

C'est  sur  la  roule  à  gauche,  derrière  une  haie  touffue,  que 
s'élève  la  maison.  Ni  château,  ni  villa,  ni  même  vide-bouteilles. 
Sa  construciion  défie  toute  description.  Quel  architecie  a  dressé 
le  plan  de  cet  édifice  qui  tient  du  hangar,  du  couvent  et  de  la 
caserne,  je  ne  saurais  le  dire.  Ce  que  je  sais  bien,  c'est  que  ce  n'est 
rien  de  banal  ni  de  bourgeois.  Au  milieu,  une  immense  crevasse 
ouvre  sur  l'horizon  des  perspectives  infinies  :  des  maçons  qui 
travaillent  dans  les  caves,  sont  en  train  d'élayer  des  murailles 
branlantes  et  d'arrêter  sur  le  bord  du  précipice  l'étrange  maison 
qui  semble  à  la  merci  du  premier  coup  de  vent. 

Et  tandis  que  je  couiemple,  ahuri,  cet  amas  de  pierres  en  équi- 
libre, Félicien  Rops  vient  vers  moi  :  le  malade,  dont  on  vous  don- 
nait, l'autre  jour,  de  si  mauvaises  nouvelles,  me  secoue  vigoureu- 
sement la  main.  Je  lui  trouve  une  fière  mine,  et  je  n'ai  jamais  vu 
un  convalescent  aussi  robuste.  A  le  voir  avec  sa  barbiche  un  peu 
grise,  son  teint  coloré  et  son  ventre  suffisant, on  dirait  un  homme 
qui  sort  de  table  plutôt  que  de  maladie. 

—  «  Eh  bien,  me  dit-il  en  riant;  vous  voyez  que  je  ne  suis  pas 
encore  mort;  j'ai  toujours  bon  pied,  si  pour  le  moment  j'ai  mau- 
vais œil.  Une  congestion  dont  j'ai  été  frappé  il  y  a  près  d'un  mois 
s'est  portée  là,  cl  j'ai  cru  un  instant  que  le  cerveau  sérail  louché. 


Mais  bah  !  Ce  n'est  plus  qu'une  question  de  jours  et  puis  je  me 
remettrai  à  la  besogne  inlerrompuç. 

«  Que  dites-vous  de  mon  installation?  N'est-ce  pas  qu'elle  es^ 
de  nature  à  dérouter  rarchilecle  le  plus  habile?  Que  voulez- vous? 
J'ai  l'horreur  des  constructions  compliquées,  des  coins  où  sc 
complaît  le  bourgeois  ^  j'aime  les  pièces  vastes,  simples, 
aérées,  et  je  rôvë,  pour  y  vivretoujours,  un  hall,  où  j'aurais  mon 
lit,  ma  salle  à  manger,  mon  atelier,  mes  chiens  et  mon  cheval. 
Celte  construction  baroque  que  vous  voyez  a  une  histoire,  qui 
réhabilite  à  mes  yeux  la  corporation  un  peu  discréditée  des  no- 
taires. Un  jour,  il  y  a  six  ans  de  cela,  je  reçus  la  visite  d'un  label- 
lion  de  province,  M.  Beaupèrè  :  c'était  un  homme  de  goût,  un  peu 
artiste  et  chez  qui  la  paperasserie  n'avait  pas  oblitéré  le  sentiment 
des  belles  choses.  11  connaissait  certaines  de  mes  œuvres  et  brû- 
lait d'en  posséder  quelques-unes.  Or,  précisément  à  ce  moment-là, 
j'étais  fort  gêné  :  je  cherchais  de  l'argent  et  avais  vainement  frappé 
à  la  porte  des  hommes  d'affaires  et  des  notaires  voisins.  Vous 
savez  s'ils  sont  durs  h  la  détente,  ces  gens-là.  Je  contai  donc  mes 
ennuis  à  mon  visiteur  et  lui  dis  qu'il  me  fallait  la  bagatelle  de  vingt 
mille  francs.  Eh  bien,  le  croirez-vous,  ce  brave,  cet  excellent,  ce 
cher  homme  me  les  offrit  tout  de  suite,  comme  cela,  simplement, 
sans  papier  timbré,  sans  formules  solennelles.  —  «  N'ayez  nul 
souci,  cher  maître,  me  dit-il  :  vous  me  rembourserez  la  somme, 
à  votre  fantaisie,  à  l'aide  de  quelques-uns  de  vos  dessins.  »  Et 
voilà  comment  je  suis  devenu  propriétaire  de  cet  immeuble  extra- 
vagant. Peu  à  peu,  j'ai  arrondi  mon  lopin  primitif  :  à  force  d'ajou- 
ter des  hectares  aux  hectares,  je  me  suis  constitué  un  domaine  :  je 
cultive  la  vigne  et  les  pommiers.  Je  fais  du  cidre,  je  récolte 
même  dix  pièces  de  vin  dont  mes  amis  ne  goûtent  pas,  car  il  est 
mauvais.  J'ai  de  la  volaille  et  des  bestiaux  et  mon  ambition  à 
présent  est  d'avoir  un  cochon  phénomène  couronné  au  concours 
agricole.  »  

L'art  dramatique  en  Néerlande. 

Prétextant  des  deux  pièces  nouvelles  :  Droomleven,  de  Me- 
vrouw  Hanna,  Het  Goudvischje,  de  W.-C.  van  Nouhuys,  voici  de 
copieux  articles  dans  les  derniers  du  Nieuwe  Gids.  Van  der 
Horsl  se  limite  pour  ce  «  Droomleven  »,  qui  semble  mérileV  la 
plus  sérieuse  attention  et  éveille  toute  notre  curiosité;  Van  der 
Goes  perd  décidément  toute  mesure  —  et  toujours  si  dilué,  — 
dans  le  démolissage  du  second  drame.  Trente  pages  consacrées 
à  une  œuvre  qui  vaut  bien  un  haussement  d'épaules  !  Le  fait  est 
que  c'est  un  usage  néerlandais.  Intolérable  !  Au  hasard  :  quinze 
grandes  pages  pour  signaler  le  récent  article  paru  dans  l'alma- 
nach  du  Parti  ouvrier  92,  de  Friedrich  Engels,  un  des  fondateurs 
de  la  démocratie  sociale  allemande;  vingt-trois  pour  rendre 
compte  de  la  Conquête  du  pain  du  prince  P.  Kropotkine!  ^ 

La  critique  qui  porte  ses  coups  ainsi  à  demeure,  au  trot  d'un 
piètre  cheval  de  fiacre,  manque  son  but,  si  elle  bourre  la  revue. 
L'article,  un  porte-pince,  court  et  net  comme  un  coup  de  fouet 
ou  un  cri  d'enthousiasme,  produit  son  effet.  Dans  \&Nieuiue  Gids, 
Velh,  Holst,  van  Deijssel  le  pratiquent. 

Van  der  Goes  clôt  l'interminable  réquisitoire  contre  la  pièce  de 
Van  Nouhuys  sur  celte  pensée  qui  doit  ne  lui  laisser  aucun  doute 
sur  l'utilité  d'un  si  fatigant  et  impénitent  verbiage  :  «  La  litté- 
rature n'est  servie  que  par  l'œuvre  d'art  et  non  par  la  critique!  » 
Après  avoir  fait  la  guerre  de  trente...  pages  à  un  quelconque 
drame,  l'aveu  est  la  pire  des  condamnations. 


Droomleven,  signalé  par  Van  der  Horsl  :  «  C'est  une  chose 
extraordinaire  que  ce  début  d'un  auteur  qui  se  cache  sous 
le  pseudonyme  de  Mevrouw  Hanna.  L'apparilion  d'une  pièce 
hollandaise  qui  n'est  pas  ennuyeuse  est  un  fait  assez  extraordi- 
naire, assez  exceptionnel;  mais  ici  je  donne  à  extraordinaire  son 
sens  strict,  celui  qu'on  appliquerait  à  une  œuvre  particulièrement 
belle.  » 

Le  public  hollandais  parait  avoir  accueilli  cet  essai  d'art  drama- 
tique nouveau  comme  le  nôtre  les  productions  de  notre  art 
national.  Songez  donc,  une  pièce,  non  conforme  et  hardie,  d'un 
auteur  néerlandais,  et  sur  une  scène  néerlandaise  ! 

Une  héroïne,  Leida  Werlens,  dont  les  tourments  du  cœur  —  ce 
terre-à-terre  paraît  par  irop  terre-à-lerre  —  sont  mis  en  lumière. 

Son  entourage  est  bourgeois  et  inaperçu  ;  le  grand  univers 
qui  s'agite  tout  autour  importe  peu,  et  lui  ne  s'inquiète  pas  du 
chagrin  de  Leida  Werlens.  Mais  nous,  à  qui  il  est  donné  d'en- 
tendre ses  plaintes,  nous  les  écoulons  attentivement  comme  douce 
musique  lointaine  qui  nous  fait  souvenir  et  retforaïaître  nos  peines 
en  les  siennes.  , 

Et  quand  apparaîtra  la  première  grande  et  brutale  déception, 
quand  sa  mère  ne  s'érigera  plus  en  toute  pureté  dans  son  imagi- 
nation, et  quand  ses  illusions  d'amour  et  d'amour  du  prochain  la 
délaisseront  tout  à  coup,  alors  semble-t-elle  se  réveiller  d'un  révc 
béat;  après  cette  chute  du  ciel,  plus  aucun  bonheur  ne  lui  paraît 
possible.  Der  Traum  ist  ans,  allein  die  Nacht  noch  nicht. 

Et  se  sera  la  résurrection  pour  elle,  plus  lard,  en  la  persuasion 
qu'un  seul  malheur  est  à  craindre,  en  somme,  trop  d'impuissance 
ou  —  trop  d'indolence  à  pouvoir  se  dévouer  totalement  à  un 
immatériel  idéal  ;  en  son  nom  «  endurer  tous  les  outrages  aux- 
quels, elle  le  pressent  bien,  son  entourage  ne  pourra  jamais  rien 
comprendre  ». 

Plus  haut  il  était  écrit  :  «  Par  la  simple  raison  que  Droomleven 
est  de  bonne  écriture,  l'œuvre  marquera  une  date  en  notre  litté- 
rature, d'une  haute  borne  indicatrice  la  route  qui  doit  conduire 
vers  le  meilleur  ».  V. 


QUELQUES  LIVRES 

Le  traité  de  Narcisse  (théorie  du  symbole),  par  ândbe  Gide. 
Paris,  librairie  de  l'Art  indépendant,  28  p. 

En  une  langue  claire,  concise,  qui  se  soucie  avant  tout  du 
développement  de  la  pensée  et  y  subordonne  toute  phrase,  André 
Gide  nous  donne  la  théorie  du  symbole  exposée  ingénieusement 
elle-même  au  moyen  d'un  symbole.  En  liminaire,  cette  déclara- 
tion. «  Il  n'est  pas  besoin  de  préface.  Je  n'écris  ça  que  pour 
ceux  qui  ont  déjà  compris  ».  Ce  qu'il  faut  avoir  quelque  peu 
compris,  c'est  la  haute  philosophie  du  génie  antique,  du  grand 
Platon,  qui  formula  une  fois  pour  toutes  le  symbolisme  cosmolo- 
gique que  veulent  interpréter  poétiquement  aujourd'hui  les  jeunes 
pléiades.  Les  apparences  terrestres  sont  représentatives  d'idées 
qu'elles  manifestent.  Et  ces  idées,  les  archétypes  absolus  et  par- 
faits ont  une  existence  réelle  dans  le  monde  des  formes,  dans  le 
paradis,  eden,  le  divin  jardin  de  la  pensée  divine,  où  elles 
sont  représentées  par  des  exemplaires  uniques  pour  chacun  des 
genres  el  chacune  des  espèces.  «Aussi,  les  variétés  demeurent-elles 
derrière  les  formes-symboles.  Tout  phénomène  est  le  symbole 
d'une  vérité.  Son  seul  devoir  est  qu'il  la  manifeste,  son  seul  péché 
qu'il  se  préfère.  » 


VAUT  MODERNE 


229 


Le  vieux  mythfi  de  Narcisse  explique  loiil  cela.  Narcisse  élail 
parfaitement  beau.  Mais  Narcisse  ne  se  connaissait  pas.  Grande 
inquiétude.  Ali!  ne  pas  savoir  si  l'on  s'aime,  ne  pas  connaître  sa 
beauté!...  Et,  ne  doutant  pas  que  sa  forme  ne  soit  quelque  pari, 
il  se  lève  cl  part  à  la  recherche  des  contours  souhaités  pour  enve^ 
loppcr  enfin  sa  g[rande  ftme.  Il  s'en  vient  près  du  fleuve  et  s'y 
abandonne  aiix  visions  qui,  selon  le  cours  des  eaux,  ondulent  et 
que  les  flots  diversifient.  Mais  il  ne  sait  encore  si  son  âme  guidé  le 
flot  ou  si  c'est  le  flot  qui  la  guide.  Pourtant,  ce  sont  toujours  les 
mômes  choses  qui  passent,  toujours  les  mêmes  formes.  «  Pourquoi 
plusieurs?  ou  bien  pourquoi  les  mêmes?  C'est  donc  qu'elles  sont 
imparfaites,  puisqu'elles  recommencent  toujours...  et  toutes, 
pense-t-il,  s'efforcent  vers  quelque  chose,  vers  une  forme  pre- 
mière perdue,  paradisiaque  cl  cristalline.  Narcisse  rêve  au  para- 
dis. »  Puis,  spectacle  des  choses  parfaites,  ennui  de  n'y  jouer 
aucun  rôle,  inharmonie  de  son  geste  qui  va  engendrer  la  faute,  la 
faute  qui  sera  cause  de  l'inharmonie  générale.  El  le  paradis 
désormais  sera  toujours  k  refaire.  Les  formes  rythmiques  étant 
perdues,  tout  dorénavant  tendra  vers  sa  forme  d'autrefois. 

«  Le  poêle  est  celui  qui  regarde.  El  que  voil-il?  Le  paradis,  qui 
«  est  partout.  Les  apparences  sont  imparfaites  :  elles  balbutient 
«  les  vérités  qu'elles  décèlent  ;  le  poète,  à  demi-mol  doit  com- 
«  prendre,  puis  redire  ces  vérités.  » 

La  reine  Alena,  drame  çn  1  acte  par  Oscar  Hameluse. 
Bruxelles,  Lacomblez,  39  p. 

Un  drame  qui  n'a  rien  d'historique,  ni  de  pseudo-historique.  Le 
roi  Torgotius  a  fait  prisonnière  l'enfant  du  roi  de  Retraine  Vin- 
dicenius,  el  l'a  fait  élever  pour  en  faire  sa  femme. 

Plus  lard,  guerre  entre  les  deux  rois;  massacre  de  Torgotius, 
le  mari  brutal  el  violent  ;  reconnaissance  du  père  et  de  la  fille,  la 
reine  Alena.  Le  barbare  est  bon  père  mais  répudie  l'enfant  que 
sa  fille  a  eu  de  son  butor  de  mari.  Introduit  au  chftteau  près 
d'Alena, après  sa  victoire  sur  Torgolius,|Vindicenius  lui  ordonne  de 
tuer  son  enfant,  rejeton  d'une  race  maudite  qu'il  exècre.  Alena  ne 
s'exécute  pas,  mais  donne  à  son  père  le  moyen  d'exercer  s^  ven- 
gcnce. 

Ce  trait  est  invaisemblable  en  lui-même  et  l'auteur  a  peu  fait 
pour  amener  logiquement  ce  dénouement. 

Les  personnages,  d'une  psychologie  abrégée  et  fruste, |se  meuvent 
dans  un  décor  qui  n'a  rien  de  consubstanliel  à  leur  être  el  au 
milieu  d'événements  qui  ne  se  traduisent  qu'insuffîsammenl  en  cris 
de  passion. 

Les  Dupourquet.  —  Mœurs  de  province,  par  Eugène  Delart. 

L'auteur  s'est  efforcé  de  justifier  son  sous-litre,  el  il  nous  donne 
une  certaine  quantité  d'observations  extérieures  sur  les  destinées 
d'une  famille  bourgeoise.  Le  sujet  el  les  épisodes  du  roman  ne 
sonl  pas  neufs,  ce  n'est  qu'un  péché  véniel.  Mais  l'auteur,  comme 
tous  les  êtres  très  jeunes,  est  poursuivi  par  les  impressions 
des  autres  quand  il  regarde  la  nature.  Il  semble  être  à  cette  période 
où  l'on  est  honnêtement,  sincèrement  banal  el  où  trop  de  per- 
sonnalités diverses  vous  hypnotisent  encore  pour  qu'on  débrouille 
aisément  la  sienne. 

La  jeunesse  de  demain .  Politique  et  littérature,  par  Firmin 
Van  den  Bosch.  —  Gand,  typ.  A.  Siffer.  (Brochure extraite  du  Maga- 
sin littéi'aire.) 

En  province^wallonne,  on  dirait  éncrgiquement  que  Firmin  Van 
den  Bosch  est  un  vaillant  qui  «  marche  sur  son  courage  »,  ce  qui 


veut  dire  que,  monté  sur  toul  ce  qu'il  a  de  courage,  il  s'en  fait  un 
trépied,  ou  mieux,  un  coursier  pour  aller  plus  vileel  plus  haut. 

Courageux,  de  dire  aux  siens  leurs  défauts,  leur  entêtement  à 
se  cramponner  craintivement  à  «  Belle-maman  Routine  »  ;  coura- 
geux, de  demander  «  de  l'air,  de  l'air  neuf,  de  l'air  moderne  dans 
les  antres  moisis  «  de  l'enseignement  moyen  el  universitaire,  dans 
la  forme  —  art  ou  littérature  —  des  idées  de  ses  amis  religieux. 

Que  j'aime  ce  vraiment  belge  accouplement  d'ardeur  el  de  per- 
spicacité, cette  conviction  toujours  affirmante  qui  ne  se  grise  pas 
de  mots,  qui  veul  ses  frères  forts  el  n'a  pas  peur  de  les  gourman- 
der! 

La  tâche  scra-t-elle  facile,  d'amener  tous  «  ces  vibrions,  les 
douteux  »  en  art  ou  en  politique,  à  une  conviction  forte,  quelle 
qu'elle  soit  ? 

Qu'importe!  ceux  qui  y  travaillent  franchement,  ceux  qui 
auront  rajeuni,  déliédi,  par  le  froid  ou  par  le  chaud,  quelques- 
uns  de  nos  braves  endormis  auront  bien  mérité  de  la  petite 
patrie  belge.  >  ■  ^ 

Balzac  socialiate. 

M.  Bcrnier,  dans  une  brochure  extraite  delà  Revue  socialiste, 
démontre  que  malgré  ses  convictions  en  apparence  monarchiques 
et  catholiques,  Balzac  élail  bien  socialiste.  Balzac  étudiait  les 
hommes  de  trop  près  el  avec  une  nature  trop  impressionnable 
pour  ne  pas  en  arriver  forcément  à  des  déductions  sociales  plus 
généreuses  que  celles  qui  avaient  cours  autour  de  lui.  A  ceux  qui 
n'ont  lu  qu'une  partie  de  ses  ouvrages  ou  qiii  ne  les  ont  lus  que 
superficiellement  (si  tant  est  qu'on  puisse  lire  superficiellement 
Balzac),  M.  Bernier  rend  le  grand  service  de  les  mettre  sur  la  voie 
d'une  conception  générale  de  ce  grand  esprit. 

Le  génie  de  Balzac  est  surtout  humanitaire,  cl  le  socialisme, 
développement  actuel  de  l'idée  humanitaire  toujours  grandis- 
sante, ne  pouvait  manquer  de  deviner  dans  ce  croyant  les  senti- 
ments que  les  disciples  de  l'idée  nouvelle  prêchent  aujourd'hui. 

Ernest  Renan  peint  par  lui-même  (par  l'auteur  de  Deux 
Femmes  au  xvii»  siècle,  I.  P.)  —  Liège,   Godenne,  impr.-éditeur. 

J'aime  peu  les  façons  tournoyantes  et  ondulantes  de  M.  Renan. 
Mais  l'auteur  de  Deux  femmes  au  xvn«  siècle,  qui  ne  les  aime  pas 
non  plus,  me  paraît  féru  contre  lui  d'une  animosité  bien  intense 
pour  être  impartiale. 

Celle  animosité  ne  serait-elle  qu'un  antagonisme  religieux, 
haine  de  croyant  à  incroyant? 

Dans  l'armée  des  libres  penseurs,  M.  Renan  est  certes  un  de 
ceux  qu'il  est  le  plus  facile  d'attaquer.  Sa  richesse  d'imagination 
l'induit  en  tentation  d'élasticité.  Comme  Rousseau,  il  y  a  eu  sur 
sa  génération  une  grande  influence,  due  tant  aux  brillants 
défauts  de  son  caractère,  —  attendrissantes  faiblesses,  élans  sans 
péril  vers  des  généralités  vagues  et  flatteuses,  —  qu'à  sa  pensée. 
Comme  Rousseau  aussi,  il  a  déchaîné  sur  les  travers  de  sa  per- 
sonnalité l'ire  des  antagonistes  de  la  libre  pensée  tout  entière. 

El  je  crois  que  le  pieux  auteur  de  la  brochure  signée  I.  P. 
confond  cette  personnalité  ondoyante,  diverse...  el  adroitement 
charmeuse,  avec  le  fond  difficile  à  préciser  de  la  pensée  de 
M.  Renan.  —  Difficile  à  préciser  surtout  quand  on  connaît  plus 
intimement  saint  Jérôme,  voire  peut-être  saint  Thomas  d'Aquin, 
que  Darwin  et  tous  ces  «  affreux  mécréants  »  de  la  science  mo- 
derne. „ 

J'ai  peur  que  M.  Renan  ne  se  relève  assez  facilement  des  minus- 


230 


LWRT  MODERNE 


cules  coups  droits  qu'on  lui  porte,  el  ne  se  lave  sans  peine  du 
reproche  d'avoir  beaucoup  menti,  d'avoir  fait  descendre  l'homme 
des  singes,  ou  d'avoir  voulu  s'enrichir  par  le  scandale. 

1.  W. 


ykcCUpÉp     DE    F^ÉCEPTIOp^ 

Ams  fidèles  au  mystère,  par  Adolphe  Frères;  Bruxelles, 
Lacomblez.-LeC/iet;fl/if/'i^o?-e//e,parXAViERDEhEL'L;.Bruxclles, 
A,  Lefèvre.  —  Homère;  choix  de  rnpsodies  illustrées  d'après  l'art 
antique  et  l'archéologie  moderne  et  mises  en  vers,  par  Cn.  Potvin; 
Bruxelles, Hayez  {\S9\).—Lcs  Tourments,  parFERNANDCLERGET; 
Paris,  Bibliothèque  artistique  et  littéraire  (1 89  l).—/^eHr.V^i'^«'''. 
par  Fernand  Clerget;  Paris,  L.  Genonceaux  (1891).  —  Ln  Pas- 
sante, roman  d'une  âme,  par  Adrien  Remacle,  avec  un  fronlis- 
p'ce  d'OoiLCN  Redon;  Paris,  Biblioihèque  artistique  et  littéraire. 
—  Sur  la  plage;  les  airs,  la  mer  et  leurs  habitants,  par  Emile 
Leclercq;  Bruxelles,  Bruylanl. 


DÉCORS  EN  PAPIER 

La  DépêchedeTo\i]ouse  donne  ne  curieux  et  intéressants  rensei- 
gnements sur  les  décors  en  papier,  une  spécialité  nouvelle,  très  en 
faveur  sur  les  scènes  italiennes  et  qu'ont  adoptée  déjà  plusieurs 
théâtres  de  France  et  de  l'étranger.  Bruxelles  en  a  vu  pour  la 
première  fois  lors  des  représentations  de  la  Mégère  apprivoisée 
à  la  Monnaie.  Ce  genre  de  matériel  décoratif  a  le  double  avantage 
de  n'être  pas  encombrant  et  de  rester  h  très  bas  prix. 

Un  décor  complet  (coulisse  et  toile  de  fond),  roulé,  plié  soigneu- 
semenl,  tiendrait,  en  effet,  dans  une  petite  valise.  1!  va  sans  dire 
qu'il  le  faut  rentoiler  ensuite  pour  en  garantir  la  solidité,  le  fixer 
aux  châssis,  le  charpenter,  en  un  mol,  selon  les  plans  delà  scène; 
mais  rien  n'est  plus  facile  que  de  le  ramènera  son  formai  primitif, 
de  le  remettre  à  l'étal  de  menu  ballot.  C'est  le  décor  portatif,  le 
décor  que  l'on  peut  «  faire  suivre  en  voyage  »,  —  et  M.  Coquelin, 
par  exemple,  n'en  use  pas  d'autres  en  ses  tournées. 

Quant  au  prix,  il  est  modique  et  change  évidemment  d'après  les 
dimensions.  Pour  une  scène  de  grandeur  moyenne,  le  matériel, 
par  acte,  coûte  trois  cents  francs.  Il  est  bien  entendu  que  là  ne 
sont  pas  compris  les  frais  de  transport,  de  douane,  de  mon- 
tage, etc.  Net,  le  décor  définitivement  écjuipé  revient  à  cinq  cents 
francs. 

On  estime  par  là  pour  combien  peu  il  serait  aisé  de  mettre  un 
iniporlanl  ouvrage  très  convenablement  sur  pied,  au  point  de  vue 
représentatif  el  sans  dépenser  beaucoup  d'argent.  Ces  décors 
viennent  d'Italie. 

Certes,  ils  sont  violents  de  tons  ;  mais  ils  sont  aussi  d'une  extrême 
habileté  de  composition,  d'exécution,  bien  disposés  en  perspec- 
tive, —  et  ils  produisent  de  l'effet. 

En  présence  de  l'empêchement  où  se  trouvent  les  directeurs 
provinciaux  de  consentir  d'énormes  débours  pour  monter  une 
pièce,  le  décor  en  papier  devient  d'un  secours  véritable,  et  per- 
mettrait de  représenter  un  bien  plus  grand  nombre  d'œuvres. 

Si  tous  l'employaient,  avec  l'autorisalion  des  administrations 
municipales,  le  matériel  des  principales  villes  n'y  gagnerait  peut- 
être  pas  beaucoup  comme  constant  usage.  Mais,  à  de  très  rares 
exceptions,  qu'emmagasinent-clles  aujourd'hui,  ces  pauvres  villes, 
en  décors  surioile!  Vous  le  voyez  chaque  jour,  hélas!  et  de  quelle 
manière  ils  sont  entretenus  et  conservés  ! 

Avec  le  papier,  du  moins,  aurait-on  la  ressource  de  pouvoir 
renouvciter  i  proportion  le  répertoire,  —  et  l'on  aurait  ainsi  tou- 
jours de«  décors  presque  neufs  à  la  place  des  vieilles  et  misérables 
loques  coulumièrcs. 


CONCOURS   DU    CONSERVATOIRE  (i) 

Mimique  (à  huis  clos).  —  Professeur  :  M.  Vermandele. 
1"  prix  avec  distinction.  M""  Van  Hoof;  1"  prix  à  l'unanimité, 
MM.  Coryn  et  Noèl;  i"  prix.  M.  Verboom;  2">«  prix,  M""»  Fleury 
et  Thévenet;  1"  accessit,  M""  Friedrich. 

Déclamation  (à  huis  clos).  Classe  des  jeunes  filles.  —  Profes- 
seur: M"«  J.Tordei's.  V»  mention,  M'^'^Wallor,  Fleury,  Guilliaume 
et  Friedrich. 

Classe  des  jeunes  gens.  —  Professeur  :  M.  ël'G.  Monrose. 
V  mention,  M.  Bilqùin;  2'"°  mention,  MM.  Soycr,  Tilmont  et 
Piens. 

Tragédie  et  comédie.  Classe  des  jeunes  gens.  —  Protossour  : 
M.  EUG.  Monrose.  2"'"  prix,  MM.  Noèl  cl  Van  den  Plas. 

Classe  des  jeunes  filles.  —  Professeur  :  M""  J.  Tordeus. 
["'  prix,  M""  Baudoux  et  Dubrcucq;  2""-'  prix  avec  distinction, 
MM""«  Bady  et  Subra;  2"'«  prix,  M"*^  Loubriat. 


Mémento  des  Expositions 

Amsterdam.  —  Exposition  communale.  5 septembre-10  octobre. 
Envois  du  A  au  43  août.  Six  médailles  d'or.  Renseignements  : 
Secrétaire  du  Comité  de  l'Exposition  communale,  Amsterdam. 

Chicago.  —  Section  des  Beaux-Arts  de  l'Exposition  universelle, 
l"  mai-30  octobre  1893  (voir  l'Art  moderne  du  M  octobre  1891). 

Fontainebleau.  —  i*"'-30  septembre.  Envois  du  13  au  20  juillet 
iui  Château  de  Fontainebleau.  —  Secrétaire  général  :  Weber, 
notaire. 

Gand.  —  Salon  triennal  :  21  aoùUlO  octobre.  Délai  d'envoi  : 
20  juillet.  Renseignements  :  M.  F.  Van  der  Haeghen,  secrétaire 
de  la  Commission  directrice,  au  Casino,  Gand. 

Madrid.  —  Exposition  historique  européenne.  12  seplembre- 
31  décembre.  Délai  d'envoi  expiré.  Renseignements  :  Comte  de 
Casa  Miranda,  sous-secrétaire  d'Etat  à  la  présidence  du  Conseil 
des  ministres,  Madrid. 

Monaco.  —  Exposition  internationale  des  Beaux-Arts  (limitée 
aux  invités).  14  novembre  1892-I.t  août  1893.  Envois  du  4  au 
12  octobre.  Renseignements  -.Baron  Delort  de  Gléon,  président 
du  Comité,  rue  Vézelay,  18,  Paris. 

Nancy.  —  XXIX"  exposition  de  là  Société  lorraine  des  «  Amis 
des  Arts  ».  1"  novembro-8  décembre.  Transport  gratuit  pour  les 
artistes  invités.  Envois  avant  le  15  octobre.  Renseignements  : 
M.  R.  Wiener,  trésorier,  rue  des  Dominicains,  53,  Nancy. 

Nice.  —  Exposition  internationale.  10  janvier-30  mars  1893. 
Envois  :  l«'"-25  décembre.  Renseignements  :  Secrétariat,  Palais 
du  Crédit  Lyonnais,  Nice. 


Catalogue  de  la  librairie  E.  Deman.  Bruxelles,  1892. 

Si  rien  n'est  excitant  comme  un  catalogue  en  général,  celui-ci, 
pour  quiconque  n'est  pas  Irop  millionnaire,  devient  un  objet  dan- 
gereux. Les  gens  du  monde  n'ont  jamais  su  mordre  aux  vrais 
livres  pour  ce  qu'il  y  avait  dedans.  Ils  commencent  maintenant, 
grâce  au  ciel  —  et  au  raffmemenl  du  luxe,  —  à  en  mordiller  un 
peu  la  couverture.  El  celte  fois  je  bénis  la  vaste  famille  des  mou- 
lons de  Panurge  dont  le  nombre'  permet  des  accumulations  de 
trésors  comme  ceux  de  la  librairie  Deman  (car  le  vrai  amateur  qui 
aime  le  livre,  ë  la  fois  pour  le  contenu  et  le  contenant,  doit  être 
un  animal  trop  rare  pour  faire  vivre  le  véritable  art  du  livre). 

Je  me  mets  â  espérer  que  chez  beaucoup  de  mes  amis  actuels 
où  je  m'ennuie  si  souvent,  je  rencontrerai  un  jour  ou  l'autre 
Villon,  Rabelais,  Pierre  Gringoire,  Lancelol  du  Lac  ou  Banville, 

(1)  Suite  et  fin.  Voir  nos  quatre  derniers  numéros. 


i: ART  MODERNE 


231 


plus  vivants  dans  leur  vélin,  leur  papier  du  temps  ou  leur  robe 
épaisse  ei  douce  à  l'œil,  que  les  hôtes  qui  me  rccevronl.  El  peut- 
être  que  la  robe  lentanle  de  tous  ces  sérieux  ou  joyeux  compères 
de  tous  les  siècles  finira  par  les  faire  respecter  —  sinon  aimer. 


Petite  chrojmique 

Camille  Lemonnier  vient  do  rentrer  en  Belgique,  après  un 
séjour  de  plusieurs  ntois  à  Paris,  où  son  dernier  roman,  La-Fin 
des  Bourgeois,  a  eu  un  succès  de  librairie  considérable.  Dix 
éditions  ont  été  vendues  jusqu'ici. 

Le  concert  de  bienfaisance  donné  dimanche  dernier  à  La  Lou- 
vière  par  le  Club  symphonique  de  Bruxelles  avait  attiré  une  foule 
compacte  qui  a  héroïquement  résisté  à  une  température  de  serre 
chaude  pour  écouler,  jusqu'à  l'accord  final,  les  nombreux  morceaux 
d'ensemble  et  les  soli  inscrits  au  programme.  On  a  fait  fôle  aux 
solistes  :  M"*  Ghcrisen,  dont  la  voix  a  beaucoup  gagné  en  ampleur 
et  en  puissance,  et  qui  est  devenue  une  cantatrice  de  grand  style; 
M"*  Céline  Blés,  la  jeune  violoniste  sortie  l'an  dernier  du  Conser- 
vatoire et  qui  a  déjà  l'acquis  et  l'assurance  d'une  virtuose  ; 
M"*  Malvina  SchmidI,  l'une  des  plus  brillantes  élèves  de 
M.  Edouard  Jacobs,  qui  a  lui-môme  paru  sur  l'estrade  pour 
accompngner  M""  Gherisen  de  quelques  coups  d'archet  larges  et 
harmonieux.  Le  Club  symphonique  a,  sous  la  direction  de 
M.  Emile  Agniez,  exécuté  avec  précision  diverses  œuvres  de 
Grieg,  de  Pierné,  de  Pessard,  etc.,  et,  sous  la  direction  de 
M"«  Boch,  Y  Odette  de  Svendsen. 

Fête  charmante,  à  laquelle  l'aimable  réception  faite  par  le 
président  d'honneur  de  la  société  et  les  joies  d'une  journée  d'été 
merveilleuse  ont  donné  une  saveur  spéciale.  La  promenade  dans 
le  parc  aux  alentours  du  vaste  hall  décoré  de  drapeaux  et  de 
fleurs,  le  dîner  en  plein  air,  les  fanfares  wagnériennes  appelant 
les  auditeurs,  le  bal  sur  la  pelouse  qui  a  terminé  la  fête,  tout  a 
été  original  et  amusant,  à  la  fois  intime  et  des  plus  élégants. 

Le  très  intéressant  concert  de  musique  française  moderne,  dont 
la  première  partie  est  consacrée  à  Bizet,  Guiraud,  Delibes,  Mas- 
senet  et  Sainl-Saëns,  la  seconde  à  Vincent  d'Indy,  Fauré,  Chausson, 
de  Dréville  et  Chabrier,  qui  devait  avoir  lieu  au  Waux-Hail  jeudi 
passé,  a  été  remis,  à  cause  du  mauvais  temps,  à  mardi  prochain. 

Ce  soir,  deuxième  audition  du  chansonnier  M.  Lefèvre. 

Une  nouvelle  audition  de  La  Mer  de  Paul  Gilson,  et  deux 
solistes  qui  ont  toutes  deux  été  très  applaudies.  M""  Milcamps  et 
BuoI,  ont  fait  les  frais  des  concerts  extraot-dinaires  delà  semaine. 

La  Mer  de  Paul  Gilson  sera  exécutée  à  Spa  le  25  courant  ci 
à  Ostende  le  28.  

Biiyreuth  a  perdu  une  de  ses  curiosités  :  le  café  Angermann, 
que  Richard  Wagner  avait  fréquenté  de  préférence  et  qui  était 
devenu  une  sorte  de  lieu  de  pèlerinage  qu'aucun  visiteur  dé  Bay- 
reuth  n'eût  voulu  ignorer. 

On  regrettera,  pendant  les  représentations  wagnériennes,  le 
petit  café  avec  ses  catacombes  ornées  de  caricatures. 

«  Tous  ceux  qui  assistèrent  à  l'inauguration  du  théâtre,  dit 
M.  Octave  Maus  dans  ses  Souvenirs  d'un  wngnérisle,  ont  gardé 
le  souvenir  de  la  petite  brasserie  voûtée  et  sombre  qui  se  cache, 
à  l'entrée  de  la  Canzleistrasse,  derrière  un  rideau  de  sapins  plan- 
tés dans  les  pavés.  Là,  chez  Angermann,  se  réunissaient  tous  les 
soirs,  après  le  speclacle.  Allemands  et  Français,  wagnéristes  et 
anti-waguérisles.  La  politique  et  l'art  échauffaient  à  la  fois  les 
cerveaux.  Et  tandis  que  la  bière  mousseuse  coulait  à  flots  dans 
les  grandes  chopes,  que  le  fumet  des  saucisses  rissolant  dans  la 
poêle  à  frire  emplissait  les  deux  salles  basses,  les  discussions 
éclataient  autour  des  tables  de  chêne  en  un  brouhaha  indescrip- 
tible. A  plusieurs  reprises  on  alla  jusqu'aux  brocs  jetés  à  la  tête 
de  l'adversaire  récalcitrant. 

Parfois,  au  fort  de  la  mêlée,  un  grand  silence  tendait  brusque- 


ment les  cous  :  c'était  la  Materna  ou  Lili  Lchmann,  l'adorable 
créature,  qui  entrait,  majestueuse,  avec  d'altiers  mouvemenis  de 
tête,  et  tous  contemplaient  avec  surprise  l'orgueilleuse  Brunehilde 
ou  l'idéale  fille  du  Rhin  distribuant  des  poignées  de  mains  aux 
Absalons  en  chapeau  mou  attablés  dans  la  fumée  des  pipes  de 
porcelaine.  » 

L'établissement  Angermann  a  été  exproprié  par  l'Etal.  Les  res- 
taurateurs de  la  ville  ont  acheté  le  mobilier,  qui  avait  beaucoup 
souffert  des  déprédations  des  collectionneurs  enthousiastes. 

M.  Jan  Toorop  a  organisé  au  Kunstkring  de  La  Haye  une  fort 
intéressante  exposiliiu  à  laquelle  ont  pris  part  M"*  A.  Boch, 
MM.  Finch,  H.  de  Toulouse-Laulrec,  G.  Lemmen,  L.  Pissarro, 
0.  Redon,  Van  Rysselberghe,-P.  Signac,  H.  Van  de  Velde. 

Quatre  toiles  de  Georges  Seurat  complètent  ce  Salonnct  de 
choix,  pour  lequel  M.  Toorop  a  dessiné  une  jolie  couverture  de 
catalogue. 

Le  dernier  numéro  des  Hommes  d'aujourd'hui  (Vanier,  éd.) 
publie  un  portrait  d'André  Theuriel,  dessin  de  Luque,  texte  de 
Paul  Verlaine. 

Le  ministre  de  l'instruction  publique  et  des  beaux-arts  de 
France  a  constitué  une  commission  chargée  d'étudier  les  modi- 
fications h  apporter  aux  règlements  du  Conservatoire  de  Paris, 
qui  sont  restés  tels  qu'ils  étaient  il  y  a  un  siècle. 

Cette  commission  est  composée  dans  un  esprit  très  écleciique.  Il 
y  figure  des  critiques,  des  professeurs,  des  artistes,  de»  représen- 
tants des  nouvelles  écoles.  Eu  voici  la  composition  : 

Le  ministre  des  beaux  arts,  président. 

Le  directeur  des  beaux  arts,  vice-président. 

Membres  :  MM.  Ambroise  Thomas,  Réty,  Adrien  Hébrard,  Bar- 
doux  et  Schœlcher,  sénateurs;  Henry  Marel,  Pichon,  Proust, 
députés;  Massenet,  Vincent  d'Indy,  Reyer,  compositeurs  de 
musique;  Alexandre  Dumas,  Camille  Doucet,  Ludovic  Halévy, 
auteurs  dramatiques;  Sarcey,  Jules  Leniaîlre,  Victor  Wilder, 
critiques  dramatiques;  Gol,  Febvre,  Faurc,  Obin,  Taffancl,  Jean 
Richepin  et  Marcel. 

La  commission  esl  à  la  veille  de  terminer  ses  travaux.  Sa 
sous-commission  vient  de  lui  proposer  plusieurs  modifications  au 
règlement.  Les  unes  sont  de  pure  fantaisie;  il  est  douteux,  par 
exemple,  qu'aucun  directeur  présent  ou  à  venir  se  laisse  imposer 
des  listes  de  présentaiion  Al-  professeurs  par  uu  comité  recruté  en 
dehors  de  la  maison.  D'autres  sont  pratiques  :  par  exemple  la 
création  d'une  classe  d'alto,  d'une  classe  de  saxophone,  de  deux 
classes  de  contrepoint,  de  deux  classes  de  cbant.  On  parle  aussi 
de  punir  sévèrement  les  manquements  à  tous  les  cours  déclarés 
obligatoires. 

La  sous-commission  de  la  musique  a  entendu  la  lecture  du  rap- 
port de  M.  Marcel,  la  section  dramatique  celle  du  rapport  de 
M.  Bardoux. 

Ces  deux  rapports  seront  imprimés,  pour  être  distribués  aux 
membres  de  la  commission,  qui  en  délibéreront  dans  une  séance 
pléuière,  au  mois  d'octobre. 

Portrait,  par  le  Gil  Blas,  d'HENRi  Rivière,  l'auteur  des  jolis 
décors  applaudis  récemment  au  Théâtre  du  Chat  Noir. 

«  Une  tête  macabre,  hirsute,  où  l'on  ne  voit  d'abord  que  le  nez 
démesuré,  pareil  à  un  bec  et  s'allongeanl  entre  deux  larges  verres 
de  lorgnon.  Toujours  coitfé  d'un  chapeau  mou  et  enfoui  en  hiver 
comme  en  été  dans  une  immense  macfarlane.  Mélomane  enragé, 
eut  pour  premier  maître  le  poêle  Rollinat.  Le  décorateur,  le 
peintre,  le  machiniste,  l'âme  du  fameux  théâtre  d'ombres  qui  fait 
courir  tout  Paris  au  Chat-Noir.  Ajoute  à  ces  multiples  fonctions 
celle  de  chef  des  chœurs  et  de  l'orchestre.  L'auteur  de  deux 
merveilleuses  œuvres  :  la  Tentation  de  saint  Antoine  et  la 
Marche  à  l'Etoile.  Signe  particulier  :  A  été  jadis  surnommé 
Bazouge  parce  qu'il  ressemblait  élonnemmenl  à  un  vieux  corbeau 
apprivoisé  qui  fit  longtemps  partie  des  accessoires  de  l'inslitul 
Salis.  » 


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Douzième  année.  —  N°  30. 


Le  numéro  :  26  centimes. 


Dimanche  24  Juillet  1892. 


1^ 


--■■."j'/,i. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATUp 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Émilé  VERHAEREN 

ABONNEMENTS  :    Belgique,    un   an,    fr.   10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES  :    Ou   traite  à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Plndustrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


Léon  Gladel.  —  Le  Christ  aux  outrages.  —  Quelques  livres. 
—  L'Art  aux  murs.  —  Restauration  des  sculptures  antiques.  — 
Petite  chronique. 


LEON  CLADEL 


LÉON  Cladel,  l'admirable  auteur  des  Va-nu-pieds,  de 
V Homme  de  la  Croioo-aux  Bœufs,  du  Bouscassié,  de 
la  Fête  votive  de  saint  Bartholomé-porte- Glaive,  est 
mort  vendredi  à  Sèvres,  prématurément  :  il  n'avait  que 
cinquante-sept  ans. 

La  littérature  française  perd  en  lui  un  de  ses  grands 
écrivains  qui  (tel  Barbey  d'Aurevilly)  ne  furent  jamais 
aimés  de  la  foule,  mais  restent  pour  les  lettrés  des 
types  de  cette  originalité  étrange  et  puissante,  qui  est 
le  charme  et  la  saveur  suprêmes  de  l'art. 

Il  ressemblait  psychiquement  à  l'un  de  ces  ouvriers 
rustiques  et  frustes  du  moyen-âge,  auteur  de  ces  ré  ta- 
bles multiples  et  effrayants,  de  ces  tabernacles  compli- 
qués et  merveilleux,  dans  lesquels  on  sent  que  chaque 
personnage,  chaque  animal,  chaque  arbre,  chaque  arceau 
a  été  fouillé.,  taillé,  ciselé  avec  un  amour  patient  et 
acharné  de  la  forme,  pour  la  satisfaction  de  l'artiste, 
sans  souci  du  vulgaire,  mais  avec  la  préoccupation  ten- 


dre et  ardente  de  s'offrir  soi-même  en  holocauste  à 
l'Idéal,  religion  popr  les  uns,  art  pour  les  autres. 

Dans  les  œuvres,  prodigieusement  nombreuses  de 
Léon  Cladel,  comme  en  toute  sa  vie,  aussi  naturellement 
que  la  ^stole  et  la  diastole  qui  faisaient  battre  son  cœur, 
la  plume,  entre  ses  doigts,  a,  sans  interruption,  monté, 
descendu,  tourné  sur  les  pages  dans  ses  étapes  horizon- 
tales de  gauche  à  droite,  sous  l'impulsion  de  la  pensée 
chauffant  toujours  pour  chasser  la  banalité  et  conquérir 
l'ornement  de  choix,  le  mot  rare,  le  dessin  ingénieux 
et  séducteur,  avec  une  propension  d'homme  né  très  près 
de  la  terre  et  de  sa  rusticité  odorante,  vers  le  coloris 
violent,  vers  la  force  rocailleuse  et  sonore. 

Mais  au  triste  jour  où  la  mort  l'a  touché  de  sa  dextre 
destructive,  ce  serait  peut-être  amoindrir  cette  grande 
âme  que  d'insister  sur  sa  gloire  d'écrivain  et  de  vanter 
longuement  les  œuvres  dont  plusieurs  le  mettront  sur 
un  des  piédestaux  réservés  aux  plus  illifstres  dans  le 
panthéon  des  écrivains  de  ce  siècle, —  tardivement  peut- 
être,  mais  sûrement.  Ce  qui,  à  nos  yeux,  l'immortalise 
mieux,  c'est  l'ineffable  beauté  de  cette  âme  d'Apôtre  qui, 
invinciblement,  le  faisait  apparaître  dans  ie  souvenir 
de  ceux  qui  l'ont  bien  connu,  sous  les  traits  spirituels, 
et  dans  les  derniers  temps,  par  une  mystérieuse  har- 
monie, sous  l'aspect  physique  de  Jean  le  Précurseur. 
Il  en  avait  l'abondance  de  parole,  la  foi  en  des  transfor- 
mations prochaines  et  divines,  l'amour  des  opprimés. 


234 


L'ART  MODERNE 


les  cris  de  justice,  les  blâmes  épouvantants,  le  besoin 
de  sacrifice,  la  résolution  de  persister  jusqu'à  la 
mort.  Il  avait  aussi,  pour  les  animaux,  la  tendresse 
d'un  François  d'Assises.  Dans  son  étrange  dem^re,  les 
poules  couchaient  entre  les  pattes  des  chiens,  et  les 
chiens  léchaient  les  plumes  des  poules.  A  son  lit  de 
mort,  il  aura  peut-être,  comme  Titi  Foissac  IV,  un  des 
doux  et  des  bienfaisants  de  ses  livres,  appelé  ses  bêtes 
et  les  a  bénies  de  ses  mains  défaillantes  :  Canes  fratres 
onei,  sorores  meœ  gallinœ.  Pour  les  intimes  de  sa  vie 
formidablement  détachée  des  biens  matériels,  autour  de 
lui  rajonnait  une  auréole  de  bonté  et  d'universelle  pitié 
auprès  de  laquelle  la  notoriété  artistique  n'est  vraiment 
qu'un  clair  de  lune. 

Nous  le  disons  par  un  besoin  d'élargir  son  éloge 
funèbre,  car  de  plus  en  plus,  en  ces  temps  de  justice  et 
de  fraternité,  la  gloire  d'avoir  été  un  écrivain  est  deve- 
nue trop  banale  pour  tenter  seule  les  grands  cœurs.  La 
vanité  y  tient  trop  de  place  pour  qu'ils  ne  démêlent 
pas  ce  qu'elle  a  toujours  de  mesquin  sous  son  éclat.  Ils 
veulent  moins  pour  eux,  plus  pour  les  autres,  et  alors 
peu  à  peu  s'infiltre  dans  leurs  écrits  cette  chaleur  de 
pitié  et  de  solidarité  qui  fait  des  Va-nu-pieds  un  des 
livres  de  fraternité  sociale  les  plus  poignants  et  les  plus 
décisifs. 

C'est  bien  cette  noble  et  maîtresse  qualité  à  laquelle, 
hier,  Séverine,  dans  un  superbe  et  touchant  article 
publié  par  le  Gil  Blas  (en  sous-ordre,  soit  dit  en  passant; 
la  première  place  a  été  réservée  aux  Gaités  de  la 
Semaine  par  Gros-Claude,  car  la  bêtise  ne  perdjamais 
ses  droits),  —  c'est  à  cette  qualité  que  Jacqueline- 
Séverine,  l'amie  d'un  autre  de  ces  farouches  prêcheurs 
d'équité,  Jules  Vallès,  s'est  invinciblement  attachée. 
Écoutez  comme  elle  résume  et  exalte  : 

Le  voici  mon,  le  digne  entre  les  dignes,  le  fier  cnlre  les  fiers, 
le  probe  entre  les  probes,  l'honneur  et  l'orgueil  de  noire  métier! 

D'autresi  parmi  nous,  sont  aussi  honnêtes,  dans  la  gravé  et 
superbe  acceptation  du  mot,  —  nul  ne  saurait  l'être  davantage, 
avec  plus  de  sainte  candeur,  d'inconscience  bénie;  ne  coneevanl 
même  pas  la  tentation,  ne  sachant  le  mal  que  par  ouï-dire,  pour 
plaindre  qui  s'y  adonne. 

11  fut,  il  restera  un  de  mes  respects  en  ce  monde,  l'incarnation 
du  sage  d'après  l'yntiquilé,  l'image  du  juste  d'après  l'Evangile.  Et 
quand,  tout  à  l'heure,  notre  camarade  Le  Roy  est  venu  me  dire  : 
«  Ciadel  est  mon!  »  il  m'a  semblé,  si  l'on  peut  s'exprimer  de  la 
sorte,  que  mon  cœur  devenait  tout  pâle,  que  le  sang  cessait  d'y 
affluer... 

C'est  que  je  l'aimais  bien,  ce  grand  anistc  b  l'ûme  pure  de 
petit  enfant! 

Non  que  je  le  connusse  de  toujours,  ni  même  de  longtemps. 
Sept  années,  pas  plus,  que. par  un  mélancolique  soir  d'automne, 
les  feuilles  rousses  de  son  jardin  avaient  craqué  sous  mes  pieds; 
que  la  pone  hospitalière  s'éiait  ouverte  à  larges  baUants,  et  que 
j'en  avais  franchi  le  seuil,  —  au  bras  d'un  rayon,  détaché  des 
splendeurs xlu  couchant  pour  porter  au  poète  l'adieu  du  soleil  ! 


Mais  il  était  do  ceux  qu'on  «  retrouve  »,  alors  même  qu'on  ne 
les  a  jamais  vus;  h  qui  la  confiance,  à  qui  l'amitié  se  donnent 
tout  de  suite,  insiinctivomonl,  sans  calculs,  parce  qu'on  les  devine 
hors  du  soupçon  et  des  mondaines  facticilés. 

Je  le  vois  encore,  tel  que  je  le  vis  ccjour-lb,  mis  en  valeur  par 
cette  nappe  d'or  jaune,  violente  et  magnifique,  qui,  faisant  irrup- 
tion dans  la  pièce  un  peu  sombre  où  causaient  les  rimcurs,  les 
.imagiers,  tout  un  jeune  peuple  d'artisles  en  pèlerinage  dominical, 
donnait  b  cette  vision  d'inlérieur  l'aspect  d'un  Rembrandt  ambré 
et  lumineux. 

Lui-même,  Cladol,  prêtait  b  l'illusion,  avec  son  corps  émacié 
perdu  dans  les  plis  d'une  très  vaste  hou|)pelando,  d'où  émer- 
geaient'seulement  sa  main  exsangue  et  sa  lêle  de  Christ  vieilli. 
Une  gloire  semblait  nimber  ses  très  longs  cheveux,  fins  autant 
que  ceux  d'une  femme,  et  comme  griffés  d'argent. 

Sous  un  front  d'impeccable  dessin,  des  prunelles  vives  lui- 
saient, avec  celle  grâce  rare  du  sourire  des  yeux  accompagnant 
le  sourire  des  lèvres,  une  irradiation  de  flamboyante  intelligence 
et  d'exquise  bonté.  De  la  malice,  aussi,  y  élait  blottie;  s'y  révé- 
lait par  le  froncement  joyeux,  le  plissement  imperceptible  qui 
bridait,  b  de  cenaines  minutes,  l'angle  extérieur  de  la  paupière. 
Mais  une  malice  tendre,  gauloise,  ignorante  de  la  haine  et  dos 
mauvais  propos,  s'égayant  seulement  des  ridicules  et  se  détour- 
nant des  vices  pour  n'avoir  point  b  les  juger. 

Le  nez  fin,  droit,  était  d'une  distinction  parfaite,  avec  son  profil 
presque  arabe,  une  légère  réminiscence  aquiline,  à  peine  indi- 
quée vers  le  milieu,  qui  lui  donnait  de  la  noblesse  et  de  la  race. 
Et,  perdue  dans  une  barbe  d'apôtre,  venait  la  bouche,  —  la 
suprême  beauté,  selon  moi,  de  ce  biblique  visage. 

Elle  était  petite,  avec  des  lèvres  à  peine  visibles,  non-minces,  ■ 
ce  qui  est  indice  de  noirceur,  maisrentrées,  de  par  ce  démantèle- 
ment'qu'amène  l'âge  et  qui  donne  parfois  tant  d'enfantine  dou- 
ceur b  des  sourires  d'aïeules.  Une  ineffable  indulgence  y  florissail; 
l'indignation  et  la  raillerie  ne  s'y  devinaient,  sous  l'emmêlement 
de  la  toison  grise,  qu'aux  commissures,  par  un  grand  pli  doulou- 
reux comme  aux  masques  de  suppliciés  ou  une  rétraction  en 
fossettes,  presque  féminine... 

El,  de  cette  boucbe  s'échappait  une  voix  prenante,  poivronnée 
d'accent,  brisée  même  lorsqu'elle  tonnait,  —  comme  ces  clave- 
cins b  qui  il  manque  des  notes,  mais  qui  ont  gardé  la  pédale  du 
forle,  le  don  du  crescendo!... 

Pour  nous,  artistes  belges,  Léon  Ciadel  suscite  une 
reconnaissance  particulière.  Il  a  été  un  des  premiers  à 
signaler  la  vitalité  de  notre  jeune  école  littéraire.  Il  est 
venu  la  juger  chez  nous  à  diverses  reprises.  Nous  avons 
raconté  dans  VArt  m-oderne,  en  1884,  l'un  de  ces  séjours 
pittoresques  et  charmants.  Rentré  en  France  il  a, 
avec  une  opiniâtreté  prophétique,  annoncé  l'avenir  des 
nôtres  qui,  aujourd'hui,  se  réalise  si  brillant. 

Charles  Van  derStappen  a  terminé  ces  temps  derniers 
le  groupe  àVmpdrailles ,  le  Tombeau  des  Lutteurs, 
un  des  héros  préférés  de  Ciadel,  et  le  gouvernement  l'a 
acquis.  Le  grand  mort  aura  ainsi  chez  nous,  en  terre  - 
belgique,  par  une  coïncidence  singulière,  un  monument 
qui  rappellera  et  sa  gloire  et  ce  que  nous  lui  devons. 


LE  CHRIST  AUX  OUTRAGES 

Le  Christ  aux  outrages,  la  mngislralc  composition  du  peintre 
Henry  do  Groux  que  le  jury  du  dernier  Salon  de  Bruxelles  ndi'çrua 
dans  les  frises  oLque  les  lîoudlias  du  Champ-dc-Mars  rei'usèrcnl 
insolemment,  vient  d"ôlre  acquis  pour  la  cathédrale  de  Sonlis. 

L'œuvre  iiallucinantc,  au  prestigieux  coloris,  de  notre  compa- 
triole,  trouvera  dans  rarcliitecturc  sévère  de  l'antique  monument 
un  cadre  digne  d'elle.  «  11  faudrait  .une  basilique  pour  l'abriler 
conforlablemcnt  »,  a  dit  Léon  Bloy.  Et  voici  ce  vœu  réalisé. 

[-es  pages  fougueuses  que  lui  a  consacrées  dernièrement,  dans 
le  Saivt-Graal,  le  grand  écrivain,  sont  h  citer  tout  entières  : 

Sa  Majesté  Léopold  II,  probablement  fatiguée  du  renom  de 
béotiens  dont  s'exaspèrent  qUelques-uns  de  ses  plus  fidèles  sujets, 
vient  d'envoyer  gracieusement  «  franco  de  port  et  d'emballage  » 
à  M.  Henry  de  Groux,  au  bout  de  Paris,  dans  le  lointain  Vaugirard 
où  cet  artiste  extraordinaire  s'est  provisoirement  installé,  l'irn- 
mense  tableau  de  désolation  et  de  colère  qui  détraqua  si  profon- 
dément les  imaginations  brabançonnes,  quand  il  fut  exposé  pour 
la  première  fois,  l'an  dernier,  au  Salon  triennal  de  Bruxelles. 

L'énormilé  de  la  toile  et  le  poids  effroyable  d'un  tel  colis  qui 
décourageait  les  camionneurs,  avait  forcé  le  peintre  errant  à 
l'abandonner  à  la  sauvegarde  de  l'Etat  Belge,  pour  un  temps  indé- 
terminé, comme  un  éléphant  immobile. 

On  peut,  en  effet,  se  représenter  l'embarras  étrange  d'un 
artiste  dénué  de  tout  vestibule  princier  et  condamne  à  traîner  sans 
relâche  un  laissé-pour-comple  si  colossal  qu'il  faudrait  une  basili- 
que pour  l'abriter  confortablement. 

Mais  enfin,  grâce  à  la  munificence  du  Roi  des  Belges,  le  Christ 
aux  outrages,  élargi  de  sa  calacombe  de  Bruxelles,  est  visible 
désormais  —  en  attendant  une  exposition  publique  et  retentis- 
sante —  dans  la  provinciale  rue  Alain-Charlier  au  fond  d'un  vaste 
hangar  connu  seulement  de  quelques  pigeons,  où  le  soleil  le  fait 
flamboyer  chaque  matin  comme  un  incendie,  pour  l'élonnemenl 
inexprimable  des  visiteurs. 

Le  Christ  aux  outrages,  «  rafale  immense  de  déchaînés  contre 
un  pauvre  Dieu  qui  tremble  »,  disait  quelqu'un,  œuvre  presque 
intraduisible  par  l'écriture,  tellement  elle  est  douloureuse!... 

Il  est  difficile  de  savoir  exactement  ce  que  les  âmes  contempo- 
raines sont  capables  de  porter.  Sans  doute,  on  peut  les  croire 
préparées  à  la  sensation  des  plus  terribles  images,  après  tant  d'ex- 
périences morales  ou  d'opérations  esthétiques  infligées  à  l'intelli- 
gence humaine  depuis  trente  ou  quarante  ans. 

Mais,  ici,  pourtant,  je  ne  sais  plus. 

Cette  peinture  est  si  épouvantablemenl  anormale,  si  prodigieu- 
sement en  dehors  des  traditions  ou  des  procédés  connus,  si  réso- 
lument séquestrée  dans  ses  concepts  et  \' anachronique  inspiration 
religieuse  dont  elle  est  sortie  y  promène  si  farouchement  ses 
luminaires  de  cruauté,  qu'on  ne  parvient  pas  à  conjecturer  de 
façon  précise  l'effet  d'une  semblable  vision  sur  des  êtres  peu  dis- 
posés à  partager  l'agonie  d'un  Rédempteur  véritablement  torturé. 

Le  célèbre  tableau  de  Munkacsy  ne  gênait  personne.  Son  «  Jésus 
devant  Pilate  »  était  l'anodin  Sauveur  préconisé  par  dçs  apôtres 
tels  que  M.  Renan  et  le  R.  P.  Didon,  un  Christ  rassurant  et  cos- 
métique élevé  dans  les  salons  et  qui  savait  ce  qu'on  doit  aux  gens 
du  monde.  .       '    ' 


L'élégance  de  ses  manières  et  l'irréprochable  correction  de  son 
maintien  écartait  heureusement  l'idée  gothique  et  populacièrc  d'un 
Seigneur-Dieu  ruisselant  de  sang.  * 

Entin,  c'était  un  Christ  roublard,  très  milieu  do  sièc'c,  respec- 
luoux  envers  les  riches,  tout  à  fait  à  la  hauteur  do  sa  mi-sion  et 
d'un  équilibre  surprenant,  que  les  dames  les  plus  exquises  pou- 
vaionl  contempler  sans  effroi  et  qui  se  fût  bien  gardé  de  l'incon- 
venance d'une  rigoureuse  douleur.  La  renommée  devait  d^nr  em- 
boucher toutes  ses  trompettes  et  crever  pour  lui  tous  ses  tambours. 

Au  point  de  vue  de  la  parfumerie  et  du  savoir  vivre,  le  tableau 
d'Henry  de  Groux  est  évidemment  dans  une  situation  de  profonde 
et  déplorable  infériorité.  Je  crois  néanmoins  au  succès  bruyant  de 
celle  œuvre  et  voici  pourquoi>-^ 

/  •  -  *** 

D'apord,  on  s'embête  forme.  Les  divertissements  se  clairsèment 

et  les  émotions  se  raréfient.  On  ne  se  gifle  pas  tous  les  jours  au 
Parlement  cl  les  bousculades  ministérielles  manquent  de  carnage  ; 
les  méâlres  se  lézardent  visiblement  et  le  sâr  Péladan  lui-même, 
vexé  par  la  Russie,  interrompt  ses  farces. 

D'autre  part,  un  étrange  courant  nouveau  se  manifeste  et  se 
précise. 

Les  intellectuels  demandent  un  Dieu.  Beaucoup  même  ne  crai- 
gnent pas  de  demander  ouvertement  et  publiquement  Notre  Sei- 
gneur Jésus-Christ,  «  des  Dieux  le  plus  incontestable  »,  disait 
Baudelaire. 

C'est  une  chose  infiniment  digne  d'être  observée  que  cette  impul- 
sion mystérieuse  des  jeunes  esprits  dans  le  sens  d'un  renouveau 
du  christianisme.  Evolution  jusqu'ici  toute  littéraire  qui  parait 
avoir  commencé  aux  Fleurs  du  mal  et  que  Paul  Verlaine  a  mira- 
culeusement accélérée  dans  ces  derniers  temps. 

Celui-ci,  le  seul  grand  poète  qui  ail  franchement  apporté  son 
cœur  à  l'Eglise  depuis  une  demi-douzaine  de  siècles,  -*  rajeunis- 
sant par  un  tour  de  force  de  génie  toutes  lés  vieilles  images  que 
l'athéisme  ou  l'accoutumance  avait  déteintes  jusqu'au  ridicule,  — 
glorifia  le  saint  Sacrement  et  la  Prière  en  des  vers  si  beaux  que 
l'incroyante  jeunesse  de  la  poésie  contemporaine  fut, forcée  de  les 
admirer  avec  enthousiasme  el.d'en  devenir  l'écolière. 

C'est  h  tel  point  qu'aujourd'hui  le  catholicisme  est  devenu 
comme  une  espèce  d'aristocratie  pour  la  pensée. 

Ajoutons  que  les  artistes  modernes  et  surtout  les  peintres  offrent 
peu  de  consolations  aux  pétitionnaires  du  sublime. 

Une  récente  exposition  trop  fameuse  n'a  servi  qu'à  démon- 
trer une  fois  de  plus  l'enfantillage  décrépit  de  ces  prétendus 
novateurs,  pointillistes  ou  luminaristes,  dont  Rembrandt  n'eût 
pas  voulu  pour  broyer  son  chocolat  et  qui  ne  paraissent,  en  fin  de 
compte,  que  d'incultes  manouvriers  du  matérialisme. 

Pour  toutes  ces  raisons,  j'estime  vingt  fois  assuré  le  triomphe 
du  Christ  aux  outrages,  tentative  la  plus  formidable  de  spiritua- 
lisme chrétien  qu'on  ail  accomplie  en  peinture  depuis  les  prédé- 
cesseurs de  ce  paganisme  édulcoré  qui  s'appela  la  Renaissance. 

*** 

Remarquez  bien  qu'il  ne  s'agit  pas  du  tout  d'un  sujet  que  pour- 
rait conJ£(é|urer  facilement  l'imagination  des  critiques  et  dont  une 
exécution  plus  ou  moins  divine  sauverait  la  banalité.  Cela  se 
trouve,  au  contraire,  à  des  distances  télescopiques  do  tous  les 
lieux  communs  supposables  de  l'iconographie  religieuse. 

C'est  la  Souffrance  du  Christ,  telle  que  l'ont  racontée  les  saints 
visionnaires  dans  de&.livres  de  diamant  qui  survivront  au  jugement 
dernier  des  littératures;  telle  que  l'ont  certifiée  les  Témoins  qui 


se  faisaient  «  égorger  »  pour  obéir  à  l'ordonnance  d'élre  «  confi- 
gurés à  sa  mort  »;  telle  enfin  que  l'Eglise,  non  du  nioyen-age, 
mais  de  tous  les  siècles,  l'enseigna  dans  son  effrayante  liturgie. 

C'est  l'ouragan  des  tortures  inimaginables,  sans  le  contrepoids 
d'aucune  efficace  pitié  pour  l'Agonisant  volontaire  dont  le  dernier 
soupir  éteint  le  soleil  et  trouble  les  constellations. 

On  a  parlé  de  vitrail  et  de  primitifs,  de  cauchemar  et  du  sombre 
génie  des  Flandres,  on  a  parlé  de  Rubens  et  de  Delacroix.  De 
quoi  donc,  ô  Seigneur!  n'a-t-on  pas  parlé,  puisque  toute  la  presse 
de  Belgique  a  poussé  des  mugissements  autour  de  ce  monstre  de 
magnificence  dont  l'aspect  décontenançait  la  sagesse  d'une  race 
peinlurière  immobilisée  depuis  deux  cents  ans? 

Ah  !  c'est  pourtant  bien  simple  et  cela  n'exige  vraiment  pas  tant 
d'érudition,  puisque  c'est  précisément  ce  qu'il  faut  pour  qu'une 
vieille  poissonnière  du  pays  basque  ou  de  la  Flandre  occidentale 
se  prosterne  contre  terre  en  exhalant  des  gémissements  de  pitié, 
comme  si  on  lui  plantait  devant  les  yeux  quelque  triptyque  de 
Jean  de  Bruges  ou  quelque  sanguinolent  Ecce  Homo  d'Alonzo 
Cano! 

Car  il  est  bien  inconlestablc,  je  suppose,  que  tel  doit  être  l'ob- 
jectif suprême  de  tout  travail  d'art  exclusivement  religieux.  Une 
image  pieuse  devant  laquelle  ne  pourrait  prier  aucun  Pauvre,  ne 
semblerait-elle  pas  ce  qu'on  peut  imaginer  de  plus  identique  à  une 
prévarication  sacrilège  ?  1_^ 


*  * 


Voici  donc  le  tableau  d'Henry  de  Groux,  dans  sa  très  puissante 
simplicité.  L'Homme  des  douleurs  est  debout  sur  le  Mont  fameux 
que  la  tradition  désigne  comme  le  tumulus  du  premier  Désobéis- 
sant. . 

A  sa  droite,  une  impassible  et  raillarde  brute  prétorienne  sur- 
montée d'un  panache  éclatant  et  qui  pourrait  être  le  berger  de  ce 
bétail  militaire,  d'un  abrutissement  si  complet,  qu'on  aperçoit  à 
i'arrière-plan. 

A  sa  gauche,  un  individu  inexprimable,  mélange  d'eunuque  et 
d'équarrisseur,  qu'on  croirait  l'ostensoir  vivant  ou  le  reliquaire 
de  plusieurs  mille  ans  de  crapule  humaine. 

Celui-là,  c'est  le  cornac  du  lamentable  Seigneur  qu'on  va  cru- 
cifier, le  cicérone  indiciblement  abject  des  ignominies,  des  malé- 
dictions et  des  épouvantes. 

Il  vocifère  en  désignant  la  Victime  à  la  multitude.  El  tel  est  lé 
sic;nal  de  la  plus  démoniaque  poussée  de  canailles  qu'un  peintre 
brûlant  sur  lui  même  comme  un  solfatare,  ait  jamais  eu  l'audace 
de  représenter. 

La  rage  de  celte  populace  aux  poings  crispés  parait  avoir,  selon 
l'esprit  des  quatre  Evangiles,  quelque  chose  de  prophétique  et  de 
surhumain.  Les  petits  enfants  eux'mémes,  —  détail  panique!  — 
hurlent  à  la  mort  et  brandissent  leurs  faibles  bras  contre  la  poi- 
trine saccagée  de  l'Agneau  divin. 

Clovis  et  ses  Francs  sont  diablement  loin,  oui  certes!  et  plus  on 
regarde,  plus  on  s'aperçoit  qu'ils  sont  loin,  indiscernables  au  delà 
des  siècles,  dans  le  fourmillement  du  chaos  barbare!     . 

Jésus  est  seul,  absolument  seul  et  face  à  face  avec  ce  monde 
condamné  par  lui,  qui  n'est  rien  que  la  balayure  de  l'antique 
Paradis  perdu  nettoyé  par  les  Chérubins. 

Ce  Dieu  fait  homme  s'est  si  complètement  dépouillé  lui-même 

qu'il  n'a  pas  voulu  garder  seulement  l'atome  de  divinité  qui  lui 

eût  été  nécessaire  pour  n'avoir  pas  peur.  11  souffre  et  tremble  dans 

sa  chair,  ainsi  que  les  faibles  d'entre  les  plus  faibles. 

Qu'il   se   soutienne  maintenant  comme  il  pourra.  Les  Anges 


môme  ont  décampé,  les  Anges  brillants  descendus  des  cioux  pour 
son  réconfort.  Il  est  temps  que  cela  finisse,  car  il  ne  lui  resterait 
plus  de  sang  à  répandre  pour  ces  possédés  sur  la  pauvre  croix 
salutaire. 

Il  saigne,  en  effet,  terriblement,  par  toutes  les  piqûres  de  sa 
Couronne  et  surtout  par  les  innombrables  plaies  de  celte  Flagel- 
lation miraculeuse  que  la  franciscaine  Marie  d'Agreda  évaluait  h 
plus  de  cimi  mille  coups  de  lanières  plombées.  Il  est  tclle'ment 
rouge  sous  la  pourprc.de  son  haillon  qu'on  croirait,  en  vérité,  que 
c'est  lui  qui  est  le  bourreau  des  autres... 

Mais  ses  Mains  qui  seront  percées  tout  U  l'heure,  ses  mains 
exsangues  de  supplicié,  si  brù|antes  par  la  douleur  qu'on  les 
devine  capables  de  consumer  le  firmament,  —  je  les  recommande 
particulièrement  aux  explorateurs  d'abîmes  qui  no  craignent  pas 
de  se  pencher  sur  la  misère  infinie!... 


*** 


La  très  prochaine  exposition  publique  de  cette  œuvre  extraor- 
dinaire dont  l'intensité  surpasse  les  paroxysmes  les  plus  vantés, 
obligera  vraisemblablement  la  critique  à  modifier  un  peu  ses  for- 
mules. Quelques-uns  comprendront  sans  doute,  non  seulement 
qu'il  sagit  d'une  toile  à  laquelle  rien  ne  ressemble  dans  toute  la 
peinture  contemporaine,  mais  avant  tout  qu'on  est  en  présence 
d'une  force  absolue  représentée  par  un  étranger  à  qui  l'avenir 
appartient. 

Mais,  est-ce  bien  un  étranger,  cet  Henry  de  Groux  né  h  Bru- 
xelles, il  y  a  vingt-cinq  ans,  d'un  père  français  et  même  breton 
d'origine  qui  fut  lui-même  un  peintre  d'un  très  haut  mérite,  dont 
les  musées  nationaux  s'enorgueillissent  là-bas  de  posséder  quelques 
tableaux?  —  car  la  Belgique  est  peut-être  le  premier  pays  du 
mondç  pour  glorifier  les  artistes...,  quand  ils  sont  morts  dans 
l'obscurité  et  que  leurs  carcasses  n'ont  plus  besoin  de  personne. 

A  la  réserve  de  quelques  jeunes  écrivains  dont  la  Belgique 
s'étonne,  il  semblerait  que  le  roi  Léopold  fut  à  peu-  près  le  seul 
de  son  peuple,  à  deviner  la  grandcfur  de  cet  adolescent  de  génie 
copieusement  insulté  par  la  multitude,  hideusement  renié  par 
quelques-uns  et  contraint  de  se  réfugier  à  Paris  qui  est  l'éternel 
pavillon  de  ces  lapidés  sublimes. 

C'est  donc  à  Pa>is^  exclusivement  à  l'intellectuel  Paris,  où  la 
juste  gloire  n'est  pas  toujours  économisée,  qu'il  appartient  désor- 
mais de  se  prévaloir  d'un  semblable  naufragé  du  cieM 

Léon  Bloy. 


QUELQUES  LIVRES 

Voyage  au  mont  Ararat,  par  Jules  Leclergq.  —  Paris,  Pion; 
un  vol.  de  328  pages,  non  compris  titres  et  tables,  avec  gravure  et 
cartes. 

M.  Jules  Leci.ercq  n'est  pas  un  voyageur  ordinaire.  Occupé  du 
1"  octobre  au  31  juillet  à  répartir  entre  les  prévenus  que  le  par- 
quet fait  défiler  devant  son  siège  le  chiffre  de  mois  d'emprisonne- 
ment et  d'amendes  que  le  Code  pénal,  mitigé  par  la  récente  loi  sur 
la  condamnation  conditionnelle,  met  à  sa  disposition,  il  s'en  va 
tout  d'une  haleine,  les  vacances  venues,  aux  confins  de  la  Perse 
pour  faire  l'ascension  du  mont  Ararat,  comme  d'autres  magistrats 
se  rendent  à  Ostcnde  pour  en  escalader  le  phare.  Un  voyage  en 
Arménie  lui  paraît  aussi  simple  qu'une  excursion  à  Groenendael. 
N'a-l-il  pas  imaginé  de  faire  par  terre  le  voyage  de  New- York  à 
Vera-Cruz?N'a-t-il  pas  promené  indifféremment  sa  fantaisie  vaga- 


bonde  de  l'Allantiquo  aux  Monlagncs-Ftochcuses,  de  Mogador  à 
Biskra,  sous  les  ombrages  du  Parc  national  de  la  YcUowslonc  et 
sur  les  rives  de  la  mer  Caspienne?  Il  a  trempé  son  mouchoir  aux 
geyser»  de  l'Islande,  il  a  tutoyé  le  pic  de  Ténériffo.  Et  le  plus  fort 
de  ces  aventurcis,  c'est  qu'on  est  toujours  sftr  de  voir,  le  1'"'  octo- 
bre, quel  que  soit  le  vertigineux  trsjet  qu'il  ait  accompli, 
M.  Lcclercq  assis  oaisiblemenl  en  robe  noire  et  toque  ronde  au 
si^ge  du  tribunal  de  1'*  instance  :  «Attendu  qu'il  est  établi  que  le 
prévenu  a,  dans  la  nuit  du...  »  —  Aurait-il  un  sosie? 

Lors  de  sa  dernière  expédition,  il  faillit,  toutefois,  ne  pas 
assister  à  la  séance  solennelle  de  rentrée.  Les  Kourdes  sont  gens 
de  mauvais  instincts  et  mal  embouchés  :  cupides,  voleurs,  traîtres 
à  leur  parole,  et  avec  cela  un  peu  assassins.  Au  retour  de  l'expé- 
dition en  montagne  pour  laquelle  ils  avaient  servi  de  guides,  ils 
prélexlôrent  d'une  discussion  sur  les  salaires  pour  brandir  leurs 
kindjals  affilés  et  même  pour  échanger  quelques  coups  de  fusil. 
La  présence  d'esprit,  la  calme  intrépidité  de  l'excellent  magistrat 
el,  sans  doute,  la  puissante  intervention  de  la  déesse  Thémis,  lui 
permirent  malgré  tout  d'entendre  l'intéressante  mercuriale  que 
nous  fit,  le  i"  octobre  1890,  M.  le  procureur  général  Van  Schoor 
sur  les  «  vacances  judiciaires  »  et  de  nourrir  l'espoir  d'écouter 
les  autres  discours  et  réquisitoires  de  l'éminent  jurisconsulte. 
Nous  conseillons  toutefois  à  M.  Leclercq,  s'il  veut  n'être  pas  privé 
de  ce  plaisir,  d'exiger  la  prochaine  fois  qu'il  so  rendra  en  Arménie, 
l'escorte  militaire  que  les  autorités  d'Aralykh  lui  refusèrent  dans 
la  crainte  de  voir  les  bons  Cosaques  égorgés  par  les  méchants 
Kourdes,  —  ce  qui  ne  donne  pas  une  très  haute  idée  de  l'autorité 
acquise  dans  ces  régions  par  S.  iM.  l'empereur  de  toutes  les 
Russies. 

Le  récit  de  son  différend  avec  Amou-Ogly,  avec  Rasto-Rassa- 
Ogly  et  les  autres  nomades  de  son  escorte  forment,  dans  le  récit 
de  M.  Leclercq,  un  épisode  caractéristique.  Mais  l'auteur  n'y 
appuie  pas  trop,  n'ayant  pas  l'insupportable  habitude  de  n'entre- 
tenir le  lecteur  que.de  sa  personne  et  de  lui  narrer  chaque  jour 
le  menu  de  son  déjeuner  et  le  nombre  de  morsures  de  punaises 
qu'il  a  constatées  à  son  réveil. 

Ce  qui  fait  le  charme  des  récits  du  président  de  la  Société  de 
Géographie,  c'est  la  sincérité  qu'ils  manifestent,  c'est  la  bonne 
humeur  qui  s'en  dégage,  c'est  —  uni  à  d'exactes  notions  scienti- 
fiques, sérieusement  contrôlées  —  l'amour  réel  de  la  nature  qu'ils 
profèrent.  On  suit  avec  le  plus  vif  intérêt  M.  Leclercq  le  long  des 
rives  du  lac  de  Servanga  aux  ondes  d'azur,  on  l'accompagne  dans 
les  crasseux  relais  de  poste  qu'il  décrit  en  quelques  phrases  inci- 
sives, d'une  fidélité  frappante  pour  quiconque  connaît  la  civilisa- 
tion orientale  de  la  Russie,  on  pénètre  avec  lui  dans  Èrivan-la- 
Persane,  dont  toutes  les  rues  sont  horizonnées  par  un  majestueux 
plan  de  montagnes,  et  l'on  subit  l'émotion  qu'il  dut  ressentir 
quand  il  aperçut  «  le  soleil  qui  se  levait  dans  sa  gloire,  projetant 
sa  lumière  la  plus  vive  sur  la  cime  glacée  du  Grand-Ararat,  sur- 
gie  dans  un  prodigieux  éloignement,  pareille  à  une  banquise  des 
mers  polaires  ». 

Sa  halte  à  Aralykh,  le  campement  de  Sardar-Boulakh,  le  récit 
de  l'ascension  elle-même,  ascension  extrêmement  pénible,  jugée 
impraticable  jusqu'en  1829,  rendue  plus  douloureuse  parl'étatde 
fatiguc~e^^e  fièvre  dans  lequel  se  trouvait  le  voyageur  et  qui  le 
contraigniiTS"  quelques  centaines  de  mètres  du  sommet,  d'aban- 
donner la  partie,  —  forment  une  suite  de  tableaux  sobrement 
décrits,  d'un  sérieux  attrait. 

Un  chapitre  consacré  à  l'abbaye  d'EtchimaIzin  et  à  l'Arménie 


complète  ce  très  intéressant  ouvrage,  qui  s'ajoute  à  la  liste,  déjà 
longue,  de  ceux  de  M.  Leclercq  et  enrichit  d'un  volume  de  choix 
la  littérature  des  voyages. 

Contes  &  la  Reine,  par  Robert  de  Bonnières.  —  Paris, 
OUendorf,  208  p,    • 

Les  contes  en  vers  que  vient  de  faire  paraître  M.  Robert  de 
Bonnières  se  divisent  en  trois  livres  :  les  Fées,  les  Saints,  les 
Rois,  et  sont  flédiés  «  à  la  Reine  »  : 

A  vous,  dont  l'âme  est  comme  un  arbre  en  fleurs, 
Et  plein  d'oiseaux  de  toutes  les  couleurs, 

C'est  à  vous,  Reine,  objet  de  tant  d'hommages, 
Que  j'offre  encor  ce  beau  livre  d'images. 

La  Reine,  c'est  la  toute  charmante  M'"»  de  Bonnières,  et  pour 
lui  plaire,  l'auteur  fait  défiler  ses  héros,  jolis  pantins  auxquels  il 
fait  parler  un  langage  archaïque  et  qu'il  revêt  de  costumes  de 
jeux  de  cartes. 

Les  contes  ont  une  naïveté  exquise  et  n'empruntent  k  personne 
leur  sujet  ni  leur  moralité.  C'est  comme  une  résurrection  des  très 
vieilles  chansons  du  pays  de  France,  artistement  écrites.  Des  trois 
livres,  le  meilleur?  Les  Rois,  pensons-nous.  On  y  trouve  des 
pièces  rapides  et  bien  venues,  telles  que  celle-ci,  qui  donne  une 
idée  du  livre  et  que  pour  ce  motif  nous  citons  en  entier  : 

LE  CINQUIÈME  PREUX 

ou  EN  RACONTANT  CE  QUI  ARRIVA  A  LA  FIÈRE  OrtRCDE  ON  ESSAIE  DE 
CONVAINCRE  UNE  AMIE  CRUELLE. 

Un,  deux  et  trois  et  quatre  Preux, 
Sous  les  yeux  de  la  fière  Ortrude, 
S'étaient  déjà,  d'un  saut  si  rude, 
Abîmés  dans  le  gouffre  affreux, 

Qu'une  autre  qu'elle  et  plus  humaine, 
Ma  mie,  écoute  !  eût  sur  ces  morts 
Pleuré  d'amour  et  de  remords, 
Si  le  Remords  à  l'Amour  mène. 

«  Si  vous  voulez  avoir  ma  main, 
«  Beaux  chevaliers,  leur  disait- elle, 
M  Sautez  ce  pas  :  la  clause  est  telle; 
«  Sinon,  passez  votre  chemin.  » 

Lorsque  la  cruelle  au  Cinquième, 
Pourtant,  ma  mie  l  eût  dit  cela. 
Elle  pâlit  et  chancela 
Comme  une  fille  enfin  qui  aime. 

"  Arrêt*,  arrête,  par  pitié  I  » 
Mais  que  non  pas  :  le  saut  le  tente, 
Et,  sans  plus,  en  l'horrible  attente 
Il  la  laisse  et  morte  à  moitié. 

En  vain,  en  vain  ces  pleurs  de  reine,  "^    ■   " 

Ces  bras  tendus;  vain  ce  regard. 
Qui  maintenant  le  suit  hagard 
Jusqu'au  gouffre  où  le  saut  l'entraîne  ; 

En  vain  ce  cri,  ce  cri  poussé. 
Qui  déchire  après  lui  l'espace, 
■  D'horreur  ensemble  quand  il  passe 
Et  de  joie  une  fois  passé. 

Car  l'autre,  tant  était  légère 
Et  sa  bête  et  léger  son  cœur, 
A  passé  le  pas,  et,  vainqueur. 
Passe  aussi  son  chemin  —  ma  chère  I 

Rouget  de  Lisle,  son  œuvre,  sa  vie,  par  Julien  Tiersot.  — 
Paris,  Ch.  Delagrave,  édit.,  un  vol.  xiI-435  p.  in-12,  non  compris  la 
table. 

«  A  notre  époque  envieuse  des  choses  du  passé,  Rouget  de 
Lisle  est  inconnu,  ignoré.  Pour  tout  le  monde  il  est  l'auteur  de  la 
Marseillaise,  mais  cela  uniquement  :  comme  si,  dans  la  longue 


vie  qu'il  a  passée  sur  terre,  —  soixanle-seizc  années,  —  rien 
n'diail  à  considérer  en  dehors  de  la  minute  unique  qui  a  rendu 
son  nom  impérissable.  » 

Ainsi  parle,  dans  sa  préface,  M.  Juuen  Tiersot,  et  avec  une 
érudition  sûre,  qui  ne  se  contente  pas  d'à  peu  près  mais  remonte 
aux  sources  cl  les  contrôle  minutieusement,  avec  une  impartialité 
d'historien, avec,  aussi,  un  esprit  critique  qui  rend  fort  attrayante 
la  lecture  de  son  livre,  il  fait  de  Rouget  de  Lisle  une  biographie 
complète,et  mieux  qu'une  biographie  :  car  son  œu^re  est  une  évo- 
cation pittoresque  des  époques  troublées  qui  donnèrent  naissance 
b  l'hymne  terrible,  —  ainsi  le  fîoTIÎmail  un  officier  prussien.  Lo 
volume  ouvert,  il  est  fort  difficile  do  le  refermer  sans  avoir  lu 
jusqu'à  la  dernière  les  435  pages  qu'il  contient,  tant  les  détails 
curieux  et  ignorés,  les  anecdotes,  les  souvenirs  de  tous  genres  s'y 
pressent. 

Les  archives  nationales,  les  bibliothèques  publiques  et  particu- 
lières, les  collections  d'autographes,  les  correspondances  particu- 
lières, loul  a  été  fouillé  par  l'intrépide  chasseur  de  documents 
qu'est  M.  Tiersot,  et  l'on  peut  affirmer  que  nulle  élude  ne  fut  plus 
consciencieusement  et  plus  passionnément  menée  dans  la  voie  de  la 
vérité  et  de  la  justice. 

Ce  point  obscur,  sujet  à  tant  de  controverses  :  Rouget  de  Lisle 
est-il  bien  l'auteur  de  la  Marseillaise?  A-l-il  composé  les  paroles 
et  la  musique?  est  élucidé  avec  clarté,  et  affirmativement  résolu. 
Les  nombreuses  pièces  justificatives  produites  par  M.  Tiersot  ne 
peuvent  laisser  aucun  doule  à  ce  sujet. 

En  sort  singulièrement  agrandie  l'intéressante  figure  du  capitaine 
poète  et  compositeur,  dont  une  inspiration  passagère  eut  une 
influence  décisive  sur  le  sort  des  armées  et  qui  mourut  dans  la 
misère. 


L'ART  AUX  MURS 

De  l'Endehors  ces  notes,  signées  Edmond  Cousturier,  sur  les 
maîtres  de  l'affiche  illustrée,  J.  Chéret  et  H.  dé  Toulouse-Lautrec  : 

«  C'est  bien  à  Jules  Chérel  que  nous  sommes  redevables  de  la 
mode  des  affiches  illustrées.  L'ùge  romantique  en  vit  naître  quel- 
ques-unes; Tony  Johannotleur  infusa  son  ingénuité,  Daumier,  sa 
robustesse,  Granville  y  adapta  ses  élucubrations  physiognomo- 
niques;  mais  les  rares  affiches  d'alors  ne  furent  à  vrai  dire  que 
de  grandes  illustrations  ordinairement  imprimées  en  deux  tons, 
un  bistre  pour  les  clairs  et  un  noir  pour  les  ombres  et  le  trait. 
Chéret  lui-même  (ses  débutSTemonlent  à  l'an  4866)  ne  trouva 
qu'après  plusieurs  années  de  tâtonnements  l'effet  décoratif  qu'il 
obtient  par  le  groupement  de  ses  figures,. el  il  ne  songea  qu'après 
une  autre  série  d'années  à  appliquer,  d'ailleurs  peu  rigoureuse- 
ment, les  lois  et  les  procédés  du  contraste  simultané  que  décou- 
vrirent ou  pratiquèrent  Delacroix,  Chevreul,  Rood,  Seurat  et  les 
autres. 

«  Mais  voici  que  depuis  trois  ou  quatre  ans,  les  affiches  de  Ché- 
rel, où  tons,  teintes  et  lignes  se  marient  si  prestigieusemenl  pour 
unç  insurpassable  dynamique  de  joie,  procurèrent  de  tels  vertiges, 
que  cent  imitateurs  ont  surgi,  qui  plaquent  au  petit  bonheur  sur 
double-colombier  le  jaune  de  chrome,  le  vert-émeraude,  le  bleu 
de  Prusse,  et  avec  de  telles  inaptitudes,  que  nous  en  sommes  par- 
venus à  sentir  décroître  notre  enthousiasme  pour  l'initiateur;  le 
moment  est  venu  de  souhaiter  que  M.  Chéret  s'oriente  vers  des 
harmonies  nouvelles  propres  à  décourager  pour  toujours  les 
useurs  de  formules.  ' 


«  Dans  l'expt^clative,  on'goùiera  acluellcmenl  le  talent  robuste 
de  M.  do  Toulouse-Lautrec. 

«  Comme  les  Japonais,  ce  peintre  exclut  lo  modelé  el  cherche 
le  dessin  dans  le  contour.  Ainsi,  l'enroulement  et  les  pans  du 
cache-nez  qui  dessinent  l'épaule  (afliche  Druanl).  Quant  aux 
têtes,  elles  sont  réservées  dans  le  blanc  du  papier,  el  l'artiste  y 
écrit  on  vert-olive  (un  peu  piMe  —  ne  se  lit  pas  à  distance)  la 
démarcation  des  Irails. 

«  Les  affiches  do  Chérel  feraient  volontiers  penser  h  un  étalage 
de  fl(Miristes  qui  se  renouvelle  tous  les  jours  à  peu  près  identique; 
puis  son  dessin  est  lâche  et  un  peu  grévinesquc.  La  palette  de 
Lautrec,  plus  restreinte,  fascine  le  regard  el  le  cloue  ;  son  dessin 
serre  de  près  la  réalité  ef  contient  colle  pointe  de  ce  cynisme 
esthétique  qui  originalise  les  œuvres  d'art.  Les  seules  pages  de 
(iautrec  publiées  jusqu'ici  :  Moumn-Rouge,  Bruant  et  Reine-de- 
JoiE  ont  une  éloquence  qui  nous  engage  fort  à  applaudir  l'inter- 
vention d'un  talent  savoureux  dans  le  domaine  de  l'affiche  syn- 
thétique. «  '  „ 

RESTAURATION  DES  SCULPTURES  ANTIQUES 

Le  Musée  royal  de  Berlin  possède  une  célèbre  statue  de  bronze 
connue  dans  le  monde  de  l'archéologie  et  de  l'art  sous  le  nom 
de  Jeune  garçon  en  prière.  Elle  est  célèbre  par  les  discussions 
qu'elle  a  soulevées.  Existe-t-elle  dans  sa  forme  primitive?  A-l-ellc 
été,  comme  on  l'assure,  restaurée  au  xvni^  siècle  par  Nicolas 
Foucquet?  La  restauration  qui  en  a  été  faite  est-elle  exacte? 

Les  grandes  revues  archéologiques  allemandes  ont  publié 
là-dessus  maints  articles  qui  n'ont  tranché  d'une  façon  définitive 
et  affirmative  que  le  premier  de  ces  problèmes. 

M.  Van  Branleghem,  ce  fin  connaisseur  et  ce  critique  si  sûr 
des  choses  de  l'art  grec,  a  ravivé  cette  année  ces  querelles  scien- 
tifiques en  manifestant  l'intention  de  faire  fondre  le  Jeune  garçon 
en  prière.  Sa  résolution  fournissait  aux  archéologues  l'occasion 
de  les  apaiser  définitivement  :  ils  la  saisirent  avec  empressement. 
Le  sculpteur  allemand  Gomansky  résolut,  suivant  en  cela  les 
conseils  de  Rudolf  Siemering,  de  restaurer  les  bras  de  la  statue 
autrement  que  ne  l'avait  fait  le  premier  artiste.  Ils  furent  redressés 
dans  une  position  plus  verticale,  qui  élève  les  mains  jusqu'au- 
dessus  de  la  tête.  La  position  générale  du  corps  et  le  mouvement 
des  bras  furent  un  peu  transformés. 

La  comparaison  de  la  restauration  ancienne  et  la  nouvelle  a 
tranché  définitivement  la  question  :  la  slatue  restaurée  par 
Gomansky  semble  une  œuvre  nouvelle,  d'un  art  plus  pur,  plus 
naturel  et  plus  beau.  «Peut-être,  dit  la  fameuse  revue  allemande 
Jahrbuch  des  Kaiserlichen  Deulschen  Institut,  Band  V,  1890, 
mitdemBeiblattarchâologischerAnzeiger,S.i&5desi<  Beiblatter», 
à  laquelle  nous  empruntons  ces  détails,  la  restauration  actuelle 
n'a-t-eilc  point  ramené  la  statue  à  sa  forme  originale,  mais  il 
est  certain  qu'elle  l'en  rapproche  de  très  près.  » 

On  sait  beaucoup  de  gré  en  Allemagne  à  M.  Van  Branleghem, 
plus  connu,  lui  aussi,  à  l'étranger  qu'à  Bruxelles,  de  l'initiative 
intelligente  et  généreuse  qui  ajoute  un  chef-d'œuvre  aux  chefs- 
d'œuvre  de  l'art  grec  et  qui  appelle  l'attention  des  artistes  et  des 
archéologues  sur  les  difficultés  des  restaurations  de  sculptures 
anciennes. 


i:art  moderne 


239 


^ETITE    CHROJMIQUJE 


La  pluie  a  de  nouveau  contrarié  les  projets  arlisliques  du  Waux- 
Hali.  Le  conccrl  extraordinaire  de  musique  française  annoncé 
pour  mardi  a  dû  élrc  remis  à  la  semaine  i)rocliaine. 

A  siiçnaicr  les  débuis  d'une  canlatrice,  M"*-'  Virginie  Lepage,  qui 
s'est  fait  applaudir  samedi  dernier  dans  l'air  d'Obéi'on  et  1'  «  Haba- 
nera  »  de  Carmen. 

MM.  Franz  Servais  et  Leconto  de  Lisie  viennent  dé  passer  avec 
M.  Clioudens,  éditeur  de  musique,  un  traité  par  lequel  ce  dernier 
se  rend  acquéreur  pour  36,000  francs  de  la  partition  de  l'Apol- 
lonide;  Gel  ouvrage  sera  vraisemblablement  ''cpréscnté  h  l'Opéra 
Ihivcr  prochain. 

A  l'Exposition  du  Ktinstkring  de  La  Haye,  qui  obtient  un  vif 
succès,  M.  Henry  Van  de  Vclde  a  t'ait  hier  une  conférence  sur  le 
Paysan  en  peinture.  

Le  statuaire  Rodin  vient  d'être  nommé  oiïicicr  de  la  Légion 
d'honneur. 

A  ce  propos,  le  Gil  Blas  fait  de  lui  ce  portrait  :  «  Le  maître  le 
plus  admiré  et  le  plus  conleslé  :  admiré  par  nous,  la  presse,  le 
public;  contesté  par  ses  confrères  (pas  par  tous!)  mais  pourquoi 
en  serait-il  autrement?  Rodin,  tout  d'un  coup,  s'avise  de  nous 
restituer  l'école  de  Dijon  à  une  époque  où  tout  le  monde  croyait 
encore  à  l'Ecole  des  Dcaux-Arts  el  à  MM.  Guillaume,  Paul  Dubois 
et  autres  directeurs  passés  ou  futurs.  On  lui  commande  le  groupe 
des  Bourgeois  de  Calais,  et  au  lieu  de  coller  selon  la  formule 
plusieurs  personnages  par  le  dos  ou  par  le  flanc,  dans  un  «  arran- 
gement »  correct  et  toujours  le  même,  n'a-t-il  pas  l'idée  de  faire 
des  braves  gens  marchant,  isolés  les  uns  des  autres,  de  faire 
vivant,  de  faire  vrai?... 

On  lui  décerne,  au  concours,  la  commande  du  monument  de 
Claude  Lorrain,  et  n'y  trouve-t-il  pas  le  sujet  d'un  chef-d'œuvre?» 

Découpé  dans  le  catalogue  d'un  bouquiniste  ce  curieux  titre 
d'un  ouvrage  devenu  rare  : 

Le  Peintre  converti/  aux  précises  et  universelles  règles  de  son 
art,  avec  un  raisonnement  abrégé  au  sujet  des  tableaux,  bas- 
reliefs  el  autres  ornements  que  l'on  peut  faire  sur  les  div.  super- 
ficies des  bastimcns  (par  Abr.  Bosse).  1667,  in-8°,  front,  gr.,  rel. 
pleine  en  v.  ant.,  comp.  el  fers  à  fr.,  tr.  dor. 


Le  Tout-Vienne  artisfiquc,  dit  le-  Moniteur  des  Arts,  est  en 
jubilation.  Le  nouveau  M^séc  d'Art  est  enfin  terminé, "ijl  l'inaugu- 
ration solennelle  en  a  été  faite  en  présence  de  l'Empereur. 

Il  est  difficile  de  s'imaginer  quelque  chose  de  plus  beau  que 
cet  énorme  palais  où  se  trouvent  réunis  sous  le  même  toit  tous 
les  trésors  artistiques  qui,  dans  le  cours  des  siècles,  se  sont 
accumulés  dans  la  famille  des  Habsbourg.  «  Cela  dépasse  le 
Louvre!  »  s'écria-l-on  de  toutes  parts  le  jour  de  l'inauguralion. 
C'est  exagéré.  Mais  ce  qui  ne  souft're  pas  de  doute  :  le  Muséum 
de  Vienne  est  dès  aujourd'hui  le  rival  le  plus  sérieux  du  Musée 
du  Louvre.  La  galerie  du  Belvédère,  la  collection  d'Ambras, 
les  fameuses  collections  de  la  Hofburg  (camées,  monnaies,  la 
salière  de  Benvenulo  Cellini,  etc.),  tout  cela  s'étale  maintenant 
au  grand  jour  dans  les  différents  étages  du  nouveau  pjilais.  L'em- 
pereur y  a  ajouté  un  grand  nombi-e  de  tableaux  qui  ornaient  les 
appartements  de  la  Hofburg,  toute  une  série  de  délicieux  Cana- 


letli,  par  exemple,  et  cinq  Velasquez  ni  plus  ui  moins,  que  le 
imbliç  p'a  jamais  pu  voir  jusqu'à  ce  jour. 

Par  lui-même  le  Musée  est  une  œuvre  d'art  de  premier  ordre. 
L'escalier  monumenlal,  en  marbre  multicolore,  resplendissant 
d'ors  et  de  bronzes,  orné  du  Thésée  de  Canova,  peut  faire  pen- 
dant à  l'escalier  de  l'Opéra  de  Paris.  Le  plafond  est  peint  par 
Munkacsy,  un  Munkacsy  très  clair,  représentant  l'apothéose  des 
arts  plastiques.  Tout  autour,  des  peintures,  exécutées  peu  de 
temps  avant  sa  mort,  par  Hans  Makarl.  Le  palais  étant  expres- 
sément construit  pour  y  loger  des  collections  artistiques, 
l'installation  en  est  parfaite.  Sous  ce  rapport,  c'est  aujourd'hui  le 
premier  musée  du  monde.  Il  a  pour  auteur  l'archilecte  du  nou- 
veau Burgtheater,  le  baron  Hasenauer. 

D'un  article  de  M.  Sainl-PolRoux,  dans  VEndehors  : 

Quelle  admirable  fortune  ce  serait  pour  l'art  nouveau  qu'une 
critique  nouvelle,  c'est-à-dire  une  critique  du  même  âge  que  cet 
art,  une  critique  jeune!  Comme  on  bénirait  sa  férule  experte  el 
de  quel  enthousiasme  seraient  accueillis  ses  conseils  salutaires! 

Notre  mémoire  a  gardé  l'heureux  parfum  des  pages  d'Octave 
Mirbeau  sur  Claude  Monet  et  sur  Maeterlinck;  hier,  au  Figaro,  le 
bon  cyrénéen  n'apolhéosait-il  pas  encore  le  long  crucifiement  de 
Camille  Pissarro? Voyez  dans  le  passé  Hennequin  le  Regretté,  dans 
le  présent  Gustave  Geffroy,  Albert  Aurier,  Séverine,  Jean  Jullien, 
puis  tant  d'autres! 

La  Foule,  apprenant  la  valeur  vraie  de  la  Jeune  Invasion,  cul- 
tiverait sans  doute  alors  celte  prudente  paraphrase  de  La  Bruvère 
par  Ernest  Hello  :  «  L'homme  qui  parle  une  langue  à  lui  est  un 
jeune  homme  pour  ses  contemporains  avant  d'être  un  grand 
homme  pour  la  postérité  ». 

Hélas!  il  est  douteux  que  la  critique  officielle  soit  jamais  telle 
que  nous  la  souhaitons,  car  les  châtrés  de  la  Routine  veillent  au 
grain,  et  je  ne  sache  rien  de  têtu  comme  un  mulet.  On  mettrait 
plutôt  la  mer  entière  dans  l'urnelte  du  grave  converli  des  con- 
fessions qu'on  ne  déciderait  ces  auvergnards  bavards  à  marcher 
vers  le  silence. 

Leur  prétention  à  ces  surannés  serait  de  dompter  nos  esprits 
novateurs  el  de  les  diriger. 

Cela,  jamais!  

Pas  très  galant,  mais  bien  tapé  ce  «  petit  bleu  du  matin  » 
adressé  dernièrement  par  Gil  Blas  a  un  médecin  : 

Monsieur,  les  journaux  ne  disent  pas  votre  nom,  il  faut  donc 
que  j'adresse  ces  remerciements  au  «  médecin  qui  a  défendu  à  la 
reine  de  Roumanie  de  continuer  à  écrire  ».  Je  ne  sais  pas  si  lés 
sujets  de  la  reine  Elisabeth  seront  1res  peines  par  la  décision  que 
vous  avez  prise,  mais  je  sais  que  les  lecteurs  de  Carmen  Sylva 
seront  enchantés  !  Une  fois.par  hasard,  voilà  un  excellent  médecin 
et  une  fois  plus  par  hasard  encore,  voilà  un  médicament  qui  fera 
du  .bien  à  tout  le  monde.  Combien  de  médecins  et  de  médicaments 
ne  pourraient  pas  en  dire  autant.  Seulement,  mon  cher  docteur, 
j'aurais  une  proposition  à  vous  faire  :  Vous  devriez  bien  profiler 
du  prochain  congrès  médical  pour  demander  qu'on  applique  le 
même  trailemcnl  à  toutes  les  femmes  qui  écrivent.  Il  y  en  a  aux- 
quelles cela  ferait  le  plus  grand  bien.  Vous  me  direz  que  toutes 
les  femmes  qui  écrivent  ne  sont  pas  malades;  à  deux  ou  trois 
exceptions  près,  je  crois  bien  que  si!  Voa»s  me  direz -que  l'on  n'a 
pas  besoin  de  lire  leurs  œuvres?  ou  plutôt  vous  ne  ims,  le  direz 
pas,  car  vous  savez,  vous  qui  avez  soigné  Carmen  Sylva,  qu'un 
des  symptômes  les  plus  dangereux  chez  la  femme  qui  écrit,  c'est 
la  manie  de  faire  lire  ses  petites  affaires  et  par  ses  amis  et  par  ses 
connaissances  et  par  les  connaissances  de  ses  cbnnaissances. 
Ah!  moucher  docteur,  je  vous  recommande  mon  idée  et.  vous 
serez  béni  ! 


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-:  ■• -îipTws^'; 


Douzième  aiwéb.  —  N°  31. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  31  Juillet  1892. 


L'ART 


--       UJ.:). 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  YERHAEREN 


ABONNEMENTS  :   Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,   fr.   13.00.    —ANNONCES  :    On  traite  à  forfait. 

■ »î ■ 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  l*Art  Moderne,  rue  de  I^Industrie,  32,  Bruxelles. 


30MMAIRf: 


Notes  sur  les  Primitifs  italiens.  Pisancllo.  —  Les  funérailles 
DE  Léon  Cladel.  —  Le  mouvement  littéraire  k\  Belgique.  -. — 
Livres  et  hrochubes.  —  Mémento  des  expositions.  —  Petite 
chronique. 


Notes  sur  les  Primitifs  italiens  ^^^ 

PISANELLO 

Vasari  réunit  dans  une  même  étude,  sans  dire 
pourquoi  et  avec  quelque  apparente  incohérence,  la 
biographie  de  Gentile  da  Fabriano  et  celle  de  Vittore 
Pisano.  Le  rapprochement  est  pourtant  judicieux  et  le 
vieux  pinacographe  aurait  pu  en  donner  d'excellentes 
raisons. 

A  peu  près  du  même  temps,  —  en  1400,  Gentile  avait 
trente  ans,  Pisanello  (2]  vingt  —  ces  deux  grands  artistes 

(1)  Voyez  dans  l'Art  moderne  de  1891,  n°  Al,  Giotto  ;  49,  Masolino 
da  Panicale  ;  51  et  52,  Gentile  da  Fabriano. 

(2)  On  a  cru  que  ce  diminutif,  demeuré  sans  doute  à  cause  de  son 
tintement  joli,  était  une  invention  de  Vasari.  Le  catalogue  de  la 
National  Gallery,  rédigé  avec  tant  de  goût  et  de  science,  remarque  que 
Pisanello  n'a  jamais  signé  ainsi  ses  tableaux  ni  ses  médailles  et  que 
ses  contemporains  l'ont  toujours  appelé  Pisano.  Cependant,  un  passe- 
port donné  au  peintre  par  le  pape  Eugène  IV  en  1432  et  publié  par 
YArchivio  storico  l'appelle  dilectus  filius  noster  Pisanellus. 

On  s'accorde  à  enseigner  qu'il  naquit  près  de  Vérone  et  les  érudits 
ont  beaucoup  discuté  quels  furent  ses  maîtres. 


sont,  pendant  la  première  moitié  du  xv®  siècle,  les  plus 
brillants  protagonietes  de  l'Art  en  Italie.  Ils  résument 
avec  éclat  l'évolution  esthétique  de  leur  époque.  Ils 
renouvellent  et  transforment  la  peinture,  l'affranchis- 
sent des  traditions  épuisées,  rompent  avec  les  répétitions 
stMiles  des  derniers  imitateurs  ^e  Giotto.  Ils  retournent 
à  rîncessante  inspiratrice,  à  cette  source  première  et 
féconde  :  l'observation  directe  de  la  .nature,  recher- 
chent la  liberté  et  l'aisance  des  mouvements,  s'in- 
quiètent du  paysage,  commencent  à  introduire,  dans 
des  compositions  ^religieuses,  des  portraits  contemT 
porains,  des  figures  étudiées  sur  le  vif.  Mais  tous  deux 
aussi  tiennent  encore  au  passé,  à  la  société  qui  va 
disparaissant  à  ce  tournant  des  âges  ;  mille  souvenirs  de 
chevalerie  et  de  moyen-âge  les  obsèdent  ;  ils  ne  conçoi- 
vent la  glorification,  par  exemple,  qu'à  la  façon  des 
anciens  miniaturistes,  par  l'abondance  des  étoffes  splen- 
dides  et  ouvragées  précieusement,  par  la  profusion  des 
ornements  d'or.  Et  comme  tous  deux  sont  des  artistes 
de  grande  race,  un  équilibre  inattendu  s'est  fait,  en  leurs 
œuvres,  entre  ces  éléments  disparates  et  contradic- 
toires ;  et  il  en  est  résulté  un  art  très  spécial,  complet 
et  parfait  en  lui-même,  étape  d'un  charme  pénétrant 
entre  le  grand  précui'seur  Giotto  et  les  merveilleux 
maîtres  de  la  fin  du  xv®  siècle. 

Ils  furent  de  leur  vivant  justement  appréciés.  Ils  pro- 
menèrent, parallèlement,  leurs  existences  parfumées  de 


242 


L'ART  MODERNE 


gloire,  au  milieu  de  la  faveur  des  princes  et  de  l'enthou- 
siasme des  contemporains.  L'un  après  l'autre,  peut-être 
même  ensemble  —  ces  points  restent  mal  éclaircis  — 
ils  furent  choisis  par  la  république  de  Venise  pour  déco- 
rer le  Palais  des  Doges,  par  le  pape  Martin  V  pour 
contribuer  à  la  splendeur  de  Saint- Jean-de-Latran.  Les 
municipalités  fastueuses  de  l'époque  les  disputaient  au»x 
souverains,  et  de  nobles  besognes  leur  furent  confiées,, 
dont  ils  s'acquittèrent  dignepaent,  comblés  de  présents 
et  d'honneurs,  et  célébrés  par  les  poètes. 

Et  cette  similitude  de  destinées  se  continua  au  delà 
de  la  tombe.  Une  même  fatalité  s'acharna  sur  les  témoi- 
gnages qu'ils  avaient  voulu  laisser  d'eux-mêmes  à  la 
postérité.  Des  incendies,  des  catastrophes,  l'usure 
cruelle  du  temps  détruisirent  les  œuvres  dans  lesquelles 
ils  avaient  cru  s'éterniser.  Et  les  trois  siècles  de  basse, 
veule  et  présomptueuse  peinture  qui  vinrent  après 
Raphaël  les  méconnurent  et  les  oublièrent  tous  deux  à 
demi.  Ce  n'est  guère  que  de  nos  jours,  et  récem- 
ment, qu'ils  ont  rétrouvé  le  tribut  d'hommages  qu'il 
convient. 

A  vrai  dire,  on  est  tenté  de  les  confondre  dans  une 
admiration  commune.  Leurs  œuvres  subsistantes  sont  si 
rares,  les  points  de  repère  et  de  comparaison  si  incertains 
que  lorsque  l'on  veut  déterminer  la  personnalité  de  cha- 
cun, tout  devient  conjectural.  Il  est  infiniment  probable 
que  l'un  des  deux  a  influencé  l'autre,  mais  lequel  ?  Cet 
amour  des  animaux  (chevaux,  chiens,  etc.),  dont  si 
superbement  ils  ont  compris  tous  deux  les  nobles  lignes 
décoratives,  ce  goût  des  vêtements  pompeux  et  bizarres, 
j'aime  à  penser  que  ce  fut  le  doux  mjûtre  Gentile  qui 
l'enseigna  à  son  cadet,  alors  qu'ils  travaillaient  ensemble 
dans  la  richissime  Venise,  reine  des  mers,  où  des  Orien- 
taux en  costumes  étranges  apportaient  les  trésors  asia- 
tiques. Mais  peut-être  aussi  fallut-il  l'exemple  et  la  jeu- 
nesse audacieuse  de  Pisano  pour  apprendre  au  tendre 
maître  ombrien  tout  ce  qu'il  devait  ajouter  à  son  art 
calme  et  pieux? 

Quoi  qu'il  en  soit,  ils  sont  tous  deux  d'une  même 
famille,  famille  où  Pisano  serait  le  frère,  Gentile  la  sœur. 
Celui-ci  plus  timide,  celui-là  plus  hardi  ;  celui-ci  plus 
religieux,  celui-là  plus  mondain  ;  celui-ci  plus  candide 
et  plus  délicat,  celui-là  plus  vigoureux  et  plus  fort.  Il 
semble  enfin  que  Pisano  soit  plus  complexe  et  plus 
savant  :  certains  détails  de  sa  fresque,  La  Légende  de 
saint  Georges,  attestent  la  connaissance  des  graveurs 
d'Allemagne. 

Mais  ces  différences  ne  sont  guère  accentuées  aussi 
longtemps  que  l'on  compare  ce  qui  nous  reste  de  l'œuvre 
de  chaque  peintre,  et  si  on  est  généralement  porté  à 
préférer  Pisanello,  à  lui  reconnaître  des  qualités  plus 
robustes  et  plus  hautes,  c'est  que,  plus  heureux  que 
Gentile,  il  a  pu  survivre  en  ses  dessins  et  ses  médailles. 

On   sait  que   la  plupart    des    grandes  collections 


publiques,  surtout  le  Louvre,  s'enorgueillissent  (1)  de 
posséder  des  études  et  des  croquis  de  Pisanello,  si  abso- 
lument admirables  qu'il  n'y  a  point  de  plus  significatif 
éloge  à  en  faire  que  de  rappeler  qu'ils  ont  été  considérés 
et  vénérés  longtemps  comme  dus  à  Léonard  de  Vinci  ! 

On  sait  encore  que  Pisano,  le  prenîier,  retrouva  l'art 
du  médailleur,  perdu,  oublié  par  le  moyen -âge  et  que 
de  suite,  sans  essai,  sans  effort,  avec  une  inexplicable 
maîtrise,  il  égala  les  chefs-d'œuvre  de  la  Grèce  et  de 
Rome,  rétrécissant  la  recherche  du  caractère  à  l'am- 
pleur du  style  et  atteignant  du  premier  coup  une  per- 
fection qui,  depuis,  ne  fut  jamais  dépassée. 

Aussi  tristesse,  tristesse  de  songer  à  l'œuvre  disparu  : 
il  n'en  reste  plus  aujourd'hui  que  deux  fresques  en  des 
églises  de  Vérone,  un  petit  tableau  à  la  National  Gallery 
et  trois  ou  quatre  panneaux  autour  desquels  les  gens 
compétents  discutent  :  un  portrait  de  Lionel  d'Esté, 
dans  la  collection  Morelli  à  Milan,  un  saint  Hubert 
dans  la  galerie  Ashburnham  à  Londres  et  deux  Madones 
d'une  authenticité  justement  critiquée,  d'inférieure  qua- 
lité, au  Musée  de  Vérone. 

(A  suivre).  Jules  Destrée. 


LES  FUNÉRAILLES  DE  LÉON  CLADEL 

L'inhumalion  de  Léon  Cladel  a  eu  lieu  au  Père-Lachaise,  en 
présence  d'un  millier  de  personnes  appartenant  au  monde  des 
lettres,  de  la  presse  et  de  la  politique. 

Quatre  discours  ont  été  prononcés  sur  la  tombe.  Nous  citerons 
ceux  de  M.  Emile  Zola,  au  nom  de  la  Société  des  gens  de  lettres, 
de  M.  Paul  Ginisly,au  nom  de  l'Association  des  journalistes  répu- 
blicains, de  M.  Henry  de  Braisne,  au  nom  de  la  jeune  littérature. 

Voici  les  paroles  prononcées  par  M.  Paul  Ginisty  : 

«  Messieurs, 

Je  viens,  au  nom  de  l'Association  syndicale  des  journalistes 
républicains,  qui  comptait  Léon  Cladel  parmi  ses  membres,  pres- 
que depuis  sa  fondation,  lui  adresser  l'adieu  qu'elle  lui  doit. 

Dans  la  belle  vie  littéraire  de  Léon  Cladel,  le  rôle  du  journaliste 
a  été  considérable.  Oh  peut  dire  que  cet  écrivain  si  fier,  que  ce 
romancier  si  puissant  n'a,  à  (^  vérité,  jamais  quitté  le  journalisme 
où,  sous  une  forme  admirable  d'art,  il  restait  le  lutteur  vaillant, 
le  rude  paladin,  champion  du  droit  et  de  la  liberté.  Car  celui-là 
ne  varia  jamais,  car  avec  sa  superbe  intransigeance,  il  a  défendu 
jusqu'au  bout,  les  convietionsqui  avaientétécelles  de  ses  vingt  ans. 
Il  y  a  une  mâle  beauté  dans  l'unité  forte  de  son  existence,  dans 
cette  fidélité  infrangible  à  sa  foi  démocratique,  sans  la  moindre 
concession,  sans  le  moindre  sacrifice  à  ses  intérêts. 

Vieilli,  fatigué,  mais  non  abattu,  Cladel  étaii  toujours  l'homme 

(1)  Il  n'est  pas  tout  à  fait  exact  de  dire  que  le  Louvre  s'enorgueillit 
des  dessins  de  Pisano.  Il  faut  au  contraire  regretter  que  ce  musée  ne 
comprenne  pas  mieux  l'incomparable  trésor  qu'il  a  le  bonheur  de  pos- 
séder. Ces  dessins  sont  dispersés  aux  murs  de  diverses  salles  et  sur 
des  chevalets  tournants  où  on  ne  peut  les  voir  que  de  la  manière  la 
plus  incommode.  Il  faut  une  grande  patience  et  une  résignation  à 
voir  des  choses  dénuées  de  tout  intérêt  pour  les  connaître  tous  :  j'ai 
découvert  avec  peine  une  feuille  prodigieuse  avec  des  têtes  d'enfant  et 
un  visage  de  femme  à  faire  pâlir  tous  les  seigneurs  du  dessin,  de 
Diirer  à  Rops. 


qui  avait  signé  les  pages  enflammées  de  Pierre  Patient,  celte 
œuvre  austère  de  sa  jeunesse. 

Quel  que  fût  le  journal  où  on  le  soliicilait  d'écrire,  il  apporlaii 
la  même  ardeur  généreuse,  la  même  franchise,  la  même  piiié.  H 
était,  partout,  l'apôire  des  causes  sociales  perdues,  l'avocat  dos 
gueux,  le  grand  plébéien  dont  le  cœur  tressaillait  aux  misères 
obscures. 

Ne  relevant  que  de  sa  conscience,  qu'il  avait  définie,  un  jour, 
«  la  mesure  de  la  justice  »,  il  n'était  pas  de  considération  capable 
de  lui  faire  changer  un  mot  à  ce  qu'il  avait  tracé.  Ainsi,  dans  des 
journaux,  même  purement  littéraires,  fit-il  entendre,  avec  sa  cou- 
lumière  audace,  les  grondements  des  foules  douloureuses  et 
apporta-l-il  la  véhémente  affirmation  de  sa  tendresse  pour  elles. 

Jamais  artiste  ne  fut  moins  un  impassiblel  Ses  contes,  merveil- 
leux de  style,  — .  et  il  put  vraiment  les  appeler  lui-même  des 
«  morceaux  de  littérature  », —  sont  encore  de  la  polémique.  Il  y 
a  dans  les  Oueux  de  marque,  comme  dans  les  Va-nu-pieds,  dans 
Urbains  et  Ruraux  comme  dansles  Petits  cahiers,  pages  publiées 
d'abord  dans  les  journaux  avant  de  former  des  livres  fails  pour 
braver  l'avenir,  le  courage  d'opinions  inflexibles  et  des  plaidoyers 
d'une  brûlante  éloquence  pour  les  vaincus  de  la  politique  et  de  la 
vie,  en  même  temps  que  des  satires  implacables  contre  les  indif- 
férents et  les  satisfaits  qui  n'entendent  point  les  cris  de  colère  et 
les  sanglots  farouches  de  ceux  qui  souffrent. 

Défendre  les  mornes  déshérités,  forcer  les  autres  à  réfléchir, 
jeter  des  poignées  de  vérités,  —  fussent-elles  âpres,  —  c'est  la 
plus  belle  mission  du  journaliste.  A  cette  mission,  Cladel,  tnettant 
l'art  au  service  de  ses  idées  sociales,  ne  faillit  jamais.  Il  lui  en 
coûta,  parfois  ;  il  lui  en  coûta  même  en  d'autres  temps  que  ceux 
de  l'Empire,  ces  temps  de  jeunesse,  où,  disait-il,  on  croisait  la 
plume  comme  une  baïonnette. 

Ah  !  les  épisodes  aventureux  de  la  publication  de  Pierre  Patient 
dans  VEurope,  de  Francfort,  —  Pierre  Patient  (ce  roman  de 
journaliste,  encore),  qui  effraya  l'Empire  au  point  qu'il  interdit  ce 
journal  à  Paris  dès  le  lendemain  et  qu'il  fit  une  loi  particulière 
contre  les  écrivains  français  qui  osaient,  même  à  l'étranger,  exalter 
la  liberté  ! 

Il  y  avait  quelques  années,  alors  que  Cladel  bataillait  déjà 
dans  ta  littérature  avec  une  vaillance  de  paysan  lancé  dans  la 
grande  mêlée,  —  alors  que,  échappé  à  la  sombre  étude  d'avoué 
où  le  hasarci  l'avait  emprisonné,  il  avait  jeté  toutes  chaudes  ses 
premières  lignes  dans  le  Pirate,  une  petite  feuille  éphémère  dont, 
arrivé  à  la  renommée,  il  gardait  le  souvenir  attendri. 

Il  a  raconté  qu'il  se  grisait  du  vacarme  de  ses  lignes  tempé- 
tueuses, dans  la  mansarde  qu'il  habitait,  et  qu'il  les  relisait  d'une 
voix  si  forte,  pour  juger  de  l'eff'et  de  la  chose  imprimée,  qu'un 
voisin  frappa  à  sa  porte  en-  lui  demandant  s'il  assassinait  quel- 
qu'un. 

Il  assassinait,  à  coups  de  phrases  qui  étaient  tout  nerfs  et  tout 
muscles,  des  abus,  des  préjugés,  des  barrières,  et  c'est  ce  qu'il  fit 
toute  sa  vie.  Estimant  que  bien  agir  et  bien  dire  sont  synonymes, 
il  prouva  toujours  en  même  temps  l'énergie  de  son  caractère  et  la 
hauteur  de  son  art. 

Tel  il  apparut  dans  tous  les  journaux  où  ce  grand  indépendant 
continua,  en  outre  de  son  œuvre  de  romancier,  à  pousser  dans 
son  cœur  le  fort  et  mâle  accent  de  ses  écrits.     ' 

«Qui mentira  sombrera  »,  avait-il  coutume  de  dire.  II  ne  mentit 
jamais,  lui,  et  il  ne  disparaîtra  pas.  Les  sacrifices  qu'il  fit  à  sa  pro- 
bité d'artiste  grandiront  son  nom  ;  et,  devant  ce  cercueil,  nous 


saluons  un  des  maîtres  qui  aient  fait  le  plus  bel  usage  de  leur 
plume  et  qui  aient,  par  la  vigueur  généreuse  de  la  pensée,  le  plua 
ennobli  leur  talent.  Adieu,  Cladel,  adieu!» 

M.  Léon  Bourgeois,  ministre  de  l'instruction  publique  et  des 
beaux-arts,  a  informé  la  veuve  de  Léon  Cladel  que  l'Etal  prendrait 
à  sa  charge  l'éducation  de  ses  enfants. . .  —  Bon  exemple  k  méditer 
chez  nous. 


LE  MOUVEMENT  LITTÉRAIRE  EN  BELGIQUE 

Le  Figaro  publie  dans  un  de  ses  récents  numéros  l'article  que 
voici.  L'auteur,  M.  François  de  Nion,  qui  écrivit  cette  très  essen- 
tielle et  raffinée  page  d'humanité,  La  Peur  de  la  Mort,  s'y  révèle, 
en  la  presque  totalité  de  ses  jugements,  critique  pénétrant,  nota- 
teur  substantiel  des  particularités  de  nos  écrivains.  C'est  la  pre- 
mière fois  que  le  mouvement  littéraire  belge  est  étudié,  dans  un 
quotidien  étranger  d'une  telle  envergure,  avec  une  aussi  complète 
et  aussi  fine  entente  des  nuancçs,  avec  un  esprit  aussi  nettement 
libéré  de  toutes  les  mesquines  réserves  qui,  chez  nous-mêmes, 
cherchent  encore  à  obscurcir  l'éclat  de  nos  lettres.  Les  magisters 
récalcitrants,  les  cuistreux  dispensateurs  de  férule,  les  vinaigriers 
pour  qui  demeure  non  avenue  la  viabilité  de  notre  art  national 
reçoivent  là,  de  la  part  du  haut  et  probe  artiste  qu'est  M.  de 
Nion,  une  leçon  de  convenances  et  de  confraternité. 

Nous  attendrons,  pour  la  juger  dans  son  ensemble,  la  publi- 
cation de  la  seconde  partie  de  cette  remarquable  étude  :  elle  sera 
consacrée  aux  poètes  et  aux  écrivains  du  théâtre. 

Mais  que  déjà  il  nous  soit  permis  d'adresser  nos  remercîmcnts 
publics  à  M  Francis  Magnard,  l'éminent  directeur  du  Figaro, 
dont  l'esprit  indépendant  et  large  s'est  attesté  en  cette  occasion. 

LES  PROSATEURS 

Ce  serait  une  étude  assurément  ingénieuse,  d'une  curiosité 
subtile  et  délicate,  celle  par  laquelle  on  tâcherait  à  relever  les 
courants,  à  surprendre  les  influences  étrangères  qui,  à  toutes  les 
périodes  de  notre  histoire  littéraire,  apportèrent  à  notre  langue 
une  orientation,  des  richesses  nouvelles,  en  firent  ce  merveilleux 
et  souple  instrument  dont  la  flexibilité  infinie,  le  perpétuel 
renouveau  afssurent  l'élégance  et  la  vitalité. 

Aux  premiers  âges  et  pendant  toute  la  Renaissance,  l'esjtrit 
français  est  hanté  de  romanisme,  de  grécité;  plus  tard,  il' s'enno- 
blit et  s'enfle  aux  hâbleries  espagnoles,  s'amenuise  et  se  subtilise 
sous  la  séduction  du  goût  italien  ;  à  la  fin  du  xvin«  siècle,  il  est 
touché  d'anglicisme,  nourri  de  germanisme  durant  l'expansion 
romanlique  ;  de  nos  jours,  l'art  russe,  émané  de  France,  y  revient 
exercer  une  action  réflexe,  violente  autant  que  passagère;  enfin, 
dans  ces  derniers  temps,  un  nouvel  élément  s'insinue,  domine 
jusqu'à  un  certain  point  nos  jeunes  écoles  :  la  littérature  belge 
«  d'expression  française  »,  suivant  le  mot  d'un  de  ses  critiques  les 
plus  perceptifs  et  les  plus  avisés,  M.  F.  Nautel.  Cet  éveil  brusque 
—  presque  miraculeux  dans  ces  provinces  flamandes,  dans  ces 
pays  de  «  taiseux  »  —  d'un  art  jeune  et  combatif,  c'est  la  France 
qui  le  provoque  ;  mais  aussitôt  provoqué,  il  a  son  action  sur  nous. 
C'est  la  Belgique  qui  accueille  les  plus  avancés  de  nos  jeunes 
écrivains,  les  acclame  et  les  consacre,  ce  sont  ses  revues  qui 

luttent  pour  eux. 

*  -        -  - 
*  * 

Les  deux  initiateurs  de  ce  mouvement  littéraire,  qui  date 

de  1870,  sont  Charles  De  Coster  et  Camille  Lemonnier. 


v/ 


h 


Le  premier  esl  presque  un  inconnu  pour  nous  ;"  l'homme  qui  a 
écrit  en  un  français  d'une  grâce  extrême,  archaïque  et  précieuse 
un  peu,  quoique  parfois  trouée  de  modernité  nette,  ce  chef-d'œu- 
vre, Thyl  Uylenspiegel,  éveille,  même  pour  un  lettré,  la  vague  no- 
lion  d'un  auteur  qui  a  été  traduit...  et  qu'on  n'a  pas  lu.  La  fortune 
constamment  fut  cruelle  à  ce  grand  artiste  qui  mourut  dans  une 
misère  profonde;  il  semble  même  que  les  inquiétudes  de  la  vie 
l'aient  poursuivi  par  delà  la  mort,  et  l'autre  jour,  c'est  à  peine  si 
l'un  de  ses  amis,  M.  Potvin  est  arrivé  à  temps  pour  souslraire  sa 
tombe  temporaire  aux  brutalités  d'une  expropriation  admi- 
nistrative. Ilavait  sans  doute  fait  un  pacte  avec  toutes  les  tristesses, 
cejui  qui  devait  dire  un  jour  à  une  amie  ce  mol  d'une  mélancolie 
si  tendre  :  «  Je  ne  t'aime  pas  autant  quand  je  suis  gai!  » 

On  peut  dire  de  De  Coster  qu'il  a  écrit  le  testament  d'une  race, 
qu'il  a  monographie  l'âme  flamande  en  sa  grande  époque,  celle  de 
ses  luttes  pour  la  liberté.  L'Uylençpiegel  de  la  légende  populaire, 
c'est  le  héros  farceur  et  bohème,  grand  buveur,  bon  paillard,  une 
façon  de  Pantagruel  et  de  Panurge  flamand;  tout  autre,  singuliè- 
rement grandi,  plus  tendre  et  plus  grave,  chevaleresque  nous 
apparaît  l'Uylenspiegel  de  De  Coster.  En  lui  s'incarne  la  terre  de 
Flandres,  —  cette  patrie  humide  et  grise  qu'il  aimait  tant/  —  en 
lui  se  personnifie  le  paysan  en  révolte  contre  Philippe  d'Espagne, 
ce  Philippe  II  que  l'écrivain,  en  une  hallucination  superbe  de 
haut  visionnaire,  nous  peint,  infant  maigre,  triste  et  frileux, 
accroupi  dans  un  coin  de  l'Escurial  devant  une  cheminée  où  il 
fait  rôtir  vifs  des  singes. 

Ses  autres  ouvrages,  oîi  il  tenta  des  études  de  mœurs,  sont  infé- 
rieurs et  moins  célèbres.  Elevé  à  3Iunich  dans  le  palais  épiscopal 
du  copite  de  Mercy-Argenteau,  il  est  resté  Germain  par  ses  ten- 
dances, par  le  caractère  de  son  talent  ;  par  là  il  demeure  plus  à 
l'écart  du  mouvement  littéraire  belge  que  Camille  Lemonnier. 

C'est  chez  celui-ci,  dans  la  petite  maison  de  la  chaussée  de 
Vleurgat,  que  le  mouvement  prend  forme,  se  discute  en  concia- 
bules  amicaux  ;  il  s'affirme  au  grand  jour  en  une  fête  qui  a  joué 
un  rôle  considérable  dans  l'histoire  de  la  jeune  Belgique  :  le  ban- 
quet offert  en  4883  à  Camille  Lemonnier,  qui  servit  de  prétexte 
au  déploiement  des  forces  des  nouveaux  écrivains  et  fit  un  énorme 
tapage.  C'était,  comme  le  dit  à  cette  occassion  l'auteur  du  Mâle, 
bien  plutôt  la  fête  de  la  jeunesse  émancipée  que  celle  d'un 
homme,  la  Pâque  publique  de  la  Renaissance  littéraire .- 

Depuis,  Lemonnier  a  conquis  sa  place  chez  nous  où  il  figure  au 
rang  des  maréchaux  dans  l'état-major  des  lettres  françaises,  mais 
il  a  conservé  en  Belgique  une  haute  suprématie,  une  sorte  de  ma- 
gistrature d'art,  analogue  en  quelques  points  —  mais  bien  moins 
contestée  —  à  la  dictature  littéraire  que,  avec  infiniment  moins 
de  bienveillance  d'une  part  et  de  sympathie  de  l'autre,  exerça 
pendant  longtemps  parmi  nous  M.  Zola. 

Son  origine  est  complexe,  comme  son  talent  est  complexe  de 
caractère  et  de  tendances.  Requis  par  toutes  les  formes  de  la  vie, 
renouvelant  à  chaque  livre  sa  forme  et  changeant  le  champ  de  sa 
vision,  il  est  bien  Flamand  par  sa  couleur  puissante,  grasse,  vio- 
lente, son  sens  panlhéistique  des  choses,  l'inclinaison  vers  le  sym- 
bole ;  mais  des  atavismes,  une  grand'mère  italienne,  des  ancêtres 
espagnols,  lui  apportent  cette  aristocratie  de  forme  qui  décèle 
l'influence  de  l'art  latin. 
/  Sur  lui  Rubens  exerce  une  action  intense  et  jamais,  à  la  vérité, 
deux  caractères  d'artistes,  deux  figures  d'hommes  ne  se  rappelè- 
rent et  ne  se  complétèrent  d'aussi  intéressante  façon.  Rubens  est, 
sans  contredit,  le  plus  latin,  le  plus  aristocratique  des  peintres 


flamands  ;  mais  cette  latinité,  cette  aristocratie,  il  les  vêt  de  cou- 
leurs chaudes  et  chatoyantes,  en  empâte  la  sécheresse,  en  huma- 
nise la  hauteur  par  des  débauches  de  tons  joyeux,  fanfarons, 
voyants,  éclatants  ;  Baudelaire,  dans  les  notes  posthumes  qu'il  a 
laissées  sur  la  Belgique  —  si  sévères  et  si  Injustes  —  pressent 
quelque  chose  de  cette  double  nature,  et,  dans  son  exagération 
misanthropique,  il  définit  le  peintre  de  la  Descente  de  croix  :  un 
goujat  en  habit  «de  satin».  Goujat,  non  pas,  mais  robuste  et 
plantureux  gars  des  polders,  affiné  par  les  élégances  du  grand 
seigneur  et  les  délicatesses  de  l'artiste.  Comme  lui,  Camille 
Lemonnier  agglomère  les  deux  âmes  flamande  et  wallonne,  les 
réunit  en  une  seule  qui,  chez  les  autres,  se  fragmente  et  constitue 
deux  courants  :  le  courant  flamingant,  le  courant  wallon. 

Nous  les  étudierons  tout  à  l'heure;  mais  il  convient  de  parler 
ici  d'un  homme  qui,  avec  une  physionomie  moins  exclusivement 
littéraire  que  Lemonnier,  a  eu»  lui  aussi,  une  influence  considéra- 
ble et  décisive  sur  le  mouvement  actuel  :  Edmond  Picard.  Avocat, 
orateur,  politicien,  polémiste  ardent  et  plein  de  foi,  homme  de 
haute  culture  et  de  forte  trempe,  toujours  à  l'avant-garde,  il 
batailla  sans  trêve  pour  faire  accepter  les  idées  des  jeunes.  Son 
hôtel  à  Bruxelles,  où  débarquent  tous  les  Français  artistes,  fut  le 
centre,  le  terrain  neutre  où  se  rencontrèrent  et  se  fusionnèrent  en 
quelque  sorte  les  écoles  diverses  :  «  Il  couvrit,  dit  M.  F.  Nautet, 
«  tout  ce  que  les  premiers  écrits  pouvaient  avoir  d'informe,  du 
«  pavillon  d'une  littérature  ferme  et  pleine  de  sûreté  en  publiant 
«  successivement  (dans  leurs  revues)  le  Paradoxe  sur  l'avocat,  la 
«  Forge  Roussel,  le  Juré,  l'Amiral.  »  Styliste  concis,  net  et  bril- 
lant, gardant  dans  ses  écritures  artistes  quelque  chose  de  la  recti- 
tude et  de  la  sobriété  du  jurisconsulte. 

*** 

Les  deux  courants  flamingant  et  wallonisant  que  nous  indi- 
quions plus  haut  ont  produit  chacun  des  écrivains  plus  localisés 
que  ceux  dont  nous  venons  de  nous  occuper;  qâelques-uns  sont 
extrêmement  remarquables  par  leur  puissance  et  leur  personnalité 
vigoureuse. 

Parmi  les  Flamands  —  sans  vouloir  citer  Emile  Verhaeren  qui 
a  écrit  de  très  curieux  contes  en  prose,  non  encore  publiés,  mais 
à  qui  sa  gloire  de  poète  suftU  —  nous  trouvons  tout  de  suite  deux 
esprits  bien  différents  comme  conception  d'art,  mais  ayant  une 
certaine  parenté  de  caractère  dans  leur  façon  d'extérioriser  leurs 
sensations,  de  matérialiser  leur  intérieure  vision  :  Georges  Eek- 
houd,  Eugène  Demolder. 

Si  Lemonnier  évoque  encore  le  souvenir  de  Rubens,  Eekhoud 
rappelle  plutôt  Jordaens,  avec  ses  couleurs  appuyées,  ses  forces 
concentrées,  d'une  rusticité  plébéienne,  d'une  hautaine  grossièreté; 
Kees  Doorik,  sa  première  œuvre,  les  Kermesses  sont  des  enlumi- 
nures violentes  à  la  manière  d'Henri  De  Groux  ;  la  Nouvelle  Car- 
thage,  d'un  bel  effet  de  style,  mais  d'une  observation  trop  résumée, 
reflète  surtout  le  terrien,  le  «  poldérien  »  qui  sont  en  lui;  il  y  a 
en  Eekhoud  comme  un  mélange  d'Huysmans  moins  romaniique 
et  de  Souveslre  plus  acidulé.  Son  faire  cauteleux,  sournois,  donne 
l'impression  d'horizons  élroils,  de  ciels  bas  et  mobiles. 

Plus  sympathique  peut-être,  d'un  art  fin  et  aigu,  d'une  naïveté 
roublarde,  d'une  simplicité  admirablement  travaillée,  apparaît 
Demolder,  l'écrivain  des  Coiiies  d'Vperdamme,  ces  petits  Breu- 
ghels  où  il  se  joue  avec  la  plus  piquante  désinvolture  d'un  moyen 
assez  neuf  en  littérature,  l'anachronisme.  Un  livre  très  savoureux, 
d'une  valeur   réelle  qui   rappelle  certains  tableaux  récents  de 


LART  MODERNE 


245 


Béraud  ou  de  Jacques  Blanche,  el  dans  lequel  s'insère  un  petit 
chef-d'œuvre,  le  Reniement  de  saint  Pierre. 

Flamingants  aussi,  plus  par  leurs  sujets  empruntés  au  terroir 
que  par  leur  coloris  propre,  sont  Maurice  Desombiaux  el  Georges 
Rodenbach.  Les  lecteurs  du  Figaro  connaissent  l'esprit  élégiaque, 
un  peu  Iakiste  de  ce  dernier,  son  étonnante  faculté  d'image.  C'est 
une  âme  provinciale  élégamment  raisonneuse,  attirée  par  les  vies 
silencieuses,  les  mélancoliques  béguinages,  les  désuétudes  de  ban- 
lieue. Ses  œuvres  donnent  une  sensation,  pour  ainsi  dire  capil- 
laire, de  menuité,  d'aigu  dans  le  fin  de  la  sensibilité.  Flamands 
aussi  Van  Lerberghc  et  Maeterlinck  que  nous  retrouverons  parmi 
les  poètes. 

Arnold  Goffîn  est  un  Avallonisant  ;  il  se  rattache  à  Baudelaire 
par  sa  forme  dure,  marmorisée,  aux  incrustations  micaeées  ;  son 
âme  maladive  lui  fait  une  psychologie  tourmentée,  inquiète,  qui 
se  révèle  surtout  dans  les  plus  importants  de  ses  livres,  le  Jour- 
nal d'André,  Dèlsire  Moris,  et  sa  dernière  plaquette,  {«  Fou  rai- 
sonnable, d'une  multiplicité  singulière  et  vivante  et  grouillante 
d'idées  el  de  sensations. Wallon,  Hector  Chainaye,  dans  l'Ame  dei 
Choses,  aux  perceptions  intenses,  comme  fluidiques,  de  la  vie 
supra-inlellecluelle;  Wallons,  Maubel,  un  sensilif  mièvre,  névrosé, 
auteur  d'études  à  la  loupe;  Delattre,  conteur  adroit  et  avisé; 
Georges  Garnir,  avec  les  Charneux;  Nizet,  esprit  scientifique, 
récemment  sorti  des  formules  naturalistes;  Mahulle,  donl  le 
Bruxelles  vivant  a  l'éclat,  le  fringant,  l'espril  vif  el  claquant  des 
merveilleuses  chroniques  parisiennes,  un  journaliste  d'ailleurs  et 
de  talent;  Demblon,  F.  Baudoux,  Paul  Hagemans,  etc.,  etc. 

Il  faut  s'arrêter  à  Raymond  Nyst,  au  saisissement  qu'apporte 
avec  elle  son  œuvre  rude  el  désordonnée  dans  laquelle  il  semble 
qu'on  entende  des  paquets  de  mer  s'éclabousser  contre  des  rocs. 
Une  plaquette  sans  litre,  un  récit  d'amour  mystérieusement  ter- 
miné .dans  le  bruit  des  houles  marines,  des  poèmes  en  prose, 
La  Création  du  Diable,  prodigieux  entassement  d'épilhètes, 
d'images,  de  couleurs  horribles,  de  phrases  tordues,  révoltées, 
en  font  un  écrivain  d'un  incontestable  talent  qui  rappelle  un  peu 
celui  de  notre  Henri  de  Régnier,  ce  grand  poète,  s'il  n'était  empri- 
sonné dans  une  école  sans  issue;  beaucoup  celui  de  Félicien 
Rops. 

*** 
En  dehors  de  ces  classifications,  un  groupe  de  métis  —  il  ne 
faut  pas  s'effaroucher  du  mot,  un  des  leurs  a  écrit  :  «  L'avenir 
en  Belgique  est  à  une  certaine  bâtardise  »  —  participent  aux 
deux  natures;  certains  écrivains  comme  Hubert  Krains,  critique 
et  conteur;  James  Van  Drunen,  en  ses  notes  de  voyage,  prestes  el 
chiffonnées,  ses  notations  fragmentées,  comme  du  Sterne  coupé 
de  Concourt;  les  deux  Destrée,  Jules  el  Georges,  une  réduction 
des  deux  frères  français,  tous  deux  aimantés  vers  le  rare,  le  pré 
cieux  et  le  faisandé;  J.  Van  der  Brugghe,  inclinent  vers  l'esprit 
français  donl  les  flamingants,  surtout  les  poètes  —  nous  revien- 
drons sur  ce  point  —  sont  en  train  de  se  séparer  complètement 
sans  le  savoir  et  sans  le  vouloir  peul-élre. 

*** 
Des  journaux,  des  revues  surtout  contribuèrent,  avec  des  for- 
lunes  diverses,  mais  toujours  une  ardeur,  un  désintéressement 
admirables,  au  succès  de  celte  littérature  naissante.  L'Europe, 
fondée  â  Bruxelles  par  M.  E.  Francq,  un  économiste  de  haute 
valeur,  ouvrit  son  supplément  aux  nouveaux  écrivains  ;  presque 
en  même  leTmps,  la  Jeune  Belgique  faisait  paraître  son  premier 


numéro.  Max  Wallcr,  figure  charmante  et  gamine,  incarnant 
deux  natures  contradictoires,  l'étudiant  allemand  el  le  boulevar- 
dier  parisien,  lança  le  périodijque  en  pleine  mêlée,  avec  les  plus 
i<  en  avant  »  des  jeunes  :  Giraud,  Gilkin,  Verbaeren,  Goffin, 
H.  Maubel,  Demolder,  etc.,  etc. 

H  en  fit  l'organe  Imaginatif,  spiritualiste,  impressionniste  du 
mouvement.  L'Art  moderne,  au  contraire,  devait; être  une  feuille 
d'^eslhélique  et  d'analyse;  il  ne  tarda  pas  à  acquérir  une  autorité 
au  moins  égale.  M.  Octave  Maus,  avec  la  collaboration  d'Edmond 
Picard,  d'Ernest  Verlant  el  de  F.  Naulet,  —  ces  deux  derniers  sont 
les  principaux  critiques  de  la  jeune  littérature  belge,  —  eut  l'ini- 
tiative de  cette  création  (1). 

La  Société  nouvelle,  lancée  par  MM.  F.  Brouez  et  A.  James, 
est  la  ^8  posée,  la  plus  éclectique  des  revues.  Elle  a — plus 
qu'elle  n'affecte  —  certaines  allures  de  jeune  Revue  des  Deux 
A/on(ies.  Comme  son  atnée  et  sa  voisine,  elle  se  préoccupe  de 
science,  de  philosophie,  de  sociologie,  se  plati  aux  articles  de 
fond  un  peu  compacts,  froids  et  bien  combinés.  Elle  constitue, 
même  en  dehors  de  la  Belgique,  un  des  périodiques  les  plus  ren- 
seignés et  les  plus  sérieux  au  point  de  vue  des  idées  nouvelles, 
quelles  qu'elles  sOienl. 

Quand  nous  aurons  cité  la  Wallonie,  petit  cénacle  francisant, 
inféodée  aux  semblants  d'écoles  symbolistes  françaises,  et  le  Mou- 
vement littéraire,  toute  récente  el  vaillante  publication,  très 
remarquablement  dirigée  par  MM.  F.  Roussel,  Raymond  Nyst  el 
L.  Donnay,  nous  aurons  noté  les  plus  importantes  des  revues 
a  jeunes  »  de  Belgique,  et  nous  pourrons  nous  occuper  des  poètes 
dont  l'action  ne  fut  pas  moins  importante  ni  décisive  que  celle 
des  prosateurs  dans  cette  sorte  de  Renaissance  —  ou  plutôt  —  de 

naissance  d'une  littérature. 

François  de  Nion. 


LIVRES  ET  BROCHURES 

Le  Chevalier  Forelle,  par  Xavier  de  Reul.  —  Bruxelles, 
A.  Lefèvre,  276  p. 

Simplehisloire.Une  idylle  en  province,  dans  les  vraies  Ardennes. 
Scènes  de  la  vie  d'officier  dans  le  Luxembourg.  —  Bernard  Forelle, 
élevé  peu  à  peu  du  grade  de  caporal  à  celui  d'officier  supérieur, 
son  avancement  officiel  est  parallèle  à  son  dégrossissemenl  moral  : 
le  lourd  paysan  se  transforme  peu  à  peu  el  par  étapes  en  parfait 
gentleman. 

M.  de  Reul  est  un  très  agréable  conteur.  Les  divers  romans  et 
nouvelles  qu'il  a  publiés  dans  la  Revue  de  Belgique  en  fonl  foi. 
Il  ne  s'est  pas  rallié  aux  écoles  du  roman  contemporain.  Son  style 
est  sans  complication,  comme  sa  pensée.  Le  sous-titre  de  son 
dernier  ouvrage  ne  ment  pas  :  c'est  bien  une  simple  histoire, 
mais  racontée  avec  fraîcheur  el  vérité. 

Ames  fidèles  au  mystère,  par  Adolphe  Frères.  —  Bruxelles, 
Lacomblez,  163  p. 

De  la  poésie  en  prose.  De  très  tendres  et  délicats  sentiments 
exprimés  en  une  forme  artiste  et  ciselée.  Des  paysages  où  l'auteur 
«  a  tâché  d'associer  des  âmes  simples  sentant,  pensant  selon  le 
ciel  el  les  fleurs,  des  âmes  très  impersonnelles  qui  n'ont  point  lu 
les  journaux  ». 

Les  petites  âmes  que  fait  vivre  M.  Frères  sont  bien  petites  mais 

(1)  M.  de  Nion  fait  erreur  en  ce  qui  concerne  ces  deux  derniers 
noms.  Les  fondateurs  de  l'Art  moderne  sont,  outre  les  deux  écri- 
vains cités  en  premier  lieu,  MM.  Victor  Arnould  et  Eugène  Robert. 


^ 


J 


bien  poétiques.  C'est  fin,  délicat  jusqu'au  mièvre.  Très  promeneur 
cependant,  pour  le  jour  où  l'auteur  voudra  bien  remarquer  que 
les  jolis  détails  ne  suffisent  pas  pour  faire  une  œuvre,  fût-ce  un 
livre  de  poésie.  H  faut  à  celle-ci  une  sorte  d'inspiration  commune, 
qui  se  fasse  reconnaître  non  pas  seulement  à  la  mise  en  ordre  des 
diverses  pièces,  mais  surtout  dans  l'expression  des  idées.  Pectus 
est  quod  dissertas  facit.  Leconle  de  Lisle  n'est  plus  noire  idéal,  ni 
aucun  des  parnassiens. 

■  La  prose  de  M.  Frères  ne  se  dislingue  pas  nettement  de  la  forme  ' 
versifiée.  Nous  n'y  voyons  pas  grand  Qvantagé;  aujourd'hui  la 
liberté  du  vers  permet  tous  les  rythmes  et  toutes  les  complica- 
tions. La  prose  conserve  toujours  quelque  cho^e  de  lâclie.  Elle 
prédispose  bien  plus  aux  chevilles  et  aux  phrases  banales.  La 
prosodie  est  encore  la  meilleure  des  disciplines  pour  arriver  à  la 
concision,  qualité  du  style  précieuse  entre  toutes. 

Les  Salons  de  1892,  par  Louis  Gardon.  —  Paris,  Georges 
Petit,  édit.,  81  p.  gr.  in-8o. 

M.  Louis  Cardon  vient  de  faire  paraître  en  un  élégant  volume, 
imprimé  avec  luxe,  la  revue  des  Salons  de  Paris  en  1892  qu'il  a 
publiée  dans  la  Nation  :  les  Champs-Elysées,  le  Champ-de-Mars, 
les  Pastellistes,  l'Exposition  de  Blanc  et  Noir,  l'Union  libérale. 
Une  dizaine  de  pages  sur  la  Critique  d'art,  en  léte  du  volume,  décè- 
lent la  sincérité  et  l'esprit  clairvoyant  de  l'écrivain. 

Sur  la  Plage  :  les  airs,  la  mer  et  leurs  habitants,  par  Emile 
Lkclercq.  —  Bruxelles,  Emile  Bruylant,  édit.,  180  p. 

Les  oisifs  que  l'été  sème,  de  La  Panne  à  Knocke,  sur  les  bords 
de  la  mer  du  Nord,  trouveront  dans  le  volume  que  vient  de  publier 
M.  Emile  Leclercq  une  description  rapide  de  ce  qu'on  rencontre 
en  se  promenant  sur  les  plages  :  oiseaux,  coquilles,  plantes  mari- 
nes, tout  ce  qui  vole,  tout  ce  qui  se  pêche,  tout  ce  qui  forme  ce 
que  l'auteur  nomme  joliment  «  le  jardin  des  mers  ». 

Un  peu  de  science,  1res  peu  ;  jus'te  ce  qu'il  faut  pour  distraire  et 
intéresser,  entre  le  bain  et  le  concert  du  Kursaal. 

Oxford  et  la  vie  universitaire  en  Angleterre,  par  le  comte 
GoBLET  d' Alviella.  —  Bruxelles,  Lamertin,  édit.,  24  p.  in-8°. 

Très  intéressante  causerie  faite  à  la  Société  des  étudiants  libé- 
raux de  Bruxelles,  dans  laquelle  M.  le  comte  Goblet  d'Alviella, 
après  avoir  donné  d'Oxford  une  description  pittoresque,  fait 
l'historique  de  la  célèbre  Université,  expose  en  détail  l'organisa- 
tion actuelle  de  celle-ci  et  termine  par  le  tableau  de  la  carrière 
d'un  étudiant  depuis  son  inscription  sur  les  rôles  jusqu'à  l'obten- 
.  tion  de  son  diplôme. 

L'Anarchie  littéraire,  par  Anatole  Baju.  —  Paris,  Vanier, 
édit,  35  p.  in-12. 

Ces  lignjes  de  début  déterminent  la  tendance  de  la  brochure  de 
M.  Baju  :  «  A  l'époque  du  Décadent,  il  y  eut,  parmi  les  écrivains 
de  noire  génération,  quelque  chose  comme  un  syndicat  d'efforts 
pour  faire  cesser  les  enfantillages  du  père  Hugo  et  de  ses  imita- 
teurs, et  pour  refoulera  l'égout  les  déjections  littérairesde  M.  Emile 
Zola  et  des  Naturalistes...  » 

M.  Anatole  Baju  est  Décadent.  Il  en  veut  beaucoup  aux  pau- 
vres Symbolistes,  parmi  lesquels  il  range  M.  Georges  Eekhoud, 
qui  en  sera  surpris.  Il  traite  aussi  avec  quelque  dédain  les  Instru- 
mentistes, qui  n'onl  jamais  eu,  d'après  lui,  qu'un  succès  d'hilarité: 
et  ceci  étonnera  M.  Emile  Verhaeren,  que  l'auteur  embrigade 
dans  «  l'Orphéon  poétique  ».  Quant  aux  Romanistes,  ils  n'ont  de 


valeur  que  par  leurs  formidables  prétentions,  tandis  que  les  Magi- 
ques disputent  aux  Instrumentistes  la  gloire  du  ridicule.  Celte  fois 
c'est  M.  Paul  Adam  qui  n'y  comprendra  rien,  pas  plus  que 
M.  Octave  Mirbeau,  classé  par  M.  Baju  dans  le  groupe  des  écri- 
vains Anarchistes  «  qui  ont  fait  jusqu'à  présent  plus  de  bruit  avec 
des  cartouches  de  dynamite  qu'avec  leurs  œuvres  littéraires  ». 

Il  y  a  aussi  une  petite  revue  des  Magnifiques,  des  Socialistes,  etc. 
et  il  ne  manque  vraiment  à  la  série  que  la  secte  des  Anatolebaji- 
ques,  qui.  ferait  une  très  jolie  école  littéraire. 


^( 


ICCU^E^    DE    I^ECEPTIOp^ 

Le  Baptême  de  Jésus  ou  les  quatre  degrés  du  scepticisme,  par 
T.  DE  Wyzewa;  Paris,  Pdrrin  et  C".  —  Contes  pour  les  hommes, 
par  Dbbut  de  Laforest;  Paris,  Dentu.  —  Les  Horizons  hantés, 
par  Jean  Uelville  ;  Bruxelles,  Lacomblez, 


Mémento  des  Expositions 

Amsterdam.  —  Exposition  communale.  5  septembre-10  octobre. 
Envois  du  4  au  13  août.  Six  médailles  d'or.  Renseignements  : 
Secrétaire  du  Comité  de  l'Exposition  communale,  Amsterdam. 

Chicago.  —  Section  des  Beaux-Arts  de  l'Exposition  universelle. 
1"'  mai-30  octobre  1893  (voir  l'Art  moderne  du  11  octobre  1891). 

Fontainebleau.  —  l"-30  septembre.  —  Secrétaire  général  : 
Weber,  notaire. 

Gand.  —  Salon  triennal  :  21  août-10  octobre.  Délai  d'envoi 
expiré.  Renseignements  :  M.  F.  Van  der  Haeghen,  secrétaire 
de  la  Commission  directrice,  au  Casino,  Oand. 

Madrid.  —  Exposition  historique  européenne.  12  septembrc- 
31  décembre.  Délai  d'envoi  expiré.  Renseignements  :  Comte  de 
Casa  Miranda,  sous-secrétaire  d'Etat  à  la  présidence  du  Conseil 
des  ministres,  Madrid. 

Monaco.  —  Exposition  internationale  des  Beaux-Arts  (limitée 
aux  invités).  14  novembre  1892-15  août  1893.  Envois  du  4  au 
12  octobre.  Renseignements  :  Baron  Delort  de  Gléon,  président 
du  Comité,  rue  Vézelay,  18,  Paris. 

Nancy.  —  XXIX«  exposition  de  la  Société  lorraine  des  «  Amis 
des  Arts  ».  1"  novembre-8  décembre.  Transport  gratuit  pour  les 
artistes  invités.  Envois  avant  le  15  octobre.  Renseignements  : 
M.  R.  Wiener,  trésorier,  rue  des  Dominicains,  53,  Nancy. 

Nice.  —  Exposition  internaticmale.  10  janvier-30  mars  1893. 
Envois  :  l"-25  décembre.  Renseignements  :  Secrétariat,  Pajlais 
du  Crédit  Lyonnais,  Nice. 

Roubaix-Tourcoing.  —  Exposition  annuelle.   15  seplembre- 

15  novembre.  Délais  :  notices,  1"  septembre;  œuvres,  5  septem- 
bre. Deux  œuvres  par  exposant.  Renseignements  :  Secrétariat  de 
la  a  Société  artistique  »,  rue  de  l'Espérance,  Roubaix  {Nord). 

St-Germain-en-Laye.  —  Exposition   internationale.  14  aoûl- 

16  octobre.  Renseignements  :  Secrétariat  de  l'exposition,  rue  de 
la  Salle,  32,  St-Oermain-en-Laye.  Dépôt  à  Paris  :  Guinchard  et 
Fourniret,  rue  Blanche,  76. 


Petite  chroj^ique 


Le  great  event  de  la  semaine  (et  peut-être  de  la  saison),  au 
Waux-Hall,  a  été  l'apparition  d'une  jeune  artiste  liégeoise,  M"»  Ju- 
liette Folville,  jadis  enfant  prodige,  aujourd'hui  musicienne  accom- 
plie et  virtuose  de  sérieux  talent. 

M"«  Folville  est  pianiste,  violoniste  et  compositeur.  Elle  se 
produit  en  public  sous  ce  triple  avatar.  Mais  cet  américanisme  un 


-r 


/ 


i:art  moderne 


247 


peu  inquiétant  n'est  que  superficiel,  et  dès  son  entrée  en  scène,  la 
jeune  fille  conquiert  d'emblée  l'auditoire  parle  charme  d'une  inter- 
prétation pleine  d'aisance  et  de  sentiment,  par  l'irréprochable 
correction  de  son  jeu,  par  la  sincérité  que  décèle  sa  nature  d'ar- 
tiste exceptionnellement  douée. 

On  a  chaleureusement  applaudi  la  pianiste  après  l'exécution 
fragmentaire  du  ¥  concerto  de  Lilolff,  et  la  violoniste  pour  son 
excellente  interprétation  de  deux  morceaux  de  la  Suite  de  César 
Cui  et  du  Caprice  de  concert  de  Musin. 

Après  quoi  M.  Léon  Du  Bois  a  galamment  passé  à  M"«  Folville 
son  bâton  directorial.  Et  l'on  a  vu,  spectacle  assez  rare  pour  être 
signalé,  une  jeune  fille  conduire  l'orchestre  de  la  Monnaie,  et  le 
conduire  avec  une  autorité,  une  fermeté,  une  simplicité  qui  ont 
ravi  tout  le  monde,  —  les  musiciens  surtout. 

Des  cinq  fragments  du  drame  lyrique  Atala  que  nous  a  fait 
entendre  M''»  Folville,  le  Prélude  nous  a  paru  pariiculièremenl 
bien  venu.  Les  thèmes  sont  développés  avec  beaucoup  d'art  cl 
l'écriture  musicale  ne  laisse  rien  à  désirer.  M"«  Folville  a  une  rare 
entente  des  sonorités.  Dans  la  Marche  sacrée,  dans  la  Danse 
armée,  il  y  a,  U  cet  égard,  des  trouvailles  charmantes,  indices 
d'une  aptitude  très  particulière  que  nous  souhaitons  voir  pro- 
chainement appréciée  du  public  des  Concerts  populaires  ou  du 
théâtre. 

Le  jardin  du  Waux-Hall,  empli  jusqu'aux  palissades,  a  longue- 
ment retenti  d'unanimes  applaudissements. 

Parmi  les  prochaines  «  attractions  »  annoncées,  citons  M.  Désiré 
Demest,  baryton,  professeur  au  Conservatoire  de  Liège,  qui  se  fera 
entendre  ce  soir,  ei  M""  Chrétien,  qui  participera  au  concert  extra- 
ordinaire de  mardi  prochain. 

11  est  question  aussi  d'une  audition  des  Disciples  de  Grétry,  la 
société  chorale  victorieuse.  Mais  ceci  est  un  gros  projet  que  la 
direction  s'efforce  de  mûrir. 


Nous  avons  annoncé  que  l'Etat  belge  vient  d'acquérir  le  groupe 
de  M.  Ch.  Van  der  Slappen,  Ompdrailles,  le  Tombeau  des  Lut- 
teurs, inspiré  par  une  des  plus  belles  œuvres  de  Léon  Cladel,  le 
grand  écrivain  que  la  mort  vient  d'abattre.  Voici  en  quels  termes 
notre  ami  et  collaborateur  Camille  Lemonnier  apprécie  dans  le 
Gil  Blas  le  groupe  de  M.  Van  der  Slappen  : 

«  Cette  œuvre  considérable,  de  proportions  colossales,  et  l'une 
des  plus  puissantes  du  maître  dont  le  nom  reste  attaché  à  de 
souples  et  fières plastiques,  honneur  de  l'école  qui  succéda  à  l'art 
industriel  cl  pompier  des  Geefs,  Fraikin  et  consorts,  signale  un 
retour  aux  modes  héroïques  de  lagrandestaluaire.  Le  vieil  athlète, 
aux  musculatures  noueuses  et  câblées,  enlèw  d'un  mouvement 
admirable  le  svelle  et  noble  jeune  homme  dont  le  corps  expiré, 
aux  fines  élégances  fléchies  d'un  gladiateur  antique,  contraste  avec 
sa  haute  stature  violente.  Une  ordonnance  vraiment  pathétique 
coordonne  les  lignes  et  dénote  en  M.  Ch.  Van  der  Slappen  un 
artiste  épris  des  grandes  traditions,  mais  les  renouvelant  par  un 
sentiment  très  personnel  de  la  forme  en  action. 

«  L'œuvre  est  donc  doublement  intéressante  pour  nous,  en  ce 
qu'elle  réalise  un  concept  d'art  dramatique  avec  la  vigueur  d'un 
tempérament  flamand,  aussi  en  ce  qu'elle  commémore  et  glorifie 
un  des  livres  les  plus  plastiquemenl,  beaux  de  noire  lilléralure,  et 
celui  que  l'écrivain  chérissait  entre  tous.  » 

VOmpdrailles  de  M.  Van  der  Slappen  figurera  au  prochain 
salon  du  Champ-de-Mars. 


Un  comité  est  en  formation  à  Paris  pour  élever  à  la  mémoire 
de  Léon  Cladel  un  buste  au  Père-Lachaise  et  une  statue  à  Mon- 
tauban,  patrie  du  grand  romancier. 


Nous  avons  vu,. ces  jours  derniers,  dags  l'atelier  de  M.  Jean 
Gaspar,  un  groupe  que  le  jeune  sculpteur  se  propose  d'envoyer  au 
Salon  de  Gand.  Un  adolescent,  une  jeune  fille  s'enlacent  tendre- 
ment. L'œuvre  est  exquise  de  sentiment,  de  chasteté  ingénue,  de 
grâce  aristocratique,.  C'est  la  première  fois  que  M.  Gaspar  expose 
depuis  qu'il  exhiba,  voici  quelques  anné^,  un  groupe  de  grandes 
dimensions  :  VEnlèvement.  Il  semble  évoluer  vers  un  art  plus 
littéraire  et  plus  synthétique.  Son  œuvre  récente,  l'une  des  plus 
captivantes  que  nous  ayons  vues  en  ces  derniers  temps,  sera 
certainemenl  très  remarquée  et  classera  le  statuaire  parmi  les 
plus  sérieuses  espérances  de  l'art  belge. 


Le  correspondant  d'Amsterdam  du  Ouide  musical  annonce  le 
départ  pour  Vienne  d'un  petit  groupe  de  chanteurs  néerlandais 
qui,  sous  la  direction  de  M.  «Daniel  de  Lange,  est  ailé,  â  l'Exposi- 
tion du  Théâtre  et  de  la  Musique,  faire  entendre  des  compositions 
à  plusieurs  voix  d'anciens  maîtres  néerlandais,  depuis  Dufay 
(1360-1432)  jusqu'à  Roland  de  Lattre  (1520-1594)  et  Piete'r 
Swelinck  (1562-1612). 

Les  journaux  de  Vienne  ne  tarissent  pas  d'éloges  sur  ces  chan- 
teurs néerlandais,  et  signalent  particulièrement  le  baryton  Mets- 
schaert^  d'ailleurs  l'un  des  premiers  chanteurs  néerlandais,  le 
ténor  Rogmans  et  le  soprano  M"'  Reddinghuis.  Les  chansons, 
madrigaux  et  hymnes  anciens  que  le  petit  groupe,  dirigé  par 
M.  Daniel  de  Lange,  a  fait  entendre  à  Vienne,  paraissent  avoir 
ravi  les  auditeurs.  Les  chanteurs  néerlandais,  à  la  suite  de  leur 
succès  à  Vienne,  vont  probablement  entreprendre  une  tournée  en 
Allemagne. 


Le  numéro  de  juillet  du  Magazine  of  Art,  la  plus  intéressante 
des  revues  illustrées  anglaises,  contient,  entre  autres,  une  élude 
de  M.  H.  Spielmann  sur  notre  compatriote,  le  sculpteur  Georges 
Van  der  Straeten.  L'article  est  illustré  du  portrait  de  l'artiste  cl 
de  sept  reproductions  de  ses  œuvres.  Dans  la  même  livraison,  la 
reproduction  du  tableau  de  Fernand  Khnopff  :  Y  lock  my  door 
iipon  myself,  un  portrait  de  Walter  Crâne,  par  G.-F.  Watts,  un 
voyage  de  M.  Tristram  Eliis  à  Corfou,  une  élude  sur  le  sculp- 
teur Alfred  Slevens  et,  dans  les  notes  d'art,  un  compte  rendu  des 
plus  élogieux  du  dernier  Salon  des  XX. 


L'origine  du  blanc  costume  de  Pierrot,  d'après  une  chronique 
de  l'Echo  de  Paris  :  «  C'est  à  celte  époque,  combien  lointaine  ! 
que,  dans  Ma  Mère  l'Oie,  où  on  le  rôtissait  à  la  broche,  Debu- 
rau,  afin  de  faciliter  et  de  rendre  plus  rapides  ses  changements 
de  costumes,  revêtit  pour  la  première  fois  celte  ample  et  flollanie 
souquenille  blanche  devenue  désormais  caractéristique  de  Pierrot. 
Car  auparavant,  détail  que  trop  de  gens  ignorent,  Pierrot  s'en 
allait  revêtu  du  justaucorps  ajusté  des  Gilles. 

Ainsi  tout,  peu  â  peu,  se  transforme  cl  les  traditions  succèdent 
aux  traditions.  » 


«faata 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


LIGNE    D'OSTENDE-DOUVRES 

La  plus  courte  et  la  moins  coûteuse  des  voies  extra-rapides  entre  le  Continent  et  rÂNCLETERRE 

Bruxelles  à  Ijondres  en  8  heures. —  Cologne  à  Londres  en  13  heures. —  Berlin  à  Londres  en  22  heures.—  Vienne  à  Londres 
en  36  heures.  —  B&le  à  Londres  en  20  lieures.  —  Milan  à  Londres  «n  32  heures.  —  Francfort  s/M  à  Londres  en  18  heures, 

xitoiis  iSE:itviCE:i^  i^Awt  «lOCJit 

D'Ostende  à  4  h.  58  matin,  10  h.  53  matin  et  8  h.  03  soir.  —  De  Douvres  à  12.00  h.  (midi),  7  h.  30  soir  et  10  h.  15  soir. 

XR/iLVE:iti»ÊE:  ^Bi  XROiis  he:ure:8 

Par  les  nouveaux  et  splendides  paquebots  :  Princesse  Joséphine,  Princesse  Henriette,  Prince  Albert,  La  Flandre  et  Ville 
de  Douvres  partant  journellement  d'OSTENDE  à  4  h.  58  matm  et  10  h.  53  matin  ;  de  DOUVRES  à  12.00  (midi)  et  7  h.  30  soir.  —  Salons 
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Dimanche  7  Août  18^. 


L'ART 


PARAISSANT    LB    DIUiANCHB 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  «  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique*  un    an,    fr.    10.00;  Union  postale,    fr.    13.00     —  ANNONCES   :    On  traite  à  forfait. 

i >_ i -  -~: 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


? 


OMMAIRE 


Notes  sur  les  Primitifs  italiens.  Pisanello  (Suite).  —  Joseph 
Stevens.  —  Les  origines  de  la  littérature  belge.  —  La  ligue 
DU  droit  des  femmes.  —  Quelques  livres.  —  Artistes  aveugles. 
—  Petite  chronique. 


Notes  sur  les  Primitifs  italiens  ^^^ 


IV 
PISANELLO 

^  Le  précieux  tableau  de  Londres  a  pour  sujet  :  Saint 
Antoine  et  saint  Georges  (2).  Les  deux  saints  sont 
debout  tous  deux,  tournés  l'un  vers  l'autre.  Saint  Georges 
est  un  jeune  et  beau  chevalier  derrière  lequel  s'aperçoi- 
vent, coupés  par  le  cadre,  deux  têtes  de  chevaux  impa- 
tients qui  secouent  nerveusement  leurs  gourmettes  et 
leurs  mors  dorés.  Sans  doute,  en  ce  désert  dé  sables  et  de 
rochers,  à  la  lisière  de  ce  sombre  bois  de  pins  rabougris, 
il  aura,  tandis  qu'il  chevauchait  à  l'aventure,  rencontré 

(1)  Suite;  voir  notre  dernier  numéro.  Voir  aussi  dans  l'Art  mo- 
derne de  1891,  n»  47,  Giotio;  49,  Masolino  da  Panicale;  51  et  52, 
G^ntile  da  Fabriano. 

(2)  Ce  joyau  fut  offert  à  la  National  Qallery  par  Lady  Eastlake,  en 
souvenir  de  son  mari  défunt.  Quelle  exquise  et  princière  façon  de  per- 
pétuer une  mémoire  Chère  ! 


le  vieil  ermite  et  aura  mis  pied  à  terre  pour  en  écouter 
la  requête.  Pour  cette  promenade,  le  joli  capitaine 
n'avait  pris  de  son  armure  d'argent  que  les  épaulettes 
massives,  les  brassards,  les  gantelets  et  les  jambières, 
remplaçant  le  casque  par  une  paille  fine  à  larges 
bords  qui  laisse  découverte  sa  figure  imberbe  et  juvénile, 
quittant  la  cuirasse  pour  un  mantelet  de  fin  drap  gris 
perle,  tuyauté,  bordé  de  très  pâles  fourrures  rousses 
d'une  élégance  suprême.  L'épée  suspendue  au  côté  et 
les  éperons  d'or  complétaient  ce  séduisant  équipage  de 
tournoi  et  de  fête.  A  ses  pieds,  le  dragon  terrassé  éten- 
dant ses  ailes  noires  et  tordant  la  queue,  n'ayant  qu'une 
valeur  d'attribut  traditionnel.  Martial  et  doux,  le  jeune 
seigneur  regarde  avec  bonté  le  vieillard. 

Celui-ci  s'approche,  un  peu  courbé,  tenant  dans  une 
main  un  bâton  court  et  dans  l'autre  une  clochette  dont 
probablement  il  se  servit  pour  attirer  l'attention  du 
passant.  Un  humble  manteau  de  couleur  brune  l'enve- 
loppe, au-dessus  de  sa  robe  de  bure  d'un  brun  plus  rou- 
geâtre  et  plus  sombre.  Une  mince  auréole  plane  autour 
de  son  capuchon  et  sa  longue  barbe  blanche  descend 
sur  sa  poitrine.  A  ses  pieds,  le  symbolique,  compagnon 
de  sa  solitude  avance  un  groin  sauvage. 

Et  tandis  qu'ils  causaient  de  charité  et  d'amour, 
pénétrés  de  bonnes  pensées,  n'ont-ils  pas  vu  en  leurs 
âmes,  le  bleu  du  ciel  changer,  verdir,  jaunir,  et  dans 
un    tremblement  de   rayons   apparaître,   comme   un 


V 


250 


LART  MODERNE 


encouragement  et  un  espoir,  la  Vierge  maternelle  et 
souriante,  tenant  dans  les  plis  de  son  manteau  blanc 
l'enfant  divin!...  L'harmonie  de  ces  couleurs  simples, 
de  ces  gammes  de  bruns  et  de  blancs,  est  enchanteresse. 
Dans  le  cadre  sont  incluses  les  effigies  de  ceux  par  qui 
existe  cette  exquise  action  de  grâce  :  Lionel  d'Esté  qui 
la  commanda  *  Pisano,  figure  intelligente  et  franche. 

Ce  petit  chef-d'œuvre  n'est  pourtant  que  secondaire. 
.  Quand  ma  pensée  va  vers  Pisanello,  ce  sont  ses  fresques 
de  Vérone  qui  se  lèvent  impérieusement  dans  mon  sou- 
venir. Je  ne  parle  pas  de  celles  de  l'église  San-Fermo- 
Maggiore;  elles  représentaient  une  Annonciation  àowi 
Vasari  loue  fort  l'expression  des  visages,  la  beauté  des 
édifices,  des  oiseaux  et  des  animaux  dont  la  composition 
était  enrichie.  Elles  n'existent  plus  qu'à  l'état  d'indica- 
tion vague  et  ne  permettent  plus  aucune  appréciation 
réfléchie. 

En  revanche,  ce  qui  survit  de  la  Légende  de  saint 
Georges  est  admirable,  et  bien  caractéristique  de  la 
personnalité  de  Pisanello.  C'est  à  San-Anastasia,  très 
haut,  au-dessus  d'une  arcade,  dans  une  détestable 
lumière  et  lamentablement  en  ruine.  Des  morceaux 
entiers  ont  disparu,  tués  par  le  temps,  et  malgré  tous . 
les  soins,  —  il  faut  espérer  qu'on  les  prodigue  à  ce  dé- 
bris splendide — l'efiacement  sera  complet  dans  un  avenir 
prochain. 

...  C'est  l'instant  des  adieux.  Vers  le  Dragon,  peut-être 
par  la  mer  (là-bas,  une  voile  se  gonfla  sur  les  flots), 
saint  Georges  va  partir  pour  le  salut  de  la  princesse  de 
Trébizonde.  Aux  portes  de  la  ville,  elle  a  voulu  l'accom- 
pagner. 

Et,  près  de  lui,  sans  parole,  elle  demeure  droite, 
raidie  par  l'émotion  de  l'heure  décisive.  Sa  coiff'ure  est 
bizarre  :  les  cheveux  ramenés  haut,  au-dessus  du  cou 
mince,  et  très  en  arrière,  découvrant  le  front  lisse  et 
bombé,  sont  rassemblés  méticuleusement  en  une  sorte 
de  haute  toque  par  des  torsades  de  velours.  Sa  robe 
aussi  est  singulière  et  fastueuse  :  de  brocart  fleuri,  avec 
des  manches  de  même  sortant  d'un  extravagant  tissu 
miraillé,  constellé  d'yeux  noirs  et  or  dans  des  plumes  de 
neige,  et  sa  traîne  lourde  s'étale  sur  le  sol.  Grave  et  son- 
geuse, elle  regarde  le  héros  qui,  pour  l'amour  d'elle,  va 
braver  la  mort,  et  qui,  un  pied  déjà  dans  l'étrier,  s'ac- 
croche à  l'arçon  de  sa  selle  pour 'monter  sur. un.  superbe 
et  vigoureux  cheval  blanc,  vu  de  croupe,  harnaché  de 
cuirs  précieux  et  de  velours,  avec  des  ornements  pareils 
à  des  bijoux.  Il  est  difficile  de  décider  à  présent  com- 
ment était  vêtu  le  jeune  guerrier,  sans  doute  d'un  pour- 
point d'étoffe  opulente,  à  longues  manches  pendantes, 
serré  à  la  taille  par  une  ceinture  d'or,  mais  ses  traits 
sont  plus  aisément  discernables.  Sa  face  est  plus  étrange 
encore  que  le  profil  ambigu  de  la  princesse.  Malgré  le 
ruissellement  des  cheveux  blonds  encadrant  le  frais 
visage,  malgré  la  fermeté  savoureuse  des  chairs  imber- 


bes, malgré  les  dents  jeunes  étincelant  emmi  le  sou- 
rire, j'y  découvre  je  ne  sais  quels  dessous  macabres, 
comme  la  lassitude  et  le  dégoût  d'un  page  vieilli,  je  pres- 
sens une  tristesse,  le  rictus  possible  d'une  tête  de  mort, 
inquiétude  encore  aggravée  par  le  regard  fou. 

Auprès  de  cet  épigmatiqué  chevalier,  deux  chiens,  un 
petit  à  poils  frisés,  un  autre  rappelant  le  lévrier  gris  de 
V Adoration  de  Gentile.  Derrière,  un  peu  à  l'écart  :  un 
groupe  de  cavaliers  (le  dessin  de  la  tête  de  l'un  d'eux 
existe~au  Louvre),  serviteurs  ou  compagnons  qui  atten- 
dent le  départ.  Ils  ont  d'âpres  figures  basanées  et  éner- 
giques, viennent  de  pays  lointains  d'où  ils  rapportèrent 
des  accoutrements  inusités  :  l'un  est  frileusement  vêtu 
d'un  chaperon  et  d'un  triple  col  d'hermine,  un  autre 
porte  un  turban  et  une  lévite  d'une  éblouissante  blan- 
cheur, un  troisième  présente  un  type  mongol  des  plus 
accentués.  Leurs  mulets  et  leurs  chevaux  secouent  fiè- 
rement les  brides  chamarrées,  relèvent,  abaissent  ou 
avancent  la  tête,  en  des  mouvements  divers,  montrant 
leur  vie  turbulente,  leur  animation  de  bêtes  vaillantes. 
Au  dernier  plan,  vers  la  gauche,  deux  pendus,  les  mains 
liées  derrière  le  dos,  les  chausses  arrachées,  parlent  des 
châtiments  sévères  du  souverain.  De  l'autre  côté,  près 
de  la  princesse,  un  chevalier  en  armure  dont  le  heaume 
ne  laisse  voir  que  le  nez  et  les  yeux,  des  yeux  brillants 
en  un  visage  hâlé  et  féroce,  entre  les  deux  oreilles  de 
son  noble  cheval,  tient,  posée  sur  le  sol  et  droite,  une 
longue  lance  ouvragée.  Devant  lui,  au  premier  plan,  un 
bélier  noir  placidement  couché.  Et  des  chevaux  encore, 
toujours,  tous  différents  et  tous  magnifiques  de  vie, 
d'intelligence,  de  grandeur,  des  chevaux  comme  per- 
sonne, en  aucun  temps,  n'en  a  fait  ! 

A  tout  cela  —  jadis  sans  doute  fulgurant  d'or  et  de 
chaudes  couleurs, — actuellement  bien  pâli, d'une  tonalité 
générale  bleuâtre,  très  spéciale  et  délicate,  un  premier 
fond  d'arbustes  et  de  broussailles,  comme  une  haie  de 
sapins  et  de  noires  fougères,  puis  plus  loin,  la  Ville,  une 
ville  de  rêve,  toute  de  marbre  blanc,  hérissée  de  tours 
carrées,  avec  loggias  en  saillie,  des  mâchicoulis,  plu- 
sieurs étages  de  galeries  en  encorbellement  et  en  retrait, 
des  clochetons  gothiques,  des  flèches  ajourées,  d'incer- 
taines cathédrales,  et  des  donjons,  tout  le  décor  d'une 
ville  forte  du  moyen-âge  aux  hétéroclites  architectures. 

Les  influences  de  l'art  antique,  en  tout  ceci  ?  Nulles 
absolument,  non  par  ignorance,  mais  par  insouci.  Dans 
l'enchantement  de  la  vie  qu'il  voyait  vivre  autour  de 
lui,  Pisanello  ne  songea  point  à  demander  des  inspira- 
tions dont  il  n'avait  pas  besoin  aux  souvenirs  exhumés 
d'une  civilisation  disparue.  Son  originalité  était  assez 
fière  vraiment  pour  se  suffire.  L'art  grec  et  son  euryth- 
mie supérieure  et  froide  était  pour  lui,  bien  moins  sédui-'* 
sant  que  la  variété,  la  richesse,  le  pittoresque  des  villes 
d'alors,  des  cortèges  des  seigneurs,  des  animaux  de 
luxe. 


UART  MODERNE 


251 


Comme  Gentile,  Pisanello  a  célébré  le  charme  fas- 
tueux do  son  temps  et  l'éternelle  beauté  de  la  Vie.  Tels 
les  derniers  rayons,  vibrants  et  splendides,  d'un  soleil 
mourant,  tous  deux  sont  les  témoins  suprêmes  d'une 
société  qui  disparaît  â  ce  moment  des  siècles,  après 
avoir  doûné  à  l'intellectualité  humaine  un  développe- 
ment si  intense  et  si  éblouissant  —  comme  seul 
,  exemple  :  les  cathédrales  —  que  nos  pauvres  petits 
modernes,  n'ayant  pu  encore  en  retrouver  le  sens 
entier,  l'ont  appelé  «  la  nuit  du  moyen-âge  » . 

Jules  Destrée. 


JOSEPH  STEVENS 

Une  de  nos  gloires  les  plus  pures  et  les  moins  conteslées, 
Joseph  Sievens,  vient  de  mourir. 

Comme  nous  l'écrivait  en  son  affliction  pour  ce  deuil  qui  lui 
enlève  le  dernier  de  ses  frères,  —  de  ces  deux  frères  qu'il  véné- 
rait et  chérissait  jusqu'au  culte,  —  Alfred  Stevens  :  «  La  Bel- 
gique perd  un  de  ses  plus  grands  peintres  flamands,  peut-être  le 
seul  qui  ne  s'est  jamais  occupé  dans  son  art  que  de  lui-même  ». 

Et  nous  nous  souvenions  de  cet  autre  mot  qu'après  sa  nomina- 
tion de  membre  d'honneur  de  l'Académie  de  Vienne,  il  lui  envoyait 
et  qui  exprimait  plus  complètement  encore  sa  pensée  :  «  Tu  es 
depuis  plusieurs  siècles  le  seul  peintre  flamand  ». 

C'était,  dans  une  formule  expressive,  la  caractéristique  de  ce 
talent  si  étroitement  apparenté  au  génie  d'une  race. 

Rien,  en  effet,  n'avait  pu  altérer  en  Joseph  Sievens  la  rude 
allure  de  l'instinct.  Son  art  a  la  consistance  des  grès  sur  lesquels 
passe  le  temps  sans  les  atteindre,  et  comme  eux  il  demeure 
accroché  au  sol  par  d'indestructibles  racines.  11  n'est  ni  compliqué 
ni  subtil  en  visées.  Mais,  pareil  à  une  belle  mécanique  se  mouvant 
au  moyen  de  rouages  peu  nombreux,  il  fait  une  besogne  régulière 
dont  les  résultats  sont  impeccables. 

Non  plus  que  les  Snyders,  les  Fyt,  les  Jordaens,  cet  artiste 
franc  du  collier  ne  fut  tourmenté  par  l'ambition  des  effets 
alambiqué»;  les  curiosilt5s  qui  détournèrent  de  la  peinture  saine 
tant  de  modernes  et,  parmi  ceux-ci,  le  maitre  quintessencié  auquel, 
bien  à  tort,  on  l'a  comparé  quelquefois,  Decamps,  avaient  épargné 
sa  cervelle;  il  n'a  pas  eu  le  rêve  décevant  des  lumières  artifi- 
cielles et  des  cristallisations  par  lesquelles  le  métier  s'est  fait 
chez  ce  dernier  l'imitateur  des  alchimies. 

Les  plus  lointains  tableaux  de  Joseph  Stevens  conservent  leur 
fraîche  coulée  toujours  jeune  :  on  pense  en  les  regardant  à  cette 
gravité  souriante  des  vieilles  personnes  qui,  ayant  vécu  pures, 
connaissent  à  peine  l'outrage  des  rides.  Aucune  hûte  n'en  a  fatigué 
l'élaboration.  Visiblement  ils  ont  été  faits  en  des  heures  de  ten- 
dresse sérieuse. 

Avec  Joseph  Stevens,  du  reste,  il  ne  faut  pas  chercher  en  dehors 
de  son  œuvre  ce  qu'il  est  et  ce  qu'il  pense  ;  il  est  du  petit  nombre 
des  artistes  qui,  à  l'aise  dans  leur  art  et  n'étant  point  troublés  par 
le  désir  de  faireautre  chose  que  ce  qu'ils  font,  ont,  presque  sans 
effort,  et  comme  s'ils  obéissaient  à  une  loi  de  nature,  laissé  natu- 
rellement la  besogne  journalière  se  composer  de  leurs  sensations 
et  de  leurs  idées.  En  aucun  point  de  sa  longue  carrière,  on  ne 
voit  les  indécisions  de  l'esprit  qui  se  cherche,  et,  si  c'est  débuter 


que  d'être  dès  le  commencement  soi-même,  il  se  montra  pour 
ainsi  dire  en  débutant  ce  qu'il  fut  depuis,  un  môle  ouvrier  décidé 
à  ne  demander  à  son  tempérament  que  les  activités  qu'il  pouvait 
lui  donner. 

C'est  un  bel  exemple  pour  les  natures  maladives,  sujettes  à 
outrepasser  les  limites  deleur  production,  que  ce  praticien  à 
l'œil  sain,atrI)on  sens  natif,  à  la  ferme  main,  qui  ne  fut  louché  par 
aucune  influence  étrangère  et  se  borna  à  exprimer  avec  un  savoir 
personnel  les  impressions  que  lui  fournissait  la  nature.  Sa  manière 
simple  et  sévère, car  il  semble  que  l'art  ne  puisse  s'exercer  qu'avec 
un  peu  d'austérité,  ramène  au  calme  l'esprit  inqujété  par  les  tur- 
bulences des  écoles  ;  et  il  n'est  préoccupé  ni  d'en  fonder  une  nou- 
velle ni  d'en  perpétuer  une  ancienne,  mais  uniquement  de  bien 
voir  et  de  bien  rendre,  comme  s'il  avait  le  dédain  des  variations 
que  chaque  époque  amène  avec  elle.  On  sent  que  la  réalité,  après 
avoir  passé  par  ses  yeux,  n'a  que  faire  de  se  figer  dans  un  système 
pour  aboutir  à  l'expression  artistique  ;  elle  y  arrive  toute  seule 
par  l'application  à  né  point  paraître  autrement  qu'elle  est,  ni  plus 
fine  ni  plus  brillante,  mais  franche  et  nue,  avec  le  bel  accord  des 
tons  que  produit  la  lumière  et  qui  est  la  magie  de  la  peinture. 

Camille  Lemonnier,  qui  définissait  ainsi,  dans  une  étude  publiée 
dans  la  Gazeltedes  Beaux- Avis,  cet  admirable  organisme  de 
peintre,  ajoute  : 

Il  vécut  dans  un  coin,  content  d'une  gloire  modeste  qui  eût  pu  ^ 
être  plus  haute,  mais  n'eût  pas  été  plus  pure.  Engendré  à  l'art 
sans  l'aide  des  maîtres,  il  a  continué  à  travailler  seul  dans  une 
voie  où  quelques-uns  l'ont  suivi,  où  nul  ne  l'a  égalé.  Il  n'est,  en 
effet,  le  surgeon  de  personne.  La  tache  des  bestiaux  aux  champs, 
la  robe  luisante  des  bêles  à  la  ville  le  font  rêver  ;  il  n'a  presque 
pas  d'autre  éducation.  Petit  à  petit,  son  esprit  s'assimile  les  rap- 
ports des  tons,  sa  main  les  coordonne,  un  premier  tableau  paraît  : 
ce  n'est  encore  qu'une  copie,  mais  elle  a  déjà  la  touche  grasse  à 
laquelle  on  pressent  l'ouvrier.  J'ai  parlé  dans  une  étude  sur  Alfred 
Stevens  de  ce  Clair  de  lune  imité  de  Camille  Roqueplan.  Bientôt 
le  novice  improvise  pour  son  propre  compte:  La  Lice  et  sa  com- 
pagne est  comme  un  lever  de  rideau  sur  la  comédie  dont  il  détail- 
lera si  finement  les  multiples  personnages.  Et  successivement  il 
termine  ce  groupe  fraternel  et  pathétique  du  Savoyard  et  du  petîl 
singe  étendus  côte  à  côte  dans  la  heige  {Plus  fidèle  qu'heureux)  ; 
cette  piteuse  silhouette  de  roquet  réfugié  contre  un  mur,  la  patte 
levée  {Un  temps  de  chien)  ;  le  Protecteur,  \ia  dogue  superbe  abri- 
tant entre  ses  pattes  un  confrère  souffreteux  ;  le  Chien  qui  porte 
à  son  cou  le  dîner  de  son  maître,  de  la  collection  du  prince  Gort- 
schakoff;  le  Métier  de  chien  du  Musée  de  Rouen;  le  Supplice 
de  Tantale  du  Luxembourg;  Bruxelles  au  matin  du  Musée  de 
Bruxelles,  et  du  même  musée  VEpisode  du  marché  aux  chiens, 
qui  mettait  en  joie  Courbet;  puis  cet  autre  Métier  de  chien,  une 
merveille  au  palais  du  roi  à  Bruxelles  ;  le  Chien  de  la  douairière, 
de  la  collection  Van  Praet  ;  la  Protection,  qui  appartient  au  comte 
de  Flandre  et  valut  au  peintre  le  grand  prix  lors  du  concours 
ouvert  à  Londres  en  1 874  entre  toutes  les  écoles  et  tous  les 
genres  ;  puis  encore  cet  étonnant  Philosophe  sa7is  le  savoir,  ron- 
geant son  os,  dans  une  quiétude  profonde,  où  il  y  a  un  peu  de  la 
malice  du  grand  Rabelais;  l'Intérieur  du  Saltimbanque,  qui  fut 
loué,  en  prose  dithyrambique,  par  Baudelaire;  le  Chien  à  la 
mouche,  de  la  collection  Ravené  ;  le  Chien  à  la  glace,  de  la  col- 
lection Crabbe  ;  les  Chiens  courants  en  forêt,  de  la  collection  Car- 
don; les  Solliciteurs,  etc.,  etc. 

Stimulée  par  le  succès,  sa  production  chaque  année  s'accrois- 


\ 


ui 


252 


UART  MODERNE 


sait  :  il  peignait  le  chien,  le  singe,  le  cheval,  les  bétes  aumailics. 
La  Surprise,  chez  lord  Melvil,  à  Londres,  met  aux  prises  un 
énorme  taureau  furieux  et  un  molosse.  Dans  les  Martyrs  du  bois 
de  Boulogne,  collection  Silzer,  également  à  Londres,  il  montre 
les  pauvres  vieux  ânes  et  leurs  compagnons  d'infortune,  les 
pauvres  vieux  chevaux,  immobiles  et  songeurs  sous  les  loques 
d'un  abri.  Et,  un  autre  jour,  il  peint  les  mélancolies  comiques  de 
la  Première  pipe  chez  un  petit  singe  à  la  frimousse  presque 
humaine. 

Rien  ne  faisait  prévoir  dans  l'école  cette  forte  palette  de  peintre 
et  ce  jeu  tout  nouveau  des  colorations  pleines,  appuyées  sur  une 
science  extraordinaire  dès  valeurs  de  ton.  -On  était  conquis  à  la 
fois  par  la  franchise  de  l'exécution  et  l'esprit  dé  la  composition. 
Caniches,  é|)agi)?iMM  ^bfM'^^  et  mâtins  étaient  ici  des  acleurs 
naïfs  qiii  s('tgfi9t^Qf^.-^(  ne  faisaient  pas  la  bête;  leur  béiise, 
transmise  dQ||i^l^L^  LiuitrQ  comme  un  héritage,  consolait  de  notre 
finesse  qui  n'aboutit  souvent  qu'à  nous  rendre  ingrats  et  pervers. 
El  ils  avaienli'jS*wsii)§j)riibonté  native,  cette  éternelle  beauté  des 
larmes  à  laquelle  le  cœur  ne  résiste  pas. 

tt  Jechantei  ]^^^\^fi^s  calamiteux  »,  s'écrie  Baudelaire  dans  un 
poème  en  prosqjécrUwen  l'honneur  du  peintre,  et  il  rappelle  le 
royal  cadeau  ,^g|iet  «  d'une  couleur  à  la  fois  riche  et  fanée,  qui 
fait  penser  aux  SQleils  d'automne,  à  la  beauté  des  femmes  mûres 
et  aux  étés  de  la  Saint-Martin  »,  de  ce  gilet  dont  le  peintre  se 
dépouilla  avec  pétulance  en  faveur  de  l'écrivain,  dans  la  taverne 
bruxelloise  de  la  rué  Villa-Hermosa,  où  allèrent  aussi  Bancel, 
Proudhon  et  Dickens.  Tout  le  dandysme  de  Joseph  Sievens  éclate 
dans  le  prix  qu'il  attachait  à  ce  don  d'une  étoffe  rare,  et  il  l'aban- 
donne d'un  geste  candide,  comme  un  pan  de  pourpre  ou  quelque 
précieuse  merveille  dont  le  poète  lui  semblait  digne  d'appréciqr, 
la  riche  fantaisie.  i^,. 

C'est  que  lui  aussi,  et  bien  avant  l'étincelant  lexicologue,  ava^^ 
chanté  la  tristesse  des  bétes.  Surprise  profonde,  ce  gentleman  tiicéi 
à  quatre  épingles  qui  a  poussé  si  loin  la  passion  de  la  belle  tenui^;; 
devait  être  en  peinture  l'ami  des  humbles  qui  ne  font  pas  toileHÇw 
Il  n'a  pas  courtisé  les  chenils  princiers,  et  la  prétentieuse  sottis^. 
des  king-charles,  des  levrettes,  des  carlins  n'a  que  passagèrement, 
sollicité  son  pinceau.  Hé!  n'y  a-t-il  pas,  chez  les  chiens,  la  même 
hiérarchie  qu'il  y  a  chez  les  hommes?  Tout  en  haut,  fleuris, 
musqué^  portant  leur  toison  comme  une  gloire,  ronflent  et 
digèrenj;  en  une  quiète  indolence  que  ne  troublent  point  les 
mortelles  inquiétudes  de  la  vie,  les  parasites  superbes  du  financier 
et  des  vieilles  douairières.  Les  autres  n'entrevoient  qu'en  révc  les 
maternelles  sollicitudes  qui  président  à  ces  belles  destinées  de 
quadrupèdes  heureux  et  pimpants.  C'est,  à  cette  extrémité  de 
l'échelle,  un  fourmillement  noir  de  détresses  et  de  résignations 
plus  horribles  que  la  douleur.  De  maigres  échines  ravinées  où  les 
gales  mettent,  sous  les  touffes  rares  du  poil,  des  taches  semblables 
à  de  la  moisissure,  des  queues  jadis  ébouriffées  comme  des  pana- 
ches et  qui,  petit  k  petit  déplumées,  finissent  par  n'être  plus  que 
de  vagues  pinceaux  ébarbés,  des  charpentes  évidées  de  squelettes, 
disent  bien  l'effroyable  aventure  de  ces  prédestinés  de  l'abattoir. 
Hâves,  érénés,  rouvieux,  les  yeux  emplis  de  chassies,  les  naseaux 
fendus  par  le  gel,  sordides  et  funèbres,  ils  vont  par  les  rues, 
comme  des  âmes  en  peine.  Çâ  et  là  ils  fouillent  les  tas,  grattent  les 
boues,  disputent  au  crochet  du  chiffonnier  des  os  aussi  maigres 
qu'eux;  et  ces  rebuts  sont  encore  des  festins  pour  leurs  ventres 
aboyant  de  faim. 

Eh  bien!  c'est  à  ceux-là  qu'est  allé  le  beau  peintre;  tilles  a 


peints  avec  leurs  pustules  et  leurs  sanies,  tels  que  bien  souvent  il 
les  vit  les  soirs  où,  pénétré  de  pitié  pour  le  désastre  de  leurs  exis- 
tences, il  les  suivait  par  les  ruelles  le  long  des  ruisseaux  fangeux, 
sous  les  pluies  d'hiver  qui  font  pleurer  les  gargouilles. 

Il  savait,  bien,  le  judicieux  Flamand,  qu'il  trouverait  là  des 
sujets  de  peinture  autrement  dignes  de  son  attention  que  le  spec- 
tacle de  la  banalité  bourgeoise  qui,  chez  la  gent  canine  aussi  bien 
que  chez  les  hommes,  est  la  négation  de  toute  poésie  ;  son  sûr 
instinct  l'avertissait  de  ne  chercher  l'originalité  que  dans  cette 
canaille  où  la  lutte,  la  misère,  le  vice  sont  plus  près  de  l'état  de 
nature;  et  celte  prédilection  a  fait  de  lui  un  humoriste  sen- 
sible, j'allais  dire  un  peintre  humanitaire.  Il  n'est  personne 
qui,  arrêté  un  peu  longtemps  devant  ce  chef-d'œuvre,  Bruxelles 
au  matin,  ne  sente  jaillir  ses  larmes  et  ne  se  promette  d'être 
secourable  envers  les  chiens  malheureux. 

Sans  en  avoir  le  dédain,  Joseph  Stevens  a  eu  l'indifférence  des 
honneurs  ;  et  cependant,  les  honneurs  sont  venus  trouver  chez  lui, 
on  pourrait  dire  à  son  chevalet,  ce  brave  homme  qui  a  su  garder 
la  droiture  et  la  simplicité  du  caractère.  Médaillé  à  Paris,  à 
Vienne,  à  Londres,  il  appartenait  aux  Académies  royales  des 
beaux-arts  d'Anvers  et  de  Vienne,  ei  portait  à  sa  boutonnière  le 
ruban  de  la  Légion  d'honneur  et  la  rosette  de  l'ordre  de  Léopold. 

Paris,  qu'il  habita  longtemps  et  dont  il  fut,  sous  l'Empire, 
un  des  hôtes  les  plus  fêtés,  lui  avait  laissé  l'éblouissemcnt  d'un 
voyage  en  express  à  travers  une  fournaise.  Bruxelles,  au 
contraire,  toujours  gardait  pour  lui  le  charme  des  choses 
aimées  dès  le  berceau  ;  et  peut-être  n'a-t-il  été  heureux  que  lors- 
qu'il a  été  rendu  à  la  terre  natale. 

Avec  émotion  nous  nous  rappelons  la  touchante  dédicace 
qil'en.lui  offrant  aSi  Kyrielle  de  chiens,  Léon  Cladel,  cet  autre 
merveilleux  artiste,  ce  disparu  d'hier  qui  restera  vivant  à  travers 
la^i  Lettres,  inscrivit  au  fronton  de  ce  livre  secourable  aux 
humbles  et  méprisées  racailles  canines  : 
^,,«;,^,  je  n'ai  pas,  eu  effet,  l'honneur  de  vous  connaître,  Mon- 
slc^r«  ;Murinait-il,  je  connais  du  moins  vos  oeuvres  et  me  rappelle 
çocoiFC .  le  frisson  à  la  fois  amer  et  doux  que  j'éprouvai  devant 
Q^rlait^es  de  vos  toiles,  au  Musée  national  de  Bruxelles.  Vous 
êlps  un  de  ces  rares  et  sévères  ouvriers  qui,  sacrifiant  leur  vie 
entière  à  l'étude  de  quelques  types  spéciaux,  s'y  bornent  afin  de 
mieux  surprendre  en  eux  une  ligne,  un  point  qui  distingue  leur 
structure  à  peu  près  semblable.;.  » 

Il  nous  plailde  rappeler  l'hommage  qu'avec  Baudelaire,  l'homme 
de  haute  race,  le  suprême  aristocrate,  rendit,  en  la  personne  du 
maître  tout  à  la  fois  plébéien  et  gentilhomme,  ce  rude  écrivain, 
fraternel  aux  souffrants!  L'un  et  l'autre  communièrent  en  la  bonne 
charité,  en  les  miséricordes  fraternelles  aussi  qui  sensibilisèrent 
l'art  de  Joseph  Stevens. 


Les  origines  de  la  littérature  belge 

A  propos  de  l'apparition  du  livre  de  M.  Francis  Nautet  :  His- 
toire des  lettres  belges  d'expression  française,  M.  Ernest  Verlant, 
un  de  nos  jeunes  critiques  de  marque,  publie  dans  la  Revue  géné- 
rale un  article  des  plus  remarquables  et  des  plus  pénétrants, 
excessivemÊntcurieux,surla  nouvelle  littérature  belge.  Extrayons- 
en  ce  très  subtil  passage  : 

«  La  race  flamande',  la  race  belge  si  l'on  veut,  où  l'élément  ger- 
manique prédomine,  vil  maintenant  dans  un  siècle  surtout  lilté- 


••■,n.ii'?;r 


raire.  Bien  que  le  bilan  du  siècle  ne  soil  pas  fail  et  qu'il  doive  y 
avoir  imnnanquablemenl  beaucoup  de  rebut  au  Iriage,  il  esl  diffi- 
cile de  conlesler  que  ce  siècle  léguera  de  grands  noms  liuéraircs 
à  la  postérité.  En  tous  pays,  le  talent  s'est  rencontré  fréquemment; 
des  génies  littéraires  dé  premier  ordre  ont  surgi  de  divers  côtés, 
en  plus  grand  nombre  qu'à  aucune  époque.  En  même  temps,  le 
domaine  de  la  littérature  s'est  élargi.  La  littérature  qui  ne  faisait 
que  raconter  ou  exprimer  les  sentiments  esl  devenue  une  force 
universelle  et  encyclopédique.  Comparez  ce  qu'il  y  a  dans  un 
roman  de  Balzac  à  ce  qu'il  y  a  dans  /a  Princesse  de  Clèves.  Rien 
de  ce  qui  peut  émouvoir  l'homme  dans  ses  sens  ou  dans  les  mul- 
tiples régions  de  sOn  âme  n'est  étrangère  l'art  d'écrire.  La  litté- 
rature dévore  tout;  clic  voudrait  presque  absorber  en  elle  la 
musique  et  la  peinture. 

„  Son  union  avec  la  musique  s'est  accomplie  en  Wagner  et  la 
musique  en  esl  sortie  renouvelée.  Elle  a  débordé  pareillement  sur 
le  terrain  de  la  peinture  et  la  peinture  s'est  modifiée  sous  son 
influence.  Un  élément  littéraire,  inconnu  aux  anciens  Flamands  et 
Hollandais,  s'y  est  introduit.  Bon  nombre  de  peintres  ou  de  dessi- 
nateurs des  plus  originaux  sont  nourris  et  sont  rongés  de  littérature. 
Pensez  à  Delacroix,  à  PuvisdeChavannes,  à  Gustave  Moreau,  à  Rops, 
à  Rossetti,  à  Burnc  Jones  et  voyez  derrière  chacun  de  ces  noms 
vingt  noms  se  lever.  Les  talents  qui  se  sont  manifestés  le  plus 
récemment  subissent  cette  direction  et  vont  vers  un  certain  sym- 
bolisme. Même  chez  nous,  où  elle  est  si  forte,  la  tradition  réaliste 
s'atténue.  Même  chez  les  peintres  qu'on  croit  ou  qui  se  croient 
exclusivement  réalistes,  l'élément  littéraire  s'affirme  à  leur  insu 
dans  le  choix  des  sujets.  Ainsi  le  paysage  qui  n'est  que  décoratif 
et  pittoresque  autrefois,  sauf  chez  de  grands  isolés  de  génie, 
comme  Rembrandt  et  Ruysdacl,  est  devenu  poétique  chez  Corot, 
chez  Rousseau  :  ce  n'est  plus  seulement  de  la  bell^  peinture,  à  là 
façon  de  Hobbema,  mais  comme  une  source  de  rêves,  un  claii^ 
miroir  pour  les  âmes.  V    .jti 

Il  y  a  eu  chez  nous  une  persistance  et  un  retenir  de  péfnlfes 
assez  purs  de  mélange  :  les  Artan,  les  Boulenger,;  les  Sïeveiis, 
les  Dubois,  les  Verwée,  les  Leys,  les  De  BraekeleeK  les  AgftèêS^' 
sens  et  autres,  tous  beaux  peintres,  bien  dans  la  iraditi^tp 
flamande,  car  l'instinct,  l'habitude,  l'éducation  deila  racé  et  le' 
prestige  des  anciens  exemples  ne  disparaissent  pak  en  un  jout^; 
mais  cette  lignée  va  s'amincissant  et  les  disparus  ne  semblent  pas 
devoir  être  remplacés.  / 

C'est  la  littérature  qui  prédomine  aujourd'hui,  en  même  temps 
que  la  musique  qui  vient  d'avoir  son  âge. d'or.  Fatalement,  nous 
devions  être  entraînés  dans  le  courant  général.  La  culture  crois- 
sante a  répandu  la  compréhension  et  l'admiratiQn  des  grandes 
oeuvres  littéraires,  et  l'admiration  entraîne  le  désir  d'égaler. 
Voilà  peut-être  pourquoi,  sous  l'infltfence  de  causes  générales  qui 
déterminent  la  physionomie  du  siècle  tout  entier,  ce  moment-ci 
de  notre  civilisation  s'étant  trouvé  favorable  à  l'expansion  artisti- 
~  que  longtemps  comprimée,  c'est  en  littérature  plutôt  que  sur  un 
autre  terrain  que  s'est  produit  le  soulèvement.  Ainsi  en  Italie  la 
sève  artistique  a  passé  de  la  peinture  à  la  musique  et  le  dévelop- 
pement de  là  musique  et  des  arts  plastiques  ne  sont  pas  contem- 
porains, mais  successifs. 

-N'importe  :  l'instinct  primordial  persiste,  avivé  d'ailleurs  par 
la  contemplation  et  l'amour  des  chefs-d'œuvre  nationaux.  Si  nous 
avons  des  peintres  qui  sont  des  littérateurs,  nous  avons  des  litté- 
rateurs en  lesquels,  comme  par  un  retour  atavique  vers  la  grande 
époque  de  la  race,  les  anciens  peintres  endormis  semblent  revenir 


avec,  en  plus,  une  soi-te  de  tristesse  nostalgique  d'être  ainsi 
bannis  de  leur  siècle  natif  et  de  leur  naissance  superbe.  Il  en  est 
ainsi  principalementdeMM. Camille  Lemonnier,  Georges  Eekhoud, 
Emile  Verhaeren,  Albert  Giraud,  Eugène  Demolder,  où  l'on  peut 
trouver  cet  élément  pictural  transmis  d'une  manière  occulte  par 
les  anciens  âges  et  diversement  mêlé  à  une  foule  d'autr«s  élé- 
ments dans  le  vaste  alambic  du  siècle  nouveau.  » 


LA  LIGUE  DU  DROIT  DES  FEMMES       - 

Nows  avons  reçu,  d'une  femme  qui  garde  slriclomenl  l'anonyme, 
la  curieuse  lettre  que  voici  :  j  '  mIi  .'inî  c; 

«.  Est-ce  que  l'Art  moderne, h  propoi^Éfs  fti^Mési^Hi  écrivent, 
ne  pourrait  pas  houspiller  un  peu  celle  bï-a'fë^tiîgtfé du  droit  des 
femmes,  —  qui  a  le  don  de  m'exaspénet*;'''^  é?u¥lOùl,'  probable- 
ment, parce  qu'il  y  a  du  bon  dedans?   ''uOf;  jnnAi.'i!  ;- 

Je  suppose  que  ce  que  veulent  les  prohfiWëlii^je^csl'développer, 
élever  nos  mstimis  féminins.  ntio-i 'A  :<Hi,-\'r 

Ce  siècle  a  eu  un  respect  trop  exclusif  pëôV'Piintfelligence. 

Nous  commençons  à  peine  à  lui  reconnaîlW'èd' place  légitime 
de  travail  matériel  et  on  vient  essayer  d'eriïibi-iï'Hr  les  pauvres 
femmes  !  Je  réclame,  je  proteste,  je  hurle  :  laisWz-nous  tran- 
quilles !  ^  de  toutes  mes  forces. 

On  s'apitoie  sur  les  malheureuses  qui  se  détruisent  dans  les 
fabriques  et  les  ateliers  et  on  voudrait  nous  apppplatir  en  nnus 
faisant  passer  par  les  mômes  éludes  que  vous  !  Encore,  si  ces 
études  vous  rendaient  toujours  malins.  Qu'on  sépare  donc  une 
bonne  fois  l'idée  d'éducation,  d'élévation,  d'appropriation  d'un 
être  à  son  but,  de  l'idée  de  culture  de  l'intelligence.  Allons  un  peu 
esbaubir  nos  esperits  animaux  à  Boston,  où  le  «  hard  labour  » 
de  l'esprit  fait  maigrir  les  intellectuelles  damoisèlles,  et  dans 
tt)Ut  le  nord  des  Etals-Unis,  où  le  culte  de  l'intelligence  a  si  bien 
fait  les  Américaines  plates  comme  des  cleusettes,  —  pour  parler 
wallon,  —  qu'on  ne  sait  plus  où  trouver  des  nourrices.  (Je  liens 
le  fait  de  la  directrice  d'un  établissement  de  maternité.)  —  On 
nourrit  les  mioches  au  lait  condensé,  parce  qtie  leurs  mères 
ont  condensé  leurs  forces  ailleurs. 

Je  sais  bien  que  nous  sommes  bêtes  de  profession  et  que  nous 
n'avons  pour  le  quart  d'heure  aucune  générosité  haute,  aucun 
véritable  intérêt  universel.  Mais  ce  n'est  jamais  par  la  tête  qu'ils 
nous  entreront.  De  plus,  on  a  atrophié  notre  faculté  d'aimer,  — 
comment,  je  n'en  sais  rien  ;  mais  la  participation  à  vos  études  ne 
raccommodera  pas  cela.  Nous  pourrions  si  bien  arriver  à  com- 
prendre les  hommes,  à  ne  plus  les  rapetisser  et  les  matérialiser 
comme  nous  le  faisons,  en  prenant  un  autre  chemin  qu'eux.  Les 
sciences  sont  des  impertinences  par  tous  les  côtes  où  elles  ne 
nous  intéressent  pas,  et  elles  viennent  absorber  toutes  les  forces 
que  nous  pourrions  donner  à  ce  qui  nous  passionne  réellement. 
Combien  de  temps  et  de  mémoire  on  m'a  fait  user  à  apprendre 
ces  rois  de  France  dont  on  ne  disait  ni  bien  ni  mal,  tandis  que 
tout  ce  que  j'en  ai  retenu  a  été  puisé  dans  l'Histoire  des  Reines 
de  France,  par  un^moyeur  quelconque.  Il  me  semble  que  cette 
Ligue  —  à  part  quelques  excellentes  et  justes  réclamations  civiles, 
nécessaires  surtout  pour  la  classe  des  travailleurs,  —  remonte  le 
salutaire  courant  de  la  division  du  travail. 

Et  j'aurais  envie  de  faire  une  contre-ligue,  si  je  n'aimais  mieux 
la  ligue  des  hommes  et  des  femmes,  où  chacun,j30ur  mieux  s'en- 
tendre, garde  de  plus  en  plus  son  mélier. 


254 


VART  MODERNE 


■  Qu'on  nous  donne  une  hygiène  qui  nous  fasse  belles,  qu'on 
nous  montre  ce  qui  esl  beau,  pour  nous  rendre  bonnes,  qu'on 
louche  à  noire  inlelligence  en  étudiant  profondément  nos  instincts 
pour  ne  pas  les  fausser,  et  on  verra  les  imprévues  conséquences, 
les  soudains  bouleversements  dans  les  choses  sociales,  que  nous 
amènerons,  nous,  les  bêles  de  femmes.  Miracle  si  on  allait  nous 
aider  à  découvrir  au  fond  de  nous-mémc  la  force  el  l'orgueil,  et 
l'intelligence  de  savoir  aimer  avec  suite  el  dévouement  ! 

Au  moyen-âge,  les  femmes  étaient  mieux  dans  leur  rôle.  Elles 
apprenaient  un  peu  de  théologie  el  discutaient  l'art  dlaimer  (celles 
qui  ne  végétaient  pas);  ces  deux -choses  les  intéressaient.  i^iUil 

Que  ne  nous  laisse-l-on  encore  nous  enrichir  d'une  éducation 

dont  celle-là  peut  passer  pour  le  symbole!  Touchons  aux  choses 

par  leur  côté  universel,  religieux  pour  ainsi  dire,  et  amoureux  : 

je  promets  que  ça  nous  fera  aller  loin! 

,  Votre  toute  dévouée, 

M.  M.  )» 


Quelque?  livre? 


Le  Chevalier  du  Passé  (1),  par  Edouard  Dujardin. 
(Paris,  Vanier,  éditeur.) 

Impressionnée  par  les  questions  nombreuses  que  notre  époque 
glorieusement  ei  douloureusement  remue,  ma  pensée  qui  cherche 
à  se  définir  entrevoit  parfois  une  réalisation  partielle  des  problèmes 
que  le  temps  lui  a  posés. 

Peut-être  est  elle  prompte,  celle  pensée,  à  se  croire,  même 
partiellement,  renfermée  en  un  symbole.  —  Je  demande  à  ceux 
qui  pensent  sans  en  être  fatigués  de  pardonner  ce  désir  d'un 
repos,  môme  si  ce  repos  est  illusoire,  —  et  je  dirai  l'unité  que 
j'ai  cru  voir  dans  le  Chevalier  du  Passé. 

J'ai  cru  y  voir  celle  même  chose  qui  m'a  toujours  tant  attristé 
dans  Don  Juan  :  l'être, —  homme  ou  femme,  —  cherchant  aulour 
de  lui,  sans  la  rencontrer,  utie  espèce  de  divinité  incarnée  à 
laquelle  il  puisse  se  donner  tout  entier,  et  n'y  arrivant  jamais; 
l'être  pleurant  de  n'avoir  pu  réaliser  un  dieu,  le  cherchant  dans 
les  autres  êtres,  sentant  vaguement  qu'en  eux  est  le  seul  moyen 
de  s'en  rapprocher  —  et  marchant  de  déception  en  déception. 

Au  temps  où  Don  Juan  fut  écrit,  peu  de  questions  pouvaient 
rester  sans  réponse.  Elles  devaient  toutes  trouver  leur  solution 
dans  ce  qui  s'imposait  alors  comme  la  solution  universelle,  la 
réponse  à  tous  les  problèmes.  Et  pour  avoir  questionné  le  destin 
en  dehors  des  lois  établies,  don  Juan  devenait  dans  tous  les  sens 
un  réprouvé. 

M.  E.  Dujardin,  porté  par  l'esprit  de  son  temps,  fait  un  pas  de 
plus. 

A  la  pauvre  fatiguée  qui  pleure  «  la  dispersion  de  son  âme, 
«  dans  le  cauchemar  d'une  affreuse,  affreuse,  affreuse  prostitu- 
«  lion  »,  il  dit,  illuminé  par  une  pitié  de  voyant  : 

O  douloureuse  créature,  cherche  et  tu  trouveras 

Le  chemin,  le  dur  et  le  divin  chemin 

Par  où  ta  vie  aura  son  lendemain. 

Au  milieu  du  sort  qui  t'envoûte 

Cherche!  et  tu  trouveras  la  route; 

Elle  peut  refleurir  un  jour,  ton  âme  aksoute... 

Femme  1...  ô  prédestinée!...  élue  et  pariai... 

Toi  qu'un  si  haut  destin  sanctifia... 

Toi  que  l'amour  glorifia... 

(1)  Voir  dans  l'Avt  moderne  du  i3  juillet  le  compte  rendu  de  la 
représentation  qui  a  été  donnée  de  cet  ouvrage  à  Paris. 


El  la  lemme  s'en  va,  éclairée  par  le  souvenir  d'un  bonheur 
entier,  chercher  par  des  chemins  inconnus  ce  qu'il  est  dans  notre 
destin  de  placer  toujours  plus  haut  que  notre  atteinte. 

Et  sous  les  ténèbres  où  les  chemins  s'égarent 

Je  pars, 

Par  où  les  fatalités  me  mènent, 

Par  où  loriginelle  erreur  m'entraîne, 

Vers-  l'inconnu, 

l^rs  l'absolu, 

Plus  loin,  toujours  plus  loin 

Dans  le  destin. 

Cet  art  est  fait  de  pitié,  de  pitié  haute.  Je  voudrais  mieux  le 
définir,  parler  des  pages  où  l'aïeul  plaint  la  pauvre  femme  qui 
l'a  consolé,  de  celte  adorable  scène  où  paraît  le  Chevalier  du 
passé,  du  symbolisme  fascinant  qui  vous  transporte  à  la  fois 
dans  le  rêve  et  dans  la  vie.  Mais  je  crois  que  j'ai  trop  senti  pour 
pouvoir  définir  : 

Ceux-là  sont  mes  poètes  de  prédilection  qui  m'émeuvent  direc- 
tement, en  humiliant  mon  inutile  cerveau. 

L  W. 

Tête  d'Or.  —  Imprimerie  de  l'Art  indépendant,  Paris,  1890. 

Un  livre,  qui  plus  est  un  drame,  symbolique.  Pas  de  nom  d'au- 
teur, pas  de  sous-litre,  pas  même  de  pagination.  Aucune  indica- 
tion préliminaire  du  nom  ni  de  la  qualité  des  personnages.  Le 
thème?  Informe  et  confus  comme  des  nuages.  Ceux-ci,  de-ci  de-là, 
présentent  des  architectures  savantes,  des  palettes  élincelantes, 
des  déchirures  radieuses  de  luminosité.  Telle  aussi  cette  donnée, 
exprimée  en  vers  qu'on  aimerait  à  qualifier  de  licencieux  el 
d'anarchistes  au  sens  propre  :  licence,  qui  abuse  delà  liberté; 
anarchie,  qui  ne  reconnaît  "plus  aucune  loi. 

Ça  commence  ainsi  : 

Cébès  : 
Me  voici, 

Imbécile,  ignorant, 

Homme  nouveau  devant  les  choses  inconnues, 
Et  je  tourne  la  face  vers  l'Année  et  l'arche  pluvieuse 
J'ai  plein  mon  coeur  d'ennui  ! 
Je  ne  sais  rien  et  je  ne  veux  rien.  Que  dire?  A 
quoi  bon  emploierai-je  ces  mains  qui  pendent  î  ces 
pieds  qui  m'emmènent  comme  les  songes? 
Tout  ce  qu'on  a  dit,  et  la  raison  des  sages  m'a  instruit 
Avec  la  sagesse  du  tambour  :  les  livres  sont  ivres. 
Et  il  n'y  a  rien  que  moi  qui  regarde,  et  il  me  semble 
Que  tout,  l'air  brumeux,  les  labours  frais 
Et  les  arbres  et  les  nuées  aériennes 
Me  parlent  avec  un  langage  plus  vague  que  le 
la  1  ia  I  de  la  mer  disant  :  , 

0  être  jeune,  nouveau  1  Qui  es-tu?  que  fais-tu?         __ 
Qui  attends-tu,  hôte  de  ces  heures  qui  ne  sont  ni 
jour  ni  ombre, 

Ni  bœuf  qui  hume  le  sommeil,  ni  laboureur  attardé 
à  notre  bord  gris  ? 


ARTISTES   AVEUGLES 

Vidal,  le  sculpteur  aveugle  (de  son  vrai  nom  Louis  Navatel), 
qui  eut  pour  maîtres  Rouillard  et  Barye  et  remporta  des  médailles 
aux  Salons  de  1861  et  de  1863,  est  mort  dernièrement  à  l'hôpital 
des  Quinze- Vingts,  où  il  était  entré  au  mois  de  novembre  dernier. 

A  ce  propos,  la  Curiosité  universelle  publie  d'intéressants 
détails  sur  un  autre  sculpteur  aveugle,  John  Marchant  Mundy,  de 
Tarrytown  (Etals-Unis),  qui  vient  d'achever  une  statue  de  Washing- 
ton Irving.  Noire  confrère  publie  la  traduction  d'une  interview 


dans  lequel  l'artislc  donne  de  curieux  détails  sur  sa  façon  de  tra- 
vailler : 

«  J'ai  travaillé  à  cette  statue  jour  et  nuit,  depuis  dix-huit  mois  », 
dil  John  Marchant  Mundy,  en  caressant  de  la  main  le  modèle  en 
plâtre.  «  Je  dis  nuit,  parce  que  la  nuit  est  comme  le  jour  pour 
moi.  J'ai  vécu  si  longtemps  avec  mon  ouvrage  que  je  connais  cha- 
cune de  ses  formes,  cl  toute  imperfection  ressort  plus  fortement 
devant  les  yeux  de  mon  esprit  pendant  la  nuit  que  le  jour;  car  la 
lueur  obscure  du  jour  distrait  mon  attention. 

«  Vous  mje  demandez  comment  je  travaille.  J'ai  d'abord  modelé 
le  buste,  puis  le  fauteuil  sur  lequel  la  figure  est  assise.  Restait  à 
déterminer  à  quelle  hauteur  du  plancher  devait  être  élevée  la 
tête. 

«  Je  vais  maintenant  vous  montrer  comment  je  m'y  suis  pris 
pour  modeler  une  seule  pièce  do  la  statue.  Asseyez-vous  et  mettez 
une  jambe  par-dessus  l'autre,  de  façon  h  former  des  plis  sur  votre 
pantalon.  Vous  remarquerez  que  je  passe  ma  main  sur  ces  plis. 
J'ai  maintenant  mon  idée.  Avec  cela  je  vais  directement  à  ma 
statue  et  passe  ma  main  sur  les  plis  que  j'ai  modelés.  S'il  y  a 
quelque  imperfection  dans  mon  modèle,  je  suis  à  même  de  recti- 
fier à  l'instant.  Peu  importe  la  petitesse  de  la  différence,  elle  ne 
m'échappe  pas,  ni  même  aucune  rugosité  sur  la  surface  du  plaire. 
Naturellement,  ce  travail  m'est  aussi  facile  dans  la  nuit  que  dans 
le  jour. 

M  Peut-être  vous  inlércsse-t-il  de  savoir  comment  je  fis  le  plas- 
tron plissé  de  chemise  que  M.  Irving  affectait  tant.  Je  me  procu- 
rai une  chemise  semblable  à  celle  que  je  voulais  reproduire  et  je 
retendis  sur  un  oreiller.  Puis  je  passai  soigneusement  mes  mains 
sur  les  plis;  je  pris  alors  de  très  flexibles  bandes  de  plomb  desti- 
nées à  représenter  les  plisseurs  sur  le  modèle.  Je  les  posai  sur  le 
plastron  de  la  chemise  à  représenter,  puis  je  répandis  dessus  une 
couche  épaisse  de  plâtre  que  je  grattai  et  modelai  ensuite  avec  des 
outils. 

«  Ce  fut  un  travail  d'amour  pour  moi  »,  dit  en  finissant  le 
sculpteur  aveugle.  «  Sachant  que  cette  œuvre  doit  terminer  ma 
carrière  d'artiste,  j'y  ai  apporté  toute  mon  attention,  jour  et  nuit. 
Je  l'ai  toujours  eue  présente  à  l'idée  pendant  les  heures  de  tra- 
vail, f  t  pendant  la  nuit  elle  était  dans  mes  songes.  » 


pETITE    CHROJ^IQUE 


L'audition  d'œuvres  musicales  françaises,  remise  deux  fois,  a 
été  donnée  samedi  dernier  au  Waux-Hall  en  présence  d'un  audi- 
toire nombreux  qui  a  très  sympalhiquement  accueilli  l'intéressant 
programme  composé  par  la  direction.  L'exécution  a  été  excellente 
et  fait  honneur  au  chef  d'orchestre,  M.  Léon  Du  Bois.  Une  place 
importante  avait  été  faite,  on  le  sait,  à  là  jeune  école.  C'était 
presque  un  concert  des  XX,  que  cette  soirée  exceptionnelle  où 
l'on  présentait,  en  première  audition,  des  œuvres  nouvelles  de 
Vincent  d'indy,  de  Gabriel  Fauré,  d'Ernest  Chausson,  de  Pierre  de 
Bréville.  Le  public  n'a  point  paru  trop  surpris  de  l'innovation  et 
a  écoulé  avec  allenlion  —  et  fort  applaudi  —  les  fragments  de 
Karadec,  cette  exquise  partition  bretonne  dont  Blankenberghe 
eut  la  primeur  en  Belgique,  l'été  passé;  le  très  bel  andante  de  la 
Symphonie  en  ré  de  Fauré;  la  Mort  de  Cœlio  (enir'acle  des 
Caprices  de  Marianne)  p^r  Ernest  Chausson,  qui  fit,  de  toutes  les 
œuvres  inscrites  au  programme,  la  plus  vive  impression  sur  les 
auditeurs;  une  Méditation  de  Pierre  de  Bréville,  œuvre  d'une 


grande  distinction  et  d'une  écriture  raffinée;  enfin,  la  toujours 
joyeuse,  irrésistible  et  fantastique  Espnna  de  l'ami  Chabrier, 
enlevée  avec  un  brio  superbe. 

Des  œuvres  déjà  connues  formaienl  la  première  partie  de  ce 
concerl  extraordinaire  :  Bizcl,  Guiraud,  Delibes, —  les  morts; 
Massenct  cl  Sainl-Saëns,  les  vivants  de  la  génération  précédente. 
C'est,  pensons-nous,  ce  dernier  qui  l'a  emporté,  dans  ce  petit 
tournoi  où  cliacun  distribuait,  en  son  for  intérieur,  les  récom- 
penses. Sa  Suite  algérienne  a  belle  allure  et  jolie  couleur  orches- 
trale. Elle  terminait  par  un  tableau  pittoresque,  nettement  tracé, 
la  première  partie  du  concert. 

Avant  de  quitter  le  Waux-Hall,  un  mol  encore  de  l'audition  d'un 
chanteur  d'avenir,  M.  Désiré  Demesl,  qui  s'est  fail  entendre  pour 
la  première  foie  à  Bruxelles  dimanche  dernier. 

M.  Demesl  a  une  voix  d'une  étendue  considérable,  qui  lui 
permet,  tout  en  chantant  les  rôles  de  baryton,  d'atteindre  avec 
aisance  les  registres  élevés.  11  a  superbement  dit  le  récit  de 
Lohengrin,  donl  chaque  syllabe  est  parvenue,  avec  une  netteté 
parfaite,  jusqu'aux  extrémités  du  jardin.  Dans  la  seconde  partie, 
la  sérénade  de  l'A  mant  jaloux,  —  en  Liégeois  de  cœur,  M.  Demest 
;  n'a  pas  oublié  Grétry,  —  et  une  chanson  à  boire  de  M.  Léon 
Du  Bois,  extraite  de  la  Revanche  de  Sganarelle,  ont  donné  au 
jeune  chanteur  l'occasion  de  faire  valoir  la  souplesse  et  l'excellente 
méthode  d'un  talent  déjà  sûr.  M.  Demesl  nous  paraît  appelé  à  un 
bel  avenir  d'artiste. 

Critique  départementale.  —  Rendant  compte  de  l'Exposition 
Alpine  de  Grenoble,  le  Courrier  deVIsère  décoche  à  un  paysagiste 
dauphinois  les  modestes  éloges  que  voici  :  «  M.  X..,  est  un  Cha- 
teaubriand (le  Chateaubriand  de  Y  Itinéraire),  revu  par  Verlaine 
(le  Verlaine  de  Jadis  et  Naguère  et  de  Sagesse),  chez  lequel  se 
refléteraient  un  peu  de  B.  de  Saint-Pierre  {La  Chaumière)  et 
toute  l'âme  d'un  Virgile  moderne. 

Quant  au  tableau  exposé,  «  Le  Casque  de  Néron  »,  il  faut 
avouer,  dit  le  critique,  qu'une  toile  comme  celle-là  reste  immor- 
tellement  belle  et  défie  le  jugement  de  l'avenir.  C'est  un  chef- 
d'œuvre,  et  un  chef-d'œuvre  dans  le  temps  (?)  que  ce  «  Casque 
de  Néron  »,  et  pour  ma  part,  j'eusse  voulu  le  voir  entouré  d'hon- 
neurs et  d'encens,  pareil  à  ces  trésors  fabuleux  des  cathédrales 
que  le  prêtre  montre  aux  fidèles  agenouillés,  à  des  jours  de  solen- 
nelle adoration.  » 

Dommage  que  le  peintre  soit  mort.  On  n'est  pas  toujours  à 
pareille  fêle.  

Louis  Legrand.  —  L'n  grand  gars  de  Bourgogne  qui  sent 
encore  le  terroir  natal  en  sa  voix  traînante,  accentuée,  en  ses 
allures  un  peu  lourdes,  en  sa  vigueur  que  Paris  n'a  pas  encore 
émoussée.  Met  dans  son  art  on  ne  sait  quelle  simplesse  profonde 
et  douce,  quel  sentiment  éperdu  de  la  nature  et  aussi  comme  des 
raffinements  suprêmes  d'esthète,  comme  des  perversités  salani- 
ques.  Le  seul  disciple  du  si  admirable  Félicien  Rops  et  égale 
parfois  son  maître  en  des  eaux-fortes  qui,  un  jour,  n'auront'pas 
de  prix  pour  les  amateurs  de  belles  choses.  Disparaît  pendant  des 
mois  entiers,  se  cloître  face  à  face  avec  la  mer  ou  la  forêt  et  rap- 
porte de  ces  retraites  des  études  qui  fleurent  la  fraîcheur  des 
flols  et  les  vertes  feuillées.  Vient  de  publier  un  cours  de  chahut 
où,  en  des  planches  étonnantes  de  réalité  se  cabre  tout  le  rut  des 
Bacchantes  du  Moulin-Rouge.  Signe  particulier  :  un  doux  entêté 
qui  a  mieux  aimé  tirer  de  la  prison  à  Sainte-Pélagie  que  de  payer 
au  fisc  l'amende  à  laquelle  les  robins  l'avaient  condamné  pour  un 
de^ssin  trop  impressionnant. 


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Douzième  année.  —  N°  33. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  14  Août  1892. 


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L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    LE    DIMANCHB 


REVUE  ORIf IQUB  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Émilb  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un  an,   fr.  lO.OO  ;  Union   postale,   fi*.   13.00.    —ANNONCES   :    On  traite  à  forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Plndustrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


Félicien  Rops.  —  Renaissance.  —  Victor  Hugo  et  les  symbo- 
listes. —  L'art  aux  salons  officiels.  —  Livres  kt  brochures. 
T—  Chronique  judiciaire  des  arts.  —  Petite  chronique. 


FELICIEN  ROPS 


(1) 


Une  collection  complète  des  œuvres  de  Félicien  Rops 
est  chose  rare,  car  les  eaux-fortes  et  les  dessins  du 
maître  ne  sont  pas  éparpillés  à  profusion  dans  le  public. 
«  J'ai  horreur  de  la  grande  Fama,  écrivait-il,  si  facile 
pour  les  «  ohnètes  gens  »»...  Je  chéris  mon  obscurité; 
j'en  ai  fait  un  dilettantisme  ;  et,  par  ces  temps  où  les 
peintres  triquent  à  la  toile  comme  queues-rouges  en 
foire,  n'être  pas  su  constitue  une  enviable  distinction. 
Je  n'expose  pas,  pour  ne  pas  m'exposer  à  recevoir  une 
mention  honorable...  Je  ne  reconnais  à  personne  le 
droit  de  m'honorer,  cette  reconnaissance  me  paraissant 
être  le  comble  de  l'humilité.  Je  ne  sais  si  je  ferai  quel- 
que chose  qui  me  plaise  ;  quant  à  plaire  aux  autres,  je 
m'en  moque  comme  de  mes  gants  de  l'an  dernier  !...  Je 

n'ai  qu'une  qualité  :  un  idéal  mépris  du  public. Et 

comme  on  lui  demandait  à  quoi  faire  il  se  pei- 

(1)  Fragment  d'une  étude  d'Eugène  Demolder  qui  paraîtra  pro- 
chainement. -,       "  '  I 


nait,  en  un  art  qui  n' estait  à  la  cognaissance  que  de 
peu  de  gens  ;  J'en  ai  besoin  de  peu,  dit-il;  —rfen  ai 
besoin  c^'un;  —fen  ai  besoin  de  pas  un  ». 

Une  chose  frappe,  en  une  collection  de  Rops  :  le  sang 
flamand  de  l'artiste  et,  sous  ses  apjf)arences  latines,  le 
fond  germanique  de  son  art. 

Ordinairement,  quand  on  s'occupe  de  l'auteur  de 
Pornocratès,  on  songe,  toujours  "  au  Satanique  »  et  on 
met  en  relief  la  façon  dont  il  a  buriné  la  femme  moderne. 
Il  est  sans  conteste,  d'ailleurs,  qu'il  l'a  déshabillée  d'une 
griffe  maîtresse  et  qu'il  „a  imprégné  les  noirs  de  son 
eau-forte  de  toute  l'animalité  tentante,  de  toute  la  per- 
versité cruelle  des  filles  de  nos  temps.  Il  a,  comme  il  le 
dit  dans  une  lettre,  «  fureté  dans  les  boudoirs  étranges 
pour  y  découvrir  les  finesses  mystérieuses  de  la  vie  de 
Paris  et  les  hasards  des  poses  surprises  ».  Sa  vision  de 
la  femme  moderne  est  profonde  et  aigiie  et  elle  est 
plus  pénétrante  que  celle  d'Alfred  Stevens  qui  s'est  servi 
des  «  modèles  »  parisiens  pour  faire  de  la  peinture.  Ce 
côté  de  Rops  a  été  naguère  mis  en  lumière  par  J.-K- 
Huysmans  dans  son  livre  :  Certains. 

Au  cours  de  leur  Journal,  les  Goncourt,  racontant 
une  visite  que  leur  a  faite  Félicien  Rops,  rapportent 
que  celui-ci  leur  a  narré  l'impression  profonde  produite 
sur  lui  par  cettebizarre  créature  humaine  :  laParisienne. 
Mais  c'était  non  seulement  la  femme  :  tout  le  monde  du 
second  Empire  imprima  sa  diabolique  «  fleur  de  lys  » 


} 


258 


L'ART  MODERNE 


à  l'esprit  de  l'artiste,  ainsi  que  tout  ce  peuple  urbain  du 
XIX®  siècle,  qui  peine  et  souffre  dans  ces  cycles  d'airain 
imaginés  par  Balzac  en  la  Fille  aux  yeux  d'or  !  -  Je 
n'ai  pas  encore  de  talent,  écrivait  Rops  à  ses  débuts, 
j'en  aurai  peut-être  à  force  de  volonté  et  de  patience. 
—  J'ai  encore  un  autre  entêtement,  c'est  celui  de  vou- 
loir peindre  des  scènes  et  des  types  deçexix' siècle,  que 
je  trouve  très  curieux  et  très  intéressant  ;  les  femmes  y 
sont  aussi  belles  qu'à  n'importe  quelle  époque,  et  les 
hommes  sont  toujours  les  mêmes  :  ce  n'est  pas  la  per- 
ruque de  Louis  XIV  qui  fait  les  comédies  de  Molière. 
De  plus,  l'amour  des  jouissances  brutales,  les  préoccu- 
pations d'argent,  les  intérêts  mesquins  ont  collé  sur  la 
plupart  des  faces  de  nos  contemporains  un  masque 
sinistre  où  l'instinct  de  la  perversité,  dont  parle  Edgar 
Poe,  se  lit  en  lettres  majuscules;  tout  cela  me  semble 
assez  amusant  et  assez  caractérisé  pour  que  les  artistes 
de  bonne  volonté  tâchent  de  rendre  la  physionomie  de 
leur  temps.  " 

Cette  promesse  a  été  tenue,  et  qui  feuillette  l'œuvre 
de  Rops  y  tvonveVesprit  de  notre  époque  mis  à  nu  avec 
l'éhontçment  d'une  fille  qui  livre  tous  ses  secrets.  Rops 
aura  dit  son  siècle  aussi  intenséipent  que  Memling, 
Diirer  ou  Jan  Steen  ont  dépeint  le  leur.  Qu'il  est  pro- 
fond,  le  prestige  de  ses  chairs  ardentes  et  qu'elle  est  frap- 
pante leur  signification.  Pour  retrouver  autant  de 
spiritualité  dans  les  corps,  il  faut  remonter  aux  primi- 
tifs, aux  Fra  Angelico.  A  côté  des  Maudits  sortis  des 
enfers,  et  des  Filles  diaboliques,  c'est  l'antithèse  des 
christ  exsangues,  émaciés  par  les  ferveurs  et  les  mar- 
tyres, des  vierges  pures  et  des  anges  aux  ailes  blanches 
qui  jouent  sur  des  instruments  religieux,  c'est  la  pro- 
cession des  saints  benoîts  et  des  saintes  extasiées  :  les 
peuples  passent  leurs  jours  à  chasser  de  leur  corps  — 
objet  de  mépris  -—  l'esprit  malin,  à  force  de  psaumes 
et  de  litanies;  les  seigneurs  en  armes  s'agenouillent  et 
prient  dans  le  silence  des  chapelles  et  les  dames  joignent 
leurs  mains  frêles  et  cachent  sous  la  chasteté  de  leurs 
longues  robes  leurs  plates  poitrines.  Car  notre  temps 
forme  le  pôle  opposé  des  siècles  de  foi  et  de  candeur. 
Et  Rops  est  comme  le  revers  ténébreux  et.brûlant  de  la 
séraphique  médaille  des  Van  Eyck. 

Mais  j'ai  parlé  du  caractère  flamand  de  Rops.  ««  La 
goutte  de  sang  flamand  que  j'ai  dans  les  veines  «, 
disait-il  un  jour.  Une  goutte?  Bien  davantage.  Et  le 
hasard  qui  l'a  fait  naître  à  Namur  ne  suffit  pas  pour 
qu'on  le  considère  Comme  Wallon.  La  Wallonie  n'a  pas 
dans  ses  veines  un  sang  artiste  assez  fort,  elle  n'a  pas 
l'œil  assez  coloriste  pour  produire  un  tel  maître.  Pate- 
nier,  Henri  Bles,  Roger  Pastuur,  des  gothiques,  et 
Lambert  Lombard,  un  romaniste  de  deuxième  ordre, 
ont  été  ses  seuls  porteurs  de  palette.  Depuis  lOrs,  elle  a 
dû  se  contenter  des  gloires  médiocres  de  Flémalle  et  de 
Gérard  de  Lairesse  et  elle  nous  a  infligé  Louis  Gallait. 


Pour  qu'une  race  produise  un  aitiste  de  la  trempe 
énergique  et  sanguine  de  Rops,  il  faut  des  influences 
lointaines,  une  alchimie  héréditaire,  dont  on  ne  trouve 
trace  à  Liège  ou  à  Namur.  En  Flandre  ou  en  Brabant,  au 
contraire,  le  terrain  était  florissant  en  ancêtres,  et  de 
la  terre  où  étaient  nés  Brueghel  et  Jérôme  Bosch,  Rops 
aussi  pouvait  surgir. 

D'ailleurs,  Félicien  Rops  est  fils  de  Nicolas-Joseph 
Rops,  petit-fils  de  Pierre-Joseph  Rops.  Celui-ci,  dans  sa 
prestation  de  serment  de  bourgeois  de  Namur,  déclare 
qu'il  est  fils  de  Philippe-Jacques  Rops,  né  à  Bruxelles. 
Voici  l'extrait  baptistaire  de  ce  dernier,  de  la  paroisse 
de  Sainte-Gudule,  le  17  juillet  1713  :  Philippus  Jaco- 
bus,  filius  legitimus  Joannis  Rops  et  Catharinœ 
Ghoosens  conjungum,  susceptores  Philippus  Rops  et 
Anna  Verlaechen. 

Ce  Jean  Rops  est-il  bourgeois  de  Bruxelles?  On  sait 
qu'en  1695  le  maréchal  de  Villeroy  a  bombardé 
Bruxelles  à  boulets  rouges  et  a  détruit  les  archives  de 
la  ville  et  les  registres  des  bourgeois. 

Mais  la  famille  Rops  est  incontestablement  flamande. 
On  trouve  des  Rops  dans  les  plus  anciens  registres 
paroissiaux  de  Bruxelles  ;  le  nom  de  Rops  est  cité  dans 
l'ouvrage  de  Van  Hoorebeke  sur  les  noms  patrony- 
miques flamands. 

Un  manuscrit  de  la  bibliothèque  Goethals,  aux  manus- 
crits de  Bruxelles,  n°  746,  cite  : 

"  Mathias  Rops  ou  d'Rops, 
mort  le  15  février  1449,  gît 
à  l'église  de  Notre-Dame,  à 
Termonde,  sous  une  lame  de 
cuivre.  »  Les  armes  se  blason- 
nent  d'argent  à  la  fasce  de 
sable,  chargée  de  trois  tours 
d'argent  maçonnées  de  sable, 
au  chef  chargé  de  trois  mer- 
lettes  de  sable.  Les  armes  ne 
constituent  d'ailleurs  pas  du  tout  un  indice  d'origine 
chevaleresque  en  Belgique  ;  la  plupart  des  familles  fen 
portaient  autrefois. 

Un  manuscrit  du  héraut  d'armes  G.-B.  Devos, 
registre  272,  cite  aussi  cette  tombe  et  les  Rops  d'Etter- 
beek  (Bibliothèque  héraldique  des  affaires  étrangères), 
et  des  tombes  de  Rops  sont  également  signalées  à 
Malines. 

Cependant,  laissons  ces  questions  de  généalogie, 
auxquelles  il  ne  faut  attacher  trop  d'influence  prépondé- 
rante. Mettons  plutôt  en  relief  le  singulier  attachement 
de  Rops  à  la  terre  de  Flandre  et  la  compréhension  qu'il 
s'est  forgée  de  ce  pays  ;  voyons  comme  il  en  a  buriné 
certains  types  avec  une  force  égale  à  celle  de  ces  maîtres 
dont  il  a  dit  :  "  Je  ne  connais  pas  d'école  plus  vive,  plus 
spirituelle,  dans  toute  l'acception  du  mot,  que  l'école 
flamande,  qu'on  représenta  toujours  comme  une  école 


'-ri' 


"W'?lp 


d'êtres  purement  matériels,  au  xvi*  et  au  xvii«  siècle". 

Voici  d'ailleurs  —  extraite  d'une  lettre  datant  de  187 1 , 
et  écrite  à  M.  Calmels,  critique  à  la  Revue  Nouvelle 
—  les  deux  parts  de  l'art  de  Rops  admirablement 
indiquées  par  lui-même  :  «  Si  vous  aviez  vécu  à  Bruges, 
dans  cette  vieille  Venise  du  Nord,  qui  n'est  plus  qu'un 
tombeau  où  les  palais  gothiques  regardent  tristement 
les  nénuphars  fleurir  dans  les  bassins  où  cent  navires 
venaient  s'amarrer  à  la  fois,  où  les  vieilles  femmes, 
roides  et  jaunes  figures  d'Hemling,  rampent  le  long  des 
quais  déserts  comme  si  elles  étaient  les  pleureuses  de  ce 
grand  i)assé,  vous  comprendriez,  mon  cher  Monsieur 
Calmels,  le  profond  étonnement  qui  s'est  emparé  de  moi 
lorsque  je  me  suis  trouvé  face  à  fepe  avec  ce  produit 
formidablement  étrange  qui  s'appelle  :  une  fille  pari- 
sienne. M.  Prudhomme  rencontrant  au  coin  du  boule- 
vard la  Vénus  hottentote  en  costume  national,  serait 
moins  ébahi  que  je  ne  l'ai  été  devant  cet  incroyable 
composé  de  carton,  de  taffetas,  de  nerfs  et  de  poudre  de 
riz.  Aussi,  comme  je  les  aime!  J'arrache  au  hasard  deux 
ou  trois  feuillets  de  mon  album  pour  vous  montrer  que 
je  n'ai  pas  perdu  mon  temps  là-bas.  J'ai  une  centaine  de 
Rosières  du  Diable  que  je  compte  faire  paraître  cet 
hiver.  Ne  faites  pas,  je  vous  prie,  grande  attention  à 
ces  croquis,  happés  au  passage  et  au  galop,  et  dissémi- 
nés dans  les  coins  des  salles  de  bal.  Je  remporte  d'ici 
près  de  deux  cents  études  flamandes  et  hollandaises.  Je 
dessinerai  avec  le  même  bonheur  les  grands  yeux 
maquillés  des  Parisiennes  et  la  chair  bénie  et  plantu- 
reuse de  mes  sœurs  de  Flandre  :  je  vous  ferai  voir  mes 
Zélandaises.  De  l'alliance  de  l'Espagne  et  de  Flandre, 
de  ce  mariage  de  la  neige  et  du  soleil  est  né  l'un  des  plus 
beaux  produits  humains.  Rubens  le  savait  bien, lui  !  Elles 
sont  belles,  simples,  ardentes;  elles  ont  une  simplicité  de 
mouvement  d'une  grandeur  épique;  elles  vous  font  venir  à 
la  pensée  les  paroles  de  Barbey  d'Aurevilly  :  "  L'épique  est 
possible  dans  tous  les  sujets,  soit  qu'il  chante  le  combat 
à  coups  de  bâton  d'un  bouvier  dans  un  cabaret,  ou  la 
rêverie  d'une  buandière  battant  son  linge  au  bord  du 
lavoir  !  Et  cela  sans  avoir  besoin  de  l'histoire,  quand 
ce  bouvier  inconnu  ne  serait  pas  le  Rob-Roy  de  Walter 
Scott,  et  cette  buandière  ignorée  la  Nausicaa  du  vieil 
Homère!  » 

C'était  écrit  à  Knocke,  et  la  missive  débutait  ainsi  : 
«  Il  y  a  deux  mois  que  votre  lettre  me  cherchje  dans 
toute  la  Zélànde,  à  travers  toutes  les  bourgal^es  du 
Zuyderzée,  sous  le  pont  des  koff's  de  pêche,  et  au^beau 
milieu  des  musicos  ;  —  elle  vient  enfin  de  me  ratti^per 
ici  dans  un  hameau  perdu  de  la  côte  flamande.  Il  faut 
que  cette  lettre  ait  un  flair  de  chien  de  chasse  pour 
venir  me  retrouver  à  Knocke,  où  jamais,  depuis  vingt 
ans,  un  post-meester  n'a  mis  les  pieds  ».  ^ 

Knocke  et  les  bords  de  la  mer  du  Nord,  «  un  pays 
fait  pour  l'œil  des  peintres  »,  suivant  son  expression, 


sont  les  lieux  de  repos  préférés  de  Rops.  Belle  et  douce 
région  de  dunes  pâles,  de  ciel  humide,  de  grands  hori- 
zons calmes.  C'est  là  qu'il  aime  à  se  délasser  d'irritants 
travaux.  Quel  contraste  avec  Paris  où,  «  quand  je  me 
sens  fatigué,  écrivait-il,  je  dégringole  de  mon  ateUer^eje 
tombe  au  boulevard,  lequel  est  magnétisé,  électrisé  par 
les  effluves  de  ces  milliers  de  cervelles  en  gésine.  Au 
bout  d'une  heure  j'escaladerais  le  Mont-Blanc  ;  j'ai  pris 
un  bain  de  flamme  »>.  Ici,  c'est  une  paix  blanche  et 
bleue.  Les  vaches,  au  loin,  se  reposent  sur  les  bruyères 
aux- fleurs  d'or,  les  sables  s'irisent  à  l'horizon,  piqués 
par  les  toits  rouges  des  maisonnettes,  et  la  mer  étend 
sur  tout  son  voile  de  murmure  berceur.  De  rares  peu- 
pliers, des  saules  chétifs  ferment  le  paysage.  Je  me  pro- 
menais un  jour  avec  Rops  sur  la  pente  solitaire  de  ces 
dunes  et  nous  regardions,  au  loin,  les  tours  de  Bruges, 
lorsqu'il  me  dit  :  «  Chaque  fois  que  je  suis  ici,  il  me 
semble  qu'un  vieil  ancêtre  flamand  renaît  en  moi  ». 

Dans  la  préface  du  Catalogue  descriptif  et  analyti- 
que de  l'œuvre  gravé  de  Félicien  Rops,  Erastène 
Ramiro  dit  à  propos  de  cette  nostalgie  des  Flandres  : 

«  Puis,  qu'un  mot,  dans  la  bataille  des  idées,  évoque 
tout  à  coup  les  longues  plages  sablonneuses  de  la 
Hollande  ou  les  mers  grises  du  Nord,  et  une  fibre  nou- 
velle va  tressaillir. 

«  Alors  ses  souvenirs  s'inclinent  doucement  vers  ces 
rivages  aimés  où  le  sable  doré  coule,  jusqu'à  l'infini  des 
yeux,  sa  lave  douce,  toujours  unie,  toujours  égale,  dont 
l'ombre  d'aucun  arbre  n'a  jamais  rompu  la  placide 
monotonie,  où  les  dunes  mêmes  semblent  écrasées  et 
tapies  dans  les  rares  herbes  maigres,  et  insensiblement 
apparaissent  à  ses  yeux  les  silencieux  paysages  septen- 
trionaux, et  la  mer  Baltique,  et  la  mer  du  Nord,  ses 
délices,  couvrent  peu  à  peu  de  leur  flot  montant  boule- 
vards, salons,  ateliers,  livres,  tableaux  et  le  reste  ;  et, 
les  yeux  perdus  dans  les  horizons  doucement  éclairés 
de  ses  régions  préférées,  il  remonte  aux  pêches  soli^ 
taires  sur  les  bords  verdoyants  des  rivières  de  la  Nor- 
vège, aux  longues  navigations  dans  les  barques  frustes  et 
solides  des  hardis  pilotes  de  ces  parages,  aux  nuits  de 
relâche  dans  les  huttes  rustiques,  joies  peut-être  déjà 
lointaines  de  son  adolescence.  Et  ce  n'est  pas  sans 
quelque  étonnement  que  l'on  voit  cette  ardeur  vibrante 
jusqu'à  la  douleur,  et  vigoureuse  jusqu'à  l'emportement, 
s'abandonner  aux  douceurs  des  mers  opalines  et  des 
soleils  d'argent.  » 

(A  continuer.) 


RENAISSANCE  (D 

Lorsque  le  présent  se  contemple  dans  le  passé,  il  se  reconnaît 
comme  l'avenir.  L'histoire  universelle,  jusqu'à  présent,  a  nette- 
ment démontré  la  supériorité  physique,  intellectuelle  et  morale  de 
la  race  aryenne  sur  toute  autre^  et  particulièrement  sur  la  race 
sémite.  Cette  dernière  n'a  pas,  surtout,  créé  l'idée  du  mono- 
théisme, qui  existait,  patente  chez  les  Egyptiens  cl  les  Indiens, 
latente  chez  les  Grecs  et  les  Germains.  De  même,  le  christia- 
nisme est  par  essence  plus  aryen  que  sémite  :  c'est  ce  qui  ressort 
de  sa  propagation  locale,  c'est  ce  que  démontre  peut-être  la  per- 
sonne du  Christ  elle-même.  Car  le  prétendu  arbre  généalogique 
du  Christ  contenu  dans  le  Nouveau  Testament  a  été  reconnu  de 
longue  date  comme  une  fraude  pieuse.  Par  contre,  les  investiga- 
tions de  la  science  moderne  ont  prouvé  l'existence  de  nombreux 
éléments  aryens  dans  l'ancien  Chanaan.  On  sait  aussi  que  les  Juifs 
qui  ont  habité  ce  pays  plus  tard  se  sont  fréquemment  croisés  avec 
les  habitants  primitifs.  Il  est  donc  fort  possible,  d'après  les  con- 
statations historiques,  que  le  Christ  était  Aryen;  ses  opinions,  du 
reste,  rendent  la  chose  des  plus  probables.  Une  légende  juive  rap- 
porte même  textuellement  que  «  l'esprit  d'Esaii  est  entré  dans 
Jésus  ».  Or,  Esaû  est  la  personnification  de  la  race  édomile,  qui 
n'est  point  juive  et  est  fortement  mélangée  d'éléments  chananéens. 
Dès  lors,  la  tradition  indigène  elle-même  nous  renvoie  à  une  ori- 
gine étrangère  du  Christ. 

Les  exceptions  dans  le  corps  d'une  nation  ne  i^  produisent 
jamais  par  accident,  qu'elles  touchent  à  l'essence  intellectuelle  ou 
à  l'essence  physique  ;  mais  souvent  elles  s'expliquent  par  une 
réaction  de  race.  La  figure  du  Christ  a  une  forte  teinte  orientale, 
partiellement  ;  c'est  qu'il  ne  pouvait  se  soustraire  à  l'influence  du 
milieu.  Mais,  au  fond,  sa  vie  comme  sa  mort  nous  apparaissent 
la  lutte  et  la  victoire  de  l'esprit  aryen,  naïf  et  désintéressé,  sur 
l'esprit  sémite,  intéressé  et  sénile.  L'avarice  est  la  racine  de  tous 
les  maux  :  c'est  surtout  une  caractéristique  de  la  vieillesse  et  des 
sémites.  La  foi  est  la  source  de  tout  le  bien;  c'est  avant  tout  une 
qualité  de  la  jeunesse  et  des  Aryens.  La  charité,  l'amour  peut  se 
définir  par  sentiment  de  l'individualité.  L'Aryen  possède  ce  senti- 
ment, le  Jtiif  eh  est  privé.  On  a  donc  eu  raison  de  dire  que  le 
Christ  a  été  le  plus  grand  antisémite.  Et  comme  tel  il  est  un 
exemple  pour  la  vie  future  comme  prôur  la  vie^ssée  du  peuple 
allemand;  avec  cette  différence  que  ce  peuple  ne  succombera  pas 
môme  en  apparence  et  passagèrement,  —  comme  c'est  le  cas  pour 
le  présent, —  devant  ses  adversaires  Car  ce  peuple  a  des  tendances 
plus  actives  que  le  Christ  :  il  a  en  lui  un  antidote'  contre  l'in- 
fluence orientale.  Cet  antidote,  c'est  la  terre  allemande.  Grâce  à 
elle,  le  peuple  allemand  peut-  se  regénérer. 

Puisque  le  Christ  est  le  représentant  de  la  plus  haute  jeunesse 
intellectuelle,  morale  et  religieuse,  de  la  véritable  enfance  divine, 
on  peut  dire  que  la  Renaissance  allemande  se  fera-sous  son  signe. 
Lui-même  est  le  vrai  type  de  la  Renaissance,  en  ce  qu'il  surgit 
d'une  race  ancienne,  comme  le  représentant  des  idées,  et  proba- 
blement aussi  du  sang,  d'une  race  jeune.  Orient  et  Occident,  vieil- 
lesse et  jeunesse  de  l'humanité,  se  rencontrent  en  lui;  mais  avant 

(1)  Traduction  inédite  d'un  fragment  du  curieux  ouvrage  Rem- 
brandt ah  Erzieher  que  nous  avons  analysé  récemment  (voir  l'Art 
Moderne  du  12  juin).  Cet  extrait  forme  la  suite  du  chapitre  intitulé  la 
Jeunesse  et  les  Juifs  dont  nous  avons  publié  une  traduction  dans  notre 
numéro  du  19  juin. 


tout  il  est  Aryen  et  enfant,  avant  tout  il  est  juvénile.  Dans  sa 
figure  radieuse  se  trouve  incorporé  l'esprit  qui  reste  la  force  qui 
crée,  et  parlant  la  divinité;  dans  les  apparitions  brillantes  d'un 
Rembrandt,  d'un  Shakespeare,  d  un  Luther,  d'un  Bismarck  s'est 
incorporé  l'esprit  qui  change,  la  force  du  terroir,  et  parlant  l'hu- 
manité. L'un  représente  l'âme  humaine,  les  autres  le  caractère 
germanique  danà  sa  pureté.  Nous  ne  saurions  nous  priver  ni  de 
l'un  ni  des  autres;  il  nous  faut  une  oeuvre  faite  de  l'essence  des 
deux  groupes,  il  nous  faut  l'homme  allemand.  Le  soleil  et  les 
planètes  doivent  être  réunis. 

Rembrandt  est  essentiellement  individualiste  et  essentiellement 
aristocrate,  donc  parfaitement  aryen.  Que  si  son  souffle  calme  et 
puissant  se  fait  valoir  de  nouveau  dans  l'originalité  germanique, 
celle-ci  pourra  revivre  encore;  ainsi  elle  pourra  se  consolider.  Et 
l'individualité  qui  s'est  consolidée  produit  le  style.  Le  résultat  ter- 
minal d'une  pareille  éducation,  le  résultat  qu'il  faut  espérer,  c'est 
que  non  seulement  l'art  allemand,  mais  aussi  la  vie  allemande 
regagne  du  style.  Et  le  style  est  exactement  le  contraire  du  spécia- 
lisme,  l'humanité  est  l'opposé  du  conventionnel  dans  l'éducation. 
Tout  spécialiste  a  son  ressort;  il  sait  ofi  reposer  sa  tête;  mais  le 
«  Fils  de  l'Homme  »  ne  le  savait  point.  Il  en  était  ainsi  du  temps 
du  Christ,  il  en  est  ainsi  encore  aujourd'hui,  il  en  sera  toujours 
ainsi  à  une  époque  décadente.  Seule  une  nouvelle  floraison  intel- 
lectuelle, une  évolution  ascendante  de  la  vie  populaire  allemande 
pourra  modifier  cette  situation.  Elle  devra  se  diriger  vers  les 
choses  religieuses  comme  vers  les  choses  combatives,  vers  l'artis- 
tique comme  vers  ce  qui  est  guerrier,  vers  l'infantile  comme  vers 
le  viril.  Plus  que  les  barbarismes  de  la  languQ,  il  importe  de  déra- 
ciner les  barbarismes  artistiques  de  l'Allemagne;  il  faut  surtout 
que  ce  grand  barbarisme,  qui  a  dominé  l'art  allemand  durant  les 
vingt  dernières  années,  soit  remplacé  par  ur^é  expression  et  une 
action  allemandes  :  qu'on  ne  cherche  pas  la  (li Renaissance»,  mais 
le  renouveau  (Wiedergeburt).  La  culture  allemande  doit  ressem- 
bler à  la  rose,  non  à  la  rosette.  La  convention  doit  faire  place  à  la 
réalité,  la  phrase  doit  céder  à  la  vie. 


VICTOR  HUGO  ET  LES  SYMBOLISTES 

Le  bonhomme  a  du  bon... 
L'un  d'eux. 

On  a  tout  reproché  aux  symbolistes  et  peu  k  peu  le  plus  grand 
nombre  de  ces  griefs  a  cessé  d'avoir  cours,  est  tombé  dans  le 
discr^it  du  public  mieux  avisé. 

Aux  premières  manifestations  des  poètes  de  cette  école,  quel- 
ques journalistes  prétendirent  les  avoir  rencontrés  trop  au  café 
et  en  induisirent  de  fâcheuses  habitudes  d'oisiveté  et  un  manque 
de  sobriété.  Alcooliques  et  noctambules  furent  les  épithètes  favo- 
rites. Bientôt  on  reconnut  qu'il  n'en  était  rien  et  que  ce  fait  de 
leur  présence  occasionnelle  dans  un  de  ces  lieux  inoffensifs  n'était 
pas  un  crime;  là,  en  effet,  où,  comme  pour  protester  d'avance 
contre  toute  liberté  de  tenue  le  service  est  confié  à  des  hommes 
entre  deux  âges  qui,  outre  un  cérémonieux  habit  noir,  affectent 
des  habitudes  de  visage  —  favoris  aux  lèvres  rares  —  chères  à 
maintes  professions  libérales,  médecine  ou  magistrature. 

Les  symbolistes  sitôt  absous  de  ce  chef  d'accusation  on  s'en  prit 
à  leur  prétendue  obscurité.  On  discuta  pour  savoir  s'ils  se  compre- 
naient entre  eux  ou  eux-mêmes,  si  l'admiration  qu'ils  avaient 
pour  leurs  œuvres  n'était  pas  stérile  et  individuelle,  si  l'incom- 


LAUT  MODERNE 


261 


préjiensibilité  de  leurs  livres  n'en  rendait  pas  la  teneur  et  l'opinion 
favorable  qu'on  en  aurait  pu  avoir  incommunicables.  L'anecdote 
môme  courut  d'une  lecture  qu'entreprirent  d'honnêtes  gens,  un 
soir,  du  Toast  Funèbre  de  Mallarmé,  au  lieu  du  loto  accoutumé  et 
où  chacun  des  lecteurs  apporta  du  texte  en  question  une  solution 
différente,  particulière  cl  qui  n'était  en  somme  qu'une  constatation 
de  réciproque  et  pauvre  incompétence. 

L'invincible  et  progressive  diffusion  parmi  tous  les  esprits 
impartiaux  de  bonne  foi  des  nobles  vers  du  noble  écrivain  eut 
raison  de  ces  légendes  et  l'audience  qu'ont  maintenant  les  œuvres 
de  M.  Stéphane  Mallarmé  prouve  que  la  malveillance  ne  leur  a 
pas  nui.  Elles  sont  maintenant  dans  toutes  les  mémoires  et  justice 
est  rendue  à  leur  pureté  classique  et  à  leur  haute  sagesse  de 
pensée.  11  en  est  de  môme  pour  Verlaine  et  je  crois  que  M.  Jules  . 
Lemaître  qui  commenta  jadis  assez  maladroitement  un  sonnet  de 
l'auteur  A' Amour  pour  les  lecteurs  de  la  Revue  bleue  n'oserait 
plus  maintenant  faire  preuve  d'un  aussi  parcimonieux  intérêt, 
avouer  une  difficulté  à  comprendre  aussi  démodée. 

Voici  maintenant  que  M.  Ferdinand  Brunetière  indique  une 
nouvelle  nuance  d'opinion.  11  considère  les  symbolistes  comme 
les  incapables  dépositaires  de  la  bonne  esthétique,  mais  il  constate 
que  l'infirmité  seule  de  leur  génie  les  empoche  d'illustrer  les  pré- 
ceptes qu'ils  affirment.  D'autre  part  M.  Zola  revendique  pour  soi 
la  mise  en  usage  de  l'oisif  arcane.  Dans  un  article  paru  au  Figaro, 
M.  Maurice  Barrés  remarque  à  son  tour  une  valeur  de  production 
médiocre  et  ne  répondant  pas  aux  exigences  de  l'admiration.  La 
plupart  des  jeunes  écrivains  ont  omis,  selon  lui,  «  une  formalité  », 
celle  d'établir  leurs  prétentions  par  un  chef-d'œuvre. 

Mais,  à  prendre  un  exemple  dans  une  autre  époque,  les 
romantiques,  qui  furent  d'une  aimable  précocité  plus  pleine  de 
promesses  que  de  fructueux  résultats,  n'écrivirent  point  en  1830 
leurs  plus  durables  livres.  Ce  n'est  que  sur  le  tard  que  Vigny 
s'illustra  à  jamais  par  d'admirables  et  hautains  poèmes.  La 
Légende  des  Siècles  n'est  pas  l'œuvre  de  «  l'Enfant  sublime  »  de 
la  Restauration,  mais  du  morose  et  visionnaire  exilé  de  Jersey. 
Baudelaire  enfin  et  Leconte  de  Lille  ne  publièrent  pas  leurs  Fleurs 
du  Malel  leurs  Poèmes  barbares  en  sortant  du  collège  et  personne 
ne  tire  de  là  des  conclusions  défayorables  et  ne  les  traite  d'esprits 
retardataires  et  inefficaces. 

L'opinion  qu'on  eut  des  symbolistes  a  déjà  beaucoup  varié  et 
n'est  point  fixée  encore.  Il  y"°a  peu  de  jours,  M.  Marcel  Prévost  pro- 
posait à  ses  lecteurs  une  façon  nouvelle  de  penser  à  leur  égard. 
Il  les  représentait  comme  infatués  d'assez  excessives  prétentions, 
portés  au  dénigrement  et  en  proie  à  une  idée  d'eux-mêmes  si 
exagérée  qu'elle  allait  jusqu'à  confondre  dans  un  unanime  mépris 
simplificateur  et  par  une  critique  qui  ne  serait  qu'une  négation 
sommaire  et  imprudente,  tous  les  efforts  antérieurs  et  comtempo- 
rains.  Sans  s'en  douter  M.  Prévost  concluait  en  leur  faveur,  esti- 
mant qu'il  valait  mieux  lire  leurs  livres  qu'en  connaître  les  auteurs, 
ce  qui,  en  impliquant  les  œuvres  préférables  aux  personnes,  prou- 
vait aussi  que  ces  œuvres  ne  sont  point  si  obscures  qu'il  faille 
pour  les  comprendre  s'adjoindre  à  tout  prix  le  secours  des 
auteurs  transformés  en  glossaleurs  de  leurs  propres  textes. 

Il  résulte  de  tout  ceci  que  l'irrespect  est  le  vice  dominant  et 
reconnu  des  symbolistes. 

Une  défense  plus  ou  moins  sophistique  de  l'irrespect  pourrait 
distraire  le  lecteur  qui  acquiescerait,  j'en  suis  sûr,  à  ces  proposi- 
tions : 

L'irrespect,  au   contraire  de   l'admiration  qui  est  un  senti- 


ment un  peu  bas,  prouve  une  certaine  liberté  d'esprit.  Il  y  a  en 
lui  peut-être,  et  surtout  quand  il  a  pour  cause  une  sorte  de  viva- 
cité juvénile  difficultueuse  à  s'incliner  devant  ce  qui  est  vénérable 
et  dont  on  l'écrase,  je  ne  sais  quoi  d'un  peu  présomptueux  mais 
que  compensent  des  risques  inhérents  à  cette  manière  de  ne  se 
point  déclarer  aisément  satisfait  et  qui  sont  le  ridicule  d'avoir  nié 
fût-ce  un  instant  ce  qu'on  a  été  loin  d'égaler.. 

Etre  irrespectueux  des  renommées  établies  est,  sans  doute, 
simplement  la  conscience  d'avoir  à  leur  opposer,  au. secret  de  soi 
encore,  des  gloires  tacites  dont  l'expansion,  inévitable,  si  elles 
existent,  sera  un  jour  dégagée  de  cette  tendance  qui  ne  fait  que 
signaler  leur  présence  interne.  Ce  sentiment  d'irrespect  pourrait 
être  considéré  comme  le  fond  de  toute  littérature.  Le  fait  de  pro- 
duire à  son  tour,  après  tant  de  chefs-d'œuvre  amassés  par  le 
labeur  des  siècles,  n'est  pas  sans  infirmer  dans  sa  mesure  ce 
qu'on  croit  roconnailre  de  définitif  dans  les  productions  anté- 
rieures. On  peut  envers  elles  garder  le  sentiment  de  leur  valeur 
en  reconnaissant  que  les  satisfactions  qu'elles  procuraient  à  leurs  ' 
contemporains  pour  qui  elles  étaient  une  sorte  d'absolu  au-delà 
de  qui  ils  ne  rêvaient  rien,  étaient  légitimes  mais  momentanées  et 
ne  pouvaient  correspondre  par  avance  aux  besoins  d'esprits  futurs 
et,  en  accordant  à  ces  œuvres  la  louange  qu'elles  méritent  à  cause 
des  signes  du  génie  qui  sont  en  elles,  leur  dénier  le  caractère  de 
stabilité  éternelle  et  de  satisfaction  absolue.  Est-il  haïssable  de 
s'autoriser  de  ce  qu'elles  succédaient  à  d'autres  œuvres  auxquelles 
elles  se  substituaient  dans  le  goût  du  temps  pour  ne  pas  interdire 
aux  survenants,  au  nom  de  leur  oppressive  beauté,  le  droit  de 
réitérer  un  essai  identique  du  reste  aussi  par  un  manque  de 
durée  analogue. 

Quelle  que  pût  être  la  légitimité  de  l'irrespect  ainsi  considéré 
je  crois  que  la  génération  présente  n'en  abusa  pas.  Pour  ce  qui 
est  de  son  autre  forme  plus  quotidienne  et  qui  consiste  à  faire 
trop  peu  de  cas  d'œuvres  célèbres  et  glorieuses  par  une  sorte  de 
fanfaronnade  de  dénigrement  et  par  un  goût  de  rabaisser,  vile 
intérieurement  désavoué  par  une  notion  du.  beau  plus  forte 
qu'une  humeur  passagère,  je  ne  crois  pas  non  plus  qu'elle  soit 
tant  en  crédit. 

Jamais,  au  contraire,  plus  que  maintenant  un  culte  vif  n'entoura 
la.  bonne  littérature  et  la  haute  poésie  et  ceux  qui  ont  pratiqué 
l'une  ou  l'autre  sont  sûrs  de  trouver  parmi  les  jeunes  gens  une 
faveur  appréciatrice  et  toutes  les  marques  de  l'admiration.  Mais 
il  importe  de  ne  pas  confondre  l'admiration  désintéressée  qu'il 
sied  d'avoir  pour  les  chefs-d'œuvre  avec  une  nuance  du  même 
sentiment  qui  pousse  ceux  qui  l'ont  en  partage  à  s'approprier  ce 
qu'ils  admirent.  Cet  excès  s'appelle  l'imitation  et  c'est  par  elle  que 
les  singes  témoignent  l'estime  qu'ils  ont  des  hommes.  La  parodie 
s'y  rattache  et  elle  est  aussi  respectueuse  mais  d'une  façon  infé- 
rieui'e  et  animale. 

Ce  respect  même  pour  la  bonne  littérature  va  si  loin  qu'il  se 
corrobore  d'un  désir  de  justice,  d'un  besoin  d'équité  qui  voudrait 
mettre  un  peu  d'ordre  dans  les  renommées  passées  et  contempo- 
raines. Une  pareille  réforme  n'a  pas  lieu  sans  criailleries  de  la 
part  de  ceux  qui  se  sentent  menacés  d'être  fort  réduits  en  leurs 
excédantes  prérogatives.  Cet  effort  louable  d'assigner  à  chacun  le 
rang  auquel  il  a  droit  nécessite  un  peu  de  tracasserie  et  d'être 
assez- pointilleux  pour  distribuer  la  gloire  en  sa  quotité  intégrale. 
Les  naturalistes  ont  eu  un  peu  à  souffrir  de  ces  scrupules  de  l'opi- 
nion des  lettrés  émue  de  la  grossière  usurpation  de  ces  médiocres 
prosateurs  et  d'un  autre  côté  les  choses  vont  si  bien  qu'il  sera 


peut-être  inutile  en  France  et  môme  dangereux  d'avoir  6ié  un  trop 
mauvais  poète  cl  qu'il  est  loisible  d'espérer  que  les  quelques 
resliiulions  au  néant  les  plus  immédiatement  nécessaires  auront 
leur  cours. 

C'est  à  cette  déchéance  que  par  malentendu  on  a  aUribué  aux 
symbolistes  le  projet- de  réduire  Victor  Hugo.  Certaines  marques 
de  dépréciation  curent  lieu  à  l'égard  du  grand  poète,  mais  elles 
émanaient  d'univei-sitaircs  difticiles  qui  avaient  montré  pour  la 
poésie -une  incompétence  tournée  à  la  haine  et  ce  serait  dommage 
que  ces  irrévérences  fussent  comptées  à  faux  à  des  jeunes  gens 
qui  n'ont  rien  à  prétendre  au  fâcheux  lustre  de  détracteurs  de  Hugo. 

Je  crois  que  la  situation  de  Hugo  est  celle-ci  :  norniiale,  inévi- 
table, glorieuse.  H  est  entré  dans  ce  silence  préparatoire  où  s'éla- 
bore mystérieusement  l'épuration  d'une  œuvre  léguée  aux  siècles 
par  la  Mort.  Dans  la  sorte  de  respectueux  oubli  où  elle  semble 
être  elle  se  défalque,  dans  l'ombre,  de  son  surcroît  inutile,  les 
parties  caduques  succombent  mais  l'immense  ruine  ne  s'écroule 
que  de  son  superflu.  Ce  sourd  travail  est  le  résultat  d'une  critique 
infinitésimale  et  anonyme.  Tout  lecteur  y  coopère  à  son  insu,  et 
peu  à  peu,  d'elles-mêmes,  les  assises  fondamentales  s'exhausse- 
ront et  le  bloc  d'antique  splendeur  écrite,  et  dans  la  vieille  pierre 
se  lira  maint  hiéroglyphe  sublime  cl  se  verront,  sculptées  et 
sacrées  par  le  Temps,  de  fortes  et  délicates  figures. 

L'œuvre  sortira  de  ce  silence  conforme  à  une  sorte  d'assenti- 
ment général  qui  l'acceptera  alors  sous  un  aspect  vrai  et  monu- 
mental et  chacun  y  saluera,  outre  ce  qu'il  y  préfère,  la  manifes- 
tation d'un  génial  éclat  poétique,  car  chacun  est  intéressé  à  voir 
respecter  ce  dont  il  croit  posséder  en  soi  une  parcelle  aussi  pour 
laquelle  il  aura  le  droit  d'espérer  de  l'avenir  le  même  traitement. 

H.  DE  Régnier.  {Entretiens  •politiques  et  littéraires.) 


L'ART  AUX  SALONS  OFFICIELS 

A  propos  du  Salon  de  Gand  qui  va  s'ouvrir,  citons  une  amu- 
sante «  Causerie  artistique  »  de  M.  Georges  Kaiser  sur  le  Salon 
d'Anvers,  publiée  dans  la  Revue  générale.  Elle  trouve  son  appli- 
cation à  toutes  les  expositions  officielles. 

Cette  constatation,  d'abord  : 

«  ...  Quant  aux  jeunes,  ceux  qui  veulent  être  de  leur  temps  et 
cherchent  autre  chose  que  ce  que  d'autres  ont  trouvé,  il  y  a  belle 
lurette  qu'ils  ont  fui  les  salons  officiels  où  ils  étaient  impitoyable- 
ment refusés,  à  moins  qu'ils  ne  se  résignassent  à  sacrifier  leur 
curiosité  à  l'observation  scrupuleuse  des  règles  admises  à  l'école. 

Groupes  par  groupes,  un  à  un,  ils  s'en  sont  allés,  organisant 
des  expositions  spéciales  où  ils  sont  les  maîtres  et  où  viennent 
avec  confiance  ceux  que  tentent,  en  d'autres  pays,  la  poursuite 
du  neuf.  Ei  nous  avons  eu  ainsi  des  exhibitions  exubérantes  où 
l'originalité  coudoie  le  tape  à  l'œil,  où  il  y  a  de  la  vaillance  et  de 
l'outrecuidance,  -de  la  sincérité  et  de  l'esbrouffe,  des  hardiesses  et 
des  folies,  mais  où  il  y  a  incontestablement  de  la  vie,  de  la  jeu- 
nesse, du  mouvement  et  où  l'on  professe  un  superbe  et  louable 
dédain  des  faveurs  de  l'amateur  ignorant  d'art,  faveurs  que  l'in- 
contestable habileté  de  la  plupart  des  exposants  rendrait  pourtant 
immédiatement  accessibles  s'ils  consentaient  à  se  mettre  au  ser- 
vice de  la  convention  et  de  la  platitude. 

C'est  là,  dans  ces  expositions  spéciales,  que  s'est  réfugié  tout 
l'intérêt  des  salons  officiels.  » 

Parlant  de  la  bizarrerie  des  sujets  traités  dans  les  expositions 


officielles,  M.  Kaiser  cueille  dans  le  catalogue  ces  titres  extra- 
ordinaires : 

«  Les  chats  valent  bien  les  lapins.  —  Esait  et  Jacob.  — 
Charles  V  après  Vélude.  —  Le  jugement  de  Midas.  —  Eurydice. 
—  Tentation  de  saint  Antoine.  —  Aci§  et  Oalathée.  —  La 
chute  de  Prométliée.  —  Pommes  de  terre  a  l'étouffée  !  » 

Et  cetle  drôlerie  :  e  . 

«  Voici  enfin  un  tableau  de  M.  Van  den  Bussche  •:  Charlotte 
Corday  chez  Marat.  M.  Van  den  Bussche  écrit  au  catalogue  :  Le 
13  juillet  il9i,  Charlotte  Corday,  jeune  fille  aussi  bien  élevée 
qu'elle  était  belle  personne {!!!),  se  présente-à  la  porte  de  Marat. 

M.  Van  den  Bussche  peint  comme  il  écrit.  » 

Autre  constatation  plaisante  ù  propos  des  hommes  qui  font 
peindre  leur  portrait  : 

«  Un  de  leurs  désirs  les  plus  fréquents  et  réjouissants  consiste 
à  faire  étalage  de  la  pelisse  qu'ils  possèdent.  Une  belle  pelisse, 
ça  classe.  C'est  une  marque  authentique  de  fortune.  Aux  heures 
de  pose,  en  été  ou  en  hiver  dans  l'atelier  bien  chauffé,  il  doit 
étouffer,  le  pauvre  modèle.  Il  étouffe  en  effet  mais  il  est  stoïque  : 
«  Mon  ami  X...  s'est  fait  peindre  en  pelisse,  il  ne  sera  pas  dit  que 
«  je  passerai  h  mes  descendants  vêtu  d'une  simple  redingote  ». 

11  y  a  pourtant  des  hommes  qui  n'endossent  pas  leur  pelisse  : 
ce  sont  ceux  qui  possèdent  des  décorations.  En  effet,  une  pelisse, 
c'est  bien,  mais  une  décoration,  c'est  mieux.  Et  jusqu'à  présent, 
c'est  encore  moins  porté. 

Un  peintre  (j'aurai  la  discrétion  de  taire  les  noms)  expose  le 
portrait  de  son  père.  Le  père  est  posé  sur  un  petit  tapis  qui  fait 
sur  le  beau  plancher  en  bois  une  tache  d'un  mètre  carré 
environ;  il  porte  l'inévitable  pelisse,  est  melonné  d'un  chapeau 
jaune  et  croise  les  bras  en  une  altitude  de  défi.  Il  esl  adossé  à  la 
muraille,  mais  pour  qu'il  ne  macule  point  ses  beaux  effets,  on  a 
pris  soin  de  pendre  à  un  clou  fiché  dans  le  mur  une  descente  de 
lit  contre  laquelle  il  s'appuie. 

Un  autre  monsieur  s'est  fait  peindre  assis.  Lui  aussi  possède 
une  pelisse,  mais  comme  il  fait  évidemment  trop  chaud  dans 
l'atelier,  il  l'a  ôlée  et  l'a  jetée  négligemment  sur  le  bras  de  son 
fauteuil.  De  cette  façon,  on  la  voit  loul  de  même,  la  pelisse. 
Cependant  le  monsieur  a  l'air  mécontent  et  dans  son  regard 
attristé  apparaît  cetle  préoccupalipn  :  Pourvu  qu'on  ne  croie  pas 
qu'elle  appartient  au  peintre  et  fait  partie  des  accessoires  de 
l'atelier. 

Un  consul  a  posé,  couvert  de  décorations.  A  côté  de  lui,  sur 
une  table,  est  placée  une  sphère  terrestre  et  sur  cette  sphère 
une  marque  indiquant  l'endroit  où  le  consul  a  exercé  ses  fonc- 
tions! 

Un  baryton  peintau  jus  de  groseille  est  exhibé  en  habit  noir, 
une  page  de  musique  dans  les  mains  jointes,  prêt  à  chanter,  la 
jambe  droite  légèrement  posée  sur  la  pointe  du  pied,  le  corps 
reposant  sur  la  jambe  gauche.  » 


LIVRES  ET  BROCHURES 

L'invisible,  par  J.  de  Tallknay,  avec  un  frontispice 
par  Georges  Morrkn.  —  Bruxelles,  Lacomblez. 

^  Un  célibataire,  relativement  riche,  meurt.  Son  âme  est  forcée 
d'assister,  invisible,  à  toutes  les  conséquences  des  fautes  qu'il  a 
commises. 

Système  d'expiation  très  moral  et  plus  doux  que  les  façons 
fourchues  des  diables  d'antan.  J'avoue  que  bien  prouvé  et  démon- 


VART  MODERNE 


263 


iré  par  quelque  savant,  —  n'en  fûl-il  mémo  qu'à  moilié  sûr,  — 
le  procédé  me  tenlerail. 

Tout  le  livre  témoigne,  du  reste,  d'un  ardent  désir  de  concilier 
la  notion  de  l'immorlalilé  de  l'âme  avec  la  science  moderne,  et 
je  connais  toute  une  catégorie  d'esprits  honnêtes  auxquels  cela 
fera  grand  plaisir. 

Le  livre  sort  de  traduction  à  un  frontispice  symbolisant  de 
façon  si  profonde  l'impression  que  M"'^  de  Tallenay  a  voulu 
rendre,  qu'on  se  demande  leiqucl  des  deux,  du  livre  ou  de 
l'image,  a  été  fait  pour  l'autre.  I.  W- 

r 

L'organisation  de  la  Sectioii  archéologique  du  Palais 
du  Peuple  de  Bruxelles.  —  Rapports  présentés  à  la  Société 
d'archéologie  de  Bruxelles  par  Paul  Saintknoy  et  le  baron  Alfred 
DE  LoË  (Extrait  àes  Annales  de  la  Société  d'Archéologie  de Briacellet, 
vol.  V,  1891).  Bruxelles,  A.  Vromant  et  C'«,  30  p. 

Chargée  de  présenter  un  projet  de  section  archéologique  pour 
le  Palais  du  Peuple  que  le  gouvernement  se  propose  d'ériger  au 
Parc  du  Cinquantenaire,  la  Société  d'Archéologie  de  Bruxelles  a 
délégué  deux  de  ses  membres,  MM.  Paul  Saintenoy  et  le  baron 
A.  de  Loô  pour  faire  rapport  sur  l'organisation  de  cette  section. 

Deux  rapports,  l'un  sur  les  Conditions  du  travail  dans  les  temps 
anciens,  l'autre  sur  la  Vie  sociale  attx  grandes  époques  de  l'his- 
toire, ont  paru.  Les  rapporteurs  s'y/uéclarent  partisans  de  la  créa- 
lion  d'une  série  de  salles  consacrées  chacune  à  une  époque  diffé- 
rente et  formant  par  leur  réunion  l'histoire  complète  de  l'industrie 
humaine.  Dans  ces  salles,  des  mannequins  habillés  de  costumes 
exécutés  d'après  les  données  de  la  science  historique  sembleraient 
manier  des  instruments  copiés  sur  ceux  que  nous  onl  légués  les 
siècles  et  seraient  placés  dans  un  décor  constitué  mi-partie  en 
nature,  mi-partie  en  diorama.  Ce  projet,  qu'il  est  question  d'adop- 
ter au  Musée  des  Arts  décoratifs  de  Paris,  est  développé  et  com- 
plètement exposé  par  les  rapporteurs. 

Lies  bottes  de  Pieter  Capperman,  par  Hector 
Van  Doorslaer.  Société  belge  de  Librairie,  Bruxelles,  1892, 16  p. 

Signé  Hector  Van  Doorslaer,  un  conte  de  Noël,  tiré  à  part  après 
avoir  paru  dans  la  Revue  générale  de  janvier.  Un  conte  du  vieil 
Escaut  :  Les  Bottes  de  Pieler  Capperman,  assez  anxieusement 
narré  et  qui  satisfera  à  la  fois  chasseurs,  pêcheurs  et  yachlmen, 
puisqu'il  y  est  dit  comment  Capperman  faillit  périr  par  le  flot  du 
vieux  Schelde  pour  avoir  péché  dans  l'île  de  Saeftingen,  y  avoir 
abattu  force  gibier  à  l'affût  et  n'avoir  pas  regagné  à  temps  son 
duivelander. 

Récit  qui  a  toutes  les  qualités  du  genre  et  qui  joint  à  celles-ci  la 
nationalité:  évocation  de  ce  coin  de  terre  aimé  encore  plus  aujour- 
d'hui qu'autrefois  :  le  Bas-Escaut. 

Causerie  littéraire  semestrielle  (février-mars-avril),  par 
Eugène  Gilbert.  (Extrait  de  la  Revue  générale,  mai  1892.)  Bruxelles, 
Société  belge  de  librairie;  une  plaquette  de  30  pages. 

Le  jeune  secrétaire  de  la  Revue  générale  a  repris  depuis  quel- 
que temps  dans  cet  intéressant  périodique  la  lâche  qu'y  remplis- 
sait M.  Francis  Nautet.  Il  faut  féliciter  M.  Gilbert  du  maintien  de 
certaines  traditions  de  son  prédécesseur.  Il  sait  faire  la  place 
grande  aux  auteurs  nationaux.  Dans  chacune  de  ses  revues  litté- 
raires trimestrielles,  les  lettres  belges  ont  le  pas  sur  les  lettres 
françaises. 

Entre  autres  livres  analysés  dans  le  numéro  du  mois  de  mai, 
citons  le  volume  deM.de  Haulleville,  En  f^acnnces;  le  roman  de 
M.  de  Rcul,  Le  Chevalier  Forelle;  les  Ames  fidèles  au  mystère, 
de  M.  Adolphe  Frères,  et  Z,c  yardin  de  l'Ame,  de  F.  Roussel. 
Appréciations  variées,  sans  parti-pris  et  parfois  de  bon  conseil. 


pHRONiqUE    JUDICIAIRE    DE?    ^RTp 

Appointements  des  artistes.  —  Caractère  alimentaire..  — 
Pouvoir  appréciateur  du  tribunal. 

Dans  un  différend  survertu  entre  MM.  Idrac,  ténor,  et  Voïlus 
Van  Hammc,  directeur  du  Grand  Théâtre  de  Gand,  le  Tribunal 


civil  de  la  Seine  a  rendu  une  décision  intéressante  en  matière  de 
saisie-arrêt. 

M.  Idrac  s'était  engagé  à  Gand  pour  six  mois  (saison  de  1890-91) 
en  qualité  de  second  ténor,  avec  stipulation  d'un  dédit  de 
3,600  francs.  Quelques  jours  après,  l'artiste  écrivait  à  son  direc- 
teur :  «  ...  Je  viens  de'  prendre  le  parti  de  renoncer  au  théâtre; 
je  suis  employé  dans  une  maison  de  commerce,  où  je  n'aurai  pas 
les  ennuis  ni  les  tourments  que  l'on  a  dans  un  théâtre,..  »  En 
même  temps,  il  signait  un  engagement  de  dix-huit  mois  à  l'Opéra 
de  Paris. 

M.  Voïtus  Van  Hamme,  trouvant  le  procédé  un  peu  cavalier, 
agit  avec  la  même  désinvolture  et  fil  opposition  sur  les  appointe- 
ments de  l'artiste  pour  avoir  paiement  du  dédit  stipulé. 

On  plaida.  M.  Idrac  souleva  une  fin  de  non-recevoir  tirée  de  ce 
que  M.  Voltus  Van,Hamme,  qui  était  en  état  de  liquidation  judi- 
ciaire au  moment  de  la  saisie-arrêt,  avait  procédé  sans  l'assis- 
tance de  son  liquidateur.  Mais  le  directeur  établit  qu'il  avait 
obtenu  antérieurement  un  concordai,  dûment  homologué,  et  le 
tribunal  repoussa  le  moyen. 

Au  fond,  M.  Idrac  soutint  que  son  traitement  (300  francs  par 
mois)  était  à  peine  suffisant  pour  ses  besoins  et  ceux  de  sa  famille, 
qu'il  avait  donc  un  caractère  alimentaire  et  devait  être  affranchi 
des  effets  de  la  saisie. 

Le  jugement  décide  qu'il  appartient  aux  tribunaux  d'apprécier 
si  les  traitements  des  employés  des  particuliers  peuvent  être 
considérés  comme  alimentaires  et  affianchis  à  ce  litre  dans  une. 
certaine  proportion  des  effets  de  la  saisie; 

(Jue,  d'après  les  renseignements  versés  aux  débats,  il  y  a  lieu 
de  reconnaître  au  traitement  d'Idrac  le  caractère  alimentaire 
jusqu'à  concurrence  de  moitié,  soit  150  francs  par  mois,  et  de 
ne  faire  porter  les  effets  de  la  saisie  que  sur  l'autre  moitié; 

Par  ces  motifs. 

Condamne  l'drac  à  payer  à  Voïtus  Van  Hamme  la  somme  de 
3,600  francs  pour  les  causes  sufénoncées,  avec  intérêts  de  droit  ; 

Valide  la  saisie-arrêt,  avec  ses  conséquences  de  droit; 

Dit,  toutefois,  que  les  effets  en  sont  réduits  à  la  moitié  des 
appointements,  l'autre  moitié  en  étant  affranchie  comme  ayant  un 
caractère  alimentaire; 

Condamne  Idrac  aux  dépens. 


fETITE    CHROJ^IQUE 

Le  jury  chargé  de  décerner  les  récompenses  aux  artistes  qui  ont 
participé  à  l'Exposition  internationale  des  Beaux-Arts  de  Munich, 
a  attribué  une  médaille  d'or  de  1'*  classe  à  MM.  Claus  et  Constantin 
Meunier. 

La  médaille  d'or  de  2»  classe  a  été  décernée  à  MM.  Rosier, 
Burnin,  Verheyden,  Paul  Dubois  et  Baes.  ,  . 

M"^  E.  Beernaerl  et  MM.  Abry,«Clays,  Jef  Lambeaux,  Lamori- 
nière,  Portaels,  Frans  Vart  Leempulten  et  Van  Havermaet  étaient 
placés  hors  concours. 

La  Belgique  a  d'autant  plus  à  se  féliciter  de  ce  brillant  succès, 
qu'elle  a  obtenu  le  même  nombre  de  dislinctions  que  l'Allemagne 
et  la  France.  {Communiqué.) 

Du  Gil  Blns,  ce  vivant  portrait  de  Puvis  de  Chavannes  : 
L'allure  distinguée,  sérieuse  d'un  médecin  chic,  —  ceux  qu'on 
appelle  monsieur  le  professeur.  Grand,  le  dos  un  peu  voûté,  le 
visage  affable  et  pensif  avec  la  barbe  presque  blanche  et  les 
cheveux  coupés  court.  Parle  peu.  S'emballe  rarement.  Poursuit 
son  rêve  d'art  avec  l'entêtement  doux,  le  dédain  de  la  foule  qui 
est  la  caractéristique  des  maîtres.  Un  primitif  égaré  dans  cette  fin 
de  siècle.  Eût  jadis  décoré  de  fresques  mystiques  quelque  campo- 
santo  et  des  nefs  de  cathédrale.  Païen  épris  de  la  forme,  de  l'argile 
idéale  dont  parle  le  poète.  Lutta  longtemps  contre  les  quolibets 
des  sots  et  des  faiseurs  de  mots.  S'en  consolait  en  travaillant  pour 
la  gloire.  Calme,  ayant  de  |a  race  jusqu'au  bout  de  ses  mains 
nerveuses  et  fines.  Etait  fait  pour  les  présidences.  A  créé  toute 
une  école  d'imitateurs  et  semble  dans  l'art  moderne  quelque  béat 
extasié  qui  se  cl  oïl  re  hors  de  la  vie,  qui  prêche  uniquement  le 
culte  éternel,  immuable  du  Beau.  . 


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Bruxelles.  —  Imp.  V*  Monnom,  32,  rue  de  l'Induatrie. 


Douzième  année.  —  N°  34. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  21  Août  1892. 


L'ART 


PARAISSANT    LB    DIMANCHE 


REVDE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,    fr,    13.00.    —ANNONCES  :    On  traite  A   forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  l^Art  Moderne,  rue  de  rindustrie,  32,  Bruxelles. 


30MMAIRE 


Félicien  Rops  (Suite).  —  Le  poète.  Essai  par  R.-W.  Emerson. 
—  CoNSTASTi.s  Meunier.  —  Musiciens  d'orchestre.  —  Chronique 

JUDICIAIRE    des    arts.    PETITE   CHRONIQUE. 


FELICIEN  ROPS 


(1) 


Certes,  ponrrais-je  encore  donner  d'autres  preuves  de 
l'attachement  de  Rops  au  sol  flamand.  Celles- là  suffisent. 
Et  ce  mal  d'un  pays  est  bien  un  signe  de  race.  C'est  le 
«  vieil  ancêtre  "  qui  insuffle  de^ostalgies  au  plus  pro- 
fond des  os.  «  Mes  bons  sables  de  Flandre  sont  pour  moi 
de  nécessité  morale  »,  écrivait  Rops  en  octobre  dernier. 

Cette  nostalgie  s'est  évidemment  manifestée  dans  son 
art  et  le  sang  de  sa  race  a  dû  lui  prodiguer  ses  patriales 
qualités. 

Mais  qu'est  l'art  flamand  aujourd'hui  et  comment  s'est- 
il  démontré? 

Certes,  il  ne  faudrait  songer  à  reconstituer  la  mystique 
école  de  Bruges  ni  la  pléiade  rubénienne.  Tous  ceux  qui 
ont  voulu  rallumer  les  flambées  .jordaenesques  n'ont  fait 
que  des  feux  de  joie  et  une  plate  imitation  de  Mejnling 
a  suscité  une  sotte  et  vile  bande  de  détestables  peintres. 

(1)  Suite.  Voir  notre  dernier  numéro. 


D'autre  part,  ce  n'est  pas  en  empâtant  un  tableau 
d'huiles  et  dé  bitumes  qu'on  retrouve  la  solidité  des 
maîtres  de  jadis  et  il  ne  suffit  d'imaginer  des  sujets  com- 
muns pour  ressusciter  les  beuveries  de  Brouwer  ou  les 
kermesses  de  Vinksboom. 

On  constate  dans  l'art  flamand  actuel,  qu'il  soit  pro- 
duit par  le  pinceau  d'un  De  Braekeleer  ou  qu'il  s'empoé- 
tise  dans  les  légendes  d'un  Maeterlinck  ou  dans  les  vers 
d'un  Verhaeren,  une  profonde  et  étrange  mélancolie. 
C'est  comme  un  reflet  d'un  passé  puissant  qui  surgit  tout 
à  coup.  M.  Ernest  Verlant  disait  récemment,  à  ce  pro- 
pos, dans  la  Revue  générale,  que  chez  certains  artistes 
de  notre  pays,  «  comme  par  un  retour  atavique  vers  la 
grande  époque  de  la  race,  les  anciens  peintres  endormis 
semblaient  revenir,  avec,  en  plus,  une  sorte  de  tristesse 
nostialgique  d'être  ainsi  bannis  de  leur  siècle  natif  et  de 
leur  renaissance  superbe  ".  Ou  dirait  le  «  chant  du 
cygne  «  d'un  peuple  qui  sort  sa  dernière  flore,  une  flore 
atteinte  déjà  des  premières  beautés  de  la  mort,  et  même 
lorsqu'un  Eekhoud  exalte  les  mœurs  rustiques,  il  ne  se 
débarrasse  d'une  angoissante  nostalgie  et  ne  se  dévêt  de 
morbidité. 

Certes,  Rops,  bien  qu'il  ait  illustré  les  livres  de  Charles 
De  Coster,  a  bien  peu  sacrifié  à  ce  sentiment,  assez 
récent;  d'ailleurs.  Mais  parmi  les  legs  faits  par  les  vieux 
peintres  aux  artistes  d'aujourd'hui,  on  trouve  encore  la 
robuste  manière  de  peindre  de  Leys,  de  Joseph  Stevens, 


266 


L'ART  MODERNE 


de  De  Braekeleer.  Là  s'avèrent  le  côté  sanguin  du  passé 
et  la  vigueur  ancestrale.  Là  se  trouve  l'origine  de  cette 
pléiade  de  porte-pinceaux,  qui,  bien  que  notablement 
réveillée  par  Gustave  Courbet,  lui-même  imitateur  des 
Fyt  ou  des  Snyders,  a  constitué  une  |très  glorieuse  et 
assez  nombreuse  école  belge  de  peinture  dont  on  ne 
trouve  plus  de  trace  aujourd'hui  qu'en  deux  ou  trois 
très  rares  peintres,  tels  que  Xavier  Mellery,  Henry  De 
Groux,  Théo  Van  Rysselberghe  ou  James  Ensor.  Une 
renaissance  picturale  s'était  faite,  il  y  a  quelque  trente 
ans,  et  dans  les  provinces  flamandes  on  a  pu  constater 
alors  une  force  incontestable  et  une  puissance  latente. 

C'est  cette  robustesse  qui  caractérise  le  Rops  fla- 
mand. Il  a  été,  dans  sa  jeunesse,  fortement  inspiré  par 
Gavarni.  Comparez  pourtant  les  dessins  du  journal 
YUlenspiegel  avec  ceux  des  Lorettes.  L'artiste  belge, 
peut-être  inférieur  alors  en  prestesse  et  en  finesse,  se 
distingue  d'emblée  par  un  «  faire  »  plus  solide  et  plus 
«  peintre  »,  en  des  recherches  de  noirs  gras,  des  équi- 
libres d'ombres,  des  blancs  lumineux  :  le  crayon  s'écrase 
en  pinceau  sur  le  papier.  Cette  qualité  foncière,  Rops 
ne  la  doit  au  pays  de  Wiertz,  mais  bien  à  la  souche  qui 
a  produit  Hais  et  Craesbeek. 

Ce  sentiment  s'étend  à  l'œuvre  entier,  comme  les 
veines  qui  s'infiltrent  dans  un  corps.  Cette  force  native 
et  patrimoniale  s'applique  au  symbole' de  c  hoses  éter- 
nelles et  plus  vastes  que  les  manifestations  d'un  art 
autochtone,  car  Rops  est  de  ceux  qui,  par  leur  génie, 
appartiennent  plus  au  monde  qu'à  une  contrée. 

Mais  lorsque  ce  don  de  vigueur  sert  à  effigier  une 
figure  des  Flandres,  combien  Rops  se  révèle  descen- 
dant des  anciens  maîtres  de  cette  terre,  avec  un<î  force 
placide  et  un  charnu  extraordinaires!  Voyez  cette 
planche  maltresse  :  L'Experte  en  dentelles.  L'imagi- 
nation aussitôt  évoque  un  coin  de  bourgade,  dans  ce 
pays,  au  delà  de  l'Escaut,  où  les  femmes  portent  au 
front  des  plaques  d'or.  L'experte  est  assise  dans  un  fau- 
teuil. Sur  ses  genoux,  une  loupe,  des  dentelles.  Un 
bonnet  hollandais  aux  ailes  transparentes  la  coiffe; 
sur  sa  solide  poitrine  se  croise  un  grand  fichu.  Belle 
et  tranquille  figure,  aux  lèvres  volontaires,  dans  un 
visage  massif,   puissamment  modelé  et  troué  d'yeux 
ardents  et  gris,  qui  dénotent  une  sœur  de  ces  pêcheurs 
dont  les  barques  s'aperçoivent  par  une  fenêtre  à  guil- 
lotine. De  la  lumière  tombe  par  les  vitres  dans  l'appar- 
tement, couvrant  le  bonnet  dé  la  femme,  ses  épaules, 
ranimant  dans  leur  pénombre  les  boucles  d'argent  de  sa 
ceinture,  jetant  un  rai  à  la  loupe,  un  baiser  aux  mains, 
qui  tâtent  d'un  geste  habituel  un  entre-deux  déroulé. 
Au  dehors,  dorment  les  quais,  avec  les  bateaux  au  repos , 
sous  le  ciel  brumeux.  Dans  la  chambre  basse,  à  l'atmo- 
sphère cossue,  fleurie  de  cyclamens  sur  le  rébord  de  la 
fenêtre,  la  Hollandaise  passe  sa  vie  à  contempler  ces 
barques  et  ces  dentelles;  et  cette  quiétude  lui  a  donné 


ce  masque  de  paix  puissante  et  réfléchie.  Il  y  a  de  l'âme 
tout  plein,  qui  imprègne  la  chair  bien  frappée  de  ce 
visage.  L'eau-forte  est  aussi  brûlante  de  vie,  malgré  la 
physionomie  paisible  du  sujet,  que  lorsque  Rops  égra- 
tigne  le  cuivre  pour  en  faire  jaillir  quelque  regard  sadique 
de  fille  parisienne.  Et  quelle  harmonie  d'une  pénombre 
riche  en  noirs  savamment  gammés,  tombant  jusqu'au 
bas  de  la  planche  en  torrent  somptueux,  et  réveillés  par 
les  mises  en  lumière  des  poignets,  des  mains,  du  bonnet, 
qui  allument  comme  des  diamants  de  lueur  savoureuse 
sur  le  velours  opulent  du  coloris! 

A  côté  de  cette  femme  saine  et  honnête,  voici  la  Vieille 
gouge,  riant  du  rire  d'une  femme  de  Jan  Steen,  dans 
cette  petite  eau-forte  d'un  noir  sanguin,  où  s'élargissent, 
épaisses,  ses  lèvres  de  faunesse,  qui  ont  dû  faire  l'or- 
gueil lascif  de  maint  cabaret.  Sous  son  bonnet,  pointent 
à  ses  tempes  deux  boutons  d'or.  «  On  dirait  un  Frantz 
Hais!  »  s'écrie  Erastène  Ramiro. 

Elle  est  parente  aussi  de  cette  Anversoise,  ébauchée 
à  larges  traits,  une  main  dans  la  poche  de  son  tablier 
de  marchande  de  crevettes,  —  et  surtout  de  cette 
«  saoulée  »  de  Dimanche,  croquée  à  Heyst,  et  qui  dort 
près  d'un  pot  et  d'un  verre,  les  bras  nus  allongés  sur 
une  table  d'estaminet,  ses  sabots  passant  sous  ses  cottes  ; 
ses  seins  jaillissent  insolemment  de  son  corsage  délacé, 
tandis  que  son  bonnet  chiff'onné  couvre  comme  une 
fleur  de  capucine  le  sommeil  de  ses  cils  noirs  et  de  sa 
bouche  goulue. 

Voici  une  eau-forte  exquise  :  La  laitière  anversoise. 
C'est  une  paysanne  vue  de  profil,  le  front  bas,  le  nez  épais, 
la  lèvre  supérieure  retroussée  et  fraîche,  avec  une  chair 
de  buveuse  de  lait.  Coiff'ée  à  la  vierge,  elle  porte  ses 
cheveux  noirs  lisses  sous  un  grand  chapeau  de  paille  de 
Campinoise,  orné,  à  la  nuque,  d'un  carré  de  soierie.  La 
jeune  rustaude  ^st  vêtue  d'une  longue  robe  sans  nul 
colifichet,  d'un  tablier,  et  elle  porte  sur  les  épaules  le 
large  foulard  rustique  àes  Flamandes.  Devant  elle,  à 
hauteur  de  la  taille,  elle  tient  une  grande  cruche  en 
cuivre.  Le  sentiment  du  profil  est  d'une  chaste  déli- 
catesse de  ligne  qui  ferait  presque  songer  aux  gothiques 
et  l'étofl'e  du  châle  est  quasiment  traitée  à  la  Terburg. 

Mais  les  ans  viennent,  qui  mangent  les  chairs  blondes 
et  jaunissent  le  sang.  Les  dos  vigoureux  se  courbent 
sur  les  croupes  lasses  et  les  ardentes  payses,  hélas  ! 
devant  l'efféuillement  de  leur  fraîcheur,  vieillissent  au 
coin  de  leur  âtre.  Alors  c'est  Oude  Kate,  la  pelouse  de 
pommes  de  terre,  au  masque  édenté.  C'est  le  Vieux  Claés 
et  la  tante  Johanna  penchant  sur  le  bout  d'un  poêle  de 
Louvain  leurs  profils  caducs  d'amateurs  de  café,  en 
écoutant  chantonner  la  bouilloire.  C'est  la  Vieille  Fla- 
mande couverte  d'un  mouchoir  à  bordure,  ou  l'antique 
Smetse  Smée,  besognant,  à  la  lueur  d'une  chandelle, 
une  bonne  mixture  qui  la  guérisse  de  son  catarrhe.  Et 
revoilà  Ma  tante  Johanna,  seule,  cette  fois,  sous  son- 


LART  MODERNE 


267 


grand  chapeau  de  Campine,  et  sise  en  sa  cuisine,  près 
d'une  rangée  d'assiettes  alignées  sur  un  dressoir,  son- 
geant au  vieux  Claës  que  les  bons  anges  mangeurs  de 
pape  au  riz  dorée  sont  venus  prendre  en  une  nuit  bien 
triste. 

Que  nous  sommes  loin,  ici,  sous  ce  ciel  plantureux, 
Ae  Xdi  Buveuse  d' absinthe  !  Là-bas  la  fille  mordue  par 
le  "  poison  vert  "  appuyé  son  échine  vannée  sur  une 
colonne  de  Bal  Mabille  et  il  semble  que  la  faulx  de  la 
Mors  syphilitica  va  couper  le  fil  ravagé  de  sa  vie  Ici,  la 
vieille  gouge  a  encore  le  rire  aux  lèvres,  l'œillade  vigou- 
reuse et  la  main  preste;  elle  est  bien  portante,  malgré 
des  beuveries  et  des  ribauderies,  et  elle  finira  à  regret 
par  "  se  ranger  "  près  de  son  "  coquemar  ",  quand 
elle  ne  pourra  plus  servir  à  boire  aux  joueurs  de  quilles 
qui  lui  pincent  la  taille.  Nous  sommes  en  un  pays  de 
pulpe  florissante  et  la  névrose  n'a  guère  prise  sur  ces 
tempéraments  pléthoriques  et  équilibrés. 

C'est  sans  doute  au  même  foyer  aussi  que  Rops  a 
puisé  son  amour  de  la  chair.  Certes,  on  rencontre,  en 
des  coins  sinistres  de  son  œuvre,  de  ces  macabres  mai- 
greurs où  se  devine  comme  un  spectre  sous  des  cheveux 
ornés  de  roses,  ou  au  fond  d'yeux  approfondis  par  les 
fascinations  du  vice,  et  l'on  dirait  parfois  que  le  squelette 
qui  pousse  à  la  charrue  du  laboureur  d'Holbein  soit 
revenu  se  vêtir  de  la  défroque  d'une  fille. 

Mais  où  est  le  type  préféré  de  la  femme  ropsique  ? 

Grande,  appétissante  et  riche  en  charmes,  telle  est  la 
mye  au  grand  chapeau  Rubens  cachant  mal  un  bonnet 
de  folie,  et  qui,  porteuse  d'une  tête  de  mort  renversée 
d'où  jaillissent  de  l'avoine  et  des  fleurettes,  doit  servir 
de  frontispice  aux  œuvres  du  maître.  C'est  sa  muse, 
semble-t-il,  pour  laquelle  il  burine  ses  imaginations  les 
plus  gracieuses,  car  il  se  confesse  à  elle  :  «  Vère,  ma 
mye,  ne  sont  en  ma  paouvré"  cervelle  que  hannetons 
voletants,  flourettës  primererdières  et  folles  avènes.  Ce 
qui  est  grand'pitié  p^r  yceux  qui  moyennant  force 
patards,  laborent  es  académyes,  le  gésier  tout  aorné  et 
paulmé  d'or  et  enchargié  de  mesdailles  avec  un  chief 
vilainement  catarrheux^  branlant  et  besicleux  »»,  ou  bien 
il  lui  avoue  :  «  Ainsi  vais-je,  dolent  ou  joyeux,  ma  mye; 
ne  portant  comme  le  sage  Byas  que  bras  ballants,  et  en 
mon  escarcelle  qu'une  penne  d'aronde  pour  te  pourc- 
traire  par  les  chemyns.  Et  cela  doucettement  en  grande 
paour  des  gens  d'armes  et  des  grands  bailHfs,  lesquels 
n'aiment  moult  les  affranchis  faisant  mestier  de  folie  ». 
Sa  muse  —  ou  sa  mye  —  n'est  donc  pas  que  coquette  et 
éveillée,  comme  serait  celle  de  Gavarni  ;  elle  n'est  non 
plus  hiératique,  ainsi  qu'on  se  figurerait  la  déesse  au 
lotus  présentant  à  Gustave  Moreau  l'écrin  bizarre  où  il 
choisit  ses  pierreries.  Elle  n'est,  comme  les  gamines  de 
Forain,  salace,  maigrichonne,  insolente  et  roublarde  : 
elle  est  vivante,  belle  en  chair  et  doit  faire  un  délicieux 
régal  pour  un  goulu  d'amour. 


Dans  la  Tentation  de  saint  Antoine,  c'est  un  «  mer- 
veilleux corps  féminin,  pareil  à  de  la  lumière  incarnée  « 
ainsi  que  dit  Camille  Lemonnier,  —  qui  dresse  à  la 
place  du  Jésus  en  bois  vert  et  vermoulu  qui  s'écroule, 
le  triomphal  incendie  de  son  torse  impudique,  de  son 
ardent  visage,  de  sa  flambante  chevelure  de  soleil.  Voilà, 
à  travers  les  âges,  une  sœur  des  femmes  de  Rubens,  aussi 
altière  en  santé,  aussi  rayonnante,  mais  séduisamment 
viciée  par  un  air  canaille  de  catin  de  Bas-Empire  qui 
versé  à  ce  corps  épanoui  la  capiteuse  essence  des  volup- 
tés d'un  siècle  de  décadence. 

La  figure  de  Pornocratès  est  aussi  solide  et  bien  bâtie 
dans  sa  nudité  vigoureuse  :  elle  a  été  plantée  d'un  jet 
robuste  sur  cette  cormche  où  des  anges  pleurent  ironi- 
quement la  mort  des  arts. 

Partout  s'élèvent  des  cariatides  superbes  soutenant 
l'œuvre  noire  et  macabre,  et  jusque  dans  la  plus  angois- 
sante eau-forte  elles  font  protester  le  charme  de  la  chair, 
comme  des  roses  prêtes  à  se  perdre  dans  un  sombre 
marais  malicieux. 


LE  POÈTE 

(Traduction   inédite.) 

Un  fantasque  enfant,  follement  .sage, 

Suivait  le  jeu  de  ses  yeux  joyeux,  \ 

Qui,  comme  des  météores;  choisissaient  leur  voie 

Et  fendaient  la  nuit  de  leur  rayonnement  intime  : 

Ils  dépassaient  les  bornes  de  l'horizon 

Qu'ils  fouillaient  par  le  privilège  d'Apollon  ; 

A  travers  l'homme,  la  femme,  la  mer  et  l'étoile. 

Ils  voyaient  au  loin  la  danse  de  la  nature  dans  l'avenir  ;  — 

A  travers  les  mondes,  les  races,  les  mots  et  les  temps, 

Ils  voyaient  l'ordre  musical  et  les  rimes  accouplées. 

Bardes  olympiens  qui  chantèrent 

Les  idées  divines  ici-bas, 

Qui  nous  trouvent  toujours  Jeunes 

Et  nous  gardent  toujours  tels! 

Ceux  qu'on  prend  pour  les  arbitres  du  goût  sont  souvent  des 
gens  qui  ont  acquis  une  certaine  connaissance  des  peintures  ou 
sculptures  célèbres  et  qui  ont  un  penchant  pour  tout  ce  qui  est 
élégant  ;  mais  si  votis  demandez  si  ce  sont  de  belles  âmes,  et  si 
leurs  actes  sont  comme  de  belles  œuvres  d'art,  vous  apprenez 
qu'ils  sont  égoïstes  et  sensuels.  Leur  éducation  est  partielle,  et, 
comme  cette  bûche  qui,  frottée  contre  une  autre,  ne  peut  produire 
d'étincelle  que  sur  un  seul  point,  leur  être  entier  est  incapable  de 
s'enflammer. 

Leur  connaissance  des  beaux-aris  consiste  dans  l'étude  de  quel- 
ques règles  et  de  quelques  particularités,  ou  dans  un  jugement 
limité  des  couleurs  ou  des  formes,  exercé  par  délassement  ou  par 
vanité.  Une  preuve  de  la  mesquinerie  de  là  doctrine  du  beau  dans 
l'esprit  de  nos  amateurs,  c'est  qu'ils  semblent  avoir  perdu  cette 
perception  :  que  la  forme  dépend  étroitement  de  l'âme.  11  n'y  a 
pas  de  doctrine  de  la  forme  dans  la  philosophie  actuelle.  Elle 
semble  croire  que  nous  avons  été  jetés  dans  nos  corps,  comme  le 


feu  qu'on  jelte  dans  un  récipient  pour  le  transporter  ;  qu'il  n'y  a 
encore  en  nous  aucune  adaptation  bien  exacte  de  l'organe  à  l'es- 
prit, —  et,  généralement  du  moins,  que  l'organe  est  encore  bien 
moins  la  floraison,  la  germination  de  l'esprit.  De  même,  à  propos 
d'autres  formes,  des  hommes  intelligents  ne  croient  pas  que  le 
monde  matériel  dépende  de  la  pensée  ou  de  la  voliiion.Dcs  théo- 
logiens trouvent  que  la  signification  symbolique  d'un  vaisseau, 
d'un  nuage,  d'une  cité  ou  d'un  contrat  est  une  métaphore  très 
décorative  ;  mais  ils  préfèrent  en  revenir  au  terrain  solide  de  l'évi- 
dence historique  ;  les  poètes  eux-mêmes  se  contentent  de  vivre 
d'une  manière  bourgeoise  et  conforme  à  celle  de  li'urs  voisins,  et 
ils  confectionnent  volontiers  leur  poème  d'après  leur  imagination, 
à  une  salutaire  distance  de  leur  propre  expérience.  Mais  les  esprits 
les  plus  élevés  de  ce  monde  n'ont  jamais  cessé  d'explorer  pareux- 
jnômes  la  double  signification,  —  que  dis-je?  la  quadruple,  la 
centuple  signification  de  tout  fait  sensationnel  :  témoins  Orphée, 
Empédocle,  Heraclite,  Platon,  Plutarque,  Dante,  Swedenborg  et 
tous  les  maîtres  de  la  sculpture,  de  la  peinture,  de  la  poésie.  Car 
nous  nc-sommos  pas  des  véhicules  du  feu,  ni  même  des  porte- 
flambeaux,  mais  bien  des  enfants  du  feu,  faits  de  sa  substance; 
nous  avons  élé  créés  par  lui,  nous  sommes  cette  divinité  même, 
nous  n'en  sommes  éloignés  que  de  deux  ou  trois  degrés  peut-être, 
au  moment  où  nous  y  pensons  le  moins.  Et  celte  vérité  cachée, 

—  que  les  sources  d'où  coulent  le  temps  et  toutes  ses  créatures 
sont  intrinsèquement  idéales  et  belles,  —  nous  conduit  à  consi- 
dérer la  nature  et  les  fonctions  du  Poète, —  ou  l'homme  du  Beau, 

—  les  moyens  et  les  matériaux  dont  il  se  sert  et  l'aspect  général 
de  l'art  à  notre  époque. 

Le  problème  est  vaste,  car  le  poète  est  un  représentant.  Parmi 
d'autres  hommes  incomplets,  il  est  l'homme  complet  et  ne  nous 
renseigne  pas  seulement  sur  sa  propre  richesse,  mais  sur  la 
richesse  commune.  Le  jeune  homme  vénère  les  hommes  degénie, 
parce  que,  à  dire  vrai,  ils  sont  davantage  lui, qu'il  ne  l'est  lui- 
même. 

Ils  participent  de  l'ftme  universelle  comme  lui,  mais  plus  que 
lui.  Aux  hommes  aimants,  la  Nature  paraît  plus  belle  quand  ils 
croient  qu'un  poète  en  jouit  en  méme.:ternps  qu'eux.  Le  poète  est 
isolé  au  milieu  de  sesconlemporains  par  la  vérité  et  par  son  art, 
mais  il  peut  se  consoler  en  pensant  que  cet  art  attirera  les  hommes 
tôt  ou  tard.  Car  tous  les  hommes  vivent  de  vérité  et  éprouvent  le 
besoin  de  s'exprimer.  Dans  l'amour,  dans  l'art,  dnns  l'avarice, 
dans  la  politique,  dansle  travail,  dahs  le  jeu,  nous  nous  efforçons 
d'articuler  notre  pénible  secret.  L'homme  n'est  qu'une  moitié  de 
lui-même.  L'autre  moitié  est  son  expression. 
•  Malgré  ce  besoin  d'être  publiée,  l'expression  exacte  est  rare.  Je 
ne  sais  comment  il  se  fait  que  nous  ayons  besoin  d'un  interprète; 
mais  on  dirait  que  la  grande  majorité  des  hommes  se  compose  de 
mineurs  qui  ne  sont  pas  encore  en  possession  de  leur  avoir,  ou 
de  muets  qui  ne  peuvent  rendre  compte  de  leur  conversation  avec 
la  nature.  Il  n'y  a  pas  d'homme  qui  ne  s'attende  à  découvrir  au 
soleil,  aux  étoiles,  à  la  terre,  à  l'eau,  une  utilité  surnaturelle.  Il 
semble  que  ces  choses  vont  lui  rendre  un  service  particulier.  Mais 
une  obstruction  quelconque,  quelque  excès  de  phlegme  dans  notre 
constitution  les  empêche  de  produire  leur  effet.  Les  impressions 
de  la  nature  nous  touchent  trop  peu  pour  faire  de  nous  des  artistes. 
Chaque  coup  devrait  nous  faire  vibrer.  Tout  homme  devrait  être 
assez  artiste  pour  rendre  par  sa  conversation  ce  qui  lui  est  arrivé. 
Et  cependant  notre  expérience  nous  prouve  que  des  rayons  qui 
ont  une  force  suffisante  pour  arriver  jusqu'à  nos  sens,  n'en  ont 


pas  assez  pour  nous  toucher  au  vif  et  nous  forcer  h  les  reproduire 
par  la  parole. 

Le  poète  est  celui  on  qui  ces  facultés  sontéquilibrées,  l'homme 
qu'aucune  faiblesse  ou  infirmité  n'empêche  d'arriver  à  s'exprimer, 
qui  voit  et  manie  les  choses  dont  d'autres  ne  font  que  rêver,  qui 
traverse  toute  l'échelle  de  l'expérience,  qui  représente  l'homme 
entier,  parce  qu'il  possède  le  plus  gi'and  pouvoir  de  recevoir  et 
de  rendre. 

Car  rUnivrrs  a  trois  enfants,  nés  le  même  jour,  qui  réapparais- 
sent sous  différents  noms  dans  tout  système  de  pensée,  —  qu'on 
les  appelle  cause,  opération,  effet,  ou  plus  poétiquement  Jupiter, 
Platon,  Neptune,  ou  théologiquemenl,  le  Père,  le  Fils  et  le  saint 
Esprit;  mais  que  nous  appellerons  ici,  celui  qui  sait,  celui  qui 
agit,  celui  qui  dit.  Ils  représentent  respectivement  l'amour  du 
vrai,  l'amour  du  bien,  l'amour  du  beau.  Ces  trois  choses  sont 
égales.  Chacune  d'elles  est  ce  qu'elle  est,  de  par  son  essence,  de 
sorte  qu'on  ne  peut  ni  la  dépasser  ni  l'analyser,  et  chacune  de  ces 
trois  choses  contient  d'une  façon  latente  le  pouvoir  des  deux 
autres  et  sa  propre  affirmation. 

Le  poète  est  celui  qui  dit,  celui  qui  nomme  et  représente  le 
beau.  Il  est  souverain,  il  occupe  un  centre.  Car  le  monde  n'a  pas 
été  peint  ni  orné,  il  était  beau  dès  le  commencement.  Et  Dieu  n'a 
pas  créé  plusieurs  choses  belles,  mais  la  beauté  a  été  créatrice  de 
l'univers.  De  sorte  que  le  poète  n'est  pas  un  potentat  constitution- 
nel, il  est  empereur,  de  par  son  propre  droit.  La  critique  est 
infestée  d'un  jargon  de  matérialisme  qui  semble  affirmer  que 
l'adresse  et  l'activité  manuelles  sont  les  plus  grands  mérites  de 
tous  les  hommes  et  de  chacun  en  particulier,  et  elle  méprise  ceux 
qui  n'ont  pas  cette  adresse  et  qui  ne  font  rien;  elle  ignore  le  fait 
que  certains  hommes  —  les  poètes  —  sont  naturellement  des 
diseurs,  envoyés  dans  le  monde  dans  un  but  d'expression;  elle  les 
confond  avec  ceux  dont  le  rôle  était  l'action,  mais  qui  l'ont  aban- 
donnée pour  imiter  les  diseurs.  Mais  à  Homère,  les  paroles 
d'Homère  semblent  aussi  précieuses,  aussi  admirables  que  les 
victoires d'Agamemnon  le  sont  pourAgamemnon.  Le  poète  n'attend 
pas  pour  écrire  qu''il  ait  vu  le  héros  et  le  sage,  màï^ ainsi  qu'ils 
agissent  et  pensent  d'après  leur  premier  instinct,  lui,  écrit  selon 
son  premier  instinct  ce'qui  veut  être  écrit,  ce  qui  doit  être  écrit; 
estimant  que  l'instinct  des  autres,  quoique  premier  et  spontané 
aussi,  n'est,  par  rapport  à  lui,  que  secondaire  et  accessoire;  il 
les  considère  comme  des  modèles  dans  l'atelier  d'un  peintre  ou 
comme  des  aides  apportant  des  matériaux  de  construction  h  un 
architecte. 

Car  toute  poésie  a  été  écrite  avant  que  le  temps  existât  et  quand 
l'un  de  nous  est  assez  bien  organisé  pour  pénétrer  dans  ces 
régions  où  l'air  est  musique,  il  entend  et  comprend  ces  gazouille- 
ments primitifs,  il  essaie  de  les  rendre;  mais  il  perd  çà  et  là  un 
mot  ou  un  vers,  il  y  substitue  quelque  chose  de  son  cru,  et  le 
poème  est  faussé,  gâté.  Ceux  qui  ont  l'oreille  plus  fine  écrivent 
ces  cadences  plus  fidèlement,  —  et  ces  transcriptions,  quoique 
imparfaites,  deviennent  les  chants  des  nations.  —  Car  la  nature 
est  aussi  belle  qu'elle  est  bonne  ou  qu'elle  est  pondérée,  et  elle 
doit  paraître  —  être  vue  et  admirée  —  autant  qu'elle  est  connue 
et  qu'elle  est  «  agie  »  ou  mise  en  action.  Les  faits  et  les 
paroles  sont  indifféremment  les  modes  d'action  de  l'énergie 
divine.  Les  paroles  sont  aussi  des  actions  et  les  actions  sont  des 
espèces  de  paroles. 

{A  continuer.) 


^ 


'  :  T-'n 


CONSTANTIN  MEUNIER  W 

Tous  les  soirs,  jusqu'à  l'âge  de  quinze  ans,  il  a  pleuré,  me 
disait  une  de  ses  parentes.  Il  grandissait  chétif  —  corps  malingre, 
léle  énorme  —  cl,  certes,  il  était  «  comme  le  Jérémie  de  la 
famille  ». 

'  Ceux  qui  le  connaissent  trouveront  qu'au  début  de  ces  notes, 
il  est  opportun  de  consigner  ce  souvenir.  Meunier  est  resté  le 
mélancolique  qu'il  était  aux  années  d'enfance.  Il  apparaît  aujour- 
d'hui malingre  encore,  la  télé  forte,  l'œil  doux  mais  indéfiniment 
triste,  et  son  art  lui  aussi  est  un  art  de  souffrance.  A  voir  ses  types 
et  ses  personnages  bossues  de  muscles,  taillés  en  violence,  âpres 
de  force,  on  songe  volontiers  à  quelque  Flamand  du  temps  de 
Collins  ou  desQiiclin.  Ce  n'est  là  pourtant  qu'une  ressemblance 
toute  en  dehors.  Meunier  n'est  point  apparenté  à  ceux  de  la 
Renaissance;  s'il  lui  fallait  des  ancêtres,  il  les  faudrait  chercher 
parmi  les  gothiques.  Son  art  fruste  est  d'inspiration  profonde, 
humaine  et  pathétique.  Les  images  de  christs  qu'on  rencontre  en 
Flandre,  au  coin  des  routes,  sont  peut-être  celles  qu'il  préfère 
et  leurs  sculpteurs  sauvages  ceux  qu'il  admire  par-dessus  tout. 
Vers  l'âme  de  ces  inconnus,  certes,  la  sienne  est  aimentée.  Elle 
est,  comme  la  leur,  primitive,  baignée  d'enfance,  pitoyable  infini- 
ment, sérieuse  et  grave  et  contemplative  et  sincère. 

Elle  est  savante,  elle  est  servie  par  des  inains  plus  habiles, 

mais  ne  le  laisse  point  voir  au  détriment  des  qualités  foncières. 

C'est  par  celles-ci  que  Meunier  émeut.  C'est  à  cause  d'elles  qu'on 

subit  ses  œuvres,  qu'on  les  aime  et  qu'on  se  sent  en  dehors  de  ce 

cercle  de  banalité,  dont  la  plupart  des  académies  et  des  poncifs, 

aeluellcmenl  exposés  au  Champ-de-Mars  ou  aux  Champs-Elysées, 

s'entourent  comme  d'une  rampe  invisible. 

* 
*  *  ■ 

Dès  l'âge  de  seize  ou  dix-sept  ans.  Meunier  sculpta.  Fraikin,  le 
médiocre  et  officiel  statuaire  belge,  l'employa  dans  ses  ateliers. 
Jusque  vingt-six  ans,  il  subit  ce  professeur.  Puis,  un  jour,  dégoûté 
sans  doute  des  marbres  veules  qu'on  lui  imposait  comme  chefs- 
d'œuvre,  il  s'improvisa  peintre.  Il  n'est  retourné  vers  son  art  de 
début  qu'à  cinquante  ans. 

Son  maître  en  peinture  .fut  le  père  Degroux.  Celui-ci,  autant 
que  son  élève,  se  proférait  un  silencieux  et  un  pensif.  Leurs 
ardeurs  et  leurs  vouloirs  furent  les  mêmes  :  crier  en  art  des  cris 
d'humanité;  se  rapprocherdes  pauvres,  des  humbles,  des  ployés; 
réaliser  en  des  plastiques  magisiralcs  les  grandes  attitudes  du 
travailleur  et  de  l'ouvrier;  surprendre  des  lignes  nouvelles, 
créer  une  forme  moderne,  grâce  aux  gestes,  aux  allures,  aux 
démarches,  aux  équilibres,  aux  mouvements  des  hommes  du 
peuple.  Le  bourgeois  n'a  pu  fournir  une  vie  assez  expressive  pour 
que  l'art,  le  vrai  art,  l'incarnât.  Ceux  qui  l'ont  peint  et  ceux  qui 
l'ont  décrit  ne  l'ont  jamais  glorifié  par  un  chef-d'œuvre;  il  ne  sert 
qu'à  la  satire  et  à  la  caricature. 

(1)  Cette  étude,  -—  la  plus  complète,  pensons-nous,  qui  ait  été  écrite 
jusqu'ici  sur  le  maître  sculpteur  belge,  —  a  paru  le  12  juin  dernier 
dans  l'Endehors,  l'un  des  plus. curieux  périodiques  de  ce  temps,  où 
l'on  trouve,  —  à  côté  d'articles  politi(iue8  d'une  violence  extrême  qui 
ont  valu  au  journal,  en  un  an,  sept  années  et  quatre  mois  de  prison 
et  treize  mille  cent  cinquante  francs  d'amende,  —  des  morceaux  litté- 
raires et  des  critiques  d'art  signés  H.  de  Réonier,  Emile  Verhaeren, 
F.  Viélé-Qriffin,  A.-F.  Hérold,  P.  Quillard,  Saint- Pol-Roux, 
F.  Fénéon,  J.  Christophe,  Edm.  Cousturier,  Octave  Mirbeau, 
L.  Dbscaves,  etc.,  etc. 


Cette  élémentaire  vérité  fut  comprise  en  France  par  Millet.  En 
Belgique,  par  Degroux  et  Meunier.  A  côté  de  l'ouvrier  et  du 
travailleur,  ce  dernier,  parfois,  regarda  le  moine.  Je  me  souviens 
d'une  toile,  V Enterrement  diin  Trappiste,  actuellement  au  Musée 
de  Courirai,  où  cette  attention  du  peintre  s'atteste.  La  composition 
est  sévère  et  simple.  L'ascétisme  de  Lcsueur  est  aisément  surpassé. 
Encore  le  Martyre  de  saint  Etienne,  cymaise  au  Musée  de  Gand, 
prouve  mêmes  tendances.  Le  caractère  religieux  se  complique  ici 
d'une  impression  tragique.  La  Guerre  des  Paysans,  du  Musée  de 
Bruxelles,  aussi  le  tableau  (même  lilre)  en  possession  de  M.  Van 
Overloop,  sont  à  noter.  Ces  pages  assignent  à  Meunier  une  place 
nette  dans  l'école  picturale  belge. 


* 


Pourlant,  combien  ses  longues  années  d'efforts  et  même  de 
succès  furent  reléguées  et  avec  raison  négligées,  le  jour  où  le 
Marieleur  et  le  Puddleur  apparurent,  voici  dix  ans,  au  Salon 
triennal  belge.  Déjà  au  Cercle  Artistique  un  tableau,  la  Descente 
dans  la  mine,  avait  indiqué  l'orientation  nouvelle  de  l'artiste.  Le 
pays  noir  apparut  tout  entier  en  celte  scène  banale  et  quotidienne. 
Pour  la  première  fois  le  type  du  borain  fut  dessiné.  Le  souvenir 
de  l'Homme  à  la  houe  de  Millet  plana  sur  la  toile,  non  tant  pour 
la  déprécier  que  pour  la  comparer  à  quelque  œuvre  connue.  Elle 
était  l'afTirmalion  d'une  force  nouvelle,  d'une  conquête  à  tenter, 
d'un  monde  nouveau  à  galvaniser,  esthétiquement.  Par  une  coïn- 
cidence curieuse,  ce  fut  également  vers  celte  époque  que  les 
questions  ouvrières  tombèrent  comme  des  feux  grégeois  dans  les 
discussions  publiques  et  que  le  parti  populaire  se  prouva,  actif, 
à  Bruxelles.  A  côté  des  orateurs  et  des  protagonistes  du  mouve- 
ment s'inscrivit,  immédiatement,  l'artisle. 

Non  pas  que  Meunier  soit  esprit  à  programmes,  ni  que  sa  sculp- 
ture soit  sortie  des  livres.  Elle  ne  revendique  rien  et  si  l'on  veut, 
elle  ne  prouve  rien.  Elle  est  tout  uniment  l'expression  de  l'heure 
où  elle  naîl;  elle  indique  que  telles  idées  sont  dans  l'air,  que  ceux 
qui  respirent  plus  par  le  cerveau  que  par  les  poumons  les  absor- 
bent pour  les  définir,  les  unes  en  problèmes  ou  en  doctrines,  les 
autres  en  œuvres  d'art.  Ceux-ci  presque  inconsciemment  et  peut- 
être,  à  cause  de  cela,  plus  hautement  et  plus  humainement. 

Pourlant,  si  de  par  la  volonté  nette  de  leur  signataire  ces  bron- 
zes admirés  ne  sont  ni  révolutionnaires,  ni  subversifs,  —  car, 
somme  toute,  il  n'y  a  ni  art  aristocratique,  ni  art  démocratique, 
il  y  a  l'arl,  —  du  moins  pour  ceux  qui  les  regardent,  profèrent- ils 
une  signification  soudaine.  Dressant  en  une  forme  superbe  et  nou- 
velle ces  ouvriers  armés  de  leurs  marteaux  qui  battront  l'effigie  de 
l'avenir,  les  montrant  mornes  et  forts,  quelques-uns  —  à  preuve 
le  Calvaire  —  avec  des  allures  de  fauves,  d'autres  rêveurs  et  souf- 
frants, assis  au  coin  des  portes  et  appuyés  aux  comptoirs  des  ca- 
barets. Meunier  sème  l'anxieuse  préoccupation  du  demain,  non  pas 
avec  des  phrases,  mais  de  façon  bien  plus  immédiate,  bien  plus 
nette,  bien  plus  crue.  Le  Iravailleur,  grâceàlui,  n'est  plusl'homme 
lointain  et  vague  dont  on  parle  à  l'occasion  de  certaines  catastro- 
phes, il  est  entré  dans  la  ville,  il  s'est  campé  dans  des  salons  d'art, 
il  a  pris  place  dans  les  musées,  il  est  venu  desloins  de  l'horizon, 
pour  s'affirmer  réel,  vivant,  tragique  et  c'est  bien  quelqu'un  — 
regardez-le  —  avec  lequel  des  comptes  séculaires  seront  à  régler, 
bientôt. 

Le  premier  parmi  les  artistes  modernes.  Meunier  a  suscité  ce 
monde.  Alors  que  les  autres  étaient  diversement  attirés  vers  le 
passé,  lui  seul  est  allé  vers  l'inconnu.  Ses  premières  œuvres,  tout 


ï 


270 


VART  MODERNE 


b  coup,  sans  prévenir,  ont  éclalé  comme  de  la  ilynamile  el  l'ex- 
plosion, d'année  en  année,  conlinue. 

La  lislc  en  est  longue,  tant  pour  la  peinture  que  pour  la  sla- 
luairc.  Deux  fois,  au  Cercle  artistique  de  Bruxelles,  à  la  Galerie 
moderne,  des  expositions  imporlanies  onl  eu  lieu.  On  y  numéro- 
tait :  le  Puddleur,  le  Porion,  Dans  la  Miiie,k  Grisou,  le  Souf- 
fleur,  la  Hiercheuse,  le  Débardeur,  l'Etude  de  cheval,  ainsi  que 
des  toiles  où  des  sites  borains  élaient  rendus  :  villages  el  ruelles 
dévalantes,  terris  fumeux,  processions  de  mineurs  dans  la  nuit, 
wagonnets  à  la  file  et  à  la  chaîne  reliant  charbonnage  à  charbon- 
nage, vues  panoramiques  de  toits  et  d'usines,  paysages  damnés, 
terrains  stériles,  ciels  de  cataclysmes  et  de  fin  de  monde. 

Jugeant  la  double  expression  d'art  que  Meunier  a  donnée  à  sa 
pensée,  on  affirmerait,  je  crois,'  avec  exactitude,  que  sa  peinture 
fixe  le  milieu  et  l'atmosphère  de  sa  sculpture.  A  les  voir  réunies, 
cette  impression  se  dégage  nette. 


*** 


Fixer  les  caractéristiques  non  plus  sociales  mais  esthétiques  de 
cet  art,  paraît  simple.  A  causer  avec  Meunier,  on  est  surpris  d'en- 
tendre toujours  le  mol  «  caraclère  »  remplacer  le  mot  «  beauté  ». 
La  forme  doit  être  avant  tout  intense.  Elle  n'est  réglemenlable  par 
aucun  principe  fixe,  par  aucune  préoccupation  de  correction 
froide  ni  de  perfection  absolue.  Elle  est  inductive  et  non  déduc- 
tive.  Elle  atteint  le  type  à  travers  l'individu;  elle  n'aboutit  à  la 
synlhèse  que  lentement,  par  élimination  prudente.  Elle  ne  fait 
point  descendre,  par  déduction,  toute .  statue  de  femme  d'une 
idéale  Vénus  de  Milo,  ni  toute  statue  d'homme  d'un  Apollon  quel- 
conque. Pétrir  l'exagération  pour  réaliser  plus  vivement  l'idée, 
ne  doit  jamais  être  redouté.  C'est  en  suivant  une  telle  règle  que 
Meunier  est  arrivé  à  son  but  :  donner  l'expression  esthétique  du 
travailleur  nioderne,  de  même  que  les  Grecs  ont  donné  celle  du 
lutteur  et  du  gymnaste.  Eux  aussi  se  sont  guidés  par  des  études 
serrées,  d'après  nature  et  d'après  la  vie,  bien  plus  que  d'après  le 
modèle  el  d'après  la  pose. 

L'émotion,  non  pas  théâtrale,  mais  silencieuse  el  profonde,  ré- 
sulte fatalement  d'une  telle  consciencieuse  et  patiente  conception 
d'an.  Elle  saisit  devant  chaque  œuvre  de  Meunier.  A  preuve  la 
Glèbe  et  le  Grisou.  A  preuve  surloul  le  Christ.  0  la  lamentable 
loque  de  chair  de  souffrance. 

Un  autre  sculpteur  flamand,  Georges  Minne,  peut  revendiquer, 
lui  aussi,  comme  siens,  de  semblables  sentiments  de  pitié  el  de 
détresse.  Mais  tandis  qu'il  les  incarne  en  des  personnages  de  rêve, 
en  des  êtres  primitifs  ou  à  natlre  quelque  part,  là-bas,  en  dehors 
de  notre  réalité,  avec  une  telle  puissance  qu'il  semble  créer  un 
monde  pour  lui  seul  dont  il  donne  la  vision  prodigieuse  à  quel- 
ques-uns, Meunier  se  maintienl  toujours,  inébranlablemcnl,  dans 
la  vie  qu'on  respire,  qu'on  subit  et  qu'on  souffre.  Il  est  celui  qui 
sculpte  de  vrais  dos  ployés,  d'authentiques  bras  travaillant,  de  sin- 
cères visages  de  drame  et  de  misère.  Ses  personnages,  il  les  con- 
çoit et  les  profère  d'ensemble,  négligeant  les  détails,  voyant  leur 
masse  et  la  dressant,  vivante.  11  a  60  ans  el  je  ne  sache  aucun  art 
plus  robuste  et  jeune  que  le  sien. 

E.  \^^U 


MUSICIENS  D'ORCHESTRE 

On  sait  qu'il  n'est  pas  toujours  aisé  de  conduire  —  au  propre 
cl  au  figuré  —  ces  messieurs  de  l'orchestre.  Un  conflit  s'est  même 
élevé,  récemment,  à  l'Opéra  de  Paris,  où  la  représentation  d'une 
œuvre  nouvelle  de  M.  Charpentier,  la  Vie  d'un  Poète,  exigeait  la 
présence  sur  la  scène  d'une  partie  de  l'orchestre.  La  direction  eut 
toutes  les  peines  du  monde  à  obtenir  de  ses  musiciens  qu'ils  con- 
senlissenl  à  quitter  pour  un  soir  ce  que  Wagner  nommait  «  l'abîme 
mystique  »,  el  il  fallut  que  l'auteur  intervînt  personnellement  el 
leur  adressai  les  plus  instantes  exhortations  pour  les  décider  à  ce 
sacrifice. 

A  ce  propos,  M.  Georges  Duval  a  publié,  dans  la  Libre  parole, 
une  amusante  lettre  au  Ministre  des  Beaux-Arts,  dans  laquelle  il 
raille  spirituellement  les  prétentions  de  ces  messieurs.  Comme  ses 
observations  finement  ironiques  onl  une  portée  générale,  nous 
croyons  intéressant  de  la  reproduire  : 

Monsieur  le  Ministre, 

Il  a  été  beaucoup  question  de  nous,  à  propos  de  l'audition  que 
M.  Bertrand  a  cru  devoir  donner,  à  l'Opéra,  de  la  Vie  d'un  Poète, 
de  M.  Charpentier.  On  nous  reproche,  en  ce  moment,  d'avoir 
protesté  contre  un  supplément  de  besogne,  contre  la  nécessité  où 
nous  étions  de  jouer  sur  la  scène,  contre  beaucoup  de  choses 
encore;  bref,  d'y  avoir  mis  toule  la  mauvaise  volonté  possible. 

Ces  reproches  demandent  des  explications;  ce  sont  elles  que 
nous  venons  vous  fournir. 

Monsieur  le  Minisire,  on  ignore  généralement  ce  que  c'est  qu'un 
musicien  de  l'orchestre,  à  l'Académie  nationale  de  musique. 
D'après  une  tradition,  que  nous  avons  à  cœur  de  conserver,  un 
musicien  de  l'orchestre,  qu'il  frotte  les  cordes  d'un  violon,  qu'il 
souffle  dans  une  flûte,  qu'il  élernue  dans  un  ophycléide,  qu'il 
soupii"e  dans  un  cor  ou  qu'il  tape  sur  une  timbale,  est  un  homme 
qui,  en  dehors  des  Huguenots,  de  Faust  ou  d'Hamlet,  a  le  droit 
de  s'opposer  à  toute  entreprise  nouvelle. 

Depuis  quelque  temps  on  nous  a  mis  à  une  rude  épreuve.  Il  a 
fallu  étudier  LoftcH^nu,  alors  que  nous  avions  tous /rt  Favorite 
au  bout  des  doigts  ou  au  boul  des  lèvres.  Il  a  fallu  apprendre  la 
partition  de  Tamara,  quand  il  était  si  simple  —  si  le  directeur 
avait  soif  de  nouveauté  —  de  remonter  le  Comte  Ory.  Il  a  fallu 
piocher  Salammbô,  au  lieu  de  faire  une  reprise  de  Si  j'étais  Roi, 
par  exemple,  qui  n'a  jamais  vu  le  feu  de  la  rampe  à  l'Opéra,  et 
que  nous  exécuterions  tous  les  yeux  fermés.  Bref,  on  nous  con- 
damne à  des  œuvres  nouvelles  dont  nous  ne  connaissons  pas  la 
première  noie,  el  qu'il  nous  faut  par  conséquent  apprendre.  C'est 
fatigant,  c'est  abusif,  c'est  insoutenable. 

Nous  devions,  par  semaine,  trois  fois  quatre  heures  de  musique 
—  de  quatre  heures,  à  quatre  heures  cinq  —  quatre  heures  dix, 
les  jours  exceptionnels.  On  a  inventé  les  soirées  populaires. 
Comme  si  ce  supplément  de  fatigue  n'était  pas  suffisanl,  voilà 
qu'on  nous  déloge  de  l'orchestre  pour  nous  faire  monter  sur  la 
scène.  Nous  voulons  bien  qu'il  ne  soit  pas  humiliant  de  jouer  sur 
,  des  planches,  mais  ça  dérange  nos  habitudes.  Tel  alto  met  sa  laba- 
'ijère  à  une  place  depuis  dix-sept  ans;  tel  trombone  crache  à  une 
aktre  depuis  quatorze;  tel  hautbois  trouve  son  embouchure  au 
même  endroit,  depuis  vingt-deux...  Ça  change,  ça  déroule,  ça 
confond,  ça  tue! 

En  présence  de  pareils  faits,  nous  croyons  devoir,  Monsieui'  le 


Ministre,  vous  siipulor  les  conditions  dans  lesquelles  nous  enten- 
dons jouer  à  J'avcnir,  si  vous  ne  voulez  pas  vous  heurter  à  une 
grève  : 

1»  Nous  ne  jouerons  que  le  lundi,  le  mercredi  et  le  vendredi, 
à  moins  que  l'un  de  nous  ail  un  dîner,  un  rendez-vous  ou  une 
soirée,  un  de  ces  trois  jours-Ib.  En  ce  cas,  on  ferait  un  relâche 
motivé; 

2»  Nous  n'inlerprélcrpnsque  des  œuvrps  du  répertoire.  M.  Ber- 
trand insislanl-,  nous  condescendrons  peut-élr'e  à  nous  attaquer 
à  de  l'inédit,  si  toutefois  il  est  facile  à  lire  el  n'exige  pas  plus 
d'une  répéiilion; 

3"  Si  M.  Bertrand  veut  al)so!umenl  donner  une  seconde  audi- 
tion de  la  Vie  d'un  Poète,  nous  y  assisterons,  non  comme  musi- 
ciens, mais  comme  auditeurs.  Entre  chaque  partie  on  nous  distri- 
buera dos  "rafraîchissements  el  des  rubans  violets.  Après  la 
représentation,  si  l'on  rappelle,  c'est  alors  que  nous  monterons 
peut-être  sur  la  scène,  pour  saluer. 

Tel  est.  Monsieur  le  Minisire,  notre  dernier  mot. 

Nous  vous  l'envoyons  avec  l'assurance  de  notre  dévouement 
à  l'arL 

L'Orchestre  de  l'Opéra.. 
Pour  copie  conforme  : 
Georges  Duval. 


j!]1hronique  judiciaire   de?  ^RT? 

Les  biscuits  Olibet  et  M»«  Bonnet. 

Le  tribunal  de  commerce  de  la  Seine  a  été  saisi  dernièrement 
d'une  affaire  assez  curieuse  relativement  au  droit  que  chacun  pos- 
sède d'empêcher  qu'on  expose  ses  traits,  son  visage,  sans  en  avoi 
sollicité  l'iiulorisalion. 

La  Soiiélé  des  biscuits  Olibet  avait  reproduit  sur  des  annonces 
et  sur  des  cartes-réclames,  le  portrait  de  M"«  Emma  Bonnet, 
une  fort  jolie  actrice  du  Théâtre  du  Palais-Royal,  d'après  une 
photographie  de  Nadar.  Le  dessinateur  avait  placé  dans  la  main 
de  M"*  Bonnet  un  biscuit  Olibet  qu'elle  paraissait  présenter  au 
public,  pour  l'invitera  y  goûter. 

M"*  Bonnet,  qui  n'avait  pas  autorisé  celte  exhibition,  a  assigné 
la  Société  des  biscuits  Olibet  en  paiement  de  cinquante  mïlle 
francs  de  dommages-intérêts,  remboursement  des  frais  exposés 
par  elle  pour  obtenir  saisie  du  dessin  incriminé  el  insertion  du 
jugement  à  intervenir  dalis  cinq  journaux  à  son  choix. 

Le  jugement,  adoptant  le  princjpe  que  le  portrait  d'une  per- 
sonne ne  peut  être  reproduit  el  exposé  sans  son  consentement, 
donne  gain  de  cause  b  la  bcl!e  comédienne,  mais  il  restreint,  par 
des  considérants  malicieusement  motivés,  aux  frais  du  procès  et  à 
la  publication  de  la  décision  dans  Iroisjournaux  de  Paris  (à  cin- 
quante francs  Tinseriion,  et  non  pas  à  mille,  comme  dans  l'affaire 
Drumoni)  la  réparation  allouée  à  la  demanderesse. 

La  bonne  foi  du  directeur  de  la  Société  Olibet,  qui  ne.  connais- 
sait pas  M""  Bonnet  et  avait  mis  en  circulation  une  composition 
qu'il  croyait  c<  idéale  el  neuve  »,  est  le  motif  principal  d'atténuation 
admis  par  les  juges  consulaires.  El,  d'autre  part,  ce  fait  que  «  les 
conditions  d'art  el  de  milieu  dans  lesquelles  s'est  opérée  celle 
diffusion  ne  sauraient  avoir  causé  préjudice  à  M"*  Bonnet,  faisant 
profession  de  se  soumettre  sur  la  scène  à  l'appréciation  du  public 
et,  dès  lors,  point  ennemie  d'une  intelligente  réclame  ». 

Eh!  mais,  plus  n'est  besoin  de  faire  venir  des  juges  de  Berlin, 
comme  on  le  propose  dans  la  Chambre  à  deux  lits  .' 


Petite  chro|<iique 


L'Etat  vient  d'acheter  au  peintre  Jef  Leempoeis  son  tableau 
Vimn  d'un  enfant,  qui  a  figuré  à  l'exposition  particulière  de  ses 
œuvres. 


On  annonce  la  prochaine  apparition  de  :  Le  Drapeau,  revue 
littéraire  el  artistique  dos  jeunes  catholiques. 

Rédacteur  en  chef  :  Firmin  Van  den  Bosch.  Collaborateurs-fon- 
dateurs :  Maurice  Bekaçrt,  Edgnrd  Bonnehill,  Henry  Carton  de 
Wiarl,  Victor  Denyn,  Maurice  Dullaert,  Albert  Dutry,  PaulGérardy. 

Voici  le  programme  de  celte  nouvelle  revue  : 

«  Le  Drapeau  a  l'ambition  d'êlrc  une  revue  catholique  el 
moderne. 

Son  programme  est  celui  défendu  au  Congrès  de  Matines  par  le 
groupe  de  ses  fondateurs  :  allier  aurespect  du  dogme  et  de  la 
morale,  un  très  large  éclectisme  de  formes  littéraires  et  artisliqueù. 

Los  rédacteurs  du  Drapeau,  sans  méconnaître  les  conquêtes 
artistiques  du  passé,  ne  dissimulent  point  leur  admiration  enthou- 
siaste et  franche  pour  les  formes  d'art  de  ce  temps  ;  ils  ont  la  fierté 
des  choses  et  des  hommes  de  leur  siècle! 

Le  Drapeau  est  avant  tout  un  journal  de  combat  :  c'est  dire 
que  la  polémique  littéraire  el  la  critique  artistique  y  occuperont 
une  grande  place;  les  choses  d'imagination,  poésies  el  nouvelles, 
ne  soroni  pas  négligées;  el  chaque  numéro,  à  côté  d'un  bulletin 
bibliographique  très  soigné,  contiendra  des  Chroniques  universi- 
taires, suivant  de  près  le  mouvement  litiéraire  et  artistique  parmi 
les  différents  groupements  d'étudiants  belges. 

Fondé  par  dos  jeunes  ol  pour  des  jeunes,  le  Drapeau  sera 
accueillant  à  tous  les  débutants  de  la  plume. 

C'est  à  eux  —  ceux  des  générations  nouvelles  de  plus  en  plus 
libérées  des  routines  séculaires  —  que  nous  confions  le  succès  et 
l'avenir  de  notre  œuvre. 

Parmi  les  anciens  nous  comptons,  pour  nous  soutenir  el  nous 
appuyer,  sur  tous  ceux  qui  esliment  que  le  devoir  de  la  jeunesse 
caiho.ique  est  de  se  mêler  de  vaillance  et  d'aulorité,  aux  luttes 
d'art  de  son  temps  —  de  ne  pas  s'attacher  à  marquer  le  pas  devant 
les  vieilles  citadelles  qui  s'effritent,  mais  de  marcher  hardiment 
vers  les  aurores  nouvelles  ! 

Les  articles  du  Drapeau  seront  signés  el  n'engageront  que  la 
responsabilité  individuelle  de  leur  auteur. 

Le  Drapeau  paraîtra  mensuellement  —  à  partir  du  l"  novem- 
bre prochain. 

^  L'abonnement  est  de  quatre  francs  par  an.  Ceux  qui  dé.sirent 
s'abonner  son  priés  de  nous  envoyer  leur  adhésion  Je  plus  tôt 
possible. 

Le  montant  de  l'abonnement  ne  sera  réclamé  qu'après  l'appa- 
rition du  premier  numéro. 

Tout  ce  qui  regarde  la  rédaction  doit  être  adressé  rue  Guinard, 
2,àGand.  _^_  G^^WJ 

Instantané  d'HENRi  Lavedan,  que  le  récent  succès  du  Prince 
d'A  urec  au  Vaudeville  a  mis  en  évidence  : 

Des  joues  pleines,  peu  colorées,  qui  se  perdent  en  une  barbe 
soigneusement  taillée.  La  figure  ronde,  placide  d'un  homme  qui 
lient  à  passer  inaperçu,  qui  écoute  et  regarde  les  choses  de  la  vie 
en  s'y  mêlant  le  moins  qu'il  le  peut.  Les  yeux  gris  au  regard  aigu, 
furelëurs,  où  par  instants  pétille  on  ne  sait  quelle  gouaille  nar- 
quoise. La  bouche  plissée,  souriante,  toujours  prêle  h  décocher 
quelque  phrase  qui  emporte  le  morceau.  Soigne  sa  tenue  et  ses 
cravates  autant  que  son  style.  A  l'allure  menue,  la  voix  onctueuse 
coupée  des  saccades  d'un  rire  artificiel,  les  gestes  enveloppants 
du  collectionneur  qui  poursuit  sans  cesse  son  enquête,  épingle 
dos  souvenirs  et  des  documents  dans  son  cerveau,  travaille  en 
ayant  l'apparence  de  badauder.  Quoique  n'ayant  guère  dépassé  la 
trentaine,  s'est  fait  déjà  une  place  entre  les  meilleures  dans  la 
littérature.  Tient  à  la  fois  de  Meilhac  dont  il  a  le  parisianisme 
el  la  verve  cinglante, de Maupassant  dont  il  possède  la  forme  pré- 
cise et  claire,  le  dialogue  qui  va  droit  au  but  et  qui  sent  la  vérité. 
L'auteur  de  petits  romans  d'une  exquise  ironie  et  d'une  pénétrante 
émotion  amoureuse,  et  de  livres  où  l'on  revoit  comme  en  des 
Guignols  toutes  les  marionnettes  de  la  Comédie  d'aujourd'hui. 
Signe  particulier  :  Met  un  véritable  diletlanlismè  à  prouver  qu'en 
littérature  les  fils  ne  s'orientent  pas  toujours  sur  leurs  pères. 

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Douzième  année.  —  N°  35. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  28  Août  189^. 


L'ART  MODEÉÉ 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,    fr.    13.00     —ANNONCES  :    On  traite  à   forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Plndustrie,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


Ta-ra-ra-boom-de-ay  !  — Conférence  de  M.  Henry  van  de  Velde. 
—  Le  poète,  Essai  par  R.-W.  Emerson  (Suite).  —  Littérature 

REPORTIÈRE.  —  AcCUSÉS  DK  RÉCEPTION.  —  PETITE  CHRONIQUE. 


TA-RA-RA^BOOM-DE-AY  ! 


A  Miss  Lottie  Collins. 


P 


Ilfracombe  (Devonshire),  18  août  1892. 

Vous  ne  vous  doutiez  pas;  Mademoiselle,  quand,  en 
robe  très  souple  couleur  de  feu,  coiffée  du  traditionnel 
Gainsborough,  chaussée  de  bas  verts  et  de  menus  escar- 
pins vernis,  vous  lançâtes,  en  ce  modeste  Music  Hall 
d'Islington,  votre  joyeux  Ta-ra-ra-hoom-de-ay ,  que 
les  six  millions  d'Anglais  qui  peuplent  Londres,  et 
après  eux  tous  les  Anglais  de  toute  l'Angleterre,  et  les 
Anglais  des  colonies,  et  les  innombrables  Anglais  qui 
remplissent  les  cinq  parties  du  monde  répéteraient  le 
refrain  en  chœur  jusqu'à  en  affoler  l'univers. 

Savez-vous  bien  qiie  vous  avez  désem  morose  votre 
patrie?  Que  le  spleen,  le  clî^ssique  spleen  qui,  l'hiver, 
chasse  vos  compatriotes  vers  les  plages  de  la  Méditerranée 
et  l'été  vers  les  clairs  lacs  de  la  Suisse,  s'en  est  allé,  tué 


par  le  rythme  sautillant  que  vous  avez  insinué,  de  gré 
ou  de  force,  dans  la  mémoire  de  tous?  Il  fait  très  gai  on 
Angleterre,  grâce  à  vous,  Mad^moiselle,,.et  les  Salva- 
tionnistes  eux-mêmes,  dont  la  fanfare  trouble  seule  la 
quiétude  du  dimanche  anglais,  ont  renforcé  leur  réper- 
toire de  motife  plus  entraînants  que  ceux  que  M.  Rosny 
leur  fit  jouer  dans  Néll  Horn  au  Théâtre-Libre. 

Déjà  les  gens  tristes  commencent  à  passer  la  Manche 
pour  aller  se  divertir  parmi  les  électeurs  de  M.  Glad- 
stone. Bref,  Mademoiselle,  vous  avez  mérité  qu'on  vous 
élève,  sur  une  colonne,  à  côté  de  celle  de  l'amiral 
Nelson,  en  plein  Trafalgar  Square,  une  belle  statue  de 
bronze.  Puisqu'on  songe,  de  l'autre  côté  du  détroit,,  à 
béatifier  la  Pucelle  pour  avoir  donné  jadis  du  fil  à 
retordre  à  vos  compatriotes,  il  n'est  que  juste  qu'on 
honore  de  ce  côté  la  Jeanne  d'Arc  qui  dota  son  pays  de 
cette  qualité  prise  à  la  France  :  la  gaîté. 

En  attendant,  votre  Ta-ra-rahoom  est  en  train  de 
détrôner  l'austère  God  save  the  Qiceen,  et  d'innom- 
brables Julien  Tiersot  préparent  dès  à  présent  l'histoire 
détaillée,  avec  documents  à  l'appui,  de  ce  nouveau  chant 
national  infiniment  plus  amusant  que  l'autre,  d'ailleurs, 
et  qui  bouleverse  le  caractère,  les  mœurs,  l'esprit  et 
jusqu'à  l'esthétique  des  Anglais. 

Je  m'en  suis  aperçu  dès  que  j'eus  posé  le  pied  sur  ce 
morceau  d'Angleterre  qui  est  le  bateau  de  Calais  à 
Douvres.  Vous  avez  dû  faire  la  traversée  de  la  Manche, 


i- 


r\ 


274 


VART  MODERNE 


Mademoiselle,  et  remarquer  que  les  passagers  sont 
généralement  muets,  mélancoliques,  résignés  aux 
caprices  du  tangage  et  du  roulis.  Or,  le  l"  août  der- 
nier, j'avais  à  peine  eu  le  temps  d'installer  ma  valise 
sur  le  pont  du  steamboat  et  d'allumer  la  cigarette  des 
gens  crânes,  étrangers  aux  horreurs  du  mal  de  mer  (ce 
qui  donne  tout  de  suite  une  bonne  opinion  de  soi  aux 
compagnons  que  lé  hasard  vous  octroie),  que  je  constatai 
la  bonne  humeur  inaccoutumée  qui  régnait  à  bord.  Une 
belle  fille  brune,  les  yeux  fendus  en  amande,  les  lèvres 
un  peu  trop  rouges  pour  être  dénuées  de  tout  artifice  et 
qui  montrait  volontiers  l'émail  de  ses  denfs,  chantait  à 
pleine  voix,  renversée  dans  un  rocking-chair,  l'air  que 
vous  avez  mis  à  la  mode,  Mademoiselle,  et  que 'murmu- 
raient avec  elle,  en  sourdine,  les  passagers,  le  capitaine, 
et  jusqu'au  stewart.  Les  éclats  de  rire  de  la  jolie  fille, 
l'incident  d'un  chapeau  envolé  par-dessus  les  bastingages 
coupèrent  le  motif,  mais  bientôt  après  le  Ta-ra-ra 
reprit,  à  l'avant,  gazouillé  en  chœur  par  cinq  ou  six 
jeunes  femmes  qui  revenaient  d'une  tournée  théâtrale 
sur  le  continent,  les  malles  pleines  des  prodigieux  cos- 
tumes d'un  Carmen  up-to-data.  C'était  charmant, 
quoique  le  refrain  me  parût  répété  avec  beaucoup 
d'insistance. 

Entre  Douvres  et  Londres,  j'eus  quelque  répit,  occa- 
sionné par  ce  fait  que  la  London  Chatham  and  Dover 
Railway  Company},  ayec  l'extrême  courtoisie  qu'elle 
témoigne  aux  pressmen,  m'avait  réservé  un  comparti- 
ment (et  je  remercie  ici  spécialement  l'aimable  représen- 
tant de  la  Compagnie,  M.  DeRuette,  et  [eright  honorable 
secrétaire,  M.  John  Morgan,  des  multiples  attentions 
dont  j'ai  été  l'objet  de  leur  part). 

Je  pus  donc,  en  toute  quiétude,  voir  fuir  les  verts 
paysages  du  comté  de  Kent  et  suivre,  sans  obsession, 
l'itinéraire  intéressant  qu'a  publié  de  ce  voyage  M.  De 
Ruette.  Mais  j'étais  à  peine  débarqué  à  Victoria  que  le 
Ta-ra-ra-hoom  s'insinuait,  pleuré  très  doucement  par 
un  orgue  lointain,  dans  le  handsomeoùj'avais pris  place. 
^  Sous  les  fenêtres  du  Private  Hôtel  où  j'ai  coutume 
de  descendre,  dans  une  rue  paisible  dont  rien  ne  trouble 
d'habitude  le  silence,  un  piano  mécanique  égrenait  le 
carillon  de  votre  mélodie.  Mademoiselle,  et  les  gamins  du 
voisinage  lui  faisaient  un  très  joyeux  accompagnement. 

Le  soir,  à  l'Alhambra,  où  l'on  donnait  deux  ballets, 
Don  Juan  et  On  the  ice,  représentés  avec  le  luxe  extra- 
ordinaire de  costumes  et  de  décors  dont  les  Anglais  ont 
le  monopole,  j'écoutai  de  la  musique  gaie  qui  me  fit 
oublier  votre  chanson.  L'entrée  en  scène  d'une  compa- 
gnie de  quakers  et  de  quakeresses  armés  de  bibles  et 
vêtus  de  longs  vêtements  sombres  me  fit  craindre  un 
moment  que  l'orchestre  retombât  dans  les  tonalités  dont 
heureusement  vous  l'avez  fait  sortir.  Ah!  bien  ouil 
Savez-vous  ce  que  j'entendis,  hurlé  par  les  trombones, 
mugi  par  les  clarinettes,  sifflé  avec  rage  par  les  haut- 


bois et  les  flûtes,  tandis  que  la  grosse  caisse  et  les  cym- 
bales scandaient  le  chahut  soudain  des  quakers  et  des 
quakeresses?  Ta-ra-ra-boom-de-ay !  Ta-ra-rabooni- 
de-ayl  Et  la  salle,  transportée,  bissa  le  morceau  ! 

Au  Crystal- Palace,  je  me  drus  débarrassé  de  votre 
souvenir,  infiniment  agréable,  mais  qui  tournait  à  la 
hantise.  J'avais  vu  des  éléphants  manger  dans  des 
assiettes,  la  serviette  au  cou,  comme  des  personnes  bien 
élevées,  j'avais  entendu  une  fugue  de  Bach  et  un  air 
varié  de  Haehdel  joués  sur  le  grand  orgue  aux  4,500 
tuyaux,  lorsqu'une  détonation  annonça  le  commencement 
du  feu  d'artifice.  Rien  n'est  plus  beau  que  les  feux  d'arti- 
fice de  Sydenham,  et  Whistler,  on  le  sait,  s'en  est  inspiré 
dans  quelques-uns  de  ses  prestigieux  "  nocturnes  - .  La 
silhouette  du  peintre  des  Hat^monies  commençait  à  se 
dessiner  nettement  dans  ma  mémoire,  tandis  que  je  sui- 
vais béatement,  avec  l'émerveillement  d'un  stiob,  les  fu- 
sées sifflantes  épanouies  en  myriades  d'étoiles  couleur 
d'améthyste,  d'émeraude,  d'aigue-marine,  et  les  bombes 
éclairant  subitement  tout  un  pan  du  ciel,  et  l'embrase- 
ment des  gigantesques  pièces  d'artifice  simulant  des  abor- 
dages de  navires  ou  le  portrait  de  la  reine  Victoria, 
lorsqu'un  crépitement  soudain  mit  le  feu  à  une  figure 
de  grandes  dimensions  que  je  reconnus  bien  vite.  Elle 
avait  une  robe  couleur  de  feu,  —  celle  que  vous  portiez 
à  Islington,  —  et  des  bas  vert  Nil,  —  vos  bas,  miss 
Lottie,  —  et  un  Gainsborough  empanaché  de  plumes 
blanches,  —  celui  que  vous  avez  rendu  populaire.  Et 
tandis  qu'un  mécanisme  ingénieux  mettait  la  figure  en 
mouvement,  lui  faisait  lever  la  jambe  et  renverser  le 
buste,  une  fanfare  dissimulée  dans  les  bosquets  des 
féeriques  jardins  entonnait  l'inévitable  Ta-ra-ra-boom- 
de-ay,  salué  par  lés  hourras  de  dix  mille  spectateurs. 

Partout,  à  l'Olympia  où  des  mandolinistes  italiens 
fredonnent  votre  chanson  sur  les  ponts  d'une  Venise  en 
carton  et  en  toile,  dans  le  va-et-vient  des  gondoles 
glissant  sur  de  vrais  canaux  sous  l'œil  paternel  de  pla- 
cides carabinieri,  à  l'Exposition  d'horticulture  où  les 
musiciens  des  grenadiers  de  la  garde  ajoutent  à  Téblouis- 
sement  des  illuminations  la  note  écarlate  de  leurs  uni- 
formes, à  l'hippodrome  d'Earl's  Court  où  Buff'alo  Bill 
déchaîne  les  fantasias  de  ses  peaux-rouges,  de  ses  cosa- 
ques et  de  ses  cow-boys,  aux  concerts  du  Pavillon  et  de 
TTivoli,  c'est  vous  qui  triomphez,  Mademoiselle,  et  votre 
refrain  bourdonne  aux  oreilles  tandis  que  votre  photo- 
graphie, tirée  à  des  milliers  d'exemplaires,  arrête  les 
regards  à  toutes  les  vitrines. 

Je  vous  avoue  que  malgré  tout  le  plaisir  que  j'éprouvai 
à  entendre  la  mélodie  que  vous  avez  rendu  célèbre, 
celle-ci  devenait  pour  moi  une  sorte  de  cauchemar  dont 
je  ressentais  le  pressant  besoin  de  fuir  l'épouvante. 
J'essayai  d'une  cure  aux  bains  de  mer.  Hélas  !  à  Rams- 
gate,  tous  les  pianos  des  villas  envoyaient  aux  passants, 
par  les  fenêtres  ouvertes,  en  effluves  fatales  :  Ta-ra- 


/ 


ra-boom-de-ay !  Tarara-boom-de-ayl  A  Margate, 
une  musique  militaire  installée  sur  la  plage,  dans  le 
désordre  des  cabines,  rythmait  la  farandole  des  bambins 
à  la  cadence  du  nouveau  chant  patriotique.  A  West- 
gate même;  en  cette  villégiature  aristocratique  et  calme, 
n'ai-je  pas  entendu  les  jeunes  misses  çfui  revenaient  dé- 
votement de  l'office,  le  livre  saint  au  bras,  susurrer 
d'une  voix  flûtée  :  A  smart  and  stylish  girl  you 
see...,  tandis  que  l'harmonium  de  la  chapelle  du  Sau- 
veur exhalait  ses  dernières  plaintes,  mêlées  à'Ja  voix  de 
la  mer? 

Il  fallait  trouver  autre  chose,  ou  nî'exiler.  Une  invi- 
tation à  assister,  dans  le  Somerset,  à  l'ouverture  des 
chasses  à  courre  me  parut  une  diversion  salutaire. 
Et  le  Flying  Dutchman,  l'admirable  express  du  Great 
Western  Railway,  qui  est  bien,  je  pense,  le  train 
le  plus  rapide  et  le  plus  agréable  du  monde,  m'em- 
porta à  Dulverton,  dans  la  fraîcheur  des  bois,  au  con- 
fluent de  la  Barle  et  de  l'Exe,  deux  cours  d'eau  rapides 
et  glacés,  aimés  des  loutres.  Ce  fut,  durant  quelques 
jours,  un  repos  délicieux.  Il  y  avait  peu  de  monde  à 
l'auberge  du  Red  Lion,  et  l'on  n'y  faisait  point  de 
musique.  D'un  antique  piano  en  forme  de  scriban,  ou- 
vert par  précaution,  s'échappèrent  des  sons  si  cassés,  si 
vagissants,  si  lamentables,  que  ce  me  fut  une  joie  de  pen- 
ser qu'aucune  miss  ne  pourrait  extraire  de  l'instrument 
—  qu'eût-elle  joué  d'autre?  —  votre  Ta-ra-ra-hoom- 
de-ay. 

Au  meeting  de  Cloutsham,  parmi  les  bruyères  d'Ex- 
moor  déroulées  à  l'infini  jusqu'à  la  baie  de  Porlock  et 
qui  font  de  cette  partie  du  Somerset  la  contrée  préférée 
des  stag  huniers,  il  y  eut  un  déploiement  superbe  de  che- 
vaux, de  piqueurs,  de  chiens  tricolores.  Trois  à  quatre 
cents  cavaliers  d'une  correction  impeccable,  une  foule 
d'amazones  en  habit  de  cheval  écourté,  en  bottes  jaunes, 
un  militer  de  curieux  accourus  de  vingt  milles  à  la 
ronde  en  coach,  en  dog-car,  en  char-à-bancs.  Un  pic- 
nic  monstre,  éclairé  par  un  soleil  radieux  qui  faisait 
scintiller  la  mer  et  onduler  en  vagues  d'or  les  champs 
de  colza.  On  mena  la  bête  bon  train,  par  les  vais,  par 
les  monts,  sur  les  plateaux  dénudés  et  dans  les  forêts 
de  chênes  qui  lui  servent  de  remise.  Et  j'étais  bien  loin 
de  songer  à  vous,  miss  Collins,  lorsqu'au  retour,  — 
fatalité!  —  sur  la  route  d'Exford  à  Dulverton,  tandis 
que  dévalait  au  petit  trot  le  long  cortège  des  voitures, 
des  chevaux  de  chasse,  de  la  meute,  des  veneurs  en 
habit  rouge,  des  four-in-hands,  un  imprudent  sifflotta, 
oh  !  très  innocemment,  comme  un  gazouillement  de  fau- 
vette, les  premières  notes  de  l'air  que  vous  savez.  Cela 
gagna  de  proche  en  proche,  sauta  de  voiture  en  voiture, 
et  bientôt  le  rythme  infernal  se  vrilla  dans  les  oreilles 
pour  n'en  plus  sortir. 

Le  charme  étant  rompu,  je  m'enfuis  jusqu'à  l'extré- 
mité àxjiOreat  Western,  dans  les  rochers  géants  d'Ilfra^ 


combe,  gloire  du  North  Devonshire,  d'où  les  coaches  et 
les  steamers  emmènent  les  touristes  sur  des  plages  déli- 
cieuses, à  Barnstaple  sur  la  Taw,  à  Bideford  sur  la 
Torridge,  à  Corabemartin,  à  Lynton,  à  Lynmouth,  à 
Clovelly ,  à  Westward-Ho.  On  voit  dans  des  villages  jolis 
comme  des  jouets  des  églises  gothiques  drapées  de  lierre, 
des  cottages  tapissés  de  roses  et  de  clématites,  de  mi- 
gnonnes auberges  où  l'on  •voudrait  passer  sa  vie.  On 
côtoie,  au  galop  des  quatre  chevaux  du  coach,  des  pré- 
cipices affreux  au  fond  desquels  les  vagues  déferlent  en 
panaches  éblouissants.  On  descend  dans  des  criques  sau- 
vages, accessibles  à  marée  basse  seulement,  où  l'on  pé- 
nètre dans  des  grottes  creusées  par  les  flots,  emplies 
d'algues  et  de  coquilles.  Et  ce  sont  partout  des  falaises 
de  six  cents  pieds,  des  vallées  de  rochers  menaçants, 
des  vallons  boisés  traversés  par  un  torrent  qui  roule  des 
pierres  moussues  et  se  jette  avec  fracas  dans  la  mer. 

Mais...  mais  à  Ilfracombe,  comme  à  Lynton,  comme 
à  Bideford,  comme  partout,  on  entend  chanter  dans  les 
rues,  aux  carrefours,  sur  les  routes,  dans  les  maisons, 
sur  les  rochers,  au  haut  des  coaches  et  sur  le  pont  des 
bateaux  votre  Ta-ra-ra-boom-de-ay!... 

Il  faut  en  prendre  son  parti  et  renoncer  à  échapper 
au  monstre.  A  Clovelly,  cette  curieuse  échelle  de  pierre 
taillée  dans  une  anfractuosité  du  roc  et  dont  chaque 
degré  porte,  hélas  !  au  moins  une  water-colouriste  et 
un  photographe,  votre  air.  Mademoiselle,  est  chanté 
devant  les  auberges,  avec  accompagnement  de  harpe  et 
de  guitare,  par  des  musiciens  qui  n'ont  pas  honte  de 
transformer  en  guinguette  ce  joli  coin  de  nature  qu'on 
eût  dû,  comme  certaine  partie  de  la  forêt  de  Fontaine- 
bleau, réserver  aux  artistes. 

Pourtant  j'ai  découvert  une  parcelle  du  territoire 
britannique  où  le  Ta-ra-ra-boom  paraît  inconnu, où,  du 
moins,  il  ne  sévit  pas  à  l'é^taigu.  C'est  l'Ile  de  Lundy, 
un  bout  de  terre  dont  la  superficie  ne  dépasse  guère 
trois  ou  quati'e  milles  dans  sa  plus  grande  étendue,  et 
qui  porte,  défendus  par  une  ceinture  de  rochers  aux 
silhouettes  hargneuses,  un  phare,  un  sémaphore,  une 
chapelle- en  zinc  cannelé  et -quelques  maisonnettes  de 
cultivateurs.  Des  pâturages  continuellement  balayés  par 
le  vent  du  large,  de  petits  champs  clôturés  de  murs  en 
pierres  sèches,  un  semblant  de  rivage  où,  de  temps  à 
autre,  un  steamer  débarque  quelques  touristes  qui  se 
hâtent  de  remonter  à  bord  pour  fuir  cette  grève  désolée, 
et  c'est  tout. 

Dans  cette  île,  Mademoiselle,  j'ai  vécu  tout  un  jour 
sans  entendre  chanter  A  smart  and  stylish  girl.  En- 
core ne  suis-je  pas  bien  certain  de  n'avoir  pas  perçu, 
dans  la  grosse  voix  de  la  mer,  qui  battait  les  falaises  à 
intervalles  inégaux,  les  premières  mesures  de  votre 
chant  de  victoire.  Mais  ce  ne  pouvait  être  qu'une 
illusion.  J'ai  béni  l'Ile  de  Lundy  pour  la  trêve  qu'elle 
m'a  accordée,  et  me  voici  prêt  à  réécouter,  claironné 


par  les  trompes  des  coachmen  ou  gratté  sur  les  banjos 
des  minstrels,  le  triomphant  pas-redoublé  qui  a  secoué 
l'Angleterre  d'un  frisson  de  joie  et  qui  vous  a  valu, 
Mademoiselle,  une  célébrité  dont  l'éclat  ternit  irrévo- 
cablement celle  du  grand  Paulus  et  de  la  plus  fêtée 
des  Yvette. 

Quand  leLondoti-Chatham-Dover  m'aura  transporté 
au  delà  du  détroit  et  remis  en  terre  française,  je  regret- 
terai peut-être  de  ne  plus  avoir,  pour  bercer  mes 
pensées,  votre  rythme  populaire  et  la  nostalgie  du  Ta- 
ra-ra-boom  me  ramènera  quelque  jour  par  ici.  Pourvu 
qu'alors  votre  gloire  ne  se  soit  pas  évanouie.  Mademoi- 
selle, comme  toutes  les  gloires  trop  rapidement  acquises, 
et  que  la  prude  Angleterre  ne  soit  retombée  à  la  sévérité 
des  cantiques,  à  l'austérité  pompeuse  des  oratorios. 


CONFÉRENCE  DE  M.  HENRY  VAN  DE  VELDE 

M.  Henry  van  de  Velde,  membre  des  XX,  a  donné  loul  récem- 
menl,  au  Kunslkring  de  La  Haye,  une  conférence  sur  «  le  paysan 
en  peinlure  ».  Quelques  mois  sur  celte  intéressante  conférence, 
—  contenions-nous  d'esquisser  la  suite  des  idées. 


Après  les  naïfs  et  immaculés  gothiques,  les  toujours  inappréciés 
primitifs  aux  sereines  paroles  de  foi,  après  cet  art  dont  le  style 
exprimait  les  plus  pures  et  les  plus  blanches  pensées  célestes,  on 
a  peint  le  paysan,  —  modèle  de  scandaleuse  ivrognerie,  celui  de 
Pierre  Breughel  ;  la  farce  soûle,  après  le  chaste  monde  enfantin 
des  légendes  de  septième  ciel,  —  Breughel,  aax  paysans  carrés 
et  pesants,  déformés,  de  largèF  et  plates  létes  enfoncées  entre  des 
épaules  tnal  équarries.  Naguère,  il  est  vrai,  étaient  arrivées 
d'Allemagne  de  petites  gravures  de  Uaps  Sebald  Beham,  licen- 
cieuses images  regardées  en  secret,  qui  pourtant  seraient  les 
germes  de  la  transformation  picturale.  Nais  l'art  de  Breughel  fut 
le  premier  éclat  de  rire  après  la  grande  époque  d'austérité  sainte, 
l'odeur  de  fumier  après  l'encens,  la  victoire  des  brutalités  nues, 
la  réalité  après  la  pensée,  l'épopée  de  la  joie  animale  après  les 
calmes  litanies. 

Et  après  lui,  Steen,  Teniers,  Ostade  :  après  un  art  de  joyeuse 
observation,  la  tendance  maintenant  à  ridicaliser;  le  paysan  non 
plus  comme  bon  vivant  de  primitive  lourdeur,  mais  sa  caricature, 
le  trapu  et  maladroit  et  difforme  compère.  Le  grand  Breughel, 
qui  le  premier  prit  la  réalité  comme  prétexte  direct  d'art;  qui  le 
premier  voulut  ce  contrepoids  devenu  nécessaire,  maintenant 
que  les  penchants  religieux  n'étaient  plus  aussi  intenses  ni  aussi 
élevés,  réduits  en  peinture  à  une  simple  convention,  faible  sillage 
des  hauts  songes  de  pureté;  Pierre  Breughel,  avec  toute  sa  pléiade 
de  disciples  :  Droogsloot,  Bloot,  Teniers  et  beaucoup  d'autres, 
petits  et  grands,  mais  n'alleighant  point  sa  grandeur  à  lui.  Tous 
ont  été  la  cause  inconsciente  de  cet  art  risiblemenl  faux,  où 
le  paysan  n'est  plus  que  quelque  figé  morceau  de  sentimentalité, 
se  mouvant  en  des  paysages  de  dessus  de  boîte  à  chocolat,  à 
l'odeur  de  renfermé  et  de  savonnade. 

Les  peintres  du  xvm«  siècle  avaient  vu  les  tableaux  de  leurs 
prédécesseurs,  en  leur  cerveau  s'était  formée  celle  conception  que 
le  sort  du  paysan  était  un  don  du  ciel,  sa  vie  une  longue  roule 


de  plaisirs  d'une  kermesse  à  l'autre',  un  tourbillon  de  folies,  de 
jeux  et  d'ivresses,  de  la  paresse  et  la  possession  de  nombreuses 
femmes. , 

El  Watteau  et  Boucher  et  Fragonard,  ils  ne  connaissaient  pas 
les  paysans,  mais  l'idée  qu'ils  s'en  étaient  faite  d'après  les  peintres 
antérieurs,  ils  l'avaient  parée  de  leurs  propres  habitudes,  et  se  les 
figuraient  comme  de  tendres  bellSlres,  paissant,  en  des  prés  d'un 
vert  léger,  de  coquettes  brebis,  —  tels  d'innocents  petits  ballots 
d'ouate  fine,  —  el  les  bergers  et  les  bergères,  assis  ensemble 
comme  de  fragiles  joujoux  d'étagère, ^s'enseignaient  à  jouer  de  la 
flùte.  Nouveau  monde  de  paysans  fixé  sur  la  toile  par  des  courti- 
sans parfumés. 

Mais  les  paysans  que  Steen  avait  figuré  en  leur  ivrognerie,  et 
qui  rêvaient  en  le  paradis  de  Watteau,  se  réveillèrent,  et  ce  fut  Mil- 
let qui  derechef  les  vit  comme  de  grandes  silhouettes  debout  en 
d'infinis  labourages,  travaillant  le  sol  revêche,  depuis  le  matin 
froid  jusqu'aux  heures  tardives  et  harassées  du  soir. 

Millet  a  fait  du  paysan  l'homme  de  la  terre,  vivant  de  la  terre, 
le  front  comme  un  champ  labouré,  les  babils  couleur  de  terre,  — 
le  pacanl  robuste  el  fauve,  avec  beaucoup  de  superstition  dans  la 
léte,  parce  que  vivant  journellement  avec  du  grandiose  que  son 
esprit  ne  peut  embrasser,  —  le  paysan  redevenu  avec  Millet  le 
peineur,  la  brute. 

Mais  ce  que  Millet  —  sorte  d'incarnation  divine  du  paysan, 
paysan  lui-même,  mais  intellectuellement  et  artistiquement 
beaucoup  plus  haut  placé  —  ce  que  Millel  avait  produit  de  si 
merveilleusement  sincère  el  largement  compris,  de  si  simple  et 
nouveau,  servit  de  modèle  à  d'aulres. 

Baslien-Lepage,  une  édition  mondaine  de  Millet,  vil  le  paysan 
à  travers  des  lunettes  de  citadin,  pholographiquement  exact, 
avant  tout  non  rebutant,  el  un  peu  sentimental,  —  tout 
comme  ces  autres,  les  Breton  et  les  L'Hermitte,  confectionnèrent 
une  vie  paysanne  tout  juste  à  la  mesure  de  ceux  qui  n'ont  jamais 
lu  Balzac  el  se  signent  au  seul  nom  de  Zola. 

El  après  eux,  à  notre  époque,  Camille  Pissarro,  qui  a  rendu 
l'existence  du  paysan  moderne,  débarrassée  des  dramatisations 
épiques  de  Millet,  Pissarro  qui  a  figuré  les  occupations  des  terriens 
en  leur  simplicité  et  leur  humilité,  Pissarro  que  Van  de  Velde 
estime  le  plus  grand. 

De  Breughel  &  Pissarro,  tout  ce  trajet  pas  à  pas  suivi,  avec  des 
détails  beaux  et  émus  ;  émue  surtout  l'admiration  de  van  de 
Velde  pour  Millet,  qu'un  immédiat  parallèle  avec  Camille  Pissarro 
semblerait  contredire  pourtant. 

Millet  n'était  pas  un  impressionniste  en  ce  sens  qu'il  rendait  la 
nature  avec  des  détails  psychologiques  et  documentaires,  car  il 
poursuivait  moins  la  réalité  que  l'harmonie.  Il  était  plutôt  poète. 
Il  n'y  a  entre  lui  el  Pissarro  aucune  comparaison  possible,  et  l'on 
peut  imputer  aux  préoccupations  actuelles  de  van  de  Velde  lui- 
même  la  supériorité  qu'il  allribup  à  Pissarro  sur  Millet.  C'est  là  un 
caprice.  Van  de  Velde  est  néo-impressionniste;  on  comprendra  donc 
qu'il  prise  surtout  le  rendu  le  plus  pur  et  le  plus  intense  d'une 
impression  de  nature. 

Mais  son  admiration  pour  l'art  symbolique  pourrait  bien  —  en 
un  temps  très  proche  —  le  faire  changer  d'idée,  le  pousser  à  ne 
plus  considérer  comme  seule  expression  d'art  le  Réalisme;  la 
grande  admiration  que  je  lui  connais  pour  les  gothiques,  en  est 
une  garantie. 

«  Les  folles  chevelures  de  chaume  de  jadis  sont  les  belles  tuiles 


de  sang  d'aujourd'hui  ;  elles  recuisent  au  soleil  leur  belle  couleur 
rouge  qui  éclaie  et  qui  crie  si  fort  qu'elle  peut  crier,  tenaillt^e  par 
son  complément  le  vert,  le  vert  qui  exulte,  qui  l'attendait  moro- 
sément  depuis  toujours  comme  une  fiancée  promise.  » 

Nous  comprenons  que  celui  qui  a  écrit  celte  phrase,  trouve 
Pissarro  très  grand,  car  ses  vœux  sont  de  même  nuance. 

Mais  qu'importe  cette  comparaison  qntre  Millet  et  Pissaro  ;  repro- 
cher à  Millet  son  côté  romantique?  Non;  nous  voulons  reconnaître 
grands  et  Millet  et  Pissarro;  nous  sommes  heureux  qu'ils  aient  été 
ainsi,  aussi  différents,  nous  donnant  deux  expressions  d'art  élevé. 
Mais  il  n'importe  que  l'on  aille  maintenant  retourner  en  tous  sens 
.ces  deux  artistes  si  hautement  honorés,  pour  savoir  lequel  des 
deux  a  le  plus  lourd  biceps,  alors  que  l'un  n'a  jamais  fait  tout  ce 
qu'il  pouvait  pour  avoir  un  lourd  biceps. 

« 

Henry  van  de  Velde  a  fait  œuvre  excellente  en  nous  don- 
nant cette  lecture  ;  car,  outre  l'intérêt  de  pareille  conférence, 
elle  a  prouvé  que  des  peintres  parfois  peuvent  bien  faire  autre 
chose  que  peindre,  ce  qui  précisément  n'est  pas  mauvais  à  celle 
époque  où  l'on  trouve  fort  drôle  —  ici,  en  Hollande  —  qu'ils 
veuillent  aussi  amplement  que  possible  «  argumenter  pour  l'art  ». 

Et  cela,  puisque  l'art  de  l'avenir  sera  avant  tout  :  un  art  soli- 
dement basé  sur  un  large  développement  intellectuel  ;  que  les 
artistes  seront  des  philosophes  et  des  hommes  de  science,  et  que 
celte  base  intellectuelle,  grâce  à  leur  sensation  artistique  plus 
intense,  sera  la  féconde  terre  nourricière  ofi  fleurira  la  prestigieuse 
fleur  de  notre  Art  jeune. 

Roland  Holst 


LE  POÈTE 


(1) 


(Traduction   inédite.) 

Le  signe  auquel  on  reconnaît  le  poète  est  celui-ci  :  il  annonce 
ce  que  personne  n'a  prédit  avant  lui.*Il  est  le  seul  vrai  savant;  il 
sait,  il  dit;  lui  seul  nous  apprend  du  nouveau,  car  il  était  seul 
présent  aux  manifestations  intimes  des  choses  qu'il  décrit.  C'est 
un  contemplateur  d'idées  ;  il  énonce  les  choses  qui  existent  de 
toute  nécessité  comme  les  x|ioses  éventuelles.  Car  je  ne  parle  pas 
ici  des  hommes  qui  ont  un  talent  poétique  ou  qui  ont  une  cer- 
taine adresse  pour  assembler  les  rimes,  mais  bien  du  véritable 
poêle.  J'ai  pris  part  dernièrement  à  une  conversation  sur  l'nuteur 
de  certaines  poésies  lyriques  contemporaines;  homme  à  l'esprit 
subtil,  dont  la  tète  semble  être  une  boîte  à  musique  pleine  de 
rythmes  et  de  sons  charmants  et  délicats;  nous  ne  pouvions  assez 
louer  sa  maîtrise  de  la  langue.  Mais  quand  il  fallut  décider  s'il 
était  non  seulement  un  lyrique  mais  encore  un  poète,  nous 
fûmes  obligés  de  confesser  que  cet  homme  durerait  quelques 
jours,  que  ce  n'était  pas  un  homme  éternel  11  ne  dépasse  pas  la 
limite  ordinaire  de  noire  horizon.  Ce  n'est  pas  un  mont  gigan- 
tesque dont  les  pieds  sonl  couverts  d'une  flore  tropicale  et  que 
tous  les  climats  du  globe  enlourcnl  successivement  de  leur  végé- 
tation, faisant  à  ses  flancs  rugueux  une  ceinture  d'herbes  de 
toutes  les  latitudes;  non,  son  génie  est  le  jardin  ou  le  parc  d'une 
maison  moderne,  orné  de  fontaines  et  de  statues,  et  rempli  de 

(1)  Suite.  Voir  notre  dernier  numéro. 


gens  bien  élevés.  Nous  discernons,  sous  l'harmonie  de  celle 
musique  variée,  le  Ion  dominant  de  la  vie  conventionnelle.  Nos 
poètes  sonl  des  hommes  de  talent  qui  chantent,  ils  iic  sont  pas 
les  enfants  de  la  musique.  Pour  eux  la  pensée  est  chose  secon- 
daire, le  fini;  la  ciselure  des  vers  est  le  principal. 

Car  ce  ne  sont  pas  les  rylhmes,  mais  la  pensée,  créatrice  du 
rythme,  qui  fait  le  poème  ;  une  pensée  si  passionnée,  si  vivante, 
que,  comme  l'esprit  d'une  plante  ou  d'un  animal,  elle  a  une 
architecture  qui  lui  est  propre,  elle  orne  la  nature  d'une  chose 
nouvelle.  Dans  l'ordre  du  temps,  la  pensée  et  sa  forme  sont  égaies, 
dans  l'ordre  génésique,  la  pensée  a  précédé  la  forme.  Le  poète  a 
une  pensée  neuve;  il  a  une  nouvelle  expérience  à  développer;  il 
nous  dira  quels  chemins  il  a  parcourus  et  il  enrichira  les  hommes 
de  ses  découvertes.  Car  chaque  période  nouvelle  demande  une 
nouvelle  confession,  un  autre  mode  d'expression  et  le  monde 
semble  toujours  attendre  son  poète.  Je  me  souviens  de  l'émoiion 
que  j'ai  eue  étant  jeune,  en  entendant  dire  que  le  génie  avait  ins- 
piré mon  voisin  de  table,  un  jeune  homme.  Il  avait  quitté  son 
,  ouvrage  et  s'en  était  allé,  errant,  nul  ne  savait  où;  il  avait  écrit 
des  centaines  de  lignes,  mais  il  ne  pouvait  pas  dire  si  elles  expri- 
maient ce  qui  était  en  lui;  il  ne  pouvait  rien  dire,  sinon  que  tout 
était  changé,  homme,  bote,  ciel,  terre  et  mer.  Que  nous  étions 
heureux  de  l'écouler!  Que  nous  étions  crédules!  il  nous  sem- 
blait que  la  Société  était  désormais  comprise.  Nous  voyions  l'au- 
rore d'un  astre  qui  allait  éteindre  toutes  les  étoiles.  Boston  nous 
paraissait  deux  fois  plus  loin  de  nous  qu'il  rie  le  paraissait  le  jour 
précédent;  bien  plus  loin  encore  qu'était  Rome?  Pluiarque  et 
Shakespeare  étaient  parmi  les  feuilles  mortes,  et  on  n'entendait 
plus  jamais  parler  d'Homère.  C'est  une  grande  chose  de  penser 
que  de  la  yraie  poésie  a  été  écrite  aujourd'hui,  près  de  vous,  sous 
votre  toit.  Comment  !  cet  esprit  merveilleux  de  la  poésie  n'est  pas 
mort!  Ces  moments  qui  nous  paraissaient  pétrifiés  depuis  si 
longtemps  sont  au  contraire  animés  et  étincelanls  !  Je  croyais  que 
tous  les  oracles  étaient  devenus  à  jamais  silencieux,  mais  la 
nature  répand  ses  feux  et  voyez!  toute  la  nuit  ces  belles  aurores 
ont  jailli  de  tous  ses  pores.  Tout  le  monde  est  quelque  peu  inté- 
ressé à  l'avènement  d'un  poêle  et  nul  né  sait  comijren  il  peut  en 
profiler.  Nous  savons  que  le  secret  du  monde  est  profond  ;  mais 
quel  homme,  quelleKchose  sera  notre  interprète,  nous  ne  le  savons 
pas.  Une  promenade  dans  la  montagne,  un  nouveau  type  de 
figure,  une  personne  encore  inconnue  peuvent  nous  donner  la 
clef  cherchée.  Il  va  sans  dire  que  la  valeur  qu'un  génie  a  pour 
nous,  gît  dans  la  sincérité  de  ses  interprétations.  Le  talent  peut 
folâtrer  et  jongler;  le  génie  réalise  et  ajoute.  L'humanité  pensante 
est  arrivée  à  ce  point  de  connaissance  d'elle-même,  que  l'éclai- 
reur  le  plus  avancé  annonce  ce  qu'il  a  découvert. 

Il  dit  la  parole  la  plus  vraie  —  entre  toutes  les  paroles  qui  ont 
été  prononcées  —  et  sa  phrase  sera  la  plus  opportune,  la  plus 
musicale,  la  plus  infaillible  des  voix  de  la  terre  à  ce  moment. 
'  Tout  ce  que  nous  appelons  de  l'histoire  sainte  atteste  que  la 
naissance  d'un  poète  est  le  principal  événement  de  la  chronologie. 
L'homme,  si  souvent  déçu  pourtant,  attend  toujours  l'arrivée  d'un 
Frère  qui  puisse  l'attacher  à  une  vérité  et  l'y  maintenir  jusqu'à  ce 
qu'il  se  la  soit  appropriée.  Avec  quellejoie  je  commence  un  poème 
où  j'espère  trouver  de  l'inspiration  ! 

Mes  chaînes  vont  se  briser;  je  monterai  plus  haut  que  ces 
nuages,  que  cet  air  opaque  dans  lequel  je  vis,  —  opaque  bien 
qu'il  semble  transparent,  —  et  du  haut  du  ciel  de  la  vérité,  je 
verrai,  je  comprendrai  tout  ce  qui  m'entoure,  tout  ce  qui  se  rat- 


^ 


J' 


lâche  à  moi.  Cela  me  réconciliera  avec  la  vie,  cela  renouvellera 
ma  nialurc,  de  voir  lous  ces  rions  animés  par  une  tendance," el  de 
savoir  ce  que  je  fais.  La  vie  ne  sera  plus  un  vain  bruit;  doréna- 
vant je  reconnaîtrai  les  vrais  hommes,  les  vraies  femmes,  je  sau- 
rai par  quels  signes  je  puis  les  distinguer  des  fous  el  des 
méchants.  Ce  jour  vaudra  mieux  que  celui  de  ma  naissance  :  alors 
je  devins  un  animal  ;  aujourd'hui  je  suis  invité-  b  goûter  de  I? 
science  du  réel.  —  Tel  est  du  moins  mon  espoir,  mais  que  de 
fois  la  réalisation  en  est  postposée  ! 

Il  arrive  le  plus  souvent  que  cet  esprit  ailé  qui  voudrait  m'en- 
Iraîner  jusqu'aux  cieux,  m'entraîne  dans  le  brouillard  et  saute 
avec  moi  d'un  nuage  sur  l'autre,  affirmant  toujours  qu'il  se  dirige 
vers  le  ciel  ;  el  moi  étant  encore  novice,  je  suis  lent  à  m'aperce- 
voir  qu'il  ne  le  connaît  pas,  ce  chemin  du  ciel,  et  qu'il  s'attache 
seulemenl  à  m'exhiber  son  adresse  à  s'élever  dans  les  airs,  tout 
comme  un-  oison  ou  un  poisson  volant,  fier  de  s'élever  un  peu 
au-dessus  de  lerre;  mais  cet  homme  n'habitera  jamais  l'air 
transparent,  translucide  et  nourrissant  du  ciel.  Je  retombe  bientôt 
dans  mes  vieilles  manies,  je  mène  comme  par  [e  passé  une  vie 
remplie  d'exagérations,  et  j'ai  perdu  ma  foi  dans  la  possibilité 
de  trouver  un  guide  pour  me  conduire  où  je  voudrais  être. 

{A  continuer.) 

LITTÉRATURE   REPORTIÈRE 

Savoureux  ce  morceau  de  style  journalistique.  Oh!  cette  mer 
qui  devient  un  vaisseau  qui  se  change  en  champ  de  bataille! 

LE  THÉÂTRE  EN  GESTATION 
Les  répétitions. 

Au  silence  léthargique  suspendu  aux  rayons  d'or  qui  percent 
comme  des  traits  la  pénombre  mystérieuse  du  théâtre  déserté  a 
succédé  soudain  la  fièvre  des  préparatifs. 

Dans  l'embrasement  des  herses  greffées  le  long  de  la  rampe  a 
surgi  la  passerelle  des  répétitions  amarrée  dans  l'orchestre. 

Lu  lumière  orange  du  gaz  déchirant  les  brumes  argentines  qui 
planent  dans  la  salle,  nimbe  les  vagues  symétriques  formées  par 
la  toile  mastic  tendue  d'un  bout  à  l'autre  des  fauteuils. 

El  ceUe  mer  dont  l'horizon  va  n^ourir  au  pied  des  falaises 
gigantesques  figurées  par  les  draperies  terreuses  qui  cascadenl 
de  bourrelet  en  bourrelet,  répercute  les  vocalises  et  tes  accords 
martelés  du  piano. 

C'est  le  réveil  du  théâtre.  A  ce  signal  il  semble  que  la  nuit  qui 
emplissait  le  vaisseau  de  la  Monnaie  se  soit  envolée  par  l'éblouis- 
sanlc  écoulille  du  lustre,  large  ouverte  sur  le  ciel. 

Les  artistes,  qui  répètent  en  costume  de  ville,  dessinent  leur 
mordante  silhouette  dans  l'embrasement  de  la  tribune  du  chef 
d'orchestre.  ^-"x 

Au  fond  de  la  scène,  vaste  charnp  de  bataille  où  le  gaz  el  le 
soleil  déversé  par  les  croisées  latérales  se  livrent  un  aveuglant 
combat,  un  groupe  de  chanteurs  plongés  dans  leur  partition 
attendent  le  moment  d'entrer  en  ligne... 


Le  joyeux  Max  Sulzberger  —  l'homme  à  la  gaffe  —  baragouine, 
dans  le  volaptik  mi-sémile  el  mi-germain  qui  remplace  chez  lui 
la  langue  française,  ses  insanités  habituellest  à  propos  du  Salon 
de  Gand.  Voici  ce  que  raconte  cet  ignare  critique  : 

«  Qu'esl-ce  que  l'impressionnisme  («te),  sinon  l'arldes  igno- 
rants, incapables  de  sentir  et  de  fixer  la  forme  caracléristique,  ou 


des  impuissants  donl  l'indigence  de  sève  et  de  savoir  s'affuble  du 
masque  novateur?  Imagine-t-on  un  compositeur  qui  ne  connaî- 
trait pas  son  solfège?  » 

iNon,  Mossieu  !  Mais  on  imagine  plus  facilement  un  critique 
qui  ne  connaît  pas  son  métier. 

M.  Sulzberger  salue  une  réaction  contre  le  luminisme  moderne 
par  un  prétendu  retour  au  clair-obscur  de  Rembrandt.  Comme  si 
on  pouvait  recommencer  un  art  passé,  regrimper  un  sommet  où 
Rembrandt  a  planté  son  phare  !  C'est  insensé,  Monsieur  !  Vous 
jetez  du  ridicule  sur  un  peintre  de  talent  !  \ 

Plus  loin,  le  gai  plumitif  ûnonne  : 

«  Croire  en  soi-même  constitue  pour  l'artiste  un  bouclier  aussi 
bien  contre  les  séductions  de  la  mode  que  contre  les  tentations 
de  suivre  les  cassé-cou  à  la  recherche  aventureuse  du  nouveau. 
Il  en  faut  certes  (??).  Ce  sont  les  pionniers.  Ils  ouvrent  la  voie. 
Mais  pour  marcher  à  leur  suite,  il  faut  au  moins  de  la  foi  dans 
cet  art  nouveau.  Si  je  dis  nouveau,  c'esl  par  simple  condescen- 
dance. 11  n'y  a  en  réalité  qu'un  art,  le  vrai.  » 

Vous  comprenez?  Quel  gâchis  et  quel  étalage  de  vague  igno- 
rance! Plus  loin,  le  chauve  Juif  nous  apprend  que«  M.  Louis 
Moreels  paraît  avoir  hérité  de  l'œil  de  Meissonier  ». 

Le  Musée  de  Cluny  possédait  bien  déjà  la  mâchoire  de  Molière. 
Nos  compliments  à  M.  Moreels  ! 

Continuons  : 

«  La  nature  morte  donne  aussi  ses  grandes  satisfactions.  » 

La  nature  réclame  certainement,  Mossieu,  de  grandes  et  de  petites 
satisfactions,  mais  il  faut  qu'elle  ne  soit  pas  morte  pour  cela. 

Tout  l'article  pullule  ainsi  de  non-sens  et  de  phrases  ridicules. 
C'est  un  parterre  de  gaffes.  M.  Sulzberger  reproche  à  M.  Victor 
Van  Dyck  de  porter  le  nom  d'un  grand  peintre.  On  ne  reprochera 
jamais  à  un  Sulzberger  de  porter  le  nom  d'un  grand  critique. 


^CCUpÉ^    DE    F(ÉCEPTIOJS  ^ 

Ballaè^  russes,  par  l'abbé  Hector  Hoornaert,  avec  deux 
eaux-fortes  par  Daniel  De  Haene  ;  Gand,  A.  Siffer.  —  L'Envol  des 
Rêves,  par  Arthur  Dupont  ;  Bruxelles,  P.  Lacomblçz.  — Bois 
ton  SflHfli,  par  Pierre  Dévoluy,  avec  une  préface  par  Albert 
LxvTOitiE;  Viris,  librairie  de  l'Art  i7idépendaiit. 


fETlT^  CHROf^IQUE 


Les  nouveautés  que  donnera  celle  année  la  direction  de  la 
Monnaie  sont,  outre  Yolande,  drame  lyrique  en  un  acte,  de 
M.  Albéric  Magnard,  un  acte  de  M.  Jan  Blockx,  Maître  Martin, 
un  acte  de  M.  Jeno  Hubay,  Le  Luthier  de  Crémone,  et  le  Werther 
de  Massenet.  On  annonce  aussi  une  reprise  de  Lohengrin  avec 
M.  Muralet,  qui  vient  d'être  engagé. 

Un  charmant  homme  très  connu  des  artistes  et  qui  comptait  en 
Belgique  beaucoup  d'amis,  M.  Armand  Gouzien,  inspecteur  du 
Gouvernement  français  près  les  théâtres  subventionnés,  vient  de 
mourir  à  Gucrnesey,  dans  la  maison  jadis  habitée  par  Victor  Hugo. 

Armand  Gouzien  a  été,  à  la  fin  de  l'Empire  el  depuis  dix  ans, 
l'une  des  personnalités  en  vue  du  monde  artistique  de  Paris. 

Né  à  Brest,  il  était  venu  de  1res  bonne  heure  à  Paris,  où  il 
avait  noué,  dans  le  monde  artistique  et  littéraire,  entre  autres 


dans  la  maison  do  Victor  Hugo,  nombre  d'amiliés  qui  lui  sonl 
restées  fidèles, 

Journaliste  de  talent,  musicien  aimable,  il  a  marqué  dans  l'une 
et  l'autre  de  ces  deux  .carrières.  Les  articles  qu'il  publia  dans 
divers  journaux,  et  surtout  dans  le  Rappel,  décelaient  un  esprit 
pénétrant  et  fin.  Comme  compositeur,  on  lui  doit  nombre  de 
chansons,  dont  quelques-unes  obtinrent  une  vogue  considérable, 
entre  autres.  Rendez-moi  ina  Guadeloupe,  interprétée  par  la 
créole  Kadoudjé. 

Il  est  aussi  l'auteur  de  la  fameuse  Légende  de  saint  Nicolas, 
sur  des  paroles  de  Gérard  de  Nerval.  Précurseur  de  nos  chan- 
sonniers actuels,  Gouzien  la  chantait  lui-même  dans  les  salons  de 
la  façon  la  plus  charmante  et  avec  de  prodigieux  succès.  Mais 
ces  succès  le  laissèrent  assez  calme  :  «  Il  y  a  tant  de  belles  choses 
faites  par  d'autres,  disait-il;  ce  n'est  pas  la  peine  de  s'y  mettre. 
J'aime  mieux  les  écouter  ». 

En  septembre  1873,  il  avait  épousé  M"®  Marie  Régnier  dont  la 
famille  était,  comme  lui,  très  liée  à  la  famille  Hugo. 

Armand  Gouzien  n'élait  âgé  que  de  52  ans.  D'un  caractère 
très  loyal,  très  franc,  très  gai,  causeur  plein  d'esprit  et  de 
charme,  scrviable  à  tous,  sa  mort  aura  causé  de  vifs  regrets  \i 
tou."»  ceux  qui  l'ont  connu. 

On  annonce  aussi  de  Paris  la  mort  du  compositeur  belge 
Limnander,  auteur  d'un  opéra  comique,  Les  Monténégrins,  qui 
eut  vers  1850  un  très  grand  succès.  M.  Limnander,  qui  avait 
78  ans,  vivait  depuis  longtemps  en  Seine-et-Oise,  dans  sa  propriété 
de  Moignanville. 

La  dernière  livraison  parue  de  l'Art  et  l'Idée  contient,  illustrée 
de  croquis  de  M.  P.  Vidal,  une  intéressante  étude  de  M.  Octave 
Uzanne  sur  l'hôtel  DrouoI,  dont  l'auteur  critique  vivement  l'orga- 
nisation défectueuse;  des  notes  et  souvenirs  sur  Charles  Monselel, 
avec  plusieurs  portraits  inédits;  la  critique  des  livres  du  mois,  etc. 
cpmplète  la  livraison  de  cette  jolie  revue. 

On  lira  avec  intérél,  dans  la  Jeune  Belgique  de  ce  mois,  le 
beau  conte  de  M.  Georges  Eekhoud,  L'honneur  de  Luttéralh. 

M.  Charles  Tardieu  n'est  plus  rédacteur  en  chef  de  l'Indépen- 
dance belge.  U  est  remplacé  par  M.  Gérard  Harry.  On  se  rappelle 
que  M.  Harry  n'a,  lui,  pas  hésité  à  reconnaître  dans  Maurice  Mae- 
terlinck un  écrivain  de  grand  talent.  Son  avènement  à  la  «  rédac- 
tion en  chef  »  de  l'Indépendance  semble  donc  promettre  dans 
l'allure  du  journal  une  évolution  favorable  à  la  jeunesse  littéraire 
belge.  Nous  espérons  bien  que  la  morgue  jusqu'ici  étalée  par  les 
Frédérix  et  les  Tardieu  à  l'égard  des  jeunes  cessera.  La  nomination 
du  nouveau  rédacteur  en  chef  marquera  peut-être  la  fin  du  régime 
de  basse  rancune  et  de  sotte  envie  que  les  plumitifs  arriérés  et 
haineux  qui  cuisinaient  la  littérature  de  l'Indépendance  ont  fait 
régner  jusqu'ici  dans  les  colonnes  de  leur  gazette.  Nous  atten- 
dons. ^ 

M.  Eugène  Demolder  fera  paraître  à  la  fin  d'octobre  un  nouveau 
livre  ;  Les  Récits  de  Nazareth. 

Beau  concours  de  musique  de  chambre,  à  l'Ecole  de  musique  de 
Vervicrs.  Fragments,  pour  archets.des  quatuors  deHaydn,  Mozart, 
Beethoven,  Mcndeissohh;  et,  pour  piano  et  archets,  du  trio  en  ut 
mineur  de  Beethoven,  du  quatuor  de  Sehumann,  du  1"  trio  de 
Franck  et  du  quintette  de  Caslillon. 

Professeur  de  la  classe  d'ensemble,  M.  L.  Kefer,  directeur.  — 


M'"  Eva  Lacroix,  pianiste  (1"  prix  avec  la  plus  grande  distinc- 
tion), M.  Paulus,  1"  violon  (1"  prix),  M.  Gaillard,  très  bon  vio- 
loncelle (1"  prix),  M.  Nestor  Lejeunc,  alto,  bon  2"  prix. 

Occasion  de  plus  pour  constater,  toujours  avec  la  même  stu- 
peur, combien  César  Franck  écrase  tout  ce  qui  l'entoure.  Chose 
étrange,  ce  public,  composé  de  parents  venus  pour  entendre  leur 
progéniture,  et  pas  du  tout  pour  entendre  les  maîtres  anciens  ou 
nouveaux,  ce  public  a  été  emballé  par  le  trio  du  père  Franck. 

Les  jeunes  gens  qui  le  jouaient,  ces  mêmes  natures  d'enfants 
qui  venaient  de  nous  donner,  sans  paraître  le  sentir,  du  classique 
plus  ou  moins  ancien,  se  sont  trouvés  emportés  malgré  eux  par 
cette  fougue,  par  ce  dessin  si  puissant  et  si  simple.  L'œuvre  avait 
grandi  les  interprètes. 

Et  ainsi  monte  petit  à  petit  l'Ecole  de.Verviers,  formant  des 
musiciens  solides  et  consciencieux,  les  années  où  la  terre  ne  lui  a 
pas  fourni  de  vraies  natures  de  virtuoses  à  polir;  et,  par  tous  les 
moyens,  réveillant  dans  les  exécutants  et  dans  le  public  quelque 
chose  de  la  passion  d'art  qui  commence  à  agiter  notre  pays. 

,    .  I.  W. 

Du  poêle. Francis  Vielé-Griffin,  — dans  les  Entretiens  politiques 
et  littéraires,  —  ces  réflexions,  en  résumé  sympathiques,  sur  la 
littérature  belge,  vue,  en  partie,  d'assez  loin  : 

«  De  nouvelles  escarmouches  ont  lieu  autour  de  M.  Lemonnier, 
qu'on  (axe  de  plagiat  ici,  d'écrittJre  nationale  Ib-bas.  Je  serais  mal 
à  mon  aise  pour  critiquer  l'auteur  de  tant  de  livres  que  (M.  Loti 
me  justifie)  je  n'ai  pas  lus  avec  soin,  mais  vraiment  heureux  de 
calmer  quelques  susceptibilités  et  de  blâmer  quelques  erreurs. 

Il  est  incontestable  que,  l'atavisme  aidant,  il  existe  des  écrivains 
belges,  mais  tous  les  Belges  ne  sont  pas  écrivains  et  parmi  ceux 
qui  écrivent  tous  ne  sont  pas  des  écrivains  belges.  Si  MM.  Ver- 
haeren  et  Maeterlinck  incarnent  pour  nous  les  Flandres,  si 
M.Mockel  exprime  l'ûme  wallonne,  si  M.  Rodenbach,  ààn%  Bruges 
la  morte,  bien  qu'il  se  contente  avec  raison  à  noire  sens  du  titre 
d'écrivain  français,  sem^ble  avoir  quintessencié  l'intime  et  filial 
amour  du  clocher,  MM.  Giraud  et  Gilkin  d'un  autre  côté,  quel 
que  soit  leur  talent,  ne  se  différencient  pas  de  nos  parnassiens 
de  Paris  et  d'ailleurs. 

Que  signifie  dès  lors  cette  «  concentration  devant  l'étranger  »? 
et  ne  serait-on  pas  en  droit  de  la  trouver  'moins  logique  que 
celle  des  félibres  qui  s'essaient,  eux,  h  ressusciter  une  languei, 
leur  patrimoine  légitime?  Les  Belges  se  gardent  bien  d'écrire  en 
flamand,  estimant,  avec  raison  sans  doute,  la  langue  française 
plus  belle.  Dès  lors,  que  ne  se  contenleraient-ils  d'être  littéra- 
teurs français? 

Si,  en  préconisant  une  littérature  belge,  ils  se  livrent  simplement 
à  une  manœuvre  locale  pourdésarçonner  les  gâteux  extraordinaires 
qu'ils  nous  dépeignent,  rien  de  mieux;  s'ils  entendent  que  l'âme 
flamande  peut  et  doit  s'exprimer,  c'est  encore  bien  :  MM.  Maeter- 
linck et  Verhaeren  (nous  l'avons  dit)  et  M.  Demolder,  ont  senti 
et  victorieusement  prouvé  cette  vérité.  Mais  s'il  est  question  vrai- 
ment d'un  nouvel  essai  de  particularisme,  nous  les  engagerions  à 
réfléchir.  La  lutte  même  en  Belgique  est  entre  vieux  et  jeunes  ; 
mais  il  y  a  même  en  Belgique  des  jeunes  dépourvus  de  tout  talent 
et  nécessairement  en  contradiction  esthétique  avec  jcs  jeunes 
talents,  leurs  contemporains.  L'allure  de  la  jeunesse  littéraire 
belge  me  semble  devoir  gagner  ni  en  franchise  ni  en  intérêt  par 
la  concentration  devant  l'étranger.  Car  il  n'y  a  pas  de  trêve 
durable  entre  poètes  et  versificateurs,  Balxô^thmeurs  et  sylla- 
bisants,  entre  le  bien  et  le  mal  esthétiques. 

Puissent  nos  amis  du  Nord  qui  savent  l'estime  où  nous  les 
tenons  et  dont  l'un  nous  écrivait  il  y  a  peu  :  «  nous  sommes 
internationalistes  »,  percevoir  le  ridicule  de  tout  ceci  et  recon- 
naître l'impartialité  logique  de  nos  sentiments.  » 


V 


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Douzième  année.  —  N"  30. 


Le  numéro  :  85  centimes. 


Dimanche  4  Septembre  1892. 


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L'ART 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,    un   an,   fr.   10.00;  Union   postale,    fr,    13.00.    —  ANNONCES   :    On   traite  à   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  d 
l'administbation  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  rindnstrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


Respect  aux  arbres.  —  Le  mouvement  littéraire  en  Belgi- 
que. Les  Poètes.  —  A  La  Haye.  Exposition  d'œuvrcs  de  quelques 
membres  des  XX  et  de  TAssociation  pour  l'Art.  —   Les  artistes 

Et   LES   MAUCUANDS.    —    CHRONIQUE  JUDICIAIRE    DES    ARTS.    — ^   PETITE 
CHRONIQUE. 


RESPECT  AUX  ARBRES 

A.  M.  De  Bruyn,  Ministre  de  l'Agriculture. 

C'est  à  votre  Département,  n'est-ce  pas,  Monsieur  le 
Ministre,  que  rassortissent  la  plantation  et  l'aménage- 
ment des  arbres  le  long  des  grandes  routes,  leur  élagage, 
et  éventuellement  le  crime  de  leur  mutilation  ou  de  leur 
suppression.  Je  m'excuse  de  n'en  pas  être  certain  :  c'est 
parfois  si  bizai-re  la  distribution  des  matières  adminis- 
tratives. Je  n'ai  de  guide  à  cet  égard  que  le  souvenir  des 
sottes  querelles  que  notre  journalisme  de  gentilshommes 
vous  fait  périodiquement  à  propos  de  questions  cham- 
pêtres. Vous  partagez,  à  cet  égard,  le  sort  tracassé  de 
M.  Van  den  Peereboora,  à  qui  l'on  endosse  les  fautes  du 
'moindre  aiguilleur,  et  même  les  calamités  fortuites  de 
cet  aiguilleur  sinistre  de  nos  vies,  le  Destin.  Vous  avez 
pour  subir  ces  taquineries  un  flegme  aussi  souriant  que 
celui  de  votre  collègue  est  dédaigneux.  Tous  deux  vous 


réussissez  à  faire  enrager  comiquement  les  moustiques 
journalistiques.  Mais  aujourd'hui,  c'est  très  sérieuse- 
ment et  pour  une  bonne  cause,  je  crois,  que  je  m'arme 
de  la  plume  à  piqûres.  Si  je  m'adresse  mal,  daignez 
passer  cette  épitre  à  celui  de  vos  co-souffre-douleur 
ministériels  que  la  chose  concerne.  On  vous  sait  tous 
accueillants  et  aimables,  quoi  qu'en  disent  les  gazettes, 
chantant  leurs  airs  imposés,  dans  les  concours  de  polé- 
mique. 

Voici  que  les  vacances  m'ont  ramené  aux  champs  et 
aux  promenades  et  que,  fidèle  aux  prédilections  natales, 
je  me  cache  en  un  coin,  nouveau  pour  moi,  de  cette 
Belgique  variée,  paisible  et  charmante  où,  pour  le  coeur 
et  les  jeux,  reposent  tant  de  douces  solitudes.  En  Cam- 
pine  limbourgeoise,  cette  fois  encore,  mais  non  plus 
dans  le  montagneux  désert  de  la  Dorsale,  là  où  elle 
domine  la  riante  et  large  vallée  mosane.  Plus  au  nqrd 
et  à  l'est  de  la  tranquille  province,  en  un  oasis  de  prai- 
ries, verdoyantes  malgré  l'affreuse  sécheresse,  sur  les 
rives  mollement  en  pente  des  filets  d'eau  qui  suintent 
des  plateaux  de  la  ligne  de  faîte,  partagés  par  celle-ci 
comme  une  longue  chevelure  par  sa  raie  centrale,  minces 
et  presque  ^ns  cours,  rougis  par  l'oxyde  de  fer,  laissant 
voir  par  plaques  le  blanc  silice  ailleurs  amassé  en  mon- 
ticules moirés  par  les  vents  et  tachés  par  les  bouquets 
améthystes  de  la  bruyère  dont  la  divine  floraison,  bour- 
donnante d'abeilles,  s'épanouit  depuis  huit  jours.  Oasis 


T 


■^ 


282 


L'ART  MODERNE 


bouqueté  de  chênes  séculaires,  de  châtaigniers  véné- 
rables, de  platanes  aux  feuilles  claires  vernissées,  venus 
là,  autour  d'une  vieille  demeure  à  tourelles,  entourée  du 
quadrilatère  fossé  aux  eaux  dormantes  dont  jadis  "on 
protégeait  les  grosses  habitations  campinoises,  qui 
devenaient  ainsi,  pour  le  voisinage,  aux  jours  de  trouble 
et  de  rumeur,  un  refuge,  un  Schanz  suivant  le  mot 
traditionnel.  Oasis  sévère,  dite  le  Dool,  le -coin  perdu. 
Oasis  étranglé  entre  des  landes  maculées  de  marais, 
des  landes  aux  noms  évocateurs,  et  si  lointains  dans 
l'origine  de  l'événement,  de  l'aspect,  du  malheur  qui 
les  a  fixés.  Ici,  la  bruyère  du  Soleil,  Sonnische  Ileide; 
là,  la  bruyère  brûlée,  Verhrnnde  Heide;  plus  loin  le 
Donderschlagsche  Heide,  la  bruyère  du  coup  de  ton- 
nerre. Avec  de  bas  horizons  de  dunes,  ramassées  en  tas 
par  les  ouragans  du  sud-ouest,  à  quarante  lieues  de  la 
mer,  les  Witienbergen,  les  Kraenenbergen,  les  Olnien 
et  \q&  Beukenbergen.      <^ 

Une  route  de  l'Etat,  large,  plane,  droite,  jadis  à  relais 
et  à  roulage,  maintenant  inefïàblement  muette,  et  vei*^ 
dissante  aux  commissures  des  lourds  pavés  dont  les 
chariots  hoquetants  ne  tourmentent  plus  les  cabochons, 
traverse  du  sud  au  nord  cette  sommeillante  contrée  : 
celle  de  Liège  à  Bois-le-Duc.  Entre  Helchteren  et  Hech- 
tel  elle  franchit  la  ligne  de  partage  des  eaux  de  la  Meuse 
et  de  l'Escaut,  à  peine  sensible,  tant  cette  Campine  apla- 
nit nonchalamment  son  vaste  plateau  sous  le  soleil.  A 
l'ouest  va,  va,  monotone  et  grandiose,  la  bruyère  du  camp 
de  Beverloo,  elle  aussi  désormais  moins  tourmentée  du 
piétinement  des  hommes  et  du  sabotement  des  chevaux, 
depuis  que  les  manœuvres  en  terrain  varié  ont  mis  fin 
aux  classiques  petites  guerres  d'autrefois,  toujours  me- 
nées suivant  le  même  programme,  pièces  militaires  à 
grand  spectacle,  où  invariablement  on  forçait,  vers  Lom- 
mel,  le  passage  de  la  Grande-Nèthe  défendu  par  les 
marais  de  Moog,  ou,  vers  Coursel,  le  défilé  sablonneux 
du  Spikel-Spaede. 

Ce  pays  est  beau.  Monsieur  le  Ministre;  à  la  nature 
il  ajoute  les  souvenirs.  L'œil  y  regarde  et  le  cerveau  y 
pense.  A  l'ouest,  quadrangulaire  et  massive,  à  soixante 
mètres  au-dessus  des  cultures  et  des  sables,  très  sem- 
blable à  sa  sœur  du  littoral  la  tour  de  Lisseweghe,  se 
dresse  la  tour,  en  briques  dartreuses,  de  Peer,  aperçue 
de  partout  ici  en  sa  colossale  silhouette,  construction 
expiatoire,  élevée  parErard  de  laMarck,  le  Sanglier  des 
Ardeûnes;  venu  en  bête  fauve  sortie  des  bois,  ravager 
le  pays,  et  craignant  l'enfer.  A  Beeringen,  vers  le  midi, 
a  résidé  Voltaire,  avec  sa  grande  dame  femme  de 
charge,  la  marquise  du  Châtelet,  la  classique  Emilie  : 
des  lettres,  dans  sa  correspondance  imprimée,  en  sont 
datées.  Près  de  là,  près  de  Pael  —  à  la  bonne  bière  — 
il  y  a  un  Venusberg.  A  Zonhoven,  Heliopelis  en  Cam- 
pine, eurent  lieu  en  1833  les  préliminaires  entre  les 
Hollandais  et  les  Belges  pour  la  première  fois  considérés 


autrement  que  des  rebelles  et  des  révoltés  par  leurs 
frères  ennemis  du  Nord,  et  c'est  au  château  de  Vogel- 
zaîig  sous  Zolder  que  fut  alors  signée  la  convention 
militaire  qui  régla  le  pî^age  en  Belgique  des  troupes 
de  la  garnison  de  Maestricht. 

Epfin,  et  surtout,  c'est  sur  un  tronçon  de  cette  route 
aujourd'hui  si  silencieuse  qu'en  1831,  pendant  deux 
journées  du  mois  d'aofit,  fut  livré  le  plus  dur  combat 
de  la  campagne  offensive  arrêtée  après  la  bataille  de 
Louvain  par  l'arrivée  du  maréchal  Gérard,  que  les  Hol- 
landais menèrent  pour  reconquérir  cette  Belgique  qui, 
si  malheureusement,  si  héroïquement  et,  si  naïvement, 
se  séparait  d'elle. 

Le  général  Daine,  qui  commandait  notre  petite  armée 
de  la  Meuse,  aussitôt  qu'il  avait  appris  la  marche  en 
avant  des  Hollandais,  avait  réuni  toutes  ses  troupes  dis- 
ponibles, sept  mille  hommes,  sur  un  plateau  qui  coupe 
la  route  entre  Zonhoven  qu'il  avait  derrière  lui,  et  le 
village  de  Houtliaelen  qui  était  à  son  front  de  bandière. 
Au  pied  de  sa  position,  coulait  le  Laembeek,  qui  fait 
encore  mouvoir  un  des  plus  pittoresques  moulins  bran- 
lants de  la  Campine,  celui  de  Haagendoren,  presque  au 
sortii-  des  marais  du  Donderslagh.  A  dix  kilomètres  en 
avant,  à  Hechtel,  il  avait  envoyé  des  avant-postes.  C'est 
à  ceux-ci  que  se  heurta  la  division  ennemie  du  général 
Cort-Heiligers,  qui  envahissait  le  pays  par  Lommel. 

Les  volontaires  belges  défendirent  pied  à  pied  le  ter- 
rain avec  un  dévouement  admirable.  Disséminés  sur  les 
deux  côtés  de  la  route,  ils  firent  un  retranchement  de 
chaque  buisson  de  sapin,  de  chaque  stèle  de  genévrier,  de 
chaque  monticule  de  sable,  des  maisons  rustiques  aux 
murs  jaunes  en  glaise  tapissés  de  vignes,  des  grands  til- 
leuls odorants  qui  les  ombragent.  Aujourd'hui,  après 
soixante  années,  les  paysans  racontent  encore  les  vail- 
lances de  ces  héroïques  maladroits  qui  combattaient 
pour  la  destruction  de  ce  bel  ensemble  des  Pays-Bas, 
source  d'inépuisables  regrets. 

C'était  le  5  août.  A  sept  heures  du  soir  seulement,  les 
Hollandais  occupèrent  le  village  de  Houthaelea,  à  portée 
de  canon  du  plateau  où  campait  Daine. 

Le  lendemain,  le  combat  recommença.  "Vingt-cinq 
cuirassiei's  belges,  traversant  au  point  du  jour  les  bords 
marécageux  du  Laembeek,  enlevèrent  la  grand'garde 
ennemie.  Le  village  fut  enlevé  par  les  voltigeurs  et  les 
Hollandais  reculèrent  jusqu'à  Hechtel  dont  ils  étaient 
partis  la  veille 

Or,  Monsieur  le  Ministre,  c'est  sur  ce  tronçon  histo- 
rique de  la  grande  route  de  Liège  à  Bois-le-Duc  qu'il  se 
passe  présentement  des  choses  abominables.  Elle  est 
bordée  d'arbres,  selon  l'usage  :  des  mélèzes,  des  chênes 
blancs  du  pays, des  hêtres,  parfois  un  marronnier  ou  un 
châtaignier,  et  de-ci  de-là  un  chêne  vert  d'Amérique 
introduit  en  ces  dernières  années.  Vous  souhaiteriez 
assurément  que  ces  ombrages  fussent  dignes  de  tels  sou- 


VART  MODERNE 


283 


venirs,  et  que  par  la  fierté  des  troncs  et  l'ampleur  des 
rameaux  le  site  apparût  noble  et  sacré.  On  voudrait 
là  une  allée  monumentale  et  sombre  telle  qu'on  en  obtient 
si  aisément  quand  on  laisse  l'arbre  à  la  libre  circulation 
de  la  bonne  sève  naturelle  et  à  la  belle  fantaisie  de  sa 
pousse  en  branches. 

Or,  un  sauvage,  un  fonctionnaire  qu'on  devrait 
mettre  en  croix,  a  mis  en  pratique  les  règles  4ites  de 
la  culture  forestière  rationnelle,  qui  n'ont  qu'un  but, 
faire  produire  à  l'arbre  le  plus  de  bois  possible  pour  les 
fagots  ou  les  planches.  Les  frondaisons  touffues,  la  beauté 
ogivale  des  longues  avenues  respectées,  la  fraîcheur  des 
abondants  feuillages,  les  sentiments  que  ces  splendeurs 
éveillent  dans  l'âme  même  la  plus  rustique  et  la  plus 
inconsciente,  sont  par  lui  sacrifiés  indignement.  Il  tra- 
vaille pour  faire  pousser  tout  en  balais,  en  chandelles, 
en  brosses  à  nettoyer  les  verres  de  quinquets,  mutilant 
les  troncs,  les  dépouillant  de  leurs  basses  branches,  les 
déshonorant  par  des  cicatrices  effroyables,  coupant 
presque  à  ras  de  la  tige  principale  les  plus  nobl^s 
rameaux,  soulevant  la  colère  du  passant  qui  marche  la 
bouche  pleine  d'exécrations  et  d'anathèmes. 

Le  spectacle  est  hideux.  C'est  une  chirurgie  d'ambu- 
lance sur  un  champ  de  bataille.  Ces  arbres  martyrs  font 
surgir  dans  la  mémoire  ces  vers  des  Odes  funambu- 
lesques où  Théodore  de  Banville  décrivant  d'autres 
arbres  ainsi  violés,  disait  qu'ils  étalaient,  pour  l'œil 
pleurant  du  promeneur, 

Tant  de  gibbosités,  do  goitres  et  de  ventres 
Qu'en  les  aurait  tous  pris  pour  d'anciens  barytons! 

Monsieur  le  Ministre,  faites  cesser  cela.  C'est  du  van- 
dalisme! Ce  n'est  pas  la  première  fois  que  pareilles  pro- 
testations s'élèvent.  LArt  moderne  a  signalé,  entre 
autres,  le  crime  commis  sur  la  route  de  Westcapelle  à 
l'Ecluse  où  les  incomparables  peupliers  du  Canada,  éche- 
velés  par  les  souffles  marins,  tous  penchés  vers  le  même 
horizon,  racontaient  héroïquement  les  tempêtes  d'hiver 
aux  touristes  de  Blankenberghe  et  d'Heyst,  ont  été  bar- 
bareraent  abattus  comme  au  temps  des  invasions  sémi- 
tiques en  Espagne.  Juste  depuis  la  borne  frontière  on  a 
tout  rasé  en  Belgique,  tandis  que  la  Zélande  arbore 
encore  cette  gloire  forestière  et  nous  fait  honte. 

Les  rustiques  campinaires  donnent  ici  une  leçon  aux 
étranges  préposés  qui  représentent  votre  administration, 
Autour  de  leurs  chaumines  ils  ont  des  arbres,  des  til- 
leuls surtout  :  ils  n'y  touchent  jamais.  Aussi  quelles 
somptueuses  couronnes,  à  côté  de  leurs  frères  rachiti- . 
ques  de  la  route  gouvernementale,  glorifient  leur?  ferme- 
lettes  accroupies  sous  les  grands  toits  de  chaume  roux 
rapiécé  de  tuiles  du  rouge  éclatant  qui  se  fiance  si  bien 
au  vert. 

On  m'a  raconté  au  camp  de  Beverloo,  où  à  côté  des 
superbes  verdures  du  Parc  et  du  Faux-Parc,  il  y  a  des 


avenues  dontS  les  chênes  sont  flétris  par  les  mêmes 
mutilations ,  que  c'était  un  de  vos  prédécesseurs , 
M.  Malou,  qui,  visitant  notre  cité  militaire  et  y  voyant 
ces  jeunes  arbres  pousser  joyeusement  et  artistement  à 
leur  fantaisie,  avait  trouvé  que  c'était  un  mauvais 
moyen  de  les  faire  produire  et  avait  conseillé  le  gro- 
tesque ébranchage  qui  eux  aussi  les  défigure. 

Si  c'est  vrai,  que  la  mémoire  de  ce  noir  millionnaire 
soit  vouée  aux  malédictions  ! 

Et  si  vous  aussi,  contraii'ement  à  mon. espoir,  ne 
prenez  pas  d'immédiates  mesures  pour  laisser  à  celles 
de  nos  grandes  routes  qu'on  n'a  pas  encore  souillées  et 
dégradées  les  belles  frondaisons  -qui  les  rendaient  à 
l'étranger  célèbres,  si  vous  croyez  que  les  produits 
divers  du  domaine  public  consistent  en  recettes  mon- 
nayées et  ne  comportent  pas  les  jouissances  artistiques, 
soyez  à  votreHeur  conspué  et  maudit  !  Que  Termonde, 
votre  cité  natale,  ville  flamande  aux  prairies  d'éme- 
raude  et  splendide  par  la  verdure,  vous  traite  en  fils 
dénaturé!  Que  messieurs  les  reporters,  même  dans 
l'autre  monde,  vous  pourchassent  de  leurs  éreintements  ! 


LE  MOUVEMENT  LITTERAIRE  EN  BELGIQUE 


(1) 


Voici  le  second  article  que,  dans  le  Figaro,  avec  un  remar- 
quable talent  de  pénétration  et  une  sympathie  si  éclairée,  a  publié 
M.  François  de  Nion  sur  notre  mouvement  littéraire.  Il  nous 
revient  que  l'auteur  projette  de  développer  en  une  élude  plus 
complète  et  définitive  qui  paraîtra  dans  une  des  grandes  revues 
de  France,  les  éléments  de  son  travail  actuel. 

LES  POÈTES 

Le  mouvement  poétique  en  Belgique  fut  incontestablement  plus 
développé,  plus  fourni,  souvent  d'une  originalité  plus  complète  et 
plus  nationale  que  le  mouvement  prosateur.  Peut-être  pour- 
rait-on attribuer  celte  prééminence  à  ce  fait,  ingénieusement 
relevé  dans  un  récent  et  excellent  article  de  M.  Ernest  Verlant, 
que  les  plus  anciens  monumenis  de  la  littérature  germanique  sont 
des  odes,  tandis  que  ceux  de  la  langue  celtique  sont  surtout  des 
récits.  Celte  observation  conlribucl'ait  alors  à  préciser  le  caractère 
germano-flamand  de  la  poésie-belge. 

IN'esl-ce  pas  d'ailleurs  dans  l'histoire  des  peuples  une  règle 
constante  que  le  rythme  ait  précédé  la  prose.  Celte  supériorité 
des  poètes  sur  les  prosateurs,  à  l'éclosion  d'une  littérature,  serait 
ainsi  un  exemple  assez  piquant,  k  notre  époque,  d'une  applica- 
tion dérivée  de  celte  loi.  Mais  ici,  à  rencontre  de  l'ordre  habituel 
des  choses,  ce  n'est  pas  en  naïveté,  on  simplicité  fruste,  que  se 
manifostc  celte  poésie  :  jaillie  toute  formée  du  cerveau  d'une 
nation,  elle  apparaît  tout  de  suite  subtile  et  raffinée,  compliquée 
d'expression  et  de  pensée,  maladive  et  violente,  comme  un  enfant 
Iroj)  précoco,  aux  fanlaissics,  aux  sensations  de  vieillard. 

i.a  plupart  des  poètes  belges,  en  utilisant  l'outil  français,  s'en 
servent  pour  exprimer  des  sensations  h  eux  à  travers  une  origi- 
nalité d'ânic  et  de  conception  qui  est  bien  leur  palrimoine.  Ce 
n'est  plus  la  darlé  unie,  la  mesure,  le  dosage  parfait,  les  délica- 

(1)  ^"oir  l'Art  inoihfiic  (\[}  31  juillet  dernier. 


281 


VART  MODERNE 


tosses,  les  grûoes  de  l'espril  frunçais,  ni  la  finesse  dans  l'enlumi- 
nure où  s'allôre  si  souvent  le  sens  du  coloris  chez  nous.  Eux  sont 
des  coloristes  ardents,  ils  subissent  la  prédestination  d'éiro  sur- 
tout des  peintres.  Leurs  écoles  littéraires  se  rallacliont  aux  préoc- 
cupations de  leurs  antérieures  écoles  d'art.  Tels  des  leurs  ont  la 
fougue,  la  spontanéité,  qui  sont  comme  dos  transpositions  des 
polycliromies  rutilantes  de  Rubens  ou  de  Jordaens;  tels  autres 
ont  le  charme  fort,  les  liarmonios  icposées  et  solides  de  Van 
Djck;  même  dans  le  groupe  de  Van  Lerberghc  et  do  Maeterlinck, 
qui  se  plaît  aux  imaginations  frêles,  recherçlie  les  spiritualités 
déliées,  c'est  encore  un  souvenir  d'art  qui  se  lève,  l'adorable  et 
fleurie  école  brugeoise,  les  musiques  exquises  des  clavecins  de 
Memling. 

Mais  remarquez  l'influence  divergente  des  races;  même  chez 
ceux-là,  pour  ces  esprits  enclins  au  mysticisme,  aux  songeries  du 
mystère,  la  délicatesse  n'est  pas.  ce  qu'ollc  est  sous  les  doigts 
d'un  Verlaine  :  clic  insiste  sur  les  nuances,  garde  une  chaleur 
de  Ion,  un  relief  qui  accusent  encore  la  prédominance  de  l'élé- 
ment peintre.  L'idée,  si  abstraite  soit-cllc,  se  présente  b  eux  vêtue 
de  couleurs.  Ils  voient,  ils  pensent  une  autre  langue  que  celle 
dont  ils  se  servent,  et  c'est  pourquoi,  si  souvent,  ils  nous  décon- 
certent, nous  apparaissent  comme  traduits  dans  leurs  manifos- 
lations  les  plus  franches  et  les  plus  spontanées.  C'est  là  peut- 
être  comme  la  formation  embryonnaire  d'un  langage  idiolique, 
nettement  particulariste,  analogue  en  certains  points,  par  rapport 
à  nous,  à  ce  que  le  grec  moderne  est  pour  le  grec  ancien. 

Le  mouvement,  d'ailleurs,  suit  dans  ses  manifostalions  les 
grandes  subdivisions  des  lettres  françaises.  Son  initiateur, 
Camille  Lemonnicr,  décèle  en  ses  premiers  livres  les  truculences 
du  romantisme  ;  il  ne  fait  que  passer  par  celte  école,  mais  elle 
laisse  son  sillon  dans  l'ensemble.  Plus  tard,  quand  les  poètes  ten- 
teront de  se  réunir  en  un  groupe  collectif,  ils  appelleront  ce 
groupe  le  Parnasse  de  la  Jeune  Belgique.  Ce  ne  sont  point  dos 
parnassiens  cepcndani  ;  ils  conservent  pleinement  leur  idiosyn- 
crasie  d'art  et  leur  âme  si  particulière,  mais  l'influonce  subsiste. 
Les  premiers  vers  de  Giraud  ont  la  pétulance.,  Tacrobatio,  le  bruit 
de  castagnettes  de  ceux  de  Banville;  Emile*  Van  Aronbergb,  dans 
les  quelques  sonnets  qui  constituent  son  œuvre,  fait  miroiter  les 
joailleries  d'un  Hérédia;  Rodonbai;h  incline  versle  Coppée  des 
Intimités.  Dans  ces  derniers  temps,  quand  l'essai  symboliste  aura 
tenté  en  France  son  vague  effort,  c'est  en  Belgique  qu'il  se 
révélera  et  se  continuera  sous  sa  forme  la  plus  sérieuse  et  la  plus 
tangible. 

Le  premier  en  date,  c'est  Th.Jlannon,  en  ses  Rimes  de  joie, 
que  J.-K.  Huysmans  signala  jadis  comme  un  volume  d'exquise 
misère  morale,  de  préciosité  désolante  et  délicieuse,  dans  la 
Bibliothèque  perverse  de  son  des  Esseintcs.  D'allures  japoni- 
santes, de  forme  délicate  ei  mièvre,  leur  grâce  -est  vicieuse, 
maquillée,  avoue  comme  un  faisandage  d'ûme  d'un  effet  étrange 
el  pénétrant. 

Une  âme  évangélique  et  tendre  au  contraire  se  révèle  chez 
Rodenbach,  apparu  à  peu  près  vers  le  môme  temps.  On  à  remar- 
qué que  les  premiers  poètes  du  mouvement  sortirent  de  l'Aima 
Mater  de  Louvain,  la  grande  Université  catholique,  où  récem- 
ment M.  de  Mun  alla  porter  sa  haute  parole. 

La  poésie,  sous  celte  influence,  se  christianisa  avec  Gilkin,  Vpn 
Arenbergh,  Waller,  Rodenbach.  Celui-ci  est  un  intimiste,  un 
•rêveur  demeuré  sous  l'impression  des  sensations  enfantines;  il  vit 
encore  dans  l'atmosphère  ogivale,  liiiale,  pascale  des  premières 


communions,  dans  l'ardeur  des  chapelles  braisillantes  de  cierges, 
les  flammes  blanches  des  cires  ennu^igées  d'encens.  Le  Coffnt, 
qui  le  fit  connaître,  donne  bien  la  note  mélanfoliquc  d'émotion 
douce  et  familiale  do  ses  premiers  livres.  Il  est  bien  un  Flamand, 
son  art  est  bien  caractérisé  par  ces  tendances  rêveuses  venues 
d'Allemagne,  rehaussées  de  ces  tons  gras  et  solides  qui  donnent 
un  corps  aux  plus  nuageuses  conceptions,  —  mélange  qui  est 
bien  dans  le  tempérament  national,  —  mais  il  est  francisé;  son 
vers,  sa  syntaxe  sont  d'un  Latin.  C'est  un  barbare,  au  contraire, 
qui  apparaît  dans  Verhacren,  le  plus  original,  le  plus  particula- 
•rislc  et  le  plus  grand  peut-êirc  de  toute  la  pléiade. 

La  moustJche  blonde  el  tombant'%  les  yeux  bleus,  d'une 
douceur  rêveuse  el  cruelle,  tels  duront  apparaître  aux  Romains 
de  la  décadence  les  premiers  guerriers  roux  qui  allaient  leur 
ravir  le  monde;  tels  aux  grammairiens,  aux  rhéteurs,  aux  ali- 
gnours  de  phrases  mathématiques  durent  se  manifester  les  chants 
rauques  des  nouveaux  venus,  lour  parler  rocailleux,  aux  formes 
brusques,  coupées,  laissant  entrevoir  des  infinis  d'idées  sous  dos 
écroulements  de  brumes.  " 

Malgré  son  vorbe  français,  il  est  bien  un  Septentrional;  sa 
rythmique,  le  mode  de  sa  pensée,  ses  idiotismes  sont  d'un  vieux 
Germain,  mais  visionné  de  modernisme  énorme  :  le  fer,  los 
gigantesques  ferronneries  dos  ports,  des  digues,  des  ponts  métal- 
liques traversant  les  brouillards  le  hantent;  des  quais  s'allongent, 
des  départs  de  steam-boats  trépident,  des  crachements  de  fumée 
se  déroulent  dans  ses  vers.  Avec  cola  une  sympathie  pour  les  car- 
nages, les  tueries  rouges,  pour  la  mort  blême  et  cavalcadante; 
son  spleen  anglais  s'accuse  de  plus  en  plus,  accru  par  sa  préoc- 
cupation des  paysages  londonniens,  obscurci  par  les  vapeurs 
noires  des  fantastiques  Tamises.  Et  pourtant,  fidèle  à  sa  race,  ses 
premiers  regards  furent  sollioiiés  par  les  grasses  kermesses,  los  frai- 
ries  à  la  Toniers.  Un  volume  de  vers,  Les  Flamandes,  datent  de  cette 
période  de  son  talent;  mais  bientôt  il  scseptentrionalise  -.les  Flam- 
beaux noirs,  les  Apparus  dans  mes  chemins,  son  prochain  livre, 
encore  innommé,  sont,  h  ce  point  de  vue,  significatifs. 

Presque  à  la  même  époque  débutent  Gilkin,  Albert  Giraud,  Van 
Arenbergh.  Gilkin  est  un  nostalgique  qu'étroinl  fébrilement 
l'idée  du  mal:  d'où  un  macabrisme  à  la  Baudelaire.  11  affectionne 
les  venins,  se  délecte  h  «avourer  leurs  mortelles  pliarmacopées,  à 
manier  des  joailleries  noires, -à  faire  luire  de  rouges  métaux;  les 
occuliisles  les  rangeraient  parmi  les  saturniens.  Sa  forme,  très 
pure,  le  met  un  peu  îi  |xirt;  il  est, par  excellence,  le  type  d'expres- 
sion française  du  n.ouvemcnt.  Van  Arenbergh  et  Albert  Giraud 
cadencèrcnl  tous  deux  de  larges  métaphores  h  la  Hérédia,  adoptant 
son  rythme  fastueux,  sa  strophe  résonnante  et  nombreuse,  mais 
en  y  mêlant,  le  premier,  une  singulière  intensité  do  sentiment 
religieux,  le  second,  Giraud,  une  imagination  plus  païenne  et  plus 
galante  :  celui-ci  est  un  Wattean,  mais  qui  a  passé  par  le  Paris 
du  \\\''  siècle;  il  procède  pu-  petits  tableaux  d'une  grûce 
enlevée,  colorée,  avec  une  mélancolie  vcrvcuse  et  pailloléc  d'un 
charme  extrême.  Son  récent  volume,  Les  Dernières  Fêtes,  appa- 
raît comme  l'œuvre  d'un  enlumineur  patient  de  missel. 

Ce  groupe  a  conservé  le  respect  de  la  forme;  son  vers  régulier, 
aux  suspensions  normales,  aux  rimos  observées, est  plein,  solide, 
harmonieux;  ceux  qui  les  suivent,  au  coniraire,  renoncent  réso- 
lument aux  modes  parnassiens;  avec  eux,  le  vers  se  rompt,  biise 
les  formes  anciennes  du  mètre,  devient  souple,  flottant,  a  los 
incertitudes  et  les  vagues  de  la  musique.  Ceux-lii  viennent  de 
Gand,  la  ville  aux  lents  tanaux,  aux  eaux  figées;  c'est  elle  dont  le 


^ 


'/' 


VART  MODERNE 


285 


charme  gris  façonne  Maeterlinck  el  Van  Lerberghe,  ces  mystiques, 
qu'une  fraternité  de  cerveaux,  fortifiée  d'une  belle  et  rare  amitié, 
d'homme,  unit  en  des  œuvres  dislinclcs,  mais  correspondantes. 
Plus  encore  que  la  poésie,  c'est  le  théâtre  qui  donnera  la  synthèse 
de  ces  esprits  étranges,  d'un  art  si  haut,  si  considérable.  Notre 
cadre  trop  étroit  nous  interdit  d'en  aborder  ici  l'étude,  mais  les 
Serres  chaudes  do  Maeterlinck,  des  poèmes  de  Van  Lcrbérglie 
épars  à  travers  les  feuillets  des  revues  suffisent  à  les  classer  au 
premier  rang  parmi  les  poètes  de  leur  pays  ;  il  faut  leur  adjoindre 
Grégoire  Le  Roy,  moins  célèbre,  mais  dont  le  talent  archaïque, 
d'une  tristesse  fine,  mérite  d'être  signalé. 

En  Georges  Khnopfï,  le  frère  du  peintre,  se  révèle  un  disciple 
immédiat  de  Verlaine,  avec  des  candeurs,  des  fraîcheurs  dans  les 
nuances  qui  rappellent  le  Lélio  des  Fêtes  galantes  el  celui  de 
Sagesse.  Il  a  produit  peu  et  s'est  tourné  vers  la  musique.  Car, 
peu  à  peu,  à  mesure  qu'ils  se  par;icularisenl,  leur  art  évolue  vers 
la  musique;  Chez  Albert  Mockel,  la  préoccupation  musicale  est 
telle  qu'il  a  cru  devoir,  en  son  livre,  Chantefable  un  peu  naïve, 
noter  en  tétc  le  thème  symphoniquc  sur  lequel  il  le  jugeait  déve- 
loppé. Aussi  le  mièvre,  le  frêle,  le  nuancé,  se  fondent-ils  dans 
son  œuvre  en  tons  vogue»,  indécis,  pleins  de  charme  et  d'onction. 
Il  est  nettement  symboliste.  Plus  récent  encore,  un  modulateur 
analogue.de  la  nuance  est  Max  Elskamp,  avec  un  chiffonné,  un 
tortillé  de  la  forme  souvent  un  peu  bien  vagues  et  pénibles  pour 
nous  autres  Latins. 

A  part,  au  milieu  de  ces  groupes,  un  racinicn,  FernandSéverin; 
A.  Fontainas  et  Valèrc  Gille  jouant  de  petits  airs  jolis,  modulés 
délicatement  ;  Fernand  Roussel,  dont  le  dernier  îi>re,  Le  Jardin  de 
rame,  est  d'un  grand  charme;  sa  tristesse  discrète  et  résignée,  la 
désespérance  voilée,  l'inacclimalion  de  cette  ûme  en  notre  époque 
sont  exprimées  avec  une  dignité  sobre,  une  pointe  de  hauteur  qui 
sont  pour  plaire.  Livre  calme  et  las  qui  promet  un  large  avenir. 
A  citer  encore  Ad.  Frères,  Gérardy,  Delchevaiirrie,  Léon  Donnay, 
qui,  dans  Sérénité,  révèle,  un  sentiment  profond,  allant  parfois 
jusqu'au  tragique  de  la  modernité;  ses  vers  ont  l'air  de  courles 
maximes  acco'.ées  les  unes  aux  autres,  sans  rythme,  sans  rime, 
sans  césure  apparentes;  ils  donnent  cependant  une  impression  de 
poésie  très  haute. 

En  somme,  le  mouvement  dont  nous  avons  tenté  d'esquisser  ici 
en  raccourci  l'historique  el  le  caractère,  est  symptomatique  d'une 
impulsion  d'esprit  singulièrement  neuve  et  robuste.  Les  Flandres, 
ces  Marches  françaises  tant  que  dura  la  domination  des  princes 
bo'tirguignons,  n'ont  durant  cette  période  d'autres  épanouissements 
d'art  que  leurs  admirables  écoles  de  peinture;  plus  tard,  après 
l'épopée  révolutionnaire  de  la  lutte  contre  l'Espagne,  pendant  la 
soumission  indocile  à  la  maison  d'Autriche,  un  grand  silence 
s'étend  sur  les  dix-sept  provinces;  elles  agglomèrent  lentement 
leur  sentiment  universitaire,  transforment  leur  patriotisme  de  clo- 
cher, rélèvent,  tendent  à  se  former  en  nationalité.  Mais  cette  na- 
tionalité ne  possède  pas  ce  qui  constitue  la  personnalité  d'un 
'  -petrple:unc  langue  particulière;  elle  se  débat  h  travers  les  «loca- 
lismes  »,  le  flamand,  ce  patois  tudesque,  le  wallon  ou  le  rouchi, 
ce  jargon  français. 

C'est  dès  1830, ia  séparation  d'avec  les  Pays-Bas  obligeant  le 
nouveau  peuple  belge  à  affirmer  par  tous  les  moyens  sa  nationa- 
lité, que  les  intelligences  se  mettent  à  travailler,  dans  le  calme 
enfin  conquis,  que  les  caractères  se  fondent  et  se  pénètrent.  Le 
résultat  de  cette  sorte  de  gestation  ne  tarde  pas  b  se  faire  sentir; 
aux  styles  officiels,  aux  lourds  écrivains,  le  style  audacieux,  libre, 


effréné,  les  prosateurs  et  les  poètes  de  1870  succèdent.  Tous  ont 
h  leur  disposition  cette  langue  la  plus  souple  dn  monde,  le  fran- 
çais ;  ils  en  usent,  mais  on  sent  en  même  temps  leur  impatience 
de  cet  instrument,  leur  recherche  hésitante  encore  d'un  idiome 
nouveau,  qui  s'adapte  à  leur  caractère  et  à  leur  tempérament. 

Cette  recherche  sera-t-e!le  utile?  Réussiront-ils  à  constituer  une 
langue  nouvelle  dérivée  d'une  autre  encore  vivante?  C'est  ce  qu'il 
est  impossible  de  prévoir  aujourd'hui.  Précurseurs  belges  ou 
novateurs  français,  ils  n'en  auront  pas  moins  apporté  dans  la  Lit- 
térature une  note  nouvelle  et  quelques  œuvres  de  tout  premier 

ordre. 

François  de  Nion. 


A  LA  HAYE 

Exposition  d'œuvres  de  quelques  membres  des  XX  et 
de  l'Association  pour  l'art. 

Pour  autant  que  se  mesurerait  l'intelligenre  d'un  public  à  une 
décence  déconcertante,  —  h  l'attention  inquiétée  tout  d'abord  par 
un  débit  en  langue  étrangère  et  de  forme  plus  tourmentée,  un 
peu,  que  conversation  de  highlifardée  h  va!et  de  pied  et  désahurie 
aussitôt;  très  sympaihiquement  ramenée  et  maintenue  dans  un 
effort  cons'ant  —  serait  infiniment  supérieur  et  plus  trailable  que 
le  nôtre,  le  public  de  La  Haye.  Le  contact  de  cpnférrncirr  à 
public  permet  un  diagnostic  assez  sûr;  la  force  d'intimidation 
dont  il  aura  fallu  user  marque,  en  sens  inverse,  le  degré  de  com- 
préhension, —  la  bienveillance  seule  se  lassant  ;  ssez  vile  ;  or, 
conférence,  pour  notre  part,  de  fatigue  nulle,  comme  cette  der- 
nière au  Kuvstkring  de  La  Haye,  vérifie  ce  degré  de  culture  intel- 
lectuelle qu'on  n'est  en  droit,  pourtant,  d'attendre  d'aucun  public. 

Mais  il  advient  au  Kunstkring  ce  qui  fait  la  force  des  XX, 
fera  celle  de  ['Association  pour  l'Art,  de  tous  cercles  similaires, 
fussent-ils  d'inégaux  vouloirs  révclutionnaires.  Pourvu  que  sortis 
de  l'orïMAre,  un  choix  d'intelligences  artistes,  esthètes  ou  ama- 
teurs tout  cburt,  se  détachera  de  gros  inculte  et  leur  fera  cortège. 

Aussi,  s'e8t\i'ès  rapidement  évanouie  l'appréhension  que  nous 
avions  d'avoir  aViéfiuir  le  rôle  du  Paysan  en  Peinture,  devant  un 
auditoire  de  Çeme  artistique. 

.  Le  nom  prétait  h  l'équivoque;  on  sait  ce  que  veutdire  en  Bel- 
gique cercle  artistique  :  incrustation  féroce  sur  le  banc  des  sacrés 
principes  routiniers  et  salutaires,  grognement^  asthmatiques  et 
perpétuels  contre  toute  claire  chanson  jeune,  frousse  à  l'état 
chronique  k  chaque  essai  d'affranchissement  ou  de  révolie,  et  l'on 
connaît  suffisamment  le  dégoût  que  proclament  pour  nolr^» 
enthousiasme  d'hommes  jeunes  encore,  de  foi  robuste  en  l'art  tous 
ces  inutiles  podagres  qui  traînent  après  eux  une  odeur  de  char 
morte  cl  ne  produisent  plus  que  de  la  fumée  et  dos  crachats. 

El  l'installation  du  Kunstkring  agravail  cette  in(iuiéliide.  Un 
cercle  ayant  pignon  sur  rue,^ —  el  quelle  rue!  -—  suite  de  spacieux 
salons,  aux  deux  étages,  aménagés  pour  expositions,  salle  de  lec- 
ture, salle  de  billard.  En  ce  moment,  tandis  que  s'installait,  au 
second,  un  choix  d'œuvres  de  quelques  membres  des  XX,  on 
peut  voir,  au  premier,  une  riche  réunion  d'objets  d'art  hér.ildiquc. 

La  création  de  pareille  société  entrant  en  lutte  avec  roftiriellc 
existante  patronnée  de  sonores  omnipotentes  influences  :  hs,Mes- 
dngh,  les  Maris;  la  mettre  si  luxueusement  dans  ses  meubles  me 
parait  un  prodigieux  lourde  force  et  toute  r;.clivilé,  toutle  bon 
goût  —  j'ai  découvert  en  lui  le  plus  aimable  et  instruit  rollcclion- 


c 


iieur  de  vieilles  faïences  el  d'eslampes  —  loul  l'espril  d'initialivc 
qu'appideicnt  si  fort  les  camarades  du  jeune  président,  M.  de 
Block,  ne  seront  pas  de  trop  pour  mainlcnircel  avanl-posle. 
.  L'impulsion  semble  donnée  en  Hollande  el  le  mouvemenl  d'aï  t 
promet  d'y  élre  intense.  Le  vaillant  Nieiiwe  Gids  clairounail 
depuis  longtemps  l'appel,  signalait  courageusement  les  escar- 
mouches isolées  et  voici  (lue  le  gros  du  bataillon,  venu  de  l'étran- 
ger, a  doniié. 

L'esprit  novateur  et  la  touchante  générosité  de  Jan  Toorop  qui 
ne  manquait  aucune  occasion  d'attirer  l'attention  de  ses  compa- 
triotes sur  l'œuvre  de  ses  camarades  des  XX  et  de  France,  ayait 
facilité  la  route  et  prédisposé  à  l'acctieil  d'aujourd'hui,  enthou- 
siaste chez  d'aucuns,  à  l'attention  recueillie  des  autres,  la  dis- 
cussion courtoise,  l'étude  raisonnée,  la  curiosité  digne  de  tous. 
El  le  parallèle  qu'on  pourrait  établir  entre  la  morgue  particuliè- 
rement zwanseuse  de  notre  public  belge  el  l'altitude  des  visiteurs 
néerlandais  contraste  singulièrement  à  l'avantage  de  ces  derniers. 

Notre  confraternité  artistique  aussi  y  reçoit  la  plus  vigoureuse 
el  méritée  leçon.  L'hospitalité  que  le  Kunstkring  —  dont  les 
membres  ne  sont  pourtant  pas  liés  d'art  aussi  avancé  que  les  XX, 
VAssocialmi  pour  Varl —  nous  offre  si  généreusement  est  un  fait 
si  unique,  d'esprit  si  large,  de  mœurs  si  hautement  estimables 
qu'aucun  de  nous  qui  y  exposons  en  ce  moment  ne  devra  oublier 
la  dette  de  reconnaissance  que  l'art  neuf  tout  entier  y  a  contractée. 
En  accordant  ses  salles  et  sa  sympathie  à  Seural,  à  ses  disciples 
en  division  du  ton,  à  Redon,  à  Laulrec,  \e  Kunstkring  camou- 
flèie-t-il  vertement  lePulchri  Studio,  l'officiel  cercle  de  La  Haye, 
dont  les  dignitaires,  pas  mal  férus  d'eux-mêmes,  ce  semble,  haus- 
sèrent si  dédaigneusement  les  épaules  quand  des  amis  soucieux 
de  conquérir  de  la  renommée  à  feu  Vincent  van  Gogh  se  propo- 
sèrent d'y  ouvrir  un  salon  de  choix  de  ses  œuvres.  Pulchri  se 
rend-il  compte  aujourd'hui  que  pour  avoir  tenlé  d'écraser  la  gloire 
imminente  de  van  Gogh,  il  a  décidé  la  révolte  tout  au  plus  et  que 
là  où  il  craignait  ce  seul  cnnemij  une  vingtaine  a  surgi,  consciente 
du  danger  el  se  serrant  les  coudes.  La  riposte  doit  lui  sembler 
dure  ! 

Celle  poussée  vers  des  contrées  neuves  est  significaii^vc  d'une 
vitalité  superbe,  prometteuse  de  ralliement  partout  où  des  forces 
luttent  séparément.  Et  que  n'useraient  à  la  suite  de  Toorop  les 
Bauer,  les  Thorn-Pricker,  —  un  inconnu  qui  se  signalera  bruyam- 
ment à  la  première  occasion,  —  les  Roland  Holst,  les  Jan  Velh 
des  cordiales  avances  du  Kunstkring  et  en  lui  réaliseraient  le 
vivace  faisceau  d'avanl-garde. 

Tel  quel,  le  Salon  actuel  de  La  Haye  remémore  assez  exacte- 
ment —  le  luxe  en  plus  —  les  premières  sorties  impressionnistes 
de  la  rue  Laffille.  Je  désiste  aujourd'hui  de  plus  amples  apprécia- 
lions;  des  œuvres  si  pieusement  accrochées  une  seconde  fois  sur 
celte  exquise  —  s'atténuanl  aujourd'hui —  tenture  verte  d'Anvers 
qui  semble  promise  dorénavant  à  toute  sortie  d'audace  et  d'arl^  le 
prochain  du  Nieuiue  Gids  apportera  critique  étendue,  signée  Velh, 
et  lors  la  traduirons  ici.  Mais  il  se  pourrait  que  n'ayant  mêmes  rai- 
sons que  nous,  Veth  n'y  mentionne  pas  le  regret  que  nous  avons, 
nous,  de  n'y  voir  aucune  œuvre  de  cet  exquis  ami  que  nous  avons 
là-bas,  Toorop,  l'organisateur  au  dévouement  si  simple  el  si  iné- 
puisable. 

Par-delà  ce  banquet  bruyant,  où  de  si  aimables  choses  furent 
dites,  de  si  réels  regrets  exprimés  de  n'y  voir  qu'un  seul  des  ex- 
posants ;  par-delà  ces  éclats  de  joie  franche,  si  jeune  et  si  récon- 
fortante; par-delà  tous  ces  serrements  de  mains  si  vigoureux  que 


nous  lutterons  mieux  dans  la  suite;  par-delà  tant  de  sourires  de 
femmes  belles  et  étrangères  et  le  ton  si  simplement  affectueux  de 
ces  maîtresses  de  maison;  par-delà  tout  l'infmi  de  l'eau  et  du 
sable  par  où  il  a  fallu  pérégriner  pour  se  retrouvcr^ujourd'hui, 
très  seul,  devant  le  travail,  nous  nous  souvenons. 

H.  v.  d.  V. 


LES  ARTISTES  ET  LES  MARCHANDS 

La  Gazette  de  V Amateur  a  publié  dernièrement  une  lettre  de 
M.Alfred  Stevcns  qui  contient  d'intéressantes  observations  sur  les 
relations  entre  artistes  et  marchands  de  tableaux  ; 

Monsieur  Henri  Garnier, 

Je  viens  de  lire  votre  article  :  Le  Syndicat  des  peintres. 

Je  ne  crois  pas  qu'un  artiste  de  valeur  pense  plus  à  l'argent 
qu'à  son  art.  S'il  y  en  a  quelques-uns,  c'est  qu'ils  y  sont  forcés 
par  les  diffiqjltés  de  la  vie.  A  tout  péché  miséricorde. 

Mais  je  suis  tout  à  fait  de  votre  avis  contre  l'idée  d'un  Syndicat 
des  peintres.  ^ 

Pour  moi,  les  expositions  sont  la  mort  de  l'art.  Il  y  en  a  trop. 
Les  Anglais  disent  :« Tout  lableau  accroché  n'est  plus  vendable». 

Le  marchand  de  tableaux,  loin  d'êlrc  nuisible  aux  peintres,  leur 
esl  utile.  Qu'il  gagne  de  l'argent,  tant  mieux!  puisqu'il  fail  monter 
les  prix  du  peintre  dont  il  s'occupe.  Ce  sont  eux  qui  forment  gé- 
néralement de  nouveaux  amateurs,  qui  savent  défendre  la  valeur 
d'un  artiste  qui  n'oserait  le  faire  lui-même.  Ils  sont  donc  le  trait 
d'union  nécessaire  entre  l'amateur  et  le  peintre.  Ils  permettent  aux 
artistes  de  travailler  plus  tranquillement,  n'étant  pas  obligés  de 
s'occuper  de  la  vente  de  leurs  œuvres. 

Ils  défendent  les  prix  de  ceux  qu'ils  achètent  dans  les  ventes 
publiques. 

Ce  sont  les  marchands  qui  onl  fait  monter  les  prix  des  Corot, 
Millet,  Delacroix,  Rousseau,  Daubigny,  etc.  QuPdonca  le  droit  de 
s'en  plaindre? 

Et,  encore  aujourd'hui,  ce  sont  eux  qui  font  monter  les  prix  de 
Ribot,  de  Jongkind,  etc.  Si  vous  supprimiez  les  marchands  de 
tableaux,  au  bout  de  quelques  années,  il  resterait  bien  peu  de 
véritables  amateurs. 

S'ils  s'enrichissent,  non  sans  peine,  croyCz-le  bien,  ils  jettent, 
en  général,  de  la  poudre  d'or  sur  les  peintres.  Si  je  vends  un  de 
mes  tableaux  dix  mille  francs  à  un  marchand  et  s'il  arrive  à  le 
vendre  cinquante  mille  francs,  je  lui  en  suis  reconnaissant  au  lieu 
de  lui  en  vouloir.  Il  a  fail  monter  mes  prix. 

Je  ne  dis  pas  que  tous  les  marchands  de  tableaux  soient  des 
gens  adorables  el  charmants,  il  y  en  a  même  de  bien  ignorants, 
mais  il  y  en  a  aussi  d'excellents.  Il  y  a  toujours  quelques  mauvais 
prêtres,  quelques  mauvais  soldats. 

Je  vous  félicite  donc.  Monsieur,  de  votre  article  el  vous  prie  de 
croire  à  mes  sentiments  distingués. 

Alfred  Stevens. 


JIhRONIQUE    JUDICI.AIRE     DE3    ^RTp 

Les  distractions  d'un  imprésario. 

M""=  Fouquel,  dite  de  Fonlanges,  engagée  en  qualité  de  grande 
coquette  dans  la  troujie  de  Sarah  Bernhardt  pour  une  tournée 
artistique  en    France,  avait"  oublié  de  payer  à  ses  couturiers. 


VART  MODERNE 


287 


MM.  Loyvaslro  ol  C''',  une  noie  do  4,7Î}3  francs.  Ceux-ci  eurent  le 
mauvais  f;oûl  de  réclamei'  le   paiement  de  leur  facture   el  do 

former  entre   les  mains  du  directeur  de  la  tournée,  M.  Maurice 

,1*., 

Grau,  une  saisie-arrêt  sur  les  appointements  de  l'artisle. 

M.  Grau  ne  fit  pas  plus  de  cas  de  l'exploit  ministériel  que  d'un 
prospectus  de  marchand  do  vin.  Assigné  en  déclaration  affirmative 
devant  le  Tribunal  civil  de  la  Seine,  il  soutint  que  personnellemenl 
il  n'avait  jamais  rien  dû  h  jM""  Fouqucl;  que  ce  n'était  pas  lui, 
mais  la  soriété  new-yorkaise  Abbey  et  Grau  qui  avait  organisé  la 
tournée,  engagé  les  artistes,  fait  actes  de  directeur.  Malheureuse- 
ment, i'I  lui  fut  impossible  de. produire  à  la  barre  rengagement 
de  M"''  Foiiquet,  qu'il  déclara  avoir  laissé  en  Amérique. 

Cotte  nouvelle  distraction  lui  valut  une  condamnation,  comme 
débiteur  pur  et  simple  des  causes  do  la  saisie-arrél,  au  paiement 
des  4,7f)3  francs  réclamés,  avec  les  intérêts  de  droit  el  les  dépens. 

M.  Grnu  interjeta  appel,  oublia  cette  fois  de  se  faire  représenter 
à  l'audience,  et  le  jugement  fut  confirmé  par  défaut.  Restait 
l'opposition.  Le  directeur  en  usa,  mais  sans  succès.  Il  avait,  il 
;estvrai,  retrouvé  dans  l'intervalle  le  contrat  de  M''"  Fouquct-de 
Fonlanges  et  le  présenta  à  la  Cour. 

Celle-ci  a  rendu  l'arrêt  suivant  : 

«  l.a  Cour; 

Adoptant  les  motifs  des  premiers  juges; 

El  considérant  que  l'association  du  sieur  Abbey  cl  de  Maurice 
Grau  avait  pour  objet  unique  l'exploitation  dos  représentations, 
on  Amérique,  de  la  dame  Sarah  Bernhardt;  que  cette  participa- 
tion ne  constituait  pas  une  personnalité  morale  distincte  de  celle 
des  deux  coinlérossés; 

Que  l'acte  d'engagement,  en  date,  à  Paris,  du  19  mars  1886, 
aujourd'hui  produit,  a  été  contracté  par  la  demoiselle  Fouquet, 
dite  de  Foniangi's,  avec  le  sieur  Abbey  et  Maurice  Grau;  qu'il  a 
été  fait  entre  les. trois  parties  en  triple  original;  que  Grau  s'y  est, 
comme  le  sieur  Abboy,  obligé  personnellement  au  payement 
des  appointemenls  stipulés  air  profil  de  ladite  demoiselle  de 
Fontanges;  .  " 

Par  ces  mol  ifs, 

Confirme  avec  amende  cl  dépens.  » 

<<  Il  m'aime  un  peu,  beaucoup » 

M.  Riudaux,  auteur  de  diverses  compositions  popularisées  par 
la  gravure,  a  exposé  dernièrement  un  petit  tableau  intitulé  :  «  Il 
m'aimo  un  peu,  beaucoup...  »  On  devine  le  sujet  ! 

Il  a  gravé  îi  l'eau-forle,  d'après  cette  composition,  une  planche 
qui  fui.  vendue  à  M.  Lévy.  Ce  dernier  l'a  transmise,  à  son  tour,  à 
M.  Minot. 

M.  Minol  ayant  voulu  utiliser  celte  composition  pour  en  faire 
des  chromolithographies,  M.  Rudaux  vit  dans  ces  reproductions 
enluminées  une  atteinte  à  si  propriété,  puisqu'il  n'avait  vendu  la 
planche  gravée  que  pour  être  reproduite  comme  gravure  à  l'eau- 
forte. 

Il  fil  donc  saisir  les  éprouves  coloriées  de  M.  Minol,  et  assigna 
conjointement  et  solidairement  ce  dernier,  avec  M.  Lévy,  en  dom- 
mages-inlérols,  pour  le  préjudice  qui  lui  était  ainsi  causé. 

M.  Minot  a  assigné,  ï  son  tour,  M.  Lévy  en  garantie. 

Le  tribunal  de  la  Seine  a  fort  justemoni  jugé  en  droit  que  le 
droit  conféré  par  l'arliste  de  reproduire  son  œuvre  par  la  gravure 
est  purcmenl  limitatif  el  n'autorise  pas  le  cessionnaire  à  la  repro- 
duire par  d'autres  procédés,  et  notamment  par  la  chromolitho- 
graphie. 


En  conséquence,  les  défendeurs  sont  condamnés  aux  dépens 
envers  M.  Rudaux,  Lévy  doit  payera  Minol  50Q  francs,  montant 
du  prix  do  la  session,  el  doit  lui  payer  en  outre  SOO  francs  pour 
le  préjudice  causé  par  l'éviction. 


Petite  chrojmique 

M.  Cossira  el  M""  È.  Cossira  sont,  depuis  quelques  jours, 
revenus  du  Mont-d'Or,  où  ils  ont  passé  une  partie  de  notre  été 
africain.  Nous  savons  que  depuis  son  retour,  l'excellenl  ténor  de 
l'Opéra  a  été  vivement  sollicité  par  MM. Grau  el  Abbey,  directeurs 
du  Metropolitan  de  New-York,  de  signer  un  engagement  pour  la 
prochaine  saison  en  Amérique. 

Mais,  en  dépil  des  propositions  superbes  qui  lui  ont  été  faites, 
Cossira  a  rompu  toutes  les  négociations.  Il  élail,  en  effet,  anlé- 
riourement  engagé  pour  Nice  el  s'est  absolument  refusé  à  tenter 
auprès  de  son  directeur  une  démarche  tendant  à  la  résiliation 
possible  de  son  contrat.  Cossira  estime,  avec  juste  raison,  qu'il  se 
doit  aux  Niçois  qui,  l'année  dernière,  lui  onl  fait  si  grande  fête 
dans  son  réperloirc  el  notamment  dans  Lohengrin.  C'est  qu'en 
réalité  quelques  billets  de  mille  francs  de  plus  ou  de  moins  sont 
peu  de  chose  pour  un  artiste  véritablement  digne  de  ce  nom  el 
pèsent  bien  peu  dans  la  balance  auprès  des  applaudissemenls 
d'un  public  fidèle  et  cnlhousiasle. 

Les  Niçois  auront  donc,  celte  année  encore,  le  plaisir  d'applau- 
dir le  grand  artiste  el  lui  sauront  gré  d'avoir  tenu  à  eux  jusqu'au 
sacrifice  pécuniaire  inclusivement...  Ce  qui  n'est  pas  banal! 

{Kcho  de  Paris.) 

Du  Guide  musical  :  ^ 

Il  est  décidé  dès  à  présent  qu'il  n'y  aura  pas  à  Bayrcutli  de 
représentations  en  1893  et  peut-être  même  en  1894.  On  se  réserve 
pour  préparer  quelque  chose  de  nouveau.  On  sait  que,  depuis 
longtemps,  il  est  question  d'une  reprise  dosNiebeliingeii,  qui  n'ont 
plus  été  donnés  depuis  1876  au  Théâ're  Wagner.  Mais  rien  n'est 
encore  décidé  à  ce  sujet.  M™^  Cosima  Wagner  paraît  surtout  pré- 
occupée de  former  de  nouveaux  artistes.  Le  fait  est  que  les  créa- 
teurs des  derniers  drames  wagnériens,.ceux  qui  onl  reçu  les  indi- 
cations du  maître  lui-même,  commencent  à  se  faire  de  plus  en 
plus  rares  el  quiltenl  l'un  après  l'autre  la  scène,  il  importe  donc, 
pour  maintenir  la  tradition  pure,  d'initier  des  forces  plus  jeunes 
au  style  et  aux  exigences  du  Théâtre  do  Bayreuth.  C'est  k  ce  travail 
préparatoire  que  seront  vraisemblablement  consacrées  les  deux 
années  pendant  lesquelles  le  théâtre  sera  fermé  au  publie.  Le 
produit  dos  représentations  de  célto  année;  qui  laisseront  un 
énorme  bénéfice,  sera  loul  entier  consacré  à  la  formation  du 
nouveau  personnel  chantant. 

11  a  été  beaucoup  question  ces  jonrs-ci  de  M"""  Séverine  à 
propos  de  son  interview  avec  le  Pape.  Voici  le  portrait  instantané 
que  lui  consacre  le  6il  Blas  : 

Avec  sa  jolie  tête  moqueuse  où  les  cheveux  s'envolent  en  bou- 
clettes révoltées,  son  nez  retroussé  à  la  diable,  ses  grands  yeux 
très  doux  mais  où  passent  parfois  au  fort  d'une  discussion  comme 
des  éclairs  d'orage,  sa  bouche  sensuelle,  eût  été  charmante  sous 
le  bonichon  de  dentelles  d'une  de  ces  clubisles  qui  n'étaienl 
farouches  qu'à  la  tribune  des  Cordeliers.  Grande,  vigoureuse  sans 
que  l'élégance  des  lignes  en  soil  altérée,  a  bien  l'apparence  exté- 
rieure de  la  femme  d'action,  do  combat^do  charité,  de  la  Pari- 
sienne mâtinée  de  Lorraine  qu'elle  est.  Tout  jeune,  fut  l'Anligone 
dévote  el  aimante  de  Vallès  el  apprit  à  écrire  en  apprivoisant  ce 
révolutionnaire  bourru  où  couvait  une  âme  de  bourgeois.  Prit  la 
succession  de  son  maître  et  l'élargit.  Aujourd'hui  l'un  des  jour- 
nalistes qui  savent  le  mieux  toucher  le  public  au  bon  endroit,  qui 
onl  le  don  d'émouvoir,  d'ouvrir  les  bourses,  qui  claironnent  les 
dianes  les  plus  réveilleuses,  les  plus  crânes.  Signe  particulier  : 
Aime  les  pauvres  bêtes  autant  que  les  pauvi'os  gens  el  a  fail  de 
son  logis  comme  un  asile  où  les  chiens  faméliques  doivent  se 
"\roire  au  Paradis. 


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/ 


Douzième  année.  —  N»  37. 


Le  NUMÉRO  :  25  centimes. 


Dimanche  11  Septembre  1892. 


L'A  R  T 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,    fr.    13.00     —  ANNONCES   :    On  traite  à   forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Tlndustrie,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRE 


Les  granits  bretons.  —  Libres  mcsiques.  Aux  simples  ama- 
teurs. —  Le  monument  de  Charles  De  Goster.  —  Le  poète. 
Essai  par  li.-W.  Emerson  (Suite).  —  M.  Henri  Becque  et  la 
juiverie.  —  Correspondance. 


LES  GRANITS  BRETONS 

Sut*  les  plages,  en  face  des  têtes  de  Méduse  de  la  tem- 
pête, ils  semblent  —  rocs,  pics,  promontoires  et  caps, 
—  des  restes  de  monuments  énormes,  voués,  par  des 
peuples  disparus,  au  culte  des  vents  et  de  l'espace.  Autour 
d'eux,  sans  doute,  ont  dû  se  célébrer  les  premiers  mys- 
tères et  les  premiers  sacrifices.  En  face  des  domaines 
illimitées  de  la  peur,  devant  la  mort,  chaque  soir,  des 
soleils  sanglants,  au  bord  même  des  gouffres,  ils  s'af- 
firment, protecteurs.  Si  un  Dieu  secourable  existait, 
quoi  de  plus  naturel  que  de  l'adorer  sur  leur  sommet  et 
de  même,  pour  conjurer  les  hostilités  des  génies  de  la 
tempête,  quoi  de  mieux  que  de  les  apaiser  du  haut  de 
ces  énormes  tables  d'offrande.  Le  mont  pour  les  divi- 
nités du  ciel,  la  falaise  pour  les  divinités  de  la  mer  ont 
donc  été,  ont  dû  être  les  premiers  temples.  Nulle  part 
cette  évidence  jaillit  aux  yeux  aussi  dominatrice  qu'en 
Bretagne.  Le  granit,  depuis  que  des  peuples  ont,  sur 


cet  antique  sol,  rêvé  d'inconnu,  n'a  cessé  de  donner 
corps  et  d'aider  à  leurs  pensées  religieuses. 

Les  monuments  mégalithiques  de  Plouharnel,  les 
pierres  de  Kermario  et  de  Kerlescan  apparaissent  des 
falaises  et  des  écueils  réalisés  au  milieu  des  plaines. 
Indubitablement  sont-ils  l'expression  de  cette  même 
religion,  dont  les  monuments,  jadis  uniquement  debout 
sur  les  côtes,  se  sont  mis  eh  marche  vers  l'intérieur.  Le 
Finistère  et  le  Morbihan  en  sont  peuplés.  Si  l'on  pouvait 
déchiffrer  les  hiéroglyphes  qui  ornent  les  pierres  de  cer- 
tains dolmens,  peut-être  y  lirait-on  qu'ils  furent  cons- 
truits sur  le  modèle  de  telle  grotte  du  bord  de  la  mer  et 
que  tels  menhirs  furent  disposés  d'après  le  plan  de  tels 
écueils  ou  de  tel  promontoire.  Certes,  l'architecture  en 
est  plus  régulière  et  la  symétrie  dans  la  construction  s'y 
révèle.  Les  hommes  de  Locmariaker  sont  déjà  des  cal- 
culateurs ;  ils  ont  à  leur  disposition  des  instruments  et 
des  outils  puissants,  ils  savent  remuer  des  images  colos- 
sales, bâtir  de  formidables  galeries  ;  ceux  de  Carnac  élè- 
vent des  monolythes  tragiques,  imposent  l'équilibre  à  de 
formidables  blocs  debout  comme  des  tours. 

Que  ce  soient  des  alignements  ou  des  cromlechs,  une 
pensée  d'art  s'y  manifeste  —  la  même  qui  domina 
l'Egypte  de  Mènes,  —  qui  ne  sépare  point  l'idée  de 
beauté  et  de  grandeur  de  l'idée  de  masse  et  de  volume. 
Monstrueuses,  telles  pierres  kermaroniennes,  à  l'heure 
d'or  des  couchants,  quand  elles  projettent  leurs  ombres 


290 


L'ART  MODERNE 


para  travers  le  champ  voisin,  jusqu'aux  murs  des  fermes 
proches.  L'homme  ne  compte  plus  à  côté  d'elles;  il  est 
l'humble  et  l'écrasé  par  sa  propre  œuvre  que  se  sont 
adjugée  ses  dieux. 

Tout  comme  au  bord  de  la  mer,  le  granit  est  ici  dédié 
au  mystère  :  on  comprend  sa  force  et  ses  ténèbres,  sa 
taciturnité  de  pierre  profonde  et  sombre,  sa  rébellion  et 
son  indestructibilité  en  face  du  temps  et  de  la  mort,  sa 
signification  d'éternité.  Il  convient  aux  cultes  des  nords 
sauvages  et  tristes,  qui  n'ont  que  faire  de  la  joie  et  de  la 
clarté  banales  des  marbres.  Il  est,  par  excellence,  le  dur 
et  noir  témoin  de  la  ténacité  humaine  contre  le  sort 
pendant  la  vie  et  la  dalle  sûre  et  protectrice  pour  les  os 
défunts  qui  attendent. 

Au  cours  des  âges,  il  est  devenu  chrétien,  se  diversi- 
fiant d'après  les  styles  roman,  gothique  et  renaissance. 
A  travers  tout  il  est  resté  breton,  avec  des  marques 
particularistes  de  rudesse,  de  naïveté  et  de  force. 

A  Dinan,  le  porche  de  la  cathédrale  est  fruste,  mal 
dégrossi,  taciturne;  à  Morlaix  et  à  Saint-Brieuc,  les 
colonnes  gothiques  sont  étonnamment  lourdes  et  bar- 
bares avec  je  ne  sais  quoi  de  militaire  ;  à  Roscof,  le 
porche  et  les  ossuaires  renaissance  témoignent  d'une 
barbarie  splendide.  A  Cainac,  un  dais  du  xvii^  ou  du 
xviii^  siècle  définit  par  son  dessin  sauvagement  con- 
tourné la  persistance  des  qualités  d'art  natives.  Les  styles 
chrétiens  de  Bretagne  s'apparentent  aux  constructions 
primitives  des  âges  antérieurs  ;  comme  elles,  ils  sortent 
du  sol,  continuent  à  former  bloc  avec  lui,  semblent  un 
jaillissement,  une  poussée  soudaine  de  ses  profondeurs. 
Croix  de  granit,  tombes  de  granit,  sanctuaires  et  églises 
de  granit,  calvaires  de  granit,  le  menhir  et  le  dolmen 
les  ont  engendré  tous. 

Spécialement  les  calvaires  et  les  croix .  Celles-ci,  debout 
dans  la  campagne  ou  sur  des  pointes  en  éperon  vers 
la  mer.  Ceux-là,  à  Plebins  et  à  Plougastel-Daoulas, 
réalisant  on  dirait  un  énorme  monolithe  creusé,  troué, 
ouvragé,  les  pieds  écartés  aux  quatre  coins,  le  sommet 
aiguisé  d'une  crucifixion.  Ce  qui  les  distingue  :  une  tou- 
chante enfance  d'art,  une  conviction  et  une  croyance 
féroce,  une  tendresse  nue  et  profonde.  C'est  à  pleurer 
devant,  tellement  les  scènes  de  la  passion  y  sont  croyantes 
de  souff'rance  et  pénétrées  de  douceur.  Les  poses,  les 
gestes,  les  attitudes,  les  groupements,  les  dispositions, 
les  mouvements  n'ont  de  signification  que  transposées 
dans  l'atmosphère  de  la  légende  et  de  la  foi. 

Mais  sitôt  qu'on  parvient  à  les  voir,  non  plus  en  cu- 
rieux mais,  en  croyant,  de  quelle  inefïabilité  ne  rem- 
plissent-ils point  l'esprit.  Dites,  les  soldats,  la  main 
contre  la  joue,  endormis  au  bord  du  tombeau,  d'où  jail- 
lit le  Christ  droit  comme  une  affirmation  divine,  dites, 
l'âne  pataud  de  l'entrée  à  Jérusalem,  dites,  le  couronne- 
ment d'épines  auquel  on  travaille  comme  des  matelots 
tournant  au  cabestan,  dites,  la  scène  suprême  et  les 


larmes  de  Marie  et  là-haut  les  trois  croix  avec  un  ange, 
comme  une  petite  poupée,  agenouillé  sur  chacun  de  leurs 
bras.  Œuvre  d'émotion,  toute  taillée  dans  la  pitié,  tout 
ardente  de  simplicité  et  de  bonne  foi,  tout  immense  de 
force  persuasive.  Certes,  trinqueballante,  va  comme  je 
te  pousse,  avec  des  maladresses  terribles  et  des- inexpé- 
riences scandaleuses.  Mais  qu'importe. 

Quand  on  songe  que  c'est  au  village,  pendant  les  soirs 
d'hiver,  pour  détourner  du  pays  les  pestes  et  les  lèpres, 
qu'un  tailleur  d'images  par  son  génie  a  témoigné  de  ce 
chef-d'œuvre,  puis  s'est  perdu  dans  l'anonymat,  on  se 
sent  pris  de  quelque  pitié  pour  ce  que  les  critiques  appel- 
lent :  avoir  un  talent  correct  et  reconnu. 

La  force  simple  et  rude,  qui  dans  la  matière  même 
trouve  son  exemple,  exalte  donc  tout  l'art  breton. 
Aujourd'hui  encore  les  pierres  noires  et  grises  sont  em- 
ployées pour  des  manifestations  esthétiques.  Mais  com- 
bien un  bloc  granitique  moderne,  rencontré  à  Brest, 
dans  une  église,  et  représentant  un  évêque  à  genoux,  est 
d'expression  piteuse  et  combien  la  récente  basilique 
construite  en  l'honneur  de  sainte  Anne  d'Auray  fatigue 
de  son  luxe  de  marbrç  et  de  sa  bonne  tenue  en  or  et  en 
argent!  Décidément,  le  granit  est  trop  fort  et  trop 
puissamment  ténébreux  pour  notre  foi  pâlotte  et  propre, 
que  la  chromolithographie  et  les  objets  pieux  en  biscuit 
ou  en  papier  mâché  seuls  traduisent  adéqpatepient. 

I_.IBrî,ES  l^XJSIQXJES 
Aux  simples  amateurs. 

Article  deuxième  (1). 

L'enseignement  —  dans  les  Conservatoires  —  de  la  Composi- 
tion appliquée  aux  divers  genres  de^  musique  {musique  vocale  et 
instrumentale)  {11.)  est  irrémédiablement  funeste  pour  les  malheu- 
reux qui  y  sont  innocemment  livres  et  martyrisés  :  cela  se  sait, 
cela  se  dit,  cela  court  les  rues  et  se  colporte;  et  —  en  petits 
comités  —  c'est  même  devenu  une  banalité,  un  lieu  commun 
d'en  constater  les  fûcheux  et  déplorables  résultais. 

Les  jeunes  apprentis  musiciens,  après  les  nombreuses  et  péni- 
bles années  d'arides  labeurs  et  après  s'être  laissé  enlever  igno- 
minieusement —  s'il  y  a  lieu  !  —  tout  principe  d'individualité, 
parviennent  enfin  à  péniblement  décrocher  un  piteux  prix  de 
Rome,  le  summum  de  leur  gloriole,  leur  plus  forte  fierté  :  avoir 
pondu  une  monstrueuse  et  béquillante  cantate  officielle  quel- 
conque sur  un  poème  de  Casembroot  ou  une  traduction  de  Guil- 
laume..., après  quoi  ils  vont  s'enterrer  dans  quelque  Irou  de 
province;  d'où  parfois  l'un  ou  l'aulre  sort  encore,  fantôme  sur- 
gissant de  sa  moisissure.  Mais  pendant  ces  temps  de  lent  enfouis- 
sement et  avant  la  rouillure  complète,  l'éparpillement  final  en 
poussière,  que  produisirent-ils,  ces  pauvres?  Hélas!...  Ah!  ces 
joyeux  prix  de  Rome. 

Connaissez-vous  Buschoop?  Eli  bien,  il  vit  toujours!  Se  sou- 
vient-on encore  des  Demol?. . .  et  il  y  en  a  deux  ;  il  y  a  Pierre  et  il  y 

(1)  V.  rArt  moderne,  n»  23,  du  5  juin  1892. 

(2)  Textuel  :  règlement  organique,  art.  2. 


\ 


LART  MODERNE 


291 


avait  Guillaume  !  El  qu'ont  donc  laissé  Soubre,  Sladfeld,  Wacipul, 
Heckers?  A  peine  une  ouvcrlure  tVHamlet  à  eux  quatre!  El 
Dubois?...  Ah!  non,  celui-ci,  je  crois,  n'est  pas  mort.  Mais  parmi 
les  autres  vivants,  quelles  œuvres  d'art  ont  donné  Gevaert,  en 
dehors  de  ses  livres  de  très  belle  science,  Lassen,  en  dehors 
de  quelques  romances,  Radoux,  Huberli,  Van  den  Ecden,  etc., 
«n  dehors  de  rien  du  tout?  El  môme  Benoit,  qu'admirent  surtout 
les  liltéraieurs,  et  qui  n'est  parvenu  qu'à  brosser  largement,  1res 
largement,  il  est  vrai,  de  forts  beaux  décors,  niais  décors! 
Demandez  aux  musiciens  eux-mêmes,  à  ses  collègues,  ce  qu'ils 

pensent  de  lui;  à  ce  que  vous  en  entendrez, vous  pourriez 

môme  croire,  un  instant,  que  Benoit  est  extraordinaire.  La  vérité 
est  que  son  écriture  est  très  faible,  cl  j'ajouterai  que  le  goût  l'est 
tout  autant.  Et  Joseph  Dupont,  qui  a  prouvé  par  ses  admirables 
interprétations  aux  Concerts  populaires  et  à  la  Monnaie,  combien 
artiste  impeccable  et  pur  il  est  cependant?  Tiuel  au  moins  est 
intéressant,  et  Franz  Servais  semble  conslituer  la  seule  exceplion  ; 
on  ne  connaît  guère  de  lui,  et  son  Apollônide  est  impatiemment 
attendue  :  Servais  n'ayant  eu  d'autre  maître  que  lui-même,  ainsi 
qu'il  faut,  l'espoir  en  lui  est  grand.  Par  exemple,  quand  on  songe 
à  ce  que  sont  devenus  tous  ceux  qui  restèrent  accrochés  simple- 
ment à  un  second  prix!  Le  seul  qui  promcttail,  c'est  Florimond 
Van  Duyse;  mais,  malheureusement,  celui-là  s'est  fait  auditeur 
militaire. 

Faut-il  insister  aussi  sur  les  mièvres  et  pâles  quatuors  et  trios, 
sur  les  symphonies  lymphatiques  ou  poitrinaires,  couronnées  aux 
Académies  ;  couronnées  à  la  façon  des  chevaux  tombés? 

Voilà  les  résultats  des  écoles  décomposition;  et  pourtant  — 
constatation  curieuse — peu  d'écrivains,  jusqu'ici,  attaquèrent  ou- 
vertement ce  pernicieux  enseignement  :  en  Belgique,  il  me  sou- 
vient vaguement  d'une  très  énergique  et  violente  campagne  me- 
née hardiment  au  Guide  musical  par  Maurice  KufFerath,  si  je  ne 
fais  erreur.  En  France,  avec  Alfred  Ernsl,  dans  la  Revue  blanche, 
Y  Art  et  Critique,  le  Gaulois,  ainsi  qu'Henri  Gaulhier-Villars,  qui' 
tous  deux  vaillamment  bataillent,  je  ne  vois  qu'Arsène  Alexandre, 
le  plus  audacieux  des  critiques  d'art  de  la  presse  quotidienne  pa- 
risienne, le  seul  pour  la  peinture,  celui  qui  surtout,  au  Paris  et  à 
l'Eclair,  s'est  fait  le  rude  champion  de  tous  jeunes  apportant  une 
forniule  d'art  nouvelle;  sa  brillante  chronique,  V Anti-Conserva- 
toire, fit,  entre  autres,  fort  sensation. 

Il  n'est  donc  pas  inutile  de  faire  voir  aux  simples  et  sincères 
amateurs  qui,  jeunes  encore,  se  sentent  grouiller  de  vagries  be- 
soins d'art,  tout  le  danger  et  l'influence  fatale  des  écoles  officielles, 
—  d'ailleurs  autant,  pour  la  peinture  ou  la  sculpture,  que  pour  la 
musique. 

La  raison  directe  de  cette  néfaste  influence"  me  sera  facile  à 
analyser;  il  suffira  de  montrer  l'abîme  profond  qui  sépare  les  prin- 
cipes premiers  d'où  l'art  tire  son  origine,  de  l'esprit  mesquin  et 
l'élroilesse  d'idées  avec  lesquels  ce  môme  art  est  envisagé.  Tou- 
jours maîtresses  sont  restées  la  compréhension  restreinte  et  les 
petitesses  de  vue  de  Félis;  de  Fétis,  celui-là  môme  qui  corrigeait 
les  fautes  de  Beethoven,  prenant  les  géniales  audaces  du  maître 
pour...  des  distractions  —  n'est-ce  pas  délicieux?  — ;  du  père 
Fétis  enfin  ;  de  Yabgestumfter  greiss  de  Wagner  :  et  c'est  encore 
réternellc  façon  de  mal  regarder,  de  ne  pas  voir;  les  erreurs,  pour  un 
peu  moins  profondes  peut-être,  n'en  sont  pas  moins  restées  iden- 
tiques. Et  je  ne  me  rappelle  plus  où,  mais,  je  crois,  dans  la  pré- 
face de  son  Traité  d'instrumàitation,  Gevaert  écrit  que  le  prin- 
cipe de  la  création  est  simplement  de  la  réminiscence. 


Ce  serait  donc  affirmer,  selon  lui,  que  les  dessins  mélodiques 
et  les  couleurs  harmoniques  s'imprégnant  en  nos  cerveaux,  ces 
mômes  dessins  et  ces  m.êmcs  couleurs  en  ressorti  raient  modifiés 
plus  ou  moins  et  sous  d'autres  apparences,  formant  ainsi  des  mu- 
siques nouvelles,  des  créations!  Or,  dans  ce  faux  principe  n'est 
envisagé  que  l'extériorité  de  l'œuvre  d'art,  la  forme,  la  matière 
presque;  c'est,  comme  le  dit  si  bien  Hegel  :  «  ...une  succession 
«  complète  en  soi  de  combinaisons  el  demodulations.d'opposilions 
«  et  d'harmonies  qui  appartiennent  au. domaine  purement  musical 
«  des  sons.  Mais  alors  la  musique  reste  vide,  inexpressive;  et 
«  comme  le  côté  principal  de  tous  les  ans,  le  côté  intellectuel  ou 
«  de  l'expression  lui  manque,  elle  ne  mérite  pas  encore  à  pro- 
«  prement  parler  ce  nom  (1)  ».  C'est  néanmoins  sur  ce  point  de 
départ  erroné  de  Gevaert,  exprimé  encore  en  d'autres  endroits  et 
en  d'autres  termes,  qu'est  échafaudé  tout  l'enseignement  de  la 
musique  actuel,  combiné  avec  cette  autre  erreur,  qu'il  faut  acqué- 
rir, avant  tout,  une  sorte  de  mécanisme  indépendant  de  l'art,  com- 
muniqué par  des  règles  et  des  préceptes,  et  pompeusement  inti- 
tulé :  technie.  L'on  astreint  les  jeunes  —  qui  le  veulent  bien  — 
au  dur  exercice  de  l'emploi  en  soi  de  mélodies  cl  d'harmonies, 
abstraction  faite  de  toute  préoccupation  ou  besoin  d'œuvre;  cela, 
jusqu'à  la  parfaite  elliabile  imitation,  non  pas  des  œuvres  d'au- 
trui  môme,  mais  de  leur  facture  seule.  Celte  espèce  de  virtuosité 
en  quelque  sorte,  est  appelée  alors  :  connaître  son  métier.  C'est 
aussi  ce  qui  se  passe  dans  les  écoles  de  peinture,  par  exemple, 
où  l'on  habitue  à  tracer  des  ligues,  à  employer  des  couleurs,  en 
dehors  de  tonte  émotion. 

Je  trouve  la  plus  nette  condamnation  de  ce  système  dans  le 
fameux  article  de  Wagner  (à  la  Nouvelle  Gazette  musicale)  :  Du 
Judaïsme  dans  la  musique  ;  à  propos  de  l'incapacité  du  juif,  il  dit  : 
«  Peu  importe  ce  qu'il  crée,  pourvu  qu'il  force  l'attention;  il  n'a 
«  qu'un  souci  :  celui  de  la  forme  ».  On  devrait  ajouter  à  ce  sujet 
qu'il  y  a  beaucoup  de  juifs  de  nos  jours. 

L'on  pourrait,  il  est  vrai,  prétendre  qu'à  l'école  il  n'est  nulle- 
ment question  de  créer  des  œuvres,  mais  d'enseigner,  de  fournir 
les  moyens  d'en  produire  :  Or,  ceci  est  faux  encore;  en  faisant  des 
œuvres,  seul  on  apprend  à  en  faire,  et  non  pas  eu  s'appliquant  à 
autre  chose;  c'est  précisément  à  vouloir  exercer  les  jeunes  à 
séparer  la  forme,  l'exlériorité  de  ce  qui  fait  le  fond  de  l'œuvre 
d'art,  c'est  à  leur  vouloir  donner  celte  habitude  de  monstruosité 
anti-nalure,  qu'on  les  empêche  à  jamais  de  pouvoir  créer  quoi 
que  ce  soit. 

Car,  loin  d'être  une  réminiscence,  comme  le  dit  Gevaerl.l'œuvre 
est  une  création  toute  spontanée  ;  s'adressanl  à  la  sensibilité  des 
hommes,  elle  sort  complètement  du  principe  sensible.  Chez  l'ar- 
tiste, ce  principe  de  la  sensation  se  développe,  se  raffinise,  se  sen- 
sibilise, devrais-je  dire,  et  s'intellectualise  :  cet  acheminement  vers 
un  constant  perfectionnement  provient  du  contact  émotionnel  et 
conscient  des  objets  qui  sont  la  nature  el  des  œuvres  qui  sont 
l'humanité.  Les  sensations  fortes  extérieures,  à  la  suite  d'un  tra- 
vail de  gestation  dans  le  «  Moi  »,  peu  à  peu  dégagent  en  l'artiste 
des  sensations  intérieures  individuelles.  C'esj  en  celle  genèse  que 
précisément  consiste  la  création  artistique  ;  el  pour  êlre  essen- 
tiellement du  domaine  d^  l'activilé,  de  la  volonté  htimàine,  elle  est 
éminemment  naturelle.  Et  je  veux  ciler  encore  ici  Hegel  : 

ce  Le  véritable  artiste  a  un  pencha,nl  naturel  et  un  besoin  immé- 
«  diat  de  donner  une  forme  à  lout  ce  qu'il  éprouve,  à  tout  ce  4ue 

(1)  Hegel,  Cours  d'esthétique,  troisième  partie,  chap.  II. 


292 


VkRT  MODERNE 


«  son  imagination  lui  représente...  Ce  çion  de  représenler,  l'ar- 
«  liste  ne  le  possède  pas  seulement  comme  faculté  purement  spé- 
«c  culative  d'imaginer  et  de  sentir,  mais  encore  comme  disposi- 
«  lion  pratique,  comme  talent  naturel  d'exécution.  Ces  deux 
«  choses  sont  réunies  dans  le  véritable  artiste.  Ce  qui  vit  dans 
«  son  imagination  lui  vient  ainsi  en  quelque  sorte  dans  les  doigts, 
M  cotnme  il  nous  vient  à  la  bouche  de  dire  ce  que  nous  pensons, 
«  ou  comme  nos  pensées  les  plus  intimes,  nos  idées  et  nos  senti- 
ce  ments  apparaissent  immédiatement  sur  notre  physionomie, 
«  dans  le  maintien,  les  gestes,  les  attitudes  du  corps.  Dès  lors,  le 
«  véritable  génie  a  bientôt  fait  de  se  rendre  facile  la  partie  exlé- 
«  rieure  de  l'exécution  technique  (1).  »  Et  plus  loin  encore  : 
«  Cette  disposition  naturelle  que  l'artiste  trouve  en  lui-même,  il 
«  doit  sans  doute  la  développer  par  la  pratique  pour  arriver  à  une 
«  habileté  parfaite  :  cependant,  la  faculté  immédiate  d'exécution 
«  ne  doit  pas  moins  être  chez  lui  un  don  naturel,  sans  quoi  l'habi- 
te leté  simplement  ne  peut  aller  jusqu'à  produire  un  art  réelle- 
«  ment  vivant.  Ainsi,  conformément  à  l'idée  même  de  l'art,  les 
«  deux  parties  intégrantes  de  la  composition,  la  production  et  la 
«  réalisation,  se  donnent  la  main  et  sont  inséparables.  »  Enfin, 
dans  le  résumé,  on  lit  encore  :  «  Ce  n'est  pas  par  un  travail  méca- 
«  nique,  dirigé  par  des  règles  apprises,  que  l'artiste  exécute  ses 
«  œuvres.  » 

Si  l'on  a  bien  pu  comprendre,  par  ces  brèves  notes,  combien 
la  forme  d'art  —  qui  est  la  réalisation  d'une  conception  — 
est  intimement  liée  au  sentiment,  l'on  se  rendra  compte  aussi  de 
rimportance  de  l'éducation,  du  développement  homogène  artis- 
tique et  intellectuel  :  autant  il  est  néfaste  à  l'artiste  d'être  arrêté 
dans  son  œuvre  par  un  manque  de  technique,  autant  il  est  dan- 
gereux pour  la  création  d'avoir  poussé  celte  technique  plus 
avant  que  la  sensibilité,  malgré  ce  qu'en  dit  Gevaert  (2).  On  verra 
aussi  quelle  est  l'influence  des  milieux  sur  le  principe  sensible  ; 
vous  vous  souvenez  du  Neveu  de  Rameau,  lorsque  Diderot  lui 
fait  dire  :  «  Mais  le  moyen  de  sentir,  de  s'élever,  de  penser,  de 
«  peindre  fiirlement,  en  fréquentant  des  gens  tels  que  ceux  qu'il 
«  faut  voir  pour  vivro?  » 

A  pilus  forte  raison,  que  peut  faire  l'élève,  après  avoir  reçu, 
pendant  quatre  ou  cinq  «ns,  sans  relâche,  toujours,  toujours, 
sans  cesser  jamais,  des  impressions  vides  de  toute  expansion 
artistique,  purement  matérielles,  contraires  à  tout  principe  d'art, 
impressions  qui  développeront  son  sentiment  dans  de  mauvaises 
voies  et  lui  porteront  une  déformation  irrémédiable;  quelque 
chose  comme  une  lésion,  inguérissable  autant  que  celles  du 
cerveau. 

Voici,  je_  pense,  des  principes  que  ne  pourront  admettre  les 
musiciens;  je  ne  m'en  étonnerai  nullement  et  songerai  à  ce  que 
dit  Hegel  encore  :  «  Le  talent  musical  peut  se  développer  dans 
«  une  extrême  jeunesse  et  s'allier  à  une  grande  médiocrité  d'es- 
€(  prit  et  à  la  faiblesse  de  caractère  ».  Et  ceci  est  le  cas  très  géné- 
ralement répandu,  parmi  les  jeunes  surtout,  même  ceux-là  qui 
apprirent  seuls  :  ils  apprirent  mal,  laissant  de  côté  toute  intellec- 
lualilé.  Le  fait  de  ne  point  aller  au  Conservatoire  n'implique  nul- 
lement le  pouvoir  de  créer  des  œuvres  d'art,  et  je  pourrais  citer 
telle  musiqjie  dont  le  seul  but  est  de  reproduire  le  bruit  que  font 
les  vagues'de  la  mer,  ou  le  vent  dans  les  cordages,  ou  encore 
l'imitation  d'une  danse  de  marins,  à  la  façon  de  Gilson. 

(1)  Hegel,  Cours  d'esthétique,  première  partie,  chap.  III. 

(2)  Annwxirt  du  Conservatoire  de  BruxelUa,  iill,  p.  148. 


Oh!  combien  autrement  et  véritablement  œuvres  d'art  sont  les 
Chants  de  la  Mer  et  des  Grèves,  de  Georges  Fié!  Avec,  pour 
simples  matériaux,  de  naïves  mélopées  populaires,  sans  accom- 
pagnements, Fié  nous  fait  éprouver  de  nouveau  les  sensations . 
intenses  et  de  violente  intimité  ressenties  en  la  Vie  tout  entière  de 
la  Mer.  Ce  n'est  plus  le  bruit  des  vagues,  cette  fois,  qui  est  repro- 
duit ;  mais  l'âme  de  la  Mer  vibre  en  ces  très  purs  chants  ;  ce  sont 
ses  joies,  ses  tristesses,  ses  deuils  et  ses  espoirs  qui  se  retrouvent 
en  des  expressions  d'êtres  qui  l'aiment,  la  sentent,  la  subissent, 
la  vivent  de  toute  leur  vie. 

Voyez-vous,  il  ne  suffit  pas  d'annoter  dans  une  formule  quel- 
conque les  aspects  des  choses  extérieures,  pour  donner  la  sensa- 
tion que  produisent  ces  mômes  choses,  en  l'âme  et  en  l'intellec- 
tuel d'un  artiste.  Et  ceci  s'enseigne-t-il?  Parfaitement.  Dans  les 
Paradis  fermés  du  Rêve,  où  seuls  purent  jamais  pénétrer  les 
Vrais. 

Eugène  Samuel 


LE  MONUMENT  DE  CHARLES  DE  OOSTBR 

Nous  publions  la  lettre  par  laquelle  Charles  Potvin,  un  des 
meilleurs  et  des  plus  pieusement  fidèles  amis  de  Charles  De  Coster, 
raconte  à  l'un  de  nous  l'exhumation  récente  des  restes  du  grand 
écrivain.  Avec  quelle  simplicité  et  quelle  émotion  !  Il  est  récon- 
fortant, après  l'indifférence  cruelle  et  bêle  dans  laquelle  on  a  laissé, 
en  Belgique,  vivre  et  mourir  le  grand  écrivain,  l'auteur  illustre 
de  Tiel  Uylenspiegel,  de  sentir  le  profond  et  touchant  souvenir 
qu'il  a  laissé  dans  l'âme  généreuse  du  frère  d'armes  qui  l'a  si 
bien  connu  et  tant  aimé. 

Au  nom  de  tous,  Z'.4r/ moderwe  le  remercié. 

Jeudi,  1er  septembre  1892.- 
MoN  CHER  Picard, 

Nous  avons  fait  hier  soir  une  chose  décisive  pour  De  Coster. 

Après  des  délais  pour  lever  quelques  difficultés,  l'administra-  » 
lion  communale  s'est  arrêtée  à  l'idée  de  remplacer  le  caveau  oCr-^ 
repose  sa  mère,  dans  l'ancien  cimetière,  par  un  caveau  spécial, 
plus  large  et  mieux  situé,  au  nouveau  cimetière  d'Ixelles.  Le 
mari  de  la  sœur  de  notre  ami  en  a  été  informé  ;  on  le  priait  de 
"venir  â  Bruxelles  au  plus  tôt,  pour  certains  détails  ;  il  y  est  venu 
mardi,  lui,  Hector  Denis  et  moi. 

Nous  nous  sommes  réunis  dans  le  bureau  de  l'état  civil,  et  là 
séance  tenante,  il  a  été  décidé  que  le  plus  sûr  était  d'enlever  l'af- 
faire le  lendemain  même.  Donc,  hier  soir,  à  6  1/2  h.,  nous  nous 
sommes  rendus  au  cimetière,  avons  vérifié  les  registres  très  bien 
tenus,  et  trouvé  la  fosse  ouverte.  Le  cercueil  n'existait  plus;  mais 
le  numéro  sur  plomb  a  été  trouvé  à  la  place  indiquée  dans  le  re- 
gistre. Cela  constaté,  on  a  procédé,  os  par  os,  au  transport  des 
restes  de  notre  ami  dans  un  cercueil  de  chêne  plombé.  Puis, 
comme  dçmière  certitude,  on  a  retrouvé,  à  la  hauteur  de  la  poi- 
trine, un  cadre  avec  sa  glace  intacte  que  M.  Eug.  Dandoy,  son 
beau-frère,  a  reconuu  comme  ayant  contenu  le  daguerréotype  de 
sa  mère,  que  sa  sœur  se  souvient  avoir  déposé  dans  son  cercueil. 

Nous  avons  donc  l'assurance  d'avoir  soustrait  à  la  dispersion 
complète  les  restes  du  poète.  Le  cercueil  a  été  scellé,  puis  déposé, 
couvert  d'une  grande  couronne  de  lierre,  dans  une  salle  d'attente, 
d'où  il  sera  transporté  dans  cinq  ou  six  semaines,  solennellement 
dans  le  caveau  définitif.  D'ici  là,  le  transport  des  restes  de  sa  mère 


K 


-^ 


J 


LART  MODERNE 


293 


aura  élé  fait  et  nous  laisserons  notre  ami  reposer  auprès  d'elle. 
Quant  à  la  cérémonie  officielle,  nous  nous  entendrons  pour  en 
fixer  le  jour  et  le  programme.  En  attendant,  je  vous  mets  au 
courant  de  ce  premier  résultat. 

Ma  main  tremble  etje  griffonne. C'est  que  ce  fut  assez  cruel  à  voir. 
Passez  ma  lettre  à  Lemonnier. 

Tout  à  vous, 
—    -  Ch.  Pqtvin. 


LE  POÈTE 


(1) 


(Traduction   inédite.) 

Mais  abandonnons  ces  victimes  de  la  vanité  ;  observons  avec 
un  nouvel  espoir  comment  la  nature,  par  des  impulsions  plus 
fortes  et  meilleures,  a  assuré  la  fidélité  du  poète  à  son  rôle  de 
prophète  et  d'affirmateur;  elle  assure  sa  sincérité  en  l'entourant 
de  beauté,  d'une  beauté  qui  s'ennoblit  par  l'expression. 

La  nature  lui  offre  toutes,  ses  créatures  comme  images  de  sa  lan- 
gue. L'objet  employé  comme  type  acquiert  une  seconde  et  mer- 
veilleuse valeur,  bien  supérieure  à  sa  valeur  primitive;  ainsi  la 
corde  tendue  du  menuisier  caressée  par  la  brise  donne 
un  son  musical  si  vous  en  rapprochez  voire  oreille.  «  Des  choses 
plus  excellentes  que  toutes  les  images,  dit  Jamblichus,  sont 
exprimées  par  des  images.  » 

Les  choses  peuvent  être  prises  comme  symboles  parce  que  la 
nature  elle-même  est  un  symbole,  dans  sa  totalité  et  dans  chacune 
de  ses  parties. 

Chaque  ligne  que  nous  traçons  sur  le  sable  a  son  expression  et 
il  n'est  personne  qui  n'ait  son  esprit  ou  son  génie  propre.  Toute 
forme  est  l'un  des  effets  du  caractère  d'une  chose  ;  toute  condition, 
un  effet  de  la  manière  de  vivre;  toute  harmonie,  un  effet  de  santé 
(et  pour  celle  raison  la  perception  du  Beau  serait  sensible  aux 
seuls  bons).  Le  Be^  repose  sur  les  bases  du  Nécessaire  (2). 

L'ftmeïait  le  corps,  comme  dit  le  vieux  Spenser  : 

«  Plus  tout  esprit  est  pur,  plus  il  contient  de  divine  lumière, 
plus  il  embellit  le  corps  qu'il  habite,  et  le  remplit  de  charmes.  Car 
le  corps  prend  la  forme  de  l'âme,  car  l'âme  est  forme,  et  façonne 
le  corps.  » 

Nous  voici  arrivés  tout  d'un  coup,  non  à  une  spéculation  de 
l'esprit,  mais  à  un  endroit  sacré,  où  on  doit  marcher  lentement  et 
avec  respect.  Nous  nous  trouvons  devant  le  secret  du  Monde,  là 
oîi  l'Être  devient  Apparence,  et  l'Unité,  Variété. 

L'Univers  est  «  l'externisation  »  de  l'Ame.  Partout  où  il  y  a 
Vie,  ce  fait  éclate  dans  les  apparences  qui  l'entourent.  Notre  science 
est  sensuelle  et,  partant,  superficielle.  Nous  traitons  d'une  façon 
sensuelle  la  terre,  les  corps  célestes,  la  physique,  la  chimie, 
comme  si  ces  choses  existaient  par  elles-mêmes  ;  mais  ces  choses 
sont  la  continuation  de  l'Être  que  nous  avons.  «  Le  grand  ciel, 
dit  Proclus,  montre,  par  ses  transfigurations,  de  claires  images 
de  la  splendeur  des  perceptions  intellectuelles  ;  car  il  se  meut  en 
conjonction  avec  les  périodes  invisibles  des  natures  intellec- 
tuelles. »  C'est  pourquoi  la  science  marche  toujours  de  pair  avec 

(1)  Suite.  Voir  les  n<>'  des  21  et  28  août  1892. 

(2)  Le  Beau  est  la  purgation  de  toute  super^ité 

Miohbl-Anob. 


l'élévation  de  l'homme,  marchant  du  même  pas  que  la  religion  et 
la  métaphysique;  ou,  si  vous  voulez,  l'état  de  la  science  indique 
noire  degré  de  connaissance  de  nous-mêmes.  Puisque  tout  dans 
la  nature  répond  à  un  pouvoir  moral,  si  quelque  phénomène  reste 
brutal  et  obscur  c'est  parce  que,  dans  l'observateur,  la  faculté  qui 
correspond  à  ce  phénomène  n'est  pas  encore  active. 

Il  n'est  pas  étonnant,  dès  lors,  puisque  ces  eaux  sont  si  pro- 
fondes, que  nous  les  observions  avec  une  si  respectueuse  héiîita- 
tion.La  beauté  delà  fable  prouve  l'importance  de  sa.  signification; 
elle  le  prouve  au  poète  et  à  tous  les  autres;  ou  si  vous  préférez, 
tout  homme  est  assez  poète  pour  être  sensible  à  ces  enchante- 
ments de  la  nature  ;  car  tous  les  hommes  ont  en  eux  les  pensées 
dont  l'uAivers  est  la  célébration.  Je  trouve  que  la  fascination  ré- 
side dans  le  symbole  :  Qui  aime  la  nature?  ou  plutôt,  qui  ne 
l'aime  pas?  Les  poètes,  les  hommes  de  loisir  et  d'éducation  raf- 
finée qui  vivent  avec  elle  sont- ils  seuls  à  l'aimer?  Non,  les  chas- 
seurs, les  fermiers,  les  charretiers,  les  bouchers  l'aiment  aussi, 
quoiqu'ils  expriment  leur  affection  par  le  choix  de  leur  état  et 
non  par  le  choix  de  leurs  mots.  L'écrivain  se  demande  ce  que  le 
chasseur  ou  le  cocher  apprécie  dans  l'équitation,  les  chevaux  et 
les  chiens.  Ce  ne  sont  pas  des  qualités  superficielles.  Si  vous 
causez  avec  lui,  il  les  évaluera  à  un  taux  aussi  insignifiant  que 
vous  le  feriez.  Son  culte  est  tout  de  sympathie;  il  n'a  aucune 
définition,  mais  il  est  impérieusement  attiré  par  la  nature,  par  le 
pouvoir  vivant  qu'il  sent  présent  dans  ces  choses.  Aucune  imita- 
tion, aucune  représentation  de  ces  choses  ne  le  satisfera.  11  aime 
la  sérieuse  réalité  du  vent  du  nord,  de  la  pluie,  de  la  pierre,  du 
bois  el  du  fer.  Une  beauté  qu'on  ne  peut  expliquer  nous  est  plus 
chère  qu'une  beauté  dont  nous  connaissons  la  définition.  C'est  la 
nalure-symbole,  la  nature  affirmant  le  surnaturel,  —  corps  sub- 
mergé de  vie,  —  qu'il  adore  par  des  rites  grossiers,  mais  sincères. 

L'intimité  et  le  sens  mystérieux  de  ce  goût  pour  la  nature  pous- 
sent les  hommes  de  toute  classe  à  se  servir  d'emblèmes.  Les  écoles 
de  philosophie  et  les  poètes  ne  sont  pas  plus  entichés  de  leurs 
symboles  que  le  peuple  ne  l'est  des  siens.  Voyez  le  pouvoir  d'ex- 
pression des  emblèmes  nationaux  ! 

Quelques  étoiles,  des  lys,  des  léopards,  un  croissant,  un  lion, 
un  aigle  ou  tout  autre  signe  adopté  Dieu  sait  pourquoi,  imprimé 
sur  un  vieux  chififon  floflanl  à  tous  les  vents  sur  un  fort,  à  l'autre 
bout  du  monde,  fera  bouillir  dans  ses  veines  le  sang  de  l'homme 
le  plus  grossier  ou  le  plus  conventionnel.  Ces  gens  s'imaginent 
qu'ils  détestent  la  poésie  et  ils  sont  tous  des  poètes  et  des  mys-. 
tiques! 

Après  avoir  constaté  cette  universalité  du  langage  symbolique, 
nous  sommes  forcés  de  reconnaître  ce  qu'il  y  a  de  divin  dans  cette 
interprétation  supérieure  des  choses,  qui  fait  du  monde  un  temple 
d'emblèmes,  d'images  el  de  commandements  de  la  divinité  ;  nous 
y  sommes  forcés  par  le  fait  qu'il  n'y  a  aucune  chose  dans  la  nature 
qui  ne  porte  avec  elle,  en  elle,  le  sens  de  la  nature  entière;  el  les 
distinctions  que  nous  appliquons  aux  événements  el  aux  afiaires 
en  les  traitant  de  choses  élevées  ou  dégradantes,  honnêtes  ou  dés- 
honnêies,  disparaissent  quand  nous  prenons  la  nature  pour  sym- 
bole. La  pensée  se  sert  de  tout.  Le  vocabulaire  d'un  homme  qui 
saurait  tout  comprendrait  des  mots  el  des  images  qui  sont  bannis 
de  la  conversation  polie. 

^  Ce  qui  semblerait  bas  ou  même  obscène  à  des  esprits  obscènes, 
devient  grand  et  illustre  si  on  en  fait  l'objet  d'une  pensée  nouvelle. 
La  piété  des  poètes  hébreux  fait  oublier  leur  grossièreté.  La  cir- 
concision est  un  exemple  du  pouvoir  que  possède  la  poésie  pour 


294 


VAUT  MODERNE 


élever  des  choses  grossières  ou  honteuses.  Des  choses  pelites  ou 
triviales  servent  autant  que  de  grands  symboles.  Plus  est  vil  le 
terme  qui  lypific  cl  exprime  une  loi,  plus  il  a  de  force  cl  plus  il 
dure  dans  la  mémoire  des  hommes,  tout  à  fait  comme  si  nous 
choisissions  la  plus  petite  boîte  ou  case  dans  laquelle  puisse  se 
porter  un  ustensile  nécessaire.  Il  suffit  parfois  d'une  siii>ple  liste 
de  mots  pour  exciter  un  esprit  fertile  et  doué  d'imagination,  et 
l'on  dit  de  lord  Chatam  qu'il  se  mettait  à  lire  le  dictionnaire  de 
Bailey  avant  de  prononcer  ses  discours  au  Parlement.  La  mémoire 
la  plus  pauvre  suffit,  d'autre  part,  quand  il  s'agit  de  donner  corps 
à  une  pensée.  Pourquoi  envier  et  désirer  la  connaissance  de  nou- 
veaux faits.'  Le  jour,  la  nuit,  la  maison,  le  jardin,  quelques  livres, 
quelques  actions  pcuvcnl  nous  servir  aussi  bien  que  tout  autre 
spectacle.  Nous  sommes  loin  d'avoir  épuisé  la  signification  du  peu 
de  symboles  dont  nous  nous  servons.  Nous  pourrions  arriver  à 
nous  en  servir  avec  une  terrible  simplicité.  Un  poème  n'a  pas 
besoin  d'être  long.  Chaque  mol  fut  jadis  un  poème.  Chaque  géné- 
ralisation, chaque  relation  nouvelle  des  choses  entre  elles  crée  un 
nouveau  mol.  Nous  nous  servons  même  des  défauts  et  des  diffor- 
mités pour  des  usages  sacrés,  exprimant  ainsi  notre  sentiment 
intime  qui  nous  dit  que  les  défauts  n'apparaissent  tels  qu'à  l'œil 
défectueux. 

On  observe  que  dans  la  vieille  mythologie  certains  défauts  sont 
attribués  aux  dieux,  conrime  la  cécité  à  Cupidon,  un  pied  boiteux 
à  Vulcain,  pour  signifier  l'exubérance  de  ces  choses. 

Car,  comme  c'est  une  dislocation,  une  séparation  d'avec  la  vie 
divine  qui  fait  les  choses  laides,  le  poète  qui  rattache  tout  U  la 
nature  et  à  l'ensemble,  —  rattachant  même  les  choses  artificielles 
et  les  violations  des  lois  aux  lois  elles-mêmes,  par  une  vue  plus 
profonde,  —  le  poète  dispose  1res  facilement  des  faits  les  plus 
désagréables.  Des  lecteurs  de  poésies  voient  les  fabriques  et  les 
chemins  de  fer  envahir  la  campagne,  et  ils  se  figurent  que  la 
poésie  du  paysage  champêtre  en  est  détruite  parce  que  ces  tra- 
vaux d'art  ne  sonl  pas  encore  consacrés  par  les  auteurs  qu'ils 
lisent.  Mais  le  poète  voit  que  ces  choses  rentrent  dans  le  grand 
ordre,  tout  autant  que  la  ruche  des  abeilles  ou  la  toile  géométri- 
que de  l'araignée.  La  Nature  a  bientôt  fait  d'adopter  ces  choses 
cl  de  les  faire  entrer  dans  ses  cercles  vivants,  et  elle  aime  celte 
glissante  traînée  de  chars  comrtie  s'ils  lui  appartenaient.  De  plus, 
pour  un  esprit  centralisé,  le'nombre  des  machines  ou  leur  raffine- 
ment ne  signifie  rien.  Le  fait  de  la  mécanique  reste  toujours  le 
même,  il  est  inaltérable  sous  ses  milliers  d'applications.  \a  fait 
spirituel  est  là,  et  la  hauteur  d'aucune  montagne  ne  peut  changer 
la  courbe  de  la  sphère.  Un  intelligent  petit  paysan  vient  à. la  ville 
pour  la  première  fois  et  vexe  le  complaisant  citadin  par  son  peu 
d'enthousiasme.  Ce  n'est  pas  que  l'enfant  dédaigne  ces  belles  mai- 
sons, il  sait  qu'il  n'en  a  jamais  vu  de  semblables,  mais  il  en  dis- 
pose dans  son  esprit  avec  autant  de  facilité  que  le  poète  dispose 
du  chemin  de  fer.  La  plus  grande  valeur  d'un  fait  nouveau  c'est 
d'illustrer  et  de  faire  ressortir  ce  grand  fait  constant  de  la  vie, 
auprès  duquel  toute  circonstance,  quelle  qu'elle  soil,  est  bien  rape- 
tissée,  et  auprès  duquel  la  ceinture  du  sauvage  et  le  commerce 
de  l'Amérique  entière  sont  des  choses  à  peu  près  égales. 

{A  continuer.) 


M.  HENRI  BEOQUE  ET  LA  JUIVBRIE 

Le  succès  du  journal  d'Edmond  Drumont,  La  Libre  Parole, 
même  en  Belgique,  est  remarquable. 

C'est  „  à  Tongres  que  nous  avons  lu  le  numéro  dont  nous 
extrayons  le  curieux  article  que  voici,  intéressant  un  des  meil- 
leurs écrivains  de  la  jeune  école  dramatique,  M.  Henri  Becque, 
dont  l'Art  moderne  a  signalé  maintes  fois  les  œuvres  ingénieuses 
et  fortes.  Il  paraît  qu'en  cette  cité  reculée  de  Tongres,  la  Libre 
Parole  écoule  trente  numéros  par  jour. 

LES  SUITES  D'UNE  SOUPE  AUX  CHOUX 

M.  Henri  Bccquc,  dans  sa  jeunesse,  se  lia  d'amitié  avec 
M.  Abraham  Dreyfus  au  point  de  consentir  à  manger  chez  ce  der- 
nier, de  temps  en  temps,  la  soupe  aux  choux.  Ils  aimaient  cette 
soup.e  l'un  et  l'autre  cl  ils  étaient  auteurs  dramatiques  tous  les 
deux. 

tu.  Abraham  Dreyfus  a  le  souffle  dramatique  assez  court; 
M.  Henri  Becque  l'affirme,  et  on  n'a  qu'à  lire  ses  pièces  pour  s'en 
convaincre. 

Mais  M.  Abraham  Dreyfus  est  Juif.  Il  a  les  qualités  naturelles  de 
sa  race;. il  est  doué  surtout  de  cette  faculté  prodigieuse  d'assimi- 
lation, qui  est  une  des  grandes  forces  de  ceux  de  sa  nation,  qu'il 
s'agisse  de  s'assimiler  notre  argent  ou  nos  idées. 

El  M.  Abraham  Dreyfus  s'est  assimilé  parfois  les  idées  de 
M.  Becque,  quoiqu'il  s'en  défende.  M.  Becque  l'affirme,  il  n'y  a 
aucune  raison  de  douter  des  affirmations  de  M.  Becque. 

M.  Dreyfus  avait  présenté  à  l'Odéon  une  pièce,  LInstitution 
Sainte-Catherine,  qui  ne  marchait  pas  très  bien  aux  répéti- 
tions. 

11  vint  trouver  M.  Becque,  qui  venait  de  remettre  au  Théâtre- 
Français  les  Corbeaux;  quelques  exemplaires  avaient  été  tirés 
chez  l'éditeur  Tresse. 

—  Oh  !  que  vous  seriez  gentil,  dit  M.  Dreyfus  à  M.  Becque,  de' 
me  laisser  lire  votre  pièce  ;  j'ai  une  si  grande  envie  de  la  con- 
naître ! 

—  Très  volontiers,  répondit  Becque. 
Et  il  lui  en  remit  un  exemplaire. 

A  la  première  représentation  de  i Institution  Sainle-Cathurine, 
M.'  Becque  et  M.  Lavoix,  le  lecteur  du  Théâtre-Français,  $9  ren- 
contrèrent. M.  Lavoix  connaissait  to  Corbeaux. 

M.  Becque  ne  se  souvient  pas  si  c'était  au  second  ou  au  troi- 
sième acte,  mais  il  se  rappelle  très  bien  qu'à  une  scène  de  la 
pièce,  Lavoix  et  lui,  du  même  coup,  par  une  même  impulsion, 
se  pencbèrenl  l'un  vers  l'autre  en  se  regardant. 

Lavoix  fit  à  Becque  un  geste  qui  voulait  dire  : 

—  «  Mais  ce  sonl  les  Corbeaux.  » 

Et  Becque  répondit  par  un  autre  geste  qui  voulait  dire  : 

—  «  11  me  semble  bien  que  ce  sonl  les  Corbeaux.  » 

Et  le  rideau  baissé,  Lavoix  vint  reprocher  à  Becque  d'avoir 
communiqué  sa  pièce  à  Dreyfus  et  lui  recommanda  de  ne  jamais 
recommencer.  Sa  pièce  appartenait  au  Théâtre-Français;  il  ne 
devait  la  montrer  à  personne. 

Becque,  à  ce  momeril-là,  n'osa  rien  dire  à  Dreyfus.  Il  se  souve- 
nait de  la  soupe  aux  choux. 

Aujourd'hui,  M.  Abraham  Dreyfus  est  brouillé  avec  M.  Henri 
Becque.  Il  se  défend  d'en  avoir  jamais  reçu  quoi  que  ce  soit,  pas 
la  plus  petite  idée,  pas  la  moindre  scène.  A  peine  avoue-l-il  trois 


mois  insignifianls  que  Becquc  lui  aurait  prêles  pour  lé~Kleplite, 
mais  qu'il  veut  lui  resliluer,  parce  qu'en  effet  ces  trois  mois  n'ont 
aucune  valeur. 

Pour  ce  Klephle,  M,  Becque  prétend  bien  qu'il  a  aidé  M.  Drey- 
fus à  le  débrouiller.  MM.  Koning  et  Meilhac,  qui  l'avaient  lu  avant 
qu'il  fût  porté  à  l'Odéon,  l'avaient  trouvé  embourbé,  diffus  et 
long.  Quand  il  eut  passé  pa-r  les  mains  de  Becque,  il  avait  une 
allure  pimpante,  une  clarté  dont  celui-ci  avait  eu  jusqu'ici  la 
discrétion  de  ne  pas  réclamer  pour  lui  tout  le  mérite. 

Mais  M.  Dreyfus  a  cru  pouvoir  renier  les  bons  services  de 
Becque.  Et  il  n'y  a  plus  de  soupe  aux  choux  qui  tienne.  M.  Becque 
s'est  décidé  \x  manger  le  morceau. 

Nous  n'avons  pas  à  prendre  parti  dans  cette  querelle  littéraire 
qui  ne  va  pas  manquer  d'égayer  le  boulevard. 

Cependant,  si  M.  Henri  Becque  affirme  que  M.  Abraham  Dreyfus 
lui  a  emprunté  son  concours  pour  une  de  ses  pièces  et  certaines 
scènes  pour  une  autre,  il  n'y  a  guère  de  doute  possible;  les 
emprunts  doivent  être  réels. 

Les  gens  qui  nous  accusent  de  violence  et  de  parti  pris  contre 
les  Juifs,  tout  en  nous  abandonnant  d'assez  bonne  grâce  les  Juifs 
de  la  Bourse  et  de  l'agio,  nous  demandent  d'excepter  de  nos  accu- 
sations les  Juifs  de  l'Art  et  de  la  Littérature. 

L'aventure  de  M.  Dreyfus  semble  bien  établir  cependant  que 
les  Juifs  ont  la  même  aptitude  aux  razzias  littéraires  qu'aux  raz- 
zias financières. 

M.  Henri  Becque  ne  s'en  doutait  pas.  Il  le  sait  aujourd'hui.  Il 
déplore  d'avoir  si  mal  placé  son  amitié.  Mais  voilà...  Il  aimait  tant 
la  soupe  aux  choux  ! 

Félicien  Pascal 


pORREgPONDANCE 


M.  Henri  Van  de  Velde  ayant  donné  une  conférence  au  Knnst- 
kring  de  La  Haye  et  inséré  dans  les  colonnes  de  l'Art  moderne 
ses  réflexions  de  voyage,  M.  Zilckcn  lui  envoie  en  réponse  les 
lignes  qui  suivent. 
,  Nous  insérons  sans  hésiter  la  réponse  courtoise  de  M.  Ziicken. 

Cher  Monsieur, 

Je  n'ai  malheureusement  pas  eu  le  plaisir  de  faire  votre  con- 
naissance au  itunstkring,  pprès  avoir  écoulé  volre^auseric  sur  le 
paysan  dans  l'art,  et  je  le  regrette  vivement,  depuis  que  dans 
votre  compte  rendu  de  l'exposition  de  quelques  membres  des 
XXf  h  La  Haye,  vous  avez  commis  quelques  erreurs  très  regret- 
tables au  point  de  vue  de  la  bonne  compréhension  du  mouve- 
ment artistique  en  celle  ville. 

Faisant  partie  moi-même  de  la  direction  du  cercle  Pulchri 
Studio,  je  suis  en  mesure  de  dire  la  vérité,  lorsque  malheureuse- 
ment vous  avez  été  imparfaitement  et  fautivement  renseigné. 

Selon  vous,  il  y  aurait  lutte  entre  les  deux  cercles  ici  ;  mais 
d'abord,  savez-vpus  bien  que  presque  tous  les  membres  (tous  les 
principaux  certainement)  du  Kimslkrvig  sonl  membres  du  Pul- 
chri? Que  Toorop,  Prikker,  le  président,  notre  ami  de  Bock  (non 
pas  de  BLOck)  sont  des  nôtres,  et  nous  sommes  membres  du 
Kuns tkring,  cxposani  dans  l'une  ou  l'autre  salle,- comme  le  cœur 
nous  en  dit?  Donc,  cette  barrière  d'inimitié  n'existe  guère,  est 
impossible;  il  y  a  seulement  concurrence,  slimukition  des  plus 
favorables  aux  deux  sociétés. 

Heureusement  nous  ne  connaissons  pas  ici  le  chauvin  esprit  de 
clocher  si  regrettable  souvent.  La  Hollande  a  toujours  été 
libérale,  véritablement,  et  aujourd'hui  encore,  dans  le  monde  des 
artistes,  J.  Maris  coudoie  Prikker,  et  Toorop  Israëls  ou  Mesdag. 


Heureusement,  chez  nous,  tous  ceux  qui  ont  du  talent  sont 
appréciés  par  ceux  qui  savent  juger,  tout  comme  chez  les  XX. 

La  confraternité  artistique  dont  v^us  parlez  existe  cerlainemienl 
chez  nous,  comme  vous  l'appréciez  très  justement,  mais  d'une 
façon  plus  élevée  que  vous  ne  le  semblez  croire.  Il  y  a  moins  de 
chapelles  et  d'écoles,  mais  un  plus  libre  et  indépendant  jugement. 

S'il  y  a  «  lutte  et  ralliement  de  forces  »,  c'est  moins  chez  les 
jeunes,   très  indépendants,  que  chez  quelques  vieilles  garde».    ^ 
rageuses,  inutiles  et  nuisibles,   qui,  n'ayant  aucune  force  par^ 
elles-mêmes,  lûchent  d'en  avoir  en  se  réunissant. 

Les  manifestations  artistiques  les  plus  caractéristiques  de 
l'année  furent  l'exposition  des  membres  de  Pulchri  Studio, 
l'hiver  dernier,  et  la  soirée  artistique  de  ce  printemps.  Toutes  deux 
eurent  lieu  h  PuU{kri. 

La  direction  de  ce  cercle  se  compose  en  majorité  de  jeunes, 
parmi  lesquels  Bauer,  van  der  Maarel,  moi-même,  tous  bien  loin 
d'éire  rétrogrades  ou  considérés  comme  tels. 

Aussi  cette  direction  qui,  selon  vous,  «  a  décidé  la  révolte  ». 
a-t-elle  eu  maille  à  partir  avec  les  grognards  et  les  éclopés  ! 
Combien  l'a-t-on  attaquée,  vilement,  bassement,  toute  la  bande 
des  roquets  déchaînée,  parce  que,  par  exemple,  Thorn  Prikker 
était  bien  placé,  h  la  rampe,  parce  que  la  commission  de  place-  . 
ment  avait  choisi  les  œuvres  et  les  places  avec  une  indépendance 
inusitée,  mais  honnêtement  et  sincèrement. 

Et  les  admirables  soirées  d'arl,  dont  j'ai  parlé  ici  même  en 
avril,  ces  soirées  inoubliables,  véritables  innovations  en  Hollande, 
entièrement  dues  à  l'inilialive  de  la  direction  de  Pulchri,  eurent 
un  succès  énorme. 

L'exquis  Verwey,  disant  ses  merveilleux  vers  dans  la  salle  de 
Pulchri-Studio,  très  bellement  décorée  par  Bauer,  van  derMaarel 
et  Prikker,  y  fut  plus  que  chaleureusement  applaudi  par  ses  . 
admirateurs  nombreux  et  sincères,  venus  de  partout  pour  écouler 
et  voir,  y  compris  les  Velh,  les  Toorop,  les  Holst. 

D'où  sort  donc  cette  accusation  injuste  et  fausse  que  vous  portez 
à  ce  cercle  plus  vieux  de  date  que  le  Kimstkring,  mais  non  moins 
manisfeslement  jeune,  si  pas  plus? 

Peut-êlre  en  Belgique  ou  ailleurs  existe-t-il  des  cercles  où 
«  d'inutiles  podagres  traînent  après  eux  une  odeur  de  chair 
morte  »,  mais  je  vous  assure  que  ce  n'est  pas  le  cas  à  La  Haye 
parmi  les  artistes. 

El  vous  dites  que  Pulchri  avait  «  tenté  d'écraser  la  gloire  immi- 
nente de  van  Gogh  ».  Mais,  cher  Monsieur,  savez-vous  bien  que 
lorsqu'il  futquestion  d'exposer  ces  œuvres,  presque  aucune  n'avait 
de  bordure,  et  que  nous  jugeâmes  mieux  pour  la  gloire  de  l'ar- 
tiste de  ne  pas  les  exposer  dans  des  conditions  défavorables  dans 
une  salle  qui  mesure  70  mèlres  de  rampe  et  10  de  hauteur?  El 
que  c'est  nous-mêmes  qui  avons  communiqué  à  de  Bock  la  pos- 
sibilité d'exposer  ces  œuvres  dans  les  salles  plus  petites  et  meil- 
leures celle  fois  du  Kunstkring  ? 

El  pour  finir,  pardonnez  une  critique;  vous  dites  «  à  la  suite  de 
Toorop,  Bauer,  etc  ».  Mais  nous,  qui  apprécions  1res  haut  le 
puissant  talent  de  Toorop,  et  qui  connaissons  à  fond  celui  tout 
différent  de  Bauer,  nous  plaçons  celui-ci  à  côté  du  très  intéres- 
sant membre  des  XX,  et  non  pas  à  la  suite. 

Ayant  comme  vous,  cher  Monsieur,  un  enthousiasme  sincère 
pour  tout  ce  qui  est  art,  lumière,  vérité,  je  tenais  à  rectifier  ces 
quelques  erreurs  qui  placent  la  situation  artistique  à  La  Haye 
dans  un  jour  tout  autre  que  le  vrai. 

Croyez  à  ma  parfaite  considération  et  à  mes  meilleurs  senti- 
ments. 

Ph.  Zilcken. 

M.  Van  de  Velde,  auquel  nous  n'avons  pu  —  faute  de  temps 
—  envoyer  la  lettre  de  M.  Zilckcn,  lui  répondra,  s'il  le  juge 
opportun,  dans  le  numéro  prochain  de  l'Art  moderne. 


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fe 


Douzième  année.  —  N»  38. 


Le  numéro  :  2&  centimes. 


Dimanche  18  Septembre  1892. 


â'^. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT    L£    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  ËinLB  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,    ù.   13.00.    —ANNONCES  : ,  On  traite  i   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  .Bruxelles. 


Sommaire 


Notes  sur  les  primitifs  italiens.  Oriolo.  — Georges  Eekhoud. 
—  Le  poète.  Essai  par  R.-W.  Emerson  (Suite).  —  Ancien  compte 
A  RÉGLER.  —  Les  coulisses  de  la  tableaumânik.  —  Réponse  a 
M.  Ph.  Zilcken.  —  Petite  chronique. 


Notes  sur  les  Primitifs  italiens  ^^^ 


ORIOLO 

Je  sais  de  lui  un  fier  portrait  conservé  à  la  National 
Gailery,  mais  rien  de  plus.  J'ai  vainement  cherché  son 
nom  dans  les  biographies,  les  dictionnaires  et  les  his- 
toires. Nulle  part  ailleurs  non  plus,  je  n'ai  rencontré  de 
ses  œuvres.  Le  catalogue  de  l'admirable  Musée  de 
Londres,  si  érudit  et  si  exactement  rédigé,  ne  donne 
guère  sur  Oriolo  que  les  indications  résultant  du  tableau 
lui-même.  Celui-ci  étant  le  portrait  du  marquis  Lionel 
d'Esté,  prince  souverain  de  Ferraré  de  1441  à  1450, 
on  a  pu  en  conclure  qu'Orioio  devait  appartenir  à  l'école 
ferraraise  et  vivre  vers  le  milieu  du  xv*  siècle.  En  plus, 

(1)  Voyez  dans  l'Art  moderne  de  1891,  n»  47,  Giotto;  49,  Maso- 
lino  da  Panicale;  51  et  52,  Gentile  da  Fabriano;  en  1892,  n»»  31 
et  32,  Pisanello. 


le  catalogue  ajoute  qu'il  reçut  probablement  des  leçons 
de  Pisanello  et  qu'il  vivait  encore  en  1461. 

C'est  tout.  C'est  peu  pour  un  tel  peintre.  Et  s'il  fal- 
lait encore  démontrer  l'inanité  de  l'ambition  de  gloire, 
mémo  devant  la  postérité  lointaine,  on  pourrait  s'indi- 
gner d'avoir  sur  nombre  de  médiocrités  tant  de  rensei- 
gnements minutieux  et  précis  et  de  nerrien  savoir  de  la 
vie  ef  des  œuvres  de  celui  qui  signa  ce  merveilleux  por- 
trait. 

Tout  ce  qu*une  curiosité  exaspérée  et  patiente  m'a 
permis  de  découvrir,  c'est  dans  un  ouvrage  de  Valmigli 
sur  les  artistes  de  Faënza,  l'indication  de  deux  autres 
portraits,  ceux  des  filles  du  seigneur  magnifique  Astor 
de  Faënza.  Valmigli,  en  compulsant  des  archives  et 
d'anciens  poètes  locaux,  les  trouve  célébrés  en  des 
vers  (1)  dont  le  contexte  permet  de  dater  ces  portraits 
de  1449.  Une  autre  mention,  du  20  août  1461,  appelle 
Oriolo,  picior  publieus.  Et  certains  documents  per- 
mettent de  croire  qiie  le  peintre  appartenait  à  la  famille 
Calegari  et  ne  s'est  appelé  Oriolo  que  du  nom  de  son 

(1)  Ad  manificum  dominum  Astorem  de  pictura  filiœ  suœ  majoris 
Elisabethee  manu  Johannis  de  Oriolo.  Ad  prœfatum  principem  de  pic- 
tura flliae  minoris  dominse  Barbarse  manu  praedicti,  —  par  Lapi. 

Hanc  explere  volens  pictor  tua  vota  Jo'annes 
Màjoris  natse  efQgiem  tibi  destinât,  Astor 
Princeps,  grata  exenim  caro  ratus  esse  parenti 
Munera,  non  illam  melius  pinzisset  Apelles 
Non  Zeuzis  :  vocem  et  sensum  si  forte  dedisset. 


298 


L'ART  MODERNE 


village  natal,  petit  bourg  de  la  Romagne,  à  quelques 
kilomètres  de  Faënza. 

Cette  fois,  c'est  bien  tout.  Que  sont  devenus  ces  por- 
traits t  On  l'ignore.  Détruits,  peut-être  ;  peut-être  aussi 
glorieusement  attribués  à  quelque  maître? 

Il  faut  renoncer  à  dissiper  cette  injuste  nuit  de  mys- 
tère et  d'inconnu  ;  et  celte  impossibilité  de  savoir  aiguisé 
encore  ma  sympathie;  cette  biographie  dédaignée  me 
semble  d'autant  plus  savoureuse  et  j'aime  à  rêver  à 
l'œuvre  perdue  que  j'imagine  à  l'aise,  opulente  et  forte, 
d'après  le  chef-d'œuvre  resté. 

Vraiment,  le  mot  chef-d'œuvre  n'a  rien  d'excessif 
pour  le  tableau  de  la  National  Gallery.  On  peut  affir- 
mer que  ce  portrait  est  surprenant  parmi  les  plus 
beaux.  La  pose  en  est  extrêmement  simple  :  le  marquis 
Lionel  est  représenté  en  grandeur  naturelle,  la  tête 
découverte,  de  profil  et  regardant  vers  la  gauche,  le 
bas  du  cadre  coupant  le  buste  un  peu  au-dessus  du 
coude.  Une  blouse  d'un  rouge  vif  et  chaud  vêt  son  torse 
mince  et  grêle,  paraissant  plus  mince  encore  par  la 
retombée,  devant,  derrière,  d'une  sorte  de  surplis  noir 
qui  semble  à  distance  se  confondre  avec  le  fond  vert 
sombre,  donnant,  de  corps  maigre,  rouge  et  raide,  l'illu- 
sion d'une  inquiétante  fleur  bizarre,  turgescente  et  dres- 
sée, dont  le  sommet  serait  une  tête  humaine. 

Nul  autre  détail.  Point  d'accessoire  distrayant  l'atten- 
tion. Et  la  figure  alors,  en  franche  lumière,  détaillée 
avec  une  vigueur  et  une  précision  incomparables.  Ainsi 
campé,  ce  portrait  est  d'une  énergie  indicible  (pour 
des  siècles,  voici  revivre,  d'une  intense  vie,  le  marquis 
Lionel),  mais  il  a  surtout  une  grande  allure  d'art.  Son 
style  impérieux  déconcerte  quand  on  songe  que  Piero 
délia  Francesca  et  Ghirlandajo  étaient  encore  à  venir. 

D'autres  artistes,  notamment  Pisanello  dans  plu- 
sieurs de  ses  médailles,  nous  ont  conservé  les  traits 
étranges  du  prince  d'Esté.  On  connaît  pour  toujours, 
dès  qu'on  la  vit,  cette  singulière  figure,  aux  cheveux 
frisés,  au  nez  osseux  continuant  presque  sans  interrup- 
tion la  ligne  du  front,  au  menton  glabre  et  volontaire. 

Pisanello,  le  médailleur  attitré  de  ces  fastueuses 
petites  cours  de  la  première  Renaissance,  s'était  plu 
sans  doute  à  flatter  son  modèle,  à  l'ennoblir  en  adou- 
cissant la  violence  de  ses  traits.  Mais  je  suppose  que  ce 
portrait  d'Oriolo,  s'il  fut  commandé  par  le  souverain, 
dut  être  accueilli  avec  moins  de  faveur.  Car  il  est,  en 
vérité,  terrible.  Dans  les  deux  efligies,  même  allure 
juvénile,  même  coiff'ure  de  cheveux  bouclés  menu, 
avançant  sur  le  front  ainsi  qu'un  bonnet  et  saillant  sur 
le  cou  grêle,  même  soudure  du  nez  au  front,  même 
regard  inflexible,  mêmes  lèvres  glabres  sans  sourire, 
mais  chez  Oriolo,  tous  ces  traits  sont  accentués  vers 
une  dureté  plus  grande.  Le  bas  de  la  figure  est  beau- 
coup plus  important  et  restitue  au  type  son  caractère 
de  tyranneau  sauvage  et  féroce.  Ce  Lionel-ci  est  au- 


trement complexe  et  significatif  que  l'éphèbe  chevale- 
resque de  Pisanello.  Nous  avons  la  révélation  soudaine 
de  passions  impétueuses,  d'appétits  carnassiers  dont  le 
graveur  ne  nous  avait  rien  dit  (1). 

Tout  un  dessous  de  bestialité,  avide  et  sanguinaire,  se 
dévoile.  La  bouche  surtout  est  eff'rayante  et  iinplacable  ; 
bouche  de  baisers  funestes,  évocatrice  d'amours  para- 
doxales tachées  de  sang  et  de  méchancetés!  Et  dans 
l'œil,  il  y  a  le  rêve  traître  et  cruel  des  félins,  l'appel 
glauque  des  abîmes  de  la  mer  ! 

Pourtant,  hautaine  et  intelligente,  cette  image  est 
bien  celle  du  lettré  brillant  qui  voulut  être  prince  de 
par  ses  sonnets  aussi,  de  l'érudit  délicat,  du  protecteur 
sagace  de  tant  d'artistes  illustres. 

Peu  de  portraits  lèvent  en  l'esprit  tant  de  songeries. 
Ce  que  fut  la  vie  de  ce  tyran-poète,  et  la  violence  de  ses 
volontés  et  de  ses  émotions  dans  cette  ardente  seigneurie 
de  Ferrare  d'où  nous  sont  venus  de  si  extraordinaires 
récits  de  débauche  et  de  crime,  on  peut  se  plaire  à 
l'imaginer  d'après  cette  puissante  peinture  où  tant  de 
possibilités  sont  latentes,  et  encore  d'après  ceci  : 

Le  père  de  Lionel,  le  vieux  marquis  Niccolo,  avait 
en  ce  temps,  pour  femme,  l'exquise  Parisina  Malatesta. 
A  côté  de  la  famille  légitime,  quinze  au  vingt  bâtards 
publiquement  avoués,  vivaient.  L'un  deux,  Hugo, 
presque  un  enfant,  d'une  invraisemblable  beauté  de 
page,  était  particulièrement  antipathique  à  sa  belle- 
mère  Parisina,  et  le  marquis,  chagrin  de  ces  froisse- 
ments, après  avoir  longtemps  essayé  de  dissiper  les 
répugnances  de  Parisina,  lui  ordonna  d'être  accom- 
pagnée par  Hugo  en  un  voyage  qu'elle  dut  faire.  Il 
advint,  comme  en  la  légende  de  Tristan,  que  la  haine 
se  résolut  en  amour  et  lorsque  les  jeunes  gens  rentrèrent 
à  Ferrare,  en  apparence  toujours  hostiles,  ils  étaient 
éperdument  épris.  Ce  furent,  par  les  nuits  tièdes  d'Italie, 
d'enivrantes  et  incestueuses  amours  sans  cesse  épou- 
vantées par  l'imminent  châtiment,  et  dévoilées  un 
jour  par  une  camériste  en  colère,  au  vieux  marquis 
Niccolo.  La  rage  de  celui-ci  fut  extrême.  Par  ses 
ordres,  en  quelques  heures,  son  fils  et  sa  femme  furent 
incarcérés,  jugés^  condamnés,  et  malgré  leurs  lamen- 
tations désespérées,  malgré  les  supplications  agenouil- 
lées des  courtisans,  décapités  tous  deux,  à  la  lueur  des 
torches,  près  de  la  Tour  des  Lions.  Pendant  l'exécution, 
Niccolo  parcourait  fébrilement  son  palais,  rongeant 
le  pommeau  de  sa  canne,  et  quand  on  vint  lui  dire  que 
tout  était  fini,  il  fondit  en  larmes  en  s  écriant  au  milieu 
des  sanglots  :  Hugo!  Hugo!  mon  fils!  Le  lendemain,  il 
envoyait  (superbement  aux  cours  d'Italie.la  relation  du 
massacre  et  faisait  mettre  à  mort  dans  Ferrare  toutes 
les  femmes  soupçonnées  du  même  crime  que  Parisina, 

(1)  Il  existe,  paraît-il,  dans  une  collection  particulière  de  Milan, 
chez  M.  Morelli,  un  portrait  de  Lionel  peint  par  Pisano.  Peut-être 
est-il  plus  explicite. 


UART  MODERNE 


299 


pou^  ne  pas  être  seul  à  hurler  de  douleur  !... 
N'est-ce  pas  que  cette  histoire  dont  Byron  a  par  trop 
atténué,  en  des  vers  de  romance,  la  sauvage  grandeur, 
coinplète  bien  l'œuvre  d'Oriolo  et  qu'elle  nous  ouvre  des 
hypothèses  profondes  sur  ce  que  dut  être  la  vie  de  ce 
marquis  à  face  de  tigre,  élevé  au  milieu  de  pareilles 

tragédies? 

Jules  Destrée 


GEORGES  EEKHOUD  (D 

,    Là-bas,  cet  irréductible?  —  Georges  Eekhoud. 

A  le  voir  d'esprit  ouvert  à  la  curiosité  universellci  à  le  suivre 
commentant,  traduisant,  ressuscitant  les  poètes  anglais,  Scandi- 
naves, allemands,  italiens,  on  le  croirait  cosmopolite.  Au  con- 
traire, plus  que  n'importe  qui,  dans  son  art,  il  est  de  son  sol,  de 
son  pays,  bien  plus,  de  son  village.  Avant  d'élre  Flamand,  il  est 
Campinois.  .^^^ 

Rien  ne  mord  sur  le  silex  de  sa  nature  fruste  et  rude.  Il  demeure 
d'une  résistance  d'enclume,  que  les  marteaux  font  retentir,  mais 
qui  ne  bouge.  Son  essai  sur  Shakespeare  et  son  temps  prouve 
combien  les  Anglo-Saxons  ont  sollicité  ses  goûts.  Egalement  les 
véristes  ullramontains,  pendant  longtemps,  furent  conquérants  de 
son  attention  généreuse.  En  France,  Léon  Cladel  lui  fut  cher. 

La  moelle  de  son  art,  c'est  la  tendresse  foncière;  l'émotion 
passionnée  et  violente  ;  l'amour  entêté  et  âpre.  Sa  sensibilité  va 
de  la  douceur  et  de  la  naïveté  à  la  sauvagerie  et  la  folie.  Indici- 
blement  claire  en  tel  conte  où  des  couples  s'en  vont  par  des 
jardins  plantés  de  groseillers  et  de  buis,  elle  s'aggrave,  elle 
gonfle  et  monte  et  souvent  atteint  le  spasme.  Son  dernier  livre 
aime  jusqu'à  faire  crier.  Il  brûle  comme  une  plaque  à  blanc. 

Si  l'on  cherche  une  philosophie  dans  les  œuvres  d'Eekhoud,  on 
y  trouve  le  panthéisme.  Cette  théorie  en  est  l'universelle  reine 
comme  en  toutes  celles  qui  viennent  des  Nords  tristes  et  ardents. 
Elle  déborde  des  êtres  sur  les  choses,  les  peuplant  de  notre  cœur, 
les  spiritualisanl  de  notre  âme,  les  conviant  à  la  vie  totale,  per- 
pétuellement. 

Au  reste,  serait-il  possible  à  un  esprit  aussi  silencieux  et  en 
même  temps  aussi  profond  d'être  autre  chose  que  spinoziste? 

Trop  activement  adore-t-il  ses  bruyères  et  ses  plaines  et  leurs 
s)s^irs  et  leurs  nuits,  trop  pertinemment  surprend-il  le  même  lan- 

;e  chez  les  plantes  et  les  bois,  chez  les  bétes  et  les  gens,  pour 
ne/  point  conclure  à  leur  identité  foncière.  La  fruste  et  éloquente 
latière,  la  nature  merveilleuse  et  éternelle,  le  monde  des  sens  et 
itellectualité  communient  en  chacune  de  ses  pensées,  se 
manifestent  en  tout  son  rêve.  Si  la  terre,  l'horizon,  les  pierres, 
l'air,  les  brutltêr,  les  nuages,  la  pluie,  la  lumière  n'étaient  âmes 
attirantes  et  enveloppantes,  comment  justifier  les  lyrismes  et  les 
apothéoses?  Le  sol  patrial,  le  coin  de  dilection,  le  morceau  de 
cœur  qu'est  pour  Eekhoud  la  Campine  anversoise,  n'existent 
qu'autant  qu'ils  lui  apparaissent  :  êtres  émotionnels  et  divins. 

Mais  qu'on  s'entende.  Si  l'ardeur  pour  son  terroir  perdure  en 
lui,  elle  s'aiFranchit  de  toute  notion  conventionnelle  de  patrie. 
Cette  quelconquerie  géographique  n'ayant  aucun  caractère  sacré 
et  intime,  n'étant  l'expression  ni  de  ses  souvenirs,  ni  de  ses  goûts, 

•1)  Cette  excellente  étude  de  notre  collaborateur  Emile  Verhaeren  a 
paru  dans  r£nde/iors  du  3  juillet  dernier.    ' 


ni  de  sa  race,  le  laisse  dans  l'indifférence  la  plus  rigide.  C'est  une 
inlercalationdans  la, prière  fervente  que  profèrent  ses  livres,  c'est 
une  surcharge  dans  le  texte. 


Son  œuvre  est  déjà  nombreuse.  Outre  trois  volumes  de  vers 
négligés  par  lui,  en  voici  le  catalogue  :  Kees  Doorik,  les  Ker- 
messes, les  Milices  de  saint  Françpis,  les  Nouvelles  Kermesses, 
la  Nouvelle  Carthage  (Anvers),  les  Fusillés  de  Malines^lt  Cycle 
patibulaire. 

Ces  livres  réalisent  une  gradation.  De  volume  en  volume,  la 
personnalité  s'intensifie,  la  langue  se  spécialise,  le  caractère  des 
personnages  s'aiguise  en  autochtonilé. 

Les  premières  éludes  rustiques  s'influençaient  de  certaines 
conceptions  déjà  émises  en  des  romans  célèbres.  Le  fond  était 
différent,  mais  certaines  entrées  en  matière,  tels  déroulements 
d'action,  quelques  descriptions  de  sites  et  de  milieu  rappelaient 
les  procédés  consacrés.  Aussi  les  phrases,  d'où  n'étaient  point 
rejetés  encore  les  mots  trouvés  sur  le  terrain  d'aulrui,  les  expres- 
sions et  les  tournures  caractéristiques  de  maîtres  admirés,  para- 
sitaient l'écriture.  Un  sarclage  était  indispensable..  Il  se  fit  lente- 
ment, mais  impitoyablement.  Et  bientôt,  plus  d'ivraie.  Le  froment 
pur  grandit  clair.  Une  odeur  de  labour  acre  monta,  une  saveur 
de  bonne  et  authentique  récolte  parfuma  le  livre.  Sur  les  charrois 
de  sa  moisson,  Eekhoud  pouvait  planter  le  «  mai  »,  le  sien,  avec 
des  fleurs  et  des  guirlandes,  à  ses  seules  couleurs  flottantes  et 
victorieuses.  Il  se  créa  une  langue  violente,  rude,  gutturale.  Il 
trouva  en  français  telles  combinaisons  de  vocables  qui  équivalaient 
à  des  idiotismes  flamands;  il  réussit  à  donner  telle  impression  si 
particulière  en  le  mode  d'expression  littéraire  qu'il  s'était  choisi, 
que  la  synthèse  de  certains  de  ses  contes  s'incarne  bien  mieux  en 
un  mot  néerlandais  qu'en  un  terme  latin.  La  richesse  de  son 
lexique  s'accrut,  la  nouveauté  et  l'audace  le  heurtèrent.  La  faute 
nette  et  patente  fut  certes  évitée,  mais  l'assurance  que  les  con- 
quêtes totales  du  soi-même  lui  donnèrent,  l'entraîna  vers  une 
complète  émancipation  de  la  correction  pimbêche  et  du  style 
canonique. 


*** 


Pour  saisir  en  leur  vie  profonde  les  protagonistes  des  Kermesses, 
des  Milicts  et  du  Cycle,  il  faut  bien  se  pénétrer  de  l'histoire  des 
provinces  belges  et  spécialement  du  passé  de  la  Campine.  Terre 
pauvre  et  tragique,  celle-là,  terre  âpre.et  ingrate,  non  pas  le 
tablier  verdoyant  et  fleuri  des  Flandres,  mais  la  loque  rêche  et 
grise  des  landes  stériles,  le  sablon  morne  et  pâle  où  poussent  des 
plantes  en  paquet  de  ficelle  et  des  arbres  en  bois  de  cercueil.  Les 
villages  rares,  les  indigènes  violents  et  naïfs,  les  mœurs  lointaines 
et  touchantes  et  par  au-dessus  un  vent  de  fanatisme.  On  y  fit- une 
guerre  de  paysans,  jadis,  en  92,  aussi  rageuse  qu'en  Vendée.  On 
y  mourut  simplement,  fermement,  en  héros  silencieux.  Si  bien 
que  le  sang  de  la  Campine  semble  plus  glorieusement  rouge  que 
n'importe  quel  autre. 

C'est  au  fond  de  ce  pays  que  se  retranchent  les  résistances  les 
plus  âpres  aux  illusions  modernes  de  faux  progrès  et  à  l'embri- 
gadement universel  vers  l'idéal  bourgeois.  Là-bas,  se  lèvent  encore 
des  rustres  massifs,  des  types  de  volonté  immesurable,  des  ardents 
incompressibles,  des  soucieux  de  haine  profonde,  des  marcheurs 
hors  de  tout  rang,  des  endurcis  de  liberté  lauve,  des  farouches 
d'eux-mêmes  et  des  autres,  des  taciturnes  couvant  la  révolte, 
sortes  d'anarchistes  des  campagnes,  hors  la  loi  depuis  des  années 
et  qui  rôdent  autour  des  fermes,  traqués  par  les  gendarmes  et 


secourus  —  soit  peur,  soil  fraternité  —  par  les  paysans,  mais 
plus  encore  par  leurs  femmes  et  leurs  filles.  Tels  sont  les  person- 
nages de  Georges  Eekhoud. 

Autrefois,  dans  Kees  Doorik  et  les  Milices,  il  les  choisissait 
parmi  les  tranquilles  et  les  paisibles.  11  les  aimait  honnêtes  de  la 
vieille  honnêteté  de  leur  race,  probes  et  fiers,  ne  s'affirmant 
terribles  que  poussés  à  bout.  Certes  les  carrait-il  d'un  bloc,  en 
face  de  toute  vie  banale  et  factice,  têtus  et  foncièrement  eux. 
Pourtant  l'enjeu  de  leur  tendresse  ou  de  leur  haine  n'était  point 
d'une  témérité  très  éclatante.  Il  étudiait  les  rapports  de  maîtres  à 
valets,  de  nobles  à  rustres;  il  inaugurait  des  études  de  mœurs 
d'une  spécialité  mitigée.  Dans  les  Kermesses,  le  ton  monte.  Dans 
les  Fusillés  de  Malines,  il  s'élargit.  Dans  le  Cycle  patibulaire, 
le  plein  crescendo  est  atteint. 

Ce  livre  marque  rouge.  En  une  suite  de  nouvelles,  tous  les 
misérables  du  bois  et  de  la  plaine,  du  taillis  et  de  la  dune  appa- 
raissent :  voleurs,  canailles,  pervers,  meurtriers,  brigands, 
rôdeurs,  assassins,  soudainement  grands  par  l'idée  qu'ils  ont  de 
leur  révolte.  Aucun  de  leurs  vices  n'est  tu.  Une  vie  fourmillante, 
criante  de  réalité,  crue  d'audace  se  manifeste;  elle  empêèhe 
l'étude  de  s'empanacher  d'exagération  feuilletonnesque  ;  elle  se 
burine  sur  un  fond  d'eau-forte,  violemment,  encre  et  craie.  Les 
extrêmes  de  la  violence  sont  atteints  surtout  dans  ce  «  Quadrille 
du  lancier  »,  la  dernière  nouvelle,  où  l'apothéose  de  l'irrégulier, 
du  dégradé,  du  rejeté  est  si  audacieusement  et  magistralement 
faite,  qu'on  s'étonne  qu'elle  ait  été  écrite  inrtpunément.  Heureuse- 
ment, en  Belgique,  le  parquet  est  insouciant  du  livre. 

En  face  des  larrons,  des  traqués  et  des  fouaillés,  qui  pour  rester 
libres  mènent  une  vie  d'enfer,  Eekhoud  a  dressé  plusieurs  types 
de  femmes  admirables  dé  soumission  et  de  fidélité  totales.  Telles 
figures  sont  d'une  humanité  toute  de  larmes  et  de  bonté.  Elles 
planent  sur  les  récits  comme  de  belles  lumières.  Leur  psychologie 
tout  autant  que  celle  des  parias  auxquels  elles  ont  voué  leur  âme 
se  dévoile  magistralement  ajourée  d'analyse.  Et  c'est  Genlilie  et 
c'est  Blanchelive-Blanchelivetle,  caractères  extrêmes,  cœurs  de 
résignation  poignante,  chiennes  de  sacrifice,  aussi  simples  et 
accueillantes  devant  la  mort  que  devant  la  vie.  Le  drame  obscur 
et  âpre,  tragique  et  familier  de  l'existence  rebelle  et  pourchassée, 
est  enfermé  dans  la  cave  de  leur  pensée  pour  n'en  sortir  qu'en 
phrases  courtes,  en  actes  audacieux  et  décisifs,  en  dénouements 
terribles  et  logiques.  Le  crime  et  le  vice  y  apparaissent  comme 
de  belles  fleurs  écarlates.. 

*** 
Si  Georges  Eekhoud  est  parvenu  à  réaliser  ces  durables  poèmes 
de  violence  et  de  sang,  c'est  qu'il  a  fait  route  vers  eux  entre  sa 
pitié  et  sa  tendresse.  Il  a  aimé  dans  les  gars  d'abord  la  rusticité 
et  l'intransigeance,  la  primitivité  et  la  foi,  le  silence  et  le  courage 
l'âpreté  et  la  colère.  Puis  leurs  passions  naïves  et  sincères,  leurs 
misères  tragiques,  leur  bonté  souterraine,  leur  honneur  spécial. 
Enfin  la  conquête  s'est  faite  tout  entière.  Il  les  a  trouvés  aussi 
beaux,  plus  beaux,  peut-être,  criminels "qu'innocenis,  exaltés  oue 
calmes,  vaguants  que  sédentaires,  traqués  que  paisibles.  Et  jamais 
il  ne  les  a  mieux  honorés  de  sa  force  et  de  son  prestige  de  poète. 
Peut-être  aussi  les  évidentes  fraternités  qui  lient  les  écrivains 
d'aujourd'hui  aux  irréguliers  l'ont-elles  soutenu  au  point  que, 
vengeant  ceux-ci  des  mépris,  les  dressant  haut  devant  l'admiration 
et  l'inquiétude,  il  a  d'un  même  coup  magnifié  ceux-là. 

Emile  Verhaeren. 


LE  POËTE 


(1) 


ESSA.I    F-ÀJR     R.--VV-.    ETMIEieSpiT 
(Traduction    inédite.) 

Le  monde  étant  pour  l'esprit  comme  un  amas  de  verbes  et  de 
noms,  le  poète  est  celui  qui  peut  articuler  ces  verbes  et  ces  noms. 
Car,  bien  que  la  vie  soit  grande,  qu'elle  nous  fascine  et  nous 
absorbe,  —  et  bien  que  tous  les  hommes  comprennent  les  sym- 
boles qui  l'expriment,  —  tous  ne  peuvent  pas  d'abord  se  servir  de 
ces  symboles.  Nous  sommes  des  symboles^  et  nous  habiiotis  des 
symboles;  ouvriers,  travaux,  outils,  mots  et  choses,  naissance  et 
mort,  tout  est  emblème;  mais  nous  ne  voulons  sympathiser 
qu'avec  les  symboles  et,  infatués  de  l'usage  économique  ou  jour- 
nalier des  choses,  nous  ne  voyons  pas  qu'elles  sont  des  pensées. 

Le  poète,  par  une  perception' intellectuelle  supérieure,  donne 
aux  choses  un  pouvoir  qui  fait  oublier  leur  ancien  usage  et  donne 
des  yeux,  une  langue  à  chaque  objet  inanimé  et  muet.  11  perçoit 
l'indépendance  de  la  pensée  envers  le  symbole,  la  stabilité  de  la 
pensée,  la  fugacité  et  la  fragilité  du  symbole.  Pareil  à  Lynceus 
dont  les  yeux  perçaient  la  masse  du  globe,  le  poète  voit  l'univers 
comme  s'il  était  transparent  et  il  nous  montre  les  choses  dans 
leur  ordre  véritable.  Car,  grâce  à  sa  perception  plus  fine,  il  touche 
,  les  choses  de  plus  près,  et  il  les  voit  se  fondre  et  se  métamor- 
phoser; il  perçoit  que  la  pensée  est  multiforme;  que  dans  la  forme 
de  chaque  créature  il  existe  une  force  qui  la  pousse  à  s'élever 
vers  une  forme  meilleure;  et,  suivant  la  vie  des  yeux,  il  se  sert 
des  formes  qui  expriment  cette  vie  qui  circule,  et  son  langage 
coule  du  flux  de  la  nature.  Tous  les  faits  de  l'économie  animale, 
—  sexe,  nutrition,  gestation,  naissance,  croissance,  —  symboli- 
sent le  passage  du  monde  dans  l'âme  de  l'homme,  ils  s'y  changent 
en  un  fait  nouveau  et  de  plus  en  plus  élevé.  Le  poète  prend  les 
formes  pour  ce  qu'elles  contiennent  de  vie  et  non  pour  elles- 
mêmes.  Voilà  la  vraie  science.  Le  poète  seul  connaît  l'astronomie, 
la  chimie,  la  végétation,  l'animation,  parce  qu'il  ne  s'arrête  pas  à 
ces  faits  mais  qu'il  les  emploie  comme  signes.  Il  sait  pourquoi  la 
plaine  ou  la  prairie  de  l'espace  fut  semée  de  ces  fleurs  que  nous 
appelons  soleils,  lunes  et  étoiles;  pourquoi  l'abîme  est  orné 
d'animaux,  d'hommes  et  de  dieux;  car  à  chaque  mot  qu'il. pro- 
nonce il  chevauche  sur  ces  choses  qui  deviennent  les  coursiers  de 
la  pensée. 

En  vertu  de  cette  science j  le  poète  est  celui  qui  nomme,  le 
faiseur  de  langage,  nommant  les  choses  parfois  d'après  leur  appa- 
rence, parfois  d'après  leur  essence,  et  leur  donnant  à  chacune 
leur  propre  nom  et  non  celui  d'une  autre,  réjouissant  ainsi  l'esprit, 
qui  aime  les  définitions,  les  séparations,  les  distinctions  ou  bornes. 
Le  poète  créa  tous  les  mots  ;  ce  qui  fait  que  les  langages  sont  les 
archives  de  l'histoire  et,  s'il  faut  le  dire,  une  sorte  de  tombeau 
des  muses.  Car  bien  que  l'origine  de  la  plupart  des  mots  soit 
oubliée,  chaque  mot  fut  primitivement  un  trait  de  génie  et  il  eut 
cours  parce  que  pour  le  moment  il  symbolisait  le  monde  (ou  une 
partie  du  monde)  aux  yeux  de  l'orateur  et  de  son  interlocuteur. 

L'étymologisle  découvre  que  les  mots  les  plus  morts  furent 
jadis  des  peintures  brillantes.  Le  langage  est  la  poésie  fossilifiée. 
Comme  la  chaux  du  continent  qui  consiste  en  une  infinité  de 
coquilles  animales,  ainsi  le  langage  est  fait  d'images,  de  tropes, 

(i)  Suite.  Voir  les  n<»  des  21  et  28  août  et  du  11  septembre  1892. 


qui  dans  leur  usage  secondaire  ont  cessé  depuis  longlemps  de 
nous  rappeler  leur  poétique  origine. 

Mais  le  poète  nomme  Ips  choses  parce  .qu'il  les  voit,  ou  qu'il 
s'en  rapproche  d'un  pas  de  plus  que  les  autres.  Celte  expression 
ou  action  de  nommer  n'est  pas  l'art,  mais  une  seconde  nature, 
sortie  de  la  première  comme  une  feuille  sort  d'un  arbre.  Ce  que 
nous  appelons  nature  est  un  certain  mouvement  ou  changement 
qui  se  règle  lui-même  (1);  et  la  nature  fait  toute  chose  par  ses 
propres  mains,  ne  se  laissant  pas  baptiser  par  les  autres,  mais  se 
baptisant  elle-même,  et  cela  par  de  nouvelles  métamorphoses.  Je 
me  rappelle  qu'un  certain  poète  me  la  décrivit  ainsi  : 

«  Le  génie  est  l'activité  qui  porte  remède  à  la  caducité  des 
choses,  qu'elles  soient  entièrement  ou  partiellement  d'espèce 
matérielle  ou  finie.  » 

La  nature  dans  tous  ses  royaumes  s'occupe  elle-même  de  son 
«  assurance  sur  la  vie  »;  personne  ne  daigne  semer  la  pauvre 
fougère  ;  d'une  seule  de  ses  feuilles  la  nature  secoue  d'innom- 
brables capsules  remplies  d'une  quantité  de  spores  qui  germeront 
aujourd'hui  ou  demain.  Les  derniers  spores  ont  une  chance 
que  leurs  parents  n'eurent  jamais.  Ils  sont  transportés  quelques 
pas  plus  loin,  là  où  quelques-uns  sont  à  l'abri  des  accidents  qui 
détruisirent  la  plante  mère.  La  nature  fait  l'homme  et  quand  il 
arrive  à  maturité,  pour  ne  pas  risquer  en  un  coup  la  perte  de 
cette  merveille,  elle  détache  de  lui  une  nouvelle  personnalité  pour 
que  l'espèce  soit  à  l'abri  des  accidents  qui  peuvent  atteindre 
l'individu. 

Et  quand  l'âme  du  poète  contient  une  pensée  mûre,  il  s'en 
détache  des  poèmes,  des  chants,  une  progéniture  sans  peur  et 
sans  repos,  immortelle,  qui  n'est  pas  exposée  aux  accidents  de  ce 
fastidieux  royaume  du  temps;  rejetons  hardis,  vivaces,  revêtus 
d'ailes  qui  (telle  était  la  force  de  l'âme  dont  elles  émanèrent)  les 
portent  au  loin,  rapidement,  et  qui  les  fixent  irrévocablement  dans 
le  cœur  des  hommes.  Ces  ailes  sont  :  la  beauté  de  l'âme  du  poète. 
Les  chants,  s'envolant  immortels  loin  de  leurs  mortels  parents; 
sont  poursuivis  par  un  essaim  de  clameurs  moqueuses,  qui  sont 
en  bien  plus  grand  nombre  que  les  enfants  du  poète,  et  qui 
menacent  de  les  dévorer.  Mais  elles  ne  sont  pas  ailées.  Après  un 
petit  saut  très  court,  elles  retombent  lourdement,  les  âmes  dont 
elles  sortent  n'ayant  pas  eu  la  force  de  leur  donner  des  ailes. 

Mais  les  mélodies  du  poète  montent,  bondissent  et  percent  les 
profondeurs  du  temps  infini.  » 

Ainsi  parla  le  barde  en  son  libre  langage.  Mais  la  nature,  6n 
produisant  un  nouvel  individu,  a  un  but  supérieur  à  la  conserva- 
tion  de  l'espèce,  et  ce  but  c'est  l'ascension,  ou  le  passage  de  l'âme 
en  des  formes  plus  élevées.  J'ai  connu  un  sculpteur,  incapable  de 
dire  directement  ce  qui  le  rendait  heureux  ou  malheureux,  mais 
il  pouvait  l'exprimer  merveilleusement  d'une  façon  indirecte.  Un 
jour  que,  selon  son  habitude,  il  se  leva  avant  l'aurore,  il  vit 
poindre  le  matin,  grand  comme  l'éternité  d'où  il  sortait;  pendant 
.  bien  des  jours,  il  essaya  de  rendre  cette  tranquillité,  et,  voyez! 
son  ciseau  a  fait  jaillir  du  marbre  la  forme  de  ce  bel  adolescent, 
Phosphore,  dont  l'aspect  est  tel  qu'on  dit  que  tous  ceux  qui  le 
regardem,  deviennent  silencieux.  Le  poète,  lui  aussi,  doit  se  sou- 
mettre à  sa-spropre  manière  d'être,  et  celte  pensée  qui  l'a  agile 
finira  par  être  exprimée,  mais  aller  idem,  d'une  façon  totalement 
neuve. 

La  nouvelle  expression  de  celte  idée  est  organique,  elle  est  le 

(1)  Self-regulated  change  or  motion. 


nouveau  type  que  les  choses  prednenl  quand  elles  sont  affran- 
chies. Comme  les  objets  qui  au  soleil  se  peignent  sur  la  rétine  de 
l'œil,  ainsi  ces  expressions  nouvelles,  partageant  l'aspiration  de 
l'univers  entier,  tendent  à  imprimer  sur  l'esprit  une  image  plus 
délicate  de  leur  essence'  La  transformation  d'une  pensée  en 
poème  est  semblable  à  la  métamorphose  des  choses  en  des 
formes  organiques  supérieures.  Au-dessus  de  chaque  chose  plane 
son  démon,  ou  son  âme,  et,  comme  la  forme  d'une  chose  est 
réfléchie  par  l'œil,  ainsi  l'âme  de  cette  chose  est  réfléchie  par  le 
poème  ou  la  mélodie.  La  mer,  la  chaîne  de  montagnes,  le  Nia- 
gara et  les  fleurs  préexistent  ou  existent  d'une  façon  supérieure 
dans  des  chants  qui  n'ont  pas  encore  été  proférés  et  qui  planent 
dans  l'air  comme  des  parfums;  si  quelqu'un  a  l'oreille  suflîsam- 
ment  fine,  il  entend  ces  significations  et  il  essaie  de  les  noter  sans 
les  changer  ni  les  allonger.  Et  en  ceci  consiste  la  légitimation  de 
la  critique  :  en  cette  foi  de  l'esprit  que  les  poèmes  sont  une  ver- 
sion corrompue  de  quelque  texte  de  la  nature  avec  lequel  ils 
doivent  s'accorder.  Les  rythmes  de  nos  sonnets  ne  devraient  pas 
être  moins,  plaisants  que  les  reflets  continus  de  la  nacre  ou  que 
les  ressemblantes  différences  d'un  groupe  de  fleurs.  L'accouple- 
ment des  oiseaux  est  une  idylle  moins  ennuyeuse  que  nos  idylles; 
une  tempête  est  une  ode  rude,  sans  fausseté  ni  déclamation;  un 
été  avec  sa  moisson  semée,  récoltée  et  emmagasinée  est  un  chant 
épique,  et  avec  quel  luxe  de  parties  admirablement  exécutées  ! 

Pourquoi  la  symétrie  et  la  vérité  qui  modèlent  ces  choses  ne 
glisseraient- elles  pas  dans  nos  esprits  et  pourquoi  ne  participe- 
rions nous  pas  aux  inventions  dq,  la  nature? 

(A  continuer.) 

ANCIEN  COMPTE  A  RÉGLER 

Les  mamours  un  peu  gauches  que  cette  vieille  coquette,  la 
Vlaamsche  school,  fit  aux  Jeunes,  les  provocations  qu'elle  tenta 
sur  nos  imaginations  un  peu  folâtres  de  ce  printemps  dernier  ne 
furent  pas  en  pure  perte,  pour  elle  s'entend!  11  nous  advint 
d'avoir  un  mot  aimable  à  son  adresse.  Le  nom  de  O.  Vermeijlen 
glissé  en  ses  colonnes  nous  décida;  d'autres  signatures  jeunes 
semblaient  imminentes. 

Mais  qui  pourra  connaître  l'âme  d'une  vieille  fille? La  Vlaamsche 
school  entendait-elle  après  ces  avances  une  cour  plus  passionnée, 
en  vieille  vicieuse,  qu'elle  est,  des  sensations  plus  inconnues?  — 
Alors  pourquoi  maltraiter  les  plus  inflammables  des  jeunes  qui 
s'abandonnèrent  un  instant  à  elle,  au  point,  qu'ils  pourraient 
clamer  l'horreur  des  sacrifices  et  des  mutilations  qu'elle  leur  impo- 
sait? 

Les  ardeurs,  un  peu  séniles,  delà  Vlaamsche  school,  semblent 
mortes  avec  le  printemps,  car  les  cris  des  corbeaux  qui  voudraient 
bien  manger  ait  cadavre  de  l'Art  Jeune  nous  annoncent  tin  hiver 
sans  fin.  Et  faudra-t-il  se  défendre  encore  contre  ce  noir  vol 
rapace. 

Lors  de  la  récente  création  de  I'Association  pour  l'art,  à 
Anvers,  la  Vlaamsche  school  prit  un  air  intermédiaire;  la  trot- 
teuse d'un  instant  s'était  faite  garde-couche.  Elle  semblait  vouloir 
tenir  précieusement  l'enfant  sur  les  bras,  souriant  aux  parents 
heureux  de  celte  postérité  assez  bien  venue,  mais  réelleméni, 
sous  ces  dehors  faussement  douceureux,  lui  pinçait  vigoureuse- 
ment dans  le  derrière.  Mal  nous  en  prendrait  si  nous  n'allions  pas 
donner  énergiquement  sur  les  doigts  de  cette  Vlaamsche  school, 
A  l'heure  qu'il^est,  elle  ne  parie  de  rien  moins  que  de  nous  ravir 


//• 


302 


VART  MODERNE 


l'enfanl.  Faudrait  le  lui  confier  à  elle.  Notre  cause  est  en  de  mau- 
vaises mains!  —  pardi,  ce  soal  les  nôtres. 

Et  voici  la  plus  soUe  de  ces  successives  incarnations  :  la  Vlaam- 
sche  school  s'en  ferait  la  nourricière.  Elle  seule  peut  mener  ^  bien 
des  enfants  comme  les  nôtres  !  Elle  est  le  berceau  et  la  mamelle  ! 
Je  me  demande  quel  lait  celle  nourrice  sèche  exprimerait  de  ses 
seins  qui  sont,  tout  au  plus,  des  édredons  sous  lesquels  peuvent 
se  blottir  les  grandes  gloires  locales  anversoises  ! 

Voici  qu'elle  nous  fait  un  procès  impitoyable  pour  nous  enlever 
le  poupon  bruyant.  Elle  accuse  noire  audace  en  mônie  temps 
que  notre  générosité  et  notre  humililé.  Elle  nie  tout  court  notre 
sincérité,  dénonce  l'inconscience  avec  laquelle  nous  exposons  la 
jeune  Association  pour  l'Art  à  nos  adversaires  malveillants  et 
moqueurs. 

Celle  sollicitude,  assez  inquiétante,  ne  doit  pas  être  entrée 
bien  avant  dans  sa  pauvre  cervelle,  ni  la  tristesse  de  nous  voir 
accablés  ;  puisque  aussitôt,  elle  se  rabal  elle-même  sur  les  plus  tri- 
viales plaisanteries,  sur  les  plus  faciles  amusements  de  critiques. 

Puis  elle  ergote,  la  pauvre,  —  Dieu  sait  si  on  sait  ergoler  en 
pays  flamand,  —  la  division  du  ton  dont  les  plus  avisés  critiques 
découvrirent  le  germe  en  les  œuvres  de  Turner  et  de  Delacroix, 
crèverait  les  yeux  dans  les  œuvres  de  Rembrandt,  de  Hais,  de 
Rubens,  de  Leys,  voire  dans  une  gravure  sur  bois  représentant 
Lazare  Carnot. 

L'imagination  de  la  Vlaamsche  school  ne  connaît  pas  plus  de 
bornes  que  son  aplomb.  C'est  depuis  une  quinzaine  d'années 
qu'elle  a  découvert  chez  tous  les  libraires  des  albums  de  Wnlter 
Crâne.  Elle  n'épargne  pas  de  s'accuser  elle-même  ainsi,  qui  n'en 
a  soufflé  mol  durant  ces  quinze  années  ! 

Plus  loin,  «  d'aucuns  poussent  si  loin  les  mérites  du  procédé, 
qu'ils  se  mellent  à  genoux  devant  une  toile  sur  laquelle,  de  plus 
ou  moins  experle  façon,  sont  représentés  un  coin  de  maisonnette, 
un  arbre  el  rien  de  plus  !  » 

Voilà  où  le  bat  blesse;  il  lui  en  faudrait  beaucoup  plus  à  la 
Vlaamsche  school.  Elle  a  bien  d'autres  mâchoires!  La  vorace 
revue  en  a-l-elle  avalé  des  moulons  en  laine  peignée,  des  arbres 
en  fer-blanc,  des  rochers  en  sucre  candi,  des  clairs  de  lune  à 
reflets  de  sardines  à  l'huile,  un  Orient  en  chocolat,  non,  en 
a-t-elle  assez  avalé  des  toiles  où  tout  cela  figurait  séparément  et 
d'autres,  les  plus  belles,  où  il  y  a  de  tout  cela  k  la  fois!  Je  pour- 
rais, ici,  transcrire  à'  l'intention  de  la  rédaction  du  périodique  fla- 
mand, la  piécette  de  Verlaine  : 

Le  ciel  est,  par-dessus  le  toit, 

Si  l)leu,  si  calme! 
Un  arbre,  par-dessus  le  toit, 

Berce  sa  palme. 

Mais  je  mesure  le  juste  dédain  dont  elle  toisera  ces  vers,  où  il 
n'y  a  rien  de  plus  ! 

Que  pense-l-on,  en  outre,  de  celle  prudente  restriction  :  «  Rien 
ne  prédit  qu'aucun  chef-d'œuvre  ne  pourrait  naître  ».  Il  va  sans 
dire  que  i'aulorisée  revue  critique  flamande  a  fermé  les  yeux 
devant  les  Poseuses,  devant  le  Soir  e\.  la  Plage  qui  leur  faisaient 
pendants.  Je  pourrais  citer  des  critiques  néerlandais,  qui,  en  ce 
moment,  à  propos  du  Salon  de  La  Haye,  sont  plus  clairvoyants. 

Mais  voici  où  la  joie  éclate  sans  mesure;  la  Vlaamsche  school 
nous  prend  sur  le  fait. 

Les  organisateurs  de  I'Association  pour  l'Art  s'étaient  engagés 
dans  la  fameuse  circulaire  à  «  n'imposer  que  le  Vouloir  des  Plus 
Récents  Artistes  !  »  Et  Hiroshighé  et  Constantin  Guijs  I  Toute  la 


séquelle  de  la  Revue  nous  fit  le  pied  de  nez;  on  s'en  tient  encore 
les  côtes. 

Tout  doux,  mes  seigneurs,  ne  serait-ce  pas  un  vouloir  h  nous, 
bien  à  nous,  —  les  plus  Récents  Artistes,  —  qui  vous  a  fait 
admettre,  non  sans  quelques  grimaces,  ce  merveilleux  art 
japonais,  qui  a  exhumé  de  l'oubli  si  injuste  où  vous  le  mainteniez 
si  soigneusement,  ce  pur  artiste,  C.  Guijs? 

Nous  yous  ménagerons  d'autres  Vouloirs,  qui  vous  gêneront 
plus  encore,  si  à  l'idée  qu'une  série  d'artistes  japonais  ont  fait 
invasion  sur  la  Terre  de  Gloire  ei  y  conquièrent  si  splcndides 
provinces,  vous  vous  mettiez  à  trembler  pour  le  pouce  de  terrain 
que  notre  générosité  de  critique  accède  encore  à  vos  idoles 
aff'olées! 

Battez  donc  le  tambour  pour  le  ralliement  des  trembleurs, 
Vlaamsche  school.  Hiroshighé  et  Guijs  ont  entamé  l'admiration 
du  public  plus  que  vous  ne  le  croyez  peut-être;  sonnez  le  rallie- 
ment, soulevez  les  édredons  que  sont  vos  mamelles  flétries  et 
couvez  tous  ceux  qu'une  lucrative  et  consciente  limidilé  aui'ont 
si  bien  conduits.  El  bercez,  bercez  amoureusement;  il  leur  en  cuira 
toujours  assez  tôt,  ,au  réveil. 


LES  COULISSES  DE  LA  TABLEAUMANIB 

CHAMBRER  LE  CLIENT 

C'est  une  opération  peu  commune  que  de  «  chambrer  le  client  », 
attendu  qu'elle  présente  beaucoup  de  difficultés  et  qu'elle  exige, 
de  la  part  de  celui  qui  s'y  livre,  une  dextérité  de  main  jointe  à 
une  absence  absolue  de  scrupules  qui  ne  sont  pas  précisément 
l'apanage  du  premier  venu. 

On  n'y  parvient  généralement  pas  du  premier  coup  et,  pour  y 
réussir,  il  faut  une  patience  à  toute  épreuve  et,  aussi,  un  con- 
cours de  circonstances  favorables,  que  l'habileté  consiste  à  savoir 
mettre  à  profil  au  moment  opportun. 

Je  ne  crois  pas  apprendre  rien  de  nouveau  à  personne,  en 
déclarant  que  la  plupart  des  acheteurs  de  tableaux,  quand  ils 
débutent  dans  la  carrière  de  collectionneur,  ne  sont  pas>  d'une 
force  de  trente-six  chevaux. 

Us  sont  donc  obligés  de  s'en  rapporter,  à  peu  près  les  yeux  fer- 
més, aux  personnes  en  qui  ils  ont  placé  leur  confiance  et  c'est, 
d'ailleurs,  ce  qu'ils  ont  de  mieux  k  faire,  en  commençant. 

Plus  tard,  lorsque  leur  œil  s'est  formé,  que  leur  goût  s'est  fait 
et  qu'ils  peuvent  voler  de  leurs  propres  ailes,  ils  ne  se  fient  plus 
qu'à  eux-mêmes  et  prennent  leur  bien  où  ils  le  trouvent,  ce  qui  est 
absolument  leur  droit. 

Mais  cela  ne  fait  pas  l'affaire  du  «  chambreur  »  qui  voit  ainsi 
lui  échapper  une  proie  qu'il  a  contracté  la  douce  habitude  de  con- 
sidérer comme  sienne,  et,  pour  que  cet  accident  fâcheux  ne  lui 
arrive  pas,  il  n'est  pas  de  moyen  qu'il  n'emploie  pour  chambrer 
le  client  et  l'empêcher  d'entrer  en  communication  avec  qui  que  ce 
soit. 

Pour  arriver  à  ce  résultat,  il  commence  par  s'efforcer  de  le  con- 
vaincre que  lui  seul  s'y  connaît,  que  tous  ses  concurrents  sont  des 
ânes  qui  ne  savent  pas  le  premier  mol  de  leur  métier.  Il  ne  tarit 
pas  en  anecdotes  sur  leurs  gaffes,  vraies  ou  fausses,  et  cite  mille 
exemples  démontrant  jusqu'à  l'évidence  leur  ignorance  ou  leur 
stupidité.  Ceux  qui  échappent  à  ce  genre  de  débinage  par  leur 
notoriété  deviennent  pour  lui  des  intrigants,  des  canailles,  voire 
même  des  scélérats,  dont  il  faut  se  défier  comme  de  la  peste. 


¥:- 


L'ART  MODERNE 


303 


■  x; 

N'entendant  que  cette  cloche,  le  naïf  amateur  finit  par  prendre 
tout  ce  qu'élite  lui  tinte  aux  oreilles  pour  paroles  d'Evangile  et  se  per- 
suade aisément  que,  sans  son  honnête  guide,  il  tomberait  dans  les 
pièges  les  mieux  tendus  et  dans  les  embûches  les  plus  téné- 
breuses. 

A  quoi  bon  risquer  une  école,  un  apprentissage,  puisque  sa 
bonne  étoile  a  placé  sur  sa  roule  le  seul,  l'unique,  l'impeccable 
expert,  celui  qui  n'a  jamais  trompé  personne  et  qui  ne  s'est 
jamais  trompé  lui-môme? 

Le  jour  où  l'infortuné  client  a  cette  conviction,  il  est  déjà  à 
moitié  chambré. 

Pour  l'achever,  son  Mentor  fait  bonne  garde  autour  de  lui;  il 
l'accompagne  dans  les  expositions  où  il  ne  le  lâche  pas  d'une 
semelle  dans  la  crainte  qu'il  n'entende  un  avis  différenl  du  sien, 
qui  pourrait  le  troubler  ou  lui  donner  à  réfléthir.  En  toute  occa- 
sion, il  fait  le  bon  apôtre  et  jure  sur  ses  grands  dieux  que  n'ayant 
en  vue  que  l'intérêt  de  son  client,  d'où  qu'elles  viennent,  il  sera  le 
premier  à  lui  proposer  l'achat  des  œuvres  qu'on  lui^  proposera  et 
qui  seront  dignes  de  sa  collection. 

De  celle  façon,  il  est  certain  que  celui-ci  lui  communiquera 
toutes  les  offres  qui  lui  seront  faites,  et  vous  comprenez  bien 
qu'il  ne  sera  pas  à  court  de  prétextes  pour  lui  déconseiller  l'achat 
des  œuvres,  tant  belles  soient-elles,  dans  la  vente  desquelles  11  ne 
sera  pas  intéressé. 

Si  l'on  organise  une  Exposition  et  qu'on  sollicite  le  concotirs  du 
client  chambré,  comme  il  ne  faut  à  aucun  prix  qu'il  ait  sous  les 
yeux  des  termes  de  comparaison,  qui  affaibliraient  peut-être  sa 
confiance  dans  la  supériorité  doses  propres  tableaux,  on  lui  affirme 
que  ces  derniers  courent  le  risque  d'être  crevés,  ou  détériorés,  ou 
placés  dans  un  mauvais  jour,  ou  mal  présentés,  et  on  lui  conseille 
de  s'abslenir,  ce  qu'il  fait  généralement. 

Il  existe  à  Paris  une  demi-douzaine,  fort  heureusement  pas  plus, 
d'amateurs  tout  à  fait  chambrés,  chez  lesquels,  à  part  quelques 
intimes  qui,  connaissant  la  petite  faiblesse  de  leur  hôte,  se  garde- 
raient bien  de  lui  ouvrir  les  yeux,  le  guide  «  chambreur  »  a  seul 
créance  et  accès. 

Seul  aussi  leurs  héritiers  sauront  un  jour  «e  qu'il  en  coûte  de 
s'être  laissé  chambrer  et  d'avoir,  de  pani  pris,  dédaigné  tout  con- 
trôle, refusé  d'ouvrir  les  yeux  à  toute  comparaison  et  d'avoir 
accepté,  comme  argent  comptant,  les  bonnes  histoires  du  cham- 
breur qui  rit  bien  dans  sa  barbe  de  la  crédulité  humaine,  en 
secouant  gatmcnt  dans  ses  poches  les  bons  écus  qu'elle  lui  rap- 
porte. 

Laissez-moi  plaindre  de  tout  mon  cœur  les  pauvres  amateurs 
chambrés. 

{Gazelle  de  r Amateur.)  Henri  Garnier. 


RÉPONSE  A  M.  PH.  ZILCKEN^^ 

Cher  Monsieur, 

Autant  et  très  sincères  regrets  de  n'avoir  pu  serrer  vos  mains, 
d'autant  plus  qu'alors  vous  me  les  eussiez  tendues  plus  sponta- 
nément que  maintenant  peut-être.  —  Ai-je  réellement  fait  procès 
au  Pulchri  Slitdio  pour  autre  fait  que  celui  d'avoir  refusé  d'orga- 
niser l'exposition  van  Gogh?  Je  ne  le  crois  pas  et  ce  reproche  reste 
debout,  n'est-ce  pas  ? 

Car  le  manque  de  cadres  ne  paraîtrai  à  personne,  une  raison  plus^ 


fondée  que  l'exacte  mesuration  de  la  salle  que  vous  voulez  bien 
nous  communiquer.  Et  surtout  n'y  croiront  pas  Ceux  qui  se  font 
gloire  d'avoir  récemment  exposé,  à  Anvers,  une  série  d'œuvres 
de  van  Gogh  dans  une  salle  infiniment  plus  grande  que  celle  de 
Pulchri.  Et  je  puis  vous  indiquer,cher  Monsieur,  le  moyen  assez 
simple  que  notre  vif  et  pieux  désir  d'exposer  quand  même  des 
toiles,  expédiées  non  encadrées,  nous  a  inspiré  :  nous  les  avons 
fail  encadrer  nous-mêmes,  de  simples  bordures  en  bois,  pour  les- 
quelles le  Comité  de  l'Association  pour  l'Art  n'aura  pas  grevé  exa- 
gérément son  budget  d'exposition. 

Je  m'inclinerais  volontiers  devant  le  drapeau  d'indépendance  et 
de  manifestations  jeunes  que  vous  hissez  sur  le  faîte  du  Pulchri. 
Mais  je  ne  puis  m'empêcher  de  tenir  le  bâtiment  pour  suspect.  Le 
fait  d'avoir  passé  au  voisin  moins  riche  l'hôte  gênznl  elsaiis  cadre 
ne  me  paraîtra  jamais  que  l'expression  d'une  admiration  équi- 
voque. 

La  défiance  durera-t-elle  ?  Pas  plus  longtemps  que  le  Pulchri 
ait  fait  avance  aussi  généreuse  que  le  Kunstkring  à  l'Art  dernier 
venu  !  Vous  m'assurez  des  bonnes  intentions  de  vos  collègues  et 
nous  y  croirons,  mais  des  faits  plus  probants  nous  iront  plus  pro- 
fondément au  cœur. 

Faut-il  répondre  aux  autres  reproches? 

Vous  aurez  relu  ma  correspondance  depuis  et  aurez  reconnu 
que  le  désir  —  que  je  comprends  bien  —  de  ne  pas  arriver  trop 
tard  pour  défendre  la  société  à  laquelle  vouz  vouez  vos' soins  et 
vos  affections,  vous  a  poussé  à  lire  trop  vite.  Mais  pourquoi  sem- 
blez-vous  croire  que  je  place  Bauer  à  la  suile  de  Toorop  ?  Bauer 
doit  savoir  en  quelle  haute  estime  je  tiens  son  talent.  N'ai-je  pas 
traduit  pour  ce  journal  la  description  que  Veth  a  donnée  de  ses  litho- 
graphies pour  la  légende  de  saint  Julien  l'Hospitalier,  et  il  ne 
doit  pas  avoir  oublié  —  encore  —  l'insistance  que  nous  avons 
mise  à  assurer  son  puissant  et  distingué  concours  au  Salon  de  l'As- 
sociation pour  l'Art! 

Je  tiens  à  ce  que  nous  relisions  ceci  ensemble  :«  Et  que^'use- 
raient  à  la  suile  de  Toorop  les  Bauer,  les  Thorn-Pricker,  les  Ro- 
land Holsl,  les  Jan  Veth,  des  cordiales  avances  du  Kunstkring  et 
en  lui  réaliserait  le  vivace  faisceau  d'avant-garde  ». 

Où  voyez-vous  donc  que  j'assigne  place  à  Bauer  dans  la  suile 
de  Toorop  ? 

L'Art  moderne  a  constaté  votre  courtoisie,  cher  Monsieur,  il 
ne  me  laisse  donc  plus  que  le  soin  de  rendre  hommage  au  dévoue- 
ment qui  vous  porte  si  spontanément  à  la  défense  —  fût-elle  un 
peu  irréfléchie  —  de  la  société  qui,  en  vous  confiant  une  part  de 
direction,  vous  charge  aussi  de  la  responsabilité  de  tous  les  actes 
qu'elle  pose. 

Sympalhiquement, 

Henry  van  de  Velde. 


pETITE  CHROJ^iqUE 


A  l'occasion  du  XXV«  anniversaire  de  sa  fondation,  VŒiiijre 
des  Soirées  populaires  de'Verviers  organise  un  grand  concours 
de  littérature  entre  écrivains  belges. 

Les  intéressés  sont  priés  de  s'adresser  au  président  de  l'OEuvre, 
M.  Léon  Lobet,  à  Verviers,  pour  connaître  les  conditions  de  ce 
concours. 


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Violon  et  accompagnement,  M.  F.  Pirard,  élève  de  M.  Isaye. 
Pour  les  conditions  s'adresser  rue  du  Président,  50,  à  Ixelles,  tous 
lés  jours,  de  3  à  4  heures. 


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Douzième  année.  —  N"  39. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


Dimanche  25  Septembre  1892. 


L'ART 


PARAISSANT     LE     DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,    fr.   10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES  :    On   traite  à  forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Plndustrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


Olive  Schreineb.  —  A  l'Académie  royale  des  Beaux-Arts  de 
Bruxelles.  —  Le  poète.  Essai  par  R.-W,  Emerson  (Suite).  — 
Bibliographie  musicale.  —  Accusés  de  réception.  —  Mémento 
des  expositions.  —  Petite  chronique. 


Olive  Sçhreiner 

0  nos  vieilles  habitudes,  latines  d'harmonie,  de  géné- 
ralisation, de  vue  d'ensemble  avant  tout,  combien  elles 
nous  sont  nuisibles  parfois,  —  nous  arrêtant  devant  la 
carapace  mal  arrangée  de  tant  d'œuvres  qui  contiennent 
des  trésors  !  Pourquoi  n'est-elle  pas  traduite,  cette  pro- 
fonde et  poignante  histoire  à' Une  ferme  africaine,  le 
roman  le  plus  suggestif  que  j'aie  lu  depuis  longtemps? 
Je  n'ai  pas  envie  de  la  traduire  cependant,  mon  sang 
est  trop  latin  ;  je  n'aurais  pas  la  patience  d'écrire  tant 
de  choses  qui  ne  se  rapportent  pas  à  ce  que  j'aime  dans 
cette  œuvre,  et  cependant  je  voudrais  que  quelqu'un  le 
fit,  pour  que  soit  vulgarisé  en  notre  race  ce  sens  reli- 
gieux, mystérieusement  aimant  et  à  la  fois  confiant  et 
craintif  que  d'autres  races  ajoutent  aux  idées  nou- 
velles :  car  si  même  nous  avons  encore  le  droit  de  nous 
croire  un  centre  d'idées,  il  nous  faut  renoncer  à  l'or- 
gueil d'être  le  «  cœur  de  l'univers  ".  Pendant  que  la 


seule  religion  qui  nous  reste  et  nous  grandisse  encore, 
la  religion  de  l'Humanité,  croît  lentement  p^rmi  nous, 
pendant  que  nous  nous  y  raccrochons  maladroitement, 
en  désespérés,  des  races  jeunes  s'éveillent  en  souriant 
à  une  religion  plus  grande,  à  un  sens  troublant,  uni- 
versel, d'adoration  latente,  de  résignation  forte  et  douce, 
de  sérénité  active. 

Ce  sens  religieux  a  ses  prêtres  inconscients,  sacrés 
par  la  même  impulsion  qui  affola  les  premiers  poètes 
aryens  —  et  Olive  Sçhreiner  est  bien,  malgré  qiielques 
teintes  trop  civilisées,  une  druidesse  du  culte  naturel. 
Elle  n'affirme  pas,  elle  ne  prêche  pas,  — .  dieux  soient 
loués  !  —  elle  cherche,  elle  cherche  en  elle-même.  La 
Ferme  africaine  est  l'histoire  intime  de  deux  êtres. 
L'un  de  ces  deux  êtres  suffirait  à  remplir  un  roman.  Je 
voudrais  parler  quelque  jour  de  sa  curieuse  évocation 
de  la  femme.  Mais  la  vie  et  la  mort  de  Waldo  m'attirent 
plus  fortement;  ce  n'est  pas  la  peinture  d'un  caractère 
d'homme,  c'est  plutôt  une  généralisation  féminine  des 
sentiments,  des  déceptions,  des  désespoirs  et  des  géné- 
reuses confiances  que  la  pensée  moderne  greffe  sur 
l'instinct  naturel.  Ce  Waldo,  rêveur  et  doux,  c'est  le 
côté  intellectuel  de  la  vie  de  cette  femme.  Olive  Sçhrei- 
ner; on  ne  peint  pas  avec  cette  intimité,  avec  cette 
intensité  deux  caractères  qu'on  n'a  pas  vécus. 

La  jeune  fîUe  Lyndall,  passionnée,  avide  de  savoir,  de 
vivre,  de  connaître  l'énigme  du  monde  en  la  vivant, 


rr 


306 


L'ART  MODERNE 


'  non  en  la  rêvant,  c'est  la  moitié  «  femme  "  de  cet  être 
qui  se  dédouble.  Waldo  est  encore  bien  jeune  quand  il 
s'aperçoit  que  ce  qu'on  lui  a  dit  de  Dieu  était  un  men- 
songe, que  les  prières-  des  bons  n'étaient  pas  mieux 
écoutées  que  celles  des  méchants,  et  qu'il  ne  peut  con- 
cilier l'idée  de  Dieu  et  celle  de  l'enfer. 

«  Une  nuit,  deux  ans  après,  lé  gamin  était  assis, 
seul,  sur  la  petite  montagne...  il  se  sentait  terriblement 
seul.  Il  n'y  avait  personne  d'aussi  mauvais  que  lui  dans 
le  monde  entier,  il  le  savait.  Il  croisa  les  bras  et  se  mit 
à  pleurer,  pas  tout  haut,  mais  ses  larmes  laissaient 
des  traces  d'écorchures  sur  sa  figure,  il  ne  pouvait  pas 
prier;  il  avait  prié  nuit  et  jour  depuis  tant  de  mois;  ce 
soir  il  ne  pouvait  pas  prier.  Quand  ses  larmes  s'an-è- 
tèrent,  il  prit  sa  tète  dans  ses  mains,  elle  lui  faisait  mal. 

Pauvre,  laid  petit  être!  si  on  avait  pu  aller  à  lui, 
le  toucher  doucement  et  le  consoler  !...  peut-être  son 
cœur  était-il  à  moitié  brisé...  Depuis  un  an  tout  entier 
il  avait  un  secret.  Il  n'avait  jamais  osé  y  penser,  il  ne 
se  l'était  pas  dit  à  lui-même...  :  »  Je  hais  Dieu  »,  dit-il, 
et  le  vent  emporta  ses  paroles.  Il  l'avait  dit  mainte- 
nant!... Il  savait  qu'il  était  perdu;  mais  cela  lui  était 
égal.  Si  la  moitié  du  monde  était  destinée  à  être  perdue, 
pourquoi  ne  serait-il  pas  perdu  aussi,  lui?  Ça  valait 
mieux  ainsi.  Il  ne  demanderait  plus  grâce  en  vain. 
C'était  fini  maintenant. 

Ça  valait  mieux!...  mais,  oh!  la  solitude,  le  mortel 
chagrin,  pour  cette  nuit  et  pour  les  nuits  à  venir! 

L'angoisse  qui  pèse  sur  le  cœur  tout  le  jour,  et  qui 
s'éveille  la  nuit  pour  se  nourrir  de  notre  moelle!  " 

Combien  de  nous  disent  au  sort  :  «  Frappez-nous  de 
votre  coup  le  plus  rude,  mais  ne  nous  faites  plus  jamais, 
jamais  souffrir  comme  lorsque  nous  étions  enfants!  » 

Waldo  rêve  et  cherche'toute  sa  vie;  pendant  sa  jeu- 
nesse surtout,  avec  cette  Lyndall  qui  n'a  peur  de  rien, 
enfant  optimiste  que  la  pensée  attire  et  n'effraie  pas. 
Elle  est  la  seule  vivante  certitude,  la  seule  affirmation 
qu'il  ait  rencontrée;  ils  ont  cherché  ensemble,  dans 
leur  ignorance  d'enfants  qu'une  vie  solitaire  a  trop  tôt 
mûris.  Après  s'être  débattu,  lui,  dans  la  vie  et  avoir 
rencontré  beaucoup  d'hommes  mauvais  et  de  dieux 
sourds,  —  lot  fatal  de  ceux  qui  sont  dépourvus  de  cette 
divine  sérénité  animale  dont  la  bonne  nature  a  doué  la 
plupart  de  ses  enfants,  —  il  veut  retrouver  cet  être  qui 
le  connaissait,  qui  4ui  rendait  sa  force.  Mais  Lyndall  • 
est  morte. 

Oh!  alors  deviennent  de  vivantes  tortures  toutes  les 
recherches,  tous  les  rêves  de  l'enfant  philosophe.  Alors 
lui  est  révélé,  par  son  instinct,  le  secret  de  nos  ancêtres, 
ce  nirvanah  qui  tue  si  doucement,  en  laissant  à  l'esprit 
la  suprême  jouissance  de  se  sentir  dissous  dans  la  vie 
universelle,  la  joie  profonde  de  sentir  une  douloureuse 
individualité  se  perdre  dans  la  vie  une  du  Tout. 

Et  Olive  Schreiner  dit,   avec  les  vieux  brahmes  : 


"  Il  est  rare  que  l'ùme  de  l'homme  puisse  voir  la 
nature.  Ses  passions  l'empêchent  de  la  voir.  Promenez- 
vous  seul,  le  soir,  dans  la  montagne  :  si  votre  enfant 
favori  est  malade,  si  votre  amant  doit  venir  demain, 
ou  si  votre  cœu^r  est  rempli  d'un  projet  de  fortune,  vous 
rentrerez  comme  vous  ête.s  sorti,  vous  n'aurez  rien  vu 
Car  la  nature  comme  l'antique  Dieu  des  juifs  crie  : 
"  Tu  n'auras  pas  d'autres  dieux  devant  moi!  "  Alors 
seulement  qu'il  se  tait  un  vide  dans  votre  vie,  que 
l'idole  est  brisée,  quand  le  vieil  espoir  est  mort,  alors 
la  divine  compensation  de  la  Nature  se  manifeste; 
Elle  se  dévoile;  Elle  vous  attire  si  près  d'elle  que  le 
sang  semble  couler  d'elle  à  vous,  par  un  lien  qui  n'est 
pas  coupé;  vous  sentez  la  pulsation  de  sa  vie.  Comme 
elle  vous  enveloppe  tendrement  quand,  dans  les  morts 
ni  dans  les  vivants,  aucune  créature  ne  vous  attire 
plus,  que  la  soif  de  .savoir  elle-même  est  tarie  par  trop 
d'incertitudes!  Heureux  ceux  qui  meurent  al^rs!  car 
aussi  sûrement  que  reviendra  le  printemps,  revien- 
draient une  à  une  les  vieilles  passions,  et  la  Nature 
reprendrait  son  voile,  dont  vous  ne  pourriez  plus  lever 
le  plus  petit  coin.  Heureux  ceux  qui  meurent  en  la 
sentant,  en  l'aimant!  "       '       ,     . 

"  Waldo  était  assis,  les  bras  plies  autour  de  ses 
genoux,  regardant  les  rayons  jaunes  du  soleil  qui 
donnaient  à  tout  des  reflets  de  blé  mûr,  et  il  était 
heureux.  Ah!  vivre  ainsi  toujours,  dans  le  présent, 
regarder  profondément  dans  le  cœur  des  fleurs  et  voir 
comment  le  pistil  et  les  étamines  nichent  h\,  amoureu- 
sement réunis,  voir  la  semence  se  nourrir  et  le  petit 
embryon  croître...  Ah!  la  vie  est  douce,  jdouce,*  douce! 
Vivre  longtemps  et  voir  luire  le  jour  où  les  hommes  ne 
seront  plus  obligés  de  chercher  la  solitude  parce  que  la 
sympathie  leur  manque!  "  Waldo,  k  travers  ses  yeux  à 
demi  fermés,  voyait  autour  de  lui  une  nichée  de  pous-i 
sins.  Ces  petites  étincelles  d'esprits  frères,  cherchant, 
luttant,  s'eflfrayant,  que  seraient-elles  dans  quelques 
années?  Il  voulut  saisir  un  des  poussins,  mais  quelque 
chose  encore  le  séparait  de  ces  petits  êtres,  et  les  pous- 
sins s'éloignaient  craintivement.  Il  remit  sa  tète  dans 
ses  mains  en  murmurant  des  choses  incompréhensibles. 

Un  peu  après,  une  jeune  fille  passa.  Les  poussins 
s'étaient  rapprochés;  l'un  perchait  sur  l'épaule  de 
Waldo  et  frottait  sa  petite  tête  contre  les  boucles 
noires  de  sa  chevelure,  un  autre  essayait  de  se  main- 
tenir sur  les  bords  de  son  vieux  chapeau;  un  tout  petit, 
perché  sii»êa  main,  essayait  de  chanter;  un  autre  s'était 
endort  sur  sa  manche. 

\\   dort,  dit  la  jeune  fille.   Mais  les  poussins,- eux, 
"savaient  mieux.  » 

-  .  I     WiLL 


i-^ii''-^-^^ 't *"..'-'  «•' fi.:?ï«^ 


L'ART  MODERNE 


307 


A  rAcadémiè  royale  des  Beaux-Arts  de  Bruxelles. 

Ce  qui  demeure  acquis,  c'est  qu'avec  un  onseiï;iieiueiil  parfait, 
le  talent  chez  les  ciôves,  le  don,  n'en  apparaît  ni  plus  nombreux 
ni  plus  éclatant.  Voilà  certes  un  ensemble  de  professeurs  nota- 
bles et  qui  quelques-uns  vont  jusqu'à  la  maîtrise.  Eh  bien,  l'évi- 
dence dominante,  c'est  l'application,  la  bonne  tenue,  une  certaine 
industriosité,  la  tendance  au  décalque,  un  labeur  propre  et  ponc- 
tuel, mais  sans  élévation  ni  ingéniosité  personnelles.  Nulle  naïveté, 
nul  jaillissement  de  la  sensibilité  intime  devant  le  modèle  à  re- 
produire, mais  une  habileté  souvent  roublarde,  dos  adresses  ma- 
nuelles, la  banalisation  de  l'image  vue  en  ses  petits  côtés,  en  sa 
ressemblance  immédiate,  l'aitrapcde  la  petile  bêle,  une  mécani- 
sation des  facultés  graphiques  et  optiques. 

Un  estompage  plus  soyeux  et  plus  lisse,  une  exactitude  plus 
photographique  dans  le  linéament,  c'est  la  différence  du  meilleur 
au  pire,  b  peu  près  l'unique  supériorité  du  fort  en  thème" et  du 
bon  élève.  On  voudrait  des  incorrections  savoureuses,  la  petite 
indication  d'une  perception  qui  ne  soit  pas  celle  de  tout  le  monde, 
le  tâtonnement  d'un  sens  d'art  non  collectif  et  non  appris,  le  trem- 
blement de  la  main  qui  ignore  la  recette,  l'inquiétude  d'un  esprit 
en  qui  s'éveille  une  vision.  El  c'est  toujours  l'image  en  ses  géomé- 
iries  exactes,  la  belle  calligraphie  qui  n'est  qu'une  question  de 
temps,  le  poncif  d'un  travail  objectif,  assimilé,  et  qui  a  peur  du 
professeur  ! 

Faut-il  en  déduire  la  diminution  du  sentiment  artiste  chez  les 
races  prochaines?  Encore  une  fois,  on  ne  peut  mettre  en  doute  les 
mérites  d'un  corps  professoral  qui  s'honore  de  ces  noms  :  Por- 
taels,  Vander  Slappen,  Vcrdyen,  Daes,  etc.  C'est  plutôt  la  tradi- 
tion qu'il  faudrait  incriminer,  et  qui  dit  tradition  dit  rouline.  En 
1830.  l'art  pompier  ne  procédait  pas  autrement.  Il  cultivait  l'es- 
lompage,  propageait  le  culte  dé  l'épure,  promulguait  le  linéaire 
rigoureux.  On  conseillait  à  l'élève  justement  ce  qu'on  eût  reproché 
plus  tard  à  l'artiste  :  le  servilisme  et  l'impersonnalité  devant  la 
nature.  Il  ne  semble  pas  que  les  choses  aient  beaucoup  changé. 
Est-ce  logique?  Est-ce  rationnel?  L'image  sans  le  sentiment,  la 
copie  mathématique,  dénuée  de  ce  qui  l'élève  vers  l'art,  —  un  peu 
desubjoctiveié  etde  vision  réfléchie, — ne  va-t-ellcpas  à  rencontre 
d'une  éducation  fructueuse,  d'une  éducation  des  facultés  artistes 
chez  le  jeune  apprenti? 

On  rétorquera  :  l'académie,  en  ses  premiers  cours,  n'est  qu'une 
primaire,  ne  vise  qu'à  former  l'œil  et  la  main.  Oui,  mais  à  la  con- 
dition —  sinon  à  quoi  bon  cl  ne  viserait-on  qu'à  fabriquer  des 
géomètres- arpenteurs?  —  à  la  condition  de  ne  pas  attenter  à  ce 
principe  essentiel,  antérieur  et  supérieur  à  tous,  le  seul  sur  lequel 
doive  tabler  tout  enseignement  :  la  nécessité  de  ne  s'en  rappor- 
ter qu'à  sa  vision,  presbyte  ou  myope,  large  ou  minutieuse,  cari- 
caturale ou  majestueuse.  Toutes  se  valent  si  elles  se  personna- 
lisent. Un  borgne,  à  moins  qu'on  ne  lui  persuade  la  conformité, 
différera  de  perception  avec  tel  oculaire  usuel.  Mais  il  y  a  aussi 
les  aptitudes  secrètes,  physiologiques,  les  idiosyncrasiès.  Où 
s'arrête  la  caractérisalion  humaine?  Et  c'est  cela  qu'on  voudrait, 
même  élémcntairement,  voir  surgir  de  ces  agglomérats  qui,  au 
contraire,  tendent  à  la  dépersonnalisatjon.  Tous  ces  élèves  ne 
visent  qu'à  la  belle  main  et  se  regardent  l'tm^hSulre  par-dessus 
l'épaule  pour  savoir  «  comme  il  faut  faire  ».  N'en  va-t-il  pas  ainsi 
de  tous  les  enseignements?  En  scolaire,  la  première  des  sottises 
est  de  généraliser  l'étude  de  l'orthographe.  Comme  si  chaque  cer- 


veau, i)Ossédant  un  rythme  spécial,  régi  par  une  économie  spé- 
ciale, n'orlhographiail  pas  comme  il  pense!  Comme  si  ce  n'élail 
pas  à  penser,  à  se^servir  pour  son  usage  personnel  de  l'outil  intel- 
lectuel, et  conséquemment  à  se  différencier  du  voisin  par  la  con- 
ception et  l'expression  qu'il  fallait  appliquer  les  exclusives  ver- 
tus de  l'enseignement!  Hors  cela,  il  est  oppressif,  restrictif, 
aitenlatoire  au  libre  arbitre;  il  lue  l'homme  chez  l'enfant;  il  façonne 
l'esprit  à  penser  en  troupeau.  '  . 

La  supériorité  des  autres  Ages  sur  le'nôlre  réside  peut-être  en 
ce  que  l'homme  mécanique  n'était  pas  encore  inventé  :  chacun, 
en  l'absence  des  méthodes  d'élevage  qui  assimilent  l'enseignement 
à  des  incubations  perfectionnées  de  gallinacées,  devait  s'élever 
soi-même.  On  aboutissait  à  cette  culture  de  soi  qui  sera  le  prin- 
cipe des  hautes  sociétés  futures  et  qui  surtout  semble  inséparable 
de  l'art,  puisque  celui-ci  n'est  autre  chose  que  la  décantation  de 
la  mystérieuse  humanité  qui  nous  fut  départie. 

Ces  considérations  générales  énoncées,  il  ne  nous  coûte  de 
reconnaître  l'oxccUence  manuelle  et  professionnelle  de  l'Académie 
bruxelloise.  Si  le  cours  de  composition  historique,  sous  une  direc- 
tion trop  indolente  encore  qu'elle  soit  celle  d'un  artiste  justement 
respecté,  nous  a  certifié  une  fois  de  plus  l'inutilité  de  cette  branche 
morle  de  l'enseignement,  —  le  seul  grand  peintre  d'histoire  de 
ce  siècle  est  Delacroix,  le  moins  classique  des  peintres  au  sens 
académique  du  mol,  —  les  cours  de  M.  Eug.  Verdyen  {Torse  et 
lûte  antiques),  de  SI.  Moonens  {Objets  industriels,  études  de  nature 
morte  et  accessoires)  attestent  le  maximum  de  résultats  que,  en 
tenant  compte  des  errements  imposés  au  professeur,  il  est  permis 
.  d'attendre  d'un  système  faux.  Dans  le  cours  de  M.  Stallaert 
{Composition  de'corative),\\ne  esqu'isi^e  se  signale,  signée  Houvvaert, 
et  dont  le  coloris  fleuri,  accordé,  riant,  évoque  les  modes  exqui- 
semenl  symphonisés  des  Delbeke  d'Ypres,  —  un  maître  qui  peut- 
être  eût  renouvelé  l'art  décoratif  chez  nous,'  si  l'on  s'était  avisé  à 
temps  de  sa  maîtrise. 

Il  faut  d'ailleurs  )c  reconnaître  :  l'art  décoratif,  l'art  en  ses 
applications  industrielles,  a  pris,  en  celle  académie  encline  à 
maintes  routines,  un  développement  louable.  L'honneur  en  revient 
pour  une  part,  croyons-nous,  à  l'influence  d'un  des  rares  artistes 
qui  aient  gardé  le  sens  exact  de  l'œuvre  d'art.  Tandis  que  la  cla.s- 
sification  des  genres  éternise  encore,  dans  le  reste  de  l'enseigne- 
ment, l'idée  d'une  inégalité  enlre  les  divers  concepts  d'art,  tandis 
que  la  graduation  des  études  semble  aboutir  à  confirmer  la  supré- 
matie des  arts  réputés  grands  en  opposition  avec,  les  arts  subal- 
ternes, l'œuvre  imposant  de  M.  Ch.  Vander  Slappen  avère  la 
supériorité  d'un  maître  pour  qui  l'ouvrage  d'art,  quelle  que  soit 
sa  forme,  demeure  un  et  absolu  et  qui  n'a  pas  cru  déroger  en 
faisant  indifféremment  de  la  statuaire  et  de  l'art  ornemental. 

Celte  coriceplion  simpliste  de  l'art  et  de  ses  appliç^alions  fut 
celle  des  grands  ouvriers  du  passé  :  on  lui  doit  l'émouvante 
splendeur  des  périodes  où  l'art  pénétrait  toute  chose,  où  la  vie, 
jusqu'en  son  décor  domestique  et  quotidien  (meubles,  ustensiles, 
etc.)  se  teintait  d'art.  Est-ce  à  dire  que  M.  Vander  Slappen 
échappe  toujours  comme  professeur  au  reproche  de  trop  s'en 
tenir  aux  formules  consacrées  et  aux  types  classiques?  Mais  il  est 
des  méthodes  décrétées,  nous  ne  l'ignorons  pas  :  s'il  n'en  tenait 
qu'à  lui,  nous  en  avons  pour  garants  sa  probité  et  son  bon  sens 
d'artiste,  peut-être  il  pousserait  davantage  ses  élèves  à  la  nature, 
à  l'étude  des  innombrables  formes  de  la  vie,  génératrices  du 
renouvellement  des  formes  dans  l'art. 

Pour  tant  de  jeunes  praticiens  capables  de  modeler  un  orne- 


\ 


ment  classique,  combien  sauraient,  cûmme  les  faïenciers  de 
l'ancien  Bruxelles,  modeler  un  chou  ?  Voilà  pourtant  le  seul 
enseignement:  ne  point  départager  l'observation  attentive  et  dmue 
de  la  vie,  et  celte  observation,  l'étendre  h  tout  pour  s'assimiler 
de  nouvelles  arabesques  et  des  thèmes  inédits.  Mais  c'est  déjà  un 
beau  résultat,  la  Cheminée  pour  un  hall  de  chasse,  de  MM.  De 
ilaen  et  Duquel,  et  la  composition  de  M.  Weggers,  le  symbolique 
enroulement  de  figures  autour  du  miroir  qui  se  propose  l'Evolu- 
Jion  de  la  vie. 

C'est  M.  Weggers  qui  vient  d'obtenir  le  gnmd  prix  de  1,000  tr. 
pour  le  cours  de  sculpture.  Le  prix  nous  semble  plus  grand 
que  l'œuvre.  N'en  déplaise  à  l'aréopage,  nous  eussions  plutôt 
distingué  M.  Ilemmelrich,  qui  n'obtint  qu'un  second  prix,  mais 
avec  mention  spéciale.  Son  bonhomme  est  bautainemcnt  campé 
et  d'un  bien  autre  caractère.  L'application  encore  une  t'ois  a 
prévalu.  ^ 

î^'esl-ce  pas  elle  toujours  qui  se  perçoit  dans  les  divers  «  grands 
prix  »  de  la  peinture  ressuscites  U  l'occasion  de  cette  démonstra- 
tion publique  de  l'interiorilé  des  «  méthodes  »  d'art  actuelles? 
Pour  un  seul,  daté  de  1870  et  qui  ravive  autour  de  la  mémoire 
d'Agneessens,  les  regrets-,  il  n'est  que  vulgaires  enluminures, 
oléagines  rancies,  mièvres  pignocbages.  El  nous  ne  parlons  pas 
d'une  grande  diablesse  d'académie,  bien  mal  peinte,  mais  du 
moins  peinte  et  vue  par  une  non-conforme  ei  nui,  en  outre,  se 
particularise  par  le  sexe  de  l'auteur,  une  jeune  fille,  Ivi"*-'  Marcotte. 


LE  POÈTE 


(1) 


(Traduction   inédite.) 

Cette  intuition  qu'on  exprime  par  le  mot  d'imagination,  est 
une  manière  de  voir  très  élevée  ;  elle  ne  s'acquiert  pas  par  l'étude 
mais  par  la  transformation,  pour  ainsi  dire,  de  l'esprit. en  cette 
chose  observée,  transformation  de  l'espril  qui  suil  la  marche  des 
choses  à  travers  les  formes  et  qui  les  rend  par  ce  moyen  translu- 
cides pour  les  autres  esprits.  Le  cours  des  choses  est  silencieux. 
Souffriront-ailes  qu'un  être  parlant  les  suive?  Elles  ne  souffriront 
pas  d'espion;  mais  un  amant,  un  poète  est  la  transcendance  de. 
leur  propre  nature;  celui-lû  elles  le  souffriront.  La  condition  pour 
le  poète  de  trouver  le  vrai  nom  des  choses,  c'est  de  se  soumettre 
à  la  divine  essence  qui  traverse  les  formes,  et  de  la  suivre. 

Toul'homme  inlellecluei  découvre  tôt  ou  tard  ce  secret  que, 
au-dessus  dcl'énergie  de  son  esprit,  conscient  et  réfléchi,  il  pos^ 
sède  une  bien  plus  grande  force  —  comme  un  esprit  qui  serait 
doublé  —  en  s'abandonnanl  à  la  nature  des  choses;  que, en  plus  de 
son  pouvoir  individuel,  il  a  en  lui  un  grand  pouvoir,  pour  ainsi 
dire  public  ou  universel,  sur  lequel  il  peut  s'appuyer  en  ouvrant 
(à  ses  risques  el  périls)  les  portes  de  son  être  à  cette  force  pour  en 
laisser  le  fluxel  le  reflux  le  traverser.  Alors  il  est  entraîné  dans  la 
vie  de  l'univers,  sa  parole  est  un  tonnerre,  sa  pensée  une  loi  et 
ses  discours  sont  aussi  intelligibles  que  les  imagos  universelles 
dts  plantes  et  des  animaux.  Le  poète  sait  qu'il  parle  d'une  façon 
adéquate  alors  qu'il  est  un  peu  sauvage,  ou  qu'il  parle  avec  «  la 
fleur  de  l'esprit  »  el  seulement  alors;  non  quand  il  se  sert  de 

(1)  Suite.  Voir  les  n"»  des  21  et  28  août  et  du  11  et  18  sep- 
tembre 1892. 


l'esprit  actif  et  chercheur  employé  comme  organe,  mais  quand  il 
laisse  l'esprit  en  repos  cl  l'abandonne  au  courant  divin  qui  est  en 
lui  ;  ou,  pour  parler  comme  les  anciens,  non  avec  l'intelligence 
seule,  mais  avec  l'intelligence  éclairée  par  le  nectar.  Comme  le 
voyageur  qui  a  perdu  son  chemin  el  qui  jette  les  rênes  sur  le  cou 
de  son  cheval,  se  fiant  à  l'instinct  de  l'animal  pour  retrouver  sa 
route,  ainsi  devons-nous  agii"  avec  le  divin  animal  qui  nous  porte 
h  travers  le  monde.  Car  si,  de  quelque  façon,  nous  pouvons  sti- 
muler cet  instinct,  de  nouveaux  passages  s'ouvrent  devant  nous 
dans  la  nature,  l'esprit  traverse  les  choses  les  plus  condensées  et 
les  plus  élevées  et  la  métamorphose  devient  possible. 

C'est  pourquoi  les  bardes  aiment  1e  vin,  l'hydromel,  les  narco- 
tiques, le  café,  le  thé,  l'opium,  les  fumées  du  bois  de  santal  eldu 
labac,  ou  tout  ce  qui  procure  une  exaltation  animale.  Tous  les 
hommes  recherchent  tous  les  moyens  possibles  pour  ojouiér  ce 
pouvoir  extraordinaire  à  leur  pouvoir  normal;  c'est  pour  celte  fin 
qu'ils  prisent  la  conversation,  la  musique,  la  peinture,  Ja  sculp- 
ture, la  danse,  le  théâlre,  les  voyages,  la  guerre,  les  foulesy  Jes 
incendies,  le  jeu,  la  politique  ou  l'amour,  la  science  ou  l'intoxica- 
tion animale,  — •  moyens  quasi-mécaniques  et  plus  ou  moins  raf- 
finés pour  remplacer  le  véritable  nectar,  qui  est  le  ravissement  de 
l'esprit  pénétrant  un  fait  inconnu.  Ces  choses  sont  les  auxiliaires 
de  la  tendance  centrifuge  de  l'homme,  de  son  passage  à  l'air  libre, 
et  elles  l'aident  îi  se  sauver  de  la  prison  de  ce  corps  qui  le  lient  et 
de  ces  relations  individuelles  qui  obstruent  son  chemin.  De  là 
vient  aussj  qu'un  grand  nombre  de  ceux  qui  professionnellement 
exprimaient  le  Deau,  —  peintres,  poêles,  musiciens,  acteurs,  — 
ont  plus  souvent  que.d'aulres  mené  une  vie  de  plaisir  el  de  relâ- 
chement; on  peut  môme  dire  que  tous,  sauf  ceux  qui  trouvèrent 
le  vrai  nectar,  en  cherchèrent  un  autre,  artificiel.  Chaque  fois  que 
la  liberté  était  atteinte  d'une  façon  détournée,  non  par  l'émanci- 
pation de  l'esprit  du  côté  du  grand  jour  qui  tombe  des  cieux,  mais 
par  une  liberté  en  des  choses  plus  viles,  chaque  fois  l'avantage 
"auisi  obtenu  était  compensé  par  une  dissipation  et  une  détériora- 
tion de  forces.  Mais  on  ne  peut  jamais  voler  un  avantage  à  la  na- 
ture par  un  subterfuge.  L'esprit  du  monde,  la  grande  et  calme 
présence  du  Créateur,  n'est  jamais  évoquée  par  les  sorcelleries  de 
l'opium  et  du  vin.  La  sublime  vision  se  révèle  à  l'Anie  simple  et 
pure  qui  habite  un  corps  chaste.  Ce  que  nous  devons  aux  narco  - 
tiques,  ce  n'est  pas  de  l'inspiration,  mius  une  excitation  et  une 
furie  fausses.  Millon  dit  que  le  poète  lyrique  peut  boire  du  vin  et 
vivre  généreusement,  mais  que  le  poète  épique,  celui  qui  <Joit 
chanter  les  dieux  et  leur  avènement  parmi  les  hommes,  doit  boire 
de  l'eau  dans  une  écnellede  bois.  Car  la  poésie  n'est  pas  «  le  vin 
du  diable  »  mais  le  vin  de  Dieu. 

11  en  est  de  ceci  comme  des  joujoux.  Nous  emplissons  les  mains 
et  les  chambres  de  nos  enfants  avec  toutes  espèces  de  poupées, 
de  tambours  et  de  chevaux,  détournant  leurs  yeux  des  simples  et 
suffisants  objets  dé  la  nature,  soleil,  lune,  animaux,  eau,  pierres, 
qui  devraient  être  leurs  joujoux.  Ainsi  la  manière  de  vivre  du 
poète  devrait  être  si  simple  que  les  influences  les  plus  ordinaires 
le  réjouissent.  Sa  gaîté  devrait  pouvoir  être  le  fruit  d'un  rayon  de 
soleil,  l'air  devrait  suffire  pour  l'inspirer  et  l'eau  devrait  suffire 
pour  l'enivrer. 

Cet  esprit,  qui  suffit  aux  cœurs  paisibles,  qui  sort  pour  eux  de 
chaque  touffe  d'herbe  desséchée,  de  la  moindre  pomme  de  pin, 
de  la  pierre  à  demi  cachée  que  dore  le  soleil  de  mars,  cet  esprit 
se  manifeste  aux  pauvres,  aux  affamés,  à  ceux  dont  les  goûts  sont 
simples.  Si  tu  remplis  ton  cerveau  des  bruits  de  la  ville  de  Bos- 


UART  MODERNE 


309 


[ 


Icn,  de  New-York,  de  la  mode,  de  l'envie,  si  lu  stimules  les  sens 
faligués  par  du  vin  ou  du  café,  lu  ne  trouveras  plus  dans  les  grands 
bois  de  pins  la  radieuse  sagesse  qui  se  cache  dans  leur  profondeur 
déserte. 

Si  l'imagination  exalte  le  poète,  elle  n'est  pas  inactive  dans  les 
autres  hommes.  Les  métamorphoses  excilenl  chez  les  spectateurs 
une  émotion  joyeuse.  L'usage  dos  symboles  a  sur  tous  le§t,honimes 
un  certain  pouvoir  d'émancipation  et  d'exbilaralion.Noussemblons 
être  touchés  par  une  baguette  qui  nous  fait  sauter  et  danser 
comme  des  enfants.  Nous  sommes  comme  des  gens  qui  sortent 
d'une  cave  et  se  trouvent  en  plein  air.  C'est  l'efFcl  qu'ont  sur  nous 
les  Iropps,  les  fables.  Us  oracles  et  toutes  les  formes  poétiques. 
Les  poètes  sont  donc  des  dieux  libérateurs.  Les  hommes  ont  réel- 
lement acquis  un  nouveau  sens,  ils  trouvent  uii  aulre  monde  dans 
Içur  mondç,  un  nid  de  mondes,  car  une  fois  qu'ils  ont  vu  la  méta- 
morphose, ils  devinent  qu'elle  doit  continuer. 

Je  ne  veux  pas  considérer  maintenant  comment  elle  fait  le 
charme  des  mathématiques,  de  l'algèbre,  qui  ont  aussi  leurs 
tropes  ;  mais  on  la  sent  dans  chaque  détinilion,  comme  quand 
Aristote  dit  que  l'espace  est  un  vaisseau  immobile  dans  lequel  les 
"iJioses  sont  comprises,  ou  quand  Platon  dit  qu'une  ligne  est  un 
point  qui  vole,  ou  qu'une  «  (igiiro»est  un  faisceau  de  solides,  etc. 
Quel  joyeux!  sens  dé  liberté  nous  avons  en  apprenant  que  Vitruve, 
selon  l'anlique  opinion  des  artistes,  prononce  qu'un  architecte  ne 
peut  bien  billir  une  maison  s'il  ne  connaît  un  peu  d'anatoinie;  et 
encore,  quand  Socrate,  dans  Charmides,  nous  dit  que  l'âme  est 
guérie  de  ses  maladies  par  certaines  incanlalions,  et  que  ces  in- 
cantations sont  comme  une  beauté  raisonnée  qui  engendre  la 
tempérance;  quand  Platon  appelle  le  monde  un  animal,  et  que 
Timœus  affirme  que  les  plantes  aussi  sont  des  animaux  ;  ou  qu'il 
affirme  que  l'homme  est  un  arbre  divin  croissant  par  ses  racines, 
qui  sont  sa  télé,  s'enfonçant  du  côlé  du  ciel;  quand  Orphée  parle 
des  cheveux  blancs  comme  de  «  la  fleur  blanche  qui  marque  l'ex- 
trême vieillesse  »;  quand  Proclus  appelle  l'univers  «la  statue  de 
l'intelligence  «;  quand  Chaucer,  dans  son  éloge  de  la  noblesse 
(Gentilesse),  compare  le  bon  sang  tombé  dans  une  condition  scr- 
yile  au  feu  qui,  porté  dans  la  maison  la  plus  obscure,  n'en  éclai- 
rerait pas  moins  ;  quand  Jean,  dans  VApocnlypse,\oï\.  la  ruine  du 
monde  par  le  mal  et  voit  tomber  du  ciel  des  étoiles,  comme  des 
figues  trop  précoces  secouées  par  le  figuier;  quand  Esope  nous 
catalogue  les  relations"  de  la  vie  ordinaire  sous  le  masque  des  ' 
oiSeaux  et  des  animaux  ;  alors  nous  acceptons  la  joyeuse  insinua- 
lion  de  l'immortalité  de  notre  essence,  nous  comprenons  les 
gipsies  qui  disent  d'eux-mêmes  :«  C'est  en  vain  qu'on  les  pend,  ils 
ne  peuvent  pas  mourir  !  » 

Les  poètes  sont  donc  des  dieux  libérateurs.  Les  anciens  bardes 
bretons  s'intitulaient  :  ceux  qui  sont  libres  dans  le  monde  entier. 
Ils  sont  libres  et  ils  rendent  libres.  Un  livre  d'imagination  nous 
rend  beaucoup  plus  de  services  au  premier  moment,  quand  il 
nous  stimule  par  ses  figures,  que  plus  tard  quand  nous  démêlons 
l'intenlion  précise  de  l'auteur.  Je  crois  que  dans  lés  livres  riin 
n'a  de  la  valeur  si  ce  n'est  le  transcendant  et  l'extraordinaire.  Si  un 
homme  est  enflammé,  emporte  par  sa  pensée  au  point  d'en  oublier 
les  autours  et  le  publie,  et  qu'il  n'écoute  que  son  rêve  qui  te 
prend  comme  une  folie,  alors  je  veux  lire  ce  qu'il  écrit  et  vous 
pouvez  garder  |lbur  vous  argumonls,  histoires  et  critiques.  Toute 
la  valeur  que  nous  attachons  h  Pythagore,  Paracelse,  Cornélius, 
Agrippa,  Cardan,  Kepler,  Swedenborg,  Schelling,  Oken  ou  à  tout 
autre  qui  iniroduisit  des  faits  douteux  dans  sa  cosmogonie,  — 


anges,  diables,  magie,  astrologie,  chiromancie, mesmérisme, etc., 
—  toute  la  valeur  que  nous  attachons  îi  ces  esprits  est  une  preuve 
que  nous  sentons  en  eux  la  brèche  faite  à  la  routine  ;  nous 
sentons  qu'ils  sont  de  nouveaux  témoins  de  notre  antipathie  pour 
elle. 

C'est  aussi  cette  magie  de  liberté  qui  fait  le  plus  grand  charme 
d'une  conversation  ;  elle  semble  mettre  le  monde,  comme  une 
balle,  dans  nos  mains.  Combien  alors  la  liberté  elle-même  semble 
peu  de  chose!  Combien  vaine  paraît  l'élude  quand  une  émotion 
a  procuré  à  l'intelligence  le  pouvoir  de  saper  et  de  soulever  la, 
nature!  Quelle  immense  perspective!  Les  nations,  les  temps,  les 
systèmes  entrent  et  disparaissent  comme  des  fds  dans  une  tapis- 
serie à  grands  personnages  et  à  couleurs  multiples  ;  un  rêve  nous 
conduit  à  un  autre  et  tant  que  l'Ivresse  dure,  nous  vendrions 
noire  lit,  notre  philosophie  et  notre  religion  dans  notre  opu- 
lence. 

Il  y  a  de  bonnes  raisons  pour  que  nous  appréciions  celle  déli- 
vrance. Le  sort  du  pauvre  berger  aveuglé  et  égaré  par  une  raffale 
de  neige,  et  qui  vient  périr  à  quelques  pas  de  son  habitation,  e^l 
un  emblème  de  l'état  de  l'homme.  Nous  mourons  misérablemeiit 
au  bord  dos  eaux  de  vie  et  de  vérité.  Toule  pensée,  sauf  celle 
dans?  laquelle  nous  vivons,  nous  est  étrangement  inaccessible.  Si 
vous  en  approchez,  vous  en  êtes  aussi  loin  que  lorsque  vous  ne  la 
cherchiez  pas.  Toute  pensée  est  aussi  une  prison,  tout  Ciel  est 
aussi  une  prison;  c'est  pourquoi  nous  aimons  le  poète,  l'inven- 
teur, qui  sous  une  forme  quelconque,  par  une  ode,  par  une  action, 
par  un  regard  ou  par  une  manière  d'agir,  nous  a  donné  une  nou- 
velle pensée.  Il  brise  nos  chaînes  et  nous  ouvre  une  scène  nou- 
velle. 

Cette  émancipation  est  chère  à  tous  les  hommes  et  comme  le 
pouvoir  de  la  communiquer  doit  provenir  d'une  grande  profon- 
deur ou  capacité  de  pensée,  il  est  la  mesure  d'un  esprit.  Aussi 
tous  les  livres  d'imagination  qui  s'élèvent  à  celte  vérité  —  la 
nature  dominant  l'écrivain  —  dureront.  Chaque  vers  ou  chaque 
phrase  qui  possède  cette  vertu  d'exprimer  la  nature  prendra  soin 
de  sa  propre  immortalité.  Les  religions  du  monde  sont  les  éjacu- 
lations  de  quelques  hommes  d'imagination. 

Mais  la  qualité  de  l'imagination  est  de  couler  et  non  de  segeler. 
Le  poète  ne  s'est  pas  arrêté  à  la  forme  ni  à  la  couleur,  ni  même  à 
leur  signification,  et  les  mêmes  objets  expriment  une  idée  nou- 
velle. C'est  la  différence  qui  exisie  entre  le  poète  et  le  mystique  ; 
celui-ci  cloue  un  symbole  h  une  signification,  vraie  pour  un 
moment,  mais  bientôt  devenue  vieille  et  fausse.  Car  tout  symbole 
est  élastique  (fluxional)  ;  tout  langage  est  transitoire  et  véhiculaire 
et  sert  comme  les  bateaux  et  les  chevaux  pour  nous  transporter 
d'un  point  à  un  autre,  mais  non  comme  les  fermes  et  les  maisons 
pour  s'y  arrêter.  Le  mysticisme  gît  dans  l'erreur  qui  fait  prendre 
un  symbole  accidentel  ou  individuel  pour  un  symbole  universel. 
L'aurore  est  le  phénomène  favori  de  Jacob  Behmen,  et  signifie 
pour  lui  la  vérité  et  la  foi;  et  il  croit  que  cela  devrait  signifier  la 
même  chose  pour  chacun  de  ses  lecteurs.  Mais  le  lecteur  préfé- 
rera tout  aussi  naturellement  le  symbole  d'une  mère  avec  son 
enfant,  d'un  jardinier  el  sa  plante  ou  d'un  joaillier  polissant  une 
pierre.  Chacun  de  ces  symboles  et  des  myriades  d'aulres  sont  tout 
aussi  bons  pour  ceux  aux  yeux  desquels  ils  signifient  quelque 
chose.  Seulement,  il  faut  y  tenir  légèrement  et  savoir  les  échanger 
pour  des  termes  équivalents  employés  par  d'aulres.  Et  il  faut  dire 
sérieusement  au  mystique:  Tout  ce  que  vous  dites  serait  aussi  vrai 
sans  l'agaçant  usage  que  vous  faites  de  ce  symbole  qui  l'accom- 


pagne  loujours.  Ayons  un  peu  d'algèbre  au  lieu  de  celle  rhéto- 
rique triviale,  ayons  des  signes  universels  au  lieu  de  ces  sym- 
boles de  village,  et  nous  y  gagnerons  (eus.  L'histoire  des  hiérar- 
chies semble  prouver  que  toutes  les  erreurs  religieuses  proviennent 
d'une  trop  grande  importance  et  solidité  accordée  aux  symboles, 
el,  en  dernier  ressort,  d'un  abus  ou  d'une  exagération  de  l'organe 
du  langage. 

A  l'époque  moderne,  Swedenborg  représente  éminemment  les 
traducteurs  de  la  natui'c  en  pensée.  Je  né  connais  pas  d'homme 
dans  l'histoire  pour  qui  les  mots  roprésenlassenl  si  uniformément 
des  choses.  La  métamorphose  se  joue  continuellement  devant  lui. 
Chaque  chose  où  s'arrête  son  œil  obéit  b  l'impulsion  d'une  nature 
morale.  Les  figues  se  changent  en  raisins  pendant  qu'il  les  mange. 
Quand  l'un  de  ses  anges  affirmait  une  vérité,  le  laurier  qu'il  tenait 
fleurissait  dans  sa  main  aux  yeux  de  Swedenborg.  Le  bruit  qui 
lui  paraissait  de  loin  être  un  grincement  de  dents  et  des  coups  de 
poing,  était  la  voix  de  deux  individus  discutant. 

Dans  une  de  ses  visions,  certains  hommes  avaient  l'air  de  dra- 
gons et  paraissaient  éire  dans  l'obscurité; mais  l'un  U  l'autre,  ces 
hommes  paraissaient  des  hommes,  cl  quand  la  lumière  du  ciel  se 
fil  jour  dans  leurs  cabanons,  ils  furent  aveuglés  et  demandèrent 
à  fermer  les  portes  pour  pouvoir  voir.     •  ■ 

11  avait  cette  perception  —  qui  rend  le  poète  ou  le  voyant  un 
objet  de  terreur  —  que  le  mémo  homme  ou  la  méiiMj  société 
d'hommes  peuvent  avoir  un  aspect  différent  pour  eux-mêmes  que 
pour  d'autres,  pour  des  intelligences  supérieures  par  exemple. 

Certains  prêtres  conversant  doctement  ensemble  paraissafent  à 
des  enfants,  qui  jouaient'  aux  environs,  être  des  chevaux  morts. 
Instantanément  on  se  demande,  en  entendant  de  semblables  trans- 
formations d'apparence,  si  le  poisson  qu'on  voit  sous  le  pont,  si  ce 
bœuf  qu'on  voit  dans  la  prairie  sont  immuablement  des  poissons 
ou  des  bœufs  et  s'ils  ne  se  croient  pas  autre  chose  eux-mêmes, 
et  si  soi-même  on^pourrail  être  un  homme  aux  yeux  de  tous.  Les 
Brahmanes  cl  Pythagore  se  sont  posé  la  même  question  et  si  un 
poète  a  été  témoin  d'une  transfqrmation  de  ce  genre,  imposée  h 
son  esprit  par  une  vision  subite,  il  l'aura  trouvée  en  harmonie 
avec  d'autres  faits  bien  connus.  Nous  avons  tous  vu  des  change- 
ments considérables  dans  le  blé,  dans  les  chenilles. 

Celui-là'  est  poète  et  nous  attirera  à  lui  par  l'amour  el  par  la 
terreur,  qui  discernera  l'essence  une  de  la  nature  sous  la  robe 
flottante  des  événements,'^  et  qui  saura  la  révéler. 

{A  continuer.) 


.  .    plBLlOQRAPHlE     MUSICALE 

La  maison  d'édition  Novello,  Ewer  et  C'e,  l'une  des  plus  impor- 
tantes de  Londres,  poursuit  la  publication  de  ses  Ai.bums  pour 
piano,  pour  piano  et  violon,  pour  piano  et  chant,  publication 
vraiment  populaire,  qui  joint  3  l'avantage  d'un  prix  extrêmement 
modique  le  mérite  d'une  exécution  aussi  parfaite  que  les  éditions 
de  luxe.  t 

Les  albums  pour  piano  soûl,  publiés  sous  la  direction  de 
M.  Berlhold  Tours,  coûtent  chacun  un  shilling,  c'est-à-dire 
fr.  1.25.  Il  y  en  a  une  cinquantaine,  formant  une  sorte  d'antho- 
logie musicale  établie  avec  soin.  Les  six  premiers  renferment,  à 
raison  de  vingt  ou  vingt-quatre  morceaux  par  cahier,  une  sélection 
des  œuvres  de  J.-S.  Bach  et  de  Hœndel,  puis  viennent  des  cycles 
de  marches,  de  gavottes,  de  menuets  empruntés  aux  répertoires 
classique  el  moderne.  Les  albums  subséquents  sont  consacrés 
chacun  à  un  compositeur  déterminé.  Après  les  maîtres,  les  dei 


minores  .-  Wollcnhaupt,  Spindler,  Goelz,  Rhoinborger,  Kjeruif, 
Mackenzie,  etc.  etc. 

Lqs  dernières  livraisons  parues  sont  dévolues  aux  autours 
riisses,  à' César  Cui,  à  Liadoff,  etc.  MM.  Novello,  Ewer  et  C"" 
donnent  du  premier  Hl  morceaux  de  musique,  du  second  38, 
répartis  en  six  albums.  H  est  loin  le  temps  où  une  bibliothèque 
musicale  absorbait  une  petite  fortune!  Grâce  aux  "éditions 
populaires  qui,  se  sont 'multipliées  eu  ces  derniers  temps,  aux 
publications  de  M.M.  Litoltf,  Pecters,  Breitkopf  et  lliii-tel,  Novello, 
Ewer  et  C'S  il  est  loisible  à  tout  musicien  do  se  former,  sans 
frais,  un  répertoire  considérable  el  d'avoir  sous  la  main  les 
œuvres  les  plus  intéressantes  de  la  litléraluro  musicale. 

Les  albums  pour  piano  el  violon,  mis  en  vente  à  deux  shillings 
six  ponce  (fr.3.12)cliacun,contiennenl  un  grand  nombre  d'œuvres 
originales  et  de  transcriptions  d'autours  ancious  et  contemporains  : 
Corelli,  Mendeissohn,  Rafl",  Jacoby»  Dolmclsch,  Gounod,  etc. 
Citons  spécialement,  de  ce  dernier,  les  transcriptions  dos  princi- 
paux morceaux  de  Mors  el  Viia  et  de  Rédemption,  faites  par 
M.  Borthold  Toiirs. 

Les  éditions  populaires  anglaises  ne  sont  pas  aussi  répandues 
en  Belgique  cl  on  France  q'ue  les  éditions  allemandes.  C'est 
pourquoi  nous  croyons  utile  do  faire  connaître  cl  do  recommander 
la  bibliothèquo  musicale  de  MM.  Novello,  Ewer  el  C'%  qui  ne  le 
cède  en  rien  à  celles  do  Leipzig.. 

lîne  prochaine  bibliographie  musicale  sera  consacrée  aux 
œuvres  les  plus  récemment  éditées  par  ces  Messieurs,  parmi 
lesquelles  il  en  est  d'importantes  signées  par  M.M.  Mackenzie, 
Ilonschel,  Dvorak,  Gernian,  Gadsby  el  Dyo. 


■   5\CCU?É^     DE    F(ÉCEPTIOJ^ 

,Catlli>e  Mendès,  PwAj'ei  (trois  volumes);  Paris,  Charpentier 
el  Fasqucllo.—  Villiers  de  l'Islc-Adam,  par  Stkphane  Mallarmé  ; 
avec  portrait  gravé  par  Marccllin  Uesboutin;  Bruxelles,  Lacom- 
blez.  —  Dom'inicul,  par  Max  Elskamp;  Bruxelles,  Lacomblez.  — 
Amours  mortelles,  par  Emile  Leclercq;  Bruxelles,  Wcissembruch. 
—  Manuel  de  prononciation,  par  Jeanne  Tordeus;  Bruxelles, 
Lacomblez.  -—  In  vwrle  di  Virginia  Çi'"^  série),  par  T.  Zanardelli  ; 
Brusselcs,  J.  Morei." 


Mémento  des  Expositions 

Angers.  —  Exposition  des  Beaux-Arts  et  d'Arts  industriels,  du 
12  novembre  au  1"  janvier  1893.  Envois  k  la  Société  des  Amis 
des  Arts,  place  de  Lorraine,  Angers,  du  20  au  25  octobre. 

Chicago.  —  Section  des  Beaux-Arts  de  l'Exposilion  universelle, 
l^f  mai-30  octobre  1893  {\o\r  l'Art  modernedu  11  octobre  1891). 

Monaco.  —  Exposition  internationale  dos  Beaux-Arts  (limitée 
aux  invités).  14  novembre  1892-1.0  août  1893.  Envois  du  4  au 
12  octobre.  Renseignements  :  Baron  Dclort  de  Gléon,  président 
du  Comité,  rue  Vézelay,  18,  Paris. 

Nancy.  —  XXIX*  exposition  de  la  Société  lorraine  des  «  Amis 
des  Arts  ».  1"  novcmbre-8  décembre.  Transporl  gratuit  pour  les 
artistes  invités.  Envois  avant  le  15  octobre.  Renseignements"  : 
M.  R.  Wie7ier,  trésorier,  rue  des  Dominicains,  53,  Nancy. 

Nantes.  —  Exposition  de  la  Société  des  «  Amis  des  Arts  »,  du 
!•='■  au  28  février  1893.  Envois  avant  le  8  janvier  h  M.  Descamps 
de  Lalanne,  secrétaire  général  de  la  Société  des  nAmis  des  Arts  », 
12,  rue  Lekain,  Nantes. 

Nice.  —  Exposition  internationale.  10  janvier-30  mars  1893. 
Envois  :  l"-25  décembre.  Renseignements  :  Secrétariat,  Palais 
du  Crédit  Lyonnais,  Nice. 


J 


J 


VART  MODERNE 


311 


Petite  chro[>(ique 


Noire  collaborateur  Oclave  Mans  vient  .d'élre  frappé  dans  ses 
affcclions  par  la  mort  de  son  père,  M.  Charles  Maus,  conseiller 
honoraire  ^  la  Cour  d'appel  de  Bruxelles,  l'un  des  esprits  les  plus 
lettrés  el  les  plus  érudits  de  la  génération  qui  descend  peu  à  peu 
dans  la  tombe. 

Intimement  lié  avec  André  Van  Hasselt,  M.  Charles  Maus  fut 
mêlé  au  mouvomenl  littéraire  de  1830  à  4850  el  collabora  à  cette 
époque  , à  divers  périGtliqucs.  Il  s'occupait  encore  aclivemenl, 
dans  ces  derniers  temps,  des  travaux  scientifiques  de  plusieurs 
sociétés  dans  lesquelles  H  joua  un  rôle  imporlanl  :  la  Société  des 
Bibliophiles  belges,  la  Société  de  niimismnlique,  la  Société  d'ar- 
chéologie, VInstitut  archéologique  du  Luxembourg,  etc.  Les 
Annuaires  de  ces  sociétés  contiennent  loirs  bon  nombre  de  notices 
signées  (le  son  nom.  Il  composa  aussi,  pour  les  réunions  de  ses 
collègues,  (les  chansons  humoristiques  qu'il  aimait  à  chanter  lui- 
même  au  dessert,  avec  la  bonhomie  cl  la  simplicité  d'autrefois. 

M.  Maus  était  officier  de  l'ordre  de  Léopold.  Il  s'est  éleini, 
jeudi  soir,  \\  Druxelles,  dans  sa  82"  année. 

Ses  funérailles  seront  célébrées  demain,  lundi,  à  il  heures,  en 
l'église  paroissiale  de  Sainl-Bonifacc. 

Nous  avons  appris  h  regretta  mort  de  Victor  Wilder,  le  critique 
musical  bien  connu  cl  le  traducteur  des  drames  de  Wagner,  enlevé 
presque  inopinément  la  semaine  dernière,  h  l'ôge  de  57  ans. 

Né  h  Oand,  le  25  août  1835,  Jérôme-Albcrl-'Victor  Van  Wilder, 
après  avoir  obtenu  h  1  Université  de  sa  ville  natale  ses  grades 
de  docteur  en  philosophie  el  de  docteur  en  droit,  alla  se  fixer  à 
Paris  vers  1860.    '         t 

Après  quelques  articles  à  la  Presse  théâtrale,  il  fit  d'innom- 
brables traductions  de  l'italien  el  de  l'allemand.  Citons  les  Duos 
el  les  Mélodies  persanes  de  Rubinslej.n,  les  Lieder  de  Mendcls- 
sohn,  les  Mélodies  de  Franz  Abt,  ,de  Grieg,  d'Edouard  Lassen, 
de  Chopin,  de  Webcr,  de  Brahms;  de  Schumann,  le  Paradis  et 
la  Péri,  Manfred,  Mignon,  In  Vie  €une  Rose,VAnathème  du 
Chanteur  et  de  nombreuses  mélodies;  de  Ihendel,  le  Messie,  la 
Fête  d' Alexandre,  Judas  Macchabée,  etc. 

Collaborateur  assidu  de  V Evénement,  du  Ménestrel,  de  l'Opi- 
nion nationale,  du  Parlement,  Victor  Wilder  publia  entre  temps 
deux  livres  fort  intéressants  :  La  Vie  de  Mozart  el  la  Vie  de 
Beethoven.  Chercheur  infatigable,  il  découvrait  à  la  bibliothèque 
de  l'Opéra  la  musique  d'un  ballet  inconnu  de  Mozart,  Les  Petits 
Riens,  donnait  tout  dcrnièremenl  encore  la  traduction  de  chansons 
populaires  flamandes'.  Mais  son  œuvre  maîtresse,  celle  U  laquelle  iT 
s'attacha  avec  une  conscience  nonpareille,  fut  la  traduction  inté- 
grale de  l'œuvre  de  Wagner  :  il  l'achevait  il  y  a  quelques  années 
à  peine  et  son  but  était  maintenant  de  voir  représenter  sur  la 
scène  française  ces  opéras  qui  infusèrent  une  vie  nouvelle  à  l'art 
musical. 

Le  comité  d'honneur  pour  le  monument  à  ériger  à  Baudelaire 
est  (iéfinitivcment  constitué  comme  suit  : 

Président  d'honneur  :  Leconte  de  Lislc,  de  l'Académie  fran- 
çaise. 

Membres  :  Paul  Boyrgcl,  Jules  Ciaretie,  François  Coppée,  Léon 
Dierx,  Anatole  France,  Stéphan  George,  Edmond  de  Concourt, 
J.-M.  de  Ilercdia,  J.-K.  Iluysmans,  Camille  Lemonnier,  Maurice 
Maeterlinck,  Léon  Maillard,  Stéphane  Mallarmé,  Henri  Mazel, 
Louis  Ménard,  Catulle  Mendès,  Oclave  Mirbeau,  Jean  Moréas, 
Charles  Morice,  Nadard,  prince  Alexandre  Ourousof,  Viltorio  Pico, 
Edmond  Picard,  Henri  deBégnier,  Adolphe  Relié,  Jean  Richepin, 
Edouard  Rod,  G.  Rodenbuch,  Félicien  Rops,  Aurélien  Scholl, 
Emmanuel  Signorel,  Armand  Silveslre,  Sluarl  Merrill,  Sully- 
Prudhomme,  Swinburne,  Laurepl  Tailhade,  Auguste  Vacquerië, 
Alfred  Vallette,  Paul  Verlaine,  Emile  Verhaeren,^F.  Vielé-Griffin , 
Emile  Zola. 

Auguste  Rodln  sera  chargé  de  l'exécution  du  monument. 


Nous  apprenons  que  MM.  Paul  Dy  Bois,  statuaire,  et  Georges 
Lemmcn,  peintre,  deux  des  artistes  les  mieux  doués  et  les  plus 
remarqués  de  la  génération  nouvelle,  ouvriront,  le  15  octobre 
prochain,  un  cours  de  sculpture,  de  peinture  et  de  dessin,  qui 
se  donnera  chez  Mommen,  rue  de  la  Charité,  31,  à  Bruxelles.  Il 
y  aura  deux  classes,  l'une  de  jeunes  gens,  le  malin;  l'autre  de 
jeunes  filles,»  l'après-midi,  indépendamment  d'un  cours  spécial, 
les  jeudi  après-midi  el  dimanche  matin,  pour  les  jeunes  élèves  qui 
fréquentent  l'école. 

M"*"  Moriani  reprendra  ses  cours  et  leçons  de  chant,  le  lundi 
3  octobre,  17,  rue  de  Trêves. 

.M.  Emile  Sigogne,  74,  rue  de  la  Croix,  reprendra  ses  intéres- 
sants cours  de  diction  el  de  littérature  à  partir  du  1"  octobre. 

La  réouverture  (les  cours  de  l'Ecole  de  musique  de  Sainl-Josse- 
ten-Noode-Scbaerbeck,  sous  la  direction  de  M.  Henry  Warnots, 
aura  lieu  le  lundi  3  octobre.  •    ' 

Le  programme  d'enseignement  comprend  le  solfège  élémen- 
taire, le  solfège  approfondi,  l'harmonie,  le  chant  individuel  et  le 
chant  d'ensemble.  Tous  les  cours  sonl  gratuits.  L'inscription  des 
élèves  aura  lieu,  h  partir  du  3  octobre,  dans  les  locaux  de  l'école, 
savoir  : 

Pour  les  jeunes  filles,  le  jeudi.après-midi  el  le  dimanche  malin, 
rue  Royale-Sainle-Marie,  152,  à  Schaerbeek; 

Pour  les  jeunes  garçons,  le  lundi,  le  mercredi  el  le  vendredi,  à 
6  heures  du  soir,  rue  Travrrsière,  15,  à  Sainl-Josse-ten-Noode; 

Pour  les  adultes  (hommes),  le  lundi  et  le  jeudi,  à  8  heures  dtî 
soir,  rue  Traversière,  15. 

L'administration  du  Théâtre  Wagrer,  de  Bayreuth,  fait  annon- 
cer par  les  journaux  la  prochaine  ouverture,  le  10  novembre,  de 
l'école  dramatique  qui  aura  pour  mission  (ie  former  des  art/stes 
pour  les  représentations  futures.  L'enseignement  comprendra  Je 
chant  propromenl  dit,  la  diction  et  les  éludes  de  sjcène.  L'enseigne- 
ment esl  gratuit  el,  le  cas  échéant,  des  subventions  seront 
accordées  aux  artistes  peu  fortunés.  Seulement,  pour  être  admis, 
il  faudra  subir  un  examen.  Les  demandes  d'admission  accompa- 
gnées d'une  phoiographie  el  de  certificats  fonslalanl  l'achèvement 
des  études  dans  les  conservatoires  ou  écoles  ordinaires,  devrorii 
être  adressées  h  l'administration  des  Buhnenfesispiele,  h- Bay- 
reuth', avant  le  15  octobre. 

On  écrit  de  Bayreuth  que  le  nombre  des  speclaleurss'f  si  élevé, 
celte  année;  à- environ  vingt-huit  mille,  parmi  lesquels  sept  mille 
Anglais  et  quatre  mille  Français. 

L'éditeur  C.-M.  Van  Gogh,  à  Amsterdam,  annonce  la  publica- 
tion d'un  ouvrage  de  luxe  destiné  à  perpétuer  le  souvenir  de 
l'exposilion  consacrée  par  le  Cercle  Artiet  Amicitiœ  à  l'art  néer- 
landais contemporain.  Il  renfermera  des  reproductions  d'œuvres 
de  MM.  Breitner,  Dysselhof,  Karsen,  Roland  Hoist,  Toorop,  Jan 
Veth,  W.  Witscn  el  Ph.  Ziicken.  Texte  par  Jan  Velh,  ornementa- 
tion artistique  par  M.  Derkindercn. 

Prix  (le  souscription  el  justification  du  tirage  :  25  exemplaires 
sur  japon,  avec  épreuves  de  remarque,  à  125  florins;  25  exem- 
plaires, sur  hollande,  avec  épreuves  de  remanjue  sur  chine,  à 
90  florins;  200  exemplaires  sur  hollande  à  45  florins.  Les  noms 
des  souscripteurs  seront  publiés  dans  l'ouvrage.. 

D'autre  part,  les  éditeurs  Mouton  et  C'^  à  La  Haye,  viennent 
de  metlrc  en  vente  le  portefeuille  (6"  année)  de  VEtsclub  néerlan- 
dais. C'est  une  fort  belle  publication  composée  de  douze  eaux- 
fortes  de  maîtres,  tirées  avec  le  plus  grand  soin  sur  papier  du 
Japon,  et  emboîtées  dans  un  cartonnage  élégant.  Le  mouvement 
d'art  contemporain  de  nos  voisins  de  Holljinde  esl  assez  exacte- 
ment synthétisé  par  la  réunion  des  noms  que  voici,  collaborateurs, 
chacun,  au  Poricfeuille  de  la  Société  :  H.-W.  Mesdag,  M.  Bauer, 
M'i"  Etha  Fies  el  Van  Houten,  MM.  Karsen,  Koster,  Floris  Versler, 
Jan  Veth,  Ph.  Ziicken,  W.  de  Zwart.  La  persistance  de  ces  noms 
revenant  à  tout  propos  montre  combien  esl  actif  le  groupe  des 
Jeuno-Néerlandc  de  la  peinture. 


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Douzième  année.  —  N"  40. 


Le  numéro  :  26  centimes. 


Dimanche  2  Octobre  1892. 


1 1  "  "  '  1 1<  I     I 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   ua   an,   fr.   10.00;  Union  postale,   fr.    13.00.   —ANNONCES  :    On  traite  à   forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Plndustrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


L'œuvre  de  génie.  —  Le  Salon  de  Gand.  —  Intkllectu alité. 
Matérialité.  —  Le  poète.  Essai  par  R.-W.  Hmerson  (Suite  et 
fin).  —  La  statue  de  Baudelaire.  —  Bibliographie  musicale.  — 
Chronique  judiciaire  des  arts.  —  -Mémento  des  expositions.  — 
Petit£l  chronique. 


L'Œuvre  de  génie 

«  Enfant,  j'ai  grandi  en  dehors  de  toute  autorité, 
dit  R.  "Wagner  dans  ses  Communications  à  ses  amis, 
sans  autres  éducateurs  que*^a  vie,  l'art  et  moi-même... 
Dans  notre  monde,  grâce  à  la  manie  d'éducation  qui 
sévit  à  l'excès,  l'imagination  inquiète  et  chercheuse^ 
t  esprit  mécontent  qui  médite  sans  cesse  du  nouveau 
ne  nous  échoit  plus  que  par  hasard...  Je  perdis  mon 
père  dès  l'âge  le  plus  tendre...  Sûre  de  n'être  point 
chassée,  la  Norne  se  glissa  à  mon  berceau  et  me  départit 
ce  don  qui  me  resta  toujours.  » 

Tel  fut,  suivant  lui-même,  l'élément  primordial  dans 
la  «  genèse  »  de  son  génie  créateur,  dans  l'engendrement 
de  son  moi. 

Son  adolescence  s'était  passée  à  Dresde  et  à  Leipzig, 
dans  l'atmosphère  de  fermentation  intellectuelle  et 
morale  qui  précéda  le  tourbillon  de  1830.  De  bonne 


heure,  son  âmé  impressionnable  fut  donc  envahie  de 
sensations  tumultueuses  et  diverses  et  elle  reçut  direc- 
tement leur  empreinte,  sans  que  personne  prît  souci  de 
l'en  défendre. 

Cependant,  de  tant  de  courants  contraires  qui  auraient 
pu  le  détourner  de  son  idéal,  aucun  ne  l'entraîna.  Sa 
loi  resta  toujours  la  réalisation  de  cet  idéal,  et  son  guide 
la  i*iaison  pure.  De  son  époque  il  ne  prit  que  la  fièvre 
révolutionnaire  pour  la  porter  dans  l'art  :  en  conflit 
perpétuel  avec  son  temps  et  son  milieu,  il  s'éleva  malgré 
eux,  —  preuve  vivante  que  les  plus  grands  artistes  n'en 
sont  pas  le  produit. 

R.  Wagner  paraît  donc  s'être  insurgé  contre  l'ordre 
établi  par  M.  Taine  dans  sa  Philosophie  de  VArt  (leçons 
professées  à  l'Ecole  des  Beaux- Arts  de  Paris).  On  sait 
que,  suivant  le  principe  posé  par  l'éminent  académicien, 
les  œuvres  d'art  doivent  être  considérées  comme  la  flore 
d'une  botanique  humaine  et  classées  d'après  les  climats, 
les  influences  de  milieux,  de  l'air  qu'ont  respiré  les 
artistes.  En  vérité,  il  élimine  de  ses  hardies  généralisa- 
tions l'architecture  et  la  musique  et,  comme  on  l'a  fait 
observer  dès  l'abord,  passe  entièrement  sous  silence, 
l'art  du  comédien,  de  l'exécutant  ou  de  l'interprète,  et 
les  arts  décoratifs  :  il  s'occupe  surtout  des  arts  d'imita- 
tion dits  plastiques,  déployant  toute  sa  virtuosité  de 
dialecticien  dans  une  étude  très  curieuse,  bien  qu'un 
peu  systématique  et  «  normalienne  »,  des  différentes 


314 


\ 


L'ART  MODERNE 


écoles  de  peinture.  C'est  que,  dans  le  développement  de 
sa  thèse,  il  a  dû  forcément  restreindre  son  point  de  vue, 
à  cause  de  l'auditoire  spécial  auquel  il  s'adressait; 
toutefois,  il  a  eu  soin  de  montrer  comment  et  avec  quelle 
restriction  dans  son  système  il  rattache  aux  arts  d'imi- 
tation les  arts  qui  n'imitent  pas. 

Nous  avouons  ne  partager  qu'à  demi  les  doctrines  de 
M.  Taine  en  ce  qui  concerne  l'éclosiondu  génie  artis- 
tique. Suivant  lui,  le  génie  serait  un  effet  total,  un  pro- 
duit palpable  «  comme  le  sucre  et  le  vitriol  ".  L'œuvre 
de  génie  germerait  dans  certain  cerveau,  dans  certaines 
circonstances,  comme  la  fleur  pousse  dans  certaines  con- 
ditions de  sol  et  de  climat;  ce  serait  une  végétation 
improvisée  par  le  hasard  «  des  concordances  et  des 
contrariétés  intérieures  ».  —  Ces  théories  se  fondent 
sur  une  assimilation  du  monde  matériel.  Elles  négligent 
le  premier  élément  du  drame  humain,  l'élément  per. 
sonnel,  la  liberté,  c'est-à-dire  l'élément  actif  qui  alimente 
l'énergie  créatrice,  qui  communique  aux  âmes  la  force, 
mais  aussi  qui  vient  déranger  parfois  «  les  plus  ingé- 
nieuses combinaisons  de  mécanique  morale  ».  Elles 
dépouillent  le  génie  de  sa  «  rationalité  »  et  lui  assignent 
une  fonction  purement  instinctive  Ou  «  végétale  »  ;  en 
cela  elles  semblent  démenties  par  le  fait  que  plusieurs 
poètes  ou  artistes  de  génie  —  R.  Wagner  notamment 
et  Shakespeare,  Gœthe,  Diderot,  Delacroix  —  ont  été 
en  même  temps  d'admirables  critiques. 

Certes,  il  y  a  des  analogies  et  même  des  liaisons  entre 
le  monde  physique  et  le  monde  moral;  il  existe  des 
rapports  entre  les  lois  de  l'acoustique  et  la  musique; 
mais  point  d'entière  solidarité!  M.  Taine  va  jusqu'à 
faire  une  application  à  Yidéal  dans  l'art  des  procédés 
d'investigation  naturalistes. 

Faut-il  rappeler  ici  que,  dans  son  petit  volume.  De 
r  idéal  dans  l'art  (Paris,  Germer-Baillière,  1867),  il  a 
donné  cette  explication  gram'maticale  du  mot  idéal? 
«  L'artiste  »,  dit-il,  «  doit  se  former  llidéedu  caractère 
essentiel  ou  saillant  que  l'œuvre  d'art  a  pour  but  de 
manifester;  et  d'après  son  idée  il  transforme  l'objet 
réel.  Cet  objet  ainsi  transformé  se  trouve  conforme  à 
l'idée,  en  d'autres  termes  idéal.  Ainsi  les  choses  pas- 
sent du  réel  à  l'idéal  lorsque  l'artiste  les  reproduit  en 
les  modifiant  d'après  son  idée » 

Cette  définition  semble  très  large  et  de  nature  à 
ouvrir  la  voie  à  l'arbitraire.  L'idéal  dans  l'art  nous 
paraît  plutôt  lié  à  une  idée  de  beauté  parfaite,  que 
l'esprit  peut  concevoir  indépendamment  du  réel,  qu'à 
l'idée  que  l'artiste  se  forme  du  caractère  à  manifester 
dans  son  œuvre  et  d'après  laquelle  il  transforme  le 
réel,  ^idéalité  est  une  notion  de  vérité  absolue,  conçue 
par  la  raison  pure,  exclusive,  contrairement  à  la  réalité 
qui,  elle,  est  perçue  à  l'aide  des  sens;  elle  est  encore 
opposée  à  la  réalité  en  ce  qu'elle  constitue  le  modèle 
intérieur  de  l'artiste,  du  poète,  surpassant  les  modèles 


off'erts  par  la  nature  ou  produits  par  la  main  de 
l'homme.  Il  y  a  là  comme  le  pressentiment,  ïidée  d'un 
assemblage  abstrait  de  perfections  auxquelles  l'on  ne 
peut  atteindre  complètement.  D'une  façon  absolue,  ce 
qui  est  idéal  n'existe  que  dans  l'imagination,  dans  Vidée 
si  l'on  veut.  Toutefois,  les  idéals  se  distinguent  des  chi- 
mères et  des  utopies  en  ce  qu'ils  sont  des  conceptions 
abstraites  de  la  raison  que  l'art  doit  chercher  à  réaliser, 
tandis  que  les  chimères  ou  les  utopies  sont  des  fan- 
taisies sans  raisons,  à  jamais  irréalisables;  celles-ci 
sont  sans  rapport  avec  la  création  artistique,  tandis  que 
la  tendance  vers  l'idéal,  l'idéalisme,  devrait  demeurer 
le  principe  et  la  fin  de  l'art. 

li Idéal  dans  l'art  est  d'essence  philosophique,  c'est- 
à-dire  entièrement  indépendant  àe  l'expérience  (défi- 
nition de  Reinhold).  Or,  le  savant  historien  de  la 
Littératwe  anglaise  prétend  l'étudier  «  en  naturaliste, 
suivant  son  habitude  » .  A  l'égard  d'une  chose  «  ulté- 
rieure à  la  nature  » ,  est-ce  là  une  suffisante  méthode 
d'investigation?  Sans  parler  dé  la  volonté,  de  l'état 
conscient  de  l'homme  placé  vis-à-vis  des  énergies  natu- 
relles, aveugles  et  inconscientes,  la  faculté  —  essentiel- 
lement humaine  —  de  sentir,  de  souffrir  et  d'aimer, 
Taptitude  à  pénétrer  par  la  sympathie  jusqu'à  l'âme 
même  des  choses,  semblent  devoir  dominer  l'esthétique. 
Les  esthéticiens  naturalistes  français  en  tiennent-ils 
suffisamment  compte  dans  leurs  déductions? 

J.  G.  F. 


LE  SALÔST^E  GAND 

Banal!  Banal!  Banal  de  plus  en  plus,  tel  apparaît  ce  Salon 
officiel  qui  s'aveulit  chaque  année.  Un  peintre  nous  disait  :  «  On 
n'expose  plus  là-dedans  que  parce  qu'on  a  des  chances  de  voir 
son  tableau  acheté  pour  le  Musée  moderne».  Et,  en  effet,  serait- 
il  vrai  que  les  fonctionnaires  routiniers  qui  meublent  nos  musées 
n'achètent  guère  que  des  œuvres  ayant  «  figuré  »  au  Salon? 
Serait-il  vrai  —  on  nous  l'a  assuré  —  qu'on  exerce,  au  moyen 
de  promesses  ou  de  refus  de  commandes,  des  pressions  auprès 
des  sculpteurs  pour  les  forcer  à  exposer  à  ces  exhibitions 
officielles  qui  croulent?  Nousn  ous  refusons  à  croire  à  des  machi- 
nations aussi  mesquines. 

Mais  le  Salon  de  Gand  est  un  amas  d'horreurs,  tout  simplement. 
Prêtres  paysages,  marines  de  groseille  ou  de  sucre  candi,  orien- 
tantes de  latagies  de  maisons  louches,  scènes  d'histoire  inspirées 
par  le  frigide  et  creux  académisme  des  Vander  Ouderaa  ou  des 
De  Vriendt,  portraits  français,  musqués,  peignés,  enjolivés,  et 
qu'on  dirait  peints  par  des  coiffeurs,  grandes  toiles  de  prix  de 
Rome,  natures  mortes  à  donner  des  nausées,  fleurettes  coloriées 
par  des  «  demoiselles  »  et  dignes  d'orner  des  pantoufles  d'épicier 
—  rien  ne  manque  à  cette  fête  du  Médiocre. 

Et  cela  dans  des  halls  froids  avec  des  toiles  plaquées  aux 
murailles  de  lajaçon  la  plus  irrationnelle,  la  plus  criante,  de 
manière  à  faire  hurler  le  plus  horrible  charivari  de  couleurs 
plates,  gueulardes  ou  salaces-  dont  puisse  souffrir  la  pupille 
humaine. 


^ 


On  sort  écœuré  d'une  pareille  manifestation  cl  l'on  se  demande 
si  l'on  autorisera  encore  longtemps  de  tels  foyers  d'infection 
annuels  au  cœur  de  nos  grandes  villes. 

Dans  ramoncellement  de  ces  horreurs  et  de  ces  choses  déjà 
vues  et  revues  et  toujours  recommencées,  quelques  noms 
font  lumière  :  Raffaëlli,  Rodin,  Meunier,  Frédéric,  Claus,  Schwartze, 
Baertsoen,  Degouve,  Carrière,  Wylsman. 

Rafifaëlli  est  toujours  pénétrant  et  brûlant  de  modernisme.  Que 
d'esprit  dans  ce  maigre  et  dénudé  paysage  de  banlieue,  avec  sa 
masure  délabrée,  son  herbe  avare,  et  cet  âne  si  seul  et  si  mélan- 
colique dans  celte  âpre  misère!  C'est  de  la  peinture  écrite,  d'un 
humoriste  terriblement  réaliste  et  grattant  l'existence  humaine 
,  d'un  impitoyable  crochet  qui  en  fait  jailler,  que  piltoresquemenl  ! 
des  dessous  sinistres.  Ainsi,  quelle  merveille  d'observation  que 
ces  deux  «  prévenus  »  loqueteux,  la  crotte  et  la  puanteur  des 
barrières  sur  leur  visage  de  tristes  sires,  vagabonds  dange- 
reux des  banlieues  et  apportant  un  peu  de  l'apparence  des  fa^uves 
dans  leurs  dégaines  de  rôdeurs!  Que  de  piquant  en  cette  rose 
boulotte  de  café-concert,  avec  son  allure  de  «  grosse  femme  »  de 
foire  et  dont  les  biceps  sont  ornés  d'un  paquet  de  graisse  et  de 
bijoux  d'un  goût,  de  saltimbanque  !  Tout  cela,  c'est  de  la  vie,  de 
la  vraie  vie,  vue  par  un  œil  original  et  griffée  par  une  main 
maligne  et  experte  qui  sait  rendre  et  caractériser  le^^^aysages 
malingres  et  les  noirs  prolétaires. 

Constantin  Meunier  enfume  de  la  suie  noire  du  Borinage  deux 
paysages  superbes,  d'une  couleur  concentrée  et  forte,  et  l'on 
voit  les  cheminées  des  charbonnages  se  dresser,  pareilles  à  des 
obélisques,  au-dessus  des  terris  et  des  cinabres  attristés  des  mai- 
sonnettes de  bouilleurs.  Çà  et  là,  dans  la  désolation  funèbre  de 
ces  industries  roulant  les  volutes  de  leurs  fumées,  un  peu  d'herbe 
émeraude  la  sombreur  du  panorama.  Des  mineurs  dévalent  par 
un  chemin  sans  joie  —  manants  de  celle  féodalité  dont  les  don- 
jons impitoyables  s'élèvent  auprès  des  masures  peinturlurées  de 
bleu  criard.  Cet  art  profond  et  admirable  rend-il  bien  l'âme  de 
ce  pays  industriel!  D'autres  œuvres  de  Meunier,  dont  il  a  déjà 
été  parlé  ici  :  un  Christ,  bronze  d'un  sentiment  sublime  de 
douleur  et  de  pitié,  —  un  haul-relief  digne  d'orner  la  colonne 
Trajane,  —  une  réducslion  du  Grisou  complètent  l'exposition  de 
notre  grand  peintre-sculpteur. 

Voilà  un  buste  de  Puvis  de  Chavanncs,  signé  Rodin,  d'un 
beau  caractère,  et  puis  un  tableau  :  Maternité,  de  Carrière, 
d'un  suave  sentiment,  d'une  douceur  blanche,  un  peu  maladive, 
dans  sa  pénombre  riche  et  rembranesque  où  les  chairs  devien- 
nent diaphanes  et  subtiles. 

Il  faut,  d'ailleurs,  pour  trouver  ces  œuvres  de  valeur,  dans  ce 
déluge  de  mauvaise  huile,  dans  ce  dédale  d'étalages  de  croûtes 
hargneuses,  prélenlieuses  ou  sottes,  subir  tant  d'insultes  au  goût 
qui  jaillissent  des  cadres  —  petits  et  grands  —  affichés  aux  murs 
protégés  par  l'Etat  qu'on  éprouve  presque  un  sentiment  de 
colère  à  voir  ces  choses  intéressantes  en  si  mauvaise  compagnie 
et  qu'on  souhaiterait  les  voir  refusées^mpitoyablement  ! 

Voici  le  Voile. de  Véronique  A&  Léon  Frédéric,  au  sujet  duquel 
nous  avons  fait,  ici-même,  un  élogieux  compte  rendu.  Le  triptyque, 
flanqué  de  ses  volets,  est  complet  maintenant.  Les  volets  n'ont 
pas  la  haute  poésie  du  panneau  central,  mais  les  lignes  en  sont 
harmonieuses,  l'idée  —  surtout  celle  de  la  Vierge  ^—  très  noble, 
et  n'était  la  couleur,  criarde  par  places,  l'œuvre  serait  d'un  très 
doux  angélisme. 

M"«  Thérèse  Schwarlze  expose  des  portraits  d'enfant  d'une  cou- 


leur opulente  et  savoureuse  et  qui  constituent  une  rude  leçon 
pour  les  prétendus  brosseurs  de  «  belle  peinture  »  qui  encombrent 
de  leurs  crayeux  produits  ou  de  leurs  emplâlrements  vulgaires 
les  salles  de  Gand.  C'est  charmant  et  aristocratique,  celte  œuyre 
'de  M""  Schwarlze,  et  elle-même  se  distingue  comme  une  élégante 
élève  de  Murillo  et  de  Van  Dyck. 

Plus  loin,  un  intérieur  de  Hubert  Vos,  très  en  progrès,  — 
d'une  intimité  et  d'un  pittoresque  rappelant  Xavier  Mellery,  .— 
un  lumineux  Emile  Claus,  aux  clartés  rouges  et  vertes  des  prairies 
flamandes  semées  de  maisonnettes  par  les  beaux  jours  d'été,  ■;— 
des  Baertsoen  largement  peints,  d'un  décor  puissant  avec  de 
robustes  recherches  de  lumière,  —  des  De  Gouve  de  Nuncques 
très  particuliers  :  une  âme  de  gothique  ressuscitée  dans  un  art 
timide  et  virginal,  blottie  en  une  mélancolie  pleine  de  charme  et 
de  poésie,  très  fine,  en  somme,  et  annonçant' une  carrière 
curieuse. 

Il  y  a  encore  bien  des  œuvres  «  dont  on  parle  »  en  ce  Salon. 
Ainsi  le  Bonnat:  le  portrait  d'un  Renan  constipé, — le  de  Lalaing  : 
un  portrait  de  Tesch,  farineux,  dur,  à  mauvaises  touches  carrées, 
et  antipathique,  —  les  Alfred  Stevens  qu'on  a  placés  à  proximité 
de  Raffaëli  comme  pour  en  faire  ressortir  davantage,  grâce  à  ce 
voisinage,  le  manque  d'esprit  et  de  modernité.  Enfin,  la  grande 
toile  de  M.  Van  Aise  :  Jacob  Van  Artevelde.  Peinture  immense, 
froide,  malgré  le  coloris  ordinairement  assez  puissant  d'un  artiste 
qui  a  étudié  l'art  des  Velasquez  et  des  Rubens.  Ce  genre  de  pein- 
ture historique,  ressemblant  fort  à  celui  que  Woulers  adopta  pour 
i'hûlel  de  ville  de  Bruxelles,  est  condamnable.  Les  persoilnages 
sont  figés  en  des  attitudes  théâtrales  de  pose  convenue  et  quel- 
ques morceaux  çà  et  là  bien  enlevés  et  décelant  un  beau  coloriste 
ne  suffisent  à  insuffler  de  la  vie  à  cette  composition  qui  paraît 
être  la  fin  du  premier  acte  d'un  drame  joué  à  un  théâtre  bien 
monté  en  costunfies. 

Enfin,  parmi  lès  sculpteurs  se  distinguent  encore  :  M.  Lagae, 
avec  un-  buste  d'un  sentiment  calme  et  reposé,  et  51.  Gaspar  dont 
l'œuvre,  d'une  passion  triste  et  élégante,  requiert  par  sa  chasteté 
de  lignes  et  ses  formes  d'une  adolescence  gracieuse  et  poétique. 


INTBLLECTUALITÉ.  —  MATÉRIALITÉ 

Voici  que  deux  hommes  sérieux  attaquent  les  jeunes  en  leur 
reprochant  deux  choses  opposées.  M.Eugène  Samuel  leur  reproche, 
dans  l'Art  mo^me,  leur  trop  grande  dose  d'académie  et 
M.  Albert  Giraud,  dans  la  Jeune  Belgique,  leur  manque  de 
notions  acquises,  de  grammaire. 

Et  ils  ont  raison  tous  les  deux.  Que  faire  ?      , 

Commençons  par  nous  mettre  avec  les  jeunes  entre  les  deux 
feux.  J'en  connais  qui  ne  veulent  rien  lire,  rien  voir,  rien  relire 
de  ce  qu'ils  ont  écrit  eux-mêmes,  pour  ne  rien  perdre  de  celte 
personnalité  dont  ils  sont  respectueux.  J'en  sais  aussi  qui,  cher- 
chant cette  personnalité,  essaient  de  connaître  les  efforts  de 
l'homme  à  tous  les  âges  ;  espérant  ajouter  quelque  chose  à  cet 
amas  de  pensées,  ils  cherchent  par  les  contrastes  à  voir  ce  qu 
n'est  pas  eux  dans  le  fouillis  des  choses  déjà  trouvées. 

Peut-être  ont-ils  tous  deux  raison.  Et  mon  docte  «pensement» 
en  ces  matières  est  ceci  : 

J'ai  la  ferme  conviction  que  notre  temps  marche  vers  une 
morale,  un  art,  un  droit,  une  science  qui  ne  couperont  plus 
l'homme  en  deux,  —  corps  de-ci,  âme  de-là,  —  mais  qui  recon- 
naîtront l'unité  humaine,  corps  et  âme,  absolument  indissoluble; 


qui  reconnaîtront  que  l'être  humain  n'agit  sainement,  fortement, 
humainement  que  quand  il  agit  avec  son  être  entier  ;  qui  recon- 
naîtront que  l'amour  platonique  et  les  enthousiasmes  intellectuels 
servis  sur  un  plat  à  pai;l  sont  aussi  faux,  aussi  inhumains  que  la 
sensualité  brutale  ou  les  admirations  hystériques. 

Une  chose  tne  prouve  que  cette  conviction  grandit  lentement 
parmi  nous  :  c'est  l'espèce  de  défiance  ou  de  répugnance  instinc- 
tive que  nous  avons  tous  pour  tout  ce  qui  ne  s'adresse  qu'à  une 
partie  de  nous-méme.  —  Voyez  M.  Samuel  reprochant  à  Benoit 
ses  «  décors  »  et  M.  Giraud  reprochant  aux  jeunes  leur  mépris  de 
la  forme!  Benoit,  Gilson  et  les  jeunes  ont  péché  de  là  même 
façon  en  tombant  dans  des  erreurs  opposées.  —  Les  uns  (je  parle 
d'après  Samuel)  se  seraient  peu  préoccupés  de  l'âme  des  choses, 
les  autres  auraient  négligé  le  corps,  la  matière  de  leur  art;  ils  ont 
tous  deux  coupé  l'homme  en  deux. 

Et  ceux  qui  les  aposti^ophent  si  rudement  n'ont  pas  tort.  Une 
observation  seulement  k  M.  Samuel.  Est-il  bien  certain  que 
l'admiration  pour  un  beau  poème  soit  une  garantie  de  l'éclosion 
d'une  œuvre  d'art  ?  Et  ne  tombe-t-il  pas  dans  une  funeste  erreur 
en  ne  s'intéressant  qu'à  l'art  dont  le  côté  intellectuel  l'intéresse? 

Ces  censeurs  ont  donc  raison Mais  ils  sont  si  durs  qu'ils 

réveillent  tous  mes  instincts  de  protestation. 
"^Et  d'abord,  pour  ceux  dont  l'art  n'est  que  «  décor  »,  —  comme 
l'art  de  Rubens,  de  Mozart,  voire  de  Rembrandt,  de  Brahms  qui 
fait  un  principe  de  cette  «extériorité», — n'oublions  pas  que  si  une 
petite  partie  de  l'humanilé  est  parvenue  à  se  purger  de  sa  gros 
sièrelé  et  à  secouer  le  gouvernement  trop  absolu  du  corps,  la 
grande  majorité,  au  contraire,  obéit  encore  à  ce  gouvernemcnt-là 
et  celte  majorité  doit  avoir  ses  interprètes  dans  l'art.  Tout  ce  qui 
est  vie  est  du  domaine  de  l'art  et  si  l'enveloppe  seule  des  choses 
m'émeut  fortement,  je  puis  faire  une  œuvre  éternelle  en  rendant 
cette  émotion.  —  Je  n'aime  pas  les  cochons;  mais  si  je  les  aimais 
à  lafolie,  pourquoi  ne  ferais-je  pas  une  oeuvre  d'art  intense  en  pei- 
gnant un  beau  cochon  féroce  ou  une  scène  de  famille  de  cochons  ? 

Respectons  l'esprit,  mais  respectons  aussi  la  matière,  et  quand 
nous  ne  pouvons  fondre  ces  deux  choses,  attendons  religieusement 
que  cet  accouplement  s'accomplisse,  laissons-les  se  manifester 
séparément,  c'est  leur  droit.  .  ^ 

Quant  à  ceux  qui  méprisent  ta  formcj  lés  grammaires  et  les 
acadénîfès  où  sont  entassés,  comme  en  des  cimetières,  les  travaux 
de  nos  devanciers,  je  dirai  :  «  N'ayez  pas  peur  de  perdre  voire 
personnalité  ;  au  millieu  de  ces  choses  mortes  vQus  la  retrouverez 
plus  vivante  et  les  académies  ne  sont  pas  si  fossilifiantes  qu'on 
n'y  retrouve  encore  parfois  un  être  qui  ait  une  âme  et  un  peu  d'art 
dedans.  Mais  j'aimerais  mieux  pour  vous  que  cet  être  ne  s'y 
trouvât  pas  et  tiue  ces  trésors  du  passé  restassent  morts  et  secs 
jusqu'à  ce  que  vous-même  vous  découvriez  leur  vie,  l'intérêt 
qu'ils  peuvent  avoir  pour  votis.  Je  voudrais  que  les  conservatoii-es 
soient  davantage  ce  que  sont  les  bibliothèques  et  les  arsenaux, 
des  magasins  df'armes  et  de  moyens  à  pouvoir  piller  librement  ». 
Je  dirai  encore  à  ces  jeunes:  «Vivez,  devenez  vieux,  et  en 
donnant  à  d'autres  ce  que  vous  auref  trouvé,  vous  aussi  vous 
sentirez  le  besoin  de  vous  grandir  en  montant  sur  les  travaux 
amassés  par  de  plus  anciens».  Et  je  demanderai  aux  censeurs 
d'être  bons  pour  ces  ardents  qui  n'ont  encore  eu  le  temps  de  voir 
qu'un  côté  de  l'homme  .et- de  l'art  et  qui,  entre  la  forme  et  la 
pensée,  entre  le  corps  et  l'âme,  ont  choisi  ce  qu'ils  ont  cru  être 
la  plus  belle,  la  plus  noble  part. 

.     1.  WiLL. 


LE  POÈTE 


(i) 


(Traduction   inédite.) 

Je  cherche  en  vain  le  poêleque  je  décris.  Nous  ne  nous  adres- 
sons pas^  assez  simplement  ni  assez  profondément  à  la  vie  et  nous 
ne  chantons  pas  assez  noire  temps  et  nos  propres  aventurés.  Si 
nos  jours  étaient  remplis  de  bravoure  et  d'héroïsme,  nous  ne  nous 
abstiendrions  pas  de  les  chanter. 

Le  Temps  et  la  Nature  nous  apportent  bien  des  choses,  nnàis  ils 
ne  nous  ont  pas  encore  donné  l'homme  du  temps,  la  nouvelle  re- 
ligion, le  réconciliateur  que  tout  attend.  La  grandeur  du  Dante 
c'est  qu'il  osa  écrire  son  autobiographie  en  lettres  gigantesques. 

Nous  n'avons  pas  encore  eu,  en  Amérique,  de  génie  à  l'œil  ty- 
ranique,  qui  connût  la  valeur  de  nos  incomparables  éléments  et 
qui  vît,  dans  la  barbarie  et  le  matérialisme  du  temps,  le  travestis- 
sement des  mêmes  dieux  qu'il  admire  tant  dans  Homère,  puis 
dans  le  moyen-âge,  puis  dans  le  calvinisme  et  ainsi  de  suite.  Les 
banques  et  les  tarifs,  les  journaux,  le  méthodisme  et  l'unitairia- 
nisme  sont  des  choses  banales  et  insipides  pour  des  gens  banals 
et  insipides,  mais  elles  ont  le  même  intérêt  merveilleux  que  la 
ville  de  Troie  et  le  temple  de  Delphes  —  et  elles  s'évanouiront 
aussi  vite. 

On  n'a  pas  encore  chanté  nos  cabines  de  bois,  nos  nègres,  nos 
Indiens,  nos  vaisseaux,  la  colère  des  gredins,  la  pusillanimité 
des  honnêtes  gens,  le  commerce  du  Nord,  les  plantations  du  Sud, 
le  défrichement  de  l'Ouest,  ni  l'Orégon  et  le  Texas.  Et  cependant 
TAmérique  est  un  poème  à  nos  yeuX.  Son  ample  géographie  nous 
éblouit  et  n'attendra  pas  longtemps  des  rimeur^.  Si  je  n'ai  pas 
trouvé  dans  mes  compatriotes  cette  parfaite  combinaison  de  dons 
que  je  cherche,  je  ne  l'ai  pas  trouvée  non  plus  dans  la  collec- 
tion des  poètes  anglais  depuis  cinq  cents  ans.  Ce  sont  plutôt  des 
hommes  d'esprit  que  des  poètes,  bien  qu'il  y  ait  eu  des  poètes 
parmi  eux.  Mais  quand  on  songe  à  l'idéal  du  poète,  on  trouve  à 
redire  à  Milton  et  à  Homère  eux-mêmes.  Milton  est  trop  littéraire 
et  Homère  est  trop  littéral  et  trop  historique. 

Mais  je  ne  suis  pas  assez  compétent  pour  ces  critiques  particu- 
lières, et  je  veux  rentrer  dans  les  iàéeà  générales  pour  m'acquit- 
ter  du  message  dont  la  muse  m'a  chargé  pour  le  poète,  concer- 
nant son  art. 

L'art, c'estlavoiedu  créateurà  son  œuvre;  cette  voie  ou  cette  mé- 
thode, ces  sentiers  multiples  qui  relient  entre  eux  ces  deux  termes, 
sont  idéats  et  éternels  ;  peu  d'hommes  les  connaissent  cependant, 
l'artiste  pas  plus  que  les  autres,  pendant  bien  des  années  souvent, 
et  parfois  pendant  toute  sa  vie,  à  moins  qu'il  n'arrive  à  être  dans 
les  conditions  voulues.  Le  peintre,  le  sculpteur,  le  compositeur, 
le  rapsode,  l'orateur  n'ont  tous  qu'un  désir,  c'est' de  s'exprimer 
symétriquement  et  abondamment,  non  d'une  façon  mesquine  et 
fragmentée.  Ils  ont  trouvé,  ou  ils  se  sont  mis  dans  certaines  cir- 
constances, ou  devant  certaines  choses  qui  excitaient  leur  intelli- 
gence, comme  des  figures  humaines  impressionnantes,  une  assem- 
blée populaire,  ou  un  morceau  de  nature;  et  aussitôt  ils  ont  senti 
un  nouveau  désir.  L'artiste  a  entendu  une  voix,  une  invitation. 
Alors  il  s'aperçoit  avec  élonnement  qu'if  abritait  en  lui  une 
horde  de  démons  qui  le  retiennent.  , 

(1)  Suite  et  fin.  Voir  les  n<"  des  21  et  28  août  et  des  H,  18  et 
25  septembre  1892.  . 


VART  MODERNE 


317 


Il  n'a  plus  de  repos  ;  il  dit  avec  le  vieux  peintre  :  «  Par  Dieu  ! 
c'est  en  moi  et  cela  en  sortira!  »  Il  poursuit  une  beaulé  à  demi 
entrevue  qui  fuit  devant  lui.  Ses  moindres  moments  de  solitude 
sont  remplis  par  ce  rêve.  Les  vers  ainsi  inspirés  au  poète  sont 
d'abord  conventionnels,  puis,  peu  à  peu,  ils  deviennent  originaux 
et  superbes. 

Le  poète  est  sous  le  charme.  Il  voudrait  ne  jamais  parler  autre- 
ment. Si  dans  le  langage  oi'dinaire  il  peut  distinguer  «  le  tien  et 
le  mien  »,  ici  il  dislingue  aussi  que  ce  langage  ne  lui  appartient 
pas,  il  lui  paraît  aussi  étrange  et  aussi  splendide  qu'à  vous,  il 
voudrait  toujours  l'entendre. 

Après  avoir  goûlé  de  cette  immortelle  liqueur,  il  ne  peut  plus 
assez  s'en  rassasier,  et  comme  il  y  a  dans  ces  compréhensions  un 
admirable  pouvoir  créateur,  il  est  de  la  dernière  importance 
qu'elles  soient  exprimées.  Combien  peu  dece  quenous  savons  est 
exprimé!  Combien  de  gouttes  de  noire  océan  de  sciences  sont  em: 
magasinées,  et  h  quels  accidents  celles-ci  doivent-elles  d'avoir  vu 
le  jour,  quand  tant  de  secrets  dorment  encore  dans  le  sein  de  la 
nature?  Voilà  d'où  vient  là  nécessité  de  la  parole,  du  chant  ;  voilà 
d'où  vient  l'émoi  de  l'orateur  à  la  porte  de  l'assemblée,  afin  qu'à 
travers  la  parole,  Aôyof,  jaillisse  la  pensée. 

Ne  doute  pas,  ô  poète,  mais  persiste.  Dis  :  c'est  en  moi,  et  cela 
en  doit  sortir.  Resté  là,  bégayant  el  balbutiant,  sifflé  et  maudit, 
lutte  et  travaille  jusqu'à  ce  que,  à  la  fin,  la  rage  fasse  sortir  de 
toi  ce  pouvoir  du  rêve  qui  chaque  nuit  se  révèle  comme  lien  ; 
pouvoir  qui  dépasse  les  limites  des  choses  les  plus  intimes  et  les 
plus  secrètes,  et  par  la  vertu  duquel  lu  deviens  le  conducteur  d'un 
neuve  d'électricité.  Rien  de  ce  qui  marche,  rampe,  croît  ou  existe 
ne  peut  se  refuser  à  le  servir  pour  exprimer  ta  pensée.  Si  l'homme 
atteint  ce  pouvoir,  son  génie  est  inépuisable.  Toutes  les  créatures 
sont  jetées  dans  son  esprit  par  paires,  par  tribus,  par  espèceSj 
comme  dans  l'arche  de  Noé,  pour  venir  peupler  un  nouveau 
monde.  Tout  ce  qui  existe  doit  pouvoir  être  absorbé  par  sa  pen- 
sée, comme  nous  avons  toute  l'atmosphère  pour  respirer  si  nous 
voulons.  C'est  pourquoi  le  génie  des  poètes  comme  Homère, 
Chaucer,  Shakespeare,  Raphaël,  n'est  borné  que  par  la  durée  de 
leur  vie  et  qu'ils  sOnt  comme  des  miroirs  qui  peuvent  rendre  tout 
ce  qui  existe. 

0  poète!  une  nouvelle  noblesse  est  conférée  aux  fermes  el  aux 
pâturages;  les  châteaux  et  les  épées  ont  fait  leur  temps.  Les  con- 
ditions sont  dures  mais  égales.  Tu  quitteras  le  monde  el  tu  ne 
connaîtra  pas  la  muse;  tu  ne  connaîtras  plus  le  temps,  les  coutu- 
mes, les  grâces,  ni  la  politique,  ni  les  opinions  des  hommes,  tu 
ne  connaîtras  plus  que^la  muse.  Car  l'heure  dernière  des  villes 
a  sonné  au  glas  universel,  mais  dans  la  nature  les  heures  sont 
comptées  par  des  successions  de  tribus  d'animaux  et  de  plantes, 
et  par  des  joies  enfantant  d'autres  joies. 

Le  Dieu  veut  aussi  que  lu  renonces  à  une  vie  double,  multiple, 
éparpillée  et  mensongère  et  que  lu  laisses  les  autres  parler  pour 
toi.  D'autres  seront  pour  loi  hpmmcs  du  monde  el  représenteront 
pour  toi  la  vie  courtoise  et  mondaine;  d'autres  aussi  feront  pour 
loi  des  actions  d'éclal.  Pour  loi,  lu  le  tiendras  caché  dans  la  na- 
ture el  tu  n'auras  pas  le  temps  de  te  montrer  à  la  Bourse  ou  au 
Capitole.  Le  monde  est  plein  de  sacrifices  el  d'apprentissages,  el 
voici  le  lien  :  lu  passeras  longtemps  pour  un  fou  et  un  butor  mi- 
santhrope. C'est  l'écran,  l'abri  protecteur  que  Pan  étend  sur 
ses  enfants  de  prédilection  ;  lu  ne  seras  connu  que  des  liens,  et 
ils  te  consoleront  par  l'amour  le  plus  tendre.  El  lu  n'oseraç  pas 
prononcer  le  nom  de   les  amis  dans  les  ters,  par  une  sorlje  de 


honte  envers  l'Idéal  infini.  El  voici  quelle  sera  ta  récoiftperise  : 
C'est  que  l'idéal  deviendra  réel  pour  toi  el  que  les  impressions 
du  monde  actuel  tomberont  autour  de  toi,  nombreuses,  mais  sans 
troubler  ion  invulnérable  essence.  La  terre  entière  sera  ton  parc 
el  ton  domaine,  la  mer  sera  ti  loi  sans  taxe  et  sans  .susciter  d'en- 
vie; lu  posséderas  les  forêts  et  les  fleuves;  tu  posséderas  tout  ce 
dont  les  autres  ne  sont  que  les  occupants  et  les  locataires.  Vrai 
seigneur  de  l'eau,  de  la  terre,  de  l'air,  partout  oii  tombe  de  la 
neige,  parloill  où  coule  de  l'eau,  partout  où  volent  des  oiseaux, 
là  où  le  jour  et  la  nuit  s'unissent  dans  le  crépuscule,  là  où  le  ciel 
bleu  est  semé  de  nuages  et  d'étoiles,  là  où  il  y  a  des  formes  aux 
contours  transparents,  partout  où  il  y  a  une  échappée  sur  l'espace 
céleste,  partout  où  il  y  a  danger,  terreur,  amour,  là  il  y  a  du 
Beau  répandu  pour  toi  en  pluie  abondante,  et,  dûsses-tu  traver- 
ser le  monde  entier,  lu  ne  parviendrais  pas  à  trouver  une  chose 
inopportune  ou  ignoble. 


FIN 


R.-W.  Emerson 


LA  STATUE  DE  BAUDELAIRE 

Il  se  fait  beaucoup  de  bruit  en  ce  moment,  dans  le  monde 
littéraire,  autour  de  la  statue  à  peine  projetée  de  Baudelaire.  C'est 
M.  Brunelière  qui  en  est  cause. 

Je  déclare  en  toute  franchise  que  je  m'explique  mal  l'animosilé 
dont  M.  Brunelière  poursuit  Baudelaire. 

Baudelaire  est  un  grand  poète,  un  pur  artiste  que  Barbey  d'Au- 
revilly, après  tant,  tant  d'autres,  a  encensé  comme  il  savait  le 
faire,  quand  il  voulait  donner  à  quelqu'un  l'ivresse  de  la  gloire. 

Et  RI.  Brunelière  n'est  qu'un  critique  pédant,  à  qui  il  a  plu  de 
se  faire  une  originalité  en  empruntant  à  la  langue  du  xvi«  siècle 
ce  qu'elle  avait  encore  de  raboteux. 

J'entends  bien  que  M.  Brunelière  s'élève  contre  la  statue  de 
Baudelaire,  au  nom  de  la  morale  offensée. 

Encore  conviendrait-il  de  préciser  en  q.uoi  Baudelaire  est 
immoral. 

J'ai  lu  les  Fleurs  du  Mal  cour  la  première  fois,  à  un  âge  où 
les  images  de  la  volupté  allumant  aisément  le  sang. 

Mais  je  me  souviens  fort  bien  que  la  très  subtile  analyse  des 
voluplés  si  vaines,  si  lamenlablement  inhabiles  à  apaiser  notre 
soif  du  bonheur,  qui  est  dans  les  Fleurs  du  Mal,  me  confirma 
pour  un  temps  dans  la  volonté  de  ne  m'en  tenir  qu'aux  joies 
immatérielles  de  la  pensée. 

Je  veux  bien  que  mon  cas  soit  exceptionnel  el  je  ne  conseille 
pas  aux  jeunes  gens  la  lecture  des  Fleurs  du  Mal  pour  se  forti- 
fier dans  la  vertu.  Mais  il  y  a  dans  celle  œuvre  du  poète  et  dans 
toutes  ses  œuvres  une  telle  perfection  d'art,  qu'à  le  lire  une  âme 
droite  et,  éprise  du  Beau  ne  peut  éprouver  d'autre  dominante 
émotion  qu'un  redoublement  de  ferveurs  pour  l'Idéal. 

Beaudelaire  fut  un  très  grand  artiste.  Il  a  laissé  l'œuvre  poé- 
tique la  plus  impeccablement  parfaite  de  ce  siècle  fertile  en 
poètes  de  premier  ordre. 

Mais  la  vie,  et  ses  bassesses  et  ses  infamies  et  ses  décevantes 
illusions,  lui  parut  toujours  une  farce  amère. 

Il  s'en  vengea  par  un  dédain  de  demi-dieu  pour  les  hommes  au 
milieu  desquels  il  lui  fallait  vivre,  et  il  pratiqua  envers  ses  répu- 
gnants semblables  les  plus  méprisantes  mystifications. 

Une  nuit,  vers  deux  heures,  comme  il  rentrait  chez  lui,  Bau* 


delaire  entendit  dans  l'escalier  un  bruit  bizarre.  On  eût  dit  d'une 
porte  que  l'on  essayait  de  forcer. 

Retenant  son  souffle  et  marcbant  lentement  sur  la  poiole  des 
pieds,  Baudelaire  arriva  sans  bruit  au  cinquième  élage.  Il  distin- 
gua alors,  dans  l'obscurité,  un  individu  qui  s'escrimait  contre  la 
serrure  de  la  porte  de  sa  chambre. 

Baudelaire  aborda  le  malfaiteur  et  lui  dit,  de  sa  voix  lente  et 
solennelle,  avec  afféterie  : 

—  Monsieur,  permettez-moi;  quoique  je  n'aie  point  l'honneur 
de  vous  connaître,  de  vous  présenter  quelques  observations... 

Abasourdi,  le  voleur  se  retourna,  les  yeux  écarquillés. 
Baudelaire  continua  : 

—  La  pince-monseigneur,  vous  ne  l'ignorez  pas,  a  été  donnée 
au  travailleur  pour  l'aider  à  réparer  les  injustices  sociales.  C'es^ 
un  don  de  la  Providence,  dont  vous  mésusez  singulièrement, 
Monsieur...  Aussi  j'estime  qu'il  est  démon  devoir  de  vous  donner 
une  leçon  de  choses... 

Baudelaire,  ensuite,  prit  doucement  la  pince-monseigneur. 

—  OCi  attaquez-vous  la  porte?  dit-il  en  haussant  les  épaules. 
Précisément  à  l'endroit  où  le  maximum  d'effûrtsproduit.le^mini- 
mum.d'efiFel.  Vous  êtes  jeune.  Monsieur,  et  inexpérimenté. 
Regardez-moi  travailler. 

Avec  gravité,  Baudelaire  s'escrima  à  son  tour  contre  la  porte  de 
sa  chambre.  Le  hasard  voulut  qu'il  l'ouvrit  presque  aussitôt. 

—  Ce  n'est  pas  plus  difficile  que  ça  !  ajouta-t-il  d'un  air  dégagé, 
en  remettant  cérémonieusement  la  pince-monseigneur  au  voleur, 
toujours  muet,  qu'il  reconduisit  jusqu'à  la  porte  de  la  rue,  après 
avoir  demandé  au  concierge  : 

-^  Cordon,  s'il  vous  plaît  ! 
.  Evidemment,  l'écrivain  capable'  de  s'amuser  de  la  sorte  aux 
dépens  d'un  voleur,  manque  de  celle  gravité  qui  tient  lieu  de 
mérite  chez  M.  Buloz  et  à  l'Académie. 

Je  comprends  qu'il  scandalise  les  patauds  universitaires  dont 
l'âme  desséchée  n'a  jamais  connu  les  angoisses  de  douter  et 
de  firissonner  d'épouvante  à  la  pensée  des  possibles  damnations 
où  peut  nous  précipiter  la  puissance  du  Péché. 

L'àme  douloureuse  de  Baudelaire  s'est  débattue  dans  ces  affres 
mortelles. 

La  sympathie  qui  porte  de  jeunes  écrivains,  en  proie  souvent 
à  la  même  agonie,  à  perpétuer  la  mémoire  de  cet  affamé  des 
Paradis  impossibles  estun  sentiment  louable. 

Il  est  bien,  quoi  qa'en  puissent  dire  nos  puritains  gourmés, 
que  le  ciseau  de  Rodin  fasse  revivre  la  figure  sardonique  et  dédai- 
gneuse de  Baudelaire. 

(La  Libre  Parole.)         ,  Félicien  Pascal. 


BIBLIOGRAPHIE  MUSICALE 

M.  A.-C.  Mackenzie  est  l'un  des  compositeurs  les  plus  féconds 
de  l'Angleterre,  et  sa  réputation  est  solidement  établie  par  delà  la 
Manche.  Il  est  l'auteur  d'un  oratorio,  The  rose  of  Sharon,  de  deux 
opéras  :  The  Troubadour  et  Colomba,_  de  deux  cantates,  parmi 
lesquelles  The  Story  of  Sayid  et  Jason  ont  été  particulièrement 
remarquées,  d'un  concerto  pour  violon  avec  accompagnement 
d'orchestre,  de  nombreuses  mélodies  et  pièces  pour  piano,  pour 
violon,  pour  orgue,'  etc.  Sa  Rhapsodie  écossaise  (op.  21),  pour 
orchesjtre,  publiée  par  MM.  Novello,  Ewer  et  €•%  décèle  plus  de 
facilité  d'écriture  que  d'originalité.  L'allégro  mendelssohnien  qui 


ouvre  le  morceau,  ïadagio  relié  au  final  par  un  récitatif  n'on 
rien  de  saillant.  Seul  ce  final,  bâti  sur  des  thèmes  populaires,  est 
d'un  rythme  amusant.  11  a  de  la  vie,  du  mouvement,  et  les  fré- 
quentes altérations  de   tonalité,  spéciales  aux  danses  4h;ossaises, 
lui  donnent  une  saveur  piquante. 

The  forest  of  Arden  (Intermezzo  et  Tantarra),  de  M.  Henry 
Gadsbv,  est  plus  faible.  La  première  partie.  An  aulumn  morning, 
est  une  grisaille  pn  la  mineur  dont  le  motif^est,  sans  motif  plau- 
sible, répété  deux  fois  de  suite  et  dont  l'intérêt  languit;  la 
seconde,,  The  hunl  is  up,  naturellement  en  mi  majeur,  est  plus 
gaie,  mais  ne  s'élève  pas  an-dessus  de  la  banalité  de  toutes  les 
«  chasses  »  qui  ont  été  écrites  depuis  celle  du  Roi  Henri. 

Nous  retrouvons  M,  Mackenzie  dans  un  ouvrage  assez  impor- 
tait récemment  exécuté  au  Lyceum  Théâtre  :  Ravenswood,  musi- 
que dé  scène  pour  le  drame  de  M.  Herman  Marivale.  Un  prélude 
et  trois  entr'actes.  Hum  !  Comme  la  Rhapsodie  écossaise,  cela 
manque  essentiellement  de  personnalité.  Les  écoles  allemande  et 
italienne  fraternisent  parmi  les  unissons  à  effet,  les  trémolos  de 
violons,  les  accompagnements  martelés  en  triolets.  C'est  d'un  1850 
à  faire  peur.  Possible  qu'avec  Irving  sur  les  planches,  cela  fasse 
une  autre  impression.  Mais  lorsqu'on  n'a  devant  soi  qûë  l'Erard 
sur  lequel  on  joue  la  réduction  de  M.  Battyson  Haynes,  c'est  d'un 
attrait  contestable. 

Une  mention,  sans  plus,  à  Ivanhoe,  marche  héroïque  de 
M.  Alfred -J.  Dye,  et  à  la  suite  tirée  du  Henry  VIII  de 
M.  Edward  German,  joué  au  même  Lyceum  l'hiver  dernier  :  une 
ouverture,  quatre  enti''actes  et  trois  danses,  le  tout  fort  bien 
arrangé  par  le  compositeur  pour  piano  à  quatre  mains. 
-  Et  ceci  dit,  constatons  que  la  musique  anglaise  a  encore  du 
chemin  à  faire  pour  arriver  à  être  prise  au  sérieux.  Car  vraiment, 
le  Ta-ra-ra-boom-de-ay  est  insuffisant  pour  mettre  la  Grande- 
Bretagne  âîi  niveau  des  pays  où  l'on  écrit  des  symphonies,  voire 
des  drames  lyriques! 


Chronique  judiciaire  de?  ^rt? 

On  se  rappelle  le  procès  intenté,  l'année  dernière,  à  l'éditeur 
Sonzogno  et  à  Mascagni  par  Verga,  l'auteur  de  la  nouvelle  d'.où 
est  tiré  le  sujet  de  Cavalleria  rusticana.  Le  musicien  et  l'éditeur 
du  livret  avaient  audacieùsemcnt  démarqué  la  nouvelle  de  Verga 
sans  lui  reconnaître  aucune  part  dans  ks  droits  d'auteurs  produits 
par  la  pièce.  De  là  le  procès.  Mascagni  et  Sonzogno  avaient  perdu 
déjà  en  première  instance,  le  tribunal  ayant  reconnu  le  droit  de 
Verga  de  participer,  comme  principal  auteur  du  poème,  aux  béné- 
fices de  l'exécution  théâtrale  de  Cavalleria.  La  Cour  de  cassation 
de  Turin  a  confirmé  le  jugement  du  tribunal  de  Milan  et  condamné 
définitivement  Sonzogno  et  Mascagni  à  payer  à  Verga  25  p.  c.  de 
tous  les  droits  perçus  jusqu'ici  pour  les  représentations  de  Caval- 
leria rusticana,  soit  sur  les  théâtres  italiens,  soit  à  l'étranger.  On 
estime  que  ces  droits  s'élèvent  actuellement  à  plus  de  500, 000  lires. 
Tout  le  monde  applaudira  à  cette  sentence.  Le  plus  gros  du 
succès  sans  précédent  de  Cavalleria  csl  dû,  la  critique  l'a  partout 
constaté  et  reconnu,  à  l'intensité  caractéristique  de  la  donnée 
dramatique,  laquelle  appartient  tout  entière  à  Verga.  Sans  elle, 
la  partition  de  Mascagni  n'eût  jamais  obtenu  que  le  succès  dû  à 
un  pot-pourri  plus  ou  moins  habile. 


7 


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Mémento  des  Expositions 

Angers.  —  Exposition  des  Beaux-Arts  el  d'Ans  industriels,  du 
12  novenfibre  au  1"  janvier  1893.  Envois  à  la  Société  des  Amis 
des  Arts,  place  de  Lorraine,  Angers,  du  20, au  25  octobre. 

Budapest.  —  Concours  pour  la  statue  équestre  d'Andrassy. 
Trois  prix  à  décerner  :  6000,  4000  et  3000  frgncs.  Dernier  délai  : 
i"  octobre  1893.  Devis -maximum  :  200,000  florins.  Renseigne- 
ments :  fi»"  iS.'  de  Podmaniczky,  président  du  Comité  exécutif, 

11  Fctitcza  71°  1,  S""»  étage,  Budapest. 

Chicago.  —  Section  des  Beaux-Arls  de  l'Exposition  universelle, 
l"  mai-30  octobre  18^3  (voir  l'Art  moderne  du  11  octobre  1891). 

Monaco.  —  Exposition  internationale  .des  Beaux-Arts  (limitée 
aux  invités).  14  novembre  1892-15  août  1893.  Envois  du  4  au 

12  octobre.  Renseignements  :  Baron  Delort  de  Gléon,  président 
du  Comité,  rue  Vézelay,  18,  Paris. 

Nancy.  —  XXIX«  exposition'de  la  Société  lorraine  des  «  Amis 
des  Arts  ».  1"  novetnbre-8  décembre.  Transport  gratuit  pour  les 
artistes  invités.  Envois  avant  le  15  octobre.  Renseignements  : 
M.  R.  Wiener,  trésorier,  rue  des  Dominicains,  53,  Nancy. 

Nantes.  —  Exposition  de  la  Société  des  «  Amis  des  Arts  »,  du 
l"  au  28  février  1893.  Envois  avant  le  8  janvier  à  M.  Descamps 
de  Lalanne,  secrétaire  général  de  la  Société  des  «  A  mis  des  A  l'ts  », 
12,  rue  Lekain,  Nantes. 

Nice.  —  Exposition  internationale.  10  janvier-30  mars  1893. 
Envois  :  i"-25  décembre.  Renseignements  :  Secrétariat,  Palais 
du  Crédit  Lyonnais,  Nice. 


Petite  chroj^ique  .    ' 

La  clôture  du  Salon  de  Gand  est  irrévocablement  fixée  au 
10  octobre  prochain. 

En  vue  d'éviter  les  difficultés  auxquelles  donnent  souvent  lieu 
les  compétitions  des  diverses  associations  artistiques  de  Bruxelles 
pour  l'obtention  des  locaux  d'exposition  du  Musée,  le  Secrétaire 
des  XX  a  pris  l'iniriative  d'une  réunion  à  laquelle  il  a  convoqué 
les  secrétaires  de  toutes  les  sociétés  qui  organisent  au  Musée  des 
expositions  publiques.  Cette  assembléç,  dans  laquelle  les  dates 
d'exposition  seront  fixées  de  commun  accord,  en  observanl^con- 
fraternellement  les  convenances  de  chacun,  aura  lieu  au 
Secrétariat  des  XX,  rue  du  Berger,  27,  vendredi  prochain,  à 
8  heures  du  soir.  Le  Secrétaire  des  XJTprie  ceux  des  intéressés 
qui  n'auraient  pas  reçu  de  convocation  de  bien  vouloir  considérer 
le  présent  avis  comme  en  tenant  lieu. 

M.  Albert  Dutry,  notre  confrère  de  VImparlial,  nous  fait 
parvenir  la  brochure  qu'il  a  consacrée  au  Salon  de  Gand,  tiré  à, 
part  de  son  article  paru  au  Magasin  littéraire. 

Signalons  un  nouveau  périodique,Z/flJo2//?, voué  à  la  littérature, 
à  l'art,  à  la  musique,  et  paraissant  par  décades  sous  la  direction 
de  M. F.  Olier  (rédacteur en  chef:  M. G. de  la  Charme;  secrétaire: 
M.  P.  Brenet). —  Bureaux  à  Paris:  rue  des  Gravilliers,  38. 

Il  vient  d'être  présenté  au  ministre  des  beaux-arts  de  France 
des  plans  d'un  nouveau  système  de  machinerie  théâtrale  destiné, 
du  jour  où  il  sera  mis  en  application,  à  opérer  une  vraie  révolu- 
lion.  Il  existe  d'ailleurs  déjà  sur  les  nouvelles  scènes  de  Chicago 
et  de  San-Francisco.  Il  s'agit  de  faire  paraître  ou  disparaître 
instantanément,  et  tout  à  la  fois  ou  séparément,  décors,  matériel, 
mobilier  et  personnages  eux-mêmes  en  scène,  pour  faire  place  à 
une  autre  scène  toute  décorée  et  comprenant  son  matériel,  ses 


'artistes  et  son  corps  de  ballet,  s'il  est  nécessaire.  Le  tout  agit  par 
la  pression  hydraulique. 

Pour  opérer  ce  changement  à  vue,  le  chef  machiniste  n'a  qu'à 
appuyer  son  doigt  sur  tel  ou  tel  bouton  pour  faire  mouvoir,  selon 
les  besoins  de  l'action,  tout  cet  appareil  qui  peut  aller,  d'après  le 
dévelpppement  des  dessous,  J)as  ou  élevés,  jusqu'à  cinq,  dix  et 
même  vingt  décors.  Un  escalier  monumental,  un  pont  ou  tout 
autre  matériel  va  spontanément  et  automatiquement  se  placer  où 
on  vput.  M.  Giuliet.ti,  l'inventeur  de  cette  merveille,  réalise  de 
notables  économies  par  la  suppression  des  deux  tiers  des  machi- 
nistes. Mlachinerie  et  carcasses  des  décors  tout  en  fer.  Avis  aux 
directeurs.        "  {Indépendance.) 

Au  congrès  artistique  et  littéraire  qui  se  tient  actuellement  à 
Milati,  on  a  approuvé  la  création,  à  Berne,  d'un  bureau  intema- 
,  tional  de  statistique  et  un  projet  réglant  les  rapports  entré  auteurs 
et  éditeurs.  . 

M.  Armand  Silvestre  a  été  choisi  par  le  nninistre  des  beaux-arts 
de  France  pour  remplacer  M.  Armand  Gouzien  dans  les  fonctions 
de  commissaire  du  gouvernement  près  les  théâtres  subventionnés. 

On  mande  de  Bayreulh  qu'il  y  aura,  l'année  prochaine,  huit 
représentations  de  Parsifal,  et  qu'en  même  temps  commenceront 
les  répétitions  pour  une  exécution  future  de  l'Anneau  du  Nibe- 
lung.  

VAllgemeine  Mnsikzeitung  de  Berlin  annonce  la  prochaine 
publication  d'une  œuvre  inédite  de  Fi-anz  Liszt,  dont  le  manuscrit 
appartient  à  la  maison  Schott,  de  Mayence. 

C'est  un  trio,  le  seul  que  Liszt  ait  écrit.  Les  motifs  en  sont 
empruntés  au  Carnaval  de  Pesth,  l'une  des  fantaisies  les  plus 
brillantes  du  .maître  hongrois,  mais  ils  sont  traités  d'une  manière 
toute  nouvelle,  qui  s'éloigne  beaucoup  de  la  forme  qui  leur  a  été 
donnée  pour  le  piano.  L'œuvre  est  sous  presse  et  paraîtra  pro- 
chainement. 

Le  11  septembre,  on  a  inauguré  solennellement  à  Wechmar^ 
près  de  Gotha,  une  plaque  commémoralive  apposée  sur  la  maison 
habitée,  en  1600,  par  le  boulanger  Veit  Bach,  maison  qui  fut  le 
berceau  de  la  famille  de  musiciens  illustrée'  par  Jean-Sébastien 
Bach  et  Philippe-Emmanuel  Bach. 
*     L'inscription  gra-vée  sur  cette  plaque  est  ainsi  conçue  : 

«  Dans  cette  maison,  Veit  Bach,  vers  l'année  1600^,  et  plus 
tard  son  fils,  Hans  Bach,  exercèrent  le  métier  de  boulanger.  Hans 
Bach  avait  aussi  appris  la  musique,  et  il  se  distingua  dans  cet 
art.  Plus  de  cent  descendants  de  cette  famille  Bach  ont,  dans 
l'espace  de  sept  générations,  produit  de  grands  artistes  et  érudits 
en  musique,  entres  autres  Jean-Sébastien  Bach,  ixa  des  plus  émi- 
nents  compositeurs  qui  aient  jamais  existé,  le  plus  grand  contra- 
puntiste  et  organiste  de  tous  les  temps.  Honneur  à  leur  mémoire. 
—  Apposé  par  les  soins  de  la  municipalité  de  W,echmar  et  de  la 
Société  «  Bœhmer  »  de  Gotha.  »  ,  y 

Le  concours  pour  le  monument  à  élever  à  Termonde  à  la 
mémoire  du  poète  flamand  Prudens  Van  Duyse,  vient  d'être  jugé. 
Le  prix  a  été  remporté  par  M.  De  Vreese,  sculpteur,  et  M.  Horla, 
architecte. 

Un  comité  vient  de  se  former  à  Montauban,  sous  la  présidence 
de  M.  Emile  Pouvillon,  dans  le  but  d'élever  un  monument  dans 
sa  ville  natale  à  Léon  Cladel. 

Les  souscriptions  seront  recueillies  à  Paris,  13,  avenue  de  Cli- 
chy,  par  M.  Henry  Lapauze,  délégué  du  Comité. 


I 


X 


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Pour  les  conditions  s'adresser  rue  du  Président,  50,  à  Ixelles,  tous 
les  jours,  de  3  à  4  heures. 


Bruxelles.  —  Imp.  V»  Monnom,  32,  rue  de  l'Industrie. 


( 


\ 


Douzième  année.  — aNWI. 


Le  nvuëro  :  2S  centimes. 


Dimanche  9  Octobre  1892. 


L'ART 


!.,.:y,\<- 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  I*ICAKD  —  Émle  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,    fr.   10.00;  Union   postale,    fr.    13.00.    —  ANNONCES   :    On   traite  â   forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


^OMMAIRË 


Ernest  Renan.  —  Le  Prince  d'Aurec.  —  L'Evolution  .  de  la 

CRITIQUE.    —    LÉON     BlOY    ET    ErNEST    ReNAN.    —   LeS    EXPOSITIONS 

d'art  a  Gand.  —  Concert  des  Disciples  de  Grétry  a  Liège.  — 

ChRONWUE  JUpiCIAIRE   DES   ARTS.  —    PETITE   CHRONIQUE. 


ERNEST  REJNAN 

On  a  décerné  à  Ernest  Renan  des  funérailles 
nationales.  Cette  manifestation  n'eût  point  été  du  goût 
de  Renan  s'il  avait  py^  être  consulté.  Personne  au 
monde  ne  fut  jamais  moins  «  national  »  que  lui.  Il 
s'était,  en  ces  derniers  temps,  légèrement  piqué  de 
chauvinisme  pour  céder  au  courant  du  jour  et  réagir 
contre  la  réputation  de  mauvais  citoyen  que  toute  une 
vie  d'indifiérence  patriotique  lui  avait  faite.  Mais  nul  ne 
pouvait  être  pris  à  cette  chatterie  sénile  qui  n'était  que 
pour  amadouer  les  fâcheux  toujours  prêts  à  troubler  le 
repos  du  philosophe  avec  ce  vieux  reproche,  si  mérité, 
d'incivisme.  Et  le  repos,  c'était  à  peu  près  tout  ce  que 
Renan  avait  demandé  à  son  temps,  sans  presque  un  seul 
jour  réussir  à  le  trouver.  Maintenant,  il  a  fallu  que 
même  on  l'ensevelît  au  milieu  des  clameurs  de  la  presse 
et  de  la  foule.  Il  est  des  destinées.  La  sienne  fut  de 
rechercher  sans  cesse  le  silence  et  la  douceur  de  l'ombre 


dans  les  retraites  les  plus  profondes  de  la  pensée  et  du 
cœur,  et  d'en  être  chassé  sans  relâche  par  le  tumulte  du 
siècle.  Ue  notre  époque,  au  fond,  rien  ne  l'intéressait, 
même  jusqu'à  la  curiosité.  S'il  avait  été  ambitieux  et 
mondain,  il  n'avait  qu'à  rester  prêtre.  Mais  entré  au 
séminaire  pour  y  quérir  la  paix,  il  ne  s'y  était  senti 
que  dans  un  régiment  en  marche,  avec  le  coude  à  coude 
et  la  vulgarité  de  la  pensée  et  de  la  vie  en  commun.  Et 
il  était  un  orgueilleux  et  un  délicat  qui  voulait  penser 
par  lui-même,  et  murer  sa  vie  et  non  la  répandre.  Pour 
y  parvenir,  il  était  prêt  à  céder  sur  tout,  hors  sur 
l'unique  et  l'essentiel,  la  liberté  de  l'esprit  et  la  fidélité 
à  sa  conscience,  car  sans  elle  point  de  quiétude  entière. 
Mais  le  reste  n'avait  pas  de  prix  à  ses  yeux.  On  lui  a 
violemment  reproché  d'être  resté  étranger,  et  comme 
absent  dans  son  propre  esprit,  aux  vicissitudes  les 
plus  tragiquement  éqaouvantes  de  son  pays,  et  d'avoir 
traversé  notamment  la  guerre  et  la  Commune  avec  la 
tranquillité  d'âme  d'un  habitant  d'une  autre  planète  qui 
assisterait,  de  passage  ici,  aux  horreurs  de  la  nôtre. 

La  vérité  est  que  "  la  patrie  »  était  pour  lui 
un  mot  d'une  sonorité .  vide.  Je  ne  l'excuse  pas,  je 
cherche  à  le  comprendre.  Il  s'était  habitué  à  ^'abstraire, 
le  plus  complètement  qu'il  pouvait,  du  milieu  ambiant. 
Il  se  reposait,  pour  les  choses  publiques  et  pour  son 
existence  matérielle,  sur  le  gouvernement  et  sur  un 
traitement  qu'il  recevait,  et  pourvu  qu'au  dehors.il 


trouvât  Ja  sécurité  et  chez  lui  le  nécessaire  pour  sou- 
tenir ses  forces  dans  le  travail,  il  n'avait  cure  de  rien  de 
plus.  Ce  laborieux  et  accaparant  travail,  il  avait  fini 
par  le  diriger  tout  entier  vers  des  sphères  fermées  et 
presque  inaccessibles  au  public,  l'exégèse,  la  recherche 
patiente  et  à  la  loupe,  dans  la  poussière  des  anciens 
textes  et  des  documents,  de  parcelles  oubliées  et  infini- 
tésimales de  vérité  et  de  lumière,  pour  en  vivifier  en 
touches  précises  et  rares  l'image  d'époques  disparues 
Confiné  là,  il  pensait  certes  échapper  à  la  foule,  et  en 
contact  seulement  avec  une  élite,  pouvoir  bé^éticier  de 
sa  tolérance  supérieure.  Il  imaginait  même/sans)  doute, 
que  se  couvrant  de  la  cendre  des  siècles  aiïciens,  il 
achetait  ainsi  le  droit  de  ne  point  participer  au  nôtre  : 

t  d'autant  plus  que  c'était  à  l'étude  des  sources  religieuses 
que  se  bornaient  ses, recherches,  et  que  tout  ce  qui 
touche  à  la  religion,  c'eçt-à-dire  au  mystère,  en  grande 
partie  encore  si  inexpliqué,  de  la  communion  histo- 
rique des  croyances,  devrait,  d'accord  universel,  rester 
réservé  à  la  réflexion  sereine  et  paisible,  exempte  des 
passions  et  des  colères  du  temps. 

De  pareilles  tendances  exclusives  et  s'isolant  à  ce 
point  de  la  communauté  contemporaine  doivent-elles 
être  encouragées?  Non,  évidemment.  Ce  n'est  que  par 
extrême  exception  qu'il  peut  être  permis  à  de  rares 
naturesderesterétrangèresauxluttes  et  aux  souffrances 
de  leur  époque.  Mais  lorsque  par  singulière  aventure  se 
rencontre  l'une  de  ces  âmes  d'un  miroir  si  limpide 
et  si  pur  qu'un  soufflede  la  foule  la  ternirait,  il  faudrait 
qu'elle  pût  trouver  encore,  en  notre  monde,  un  coin  de 
solitude  morale.  11  est  peutétre  encore,  en  de  lointaines 
montagnes,  des  lacs  inconnus  sur  lesquels  ne  se  sont 

•  jamais  penchés  que  la  forêt  et  le  nuage.  Et  dans  notre 
bouleversement  et  notre  chaos  social,  si  dans  quelque 
creux  oublié  a  pu  s'épanouir  l'une  de  ces  âmes  de  repos 
et  d'ombre,  pourquoi  la  troubler,  et jie^pàs'  laisser  à 
quelques-uns  au  moins  le  privilège  dé  la  paix  ? 

Quand  parut 'Za  Vie  de  Jésus,  qui  ne  se  rappelle 
l'effiroyable  déchaînement  de  passions  qui  l'accueillit,  et 
là  tempête  soufflant  à  la  fois  des  quatre  coins  de  l'horizon, 
et  enveloppant,  déchirant  ce  cygne  qui  pensait  descendre 
dans  la  paix  des  âmes  ?  Qu'on  la  relise  auj  ourd'hui ,  cette 
Vie  de  Jésus,  ce  n'est  qu'une  candeur;  ce  n'est  que 
l'eflSorescence  d'un  sentiment  profondément  religieux  et 
chrétien,  qui  de  toutes,  les  sources  rares  et  scrupuleu- 
sement philtrées  sourdissant  des  origines,  a  laissé  se 
former  cette  transparence,  dont  on  peut  dire  qu'elle  a 
donné  à  notre  siècle  le  cinquième  évangile,  où  se  con- 
densent comme  en  une  rosée  d'aurore,  nouvellement 
virginale,  les  quatre  primitifs.  Ce  n'était  pas  un  livre  de 
combat,  c'était  un  livre  de  sentiment.  Il  avait  été  vécu 
et  rêvé,  bien  plus  qu'écrit,  dans  la  lumière  et  dans  l'hori- 
zon moral  des  premiers  siècles,  retrouvé,  avec  une 
intuition  surprenante,  immaculée  et  vicace,  dans  la  con- 


trée même  où  le  christianisme  était  né.  L'érudition  et 
la  science  n'étaient  ici  que  d'intérêt  secondaire. 

Comme  je  l'écrivais  dans  ce  même  Art  moderne,  il  y 
adix^ns,  lorsque  Renan  venait  de  terminer  sa  série 
des  Origines  dùrChristianisme  :  «  ce  n'est  pas  l'éru- 
dition qui  manque  à  M.  Renan;  il  est  au  courant  de 
tout  ce  que  la  critique  allemande  a  produit  depuis  le 
grand  Strauss  et  les  sources  elles-mêndes  n'ont  rien  de 
caché  pour  lui.  Son  esprit  libre,  délicat,  avisé,  se 
retrouve  au  milieu  de  tant  d'éléi^aents  divers  avec  une 
aisance  merveilleuse,  et  l'impression  qui  reste  surtout 
est  celle  d'une  discrète  mais  inaltérable  clarté  répandue 
sans  effort  sur  une  quantité  aussi  considérable  de  faits 
et  de  documents!  » 

Dans  la  Vie  de  Jésus,  cette  clarté  avait  jailli  spon- 
tanément et  avec  une  force  invincible  d'un  sentiment  si 
profond  qu'on  l'eût  dit  ct)nservé  intact  et  dans  sa  fraî- 
cheur première  de  l'époque  originelle;  mais  ce  clair 
mirx)ir  des  eaux  vierges  que  Renan  découvrait  devant 
nous  si  naïvement,  et  où  le  siècle  eût  pu  calmer  sa 
fièvre,  il  ne  sut  que  s'y  regarder  lui-même  dans  son 
image  tourmentée,  et  c'est  en  haine  de  lui-même  qu'il 
jeta  des  pierres  au  Jourdain  rajeuni,  au  lieu  de  s'y 
plonger. 

C'est  un  des  crimes  non  seulement  du  fanatisme  catho- 
lique, mais  de  tous  les  fanatismes  de  notre  temps,  d'avoir 
déchaîné  la  guerre  autour  de  cette  œuvre  divinement 
pure  qui,  comme  les  sources  des  sommets,  ne  devait 
parler  qu'aux  solitaires.  Comme  V Imitation  de  Jésus- 
Christ,  ce  petit  volume  était  celui  des  retraites  et,  dans 
son  humanité  chétienne.  il  n'est  personne  d'entre  nous 
qui  ne  put  en  goûter  les  mansuétudes.  Car  la  Vie  de 
Jésus  est  d'une  inspiration  sincèrement,  foncièrement 
chrétienne,  quoique,  ou  plutôt  parce  que,  si  humaine.  Le 
malheur  est  que  ce  ressouvenir  fidèle  d'époques  si  dis- 
seniblables  de  la  nôtre  devait,  par-là  même,  rester  in- 
compris du  grand  nombre  aujourd'hui.  Et  c'est  ici  que 
nous  touchons  à  la  clef,  non  seulement  de  la  Vie  de 
Jésus,  mais  de  la  vie  de  Renan.  Renan  n'était  pas  de 
notre  siècle,  et  il  lui  resta  incompris  dans  son  livre,  parce 
que  lui-même  n'était  presque  en  rien  ^adéquat  au  siècle 
dans  sa  pensée.  Renan,  un  destructeur  de  croyances,  un 
combattant  pour  l'idée  moderne,  un  soldat  de  la  philo- 
sophie positive,  allons  donc! 

Ernest  Renan  n'était  ni  un  Français,  ni  même  un 
moderne.  , 

Il  était  un  pur  Grec,  non  un  Grec  d'Athènes,  mais 
d'Alexandrie,  du  deuxième  siècle  de  l'ère  chrétienne.  Il 
était  un  Grec  chrétien,  de  la  Renaissance  aléxandrine, 
lorsque  vers  l^an  120  les  troupes  roinaines  "avaient,  dans 
Alexandrie  même,  anéanti  le  christianisme  révolution- 
naire et  populaire.  Il  se  f(^rma  alors,  dans  la  bourgeoisie 
et  parmi  les  lettrés  de  ces  pays  de  civilisation  hellène, 
un  christianisme  nouveau,  instruit,  d'esprit  libre,  un 


■y 


<J 


K 


peu.  raffiné,  nourri  de  philosophie  ancienne,  on  peut 
dire  presque  exclusivement  pénétré  de  Platon  et  des 
idéalistes,  et  qui  s'avisait  de  mêler  au  sentiment  et  au 
mysticisme  chrétien  dégagé  de  ses  premières  formules 
subversives,  quelque  chose  du  pur  miel  antique  :  comme 
une  sorte  d'hypocras  mitigeant  la  griserie  mystique 
d'une  do'se  raisonnable  de  bon  sens  et  d'esprit  socra- 
tiques. L'évangile  de  Jean  est  de  cette  époque  et 
reflète  cet  état  de  l'âme.  C'était  une  science  nouvelle, 
la  Gnosis,  qui  allait  naître^  l'interprétation  perpétuelle 
de  la  religion  par  la  philosophie,  et  qui  allait  fournir, 
presque  toute  sa  vie  si  diverse  et  si  riche  à  l'Eglise 
grecque,  à  la  première  Eglise,  non  encore  organisée 
comme  le  fut  la  romaine,  mais  toute  débordante  de 
mouvement,  d'invention,  de  liberté,  et  si  l'époque 
moderne  eût  pu  redevenir  chrétienne,  c'est  à  ce  chris- 
tianisme-là qu'elle  eût  voulu  retourner  en  l'élargissant 
du  côté  de  la  démocratie,'qui  venait  alors  d'être  vaincue 
par  Trajan. 

Eh  bien,  Renan  était  un  chrétien  d'Alexandrie,  de  ce 
premier  moment  qui  suivit  l'écrasement  populaire,  et 
quand  quelque  piti^  pour  les  vaincus  et  le  peuple  amol- 
lissait encore  les  cœurs,  en  même  temps  que  l'esprit  se 
tournait  déjà  aux  sérénités  de  la  raison  pure  et  se  pre- 
nait l'aile  aux  subtilités  de  la  dialectique.  Nulle  préoc- 
cupation de  civisme,  de  patriotisme,  de  devoirs  sociaux 
ou  politiques,  ni  même  d'intérêts  matériels.  Rome  suffi- 
sait à  tout,  et  Alexandrie,  presque  aussi  grande  que 
Rome,  n'était  qu'une  capitale  «  platonique  »  pourrait-on 
dire.  C'est  là,  bien  certainement,  que  Renan  a  pensé, 
qu'il  a  écrit,  qu'il  a  vu  Jean,  qu'il  a  appris  encore  les 
premiers  évangiles  de  la  bouche  de  plusieurs  qui  les 
avaient  vécus,  et  qu'il  s'est  figuré  ce  Jésus,  lequel  certes 
n'a  pas  la  grandeur  épique  ^ji  Christ  de  Marc,  mais 
cependant  si  doux,  si  sensé,  si  pitoyable  sans  excès,  si 
pur  de  parole,  si  raffiné  de  lettres,  si  exquis  de  senti- 
ment, et  il  faut  ajouter  d'une  idéalité  humaine  si  péné- 
trante et  si  touchante,  que  l'on  comprend  à  peine 
comment,  lorsqu'il  apparaissait  dans  le  livre  de  Renan 
avec  cette  perfection  artistique,  il  n'ait  pas  produit  un 
effet  invincible  d'apaisement  et  ne  soit  pas  descendu 
comme  un  baume  sur  nos  cuisantes  blessures  actuelles. 

Mais  il  avait  été  écrit  et  pensé  à  Alexandrie  par  un 
chrétien  disciple  de  Platon,  et  tombait  parmi  nous, 
aussi  dépaysé  que  si  Jean  lui-même  fût  venu  nous 
apporter  son  Evangile.  Et  celui  de  Renan  artisti- 
quement est  supérieur.  Mais  le  résultat,  c'est  que 
Renan,  dérouté  dans  cettetempêteet  ce  cataclysme  où 
tournoya  la  Vie  de  Jésus,  en  re^ta  lui-même  brisé  et 
anéanti  pour  le  restant  de  sa  vie.  Le  savant,  l'érudit, 
le  philosophe  certes  subsistait;  et  c'est  à  lui  que  nous 
devons  tous  les  autres  volumes  des  Origines  du  Chris- 
tianisme; c'est  lui  qui  écrivit  tant  d'études  curieuses, 
de  dissertations  ânes,  de  discours  académiques,  et 


même  de  livres  pqlitîques  où  l'on  sent  cependant  tou- 
jours l'Alexandrin  n'élevant  pas  sa  conception  politique 
au  delà  de  l'Empire  des  Antonins  et  de  «  la  paix 
romaine  »  qu'il  assurait  à  l'univers. 

Mais  si  dans  tout  cela  le  savant  est  resté;  avec  la  Vie 
de  Jésus  se  révélait  en  Renan  un  Poète,  un  grand 
Poète  idéaliste  et  humain,  et  c'est  à  ce  Poète  que  sotte- 
ment le  fanatisme  moderne  a  cassé  les  ailes.  Et  c'est 
pour  cela  que  ce  qui  restera  de  Renan  ce  ne  sera 
définitivement  que  la  Vie  de  Jésus. 

Victor  Arnould. 


LE  PRINCE  D'AUREC 

Nous  avons  été  voir  et  erilendre  cette  pièce,  non  dans  la  cohue, 
les  papotages  et  la  lumière,  si  souvent  fausse,  dé  la  première 
représentation,  mais  dans  le  calme  d'une  de  ces  soirées  à  salle 
presque  vide  qui  font  du  Théâtre  du  Parc  uilé  entreprise  bizarre 
où  la  direction  semble  vivre  de  la  recette  d'un  soir,  prélevée  sur 
cette  Voupe  ambulante  de  spectateurs,  qui  se  battent  pour  se 
montrer  dans  le  bataillon  des  hichlifeurs,.  ou  se  croyant  tels,  et 
qui,  ce  prélèvement  de  curiosité  accompli,  ne  se  montrent  plus 
que  lors  d'une  nouvelle  solennité  équivalente.  Que  de"  snobisme! 
Que  de  snobisme  !  Que  de  snobisme! 

Le  Prince  d' Aurec  aurait  pour  meilleur  litre ZeJ5arond«^orn, 
autrement  dit  le  Juif  parisien,  et  certes  eût  gagné  à  être  écrit 
par  M.  Drumont  plutôt  que  par  M.  Lavedàn.  Son  intérêt  principal 
est  moins,  en  effet,  dans  les  cascades  et  le  détraquage  du  descen- 
dant fort  déprimé  d'un  Connétable,  quç  dans  les  tripotages  et  les 
combinaisons  malpropres  d'un  fils  d'Abraham.  C'est  lui  dont  la 
psychologie  cupide,  l'orgueil  grossier,  la  sensualité  goulue  font 
les  broderies  voyantes  de  celte  tapisserie  piquée  en  laines  lourdes 
sur  le  canevas  du  grand  monde  parisien. 

L'œuvre  peut  avoir  quelque  prétentioù  au  scandale.  Elle  n'en 
justifie  sérieusement  guère  au  point  de  vue  de  la  nouveauté.  C'est 
du  Dumas  fils  sans  autant  de  distinction  et  de  science  des  salons. 
A  tout  propos  les  personnages  parlent  en  tfièse.  Us  dissertent 
copieusement  et  agissçnl  peu.  Dumas  utilisait  ce-  procédé  qui 
û  mettait  des  livres  à  la  scène  sous  forme  dialoguée,  pour  déve- 
lopper les  théories  de  sa  philosophie  puérile  et  bourgeoise. 
M.  Lavedan  l'emploie  pour  des  thèses  sociales.  En  dehors  de  cette 
diflFérencè  dans  l'objet,  le  mécanisme  est  Iç  même  :  du  bouilli 
fade  fortement  relevé  par  les  mù»d  pickles  qui  sont  ici  les  mots  • 
dits  d'esprit.  Encore,  sous  ce  rapport,  le  fils  prétentieux  du  grand 
Dumas  trouvait  mieux  :  de  son  temps  la  presse  ne  nous  avait  pas 
encore  habitué  à  l'orgie  de  bons  mots  qui  nous  fatigue  de  son 
quotidien  bruissement  et  quand  il  en  partait  un,  il  en  sortait  quel- 
que plaisir  et  quelque  saveur.  Tandis  qu'aujourd'hui  que  le 
moindre  quart  de  reporter  en  crachotte  à  volonté,  on  souhaiterait 
vraiment  être  laissé  tranquille. 

C'était  matière  kbelle  comédie,  et  même  à  beau  drame  que  de 
dépeindre  celle  aristocratie  gommeuse  et  cette  juiverie  filouteuse 
qui,  avec  l'industrie  exploiteuse,  caractérisent  et  concentrent  si 
bien  les  dernières  ignominies  de  la  société  bourgeoise  qui  dégrin- 
gole et  du  capitalisme  qu'on  va  jeter  à  bas.  Jamais  plus  grotesque 
et  plus  abominable  trilogie  n'a  résumé  un  temps  qui  finit  et  pré- 
paré les  temps  à  naître.  Mais  quelle  patte  formidable  de  drama- 


urgc  puissant  il  fallait  pour  cela,  et  surtout  d'homme  comprenant 
que  ce  n'est  pas  là  matière  à  rire,  mais  matière  à  trembler!  Il  est 
vrai  qu'un  jour  ou  l'autre  la  tragédie  sera  faite  et  sera  jopéo,  non 
point,  sur  la  scène  d'un  Gymnase  ou  d'un  Vaudeville  quelconque, 
non  point  par  des  cabotins,  non  point  devant  le  méli-mélo  des 
critiques  dramatiques  et  des  mondaines,  mais  dans  la  rue.  Le  jour 
de  cetle  grande  première  est  moins  éloigné  que  ne  le  pense  la 
placide  bêtise  des  journaux  et  des  accapareurs. 

La  pièce  de  M.  Lavedan  est,  au  surplus,  peut-être  moins 
médiocre  qu'elle  n'apparaît.  La  troupe  qui  la  JQue  au  Parc, 
commune  et  bruyante,  n'a,  en  effet,  aucune'aptitude  pour  rendre 
le  milieu  mondain  et  financier  où  la  situation  se  déroule.  Les  rôles 
de  ces  élégants  gentlemen  et  de  ces  somptueuses  cocodettes  ont 
l'air  d'être  joués  par  leurs  domestiques.  Sauf  M™*  Defresnes, 
inséparable  de  sa  distinction  parisienne  et  fort  grande  dame  en 
certaines  de  ses  altitudes,  tout  le  reste  tapage  et  batifole  avec  des 
airs  et  des  allures  de  café-concert,  Après  tout,  c'est  peut-être  comme 
ça  dans  ce  grand  monde  en  décomposition.  Mieux  vaut  y  croire 
que  d'y  aller  voir.  Ce  sont,  ma  foi!  deux  grands  diables  de 
laquais,  tout  en  rouge,  qui  ont  le  plus  de  réserve  et  de  tenue. 

Bref,  l'impartial  spectateur  s'attend  plus  d'une'fois  à  voirTe" 
trimberlin  de  ces  scènes  où  tant  on  se  démène,  se  transformer  en 
chahut  d'opérette,  et  vaguement  .la  fameuse  épée  du  Connétable 
d'Aurec  prend  parfois  la  courbure  et  le  clinquant  du  Sabré  de 
mon  Père  de  la  Orande-Duchesse.  Ceci  vient  du  personnel  plus 
que  de  l'auteur,  car  on  imagine  fort  bien  la  pièce,  rendue  avec 
plus  de  discrétion  et  de  convenance,  se  dépouillant  de  l'aspect 
rigoleur  que  lui  donne  la  troupe  de  M.  Alhaiza.  > 

"  Pas  même  le  juif,  le  baron  de  Horn,  n'est  parvenu  à  se  pro- 
— dttire-enr  juif  présentable,  tel  qtr'itïst-pourtant  facile  de  le  réaliser, 
vu  le  tiombre  des  modèles-types  qui  circulent  autour  d^é  nous. 
L'inévitable  côté  mercanti  a  été  négligé.  Le  type  de  l'être,  insi- 
nuant pour  vous  dérider,  habile  pour  vous  lier,  arrogant  pour 
exiger,  impitoyable  pour  vous  exécuter,  que  le  personnage  de 
M.  Lavedan  exprime  avec  quelque  netteté,  s'est  transformé- en 
un  monsieur  d'apparence  nigaude,  n'ayant  rien  dé  la  cruauté 
froide,  sensuelle  et  cupide,  de  la  psychologie  étroite,  égoïste  et 
coupante  du  Sémite. 

Bref,  tout  est  de  pacotille.  La' pièce  intéresse  pourtant  par  son 
actualité  et  parce  qu'elle  est  à  clefT  Derrière  chacun  des  noms 
d'emprunt  dont  M.  Lavedan  à  étiqueté  ses  personnages,  le  public 
a  mis  les  noms  vrais.  Les  escapades,  les  saletéâ,  les  tricheries  de 
ces  inconscients  qui  cancanent  leur  dernier  carnaval,  sont  telle- 
ment notoires  que  le  premier  venu  ne  peut  s'y  Iromper.Et  quand, 
notamment,  le  truc  du  baron  de  Horn  prêtant  amicalement  la 
7  forte  somme  pour  ferrer  la  chaîne  au  cou  de  ses  emprunteurs, 
'  s'est  déTOulé  en  ses  perfides  bienveillances,  en  ses  basses  espé- 
rances, çn  ses  ignobles  malignités,  assurément  des  souvenirs  se 
sont  éveillés  dans  l'âme  de  plus  d'un  Bruxellois.  On  la  connaît, 
hélas  !  cette  tactique  des  misérables  qui,  enrichis  sans  qu'on 
puisse  rattacher  leur  fortune  à  aucun  service  rendu,  à  aucune 
œuvre  noble,  rafleurs, d'argent  stériles  et  malfaisants,  asser- 
vissent autour  d'eux  par  des  services  pécuniaires  ceux  qui 
pourraient  les  combattre  ou  les  flétrir,  ou  ceux  dont  le  nom 
l'influence,  l'autorité  poliliquepôurraienl  les  servir.  Que  d'hommes 
besogneux  ont,  comme  le  prince  d'Aurec,. que  de  femmes  frivoles 
ont,  comme  la  princesse  d'Aurec,  vendu  leur  âme  au  diable  sous 
forme  d'un  emprunt,  dont  Shylock,  au  dernier  moment  et<^uand 
les  billets  sont  déjà  ramassés,. réclame  avec  une  douceur  caute- 


leuse la  quittance  dont  il  saura,  au  moment  opportun,  en 
menaçant  de  l'exhiber,  faire  une  arme  ou  un  bâillon  !  Et  ces  malins 
se  font  ainsi  et  laissent  une  renommée  de  bienfaiteur,  alors  qu'il 
n'y  a  de.  vrais  bienfaits  que,.ceux  accomplis  sans  précautions.  Que 
d'inerties,  que  de  palinodies,  que  de  lâchetés  qui  journalière- 
ment  nous  étonnent  ou  nous  inquiètent,  s'expliquent  par  ce  petit 
fait  qui  est  peut-être  la  grosse  observation  de  la  comédie  de 
M.  Lavedan.       ,  . 


L'ÉVOLUTION   DE  LA  CRITIQUE 

Il  est  intéressant  de  constater  que  la  critique  évolue  peu  â  peu 
dans  le  sens  des  idées  nouvelles.  Voici  que  le  Journal  des  artistes, 
parla  plume  de  M.  Alfred  Ernst,  écrivain  aux  idées  justes  et  libé- 
rales, mais  peu  enclin  aux  emballements,  vante  éloquemment  l'art 
d'avant-garde.  Dans  sa  revue  des  œuvres  actuellement  exposées  chez . 
M.  Le  Barc  de  Bôutteville,  M.  Ernst  dit  notamment  de  M.  Anquçtin 
(M.  Anquetin!  Se  souvient-on  du  scandale  qu'il  provoqua  il  y  a 
quelques  années  au  Salon  des  XX el  tout  récemment  à  V Associa-^ 
iïôn  jpoùf  Vartï)  et  de  M.  Van  Rysselberghe,  le  pointilliste  irréduc- 
tible, ces  choses  auxquelles  nous  applaudissons  : 

«  Un  des  noms  les  plus  connus,  parrpi  les  groupes  dont  nous 
nous  occupons  aujourd'hui,  est  celui  de  M.  Anquetin.  11  y  a  cinq 
ans,  ses  impressions  très  colorées,  très  lumineuses,  étaient 
presque  ignorées  des  amateurs,  et  je  me  rappelle  avoir  été  l'un 
des  premiers  à  en  goûter  la  belle  franchise,  dans  les  bureaux  de 
la  Revue  indépendante,  que  fréquentaient  aussi  d'autres  artistes, 
Signac,  Seurat,  Jacques  Blanche...  Aujourd'hui  tout  le  monde  — • 
ou  peu  s'en  faut  -t-  apprécie  le  talent  de  M.  Anquetin;  on  a  été 
vivement  frappé  de  l'étrange  femme  aux  yeux  glauques,  d'un  si 
inquiétant  caractère,  et" des  pastels  si  énergiques  qu'il  a  successi- 
vement exposés  au  Champ  de  Mars,  ainsi  que  de  ses  envois 
annuels  aux  Indépendants.  Depuis  ses  débuts,  le  sens  de  l'har- 
monie s'est  fait  en  lui  plus,  délicat  et  plus  intense,  mais  le  goût 
du  dessin,  l'intuition  de  la  forme  significative  se  sont  principale- 
ment développés. 

M.  Anquetin  silhouette  avec  une  aisance  remarquable,  et  sur- 
tout il  saisit  le  caractère,  les  signes  expressifs  du  visage  ou  de 
l'attitude,  les  figures,  les  accentue  en  les  simplifiant,  avec  une 
décision  ci'ue,  une  outrance  magistrale,  une  éloquente  brutalité 
que  je  prise  énormément.  Si  le  modèle  est  clair,  explicite,  pour 
ainsi  parler,  l'étude  qu'en  donne  M.  Anquetin  extériorise  sa  nature 
de  la  façon  la  plus  mordante;  s'il  est  énigmatique,  mystérieux,  le 
problème  humain  s'accuse  èxtérietiremenl  en  la  traduction  de 
l'artiste,  d'une  manière  très  suggestive,  presque  angoissante. 
Joignez  à  cela  un  don  d'observation  fort  aigu,  une  connaissance 
des  mœurs  modernes,  parisiennes,  qui  fait  penser,  devant  telle 
anecdote  picturale  de  M.  Anquetin,  à  quelque  Gavarni  impression- 
niste, repris  par  un  de  Nittis  amer,  ou  même  par  un  Gervex  exas- 
péré. L'égj'pte,  l'Orient,  les  Primitifs,  les  Japonais,  et  aussi 
M.  Degas,  hantent  pareillement  la  cervelle  du  jeune  peintre, 
habile  à  synthétiser  un  paysage  sommaire,  en  verts  francs  et 
bleus  placides,  sur  lequel  se  détache  une  interrogalive  figure  de 
femme,  lavée  d'une  seule  teinte  plate,  largement  cernée  d'une 
ligne  violette  comme  un  personnage  de  vitrail;  il  excelle  non 
moins  à  nous  montrer  une  matrone  à  sa  toilette,  la  tignasse  dépei- 
gnée, les  seins  croulants.  On  ne  peut  guère  lui  reprocher  que 
d'être  déjà  trop  adroit,  trop  virtuose,  et  de  se  disperser  trop,  au 


/ 


\ 


—         \ 


UART  MODERNE 


325 


lieu  de  concentrer  son  effort  sur  line  œuvre  à  faire,  un  coin  de 
nature  à  conquérir. 

M.  Théo  Van  Rysselberghe  n'e^t  pas  actuellement  représenté 
chez  Le  Barc.de  Boulleville,  «i  ma  mémoire  est  fidèle,  mais  com- 
ment le,  passer  sous  silence,  lui  qui  possède,  plus  qu'aucun 
autre,  la  calme  maîtrise  du  talent?- M.  ^nquetin  ne  se  rattachait 
étroitement  à  aucune  école  déterminée,  ou.  plutôt  relevait  de 
toutes,  sacrifiant  ii  la  ligne  comme  à  la  tache,  à  la  fortune  d'urïè 
inspiration  vigoureuse  et  nerveuse;  M.  Van  Rysselberghe  est,  lui, 
un  p&inlillisie  décidé  :  soû  absolu  parti-pris  de  technique,  à  ce 
point  de  vue,  vient  s'ajouter,  ce  qui  n'est  pas  commun,  à  une 
connaissance  approfondie  de  la  tradition  classique.  Ses  portraits 
sont  d'une  beauté  réelle, -sérieuse,  d'une  autorité  vraiment  efxcep- 
tionnelle.  En  ce  nuage  de  petites  louches,  en  celte  grêle  de  points 
en  tons  purs,  bleus,  rouges,,  ver is,  oranges  serrés  au  point  de 
mordre  presque  les  uns  sur  les  autres,  les  plans  s'établissent,  l'air 
joue,  les  ombres  laissent  transparaître  la  chaleur  des  tons  locaux, 
'et  la  figure  hjjmaine  se  précise,  à  la  distance  voulue,  pleine  de 
caractère  el  de  pensée,  et  modelée  à  miracle.  C'est  un  tour  de 
force  d'exécution,  une  connaissance  pratique  merveilleuse  de  la 
réaction  réciproque  "de  ces  atomes  colorés  qui  criblent  la  toile, 
s'essaiment  au  gré  du  peintre,  graduant  le  ton  el  la  lumière,  éche. 
lonnant  les  valeurs  selon  le  calcul  lé  plus  exact  et  l'impression  la 
plus  juste.  Je  citerai,  dans  cet  ordre  d'idées,  le  beau  portrait  de 
M.  Emile  Verhaeren,  que  j'ai  grandement  loué  ici-même,  à  la  der- 
nière Exposition  des  Indépendants.  » 

Puisqu'il  en  est  ainsi,  nous  sera-t-il  permis  d'engager  le  Jour- 
nal des  artistes  à  surveiller  à  l'avenir  les  correspondances  qui  lui 
sont  envoyées  de  Bruxelles  sur  les  Salons  des  XX  el  qui  jurent 
étrangement  avec  l'opinion  qu'il  professe  aujourd'hui?  Nous  sera- 
t-il  permis  de  sourire  en  relisant,  entre  autres,  celle  où  l'on  procla- 
mait gravement  :  «  Aux  XX,  rien  que  des  tentatives  (1)  avortées... 
Plus  de  tendance,  plus  d'effort,  plus  rien  que  le  charlatanisme  et 
une  prétentieuse  extravagance.  » 

Souhaitons  que  ces  curieuses  relations  passent,  avant  d'être 
insérées,  sous  les  yeux  de  M.  Ernst.  La  dignité  du  Journal  des 
artistes  ne  peut  que  s'en  bien  trouver. 


LÉON  BLOY  et  ERNEST  RENAN 

Il  y  a  deux  ans,  des  articles  de  Léon  Bloy  avaient  paru  dans  le 
Gil  Bios.  Eifrayé  par  l'étonnante  corrosion  de  l'encre  du  prodi- 
gieux pamphlétaire,  la  ré'daction  avait  bientôt  cessé  de  les 
admettre. 

Avec  grande  joie,  nous  l'y  voyons  reparaître,^  et  en  tête.  Il 
s'agit  d'Ernest  Renan  :  La  Fin  d'une  charmante  prorhenade. 
L'occasion  de  ce  litre,  à  première  vue  bizarre  quand  on  le  met 
en  rapport  avec  le  personnage  célèbre  qu'il  concerne,  est  expli- 
quée dans  cet  alinéa  :  «  On  a  lu  partout  la  page  confondante 
où,  considérant  qu'il  a  vécu  dans  «  le  plus  amusant  des 
siècles  »,  Renan  remercie  «  la  cause  de  tout  bien  de  la  charma7ite 
promenade  qa'i\  lui  a  élé  donné  d'accomplir  à  travers  la  réalité». 

Celui  dont  nous  avons  souvent  signalé  dans  VArt  moderne  la 
surhumaine  violence  de  polémique  et  qui  restera  comme  le  type 
du  pamphlétaire,  au-dessus  de  Proudhon,  au-dessus  de  Veuillot, 
au-dessus  de  Rochefo'rl;  celui  qui  a  écrit,  entre  autres,  la  Grande 

,    (1)  Il  y  a  même  ••  tentations  »  dans  le  texte.  C'est  plus  amusant. 


Vermine  et  II  y  a  quelqu'un,  devait,  s'il  entreprenait  Renan,  le 
faire  de  façon  impitoyable  et  redoutable,  et  il  devait  l'attaquer 
puisqu'il  esl  catholique  et  a  écrit  ce  livre  superbe  sur  Christophe 
Colomb  :  Le  Révélateur  du  Olobe. 

Aussi  les  irouvailles  les  plus  cruelles,  celles  qui  restent  dans<la 
mémoire  par  leur  imprévu  inspirié  et  leur  originalité  terrible, 
abondent.  Jugez  : 

«  On  ne  pouvait  pas  ravsonnablement  exiger  que  M.  Renan  fût 
déploré  à  si  grand  fracas.  Ce  professeur  de  joie  n'avait  droit,  en 
somme,  qu'à  la  seconde  classe  des  gémissements....,  Etait-il  donc 
si  difficile  de  l'enterrer  bravemenl,  comme  tout  le  monde,  et  de 
lui  conditionner  des  funérailles  en  demi-teinte  et  fie  conchiant  à 
rien,  qui  eussent  rappelé  son  enseignement  et  son  style  d'écrivain, 
puisqu'on  veut  à  toute  force  qu'il  ail  élé  Un  grand  écrivain...;. 
Cet  homme  a  trouvé  le  moyen  d'écrire  une  vingtaine  de  volumes 
sans  produire,  fût-ce  par  mégarde,  l'ombre  d'une  affirmation  sur 
quoi  que  ce  soit.  La  négation  même  lui  parut  un  trop  grand  effort. 
Toute  sa  vie  fui  un  l^lonnemènt  volontaire,  et,  s'il  eut  un  l)ieu,  il 
faudrait  l'appeler  le  Litige  philosophique.  Sa  doctrine  et  son 
langage  furent  invariablement  l'apostolat  du  conditionnel  anté- 
rieur...... Il  eut  la  frénésie  de  l'imprécision  el  le  délire  de  la 

nuance  imperceptible Les  splendeurs  morales  de  toute  sorte 

glissaient  sur  son  intelligence  el  sur  son  cœur  comme  les  rayons 
du  soleil  d'Afrique  sur  les  écailles  d'un  vieux  crocodile  affamé  et 
larmoyant  aux  pieds  du  spectre  de  l'Epouvante.  Il  fut  le  triom- 
phateur de  la  difficulté  microscopique.. ...  Je  ne  sais  vraiment  pas 
dans  queMirouble  il  faut  être  descendu  pour  décerner  à  celui  des 
contemporains  qui  fut  l'Ambiguité  même,  l'effarante  qualification 

de  profond  penseur  ou  de  grand  artiste Son  histoire  de  Marc- 

Aurèle  est  un  essai  d'apothéose  du  prince  Jérôme  envisagé  comme 
futur  César  et  l'un  des  plus  rares  chefs-d'œuvre  de  flatterie  philo- 
sophique  Sa  critique  n'a  pas  eu  d'autres  sources  d'information 

que  ces  vieilles  citernes  où  s'abreuvent,  depuis  des  siècles,  tous 
les  t)isons  de  l'histoire.....  Si  on  connaissait  moins  les  exigences 
de  cet  esprit  sophistique,  ou:  pourrait  s'étonner  de  cet  arl  d'inter- 
cepter les  textes,  quand  il  lui  est  tout  i  fait  impossible  de  les 

altérer Dans  un  an,  dans  quelques  mois,  dans  quelques 

semaines  peut-être,  il  n'apparaîtra  déjà  plus  que  comme  un  fan- 
tôme de  poussière,  de  vanité  et  de  bavai^age.  » 


Les  Expositions  d'art  &  Oand  (1792-1892). 
Essai  historique,  par  Prospbh  Claxts. 

A  l'occasion  du  Centenaire  des  expositions  gantoises,  la  Société 
royale  pour  l'Encouragement  des  Beaux-Arts  a  publié  un  volume 
forl  intéressant, dont  l'exécution  a  été  confiée  à  M.ProsperClaeys, 
avocat. 

C'e^t  l'hislorique  complet,  soigneusement  documenté,  de 
toutes  les  expositions  qui  ont  été  organisées  à  Gand;  depuis  la 
première  et  si  modeste  Pronk-Zael  de  1792,  qui  ne  réunit  que 
41  exposants,  la  plupart  gantois,  jusqu'aux  exhibitions  fameuses 
de  ces  derniers  temps,  dont  les  innombrables  parlicipants  sont 
recrutés  dans  tous  les  pays  où  l'on  enduit  les  toiles  de  couleurs  à 
l'huile  et  à  l'eau.   ' 

Le  volume,  élégamment  édité,  illustré  de  portraits  d'artistes, 
de  fac-similé  d'autographes,  d'anciens  titres  de  catalogues  et 
d'autres  documents  curieux,  est  plein  de  renseignements  utiles 
pour  l'histoire  de  l'an  belge.  M.  Claeys  a  fait  à  la  Bibliothèque 
de  la  ville  et  dans  les  archives  de  la  Sociélé  des  recherches  con- 


sciencieuseset  complètes  qui  ont  amené  la  mise  au  jour  d'une  foule 
de  détails  oubliés  ou  ignorés  qui  intéresseroM  virement  tous  ceux 
que  préoccupent  les  questions  artistiques.     "     / 

Une  oQlleclion  de  signatures  des  artistes  les  plus  connus  ayant 
pris  part  aux  Salons  de  Gand,  —  près  de  quatre  cents  noms!  — ^ 
clôture  cet  attrayant  ouvrage.  _ 


♦** 


Signalons  aussi  le  Catalogue  illustré  du  Salon  de  1892,  publié 
par  la  même  Société.  Ce  catalogue,  analogue  aux  catalogues 
illustrés  des  Salons  parisiens,  et  qui  est,  pour  les  expositions  ôfti- 
cielles  Belges,  une  innovation,"  forme  un  volume  dé  plus  de 
450  pages  in-4'>.  Il  renferme,  outre  un  grand  nombre  de  reproduc- 
tions phôtoiypiques,  huit  eaux-fortes  signées  G.  Vanàise,  .G.  Den 
Dujts,  P.  Verhaert,  À.  Heins,  C.  Mertens,  Louise  Danse,  L.  Mo- 
reels  et  James  Ensor. 

CONCERT  DES  DISCIPLES  DE  GÎIÉTRY  A  LIÈGE    . 

{Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne.) 

La  maladroite  et  vaine  querellé  qui  enfièvre  les  sœurs  rivales  : 
La  Légia  et  les  Disciples  de  Qrétry,  vaudra  au  public  liégeois 
d'entendre  plus  souvent  les  deux  sociétés  chorales.  IjCS  Disciples 
de  Orétry  ont  donné  l'élan. 

Lundi  dernier  ils  se  ^oduisaient  dans  ^un  concert  de  bienfai- 
sance qu'ils  ont  voulu  faire  brillant.  Le  succès  a  été  vibrant, 
enthousiaste,  de  ceux  qu'à  Liège,  en  matière  artistique,  un  étroit 
esprit  de  clocher  peut  seul  provoquer. 

Le  succès  est  allé  aussi  bien  aux  solistes  qu'aux  sociétés  exécu- 
tantes. El  cependant  M"«  Dyna  Beumer  s'obstine  dans  un  réper- 
toire entamé  par  la  moisissure  et  M.  Moussoux,  un  ténor  des 
Disciples  de  Orétry,  s'il  possède  une  jolie  voix,  s'en  sert  impar- 
faitement. 

Le  grand  intérêt  du  concert  allait  aux  deux  sociétés  couronnées  : 
La  Fanfare  de  Jemgppe  et  les  Disciples  de  Or étfy. 

La  Fanfare  de  Jemeppe,  la  victorieuse  du  concours  de  Reims, 
est  une  excellente  société  populaire  qui  a  de  l'entrain  et  de  .la 
vigueur.  Quant  aux  Disciples  de  Orétry,  ils  possèdent  deux  maî- 
tresses qualités  et  des  plus  séduisantes.  Us  ont  du  feu,  line  sorte 
d'ardeur  juvénile  entraînante  et  ils  nuancent  facilement  sans  cette 
violence,  cette  brusquerie  qui  très  généralement  font  passer  les 
sociétés  chorales  du  fortissimo  le  plus  dur  au  pianissimo  le  plus 
imperceptible.  Ils  ont  des  teintes  moyennes  et  cela  a  l)ien  du 
charme. 

Ce  sont  ces  qualités  qui  nous  ont  surtout  frappé  dans  l'exécu- 
tion qu'ils  nous  ont  donnée  des  chœurs  imposés  au  concours  : 
L'Invocation  de  Jouret  et  le  Magitificat  de  Riga/  et  du  chœur  de 
Gevaert  :  Les  Emigrants  irlandais.  Leur  directeur,  M.  Delsemme, 
professeur  au  Conservatoire,  est  un  musicien  de  talent.  Espérons 
qu'il  saura  conserver  à  ses  chanteurs  leurs  remarquables  qualités 
de  délicatesse  et  de  vie. 


pHRONiQUE    JUDICIAIRE    DEg    ^RT^ 
.     Partit^nir' manuscrites. 

La  question  des  partitions  manuscrites,  qui  a  fait  l'objet  de 
plusieurs  débats  intéressants  pac  nous  relatés,  vient  d'être  tran- 
chée par  la  cour  d'appel'de  Besançon  contre  l'éditeur,  conformé- 


ment à  la  jurisprudence  du  tribunal  civil  de  Montpellier  (1)  et 
contrairement  à  celle  du  tribunal  de  Reims  (3). 

M.  Delparte,  directeur  du  tt^dtre  de  Besançon,  a  pris  en  loca- 
tion de  M.  Goud,  son  chef  d'orchestre,  une  bibliothèque  musicale 
comprenant  des  partitions  gravées  et,  en  outre,  des  copies  manus. 
criles  des  difféi;enles  parties  de  ces  œuvres,»pour  les  musiciens 
de  l'orchestre. 

.  Poursuivis  pour  délit  de  contrefaçon  à  raison  de  la  location 
de  ces  copies  par  MM.  Maquet  et  (;onsorJ,s,  éditeurs  de  musique,  . 
l^M.  Delparte  et  Goud  ont  été  condamnés  aux  dépens  pour  tous 
dommages-intérêts  par  un  jugement  du  tribunal  correctionnel  de 
Besahçon  du  27  novembre  1890. 

Mais  sur  l'appel  de  MM.  Goud,  d'une  part,  et  Maquet  et  consorts, 
d'autre  part,  la  Cour  a  réformé  le  jugement  et  débouté  le  deman- 
deur de  son  action. 

L'arrêt,  en  date  du  6  juillet  dernier,  décide  textuellement  que 
.de  même  que  le  directeur  d'un  théâtre  de  comédie  peut,  sans 
commettre  de  contrefaçon,  copier  ou  faire  copier  dans  la -bro- 
chure achetée  à, l'éditeur  le  rôle  à  jouer  pai*  chacun  des  acteurs, 
de  même  le  directeur  d'un  théâtre  lyrique  ne  fait  qu'user  d'un 
droit,  lorsque,  ayant  à  représenter  un  opéra,  il  copie  ou  fait  co- 
pier à  la  main,  dans  la  partition  gravée  achetée  aux  éditeurs, 
les  parties  de  violon,  de  flûte  ou  autres  qu'il  destine  au  pupitre 
de  chacun  des  exécutants;  quela  contrefaçon  n'appâfaftrail  que 
~si*ce  directeur  faisait  œuvre  d'éditeur,  c'est-à-dire  multipliait  lés 
copies  et  les* employait,  non  pas  seulement  à  l'usage  du  théâtre 
dirigé  par  lui,  mais  pour  les  exploiter  à  part  et  les  ajouter  à  son 
.commerce. 

Il  n'y  a  dans  ce  fait  qu'un  «  acte  intérieur,  un  procédé  de 
représentation  dont  les  conséquences  sont  bornées  »  et'  qui  ne 
saurait  porter  atteinte  au  droit  de  propriété  des  éditeurs. 

Or,  si  ce  droit  est  reconnu  au  directeur  de  théâtre,  on  ne  peut 
lui  refuser  celui  de  louer,  si  bon  lui  semble,  des  copies  manus- 
crites à  qui  les  aurait.faites  à  l'usage  exclusif  de  la  direction  ;  cette 
location,  légitime  de  la  part  du  locataire,  ne  pourrait,  au  regard 
du  bailleur,  être  envisagée  comme  constituant  un  délit. 

Nous  avons  émis  l'avis  qu'en  Belgique,  sous^  le  régime  de  la  loi 
de  1886  sur  le  droit  d'auteur,  cette  théorie  peut  être  contestée. 
Nous  renvoyons  à  ce  sujet  à  la  note  que  nous  avons  publiée 
en  4891',  p.  32. 


^ETITE    CHROJ^IQUE 


Le  dernier  numéro  du  très  vivant  journal  Le  Mouvement  litté- 
raire, révèle  une  Situation  tendue  entre  deux  groupes  de  notre 
jeune  école.  On  en  est  à  l'échange  des  filets,  entrefilets,  lettres  et 
articles  désagréables.  Les  personnalités  mordantes  affleurent. 
Naturellement  la  galerie,  représentée  par  l'ennemi  commun,  com- 
mente, excite  et  applaudit. 

Quel  ennui  de  voir  ainsi  renaître  périodiquement  des  discus- 
sions que  le  sentiment  des  vrais  intérêts  de  notre  renouveau  lit- 
téraire devrait  étouffer  dans  l'œuf.  Nous  avons  tant  d'adversaires  à 
combattre  et  à  écraser.  C'est  là  qu'il  faut  vider  nos  poches  à  fiel 
si  vraiment  nous  ne  pouvons  en  résorber  le  contenu.  Entre  jeunes, 
tous  désireux  de  pousser  en  avant,  il  ne  peut  y  avoir  que  des 
divergences  d'écoles  dans  l'unité  de  notre  belle  transformation 

(1)  16  mai  1890.  —  V.  l'Art  moderne,  1891,  p.  3t.  • 

(2)  Hjuin  1890.  —  V.  F  Art  moderne,  1890,  p.  230. 


? 


LART  MODERNE 


327 


arlisliquç.  Comprenons  que  ces  divergences  mômes  sont  un  témoi- 
gnage de  vitalité  et  n'en  faisons  plus  le  prétexte  de  querelles  enve- 
nimées. Ne  nous  donnons  pas  les  uns  aux  autres  des  coups  de 
coude  dans  nos  rangs  pressés.  Frappons  tous  l'ennemi  qui  essaie 
encore  de  nous  barrer  la  roule  érqu'irfaul  enfoncer.  Mieux  vaut 
se  taire  que  de  livrer  au  public  la  puérilité  de  ces  disputes  de 
ménage.  Le  vrai  tatenl  n'est  p^  à  ce  point  susceptible. 'Confions- 
nous  au  temps  qui  met  tout  à  la  vraie  place,  hommes  et  œuvres. 

Union  littéraire  belge.  —  Le  secrétaire  à  l'honneur  de  rappeler- 
aux  intéressés  que  le  concours  de  romans  sera  clos  le  !«'.  novem- 
bre :  les  manuscrits  doivent  donc  lui  être  adressés  avant  cette 
date,  24,  rue  du  Pépin,  à  Bruxelles. 

Décidément,  il  n'y  a  rien  de  neuf!  Voici  qu'une  des  «  fin-de- 
siècleries  »  les  plus  folâtres,  cette  exhibition  du  Pétomane,  dont 
les  affiches  baroques  couvrent  les  mûrs  de~Bruxelles  en  ce  mo-  ■ 
ment,  n'a  elle-même  pas  le  mérite  d'une  invention  récente.  Saint 
Augustin,  oui.  Monsieur!  saint  Augustin  cite  un  remarquable 
exemple  de  pélomaiiie.  Montaigne  le  rapporte  en  ses  Essais,  au 
chapitre  XX,  intitulé  :  Delà  force  de  l'imagination {!).  —  Edil.  de 
PariÊ  1725,  p.  85. 

Voici  textuellement  le  passage  : 

«  Et  ce  que  pour  aulorizer  la  puissance  de  nostre  volonté,  sainct 
Augustin  allègue  avoir  veu  quelqu'un  qui  commandoit  à  son  derrière 
autant  de  pets  qu'il  en  vouloit  :  et  que  Vives  enchérit  d'un  autre 
exemple  de  son  temps,  de  pets  organizez,  suivant  le  ton  des  voix 
qu'on  leur  prononçoit,  ne  suppose  non  plus  pure  l'obeïssance  de 
ce  membre.  Car  en  est-il  ordinairement  de  plus  indiscret  et  tumul- 
tuaîre?...»  • 

Pour  le  cas  où  quelque  esprit  sceptique  voudrait  ne  voir  dans 
ceUe  citation  qu'une  ironique  plaisanterie  du  vieil  auteur,  nous 
donnons  ci-après  le  texte  même  de  saint  Augustin  {De  Civit.Dèi. 
Liv.  XIV,  chap.  24)  : 

M  Nonnulli  ab  imo  sine  pudore  ullo  ita  ivainerosos  pro  arbitrio 
sonitus  edunt,  ut  ex  illâ  etiam  parte  cantàre  vidcantur.  »  ^ 

El  Vives,  dans  son  commentaire  à  cet  endroit,  ajoute  : 

«  Talio  fuit  mcmoriâ  nostrâ  Germanus  quidam  in  comitatu 
Maximiliani  Csesaris  et  Philippi  ejus  fiiii  ;  neç  ullum  erat  carmen, 
quod  non  ille  crepitîbus  judicisredderet.  » 

C'est,  certes,  un  argument  a  posteriori  en  faveur  de  l'empire 
que  peut  avoir  l'homme  sur  lui-mértie. 

U Académie  libre,  fondée  en  1845,  reprendra  ses  séances  du 
soir  le  10  octobre  prochain,  dans  son  local  de  la  Grand'Place,  16, 
à  Bruxelles. 

L'Académie  libre  a  une  existence  déjà  longue  et  les  nombreux 
artistes  qui  en  font  partie  ont  consacré  sa  réputation. 

Nouveau  journal  à  Namur  :  La  Scène,  paraissant  le  samedi  et 
le  mercredi.  H  se  qasV\f\éartistique\et  mondain.  Pourquoi  «  mon- 
(dain  »?  Qu'est-ce  que  cela  signifie  encore-par  nos  jours  de  socia- 
lisme où  tout  ce  qui  tend  à  prendre  au  sérieux  le  hichlifage 
apparaît  odieux?  L'art  pour  tous,  l'art  dégagé  des  coteries, 
l'art  dégagé  des  sottes  vanités  bourgeoises,  est  le  seul  qui  mérite 
de  préoccuper  là  vivante  jeunesse  d'aujourd'hui,  dédaigneuse  du 
pionde  où  elle  est  née  et  entraînée  vers  la  démocratie. 

Le  premier  article  est  consacré  k  une  représentation  de  Sarah 
Bernhardt  à  Namur.  Nous  félicitons  la  rédaction  de  ne  pas  s'être 
laissée  emballer  comme  tous  les  journaleux  bruxellois  dopt  les 
pâmoisons  et  les  cris  d'admiration  hystérique  ont  donné  un  gro- 


lesque-  spectacle.  On  lit  dans  la  Scène  :  «  La  comédienne  a 
alieint  l'apogée  de  son  talent  et  l'on  serait  presque  tenté  de  dire 
qu'elle  a  l^op^^e  talent,  si  semblable  assertion  ne  paraissait  pas 
parodoxale.  La  vérité  est  que  chez  elle  l'excès  d'art. tue  quelque- 
fois le  naturel.  On  reste  confondu  devant  celte  connaissance  si 
parfaite  et  celte  inlerprétation  si  fidèle  des  senlimenlsà  exprimer, 
mais  si.  on  paye  à  l'artiste  sublime  un.  iribut  d'admiration  bien 
mérité,  on  lui  refuse,  à  maints  passages  pathétiques  de  l'œuvre, 
les  larmes  que  le  cœur  donne  toujours  quand  on  lui  fait  partager 
l'impression  d'une. peine  ou  d'une  douleur  véritablement  sentie.  » 
Cela  est  fort  juste.  La  comédienne  a,  et  a  toujours  eu  d'admira- 
bles dons.  Mais,  nous  l'avons  écrit  souvent,  elle  manque  de  la  qualité 
dominante  de  l'artiste  dramatique  :  faire  oublier  la  personne  et 
ne  faire  penser  qu'au  personnage.  Rossi,  Salvini,  pour  ne  parler 
que  de  ceux  que  nous  entendîmes,  y  excellaient,  transformant 
jusqu'à  leur  taille  pour  être  tantôt  le  gigantesque  Macbelh,  tanlôl 
le  décrépil  Louis  XI,  tantôt  le  beau  et  rêveur  Roméo,  tantôt  le 
sautillant  et  maniaque  Roi  Lear.  Qu'elle  soit  Cléopâlre,  Jeanne 
DarCr  Phèdre,  la  dame  aux  Camélias,  Sarah  Bernhardt  est  tou- 
jours la  même  M™*  Sarah  Bernhardt,  plus  préoccupée  de  faire 
valoir  elle-même  et  son  couturier  que  les  héroïnes  qu'elle  inter- 
prète. Curieuse,  intéressante  et  talentueuse  dame,  au  surplus. 


Un  "nouveau  journal  artistique  —  auquel  nous  adressons  les 
voeux  d'usage  —  vient  de  paraître  à  Anvers.  Titre  :  L'Ecran, 
hebdomadaire.  Sur  la  manchette,  les  deux  vocables  qui  pavoi- 
sèrefll  feu  l'Artiste  ;  Naturalisme,  Modernité.  Direction  :  à  Anvers, 
rue  de  I'Ajc,  H.  —  5  francs  l'an.  ,    ■ 


Entendu  Emile  Mathieu  donner,  à  lui  tout  seul,  au  moyen  de 
ses  doigta,  de  son  esprit,  de  sa  voix,;,  de  compositeur,  une  audi- 
tion de  son  opéra  :  L'enfance  de  Roland.  Charlemagne  et  sa  nièce, 
des  Saxons  el  des  paladins,  y  font  un  cadre  discret  à  celte  char- 
ntantc  nature  de  Roland  enfant.  Le  poème  repose  sur  deux  bal- 
lades d'Uhland,  inspirées  par  l'audace  cheyaleresqiie  et  la  spiri- 
tuelle espièglerie  du  futur  paladin. 

Nous  n'en  dirons  pas  plus  long.  La  seiile  chose  qu'(in  puisse 
affirmer  après  une  audition  de  ce  genre,  c'est  que  cet  intuitif 
Mathieu  a  trouvé  un  sujet  qui  semble  fait  spécialement  pour  lui. 
Dans  la  musique  comme  dans  le  poème,  c'est  lui,  ce  petit  Roland. 
Il  doit  y  avoir  des  souvenirs  de  sa  jeunesse  dans  le  caractère  tracé 
de  verve  de  cet  enfant  qui  serait  bien  un  peu  belgey  si  les 
légendes  disent  vrai. 

Quand  pourrons-nous  entendre  cette  œuvre,  personnelle  et 
caract^islique,  d'un  vérilablo  artiste  de  noire  pays  ?   r^ 

Une  représentation  de  bienfaisance  sera  donnée  le  vendredi 
28  courant,  au  Théâlçe  Molière,  au  bénéfice  de  la  Crèche-école 
gardienne  d'Ixelles.  Au  programme,  Ma  Camarade  et  un  inter- 
mède. S'adresser  pour  les  billets  à  l'économe  du  comité,  M.  A.  Du- 
tillieu,  15,  rue  du  Collège. 


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Solftge  et  piano.  M"»  J.  Wa^raevens,  élève  de  M"«  Lemaire. 
Violon  et  accompagnement,  M.  F.  Pirard,  élève  de  M.  Isaye. 
Pour  les  condïtâons  s'adresser  rue  du  Président,  50,  à  Ixelles,  tous 
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LE  GRESHAM 

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Douzième  année.  —  N"  41.     -"^ 


Le  numéro  :  35  cbntuies. 


Dimanche  16  Octobre  1892. 


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PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


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REVUE  CRITIQUE  DBS  ARTS  ET  DE  U  LITTÉRATURE 


A 


Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   lO^OO/Union  postale,    fr.    13.00     —  ANNONCES   :    On   traite  à   forfait. 

'  ■      '■ Il  I         I  I      II      ■  INI  I  II  ■ ■■■■■     Mil—  Il  I         ■  ■      -  — ■  ■       ■■■I.         I  I.       I  II..  I  ^■^■^^■■— ^M^ 

Adresser  toutes. les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Tlndustrie,  32,  Bruxelles. 


POMMAIRE 

La  uanse  va-t-elle  uecomIuen-cer  ?  —  Vçi^mes  de  vers.  — *  La 

VIEILLE  CRITIQUE  IIELGK.- Le  MuSÉE  DE  GrUUTHUSE.  —  L'ArT  ET  LES 

SÉMITES. —  Les  prix -de  Rome.  —  Accusés  de  réception. —  Mascagni 
A  Vienne.  —  ME^iENTo  des  expositions.  —  Petite  chronique,  ]  <,_^2à 


LA  danse:  ÏA-T-ELLE  RECOMMENCER? 

Voilà  un  an  que  nous  avons  publié  cet  article  :  Au 
pied  ■  du  mur  !  où  nous  reprochions  à  la  Commission 
des  musées  d'avoir  gaspillé  une  somme  énorme. 

On  a  parlé  de  ces  faits  déplorables  à  la  Chambre  des 
représentants.  Et  on  a  décidé  qu'une  enquête  gouver- 
nementale serait  faite. 

Voilà  un  an  de  cela  ! 

Tout  d'abord,  nous  rappelons  l'enquête  qui  fut  pro- 
mise à  la  Chambre  par  le  ministre  lui-même.  Et  nous 
la  voulons  limpide  et  claire  comme  une  bouteille  de 
cristal. 

Nous  savons  parfaitement  que  cette  enquête  enûuie?4^1e 
et  qu'elle  projette  de  l'ombre  sur  les  ignorances  de  nos 
honorables.  Ils  se  sont  tus  et  se  sont  servis  de  la  seule 
force  qui  soit  en  leur  pouvoir  :  l'inertie  !  Eh  bien  !  nous 
monterons  de  nouveau  il  l'assaut  des  commissions 
anonymes  et  des  bureaux  banals. 


On  laisse  donc  dormir  l'enquête.  On  l'aura  prudem- 
meirt'ensevelie  dans  le  linceul  d'un  dossier.  On  l'aura 
chloroformée  de  la  lente  et  peu  à  peu  diluante  atmosphère 
administrative.  Mais  nous  la  réveillons.  Il  s'agit  des 
deniers  publics.  Il  s'agit  de  la  réputation  .artiste  du 
pays.  ■  . 

Noiis  avons  démontré  l'an  passé  qu'il  y  avait  au 
musée  un  pseudo-Rembrandt,:  un  faux  Lucas  de  Leyde, 
un  faux  Rubens,  des  tableaux  douteux,  des  toiles  mé- 
prisées par  les  marchands  et  les  connaisseurs  étrangers 
qui  appellent  notre  Musie  «  l'hôpital  dés  tableaux  »  ! 

Mais  depuis  l'an  dernier  l'invasion  des  mauvais 
tableaux  continue.  On  vient  encore  de  pendre  un  tableau 
qu'on  attribue  à  Snyders  :  Chasse  aux  Cep^.  C'est  un 
tableau  qui  "serait  très  décoratif  dans  le  cprridor  d.'un 
château,  mais  il  fait  mauvaise  figure  ici.  Est-ce  un 
Snyders?  Pas  du  tout.  Il  est  âpre  et  sec,  avec  des  tons 
durs  et  râpeux.  Qu'on  examine,  en  face  de  lui,  le  beau 
Devos  qui  représente  le  même  sujet  et  l'on  sera  saisi  de 
la  fougue  et  la  distinction  de  ce  dernier  peintre  qui  est 
loin,  pourtant,  d'être  l'égal  de  Snyders.  Ici  le  Devos  tue 

Snyders.  Et  puis,  allez  voir  l'authentique  Snyders  de 
la  grande  salle,  et  après  l'avarice  de  la  toile  nouvelle- 
ment installée,  l'égalez  vous  devant  cette  plantureuse  et 
aristocratique  nature  morte.  Admirez  dans  le  vrai 
tableau  la  moelleuse  douceur  des  duvets,  la  richesse 
savoureuse  des  couleurs,  la  délicatesse  exquise  de  la 


~^ 


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:  ■  .        \  ^ 

touche,  la  maîtrise  du  pittoresque!  Et  vous  partirez 
aigri  contre  la  sécheresse  froide  de  la  récente  acquisi- 
tion. D'ailleurs,  celle-ci  a  i^oulé  d'ans  les  ventes  à  Paris, 
où  elle  s'est  vendue  à  des  prix  voisinant  2,000  francs  et 
où  elle  n'a  pas  trouvé  d'acquéreur  assez  naïf. 

■  * 

Le  Musée  ancien  n^'est  pas  le  seul  qu'on  abîme.  La 
bureaucratie  belge  humilie  aussi  le  Musée  moderne  et 
les  monuments  pub^s.        .   -.         "   : 

On  sait  —  et  nous  publierons  des  études  à  ce  sujet  — 
combien  est  mal  et  injustement  composé  le  Musée 
moderne.  On  vient-d'acheter  un  tableau  à  M.  Jef  Leem- 
poèls.  Le  choix  se  porte  sur  le  plus  mauvais  de.  son 
exposition,*une  toile  d'une  vieille  et  verdâtre  coloration 
\  la  Wappers.  Et  on  a  ouvert,  au  Musée  moderne  même, 
dans  une  salle  définitivement  consacrée  à  ce  genre,  une 
exposition  de  portraits,  qui  ont  mis  .en  joie  le  monde 
artiste.. 

A  la  fin,  toutes  ces  hontes  et  toutes  ces  gaffes  suscite- 
ront des  Ravachols  dans  le  inonde  des  artistes!  Il  y  a  des 
colères  qui  commencent  à  rugir;  il  est  des  gens  qui 
s'inquiètent  encore  de  la  dignité  de  leur  pays  et  de  la 
propreté  des  musées.  Il  y  a  trop  longtemps  que  le  fonc- 
tionnarisme travaille  dans  l'ombre  et  sans  responsabi- 
lité. Il  est  temps  que  des  lueurs  de  révolte  et  de  revanche 
strient  cet  horizon  ténébreux.  L'heure  a  sonné  où  l'on 
secouera  vigoureusement,  quelques  représentants  du 
ganachisme,  de  la  routine  et  du  mauvais  vouloir. 

Nous  signalons  aux  artistes  la  commande  qui  a  été 
faite  pour  la  décoration  de  l'hôtel  des  postes.  Cette 
œuvre  a  été  confiée  non  pas  à  Xavier  Mellery,  non  pas  à 
Constantin  Meunier,  non  pas  même  à  Van  Aise.  Non  ! 
C'est"  à  M.  Vanden  Bussche!  A  M.  Vanden  Bussche, 
le  peintre  de  tant  de  tableaux  bafoues  par  la  critique. 
L'hôtel  des  postes  sera  bientôt  badigeonné  de  grotes- 
ques anecdotes-  On  verra  derechef  les  étrangers  s'ébau- 
dir  devant  nos  productions  nationales  et  nous  serons 
de  nouveau  les  plats  barbares  et- les  cuïstreux  balourds 
qu'on  nous  a  jadis  reproché  d^ètrel. 

Un  dernier  mot,  aujourd'hui.  Nous  avons  vu  au 
Musée  ancien  l'exposition  d'une  collection  I  de  photo- 
graphies d'après  les  tableaux  du  Musée  publiées  par 
Hanfstàngl  de  Munich.  Ces  photographies,  sans  être 
pourtaiit  très  mauvaises,  sont  loin  de  valoir  celles 
de  Braun  et  on  eût  bien  fait  de  les  confier  au^  Belges 
très  habiles  qui  ont  demandé  à  les  faire.  Mais  il  est 
affiché  qu'elles  sont  en  vente  chez  Dietrich,  Montagne 
de  la  Cour.  Combien  eoûte  une  telle  annonce  dans  le 
Musée  ?  Si  ce  n'est  pas  trop  cher,  nous  en  donnerions 
volontiers  une  à  l'Etat.  Celle-ci  :  Avis  aux  étrangers. 
Renseignements  sur  les  Musées  de  Bruxelles. 
S'adresser  aux  bureaux  de  l'Art  moderne,  rue  de 
V  Industrie. 


VOLUMES  Ï)E  VERS      / 

Les  Horizons  hantés,  par  Jean  Delvi4.le;  l'Envol  des  rêves, 

par  Arthur  Dupont.  — Chez  Lacomblez,  Bruxelles. 

En  celle  année,  les  poêles  belges  ont  déjà  célébré  les  avène-- 
menls  de  Paul  Gcrardy  el  de  Max  Elskamp.  ♦:        - 

Voici  celui  de  Jean  Dclville. 

Indisculablemont  ces  trois  noms  marquent.  Qui  les  cite  ou  les 
écrit,  ne  peut  se  les  rapj)elpr  qu'avec^  à  leur  suite,  quelque  vers 
doux,  éclatant  ou  fort,  el  s'ils  désignent  des  hommes,  certes  aussi 
désigncnl-ils  des  livres.  Car  ceci  est  la  merveille  réalisée  par  tout 
vrai  poète  :  faire  oublier  les  babils  dont  il  se  vét,  le  chapeau  dont 
.  il  se  coiffe,  son  allure  et  ses  gestes,  pour  s'incarner  en  quelque 
strophe  admirable  et  devenir  sa  propre  pensée  vêtue  de  beauté. 
C'est  la  chair  qui  sefait  verbe. 

Dire  que  M.  Jean  Dclville  se  soit  déjà  affranchi  des  inévitables, 
au  début,  réminiscences,' serait  faux.  Au  long  des  pages  apparais- 
sent des  couleurs  appartenant  à  d'autres  palettes,  des  mois  logés 
en  d'autres  vocabulaires  et  souvent  même  des  piècps  entières 
fixées  en  d'autres  recueils.  Assimilateur,  M.  Dclville  l'est.  Mais  qui 
donc  prétendrait  qu'il  n'est  que  cela? 

4ussi  peut-on  noter  certains  viols  de  la  s^iU^xe,  quelques 
amputations  sauvages  de  syllabes,  tels  coups  de  poing  donnés  sur 
lé  pif  de  la  grammaire,  un  vers  cul-de-jatle  paK;ci,  une  rime 
aveugle  par-là.  ^ 

Ces  tares  ont  Pté  signalées  avec  insistance  et  peul-êlre  M.  Dcl- 
ville.les  a-t-il  maintcnuea  dans  son  œuvre  pour  son  plaisir. 

Ce  qui  nous  plaît  en  M.  Jean  Dclville,  c'est  la  richesse'de  son 
fonds"d€  poôle.  La  comparaison  ne  lui  coûte  guère,  la  vision 
large  et  grande  lui  est  ordinaire,  le  vers  sonnant  et  clalV  parfois, 
le  vers  grave  el  profond  souvent.  Son  talent  est  abondant  el  jeune  ^ 
il  coule  à  pleins  bords.  A  travers  les  Horizons  hantés,  c'est  la' sève 
~  •  nouvelle  qui  monte  comme  parmi  les  branchés  d'un  arbre.  Chaque 
poème  pousse  large  et  haut  :  on  ne  redoute  pas  un  instant  le  travail 
âpre  et  pénible,  le  recommencement,  le  recollement,  les  soudu- 
res^ le  battement  des  flancs.  Il  ya  entrain  continu,  elcomme  une 
fêle  d'ardeur  et  de  fougue,  presque  toujours  au  déjà  de  la  banalité. 

Des  tours  nouveaux  sont  essayés,  dé-ci,  de-là,  par-M.  Del«tlle. 
Ainsi  :  Soir  de  Chapelle;  le  Eeiour.  Ces  audaces  ou  plutôt  ces 
innovations,  qu'il  les  multiplie.  Son  art  ne  pourra  qu'y  gagner. 

Tel  (Jue  les  Horizons  hantés  nous  le  présentent,  l'auteur  est 
destiné  aux  aventures,  /"/est  carrément  el  fièrement  qu'il  les  doit 
courir.  Et  jamais  avec  des  regards  de  côté,  ni  les  deux  pas  en 
arrière  pour  un  seul  en  avant.  Calme  et  rassis,  il  ne  fera  que 
besogne  fade  et  cuisine  réchauffée.  Mais,  s'il  a  l'orgueil  de  n'écou- 
ter que  soi,  de  ne  dépendre  que  de  son  audace  et  de  faire  de  la 
critique  le  cas  nul  qu'il  en  faut  faire,  certes,  un  jour  le  livre  qu'il 
signera  sera  ardent  et  personnel.  Les  Horizons  hantés  sont  un 
bon  départ  sur  un  terrain  où  l'on  peut  se  casser  les  reins,  mais 
où,  en  tous  les  cas,- il  est  joyeux  et  pour  quelques-uns  inévitable 
de  s'emballer.  -^ 

De  M.  Delville  à  M.  Dupont  on  arrive  par  les  sentiers  déva- 
lants. Ici,  le  jardin  est  ratissé;  les  taillis  poussent  en  bon  ordre; 
il  est  défendu  de  marcher  par-ci, de  s'asseoir  par-là.  Des  fleurs  en 
des  parterres  ^—jnais  aussi  des  légumes  en  des  pl.ates-bandes. 
M.  Dupont  apparaît  comme  un  écrivai'ïi  au  fait  de  son  métier  et  à 
la  recherche  de  chansons  jolies.  11  les  rencontre  assez  fréquem- 


\ 


■  ^ 


ment,  mais  tout  charme  fuit  quand  il  enfle  la  Voix.  C'est  en  ses 
bons  momenis  qu'il  trouve  des  images  iellcs  «  sur  Ion  front 
réginal  »,  ou  bien  «  sur  ton  pùlc  sommeil  encadré  de  mensonges  )>^ 
ou  qiielqùe  rondel  plutôt  murmuré  que  dit.  Citons  :  Douce  pro-, 

menade  : 

„•*  Â  ,  " 

Dans  les  jardins  muets  comme  des  portes  closes 

Des  abeilles  dormaient  sur  les  lèvres  des  roses,  •  . 

Les  lys  décolorés  joignaient  comme  des  mains      *  . 

Leurs. fronts  courbés  et  pris  aux  ronces  des  chemins... 

Par  contre,  les  Hiboux  et  les  Couples  noirs  n'ont  rien  qui  soit 
admirable  et  les  deux  comparaisons  terminales  :  «  On  dirait  les 
esprits  des  beairx  châtelains  morts  »  et  «  tels  s'accouplent  de 
nuit,  etc.  »,  n'eriiboilent  absolument  rien  de  juste  ni  de  clair. 
Ces  images  jirésentées  de  telle  manière  sont  quasi  grotesques. 

Une  remarque  plus  nette  doit  viser  le  défaut  d'unité  et  dç 
concentration  de  l'Envol  des  rêves,  qui  apparaissent  trop  comme 
feuillets  détachés. 

Les  deux  volumes  dont  nous  venons  de  parler  se  rangent  dans 
la  collection' Lacombiez. 


LA  VIEILLE  CRITIQUE  BELGE 

Elle  a  encore  sévi,  l'horrible  mégère,  la  fielleuse  et  baveuse 
commère,  désolée  de.  sa  vieillesse  stérile  et  de  ses  charmes 
méprisés. 

Parait  le  livre  exquis  de  Max  Elskamp,  un  délicieux  livre  d'art, 
d'une  originalité  incontestable,  d'unc^  couleur  primesautière  et 
d'un  caractère  bien  national. 

L'Indépendance  belge  cherche  aussitôt  à  le  cacher  sous  sa  robe 
de  duègne  malpropre  et  elle  ptiblje,  en  guise  dé  compte  rendu, 
l'aigre  entrefilet  suivant  : 

«  Dominical,  par  Max  Elskamp.  Un  petit  volume  de  vers.. 
L'auteur  est  Anversois.  » 

Et  après  cela  M.  Charles  Tafdieu  se  vantera  dé'  ne  pas  être 
hostile  aux  jeunes,  et  le  somnolent  Frédérix  s'étonnera  des  mani- 
feslalions  qu'on  lui  réserve,  comme  une  portion  de  pommes 
cuites,  dans  les  théâtres  d'art  neuf  où  il  montre  son  personnage 
passé  de  mode! 

Est-il  nriéchant,  l'entrefilet  jaloux  publié  par  ces  deux  vieux 
renards  qui  ont  toujours  des  airs  de  chercher  «  leur  queue  perdue 
à  la  bataille  »  —  et  don|  la  vide  aigreur  cherche  à  mordre  ceux 
qui  sont  mieux  fournis  qu'eux! 

Les  polémiques  de  l'an  dernier  ne  les  ont  pas  guéris  de  leurs 
manies  de  mauvaises  concierges.  Tant  pis  pour  eux!  Nous  leur 
soignerons  une  saison  d'hiver  qui  amènera  peut-être  leur  rétablis- 
sement. 

Mais  ils  ne  sont  pas  seuls  atteints  de  ra^e  contre  nos 
écrivains.  Un  correspondant  bruxellois  de  la  Meuse  trouve  que 
Charles  De  Cosler  n'est  pas  assez  célèbre  pour  mériter  un  monu- 
ment, .Mais  enfin  le  jeune  plumitif  doctrinaire  déclare  que  si  le 
monument  est  bien,  on  n'a  qu'à  l'édifier. 

De  tels  propos  appelleraient  une  réprobation  violente  si  leur 
auteur  n'était  petit,  petit,  petit.  Qu'il  ne  se  permette  plus  à  l'ave- 
nir d'essayer  de  diminuer  une  de  nos  gloires  les  plus  belles,  car 
il  doit  savoir  ce  qu'il  en  a  coûté  àscertains,  qu'il  considère  sans 
doute  comme  ses  maîtres,  pour  avoir  pissoté  au  bas  d'œuvres  qui 
ont  jeté  depuis  de  grands  éclats. 

Enfin,  un  professeur  de  littérature,  à  Gand,  a  déclaré,  dans  cer- 


taine publication,  que  la  jeune  litléralure  belge  n'existait  pas  et 
il  a  parlé  du  dernier  roman  de  M.  Lqmonnior  :  Dames  de  volupté, 
et  du  dernier  roman  de  M.  Eekhoud  :  Cycle  patibulaire. 

Ces  livres  ne  sont  pas  des  romans,  Monsieur.  Avant  de  parler 
d'une  œuvre,  liscz-la.  Ou  sinon  ne  vous  étonnez  pas  qu'on  appelle 
vos  appréciations  ignares  et- malhonnêtes.  -  •    . 


LE  MUSEE  DE  GRUUTHUSE 


Il  est  bien  intéressant  de  constater  le  chemin  que  fail,  en  Bel- 
gique, cette  idée  si  féconde  de  doter  chacune  de  nos  grandes  villes 
d'un  musée  communal,  destiné  à  centraliser  peu  à  peu  toutes  les 
collections  locales  et  à  donner  de  la  valeur  aux  moindres  objets 
historiques,  grâce  au  groupement  cl  à  |a  mise  en  ordre. 

Le  modèle  de  ces  musées  est  celui  de  la  ville  de  Bruxelles,  trop 
connu  pour  insister  sur  ses  collections. 

Gand  n'aura  bientôt  rien  à  envier  â  la  capitale.  On  annonce  — 
ceci  sous  toutes  résprves  —  que  M.  Neyt  lègue  à  celte  ville  son 
superbe  hôtel,  .ainsi  que  toutes  les  collections  d'armes  et  de  por- 
celaines qui  s'y  trouvaient  rassemblées. 

Quant  à  Bruges,  les  choses  en  sont  plus  loin.  Elle  vient  de 
décréter  la  création  d'un  musée  communal  qui  sera' installé  dans 
l'Hôtel  Gruuthuse.  Ce  musée,  dit  le  règlement  qui  vient  d'être 
livré  à  la  publicité,  se  compose  dès  maintenant  : 

a)  De  la  collection  de  dentelles  dont  M.  le  baron  Liedls  a  fait 
don  à  la  ville,  â  l'active  intervention  de  la  Société  archéologique 
de  Bruges  ; 

b)  Des  tableaux  et  objets  d'art  que  la  Junte  de  l'Académie  des 
beaux-àrls  a  remis  à  la  ville  en  vertu  des  conventions  faites  entre 
elle  et  l'administration  communale  ; 

c)  Des  objets  déposés  dans  le' musée  par  la  Société  archéolo- 
gique, selon  inventaire; 

d)  Des  objets  que  des  administrations  publiques,  des  sociétés 
ou  des  particuliers  ont  confiés  ou  donnés  à  la  ville,  ou  que 
l'administration  communale  a  acquis  pour  le  musée. 

Celte  énumération  démontre  que  la  ville  de  Bruges  a  pris  une 
initiative  des  plus  intelligentes  en  cherchant  à  grouper  des  insli- 
tulions  artistiques  locales  et  à  demander  leur  concours  pour  doter 
leur  bonne  ville  d'un  musée  qui  promet  d'être  très  remarquable. 
En  effet,  il  s'agit  moins  en  l'espèce  de  collections  formées  tout 
entières  par  les  seules  ressources ^^d'une  administration  commu- 
nale, que  de  procurer  un  local  et  de  pourvoir  aux  dépenses  d'en- 
tretien d'objets  et  d'œuvres  d'art  épars  jusqu'aujourd'hui  aqx 
quatre  coins  de  Bruges. 

On  a  pensé  avec  raison  qu'il  était  peu  nécessaire  que  les  objets 
du  futur  musée  soient  la  propriété  exclusive  de  la  ville,  mais  qu'il 
suffisait,  pour  atteindre  le^  but  que  doit  se  proposer  un  musée, 
que  la>jouissance  des  immes  d'art  puisse  être  procurée.  La  Société 
archéologique  et  d'aufU-es  sociétés  ont  seulement  déposé  dans  les 
nouveaux  locaux  des  objets  leur  appartenant  selon  inventaire. 
Avec  la  Junte  de  l'Académie  des  beaux-arts,. il  est  même  intervenu 
des  conventions  de  dépôt  toutes  spéciales.  Ces  procédés  sont  " 
excellents  et  ils  sont  tout  à  fait  conformes  à  ceux  qui  sont  pra- 
tiqués en  Allemagne  et  aux  Etals-Unis. 

Le  musée  de  Gruuthu.se  aura  une  administration  toute  parti- 
culière. EUe  sera  confiée  à  une  commission  directrice  formée  de 
la  manière  suivante 

:■       ( 


c\y 


A  ■  ..  .  ■ 

fl)  M.  le  baron  Liedis  en  fail  partie  de  droil  en  qualité  do  pré- 
sident d'honneur,  avec  droit  de  séance  el  voix  délibérative; 

b)  Le  bourgmestre  de  la  ville  en  fait  partie  el  est  président  de 
droit; 

c)  Six  membres  sont  nommés  à.  vie  par  la  Junte  de  l'Académie 
el  ne  seront  pas  remplacés  ; 

d)  Six  membres  sont  nommés  par  le  conseil  communal  el 
quatre  par  le  comité  de  la  Société  c4'archéologie.  Le  mandat  de 
ces  dix  membres  de  la  commission  sera  renouvelé  de  trois  en 
trois  ans.  Ils  sont  rééligibles. 

Le  principe  qui  a  dicté  celte  répartition  est  excellent  :  les 
donateurs,  leur  vie  durant,  coçtinuent  à  prendre  part  h  la.  con- 
servation des  objets  confiés  par  eux  au  musée,  et  ck-sl  là  la 
meilleure  garantie  qu'il  sera  bien  organisé.  C'est  l'association  en 
matière  scientifique  et  artistique  el  une  nouvelle  preuve  de  ce  que 
pourraient  faire  en  notre  pays  les  nombreuses  sociétés  d'art  qui 
y  prospèrent  si  elles  se  fédéraient  plus  souvent  en  Vue  de  là 
-réalisation  de  buis  communs  dont  le  grand  public  bénéficierait  le 
tout  premiel*. 

Les  principes  qui  ont  présidé  à  la  création  du  Musée  communal 
de  Bruges  attirent  encore  l'attention  sur  un  tout  autre  ordre 
d'idées. 

Partant  de  ce  fait  que  les  musées  sont  destinés  aux  jouissances 
esthétiques  des  citoyens  et  à  leur  éducation  artistique,  on  peut  se 
demander  quelle  nécessité  oblige  l'état  ou  la  commune  à  être  le 
seul  propriétaire  des  œuvres  exposées  dans  nos  collections 
publiques.  Sans  doute  l'assurance  de  pouvoir  conserver  à  perpé- 
tuité des  objets  .*t  tableaux  de  grande  valeur  légitime  suffisam- 
ment les  achats  réalisés  au  moyen  des  divers  budgets  des  'beaux- 
arts.  Mais  une  œuvre  louée  pour  un  an,  six  mois  ou  même  moins 
remplirait  aussi  bien  le  rôle  que  nous  indiquions.  Combien 
mieux  encore  les  œuvres  simplement  prêtées. 

Il  n'y  a  là  rien  de  bien  neuf.  Les  collections  privées  sont  plus 
riches  en  œuvres  spéciales  que  beaucoup  de  musées.  Vingt  mobiles 
peuvent  pousser  les  particuliers  à  faire  partager  la  jouissance  de 
leurs  trésors  à  l'élite  de  leurs  concitoyens.  Que  d'amateurs  con- 
sentant gracieusement  à  faire  voyager  leurs  toiles  vers  de  loin- 
taines expositions,  seraient  heureux  de  savoir  au  musée  de  leur 
ville  un  local  spécial  prêt  à  recevoir  toute  œuvre  de  passage 
digue  de  figurer  dans  une  collection. 

Pour  certains  collectionneurs,  leurs  bibelots  ou  leurs  toiles 
représenlenlla  valeurd'une  fortune  considérable,  parfois  les  chers 
débris  arrachés  à  la  ruine  qui  a  englouti  tout  le  reste.  Il  a  fallu 
toute  une  vie  pour  réunir  leurs  spécimens  rares,  et  à  cause  des 
charges  de  famille,  en  conscience,  sinon  légalement,  ils  ne  se 
croient  pas  autorisés  à  donner  à  l'État  de  leur  vivant  ou  par  legs 
des  œuvres  représentatives  de  sommes  considérables.  Le  prêt  à 
l'Etat  ou  à  la  commune  pour  quelques  mois  ou  quelques  années, 
avec-peut-ôlre  l'espoir  d'un  achat  en  bloc  le  jour  dé  quelque  libé- 
ralité des  Chambres,  ce  serait  là  une  solution  bien  raisonnable. 

On  pourrait  imaginer  vingt  cas  analogues  comme,  par  exemple, 
l'usufruit   temporaire   des  œuvres  pendant  les  procès,  souvent 
fort  longs,  pour  sortir  d'indivision,  et  les  cas  où  il  faut  mettre  les 
œuvres  sous  séquestre,  fonction  que  les  musées  rempliraient  fort , 
bien,  '.- 

Faut-il  citer  des  précédents?  Au  Metropolitan  Muséum  de 
New-Yprk,  beaucoup  dœuvres  d'art,  et  non  des  moins  précieuses, 
sont  momentanément  déposéespar  leurs  propriétaires.  A  Berlin, 
au  troisième  élage  de  la  Galerie  moderne,  c'est  la  colleciion  du 


comte  Raczimsky  qui  a  été  prêtée  aux  Musées  royaux  el  qui  rem-' 
plil.  plusieurs  grandes  salles.  Enfin,  les 'arrangements  intervenus 
entre  la  ville  de  Bruges  cl  les  diverses  sociétés  qui  oni  collaboré  à 
la  fondation  du  Musée  Gruuthuse  sont  la  meilleure  preuve  qu'un 
musée  peut  offrir  au  public  des  œuvres  remarquables  sans  faire 
en  même  temps  acle  de  propriétaire.     . 


L'ART  ET  LES  SÉMITES 

U Avenir  social,  rédigé  par  une  pléiade  de  jeunes  avocats,  dits 
conservateurs  mais  faisant  partie  du  groupe  chaque  jour  gran- 
dissant de  ces  belles  personnalités  de  la  génération  nouvelle  qui 
dédaigneusement  écartent  les  mesquines  sottises  du  clérico-libé- 
ralisme,  continue  à  publier  sûr  la  politique,  l'histoire,  la  science, 
l'art  des  articles  dignes  d'être  remarqués. 

Le  numéro  du  9  octobre  contient,  entre  autres,  une  très  forte 
élude  sur  Renan,  signée  Léon  De  Lanlsheere.  Ce  nom  est  celui 
d'une  des  plus  fermes  intelligences  de  ces  nouvelles  couches  qui 
donnent  tant  et  de  si  nobles  espérances. 

Nous  y  lisons  entre  autres  choses  très  bien  dites  ; 

«  Comme  historien  dés  Sémites,  M.  Renan  a  sur  la  conscience 
«  quelques  bévues  remarquables.  Il  avait  à  peine  déclaré  que  les 
«<  Sémites  sont  monothéistes  par  essence,  que  les  fouilles  miren} 
«  au  jour  l'exubérant  panthéon  assyrien.  Il  avait  à  peine  affirmé 
«  que  les  Sémites  n'ont  ni  arls  plastiques,  ni  poésie,  ni  science, 
«  (]ue  les  fouilles  révélèrent  les  superbes  sculptures  des  palais 
«  assyriens,  les  poèmes,  les  collections  scientifiques  et  les 
«  bibliothèques  enfouies  dans  le  sol  de  la  Mésopotamie.  » 

Assurément,  M.  Renan  a  commis  «  quelques  bévues  remar- 
quables ».  C'est  ainsi  que  nous,  avons  toujours  été  frappé,  plus 
spécialement  dans  son  Saint  Paul,  de  son  inconscience  de  l'in- 
fluence dominante  de  la  race  sur  l'ère  de  diffusion  du  Christia- 
nisme. Ce  facteur  capital  lui  a  échappé. 

,  Mais  est-il  juste  de  contredire  son  appréciation  sur  le  mono- 
théisme des  Sémites  et  leur  inaptitude  esthétique?  L'exemple 
tiré  des  fouilles  assyriennes  est  des  plus  contestables.  L'Assyrie 
était  un  pays  de  mélange,  très  près  des  pays  d'origine  de  l'Arya- 
nisme,  très  mêlé  comme  population,  très  obscur  encore  aujour- 
d'hui sur  les  artisans  de  son  art.  Les  Sémites' conquérants  ont 
toujours,  et  immédiatement,  utilisé  pour  leur  art  les  peuples 
conquis.  La  civilisation  arabe,  après  Mahomet,  en  cette  même 
Mésopotamie,  en  Afrique  et  en  Espagne  en  témoigne.  Au  con- 
traire, l'Arabe,  en  son  Arabie,  livré  à  lui-même  et  libre  de  s'épa- 
nouir comme  jamais  peuple  n'en  eut  la  chance,  car,  depuis  les 
temps  historiques,  son  territoire  est  demeuré  presque  inviolé,  n'a 
jamais  eu  qu'un  art  très  rudimentaire.  Carthagé  aussi  (l'ancienne) 
n'a  laissé  aucune  œuvre  d'art  notable.  Il  faut  rabattre  des  ima- 
ginations de  Flaubert  en  sa  Salammbô;  la  vieille  cité  ne  valait 
apparemment  guère  mieux  qu'Alger  ou  Tunis  avant  l'invasion 
française. 

Il  est  aussi  logique  de  mettre  à  l'actif  du  sémitisme  mésopota- 
mique  les  découvertes  récentes,  que  de  mettre  à  l'actif  des  Mau- 
res les  monuments  ai«abes  de  la  péninsule  ibérique.  D'un  côté 
comme  de  l'autre  ce  sont  les  vaincus  qui  ont  travaillé  pour  les 
envahisseurs,  race  stérile  et  parasitaire,  qui,  dès  qu'elle  est  livrée 
à  elle-même,  ne  produit  plus  rien.  Où  est  l'art  des  cent  millions 
de  Sémites  qui  existent  encore  sur  notre  rtiachine  ronde?  En 
dehors  de  quelques  Juifs,  douteux  tant  ils  furent,  en  leur  ascen- 


dance,  mêlés  à  nous,  el  au  surplus  toujours  d'un  an  étroit  et  secon- 
daire, rien,  rien,  rien!  Ni  en  fait,  ni  en  espérances,  rien,  plus 
rien. 

Ces  questions  que  nous  n'avons  pas  la  prétention  de  résoudre 
absolument  sont  très  importantes  aujourd'hui  que  la  question  dos 
races  apparaît  de  plus  en  plus  comme  le  point  de  vue  principal 
auquel  il  faut  se  placer  pour  apprécier  et  l'histoire  et  la  législa- 
tion et  les  réformes.  Un  catholique  a  malheureusement  là-dessus 
les  inévitables  tendances  qui  le  poussent  à  magnifier  !«  sémi- 
tisme  par  cela  seul  que,  suivant  la  tradition,  l'une  de  ses  plus 
infimes  tribus  aurait  été  choisie  par  Dieu  Jcomme  peuple  favori. 
Il  faudra  du  temps  avant  que  ce  point  de  vue  fragile  ne  fausse 
plus  les  meilleurs  esprits  de  cette  école. 


,  LES  PRIX  DE  B<^E 

On  lit  dans  divers  journaux  : 

Un  arrêté  royal  modifie  les  conditions  d'admission  au  grand 
concours  de  peinture,  sculpture,  composition  musicale  dont  les 
lauréats  sont  envoyés  à  Rome  aux  frais  du  gouvernement.  Désor- 
mais on  admettra  au  concours  les  Belges  qui  n'auront  pas  trente 
et  un  ans  le  31  décembre  de  l'année  pendant  laquelle  le  concours 
a  lieu.  »  ' 

En  voilà  une  réforme  qui  montre  l'esprit  d'initiative  de  nos 
ratatinés  bureaux  des  beaux-arts!  Mais  ce  qu'il  faudrait  modifier, 
malheureux  routiniers,  c'est  la  sotte  obligation  pour  les  lauréats 
d'aller  à  Rome.  On  l'a  attaquée  cent  fois.  On  a  cent  fois  démontré 
son  slupide  archaïsme.  Voir  nolammenl  l'Art  moderne.  Conçoil- 
on,  en  notre  temps  de  modernité  et  d'originalité,  qu'on  expédie 
pendant  plusieurs  années  dans  la  ville  éternelle!  d'infortunés 
artistes,  avec  obligation,  entre  autres,  de  faire  des  copies,  sous 
prétexte  que  cela  formera  leur  sens  artistique? 

C'est  comme  si,  pour  développer  l'aptitude  à  parler  le  flamand, 
vous  les  envoyiez  en  Espagne.  L'art  est  un  moyen  d'expres- 
sion des  idées  et  des  sentiments  personnels,  l'art  est  une  langue, 
celle  du  milieu,  du  pays,  des  traditions  nationales,  el  ne  vaut  que 
si  CCS  divers  et  savoureux  facteurs  sont  respectés  el  intensifiés.  Que 
vaut  le  malheureux  qui  a  été  se  déformer  au  loin  en  essayant  d'éga- 
ler le  Titien  ou  Raphaël,  en  s'imprégnant  de  leurs  tendances  en 
opposition  avec  sa  nature?  Ce  n'est  plus  qu'un  misérable  pasti- 
cheur, un  vulgaire  académique.  Donnez  vos  prix  de  Rome  aux 
Belges  pour  vivre,  peindre,  sculpter  en  Belgique.  C'est  notre  chez, 
nous  qu'ils  doivent  interpréter,  nos  paysages,  nos  mœurs,  nos 
idées,  nos  espoirs.  Leur  mission  est  de  nous  les  faire  apparaître 
plus  profonds,  plus  beaux,  plus  tendres.  Qui  donc  a  jamais  tres- 
sailli devant  les  coloriages  glacés  qu'on  expose  sous  la  rubriqtie  : 
Envois  de  Rome  ?  " 

-^CCUpÉg     DE    I^ECEPTIO;^ 

Pierrette,  opérette  en  vers  (un  acte),  par  Charles  Gheude; 
Nivelles,  M.  Dernier.  —  Croquis  arlots,  par  Charles  Gheude; 
Nivelles,  M.  Dernier.  —  Echos  d'Alsace,  par  le  D'  Ox  (sans  nom 
d'éditeur),  —  Fjelds  et  Fjords,  par  Emile  Vandervelde  (extrait  de 
la  Revife  de  Belgique);  Bruxelles,  P.  Weissembruch.  —  Le 
Vœu  de  Vivre  (Livre  IV  de  Bire  du  mieux,  d"  partie  de  OEuvre) 
par  René  Ghil;  Deuxième  volume;  Paris,  Direction  des  Ecrits 
pour  VArt,  16tw,  rue  Laurislon.  -^  Bobin,  par  Fernand  Bau- 
Doux;  Paris,  A.  Savine.  « 


MASGAGNI  A  VIENNE 

Sous  ce  titre  le  Guide  Musical  publie  une  bien  amusante  cor- 
respondance, caractéristique  de  l'engouement  irréfléchi  des  foules 
pour  certains  artistes  en  vogue  que  l'avenir  classe  inéluctablement 
à  leur  rang  : 

Rien  ne  peut  donner  une  idée  du  délire  qui  s'est  emparé  des 
Viennois  depuis  que  M.  Nascagni,  «  l'heureux  auteur  »  de  Caval- 
leria  et  do  VAmico  Fritz,  est  «  dans  les  murs  »  de  la  capitale 
autrichienne.  C'est  un  enthousiasme  exubérant,  lassant,  crispant, 
irréfléchi  au  point  d'être  ridicule,  une  folie  furieuse,  de  la  fréné- 
sie. M.  Mascagni  ne  peut  faire  un  pas  hors  de  chez  lui  sans  être 
poursuivi  par  la  fouie,  qui  le  suitj  qui  l'examine  des  pieds  à  la 
tête,  qui  le  harcèle  de  mille  façons  de  son  obséquieuse  admiration». 
Chaque  jour,  on  peut  lire  dans  les  journaux  de  Vienne  des 
colonnes  entières  sur  les  faits  el  gestes  du  jeune  maestro  ;  ses 
moindres  paroles  sonl  recueiUfesit  commentées  avec  un  empres- 
sement fiévreux  ;  on  détaille  ses  actes,  ses  gestes,  ses  façons  de 
parler  et  d'être;  on  décrit  par  le  menu  sa  toilette,  la  coupe  de  ses 
habits,  de  ses  cols  et  de  ses  cheveux.  Tout  Vienne  sait  l'heure  à 
laquelle  il  se  couche,  quand  il  se  lève,  comment  il  déjeune,  quand 
il  dîne  et  ce  qu'il  mange.  C'est  une  fièvre  maligne,  une  épidémie 
caractérisée  par  la  publication  de  trois  feuilletons  dans  la  Noti- 
velle  Presse  libre,  où  l'on  peut  lire  que  Mascagni  est  un  reizender 
Mensch,  un  homme  charmant,  qu'il  est  adorable,  exquis,  déli- 
cieux. L'autre  jour,  au  Praler,  deux  mille  personnes  l'ont  suivi, 
el  l'on  s'est  bousculé  pour  le  toucher  du  doigt;  des  dames  l'ont 
embrassé;  l'une  d'elles  même  a  arraché  le  cigare  que  fumait  le 
maestro  et  l'a  emporté  —  le  cigare,  pas  le  maestro  —  comme 
une  relique. 

M.  Mascagni,  qui  est,  dit-on,  un  jeune  homme  intelligent, et 
modeste,  plus  étonné  que  ravi  de  ces  ovations  violentes,  est  le 
premier  à  se  plaindre  de  l'attention  exagérée  dont  il  est  l'objet.  Il 
est  la  victime  plutôt  que  le  héros  de  sa  propre  gloire,  si  rapide 
e(  jusqu'ici  si  peu  justifiée.  Il  explique  lui-mépie  que  le  succès 
prodigieux  de  son  premier  ouvrage  est  dû  surtout  à  celte  circon- 
stance que  le  public  italien  élail  saturé  des  longs  opéras  qu'on  lui 
donnait  depuis  vingt  ans,  vastes  machines  d'idées  çt  d'inspirations 
tapageuses  autant  que  nulles,  auprès  desquelles  la  concision 
énergique.du  sujet  et  les  développements  musicaux  très  rudimen- 
taires  AfTCavalleria  ont  paru  un  signe  de  force  extraordinaire.  Un 
bon  point  au  maestro  pour  cet  aveu  ingénu,  à  moins  qu'il  ne  soit 
plein  d'artifice. 

M.  Mascagni  a  déjà  dirigé  sur  la  petite  scène  de  l'Exposition  de 
Théâlre  el  Musique;  à  Vienne,  cinq  ou  six  représentations  de 
Cavalleria  el  de  VAmico  Fritz,  et  chaque  fois  il  a  été  l'objet 
d'interminables  ovations.  A  la  dernière  représentation  de  Caval- 
leria, lundi  dernier,  à  laquelle  assistaient  plusieurs  archiducs, 
Mascagni  a  été  rappelé  six  ou  sept  fois  de  suite;  il  s'est  aj ors 
incliné  el  a  prononcé  en  allemand  ces\mots  mémorables  :  Ich 
danke.  Nouveau  délire  cl  nouveaux  rappels. ^u  douzième,  exténué, 
le  maestro  a  balbutié  :  lo  sono  trppno  cofnmosso!  (Je  suis  trop 
ému  !)  Et  il  quitta  la  scène  au  miliéia-irune  salle  agitant  frénéti- 
quement chapeaux,  cannes,  moucnpirs  ou' parapluies. 

Un  homme  que  ce  délirant  enthousiasme  des  Viennpis  ïloil 
mettre  aux  anges,  c'est  le  bon  éditeur  Sonzogno,  artisan  de  la 
gloire  de  son  protégé,  Barnum  satisfait  et  rayonnant  de  la  no\i-^ 
velle  école  musicale  «  du  coup  (le  poing  dans  l'œil  ».  C'est  lui 


qui  a  organisé  à  grands  frais  —  sa  fortune  les  lui  permet  —  la 
stagione  italiana  du  théâtre  de  l'exposition.  Après  avoiii  fait 
annoncer  par  un  journal  intimement  hostile  que  Mascagni  n^ndP 
pas  à  Vienne  tant  que  l'Autriche  n'aurait  |ias  rendu  Triesle  -à 
l'Italie  (!),  il  a  amené  tout  de  même  avec  lui  le  soi-disant  irréden- 
tiste. Le  coup  était  bien  joué.  L'effet  devait  être  inrimanquable  et 
la  malice  a  porté.  C'est  décidément  un  très  habile  homme  que  ce 
malin  éditeur! 

Il  faut  reconnaître  d'ailleurs  que,  de  l'avis  de  tous,  il  a  présenté 
aux  Viennois  une  troupe  italienne,  hors  ligne,  chargée  de  leur 
faire  connaître  toute  une  sérig  d'opéras,  en  un  ou  plusieurs  acjes, 
dont  les  partitions  dormaient  dédaignées  dans  l'arrière-boutique 
du  Stabilimente  Edonrdo  Sonzogno, 

Après  avoir  fait  chanter  Cavalleria  par  Slagno  et-  la  créatrice 
de  Santuzza,  la  très  remarquable  signora  Bellincioni,  il  a  fiiit 
représenter  successivement  II  Biricchino  du  maestro  Lenpoldo 
Mugnone,  un  vaudeville  sans  portée;  puis  /  Pagliaci  de  Leonca- 
vallo  (paroles  et  musique),  une  tabarinade  violente  et  sucrée  tour 
à  tour;  puis  encore  la  Tilda  de  Ciléa  et  la  hiala  Vita  de  Gior- 
dano. 

Une  fois  les  esprits  chauffés  à  blanc  par  la  présence  de  MaSéa- 
gni,  toute  la  série  y  a  passé,  non  sans  douleur,  mais  avec  un 
retentissement  égal  pour  toutes  ces  œuvres  de  valeur  1res 
discutable. 

C'est'lout  ce  que  voulait  le  bon  éditeur  Sonzogno. 

Voilà  son  nouveau  répertoire  lancé  et  bien  lancé. 

Evviva  Vltalia  !  Macaroni  e  pulcinella! 


Mémento  des  Expositions    . 

Angers.  —  Exposition  des  Beaux-Arts  et  d'Arts  industriels,  du 
42  novembre  au  1"  janvier  1893.  Envois  à  la  Société  desAmis 
des  Arts,  place  de  Lorraine,  Angers,  d[x '20  au  ^^  oclohre.  ' 
.  Budapest.  —  Concours  pour  la  statue  équestre  d'Andrassy. 
Jrois  prix  à  décerner  :  6000,  4000  et  3000  francs.  Dernier.délai  : 
1"  octobre  4893.  Devis  maximum  -.  200,000  florins.  Renseigne- 
ments :  B»"  F.  de  Podmaniczky,  président  du  Comité  exécutif, 
II  Foutçza  Ji»  i,  2n'e  étage,  Budapest^ 

Chicago,  —t  Section  des  Beaux-Arts  de  l'Exposition  universelle, 
l^f  mai-30  octobre  1893  (voir  lArt  moderne  Au  il  octobre  1891). 

Monaco.  —  Exposition  internationale  des  Beaux-Arts  (limitée 
aux  invités).  14  novembre  1892-13  août  1893.  Renseignements  : 
Baron  Delort  de  Gléon,  président  du  Comité,  rue  Vézelay, 
18,  Paris. 

Nancy.  —  XXIX®  exposition  de  la  Société  lorraine  des'«  Amis 
des  Arts».  1"  novembre-8  décembre.  Transport  gratuit  pour  les 
artistes  invités.  Renseignements  :  M.  R.  Wiener,  trésorier,  rue 
des  Dominicains,  53,  Nancy. 

Nantes.  —  Exposition  de  la  Société  des  «-Amis  des  Arts  »,  du 
l«rau  28  février  1893.  Envois  avant  le  8  janvier  à  M.  Descamps 
de  Lalanne,  secrétaire  général  de  la  Société  des  uAmis  des  Arts  », 
12,  rue  Lekain,  Nantes. 

Nice.  —  Exposition  internationale.  10  janvier-30  mars  1893. 
Envois  :  'lef-25  décembre.  Renseignements  :  Secrétariat,  Palais 
du  Crédit  Lyonnais,  Nice. 


pÉTlTE    CHROI^IQUE 

Le  bel  article  sur  Renan,  paru  dans  notre  numéro  de  dimanche 
dernier,  sous  la  signature  de  Victor  Arnould,  a  appris  à  nos 
lecteurs  que  nous  pouvons  de  nouveau  compter  sur  la  collabora- 
tion de  celui  qui  occupe  une  des  premières  places  parmi  nos. 
écrivains. nationaux. 

On  n'a  point  perdu  la  mémoire  des  admirables  études,  entcç 
^ulrcs  sur  Juvénal,  que  l'auteur  du  Tableau  d'une  histoire  sociale 
de  l'Eglise  a  publiées  dans  l'Art  moderne.  La  direction  de  la 
Nation,  auquel  son  étiiicelante  polémique  quotidienne -a  donné 
tant  d'éclat,  l'avait  contraint  à  délaisser  provisQircment  notre  revue. 
Maintenant  qu'a  disparu  ce  journal,  assurément  de  pensée  trop 
élevée  et  de  prose  trop  lettrée  pour  réussir  auprès  de  notre  public 
amateur  de  boissons  intellectuelles  grosses  et  frelatées,  notre 
ancien  collaborateur  nous  revient,  certain  de  trouver  auprès  du 
groupe  de  nos  lecteurs  (groupe  si  fidèle  cl  d'une  si  grande  infliience 
dans  le  domaine  de  l'art),  l'accueil  et  la  sympathie  que  le  taleiU 
cherche  en  vain  quand  il  s'adresse  à  la  foule,  à' la  politique  et  au 
vulgaire. 

C'est  aujourd'hui  dimanche,  à  11  l'2  heures,  que  sera  installé 
au  Conservatoire  royal  de 'musique  le  buste  en  marbre  d'Augusie 
Dupont,  érigé  à  sa  mémoire  par  ses  élèves.  Ce  buste  est  l'œuvre 
de  M.  Paul  Du  Bois. 

La  Section  d'art  et  d'enseignement  populaire  de  la  Maison  du 
Peuple,  inaugurée  l'an  dernier  et  désormais  solidement  constituée, 
va  reprendre  prochainement  la  série  de  ses  attrayantes  séances. 
Parmi  les  conférenciers  qui  se  sont  fait  inscrire  cette  année,  on 
cittîMM.  Jules  Destfée,  G«orges  Eekhoud,  Fernand  Khnopft",  Mau- 
rice Maeterlinck,  Edmond  Picard,  Eugène  Robert,  M""®»  Couvreur 
et  Galii  de  Gamond. 

La  première  séance  aura. lieu  le  1?'  novembre.  M.  Jules  Destrée 
parlera  de/la  litiérature  russe;  la  seconde  pari ie  de  la  soirée  sera 
consacrée/à  l'audition  d'œuvres  de  la  Jeune  Russie  musicale.       ^ 

MM.  Blanc-Garin  et  Horta  commenceront  sous  peu  un  cours  de 
dessin  industriel  qui  ne  peut  manquer  d'être  très  suivi  et  dgs  plus 
utiles.  La  section  dramatique  de  la  Maison  du  Peuple  se  propose 
d'interpréter  diverses  œuvres  ignorées  ou  peu  cohnues  du  Ihéâlro 
contemporain. 

Le  premier  concert  du  Conservatoire  est  fixé  au  18  décembre. 
M.Gevaérl  prépare  pour  cette  solennité  une  audition  du  Messie. 
Il  a  engagé  comme  soliste  M.  Demest,  le  jçune  chanteur  liégeois 
qui  a  si  brillamment  débuté  cet  été  au  Waux-Hall  et  dont  nous 
avons  vanté  le  mérite  exceptionnel. 

On  se  souvient  du  succès  que  remporta  Li  Voyège  di  Chaud- 
fontaine.  L'accueil  fait  à  la  partition  du  chanoine  de  Hamal  a 
donné  à  MM.  Radoux  et  Sauvenière  l'idée  de  publier  im  autre 
opéra  du  maître  wallon.  Et  bientôt  nous  verrons  sortir  des  presses 
de  M.  Ch.  Vanderauwera,  l'habile  graveur  de  musique,  Li  Liégeois 
égngi  (le  Liégeois  enrôlé),  écrit  par  de  Hamal  en  nS7  sur  un  texte 
de  M.  de  Fabri,  bourgmestre  de  Liège.  M.  Radoux  a  réduit  la  par- 
tition pour  piano,  M.  Sauvenière  a  fait  du  texte  wallon  une  adap- 
tation française. 

L'ouvrage  est  mis  en  souscription  à  4  francs  l'exemplaire. 

Elles  poussent,  elles  poussent,  les  feuilles  nouvelles,  malgré  la 
saison  tardive ""  -^ 


i 


Voici  Tout-Bruxelles,  paraissant  le  jniidi  ol  le  dimancho,  avec 

jdes  clironiqiies  de  F.  Nautdl,  d'Edin.  Çallier,  d'H.  Maubcl,  de 

F.   Sla'hutte,  d'H.    Nizel^  de  G.   Van   Zype,  de  F.   Liitens,  de 

Ml'"  M.  Van  de  Wiele,  et*.  Administration  :  2i,  rue  de  l'Eciiyer, 

Bruxelles.  Abonnement  :  10  francs  par  an. 

A  Paris,  le  Journal,  publié  sous  la  direction  de  F.  Xau,  derrière 
qui  marche  l'armée  des  courriéristes,  chroniqueurs,  soiristes, 
échotiers  parisiens,  depuis  M™"  Séverine  jusqu'à  Bergerat.  Vendu 
un  ^o\x,  lé  JoiCrnal  va  faire  une  concurrence  directe  à  l'Echo  de 
Paris,  lequel  avait  lui-même,  en  abaissant  à  deux  soûs  le  prix  de 
vente  de  son  numéro,  attaqué  dans  ses  retranchements  \eOilBlas, 
qui  coûte  trois  sous.  A  quand  le  journal  gratuit,  avec  primes  en 
espèces  métalliques?  A  quand  l'adjonctionien  supplément  hebdo- 
madaire et  illustré,  d'une  feuille  de  coupons  payablee-  par 
semestres?  '. 

Citons  enfin  un  journal  namurois,  Le  Théâtre,  paraissant  le 
jeudi  et  le  dimanche. 

Cette  brève  nolcdans  un  journal  de  Paris  :  «  Mort,  à  vihgt-sepl 
ans,  de  M.  G.-Alberl  Aurier,  le  critique  d'art  du  Mercure  de  France 
et  l'auteur  d'un  roman.  Vieux  »,  évoque  dans  notre  esprit  toute 
une  série  d'articles,  lus  avec  le  plus  vif  intérêt,  sur  les,  peintres 
de  la  génération  ascendante  :  Claude  Monet,  Paul  Gauguin,  Berthe 
Morisot,  Renoir,  Raffaclli,  Vincent  Van  Gogh,  Henry  de  Groux, 
Eugène  Carrière Nous  avons,  ici  même,  cité  et  reproduit  plu- 
sieurs d'entre  eux,  et  notamment  le  panégyrique  enthousiaste  que 
fil  le  compréhensif  et  très  renseigné  critique  de  l'art,  superbe  en 
sa  brutalité,  du  pauvre  Vincent. 

Le  Mercute  pleurera  l'un  de  ses  écrivains  les^  plus  distingués. 

11  se  lient  annuellement  en  Italie  un  Congrès  artistique 
national  qui  s'est  réuni,  pour  la  sixième  fois,  à  Turin  en  4892  et 
qui  vient  d'acclamer  Rome  comme  siège  du  prochain  congrès 
qui  aura  lieu  l'année  prochaine.  Toutes  les  questions  concernant 
l'art  national  sont  débattus  dans  ces  assemblées  auxquelles 
prennent  part  des  représentants,  des  artistes,' des  professeurs 
d'Académie  et  des  officiels.  On  y  discute  sur  l'opportunité  des 
expositions,  sur  les  réform«s  de  l'enseignemeht  académique,  sur 
les  mesures  à  prendre  en  vue  de  la  conservation  des  richesses 
artistiques  du  pays. 

N'y  a-t-il  pas,  chez  nous  aussi,  assez  d'intérêts  artistiques  pour 
donner  lieu  à  la  réunion  d'un  tel  congrès? 

A  lire  dans  le  numéro  du  15  juillet  1892  de  la  revue  Le  Droit 
d'Auteur,  un  très  intéressant  article  sur  la  protection  des  Ira- 
duèlions  d'œuvres  dramatiques  ou  dramalico-musicales  organisée 
par  la  Convention  internationale  de  Berne. 

Il  conviendrait  que  les  administrations  communales  de  nos 
grandes  villes  prissent  davantage  à  cœur  les  intérêts  du  bon  goût. 
On  a  profité  des  vacances  pour  remettre  à  neuf  la  salle  du  ThéAtre 
du  Parc  qui  est,  comme  on  le  sait,  un  établissement  appartenant 
à  la  ville  de  Bruxelles.  Pas  le  moindre  sens  artistique  n'a  puésidé 
à  cette  décoration.  Passaient  encore  autrefois  les  vieux  ors  et  les 
cartonnages  noircis  par  les  poussières  et  la  fumée  du  gaz.  La  salle 
avait  un  air  ancien  qui  poussait  à  l'indulgence  les  gens  délicats. 
Mais  aujourd'hui  ?  Les  ors  vifs  tranchent  sur  les  blancs  crus  et  les 
velours  cramoisis.  On  s'est  même  avisé  à'argenter  les  cariatides 
qui  soutiennent  les  loges  d'avant-scène  et  l'on  a  remplacé  l'or- 
chestre par  une  tenture  du  dernier  mauvais  goût. 

Que  font  donc  les  architectes  communaux  et  ces  messieurs  du 


collège  qui  mandatent  des  dépenses  criant  autant  vengeance  à 
l'art  cl  aux  bienséances? 

La  dernière  livraison  des  Hommes  d'aujourd'fCui  (\amer,  éd.) 
publie  le  portrait  de  M.  Zo  d'Axa,  rédacteur  en  chef  de  VEndehors. 
Dessin  d'Anqueiin,  texte  de  Lucien  Descaves. 

Le  Musée  des  Arts.  Industriels  de  Berlin  vient  d'acquérir  une 
suile  d'œuvres  de  M.  Roly.  ^"~^ 

Souhaitons  que  ses  plaquettes  et  médailles,  où  revit  si  ingé- 
nieusement l'art  dfls  anciens  médaiMeurs,  et  qu'on  a  pu  admi-er  à 
diverses  reprises  au  Salon  des  XZ,  excitent,  là-bas,  l'intélrêl 
qu'elles  méritent. 

Le  Choléra  :  tel  est  le  litre  d'un  drame  en  six  actes  qu'un  auteur 
allemand,  M.  Miniemann,  vient  de  soumettre  au  directeur  du 
Lessing-Thealer,  à  Berlin.  Celui-ci,  dit-on,  s'est  empressé  de  refu- 
ser cet  ouvrage  d'une  trop  sinistre  actualité. 

Il  est  vrai,  dit  le  Musical  Times,  qui  rapporte  celle  nouvelle, 
que  le  Choléra- Galop  de  Musard  a  diverti  nos  pères  il  y  a  un  demi- 
siècle.  Mais  un  drame  en  six  actes  sur  ce  sujet!... 

Un  musicien  qui  refu.se  une  décoration  par  conviction  ou  par 
niodestie,  voilà  un  fait  bien  exceptionnel  àan^le  siècle  où  nous 
vivons  !  Il  vient  de  se  passer  dans  les  Pays-Bas,  où  deux  artistes 
musiciens  néerlandais,  MM.  Boers  et  Nicolaï,  ont  été  décorés  à 
l'occasion  de  l'anniversaire  de  là  jeune  reine.  Mais,  tandis  qu^on 
donnait  des  sérénades  à  M.  Nicolaï,  le  vieux  maître  de  Delfl, 
M.  Boers  écrivait  au  l^linistre  de  l'intérieur  que  ses  opinions  ne 
lui  permettant  pas  d'accepter  une  distinction  honorifique,  il  le 
priait  de  bien  vouloir  annuler  sa  nomination  en  faisant  rapporter 
le  décret.  Voilà  un  homme  qui  ne  transige  pas  avec  ses  convic- 
tions, et  il  faut  admirer  la  fermeté  de  caractère  d'iine  nature 
pareille  qui  ne  trouvera  pas  beaucoup  d'imitateurs  dans  la  confré- 
rie artistique.  {Guide  musical.) 

En  même  temps  que  le  Comité  de  l'exposition  de  Chicago  invi- 
tait MM.  Saint-Saëns  et  Massenet  à  diriger  des  concerts  d'œuvres 
françaises,  ils  traitaient  avec  M.  Mackenzie  pour  trois  concerts  de 
musique  anglaise,  dans  lesquels  ses  propres  compositions  tien- 
dront la  plus  grande  place. 

M.  Mackenzie  se  propose^e  donner  aux  Américains  la  primeur 
de  sa  nouvelle  partition,  Bethléhem,  encore. inédite. 

Franz  Servais  photographié  par  Gil  Bias  :' 

Une  tête  souffreteuse,  pensive,  lourde  de  tristesse  et  d'ennui 
commelin  en  voit  dans  les  vieilles  fresques  des  Primitifs.  De  longs 
cheveux  et  une  longue  barbe  d'un  ton  roussâtre  qui  mettent 
autour  du  masque,  amaigri,  tout  en  angles,  comme  des  reflets 
atténués  et  frissonnants  de  nimbe.  Des  yeux  fatigués  par  les 
longues  veilles  de  travail  et  où  flottent  comme  les  bleues  lueurs 
d'un  ciel  empli  de  y'sions.  Un  corps  qui  n'en  finit  plus,  qui 
s'efflanque  tout  d'une  pièce,  sans  lignes,  en  de  vastes  redingotes. 
Le  frère  du  célèbre  et  si  grand  artiste  qui  arrachait  au  violoncelle 
des  sanglots  presque  humains,  des  plaintes  affolantes  d'amoureuse. 
Est  lui-même  un  des  maîtres  musiciens  de  ce  temps,  de  ceux  qui 
suivent  la  belle  route  si  large  qu'a  creusée  le  divin  Wagner. 
L'auteur  dé  cciXe^ A pollonide  tragique  "où  passe  comme  une 
ventée'  d'orage  le  souvenir  des  immortels  olympiens  et  qu'on 
applaudira  bientôt  à  l'Opéra.  Signe  particulier:  D'une  modestie 
presque  gênante  pour  les  si  nombreux  qui  l'aiment  et  l'admirent, 
el  le  beau-frère  du  célèbre  ténor  Van  Dvck. 


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Le  NumËRo  :  25  centimes. 


Dimanche  23  Octobre  1892. 

■a 


PARAISSANT    LE    biMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

> 

'  Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   iO.OO  ;  Union   postale,- A*.    13.00.    —ANNONCES   :    On  traite  à  forfait. 

[I^T^^^BMII      II  '  I  I 

Adresser  toutes  tes  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l*Induâtrie,  32,  Bruxelles. 


? 


OMMAIRE 


M.  Jules  de  Burlkt,  ministre  des  beaux-arts.  —  Qruss  aus 
RoTHENBURO.  —  TJoÉATRB  DU  Parc.  Les  Débuts  de  la  direction 
Alhaiza.  —  Mounet-Suli.y  dans  «  Ruy-Blas  ».  —  Au  Théâtre  des 
Galeries.  —  Au  Conservatoire.  —  Bibliographie.  —  Accusés  de 
RÉCEPTION.  —  Chronique  judiciaire  des  arts.  —  Petite  chronique. 


M.  Jules  de  BURLET 

MINISTRE  DES  BEAUX-ARTS 

Pourquoi  donner  ici  à  M.  Jules  de  Burlet  un  autre 
titre  que  celui  qui  nous  intéresse  et  qui  le  qualifie  par 
la  partie  la  plus  séductrice  de  ses  fonctions,  la  seule 
presque  qui  vaille  qu'un  homme  de  goût  se  dérange 
pour  être  Ministre.  Et  pourtant  quelle  petite  place  ces 
Beaux- Arts  occupent  à  l'intérieur  du  vaste  et  banal 
organisme  de  l'Intérieur  !  Une  seule  Direction,  qualifiée 
générale  pour  faire  valoir  son  importance  très  mince. 
Même  une  part  aliquote  seulement  de  cette  direction 
qui  comprend  une  trinité  :  Sciences,  Lettres,  Beaux- 
Arts.  Et  quand  on  regarde  par  le  trou  de  la  serrure  ce 
qu'il  y  a  là-dedans,  l'habitant,  on  trouve  (ah  !  Vraiment, 
la  constatation  est  ahurissante!)  on  trouve  le  personnel 
que  voici  : 

Directeur  général  :  Néant  !  La  place  qu'occupait  feu 
Jean  Rousseau  reste  vide,  et  rien  n'en  souffre. 


Directeur  :  Rothier. 

Chef  de  division  :  Jenats Y. 

Chefs  de  bureau  :  Schmftz,  Clepkens,  Van  Droogen- 

BROEK. 

Inspecteur  :  Leclercq. 

Qu'est-ce  que  ça  vous  dit,  ceté  tat-major?  Pas  grand'- 
chose!  Je  le  crois  volontiers;  à  moi  ça  ne  dit  rien  du 
tout.  Remarquez  au  surplus  que  l'Art  n'a  pas  même  de 
mention  dans  l'enseigne  de  ce  ministère  qui  n'est  offi' 
ciellement  connu  que  sous  cette  forine  pluB  banalement 
administrative  :  Département  de  l'Intérieur  et  de 
l'Instruction  publique.  Administrativemei^t  l'Art  n'a  pas 
de  vie  à  part  ;  ce  n'est  qu'un  tentacule  de  cette'  machine 
chez  nous  si  horriblement  pédante,  basse  et  sectaire .: 
l'Enseignement  !. 

C'est  là-dedans  qu'un  beau  jour,  après  MM.  Thonissen^ 
Melot,  Devolder,  qui  eux-mêmes  succédaient  à  M.  Rolin- 
Jaequemyns  (quelle  série,  bonté  du.  ciel!)  est  entré 
M.  Jules  de  Burlet.  Il  fut  salué  naturellement  des  quo- 
libets de  la  presse  dite  libérale  qui  entonna  spécia- 
lement, à  cette  occasion,  l'air  de  M.  Pantalon  et, 
durant  des  semaines,  ne  décoléra  pas.  Le  sublime  «  ô 
Vandenpeerenboom  »  en  faillit  être  oublié.  Heureu- 
sement que  la  stupidité  finit  toujours  par  reprendre  ses 
droits.  - 

M.  Jules  de  Burlet  fait  partie  de  cette  jeune  école  de 
ministres  qui  a  rompu  avec  le  ridicule  de  la  morgue 


doctrinaire  dont  est  sorti,  à  propos  de  M  Rolin,  ce  mot 
tant  joli  :  Un  polichinelle  devenu  grave.  A  l'exemple 
de  ses  collègues,  depuis  plus  longtemps  en  selle,  il  pra- 
tique l'accueil  aimable  et  fonctionne  dans  un  nuage 
d'aménité.  Le  régime  lui  fut  facile.  L'homme  est,  par 
nature,  très  affable  en  sa  correction  distinguée,  trèis 
ouvert,  très  sympathique  à  quiconque  l'aborde  d'assez 
près  pour  déchirer  l'énorme  mensonge  des  cancans  du 
journalisme.  Ce  n'est  pas  la  bonhomie  banale  iet  souvent 
sournoise  des  malins  qui  jouent  un  rôle  de  bienveil- 
lance; c'est  mieux  que  ça  t  une  simplicité  franche  sans 
familiarité  et,  avec  ses  égaux,  une  camaraderie  affec- 
tueuse qui  promptement  dégage  et  fait  briller  l'ami  sous 
le  ministre. 

Bref,  et  ceci  est  essentiel  au  point  de  vue  de  ce  com- 
partiment de  son  ministère,  il  a  l'allure  artiste,  prime- 
sautière  et  ennemie  des  subterfuges.  Ceux  qui  le  con- 
naissent bien,  par  l'épreuve  de  relations  déjà  anciennes, 
peuvent  ajouter  qu'il  a  aussi  la  substance  artiste  :  la 
belle  voix  de  sa  famille  (ah  !  comme  il  chante  gaillairde- 
ment  et  ironiquement  Mj  Pantalon)  et  un  extraordinaire 
talent  d'imitation. 

Mais  au  point  de  vue  de  l'Art,  est-il  the  right  man 
in  the  right  place? 

Depuis  qu'il  a  chaussé  les  escarpins  de  ministre  des 
Beaux-Arts,  depuis,  surtout,  que  Jean  Rousseau  n'est 
plus  là  pour  autoriser  à  dire  que  le  directeur  général 
fait  tout  et  le  ministre  rien,  on  est  attentif  à  cette  ques- 
tion, si  peu  de  chose  pour  l'homme  d'aff'aires,  si  palpi- 
tante pour  les  Esthètes.  On  le  surveille,  on  le  guette, 
on  le  commente.  Jusqu'ici  l'opinion  n'est  point  parvenue 
à  asseoir  définitivement  son  jugement. 

Plusieurs  vous  diront  que  l'homme  est  du  plus  grand 
bon  vouloir.  Qu'il  a  pris  au  sérieux  cette  machine  des 
Beaux- Arts  que  ses  prédécesseurs  inclinaient  à  croire 
un  superflu  et  à  laquelle  ils  s'entendaient  autant  que 
des  escargots  à  pincer  de  la  cithare.  Qu'il  y  veille  de 
près.  Qu'il  a  dérangé  la  quiétude  et  les  prétentions  du 
personnel  spécial  qui  avait  pris  la  spirituelle  habitude  de 
consulter  le  ministre  sur  les  faits  accomplis.  Qu'il  a 
provoqué  un  ahurissement  voisin  de  la  terreur,  le  jour 
oti,  sur  trois  tiableaux  achetés  par  la  Commission  des 
.Musées  et  pour  lesquels  celle-ci  avait  déjà  traité  ferme 
avec  son  fournisseur  accrédité,  il  en  a  refusé  deux, 
regrettant  même  de  n'en  pas  refuser  trois.  Qu'il  sait 
commander  et  trancher  dans  le  vif.  Qu'il  a  une  instinc- 
tive répugnance  pour  les  traîneries  paperassières,  pour 
les  correspondances  solennelles  et  inutiles,  pour  les  rap- 
ports pédantesques  qui  ne  disent  rien,  pour  les  rado- 
tages séniles  des  bureaux,  les  niaiseries  importantes, 
les  enflures  aérostatiques  de  messieurs  les  fonctionnaires 
et  tout  le  bagage  byzantin  qui  fait  la  gloire  du  snobisme 
rond-de-cuirique. 
A  rhôhneur  du  ministre,  à  son  très  grand  honneur. 


on  peut  dire  qu'il  y  a  dans  ce  croquis  les  traits  les  plus 
justes,  et  il  en  émane  de  très  grands  espoirs.  Mais  où  glt 
le  mal,  c'est  dans  l'entourage. 

Ah  !  cet  entourage  !  Si  M.  Jules  de  Burlet  était  au 
courant  de  l'évolution  artistique,  il  en  aurait  vite  fini 
avec  les  médiocres  et  les  imbéciles  qui  forment  la  garde 
prétoi^ienne  des  hauts  personnages.  Il  est  d'un  caractère 
à  les  chasser  à  coups  de  mouchoir  comme  un  essaim 
de  mouches  malfaisantes. 

Malheureusement-,  son  éducation  ^  professionnel^ 
parait  notablement  insuffisante.  En  faut-il  d'autre 
preuve  que  la  stupéfiante  commande  accordée  au 
peintre  Van  den  Busche,  présentement  en  possession, 
oui  Monsieur!  du  droit  de  décorer  les  murailles  inté- 
I  rieures  de  la  nouvelle  poste  ?  Si  le  ministre  avait  été  le 
moins  du  monde  versé  dans  la  connaissance  du  monde 
des  pittori,  il  se  serait  esclaffé  le  jour  où  on  ne  sait 
quel  audacieux  fumiste  lui  a  fait  une  aussi  eifelesque 
proposition, 

M.  Jules  de  Burlet  en  est  donc  encore  aux  tâtonne- 
ments. Qu'il  s'agisse  de  nos  jeunes  grands  écrivains  ou 
de  nos  jeunes  grands  peintres,  il  ignore  à  peu  près 
tout.  Les  noms  mêmes,  leé  noms  des  plus  brillants  sont 
parfois  pour  lui  vides  de  sens,  ou  s'il  en  entend  parler 
par  ses  vieux  aides  de  camp,  c'est  avec  le  mépris  aff'ecté 
et  rageur  de  ces  débris  pour  ce  qui  invinciblement  les 
destitue  ou  les  submerge.  Il  est  au  milieu  des  embûches, 
des  méchancetés  hypocrites  et  des  mensonges  intéressés. 
Incessamment  il  pleut  sur  lui  une  pluie  d'inepties  et  de 
misères,  A  peine  de  temps  à  autre  un  intrus  l'abrite-t-il 
sous  le  parapluie  d'un  bon  avis.  Et  encore,  comme  il 
doit  souvent  demeurer  perplexe  au  milieu  des  bises  con- 
tradictoires qui  font  tourbillonner  ses  appréciations! 
Prend-il  fièrement  et  solennellement  devant  le  monde 
artiste  un  engagement  comme  celui  de  faire  une  enquête 
sévère  sur  les  gesta  de  la  commission  des  Musées,  il 
hésite  à  l'exécuter  et  incline  à  laisser  retomber  au  fond 
de  la  mare  administrative  le  hideux  paquet  de  sottises 
que  d'un  coup  de  crochet  imprévu  on  avait  amené  à  la 
surface. 

Quel  étonnement  a  dû  être  le  sien  quand,  au  cours 
de  l'été  dernier,  il  a  vu  le  Figaro,  dans  les  deux  études 
retentissantes  de  M.  de  Nion,  énumérer  la  liste  de  ceux 
de  nos  écrivains  qui,  pour  l'étranger,  méritent  qu'on  les 
dénomme  et  qu'on  leur  fasse  gloire.  Pas  un  seul  de  nos 
prétendus  grands  hommes  officiels!  Pas  d'apparence 
d'une  de  ces  incapacités  méconnues  auxquelles  le  monde 
accorde  chez  nous  de  l'importance!  Est-ce  que  cela  seul 
ne  suffit  pas  à  lui  démontrer  dans  quel  échafaudage  de 
mensonges  on  l'interne  ?  La  même  expériencTe  pourrait 
se  faire  pour  nos  peintres. 

C'est  contre  cette  perpétuelle  mystification  qu'un 
homnie  comme  lui  doit  être  mis  et  doit  se  tenir  en 
garde.  Qu'ilanalyse  la  liste  réjouissante  de  l'emploi  qu'on 


UART  MODERNE 


339 


fait  des  subsides  pour  les  Beaux-Arts,  cette  série  d'au- 
mônes mal  distribuées,  la  plupart  du  temps  à  de  faux 
artistes  qui  ne  sont  à  ce  point  quémandeurs  que  parce 
qu'ils  se  sont  fourvoyés  dans  l'Art,  qui  répugne  à  leur 
nature.  Qu'il  appelle,  au  besoin,  pour  cet  échenillage 
quelque  ami  çûr,  qui  le  renseignera  sur  les  insanités  de 
cette  distribution  qu'il  ne  saurait  toujours  discerner 
lui-même.  Il  saura  vite,  par  une  telle  leçon,  ce  qu'on  fait 
et  ce  qu'on  devrait  faire.  Qu'il  s'abstienne  sui'tout  de 
suivre  ses  bureaux,  tanière  fréquentée  parles  impuis- 
sants, où  se  préparent  tous  les  mauvais  coups  de  la 
camaraderie  filouteuse  et  de  la  recommandation  idiote. 
Il  est  tel  ou  tel  nom,  d'homme  ou  de  femme,  qui,  par 
cela  seul  qu'il  apparaît  dans  un  dossier  à  l'appui  d'une 
faveur  sollicitée,  devrait  suffire  à  faire  inscrire  en  gros 
caractères  sur  la  demande  :  Refusé! 

Nous  nous  sommes  rarement  tant  occupés  d'une  per- 
sonnalité ministérielle  Nous  étions  résignés  à  ce  que 
nous  pensions  être  l'inévitable  infécondité  et  l'invincible 
infirmité  de  l'horlogerie  officielle.  De  temps  à  autre  un 
coup  de  dent,  un  coujj  de  patte,  voire  un  coup  de  pied, 
et  nous  passions  à  de  plus  salutaires  besognes.  Cette 
fois  nous  croyons  être  en  présence  d'une  personnalité 
plus  vive,  plus  initiatrice,  plus  apte  à  subir  l'aimanta- 
tion. Et  c'est  pourquoi  nous  tentons  cet  effort.  Il  en  est 
assurément  beaucoup  qui  résistent  à  l'hypnotisme,  fût-ce 
celui  de  la  raison  et  de  l'art.  Mais  de  temps  à  autre  il 
jg^  un  bon  sujet  et  alors  c'est  merveille.  Voyons  si 
M.  Jules  de  Burlet  se  laissera  aller  aux  grandes  séduc- 
tions de  la  très  nette  mission  qui  lui  est  dévolue  et  s'il 
saura  èonquérir  la  belle  gloire  et  la  saine  popularité, 
beaux  fruits  à  côté  desquels  ses  prédécesseurs  ont  passé 
sans  les  voir  et  sans  les  cueillir. 


GRUSS  AUS  ROTHBNBURG 

Rotheaburg  a/d  Tauber,  en  Bavière. 
Septembre  1892. 
Mon  cher  Maus, 

Dans  certain  numéro  Ae  l'Art  moderne  d'il  y  a  quelque  deux  ou 
trois  ans,  vous  aviez  bien  raison  de  vanler  Rothenbourg  sur  la 
Tauber.  Puissiez-vous  avoir  inspiré  à  d'autres  qu'à  moi  le  désir 
d'inscrire  celle  élapc  sur  leurs  lablclles  de  touriste  !  Ils  né  s'en 
plaindront  pas,  tant  l'endroit  est  plein  de  caractère  et  fécond  en 
surprises. 

Je  loge  à  l'hôtel  Zum  Hirsch.  C'est,  je  crois,  le  seul  confor- 
table. Celait,  dans  tous  les  cas,  lorsque  je  débarquai,  le  seul  qui 
eût  une  voilure  à  la  gare,  une  sorte  de  petite  malle  dans  laquelle 
j'allai  prendre  place  entre  un  cocher  d'aspect  agreste, assis  devant, 
cl  le  garçon  d'hôlel  à  casquette  galonnée  cl  habillé  de  noir,  qui 
monta  derrière  moi  sur  le  marchepied. 

J'étais  seul  à  l'intérieur.  Je  fus  conduit  d'abord  à  travers  un 
bout  de  campagne  jusqu'à  un  pont,  de  vieux  remparts  el  une 
porie  de  ville  en  briques  rouges,  bâtie  en  équorre  autour  d'une 
«our  intérieure  dans  laquelle   mon  véhicule   tourna.   Puis  je 


pénétrai  en  ville  par  une  longue  rue  pittoresque,  bizarre,  bordée 
de  maisons  mi-urbaines,  mi-rurales,  de  dimensions  variées, 
formant  des  ressauts  et  de»/«oins;  maisons  d'artisans  et  de  labou- 
reurs, ave*  des  gens,  des  chevaux  et  des  poules  péle-mèle  sur  le 
pas  des  porles;  maisons  à  façades  décn^itës,  mais  souriantes  tout 
de  môme  à  travers  leurs  carreaux  bombés  el  leurs  volets  peints. 
Puis  notre  voilure,  quf  cahote  sur  uu  pavé  raboteux,  fait  un 
brusque  coude,  saule  un  ruisseau, -galOpe  de  nouveau  à  quoique 
dislance  et  s'arrête.  Voilà  l'hôtel  Zum  Hirsch. 

On  me  conduit  au  numéro  14.  Avez-vous  logé  au  numéro  14? 
Je  le  recommande  à  ions  ceux  qui  après  moi  visiteront  Rothen- 
bourg et  descendront  au  Cerf.  La  fenêtre  unique  d^e  mon  apparte- 
ment donne  sur  la  pleine  campagne.  Le  spectacle  est  charmant. 
A  mes  pieds  courent  à  droite  et  à  gauche  les  fortifications  du 
XV*  siècle  qui  enceignenl  la  petite  cité  ;  le  chemin  de  ronde  est  là 
sous  ma  fenéire.  Au  delà  des  murs  s'éieud  la  campagne,  ou 
plutôt  une  montagne  verte  en  pente  douce,  dans  laquelle  %er- 
penlenl  çà  et  là  des  chemins.  Entre  les  deux,  dans  un  profond 
ravin,,  la  Tauber  court  sur  un  lii  de  rocailles,  entre  des  berges 
gazonnées.  J'ai  hâte  de  me  restaurer;  j'ai  hâte  surtout  d'aller  voir 
la  ville.  Taudis.que  dans  la  salle  de  restaurant, une  salle  à  plafond 
bas  et  à  jour  oblique,  j'attends  mon  repas,  je  feuillette  le  livre 
des  étrangers.  Je  remonte  depuis  le  dernier  feuillet  :  ce  sont 
tous  noms  de  forme  germanique,  appartenant  à  des  voyageurs  de 
commerce  pour  la  plupart,  parmi  quelquos  noms  anglais  de 
touristes.  Au  tournant  d'une  page,  j'en  vois  surgir  un,  comme 
un  flamboiement,  qui  m'arrête:  «  D'  OcTAV  Maus,  BELGiEN».Cela 
me  fait  rêver  au  pays  là  bas  ;  je  me  rappelle  voire  article  et  l'idée 
me  vient  de  vous  écrire  d'ici. 

L'on  m'a  appelé  pour  me  servir  mon  dîiier  :  un  rustique 
brouet,  des  ragoAis  étranges  avec  du  pam  d'anis,  du  petit  vin  de 
la  Tauber,  du  fromage  dur  du  pays  el  d'excellents  fruits.  —  Me 
revoici  dans  la  rue,  à  pied  celte  fois,  libre  d'aller  à  ma  fantaisie. 
Je  vois  à  l'aise  la  ville  que  je  n'avais  fait  (|u'apercevoir  à  travers 
la  portière  ouverte  de  la  Voiture  d'hôlel. 

Des  rues  td^ueuses,  une  suite  de  maisons  anliques,  à  étages 
bas,  pesant  1^  uns  sur  les  autres,  avec  un  semis  de  petites  fenêtres 
à  gros  meneaux  ;  sur  le  tout  des  pignons  triangulaires,  à  escalier 
ouà  rcmpants;  des  toitures  en  tuiles  d'un  rouge  sale,  percées  de 
lucarnes  à  flèches  ;  du  rouge,  du  gris,  du  gris,  du  rouge,  le  tout 
enveloppé  de  la  poussière  des  années.  Au-dessus,  le  ciel  bleu,  un 
beau  ciel  bleu  d'après-midi^e  septembre. 

Des  boutiques  ouvertes  au  coin  de  maisons  qu'isole  un  vieux 
mur  nu  ;  des  armoiries  .sculptées  dans  les  façades,  des  cariatides 
naïves  entre  les  fenôlreg,  el  de  frustes  inscriptions  à  la  gloire  de 
célébrités  locales  :  «C'est  ici  que  vécut  le  grand  bourgmestre' 
Tôpler  en  1408  ».  «  C'est  le  long  de  celle  fenêtre  que  le  Docteur 
Carlstadt  descendit  par  une  échelle  et  se  sauva  en  15...  »  (le 
restant  de  la  date  est  effacé).  El  an  coin  des  Vues,  des  noms  cham- 
pêtres qui  sentent  bon  :  Erbsengasse,  Rosenstrasse,  Rosmarinen- 
gâsschen  (rue  des  Pois,  rue  des  Rosés,  ruelle  des  Romarins). 

Le  regard  s'épanouit  el  découvre  partout  des  riens  ravissanls  : 
dans  une  cour,  derrière  une  enfilade  de  portes,  un  rayon  de 
soleil  où  dansent  des  moucherons;  un  chat  qui  ronronne  contre 
les  carreaux  d'une  fenêtre;  près  d'une  porte,  un  enfant  sur  un  banc, 
de  pierre  ;  contre  un  pignon  délabré,  sur  une  corniche  branlante, 
une  nuée  d'hirondelles  voletant  el  caquetant  au  soleil  qui  va 
bientôl  se  coucher  ;  «t  sous  une  porte  de  la  ville,  massive,  au 
cintre  surbaissé,  un  attelage  de  bœufs  lourds  el  mornes,  traînant 


V. 


340 


UART  MODERNE 


une  charreitedo  foin  embaumé.  Sur  le  marché, "à  l'ombre  d'une 
haute  cathédrale  hérissée  de  pinacles  dentelés,  s'élève  une  grande 
fontaine,  dont  le  jet  d'eau  retombe  dans  une  large  vasque  dorée 
et  pojychrnmée;  garçons  et  filles  vont  et  viennent  pour  y  puiser 
de  l'eau.  Plus  loin  commence  l'enceinte  fortifiée.  Bien  plus  com- 
plète et  plus  pittoresque  enrore  que  celle  tant  vantée  de  Nurem- 
berg! La  petite  ville  de  Rothenbourg  n'a  jamais  subi  de  siège; 
autrement  son  enceinte  médiévale  n'aurait  pas  un^^tel  degré  de 
,: conservation. -Quel  poème  pour  l'archéologue  et  pour  l'artiste! 
Une  longue  muraille  circulaire  en  briques  épaisses,  formant  mille 
courbes,  plongeant  tantôt  dans  uh  fossé,  tantôt,  là-bas,  tout  au 
fond,  dans  la  Tauber,  tantôt  dans  un  précipice  abrupt.  Et  des 
tours  de  toutes  les  formes  et  toutes  les  grandeurs,  bastions  ronds 
et  trapus  avec  des  toits  coniques  en  tuiles,  portes  carrées  ou 
octogones,  à  parements  droits  ou  encorbellés,  quelques-unes 
flanquées  de  clochetons  cl  de  poivrières,  la  plupart  surmontées 
d'aigrettes  capricieuses;  le  tout  surgissant  du  passé,  avec  un 
cachet  uniforme  de  sévère  mélancolie. 

Je  suis  rentré  à  la  nuit  tombante;  aussi  bien  le  temps  est  à 
l'orage.  Des  lanternes  susp«ndues  à  dès  câbles  par-dessus  les  rues 
s'allument  une  à  une.  Jl  est  neuf  heures  et  demie  et  du  haut  des 
tours  qiii  s'élèvent  aux  deux  bouts  de  la  Schmiedcgasse,  la  grande 
rue  qui  traverse  la  ville  de  part  en  part,  sonne,  comme  depuis  de 
longs  siècles,  le  couvre-feu.  Voilà,  mon  cher  Maus,  ce  qu'assis  à 
ma  table,  à  la  lueur  d'une  bougie,  ma  felnélre  large  ouverte,  j'ai 
senti  l'impérieux  besoin  de  vous  écrire,  tandis  que  les  grillons 
chantent  dans  le  vieux  mur  au  pied  de  mon  appartement  et  que 
le  tonnerre  gronde  dans  la  tnontagne. 

J.  Van  der  Linden. 


Les  Débuts  de  la  direction  Alhai^a. 

M.  Alhaiza  a  la  guigne.  Le  public  bruxellois  lui  lient  rigueur, 
cet  étrange  public  des  premières  qui  vous  fait  un  effet  si  drôle 
quand  vous  le  retrouvez,  vacances  finies,  gjolesque  de  dispa- 
rates que  seul  unifie  son  snobisme.  Têtes  sémitiques  de  ban- 
quistes,  têtes  vulgaires  de  journaleux,  têtes  vides  de  parasitaires. 
Et  sur  le  tout,  en  glacis  irritant,  là  prétention  au  goût  sûr,  à  la 
critique  impeccable,  à  la  direction  de  l'opinion.  Un  congrès  de 
phoques!  Un  concile  de  mufles. 

C'est  celle  docte  assemblée  qui  semble  avoir  décrété  que  chez 
M,  Alhaiza  rien  ne  serait  trouvé  bon.  Il  boude  le  menu  et  les 
plats.  Dès  le  potage  on  fait  la  moue,  on  murmure  aux  hors- 
d'œuvre,  on  grogne  quand  paraît  le  rôt,  on  accueille  en  ricanant 
le  dessert.  La  consigne  est  de  faire  les  dégoûtés. 

Va  encore  pour  Te  Prince  d'Aurec  dont  la  distribution  était 
par  trop  joyeuse.  Nous  avons  essayé  de  rendre  ici  l'impression 
rigoleuse  de  celle  représentation  départementale.  Mais  Un  Conseil 
jwdictatrc' Unefoiatrerieà  laquelle  convenaitl'assemblaged'acteurs 
sans  tenue  grave  que  le  nouveau  directeur  de  la  scène  du  Parc 
a  recrutés.  Assurément  cela  n'a  pas  été  mal  du  tout.  Le  premier 
acte,  si  gaîmenl  et  si  véridiquement  judîciaire,  a  élé  fort  bien 
rendu,  en  son  allure  mi-sérieuse,  mi-charge.  L'avocat  Boisrobin, 
l'avoué  Pagevin,  celui-ci  un  Daumier,  celui-là  un  Gavarni,  ont  élé 
bien  saisis,  bien  rendus.  Tout  au  long  du_déroulement  d'une 
mise  en  scène  fort  soignée,  M™^  Mégard  a  promené  sa  beauté  el 
son  élégance  de  détraquée,  naïvement  exaspérante  et  diabolique- 


ment séduisante.  On  a  pu  avaler,  sans  trop  de  grimace,  le  troi- 
sième acte  de  cette  turlutaine  qui,  comme  toutes  ses  semblables, 
est  monotonement  spirituelle  et  amusante  el  forme  un  chapelet 
de  nouvelles  à  la  main  dont  les  derniers  grains  seulement  sont 
insupportablement  lourds.  > 

La  salle  n'en  est  pas  moins  demeurée  indégelable.  Dans  les 
couloirs,  de  méchants  propos,  des  comparaisons  désobligeantes. 
Des  regrets  en  l'honneur  de  M.  Candeilh,  des  souvenirs  sympa- 
thiques pourLortheur.  Ah!  comme  c'était  mieux,  mon  vieux  !  Ah! 
comme  c'est  moins  bien  ! 

Qu'a  donc  fait  M.  Alhaiza  pour  être  si  peu  bien  accueilli? 
Quel  est  le  secret  de  cette  malveillance?  Quel  vice  d'homme  de 
théâtre  ou  quel  défaut  d'homme  privé  lui  vaul  celle  antipathie? 
C'est  archi-difficiré  à  démêler.  On  enlend  parler  de  dignité  insuf- 
fisante».de  familiarité  excessive  avec  son  personnel,,  de  cabinet 
de  direction  mal  tenu,  de  rapports  mal  pondérés,  de  ménage 
théâtral  à  la  débandade,  d'un  las  de  choses  puériles  devenues 
tout  à  coup  comiquemenl  importantes,  cl  cela,  parce  que  «  nous 
sommes  au  Théâtre  du  Parc,  Monsieur!  »  et  non  plus  dans  ce 
petit  coin  faubourien  du  Théâtre  Molière  où  l'on  peut  caboter  et 
cabotiner  sans  scandaliser  personne. 

11  faudra  donc,  s'il  en  est  temps  encore,  car  les  mauvais  plis 
sont  difficiles  à  calendrer,  devenir  en  toutes  choses  plus  décent 
et  mieux  se  lenir.  Un  directeur  doit,  dit  M.  Prudhomme,  avoir 
les  allures  d'un  sérieux  personnage  et  un  cabinet  de  direction  doit 
avoir  la  gravité  d'un  cabinet  de  direction.  Pas  de  batifolages, 
quelque  agréable  qu'il  soit,  à  tout  âge,  de  batifoler.  Quand  la  fan- 
taisie se  mêle  à  d'aussi  sérieuse^  fonctions,  cela  va  mal,  ou  tout 
au  moins  le  public  trouve  que  cela  va  mal.  Candeilh  avait  admi- 
rablement compris  les  nécessités  de  ce  rôle  gommé  et  impassible. 
Notre  public  aimait  cette  tenue  où  le  cabot  s'effaçait  sous  une 
gcnlilhommerie  discrète  et  artistique.  L'homme  planait  au-dessus 
de  sa  troupe,  excluait  toute  familiarité,  ne  faisait  penser  à  aucune 
défaillance  domestique,  à  aucune  faiblesse  d'al«*ve,  et  inspirait 
le  respect.  Celte  bonne  tradition,  scrupuleuse  observation  des 
convenances,  plaisait.  Qn^se  croyait  reçu  au  théâtre  par  un  maître 
de  maison  plein  de  savoir^ïvre  et  l'entreprise  prenait  un  air  de 
salon  correct. 

Or,  celte  impression  délicate  el  compliquée,  on  ne  l'a  plus. 
Êtres  et  choses  n'y  prêtent  pas  et  cela  vexe.  M.  Alhaiza  saura-l-il 
réformer  la  boutique?  Saura-t-il  renoncer  aux  prérogatives  de  sa 
belle  barbe  plus  noire  que  nature?  Acceptera-t-il  d'être  le  chef 
plutôt  que  le  coq  de  la  basse-cour  remuante  dont  il  a  le  gî)uver- 
nemenl? 

Son  répertoire  aussi  s'annonce  mal,  dit-on.  Il  avait  élé  question 
de  nouveautés  et  de  hardiesses  et  il  débute  par  des  banalités. 
Nous  voulons  du  neuf,  cher  Directeur,  el  il  n'en  manque  pas. 
Quelque  bons  qu'ils  soient,  le  filet  de  bœuf  à  la  Godard  et  le 
potage  à  la  reine  sont  bien  démodés.  Faites  que  nous  y  échap- 
pions. Tenez,  puisque  Renan  vient  de  finir  «  sa  charmante  pro- 
menade »  sur  noire  morose  planète,  risquez  donc  ^on Âbhesse  de 
Jouarre.  Vous  avez  dans  votre  troupe  une  très  notoire  artiste, 
qui  s'est  illustrée  dans,  les  rôles  à  passion  et  à  laquelle  vous 
faites  bêlement  jouer  des  rôles  de  coquette  pour  lesquels  elle 
est  faite  comme  Rachel  pour  jouer  les  Margolon,  M™*  Marie 
Defresnes.  Mettez-la  donc  à  une  interprétation  comme  Thérèse 
Raqxiin  et  vous  en  aurez  des  nouvelles.  Cela  sera  plus  malin  que 
de  vous  risquer  avec  une  nouvelle  interprèle,  dénichée  à  Paris, 
au   hasard   des  bureaux  de  recrutement,   pour  nous  remonter 


VAUT  MODERNE 


341 


celle  vieille  lune  de  Dumas  fils,  la  Princesse  Georges,  qui  risque 
de  décrocher  le  mômè'  succès  négatif  que  le  malheureux  Prince 
d'Aitrec.  Avez-vous  oublié  la  Femme  de  Tabarin  ni  le  Pain  du 
Péché,  où  l'on  vil  M"'*  Defresnes  conquérir  de  si  décisifs  succès? 
Vi'aimenl,  vous  n'êtes  pas  adroit  et  cela,  comme  témérité,  aurait 
plus  de  sens  que  d'endosser  à  celle  agréable  débutante, 
M'"*  Mégard,  éminemment  souriante  et  lactée  dans  le  premier  rôle 
de  M™*  Thomery  du  Conseil  judiciaire,  prétexte  à  exhiber  trois 
ravissantes  toilettes,  deux  épaules,  deux  bras  et  «  deux  boucliers 
provoquants  armés  de  pointes  roses  »,  comme  a  dit  le  divin 
Baudelaire. 


MOMET-SULLY  DANS  «  RUY-BLAS  » 

La  salle  du  Théûtre  des  Galeries  comble,  vendredi.  Beaucoup 
de  membres  de  celle  famille  judiciaire,  jeunes  magistrats,  jeunes 
avopats  qui  présentement  chez  nous,^dans  l'An  et  dans  la  Science 
sociale,  mènent  si  crûnement  le  bal.  Un  peu  partout  répandu,  le 
lissu  conneclif  des  «  gens  de  première  »  avec  leur  livrée  de  snobs. 
Ils  ont  le  temps,  eux,  temps  qui  manque  aux  laborieux,  de  faire 
toilette  "de  soirée  et  de  se  renseigner  sur  l'immense  question  de 
savoir  s'il  faut,  suivant  le  dernier  cri,  avoir  les  mains  gantées  de 
crème,  ou  bien  nues,  ou  bien  gantées  de  noir,  suivant  de  laalste 
modeel  den  besten  chic,  à  en  croire  des  nouvelles  venues  du  prince 
d'Aurcc,  pardon,  du  prince  de  Sagan,  à  ce  qu'assurent  quelques 
folliculelles  qui  se  qualifient  mondaines. 

Pendant  tout  le  premier  acte  (le  spectacle  avait  commencé  1res 
tôt  et  a  fini  très  tard  :  c'est  si  libéralement  versifié,  cet  empanaché 
drame)  des  spectatrices  en  relard  troublant  la  scène  pour  chercher 
de  quoi  s'asseoir,  ou  plus  exactement,  suivant  un  joli  mot,  ayant 
de  quoi  mais  ne  sachant  pas  où.  On  devrait,  comme  au  Conserva- 
loire,  fermer  les  portes  dès  le  rideau  levé.  Les  cocottes  tapageuses 
pourraient  faire  leur  boucan  dans  les  couloirs.  Ces  façons,  bonnes 
pour  les  Vitigt-huil  jours  de  Clairette  où  le  charivari  qui  se 
déchaîne  sans  interruption  sur  les  planches  couvre  toutes  les 
rumeurs  de  la  salle,  sont  scandaleusement  déplacées  quand  il 
s'agit  d'un  chef-d'œuvre  et  d'un  grand  artiste. 

Vieux  chef-d'œuvre,  nous  le  confessons, avec  parfois  de  terribles 
et  inutiles  hors-d'œuvre,  et  dan%anl  lourdement  en  ours  quand 
le  père  Hugo  veut  faire  de  l'esprit.  Mais  que  de  superbes  scènes, 
que  de  vers  forgés  en  or  et  en  bronze!  Que  d'envolées  aquiliennes 
prenant  leur  essor  au  rojjieu  de  puérilités!  Il  est  démodé  ce  grand 
drapage,  démodées  aussi  ces  -fempanachurcs,  ces  gesticulations 
énormes  de  la  pensée,  ces  clameurs  déclamatoires.  Mais  malgré 
tout,  on  aime  ça,  parce  que  ça  vous  change  des  quodiliennes  rigo- 
lades et  des  gaudrioles  de  nos  théâtres. 

Mounet-Sully,  très  beau,  très  étrange,  tirant  des  effets  surpre- 
nants de  sa  voix  si  vite  éraillée,  de  ses  grands  yeux,  divergents  en  un 
snobisme  pathétique.  Un  peu  composé,  mais  néanmoins  superbe. 
Emouvant  dans  les  passages  qu'il  sombre,  terrifiant  quand  il 
exécute  à  mort  don  Sallusle,  se  dressant  l'épée  pointée  vers  le 
ciel,  en  archange. 

Tout  son  grand  amour  de  fou  sublime  va  à  une  petite  reine, 
doucette  et  gracieuse,  qui  a  très  bien  dit,  en  amoureuse  de  salon, 
le  rôle  de  Marie  de  Neubourg,  et  palpite  quand  elle  cbarge  don 
Guritan  de  porter  h  son  père  l'ElecteurJa  fameuse  cassette  «  en 
bois  de  Calembourg  ».  Autour  du  couple  tragique,  des  comparses 
au-dessus  de  la  coutumière  moyenne.  Un  trcsconvenableensemble 


sur  lequel  se  détache  en  un  puissant  relief  la  figure  de  l'artiste 
qui,  seul  en  France  h  l'heurç  présente,  affirme  encore  les  tra- 
ditions épiques  et  s'est  sauvé  du  cabotinage  envahissant. 


AU  THÉÂTRE  DES  &ÀLERIES 

Les  Vingt-huit  jours  de  Clairette!  Pour  une  bamboche,  c'est 
une  bamboche  réussie.  On  se  croirait  au  Moulin-Rouge,  un  soir 
de  grand  cancan!  Dieu!  comme  on  crie  là-dedans,  comme  on  se 
démène,  comme  on  gesticule!  Comm^  toute  cptte  troupe  de  trou- 
piers et  de  modistes  a  l'air  d'être  sortie  d'un  conservatoire  où  l'on 
enseigne  que  jouer  à  la  scène  c'est  tapager  et  que  plus  on  gueule 
et  que  plus  on  se  bouscule,  mieux  on  montre  du  talent.  Les 
spectateurs  se  mettent  à  l'unisson.  Ils  réflexionnent  tout  haut,  ils 
pouffent,  ils  exultent.  Assurément  le  pétomane  y  trouverait  école 
et  l'esthète  infortuné  qu'un  destin  sournois  a  amené  dans  ce 
monico. souffre  mille  morts. 

On  dit  que  c'est  une  opérette,  celle  pièce.  El,  en  effet,  de  temps 
en  temps  il  pari  on  ne  sait  quel  charivari  où  l'on  dislingue  fai- 
blement quelque  chose  de  musical,  qui  met  en  émoi  de  petitcSv 
femmes  fortement  désarticulées.  Elles  s'avancent  alors; subitement 
prises  d'un  soupçon  de  maintien,  et  penchées  au-dessus  de  la 
rampe,  avec  la  bouche  en  cul  de  poule,  sourient,  une  première 
fois  à  gauche,  pour  les  spectateurs  de  gauche,  un^  seconde  fois 
à  droite,  pour  les  spectateurs  de  droite,  remuant  leurs  lèvres 
fortement  crayonnées  au  carmin,  faisant  des  bruils  indistincts 
qu'on  suppose  être  de  la  voix.  A  l'honneur  du  public,  pourtant 
si  bonnasse,  qui  garnit  la  salle,  ces  tentatives  lyriques  s'achèvent 
dans  un  silence  morne  et  gêné,  malgré  les  agaceries  d'une  claque 
qui  se  risque  hors  des  rangs.  Mais  quand  immédiatement  après 
recommence  la  grosse  farce,  les  attitudes  clownesques,  le  boucan, 
les  facéties  lourdes  comme  des  obus,  les  poussées,  les  claques, 
les  houspillades,  les  propos  luronesques,  la  salle  retombe  en  son 
épilepsie,  s'agite,  se  tortille,  se  coniorsionne  et  mugil  de  tem- 
pétueux bravos.  C'est  à  se  sauver! 

Il  va  sans  dire  que  notre  presse,  absolument  exempte  de 
camaraderie,  fait  à  ce  spectacle  forain  un  nimbe  de  réclame 
cl  trouve  tout  à  fait  fin-de-siècle  (ceci  est  le  compliment  unanime) 
la  pétulante  petite  actrice  qui  trémousse  le  rôle  croustillant  de 
Clairette.  Elle  n'est,  pas  mal,  ma  foi,,  sous  un  certain  uniforme  de 
hussard  en  lequel  s'accusent,  non  sans  opulence,  certains  avan^- 
tages.  Nom  d'un  pétard!  comme  on  dit  dans  la  pièce,  sa  selle  ne 
doit  pas  s'ennuyer.  .  , 


AU  CONSERVATOIRE 

On  a  inauguré  dimanche  dernier  au. Conservatoire,  en  présence 
du  Directeur  et  des  professeurs  de  rétablissement,  le  buste  érigé 
à  la  mémoire  d'Auguste  Dupont.  Le  président  du  comité  qui  avait 
pris,  l'initiative  de  ce  pieux  hommage,  le  compositeur  Emile 
Mathieu,  a,  dans  un  discours  très  applaudi,  rappelé  les  mérites  de 
l'excellent  artiste.  Il  a  fait  revivre  avec  talent  la  figure  du  pro- 
fesseur et  du  compositeur.  La  bienveillance  du  maître  esl  tout 
entière- dans  ce  Irait,  cité  par  l'orateur  : 

«  Vous  souvient-il  du  camarade,  le  Benjamin  du  coure,  éton- 
namment doué,  mais  aussi  espiègle  incorrigible,  qu'un  exploit 
par  trop  audacieux  mit  un  jour  le  mallre  dans  l'obligation  de  lui 
interdire  l'accès  de  son  cours? 


Celle  mesure  dc-rigoear  dut  lui  coûter  un  grarids^fforl  :  il 
tâcha  de  n'en  rien  laisser  deviner.  Nous  remarquions  cependant 
que  depuis  lors  son  visage  s'était  assombri;  il  nous  semblait  sous 
l'empire  d'une  tristesse  permanente. 

Nous  ne  pouvions  tolérer  de  le  voir  ainsi;  après  nous  être  con- 
certés, nous  machinâmes  un  coup  de  théâtre  que  la  date  pro- 
chaine de  son  anniversaire  nous  permit  de  réaliser  bientôt. 

Au  jour  dit,  l'un  de  nous  (j'eus  l'honneur  en  cette  circonstance 
(|^ôlre  pour  la  première  fois  le  porle-paroles  de  mes  condiciples), 
l'un  de  nous,  dis-je,  lui  exprima,  «n  même  temps  que  les  féliei- 
lalions  traditionnelles,  le  regret  que  la  famille  ne  fût  pas  au  com- 
plet pour  les  lui  présenter.  Puis,  profitant  de  l'émolion  que  noire 
cher  maître,'  malgré  son  empire  sur  lui-même,  ne  parvenait  pas  à 
dompter,  l'orateur  denianda,  coinme  faveur  spéciale,  la  rentrée 
au  bercail  de  la  brebis  égarée. 

El  ce  fut  une  joie,  un  attendrissement  unanime^  quand  survint 
le  héros  de  ce  petit  drame,  qui  attendait  dans  l'antichambre  l'issue 
de  la  démarche  que  Ton  risquait  en  sa  faveur. 

Voilà  quelles  élaient  les  relations  d'Auguste  Dupont  avec  ses 
élèves,  dont  il  s'intitulait  si  volontiers  le' père  ;  et  l'on  comprendra 
le  profond  attachement  qu'il  a  su  nous  inspirer,  l'amitié  fraler- 
pelle  qui  unit  encore  aujourd'hui  ses  élèves.  » 

Parlant  du  compositeur,  M.  Mathieu  a  difr: 

«Malgré  le  peu  de  loisirs  que  lui  laissait  le  professoral,  l'œuvre 
d'Auguste  Dupont,  compositeur,  est  cependant  considérable.  Sa 
plume  a  été  féconde  en  morceaux  de  genres  très  divers  ;  toutes  ses 
compositions  séduisent  par  leur  charme  pénétrant,  leur  poésie 
rêveuse  et  profondément  sentie  :  ses  Scènes  ardennaises,  pages 
pleines  d'humour  et  d'un  caractère  très  pittoresque,  son  Roman 
EN  DIX  IMAGES,  suite  gracieuse  d'une  grande  fraîcheur,  d'un  accent 
ému.  et  passionné,  le  Poème  d'amour,  suite  de  chants  lyriques, 
empreints  d'une  grâce  rêveuse,  d'une  inexprimable  mélancolie. 

Citons  encore  au  hasard  du  souvenir  un  quatuor  pour  instru- 
ments à  cordes;  un  trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle; 
deux  concertos  et  des  variations  symphoniques  pour  piano  et 
orchestre.  Ses  Variations  dans  le  style  sévère,  véritable  résumé 
de  la  technique  du  piano,  ses  transcriptions  des  grandes 
fugues  d'orgue  de  J.-S.  Bach,  son  Ecole  du  piano,  superbe 
collection  des  chefs-d'œuvre  classiques;  puis  encore  une  foule  de 
morceaux  pour  piano  neul,  écrits. avec  goût,  et  témoignant  des 
aspirations  élevées  qui  les  ont  dictés  -.Chanson  de  jeune  fille. 
Réminiscence?  pastorales.  Contes  du  foyer,  Chanson  hongroise, 
Canzonetta,  Toccata,^ etc.,  etc.,  œuvres  remarquables  par  la 
richesse  du  coloris,  la  sincérité  du  sentiment,  la  pureté  du  style.  » 

-M.  Gevaert  a  remercié  le  comité  en  quelques  mois  heureux  et 
accepté,  au  nom  du  Conservatoire,  le  buste  du  musicien,  œuvre 
remarquable  de  Paul  Dubois  qui  a  exprimé  avec  une  vérité  sai- 
sissante la  physionomie  d'Auguste  Dupont. 


BIBLIOGRAPHIE 

Pages  détachées  du  journal  d'un  artiste,  par  Olga  de 
Bésobrazow,  poème  en  vers.  Extrait  d'un  ouvrage  en  préparation, 
«  Lumière  «.  Pet.  jin-8p,  72,  p.  Lausanne,  Ch.  Virot-Genton,  1892.- 

Journal    d'un    artiste,   c'est  vrai.    Il    y    a    dans    ces    vers 
une  âme  vibrante  d'aMisie,  d'une  belle  originalité,  un  esprit  qui. 
s'est  formé  seul  dans  l'hostilité  intellectuelle  des  milieux  mon- 
dains et   qui  d'un  coup  puissamment  s'affirme.    M"**   Olga  de 


Bésobrazow  est  Russe  et  offre  un  exemple  de  la  merveilleuse 
souplesse  de  ce  génie  slave  qui  sans  perdre  ses  qualités  foncières 
se  plie  aux  modes  d'expression  Jes  plus  divers.  Avec  des  har- 
diesses qui  parfois  ont  l'air  d'inexpériences  et  qui  proviennent 
d'une  intense  vision  personnelle,  on  trouve  dans  ces  pages  des 
richesses  poétiques  vraies,  un  instinct  sûr  du  rythme,  une  langue 
forte  de  pensée  avec  uii  parfum  d'exotisme  qui  est  un  charmç. 
De  plus,  et  c'est  la  caractéristique  de  l'œuvre,  les  anneaux  poé- 
tiques qm  la  forment  s'enroulent  tous  autour  d'une  idée  philoso- 
phique qui  est  celle  de  l'évolution. 

Ce  poème  est  l'avant-garde  d'un  volume  où  l'idée  atteindra  son 
complet  développement. 


^CCUgÉp    DE,   F(ÉCEPTIOf{ 

Le  premier  Livre  Pastoral  de  MAr'RiCE  du  Pi.essys;  Paris, 
L.  Vanier.  —  Le  Salut  par  les  Juifs,  par  Léon  Bloy;  1  vol. 
grand  in-S"  jésus  de  432  p.  couvert,  vélin;  Paris,  librairie  Adrien 
Demay.  —  A  propos  d'art,  par  Jules  Du  Jardin;  Bruxelles, 
B.  Knoetig.  —  Acoustique  musicale,  par  Charles  Meerens; 
Bruxelles,  J.-B.  Katio;  Paris,  E.  Gallel.  —  Passagère,  par  Paul 
Bonnetain;  Pat*is,  Alphonse  Lemerre,  éditeur,  petit  in-8», 306p., 
1892.  —  Les  Amants  de  Taillemark,  par  Maurice  Desokriaux; 
Bruxelles,  Imp.  V«  Monnom,  grand  in-8»,  50  p.,  ■1892. 


Chronique  judiciaire  de?  ^RT^ 

Pierrot-Poéte. 

Le  premier  procès  de  théâtre  de  la  saison  a  été  plaidé  jeudi,  au 
tribunal  de  commerce  de  Bruxelles.  M"^  L.  Van  Dammc,' engagée 
par  M.  Georges  Palicot  pour  jouer  les  principaux  rôles  des  jian- 
lomimes  que  fait  représenter  ce  dernier,  dans  la  coquette  Galerie 
Moderne  construite  par  M.  de  Saint-Cyr,  s'est  vue  inopinément 
congédiée  avant  même  d'avoir  débuté.  «  Vous  êtes  mignonne, 
vous. êtes  exquise,  lui  écrit  en  substance  l'impresitrio  improvisé; 
mais  il  y  a  dans  le  rôle  de  Régina  de  Pierrot- Poète  certains  côlés 
pathétiques  qui  ne  conviennent  pas  à  votre  petite  naliire  char- 
mante. Aussi  dois-je  vous  prier  d'accepter  le  rôle^de-lïi  Soubrette 
au  lieu  de  celui  qui  vous  a  été  confié » 

M"»  Van  Damme,  qui  a  répété  onze  fois  et  qui  a  été  affichée, 
trouve  naturellement  le  procédé  cavalier  et  riposte  par  une  assi- 
gnation en  due  forme.  Elle  réclame  le  montant  des  appointements 
convenus  et  une  indemnité  raisonnable.  «  Il  n'y  a  pus  d'engage- 
ment écrit;  nous  ne  vous  avons  prise  qu'à  l'essai,  et  d'ailleurs,  un 
directeur  de  théâlre  a  toujours  le  droit  de  modifier  sa  distribution 
dans  l'intérêt  des  œuvres  qu'il  représente  »,  soutient  M.  Palicot, 
par  l'organe  éloquent  de  M*  Eugène  Robert. 

Et  M«  Octave  Maus  de  répondre,  pour  M"«  Van  Damme  :  «  Une 
convention  verbale  suffit,  même  en  matière  de  théâtre,  pour  lier 
les  parties  ;  vos  affiches,  vos  communiqués  aux  journaux  prouvent 
qu'il  ne  s'agissait  pas  d'un  engagement  à  l'essai;  et  quant  aux 
modifications  qu'un  directeur  est  en  droit  de  faire  subir  à  la 
distribution  d'une  pièce,  elles  ne  peuvent  en  aucun  cas  avoir 
pour  effet  de  reléguer  dans  un  emploi  accessoire  une  artiste  enga- 
gée pour  jouer  les  premiers  rôles.  » 

Le  jugement  sera  prononcé  à  huitaine.  .     . 


VART  MODERNE 


343 


Petite  chrojmique 


Aperçu  dimanche  dernier,  à  8  heures  du  malin,  dans  le  tram- 
way des  boulevards,  entre  la  porte  de  Namur  et  la  porte  de  Hal, 
un  facteur  de  la  poste  absorbé  dans  la  lecture  de  VArt  moderne. 
Nous  sommes  très  flattés  de  l'honneur  que  nous  fait  ce  fonction- 
naire en  nous  lisant,  mais  nous  nous  demandons  si  ce  n'est  pas 
aux  prédilections  trop  marquées  des  fadeurs  pour  la  littérature 
que  nous  devons  les  rérlamations  périodiques  de  certains  abonnés 
qui  se  plaignent  de  ne  recevoir  notre  journal  que  le  lundi,  et,  par- 
fois, de  ne  pas  le  recevoir  du  tout. 

Nous  prions  courtoisement  le  facteur  précité,  ainsi  que  ses  con- 
frères, de  ne  pas  garder  trop  longtemps  l'Art  moderne  en  lecture, 
les  abonnés  ayant  quelque  droit  à  l'avoir  à  la  première  heure, 
puisque  le  journal  est  régulièrement  expédié  le  samedi  soir  avant 
minuit. 

L'inauguration  du  monument  funéraire  élevé  par  souscription 
à  la  mémoire  de  Charles  Albert  aura  lien  aujourd'hui  dimanche, 
à  3  h.  1/2,  au  cimetière  d'Evere.  Réunion  place  Saint-Josse,  à 
2  h.  3/4  (station  du  tram). 

Le  monument,  du  plus  heureux  effet,  est  dû  à  MM.  Narinur,  sta- 
tuaire, et  Hauwaerl,  architecte. 

Dimanche  prochain,  on  exécutera  au  Palais  des  Académies^ 
V Andromède  de  M.  Charles  Smulders,  professeur  au  Conservatoire 
de  Liège,  qui  a  valu  à  son  auteur  le  i"  second  prix  de  Rome. 

L'exécution  aura  lieu  avec  le  concours  des  chœurs  du  Conserva- 
toire de  Liège  et  de  l'orchestre  du  Théùlre  de  la  Monnaie,  sous  la 
direction  de  l'auteur. 

La  première  séance  de  la  Maison  du  peuple  (section  d'art),  fixée  ' 
au  1*'  novembre,  sera,  comme  nous  l'avons  annoncé,  consacrée 
à  la  liitérature  et  à  la  musique  russes.  Après  une  conférence  de 
M.  Jules  Destrée  sur  les  maîtres  russes  contemporains,  on  enten- 
dra une  Suite  pour  instruments  à  cordes  de  Glazounow(MM.  Crick- 
boom,  L.  Angenot,  J.  Kefer  et  H'.  Gillel),  des  mélodies 'de  Boro- 
dine  et  de  Tschaïkowsky  et  le  concerto  pour  piano  de  Rimsky- 
Korsakow  (M.  Litta)  joué  pour  la  première  fois  aux  concerts  des XX 
l'an  passé. 

La  distribution  des  prix  au  Conservatoire  de  Bruxelles  aura  lieu 
le  dimanche  13  novembre. 

On  y  entendra,  entre  autres,  des  œuvres  de  Kreutzer  et  de  Fio- 
rillO,  harmonisées  et  orchestrées  par  M.  Emile  Agniez  cl  exécutées, 
sous  sa  direction,  par  la  classe  d'ensemble  instrumental. 

Une  représentation  de  bienfaisance  au  profit  de  l'OEuvre  du 
Vêtement  aura  lieu  le  vendredi  11  novembre  au  Théâtre 
Molière.  Au  pj-ogramme  :  Mon/joie,  d'Octave  Feuillet,  et  un  inter- 
mède par  les  Orphéonistes  d'Ixelles.  Les  souscriptions  sont  reçues 
chez  M.  E.  Willems,  rue  Goffart,  12. 

M"*  Louise  Derscheid  compte  donner  cet  hiver  trois  séances  de 
musique  de  chambre  avec  MM.  Colyns  et  Ed.  Jacobs.  Ces  séances 
seront  consacrées  respectivement  à  Beethoven,  à  Brahms  et  à 
Grieg.  

Freyhir,  de  notre  compatriote  Emile  Mathieu,  sera  exécuté  le 
24  novembre,  à  Dusseldorf,  spus  la  direction  de  M.  J.  Buths. 

M.  Albéric  Magnard  arrivera  demain  k  Bruxelles  pour  s'occuper 


des  répétitions  de  son  drame  lyrique  Yolaftde,  qui  passera  pro- 
chainement au  Théâtre  de  la  Monnaie. 

M.  Colonne  a  inscrit  la  Mer,  de  Paul  Gilson.  au  programme  de 
ses  prochains  concerts  symphoniques.  Sa  campagne  sera  variée. 
Après  la  Damnation  de  Faust,  qui  a  servi  dimanche  de  réouver- 
ture, il  fera  entendre  l'Enfance  du  Christ,  de  Berlioz;  la  synï- 
phonie  avec  chœurs  de  Beethoven  ;  les  Béatitudes,  de  César 
Franck  ;  la  Vie  du  poète,  de  M .  Gustave  Charpentier,  et  Penthisilée, 
de  M.  Alfred  Bl-uneau. 

Répondant  â  l'invitation  qui  leur  a  été  adressée  par  le  Cercle 
Pulchri  Studio  de  f.,a  Haye,  MM.  Constantin  Meunier,  Em.  Claus 
et  A.  Baertsoen  y  exposeront  plusieurs  de  leurs  œuvres  du  15  au 
30  novembre. 

Mariage  d'artistes.  -^  Noire  collaborateur  Eugène  Samuel, 
fils  de  l'éminenl  directeur  du  Conservatoire  de  Gand,  et  lui-même 
compositeur  distingué,  sera  uni,  dans  quinze  jours,  à  M""  Mar- 
guerite Holeman,  dont  les  envois  aux  récentes  expositions  bruxel- 
loises ont  été  très  remarqués.  Les  témoins  seront,  pour  la  mariée, 
MM.  Emile  Verhaeren  et  William  de  Gouve  de  Nuncques;  pour  le 
marié,  MM,  Maurice  Maeterlinck  et  Franz  Melchers. 


Le  Prix  de  Rome.  —  Le  Tout- Bruxelles,  un  intéressant  jour- 
nal artistique  bi-hebdomadaire,  créé  récemment,  consacre  au 
concours  de  Rome,  qui  a  lieu  en  ce  moment,  une  critique  très 
juste. 

Notre  confrère  Vanzype  se  raille  de  façon  amusante  de  ce  con- 
cours en  cellule  dont  le  sujet  est  cette  année  les  Derniers  survi- 
vants du  Déluge!...  Seulement,  après  avoir  examiné  quelles  sont 
les  chances  de  chacun  des  six  concurrents  en  présence,  l'auteur 
de  l'article  déclare  que  son  favori  est  M.  Léon.Rothier  et  M  lui 
décerne  des  éloges  qu'il  mérite  du  reste. 
"  Les  cinq  autres  récipiendaires  se  sont  émus  de  cette  recom- 
mandation qu'ils  trouvent  intempestive,  le  concours  n'étant  pas 
terminé,  et  ils  craignent  que  ce  patronage  n'influence  le  jury. 

Pour  bien  apprécier  l'émotion  que  la  chronique  de  M.  Vanzype 
a  produite  sur  eux,  il  faut  dire  que  M.  Léon  Rothier  est  le  fils 
d'uA  des  fonctionnaires  supérieurs  de  la  direction  des  beaùx-arts. 
Ce  qui  constitue  à  leurs  yeux,  étant  données,  disent-ils,  les  excel- 
lentes dispositions  dont  les  jurys  font  habituellement  preuve  pour 
«les  fils  II  papa,  un  avantage  d'un  prix  inestimable.  Ce  sont,  certes, 
des  considérations  auxquelles  M.  Vanzype  n'a  pas  songé,  sans  cela 
nous  croyons  bien  qu'il  aurait  modifié  son  article. 

.    {La  Réforme,) 

Portrait  de  Frémiet,  le  nouveau  membre  de  l'Institut  de  France  : 
A  soixante-huit  ans  etlîien  qu'il  ait  donné  comme  une  formule 
d'art  nouvelle,  fait  palpiter  la  matière,  ressuscité  dans  le  marbre 
et  le  bronze  les  glorieuses  et  légendaires  héroïnes  du  beau  pays 
de  France,  ne  faisait  pas  encore  partie  de  l'Institut.  Au  moral, 
simple  entre  les  simples,  modeste,  s'ignorant  soi-même,  adorant 
son  art  comme  ces  fervents  tailleurs  de  pierre  qui  s'en  allaient  à 
travers  les  chemins  sculpter  les  cathédrales  et  les  calvaires,  aimant 
la  vie,  d'un  esprit  alerte  et  volontiers  cinglant,  d'une  exquise 
bonhomie.  Au  physique,  de  haute  laille^et  les  traits  lires,  afiinés, 
la  peau  parchemineuse,  le  masque  à  la  fois  imprégné  de  gravité 
et  de  douce  indifférence  de  ces  sages  qui  ne  s'écartent  pas  de 
leur  route,  qui  observent  et  commentent  la  vie,  qui  dédaignent  la 
bêtise  courante  et  en  rient  parfois  sans  méchanceté.  Eut  Rude 
pour  professeur  et  a  gardé  la  fougue,  l'emportement  superbe,  les 
audaces  de  son  maître.  Signe  particulier  :  Aime  passionnément 
les  courses  de  taureaux  et  ne  manquait  pas  naguère  une  séance 
aux  arènes  de  la  rue  Pergolèse.  {OU  Blas.) 


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Douzième  année.  —  N*  44. 


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Le  numéro  :  36  centimes. 


Dimanche  30  Octobre  1892. 


I  C;  /     /  '■■■    •■?  1  ■ 


PARAISSANT    LG;    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :   Belgique,   un  an,   fr.  iO.OO;  Union  postale,   £-.   13.00.    —ANNONCES  :    On  traite  à  forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  Tlndustrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


MOUNKT-SULLY.    —    NOTES    SUR    LES    PRIMITIFS.     Utt    hlCOnnU.    — 

Théâtre  de  la  Monnaie.  Lohengrîn.  —  Les  Médailles.  —  LÉo\ 
Bloy  et  Paul  Bourget.  —  Chronique  judiciaire  des  Arts..  —  Petite 
chronique. 


MOUNET-SULLY 

La  lumière  effroyable  vient  de  se  faire  aux  yeux 
d'Œdipe.  Et  soudainement,  ces  yeux,  qui  depuis  qu'il 
vit,  se  sont  souillés  du  spectacle  journalier  de  ses  mains 
incestueuses  eit  parricides,  sont  choisis  par  lui  pour  être 
objet  d'expiation  vis-à-vis  des  dieux  et  de  vengeance 
vis-à-vis  de  lui-même.  La  rage  de  la  destruction  s'em- 
pare de  lui  et  —  bien  que  ses  regards  se  soient  croi- 
sés avec  ceux  du  Sphynx  —  voici  qu'il  les  tue  en  son 
visage,  qu'il  les  massacre  et  qu'il  s'exhibe  sur  la  place 
publique,  les  doigts  peureux  et  tâtonnants,  les  pieds 
trébuchant  aux  ténèbres,  la  face  nocturne  et  ses  deux 
lobes  fendus  dans  leurs  orbites  comme  de  rouges  bijoux 
profanés. 

Quand  Mounet-SuUy  mime  cette  scène,  avec  ses 
grands  cris  venus  du  fond  des  palais,  avec  sa  furie  sous 
le  porche,  avec  ses  battements  de  bras  dans  le  vide, 
avec  ses  hésitations  et  ses  tâtonnements  sur  les  esca- 
liers, avec  tout  à  coup  la  projection  de  sa  misère  et  de 
sa  détresse,  si  hardiment  tendues  vers  les  spectateurs 
qu'il  leur  donne,  pour  ainsi  dire,  de  l'horreur  à  manger, 


il  apparaît  l'acteur  le  pilus  étonnant  et  le  plus  souve- 
rain qui,  à  l'heure  présente,  s'impose.  Toute  restriction, 
toute  critique  comme  aussi  tout  éloge  deviennent  à  cet 
instant  aussi  regrettables  qu'un  prud'hommisme,  et  la 
seule  conviction  subsiste  que  dans  Œdipe,  comme  dans 
le  cinquième  acte  de  Ruy-Blas,  comme  dans  le  der- 
nier à' Andromaque ,  comme  dans  le  quatrième 
d!Athalie,  on  a  senti  passer  du  génie. 

L'impression  en  est  d'autant  plus  nette  que  l'acteur 
a  dû  vous  distraire  et  vous  détourner  des  impressions 
d'agacement  produites  précédemment  par  l'abus  qu'il 
fait  du  hululement  et  des  poses  et  des  manières,  si  con- 
tinûment parfois,  que  le  mot  cabotinage  vient  aux  lèvres. 
Dans  telles  scènes  de  Polyeucte,  où  le  dialogue  com- 
porte une  tenue  familière  —  par  exemple  :  les  entrevues 
de  Pauline  et  de  son  époux  —  Mounet  ne  se  hausse 
guère  au  delà  d'un  banal  jeu  conservatoirien  et  déplaît 
par  des  artifices  inutiles  et  par  un  sans  cesse  apparat 
ostentatoire.  Il  n'est  guère  le  néophyte  ardent  et  simple, 
celui  qui  va  mourir  parce  qu'il  croit.  Il  est  malheureu- 
sement celui  qui  déclame  une  mort. 

A  travers  la  suite  d'œuvres  qu'il  interprète  —  théâtre 
grec,  anglais  et  français  —  il  apparaît  donc  comme  un 
artiste  très  inégal,  t^ès  soumis  au  sujet  de  la  scène 
qu'il  interprète  et  nullement  homogène.  De  plus,  ceux 
qui  le  suivent  attentivement  et  le  vont  entendre,  plu- 
sieurs soirs,  en  un  même  rôl^,  le  surprennent  modifiant 


souvent  son  jeu,  ses  intonations,  ses  dessins  de  phrase 
et  jusqu'à  ses  gestes. 

Et  pourtant,  l'art  qu'il  profère  est  un  art  très 
étudié,  très  patiemment  élaboré,  d'après  des  docu- 
ments, —  peintures  et  mat-bres  grecs,  figurines  de  la 
Renaissance,  drapements  antiques,  allures  xvi«  siècle, 
—  très  raffiné,  très  subtilisé,  au  point  qu'il  en  peut 
devenir  artificiel.  Pour  vous  rendre  conlpte  plUs.  nette- 
ment encore  des  contradictions  de  son  talent,  ijemar- 
quez,  en  outre,  une  recherche  constante  de  synthèse 
dans  l'expression,  dans  la  nïimique,  dans  le  geste,  une 
volonté  de  concentration  et  d'intensité  rapides  ;  l'amour 
des  sonorités  et  des  méandres  de  la  voix  suivant  —  si 
j'ose  dire  —  les  courbes  d'une  «  montagne  russe  "  et  la 
folie  à  tel  point  de  la  plastique  qu'il  l'admet  bien  plus 
pour  produire  de  beaux  efi'ets  que  des  effets  justes. 

Celasuffitpourvousinduireàcroire — malgré  le  hasard 
auquel  il  s'abandonne  et  son  jeu  de  soir  à  soir  différent  et 
ses  soudainetés  d'inspiration  lui  imposant  une  mimique 
que  le  jour  suivant  il  ne  produira  plus  —  qu'il  est  avant 
tout  un  acteur  artiste,  un  fervent  de  rythme  et  comme 
un  assimilateur  de  beauté.  La  voix,  le  geste,  la  stature, 
il  les  aime  pour  eux-mêmes,  il  les  cultive  ardemment,  il 
les  regarde  et  les  admire  avant  qu'il  ne  les  -  agit'  ".  Tou- 
jours il  prétend  être  la  magnifique  statue  douée  de  mou- 
'vement  et  sonore.  Il  se  promène  en  elle  sur  les  planches, 
il  s'en  drape  et  s'en  habille  et  anime  de  sa  personnalité 
à  lui  son  impérsonnalité  à  elle.  De  là  ce  fait  évident 
que  mieux  que  n'importe  qui,  il  incarne  les  rôles  loin- 
tains, les  rôles  sculptés  dans  les  légendes,  les  rôles  où 
se  mirent  les  croyances  plus,  encore  que  les  héros  et  où 
les  dieux  tonnent  leurs  volontés  sur  la  tête  des  hommes. 

Traduire  un  personnage,  l'exprimer  dans  son  indi- 
vidualité, s'incarner  en  lui  au  lieu  de  l'incarner  en  soi, 
rendre  l'émotion  directe,  criante  d'humanité  spéciale, 
se  limiter  à  tel  caractère,  aiguiser  telle  passion,  la 
déplier  pli  à  pli  devant  le  public,  n'est  point  tellement 
son  fait  qu'un  autre  -^  Rossi?  —  ne  puisse  lui  être 
préféré.  S'il  nous  était  donné  d'esquisser  un  parallèle 
entre  ces  deux  souverains  acteurs,  nous  prendrions  la 
pièce  ;  Hamlet,  jouée  par  eux  dans  un  esprit  si  différent 
q.ue  le  texte  lui-même,  à  certains  passages,  semble  être 
double.  Nous  conclurions  que  Roàsi  nous  montre  un 
prince  danois,  d'une  telle  époque,  avec  un  fond  rude 
et  héroïque  que  la  tournure  philosophique  et  bizarre  de 
son  esprit  contrarie  en  un  temps  où  deiâ  êtres  pareils  à 
lui  sont  très  exceptionnels.  Ce  qui  expliquerait  donc  le 
Hamlet  de  Rossi  ce  serait  l'opposition  entre  l'esprit  et 
l'âme  du  héros  et  le  milieu  que  son  heure  de  naissance 
lui  assigne. 

Le^ïamlet  de  Mounet  est  bien  plus  universel.  D'abord 
c'est  un  prince  ;  il  est  d'une  aristocratie  aiguë,  d'une 
élégance  irréprochable,  d'une  éclatante  et  fringante 
bravoure.  Il  est  en  outre  celui  qui  fit  la  haute  culture 


du  soi-même  et  qui,  depuis  ce  temps,  se  juge  au-dessus 
de  la  vie.  D'où  son  allure  détachée,  comme  flottante  au- 
dessus  des  réalités,  sa  marche  dansante  de  fantôme, 
son  hésitation  dans  l'action  jugée  inutile  au  point  de  vue 
absolu  et  la  disparition  de  toute  cette  grâce  et  de  cette' 
finesse  dans  le  tourbillon  brutal  et  cru  d'une  catastrophe 
rouge.  Certes  un  personnage  vivant  s'en  dégage,  mais 
surtout  la  somme  d'idées  diverses  et  complexes  que  ce 
personnage  incarne. 

Dans  Œdipe,  l'idée  de  fatalité,  bien  plus  que  celle 
d'une  infortune  familiale  ou  personnelle,  est  ^.rborée. 
Dès  les  premiers  actes,  grâce  à  des  allures  définitives, 
grâce  à  des  gestes  consacrés,  grâce  au  marmoréen 
costume  blanc,  grâce  à  la  mélopée  quasi  continuelle, 
l'être  de  chair  et  d'os  qui  est  roi  de  Thèbes  et  qui  se 
nomme  d'un  nom  est  relégué  au  second  plan.  Les  allées 
et  les  venues,  les  oracles,  les  pressentiments,  les  doutes, 
les  tragiques  clairs  obscurs  s'amoncellent  autour  d'un 
événement  bien  plus  qu'autour  de  quelqu'un.  Et  de 
même,  au  dénouement,  quand  l'atroce  vérité  a  dardé, 
trouant  les  derniers  refuges  de  l'illusion,  Mounet  ne 
projette  plus  au  devant  du  public  qu'une  exemplaire 
victime,  qui  s'est  elle-même  si  impitoyablement  frap- 
pée, qui  s'est  à  tel  point  détruite,  qu'elle  n'est  plus  un 
vivant,  mais  la  face  même  d'une  misère  inouïe.  Ce  sont 
des  cris,  des  plaintes,  des  gémissements,  des  taches 
de  sang,  des  prostrations,  des  implorations  et  une  loque 
de  plaies  que  l'on  traîne  hors  de  la  ville.  Et  l'impression 
demeure  d'un  indéfini  malheur  pour  tous,  qui  n'est  la 
faute  de  personne,  qui  atteint  un  groupe  humain  tout 
entier  et  qui  laisse  après  soi  une  énorme  épave,  comme 
l'orage. 

Ainsi  comprise,  la  pièce  du  poète  grec  adapte  admi- 
rablement aux  moyens  dramatiques  de  Mounet- Sully. 
Il  exprime  sur  la  scène  une  catastrophe,  il  est  nne 
légende  qui  se  vit,  il  raconte  une  Grèce  primitive  et  la 
dresse  debout.  Certes,  faut-il  faire  abstraction,  pour  le 
comprendre  ainsi,  du  pitoyable  décor  où  il  se  meut,  de 
l'entourage,  instant  à  la  pudeur,  qu'il  traîne  à  saT 
suite,  de  la  scène  étriquée  et  banale  sur  laquelle  il 
déchaîne  le  drame.  C'est  dans  l'imagination  érudite  et 
évocatrice  de  quelques-uns  et  non  pas  sur  les  planches 
qu'il  a  —  voici  huit  jours  —  installé  son  art  et  qu'il  a 
été  le  plus  hautement  et  le  plus  longuement  applaudi. 


•  ii^'.M.':'.;^ 


NOTES  SUR  LES  PRIMITIFS  ITALIENS  '>' 

VI 

UN  INCONNU 
Son  œuvre,  à  cet  inconnu,  essayons  de  la  dire.  C'est  au  Musée 
Staedel,  à  Francfort,  un  unique  tableau  sans  titre,  sans  nom,. 

(1)  Voyez  dans  l'Art  moderne  de  1891,  n»  47,  Giotto;49,  Masolino 
DA  Panicale;  51  et  52,  Gentilk  da  Fabriano;  en  1892,  n»»  31  et  32, 
PisANELi.o  ;  38,  Oriolo.  —  Prochainement,  Piero  della  Francesga. 


.>.V,:-  '  ,:i^:./>,.i;î.,^.V»t?^fly.«y"; 


UART  MODERNE 


347 


sans  signature  :  figure  allégorique  ou  portrait,  on  ne  sait.  Origines 
et  attributions?  Incertaines (1)  ... 

...  Elle  semble  s'iivancer  d'un  inouvcmcnl  souple  et  lent,  félin, 
comme  le  glissement  d'une  déesse  apparue  et  retourner  vers  moi 
l'éclair  de  ses  yeux  inquisiteurs.  Une  draperie  blandhc  et  légère 
retenue  par  une  couronne  en  feuillage  de  buis,  la  coiffe  d'un 
casque  virginal,  puis  retombe  et  s'enroule  comme  une  écharpe 
jetée  autour  du  cou  avec  une  négligence  calculée.  Sur  le  front 
droit  et  volontaire,  un  bandeau  de  chatoyante  soie  aux  reflets 
bleuâtres  et  roses, "serre  les  cheveux;  et  des  deux  côtés,  ceux-ci 
pareils  à  un  bizarre  réseau  d'or,  ruissellent  en  menues  vrilles 
symétriques  et  méticuleusement  tortillées  jusque  sur  les  épaules, 
si  précieuse  et  si  princière,  cette  coiffure  en  son  maniérisme 
fantasque!  Une  grosse  émeraude  retenue  par  un  mince  fil  d'or 
comme  un  fragile  diadème,  brille  sur  la  neige  du  front  et  un 
autre  bijou  suspendu  sur  la  g,orge  nue,  y  fait  étinceler  ses  pierres 
noires. 

Dans  sa  main  souveraine,  si  fière,  d'une  grâce  et  d'une  délica- 
tesse d'enfant  royale  —  oh  !  les  impossibles  caresses  de  cette 
main  perfide  et  pure  !  —  entre  le  pouce  et  l'index  long,  elle  tient 
d'un  geste  adorablemenl  mièvre,  un  puéril  bouquet  de  cinq  fleurs 
des  champs  :  raillerie  des  pâquerettes  rustiques  et  des  pensées 
sauvages  par  l'Initiée  subtile  !  Découverte  à  demi,  la  poitrine 
montre  des  seins  naissants,  d'indécises  rondeurs  d'adolescent  et 
je  ne  sais  quel  vertige  de  perserves  pensées  bourdonne  en  la  tête 
devant  cette  chair  élégante  et  séductrice,  au  sexe  ambigu,  d'une 
gracilité  d'éphèbe  ei  de  féminine  souplesse...  Oh!  des  doigts 
seulement,  des  lèvres  avides,  effleurer,  avec  l'angoisse  furiive 
d'un  viol,  ces  seins  d'enfant,  ces  seins  de  garçon,  ces  seins  de 
vierge!  Lys  au  parfum  puissant  de  voluptés  impermises  et  de 
désirs  insensés  !... ■-- 

Mais  comment  adoucir  l'inflexibilité  de  ce  calme  regard  et  de 
cette  bouche  close?  Lèvres  mignonnes  fermées  sur  leur  secret  et 
qui  jamais  ne  s'humilieront  à  la  confiance,  qui  jamais. ne  s'ou- 
vriront pour  des  paroles  d'amour  ou  des  baisers,  lèvres  minces 
ignorantes  de  la  naïveté  lourde  et  du  rire  des  simples,  lèvres 
hautaines  crispées  imperceptiblement,  car  à  quoi  bon  même 
s'indigner?  —  par  le  dédain  des  brutes  que  nous  sommes... 

Et  ces  yeux  impérieux  me  pénètrent  de  leur  regard  aigu  et  per- 
çant comme  une  dague  fine;  ils  me  jugent  silencieusement  et  me 
méprisent  ;  ils  me  semblent  des  reflets  d'étoiles"dans  de  l'eau 
glacée,  tellement  leur  clarté  est  lointaine,  et  haute,  et  lointaine. 
Oh!  ces  yeux  malicieux  et  durs,  qtii  savent  et  conseillent  ironique- 
ment tout  le  mal,  qui  conduiraient,  irrésistiblement  charmeurs, 
vers  la  nuit  des  abîmes! 

Adoration?  Haine?  On  ne  sait  plus,  tant  est  aliiranl  et  cruôl  son 
empire  détestable.  On  souhaiterait,  mais  on  ne  peut,  fuir  son 
inquiétant  sourire  qui  défie,  son  imperturbable  regard  qu'on  ne 
peut  plus  oublier,  fuir  sa  séduction  victorieuse  et  redoutable,  car 
c'est  celle  pour  qui  d'épouvantables  martyres  seraient  inutilement 
supportés,  pour  qui  l'on  se  tuerait,  celle  qui  voudrait  de  l'amour, 
des  larmes  et  du  sang,  et  dont  l'indifférence  suprême,  au  milieu 
des  sanglots  et  des  râles,  des  dévouements  et  des  prodiges, 
n'aurait  j^as  un  élonnement  et  un  frisson? . 

(1)  Au  catalogue,  très  remarquable  de  précision  et  de  méthode,  les 
renseignements  suivants  :  N"  13.  Ecole  Florentine,  xv^  siècle.  A  la 
détrempe  sur  bois.  Hauteur  0.44  ;  largeur  0.35.  Provenant  de  la 
galerie  Schlessheim  et  Gsell  à  Vienne.  Acheté  par  le  Frankfurfer 
Kunst-Verein  en  i872  (2,500  florins). 


Vraiment,  cette  œuvre  est  extrême.  Elle  témoigne  pour  moi 
d'une  civilisation  dont  la  complexité  et  le  raffinement  avaient 
singulièrement  dépassé  les  plus  déréglées  des  imaginations  .que 
fil  éclore  Des  Esseintes;  elle  révèle  un  idé^l  esthétique  tellement 
sublimé  dans  l'orgueil  de  sa  supériorité  qu'il  s'en  trouve  détaché 
de  la  vie  ;  elle  marque  une  limite  dans  l'exaspération  des  ambitions 
artistiques,  limite  après  laquelle  l'effort  me  paraît  devoir  se  vola- 
tiliser en  idée  pure,  dans  les  nuages  de  la  spéculation  métaphy- 
sique ou  de  la  folie...  Qu'on  ne  m'accuse  point  de  blasphème  : 
le  fameux,  le  miraculeux  sourire  de  la  Jocondé  n'a  point  un  mys- 
tère plus  aigu  et  plus  profond  que  le  regard  de  celte  inconnue! 

Aussi,  ce  chef-d'œuvre  qu'il  devient  tout  à  fait  absurde  de 
dénommer  prmilif,  s'il  fut  préservé  par  son  arislocralie  rare  et 
son  exil  en  un  musée  secondaire,  des  admirations  de  commande, 
a  toujours  vivement  préoccupé  les  curieux  d'art.  Nul,  apte  à  le 
percevoir,  n'y  resta  indifférent.  En  les  âmes  concordantes,  il 
éveilla  un  concert  d'exquises  émotions  à  vibrations  intenses  et 
perdurantes. 

"  Mais  tous  les  essais  d'attribution  demeurèrent  vains.  Ce  besoin 
de  justice  que  nous  avons  de  prononcer  au  moins  le  nom  de  l'au- 
teur d'une  œuvre  aimée  —  singulière  satisfaction,  après  tout,  car 
au  fond,  qu'importent  les  syllabes- —  resta  inapaisé.  Des  enthou- 
siastes proposèrent  d'illustres  paternités  :  Bolicelli,  le  tendre  et 
nerveusement  subtil,  à  la  distinction  infinie,  le  délicieux  Piero  da 
Cosimo,  et  ce  magistral  mais  divers  Luca  Signorelli,  et  d'autres... 
Nulle  ne  fut  adoptée,  nOn  que  le  tableau  ne  fût  digne  du  maître, 
mais  parce  que  toujours,  en  dehors  des  qualités  propres  au  peintre 
indiqué,  s'en  découvraient  d'autres  qu'il  n'avait  point  eues.  La 
récente  tentative  du  directeur  du  Musée  Staedel,  M.  Thode,  n'a 
point  été  mieux  accueillie.  11  prétendit,  en  une  longue  disserta- 
tion, combinant  habilement  les  proliabililés,  restituer  cet  énigma- 
ligiie  portrait...  à  Albert  Durer  et  le  dater  de  1496. 

Au  prime  abord,  une  telle  supposition  est  déconcertante,  et  il 
faut  toute  l'autorité  qui  s'attache  aux  écrits  de  ce  savant  distingué 
pour  n'en  point  hausser  les  épaules.  El  pourtant!  Pourtant  je  fus 
bien -troublé  le  mois  passé,  en  constatant  une  analogie  difficile  li 
préciser  dans  ses  détails,  mais  comme  une  parenté  spirituelle  cer- 
taine, entre  la  figure  de  Francfort  et  le  portrait  de  Durer  par  lui- 
même,  au  Musée  de  Madrid,  datant  de  i497.  La  thèse  de 
M.  Thode,  qui  m'avait  paru  si  absurde,  ne  me  fait  plus  sourire, 
ll^est  plausible,  après  tout,  que  Durer  ait  sacrifié  aux  influences 
italiennes  :  il  aurait,  en  ce  cas,  étonnamment^eondensé  les  har- 
monies dont  il  était  l'écho!  Je/^ux  bien  dire  aussi  avec  M.  Th. 
de  Wyzewa(l):  Diirerest  le  seul  maître  qui  aiteulejsecret  d'un  des- 
sin aussi  précis,  d'un  coloris  aussi  profond,  et  surtout  de  l'ef- 
frayante expression  qui  s'exhale  de  là  dureté  lumineuse  du  regard. 
Mais  pas  plus  que  lui,  je  ne  suis  convaincu  :  Comment  admettre 
que  si  Durer  avait  atteint,  dès  1496,  une  semblable  maîtrise, 
cette  manière  soit  restée  un  accident  et  ce  chef-d'œuvre  sans  ana- 
logue? 

L'esprit  essentiel  de  ce  mystérieux  portrait  me  parait  absolu- 
ment florentin;  je  ne  sais  croire  que  le  peintre  et  son  modèle 
aient  pu  vivre  ailleurs.  A  quoi  bon,  au  surplus,  discuter  encore? 
Le  secret  reste  entier  et  peut-être  la  vérité  n'est-elle  pas  l'aliribu- 
tion  h  un  maître  fameux  ;  peut-être  celle  merveille  est-elle  d'un 
inconnu,  d'un  fier  dédaigneux  de  la  gloire  au  point  de  rester 


(1)  Dans  un    intéressant  article  de  la  Gazette  des  Beaux- Arts- 
avril  1891,  avec  une  médiocre  reproduction. 


superbement  anonyme,  dédaigneux  même  djc  l'œuvre  au  point 
d'avoir  trouvé  superflu  d'en  réaliser  d'autres.:. 

Il  est  ainsi  des  génies  qui  passent...  et  le  souvenir  de  leur 
^jour  se  dissipe  aussi  vile  de  la  mémoire  des  hommes  que  la 
trace  des  pas  sur  la  poussière  du  chemin. 

J'aime  à  rêver,  tout  seul,  parfois,  à  ceux-là. 

Jules  Destrée. 


THÉÂTRE  DE  LA  MONNAIE 

LoheDgrin. 

Les  idées  musicales  sont  des  idées,  et  la  musique  ne  consiste 
pas  uniquement  en  un  assemblage  de  sons  plus  ou  moins  heureux. 
Si  l'on  veut  y  réfléchir,  c'est  là  tout  le  fond  de  la  révolution  wag- 
néricnne,  qui,  comme  toutes  les  bonnes  révolutions,  n'a  rien 
inventé,  mais  a  servi  à  restaurer  les  principes  vrais.  Ces  principes 
vrais,  Gluck  et  Beethoven  en  avaient  déjà  eu  pleine  conscience  et 
les  avaient  appliqués  souverainement.  Wagner  les  a  mieux  et 
plus  clairement  compris  encore  et  leur  a  donné  toutes  leurs  con- 
séquences. En  effet,  si  les  idées  musicales  sont  bien  de  véritables 
idées,  elles  doivent  avoir  leur  logique,  leur  développement,  leur 
enchaînement,  leur  structure  synthétique  comme  les  autres  idées. 
Le  drame  musical  aura  son  thème,  sa  construction  propre,  ses 
prémices  et  ses  conclusions,  son  style  faisant  corps  avec  le  sujet, 
ainsi  que  cela  est  de  règle  pour  l'expression  de  la  pensée  de  l'écri- 
vain ou  de  l'orateur.  Un  orateur  qui  se  bornerait  à  émettre  des 
paroles  harmonieuses,  mais  sans  aucun  sens  suivi  et  compréhen- 
sible, serait  justement  tenu  pour  ridicule.  De  même  le  musicien 
qui  se  borne  à  flatter  l'oreille  en  ne  se  livrant  qu'à  ce  qu'on  appelle 
son  inspiration,  mais  sans  savoir  lui-même  exactement  ce  qu'il 
veut  dire  et  à  quoi  il  veut  tendre,  et  sans  pouvoir  par  conséquent 
le  ftire  comprendre  .à  autrui,  est  devenu  pour  tout  le  monde, 
depuis  la  révolution  de  Wagner,  un  être  aussi  peu  sérieux  que  le 
serait  un  écrivain  incapable,  dé  déchiffrer  sa  propre  pensée.  La 
musique  n'est  paâ  seulement  un  art  dans  le  sens  étroit  du  mot; 
elle  est  une  langue,  là  plus  splendide  de  toutes,  la  plus  propre  à 
rendre  nos  sentiments  dans  toute  l'ampleur  de  leur  expansion  et 
dans  toute  l'intensité  de  leur  émotion  intime.  - 

Mais  si  elle  est  cette  langue  suprême,  et  si  un  grand  homme 
comme  Wagner  a  su  la  parler  avec  une  puissance  et  une  richesse 
d'expression  non  atteintes  avant  lui,  ceux-là  seuls  sauront  inter- 
préter Wagner  qui  auront  compris  dans  leur  plénitude  le  sens 
profond  et  mystérieux  et  le  développement  logique  des  idées 
wagnériennes. 

Et  ici  les  moyens  extérieurs  et  quasi, matériels  :  la  voix,  la  vir- 
tuosité, la  sonorité,  seront  moins  importants,  rendront  moins 
l'œuvre  et  porteront  moins  sur  l'auditeur  lui-même,  que  la  com- 
préhension du  sens  et  du  style,  et  que  la  pénétration  intellec- 
tuelle laquelle,  d'abord  et  avant  tout,  doit  présider  à  l'interpré- 
tation d'une  œuvre  de  Wagner.  On  chante,  on  joue  Meyerbeer  et 
Rossini  avec  des  voix,  des  instruments,  de  la  passion,  de  la  chaleur 
d'âme;  on  ne  chante  Wagner,  dirions-nous  volontiers,  qu'avec  de 
la  pensée,  à  laquelle  doivent  rester  subordonnés  les  moyens 
matériels. 

Er  si  alors  nous  nous  transportons  à  la  Monnaie  et  si  nous  vou- 
lons juger  en  deux  mots  la  reprise  de  Lohengrin,  nous  dirons 
qu'avec  des  moyens  vocaux  et  dramatiques  supérieurs,  M"«  Chré- 
tien dans  le  rôle  d'Eisa  etM.Muratet.dans  celui  de  Lohengrin,  ont 


chanté  comme  si  la  musique  eût  été  de  Meyerbeer,  et  pour  en 
faire  admirer  les  sonorités  mélodiques,  tandis  que  M"^  Wolf  en 
Ortrude  et  M.  Seguin  en  Frédéric,  avec  des  moyens  moindres, 
s'étaient  pénétrés  du  slyleet  de  la  pensée  de  l'œuvre,  et  songeaient 
à  la  faire  Comprendre  avant  de  songer  à  la  faire  admirer.  Aussi  le 
succès,  et  avec  raison,  est  allé  à  M"«  Wolf  et  à  M.  Seguin.  L'or- 
chestre, lui  aussi,  était  beaucoup  trop  en  «  sonorité  »,  et  nous 
espérons  que  pour  une  prochaine  représentation,  il  n'aura  plus 
d'autres  préoccupations  que  de  parler  la  langue  de  Wagner,  une 
langue  si  réellement  faite  pour  l'orchestre  qu'il  y  a  ingratitude  à 
lui  à  ne  pas  l'interpréter  toujours  avec  une  fidélité  scrupuleuse  et 
presque  une  soumission  religieuse  de  pensée  et  de  cœur. 


LES  MÉDAILLES 

Nous  avons  à  maintes  reprises  protesté  contre  les  Médailles 
dont  on  déshonore  les  artistes  dans  les  Salons  officiels  (1). 

Espérons  que  le  spirituel  article  que  leur  a  consacré  dernière- 
ment M.  Arsène  Alexandre  dans  l'Eclair  leur  donnera  le  coup 

de  grâce. 

Voici  la  médaille  !  ■ 

Elle  est  en  vermeil!  ' 

Elle  est  de  forte  taille, 
Et  brille  comme  un  soleil. 

Les  petits  gamins,  bien  gentils,  qui  exposent  leurs  devoirs  de 
peinture  au  Palais  de  l'industrie  ont  eu  leurs  médailles  et  leurs 
mentions.  Us  sont  bien  contents  les  petits  gamins  de  dix-huit  à 
soixante-quinze  ans? 

Et  bien,  non.  Ils  ne  sont  pas  contents  du  tout,  car  on  n'est 
jamais  content  le  jour  du  vote  de  ces  «  témoignages  de  satisfac- 
tion ».  Ou  bien  l'on  est  mal  satisfait  de  sa  propre  récompense,  ou 
l'on  est  furieux  de  celle  de  son  voisin.  Les  mentions  honorables 
sont  blêmes  de  jalousie  en  parcourant  la  liste  des  «  troisièmes  ». 
Les  troisièmes  contractent  des  haines  féroces  envers  les  «  secon- 
des ».  Les  secondes  ont  des  hochements  de  tête  et  des  sous-enten- 
dus qui  en  veulent  dire  long  sur  la  manière  dont  les  «  premières  » 
ont  été  décrochées.  Et  toutes  retrouvent  un  accord  touchant  pour 
déclarer  idiote  la  médaille  d'honneur,  quand  on  a  le  courage  de 
la  donner  à  quelqu'un  —  de  qui  c'est  le  tour. 

C'est  un  spectacle  fort  digne  et  fort  édifiant  que  donnent  alors 
les  artistes.  Dans  les  ateliers  et  les^  sociétés  libres,  les  conspira- 
tions s'organisent,  les  représailles  se  préparent.  La  ténébreuse 
politique  de  l'ébauchoir  et  du  pinceau  démolit  ce  président-ci  pour 
acclamer  ce  président-là,  afin  d'en  avoir  un  nouveau  à  démolir 
l'année  prochaine.  Certains  entre-sols  de  cafés  sont  voués  à  la 
célébrité  pour  avoir  vu  rédiger  sur  une  de  leurs  tables  le  règle- 

(1)  Dès  la  première  année  de  VArt  moderne  (1881,  p.  117)  nous 
disions  déjà  : 

«  L'institution  des  médailles  est  une  institution  pernicieuse.  Elle 
rend  les  artistes  intrigants  et  ravale  leur  dignité.  Elle  est  inutile,  car 
point  n'est  besoin  de  médailles  pour  faire  rendre  justice  aux  artistes 
de  réelle  valeur.  Elle  est  de  nature  à  fausser  les  idées.xar  les  médailles 
étant  distribuées  par  des  gens  qui  se  trompent  souvent  ou  se  laissent 
mener  par  une  coterie,  le  jugement  public  lui-même  s'égare  et  attribue 
aux  médaillés  un  mérite  relatif  qui  est  rarement  conforme  à  la  vérité 
et  à  la  justice.  Enfin,  les  distinctions  honorifiques  sont  de  nature  à 
donner  aux  artistes  eux-mêmes  une  fausse  idée  dé  leur  propre  mérite 
et  à  les  détourner  des  études  sincères  et  consciencieuses. 

Espérons  donc  que  les  médailles,  élément  de  discorde,  de  fausses 
appréciations  et  de  décadence,  seront  supprimées.  L'art  ne  s'en  portera 
que  mieux.  » 


VART  MODERNE 


349 


ment  rôvé  qui  évitera  tomes  les  discordes  en  conciliant  tous  les 
intérêts.  Le  marbre,  où  les  statuts  se  griffonnèrent,  tachés  de 
bière,  sera  certainement  gravé  un  jour  et  encadré  dans  la  façade 
de  la  maison,  en  commémoration.       ^ 

Les  réclamations  encombrent  la  «  boîie  aux  lettres  »  des  jour- 
naux. Les  incidents  surgissent,  les  cartels"  parfois  sont  échangés. 
Il  ressort  de  tout  ce  tapage  que  les  jurés  sont  gâteux  ou  corrom- 
pus, que  les  récompensés  sont  veinards  ou  intrigants,  que  l'art  se 
couvre  de  honte  et  se  voue  à  une  fin  prochaine.  Ce  n'est  pas  nous, 
bien  sûr,  qui  le  faisons  dire  aux  artistes  ;  c'est  eux  qui  se  chargent 
de  le  faire  savoir  au  public. 

Hélas!  il  n'y  a  guère  de  leur  faute  s'ils  se  r.endent  ainsi  bien 
ridicules.  Il  n'est  pas  d'homme,  il  n'est  pas  d'art  qui  résisterait. 
Certaines  institutions  sont  avilissantes  naturellement  et  c'est  à  elles 
qu'il  s'en  faut  prendre  si  elles  mellent  en  mesquine  posture  de 
braves  gens  à  qui  l'on  ne  saurait  faire  d'autre  reproche  que  de 
n'avoir  pas  le  courage  de  les  abolir. 

Si  demain  quelque  fatalité  voulait  qu'il  y  eût  des  médailles  pour 
les  musiciens,  pour  les  journalistes,  pour  les  romanciers,  ceux-ci 
donneraient  exactement  le  même  spectacle.  On  les  verrait,  tout 
comme  les  peintres  et  les-sculpleurs,  comploter,  pérorer  et  trépi- 
gner.Toutcomme  eux, semblablesàdesenfants,  ils  attendraientdans 
l'angoisse  la  décfsion  de  gens  qui,  peut-être,  isolés,  ne  les  valent 
pas  et,  réunis,  ne  manquent  jamais  la  sottise  à  faire.  Pareillement, 
ils  seraient  disposés  h  se  casser  la  tête  contre  les  murs  si  cette 
décision  ne  leur  était  pas  favorable. 

Il  paraît  tout  simple  qu'au  lieu  de  s'arracher  les  yeux  sur  la  dis- 
tribution des  médailles,  on  se  mette  d'accord  sur  leur  suppression. 
C'est  le  plus  sûr  moyen  de  ne  pas  faire  dejaloux.  C'est  aussi  celui 
de  rendre  quelque  sens  de  la  dignité  de  son  art  à  une  corporation 
qui  semble  légèrement  l'avoir  perdue  de  vue.  -    ■ 

A  cela  les  artistes  ont  coutume  de  répondre  avec  un  ensemble, 
celte  fois  louchant,  que  la  suppression  des  médailles  est  en  effet 
désirable  —  mais  qu'elle  est  impossible.       . 

Pourquoi  impossible? 

Parce  que  si  on  abolissait  celte  piètre  récompense,  ceux  qui 
l'ont  décrochée  jusqu'ici  demeureraient  favorisés,  au  détrimentde 
ceux  qui  arriveraient  trop  lard.  '  . ';    - 

Nous  commençons  par  la  plus  mauvaise  des  raisons.  N'est-il  pas 
fâcheux  d'entendre  dire  par  des  artistes  que  le  mérite  réside  non 
pas  dans  une  œuvre,  mais  dans  l'étiquette  dont  on  l'affuble?  En 
quoi  cela  a-t-il  jamais  constitué  une  infériorité  pour  un  homme 
qui  pense  et  qui  crée,  de  n'être  pas  primé  comme  un  beau  sujet 
de  concours  agricole  ? 

Supposez  d'ailleurs  que  demain  on  ait  l'improbable  courage  de 
détruire  ces  puériles  classifications  et  d'en  revenir  aux  temps,  déjà 
pas  si  lointains,  où  la  valeur  d'un  artiste  ne  se  mesurait  pas  â  la 
ferblanterie  qu'il  avait  pu  récoller.  Que  se  passerait-il  tant  que  le 
dernier  médaillé  n'aurait  pas  disparu  de  ce  monde?  Les  non-mé- 
daillés ne  pourraient  donc  pas  se  faire  connaître  et  aimer  du  pu- 
blic? Seuls,  les  «  mentionnés  antérieurement  »  continueraient  à 
avoir  le  nom  prestigieux,  à  récoller  toutes  les  commandes  cl  à 
fléchir  sous  tous  les  honneurs.' 

Il  suffit  d'émettre  la  supposition  pour  en  démontrer  l'absurdité. 
Lés  médailles  supprimées,  le  pis  qui  pourrait  arriver  à  un  artiste 
serait  que  l'on  dît  d'un  tableau  réussi  :  «  En  voilà  un  qui  aurait 
certainement  eu  la  médaille.  »  El  cela  vaudrait  infiniment  mieux 
pour  lui  que  d'en  voir  attribuer  une  à  l'œuvre  voisine  dont  le 
passant  un  peu  connaisseur  dit  :«  Quelle  odieuse  croule!  »  Quand 


il  n'existe  pas  de  récompenses  officielles,  on  a  la  chance  de  passer 
pour  un  grand  homme.  Aussitôt  qu'on  est  bardé  de  récompenses, 
il  n'y  a  qu'une  voix  pour  dire  que  vous  baissez  et  que  le  succès 
vous  a  gâté. 

Enfin,  comment  la  gent  artistique  peut-elle  être  assez  dépour- 
vue dejugeolte  pour  ne  pas  comprendre  que  tout  le  monde  serait 
hors  concours  du  moment  qu'il  n'y  aurait  plus  de  concours  du 
tout? 

Autre  raison,  aussi  valable  que  la  première  :  Il  faut  bien  encou- 
rager les  talents  naissants  et  les  signaler  au  public. 

C'est  faire  au  public  comme  aux  talents  emmaillottés  un  assez 
mauvais  compliment.  Dire  à  l'un  :  «  Vous  n'êtes  qu'une  bête  et 
vous  ne  saurez  pas  ce  qu'il  faut  admirer  et  acheter  si  nous  ne  vous 
le  montrons  du  doigt.  »  Aux  autres  :  «  Vous  êtes  incapables  de 
percer  si  nous  ne  vous  accordons  pas  notre  protection  et  si  nous 
ne  vous  estampillons.  »  ^ 

Or,  le  public  n'est  pas  si  bête,  ni  les  débutants  si  débiles  qu'on' 
le  pourrait  croire.  Le  public  met  du  temps  à  se  laisser  convaincre 
et  les  forts  à  s'imposer  à  lui,  mais  cet  échange  de  bons  procédés 
ne  se  produit  presque  jamais  entre  lui  et  ceux  qui  ont  été  bom- 
bardés grands  par  les  jurys  officiels.  Les  obstacles  que  rencontre 
le  véritable  artiste  sur  son  chemin  ne  sont  presque  jamais  que  des 
cercles  en  papier.  Il  serait  vraiment  banal  d'insisler  et  de  recom- 
mencer Ja  lisle  déjà  par  trop  connue  des  maîtres  à  présent  accla- 
més, qui  n'eurent  jamais  ni  ne  souhaitèrent  de  médaille,  et  les 
mazetles  médaillées  qui  se  sont  enfoncées  de  plus  en  plus  dans 
l'oubli. 

Les  jurys  ne  peuvent  désigner  les  meilleures  œuvres,  d'abord 
parce  qu'elles  se  désignent  bien  toutes  seules,  ensuite  parce  qu'ils 
sont  justement  les  moins  capables  qui  soient  de  les  discerner.  Des 
gens  qui  «  s'y  connaissent  »  ou  sont  réputés  s'y  connaître,  for- 
ment par  leur  réunion  un  jury,  c'est-à-dire  un  corps  aveugle  bu 
injuste.  C'est  une  simple  vérité  d'expérience.  Presque  jamais  une 
œuvre,  nous  ne  dirons  pas  éclatante,  car  celles-là  se  défendent 
sans  médaille  et  gagnent  leur  cause  dçvant  le  temps,  mais  simple- 
ment consciencieuse  et  durable,  n'a  été  distinguée  du  premier 
coup  par  ces  juges  improvisés.  Ils  apprécient  l'art  au  crible,  et 
ce  sont  les  grosses  pièces  qui  restent  :  toute  délicatesse  leur 
échappé. 

En  réalité,  loin  d'éclairer  le  public  et  de  rendre  service  aux 
artistes,  ils  font  du  tort  aux  uns  et  trompent  l'autre  sur  la  qualité 
de  la  marchandise. 

Les  divers  degrés  de  la  médaille  sont  des  attrape-nigauds  ou  des 
primes  à  là  médiocrité  avec,  le  plus  souvent,  la  complicité  du 
hasard.  Le  jour  où  les  artistes  comprendront  cela  et  sacrifieront, 
résolument  ces  plaques  et  ces  patentes,  ils  verront  à  combien  peu 
de  chose  ils  ont  renoncé  et  combien  de  fierté  et  de  force  ils 
acquerront  en  échange. 

Léon  Bloy  et  Paul  Bourget 

Dans  le  OU  Blas  de  vendredi  dernier,  nouvel  article  de  Léon 
Bloy  :  L'Eunuque!  C'est  de  Paul  Bourget  qu'il  s'agit,  cette  fois, 

avec  cette  épigraphe  : 

Paul  Bourobt.  —  Eafin,  Bloy,  vous  me 
détestez  donc  bien  ? 

LioN  Bloy.  —  Non,  mon  ami,  je  vous 
méprise. 

Paul  Bourget  «  vient  de  publier  avec  cruauté,  dans  un  journal, 
la  mucilagineuse  préface  de  son  prochain  livre  ».    Léon   Bloy 


350 


L'ART  MODERNE 


«  songe  avec  compassion  aux  amalcurs  de  force  cl  de  sanlc  qu'a 
surpris  celle  longue  averse  de  colle  «.Il  proclame  «  inassommables 
à  pcrpéluiié  »  ceux  que  n'a  pas  dégoûtés  «  celle  oiTrayanle 
épreuve  ».  11  esl  d'avis  que  «  ce  fondeur  de  poils  cl  cel  englueur 
d'alomes  pourra  leur  servir  impunémenl  loules  les  filasses, 
loulos  les  filandres,  tous,  les  magmas  el  toutes  les  glaires  w.  Il 
n'hésile  pas  à  opiner  que  la  voie  de  «  cet  épureur  de  coccinelles  », 
élait  «  l'horlogerie  imbécile  »  du  roman  d'analj[se,  et  comme  le 
nouveau  livre  se  désigne  par  une  fadaise,  il  affirme  que  «  ce 
romancier  sans  musclée  ni  cartilages  n'a  pas  précisément  le  génie 
des  titres  ». 

Noions  en  passant  qu'il  s'agit,  dans  l'espèce,  de  la  palcrniié 
dans  l'adultère  et  de  savoir  jusqu'à  quel  point  le  fail  d'avoir  donné 
volontairement  la  vie  à  un  autre  être,  oblige  envers  cet  cire. 

■  Admirable  discours  à  mettre  en  filandres  h  la  Bourget! 

Le  seul  iruc,  dit  Léon  Bloy,  pour  échapper  «  aux  récrimina- 
tions de  l'infini  »  quand  on  pose  un  pareil  problème,  «  c'est 
d'avoir  aussi  peu  d'entrailles  que  possible,  d'adorer  la  médiocrité 

,  el  de  se  pousser  dans  le  monde  comme  un  adorable  mufle. 
Si  par  surcroît,  ou  fui  à  ce  point  favorisé  des  divinités  apotro- 
péennes  que  les  cisailles  de  Fulbert  n'aient  jamais  eu  à  fonction- 
ner pour  la  pacification  de  quoi  que  ce  soit,  oh!  alors,  on  est 
admirablement  outillé  pour  porter  la  queue  des  autres  et  lubrifier 
agréablement  les  Héloïscs  des  Sainl-Frusquin  ».  Entendez  par  là 
les  bourgeoises  distinguées  et  les  juives  millionnaires  qui  se 
pâment  à  la  lecture  des  œuvres  de  M.  Paul  Bourget,  suffisamment 
«  poissées  de  mélanoolie  »  pour  plaire  à  ces  dames.  «  Neutre  et 
charmant  »,  tel  apparaît  l'artiste  à  son  terrible  démolisseur; 
«  incapable  d'incendier  ou  d'éteindre,  ami  par  choix  de  tout  le 
monde  et  comblé  des  dons  de  l'impuissance,  il  n'eut  qu'à  loucher 
du  doigt  les  murailles  de  bélise  de  la  Grande  Publicité  pour 
qu'elles  tombassent  devant  lui  et  pour  qu'il  entrât,  comme  Antio- 
chus,  dans  celte  forteresse  imprenable  aux  gens  de  génie,  avec 
les  cent  vingt  éléphants  futiles  chargés  de  son  bagage  littéraire. 
Il  faut  penser  à  l'incroyable  anémie  des  âmes  modernes  dans  la 
classe  distinguée,  pour  bien  comprendre  le  succès  de  cel  évan- 
gélisle  du  Rien.  Ses  analyses  boréales  amalgamées  de  Renan, 
de  Stendhal  el  de  quelques  pions  germaniques,  où  l'absence 
infinie  de  style  el  de  caractère  est  symétrique  au  double  néant 
du  sentiment  et  de  la  pensée,  furent  sucées  avec  dévotion  par 
tout  un  public  de  mondaines,  ravies 'qu'un  auteur  qui  leur 
ressemblait  condescendît,  en  leur  présence,  de  ses  pâles  doigts 
en  glucose,  à  traire  les  vaches  arides  qu'elles  gardent  avec  tant  de 
soin  dans  les  ravissantes  prairies  de  leurs  cœurs.  En  conséquence, 
le  Sigisbée  de  toutes  ces  dames  esl  appelé  le  Balzac  moderne!!!  » 
Ah  !  mais,  ça  donne  froid  le  long  de  l'épine  dorsale,  des  érein- 
tements  d'une  pareille  envergure.  Quel  redoutable  fustigeur!  El 
comme  en  paix  on  peut  vivre  sans  craindre  le  triomphe  des  Ama- 
lécites  de  l'art,  quand  un  tel  gardien  veille  sur  les  bisons  du 
médiocre  el  les  tapirs  «le  la  littérature  pour  dames. 

Chronique  judiciaire  de^  ^rt? 

Pierrot-Poète  (1). 
Le   tribunal  de  commerce  de    Bruxelles   a   prononcé    cette 
semaine  dans  le  procès  théâtral  intenté  par  M"''  L.  Van  Dànmie  5 
M.  G.  Palicol.  Le  jugement  donne  gain  de  cause  k1â  jeune  artiste 

(1)  Voir  notre  dernier  numéro. 


cl  condamne  l'imprésario  à  lui  payer  600  francs,  avec  les  intérêts  et 
les  frais.  Voici,  au  surplus,  le  lexle  de  celte  décision,  qui-tranchc 
d'intéressantes  questions  do  droit  théâtral: 

Attendu  que  la  loi  ré|)ule  acte  de  commerce  toute  entreprise 
de  spectacles  publics;  ce  mot  comprend  toule  espèce  de  diver- 
tissements offerts  au  public.  Tous  les  engagements  pris  par 
l'enlrepretiour  de  pareils  spectacles,  on  vue  de  son  entreprise, 
sont  des  actes  de  commerce; 

Attendu  que  le  défendeur  ne  reproiluil  pas  dans  sa  conclusion  « 
l'exception  qu'il  avait  proposée  in  liniiue  lilis  ; 

Attendu  au'  surplus,  que  les  tribunaux  doivent  vérifier,  avant 
d'examiner  et  do  discuter  les  moyens  invoqués  par  les  |)laidours, 
s'ils  sont  compétents,  à  raison  de  la  matière,  sur  l'action  qui  ost 
déférée  h  leur  appréciation  ;• 

Attendu  que  le  défendeur  ne  peut  pas  contester  qu'il  a  engagé 
la  demanderesse  pour  remplir  dans  les  pantomimes  Au  Jeu 
d'amour  le  rôle  de  la  Marquise  el  dans  Pierrot-Poète  celui  de 
Régina  ; 

Attendu  que  la  demanderesse  a  éié  mise  en  possession  do  ces 
doux  rôles,  el  que  le  fait  d'avoir  fail  connaître  au  public  qu'ils 
seraient  tenus  par  la  dcmandoresse  rend  le  défendeur  non  roce- 
vable  à  prétendre  qu'il  pouvait  l'en  déposséder,  de  sa  seule  auio- 
rilé,  la  contraindre  à  en  remplir  un  autre  sans  avoir  à  lui  payer 
une  indemnité  pour  réparer  le  préjudice  que  cause  à  la  demande- 
resse la  rupture  de  son  engagement; 

Attendu  qu'il  est  do  principe  que  l'oxploilanl  d'un  tliéâtrc  qui 
a  engagé  à  son  service  une  artiste  pour  la  création  d'un  rôle  et 
qui  postérieurement  renonce  à  faire  représenter  la  pièce  on  vue 
do  laquelle  l'artiste  était  engagée,  lui  doit  les  appointements  sti- 
pulés el  des  dommages-intérêts  pour  cessation  de  son  emploi  ; 

Attendu  que  ce  principe  est  aussi  applicable  lorsque,  comme 
dans  l'espèce,  la  rupture  esl  le  fait  volontaire  de  l'exploitant  d'un 
spectacle  public  ; 

Attendu  que  le  motif  invoqué  par  le  défendeur,  dont  la  com- 
pétence en  la  matière  est  incontestable  puisqu'il  fail  exécuter  ses 
œuvres,  pour  justifier  son  attitude  vis-à-vis  de  la  demanderesse 
est  dénué  de  fondement; 

Il  a  fait  à  la  demanderesse  dos  déclarations  non  équivoques 
prouvant  qu'elle  avait  de  «  très  grandes  qualités,  une  jolie  lyre  » 
el  il  ne  s'est  aperçu  «  que  le  côlé  dramatique  et  pathétique  ne  lui 
allait  pas  »,  qu'après  onze  répélilions,  alors  que  l'affiche  portait 
le  nom  de  la  demanderesse. 

Au  surplus  il  avoue  naïvemoMi,  mais  courtoisement,  qu'il  a  été 
poussé  par  plusieurs  personnes,  qu'il  ne  nomme  pas  mais  que  la 
demanderesse  dcviRfi...  Qu'on  l'a  pour  ainsi  dire  forcé  à  lui  faire 
ce  petit  chagrin... 

Par  ces  motifs,  lo  Tribun;'!  condimui'  le  défotiilour  à  payer  à 
la  demanderesse  :  1°  300  francs  pour  un  mois  d'appointements; 
2"  300  francs  à  litre  dedomma^Tes-intérôl^,  le  condamne  en  outre 
■aux  intérêts  judiciaires  et  aux  dépens. 


Petite  chroj^ique 

On  a  pu  lire  ces  jours  derniers  dans  l'Iniépenoance  belge  : 
«  L' Indépendance  réservera  dans  son  suppiénienl  du  dimanche 
une  place  spéciale  à  des  productions  m<5diies  des  prosateurs  et 
des  poètes  belges,  dont  les  œuvres  marquent  une  note  person- 
nelle dans  le  mouvement  littéraire  de  notre  pays.  Ces  Pages  de 
la  Wallonie  et  des  Flandres  —  c'est  sous  ce  titre  général  que 
seront  réunis  ces  spécimens  divers  de  nos  littérateurs  —  ne  peu- 
vent manquer  d'exciter  de  sympathiques  curiosités  chez  nous  cl 
à  l'étranger. 

«  Citons,  parmi  les  écrivains  dont  nos  plus  prochains  supplé- 
ments conliendronl  des  pages  inédites:  MM.  Maurice  Maeterlinck, 
Georges  Rodenbach,  G.  Van  Lerberghe,  Frsfnz  Foulon,  Georges 
Garnir,  Fernand  Severin,  Grégoire  Leroy,  Pol  de  Mont,  Célcslin 
Demblon,  Georges  Khnopff,  etc.,  etc.  » 


f^ 


La  conversion  que  nous  espérions,  lorsque  dernièrement  nous 
annoncions  le  changemonl  de  direction  à(^  V Indépendance,  passe 
donc  au  fait.  Nous  en  sommes  fort  heureux.  C'était  un  spectacle 
fâcheux  de  voir  publier  dans  le  supplément  littéraire  de  ce  journal 
des  choses  quelconques  cueillies  à  l'étranger,  et  de  le  voir  rester 
indifférent  au  brillant  mouvement  littéraire  de  notre  pays.  Etait- 
ce  bouderie  malveillante,  ignorance  ou  défaut  de  pénétration, 
peu  importe;  mais  l'anomalie  était  choquante.  De  là  sont  venues 
les  vives  attaques  que  nous  avons  à  différentes  i-eprises  dirigées 
contre  lui.  Mais  nous  tenons  à  dire  que  nous  saurons  lui  rendre 
justice,  si,  franchement  et  équitablemenl,  il  fait  à  nos  écrivains 
la  place  qu'ils  méritent,  et  si  sa  critique,  revenant  à  résipiscence, 
perd  les  préférences  boulevardières  et  parisiennes  qu'elle  a  si 
longtemps  exclusivement  affichées.  Nous  aimons  passionnément 
la  belle  littérature  française.  Mais  pas  au  détriment  de  la  nôtre. 

L'ouverture  des  séances  d'art  de  la  Maison  du  Peuple,  qui  aura 
lieu  mardi  prochain,  à  8  heures  du  soir,  s'annonce  bien.  Outre 
une  conférence  de  M.  Jules  Désirée  sur  la  Littérature  russe,  il  y 
aura,  comme  nous  l'avons  annoncé,  une  partie  musicale  consa- 
crée à  l'audition  d'oeuvres  d'A.  Glazounow,  N.  Rimsky-Korsakow, 
A.  Kopylow  et  Tschaïkowsky,  avec,  comme  interprètes,  M"»  L.  Van 
Hoof,  (îu  Théâtre  de  la  Monnaie,  BIM.  Lilta,  Crickboom,  Angenot, 
Kefer  et  La  Fontaine.  Entrée  :  5  francs.  Cartes  permanentes  : 
10  francs.  L'entrée  est  libre  pour  les  membres  du  Parti  Ouvrier 
et  pour  les  membres  souscripteurs  (cotisation  minimum  :  o  francs, 
sans  affiliation  au  Parti  Ouvrier). 

Paul  Verlaine  se  rendra  dans  le  courant  de  la  semaine  en  Hol- 
lande où  il  a  promis  de  faire  des  conférences  à  La  Haye  et  à 
Amsterdam.  Son  programme  :  Causerie  relative  aux  écrivains  en 
vers,  mes  contemporains  et  compatriotes,  suivie  de  lectures  à 
l'appui.  «  Parallèlement  aux  Parnassiens,  aux  vieux  amis  et  cama- 
rades de  lettres,  écrit  l'auteur  de  Sagesse  à  notre  correspondant 
de  La  Haye  qui  organise  les  conférences  en  Hollande,  je  parlerai 
des  «  modernes  »  :  Décadents,  Symbolistes  et  Romans,  nos.  suc- 
cesseurs non  moins  amis.  »  • 

Notre  campagne  pour  la  protection  des  arbres  a  réussi.  On 
nous  assure  que  des  ordres  sont  donnés  pour  les  respecter, 
notamment  le  long  des  grandes  routes  où  l'on  établit  des  tramways 
vicinaux.  Désormais  on  n^écommellra  plus  la  vandalique  stupi- 
dité de  les  abattre  du  côté  où  est  la  voie,  sous  prétexte  qu'ils 
pourraient  l'obstruer  en  tombant.  Toutes  nos  félicitations  au  haut 
fonctionnaire  qui  a  pris  cette  intelligente  mesure.  Vraimeul, 
quand  on  a  une  bonne  cause,  il  faut  toujours  l'exposer  et  la 
défendre.  Souvent  on  réussit,  même  quand  elle  parait  presque 
impossible. 

A  cette  occasion,  signalons  qu'il  se  passe  actuellement  h  Ixellés 
une  chose  navrante.  Un  entrepreneur  sauvage  détruit  le  parc 
superbe  et  Ja  romantique  allée  de  tilleuls  qui  bordaient  la 
descente  de  la  chaussée  vers  l'église  Sainte-Croix.  Quel  admirable 
square,  solitaire  et  profond,  on  eût  pu  faire  de  cette  ombreuse 
retraite  ! 

La  direction  de  l'Opéra  de  Vienne  est  en  pourparlers  avec 
M.  Vincent  d'indy  pour  l'exécution  intégrale  du  Chant  de  la 
Cloche  avec  Ernest  Van  Dyck  dans  le  rôle  de  Wilhem. 

C'est  le  célèbre  ténor  qui  a  créé  ce  rôle  à  Paris,  en  1886,  lors- 
qu'à la  suite  de  la  décision  du  jury  accordant  à  la  partition  de 
M.  d'indy  le  prix  de  10,00ft  francs  de  la  ville  de  Paris,  l'œuvre 
fut  exécutée  sous  la  direction  et  avec  l'orchestre  et  les  chœurs  de 
M.  Lamoureux.  11  s'agirait,  cette  fois,  d'une  mise  à  la  scène  du 
Chant  de  la^loche.  L'œuvre  serait  jouée  et  non  chantée  seule- 
ment. L'Opéra  de  Vienne  ferait  à  cette  occasion  de  grands  frais  de 
costumes  et  de  décors,  l^inlention  du  compositeur,  qui  a  pris 
soin  de  donner  dans  la  partition  d'exactes  indications  sur  la  mise 
en  scène  éventuelle  de  l'ouvrage,  serait  ainsi  entièrement  "réalisée. 

Il  est  question  aussi  de  donner,  sou^celte  forme,  le  Chant  de 
la  Cloche  à  Liège.  Le  nouveau  chef  d'Orchestre  du  Grand  Théâtre, 
M.  Léon  Du  Bois,  s'occupe  activement  de  la  réalisation  de  ce  pro- 
jet, auquel  applaudiront  tous  les  admirateurs,  si  nombreux  à 
Liège,  du  jeune  maître  français. 


La  Royal  Choral  Society  vient  de  faire  paraître  le  programme 
des  dix  grandes  auditions  qu'elle  donnera  à  l'Alberl-Hallau  cours 
(le  la  prochaine  saison  musicale.  Ces  auditions  sont  fixées  ainsi  qu'il 
suit  :  2  novembre.  Requiem  de  Dvorak;  23  novembre,  la  Dam- 
nation de  Faust:  7  décembre,  la  Légende  dorée  A' k.  Sullivan; 
2  janvier^fe  Messie;  48  janvier,  Messe  solennelle  de  E.-M.  Smyth 
et  la  Création  (l'«  et  2'  parties);  45  février,  Rédemption;  8  mars, 
Israël  en  Egypte;  34  mars,  le  Messie;  49  SlStW,  Saint-Paul; 
40  mi\,  Elie. 

Les  solistes  seront,  entre  autres,  MM""  Albani,  Nordica,  Wil- 
liams, Clara  Samuell,  MM.  Lloyd,  Ben  Davies,  Ivor  Mackay,  Hen- 
schel,  etc.  Orchestre  et  chœurs  :  4,000  exécutants. 

Après  un  arrêt  forcé  de  plusieurs  mois,  dû  à  des  circonstances 
imprévues  d'ordre  privé,  la  revue  Langues  et  dialectes  reprendra 
ses  publications  trimestrielles,  à  partir  du  4'-'''  novembre  4892, 
sous  la  direction  de  M.  Tito  Zanardelli,  professeur  aux  cours  de  la 
ville  de  Bruxelles. 

Tout  en  abordant  l'étude  des  langues  en  général,  elle  s'occu- 
pera spécialement  des  dialectes  locaux  de  la  Belgique. 

Les  prochains  numéros  comprendront,  entre  autres,  les  articles 
suivants  :  Les  noms  propres  d'animaux  à  La  Hulpe,  Genval,  etc. 

—  La  corruption  phonétique  des  noms  propres  en  patois  wallon. 

—  Grammaire  et  grammairiens.  —  Les  lois  de  l'analogie  dans  les 
langues.  — La  ligne  de  démarcation  des  patois.  —  Les  trois  patois 
de  Bruxelles,  —  Le  Marollien.  —  L'argot  flamand,  dit  aussi  Die- 
ventaal  ou  Bargoensch.  —  Le  vocalisme  du  patois  flamand  de 
Bruxelles.  —  La  conjugaison  des  verbes  dans  le  patois  flamand 
brabançon.  —  Les  jurons  en  flamand.  —  Les  poésies  namuroises 
du  sergent  Benoit.  —  Un  essai  sur  l'ancien  namurois.  —  L'infil- 
tration des  mots  français  dans  la  langue  flamande  et  les  lois  de 
leur  transformation. 

Rédaction  et  administration  :  37,  rue  de  Longue-Vie,  Ixelles- 
Bruxelles.  Abonnement  :  Belgique,  40  francs.  Etranger,  43  francs. 
Le  numéro  :  3  francs. 

Pour  paraître  prochainement,  de  l'auteur  de  Tête  d'Or  :  La 
Fille,  à  225  exemplaires  numérotés  dont  425  sont  mis  en  sous- 
cription, à  savoir  :  N»»  4  à  25,  sur  papier  de  Hollande,  au  prix  de 
40  francs;  n»»  26  à  425,  sur  vélin  blanc,  au  prix  de  5  francs,  cl 
400  seront  trouvés  en  librairie  au  prix  de  6  francs. 

Adresser  les  souscriptions  à  la  librairie  de  l'Art  indépendant, 
14,  rue  de  la  Chaussée-d'Antin,  à  Paris. 

Encore  une  nouvelle  Revue:  après  la  Blanche,  après  la  Bleue, 
pour  compléter  la  tricolore  :  La  Revue  Rouge.  —  Mensuelle,  de 
littérature,  d'art  et  d'économie  politique.  —  Collaborateurs  : 
Georges  Eekhoud,  Emile  Verhaeren,  Camille  Lemonnier,  Emile 
Vandervelde,  D'  Charbonnier,  Franz  Delbastée,  Mathias  Robert, 
Elslander,  P.  Armen;  Henry  Le  Bœuf,  Jean  Brèzal,  Géo  Mauvère, 
G.  Touchard,  Frappart,  etc.  ■ —  Secrétaires  de  la  rédaction  :  Paul 
Sainte-Brigitte  et  Sandcr  Pierron.  —  Abonnements  :  Belgique, 
un  an,  3  francs,  six  mois,  fr.  1  75;  Étranger,  un  an,  4  francs,  six 
mois,  fr.  2-25.  —  Imp.  M .  Vanderauwera,  Molenbeek-Bruxelles. 

—  Grand  in-8»,  46  p.,  4892.  —  Première  année,  n°  4,  octo- 
bre 4892. —  Le  numéro  :  25  centimes.—  Sommaire  :  La  Misère, 
Emile  Verhaeren;  Burch  Mitsù,  Georges  Eekhoud;  A  Vau-la-Rue, 
Camille  Lemonnier;  Jours  de  Gloire,  Sander  Pierron;  Strophes, 
Mathias  Robert;  Chansons  tristes,  Paul  Sainte-Brigitte  ;  Le  rêve 
d'un  écolier  socialiste,  Jacques  Patient;  Chronique  artistique, 
Lucien  Jotirand;  Chronique  théâtrale  :  Parc,  H.  Le  B.,  Monnaie, 
Intérim;  Gaspillages,  ***.  — Rédaction  et  administration,  rue 
Gendebien,  48,  Bruxelles. 


ERRATUM 

Un  perfide  correcteur  (ô  correcteure  maudits,  les  plus  traîtres 
des  mortels!)  nous  a  fait  dire  snobisme  pour  strabisme  en  parlant 
de  l'étrange  défaut-qualité  qui  donne  aux  yeux  de  Mounel-Sully 
un  si  effrayant  mystère.  Nos  intelligents  lecteurs  auront,  nous 
n'en  doutons  pas,  rétabli  d'eux-mêmes  le  texte. 


■^ 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L':^TAT-BELGE 

LIGNE    D'OSTENDE-DOUVRES 

La  plus  courte  et  la  moins  coûteuse  des  voies  extra-rapides  entre  le  Cominent  et  /'Angleterre 

Bruxelles  à  Ijondres  en  8  heures.—  Cologne  à  Londres  eu'  13  heures. —  Berlin  à  Londres  eu  22  lieures.—  Vienne  à  Londres 
en  86  heures.  —  B&le  à  Londres  en  20  heures.  —  Milan  à  Londres  en  32  heures.  —  Francfort  S/M  ù  Londres  en  18  heures. 

D'Ostende  à  4  h.  58  matin,  1,0  h*!  53  matin  et  8  h.  03  soir.  —  De  Douvres  à  12.00  h.  (midi),  7  h.  30  soir  et  10  h.  15  soir. 

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Courtens,  De  Braekeleer,  De  Jûijghe,  Diaz,  Narcisse  de  la  Pena, 
Dillens,  H.,  Dubois,  Fourmois,  Goupil,  Koekkoek,  Melin,  Meunier, 
Smits,  Stevens,  J,  Stevens,  A,  Verboeckhoven,  E.,  Verheyden. 
Verwée,  A.,  etc.,  etc. 


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Douzième  année.  —  N"  45. 


Le  numéro  : .  a-B  centimes. 


Dimanche  7  Novembre  1892. 


PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 


Comité  de  rédaction  «  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,    un   an,    fr.   10.00;  Union   postale,,  fr.    13.00.    ^ANNONCES  :    On   traite   à   forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  l'Art  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


La  kace  du  GniusT.  —  Exposition. G. -W.  Delsaux  —  Choses  de 
THÉATRK.  Théâtre  du  Parc.  —  La  Princesse  Georges.  —  A  la 
Maison  du  Peui'LE> —  Biiu.iogkai'hie  musicale  —  Petite  chronique. 


LA  RACE  DU  CHRIST 

Ici  déjà,  lors  de  la  mort  de  Villiers  de  risle-Adam  (1), 
nous  exprimions  cette  envie  qui  mord  les  esprits' 
rêveurs,  quand  un  illustre  disparaît,  d'aller  retrouver, 
dans  les  catacombes  des  bibliothèques,  quelqu'une  de 
ses  œuvres,  jadis  lues  et  depuis  remisées,  ay^nt  laissé 
dans  la  mémoire,  en  résidu,  un  souvenir  fait  des 
impressions  d'alors,  vieillissant  lentement  comme  les 
vins,  devenant,  par  l'insensible  alchimie  du  temps, 
ou  plus  douce  ou  plus  forte  ;  quelquefois  aussi  passant 
à  l'aigre,  ou  se  diaphanisant  jusqu'à  l'incolore. 

Ainsi  nous  relûmes  ces  jours  récents  la  Vie  de  Jésus 
par  Renan. 

Ah  !  qu'il  est  dangereux  de  revoir  les  pays  qui  paru- 
rent beaux  et  où  l'on  fut  heureux  !  Qu'il  est  dangereux 
de  relire  les  œuvres  !  Morose  sensation  qu'elles  vous 
laissent  souvent,  pareilles  aux  jeunes  maîtresses  ado- 
rées à  vingt  ans  et  qu'on  revoit  à  quarante. 

(1)  Homo  multiplex,  1889,  p.  297.  .  j 


Nous  avions  conservé  vive  et  fraîche  l'impression 
d'une  idylle  bibliquei  étonnamment  lumineuse  et  sédui- 
sante,-montrant  sur  les  fonds  clairs  du  lac  de  Tibériade 
le  caressant  et  divin  prêcheur,  si  près  des  hommes,  si 
près  du  ciel,  auréolé  de  l'incomparable  avenir  promis  à 
sa  foi,  touchant  à  peine  la,  terre,  incessamment  soulevé 
par  le  souffle  miraculeux  des  légendes,  emporté  enfin 
comme  un  météore  dans  la  crise  douloureuse  de  sa^ 
passion,  et  laissant  derrière  lui  une  traînée  si  splendide 
qu'elle  éclaire  encore  le  monde,  incurablement  inquîeï 
de  cette  énigme  :  Fut-ce  un  mortel  ?  Fut-ce  un  Dieu  ?- 

Nous  n'avons  retrouvé  qu'un  épisode  morne  et 
languissant,  en  style  fade  et  coulant,  de  l'Histoire  sainte. 
Le  Christ  y  apparaît  une  sorte  de  ténor  léger  que  les 
doigts  agiles  et  onctueux  du  laïc  chanoine  font  circuler 
en  flâneur  autour  du  lac  sacré  sous  le  beau  ciel  de 
la  Galilée.  Un  personnage  correct,  aux  attitudes  dra- 
pées, qu'on  se  figure  peigné  et  parfumé,  parlant  avec 
une  bienséance  doctrinaire,  chef  d'une  petite  école,  traî- 
nant avec  lui  une  troupe  de  comédiens  et  d'actrices, 
amoureusement  désiré  par  les  Madeleines  et  qui  sou- 
ventes  fois  semble  incliner  au  flirt.  Le  paysage  lui-même 
suscite  des  rénriniscences  d'opéra  comique.  Le  convenu 
s'épanche  à  pleins  bords.  Les  mouvements  de  scène 
sont  traditionnellement  réglés.  C'est  presque  un  livret 
et  l'on  pense  à  Massenet  et  à  Hérodiade.  On  croirait 
assister  à  un  mystère  joué  au  Petit-Trianon  par  des 


mondains  et  des  mondaines  costumés  en  pêcheurs  et  en 
pécheresses.  Seuls  les  quatre  chapitres  de  la  fin,  la  der- 
nière semaine  de  Jésus,  son  arrestation  et  son  procès, 
sa  mort,  le  caractère  essentiel  de  son  œuvre,  emportent 
tout  à  coup,  comme  en  un  torrent  de  vérité  et  de  foi, 
l'aimable  conteur,  amateur  de  «  charmantes  prome- 
nades -,  et  transforment  sa  bergerie  en  une  sombre 
scène  de  désolation  et  d'horreur  où  enfin  tonne  la  divi- 
nité. 

Vraiment,  le  livre  dépo0,  ou  se  demande,  ahuri  et 
béant,  comment  le  mince  personnage  dont  on  vient  de 
lire  l'historiette,  a,  durant  deux  mille  ans  (c'eût  été 
certes  le  plus  prodigieux  de  ses  miracles!)  révolutionné 
et  régi  toutes  les  âmes  en  lesquelles  est  tendue  la  psycho- 
logie de  la  race  européenne  ?  Et  cette  simple  et  décisive 
question  suffit  à  démontrer  le  vide,  la  fausseté  et 
l'inanité  de  cette  œuvre  qui,  d'un  coup,  mit  Renan  au 
pinacle.  On  discerne  invinciblement  que  ce  n'en  fut  pas 
la  valeur  intrinsèque,  soit  philosophique,  soit  littéraire, 
mais  l'engouement  sectaire  de  l'anticléricalisme  et 
sectaire  se  réjouissant  de  tenir  enfin  une  synthèse 
décente  et  de  bonne  tenue  résumant  sans  criailleries  et 
sans  injures  tout  ce  qu'il  mâchonnait  d'hostilité  étroite 
et  haineuse  contre  le  Christianisme. 

Nous  savons  qu'ici  même,  il  n'y  a  pas  un  mois,  un 
ami  à  superbe  allure  d'écrivain  a  vanté  cette  Vie  de 
Jésus  dont  maintenant  nous  parlons  en  termes  discré- 
ditants et  navrés.  Il  la  jugeait  de  souvenir,  ei  nous- 
même  eussions,  nous  le  sentons,  écrit  du  même  lan- 
gage si  une  instinctive  curiosité  ne  nous  avait  entraîné  à 
pousser  la  porte  de  ces  lieux  dès  longtemps  abandonnés 
et  à  lès  parcourir,  ouvrant  sur  leurs  sites  et  leurs 
détours  des  yeux  mieux  instruits  par  la  contemporaine 
ambiance  et  par  les  leçons  incessantes  d'une  transfor- 
mation sociale  et  artistique  accélérée.  C'est  alors  que 
nous  avons  compris  le  véritable  sens  et  l'hypocrite 
modération  cachant  sous  le  velours  la  griôe  impi- 
toyable, délétères  et  sournois  comme  les  brises  tièdes 
des  étés  malsains,  véhicules  de  fièvres  et  d'épidémies. 

A  côté  de  cette  impression  faisant  inexplicable  l'im- 
mense destinée  du  Christ  (car  comment  un  aussi  édul- 
coré  et  bienséant  jeune  homme  aurait-il  pu  peser  sur  le 
monde  au  point  d'en  déplacer  le  pivot?),  le  récit  de 
Renan,  en  des  détails  curieux  dont  la  portée  resta  pour 
lui  close,  apporte  inconsciemment  des  matériaux  pour 
la  solution  d'un  des  plus  essentiels  problèmes  des  ori- 
gines du  Christianisme,  celui  de  la  race  dont  fut  Jésus. 

A  diversesl^rises  nous  avons,  dans  TArt  moderne, 
soulevé  cette  énigme  près  de  laquelle  l'ancien  sémina- 
riste de  Tréguier  a  passé  sans  en  soupçonner  l'existence, 
se  contentant,  en  sa  science  superficielle  d'hébraïsant 
mondain,  d'admettre  la  tradition  qui  toujours  fit  un 
juif  de  cet  être  extraordinaire  que  les  juifs  ont  crucifié 
comme  ennemi  de  leur  sang,  de  leur  foi,  de  leur  loi,  et 


que  le  monde  sémitique,  "aux  rares  exceptions  près  qui 
ne  manquent  à  aucune  règle,  a  repoussé  avec  fureur 
et  ténacité  et  a  combattu  en  ses  descendants  par  des 
guerres  de  religion  non  interrompues ,  qui ,  encore 
à  l'heure  présente ,  chauff'ent  et  recommencent  en 
Afrique  (1). 

Il  est~  curieux  sous  ce  rapport  de  faire  la  cueillette 
des  renseignements  que  Renan  sème  d'une  plume  négli- 
gente, sans  se  douter,  tout  au  long  du  chemin  fleuri  de 
son  récit  aimable.  Dès  les  premières  lignes  il.  rappelle 
que  cette  G£|,lilée,  où  naquit  le  Christ,  était  fort  mêlée, 
que  c'était  une  province  qui  comptait  parmi  ses  habi- 
tants, au  temps  de  Jésus,  beaucoup  de  non-Juifs.  Il  est 
donc  impossible,  dit-il,  de  soulever  ici  aucune  question 
de  race  et  de  rechercher  quel  sang  coulait  dans  les  veines 
de  celui  qui  a  le  plus  contribué  à  eff'acer  dans  l'huma- 
nité les  distinctions  de  sang. 

Étrange  conclusion  !  û'après  le  lieu  de  naissance  il  y  a 
donc  doute  sur  la  race  du  réformateur  divin  fait  homme. 
Mais  alors  pourquoi  clore  immédiatement  le  problème, 
au  lieu  de  le  creuser?  Le  lieu  est-il  donc  le  seul  moyen 
de  faire  en  pareil  cas  la  lumière?  Si  par  exemple  on  voit 
le  Christianisme  ne  se  répandre  que  parmi  les  peuples 
de  race  européenne,  et  ne  conquérir  rien,  ou  presque 
rien,  parmi  les  sémites,  n'est-ce  pas  déjà  un  motif, 
d'extraordinaire  puissance,  pour  croire  que  son  fon- 
dateur eut  dans  les  veines  le  sang  de  ceux  qu'il  a 
convertis  ? 

Quand  Renan,  quittant, la  Galilée  et  Nazareth,  parle 
de  la  Judée  et  de  Jérusalem,  il  marque  leurs  saisissantes 
différences.  «  Une  absence  complète  du  sentiment  de  la 
nature,  aboutissant,  dit-il,  à  quelque  chose  de  sec, 
d'étroit,  de  farouche,  a  frappé  toutes  les  œuvres  purement 
hiérosolymites  d'un  caractère  grandiose,  mais  triste, 
aride  et  repoussant.  Avec  ses  docteurs  solennels,  ses 
insipides  canonistes,  ses  dévots  hypocrites  et  atrabi- 
laires, Jérusalem  n'eût  pai^  conquis  l'humanité.  Mais 
le  Nord  a  donné  au  monde  la  naïve  Sulamite,  l'humble 
Chananéenne,  la  passionnée  Madeleine,  le  bon  nourri- 
cier Joseph,  la  Vierge  Marie.  Le  Nord  seul  a  fait  le 
Christianisme;  Jérusalem,  au  contraire,  est  la,  vrâië 
patrie  du  judaïsme  obstiné  qui,  fondé  par  les  pharisiens, 
fixé  par  le  Talmud,  a  traversé  le  moyen-âge  et  est  venu 
jusqu'à  nous.  »» 

Est-ce  Drumont  qui  parle,  trente  ans  avant  la  Libre 
Parole?  Ah  !  mais  alors  le  Christ  n'est  pas  Juif.  Dites-le 

(1)  Voir  dans  l'Art  moderne,  nos  études  :  La  Bible  et  le  Coran, 
1888,  pp.  114,  130,  137;  —  La  Littérature  anti-sémitique,  ib., 
p.  361  ;  —  Saint-Paul  et  le  Sémitisme,  1889,  pp.  1,  9,  17,  27;  —  Les 
Prophètes  dans  la  Bible,  ib.,  p.  198;  —  L'Ancien  Testament  et  les 
Origines  du  Christianisme,  Sh.,  pp.  227,  234,243,  284;  —  Les  Tra- 
ductions de  la  Bible,  ib.,  p.  236;  —  Les  Hymnes  Védiques,  ib., 
p.  379;  -  L'Art  Arabe,  ib.,  p.  89;  —  Que  fut  Jésus  t  ib.,  p.  164; 
—  L'Art  Arabe  en  Espagne,  189»,  p.  188  ;  —  Renaissance,  1892, 
p.  260. 


^\iyT^.'^T'Q-^/fit:^\!^^iS'^' 


donc,  ô  philosophe!  Ou  bien  pourquoi  n'y  pensez-vous 
pas? 

Curieuse  remarque!  quand  il  parle  de  Judas,  fils  de 
Simon,  de  la  ville  de  Kerioth,  qui  fit  exception  dans 
l'essaim  fidèle  et  s'attira  un  si  épouvantable  renom, 
Renan  écrit  :  «  C'était  le  seul  qui  ne  fût  pas  Galiléen  ; 
Kerioth  était  une  ville  de  l'extrême  sud  de  la  tribu  de 
Juda,  à  une  journée  au  delà  d'Hébron.  »  Ah!  comme 
on  crierait  que  nous  inventons,  et  que  nous  forçons  les 
faits  pour  les  faire  entrer  dans  un  système,  si  ce  n'était 
pas  copie  textuelle  du  texte. 

Il  était  naturel  que  la  Galilée  fût  un  pays  de  mélange 
où  mainte  race  avait,  au  passage,  laissé  de  sou  sang  et 
fécondé.  Notre  auteur  signale  «  que  la  grande  route  de 
Damas  à  Acre,  l'une  des  plus  anciennes  du  monde,  tra- 
versait la  Galilée  en  touchant  le  lac  »,  près  de  Naza- 
reth oti  Jésus  naquit.  Chaque  fois  que  l'Asie  passait  en 
Egypte,  ou  l'Egypte  en  Asie,  les  multitudes  ou  les  voya- 
geurs y  cheminaient,  submergeant  les  rares  populations 
locales  et  y  substituant  les  races  d'un  plus  noble  sang. 
'Renan,  rappelant  que  c'était  surtout  dans  la  parabole 
que  le  Maître  excellait,  signale  que  rien  dans  lejudaïsme 
né  lui  avait  donné  le  modèle  de  ce  genre  délicieux,  mais 
qu'on  trouve  dans  les  livres  bouddhiques  des  paraboles 
exactement  du  même  ton  et  de  la  même  facture.que  les 
éyangéliques.  Et  il  en  conclut...  «  qu'il  est  difficile  d'ad- 
mettre qu'une  influence  bouddhique  se  soit  exercée  en 
ceci  ». 

Etrange  aveugle,  qui  se  refuse  à  se  laisser  opérer  de 
la  cataracte. 

Cette  idée  que  le  milieu  juif  était  l'antipode  du  milieu 
galiléen,  cosmopolite  et  grécisant,  revient  fréquem- 
ment, comme  une  mouche  obstinée,  à  la  réflexion  de 
Renan,  mais  sans  jamais  lui  révéler  l'immense  consé- 
quence ({n\\  en  faut  déduire  pour  la  détermination  de  la 
race  du  Dieu  fait  homme.  Voici  tout  un  passage  où 
l'hostilité  de  la  Galilée  et  de  la  Judée  est  mise  en  un 
encore  plus  saisissant  relief  : 

«  Le  monde  odieux  de  la  Judée  ne  pouvait  manquer  de 
peser  fort  lourdement  sur  les  âmes  tendres  et  délicates  du 
Nord.  Le  mépris  des  Hiérosoly mites  pour  les  Galiléens 
rendait  la  séparation  encore  plus  profonde.  Dans  ce  beau 
temple,  objet  de  tous  leurs  désirs,  ils  ne  trouvaient  sou- 
vent que  l'avanie.  Un  verset  du  psaume  des  pèlerins  : 
«  J'ai  choisi  de  me  tenir  à  la  porte  dans  la  maison  de  mon 
Dieu  ",  semblait  fait  exprès  pour  eux.  Un  sacerdoce 
dédaigneux  souriait  de  leur  riaïve  dévotion,  à  peu  près 
comme  autrefois  en  Italie  le  clergé,  familiarisé  avec  les 
sanctuaires,  assistât  froid  et  presque  railleur  à  la  fer- 
veur du  pèlerin  venu  de  loin.  Les  Galiléens  parlaient 
un  patois  assez  corrompu;  leur  prononciation  était 
vicieuse;  ils  confondaient  les  diverses  aspirations,  ce 
qui  amenait  des  quiproquos  dont  on  riait4)eaucoup.  En 
religion,  on  les  tenait  comme  ignorants  et  peu  ortho-  )_ 


doxes;  l'expression  "  sot  Galiléen  »  était  devenue  pro- 
verbiale. On  croyait  (non  sans  raison)  que  le  sang  juif 
était  chez  eux  très  mélangé,  et  il  passait  pour  constant 
que  la  Galilée  ne  pouvait  produire  un  prophète.  Placés 
ainsi  aux  confins  du  judaïsme  et  presque  en  dehors,  les 
pauvres  Galiléens  n'avaient  pour  relever  leurs  espé- 
rances qu'un  passage  d'Isaïe  assez»  mal  interprété  : 
«'  Terre  de  Zabulon  et  terre  de  Nephtali,  Voie  de  la 
mer,  Galilée  des  gentils  !  »  ^^ 

Ce  mot  Gentils  est  significatif;  il  désignait  les  étran- 
gers. 

Renan  a  une  certaine  intuition  que  ce  ne  fut  pas  le 
Christianisme  qui  continua  la  vieille  Bible  judaïque, 
mais  le  mahométisme.  Il  appelle  textuellement  l'Islam 
«  une  sorte  de  résurrection  du  judaïsme  »,  idée  que 
nous  avons  développée  dans  notre  étude  :  La  Bible  et  le 
Coran.  Dans  le  même  ordre  d'idées,  il  rapporte  qu'ainsi 
que  les  Musulmans,  dans  les  monuments  juifs,  les  orne- 
ments de  sculpture  vivante,  que  les  Hérodes,  ces  imita- 
teurs de  Rome,  se  permirent  au  grand  mécontentement 
des  rigoristes  hébreux^  étaient  bannis  et  remplacés  par 
une  décoration  végétale  ;  il  ajoute  que  jusqu'aux  Asmo- 
néens,  les  Juifs  étaient  restés  étrangers  à  tous  les  arts. 
Encore  aujourd'hui,  dans  les  pays  musulmans  non  euro- 
péens, c'est  une  profanation  pour  un  vrai  croyant  que 
d'être  photographié,  même  sans  le  savoir. 

Plus  loin,  Renan  montre  le  Christ,  dans  sa  doctrine, 
affirmant  son  irrémédiable  antipathie  pour  le  Mosaïsme. 
Jésus  le  premier  ose  dire  qu'à  partir  de  lui,  la  Loi,  cette 
pierre  angulaire  de  la  foi  juive,  n'existait  plus.  Et 
il  ajoute  carrément  :  Jésus  alors  n'est  plus  juif!  Il  eût 
mieux  valu  dire  qu'il  ne -l'avait  jamais  été,  qu'adminis- 
trativement.  On  n'est  pas  cheval  pour  être  né  dans 
une  écurie.  Racontant  le  premier  voyage  du  Sauveur 
à  Jérusalem,  il  écrit  :  «  Une  pensée  qu'il  emporta, 
et  qui  dès  lors  paraît  chez  lui  enracinée,  c'est  qu'il 
n'y  a  pas  de  pacte  possible  avec  l'ancien  culte  juif  ». 
L'abolition  des  sacrifices  qui  lui  avaient  causé  tant 
de  dégoût,  la  suppression  d'un  sacerdoce  impie  et  hau- 
tain, et  dans  un  sens  général  l'abrogation  de  la  loi  lui 
parurent  d'une  absolue  nécessité.  A  partir  de  ce  moment, 
ce  n'est  plus  en  réformateur  juif,  c'est  en  destructeur 
du  judaïsme  qu'il  se  pose.  "^ 

Et  il  revient  sur  la  composition  de  la  Galilée.  Il  répète 
qu'elle  contenait  un  grand  nombre  de  païens;  que  dans 
la  plupart  des  cas  où  Jésus  rencontrait  des  païens,  il 
montrait  pour  eux  une  grande  indulgence  et  parfois 
aff'ectait  de  fonder  sur  eux  plus  d'espoir  que  sur  les 
Juifs  ;  le  royaume  de  Dieu  leur  sera  transféré.  Il  en  fait 
même  le  précurseur  des  idées  socialistes  qui  aujour- 
d'hui si  formidablement  fermentent,  et  qu'on  ne 
trouve  que  chez  les  nations  de  race  aryenne  : 
«  De  nos  jours  même,  jours  troublés  où  Jésus  n'a  pas 
de  plus  authentiques    continuateurs    que    ceux   qui 


350 


L'ART  MODERNE 


semblent  le  répudier,  les  rêves  d'organisation  idéale  de 
la  société,  qui  ont  tant  d'analogie  avec  les  aspirations 
des  sectes  chrétiennes  prialîtives,  ne  sont  en  un  sens 
;q4ie4^anouissement  de  la  même  idée,  une  des  branches 
de  cet  arbre  immense  où  germe  toute  pensée  d'avenir, 
et  dont  le  «  royaume  de  Dieu  «  sera  éternellement  la 
tige  et  la  racine.  Toutes  les  révolutions  sociales  de 
l'humanité  seront  entées  sur  ce  mot-là.  " 

Il  lui  échappe  encore  ailleurs  de  dire .:  "  Jean-Baptiste 
était  profondément  juif;  Jésus  l'était  h  peine.  Jésus 
s'adresse  toujours  à  la  finesse  du  sentiment  moral.  » 
Son  dogme  terrible  de  la  substitution  des  Gentils,  cette 
idée  que  le  royaume  de  Dieu  allait  être  transféré  à 
d'autres,  revenait  comme  une  menace  sanglante.  Il 
raconte  que  dans  le  conseil  assemblé  par  les  chefs  des 
prêtres,  cette  question  fut  nettement  posée  :  Jésus  et  le 
judaïsme  peuvent-ils  vivre  ensemble?  Le  grand  prêtre 
repondit  :  Il  est  juste  que  cet  homme  meure  !  Et  parlant 
de  la  famille  de  ce  grand  prêtre,  il  explique  que  «  son 
esprit  était  altier,  audacieux,  cruel;  qu'elle  avait  ce 
genre  particulier  de  méchanceté  dédaigneuse  et  sour- 
noise qui  caractérise  la  politique  juive.  " 

Pour  lui  ce  ne  furent  ni  Tibère,  ni  Ponce-Pilate  qui 
condamnèrent  Jésus.  Ce  fut  le  vieux  parti  juif;  ce  fut 
la  loi  mosaïque.  Si  jamais  crime  fut  le  crime  d'une 
nation,  dit-il,  ce  fut  la  mort  de  Jésus.  Cette  mort  fut 
«  légale  »,  en  ce  sens  qu'elle  eut  pour  cause  première 
une  loi  qui  était  l'âme  même  de  la  nation  juive. 

fît  il  termine  par  cette  phrase  qui  résume  non  son 
livre,  mais  les  idées  qu'il  n'a  pas  vues,  quoiqu'elles 
fussent  vagissantes  au-dessous  de  son  œuvre  :  Certes  le 
monde  païen  eut  aussi  ses  violences  religieuses.  Mais, 
s'il  avait  eu  cette  loi  juive,  comment  fût-il  devenu  chiC^ 
tien  ?  ^    (t,^-  \ 


4 


ir.ôj^y 


L'EXPOSITION  G.-W.  DELSAUX 

Dans  la  salle  à  trois  comjpartimenls  de  la  Galerie  moderne  de 
M.  de  Saint-Cyf,  rue  Royale,  si  bien  douée  comme  disposition  et 
comme  lumière,  la  meilleure  de  Bruxelles  assurément  pour  les 
expositions  intimes  et  les  conférences  k  public  choisi,  G.-W.Del- 
SAUx  expose  «  une  kyrielle  de  tableaux,  pastels,  études,  dessins, 
résultat  de  plusieurs  années  de  recherches,  de  coups  de  pioche, 
de  maillet,  de  pointe;  de  mois  de  calmes;  de  semaines  de  bour- 
rasques et  de  tempêtes;  de  jours  d'ennuis,  de  chagrins,  de  soleil, 
de  musique,  d'extases  et  de  joies!  »  Ainsi  pittoresquement  nous 
l'annonçait-il. 

Le  labeur  de  l'artiste  fut  considérable  et  se  révèle  visiblement 
comme  la  lutte  de  l'esprit,  de  la  main  avec  celte  réalité  fuyante 
qui  semble  redouter  de  se  laisser  surprendre  et  fixer  sur  la  toile. 
On  sent  partout  le  courageux  effort,  la  poursuite  acharnée,  avec 
ses  fortunes  diverses,  tantôt  heureuses,  tantôt  stériles.  L'opiniâ- 
treté, le  désir  énergique,  les  secousses  infligées  aux  résistances 
des  choses  sont  là,  partout  traduites  par  la  brosse  vigoureuse, 
mais  parfois  lourde  en  les  coups  qu'elle  porlg.  La  conscience 


cl   l'ospoir,   la  foi  dans  la  fécondité    du    travail   constamment 
s'aflirmonl  et  donnent  au  spectateur  l'impression  d'un  très  fervent 
ouvrier,  rude  et  palioni,  que  la  trouvaille  du  bel  et  sincère  effet 
a  souvent  récompensé. 
Il  y  a,  en  un  varié  déroulement,  toute  une  jeunesse  de  peintre 

'près  d'aboutir  à  la  virilité  du  taicnl.  Les  transformations  sont 
singulières  et  progressives,  car,  par  une  coquetterie  de  sincère, 
aimant  presque  autant  que  l'œuvre  réussie  et  finale  l'évolution 
qui  va  des  tâtonnements  et  des  premiers  essais  jusqu'à  la  maî- 
trise, G.-W.  Dclsaux  a  exposé  Tlii.<;loirc  de  son  ûmc  et  de  sa  main, 
exhibant  sans  icgrot  les  vieilles  choses  rudimenlairos  ou  enfan- 
tines à  côté  des  nouvelles. 

L'artiste  reste  atlaché  au  faire  massif  qui  le  caractérise.  Il  ne 
cherche" pas  h  se  débarrasser  de  sa  nature  un  peu  maçonne.  Il  se 
dégage  du  noir  qui  assombrissait  autrefois  la  peinture,  mais  ne 
va  pas  jusqu'aux  merveilles  d'atmosphère  et  de  lumière  que 
rocliercheni  les  jeunes  é'éoles.  Pourtant  sa  palette  s'enrichit,  les 
tons  nuances  jusqu'au  rafTincmcnt  apparaissent,  il  s'efforce  vers 
la  vérité  obtenue  par  les  infinies  dégradations  des  tons.  Tout  .cela 
dans  la  gamme  opulente  et  puissante  qui  donne  le  diapason  grave 
de  sa  voix  picturale.  L'en-avant  est  marqué,  et  l'on  sent  qu'il 
n'en  est  pas  aux  dernières  étapes,  qu'il  veut  pousser  encore,  har- 
moniser, mieux  rendre  cette  Ame  des  choses  qu'il  traque  d'une 
si  insistante  chasse,  et  qui,  actuellement,  reste  encore  à  demi 
engagée  dans  son  faire  trop  pesant. 

C'esl^à  la  Zélande  qu'il  prend  les  sujets  de  ses  œuvres,  à  l'île  de 
Duiveland  où  dort  la  vieille  Zierikzce  où  l'épée  de  Mondragon 
sert  de  paratonnerre.  Il  en  scrute  la  mer  mélancolique,  les  longs 
hivers,  les  plages  où  les  glaçons  s'emboîtent,  les  ciels  à  énormes 
coupoles  où  roulent  les  nuages  ravagés.  Il  y  concentre  son  inspi- 
ration et  les  agitations  de  son  Ame.  Sur  les  facettes  que  fait 
son  exposition  aux  murs  de  la  salle,  tout  ce  pays  si  lointain 
et  si  proche,  toute  celle  vie  amphibie,  si  calme  auprès  des  flots 
tumultueux,  se  reproduit  en   miroirs,  et  c'est  chose  touchante 

_el  curieuse  que  de  constater  cette  fidélité  à  une  contrée  si  rare, 
faite  de  nues  et  d'eaux,  où  les  îles  semblent  flouantes, où  les  mai- 
sons basses  et  les  moulins  découpant  à  peine  l'horizon  maritime 
surgissent  comme  des  écueils  à  fleur  des  vagues,  où  les  clochers 
sont  des  phares,  où  tout  suscite  les  longues  rêveries  qui  ondulent 
aux  rives  des  pays  à  demi  submergés. 


CHOSES  DE  THÉÂTRE 

La  Direction  du  Parc. 

Nos  lecteurs  se  souviennent  (peut-être)  de  l'article  que  nous, 
publiâmes  il  y  a  quinze  jours  (ah  !  que  c'est  loin  !)  sous  le 
titre  :  Les  Débuts  de  la  direction  Alhaim. 

M.  Alhaiza  s'en  est  cru  offensé,  et  a  prié,  dimanche  dernier, 
deux  de  ses  amis,  M.  Reding,  son  secrétaire,  et  M.  Rotiers,  de 
l'Eventail,  d'aller  en  entretenir  l'auteur^  M.  Edmond  Picard. 

Celui-ci  fit- savoir  à  ces  messieurs  qu'il  avait  prié  deux  de  ses 
amis,  nos  collaborateurs  Victor  Arnould  et  Octave  Maus,  de  s'occu- 
per de  cet  incident,  s'en  remettant  absolument  à' leur  avis  sur  ce 
qu'il  convenait  de  faire  ou  de  ne  pas  faire  en  l'occurrence. 

Après  une  conférence  approfondie  avec  les  mandataires  de 
M.  Alhaiza,  ils  écrivirent  à  M.  Picard  : 


r 


Bruxelles,  le  31  octobre  1892. 

Cher  Ami, 

Vous  nous  avez  priés  de  nous  melire  en  rapport  avec  MM.  V.  Re- 
ding  et  F.  Rolicrs  au  sujet  de  voire  article  sur  les  Débuts  de  la 
direction  Aîliaiza  paru  dans  l'An  moderne  du  23  octobre  cou- 
rant. De  l'entretien  que  nous  venons  d'avoir  avec  ces  messieurs, 
il  résulte  que  M.  Alhaiza  se  considère  comme  offensé  par  certains 
passages  de  cet  article  où  sont  relevées  diverses  appréciations 
d'une  partie  du  public  sur  la  nouvelle  direction  du  Théâtre  du 
Parc. 

Nous  avons  relu  attentivement  ce  que  vous  avez  éisrit,  et 
comme  les  propos  malveillants  signalés  par  vous  ne  portent 
aucune  atteinte  à  l'honneur  de  M.  Albaiza,  que  vous  mettiez  en 
giirde  contre  les  reproches  qui  lui  sont  faits  ;  comme  d'ailleurs 
vous  n'êtes  sorli  en  rien  des  limites  de  votre  droit  de  critique, 
nous  sommes  d'avis  que  cet  incident  ne  compot'tc  aucune  suite. 

Recevez,  cher  ami,  l'expression  de  nos  sentiments  dévoués 

Victor  Arnould. 
Octave  Maus. 

Cette  lettre  fut  communiquée  par  ses  signataires  h  MM.  Reding 
et  Roliçrs. 

Ceux-ci  ont  écrit  à  M.  .Alhaiza  : 

Bruxelles,  le  31  octobre  1892. 
Cher  ami. 

Vous  jugeant  atteint  dans  voire  considération  d'homme  privé 
par  l'article  paru  sous  ce  litre  :  Les  Débuts  de  là  direction  Alhfliza 
dans  l'Art  moderne  du  23  octobre  1892  et  dont  vous  n'avez  eu 
connaissance  que  le  30  du  mémo  mois,  vous  nous  avez  chargés 
d'en  demander  réparation. 

L'auleur  de  l'article,  M.  Edmond  Picard,  nous  ayant  mis  aujour- 
d'hui en  rapport  avec  deux  de  ses  amis,  MM.  Victor  Arnould  et 
Octave  Maus,  nous  nous  sommes  rencontrés  ce  malin,  à  H  heures, 
au  domicile  du  premier. 

Après  avoir  dit  que  fidèle  à  une  ligne  de  conduite  dont  vous 
ne  vous  êtes  jamais  départi  pendant  les  douze  années  que  vous 
avez  passées  à  Bruxelles,  vous  entendiez  respecter  absolument  le 
droit  de  la  critique,  abandonnant  le  directeur  et  l'artiste  au  juge- 
ment  le  plus  sévère,  nous  avons  déclaré  que  vous  entendiez  relever 
tout  ce  qui  porterait  atteinte  à  la  considération  de  l'homme  privé 
et  que  vous  réclamiez  une  réparation  immédiate  dç  l'offense  que 
vous  avez  ressentie. 

MM.  Victor  Arnould  et  Octave  Maus  estiment  que  l'article  ne 
comporte  aucune  espèce  de  réparation,  parce  qu'il  n'entache  en 
rien  votre  honneur  et  que  l'auteur  ne  fait  pas  siennes  les  arlicu- 
lations  qu'il  a  rapportées  et  qui  vous  onl  blessé. 

N'ayant  pu,  malgré  notre  insistance,  obtenir  que  celte  déclara- 
tion, nous  sommes  obligés  de  considérer  notre  mission  comme 
terminée. 

Veuillez  agréer,  cher  ami,  l'expression  de  nos  meilleurs  senti- 
ments. 

Fritz  Rotiers. 
Victor  Reding. 

Les  signataires  ont  prié  la  direction  de /'.<4r/moder«e  de  publier 
ces  documents. 

La  direction  a  répondu  :  Bien  volontiers. 


LA    PRINCESSE    GEORGES 

La  qualité  première  d'un  directeur  de  ihéâtre  est  de  bien  con- 
naître l(fs  aptitudes  réelles  do  ses  artistes,  et,  surtout  pour  les 
débuts,  de  choisir  les  pièces  qui  mettront  en  valeur  les  bons 
éléments  de  sa  troupe,  tout  en  tirant  des  autres  le  meilleur  parti 
possible.  M.  Alhaiza  n'a  pas  ce  jugement  exact  de  ce  qu'il  peut 
faire  ou  ne  pas  faire.  Il  a  voulu  absolument  faire  jouer  chez  lui 
du  Dumas  fils  après  la  tentative  infructueuse  du  Prince  d'Aurec. 
Il  aurait  dû  cependant  s'apercevoir,  pgr  les  côtés  mêmes  qui  ont 
déplu  dans  le  Prince  d'Aurec,  qu'il  n'avail  pas  de  quoi  monter 
une  machine  comme  la  Princesse  Georges  plus  encore  que  l'autre, 
toute  en  brillant,  en  brio,  en  dextérité  el,pn  finesse,  et  dont  rien 
ne  reste  quand  on  lui  ôte  son  chatoiement  parisien.  Les  comédfes 
de  Dumas,  surtout  les  dernières,  sont  faites  d'une  ou  de  deux 
scènes  vives  et  scabreuses  et  qu'il  faut  «  enlever  »,  avec,  tout  autour, 
un  ragoût  pimenté  qui  ne  passe  que  si  des  artistes  d'une  science 
consommée  vous  le  détaillent  par  le  menu.  El  le  tout  ne  peut 
tenir  qu'à  force  de  tact  et  de  prudence. 

Car  au  fond  ce  théâtre  de  M.  Dumas  est  très  vide  et  très  faux. 
Il  est  le  produit  d'une  société  el  d'un  art  faisandés  jusqu'aux 
moelles,  el  qui  ne  font  encore  quelque  figure  dans  leur  gomme 
qu'à  la  condition  de  n'être  point  brusqués,  sinon  de  celle  phos- 
phorescence il  ne  reste  que  la  matière  informe.  Il  n'y  a  là,  si  l'on 
veut  y  regarder,  ni  élude  un  peu  profonde  de  caractères,  ni  mou- 
vement de  passion,  ni  construction  scénique  solide  et  résistante 
eVqui  sauvent  les  pièces,  mémelorsquerinlerprélation  esl  médiocre" 
ou  incomplète.  Chez  M.  Dumas  tout  est  en  mots  et  en  paillettes, 
avec  quelque  situation  brutale  qui  paraît  être  de  la  force  el  qui 
n'est  que  de  l'audace,  el  il  n'y  a  à  se  retrouver  là-dedans  iju'en 
faisanl  miroitera  propos  les  paillettes  et  en  sauvant  les  brutalités, 
mais  c'est  un  jeu  difficile  et  qui  demande  une  extrême  habileté. 

M.  Alhaiza  aurait  dû  comprendre  que  sa  troupe  est  trop  dispa- 
rate, trop  mal  rajustée  encore  el  mise  au  point,  trop  fournie 
d'éléments  nouveaux  avec  la  gaucherie- de  L'inexpérience,  pour 
pouvoir  aborder  ce  théâlre  un  peu  malingre  et  maladif,  mais 
éblouissant  tout  de  même,  lorsque,  pour  ainsi  dire,  il  craque  de 
vernis  parisien. 

Qu'y  a-l-il  notamment  dans  la  Princesse  Georges?  Il  y  a  une 
poursuite  fiévreuse  de  jouissance,  qui  passe  à  travers  tout,  piéti- 
nant tout  sans  scrupule  el  sans  remords,  qui  ne  trouve  pour  lui 
résister  qu'une  jeune  femme  énergique  el  fière,  d'avance  vaincue 
el  ne  s'arrêle  brisée  que  devant  le  coup  de  pistolet  de  la  fin.  La 
résistance  est  figurée  par  Séverine,  la  princesse  Georges,  la  fureur 
du  vice  par  M™*  de  Terremonde.  Alors  ces  deux  physionomies 
d'avant-plan  doivent  se  détacher  sur  son  fond  mouvementé, 
distingué,  chatoyant,  qui  doit  vous  présenter  l'image  fugitive  de  la 
haute  société  française. 

Or," qu'avait  M.  Alhaiza  pour  affronter  de  pareilles  difficultés? 
Une  débutante  d'un  très  beau  tempérament  et  d'un  avenir  certain, 
jime  Archaimbaud-de  Méric,  mais  encore  trop  nouvelle  à  la  scène 
pour  incarner  un  rôle  aussi  tourmenté,  mais  aussi  travaillé  que 
celui  de  Séverine.  Puis,  pour  M"«  de  Terremonde,  une  artiste 
correcte  et  sérieuse,  mais  absolument  le  contraire  de  ce  qu'on 
imagine  pour  celle  Sylvanie  de  Terremonde  qui  croque  les 
millions  comme  des  noisettes  el  qui  a  réussi  à  rendre  amoureux 
fou  d'elle  son  mari  lui-même  qu'elle  ruine  comme  les  autres. 
El  pour  les  rôles  secondaires,  car  tout  le  reste  est  secondaire, 
des  artistes  dont  presque  aucun  n'est  sans  qualités,  mais  aucun 


n'a  les  qualités  de  dislinclion  en  dehors  et  à  remporlc-piôce 
qu'il  a  fallu  à  ces  personnages' de  M.  Dumas.  Le  troisième 
acte  figure  une  conversation  de  salon,  d'un  de  ces  salons 
de  l'imaginalion  de  M.  Dumas,  où  tout  le  monde  est  spirituel 
et  dit  des  choses  hardies  et  siirprenanios. 

Au  Parc,  on  voit  h" ce  troisième  acte  de  fort  jolies  femmes,  ce 
qui  est  un  bien,  mais  comme  elles  disent  mal,  avec  crainte  et 
embarras,  ces  choses  qui  ne  valent  que  par  la  façon  dont  elles 
sont  lancées!  El  toute  la  pièce  est  dans  ce  goût- là.  Tout  est  éteint 
et  terne,  et  comme  notre  public  lui-mime  est  terne,  cela  en  devient 
lugubre.  La  même  troupe,  dans  une  pièce  suivant  ses  moyens,  si 
elle  pouvait  s'y  dépenser  librement,  ferait  peul-ôtre  vivant  cl  mou- 
vementé. Mais  c'est  au  directeur  à  savoir  trouver  ce  qu'il  faut  à 
son  monde,  du  côlé  de  la'scène  comme  du  côté  du  public.  Peut- 
être  Augier  conviendrait,  mais  Dumas,  non. 

Disons  cependaj^que  dans  ce  milieu  un  peu  morne  une  jeune 
femme  qui  pouroges  débuts  a  fait  une  impression  vive,  es' 
M"'^  Archaimbaûd.  Êîfc  a  la  passion,  le  mouvement,  le  geste,  la 
note  presque  toujours  jjusle,  une  allure  de  liberté  cl  de  force, 
quelque  chose  de  profond  et  qui  frappe  et  remue,  un  des  plus 
beaux  tempéraments  d'artiste  dramatique  que  dépuis  longtemps 
nous  ayons  vus  à  la  scène.  Mais  la  Princesse  Georges  est  encore 
trop  compliqué  et  trop  savant  pour  elle.  C'est  un  tort  de  ne  pas  lui 
avoir  donné  pour  paraître  d'abord  un  rôle  mieux  à  sa  taille,  mai® 
h  moment  viendra  où  elle  les -abordera  tous  et  victorieusement. 


l,a^« 


A     LA     MAISON     DU     PEUPLE 


La^«  Section  d'Art  et  d'Enseignement  populaire  »  de  la  Maison 
du  Peuple  a  donné  tnardi  dernier,  i"  novembre,  sa  soirée  inau- 
gurale. 

Nous  avons  signalé  déjà  le  haut  intérêt  de  celte  entreprise  : 
provoquer  l'expansion  du  sentiment  artiste  que  le  peuple  porte 
en  soi,  jeter  dans  la  dépression  de  sa  vie,  monotone  enfilée  de 
jours  lamentablement  identiques,  une  consolante  lueur,  préparer, 
en  même  temps  que  son  inévitable  affranchissement  matériel,  son 
élévation  morale, —  celte  œuvre  s'imposail. 

L'art  est  aristocratique,  a-t-on  dit,  el  la  masse  y  est  réfrac- 
laire.  v 

Qu'on  y  aille  voir!  L'auditoire  est  respectueux,  attentif,  visi- 
blement reconnaissant  des  efforts  qu'on  lui  consacre,  spontané 
dans  ses  enthousiasmes,  expression  naïve  du  sentiment  inconnu 
que  l'art  a  fait  éclore,  el,  surtout,  étonnamment  compréhensif^ 

La  soirée  de  mardi  ne  pouvait  manquer  de  brillamment  réussir. 

Dans  une  fort  intéressante  conférence,  M.  Jules  Désirée  s'est 
attaché  à  montrer  l'originalité  de  la  littérature  russe  empreinte 
de  rêverie,  de  pitié,  peignant  les  hommes  non  point  exclusi- 
vement dans  leur  note  dominante,  ainsi  que  le  fait  le  roman  fran- 
çais, mais  procédant  par  une  accumulation  minutieuse  et 
patiente  d'indices  pris  dans  les  multiples  manifestations  du  carac- 
tère tout  entier.  Puis,  après  quelques  mots  des  légendes  popu- 
laires russes,  malheureureusement  peu  connues,  l'orateur  a 
parlé  de  Gogol,  de  Tourgueneff,  de  Dosloïevvsky  et  de  Tolstoï, 
définissant  leur  œuvre  en  termes  excellents. 

Cette  conférence,  pleine  d'aperçus  d'une  observation  péné- 
trante, a  vivement  intéressé. 

La  partie  musicale  de  la  soirée^  était  consacrée  uniquement 
à  des  œuvres  russes,  interprétées  par  l'excellent  qualu'or  Crik-- 


boom,  Angcnot,  Koforet  Gillet,  par  M'"'  L.  Van  lloof  et  M  Litia, 
le  pianiste  de  talent  qu'on  a  pu  apprécier  aux  derniers  concerts 
dos  XX 

Le  quatuor  a  supérieurement  exécuté  un  délicieux  Andnntino 
de  Kopylow  et  dos  extraits  de  la  Suite  (op.  1.^)  de  Glazounow. 
M""  L.  Van  lloof,  qui  au  charme  de  sa  jolie  voix  joint  toutes  les 
séductions  de  sa  grûce,  a  chanté  avec  un  style  délicat  diverses 
mélodies  de  Tschaïkowsky,  et  donné  à  la  Méditation  du  labou- 
reur de  Kopylow  une  interprétation  particulièrement  lii>ureusc. 

Enfin,  M.  Litta,  secondé  par  M.  La  Fontaine,  a  joué  le  Concerto 
pour  piano  el  orchestre  de  Rimsky-Korsakow  avec  un  sortiment 
très  artiste  el  une  remarquable  virtuosité. 

En  résumé,'  cette  soirée,  qui  forme  le  début  de  beaucoup 
d'autres  annoncées  pour  cet  hiver,  a  parfaitement  réussi  et  l'on 
ne  saurait  assez  féliciter  les  organisateurs  de  l'œuvre  qu'ils  ont 
entreprise  el  remercier  les  artistes  exécutants  de  leur  concours 
dévoué  et  gracieux. 

pIBLlOQRAPHlE    MUSICALE 

Cours  préparatoire  de  violoncelle,  par  Alfred  Massau, 
professeur  à  l'Ecole  de  musique  de  Yorviers.  —  Bruxelles,  Schott 
frères,  et  Leipzig,  0.  Juniié. 

L'excellent  professeur  Alfred  Massau,  qui  a  formé  lanide  vii 
luoscs  parmi  lesquels  M.'  Gérardy,  vient  de  publier  une  méthode 
de  violoncelle  qui  esl  bien  la  plus  rationnelle  et  la  plus  complète 
qui  ait  élé  composée.  Comme  l'écrivait  à  l'auieur  M.  Emile  Roitz, 
K  seule  une  affection  profonde  pour  le  violoncelle  a  pu  engager 
M.  Massau  à.accomplir  cet  ouvrage  de  semblable  façon  ».  Adopté, 
dès  son  apparition,  par  les  conservatoires  de  Bruxelles,  de  Liège, 
de  Gand,  parles  écoles  de  ipiisique  d'Anvers  et  de  Verviers,  loué 
sans  rcstriciion  par  les  maîtres  du  violoncelle  :  MM.  Jul'js  Delsart, 
Edouard  Jacobs,  Jules  De  Swert,  Alfred  Piatti,  Alwin  Schroe- 
der,  etc.,  le  Cours  préparatoire  de  M.  Alfred  Massau  apportera 
dans  l'enseignement  un  précieux  appoint.  Les  difficultés  méca- 
niques sont  si  clairement  exposées,  avec  le  moyen  de  les  vaincre, 
que  les  élèves  sont  insensiblement  amenés  à  la  connaissance  par- 
faite du  manche,  à  l'indépendance  du  doigté,  au  maniement  aisé 
de  l'archet.  Chacune  des  parties  dont  se  compose  l'ouvrage  : 
Mécanisme  de  l'archet;  Mécanisme  delà  main  gauche,-  Etude 
développée  des  gammes  diatoniques;  Etude  développée  des  gammes 
chromatiques,  révèle,  en  même  temps  que  la  compétence  du  vio- 
loncelliste, l'expérience  du  professeur  el  son  désir  de  faciliter  aux 
élèves  l'élude  graduelle  de  rinstrument.,  , 


Petite  chroj^ique 

Les  exigences  de  la  mise  en  pages  nous  obligent  à  différer  de 
huit  jours  la  publication  d'une  lettre  fort  intéressante  que  nous 
avons' reçue  de  M.  Léon  De  Lantsheere  sur  l'Art  et  les  Sémites, 
en  réponse  à  notre  article  du  16  octobre. 

Demain  lundi,  7  novembre,  à  2  heures,  s'ouvrira  au  Musée 
moderne,  place  du  Musée,  une  exposition  des  œuvres  de  feu 
Camille  Van  Camp,  organisée  par  ses  amis  el  qui  a  eu  pour  inspi- 
rateur le  culte  de  cet  artiste  qui  fut  l'un  des  plus  énergiques  sou- 
tiens de  l'art  neuf. 

On  se  souvient  que  c'est  lui  qui  fonda  l'Art  libre,  ce  groupe  qui 


■  f  -y'^:%:-irnfy-^'\  ^^'Y  s^^'m^W:'^W?il^W^^^ 


L'ART  MODERNE 


359 


fui  l'aniicipalion  du  mouvomcnl  qui  depuis  se  réalisa  si  complè- 
lemenl  dans  les  XX. 

Camille  Van  Camp  n'élailpas  un  arlisle  de  premier  ordre,  si  on 
le  juge  par  ses  œuvres  et  par  sa  main,  mais  par  ses  idées,  sa  foi, 
son  opiniâtreté,  il  élail  l'égal  des  plus  hardis  cl  de  ceux  qui  furent 
les  plus  salutaires. 

Lorsque  l'art  eut  le  malheur  de  le  perdre,  nous  avons  dans  l'Art 
moderne,  1891,  p.  374,  résumé  sa  belle  et  vaillante  vie. 

11  sera  curieux  de  revoir  dans  son  ensemble  son  œuvre  artis- 
tique sérieuse  et  qui  ne  fut  jamais  tapageuse. 


hc  Salon  Pour  l'Art  s'ouvrira  au  Musée  moderne  samedi 
)  prochain.  ' 

Aussitôt  après  sa  clôture,  fixée  au  4  décembre,  et  par  suite  de 
l'arrangement  conclu  entre  les  divers  Cercles  artistiques  de 
Bruxelles,  la  Société  des  Aquarellistes  ouvrira  son  exposition 
annuelle,  qui  durera  jusqu'au  commencement  de  janvier,  pour 
faire  place  au  Voonvaarts.  I^es  XX  ouvriront  leur  Salon  comme 
de  coutume,  au  début  de  février.  Les  Femmes  peintres  leur  suc- 
céderont en  mars.  Le  Cercle  Als  ik  kan  (Anvers-Bruxelles)  a 
choisi  le  mois  d'avril.  En  mai  aura  lieu  l'exposition  internationale 
de  journaux  anciens  et  modernes  organisée  par  Y  Association  de 
la  Presse  périodique  belge  et  le  Cercle  des  collectionneurs  de 
journaux. 

Voici  la  liste  des  artistes  qui  prendront  part  à  l'exposition 
de  Pour  l'Art  :  MM.  Braeke,  .M.  Chabas,  Ciamberlani, 
Coppens,  Dardenne,  Delvillc,  J.  Dierickx,  0.  Dierickx,  Fabry, 
C.  Filiger,  Fichefet,  Hamesse,  Hannotiau,  Hérain,  Jacque,  Jelley, 
M""^  Lacroix,  MM.  Lacroix,  Lynen,  Niederhauser,  A.  Rodin,  Rops, 
Rousseau,  M.-C.  Schwabe,  A.  Séon,  Thys,  A.  Trachsel,  J.  Ver- 
kade,  Viandier.  L'exposition  restera  ouverte  durant  un  mois  pen- 
dant lequel  auront  lieu  des  conférences,  Ony  entendra  M.  Joséphin 
Peladan  et  M"^  Eugénie  Meuris,  du  Théâtre  libre.  D'autres  mati- 
nées seront  prochainement  annoncées. 


HENR^DE  Groux  expose,  à  Londres,  le  Christ  aux  outrages  (de 
la  caihédrale  de,  Senlis)  et  une  autre  version  du  même  tableau 
exécutée  dernièrement.  Le  premier  sera  gravé  par  les  soins  de  la 
maison  Hollânder  et  Cumotli  qui  a  pris  à  sa  charge  les  frais  de  la 
gravure  comme  ceux  de  l'exposition.  ' 

Il  expose  aussi  la  Tribu  errante  (ou  Tribu  prophétique),  son 
dernier  tableau,,  les  Emigrants,  d'après  l'Amiral  d'Edmond 
Picard,  et  quelques  études  pour  de  prochains  tableaux. 

Plusieurs  journaux  anglais  ont  déjà  annoncé  cette  exposition  de 
façon  très  favorable. 

Le  Cercle  artistique  brugeois,  présidé  par  M.  G.  Clacys,  ouvrira 
le  4  décembre  prochain  son  XV»  Salon,  exclusivement  réservé 
aux  artistes  invités.  Le  dernier  délai  de  réception  est  le  30  novem- 
bre. S'adresser  àM.  Ch.  De  Wulf,  architecte,  à  Bruges. 


Le  compositeur  Robert  Franz,  dont  les  lieder  sont  populaires  en 
Allemagne,  vient  de  mourir  à  Halle,  sa  ville  natale.  Né  en  1815, 
Robert  Franz  avait  d'abord  travaillé  la  musique  à  Dessau,  sous  la 
direction  de  Pr.  Schneider,  puis  il  se  rendit  à  Leipzig,  où  il  fut 
accueilli  très  chaleureusement  par  Schumann  qui  consacra  des 
articles  très  élogieux  à  ses  premiers  essais  dans  la  composition. 
Malheureusement,  Robert  Franz,  assailli  jeune  encore  par  une 
maladie  nerveuse,  n'a  pas  tenu  tout  ce  qu'il  promettait.  Il  a,  il  est 
vrai,  donné  une  quantité  de  romances  (275  an   moins),  dont 


quelques-unes  approchent,  si  elles  n'égalent  les  lieder  de  Schu- 
mann et  de  Schubert,  mais  là  s'est  bornée  sa  production  origi- 
nale. 11  a  donné  aussi  d'excellentes  éditions  d'oralorios  de  Hsendei 
et  de  Bach,  dont  il  modernisa  l'orchestration  à  l'usage  des 
grandes  sociétés  chorales  et  orchestrales  actuelles. 

Comme  homme  et  comme  artiste,  Robert  Franz  jouissait  en 
Allemagne  de  la  plus  haute  considération.  Il  y  a  une  vingtaine 
d'années,  Liszt  et  Joachim  organisèrent  des  concerts  pour  lui 
assurer  une  petite  rente  pour  ses  vieux  jours.  Le  capital  réuni  de 
la  sorte  s'éleva  à  plus  de  100,000  francs.  Cela  dit  assez  en  quelle 
estime  Robert  Franz  était  tenu  par  ses  pairs. 

M™"  G.  Van  Slrydonck(au  théâtre  Madeleine  Max)  s'est  embarquée 
le  29  octobre  à  Anvers  avec  sa  fille  en  destination  des  Indes 
anglaises,  où  elle  va  rejoindre  son  mari,  le  peintre  Van  Strydonck, 
installé  à  Madras  où  le  retiennent  d'importantes  commandes. 
M""'  Madeleine  Max  a  obtenu  de  la  direction  du  Théâtre  du  Parc 
un  congé  d'un  an, 

Après  les  affiches,  les  prospectus.  Chérel  et  Lautrec  ont  fait 
vibrer  la  note  d'art  aux  murs,  et  l'art  s'éjouit  des  multicolores 
feux  d'artifice  tirés  dans  les  rues  par  ces  maîtres  pyrolechniciens. 
Voici  que  la  banale  circulaire,  le  traditionnel  «  retour  de  Paris  » 
ou  «  retour  de  Londres  »  s'adorne  d'une  imagerie  artistique.  Un 
marchand  de  fourrures  nous  annonce  ses  pelisses  de  loutre  et 
d'astrakan  sur  un  prospectus  encadré  de  jolis  dessins  à  la  plume, 
artistiquement  disposés,  et  témoignant  du  désir  d'échapper  aux 
horreurs  de  la  lithographie  habituelle.  On  collectionnera  quelque 
jour  les  prospectus  comme  on  collectionne  les  affiches  et  les 
menus,  et  les  artistes,  et  les  marchands,  et  le  goût  publie  s'en 
trouveront  bien. 

Nous  attirons  l'attention  de  nos  lecteurs  sur  la  vente  des  cabi- 
nets numismaliques  de  MM.de  Cislernes  et  W.  Heisinger  qui  aura 
lieu  à  Amsterdam,  sous  la  direction  de  M.Schulman,d'Amersfoorl, 
les  7,  8  et  9  novembre.  Ces  collections  de  jetons  historiques,  de 
médailles,  de  méreaux.dp  monnaies,  de  livres  numismaliques, etc., 
comptent  parmi  les  plus  riches  et  les  plus  complètes.  Nombre  de 
pièces  intéressent  les  amateurs  belges  :  notamment  le  jeton  inédit 
et  unique  der  Walbovirg  de  Neuenàr,  comtesse.de  Bornes,  frappé 
après  le  supplice  du  comte  de  Homes,  en  1568,  plusieurs  jetons 
en  argent  de  Philippe  II,  les  bustes  d'Albert  et  d'Isabelle,  des 
jetons  relatifs  aux  familles  de  Bréderode,  d'Arenberg,  de  Croy,etc. 
Au  total  :  1621  numéros. 

Pour  paraître  dans  huit  jours  :  Contes  hétéroclites,  par 
M.  Henri  Carton  de  Wiart,  avec  un  frontispice  de  M.  Georges 
Lemmen.  

Le  prochain  livre  de  M.  Edm.  de  Concourt  aura  pour  titre  : 
Etudes  d'art. 

Il  comprendra  de  très  intéressants  et  de  très  curieux  chapitres 
sur  l'art  français  du  milieu  du  siècle.  Ce  volume,  illustré  par  les 
frères  de  Goncourt  eux-mêmes,  sera  précédé  d'une  préface  de 
M.  Roger  Marx. 

VENTE  NUMISMATIQUE  A  AMSTERDAM 

Du  7  au  9  novembre  courant,  aura  lieu  la  vente  d'une  collection 
remarquable  de  Jetons  et  Médailles  historiques,  Monnaies  et 
Livres  de  Numismatique  (Collections  de  M.  deCisteknes  db  Veilles, 
à  Paris,  et  de  M.  Wilhelm  Heisinobr,  à  DUsseldorf. 

Expert  :  J.  Schulman  (d'Amersfoort).  —  Salle  de  vente,  Doelen- 
straat,  10,  à  Amsterdam. 

Exposition  :  lundi  7  novembre,  de  10  à  4  heures.  —  Commencement 
de  la  vente  à  6  1/2  heures  du  soir. 


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N'accuse  pas  mon  cœur  .     .     .     .     .     .     .  Tschaïkowsky. 

Pourquoi  tant  de  plaintes? n 

O  douce  souffrance « 

Ah  !  qui  brûla  d'amour  .......  ., 

Id.  avec  violon  obligé  (A.  Parent)  « 


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Saint-Luc,  rue  des  Finances;  10-12,  à  Bruxelles. 

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SUIVANTS    : 

Artan,  Bodoman,  Bossuet,  Coosemans,  I.,  Coosenians,  J.,  Courbet, 
Çourteiis.  De  Braekeleer,  De  Jonghe,  Diaz,  Narcisse  de  la  Pena, 
Dillens,  H.,  Dubois,  Fourmois,  Goupil,  Koekkock,  Mettti;  Meunier, 
Smitaf;"  Stevens,  J,  Stevcns,  A,  Verhoeckhoven,  E.,  Verheyden. 
Verwée,  A.,  etc.,  etc. 


Notaire  ;  W  De  Ro 
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MODERNr 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

* 
Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,  un   an,   fr.   10.00;  Unîbn  postale,   fr.    13.00.    —ANNONCES  :    On  traite  à  forfait. 

Adresser  toutes  ^-l^  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


Le  Discours  du  Trône. —  Camille  Van  Camp.  —  «  L'Indépendance 

BELOE  »  ET  NOS  ÉCRIVAINS.  —  L' ArT  ET  LES   SÉMITES.  —  LeS  PiÈCES  A 

SUCCÈS.  —  Chronique  judiciaire  des  Arts.  —  Expositions  ouvertes. 
—  Petite  chronique. 


lE  DISCOURS  M  TRONE 

Dans  la  prudente  prose,  toute  pâle,  toute  diplomatique, 
toute  cérémonieuse  du  discours  du  Trône  prononcé 
mardi  der»ier,  nous  trouvons  cette  phrase  : 

«  Parmi  les  intérêts  qui  commandent  notre  sollicitude 
à  tous,  il  n'en  est  pas  de  plus  importât  que  le  dévelop- 
pement intellectuel  de  la  nation.  C'est  pàiLune  diffusion 
de  plus  en  plus  grande  de  l'instruction,  c'est  par  l'éclat 
des  lettres  et  des  arts  que  les  Etats  secondaires  doivent 
s'attacher  à  grandir  leur  rôle.  » 

C'est  la  première  fois  que  «  l'éclat  des  lettres  »  est 
mis  en  si  pleine  lumière  dans  un  discours  royal.  Jus- 
qu'ici la  littérature  avait  toujours  été  considérée,  en 
Belgique,  comme  le  passe-temps  aimable  de  quelques 
professeurs  qui  «  consacraient  leurs  loisirs  aux  muses  » 
ou  comme  l'apanage  de  quelques  fonctionnaires  qui 
entassaient,  moyennant  subsides,  dans  les  greniers  minis- 
tériels, quelques  vagues  publications,  interminables, 
relatives  aux  duchés  et  aux  comtés  qui  se  sont  jadis 
partagé  la  Belgique.  C'était  pa  la  Littérature! 


Aujourd'hui  les  oies  sont  chassées  du  Capitole  de  la 
bêtise  belge.  Il  s'en  rencontre  bien  encore  une,  par-ci, 
par-là,  évoluant  sur  quelque  vivier  départemental,  mais 
le  gros  de  la  bande,  la  totalité  dont  nos  voisins  enten- 
daient les  cris,  a  été  mise  en  déroute  sous  des  triques 
vigoureuses  nouvel-venues.  Au-dessus  de  nos  terres, 
des  cyjgnes  ont  pris  leur  envol,  maintenant,  et  à 
l'embourgeoisement  plat  de  naguère  a  succédé  une 
étonnantê~^ériode  de  poésie  et  de  haut  lyrisme. 

Il  est  inutile  de  répéter  ici  —  où  nous  avons  no^ 
hebdomadairement  ces  succès  —  combien  cette  éclosic 
récente  a  été  admirée  dans  le  monde  des  lettres  de  toi^ts 


pays. 

L'Europe  littéraire  a.  consacré  plusieurs  de  nos 
écrivains  et  de  jour  en  jour  on  sent  qu'un  peu  plus  de 
gfoire  arrive  à  ces  «  jeunes  »  dont  les  premiers  combats» 
dans  la  veule  tourbe  qui  prétendait  tenir  les  rênes  de 
l'intelligence  belge,  ont  été  couverts  par  les  sarcasmes 
d'une  imbécillité  officielle  notoire.  Mais  comparez  donc, 
à  cette  heure,  le  retentissement  qu'eurent  les  œuvres 
«  Van  CoppernoUisantes  ",  accueillies  avec  un  fin  sou- 
rire d'ironie  par  le  lettré  français  qui  rencontrait  par 
hasard  de  ces  produits,  comparez,  dis-je,  l'accueil  fait  à 
cette  littérature  épicière  à  la  renommée  que  réserve 
maintenant  l'étranger  aux  Lemonnier,  aux  Maeterlinck, 
aux  Eekhoud  et  à  bien  d'autres  !  Souvenez-vous  des 
termes  dans  lesquels  on  parlait  des  Belges  il  y  a  dix  ans  et 


relisez  les  articles  actuels  d'un  Octave  Mirbeau  ou  d'un 
François  de  Nion  sur  les  mêmes  sujets.  Vous  saisirez 
alors  la  profondeur  de  la  phrase  royale  :  «  C'est  par 
l'éclat  des  lettres  et  des  arts  que  les  États  secondaires 
doivent  s'attacher  à  grandir  leur  rôle.  » 

Cette  phrase,  c'est  une  promesse  et  nous  la  rappelle- 
rons encore  à  M.  de  Burlet.  Nous  attirons  derechef 
toute  son  attention  sur  le  mouvement  littéraire  belge, 
ce  mouvement  intense  qui  vaut  à  notre  pays  de  rentrer, 
intellectuellement,  dans  l'estime  des  autres  nations. 
Nous  lui  disons  :  «  N'écoutez  pas  les  conseils  des  cancres 
haineux,  des  budgétivores  intéressés,  des  intrigants 
sournois  qui  parviendraient  à  se  glisser  dans  votre 
entourage  et  tenteraient  de  capter  votre  confiance.  Il 
appartient  à  un  Ministre  de  dominer  hautement  ses 
bureaux  :  c'est  à  lui  de  donner  l'impulsion  et  d'indiquer 
la  route  par  où  les  fonctionnaires  ont  à  se  diriger. 

Si  vous  avez  des  renseignements  ou  des  conseils  à 
prendre  au  sujet  du  rôle  de  l'Etat  en  matière  de  Lettres, 
adressez-vous  directement  aux  lettrés  qui  marquent 
dans  le  pays.  Consultez  la  véritable  opinion  littéraire  ; 
enquérez-vous  des  noms  littéraires  belges  connus  et 
appréciés  à  l'étranger.  Ne  vous  inquiétez  pas  des  criail- 
leries  des  médiocres,  dont  vous  pourriez  bousculer  les 
opinions  étroites  ou  les  intérêts  de  situation.  Allez  de 
l'avant! 

Vous  avez  un  beau  rôle  à  jouer!  Voyez  ce  que  fait 
votre  collègue,  au  ministère  delà  Justice!  Il  a  compris 
qu'être  ministre  ce  n'était  pas  se  laisser  aller  à  fonc- 
tionner dans  un  rouage  depuis  longtemps  établi.  Il  opère 
des  réformes,  de  nobles  réformes  sociales,  et  avec  quelle 
crânerie!  Il  ne  craint  pas,  lui,  de  jeter  à  terre  de  vieilles 
traditions,  il  ne  redoute  pas  de  froisser  les  méthodes 
surannées  d'un  magistrat  de  vieille  école  ou  d'un  fonc- 
tionnaire encroûté.  Il  remue  profondément  la  matière 
juridique  qu'il  inonde  de  jours  nouveaux.  Mais  pour 
cette  besogne,  dont  l'accomplissement  complet  fera  de 
lui  un  grand  noinistre, — on  le  reconnaîtra  un  jour  quand 
se  seront  tu  les  criàilleries  d'une  presse  qui  aveugle 
le  pays,  —  il  va  à  des  hommes  nouveaux,  dont  il  prend 
les  conseils,  ^1  est  aux  écoutes  des  derniers  mots  de  la 
science,  il  établira  des  institutions  pénales  que  les 
autres  nations  (et  cette  imitation  commence)  copieront. 
Agissez  comme  lui  I  Adoptez  un  but,  un  but  élevé  que 
vous  atteindrez  au  cours  de  votre  Ministère  et  qui  lafe- 
sera  une  trace  glorieuse  de  votre  passage  dans  les  hôtels 
-de  la  rue  de  la  Loi.  Faites-vous  le  protecteur  éclairé  de 
cette  jeunesse  artiste  qui  promet  de  si  belles  destinées 
aux  lettres  belges.  Voyez  quels  obstacles  il  y  a  à  ôter  de 
sa  marche.  Enquérez-vous  de  ses  désirs.  Et  réformez  !. 
Réfor«î^!  La  matière  est  noble  et  délicate.  On  ne  pro- 
tège pas  l'esprit  et  la  poésie  d'un  pays  comme  on  encou- 
rage son  agriculture  ou  son  industrie.  Mais,  croyez  le 
bien,  il  y  a  de  grandes  choses  à  accomplir.  Car  en  sui- 


vant ces  idées  jeunes,  en  vous  inspirant  de  ces  enthou- 
siasmes et  en  accueillant  ces  projets  tout  généreux, 
d'ailleurs,  et  palpitants  d'art,  de  vie  et  de  bataille,  vous 
aiderez  à  faire  de  la  petite  Belgique  un  centre  intellec- 
tuel, un  foyer  rayonnant  qu'on  saura  respecter  aux 
moments  sinistres  des  conflits  et  à  l'heure  trouble  des 
conflagrations.  »  ' 


CAMILLE  VAN   CAMP 

Avec  une  vive  émotion  nous  avons  revu  l'œuvre  —  actuelle- 
ment exposée  au  Musée  moderne  —  de  ce  probe  artiste  : 
Camille  Van  Camp,  qui  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie  s'acharna  à 
découvrir  des  voies  nouvelles,  l'esprit  toujours  en  éveil,  les  yeux 
inquiets,  mécontent  du  travail  accompli,  plein  d'espoir  et  d'enthou- 
siasme pour  la  tâche  à  venir. 

Cette  recherche  continuelle  d'un  rajeunissement  fut  la  caracté- 
ristique de  son  art.  Par  elle,  Camille  Van  Camp  s'est  élevé  au 
rang  des  artistes  qui  marquent.  Il  fut  au  nombre  des  novateurs 
et  des  hardis.  Il  procFâma  l'indépendance  et  prêcha  ouvertement 
la  croisade  contre  les  routines  à  l'époque,  —  déjà  lointaine!  -^  où 
l'insurrection  était  périlleuse,  où  tout  soldat  de  l'armée  artistique 
qui  sortait  des  rangs  était  jugé  et  exécuté  avec  toute  la  sévérité 
des  cours  martiales. 

A  ceux  qui,  venus  longtemps  après  les  bagarres  de  VArt 
libre,  ignorent  la  part  glorieuse  que  Van  Camp  prit  à  la  levée 
de  piques  qui  précéda  celle  des  XX  el  en  fut  le  prélude,  nous 
rappelons  le  rôle  joué  par  le  peintre.  On  sait  que  jusqu'à  la  fin 
de  sa  carrière  il  garda  pour  les  luttes  de  la  génération  montante 
l'intérêt  du  grenadier  de  la  garde  pour  les  recrues.  C'était  à  lui 
qu'on  s'adressait  chaque  fois  qu'une  injustice  trop  criante  avait 
été  faite  par  quelque  malfaisant  jury.  Les  jeunes  le  choisissaient 
pour  les  défendre  dans  les  commissions  de  placement,  dans  les 
comités  d'achat:  et  toujours  il  bataillait,  aimant  la  lutte^ur  elle- 
même,  pour  la  satisfaction  morale  qu'elle  procure  au|x  esprits  bien 
trempés,  et  non  pour  le  résultat  qu'elle  amène^--^  ce  qui  est  la 
vraie  manière  d'en  goûter  la  saveur.  (Essayez  donc,  vous  autres, 
les  endormis  et  les  indifférents  !) 

Les  deux  salles  du  Musée  ^ù  l'œil  "scrute,  pour  la  première 
fois,  toute  la  vie  intime  de  l'artiste,  où  quarante  années  de  tra- 
vair,  d'études,  de  recommencements  el  d'efforts  se  déroulent  en 
un  panorama  d'une  variété  rare,  décèlent  ce  tempérament  cher- 
cheur, épris  de  neuf,  toujours  à  l'affût  du  progrès  à  réaliser. 

Aux  toiles  qui  donnèrent  à  sa  prime  jeunesse  un  soudain  relief: 
le  portrait  de  M.  le  conseiller  Van  Camp,  père  de  l'artiste,  celui 
de  M™^  Couteaux  mère  ;  à  celles  où  l'influence  de  Louis  Gallait 
se  faisait  nettement  sentir  :  le  portrait  de  M.  Vergote,  îe  portrait 
de  M""  Van  Camp  mère,  -^  succèdent  des  œuvres  d'une  facture 
plus  libre,  d'une  conception  plus  originale  :  otf  sent  la  ferme 
volonté  d'échapper  aux  traditions  dans  ce  beau  portrait  de  M.  le 
premier  président  de  Gerlache,  d'une  vie  si  intense  et  d'une 
allure  en  si  parfaite  harmonie  avec  la  haute  situation  du  modèle 
et  son  caractère  physique  et  moral.  Puis  encore  :  les  portraits  de 
M"»  Montefiore,  de  M™^  Gislain,  de  M'"^  de  Harven,  de  Louis  De 
Fré,  de  M.  Henri  Olin,  pour. chacun  desquels  il  trouve  la  pose, 
la  mise  en  pages,  l'expression  qui  conviennent  exactement  au 
modèle.  Ces  portraits  sont  déjà  entrés  dans  le  passé  :  les  costumes 
masculins,  les  crinolines,  les  chapeaux  portent  lo^  millésime.  Et 


^    F 


^:>''--^Wyi^ 


pourtant  rien  ne  choque  :  on  ne  pourrait  y  relever  une  faute  de 
goût. 

A  la  fin  de  sa  vie,  il  avait  acquis  une  sorte  de  maîtrise  :  ie 
second  portrait  d'.'  sa  mère,  le  portrait  d'enfant  qu'il  exécuta  en 
une  seule  séance,  ie  portrait  du  docteur  L<?quime  en  témoignent. 

Parmi  toutes  ces  toiles  s'intercalent  des  œuvres  diverses,  des 
paysages,  des  tableaux  4e  genre,  des  sujets  de  fantaisie,  auxquels 
s'essaie,  avec  plus  ou  moins  de  bonheur,  la  main  toujours  impa- 
tiente de  l'artiste.  Tel  coin  de  nature  s'illumine,  en  un  hallier  que 
la  neige  ouate,  de  l'or  fauve  du  soleil  couchant,  exactement  noté. 
Telle  scène  rustique  nous  apparaît  :  romance,  en  sa  naïve  senti» 
nientalité. 

L'élégance  d'un  profil  féminin,  raristocratie  d'une  souple  sil- 
houette impressionnent  l'ai^iste,  qui  peu  à  peu  dégage  de  ses 
multiples  éludes  une  synlHeS^e  de  femme  qui  demeure  quelque 
temps  la  marque  distinctive  de  sa  production.  A  l'aquarelle,  à 
l'huile,  au  crayon,  il  la  fixe  çn  diverses  attitudes,  se  bornant  sou- 
vent aune  esquisse  vivement  tracée,  allant  parfois  jusqu'au  bout 
âe  l'œuvre  qu'il  termine  amoureusement,  câlinement. 

Mais  ce  qui  séduit  le  peintre, ce  qui  l'attire  invinciblement, c'iest 
la  peinture  d'histoire,  la  seule  qui  lui  paraisse  vraiment  digne 
d'enflammer  son  ardeur  (thèse  de  plus  eiTplus  contestable). 
L'œuvre  la  plus  importante  qu'il  produisit  à  cet  égard  est  la  Mort 
de  Marie  de  Bourgogne,  qai  figure  au  Musée  moderne  et  dontune 
esquisse  est  présentehaent  exposée.  Ce  fut  ensuite  l'œuvre  des 
dernières  années,  celle  dans  laquelle  il  s'absorba  complètement  et 
dont  l'exécution  lui  imposa  un  labeur  énorme  et  un  effort  de 
volonté  considérable  :  nous  parlons  de  la  vaste  composition  des- 
tinée à  perpétuer  le  souvenir  du  16  avril  1880,  et  dans  laquelle  il 
groupa,  en  un  pittoresque  assemblage,  une  foule  de  personnages 
officiels,  de  notabilités  choisies  dans  l'armée,  dans  la  magistra- 
ture, dans  les  arts. 

Nous  avons  dit  en  son  temps  les  qualités  et  les  défauts  de  cette 
grande  toile.  Nous  ne  nous  y  arrêterons  plus  aujourd'hui.  Con- 
statons toutefois  que  dans  les  conditions  où  elle  est  présentée, 
avec  le  recul  que  permet  la  salle  où  elle  est  exposée,  elle  fait,  dans 
son  ensemble,  une  impression  très  supérieure  à  celle  qu'on 
éprouva  jadis  à  la  contempler.  Telles  parties  de  l'œuvre  :  les  dra- 
peaux d'ommeganck  claquant  au  vent,  le  cortège  ascendant  les 
marches  du^ Palais  de  l'exposition,  le  portique  du  fond,  etc.  sont, 
la  patine  ayant  déjà  émaillé  les  pâtes,  de  beaux  morceaux  dé 
couleur,  d'une  harmonie  gaie  dans  son  bariolage  de  tons  écla- 
tants. Peut-êtr|^  l'Etat  ferait-il  bien  d'acquérir  pour  le  Musée  des 
Arts  décoratifs  ce  tableau  qui  a  tout  au  moins,  abstraction  faite 
de  son  mérite  artistique,  un  précieux  intérêt  documentaire. 

Le  souvenir  qui  reste  d'une  visite  à  l'exposition  Van  Camp? 
L'impression  attendrie  d'un  artiste  à  la  vision  délicate,  aux  goûts 
élevés,  aux  formes  pures,  voilé  de  la  mélancolie  d'un  effort  brisé 
avant  le  complet  aboutissement. 


«  L'INDÉPENDANCE  BELGE  »  ET  NOS  ÉCRIVAINS 

Notre  numéro  du  30  octobre  dernier  signalait,  avec  félictlaiions, 
la  résolution  annoncée  par  l'Indépendance  belge,  de  faire  une  place 
à  nos  écrivains  nationaux  dans  son  supplément  littéraire. 

A  deux  reprises  déjà  cela  s'est  réalisé,  mais  dans  des  conditions 
qui  suscitent  dès  défiances. 

Sous  le  litre  annoncé,  Flandre  et  Wallonie,  apparaissent  en 


un  feuilleton  relégué  au  bout  du  susdit  supplément,  en  fragments 
parcimonieux,  de  la  prose  ou  des  vers  belges,  alors  que  la  pre- 
mière page  et  tout  le  dessus  de  la  seconde  sont  remplies  de 
machines  quelconques,  copieusement  étalées,  empruntées  aux 
varia  les  moins  qualifiés  de  la  littérature  étrangère. 

Ce  n'est  pas  ainsi  que  le  groupe  littéraire  de  nos  prosateurs  et 
de  nos  poètes  l'avait  compris  et  l'entend.  Cette  aumône  ne  lui  va 
pas  et,  à  un  point  de  vue  plus  élevé,  elle  n'est  en  aucune  façon 
de  nature  à  relever  notre  mouvement  artistique  en  montrant  sa 
grâce,  sa  force  et  son  abondance.  On  y  met  nos  écrivains  au  bas 
bout  de  la  table,  on  les  traite  en  intrus  admis  par  surcroît.  Cela 
n'est  ni  loyal,  ni  digne,  ni  acceptable. 

De  là  vient  le  soupçon  que  le  syndicat  de  gens  si  longtemps 
hostiles  qui  manœuvrent  à  l'Indépendance  pourrait  bien  avoir  une 
autre  préoccupation  que  de  servir  noire  littérature.  Ils  ont  été  fré- 
quemment et  violemment  attaqués  pour  la  criante  partialité  avec 
laquelle  ils  traitaient  celle-ci.  Ils  ont  compris  qu'ils  ne  pouvaient 
décemment  se  taire  davantage,  alors  qu'à  l'étranger  tout  journal 
qui  se  respecte  parle  de  nos  écrivains  souvent  et  avec  éloges.  La 
tactique  de  ce  journal  ne  serait-elle  pas  de  se  procurer  une  assu- 
rance contre  les  attaques  futures  et  de  s'écrier  un  beau  jour  : 
«  Comment,  je  ne  fais  rien  pour  les  Belges?  Mais  je  leur  ai  con- 
sacré dix,  vingt  feuilletons  dans  mon  supplément  littéraire!  Seu- 
lement, ca  n'a  servi  à  rien.  Personne  n'a  fait  attention  à  leurs 
œuvres  »; 

Nous  tenons,  quant  à  nous,  à  donner  date  à  la  présente  protes- 
tation, en  signalant  le  caractère  maladroit  ou  trop  malin  de  celte 
apparente  bienveillance.  Il  doit  éire  compris  que  nous  ne  met- 
trons ce  journal  à  allures  mal  définies  parmi  ceux  qu'on  peut  louer 
sans  crainte  et  à  qui  l'on  peut  pardonner  son  mauvais  vouloir 
invétéré,  que  le  jour  où,  .franchement,  ouvertement  et  sans  mar- 
chander, il  fera  amende  honorable.  M.  Harry,  qui  y  a  pris  la  place 
de  M.  Tardieu,  est  homme  à  comprendre  ces  réserves  et  ces  désirs 
et  à  se  dégager  de  ces  équivoques  fâcheuses. 


L'ART  ET  LES  SÉMITES 

Nos  lecteurs  prendront,  connaissance  avec  plaisir  et  curiosité, 
nous  n'en  doutons  pas,  de  l'intéressante  lettre  suivante.  II  est  peu 
de  sujets  qui  soulèvent  des  questions  aussi  profondes  et  d'une 
plus  grande  influence  sur  la  science  et  sur  l'art.  Nous  l'examine- 
rons dans  notre  prochain  numéro. 

Mon  cher  et  honoré  Confrère, 

J'ai  lu  dans  l'Art  moderne  du  16  octobre  l'article  intitulé 
L'Art  et  les  Sén^ites. 

Je  veux  vous  remercier,  avant  tout,  des  éloges  —  non  mérités 
certes  —  que  vous  voulez  bien  décerner  à  l'article  sur  Renan  paru 
dans  l'Avenir  social  et  à  son  auteur. 

Mais  nous  ne  serons  jamais  d'accord,  je  le  crains,  en  ce  qui 
concerne  l'art  et  la  religion  des  Sémites. 

Veuillez  croire  que  mes  convictions  catholiques  n'ont  pas  la 
moindre  influence  sur  mes  appréciations  en  celte  matière.  La 
qualité  de  peuple  choisi,  que  nous  attribuons  avec  l'Eglise  aux 
Israélites,  n'implique  en  rien  la  tendance  à  magnifier  ni  le  sémi- 
tisme  en  général,  ni  les  Israélites  en  particulier.  C'est,  d'après 
l'Ecriture,  pour  arracher  les  Térachites  à  la  corruption  et  à  l'ido- 
lâtrie des  Sémites,  qui  les  environnaient,  que  Dieu  prescrit  à 
Abraham  de  quitter  la  Mésopotamie.  La  race  élue,  de  son  côté,  ne 


■-»Ï^R 


se  maintient  dans  la  voie  qui  lui  esltracée  qu'au  milieu  des  plus 
inconcevables  prévarications  et  moyennant  leschâliments  les  plus 
énergiques.  Je  ne  pense  pas  qu'il  y  ait  dans  tout  cela  rien  qui 
doive  nous  porter  à  exalter  les  qualités  naturelles  de  l'esprit  sémi- 
tique. Ce  que  nous  admirons,  c'est  le  secours  surnaturel  de  la 
Providence. 

De  mon  côté  —  permettez-moi  cette  pensée  —  je  crains  qu'en 
celle  matière  une  idée  a  priori  ne  guide  vos  déductions.  Vous 
parlez  d'une  conception  du  sémiiisme  et  de  l'aryanisme,  qui  n'est 
pas,  à  mon  avis,  appuyée  sur  les  faits,  et  vous  concluez  —  a  pri- 
ori toujours  —  que  tels  peuples  sont  Sémites  ou  Aryens,  suivant 
qu'ils  possèdent  ou  non  les  caractères  que  vous  attribuez  à  ces 
deux  races. 

La  science  n'est  pas  assez  avancée  pour  permettre  de  tels  rai- 
sonnements. Elle  ne  le  sera  jamais  assez  probablement.  En  tous 
cas,  quand  nous  saurons  avec  précision  quelles  sont  les  concep- 
tions, les  qualités  et  les  tares  originaires  de  chaque  peuple  sémi- 
tique en  particulier,  alors  seulement  nous  pourrons  essayer  de 
nous  former  une  idée  de  ce  qu'est  le  Sémite  en  général.  Pour  arri- 
ver à  cela,  nous  devons  commencer  par  étudier  de  près  et  minu- 
tieusement, depuis  la  haute  antiquité,  la  civilisation  de  tous  les 
peuples  qui  sont  sémitiques.  Dieu  sait  combien  d'années  ce  travail 
préliminaire  prendra  à  la  science!  Mais  exclure,  dès  l'abord,  de 
cette  élude  certaines  populations,  sous  prétexte  qu'elles  ne  peu- 
vent pas  être  sémitiques,  c'est  préjuger  le  résultat  cherclié  et 
faire,  si  je  ne  me  trompe,  un  cercle  vicieux. 

Or,  voilà  précisément  ce  que  je  reproche  à  votre  observation 
concernant  les  Assyriens.  «Ils  n'étaient  pas  monothéistes,  ils 
avaient  un  art  très  développé  »,  ai-je  affirmé.  «  Donc  ils  ne  peuvent 
être  des  Sémites  »,  concluez-vous,  et  vous  insinuez  qu'ils  pour- 
raient bien  être  mélangés  d'Aryens  :  «  L'Assyrie,  dites-vous,  était 
un  pays  de  mélange,  très  près  des  pays  d'origine  de  l'Aryaiiisme, 
très  mêlé  comme  population,  très  obscur  encore  aujourd'hui  sur 
les  artisans  de  son  art  ». 

Il  n'en  est  rien.  S'il  y  a  au  monde  un  pays  peu  mélangé,  c'est  bien 
l'Assyrie  ancienne.  Déjà  en  Babylonie,  nous  connaissons  des  rois 
sémitiques  dont  le  règne  remonte  authentiquement  au  xxxvin^  siè- 
cle avant  notre  ère,  Sargon  l'Ancien  notamment,  et  son  fils  Naram- 
Sin  (3750  avant  J.-C).  En  Assyrie,  dès  que  l'histoire  s'ouvre 
{xa*  siècle  avanl  J.-C),  nous  trouvons  des  rois  sémitiques,  un 
peuple  sémitique,  sans  aucune  trace  d'un  mélange  quelconque. 
Jamais  la  continuité  ethnographique  ne  parait  avoir  été  inter- 
rompue, j^ 

Les  peuples  avoisinants,  Alarodiens,  Mitaniens,  Kosséens,  Ela- 
miles,  Araméens,  Babyloniens,  Hittites,  etc.,  n'étaienl  certes  pas 
des  Aryens,  et  d'ailleurs  ils  sont  pour  la  plupart  tributaires  de 
l'Assyrie  au  point  de  vue  de  l'art  :  Les  Assyriens  ne  leur  ont  pas 
'  emprunté  grand'chose,  sauf  peut-être  aux  Babyloniens,  chez  qui 
l'élément  sémitique  domine  d'ailleurs  depuis  la  plus  haute  anti- 
quité. C'est  vers  le  ix'  siècle  seulement  que  Salmanassar  II  entra 
pour  la  première  fois  en  contact  avec  les  Mèdes  aryens,  dans  une 
campagne  lointaine.  A  celte  époque  l'art  assyrien  élail  déjà  formé, 
original  ;  depuis  celte  époque,  il  continue  son  développement 
propre,  sans  trace  d'influence  étrangère. 

Quant  à  admettre  que  «  l'Assyrie  était  près  des  pays  d'origine 
de  l'Aryanisme  »,  que  vont  dire  les  partisans,  lous_les  jours  plus 
nombreux,  de  l'origine  européenne  et  même  Scandinave  des  Aryas? 
Et  ceux  qui  croienL  à  leur  origine  asiatique,  comme  moi,  n'ont 
jamais  imaginé  que  leur  berceau  fut  proche  de  l'Assyrie. 


Ce  que  nous  constatons  dans  bien  des  cas,  au  surplus,  c'est 
que  l'art  des  Aryens  se  forme  sous  l'influence  sémitique.  Pour 
n'en  citer  qu'un  exemple  (ce  n'esl  pas  une  précaution  oratoire  ; 
j'en  pourrais  citer,  d'autres),  l'art  des  Archéménides  ne  se  rat- 
lache-t-il  pai  directement  à  l'art  assyro-babylonien  ?  Ne  sonl-ce 
pas  les  Assyriens  notamment  qui  ont  trouvé  le  secret  d'émailler 
les  briques  et  de  les  employer  d'une  manière  très  artistique  et 
très  originale  dans  les  constructions  ?  Les  Perses  n'ont  fait 
qu'imiter  le  procédé  des  Assyriens  et  les  Turcs  en  ont  hérité  des 
Persans. 

Il  ne  saurait  donc  être  question,  à  propos  de  l'art  assyrien, 
d'une  race  mieux  douée  que  les  Sémites  qui  aurait  travaillé  pour 
eux. 

'  De  même  la  religion.  Le  polythéisme  des  Assyriens  est  aussi 
ancien  qu'eux-mêmes  :  rien  ne  permet  d'affirmer  qu'il  ne  soit 
pas  original.  El  les  Arabes, avanl  l'Islam,  n'élaienl-ils  polythéistes 
à  l'excès?  C'est  Mahomet  qui  instaura  le  monothéisme  en  Arabie, 
très  probablement  sous  l'influence  des  idées  chrétiennes.  Le  jour 
où  il  prit  la  Mecque,  il  détruisit  trois  cent  soixante  idoles  qui 
ornaient  la  Kaaba. 

Les  Arabes  nomades  n'ont  pas  d'art,  dites-vous. —  Parce  qu'ils 
sont  nomades.  Sont-ils  nomades  parce  qu'ils  sonl  Sémites?  Qu'on 
m'explique  alors  pourquoi  tant  d'autres  peuples  sémitiques  furent 
sédentaires,  pourquoi  des  peuples  aryens  sont  nomades? 

Que  des  choses  à  dire  encore  !  Une  seulement,  qui  vous  inléres-' 
sera.  Le  droit,  dans  ses  conceptions  les  plus  raffinées,  était 
parvenu  à  un  degré  fort  élevé  de  perfection  en  Assyrie  et  en 
Babylonie.  Nous  possédons  des  milliers  de  documents  juridiques, 
en  caractères  cunéiformes,  qui  fournissent  les  renseignements  les 
plus  précieux  sur  la  vie  juridique  "au  vn*  siècle  avanl  notre  ère 
et  bien  avanl  ce  temps.  Notez  que  ce  droit  n'est  pas  du  tout  celui 
d'un  peuple  barbare  ou  nomade. 

El  pourtant,  l'Assyrie  fut  certainement  un  pays  sémitique,  moins 
mélangé  que  nos  pays  aryens  ! 

La  vérité  est,  qu'en  dehors  de  la  race,  une  foule  de  facteurs 
déterminent  l'évolulion  d'un  peuple  :  sol,  climat,  voisinage, 
influence  de  personnalités  supérieures,  etc.  Si  les  Arabes  sont 
nomades  (les  habitants  de  l'Arabie  ne  le  sont  pas  tous  d'ailleurs, 
et  ne  le  furent  pas  toujours;  mais  ceci  serait  trop  long  à  dévelop- 
per), cela  lient  en  grand  partie  à  la  configuration  et  au  climat  de 
leurpays.lls  sonl  monothéistes  à  cause  de  Mahomet;  ils  n'onl  pas 
d'art  plastique  à  raison  des  défenses  de  la  loi  Religieuse. 

Et  si  les  Sémites  en  général  paraissent  aujourd'hui  arriérés, 
cherchez  du  côté  du  Coran,  vous  trouverez  la  solution  du  pro- 
blème. Les  Turcs,  non  Sémites  cependant,  présentent' les  mêmes 
symptômes. 

Direz-vous  que  le  Coran  n'aurait  pu  s'imposer  aux  Sémites  s'il 
n'avait  reflété  exactement  l'esprit  sémitique?  Comment  s'est-il 
imposé  alors  à  une  foule  de  peuples  non.  sémitiques  et  même  à 
des  peuples  aiyens?  Comment  a-t-il  pu  remplacer  chez  les  Sémites 
eux-mêmes  des  conceptions  religieuses  antérieures,  profondément 
différentes  de  l'islamisme?  Comment  se  fait-il, d'autre  part, que  de 
nombreuses  populations  sémitiques  ont  accepté  et  professé  le 
christianisme? 

Ces  problèmes  sont  trop  compliqués  pour  être  résolus  par  une 
théorie  aussi  simpliste  que  celle  des  races,  aussi  raide  que  celle 
de  l'évolution. 

Me  pardonnez-vous  ces  observations  si  sommaires  et  déjà  si 
longues?  Croyez  bien  que  c'est  uniquement  le  souci  de  la  vérité 


UART  MODERNE 


865 


scientifique  qui   les  dicle/non  le  vain  plaisir  de  critiquer  ou 
me  trouver  en  désaccord  avec  vous. 

Veuillez  agréer,  mon  cher  et  honoré  Confrère,  l'expression  de 
mes  sentiments  les  plus  distingués. 

Léon  De  Lantsheere. 

Le  26  octobre  1892.  - 


K>^ 


LES  PIECES  A  SUCCES 

Voici  un  tableau  des  recettes  réalisées,  dès  la  première  traite, 
c'est-à-dire  pendant  une  série  ininterrompue  de  représentations, 
par  quelques  pièces  à  succès,  une  série  de  banalités;  pas  une 
œuvre  d'art,  pas  un  nom  de  grand  artiste. 

Michel  Strogoff '    .     .     .     .  fr.     2,893,006  50 

Le  Tour  du  Monde. 2,373,025  90 

La  Fille  de  M™»  Angot 2,023,805  10 

Les  Mille  et  une  Nuits .     4,826,077  — 

Orphée  aux  Enfers  (version  de  la  Galté).     .     .     .     1,784,683  75 

Théodora 4,654,294  75 

Les- Cloches  de  Corneville 1,642,011  35 

Niniche 1,394,225  85 

La  Mascotte.     . 1,372,522  50 

Le  Maître  de  Forges 1,294,268  — 

Le  Petit  Duc 1,259,770  50 

Divorçons     . .     .     .     .     4,489,668  — 

M'ioNitouche 4,164,508  — 

Lili 1.156,837  - 

Le  Voyage  de  Suzette  . 1,056,047  — 

Le  Petit  Poucet 4,038,449  — 

Miss  Helyett  (jusqu'à  fin  4891)    ......    4,000,000  — 

La  Fille  du  Tambour-Major  (version  de  la  Gatté) .       962,299  — 

Les  Surprises  du  Divorce 943,566  50 

La  Femme  à  Papa  .         865,004  — 

Belle-Maman     ...........       841,324  — 

L'Abbé  Constantin 804,559  — 

Giroflé-Girofla 734,726  — 

Ma  Cousine 716,948  50 

LaPeiiieJIariée _^   •     •     •       681,184  60 

L'Assommoir    ...  •     •     •        668,382  — 

Trois  Femmes  pour  un  Mari  .......       657,828  — 

La  ^ille  du  Tambour-Major  (version  des  Folies)  .  620,044  — 
Le  Royaume  des  Femmes(versiondesNouveautés)  611,799  50 
Joséphine  vendue  par  ses  sœurs.     .     .     .     .     .       600,082  — 

Le  Jour  et  la  Nuit 568,847  50 

Paris  Fin-de-Siècle.  559,214  — 

Le  Grand  Mogol 544,088  85 

Le  Régiment 512,614  50 

La  Cigale  et  la  Fourmi 507,404  — 

Mmepavart 419,947  30 

Les  Femmes  collantes 284,404  — 

Ferdinand  le  Noceur 242,943  50 

Les  auteurs  ayant  réalisé  les  plus  fortes  recettes  sont  les  sui- 
vants, un  vraiment  très  beau  groupe  de  médiocrités  :  Clairville, 
d'Ennery,  Sardou,  Chivot  et  Duru,  A.  Millaud,  Meilhac  et  Halévy, 
Ohnet,  Blum  et  Toché,  Ferrier,  Leterrier  et  Vanloo,  Boucheron, 
Gandillot,  etc. 

Même  observation  pour  les  musiciens  :  Offenbach,  Lecocq, 
Audran,  Hervé,  Varney,  Victor  Roger,  Vasseur,  etc. 


Chronique  judiciaire  de?  ^rt? 

Tours  et  Tonrelles  de  Belgique. 

Elles  ont  défilé  la  semaine  dernière  devant  le  tribunal  civil  de 
Bruxelles,  les  Tours  et  Tourelles  si  joliment  croquées  et  peintes 
par  M.  Jean  Baes  (1).  Elles  ont  empli  d'un  carillon  imprévu  l'au- 
ditoire de  la  5«  chambre,  et  voici  à  quel  propos  : 

Un  libraire  bruxellois,  M.  Lamerlin,  a  reçu  en  dépôt,  pour  les 
vendre  au-public,  un  certain  nombre  d'exemplaires  de  la  curieuse 
et  artistique  collection  de  chromographies  publiées  par  M.  Lyon- 
Claesen,  d'après  les  aquarelles  originales  de  M.  Baes.  Pour  les 
écouler  plus  facilement,  il  vend  les  planches  séparément,  à  3  fr. 
l'une,  quand  il  ne  trouve  pas  d'acheteur  pour  l'album  complet, 
côté  cent  francs.  Une  cinquantaine  de  feuilles  ont  été  ainsi 
débitées,  et  le  libraire  y  met  si  peu  de  malice,  qu'il  annonce  à  la 
vitrine  de  sa  librairie  le  prix  auquel  on  peut  se  procurer  chacun 
des  exemplaires. 

Mais  l'auteur  et  l'éditeur  ne  l'entendent  pas  ainsi.  L'ouvrage 
forme  un  tout.  Il  a  une  table  des  matières,  une  couverture. 
Débiter  au  détail  les  planches  de  la  collection,  c'est  porter  atteinte 
aux  droits  de  l'artiste  et  de  M.  Lyon-Claesen,  c'est  les  priver  du 
bénéfice  que  doit  leur  rapporter  la  vente  de  l'ouvrage. 

De  là  leur  assignation.  Elle  soulève  une  question  délicate  et 
neuve,  que  les  usages  de  la  librairie  artistique,  en  l'absence  d'un 
texte  formel  de  la  loi  et  d'une  convention  précise,  peuvent  seuls 
trancher. 

MM«*  Lejour  et  Angenoi  ont  présenté  à  l'appui  des  deux  thèses 
opposées  des  arguments  de  fait  et  de  droit.  Le  tribunal  a  retenu 
l'afiiaire  en  délibéré  et  prononcera  mercredi  prochain. 


EXPOSITIONS  OUVERTESiT 

Anvers.  —  Als  ik  kan  (salle  de  l'ancien  Musée).  De  40  à 

4  heures. 
Bruxelles.  —  Exposition  Van  Camp  (ancien  Musée).  Entrée 

libre.  De  10  à  4  heures. 
''      »  Exposition  PoMri'^rt (ancien  Musée).  Entrée: 

50  centimes.  Carte  permanente,  5  francs. 
De  10  à  4  heures. 
»  Exposition  Willem  Delsaux  (Galerie  moderne). 

Entrée  :  50  centimes.  De  40  à  4  heures. 
»  Exposition  Henriette  Ronner  (chaussée  de 

VIeurgat,  57).  Par  invitations.  Le  mardi  et  le 
jeudi,  de  2  à  5  heures. 


«Petite  CHR0f4iquE 

Le  D'  Virgile  Rossel,  professeur  de  droit  français  à  l'Université 
de  Berne,  a  terminé,  il  y  a  deux  ans,  un  (îuvrage  sur  l'Histoire 
littéraire  de  la  Suisse  romande.  Immédiatement  après  la  publi- 
cation de  ce  livre,  il  a  entrepris  d'écrire  une  Histoire  de  la  litté- 
rature française  à  l'étranger.  Son  projet  est  de  tracer  d'abord  un 
tableau  de  la  littérature  dans  les  pays  de  langue  française,  la 
France  exceptée  (Belgique,   Suisse  romande,  Canada,  avec  les 

(1)  Nous  avonsr  rendu  compte  de  cette  charmante  publication  en 
1890,  p.  412. 


«  refuges  »  hollandais,  anglais  el  allemands  des  xvn«  el  xviii* 
siècles),  puis  de  l'influence  de  la  lilléralure  française  sur  les  prin- 
cipales lilléralures  étrangères. 

Il  est  arrêté,  dans  son  travail,  par  le  chapitre  destiné  à  la 
Belgique.  Les  bibliothèques  puisses  ne  possèdent  presque  jàen 
sur  la  littérature  de  notre  pays.  Pour  le  moyçD-*ge,  il  est 
au  courant  :  Froissard  et  Comines  sont  daiifi  toutes  les  bibliothè- 
ques; il  a  pu  se  procurer  las  œuvres  de  Chastelain;  il  est  sufli- 
«ammenl  renseigné  sur  Olivier  de  la  Marche  et  sur  la  plupart  de 
ceux  de  nos  auteurs  de  l'époque  médiévale. 

L'élude  qu'il  voudrait  consacrer  à  la  Belgique  compterait 
80  pages  in-S»  et  nous  prions  nos  compatriotes  de  lui  adresser  à 
Berne  tons  les  renseignements  qui  pourraient  l'aider  dans  ce  tra- 
vail qui  certes  fera  honneur  à  nos  écrivains  et  augmentera  à 
l'étranger  leur  popularité,  si  bien  préparée  déjà  par  les  articles 
des  quolitiens  français. 

Nous  avons  été  stupéfaits  en  lisant  dernièrement  dans  une  lettre 
envoyée  de  Bruxelles  au  Journal,  cette  déclaration  :  «  On  ne  lit  et 
,«  on  ne  veut  lire,  en  Belgique,  que  des  livres  et  des  journaux  lit- 
ce  téraires  français,  et  les  écrivains  belges  qui  veulent  obtenir  là 
«  faveur  du  public  de  leur  pays  doivent  aller  chercher  à  Paris 
«  une  consécration,  une  sorte  de  baptême  littéraire  qu'on  exige 
«  d'eux;  ils  doivent  faire  étiqueter  leurs  livres  d'une  marque 
«  parisienne  sous  peine  de  les  voir  moisir  dans  les  rayons  de 
«  l'éditeur  ».  Et  plus  loin  :  «Mais  noire  public  ne  veut  connaître 
«  que  ceux  d'entre  eux  dont  Paris  lui  a  fait  connaître  le  nom, 
«  et  Camille  Lemonnier  est  à  peu  près  le  seul  qu'il  n'ignore  pas.  » 

C'est  un  Belge  qui  a  pondu  cela  !  Est-ce  courlisanerie, 
ignorance  ou  simplement  dépit  d'un  raté?  On  lit  ces  choses  avec 
beaucoup  de-  tristesse  et  un  peu  de  honte,  car  dans  le  tas  des  lec- 
teurs français,  il  en  est  qui  croient  que  c'est  arrivé. 

LEnglish  burlesque  Company  est  revenue  à  l'Alhambra,  avec 
le  chatoiement  des  costumes  de  ses  ballerines,  avec  la  folle  gaîté 
de  ses  clowns,  avec  l'énorme  bouffonnerie  de  ses  parodies  inénar- 
rables. Càrmen-up-io-date  Si  retrouvé  le  succès  qui  l'avait  accueilli 
en  mai  dernier,  el  le  public  fait  fêle  aux  jolies  misses  qui  l'inter- 
prètent. Les  noms  ont  changé,  mais  c'est  toujours  môme  exhibition 
plastique,  même  raffinement  de  costumes,  mêmes  yeux  noyés 
accompagnant  d'expressives  mimiques,  et  le  Ta-ra-ra-boom-de-ay 
domine  tout  des  éclats  de  sa  gaîté  véhémente. 

M.  Joséphin  Péladan  fera  le  jeudi  17  courant,  à  2  heures,  une 
conférence  au  Cercle  Pour  l'Art,  qui  a  ouvert  hier  son  premier 
Salon  au  Musée  moderne.     

Les  concerts  et  conférences  arrêtés  celte  semaine  par  la  Com- 
mission du  Cercle  artistique  : 

Quatre  séances  de  musique  de  chambre  données  par  MM.  Co- 
lyns.  Ed.  Jacobs  el  A.  De  Greef.  Première  audition  :  23  novembre. 

Le  5  décembre,  concert  donné  par  le  chœur  Daniel  De  Lange 
(fl  capella)  d'Amsterdam.  Le  16  décembre,  concert  de  M.  Jenô 
Hubay  el  de  M"«  Schmidt,  pianiste.  En  janvier  :  concert  de 
M^^Sucher  et  de  M"«  Kleeberg,  pianiste.  «  Une  heure  de  musique 
nouvelle  »  (matinées  Samary).  Audition  d'œuvres  de  MM.  Vincent 
d'Indy  et  Em.  Chabrier. 

Les  conférenciers  sont  :  MM.  Joséphin  Péladan  {Du  mystère, 
de  l'amour,  de  l'art),  Fernand  Khnopff  (^4  propos  d'Hamlet), 
Maurice  Kufferath  (Triitan  ef,  Yseuli),  Papus,  Arthur  Pougin, 
Em.  Verlanl,  Lucien  Solvay  el  Julien  Tiersot. 


M.  F.  Binjé  ouvrira  mardi  au  Cercle  artistique  une  exposition 
de  quelques-unes  de  ses  œuvres. 


JPoiq^  remplacer  la  Galerie  Grosvenor,  qui  a  fermé  déflnitivement 
ses  portes,  un  comité  à  la  tête  duquel  se  trouvent  le  vicomte 
Ba.iOg,  le  marquis  de  Granby,  Lord  Hothfield,  MM.  T.-D.  Croft, 
E.-M.  Underdown,  etc.,  vient  de  fonder  à  Londres  les  Orafton 
Galleries,  8,  Grafton  street,  W.,  dans  lesquelles  auront  lieu 
périodiquement  des  expositions  d'art  moderne. 

Ces  salons  auront,  comme  naguère  ceux  de  la  Grosvenor,  un 
caractère  international.  Ils  seront  installés  dans  des  locaux  tout 
nouvellement  aménagés  avec  un  grand  luxe  et  dans  d'excellentes 
conditions  d'éclairage,  au  centre  de  la  vie  artistique  de  Londres, 
près  de  îiew  Bond  street. 

Le  directeur  de  cette  nouvelle  entreprise  d'art,  M.  F. -G.  Prange, 
qui  fut  longtemps  1'  «  Art  manager  »  de  la  Galerie  Grosvenor  et 
qui  est  très  au  courant  du  mouvement  artistique  contemporain, 
vieift  de  passer  quelques  jours  à  Paris  et  à  Bruxelles  où  il 
a  fait  choix,  dans  chacune  de  ces  villes,  d'un  groupe  d'artistes 
pour  prendre  part  à  la  première  exposition  des  Grafton  Galleries 
qui  s'ouvrira  le  IS  janvier.  Les  artistes  belges  invités  sont  : 
M"«'  B.  Art  et  A.  Boeh,  M™«  H.  Ronner,  MM.  A.  Baertsoen, 
E.  Claus,  F.  Courtens,  Den  Duyls,  L.  Frédéric,  F.  Khnopff, 
G.  Lemmen,  C.  Meunier,  R.  Picard,  W.  Schlobach,  T.  Van  Rys- 
selberghe,  G.  Van  Slrydonck,  F.  Van  Leemputten,  I.  Verheyden, 
Th.  Versiraete,  G.  Vogels,  R.  Wytsman. 

On  sait  l'indifférence  avec  laquelle  notre  presse  grande  et  petite 
a  accueilli  la  publication  des  deux  remarquables  articles  de 
François  de  Nion  sur  noire  mouvement  littéraire. 

Tandis  que  les  bons  confrères  s'entendaient  pour  ignorer  le 
bruit  qui,  en  France  même,  s'est  fait  autour  de  cette  proclamation 
de  nos  talents,  un  journal  nous  arrive  de  Buenos-Ayres,2aiVia<no;i, 
qui  reproduit  in  extenso  l'étude  de  Fr.  de  Nion  sous  ce  titre  : 
Literarura  belga,  Flamencos  y  Walones. 

Le  Mâle  vient  d'être  représenté  à  l'aristocratique  Théâtre 
Manzoni  de  Milan. 

Il  ne  paraît  pas  que  l'œuvre  de  Camille  Lemonnier  ait  pa^sé 
sans  gncombres.  La  sincérité  du  dialogue  et  la  puissance  des 
situations  ont  fortement  remué  la  jeunesse,  les  esprits  affranchis. 
Mais  le  Théâtre  Manzoni  es^l  surtout  composé  d'un  public  élégant 
el  mondain.  Ce  public,  qui  ajail  un  succès  à  Paris  fin-de-siècle, 
s'est  effarouché  de  la  rude  Franchise  du  drame. 

Rappelons  que  c'est  à  Milan  que  fut  sifflé  le  Canard  sauvage 
d'Ibsen. 

Le  Théâtre  Manzoni  annonce  la  mise  à  la  scène  de  la  Parisienne 
de  Becque. 

On  annonce  comme  imminente  la  publication  d'une  plaquette 
de  vers  :  Le  Château  des  Merveilles,  par  M.  Valère  Gille,  chez  l'édi- 
teur Lacomblez. 

Numéros  excellents,  les  uns  après  les  autres,  des  Entretiens 
politiques  et  littéraires.  Une  nouvelle  rubrique  :  Lectures  poé- 
tiques, fut  soulignée  par  tel  poème  :  La  Chevauchée  d'Ieldis,qai 
est,  certes,  le  plus  complet  et  le  plus  caractéristique  du  signa- 
taire, M.  Viellé-Griffin.  Puis  des  souvenirs  de  Bakounine,  ardents 
el  précis  ;  des  articles  de  Paul  Adam  et  de  Bernard  Lazare,  etc. 

Les  cours  supérieurs  pour  dames  (15*  année)  s'ouvriront  demain 
lundi,  à  3  heures,  au  Palais  des  Académies. 


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VAItT  MODERNE 


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367 


Voici  l'ordre  dans  lequel  ils  seront  donnés  : 
Lundi.  —  Géographie,  par  M.  Pergameni.  —  Histoire  des 
applications  de  VArt,  par  M.  Paul  Lambolle. 

Mardi.  -^  Histoire  de  l'Art,  par  M.  Enjile  Verhaeren.  — 
Littérature  anglaise,  par  M™"  A,  Couvreur. 

Mercredi.  —  Histoire  générale,  par  M.  Pergameni. 

Jeudi.  —  Histoire  de  la  civilisation  en  Belgique,  par 
M.  H.  ronchay.  —  Diction  et  Littérature  française,  par 
M"«Tordeus. 

Les  inscriptions  sont  prises  chez  Mi'«  Vanderaey,  avenue 
Louise,  29.  '  . 

Le  compositeur  Hervé  (de  son  vrai  iiom  Florimond  Ronger) 
l'auteur  de  VŒU  crevé,  de  Chilpéric.  des  Chevaliers  de  la  Table- 
Ronde,  du  Petit  Faust,  de  tant  d'autres  folies  musicales  qui 
parurent  avant  les  opérettes  d'Offenbach  ou  en  môme  temps,  a 
succombé  le  3  novembre  à  un  accès  de  diabète.  Né  à  Houdairi, 
prèsjd'Arras,  en  1825j  mais  élevé  à  Paris,  à  la  maîtrise  de  Sainl- 
RocliV  Hervé  avait  débuté  comme  organiste  à  Saint-Eustache,  où 
il  demeura  huit  ans.  L'instrument  religieux  ne  devait  pas  avoir 
beaucoup  d'influence  sur  les  goûts  du  joyeux  émule  d'Offenbach  ; 
il  est  vrai  qu'il  était  en  même  temps  chef  d'orchestre  au  Palais- 
Royal,  ce  quj  décida  de  sa  carrière  et  le  fit  pencher  vers  les  muses 
légères. 

Organiste,  chef  d'orchestre  et  compositeur,  Hervé  fut  aussi 
chanteur,  il  parut  notamment  à  l'Opéra-National.  A  Londres,  il 
dirigea  des  concerts  pendant  plusieurs  années.  Il  fut  aussi  direc- 
teur de  théâtre.  C'est  lui  qui  fonda  él  dirigea  les  «  Folies- 
Nouvelles  ». 

En  somme,  ce  fut  une  physionomie  curieuse,  un  des  types 
caractéristiques  de  l'esprit  et  de  la  gaîté  française  pendant  les 
dernières  années  de  l'Empire.  Les  insuccès  que  renconlrèrcnl  ses 
dernières  œuvres  avaient  contribué  à  aggraver  son  état.  Et  c'est, 
dit-on,  en  lisant  un  «  éreintement  »  de  la  Bacchanale  qu'il  est 
mort,  suffoqué. 

L'entrevue  entre  M.  von  Gross  et  M.  Bertrand,  dit  le  Ouide 
musical,  a  eu  pour  résullatle  choix  de  la  Walkyrie  comme  pre- 
mier ouvrage  de  Wagner  devant  être  joué  à  l'Opéra.  La  première 
représentation  aura  lieu  en  avril  prochain  ;  la  raison  dé  l'adoption 
de  cet  ouvrage  réside  dans  l'engagement  de  M.  Van  Dyck,  qui  s'est 
déclaré  prêt  à  chanter,  au  choix,  les  Maîtres  Chanteurs  ou  la 
Walkyrie.  . 

La  distribution  qui  a  été  arrêtée  est  la  suivante  :  . 

M.  Van  Dyck,  Siegmund;  M.  Lassatle,  Wotan;  M™«  Caron, 
Brunehilde  ;  M»»  Bréval,  Sieglinde. 

Les  interprètes  dés  rôles  de  Hunding  et  de  Fricka  iie  sont  pas 
encore  désignés.  ^ 

Comme  complément  de  l'arrangement  intervenu  entre  M.  von 
Gross  et  M.  Bertrand,  on  a  décidé  la  repàse  àeTa7mh&user  dans 
un  délai  peu  éloigné,  mais  qui  sera  déterminé  de  manière  à  ne 
léser  en  aucune  façon  les  intérêts  des  compositeurs  français,  ceci 
à  la  demande  expresse  de  M™«  Cosima  Wagner. 

Les  journaux  de  Munich,  dit  le  Guide  musical,  parlent  de  nou- 
veau de  la  question  de  Parsifal,  sur  lequel  le  Théâtre  de  la  Cour 
a,  on  le  sait,  un  droit  de  priorité  aussitôt- que  l'œuvre  quittera  le 
Théâtre  de  Bayreuth.  Or,  il  paraît  que  le  Théâtre-Allemand  de 
Prague  a  l'intention  de  s'emparer,  l'année  prochaine,  de  l'œuvre- 
de  Richard  Wagner,  en  se  fondant  sur  les  lois  autrichiennes  rela- 
tives à  la  propriété  littéraire.  En  Autriche-Hongrie,  le  droit  de 
propriété  expire  avec  la  dixième  année  après  la  mort  de  l'auteur. 
Wagner  étant  mon  le  13  février  1883,  c'est  donc  au  31  décembre 
1893  qu'expireraient  les  droits  de  ses  héritiers  sur  Parsifal.  On 
fait  remarquer  cependant  que  la  loi  autrichienne  protège,  pendant 
trente  ans  après  la  mort  de  l'auteur  d'une  œuvre,  les  droits  cédés 
par  lui  aux  éditeurs.  Si  le  Théâtre  de  Prague  voulait  monter 
Parsifal  en  1894,  il  serait  donc  délié  de  toute  obligation  envers 
les  héritiers  directs,  mais  non  vis-à-vis  de  l'éditeur,  et  il  y  aurait 
encore  pour  lui  l'obligation  de  s'entendre  au  sujet  de  l'exécution 
de  la  partition.  Enfin  la  Chambre  des  seigneurs  d'Autriche  est 


saisie,  depuis  quelque  temps  déjà,  d'un  projet  de  loi  sur  la  pro- 
priété littéraire,  et  il  se  pourrait  que  les  deux  Chambres  eussent 
voté  ce  projet  avant  l'expiration  de  1893.  Pour  le  moment,  il  est 
donc  peu  probable  que  le  Théâtre  de  Prague  puisse  mettre  à  exé-' 
cution  le  projet  qu'on  prête  à  son  directeur  de  monter  Parsifal  en 
1894.  En  tout  cas-,. si  Parsifal  devient  libre  en  1894,  en  Autriche, 
le  Théâtre  de  la  Cour,  à  Munich,  fera  probablement  valoir  ses 
droits,  et  obtiendra  la  priorité  en  vertu  de  la  convention  passée 
en  1887  entre  l'intendance  des  théâtres  royaux  de  Bavière  et  les 
héritiers  de  Wagner. 

Bravo  au  Diseur  du  Journal  qui  consacre  à  César  Franck  un 
souvenir  ému  dans  la  série  «  la  Bonne  Aventure  »: 

Passé.  —  L'ancien  organiste  de  Sainle-Clotilde,  où  il  toucha 
l'orgue  pendant  trente-deux  ans.  L'admirable  auteur  de  Rédemp- 
tion, de  Ruth,  des  Béatitudes,  par  qui  je  vieil  oratorio  fut 
réchauffé  ;  le  seul  compositeur  moderne  dont  les  inspirations  aient 
eu  la  noblesse  et  la  pureté  qu'il  faut,  pour  consoler  les  dévo- 
tieuses  orgues,  veuves  de  Bach. 

Présent. —  Il  y  a  aujourd'hui  deux  ans  qu'il  est  mort... 

Qui  d'entre  vous  s'en  souviendra,  anciens  et  chers  élèves  qui 
l'appeliez  finalement,  au  Conservatoire,  «  le  père  Franck  »?  Qui 
donc,  hormis  ses  proches,  s'acheminera  aujourd'hui,  vers  le  cime- 
tière du  Grand-Montrbuge,  où  repose  le  si  bon  Maître? 

Cependant,  les  Colonne  et  les  Lamoureux,  en  leurs  concerts  du 
dimanche,  continuent  à  battre,  d'un  bâton  infatigable,  les  blancs 
d'ceufs  de  MM.  Massenet  et  Godard,  et  n'osent  servir  aux  «  belles 
écouteuses  »  les  coulis  symphoniques  de  Franck,  ou  son  Quatuor 
pour  instruments  à  cordes,  ou  son  Quintette,  ou  Prélude,  choral 
et  fugue. 

Avenir. —  La  résurrection  de  Lazare...  alors  que  les  Delibes, 
Poise,  Guiraud  et  autres  Dupratos,  enterrés  cette  année,  sentiront 
peser  plus  lourdement  sur  leur  dépouille  musicale,  sur.  leurs 
cadavres  d'œuvres,  la  pierre  tumulaire  de  l'oubli. 

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Dimanche  20  Novembre  1892. 


L'ART  MODERNE 


PARAISSANT^   LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :   Belgique,   un  as,   Ir.  10.00;  Union  postale,   ù.   13.00.    —ANNONCES  :    On  traite  à  forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


•  "Pour  l'Art  »,  —  L'Art  et  les  Sémites.  —  Conférences  par 
JosÉPHiN  Péladan.  —  Anniversaire.  —  Accusés  de  réception.  — 
BiBUoaaAPBiB  musicale.  —  Chronique  judiciaire  des  Arts.  —  Liste 

DE  souscription  POUR  LE  MONUMENT  Gh ARLES  BAUDELAIRE.    —   PeTITE 

chronique.  ■  -^ 


«  Pour  l'Art.  » 

.,  Et  d'abord,  souhaitons  cordialement  la  bienvenue  au 
groupe  nouveau  qui  s'insurge  audacieusement  contre  la 
platitude  et  la  banalité  des  Salons  officiels.  Né  d'une 
scission  de  l'Essor  dont  le  mouvement  en  avant,  très 
accentué  au  début,  s'est  ralenti  dans  ces  derniers  temps 
au  point  de  reléguer  aux  arrière-gardes  le  bataillon 
qui  tiraillait  jadis  si  fièrement  sur  le  front  de  bataille, 
le  cercle  Pour  VArt  a  échappé  aux  prudentes  stratégies 
des  vieilles  gibernes  et  s'est  jeté  sans  chefs  dans  la 
mêlée.  Nos  sympathies,  faut-il  le  dire?  sont  avec  lui.  Il 
proclame  l'indépendance  de  l'artiste,  il  affirme  la  liberté 
de  donner  à  l'art  une  forme  et  une  expression  dédai- 
gneusement rejetées  par  les  antiques  Tabulatures.  Au 
même  titre  que  les  XX,  dont  il  suit  le  courageux 
exemple,  il  a  droit  aux  encouragements  de  ceux  qui 
comprennent  la  nécessité  d'une  évolution  continuelle 
'de  l'art.  Les  exagérations  qu'il  profère  dans  soi^  intran- 


sigeance ne  sont  pas  pour  nous  déplaire.  Ce  sont  gourmes 
de  jeunesse  dont  on  se  débarrasse  rapidement  et  déjà, 
dans  le  chaos  des  tâtonnements  et  des  essais,  on  sent 
percer,  chez  quelques-uns,  un  talent  que  l'avenir 
mûrira. 

Nous  entendons  parler  de  la  poignée  d'artistes  qui 
sont  le  cœur  et  la  raison  d'être  du  nouveau  cercle  :  les 
Delville,  les  Rousseau,  les  Thys,  les  Jacque,  les  Fabry, 
proiïjoteurs  d'un  art  de  pensée  et  de  rêve,  d'un  art 
«  littéraire  »,  ainsi  qu'on  l'a  baptisé,  et  non  de  ceux 
qui  forment  l'appoint  nécessaire  pour  compléter  les 
cadres,  qui  tâchent  laborieusement  dans  les  sillons 
tracés  et  dont  l'œuvre  honorable  n'apporte  point  de  sen- 
sation nouvelle.  Dans^tte  catégorie  nous  rangeons 
MM.  Hamesse,  Orner  Dierickx,  Am.  Lynen,  Viandier, 
Lacroix,  Herain  et  autres.  Il  y  a  enfin  un  groupe  d'in- 
décis qui  flottent  entre  des  influences  diverses  à  la 
recherche  d'une  orientation  :  Jelley,  Coppens,  Dardenne, 
Hannotiau,  les  deux  premiers  obsédés  par  la  théorie 
des  néo-impressionnistes  dont  ils  essaient  de  s'assimiler 
la  technique  sans  en  comprendre  le  moins  dû  monde 
l'application,  les  deux  autres  hantés  par  divers  maîtres, 
le  dernier  subissant  la  puissante  attraction  de  Mellery 
jusqu'à  en  être  résorbé. 

De  cet  ensemble,  complété  par  quelques  invités  recru- 
tés principaleWnt  au  Salon  <}e  la  Rose-Croix,MM.Séon, 
Chabas,  de  Niederhàuseri^,  Trachsel,  Filliger  et  Ver- 


\- 


370 


U ART  MODERNE 


-J 


kade,  —  nous  ne  parlons  pas  du  maître  Félicien  Rops 
dont  on  a  réuni,  avec  une  opportunité  contestable,  une 
demi-douzaine  d'anciens  dessins  et  une  lithographie 
connue,  —  n^ît  une  impression  un  peu  cahotante, 
inharmonique,  mais  qu'échauffent  là  fougue  juvénile  et 
l'enthousiasme.  Ces  qualités- là,  que  décèlent  trop  rare- 
ment nos  sages  et  conformes  salonnets,  font  oublier  les 
maladresses  et  appellent  la  bienveillance. 

^S^peinture  «  littéraire  »,  que  nous  avons  signalée 
comme  un  des  grands  courants  parallèles  qui  emportent 
l'art  contemporain,  est  surtout  représentée  au  présent 
Salon  et  forme  sa  caractéristique.  M.  Trachsel  y 
montre  les  architectures  chîmériques  qu'il  exhiba,  voiqi 
deux  ans,  au  Salon  des  Indépendants.  L'artiste  procède 
par  la  simplification  des  formes  architectoniques,  cher- 
chant à  donner,  avec  les  seules  ressources  c^bs  courbes 
et  des  lignes  droites,  les  impressions  les  plus  diverses. 
"  C'est,  dit-il  lui-même,  une  architecture  dégagée  de 
toute  servitude  d'ethnographie  ou  de  latitude  :  lignes, 
formes  géométriques  absti'aites,  indépendantes  de  toute 
flore  ou  faune  spéciales.  »  L'idée  est  ingénieuse^  mais  les 
épures  rudimentaires  qu'expose  M.  Trachsel  ne  nous 
paraissent  point  d'accord  avec  le  principe  qu'il  proclame. 
Les  effets  qu'il  recherche  naissent,  quand  il  les  réalise, 
moins  dès  lignes  que  des  couleurs  dont,  il  a  soin  de  teinter 
ses  esquisses,  noircies  pour  le  Palais  de  l'Effroi, 
endeuillées  pour  la  Mélancolie.  Ses  «  Fêtes  réelles, 
montrant  une  humanité  fictive  »  sont  peu  évocatives  : 
ses  assemblages  de  cubes,  de  sphères,  de  cônes,  de  cylin- 
dres, de  pyramides,  de  polyèdres  divers  ne  s'écartent 
guère,  dans  plusieurs  de  ses  projets,  de  la  forme  des 
monuments  primitifs.  D'autres  planches  sont  purement 
enfantines.  Les  «  boîtes  de  construction  »  qui  amu- 
sèrent nos  jeunes  années  en  donnent  l'image  exacte. 

Il  y  a  plus  d'imagination  dans  les  séries  étiquetées  : 
«  Chant  de  l'Océan,  l'épopée  d'une  âme  fictive  »,  et 
«  Apparitions,  ensemble  de  visions  de  nature  et  de 
visions  cosmiques  >».  Et  si  Redon  n'existait  pas,  ces  cohr 
ceptions  de  M.  Trachsel  seraient  vraiment  intéres- 
santes. , 

Les  réminiscences  planent  d'ailleurs  trop  généreuse- 
ment sur  bon  nombre  d'œuvres  présentées  par  le  cercle 
Pour  VArt.  Etait-ce  par  une  spirituelle  ironie  qu'on 
avait  annoncé  l'adhésion  de  -MM.  Gustave  Moreau, 
Pùvis  de  Chavannes,  Rodin  et  Bume-Jçnes?  On  retrouve 
ces  maîtres  éparpillés  dans  les  tableaux,  dessins  et 
sculptures  exposés  sous  diverses  signatures.  M.  Séon, 
dont  on  connaît  les  frontispices  pour  les  œuvres  de 
M.  Joséphin  Péladan,  présente,  en  sa  Jeanne  d'Arc,  un 
décalque  exact  des  compositions  symboliques  de  Puvis. 
Burne- Jones  apparaît  dans  les  compositioiis  de  M .  Jacque. 
Le  Paradis  perdu  de  M.  Braecke  est  cousin  germain 
de  la  Francesca  da  Rimini  de  Rodin.  Odilon  Redon  a 
inspiré  visiblement  plusieurs  artistes.  Quant  à  Gustave 


Moreau,  on  l'a  déchiqueté  pour  en  insinuer  les  mor- 
ceaux un  peu  partout.  Il  n'est  pas  jusqu'à  Maurice 
Denis  qui  n'ait  trouvé  en  M.  Jan  Verkade  un  imitateur 
peut-être  inconscient.  ■  j 

Le  sculpteur  Rousseau  nous  semBîô  dégager  une  per- 
sonnalité plus  nette.  Il  y  a  dans  son  torse  de  femme, 
dans  ses  esquisses,  figurines  et  bas-reliefs  de  rares 
délicatesses  de  modelé  et  une  distinction  de  bon  aloi  qui 
lui  assigneront  rapidement  une  des  premières  places. 
M.  Jean  Delville  est,  lui  aussi,  l'une  des  sérieuses 
espérances  du  nouveau  Cercle.  Ses  fantaisies  macabres 
ont  grande  allure  malgré  leur  incohérence,  et  le  por- 
trait en  noir  et  violet  de  M'as^Nyst  décèle,  en  même  temps 
qu'une  rare  acuité  de  vision,  une  main  experte  à  serrer 
les  formes.  Les  curieuses  études  de  M.  Fabry  évoquent 
le  souvenir  des  miroirs  déformateurs  et  font  sourire. 
Cette  première  impression  passée,  on  est  attiré  et  retenu 
par  le  mystère  des  énigmatiques  figures,  si  graves  et  si 
recueillies,  qui  vous  emportent  dans  des  au-delà  inquié- 
tants et  tragiques.  Hantise  des  gothiques?  Non.  Cher- 
chez plus  loin  dans  le  passé,  aux  époques  primitives  dont 
l'art,  soudain  revécu,  a  trouvé  des  échos  chez  certains 
artistes,  notamment  chez  Henri  De  Groux.  Citons  enfin 
les  trois  petits  envois  de  M.  Charles  Filliger,  qui 
poursuit  dans  la  solitude  des  grèves  de  Bretagne  ses 
études  synthétiques  d'un  art  subtil  et  suggestif. 

\ies  débuts  du  cercle  Pour  l'Art  ont  été  blasonnés 
d'une  conférence  de  M.  Joséphin  Péladan,  dont  nous 
rendons  compte  plus  loin.  Causerie  curieuse,  débitée 
avec  élégance,  d'une  voix  claire,  un  peu  emphatique, 
consacrée  beaucoup  plus  à  exposer  les  doctrines  des 
nouveaux  chevaliers  de  la  Rose-Croix  qu'à  développer 
une  théorie  artistique.  L'esthétique  du  «  Sâr  (1)  »  nous 
paraît  d'ailleurs  en  contradiction  flagrante  avec  l'esprit 
qui  a  présidé  à  la  sélection  des  artistes  composantje 
cercle.  M.  Péladan  prétend  formuler  rigoureusement 
des  canons  de  la  stricte  observation  desquels  dépend 
l'existence  de  l'œuvre  d'art.  Il  décrète  un  type  de  beauté 
plastique  absolu.  Il  établit  un  code  que  les  artistes  ne 
peuvent  transgresser  sous  peine  d'être  «  hérésiarques  ». 
II  exclut  du  domaine  de  l'art  tel  genre,  il  classifie  et 
subdivise  tel  autre.  Ces  idées  byzantines,  encadrées  de 
digressions  mystiques  remuées  en  macédoine,  faisaient 
contraste  avec  l'exubérance  de  jeunesse  et  de  liberté  des 
toiles  environnantes.  «  Je  suis  un  moine  laïque,  a 
déclaré  l'orateur,  et  après  avoir  quêté  en  Hellande,  je 
viens  prêcher  parmi  vous.  »  L'Evangile  de  M.  Péladan 
n'est  assurément  pas  celui  des  artistes  rangés  sous 
la  bannière  Pour  l'Art,  et  le  dogme  qu'il  pro- 
clame, s'il  était  adopté,  rétrécirait  singulièrement  leur 
horizon. 


(1)  Sâr  1  C'est  l'équivalent  de  César,  Tzar,  Kasr  (arabe),  Kaiser  : 
chef,  empereur,  etc. 


«■*»*  v^  •s.qif'^.p^-''  fr^f:î'**?^5r^''<>^^ , 


Tîlî 


UART  MODEUNE 


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L'ART  ET  LES  SEMITES 


Notre  intéressant  correspondant,  M.  Léon  De  Lantsheere, 
reproche  à  nos  éludes  patientes  et  réitérées  sur  le  Sémitismc,  un 
défaut  de  méthode  (1).  «  Je  crains,  nous  écrit-il,  qu'en  cette  matière 
une  idée  a  priori  ne  guide  vos  déductions.  Vous  parlez  d'une 
concepiion  du  Sémiiisme  et  de  l'Aryanisme,  qui  n'est  pas,  à  mon 
avis,  appuyée  sur  les  faits,  et  vous  concluez  —  a  priori  toujours 
—  que  tels  peuples  sont  Sémites  ou  Aryens,  suivant  qu'ils 
possèdent  ou  non  les  caractères  que  vous  attribuez  à  ces  deux 
races.  » 

Cette  allégation  est  assez  aventurée  et  M.  De  Lantsheere  a  raison 
de  ne  la  présenter  qu'en  simple  crainte  de  sa  part.  Notre  méthode . 
n'a  pas  le  caractère  enfantin  qu'il  lui  prête.  Elle  est,  en  vérité, 
moins  simple  et  plus  forte.  Elle  consiste  d'abord  à  prendre,  comme 
étalon  des  mérites  et  des  indrmilés  de  la  race  sémite,  des  peuples 
qui  sont  inconleslablement  de  cette  race  et  de  les  étudier  en  des 
temps  et  des  conditions  qui  les  laissèrent  presque  absolument  à 
l'abri  de  mélanges  et  d'influences.  Tels  sont  avant  tout  les  Arabes 
d'Arabie,  occupant  immémorialement  un  territoire  vaste  comme  la 
moitié  de  l'Europe,  demeuré,  à  peu  de  chose  près,  à  l'abri  des 
incursions  et  des  conquêtes,  peuplé  de  sédentaires  établis  dans 
les  villes  et  de  nomades,  libre  de  s'épanouir  à  sa  façon  dans  tous 
les  domaines  où  les  poussait  l'instinct,  brefje  groupe  le  plus 
homogène,  le  plus  compact  et  le  plus  notable  de  tout  le  Sémi- 
tisme,  puisqu'il  a  fini  paj^dominer  et  presque  annihiler  les  deux 
autres,  l'Hébreu  et  l'Araméen. 

Or,  les  Arabes  d'Arabie  réalisent  irrécusablemenl  une  des  plus 
^.catégoriques  stagnations' de  l'humanité  :  Sans  art?  entre  autres 
caractéristiques,  pour  ne  parler  que  de  l'objet  qui  intéresse  la 
présente  polémique. 

De  celte  base  déjà  très  digne  d'être  remarquée,  notre  méthode 
passe  à  des  cas  certes  moins  nets,  mais  méritant  d'être  pris  en  con- 
sidération comme  éléments  confîrmatifs  :  tels  sont  les  nations 
sémitiques  qui  occupent,  comme  race  dominante,  la  moitié  nord 
de  l'Afrique  depuis  douze  siècles.  Là  aussi,  ils  ont  pu  donner  libre 
cours  à  leurs  aptitudes  et  évoluer  conformément  à  l'essence  de  leur 
race,  à  peine  gênés  depuis  la  conquête  française  de  l'Algérie  et 
les  autres  infiltrations  européennes  contemporaines..  Qu'y  a-t-on 
vu?  Après  une  courte  période  d'activité  au  début,  le  ralentissement 
•  et  enfin  le  retour  à  la  même  stagnation. 

A  celte  généralité  corroboratrice,  notre  méthode  ajoute  qne 
spécialité  tirés  digne  de  remarque  :  les  Maures  d'Espagne,  rejetés 
en  Afrique,  accueillis  au  Maroc  alors  en  très  convenable  situation, 
n'y  parviennent  à  rien,  quoique  unis  à  leurs  congénères  et  se  per- 
dent en  une  décadence  aujourd'hui  arrivée  à  son  comble. 

Retournant  en  arrière  et  prenant  les  Hébreux,  puisque  cette 
très  insignifiante  tribu  sémitique  a,  par  fortune,  acquis  une  excep- 
tionnelle notoriété  depuis  que  la  naïveté  chrétienne  en  a  fait  le 
peuple  élu  de  Dieu,  on  voit  qu'elle,  coipme  les  autres,  fut  inva- 
riablemeiit  barbare  et  sans  art  jusqu'au  contact  avec  la  civilisation 
grecque  ou  romaine. 

Bref,  sans  nous  lancer  dans  des  suppositions  hasardées,  ne 
prenant  en  considération  que  des  Sémites  authentiques,  notre 
méthode,  accumulant  ces  observations  répétées  et  se  confirmant 
l'une  l'autre,  en  conclut  que  cette  race,  livrée  à  elle-même,  est 

(1)  Voir  sa  lettre  dans  notre  dernier  numéro. 


stagnante  et  inartistique,  pour  ne  point  parler  de  certaines  autres 
dominantes,  devenues  banales,  qu'il  n'est  pas  difficile  de  dégager 
quand  on  l'analyse  à  fond  dans  les  mêmes  conditions  expérimen- 
tales, que  nous  trouvons,  quant  à  nous,  parfaitement  scientifiques. 

Et  celte  stagnation,  cette  absence  d'art,  sinon  absolue  (quel  fut 
jamais  le  peuple  qui  en  fut  lolalemenl  privé,  m(|;ne  le  plus  bar- 
bare?) trouve  sa  correspondance  dans  le  phénomène  linguistique. 
La  langue  sémitique,  en  ses  trois  branches  principales,  l'Araméen, 
l'Hébreu,  l'Arabe,  n'a  pas  eu  de  révolulion  prq&uide,  pas  de 
développement,  pas  de  progrès.  Si  cette  expression  de  la  pensée 
est  restée  immobile,  c'est  qu'apparemment  la  pensée  elle-même 
était  immobile  aussi. 

Ces  prémisse»  acquises,  notre  méthode  s'occupe  des  cas  où, 
tout  aussi  incontestablement,  le  Sémite  s'est  trouvé  mêlé  à  des 
populations  de  race  européenne,  comme  en  Espagne  notamment 
.  au  temps  des  Maures,  comme  en  Egypte  après  l'invasion  des  Arabes, 
comme  dans  le  littoral  septentrional  de  l'Afrique.  Elle  y  constate, 
aussi  longtemps  que  le  mélange  perdure,  un  essor  artistique  qui 
'produit  un  art  promptemenl  arrêté  et  qui,  dès  que  le  Sémite 
a  expulsé,  déprimé  ou  résorbé  l'élément  étranger,  n'a  subi  d'autre 
transformation  qu'une  décadence.  Nous  en  concluons  que  le  Sémite 
conquérant,  impuissant  par  lui-même,  a  utilisé  les  aptitudes  du 
peuple  conquis,  sauf  à  imposer  à  celui-ci  à  peine  quelques  fantai- 
sies personnelles.  N'est-ce  pas  ce  qui  est  arrivé  dans  cette  Afrique 
du  Nord,  où  les  conquérants  arabes  ont  trouva  des  immigrants 
grecs  ou  romains  établis  dans  les  villes,  toutes  alors  d'allures 
vraiment  européennes,  et  dans  cette  Espagne  où  l'art  visigotb 
commençait  à  éclore. 

El  réciproquement,  celle  méthode  constate,  observation  vrai- 
ment convaincante,  que  toutes  les  nations  de  race  européenne 
qui  ont  été  longuement  et  fortement  mélangées  de  sang  sémitique, 
apparaissent  irrémédiablement  arriérées  :  telles  l'Espagne  et  les 
extrémités  méridionales  de  l'Europe  actuelle  où  durant  plusieurs 
siècles  le  Sémite  a  dominé  ou  incursionné. 

Si  d'autre  pari  on  voit  ce  que  l'Arabe  a  fait  des  nations  de  race 
inférieure  qu'il  a  conquises  et  pour  lesquelles  il  eût  pu  être  un 
éducateur  (les  nègres  de  l'Afrique  jusqu'à  rEquateur),""©!!  constate 
qu'il  n'y  a  guère  opéré  de  transformation  civilisatrice,  sauf  la 
conversion  au  Mahométisi;ne,  et  n'y  a  introduit  aucun  élément 
artistique. 

Voilà  assurément  un  ensemble  de  faits,  reposant  sur  des  périodes 
prolongées,  en  des  lieux  nonibreux  et  variés,  qui  peuvent, 
sans  outrecuidance,  prétendre  à  quelque  autorité,  tant  ils  sont 
concordants,  visibles  et  nets.  El  quoiqu'il  soit  vrai  que  nul  en  de  . 
si  compliquées  matières  ne  puisse  prétendre  à  la  vérité  définitive, 
nous  trouvons  celle  démonstration  autrement  sûre  et  convain- 
cante que  les  quelques  considérations  très  locales  et  très  enche- 
vêtrées invoquées  par  noire  contradicteur  qui  procède,  lui,  du 
particulier  au  général,  tandis  que  nous  partons  du  général  pour 
éclairer  et  résoudre  les  cas  particuliers  et  exceptionnels  qui  sem- 
blent obscurs. 

)C'est  ainsi  qu'il  signale  que  le  Mahométisme  a  été  imposé  à 
certains  peuples  aryens.  C'est  indiscutable,  de  même  que  certains 
Sémites  spbt  devenus  chrétiens.  Il  y  a  toujours  ainsi  une  frange, 
une  zone  d'interpénétration  à. couleur  mixte.  Mais  de  même  qu'il 
serait  faux  de  conclure  de  l'existence  des  poissons  volants  que 
tous  lés  poissons  sont  des  oiseaux,  on  ne  peut  tirer  un  argument 
sérieux  de  ces  cas  ano^maux,  restreints  et  trompeurs.  Il  y  avait, 
suivant  Hérodote,  quelques  Aryas  dans  les  armées  asiatiques  de 


l  -      .  ^ 


Xerxès,  et  même  des  Hellènes,  quoique  les  guerres  médiques  aient 
été  un  des  épisodes  les  plus  considérables  dç  la  lutte  de  la  civili- 
sation asiatique  contre  la  civilisation  aryenne.  Ce  qui  frappe, 
quand  on  considère  la  matière  religieuse,  c'est  que  le  Mahomé- 
tisme  d'une  part,  le  Christianisme  de  l'autre,  ont  eu  chacun  une 
ère  de  diffusion  bien  déterminée,  l'un  allant  indiscutablement  de 
préférence  à  l'humanité  européenne,  l'autre  à  l'humanité  sémi- 
tique, et  certes  il  est  dès  lors  éminemment  raisonnable  de  croire 
que  chacune  de  ces  religions  s'adaptait  mieux  à  la  psychologie 
de  celle  de  ces  deux  races  qui  l'a  si  bien  et  si  universellement 
accueillie.  i 

Et  c'est  ici  que  se  présente  l'argument  qui  expliquerait  la 
déchéance  sémitique,  causée,  selon  M.  De  Lantsheere,  par  l'adop- 
tion du  Coran.  Ce  fait  est  dominé  par  cet  autre  :  Pourquoi  les 
Sémites  ont-ils  adopté  si  aisément  le  Coran?  Cela  teilait  évidem- 
ment à  leur  intellectualité  racique,  de  même  que  l'intellectualité 
aryenne  explique  seule  l'adoption  du  Christianisme.  C'est  donc 
une  cause  et  non  une  conséquence.  Â-ton  jamais  vu  une  religion, 
si  elle  est  en  opposition  avec  les  instincts  d'une  race,  être  acceptée 
par  celle-ci  avec  une  universalité  et  un  entrain  pareils  à  la 
diffusion  du  Mahométisme?  Ce  serait  le  comble  de  l'invraisem- 
blance. 

Venoàs  maintenant  plus  spécialement  à  la  question  de  l'art  en 
Assyrie,  art  attesté  par  les  récentes  découvélrles. 

M.  De  Lantsheere  dit  que  c'est  un  art  sémite.  Qu'est-ce  qui 
l'autorise  à  émettre  pareille  affirmation?  C'était  un  pays  de 
Sémites,  dit-il,  et  il  cite  quelque  Salmanazar  qui  régnait  là.  Mais 
quediràit-il  si,  parce  que  les  Maures  ont  conquis  l'Espagne,  on  sou- 
tenait que  les  Espagnols  asservis  étaient  des  Sémites?  Nous  avons, 
quant  à  nous,  trouvé  si  extraordinfaire,  si  bien  en  contradiction 
avec  tout  ce  qii'on  sait  des  Arabes  tout  au  long  des  temps,  l'exis- 
tence d'un  art  qui  leur  fut  propre  dans  l'ancienne  Assyrie,  que 
nous  avions  émis  comme  l'hypothèse  la  plus  vraisemblable,  que 
cet  art  assyrien  était  probablement  dû  aux  vaincus  comme  cela  est 
arrivé  partout  ailleurs  quand  le  Sémite  a  conquis,  en  Egypte,  en 
Afrique,  en  Espagne,  en  Sicile.  Et  pour  le  démontrer  de  plus  près, 
nous  disions  que  les  pays  mésopotamiens  et  leurs  confins  étaient 
des  pays  de  mélanges,  proches  notamment  de  la  Bactriane,  berceau 
présumé  de  tous  les  peuples  indo-européens  et  centre  de  leurs 
émigrations  selon  le  livre  classique  de  M.  Pictet,  et  de  ce  Septa- 
Sindhdu  où  furent  pratiqués,  vécus  et  composés  les  hymnes 
védiques,  irréfutablement  dus  à  des  populations  de  celte  race. 

Notre  contradileur  objecte  :  «  Que  vont  dire  les  partisans,  tous 
les  jours  plus  nombreux,  de  l'origine  européenne  et  même  Scandi- 
nave des  Aryas  ?  Et  ceux  qui  croient  à  leur  origine  asiatique, 
comme  moi,  n'ont  jamais  imaginé  que  leur  berceau  fut  proche  de 
l'Assyrie.  » 

Assurément,  l'observation  est  quelque  peu  puérile.  Le  point  à 
considérer  est  celui-ci  :  Y  avait-il  dans  les  temps  préhistoriques, 
en  Asie,  au  sjid  de  l'Oxus,  des  Aryas,  venus  de  n'importe  où,  et 
qui  se  sont  dispersés  depuis  en  sens  très  divers,  s'infiltrant  notam- 
ment dans  l'Asie  antérieure,  pour  passer  en  Grèce  et  ailleurs,  après 
avoir,  si  on  le  veut  avec  «  des  partisans  tous  les  jours  plus  nom- 
bretlx  »  de  cette  nouveauté  hasardée,  déjà  traversé  cette  même  Asie 
antérieure  en  arrivant  d'Europe.  Et,  dès  lors,  le  mélange  avec  les 
peuples  -voisins  n'est-il  pas  non  seulement  vraisemblable,  mais 
inévitable  ?  Et  si  dans  l'art  que  les  fouilles  découvrent  aujourd'hui, 
on  rencontre  les  données  fondamentales  de  l'art  progressif  de  la 
.  race  européenne,  n'est-il  pas  sage  de  dire  que  c'est  à  ce  mélange 


qu'il  est  dû,  alors  que  le  Sémite  pur  d'Arabie,  par  exemple,  n'en 
a  jamais  eu? 

Récemment  encore,  dans  notre  étude  sur  la  race  de  Jésus  (1), 
n'avons-nous  pas  pu  acci^uler  les  faits  pour  démontrer  que  la 
Galilée,  bien  plus  à  l'occident  que  l'Assyrie,  était  un  pays  de 
mélange.  Toute  cette  Asie  occidentale  a,  du  reste,  de  tout  temps 
été  un  lieu  de  brassage  et  de  malaxage  des  races  humaines.  On 
passait  par  là  pour  aller  en  Europe  et  en  Egypte.  La  grande 
route  qui  encore  aujourd'hui  va  de  Damas  à  Acre  était  celle  des 
invasions. 

L'art  sémite?  Mais  dans  la  grande  Carthage  sémite  des  guerres 
puniques,  maîtresse  des  mers  et  rotschildiquement  riche,  on  n'a 
pas  trouvé  un  vestige  d'œuvre  d'art  originale,  non  plus  qu'à 
Jérusalem  I  Dans  l'expression  de  la  divinité  même,  Carthage 
n'avait  su  exprimer  que  le  hideux  Moloch,  dévorateur  d'enfants  et 
assistant  cornu  des  prostitutions  sacrées  (2).  Dans  la  vieille  Bible 
barbare  et  molochiste,  les  seules  oeuvres  belles  ne  sont-elles  pas, 
à  peu  d'exceptions  près,  les  chants  des  prophètes,  postérieurs  aux  ^ 
.captivités  de  Babylone,  c'est-à-dire  postérieurs  aux  exodes  vers 
dés  contrées  plus  proches  de  l'Aryanisme,  ce  quva  permis  de  dire, 
tant  le  fait  de  ces  poésies  imprégnées  de  passion  aryenne  a  paru 
extraordinaire  dans  la  vieille  Bible  sanguinaire  et  sauvage,  que 
ces  prophètes  étaient  des  convertis  au  contact  de  la  race  supé- 
rieure. El  de  même  le  nouveau  testament  n'est-il  pas  visible- 
ment imprégné  de  bouddhisme  qui  a  dû  venir  de  plus  loin  encore 
que  de  la  Bactriane  ou  du  Septa-Sindhou  aryen? 

Que  le  mélange  fut  très  complexe,  qu'il  y  eut  là-dedans,  comme  ^ 
le  rappelle,  avec  des  livres  faciles  à  lire,  notre  contradicteur,  des 
Alarodiens  !  des  Mitaniens  !  des  Kosséens  !  des  Elamites  !  des  Ara- 
méens  !  des  Hittites  !  on  peut  l'admettre.  Qu'est-ce  que  cela  fait 
s'il  est  normal  d'ajouter  qu'il  y  avait  aussi  des  Aryens?  L'Araméen, 
une  des  trois  branches  de  la  langue  sémitique,  n'était  parlé  que  . 
dans  une  partie  seulement  des  royaumes  de  Ninive  et  de  Babylone. 
Cela  seul  confirme  invinciblement  qu'il  y  avait  là  mélange.  Qu'est-ce 
que  cela  fait,  surtout  au  point  de  vue  de  l'art  des  Sémites?  Ceux-ci 
en  ces  temps  n'étaient  certes  point  des  barbares,  n'étaient  point 
de  snomades  et  ils  avaient  un  droit  développé;  que  servirait  de  le 
contester?  En  effet,  Babylone  et  Ninive,  ces  Londres,  ces  Paris 
antiques,  comme  population  sédentaire,  étaient  de  formidable 
composition.  Nous  n'avons  jamais  contredit  à  cela.  Mais  la  ques- 
tion est  de  savoir  comment  il  a  pu  se  faire  que  ces  Sémites, 
impuissants  partout  ailleurs  quand  ils  sont  seuls^  auraient 
échappé,  à  l'origine,  à  cette  loi  de  stérilité  et  n'auraient  plus 
jamais  retrouvé  depuis  occasion  de  recommencer. 

Quand  on  pense  que  tout  le  système  de  M.  De  Lantslieere  se 
résume  en  cette  affirmation  énorme  :  Les  Arabes  n'ont  pas  d'an 
plastique  à  raiso7i  des  défenses  de  leur  loi  religieuse  !  Comme  s'il 
était  possible  à  un  prêcheur  de  religion,  fût-il  Mahomet,  d'abolir 
l'art  dans  les  âmes  de  cent  millions  d'hommes  quand  il  y  esti 
Mais  c'est  le  plus  incompressible  des  instincts  !  Comme  si  la 
défense  de  reproduire  les  êtres  vivants  n'existait  pas,  avant 
Mahomet,  chez  les  Sémites  et  notamment  chez  les  Hébreux! 
La  destruction  des  trois  cent  soixante  idoles,  plus  ou  moins 
authentiques,  ordonnée  par  le  Prophète  à  la  Mecque,  ville  si 
proche  de  l'Egypte  qui  est  restée  le  type  de  la  nation  à  images 
religieuses,  ne  fut  apparemment  que  l'expression,  en  une  légende, 

(1)  Art  moderne  du  7  novembre. 

(2)  Voir,  sur  cette  question,  l'Art  moderne,  1890,  p.  251,  1"  col. 
in  fine. 


> 


n.-t".  ':, 


de  la  haine  sémitique  pour  toute  œuvre  d'art.  Si,  pour  les  Sémites, 
mêlés  à  nous,  celte  haii^c  s'est  apaisée,  analysez  le  sentiment 
qu'ils  ressentent  pour  nos  tableaux,  nos  sculptures,  nos  livres  : 
ce  n'est  qu'une  idée  de  propriété  et  de  prix,  mais  non  Ténivre- 
ment  ou  la  joie  désintéressée  de  nos  âmes.  Ce  n'est  pour  eux 
que  du  collectionnage  vaniteux,  du  brocantage  ou  du  bibelotage. 
Les  quelques  rares  artistes  qu'ils  ont  à  leur  actif  sont  de  second 
ordre,  et  encore  que  sait-on  de  la  pureté  de  race  de  ces  quelques 
exceptions  nées  en  plein  parmi  nous.  Henri  Heine  avait  un  type 
essentiellement  aryen,  M.  Brandès  le  rappelait  encore  récemment 
dans  la  Société  nouvelle.  De  qui,  en  vérité,  descendait-il? 

Franchement ,  nous  répétons  que  noire  contradicteur  est , 
inconsciemment,  dominé  par  celle  idée  qu'il  serait  sacrilège  de 
croire  que  le  peuple  élu  de  Dieu  pour  donner  naissance  au  Christ, 
n'aurait  pas  été  mieux  doué,  et  aurait,  surtout,  été  à  ce  point  de 
vue,  si  différent  des  nations  nobles  chez  lesquelles  la  foi  chré- 
tienne s'est  répandue.  Il  y  a  là  un  ennui  énorme  pour  tout  fidèle 
chrétien  et  nous  comprenons  qu'il  s'insurge. 

Que  de  choses  encore  à  dire  T  El  qu'un  article  de  journal  est 
insuffisant  pour  de  pareils  problèmes!  Pour  qui  voudrait  le 
creuser  davantage,  nous  signalons  nos  études  antérieures  (1),  car 
certes  nous  ne  sommes,  en  pareil  sujet,  ni  novice,  ni  enclin  au 
superficiel.  Nous  aussi  avons  beaucoup  lu  et  beaucoup  réfléchi. 


CONFÉRENCES  PAR  JOSÉPHIN  PÉLADAN 

Joséphin  Péladan  a  donné  jeudi  dernier,  au  cercle  Pour  VArt, 
une  conférence  téméraire.  Aucune  des  idéea-générales  émises  ne 
nous  a  séduit,  mais  la  crânerie  du  parleur*' vaut  qu'on  insiste. 
Venir,  à  des  artistes  d'aujourd'hui,  à  un  auditoire  mondain  qui  se 
rassemble  par  curiosité,  affirmer  vaillamment  des  dogmes  d'art 
dont  il  a  appris  à  rire,  lui  étaler  des  espoirs  fous,  des  rêves  vers 
un  monde  de  beauté  angélique,  lui  exposer  comme  vérité  les 
légendes  et  les  bibles  et  construire  des  théories  sur  les  plus 
beaux  nuages  qui  soient,  affirmer  tout  cela,  d'abord  devant  le 
public  trié  de  Pour  VArt,  ensuite  en  face  du 'public  massif  et 
gouailleur  du  Cercle,  c'est  en  tout  cas  une  bonne  œuvre  hardie  et 
qui  mérite  qu'on  la  loue.  Nous  ne  voulons,  en  Joséphin  Péladan, 
voir  autre  chose  qu'un  fanatique  d'art, qu'un  exalté  du  beau.  Il  a  le 
respect  haut  des  chefs-d'œuvre,  le  culte  des  maîtres,  la  vénération 
du  paçsé.  Il  assigne  en  ce  monde  la  jJlace  première  à  l'an,  il  le  revêt 
d'un  caractère  altier  et  sacré.  Il  l'élevé  au-dess^de  la  société 
pour  qu'il  la  régente  et  aussi  au-dessus  de  certains  artistes  qui 
le  stérilisent.  S'il  abusait  moins  des  programmes,  des  titres,  des 
emblèmes,  de  tout  ce  qui  semble  défroque  au  lieu  de  vie,  si  au 
lieu  de  créer  un  Ordre,  il  commençait  par  rassembler  des  artistes 
travaillant  en  commun,  eu  une  sorte  de  monastère,  qui  possé- 
derait une  imprimerie,  de^  ateliers  et  des  salles  d'auditions 
musicales,  il  créerait,  croyons-nous,  un  rudiment  d'organisation 
autrement  ferme  que  sa  constitution  des  Rose-Croix.  Joséphin 

(1)  Voir  dans  l'Art  moderne,  nos  études  :  La  Bible  et  le  Coran, 
1888,  pp.  114,  130,  137  ;  —  La  Littérature  anti-sémitique,  ib., 
p.  361  ;  —  Saint-Paul  et  le  Sémitisme,  1889,  pp.  1,  9,  17,  27  ;  —  Les 
Prophètes  dans  la  Bible,  ib.,  p.  198;  —  L'Ancien  Testament  et  les 
Origines  du  Christianisme,.!^.,  pp.  227,  234,  243,  284;  Les  Tra- 
ductions de  la  Bible,  ib.,  p.  236;  —  Les  Hymnes  Védiques,  ib., 
p.  379;  —  L'Art  Arabe,  ib.,  p  89;  —  Que  fut  Jésus  f  ib.,  p.  164; 
—  L'Art  Arabe  en  Espagne,  1890,  p.  188  ;  —  Renaissance,  1892, 
p.  260.  —  La  Race  du  Christ,  ib.,  p.  353;  —  El  Moghreb  Al  Ahsct^ 
(Voyage  au  Maroc),  passim.. 


Péladan  parle  de  Temple,  du  Graal,  de  palais  de  marbre  et  d'or, 
de  la  mort  décorative  qu'il  prépare  à  iz  vie  de  victoire.  Ceux  qui 
vraiment  réformaient,  songeaient  à  une  cabane  et  peut-être  au 
martyre. 

Ce  sont  les  exagérations  extérieures,  les  mises  en  scène 
théâtrales,  les  apothéoses  anticipées  qui  enlèvent  toute  confiance 
à  ceux  qui  suivent  en  curieux  les  «  gestes  »  artistiques  de 
Joséphin  Péladan  et  qui  n'oublient  point  qu'il  y  a  environ  dix 
ans  un  livre  de  belle  qualité  d'art,  le  Vice  suprême,  a  été  écrit  par 
lui.  * 


ANNIVERSAIRE 

Sous  ce  titre,  le  Ouide  musical  publie  une  correspondance  que 
liront  avec  émotion  les  amis  et  les  admirateurs  du  grand  musicien 
que  la  mort  a  abattu  : 

«  Ce  mardi,  il  y  a  deux  ans,  jour  pour  jour,  c'était  la  mort  de 
César  Franck,  sans  bruit  comme  sa  vie.  J'ai  voulu  saluer  sa  tombe. 
Il  n'est  plus  au  cimetière  du  Grand-Montrouge;  depuis  plus  d'un 
an,  on  l'a  ramené  à  Montparnasse,  perdu  dans  la  foule  des  morts 
oîi  la  hiérarchie  seule  subsiste;  ii  y  a  les  décédés  ostentatoires, 
ceux  qui  ont  leur  public  à  la  Toussaint.  Ce  n'était  pas  un  défunt 
à  sensation  que  le  grand  musicien;  ni  général,  Qi  député,  ni 
homme  nécessaire. 

Aussi  les  gardiens  ignorent  son  nom  et  nul  défilé  de  badauds 
n'indique  le  chemin.  J'ai  dû  m'adresser  à  l'administration  des 
sépultures.  Oui,  dans  de  beaux  registres  à  dos  vert,  les  pauvres 
morts  sont  catalogués.  Le  vieux  maître  n'est  plus  que  le  n**  20, 
3«  allée,  26«  division.  A  grand'peine,  j'ai  trouvé,  tout  au  fond, 
dans  l'annexe,  entre  des  concessions  cossues  à  monuments 
prétentieux. 

Une  tombe  fleurie  dans  une  grille  de  bois  noir,  qui  lui  donne 
une  forme  vague  de  berce  liégeoise,  où  rôve^^it  à  jamais  celte  âme 
d'une  pureté  enfantine.  Au  bas  d'une  croix,  une  couronne  de 
myosotis.  Non,  on  ne  t'oubliera  pas!  Et  de  hautes  touffes  de  fleurs 
blanches  se  penchent  vers  celui  qu'on  nomme  «  le  Maître  angé- 
lique ».  Sur  le  sol,  de  petites  fleurs  violâires,  des  véroniques,  je 
crois,  les  mêmes  qu'à:  Bonn,  au  tombeau  de  cet  autre  rêveur, 
Robert  Schumann.  Une  simple  inscription.:  César  Franck,  8  no- 
vembre 1.890,  67  ans.  Des  offrandes  de  famille 'et  de  disciples. 

Que  ces  monstrueux  cimetières  parisien?,  si  proprets,  sont 
bourgeoisement  tristes,  sans  mélancolie  pénétrante.  Que  m'a  paru 
pharisaïque  le  tant  vanté  «  respect  des  morts  »,  ce  cliché. 

El,  selon  la  vieille  superstition  wallonne,  combien  doit  désolé- 
ment  errer  dans  ce  désert  de  pierres  la  pensée  songeuse  du 
Maître,  à  la  fête  des  Trépassés,  le  jour  des  âmes,  quand  les 
esprits  reviennent  voltiger  autour  des  tombes. 

Au  moins,  que  jamais  on  ne  l'importune,  le  grand  artiste  mort 
méconnu!  Pas  de  monuments,  d'honneurs  posthumes,  pas  de  rue 
à  son  nom  ni  de  statue  à  son  effigie.  La  foule  l'a  ignoré  vivant, 
qu'elle  le  respecte  disparu.  Pas  d'hypocrites  manifestations  des 
bavards  officiels.  Les  souscripteurs  aux  hommages  du  jour  sont 
souvent  en  même  temps  les  négateurs  du  génie  de  demain.  C'est 
toujours  la  même  race  pullulante,  anonyme,  méchamment  obtuse 
et  qui  ne  s'incline  que  trop  tard. 

Non,  qu'on  laisse  planer  en  paix  l'âme  du  «  Père  Franck  >». 
Elle  est  trop  haute  pour  qu'on  la  trouble, fût-ce  par  des  expiations! 

.  Marcel  Rémy 


^CCUPÉ?     DE    ^ÉCEPTIOJ^ 

La  Lutte  meilleure  (I.  Des  Fins  de  Jours),  par  D.  Mayssonnier, 
avec  préface  de  René  Ghil;  Paris,  sans  nom  d'éditeur  (Ir:iprim. 
E.  Goussard,  à  Melle  (Sèvres).  —  La  Chevalière  de  la  mort,  par 
Léon  Bloy  (tiré  à  100  exempbrires) ;  Gand,  A.  Siffer.  —  Langues 
et  Dialectes,  revue  trimestrielle,  publiée  sous  la  direction  de 
M.  Tito  Zanardelli  ;  Bruxelles,  Imp.  populaire,  rue  de  Longue- 
Vie,  36.  —  Vers  et  prose,  par  Stéphane  Mallarmé,  avec  un 
porli-ait  de  J.-M.-N.  Whistler;  Paris,  Perrin  et  C'«,  avec  cet  avant- 
dire  :  «  Afin  d'obvier  à  des  déprédations  et  souhaitant  se  metire 
en  rapport  aisé  avec  le  lettré  amateur  de  publications  courantes, 
M.  Mallarmé  a  imaginé  de  donner  lui-même  ce  Florilège,  ou  1res 
modeste  anthologie  de  ses  écrits;  à  quoi  la  librairie  Perrin  voulut 
apporter  ses  soins.  —  Ce  petit  recueil  peut  suffire  au  public, 
comme  inciter  chez  lui  la  curiosité  d'ouvrages  luxueux  complets. 
—  Une  lithographie  de  Whistler,  portrait  inédit,  sert  de  fron- 
tispice. 


BlBLIOQRAPHIE    MUgICALE 

M"»  V«  Muraille,  éditeur  à  Liège,  vient  de  publier  la  partition 
(piano  et  chant)  à! Andromède,  le  poème  lyrique  et  sym|)honique 
pour  soli,  chœurs  et  orchestre  de  Guillaume  Lekeu,  sur  un  texte 
de  Jules  Sauvenière,  qui  valut  à  son  auteur  le  second  prix  de 
Rome. 

Nous  avons  dit  lors  de  la  première  exécution  de  l'œuvre,  en 
mars  1892  (concert  annuel  de  l'Ecole  de  musique  de  Verviers)  le 
mérite  de  cette  coniposilion,  qui  classe  d'emblée  M.  Lekeu  parmi 
les  musiciens  les  plus  distingués  de  notre  pays  (i). 

La  partition  est  gravée  avec  le  soin  et  l'élégance  qu'apporte 
à  chacune  de  ses  publications  l'excellente  maison  d'édition 
liégeoise. 

f"^°'^^Q^^    JUDICIAIRE    DEg    ^RTg 
--         Tonrs  et  Tonrelles  de  Belgique  (2). 

Le  tribunal  civil  de  Brux'elles  vient  de  rendre  son  jugement 
dans  l'intéressante  affaire  que  nous  avons  relatée.  Il  décide  en 
principe  qu'il  n'est  pas  permis-de  débiter  en  détail  les  planches 
d'un  ouvrage  qui  forme  un  tout,  ce  fait  apportant  une  modifica- 
tion à  l'œuvre,  au  sens  de  la  loi  du  22  mars  1886  sur  le  droit 
d'auteur.  Dans  le  doute,  d'ailleurs,  sur  l'application  d'un  texte  de 
cette  loi,  il  faut  toujours  se  montrer  le  plus  favorable  aux  auteurs, 
la  loi  ayant  été  faite  en  vue  de  protéger  ceux-ci  contre  toute  alleinle 
portée  à  leurs  droits. 

En  conséquence,  MM.  Jean  Baes  et  Lyon-Claesen  gagnent  leur 
procès.  M.  Lamerlin  est  condamné  à  300  francs  de  dommages- 
intérêts  pour  avoir  vendu  un  certain  nombre  de  planches  déta- 
chées de  l'album  :  Tours  et  tourelles  de  Belgique,  et  il  est  interdit 
au  libraire,  sous  une  astreinte  de  50  francs  par  infraction,  de 
continuer  la  vente  en  détail  do  l'ouvrage. 

Nous  apprenons  que  cette  décision  sera  frappée  d'appel, 

(1)  Voir  VArt  rnô'deme  du  3  avril  dernier. 

(2)  Voir  le  n»  46,  p.  365. 


.         J 
LISTE  DE  SOUSCRIPTION 

POUR  LE 

MONUMENT  CHARLES  BAUDELAIRE 

SOUSCRIPTEURS  BELGES  (1). 

PREMIÈRE   LISTE. 

MM.  Eugène  Ysaye    . fr.  5 

le  docteur  Gevaeri .  -  5 

Emile  Vandervelde     ........  5 

Gustave  Kefer 5 

M.  Van  der  Meyien 10 

Georges  Fié. 5 

G.  Van  der  Meyien 10 

R.  Van  der  Meyien.     . 10 

Edmond  Picard .     .100 

En\ile  Verhaeren .  10 

Octave  Maus. 10 

'Pierrc-M.  Olin ,    •  5 

Emile  Van  Mons     .     .    '. 5 

Mu«  Nysten,  à  Liège 5 

Anonyme .•    .  1 

MM.  Henri  La  Fontaine '5 

H.  de  Brouckere 5 

M""»  Monnom 5 

MM.  Aug.  Descamps 5 

Théo  Van  Rysselberghc 5 

Selhe,  à  Uccle 5 

M.  Cranleux,  à  Bornhem  .     .' 2 

A  reporter.               .  fr.  223 


Petite  CHROf^iquE 


M.  F.  Binjé  expose  au  Cercle  artistique  une  soixantaine  de 
tableaux  et  d'aquarelles,  moisson  soigneusement  et  laborieuse- 
ment engrangée  par  le  peintre  en  plusieurs  campagnes  d'art.  On 
connaît  le  senlimenl  délicat  avec  lequel  M.  Binjé  interprète  les 
intimités  de  la  nature.  C'est  un  doux  et  un  rêveur,  qui  excelle  à 
faire  vibrer  la  petite  note  émue.  Paysages  enlinceullés  de  neige, 
orées  écarlales,  soirs  mélancoliques,  dunes  protégeant  maieinel- 
lemeni  les  maisonnettes  blanches  coiffées  de  tuiles,  on  retrouve  à 
l'exposition  tout  ce  qui  constitue  les  dilections  habituelles  de 
l'artiste,  qu'un  labeur  incessant  a,  fait  sortir  du  rang  des  amateurs 
pour  le  faire  entrer,  bien  armé, 'dans  les  milices  de  l'art. 

Nous  extrayons  ce  qui  suit  du  numéro  31  (octobre -1892),  des 
Entretiens  -politiques  et  littéraires  et  nous  l'adressons  au  tra- 
ducteur d'Emerson  en  faisant  le  même  vœu  que  cette  revue  : 

K  L'Art  moderne  termine  ce  mois  la  publication  du  bel  essai 
«  sur  le  Poète,  de  R.-W.  Emerson.  Nous  espérons  que  ces  excel- 
«  lentes  traductions  paraîtront  bientôt  en  volume.  » 

Avis  à  notre  collaborateur  I.  Will,  pseudonyme  d'une  très 
intelligente  et  très  aimable  femme. 

Sous  la  signature  Alfred  Vallelte,  l'Echo  de  Paris  littéraire 
illustré,  nouveau  périodique  fort  intéressant  (sera-l-il  proscrit  de 
Belgique,  comme  l'Echo  dont  il  est  le  supplément?)  consacre 
aux  jeunes  revues,  et  spécialement  à  la  Wallonie,  un  article  des 
plus  élogieux.  Ce  qui  n'empêchera  pas  notre  presse,  vraiment 
trop  départementale,  de  continuer  à  ignorer  le  superbe  mouve- 
ment littéraire  qui  met  la  Belgique  au  premier  rang  des  nations 
artistes. 

Signalons  aussi  l'excellente  étude  publiée  dans  la  livraison 
d'octobre  de  la  Société  nouvelle  par  M.  F.  Nautet,  consacrée  aux 
romanciers  belges  et  spécialement  à  Camille  Lemonnier.  Cette 

(1)  Les  souscriptions  sont  reçues  dans  les  bureaux  de  l'A?^  moderne, 
d'où  elles  seront  transmises  au  Comité  central,  f  Paris.  ,  - 


;■  T^'f  ?^™''^5'. -  ï^fS^.s?;^^^:" 


i«W(l5ç 


élude  forme  un  des  chapitres  de  l'Histoire  des  lettres  belges 
d'expression  française,  dont  le  premier  volume  a  paru  et  dont 
nous  avons  vanté  l'ê^Spril  judicieux  et  de  probe  critique. 

Les  peintres  IJytterschaut,  Gailliard,  I.ynen,  Ciarys  et  Collarl 
collaborent,  par  des  dessins  de  choix,  à  un  numéro  de  Noël  de  la 
Chronique  du  Sport  et  de  l'Elevage,  qui  sera  mis  en  vente  dès  le 
i^'  décembre  (numéro  de  luxe,  grand  in-4o,  30  pages  de  texte). C'est 

la  première  fois  en  Belgique  qu'un  journal  de  sport  fait  appel  àdes 
crayons  d'artistes  :  félicitons  la  direction  de  cette  innovation  et 
souhaitons,  pour  nos  amis  les  peintres,  que  ce  bon  exemple  soit 
suivi- 

Parmi  ]es  publications  spéciales  du  prochain  Christmas  on 
annonce  aussi  un  Palais-Noël  rédigé  par  un  groupe  d'avocats- 
écrivains,  avec  illustrations  dues  à  la  plume  satirique  de  con- 
frères, reproductions  de  portraits,  caricatures,  etc.  Collaboreronl, 
entre  autres,  à  ce  numéro  exceptionnel,  —  nouvelle  preuve  de  la 
vitalité  de  la  Conférence  du  Jeune  Barreau,  —  MM"  Maelerlinck, 
Edmond  Picard,  Victor  Arnould,  Octave  Maus,  Arthur  James, 
Eugène  Demolder,  Jules  Destrée,  H.  Carton  de  Wiart,  Max 
Elskamp,  Charles  Dumercy,  Jacques  des  Cressonnières,  Firmin 
Van  den  Bosch,  Léopold  Courouble,  Paul  Errera,  Michel  Bodeux, 
Albert  Mélot,  Alexandre  Bidarl,  etc.  Les  collaborateurs  artistes 
sont,  outre  M"  Jules  Le  Jeune,  ministre  de  la  justice,  MM"  H.  Le-  ■ 
maître,  bourgmestre  de  Namur,  Auguste  Delbeke,  Daniel  de 
Haene,  Albert  Delslanche,  Maurice  Bekaert,  etc. 

La  couverture  artistique  de  cette  intéressante  publication  sera 
illustrée  à  l'eau-forte  par  M"«  Louise  Dansé. 


n 


M.  le  D'  Virgile  Rossel  dont  nous  annoncions  l'ouvrage  sur  la 
«  Littérature  de  langue  française  étrangère  à  la  France  »,  dans 
notre  dernier  numéro,  nous  écrit  : 

«  Votre  mouvement  littéraire  m'intéresse  beaucoup,  j'entends 
celui  de  cette  seconde  moitié  dû  siècle.  Je  ne  puis  m'associer  à 
toutes  les  idées  nouvelles  qui  nous  viennent  de  Belgique,  mais 
j'admire  l'effort,  l'entrain  et  le  talent  d'auteurs  qui  sont  à  l'avant- 
garde  de  celte  littérature  et  avec  lesquels  il  s'agit  de  compter. 

«  El  savez-vous  que  si  je  me  suis  décidé  à  écrire  mon  Histoire 
de  la  Littérature  française  à  l'étranger,  c'a  été  surtout  pour  don- 
ner à  ces  petites  France  hors  de  France,  que  nous  sommes,  la 
conscience  de  leur  rôle  et  le  sentiment  de  leur  valeur  ?  Eclipsés 
ou  remorqués  par  ce  terrible  Paris,  tel  a  été  trop  longtemps  notre 
sort;  nous  apprendrons  toujours  nvieux  à  «  vivre  de  notre  vie  », 
pour  employer  le  mot  d'un  de  nos  poètes  :  Juste  Olivier.  » 

A  lire  dans  la  Revue  universitaire  du  15  octobre  dernier  un 
article  de  M.  Eugène  Monseur  sur  la  réforme  de  l'orthographe  : 
française.  L'auteur  fait  l'histoire  de  toutes  les  lettres  inutiles  qui 
se  sont  anciennement  introduites  dans  notre  écriture  actuelle.  11 
explique  en  détail  comment  le  dogme  de  la  fixité  de  l'orthographe 
française  étant  chose  xécente,  puisqu'il  ne  remonte  pas  plus  haut 
que  Louis  XIV,  la  plupart  des  anomalies  de  notre  notation  des 
mots  français  proviennent  de  la  liberté  absolue  dont  jouissaient 
autrefois  les  écrivains.  En  huit  lignes,  Rabelais  faisait  usage  de 
trois  orthographes  :  Huile,  huille,  huyle,  alors  que  le  mol  vient 

du  latin  oleiim,  qui  n'a  pas  d'h. 

-^^^^  '   ''  '  "i   ■ 

Le  premier  concert  populaire  est  fixé  au  4  décembre.  On  y 
entendra  pour  la  première  fois  en  Belgique  le  célèbre  chœur 
a  Capella  d'Amsterdam,  dirigé  par  M.  Daniel  de  Lange,  qui  vient 
d'obtenir  à  Vienne,  à  Berlin,  à  Hambourg,  à  Leipzig,  à  Kœnigs- 
berg  de  prodigieux  succès. 

V Amsterdamsch  Koor  exécutera  une  dizaine  de  compositions 
de  maîtres  néerlandais,  wallons  cl  flamands  desxv*  et  xvi«  siècles, 
dont  l'œuvre  est,  pour  ainsi  dire,  pterdue  pour  nous,  faute  d'exé- 
cutants. Pour  le  public  bruxellois,  déjà  familiarisé  avec  quelques 
œuvres  de  lancienne  école  néerlandaise  par  les  madrigaux,  les 
cantiques,  les  chansons  que  M.  Gevaert,  de  temps  k  auire,  fait 
dire  par  les  chœurs  du  Conservatoire,  cette  audition  des  chanteurs 
néerlandais  offrira  le  double  attrait  d'une  exécution  hors  ligne,  — 
sur  ce  point  les  témoignages  de  tous  les  critiques  d'outre-Rhin 


sont  concordants,  —  et  de  la  reconstitution  de  tout  un- ensemble 
d'œuvres  de  maîtres,  de  très  grands  maîtres,  rendues  à  la  vie  et 
à  propos  desquelles,  dans  le  public  et  même  parmi  les  artistes,  il 
existe  de  singulières  préventions.  On  les  croit  généralement 
scolastiqués  et  mornes.  Elles  sont,  le  plus  souvent,  d'une 
fraîcheur  d'impression,  d'une  force  expressive^  d'une  justesse 
d'accent  et  d'une  richesse  harmonique  à  peine  égalées  par  nos 
maîtres  modernes. 

On  entendra  en  outre,  à  cette  première  matinée  des  concerts 
populaires,  une  ouverture  de  Mozart,  la  suite  de  Grieg  intitulée 
Peer  Oynt  el  l'ouverture  du  Carnaval  à  Paris  de  Svendsen, 

Une  œuvre  nouvelle  de  M.  .Rimsky-Korsakovr,  il//ac{a,  opéra- 
ballet  en  quatre  actes,  vient  de  remporter  un  éclatant  succès  au 
Théâtre  Marie  de  Saiul-Pétersbourg. 

La  deuxième  séance  de  la  Maison  du  Peuple  (Section  d'Art  el 
d'Enseignement  populaire)  est  fixée  au  mardi  29  courant. 
M.  Edmond  Picard  y  fera  une  conférence  sur  la  Vie  de  Jésus.  On 
entendra  ensuite  un  fragment  de  l'Enfance  du  Christ,  de  Berlioz; 
les  deux  airs  de  l'Archange,  extraits  de  Rédemption,  de, César 
Franck;  un  Adagio  de  J.-S.  Bach  pour  deux  violons;  \e  Charme 
du  Vendredi-Saint  (violon  el  piano)  extrait  de  Parsifal,  el  le 
Prélude,  air  et  variation  pour  harmonium  el  piano,  de  César 
Franck. 

M.  G.  Kefer  donnera  le  vendredi  9  décembre,  dans  les  salons 
de  la  maison  Erard,  la  première  des  trois  séances  musicales  qu'il 
consacrera  à  la  musique  de  chambre  de  Brahms.  Le  programme 
porte  le  nouveau  Quintette  pour  clarinette  et  archets,  le  i"  Qua- 
tuor (sol  maj.)  avec  piano  el  ravant-dei-nière  Sonate  pour  piano  et 
violon. 

M.  Joseph  Wieniawski  donnera  cet  hiver  trois  séances  popu- 
laires de  musique  de  piano,  à  la  salle  de  la  Grande  Harmonie. 
'I  ■ 

Mîss  Florence  Monteith,  cantatrice,  donnera  le  mardi  29 courant, 
à  8  heures  du  soir,  un  concert  à  la  Grande  Harmonie,  avec  le  con- 
cours dé  M"^  Rachel  Hoffmann,  pianiste. 

Le  pianiste  Litta,  que  les  concerts  des  XX  et  de  la  Maison  du 
Peuple  ont  mis  en  évidence,  se  fera  entendre  le  mois  prochain  à 
Berlin,  où  il  est  engagé  pour  un  concert  avec  orchestre  à  la 
Spciété  philharmonique. 

M.  Litta  donnera  en  outre  nn  piano-recital  dont  le  programme 
comprendra  des  œuvres -de  Haydn,  Beethoven,  Chopin,  Liszt, 
Leschetilzky  et  Vincent  d'Indy. 

Le  peintre  Signac  s'est  uni  le  7  novembre  à  M"*  Bërlhe  Robles. 

Le  ministre  de  l'instruction  publique  et  des  beaux-arts  de  France 
vient  de  décider  l'atlribuiion  au  musée  du  Luxembourg  du  tableau 
de  Renoir  -.les  Jeunes  filles  au  piano,  de  la  Maternité  de  Car- 
rière et  de  la  Femme  qui  se  chauffe  de  Besnard. 

Vous  souvient-il  du  temps,  peu  éloigné,  où  les  toiles  de 
Renoir,  exposées  aux  XX,  excitaient  les  spirituelles  moqueries 
de  Messieurs  les  Chroniqueurs  belges,  el  où  ceux  de  Paris  s'esclaf- 
faient devanl  les  pyrotechnies,  les  pétards,  les  outrecuidan- 
ces, etc.,  de  cette  toile  très  simple  et  très  belle  :  Une  femme  qui 

se  chauffe? 

^— ^^  ^ 

Des  représentations  populaires  viennent  d'être  organisées  à 
Berlin  au  National-Theater.  Le  bul  qu'on  s'est  proposé  a  été  de 
faire  connaître  au  peuple  les  chefs-d'œuvre  dramatiques  des 
grands  auteurs  allemands.  Le  succès  a  été  complet.  Il  n'y  avait 
que  deux  sortes  de  places  dans  la  salle  :  le  parquet  à  10  pfen- 
nigs (12  1/2  centimes)  et  les  balcons  à  20  pfennigs  (25  centimes). 
Le  public  s'est  rendu  aux  représentations  en  foule  énorme.  Il 
n'était  composé  que  de  petits  bourgeois  et  surtout  d'ouvriers, 
venus  là  avec  toute  leur  fanpiille.  On  a  joué  le  Guillaume  Tell  de 
Schiller,  qui  a  été  fort  apprécié  des  spectateurs.  Il  est  vrai  que  la 
diffusion  de  l'instruction  est  telle  en  Allemagne  que  les  auteurs 
classiques  y  sont  lus  par  les  plus  humbles  travailleurs.  La  Cloche 
de  Schiller,  par  exemple,  est  citée  couramment  dans  Jeur  conver- 
sation par  lès  ouvriers  berlinois. 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT-BELGE 


LIGNE    D'OSTENDE-DOUVRES 

La  plus  courte  et  la  moins  coûteuse  des  voies  extra-rapides  entre  Iç  Continent  et  {Angleterre 

Bruxelles  à  Ijondres  en  8  heures. —  Colog^ne  à  Londres  en  13  heures. —  Berlin  à  Londres  eu  22  heures.— IHÂBne  à  Londres 
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PUBLIQUE 
Le  dimanche  20  novembre  1892 


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Douzième  année.  —  N"  48. 


Le  numéro  :  25  centimes. 


DiJiANCHE  27  Novembre  1892 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


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ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.    iO.OO  ;  Union  postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES   :    On   traite   à  forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


Les  chieks  dr  Joseph  Stevens.  —  Quelques  livres.  —  Un  mande- 
ment DU  SAR  PÉLAflAN.  -^  LeS  COULISSES  DE  LA  TABLEAUMANIE.  Clouer 

un  tableau.  —  Expositions  ouvertes,  —  Chronique  judiciaire  des 
ARTS.  —  Petite  chronique.  ,, 


LES  CHIENS  DE  JOSEPH  STEVENS 

« .  Si  je  n'ai  pas,  en  effet,  l'honneur  de  vous  connaître, 
Monsieur,  je  connais  du  moins  vos  œuvres  et  me  rap- 
pelle encore  le  frisson  à  la  fois  amer  et  doux  que  j'éprou- 
vai devant  certaines  de  vos  toiles,  au  Musée  national 
de  Bruxelles,  qui  figurent  à  côté  de  celles  de  Rubens, 
de  Van  Dyck,  de  Teniers  et  tutti  quanti.  Vous  êtes  un 
de  ces  rares  et  sévères  ouvriers  qui,  sacrifiant  leur  vie 
entière  à  l'étude  de  quelques  types  spéciaux,  s'y  bor- 
nent, afin  de  mieux  surprendre  en  eux  une  ligne,  un 
point  qui  distingue  leur  structure  à  peu  près  semblable 
et  mille  traits  établissant  pourtant  la  singularité  de 
leurs  physionomies  et  la  diversité  de  leurs  mœurs.  Or, 
vos  pauvres  chiens,  en  qui  je  retrouvai  plusieurs  des 
miens,  s'enlèvent  au  milieu  des  dieux,  des  rois  et  des 
saints  qui  les  environnent,  et  les  Trais  martyrs,  les 
héros  réels,  les  seuls  grands,  ces  douteux,  ces  petits, 
ces  meurt-de-faim,  ces  gueux,  ces  va-nu-pieds,  ces  misé- 
rables à  quatre  pattes,  eux  à  qui  notre  cher  et  noble  Bau- 


delaire avait  aussi  réservé,  depuis  déjà  longtemps,  un© 
place  d'honneur  en  ses  impérissables  poèmes.  Autant 
pour  rendre  témoignage  à  votre  talent  de  peintre  ani- 
malier, sans  rival,  aujourd'hui,  que  pour  honorer  en 
vous  l'ami  constamment  fidèle  à  mon  maître  expiré,  je 
vous  dédie,  à  votre  insu,  ces  pages  de  prose  intime  avec, 
le  secret  espoir  qu'elles  vous  toucheront  la  fibre,  comme, 
en  Belgique,  vos  tableaux  me  la  touchèrent  à  ndoi-mème, 
et  si  profondément,  qu'elle  vibre  dès  que  je  vous  vois 
cité  dans  les  colonnes  des  gazettes,  en  quelque  catalogue 
ou  parmi  le  texte  des  livres  de  critique,  et  sitôt  qu'on 
parle  de  vous,  en  ma  présence,  au  Louvre,  au  Luxem- 
bourg, au  Salon,  ailleurs,  partout  enfin  où  forcément 
il  est  question  des  Jadin,  des  Barye,  des  Millet,  des 
Corot,  des  Troyon,  des  Dupré,  des  Rousseau,  des 
Daubigny,  des  Courbet  et  de  tous  ceux  de  vos  contem- 
porains de  France  dont  vous  égalez  ou  dépassez  la 
taille  ;  car,  on  le  sait  de  mieux  en  mieux  chaque  jour 
en  tout  lieu,  vous  n'êtes  inférieur  à  personne,  soit 
là-bas,  chez  vous,  soit  chez  nous,  ici.  » 

Ces  phrases  sont  extraites  d'une  épître  à  Joseph 
Stevens,  signée  Léon  Cladel.  Hommage  enthousiaste 
rendu  par  le  grand  écrivain  français  au  beau  peintre 
belge  qui  vient  de  mourir  (1)  et  dont  l'exposition  de 
quelques-unes  de  ses  œuvres  choisies  est  ouverte  à  la 
Galerie  du  Congrès. 

(1)  Voir  rArt  moderne  du  7  août  dernier. 


Certes,  il  est  quelques  toiles  de  début  ou  de  commande 
qu'on  eftt  dû  ne  pas  montrer  au  public  dans  cette  expo- 
sition posthume  faite  pour  honorer  un  maître.  Mais,  ces 
tableaux  mis  à  part,  l'ensemble  de  l'œuvre  est  réelle- 
ment saisissant  et  l'on  sent  u-n  des  plus  fiers  porteurs 
de  palette  de  la  pléiade  qui  a  donné  k  notre  pays  les  De 
Braekeleer,  les  Dubois,  les  Degrcax  et  tant  d'autres, 
disparus  Ou  disparaissant  avec  la  génération  dont  ils 
ont  fait  la  gloire.  On  le  devine  i  ément  de  la  même 
famille.  Tel  morceau  exhale  l'ûpre  et  poignante 
tristesse  dont  l'auteur  du  Benedicilc  imprégnait  sa 
couleur.  Tel  tableau  est  ambré,  d'une  lumière  brune  et 
chaude,  d'une  intimité  à  la  Pieter  De  Hooghe,  et  évoque 
ce  nom  magique  :  De  Braekeleer.  Le  pinceau,  dans  les 
belles  esquisses,  est  brûlant,  fiévreux,  impatient  de 
nerf,  d'une  maîtrise  fougueuse,  La  couleur  se  consolide 
au  faire  magistral  des  Fyt  et  des  Snyders,  se  spiri- 
tualise  à  l'étude  de  petits  maîtres  hollandais,  se  dore 
aux  lumières  des  intimistes,  mais  â'exacerbe  aussi  au 
contact  de  modernes,  surtout  quand  Stevens  raconte 
des  mélancolies  dé  banlieue  et  des  misères  rogues  de 
chiens  rôdeurs.  Le  dessin  est  juste,  et  toutes  les  phy- 
sionomies de  la  race  canine,  les  voilà,  furieuses  ou 
caressantes,  attentives  ou  attendries,  lasses  ou  aspirant 
aux  courreset  aux  chasses.  0!  les  beaux  abois  de  cou- 
leur !  les  belles  croupes  luisantes  et  bien  musclées  de 
chiens  de  ferme,  de  chiens  de  charrette,  de  chiens  de 
garde,  de  levrettes,  de  king-charles,  de  terre-neuve,  de 
carlins,  de  roquets,  de  buU-dogs  ! 

On  dira  «  les  Chiens  de  Joseph  Stevens  »  comme  on 
dit,  toute  révérence  gardée,  «  les  Héros  d'Homère  "  ou 
«  les  Femmes  de  Shakespeare  ".  Il  a  haussé  chacun 
d'eux  à  la  synthèse.  Il  a^ résumé,  en  des  types  inou- 
bliables sitôt  qu'entrevus,  toutes  les  observations  accu- 
mulées en  lui,  et  avec  quelle  afl'ection  câline  pour  ses 
modèles!  Ses  chiens  ont  leur  caractère  propre,  leurs 
vices,  leurs  qualités.  Il  en  est  de  lamentables  qui  évo- 
quent tout  un  passé  de  traîne-la-misère  et  de  crève-la- 
faim  aux  carrefours  des  routes.  Ceux-là  surtout  parais- 
sent lui  être  chers,  et  c'est  a:vec  une  émotion  rare  qu'il 
peint  leurs  côtes  efflanquées,  leur  échine  rabotée,  leurs 
yeux  guetteurs  des  coups  à  fuir.  D'autres  sont  chiens 
de  maraude,  pillards,  insolents.  D'autres  encore  chiens 
de  valetaille,  familiers  d'écuries  et  d'antichambres,  avec 
quelque  obséquiosité  dans  la  démarche.  D'autres  ont  pris 
de. l'aristocratie  de  leur  maître  des  habitudes  de  vie- 
somptueuse,  des  attitudes  lasses,  des  regards  dédai-i 
gneux.  D'autres...  Mais  nous  n'en  finirions  pas. 

Ce  qu'il  importe  de  préciser,  c'est  qu'aucun  animal 
n'a  eu,  comme  le  chien ^  l'honneur  d'avoir  pareil  por- 
traitiste. Songez  aux  Qhevaux  de  Géricault,  aux  Bœufs 
et  aux  Vaches  de  Paul  Potter  et  de  Troyon,  aux  Mou- 
tons de  Jacque,  et  voyez  ensuite  les  Chiens  de  Stevens, 
Saisissez-vous  la  différence  ?  Ce  dernier  est  le  seul  qui 


ait  trouvé  la  î>hysionomie  particulière  de  ses  modèles, 
nettement  distincte  non  de  race  à  race,  mais  d'individu  à 
individu.  Il  a  donné  au  chien  une  personnalité.  Et  pour- 
quoi pas?  Michelèt  n'a-t-il  pas  appelé' les  bêtes  «  ses 
frères  inférieurs  ?" 

«  C'est  cette  variation,  cette  analyse  des  différences 
amenées  par  le  tempérament  propre  ou  les  vicissi- 
tudes de  l'existence  qui  l'ont  mis  bien  au-dessus  des 
autres  peintres  d'ani,maux  de  ce  temps,  même  au-des- 
sus de  Decamps,  qui  se  peint  dans  ses  singes  en  homme 
de  trop  d'esprit  qu'il  est  ",  a  dit  Camille  Lemonnier 
dans  son  Histoire  des  Beaux-Arts,  oCi  il  assigne  large 
place  à  Joseph  Stevens.  "  Caniches,  barbets,  épagneuls, 
mâtins  et  roquets  ressemblent,  chez  l'artiste  bruxellois, 
à  des  acteurs  naïfs  qui  s'ignorent  et  ne  jouent  pas  la 
bête,  comme  il  arrive  ailleurs.  Leur  bêtise  est  un  lot 
qu'ils  se  transmettent,  plus  admirable  que  notre  finesse, 
puisque  celle-ci  n'aboutit  souvent  qu'à  nous  rendre 
ingrats  et  méchants.  On  reconnaît  dans  toutes  ses  toiles 
l'œuvre  d'un  maître  préoccupé  de  l'expression  juste  et 
de  la  belle  exécution.  Ses  anatomies  ont  le  nerf  de  la 
réalité,  avec  des  manœuvres  hardies  d'attitudes  et  de 
mou-vements  ;  il  n'a  que  faire,  pour  prouver  leur  méca- 
nisme, du  détail  photographique  ;  la  vie  dans  l'art  s'ob- 
tient au  prix  de  la  simplification,  et  il  procède  par 
grands  plans  qui  sont  comme  la  synthèse  de  la  vie  pen- 
dant l'action.  " 

Loin  d'affaiblir  les  souvenirs  qu'ont  laissé,  parmi  les 
hommes  de  notre  temps,  les  toiles  du  maître,  dissémi- 
nées dans  les  Salons  et  dans  les  collections  particulières, 
la  réunion  de  ces  joyaux,  malgré  son  côté  hâtif  et  comme 
"  par  hasard  »,  affirme  la  haute  personnalité  du  peintre 
et  la  variété  d'un  talent  qui  sut  ne  point  se  répéter, 
bien  qu'il  demeurât  de  parti  pris  sur  un  territoire  res- 
treint et,  eût-il  semblé,  ingrat. 


QUELQUES  LIVRES 

Le  fou  raisonnable  par  A.  Goffin.  —  Bruxelles,  Ch.  Vos. 

Le  nouveau  livre  que  M.  Arnold  Goffin  nous  présente  osl  écrit 
avec  acuité,  Maxime  n'était  point  dégrossi,  monotone  el,  en  bien 
des  pages,  lourd.  De  plus,  le  môme  personnage  toujours  en  scène, 
fatiguait  de  sa  mélancolie  toujours  maintenue  au  ton  mineur  et 
qui  finissait  souvent  en  ronronnement. 

Le  fou  raisonnable  se  rêve  dans  les  autres.  Il  se  -  dresse  son 
spectacle,  il  se  jout  sa  pensée, il  s'invente  des  phases  d'existence. 
Il  est  prince,  paladin,  rêveur,'  voyageur  tour  à  tour,  il  l'est 
pendant  l'espace  d'un  poème,  d'une  manière  charmante,  mais 
surtout  curieuse.  Il  rencontre  dans  la  vie  dont  il  atmosphérise 
son  livre  des  personnages  spéciaux,  étranges,  énigmaliques,  — 
même  il  se  heurte,  à  point  nommé,  au  diable.  Et  ce  sont  des 
scènes  prestes  et  nettes,  piquées  de  mois,  souvent  d'heureuse 
recherche  ;  ce  sont  des  décors  inattendus  ou  luxueusement  ima- 
ginés ou  t'unérairemenl  et  horriblement  dressés.  L'être  le  plus 
continuellomenl  évoqué,  c'est  l'éphêbe,  autour  duquel  les  senti- 


.  w:'  jv:r>-'^.,.v 


L„, 


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menls  de  cruauté  ardente  en  lutte  avec  les  inexpliquées  douceurs 
s'entrecroisçnt  comme  des  épécs.  M.  (lotVin  appara-ît  ainsi,  au 
résumé,  celui  pour  qui  la  vie  quotidienne  s'est  transformée  en 
une  incessante  fêle  d'ironie,  de  fantaisie  et  de  tristesse  cl  (|ui  s'y 
promène  non  sans  relire  les,  poèmes  en  prose  de  Charles  iJaudc- 
laire  et  certaines  paires  de  Malliirmé,  qu'il  lient  toujours,  dirait- 
on,  en  ses  poches.  Au  résumé,  un  livre  qui  compte. 

La  Chouette,  roman  philosophique,  par  Alfhkd  Le  Bourolignon. 
—  Paris,  Ghamuel. 

Ce. livre  remarquable  el  curieux  est  d'un  IJelge  dont  il  constitue 
assurément  l'œuvre  capitale.  M.  Le  Bourguignon  avait,  il  y  a 
longtemps  déjà,  publié  un  roman  et  quelques  pièces  de  ihéûtre. 

La  précédente  génération  était  assoiffée  de  positif.  In  forl 
besoin  d'exactftude  la  menait  à  la  négation  ou  à  l'indifférence 
pour  ce  qui  lui  paraissait  en  dehors  de  toute  portée  scientifique. 
Et  il  eût  été  mal  venu  celui  qui  sérieusement  aurait  traité  de  phé- 
nomènes réputés  merveilleux.  Le  vent  a  tourné;  le  même  esprit 
tout  entier  se  portant  vers  le  réel,  reslreignanl  son  domaine  pour 
le  mieux  posséder,. préoccupé  surtout  de  se  fixer  des  limites,  a  fait 
un.  saut  en  plein  mysticisme  et  se  livre  à  l'analyse  de  ce  merveil- 
leux qui,  il  y  a  vingt  ans,  n'eût  mérité  qu'un  dédaigneux  hausse- 
ment d'épaules.  L'acluelle  génération  ne  s'effraie  de  rien,  et  des 
mots  qui  autrefois  auraient  inquiélé  le  public  au  sujet  des  facultés 
mentales  de  l'auteur,  sont  proférés  le  plus  simplement  du  monde, 
tels  :  astrologie,  magie  blanche  et  noire,  incubes  et  suc- 
cubes, etc. 

Le  présent  livre  est  un  curieux  spécimen  d'un  genre  mixte  où 
se  rencontrent  et  se  joignent  l'esprit  de  positive  analyse  propre 
au  passé  et  le  penchant  vers  le  fantastique,  caractéristique  de 
l'époque  actuelle,  et  de  plus  une  vasle  et  profonde  érudition 
exactement  correspondante  à  ces  deux  phases.  La  trame  du  livre 
appariient  h  la  seconde.  En  effet,  l'ouvrage  entier  pivote  autour 
d'un  fait  semblant  du  domaine  du  m«rveilleiix,  du  moins  jusqu'à 
l'explication  dernière  qui  s'efface  timidement  à  la  fin  et  passerait 
facilement  inaperçue.  Ce  fait  mystérieux  et  fantastique  est  une 
auberge  hantée;  et  viennent,  se  succédant  en  une  même  épou- 
vante, les  récits  de  voyageurs  incommodés  la  nuit  par  les  visites 
d'un  monstre  à  allure  simiesquc,  qui  dans  l'obscurité  les  horrifie 
de  ses  attouchements,  parfois  les  enlève,  les  étrangle;  histoire 
d'un  chanoine  trouvé  mort  dans  son- lit,  victime  de  l'hôte  noc- 
turne. Ces  fantastiques  et  émouvants  récits  sont  le  noyau  autour 
duquel  se  groupent  des  incidents  divers,  qui  prineipalemcnt  ser- 
verfl  à  exposer  les  idées  de  l'auteur.  Et  l'auleur  a  beaucoup 
d'idées. 

Sous  ce  titre  lugubre  :  La  Chouetle,  el  parmi  l'entrecroise- 
ment très  compliqué  d'aventures  horrifiques,  il  y  a,  sous-jaccnte, 
une  véritable  encyclopédie.  La  portée  du  livre  dépasse  de  beau- 
coup l'apparence;  le  côté  fictif  qui  h  première  analyse  peut  sem- 
bler important  à  cause  des  impressions  de  (erreur  qu'il  suscite, 
est  en  réalité  très  accessoire. 

Dans  ce  volume,  l'auteur  a  condensé,  à  propos  de  toute  chose  : 
religion,  politique,  science,  étal  social  el  le  reste,  toutes  ses  opi- 
nions et  toutes  ses  études.  Des  chapitres  entiers  sont  rempllg  par 
des  réfutations  théologiques,  des  descriptions  astronomiques  et 
des  contemplations  sidérales,  des  exposés  de  réforme  sociale,  des 
théories  démoniaques.  A  travers  tout  cola,  succubes  et  incubes, 
possédés  el  diables,  terriblement  se  démènent.  Il  y  a  tout  au  long 
et  minutieusement  la  céi-émonie  religieuse  d'un  exorcisme.  A  n'en 


pouvoir  douter,  l'auteur  est  savant,  el  son  savoir  ne  se  recouvre 
point,  comme  trop  souvent  il  arrive  en  ce  temps,  d'expres- 
sions rébarbativeinent  techniques,  mais  se  revêt,  au  contraire, 
d'une  pure  forme  littéraire,  laquelle,  quelques  détails  retranchés 
indiquant  l'évidente  connaissance  des  progrès  contemporains  de 
la  science,  ferait  croire  qu'il  ap|)artiont  plutôt  au  xviii^  siècle 
qu'au  nôtre.  Môme  pensée  analytique  et  spécialcmonl  négative, 
même  besoin  de  logique,  de  clarté  cl  de  précision,  el  mèmp 
absence  de  synthèse.  L'aspect  fictif  en  montre  seul  la  contempo- 
ranéité. 

Curieux  livre,  en  somme,  qui  n'entre  dans  aticune  classification 
connue,  car  il  n'est  ni  un  roman  d'aventures,  ni  un  roman  de 
mœurs,  ni  un  roman  psychologique,  ni  absolument  un  ronhan 
philosophique,  quoiqu'en  dise  l'auteur,  cl  il  est  à  la  fois  un  peu 
tout  cela,  el  dans  une  forme  claire,  pondérée,  régulière  et  par  sa 
belle  el  tranquille  allure,  rappelant  les  écrivains  du  précédent 
siècle. 

Difficile  à  juger,  intéressant  à  lire,' original  certainement,  el  de 
valeur  littéraire  sérieuse.  E.'  S. 

Les  Amants  de  Taillemark,  par  Maurice  Desombiaux. 
—  V  Monnom,  Bruxelles. 

Parmi  les  artistes  de  notre  temps,  «  sensibles  à  la  lumière 
autant  que  l'irritable  petite  lame  d'or  du  photomètre  »,  ceux  qui 
ont  le  plus  complètement  laissé  agir  sur  eux  l'influence  du  cou» 
rant  actuel  sont  à  une  étonnante  distance  de  l'art  d'hier  ;  —  ils  en 
sont  si  loin  qu'ils  font  oublier  les  catéchismes  à  peine  enterrés 
de  cet  art  d'académiques  photographes  et  de  sceptiques  minuties. 

Chez  eux,  l'idée  première,  l'impression  une  de  toute  l'œuvre 
s'impose,  rendue  plus  intense  par  le  miroir  à  facettes  diverse- 
ment colorées  des  symboles  qui  l'entourent  comme  un  cadre. 
'  Dans  le  drame  de  Maurice  Desombiaux,  l'idée  première  doit 
être  celle  de  l'amour,  amour-aurore,  amour-rayonnement,  amour- 
soleil,  «  ce  taureau  de  lumière,  descendant  avec  ses  voiles  rouges 
dans  la  vallée  »,  amour  qui  rend  «  plus  fort  que  la  vie,  plus  fort 
que  le  printemps  »,  amour  éclairant  tout  autour  de  lui.  (Acte  II.) 

Quand,  succédant  à  la  haine,  l'amour  s'est  violemment  révélé  à 
ces  deux  êtres,  Rodolphe,  Etgive,  le  contre-coup  s'en  fait  sentir 
dans  tout  le  château  jusqu'au  plus  humblç  hallobardier. 

—  D^n  artiste,  la  conception  qui  a  placé  ces  deux- amants  au 
centre  d'un  petit  monde  que  leur  vid  anime  et  que  leur  haine 
avait  assombri.  D'un  artiste  aussi  celte  haine  fcTOce,  remplissant 
tout,  semant  l'effroi,  sonnant  la  mort,  répandant  autour  d'elle  une 
atmosphère  de  terreur;  — el  celle  dame  noire  qui  hante  le  chû- 
teau  dans  ses  jours  de  depil,  légende  de  tant  de  vieilles  murailles, 
symbolisant  ici  non  la  mort  ordinaire,  mais  la  pire  des  moris,  la 
haine,  négation  puissante  de  ce  qu'il  y  a  en  nous  de  plus  vivant. 

Cette  dame  noire,  elle  ne  reparaît  plus'quand  meurent  les  deux 
amants  dont  la  Vie  pourtant  était  l'âme  de  la  vieille  demeure;  la 
dame  noire  est  à  jamais  vaincue  par  la  vibrante  affirmation  de 
l'élernilé  de  l'amour  :  «  La  mort,  qu'elle  vienne;  elle  sera  l'au- 
rore d'un  jour  de  fête,  un  jour  qui  durera  éternellemont.  La  mort 
ne  supprimera  rien,  elle  enlèvera  définitivement  la  gangue  qui 
enveloppait  le  diamant.  Je  sors  des  ténèbres,  je  sens  déjà  mon 
front  dans  la  lumière.  Je  me  sens  pénétré  de  lumière,  et  vous  ne 
voyez  pas,  par  vos  yeux  charnels,  de  quelle  splendeur' je  suis 
revêtu.  La  région  vers  laquelle  je  me  dirige  m'illumine.  Les 
voiles  tombent  devant  mes  regards  et  je  vousvois  aussi,  éclairés 
par  la  lum-ière  de  moi-même.  La  mort,  elle,  viendra  comme  une 


bien-aimée  vers  le  fiancé,   le  soir  des  noce?,  parce  que  nous 
l'aurons  vaincue.  »  (Acte  lU.) 

D'un  artiste,  la  très  vivante  unité  de  ce  drame,  mais  aussi  d'un 
artiste  jeune,  que  les  choses  impressionnent  trop  vivement  pour 
qu'il  puisse  les  colorer  .de  sa  réelle  personnalité  encore  forcé- 
ment indécise. 

D'esprit,  un  généreux  enthousiaste  manquant  encore  de  la  féro- 
cité d'égoïsrtSe  nécessaire  pour  repousser  tout  ce  qui  dans  la  ten- 
dance moderne  ne  lui  vient  pas  de  son  propre  instinct. 

Ceci  ne  s'adresse  qu'à  la  forme,,Betïr  le  fond,  quoi  de  meilleur 
pour  nous  aider  à  grandir,  que'ces  chaudes  affirmations? 

Ce  ne  sera  pas  une  génération  de  lâches  et  de  fatigués  que  noire 
vieux  siècle  léguera  à  son  successeur  et  la  jeunesse  qui  entrera 
dans  la  terre  promise  des  idées  modernes,  y  entrera  cuirjissée  de 
volonté  confiante. 

Pour  nous,  qui  n'espérons  pas  voir  l'ère  nouvelle,  nous  sommes 
reconnaissants  à  ceux  qui  nous  en  donnent  la  vision. 

I.  W. 

Amours  mortelles,  par  Emile  Leclercq,  —  Impr.  Weissei^i- 
bruch,  Bruxelles. 

o  M.  Albert  Liétenard,  juriste  déjà  célèbre  à  trente-six  ans, 
fort  estimé  dans  tous  les  parquets,  avocat  à  Bruxelles,  habitait, 
pendant  les  vacances,  sa  villa  de  la  digue  de  mer  de  Blankcn- 
berghe.  11  possédait,  outre  les  ressources  de  sa  profession,  une 
petite  fortune  personnelle,  et  sa  femme,  née  Alice  Dauville,  Fran- 
çaise du  département  du  Nord,  fille  d'un  industriel,  lui  avait 
apporté  une  dot  assez  considérable.  Il  avait  ainsi,  après  neuf  ans 
de  mariage,  avec  deux  enfants  bien  portants,  une  position  et  une 
réputation  des  plus  honorables;  il  vivait  largement  ;  c'était  un  de 
ces  hommes  dont  on  dit  qu'ils  sont  nés  sous  une  bonne  étoile. 

Les  maisons  confortables,  bâties  en  face  de  la  grande  mer,  à 
Blankenberghe,  sont  délicieuses  à  habiter.  » 

La  nouvelle  —  l'histoire  d'un  mari  qui  devient  fou  de  jalousie 
et  d'une  vieille  bourgeoise  qui  se  saoule  à  l'eau  de  Cologne  — 
débute  ainsi. 

On  s'aperçoit  immédiatement  que  la  platitude  de  l'observation 
est  familière  à  l'auteur.  Lorsqu'il  décrit  M""  Liétenard,  il  avoue 
qu'elle  «  n'avait  pas  ces  qualités  brillantes  qui  excitent  l'intérêt 
des  messieurs  {sic)  ».  D'autre  pari,  il  constate  qu'au  bain  de  mer 
«  des  dames  {sic)  faisaient  la  planche  entre  deux  lames  ». 

C'est  charmant,  n'est-ce  pas?  Ce  livre  est  écrit  dans  cette  langue 
d'arrière-boutique  du  «  bas  de_  la  ville  »  où  les  maîtresses  de 
maison  disent  au  visiteur  «  Mettez-vous!  »  et  où  elles  lui  deman- 
dent, dans  le  cas  où  il  est  jeune  marié  :  «  Il  n'y  a  pas  encore 
d'apparences?  » 

M.  Leclercq  a  la  vulgarité  facile.  Il  saisit  d'instinct  les  expres- 
sions banales.  Certaines  de  celles-ci  reviennent  périodiquement 
sous  sa  plume,  d'une  façon  obsédante.  A  la  page  36,  M™'  Liéte- 
nard mère  «  se  lève  comme  un  ressort  ».  A  la  page  84,  M.  Liéte- 
nard «  se  lève  comme  un  ressort  ».  A  la  page  110,  M""=  Liétenard 
«  se  lève  comme  un  ressort  ».  Une  famille  ù  boudin,  quoi? 

Dans  les  scènes  dramatiques,  M.  Leclercq  est  drôlichon. 
Lorsqu'on  rapporte  M.  Liétenard  noyé,  à  sa  femme,  le  médecin 
dit  à  celle-ci  : 

«  —  Je  pense  que  chacun  de  nous,  en  ces  douloureuses  circon- 
stances, doit  suivre  l'impulsion  naturelle.  Avçz-vous  au  moins  pris 
quelque  chose  ce  midi? 

—  Elle  lit  non  de  la  tête.  ' 


—  Buvez  un  verre  de  vin,  cela  vous  aidera  à  supporter  le  pre- 


mier choc.  » 


/ 


Un  peu  après,  ce  jéyeux  hippocrale  dit  encore  à  sa  cliente  : 
«  —  Madame,  vous  feriez  bien  de  vous  retirer.  » 
Donnons  le  même  coiiseil  à  l'auteur. 

Papillons  et  papillotes,  par  E.  Lecomte.    -  Verviers,  Oilon. 

J'ai  toujours  aimé 
-    L'humble  pâquerette, 
Naïve  fleurette 
Dont  la  colerette 
M'a  toujours  charmé. 

Non,  n'est-ce  pas.  Et  que  dire,  sinon  que  des  papillons  de  |a 
poésie  M.  E.  Lecomte  a  fait  de  vieilles  papillotes  pour  les  muscs 
provinciales.  .  . 


Un  mandement  du  sâr  Péladan 

Le  sâr  Joséphin  Péladan  vient  de  lancer  à  Monseigneur  l'ar- 
chevêque de  Malincs  ce  mandement,  dont  les  idées,  malgré  la 
forme  étrange  dont  il  les  a  vêtues,  méritent  d'être  hautement 
approuvées  : 

Acta  Rosœ  Cruels  Templi  et  Spiriliis  Sancli. 

A  Son  Eminence  le  Cardinal  Goossens,  archevêque  de 
Malines,  primat  de  Belgique,  Salut  et  Lumière  en  N.-S.-J.-C. 

Vous  avez  empêché  notre  prédication  à  Malines  par  rancune  de 
l'exécration  légitimement  lancée  contre  le  Congrès  de  cette  ville 
qui  blasphéma  le  saint  Esprit  et  calomnia  Baudelaire,  d'Aurevilly, 
Villiers  de  l'Isle-Adam,  Verlaine  et  nous-même. 

Aujourd'hui  nous  faisons  par  ce  mandement  une  remontrance 
formelle  sur  un  double  abus,  également  abominable  devant  les 
saints  canons  et  devant  l'idéal  éternel. 

De  quel  droit  fermez-vous  l'église  tant  que  dure  le  jour?  Igno- 
rez-vous que  ce  refuge  sacré  doit  demeurer  ouvert  à  la  méditation, 
au  repentir,  à  la  prière,  aux  nobles  rêveries. 

N'avez-vous  jamais  confessé  pour  ignorer  que  les  individualistes, 
les  plus  rares  et  précieux  des  êtres  n'entrent  dans  le  temple  que 
lorsqu'il  est  vide  de  foule? 

Ainsi  vous  fermez  la  maison  de  Dieu  aux  chrétiens  pour  les 
rançonner. 

La  moindre  chapelle  de  votre  pays  ne  s'ouvre,  comme  un 
mauvais  lieu,  qu'à  prix  fixe  ! 

El  quand  le  visiteur  est  dans  la  nef,  une  sorte  de  chantage  com- 
mence, chaque  tableau  de  maître,  chaque  chef-d'œuvre  apparaît 
caché  par  une  sordide  toile  verte,  et  pour  le  voir  un  instant,  il 
faut  payer,  ô  vendeur-  du  Temple  ! 

Eh  bien  !  Eminence,  nous  sommes  celui  qui  n'a  pas  vu  La 
Descente  de  Croix,  à  la  cathédrale  d'Anvers,  pour  que  vous  soyez 
devant  la  papauté  et  la  postérité  celui-là  qui  prive  un  artiste 
pauvre  de  la  vue  d'une  merveille  d'art  :  et  ce  sera  une  tache  sur 
votre  nom,  parce  que  le  nôtre  appartient  à  l'avenir. '- 

De  quel  droit,  archevêque,  mettez-vous  la  lumière  sous  le 
boisseau  et  la  couleur  dans  les  ténèbres  et  le  chef-d'œuvre  sous 
une  lustrine. 

Vous  savez  gémir  sur  les  œuvres  profanes,  vraiment,  quel  sort 
faites-vous  aux  œuvres  sacrées? 

Les.  païennrrics  rayonnent  dans  les  musées;  heureux  qui  a  peint 
des  nudités  et  des  mylhologies,  tous  l'admirent  librement.  Quant 


V 


aux  mystiques  infortunés,  aux  génies  sacrés,  vous  les  damnez,  ô 
cardinal.;  la  lumière  du  chef-d'œuvre,  impie,  vous  la  vendez. 

Ignorez-vous  que  les  œuvres  dépérissent  comme  des  êtres,  si 
on  les  prive  de  lumière;  que  le  frolltmcnt  de  vos  lustrines  use 
les  meilleures  œuvres;  que  le  battement  des' volets  fendille  le 
trypiique,  et  que  vous  êtes  un  iconoclaste  et  un  assassin  des 
chefs-d'œuvre. 

Apprenez  de  nous,  Eminen'ce,  que  l'Adoration  de  Vagneau 
mystique,  d'un  Van  Eyck,  ou  la  Châsse  de  sainte  Ursule  conver- 
tira des  pécheurs  qui  riraient  de  vos  propres  discours  sans  art  ni 
science. 

Comme  j'invitais  les  artistes  de  la  Rose  f  Croix  belge  h  repren- 
dre la  voie  mystique  des  Mclsys,  des  Bouts,  des  Lucas  de  Leyde  : 
«  Non,  me  dirent-ils,  nous  ne  voulons  pas  opérer  pour  les  ténèbres 
d'un  voile  vert  les  miracles  de  la  couleur,  nous  ne  voulons  pas 
qu'un  Goossens  fasse  servir  nos  efforts  à  rançonner  nos  pauvres 
frères  de  l'avenir.  » 

Je  vous  accuse  donc,  Emincnce,  d'attenter  à  la  troisième  per- 
sonne divine  en  livrant  à  la  rapacité  de  vos  bedeaux  et  sacristains 
les  Saints  de  l'art. 

Le  chef-d'œuvre  est  une  relique  :  il  fera  les  miracles  dont  vous 
êtes  incapable,  laissez-le  resplendir.  Laissez  les  pauvres  approcher 
dii  Beau,  laissez  les  artistes  contempler  les  discours  de  leurs 
maîtres  qui  seuls  les  convertiront;  ou  bien  avouez  que  vous  êtes 
barbare,  protestant  et  indigne  de  ce  chapeau  qui,  pendant  tant 
de  siècles,  fut  l'insigne  des  plus  nobles  patrons  et  protecteurs  de 
l'art. 

La  remontrance  d'aujourd'hui  précède  la  dénonciation  au 
Vatican.  Rendez  la  lumière  aux  Van  Eyck,  rendez  le  chef-d'œuvre 
aux  pauvres  artistes,  rendez  Memling  à  tous  afin  qu'il  miraculise, 
et  vous  serez  exalté  en  ce  monde  et  en  l'autre.  Sinon,  vous  verrez 
venir,  armés  du  scandale,  de  nouveaux  fanatiques  qui,  jusque 
dans  vos  palais,  viendront,  à  l'instar  de  vos  ancêtres  qui  aimèrent 
si  bellement  la  liberté,  crier  jusqu'à  victoire  :  La  lumière  aux 
chefs-d'œuvre  et  le  chef-d'œuvre  à  tous,  en  nom  de  Jésus-Christ. 

Je  suis,  en  l'Eglise  catholique,  apostolique  et  romaine,  ma 
mère,  votrq  animiquement  respectueux 

"  —  Sar  Péladan, 

Grand  Maître  de  la  Rose  f  Croix,  du  Temple  et  du  Graal, 


LES  COULISSES  DE  U  TAB)[/EAUMANIE 


(1) 


CLOUER  UN  TABLEAU 


Parmi  toutes  les  ruses  de  guerre  (et  Dieu  sait  si  elles  sont  nom- 
breuses) usitées  entre  marchands  de  tableaux  qui  se  font  concur- 
rence, une  des  plus  amusantes  consiste  dans  la  petite  opération 
qu'on  appelle,  en  argot  de  métier,  clouer  un  tableau  chez  un 
amateur. 

Quoique  d'une  simplicité  presque  enfantine,  et  peut-être  même 
à  cause  de  cela,  cette  ruse  réussit  neuf  fois  sur  dix. 

Voici  en  quoi  elle  consiste  :  — 

Un  marchand  connaît  chez  un  amateur  un  tableau  que,  pour 
une  raison  ou  une  autre,  il  ne  peut  pas  décrocher  dans  des  con- 
ditions avantageuses.  Que  fait-il? 

Quand  il  a  épuisé  toutes  les  chances  de  l'obtenir  au  prix  qu'il 
convoite,  ou  même,  ce  qui  arrive  plus  souvent  qu'on  ne  pense, 

(1)'V.  VArt  wiodcrne  du  18  septembre  dernier. 


quand  il  n'a  pas  d'argent  pour  faire  l'acquisition  rêvée,  voici  le 
langage  qu'il  lient  à  son  client  : 

«  Votre  tableau  dé"X...  est  un  chef-d'œuvre:  c'est  un  des  plus 
beaux  du  maître  que  je  connaisse  et  le  prix  que  vous  en  deman- 
dez, loin  d'être  exagéré,  ne  représente  même  pas  la  moitié  de  ce 
qu'il  vaudra  un  Jour.  Croyez-en  mon  expérience,  gardez-le  et 
attendez.  C'est  du  vin  en  cave  que  vous  avez  là.  Les  œuvres  de  ce 
maître  deviennent  chaque  jour  plus  rares,  voyez  la  progression 
constante  qu'elles  suivent  dans  les  ventes  publiques;  quand  elles 
seront  définitivement  clouées,  ce  qui  est  l'affaire  de  quelques 
années,  elles  atteindront  des  prix  exorbitants. 

«  Puisque  rien  ne  vous  oblige  à  vendre  de  suite,  -?  ici  l'inter- 
locuteur fait  généralement  un  geste,  qui  indique  qu'effectivement 
rien  ne  le  presse,  -r  gardez  votre  tableau  encore  un  an  ou  deux, 
et,  au  lieu  dos  quarante  mille  francs  que  vous  en  demandez  au- 
jourd'hui, vous  trouverez  facilement  preneur  à  soixante  mille. 
C'est  tellement  ma  conviction  qu'au  cas  môme  où,  un  jour,  on 
vous  offrirait  celle  somme,  je  vous  prie  de  ne  pas  prendre  une 
décision  avant  de  m'avoir  revu  et  de  m'accorder,  dès  à  présent, 
la  préférence.  »  '' 

On  m'objectera  avec  raison  qu'au  point  de  vue  purement  com- 
mercial, cette  façon  dé  procéder  est  tout  à  fait  inepte,  mais  ne 
vous  ai-je  pas  déjà  prévenu  que  le  commerce  des  tableaux  n'est 
pas  un  commerce  comme  un  autre?  Le  marchand  qui  parle  et  agit 
ainsi  ne  voit  qu'une  chose  :  il  n'a  pas  le  tableau,  c'est  vrai,  mais 
il  empêchq  aussi  un  de  ses  concurrents  de  l'avoir  en  l'estimant 
un  prix  qu'il  sait  bien  que  celui-ci  ne  peut  pas  raisonnablement 
payer. 

,     II  n'a  pas  fait  l'affaire,  .sans  doute,  mais  il  se  console  en  pen- 
sant qu'un  autre  ne  la  fera  pas  à  sa  place. 

Le  tableau  est  cloué,  car  il  est  bien  évidenl  que  l'amateur,  aux 
yeux  duquel  on  a  fait  miroiter  des  prix  fantastiques,  ne  se  résou- 
dra jamais,  à  moins  d'un  cas  de  force  majeure,  à  se  dessaisir  de 
son  tableau  au-dessous  du  prix  qu'on  le  lui  a  estimé. 

Voici  encore  une  autre  raison  pour  laquelle  un  marchand  peut 
être  amené  à  clouer  un  tableau  chez  un  amateur.  Celle-ci  puise  au 
moins  sa  source  dans  une  nécessité  commerciale  qui,  sans  la 
justifier  absolument,  a  sans  conleste  le  mérite  d'être  très  habile. 

Un  marchand  rend  visite,  par  exemple,  à  un  amateur  qui  pos- 
sède déjà  une  petite  collection  de  tableaux.  Dans  le  cours  de  la 
conversation,  on  en  arrive' naturellement  à  parler  delà  valeur 
des  dits  tableaux.  Un  effrayant  dilemme  enserre  alors  le  malheu- 
reux marchand.  S'il  veut  acheter  la  collection  de  l'amateur,  il  lui 
faut,  fatalement,  la  dénigrer  avec  intelligence,  de  manière  à  l'ob- 
tenir au  meilleur  compte  possible.  Rien  de  plus  facile,  mais... 
un  redoutable  mais  se  présente  :  S'il  dénigre  la  collection  de 
l'amateur,  il  s'expose  à  décourager  un  acheteur  qui  n'a  probable- 
ment pas  encore  dit  son  dernier  mot. 

Partagé  entre  son  désir  d'acheter  la  collection  qu'il  a  sous  les 
yeux  et  la  presque  certitude  qu'il  ne  dépend  que  de  lui  de  l'aug- 
menter, s'il  sait  s'y  prendre,  le  marchand  adroit  se  résoud  à 
clouer  les  tableaux  de  l'amateur,  en  les  estimant  bien  au-dessus 
de  leur  valeur. 

Convaincu  alors  que,  non  seulement  il  n'a  pas  .  payé  ses 
tableaux  trop  cher,  mais  encore  qu'il  ne  dépend  que  de  lui  de 
les  revendre,  quand  il  lui  plaira,  avec  un  gros  bénéfice,  l'amateur 
se  laisse  facilement  persuader  qu'il  est  plus  sage  pour  lui  d'ache- 
ter que  de  vendre,  et  voilà  un  client  de  plus. 

Enfin,  la  dernière  circonisiance  dans  laquelle  un   marchand 


^Ui 


•-ff^ 


J 


Peut  être  amené  à  cloutv  les  tableaux  d'un  amateur  est  celle-ci  '■ 

Il  a  affaire  h  une  personnalité  connue  dans  le  monde  de  la 
abicaumanie  et  dont,  à  lorl  ou  à  raison,  les  avis  sont  générale- 
ment écoutés  par  les  débutants.  C'est  un  auxiliaire  précieux,  puis- 
qu'il est  désintéressé,  et  qu'à  ce  litre,  le  concours  qu'il  vous  prêle, 
sans  s'en  douter,  ne  saurait  être  suspect  à  personne.  Il- faut  donc 
l'amadouer,  le  flatter,  se  concilier  ses  bonnes  grûccs,  ce  qui  est 
un  jeu  pour  un  marchand  un  peu  madré. 

Sachant  qu'à  aucuoiprix  cet  amateur  écoulé  né  se  dessaisirait 
de  sestableaux,  qui  sont  sa  gloire  et  aussi  sa  raison  d'être  dans  le 
monde  des  collectionneurs,  le  marchand  flatte  adroitemcnl  sa 
manie  en  surenchérissant,  sur  la  valeur  qu'il  leur  attribue  et  il 
risque  d'autant  moins  à  ce  jeu,  que  plus  il  augmente  son  estima- 
lion  fantaisiste,  moins  le  naïf  amateur  se  sent  disposé  à  vendre, 
heureux  de  pouvoir  dire  dans  son  entourage  : 

—  Vous  savez,  le  Daubigny  que  j'ai  payé  tant  il  y  a  dix  ans, 
eh  bien!  X...  est  venu  m'en  offrir  tant,  —  généralement  cinq  ou 
six  fois  le  prix  d'achat,  quelquefois  même  davantage  —  et  j'ai 
refusé! 

Jugez  un  peu  de  l'effet  produit  par  celte  nouvelle  et  quelle 
autorité  cela  donne  à  un  amateur! 

Allez,  après  cela,  lui  parler  de  vendre,  vous  verrez  comment 
vous  serez  reçu  et  de  quelle  solide  façon  les  tableaux  de  cet  ama- 
teur sont  c/o«es/ 

La  morale  de  tout  cela,  c'est  que  l'amateur  intelligent  doit 
savoir  fâire  la  part  des  choses  et  ne  pas  prêter  trop  complaisam- 
ment  l'oreille  aux  propos  que  lui  tiennent  les  marchands,  propos 
qui  flattent  sans  doute  son  amour-propre,  mais  qui  n'en  sont  pas 
moins  intéressés,  qu'il  le  sache  bien. 

J'ai  bien  souvent  entendu  des  amateurs  me  dire  :  «  J'ai  refusé 
tel  prix  de  tel  tableau  »,  mais  la  vérité  m'oblige  à  déclarer  que 
jamais,  à  ma  connaissance,  ils  n'ont  retrouvé  ce  prix  quand  une 
circonstance  ou  une  autre  les  ont  obligés  à  vendre. 
■  Et  nuncerîidimini,,qui  judicatis  picturavi. 

Henri  Garnier. 
{Gazette  de  l'amateur.) 


EXPOSITIONS  OUVERTES 


Anvers. 


Bruxelles. 


Als  ik  kan  (salle  de  l'ancien  Musée).  De  iO  à 
4  heures. 

—  Exposition  Van  Camp  (ancien  Musée).  Entrée 
libre.  De  10  à  4  heures. 

Exposition  Pour  l" Art {Sincxen  Musée).  Entrée: 
50  centimes.  Carte  permanente,  5  francs. 
De  10  à  4  heures. 

Exposition  Henriette  Ronner  (chaussée  de 
Vleurgat,  57).  Par  invitations.  Le  mardi  et  le 
jeudi,  de  2  à  5  heures. 

Exposition  Joseph  Stevens  (Galerie  Ciarem- 
baux).  De  10  à  6  heures  et  demie.  Entrée  : 
50  centimes. 

Exposition  du  Cercle  des  Arts  et  de  la  Presse 
(Galerie  Moderne).  Entrée  :  50  centimes. 


fÎHRONIQUE  .JUDICIAIRE     DE^    ^RT? 

L'affaire  du  Iballet  Smylis,  qui  fit  quelque  bruit  lorsqu'elle  fut 
plaidée  en  première  instance,  est  revenue  la  semaine  dernière 
devant  la  1''*  chambre  de  la  cour,  présidée  par  M.  Eekman. 


Comme  devant  le  tribunal  civil,  MM««  Schwartz  el  Eugène  Robert' 
soutiennent  la  demande.  Au  banc  des  intimés  Du  H.ois,  Tj|(éo  Han- 
non,  Sloumon  et  Calabrési,  se  trouvent  MM*^' Octave  Mans,  Frick 
et  liahn. 

La  cause,  qui  donne  lieu  à  la  d^scussion  de  diverses  questions 
iniércssantcsen  matière  dcdroild'autçin%  a  déjà  pris  une  audience. 
Elle  sera  continuée  demain.    ' 


fETITE    CHROf^IQUE  - 

M.  Emile  Mathieu,  l'auteur.de  Richilde,  du  Hoxjoux,  de  Freyr; 
des  Fumeurs  de  Kiff,  etc.,  a  donné  la  semaine  passée,  dans  un 
salon  ami,  un  eaudilion  fragmcnlaire  de  son  nouvel  opéra  L'En- 
fance de  ÈUand.  Bien  qu'ifsoit  diflicilc  de  juger  d'après  une  lec- 
ture au  piano  des  mérites  de  l'œuvre  nouvelle,  l'auditoire  a  paru 
goûter  le  charme  de  cette  partition  sobrement  et  sincèrement 
écrite  qui  met  en  scène  un  joli  épisode  crnprunté  à  une  ballade 
d'Uhland.  Nous  en  avons  parlé  déjà  lors  d'une  précédente  audi- 
tion. Souhaitons  que  sa  prochaine  exécution  au  Ihéàlrc  nous  per- 
mette de  l'apprécier  d'une  façon  complète. 

Vive  déception  parmi  les  liabitués  du  Ihéûtrc  :  la  première  de 
Maître  Martin,  qui  devait  avoir  lieu  jeudi  passé,  a  dû  être  remise 
à  mercredi  prochain,  M.  Lepreslre,  lun  des  interprètes  princi- 
paux, étant  indisposé. 

La  répéiilion  générale  a  eu  lieu  mardi  devant  le  public  habituel 
de  ces  petites  solennités  :  critiques,  abonnés,  amateurs  de  mu- 
sique, amis  des  directeurs,  etc.  Dans  sa  baignoire  d'avanl- 
scène,  la  reine. 

Sans  vouloir  déflorer  l'œiuvre  nouvelle  de  M.  Jan  Blockx,  disons 
qu'elle  a  fait  sur  cet  auditoire  restreint  une  fort  bonne  impression, 
que  ratifiera  sans  nul  doute  le  grand  public. 

La  partition  est  vivante,  colorée,  instrumentée  avec  un  souci 
extrême  d'écriture  artiste.  Mais  craignons  d'en  dire  trop  et  gar- 
dons, bien  qu'à  regret,  nos  observations  critiques  pour  dimanche 
prochain. 


Un  groupe  nombreux  d'ouvriers  de  la  Maison  du  Peuple  a  visité 
limanche   matin    l'exposition  du  Cercle  Four    l'Art,  dont  les 


ilé 
les 
membres  ont  fait  avec  courtoisie  les  honneurs  à  leurs  invités. 
Excellente  initiative,  à  laquelle  nous  applaudissons,  et  que  n'at- 
teignent point  les  riéanements  imbéciles  de  quelques  gazettes 
masuirienncs.         '  ;, 

M"^  Eugénie  Meuris,  la  gracieuse  actrice  du  Théûtre  Libre  de 
Paris,  a  fait  jeudi,  au  même  cercle,  une  attachante  lecture  de  quel- 
ques œuvres  d'écrivains  belges.  L'estrade  était  disposée  entre  les 
deux  statuettes  de  la  première  salle  el  la  lectrice  se  délachai.t  très 
joliment,  devant  le  vitrail  bleu  de  M.  Thys.  Voici  la  liste  des 
œuvres  lues  : 

Edmond  Picard  :  l'Art  évocateur.  —  Camille  Lcmonnier  :  la 
Fileuse  de  minuit.  —  Emile  Verhaercn  :  la  Mort.  —  Georges 
Eekhoud  :  la  Nouvelle  Carthage  (fragment):  —  Eugène  Demoldcr  : 
la  Fuite  en  Egypte.  —  Georges  Rodenbach  -.Bruges  la  morte 
(fragment).  —  Albert  Giraud  :  Dernières  jêtes  (fragment).  — 
Iwan  Gilkin  :  La  Damnation  de  l'artiste  (fragment).  —  Fernand 
Severin  :  le  Don  d'enfance  (fragment).  —  Maurice  Maeterlinck  : 
Regards.  

M.  de  Burlet  vient  d'attacher  à  son  cabinet,  avec  le  grade  de 
chef  de  division,  à  litre  personnel,  M.  Joseph  Nève.  Choix  dont  se 
félicitera  le  ministre  :  M.  Nève  n'a  rien  du  rond-de-cuir.  Il  est 
jeune,  actif,  il  aime  le  neuf;  nul  doute  «qu'il  ouvre  quelques 
fenêtres  dans  des  bureaux  qui  sentent  le  moisi  et  le  renfermé. 

Rappelons  que  c'est  mardi  prochain,  à  8  heures,  qu'aura  lieu  la 
deuxième  des  soirées  artistiques  organisées  par  la  Seclion-d!ad  de 
la  Maison  du  Peuple.  Outre  une  confén  ncc  de  M.  Edmond 
Picard  sur  la  Vie  de  Jésus  et  les  Contes  d'Yperdanune,  on  enten- 


(ira  une  sélection  d'œuvres  de  J.-S.  Racli,  M.  Berlioz,  R.  Wagner 
cl  C.  Frynck., 

La  première  représentation  lU'  la  revu  Poiit-BriixeUes  aura 
lieu  jeudi  prochain  au  Tlx^ftlre  des  Galeries 

Voici  le  programme  du  premier  concert  jmpulaire  qui  aura  lieu 
le  4  décembre  îl  la  Monnaie  avec  le  concours  de  l'Amslerdarnscli  a 
Capel|;H<6or,  composé  de  M''"'»  A.  Keddingius,  Nanny  de  Roever, 
A. -M.  Ciouda,  C.  Nieuwenlinys  et  Be.  :'ia  Ilaverman,  soprani; 
Gerda  Reinders,  Caleau  Riltbe,°Z.  Bak'  i  et  Caleau  Loman,  alli  ; 
MM.  ,I.-J.  Rogmaii'*,  F.-A.-M.  Phili|)peij,  T.-B.-M.  Staceliiausen, 
H.  ilaverman,  ténors;  Joli. -M.  Messcliaert,  J.  Brocck,  A-Fermin, 
Joli.  Soutendijk  et  Otto  W.  de  Nobel,  basses;  directeur,  M.  Daniel 
de  Lange. 

Première  partie.  —  \.-  Ouverture  de  La  Flûte  enchantée, 
Mozart;  'i.  Chœurs  a  capclla  des  xv'' et  xv!*"  siècles:  Psainne  \^11, 
.  J.-P.  .Sweeliiick;  /ii/n'c,  Guillaume  Dufay;  A'i/ne  e  Cfirisle, 
Johan  Ofkegem  ;  Canlio  sacra  :  Hodie  Christiis  natiis  est, 
J.-P.  Sweelinck;  Agnus  Dei  de  h  mes'.,c  Fortuna  desperata, 
Jacob  Ohrecht  ;  Psaume  118,  J.-P;  Sweelinck. 

Deuxième  partie.  —  3.  Peer  Gynt,  suite  d'orchestre,  Edv. 
Grifg;  Cliœurs  a  capclla;  Douleur  me  bat,  Josquin  des  Prés; 
Madrigal,  Cornelis  Sdmyl;  Petite  camusette,  Josquin  des  Prés  ; 
Entre  vous  filles,  J.  Clemens  non  Papa;  Chanson  n"  1,  J.-P. 
Sweelinck;  Matona  mia  eara,  Orlandus  Lassus;  5.  Ouverture 
A'Euryanthe,  Weber.  !___ 

Répétition  générale,  samedi  3  décembre,  à  2  h.  1/2  précises,  à 
la  Grande-Harmonie. 

M.  Crickboom  avec  ses  partenaires  :  Angenot,  Hans  et  Gillet, 
compte  donner  trois  séances  de  musique  de  chambre  à  la  Salle 
Marugg. 

La  première  sera  dévolue  à  l'école  russe,  la  deuxième  à  l'école 
française,  la  troisième  à  l'école  allemande. 

On  se  souvient  du  haut  intérêt  d'art  qui  s'est  attaché  l'ani  der- 
nier aux  débuts  du  quatuor  Crickboom.  Les  auditions  de  cette 
année  promettent  d'être,  de  même,  d'un  vif  attrait. 

C'est  M.  Pierrel,  le  jeune  artiste  qui  débuta  si  brillamment 
aux  XX,  qui  jouera  dans  ces  séances  la  partie  de  piano. 

Les  Concerts  classiques  de  la  maison  Schott,  au  nombre  de 
deux,  seront  donnés,  comme  précédemment,  dans  la  Salle  de  la 
Société  royale  de  la  Grande  Harmonie. 

On  y  entendra  le  jnardi  6  décembre  M""  A.  Barbi,  cantatrice; 
le  vendredi  46  décoinbre  MM".  Jenô  Hubay  et  A.  Siloti. 

La  souscriptioi**iux  deux  .concerts  est  de  10  francs  pour  les 
places  numérotées,  de  7  francs  pour  les  galeries. 

Prix  des  places  pour  chaque  concert  :  •v  Places  numérotées, 
6  francs;  galerieY,  4  francs. 

'  A  l'occasion  du  xxv«  anniversaire  de  sa  fondation,  VŒuvre  des 
Soirées  populaires  de  Verviers  organise  un  grand  concours  de 
littérature  entre  écrivains  belges. 

Les  intéressés  sont  priés*  de  s'adresser  au  président  de  l'œuvre, 
M.  Léon  Lobet,  à  Verviers,  pour  connaître  les  conditions  de  ce 
concours. 

Le  Cercle  artistique  d'Anvers,  présidé  par  M.  Victor  Robyns, 
préparc  une  série  de  séances  intéressantes. 

Indépendamment  des  conférences  de  MM.  Joséphin  Péladan  et 
Eug.  Van  de  Walle  qui  viennent  d'avoir  lieu,  on  annonce  des  con- 
férences de  MM.  Bernard  Lazare,  Hugues  Le  Roux,  Léon  Bloy, 
Xanrof,  Paul  Bourgel,  Jules  Lemaître,  Edm.  Haraucourt,  Jean 
Aicard,  George  Laguerre,  Charles  Ricliez,  M"""  Séverine,  G.  Roden- 
bach,  E.  Verhaeren,  ïi.  Van  dcr  Velde,  Eug.  Robert,  Ad.  Prins, 
..M""  Popelin.  _ 

Par  la  section  de  littérature  néerlandaise  :  conférences  de 
MM.  Jan  Van  Ryswyck,  Pol  de  Mont,  Willcms,  Otto,  Justus  Van 
Maurik,  et  une  séance  dramatique  flamande  avec  les  artistes  du 
Théâtre  National. 


Par  la  section  des  sciences  :  conférences  de  MM.  Laifite,  Léon 
Frédéric,  Lbu'is  Dolot,  Prins,  Flamachc,  Léo  Errera,  Van  den 
Brocck;  causeries  intimes  par  MM.  Max  Defrenne,  Kemna,  Navez, 
Van  Bogacrf,  de  Keyser  et  Desguin. 

Le  lundi  28  novembre,  à  8  heures,  séance  dramatique  française, 
par  les  artistes  du  Théâtre  des  Variétés,  pour  l'inauguration  du 
nouveau  théûlre. 

Du  dimanche  4  décembre  au  mardi  6,  de  11  à  3  heures,  expo- 
sition de  photographies.         - 

La  direction  a  arrêté  de  plus  les  fêtes  suivantes  :  outre  les  grandes 
expositions  de  Noël  et  de  Pûques,  plusieurs  expositions  partielles, 
deux  grands  concerts,  avec  exécution,  au  premier,  du,  Schelde  de 
Peter  Benoit,  au  second,  du  Chant  de  la  cloche,  de  Vincent  d'Indy; 
deux  auditions  du  quatuor  Mariën  et  plusieurs  soirées  musicales 
intimes.  '         ' 

La  direction  organisera  enfin  plusieurs  séances  dramatiques 
françaises  et  projette  une  grande  fête  artistique  pour  la 
mi-février. 


Les^peinlres  néo-impressionnistes  MM.  H.-E.  Cross,  Lucien  Pis- 
sarro, Hipp.  Petiijean,  Maximilien  Luce,  Léo  Gausson,  Paul 
Signac,  Van  Rysselberghe  et  le  sculpteur  Alex.-L.-M.  Charpentier 
exposeront  leurs  œuvres  les  plus  récentes,  du  2  décembre  au 
8  janvier  prochain,  dans  les  salons  de  l'hôtel  BrébanI,  32,  boule- 
vard Poissonnière,  à  Paris.  CAtte  exposition  comprendra  en  outre 
des  toiles  de  feu  Georges  Seural. 

M.  Mascart  a  présenté  à  l'Académie,  dans  la  séance  du 
14  novembre,  de  la  part  de  M.  Charles  Henry,  un  exemplaire  d'un 
lavis  lumineux  imprimé  en  dégradé  selon  les  procédés  ordinaires 
de  la  typographie  par  une  planche  de  cuivre  avec  du  sulfure  de 
zinc  phosphorescent  au  lieu  d'encre.  Après  avoir  déterminé  la  loi 
d'émission  et  l'intensité  lumineuse  des  différentes  teintes,  l'auteur 
a  pu  résoudre  expérimentalement  le  problème  important  de  la 
relation  mathématique  qui  relie  à  l'intensité  lumineuse  les  numé- 
ros d'ordre  des  différentes  teintes.  Ces  numéros  d'ordre  ne  sont 
pas  autre  chose  que  les  degrés  successifs  de  la  sensation. 
M.  Charles  Henry  parvient  à  représenter  les  observations  par  une 
formule  exponentielle,  très  diflPérenle  de  la  célèbre  loi  psycho- 
physique de  Fechner  et  qui  n'est  pas  soumise  aux  mêmes  difficul- 
tés théoriques. 

M.  Charles  Henry,  maître  de  conférences  à  l'école  pratique  des 
hautes  éludes,  a  ouvert  hier,  au  laboratoire  de  psychologie  physio- 
logique à  la  Sorbonne,  son  cours  de  physiologie  des  sensations. 

Dans  -le  premier,  semestre;-  il  traitera  de  là  photométfie  des 
intensités  très  faibles  et  de  différents  problèmes  de  photopto- 
métrie  ;  il  exposera  la  théorie  et  les  principales  applications  d'un 
thermomètre  physiologique,  fondé  sur  le  principe  de  Carnet;  il 
terminera  par  le  développement  des  méthodes  ^i  permettent 
d'explorer  l'olfaction. 

Des  exercices  pratiques  sur  ces  matières  auront  lieu  de 
H  heures  à  midi  le  samedi  et  à  des  joprs  et  heures  qui  seront 
fixés  ultérieurement.  (^ 

Nous  recevons  les  premiers  numéros  d'un  nquveau  journal,  Le 
Flambequ^  paraissaîit  le  samedi  à  Jemeppe-sur-Meuse,  et  voué  à 
la  science,  à  la  philosophie,  à  la  politique,  à  la  littérature.  Quel- 
ques signatures  indiquent  la  tendance  nettement  socialiste  du 
journar-  Emi.'e  Vandervelde,  Gustave  Gony,  0.  Constant,  etc.  A 
signaler  de  curieux  articles  sur  le  spiritisme. 

Abonnement^  :  Belgique,  3  francs;  étranger,  6  francs. 

De  même,  de  Lisbonne,  A  Révolta,  revista  semanal  do  socia- 
Usmo-anarchico  (Traversa  do  Hospital,  1,  l",  Lisboa). 

Miss  Lollie  Coilins,  qui  a  créé  la  fameuse  scie  Ta-ra-ra-boom- 
de-ay,  vient  d'être  engagée  par  M.  Frohman,  au  Théûtre  Standard 
de  New-York,  à  raison  de  4,000  francs  parsemame,  pour  chanter 
seulement  10  minutes  par  soirée, ^oil  57  fr.  15  par-  miaule  !... 

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D'Ostende  à  4  h.  58  matin,  10  h.  53  matin  et  8  h.  03  soir.  —  De  Douvres  à  12.0ah.  (midi),  7  h.  30  soir  et  10  h.  15  soir. 

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4- 


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Douzième  année.  —  N"  49. 


Le  numéro  :  26  centimes. 


Dimanche  4  Décembre  1892. 


M-"-. 


PARAISSANT    LE    DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  t  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  Emile  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,   îr.   13.00..—  ANNONCES  :    On  traite  à  forfait. 

Adresser  toutes  les  communications  à  ■ 

l'administration  générale  de  l^Art  Moderne,  rue  de  l'Industrie,  32,  Bruxelles^ 


Sommaire 


Maître  Martin.  ; —  L'Archiconfrérie  de  la  bonne  mort.  — 
Gerrit-A.-A.  Wagner.  —  Au  Conservatoire.  —  La  direction 
Alhaiza.  —  Accusés  de  réception.  —  Chronique  judiciaire  des 
Arts.  —  Liste  de  souscription  pour  le  monument  Gh.  Baudelaire. 
—  Mémento  des  expositions.  —  Petite  chronique. 


Maître  Martin 

Allons,  bon  !  Encore  un  «  petit  Belge  »  qui  franchit  la 
rampe  et  qui  paraît,  le  gaillard,  s'installer  en  maître 
sur  la  scène.  Tudieu  I  quel  entrain,  quelle  verve  et 
quelle  bonne  humeur  !  L'expansion  d'une  âme  d'artiste, 
servie  par  une  technique  singulièrement  approfondie 
pour  un  quasi-débutant  (M.  Jan  Blockx  n'avait,  on  le 
sait,  dépassé  qu'une  fois,  sur  les  ailes  fragiles  d'un  bal- 
let, le  manteau  d'arlequin),  porte  très  haut  les  quatre 
actes  de  Maître  Martin.  C'est  presque  une  surprise, 
bien  que  les  mérites  rares  que  nous  avons  maintes  fois 
distinguée  dans  les  primes  œuvres  du  jeune  maître 
anversois  nous  aient  donné  l'espoir  d'un  compositeur 
lyrique.  Cette  fois  il  prend  rang.  Et  si  sa  partition 
n'était  voilée  de  quelques  poncifs,  dont  la  responsabilité 
incombe  surtout  au  librettiste  (Oh!  les  chansons  à 
boire  aux  refrains  repris  en  chœur  !  Oh  !  la  tradition- 
nelle scène  de  la  chapelle  et  les   chants   liturgiques 


dans  la  coulisse!  Oh!  le  toujours  même  défi  du  Don 
Juan  démasqué  et  le  classique  duel  !  Et  la  sérénade,  et 
l'entrée  inopinée  de  ballerines  amenant  sournoisement 
le  «  divertissement  »  indispensable  à  la  digestion  de  ces 
messieurs!)  on  pourrait  classer  l'opéra  comique  de 
M.  Blockx  parmi  les  meilleurs. 

Ce  qui  le  caractérise,  c'est  sa  sincérité  d'expression. 
Le  musicien  dit  clairement  ce  qu'il  veut  dire  et  trouve 
toujours,  pour  souligner  sa  pensée,  l'accent  qui  con- 
vient. De  plus,  —  et  si  nous  parlons  immédiatement  de 
ce  point  c'est  qu'il  a  acquis  dans  la  littérature  musicale 
moderne  rnie  importance  capitale,  —  son  écriture  est 
extrêmement  soignée  et  d'un  intérêt  qui  ne  languit  pas. 
Nous  voici  loin  des  pâles,  et  veules,  et  incolores  instru- 
mentations de  jadis.  Loin  aussi  des  lourdeurs  qui  empâ- 
taient telles  œuvres  antérieures  de  M.  Blockx  et  dont  il 
ne  reste  dans  Maître  Martin  qu'un  souvenir  :  le  toni- 
truant final  du  troisième  acte  dont  il  nous  a  été  impos- 
sible d'entendre  une  note  tant  les  chœurs  et  l'orchestre 
font  rage  pour  s'étouffer.  Nous  soupçonnons  que  ce  final, 
le  «  clou  »  destiné  à  accrocher  l'enthousiasme  des  spec- 
tateurs, est  plein  de  dessins  mélodiques  enchevêtrés, 
d'un  déroulement  amusant  et  varié.  Mais  nous  ne  fai^ 
sons  que  le  soupçonner,  car  l'audition  n'en  donne  pas  la 
plus  faible  idée.  Tant  il  est  vrai  que  la  surcharge,  loin 
de  produire  l'effet  souhaité,  n'amène  qu'un  écrasement 
de  sonorités  qui  échappe  aux  perceptions  de  l'ouïe. 


^ 


Le  librettiste,  M.  Landoy,  a  puisé  le  sujet  dans  un  conte 
d'Hoffmann.  Il  s'agit  d'un  brave  homme  de  tonnelier 
nurembergeois  qui  promet,'tout  comme  l'orfèvre  Pogner 
auquel  un  musicien  de  génie  a  donné  quelque  notoriété, 
de  fiancer  sa  fille  à  l'artisan  qui  fera  œuvre  de  maîtrise. 
Une  prophétie  en  a  ainsi  décidé.  Et  l'œuvre  de  maîtrise, 
qu'est-ce,  pour  Maître  Martin,  sinon  une  futaille  de 
choix,  sans  défauts,  de  galbe  parfait,  de  proportions 
impeccables? 

Les  amoureu^  de  Rosa  se  livrent  avec  ardeur  à  l'in- 
dustrie de  la  tonnellerie.  Frédéric  abandonne  la  ciselure 
des  métaux.  Reinhold  quitte  son  atelier  de  peinture.  Le 
jeune  baron  Conrad  lui-même  revêt  le  tablier  de  cuir,  et 
les  voici  tous  trois  martelant  les  douves  à  l'envi. 

Reinhold  va  l'emporter.  Mais  il  connaît  le  secret  de 
Rosa  et  de  Frédéric  et  détruit  généreusement  son 
œuvre  pour  laisser  le  champ  libre  à  son  an^i.  Son  désin- 
téressement n'a  d'autre  résultat  que  de  provoquer  chez 
Maître  Martin  une  colère  terrible.  Reinhold  est  chassé 
de  l'atelier,  Frédéric  subit  le  même  sort.  Tout  serait 
perdu,  si  ce  dernier  n'avait  l'idée,  en  quittant  Nurem- 
berg, d'offrir  au  maître  tonnelier  une  coupe  d'argent 
qu'il  a  ciselée  avec  amour.  Maître  Martin  reconnaît 
dans  ce  joyau  l'œuvre  de  maîtrise  prophétiquement 
annoncée  et...  dans  mes  bras,  mon  gendre! 

Bien  qu'un  peu  puéril,  le  conte  est  joli  et  prête  à 
d'agréables  développements  musicaux.  Le  tort  du 
librettiste,  c'est  de  l'avoir  laborieusement  dilué  en 
qiiatre  actes  en  le  remplissant  d'épisodes  accessoires 
dont  l'opportunité  est  contestable.  . 

Le  deuxième  acte  presque  tout  entier  pourrait  être 
supprimé  sans  inconvénient.  Le  musicien  s'est  battu  les 
flancs  pour  le  galvaniser.  Il  y  a  introduit  une  jolie  valse 
lente,  dans  le  style  de  Brahms,  sur  le  rythme  de  laquelle 
évoluent  ces  demoiselles  du  corps  de  ballet.  Il  a,  de  plus, 
joliment  instrumenté  l'entrée  de  Frédéric.  Mais  l'acte 
n'en  demeure  ,pas  moins  un  hors-d'œuvre,  et  la  scène 
trop  ingénue  du  duel  a  fait  rire.  ^ 

L'auteur-  a  cru  devoir  ajouter  deux  personnages  au 
conte  d'Hoffmann  :  celui  d'une  amie  de  Rosa  dont  la 
fonction  est  d'essayer  sur  les  amoureux  de  celle-ci  le 
prestige  de  sa  coquetterie,  et  une  sorte  de  Beckmesser 
doux,  le  capellmeister  MuUer,  auteur  d'une  cantate 
dont  il  ne  cesse  d'entretenir  tout  le  monde,  et  qui 
forme,  chantée  par  le  lutrin,  un  fort  joli  début  de  qua- 
trième acte. 

M.  Landoy  eût  pu,  dans  ses  modifications,  supprimer 
complètement  le  rôle  du  baron  Conrad,  dont  l'interven- 
tion demeure  assez  obscure.  Il  eût  pu  aussi  transporter 
l'action  ailleurs  qu'à  Nuremberg,  car  vraiment  le  sou- 
venir de  certaine  comédie  lyrique  qui  s'y  passe  est  par 
trop  obsédant  et  plane  sans  cesse  sur  l'opéra  comique 
de  M.  Landoy. 

,  Mais  assez  de  conseils.  Malgré  ses  défauts,  l'adapta- 


tion du  librettiste  vaut  tels  livrets  d'œuvres  célèbres. 
Elle  a  suffi  à  M.  Blockx  pour  lui  inspirer  quelques 
pages  charmantes,  d'une  indiscutable  personnalité.  Le 
quatrième  acte,  spécialement,  est  tout  à  tait  bien  Tenu 
d'un  bout  à  l'autre.  Il  se  développe  avec  un  art  parfait, 
depuis  le  délicieux  prélude  par  lequel  il  débute,  et  atteint 
son  point  culminant  dans  un  duo  de  Frédéric  et  de 
Rosa,  la  scène  pathétique  de  l'œuvre,  qui  est  réelle- 
ment un  superbe  morceau.  Le  public  l'a  redemandé. 

Le  premier  acte  est  également  bien  écrit  et  d'une 
forme  mélodique  élégante.  On  y  remarque  les  couplets 
de  Maître  Martin,  la  ballade  prophétique  de  l'aïeule, 
curieusement  accfompagnée  par  le  cor  anglais,  la  harpe 
et  les  violoncelles,  et  le  pimpant  corfège  de  fête,  discrè- 
tement instrunaenté. 

C'est,  pensons-nous,  dans  ce  premier  acte  et  dans  le 
quatrième  que  M.  Blockx  s'est  particulièrement  affirmé 
homme  de  théâtre.  Il  y  a  beaucoup  à  espérer  d'un  pareil 
début.  Quand  le  jeune  musicien  aura  coinplètementf 
assoupli  sa  plume  aux  difficultés  du  dialogue,  il  tiendra 
l'une  des  premières  places  parmi  les  compositeurs 
lyriques.  Dans  les  ensembles  pittoresques,  chœurs  et 
déchaînement  de  symphonie,  il  décèle  une  «  patte  » 
étonnante.  Sa  musique  est  d'une  couleur  riche  et  harmo- 
nieuse; elle  a  de  la  vie,  du  mouvement,  une  expression 
juste.  Avec  ces  dons-là,  on  va  loin. 

Ajoutons  que  l'interprétation  de  Maître  Martin  au 
Théâtre  de  la  Monnaie  est  fort  bonne.  M.  Gilibert  a  com- 
posé un  maître  tonnelier  plein  de  bonhomie  et  de 
rondeur,  et  sa  voix  est  des  plus  agréables  à  écouter. 
MM.  Leprestre,  dont  une  indisposition  a  fait  retarder 
de  huit  jours  la  première  représentation  impatiemment 
attendue,  Isouard,  Ghasne  et  Barbary,  M"**  Lejeune, 
ArchàimbaudetWalter  forment  un  ensemble  homogène 
et  défendent  vaillamment  l'œuvre  de  Blockx.  C'est  par 
des  acclamation^  unanimes  que  s'est  terminée  la  pre- 
mière, préparée  avec  beaucoup  de  soins  par  les  direc- 
teurs, dont  la  caisse  s'est  ouverte  largement  aux  déco- 
rateurs et  aux  costumiers. 


L'ARCHICONPRÉRIB  DE  LA  BONNE  MORT  '^^ 

In  momento,  in  ictu  oculi,  in  novissima  tuba. 

On  va  croire  sanis  doute  que  je  suis  sur  le  point  de  vociférer 
une  homélie.  Qu'on  se  tranquillise.  Je  voudrais  simplement,  après 
tant  de  monde,  rassurer  un  peu  le  publjc  frappé  d'inquiétude,  en 
lui  conférant  à  mon  tour  d'inestimables  avis. 

Mais  je  tiens,  avant  tout,  à  faire  observer,  comme  une  chose 
atnusanle,  qu'à  la  minute  précise  où  la  dynamite  pastichait  une 
fois  de  plus  la  Vraie  Colère,  on  n'avait  pas  encore  tout  à  fait 
fini  de  chanter  çà  et  là,  dans  les  églises  tendues  de  noir,  les 

(1)  Nous  donnons  à  titre  de  document  ce  curieux  article  inédit  du 
grand  pamphlétaire  Léon  Bloy.  Bien  qu'il  n'ait  pas  un  rapport  direct 
avec  le  but  exclusivement  critique  de  notre  journal,  nous  nous  serions 
fait  scrupule  de  priver  nos  lecteurs  de  cette  page  vigoureuse. 


-  f-.- 


~--ï!^'?pî?5^*|f?f« 


quelques  mots  liturgiques  dont  j'estampille  audacieusement  ce 
bavardage  et  qui  sont  la  rubrique  très  essentielle  du  mélancolique 
et  redoutable  novembre  des  Trépassés.  _  - 

«  Au  moment  même,  en  un  clin  d'œil  »,  et  même  dans  le 

cinquantième  de  l'interminable  durée  d'un  clin  d'œil,  on  est 
réduit  en  bouillie,  ostensiblement  et  irréparablement  dessoudé 
par  le  souffle  crapuleux,  mais  incontestablement  décisif  de 
l'Anarchie. 

Pourquoi  donc  alors  me  serait-il  interdit  de  désigner  exacte- 
ment les  compagnons  anonymes  de  la  Propagande,  en  décernant 
à  leur  troupe  sympathique  la  dénomination  méritée  d'Archicon- 
frérie  de  la  Bonne  Mort  ? 

Ah  !  je  sais  bien  qu'elle  a  déjà  trop  servi  celte  appellation.  Je 
serais  inexcusable  d'ignorer  qu'une  masse  considérable  de 
chrétiens  l'a,  depuis  longtemps,  usurpée.  On  ne  m'apprendra 
pas  que  beaucoup  de  gens  dévots  plus  ou  moins  promis  à  l'éven- 
trementj^t  à  la  calcination  se  coalisèrent  maintes  fois  en  vue 
d'échapper,  en  priant  les  uns  pour  les  autres,  à  l'inconvénient  de 
paraître  inopinément  devant  Dieu  avec  une  conscience  malpropre. 
Mais  les  anarchistes  informés  que  ce  Dieu  n'existe  pas,  ont 
heureusement  trouvé  l'expédient  sortable  qu'il  fallait  pour  envi- 
sager, à  notre  époque,  avec  moins  d'effroi,  la  nécessité. de 
mourir. 


«  * 


En  1871,  Louis  Veuillot  qui  ne  fardait  pas  plus  sa  pensée  que 
son  visage  et  qui  plastronnait  volontiers  ses  adversaires,  fut,  un 
beau  jour,  averti  de  l'inclémence  du  populo.  On  lui  fil  savoir 
qu'il  se  pourrait  bien  qu'on  allât  le  massacrer  à  domicile. 

11  répondit  aussitôt,  dans  un  article  fameux,  que  l'accomplis- 
sement de  cette  menace  comblerait  tous  ses  vœux,  en  le  dérobant 
de  façon  certaine  à  la  dégoûtante  agonie  que,  sans  doute,  il  pré- 
voyait amèrement  et  que  l'inaction  déloyale  des  assassins  ne  lui 
permit  pas  d'éviter. 

Imitons  ce  grand  homme  qui  mourut  gâteux  et  dont  l'âme 
forte  se  liquéfiait, dix  ans  à  l'avance, à  la  pensée  du  lit  mécanique' 
et  des  «  vases  ridicules  présentés  par  de  larmoyantes  affections». 

Ce  rude  mâle  nous  eût  envié  les  consolations  de  la  dynamite. 
Être  dissipé  en  une  seconde,  comme  par  la  foudre,  en  con- 
sternant les  multitudes,  et  terminer,  —  à  la  façon jdg  Romulus, — 
une  existence  ordinairement  remplie  de  cochonneries  et  de 
trouble  ;  obtenir  même,  à  l'instar  des  plus  illustres  citoyens,  des 
funérailles  aux  frais  de  l'Etat  et  le  panégyrique  d'un  Président  du 
Conseil  déclarant  que  vous  «avez  trouvé  la  mort  au  moment  où 
vous  remplissiez  votre  devoir,  comme  le  soldat  tombe  sur  le 
champ  de  bataille,  en  défendant  le  drapeau  »  ;  recevoir  le 
«  suprême  adieu  »  du  Conseil  Municipal  et  delà  Préfecture  de 
police,  et  laisser  au  monde  cette  impression  qu'on  fut  l'holocauste 
sacrifié  pour  quelque  chose  d'infiniment  grand  !...  Ah  !  la 
Bonne  Mort  et  l'enviable  destin  ! 

Car  il  n'y  a  pas  à  dire,  c'est  pour  de  sacrées  et  nobles  choses 
que  nous  sommes  tous  invités  aux  expressives  contredanses  de 
l'Anarchie  :  la  Propriété,  l'Argent,  le  droit  de  jouir,  celui  d'être 
des  poltrons  ou  des  imbéciles,  et  surtout  le  privilège  facultatif  de 
n'avoir  aucune  pitié  des  pauvres  diables,  —  depuis  Christophe 
Colomb  qui  découvrit  soixante  peuples  et  fit  la  Terre  une  fois 
plus  grande,  sans  avoir  obtenu  jamais  l'ombre  d'un  salaire, 
jusqu'au  dernier  de  nos  claquedents  vagabonds  qui  ne  sait  pas 
même  où  trouver  un  morceau  de  pain  et  qui  ferait  de  si  bon  cœur 
la  charité  de  ses  inutiles  yeux  aux  poissons  du  fleuve. 


*  « 


Mon  confrère  Paul  Lordon  rappelait  dans  OU  Blas,  il  y  a  quel- 
ques jours,  la  curieuse  histoire  des  caisses  de  dynamite  volées  à 
la  petite  gare  de  la  Chapelle,  à  Paris,  au  mois  de  juillet  dernier 
et  que  la  poljce  ne  put  retrouver. 

D'après  cet  informateur  consciencieux,  la  prééieuse  matière 
ainsi  détournée  peut  s'évaluer  à  150  kilos  et  la  charge  de  la 
bombe  de  la  rue  des  Bous-Enfants  est,  au  dire  d'expert,  de  7  à 
8  kilos  seulement. 

Il  y  aurait  donc,  en  supposant  que  les  anarchistes  fussent  aidés 
par  la  Providence,  une  bonne  petite  explosion  pat  semaine  pen- 
dant tout  l'hiver.  Délicieuse  pensée  !  Ne  trouvez- vous  pas  qiie 
cette  archiconfrérie  de  dynamitards  est  sur  le  point  de  devenir 
singulièrement  intéressante  et  que  nous  allons  être  mis  >ar  elle 
en  assez  glorieuse  poslure  pour  mépriser,  par  exemple,  le  retour 
éventuel  de  cet  ignoble  choléra  qui  n'avait  à  nous  offrir  qu'une 
salç  et  puante  mort? 

Mon  Dieu  !  il  suffira  de  s'y  habituer  comme  on  s'habitue  aux 
punaises  et  si  on  ne  parvient  pas  à  s'y  habituer,  il  faudra  néces- 
sairement crever  de  peur. 

On  pourra  contempler  alors,  si  on  a  le  temps  de  s'élever  un 
peu  plus  haut  que  les  idées  basses,  la  merveilleuse  fructification 
des  semailles  de  l'hypocrisie  bourgeoise  et  de  l'athéisme  philoso- 
phique depuis  une  demi-douzaine  de  lustres. 

Les  jouisseurs  à  peu  près  sans  nombre  qui  ne  se  croyaient  pas 
des  canailles,  avaient  rêvé  de  s'accomoder  avec  l'Absolu  divin  et 
d'instituer,  pour  toute  la  durée  des  siècles,  une  mitoyenne  morale. 
Mais  l'Absolu  a  refusé  de  souscrire,  et  l'échéance  des  blagues 
étant  venue,  c'est  la  Panique  tout  en  sueur  qu'on  entend  cogner 
à  la  porte... 


*** 


Veut-on  savoir  ce  qu'écrivait,  il  y  a  quelques  années,  un  pro- 
phète guenilleux  et  famélique  dont  je  n'ai  pas  le  droit,  on  le 
comprendra,  de  faire  connaître  le  nom  d'ailleurs  fort  obscur. 
Celte  page  atroce,  mais  non  pas  sans  éloquence,  est  assez  curieuse 
à  lire,  en  ce  moment. 

«  Ah!  vous  enseignez  qu'on  est  sur  la  terre  pour  s'amuser. 
Eh  bien,  nous  allons  nous  amuser,  nous  autres,  les  crevanls  de 
faim  et  les  porte-loques..  Vous  ne  regardez  jamais  ceux  qui 
pleurent  et  ne  pensez  qu'à  vous  divertir.  Mais  ceux  qui  pleurent 
en  vous  regardant,  depuis  des  milliers  d'années,  vont  enfin  se 
divertirai  leur  tour;  et —  puisque  la  Justice  est  décidément 
absente  —  ils  vont,  du  hioins,  en  inaugurer  le  simulacre,  en  vous 
faisant  servir  à  leur  divertissement. 

«  Puisque  nous  sommes  des  damnés,  nous  allons  nous  pro- 
mouvoir de  nous-mêmes  à  la  dignité  de  parfaits  démons  pour 
vous  exterminer  ineffablement. 

«  Désormais,  il  n'y  aura  plus  de  prières  marmonnées  au  coin 
des  rues  par  des  grelolleux  affamés  sur  votre  passage.  Il  n'y  aura 
plus  de  revendications,  ni  de  récriminations  amères.  C'est  fini  tout 
cela.  Nous  allons  devenir  silencieux... 

«  Vous  garderez  l'argent,  le  pain,  le  vin,  les  arbres  et  les" 
fleurs.  Vous  garderez  toutes  les  joies  de  la  vie  et  l'inaltérable 
sérénité  de  vos  consciences.  Nous  ne  réclamons  plu*  rien,  nous  ne 
désirons  plus  rien  de  toutes  ces  choses  que  nous  avons  xlésirées 
et  réclamées  en  vain  depuis  tant  de  siècles.  Notre  désespoir  com- 
plet promulgue,  dès  maintenant,  contre  nous-même»,  la  définitive 
prescription  qui  vous  les  adjuge! 

«  Seulement,  défiez-vous!..  Nous  gardons  le  feu,  en  vous  sup- 


-\ 


388 


VART  MODERNE 


pliant  de  n'élre  pas  trop  surpris  d'une  fricassée  prochaine.  Vos 
palais  et  vos  hôtels  flamberont  très  bien  quand  il  pous  plaira,  car 
nous  avons  attentivement  écoulé  les  leçons  de  vos  professeurs  de 
chimie  et  nous  avons  inventé  de  petits  engins  qui  vous  émerveil- 
leront... .  ' 

«  Après  cela,  si  l'existence  de  Dieu  n'est  pas  la  parfaite  blague 
que  l'exemple  de  vos  vertus  nous  prédispose  à  conjecturer,  qu'il 
nous  extermine  à  son  tour,  qu'il  nous  damne  sans  remède  et  que 
tout  finisse  ! 

«  Tel  est  le  cantique  des  modernes  pauvres  à  qui  les  heureux 
de  la  terre  —  non  satisfaits" de  tout  posséder  —  ont  imprudem- 
ment arraché  la  croyance  en  Diea.  C'est  le  Stnbat  des  désespérés. 

«  Ils  se  sont  tenus  debout,  au  pied  de  la  Croix,  depuis  la  san- 
glante Messe  du  grand  Vendredi,  —  au  milieu  des*  ténèbres,  des 
puanteurs,  des  dérélictions,  des  épines,  des  clous,  des  larmes  et 
des  agonies.  Pendant  des  générations,  ils  ont  chuchoté  d'éperdues 
prières  à  l'oreille  de  l'Hostie  divine  et  —  tout  à  coup  —  oii  leur 
dévoile,  d'un  jet  de  science  électrique,  ce  gibet  poudreux  où  la 
dent  des  bêles  a  mangé  leur  Rédempteur. ...Zut  alors,  ils  vont 
s'amuser!  » 


«  # 


J'ai  promis,  en  commençant,  quelques  bons  conseils,  et  je  les 
crois  si  excellents... et  si  parfaitement  inutiles  que  je  les  ai  gardés 
pour  la  fin.  Les  voici  donc  : 

1"  Solennelle  translation  de  la  charogne  de  M.  Renan  par  une 
équipe  de  vidangeurs  dans  le  dépotoir  national  le  plus  lointain; 
2°  Erjection,  au  sommet  de  la  tour  Eiffel,  d'une  colossale  Croix  en 
or  massif  du  poids  de  plusieurs  dizaines  de  millions  de  francs,  aux 
frais  de  la  Ville  de  Paris;  3°  Obligation  pour  tous  les  Français 
d'entendre  la  messe  lô'us  les  dimanches  et  de  communier  au  moins 
quatre  fois  par  an,  sous  peine  de  mort;  40  Abolition  du  suffrage 
universel,  etc. 

Je  m'arrête,  car  je  sens  trop  combien  tout  cela  est  à  prendre 
ou  à  laisser  et  combien  aussi  sont  prématurés  de  tels  avis  qui 
ne  manqueront  pas  de  paraître  d'autant  plus  cocasses  que  la 
minute  est  infiniment  prochaine  où  les  enfants  même  du  peuple 
écriront  sur  les  murs  croulants  de  Sodome  ces  simples  mots: 
Le  Catholicisme  ou  le  Pétard. 

Choisissez  donc,  une  bonne  fois,  si  vous  n'êtes  pas  des  morts. 

_  Léon  Bloy 

Paris,  11  novembre.    "* 


GERRIT-A.-A.  WAGNER 

A  l'appel  que  mourant,  il  libella  lui-même  ainsi  : 

«  Gerrit-A.-A.  Wagner  adresse,  à  l'instant  de  sa  mort,  un 
dernier  adieu  aux  amis  qui  l'ont  si  fidèlement  assisté  pendant  sa 
lamentable  maladie.  Il  les  invite  à  conduire  sa  dépouille  morielle 
à  l'endroit  d'inhumation  et  à  se  ressouvenir  de  lui.  Adieu! 

Ce  24  novembre  1892.  Anvers. 

Auguste  Wagner,  Richard  Wagner,  Siegfried  Wagner  », 
nous  avions  à  répondre  au  nom  de  ceux  qui  suivaient  d'intérêt 
l'œuvre  de  ce  jeune  Homme  au  si  prestigieux  nom  ! 

El,  à  voir  si  le  pfeslige  du  nom  n'aura  pjs  tué  qui  se  sentait  un 
si  surhumain  fardeau  sur  les  épaules  !  C^àit  bien  crâne,  tenter 
cette  aventure  :  —  doté  de  ce  nom  et  du  don  d'écriture  musicale 
—  conquérir  la  renommée. 

Mais  ce  fut  inévitablement  fatal  aussi  !  Quelle  force  au  monde 
peut  encore  tenter  cet  effort?  Et,  tout  le  long  de  cette  démarche 


de  si  poignante  solennité  et  de  l'interminable  chemin  qui  mène 
au  champ  de  repos,  nous  avons  intercédé  pour  ce  pauvre  petit 
qu'une  absorbante  mais  téméraire  admiràlfon  baptisa  :  Richard 
Wagner  !        •  ' .     . 

L'extraordinaire  destinée  de  l'Aulrc  s'est  accomplie  intégrale- 
ment. 

y-  Gerrit  Wagner  meiirl  à  trente  ans  ;  il  arriva,  venant  des  Pays- 
Bas,  à  Anvers,  en  1885. 

D'abord,  ce  furent  les  années  d'initiation.  Blockx  et  Benoit 
l'instruisirent.  Bientôt  après,  le  «  Mannenkoor  »  et  la  «  Liedcr- 
tafel  »  l'élurent  leur  directeur  musical. 

Nous  fûmes  des  premiers  à  louer,  ici,  dans  l^Art  moderne,  une 
de  ses  œuvres  que  l'orchestre  des  Concerts  populaires  nous  donna 
à  entendre  :  Fragments  d'BsiHER,  drame  lyrique. . 

L'obligeance  d'un  des  amis  de  Gerrit  Wagner  nous  met  entre 
les  mains  la  liste  complète  de  ses  œuvres  :       -  , 

1°  Vondel's  Babeylonischç  gevangenis  ; 

2°  Sinfonisçh  gedicht  voor  orchesl  ; 

De  très  large  et  belle  évocation,  ce  poème  :  La  nuit,  dans  la 
forêt  —  c'«sl  près  d'un  cloftre  immémorial.  L'orage  se  lève  et  les 
moines  implorent.  Après,  c'est  le  matin  et  le  lever  du  soleil  tout 
puissant. 

3"  Esther,  drame  lyrique  ; 

Mais  ce  drame,  pour  lequel  l'auteur  avait  écrit  le  poème,  reste 
inachevé. 

4°  «t  5» "Deux  Strijkkwartetten  ; 

60  Bergstroom,  poème  d'HAMERLiNG,  pour  voix  d'hommes  et 
orchestre,  qui  est  sa  dernière  œuvre. 

Restent  des  Liederen  .-  Aanzee,  Ik  min  het  roosje.  Sérénade 
et  deux  chœurs. 

Une  seule  de  ces  œuvres  défierSf-t-elle  l'oubli?  Est-elle  assez 
laconique  et  navrante  celle  interrogation  ?  C'est  que  la  gloire  du 
"merveilleux  chantre  des  harmonies,  jusqu'aujourd'hui,  les  plus 
inouies,  sera  son  involontaire  mais  tout  puissant  complice. 
N'importe,  ce  sera  très  injuste  que  le  pesant  bloc  du  nom  que  ce 
grand  jeune  Homme,  1res  amaigri  et  très  pâle,  et  très  beau  de 
beauté  affinée  avait  tenté  d'ébranler  à  nouveau,  scelle  —  malgré 
sa  très  réelle  valeur  —  dans  la  tombe,  où  nous  l'avons  pieusement 
descendu,  en  proie  â  l'effroi  qui  lorture  ceux  qui  se  sentent  si 
épuisés,  déjà,  avant  d'avoir  accompli  rien  de  déhnitif,  son  œuvre 
forcément  incomplète.  V. 


AU  CONSERVATOIRE 


La  distribution  des  prix  se  fait  au  Conservatoire  en  deux  actes. 
Le  premier  acte  a  été  joué  lé  20  novembre  :  il  se  composait  d'un 
discours  de  M.  Fétis,  président  de  la  Commission  administrative, 
avec  réponse  attendrie  de  M.  Gevaert,  directeur  de  l'établissement, 
de  la  lecl^ire  du  palmarès  et  de  l'audition  de  quelques-uns  des 
élèves  lauréats.  Au  demeurant,  une  agréable  petite  fête  de  famille. 

On  a  applaudi  surtout,  et  à  bon  droit,  M"«  Elhel  Spiller,  celte 
jeune  anglaise  de  16  ans  qui  a  remporté  le  premier  prix  de  violon 
avec  la  plus  grande  distinction,  et  l'aimable  duo  Kleyn-Thévenet, 
prix  de  la  Reine. 

•  Quelques  morceaux  d'ensemble  encadraient  les  soli  :  l'ouverture 
d^Anacréon  chez  Polycrate,  de  Grétry,  un  chœur  à  3  voix  de 
femmes  de  M.  Kufferalh,  des  chansons  du  xv«  siècle  harmonisées 
à  4  voix  mixtes,  par  M.  Gevaert,  et  des  éludes  de  Fiorillo-el  de 


^l-,'fJ^^V:pf;.v'>Svy'*.,^:.'i■S^if^i^yi^,^l^^ 


Kreutzer,  harmonisées  par  M.  Agnicz  et  exécutées  sous  sa  direc- 
tion par  la  classe  d'ensemble  instrumental. 

Le  deuxième  acte,  huit  jours  après,  a  permis  au  directeur  de 
présenter  quelques-uns  des  derniers  lauréats  :  M""  Thévenet  el 
Van  Hoof,  qui  ont  chanté  avec  goût  el  d'une  jolie  voix,  l'une  l'air 
de  Roméo  et  Juliette  de  Steibelt,  l'autre  l'air  de  l'Amant  jaloux 
de  Grétry;  puis  M.  Bonzon,  l'excellent  élève  d'Ysaye,  qui  a  exécuté 
avec  une  justesse  el  un  senlimcni  parfaits  la  l'»  partie  du  concerto 
de  Mendeissohn,  et  M"*  Ad.  Blés,  une  jeune  pianiste  brillamment 
douée. 

On  a  beaucoup  applaudi  aussi  la  famille  des  clarinettes  exécu- 
tant, sous  la  direction  de  M.  Poncelet,  le  rondo  en-ut  de  Weber 
extrait  de  la  sonate  pour  piano,  et  les  a  petits  chœurs  »  de  la 
classe  préparatoire  de  M.  Jouret  dans  l'interprétation  de  jolis  noëls^ 
harmonisés  par  M.  Gevaert  el  de  l'inévitable  Colinette  à  la  Cour. 

Les  papas,  les  mamans,  les  petites  amies  des  élèves  el  les 
dames  respectables  qui  suivent  avec  recueillement  toutes  les 
auditions  du  Conservatoire  se  sont  retirés  le  coeur  plein  d'une 
douce  émotion. 


LA  DIRECTION  ALHAIZA 

Depuis  l'incartade  que  s'est  permise  M.  Alhaiza  vis-à-vis  de 
notre  critique',  nous  avions  dédaigné  de.  nous  occuper  de  son 
théâtre.  11  y  a,  en  effet,  certains  usages  qui  autorisent  à  mettre 
hors  cadre  celui  qui  s'avise  de  les  méconnaître. 

Mais  la  direction  du  Théâtre  du  Parc  dont  nous  avions  parlé 
avec  bienveillance  au  surplus  el  dans  la  louable  intention  de 
l'amener  à  correction,  devient  telle  que  même  les  amis  s'en  irri- 
tent et  ne  savent  plus  se  taire.  Qu'on  en  juge  par  les  extraits  sui- 
vants d'un  fort  curieux  bi-hebdomadaire,  le  Tout-Bruxelles,  à 
qui,  en  bonne  logique,  cela  devrait  valoir  apparemment  la  visite 
ijUe  nous  avons  eue. 

«  Voyons,  de  qui  se  moque-t-on,  là-haut? 

«  Lorsque  l'unanimité  de  la  Pressé,  au  commencement  de  la 
saison  théâtrale,  a  rendu  compte  de  la  triste  impression  produite 
par  les  débuts  de  la  direction  Alhaiza,  nous  avions  tous  l'intime 
conviction  qu'il  ne  s'agissait!  là  que  d'un  faux  départ 

«  Or,  le  mieiix  promis  n'est  pas  venu.  Au  contraire,  cela  va  de 
mal  en  pis.  Il  y  a  pourtant,  dans  le  cahier  des  charges,  un  article 
qui  oblige  le  directeur  à  garder  au  Théâtre  du  Parc  le  rang  très 
honorablement  élevé  qu'il  occupé  parmi  les  grandes  scènes  de 
langue  française. 

«  L'unanimité  de  la  critique  —  et  m"éme  les  journaux  dont  les 
relations  intimes  avec  la  direction  du  Parc  ne  sont  un  secret  pour 
personne  —  a  reconnu,  proclamé  cette  situation  désastreuse,  el 
s'en  est  plainte  en  termes  amers. 

«  L'Administration  communale,  si  sévère  pour  certaines  caté- 
gories d'adjudicataires,  se  montre  vraiment  d'une  indulgence 
extraordinaire  en  cette  circonstance 

«  Il  n'est  pas  admissible  qu'une  situation  pareille  se  prolonge 
plus  longtemps..... 

H  11  y  a  manque  de  direction,  d'ordre,  de  poigne,  et,  surtout, 
de  cette  adïiiirable  discipline  dont  Candeilh  avait  le  secret,  et  grâce 
à  laquelle  il  imposait  à  son  théâtre  l'atmosphère  relevée  que  nous 
y  cherchons  vainement  encore 

«  Aujourd'hui,  cela  se  passe  en  famille!  M.  Alhaiza  monte  à 
cheval,  —  Tout-Bruxelles  hippique  l'a  rencontré  au  bois,  dans  sa 


veste  de  velours  noir,  parcourant  la  grande  allée  au  petit  pas  de 
son  fidèle  Brillant,  —  à  moins  que  l'honorable  direcleurn'ait  à 
faire  quelque  visite  mondaine  chez  les  personnages  officiels  dont 
le  patronage  lui  a  valu  sa  situation  actuelle.  Et  les  répétitions, 
pendant  ce  temps-là,  vont  câhin-caha,  chacun  jouant  comme  il  lui 
plaît,  pour  son  propre  compte,  liranl  à  lui  toute  la  couverture; 
tandis  que  les  camarades  potinent  gentiment  dans  les  coins  et 
«  flirtent  »  très  convenablement,  en  attendant  la  scène  à  dire.  Ils 
ont  raison,  du  reste,  ces  jeiines  gens  el  ces  jeunes  femmes.  Les 
ims  sont  très  aimables  et- les  autres  vraiment  joIFes.  On  leur  met 
la  bride  sur  le  cou,  ils  en  profitent.  » 

Etc.,  etc.,  etc.  Nous  n'ajoutefons  rien  à  ce  tableau  piquant  de 
mœurs  théâtrales,  que  la  plus  .brillante  équitation  et  la  plus 
intempestive  escrime  ne  sauraient  atténuer. 

Certes  cela  finira  par  une  chute!  sur  le  turf  ou  sur  la  scène. 
Gare  à  loi,  Fanfan  la  Tulipe! 


^CCUgÉ?    DE    I^ÉCEPTIOJ^ 

La  Vie  artistique,  par  Gustave  Geffroy;  préface  d'Edmond  de 
Concourt;  pointe-sèche  d'Eugène  Carrière.  Première  série.  Paris, 
E.  bentu,  xvi-375  p.  in  12.  —  Les  Disciples  à'Enmaûs  ou  les 
Etapes  d'une  conversion,  par  T.  de  Wyzewa;  Paris,  Perrin  et  C'*, 
114  p.  petit  in  12.  —  Rêves  déçus,  comédie-vaudeville,  par 
Arthur  Toisoul;  Bruxelles,  A.  De  Schuytener,  32  p.  in-8«.  — 
Contradictions,  par  Michel  Bodeux  (extrait  du  Magasin  litté- 
raire), 7  p.  —  Portraits  et  Silhouettes  (première  série).  Mon- 
sieur Thiers;  L'empereur  allemand;  Napoléon  III;  Un  roi  démis- 
sionnaire; Pie  IX;  Camille  Du  Bourg;  Jules  Van  Prael,  par  le 
B«"  DE  Haulleville  ;  Bruxelles,  Lacomblez, 


pHRONiqUE    JUDICIAIRE    DE?    ^RT^ 

Le  portrait  du  général  Boulanger. 

Il  a  été  question  jeudi  du  général  Boulanger  au  tribunal  de 
commerce  de  Bruxelles,  On  se  rappelle  que  le  portrait  peint  par 
Debal-Ponsan  et  représentant  le.  général  sur  son  cheval  noir  à  la 
revue,  du  14  juillet  fut  acquis  par  M.  D....  pour  900  francs  envi- 
ron, après  la  mort  de  M'.  Boulanger. 

M,  D....  conclut  avec  M.  F....  un  traité  par  lequel  ce  dernier 
s'engageait  à  exposer  le  tableau  dans  différentes  villes,  le  résultat 
de  cette  exploitation  devant  être  partagé  par  moitié  entre  les  deux 
associés.  A  cet  effet,  D....  confia  le  tableau  à  F....,  mais  les  mois 
se  passèrent  sans  que  le  propriétaire  eût  dès-nouvelles  de  l'affaire. 
Il  finit  par  assigner  son  co-conlractant  en  résiliation  de  la  conven- 
tion et  en  restitution  du  fameux  portrait.  F....  allègue  qu'il  a  rem- 
pli ses  obligations;  que  le  tableau  a  été  exposé  en  Hollande,  puis 
à  Bruxelles,  à  l'anniversaire  de  la  mort  du  général,  que  d'activés 
démarches  sont  faites  pour  obtenir  la  disposition  d'un  local  propre 
à  l'exposer  de  nouveau . 

Après  avoir  entendu  les  plaidoiries  de  MM*»  Carmouche  et  Van 
"Rooy,  le  tribunal  a  retenu  la  cause  en  délibéré. 


LISTE  DE  SOUSCRIPTION 

X     POUR   LE 

MONUMENT  CHARLES  BAUDELAIRE 

SOUSCRIPTEURS  BELGES  (1) 


Petite  chrojmiow^e 


DEUXIÈME  LISTE 


fr 


223 
20 

5 
5 
5 

5 

5 

20 

5 

5 

5 

5 

10 

20 

25 

S 

5 

10 

10 

5 

5 

5 

5 

5 

-  ^ 

M™"  Dumon,  à  Tournai 20 

M"e«  Louise  Danse,  arlisle  peintre,  Mons.  5 

Lisette  Wesmaël,  graveur,  Mons .  5 

MM.  FernandKhnopff,  artiste  peintre,  Bruxelles  5 

Franger,  homnie  de  lettres,  Namur ,5 

H.  Monnom,  secrétaire  de  la  Banque  de  Bruxelles  5 

M™"  Maréchal.     .....; 2 

de  Zarembska    .     .     .     .     .              .     .     .  1 

MM.  Léon  de  Fuisseaux 5 

Alfrç4  Verhaeren,  artiste  peintre,  Bruxelles    .     .  10 

-  A  reporter,   'r    .     .  fr.    486 


Report  de  la  liste  précédente. 
MM.  Camille  Laurent,  avocat  à  Charleroi.     . 

Beeckman,  directeur  général  au  Ministère  de  la 
Justice 

Mersman,  président  de  la  Fédération  des  avocats 

Georges  Picard,  industriel  à  Bruxelles  .     .     . 

Albert  Soenens,  juge  au  tribunal  de  1"  instance 
de  Bruxelles 

Xavier  Olin,  ancien  ministre  des  travaux  publics 
M»«  Anna  Boch,  artiste  peintre,  La  Louvière     .     . 
MM.  Ch.  Van  der  Slappen,  sculipleur,  Bruxelles.     . 

L.  Théodor,  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Bruxelles 

Maurice  Van-Meenen,  id. 

Jacques  des  Cressonnières;    id. 

Oscar  Ghysbrecht,  id. 

Albert  Mélol,  jd. 

Georges  de  Ro,  id.  ■ 

Paul  Moguez.  id. 

Félicien  Cattier,  id. 

Frédéric  Ninauve,  id. 

Henri  Van  der  Cruyssen,        id. 

Jules  De  Greef,  id. 

Pierre  Poirier,  id.  " 

Albert  Bauwens,  id. 

Piret,  id. 

Karl  de  Burlet,  id. 

Jamar,  id. 


Mémento  des  Expositions 

Paris.  —  Salon  de  1893  (Champs-Elysées).  1"  mai-30  juin. 
Délais  d'envoi  :  peinture,  14-^0  mars;  dessins,  aquarelles,  pastels, 
miniatures,  porcelaines,  émaux,  cartons  de  vitraux  et  vitraux, 
14-16  mars;  sculpture,  1-5  avril;  bustes,  médaillons,  statuettes, 
médailles  et  pierres  fines,  1-3  avril.  Jusqu'au  25  avril,  les  artistes 
auront  la  faculté  de  remplacer  leurs  modèles  en  plâtre  par  des 
ouvrages  exécutés  dans  leur  matière  définitive.  " 

Pau.  —  Exposition  des  ^mw  des  Arts  15  janvier-!  5  mars  1893. 
Délai  d'envoi  :  8  décembre.  (Dépôt  :  Paris,  chez  Potlier,  rue 
Gaillon,  14).  Renseignements  :  O.  Tardieu,  secrétaire  général. 

Lyon.  —  Société  lyonnaise  des  Beaux- Arts.  1^  février- 
23 -avril  1893.  Délai  d'envoi  :  1-15  janvier.  (Dépôt  :  Paris,  chez 
Poltier,  rue  Gaillon,  14).  Envois  directs  à  Lyon  jusqu'au  25  jan- 
vier. Renseignements  :  Secrétariat,  rue  de  V Hôpital,  6. 

(1)  Les  souscriptions  sont  reçues  dans  les  bureaux  de  l'Art  moderne, 
d'où  elles  seront  transmises  au  Comité  central,  à  Paris. 


L'exposition  du  Cercle  «  Pour  l'Art  »  sera  clôturée  aujourd'hui 
à  4  heures. 

'  La  Société  royale  des  Aquarellistes  lui  succédera  dans  les  locaux 
du  Musée.  . 

Pour  rappel,  c'est  aujourd'hui  dimanche,  à  1  heure  1/2,  qu'aura 
lieu  au  Théâtre  de  la  Monnaie  le  premier  Concert  populaire  de  la 
saison,  avec  le  concours  de  VAmsterdamsch  a  capella  Koor 
dirigé  par  M.  Daniel  de  Lange  qui  a  obtenu  hier,  à  la  répétition 
générale,  un  très  grand  succès.  ' 

Les  séances  de  musique  de  chambre  pour  instruments  à  vçnt  et 
piano,  données  par  MM.  Anthoni,  Guidé,  Poncelet,  Merck,  Neu- 
màns  et  De  Greef,  vont  bientôt  recommencer. 

La  première  est  fixée  au  11  décembre;  elle  aura  lieu  avec  le 
concours  de  M.  P.  Vandergoten,  basse  chantante,  et  de  MM.  Ler- 
miniaux,  Enderlée,  Vanhout  et  J.  Jacob. 

Le  succès  de  l'exposition  des  œuvres  de  Joseph  Stevens  a 
décidé  les  organisateurs  à  retarder  de  quinze  jours  la  clôture  de 
celle-ci. 

Les  superbes  toiles  des  collections  AUard,  de  Brouckere  et 
Vimenel  sont  venues  enrichir  cette  exposition,  déjà  si  intéres- 
sante.  

'  M.  Georges  Dvvelshauvcrs  a  soutenu  sa  thèse  d'agrégation  à  la 
Faculté  de'Philosophie  à  l'Université  de  Bruxelles,  samedi  après- 
midi.  Bien  que  ces  séances  n'aient  d'ordinaire  aucun  rapport  net 
et  direct  avec  les  questions  d'art,  nous  signalons  celle-ci  parce 
que  la  place  de  l'art  dans  les  préoccupations  humaines  y  a  été 
bellement  et  hautement  indiquée  et  cela  d'une  manière  éloquente 
\  et  ardente. 


Faust-up-to-data  a  remplacé,  sur  les  affiches,  Carmen.  El  c'est, 
sur  la  scène,  même  extravagance,  môme  vertige  de  clowneries, 
même  déploiement  de  costumes  chatoyants,  môme  exhibition  de 
maillots.  La  partition  de  Gounod,  et  même  celle  d'Hervé,  sont 
pour  fort  peu  de  chose  dans  ces  facéties  à  outrance.  Mais  le  public 
a  l'air  d'y  prendre  goût,  et  voici  des  semaines,  déjà,  qu'il  retient 
par  ses  applaudissemerits  les  jolies  misses  qui  ne  devaient  se  mon- 
trer, en  leurs  pimpants  atours  de  ballerines  délurées,  que  pen- 
dant quelques  jours.  Et  les  Bruxellois  ne  pouvant  plus  se  passer 
du  Ta-ra-ra-boom-de-ay,  on  vient  de  l'intercaler  dans  Faust.  Et 
voici  tout  le  monde  heureux." 

Ténèbres,  la  deuxième  partie  de  l'œuvre  d'iwan  Gilkin,  dont 
la  Damnation  de  V Artiste  formait  la  première  et  qu'un  prpchain 
volume,  Satan,  clôturera,  paraît  chez  Edmond  Deman  en  édition 
de  luxe.  Ceci  pour^annoncer  un  prochain  conipte  rendu. 

La  Société  des  Artistes  indépendants  fera  son  exposition  en 
mars  et  avril  1893,  comme  les  années  précédentes,  au  pavillon 
de  la  Ville  de  Paris,  aux  Champs-Elysées. 

M.  Louis  Delmer  donnera  mercredi  prochain,  à  8  heures  du 
soir,  a^Cercle  artistique  et  littéraire  de  Namur,  une  conférence 
intitulée  :  Ily  a  des  choses  dont  on  ne  parle  pas!  sur  l'indifféren- 
tisme  artistique  en  Belgique  et  sur  Camille  Lemonnier. 

M.  Emile  Sigôgrie  commencera  au  mois  de  janvier  le  cours  qu'il 
fait  tous  les  ans  sur  la  littérature  contemporaine.  Il  traitera  celte 
année  du  théâtre  contemporain.  Les  inscriptions  sonl,  dès  main- 
tenant, reçues  74,  rue  de  la  Croix.  ,  , 

Nous  avons  déjà  parlé  de  la  Société  nationale  fondée  par 
M.  Jules  Carlier,  représentant,  pour  la  protection  des  Sites  et 
Monuments  en  Belgique.  La  commission  centrale,  composée  d'une 
foule  d'artistes  qui  ont  spontanément  adhéré  à  cette  œuvre 
d'intelligente  propagande,  vient  de  lancer  une  circulaire  et  un 
bulletin  d'adhésion. 


Aux  termes  de  ses  statuts,  la  Société  a  pour  but  : 

1°  De  faire  connaître  les  beautés  pittoresques  du  pays,  d'en 
faciliter  l'accès  et  d'en^empécher  la  destruction  ; 

2°  De  veiller  Ji  leur  conservation  et  d'en  provoquer  la  restaura- 
tion intelligente; 

3"  De  poursuivre  la  conservation  ou  le  dépôt  dans  les.  musées 
des  monuments  publics  et  privés  de  spécimens  de  l'art  national 
présentant  un  intérêt  spécial  au  point  de  vue  de  l'histoire  artis- 
tique ou  de  l'enseignement  professionnel. 

A  cet  effet,  la  Société  fera,  tant  auprès  des  diverses  administra- 
tions publiques  que  des  propriétaires,  toutes  les  protestations  et 
démarches  tendant  à, permettre  la  visite  et  à  empêcher  la  destruc- 
tion des  sites,  monuments  et  objets  menacés. 

Eventuellement,  elle  interviendra  par  voie  de  conseils,  plans, 
subsides  et  souscriptions. 

Elle  s'«ntendra  avec  les  Cercles  artistiques  et  archéologiques  et 
avec  les  sociétés  créées  en  vue  d'attirer  des  voyageurs  dans 
certaines  localités  ou  parties  du  pays. 

Elle  fera  les  publications,  rédigera  les  instructions  pour  les 
corps  et  métiers,  organisera  les  meetings,  les  conférences  et  les 
excursions  qui  seront  jugés  nécessaires  poiir  atteindre  le  but 
qu'elle  poui;suit. 

Elle  ouvrira  aussi  des  expositions  permanentes  ou  temporaires 
d'œuvres  d'art  reproduisant  les  sites  et  monuments  du  pays  et 
s'attachera  à  répandre  ces  œuvres  dans  le  public  par  voies  de 
tombolas,  distributions  à  ses  membres  ou  autrement. 

Il  y  a  deux  catégories  de  membres  :  les  p>_embres  effectifs, 
payant  une  cotisation  de  5  francs  par  an,  et  leS  membres  protec- 
teurs, qui  paient  10  francs  par  an.  Adresser  les  souscriptions 
au  Secrétariat,  rue  du  Collège,  35,  Bruxelles. 

Notre  concitoyenne  M"*  Berlhc  Bady,  qui  sortit  l'an  passé  du 
Cotiservaloire  de  Bruxelles,  vient  de  débuter  au  Théâtre  Libre 
dans  les  Fossiles  de  M.  François  de  Curel.  La  jeune  artiste  a  plu 
par  l'aisance  de  son  jeU,  par  la  netteté  de  sa  prononciation,  par  la 
distinction  de  sa  tenue.  Sa  voix,  qui  avait  paru  sourde  lors  de  son 
concours,  où  elle  se  fit  entendre  dans  la  grande  scène  de  l'Etran- 
gère, a  acquis  du  timbre  et  de  l'ampleur.  C'est,  nous  écrit-on, 
une  de  celles  —  si  pas  celle  —  qui  «  porte  »  le  mieux. 

On  nous  écrit  de  Verviers  : 

Nous  pouvons  être  fiers  de  nous-mêmes  dans  ce  bon  petit 
Verviers.  Pendant  qu'à  Angers  et  un  peu  partout  les  concerts 
populaires  rencontrent  un  monde  d'entraves,  nous  recommençons 
les  nôtres,  avec  l'aide  intelligente  et  généreuse  d'une  élite  de 
notre  bourgeoisie  et  de  la  ville,  qui  donne  le  local  du  théâtre.  Le 
programme  du  premier  concert,  sous  la  direction  énergique  de  ce 
vivant  artiste  Louis  Kefer,  se  compose  de  la  deuxième  sym- 
phonie de  Beethoven,  du  prélude  de  Pflr«i/ài  de  Wagner,  de 
fragments  de  la  Damnation  de  Faust  de  Berlioz. 

Les  solistes  seront  M"*  Leroux,  qu'on  vient  d'entendre  aux 
concerts  Lamoureux,  et  M.  A.  De  Greef. 

La  troupe  du  Théûtre-Libre  ira  donner  une  dizaine  de  repré- 
sentations à  Turin  et  à  Milan,  dans  la  seconde  quinzaine  de  décem- 
bre. Son  répertoire  se  composera  de  Blanchette  de  E.  Brieux, 
Tante  Léontine  de  Boniface  et  Bodin,  les  Revenants  d'Ibsen, 
Leurs  Filles  de  Pierre  Wolff,  la  Dupe  et  l'Ecole  des  veufs  de 
Georges  Ancey,  la  Fille  Elisa  d'Ajalbert,  Jacques  Damour  et  les 
Fenêtres  de  Couturier  et  Perrin, 

Dernièrement,  le  Théâtre-Libre  est  allé  donner  une  série  de 
représentations  à  Marseille.  La  Plume  en  rend  compte  en  ces 
termes  :  Nous  avons  eu  la  Puissance  des  Ténèbres  et  les  Reve- 
nants. Tolstoï  et  Ibsen  ont  fait  oublier  toutes  les  défectuosités. 
Les  Revenants  surtout  ont  produit  une  impression  profonde. 
Chose  étonnante  pour  les  Marseillais,  gens  à  manifestations 
bruyantes,  on  n'a  pas  applaudi  une  seule  fois  pendant  les  scènes, 
et  les  claquements  de  mains  ne  se  sont  fait  entendre  que  dans 
l'intervalle  des  enir'actes;  mais  aux  endroits  poignants,  la  fin  du 
drame,  par  exemple,  il  régnait  un  silence  remarquable  fait  de  ter- 
reur profonde  et  d'angoisse  devant  le  jeu  superbe  d'Antoine  et  de 
M"*  Barny.  Dommage  qu'Antoine  se  fût  fait  une  figure  de  cabot  : 


Oswald  n'est  pas  un  comédien  mais  un  peintre,  il  aurait  dû  s'en 
souvenir.  L'œuvre  d'Ibsen  dégage  un  si  merveilleux  eflfroi  que 
toute  la  salle  en  a  subi  l'influence  et,  si  j'en  avais  eu  le  temps, 
pour  bien  connaître  l'opinion  de  mes  concitoyens,  je  me  serais 
fait  un  plaisir  d'en  arrêter  un  quelconque -à  la  sortie  et  de  l'inter- 
viewer sur  le  point  de  savoir  si  ses  fibres  nerveuses  avaient  autant 
vibré  pour  les  Revenants  que  pour  le  Maître  de  Forges,  Mère  et 
Martyre  ou  tout  autre  succès  du  jour. 

M.  Charles  Bordes,  l'actif  maître  de  chapelle  de  Saihl-Gefvais, 
à  Paris,  qui  a  déjà  fait  connaître  tant  d'œuvres  de  la  musique 
religieuse  franco-flamande  et  italienne  des  xv*,  xvi»  et  xvn« 
siècles,  en  les  exécutant  à  sa  maîtrise,  a  entrepris  de  les 
mettre  à  la  portée  de  tous  en  en  faisant  une  publication.  La 
plupart  d'entre  elles  sont  éditées  déjà,  mais  avec  l'ancienne  notar 
tion  et  dans  des  recueils  extrêmement  coûteux  et  peu  abordables  ; 
M.  Bordes  les  transposera  dans  les  tonalités  normales  en  les 
armant  de  clés  usuelles,  accompagnant  les  parties  vocales  d'une 
réduction  au  clavier  pour  en  faciliter  encore  la  lecture  et  c'est 
ainsi  que  toutes  les  maîtrises  et  sociétés  chorales  pourront  se 
procurer  les  messes  de  Palestrina,  de  Vitloria  et  tant  d'autres 
qui  sont  en  préparation,  et  un  grand  nombre  de  motets  aussi 
admirables  que  peu  connus. 

Il  paraîtra  par  an  douze  livraisons  du  Répertoire  des  chanteurs 
de  Saint-Oervais,  formant  384  pages  in  4°  de  musique  ;  la  sous- 
cription annuelle  est  de  20  francs,  à  adresser  au  siège  de  l'Asso- 
ciation des  chanteurs  de  Saint-Gervais,  2,  rue  François-Miron,  à 
Paris. 

Les  journaux  de  Silésie  nous  apportent  l'écho  du  triomphal 
succès  que  vient  de  remporter  à  Breslau  l'oratorio  Franciscus  du. 
maestro  belge  Edgard  Tinel.  C'est  la  deuxième  fois  que  l'œuvre  est 
exécutée  dans  cette  ville  par  le  «  Flûgelsche  Gesangverein  »  avec 
un  pareil  succès.  Il  est  intéressant  de  constater  à  ce  propos  que 
les  journaux  de  Breslau,  —  notamment  la  Morgen  Zeitung,  — 
signalent  cette  double  exécution  comme  un  événement  destiné  à 
secouer  la  torpeur  des  associations  de  chant  allemandes,  qui, 
depuis  trente  ans,  n'ont  pas  modifié  leur  répertoire,  et  qu'indé- 
pendamment des  mérites  propres  de  cette  «  œuvre  géniale  »,  ils 
félicitent  l'auteur  d'apporter  un  renouveau  dans  la  musique  reli- 
gieuse, depuis  si  longtemps  stationnaire. 

L'ouvrage  du  maestro  belge  va, du  reste,  êire  exécuté  cet  hiver 
à  Berlin,  par  la  Société  philharmonique;  à  New-York,  par  l'Ora- 
torio Society  ;  à  Liège,  au  Conservatoire  royal  ;  à  Gœrlitzj  par  la 
Société  académique.  Enfin,  à  LouVain,  on  annonce  prochainement 
le  Kollebloemen  de  M.  Tinel, qui  fut  exécuté,  en  1884,  danscetle 
ville,  à  l'occasion  des  fêles  jubilaires  de  l'Université. 

Peter  Benoit  annoncé  à  Dusseldorf,Paul  Gilson  à  Paris,  Berlin, 
Marseille  et  Angers,  Jean  Blockx  à  Angers  également,  enfin  Edgard 
Tinel  à  Breslau,  Berlin,  New-York,  etc.,  il  nous  semble  que  les 
œuvres  de  la  jeune  école  belge  commencent  à  se  répandre  au 
dehors.  Le  pays  récolle  aujourd'hui  les  sacrifices  qu'il  s'impose 
depuis  vingt-cinq  ans'pour  ses  Conservatoires,  ses  Ecoles  de  mu- 
sique, ses  Concerts  populaires. 

Il  est  bon  de  mettre  ces  résultats  sous  les  yeux  des  députés 
campagnards  et  des  conseillers  communaux  ou  échevins  lourds 
qui  ne  songent  qu'à  rogner  les  maigres  subsides  qu'ils  octroient 
aux  institutions  artistiques  sous  prétexte  que  «  ça  ne  rapporte 
rien,  la  musique».  (Quide  musical.) 

Le  Théâtre  de  Hambourg  vient  de  remettre  complètement  à 
neuf  le  Lohengrin  de  Wagner,  qui  a  été  exécuté,  cette  fois,  inté- 
gralement et  avec  une  mise  en  scène  nouvelle.  Lohengrin, 
M.  Alvary;  Eisa,  M"»  Klafsky;  Ortrude,  M™»  Henk;  le  Roi, 
M.  Wiegand. 

Les  hommes  d'aujourd'hui  (Vanier,  éd.)  publient  un  beau  por- 
trait de  Jules  Roques,  directeur  du  Courrier  français.  —  Dessins 
d'Heidbrinck  et  Willelte;  texte  de  Michel  Zévaco. 


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Dimanche  11  Décembre  1892. 


r'U.  Il 


PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité'de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICAJID  —  Émilk  VERHAEREN      > 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,    fr.    10.00  ;  Union   postale,    fr.    13.00.    —ANNONCES   :    On  traite  à   forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  dé  TArt  Modapiie,  rue  de  rindustrie,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 


TÉNÈBRES,  par  Iwan  Oilkiu.  —  Le  salon  des  aquarellistes.  — ^ 
L'Amsterdamsch  a  Capella  Koor.  —  Les  concerts  de  la  semaine  — 
Le"  concours  de  Romb.  —  Concei^ts  populaires  de  Verviers.  — 
Chronique  judiciaire  des  Arts.  —  Liste  de  souscription  pouk  le 
monument  Charles  Baudelaire.  —  Petite  chronique.' 


TENEBRES 

par  Iwan  Gilkin.  —  Ed.  Dcman,  édilcur,  Bru.\ollos. 

J'ai  creusé  mon  cicliot  dans  un  nicnsongo  épais, 
Impénélrable  et  sombre,  où,  peôlicM-  de  moi-même. 
Je  m'enferme  à  Tabri  même  do  ceux  que  j'aime. 
Plus  seul  quand  j'ai  [larlé 

Ainsi  ce  pur  poète,  Iwan  Gilkin,  se  crée,  loin  de  la 
vie,  une  sorte  de  "  Trappe  »  étrange,  d'où  il  contemple 
les  hommes  —  de  bien  loin  aussi  — ^d'une  façon  bizarre 
et  hautaine. . 

Son  idéal?  Le  voici  en  cinq  de  ses  vers  : 

Artiste  maladif,  que  Fidéal  torture. 
Et  qu'irrite  le  goût  craintif,  d'un  affreux  ciel. 
Dédaigne  la  banale-  et  stupide  Nature, 
■^  LJi  stupide,  féconde  et  puante  Nature,  ■  -     ^ 

Et  consacre  ton  cœur  à  l'artificiel. 

N'était  que  ce  mot  est  vilain  quand  ou  pai'le  d'un 
poète  tel  qu'Iwan  Gilkin,  on  pourrait  dire  que  ces  cinq 
vers  constituent  un  «  programme  «. 


Imbu  de  pareils  sentiments,  le  poète  s'adonne  à  un 
égoïsme  très  particulier  et  très  artiste  d'ailleurs.  Il  se 
crée  un  décor  chimérique  où  il  fait  se  dérouler  les 
fables  de  son  imagination.  Et  à  l'abri  des  baisers  vrais 
et  des  douleurs  réelles  de  l'existence;  il  darde  de  ce 
«cachot  »  où  il  s'est  réfugié  dans  son  horreur  du 
monde,  des  regards  cruels  et  maléfiques  sur  les  mortels 
qui  cheminent  à  l'ombre  de  sa  tour  de  retraite. 

Ces  regards,  ce  sont  des  regards  d'éperviér  mauvais 
et  voleur  de  moelle,  d'éj^ervier  déchireur  et  sans  pitié. 

Lisez  ces  deux  strophes  de  la  sanglante  Transfigu- 
ration : 

, Prodige  où  le  démon  s'avère, 

Ta  chair  et  ta  peau  de  satiu, 

Très  chère,  deviennent  soudain  ,  ' 

Transparentes  comme  du  verre. 

Pareille  aux  i-ouges  écorchés 
Des  estampes  d'anatomie. 
Tu  n'es  plus,  adorable  amie. 
Qu'un  tas  de  muscles  rattachés. 

Pour  Gilkin,  voici  ce  qu'est  la  Bonté  : 

Bonté  !  ton  nom  devrait  être  :  le  Suicide. 

Et  ses  yeux  translucides,  au  fond  des  chairs  roses, 
dans  la  pulpe  fraîche  des  printemps  de  l'amour,  dans 
les  éclairs  radieux  des  prunelles  adolescentes,  qui 
paraissent  immaculées  comme  de  grands  lacs  par  des 
jours  sereins,  —  ses  yeux  découvrept  le  Mal  que  Gilkin 
célèbre  ironiquement.    Le   Mal,    c'est   sa   nourriture 


y 


\ 


394 


LART  MODERNE 


favorite,  à  ce  curieux  des  péchés  et  des  vices,  et  il  se 
repaît,  avec  une  joie  maladive,  des  cancers  les  plus 
secrets  de  l'âme.  Comme  l'ange  néfaste  qu'Odilon  Redon 
a  lithographie  pour  le  frontispice  de  Ténèbres,  '=^  un 
ange  aux  ailes  sinistrement  éployées  de  gigantesque 
chauve-souris,  —  le  poète  apporte  son  tribut  de  nuit  et 
de'^roalaise.  Son  égoïsme exaspéré  et  dédaigneux  s'épan- 
che en  de  telles  strophes  : 

A  ■  \         .  , 

Presse  en  tes  bras  ces  corps  de  rêve  !  Goutte  â  goutte 
Savoure  chaque  ardeur  de  ce'  vin  boréal. 
Daivs  la  paix  de  ton  lit  neigeux  et  vierge,  goûte 
L'iyresse  de  la  chair  en  ta  chair  seule,  goû,te 
Le  monstrueux  plaisir  de  souiller  l'Idéal. 

Alors,  dans  le  cœur  de  ce  solitaire  étrange  et  défiant, 
naît  un  désir  orgijeilleux  de  despotisme,  un  âpre  amour 
de  domihatio%une  voraee  envie  d'assujettir.  Il  est  comme 
un  trappiste  delà  poésie,  un  jtrappiste  équivoque  ado- 
rant le  blasphème,  faisant  resplendir  les  fruits  du  vice 
et  cultivant  de  diaboliques  parterres,  —  mais  c'est  aussi 
un  trappiste  ambitieux  de  séduire  d'autres  esprits  aux 
mythfes  de  ses  croyances  et  aux  principes  de  sa  foi.  Dans 
l'œuvre  de  Gilkin  apparaît  un  inquiétant  désir  d'abso- 
lutisme et  on  le  sent  jaloux  et  fanatique  de  son  dogme. 

Mais  son  œuvre,  artistiquement,  est  vraiment  par- 
faite. Si  I^an  Gilkin  s'est  créé  un  «  cachot  -,  ce  cachot 
est  sans  conteste  superbe.  C'est  une  forge  où  il  cisèle 
d'impeccables  sonnets.  Là,  patiemment,  s'enjoaillent 
des  vers  sans  défaut,  sonnant  richement  comme  des 
ducats,  purs  comme  des  diamants  de  belle  eau.  Ce 
cachot  se  magnifie  ainsi  qu'en  un  rêve  de  Gustave 
Moreau,  et  l'on  y  admire  d'extraordinaires  reflets  de 
rubis  et  d'inédites  lueurs  d'émeraudes  ou  de  topazes.  Ce 
n'est  plus  un  «  cachot  »,  c'est  une  grotte  étrange  et  musi- 
.cale,  aux  stalactites  vibrantes  et  harmonieuses.  On  y 
traverse  sans  doute  des  coins  empoisonnés,  on  s'y  égare 
e'ïi  4^  labyrinthes  pervers;  on  y  cogne  des  parois  ensan- 
glantâès,'^  on  y  tâtonne  en  des  coins  ténébreux  ou  on  . 
s'éclaire  à  deslueurs  paradoxales;  on  y  coudoie,  en  cer- 
taines pièces,  le  fantôme  de  Èaudelaire.  —  Mais,  vrai- 
meiit,  on  ne  peut  nier  qu'on  se  trouve  chez  un  des  plus 
rares  poètes  de  ce  temps. 

Ténèbres  est  un  livre  de  haute  marque,  digne  suite 
de7«  Damnation  de  V Artiste,  et  que  complétera,  pour 
le  très  fier  tryptique  que  Gilkin  imagine,  le  Satan  déjà 
annoncé.  L'apparition  de  ce  dernier  livre  permettra  de 
faire,  du  poète,  une  étude  définitive. 


/    LE  SALON  DES  AQUARELLISTES 

L'Exposition  annuelle  des  Aquarellisles,  qui  s'ouvrait  jadis 
aux  carillons  de  Pâques  fleuries,  débute  désormais  aux  approcji*^ 
delà  Saint-Nicolas  et  du  Christmas.,sans  qu'on  puisse  trouver  dans 
cette  modification  d'autre  motif  appréciable  que  l'espoir  de  voir 
accrocher  aux  arbres  de  Noël  et  glisser  parmi  les  caisses  de  fruits 
confits  et  les  gerbes  de  fleurs  de  Nice  généreusement  distribuées 


en  Etrennes  quelques  rectangles  do  Wbatman  imbibés  d'eau 
coloriée  et  correctement  encadrés  d'une  bordure  d'or.  Sous  la 
neige  qui  tombe  à  flocons  pressés,  sous  le  ciel  bas  dç  décembre 
qui  tend  un  yelum  de  deuil  par-dessus  le  lanterneau  du  Musée, 
elles  sont  assombfies,  les  pauvres  petites  aquarelles,  et  leur 
sourire  s'en  est  allé,  que  faisaient  épanouir  les  clairs  ciels  d'avril. 
La  cérémonie  d'ouverture  elle-même  à  pris  un  caractère  grave. 
C'était,  naguère,  presque  la  fête  du  printemps,  et  les  oilettes  des 
femmes  rivalisaient  de  fraîcheur  avec  la  jolie  imagerie  appendue 
aux  murs.  Aujourd'hui,  le  bronze  des  loutres,  le  noir  mat  des 
astrakans  crespelés  sertit  mal  la  délicatesse  des  légers  lavis. -Et 
craignons  que  le  désert  de  neige  qui  sépare  le  vieux  Musée 
des  régions  civilisées  traversées  parles  tramways  demeure  vierge, 
de  longs  jours,  et  que  bloqués  par  l'hiver,  les  mélancoliques 
huissiers,  privés  de  Visiteurs,  soient  réduits  aux  divertissements 
du  jeu  de  bouchon  et  du  cheval  fondu. 

Elle  est  particulièrement  nombreuse,  cette  année,  l'exhibition 
des  water'-coloristes  :  250  numéros  occupent  toutes  les  salles  dis- 
ponibles des  galeries  de  l'Etal,  y  compris  la  salle  des  conférences, 
la  meilleure,  heureusement  reconquise  à  la  peinture.  La  tendance 
générale  est  l'afiFranchisscment,  de  plus  en  plus  définitif,  des 
malices  et  des  diplomaties  italiennes,  qui  avaient  le  don,  autrefois, 
d'émouvoir  les  badauds.  De  rares  Cabianca  exposent  sous  le  titre  : 
Oh!  le  pauvre  chat!  des  exercices  de  virtuosité  qui  ne  requièrent 
plus  l'altenlion  du  public.  Les  Cipriani,  les  Bucciarelli,  les  Biseo 
el  les  Coleman  s'amenuisent,  s'évaporent,  se  volatilisent.  Leur 
place  est  prise  par  la  pléiade  des  aquarellistes  belges,  famille 
unie,  —  trop  unie  peut-être,  car  les  afiinilés  se  manifestent  avec 
la  plus  flagrante  évidence,  —  mais  dont  le  coloris  harmonieux, 
la  souplesse  de  main,  l'interprétation  artiste,  le  sentiment  joli- 
ment décoratif  ont  fait  une  école  distincte  el  déjh  renommée. 
MM.  Stacquet,  Uytterschaut,  Binjé,  Cassiers,  Den  Duyts,  Tilz, 
Hoeterickx  et  quelques  nouveaux  venus,  parmi  lesquels  M.  Georges 
de  Burlct,  sont  les  promoteurs  de  cet  art  joliet,  minuscule  quand 
on  songe  aux  œuvres  de  pensée  que  signent  quelques-uns  des 
membres  du  Cercle,  mais  qui  s'accorde  coquettement  avec  les 
procédés  et  les  ressources  limitées  de  l'aquarelle. 

Parmi  ces  œuvres  de  pensée,  les  belles  et  pures  et  sobres 
compositions  de  Xavier  Mellery  s'élèvent  le  plus  haut.  Il  semble 
que  d'année  en  année  monte  davantage  ce  talent  à  la  fois  viril  et 
doux,  qui  remue  en  nous,  avec  dos  moyens  d'une  simplicfîé 
enfantine,  un  monde  d'idées.  Quelle  noblesse  àiins  la  Famille, 
qui  profère  a vee  de  si  chaleureux  accents  le  charme  du  foyer! 
Quelle  intimité  dans  la  Hollande  au  xvn*  siècle,  où  l'art  discret 
et  réfléchi  des  maîtres  de  la  Renaissance  néerlandaise  est  symbo- 
lisé avec  un  tact  exquiç!  Quelle  grandeur  dans  celte  œuvre  magis- 
trale :  La  Pensée  aime  la  nuit!  L'art  de  Mellery  se  concentre  de 
plus  en  plus  et  acquierl  la  plus  rare  pénétration. 
■  Rapprochons  de  ces  compositions  de  choix  les  dessins  rehaussés 
de  M.  Fernand  Khnopff  el  les  pastels  tragiques  de  M.  Constantin 
Meunier.  Ici  encore  la  pensée  anime  l'œuvre  el  la  grandit  singu- 
lièrement. L'inévitable  comparaison  que  fait  naître  le  rappro- 
chement de  ces  pages  avec  la  reproduction  méticuleuse  et  sèche 
à  laquelle  se  livre  M.  Edouard  Détaille  pour  nous  mpnirer  jusqu'en 
les  luisanlsdes  gibernes,  jusqu'en  les  reflets  des  boutons  de  métal, 
un  groupe  de  sapeurs  de  la  garde  impériale,  est  tout  à  l'honneur 
de  nos  arlislos.  Elle  précise  l'art  de  ceux-ci,  elle  affirme  le  côté 
puéril  et  la  vacuité  d'un  procédé  qu'on  croyait  éteint  avec 
M.,  Meissonier  et  qu'on  est  surpris  de   voir  renaître  jusqu'en 


l'exagération  de  ses  prix  :  M.  Delaille  demande  12,000  francs  de 
ses  sapeurs  aux  plumets  lustrés.  Douze  mille  francs!  A  ce  taux, 
c'est  cent  mille  que  Mellery  devrait  coter  ses  œuvres,  toutes 
vibrantes  de  l'émotion  artistique  qui' manq.illirauxpetits  soldats 
de  M.  Détaille. 

Mais  ne  nous  attardons  pas  trop.  Il  nous  faut  signaler  encore 
les  délégués  hollandais,  qui  pratiquent  largement,  à  belles  cou- 
lées, avec  un  sentiment  personnel,  l'art  de  diluer  les  pigments  : 
MM.  Mesdag,  Oyens,  Wysmuller,  Hcnkes,  M"«  Vande  Sande- 
BackRuyzen  ;  quelques  Allemands,  lourds  et  criards  :  MM.  Skar- 
bina,  Kuehl,  Herrman;  le  meilleur  est  sans  contredit  M.  Lieber- 
mann,  dont  l'Ouvroir  des  Orphelines  s'égaie  d'une  jolie  lumière 
blonde.     '  - 

Nous  prisons  très  peu  l'art  frigide  de  "M.  De  Vriendt  et  son 
Inslilution  de  la  Toison  d[Or  nous  parsiîi  une  bonne  épure  d'ar- 
chitecle  qui  se  serait  appliqué  à  dessiner  la  figure.  Tout  autre  est 
M.  Eugène  Smits  qui  donne  à  ses  modèles,  même  dans  ses  ébau- 
ches, la  vie  et  l'expression. 

M.  Hagemans  expose  copieusement.  De  grands  bristols  peints 
-  s'encadrent  d'épaisses  bordures  de  bois  dont  l'influence  se  fait 
sentir  sur  les  figures  et  sur  les  animaux  qui  peuplent  ses  paysages. 
Que  dire  de  ce  perpétuel  recommencement?  Les  œuvres  qu'expose 
celte  année  M.  Hugemans  ne  sont  ni  meilleures  ni  pires  que  celles 
de  l'an  passé,  et  celles-là  étaient  identiques  aux  œuvres  de  l'année 
précédente.  M.  Marcelle  a  ceci  de  commun  avec  M.  Hagemans 
qu'il  donne  à  l'aquarelle  l'importance  d'une  peinture  à  l'huile  en 
l'encadrant,  sans  marges,  d'un  cadre  énorme  qui  l'écrase.  Mais  il 
a  un  coloris  personnel,  et  sa  vision  s'affine.  Vue  à  distance,  sa 
i^&rte  mrtj'^e  fait  impression.    ■' 

D'autres  œuvres  mériteraient  une  mention  :  la  Tourelle  de 
M.  Baes,  les  portraits  de  M.  Abry,  les  paysages  de  MM.  Claus  et 
Verheyden,  les  débuts  dans  l'aquarelle  de  M.  Jan  Verhas,  les  étu- 
s  des  de  chats  de  M™*  Rorlner,  les  jolis  intérieurs  de  M.  Taelemans, 
les  aquarelles  de~Mr  Van  Leemputten  ;  nous  ne  pouvons  aujour- 
d'hui que  les  citer  brièvement.  El  nous  signalons,  pour  terminer, 
les  maroquineries  rapportées  d'un  séjour  en  Moligreb  par 
M.  Maurice  Romberg  :  fantasias,  courses  de  chevaux,  l'artiste  a 
représenté  quelques  scènes  d'un  naouvemenl  endiablé  qui  décèlent 
un  talent  d'illustrateur  habile  à  attraper  au  vol  la  fugacité  des 
altitudes,  à  restituer  dans  leur  injégrilé  les  ensembles  les  plus 
compliqués. 


L'AMSTERDAMSCH  A  CAPELLA  KOOR 

Premier  concert  populaire. 

Avec  sa  barbiche  et  sa  moustache  grises  qui  le  font  ressembler 
au  major  Godefroy,  avec  son  ascétique  maigreur,  ses  membres 
noueux  et  les  saccades  de  ses  gestes,  M.  Daniel  de  Lange,  quand 

-  il  commande  à  ses  choristes,  a  plutôt  l'air  d'un  chef  de  bataillon 
passant  l'inspeclion  que  d'un  capelimeisler  imprégné  des  divines 
mélodies  des  vieux  maîires.  Mais  dès^ue  ses  merveilleux  chan- 
teurs ouvrent  la  bouche,  on  senLV^uel  arlisle .  on  a  affaire. 
Tenues  exquises,  impeccable  juslMsc,  nuances  s'affinanl  en 
murmures,  s'exhalant  en  souffles  à  peinivperceplibles,  le  choral 
hollandais  réunil  un  rare  ensemble  de  qa^fés  mis  au  service, 
avec  quel  respect!  de  jnusiques  archaïques,  d'une  beauté  grave. 

Tpji  poigne  et  subjugue.  M.  de  Lange  lient  cet  échafaudage  d'art 
au  bout  de  son  bûton.  D'un  très  léger  mouvement  des  mains  il 


indique  l'intensité  d'expression,  le  rythme  à  précipiter  ou  à 
ralentir.  On  le  senl  éleclrisé  par  la  mélodie,  vibrant  sous  ses 
effluves,  et  le  fluide  magique  s'échappe  de  ses  doigts,  anime  les 
chanteurs",  les  aimante  à  leur  tour... 

C'est  un  régal  que  l'inlerprétalion  avec  pareil  scrupule  de  ces 
œuvres  vocales  1res  anciennes  et  très  inconnues.  Il  en  est  quelques- 
unes  d'une  extraordinaire  splendeur.  Nous  citerons  en  premier 
lieu  l'admirable  Kyrie  e  Christe  de  Jean  Okeghem,  qui  fui 
chanteur  à  la  cathédrale  d'Anvers,  puis  à  la  chapelle  royale  de 
France  et  mourut  vers  1513. 

Interprété  par  un  quatuor  dé  voix  harmoriieuses,  ceèhant  litur- 
gique qui  garde  après  quatre  siècles  la  plus  rare  fraîcheur  d'inspi- 
ration, a  produit  sur  l'audiloire  un  effet  considérable. 

C'était,  sans  contredit,  la  perle  du  concert.  Un  madrigal  de 
Corneille  Schuyl, organiste  et  carillonneur  à  Leyde  vers  l'an  1600, 
écrit  dans  la  forme  rigoureuse  du  canon,  atteint  par  moments 
l'ampleur  et  le  charme  mystique  des  compositions  de.J.-S.  Bach. 
Diverses  pièces  de  Jean-Pierre  Sweelinck,  le  célèbre  organiste 
d'Amsterdam  qu'on  considère  comme  le  chef  des  organistes  alle- 
mands et  le  précurseur  du  maître  d'Eisenach,  attestent  l'éclat  de 
l'école  néerlandaise  aux  xvi«  et  xvii»  siècles.  Le  Psaume  122  à 
quatre  voix,  le  Psaume  H8  à-six  voix,  et,  dans  une  forme  plus 
libre,  le  cantique  sacré:  Ilodie  Chrislus  nalus  est,  Noël  décèlent 
l'art  le  plus  élevé,  traversé  par  l'expression  ingénue  et  sincère 
d'un  sentiment  religieux  au  regard  duquel  la  mondanité  et  la 
superficialilé  de  la  plupart  des  compositions  écrites  de  nos  jours 
pour  l'église  apparaît  flagrante. 

Des  deux  œuvres  de  Josquin  des  Prés  portées  au  programme, 
la  seconde.  Petite  Camuselte,  a  fait  le  plus  de  plaisir.  Mais  ce 
sont  là  menus  refrains  et  plaisants  passe-temps  qui  ne  peuvent 
être  comparés  aux  austères  et  sublimes  inspirations  des  Okeghem, 
des  Schuyt,  des  Sweelinck,  des  Dufay,  des  Obrecfat.  La  chanson 
de  Jacques  Clément,  Entre  nous  filles  de  quinze  ans^  n'a,  de 
même,  qu'un  mérite  de  grâce  facile.  Mais  M.  de  Lange  a  tenu  à 
varier  le  répertoire  et  à  prouver  que  ses  chanteurs  sont  aptes  aux 
frivolités  de  la  chanson  profane  aiissi  bien  qu'aux  sévérités  du 
drame  sacré  :  coquetterie  de  virtuose  et  désir  non  blâmable 
d'éviter  la  monotonie. 

L'n  quatuor,  sur  des  paroles  italiennes,  de  Roland  de  Lattre, 
terminait  cette  suggestive  audition,  qui  fera  époque  dans  nos 
fastes  musicaux.  Pour  la  première  fois  nous  est  révélée  la  musique 
néerlandaise  médiévale.  El  ta  restitution  a  été  telle  que  tous  les 
auditeurs  en  ont  paru  goâter  la  saveur  pénétrante.  Gloire  en  soit 
rendue  à  M.  Daniel  de  Lange  et  à  ses  dix-huil  chanteurs  d'élite, 
qui  accomplissenl  à  travers  l'Europe  l'apostolat  de  la  musique 
ancienne.  Il  demeurera  de  l'audflion  de  dimanche  le  souvenir 
d'une  impression  raffinée  et  subtile,  d'un  miracle  d'art  iransplan- 
tanl  dans  la  frivolité  d'une  salle  de  spectacle  les  trésors  de  foi  et 
de  piété  que  recéljjienl  jadis  les  cathédrales. 

Faul-il  parler  de  la  gangue  symphonique  dans  laquelle  Joseph 
Dupont  avait  serti  ces  purs  joyaux?  On  les  sentait  inopportunes, 
ces  œuvres  nM)dernes  de  Grieg  et  de  Weber,  bordure  trop  dorée 
et  trop  cliargéc'pour  les  panneaux  gothiques  qu'elles  encadraient. 
Seule  l'ouverture  de  la  Flûte  enchantée,  avec  la  simplicité  de  ses 
procédés  et  la  délicatesse  de  ses  dessins,  a  paru  heureusement 
choisie  pour  ouvrir  le  concert. 


LES  CONCERTS  DE  LA  SEMAINE 

Nous  ne  parlerons  que  pour  mémoire  de  l'audiiion  de  M"'Mon- 
tellh,  dont  l'art  principal  consiste  h  s'entourer  d'une  réclame  tout 
américaine.  Le  professeur  de  la  cantatrice?  Bufîalo-Bill,  sans 
doute. 

Au  premier  concert  classique  de  la  maison  Schott,  autre  chan- 
teuse :  M"«  Alice  Barbi,  Italienne  de  naissance,  actuellement  «  Kam- 
mersangerin  »  de  l'empereur  d'Autriche.  Physique  agréable,  voix 
cliarmanle  de  mezzo,  émission  du  son  b  la  mode  allemande,  c'est- 
à-dire  en  prenant  la  note  par  dessous.  M''*  Barbi  a  chanté  en  italien 
de  vieux  airs  de  Jomelli,  d'Astorga  et  de  Caldara,  en  allemand 
du  Schubert  et  du  Brahms,  en  français  du  Massenet,  sans  que  ce 
polygîottisme  parût  la  gêner  beaucoup.  Ccst,  toutefois!  dans  la 
musique  allemande  qu'on  la  sent  le  plus  ^  l'aise.  On.  lut  ti  fait  un 
vif  succès  après  l'exécution  de  la  Sérénade  interromfnie.  Un  pia- 
niste de  sérieux  talent,  M.  Polonyi,  accompagnait  la  cantatrire.il 
a  complété  la  séance  en  interprétant  en  excellent  musicien  diverses 
œuvres  de  Bacli,  de  Chopin,  de  Liszt  et  de  Grieg. 

La  plus  intéressante  des  auditions  de  h  semaine  a  été,  certes, 
la  séance  consacrée  par  M.  Gustave  Kefcr,  assisté  d'un  groupe 
d'artistes  choisis  par  lui,  h  la  musique  de  chambre  de  Brahms. 
Une  pensée  exclusive  d'art  a  présidé  à  l'organisation  de  ce  concert, 
réduil  à  l'intimité  d'un  salon,  avec,  pour  auditoire,  un  public 
restreint  de  patrons  et  d'abonnés.  Programme  sévèrement  établi, 
sans  même  l'appât  d'une  chanteuse  pour  amorcer  les  applaudis- 
sements ■:  trois  œuvres  importantes,  destinées  à  faire  apprécier  le 
compositeur,  à  diverses  époques.  L'une  d'elles,  le  Quatuor  en 
sol  (op.  25)  pour  piano  et  archets,  remonte. à  une  quinzaine 
d'années,  tandis  que  le  Quintette  pour  clarinette  et  cordes  (op.  115) 
est  tout  fraîchement  éclos.  C'est  l'été  dernier  que  l'éditeur  Sim- 
rock  le  mit  en  vente  et,  pour  la  première  fois,  il  était  joué  en 
public  à  Bruxelles  vendredi. 

Celte  œuvre,  inégale  dans,  ses  quatre  parties,  contient  un 
superbe  adagio  dont  la  phrase  principale,  dite  et  presque 
«  récYléc  »  par  la  clarinette,  tant  la  forme  mélodique  en  cwiibre, 
se  développe  avec  un  charme  très  grand  sur  les  accompagnements 
en  sourdine  du  quatuor.  La  sonorité  de  la  clarinette  donne  à  1a 
composition  une  saveur  particulière  (on  se  souvient  du  parti  que 
Vincent  d'Indy  en  a  tiré  dans  son  trio).  Le  premier  mouvement, 
un  allegro  très  bien  échafaudé,  renferme  également  des  idées 
séduisantes  et  de  savoureuses  modulations.  Nous  avouons  ne 
point  goûter  les  deux  derniers  morceaux.,  un  andnntiiio  longuet  et 
un  final  à  variations  qui  n'a  point  l'air  de  s'accorder  avec  les 
parties  précédentes  de  l'œuvre.  L'exécution,  correcte  mais  un  pou 
sèche  et  sans  nuances,  n'était  d'ailleurs  point  de  nature  &  mettre 
en  relief  les  traits  saillants  et  à  donner  au  Quintette  l'ampleur  qu'il  . 
pourrait  atteindre  avec  une  interprétation  de  choix.  MM.  Hublari, 
Laoureux,  Hoyois,  Lefèvre  et  Bousèrez  en  ont  exprimé  la  lettre, 
mais  non  le  sens  intime. 
'-'^  Au  risque  de  déchaîner  contre  nous  les  colères  des  nombr«ux 
Brahmsisles,  nos  amis,  nous  déclarons  ne  priser  que  médiocre- 
ment la  sonate  pour  piano  et  violon  (op.  100)  qui  servait  d'inter- 
mède. Malgré  l'excellente  interprétation  de  MM.  Kefcr  cl  Laoureux, 
elle  nous  a  paru  singulièrement  diluée  et  reposer  sur  des  idées 
courtes,  d'un  intérêt  contestable.  C'est,  certes,  de  «  la  bonne 
ouvrage  »  comme  disent  les  ouvriers.  L'homme  du  métier,  l'habilo 
harmoniste  qu'est  Brahms,  s'y  révèle,  Mais  on  n'y  rencdntrCyguère 


d'inspiration,  et  l'impression  qui  s'en  dégage  est  plutôt  celle  du 
travail  d'un  fort  eu  thème  que  d'un  musicien  aux  pensées  pro- 
fondes et'  personnelles.  La  musique  se  déroule  en  dessins  mono- 
tones, menus,  menus,  sans  empoigner  l'auditeur  et  lui. couler  le 
petit  frisson  que  donnent  les  grandes  œuvres.  Ce  qui  manque,  c'est 
l'émotion.  Et  celte  émotion,  —  souffrance  d'une  âme  meurtrie, 
aspiration  vers  un  idéal  insaisissable^  cris  de  passion  ou  d'an- 
goisse, expression  de  colère  ou  de  tendresse,  —  paraît  étrangère 
au  tempérament  bien  équilibré,  sain  cl  «  professoral  »  du  maître 
allemand. 

Le  Quatuor  au  final  tzigane,  très  connu,  clôturairce.Ue  séance 
attrayante  qui  va,  souhaitons-le,  provoquer  de  fertiles  discussions 
sur  la  personnalité  de  Brahms,  le  porle-drapeau  d'une  école  qui 
compte  de  nombreux  partisans,  le  bélier  qu'on  a  coutume  de 
lancer  contre  les  forces  jeunes  et  libres  de  l'école  française  con- 
temporaine. Ce  bélier  nous  paraît  bien  lourd  î»  manœuvrer  et, 
somme  loule,  peu  meurtrier. 

Ceux  qui  se  délecténl  à  d'harmonieux  assemblages  de  sons 
trouveront  beaucoup  de  charme  î»  écouter  Brahms.  Si  l'on  exige 
autre  chose,  si  l'on  veut  que  le  langage  musical  ne  soit  que 
l'expression  d'une  pensée  profonde,  on  se  tournera  vers  d'autres 
horizons.  Et  l'on  reconnaîtra  qu'il  y  a  entre  Brahms  et  Beethoven, 
auquel  le  compare  le  zèle  inconsidéré  de  ses  admirateurs,  une 
différence  appréciable. 

LE  CONCOURS  DE  ROME 

Les  observations  émises  dernièrement  dans  la  Réforme  par 
Champal  sonl  en  si  parfaite  harmonie  avec  ce  que  VArl  moderne 
a  souvent  dit  du  Concours  de  Rome,  quç  nous  n'hésitons  pas  b 
les  reproduire  : 

«  Les  ouvrages  du  grand  concours  de  peinture  de  cette  année 
sont  exposées  au  Musée  moderne.  Le  résultat  lamentable  de  ce 
concours  n'es l  pas  fuit  pour  relever  le  prestige  du  «Prix  de 
Rome»!  Le  sujet  imposé  aux  malhcureuvrécipiendairesélail, ilest 
.vrai,  particulièrement  abrutissant.  Les  concurrents  se  sonl  appli- 
qués h  représenter  «  les  dernières  victimes  du  déluge  »  dans  la 
situation  la  plus  effroyable  qu'ils  aient  pu  imaginer  et,  loin 
d'inspirer  l'effroi,  les  compositions  caricaturales  ([uc  ce  sujet  leur 
a  suggérées  provoquent  un  accès  de  douce  gaîlé... 

L'effet  produit  par  ces  pancartes  peuplées  dç.  noyés  récalci- 
trants, torturés  dans  des  mouvements  invraisemblables,  le  masque 
outrageusement  déformé  par  les  grimaces  enseignées  au  «  cours 
d'gxpression  »  est  absolument  irrésistible.  Voilà  des  détresses 
qu'on  ne  prendra  jamais  au  sérieux. 

Le  jury  lui-même  a  compris  que  c'était  grotesque  ;  il  a  rengainé 
sa  palme  cl  décerné  comme  fiche  de  consolalion-un  second  prix 
à  M.  Van  Esbrocck,  qui  a  montré  plus  de  sang-froid  que  ses 
camarades...  MM.  César  Geerinck  cl  Léon  Rolihier  ont  obtenu 
une  mention  honorable  pour  les  qualités  d'exécution  dont  ils  ont 
l'ait  preuve. 

Quand  réformera-l-on  donc  sérieusement  le  règlement  des 
concours  de  Rome?  N'esl-il  pas  douloureux  de  penser  que  ces 
jeunes  gens  ont  consacré  cinq,  à  six  mois  à  ces  liorreurs,  car 
avant  d'être  admis  au  concoifrs  ils  onl  dû  subir  plusieurs  épreuves 
préparatoires  (!).  Cette  institution  est-clic  don(W)lus  immuable 
encore  que  l'article  47?  M.  Dé  Burlet,  à  qui  l'oii^ête  des  projets 
novateurs,  devrait  réaliser  cette  réforme.  Les  ressources  dont  le 
gouvernement  dispose  pour  encourager  les  arts  sonl  trop  rcslrein- 

__ ^         -  ^ 


VAUT  MODERNE 


397 


leït^pour  que  le  budget  consacré  aux  prix  de  Rome  soit  dépensé 
aussi  sotlemcnt.  Lorsque  le  sculpteur  Godecharles  a  décidé  de 
créer  une  bourse  pour  les  jeunes  artistes  qui  se  seraient  distin- 
gués au  Salon  triennal  de  Bruxelles,  il  T  esquissé  la  réforme 'qu'il 
faut  apporter  à  l'organisation  des  concours  ce  Rome. 
'  Les  vices  du'règlement  actuel  ont  été  signalés  à.satiété  par  la 
presse  ;  il  y  a  unanimité  complète  parmi  les  artistes  pour  critiquer 
cette  institution  surannée.  Que  TH.  De  Burlct  organise  un  référen- 
dum à  ce  sujet  et  il  ser;i  complètement  édifié.  En  attendant,  Ics' 
artistes  que  l'on  invite  à,  faire  partie  du  jury  devraient,  à  mon 
avis,  décliner  celte  re>.|»onsabilité...  Il  est  inadmissible  qu'un 
artiste^sérieux  patronne,  d'une  &con  aussi  indirecte  que  ce  soit, 
une  pareille  institution. 

J'ai  été  souvent  surpris  en  trouvant  dans  la  composition  de  ces 
jurys  des  noms  comme  ceux  de  Xavier  Mellery,  de  Jacques  de 
Lalaing,  de  Vinçotte,  de  Constantin  Meunier,  de  Vauderstappen, 
de  Léon  Mignon  et  de  bien  d'autres  dont  le  talent  et  les  convictions 
artistiqiics  devaient  se  révolter  contre  une  semblable  mission.  Je 
suis  persuadé  que  si  ces  artistes  d'autorité  se  refusaient  une  bonne 
fois  pour  toutes  à  se  compromettre  de  lasorle,  la  revision  réclamée 
par  tous  ceux  qui  ont  le  souci  de  la  prospérité  de  notre  école  et- 
des  vrais  intérêts  artistiques  ne  tarderait  pas  à  être  obtenue.  Cette 
grève  du  jury  ferait  faire  un  grand  pas  à  la  question.  » 


Concerts  populaires  de  Verviers. 

{Correspondance  particulière  de  l'Art   tmoderne.) 

Reconstituée  par  un  |;roupe  d'amateurs  et  soutenue  par  une 
commandite  relativement  élevée,  l'institution  des  Concerts  popu- 
laires a  donné  mercredi  sa  première  séance  au  nouveau  théâtre, 
gracieusement  mis  à  sa  disposition  par  Tadministration  commu- 
nale. 

La  salle  est  vaste  et  d'acoustique  excellente;' les  loges  sont  peu 
confortables  et  trop  exiguës. 

Au  programme  du  concert,  la  deuxième  symphonie  de  Beet- 
hoven (première  exécution  à  Vcniers),  le  Prélude  de  Parsifal,  la 
Danse  des  Sylphes  et  la  Marche  hongroise  de  la  Damnation  de 
Faust  de  Berlioz. —  Grand  succès  pour  notre  orchestre,  qui, 
sous  l'artistique  direction  de  Louis  Kcfor,  a  de  nouveau  fait 
prouve  de  son  impeccabilité  et  de  son  brio  ordinaires. 

Comme  solistes,  A.  de  Greof  et  M"«  Emilie  Leroux,  canlatricc. 
De  Grèef  vous  est  conrtu  :  il  l'est  moins  h  Verviers,  mais  il  avait 
laissé  parmi  nous  d'excellents  souvenirs.  Il  nous  est  revenu  plus 
brillanl  que  jamais,  cl  notre  public  a  été  réellement  enthousiasmé 
de  son  jeu  si  correct,  de  son  prestigieux  mécanisme,  de  ce  style 
à  la  fois  si  pur,  si  élégant  et  si  tin. 

M'"  Leroux  nous  a  chanté  des  airs  de  Saint-Saëns,  de  Lalo,  de 
René, de  Tschaïkowsky  (celui-ci  très  bien  accompagné  par  Massau) 
et  enfin  de  Schumann.  Sa  large  voix  de  contralto,  quelque  peu 
sourde  au  début,  a  fait  bonne  impression  :  de  même  en  a-t-il  été 
de  la  distinction  et  de  la  discrétion  qui  sont  les  qualités  domi- 
nantes de  ce  jeune  talent  d'avenir. 

Le  deuxième  concert  est  fixé  au  25  janvier. 


Chronique  judiciaire  de^  ^rt3 

Genus  irritabllç.  vatiim. 

Le  tribunal  ée  la  'Seine  'vient  èrenlCTadre  coup  -sur  coup  les 
véelannatvams  de  deux  jeonee  poètes  dont  on  a  estropié  les  vers  et 
appmivri  les  rime». 

Le  premier tde -ces  poêles  est  M.  Victor  Ban-ucand,  auteur  de  In 
Ohttuson  des  Mois,  qui  réclame  5,000  francs  de  dommages-inté- 
rêts à  MM.Wckprlin,compositeur  de  musique,  et  Durand,  éditeur, 
pour  avoir  reproduit  son  œuvre  sans  autorisation  et  l'avoir 
dénaturée. 

«  ...  ftu 'ainsi  le  titre  :  La  Chanson  des  Mois  a  été  remplacé  par 
celui-ci  :  Les  mois  de  l'Année;  que  des  mots  èl  des  vers  ont  été 
changés,  que  des  rimes  ont  été  tronquées  ; 

...  Qu'un  préjudice  a  été  causé  ail  requérant;  que  ce  préjudice 
est  d'autant  piusigra^eque  l'eBuvne  de  l'expiosaiil  a  éié  profondé- 
ment dénaturée  et  altérée,  non  seulement  par  la  musique  dont  on 
l'a  accompagnée,  mais  encore  par  les  modifications  que  MM.  We- 
kerlin  ^  Duranfl  se  sont  permises...  » 

A  l'audience,  les  tripaioBlhlages  ont  «16  dévoilés. 

M.  Barrucand  avait  écrit  dans  sa  poésie  :  Avril,  ces  vers*: 

Terre  qui  dort  lassée 
I)an8  ta  couche  glacée, 
—         L'hiver  a  fui, 
Lejouralui, 
Eveille-toi,  ma  lîancée, 
Sous  le  baiser  viril 
D'Avril. 

Le  compositeur  de  musique  a  remplacé  viril  par  gentill 
Dans  les  vers  : 

Eveille-toi,  ma  grande  amie. 
'Eveille-toi,  belle  endormie. 

M.  Wekerlin  a  changé  grande  en  do«ce! 
Ce  n'est  pas  tout.  On  a  prêté  au  poète  l'étrange  licence  de  faire 
rimer  r(îia«/  avec  vermeil  dans  ces  vers  : 

Le  flot  se  précipite  et  se  brise  en  râlant,. 
"Voici  l'heure  adorable  où  se  comptait  le  rêve, 
L'heure  où  le  soleil  meurt  *fl  horizon  vermeil. 

A  la  lecture  de  ces  horreurs,  M.  Barrucand  tailla  sa  meilleure 
plume  et  écrivit  au  musicien  : 

«  Je  viens  de  lire  Juin  et  A  vril  que  vous  avez  fait  paraître  chez 
Durand,  et  je  suis  indigné.  C'est  de  la  falsification  littéraire  au  plus 
haut  point.  Comment  avez-vôus  pu  mettre  sous  mon  nom*  toutes 
ces  fautes  de  sens  et  ces  absences  de  rime? 

...  Vous  faites  rimer  i>erm«7  avec  r(î/w/.  Ah!  non,  je  ne  souffri- 
rai pas  ça  et  je  n'ai  pas  de  mot  pour  dire  combien  je  trouve  cela 
atroce  à  endurer.  » 

Pour  sa  défense,  M.  Wekerlin  expose  qu'il  a  demandé  et  obtenu 
du  poète  l'autorisation  de  mettre  son  recueil  de  poésies  en  musi- 
que ;  que  le  poète  s'élant  (et  à  juste  titre  !)  rebellé  contre  les 
modifications  qu'il  y  avait  apportées,  M.  Durand  fil  paraître  en 
hâte  une  nouvelle  édition  plus  respectueuse  du  texte. 

Celle  défense  nous  paraît  faible.  Nous  verrons  à  huitaine  si  le 
tribunal  la  juge  telle. 

Autre  poète,  autre  procès.  )  "" 

Il  s'agit,  cette  fois,  de  W.  Trahon,  auteur  d'une  pièce  de  vers 
intitulée  Le  Pater  qui  plut  Icllcmenl  à  M.  BivorI,  directeur  du 
Bulletin  des  Halles,  qu'il  sollicita  de  l'auteur  l'autorisation  de  la 
reproduire. 


398 


L'ART  MODERNE 


Croyant  remarquer  qu'il  y  avait  un  vers  de  treize  pieds  : 
Donne-nous  aujourd'hui  notre  pain  quotidien, 
il  prit  sur  lui  de  corriger  et  de  changer  notre  en  le.  Ce  vers 
devint  : 

Donne-nous  aujourd'hui  le  pain  quotidien. 

Celte  correction  mit  naturellement  en  fureur  4e  poète,  qui 
inlenlar'à  M.  Bivorl  un  procès  en  10,000  francs  de  dommages^- 
intérêts  pourAvoir,  disait-il,  publié  sans  autorisation  la  poésie,  et 
avoir  porté  atteinte  à  sa  réputation  littéraire  «n  modifiant  abusi- 
vement un  des  vers.    J 

Le  tribunal  jugeant  qu'il  résultait  des  documents  de  la  cause 
que  l'autorisation  avait  été  accordée  et  que  la  réputation  du  poète 
n'avait  subi  aucune  atteinte,  a  rejeté  purement  et  simplement  la 
demande  de  M.  Trahon. 


LISTE  DE  SOUSCRIPTION 

POUR   LE 

MONUMENT  CHARLES  BAUDELAIRE 

SOUSCRIPTEURS  BELGES,  (1) 

TROISIÈME   LISTE 


486 
5 


uxelles 


Report  des  listes  précédentes.     ,     .  fr. 
MM.  Eugène  Van  Overloop,  sénateur 

Joseph  Nèvc,  chef  de  division  ail  ministère  de  l'in- 
térieur  

le  D'  Paul  Héger,  professeur  à  l'Université 
M"*  Louise  Héger,  artiste-peintre  .... 
MM.  F.  Philippson,  banquier,  à  Bruxelles    . 

le  D'  Collignon,  à  Bruxelles,  .... 

Jules  Borel,  avocat  à  la  cour  d'appel  de  B 

Charles  Noulard,  id. 

M"'*  Andrée  Mégard,  du  Théâtre  du  Parc.     . 

Anonyme.     .     .     .     .     .     .     .-"-v    . 

A  reporter.    V^     .  fr.     556 
Le  comité  du  monument  Baudelaire  se  réunira  en  assemblée 
générale  vendredi  prochain,  16  courant,  à  3  heures,  au  Café 
riche,  boulevard  des  Italiens,  à  Paris.    - 

'  ORDRE  DtJ  JOUR  : 

1.  Lecture  d'un  rapport  de  M.  Léon  Deschamps  sur  l'étal  actuel 
de  la  souscription  publique; 

2.  Nomination  d'une  commission  executive; 

3.  Discussion  sur  la  forme  du  monument  et  l'emplacement  à 
choisir; 

4.  Discussion  du  projet  d'édition  du  volume  :  Le  tombeau  de 
Charles  Baudelaire  ;  '  «       ■ 

5.  Présentation,  par  les  membres  du  comité,  de  tout  projet 
utile  aux  iniéréls  de  la  souscription. 

A  la  circulaire  de  convocation,  signée  par  MM.  LecOnte  de 
LisLE,  président  d'honneur,  Stéphane  Mallarmé,  Léon  Des- 
champs, Stuart  Merril  et  Léon  Maillard,  membres  du  comité, 
est  jointe  celte  note  : 

Prière  à  nos  confrères  qui  ne  peuvent  assister  à  celte  réunion  : 
'    1"  De  nous  transmettre,  s'H  y  a  lieu,  leurs  observations  ; 

(1)  Les  souscriptions  sontreçues  dans  les  bureaux  de  l'Art  moderne, 
d  où  elles  seront  transmises  au  Comité  centrai,  à  Paris. 


2«  De  nous  faire  connaître,  si  (e  n'esl  déjà  fait,  la  somme  pour 
laquelle  ils  désirent  coniribuer  à  l'œuvre  ; 

3»  De  vouloir  bien  nous  faire  parvenir  au,  plus  tôt  leur  part  de 
coUahoration  (vers  ou  prose)  aU  volume  collectif  édité  au  bénéfice 
de  la  souscription.  ' 

Adresser  les  communications  à  M.  Léon  Desehamps,  qui  en  fera 
pan  à  l'assemblée  générale.  -  .  .      -    ' 


•Petite  chroj^iique 

Le  nouveau  spectacle  des  Galeries  :  Tout- Bruxelles,  revue  de 
MM.  Blondeau,  Monréal  et  Boullandî  a  rouvert  l'ère  des  féeries 
somptueuses.>La  richesse  des  décors,  la  fraîcheur  des  costumes, 
la  gaîlé  de  bon  aloi  qui  assaisonne  la  pièce,  ontxl'emblée  conquis 
le  public,  qui  a  fait,  le  soir  de  la  première,  un,  succès  sans  pré- 
cédent à  l'oeuvre,  aux  auteurs  et  au  directeur. 

Il  est  juste  d'associer  à  ceux-ci  -le  nom  des  artistes  principaux 
qui  mènent  rondement  la  revue  :  M"""  Viilers  et  Duberny,  celle-ci, 
notamment,  charmante  en  poupée,  MM.  Railer,  le  compère,  et 
Perrin,  inimitable  dans  la  parodie  qu'il  a  faite  de  Mounet-Sully. 

Pleurez,  nos  yeux!  Les  jolies  misses  qui  lararabojjmisent  si 
joyeusement  à  l'Alhambra  vont  nous  qùiller.  Elles  donnent  ce 
soir  dimanche,  demain  et  après-demain  leurs  spectacles  d'adieux, 
et  c'est  Fausl-iip-lodate,  l'amusante  folie,  qui  clôture  celte  bril- 
lante série  de  représentations. 

Pour  nous  faire  regretter  davantage  son  départ,  VEnglish 
burlesque  Company  a  corsé  depuis  huit  jours  son  spectacle  de 
la  Serpentine,  cette  danse  exquise  qui,  importée  d'Amérique,  a 
affolé  Londres  pendant  la  dernière  season  et  révolutionne  en  ce 
moment  Paris. 

Une  nouvelle  revue  va  paraître  :  Van  Nu  en  Straks,  dirigée 
par  MM.  Cyriel  Buysse,  Emmanuel  de  Bom,  Prosper  Van  Langeii- 
donck  et  Gusl.  Vermeyien. 

Le  programme  de  Van.  Nu  en  Straks  csl  un  programme  d'art 
libre  et  moderne.. Ce  sera  comme  la  Jeune  Belgique  de  la  littéra- 
ture néerlandaise.  L'esprit  qui  la  fait  éclorc  est  bien  neuf.  Le 
choix  des  artistes  qui  riilustreront  le  démontre  amplement.  Ce 
sont  :•  Henry  Dcgroux,  A.-J.  Derkinderen,  James  Ensor,  Willy 
Finch,  Marg.  Holeman,  Roland  Holsl",  G.  Lemmen,  X.  Mcllery, 
C, Meunier,  Thorn-Prikker,  Jan  Toorop,  Henry  Vari  de  Velde,  feu 
Vincent  Van  Gogh,  Théo  Van  Rysselberghe  et  Jan  Veth. 

Cordial  salut  à  la  jeune  revue  qui  s'annonce  si  entreprenante  et 
si  artiste! 

L'abonnement  est  fixé  à  10  francs  pour  la  Belgique,  fr.  12-.^0 
ou  il.  6-SO  pour  l'étrangor.  On  s'inscrit  chez  Gusl.  Vermeyien, 

81,  rue  Pachéco,  à  Bruxelles. 

.:.-  «4»     — ; — 

Un  nouveau  journal  paraît  à  Bruxelles  depuis  trois  semaines  : 
La  Revue  musicale  belge,  musique,  critique  musicale,  fantaisies, 
échos  et  nouvelles.  Formai  du  Guide  musical,  abonnement 
annuel,  10  francs,  rédaction  boulevard  du  Midi,  SO,  à  Bruxelles. 

A  Liège,  M.  Georges  Massct  (Rénory  de  la  Réforme)  vient  de 
fonder  un  quotidien,  L'J^xpress,  journa]  iitléraireet  polilîque.qui 
piiraîl  appelé  à  un  sérieux  succès.  Il  y  a  trop  longtemps  que  le 
■  doctrinyl  Journal  de  Liège  cl  l'organe  des  Masuirs  liégeois,  La 
Meuse,  s'accoutumaient  à  no  jamais  rencontrer  de  contradicteur. 
Ll£xprcss  secouera  les  torpeurs  et  vivifiera  le  Perron. 


Citons,  parmi  les  revues  nouvelles,  rÀvenir  artistique  parais- 
sanl  à  Paris  le  i"  orîc  15  de  chaqiie  mois,  sous  la  direction  de 
M.  Albert  Clairouin,  sous  le  patronage  de  MM.  A.  de  Bornier, 
F.  Coppée,  Alexandre  Dumas,  Leconle  de  Lisie,  Jules  Simon  et 
Sully-Prudliomme,  tous  académiciens.  Administration  :  avenue 
Rapp,  12,  PaHs. 

C'est  aujourd'hui,  b  2  heures,  qu'aura  iFeu  au  Conserva- 
toire la  première  séance  de  musique  de  chambre  pour  instru- 
ments à  vent  et  piano.  M.  Vandcrgolen  s'y  fera  entendre  dans 
l'air  do  l'Etoile  de  Tannhâiiser,  et  dans  la  Chanson  des  gas 
d'Irlande,  par  Augusta  Holmes. 

M.  Van   Houl  exécutera  sur   la  viole  d'amour  Vendante  et 

Menuet  de  Milandre  (1770).  On  entendra,  en  outre,  le  Quintette 

jde   Brahms  (op.    H5)   pour   clarinette  et  cordes,    le    trio   de 

Weber  (op.  63)  pour  piano,  flûte  et  violoncelle,  et  la  Petite  suite 

de  Lefebvre  (op.  57)  pour  instruments  à  vent. 

L'exposition  Joseph  Slevens  à  la  Calerie  du  Congrès  sera  clô- 
turée demain  lundi. 

Le  prochain  concert  populaire  est  fixé  au  8  janvier.  On  y 
entendra  M.  Eugène  Ysaye. 

Le  Cercle  artistique  de  Gand  vient  d'inviter  l'association  desc 
XX  à  faire  dans  ses  locaux  une  exposition  des  œuvres  de  ses 
membres. 

Cette  invitation,  qui  montre  l'évolution  des  idées,  a  été  acceptée 
par  les  XX.  L'Exposition  aura  lieu  en  avril  prochain. 

Le  Cercle  prépare,  en  outre,  des  séances  musicales  destinées 
à  faire  connaître  à  Gand  les  œuvres  de  musique  de  chambre  de 
César  Franck,  Vincent  d'indy,  Gabriel  Fauré  et  les  autres  compo- 
siteurs de  la  jeune  école. 

.  Nous  avons  annoncé  déjà  la  prochaine  publication  d'un  Palais- 
Noël  illustré  édité  par  les  soins  de  la  Conférence  du  Jeune  Bar- 
reau de  Bruxelles.  Voici  les  détails  de  cette  curiosité  bibliophi- 
liquc  : 

Le  texte  entièrement  inédit  (vers  et  prose),  les  dessins,  carica- 
tures, photographies,  musique,  etc.,  sont  dus  à  la  collaboration  ~ 
des  avocats  et  artistes  dont  les  noms  suivent  : 

MM»*  Jules  Le  Jeune,  ministre  de  la  justice;  Emile  De  Mat, 
'  Edmond  Picard,  du  Barreau  de  cassation;  Victor  Arnould,  Oscar 
Van  Goitsnoven,  Albert  Simon,  Octave  Maus,  Georges  Schoenfeld, 
II.  Van  Doorslaer,  Arthur  James,  Léopold  Courouble,  Paul  Errera, 
Eugène  Demolder,  Léon  de  Lanishcere,  Jacques  des  Cressonnières, 
Albert  Mélol,  H.  Carton  de  Wiarl,  Alex.  Bidart,  Albert  Delslanche, 
Paul  Duvivier,  Gisberl  Combaz,  du  Barreau  de  Bruxelles;  Charles 
Dumercy,  Aug,  Delbeke,  Max  Elskarap,  du  barreau  d'Anvers; 
Maurice  Dullaerl,  du  Barreau  de  Bruges;  Jules  Désirée,  du  Bar. 
rèau  de  Charleroi  ;  Daniel  de  Haene,  du  Barreau  de  Fumes;  Mau- 
rice Maeterlinck,  Firmin  Van  den  Bosch,  Maurice  Bekaert,  du 
Barreau  de  Gand;  Théo  Schyrgens,  du  Barreau  de  Liège  ;  Henri 
Lemailre,  du  Barreau  de  Namur;  Michel  Bodeux,  du  Barreau  de 
Verviers;  M'"  Lotiisc  Danse,  MM.  Paul  Verlaine,  J.  Portaels, 
F.  Rops,  Van  Rysselborghe,  Am.  Lynen  et  Cassiers. 

En  plus  des   exemplaires  qui    seront  envoyés  aux  membres 
effectifs  de  la  Conférence  de  Bruxelles,  il  sera  tiré  : 

300  exemplaires  in-folio  sur  papier  ivoire  à  fr.  2-50./'" 
2o  exemplaires  in-folio  numérotés  sur  papier  des  Manufac- 
tures Irnpériales  de  l'Insetsu-Kioku  (Japon),  à  5  francs.    ■ 


8  exemplaires  in-folio  avec  dessins  originaux  à  l'aquarelle  à 
25  francs.  ■   . 

Les  souscriptions  sônl  reçues  dès  ce  jour  à  l'imprimerie  Lar- 
cier,  22,  rue  des  Minimes,  à  Bruxelles.^-Le  chiffre  du- tirage  étant 
strictement  limité  à  la  justification  ci-dessus,  il  ne  pourra  être  fait 
droit  qu'aux  333  premières  demandes. 

Le  Palais-Noël  ne  sera  jamais  réimprimé. 

Depuis  huit  années  consécutives,  la  Société  généi^ale  des  Etu- 
diants libéraux  de  l'Université  de  Gand  publie  un  almanach  i  la 
fois  littéraire  et  politique  :  elle  se  propose  d'y  insérer  celte  année 
une  sorte  de  référendum  auquel  participeraient  les  personnalités 
les  plus  en  vue  de  France  et  de  Belgique  et  roulant  sur  la  question 
suivante  :  «  Est-il  vrai  que  la  société  soit  sur  un  volcan?  » 

L'ouvrage  est  en  souscription. à.fr,  2-50.  Adresser  les  demandes 
à  M.  Léon  Welemans,  boulevard  de  l'Abattoir,  8,  Gand. 

Les  trois  séances  populaires  de  piano  que  donnera  M.Joseph 
Wieniawski  à  la  Grande  Harmonie  sont  fixées  aux  jeudis  12  jan- 
vier, 26  janvier  et  9  février,  à  8  heures  du  soir.  Les  programmes, 
fort  intéressants,  portent  les  noms  de  lu  plupart  des  compositeurs 
qui  ont  écrit  pour  le  piano  :  Bach,  Haendel,  Scarlatli,  Mozart, 
Schubert,  Beethoven,  Webqr,  Schumann,  Chopin,  Lislz,  Hum- 
mel,  Moschelès,  Henscli,  Field,  Tausig,  Rhcinberger,  Helkr, 
Moszkowski,  Moniuszko,  Sgambali,  Godard,  Saint-Saëns  et  Wie- 
niawski. 

Le  prix  d'entrée  est  de  3,  2  et  1  franc  par  séance. 


Ou  vient  de  vendre" à  Paris  la  collection  du  critique  d'art  Thoré 
(Burger).  Trois  tableaux  (le  J.  Van  derMeerde  Delfi  ont  atteint 
l'un,  la  Jeune  musicienne,  29,000  francs;  le  second,  le  Concert, 
29,000  francs  également;  le  troisième,  la  Femme  au  clavecin, 
25,000  francs. 

On  dit  que  l'acquéreur  de  la  Jeune  musicienne  a  aussitôt 
revendu  ce  tableau  pour  50,000  francs. 

Quatre  Monticejli  ont  été  ponssés,:  Nymphes  et  amours,  h 
4,320  francs;  Femmes  et  enfants  se  promenant  dans  un  bois,  à 
3,520  francs;  Sur  les  buttes  Montmartre,  à  4,200  francs;  Un 
Marché,  à  3,000  francs.  -  .  -. 

A  citer  encore  Environs  de  Fontainebleau  (étude),  par 
Th.  Rousseau,  8,600  francs;  Le  Chardonneret,  de  C.  Fabritius, 
5,500  francs;  une  Vue  d'Amsterdam,  par  J.  Van  Kessel, 
1,500  francs. 

Pa's  aimable,  mais  bien  amusant  le  Petit  billet  du  malin  adressé 
par  6il  Blas  à  Massenel  : 

Par  quel  miracle  d'atavisme,  un  colonel,  aussi  farouche  qu'em- 
panaché, put-il  sortir  des  flancs  qui  vous  portèrent,  ô  doucereux 
compositeur,  et  ne  vous  rien  laisser  du  sang  qui  fil  les  révolutions? 
Car,  sous  vos  airs  de  Mendès  croque-noles,  vous  n'avez  gardé  de 
vos  ascendants  que  la  sagesse  des  ménagères.  Tout  d'abord  mar- 
miton dans  les  cuisines  wagnérhennes,  vous  laissâtes  bientôt  les 
épices  passionnelles  et  les  recetles  modernistes,  pour  en  revenir 
au  bon  pot-au-feu  musical  qui  ronronne  en  mijotant.  El  vous 
professez  aujourd'hui  des  opinions  prudentes,  l'expérience  vous 
ayant  appris  comment  un  directeur  de  l'Opéra-Comiqne  ne  peut 
faire  faillite  honnêtement  tant  que  la  Dame  Blanche  regarde  encore 
le  chevalier  féroce  et  méchant,  repoussoir  naturel  du  peiii  bour- 
geois proposé  au  rêve  des  pensionnaires.  Hérold,  Boïeldieu,  voici 
vos  exemples,  et  pas  de  chefs-d'œuvre  avant  la  cinq-centième!  Pas 
d'enthousiasme  hors  du  Pré-aux- Clercs,  des  Dragons  de  Villars 
et  A' Esclarmonde,  peut-être...  quand  vous  serez  mon.  El  vous 
naourrcz  satisfait,  Monsieur,  toutes  vos  ambitions  réalisées,  si  les 
orgues  de  Barbarie  traînent  vos  airs  par  la  patte  jusque  dans  les 
cours  faubouriennes,  oîi,  des  fenêtres  ouvertes,  l'été,  tomberonl 
sur  eux  la  larme  et  le  petit  sou  des  couturières.  M.  L'H. 


PAQUEBOTS-POSTE  DE  L'ÉTAT^-BELGE 


à 


LIGNE    D'OSTENDE-DOUVRES 

La  plus  courte  et  la  moins  coûteuse  des  voies  axtra-rapides  entre  le  Continent  et  /'Angleterre 

Bruxelles  à  Londres  en  8  tieures. —  Cologne  à  Londres  en  13  jieures. —  Berlin  à  Londres  en  22  heures.—  Vienne  à  Londres 
en  36  heures.  —  Bàle  à  Londres  en  20  lionres.  —  Milan  à  Londres  en  32  heures.  —  Francfort  s/M  à  Londres  e'n  18  heures. 

D'Ostende  à  4  h.  58  matin,  10  h.  53  matin  et  8  h.  03  soir.  —  De  Douvres  à  12.00  h.  (midi),  7  h.  30  soir  el  10  h.  15  soir. 

•  '  Par  les  nouveaux  et  splendides  paquebots  :  Princesse  Joséphine,  Princesse  Henriette,  Prince  Albert,  La  Flandre  et  Ville 
de  Douvres  partant  journellement  d'OSTENDE  à  4  h.  58  matin  et  10  h.  53  matin  :  de  DOUVRES  à  12.00  (midi)  et  7  h.  30  soir.  —  Salons 
luxueux.  —  Fumoirs.  —  Ventilation  perfectionnée.  —  Éclairage  électrique.  —  Restaurant.  BILLETS  DIRECTS  (simples 
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MODERNE 


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REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  de  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  PICARD  —  ÉmLE  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un  an,   fr.  10.00;  Union  postale,   fr.   13.00.    —  ANNONCES  ;    On  traite  i  forfait. 


Adresser  toutes  les  communications  à 
l'administration  générale  DE  TArt  Moderne,  rue  de  Plndustrle,  32,  Bruxelles. 


Sommaire 

La  décoration  du  palais  dk  justice  de  Bruxelles.  —  Exposition 
d'Ehilb  Glaus  a  la  Galerie  Moderne.  —  VL.  Henri  Beyaert  et  ses 

DESSINS    d'aRCHIIJ^TURB.    —    CONFÉRENCES   DU     GeRGLE    ARTISTIQUE. 

Papta.    M.    Maurice    Kufferath.  —  La    Société   nouvelle.  — 

CoNSERYATOIRB  DE  LîÉOE,  —  LiVRBS  d'ÉTRENNES.  —  CHRONIQUE  JUDI- 

CL^RE  DES  Arts.  —    Liste  de  souscription   pour  le  monument 
CHARI.K.S  Baudelaire.  —  Petite  chronique. 


LA  DÉCORATION  lïD  PALAIS  DE  JUSTICE 

.  DE  BRUXELLES 

Comme  les  femmes  belles  charment,  plus  encore  que 
dans  leur  splendide  nudité,  lorsqu'elles  sont  couvertes 
de  robes  aux  plis  harmonieu:;:  et  quand  des  bijoux  de 
noble  style  les  parent,  —  ainsi  les  monuments  aux 
chantantes  colonnades,  aux  majestueuses  murailles  se 
ma^aiâ^t  à  être  couverts  par  la  Décoration. 
/La  Décoration  réchauffe,  complète,  transfigure,  illu- 
luine.  Elle  troue  les  murs  dé  rêves.  Elle  vivifie  l'archi- 
teciuse  blanche  d'imaginations  colorées.  Elle  perce, 
entfe  les  colonnes,  des  avenues  vers  des  pa;^  fabuleux 
où  l'on  voit  surgir  de  légendaires  personnages.  Elle  se 
plaît,  dans  les  grandes  salles  des  monuments  publics,  à 
faire  se  dérouler  des  épopées,  ou,  dans  l'intérieur  des 


temples,  à  élargir  pour  l'esprit  des  fidèles  des  paysages 
doux  et  propices  à  leur  foi. 

L'Architecture,  à  la  robe  de  marbre  et  au  sein  de 
pierre,  a  pour  sœur  plus  tendre  et  plus  fugitive,  sans 
doute,  mais  aussi  grande  d'allure  et  aussi  sublime  de 
pensée,  cette  Décoration  aux  yeux  songeurs  qui  com- 
plète, avec  la  Sculpture  au  péplum  rythmique,  le  trio 
des  Grâces  divines  qui  président  à  l'édification  des 
temples  et  des  palais. 

Quelle  fée  charmante,  —  cette»  Décoration,  —  lors- 
qu'elle s'introduit  parmi  les  murailles  et  de  quels 
prestiges  elle  fait  don  !  Elle  apporte  la  Couleur  et  la 
Vie!  Par  elle  le  Mur  se  fait  Verbe  et  parle  la, langue 
musicale  du  grand  Art  1  C'est  elle  qui  a  visité  la  Grèce 
antique  et  qui  en  a  fait  une  presqu'île  toute  dorée  et 
merveilleuse',^  avec  des  monuments  colorés  comme  des 
arbres,  —  un  bijou  régional  et  sacré  au  milieu  de 
mers  célèbres. 

Dans  une  ville  morte,  à  Ypres,  elle  pénètre  dans  les 
halles  immenses  aux  formidables  toits  soutenus  par  des 
poutres  faites  de  chênes  entiers  des  temps  imméiriSHïiux. 
Et  la  voilà  qui  fixe  sur  les  larges  parois  désertes  tous  les 
souvenirs  épars  dans  l'effroi  de  ces  greniers  historiques, 
la  voilà  qui  entoure  les  fenêtres  gothiques  des  anciens 
commuhiers  de  personnage^  ressuscites  dans  une  douce 
et  nostalgique  rêverie,  et  qui  confesse  les  souffles  du 
pas&é  de  ces  salles  abandonnées  pour  en  obtenir  de 


V. 


402 


UART  MODERNE 


tendres  aveux  d'or  et  de  poésie.  Ici  j'évoque  cet  artiste 
modeste  et  grand,  trop  méconnu  :  Louis  Delbeke. 

Mais  il  en  est  un  autre  de  notre  race,  auquel  un 
étrange  passé  mystérieux  insuffle  la  foi  et  la  force  des 
œuvres  durables  :  Xavier  Mellery. 

Xavier  Mellery  est  le  grave  continuateur  des  inti- 
mistes d'un  grand  jadis.  C'est  l'artiste  sévère  et  biblique 
des  intérieurs  de  l'île  de  Marcken,  c'est  le  dernier 
chantre  pictural  des  Flamandes  aux  ndantes  noires  qui 
sont  comme  les  «  pleureuses  »  des  villes  mortes  ;  c'est 
le  dessineur  rare,  à  la  fois  morbide  et  sain,  qui  sait,, 
sous  des  visages  placides  et  charnus,  laisser  deviner  la 
languide  tristesse  de  pays  archaïques  et  déchus,  et  mêler 
à  la  splendeur  d'une  nature  invariable  l'indicible  et 
subtil  regret  d'une  région  arrachée  depuis  longtemps 
à  l'apogée  de  sa  puissance  et  de  sa  richesse.  C'est,  enfin, 
un  des  seuls  artistes  actuels  qui  sachent,  sans  sacrifice 
à  la  plastique  parfaite  et  solide,  magnifier  leur  dessin 
de  rémotionnant  reflet  de  la  Pensée  et  de  la  Poésie. 

Xavier  Mellery  a  imprégné  de  ce  sentiment  austère 
certaines  œuvres  décoratives,  des  réalisations  allégori- 
ques d'époques  de  peintures,  des  déesses  ressuscitées  de 
la  Renaissance.  De  plantureuses  figures  emblématiques, 
chargées  de  beaux  fruits,  expansives  floraisons  évoquant 
par  leur  charnure  et  leur  allure  des  décorations  véni- 
tiennes, rayonnent  de  cetjé  lourde  et  pénétrante  mélan- 
colie qui  fait  de  Mellery  un  vigoureux  sensitif  du  Nord 
et  l'apparentent,  par  l'âme,  à  tous  ces  grands  taciturnes 
des  régions  septentrionales,  dont  le  fond  de  l'œuvre 
robuste  fait  résonner  un  piain-chant  de  tristéSSff^nfesir 
gnée  et  étrangement  large  et  profonde.  Se  rappellayt-on 
sa  Muse,  harmonieuse  dans  son  ample  attitude  de  Vénus 
de  Milo  de  l'aquarelle?  Et  ses  Heures,  inspiration  où  la 
grâce  des  nymphes  du  Midi  se  mêle  chastement  à  la 
sérénité  pensive  d'une  gravure  de  fijirer? 

Aussi,  dans  la  nécessité  qui  s'impose  d'aviver  de  déco-  ~ 
rations   la   frigide  solennité  du  Palais  de  justice  de 
Bruxelles,  il  est  un  nom  qui  s'impose,  un  nom  vénéré 
par  tous  :  Xavier  Mellery.  ^ 

La  justice  doit  être  austère,  probe  et  pensive.  Son 
idéal  se  réfugie  en  des  régions  sereines  et  calmes,  à  des 
hauteurs  où  domine  l'esprit,  seul  et  pur  comme  une 
flammêqui  expurge  toutes  les  petitesses,  toutes  les  intri- 
gues, toutes  les  rancœurs,  toutes  les  mesquineries  de 
l'homme. 

Pour  symboliser  ces  sublimités  et  pour  attiser  d'art 
cette  flamme,  c'est  le  peintre  des  Heures,  seul,  qui'  se 
désigne  comme  l'élu. 

Il  y  a,  dans  notre  immense  Palais,  dans  cet  amoncel- 
lement babylonien  de  pierres  et  de  styles,  sous  cette 
écrasante  folie  de  moellons,  de  marbres,  de  colonnes,  de 
sphynx,  de  corniches,  de  corridors  pompeux,  de  dômes, 
d'escaliers  magnifiques,  —  des  coins  où  la  lumière 
a  soif  du  geste  pictural  qui  condensera  sa  valeur  et 


harmonisera  sa  variation,  —  des  salles  dont  les  parois 
s'offriraient  avec  avidité  au  pinceau. 

Ainsi,  la  salle  des  audiences  oi:*dinaires  de  la  Cour  de 
cassation  ne  montre-t-elle  pas,  entouré  de  sévères  lam- 
bris de  chêne,  un  large  panneau,  propice  aux  décora- 
teurs ? 

Evidemment  notre  époque  ne  créera  pas  de  ces  monu- 
ments complets  où  tout  s'entend,  s'harmonise  et  se 
complète.  Dans  la  Grèce,  l'architecture,  la  peinture,  la 
sculpture  étaient  mille  fois  plus  sœurs  qu'elles  ne  le  sont 
aujourd'hui.  L'Italie,  à  certaines  périodes,  a  trouvé  des 
sculpteurs  créant  des  colosses  pour  supporter  ses 
temples  grandioses^  et  des  génies  qui  magnifiaiéiît  ces 
teniples  de  fresques  qu'on  dirait  les  rêves  réalisés  de 
ces  grandes  figures  de  marbre.  Le  xviii"  siècle  n'a-t-il 
pas  vu  surgir  une  élégante  pléiade  d'artistes  qui  s'accor- 
daient, comme  en  un  concert  aristocratique  et  mignard, 
pour  bâtir,  orner  et  enluminer  des  refuges  de  princes 
et  des  chapelles  dont  chaque  pierre  et  chaque  couleur 
porte  la  marque  pompeuse,  affinée  ou  gracieuse  de  son 
temps  ?  Et,  sur  nos  terres,  l'école  rubénienne  n'a-t-elle 
pas  eu  un  puissant  et  magistral  reflet  dans  tous  les  arts 
et  n'a-t-elle  pas  suscité  un  mouvement  énorme  pareil  à 
toutes  les  vagues  orgueilleuses  d'une  même  marée, 
scintillante  du  niême  soleil  dominateur  ? 

Actuellement,  dans  notre  société  qui  tremble  et  se 
disloque,  en  art  aussi  règne  l'anarchie.  Il  n'est  plus 
d'école.  Il  y  a  des  artistes  esseulés,  chacun  guidant  sa 
barque  dans  un  océan  sans  phare.  Le  temps  des  grandes 
manifestations  d'ensemble  n'est  plus.  C'est  le  pàrticula- 
^^e  qui  domiue.  Certaines  de  ces  barques  guident 
bien  quelques  chaloupes,  mais  il  n'est  plus  de  splen- 
dides  flottes  au  triomphant  pavillon. 

Il  est  évident  qu'entre  l'art  intime  et  sévère  de  Xavier 
Mellery  et  îârt  grandiloquent  et  solennel  de  Poelaert, 
il  n'y  a  pas  d'attache.  C'est  Babylone  d'un  côté,  c'est 
Bruges-la-Morte  de  l'autre. 

Il  faut  reconnaître  aussi  que  le  Palais  de  Justice  n'est 
pas  essentiellement  créé  pour  la  décoration.  Mais, 
comme  je  l'aï  dit,  il  s'y  trouve  mainte  place  qui  s'y 
prête  admirablement,  —  et  qu'on  la  fasse  entrer  chez 
Thémis,  la  belle  déesse  d'art,  qui  prodigue  tant  de 
charme  et  tant  de  rêve!  Qu'elle  pénètre  comme  une 
sainte  apportant  des  merveilles  aux  foyers  dé  la  Jus- 
tice ! 

Et  puisque  la  Justice  est  austère,  grave  et  profonde, 
-—  qu'oBîdésigne,  pour  conduire  la  Décoration  chez  elle, 
ce  grand  et  probe  artiste  j  Mellery. 

Dans  les  l«lmbris  de  ce  temple  il  saura  enchâsser  de 
sublimes  joyaW,  aux  lueurs  sérieuses  et  méditatives,  — 
et  le  pays  aura  enfin  rendu  à  l'un  de  ses  enfants  les 
plus  dignes  de  gloire  l'hommage  évidemment  dû. 


;  vj^:f-v'^wm^w^^f:^^^ 


Exposition  d'Emile  Glaus  à  1&  Galerie  moderne. 

Une  exposition  digne  d'un  gnind  intérêt.  EmileClauscst  un  des 
méritants  parmi  les  jeunes  peintres.  C'est  un  réaliste  qui  marche 
vers  la  lumière.  S'il  ne  là  trouve  pas  toujours  en  toute  toilo,  du 
moins  en  exprime-t-il  nriaintcs  fois  l'âme  et  la  poésie, comme  dans 
le  Soleil  d'arrière-saison.  C'est  bien  là  la  Flandre  des  bords  de  la 
Lys  éclairée  par  un  soleil  d'octobre,  avec  un  fond  exquis  d'au- 
lomne,avec  les  douces  prairies  à  la  tendre  mélancolie  dorée  d'un 
jour  qui  pressent  l'hiver  et  verse  aux  arbres,  d'où  les  feuilles 
tombent,  la  dernière  provision  de  chaleur,  l'ultime  caresse  des 
rayons  que  les  nuages  de  neige  vont  bientôt  voiler.  Au  loin,  les 
toits  rouges  des  maisonnettes  scintillent  gaiement  dans  un  air 
limpide.  Une  vache  blanche,  à  l'avant-plan,  rumine  au  bord  de 
l'eau.' 

Dans  cette  note,  remarquons  encore  :  Chez  mes  voisins,  une 
exquise  toile,  d'un  charme  limpide  et  clair. 

En  d'autres,  voici  la  Neige,  l'Hiver,  la  Gelée  blanche.  M.  Claus 
s'entend  admirablement  à  rendre  l'éclat  des  rivières  prises  par  les 
glaces,  l'âpre  blancheur  des  neiges;  ces  tableaux  ont  la  force 
tonique  et  réconforlanie,  la  santé  vigoureuse  des  atmosphères  de 
gel.  On  y  entendrait  la  lieige  et  la  glace  craquer  sous  les  pas. 

Mais  si  le  peintre  rend  à  merveille  la  nature,  il  ne  l'interprète 
pas  suffisamment  et  il  y  ajoute  trop  peu  de  son  âme.  Nul  doute 
que  la  Récolte  des  betteraves  ne  soit  un  tableau  solidement  peint, 
donnant  une  illusion  quasi  «  panoramique  »  d'une  scène  cham- 
pêtre ;  mais,  si  celte  scène  est  réelle,  elle  n'est  pas  artistemenl 
assez  pénétrante;  les  types,  trop  peu  synthétiques,  s'oublient 
aussitôt  vus;  et  ce  grand  cadre  ne  laisse  pas  l'impression  des 
œuvres  profondément  pensées. 

Le  Déclin  du  jour  donne  une  impression  d'une  lumière  de 

lanterne  sur  la  neige.  La  Sieste?  C'est  un  peu  un  Jan  Van  Beers 

champêtre!  Est-ce  digne  du  rustique  qui  brosse  si  finement  les 

horizons  bordés  de  peupliers  et  de  chaumières  d'un  coin  de 

■    Flandre? 

Mais,  en  somme,"  voilà  un  bel  effort,  elle  Soleil  d'arrière-saison 
est  un  tableau  qui  compte,  avec  quelques  autres  de  cette 
exposition.       „i.,i,/i  ,,   , 

M.  Henri  Beyaert  et  ses  dessins  d'architecture. 

Bien  inspirée  comme  toujours,  la  Société  centrale  d'architecture 
.  de  Belgique  a  jugé  le  moment  de  la  mise  sous  toit  du  nouveau 
ministère  des  chemins  de  fer  favorable  pour  grouper  les  nom- 
breuses épures  qui  ont  servi  à  en  délimiter  les  motifs  divers  et 
^ous  montrer,  en  ses  détails  très  poussés  d'étude,'  une  nouvelle 
œuvre  qui  fait  honneur  à  M.  Beyaert,  son  créateur. 

Nous  n'étonnerons  personne,  en  disant  que  l'idée  première  de 
la  distribution  des  locaux  est  bien  raisonnée;  au  lieu  des  coins 
sombres,  si  habituels  aux  bàtimenls  d'administration,  nous 
trouvons  ici  une  série  d'ailes  parallèles  entre  lesquelles  de  vastes 
•  cours  versent  la  lumière  jusque  dans  les  sous-sols.  C'est  bien, 
mais  cela  eût  pu  être  mieux  encore,  Ainsi,  à  une  époque  où  le 
fer  vient  apporter  à  l'art  dé- bâtir  un  élément  tout  nouveau  qui 
permet  de  résoudre  des  problèmes  irréalisables  jusqu'ici  et  don- . 
ner  à  nos  constructions  une  allure  si  moderniste,  pourquoi  ne  pas 
avoir  conçu  de  larges  baies  vitrées  séparées  par  de  légers  supports 
de  fer  étiré  au  lieii  de  ces  fenêtres  de  moyennes  dimensions  enser- 


rées entre  des  multiples  trumeaux,  massifs  et  balourds?  Nos  voisins 
de  France  ont,  sur  ce  point,  des  idées  plus  nettes  et  d'un  rationa- 
lisme bien  appliqué;  c'est  aiqsi  que  leurs  grands  magasins,  leurs 
écoles,  leurs  ateliers,  etc.,  où  une  lumière  abondante  est  si  néces- 
saire, sont  tous  établis  d'après  ces  données  si  neuves,  résultat  ^ 
révolutionnaire  causé  par  le  fer,  ce  magicien  des  constructions 
légères...  Au^inistère  des  chemins  de  fer,  comme  aussi  à  l'hôtel 
.des  postes,  on  ne  sent  pas,  derrière  ces  amas  de  maçonnerie  inop- 
portune, les  légions  d'employés  qui,  pour  égratigner  convenable- 
ment le  papier  ministériel,  doivent  au  moins  y  voir  clair.  Cette 
surabondance  de  massivité  se  retrouve  aussi  dans  les  grands  esca- 
liers à  noyau  ajouré  et  que  limonent  des  superpositions  de  piliers 
et  de  colonnes;  l'on  ne  comprend  pas  la  nécessité  d'accumuler  un- 
tel  cube  de  pierres,  alors  que  le  même  programme  peut  être 
réahsé  combien  plus  légèrement,  gt-acieusement  et  économique- 
meiil  surtout,  par  l'emploi  ^U-fer  :  depuis  nombre  d'années,  les 
Allemands  et  les  Anglais  ont  Ct-éé  des  types  d'escaliers  en  fer,  avec 
marches  en  bois  amovibles  en  cas  d'usure,  qui  donnent  toute 
satisfaction,  tant  au  point  de  vue  utilitaire  qu'artistique. 

Dans  le  projet  de  ministère  des  postes  et  de  la  marine,  que 
M.  Beyaert  a  joint  à  ses  autres  dessins,  ce  besoin  d'escaliers  mal- 
gré tout  monumentaux  prend  des  proportion^  qu'il  convient  de 
refréner  ;  c'est  ainsi  que  dans  un  angle  de  cour  se  voit  un  énorme 
escalier  de  tour  ronde  qui,  par  sa  conception  générale  et  son 
campanile  surtout,  montre  un  intime  degré  de  parenté  avec  la 
fameuse  double  vis  du  château  de  Chambord.  Si  ce  luxe  outran- 
cier  est  à  sa  place  dans  un  château,  il  est,  on  en  conviendra,  d'une 
inutilité  flagrante  dans  des  bureaux  d'administration. 

Nous  avons  dit,  en  toute  franchise,  ce  qui  a  choqué  nos  idées 
de  modernité  et  de  rationalisme  en  l'art  que  nous  ne  cessons  de 
défendre  ;  qu'il  nous  soit  permis,  ces  réserves  faites,  de  rendre 
hommage  à  la  verdeur  et  à  l'activité  que  déploie  encore  M.  Beyaert 
à  un  âge  où  d'autres  songent  à  se  reposer,  et  signalons  nombre 
de  dessins-  de  ferronnerie  ou  de  motifs  décoratifs  en  pierre  enlevés 
avec  un  brio  et  une  souplesse  d'imagination  rares.  Les  ensembles 
auraient  pu  être  traités  avec  plus  de  sobriété,  mais  l'on  finit  par 
comprendre,  en  examinant  les  épures  de  détail,  tout  le  plaisir 
qu'à  l'exemple  des  maîtres  de  la  Renaissance  éprouve  M.  Beyaert 
à  ciseler  tel  incident  ou  tel  coin,  pittoresque  de  sa  composition. 

L'exposition  de  la  Bourse,  qui  ferme  ses  portes  aujourd'hui, 
mérite  d'être  visitée  :  l'occasion  d'étudier  des  dessins  d'architec- 
ture est  trop  rare  à  Bruxelles  pour  ne  pas  en  profiter. 

.  -  < 

Conférences  du  Cercle  artistique 

PAPUS 

Péladan  et  Papus,  antithèse.  On  était  venu  il  y  a  quinze  jours 
pour  voir  Péladan  et  se  moquer  de  lui,  celte  fois-ci,  on  vient  pour 
entendre   Papus   contre  Péladan.  Déception.  C'est  du  nommé    ^ 
Platon  que  Papus  a  parlé.  Aussi  l'a-l-on  accusé  de  rabâchage  et 
un  critique  l'a  comparé  à  Diafoirus. 

Il  est  pourtant  impossible  d'avoir  moins  l'allure  classique  du 
médecin  que  ce  Méridional  (car  c'est  aussi  un  Méridional  comme 
Péladan;  tous  Méridionaux  les  célèbres  en  France!)  à  la  face  rabe- 
laisienne et  aux  allures  bon  enfant.  La  conférence,  de  composition 
assez  fraîche,  sans  crescendo  et  finissant  par  une  petite  farce 
graphologique,  était  pleine  d'intéressants  détails. 

Esprit  d'une, vaste  envergure  encyclopédique  et  d'une  admirable 


précision  scienlifique,  Papus,  dont  le  mode  d'exposition  loul 
analytique  convient  peu  à  la  conférence  ou  un  discours  en  public, 
apporte  dans  l'exposé  de  matières  abstruses  une  lucidité  et  une 
profondeur  appréciables  seulement  de  ceux  qui,  en  réunion  privée, 
l'ont  entendu. 

En  somme, ce  mouvement  ésotérique,  puisque  ainsi  il  se  nomme, 
soulève  partout  de  la  curiosité.  L'attention  va  d'abord  aux  per- 
sonnalités, plus  lard  elle  ira  jusqu'aux  idées.  Et  alors  la  yé.rilable 
lutte  commeâcera.  Jusqu'à  présent  les  deux  protagoi/istes  du 
mouvement  n'ont  guère  satisfait  la  curiosité  publique.  Dans  l'un, 
on  a  remarqué  surtout  l'excenlricilé  d'allure  et  l'or  de  la  voix, 
dans  l'autre,  la  l»onhomie  joviale  et  les  notions  d'hypnose.  Si 
Péladan,  dédaigneux  du  public,  fait  sonner  son  verbe  à  des 
hauteurs  mystiques  difficilement  abordables,  Papus,  au  contraire, 
vous  conduit  avec  toutes  les  précautions  et  toutes  les  prévenances 
jusqu'au  seuil  du  mystère  et  vous  y  laisse.  On  sent  chez  lui  une 
secrète  appréhension  de  trop  émerveiller  ses  auditeurs  ;  de  là  un 
abus  de  réticences.  Est-ce  qu'il  n'y  aurait  pas  un  procédé  de  magie 
pour  fondre  ces  deux  personnalités  en  une  seule  qui  serait  alors 
d'une  belle  pondération? 

En  attendant,  puisque  les  temps  sont  venus,  qu'il  tontbe  publi- 
quement le  voile  d'Isis,  et  n'ayez  pas  de  crainte,  la  déesse  dévoilée 
le  sera  pour  des  aveugles,  car  pour  parler  du  «  Mystère  »,  peut- 
être  faut  il  la  lumière  violette  où  se  dessinent  les  fantastiques 
apparitions  et  non  le  gaz  bourgeois  qui  illumine  les  visages  non 
éthérés  du  Cercle  artistique. 

M.  MAURICE  KUFFERATH 

La  conférence  de  M.  Maurice  Kufferath  au  Cercle  a  été  très 
intéressante.  Si  le  conférencier  n'est  point  un  orateur  ni  un 
causeur  a  diction  et  à  trucs,  au  moins  est-il  un  érudit  subtil  etuii 
wagnérien  qui  sait. 

Il  a  expliqué  à  son  public  uniquement  le  poème  de  Tristan  et 
Iseult.  Il  en  a  découvert  les  origines  celtiques,  sa  première 
coordination  par  Chrétien  de  Troyes,  puis  son  passage  en  Alle- 
magne. Wagner,  le  poème  français  étant  perdu,  s'est  tenu  à  la 
>  version  allemande.  Mais  combien  à  l'anecdote,  à  la  péripétie,  à 
l'historiette  il  a  substitué  largement  et  victorieusement  l'émotion 
humaine  et  la  passion  universelle!  A  preuve  l'intervention  du 
philtre,  au  premier  acte. 

Pour  conclure,  M.  Kufferath  a  affirmé  que  le  génie  de  Wagner 
venant  après  les  poètes  médiévaux,  peut  se  comparer  à  quelque 
grand  Italien  de  la  Renaissance,  reprenant  en  sculpture  ou  en 
peinture  la  tradition  religieuse,,  aux  mains  des  gothiques.  Ceci 
nous  paraît  diècutable. 

Au  résumé,  excellente  soirée.  • 


z^- 


LA  SOCIÉTÉ  NOUVELLE 

Le  dernier  numéro  de  la  Société  nouvelle  de  l'an  1892  vienfde 
paraître.  Voici  son  sommaire  : 

Emerson.  Fatalité  (traduit  pari'  Will).  —  Eugène  Demolder. 
Les  Convertis  des  dunes.  —  N.  Nikitine.  La  Police  russo.  — 
F.  Vielé-Griffin.  Corine  de  Thèbes.  —  Ph.  Linet.  Eludes  diété- 
tiques, —  Francis  Nadtot.  Histoire  des  lettres  belges  d'expres- 
sion française  :  Georges  Eekhoud.  —  Ch.  Malato.  Londres- 
Misère.  —  J.  Borde.  L'examen  du  Capital  de  Karl  Marx.  — 
A.  Flejuing.  Les  Ouvriers  anglais.  —  G.  Rahlenbeck.  L'Emer- 
vejllée.  —  Hector  Denis.  L'Organisation  de  laJslalisliqae  inter- 


nationale du  travail.  —  Ac.  de  Potter.  Etude  d'économie  sociale. 
^—  Clém.  Royer.  Lés  Variations  séculaires  des  saisons.  —  Hubert 
Krains.  Chronique  littéraire.  :      ' 

Table  des  matières. 

Dans  cette  table  des  matières  des  derniers  six  mois,  nous  rele- 
vons un  excellent  article  de  Gustave  Kahn  sur  la  J)ébâcle,  une 
nouvelle  passionnante  de  Georges  Eekhoud  :  Burch  Mitsu,  des 
strophes  d'Emile  Verhaeren,  des  contes  d'Eugène  Demolder',  la 
traduction  du  drame  Les  Tisserands  d'Hauptmann,  des  études 
d'Hubert  Krains,  d'Henry  Maubel,  d'H.  La  Foqlaiue  (sur  Freiland), 
des  articles  signés  Merlino,  Brocher,  des  contes  de  Fernand  Seve- 
rin,  les  Amants  de  Taillemark  de  Maurice  Desombiaux.  Nous 
rappelons,  à  celte  occasion,  que  la  Société  nouvelle  a  été  la  revue 
où  parut  la  Princesse  Maleine  de  Maeterlinck  et  que  c'est  chez 
elle  que  se  firent  les  premières  traductions  des  Russes,  et  notam- 
ment de  Dostoïewsky.  C'est  elle  qui  a  traduit  la  première  en  langue 
française  le  Gw  W^agner  de  Nietzsche. Elle  a  fait  connaître  le  Hot- 
landais  Multatuli  ;  elle  publie  périodiquement  des  œuvres  de  , 
Brandès,  le  Danois,  et  de  l'Anglais  W.  Morris.  Elle  a  pour  collabo- 
rateurs déjà  anciens  (elle  a  neuf  ans  d'existence)  le  prince  Pierre 
Kropotkine  et  Elisée  Reclus.  Elle  vient  de  s'attacher  comme  rédac: 
leurs  habituels  J.-K.  Hùysmans,  Gustave  Kahn,  Maurice  Barrés, 
Henri  de  Régnier,  Francis  Vielé-Griffin  et  Pierre  Qtïillard.  Elle 
publiera  également,  les  mois  prochains,  des  traductions  des  der- 
nières productions  des  littératures  étrangères. 

De  toutes  les  jeunes  revues  .de  langue  française,  la  Société  nou- 
velle est,  de  beaucoup,  la  plus  importante,  la  plus  large,  la  plus 
indépendante.  Elle  marche  à  l'avant-garde  de  la  littérature,  de 
l'art,  de  la  sociologie,  de  la  science.  Aussi  la  jeunesse  belge  doit- 
elle  une  immence  reconnaissance  à  ce  vaillant  du  cœur  et  de 
l'esprit  qui  lui  a  ouvert  de  si  larges  portes  et  qui  a  su,  toujours, 
sans  arrière-pensée  et  sans  hésitation,  se  sacriiiei:  pour  elle  : 
Fernand  Brouez.  Par  la  finesse  de  son  esprit,  le  tact  de  ses 
manières,  la  franchise  de  ses  opinions  et  par  son  dévouement 
supérieur  aux  choses  de  l'esprit,  le  directeur  de  la  Société  nou- 
velle est  appelé  à  rester,  dans  notre  mouvement  jeune,  une  des 
plus  belles  figures.  • 

CONSERVATOIRE  DE  LIÈGE 

{Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne.) 

Au  premier  concert  annuel  du  Conservatoire,  M.  Radoux  nous 
a  donné  de  bonnes  exécutions  de  deux  œuvres  de  Borodine  :  la 
symphonie  en  mi  bémol  et  le  finale  de  ^lada,  l'opéra-ballet 
inachevé,  et  d'iAe  fantaisie  du  compositeur  suédois  Sveûdsen, 
intitulée  :  Roméo  et  Juliette.  - 

L'orchestre  avait  été  travaillé  ;  il  m'a  paru  s'être  assoupli,  obser- 
vant plus  soigneusement  les  nuances,  marchant  avec  plus  d'en- 
semble. Les  cuivres  cependant  persistent  à  attaquer  avec  trop 
de  brutalité  et  devraient  s'attacher  à  être  moins  constamment 
étourdissants;  ils  fatiguent  et  cette  vigueur  ininterrompue  nuit  aux 
effets  d'éclat  désirés.  , 

J'avoue  ne  goûter  que  médiocrement  la  symphonie  en  mi  bémol 
de  Borodine;  c'est  une  œuvre  inordonnée,  sa^enchalnement, 
qui  ne  laisse  qu'une  impression  d'efforts  confus.  Je  lui  préfère, 
et  de  beaucoup,  le  finale  de  Mlada,  un  tableau  saisissant  où 
chante  une  émouvante  phrase  d'amour. 

La  fantaisie  de  Svendsen  n'est  qu'un  éran  de  passion,  mais 
c'est  un  élan  d'une  belle  et  troublante  envolée. 


■  ;^*;^PW?iO^' 


LART  MODERNE 


405 


-7^ 


'  Nous  avons,  à  ce  concert,  entendu  pour  la  première  fois  le 
jeune  et  nouveau  professeur  de  piano  de  noire  Conservatoire. 
M.  Sidney  Vantyn  est  un  pianiste  de  talent.. Q'est  un  virtuose  d'une 
grande  agi>lilé,  qui  a  de  Péiégance  el  de  In -délicatesse  et  dont  on 
peut  beaucoup  espérer.  Nous  n'avons  guère  pu  apprécier  que  ces 

.qualités;  nous  aurions  voulu  l'entendre  dans  une  œuvre  qui  récla- 
mât dé  l'interprète  plus  que /le  la  virtuosité.  Il  a  joué,  il  est  vrai, 
el  bien  joué  un  Prélude  et  fugue  de  Bach  ;  c'était  bien,  et  cepen- 
dant nous  n'avons  pas  eu  entière  l'impression  de  la  merveilleuse 
clarté  el  de  la  haute  piireté  de  lignes  qui  caractérisent  le  maître 
d'Eisenach. 

M"*"  Alice  Barbi,  que  vous  avez  entendue  à  Bruxelles,  possède 
une  voix  de  mezzo-soprano  d'un  admirable  timbre,  sinon  très 
étendue,  que  fait  grandement  valoir  une  diction  parfaite.  Elle  a 
chanté  de .  cette  belle  voix  et  avec  cette  belle  diction  d'anciens 
airs,  très  intéressants,  d'Âstorga  el  de  Caldara.  Une  ariette  de 
Jomelli  et  la  monotone  canlilène  que  Berlioz  a  écrite  sur  les  vers 
de  Hugo  :  la  Captive,  nous  ont  p'aru  longuets.  Maisien  revanche, 
deux  lieders  de-Brahms  :  Immer  leiset  el  Vergebliches  Stàndchen, 

.  que  M"<'  Barbi  a  dits  avec  une  grande  justesse  et  un  grand  charme 
d'expression,  lui  ont  valu  —  el  hien  légitimement  -r-  un  considé- 
rable succès. 


LES  LIVRES  D'ETRENNES 

C'est  l'annuel  étalage  des  beaux  livres  or  et  vermillon,  des 
livres  comme  des  bonbons  peinturlurés  à  la  vitrine  de  ces  confi- 
seurs littéraires  que,  jusqu'à  l'an  nouveau,  deviennent  les 
libraires. 

La  voilà  revenue  notre  mélancolie  de  nous  sentir  vieillir  en  la 
joie  dès  petits  pour  ce  qui  fut  notre  joie!  Il  est  une  jeunesse  des 
livres  comme  il  est  n ne  jeunesse  des  esprits  ;  plus  tard,  l'équation 
ne  s'établit  plus  qu'à  travers  un  effort;  il  faut  se  rajeunir  et 
s'oubHer  pour  butiner  encore  au  jardin  merveilleux  de  la  Fantaisie. 
Alors  le  charme  lentement  opère;  on  revoit  des  paysages  autre- 
fois familiers  ;  la  phrase  des  conteurs  s'affine  en»  lointaine 
musique  ;. il  semble  que  le  cœur  se  soit  rafraîchi.  C'est  le  miracle 
des  livres  de  lions  ramener  aux  chemins  d'enfance. 

On  réverairdes  histoires  dites  par  les  plus  beaux  poètes,  par 
les  saint  Jean  Bouche  d'or  de  la  légende  el  du  conte.  L'émer- 
veillement qu'un  Demolder  accommodât  ses  évangiles  pour  un 
public  d'enfants  !  Ses  belles  vierges  naïves  fleuriraient  comme  des 
lys  dans  les  jeunes  imaginations;  il  y  aurait  un  émoi  de  petites 
âmes  sur  le  chemin  de  ses  Bethléem.  Car  ce  n'est  rien  que  d'être 
très  spirituel  :  il  faut  le  don  persuasif  et  tendre,  il  faut  attirer  les 
esprits  comme  avec  des  pipeaux.  Je  proclame  l'exquis  diseur  de 
choses  d'Yperdamme  ;  aii  lieu  des  verres  grossemeni  peinturlurés 
des  habituelles  lanternes  chinoises,  il  y  mettrait,  lui,  de  déli- 
cieuses enluminures  comme  dans  les  missels,  des  vitraux  où  c'est 
comme  le  ravissement  d'entend're  un  très  vieux  prêtre  parler  sous 
la  rosace  d'une  chapelle. 

Nul  art  trop  délicat  pour  les  enfants,  ni  trop  nuancé,  ni  surtout 
trop  imagé.  De  divins  imagiers  de  lettres  seraient  seuls  choisis  : 
ils  iraient  dans  les  écoles,  graves  et  doux,  disant  leurs  récits  mer- 
veilleux, comme  des  Christs  au  devant  de  qui  se  presseraient  les 
femmes  et  les  enfants. 

Ayons  toutefois  l'estime  de  tous  les  conteurs  de  l'enfance  :  ils 

/sont  comme  les  houx  de  Noël  et  ne  fleurissent  qu'une  fois  l'an. 

Mais  ce  jour-là,  les  boules  d'or  el  ks  petites  bougies  roses  s'allu- 


ment dans  leurs  rameaux:  ils  OQt  un  air  de  grand  dimanche 
comme  tout  ce  qui  est  Songe  et  Bonheur.  Et  comme  le  prêtre 
officie  en  de  l'or  el  des  pierreries,  ils  étalent  de  belles  chapes,  se 
vêtent  d'ornements  royaux  afin  de,  dire,  eux  aussi,  leur  messe,  la 
joyeuse  messe  où  l'hostie  a  la  douceur  d'up  fondant. 

Le  bon  père  Hetzel,  qui  créa  la  littérature  enfantine,  a  dû  partir 
en  joie  en  se  rappelant  l'oeuvre  qu'il  laissait  derrière  lui.  Il  fut  le 
patriarche  des  beaux  contes  roses  et  bleus  ;  il  a  mérité  d'être 
honoré  comme  un  des  grands  saints  de  la  Librairie  «  d'éducation 
et  de  récréation  »,  comme  il  baptisa  sa  bibliothèque.  La  graine 
semée  par  lui  a  levé.;  son  fils,après  lui,continùe  à  religieusement 
cultiver  le  champ  paternel.  El  c'est  pourquoi,  comme  les  autres 
ans,  il  faut  d'abord  commencer  par  les  livres  des  Hetzel  quand  on 
parle  contes  el  livres  d'an. 

Il  y  a,  pour  nous  qui  sommes  un  peu  blasés  sur  le  plaisir  des 
lectures,  un  moyen  de  lire  toujours  amusant  :  c'est  de  lire  les 
images. 

On  a  ainsi  le  résumé  de  tout  un  chapitre  et  le  Crayon  quelque- 
fois a  plus  d'éloquence  que  la  plume.  Dans  Qaudius  Bombamac 
et  le  Châtequ  des  Carpathes,  les  deux  nouveaux  récits  de  Jules 
Verne,  ils  s'égalent,  Bennett  et  Verne  écrivenl  et  crayonnent  du 
même  entrain  :  leurs  outils  même  se  ressemblent  ;  ils  ont  tous 
deux  la  précision  el  l'allure  cursive.  Celle-ci  est  la  qualité  essen- 
tielle de  l'esprit  du  conteur  :  son  récit  galope  comme  ses  person- 
nages, et  vous  savez  si  ceux-ci  abattent  du  chemin  !  D'image  en 
image,  en  ce  Claudius  Bombamac,  ce  sont  des  trains  qui  partent, 
déraillent,  des  gens  qui  courent,  des  pays  inconnus  qui  défilent. 
La  vapeur  même  semble  un  terme  trop  vieux  pour  ces  locomo- 
tions effrénées.  Or,  sachez-le,  Bombamac  est  ce  reporter  du 
xx"  siècle  qui,  un  matin,  à  Tiflis,  reçut  de  son  <Jirecteur  l'ordre 
télégraphique  de  «  prendre  train  direct  Grand-Transasiatique 
entre  frontière  Europe  et  capitale  Céleste  Empire  afin  de  trans- 
mettre sous  forme  chroniques  interviews  personnages  mar- 
quants, signaler  incidents  sur  le  parcours...  »  Naturellement,  il 
arrive  à  Bombamac  les  choses  les  p^s  drôles:  tout  se  complique; 
l'art  des  «  passe-muscade  »  ne  va  pas  plus  loin.  Et  il  faut  voir 
la  justesse  el  l'esprit  des  têtes  chez  Bennett  et  comment  son 
crayon  se  reconnaît  à  travers  cet  imbroglio. 

Voici  qu'il  recommence  dans  le  Château  des  Carpathes;  sa 
verve  ne  s'épuise  pas;  on  est  emporté  au  tourbillon  des  imag'es 
qui  commentent  cette  vraie  fantasmagorie  scienlifique. 

M.  André  Laurie, après  avoir  biné  un  petit  jardin  qui  était  bien 
à  lui,  se  prend  d'émulation  et,  à  son  tour,  investit  le  champ  des 
hypothèses  où  le  devança  son  maître  Verne.  Il  y  entraîne  M.  Riou  ; 
le  tourbillon  des  images  va  nous  précipiter  en  plein  ciel.  C'est, 
en  effet,  d'aviation  qu'il  s'agit  dans  le  Rubis  de  grand  Lama.  Un 
jeune  aventurier  de  la  science,  M.  Déroches,  fait  construire  un 
aéroplane,  une  machine  énorme  dont  il  fournil  les  plans  et  les 
millions.  Le  prodigieux  oiseau  prend  son  vol  ;  nous  filons  par- 
dessus la  vieille  Europe,  nous  traversons  la  Méditerranée,  nous 
voguoiis  du  Ceylan  au  Thibet,  rHimalaya>  s'évanouit  sous  nous. 
C'est  un  vertige,  celte  histoire,  et  comme  tout  arrive,  il  y  a  au 
bout,  après  les  épisodes  les  plus  variés  et  les  sensations  les  plus 
céleste^iMin  épilogue  qui  marie>  à  la  grande  joie  du  lecteur, 
l'inventeur  à  la  fière  jeune  fille  qu'il  aime. 

M  Berr  de  Turique  nous  narre  plus,  simplement  la  vie  d'une 
Petite  Chanteuse  :  le  moins  qu'il  pût  arriver,  c'est  que  la  petite 
chanteuse  devînt  une  étoile.  Naturellement  aussi,  c'est  une  enfant 
trouvée,  recueillie  par  de  pauvres  saltimbanques.  La  nouveauté 


^1 


réside  en  ceci  :  la  petite  chanteuse  ne  retrouve  jamais  ses  parents. 
M.  Gabriel  Ferrier  a  imaginé,  pour  illustrer  le  récit,  quelques 
bons  types.  ,  ,* 

Le  roman  amoureux  se  hausse  d'un  degré  avec  la  PeliH  fée  du 
village.  C'est  une  adaptation  de  la  Catherine  de  Jules  Sandeau. 
On  ne  dit  pas  qui  fit  celle  transposition,  mais  elle  est  très  habile 
él  dénote  un.doiglé  sûr.  Le  charme  doux,  l'évenl  de  cet  art  un 
peu  lointain  du  vieux  conteur  ne  s'est  pas  perdu  :  il  règne  ce  ton 
de  demi-nature  et  cette  poétisation  de  la  vie  qui  fait  voir  les 
choses  comme  derrière  une  fine  gaze.  Mais  voyez  le  sort  des 
livres  :  celui-ci  charmait  nOs  pères  ;  il  va  charmer  nos  jeunes 
gens  ;  les  vieux  livres  redevienneat  jecmes  pour  les  jeunes.  Je  loue 
M.  G.  Roux  pour  avoir  mis  comme  une  vapeur  autour  des  figures 
de  son  illustration.  Elles  gardent  ainsi  le  flou  du  texte  et  ne  dis- 
sonent  pas  par  une  netteté  qu'il  n'a  pas  et  qui  s'ihdécise  plutôt 
en  du  chimérique. 

La  nomenclature  s'achève  en  un  livre  plus  grave  quoique  si  peu, 
en  un  livre  qui  est  la  gravité  et  le  sourire,  cette  jeunesse  des 
vieillards.  Et  il  est,  en  effet,  d'un  très  ancien  auteur  resté  jeune, 
ce  livre  qui  s'appelle  Epis  et  Bluel&  et  qui  est  composé  des 
glanes  d'une  vie  vouée  à  l'Idée.  C'est  Legouvé  que  je  veux  dire. 
Il  écrit,  celui-ci,  comme  au  temps  où  l'on  causait,  il  tourne  à 
men'eille  une  anecdote,  il  a  l'esprit  de  n'en  pas  montrer  trop. 
Des  ombres  charmante^  s'évoquent  de  son  récit,  d'autres  glo- 
rieuses, Liszt,.  Chopin,  M™*  Pasta,  des  comédiens,  des  comé- 
diennes, des  poètes  et  l'ombre  de  Venise  à  travers  l'ombre  de 
Manin.  Il  y  a  aussi  des  Etudes  littéraires  et  dramatiques  ;  on  sait 
qu'il  y  excelle  ;  et  pour  finir,  voici  de  légères  et  fines  histoires. 
Scènes  de  famille,  d'îles  comme  par  un  grand-père  avec  le  charme 
de  voix  qui  fait  ressusciter  le  passé  devant  les  petits  enfants. 


Chronique  judiciaire  de^  ^rt? 

Eshba  contre  Smylis. 

LaCour  d'appel,  présidée  par  M.  le  premier  président  Eeckmaii, 
a  rendu  mercredi  «on  arrêt  dans  l'affaire  da~  ballet  Smylis  que 
nous  avons  relatée  en  détail  (1). 

MM.  Léon  Do  Bois  et  Théo  Uannon  gagnent  leur  procès.  L'arrêt 
de  la^Cour,  s'appuyanl  sur  les  motifs  invoquéTpar  le  jugement 
rendu  en  première  instance,  décide  que  les  collaborateurs  con- 
servent le' droit  dé  modifier  l'œuvre  commune  jusqu'au  moment 
où  elle  a  reçu  son  existence  définitive.  .    - 

En  conséquence,  M.  Du  Bois  n'est  nullement  en  faute  pour 
avoir  -transporté  darjs  le  bajiet  Smylis  certains  morceaux  de 
musique  qu'il  destinait  primitivement  à  Eshba. 

Quant  aux  SOO  francs  de  dommages-intérêts  accordés  à 
M.  Hannon,  M.  Dcfawe  reste  condamné  à  les  payer,  le  fait  de  la 
suppression  du  nom  de  M.  Hannon  sur  les  affiches  ayant  causé 
préjudice  à  celui-ci.  M.  Defawe  est  en  outre  condamné  à  tous  les 
dépens. 

Genns  irritabile  vatam  (2). 

M.Victor  Barrucand, dont  nous  avons  raconté  les  mésaventures 
avec  M.  Wekerlin  qui  lui  a  mis  un  ^e  ses  poèmes  en  musique  en 
en  modifiant  le  texe,  a  échoué  dans  sa  demande  en  dommages- 
intérêts  contre  le  musicien  et  l'éditeur.  Lés  conclusions  prises  par 
M«  Clunet  pour  5IM.  Wekerlin  et  Durand  ont  été  accueillies  par  le 
tribunal,  qui  a  débouté  le  poète  de  son  action  et  l'a  condamné  aux 
dépens,  tout  en  lui  accordant  la  suppression^  dans  l'édition 
musicale  de  la  Chanson  les  mois,  de  deux  pièces  :  Avril  et  Juin, 
qui  avaient  été  particulièrement  maltraitées  par  le  compositeur. 

-    ^ 

(1)  Voir  l'Art  moderne  des  13  et  20  décembre  1891,  10  janvier  et 
27  nojepibre  1892.  ■  ^_  ■. 

(2rVoir  notre  dernier  numéro.  <- 


LISTE  DE  SOUSCRIPTION 

POUR   LE   .  ^ 

MONUMENT  CHARLES  BAUDELAIRE 

o    SOUSCRIPTEURS  BELGES  (1) 

QUATRIÈME   LISTE 

Report  des  listes  précédentes.     .     .  fr.     5S6 

MM.  Camille  Lemonnier,  homme  de  lettres  .     ■     •     •  20 
Louis  Lenain,  graveur,  à  Bruxelles  .     .     i     .     .  5 
Jean  Porlaels,  directeur  de  l'Académie  des  Beaux- 
Arts 5 

Alex.  Marcelle,  arlisle-peinlre,  à  Bruxelles     .     .  5 

Louis  Delmer,  homme  de  lettres.     .....  5 

.  ^  Raymond  Nyst,  directeur  du  Mouvement  littéraire  5 

Emile  Claus,  artiste  peintre,  à  Astene  ....  3 

M™»  Nelly  Van  der  Stappen,  à  Bruxelles 5 

M"«  Eugénie  Meuris,  du  Théâtre  Libre    .     .     .   '.     !  2 

M.  Rodolphe  Wylsman,  artiste  peintre,  à  Bruxelles.  3 

M"»»  Juliette  Wylsman,  id.  .3 

V.  Bonnevie,avocatk  la  Cour  d'appel  de  Bruxelles  5 

A.  Hennebicq,  artiste  peintre,  à  Bruxelles  .-    .     .  .  5 

Valère  Mabille,  maître  de  forges,  à  Morlanwelz     .  50 
Albert  Thiéry,    avoué  au    tribunal  de  première 

instance  de  Bruxelles 5 

Max  Hallet,  avocal  à  la  Cour  d'appel  de  Bruxelles  5 
H.  De  le  Court,                        id.                        .5 

Paul  Otlet,                              id.  ,                   .  .5 

Henri  Carlon  de  Wiart,              id.  5 
Pierre  Blanchemanche,             id.                       .5 

A  reporter.     .     .     .  fr.     707 


fETITE    CHROf^IQUE 

Le  deuxième  Concert  populaire,  fixé  au  8  j.anvier,  aura  lieu, 
comme  nous  l'avons  dit,  avec  le'  concours  de  M.  Eugène  Ysaye. 
L'éminenl  artiste  interprétera  la  Fantaisie  écossaise  de  Max 
Bruch  et  le  troisième  concerto  de  Saint-S;rëns.  Le  programme 
symphonique  portera  entre  autres  une  Rhapsodie  orientale  de 
Glazounow,  exécutée  pour  la  première  fois  à  Efruxelles. 

A  prdpos  des  Concerts  populaires,  une  nouvelle  qui  excitera 

beaucojjp  d'intérêt  dans  le  monde  musical  :  M.  Joseph  Dupont  se 

-propose  dé  compléter  la  série  de  ses   matinées  par  quelques 

séances  de   Quatuor  données  par  MM.  Ysaye,  Crickboom,  Van 

Houl  et  Jacob. 

On  sait  l'attrait  exceptionnel  qui  s'attache  aux  {fudilions  du 
Quatuor  Ysaye.  Les  habitués  des  concerts  dès  XX,  —  les  seuls 
ctfncerts  bruxellois  où  le  Quatuor  Vest  fait  entendre  jusqu'ici,  — 
font  chaque  année  d'enthousiastes  ovations  aux  merveilleux  musi- 
ciens qui  ont  poussé 'jusqu'à  l'absolue  perfectijsn  l'interprétation 
des  maîtres.  N'eût-il  pas  acquis  la  célébrité  qu'il  a  légitimement 
conquise  comme  virtuose,  M.  Ysave  aurait  droit  à  une  réputation 
universelle  pour  avoir  fprmé,  style  et  dirigé,  avec  une  autorité  à 
laquelle  ses  partenaires  se  plaisent  à  rendre  hommage,  un  Qua- 
tuor qui  n'a  en  ce  nioment  aucun  rival.  Nous  avons  relaté  le 
triomphe  que  Paris  a  décerné  à  nos  artistes  au  mois  de  mai,  lors 
des  quatre  séances  de  musique  française  qu'ils  ont  données  à  la 
salle  Pleyel.  Leur  apparition  aux  Concerts  populaires  sera  un  évé- 
nement musical  considérable,  et  l'on  ne  peut  que  féliciter 
M.  Dupont  d'élargir  ainsi  le  cadre  de  ses  concerts. 

Le  premier  concert  de  V Association  des  artistes-musiciens  aura 
lieu  le  14  janvier.  Il  sera  consacré  aux  œuvres  du  compositeur 
russe  P.  Tschaïkowsky  qui  viendra  spécialement  à  Bruxelles  pour 
diriger  l'orchestre.  On  sait  la  grande  place  que  M.  Tschaïkowsky 
.occupe  dans  l'école  russe.  Le  concert  de  l'Association  sera  donc 
tout  un  événement. 

(1)  Les  souscriptions  sont  reçues  dans  les  bureaux  de  l'Art  moderne, 
d'où  elles  seront  transmises  au  Comité  central,  à  Paris. 


-^f'J*S??g 


La  seconde  séance  présentera  plus  d'intérêt  encore.  On  y  enten- 
dra l'œuvre  la  plus  importante  ei  la  plus  remarquable  de  l'école 
française  contemporaine,  Le  Citant  de  la  Cloché  de  M.  Vincent 
d'indy,  quj  sera  exécutée  pour  la  première  fois  en  Belgique.  On 
se  souvient  que  le  deuxième  tableau,  Amour,  fut  interprété  avec 
un  très  grand  succès  aux  concerts  des  XX,  l'an  passé.  Ce  tableau, 
ainsi  que  le  quatrième,  Vision,  figureront  cet  hiver  au  pro- 
gramme des  concerts  du  Conservatoire  de  Gand.  Mais  l'ensemble, 
qui  comprend  sept  tableaux  et  un  prologue  et  qui  exige  le  con- 
cours de  grandes  masses  chorales,  de  solistes  et  d'un  orchestre 
de  premier  ordre,  n'a  été  exécuté  jusqu'ici  qu'à  Paris  (concerts 
Lamoureux)  et  à  Amsterdam  (concerts  de  Y Excelsior).  Le  nouveau 
chef  d'orchestre  de  V Association,  M.  Flon,  débute  par  un  coup 
de  maître. 

Quant  aux  interprètes,  ils  seront  choisis  dans  le  personnel  du 
Théâtre  de  la  Monnaie. 

"M,  Paul  Gilson  travaille  en  ce  moment  à  un  oratorio  pour  soli, 
chœurs  et  orchestre,  dont  le  texte  (en  prose  rythmée  et  non  ryth- 
mée) a  été  écrit  par  M.  Jules  Guilliaume.  Titre  :  Francesca  dà' 
Rimini. 

Simultanément,  le  jeune  maître  compose  de  la  musique  de 
scène  pour  la  Princesse  Maleine  de  Maurice  Maeterlinck.  Musique 
de  scène  n'est  peut-être  pas  l'expression  exacte  :  c'est  plutôt  un 
accompagnement  niusical,  l'orchestre  jouant  sans  interruption,  en 
manière  de  mélodrame,  durant  la  déclaipation  des  acteurs.. 

En  outre,  M.  Gilson  vient  d'achever  un  chœur  pour  trois  voix 
de  femmes  :  Derniers  rayons,  sur  un  poème  de  M.  Louis  de 
Casembroot,  une  Fantaisie  pour  orchestre  sur  des  thèmes  popu- 
laires canadiens,  et  une  transcription  de  mélodies  écossaises  pour 
orchestre  d'instruments  à  cordes. 

On  voit  que  l'auteur  de  la  Mer  ne  s'endort  pas  sur  ses  lauriers  ! 

Freyr,  de  notre  compatriote  Emile  Mathieu,  vient  de  passer  la 
frontière.  L'exécution  qui  en  a  été  donnée  à  Dusseldorf,  sous  la 
direction  de  M.  Buths,  a  eu  un  grand  succès,  constaté  par  toute  la 
presse.  La  Qazetle  de  Cologne  du  30  novembre  lui  consacre  une 
étude  détaillée,  malheureusement  trop  longue  'pour  que  nous 
puissions  la  reproduire. 

Grand  succès  aussi,  dans  la  même  ville,  pour  Peler  Benoit, 
dont  le  Rhin  a  été  l'objet  d'un  accueil  enthousiaste. 

^^■"™""'  j{ 

Le  peintre  Théodore  Verstraete  fera  à  la  Galerie  du  Congrès,  du 
18  au  29  courant,  une  exposition  de  ses  œuvres:  tableaux,  études 
et  impressions. 

Le  paysagiste  Heymans  prépare  une  exposition  générale  de  son 
œuvre,  depuis  les  toiles  du  début  jusqu^aux  lumineux  tableaux  qui 
marquent  sa  dernière  évolution.     ' 

Celte  exposition  aura  lieu  en  mars  au  Cercle  artistique,  qui 
mettra  exceptionnellement  à  la  disposition  de  l'artiste,  en  même 
temps  que  le  salon  affecté  aux  expositions  particulières,  la  grande 
salle  des  fêtes. 

M">*  Jules  Destrée,  née  Marie  Danse,  l'aqua-fortiste  qui  illustra 
d'une  façon  si  saisissante  les  Chimères  de  M.  Désirée  et  a  qui  l'on 
doit  un  grand  nombre  d'œuVres  intéressantes,  vient  d'être  chargée 
par  le  gouvernement  d'exécuter  une  gravure  à  l'eau-forte  d'après 
le  Géographe  d'Henri  de  Braekeleer  que  possède  le  Musée  moderne. 

Les  Entretiens  politiques  et  littéraires  publient,  de  M.  Bernard 
Lazare,  une  pénétrante  et  enthousiaste  étude  sur  le  Cycle  patibu- 
laire de  Georges  Eekhoud. 

"  M™*  Melba  se  fera  entendre  mercredi  prochain  à  l'Alhambra 
dans  un  grand  concert  dont  la  partie  symphonique  est  confiée  au 
maestro  Arditi.  ' 

La  troisième  séance  de  la  Section  d'Art  de  la  Maison  du  Peuple 
aura  lieu  mardi  prochain,  à  8  h.  \l%  éa  soir,  et  sera  consacrée  à 
Brahms  dont  on  entendra  le  Quinteite{o^.  115)  pour  clarinette  et 
instruments  à  cordes,  \zSonate\o'p.  100)  pour  piano  et  violon,  et 
le  Quatuor  {o^.  25)  pour  piano,  violon,  alto  et  violoncelle. 
Entrée  :.5  francs.  —  Pour  la  série  des  séances  :  10  francs» 


Le  peintre  Fernand  Khnopff  fera  vendredi  prochain,  au  Cercle 
artistique,  une  conférence  «à  propos  d'HamIet  »,  dans  laquelle  il 
passera_jen  revue  les  principaux  inierprèles  qui,  en  Angleterre  et 
en  France,  ont  incarné  le  héros  de  Shakespeare;^ 

Mardi,  concert  donné  pW-UT^Jenô  Hubay  et  M"*  Hélène 
Schmidt. 


^auA   iiiirii 

éros  de  Sh 

pWifr\j( 


La  distribution  des  prix  aux  élèves  de  l'école  de  musique  de 
Saint-Josse-tent-Noode-Schaerbeek  aura  lieu  le  lundi  26  décembre 
courant,  à  ^  1/2  heures  du  soir,  dans  la  salle  de  l'ancien  Théâtre 
Lyrique,  place  du  Marché,  à  Schaerbeek. 

Cette  cérémonie  sera  suivie'  d'un  grand  concert  vocal  exécuté 
par  350  élèves  des  cours  supérieurs,  sous  la  direction  de 
M.  Henry  Warnols,  directeur  de  l'école. 

Le  programme  comprendra  des  airs  et  des  duos  interprétés  par 
les  principaux  lauréats  des  derniers  concours,  des  chansons  fran- 
çaises du  XV*  siècle  harmonisées  à  quatre  voix  mixtes  par  M.  F.-A. 
Gevaert,  des  chansons  flamandes  du  xvji»  et  du  xvin*  siècle  dis- 
posées pour  chœur  par  M,  FL  Van  Duyseet  la  marche  triomphale 
d'Olympie,  de  Sponlini. 

M.  Louis  Delmer  a  donné  à  Namur  une  conférence  qui  a  obtenu 
beaucoup  de  succès.  L'Opinion  libérale  en  rend  compte  en  ces 
termes  : 

«  Il  est  des  choses  dont  on  ne  parle  pas  »,.  tel  était  le  stijet. 
Ces  choses-là,  ce  sont  celles  qui  appartiennent  aux  idées  artistiques 
littéraires. 

Notre  caractère  répugne  à  la  culture  littéraire,  dit-on.  Il  est  une 
faculté  qu'on  nous  accorde,  a  objecté  M.  Delmer,  c'est  de  suivre 
de  loin,  de  très  loin,  le  mouvement  littéraire  de  nos  voisins. 

Vouloir  être  majeur  en  tout,  excepté  dans  les  lettres,  nul  patrio- 
tisme ne  peut  résister  à  une  pareille  abdication.  En  matière  de 
littérature  et  d'art,  la  Belgique  montre  trop  qu'elle  est  un  petit 
pays.  Petit  pays,  petites  idées. 

C'est  ce  thème  qu'a  développé  M.  Delmer,  semant  sa  conférence 
d'anecdotes  très  intéressantes.  Il  a  parlé  beaucoup  de  Camille 
Lemonnier,  dont  l'œuvre,  a-t-il  dit,  constitue  le  mémorial  des  sen- 
sations d'un  peuple  appelé  à  la  vie  libre. 

Incidemment,  il  a  cité  le  nom  de  Théodore  Baron,  le  jôhusle 
peintre  qui  est  de  nos  concitoyens.  Ce  sera  toujours  une  gloire 
pour  la  ville  de  Namur,  a  déclaré  le  conférencier,  d'avoir  su  con- 
fier l'éducation  artistique  à  Théodore  Baron. 

En  résumé,  conférence  très  remarquable,  dans  laquelle 
M.  Louis  Delmer  a  montré  qu'il  entend  juger  avec  la  plus  grande 
liberté  tout  ce  qui  concerne  l'art  littéraire.  » 


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V  Bronzes  et  cuivres 

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Gravures,  Violons,  Monnaies,  Médailles,  Oldets  divers,  etc. 

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M.  LK  Baron  Th.  SANCHEZ  de  AGUILAR 
qui  aura  lieu 

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Exposition  publique  le  Dimanche  18  décembre  1898 

de  10  heures  du  matin  à  4  heures  de  relevée.       - 


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»  Valse  sentimentale  (no  6  des  Six  morceaux  pour 

piano  (op.  51).  i~ 

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-,  rotschka). 


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\\/ 


§ 


'^tWW^^W^,  ■- 


Douzième  aiynék.  —  N»  52. 


Lb  numéro^  :  35  centimes. 


DiMANC^  25  Décembre  1892. 


PARAISSANT    LE     DIMANCHE 


REVUE  CRITIQUE  DES  ARTS  ET  DE  LA  LITTÉRATURE 

Comité  cl  3  rédaction  i  Octave  MAUS  —  Edmond  λICARD  —  Ébhle  VERHAEREN 


ABONNEMENTS  :    Belgique,   un   an,   fr.   10.00;  Union  postale,   £r.   13.00.    —  ANNONCES  :    On  traite  i  forfait. 


Adresser  toutes  iBs  communications  à 
l'administration  générale  de  TArt  Moderne,  rue  de  l'Industrie.  32,  Bruxelles. 


V 


Sommaire 


•  Le  Messie  ••  au  Conservatoire.  —  Yolande.  —  Instantané 
Af.  Albéric  Magnard.  —  Expositions  de  la  semaine.  —  Exposition 
DES  peintres  néo-impressionnistes  a  Paris.  —  Liste  de  souscription 

POUR  LE    MONUMENT   ChaR1.ES   BaUDELAIRB.  f—  ACCUSÉS   DE  RÉCEPTION. 

—  Nécrologie.  —  P^ite  chronique,   -t-  Table  alphabétique  des 
matières. 


.    «  Le  Messie  »  au  CoBservatoire.     " 

Le  Messie  est  une  œuvre  écrasante. . .  de  lourdeur. 
Aussi  M.  Gevaert,  qui  aime  les  restitutions  archéolo- 
giques, —  cet  âge  est  sans  pitié,  —  ne  nous  a-t-il  pas  fait 
grâce  d'une  note  de  cette  énorme  et  monotone  partition. 
On  affectionne  les  gros  morceaux  au  Conservatoire  : 
parfois  c'est  Armide,  presque  entier,  parfois  ce  sont  les 
neuf  symphonies  de  Beethoven,  exécutées  à  la  file,  qui 
font  les  frais  des  concerts.  Nous  y  entendrons  peut-être 
un  jour  toutes  les  symphonies  de  Haydn,  puis  tous  ses 
quatuors;  peut-être  aussi  tous  les  opéras  de  Grétry. 
Qui  sait?  Nous  voyons  arriver  le  moment  où  nous 
serons  convoqués  à  une  séance  gigantesque  qui  ne  com- 
prendra rien  moins  que  la  Tétralogie  complète,  jouée 
en  une  séance,  avec  des  interruptions  variant  de  trois 
à  cinq  minutes,  ceci  pour  ne  pas  manquer  aux  tradi- 
tions. 


Notre  opinion,  sans  réticence,  sans  parti  pris,  sans 
snobisme  surtout,  est  bien  simple  :  il  fallait  réduire  des 
deux  tiers  l'audition  de  dimanche,  supprimer  les  fugues 
purement  formelles ,  les  airs  à  gargarismes,  faire  un 
choix  de  cq  qui  est  vraiment  génial  et  neuf  dans  la 
partition,  nous  en  faire  goûter  la  moelle  substantifique, 
comme  dit  Rabelais,  et  ne  pas  nous  accabler  sous  une 
avalanche  formidable  de  formules  scolastiques.  Pour- 
qiipi  ne  pas  laisser  aux  élèves  de  la  classe  de  contre- 
point le  labeur  de  digérer  à  loisir  ces  exercices  com- 
pliqués? Pourquoi  imposer  au  public  des  dimanchef^  si 
amoureux  des  choses  simples  et  chantantes,  si  prompt 
à  dodeliner  de  la  tête  aux  jolis  rythmes,  si  content 
d'exhaler  en  de  furtifs  murmures  la  joie  des  retards  et 
des  ports  de  voix  savamment  ménagés,  la  pénible  tâche 
de  se  retrouver  dans  les  broussailles  de  cette  terrible 
musique?  C'est  de  la  cruauté.  Ou  c'est  peut  être  une 
leçon,  ou  même  une  pénitence?  Dan^ce  cas,  nous 
applaudirions  à  l'ingénieuse  idée  de  M.  Gevaert. 

Le  Messie  manque  surtout  de  variété  et  de  vrai  sen- 
timent religieux.  L'intimité  profonde  de  Bach,  le  carac- 
tère expressif  de  ses  mélodies,  la  construction  si  savante 
et  si  diverse  de  ses  grands  ensembles  sont  absents  chez 
Hândel.  Celui-ci  a  la  pompe  extérieure,  l'églat  décoratif, 
l'allure  grandiose  :  mais  la  plupart  du  temps  on  sent, 
sous  ces  dehors  imposants^  la  froideur,  le  savoir-faire, 
le  chic.  La  répétition  constante  des  mêmes  procédés 


/ 


finit  par  engendrer  chez  l'auditeur  l'indiflérence  et 
j'ennui.  Pourquoi  ces  continuelles  répliques  de  l'or- 
chestre qui  répète,  après  le  soliste,  la  phrase  même  que 
celui-ci  vient  de  chanter?  Pourquoi  ces  fugues,  presque 
toutes  à  deux  sujets,  où  l'on  entend  toujours  revenir  la 
double  formule  initiale?  Et  cette  marche  perpétuelle  des 
basses,  qui  marquent  le  rythmç  avec  une  continuité 
exaspérante!  Et  ces  chœurs  divisés  en  quatre  parties 
égales,  où  un  effet  identique  se  Reproduit  quatre  fois, 
sans  gradation,  sans  développement  !  Et  ce  travail  pure- 
ment formel,  dépourvu  de  musique,  écrit  pour  les 
yeux! 

Certes,  le  génie  se  dévoile  souvent.  Faut-il  louer 
Valleluia,  le  chœur  «  Car  un  enfant  nous  est  donné  », 
plusieurs  airs,  notamment  celui  qui  ouvre  la  troisième 
partie,  presque  tous  les  récitatifs?  C'est  parmi  ces  pages 
qu'il  aurait  fallu  choisir,  laissant  aux  amateurs  de 
contrepoint  le  reste  de  la  partition.  Ils  y  trouveront  à 
apprendre  et  à  admirer,  car  la  dextérité  et  l'ingéniosité 
déployées  sont  énormes.  Au  concert,  nous  supplions 
qu!on  nous  en  délivre. 

L'exécution  a  été  bonne.  Chacun  a  fait  de  son  mieux. 
Seuls,  les  altos  sont  si  modestes  qu'on  ne  les  entend 
presque  jamais.  M.  Demest,  un  ténor  liégeois  dont  la 
voix  est  superbe,  a  chanté  en  artiste,  avec  goût  et 
accent.  M.  Ftmtaine  nous  a  paru  bien  lourd  et 
M.  Danlée  assez  terne.  M"*  Flament  a  rempli,  non  sans 
style,  le  rôle  important  qui  lui  était  dévolu.  M""'  The- 
venet  et  Van  Hoof  ont  soupiré  agréablement  leurs  airs  ; 
enfin,  M"*  Gaulancourt  a  lancé,  d'une  voix  bien  timbrée 
et  avec  conviction,  les  roulades  de  son  air  en  si  bémol. 

L'orchestré^a  été  ce  qu'il  est  toujours  :  très  bon. Mais 
pourquoi  prendre  Valleluia  dans  un  mouvement  si 
lent?  Pourquoi  ralentir  avant  l'entrée  des  voix,  au 
commencement  de  ce  chœur  ?  Pourquoi  surtout  allon- 
ger outre  mesure  les  silences  qui  préparent  V adagio 
final  de  là  plupart  des  ensembles?  L'effet  ainsi  produit 
est  très  gïps,  mais  fort  peu  artistique.  Au  surplus, 
c'était  peut-être  pour  réveiller  discrètement  les  audi- 
teurs assoupis  ?  Dès  lors,  nous  n'avons  plus  rien  â  dire. 

L'impression  que  nous  a  causée  le  Messie  a.^  été  par- 
tagée plî"  une  foule  d'auditeurs.  Mais  le  mot  d'ordre  au 
Conservatoire  est  de  tout  admirer,  sans'  discussion. 
C'est  même  plus  qu'une  consigne,  c'est  un  dogme,  et 
nous  voilà  sans  doute  classés  parmi  les  hérétiques  poi 
avoir  osé,  dans  la  franchise  brutale  de  nos  appréciaticms 
critiques,^  dire  tout  haut  ce  que  pensent  beaucoup  de 
fidèles. 

•  Il  est  bon,  croyons-nous,  qu'arrive  aux  oreilles  du 
maître  éminent  qui  préside  aux  destinées  du  Conser- 
vatoire, en  même  temps  que  monte  à  ses  narines  l'en- 
cens de  ses  enfants  dé  chœur,  l'écho  des  observatioiis 
d'une  grande  partie  du  public.  Occuper  pendant  trois 
mois  tout  le  personnel  des  élèves,  et  des  professeurs  à 


des  exercices  de  vocalisation  et  de  développements  con- 
trâpontiques,  cela  parait  excessif  quand  on  songe  que 
le  Conservatoire  a  pour  but  de  former  des  artistes,  de 
développer  en  eux  le  goût,  le  seiis  esthétique,  l'amour 
de  la  musique. 

Et  ce  n'est  pas  fini  !  Le  Messie  joué,  on  annonce  une 
seconde  audition,  qui  formera  le  programme  du  troi- 
sième concert.  En  attendant,  une  nouveauté  sans  doute? 
Pardon,  Manfred.  Manfred  déjà  joué  et  rejoué,  pério- 
diquement repris. 

Est-ce  se  montrer  trop  exigeant  que  de  réclamer  — 
respectueusement  —  l'audition  de  quelque  œuvre  non 
entendue?  Et  César  Franck  n'a-t-il  pas  vu  s'accumuler 
sur  sa  tombe  assez  d'années  d'oubli  pour  qu'on  puisse 
décemment  monter  les  Béatitudes?  Ou,  si  l'on  tient  à 
Schumann,  n'y  a-t-il  pas  Faust,  le  Paradis  et  la  Péri, 
Iq,  Vie  d'une  rosis,  le  Page  et  la  Fille  du  Roi  qui 
mériteraient  de  recevoir  la  parfaite  interprétation  que 
donnent  aux  œuvres  les  chœurs  et  l'orchestre  du  Con- 
servatoire? 

Et  la  Passion  selon  saint  Mathieu  de  J.-S.  Bach? 
Et  7a  Passion  Melon  saint  Jean?  Et  la  messe  en  re 
de  Beethoven?  Et  de  César  Franck,  déjà  nommé,  en 
dehors  de  ses  radieuses  Béatitudes,  ne  serait-il  pas 
urgent  de  nous  faire  connaître  ces  chefs-d'œuvre  incon- 
nus :  Rédemption,  Rébecc/i,  Psyché? 

Nous  croyons  M.  Gevaert  trop  artiste,  trop  homme 
de  goût,  trop  pénétré  de  la  mission  que  sa  haute  situa- 
tion lui  impose  pour  ne  pas  tenir  compte  des  désira  que 
nous  exprimons  au  nom  des  artistes  et  des  amateurs. 


YOLANDE 

c'est  mardi  prochain  qu'aura  lieu  la  première  représentation, 
au  Théâtre  de  la  Monnaie,  du  drame  en  musique  de  M.  Albéric 
Hagnard  auquel  la  direction  a  donné  une  interprétation  de  premier 
ordre  et  des  soins  parliculiers. 

L'action  au  xn*  siècle,  en  France,  dans  le  château  du  comte 
Roland  le  Hardi. 

Affaissée  près  de  la  fenêtre  de  sa  chambre,  Yolande  plonge  ses 
regards  dans  la  nuit.  Reverra-l-elle  jamais  son  mari,  le  héros 
Roland  qui  fut  toute  sa  joie?  Il  revenait,  vainqueur,  de  la  Terre 
sainte,  mais  une  tempête  a  dispersé  la  flotte  dès  croisés  et  sa  nef 
8'es\  perdue;  et  depuis  deux  ans  Yolande  n'a  pas  eu  d'autres 
elles.  Le  doute  l'a  épuisée  ;  elle  sent  venir  la  mort  qu'elle 
désire  cl  qu'elle  redoute,  dans  tip  Suprême  espoir. 
^  Mais  sa  conscience  de  chrétienne  lui  fait  honte  de  sa  souffrance. 
Elle  se  lève,  se  traîne,  s'agenouille  devant  une  image  du  Sauveur. 
Que  Dieu  lui  pardonne  de  n'être  qu'à  elle-m"ïme,  à  ses  ivresses 
anciennes,  à  ses  tortures  présentes.  Si  Roland  est  morî;  il  est  au 
Paradis  et  que  vaut  l'amour  d'une  femme  auprès  de  l'amour  divin 
qui  enveloppe  les  élus?^u'importé  sa  souffranice,  si  Roland  est 
heureux! 

Calmée,  elle  retourne. s'accouder  à  la  fenêtre;  Je  jour  parait , 
elle  se  perd  dans  une  rêverie  qu'interrompt  la  venue  de  sa  vieille 


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nourrice  Jeanne.  Encore  toule  une  nuil  sans  sommeil;  n'est-ce  pas 
folie  de  ne  pas  reposer,  elle  si  affaiblie  ;  ce  babil  semble  distraire 
un  peu  Yolande,  mais  le  nom  de  Roland  revient  bienlôl  à  ses 
lèvres  el  elle  repousse  les  consolalion^^ Jeanne;. 

Elle  tressaille  tout  à  coup  et  prêle  iTôreille  à  un  bruit  lointain. 
La  fièvre  l'égaré-t-elle?  Non,  elle  a  entendu  le  galop  des  chevaux  et 
l'appel  des  cors.  Son  cœur  ne  la  trompe  pas  :  c'est  le  bien-aimé, 
c'est  Roland  qui  revient.  Un  homme  d'armes  parait  au  seuil  de  la 
chambre.  Alerte  !  On  attaque  le  château  !  «  Trêve  à  toule  crainte, 
fais  baisser  le  poni-levis,  ordonne  Yolande,  et  cours  àu-devant  du 
maître.  »  Èn^  vain  Jeanne  lui  rccommande-t-elle  la  prudence. 
«  Aveugles  et  sourds  vous  qui  n'aimez  pas  !  »  Elle  a  retrouvé  ses 
forces  et  court  à  la  fenêtre.  Comme  il  chevauche  fièrement, 
Roland  le  Vaillant!  Des  serviteurs  entrent  essoufflés  annonçant  le 
retour  du  cornue.  Au  dehors,  les  cris  de  terreur  de  la  population 
du  château  se  changent  en  cris  d'allégresse. 

C'est  trop  de  joie.  Quand  Roland  paraît,  Yolande  tombe  dans 
èes  bras  ei  expire.  Il  la  porto  sur  sa  couche,  essaie  inutilement 
de  la  ranimer,  avec  l'aide  de  Jeanne.  Il  mande  le  Chapelain,  habile 
en  l'art  de  guérir.  Mais  le  Chapelain  ne  peut  que  constater  la  mort 
et  se  met  en  prières  ainsi  que  Jeanne. 

Roland  est  tombé  sur  un  siège,  assommé.  La  notion  du  lieu  et 
du  temps  ne  lui  revient  que  lentement.  Peu  à  peu  son  esprit 
s'anime.  Le  souvenir  des  heures  heureuses  le  hante.  Il  dit  la 
beauté,  la  grâce,  la  douceur  d'Yolande  et  quand  il  se  heurte  de 
nouveau  à  la  réalité,  une  rage  s'empare  de  lui.  Son  besoin  de 
justice  immédiate  s'exaspère.  Il  a  versé  son  sang  dans  les  combats, 
souffert  la  famine  et  la  fièvre,  comme  le  désespoir  d'échouer  sur 
une  rive  maudite,  les  hontes  de  l'esclavage.  Enfin  il  a  pu  s'enfuir, 
revoir  son  pays,  son  foyer,  sa  femme,  et  cette  f^mme,  sorihonneur, 
sa  vie,  lui  est  enlevée.  Il  se  répand  en  malédictions. 

Jeanne  et  le  Cliapelain  essaient  de  le  calmer.  Il  détourne  sa 
colère  sur  eux  et  les  menace  de  son  poignard.  Resté  seul,  et 
toujours  plus  exalté,  il  se  rapproche  du  lit  où  repose  le  corps  de 
sa  femme  et  lève  le  bras  pour  se  tuer. 

Mais  l'obscurité  a  envahi  brusquement  la  chambre  et  une  voix 
bien-aimée  a  retenti,  dominant ^  des  chœurs  mystérieux.  Des 
formés  blanches  se  dessinent  au  fondée  la  chambre  et  Yolande 
apparaît  entre  des  théories  de  saintes,  inondée  de  lumière.  Roland 
a  laissé  tomber  son  poignard;  il  regarde  terrifié  le  corps  inerte 
de  sa  femme,  puis  se  tourne  vers  la  Vision. 

Yolande  lui  dit  l'horreur  de  sa  faute;  un  instant  de  folie  allait 
les  séparer  pour  l'éternité.  Dieu  ne  l'a  pas  voulu,  et,  pour  rame- 
ner le  pécheur,  a'  fait  un  miracle.  Gloire  à  lui!  La  honte  de 
l'avoir  méconnu  sera  le  plus  sensible  châtiment.  Que  Roland 
vive  et  se  repente,  et  quand  viendra  la  mort  il  sera  uni  dans  l'éter- 
nelle vérité  à  celle  qu'il  pleure. 

Tandis  que  la  vision  s'efface  peu  â  peu,  Roland,  se  frappant  la 
poitrine,  s'accuse  humblement  de  son  crime.  Un  dernier  accès  de 
passion  l'anime  contre  lui-même,  quand  l'égoïsme  de  son  exis- 
tence lui  apparaît.  Mais  ses  yeux  sont  dessillés  ;  il  a  compris  lé 
bonheur  du  sacrifice.  Qu'il  ne  soit  pas  trop  tard!  Que  Dieu  lui 
accorde  une  vie  assez  longue  pour  le  repentir  !  Il  s'agenouille  les 
mains  tendues  vers  l'apparition  maintenant  indistincte. 

Le  langage  d'Yolande  est  une  prose  chantée,  mêlée  à  une  sym- 
phonie d'instruments  et  de  voix.  Là  technique  littéraire  réside  en 
une  recherche  des  formes  dr  grammaire  et  de  syntaxe  les  plus  . 
favorables  à  une  déclamation  rapide.  La  technique  musicale  con- 
siste dans  l'emploi  de  thèmes  et  de  tonalités  qui  se  meuvent7\ 


varient  ou  demeurent  suivant  les  exigences  de  l'action.  On  ne 
saurait  isoler  les  étéçienls  du  drame  pour  les  juger,  car  ils  n'ont 
de  valeur  que  dans  l'ensemble.  Les  lois  logiques  de  la  littérature 
û  de  la  musique  pures  sont  modifiées^  à  tout  instant  par  les 
besoins  de  l'action,  et  telle  expression,  telle  modulation,  justes  à 
la  scène,  sont  absurdes,  considérées  à  part. 

En  résumé,  Yolande  est  une  étude  de  caractères  mystiques 
d'homme  et  de  femme,  développée  rigoureusement  dans  la  forme 
wagnérienne.  _ 

La  distribution  est  confiée  aux  premiers  sujets  du  théâtre  : 
M.Seguin  jouera  Roland  le  Hardi,  M"«  Chrétien  Yolande.  Jeanne 
sera  interprétée  par  M"«  Wolf,  le  Chapelain  par  M.  Danlée., 

La  partition,  qui  présente  de  grandes  difficultés  d'exécution,  a 
été  minutieusement  travaillée  sous  la  direction  de  M.  Flon,  et  tout 
fait  présager  une  soirée  de  haute  saveur  artistique. 
.  Plusieurs  personnalités  artistiques  de  Paris  arriveront  à 
Bruxelles  mardi  pour  assister  à  la  première.  On  cile  notamment  : 
M.  Francis  Magnard,  directeur  à\i  Figaro;  M.  et  M™*  Robert  de 
Bonniéres,  MM.  Vincent  d'Indy,  Charles  Darcours,  Théodore  de 
Wyzewa,  Alfred  Bruneau,  de  Fourcault,  Savard,  Guy  Roparlz.etc. 


INSTANTANÉ 

Iff.    Albéric    MAGNARD 

L'une  des  personnalités  les  plus  attachantes  de  la  jeune  géné- 
ration des  musiciens  français.  Vingt-sept  ans.  Elève  de  Vincent 
d^Indy,  qui  lui  a  fait  oiiblierle  trop  rigoureux  scolaslicisme  dont 
la  stricte  observance  lui  valut  au  Conservatoire  de  Paris  le  pre- 
mier prix  d'harmonie  dans  la  classe  de  Théodore  |)ubois. 
Doit  aux  leçons  de  Massenel  ses  idées  en  contrepoint.  Prince 
héritier  d'une  des  royautés  parisiennes,  entend  ne  devoir  qu'à 
lui-même,  à  son  travail  et  à  son  talent,  là  place  qu'il  veut 
occuper  parmi  les  artistes.  Sa  méfiance  à  l'égard  des  courti- 
sans éventuels  se  traduit  par  une  réserve  un  peu  farouche,  qui 
lui  fait. éviter  les  relations  mondaines,  fuir  les  réunions.  Se 
concentre  exclusivement  dans  son  art  et  potjtle  connaître  ccdans 
les  coins»,  se  condamne,  l'été  venu,  au  labeur  des  chef^H^ôr- 
chealre  de  vilJe_s  d'eau.  Possède  déjà  à  sonactif,  outre  Yolande, 
qui  sera  représentée  mardi,  une  Suite  d'orchestre  dans  le  style 
ancien,  jouée  chez  Lamoureux,  une  Syrnphonie  exécutée  à  la 
Société  nationale,  Six  ■poèmes  en  musique  dont  deux  furent 
chantés  aux  concerts  des  XX  A  en  portefeuille  une  deuxième 
symphonie  presque  achevée.  Sceptique,  dénué  d'illusions,  géné- 
ralement mécontent  de  lui-même.  Ne  se  gobe  nullement  et 
cherche  avec  opiniâtreté  des  formes  neuves  pour  exprimer  en 
musique  les  textes  qu'à  l'exemple  de  son  maître  il  compose  lui- 
même. 

Signe  particulier  :  N'écrit  libremeal  qu'à  Auteuil,  dans  l'inti- 
mité de  ses  ivoires  anciens,  de  ses  bibelots  fevoris  parmi  lesquels 
grimace  une  tête  de  mort  et  sous  l'énorme  araignée  japonaise 
qu'une  main  amie  broda  dans  le  plafond  de  son  cabinet  de  travail 
tendu  de  vert  sombre. 

Autre  signe  particulier  :  A  recueilli  des  Jeune-France  l'héritage 
du  gilet  écarlate  et  porte  des  chapeaux  de  feutre  d'un  modèle 
introuvable  chez  les  fournisseurs  de  la  rive  droite  et  même  du 
quartier  Latin.  —  0.  M. 


'  ■:  V"^' f-'. 


Expositions  de  la  semaine. 

Théodoré;  Yerstraete,  à  la  (Paierie  d«  Couvres. 

La  mer,  la  Campine,  la  Zélande,  voilà  les  trois  domaines 
auxquels  M.  Verslraete  emprunte  la  pâte  el  la  couleur  de  ses 
toiles.  Dans  ces  régions,  M.  Verstraete  s'acharne  h  la  ponrsuilé 
des  lumières  chaudes  de»  vagues,  des  soleils  sauvages  des 
bruyères,  des  verdeurs  des  prairies  éloilées  des  fleurs  blanches  du 
printemps  el  où  d'accortes  et  appétissantes  Zélandaises  cueillent,  , 
bras  nus  et  rouges,  des  marguerites.  11  s'imprègne,  au  passage, 
de  la  mélancolie  des  maisons  des  grand'roules,  jonibragées  par  les 
sapins. 

Son  faire  est  parfois  lourd  el  matériel.  Maint  coin  de  pays 
réclamerait  phis  de  finesse  el  de  pénétration.  On  voudrait  aussi 
plus  de  personnalité  dans  ces  peintures,  une  originalité  plus  nelte., 
''Mais  on  ne  peut  nier,  certes,  l'évident  talent  du  peintre,  donl 
l'exposition  actuelle  dénoie  de  notables  progrès. 

Maurice  Hagehans,  au  Cercle  artistique. 
M.  Hagemans  n'a  pas  la  conscience  et  la  solidité  qu'on  ren- 
contre en  l'œuvre  de  M.  Verslraete.  Il  fait  de  la  peinture  légère 
el  habile,  «nais  trop  souvent  à  fleur  de  toile.  Il  en  résulte  un 
charme  qui  s'évapore  vile,  un  art  qu'il  ne  faut  pas  analyser,  car 
on  y  trouverait  surtout  un  pinceau  spirituel  el  facile. 

Henry  Cassiers,  au  Cercle  artistique. 

De  M.  Cassiers,  les  habituelles  et  souriantes  aquarelles.  Du 

^Siaequet  un  peu  «  gris  perle  ».  Celte  envolée  d'aquarelles,  c'est 

gracile  comme  un  essaim  de  papillons,  —  mais  ce  sont  toujours 

les  mêmes  papillons  que  M.  Cassiers  fait  voleter  aux  cimaises  de 

ses  expositions.  - 

Exposition  des  peintres  néo-impressionnistes  à  Paris. 

(Correspondance  particulière  de  l'Art  moderne.) 

I/exposilion  ouverte  dans  les  Salons  de  Brébant,  en  môme 
tcpps  qu'elle  afiirme  l'école  néo-impressionnisle,  marque  une 
rupture  nécessaire  avec  le  groupé  symboliste-mystique  :  les  néo- 
impressionnistes épris  de  vérité  et  de  lumière,  chercheurs  d'har- 
monies colorées,  ne  pouvaient  plus  longtemps  être  confondus  avec 
ceux  qui,  syslématiquement,  prétextant  l'archaïsme  el  l'abstrac- 
lion,  déforment  la  ligne  et  nient  les  beautés  de  la  couleur. 

On  a  maintes  fols,  reproché  aux  partisans  de  la  division  du  ton 
une  technique  mécanique  qui  devait  annihiler  leur  personnalité. 
Reproche  injuste,  infirmé  déjà  tant  de  fois  et  particulièrement  par 
l'exposition  actuelle.  Chaque  artiste,  au  contraire,  y  accuse  nette- 
ment son  tempérament,  sa  vision  Spéciale  :  celui-ci  est  plus 
blond,  celui-là  plus  lumineux,  cet  autre,,  robuste  davantage. 
Aucune  confusion  ne  saurait  donc  être  permise. 

Prises  dan?  leur  ensemble,  les  toiles  néo-impreiçsionnistes  mar- 
quent un  souci  général  du  décor,  des  arabesques  qui  rythment  et 
diversifient  la  nature.  Elles  démontrent  la  valeur  d'un  procédé 
qui  fail  transparentes  les  ombres,  sensibles  lés  plus  infimes 
roseurs  des  chairs. 

■    *** 

Par  un  sentiment  d'exquise  délicatesse,  les  exposants  ont  tenu 
k  faire  une  place  d'honneur  à  quelques-unes  des  plus  caractéristi- 
ques toiles  du  regretté  Georges  Seural.  Ils  ont  choisi  trois  de  ces 
belles  marines  — ••  Oravelines,  le  Çrotoy  —  où,  dans  un  poudr/)ie- 


ment  de  soleil  et  d'eau,  dans  un  rayonnement  de  clarté,  les 
choses  s'eslompént  dans  une  harmonie  douce.  Une  Lecture, 
•  dessin  noir  el  blanc,  d'un  clair-obscur  savant,  mériterait,  sans 
conteste,  les  honneurs  d'un  musée.  ,       „' .     . 

Un  dessin  extraordrnairement  serré  caractérise  les  portraits  de 
M.  Van  Rysselberghe  ;  une  pose  toujours  simple,  un  œil  qui  luit, 
une  lèvre  qui  s'entr'ouvre,  leur  donne  la  vie;  des  colorations 
blondes  et  fraîches,  un  décor  d'une  dislinclion  exquise,  une 
savante  symphonie  de  ions  les  font  séducteurs.  Il  serait  difficile 
de  donner  une  préférence  :  aimer  le  lilas  ou  l'orangé,  voilà  toute 
la  question.  Sympathisè-l-on  avec  le  seul  noir?  —  Un  bien 
expressif  portrait  de  M.  Emile  Vcrhaercn  arrêtera  longtemps. 

Dans  les  paysages  du  même  artiste,  les  bçrds  de  l'Escaut  sur- 
tout me  plaisent.  A  travers  une  robuste  verdure  flamande,  le 
fleuve  coule  limpide,  irradiant  une  diaphane  brume. 

De  la  mer,  M.  Paul  Signac  aime  les  sinueuses  lignes  ;  des  cales, 
l'imposant  décor.  Il  en  rend  la  magnificence  avec  un  rare  bonheur. 
Ici,  sous  un  ciei  de  feu,  des  montagnes  lilas  baignées  par  une  mer 
changeante,,  là,  une  étendue  d'eau  infinie  sur  laquelle,  selon 
l'heure,  se  détachenl  éclatantes  ou  violacées,  les  voilures  des 
barques  de  pécheurs.  Parfois  des  pins  voisinent  avec  les  flots  ; 
leur  verdure  sombre  et  rythmée  tranche  sur  la  mobilité  du  décor. 
Ainsi  ce  fond  de  toile  sur  lequel  M.  Paul  Signac  a  peint  une 
caractéristique  eQlgie  de  femme  en  gris.  Les  Arabesques  pour  une 
salle  de  baiii  dénotent  .un  reffiarquable  souci  de  la  décoration 
intérieure  :  la  forme  des  flacons,  celle  de  la  glace,  des  écrans,  les 
tons  de  ces  objets  se  marient  dans -une  heureuse  harmonie.  Trois 
aquarelles,  dessin  à  l'encre  rehaussé  de  couleurs,  permettent 
d'étudier  le  primitif  mode  de  notation  de  cet  artiste. 

De  M.  Cross  qui,  parfois,  pèche  par  un  peu  de  sécheresse,  il 
faut  applaudir  les  Vendanges  :  un  lumineux  paysage  méridional, 
encadré  de  bleuâtres  montagnes,  où  des  groupes  de  vendangeurs, 
hommes  et  femmes,  disséminés  dans  les  vignes,  cueillent  les 
grappes,  en  emplissent  les  hotles,  là  s'affiaisent,  ici  Se  reposent 
dans  une  habile  diversité  de  mouvements. 

M.  Peliljean  rend  avec  infiniment  d'art  le  mystère  des  lacs 
perdus,  des  clairières  humides,  "embrumées  par  un  malinal 
brouillard,  dans  lesquelles  de  décoratives  baigneuses  dévoilent 
leur  blonde  nudité.  T 

Le  vigoureux  tempérament  de  M.  Maximilien  Luce  s'affirme 
dans  des  œuvres  1res  diverses  :  soleilleux  panoramas,  où,  au  delà 
de  verdures  el  de  loils  rouges,  apparaît  un  fameux  groupement 
d'usines,  affaisemenl  des  foules  sur  un  pont,  poétiques  crépuscules 
aux  ciels  violets  ou  émeraude,  reflétés  par  la  Seine  déjà  étoilée 
par  l'or  des  lumières.  Le  portrait  de  M™»  'P...,  qui  s'attarde 
rêveuse,  un  livre  à  la  main,  à  regarder  le  jour  qui  baisse,  donne 
une  sensation  de  vie  intérieure,  de  réflexion  douce  d'un  charme 
infini.  ' 

Lorsqu'il  divise  rigoureusement  le  Ion,  M.  Léo  Gausson  obtient 
de  douces  impressions  de  fin  d'hiver  ou  dé  jeune  printemps  : 
ainsi  la  délicieuse  petite  église  de  Gouvernes  entourée  de  tendre 
feuillage,  mirée  dans  une  minuscule  ("ivière  que  troublent  des, 
Navandières.  Avec  un  procédé  plus  syntliétique  :  des  teintes  plates, 
àXpeine  modifiées  et  cernées  de  traits  complémentaires,  il  obtient 
des  effets  plus  robustes  qui  vont  jusqu'à  une  âpre  beauté  dans  la 
/Plaine  ;  un  terrain  rougeâlre,  au  loin  des  meules  ^rées,  tout 
là-bas  des  collines  bleues  et  seulement,  au  premier  plan,  trois 
peupliers  noueux,  dévastés, dont  l'aridité  poignante  s'élève  vers  le 
ciel  ensoleillé. 


V 


LART  MODERNE 


413 


3  M.  Lucien  Pissarro  procède  par  larges  empâlemcnls  qu'il  disci- 
pline efi  arabesques;  des  louches  complémentaires  modificnl  la 
préparation  principale.  La  toile  donne  ainsi  la  sensation  d'un 
lumineux  el  multicolore  réseau.  De  ces  empalements  naissent  des 
vergers  normands  aux  humides  fraîcheurs,  de  somptueux  parcs 
anglais  où,  sous  des  bouquets  d'arbres,  s'abritent  des  promeneuses 
aux  claires  loilelles;  ailleurs,  le  soleil  déclinant  épand  ses  rayons 
dorés  sou»  l'ombre  rectiligne  des  pins  qui  s'allongent. 

-.  *** 

A  ces  peintres,  un  sculpteur  est  venu  se  joindre  :  Alexandre- 
L. -Marie  Charpenlier.  Comme  eux,  ép.ris  de  nécessités  décoratives, 
i  s'applique,  depuis  nombre  d'années  déjà,  à  embellir  d'un  dépor 
approprié  les  objets  les  plus  usuels.  Voici,  en  étain,  un  Pot  à 
cr^we  trapu,  à  l'anse  duquel  un  faune  nonchalamment  appuyé 
joue  d'une  flûte  rustique  ;  un  Vase  à  tisane  où  parmi  les  pavots 
fleuris  une  juvénile  figure  se  lamente;  deux  cendriers  à  pans 
coupés,  fleuris  d'œillels  cl  de  geranium-lierre.  La  rigidj^té  des 
lignes  contraste  avec  la  souplesse  de  la  malière^les  parties  ternes 
avec  le  modelé  lumineux. 

Un  médaillon  en  bronze  du  peintre  Luce,  représenté  à  mi-corps 
devant  sa  toile,  une  élégante  terre-cuite  énjailléé  :  La  sonate,  un 
bas  relief,  bronze  :  Fantaisie  sur  dos  de  violon  el  deux  pro- 
grammes en  papier  gaufré,  exécutés  pour  le  Théâtre  Libre,  accu- 
sent nettement  l'originalité  de  ce  sculpteur. 

Charles  Saunier. 


MM 


LISTE  DE  SOUSCRIPTION 

POUR  LE 

MONUMENT  CHARLES  BAUDELAIRE 

SOUSCRIPTEURS  BELGES  (1) 

CINQUIÈME    LISTE 

Report  des  listes  précédentes.     .     .  fr.  -  707 
Gustave  Culus,  avoué  au  tribunal  de  l"  instance 

de  Bruxelles  .     , .  5 

Armand  Thiéry,  avocat  à  Bruxelles 5 

'George  Morren,  artiste  peintre  à  Anvers    .     .  5 

Vermeyien,  homme  de  lettres  à  Bruxelles ...  5 

Ern.  V'erlanl,          id.                      id.  2 

Denis,   avocat  à  Anvers,   ancien    bâtonnier  de 

■  l'Ofdre.     ............  20 

Schœnfeld,  président  de  la  Conférence  du  Jeune 

Barreau  de  Bruxelles 10 

Ouwerx,  vice-président  de  la  Conférence  flamande 

du  Barreau  de  Bruxelles    .......  5 

GisSelelrc,  secrétaire            id.            id.  5 
Maurice  Maeterlinck,  hommes  de  lettres  à  Gand  .   '   10 

Grégoire  Le  Roy,                   id.        à  Bruxelles.  5 

Fritz  Rotiers,  directeur  de  VEventail    ....  5 

Constantin  Meunier,  sculpteur  à  Louvain  ...  5 


;» 


A  reporter. 


fr,     794 


~^  COMPTE   RENDU 

de  l'assemblée  générale  du  Comité  d'honneur  pour  le  monument 
Charles  Baudelaire,  te7iue  le  16  décembre  1892,  dans  les 
salons  du  café  Riche,  à  Paris.. 

Membres  présents  :  F'éliciên  Rbps,  Henri  de  Régnier,  Roger 
Marx  ^désignés  pour  faire  partie  du  bureau),  Georges  Rodenbach, 

(1)  Les  souscriptions  sont  reçues  dans  les  bureaux  de  l'Art  moderne, 
pv      d'où  elles  seront  transmises  au  Comité. central,  à  Paris. 

/  ■     ■ 


Stuart  Merrill,  Alfred  Vallette  et  Léon  Deschamps.  S'élaient^fail 
représenter  par  M.  Léon  Descham^s  :  MM.  Stéphane  MaHarmé, 
Sully-Prudhomme,  Louis  Ménard,  Nad,  F.  Vjelé-Griffin,  Léon 
Maillard,  Adolphe  Relié  et  Loconte  de  Lisle. 

Lecture  du  rapport  de  M.  Deschamps  duquel  nous  extrayons 
ce  passage  :  «  La  souscription  a  produit  à  ce  jour  /r.çtsmiWc  francs 
de  recettes  et  nécessité  un  total  de  dépenses  s'élevanl  à  trois  cent 
Irente-cinq  francs...  »  L'auteur  fail  en  outre  connaître  qu'il  faut 
encore  compter  sur  le  produit  du  volume  :  Le  tombeau  de  Charles 
Baudelaire,  sur  la  souscription  dé  l'Etal,  lequel  a  promis  de 
parfaire  la  somme  nécessaire  à  l'exécution  du  monument  el  enfin' 
sur  le  produit  de  la  souscription  d'un  certain  nombre  des  membres 
du  comité  .qui  n'ont  pas  oncore  indiqué  leur  cotisation.  Le  dit 
rapport  est  approuvé.  Celte  approbation  entraîne  avec  elle  l'ac- 
ceptation de  l'ensembledes  mesures  prises  :  Fwmalion  du  comité, 
désignationJo  Rodin  comme  statuaire,  etc. 

L'assemblée  désigne  ensuite,  à  l'unanimité,  pour  faire  partie 
de  la  commission  executive,  MM.  Lecontc  de  Lisle,  président  de 
droit,  Stéphane  Mallarmé,  François  Coppée,  Catulle  Mendès, 
Roger  Marx,  G.  Rodenbach,  Bernard  Lazare,  Léon  Maillard  et 
Léon  Ueschamps. 

Le  jardin  du  Luxembourg  est  choisi  pour  l'emplacement  du 
monument,  dont  la  forme  est  abandonnée  à  l'initiative  de  Rodin 
(en  se  conformant  toutefois  au  résultat  dé  la  souscription). 

Pour  le  volume  à  publier,  il  est  décidé,  en  principe:  Le  format 
sera  l'in-4»,  tirage  d'exemplaires  de  luxe  et  d'exemplaires  ordi- 
naires (prix  minimum  :  40  francs)^  que  la  composition  compor- 
tera poèmes  en  prose  el  vers,  avec  frontispice  à  l'eau-forte  signé 
de  Rops.  Pour  la  collaboration,  les  œuvres  des  membres  du 
comité  sont  admises  de  droit  :  un  examen  sera  fait  de  tous  les 
envois  —  sauf  de  ceux  résultant  des  invitations  directes  que  le 
comité  pourrait  juger  utile  de  faire.  Le  comité  d'honneur  décidera 
par  vole,  à  la  majorité  des  membres  présents  el  en  dernier  ressort, 
de  la  composition  du  volume. 

Avant  de  se  séparer,  l'assemblée  vote  des  félicitations  et  des 
remerciements  pour  services  exceptionnels  rendus  à  l'œuvre,  à 
MM.  Edmond  Picard,  Stéphane  Mallarmé  et  Viltorio  Pica. 

Pour  certificalion  de  conformité  :  >^ 

Léon  Deschamps. 


^CCUgÉg    DE    Ï^ÉCEPTIOJ^ 

Réponse  de  la  bergère  au  berger,  par  Edouard  DÛjardin,  avec 
un  frontispice  lithographie  en  quatre' couleurs  par  Maurice  Denis. 
Paris,  publication  de  \i  Revue  blanche,  rue  des  Martyrs,  17.  — 
Noëls  fin-de-siècle,  par  Théo  Hannon,  avec  illustrations  d'AM. 
L\NEN.  Bruxelles,  Lacomblez.  —  Contes  hétéroclites,  par  H.  Car- 
ton DE  WiART,  avec  un  frontispice  par  Georges  Lemmen;  Gand, 
A.  Siffejr;  Paris,  V.  Palmé;  Bruxelles,  Société  belge  de  librairie. 
—  Chaiùons  populaires  recae'ilWes  dans  le  Vivârais  et  le  Vercors 
par  Vincent  d'Indy,  mises  en  ordre  avec  une  préface  et  des  nmgs 
par  Julien  Tiersoi  (publication  de  la  Société  des  Traditions'^puX 
laires);  Paris,  Heugel  el  C'*;  Fischbacher;  Em.  Lechevalier.  — 
Promenade  en  Espagne,  par  E.  MinnÂert  (extrait  de  ta  Revue' 
de  Belgique);  Bruxelles,  P'.  Weissenbruch.  — L' Amant  des  Roses, 
par  Georges  Touchard;  Bruxelles,  A- Moens-Galas. 


NECROLOGIE 

fimest  Hendrickx,  architecte 

Le  monde  arcliilecluràl  a  subi  réceoriincnl  uqe  perle  dont  il  a 
grand'  peine  à  se  consoler.  Brusquement,  %  48  ans,  en  pleine 
maturité  de  son  très  personnel  talent,  Ernest  Hsndrickx  a  été 
enlevé  à  ses  amis  cl  ses  confrères  qui  le  tenaient  en  haute  estime 
et  avaient  pour  ses  œuvres  une  sincère  admiration. 

Ernest  Hendrickx  était  professeur  h  l'Université  libre  de 
Bruxelles,  à  l'Ecole  normale  des  arts  du  dessin  à  Saint-Jossc-lon- 
Noode  et  à  l'Ecole  industrielle  de  la  Ville  de  Bruxelles;  c'est  à  lui 
que  l'on  doit  l'Ecole  modèle,  la  Maison  de  secours,  l'Université 
libre,  les  ateliers  Mommen,  Bruyjant  et  Lcbèguc,  des  habitations 
privées, des  tombeaux,  etc.,  toutes  œuvres  qui  sont  des  applica- 
tions ^marquables  de  cette  architecture  rationnelle  où  la  con- 
struction el  la  décoration  sont  inlimemenl  liées  el  constituent  en 
quelque  sort  des  rappels  au  goût  et  au  bon  sens. 

Hendrickx  avait  fait  ses  études  à  Paris  à  l'alelier  de  ViollcUlc- 
i  Duc,  et  heureusement  influencé  par  les  idées  du  maître,  il  ne 
cessa,  par  la  parole  et  le  lire-ligne,  de  propager  les  principes 
d'art  sincère  et  neuf  si  bien  exprimés  dans  ses  nombreuses 
constructions;  il  était  considéré,  ajuste  litre,  comme  le  chef^de 
l'école  moderniste  en  Belgique. 

En  une  carrière  irop  courte,  sa  personnalité  s'est  affirmée  très 
nette  et  il  esl  indéniable  qu'il  a  fait  faire  un  pas  en  avant  à  l'art 
architectural.  C'est  là,  comme  l'a  juslemcnï  dit  un  de  ses  con- 
frères sur  sa  tombe,  le  plus  bel  éloge  que  l'on  puisse  faire  de  son 
talent. 


Petite  chronique 


Quelques  étoiles  de  première  grandeur  ont  traversé  celle 
semaine  le  fîrmanicnt  des  concerts.  El  nous  notons  pour  mémoire, 
faute  d'espace  pour  en  parler  on  détail,  l'audition  au  deuxième 
concert  Schotl  de  MM.  Jeno  Hubay  el  Siloii,  à  l'Alhambra  de 
M""*  Melba.  Succès  enthousiaste  pour  ces  remarquables  virtuoses, 
qui  ont  réveillé  Bruxelles  de  son  assoupissement.  M™«  Melba  sur- 
tout a  drainé  tout  ce  que  le  «  haut  »  el  le  «  bas  »  de  la  ville  ren- 
ferme dediicttanli.  Elle  a  été  fleurie,  acclamée,  fêtée,  el  l'on  a 
écouté  sans  broncher  l'extraordinaire  concert,  d'essence  toute 
britannique,  dans  lequel  on  avait  encadré  la  diva.  La  virluosilé 
d'un  corrieltiste  au  lara.htarare  éclatant  a  parliculièremenl  salis- 
fait  le  parterre.  '  -  . 

La  prochaine  séance  de  la  Maison  du  Peuple  sera  consacrée  à 
une  conférence  de  M.  Eugène  Robert  sur  VAvt  el  la  démocratie. 
Los  chœurs  de  la  Maison  exécuteront  diverses  œuvres  vocales, 
entre. autres  quelques-uns  des  Chants  de  la  mer  et  des  grèves  de 
M-  Georges  Fié. 

Il  y  aura  ensuite  Une  conférence  de  M.  Georges  Eekhoud  sur 
Ibsen.  La  partie  musicale,  composée  d'œuvres  de  Griog,  de 
Svendsen,  de  Sjôgren,  etc.,  sera  organisée  par  M.Arthur  De  Grecf, 
professeur  au  Conservatoire. 

On  sait  que  M""»  Samary  a  eu  l'idée  de  ^réer  à  Paris^sous  le 
litre  :  Une  heure  de  ^musique  nouvelle,  d'intéi'cssantes  causeries 
artistiques  avec  audition  de  quelques  œuvres  de  choix.  Le  Cercle 
artistique  de  Bruxelles  vient  de  s'entendre  avec  M"»»  Samary  pour 
que  les  séances  qui  onl  été  particulièrement  goûtées  soient  répé- 
tées k  Bruxelles.  11  y  Aura  donc,  le  24  janvier,  une  soirée 
consacrée  à  M"*  Chamiuade,  qui  interprétera  elle-même  ses 
œuvres  avec  le  concours  de  MM.  Paul  Viardol,  violoniste,  el  Henri 
Gillel,  violoncelliste;  le  23  février,  une  soirée  vouée  à  M.  Vincent 
d'Indy  et  enfin  une  audition  des  compositions  de  M.  Chabrier. 


Ces  soirées,  données  avec  la  colloboralion  des  interprètes  qui 
ont  créé  les  œuvres  h  Paris,  promeltent  d'avoir  un  grand  iplérél 
artistique. 

Une  exposition  des  œuvresHïï  paysagiste  Emile  George  s'est 
ouverte  hier  à  la  Galerie  moderne.  Elle  esl  yis.ible  tous  les  jours, 
de  lO  à  S  heures,  jusqu^au  24  janvier. 


t 


La  société  Jxelles- Progrès  a   mis  au  concours  une  affiche 
devant  servir  à  annoncer  ses  fêtes. 

A  cette  occasion  une  exposition  internationale  d'affiches  aura 
lieu  au  Musée  c1)mmunal  d'Ixelles. 

S'adresser  pour  les  conditions  du  concours  à  M.  L.  Mundeleer, 
secrétaire,  rue  Van  Volsem,  au  Musée  communal. 


M.  Lilta. vient  de  terminer  une  tournée  de  concerts  en  Alle- 
magne où  il  a  donné  des  piano-redtals  à  Berlin,  Leipzig,  Worms, 
Mannheim,  Heideiberg,  etc.  L'accueil  fait  au  jeune  virtuose  a  élé- 
partout  des  plus  chaleureux.  A  ses  programmes  figurait  entre 
autres  le  Poème  des  montagnes  de  Vincent  d'Indy,  q*ui  a  obtenu 
un  vif  succès.  C'est  la  première  fois  que  celle  œuvre  était  exécu- 
tée publiquement  en  Allemagne. 


De  Jour  el  de  Nuit.  C'est  le  titre  d'une  revue  de  fin  d'année  à 
Morlanweiz. 

Elle  est  composée  par  un  petit  employé  aux  usines  de  M.  Valère 
Mabille  et  jouée  par  les  ouvriers.  Et,  c'est  surprise  —  malgré 
qlielques  défectuosités  et  quelques  maladresses  d'exécution  —  de 
constater  combien  le  jeu  naïf  des  acteurs  —  oh  rien  du  Conser- 
vatoire! —  a  généralement  intéressé  el  plu.  Dimanche  dernier, 
bien  que  ce  fût  la  sixième  audition  de  la  pièce,  l'ardeur  à  inter- 
préter les  rôles  ne  s'était  en  rien  ralentie.  Le  premier  acte  —  le 
meilleur  —  a  été  enlevé  el  applaudi  vivement  ;  le  deuxième  dont 
le  décor,  représentant  Corfou,  est  très  habilement  et  lumineuse- 
ment traité,  a  spécialement  élé  goûlé  à  cause  des  allusions  locales 
qui  visaient  des  financiers  en  fuite,  là-bas,  dans  l'île  grecque;  le 
troisième  concerne  le  seul  village  de  Morlanweiz  el  son  admi- 
nistration. 

Nous  signalons  celte  réelle  nouveauté  heureuse  :  faire  écrire 
et  composer  des  pièces  par  le  peuple  et  les  faire  jouer  par  lui, 
chez  lui. 

Le  concert  du  Conservatoire  de  Mons  a  été  un  grand  succès 
pour  M.  Jean  Van  don  Eeden.  Sous  sa  nerveuse  et  ferme  direction, 
l'orchestre  s'est  réeliemenl  surpassé. 

La  Rnpsodie  d'Antoine  Dvorak,  morceau  d'orchestre  d'une 
grande  difficulté  sous  le  rapport  de  l'exécution  et  du  style,  a  été 
interprétée  à  la  perfection.  L'auditeur  a  pu  suivre  aisément  les 
développements  de  ce  long  morceau.  C'est  une  des  plus  belles 
compositions  de  l'auteur  tchèque.  Elle  a  fait  grand  effet  el  grand 
plaisir. 

La  Marche  Impériale  de  Richard  Wagner  a  reçu  également 
l'interprétation  qui  lui  convient  :  l'œuvre  du  maître  do  Bayreuth 
a  été  rendue  avec  ampleur  el  noblesse. 

De  leur  côté,  les  solistes  —  Mue  Eva  Hupez,  MM.  René  Josz  el 
Alphonse  Descan)ps  —  se  sont  brillamment  comportés  el  méritent 
tous  trois  des  félicitations.  Le  public  a  particulièrement  fêlé 
M .  Josz,  un  jeune  violoniste  de  beaucoup  d'avenir. 

{Trib.  de  Mons.) 

Les  répétitions  du  Chant  de  la  Cloche  de  M.  Vincent  d'Indy  aux 
Concerts  Lamourcux  sont  poussées  activement,  sous  la  direction 
.  de  l'auteur. 

L'interprétation  promet  d'être  remarquable.  Les  doux  rôles 
principaux  de  Wilhelm  el  de  Lénore.  sont  confiés  à  M.  Giberl, 
de  1,'^péra-Comique,  el  à  notre  compatriote  M''*  Francine 
Gherlsen.  ;       • 


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TABLE  DES  MATIÈRES 

CONTENUES  DANS  LA  DOUZIÈME  ANNÉE  (1892)  DE  L'ART  MODERNE 


ÉTUDES  Et  PORTRAITS 

Lauriers  fripés  . '     .     .     .  1 

Le  rôle  de  l'Art.     ............  17 

Les  Crucifiés     .              .               .     .     .     ...     .  26 

L'An  chez  le  peuple .     ^.  ..     .     .     '  "iO 

L'âme  de  la  Flandre ,  73 

La  race  dii  Chrisl  .     .     .     .     .     .     .     .....  353 

L'An  et  les  Sémites    .          .     .     ,     .     .     .              .  363,  371 

L'archiconfrérie  de  la  Bonne-Morl  (Léon  Bloy)  '.     .     :  386 

Le  discours  du  trône  .     .    ....     .          .     .     .     .  361 

Le  I»oèle  (R.-W.  Emeason),  traduction  inédile    .     267,277,293 

300,  308,  316 

209 

.     .  145 

105 

161 

97 

../.  9 

.'  .  33 

337 

.     .  329 

.     .  AM 

89 

49,  57,  65 


Le  mysticisme  dans  l'art 

Pelléas  et  Mélisande,  par  Maurice  MaeierîlTick  .     . 

L'Intruse .     .     . 

La  Fin  des  Bourgeois,  par  Camille  Lemonnier  .  . 
Le  CflJiard  irtwi;«gic,  par  H.  Ibsen  .     .     ,     . 

L'Enquête ..'.•..... 

La  Direction  des  Beaux-Ans.     . 

M.  Jules  de  Burlet,  ministre  des^Beaux-Arls  .     .     . 

La  danse  va-t-eile  recommencer? 

La  décoration  du  Palais  de  justice  de  Bruxelles  .     . 

Les  fresques  de  Louis  Delbelte . 

Des  tendances  de  la  peinture 'moderne  (G.  Lecomte). 
Les  maîtres  impressionnistes  (Edmond  Goustumer)  . 
Les  chiens  de  Joseph  Stevens     .     .     ,     .     .     .  '   . 
La  collection  Van  Branteghem   .     .     .     .     .     .     . 

Agiotage  artistique.     .     .  ■" .     .     .     .     .  '  .  :  . 

L'œuvre  de  génie  (J.  G.  F.) •     •    ,: 

Le  quatuor  Ysaye  .     .f   .     ... 

Les  Pleureuses (      •     •     • 

Ta-ra-ra-boomde-ay !  (à  Miss  Loltie  Collins) .  .  . 
Maître  Martin.  .  .'  ,.  .  .  •  /•  •  •  •  • 
Le  Messie  au  Conservatoire .     .     .     .     .     . 

Les  granits  bretons     .     .    ^ -    .     . 

Respect  aux  arbres  ! .     ,     . 

Notes  sur  les  primitifs  italiens  (J.  Destrike) 


371 
129 
113 
313 
169 
217 
273 
385 
409 
289 
281 


IV.  PiSANELLO     ;     .    r     .     .     .     .241,249 

-  V.  Oriolo    .....'.. 297 

VI.  Un  inconnu  ...  .     .  346 

Léon  Cladel    .     .     .<  - .     .     .     ....     .     .     .     .         233 

ÇttARLEs  De  Coster  (G.  Eekhoud>  .     .  .     .  193 

Auguste  Delaherche  (Octave  Uzanne)v 85 

Georges  Eekhoud  (Emile  Verhaeren)^    .     .  .         299 

Constantin  Meunier  (E.  V.)."^"  .     ......     .;         269 

MOUNET-SUIXY  .     .     .     .     .  ....     ,     .     .  346 

Ernèst  Renan  (V.  Arnould).    ........         321 

Félicien  Rops  .     .     .     .     "•;..■  •     .    '  257, 265 

Olive  Schreiner  (I.  Will)  :,    .  " .     .         .     .     .  305 

'  Georges  Seurat    .    .    .     .    .     •  ,  •     • , 42: 

Joseph  Stevens.    .    . .    .    .  251, 377 

Camille  Van  Cajip..,  .    .         ..,.■..         362 


PEINTURE 

La  question  iies  musées.  —  L'Enquête    .    -    .     .     ,  9 

Les  respon-iabilités .     .  ...     .     .     .  27 

Au  Musée  de  Lille .  '442L_ 

La  danse  va-t-elle  recommencer?  329 

Correspondance  (L.) 4 

id.       (A.  w.)  ...:...   .  5 

Nos  Musées  ....".....'.....  138 

Au  Musée  moderne 91 

Les  dons  aux  Musées   .     ...  150 

Le  Musée  de  Gruulhuse  à  Bruges     .     .  .  '.  331 

Le  nouveau  Musëe  de  Vienne .  '  239 

Les  maîtres  impressionnistes .     .-    .  153 

L'art  impressionniste  .-.;...  ...  186 

L'art  aux  Salons  officiels .     .     .\. .     .         .     .     .    .  262 

Les  médailles   .     .     . 348 

Les  prix  de  Rome 333 

Le  concours  de  Rome .  \     .^l      r~396 

A  l'Académie  royale  des  Beaux-Arts  de  Bruxelles.     .     .  307 
IJn.banquet  offert  à  Mlle  Beernaen.     .     .     .       37,44,58,69 

Un  mandement  du  Sàr  Péladan  .     .......  380 

Les  coulisses  de  la  tableaumanie.—  Ghambrei^le  eUent.  302 

/  Id.  Clouer  un  tableau .  381 

Les  artistes  etoles  marchands  (lettre  de  M.  A.  Stevens) .  286 

Une  lettre  de  M.  Alfred  Stevens.     .     .     .     ....  170 

La  lettre  de,  Courbet ■     •     •  27 

Correspondance  (lettre  de  M.  Melchers)     .     .     ;     .     ,  189 

Congrès  artistique  national  en  Italie 335 

A  propos  des  primitifs  italiens,  correspondance  (J.  Des^ 

trée)   .    .     .     .     .         . il 

PiSANELLO  (id.) 241,  249 

Oriolo  <id.) 297 

Un  primitif  italien  inconnu  (id.)  .     .     .     .     .     .     .  346 

Auguste  Delaherche  (0.  Uzanne)  ......  85 

Emile  Garbet 124 

Félicien  Rops  .     .     . .  257, 26J5n, 

James-Mc-Neill  Whistler 191 

Artistes  aveuglés.  —  JoHN-M.  Mundy    ....'..  254 

Le  SALON  des  ZZ.  —  Georges  Seurat    .....  42 
Conférence  de  M.  G.  Lçcomte.  —  Des  tendances  delà 

peinture  moderne .     .     .     .49,57,65 

Clôturé  du  Salon     .     .     . 81--- 

L'album  du  Salon  dès  XX  (correspondance)  ...  51 

Exposition  du  Voonvaarts    .     .  ^ .  H 

Id.       du  Cercle  artistique .   *.     .     .     ...     .     .-  149 

Id.      de  r.(4/5 /fc  fcflji  (Anvers-Bruxelles).  .     .  149 

Id..  >  àa  Cercle  des  Femnes\pein très    ....  187 

Id.      du  Cercle  PoMr/'^r/J.     . 369 

Id.      des  Aquarellistes    .     .     .     .     .     .     .  "  .  394 

Expositions   particulières    du    Cercle   artistique.    — 

MM.  David  et  Pierre  Oyens    .     .     .   j..    ~       53 

MM.  Franck,  Dàrdenne  et  Samuel,    .    -.  62 

'  «      * 

■        ■  ■        •  \  ■     ,' 


^- 


Exposilion§  .M"o  R.  Lcigli,  MM.  Charlier,  Pion,  Van 

Sirydonck,  Verstraelp.     ....;.  77 

MM    Slacqueti^Uvllerschaul',  J.  Goelhals.  :.  77 

M.  Léon  Frédéric.     .     .,   .     .     •     ,     .  99 

Correspondance  (à  propos, de  M.  L.  Frédérit)  .          .  38,  46 

MM.  Van  Luppen,  A.  Jacobs  et  J.  Leempoe's  .     .   " .  106,  ■134 

M.  Franz  Binjé   .               ,  .     .     .     .  374 

MM.  Maurice  Hagemans  et  Henry  Cussiei-s  .     .      "   .  442 

Exposition  de  l'arl  photographique  anglais 100 

La    vérité    dans'  l'art    photographique    (lecture    par 

M.  H.  Colard).     .     .     .          .     .......  87 

Galerie  moderne.  —  Exposition  de  50'  chefs-d'œuvre  - 

■  ■     ,   "''  '  français     .     .     .     ...     •     •  '113 

Exposition  de  50  chofs-d'œuvre  belges.    123,131,147 

Id.      d'aquarelles  françaises  :     .     .     .  110 

Id.      d'esquisses  de  maîtres  .  21 

Exposition  d'Ixelles ■    .     .     .     .     .183,  205 

Id.      Louis  Delbeke. 89 

Id.      Emile  Claus    .                           .    •  403 

^ Id.      G.-W.  Delsadx 356 

Id.      Franz Meechers   .     .         . — . ^i^  61 

Id.      iosEPH  Steyens    .     .    .     .    ^ 37t 

Id.      Camille  Van  Camp.     ..."..  362 

Id,      Théodore  Verstraete 412 

Le  Salon  TRIENNAL  DE  Gand 314 

Catalogue  illustré  du  Salon  de  Gand    .  "^^      •     •     •  326 

Les  Expositions  d'art  à  Gand,  par  P.  Claevs     .     .  325 

Salon  des  XIH,  à  Anvers     .....'..  70 
VAssociation  pour  l'Art,  h  \n\ers     .          .     .    174,177,215 

Cercle  arlisliqûe  d'Anvers.  —  Exposition  Farazyn    .     .  101 

l^  Nederlandsche  Etsdub,  ^  kn\er^   .              .     .     ■  141 

L'exposition  de  Charleroi 140 

id.        Th.  Baron,  à  Namur  . 126 

Zes  Vendanges,  fiarU.  De  Groux    ....              .  15 

Le  Christ  avx  outrages,  par  E.  De  Groux.     .     .     .     •  235 

Les  Cavaliers  de  l'Apocalypse,  par  A.  Cluysenaar   .     .  187 
.  La  Ugende  de  saint  Julien  l'Hospitalier,  par  Mauriis 

:  Bauer 78 

La  Comédie  parisienne,  par  i.-L.  ¥ora\n.  201 

Dessins  de  Félicien  Rops. .     •  223 

Une  visite  à  Félicien  Rrtps .  227 

ilnô  lettre,  dé  Félicien  Rops  ...;....  215 

L'Art  aux  murs.     .     .     .               238 

Und  aflSche  de  Chérel .     ...     .  111 

Conférence  de  M.  F.  Khnopff     .........  84 

Id.       de  M.  Henry  Van  de  Velde 276 

Lellre  de  Ph.  Zilcken.  à  M.  H.  Van  de  Velde  ....  295 

Réponsede  M.  H.Vande  VeWe .303 

Les  Salons  de  Paris  .  " .    .             .     .                  .  185 

-L«*  «SfltoMS  de  1892,  par  L.  Cardon  .     .     .  246 

Exposition  des  peintres  néo-imprcssionistcs  à  Paris.  412 

Exposition  Claude  Monet  31 

Id.      Camille  Pissarro  à  Paris  .  54 

*Id.  .  de  M™  Berthe  MoRisoT  180 

•   Id.      J.-M.-N.  Whistler  à  Londres .     .*  .     .-,  101 

Burlington  Qub  k  Londres  .  223 

Grafton  Galleries •"'~^-     •  ^^® 

Exposition  d'Henry  Degroux  à  Londres.     .....  359 

lô.      de  Glasgow 191 

A  La  Haye.  —  Exposition  des  XX  et  de  Y  Association 

pour  l'Art    ...-..'.. 285 

Expo$\iion  Au  Kiinstknng    .     .     .  ■.  .231,239 

\en\e  i  {'.American  Art  Association  {Jiev/-YoT\i)     .  174 

-"^Id.  Artai)  (BruxPlles)    .     .     /    . '^.     .     .     .     .    -.  151 

Jd.  Bellino  (Paris) .  173 

Id.  de  Cisternes  et  Heisinger  (Amsterdam) .          .  359 

Id.  Corot  en  1885  (Paris)  .     .     .               .     .     .    ..   •  207 

Id._^  Couier  (Pari?)  .    .    ....    .    -    .    .    .  '  198 

li(  da  Courrier  français  .     .     .     ..?"'.     .     .  198 

Id.Dlupias  (Paris) :.....'  173 

Id.  Eug,  Delacroi3r(Paris).     .     .     .     .•    .     .     .     .  172 

Id.  Alexandre  Dumas  (Paris)  .     ....     ...  «172 


Vente  Haro  (Paris) .     .  '  ■     ■     ■  .     •  .       •     •  198 

Id.    Hulol  (Paris)      .     . 173,  198 

1(1.  HulChinson  (Londres)  .     .     •. 135 

Id.  Lequime  (Bruxelles) il».100,  116 

Id.  Leyland  (Londres) ■  .     •     ^    '•         -207 

Id.  du  Panorama  do  la  bataille  de  Champiguy  (Paris)  173 

Id.  Roudillon  (Paris)    ..........  127 

Id.  Saulnier  (Paris).   :.' HT 

Id   Thoré  (Paris)     . '.     .  399 

Id,  Van  Branleghem  (Paris)    .     124,  129,  183,  206,  212,  222 

Instantanés  :  Louis  Legrand     .  .     .     .     .  ^Z      255 

Camille  Pissarro.  ^-^  ..        A^. 

Pu  vis  dé  Cha  vannes 263 

J.-F.  Raffaëlli     .     .  r 159 

Henri  Rivière  231 

Aug.  Rodin 239 

Paul  Signac  .     .     .  "  .     .,.......■       103 

Nécrologie  :  Théod.  CannecI  190 

Pierre-Armand  Cattier.  .     .     .  190 

Claudius  Popelin     .     .     .  ....     .  •  .     .  175 

Joseph  Stevens 251,  377 

Petit  billet  du  matin  à  M.  W.  Bouguereau.     .     ..  •.     .  175 

Mémento  des  Expositions    .     .  14,  62,  110,  158,  214,  230,  246 

310,  319,  319,  334,  390 

SCULPTURE 

Constantin  Meunier  (E.  V.) 269 

Le  Retour  de  l'Enfant  prodigue,  par  C.  Meunier  ,  63 

Onipdrailles,  par  Ch.  Van  der  Slappen     .....  247 

Le  Char  de  la  Paix,  par  i.  h'ïWcns     ......  157 

Restauration  des  sculptures  antiques   .  .     .     .     .  238 

La  statue  de  Baudelaire    .     .  .     .321,317 

Listes  de  souscription ;!74,  390,  398,  406,  413 

Monument  Cladel  .'     .- .  ,     .     .247,319 

Id.        Chartes  De  Cosler .     .193,  292 

Id.        Henry  Litoiff 30 

Id.    ■    Ephràïm  Mikhaél .     .    -        47 

Instantané  :  Emmanuel  Fremiei     .......  343 

ARCHITECTURE,  ARCHÉOLOGIE 

La  décoration  du  Palais  de  justice  de  Briixelles  .     .     .  401 

Le  concours  pour  la  porte  de  bronze    ......  220 

Les  gares  de  chemins  de  fer. .  189 

Eglise  Saint-Josse .    5 

M.  H.  B^yaert  et  ses  dessins  d'architecture    ....  403 

Les  reconstructions  à  Bruges     ., 165,183 

Gruss  aus  Rothenburg  (J.  Van  der  Linden)     .     .     .     .  339 

Ch.  Garnier.  —  Histoire  de  l'habitation  humaine  .     .  14 
Niffle-Anciaux.  —  Derniers  accroissements  du  Musée 

de  Namur    .     .     ...  21 
Id.                 a  propos  des  sceaux  de  la  ville  de 

Thtiin.     .     .                              .  21 
P.  Saintenoy  el  A.  de  Loë.  —  Rapport  sur  l'organisa- 
tion de  la  section  archéologique  du  Palais  du  peuple.  263 
Nécrologie:  Ernest  Hendrickx.     .     .     .     .               .  .414 

Charles-Michel  Maus     . .  311 

Gustave  Saintenoy. .  31 

LITTÉRATURE 

Le  Poète,  essai  par  R.-W.   Emerson  (traduction  iné-  - 

dite  dç  I.  ^iLL)  .  .  .  267,  277,  293,  300,  308,  316 
Le  niouvemcnl  littéraire  en  Belgique  .  ~.  .  .  .  .243,283 
Les  origines  de  la  littérature  belge  (E.  Verlant)  .     ...        ^52 

Léon  Clabel .     .     .     ....  233 

Les  funérailles  de  Léon  Cladél 242 

Charles  De  Costh^JOeorges  Eekhoud)    .     .     .     ;     .       '  193 
Georges  Eekhoud  (Emile  Verhaerèn)  .     ...     .     .     .  299 

Olivc  Schreiner  (I.  Will)    .     ...     ...     .     .  305 

Maurice  Barrèsjugé  par  M.  Marcel  Fouquier. ',  .  .  227 


^3 


Viclor  Hugo  elles  Symbolisles  . 
Léon  Bloy  el  Ernest  Rena^   .... 
Léon  Bloy  et  Paul  Bourgfii     .     .  .     . 

M.  Viclor  Arnould  et  ifl  iVfl/to»i .     .     .     . 
VOdeàlaJoie{l.  Wiu,).     .     . 
Interview  d'EucÈNE  Demolder  .... 
Les  Leilres  belges  à  l'éiranger   .... 
Les  six  derniers  mois .     .     . 

Une  siatisiiquc.  

La  Société  nouvelle    .  ;     ,     ...     . 

EclvHtge  de  livres 

Bibliolhëque  nationale  de. Paris.     . 
Les  journaux  français  ihlerdUs  . 
Notes  sur  la  critique  néerlandaise   . 

[Anonynje]   —  Télé  d'or 

Id.       ,  Rembrandt  als  Erzieher  . 
Anatole  Baju.  —  L' Anarchie  lilléraire  . 
Camille  Benoit.  —  Traduction  du  Faust  de  Goethe. 
Bernier.  —  Balzac  socialiste    ....... 

0.  DE  Bézobrazow.  —  Pages  détachées  du  journal  d'un 

artiste     ....     : 

R.  DE  BoNNiÈRES.  —  Contes  à  la  reine.     . 

A.  BouvennÊ.  —  Emile  Oarbet.     . 

Ch.  Buls.  —  Lti  Monténégro    .... 

Id.  Là  Thessalie 

Louis  Cardon.  —  Les  Salons  de  1892.  .  •  •  v  • 
Prosper  ClaeVs.  —  Les  Expositions  d'art  à  Oan^i 
Jean  Delville. —  Les  Horizons  hantés  .  .  ./  . 
Eugène  Delart.  —  Les  Dupourquet  .  . 
Eue.  Demolder.  —  Contes  d'Yperdamme.  .  . 
Xavier  DE  Reul.. —  Le  Chevalier  Forelle  .  .  . 
M.  Desombiaux.'—  Les  Amants  de  Taillemark.-  . 
L.  DoNNAY.  —  Sérénité  .  .  .     . 

Ch.  Droupy.  —  Grisailles  .     ".""'  .     . 
Ed.  Dujardin.  —  Le  Chevalier  du  Passé. 

A.Dupont.  —  L'Envol  des  rêves 

Albert  Dutry.  —  Pastel  et  pastellistes  .  '  .  .  . 
Georges  Eekhoud.   -  Cycle  patibulaire  . 

Max  Elskamp.  —  Dominical. 

André  FoNtAiNAS.  —  Les  Vergers  illusoires .  .  . 
3.  Frederiks.  —  Die  Secte  dcr  Lolsten  .  .  ,  . 
Adolphe  Frères.  —  Ames  fidèles  au  mystère  .  . 
Ch.  Garnier.  —-.  Histoire  de  l'habitation  humaine  . 

G.  Garnir.  —  Les  Charneux 

André  Gide.  —  Le  Traité  de  Narcisse    .     . 

Id.  Les  Poésies  d'André  Walter    . 

EuG.  Gilbert.  —  Causerie  littéraire  semestrielle. 
IWAN  GiLKiN.  —  Ténèbres    .     .     .     -     •  „  •     •     • 
H.  GiRAUD.  —  Nijni- Novgorod .     .     .     ...     .     . 

C*«  Goblet  d'Alviella.  —  Des  méthodes  qui  permettent 
**  d'atteindre  le  développement  préhistorique  des 
religions .     .    '■.     .     .     .     .     .     .     .     . 

Id.       Oxford  et  la  vie  universitaire  en  Angleterre 

A.-GoFFiN.'' — Le  Fou  raisonnable.     . 

F.  Gravrandv  —  Bimes  et  raisons.     .   ' . 
Oscar  Hameluse.  —  La  Reine  Alena.     .     . 
Baron  de  fl^ULLEYiLLE. —É^n  Ffl(?flHC«..    .     .     . 

Paul  He&vieu.  —  L'Exorcisée .    .     .     .         ,     . 

A.  Le  Bourguignon. — La  Chouette..    .     .     ..,,. 

H.  Lechien.  — Les  Plaisirs  du  chasseur.     .     .     . 

Emile  Leclercq.  —  «SMr  kp/aç^c  ... 

,  Id.         \        Amours  mortelles    .... 

Jules  Leclercq.  —  Voyage  au  mont  Ararat.     . 
E.  Lecomte.  —  Papillons  et  papillotes    .... 

Georges  Lecomte.  —  Les  Maîtres  impressionnistes 
'i:.kmLhELEW.oymKH..  —  Les  Joujoux  parlants    . 

Id,  Dames  de  Volupté  .     .     . 

Id.  '  La -Fin  des  bourgeois    . 

Id.  '    .  Claudine  Lamour 

Léon  Lequime.  —  Les  Secrets  de  Rubens.    i. 
M.  Maeterlinck.  —  Pelléas  et  Mélisande    i.' 
E.  Minnaert.  —  Voyage  en  ^spagne  .     .     . 


V. 


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260 

.325 

349 

182 

155 

36 

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29 

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36 

55 

222 

107 

254 

188 

246 

125 

229 

342 
237 
183 

13 
182 
246 
325 
330 
229 

73 
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219 
109 
254 
330 
172 
121 
137 
203 

21 
245 

14 
140 
228 
171 
263 
393 
181 


108 
246 
378 
1-48 
229 
132 
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379 
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246 
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236 
380 
153 
14 
125 
161 
143 
172 
145 
181 


même. 


> 


Gabriel  Mourey.  —  Lawn-Tennit.     .     .     .'    . 

F.  IVautet.  ~  Histoire  des  Lettres  belges  d^expression 
française.      .     .     .     .     .    '.    ^ 

A.  DE  Oliveira-Soarès.  —  Paraîso  perdido  . 
J.  V.(fi'"'P}KMï.z):  —  Ernest  Renan  peintparlui- 
H/ DE  Régnier.  —  Tel  qu'en  songe.    .     .     . 
Adolphe  Rètté.  —  Thulé  des  Brumes    .     . 

G.  RoDENBACH.  —  Bruges-la-Mçrte  .. 
J.-H;  RosNY. —  Vamireh     ...     .     .     . 

Fernand  Roussel.  —  Le  Jardin  de  l'âme    . 
Ed.  Sagot.  —  Catalogue  d'affiches  illustrées. 
1.  SoTHAUx.  —  Roses  d'automne    .... 

Laurent  Tailhade.  —  Vitraux.     .     . 

J.  DE  Tallenay.  —  L'Invisible.     .     .     .     . 

Julien  Tiersot.  —  Rouget  de  Lisle.  .     .     . 

F.  Van  den  Bosch.  —  Coups  de  plume.    .     . 

Id.  La  jeunesse  de  demain. 

E.  Van  der  Elassche.  —  Epaves HU%AS90) 
Emile  Van  der  Velde.  —  L'Ile  de  l'Occident 
H.  Van  Doorslaer.  —  Lés  bottes  de  Pieter  Capperman. 

G.  Van  Zype.  —  Histoires  bourgeoises.     . 

F.  Vielé-Griffin.  —  Les  Cygnes  .     .     . 
Tito  Zanardelli.  —  In  morte  di  Virginia. 
Emile  Zola.  —  La  Débâcle  .     . 

Publications  Hachette.  

Livres  d'élrennes    .     .     .     ...     ^    .     . 

Le  Palais-Noél  

Annuaire  du  Caveau  vei;viétois   .     ... 
Catalogue  de  la  librairie  E.  Deman.     .     . 

Correspondance 

Conférences  de  M.  Louis  Delmer    .     .     . 


Id. 

Id. 

Id. 

Id: 

Id. 

Id. 

Id. 


M.  M.  Desombiaux  à  Gand 


M.  Jules  Oestrée  à  la  Maison  du  Peuple.  159,  358 


27 

157 

209 

229 

210 

35,  167 

.71 

93 

133 

20 

148 

94 

262 

237 

76- 

229 

166 

171 

263 

148 

210 

220 

.225 

6 

405 

375,  399 

148 

230 

158,  206 

199,  407 

119 


127 
191 
151 
403 

373 
28 
62 

71 

382 
87 
215 
271 
287 
335 
233,  242 
278 


M.  Ch.  Dumercy  à  Anvers 
M.  G.  Eekhoud  à  Ixelles  .     . 
M.  Camille  Mauclair  à  Paris 
Papus  à  Bruxelles  .     . 
JosÉPHiN  Péladan  en  Belgique  et   en 
Hollande. .  .         .     .  "  . 
Id.  M.  Ad.  Prins  à  Bruxelles .     . 

Id.  M.  Em£E  Sigogne  à  Bruxelles 

Lecture  de  M"«  RoLV«iD  aux  .X-Y   .     .     ... 
Id.     de  M"»  Meuris  au  Cercle  Pour  l'Art 

Instantanés  :  Georges  Ancey 

Edouard  Dujardin    .  

Henri  Lavedan  .     .  .     .     .     . 

"M"'«  Séverine,     .     .     .     .     .     .     .     .     . 

Nécrologie.  :  G.-Alberl  Aurier  .  ' 

LéottCladel ■     -     •     ■ 

Armand  Gouzien.  .  -.     .     . 

Victer  Wilder     ....     : 7^11 

Accusés  de  réception  .     .  7,  2a,  38,  77;  94,  119,  211,  230,  246 

278,  310,  333,  342,  374,  389,413 
Listes  de  souscription  au  monument  Baudelaire  .  374,  390,  398, 

406,  413. 

MtTSIQUE  \ 

Libres  musiques  (Eugène  Samuel)  .     .     .  .     .179,290 

La  musique  belge,  correspondance  (I.Will).     ...  ^ 

L'œuvre  de  Peter  Benoit,  Conférence  de  M.  G.  Eek- 

houd    .........  163 

Le  Chant  de  la  Cloche,  de  M.  Vincent  d'Indy,  à  Ams- 
terdam    .     .     .     .     .     ....     .     .     .     .     .  106,  131 

Anniversaire  de  César  Franck  (M-.  Rémy)    .     .     .     .     .  373 

Conservatoire  de  Bruxelles.  —  Saison  1891-1892.  — 
Premier «oncjert  (Can^nfe  fie  iVo^/ de  J. -Si  Bach).     .  54 

Deuxième  concert  (Symphonie  inachevée  de  Schubert ,  >— ^ 

Symphojiie  écossaise  de  îl[cQde\s80hQ)    .....  86 

Troisième  concert  (Raff,  Berlioz,  Wagner) ....  125 

Association  des  professeurs  d'instruments  à  vent  46,  143,  159 
Concours .     .  198,206,214,221,230 


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Saison  1892-93. —  Ptomier  coacevi  {le  Messie)  ,  409 

Dislribulion  tics  prix    .     .     .    ".,     ......  388 

In^ugi^raiion  du  busle  d'Auguste  Dupont    ...     .  341 

Concerts  populaires.  —  Saison  1891-1892.  Deuxième 

conclut  (M'î?:Suclier).     ........     .20 

Troi8iènifeconcerl(Xa  A/erdeM.  P.  Giison)- .     .     '.  -       96 

Quatrième  concert  (Prtrs»/fli) .. . 154 

—.Saison  1892-93.  Premier  co^merl.ÇAmsterdamscha 

capellaKoor)  .     .    \     :  ■  '.     ...     •     ■     •     •  395 

Le  chœur  D.  De  Lange    . •  247 

Concerts  des  ZX  Premier  concert  (musique  belge  et 

ruçse)  .     .    7    .     . .     .  60 

Deuxième  conççrt  (musique  française.  —  Le  Chant, 

de  irt  Cfoc/t<î  de  M.  Vincent  d'Indy)     .....  68 

Troisième  concert  (musique  française.  —  Sextuor  de 

M.  Ernest  Cli^usson).     ...........  76 

Conceris  du  Waux-Hall  .     .     159,191,199,207,215,222,231 

.     239.246,  255 
Cancem  àrExposilion  d'Ixelles.     ......     .207,215 

Le  quatuor  Crickboom-Gillel.     ........  87,143 

Concert  à  la  Maison  du  Peuple  .     .          358 

Albeniz  et  Arbos 91 

Concerts  de  M""  Monleith,  Barbi  et  de  M. Gustave Kefer  396 

Id.      de  Mm.  Jeno  Hubayet  Siioti 414 

Id,      de  M™»  Mèlba     .     .     .     .                   •    "      •  414 

Conservatoire  de  Gand     .     .                              .     .     .  .125 

Conservatoire  de  Liège    .     .     .     ., 118,  404 

Nouveaux  Conceris  liégeois '   •  "^2,  94,  126 

Le  MuséSe.Grélry  à  Liège  .              . 167 

Conservatoire  de  Mons.  —  Distribulioi^es  prix  ...  7 

Concert  annuel 414 

Concert  de  l'Ecole  de  musique  de  Louvain  {Jacqueline 

deBotJtér«,par  J.  Vandcn  Eeden)     .     .                   .  1% 

"C'Ecole  de  musique  de  Verviers  . 109 

Concours.     .     ....     .     /   x    .     .     .              .  279 

Concerts  populaires  de  Verviers  .^^    .     .     .     .     .     .  ,  397 

Concert  de  l'Association  des  Artistes  musiciens    k 

Tournai    . .     .     .     .  183 

Concert  du  Club  symphonique  à  La  Louvière  .     .          .  231 

Concert  de  l'Association  pour  l'Art  (Anvers).     ...  198 

Conceris  parisiens .     . 134,150,165 

Le  quatuor  Ysaye  à  Paris. 165,169,406 

I,ei)^o»  eUrt  A/e>- deM.  PaulGilson     ....  39 

La  jlfer  de  P.  Gilson  à  Anvers 199 

FroHciscMS  d'Edg.  Tinel  à  Breslau  .     .          .     ...  391 

i^'rci/r  d'Em.  Maihieuà  Dusseldorf".     .'   .     ....  407 

Concerts  Hans  Richer  à  Londres    [.          127 

Id.      de  la  Royal  Choral  Society  h  Loadres  .■  - .  351 

M.  Albeniz  à  Berlin     ...........  103 

M.  Litla  en  Allemagne 414 

Festival  rhénan. -   .     .  186 

Exposition  universelle  de  la  Musique  ^et  du  Théâtre  à 

Vienne     .     .     . 29 

Musiciens  d'orchestre.     ..........  270 

Un  musicien  fin-de-siècle ...;......  142,  327 

Petit  billet  du  matin  à  M.  Massenel.     .     .     .     .     .  399 

Bibliographie  musicale.       119,  127,  135,  142,  151,  174,  190 

^206,  221,  310,  318,  358,  374 

Instantanés  :  Vincent  d'Indy .  13 

César  Franclc      ............  367 

Albéric  Mugnard     ....  411 

.     Ernest  Reyer.          -207 

Franz  Servais     ....     .     ,     .     ,     .     ...  335 

Nécrologie  :  A.-J.  Blaes.  23 

Robert  Franz 359 

Ernest  Guiraud .  158 

Hervé 367 

Edouard  Lalo     .........  .  .     .    ..  158 

Limnander    .'    .     ...    .     .""  .     .     .     .     .  279 

/    ¥.  Poise  .     .          .     .     ....   •.  -,     ,     .    '.  167 

'V- François  Riga     .     .     .     .     .     .     .             ..    .     .  31 

Gerril-A.-A.  Wagner    .     .     .    .    ,     .     .     ;     .     .  388 


THÉÂTRE 

Le  théAtre  belgp,  conférence  par  M.  A.  James     ..."     179 

Tristan  et  Kse«h,  conférence  de  M.  Maurice  Kufferath.  404 

L'art  dramatique  en  Néerlande  •     .     .     .     .     .     .     .  228 

Théâtre  de  Bayreijth.  —  Renseignements  divers  71, 159,  190 
^        '  231,  287,  311,  319 

Théâtre  de  la  Monnaie.  —  Cavalleria  rusticana,  de 

M.  Pieiro  Mascagni 68 

Maître  Martin,  de  M..  Jan  Blockx   ......  385 

Therimdor,  de  M.  \.  Surdon.     ......'..  37 

yiounH-SuWy  {Ruy-Blas,  Œdipe-Roi)  .  .341,345 

Gyptis,  de  M.  Desjoyeux 133 

Jérusalem  {ro\>v'Ke) 118 

Lohengrin  (reprise) 3 

Z/o/ifiHginH  (reprise).     .     .     .     .     .               .     .  348 

Yolande  . .    ' 410 

Théâtre  du  Parc.  —  Le  Théâtre  du  Parc,          .     ...  19 

Les  débuis  de  la  direction  Alhaiza 340 

La  direction  du  Parc 356 

La  direclion  Athaiza     .     .     .....          .     .  389 

Rcsiauration  du  Théâtre  du  Parc.     .     •.  •  335 

Leurs  Filles,  par  M.  Pierre  Wojtf 19 

Z/'/H</'Mse,  par  Maurice  Maeterlinck 105 

Le  Prince  d'Aiirec,  par  M.  Henri  Lavedan     .  323 

La  Princesse  Georges,  par  Alex.  Dum;is   .          .    ".  357 

Les  représentations  du  Théâtre  Libre  à  Bruxelles.     .  85 

Antoine    ....     f--^  .     .     .     ,.    ..  .  ."' .  92 

Camille  Lemonnier  et  le  Théâtre  Libre  .....  93 

La  Dupe,  par  GcôFges  Anccy. "83 

Seul,  par  Albert  Guinon 93 

Le  Canard  sauvage,  par  H.  Ibsen 87 

Document  à  conserver  :  Le  Canard  sauvage  .  •  y  ■  ■^02" 
Théâtre  des  Galeries-^?—  La  Bonne  d  tout  faire,  par 

MM.  0.  Méiénier  et  Dubut  de  Laforest    ....  20S 

Pterro/ ^à/ii,  par  MM.  Agniez  et  Levis.     .          .     •  103 

Les  Vingt-huit  jours  de  Clairette,  .              .     .     .  341 

Tout-Bruxelles. yZdH 

Théâtre  de  l'Alqazar. — .Les  Mariinelli .  .  .  115 
Théâtre  del'Alhambra.  —  Faust  up-to-date     .     .     .  390,  398 

Carmen  up-to  date 366 

Théatre-Libre  de  Paris.  — La  Dupe,  par  M.  Georges 

Ancey. .    ..     .  '    .     .     :  6 

Son  petit  cœur,  par  L.  Marsolcau     ......  6 

Blaiichelte,  \>iir  M.  Eu§.  BTU'xm.     ......  59 

L'Envers  d'une' sainte',  par  M.  F.  de  Curel     ...  59 

L'Etoile  rouge,  par  M.  Henry  Fèvre  .     .     .     .          .  '  93 

Théâtre  d'Art.  —  Faust,  de  Chr.  Marlowrc  ....  54 

Les  Flaireurs,  par  M.  Cli.  Van  Lerberghe      .  .      54,  63 

Bateau  ivre,  d'k.  Rimhavid .     /'    .  54 

Les  Noces  de  Sathan,pav  }{.  i\i\es  B6\s    ..     .     .-.-:'_  118 

Vercingétorix,  par  U.  Éd.  Shcuré    ......  118. 

Premier  chant  de  l'Iliade,  adaptation  de  MM.  Meinotte 

eiMéry. 118 

Théâtre  Moderne.  —  Le  Chevalier  du  Passé,   par 

"M.  Ed.  Dujardin. 214 

Petit  Théâtre  des  Marionnettes.  —  La  Légende  de 
«aiH/e  Cm/e,  par  M.  Ernest  Chausson   .     .  .     .55,79 

AU  Chàt. 213 

Le  Théâtre-Libre  à  Liège 111 

Le  drame  lyrique  à  Anvers  {Le  Songe  d'une  nuit  d'été)  .  13 
L'ApoUonidede  M.  F.  Servais  ...;....  151,  203 
L'Enfance  de  Roland,  par  Emile  Mathieu.     .     ,     .     .  327,  382 

De  Jour  et  de  Nuit  h  ii\or\ahvie\z  .     .  - 414' 

Z,'/«/n/se  de  M.  Maeterlir.oicà  Copenhagqe   ....     .  71 

Les  Sept  Princesses  de  M.  MaetqrWnckk  Paris  .     .     .  159 

Le  Mort  de  Camille  Lemonnier  en  pantomime    .     .'     .  19.1 

Le  Mâle  de  Camille  Lemonnier  à  Milan    .....  366 

Cinquantième  représentation  de  Lohengrin  à  Paris  .     .  127 

Exposition  du  Théâtre  à  Paris    .  -.     .     .^  .     .     .     .  221 

Exposition  du  Théâtre  à  Vienne.     .     .               ...  135 


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M.  Saint-Pol  Roux,  directeur  de  rOdéon  .     .          .     .  9S 

Tableaux  vivants  à  La  Haye  :........  i9J 

^^flW«mnon  au  collège  de  Bradfield    .    •.     .  199> 

l^e  Théâtre  socialiste  en  Suisse  .     .     .     .'.,..  15 

Représentations  populaires  à  Berlin     .     .     .     .  375 

Décors  en  papier 230 

Mascagni  à  Vienne .       333 

Ml"  Duvivier  à  la  Nouvelle-Orléans.     .                    .  34 

M.  elM^'Cossira  à  Nice. ..  103,  287' 

M"e  B.  Bady  à  Paris    .     ;     .'    .     .     .     .     .     .    .^     .  3jl 

Leè  pièces  à, succès.     .     .     .     .     .     .     .     .  -  .     .     .  365 

Instantané  :  M"«  Eugénie  Meuris  .     .     ..'...     ■     223 

ARTICLES  DIVERS 

La  Direction  dés  Beaux-Arts   .  .         .      33,  53 

A  la  Bergère  .,:...< 13 

M.  Ch.  Tardieu  jugé  par  la  presse  de  province     .     .'  45 

Pantalonnade  pour  M.  Jules  de  Burlet  .....  45 

Ironie. 53 

M.  Gustave  Frédérix  et  nos  écrivains   .               .  51 

A  MM.  G.  Frédér4*yXh.  Tardieu  et  tutti  guanti  ...  77 

Les  «  Papiers  ignorés  »  et  les  «  Publications  sourdes  »  117 

U Indépendance  belge  et  nos  écrivains 363 

Littérature  reportière  ,               .     .  '.     .          .     .     .  278 

La  critique  belge 5.  ilO 

La  vieille  critique  belge .  331 

L'évolution  de  la  critique, .•  324 

Ancien  compte  à  régler    .              .     301 

Encore  à  propos  des  |urys    .     ....     .          .a  .     .  141 

Renaissance.     .     .     .     .     .     .     .     .  "  .     .     .     .     !  260 

La  jeunesse  et  les  Juifs .     .    -  195 

M.  Henri  Becque  et  lia  juiverie    .     .     .                        .  294 

L'Art  et  les  Sémites 332,  363,  371 

Intellectualité-matérialité  (I.  Will).    ,...._.,..■      315 
La  ligue  du  droit  des  femmes  (M.  M.)  .     .     ,     .     ,     .  253 
Respect  aux  arbres  !  (à  M.  De  Bruyn,  ministre  de  l'agricul- 
ture)        ........  281 


Nos  arbres   ...     .     .     ! .  94 

La  protection  des  arbres .    ...     :         .  351 

Les  tilleuls  du  jardin  d'Arenberg     ........  46 

Les  planlatinns'^urbaines  à  Bruges  '.     ....     .  •  .  165 

Société  pour  la  protection  des"  sites  pittoresqiiés.     .     .79,  390 

Petit  billet  du  matin  à  un  médecin -.     .  239 

•Petite  chronique   ;     .     .  .  .  (tous  les  numéros). 

^       CHRONIQUE  JUDICIAIRE  DEa  ARTS 


Bois,  Hannon, 
.     .     .     .    14,  382,  406 
et    Calabrési— -x;.. 


Eshba  conire  Smylis- (Defav/e  c.    Du 

Stoumon  et  Calabrési     .     •>'•-• 
Affaire    de     VJEventail    (Stoumc 

F.  Roliers) .     .     .  . 

La  Madeleine  de  Van  Dyck  (Roussel  c.  Manteau)    .  . 

Faux  tableaux  (M.  P.  c.  Tesson  et  consorts)  .     .     .  . 
Appointements  des  artistes.   —  Caractère  alimentaire 

(V.  Van  Hamme  c.  Idrac)    .     .               .     .     .  . 

Les  biscuits' Olibet  et  M"«  Bonnet   .     .'              .     .  . 

Les  distractions  d'un  imprésario  (Leyvastre  c.  Grau)  . 

11   m'aime  un  peu,  beaucoup...  (Rudaux  c.  Minot  et 

Lévy) .     ...     .  . 

Cavalleria  ruslicana  (Mascagni  et  Sonzogno  c.  Verga)  . 

Partitions  manuscrites  (Maquet  c.  Delparte  et  Goud).  . 

Pierrot-Poète  (M"«  Van  Damme  c.  Palicot)     .     .     .  . 
Tours  et  tourelles  de  Belgique  (Baes.ei  Lyon-Claesen  c. 

Lamertin) .     . ...  . 

Le  portrait  du  général  Boulanger   .     .     ...     .  . 

"Genus  irritabile  valum  (V.  Barrucand  c.  Wekerlin  et 

Durand.  —  Trahon  c.  Bivort)  .     .     .     ...  . 

Rage  charnelle  de  ^l.  Elslander  devant  le  jury     ... 

Parsifal  et  le  Droit  d'auteur.    ".     ...     .     .     .  . 

IIiLUSTRATIONS 

^Frontispice,  par  G.  Lehhen •* . 

Portrait  de  Georges  Seui-ai  (M.  Luce)   .    ....  . 


-22- 
.  30,  38 
174 

263 
271 

286 

287 

.    318 

■'     326 

342,350 


365,  374 
389 


397,  406 
143 
367 


1 

43 


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